OEUVRES DE PASTEUR ()l VRAGES PRECEDEMMENT PARUS I. — Dissymétrie moléculaire. II. — Fermentations et générations dites spontanées* III. — Études sur le vinaigre et sur le vin. OUVRAGES A PARAITRE : V. — Ktudes sur la bière. VI. — Maladies virulentes, virus-vaccins et prophylaxie de la rage. VII. — Mélanges scientifiques et littéraires. Eabitation du Pont-Gisquet, près d'Alais, où oui été faites les expériences ilont les ri sont exposés dans cel Ouvrage. iultats -~V7- ° '°* OEUVRES 1) E PASTEURU RÉUMES l'Ai: PASTEUR VALLERY-RADOT MÉDECIN DES HÔPITAUX DE PARIS TOME IV ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE PARIS M \.SSON ET C". ÉDITEURS I i: B A 11'. E S DE L'ACADÉMIE DE M É D E C I N E 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1926 Nous avons reproduit intégralement le texte de Pasteur. Cependant des ponctuations et des fautes typographiques ont été rectifiées. Quand une faute de cet ordre a déterminé une correction importante du texte, nous avons mentionné en note la correction que nous avons dû faire subir au texte. Les [ ] qui entourent certains mots indiquent que ces mots ne figurent pas dans le texte original. Les indications bibliographiques ont été vérifiées; un grand nombre ont été rectifiées ou complétées. Les notes suivies de ces mots : Note de l'Édition sont celles que nous avons ajoutées au texte. Les notes qui ne sont accompagnées d'aucune mention sont celles du texte original. Parfois un même mémoire fut publié par Pasteur dans divers bulletins avec des variantes. Nous avons, soit reproduit les différents textes, soit mentionné en notes les variantes. Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris ta Russie. Copyright 1926 l'y Pasteur Vai.i.ery-Radot. INTRODUCTION DU TOME IV En 1865, Pasteur avait déjà révélé la cause des fermentations et constaté que chaque fermentation était due à un ferment particulier. 11 avait montré l'œuvre des micro-organismes dans la destruction des matières animales et végétales après la mort. Il avait découvert les anaérobies et leur rôle. Par des preuves irréfutables, il avait détruit la doctrine de la spontanéité des germes. Ses travaux récents sur la fabrication du vinaigre et sur les maladies des vins venaient de démontrer d'une façon éclatante les conséquences pratiques qui découlaient de ses théories fécondes. En pleine possession de sa méthode expérimentale, il allait pouvoir enfin aborder l'étude des maladies contagieuses, but qu'il avait entrevu dès le début de ses travaux sur les fermentations. Il avait la certitude que, guidé par sa technique d'isolement des germes, d'en- semencement dans un milieu de culture stérile et de reproduction à volonté de la fermentation par ces mêmes germes, il pourrait découvrir la cause des maladies contagieuses. Devant lui s'ouvraient de larges horizons. Il était impatient de pénétrer dans ce nouveau domaine où tout était mystère, lorsque brusquement faillit se rompre la courbe harmonieuse qui l'avait entraîné de la dissymétrie moléculaire aux fermentations, puis aux générations dites spontanées et enfin au seuil des maladies des ani- maux supérieurs et de l'homme : au lieu d'aborder ces maladies, il fut contraint, presque malgré lui, à étudier une épizootie qui sévissait sur un insecte. Son maître J. B. Dumas l'avait sollicité de chercher un remède à la maladie des vers à soie dont les ravages étaient tels que la X 7 £ V I vi ŒUVRES DE PASTEUR sériciculture en France était sur le point de disparaître. Il parut à Pasteur que ces éludes nouvelles allaient l'écarter de la voie où il voulait s'engager. Il accepta cependant, par déférence pour son maître et par souci de libérer une industrie de son pays du fléau qui la ruinait. Et voici que, par la puissance de son génie, cette étude ingrate, qui au premier abord semblait devoir l'éloigner du but pour- suivi, devint le trait d'union entre les fermentations et les maladies contagieuses. Elle lui permit de démontrer pour la première fois l'action d'un micro-organisme à l'origine de la maladie d'un être vivant, de résoudre les problèmes de l'hérédité et de la contagion et d'établir des règles de prophylaxie. Ses travaux sur les maladies des vers à soie ont été ainsi le prélude de ses recherches sur les maladies des animaux supérieurs et de l'homme. Ils l'ont armé pour pénétrer dans le domaine de la pathologie, à tel point que le livre où il les résuma est, suivant l'expression de Roux, son disciple aimé, « le véritable guide de celui qui veut étudier les maladies contagieuses ». C'est en 1870 que Pasteur publia les « Etudes sur la maladie des vers à soie », résultat de cinq années de recherches assidues. L'ouvrage qui porte ce titre se composait de deux tomes. Dans le premier tome, intitulé « La pébrine et la flacherie », Pasteur expose les caractères de la pébrine et les procédés divers proposés avant lui pour la combattre; il donne la preuve certaine que les corpuscules sont la cause du mal et qu'ils se transmettent de la graine au ver, du ver à la chrysalide, de la chrysalide au papillon; il démontre que la maladie est, non seulement héréditaire, mais contagieuse, et que la contagion s'effectue soit par ingestion de feuilles infectées, soit par piqûre de vers corpusculeux ; enfin il indique le moyen de pré- venir la maladie par la méthode du grainage cellulaire : il suffit de séparer chaque femelle pour isoler ses œufs et de ne conserver que les œufs provenant de papillons non corpusculeux. Etiologie, pathogénie, prévention, Pasteur a tout découvert dans cette maladie des vers à soie contre laquelle s'étaient brisés les efforts de ses prédécesseurs et, par son étude méthodique, il a donne les directives pour toutes les recherches ultérieures sur les maladies infectieuses. Quelque temps après le début de ses investigations sur la maladie des vers à soie, Pasteur reconnut que cette maladie ne se bornait pas à la pébrine. Il constata que les vers mouraient souvent d'un autre mal, la flacherie. C'est à celte seconde affection qu'il a consacré la dernière partie du premier tome de son ouvrage. Il montre que la flacherie est due à un vibrion qui se reproduit par spores et à un ferment en cha- INTRODUC'J ION VII pelets île grains, organismes que l'on trouve dans la feuille de mûrier on fermentation et <|iii se développent dans le canal intestinal du ver. La llaeherie est contagieuse et il existe pour les vers une prédisposition héréditaire à celle maladie. Pasteur indiqua aux éleveurs les procédés pratiques pour en préserver les éducations. A Dans le second tome, intitulé « Notes et Documents », Pasteur réunit, outre la plupart de ses communications publiées de 1865 a 1870 sur l'épizootie des vers à soie, un grand nombre de rapports et de notes qui sont autant de pièces justificatives ou documentaires. lui 1870, son œuvre est terminée. Pasteur peut écrire avec fierté : e< Aujourd'hui, j'ai la ferme conviction d'être arrivé à la connaissance d'un moyen pratique, propre à prévenir sûrement le mal et à empêcher son retour à l'avenir ». Grâce à lui, la sériciculture jen Europe va rede- venir prospère. A maintes reprises, de 1870 à 1882, Pasteur s'intéressa de nouveau aux maladies des vers à soie. Il fit dans le Frioul autrichien une grande expérience pratique de son procédé de grainage, il défendit ce pro- cède contre les attaques, il prit une large part au Congrès séricicole de Paris en 1S7S. Nous avons reproduit intégralement le texte du premier tome de l'ouvrage de Pasteur. Mais aux Notes et Documents, qui constituaient le second tome, nous avons ajouté un grand nombre de communi- cations et d'articles publiés par Pasteur entre 1885 et 1870 et qui n'avaient pas été insérés par lui dans son édition. Nous avons ras- semblé, à la lin des Notes et Documents, toutes les communications, les notes et les lettres sur les vers à soie, postérieures à l'ouvrage de 1870. Dans des Annexes nous avons reproduit divers rapports sur les travaux de Pasteur. Le volume que nous publions sur la maladie des vers à soie est donc beaucoup plus vaste que celui qui fut publié en 1870. Il comprend toute l'œuvre de Pasteur en sériciculture, Les études sur la pébrine, effectuées avec la collaboration de Gernez, de Duclaux, de Paulin, de Maillot, sont dans la vie scienti- fique de Pasteur le plus bel exemple du double aspect de son génie : intuition et persévérance dans l'effort. A peine a-t-il abordé ces recher- ches qu'il voit la cause du mal; mais il met cinq années à contrôler ce que, des le premier jour, lui a révélé son don d'intuition. Lentement, patiemment, il accomplit sa tâche, souvent des plus arides; on le suit, résolvant une à une toutes les questions qui se posent à lui, jusqu'au vin ŒUVRES DE PASTEUR moment où enfin tout s'éclaire : il voit le mal, il le suit dans les diverses métamorphoses du ver, il le prévient d'une façon certaine, aussi ingénieuse que simple. Ces pages de Pasteur représentent dans son œuvre le chaînon qui relie les fermentations aux maladies virulentes. Elles sont annoncia- trices des découvertes qui allaient, quelques années plus tard, révolu- tionner la médecine et l'hygiène. PASTEUR VALLERY-RADOT. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE MOYEN PRATIQUE ASSURÉ DE LA COMBATTRE ET D'EN PRÉVENIR LE RETOUR (i) 1. L'ouvrage portant ce titre fut publié en 1870, à Paris, chez Gauthier- Villars. Il portail • 'ii épigraplir : l'rrtos fcri't r.rprrintii^ /'rurtus. 11 se composai! de deux tomes: tome 1er. La Pébrine el la Flacherie; tome II. Notes et Documents. Nous avons reproduit intégralement le texte original de Pasteur; mais aux Noirs el Documents nous avons ajoulV- de nombreux articles ou communications omis dans l'édition de 1870 e1 toutes les communications, notes ou lettres publiées par Pasteur de Inîo à l.ss-.1 sur la maladie des vers à soie. Note de l'Édition.) Lu '■ RY LA PÉBRINE ET LA FLACHERIE ÉTUDES SUE LA M\I AI :l D] ! VEB \ SOIE. SA MAJESTE L'IMPERATRICE Hommage de profonde reconnaissance et d'une vive admiration [mur son esprit élevé et son grand cœur. MADAME, Eu dédiant ces Études à Votre Majesté, j'accomplis un devoir. Je venais de les entreprendre, à la bienveillante prière de mon illustre maître, M. Dumas, et j'étais effrayé, découragé par les diffi- cultés sans nombre que fy avais entrevues, lorsque Votre Majesté me fil l'honneur de m'en parler au Palais de Compiègne. L'Impératrice, touchée des misères qu'entraînait à sa suite la maladie qui, depuis quinze années, décimait les vers à soie et ruinait l'uni1 des plus belle* industries agricoles de la France, daigna prendre intérêt it mes premières observations et m'inviter à les suivre, me disant que la science n'a jamais plus de grandeur que dans les efforts qu'elle fait pour étendre le cercle de ses applications bienfaisantes. Je fis alors à Votre Majesté une promesse que j'ai eu à cœur d'acquitter par cinq années de persévérantes recherches. Je me devais et moi-même de faire connaître cette circonstance, d'abord pour remercier Votre Majesté de ses encouragements, ensuite pour apprendre aux populations du Midi depuis si longtemps éprouvées oar le mal que j'ai cherché à prévenir, et qui elles devront faire remonter leur reconnaissance, si, comme j'en ai le ferme espoir, mes Etudes sont couronnées de succès. Je suis, avec le plus profond respect, Madame, de Votre Majesté, le 1res humide, très obéissant et très fidèle serviteur, l>. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. PREFACE .le devrais commencer cet Ouvrage en m'excusant de l'avoir entrepris. J'étais si peu préparé aux recherches qui en forment le sujet, qu'en 1865, lorsque le ministre de l'Agriculture (') me chargea d'étudier les maladies qui décimaient les vers à soie, je n'avais pas encore eu l'occasion de voir le précieux insecte. J'hésitai beaucoup à accepter cette délicate mission. Outre que je n'avais pas l'espoir de la mener à bonne fin, j'éprouvais le regret de devoir abandonner, pour un temps nécessairement fort long, des travaux qui m'étaient chers et dont les développements imprévus enflammaient mon ardeur. C'était au moment où les résultats de mes recherches sur les ferments organisés, animaux et végétaux, m'ouvraient une vaste carrière. Comme application de ces études, je venais de reconnaître la véritable théorie de la formation du vinaigre et de découvrir les causes des maladies des vins dans la présence de champignons microscopiques. M es expériences avaient jeté une lumière nouvelle sur la question des générations dites spontanées. Si j'osais me permettre cette anti- thèse, le rôle des infiniment petits m'apparaissait infiniment grand, soit comme cause de diverses maladies, notamment des maladies contagieuses, soit pour contribuer à la décomposition et au retour à l'atmosphère de tout ce qui a vécu. l'n jour, c'était, je crois, au commencement du mois d'octobre 18(38, rencontrant M. Dumas au sortir d'une des séances de l'Académie des sciences : « Ah! lui dis-je, je vous ai fait un bien grand sacrifice en 1865. » On venait d'agiter dans cette séance diverses questions relatives aux fermentations et à la contagion, et cela avait ravivé tous mes regrets. C'est, en effet, M. Dumas qui m'a engagé dans les études qu'on va lire. Comment ai-je cédé à sa confiante prière, malgré mon insuffisance, malgré l'attrait de mes travaux commencés? Je ne puis répondre autre chose, sinon que je n'aurais su trouver la hardiesse de 1. M. Béhic. 6 ŒUVRES DE PASTEUR résister à l'invitation d'un confrère illustre et d'un maître vénéré. Au début de nia carrière, j'ai tressailli connue tant d'autres sous le charme de sa lumineuse parole dans l'enseignement; en grandissant, j'ai admiré ses travaux, la sûreté de ses jugements et de ses principes dans toutes les choses de la science; dans l'âge mûr, j'ai éprouvé les bienfaits de ses conseils et les témoignages de son amitié. Les motifs qui portèrent M. Dumas à provoquer de nouvelles études sur l'épizootie des vers à soie méritent d'être connus. En 1865, le Sénat fut appelé à délibérer sur les vœux d'une pétition signée par 3.574 propriétaires de nos départements séricicoles, réclamant l'attention du Gouvernement sur les désastreux effets de la maladie des vers à soie et demandant que des mesures fussent prises, notamment « pour diminuer les charges de la propriété par le dégrè- vement des impôts, pour mettre à la disposition des éleveurs des graines de meilleures provenances, et pour assurer l'étude de toutes les questions qui se rattachaient à cette épizootie persistante, tant au point de vue de la pathologie qu'à celui de l'hygiène ». La grande autorité scientifique de M. Dumas, sa parfaite connais- sance de l'industrie de la soie, principal revenu de son pays natal, lui valurent l'honneur d'être l'organe du Sénat clans cette importante affaire. C'est au moment où il rédigeait le Rapport qu'il devait lire à l'émi- nente assemblée, que M. Dumas m'entretint pour la première fois du fléau qui désolait le midi de la France, et qu'il m'engagea à nie livrer résolument à de nouvelles recherches en vue de le conjurer, s'il était possible. « Votre proposition, écrivis-je à mon illustre confrère, me jette dans une grande perplexité; elle est assurément très flatteuse pour moi, son but fort élevé, mais combien elle m'inquiète et m'embar- rasse ! Considérez, je vous prie, que je n'ai jamais touché à un ver à soie. Si j'avais une partie de vos connaissances sur le sujet, je n'hési- terais pas. Il est peut-être dans le cadre de mes études présentes. Toutefois, le souvenir de vos bontés me laisserait des regrets amers si je refusais votre pressante invitation. Disposez de moi. » M. Dumas me répondit le 17 mai 1865 : « Je mets un prix extrême à voir votre attention fixée sur la question qui intéresse mon pauvre pays; la misère dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. » Je quittai Paris le 6 juin 1865, me rendant à Alais, dans le dépar- tement du Gard, le plus important de tous nos départements pour la culture du mûrier, et celui où la maladie sévissait avec la plus cruelle intensité. La récolte avait été déplorable, une des plus mauvaises que l'on eût jamais vues, malgré l'appoint d'excellentes graines arrivées ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 7 du Japon. Les éducations venaient d'être terminées. On put néanmoins m'en indiquer une qui touchait à sa fin et qui était située à un kilo- mètre de la ville. Je m'installai auprès de la pelite magnanerie, me familiarisant de mon mieux avec la nature de la maladie par d'inces- santes observations. Je rendis compte de celles-ci à l'Académie des sciences, au mois de septembre 1865, avec toute la réserve epue com- mandait mon inexpérience. Mes études des années subséquentes n'ont été que le développement de mes premiers aperçus. Aujourd'hui, j'ai la ferme conviction d'être arrivé à la connaissance d'un moyen pra- tique, propre à prévenir sûrement le mal et à empêcher son retour à l'avenir. Aussi, bien que j'aie consacré près de cinq années consécu- tives aux pénibles recherches expérimentales qui ont altéré ma santé, je suis heureux de les avoir entreprises et qu'une parole auguste m'ait donné le courage d'y persévérer. Les résultats auxquels je suis arrivé offrent peut-être moins d'éclat que ceux que j'aurais pu attendre de recherches poursuivies dans le champ de la science pure, mais j'ai la satisfaction d'avoir servi mon pays en m'appliquant, dans la mesure de mes forces, à trouver un remède à de grandes misères. C'est l'honneur du savant de placer les découvertes qui ne peuvent avoir à leur naissance que l'estime de ses pairs bien au-dessus de celles qui conquièrent aussitôt la faveur de la foule par l'utilité d'une application immédiate; mais, en face de l'infortune, c'est également un honneur de tout sacrifier pour tenter de la secourir. Peut-être aussi aurai-je donné aux jeunes savants le salutaire exemple des longs efforts dans un sujet difficile et ingrat. L. Pasteur. r * INTRODUCTION CHAPITRE PREMIER NOTIONS SUR LA MALADIE RÉGNANTE CONSIDÉRÉE D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE § I. — Importance de la sériciculture en France. Un habile et savant éducateur s'exprimait ainsi en 1862, dans un travail couronné par l'Académie du Gard : « Le voyageur qui aurait parcouru, il y a une quinzaine d'années, les montagnes des Cévennes, ^t qui reviendrait actuellement sur ses pas, serait étonné et vivement affecté îles changements de toute nature qui se sont opérés en si peu de temps dans cette contrée. « Jadis, il voyait, sur le penchant des collines, des hommes agiles «t robustes briser le roc, établir avec ses débris des murs solidement •construits, destinés à supporter une terre fertile, mais péniblement préparée, et élever ainsi, jusques au sommet des monts, des gradins échelonnés, plantés en mûriers. Ces hommes, malgré les fatigues d'un rude travail, étaient alors contents et heureux, parce que l'aisance régnait à leur foyer domestique. « Aujourd'hui les plantations de mûriers sont entièrement délais- sées : l'arbre d'or n'enrichit plus le pays, et ces visages, autrefois radieux, sont maintenant mornes et tristes : là où régnait l'abondance ont succédé la gène et le malaise (' . » Ce tableau est plutôt affaibli qu'exagéré. Le temps n'a fait que l'assombrir, et la misère est la même dans tous nos départements séricicoles. 1. Jeanjean (secrétaire du Comice agricole du Vigan. directeur de l'Établissement d'éduca- tions précoces de Saint-Hippolyte. Gard). La maladie des vers à soie. Conseils aux éduca- teurs. Montpellier, 1862 [vi-122 p. in-16]. 10 ŒUVRES DE PASTEUR Jetons un rapide coup d'œil sur L'importance de la sériciculture dans notre pays. La culture du mûrier et l'élève du ver à soie commencèrent aux xme et xive siècles dans la Provence, le comtat d'Avignon et le Lan- guedoc. Les rois de France, notamment Henri IV et Louis XIV, si bien secondés par Olivier de Serres (l) et par Colbert, encouragèrent puissamment cette industrie ; mais c'est seulement dans notre siècle qu'elle a réalisé de grands progrès. On peut évaluer à 100.000 kilo- grammes seulement la récolte des cocons au temps de Louis XIV. En 1788, la France produisait déjà annuellement 6.000.000 de kilogrammes. « La révolution arrêta d'abord cet élan. Les arts de luxe furent proscrits; les soies tombèrent à un vil prix. La culture des mûriers fut abandonnée dans un grand nombre de localités ; on cessa d'en planter de nouveaux Mais, dès qu'à la voix du premier Consul et sous la protection de sa puissante volonté, la sérénité put renaître, on se remit à l'œuvre de toutes parts. En 1808, Chaptal porte à ô ou 6.000.000 de kilogrammes le poids de la récolte des cocons, que les malheurs de la révolution avait réduite à 3.000.000 environ; l'inven- tion du métier à la Jacquart donna une nouvelle impulsion à la fabri- cation, et quand la paix survint, en 1815, quand tous les pays de l'Europe se retrouvèrent en présence pour ne plus lutter, cette fois, que d'intelligence, d'activité et d'industrie, la progression fut rapide partout (2). » Voici des chiffres officiels qui permettront de juger des progrès de l'industrie séricicole dans ce siècle; ils sont relatifs à la quantité de cocons produite annuellement en France : De 1821 à 1830 10.000.000 de kilogrammes. De 1831 à 1840 14.000.000 » De 1841 à 1845 17.000.000 » De 1840 à 1852 21.000.000 » En 1853 20.000.000 » Le prix moyen du kilogramme de cocons, en 1853, a été de 5 francs 1. Olivier de Serres. Le théâtre d'agriculture et ménage des champs. Dernière édition, revue et augmentée par l'auteur. Genève, 1619, gr. in-8". Chapitre XV : La cueillette de la soie par la nourriture des vers qui la font, p. 398-435. [Note de l'Édition.) 2. Gasparin IComte de). Essai sur l'histoire de l'introduction du ver à soie en Europe [tome III du Recueil de mémoires d'agriculture]. Paris, 1841, in-8°. p. 111. Le chiffre de o.OOO.OOÛ de kilogrammes environ, pendant la Révolution, est emprunté à un article de M. de Quatrefagks [Animaux utiles. Le ver à soie]. Revue des Deux Mondes, l" mars 1860 [seconde période, XXVI, p. 186-216]. I rUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 11 environ. La culture du mûrier a donc produit, dans cetle année, un revenu de 130.000.00U de francs. M. Dumas, dans son Rapport au Sénat, évalue à L. 100.000.000 de francs la production de la soie [des cocons] dans le monde connu. La France entre donc dans ce chiffre pour plus d'un dixième ' . Si la progression que nous venons de signaler dans la première moitié de ce siècle eût continué, et tout y aidait sous un règne qui a su donner un si grand essor aux diverses branches de l'industrie nationale, on pourrait évaluer aujourd'hui la production annuelle de la soie [des cocons] en Fiance à plus de 50.000.000 de kilogrammes et son revenu à 300.000.000 de francs; car le prix de 6 francs le kilogramme ne serait p.as trop élevé en présence du renchérissement de toutes choses, alors même qu'on jouirait d'abondantes récoltes. Malheureuse- ment, c'est au moment où se multipliaient les plantations de mûriers, alimentées par des pépinières chaque jour plus nombreuses, que toute cette prospérité a disparu devant un terrible fléau. Après la récolte de 1853, la plus abondante du siècle, la produc- tion s'esi abaissée, En 1854, à 21.500.000 kilogrammes. En 1855, à 19.800.000 » En 1856, à 7.500.000 et progressivement, En 1863, à 6.500.000 kilogrammes. En 1864, à 6.000.000 » En 1865, à 4.000.000 ce qui causa une perte de 100.000.000 de francs pour la seule année 18G5 (*). § II. — Apparition de la maladie., ses ravages, sa propagation. La récolte de 1848 avait été très satisfaisante, particulièrement dans les Cévennes. L'abondance des produits, jointe aux malheurs de la révolution, avait fait descendre le prix du kilogramme de cocons à 2 fr. 50. Tout à coup, sous l'influence de causes inconnues, ou mieux sans causes apparentes saisissables, on constata avec surprise, 1. Rapport de il. Dumas au Sénat,!! juin 1865. [Voir p. 287 du présenl volume.] 2. Rapport de M. le comte de Casablanca au Sénat, 28 juillet 18(j8. [Voir p. 320 du présenl volume.] 12 ŒUVRES DE PASTEUR à la récolte de 1840, que clans beaucoup cle localités une foule de chambrées avaient péri (4). En 1850, les mêmes faits se manifestèrent, les échecs furent même plus multipliés que l'année précédente, et cet état de choses insolite s'étendit à des localités nouvelles. La situation s'aggrava de plus en plus dans les années 1851, 1852, 1853. Pourtant la production des cocons s'accroissait progressivement plutôt qu'elle ne diminuait, et l'année 1853, ainsi que je l'ai rappelé précédemment, est citée pour sa récolte exceptionnelle, qui atteignit le chiffre de 20.000.000 de kilogrammes de cocons. On s'expliquera aisément, par les détails dans lesquels je vais entrer, cette apparente contradiction d'une augmentation dans les récoltes, au furet à mesure que l'épizootie se développait. Les échecs de 1849 stimulèrent le commerce des graines, qui, déjà depuis plusieurs années, avait commencé sur divers points des mon- tagnes des Cévennes jugés plus favorables à la confection des semences. Comme la récolte avait été très bonne en Lombardie, quelques négociants allèrent acheter des graines dans ce pays pour alimenter les éducations de 1850 (-) ; ces graines s'étant bien comportées, on eut recours de plus en plus aux semences d'Italie et à celles de quelques autres localités séricicoles. Ces semences étran- gères finirent par dominer tellement, en 1853, qu'on en obtint une récolte remarquablement abondante. Mais ce qui accusait l'existence du fléau et son extension, c'étaient les échecs de plus en plus nombreux chez les éducateurs qui cherchaient à élever, comme autre- fois, sur une échelle plus ou moins grande, la graine issue de cocons produits dans nos déparlements séricicoles (3). Les graines étrangères 1. Les éducateurs les plus éclairés, tout en reconnaissant que la récolte de 1848 a été très abondant.-, affirment que, déjà dans les années 1845, 184f>, 1847, on se plaignait du grand nombre des insuccès des chambrées. Mais l'idée de les attribuer à une maladie spéciale ne se présentait à personne. Il est très probable que la maladie actuelle commençait à sévir. a. Depuis plusieurs années avant 1849, une grande maison de filature de Ganges, la maison Aigoin de l'Arbre, faisait venir annuellement d'Italie une provision de graine qu'elle distri- buait aux éducateurs du canton, préférant, dit-on, la qualité des cocons de la Lombardie à ceux des Cévennes, et trouvant sans doute aussi que ces graines réussissaient mieux que les graines indigènes. 3. Des faits du même ordre se sont produits dans ces derniers temps sous l'influence des arrivages croissants des graines du Japon, c'est-à-dire que les récoltes ont été en augmentant depuis 1866, bien que le fléau n'eût pas diminué d'intensité. En 1864, un hardi sériciculteur de la Drôme, M. Berlandier, rapporta du Japon quelques cartons de graine qui donnèrent des vers d'une santé parfaite. En 1865, "ii éprouva de nouveau les graines de cette provenance sur une échelle un peu plus grande, grâce à l'initiative de la Société d'acclimatation de Paris. Au commencement de l'année 18(36, l'Empereur distribua 15.000 cartons de ces mêmes semences, qu'il avait reçus en don de la part du Taïcoun. Les éducateurs se montrèrent de plus en plus satisfaits de la vigueur des vers d'origine japonaise ; aussi, dans les années 1866, 1807 et 1868, une foule de négociants français et italiens s'occupèrent de l'importation en Europe des graines du Japon. J'écris ces lignes à la veille de la campagne séricicole de 1869; ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK 13 offraient îles réussites ; les graines indigènes, qu'elles provinssent de uns rares ou dos races importées, donnaient lieu aux plus cruels mécomptes. Tel a été un premier caractère du fléau, caractère qui s'est maintenu jusqu'à nos jours. En résumé, dans les premières années où sévissail en France l'épizootie des vers à soie, il était assez facile d'obtenir des récoltes, à la condition de s'adresser aux semences étrangères, mais le grainage indigène devenait de plus en plus improductif, particulièrement dans nos départements de grande culture. On ne devait pas tarder à reconnaître les désastreuses consé- quences de cette situation. Si le mal, en effet, était de telle nature qu'il dût envahir l'Italie, l'Espagne et les autres contrées séricicoles, le moment viendrait où l'on ne pourrait plus se procurer nulle part des semences saines et où la récolte des cocons s'abaisserait de plus en plus. Ce fut malheureusement à peu près ainsi que les choses se passèrent. Dans cette même année 1853, où les semences importées d'Italie donnaient à la France une récolte si abondante, la maladie fit invasion en Lombardie et les éducations de cette contrée commencèrent à offrir, en 1854, des insuccès qui furent bien plus nombreux en 1855. L'année suivante, le fléau prit d'immenses proportions. Les graines préparées en 1855 avec les éducations les mieux réussies du nord de l'Italie, -raines qui furent introduites dans notre Midi en grande quantité, amenèrent une véritable catastrophe. Le mal fut si grand, que les cocons, dont le prix moyen avait été de 5 francs le kilogramme en 1855, se vendirent 8 francs en 1856, et que la récolte totale tomba de 19.800.000 kilogrammes à 7.500.000. L'Espagne, de son côté, éprouvait les mêmes malheurs. Pendant deux années seulement on avait pu y pratiquer des grainages pro- ductifs. or, les documents officiels constatent qu'il est arrivé, à la fin de l'année 1868, tant en France qu'en Italie, environ 2.400.000 cartons japonais [Voir [p. 628 du présent volume] les documents officiels dont je parle). C'est sous l'influence de ce commerce nouveau que la récolte des cocons a été en augmentant en France et en Italie depuis l'année 1866. Tandis que la production totale pour la France en 1865 ne s'est élevée qu'à 4.000.000 de kilogrammes, celle de 1866 a atteint 16.400.000 kilogrammes, et, pour 1867, 13.400.000 kilo- grammes. La statistique dressée par l'Administration n'est pas encore connue pour 1868. mais il est probable qu'elle constatera au moins le statu quo. et nul doute qu'il y aura une progression nouvelle en 1869. Malheureusement, ce n'est là qu'un progrès factice; le mal conti ? df v''\ir awc une intensité plutôt accrue que diminuée. La preuve en est que la reproduction des belles races indigènes, si supérieures par leurs produits aux graines du Japon, est toujours frappée de stérilité. La situation n'est pas meilleure en Itali.-. en Espagne, en Portugal, etc. Néanmoins, aujourd'hui, connue à toutes les époques depuis que règne la maladie, on rencontre d'excellentes chambrées de races indigènes dans tous les pays séri- cicoles. 14 ŒUVRES DE PASTEUR L'embarras était extrême. Il fallut chercher ailleurs les éléments de moins chétives récoltes. Des négociants se rendirent dans les îles de l'Archipel, en Grèce et en Turquie. On tira surtout d'Andrinople des graines excellentes, qui pallièrent un moment les souffrances; mais, en 1859-1860, les mêmes faits qui s'étaient produits en Lombardie et en Espagne se renouvelèrent en Turquie. La maladie décima les chambrées des environs d'Andrinople en 1860. Les marchands de graine, stimulés par le gain d'un commerce de plus en plus lucratif et sans contrôle, portèrent plus loin dans le Levant leurs reconnaissances et leurs achats. La Syrie, les provinces du Caucase, la Yalachie et la Moldavie furent explorées à leur tour, mais à leur tour envahies par le fléau. Enfin, en 1864, toutes les contrées séricicoles de l'Europe et une partie de celles de l'Asie ne pouvaient plus produire que des semences infectées : à l'Extrême- Orient, le Japon seul restait encore sain ('). J'expliquerai plus tard comment il arriva que le fléau a suivi précisément dans sa marche les opérations du commerce des graines. § III. — Apparences extérieures de la maladie. Aussi loin qu'on remonte dans l'histoire de la sériciculture, on trouve chez les auteurs bacologues la description de diverses maladies auxquelles sont sujets les vers à soie et qui entraînent parfois la perte partielle ou totale des éducations ; mais, dans les temps de prospérité de cette industrie, le nombre des échecs était relativement restreint, 1. Je dois la note suivante à l'obligeance de M. Françaison, chef de l'une des principales maisons de filature d'AJais : « En 1848 Récolte énorme (dans les Gévennes). 1849 Quelques symptômes de maladie. 1850 Aggravation. 1851 i 1852 / T -g.., I Importation de graines d'Italie et de graines d'Espagne. — Réussite générale. 1854 \ — ^" l^*^- déjà des insuccès. — En 1855, échecs nombreux. iaô5 1 1856 \ 1857 > Graines d'Andrinople donnant de bons résultats. 1858 ^ 1859 ) . 18GO \ Graines d'Andrinople et de Nouka. 1SC1 \ ^es ^ndrinople échouent et les Nouka sont appelées à les remplacer jus- ( qu'en 1864. Pendant cette dernière période on essaya des graines de l'Asie-Mineure qui ne réus- sirent qu'imparfaitement. Enfin, en 1S65, ou fut obligé de s'adresser au Japon, après avoir essayé des graines de la Chine, qu'on abandonna bientôt : les geaines de cette provenance ne son! jamais arrivées saines en France. » ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 15 et, le plus ordinairement, on pouvait leur attribuer une cause pro- chaine : mauvaise hibernation de la graine (J) ; vers éclos à une tempé- rature trop élevée dans un air desséchant quand régnent des vents du nord très secs, connue il en existe fréquemment dans le midi de la Fiance au commencement du mois d'avril ; mauvaise qualité de la feuille; encombrement excessif des vers; trop de chaleur, surtout au moment des mues; défaut d'aération suffisante, telles étaient quel- ques-unes des causes auxquelles il fallait rapporter les insuccès des magnaneries. La plupart, on le voit, correspondent à l'inexpérience des éleveurs ou à leur négligence. Aussi, c'était une mauvaise note de ne pas réussir sa chambrée. Il y avait dans ces époques fortunées de mauvais magnaniers; on n'en connaît plus aujourd'hui : l'excuse du fléau couvre tout. Un second état de choses, ainsi que je l'ai dit précédemment, commença à se manifester en 1849. Les éducateurs habiles et soigneux virent périr leurs chambrées sans qu'on pût en rien accuser leur négligence. Les symptômes du mal étaient multiples et changeants, à le consi- dérer, du moins, dans ses apparences extérieures. Quelquefois, dès l'instant de l'éclosion de la graine, la maladie s'annonçait par l'existence d'une foule d'œufs stériles ou par une mortalité considé- rable des vers dans les premiers jours de leur naissance. D'autres fois, le plus souvent même, l'éclosion était excellente et complète et les vers arrivaient jusqu'à la première mue. Mais celle-ci se faisait mal ; un grand nombre de vers, prenant peu de nourriture à chaque repas, restaient plus petits que les autres, avec un aspect un peu luisant et une teinte noirâtre. Ils étaient encore dans cet état lorsque les autres s'alitaient, ou déjà sortaient de la mue. Par suite, au lieu de vers réguliers, bien égaux, parcourant ensemble toutes les phases de cette première mue, ainsi que le montre la figure ci-contre, l'éduca- tion commençait à présenter une inégalité sensible qui s'accusait de plus en plus à chacune des mues suivantes. Parallèlement à ces symptômes, il était facile de constater une mortalité plus ou moins sensible. Les vers qui meurent dans les premiers âges se dessèchent, se mêlent et se confondent aux débris de la litière, et il faut quelque attention pour retrouver leurs cadavres. Dans les circonstances dont je parle, le magnanier n'avait pas besoin \. Voir, à ce sujet, la Note de M. Duclaux [De l'influence du froid de l'hiver sur le développement de l'embryon du ver à soie et sur l'éclosion de la graine. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 15 novembre 18G9, LXIX, p. 1021-1025, p. i>32-633 du présent volume]. 16 ŒUVRES DE PASTEUR de recourir à une observation attentive des litières pour se convaincre des pertes qu'éprouvait sa chambrée. Un des meilleurs signes du bon état de santé des vers est dans la place qu'ils occupent sur les 'tables. Elle doit s'accroître en quelque sorte quotidiennement. 11 faut que les vers foisonnent, pour ainsi dire, comme si chaque jour leur nombre devenait plus grand. Sous l'influence de la terrible maladie, au contraire, les tables se recouvraient avec une désespérante lenteur, et, quand arrivait le dernier âge, l'espace utilisé dans la magnanerie Vers sains. Races de pays. Image de l'égalité (gr. nat.) après la première mue. était à peine la moitié, le tiers, le quart ou moins encore, de la surface nécessaire à une éducation saine d'égale importance. Le mal se présentait quelquefois dans des conditions sinon plus fatales, du moins plus cruelles, car les déceptions succédaient à des espérances prolongées. La chambrée avait offert une très bonne marche jusqu'à la troisième et même jusqu'à la quatrième mue; l'égalité et la santé des vers ne laissaient rien à désirer ; mais bientôt après la sortie de la quatrième mue, dès cette époque même, on commençait à craindre un insuccès : les vers sortant de la quatrième mue ont une teinte naturellement jaunâtre, qui disparaît peu à peu les jours suivants. Or, il arrivait que des vers en grand nombre conser- vaient cette couleur de rouille sans blanchir, comme c'est la règle lorsqu'ils sont sains. Ces vers rouilles prenaient bien à chaque repas un peu de nourriture, mais bientôt ils s'éloignaient de la feuille. Il en ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 17 résultait une extrême inégalité dans l'éducation; les tables étaient couvertes de vers offrant toutes les tailles, depuis celle de la quatrième mue jusqu'à celle de vers prêts à monter à la bruyère. En même temps, on voyait le corps des vers malades se tacher pro- gressivement de meurtrissures noires irrégulièrement disséminées sur la tête, sur les anneaux, sur les fausses pattes, sur l'éperon. Çà et là, d'autre part, on apercevait des vers morts; en soulevant la litière, on en trouvait en grand nombre. On pressent aisément ce que pouvait être la récolte dans ces tristes circonstances. Une once de graine de 25 grammes fournissait à peine 15, 10, 5 kilogrammes de cocons et même moins, la plupart très faibles en soie. Trop souvent le mal était plus intense encore, et le magnanier se voyait contraint de jeter ses vers avant de mettre la bruyère. Le lecteur aura peine à comprendre que les deux figures suivantes [p. 18 et 19] représentent deux éducations de vers exactement du même âge, nés le même jour, en même nombre, nourris de la même feuille. Tels sont quelques-uns des effets de cette redoutable maladie. Il y avait enfin une dernière forme du mal qu'il importe essentiel- lement de distinguer de celle que je viens de décrire. Non seulement les vers avaient eu la marche la plus régulière durant toutes leurs mues, y compris la quatrième, mais en outre la sortie de cette dernière, considérée à juste titre comme la plus critique, s'était faite dans les meilleures conditions, et les vers approchaient de la montée à la bruyère, en donnant à l'éleveur les espérances les mieux fondées. Tout à coup, particulièrement vers l'époque de la grande frèze, on pouvait s'apercevoir que les vers, au lieu de s'emparer de la feuille avec voracité dès qu'elle était jetée sur les tables, se promenaient languissamment sur elle avant de la saisir. Considérez des vers sains et robustes dans les derniers jours de leur vie à l'état de larves, lorsque leur appétit est le plus exalté, ils ne prennent pas la peine de changer de place pour rechercher soit une position plus commode, soit une feuille plus à leur goût : dans quelque situation qu'ils se trouvent, couchés sur le dos, gênés par leurs voisins ou par la litière, contournés sur la feuille ou recouverts par elle, vous les voyez s'en emparer sur-le-champ et la dévorer, pour ainsi dire, à l'instant même où elle est jetée sur les tables. La figure de la page 20 ne donne qu'une image affaiblie de ce curieux spectacle. C'est alors que, dans la magnanerie, on entend le bruit des mandibules simuler le bruit de la pluie qu'un orage abat sur les arbres. C'est alors aussi que la joie est au cœur des magnanarelles. Le temps de la moisson est proche, la bruyère va se couvrir de soie aux couleurs d'or et ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE. 2 18 ŒUVRES DE PASTEUR d'argent. Mais si vos vers hésitent à s'emparer de la feuille, s'ils paraissent vouloir se mettre plus à l'aise, ou chercher une feuille mieux à leur convenance, soyez dans la plus vive inquiétude. C'est le signe d'un affaiblissement et la preuve qu'ils n'ont pas digéré les repas précédents. Vos tables ne tarderont pas à se couvrir de cadavres, et votre douleur sera d'autant plus poignante que les vers auront conservé Pébrine ou maladie des corpuscules. Image de l'inégalité par l'effet de cette maladie. Troisième mue. jusqu'à la fin un si bel aspect qu'il faudra les toucher pour être assuré qu'ils sont réellement immobiles et sans vie. On dirait la mort par apoplexie chez l'espèce humaine. Telles ont été les formes diverses sous lesquelles ont péri les chambrées de vers à soie depuis vingt ans. Je démontrerai qu'elles se l'apportent à deux maladies distinctes et non à une seule ou à plus de deux, comme on lavait cru par erreur jusqu'en 1867, époque à laquelle j'ai mis en lumière les faits dont je parle. Les apparences morbides que j'ai décrites en dernier lieu correspondent à une maladie qui a ÉTUDES SUR LA MALADIK DES VERS A SOIE 19 toujours fait des ravages dans les éducations de vers à soie et qui est connue depuis longtemps sous le nom de maladie des morts-blancs ou des morls-flats maladie des tripes dans quelques localités . Toutes les autres formes du mal dont j'ai parlé se rapportent, au contraire, à une autre maladie également fort ancienne, mais que les auteurs Vers i gaux entre la troisième et la quatrième mue. Iraa^'e de l'égalité dans les vers sain*. avaient mal distinguée, ce qui a fait croire de nos jours à plusieurs qu'elle était nouvelle. Cette maladie est, à proprement parler, la maladie qui règne avec intensité depuis vingt ans, celle qui a parcouru l'Europe et l'Asie à la suite du commerce des graines et dont les premiers effets désastreux ont commencé à être remarqués en 1849. Elle porte les noms de pébrine ou de gattine, ou encore de maladie 20 ŒUVRES DE PASTEUR ,<. 7). — [Naturgeschiohte der Daphniden (crustacea cladocera).] TUbingen, 1860, iv-252 p. in-4° (10 pi. avec 78 fig.). 2. Leydig (Fr.). Zum feineren Bau der Arthropoden. Archiv fur Anatomie und Physio- logie (Mùller), 1855, p. 870-480 (PI. XV-XVIII). 3. Mûixer (J.). Ueber eine eigenthûmliche krankhafte parasitische Bildung mit specifiscb organisierten Samenkôrperchen. Archiv fur Anatomie und Physiologie (Mûller), 1841, p. 477-488 (PI. X\ I 4. Balbiani. Recherches sur les corpuscules de la pébrine et sur leur mode de propagation. ptes rendus de l'Académie des sciences, LXIII, 1866, p. 388-393. (Notes de l'Édition.) 5. Voir, dans les Notes et Documents [p. 620-626 du présent volume], divers extraits des publications de M. Leydig. 36 ŒUVRES DE PASTEUR taire, car le genre psorospermie avait été créé par Jean Mùller à l'occa- sion de productions morbides étudiées par lui sur divers poissons, notamment chez le brochet ordinaire d'eau douce. Cependant il est juste de faire remarquer cpue M. Leydig ignorait en 1853 [1854] que les corpuscules étudiés par lui fussent identiques à ceux du ver à soie; son travail ne saurait ôter aucun mérite de nouveauté à l'opinion admise trois ans après par MM. Cornalia, Frey et Lebert d'une relation très probable entre la présence des corpuscules et la maladie qui sévissait alors au plus haut degré en France et en Italie sur l'insecte de la soie. Le premier aperçu sur l'importante relation dont je parle se trouve dans la Monographie du ver à soie (') que M. Cornalia publia à Milan en 1856. Voici ce qu'on lit dans cet Ouvrage, pages 301 [et 362], sous le titre Hydropisie du papillon [Idropisia délia farfalla], nom que quelques personnes donnaient alors à la maladie du ver à soie : « Il y a environ deux ans que parut aussi chez nous cette maladie, connue en France depuis longtemps déjà, et qui frappe non plus la larve, mais l'insecte à l'état adulte, de sorte qu'elle diminue assez nota- blement le rendement en graines, et rend, en outre, incertaine la qua- lité de celles qu'on obtient de ces papillons. Cette maladie se présente sous des apparences diverses, et nous y distinguerons trois degrés. Comme symptôme général, l'insecte offre un abdomen énormément gonflé : ce caractère se joint à d'autres dont la présence ou l'absence et le plus ou moins d'intensité indiquent les degrés du mal. Je mettrai ces degrés en rapport avec la capacité reproductrice. Le premier degré est celui où les symptômes sont le moins accusés : les papillons s'accouplent et les femelles donnent une graine plus ou moins bonne ; dans le deuxième, la femelle s'accouple mais ne pond pas; dans le troisième, elle ne s'accouple pas. Le papillon hydropique sort avec peine du cocon : cette sortie difficile tient peut-être à la grosseur et au poids de son corps, peut-être aussi à plus de faiblesse chez l'animal. Avant tout je dois dire que d'excellents cocons peuvent donner des papillons ayant la maladie. Il semble que la femelle y soit plus sujette que le mâle. L'abdomen est très volumineux; les anneaux sont tendus et gonflés, et les espaces interannulaires sont variqueux et remplis par le liquide interne, c'est-à-dire le sang et le fluide nutritif - 1. Coknai.ia (]•:.)■ Jlonografia del bombice del gelso. Milan, 1856, 388-19 p. in-4° (15 pi.). Y./V de l'Édition.) L'opinion que j'émets ici, au sujet du mérite propre de M. Cornalia, se trouve confirmée par le passage suivant d'une lettre que ce savant naturaliste a adressée au directeur de la Perseveranza, de Milan (n" du 20 juillet lHt.S) : « Ces maudits corpuscules, auxquels Pasteur donne mon nom, parce que j'en ai indiqué le premier la valeur pathologique, en 1856 » [Xote de l'nstoir. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 37 qui semblent extrêmement abondants et gonflent toutes les parties. Outre ce symptôme, le corps en offre un autre assez visible, c'est la coloration en gris de plomb, quelquefois assez forte, soit de parties de l'abdomen, deux, trois ou quatre anneaux par exemple, soit aussi de parties des ailes. « L'abondance du liquide interne est telle que les ailes en offrent entre leurs feuillets. Ces organes délicats restent toujours ridés comme au moment de la sortie du cocon; ils ne s'étendent pas par pénétration de l'air dans les nervures (trachées), qui seraient ainsi séchées et fortifiées. Au contraire, les ailes offrent ça et là sur leurs feuillets des vésicules ou varices, qui contiennent une ou plusieurs gouttes de sang, qu'on fait courir entre les feuillets de l'aile, en pres- sant dessus. Quelquefois un feuillet crève, et une gouttelette vient sortir à la surface de l'aile, où elle a le temps de sécher, le papillon étant engourdi si l'on n'y touche pas. En ce cas le sang brunit d'abord en se desséchant, et à la fin il se transforme en une matière noire et visqueuse comme la poix. « Le sang du papillon, vu au microscope, est très riche en corpus- cules vibrants, et noircit quelquefois, pas toujours, sur le verre qui le porte. Le papillon ainsi malade se remue peu; le mâle seul offre quel- quefois de l'agilité, et recherche la femelle ; celle-ci, à une période avancée de la maladie, ne se prête pas à l'accouplement, bien qu'on ne voie aucun défaut organique dans les parties génitales externes. Si la femelle arrive à pondre, elle pond peu, très lentement, et à de longs intervalles. Elle meurt prématurément en laissant un cadavre reconnaissable à la longueur de l'abdomen, encore plein d'oeufs et piriforme. Je n'ai pas d'observations sur ce que donnent les œufs ayant une telle origine, ni sur les causes probables d'une telle maladie. Cette affection qui frappe l'animal arrivé déjà au dernier âge, dans une période très courte où il a 1res peu de rapport avec l'exté- rieur, paraît encore plus complexe que celle du ver; il est donc plus difficile d'en trouver les causes. De plus, nous avons observé cette maladie dans notre pays depuis trop peu de temps, pour pouvoir dis- siper les ténèbres qui voilent cette difficile question. Faisons des vœux pour qu'on n'ait pas l'occasion d'en faire l'étude, et que la séri- ciculture n'ait pas à compter un fléau de plus. » Dans cette description fidèle de la maladie on voit que M. Cornalia signale en passant le fait de la présence abondante des corpuscules de Guérin et de Filippi dans le sang des papillons malades. Le savant naturaliste ne dit pas que c'est la un signe de la maladie, et même on pourrait prétendre que M. Cornalia, partageant Terreur de Filippi sur 38 ŒUVRES DE PASTEUR la présence constante des corpuscules dans les papillons avancés en âge, devait éloigner le lecteur de l'idée d'une relation entre le corpus- cule et la maladie régnante ' . Néanmoins il serait injuste de ne pas admettre que, par la phrase que j'ai soulignée à dessein dans la citation précédente, M. Cornalia a éveillé nettement la pensée de rechercher si le corpuscule n'était pas un signe du mal. Cette opinion a été développée ultérieurement par MM. Lebert et Frey en 1856 (2~) et 1858 (3), en examinant l'insecte malade à toutes les phases de son existence. Le principal mérite des travaux de ces savants distingués est, en effet, d'avoir insisté sur la signification pathologique du corpuscule, car, en ce qui concerne la diffusion de ce parasite dans tous les organes du ver et du papillon, ils avaient été précédés, comme on l'a pu voir précédemment, par le travail de Filippi, dont ils ignoraient, je crois, l'existence. En 1857 l'histoire de notre parasite s'enrichit d'une découverte de la plus grande importance scientifique et pratique. C'est au Dr Osinio, de Padoue, qu'on en est redevable. Il reconnut, le premier, la présence des corpuscules dans les œufs de vers à soie, circonstance qui avait échappé à ses devanciers. Le Dr Lebert lui-même, qui a poussé le plus loin l'étude de la recherche des corpuscules dans tous les organes du ver à soie, n'avait pas réussi à constater leur présence dans les œufs malades : « Nous avons trouvé quelquefois, dit-il, de ces corpus- cules à la surface des œufs. Cela n'est pas surprenant, car ils existent dans loviducte. J'en ai vainement cherché dans l'intérieur de l'œuf. » L'observation relative à la présence des corpuscules dans les œufs des papillons malades devint heureusement l'objet d'une étude approfondie de la part d'un naturaliste plein de sagacité, le Dr Carlo 1. Voici, en effet, comment M. Cornalia s'exprime à la page 139 de sa Monographie du ver à soie [Monogratia del bombice del gelso. Milan, 1856, in-43], où il reproduit les principales assertions du Mémoire de Filippi : « Granules ou corpuscules oscillants. Les deux éléments précités ne sont pas les seuls qui se rencontrent clans le sang du ver. On y trouve, en outre, de très petites granulations, fort remarquables par leur mouvement vibratoire ou brownien... h Les vers sains et vigoureux contiennent un petit nombre de ces corpuscules, et je les regarde comme accidentels. Ils constituent une forme régressive des tissus, et c'est pourquoi on les voit se développer et devenir très abondants dans les vers affaiblis par la diète ou la maladie, et dans les papillons qui approchent de la fin de leur vie. » 2. Frey (H.) u. Lebert (H.). Beobachtungen ûber die gegenwârtig im Mailandischen lierr- schende Krankheit der Seidenraupe, der Puppe und des Schmetterlings. Vierteljahrsschrift der naturforschenden Gesellschaft in Zurich, I, 1856, p. 374-389. {Note de l'Édition.) 3. Lebert (H.). Ueber die gegenwârtig herrschende Krankheit des Insects der Seide, die degenerative Ernâhrungsstôrung mit Pilzbildung. Dystrophia mycetica. Berlin, 1858, in-8°. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SLR LA MALADIE DES VERS A SOIE 39 Vittadini ' , qui fonda en 1859, sur L'observation de M. Osimo, une méthode de distinction de la bonne et de la mauvaise graine. Le Dr Osimo - avait déjà lui-même pressenti et indiqué ce progrès. Mais celui-ci serait probablement resté stérile, si le Dr Vittadini n'eût reconnu que la proportion des œufs visiblement corpusculeux aug- mentait notablement dans une ponte malade au fur et à mesure qu'on approchait de l'éclosion des œufs. M. Osimo, qui ignorait ce fait, avait proposé d'examiner les œufs avant toute incubation, méthode qui aurait entraîné à de graves erreurs. Le même savant émit une autre idée fort juste, mais qu'il eut le tort de ne point suivre par une obser- vation attentive des faits : « Je crois, écrivit-il en 1859, qu'il serait sage d'examiner non seulement les œufs après la ponte, comme je l'ai pro- posé en 1857, mais aussi tout d'abord quelques chrysalides. » Cette vue judicieuse aurait pu conduire à une méthode nouvelle pour se procurer de la graine saine si elle eût été convenablement étudiée et éprouvée par l'expérience. Des recherches furent commencées dans cette direction en 1863 et en 1864 par le professeur Cantoni, mais ses tentatives incomplètes et mal dirigées le firent passer à côté de la vérité sans l'apercevoir, jugement que le savant professeur a porté lui-même en 1867 sur ses observations (3). Le D' Osimo, n'ayant soumis à aucune épreuve la vue spéculative que je viens de rappeler, et qu'il avait émise en 1859, laissa naturelle- ment passer sans critique les résultats avancés par le Dr Cantoni : c'est que, dans les sciences expérimentales, la vérité ne peut être dis- tinguée de l'erreur tant qu'on n'a pas établi des principes certains par une observation rigoureuse des faits. 1. Vittadini (C). SuI modo di distinguera nei bachi da seta la semente infetta dalla sana. Atti delV I. R. Istituto lombardo di scienze, lettere ed arti (10 marzo 1859), I, 1858, p. 360- 363 1 pi.). 2. Osimo (M.). Cenni sull' attuale malattia dei bachi da seta. [I. R. Istituto veneto di scienze, lettere ed arti, 24-25 agosto 1857). Venise, 1857, 19 p. in-8°. — Ricerche e considerazioni ulteriùri sull' attuale malattia dei baehi. /. R. Academia di scienze. lettere ed arti di Padova, 1858-1859.) Padoue, 1859, 32 p. in-8». (Notes de l'Édition.) 3. Cantoni (G.). La pébrine. Revue universelle de sériciculture, 1867, I, p. 68-72. ;vooos „ / CHAPITRE III DES RECHERCHES ENTREPRISES AVANT L'ANNÉE 1865 POUR COMBATTRE LA MALADIE § I. — Distinction de la bonne et de la mauvaise graine. Procédés divers. Parmi les tentatives les plus sérieuses qui aient été faites en vue de porter remède à la crise séricicole, la recherche de moyens propres à distinguer la bonne graine de la mauvaise tient la première place. L'importance de ces études, dans le cas où elles auraient été couron- nées de succès, ne pouvait échapper à personne. Chaque année, depuis l'origine du fléau, dans tous les pays séricicoles, on avait vu des graines réussir à merveille à côté d'autres qui échouaient totalement, bien que la feuille et les modes d'éducation eussent été les mêmes pour ces diverses sortes de graines. Les exemples de cette nature étaient si nombreux, si propres à convaincre l'éducateur de l'impor- tance du choix de la graine, que chaque année amenait l'essai de nou- veaux moyens, soi-disant infaillibles, pour distinguer les lionnes semences des mauvaises. On expérimenta, en 1800 et 1861, le procède Kaufmann (*), de Berlin, qui consistait à jeter une pincée de la graine à éprouver dans de l'eau en ébullition. Suivant l'inventeur, la graine était bonne quand elle prenait une teinte lilas foncé après quelques minutes de cuisson, mauvaise au contraire quand les œufs devenaient rouges, jaunes ou bruns. A la même époque, M. Mitiliot (-), sériciculteur éclairé du département de la Drôme, proposa d'isoler chaque couple de papil- lons producteurs de la graine dans des cellules distinctes, et de suivre 1. Kaufmann (E.). Progrès de la sériciculture; régénération des vers à soie; moyens pour reconnaître la graine falsifiée. Rapport adressé à M. le ministre de l'Agriculture, du Com- merce' ef des travaux publics. Paris al Berlin, 1860, vm-100 p. in-8°. 2. Voir, sur le procédé Mititiot : Jeanjean (A.). La maladie des vers à soie. Conseils aux éducateurs. Montpellier, 1862, in-16, p. 42-46; et Mares (IL). Note sur le procédé de M. Miti- fiot pour l'aire de bonnes graines de vers à soie. Messager agricole du Midi, I, 1860-1861, p. 14-19. {Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 41 les changements progressifs de la couleur des œufs des diverses pontes les jours suivants. Les bonnes pontes étaient celles dont les œufs arrivaient en une semaine à une teinte cendrée en passant par des nuances que L'auteur avait assignées. Diverses personnes proposèrent l'examen des mouchetures qu'on observe à la surface des œufs. M. de Plagniol (4), d'après ce caractère, établissait entre les graines diverses catégories : les polygonales, les polygonales irrégulières, les mixtes, les confuses et les tachetées. A son avis, les graines à mouchetures polygonales étaient les bonnes, et de plus en plus altérées à mesure qu'elles s'éloignaient davantage de ce type. Déjà, en L859, M. Vittadini - avait fait des observations ana- logues, desquelles il avait conclu que la coque des œufs sains avait une ponctuation régulière, un réseau sans interruption, que dans les œufs malades au contraire (très corpusculeux) elle était inégalement réticulée et plus ou moins couverte de taches obscures. MM. d'Arbalestier (3) et Hugon avaient recours au plus ou moins d'opacité des œufs quand on les faisait traverser par la lumière des nuées. Tous ces procédés et plusieurs autres reposant sur des différences prétendues entre les poids spécifiques de la graine saine et de la graine malade sont tombés dans l'oubli le plus absolu. Applicables, à la rigueur, dans quelques cas limités, l'usage en devenait impos- sible dans le plus grand nombre des circonstances, parce que les principes sur lesquels ils s'appuyaient étaient vagues, confus ou erronés. Des nombreuses méthodes imaginées pour distinguer la bonne graine de la mauvaise, deux seulement ont survécu : l'épreuve par éducations précoces et l'étude des œufs au microscope. Celle-ci est née de l'observation, rappelée au chapitre précédent, de la présence pos- sible dans les œufs des corpuscules, improprement appelés corpuscules vibrants. Cette méthode, précieuse à divers égards, est tout à l'honneur des naturalistes italiens, MM. Osimo, Vittadini etCornalia. Le 10 mars 1859, le D1' Carlo Vittadini lut à l'Institut lombard un travail remarquable qui a nettement défini les bases de cette méthode. Voici les principaux passages de son Mémoire : 1. Plagniol (E. tle|. Rapport relatif à des expériences microscopiques sur des graines de vers à soie. Bulletin de la Société d'agriculture de l'Ardèche, 1861, p. 113-127. 2. VlTTADIXI |C). LOC. Cit. 3. Ahbalestier (baron d'). Mémoire sur l'appréciation des œufs de vers à soie au moyen de la transparence (Communication faite à la Société d'agriculture du département de la Drame). Bulletin du Comice agricole, de l'arrondissement d'Alais, 1860, V, p. 139-152,178- 1*3 et 235-238. (Notes de l'Édition.) 42 ŒUVRES DE PASTEUR « Tous les bacologues reconnaissent que les vers à soie affectés de la maladie actuelle portent dans leur sang et leurs divers organes une quantité prodigieuse de ces corpuscules microscopiques ovales, oscil- lants, que Guérin-Méneville appelle hématozoïdes, les prenant pour île vrais infusoires; que Lebert a cru être des individus d'une algue uni- cellulaire, qu'il a nommée panhistophyton ovatum ; que moi, enfin, je suis porté à prendre pour des produits de quelque état de dépérisse- ment de l'individu qui les porte, car on les trouve constamment dans les papillons sains, vers les derniers moments de leur vie, et ces papil- lons meurent par suite d'une phase régressive purement naturelle... « Les bacologues ne s'accordent pas sur l'existence constante de ces corpuscules dans les vers malades d'atrophie; en trouve-t-on aussi dans les œufs que font les papillons affectés de la même maladie? Lebert dit qu'il n'y en a jamais trouvé, quelque recherche qu'il en ait faite. Au contraire, Osinio, qui partage l'opinion de Lebert quant à leur nature végétale, assure les avoir presque constamment observés dans beaucoup d'œufs émis par des papillons frappés par cette mala- die ' ... « Cela pose, le but de ce Mémoire est d'exposer les derniers résul- tats de mes expériences, par lesquelles il est démontré que réellement on rencontre ces corpuscules, non seulement dans les œufs des papil- lons malades, mais encore dans les petits vers à peine sortis de ces œufs ; et leur présence surtout dans ces derniers peut fournir un excel- lent critérium pour distinguer la graine provenant de papillons malades de la graine des papillons sains. « Mes premières recherches sur ce sujet ne furent pas heureuses. Dans le cours de l'année, je soumis au microscope un nombre très grand d'œufs obtenus de divers couples de papillons indubitablement affectés de la maladie actuelle, et je ne pus voir dans les innombrables granules du jaune aucun corps ressemblant aux corpuscules pour la forme ou les dimensions. Ce ne fut qu'aux premiers jours de février de cette année qu'en examinant de nouveau de pareilles graines, je pus apercevoir évidemment ces corps et m'assurer qu'il y en a aussi dans les œufs... 1. Les difficultés rencontrées par les premiers observateurs pour la constatation des cor- puscules dans l'intérieur des œufs des vers à soie sont faciles à comprendre, si l'on réfléchit au très petit nombre de corpuscules que les œufs contiennent, en général, surtout les œufs bien fécondés, examinés dans les premiers mois qui suivent la ponte. J'engage les personnes qui commencent leurs premières études microscopiques sur les œufs, à s'adresser de préférence aux œufs mal fécondés, de couleur rougeàtre ou brune, très déprimés. Chez ces derniers, les corpuscules existent bien plus abondants, en général, quelquefois même à profusion, témoin la planche ci-jointe, qui représente le champ microscopique d'un œuf de cette sorte, dans une ponte très corpusculeuse. :" Lackrrbimei- ad tuU dcl GRAINES TRES CORPUSCULEUSES e- \ . i 1 c' I long, o • 0O& Corpu ' , /.,/v. 0Toos ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 43 « Étant assuré, par mes expériences, de la présence de ces corpus- cules dans les œufs malades ou issus de papillons malades, j'ai voulu aller plus loin, et voir si l'examen extérieur de ces œufs pourrait don- ner quelque indice de leur état, sans qu'il Fallût recourir à l'examen intérieur. De ces recherches, il est résulté que les œufs remplis de ces corpuscules, vus a un fort grossissement, avaient leur coque inégale- ment ponctuée et réticulée, et plus ou moins couverte de taches obscures, a proportion du degré de leur infection, ou, plus exacte- ment, a proportion du nombre de corpuscules qu'ils contenaient; au contraire, les œufs dénués de corpuscules ont une ponctuation régu- lière, et un réseau sans interruption et sans aucune des taches sus- dites... « J'arrive a la seconde partie de mes recherches qui tend à prouver la présence des corpuscules dans l'embryon des graines infectées, lorsque cet embryon se développe, et, par suite, leur présence dans les petits vers à peine sortis de ces œufs. « Disons d'abord que les taches des graines, vues à un grossisse- ment de 50 diamètres, semblent évidemment résulter de la réunion ou du groupement des mailles du réseau formé sous la coque dans les premiers jours de l'incubation. Ces taches manquent dans les bonnes graines, comme on l'a vu, et dans celles que les corpuscules n'ont pas envahies; elles résultent donc, à mon avis, d'une distribution irrégu- lière des globules primaires du jaune, brisés et entravés dans leur arrangement par le développement anormal des corpuscules ; de là résulte la réticulation susdite; le réseau est au contraire régulier et uniforme dans la graine saine ou pure de corpuscules. « Il résulte île mes recherches sur les graines, à l'époque où com- mence le développement du germe, que les corpuscules, une fois apparus dans l'œuf, augmentent graduellement en nombre, à mesure que l'embryon se développe ; que, dans les derniers jours de l'incuba- tion, l'œuf en est plein, au point de faire croire que la majeure partie des granules du jaune se sont transformés en corpuscules. « Une autre observation importante est que l'embryon aussi est souillé de corpuscules, et à un degré tel, qu'on peut soupçonner que l'infection du jaune tire son origine du germe lui-même ; en d'autres termes, que le germe est primordialement infecté, et porte en lui- même ces corpuscules tout comme les vers adultes, frappés du même mal. « Enfin, ma dernière observation est que, lors de l'éclosion, tous les vers infectés ne sortent pas de l'œuf : les plus malades, ou ceux qui contiennent un plus grand nombre de corpuscules, ne peuvent percer 44 ŒUVRES DE PASTEUR la coque ou sortir de la coque une fois percée, et que beaucoup, à peine sortis, meurent. « Il résulte de là que la présence des corpuscules dans les vers à peine nés offre une telle évidence des choses, qu'on peut la prendre pour critérium de l'infection des graines, de préférence à l'examen de ces graines non encore écloses. « Je n'ai plus qu'à dire deux mots pour diriger les éducateurs dans leurs recherches sur la bonté de la graine : qu'ils soumettent à l'incu- bation, en février ou mars, une petite quantité de la graine à essayer; qu'ils attendent l'éclosion des vers pour soumettre ceux-ci à l examen. On en prend un ou davantage, mort ou vivant, peu importe; on l'écrase, avec une goutte d'eau distillée, sur un verre bien propre, et on regarde au microscope à un grossissement d'au moins .'300 diamètres. Si l'infec- tion existe, l'observateur verra les corpuscules par milliers dans le liquide, parmi les débris du ver, et d'une manière non équivoque. Il soumettra au même examen les vers qui n'ont pas pu sortir de l'œuf. Inutile de dire que ce moyen offrira d'autant plus de sécurité qu'on examinera plus de vers, et avec un soin plus grand. « Ces corpuscules étant un indice assuré de l'état de dépérissement de l'individu qui les contient, les vers qui sont dans ce cas dès leur naissance ne pourront certainement vivre jusqu'à la formation du cocon. Et, bien que l'absence de corpuscules dans les vers à peine nés ne puisse être regardée comme un signe certain de la bonté de la graine, cependant c'est de toute façon un indice assez probable ({). » Tels sont les principes de la méthode italienne pour la distinction de la bonne et de la mauvaise graine. Le Mémoire de Vittadini n'a pas été publié en France, mais M. N. Joly, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, tra- duisit, en 1860, une Note précise de M. E. Cornaba, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Milan, où se trouvait exposée, avec tous les détails convenables, la méthode de Vittadini et l'utilité de son application (-). M. Cornaba est l'auteur bacologue qui a le plus fait pour la connaissance et la divulgation de cette méthode. Comme tout ce qui est utile et vrai, elle a eu ses détracteurs; mais ceux-ci, ou la connaissent très imparfaitement, ou demandent à son emploi des services qu'elle ne 1. Vittadini (Carlo). Sul modo 'li distinguera nei bachi da seta la semente infelta dalla sana (tornata del 10 marzo 1859). Atti delV I. B. Istituto lombarde di scienze, lettere ed arti, I, 1858, p. 360-363 (1 pi.). {Note de l'Édition.) 2. [Notice du prof. Emilio Gornalia indiquant un moyen de distinguer sûrement la mau- vaise graine de la bonne, traduit de l'italien par le Dr N. Joly]. Messager agricole du Midi, I, 1860-1861, p. 323-339. (D'après le Journal d'agriculture pratique et d'économie rurale pour le midi de la France, octobre 1860.) ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 45 peut rendre; plus souvent encore ils L'appliquent mal, en se plaçant hors des conditions qui ont été indiquées par MM. Vittadini el Cornalia. L'examen île la graine doit se faire au mois d'avril, a l'époque de l'éclosion, ou sur un échantillon soumis a une incubation précoce au mois île février ou île mars. Cette prescription île l'auteur de la méthode est suivie par très peu de personnes. On peut s'en dispenser quand les graines sont très chargées de corpuscules, car, dans ce cas, la présence de ces derniers se montre déjà dans beaucoup des œufs aussitôt après la ponte, et, à plus forte raison, dans les mois d'automne el d'hiver. Or, pour condamner une graine, il n'est pas nécessaire d'attendre la multiplication visible des corpuscules dans tous les embryons qui peuvent en montrer à l'éclosion. Mais quand une graine n'est pas corpusculeuse avant son incubation, il faut se garder de croire que l'examen qu'on en a fait est suffisant. Il est indispensable de la soumettre en janvier, février ou mars, à une incubation précoce, ou attendre son éclosion naturelle pour en renouveler l'observation au microscope. Beaucoup de personnes font d'une manière vraiment dérisoire l'épreuve microscopique des graines. Il en est, par exemple, qui se bornent à écraser des œufs en nombre indéterminé pour rechercher ensuite dans le liquide s'il existe des corpuscules en plus ou moins grand nombre. Il n'est pas permis de se prononcer sur la proportion des œufs corpusculeux dans une graine sans avoir fait séparémenl l'observation individuelle de trente à cinquante œufs, au moins, pré- levés sans choix dans un échantillon de la graine. Si l'examen des cinquante œufs ou petits vers éclos a donné deux, cinq, dix, ..., sujets corpusculeux, on dit que la graine étudiée est corpusculeuse à 4, 10, 20, ..., pour 100. Ce n'est jamais que forcés par la nécessité que MM. Vittadini et Cornalia ont borné leurs examens à dix ou quinze œufs pour porter un jugement sur une graine. « Pour pouvoir juger de la bonté d'une graine, dit M. Cornalia, il convient d'examiner le plus grand nombre possible de vers ou d'œufs, un ou deux chaque fois. Si, pour toutes les qualités de graines, on pouvait faire cinquante ou cent observations, au lieu de quinze ou vingt, le jugement serait toujours plus sûr; on pourrait prédire si cette graine contient un cinquième, ou un quart, ou une moitié de vers malades, selon la proportion des vers et des œufs trouvés infectés comparativement à ceux qu'on a trouvés exempts de corpuscules (4). » 1. Cornalia. Messager agricole du. Midi, I. 1860-1861, p. 326 : Pour procéder à cette observation, on a'a qu'à prendre l'œuf ou la petite larve et à l'écraser entre les deux verres d'un porte-objet. Le petit animal étant ainsi réduit en bouillie, 46 ŒUVRES DE PASTEUR La méthode d'examen des graines dont nous venons de parler n'a jamais acquis en France une grande faveur. Quelques personnes seu- lement, MM. de Plagniol dans l'Ardèche, Jules de Seynes dans Bruyère couverte de cocons. Essais précoces. l'Hérault, d'Arbalestier dans la Drôme, Ligounhe à Montauban, la mirent en pratique. Aujourd'hui encore elle est fort délaissée. Le on enlève les parties solides ou membraneuses, et il ne reste plus sous le verre qu'un liquide opalin, c'est-à-dire 1 extrait de tous les liquides du ver ou de l'œuf; sur cette goutte on place une petite lame de verre, et l'on soumet le tout au microscope. » ÉTUDES SUR LA MALADIF. DES VERS A SOIE .7 principal motif de cette indifférence tient vraisemblablement à ce que cette méthode avait été précédée en France par une autre plus à la portée de tous les éducateurs el pouvant rendre les mêmes services, peut-être avec plus de certitude. Je veux parler de l'épreuve des graines à l'aide de petites éducations précoces au moyen de feuilles de mûrier venues en serres chaudes. Dès 1857, MM. Meynard, de Valréas, Jouve el Méritan, de Cavaillon, créèrent des établissements spéciaux pour exploiter ce nouveau mode de distinction de la bonne el de la mauvaise graine. Les établissements de cette nature sont aujourd'hui assez, nombreux et ont conquis dans le midi de la France une juste renommée (*). Outre la grande serre de Cavaillon (Vau- cluse), celle de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), celle de Ganges (Hérault , etc., placées sous le patronage des Comices du Vigan et de Ganges, sont très prospères. Bon nombre de particuliers ont même élevé à leurs frais de petits établissements analogues pour l'essai des graines qu'ils destinent à leurs propres éducations. Aux divers procédés que nous venons de passer en revue, on peut adresser les mêmes reproches. Ils sont loin d'être sûrs dans leurs indications. Toutefois leur utilité est incontestable dans beaucoup de circonstances, et c'en est assez pour encourager l'éducateur à ne pas négliger d'en faire usage. Mais, seraient-ils excellents en eux-mêmes, qu'on devrait encore les trouver insuffisants et défectueux ; car leur objet étant de servir à distinguer la bonne graine de la mauvaise, tous présupposent que la graine existe et que, mauvaise aussi bien que bonne, elle a été faite. Là est le vice radical de toutes ces méthodes, parce qu'une graine faite est toujours élevée. Trouver le moyen de confectionner de la graine saine dans tous les pays producteurs de la soie, sans être contraint d'en faire de la mauvaise, voilà le problème qu'il fallait tenter de résoudre. Les esprits clairvoyants ne s'y trompaient pas. M. Henri Mares s'exprimait 1. h Quelques mûriers nains à feuilles précoces, dit M. Jeanjean [Loc. cit.], qui a eu la première direction de l'établissement de Saint-Hippolyte, plantés devant un mur en maçon- nerie de %ri& de hauteur, bien exposés aux rayons du soleil; un autre petit mur. haut de 0n'90, et des. châssis en verre reposant sur les deux murs et couvrant les mûriers, en voilà assez pour se procurer, dans le midi de la France, la petite quantité de feuilles précooes nécessaire à l'éducation de quelques centaines d'œufs, représentant l'essai des graines que chaque proprié- taire destine à ses chambrées. » On procède généralement de la manière suivante : sur chaque lot de graines on prélève quelques grammes, l'incubation et l'éclosion se font dans une couveuse ou castelet, sorte de caisse en fer-blanc à double enveloppe, pleine d'eau, que l'on chauffe en dessous au moyen d'une lampe à huile. On élève jusqu'à la première mue tous les vers delà plus forte levée dans chaque lot, alors on n'en conserve qu'un nombre déterminé, 100 à l'ordinaire, et on compare à ce nombre le nombre de cocons obtenus dans chacun des paniers qui renferment les divers essais. Les bonnes graines doivent donner de 90 à 100 cocons pour 100 vers comptés au premier repas après la première mue. 48 ŒUVRES DE PASTEUR à peu près ainsi, en 1860 : « Pour la plupart des magnaniers la maladie est la maladie de la graine. En donnant ainsi au fléau le nom de son caractère principal, les éducateurs nous indiquent le bul cju'il faut poursuivre, si nous voulons rendre à l'élève des vers à soie les conditions normales de son existence. Ce but consiste à trouver le moyen de refaire de bonnes graines ; tant qu'il ne sera pas atteint, l'industrie séricicole, attaquée dans ses fondements mêmes, se traînera péniblement dans une impasse (J). » Très peu de tentatives et toutes infructueuses ont été faites dans cette direction i-). L'objet principal de cet Ouvrage est précisément de faire connaître un moyen pratique de confection de la semence saine à l'exclusion de la mauvaise et des procédés capables de multiplier, autant qu'on peut le désirer, le nombre des éducations pouvant servir à la reproduction dans toutes les contrées séricicoles. § II. — Remèdes proposés. L'idée de maladie emporte naturellement avec elle l'idée de gué- rison. Mais combien elles sont rares et difficiles les découvertes de remèdes aux maladies des animaux ou des hommes ! Dans la recherche d'un médicament le hasard d'ordinaire est le seul guide, parce que le plus souvent les causes et la nature des maladies nous sont incon- nues. Il serait difficile et vraiment superflu d'énumérer tous les spéci- fiques qui ont été proposés pour guérir la maladie des vers à soie. Déjà, en 1860, M. Cornalia s'exprimait ainsi : « La pharmacopée des- vers à soie est aujourd'hui aussi compliquée que celle de l'homme. Les gaz, les liquides, les solides, on a tout invoqué pour guérir le mal- heureux insecte, depuis le chlore jusqu'à l'acide sulfureux, depuis 1. JIarès (H.). [Notes sur le procédé de M. Mitifiot, pour faire de bonnes graines de vers à soie.] Messager agricole du Midi, I, 1860-1861, p. 14-19. 2. Quatrefages (A. de). Nouvelles recherches faites en 1859 sur les maladies du ver à soie. Paris, 1860, in-4°, p. 85 et suivantes. M. de Quatrefages, s'appuyant sur le caractère de la tache, avait posé comme règle, pour la confection de la bonne graine, de rechercher les chambrées dont les vers n'offriraient pas ce symptôme, et de tenter de les multiplier par les petites éducations. Malheureusement, s'il est nécessaire que les vers d'une chambrée destinée au grainage soient exempts de taches de pébrine à la fin de leur vie, cette condition est insuffisante, car tous les vers d'une chambrée peuvent porter en eux-mêmes, au moment où ils font leurs cocons, le germe du mal et devenir impropres au grainage, sans montrer pourtant, le moins du monde, le symptôme des taches, qui est le signe d'un état avancé de la maladie. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 49 l'acide acétique jusqu'au rhum, depuis le sucre jusqu'au sulfate de quinine. Les plus sévères observateurs s'accordent à ne plus appliquer aucun remède et à placer leur seule confiance dans une bonne graine et dans une éducation autant que possible voisine des conditions natu- relles ('). » Le soufre en fleurs répandu sur les vers ou sur la feuille, le soufre en Heurs mêlé à de la poussière de charbon, la farine de moutarde, la poudre de quinquina, de gentiane, de valériane, le sucre, des mélanges de ces matières en diverses proportions, les cendres, le pyrèthre, la suie, , enfin des poudres tenues secrètes par leurs inventeurs, voilà, parmi les corps à l'état solide, quelques-uns des remèdes qui ont été essayés clans nos départements séricicoles. Parmi les liquides, le vin, le rhum, l'absinthe, les acides sulfurique et azotique, le vinaigre, l'eau de chaux, les eaux sulfureuses artifi- cielles, des solutions de sulfate et de lactate de fer, ont été employés sans plus de succès. Les fumigations gazeuses de chlore, d'acide sulfureux, de goudron, les vapeurs nitreuses ont été préconisées et abandonnées par ceux-là mêmes qui les avaient proposées avec le plus de confiance. Il n'est pas jusqu'à l'action du courant électrique qui n'ait été vantée comme spécifique infaillible. Que tant de remèdes aient été proposés depuis vingt ans pour guérir un iléau si préjudiciable à la fortune publique, on le conçoit aisément; mais ce qui est plus fait pour exciter la surprise, c'est la confiance aveugle avec laquelle on les a tour à tour acceptés sur les affirmations sans preuve de simples empiriques. D'autre part, dans les essais tentés par les éducateurs pour juger de leur efficacité, il en est très peu où l'on ait senti la nécessité d'épreuves comparatives (2). Aussi ne serait-il pas inadmissible que parmi les substances indiquées il y en eût quelqu'une dont l'emploi pût être utile aux vers, mais quelle est-elle si elle existe? Nul ne le sait (3). Le soufre, le goudron et la suie sont peut-être les seules matières qui aient été soumises à un contrôle expérimental sérieux, la suie 1. Corn'alia. La Perseveranza, de Milan, numéro du 16 juillet 18G0. 2. Je suis convaincu qu'on trouverait assez facilement des substances qui. répandues sur les feuilles, ajouteraient à la vigueur des vers. Au lieu de courir au hasard à la recherche de remèdes pour des maladies déclarées, on devrait bien plutôt essayer de préserver les vers sains contre les maladies accidentelles. Mais il faut bieu se persuader que ce travail exige- rait une série d'études expérimentales poursuivies pendant plusieurs années. :î. Cette réflexion pourrait bien trouver par la suite sa justification dans les bons effets que parait avoir obtenus, en 1869, M. Levi, de Villanova, par l'emploi du gaz chlore connue moyen de détruire la vitalité des corpuscules. (Note ajoutée à la suite d'une conversation que j'ai eue avec' M. Levi, au mois de janvier 1870.) Il DES SOR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 4 50 ŒUVRES DE PASTEUR particulièrement, qui donna lieu à un marché célèbre dont le souvenir mérite d'être conservé, comme preuve de l'intérêt que le Gouverne- ment français a pris a la terrible crise que traverse la séricicul- ture. « Dans le courant de l'année 18G3, M. Onesti, de Vicence, fit pro- poser au Gouvernement français l'achat d'un procédé destiné, selon lui, à combattre avec certitude la pébrine. Malgré des doutes qui ne se sont que trop justifiés, et pour ne négliger aucune occasion pos- sible d'atténuer en quelque chose les désastres dont souffraient nos populations méridionales, le ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, stipulant au nom de l'État, signa avec M. Onesti un traité par lequel il s'engageait, dans le cas seulement où l'efficacité du procédé serait reconnue, à solliciter une indemnité de 500.000 francs en faveur du sériciculteur italien. Des expériences eurent lieu dans douze départements. A l'unanimité, une Commission centrale constituée près du ministère de l'Agriculture pour recueillir et juger les résultats obtenus déclara le procédé absolument ineffi- cace (*). » Malgré tant d'essais infructueux, chacune de ces dernières années a été marquée par l'annonce de quelques spécifiques nouveaux. Parmi ceux qui ont le plus occupé l'opinion publique dans nos départements séricicoles, il faut citer la créosote et le nitrate d'argent. M. Béchamp, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier, conseilla l'emploi de fumigations de créosote (2) avec une telle insis- tance et une si grande abondance d'arguments, tous fondés, il est vrai, sur des idées préconçues, que les provisions de cette substance, faites par les pharmacies du Midi, en augmentèrent le prix. Mais deux années après ces publications spécieuses, il n'était plus question du fameux spécifique M. le Dr Brouzet, médecin distingué de la ville de Nîmes, fit, de son côté, l'annonce également trop prématurée du nitrate d'argent employé en solution aqueuse à la dose de- gramme à 1 gramme environ par litre. 11 suffisait de faire prendre aux vers un bain dans ce liquide pour les guérir de la pébrine. Chose curieuse assurément, un Rapport très favorable fut fait à ce sujet par une Commission de la Société 1. M. Bêhig, ministre de l'Agriculture, Rapport à l'Empereur (voir p. 302-305 du présent volume). — On trouvera dans le Messager agricole du Midi et dans les ouvrages de M. de Ouatrefages [Lor. cil.] divers Rapports sur l'emploi du soufre et du goudron. Il m'a paru inutile de les résumer. 2. Béchamp (A.). Sur l'innocuité des vapeurs de créosote dans les éducations de vers à soie. Comptes rendus de l'Académie des sciences, LXII, 1866, p. 1341-1342. (Aoïe de l'Édition. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 51 d'agriculture du Gard (l). L'engouement pour ces drogues prit de telles proportions dans le Gard et dans la Drôme, en 1867 et en 18(38, que j'aurais été blâmé de ne pas me livrera des expériences précises pour 1. Brouzet (G.)- Nouvelles recherches sur Les maladies des vers à soie. Bulletin de la Société d'agriculture du Qard, séances des 1" et 8 mars lHfix, p. 251-286. Pasteur fit les Rapports suivants sur les résultats des expériences de traitement îles vers pébi mes par le nitrate d'argent. Alais, le 17 juin 1867 (*). Monsieur le Préfet, Vous m'avez adressé, à la date du 13 juin, une lettre dans laquelle vous m'informez que M. le 1)' Brouzet, de Nîmes, vous a annoncé, le 31 mai, qu'il avait trouvé le moyen de guérir les vers atteints de la péljrine, en les traitant par le nitrate d'argent; qu'une expérience était faite sous l'inspection de la Société d'agriculture de Nîmes [du Gard], et qu'en attendant cette expérience spéciale, M. Brouzet vous avait adressé deux lots de cocons, provenant les uns des vers malades (pébrine), parvenus à faire leurs cocons, sans avoir été traités; les autres des vers que M. Brouzet avait préalablement soumis au nitrate d'argent. J'ai l'honneur de vous informer que des 10 cocons fournis par les vers traités au nitrate d'argent, j'ai examiné 6 chrysalides : ces 6 chrysalides sont chargées de corpuscules. Si l'on fait de la graine avec les papillons issus de ces cocons, je crois pouvoir affirmer qu'elle don- nera lieu à un échec absolu. Voici le nombre de corpuscules par chrysalide : Ira 200 4= 1000 2« 300 5« 200 3. 300 O 200 Il faut s'attendre à ce que les papillons, à leur aspect extérieur seul, témoignent d'un très mauvais état de santé. C'est ce dont je m'assurerai, en attendant la sortie des papillons des 4 cocons qui me restent. Les chrysalides non pourries des 10 cocons de l'autre lot non traité sont encore plus infectées que celles-ci. Veuillez agréer, etc. Signé : L. Pasteur, membre de l'Institut. P. S. Je serais très désireux de connaître les résultats de l'expérience surveillée par les membres de la Société d'agriculture de Nîmes [du Gard]. Paris, le 9 juillet 1S67(**). Monsieur le Préfet, Vous m'avez fait l'honneur de m'adresser 12 cocons provenant des vers à soie, mis en trai- tement par .le procédé au nitrate d'argent, de M. le Dr Brouzet, sous la surveillance d'une commission prise dans le sein de la Société d'agriculture de Nîmes [du Gard]. Voici le résultat de mes observations : Papillons La maladie des corpuscules est donc très développée dans les sujets dont il s'agit, aussi bien que dans ceux que vous m'avez déjà envoyés et qui avaient également subi un traitement pareil. Veuillez agréer, etc. Signé ; L. Pasteur, membre de l'Institut. Paris, le 4 août 1867 (***). Monsieur le Préfet, Conformément au désir exprimé dans votre dépêche du 20 juillet dernier, j'ai examiné les ♦ Bulletin de la Société d'agriculture du Gard, 1868, p. 269. •* Bulletin de la Société d'agriculture d» Gard, 1868, p. S7ô. *•* Bulletin de la Société d'agriculture du Gard, 186S, p. 878. 1. 2. 10 1.500 corpuscules par champ. 3. 4. 5. 6. 300 400 2.000 Pas • " Chrysalides. . 1 10. f n. 800 corpuscules par champ. 1.000 40 » » 7. 600 ., B 8. 1.200 .. u 52 ŒUVRES DE PASTEUR m'assurer de leurs effets. Comme on devait s'y attendre, les résultats de mes observations furent négatifs. En voici le résumé : Sur les remèdes au nitrate d'argent et à la créosote, pour guérir /es- maladies des vers à soie (»). -- M. le Dr Brouzet, de Nîmes, a proposé le nitrate d'argent comme remède à la maladie des corpuscules. L'auteur croyait à un changement de peau, comme par une nouvelle mue, deux ou trois jours après l'immersion dans la solution de nitrate <1 'argent. Je n'ai pu reproduire ces faits, à quelque dose que j'aie employé le remède. Les taches, au contraire, se sont accrues, et la peau, perdant sa vitalité propre, là où elle avait été noircie par le nitrate d'argent, ne suivait plus le grossissement naturel du ver. Aussi finissait-elle, au bout de quelques jours, par le sangler en quelque worte, de façon à le faire périr, ou, du moins, à hâter sa mort. Lorsque les taches de pébrine ont disparu, n'a-t-on pas confondu la quatrième mue avec l'effet du spécifique? On sait qu'à la suite des mues les taches n'existent plus et mettent quelques jours à se montrer de nouveau. J'ai fait des expériences qui me paraissent démontrer papillons des cocons que vous m'avez adressés à cette date et provenant d'une nouvelli' expé- rience d'après le traitement que M. le Dr Brouzet applique aux vers atteints de pébrine. Sur 11 papillons je n'ai trouvé que trois sujets corpusculeux, deux cocons renfermaient lus particulièrement les études, car pour la grande majorité' des éducateurs, il paraissait évident que le mal étail dans la graine. Tous avaient pu s'apercevoir, ainsi que je l'ai déjà rappelé, que, par la seule différence des graines employées, on obtenait dans une même localité, dans une même magnanerie, de 1res abondantes ou de très chelives recolles. Ilien ne pouvait améliorer une mauvaise graine, ni la nourriture, ni le mode d'éducation, cl les bonnes eraines conduisaient à des succès souvent extraordinaires. Lorsque j'arrivai a .Mais, au mois de juin L865, dès mes premières conversations avec les éducateurs qui pouvaient être le mieux informés, je fus surpris de l'incertitude générale des opinions. Personne n'avait eu, jusque-là, la patience de suivre des expériences précises pouvant ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 55 conduire à un but connu et assigné ;i L'avance. ' >n attendait du temps ou d<-> efforts d'autrui un remède aux souffrances. Ce n'est pas que les Comices agricoles ou f|neiques individus isolés ne se livrassent, chaque année, à de nouveaux essais, mais ceux-ci se bornaient inva- riablement à s'enquérir de l'efficacité de remèdes plus ou moins chi- mériques, proposés ordinairement par des hommes inconnus, dont les affirmations n'avaient d'autre garantie que la hardiesse avec laquelle elles étaient émises. En dehors des résultats de ces épreuves dont l'utilité était certaine, maisqui restaient stériles pour la connais- sance exacte de la maladie, la plus grande confusion régnait dans les esprits, et chaque jour elle était accrue par les récits et les affirma- tions sans preuves d'une multitude de brochures et de journaux que la persistance du fléau avait fait naître dans tous les pays séricicoles. Ces écrits se comptaient par centaines. Je résolus d'adopter une ligne de conduite bien différente. Con- centrer mes observations sur un point déterminé, choisi le mieux possible, et n'en abandonner l'étude qu'après avoir établi quelques principes qui permissent d'avancer d'un pas sûr au milieu du dédale des idées préconçues, telle fut mon ambition. J'avais lu à Paris, pendant les préparatifs de mon départ, les Ouvrages de M. de Quatrefages sur la maladie des vers à soie. Un passage de son premier Mémoire avait particulièrement attiré mon attention : il s'agissait de l'existence, dans le corps des vers malades, de corpuscules microscopiques regardés par quelques auteurs comme un effet et un indice de la maladie actuelle, bien qu'une grande obs< urité régnât encore sur leur nature et la signification pratique que l'on pouvait déduire de leur présence ou de leur absence. Voici le passage auquel je fais allusion ' . Après avoir décrit certaines particularités des cellules que quelques naturalistes considèrent comme les globules du sang du ver a soie, M. de Quatrefages s'exprime ainsi : sont là bien évidemment les globules étoiles de Cornalia... Leurs pointes n'ont rien de fixe et présentent si peu de stabilité, si peu de consistance qu'elles ne se détachent jamais du globule modi- fié qui leur donne naissance. Le lissent-elles, elles ne sauraient donner naissance aux corpuscules vus par F. de Filippi, par Cornalia, retrou- vés par M. Lebert, et que j'ai également vus et ligures PL Y. Qg. \\ et i5 . 1. Qi t les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, in-4', p. 284 .tes. 56 ŒUVRES DE PASTEUR « Ces corpuscules [panlùstophyton, Lebert] sont remarquablement identiques de figure et de proportion M. Lebert assure qu'on les rencontre toujours chez tous les vers malades. Sur ce point, mes observations ne s'accordent pas avec celles de mon confrère. Plusieurs vers même fortement pébrinés, dont j'ai examiné le sang, n'en pré- sentaient aucune trace. Toutefois je suis le premier à reconnaître que, ne les cherchant pas ailleurs, ce résultat négatif ne saurait infirmer celui qu'a annoncé un naturaliste habile, et dont l'attention était dirigée d'une manière toute spéciale sur ce point. « .... M. Lebert regarde les panlùstophyton comme des crypto- games monocellulaires, et il en a décrit deux espèces distinctes. Mes observations personnelles ne me permettent pas encore de juger jusqu'à quel point cette détermination peut être fondée. Bien certaine- ment, par leur forme et leur manière de se comporter, ces corpuscules diffèrent de tous les autres éléments de l'organisme regardés comme normaux, et aussi des divers produits de la décomposition; mais l'homogénéité dont ils m'ont paru être doués, et par conséquent l'absence d'une membrane enfermant un contenu concorderaient peu avec la manière de voir du savant professeur de Zurich. Je me bornerai d'ailleurs à émettre des doutes, et renverrai le lecteur à l'ouvrage même de M. Lebert (*), et à ceux des naturalistes qui ont combattu sa manière de voir. « M. Ciccone a adressé à M. Montagne une lettre qui a été com- muniquée à l'Académie des sciences (-) et à la Société d'agriculture, et qui a pour objet l'étude spéciale des corpuscules dont je viens de parler. D'après l'auteur, les panlùstophyton ne sont pas plus des animaux que des végétaux; ils constituent un élément organique du ver à soie et se rencontrent chez les vers bien portants tout comme chez les vers malades; seulement chez ces derniers ils se multiplient parfois énormément, soit dans le sang, soit ailleurs, sans que cette multiplication puisse être regardée comme caractéristique d'aucune affection particulière. — Cette manière de voir s'accorde mieux que toute autre avec les observations de M. Filippi.... et avec les faits que je viens de rapporter; aussi suis-je disposé à la regarder comme vraie (3). » Je m'arrêtai au projet, provisoirement exclusif de tout autre, de 1. Lebert (II.). Ueber die gegenwârtig herrschende Krankheit des Insects der Seide, die degenerative Emahrungsstôrung mit Pilzbildung, Dystrophia myeetica. Berlin, 1858, in-8". 2. Ciccone (A.). Sur 1rs symptômes île la maladie des vers à soie. Comptes rendus de l'Académie des sciences. XL.I, 1855, p. 900-903. 3. Cet alinéa est la note 1, p. 287, de l'ouvrage d'A. de Quatrefages. [Xotes de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 57 l'examen (1rs questions que soulevait la présence îles corpuscules dont il s'agit. Mou premier soin l'ut d'apprendre à les reconnaître et à les dis- tinguer, dès que je fus installé dans une petite magnanerie, près d'Alais, au commencement de juin 1865. Je constatai bientôt, à la suite de toutes les personnes qui se sont occupées de leur élude, que, chez certains vers qui ne peuvent monter à la bruyère, ils existaient à pro- fusion dans la matière adipeuse placée sous la peau, ainsi que dans les organes de la soie. D'autres vers, d'apparence saine, n'en mon- traient pas du tout. Le résultat fut le même pour les chrysalides et les papillons, et fréquemment la présence abondante des corpuscules coïncidait avec un état évident d'altération des sujets soumis à l'examen microscopique. Les vers fortement tachés par ces taches noires irré- gulières qui ont fait appeler la maladie du nom de pébrine, ou de maladie de la lâche, par M. de Quatrefages, renfermaient un nombre prodigieux de corpuscules. Il en était de même le plus ordinairement des papillons à ailes recoquillées ou tachées. Chose digne de remarque et qui peut servir à montrer combien était urgente la nécessité d'études approfondies, faites avec esprit de suite, au milieu des populations intéressées, je rappellerai que les corpuscules des vers à soie étaient connus depuis 1849; que depuis 1856, MM. Cornalia i1) et Lebert ("2) les avaient qualifiés de signes visibles de la maladie régnante; qu'en 1857, le Dr Osimo (3) les avait découverts dans l'intérieur des œufs ; (pie Vittadini avait, en 1859 (4), fondé sur cette observation une méthode de distinction de la bonne et de la mau- vaise graine : néanmoins, dans ce centre séricicole par excellence de la ville d'Alais, au sein d'un département dont la fortune agricole est presque entièrement dans la culture du mûrier, personne encore n'avait vu au microscope les corpuscules déjà tant étudiés ailleurs. A peine comptait-on dans toute la France quatre ou cinq personnes qui s'en étaient occupées. J'ai déjà rappelé leurs noms, ce sont : M. Joly, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse; M. de Plagniol, maire de Chomérac (Ardèche); M. Jules de Seynes, agrégé de la Faculté de médecine de Montpellier; M. d'Arbalestier, président de la Société d'agriculture de la Drôme, et M. Ligounhe, membre de la Société d'agriculture de Montauban. 1. Corsai ia iK.i. Monografia del boihbice del gelso. Milan, 1856, in-4° (15 pi.). ■>. Leeeht (H.). Loc. cit. :;. i (simo iM i. Loc. cit. 4. Vittadini (C). Loi:, cit. iXotes de l'Édition.) 58 ŒUVRES DE PASTEUR Pendant que je poursuivais mes premières études, une circonstance remarquable vint fixer mon attention. Dans la magnanerie où j'avais installé mes observations microsco- piques, il y avait deux éducations : l'une achevée ; l'autre offrant des vers après la quatrième mue et devant, sous peu de jours, monter à la bruyère. La première chambrée provenait de graines du Japon portant l'estampille de la Société d'acclimatation, l'autre de graines japonaises de reproduction, qui avaient été fournies par un marchand du pays. La première chambrée avait très bien marché, et on commençait pour ce motif un grainage portant sur 35 kilogrammes des cocons qu'elle avait produits. La deuxième chambrée, au contraire, avait la plus mauvaise apparence Or, en examinant au microscope une multitude de chry- salides et de papillons de la chambrée qui remplissait de joie son pro- priétaire, j'y trouvai, pour ainsi dire constamment, les corpuscules dont je viens de parler, tandis que l'examen des vers de la mauvaise chambrée ne m'en offrait qu'exceptionnellement. Ces faits étaient-ils accidentels, propres seulement aux sujets des deux chambrées ? En aucune façon. A mesure que je multipliai les observations microscopiques sur des sujets d'autres éducations, ces résultats prirent un caractère de plus en plus général. Je me crus, dès lors, autorisé à affirmer qu'une chambrée peut aller très mal sans que la majorité de ses vers montrent le caractère phy- sique des corpuscules; qu'au contraire une chambrée peut aller très bien, et que presque tous ses papillons, même les plus beaux, peuvent contenir de ces mêmes corpuscules. On comprend tout l'intérêt que devait offrir l'étude des cocons de la mauvaise chambrée. Dès leur apparition, je m'empressai de les observer, et successivement à leurs divers âges, d'abord les vers pen- dant qu'ils filaient, puis les chrysalides et enfin les papillons. Parmi les vers filant leur soie, bon nombre continuaient de ne montrer ni taches ni corpuscules; mais dans les chrysalides, surtout dans les chrysalides âgées, les corpuscules étaient fréquents ; enfin, pas un seul des papillons n'en était privé, et ils y étaient à profusion. Je pensai qu'il fallait conclure de ces faits, que j'extrais textuelle- ment de ma Communication à l'Académie en 1865 ('), que ce n'est pas dans le ver qu'il faut chercher les corpuscules, indices de l'affaiblisse- 1. Voir cette Communication, p. 427-431 du présent volume : Observations sur la maladie des vers à soie. Comptes rendus de V [cadémie des sciences, séance du 25 septembre 186">, LXI, p. 506-512. Cette Communication a paru auparavant dans le Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d'Alais, n" 30, juin 1865, VI, p. 425-435. (Note de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 59 nient de l'animal, niais dans la chrysalide, dans la chrysalide à un cer- tain âye, et, mieux encore, dans le papillon. Sans doute, la constitution d'un ver peut être assez mauvaise pour que, déjà à l'état de ver, il montre abondamment les corpuscules, et qu'il ne puisse filer sa soie; mais il me paraissait que c'était là, en quelque sorte, une exception, et que, le plus souvent, les vers sont malades sans qu'il y ait de signe physique qui l'indique, qu'il en est encore de même des chrysalides dans les premiers jours de leur existence, et que le caractère de la présence des corpuscules devient un indice manifeste du mal lorsqu'on le recherche dans les chrysalides âgées et dans les papillons. Au point de vue de l'industrie, la maladie n'est redoutable qu'autant ((lie le ver est ;is>c/ affaibli pour qu'il ne puisse filer sa soie. Il impor- terait peu, à la rigueur, qu'une maladie affectât l'animal, s'il pouvait toujours faire son cocon. D'autre part, n'est-il pas logique d'admettre que le ver sera d'autant plus malade dès l'origine, et plus éloigné ultérieurement de pouvoir monter à la bruyère, qu'il proviendra d'une graine issue de parents plus chargés de corpuscules au moment de la fonction de reproduction ? En dehors du raisonnement, tous les faits m'avaient paru conduire à cette manière de voir, et j'arrivai ainsi à penser que la maladie devait être regardée comme affectant de préférence la chrysalide et le papillon, qu'en d'autres termes, c'est à cet âge de l'animal qu'elle se manifeste plus apparente, et sans doute aussi plus dangereuse pour sa postérité. Les faits et les considérations qui précèdent, exposés dans la >>'ote que je présentai au Comice agricole d'Alais, le 20 juin 1865 et à l'Aca- démie au mois de septembre de la même année ('), donnaient à l'étude de la maladie une direction nouvelle ; ils paraissaient conduire aux principes suivants : 1" On avait tort de chercher exclusivement le signe du mal, le cor- puscule, dans les œufs ou dans les vers ; les uns et les autres pouvaient porter en eux le germe de la maladie, sans offrir de corpuscules dis- tincts et visibles au microscope. 2" Le mal se développait surtout dans les chrysalides et les papillons; c'était là qu'il fallait le rechercher de préférence. 3° Il devait y avoir un moyen infaillible de se procurer une graine saine, en ayant recours à des papillons exempts de corpuscules. Je m'empressai d'appliquer ce mode nouveau d'obtenir des graines pures, malgré l'état très avancé des éducations et des grai- nages au moment où mes études m'avaient conduit à l'essayer. Mais 1. Voir p. 427-431 du i in unie. [Note de l'Édition.) 60 ŒUVRES DE PASTEUR le mal était si généralement répandu, qu'il me fallut plusieurs jours de recherches microscopiques assidues pour rencontrer, au milieu de papillons choisis, deux ou trois couples privés de corpuscules. A supposer que mes premières observations fussent exactes, ce que de nouvelles études devaient în'apprendre, je n'attendais du pro- cédé de grainage dont je viens de parler que de très faibles quantités de graine saine. Mais celle-ci, au point de vue de la connaissance de la maladie, pourrait avoir un grand prix, parce qu'elle permettrait de tenter des expériences comparatives sur des œufs sains et sur des œufs malades. En d'autres termes, le procédé de sélection auquel m'avaient conduit mes premières recherches me semblait avoir une importance plus scientifique qu'industrielle. Nous reconnaîtrons que ces premiers aperçus ont pris, avec le temps, des développements imprévus, et qu'il en est résulté une méthode de grainage aussi pra- tique qu'efficace pour combattre la pébrine et en prévenir le retour. § II. — Erreur des naturalistes italiens au sujet de la présence normale des corpuscules dans les papillons avancés en âge. La Communication dont je viens de rendre compte suscita de nom- breuses critiques. On trouva étrange que je fusse si peu au courant de la question, et on m'opposa des travaux qui avaient paru depuis long- temps en Italie, dont les résultats, disait-on, montraient l'inutilité de mes efforts et l'impossibilité d'arriver à un résultat pratique dans la direction où je m'étais engagé. Que mon ignorance fut grande au sujet des recherches sans nombre qui avaient paru depuis quinze années que durait la maladie, rien n'était plus vrai, et j'en ai dit assez les- motifs dans la Préface de cet Ouvrage, pour que je sois dispensé d'y revenir. Je me permettrai seulement, à cette occasion, de rappeler qu'après l'invitation que m'avait faite M. Dumas de m'occuper de ce- sujet, comme j'essayais de résister à ses avances en alléguant ma pro- fonde inexpérience : « Tant mieux que vous ne sachiez rien sur laques- lion, me répondit mon illustre confrère; vous n'aurez d'autres idées que celles qui vous viendront de vos propres observations. » La jus- tesse de ces paroles devait bientôt se confirmer. En effet, les natu- ralistes italiens qui s'étaient occupés de recherches sur la maladie régnante partageaient l'erreur qui avait été commise, en 1850, par leur compatriote M. Filippi, à savoir : que les corpuscules existent normalement dans les papillons sains, que ces papillons peuvent bien n'en pas offrir quand ils viennent de naître, mais qu'il suffit de les- ÉTUDES Sl'lt LA MALADIE DES VERS A SOIE 61 laisser s'avancer en âge pour t| u'ils en contiennent. Selon M. Fili|)|>i ('i, les corpuscules se formeraient par une action régressive des tissus, et, dans les vers eux-mêmes, ils naîtraient facilement par une diète prolongée, autre erreur qui avait été introduite par M. Guérin-Méne- ville, en 1849 (â). J'ai déjà mentionné l'opinion émise par M. Cornalia dans son grand ouvrage intitulé Monographie du bombyx du mûrier, publié à Milan en 1856 (3) : « On trouve, dit-il, dans le sang des vers à soie, de très petites granulations fort remarquables par leur mouvement vibratoire ou brownien. Leur forme est quelquefois spbérique, mais plus souvent oblongue; ce sont comme de petits cylindres terminés en pointe. Je suis aussi porté à croire que les prétendus globules ronds ne sont autres que ces petits cylindres vus par la base. Ils sont transparents, homogènes dans leur structure, et oscillent perpétuellement, bien qu'ils n'aient pas de cils vibratiles, ni de queue pour effectuer ce mouvement. Les vers sains et vigoureux contiennent un petit nombre de ces corpuscules, et je les regarde comme accidentels. Ils constituent une forme régressive des tissus, et c'est pourquoi on les voit se déve- lopper et devenir très abondants dans les vers affaiblis par la diète ou la maladie, et dans les papillons qui approchent de la fin de leur vie. « Cette métamorphose progressive est l'office des tubes de Mal- pighi, lesquels sont riches en corpuscules analogues à ceux que nous venons de signaler dans le sang, et cela, même dans le ver sain; ces corpuscules sont rejetés avec les excréments. Desséchés, ils ont l'aspect d'une poudre blanche. Si on l'humecte d'eau pure ou très alca- line, cette poudre renaît, pour ainsi dire, à la vie, c'est-à-dire que ces corpuscules se remettent à vibrer comme en premier lieu. « Quand nous parlerons du papillon, nous verrons que les lobules graisseux, les tissus de beaucoup de viscères, les muscles, l'intestin grêle, et surtout la grande poche du caecum en sont remplis. Le liquide brun que le papillon rejette par l'anus, à diverses reprises, est composé d'une matière pesante, d'aspect terreux, entièrement formée par ces corpuscules vibrants. » Dans une Note communiquée à l'Académie des sciences de Paris, en 1855, par le Dr Ciccone (4,1, il est dit que les corpuscules des vers à soie se rencontrent chez les vers bien portants, tout comme chez les 1. Fu.ippi (F. de). Loc. cit. 2. Guérin-Mékeville. Loc. cit. 3. Cornalia (E.). Monografia del borabice de] gelso. Milan. 1856, in-4°. 4. Ciccone (A.). Sur les symptômes de la maladie des vers à soie. Comptes rendus de i Icadémie des sciences, XLI, 1 85." . p. 900-903. (Notes de l'Édition.) 62 ŒUVRES DE PASTEUR vers malades et les papillons, et qu'ils constituent un élément orga- nique du ver à soie. Dans un des chapitres précédents, nous avons vu le Dr Vittadini affirmer « qu'on trouve constamment les corpuscules chez les papillons sains vers les derniers moments de leur vie (*) ». Enfin, en 1860, M. Cornalia, dans sa Notice ayant pour ohjet de faire connaître un moyen de distinguer la bonne graine de la mau- vaise, s'exprime de nouveau en ces termes : « Que les corpuscules puissent être un produit morbide, provenant de la diminution des forces vitales, on en aurait la preuve dans celte circonstance qu'Us se voient aussi dans les papillons avancés en âge et tout à fait sains d'ailleurs, d'abord dans les tissus, ensuite dans le sang. Cela ne me permet pas de proposer l'examen du papillon pour que l'on puisse se prononcer sur la graine; dans ce cas, de graves erreurs pourraient en résulter, chose véritablement regrettable, puisqu'on aurait ainsi un pronostic anticipé et précieux pour les fabricants de semence {-). » Telles sont quelques-unes des assertions, puisées dans les travaux de mes devanciers, que m'opposèrent mes contradicteurs, en 1865 et 1866. Certains d'entre eux allèrent même plus loin ; ils objectèrent que le professeur Cantoni avait essayé, en 1863 et 1864, de faire de la graine saine, d'après l'indication de la Note de M. Cornalia que je viens de mentionner, et qu'il avait complètement échoué dans cette tentative. C'était vrai, ainsi que je l'ai indiqué à la fin du chapitre II de l'Introduction. Dans son Rapport annuel sur l'année séricicole 1865, M. Cornalia s'associa aux critiques que ma Communication à l'Académie avait soulevées. Il objecta que mes efforts seraient vains, que les vers choisis deviendraient malades, qu'il faudrait avoir le moyen de main- tenir sains les vers de sélection, de manière que les œufs sains pussent augmenter en nombre, qu'enfin MM. Bellotti et Cantoni avaient déjà échoué dans des tentatives semblables (3). La question est jugée aujourd'hui, et je suis heureux de pouvoir ajouter que, dans l'opinion actuelle de M. Cornalia, ma publication de 1865 renfermait les premiers éléments d'une solution à la fois scientifique et pratique du problème (4). 1. Voir, p, 42 du présent volume, le passage où se trouve cette affirmation de Vittadini. 2. Cornalia (E.). Notice indiquant un moyen de distinguer sûrement la mauvaise graine de la bonne (traduite de l'italien par le D' N. Joly). Messager agricole du Midi, 1, 1860-1861 p. 323-329. (Notes de l'Édition.) 3. Cornalia (E.). [Rapporto délia Commissione nominata dall' I. 11. Istituto lombardo di scienze. Iettere ed arti per lo studio délia malattia dei bachi da seta, 1865. Milan, 1866.] i. Voir la lettre de M. Cornalia du mois de mars 1869 fp. 381-389 du présent volume]. ÉTUDES SI II LA MALADIE DES VERS A SOIE 63 Les présomptions de M. Dumas étaient donc fondées : il est des sujets qu'il vaut mieux aborder l'esprit libre d'idées préconçues et sans la connaissance des travaux qui les concernent, alors que la part n'a pas encore été faite entre les vérités et les erreurs que ces travaux renferment. J'aurais connu, en 1865, les assertions des naturalistes italiens que je viens de citer, que je n'aurais pas liésité, sans doute, a considérer comme exacts les faits signalés à diverses reprises par dis savants aussi exercés dans l'étude des vers à soie que les profes- seurs Filippi, Cornalia, Vittadini, Ciccone,.... Contrairement aux assertions de ces observateurs, nous verrons que le corpuscule est un organisme d'une nature particulière, qui ne se trouve cbez les vers, dans les chrysalides et dans les papillons, que s'il a été introduit dans le corps de l'insecte, soit par la nourriture, soit par piqûre à l'aide d'un objet qui en était recouvert. C'est donc une erreur de croire que les corpuscules soient normaux dans les vers à soie soumis à une diète prolongée, ou dans les papillons sains avancés en âge. Nous reconnaîtrons qu'il n'est pas de localité séricicole où l'on ne puisse rencontrer des éducations entières dont tout ou partie des papillons morts naturellement sont rigoureusement exempts de cor- puscules. Cette circonstance est même fréquente dans nos départe- ments de petite culture. Nous constaterons, en outre, ce fait d'une grande utilité pratique qu'on peut augmenter à volonté le nombre des chambrées placées dans ces heureuses conditions. Il sera démontré également, en ce qui concerne la présence des corpuscules dans les œufs, que jamais les papillons privés de corpuscules ne donnent lieu à un seul œuf olîrant la moindre apparence de ces petits corps, non seu- lement dans l'embrvon, mais aussi dans les vers examinés au moment de l'éclosion. Les propositions réciproques de celles qui précèdent n'ont pas moins de généralité. Toute graine qui, à l'examen microscopique, offre des corpuscules, les possède par hérédité : ils proviennent, sans exception, de l'intérieur des papillons qui ont donné naissance à cette graine. C'est à l'intérieur des œufs que se trouvent les corpuscules. Quand il en existe à leur surface, c'est qu'ils ont été souillés par les déjections de papillons corpusculeux. M. Béchamp et le Dr Brouzet, se rendant un compte inexact d'observations relatives à la présence des corpuscules à la surface des œufs dans des circonstances accidentelles, avaient admis que les cor- puscules étaient extérieurs à la graine, et que même ils pénétraient à 6'» ŒUVRES DE PASTEUR l'ordinaire clans les vers par leur peau. Ce sont ces opinions, contraires aux faits les mieux établis, qui, avant toute expérience sérieuse de leur part, avaient inspiré à ces auteurs une si grande confiance clans l'effi- cacité de l'emploi de la créosote et du nitrate d'argent pour la guérison de la pébrine. La vapeur de créosote devait tuer le corpuscule à l'exté- rieur de l'œuf, du ver, de la chrysalide. Le nitrate d'argent devait produire l'effet du sulfate de cuivre contre la carie du blé(J . Dès 1850, M. Filippi, clans le Mémoire que j'ai déjà cité (- , a reconnu que les déjections rendues par les papillons, avant ou après leur accou- plement, peuvent renfermer des corpuscules parfois en très grand nombre. La planche ci-jointe représente la matière solide en suspension dans le liquide rendu par un papillon très corpusculeux. A côté de la pous- sière des sels uriques qui troublent et colorent le liquide, on voit un très grand nombre de corpuscules. On conçoit aisément que les œufs salis par de telles déjections doivent avoir des corpuscules à la surface 1. Voici quelques citations empruntées aux publications de MM. Béchamp et Brouzet : « 1» La graine porte les corpuscules à l'extérieur; mieux on l'a lavée, moins on en trouve, si l'on vient à écraser l'ceuf pour les découvrir; « 2° Des vers, au sortir de l'œuf ou quelques heures après leur sortie, peuvent être porteurs de corpuscules; après le lavage, on peut n'en plus découvrir clans le ver écrasé; « 3° Des vers tachés de pébrine, en apparence fortement malades, peuvent ne pas contenir de corpuscules dans leurs tissus, alors qu'un simple lavage permet de les découvrir ù l'extérieur ; « 4° I^a maladie ne débute pas primitivement par le dedans, mais c'est par le dehors que le mal envahit le ver. » (Béchamp. [Recherches sur la nature de la maladie actuelle des vers à soie]. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 186G, LX1II, p. 311-313 et 391-393. — Béchamp. Sur la maladie actuelle des vers à soie. Montpellier, 1S6H, in-12.) « 1° Les graines de vers à soie de race indigène sont intrinsèquement saines, la coque de l'œuf est primitivement seule malade; par une opération fort simple et peu dispendieuse, on peut rendre saines et productives presque toutes les graines, dans les mêmes conditions qu'en chaulant le froment au sulfate de cuivre, on obtient des grains exempts de carie; « 2° Si le mal produit par contagion se manifeste pendant le cours de l'éducation, en chaulant au nitrate d'argent les vers pébrinés, on les guérit delà pébrine; « 3° En chaulant au nitrate d'argent les papillons pébrinés. la graine qu'ils pondent n'est pas corpusculeuse. » (Brouzet (G.). Nouvelles recherches sur les maladies des vers à soie. Bulletin de la Société d'agriculture du Gard, séances des 1" et 8 mars 181Î8, p. 251-286. Toutes ci'S assertions sont erronées. 11 n'y a de corpuscules à la surface des œufs que d'une manière accidentelle. Les vers, les chrysalides, dont tous les tissus sont chargés de corpuscules, ne portent pas du tout de corpuscules extérieurement; les jeunes vers qui ne sont, pour ainsi dire, que corpuscules, n'en cèdent pas à l'eau de lavage de leur peau, à moins que, par mégarde, on n'ait laissé leurs déjections se mêler à cette eau. En un mot, c'est toujours par le dedans que la maladie débute et non par le dehors, excepté dans les cas d'inoculation des corpuscules par piqûre de la larve, circonstance que j'examinerai dans un chapitre subséquent, et qui a échappé aux deux auteurs que je viens de nommer. 2. Filippi (F. de). Alcune osservazioni anatomiche e fisiologiche sugf insetti in générale ed in particolare sul bombice del gelso. Annali d. R. Academia d'agricoltura di Torino, V. 1851 (3 pi.). — Observations anatomo-physiologiques sur les insectes en général et en par- ticulier sur le ver à soie, traduites de l'italien par F. Maillot. Montpellier, 1870, 27 p., in-8° (3 pi.). [Note de l'Édition.} r. Lackeriaiier nJ «al etel DEJECTIONS DE PAPILLONS TRES CORPUSCULF.L'X IÏTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 65 de leur coque. Tel est l'accident <|ui a induit en erreur MM. Béchamp et Brouzet, qui paraissent avoir ignoré cette particularité, car ils n'en font mention dans aucune de leurs publications. § III. — Lorsque les papillons sont corpusculeu.r, les œufs qui en proviennent peuvent être exempts (h- corpuscules. Je dirai, en premier lieu, comment on recherche la présence des corpuscules dans l'insecte à ses divers âges. Les corpuscules se développent dans tous les tissus, ainsi que M. Filippi l'a annoncé le premier, en J8ô(). Lorsque nous traiterons de la propagation de ces petits corps, nous reconnaîtrons qu'ils se pré- sentent sous plusieurs aspects distincts. Ils sont brillants, à contours très accuses, presque tous semblables les uns aux autres, sans attache avec les tissus, ou du moins toujours prêts à céder au moindre effort et à se répandre par myriades dans les liquides, si l'on vient à déchirer les tissus qui les contiennent. Ils semblent être d'une homogénéité parfaite, bien qu'il soit possible d'y reconnaître un contenu ayant la forme ovale et régulière du corpuscule lui-même. Telle est la manière d'être habituelle des corpuscules. C'est celle que tout le monde con- naît. On pourrait appeler ces corpuscules, corpuscules adultes, ou mieux corpuscules vieux, car, sous cette forme, ils sont âgés, ont acquis leur complet développement, et paraissent incapables de se reproduire. Mais ils se montrent parfois sous de tout autres aspects. Ayant encore la forme et la dimension des corpuscules brillants, leurs contours sont à peine accusés; dans leur intérieur on voit, en général, une ou plusieurs vacuoles rangées suivant le grand axe du corpuscule. D'autres fois ils sont comme gélatineux, presque indistincts, engagés dans l'épaisseur des tissus qu'on dirait transformés dans la matière même des corpuscules. Ils ne sont plus libres d'aller et de venir. Sous ces dernières formes, les corpuscules ovales sont très jeunes, nais- sants : ils sont, si l'on peut s'exprimer ainsi, à l'état de germes; mais ils n'ont besoin désormais que d'un temps très court pour acquérir le brillant, la fermeté de structure et la netteté de contour des cor- puscules que je viens de nommer corpuscules vieux i1). Aussi est-il 1. Les corpuscules jeunes en voie de reproduction n'ont pas toujours la forme ovale. Ils sont souvent piri formes, comme on en voit des exemples dans plusieurs des figures de cet Ouvrage. L'auteur qui a étudié le plus patiemment les diverses variétés de forme des cor- puscules est M. Vlacovich. On consultera avec fruit, ace sujet, ses Mémoires. [Vlacûvicii (G. -P.) Annotazioni intorno ad alcune proprieta dei corpuscoli oseillanti del bombice del gelso. Atti delV I. R. Istituto veneto •>> scienze, Lettere ed art/. 3' sér., IX. 1863-1864, p. 1127-1160 el p. 1253-1250 6 flg.)]. ÉTUDES SUK LA MALADIE DES VERS A SOIF. 5 66 ŒUVRES DE PASTEUR extrêmement rare de rencontrer les corpuscules exclusivement sous les formes jeunes. Ils sont ordinairement accompagnés des corpuscules âgés, ce qui tient évidemment à la transformation rapide des cor- puscules jeunes eu corpuscules adultes. Il résulte des faits qui précèdent que, pour reconnaître la présence des corpuscules dans le ver, dans la chrysalide et dans le papillon, il n'est pas nécessaire de se donner la peine de faire une dissection soignée pour extraire tel ou tel tissu, afin de le placer sous le micro- Aspect du champ du microscope dans l'examen d'un ver 1res corpusculeux. scope, à moins qu'on ne veuille rechercher les corpuscules clans un organe plutôt que dans un autre. Il suffit de broyer l'insecte dans quelques gouttes d'eau, à l'aide d'un mortier, et de porter une goutte de la bouillie sous l'objectif du microscope. Les corpuscules adultes détachés au moment de la déchirure des tissus se montrent partout dans le liquide, ce qui n'arrive pas aux formes jeunes dont j'ai parlé. Aussi est-il rare de rencontrer celles-ci mêlées à la forme du cor- puscule brillant, tel que tout le monde le connaît. La figure de la page suivante représente des corpuscules adultes el d'autres naissants (ces derniers plus pâles et peu distincts , en place, dans une portion de ganglion nerveux que traverse une trachée. La ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 67 planche de la page 11 montre également ces deux sortes de corpuscules. Pour marquer l'état plus ou moins corpusculeux des sujets exa- minés, j'ai adopté un usage que l'on fera bien d'imiter : il consiste à se faire une idée aussi exacte que possible du nombre des corpuscules qui remplissent un des champs du microscope. Pour faciliter cette appréciation, il est bon de partager le champ par la pensée en quatre parties, puis on quadruple le nombre des corpuscules qui se trouvent Portion de ganglion nerveux, chargé de corpuscules. Corpuscules adultes et corpuscules naissants. dans un des quadrants. Bien que ce soit là un calcul fort grossier, il ii en est pas moins utile pour fixer le jugement dans la comparaison que l'on peut avoir à faire entre des lots déterminés de vers, de chry- salides et de papillons. Au bout d'un certain temps, des expressions telles que celles-ci : peu, beaucoup de corpuscules, ne représentent rien de net a l'esprit, tandis que celles de : dix corpuscules, deux cents, mille corpuscules par champ correspondent a .!<■-* conditions mieux définies. Supposons, parexemple, qu'il s'agisse du champ que repré- sente la photographie p. 66]. J'estimerais qu'il y a environ, dans chacun des quadrants do ce cercle, cent corpuscules en moyenne, 6H ŒUVRES DE PASTEUR et j'inscrirais dès lors sur mon registre, pour colle observation, le nombre 400. Quelle que soit l'erreur qu'on puisse commettre dans cette rapide appréciation, elle ne sera pas, bien certainement, de l'ordre de celles qu'on pourrait faire eu comparant, après un temps plus ou moins long, des observations qui auraient été qualifiées par les mots : beaucoup de corpuscules. La quantité d'eau qui sert à broyer le ver, la chrysalide ou le papillon, modifie nécessairement l'appréciation du nombre des cor- puscules par champ; il faut que la quantité d'eau employée soit tou- jours la même, condition qui se trouve suffisamment réalisée si l'eau qu'on ajoute n'est autre que celle qui reste naturellement dans le mortier après qu'il a été lavé et rapidement égoutté. Ces pratiques étant admises, voici comment on peut établir avec rigueur que, parmi les papillons corpusculeux appartenant à une même éducation, on en trouve presque toujours un grand nombre dont les œufs ne contiennent pas du tout de corpuscules. Faisons pour cela un grainage par couples isolés, c'est-à-dire que nous placerons chaque couple de papillons isolément dans de petites cellules numérotées; puis, après le désaccouplement et la ponte, conservons pour l'observation microscopique le mâle et la femelle dans des cornets de papier portant des numéros correspondant à ceux des cellules. Je supposerai que les deux papillons de chaque couple auront été broyés ensemble, et qu'ensuite nous avons détaché et réuni NOMBRE DE CORPUSCULES par champ pour les papillons GRAINES DE MAUVAIS ASPECT examinées par groupes de trois (*) GRAINES DE BELLE APPARENCE et bien fécondées par groupes de trois Groupes examinés Groupes corpusculeux Groupes examinés Groupes corpusculeux 0 1 à 2 5 10 50 100 150 6 6 (5 6 6 6 6 0 0 0 0 o o 4 6 12 12 18 12 12 12 12 0 0 0 0 0 6 7 (*) Pour chaque observation, on écrasait trois œufs ensemble dans une goutte d'eau sur la lame porte-objet. Puis, après avoir écarté les débris des coques et de leurs membranes sous-jacentes, on recherchait les corpuscules avec d'autant plus de soin, et dans un nombre de champs d'autant plus graud que l'on rencontrait moins de corpuscules. les œufs de toutes les pontes dont les papillons ont offert le même nombre de corpuscules par champ; enfin, nous aurons examiné au ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 69 microscope 1rs graines de tous les lots ainsi formés à la veille des éducations de l'année suivante, c'est-à-dire dix mois environ après la ponte des grailles. J'extrais de mes registres d'observations le tableau précédent portant sur la race jaune indigène, dite milanaise; l'examen a été fait le 2't mars. Les observations consignées dans ce tableau nous montrent : 1° que des papillons peuvent être corpusculeux, et leurs nmfs ne l'être pas ; 2" que le nombre des omis corpusculeux augmente généralement avec L'abondance plus ou moins grande des corpuscules dans les papil- lons pour une éducation déterminée; 3° que les graines jaunâtres, brunes, déprimées, de mauvais aspect, renferment beaucoup plus de corpuscules que les graines de belle apparence. Considérons maintenant des pontes isolées dont nous mettrons en comparaison l'examen du mâle et de la femelle qui les auront pro- duites, et celui des œufs. Je prendrai de préférence, parmi le nombre considérable de mes observations relatives à ce sujet, celles que j'ai faites dès le début de mes reclierches, en 1865 et 1866. DÉSIGNATION DES COUPLES NOMBRE de graines le la ponte Mâle. Femelle. ( F, Mâle. emelle. Mâle. Corpuscules à profusion, un peu y partout. ( Femelle. Corpuscules à des places res- ( treintes. ] I Très rares corpuscules. / Corpuscules à profusion. ( 1 Corpuscules à des places res- ) treintes. > Corpuscules à profusion. ) I Beaucoup de corpuscules. / Corpuscules à profusion. \ Beaucoup de corpuscules. ï Corpuscules nombreux, mais par > places restreintes. ) Pas de corpuscules. i Très rares corpuscules. j Corpuscules nombreux, mais à des \ places restreintes. Pas de corpuscules. ) Corpuscules à profusion. I Corpuscules à profusion. ) \ Mâle. ) Femelle Mâle. Femelle. . s Mâle. ' f Femelle Mâle. Femelle Mâle. Femelle. 608 430 506 NOMBRE des vers examinés un à un à réelosiùn 12, le premier jour. 66, les jours suivants. 27, le 27 février. 22, le 28 » 30, le 1er mars. t 36, le 2i j 26, le 21 36, le 26 février. 28 » \ 50, le premier jour. / 9, le troisième jour. 50, 50, 50, 50. 70 ŒUVRES DE PASTEUR Au mois de juin 1865, j'ai fait un grainage cellulaire avec des papil- lons provenant d'une graine japonaise d'importation directe, livrée par la Société d'acclimatation, et élevée à Salindres, près Alais. L'exa- men microscopique n'avait pas été pratiqué suivant les indications données précédemment. Je découpais avec des ciseaux fins, sur le papillon, une portion de peau que je renversais sur la lame de verre pour en séparer le tissu adipeux et musculaire. C'est celui-ci que j'exa- minais au microscope. Lorsque j'apercevais çà et là, dans les tissus, des amas de corpuscules, ou que ceux-ci nageaient très nombreux dans les liquides de l'insecte, je notais : corpuscules à profusion. Si j'étais obligé de chercher les corpuscules en parcourant un grand nombre de champs, je notais : très peu de corpuscules... Ces indica- tions sont assurément très vagues; mais je débutais dans ce genre d'études, marchant un peu à l'aventure, et sans autre but que de me procurer des (déments de recherches pour l'année suivante, en faisant porter celles-ci particulièrement, ainsi que je l'ai expliqué ailleurs, sur des graines appartenant, les unes à des papillons privés de cor- puscules, les autres à des papillons plus ou moins corpusculeux. Dans tous ces vers, on n'a pas rencontré trace de corpuscules. Il en a été de même pour les œufs qui n'avaient pu éclore, et dont on a examiné aussi, un à un, un grand nombre. Les deux tableaux qui suivent [p. 71 et 72] contiennent des obser- vations non moins probantes se rapportant, les premières, à diverses pontes isolées, les autres, à des papillons d'un grainage non cellulaire et à la graine correspondante. C'est par des observations de cette nature qu'on peut se rendre facilement compte de cette circonstance curieuse, que, dans certains grainages, tous ou presque tous les papillons sont plus ou moins chargés de corpuscules, tandis que la graine examinée l'année sui- vante se montre très peu corpusculeuse. On voit ici toute la différence qui peut exister entre l'état corpus- culeux des papillons et celui des œufs qui en proviennent. Bien que la grande majorité des papillons de ce dernier grainage fussent cor- pusculeux, aucun des œufs de bon aspect n'a offert de corpuscules. Notons pourtant que l'examen des œufs a eu lieu à la fin de février. S'il eût été fait à une époque plus voisine de l'éclosion, mieux encore sur des vers éclos, la proportion des sujets corpusculeux eût été trouvée un peu plus forte, car la détermination du nombre des œufs corpus- culeux dans une graine, par la méthode italienne, donne des résultats variables avec l'époque de l'examen. La proportion apparente des sujets corpusculeux s'élève au fur et à mesure qu'on s'éloigne de ETUDES SUR LA MALADIF. DES VERS A SOIE 71 a o O K « -2 o m C0 0 O) Vf <0 to = -r M S > M X en ■f. S S 0 S > d 2 3 d s Z 3 3 3 CM rg 3 3 ri c^ a ^ -S -rt eu > *s -rt -fS tu -2 -a ■< a - 3 « QJ z: 3 S X •yi x .-: 3 3 4J _2 0 3 3 3 0) 0 — ta 99 Û4 X X X eu a. u U 3 '-. U 3 3 — O ~ 0) 0) tu 0 0 > S] > > u QC bD bC cm CM 00 CM CM "r- ^ ro CU «H «H *r-< tfi r^ ' 0 u DQ o "H _ (O O O ro CM O Eq 5 » — CD - 30 _x -J. LJ X q — - 3 D - s 3 3 s S z = 3 3 Z CM 3 3 3 3 3 ■n •ed -^ OJ ■ri -^ -.■3 -S ■d < 5 X a 0 3 a p 3 S 3 3 x 3 en x 09 eu X 3 X 3 X 3 CD 3 y] «m 3 3 *3 3 3 3 3 S 3 8 8 H 0 8 8 8 8 8 X ce OC bC oc 0 00 00 00 TTH ^H ■■£> rH ro O O 0 0 O O o o O o 0 0 O O O O O 0 ifï o ifl o 0 O O 0 ^ O 0 O ifi m ^H !M co ce CM «rH c^ 2 o E a œ o = =J Ja a a, o o ^ u fc § cd ■ u • OJ ■ CJ • eu • O • tU • OJ • . >> QG a, es Z 3 3 H " — ES o 0) 3 — rt ■rt .t ->- "Q "S ~s ? < -^ - ■c -^ ■-* ^~ s Z eu X S ed X V 3 cd 72 ŒUVRES DE PASTEUR EXAMEN NOMBRE EXAMEN DES ŒUFS NOMBRE des papillons de corpuscules les 27 et 2S février 1807 de corpuscules (race verte du Japon) par champ par champ 1 1 10 Œufs de belle ap- parence. On en ' 1 Pas du tout de cor- 2 II 1 3 30 examine 180 par ( puscules dans au- 4 20 groupes de 10. cun des groupes. 5 50 6 30 7 300 ŒUFS 8 100 de mauvaise appareuce examinés un à un 9 0 10 150 1 0 11 200 2 10 1 12 20 3 0 J 13 30 4 0 100 5 0 1 15 0 6 0 16 0 7 0 17 0 8 0 18 200 9 0 19 5 10 0 20 100 11 0 21 40 12 0 22 80 13 0 23 100 14 0 24 300 15 0 25 100 16 0 1 26 200 17 3 18 0 / 1 60 19 0 2 1 000 20 4 3 500 21 0 4 200 22 0 5 20 23 5 6 500 24 0 n 0 25 2 8 30 26 0 9 10 27 0 10 70 28 5 11 0 29 0 12 0 30 0 J 13 h EMELLES . . . / ,, 200 30 Us 500 16 50 17 300 18 80 19 500 20 20 21 0 22 0 23 5 24 0 25 150 1 26 0 ÉTUDES SUR LA MAI. ADN' DES VERS A SOIE 73 l'époque de la ponte: le maximum existe pour les œufs à l'incubation ayant déjà changé de teinle, el pour les vers éclos. Ce fait est facile à expliquer, si l'on tientcompte de la méthode d'examen; il est clair que si. dans un œuf, il n'existe qu'un ou deux corpuscules, la chance de les rencontrer dans le contenu de l'œuf broyé délayé dans une petite quantité d'eau est tellement faible que, le plus souvent, ils échappe- ront à l'observation. Or, il est bien certain que les corpuscules ne se multiplient pour ainsi dire pas dans les œufs, lant que l'embryon n'a pas commencé son évolution. A l'incubation, au contraire, la multi- plication des corpuscules se fait avec une rapidité et une intensité extraordinaires. On peut résumer les faits qui ont été exposés dans ce paragraphe en disant qu'il existe deux sortes bien distinctes de graines non cor- pusculeuses : les unes proviennent de papillons non corpusculeux, les autres de papillons qui le sont à un degré plus ou moins marqué. Ce résultat infirme à certains égards la valeur de la méthode d'examen microscopique des œufs pour en reconnaître la qualité. On ne peut douter que des œufs non corpusculeux issus de parents chargés de corpuscules soient, toutes choses égales, inférieurs en qualité à des . pusculeuses. 4 . 1 000 Sur 6 groupes de 10, 4. 1 000 » Sur6 groupes de 10, 5 . 500 » 4 corpusculeux. 0. 1 500 6 corpusculeux. 6. 2 000 » Echec absolu en 6. 400 » Echec absolu en 7 . 200 » 1867. 7. 400 » 1867. 8. 1000 » 8. 1 500 » 9. 1500 » 9. 1 000 » 10. 500 » 10. 300 » GRAINAGE DE M. CALMETTE iRAINAI ',E DE M. BRUGEROIXES portant sur 2 kilogrammes et demi de cocons portant sur 1 kilogramme de cocons blancs d'une grame a cocons blancs de la Cûte-d'Or de la Côte-d'Or Examec des papillons Examen des graines Examen des papillons Examen des graines 1. 30 corp. Sur 10 examinées 1. 400 corp. Sur 10 examinées 2. 300 » une à une, 0 cor- 9 300 » une à une, 1 cor- 3. 2 000 >. pusculeuse. 3. 200 » pusculeuse. 4. 500 .. Sur 6 groupes de 10, 4. 300 » Sur6 groupes de 10, 5. 100 » 1 corpusculeux. 5. 100 » 1 corpusculeux. 6. 400 >» Échec absolu en 6. 500 » Echec absolu en 7. 1 000 » 1867. 7. 600 » 1867. 8. 200 » 8. 300 » 9. 300 » 9. 200 » 10. 200 » 10. 250 » GBA.INA.GE HE M. BOISSIER GRAINAGE DE M"'* CARRIÈRE portant sur 1 kilogramme et demi d'une deuxième portant sur 7 kilogrammes et demi de cocons, reproductioi de japonais à cocons verts race japonaise verte Examen des pap liions Examen des graines Examen des papillons Examen des graines 1. 50 corp. Sur 10 examinées 1. 400 corp. Sur 10 examinées 0 400 » une à une, 1 cor- 9 150 » une à une, 0 cor- 3. 200 » pusculeuse. o . 300 » pusculeuse. 4. 300 » Sur6 groupes de 10, 4 . 100 » Sui'6 groupes de 10, 5. 100 » 1 corpusculeux. 5 . 200 » 3 corpusculeux. 6. 300 » L'éducation a four- 6. 800 » L'éducation a four- 7. 800 » ni en 1867 15 kg. 7. 300 .. ni en 1867 15 kg. H 1000 » de cocons pour 8. 50 » de cocons pour 9. 600 » 25 gr. de graine. 9. 200 25 gr. de graine. 10. 500 " 10. 100 » ETUDES SI 11 LA MALADIE DES VERS A SOIE 85 GRAIN v.l DE M. DADRE GRAINAGE DE \ . DE HOUSQUET portant s kiloeramme de eoc.iis jaunes, race du pays portant sur des cocons jaunes, race uu pays Examen -les papillons Examen des graines Examen les papillons Examen des graines 1. 15 corp. Sur 10 examinées 1. 100 corp. Sur 10 examinées 2. 30 » une à une, 3 cor- 2. 250 .. une à une, 6 cor- 3. 600 >. pusculeuses. 3. 300 .. pusculeuses. 4. 800 ». Sur 6 groupes de 10, 4 . 200 ». Sur 6 groupes de 10, 5. 200 » 1 corpusculeux. 0 . 500 ». 5 corpusculeux. 6. 200 .. La graine n'a pas 6. 500 .. La graine n'a pas 7. 50 » été élevée. — 200 » été élevée. 8. 500 >, 8 300 9. 600 ». 9. 200 >» 10. 30 .. 10. 400 ». GRAINAGE DE M1"" GAI. METTE GRAINAGE DE Mmc DADRE portant sur 1 kilogramme de cocons blancs portant sur un lemi-kilogramme de la Cute-d'Or de cocons jaunes Examen des papillons Examen des graines E xamen des papillons Examen des graines 1 10 corp. Sur 10 examinées 1 500 corp. La graine n'a pas •> 200 >. une à une, 0 cor- 2 800 », été examinée. 3 150 ». pusculeuse. 3 400 » Echec en 1867. i 800 >. Sur6groupes de 10, 'i 500 >» 5 200 » 1 corpusculeux. 0 100 » 6 800 .. Echec en 1867. 6 200 », ~ 300 .» ~ 400 » 8 ',011 il 400 », 1.1 100 >. GRAINAGE DE M"» CARRIÈRE GRAINAGE DE M . DE HOUSQUET portant sur des cocons jaunes provenant portant sur des cocons titanes japonais d'un carton du Japon Examen des papillons Examen des graines Examen des papillons Examen des graines 1. 100 corp. La graine n'a pas I 800 corp. Sur 10 examinées 2. 100 ,, été examinée. 2 500 une à une, 2 cor- 3. 50 ,» Elle était bivoltine, 3 200 » pusculeuses. 4. 500 », et a éclos en 1866. 4 50 „ Sur6 groupes de 10, 5 . 200 » 0 800 », 6 corpusculeux. 6. 500 » 6 500 », 3 7 grammes de 7 . 300 » 7 200 ». graine ont fourni ■s. 400 », 8 150 » en 1867 3 kilo- 9. 500 ,» 9 200 ». grammes de co- 10. 600 » 10 150 » cons. Telle a été l'effrayante proportion de corpuscules dans tous ces grainages faits à Saint-Hippolyte en L866, et dont j'avais condamné par 86 ŒUVRES DE PASTEUR avance les graines qu'ils ont fournies. Par contre, voici le tableau de l'examen de cent des papillons du grainage qui a produit la graine élevée à Sauve, en 1867, par les soins du Comice du Vigan, et qui a fourni 46^ kilogrammes de cocons pour une once de 25 grammes. GRAINAGE PROVENANT DE COCONS RÉCOLTÉS DANS i/AUDE, département de petite culture Graine élevée :i Sauve en 1867, par le Comice du Vigan Examen des papillons Nombre de corpuscules par champ 1. 2. 3. 4. 5. 99. 100. 0 0 0 0 0 0 0 On peut se convaincre, par la lecture de ces tableaux, que plusieurs des graines produites dans ces grainages très corpusculeux contenaient elles-mêmes peu de corpuscules et que, néanmoins, elles ont échoué comme les autres, sans doute par la flacherie résultant de l'affaiblis- sement de vers issus de tels reproducteurs. Que de désastres n'aurait- on pas conjurés à Saint-Hippolyte, en 1867, par l'application de la méthode d'examen des papillons, outre l'avantage qu'on aurait retiré de la livraison à la filature de ces cocons, qui n'étaient mauvais que pour la reproduction ! J'ai pensé qu'un des meilleurs critériums de la diffusion actuelle de la maladie corpusculaire consisterait dans l'étude des graines livrées annuellement aux établissements d'essais précoces. Ces graines repré- sentent d'une manière assez fidèle la nature, la qualité, les origines diverses de toutes celles qui alimentent les éducations de la contrée où fonctionne ce genre d'établissements. En conséquence, si, pour une année quelconque depuis l'époque de la maladie régnante, je prouve que les graines de ces établis- sements sont en majorité corpusculeuses, j'aurai démontré par là même que, cette année-là, une multitude de chambrées ont eu à souffrir de la pébrine. On sait d'ailleurs que les marchands de graines ne placent aux essais précoces que les lots sur la réussite desquels ils comptent le plus, parce que les résultats des essais sont généralement ÉTUDES Sl'lî LA MALADIE DES VERS A SON S7 destinés par eux à servir de montre pour la vente de leurs graines. En 1867, j'ai eu recours à l'obligeance de MM. Jouve et Méritan, Jeanjean et de Rodez, directeurs des établissements d'essais précoces de Cavaillon (Vaucluse), de Saint-Hippolyte (Gard) et Ganges (Hérault), a l'effet d'obtenir ce qu'on nomme les couvailles des différents lots de graines, qui avaient été élevées clans les serres dont je parle. Les résultats généraux de l'examen microscopique ayant été du même ordre pour les trois établissements, je me bornerai à faire connaître ceux qui correspondent à la serre de Saint-Hippolyte. NUMKBO de l'essai 4. 5. 6. s' 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 44. 46. 47. 48. 49. rilôVENANCE Indigène. Basses-Pyrénées Basses-Pyrénées Basses-Pyrénées Var Var Aveyron. Aveyron Puy-de-Dôme Puy-de-Dôme Cher Corrèze Reproduction japonaise (blancs Aveyron. Indigène Lot Indigène Indigène Aveyron. Aveyron. Graine dite des Alpes .... Servie Carton japonais Annecy Côte-d'Or Montpellier Montpellier Indigène Grenoble Allemagne. Etranger (race à 3 muesl . . . Carton japonais Durfort Indigène Basses-Pyrénées Indigène Aveyron Reproduction japonaise. . . . Indigène Reproduction japonaise. Reproduction japonaise. . . . Vitteaux iCôte-d'Orl .... NOMBRE NOMBRE l'œuf s corpusculeux, sur 10, examinés de groupes corpusculeux, sur 6 groupes de 10 (vers desséchés, graines non écloses} morts à 1 éclosion) 2 5 4 1 6 6 2 5 4 6 1 4 3 6 5 6 1 0 2 2 1 3 6 2 3 5 4 6 2 1 2 0 1 6 2 0 0 0 0 3 4 6 0 3 4 5 1 6 0 0 1 1 4 2 4 6 5 1 0 4 2 5 10 ,, 0 3 0 4 1 3 1 5 5 fi 0 1 0 4 i ]> 5 6 4 4 88 ŒUVRES DE PASTEUR NUMÉRO île l'essai 50: 51. 52. 53. 5'.. 55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62. 63. 66. 67. 68. 69. PROVENANCE Reproduction japonaise. . . Carton japonais Carton japonais Alais Hérault Reproduction japonaise. . . Indigène Reproduction japonaise (verts Reproduction japonaise. . . Indigène Aveyron Porlugal Portugal Portugal Indigène Carton japonais Carton japonais Servie NOMBRE d'œufs eorpusculeux, sur 10, examinés un à un (graines non écloses) NOMBRE de groupes eorpusculeux, sur 6 groupes de 10 (vers desséchés, morts à réclusion) Dans tout ce qui précède, je nie suis borné à parler du corpuscule comme d'un organisme dont la présence est multipliée à l'infini dans nos éducations. J'ai évité de dire qu'on doit attribuer à ce parasite une grande partie des désastres de la sériciculture. Je voulais amener le lecteur à préjuger lui-même la relation qui doit exister entre le fléau actuel et une maladie aussi développée que celle qui nous occupe. N'est-il pas sensible qu'un parasite, qu'on rencontre en si grande abondance dans les graines qui servent aux éducations industrielles depuis vingt ans, suffit à rendre compte d'une multitude des insuccès qu'éprouvent chaque année les malheureux éducateurs de vers à soie? Est-il besoin de chercher au fléau des causes mystérieuses, de supposer qu'une sorte de choléra des vers à soie est venu fondre sur nos dépar- tements séricicoles, ou de croire a une maladie occulte de la feuille du mûrier? D'ailleurs, je reviendrai sur toutes ces questions, mais, pour le moment, tenons nous-en à notre parasite. Toutefois, comme il est avéré par les faits et les observations que j'exposerai ultérieu- rement au sujet de l'ancienneté de la maladie corpusculaire que celle- ci est inhérente aux éducations de tous les pays séricicoles, il importe extrêmement de comparer, sous le rapport de l'abondance des cor- puscules, les pays que l'on appelle sains avec ceux où sévit le mal actuel. Il nous sera facile de nous convaincre qu'il existe une différence notable entre les semences confectionnées en France, et celles que ÉTUDES SUR LA MALADIE DI.S VI-: KS A SOIE 89 nous tirons de contrées séricicoles prospères. A eet égard, le Japon mérite particulièrement de fixer mitre attention. J'ai donné dans ce chapitre assez, d'observations microscopiques sur nos graines indi- gènes pour èlre dispensé d'y revenir. On a pu s'assurer de l'état généralement très corpusculeux de ces graines, dont les échecs sont chaque année si nombreux. Par contre, voici un tableau d'observations portant sur des cartons japonais importés en France. Ces cartons ont été prélevés sans choix sur un nombre considérable des cartons dits du Taïcoun, dont le Japon avait fait don à l'Empereur en I8GG. EXAMEN DES ŒUFS EXAMEN DES CEUFS DÉSIGNATION de mauvaise apparence de belle ipparence ' ~ -~ Nombre Nombre Nombre Nombre d'œufs examinés de corpusculeux d'œufs examinés de corpusculeux Blancs . . . 13 0 21) 0 Blancs 8 0 25 0 3 0 30 0 4 0 29 1) 8 0 25 0 8 0 25 II Blancs . . . 8 0 25 0 » 16 0 27 0 » 8 0 '.0 0 » .S 0 25 II Blancs . 3 1 30 II Blancs 8 1 25 II Blancs 3 1 30 II 8 1 25 II » 10 3 72 0 8 1 25 0 Que l'on compare l'état corpusculeux de ces graines et celui des semences indigènes que nous avons précédemment étudiées, celles, par exemple, du tableau des essais précoces de Saint-Hippolyte en 1867, et on sera frappé de la différence considérable qui existe entre ces divers lots. La faible proportion des sujets corpusculeux clans les éducations du Japon, comparée à celle de la France, ressortira plus clairement encore des observations suivantes faites sur des papillons d'origine japonaise. En 1866, le ministre de l'Agriculture voulut bien, sur ma demande, faire venir directement du Japon des échantillons de vers, de chrysa- lides et de papillons prélevés dans les chambrées japonaises. Le soin de cet envoi fut confié par notre consul au Japon, M. Léon lîoche, que chacun se plaît à louer des services qu'il a rendus à la sériciculture, à 90 ŒUVRES DE PASTEUR un négociant italien, fixé au Japon, M. Dell'Oro, honorablement connu par la traduction cpu'il a donnée d'un ouvrage primitivement écrit en langue japonaise sur l'éducation des vers à soie (/). La précieuse col- lection m'arriva au commencement de l'année 1867. Parmi les bocaux remplis de papillons il y en avait un portant pour étiquette : papillons de douze éducations différentes. Voici le tableau de l'examen micro- scopique des trente premiers papillons observés, retirés sans choix du bocal : NUMÉRO NOMBRE NUMÉRO NOMBRE NUMÉRO NOMBRE d'ordre de corpuscules par champ d'ordre de corpuscules par champ d'ordre de corpuscules par champ 1. 0 11. 50 21. 0 2. 0 12. 0 22. 0 3. 0 13. 0 23. 0 4. 0 14. 0 24. 0 5. 20 15. 5 25. 0 6. 0 16. 0 26. 0 7. 0 17. 0 27. 0 8. 0 18. 0 28. 0 9. 0 19. 0 29. 0 10. 20 20. 0 30. 0 Il suffit de mettre en regard ces papillons de douze grainages faits au Japon en 186(> avec ceux des quatorze grainages dont j'ai rendu compte, effectués à Saint- Hippolyle (Gard) dans cette même année 1866, pour se convaincre du développement extraordinaire que la maladie des corpuscules a pris en France. Que l'on fasse toutes les hypothèses qu'on voudra sur les causes qui ont pu amener les désastres de la sériciculture, il n'en restera pas moins établi, par toutes les observations qui précèdent, que dans les contrées où sévit l'épizootie il existe un parasite infiniment plus mul- tiplié que dans les pays où règne encore la prospérité de l'industrie de la soie et qui ont le privilège d'avoir des semences généralement très saines. Ce que nous venons de dire de la France comparée au Japon s'ap- plique plus particulièrement à nos départements de grande culture, tels que le (Jard, la Drôme, l'Ardèche ; mais il est loin d'en être de même pour ceux où la culture du mûrier est peu développée et où l'éducation des vers à soie ne peut compter comme une des bran- 1. Par Ouekaki-Morikouni. Le texte italien de Dell'Oro a été traduit en français par L.-N. Pégoul : De l'éducation des vers à soie au Japon. Saint- Marcellin, 1866, 48 p. in-8°. [Note de l'Édition.) ÉTUDES SI 1! LA MALADIE DES VERS A SOIE 91 ches de l'industrie agricole. Dans ces derniers départements, dont le nombre ne s'élève pas à moins de trente ou trente-cinq, on retrouve, à très peu près, souvent même améliorée, la situation qui est propre au Japon. 11 est tel de ces départements où le plus habile micrographe aurait eu peine, dans ces dernières années, et pour toutes les éduca- tions, à rencontrer quelques sujets corpusculeux. Je citerai, par exemple, le Cantal et le Puy-de-Dôme. Aussi tous nos départements de petite culture ont eu, depuis vingt années que dure le fléau, le privilège de fournir des graines excellentes. On a importé tour à tour clans les départements de grande culture, où elles produisaient de magnifiques récoltes, des graines confectionnées dans la Côte-d'Or, l'Yonne, la Saône-et-Loire, le Cher, l'Indre-et-Loire, le Cantal, le Puy- de-Dôme, la Corrèze, le Lot, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne, le Gers, le Tarn, les Pyrénées- Orientales, l'Aude, quelques localités de l'Hérault, les Hautes et Basses-Alpes. Aujourd'hui encore on vante certaines semences provenant de ces divers départements. Toutefois, on peut assurer qu'il n'est peut-être pas un seul des éducateurs, dans tous les lieux que je viens de nommer, qui ait su conserver la pureté de sa graine. Après avoir réussi à la reproduire toujours saine pen- dant plusieurs années consécutives, ils ont eu la douleur de la voir manifester, soit chez eux, soit surtout dans les départements de grande culture, l'existence de la maladie régnante; en d'autres termes, les éducations des pays de petite culture n'ont pu se maintenir indé- finiment propres à la reproduction, chez un même éducateur. Cette terminaison fatale s'annonce le plus souvent, j'en donnerai les preuves les plus péremptoires, par la présence dans les grainages successifs d'un nombre toujours croissant de papillons corpusculeux. Je me bornerai pour le moment à un exemple particulier, mais fort curieux par les circonstances qui l'ont entouré et par les commentaires auxquels il a donné lieu. Il est relatif à une graine de la Corse devenue célèbre sous le nom de graine de Mme Rocca-Serra, dont voici l'histoire d'après des documents authentiques. Dans un Rapport lu à la Société d'agriculture de Bastia en 1865, M. Limperani, président de celte Société, s'exprime ainsi (*) : « J'ai eu plusieurs fois l'occasion d'appeler l'attention de la Société sur les résultats si dignes de remarque obtenus depuis plusieurs années sans interruption par des sériciculteurs italiens dans la magna- nerie de Mmc Rocca-Serra à Porto-Vecchio. Pendant qu'une affreuse épidémie s'obstinait à sévir sur les races de vers à soie de l'ancien 1. Voir l'Observateur de la Corse, numéro du vendredi 11 août 18fi5. 92 ŒUVRES DE PASTEUR monde et désolait de nombreuses contrées, les vers à soie obtenus à l'une des extrémités de l'île, à Porto-Vecchio, se conservaient exempts de toute contagion, donnaient un rendement égal à celui des meilleures récoltes d'autrefois et produisaient une graine qui avait la faculté de se reproduire, du moins dans la localité, sans qu'on eût jamais remarqué dans les transformations successives la moindre dégéné- rescence. » Un pareil succès ne pouvait manquer de stimuler le zèle des séri- ciculteurs italiens dont parle M. Limperani. Dès 1863, ils avaient passé un contrat de sept ans avec M"10 Rocca-Serra pour se faire réserver tous les produits de sa magnanerie; puis, reconnaissant que la graine Rocca-Serra donnait d'aussi bonnes récoltes dans d'autres parties de la Corse qu'à Porto-Vecchio, cette Compagnie italienne prit des arrangements avec presque tous les propriétaires de mûriers de l'île. Les succès de ces chambrées, toujours d'après le Rapport [les Rapports] de M. Limperani, furent très remarquables en 1863, 1864r 1865 et 1866 (»). « La graine Rocca-Serra, poursuit M. Limperani [dans- son Rapport de 1865], n'a pas tardé à acquérir en Italie la célébrité qu'elle méritait à tous égards; elle y est vendue à des prix inouïs et vous avez pu vous en faire une idée lorsque dans mon Rapport du 30 décembre dernier (1864) je vous citais ce fait significatif, que la Compagnie italienne payait à M"u' Rocca-Serra, à raison de 45 francs le kilogramme, la part de cocons qui lui revenait dans le produit de sa magnanerie. » Dans un Rapport adressé au ministre de l'Agriculture par M. Guérin-Méneville et reproduit dans le Journal de l'agriculture de M. Barrai (numéro du 5 avril 1868) [*], ce sériciculteur affirme, d'après les assurances qui lui ont été données en Corse, que la Compagnie italienne a confectionné dans ce département, en 1866, plus de douze mille onces de graine et réalisé sur la vente un bénéfice net de plus de 300.000 francs. Dans ce même Rapport, M. Guérin-Méneville s'extasie sur la beauté des vers de Mme Rocca-Serra au moment où il les inspecta en 1867. Ils étaient, dit-il, sortis du quatrième sommeil et magnifiques de santé et d'aspect. Dans les litières, il ne trouva aucun ver malade ou mort, ni aucune moisissure (3). M. Guérin- 1. Voir aussi Limpekani. Sériciculture de la Corse. (Rapport à la Société d'agriculture de Bastia.) Journal d'agriculture pratique, 1866, II, p. 99-101. 2. Guérin-Méneville. Observations de sériciculture faites en 1867 dans les départements du Sud-Est, de l'Est et du Nord-Est de la France. Journal de l'agriculture, 1868, II, p. 38-59. \Xotes de l'Édition.) 3. Ces assertions de M. Guérin-Méneville sont reproduites dans le Rapport au Sénat de M. le comte de Casablanca (séance du 28 juillet 1868). [Voir p. 320-327 du présent volume.] ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VEHS A SOIE 93 Méneville a admiré également la beauté des mûriers de Mm0 Rocca- Serra; il n'a vu sur leurs feuilles aucune trace de maladie. Eh bien, cette graine fameuse est aujourd'hui corpusculeuse au plus haut degré. Les éducations qui vont être faites cette année (ces lignes sont écrites au mois d'avril 1869) périront toutes par la maladie des corpuscules. Voici un examen microscopique de la graine produite l'an dernier par l'éducation de Mœe Rocca-Serra à Porto-Vecchio : GRAIN K DE M™ ROCCA-SERRA, A PORTO-VECCHIO Œufs examinés ensemble Nombre de corpuscules par c ïamp 3 30 3 20 3 50 3 4 3 80 3 0 3 3 3 20 3 0 3 50 3 60 3 0 3 20 3 30 3 10 3 0 3 3 3 2 L'échantillon qui a servi à ces observations a été remis à M. Maillot (*) par M. de Casabianca, président de Chambre à la Cour il nu des vers d'une éducation quel- conque, au moment de la montée à la bruyère, il vous sera impossible, pour ainsi dire, d'en trouver un seul qui ne soit pas taché. Si vous le croyez intact, laissez-le s'enfermer dans son cocon pour l'examiner avant qu'il devienne chrysalide, ou demoiselle suivant l'expression vul- gaire. Toujours vous lui trouverez des taches. Au contraire, s'il a été élevé isolément depuis sa sortie de la quatrième mue, même à ce moment de l'état de demoiselle où la blancheur de la peau et son état gonflé rendent les taches plus visibles, il vous sera impossible d'en apercevoir aucune. La planche des chrysalides qui est insérée dans un des chapitres relatifs à la maladie des morts-flats [p. 210] représente en B un ver demoiselle très sain, prêt à se chrysalider. Il est couvert de ces taches de blessures dont je parle, qui sont propres à tous les vers des grandes éducations. 11 existe, au contraire, une autre sorte de taches parfaitement en nom de muscardine. Annales ih's sciences naturelles, ',!" sér , VIII (Zool. . 1837, p. 229-243 ;2 pi.)-] ÉTUDES SUR I \ MU.UUi: DES VERS V SOIE. 7 98 ŒUVRES DE PASTEUR rapport avec la maladie des corpuscules, car elles sont toujours l'effet du développement intérieur de ces petits corps : jamais elles ne pré- cèdent leur apparition. En d'autres termes, les corpuscules sont la cause prochaine de cette nature de taches, qui sont bien moins fré- quentes que celles de blessures. Ce sont les vraies taches de la pébrine. Elles n'existent que chez les vers réellement malades. Les taches de la première espèce se voient, au contraire, sur ces derniers comme sur ceux qui sont très sains. On pourrait les appeler les fausses taches. Mais, le plus souvent, les taches de piqûres sont plus petites que celles qui naissent de la présence des corpuscules, excepté chez certains vers corpusculeux qui se blessent plus facilement que les vers bien portants. Les taches de blessures ne sont pas non plus entourées, comme les autres, d'une auréole particulière, bien visible dans la figure de la page 24 (4). Prenez de très bons vers, exempts de toute maladie, au sortir de la première mue, et donnez-leur un repas de feuille corpusculeuse, c'est-à-dire que vous aurez passé sur toute la surface de la feuille un pinceau trempé clans un peu d'eau où vous aurez broyé un ver à soie corpusculeux. Tous les vers prendront la maladie des corpuscules, dont il sera facile de suivre le développement au microscope les jours suivants. Elle commence par la tunique interne du canal intestinal ; toutefois, pendant longtemps il serait impossible de s'apercevoir le moins du monde, à l'observation extérieure des vers, qu'ils sont en proie à un mal intérieur. Alors même que la contagion a lieu au pre- mier repas après la première mue, les vers arrivent à la seconde mue avec le même ensemble que les vers d'un lot témoin qui n'aura pas été contagionné. Cette seconde mue s'accomplit sans éprouver de retard, ce qui est la preuve que les vers ont pris la même quantité de nourri- ture que si le parasite n'eût pas été présent. Les choses continuent encore pendant plusieurs jours avec ces caractères. La troisième mue elle-même peut se faire sans qu'on aperçoive une différence sensible entre le lot contagionné et le lot témoin. Mais, bientôt après, des changements profonds se manifestent. Jusque-là les corpuscules ne s'étaient montrés que dans les tuniques de l'intestin ; on les voit maintenant apparaître dans les autres organes. Pendant la mue, leur 1. On trouvera dans une des planches [PI. III] qui accompagnent les « Études sur les maladies actuelles du ver à soie » de M. de Quatrefages (Paris, 1859), une figure coloriée [iig. 27] qui représente, à un fort grossissement, l'auréole dont il s'agit. Dans certains cas tout particuliers et très rares, il m'est arrivé de voir des vers couverts, sur toute la surface de leur peau, de petites taches brunes. C'était comme un pointillé. Ces taches correspondaient à une affection particulière que je ne saurais définir, mais sans rapport avec la maladie des corpuscules. Ce fait est extrêmement rare. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 99 propagation a été plus marquée. Enfin, dès le deuxième jour après que la troisième mue est achevée, c'est-à-dire le douzième jour depuis la contagion, une inégalité 1res sensible se montre parmi les vers cou- tagionnés, et il est visible que ceux du lot témoin sont beaucoup mieux portants: mais, ce qui est surtout digne de remarque, c'est qu'en regardant à la loupe les vers contagionnés, presque tous portent sur la tète et sur les anneaux une multitude de très petites taches qui, jusque-là, n'avaient pas encore apparu. Ce n'est pas qu'il y ait déjà sous la peau présence de corpuscules; leur marche du centre à la circonférence n'a pas encore atteint les organes les plus externes. 11 paraît dès lors évident que les taches se montrent sur la peau exté- rieure lorsque la peau intérieure du canal intestinal, si je puis m'exprimer ainsi, offre des corpuscules en suffisante quantité pour entraver les fonctions digeslives et diminuer sensiblement la nourri- ture ingérée et assimilée, circonstance qui se traduit extérieurement par l'inégalité des vers. Il est impossible, à cette occasion, de ne pas faire la remarque que certaines maladies humaines donnent lieu à des taches sur la peau, Lorsque le canal intestinal est sous l'influence de diverses altérations. Ce n'est pas la seule observation applicable à la pathologie humaine que les expériences exposées dans cet Ouvrage pourront suggérer à des esprits bien préparés. J'ai répété souvent ces curieuses expériences, dans des conditions variées ; elles ont toujours offert les mêmes résultats généraux. Il n'y a pas de doute à garder : les taches n'apparaissent qu'à la suite du développement des corpuscules. La pébrine n'est qu'un effet de la pro- pagation de ces derniers. Pébrine et maladie des corpuscules sont donc deux expressions que l'on peut employer indistinctement l'une pour l'autre, bien que les mots maladie des corpuscules aient, scientifique- ment parlant, la prééminence, puisque les corpuscules sont la cause de la présence des taches. Quant au caractère des taches envisagé comme indice de la maladie, nous voyons qu'il peut conduire à de graves erreurs et qu'on doit restreindre beaucoup la signification qui lui avait été attribuée avant mes recherches. Le mal peut exister dans tous les vers d'une chambrée sans qu'aucun d'entre eux ne l'accuse extérieurement par la présence de taches vraies à la surface de la peau. Cette circonstance est même très fréquente au moment de la montée à la bruyère. Inver- sement, en donnant à la présence des taches une valeur qu'elles n'ont pas généralement, on peut confondre les fausses taches avec les vraies et croire à l'existence du mal quand il est complètement absent. CHAPITRE II CARACTÈRE ÉMINEMMENT CONTAGIEUX DE LA PÉBRINE § I. — Opinions diverses. La pébrine peut-elle se communiquer des vers malades aux vers sains, soit au contact, soit à distance ? On a fait, à ce sujet, beaucoup d'hypothèses et très peu d'expériences ('). Les uns considèrent la con- tagion comme certaine. Un plus grand nombre la met en doute ou la nie. D'autres enfin pensent qu'elle est seulement accidentelle. Des faits contradictoires, inexplicables en apparence, ont été produits contre ces diverses opinions. Par exemple, des vers qui devaient être sains ont été mêlés sciemment, ou par mégarde, avec des vers malades et tous les vers ont péri : la maladie est donc contagieuse disaient ceux-ci; ceux-là répondaient aussitôt par des faits diamétralement opposés et soutenaient, dès lors, que la contagion n'existe pas, et encore moins l'infection, c'est-à-dire la contagion à distance. Mais tous croyaient, avec M. de Quatrefages, à l'existence d'un milieu délétère, rendu épidémique par quelque influence occulte, mystérieuse, à laquelle on attribuait la cause de la maladie régnante. Je me souviens qu'au mois de décembre 1865, dans une des pre- mières séances de la Commission impériale de sériciculture, M. le mar- quis de Ciinestous raconta qu'un jour son fermier avait mélangé par erreur deux graines, l'une à cocons blancs, l'autre à cocons jaunes, que la'presque totalité des vers à cocons blancs périrent, tandis que la récolte en cocons jaunes fut, au contraire, très satisfaisante. M. de Ginestous, ainsi que les autres membres de la Commission opposés a la contagion, concluaient que, des deux graines, l'une était malade, 1. Un excellent observateur, le X)' Osimo [Loc. cit.], est à ma connaissance le seul auteur qui ait tenté des expériences directes pour démontrer la contagion de la pébrine. M. Osimo était si'liien persuadé que la maladie était contagieuse qu'il lui donna le nom d'atrophie conta- gieuse, dénomination qui avait été proposée par M. Géra, de Conegliano. M. Géra est l'auteur qui, le premier, décrivit la maladie en Italie. Voir, sur ce dernier point, le Rapporl séricicole de M. Gornalia Rapporta délia Commissione norainata dall' I. R. Istituto lombardo 1,1 scienze, letter I arti perlo studio délia malattia dei lia. du da seta nell' anno 18561. Mil n 1857, 18 p. iu-'r. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 101 l'autre saine, et que la graine malade n'avait pas communiqué le mal à la graine saine : qu'en conséquence la maladie n'était pas contagieuse. M. de Quatrefages croyait peu à la contagion de la pébrine, du moins a sa contagion directe. « Le mal actuel, dit-il, peut devenir contagieux par suite de la présence d'une maladie possédant ce caractère, mais il ne l'est pas habituellement. » Pour bien saisir cette conclusion de M. de Quatrefages, il faut se rappeler que ce savant naturaliste admet- tait « qu'à la pébrine viennent à peu près constamment s'ajouter d'autres maladies ». « Quelques-unes des maladies des vers à soie, poursuit M. de Quatrefages, sont regardées comme contagieuses. Pour s'être entées sur la pébrine, elles ne perdent pas la faculté de se communiquer par le contact, et, dans ce cas, le mal devient contagieux, tandis qu'il ne l'est pas lorsque la complication dépend de maladies non contagieuses, par exemple de Vatrophie ou de Yapoplexie. » Par cette théorie M. de Quatrefages expliquait la possibilité des faits con- tradictoires auxquels je faisais allusion tout à l'heure. Relativement au caractère infectieux de la pébrine, M. de Quatre- fages partageait une opinion toute semblable à la précédente. « Le mal actuel, dit-il, n'est presque jamais infectant, mais il peut le devenir par suite de la présence d'une maladie possédant ce caractère (i). » La Commission d'agriculture de la Société d'encouragement de Milan, l'une des Sociétés savantes qui ont donné le plus d'attention à la maladie et aux efforts qu'on a laits pour la combattre, a conclu, dans son Rapport de 1858, à la non-contagion de la gattine. Voici, entre autres, une de ses observations qui est du même ordre que celle que j'empruntais tout à l'heure à M. de Ginestous : « Un ver de race tos- cane, parfaitement sain, tomba accidentellement à la fin de la première mue parmi des vers très malades ; or, dans ce milieu infecté, il resta toujours sain et fit un cocon parfait (2). » M. Guérin-Méneville, qui a toujours combattu l'idée de la contagion, a rappelé ce dernier fait dans une de ses Communications de cette année, et il s'en autorise pour soutenir de nouveau son opinion. « Si la contagion existait, dit encore cet auteur, comment pourrait-on faire des essais précoces et constater des réussites parmi les nombreuses éducations expérimentales accumulées dans les ateliers (3)? » Dans le même écrit, M. Guérin-Méneville se plaît à opposer aux 1. Qoatrefages (A. de). Études sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, in-i". p. 83 et suivantes. 2. Relazione délia Commissione per gli studii sulla malattia dei bachi. Atti délia Società cCincoraggiatnento d'arti e mestieri, Milan, 1858, p. 70. 3. Gi:.":i!in-Mi:;nevim.e. [A propos de la séance du lô mars 1869 de l'Académie des sciences]. Moniteur des soies, Lyon, numéro du 10 avril 1869, p. i. 101 ŒUVRES DE PASTEUR publications actuelles de MM. Cornalia et Haberlandt, qui se sont rangés à nia manière de voir sur tous les points essentiels de l'étude de la maladie, les opinions professées autrefois par ces maîtres en séri- ciculture, et il invite tous les éducateurs à « demeurer dans la plus grande perplexité ». J'aime à penser que ce conseil ne sera pas suivi et que les sériciculteurs verront, au contraire, dans la similitude par- faite des résultats obtenus par les personnes qui ont donné le plus de temps aux questions scientifiques et pratiques que le fléau actuel a soulevées, la garantie précieuse de la vérité. Mes expériences ne laissent aucun doute sur le caractère contagieux et infectieux de la pébrine. Elles nous donneront, je l'espère, la clef de toutes les difficultés de la question et nous permettront, en outre, de prévoir plusieurs conséquences d'un grand intérêt pratique. § II. — Contagion par la nourriture. Un de mes premiers soins, en 1866, a été de rechercher l'influence que pouvaient avoir les poussières des magnaneries pour la propa- gation du fléau. Dans les Cévennes on procède au nettoyage des magnaneries quelques semaines seulement avant la nouvelle campagne séricicole. Les dernières litières de l'éducation précédente restent accumulées sur les tables ou sur le plancher; les crottins, qui forment toujours un volume plus ou moins considérable, sont séparés des débris de feuilles et conservés pour la nourriture des animaux. Je recueillis, dans une foule de magnaneries plus ou moins dis- tantes les unes des autres, à Alais et dans les environs, la partie la plus ténue de ces résidus de diverses éducations de 1865. A cet effet, je me servais de tamis à mailles de plus en plus serrées jusqu'à celles d'un tamis de soie très fin. Quand la magnanerie avait été nettoyée grossièrement, on rassemblait les poussières déposées sur les tables, sur les murs, à l'aide d'une barbe de plume, puis on les passait égale- ment au tamis de soie. En observant ces poussières au microscope, je fus surpris de l'effrayante proportion de corpuscules qu'elles renfer- maient dans la plupart des cas, particulièrement lorsque les éducations avaient été décimées par la pébrine. Au milieu des particules miné- rales, parmi les spores de moisissures de toutes sortes, formées dans les litières, principalement dans les litières humides qui restent sous la bruyère à la fin de l'éducation, on voyait à profusion des corpuscules aussi reconnaissables, aussi distincts que si on les eût observés dans les tissus de l'insecte. Les noyaux intérieurs y étaient même plus CLaekerbauer ad, nal deL, POUSSIERES DE MAGNANERIES INFECTEES ■,-.,,> ,.,■■,<, Gros Pai ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 103 faciles à apercevoir. La planche ci-jointe représente une de ces pous- sières, moins les éléments minéraux qui n'ont pas été figurés ('). Je nie souviens que, dans une seule magnanerie, où on avait élevé quelques onces de graines de race blanche japonaise de reproduction qui avait très trial marché, j'obtins facilement deux litres d'une poussière dont chaque parcelle, délayée dans une goutte d'eau, montrait, dans un champ quelconque du microscope, des corpuscules par centaines. Il est de toute évidence que, pendant l'éducation, ces poussières de l'année précédente, jointes à celles de l'éducation qui est en train, se répandent sur la nourriture des vers, en quantité variable avec les soins de propreté que prennent les éducateurs. Dans le but de reconnaître si ces poussières peuvent servir à pro- pager le fléau, je pris des vers 1res sains (circonstance qui m'était prouvée par la marche de lots témoins) et je leur donnai chaque jour un repas de feuilles saupoudrées avec les poussières dont je viens de parler. La mortalité des lots à repas de poussières fut énorme, et elle se manifesta dès le second et troisième jour après le commencement de l'expérience; mais, chose curieuse, les vers morts ne présentaient dans leurs tissus aucune trace de corpuscules. Quoi qu'il en soit de l'explication rationnelle de ces faits, sur laquelle je reviendrai, il était évident que les poussières des magnaneries avaient une influence toxique, fatale pour la santé des vers, et j'insistai dès lors sur la néces- sité d'un nettoyage parfait des magnaneries et de leurs agrès avant de recommencer les éducations, et également sur la propreté et les soins à apporter dans les délitages, afin de répandre le moins possible, sur les vers ou sur les feuilles, les poussières des litières (2). Il parait fort naturel de conclure, des observations précédentes, que la maladie est contagieuse et que les poussières des magnaneries chargées de corpuscules à la veille d'une campagne nouvelle peuvent 1. -Te dois faire observer que le contenu des corpuscules, spores, cellules diverses, figurés dans la planche, a été plus accusé que dans la nature, parce que cette planche était destinée à être mise en couleur pour représenter la coloration brun-violet que ces corps prennent par la solution d'iode. Dans ce cas, le graveur force les parties qui doivent être teintées. 2. Ces observations, ainsi que leurs conséquences pratiques, ont été exposées par moi : 1° dans la séance extraordinaire du Comice d'Alais, le 26 juin 1866; 2° dans la séance du 23 juillet de l'Académie des sciences. [Voir p. 436-448 du présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie.] Tous les auteurs bacologues ont reconnu l'utilité des soins hygiéniques et de la propreté dans les éducations des vers à soie. Les expériences dont je rends compte ont l'avantage d'appnyer ors préceptes sur des faits précis et positifs. J'insiste sur ce point, parce qu'on m'a adressé le reproche gratuit de trouver suffisants les soins pris par les éducateurs, tandis que mes expériences sont les premières en date qui aient démontré, au contraire, la nécessité r toutes les précautions et de traiter les vers à soie comme des animaux constam- exposés à des maladie- contagieuses, dont les germes se renouvellent sans cesse dans les magnaneries par le fait même de l'élevage. 104 ŒUVRES DE PASTEUR provoquer une grande mortalité dans les éducations. Toutefois nous verrons que ce serait une erreur grave de rapporter à la pébrine la maladie communiquée par les poussières dont il s'agit. Je démontrerai bientôt que les corpuscules de ces poussières sont des organismes sans vie, incapables de se reproduire, et que c'est pour ce motif que les vers morts dans les expériences que je viens de résumer n'étaient point corpusculeux. La maladie inoculée par ces poussières était la maladie des morts-flats. Mais n'anticipons pas sur les faits relatifs à cette seconde maladie, et retenons seulement de ce qui précède le caractère toxique des poussières vieilles et la nécessité des soins de propreté dans tout ce qui touche aux éducations des vers à soie. La seconde série de mes expériences de 1866 a porté sur les pous- sières de fraîche date et sur les corpuscules extraits directement de vers ou de papillons corpusculeux vivants ou récemment morts. Le lecteur en trouvera l'exposé plus loin (J). Je me bornerai à résumer leurs conclusions : 1° Si l'on essaye de contagionner des vers sains par des corpuscules frais après la quatrième mue, même par plusieurs repas de feuilles corpusculeuses, alternant avec des repas de feuilles saines, tous les vers font leurs cocons. La contagion semble donc ne pas avoir lieu, mais ce n'est là qu'une apparence trompeuse. 2° La communication de la maladie s'accuse, en effet, au plus haut degré dans les chrysalides et les papillons, à tel point que beaucoup tle chrysalides meurent avant de se transformer en papillons et que leur corps est pour ainsi dire composé uniquement de corpuscules. Si des papillons peuvent se former et sortir de leurs cocons, ils ont souvent l'aspect le plus triste, et le mal peut aller jusqu'à l'impossibilité de l'accouplement et de la ponte (2). 3° Les mêmes expériences reproduites avec les mêmes vers et des repas de feuilles mouillées d'eau pure ou d'eau chargée des débris de chrysalides, papillons ou vers sains, c'est-à-dire exempts de cor- puscules, donnent des sujets privés de cet organisme et ayant la meil- leure santé apparente. 4° Si les expériences de contagion dont je viens de parler s'effec- tuent sur des vers beaucoup plus jeunes, les choses se passent tout autrement : les vers périssent avant de faire leurs cocons (3). 1. Voir, p. 436-448 du présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie; et p. 'iV.i 'i.",;; ; Nouvelles études expérimentales sur la maladie des versa soie. (Note de l'Édition.) 2. Les expériences se font en broyant, dans quelques gouttes d'eau, un ver, une chrysalide mi un papillon corpusculeux; puis, avec un pinceau, on étend le liquide sur la surface des feuilles, d'un côté seulement. Il faut s'assurer que tous les vers ont mangé. 3. Quelques-uns des faits que j'ai exposés au Comice d'Alais, le 26 juin, et à l'Académie ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE L05 Le caractère contagieux de la maladie des corpuscules est donc indubitable, mais il importe extrêmement de préciser toutes les parti- cularités des observations précédentes. Il n'est pas exagéré de dire que la connaissance de la pébrine repose principalement sur l'ensemble des faits relatifs au caractère contagieux de cette maladie. Aussi il me paraît indispensable de présenter, dans le plus grand détail, le récit de diverses expériences qui jetteront une vive lumière sur la nature •du fléau. Première expérience. — Le 16 avril 18G8, à midi, je prélève, dans «ne de mes éducations expérimentales, trente vers, race blanche du pays, issus de papillons très sains. Les vers sont sortis de la première mue, on va leur donner le deuxième repas après le réveil d'hier. Sur les feuilles je dépose, avec un pinceau, des corpuscules provenant d'un papillon corpusculeux pris parmi des papillons nés dans les essais précoces; le papillon a été broyé dans 5 centimètres cubes d'eau. Le restant des vers du panier où on a prélevé ceux de cet essai continuent d'être élevés à la manière ordinaire pour servir de lot témoin. Voici la suite des observations : Le premier repas, après la deuxième mue, a lieu le 21 avril à 3 heures du matin : les vers vont très bien. Le 23 avril, les vers vont toujours bien. Le 25 avril, rien de particulier. On prélève deux vers pour en faire l'examen microscopique détaillé. Dans aucun des organes on ne voit •de corpuscules, excepté dans les tuniques de l'intestin qui en montrent ■des sciences de Paris, le 23 juillet 1866 [Voir p. 436-448 du présent volume], ont été confirmés dans uni' brochure du D' Baberlandt, aujourd'hui chef de la station séricicole expérimentale i-'tahiie à Goritz Basse-Autriche). Cette brochure est intitulée : Die seuchenartige Krankheit der Seidenraupen (La maladie épidémique des vers à soie|: Vienne, 1866, 37 p. in-8°. M. Haberlandt partageait alors l'erreur de Filippi sur l'existence normale des corpuscules ■dans les chrysalides adultes et dans l'insecte, parfait; mais, depuis longtemps, ce savant natu- raliste a reconnu son erreur, et j'ai la satisfaction de pouvoir ajouter que, dans diverses publications, il a donné toute son approbation à ma méthode de grainage. Le suffrage d'un homme si autorisé, et qu'il a motivé d'ailleurs par des expériences nombreuses, peut, à lui seul, servir de réponse à diverses critiques qui se sont fait jour en France et qui n'ont eu ■d'autre résultat que de mettre en évidence l'ignorance de leurs auteurs. Je saisirai cette occasion pour appeler l'attention de mes lecteurs sur la mesure, à la fois libérale et prévoyante, qui a conduit le Gouvernement autrichien à créer, en 1868, un établis- sement expérimental destiné à des études séricicoles. En plaçant à sa tète un des professeurs les plus instruits de l'Allemagne, muni, en outre, de toutes les ressources nécessaires pour mener à bonne fin des travaux de cette nature, le ministre d'Agriculture d'Autriche a fait preuve de la plus louable initiative. Pour montrer toute la vitalité de cette entreprise, je dirai ■que l'Institut bacologique de Goritz était à peine créé depuis quelques mois que son directeur fondait un journal séricicole bimensuel, destiné à publier les résultats des expériences du chef de la station et de ses habiles collaborateurs. Ce journal a paru très régulièrement jusqu'à ce jour. Le gouvernement autrichien a proposé, en outre, un prix de 5.000 tlorins. à décerner •en 1872, pour la découyerte d'un moyen préventif ou curalil de la pébrine. [Voir, ;'i ce sujet, la .note 2, p. 258 du présent volume.] 106 ŒUVRES DE PASTEUR beaucoup à certaines places. Ils sont, en général, très pâles, très peu distincts et, dans l'un des vers, exclusivement piriformes. Enfin, parmi les pâles ayant la forme ovale ordinaire, bon nombre sont en voie de division. Pas encore la moindre tache sur la peau des vers, même en la regardant à la loupe très attentivement. L'examen microscopique a porté successivement sur les tissus et organes autres que les tuniques de l'intestin. Nulle part on n'a vu de corpuscules. C'est donc dans les tuniques de l'intestin qu'ils com- mencent à se former et à se multiplier longtemps avant qu'ils se montrent ailleurs. Le premier repas, après la troisième mue, a lieu le 26 avril à 3 heures de l'après-midi ('). Le 27 avril, c'est-à-dire onze jours après le repas de contagion, on examine de nouveau deux vers. Dans le premier, la tunique interne du canal intestinal montre une multitude de corpuscules ovales, brillants, mêlés à un grand nombre de corpuscules de même forme, très pâles, naissants. Il n'y en a pas de piriformes. La glande de la soie est également chargée de corpuscules de tous les aspects, parmi lesquels une multitude très jeunes. Dans le deuxième ver examiné, toujours des corpuscules dans les deux tuniques intestinales, et pas du tout ni dans la soie, ni dans les autres tissus. Ici la variété piriforme est abondante. Notons, en passant, que la variété piriforme pâle des corpuscules est très fréquente dans les tuniques de l'intestin, qu'elle s'y montre souvent indépendante de la forme ovale ordinaire et que la forme ovale pâle, peu distincte, précède la forme ovale brillante, en d'autres termes, que cette dernière est plus âgée. Le 28 avril, je constate, pour la première fois, sur les vingt-six vers qui restent, depuis l'autopsie de quatre d'entre eux, un résultat remar- quable. En examinant un à un les vers à la loupe, je reconnais que presque tous ont des taches nombreuses, très petites, particulièrement 1. La troisième mue s'est effectuée en cinq jours et demi, comme la deuxième, qui avait pris également cinq jours et demi. Ces deux mues sont toujours plus courtes que la première, qui est en général de sept jours, et que la quatrième, qui est encore plus longue. Il existr des races, celle de M. Raybaud-Lange, par exemple, dans les Basses-Alpes, dont la deuxièi I la troisième mue s'accomplissent en quatre jours et demi. Cette circonstance doit être connue. J'ai vu des éducateurs chauffer outre mesure leurs vers le quatrième jour après la deuxième mue, parce qu'ils mangeaient très peu, ce qu'il fallait attribuer, au contraire, à ce que les vers approchaient de la troisième mue. Cet excès de chaleur dans un tel moment devenait une cause de ruine pour la chambrée. Il en résultait pour les vers un affaiblissement qui amenait, à quelque temps de là, la maladie des morts-flats. J'entends par temps d'une mue la période <|ui commence après un changement de peau et s'étend jusqu'au changement de peau suivant. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE L03 sur la tête. Rien absolument de pareil ne se voit sur la peau des vers du lot témoin, dont aucun d'entre eux ne présente (railleurs la moindre trace de corpuscules dans les organes. Nul doute, par conséquent, que le mal intérieur ne commence a s'accuser extérieurement pour le lot contagionné. Ce même jour apparaît un autre fait non moins intéressant. Pas un des vers n'est mort de mort naturelle, mais leur grosseur est mani- festement plus petite que chez ceux <|ui n'ont pas été empoisonnés. Ils sont plus grêles et, en les suivant de l'œil avec attention au moment dis repas, il est sensible qu'ils mangent moins que ces derniers. Toutefois ces différences ne sont très marquées que si l'on approche le panier des bons vers de celui des mauvais, atin de rendre la compa- raison plus facile. Le 30, à midi, aucun des vers n'est en quatrième mue, tandis que tous sont endormis dans le lot témoin. Les taches à la surface de la peau sont toujours très petites; cependant elles s'accusent et se multi- plient de plus en plus; la tète de plusieurs vers en est couverte. On en voit également sur les divers anneaux. La différence de grosseur entre les vers malades et ceux du lot témoin est aujourd'hui des plus manifestes. Les premiers n'ont guère, en moyenne, que les deux tiers de la taille des vers qui n'ont pas été contagionnés. Le 1er mai, bien que la contagion date déjà de quinze jours, pas un seul des vers malades n'est encore mort. Le 2 mai, l'inégalité est des plus sensibles : on en compte sept qui ne sont pas endormis de la quatrième mue, tandis que sept autres sont déjà sortis; le restant est en mue. J'enlève, pour l'examiner au micro- scope, un des vers sortis de mue; son corps est tellement rempli de corpuscules qu'on a peine à comprendre qu'il soit encore en vie(4). Le 3 mai. un des vers qui n'a pu entrer en mue est mort. La partie antérieure de son corps est noire; au microscope on le trouve chargé de corpuscules et de vibrions. Le nombre des corpuscules est si grand que le liquide qui sort d'un des anneaux, piqué avec une aiguille, est tout laiteux. Le 5 mai, on constate la mort d'un autre des vers qui n'ont pu entrer en mue. Il est également plein de corpuscules et de vibrions. Les taches que la mue avait l'ait disparaître se montrent derechef sur les vers les plus avancés, sortis de mue le 1er et le 2 mai. 1. Je ferai observer incidemment qu'avant d'examiner au microscope ce ver pétri de cor- ules, j'ai lavé son corps dans un verre de montre avec deux ou trois gouttes d'eau. Or, bien que le ver vint de sortir «te mue, l'eau de lavage ne m'a pas montré de corpuscules, mais elle était remplie de cristaux de la forme de ceux des tubes de Malpighi. H 8 ŒUVRES DE PASTEUR La figure ci-dessous est la photographie d'un essai semblable à celui qui nous occupe. L'élat maladif des vers, leur inégalité excessive sautent aux yeux. Çà et là même on voit de très petites taches qui n'ont pas échappé à la représentation photographique. L'essai avait vingt-cinq jours de contagion. Le 8 mai, on examine au microscope deux des plus gros vers Vers très corpusculeux, très inégaux. Après la quatrième mue, grandeur naturell- vivants. Tous les tissus, sans exception, renferment des corpuscules à profusion. Les taches sont toujours très petites, visibles surtout à la loupe; aucun des vers ne porte de ces larges taches comme on en voit souvent dans les éducations ordinaires où règne la pébrine ('). Bien 1. D'après celle observation et d'autres de même ordre, je suis porté à croire que beaucoup de larges taches qu'offrent les vers liés pébrinés sont des lâches de blessures ou des taches de pébrine que des blessures ont agrandies. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 109 plus, les taches me paraissent diminuer en nombre et se restreindre chez les plus gros vers. Le 10 mai, un ver de belle apparence est arrivé à maturité. Je ne vois sur sa peau aucune tache de pébrine, même a la loupe. Je le place sur la bruyère, mais il en descend bientôt et va se fixer dans un coin du panier où je le vois faire tous les mouvements d'un ver en train de filer son cocon. Pendant vingt-quatre heures je l'observe à maintes reprises, et je le vois constamment occupé au même mouvement; mais, chose étrange, pas le moindre fil de soie n'est sorti de sa filière. Alors j'en fais l'autopsie et je trouve la glande de la soie entièrement remplie de corpuscules. Il n'y a pas la plus petite portion de cet organe qui offre la moindre transparence; dans toute sa longueur H est blanc, porcelaine. Le 11 mai, il ne reste plus que six vers vivants dans le panier des contagionnés. Ils ont assez belle apparence, quoique fort languissants et couverts çà et là de petites taches à auréoles. Comme il me paraît certain que ces vers ne pourront faire leurs cocons, je les examine un à un au microscope; il n'en est pas dont tous les tissus ne soient remplis de corpuscules. Dans le panier du lot témoin, la montée à la bruyère a commencé le 8 mai; le 11, tous les vers filent leur soie; un seul est mort depuis le commencement de l'expérience. Plus tard on a étudié les papillons nés de ces vers; tous, à l'exception de deux, se sont montrés exempts de corpuscules. Les expériences suivantes ont porté sur des vers plus âgés que ceux qui viennent de nous servir. Elles ne sont pas moins concluantes. Deuxième expérience. — Le 4 mai, à 5 heures du soir, on conta- gionne, avec la matière d'un petit ver corpusculeux, 25 vers sains, race jaune de pays, au second repas après la troisième mue ('). On con- serve un lot témoin de 150 vers. Le 8 mai, les vers commencent à s'endormir pour la quatrième mue. Le 14 mai, les vers montrent des taches; on en examine un au microscope. Dans la tunique interne du canal intestinal on voit des corpuscules piriformes, les uns à double membrane, les autres pleins, et des corpuscules ovoïdes plus ou moins jeunes à une et deux vacuoles. Les tubes de Malpighi et les glandes de la soie sont envahis en divers points par des corpuscules de toutes formes. 1. Le petit ver corpusculeux n'avait pas encore fait la première mue; il a été broyé dans un mortier avec quelques gouttes d'eau, et on a étendu le liquide sur les feuilles du repas va pinceau. 110 ŒUVRES DE PASTEUR Le 17 mai, un des vers est mort-flat; il présente beaucoup de taches et répand une odeur de marée très prononcée. Dans la tunique interne du canal intestinal, on trouve un grand nombre de corpuscules piriformes avec granulins intérieurs. Dans les tubes de Malpighi, le tissu graisseux, etc., plusieurs points sont envahis par les corpus- cules ovoïdes et à vacuoles. La montée à la bruyère a commencé le 19 et s'est terminée le 20 à 3 heures du soir. On trouve 22 cocons. Si l'on excepte le ver mort-flat et les deux vers examinés, on voit que tous les autres ont fait leurs cocons. Le 24, on ouvre les cocons; les vers sont encore demoiselles à l'exception de quatre. Les demoiselles ont toutes des taches, les quatre chrysalides n'en ont pas du tout. On broie un à un 15 des vers encore demoiselles. Tous sont corpusculeux, dans la proportion suivante : 1. 100 corp uscu es P ir champ 2. 50 » » 3. 100 « » 4. 250 )) » 5. 200 » » 6. 100 » » / . 20 » » .s. 100 j> » 9. 150 corpuscules par champ 10. 10 » » 11. 500 » » 12. 20 » « 13. 40 » )> 14. 80 H » 15. 50 » » En résumé, des vers sains contagionnés aussitôt après la sortie de la troisième mue out fait leurs cocons, mais ils étaient tous très cor- pusculeux déjà au moment où ils filaient leur soie. En outre, la trans- formation en chrysalide a été lente. Il est certain que les papillons n'auraient pas pu prendre naissance, du moins pour la plupart, ou qu'ils auraient été dans un affreux état, ne pouvant ni s'accoupler, ni pondre, Un lot témoin avait été réservé ; ici, vers et chrysalides étaient exempts de corpuscules, et presque tous les papillons se sont montrés également très sains. L'expérience suivante va nous apprendre une fois de plus la lenteur du premier développement des corpuscules, et, au contraire, la rapi- dité excessive de leur multiplication dès que les divers organes com- mencent à être envahis. Troisième expérience. — Le 8 mai, c'est-à-dire quatre jours après le commencement de l'essai précédent, on a distrait du lot témoin, formé de 150 vers, 20 vers que l'on a contagionnés avec un ver cor- pusculeux venant d'éclore. La quatrième mue et la montée ont eu lieu pour ce lot en même temps que pour le lot précédent, c'est-à-dire le 19 et le 20. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 111 Le 24 mai, on étudie au microscope 15 chrysalides par comparaison avec les L5 vers demoiselles du lot précédent. Voici le détail des observations : 1. Pas de corpuscules. 9. Pas de corpuscules. 2. » » 10. 1 corpuscule par champ. 3. 5 corpuscules par champ. 11. Pas de corpuscules. 4. 2 » » 12. » » 5. 1 corpuscule » 13. 1 corpuscule par champ. 6. 5 corpuscules » 14. 2 corpuscules » 7. Pas de corpuscules. 15. Pas de corpuscules. 8. » » Ainsi donc, l'observation faite aussitôt après la formation du cocon n'a donné que 45 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. Ces résul- tats, comparés à ceux de la deuxième expérience, offrent un grand intérêt, mais il importe extrêmement d'en bien saisir le sens et la portée. L'examen de tous les vers dans les essais dont nous venons de parler a été fait avec un soin minutieux, tissu par tissu, organe par organe. Voulait-on, par exemple, rechercher les corpuscules dans le canal intestinal : le ver était fixé sur un liège au moyen de deux épingles, placées l'une à la tète et l'autre au dernier anneau; avec des ciseaux on incisait la peau dans toute la longueur du corps, puis on enlevait le canal intestinal, dont le contenu était séparé et les tuniques transparentes examinées, en divers points, au microscope. On peut même les laver doucement avec de l'eau pure, car les corpuscules sont adhérents comme s'ils étaient dans l'épaisseur du tissu. En opérant de cette manière, s'il existe des corpuscules, même en petit nombre, on parvient à les découvrir. Mais, supposons qu'au lieu d'agir ainsi, on ait broyé le ver tout entier dans un peu d'eau pour examiner ensuite une goutte de la bouillie au microscope. Ce serait miracle, dans de telles conditions, que d'y rencontrer les cor- puscules, tant ils sont rares dans les premiers temps de leur déve- loppement. Eh bien, l'examen des chrysalides ne peut guère être fait qu'en les broyant intégralement, à cause de la difficulté qu'il y aurait à séparer les divers organes, et de la longueur de la recherche quand elle a lieu tissu par tissu. La chrysalide, surtout dans les premiers temps de son existence, est comme un nouvel œuf, contenant une matière presque fluide où il n'y a pas encore de tissus bien déter- minés et dont la dissection est très difficile. Voilà pourquoi, dans notre troisième expérience, nous avons trouvé huit chrysalides dans lesquelles la présence des corpuscules a échappé à l'observation, mais toutes en contenaient. C'est par le même motif que celles qui en ont montré n'en ont offert que de un à cinq par champ. 112 ŒUVRES DE PASTEUR La preuve évidente que toutes les chrysalides devaient renfermer des corpuscules, c'est qu'il y en avait dans tous les vers. Le 17 niai, on a examiné deux des vers de l'essai, pris quelconques dans ce lot, et tous deux renfermaient des corpuscules dans les tuniques de l'intestin et en divers points de l'organe de la soie. Enfin, il est parfaitement établi par toutes les expériences de contagion que je rapporte dans cet Ouvrage, et dont je pourrais multiplier beaucoup les exemples, que la contagion est visible matériellement sur tous les vers au bout de quelques jours seulement, à la condition de rechercher les cor- puscules, organe par organe, ainsi que je le disais tout à l'heure. Orr l'examen des chrysalides a été fait le 24 mai, et la contagion avait eu lieu le 8, c'est-à-dire quatorze jours auparavant. Pour surcroît de preuves, on peut ajouter que les résultats de la deuxième expérience démontrent qu'il eût suffi d'attendre quatre jours seulement pour trouver nos 15 chrysalides toutes corpusculeuses à 50T 100 et 200 corpuscules par champ, puisqu'il en a été ainsi pour les quinze sujets examinés à la fin de cette deuxième expérience. Ces faits et leurs conséquences pratiques deviendront plus clairs au fur et à mesure que nous avancerons dans l'exposé des résul- tats des observations. Quatrième expérience. — Le 11 mai, je prélève, sur le lot des 150 vers qui nous a servi de lot témoin dans les deuxième et troi- sième expériences, 50 vers prêts à recevoir le quatrième repas après la quatrième mue. Les feuilles de ce repas sont mouillées au pinceau avec quelques gouttes d'eau dans lesquelles on a broyé un petit ver corpusculeux. On s'assure que tous les vers mangent bien ce repas. Le 18, on trouve un ver mort-flat. Il ne présente pas de corpuscules même dans la tunique interne de l'intestin; il est vrai qu'elle est très opaque et très fragile, comme cela arrive généralement dans les cas île flacherie, et que l'étude en est difficile. La montée à la bruyère commence le 19 et finit le 21 à midi. Les cocons sont très beaux et très forts. Le 20, on examine 15 chrysalides. Voici le tableau des observations : 1. 2 corpuscules par champ. 9. Pas de corpuscules. 2. Pas de corpuscules. 10. » » 3. 1 corpuscule par champ. 11. 2 corpuscules par champ. 4. 1 » » 12. Pas de corpuscules. 5. Pas de corpuscules. 13. » » 6 Vu 1 dans 10 champs. 14. 1 corpuscule par champ. 8. Pas de corpuscules. 15. Pas de corpuscules. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 113 Ainsi, après quinze jouis de contagion (celle-ci ayant eu lieu le second jour après la quatrième mue), nous trouvons 40 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. Le «il mai, nouvel examen de 15 autres chrysalides : 9. 1 corpuscule par champ. 10. 2 » » 11. 5 » » 12. 5 » » 13. 20 » 14. 1 » 7. » » 15. 2 » » (') .S. j corpuscule par champ. C'est, après vingt jours de contagion, 80 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. La sortie des papillons commence le 15 juin. Ils ont belle appa- rence; un seul est à duvet noir; on a examiné 15 de ces papillons sans choix : 100 corpuscules par champ. 1. » cor puscule >ar haiiip. 2. î » « 3. 'i. i î l » 5. Pas de c orpi seul es. 6. ) » 1. 100 2. 1.000 3. 000 4. 500 5. 100 6. 500 7. 500 8. 1.000 9. ti00 corpuscules par champ 10. 500 » » il. 200 » » 12. 100 » » 13. 100 » » 14. 500 » » 15. 200 » » Le lot témoin a donné 95 pour 100 de papillons exempts de cor- puscules. Cinquième expérience. ■ — Le 12 mai, je prélève sur un lot de vers sains, race jaune de pays, 50 vers que je contagionne au huitième repas après la quatrième mue au moyen d'un petit ver corpusculeux (-). 1. Par ces fractions ji r> on entend que sur l'exploration de 2, de 5 champs, un seul a montré un ou quelques rares corpuscules. 2. Tous les lots de vers sains qui ont servi aux expériences de contagion de ce chapitre et des chapitres suivants provenaient de graines pondues par des papillons exempts «le cor- puscules. Les expressions de vers sains, vers exempts de maladie, éducations saines ont été employées maintes fois par divers auteurs avant le commencement de mes recherches, mais le plus souvent c'était à tort, parce qu'on n'avait pas de critérium pour reconnaître la santé des vers. Il ne suffit pas du tout qu'un ver fasse son cocon pour qu'il soit déclaré sain. Un \ir sain, on, pour préciser davantage, un ver exempt de pébrine, est un ver qui non seulement [ail son cocon, mais dont la chrysalide et le papillon sont, en outre, exempts de l'organisme cause delà pébrine, c'est-à-dire des corpuscules. On sait également que, si le ver est malade, l'intensité du mal peut se mesurer, jusqu'à un certain point, par l'époque plus ou moins ancienne de l'apparition des corpuscules dans la larve, la chrysalide ou le papihon. En d'autres termes, c'est depuis mes recherches qu'on a pu instituer réellement des expériences comparatives, sans lesquelles la maladie serait probablement restée longtemps encore enve- loppée d'obscurité. ÉTCDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 8 114 ŒUVRES DE PASTEUR La montée à la bruyère a commencé le 18, comme dans le lot normal servant de terme de comparaison, et s'est terminée le 21. Le 26, on dérame et on examine 15 des chrysalides au microscope : Pas de corpuscules. 1. Pas de corpuscules. 2. ^ de corpuscule par champ. 3. Pas de corpuscules. 4. 20 corpuscules par champ. 5. 800 » » 6. Pas de corpuscules. 7 . » » 9. 10. » » 11. 1 corpuscule par champ. 12. Pas de corpuscules. 13. » « 14. » » 15. » » En ne tenant pas compte de la chrysalide à 800 corpuscules par champ dont l'infection était évidemment antérieure à la contagion, c'est un total de 25 pour 100 de chrysalides corpusculeuses après qua- torze jours de contagion. Le 1er juin, nouvel examen de 15 chrysalides : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 1 corpuscule par champ. Pas de corpuscules. 1 corpuscule par champ. 2 corpuscules » Pas de corpuscules. 9. 5 corpuscules par champ 10. 10 » » 11. 20 » » 12. 2 » » 13. 14. 5 20 » » » 15. 2 » » Cela fait 95 pour 100 de chrysalides corpusculeuses après vingt jours de contagion (*). 1. L'examen des vers et des chrysalides jeunes peut donner lieu à une cause d'erreur, contre laquelle il faut être en garde. Les tubes de Malpighi renferment, à l'ordinaire, des cristaux. Ces derniers ont parfois la forme et les dimensions des corpuscules. 11 faut craindre de confondre ces deux productions. L'habitude des observations microscopiques ne tarde pas à éveiller les doutes de l'opérateur. Il est facile de les lever en ajoutant à la préparation une très petite quantité d'un acide minéral qui dissout sur le champ les cristaux, mais ne détruit pas les corpuscules; un autre moyen, encore plus simple, consiste à faire voyager douce- ment les petits corps ovoïdes. Le corpuscule, en tournant sur lui-même autour de son grand axe, ne change pas de forme; il se projette suivant un cercle quand il tourne autour de son petit axe. Si l'on a affaire à des cristaux, ceux-ci, en tournant sur eux-mêmes, se projettent suivant une ligne droite. La figure ci-contre est une photographie de ces cristaux lenticulaires, au grossissement de 300 diamètres, pris dans un ver près de se chrysa- lider. Leur dimension et leur forme sont, comme on le voit, très semblables à celles des corpuscules. Ces faits ont donné lieu à plusieurs Cristaux lenticulaires ayant la forme et les dimensions des corpuscules. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 115 Le 14 juin, la sortie des papillons a commencé; on en a examiné ultérieurement 15 : 1. 500 corpuscules par champ. 9. 1 .000 corpuscules par champ. 2. 200 n » 10. 200 « » 3. 1.000 » » H- 500 » » 4. 1.000 » » 12. 1.000 » » 5. 800 » » 13. 100 » » 6. 1.000 « » 14. 200 » » 7. 500 » » 15. 500 « » 8. 500 Tous étaient donc chargés de corpuscules. Sixième expérience. — Le 10 mai, à 5 heures du soir, on conta- gionne 75 vers très sains, race blanche de pays, avec un ver corpus- culeux. Les vers vont bientôt monter à la bruyère. Dans les premiers instants ils ont de la peine à se mettre à manger, mais ils finissent par absorber toute la feuille corpusculeuse ('). La montée commence le 18 vers 5 heures du matin, c'est-à- dire trente-six heures après la contagion. Elle est terminée le 20 à 3 heures. Le 26, on examine 15 chrysalides : 1. Pas de corpuscules. 9. Pas de corpuscules. 2. n » 10. » » 3. » » 11. l- de corpuscule. 4. » » 12. Pas de corpuscules. 5. >i « 13. » » 6. n n 14. » » 7. » » 15. » » 8. » Soit, après dix jours, 6 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. Le 31, nouvel examen de 15 chrysalides : méprises, et je présume que c'est pour les avoir mal interprétés que certains observateurs ont prétendu que les corpuscules étaient une matière minérale cristalline. J'ai présenté ces observations au Comice agricole d'Alais, dans sa séance du 26 juin 1866. [Voir, p. 436-448 du mt volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie.] 1. Ce sont des vers issus de la graine de sélection des éducations faites à Paris par le maréchal Vaillant, el qui a donné un résultat si satisfaisant, aux Tuileries, dans le cabinet du Maréchal. Cette graine ne s'est pas moins bien comportée à Mais, dans ce centre qui passe pour liés infecté. C'est qu'il n'existe pas de pays infecté dans le sens que l'on donne ordinai- rement à ce mot ; il n'y a pas de milieu épidémique délétère auquel il soit impossible de sous- traire les éducations. Voir la Lettre du maréchal Vaillant relative à l'éducation de la graine dont il s'agit. [Résultat de deux petites éducations de vers à soie provenant de graines étudiées par M. Pasteur. Lettre à M. Pasteur. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 19 juillet 1869, LX1X, p. 160-163, et p. 375-378 du présent volume.] 116 ŒUVRES DE PASTEUR 1. Pas de corpuscules. 9. Pas de corpuscules. 2. i de corpuscule. 10. » :!. Pas de corpuscules. 11. » 4. » » 12. » 5. « » 13. » 6. » » 14. » 7. » » 15. » 8. » » Soit, après quinze jours de contagion, 6 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. Le 5 juin, nouvel examen de 15 chrysalides; les œufs commencent à être distincts et durs chez les femelles : 1. '- de corpuscule par champ. 9. ; corpuscule par champ. 2. Pas de corpuscules. 10. 1 » >> .'i. 1 corpuscule par champ. 11. 2 » » 4. ' de corpuscule » 12. 2 » » 5. 1 » » 13. Pas de corpuscules. 0. Pas de corpuscules. 14. f0 de corpuscule par champ. 7. 1 corpuscule par champ. 15. 1 » » C'est, après vingt jours de contagion, 80 pour 100 de chrysalides corpusculeuses. Le 10, la sortie des papillons commence. Ils ont belle apparence; l'un d'eux est à duvet noir. On en a examiné 15 : 1. 15 corpuscules par champ. 9. 40 corpuscules par champ. 2. 20 » » 10. . 50 » » 13. 20 » « 6. 50 » » 14. 40 » » 7. 50 » » 15. 50 » » 8. 50 » » Soit 100 pour 100 de papillons corpusculeux. Le lot témoin composé de 36 vers a fourni 32 cocons, et 2 vers paraissant morts-flats ; il y a eu 2 vers voyageurs perdus à la montée. Les 32 cocons ont donné 32 papillons très beaux, dont un seul avait des corpuscules, 50 par champ. Les expériences précédentes jettent une vive lumière sur la maladie qui nous occupe, et permettent de se rendre un compte exact de sa funeste influence dans les éducations. De tous les elfets du fléau que l'observation a pu recueillir dans ces vingt dernières années, celui qui a le plus excité la surprise et dérouté les efforts des éduca- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 117 teurs, c'est assurément l'impossibilité des grainages productifs dans les départements de grande culture. Il n'est pas de localité séricicole, même parmi les plus éprouvées, qui n'ait eu à enregistrer chaque année de très belles réussites, des rendements même supérieurs à ceux des plus beaux temps de la prospérité des éducations. Mais, quand on essaye de faire de la graine avec les cocons de ces belles chambrées, on constate à peu prés infailliblement l'année suivante que cette semence est tout à fait improductive. Comices agricoles, savants, praticiens ont fait à ce sujet les épreuves les plus multipliées. Il en est résulté déceptions sur déceptions et souvent les méprises les plus préjudiciables. Fréquemment des éducateurs honnêtes ont livré au grainage de très belles récoltes parce qu'ils n'avaient observé chez les vers ni taches de pébrine accusées, ni corpuscules, même à l'époque de la mise en bruyère, et que la montée s'était d'ailleurs elîectuée dans les meilleures conditions. L'année suivante, au contraire, Us avaient la douleur de voir périr toutes les éducations de ces graines faites sous des auspices trompeurs. Sans insister davantage sur des faits dont tous les éducateurs ont eu sous les yeux de nombreux exemples, je me bornerai à renvoyer le lecteur à quelques extraits des procès-verbaux des séances du Comice du Vigan, reproduits dans les Notes et Documents de cet Ouvrage p. 613-618J. Il y trouvera les preuves des efforts tentés sans succès par divers membres de ce Comice éclairé, pour lutter contre cette impossibilité presque absolue du grainage indigène. Soins dans les éducations, choix des localités les plus salubres, pratiques diverses dans le but d'éloigner les mauvais reproducteurs, rien n'a été épargné, mais tout a été inutile. C'est ainsi que l'industrie séricicole s'est trouvée tarie dans sa source et qu'il a fallu recourir au commerce pour procurer à la France les semences qu'elle ne pouvait plus pré- parer elle-même. C'est ainsi, comme je l'ai expliqué dans le chapitre premier de l'Introduction, que l'Espagne, le Portugal, l'Italie ont été mis successivement à contribution, et que, ces pays ayant été envahis à leur tour par le fléau, il a fallu étendre plus loin la recherche et la confection de la graine. Toutes ces circonstances si pénibles, si bien faites pour jeter le découragement parmi les éducateurs et donner au fléau un caractère mystérieux, trouvent leur explication naturelle dans les faits de conta- gion que nous venons d'exposer. Placez, en effet, l'éducateur le plus habile, même le micrographe le plus exercé, en présence de grandes éducations qui offriront les mêmes symptômes que nos quatrième, cinquième et sixième expériences, son 118 ŒUVRES DE PASTEUR jugement sera nécessairement erroné s'il se borne aux connaissances qui ont précédé mes recherches. Les vers ne lui présenteront pas la plus légère tache de pébrine ; le microscope n'accusera pas l'existence des corpuscules ; la mortalité des vers sera nulle ou insignifiante ; les cocons ne laisseront rien à désirer. Notre observateur devrait donc conclure, sans hésiter, que l'éducation est bonne pour graine. La vérité est, au contraire, que tous les vers de ces belles récoltes sont empoi- sonnés et qu'à son insu ils portent en eux le germe de la maladie, prêt à se multiplier outre mesure dans les chrysalides et les papillons pour passer de là dans les œufs et aller frapper de stérilité la génération prochaine. Et quelle est la cause première de ce mal caché sous des dehors si trompeurs? Dans nos expériences, nous pouvons la toucher du doigt pour ainsi dire : elle est tout entière dans les effets d'un seul repas corpusculeux, effets plus ou moins prompts, plus ou moins dan- gereux, suivant l'époque de la vie du ver à laquelle ce repas a été donné. Quant aux grandes éducations industrielles, les choses s'y passent à très peu près de la même manière. Sans doute l'éducateur n'empoi- sonne pas directement ses, vers, mais nous allons reconnaître, par de nouvelles expériences, que, dans toute éducation où il existe des vers corpusculeux, les tables sont couvertes de poussières contagionnantes et que ce sont tantôt les feuilles, tantôt les vers qui se chargent de porter le poison dans l'intérieur des [organes. Les effets produits dépendent d'ailleurs de la proportion de ces vers corpusculeux parmi les vers sains, comme aussi des conditions d'élevage propres à res- treindre ou à favoriser la contagion. Dans les éducations diverses d'une même graine, il ne faut donc pas s'attendre à rencontrer rigou- reusement les mêmes circonstances ni les mêmes résultats. Toutefois si le nombre des vers corpusculeux à l'origine est considérable, par exemple, de 20, .10, 50 pour 100 ou davantage, et quelquefois même pour des proportions moindres, soyez assuré que votre chambrée sera détruite à peu près entièrement, car, d'un côté, les vers, corpusculeux dès leur naissance, périront infailliblement, et, d'autre part, ils mul- tiplieront tellement les occasions de la contagion dès le jeune âge, à cause de leur grand nombre, qu'il vous sera difficile de faire arriver jusqu'à la bruyère un certain nombre de vers en état de filer leur soie. Nous voyons, en outre, combien il était illusoire de rechercher la maladie dans les vers à soie par le caractère des taches ou par l'exa- men des corpuscules dans une goutte de sang, comme on le faisait généralement, lorsqu'il s'agissait de décider si l'éducation serait propre à la reproduction. Chrysalides et papillons peuvent être chargés de ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE m corpuscules et les vers qui leur oui donné naissance ne pas offrir la moindre tache de pébrine, ni déceler le parasite aux yeux les plus exercés. Quant ;i la contagion du mal, non seulement elle est indiscutable, mais ses effets sont immenses, incalculables, car on peut admettre que, dans une éducation quelconque, tous les papillons corpusculeux le sont précisément par le fait de la contagion. En effet, tout ver cor- pusculeux à sa naissance est destiné à périr avant de pouvoir devenir papillon; d'autre part, tout ver exempt de corpuscules à sa naissance restera exempt de corpuscules pendant toute l'éducation et encore à l'état de chrysalide et de papillon, pourvu qu'il fasse partie d'une édu- cation où les corpuscules sont absents. On ne saurait en douter quand on considère la marche de nos lots témoins comparée à celle des lots infectés. Les rares papillons corpusculeux trouvés dans ces lots témoins doivent être attribués à la contagion, ou mieux à l'infection à petite distance, comme nous l'expliquerons bientôt; mais ils sont assez peu nombreux pour qu'on donne au principe que je viens de poser la plus grande généralité. En présence de l'effrayante proportion de chrysalides et de papil- lons corpusculeux dans toutes les éducations actuelles, l'importance de ces déductions expérimentales ne saurait échapper à personne. § III. — Contagion directe par la peau des vers à l'aide de piqûres. Le 30 mars 1867, on partagea en trois lots une éducation de 60 vers sains, race blanche de pays à trois mues (*). Les vers avaient fait, depuis deux jours, leur troisième et dernière mue. Le premier lot fut contagionné avec un repas de feuilles corpus- culeuses; le deuxième, en piquant un à un chaque ver sur un des der- niers anneaux et en introduisant dans la blessure une aiguille que l'on venait de tremper dans une goutte d'un liquide chargé de corpuscules, avec la précaution de laver à grande eau le corps des vers pour enlever 1. J'ignore l'origine de cette race. Les cocons étaient énormes. La graine provenait d'une édu- cation de M. Desmolles, ancien député de la Lozère, propriétaire dans le Gard. Puisque j'ai l'occasion de parler d'une race à trois mues, j'ajouterai que ces races m'ont toujours paru beaucoup moins sujettes à prendre la pébrine que les races ordinaires à quatre mues, circonstance qu'il faut attribuer, je pense, à la moindre durée de la vie des vers. On arrive au même résultat en élevant la température des éducations et en multipliant les repas. J'ai vu une chambrée de 20 onces d'une race à trois mues, faite à Alais, ne donner que des papillons sains. Outre qu'elle était à trois mues, l'éducateur, le sieur Sollier, de Saint- Ambroix, avait pour système de porter la température à 26 et 28 degrés Réaumur pendant toute la durée de l'éducation; en revanche, il y eut, au moment de la montée à la bruyère, une foule de vers atteints de grasserie. 120 ŒUVRES DE PASTEUR les corpuscules qui auraient pu rester adhérents extérieurement et passer de là sur les feuilles ('). Enfin le troisième lot ne reçut aucun traitement et servit de lot témoin. La montée pour les trois lots eut lieu du 2 au 4 mai. Tous les vers firent leurs cocons, mais l'examen microscopique des papillons fut bien différent dans ses résultats pour les trois lots. Dans le lot témoin, pas un seul des papillons n'a offert la moindre trace de corpuscules. Dans le lot contagionné par la nourriture, tous les papillons, sans exception, furent corpusculeux de 100 à 200 corpuscules par champ. Enfin, dans le lot contagionné à l'aide de blessures infectées, sept papillons seulement offrirent des corpuscules, de 50 à 200 par champ. La contagion par piqûres infectées a donc lieu, mais elle est moins sûre que par le canal intestinal, ce à quoi il fallait s'attendre, parce que le sang qui sort de la blessure ne laisse pas toujours pénétrer les cor- puscules qu'on cherche à inoculer (-). Pour comprendre toute la part d'influence que peut avoir, dans la propagation de la pébrine, le mode d'inoculation dont nous venons de parler, il suffit de rappeler les observations que j'ai exposées antérieu- rement dans le paragraphe relatif aux taches sur la peau des vers à soie [p. 23-28]. Nous avons reconnu qu'il existait deux espèces de taches, les unes occasionnées par le développement des corpuscules dans l'intérieur des organes et particulièrement dans le tube digestif : ce sont les taches de pébrine propres seulement aux vers corpusculeux. Les autres, infiniment plus nombreuses, sont dues à des blessures que les vers se font en marchant les uns sur les autres. Ces blessures sont faites principalement par l'extrémité des six crochets qui terminent les pattes des anneaux antérieurs de la larve. A l'époque de la montée à la bruyère, il est rare de trouver une éducation industrielle dont tous les vers ne portent pas de ces taches de piqûres. Je ne reviendrai pas ici sur les preuves péremptoires que j'ai données dans le paragraphe précité pour démontrer que ces taches sont uniquement produites par le fait de la vie en commun des vers. 1. La blessure se cicatrise très vite; à sa place il reste une tache noire. 2. Dans les expériences qu'il fit, en 1837, pour contrôler la découverte [faite en 1835] du professeur Bassi, de Lodi, concernant la contagion de la muscardine par le botrytis bassiana, le célèbre naturaliste Audouin avait déjà remarqué un fait de cette nature. [Audouin. Recherches anatoraiques et physiologiques sur la maladie contagieuse qui attaque le< vers ù soie et qu'on désigne sous le nom de muscardine. Annales des sciences natu- relles, 2e sér., VIII (Zool.), 1837, p. 229-243. — Nouvelles expériences sur la nature de la maladie contagieuse qui attaque les vers à soie et qu'on désigne sous le nom de muscardine. Tl ri., p. 257-270.] ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 121 Qu'un ver enfonce les crochets de ses pattes antérieures, ici dans un crottin, là dans un ver corpusculeux ; qu'il aille ensuite, de ces mêmes crochets, piquer un ver sain, il n'en faudra pas davantage pour que ce dernier soit conlagionné. Prenez, dans une éducation où règne la pébrine, des vers quelconques, et lavez dans une goutte d'eau l'extrémité des crochets qui terminent les pattes, la goutte d'eau vous montrera ensuite au microscope un assez grand nombre de corpus- cules. § IV. — Contagion par les poussières fraîches des éducations courantes. Le L" mai 1869, on contagionne 25 vers sains, race jaune de pays (les mêmes que ceux de la deuxième expérience du § II), en se servant, pour matière contagionnante, de crottins de petits vers corpusculeux éclos le 2.") avril. Ces crottins ont été écrasés et délayés dans quelques gouttes d'eau, puis on a étendu le liquide au pinceau sur la feuille d'un seul repas. On constate que les vers mangent assez bien. Ils étaient à trois jours de distance de la troisième mue. Celle-ci a eu lieu le 3 mai. Le premier repas après la mue a été donné le 4 mai à 5 heures du matin. Le 7 mai, on examine deux vers ; le premier offre une petite tache sur la tète. Dans la tunique interne de l'estomac on voit des corpuscules ovoïdes vieux, pas de piriformes ni de jeunes à parois peu distinctes. Dans les glandes de la soie on trouve un centre où les corpuscules commencent à se développer. Ils sont très jeunes et à vacuoles. Le deuxième ver ne présente ni taches, ni corpuscules visibles. Le 8 mai, nouvel examen de deux vers. Le premier n'a ni taches, ni corpuscules, le deuxième a deux petites taches sur le troisième anneau. Dans la tunique interne de l'intestin, on trouve un grand nombre de corpuscules jeunes et à vacuoles. Quelques-uns sont piri- formes. Il y a aussi beaucoup de corpuscules vieux commençant à former des amas. La tunique externe, les tubes de Malpighi et les glandes de la soie commencent également à être envahis, car on trouve quelques corpuscules dans le liquide où on les a broyés. Le premier repas après la mue est donné le 10 mai, à 5 heures du soir. Au délitage du 12 mai, on trouve 20 beaux vers dont les taches n'ont pas encore reparu. L'inégalité commence à être sensible. Elle s'accuse davantage le lendemain. Montée à la bruyère le 19 et le 20. La sortie des papillons s'est faite le 11 juin et les jours sui- vants. On a examiné 15 de ces papillons : 122 ŒUVRES DE PASTEUR 1. 500 corpuscules par champ. 9. 800 corpuscules par champ. 2. 500 » » 10. 500 » » 3. 1.000 » » 11. Pas de corpuscules. >i. 200 » » 12. 800 corpuscules par champ 800 » » 13. 1.000 « >. ii. 100 » » 14. Pas de corpuscules. 7. Pas de corpuscules. 15. 50 corpuscules par champ ('). S. 50 corpuscules par champ. La contagion est donc manifeste, d'autant plus que, dans le lot témoin dont il est parlé page 110, presque tous les papillons étaient exempts de corpuscules. S V. — Contagion îles vers sains par simple association avec des vers malades. Si les vers se contagionnent par un seul repas corpusculeux, s'ils se contagionnent également en se piquant les uns les autres, lorsque parmi eux se trouvent des vers corpusculeux; enfin, s'il suffit que les corpuscules du repas corpusculeux soient empruntés à des crottins de vers corpusculeux, il est de toute évidence que, dans une éducation où il existe des vers corpusculeux, les causes de con- tagion sont naturelles, et pour ainsi dire inhérentes à l'éducation. Les crottins des vers corpusculeux tombant sur les feuilles; ces crottins plus ou moins pressés sur ces mêmes feuilles, quand ils se trouveront placés entre celles-ci et le corps des vers; les corpuscules qui souillent constamment, comme nous l'avons dit, l'extrémité des crochets des pattes : voilà autant de circonstances pouvant amener l'introduction de corpuscules dans les vers sains. Dès lors, il doit suffire, pour provoquer la contagion des vers sains, de les associer dans la même éducation avec des vers malades. Tel est, en effet, le résultat que l'expérience suivante démontre : Le 29 avril, à 4 heures du soir, on contagionne 50 vers sains, .race blanche de pays ("2) ; le lendemain, à 9 heures du matin, on les réunit avec 50 vers sains, race jaune, ayant rigoureusement le même âge. La couleur des cocons a été choisie, comme on le voit, de manière à pou- voir servir plus tard à reconnaître les deux sortes de vers employés. 1. Il est probable que les papillons [7] 11 et 14 provenaient de vers n'ayant pas mangé au repas contagionne. 2. "Vers nés de la graine du maréchal Vaillant, la même que celle dont il est déjà question p. 115. [Voir, p. 37Ô-378 du présent volume : Maréchal Vaillant. Résultat de deux petites éducations de vers à soie provenant de graines étudiées par M. Pasteur. Lettre à M. Pasteur.l ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VKRS A SOI!', 123 Les vers sonl entre la seconde et la troisième mue. Cette dernière a commencé pour tous les vers le 3 mai. Le premier repas après la mue a eu lieu le 4, à 10 heures du malin, et celui après la quatrième mue le 10, à 5 heures du soir. Ce jour-là, une inégalité sensible commence à se produire et elle s'accuse de plus en plus les jours suivants. La montée a lieu le 19, mais elle est très lente, elle ne se termine que sept jours après. Le 26, on trouve 3 chrysalides sans cocons et 1 ver mort. Dans chacun de ces quatre sujets, il y a un nombre immense de corpuscules. Le décoconnage, t'ait le 29, donne 50 cocons jaunes et 45 blancs. Ces derniers, comparés à ceux du lot type, sont beaucoup plus faibles en soie. Au contraire, il n'existe pas de différence appré- ciable entre les cocons jaunes et ceux du lot témoin relatif à cette race. Le 29, on examine au microscope 15 chrysalides de la race blanche et 15 chrysalides de la race jaune. Voici les tableaux comparés des deux séries d'observations : 1. 500 2. 800 3. 1.000 4. 1.500 5. 500 6. 500 7. 200 8. 1.000 500 corpuscules par champ Pas de corpuscules. Cocons blancs. amp. 9. 1.000 corpuscules par champ 10. 500 » » 11. 500 » » 12. 500 » » 13. 1.000 » » 14. 1.000 » » 15. 800 » » Cocons jaunes. 9. Pas de corpuscules. 10. 40 cor >uscules par champ. 11. Pas de corpuscules. 12. » » 13. » » 14. » » 15. » » La sortie des papillons commence le 10 juin pour les jaunes et le 1 1 pour les blancs. Ces derniers sont affreux, à ailes recroquevillées, la plupart à duvet noir, et sans vivacité aucune. Les jaunes, au contraire, sont en général assez vifs; trois d'entre eux ont le duvet noir. Après la sortie complète des papillons, on en examine 15 de chaque sorte. Voici les tableaux comparés des observations : 124 ŒUVRES DE PASTEUR 500 corpuscules par champ. 1. 500 2. 1.000 3. 2.000 4. 1.000 .Y 1.000 6. 2.000 7. 2.000 8. 500 1. 100 corpuscules par champ. 2. 150 3. 50 4. 50 5. 200 6. 200 7. 100 8. 50 Cocons Iil a a c. imp. 9. 1.000 corpuscules par champ 10. 2.000 » « 11. 5.000 » » 12. 2.000 « » 13 5.000 » » 14. 2.000 » « 15. 3.000 » » Cocons jaunes. ip. 9. 20 corpuscules par champ. 10. 100 » » 11. Pas de corpuscules. 12. 50 corpuscules par champ. 13. 50 » » 14. 500 » » 15. 40 « » Parmi les papillons blancs un cinquième étaient vivants clans le cocon et n'avaient pas eu la force d'en sortir. En outre un dixième des- chrysalides étaient mortes. Enfin, dans les lots témoins des deux races, presque tous les papillons étaient exempts de corpuscules. Il résulte clairement de cette expérience, dont je pourrais pré- senter beaucoup d'autres exemples, que la contagion de la pébrine à des vers sains se fait très facilement par la vie en commun de ces- vers avec d'autres vers corpusculeux. Quant à l'intensité de la conta- gion, elle dépend évidemment de la proportion plus ou moins grande des vers corpusculeux, relativement à celle des vers sains et du degré d'infection des vers malades. § VI. — Infection ou contagion à distance. Puisque des crottins de vers n'ayant que quelques jours de dater comme dans l'expérience du S IV, peuvent provoquer la contagion, il est présumable que la pébrine doit être infectieuse, transportable à distance par les poussières des éducations. J'ai fait à cet égard des expériences concluantes. Placez clans une magnanerie des vers très sains sur une table éloignée de celles de l'éducation principale et prenez les soins nécessaires pour qu'il n'y ait jamais mélange des deux sortes de vers. Si l'éducation principale est malade, soyez assuré que vos vers sains à l'origine s'infecteront ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIF. 125 tous. Il n'est pas possible île ne pas attribuer la contagion qui a lieu dans cette circonstance aux poussières en suspension dans l'air, que les délitages, les balayages, les allées et venues des personnes soulèvent des labiés ou du plancher, et parmi lesquelles se trouvent inévitablement des débris de vers morts ou des crottins de vers malades. Je me bornerai à rapporter une seule des nombreuses expériences que j'ai faites sur ce sujet; l'authenticité en a été établie par des témoignages publics. Elle a eu lieu en 18G9, dans la magnanerie expérimentale du Comice du Vigan, à Sauve. J'ai exposé ailleurs que le Comice du Vigan a élevé en 1869, à Sauve, une once d'une graine qui devait infailliblement périr de la pébrine (*). Elle avait été faite à Sauve même, avec les cocons d'une chambrée admirable, qui avait fourni 51 kilogr. 500 de cocons pour une once de graine de 25 grammes. M. le Dr Delettre était chargé de la direction de l'éducation. Désirant le convaincre une fois de plus de la sûreté des principes que j'avais établis, je le priai de faire l'expé- rience suivante. Il fut convenu entre nous qu'à côté de l'éducation de 25 grammes de la graine condamnée, M. Delettre élèverait dans la même pièce, mais sur des tables séparées, deux grammes d'une graine .saine dont je lui remis en outre une demi-once pour une éducation qui aurait lieu, au contraire, à une grande distance de celle du Comice, dans un village éloigné. Voici, dans ses termes exprès, le pronostic que je portai sur ces trois éducations au mois de mars, par conséquent longtemps avant l'époque des éducations : « L'once de 25 grammes périra à peu jirès intégralement, sans donner un seul cocon. Au contraire, les vers des deux grammes élevés dans la même magnanerie, ainsi que les vers de la demi-once, réus- siront très bien. Ils n'ont à craindre que la flacherie accidentelle. Mais il y aura une différence complète entre les chrysalides de l'édu- cation des deux grammes et celles de la demi-once. Les chrysalides de la demi-once seront en majeure partie ou en totalité privées de cor- puscules, tandis que toutes celles des deux grammes en offriront dès les premiers jours de leur formation. » Le résultat fut de tout point ce que j'avais annoncé. A côte de 1. J'avais porté ce jugement par écrit dans une lettre au Dr Delettre, médecin à Sauvr. à lï-puque même du grainage, en 1868. Le Comice du Vigan décida que, pour mettre mon jugement à l'épreuve, une once de celte graine sérail élevi V > h 1869, comme cela avait eu lu -n en 1867 et 1868 avec des graines que j'avais déclarées bonnes et qui avaient produit, en 1867, 46 kilogr. 500, et, en 1868, 51 kilogr. 500 de cocons pour une once de 25 grammes. T'o9, M. Duclaux n'a pas rencontré un seul sujet corpusculeux. Dans le courant de la même année, M. Breux, désirant vivement joindre à sa race blanche la race jaune, préférée pour sa vigueur, au moins dans certaines localités de la Fiance, fit venir de Monlauban de la graine de cette dernière race, et il se disposait à l'élever, conjointement avec sa propre graine ÉT1 DES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 131 blanche, lorsqu'il fut averti que cette graine jaune était malade, et qu'en l'associant à sa belle et forte race blanche il perdrait celle-ci. M. Breux s'empressa dès lors île jeter cette graine jaune. Au mois de juillet 1869, ayant eu besoin de me procurer une assez grande quantité de graine faite par mon procédé de grainage, je priai M. Duclaux d'examiner les papillons de l'éducation de M. Breux et de m'en envoyer la graine s'il y avait lieu. M. Duclaux me répondit, non sans manifester une grande surprise, que les papillons de M. Breux renfermaient, cette année, 95 pour 100 de sujets corpusculeux. Cette circonstance me parut d'autan! plus extraordinaire, que nous avions élevé à .Mais, dans ce centre qui passe pour si infecté, une petite quantité de la graine blanche de M. Breux, et que les papillons de nos petites éducations s'étaient montrés sains à 90 pour 100 au moins, et quelquefois à 100 pour 100. Comment se rendre compte de cette apparition, en quelque sorte spontanée, des corpuscules dans un département qui n'en avait pas montré depuis 1866 ? Je viens de recevoir de M. Duclaux l'explication complète de ce fait anormal. Parmi les cocons blancs obtenus par M. Breux, on en a trouvé deux avant la couleur jaune et tous les caractères de ceux de la graine jaune que M. Breux avait fait venir de Montauban. En d'autres termes, à L'insu de M. Breux, il s'était mêlé à sa graine blanche quelques œufs de la graine jaune qu'il avait cru jeter intégralement. Les vers jaunes, dont deux ont survécu et fait des cocons, ont évidemment été la source des corpuscules qui, pour la première fois, ont infecté la petite éducation d'Aurillac. S VII. — La pébrine ne peut dans aucun cas détruire V éducation industrielle d'une graine issue de papillons sains. Parmi les questions que soulèvent l'existence et la nature de la pébrine, il n'en est peut-être pas de plus intéressante que celle qui est résolue par le titre de ce paragraphe. Dans les premiers mois de l'année 1867, peu de temps après mon arrivée a Alais, où je venais «n'installer pour la troisième fois, je reçus de Paris une lettre anonyme, courtoise d'ailleurs, écrite peut-être par une personne amie qui me voyait avec peine engagé dans des études dont les difficultés paraissaient inextricables. On m'y représentait en substance qu'il n'y avait pas une grande utilité à atteindre le but que je poursuivais de découvrir un moyen de faire de la graine saine, puisque celle graine deviendrait malade pendant qu'elle serait élevée. 132 ŒUVRES DE PASTEUR et que ce serait toujours à recommencer sur de nouveaux frais. Celte lettre, et c'est pour ce motif que je la mentionne, trahissait une préoccupation qui était générale. Sous l'influence d'idées alors fort répandues, principalement depuis les publications de M. de Qua- trefages (*), que la maladie des vers à soie était une « épidémie », une « sorte de choléra », que, dans les centres d'éducations de vers à soie, il existait un « milieu délétère », on pensait qu'il fallait songer bien plus à la découverte d'un remède qu'à celle d'un moyen préventif du mal. 11 paraissait à tous cpie le fléau pouvait fondre tout à coup sur les éducations les plus saines. Dans le jugement que M. Cornalia a porté, en 18(35, sur ma première Communication à l'Académie ('-), on retrouve cette préoccupation. La voie dans laquelle je m'engageais, pensait-il (3), ne tendait pas directement à la production de la graine saine. Il fau- drait que les œufs sains augmentassent en nombre, mais comment faire si la maladie les atteint '.' Le progrès de mes études a heureusement et complètement dissipé ces appréhensions. L'ensemble des faits exposés dans le présent cha- pitre démontre avec une entière certitude que dans une éducation d'une graine saine, c'est-à-dire exempte de corpuscules, parce qu'elle sera née de papillons également privés de cet organisme, il est impos- sible que les vers issus de cette graine puissent périr en masse avant de faire leurs cocons. Jamais la contagion au contact, jamais la conta- gion à distance ne pourront atteindre ces vers assez tôt dans leur existence à l'état de larves pour que la pébrine les décime avant la montée à la bruyère. Cela ne pourrait arriver que dans le cas où l'on changerait complètement les conditions actuelles des éducations ; par exemple, si la vie des vers était prolongée par une diminution du nombre des repas bien au delà du terme ordinairement fixé par la pratique habituelle. Le principe que j'invoque résulte clairement de la marche de la contagion, delà lenteur du premier développement des corpuscules et de la résistance à la mort qu'offrent les vers envahis par le parasite. Je ne saurais en donner une preuve plus certaine qu'en rappelant l'expérience mentionnée au paragraphe précédent, et relative à ces deux grammes d'une graine saine élevée dans la chambrée du Comice du Yigan, à Sauve, au voisinage d'une éducation dont tous les vers 1. QuATREFAQES (A. de). I.OC. cit. 2. Voir. p. 427-431 du présent volume : Observations sur ta maladie des vers à soie. 3. Goknalia (E.). Rapporto délia Commissione nominata dall' I. R. Istituto lombardo di scienze, letter 1 arti per lo studio délia malattia dei bachi da seta, 1865. Milan. 1866. [Notes d l Édition .) ÉTUDES SUB LA MALADIE DES VERS A SOIE 133 étaient très corpuscule u.\ déjà avant la quatrième mue. Même au milieu de ce centre d'infection où périssait une éducation de 25 grammes de graine sans fournir un seul cocon, La graine saine a donné une 1res belle récolte eu suie. Là est le nœud de tout le problème séricicole en ce qui concerne la pébrine. (Test dans la réalité indiscutable de ces résultats qu'il faul placer le salut des récoltes et l'éloignement des ravages de cette terrible maladie. Faites de la graine saine par le procédé que j'indiquerai dans un chapitre ultérieur [chapitre V] et, quoi qu'il arrive, quelles que soient les fautes d'éducation que vous puissiez commettre, mauvaise hygiène, association dans les mêmes locaux de toutes sortes de graines bonnes ou maux aises, quelles que soient les influences climatériques que vous ayez à subir, votre récolte sera assurée contre la pébrine. Cette maladie pourra sans doute vous enlever quelques vers que la contagion ou l'infection auront gagnés dès les premiers jours de leur vie, mais la niasse ne pourra céder à ces funestes influences avant l'époque delà montée. Je ferai, à cette occasion, une digression historique, dont les détails mettront en lumière les idées qu'on se faisait du caractère épidémique de la maladie avant 1865 et dont les hommes les plus instruits ont encore peine à se débarrasser. J'ai rappelé antérieurement que M. Cantoni avait tenté en 1864 une éducation avec la graine de cent vingt-cinq couples, dont le mâle et la femelle étaient exempts de corpuscules ('), mais que cette éducation avait péri et que, découragé par cet insuccès, ce savant professeur avait abandonné la poursuite de ses études dans cette direction. M. Cantoni expose ensuite que les résultats de mes expériences de L866 et de 1867 sur la contagion de la pébrine lui firent présumer que la graine de ses cent vingt-cinq couples avait dû échouer très pro- bablement parce que la pébrine s'était emparée des vers par infection. L'auteur rapporte alors qu'afin de mieux fixer ses idées sur la cause à laquelle il devait attribuer son insuccès de 1864, il contrôla en 1867 -' mes observations au sujet de la contagion. Les ayant trouvées exactes, M. Cantoni termine en concluant que ses présomptions sur la cause de son échec de 1864 sont fondées, c'est-à-dire que la graine de ses cent vingt-cinq couples a péri par contagion accidentelle de la pébrine. 1. Voir, à ce sujet : Cantoni (G.)- La pébrine. Reçue universelle de sériciculture, n» 3. septembre 1867, I. p. 68-72. 2. Gantom (G.). La pébrine des vers à soie. Journal d'agriculture pratique, 1867, II, p. 335-336 et p. 551-552. [Notes de l'Édition). 134 ŒUVRES DE PASTEUR Cette interprétation de M. Cantoni, développée par lui de nouveau dans diverses Notes en L869 ' , par opposition avec quelques-unes de nies opinions, est entièrement controuvée. Je répète qu'il ne peut arriver qu'une graine saine périsse de la pébrine avant la confection des cocons. M. Cantoni ne me paraît pas avoir compris, en 18b7, et paraît ignorer encore l'économie et la sûreté de ma méthode de grai- nage, et j'aurais très mal résolu le problème auquel je me suis dévoué pendant ces cinq dernières années, si, tout en donnant un moyen pra- tique de faire de la graine saine, je n'avais pas établi simultanément que cette graine élevée à la manière ordinaire fournirait d'abondantes récoltes qui se trouveraient dans tous les cas à l'abri de la pébrine; qu'il n'existait nulle pari de milieux infectés, délétères, dans le sens médical actuel de ces expressions ; qu'enfin on se faisait des idées erronées de la cause du fléau et de son mode de propagation. On ne saurait trop se persuader que mon procédé de confection de la semence saine des vers à soie, que j'exposerai dans un prochain chapitre, emprunte son principal mérite à cette circonstance, si bien démontrée par les résultats de mes expériences sur la contagion, que les éduca- tions de vers issus d'une graine saine ne peuvent dans aucun cas être détruites parla pébrine avant la montée à la bruyère. 1. Cantoni (G.)- Expériences sur la durée du pouvoir contagionnant des corpuscules. Journal d'agriculture pratique, 1869, II, p. 307-309 et p. 558-559. (Xote de l'Édition.) CHAPITRE III DE LA .NATURE DES CORPUSCULES ET DE LEUR MODE DE GÉNÉRATION J'ai rappelé, dans la partie historique de cet Ouvrage relative aux corpuscules des vers à soie, que le professeur Leydig, de Tûbingen, les avait le premier considérés connue une espèce du genre psoro- spermie, créé par Jean Millier '\ C'était indiquer d'une manière géné- rale que cet organisme était un parasite, et que ce parasite devait se propagera la manière des espèces de ce genre (s). Les psorospermies 1. Voir p. 35-36 du présent volume. {Xote de l'Édition.) 2. Voir [p. 620-626 du présent volume] les extraits des divers travaux de M. Leydig sur ce sujet. Dès que j'appris que M. Leydig avait assimilé les corpuscules à un genre de parasite peu connu, caractérisé spécialement par un mode tout particulier de reproduction, je m'empressai de me procurer les Mémoires de ce naturaliste, dont le nom fait autorité en Allemagne, et de me mettre en rapport avec lui. Il y avait pour moi un intérêt majeur à m'assuivr de l'existence du parasitisme de la pébrine, car j'y trouverais une des meilleures preuves de la vérité des principes que je cherchais à établir. M. Leydig eut l'extrême obligeance de devancer mes désirs. Ayant appris par un libraire allemand que j'avais demandé ses travaux sur les psorospermies, il me les envoya lui-même, avec une lettre dans laquelle il me faisait part de diverses observations au sujet de ces parasites. Je m'empressai de remercier mou savant correspondant et de lui demander ses conseils et les lumières de sa grande expérience dans ces matières. On lira peut-être avec quelque intérêt les extraits suivants des deux dernières lettres que nous avons échangées à cette occasion : « Toutes mes recherches, disais-je à M. Leydig, à la date du 9 décembre 1866, pour découvrir un mode de reproduction des corpuscules sont restées infructueuses. Les cor- puscules du ver à soie me paraissent être des organites, des éléments anatomiques, des corps analogues aux globules du sang, du pus, de la fécule, en un mot à tous ces corps de l'orga- nisme animal ou végétal qui, très réguliers de formes, sont organisés, mais non susceptible de reproduction par génération. Vos grandes connaissances en histologie zoologique me faisaient un devoir de me mettre au courant de vos travaux qui, certainement, ébranlent ma manière de voir. « Permettez-moi de vous dire ce que j'ai vu concernant l'origine de ces petits corps. L'appa- rition du corpuscule chez le ver à soie me semble procéder d'une transformation des tissus. Là où ils vont prendre naissance, je n'aperçois d'abord qu'une matière amorphe, translucide; tout au plus j'y distingue des granulations confuses; puis, je soupçonne des formes de cor- puscules ayant déjà la dimension des corpuscules adultes, mais sans en avoir le moins du monde la visibilité de contour, ni l'éclat, ni la liberté d'aller et de venir. La substance se délimité d'elle-même, en quelque sorte, sur toute sa surface, par un dessin d >rpuscules d'abord presque invisibles, et peu à peu de plus en plus nets dans leurs contours, se tenant les uns aux autres, sans doute par les portions de matières non transformables ou non encore transformées en corpuscules. En d'autres termes, le corpuscule ne m'a point paru du tout 136 ŒUVRES DE PASTEUR son l généralement des amas de corpuscules plus ou moins volumineux, formant quelquefois des kystes, des tubercules, logés dans la peau, dans les muscles, dans divers organes où ils composent des amas blanchâtres. Ce qui caractérise essentiellement ces productions, d'après l'illustre physiologiste Mùller, c'est l'existence, à l'intérieur des cor- puscules, d'autres corpuscules reproducteurs des premiers après qu'ils sont sortis de ceux-ci. Voici un des modes de génération des psorospermies, indiqué par Mûller, pour ceux qui forment fré- quemment une sorte d'éruption sur la peau de la tête du Sandre : « Sur la peau de la tête du Sandre on trouve une sorte d'éruption con- sistant en pustules blanches, plates, de 1 à •'! millimètres de large, dispersées çà et là... Le contenu de ces pustules est composé de corpuscules (psorospermies) avec deux vésicules intérieures, [p. 482.] « Il est vraisemblable que les vésicules sont des germes de nou- veaux corpuscules. En se développant ces germes se gonflent, se détachent de leur point d'adhérence, et forment une paire d'ampoules dans l'intérieur du corpuscule, transformé en une cellule à parois minces. Le corpuscule nouveau acquiert sa forme adulte dans cette être quelque chose qui grandisse, qui soit d'abord un point et qui grossisse ultérieurement. Ce qui s'accuse et grandit de plus en plus, si je puis m'exprimer ainsi, c'est la netteté de leurs contours et la réfringence plus accusée de leur masse. Existe-t-il une liaison matérielle quelconque entre les corpuscules à l'état adulte et ce substratum de leur première évolution? Je ne l'ai jamais aperçue. Enfin, je n'ai pas davantage réussi à constater les faits de géné- ration par division spontanée, observés par le D' Lebert. « Je m'attacherai tout particulièrement, l'an prochain, à suivre votre point de vue, et ce sera avec le plus vif désir de le confirmer par des faits décisifs, car le résultat pratique de mes recherches est que le meilleur moyen de se procurer une graine irréprochable est d'avoir recours à des papillons exempts de corpuscules. Or, si votre opinion est fondée, celle-ci le sera par là même. » Le lecteur reconnaîtra que, dans tout ceci, j'étais préoccupé de l'idée que le mode de reproduction des corpuscules, dans le cas où l'opinion de Leydig serait exacte, devait pro- céder du corpuscule ordinaire, adulte, brillant; mais c'est précisément ce qui n'est pas. C'est au moment où le corpuscule est très jeune, sous des formes indistinctes, qu'il se multiplie. *t le corpuscule brillant serait réellemenl une espèce d'organite, impropre à se reproduire. Voici ce que me répondit M. Leydig, à la date du 20 décembre 186G : « Je ne puis partager votre idée que les corpuscules seraient des éléments histolo- giques de l'animal malade. En me fondant sur toutes mes observations, les corpuscules sont, pour moi, des formations parasites, qu'on les appelle du nom spécifique que l'on voudra. Par cette manière de voir, je n'ai rien à objecter sur ce que vous pensez concernant l'origine de •ces petits corps; bien plus, je le tiens pour exact et je regrette seulement de n'avoir pas encore publié les observations dont je parle à la fin de mon travail de 1803 que je vous ai adressé, intitulé : Le parasite du ver à soie. [Leydig (Fi\). Der Parasit in der neuen Krank- heil der Seidenraupe noch einmal. Archic fur Anatomie ii/id Physiologie, 1803, p. 180- 192]. Je considère cette matière amorphe ou ces granulations confuses dont vous parlez et qui vous parait être une modification des tissus eux-mêmes, pour des parasites et même pour une matrice île champignons. Pour m'expliquer avec plus de précision, les masses granuleuses qui se trouvent dans les tissus du ver, je les compare à cette matrice de champignons qui existe, par exemple, si généralement, sur Pépithélium des papilles filiformes de la langue de l'homme. Jusqu'à présent, dans mes cours de microscopie, il ne s'est trouvé encore aucun étudiant qui, dans la cavité buccale, ne possède cette matrice de champignons. » ÉTUDES SUR I. A MALADIE DES VERS A SOIE 137 cellule-mère dont 1rs parois se résorbent en laissant libres 1rs cor- puscules qui y sonl contenus '). » Les premières notions propres à donner raison aux vues de .M. Levdig, et à l'aire admettre que les corpuscules sont réellement une espèce parasite du genre psorospermie, se trouvent peut-être dans une publication faite en 1861, par M. Tigri, professeur à Sienne(2). Elles ont été beaucoup mieux précisées ultérieurement, par M. Bal- biani en 1866. Voici comment s'exprime ce naturaliste (3; : « Les cor- puscules de la pébrine présentent, dans leur évolution, des phéno- mènes très analogues (très analogues au mode de propagation des psorospermies des poissons), seulement au lieu de se propager à l'aide , b, b des corpuscules de diverses formes, ovales, piriformes, soit pleins, soit avec vacuoles; c sont des cristaux des tubes malpighiens Quelque soin que l'habile dessinateur de ces figures, M. Lacker- bauer, ait mis à représenter toutes ces formes de corpuscules, il faut craindre que la main de l'artiste ait ajouté ou retranché quelque chose à la nature; aussi avons-nous essayé de fixer par une épreuve photo- graphique [2e fig. de la p. Hl] un des champs d'observation, et de pré- férence un champ à cellules pâles, d'apparence très tendres, indis- tinctes même à tel point qu'on les prendrait quelquefois pour une ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOI] 141 Formation et développement îles corpuscules. Formation et développement des corpuscules. Cellules et corpuscules jeuues. \'i'2 mai, examen d'un ver. Foule de petites taches sur tout le corps. La tunique interne de l'intestin renferme un nombre considé- rable de corpuscules, environ 50 par champ et de formes diverses. Les moins nombreux sont ovoïdes. Les autres sont piriformes et pleins, et le plus grand nombre piriformes et à double enveloppe. Dans presque tous ces derniers on retrouve le granulin déjà f) 0,(1 0 observé hier. Dans l'un d'eux ce granulin se meut sur çyl?9 °*'& {4 place avec rapidité, ce qui montre qu'il est libre dans U q'J L/ cette espèce de gourde. On le suit de l'œil- pendant plusieurs minutes; à diverses reprises, il pénètre dans la partie effilée, mais il en ressort toujours et finit par se fixer sur la paroi interne du corpuscule. A côté, et en dehors, on voit un granulin isolé exactement de même grosseur et du même degré de réfringence que le granulin placé à l'intérieur. Quand ils sont l'un et l'autre sur le même ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 145 plan focal, ils deviennent obscurs ou brillants simultanément à mesure qu'on abaisse ou qu'on élève l'objectif, en conservant toujours dans leurs aspects respectifs une parfaite identité. Dans la muqueuse externe de L'intestin, pas plus que dans les tubes de Malpighi, on ne découvre îles corpuscules. Dans les glandes de la soie, en un point de la couche celluleuse qui entoure le tube central, on voit comme une poche pleine de corpus- cules. C'est le premier groupe de cette nature que l'on rencontre depuis le jour où on a contagionné les vers. Jusqu'à présent, dans l'intestin les corpuscules étaient disséminés et adhérents à la paroi. Ici, au contraire, ils sont réunis en un amas, qui, après avoir été broyé, laisse répandre dans le liquide environnant des corpuscules de formes 1res diverses. Il y a des corpuscules piriformes à double membrane, de grandeurs variables; quelques-uns sont très petits et, depuis ceux-ci jusqu'à la grandeur ordinaire, il y a toutes les transitions. En outre, on voit comme un semis de points brillants dans une matière amorphe. Ces points brillants ont le même éclat et la même réfringence que les vacuoles des corpuscules piriformes les plus jeunes. Enfin, il y a un nombre considérable de corpuscules à vacuoles; les uns n'en ont qu'une, les autres en ont deux. Le corpuscule piriforme dont la paroi paraît formée de deux membranes voisines parallèles est évidemment un corpuscule à paroi simple, dont le contour de la vacuole s'est agrandi et est venu se coller contre cette paroi extérieure, de façon à la rendre double. Parmi les formes de corpuscules de l'amas dont il s'agit, on aper- çoit beaucoup de cellules, les unes rondes, d'autres ovales, d'autres avant la forme de poires, mais mal délimitées; ces cellules sont homo- gènes, en général; pourtant on voit nettement dans quelques-unes une partie centrale plus claire. Le 4 mai, examen d'un nouveau ver. Foule de petites taches sur tout le corps. Dans la tunique interne de l'estomac, le nombre des corpuscules est considérable. Ils sont encore tous piriformes, les uns à double enveloppe, les autres pleins et homogènes. On ne réussit pas à voir des cellules. Les tubes de Malpighi sont envahis en plusieurs points par des corpuscules et des cellules ; les corpuscules sont presque tous piriformes, les uns à double enveloppe, les autres pleins, homogènes, assez brillants ; d'autres enfin ont une vacuole à l'inté- rieur du renflement : les cellules sont rondes, assez volumineuses et granuleuses à l'intérieur. L'iode les plisse, et, sous son influence, il se forme, dans la cellule, comme une ou plusieurs cavités dont cha- cune a son granulin intérieur, quelquefois disposé avec une grande ÉTUDES SDB LA MALADIE DE- VERS A SOIE. 10 146 ŒUVRES DE PASTEUR symétrie. Dans les glandes de la soie on trouve deux points envahis qui présentent les mêmes formes de corpuscules en poire que dans la tunique interne de l'estomac, et aussi des cellules, mais en nombre restreint. Le .r> mai, nouvel examen de trois vers. Le premier a deux petites taches, l'une sur la tête, l'autre au premier anneau. Dans la tunique interne de l'intestin, corpuscules piriformes, soit à double membrane, Cellules et corpuscules naissants désagrégés par la solution d'iode. soit homogènes, et corpuscules ovales. Dans les tubes de Malpighi, corpuscules piriformes à vacuoles et cellules. Dans les glandes de la soie, corpuscules piriformes pleins, à double membrane ou à vacuoles volumineuses, seulement dans le rendement. En outre, foule de cel- lules, dont les plus petites, à rellet mat, paraissent pleines et res- semblent un peu à des globules de graisse, et dont les autres sont remplies d'une matière granuleuse segmentée. En les traitant par l'eau iodée, elles se ratatinent, se déforment, et l'on voit apparaître nettement, dans l'intérieur, un ou plusieurs granulins. La ligure ci-dessus représente l'effet de l'iode sur les cellules, leur désagrégation et le développement considérable des granulations ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 147 ou autres formes rappelant de très petits corpuscules ovales, qui étaient sans doute en voie de formation dans certaines cellules (»). L'eau iodée, en agissant sur les corpuscules piriformes à vacuoles, met nettement en évidence, dans leur intérieur, un globulin parais- sant collé contre la paroi, observation qui établit une nouvelle relation entre la cellule et le corpuscule piriforme. Dans le deuxième ver, foule de taches sur tout le corps. Dans la tunique interne du tube digestif, nombre considérable de corpuscules piriformes, à double enveloppe et isolés les uns des autres. Dans les tubes de Malpighi, un point est envahi et paraît formé d'un tissu aréolaire, dont les aréoles sont comme des renflements de corpuscules piriformes, avec vacuoles, n'atteignant pas la partie effilée du corpus- cule. On y voit en outre une grande quantité de cellules, d'un aspect mat et très finement granuleux, mais sans segmentation interne. Sous L'influence de l'eau iodée, la matière intérieure se contracte, laisse trois ou quatre espaces vides, et un nombre égal de globulins assez réfringents se montrent ça et là dans la cellule qui conserve quelque- fois son aspect rond quand il n'y a pas eu trop d'eau iodée ajoutée. Dans le troisième ver, fort taché comme les deux autres, la tunique interne de l'estomac montre un grand nombre de corpuscules, distants les uns des autres de plusieurs fois leur longueur. Cependant on com- mence à voir se former des amas, et dans ces amas de corpuscules piriformes à double membrane, on voit souvent C3^ quelques rares corpuscules ovales. Dans presque tous ces corpuscules on retrouve le granulin intérieur. Avec un fort (\ grossissement et un objectif à immersion, ce granulin se montre mùriforme à sa surface et quelquefois un peu allongé, comme s'il était formé de deux ou trois petites masses ajoutées bout à bout. On a essayé de figurer ces apparences dans le premier des contours ci-joints. L'autre représente fidèlement un corpuscule avec deux granu- lins intérieurs, et un troisième extérieur vis-à-vis d'une solution de continuité de la paroi, comme si ce dernier granule était sorti du corpuscule en cet endroit. C'est le seul exemple de ce genre qu'on ait constaté. En observant avec beaucoup d'attention, toujours avec ce même 1. D'après des publications récentes de MM. Haberlandl [voir Rivista setlimanale di bachicoltura, Milan, 21 mars 1870, p. 45] et Levi, correspondant à des faits observés par ces auteurs pendant la campagne séricicole de mai et de juin 1869, l'eau de chlore agirait à la manière de l'iode pour désorganiser les corpuscules. M. Levi a été plus loin : il a démontré, par des expériences très bien conduites, qu'après l'action du chlore les corpuscules ont perdu leur pouvoir contagionnant. (Voir, dans les numéros de janvier et février 1870 de la Rivista settimanale di bachicoltura, publiée ;\ Milan, une lettre du Dr Alberto Levi à M. Cornalia.) 148 ŒUVRES DE PASTEUR fort grossissement, les corpuscules piriformes à double membrane, on ne peut s'empêcher de les croire percés à leur extrémité. La por- tion effilée est souvent très aplatie et peu distincte, et paraît se con- fondre avec la matière du milieu environnant. Dans les tubes de Malpighi, encore des corpuscules piriformes mélangés à des cellules. Le lecteur remarquera, sans doute, que depuis le jour de la conta- gion, le 24 avril, jusqu'aujourd'hui 5 mai, c'est-à-dire pendant les onze premiers jours du développement de la maladie, nous n'avons, pour ainsi dire, rencontré que des corpuscules piriformes, des cellules et des granulins, et qu'il y a eu presque absence complète de corpus- cules ovoïdes ordinaires. D'ailleurs, jusqu'à présent, le développement des corpuscules a été assez peu accusé pour qu'il eût été extrêmement difficile de recon- naître qu'il y avait eu contagion en broyant les vers dans un peu d'eau et examinant ensuite une goutte de la bouillie. Dans tous les cas, l'observateur aurait dû rechercher, non des corpuscules ovoïdes qui étaient très rares, mais bien des cellules et des corpuscules piri- formes. Les choses se passent généralement comme nous venons de l'exposer, lorsqu'on s'attache à suivre la marche de la maladie dans des vers con,tagionnés directement. Le développement des corpuscules ne paraît donc pas du tout procéder de changements qui survien- draient dans les corpuscules ovoïdes, brillants, ordinaires, comme le suppose M. Balbiani ('), mais bien des corpuscules piriformes, des cellules, et de ce que nous avons nommé granulins, pour ne pas employer l'expression trop déterminée de nucléoles. Le 8 mai, on trouve deux vers corpusculeux et flats. Comme les dernières observations faites sont du 5 mai, et qu'il s'agit de vers atteints de flacherie, il y a là deux motifs pour que la contagion y soit très avancée. Je démontrerai, en eiïet, dans un chapitre spécial, que la multiplication des corpuscules est beaucoup plus rapide dans les vers atteints de flacherie ou prédisposés à cette maladie que dans les vers vigoureux. Chacun de ces vers a des taches sur le corps. Dans la tunique interne de l'estomac de l'un d'eux, on trouve, outre des corpuscules piriformes à double membrane, des corpuscules ovoïdes, brillants, et d'autres pâles à vacuoles. Il commence à s'y former également des amas volumineux de corpuscules ordinaires. Les glandes de la soie 1. Balbiani. Loc. rit. {Note de l'Édition.) /' Lackerbauer .2 ^ Si 3 r gj fl) T3 T3 09 ri c « a) £ ^ 3 3 g "3 § §s o* - ~ - - H S-1-5S U "* *■ o 2 p ES _- U f> O >■ *u o 0) rt « p" m O Ph tfi Cm ° « — [fi „ ûj O U a> 3 S s ? a Cfi Cm 3C tfi 00 CD tfi ® tfi 2 S s -a CL „ - - - p -«; o o ° CS « o | -o C' te O O lO tS Cl oo Cfi tfi CD OJ o oo a *i *3 [3 CONTAGION ir un papillo usculeux de 00 cfi = - a S. CL „ _ „ _»„.»_;-- 5 O 0 o 0) u O O o ■"d 5 S r o o - iO -eH o Cfi ri Cm ^H •/. o Z o ^ ta O a CL Cfl t- M. _ _ _ O aaaRaSSK R ~ s = " ~ R CL O a> U J Cfi o o ETUDES SUR LA MALADIE l>i:s VERS A SOIE 161 Les faits que je viens d'exposer ne permettent pas de douter que les corpuscules perdent complètement leur faculté contagionnante par l'exposition et la dessiccation au contact de l'air. Quant à l'explication rationnelle de ces faits, il faut l'attribuer, selon moi, à la mort des corpuscules jeunes toujours associés avec les corpuscules ovoïdes âgés. Nous résumerons ces observations en disant qu'il n'y a de corpus- cules pouvant se reproduire et se multiplier, en passant d'une année à l'autre, que ceux qui se trouvent dans l'intérieur même des œufs. Ni les poussières des magnaneries, quelque chargées qu'elles soient de corpuscules, ni les déjections de papillons corpusculeux pouvant souiller les graines, ne peuvent communiquer la pébrine aux vers des nouvelles éducations. Ce n'est pas qu'il faille négliger tous les moyens d'éloigner les poussières des éducations antérieures, car aux corpuscules inoffensifs qu'elles renferment se trouvent mêlés, en nombre plus ou moins grand, les germes d'une autre maladie non moins fatale que la pébrine, germes dont le pouvoir contagionnant persiste indéfiniment. Ces germes sont des kystes de vibrions ou d'autres ferments et cette seconde maladie est la flacherie. On trouve partout les germes de ces ferments, mais leur influence se fait sentir d'autant plus qu'ils sont introduits en plus grande quantité dans le canal intestinal des vers: s'ils sont très peu nombreux, le ver, pourvu qu'il ait un peu de vigueur, les expulse, sans que sa nourriture en soit altérée ; mais quand ces germes sont très multipliés ils entraînent la fermentation de la feuille que lever a ingérée, et bientôt celui-ci périt, parce que ses fonctions digestives sont suspendues ou profondément troublées. On peut encore conclure de ces résultats qu'il n'existe pas de pays infectés, pas de milieu épidémique et délétère, que la maladie renaît chaque année et qu'en conséquence, par l'application bien entendue du procédé de confection de la semence saine que j'exposerai ultérieu- rement, on arriverait à supprimer d'une manière absolue la maladie des corpuscules ou pébrine. J'ai fait part des observations précédentes à l'Académie des sciences, à la fin du mois de mai 1869 (') ; je les avais déjà fait pressentir dans mon Rapport au ministre de V Agriculture, du 5 août 1868 (2). Quelques semaines après, M. Cantoni, professeur au Musée royal de Turin, cri- 1. Voir, p. 590 594 -lu présent volume: Résultats des observations faites sur la maladie des morts-flats. soit héréditaire, soit accidentelle. Lettre à M. Dumas. (Alais, le 22 mai 1869.) [Note de l'Édition.] 2. Voir ce Rapport [p. 547-070 du présent volume] et la note 1 de la p. 553. ÉTUDES SLR LA MALADIE DES VERS A SOLE. 11 162 ŒUVRES DE PASTEUR tiqua leurs conclusions (*), en s'appuyant sur les expériences de conta- gion qu'il a faites en 1867, expériences dont j'ai parlé antérieurement et qui l'ont conduit à une interprétation erronée de la cause de certains échecs que peuvent présenter les éducations des semences saines. La nouvelle déduction que ce savant naturaliste essaye de tirer de ces mêmes expériences n'est pas plus fondée que celle à laquelle je fais allusion et que j'ai déjà réfutée. Les résultats invoqués par M. Cantoni sont relatifs à des chrysa- lides âgées de quatre ans dont les corpuscules se seraient montrés actifs. Je n'ai pas fait d'expériences sur des chrysalides plus ou moins âgées, et je veux croire que les expériences de M. Cantoni ont été bien conduites. Mais le résultat qu'il annonce ne saurait infirmer les conclusions de ma Note du 22 mai (2), conclusions identiques à celles des paragraphes précédents. M. Cantoni aurait dû nous dire l'état de ses chrysalides en 1867. Par exemple, au renouvellement d'une cam- pagne séricicole, les corpuscules des œufs ne sont-ils pas vieux d'une année ? Leur vitalité se conserve cependant sous la coque de l'œuf. Sous l'enveloppe cornée des chrysalides dont M. Cantoni a fait usage en 18(17, si par hasard celles-ci avaient conservé un reste d'humidité, les corpuscules ont pu ne pas périr complètement. Je l'ignore, n'ayant pas fait d'expériences dans ces conditions. Postérieurement aux critiques que je viens de mentionner, et pour les corroborer, M. Cantoni a publié dans divers Recueils, notamment dans le numéro du 4 septembre 1869 du Moniteur des soies (3), les résultats de nouvelles expériences qu'il a tentées, à la fin de la dernière campagne, sur des vers japonais, dans le but d'opérer leur contagion avec des corpuscules de chrysalides de six années de date par compa- raison avec des corpuscules récents. Les premiers corpuscules auraient fourni 10 pour 100 de sujets corpusculeux et les seconds seulement 6 pour 100. Comment M. Cantoni a-t-il pu asseoir des conclusions sur des faits d'une signification aussi douteuse ? De tels résultats je préfé- rerais conclure que ni les corpuscules frais ni les corpuscules de six ans n'ont produit la contagion; du moins, je m'abstiendrais d'en déduire des conséquences absolues. 1. Cantoni (G.). Lettre à M. le directeur du Journal d'agriculture pratique. (A propos de la Note de Pasteur à M. Dumas, du 22 mai.) Journal d'agriculture pratique, 1869, II. p. 61 et 355. 2. Voir, p. 590-594 du présent volume : Résultats des observations faites sur la maladie des morts-flats, soit héréditaire, soit accidentelle. Lettre à M. Dumas. (Alais, le 22 mai 1869.) 3. Cantoni (fi.). Les corpuscules vieux et secs conservent-ils oui ou non la faculté de pro- pager la iM'lmnc? Moniteur des soies, 4 septembre 1869, p. 5. - Expériences sur la durée du pouvoir contagionnant dos corpuscules du ver à soie. Journal d'agriculture pratique, 1869, 11. p. 307 et 558. [Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 163 Au surplus, eu présence des détails d'expériences dans lesquels je suis entré, je considère qu'il est superflu de m'arrêter plus longtemps aux observations de M. Cantoni. L'opinion que j'ai émise au mois de mai 1869 reposait sur des expériences variées et contrôlées de diverses manières; je ne doute pas que, quand M, Cantoni aura pris la peine de les répéter, il ne reconnaisse les torts de sa critique (*). 1. Une brochure qui a paru à Goritz (Basse-Autriche , à la lin de juillet 1869, a déjà l'ait justice des observations critiques du professeur Cantoni [Voir : Accolito (T.)- Alcune questioni odiertxe..., etc., Gorizia, 1869.) Le D' Haberlandt a publié, en 1869 [IIaberlandt (Fr.). Die Aufgaben und Hilfsmittel der Samenprûfungs-Anstalten zur Gewinnung verlàsslicher Eier des Maulbeerbaumspinners. I wnne, 1869, 19 p. in-8" (2 flg. . diverses Notes dans lesquelles il s'est rangé à l'opinion de M. Cantoni sur l'efficacité delà contagion de la pébrine par les corpuscules desséchés, mais il n'a pas produit d'expériences à ce sujet. Je pense que c'était à titre de simple présomption. CHAPITRE V DES MOYENS DE COMBATTRE LA PÉBRLNE ET D'EN PRÉVENIR LE RETOUR § I. — Méthode de grainage au microscope. Dès l'origine du fléau, et après quelques hésitations qui furent bientôt dissipées, la pratique industrielle démontra que c'était au mau- vais état des graines qu'il fallait faire remonter la cause, tout au moins la cause prochaine, de la plupart des échecs des éducations de vers à soie, et que leurs succès devaient être attribués également, en grande partie, à la bonne qualité de la semence. C'est pourquoi l'histoire de la maladie des vers à soie, envisagée dans ses conséquences indus- trielles et commerciales, n'est qu'une longue suite d'explorations loin- taines, dans des contrées que le fléau n'avait pas visitées, ou de tenta- tives individuelles faites sur place, par des moyens divers, dans le but de se procurer des semences non infectées. Aujourd'hui encore, par l'importation des graines du Japon, le commerce a droit à toute la reconnaissance des éducateurs. Mais on comprend que ce palliatif a la détresse de la sériciculture est à la fois insuffisant et très précaire. De l'aveu de tous, le salut de cette grande industrie ne peut résulter que de la connaissance de procédés capables de rendre aux graines indi- gènes leur qualité d'autrefois. Lesjprincipes exposes dans les chapitres précédents nous conduisent précisément à la solution de ce problème tant désiré; car il est facile d'en déduire une méthode de confection des graines, applicable sur la plus petite comme sur la plus grande échelle, et propre à fournir une semence absolument exemple de la maladie des corpuscules ou pébrine. En effet, nous savons pertinemment : 1" qu'il existe des chrysalides et des papillons de vers à soie privés à tout âge de la maladie corpusculaire, et cela, dans les contrées les plus éprouvées par le fléau; 2° que des éducations entières peuvent présenter ce ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 165 caractère ; 3" que, dans aucun cas, de semblables papillons ne donnent un seul œuf, un seul ver, à l'éclosion, offrant cette maladie ; 4° nous savons surtout, car c'est là un point capital, que pour des vers, issus de tels œufs, la pébrine ne peut compromettre la récolte ; en d'autres termes, que ces vers ne peuvent périr en masse de cette maladie avant d'avoir fait leurs cocons, bien qu'elle soit éminemment conta- gieuse et infectieuse. Je vais exposer, avec tous les développements qu'elle comporte, la méthode de grainage qui découle naturellement de ces principes. C'est une ancienne pratique consacrée par l'usage dans tous les pays séricigènes de n'utiliser, pour la confection des semences, que les éducations les plus satisfaisantes (*). Des vers qui ont souffert, qui ont éprouvé une mortalité, par une cause inconnue, ne sauraient donner de lions reproducteurs, alors même que ces derniers seraient exempts de la maladie des corpuscules. On doit craindre quelque affection cachée et héréditaire indépendante de la présence de ces petits corps. Nous verrons, en traitant de la maladie des morts-flats, que cette der- nière circonstance est assez fréquente. Considérons donc une chambrée réussie et dont la marche n'a rien laissé à désirer; plus tard, nous rechercherons les moyens de multi- plier l'existence de pareilles éducations. Le problème à résoudre est évidemment de savoir si la chambrée dont il s'agit peut être livrée au grainage en toute sécurité, de façon que la pébrine ne puisse détruire aucune des éducations de la graine qu'on pourra retirer des cocons de cette chambrée. On commence par s'enquérir, s'il est possible, du jour de la montée à la bruyère; puis, dès qu'on juge que les cocons sont bien formés, ce qui a lieu six jours environ après le commencement de la montée^2), on prélève sans choix sur les tables un demi à un kilogramme de cocons ; après les avoir mis en chapelets ou fllanes, on les place dans une chambre chauffée nuit et jour par un poêle, de façon à porter la 1. On lit dans le Trait.'- .le l'éducation des vers à soie au Japon, traduit par M. Léon de Rosny [Paris, 1868, in-8», p. 43] : « Quand on achète des graines, il faut s'assurer si l'on n'a pas t'ait de failles dans l'éduca- tion des vers d'où elles proviennent, et s'ils ont eu suffisamment de mûrier à manger. » Et ailleurs : « Si la provenance des graines est mauvaise, il n'y a rien à faire. » 2. La montée se fait en trois jours au plus dans les bonnes chambrées. En prélevant .les cocons six jours après le commencement de la montée on peut donc croire que les derniers vers montés filent leurs cocons déjà depuis trois jours au moins. Il est d'ailleurs facile, en ineiianl à part les retardataires restés sur la litière, de faire en sorte que tous les vers soient montés à ta bruyère en quarante-huit heures ou trois jours au plus. Cela donnerait deux lots de cocons; on les étudierait séparément. 166 ŒUVRES DE PASTEUR r m*- température de 25 à 30° Réaumur (f). Il est bon d'entretenir dans la pièce une certaine humidité, en plaçant, par exemple, sur le poêle, un large vase plein d'eau en évaporation. Dans ces conditions, les cocons peuvent donner leurs papillons quatre et cinq jours au moins plus tôt que ceux du lot principal laissé dans la magnanerie ou ailleurs, à une température de 14, 15 ou 16° Réaumur au plus. Après avoir pris ces dispositions, on examine au microscope une vingtaine de chrysalides du lot de la chambre chaude, afin d'y recher- cher la présence des corpuscules. A cet effet, on broie séparément chaque chrysalide dans quelques gouttes d'eau, et on dépose une parcelle de la bouillie sur le porte-objet du microscope. Il est indispensable d'apporter, dans l'observation des chrysalides jeu- nes, le même soin que dans celle des œufs, car il suffit qu'il y ait seulement quelques corpuscules visibles dans une chrysalide ré- cemment formée pour qu'on soit assuré d'en rencontrer plus tard un nombre immense. Il importe aussi extrêmement de rechercher de préférence dans ces jeunes chrysalides les formes de cor- puscules autres que la forme brillante ordinaire et dont nous avons parlé au chapitre du déve- loppement des corpuscules (2). I. La mise en filn/tes des cocons est une vieille pratique du grainage dans tes Gévennes. La figure ci-contre en donne une idée. Cette disposition permet de placer une grande quantité de cocons dans un espace restreint. Les papillons s'accouplent natu- rellement. Tous les matins vers 9 heures, on enlève les couples et on les dépose sur des toiles; de 4 à 6 heures du soir, on retire les mâles qui sonl jetés, ou conservés dans des cornets de papier, dans un lieu très sec, afin qu'ils se dessèchent promptement sans se pourrir. J'ai dit ailleurs qu'il y aurait de grands avantages à pouvoir joindre aux lots de graine, au moment de la luise en vente, des échantillons des papillons qui ont produit la graine. 2. Voir, p. 135-154 du présent volume : De la nature des corpuscules et de leur mode de génération. [Note de l'Edition.) Le grainage dans les Cévennes. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 167 Tous les deux jours on répète cet examen des chrysalides, ce qui lixe les trois premières observations au sixième, au huitième et au dixième jour après le commencement de la montée. Si l'on trouve seulement deux ou trois chrysalides corpusculeuses sur vingt, dans l'une ou l'autre de ces observations, et à plus forte raison, si l'on en trouve un plus grand nombre, il faut s'empresser, à moins de circonstances toutes particulières et exceptionnelles, de livrer à la filature tous les cocons de la chambrée. L'expérience démontre que, dans les circon- siances dont je parle, on voit s'accroître, pour ainsi dire chaque jour, le nombre des sujets corpusculeux : dans les œufs produits par les papillons de telles chrysalides, montrant des corpuscules dans les dix à douze premiers jours de leur formation, on trouve l'année suivante, au moment de l'éclosion, 40, GO, 80 pour 100, et même davantage, de vers corpusculeux. C'est que la multiplication du parasite se fait alors parallèlement à la formation des œufs dans les chrysalides femelles, de façon que ces œufs se trouvent infectés en plus ou moins grand nombre, et quelquefois en totalité. Pour obtenir une graine pouvant donner plus tard des vers exempts de corpuscules, il est donc indispensable que les chrysalides, au moins pendant longtemps, n'offrent aucune trace de ces petits corps. La proportion des œufs corpusculeux dans une graine est beaucoup moindre que dans ce premier cas, lorsque les chrysalides de la chambre chaude ne montrent des corpuscules que vers le quatorzième ou seizième jour après le commencement de la montée : encore est-ce à la condition qu'il existera un petit nombre de ces mauvaises chrysa- lides. Il faut toujours se défier de la qualité des cocons sous le rapport de la reproduction, toutes les fois que les chrysalides, même avancées en âge, présentent un certain nombre de sujets corpusculeux ; on doit craindre que si, dans les premières recherches, on n'a pas aperçu de corpuscules, c'était par erreur d'observation. Il se passe ici quelque chose d'analogue à ce qui arrive pour une graine malade dont la pro- portion des œufs corpusculeux paraît augmenter beaucoup à mesure que l'embryon se développe, tandis que cette proportion, en réalité, est toujours la même ; seulement, bon nombre des observations faites avant l'incubation sont fautives par la difficulté de constater la présence des corpuscules quand il n'en existe encore qu'un très petit nombre assez bien formés pour être reconnaissables. Pour bien saisir le sens et la portée de ces remarques, il faut se souvenir des résultats des expériences de contagion de la pébrine, et de leur comparaison dans les cas où la contagion a été effectuée à diverses époques de la vie de la larve. 168 ŒUVRES DE PASTEUR L'examen des papillons se fait, au contraire, avec la plus grande facilité, et on n'a pas à craindre, comme dans le cas des œufs et des chrysalides jeunes, que le trop faible nombre des corpuscules empêche de bien déterminer la véritable proportion de ceux qui sont corpus- culeux. Le plus ordinairement, le papillon corpusculeux montre beau- coup de corpuscules par champ et toujours avec la forme brillante et nette qui distingue ces petits corps lorsqu'ils sont arrivés à leur com- plet développement. Dès que les papillons commencent à sortir, on les broie un à un, dans un mortier, avec quelques gouttes d'eau; on examine une goutte de la bouillie, et on note l'absence ou la présence des corpuscules, en indiquant, dans ce dernier cas, le nombre approximatif des corpuscules par champ. La quantité d'eau qu'on ajoute pour broyer chaque papillon est toujours sensiblement égale, si on a la précaution de laver et d'égoutter constamment de la même manière le mortier après chacune des observations, sans ajouter d'autre eau que celle qui reste naturel- lement sur les parois du mortier aptes qu'il a été lavé. Il faut exa- miner au moins cinquante papillons, et de préférence un plus grand nombre, surtout s'il y en a de corpusculeux : on est ainsi plus sûr de la moyenne cherchée. Si la proportion des papillons corpusculeux ne dépasse pas 10 pour 100 dans les races indigènes, on peut livrer toute la chambrée au grainage, en ayant seulement le soin, au moment où on met les cocons en filanes, d'éloigner ceux qui sont faibles et de rejeter, quand les papillons sortent, ceux qui présentent des imperfections notoires, suivant la pratique de tous les temps et de tous les pays séricicoles. 11 faut éloigner, surtout, avec une grande sévérité, tous les papillons dont le duvet du corps est, même par places restreintes, noir et velouté, ce qui est, sans exception, l'indice de la présence des cor- puscules. La planche ci-jointe représente en c un de ces papillons à duvet noir qu'il importe de sacrifier avec grand soin dans tous les grainages. Quand il y a un certain nombre de tels papillons, on peut être assuré que le grainage est mauvais, et que les papillons, même les blancs, sont eux-mêmes malades, au moins pour la plupart. Mais il importe beaucoup de ne pas confondre cette couleur noire veloutée avec la teinte grise que montre, par exemple, le papillon d. Cette couleur du duvet n'est point un indice de l'existence des cor- puscules. Elle serait plutôt propre à des races vigoureuses. On la voit particulièrement dans les mâles. Les figures a et b de la même planche représentent des papillons /' htœkerbauer ,ul rutl pùtx ' : ILLONS_ RACE INDIGENE. a Femelle, b mâle, c Papillon charbonné corpuscu: d Papillon à duvet ç^ris.mais saii ■ i ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 169 mâle et femelle indigènes, race jaune, île bon aspect et [de bonne] conformation. Le paquet des œufs dans les femelles, lorsqu'il est broyé avec le restant du corps du papillon, peut gêner un peu l'observation des cor- puscules pour les personnes mal exercées; mais il est facile d'écarter les ouïs au moment où on écrase le papillon. Il est bon également de couper les ailes et de les jeter avant de broyer le corps de l'animal, pour que leurs débris ne se mêlent pas à la bouillie, ce qui peut être un embarras dans l'observation. Bien que, pour la confection d'une graine industrielle, on puisse tolérer jusqu'à 10 pour 100 de papillons corpusculeux, il n'est pas moins vrai qu'un moindre nombre serait préférable, et qu'il est même fort utile que ce nombre soit réduit à zéro dans le cas où l'on désire ëlever une graine en petites chambrées, en vue de la reproduction. L'observation démontre que la graine faite dans les conditions que je viens de prescrire est tout à fait exempte de corpuscules, même à son éclosion, lorsque tous les papillons étaient privés de corpuscules, et, dans le cas d'une tolérance de 10 pour 100 de ces derniers, la pro- portion maximum des œufs corpusculeux dépasse rarement 1 ou 2 pour 100, circonstance qui s'explique par ce fait, que les œufs d'une femelle corpusculeuse ne sont pas tous, à beaucoup près, corpus- culeux, généralement du moins; on remarque également que, clans une éducation dont la grande majorité des papillons est privée de cor- puscules, ceux qui en offrent proviennent ordinairement de chrysalides où ils se sont développés à un âge avancé. Les expériences du cha- pitre II ' sur le caractère contagieux de la pébrine donnent facilement la raison de ce fait. Beaucoup de personnes ont paru surprises, lorsque j'ai fait con- naître pour la première fois ce procédé de grainage, que l'observation de cinquante ou de cent papillons, précédée de celle d'un nombre à peu près égal de chrysalides, pût suffire à donner une idée exacte de la valeur des cocons de toute une chambrée, cocons dont le nombre s'élève souvent à vingt-cinq et trente mille, même pour une éducation d'une seule once de graine de 25 grammes. Il est bien facile de montrer que ces craintes sont exagérées. Qu'on détermine, en effet, la proportion pour 100 de papillons corpusculeux dans un grainage, soit avec les papillons sortis le premier jour, soit avec ceux qui sortent le second et le troisième, soit enfin avec les 1. Voir, p. 100-134 du présent volume : Caractère éminemment contagieux de la pébrine. [Note de l'Édition.) 170 ŒUVRES UE PASTEUR derniers, et on reconnaîtra sans peine que cette proportion est sensi- blement la même. Pourtant, on comprend qu'il existe des cas où il n'en soit pas ainsi, el on doit le craindre surtout, lorsque, n'ayant pas vu soi-même l'éducation de la quatrième mue à la montée, on n'est pas sûr de son homogénéité. Mais il faut remarquer que l'examen des chrysalides porte, dans tous les cas, sur les cocons de tous les âges, et qu'il y a là une garantie contre la cause d'erreur que je signale. Pour peu que l'on ail des doutes, il est facile d'observer jusqu'aux derniers les papillons du demi-kilo porté à la chambre chaude. Le lecteur se convaincra sans peine de l'extrême facilité d'appli- cation de la méthode de grainage que je viens de faire connaître. Quoi de plus simple, lorsqu'une chambrée est réussie, de s'assurer qu'elle est bonne ou mauvaise pour la reproduction, en tant qu'il s'agit seu- lement de la maladie des corpuscules ou pébrine ! Il suflira de quelques minutes d'observation sur une vingtaine de chrysalides, pour savoir si la graine des papillons qui naîtront ultérieurement sera corpusculeuse, de façon à rendre improductives les éducations de cette graine. Or, ce cas est d'une extrême fréquence. Que l'on se reporte aux observations du § V, p. 77; que l'on imagine cette profusion de lots île graines, infectées par le parasite, qui inondent tous les pays séricicoles : eh bien, il n'est pas un seul de ces lots dont la confection n'aurait pu être évitée en consacrant quelques instants à examiner au microscope les chrysalides des cocons qui les ont données. L'obser- vation de vingt chrysalides seulement, faite pour chacun de ces lots, vers le dixième jour après la montée à la bruyère, aurait offert deux, trois, quatre, cinq, et davantage, de chrysalides corpusculeuses, et tous les papillons se seraient montrés malades au plus haut degré. Qu'elle est énorme la masse de cocons excellents perdus pour la fila- ture depuis vingt ans, et livrés au contraire à des grainages qui ont porté la ruine chez des milliers d'éducateurs! Comme il n'est pas possible d'espérer que les propriétaires et les marchands de graine adopteront tous, immédiatement, mon procédé de grainage au microscope, il faut s'attendre à ce qu'il y ait encore, pendant plusieurs années, une foule de lots de graines confectionnés en suivant les usages ordinaires, et que l'on soit exposé à rencontrer à la fin des éducations un grand nombre de grainages effectués comme autrefois, sans autre garantie que celle d'une bonne réussite de la chambrée, garantie qui, elle-même, fait souvent défaut, lorsque le commerce des graines est pratiqué sans loyauté. L'éducateur qui voudra recourir à ces grainages pour faire sa provision de graine devra examiner ou faire examiner les papillons, et n'avoir confiance dans la ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 171 graine qu'autant que la grande majorité de ceux-ci seront privés de corpuscules. Enfin, s'il s'agil de graines déjà faites, et que Fou soit à la veille d'une nouvelle campagne séricicole, il ne reste plus qu'un moyen de contrôler leur qualité, c'est de recourir à la méthode italienne de l'examen des graines et de rejeter toutes celles qui, au moment de l'éclosion, se montrent corpusculeuses. l'ne pratique excellente que l'on devrait introduire partout, selon moi, consisterait à exiger des marchands de graines qu'ils joignissent toujours, aux échantillons de leurs graines, cinquante ou cent des papillons qui les ont produites. Il suffirait, au moment du grainage, de placer des papillons dans un cornet de papier (avec un peu de camphre ou de poivre pour éloigner les insectes) et de laisser ces papillons mourir naturellement dans un lieu aéré et sec pour éviter leur putréfaction. L'examen de ces papillons, confié à une personne exercée, comme il en existe aujourd'hui dans tous les pays séricicoles, permettrait d'être fixé facilement sur la valeur de la graine. Sans doute, on pourrait être trompé par le graineur, si celui-ci avait fait accompagner sa graine de papillons autres que les vrais producteurs. Pourtant, les graineurs ne s'exposeraient pas impunément à une pareille fraude, car une expertise facile à faire dans la plupart des cas pourrait établir, dans nombre de circonstances, l'impossibilité que la graine provînt des papillons joints à celle-ci. Par exemple, si la graine avait des corpuscules et que les papillons n'en eussent pas, la fraude serait certaine et suffirait pour asseoir un jugement devant un tribunal correctionnel. La méthode de grainage que je viens de faire connaître a été pra- tiquée pour la première fois sur une grande échelle par M. Raybaud- Lange, directeur de la ferme-Ecole de Paillerols, membre du Conseil général des Basses-Alpes. Cet habile éducateur a préparé, en 1867, 2.500 onces de graines au moyen de dix-sept chambrées choisies au microscope parmi plus de quatre-vingts ; aucune de ces chambrées de choix n'avait offert, soit dans les papillons vivants, soit dans les papil- lons morts, plus de 10 pour 100 de sujets corpusculeux. Plusieurs même n'en offraient pas du tout, et la plupart moins de 5 pour 100. Ces dix-sept lots de graines élevées en 1808 ont tous donné des réussites très remarquables, aussi bien dans les localités de petite que de grande culture. Enfin pas un de ces lots n'a fourni une seule éducation ayant péri de la maladie des corpuscules. J'avais publié à l'avance qu'il en serait ainsi, afin de frapper davantage l'esprit des éducateurs, et éloigner les idées si décourageantes d'épidémie ou de milieux 172 ŒUVRES DE PASTEUR cKélétères et infectés. La connaissance de ce fait me parait être un des résultats les plus importants à mettre en lumière; aussi, je ne puis trop le redire, bien que la pébrine soit une maladie contagieuse au plus haut degré, elle ne peut jamais envahir une chambrée de façon à la détruire toutes les fois qu'on part d'une graine issue de papillons sains. La flacherie fort développée en 1868, année exceptionnelle pour sa température élevée et sa sécheresse extraordinaire, a atteint un cer- tain nombre des éducations des graines Raybaud-Lange de 1867, mais ceci n'infirme en rien la valeur du procédé suivi pour leur confection, lequel n'a d'autre but que de garantir les vers de la pébrine, maladie essentiellement distincte de celle des morts-flats, comme je le prou- verai ultérieurement. Malgré ces échecs par la flacherie, les graines de M. Raybaud-Lange ont fourni dans cette année 1868, et dans les loca- lités les plus éprouvées par cette dernière maladie, une moyenne de rendement dépassant 20 kilogrammes de cocons par once de 25 grammes, .moyenne supérieure à celle des époques de prospérité, et, là où la maladie des morts-flats n'a pas sévi, cette moyenne de rende- ment a dépassé 45 kilogrammes. Ces faits ont été établis dans des Rapports officiels que l'on trouvera dans les Notes et Documents, notamment dans un Rapport de .M. Rendu, inspecteur général de l'Agriculture et dans un Rapport de .M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais (*). En même temps que M. Raybaud- Lange en France, M. le marquis Crivelli et M. Bellotti soumettaient également mon procédé de grainage à l'épreuve de la grande pratique industrielle, en Italie, à l'instigation de M. Cornalia, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Milan. 11 résulte des publications faites par M. Cornalia en 1868, et au commencement de l'année 1869 (2), que cette épreuve a réussi au delà de toute espérance. Certaines chambrées d'une once seulement ont fourni jusqu'à 62 kilogrammes de cocons, résultat qui s'est produit également dans les Basses-Alpes pour une des chambrées de M. Raybaud-Lange. Parmi les personnes qui ont éprouvé en 1867 et en 1868 la méthode de grainage dont je parle et qui eu oui constaté les très bons effets dans des Communications rendues publiques, je citerai M. le maréchal Vaillant, ministre de la Maison de l'Empereur; M. Mares, correspon- dant de l'Académie des sciences; M. Vilallongue, président de la Société d'agriculture de Perpignan; MM. de Lachadenède et Despey- 1. Voir ces .Jeux Rapports, p. 339-343 et 344-349 du présent volume. 2. Voir, p. 381-389 du présent volume : Lettre de il. Cornalia à M. Pasteur. {Notes île l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK 173 roux, membres du Comice agricole d'Alais; M. Jeanjean, maire de Saint- Hippolyte-du-Fort (Gard), au nom du Comice agricole du Vigan; M. le comte de Rodez, membre du Conseil gênerai de l'Hérault; M. Li- gounhe, membre de la Société d'agriculture de Montauban; M. Ducrot, répétiteur à l'Ecole d'agriculture de la Saulsaie (Ain) ; M. Si- rand, pharmacien à Grenoble; M. Haberlandt, directeur de l'Éta- blissement séricicole de Goritz dans la Basse-Autriche; et beaucoup d'autres dont je ne rapporte pas les noms, parce que leurs obser- vations n'ont pas donné lieu à des publications spéciales ' . Au moment où j'écris ces lignes, je reçois de M. Bellotti une Com- munication que ce savant naturaliste vient d'adresser à la Société des sciences naturelles de Milan, rendant compte d'expériences qu'il a faites pendant la dernière campagne séricicole. Elle est intitulée : Application de la méthode Pasteur a la repro- duction de la semence indigène des vers à soie (-). Voici ses princi- pales conclusions : « 1° La méthode suggérée pour la première fois par Pasteur pour la reproduction de la semence saine des vers à soie, et qui consiste à destiner a ce but exclusivement les œufs des papillons que le micro- scope montre exempts de corpuscules, est la seule méthode, parmi toutes celles qui ont été publiées jusqu'à présent, qui puisse sauver nos précieuses races de cocons jaunes et faire revenir la sériciculture à ce degré de prospérité qui la distinguait avant le développement de la maladie actuelle. « 2° Les éducations destinées à la reproduction doivent être faites sur une petite échelle, en proportion peu supérieure aux besoins de chacun, avec de la semence préparée selon le système cellulaire. Ces éducations doivent être faites dans un local isolé et éloigné le plus possible d'autres éducations; on doit se servir de feuilles de mûrier qui par leur position ne soient pas capables d'être facilement infectées par les poussières des magnaneries voisines. « 3° Comme il est diflicile dans beaucoup de pays de se procurer de telles conditions d'isolement des locaux et des mûriers, le moyen le plus sûr d'obtenir le même but sera de hâter le plus possible la naissance des vers destinés à la reproduction et de faire en sorte qu'ils montent à la bruyère quand, dans la généralité des éducations indu- 1. On trouve des extraits de toutes ces publications dans les « Notes et Documents ». p. 338 à 425 du présent volume. 2. Bellotti (Christ.). Applicazione del metodo Pasteur per la riproduzione di sementi indigène di bachi da seta e considerazioni in proposito. Atti délia Societa italiana di •ze naturelle. XII. 1869, p. 755t772. 174 ŒUVRES DE PASTEUR strielles clans le même pays, les vers n'ont pas passé la dernière mue. « 4° La cause la plus certaine de l'infection actuelle étant uni- quement la transmission matérielle dans le ver d'éléments hétéro- gènes, des corpuscules ovoïdes par exemple, on doit abandonner (unies les suppositions de dégénérescence de l'espèce du bombyx du mûrier. Avec l'extirpation de la cause, les effets disparaîtront. « 5° Le manque d'expérience ou de soins durant l'éducation des vers pourra causer la diminution ou la perte totale de la récolte, mais ne sera pas une cause de développement de l'infection dominante quand il n'y aura pas eu préexistence de germes dans les œufs ou dans les locaux, ou qu'il n'en sera pas venu du dehors. « 6° La nature des corpuscules n'étant pas encore précisée ni la durée de leur faculté reproductive, il faudra que, dans les magnaneries pour reproduction, on pratique chaque année d'abondants et de fré- quents lavages des murs, du sol, du plafond et de tous les autres ustensiles. On recommande aussi les fumigations de chlore, qui sont efficaces pour détruire les corpuscules. « 7° Comme l'infection du mâle ne peut exercer d'influence sur les œufs, l'examen microscopique des chrysalides et des papillons pour la semence cellulaire ne devra porter que sur les femelles. « 8° Le développement de la maladie dans un seul et même indi- vidu déjà infecté étant continu, l'examen des papillons sera plus facile et plus sur quand ils auront cessé naturellement de vivre, et pourra se faire a tout âge durant l'automne el l'hiver. « 9° La semence préparée selon les règles données plus haut devra toujours être bien lavée et conservée durant l'hiver dans un local froid et sec. » Une autre brochure, non moins intéressante que celle de M. Bel- lotti, me parvient au moment où je mets la dernière main à ce para- graphe. Elle est de .M. le marquis Luigi Crivelli («). On y lit, page 31, que l'auteur a obtenu de 160 onces de graines, races jaunes indigènes, faites d'après mon procédé, une moyenne de 50 kilogrammes à l'once. Depuis cinq années que les recherches que j'expose en ce moment sont commencées, j'ai eu à subir les contradictions les plus opiniâtres et les plus injustes. Je me suis fait un devoir de ne conserver dans ce livre aucune trace de ces débats : qu'il me soit permis du moins de n y pas taire la vive satisfaction que j'éprouve à la lecture de publi- cations de la nature de celles-ci, et dont le nombre se multiplie en 1. Crivelm (L.). Études sur la régénération des vers à soie. Traduites par F. F. Lyon, 1870, 48 p. in-8° . INote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 175 Italie et en France, au moment même où je suis occupé à réunir l'ensemble de mes (Huiles. ('.es résultais des observations de MM. Bellotti et Crivelli, dirigées avec une connaissance parfaite des conditions de la méthode expéri- mentale, confirment d'une manière remarquable les principes que j'ai établis. Ils les étendent sur un point d'une grande importance scien- tifique et pratique, en démontrant l'impuissance des papillons mâles à transmettre la pébrine. M. Bellotti rapporte qu'il a fait, en 1868, un grainage cellulaire à l'aide de cpiatre cents pontes dont les papillons lui avaient donné pour les mâles environ 60 pour 100 de corpuscules et pour les femelles 40 pour 100. Avec 40 grammes de graine née de ces papillons, en ne donnant aucune attention aux mâles et en rejetant seulement les pontes des couples a femelles corpusculeuses, et prenant d'ailleurs toutes les précautions nécessaires d'isolement de la cham- brée afin qu'elle ne fût pas infectée par les éducations voisines, on a obtenu une très belle récolte, dont aucun des pa pillons examinés, au nombre de cent trente, n'offrit la moindre trace de corpuscules. Le principe dont il s'agit résultait déjà des observations faites l'année précédente, en France, par M. de Rodez (*), et en Italie, par M. Bellotti lui-même; mais l'expérience nouvelle de M. Bellotti paraît plus décisive que les précédentes et mérite toute l'attention des édu- cateurs. In des plus grands avantages de ma méthode de confection de la graine saine est de se prêter à des grainages effectués sur la plus vaste échelle avec toute garantie de succès. Le fléau dont souffre la sériciculture depuis vingt ans a développé outre mesure le commerce des graines, qui était à peine connu autre- fois, parce que chaque éducateur pouvait faire la graine dont il avait besoin. Ce commerce n'a pas tardé à donner lieu aux fraudes les plus coupables. Aujourd'hui il est tombé dans un discrédit dont on ne saurait se faire une idée exacte quand on n'a pas habité les dépar- tements séricicoles. Pourtant il n'est pas douteux, selon moi, que le commerce des graines survivra à la crise. Aussi il importe extrêmement de bien comprendre la vraie cause de la déplorable situation actuelle. Si ce commerce eût pu se faire avec des garanties suffisantes, avec la certi- tude de livrer une marchandise irréprochable, il me paraît évident qu'il serait arrivé pour ce genre de production ce qui a lieu dans 1. Voir, p. 423-424 du présent volume : Rodez (Comte de). Rapport sur les expériences faites, en 1868 et 1869, à la magnanerie expérimentale de Ganges, du système de M. Pasteur relatif au grainage indigène. IXote de l'Édition.) 176 ŒUVRES DE PASTEUR toutes les industries : des maisons honorables se seraient fondées et auraient grandi, appuyant leur réputation sur le succès constant de leurs graines, tandis que les établissements dont les livraisons auraient donné lieu à des échecs seraient tombés. Mais il ne servait de rien d'aborder ce commerce avec une entière loyauté. Le mal déjouait la prudence des plus sages parce qu'on était réduit, pour juger de la qualité des chambrées sous le rapport de la reproduction,, à l'examen des vers au moment de la montée, observation toujours bonne à consulter, mais n'offrant aucune garantie sérieuse; car c'est un des faits les mieux établis concernant la maladie actuelle, que les chambrées les plus réussies comme produits en cocons donnent fré- quemment des graines détestables. On agissait donc au hasard, livrant à la filature d'excellents cocons pour graine, au moment même où on en gardait d'autres très défectueux. Aussi les graineurs- honnêtes ne se livraient qu'en tremblant à des grainages importants, et les propriétaires plus craintifs encore opéraient bien plus à titre d'essai que dans un but industriel. Quoi de plus douloureux, en effet, que de livrer une graine que l'on voyait échouer ensuite chez tous ceux qui relevaient ! Voilà pourquoi la confection de grandes niasses de graines indigènes ne pouvait guère exister qu'entre des mains coupables. En d'autres termes, ce qui manquait à cette industrie, pour la rendre profitable à tous, producteurs honnêtes et consom- mateurs, c'était la connaissance d'un procédé pratique, efficace, per- mettant de rechercher quels sont les cocons bons pour faire de la graine. Les choses sont bien changées aujourd'hui : la confection de la graine sur une grande échelle est possible ; le grainage industriel peut n'être plus une source de mécomptes. Loin qu'il doive servir comme par le passé, à l'entretien et à la propagation du fléau, on peut y recourir pour vaincre le mal rapidement el sûrement; les plus honnêtes gens peuvent s'y livrer avec confiance et ajouter aux avan- tages pécuniaires de cette industrie la considération d'un grand ser- vice rendu aux éducateurs. Il ne saurait y avoir que des graineurs sans moralité qui puissent regretter le progrès dû à mes recherches. Tous les autres me doivent reconnaissance pour le service que je leur ai rendu en leur faisant connaître un moyen de se confier avec loyauté et toute chance de succès à une industrie lucrative. Beaucoup le com- prennent ainsi, car le nombre de ceux qui adoptent mes vues s'accroît chaque jour. La moyenne du rendement des graines japonaises, en 1869, n'a pas dépassé, dans les Cévennes, et probablement aussi dans toute la :.-.• lumrr ad nui pinjef . h. Cocons iSènes ■' ÉTUDES SUR LA MAI. ADN' DIS VERS A SON'. 177 France, 10 à 12 kilogrammes par 25 grammes de graine. « Or, un rendement de 10 à 12 kilogrammes au prix moyen de 6fr. 50 suffit à peine pour payer lous les frais de l'éducation ' . » En jetant les yeux sur la planche ci-jointe, on peut se faire nue idée de la supériorité de nos races indigènes sur celles du Japon. Il esl vrai que le ver à soie indigène qui lîle un des cocons a, «, /; exige un peu plus de nourri- ture que celui des cocons c et d; mais la différence dans le poids de feuilles employées ne compense pas, à beaucoup près, celle des récoltes et des prix de vente. Le kilogramme des cocons a, a. b, se paye 8 fr. 50, 9 fr. 50 el quelquefois même 10 francs. En outre, tandis qu'il faut seulement 5 à 600 de ces cocons au kilogramme, il en faut de 700 a L.000 et plus en cocons japonais. Aussi 1 once de 25 grammes de. graine indigène fournit de 35 à 50 kilogrammes et plus dans les bonnes réussites, tandis que les cartons japonais dépassent rarement 20 à 30 kilo- grammes dans les mêmes conditions de succès. Aujourd'hui que les procédés exposés dans cet Ouvrage reçoivent l'approbation des sériciculteurs les plus éminents et les plus intéressés a connaître la vérité, ce serait folie de ne pas recourir à leur application pour se débarrasser progressivement et le plus promptement possible des races japonaises. Dans la Basse-Autriche, ces procédés ont donné lieu, en 1800, aux résultats les plus favorables chez M. Levi, de Villanova, un des plus grands propriétaires de mûriers de l'Illyrie et du Frioul et dont la réputation d'habileté dans la culture des vers à soie est universelle dans ces contrées. Voici comment s'exprime M. le Dr Gaddi dans une Note adressée à la Rivista settimanale di bachicoltiua, publiée à Milan par M. Franeeschini - : « Dans ma relation sur la confection de semences de vers à soie à laquelle j'ai coopéré chez M. Levi, de Villanova, et que vous avez bien voulu insérer dans votre estimé journal, je vous ai promis de vous faire connaître le résultat de l'éducation de ces graines de races indi- gènes préparées suivant les préceptes de M. Pasteur ; « Je serai très bref, sachant que M. Levi a communiqué un Rap- I. Voir, au sujet de ces données numériques, te Rapport de M. Jeanjean, secrétaire du Comice du Vigan [p. i0fr410du présent volume]. >. Numéro du 14 février 1870. Cette Note est intitulée : De la nécessité do régénérer les races indigènes à cocons jaunes, parle D' A. Gaddi. ■ i. La relation don! parle ici M. . P.ellotti. Loc. cit. {Notes de l'Édition.) 184 ŒUVRES DE PASTEUR enfermée à son tour. La figure suivante représente cette disposition. Il est très souhaitable que des personnes soigneuses et intelli- gentes se livrent à la confection de la graine cellulaire, c'est-à-dire formée de la réunion des pontes pures. Ce commerce pourrait devenir très lucratif, parce qu'il n'y aurait aucun inconvénient à élever beau- coup le prix de pareilles graines, et cela pour deux motifs : le premier serait justifié par les soins tout particuliers qu'exigerait ce genre d'industrie; le second, par la faible quantité de cette graine de choix dont chaque éducateur isolément aurait besoin, puisque 5 grammes, par exemple, d'une telle graine pourraient donner 8 à 10 kilogrammes de cocons, et ceux-ci 25 à 30 onces de graine, nombre d'onces bien supérieur à celui que chaque propriétaire élève annuellement en moyenne. Les propriétaires emploieraient la graine cellulaire à des éducations qui leur fourniraient leur provision de graine industrielle, sans avoir besoin de recourir à des observations microscopiques. En effet, toute éducation portant sur quelques grammes d'une graine cellulaire dont la marche n'aurait rien laissé à désirer de la quatrième mue à la montée, et dans les conditions d'isolement dont j'ai parlé, pourrait être hardiment livrée au grainage. Dans ce cas, la réussite serait une garantie suffisante pour la reproduction. Le microscope pourrait alors ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIF. 185 ne si' trouver qu'entre les mains de personnes d'autant plus habiles à s'en servir qu'elles y seraient plus exercées. La flacherie héréditaire n'est jamais à craindre quand on a constaté l'agilité et la vigueur des vers à la montée, et, d'autre part, une graine cellulaire bien élevée ne peut être envahie par la pébrine une première fois à un degré assez marqué pour offrir un nombre inquiétant de papillons corpusculeux, et surtout qui le seraient de façon a donner une graine improductive industriellement. § IV . — De la préférence à donner à /'crânien des papillons relative- ment à celui des œufs pour se procurer de la graine exemple de pébrine. Je vais passer en revue quelques propositions qui font connaître toute la supériorité de la méthode de l'examen des papillons relati- vement à celui des œufs. 1° Nous savons qu'il existe deux sortes de graines non corpuscu- leuses, les unes issues de papillons non corpusculeux, les autres de papillons corpusculeux. L'étude microscopique de la graine ne peut rien apprendre sur cet état antérieur des reproducteurs. Or, on ne saurait admettre que la vigueur des vers ne se ressente pas, dans une certaine mesure, de l'état maladif des parents, indépendamment même de la présence effective des corpuscules dans leur génération. 2° La variation apparente de la proportion des œufs corpusculeux dans une graine, variation qui est souvent considérable avec l'époque des observations, diminue beaucoup dans la pratique la facilité de la méthode d'examen microscopique des graines, en exigeant que celui-ci ait lieu sur des graines à l'incubation ou sur des vers éclos. Ce n'est que dans les cas où l'on a affaire à de très mauvais lots de graines qu'on peut se dispenser de suivre cette prescription (*). 3° Il y a une extrême différence entre la facilité d'observation des corpuscules dans les papillons et dans les œufs. Les papillons n'apparaissent qu'au bout de trois semaines environ après la montée à la bruyère; il y a donc au minimum trois semaines que le parasite a été introduit dans l'animal, quand on procède à l'examen des papillons : aussi, en général, le papillon, dès l'instant de la sortie, offre un grand nombre de corpuscules par champ : pareille 1. Il n'est peut-être pas inutile de donner ici quelques exemples .le la vérité du principe dont il s'agit, principe énoncé pour la première fois, comme nous l'avons vu, par le savant naturaliste Carlo Vittadini. I Voir y. 38-39 'lu présent volume.] Voici quelques observations faites sur les chrysalides et les papillons d'un loi de "il kilo- 186 ŒUVRES DE PASTEUR chose n'arrive pour les œufs que si l'embryon est déjà très déve- loppé. D'ailleurs il importerait peu, à la rigueur, qu'on jugeât sains des papillons à un, deux et trois corpuscules par champ, tandis que des œufs qui montreraient ce petit nombre de corpuscules donneraient lieu à des vers extrêmement mauvais et propres à rendre malades, par contagion, une l'oule de vers sains. grammes, et ultérieurement sur les graines et les vers issus du grainage auquel ces cocons ont donné lieu. La montée à la bruyère a eu lieu le 29 et le 30 mai 1868. Le 10 juin les chrysalides montrent 70 pour 100 de sujets eorpusculeux. Tous les papillons lurent très eorpusculeux. Le 29 août on a examiné un à un trente œufs, dont voici les observations : 1. 0 corpuscule ;iar champ. 11. 0 cor mscule par ch dm p. 21. 1 corp uscule par champ. 2. 0 » •12. 0 » s 22. 1 Il 0 3. 0 „ „ 13. 0 II II 23. 100 Il 11 4. 0 „ » 11. 0 D U 24. 20 Il 11 5. 50 „ . 15. 1 , 25. 0 Il II 6. 0 d „ \ 16. 0 II » 26. 2 II 7. 10 , ,, 17. 0 Il II 27. 0 ,1 » 8. 0 » . 18. 0 Il » 28. 0 II 9. 0 „ 19. 0 II 29. 50 II 0. 1» » » 20. 5 Il » 30. 0 I, Soit 33 pour 100 d'œufs eorpusculeux. Le 3 avril 1869 on a trouvé 70 pour 100 d'œufs eorpusculeux. Voici maintenant les observations portant sur les vers à réclusion : Le 23, examen de 20 vers, 75 pour 100 de eorpusculeux. 24 » » 85 .. » 25 » » 95 26 » .. 75 27 » » 70 » 28 n » 70 ii 11 importe de remarquer qu'après l'examen de chacune des séries de 20 vers, on rejetait tous les autres vers éclos le jour de l'examen. Chacune des séries d'observations a donc porté sur des vers de levées successives. Autre exemple. Le 12 avril 1869 on examine une graine corpuseuleuse avec un 1res grand soin : 0 corpuscule par champ. 11. 0 corpuscule par champ. 21. 5 corpuscules par champ 12. 20 » .. 22. 0 d . 23. 0 » » 24. 3 25. 0 >. 26. 0 » » .. 27. 20 » » • 28. 0 •> " 29. 2 » » n ., 30. 30 Voici maintenant l'examen des vers à réclusion: comme pour l'exemple précédent, chaque série d'observations a porté sur la leeée du jour : Le 3 mai. examen de 20 vers, 50 pour 100 de eorpusculeux. 4 „ 45 5 .. » 55 6 • » 75 » » 7 » » 75 8 » 85 • 9 » 90 10 » » 90 » lt et 12 (fin .le réclusion) 85 •> 1. 0 2. 3. i 0 4. 0 5. 0 6. 0 7. 50 8. u 9. 0 0. (1 13 0 14. l) 15. t 5 ni. 1 17. 0 18. 0 19. î 20. lu botta ad toi del GRAINE EXEMPTE DE CORPUSCULES '■'■■■■ Paris ÉTUDES SUR LA .MALADIE DES VERS A SOIE 187 La planche ci-jointe représente un champ de microscope dans l'observation d'un œuf sain : placez par la pensée, parmi tous les glo- bules de ce champ, un ou deux corpuscules ordinaires, il faudra assu- rémenl une certaine habileté chez l'observateur pour les apercevoir. < >r. je le répète, l'erreur, sans conséquence quand il s'agit du papillon, peut devenir très préjudiciable s'il s'agit de l'examen d'un œuf. 4" J'ai déjà l'ait observer que toutes les méthodes de distinction des bonnes et des mauvaises graines avaient le tort grave de présupposer l'existence de la graine. D'une part, la graine reconnue mauvaise doit être jetée : elle est donc perdue pour l'industrie, ainsi que les cocons qui ont servi à la reproduire. L'examen des papillons n'entraîne à aucune perte. Si, d'autre part, cette graine mauvaise est élevée (et on peut ajouter que c'est le cas ordinaire, pour ne pas dire que cela arrive toujours), non seulement il en résulte des pertes individuelles, plus ou moins considérables, mais le mal est entretenu et propagé, puisque ce mal est éminemment contagieux. A quoi bon d'ailleurs faire une graine pour rechercher ensuite sa qualité? 11 est mille fois préférable de pouvoir l'étudier en quelque sorte avant qu'elle soit faite. 5° Si la fabrication des graines ne peut être faite loyalement que sous la seule garantie de l'examen microscopique avec leur confection ■et leur mise à l'incubation l'année suivante, c'est un commerce frappé d'impuissance, et nécessairement soumis à la tentation continuelle de devenir illicite, parce que le fabricant hésitera toujours à détruire une graine reconnue mauvaise, après qu'elle aura été produite. Je l'ai déjà dit, et je ne saurais trop y insister, l'application de ma méthode de grainage permet, au contraire, la fabrication de la graine avec toutes les garanties d'un commerce très loyal LA FLAGHERIE CHAPITRE PREMIER LA MALADIE DES VERS A SOIE SE COMPOSE DE DEUX MALADIES DISTINCTES § I. — Avant Vannée 18G7, on croyait à une maladie unique pouvant revêtir des formes diverses. Lorsque je me rendis pour la première fois dans le midi de la France, en 1865, l'épizoojtie des vers à soie était universellement rap- portée a une seule maladie, dont les symptômes et les caractères, étaient si mal définis qu'on discutait encore sur le nom qu'il fallait lui attribuer. Pour le plus grand nombre, elle n'avait pas de dénomi- nation précise. C'était la maladie; c'est-à-dire un fléau mystérieux, insaisissable dans sa nature et dans ses origines, prêt à sévir partout et sur toutes les éducations; quoi qu'il advînt, quelle que fût la cause de ruine d'une chambrée, on accusait constamment la maladie d'avoir provoqué le désastre. J'ai voulu rappeler ces circonstances quand j'ai donné au présent Ouvrage le titre d'Etudes sur la maladie des vers à soie. On avait bien distingué des formes multiples dans le fléau, et nous avons vu M. de Quatrefages supposer même que toutes les maladies- des vers à soie, décrites par les auteurs bacologues, se rencontrent habituellement aujourd'hui dans les éducations, mais à titre d'effets obligés d'un mal unique, la pébrine, sévissant épidémiquement et déterminant chez le ver une dégénérescence qui le rend accessible à toutes les maladies de son espèce. Cette opinion a été partagée par la plupart des éducateurs dans les années qui ont suivi les publications de M. de Quatrefages (l). Elle peut s'expliquer facilement par l'absence 1. « Tous les éducateurs, dit M. Jeanjean dans l'ouvrage que j'ai déjà cité, se sont aperçus que la pébrine se montre rarement seule dans une chambrée et qu'elle est accompagnée, le ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 189 7, sur seize pontes provenant de parents non corpusculeux, quinze réussirent, mais la seizième périt presque entièrement entre la quatrième mue et la montée à la bruyère. Les vers mouraient tout à coup après avoir montre la plus belle apparence; 1. Voir m* Lettre à M. Dumas, datée d'Alais. le 30 avril 1861 [p. 500-508 du présent volume]. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 193 dans une éducation de cenl vers, je relevais chaque joui- dix, quinze, vingt morts qui devenaient noirs et pourrissaient avec une rapidité extraordinaire, souvent dans l'intervalle de vingt-quatre heures. (Quel- quefois après la mort, ils étaient mous, flasques, pareils à un boyau vide el plissé. La figure ci-contre est la reproduction photographique de trois vers fhits ayant cet aspect, d'où est venue l'expression vulgaire de maladie des tripes dans quelques localités. J'avais beau rechercher dans ces vers la présence des corpuscules, il m'était impossible d'en rencontrer la moindre trace; on n'y voyait à l'ordinaire que les vibrions de la putréfaction ('); enfin ces vers ne montraient jamais les vraies taches de la pébrine. En consultant les auteurs qui avaient écrit sur la maladie des vers à soie, je ne pouvais douter que j'eusse sous les yeux un exemple caractérisé de la maladie des niorts-flats. Jusque-là il n'y avait rien qui dût paraître bien extraordinaire. C'était à la vérité une ponte issue de parents privés de corpuscules qui avait montré ce genre de mortalité, mais la maladie avait pu se déclarer accidentellement; rien n'obligeait à croire à une affection héréditaire et indépendante. Toutefois je commençai à avoir des doutes sur la relation nécessaire de la pébrine et de la flacherie, doutes qui ne firent que s'accroître quand, après avoir observé les quelques papil- lons nés de l'éducation dont je parle, je les trouvai exempts de cor- puscules. Ces premiers soupçons sur l'indépendance possible des deux mala- dies se transformèrent pour moi en une conviction motivée lorsque, dans mes nombreuses éducations d'avril et de mai de la même année, je rencontrai de nouveaux exemples de flacherie semblables au précé- dent dans les diverses races dont j'avais préparé en 1866 de nom- breuses pontes issues de parents privés de corpuscules. C'étaient toujours les mêmes caractères : graines, vers, chrysalides, papillons exempts du parasite, coïncidant avec une grande mortalité par la flacherie, généralement de la quatrième mue à la montée à la bruyère. 1. La présence des vibrions d;ms des vers malades a été signalée pour la première fois, par M. Joly, professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, dans un Mémoire intitulé : « Sur les maladies des vers à soie et sur la coloration des cocons par l'alimentation au moyen du chica », Mémoire lu [par extraits] à l'Académie des sciences dans la séance du 30 août 1858 [et publié in extenso dans le] Journal d'agriculture pratique et d'économie rurale pour le midi de la France, 3" sér., IX, 1858, p. 381-394 (13 fig.). [Dans la note 1, p. 385], M. Joly donnait à ces vibrions le nom de vibrio aglaiae. Ce fait a été observé de nouveau en 1801, par M. de Plagniol, maire de Chomérac (Ardèche), qui considérait en outre le vibrion comme lié aux corpuscules et pouvant le reproduire par oviparité, trompé sans doute par les petits corps brillants que l'on voit souvent dans l'intérieur des vibrions, et qui ont à peu près la forme et 1rs dimensions des corpuscules de la pébrine. [Voir le travail de M. de Plagniol. Rapport relatif à des expériences microscopiques sur des graines de vers à soie. Bulletin de la Société d'agriculture de V Ardèche, 1801, p. 113-127.] ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 13 194 ŒUVRES DE PASTEIR Bien plus, il était sensible que certaines ponles, prises clans un même grainage, avaient une prédisposition marquée à être atteintes de cette maladie, ce qui éveillait naturellement l'idée qu'elle pouvait être héréditaire. Sur le point principal de l'indépendance de la pébrine et de la flacherie, l'incertitude n'était plus possible. Car les éducations atteintes, même au plus haut degré, par la maladie des morts-flats sans la moindre apparence de pébrine étaient propres à des graines nées de parents exeni])ts de corpuscules et qui conduisaient à des reproducteurs également privés de cet organisme. Si l'on pouvait à la rigueur conjecturer que la flacherie était une conséquence de l'affai- blissement graduel des races sous l'influence de la pébrine, il était, dans tous les cas, impossible de mettre en doute une indépendance de fait entre les deux affections. 11 ne sera pas sans intérêt d'opposer ici dans tous leurs détails les résultats de deux éducations, l'une saine, l'autre malade, prises parmi celles dont je parle. La première a été excellente puisqu'elle a donné quatre-vingt-onze cocons pour cent vers comptés à l'éclosion, tandis que celle du deuxième tableau a péri presque en totalité par la fla- cherie, sans manifester la moindre atteinte de la pébrine. Elle n'a donné que trente-cinq cocons faibles pour cent vers. PONTE DU 13 JUIN 18(36 — RACE JAPONAISE Mâle. Pas de corpuscules, i lion aspect des œufs. — Teinte Femelle. Pas de corpuscules. J générale : gris-verdâtre OBSERVATIONS Levée du 1er avril 1867, à midi. 106 vers comptés. 1" mue 103 Tous les vers morts re- trouvés dans la litière ont été examinés au microscope. Aucun d*eux n'était corpus- culeux. Sur 76 papillons qui ont été examinés, 5 seulement ont montré des corpuscules. -\- 1 qui n'a pas mué. -|- 2 avec peau serrée aux derniers anneaux. Total. . . 106 2e mue 103 3« mue. . . 103 i' mue. 101 -\- 1 mort, pourri, noir. Total. . . 102 -j- 1 ver perdu. Le 9 mai, 2 morts (vers petits qui n'ont pas grossi après la 4e mue. | Le 11 mai, 1 mort. — La montée s'est achevée le 11 mai. On a décoconné le 22 mai. — 11 y avait 87 cocons excel- lents, dont 7 doubles, ce qui donne un total de 94 vers ayant filé. C'est 91 cocons pour 100 vers comptés à l'éclosion, ce qui est une très belle réussite. Il est même probable que des vers ont voyagé et se sont égarés pendant la montée. ÉTUDES SUR I.A MALADIE I > I : S VERS A SOIE 195 ponte DO 14 juin 18G6 Mâle. Pas de corpuscules. ) Bon aspect des œufs. — Teinte Femelle. Pas de corpuscules. ) générale : gris-verdâtre. Levée du 2 avril 1867. à midi . 150 vers comptes 1™ mue 150 2e mue 150 3e mue 149 1 mort tripe avec ilé- jections humides. Total. . . 150 mue isuppression des repas le 30 avril à 5 heures du matin! + + + Total. . . 138 3 en mue mauvais. 5 morts non en mue. 4 perdus. 150 Le 6 mai. au deuxième délitage, après la 4e mue, on trouve 12 vers morts, de bonne teinte, mais très mous, et dont plusieurs ont le crottin humide. Aucun de ces 12 vers ne renferme trace de corpuscules. Parmi les vers vivants, bon nombre ont les derniers anneaux mous et rétrécis. Ces vers, évidemment malades, vont sur les bords du panier, mangent très peu ou pas. et linissent par demeurer à la même place jusqu'à leur mort. Le 8 mai, 9 vers morts; pas trace de corpuscules. Le 9 mai, 23 vers morts ou mourants, avec déjections humides. Pas un n'otfre des corpuscules. Tous les vers restants sont languissants : du reste, gros et assez fermes. Ils ne mangent presque plus. Le 10 mai, on relève 11 morts. Le 11 mai, encore 5 morts, plus 17 d'une langueur extrême. On les dirait morts. Plusieurs vers sur la bruyère sont sans mouvement. Toujours pas trace de corpuscules dans les vers morts. Le 23 mai, on décoconne ; on trouve 8 vers morts, noirs, pourris sur la bruyère, et 52 cocons sur lesquels 22 très faibles. C est un total de 35 cocons sur 100 vers comptés à léclosion. Sur 24 papillons examinés, un seul avait des corpuscules. OBSERVATIONS Les vers morts examinés an microscope n'offrent pas de corpuscules. Vibrions constatés dans plu- sieurs des vers morts sans qu'on recherchât particulière ment ces organismes. A celte époque de mes études, j'igno- rais la signification qu'il fal- lait attribuer à leur présence. Je ne l'ai reconnue qu'en 1S68. Je pourrais présenter un grand nombre d'éducations semblables à celles des tableaux précédents et non moins propres à démontrer l'indépendance de la flacherie et de la pébrine. Je m'empressai de compléter ces observations par la visite et l'étude attentive d'une multitude d'éducations industrielles pour y rechercher la part d'influence de la nouvelle maladie. Il me fut bientôt démontré que les résultats de mes expériences de laboratoire avaient un caractère 1rs général, et que, contrairement à l'opinion commune, deux maladies distinctes se partageaient les causes de tous les malheurs; que la pébrine était la plus répandue, mais que la flacherie lui était associée 1% ŒUVRES DE PASTEUR dans une proportion considérable; que, toutefois, cet état de choses était seulement propre aux départements de grande culture : dans les autres, le mal se bornait à peu près exclusivement aux ravages de la pébrine ('). C'est alors que j'adressai à M. Dumas, à la date du 21 mai 1867, la Lettre suivante, qui fut insérée dans les Comptes rendus de V Académie des sciences du 3 juin de la même année (2) : Alais. le 21 mai 1867. Dans ma Lettre du 30 avril dernier (3), je vous ai fait connaître les résultats de mes essais précoces et de l'examen de tous les papillons qui les avaient fournis. Joints à ceux de mes observations antérieures, ces résultats donnent la connaissance, presque aussi complète qu'il est possible de le désirer, de la maladie des corpuscules, puisqu'ils nous montrent qu'il est aussi facile de la prévenir que de la faire apparaître à volonté. J'ai ajouté, contrairement à l'opinion générale, que cette Vnaladie des corpuscules n'était pas tout le mal dont souffrait la sériciculture, qu'elle était associée à une autre affection confondue à tort avec elle, mais qu'il faut soigneusement en distinguer, parce que, dans un grand nombre de circonstances, ces deux maladies n'ont pas de rapport, au moins direct. Cette maladie, nouvelle quant aux idées que l'on se fait de l'état des chambrées depuis vingt années que sévit le fléau, me parait être, vous allez en juger tout à l'heure, la maladie connue anciennement sous le nom de maladie des morts-blancs ou des morls-flats. J'ai peut-être tort de me servir d'une expression vulgaire dont la définition donne lieu à bien des variantes, mais cela importe peu. C'est sur la réalité de l'existence d'une maladie, très distincte de celle des corpuscules, que je veux insister dans cette lettre. Je supposerai que nous visitions ensemble une chambrée où règne, comme on dit, la maladie, c'est-à-dire une chambrée où l'on observe une grande mortalité chez les vers, sans que d'ailleurs il y ait matière à blâmer l'édu- cateur dans son travail ou la disposition du local. 1. En Autriche, comme en France et en Italie, tout le mal a été rapporté à la pébrine seule, jusqu'à l'époque de mes observations relatives à la maladie des morts-flats, c'est-à-dire jusqu'en 1867 et en 1868. La preuve de ce fait se trouve dans le texte suivant, d'une proposi- tion de prix fondé par le Gouvernement autrichien pour récompenser l'auteur du meilleur remède ou préservatif d'une apjilication générale et capable d'empêcher la pébrine. Le ministère de V Agriculture, en Autriche: Considérant les ravages considérables causés depuis plus de dix ans dans l'Empire il' Autriche par l'épidémie qui a frappé les vers à soie: Considérant que les pertes qui en sont résultées constituent un des principaux obstacles au développement de la sériciculture, en Autriche; D'accord avec les résolutions arrêtées par le Congrès des sériciculteurs, réuni à Vienne en 1867, et sur la proposition de la- Commission de sériciculture ; A décidé de décerner un prix de 5.000 florins d'Autriche à celui qui aura réussi à découvrir un remède ou préservatif efficace, d'une application générale, et capable d'empêcher la pébrine, maladie ëpidémique sévissant actuellement sur le ver à soie (bombyx mori). (Publication du Consulat général d'Autriche, à Paris, 1868.) [Le prix fut décerné à Pasteur. Voir p. 742-746 du présent volume.] 2. Pasteur (L.). Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 3 juin 1867, LXIV, p. 1113-1120. {Note de l'Édition.) ■ i. Voir, p. 500-ô03du présent volume : Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas (Ahiis, lu MO avril 1867). [Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK l'.r Afin de mieux fixer les idées, j'admettrai que les vers aient franchi leur quatrième mue, car c'est le moment vraiment critique. L'aspect de la chambrée différera du tout au tout, suivant qu'elle sera sous l'influence de l'une ou de l'autre des deux maladies dont je parle. Si c'est l'affection corpusculeuse qui- détruit la chambrée, les tables seront couvertes de vers avant, pour ainsi dire, toutes les tailles, depuis celle du ver qui vient de muer ou qui va muer de la quatrième mue, jusqu'au ver prêt à filer son cocon, ou qui paraît devoir le filer sans peine ; en outre, bon nombre de vers ('éo-alement de toutes les tailles) sont étendus morts sur la litière dans un état de putréfaction plus ou moins avancée. On peut classer ces vers dans trois catégories distinctes : 1° Au moment où les vers ont fait en grand nombre leur quatrième mue, beaucoup d'entre eux n'ont pu s'endormir : il est facile de les recon- naître, soit h leur teinte verdâtre, soit à leur museau, soit à cet aspect un peu luisant des vers qui vont bientôt se mettre en mue. Observés à la loupe, et même à l'œil nu, ils sont fréquemment couverts de taches plus ou moins accusées. 2° Parmi les vers qui ont pu faire leur quatrième mue, un très grand nombre ne mangent pas, ou à peine, et conservent plus ou moins, pour ce motif, la teinte rouillée que possèdent les vers bons ou mauvais, au sortir de la quatrième mue. 3° Un certain nombre de vers se nourrissent convenablement, deviennent chaque jour de plus en plus gros, blanchissent... Ce sont les moins mauvais parmi les vers de la chambrée, ceux qui ont au moindre degré subi l'influence du mauvais état des papillons producteurs de la graine, ou les moins atteints par la contagion au voisinage des vers morts ou mourants. Dans ces trois catégories de vers, dans la troisième comme dans les deux premières, mais principalement dans ces deux-ci, bon nombre périssent chaque jour. De là l'existence de vers de toutes les tailles que l'on remarque chez les vers morts. Observons maintenant au microscope les vers de ces diverses catégories. Ceux de la première qui n'ont pas mué sont chargés de corpuscules, qu'ils soient morts ou vivants. Prenez-les au hasard, broyez-les séparément avec quelques gouttes d'eau, et la plupart d'entre eux vous offriront à l'examen microscopique des centaines et des milliers de corpuscules par champ. Tous leurs tissus en sont comme imprégnés : quelquefois le sang qui sort 1 ar une blessure faite à la peau est laiteux au lieu d'être limpide, tant il est chargé de corpuscules. Ici le grand nombre des taches est une consé- quence de l'intensité de la maladie des corpuscules. L'examen microscopique des vers rouilles de la seconde catégorie présente des résultats de même ordre: beaucoup d'entre eux sont chargés de corpuscules. Au contraire, parmi les vers de la troisième sorte qui mangent, grossissent et ont la teinte normale de leur âge, c'est tout à fait exceptionnellement qu'ils offrent un seul sujet corpusculeux. Mais tous sont empoisonnés, car, si vous attendez qu'ils aient fait leurs cocons et que \nns les observiez à l'état de chrysalides ou de papillons, pas un seul de ceux-ci ne sera exempt de corpuscules. Bien plus, à cause de la gravité 198 ŒUVRES DE PASTEUR que je suppose en ce moment à la maladie, déjà les chrysalides jeunes se montreront corpusculeuses. La graine issue des papillons d'une telle chambrée serait détestable ; personne ne songerait à s'en servir, et néanmoins les principes que j'ai établis sont si rigoureux qu'il serait facile d'utiliser cette graine, si cela était nécessaire, pour régénérer la race et la rendre aussi saine qu'au temps de la prospérité des éducations. Deux éducations successives, avec le mode de sélection des papillons que j'ai indiqué, conduiraient sûrement à ce résultat. Ce sont là les caractères de la maladie des corpuscules considérée après la quatrième mue. dans une chambrée où elle provoque une grande mortalité, telle, par exemple, qu'une once de graine fournisse, 1, 2, 3 kilo- grammes de cocons... Vous auriez les mêmes symptômes, mais seulement avec une intensité moindre, si la mortalité, toujours par le fait de la maladie des corpuscules, permettait d'obtenir le tiers, la moitié ou les trois quarts d'une récolte normale. Je veux dire qu'on observerait toujours les mêmes catégories de vers, et qu'ils seraient corpusculeux en plus ou moins grand nombre. Il y aurait également absence de corpuscules chez les vers capables de monter à la bruyère ; mais les papillons seraient encore tous corpusculeux ou presque tous: il y aurait seulement des différences dans l'époque à laquelle les corpuscules auraient apparu dans la chrysalide. .le n'aurai pas le loisir de vous parler plus longuement de la maladie des corpuscules en l'envisageant à d'autres périodes de l'éducation, ni d'insister à nouveau sur ce qu'il y a d'aléatoire dans l'examen microsco- pique des graines ; j'ajouterai seulement, pour compléter ce qui précède, que si nous avions observé notre chambrée malade depuis le moment de l'éclosion de la graine, nous aurions reconnu à toutes les époques l'existence de vers retardataires plus ou moins corpusculeux. Enfin toutes les chambrées provenant de la même graine qui a Fourni notre mauvaise chambrée auraient également échoué. J'arrive maintenant aux symptômes extérieurs de la nouvelle maladie : c'est le principal objet de cette Lettre. Si c'est à elle qu'il faut attribuer la destruction de la chambrée, l'aspect général de celle-ci, au moment ou nous y pénétrerons, sera tout autre que celui dont je viens de parler, et les diflérences n'auront pas été moins accusées dans les phases antérieures des deux éducations : 1° 11 arrivera le plus ordinairement que la mortalité n'aura pas été de plus de 2 à 3 pour 100 dans l'ensemble des diverses mues, ce qui est insignifiant ; 2" En examinant au microscope les vers petits qui ne muent pas en même temps que les autres, les rares vers morls trouvés dans les litières, pas un seul d'entre eux n'offrira de corpuscules ; 3° Toutes les mues, notamment la quatrième, se seront opérées avec un ensemble parfait, si peu que l'éducateur connaisse son métier ; 4° Les papillons producteurs de la graine d'où la chambrée est issue auront été tous, ou au moins la très grande majorité d'entre eux, privés de corpuscules. Malgré ces circonstances et en dépit des espérances qu'elles faisaient concevoir à l'éducateur, la litière (la bruyère également, si l'éducation en E TV DIS SUR E A M A I , A D I E 1) E S Y E R S A SOI E 199 csi là est rouverte de vers avant tous la grosseur qui convient à leur âge : niais, chose étrange ! ces vers sont morts ou mourants. Ils sont si languissants (|ue leurs mouvements sont à peine sensibles, et pourtant leur aspect extérieur est si satisfaisant qu'il faut toucher les morts et les manier pour s assurer qu'ils ne sont plus vivants. Si déjà quelques-uns sont montés sur la bruvère, ils s'allongent sur les brindilles et y restent sans mouvement jusqu'à leur mort, ou bien ils tombent, pendus et retenus seulement par quelques-unes de leurs fausses pattes, comme le montre la figure ci-contre ('). Dans ces positions, ils deviennent mous en un temps plus ou moins long, qui est quelquefois très court, puis ils pourrissent en prenant une couleur noire dans l'intervalle de vingt-quatre ou quarante-huit heures. Leur corps n'est plus alors qu'une sanie brun - noirâtre , remplie de vibrions dont les premiers ont apparu dans les matières dont le canal intes- tinal au moment de la mort était gonflé et comme obstrué à quelque distance de son extrémité postérieure. Que l'on observe par centaines des vers morts dans ces conditions, pas un seul ne sera corpusculeux. Il v a plus : les papillons des cocons formés en plus ou moins grand nombre ne montreront pas davantage le moindre corpuscule, dernière et convaincante preuve que la mortalité de la cham- brée n'a eu aucun rapport direct avec la maladie des corpuscules. Si maintenant nous consultons les nombreux auteurs qui ont écrit sur les maladies du ver à soie, vous recon- naîtrez, je pense, qu'il faut appliquer à la maladie dont je viens de parler l'expression de maladie des morts-Rats. Il vous suffira de lire à cet égard le petit ouvrage de Nysten (-), et surtout une note du traducteur de l'ouvrage de Dandolo ainsi conçue : « Dans la maladie des morts-blancs ou morts- flats, le ver conserve étant mort son air de fraîcheur et de santé. Il faut le toucher pour reconnaître qu'il est mort (3). » D'après ce qui précède, la maladie des morts-flats peut exister, sans 1. Cette figure n'a pas été insérée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences. 2. Nysten P. -H.). Recherches sur les maladies des vers à soie et les moyens de les prévenir : suivies d'une instruction sur l'éducation de ces insectes. Paris, 1808, Imprimerie impériale, 188 p. in-8°. 3. Daxdolo (Comtei. De l'art d'élever les vers à soie. Traduit de l'italien par Fontaneilles. Paris, Lyon et Montpellier. 1819. xvi-402 p. in-8° (2 tahl. et 2 pi. avec 29 fig.). « M. Rigaud de Lisle. habitant à Grest, est, je crois, le premier qui ait distingué cette maladie des 200 ŒUVRES DE PASTEUR être associée, à un degré quelconque, dans une même chambrée avec la maladie des corpuscules. Mais l'inverse n'a peut-être jamais lieu. Toutes les fois que la maladie des corpuscules existe, elle s'accompagne chez un plus ou moins grand nombre de vers de la maladie des morts-flats (*) . Dans ce cas, cette dernière maladie parait donc liée d'une façon plus ou moins étroite avec la maladie des corpuscules. Aussi, bien que dans nombre de circonstances la maladie des morts-flats soit sans relation directe, abso- lument parlant, avec la maladie des corpuscules, il se pourrait que des observations ultérieures vinssent établir que la fréquence de la maladie des morts-flats est due à un affaiblissement des races produit par la maladie des corpuscules, et ce qui tendrait à le faire croire, c'est que les races indigènes m'ont présenté bien plus fréquemment que les races japonaises des exemples de la maladie dont je parle. Quant aux causes plus prochaines de cette maladie et aux moyens de la prévenir, comme son existence indépendante de la maladie des corpuscules ne s'est manifestée à moi que dans mes études récentes, et alors que j'étais tout occupé de mes expériences sur la maladie corpusculeuse, vous comprendrez facilement que leur connaissance appro- fondie m'échappe encore. Pourtant, je crois que la maladie des morts-flats peut être soit héréditaire, soit produite par des circonstances survenues accidentellement dans l'éducation. Elle serait héréditaire lorsqu'on aurait le tort de faire de la graine avec des chambrées dont les vers offrent, après la quatrième mue, une mortalité plus ou moins grande de morts-flats, et en général toutes les fois que les vers sont mous au toucher, languissants dans leurs mouvements et sans agilité sur la bruyère. Les éducations d'une telle graine peuvent présenter à peu près généralement la maladie des parents, si les vers ne se sont pas guéris d'eux-mêmes, en quelque façon, par les bons soins et les bonnes conditions des éducations. Je suis porté à croire également qu'il existe des circonstances à l'époque de l'incubation et de Péclosion, mais dont je ne me rends pas encore bien compte, pouvant contribuer à l'apparition subséquente de la maladie des morts-flats. Cette maladie serait accidentelle, principalement dans le cas où, soit par suite de la disposition des locaux, soit par l'effet des conditions atmo- sphériques, telles que l'abaissement de pression et l'état hygrométrique au moment d'un orage, la transpiration si nécessaire au ver à soie se trouve arrêtée pendant, un temps plus ou moins long, surtout au moment où son appétit augmente considérablement, entre la quatrième mue et la montée à la bruyère. Alors le ver à soie doit assimiler une quantité énorme de autres. Le ver, dit-il, étant mort, conserve son air de fraîcheur et de santé. Il faut le toucher, pour reconnaître qu'il est mort » [p. 314]. {Notes de l'Édition.) 1. Cette observation est exacte mais mal interprétée. Dans une graine industrielle, c'est-à- dire faite en assez grande quantité, et corpusculeuse, il se trouve généralement beaucoup d'oeufs affaiblis par l'état maladif des papillons producteurs, au point de donner des vers très prédisposés à la flacherie. Voilà pourquoi il est très rare de rencontrer une chambrée décimée par la pébrine et n'offrant pas simultanément des vers flats. Mais l'indépendance des deux maladies n'en est pas moins absolue. On peut avoir des éducations exclusivement atteintes de pébrine ou exclusivement atteintes de flacherie. (Entre autres preuves, voir par exemple ma Lettre du 28 mars 1809 à la Commission des soies de Lyon [Moniteur des soies, VIII, 18 septembre 1869, p. 3-4] et le Rapport de cette Commission sur ses éducations de 1869 [p. 606-612 du présent volume] '.) * Cette note m- figure pas dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences. {Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 201 nourriture très aqueuse, et, comme il n'urine pas, il faut de toute nécessité ([ne le grand excès d'eau de ses aliments s'évapore par transpiration cutanée. Cela exige un renouvellement continuel de l'air dans lequel il se trouve. Je viens de visiter un grand nombre de magnaneries de Perpignan et de ses environs : beaucoup d'entre elles sont des chambres ordinaires, n'ayant qu'une seule croisée, et sans cheminée ; si elles sont placées sous les toits, le toit est maçonné. Il y a donc impossibilité à un mouvement de l'air. Heureusement on n'y l'ait jamais de feu, et l'on ouvre assez souvent la fenêtre; mais que le vent humide et chaud, dit marin, vienne à souffler au moment de la montée, rien ne peut plus obvier à l'inconvénient si grave, que je viens de signaler, de l'absence de transpiration des vers. Les conditions atmosphériques dont je parle ont existé précisément pendant quelques jours après la quatrième mue clans le département des Pyrénées- Orientales. Aussi ai-je vu de graves insuccès dus à cette cause, portant sur des graines d'excellente qualité, et certainement privées d'une façon à peu près complète de la maladie des corpuscules. C'est alors que l'on remarque «es faits, si étranges au premier abord, de chambrées admirables plus ou moins voisines ou plus ou moins éloignées de chambrées dont l'échec est absolu, alors même que ces deux espèces de chambrées proviennent d'une même graine, sortie du même sac. Vous trouverez une expérience très instructive à ce sujet dans l'ouvrage de Nysten, qui fut chargé, comme vous le savez, en 1807, par le Gouver- nement, d'aller étudier dans le département de la Drôme une épidémie locale île morts-pats. Il rapporte qu'ayant placé 15.000 vers dans un cabinet sans autre ouverture que celle de la porte, laquelle n'était ouverte que lorsqu'on entrait pour donner à manger aux vers et pour les déliter, il a obtenu environ >i.000 morts-flats, tandis que 10.000 des mêmes vers, dans des conditions à peu près normales, n'ont fourni que 200 ou 300 vers morts de cette maladie. J'espère pouvoir éclaircir tous ces faits par de nouvelles expériences que je vous ferai connaître ultérieurement. En résumé, et au point où je me trouve dans l'étude de la nouvelle maladie, je ne vois présentement d'autres moyens de faire de la bonne graine, et d'une bonté durable, qu'en s'adressant à des chambrées très bien réussies (c'est d'ailleurs la prescription de tous les temps et de tous les pays, mais peu observée souvent par les marchands de graines), dont les vers ont été agiles à la montée et dont la grande majorité des papillons est exempte de corpuscules. La maladie des corpuscules, maladie terrible, excessivement répandue, disparaîtra sûrement, et celle des morts-flats ne pourra se déclarer qu'accidentellement, point du tout d'une manière néces- saire, je l'espère du moins, parce que la maladie n'aura pas été commu- niquée par hérédité congénitale. Pour éviter même ces cas accidentels de maladie des morts-flats, le remède préventif le meilleur consistera dans l'emploi de magnaneries où le mouvement de l'air est facile et naturel. Si les conditions atmosphériques font néanmoins craindre l'approche du mal, il faudra s'empresser de provoquer le mouvement de l'air, en d'autres termes, la transpiration des vers par des moyens artificiels, tels que des feux clairs souvent renouvelés, une chaleur convenable et l'ouverture des trappes, s'il en existe dans le plancher de la magnanerie. Ces dernières 202 ŒUVRES DE PASTEUR prescriptions peuvent se résumer par cette phrase dont j'emprunte l'expres- sion pittoresque à votre Rapport sur le procédé André Jean (t) : « Un air constamment renouvelé, comme si les vers étaient placés dans une gaine de cheminée. » Beaucoup de personnes, qui se rendent un compte inexact des principes physiques dont l'application est le plus profitable aux chambrées, blâment la disposition des magnaneries dans le département du Gard. Je ne vois rien de mieux entendu au contraire que ces éducations sous un toit dont les tuiles ne sont pas réunies par du mortier et simplement imbriquées les unes sur les autres, surtout lorsqu'il existe des trappes au plancher, ou des ouvertures latérales grillagées situées très bas, si la magnanerie est au rez-de-chaussée, et si enfin la magnanerie est très élevée comparativement à sa largeur. Ces magnaneries sont, au point de vue phvsique, de véritables cheminées : le soleil ne peut pas frapper les tuiles sans qu'un mouvement de l'air de bas en haut ne s'établisse aussitôt, surtout si l'on a le soin de garnir le joint des fenêtres de bandes de papier ; c'est encore là une de ces pratiques de métier que bien des personnes ont le tort de blâmer, à mon sens. De même qu'une cheminée tire moins bien quand on fait un trou dans sa hauteur, de même les ouvertures aux fenêtres peuvent ralentir le tirage d'une magnanerie. Mais il y a des circonstances atmosphériques où tout ;i coup, par un abaissement considérable de la pression de l'air, la magnanerie-cheminée dont je parle ne tire plus, et où le mouvement de l'air tend à se faire en sens inverse du mouvement naturel qui lui est ordinaire, tout comme on voit la flamme d'un poêle sortir en langue de feu par l'ouver- ture de la porte du foyer, au moment d'un brusque changement dans la pression atmosphérique. Alors se trouve arrêté subitement tout mouvement d'air dans la magnanerie, c'est-à-dire toute transpiration chez le ver, et en quelques heures apparaît la maladie caractérisée des morls-flals. Ce sont des effets de ce genre qu'il faut éviter autant que possible, principalement dans les cas où les vers ont, par hérédité ou par affaiblis- sement progressif, certaine prédisposition à cette maladie des morts-flats, sur laquelle j'appelle toute l'attention des éducateurs. L'immense désastre delà sériciculture depuis vingt années est tout entier dans cette maladie et dans celle des corpuscules, bien plus répandue que celle des morts-flats et plus irrémédiable une fois qu'elle est déclarée, mais très facile à prévenir en suivant les indications que j'ai données. La publication de cette Lettre produisit une vive émotion dans nos départements séricicoles. Les résultats qu'elle signalait à l'attention des éducateurs, au sujet de la ilacherie et de sa malheureuse influence, étaient si vrais que beaucoup de personnes en exagérèrent les consé- quences, à tel point qu'elles furent portées à attribuer tout le mal à la présence des morts-flats. A les entendre, la Ilacherie était seule redoutable, et, jusque dans ces derniers temps, sous l'empire de ces 1 Di UA.S. Rapport sur le Mémoire de M. André Juan, relatif à l'amélioration des races de vers à s,, ie. Comptes rendus de l'Académie des sciences, XLIV, 1857, p. 276-314. (Note de l'Edition.) ÉTUDES SUR LA MAI, ADN' DES VERS A SOIK 203 opinions erronées, on a vu soutenir les propositions les plus étranges touchant la maladie des corpuscules ou pébrine. In médecin de Lyon alla jusqu'à prétendre qu'une graine renfermant quatre-vingts œufs corpusculeux sur cent avait donné une récolte splendide (*). S 111. l.a pébrine et la flacherie composent tout le mal. Les auteurs bacologues, depuis Olivier de Serres jusqu'à .M. Cornalia, onl décrit un grand nombre d'affections dont on trouve la nomen- clature complète dans divers ouvrages, notamment dans les Etudes de M. de Quatrefages -' , qui a reproduit la liste donnée par M. Cornalia dans sa Monographie du ver à soie, publiée à Milan en 1856 (3). Je crois qu'on exagère beaucoup et qu'on a exagéré de tout temps le nombre des maladies auxquelles sont sujets les vers à soie, du moins celles qui peuvent prendre un assez grand développement pour causer la ruine totale d'une éducation. Aux divers âges de l'insecte, une même maladie revêt des formes qui n'ont entre elles aucune analogie apparente. Il en est résulté naturellement, dans le langage usuel des magnaneries, une foule de dénominations qui ont fait admettre l'existence de maladies imaginaires. J'ai donné beaucoup d'attention à cet objet, et je dois dire que je ne connais guère que quatre maladies bien caractérisées chez les vers à soie. Ce sont la grasserie, la muscardine, la flacherie et la pébrine. Toutes les autres nie paraissent rentrer dans celles-ci. L'apoplexie, VJiydropisie, Y atrophie, l'étisie, la négrone, les passis, les ar pians, peut-être même les luzettes, ne sont que des formes de la flacherie ou de la pébrine ' . J'ai déjà l'ait observer que la muscardine n'intervient pas du tout dans le fléau; la grasserie est ce qu'elle a toujours été, plutôt diminuée qu'accrue. Je regarde donc comme certain que les 1. o Un sériciculteur digue de la confiance la plus illimitée, M. Buisson, m'affirmait, il y a deux jours, qu'une graine corpusculeuse à 80 pour 100 examinée par il. Pasteur lui-même avait donné une récolte splendide. » {Moniteur des soies, numéro du 11 juillet 1869, p. 8.) Après des explications catégoriques, mais péniblement obtenues, il fut reconnu que, dans aucune circonstance, je n'avais étudié une telle graine pour M. Buisson, cl que la semence qui, d'après cet éducateur, avait donné exceptionnellement une belle récolte n'avait été soumise qu'à un examen microscopique dérisoire. (On peut voir, à ce sujet, la polémique que j'ai sou- tenue dans le Moniteur des soies de juillet [juin] à. septembre lisiiit.) f Voir. p. 096-tiOû du présent volume, les lettres adressées au directeur du Moniteur des soies.] 2. Quatrefages V. de). Études sur les maladie, actuelles du ver à soie. Paris, 1859, in-4\ p. 88-92. [Note de l'Édition.) 3. Cornalia E. . Monografia del borabi tel gelso. Milan, 18Ô0, in-4», p. 54-87 : Biblio- grafia del bombice del gelso. [Note de l'Édition.) i. Je connais peu la maladie des courts. J'en ai rencontré des exemples isolés: jamais je n'ai eu l'occasion de yoir périr une chambrée entière sons cette forme. 204 ŒUVRES DE PASTEUR désastres de la sériciculture doivent être attribués uniquement à deux maladies, la pébrine et la llacherie. Elles composent tout le mal, et il m'est arrivé très rarement, soit dans ma magnanerie expéri- mentale, suit dans les magnaneries industrielles, de rencontrer une grande mortalité qui ne fût pas la conséquence de la maladie des corpuscules ou de celle des morts-flats. Cinq ou six l'ois j'ai eu occasion de voir des chambrées atteintes de muscardine, et une fois seulement j'ai vu Ja grasserie détruire une éducation. Aujourd'hui, comme autrefois, on rencontre assez souvent des vers gras au moment de la montée à la bruyère, mais la perte qui en résulte est, en général, de peu d'importance. Il est même des éducateurs qui ne voient pas, sans quelque satisfaction, la grasserie sévir à un faible degré dans leurs chambrées, prétendant que cette circonstance est une garantie de bonne récolte. CHAPITRE II NATURE DE LA MALADIE DITE DES MORÏS-FLATS OU FLACHERIE Lorsque les vers sont atteints de cette maladie d'une manière appa- reille, qu'ils ne mangent plus, ou très peu, qu'ils se montrent étendus sur les bords des claies, ou lorsqu'ils viennent de succomber, les matières qui remplissent leur canal intestinal renferment des productions organisées diverses. Ces organismes sont : 1° des vibrions, souvent très agiles, avec ou sans noyaux brillants dans leur intérieur; 2° une monade à mouvements rapides; 3° le bacterium termo, ou un vibrion très ténu qui lui ressemble; 4° un ferment en chapelets de petits grains, pareil d'aspect à certains ferments organisés, que j'ai rencontrés maintes fois dans mes recherches sur les fermentations. Ces productions sont réunies, dans le même ver, d'autres fois plus ou moins séparées. Celle qui offre le plus d'intérêt est ce ferment en chapelets llexibles, de deux, trois, quatre, cinq... grains, sphériques ou un tant soit peu plus longs que larges, et quelquefois légèrement étranglés, à la manière du mycoderma aceti naissant. Ce ferment, ou une production toute semblable, est décrit et dessiné dans plusieurs de mes Mémoires relatifs aux fermentations (J). Le diamètre des grains est à peu près d'un millième de millimètre. On peut le déduire de la longueur d'un chapelet formé de plusieurs grains, divisée par le nombre de ces grains. La mesure ainsi faite, et qui comprend l'inter- valle de deux grains, outre le diamètre de ces grains, est égale le plus souvent à 0,0015 environ. Les vers sains ne m'ont jamais montré d'organismes soit pareils au précédent, soit d'une autre nature. On ne peut douter que la présence de ces ferments animaux et végétaux n'altère profondément les fonctions digestives, et que la mort ne soit habituellement la conséquence du développement de ces êtres micro- scopiques. Si les fonctions de nutrition ont une importance de premier ordre chez tous les animaux, leur parfaite régularité doit être surtout nécessaire dans un animal dont le poids, dans l'intervalle de trente à 1. Notamment dans le Mémoire sur la fermentation acétique, p. 23-77 du tome III des CEi vres de Pasteur. {Note de l'Édition.) 206 ŒUVRES DE PASTEUR trente-cinq jours d'existence, devient huit à dix mille fois plus grand qu'il n'était à sa naissance. En jetant les yeux sur la planche ci-contre, on sera frappé de la rapidité d'accroissement de volume et de poids du ver à soie dans un temps très court. Cette planche représente, dans sa grandeur naturelle, ii h ver de race indigène à l'éclosion et aux époques des ses quatre premières mues ('). Tandis que le poids du ver à l'éclosion est compris entre \ et 1 milligramme, il est des vers qui pèsent, à la fin de leur vie, à l'état de larve, 6, 7 et 8 grammes et plus. Lorsqu'on pénètre dans une magnanerie dont les vers périssent de la flacherie. on perçoit une odeur aigre, désagréable, due aux acides gras volatils qui se dégagent des vers malades, acides formés précisé- ment par la fermentation des matières contenues dans le canal intes- tinal P2). Une éducation d'une centaine de vers seulement, atteints de flacherie. suffit pour répandre autour du panier qui la contient une odeur très prononcée, surtout si l'on flaire de près la litière, et alors même qu'on éloigne sans cesse tous les vers au moment de leur mort, circonstance qui démontre que l'odeur dont je parle est propre aux vers encore bien vivants. Tour se convaincre que, dans les cas de flacherie, la mort est due essentiellement à une altération des fonctions digestives survenant à la suite d'une fermentation, il est utile de comparer l'état des matières contenues dans le canal intestinal des vers malades avec celui que présente la feuille de mûrier triturée et abandonnée à elle-même, dans un vase plus ou moins bien clos, à la température des mois de mai et île juin. On reconnaît alors, facilement, que dans les vers flats, le canal intestinal se comporte à la manière d'un tube fait de matière minérale, de verre, par exemple, où on aurait introduit de la feuille de mûrier broyée. De part et d'autre, ce sont les mêmes organismes ; de part et d'autre, également, on trouve, tantôt une seule des productions dont nous avons parlé, tantôt plusieurs associées, avec dégagement de gaz, en plus ou moins grande abondance. Parfois, lorsqu'on ouvre un ver atteint de flacherie, sans endommager les tuniques du tube 1. J'ai signalé ailleurs {voir p. 15 de l'Introduction) la teinte noirâtre des vers corpus- ouleux. On voit dans la planche à quoi elle est due. Elle ne résulte pas d'une plus grande abondance des poils, mais de la teinte de la peau des anneaux et des tissus sous-jacents. La planche représente par opposition deux vers sortant de leurs coques, l'un corpusculeux, l'autre sain, au grossissement de *• Outre la teinte, noirâtre de la partie antérieure du corps dans le ver corpusculeux, la figure fait voir que ce ver est plus grêle que le ver sain. 2. Les acides dont il s'agit sont saturés en partie par les matières alcalines qui accom- pagnent toujours la digestion normale chez les vers sains, ou parles ammoniaques composées que dégage la putréfaction des vers morts du mourants. ... ■ ' ver corpitsculfK 8 :■■■- tain à Vêeîosîon ■ m&** ..■ . , -, (osiûn , , ...... .: . . -bauer tui nai . . . . Picart . ■ ÉTUDES SIK LA MALADIE DES Vins A SOIE 207 digestif, on voil sous l'enveloppe distendue et translucide de ce tube, se rassembler continûment de petites bulles de gaz, qui s'élèvent, comme elles feraient du fend d'un vase où fermenterait de la feuille de mûrier. La figure ci-contre représente quelques-unes des diverses variétés Vibrions de la flacherie. de vibrions que l'on rencontre dans le canal intestinal des vers malades de la flacherie : a, débris de feuille, trachées, etc.; b, c, r/, e, f, chaîne de vibrions : les lignes ponctuées simulent la marche ondulée de ces chaînes ; g, h, vibrions avec corpuscules brillants : dans quelques-uns, on a figuré la résolution de la matière environnant ces points brillants, lesquels sont libres en m, ; dans ce cas, ils ressemblent assez à des corpuscules de pébrine. Les chrysalides mortes dans leurs cocons, noires, pourries, don- nant lieu à ce qu'on appelle des cocons- flou/us, sont ordinairement remplies de vibrions immobiles, ou réduits à ces espèces de kystes, g, h. k, ... semblables aux corpuscules de pébrine. 208 ŒUVRES DE PASTEUR Les vibrions sont rares dans les chrysalides el les papillons vivants. Leur présence est au contraire extrêmement fréquente dans les yers atteints de flacherie. On peut même dire qu'elle n'y l'ait pour ainsi dire jamais défaut, quand c'est sous la forme de chenille qu'ils meurent de cette maladie. Lorsque les vibrions abondent dans les matières du canal intestinal, les fonctions digestives se trouvent sus- pendues, et les parois du canal ne tardent pas à s'altérer. Perdant promptement leur élasticité et leur résistance, ces parois se com- portent bientôt comme de la matière organique morte : elles pour- rissent et se perforent sous l'action des vibrions qui se répandent alors dans tout le corps de l'insecte, lequel noircit progressivement. La planche ci-après représente en G un ver mort de llacherie, dont la mort était toute récente; on dirait un ver vivant ; son canal intestinal est rempli de nourriture non digérée, où pullulent des vibrions. Sous leur influence, cette matière se liquéfie et le ver s'affaisse sur lui- même, sa peau se plisse; c'est ce que représente la figure F. Bientôt les tuniques de l'intestin se perforent, et les vibrions se répandent dans tout le corps. C'est alors que le ver devient noir, que tous ses tissus pourrissent et qu'il est impossible de le toucher sans qu'il se résolve en une sanie infecte où les vibrions fourmillent en nombre extraordinaire. La figure E montre ce progrès de la putréfaction. C'est quanti des effets de cette nature se produisent dans les chrysa- lides qu'on trouve des cocons fondus; aussi l'abondance plus ou moins grande de pareils cocons est-elle l'indice d'une éducation qui a été atteinte de la maladie des morts-flats, à moins que la grasserie, ce qui arrive quelquefois, n'ait été cause de la présence des fondus. J'ai dit que les vibrions pouvaient exister dans les chrysalides, et même dans les papillons. Cette circonstance s'explique aisément : que les vibrions commencent à se montrer dans le canal intestinal des vers seulement au moment où ceux-ci sont prêts à filer leur soie, la trans- formation en chrysalide pourra avoir lieu, c'est-à-dire que la multipli- cation et les ravages des vibrions n'auront pas le temps de se pro- duire au degré nécessaire pour faire périr le ver avant qu'il devienne chrysalide. Par la même raison on conçoit que, dans ces conditions, la mort de la chrysalide puisse être retardée plus ou moins, et que le papillon lui-même puisse se former: ce cas se présentera lorsque la multiplication des vibrions aura été suffisamment lente, et telle est l'explication de la présence possible des vibrions jusque dans le papillon ('). Mais, je le répète, dans les cas de llacherie, surtout quand 1 Je parle ici, liien entendu, de papillons qui montrent des vibrions étant encore pleins V .•*« V;| illîflïj 4* '4-]ËA$ft&* ^^rîr y "^ .''.//«-y »/// //,j. ■ . ÉTUDES Sl'R LA MALADIE DES VERS A SOIK 209 le mal est très accusé, c'est dans le ver encore sur la litière, ou sur la bruyère, que les vibrions pullulent el de façon à amener la mort avant qu'il s'enferme dans son cocon. Les choses se passent tout autrement el comme à l'inverse de ce qui précède lorsqu'on a affaire au ferment en chapelets de grains figure; dans la planche qui suit la page 212. Alors il est rare que la fermen- tation des matières contenues dans le canal intestinal entraîne la mort du ver, surtout si le petit ferment dont il s'agit ne s'est déve- loppé que dans les derniers jours de la vie de la larve avant la montée à la bruyère ('). La maladie des vers se traduit dans ce cas par nu état languissant, par une grande lenteur de mouvements lorsqu'ils montent sur la bruyère ou qu'ils commencent à filer leur soie. Néan- moins ils peuvent faire leurs cocons, se transformer en chrysalides, celles-ci en papillons et ces papillons avoir même le plus bel aspect. Dans ces conditions, la récolte en soie peut s'élever à 40, 5(1 et 55 kilogrammes par once de 25 grammes, puisqu'il n'y a pas de mor- talité sensible chez les vers; mais l'état des chrysalides et des papillons laisse beaucoup à désirer sous le rapport d'une bonne reproduction. Bien que les vers soient atteints de flacherie à un degré assez faible pour qu'ils ne périssent ni à l'état de vers, ni à l'état de chrysalides, ils sont affaiblis. Or, il arrive fréquemment que cet affaiblissement se traduit dans leur génération prochaine par une prédisposition plus ou moins prononcée à la flacherie, et plus ou moins difficile à guérir par des soins hygiéniques. Plusieurs circonstances peuvent servir à reconnaître l'affaiblisse- ment dont nous parlons, et par suite le danger que l'on court en livrant au grainage une chambrée placée dans les conditions précé- dentes. Un des meilleurs critériums consiste dans une observation de vie ; je laisse de côté le cas de papillons conservés morts dans un lieu humide, ou, ce qui revient au même, réunis en masse épaisse dans un lieu quelconque. Les papillons peuvent alors pourrira la manière de toutes les substances organiques mortes, et se trouver remplis de vibrions. C'est là une putréfaction ordinaire, et ces vibrions ne peuvent être comparés aux vibrions de la flacherie, ni avoir la signification que nous venons d'attribuer à ces organismes dans les conditions précitées. 1. Cependant j'ai vu des exemples de cette mortalité sur la plus grande échelle. Dans un.' magnanerie située sur la montagne, placée au nord-est de notre habitation du Pont-Gisquet, près d'Alais, au quatorzième repas après la quatrième mue, on donna, aux vers d'une éduca- tion de neuf onces, de la feuille mouillée par un brouillard intense du matin. En moins de vingt-quatre heures, les vers, jusque-là admirables, cessèrent de prendre de la nourriture, et la mortalité commença. Le canal intestinal de ces vers était rempli de feuille et distendu par une matière spumeuse. L'examen microscopique ne décelait pas trace de vibrions, mais une grand.- abondance du ferment en chapelets de grains. En incisant la peau des vers, le canal intestinal sortait en bourrelets, et l'on voyait se rassembler sous la tunique transparente de petites bulles de gaz produites par la fermentation de la feuille renfermée dans le tube digestif. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 14 210 ŒUVRES DE PASTEUR attentive des vers lorsqu'ils montenl à la bruyère. Tout éducateur un peu exerce qui a le sentiment de la vigueur propre aux bons vers à l'époque de la montée n'aura pas besoin de recourir au microscope, p.mr s'assurer de l'état maladif de sa chambrée. La montée est lente, elle dure plusieurs jours, les vers restent des heures entières immo- biles sur les brindilles, dont ils garnissent quelquefois le pied comme s'ils hésitaient à aller plus avant. C'est alors que nos vieux magna- niers brûlaient de l'encens, du thym, des parfums, faisaient des feux de flamme ou élevaient de plusieurs degrés la température de la magnanerie, afin de ranimer les vers, car alors le moindre accident, la moindre circonstance nuisible peut entraîner la perte de la cham- brée. Ce serait une grande imprudence que de faire de la graine avec les papillons d'une éducation qui a présenté ces symptômes à un degré plus ou moins marqué, quelle que fût d'ailleurs sa réussite comme produit en cocons. Combien de fois n'arrive-t-il pas que cette obser- vation des vers au moment de la montée à la bruyère est complètement laissée de côté par l'éducateur qui ne prend conseil, à l'ordinaire, que de l'abondance de la récolte ou de la beauté des cocons, pour savoir s'il doit ou non livrer ceux-ci au grainage ! Bien plus, il fait grainer le plus souvent des cocons qu'il n'a point obtenus lui-même, et l'année suivante il s'étonne de voir la flaclierie décimer ses éducations; alors il accuse la maladie, sa mystérieuse influence, et demande des remèdes à des maladies que par négligence il a fait naître, en prenant pour reproducteur des papillons affaiblis. Si j'étais éducateur dk vers a SOÎE, JE NE VOUDRAIS JAMAIS ÉLEVER UNE GRAINE NÉE DE VERS QUE JE N'AURAIS PAS OBSERVÉS A MAINTES REPRISES, DANS LES DERNIERS JOURS DE leur vie, afin de constater leur vigueur, c'est-à-dire leur agilité au moment de filer leur soie. Servez-vous de graines provenant de papillons dont les vers sont montés avec prestesse a la bruyère, sans offrir de mortalité par la flaclierie de la quatrième mue à la montée, et dont le microscope aura démontré la sanité au point de vue des corpuscules, et vous réussirez clans toutes vos éducations, si peu que vous connaissiez l'art d'élever les vers à soie. Quand ces observations pratiques sur l'état des vers destinés a la reproduction n'ont pu avoir lieu, comment se renseigner sur la qualité des cocons pour graine, sous le rapport de la prédisposition possible a la flaclierie par hérédité ? Dans ce cas, il importe de ne livrer au raiiiae-e que des cocons dont les chrysalides auront été étudiées au microscope, et qui ne présenteront pas le ferment en chapelets de grains dont j'ai parle précédemment (ou des vibrions), car il est facile de reconnaître que l'état languissant des vers au moment de la montée P Lackerbauer ad nat-pinoe* Ticarl f se chrysalider_ Chrysalides __ Chrysalides ouv< p. s. norhc stomacale ;p C.pochc ttvcale ■ ■ ■ ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK 211 es! précisément dû à ce que les dernières portions de feuille ingérée fermentent dans le canal intestinal sous l'influence de ce ferment ('). Cet examen microscopique n'offre pas de difficulté} sérieuse ; il ne demande qu'un peu d'exercice. La planche représente : A une chrysalide vue de dos, C une chrysalide vue du côté de l'abdomen, D et E des chrysalides ouvertes de manière à mettre à nu les organes internes. Dans la chrysalide, l'intestin considérablement réduit, par rapport a ce qu'il était dans la larve, offre essentiellement sur son parcours deux renflements ou poches, que l'on peut désigner sous les noms de poche stomacale (p. s.) et de poche caecale (p. c. . Celle-ci est destinée à recueillir le liquide que les papillons rejettent avant ou après l'accou- plement, liquide ordinairement troublé par une poussière de sels uriques, peu solubles dans l'eau, mais solubles dans les acides et les alcalis. Voici la marche à suivre pour s'assurer de la présence ou de l'absence du petit ferment en chapelets de grains dans le canal digestif de la chrysalide, et pour conclure par suite, rétrospectivement, à la présence ou à l'absence d'un état de fermentation de la feuille dans le ver au moment de la montée à la bruyère : coupez en deux la chrysa- lide avec des ciseaux lins à la hauteur de la ligne rnn, un peu au-des- sous des extrémités des ailes, puis découpez la paroi du thorax, de façon à mettre à nu la boule p. s. comme dans les figures D et E, retirez ensuite cette boule avec de petites pinces. La portion fortement atrophiée du tube digestif, qui réunissait les deux poches p. s. et p. c, a été coupée par les ciseaux. La poche stomacale ne tient donc plus au corps de la chrysalide que par l'extrémité antérieure du tube digestif, mais celle-ci cède au moindre effort. Déposez alors la petite boule sur une lame de verre, grattez-en l'enveloppe graisseuse, très molle, qui enferme son contenu, dont vous prendrez un très petit fragment, de la grosseur, par exemple, d'une tête d'épingle, que vous délayerez dans une goutte d'eau en un endroit propre de la lame de verre, puis, recouvrant d'une lamelle, observez au microscope avec un grossissement de 400 diamètres environ. La moindre habitude donne 1. Toutefois il me paraîtrait téméraire d'affirmer que l'affaiblissement héréditaire d'une graine prédisposant les vers â la Ilacberie est constamment occasionné par une fermentation de la feuille dans les larves des papillons producteurs de celle graine, bien que, jusqu'ici, je n'aie pas de motifs sérieux de croire que la flacherie par hérédité ait d'autres causes que celles que j'indique. 212 ŒUVRES DE PASTEUR à ce travail une grande célérité. Il est bon d'extraire de suite une vingtaine de ces poches, prises dans un pareil nombre de chrysalides, et que l'on dépose sur autant de lames de verre. On peut même laisser sécher le contenu de ces poches pour en détacher plus tard de petils fragments qui sont examinés à loisir. Lu dessiccation ne nuit pas à une étude microscopique ultérieure. D'ailleurs ce contenu des poches stomacales, de nature plus ou moins résineuse, est imputrescible, de telle sorte que les constructeurs de microscopes pourront facilement, s'ils le veulent, fournir de cette matière avec ou sans ferment pour servir de spécimen a des observations d'études. Dans les premiers jours de la formation de la chrysalide, le contenu [ > | > < - 1 1 1 « - 1 1 L des corpuscules à la surface et dans l'épaisseur des tuniques du canal digestif de linsecte. Il est remar- quable que, dans la llaclierie, une circonstance analogue se présente, malgré la grande différence de nature des deux maladies. Sous l'in- fluence août 1869, p. 25-29. [Notes de l'Édition.) 214 ŒUVRES DE PASTEUR Puis, après avoir rappelé brièvement nies dernières observations, M. \ Vison ajoute : « L'action d'un ferment est incompatible avec le mode de développement de cette maladie. » Le Dr Haberlandt s'associa peu de temps après aux remarques cri- tiques de son collaborateur. Après avoir résumé les points principaux de ma Communication à l'Académie des sciences, en date du 31 mai 1869 (*), le savant directeur de l'Institut de Goritz conjecture que « les vibrions et le ferment en chapelets ne sont pas la cause, mais la suite de la maladie, la conséquence d'une décomposition du sang pendant ([lie l'insecte vit encore ». « Notons aussi, ajoute M. Haberlandt, que les vibrions et les chapelets étant deux choses différentes, on ne comprend pas pourquoi les uns sont signe de flacherie dans les vers, quand les autres le sont dans les chrysalides et les papillons. « M. Pasteur ne parle pas du tout du caractère auquel le Dr Verson reconnaît la flacherie, et qui consiste dans la présence d'une quantité extraordinaire de cristaux dans les vers flats (2). » Dans un autre article faisant suite au précédent, on lit les passages suivants : « M. Pasteur annonce qu'on peut donner la flacherie aux vers sains en salissant leur feuille avec les matières de l'intestin des vers flats. Mais on doit se demander si la présence de vibrions dans le sang des vers est un signe que la flacherie existe; nous en doutons. Bien avant qu'on trouve dans le sang des germes de vibrions et des vibrions, la flacherie est accusée par la quantité anormale des cristaux. La formation de ces derniers est la conséquence d'un trouble dans la nutrition el l'assimilation. Ils obstruent les conduits rénaux, arrêtent les liquides, empêchent l'excrétion des matériaux devenus inutiles; le sang est empoisonné, il se décompose, et alors apparaissent les vibrions, dont la présence indique la décomposition du sang; elle est un des derniers phénomènes qui accompagnent la flacherie i^). » Ces critiques me portent à penser que l'habile directeur de la station séricicole de Goritz s'est rendu un compte inexact de mes observations. Il paraît croire que je constate la flacherie par la présence des vibrions dans le sang des vers a soie, et que c'est dans le sang que les vibrions prennent naissance. M. Haberlandt oublie en cela 1. Ma Communication du 31 mai 1869 à l'Académie des sciences est reproduite [p. 590-594 iln présent volume]. 2. H abebt.andt (Fr.). Neue Beobachtungen Pasteurs ûber die Schlaffsucht. Œsterreichische Seidenbau-Zeitung, n° 6, 15 septembre 1S69, p. 45-47. Cet article est signé H. (Note de l'Édition.) 3. Œsterreichische Seidenbœu-Zeitung, 1" octobre 1869. ÉTUDES si'K LA MALADIE DES VERS A SOIE :M5 l'idée fondamentale que j'ai exposée, pour la première fois, dans ma Note du 1" juin 18(18 ' , à savoir : que la flacherie accidentelle résulte essentiellement d'une fermentation qui se déclare tout à coup, par des influences diverses, dans la feuille de mûrier qui remplit le canal intestinal du ver; que cette fermentation est produite par divers orga- nismes, entre autres, les vibrions, et que ceux-ci, par conséquent, se forment à l'intérieur du tube digestif ; que c'est là qu'il faut rechercher leur présence. Je suis tout à fait d'accord avec M. Ilaberlandt, lorsqu'il présume que la formation des vibrions dans le sang est un effet très éloigné de la maladie. A ce moment, le ver est déjà en proie à la putréfaction, quoique dans certains cas il conserve encore un reste de vie. Le ver a souvent des vibrions depuis plus de quinze jours dans son tube digestif, avant que son sang en contienne. La maladie est déclarée, le ver souffre, sa digestion est embarrassée des l'instant où les ferments propres à une infusion de feuilles de mûrier ont commencé à appa- raître dans les matières du canal intestinal. Bien souvent, comme le D' Yerson, j'ai constaté l'opacité des tubes de Malpighi et l'abondance des cristaux dans leur contenu, mais j'ai considéré ce fait comme une conséquence du trouble profond qui x'ésulte de la fermentation dont il s'agit. Je le compare à l'altération de la structure et de la consistance des tuniques glanduleuses de l'intestin. Non seulement les cristaux sont un élément normal des tubes de Malpighi, mais la sécrétion propre à ces derniers paraît avoir, en outre, un rôle physiologique dans une des fonctions essentielles de la vie de l'insecte, la mue. La poussière farineuse, qui apparaît constam- ment sur les vers, aussitôt après les mues, est entièrement formée de cristaux identiques à ceux qu'on rencontre dans ces tubes. Cet effet est dû, sans nul doute, à la cristallisation subite, au contact de l'air, du liquide qui se trouve entre l'ancienne peau et la nouvelle, et qui sert au glissement de ces deux enveloppes l'une sur l'autre (2). Les figures suivantes représentent, sous deux grandeurs différentes, les 1. Voir, p. 544-546 du présent volume : Note sur la maladie des vers :'t soie désignés vulgai- iciiniil sous le nom de morts-blancs ou morts-pats. (Note de l'Édition.) 2. Uni' observation analogue à celle-ci a été faite autrefois par le D' Ilaberlandt. « Lorsque l'ancienne peau, dit-il, est rejetée, la nouvelle est couverte d'écaillés quadran- gulaires, k angles émoussés, que je considère comme des cristaux analogues à ceux des tubes urinaires. » Il ajoute : « Au moment de la mue, la peau nouvelle est tout à fait humide, et cette humeur peut bien donner naissance à ces cristaux; en outre, j'ai souvent observé des formes de ce genre dans l'intérieur des vers, surtout dans les conduits urinaires. » IIaiierlanih (Fr.). Die seuchenartige Krankheit der Seidenraupen. (La maladie épidémique des vers à soie.) Vienne, 1866, 37 p. in-8°. 216 ŒUVRES DE PASTEUR cristaux dont il s'agit, pris a la surface de la peau après les mues, en lavant le ver clans un verre de montre avec quelques gouttes d'eau. Il est naturel qu'un état morbide déterminé, caractérisé par une fermentation anormale de la nourriture de la larve, amène des modi- fications dans la sécrétion des tubes de Malpighi. Le vibrion est toujours une production anormale dans le canal digestif du ver à soie. En d'autres termes, sa présence constitue une ma- ladie, quel que soit le nom qu'on lui donne. Lorsque je prends des vers très sains et que je leur com- munique la flacherie en introdui- sant des vibrions, non dans leui- sang, mais dans les matières de leur tube digestif, et qu'ils pro- voquent la fermentation de la nourriture des vers, en chan- geant aussitôt toutes les condi- tions de la digestion, est-il pos- sible de ne pas rapporter la cause et l'origine première du mal aux vibrions et à la fermen- tation qu'ils déterminent ? M. llaberlandt, il est vrai, prétend que la maladie que je communique aux vers par ce genre d'expérience n'est pas la flacherie. Mais qu'est-ce donc ? Je présume que M. Haberlandt n'aura pas répété mes expé- riences. C'est bien la flacherie puisqu'elle en a tous les carac- tères. J'aurais encore beaucoup à dire sur les articles auxquels je réponds. Je renvoie le lecteur aux divers chapitres de cet Ouvrage qui concernent la maladie des morts-flals. Au surplus, nous sommes à la veille d'une nouvelle cam- Gristaux formant poussière à la surface de tous les vers après la mue. 225. , 400 a -7- » o -T-. l 1 ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A sol!-: 217 pagne séricicoie : une discussion plus approfondie serait en ce moment superflue. (Test à l'expérience et à l'observation de prononcer en dernier ressort. Pour moi, j'ai la confiance que les habiles observateurs de la station de Goritz partageront mes opinions au sujet de la flacherie, lorsqu'ils auront reproduit les expériences qui me les ont suggérées. A l'occasion des résultats île mes recherches sur la nature de la maladie des morts-llats, M. Béchamp a publié une réclamation de priorité, qui a été insérée aux Comptes rendus de i Académie des sciences, séance du 8 juin 1868 '). Cette réclamation est sans fonde- ment. Ma première Communication relative a la flacherie se trouve dans le numéro des Comptes rendus de l'Académie des sciences du 3 juin 1867; elle avait été annoncée à M. Dumas dans ma Lettre du 30 avril, éga- lement insérée dans les Comptes rendus de F Académie. Cette Note du 3 juin, que j'ai reproduite textuellement au Jj II du chapitre pré- cédent [p. 196-202], décrit de la manière la plus précise les caractères extérieurs de la maladie des morts-llats. J'y démontre, en outre, que cette maladie est indépendante de la pébrine ou maladie des corpus- cules, fait d'une grande importance, et entièrement ignoré avant mes recherches. C'était la preuve que deux maladies distinctes, exigeant deux ordres de travaux et de moyens préventifs, se partageaient les désastres actuels de la sériciculture. En 1868, j'ai prouvé, d'autre part, que la flacherie était tantôt hérédi- taire, dans certains cas que j'ai déterminés, tantôt accidentelle -) ; enlin j'ai découvert, dans cette même année 1868, dans le canal intestinal des vers et des chrysalides, le petit ferment en chapelets de grains (3), pouvant servir de témoin de la maladie, et propre à faire écarter dans les grainages les cocons qui donneraient lieu à une graine plus ou moins prédisposée à la flacherie par hérédité-. C'est postérieurement à ma Communication du 3 juin 1867 que M. Béchamp a parlé, pour la première fois, de la maladie des morts- flats. Quant à la nature du mal et à la cause qui peut le déterminer, M. Béchamp l'attribue à des molécules mobiles qu'il appelle microzymas 1. Béchamp (A.). Sur la maladie à microzymas îles vers à soie. Comptes rendus de i Académie des sciences, LXVI, 1868, p. 1160-1163. 2. Voir, p. 524-528 du présent volume : Éducations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. 3. Voir, p. 544-546 du présent volume : Note sur la maladie des vers a soie désignés vul- gairement sous le nom de morts-blancs ou morts-fats. [Notes de l'Édition. 218 ŒUVRES DE PASTEUR el qu'il voit fourmiller partout « à la surface des vers, dans leurs liquides, dans les œufs, etc. ». Je laisse à M. Béchamp la complète priorité de ces faits, Bien plus, il ne m'a jamais été possible de nie former une idée de ce que cet auteur appelle les microzymas de la llacherie. Je pressens bien que ces prétendus microzymas de la flacherie étant, pour M. Béchamp, des granulations microscopiques, ce savant désirerait qu'on pût les confondre avec le petit ferment en chapelets de grains que j'ai décrit dans ma Note du l'1 juin 1868 ' , Note lue par moi à la séance de ce jour du Comice agricole d'Alais, auquel cas seulement sa réclamation aurait une apparence de fondement; mais cette prétention est complètement inadmissible, car il faudrait évi- demment, pour l'appuyer, que M. Béchamp pût établir que le petit ferment dont il s'agit a les mêmes habitats que son microzynia et « qu'il fourmille, en conséquence, à la surface des vers malades de flacherie, dans leurs tissus et dans leurs œufs ». Or, je soutiens que jamais le ferment en chapelets de grains ne se trouve dans aucune des parties du ver ou de la chrysalide autres que le canal intestinal. Lorsque j'eus démontré l'existence du caractère héréditaire de la flacherie dans des circonstances déterminées, M. Béchamp en donna une explication spécieuse. Tout se passerait, d'après lui, comme poul- ies corpuscules de la pébrine. Les granulations mobiles (microzymas , qui remplissent les tissus du papillon, passent dans les œufs; de la, l'hérédité du mal. Cette théorie est tout imaginaire; je n'ai jamais ren- contré dans les œufs atteints de llacherie des granulations mobiles anormales, dont les œufs sains seraient privés. 1. Voir p. 544-546 du présent volume. [Note de l'Édition.) CHAPITRE III LA FLAC.HERIE EST TANTOT HEREDITAIRE, TANTOT ACCIDENTELLE La maladie des morts-flats est très souvent accidentelle. Une trop grande accumulation des vers aux divers âges de l'insecte, une trop grande élévation de température au moment des mues; la suppression de la transpiration par les effets du vent que. dans le Midi, on appelle marin, ou par un défaut prolongé d'aération; un temps orageux qui prédispose les matières organiques à la fermentation, l'emploi d'une feuille échauffée et mal aérée, souvent même un simple changement subit dans la nature de la feuille qui sert de nourriture aux vers, une feuille très dure succédant à une feuille plus digestive, une feuille mouillée, surtout par un brouillard ou par la rosée du matin ou du soir, qui accumule sur la feuille les germes en suspension dans une grande niasse d'air, voilà autant de causes propres à développer la maladie des morts-flats. Parmi ces causes il en est dont les funestes effets s'accusent dans l'intervalle de vingt-quatre heures. D'autres ne l'ont qu'affaiblir les vers, souvent à l'insu de l'éducateur, qui se trouve fort étonné, plus tard, de voir sa chambrée décimée par la flacherie sans avoir commis d'imprudence apparente à la veille du désastre. .Mais la faute a existé longtemps auparavant; c'est ainsi, par exemple, que les choses se fiassent quand on a laissé la température s'élever au moment des mues. Les vers ne périssent pas immédiatement, mais ils éprouvent un affaiblissement qui se traduit plus tard par la flacherie. L'habitude de tailler les mûriers chaque année, comme on le fait généralement clans tout le midi de la France, pourrait bien con- tribuer également à multiplier les ravages de cette maladie. On sait combien est luxuriante la végétation des mûriers qui subissent chaque année l'opération de la taille : les feuilles deviennent, pour la plupart, très larges, épaisses, chargées de matière verte et, par là même, -plus ou moins indigestes. Alors que l'emploi d'une feuille fine, légère, 220 ŒUVRES DE PASTEUR moins belle à l'œil, comme est celle des mûriers non taillés depuis plusieurs années, ou des mûriers dits sauvageons, assurerait la récolte, l'usage de la feuille de mûrier taillé peut faire périr les vers au pied de la bruyère (*). Le motif de la préférence donnée par les éducateurs aux mûriers taillés sur ceux qui ne le sont pas tient uniquement à ce que les pre- miers produisent plus de feuilles que les seconds et surtout que la récolte de cette feuille est beaucoup plus facile : « tandis qu'un homme suffit pour arracher toute la feuille nécessaire, le cinquième jour du dernier Age, à l'alimentation des vers devant produire 100 kilogrammes de cocons, avec des arbres greffés et bien taillés, il faut jusqu'à quatre ouvriers pour les arbres buissonneux et sau- vages (2). » En temps d'épizootie il y aurait probablement intérêt pour l'éducateur à abandonner plus ou moins l'usage de la taille annuelle des mûriers. C'est également une pratique prudente de rendre les éducations aussi précoces que possible, afin que, se trouvant ter- minées avant l'époque des grandes chaleurs, la feuille soit plus jeune et plus digestive au moment du dernier âge des vers (3). Il est digne de remarque que, au temps de Henri IV, ces principes étaient déjà connus pour la plupart : une observation intelligente les avait enseignés. On sait avec quel zèle Henri IV s'occupa de l'industrie de la soie. En 1597, et dans les années suivantes, le valet de chambre du roi, le sieur Laffémas, devint, sous l'inspiration de son maître, l'apôtre zélé de la culture du mûrier. Pour le récompenser, le roi l'anoblit et le nomma contrôleur du commerce en France et des plants de mûrier. En 1604, Laffémas publia un ouvrage destiné à exalter les 1. Dans cet Ouvrage, je n'ai donné aucune attention à l'opinion des personnes qui pré- sument que le fléau a son origine dans une maladie inconnue et invisible propre à la feuille du mûrier. C'est qu'il n'y a pas, selon moi, un seul motif sérieux de l'admettre, et qu'il y en a beaucoup, au contraire, pour la rejeter. Je me réfère sur ce point aux remarques si judi- cieuses qui ont été présentées autrefois à l'Académie par M. Dumas, dans la séance du 25 mai 1857, précisément à l'occasion d'une Communication relative à une maladie de la feuille du mûrier. Les savantes recherches de M. Peligot, sur la composition des feuilles de cet arbre, peuvent encore être invoquées comme une preuve de l'impossibilité d'attribuer au mûrier ou au sol un effet quelconque sur le mal, sa nature et sa propagation. [Dumas. Observations (à propos de la Note de M. de Quatrefages : « Nouvelle maladie des feuilles du mûrier »). Comptes rendus de l'Académie des sciences, XLIV, 1857, p. 1071-1074. — Peligot (E.). Études chimiques et physiologiques sur les vers à soie. Ibid., XXXIII, 1851, p. 490495; XXXIV, 1852, p. 278-282, et LXI, 1865, p. 86(5-876.] 2. Ce poids de feuilles est évalué à 225 kilogrammes par M. de Gasparin. (Voir de Gasparin. [Mémoire sur les moyens de déterminer la limite de la culture du mûrier et de l'éducation des vers h soie, p. 141-295 du tome III du « Recueil de mémoires d'agriculture et d'économie rurale ».] Paris, 1841, in-8°, p. 273.) M. Cette pratique a été préconisée dans ces dernières années par diverses personnes : M. Diiseigrieur, M. H. Mares, etc. {Vair à ce sujet une Note de M. Mares, p. 351-355 du pré senl volume). Elle peut prévenir également la contagion dans une certaine mesure. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK 221 avantages de la culture du mûrier dans le centre et le nord de la France. On y trouve [p. 28] les passages suivants (') : « Pour bien élever les vers à soie il ne faut que soins, diligence et lieux propres; car autant ils demeurent deux mois, voire dix-sept semaines à l'aire lesdites soies qui se devraient faire en six (semaines), ce qui cause la venue des grandes chaleurs et fait endurcir les feuilles, ce qui fait perdre courage et mourir lesdits vers. « Faut noter que lesdits vers sont des espèces de chenilles que chacun voit mourir par les grandes chaleurs et pluies; ainsi font lesdits vers, et même s'ils mangent de la feuille mouillée ils viennent malades et meurent. Ils ne sont pas exempts desdites maladies en Italie, en Languedoc comme ailleurs, et quelquefois les trop grandes chaleurs leur engendrent des maladies qui les font tous mourir, ou par des vents marins qu'ils appellent vents du Midi, qui sont là plus fâcheux qu'ils ne sont en France. » Laffémas dit encore [p. 26] « qu'en 1603, à Paris, Orléans, Tours et Lyon, la plupart des vers que l'on n'avait pas fait éclore de bonne heure étaient morts, ce qui a donné, dit-il, le sujet de faire courir le faux bruit que le climat de France ne leur était pas propre ("2). La preuve certaine de les nourrir a été faite à Paris, au faubourg Saint- llonoré, en l'hôtel de Retz, qui les avait fait éclore quinze jours aupa- ravant les autres, et par tel moyen sont venus à profit. De sorte que de quatre onces de semence lesdits vers ont fait 18 livres de soie (3) ». Il serait fort à désirer que nos éducateurs fussent bien pénétrés des sages avis du valet de chambre de Henri IV. Les circonstances dans lesquelles la maladie des morts-flats est accidentelle sont assez fréquentes pour que la plupart des éducateurs aient mis en doute l'opinion que j'ai soutenue le premier, en 18li8, sur le caractère héréditaire possible de cette maladie (4). Il est pourtant bien facile de se convaincre de la vérité de cette assertion. 1. Laffémas (B. de). La façon de faire et semer la graine de mouriers, les eslever en pépinières et les replanter aux champs; gouverner et nourrir les vers à soie au climat de France, etc. Paris, 1604, P. Pautonnier, iiG p. in-12°. Les passages cités par Pasteur se trouvent également cités par Gasparin dans son « Essai sur l'histoire de l'introduction du ver à soie en Europe », p. 93-95 du tome 111 du « Recueil de mémoires d'agriculture et d'économie rurale ». Paris, 1841, in-8°. [Note de l'Édition.) 2. 11 s'agit ici du royaume de France proprement dit au temps de Henri IV, lequel ne comprenait pas la plupart des provinces du Midi. 3. C'est environ 216 livres de cocons par 4 onces, car il faut environ 12 livres de cocons pour faire une livre de soie. 21G livres de 400 grammes pour 4 onces de 25 grammes ou 54 livres par once, cela équivaut à un rendement de 21 kilogr. 0 par once de 25 grammes. La livre était de 400 grammes ou de 16 onces de 25 grammes chacune. 4. Voir, p. 535-538 du présent volume : Éducations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. {Sole de l'Édition.) 222 ŒUVRES DE PASTEUR Si la llacherie, dans certaines circonstances déterminées, peut être héréditaire, c'est-à-dire la conséquence d'un état maladif quelconque propre aux ascendants, il est vraisemblable que ces conditions doivent se réaliser de préférence dans le cas où l'on essaye de faire de la graine à l'aide de papillons provenant d'une éducation qui aura été plus ou moins décimée par la maladie des morts-flats ; cette hypothèse me suggéra mes premières expériences en 1867-1868. En 1867, je fis plusieurs grainages avec des cocons d'éducations dont les vers avaient péri de llacherie en plus ou moins grand nombre avant de filer leur soie, et en ayant soin d'éloigner de ces grainages tous les papillons présentant, à un degré quelconque, la maladie des corpuscules. J'élevai ces divers lots aux essais précoces de 1868. Tous, au nombre de sept, excepté un seul, présentèrent, de la manière la plus prononcée, les symptômes de la flacherie. Plusieurs même ne donnèrent pas un seul cocon, et il y en eut dont les vers étaient déjà tous morts à la troisième mue. Il est donc impossible de mettre en doute que la llacherie puisse être une affection héréditaire, et, depuis bien longtemps, les éducateurs auraient eu la preuve de cette vérité, s'il n'était pas de règle, dans tous les pays séricicoles, de ne jamais livrer au grainage une éducation qui a présenté une mortalité plus ou moins grande entre la quatrième mue et la montée à la bruyère. Une expérience semblable à celle dont je viens de parler fut entre- prise, à ma demande, par le président du Comice agricole d'Alais. Je lui avais remis une graine issue de parents exempts de corpuscules, la même dont il est question, à diverses reprises, dans cet Ouvrage, sous le nom de graine de Sauve. L'éducation qu'il fit de cette graine, en 1867, dans sa propriété du Temperas, à Alais, offrit une mortalité peu sensible à la veille de la montée, mais les vers étaient extrê- mement languissants et évidemment atteints de flacherie pour la plupart. Avec les cocons de cette éducation, dont les papillons furent très beaux en apparence, M. de Lachadenède prépara 45 grammes de graine cellulaire exempte de corpuscules. On fit, avec cette semence, en 1868, à Alais et dans les environs, soit aux essais précoces de mars, soit en avril et mai, un grand nombre de petites éducations très soi- gnées. Il ne fut pas possible d'obtenir un seul cocon. Dès ce moment, M. de Lachadenède resta parfaitement convaincu de l'Iiérédité de la maladie des morts-flats, à laquelle, comme tant d'autres éducateurs, il avait refusé de croire jusque-là. Si la prédisposition héréditaire à la maladie des morts-flats n'exis- tait que pour les graines pouvant provenir d'éducations, qui auraient elles-mêmes présenté une mortalité plus ou moins grande par l'effet ÉTUDES SI It LA MALADIE DES VERS A soir 223 de celte maladie après la quatrième mue, il n'y aurait guère à se préoccuper des faits <|ui précèdent sous le rapport pratique. Il suffirait de consacrer a nouveau l'usage que je rappelais loul a l'heure, d'éviter avec soin toute confection «le graine avec îles cocons d'éducations atteintes de flacherie à un degré quelconque; mais on peut se con- vaincre aisément <|u«' les éducations les mieux réussies, comme produit en cocons, offrent assez, souvent, dans les graines qui en proviennent, la prédisposition héréditaire dont nous parlons. Ces éducations montrent invariablement, chez les vers au moment de la montée à la bruyère, un état de langueur qui n'échappe pas à un œil exercé, langueur qui s'explique par une fermentation de la feuille de mûrier dans le canal intestinal des vers, non par le l'ait des vibrions, comme je l'ai expliqué, mais le plus souvent par la présence du petit ferment en chapelets de grains dont il a été question au chapitre précédent. Lorsque des vers offrent le symptôme dont il s'agit, examinez au microscope le contenu du canal intestinal, et, chez la plupart, vous trouverez ce ferment en plus ou moins grande abondance. Vous le trouverez plus aisément encore, après que le ver aura filé son cocon, dans la poche stomacale de la chrysalide : caractère précieux, parce qu'il permet d'étudier les cocons sous le rapport de la flacherie, comme la présence des corpuscules permet de les observer sous le rapport de la pébrine; mais entre l'utilité et la nécessité de ces deux sortes d'observations, il y a cette grande différence, que les plus beaux vers, les plus agiles à monter à la bruyère, les moins pébrinés, c'est-à-dire n'offrant pas de taches sur leur peau, ou seulement des taches de bles- sures, peuvent être détestables pour la reproduction, s'il ne s'agit que de la maladie des corpuscules, tandis qu'on peut prévoir, par le simple examen des vers au moment de la montée, s'ils sont impropres au grainage sous le rapport de la flacherie par hérédité. Nous avons démontré ailleurs, en effet, que tous les vers des plus belles chambrées peuvent être empoisonnes par le germe de la pébrine et conduire à des chrysalides, a des papillons, à des graines, chargés de corpuscules, alors qu'il n'existe pas encore de traces sensibles de ces petits corps dans les vers au moment de la montée à la bruyère, et surtout aucun symptôme de la pébrine. La maladie des corpuscules par hérédité peut donc être impossible à prévoir chez les vers au moment de la montée, on peut même dire que c'est le cas le plus ordinaire, tandis que la prédisposition hérédi- taire à la flacherie dans une graine peut être reconnue par la simple observation, san> le secours du microscope, si l'on a eu sous les yeux l'éducation qui a fourni cette graine : circonstance facile à réaliser pour 224 ŒUVRES DE PASTEUR toul éducateur qui prend soi-même la peine de confectionner la graine donl il a besoin, à L'aide d'une petite éducation faite spécialement dans ce but. En résumé, le microscope est presque toujours indispensable pour s'assurer d'un bon grainage quand on veut éviter la pébrine; des connaissances pratiques, au contraire, peuvent suffire s'il s'agit de la flacherie héréditaire. J'appelle, sur ce point, toute l'attention des éducateurs. CHAPITRE IV CARACTERE CONTAGIEUX DE LA FLACHERIE Le caractère contagieux de la maladie des morts-flats est un des points les plus intéressants clans l'histoire de cette maladie. Les détails dans lesquels je vais entrer ne laisseront aucun doute sur sa réalité et l'importance qu'il faut lui donner dans la pratique^). Première expérience. — Le 20 mai, on forme trois lots identiques de vingt-cinq vers chacun, race blanche indigène. Les vers sont au troi- sième jour après la troisième mue. Ils sont issus d'une graine exempte de pébrine et de llacherie héréditaires; leur marche n'a rien laissé à désirer jusqu'à ce jour. Lot A. — Lot témoin. Lot B. — Contagionné par un repas de poussière sèche, d'une magnanerie infectée, l'année précédente, par la pébrine et la flacherie. Lot C. — Contagionné avec une infusion de cette poussière pré- parée le 18 mai et étendue au pinceau sur la feuille d'un repas. Les vers des lots B et C ont mangé sans répugnance le repas de contagion. Lot A. --Le 23 mai, trois jours après la contagion des lots B et C, les vers du lot A sont sensiblement plus gros et mieux portants que ceux des autres lots : ils mangent avec tout l'appétit propre aux bons y i rs. On remarque, en outre, que les bons vers du lot B, contagionné avec les poussières sèches, sont beaucoup plus beaux que les bons vers de l'essai C, contagionné avec l'infusion de cette même poussière. Ces derniers mangent très peu. Pour le lot A, la montée, commencée le 26, est finie le 28. On dérame le 1er juin. Il n'y a pas moins de vingt-cinq cocons, et aucune des chrysalides ne présente ni vibrion ni ferment en chapelets de 1. J'ai annoncé les faits exposés dans ce chapitre, dans la séance de l'Académie du 31 mai 1869. Voir , p. 590-594 ' 22 » « 23 >> 24 » 25 2ti 28 211 30 31 juin sortie de la 4e mue (la montée est achevé' Lot N° VERS 2 MORTS Lot N° 3 2 3 2 0 1 1 9 5 5 5 4 12 0 0 0 10 l 2 . 0 3 5 0 5 2 6 2 2 1 1 2 0 2 " s 2 ' 5 cocons vers pe I rdus. Pas de cocons Le lot témoin a très bien marché. Cinquième expérience. — Le 19 mai on forme les quatre lots sui- vants : N« 1. — Vingt-cinq vers, race blanche indigène, entre la troisième et la quatrième mue. Lot témoin. X0 2. — Vingt-cinq des mêmes vers auxquels on donne un repas de vibrions pris dans le canal intestinal d'un ver mort-flat. N° 3. — Vingt-cinq des mêmes vers auxquels on donne un repas avec vibrions de feuille de mûrier en fermentation. N« 4. — Vingt-cinq des mêmes vers auxquels on donne un repas avec poussière ancienne de magnanerie très infectée. Voici le tableau de la mortalité des qos 2, 3 et 1 : 20 mai sortie de la 3e mue) 21 » » 22 » 25 » 26 . 29 . sortie de la 4° mue Lot N" 2 Lot N" 3 Lot N» 4 0 0 4 0 0 2 0 0 1 0 0 1 0 0 4 0 0 1 230 ŒUYKES DE PASTEUR 30 mai (sortir de la 4 31 » » lerjuin » 2 » » 3 « » 4 >, » 5 » la mont ée est a 6 » » Lot N° ■> Lot N° 3 Lot N« 4 3 2 1 4 1 1 11 3 3 1 4 1 0 4 1 1 3 1 1 1 2 2 5 2 Pas de cocons. 1 cocon. Pas de cocons. Le lot témoin a très bien marché. Tous les vers morts renfermaient des vibrions et le ferment en chapelets de grains, excepté les quatre vers du n° 4, morts le 20 mai, qui ne contenaient pas d'organismes. Ce fait a été constaté souvent dans la première mortalité à la suite d'un repas avec poussière infectée, comme s'il y avait mortalité par une action mécanique ou par une substance toxique, après l'ingestion des poussières. On voit que la mortalité a commencé au bout de vingt-quatre ou de quarante-huit heures pour la contagion par les poussières, et seule- ment au bout de onze jours pour celle des vibrions de vers ou de feuille. Je ne prolongerai pas davantage le détail des nombreuses expé- riences relatives au caractère contagieux de la flacherie. On peut en résumer les résultats généraux dans les propositions suivantes : 1° La flacherie peut être communiquée aux vers, soit au moyen de vibrions ayant pris naissance dans le canal intestinal des vers, dans la feuille de mûrier broyée en fermentation, dans les poussières de magnaneries infectées; soit au moyen du ferment en chapelets de grains prélevé dans des vers ou dans des feuilles en fermentation ; soit enfin par le contact des vers qui meurent de la flacherie. Les infusions de poussières de magnaneries infectées, et dans lesquelles se sont développés des vibrions, ont également un pouvoir contagionnant très marqué. 2° Les vers contagionnés commencent par devenir inégaux à cause de la différence dans la quantité de nourriture qu'ils prennent, suivant le degré d'intoxication ; la mortalité arrive ensuite avec tous les carac- tères de celle que montre la flacherie naturelle. On observe particu- lièrement un développement abondant de vibrions, ou le ferment en chapelets de grains, ou le mélange de ces deux organismes dans les matières du lube digestif. Quand les vers survivent, on trouve sou- vent dans la poche stomacale des chrysalides le ferment en chapelets de grains. Rarement on y trouve des vibrions. C'est que les vers ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 231 meurent le plus souvent avan! de faire leurs cocons lorsque les matières du canal intestinal ont donné lieu a des vibrions. 3° Le temps qui sépare le repas infecté du commencement de la mortalité est très variable. Tantôt la mortalité s'accuse au bout de vingt-quatre ou de quarante-huit heures : c'est ce qui se voit pour la contagion par les poussières très infectées, prises à l'état sec ou en infusions; c'est ce qui se voit également, et pour tous les genres de contagion, quand on opère sur des vers après la quatrième mue. Pour les vers plus jeunes, il arrive souvent que la mortalité, pour les diverses natures de contagion, ne s'accuse qu'après un temps assez long, qui peut aller jusqu'à quinze jours et peut-être trois semaines et plus. 4° Si l'on répète, à plusieurs reprises, le repas infecté, la mortalité est plus prompte et plus intense ; c'est par cette cause qu'on peut expliquer, du moins en partie, que la mortalité par la llacherie est beaucoup plus active dans les éducations où les vers sont accumulés. Lorsque les vers sont espacés, les points de contact entre les vers sains et les vers malades sont moins nombreux. La souillure des feuilles par les déjections des mourants est beaucoup diminuée. Il faut donc espacer les vers le plus possible, mais c'est surtout dans le jeune âge que cet isolement est le plus nécessaire. Le mélange de vers sains et de vers atteints de flacherie, quand il a lieu après la quatrième mue, est pour ainsi dire sans effet sur la mortalité. Ce résultat a été établi par des expériences directes. J'ai déjà fait observer qu'entre les corpuscules de la pébrine et ceux de la flacherie, si l'on peut s'exprimer ainsi, il y a cette grande différence que les germes de la pébrine deviennent inoffensifs dans un temps relativement très court, tandis que ceux de la flacherie con- servent leur activité pendant des années. 11 importerait donc beaucoup de pouvoir détruire les germes de la flacherie, ou tout au moins de retarder leur développement, après qu'ils se sont introduits dans le tube digestif des vers. J'ai commencé quelques expériences sur l'action du chlore. Dans ileux petits flacons contenant la même quantité d'eau, on a placé dans l'un de la poussière chargée de kystes de vibrions, dans l'autre la même poussière en même quantité, mais après qu'elle eut séjourné trente-six heures en présence du chlorure de chaux. L'essai a eu lieu le 20 mai 1869, et a commencé à 8 heures du matin. A 10 heures, rien encore de vivant dans l'une et l'autre infusion. A 1 L heures, Id. A I2".!0'\ Id. 232 ŒUVRES DE PASTEUR A 2"30m, rien encore de vivant dans l'une et l'autre infusion. A 4"30'n, on voit un long et gros vibrion dans l'infusion de pous- sière qui n'a pas été soumise aux vapeurs de chlore; rien encore dans l'autre. A 5''30m, il y a à peu près un vibrion par champ du microscope dans le lot lion chloruré : plusieurs sont en chaînes de deux ou trois articles; rien dans l'autre infusion. A 6h30m, même état des choses pour les deux infusions. Le lendemain matin, on voit des vibrions dans les deux flacons, et la différence qu'ils présentent, sous le rapport du nombre des vibrions, n'est pas appréciable. Le chlore a donc eu pour effet de retarder l'apparition des vibrions. Des expériences de contagion ont été faites le 29 mai avec les deux sortes de poussière; mais les résultats obtenus n'ont pas eu de signification précise, parce que le lot type a péri de la flacherie, à peu pics dans les mêmes conditions que les deux lots contagionnés, soit avec la poussière chlorurée, soit avec celle qui ne l'avait pas été. Quoi qu'il en soit, il ne parait pas douteux que des fumigations de chlore pourraient être employées utilement contre les germes de la flacherie. CHAPITRE V GUÉRISON POSSIBLE DE LA PRÉDISPOSITION HÉRÉDITAIRE A LA FLACHERIE PAR DES CONDITIONS ENCORE INDÉTERMINÉES D ÉDUCATIONS J'ai vu maintes fois une graine prédisposée héréditairement à la maladie des morts-llals se très bien comporter dans quelques-unes de ses éducations industrielles. S'il est vrai, ainsi que cela parait résulter de l'ensemble de mes observations, que la flacherie héréditaire soit la conséquence d'un affaiblissement de la graine ou des vers, il est aisé de comprendre que cette prédisposition puisse céder à des pratiques favorables d'éduca- tions quand elle n'est pas trop profondément accusée : c'est une loi pour tous les êtres vivants que l'organisme incline de préférence vers la santé plutôt que vers la maladie. In tles exemples les plus frappants que je puisse citer de la guéri- son d'une prédisposition héréditaire à la flacherie m'a été offert par la graine Mazel, dont j'ai parlé dans mon Rapport du 25 juillet 1867 au ministre de l'Agriculture (*). Cette graine issue de cocons les uns blancs, les autres jaunes, était exempte de pébrine. Je la mis en quatre lots distincts, aux essais précoces de Saint-Hippolyte-du-Fort (lard) et de Ganges (Hérault). La réussite des quatre essais fut excel- lente. Or, en grande éducation, dans plus de quinze chambrées, elle éprouva un échec complet, uniquement par la flacherie; au contraire, trois onces réussirent fort bien chez M. Ronnal, d'Alais. La prédispo- sition héréditaire à la llaeherie était donc incontestable, et il est mani- feste, d'autre part, que les conditions des essais précoces ainsi que celles de l'éducation de M. Bonnal ont guéri l'affaiblissement des vers, ont fortifié ces derniers et leur ont permis d'aller jusqu'à la fin de leur vie, sans mortalité sensible. On trouvera dans une lettre de M. Jeanjean, maire de Saint- Hippolyte-du-Fort, un exemple analogue, relativement à une graine faite dans le Gers par M"'' Méry-Boyé. Cette graine, issue de parents 1. Voir ce Rapport, p. 511-523 du présent volume. {Note de l'Édition. 23^ ŒUVRES DE PASTEUR privés de corpuscules et que M. Jeanjean avait examinés lui-même, périt de la llacherie dans toutes les éducations qui en furent faites aux environs de Saint-Hippolyte en 1869, excepté dans une seule, où 5 onces donnèrent 35 kilogrammes à l'once. Elle avait également échoué aux essais précoces. On trouvera la constatation de ce fait, p. 410, dans une Communication extraite du Messager agricole du Midi (*). On peut consulter encore, à ce sujet, l'excellent travail publié au mois d'août 1869, par M. Sirand, de Grenoble. Cet habile et conscien- cieux observateur a eu l'occasion d'étudier et de suivre les éducations de plusieurs graines prédisposées héréditairement à la flacherie, qui ont offert un grand nombre d'insuccès et quelques rares réussites. Le travail de M. Sirand est reproduit plus loin (2). Je pourrais citer une foule d'autres exemples de lots de graines si fort atteints de la flacherie par hérédité que plus des ^ des éducations périssaient de cette maladie ; mais çà et là, sans que l'éducateur eût pris des précautions particulières connues, et qu'on pût se rendre compte de son succès exceptionnel, ces mêmes graines ont fourni une abondante récolte. Cette circonstance est très digne de remarque : elle montre d'une manière évidente que les conditions des éducations peuvent guérir les vers, dans certains cas déterminés, de l'affaiblisse- ment héréditaire qui les prédispose à la flacherie, bien que, dans l'état actuel de nos connaissances sur l'art d'élever les vers à soie, on ne puisse assigner les causes des succès que je viens de mentionner. Les essais précoces de février et de mars m'ont offert, dans chacune des trois campagnes 1867, 1868 et 1869, de nombreux faits de cette nature, et très généralement même on peut ajouter que, dans un local où les causes de contagion de la flacherie sont absentes, la majorité des graines exemptes de pébrine, mais affaiblies et prédisposées à la flacherie accidentelle, réussissent très bien aux essais précoces. Elles présentent tout au plus quelques rares morts-flats vers l'époque de la montée, tandis qu'aux grandes éducations d'avril et de mai elles périssent ordinairement de cette affection. Les conditions des éduca- tions au moment des essais précoces sont donc propres à éloigner la maladie des morts-flats (3). Est-ce la nature de la feuille qui en est la 1. Voir, p. 106-410 du présent volume : .Ikvn.iean. Les éducations de vers à soie dans les Gévennes, en 1869. '■■ Voir, p. 413-422 du présent volume: Sirand. Résultats de diverses éducations provenant de grainages faits suivant le procédé Pasteur. (Notes de l'Édition.) 3. Je suis loin de prétendre, toutefois, que la maladie des morts-flats ne sévisse jamais sur les graines dans les éducations précoces. Mais elle ne s'y produit, généralement du moins, que dans les graines qui ont une prédisposition excessive à la maladie, par exemple si le ÉTUDES SUR !..\ MALADIE DES VERS A SOIE 235 cause? Ne faudrait-il pas l'attribuer plutôt à la moins grande propor- tion des germes de contagion, à la moindre accumulation des vers, aux soins mieux entendus, à l'éloignement quotidien des vers morts ? Sur tous ces points on est réduit à des conjectures, parce que l'art d'éle- ver les vers à soie n'a jamais et" étudié scientifiquement. Aujour- d'hui que, grâce à mes recherches, on possède des moyens sûrs de se procurer des graines exemptes des maladies héréditaires, le pro- grès le plus désirable, selon moi, consisterait à établir les principes sur lesquels doit reposer l'art du magnanier. Autant que je puis en juger par les connaissances pratiques que j'ai acquises dans mes expériences de laboratoire et par les nom- breuses visites que j'ai faites dans des magnaneries industrielles, l'accumulation des vers dans un espace trop restreint, particulière- ment dans les trois premiers âges, et le défaut d'une aération suffi- sante me paraissent être les causes les plus déterminantes de la llacherie accidentelle. Aussi, je suis porté à croire qu'une des meil- leures pratiques pour guérir les vers de la prédisposition héréditaire à la flacherie consiste à espacer beaucoup les vers dans les premiers âges et à les placer dans un air sans cesse renouvelé. J'aurai bientôt l'occasion d'appuyer cotte prescription par de nouveaux arguments. En 1869, une petite fille (*) s'amusa à élever quelques grammes de graine (3 grammes dans notre salle à manger du Pont-Gisquet, où il y avait une grande cheminée dans laquelle on ne faisait pas de feu. Sur les cendres, restées dans le foyer, l'enfant avait une corbeille plate en osier, où chaque jour elle plaçait les vers qui lui paraissaient défectueux à un titre quelconque, les retardataires, les malades, etc., etc. Nous fûmes tous surpris du grand nombre de cocons qui couvraient la bruyère de ce panier et de la vigueur de la plupart des vers à la fin de leur vie. Personne ne douta que le mouvement continuel de l'air à la place qu'ils occupaient ne fût la cause à laquelle il fallait attribuer leur bonne santé. La différence profonde qui existe entre les départements de grande et de petite culture, sous le rapport de la fréquence de la flacherie, et pour les mêmes lots de graines, peut encore être citée à l'appui îles opinions que je viens d'exposer. La différence dont je parle atteint graineur a eu le tort île préparer la graine avec des cocons d'une éducation fortement atteinte de flacherie, ce qu'on évitait jadis avec tant de soin, quand la graine n'était pas un objet de commerce. On comprend ai 'ment d'ailleurs qu'il serait difficile de poser en tout ceci des principes absolus. Une bonne graine peut être quelquefois décimée par la flacherie aux essais précoces, mais c'est alors la llacherie accidentelle, le l'ait d'un repas de mauvaise feuille, une infection du local, etc. J'ai vu plusieurs exemples de ce génie à l'Établissement d'essais précoces de Saint-Hippolyte, en 18(39, même sur îles graines japonaises d'importation directe. 1. Marie-Louise Pasteur. [Note de V Édition.) 236 ŒUVRES DE PASTEUR quelquefois des proportions si extraordinaires qu'on a peine à s'en faire une idée exacte, quand on n'a pas eu occasion de la constater soi-même. Bon nombre de lots de graines faites à Paillerols, par M. Raybaud-Lange, ont donné les plus belles récoltes, et, pour ainsi dire, sans un seul échec dans plus de deux cents chambrées des Basses- Alpes, tandis que ces mêmes graines, sorties des mêmes sacs, onl fourni, dans le Gard, l'Ardèche, l'Isère, beaucoup d'éducations plus ou moins éprouvées par la llacherie. Je rapporterais volontiers ces cas de flacherie accidentelle à deux causes principales : 1° dans les dépar- tements de grande culture, il existe en abondance, accumulés d'année en année, des germes de flacherie; 2° les départements de grande culture ne faisant plus eux-mêmes les graines dont ils ont besoin, presque toutes celles qu'on y élève pèchent par défaut d'une accli- matation convenable. Les graines saines faites dans les Basses-Alpes se comportent beaucoup moins bien dans les plaines du Gard, de l'Ardèche (pie dans les localités montagneuses de ces départements, dont les conditions climatériques se rapprochent de celles des Basses- Alpes. C'est un motif de plus pour encourager les éducateurs de nos départements séricicoles à revenir au grainage indigène par l'appli- cation de ma méthode. Au nombre des causes les plus actives de la flacherie accidentelle, il faut placer, outre la fâcheuse habitude de l'accumulation des vers, la trop grande élévation de température au moment des mues. A cette époque critique de sa vie, le ver à soie ne s'accommode ni d'une tempé- rature trop basse, ni d'une température trop élevée. On peut toujours lutter contre le froid en faisant du feu; mais comment se garantir des chaleurs excessives? Le meilleur moyen, selon moi, consiste dans l'emploi de trappes pratiquées dans le plancher de la magnanerie et communiquant avec un rez-de-chaussée ou un cellier très frais, comme le représente, par exemple, le dessin ci-contre. Si le soleil est trop ardent et peut nuire à la santé des vers, fermez avec soin toutes les fenêtres et découvrez les trappes. De chacune de celles-ci montera alors une colonne d'air frais, dont le mouvement sera d'autant plus rapide que la toiture de la magnanerie sera plus échauffée par le soleil; votre local d'éducation sera, pour ainsi dire, transformé en une vaste cheminée. Ces trappes doivent être établies le long des murs et recouvertes d'un treillage en fil de fer, autant pour éviter les accidents que pour éloigner l'entrée des rats. On lit dans un ouvrage chinois sur l'éducation des vers à soie : « La mère des vers à soie (la personne qui les soigne) doit porter un ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A .son; 237 vêtement simple, non doublé. Elle réglera la température de l'atelier suivant la sensation de froid ou de chaud qu'elle éprouvera. Si elle sent du froid elle jugera nécessairement que les vers à soie ont froid, et alors elle augmentera le feu; si elle sent de la chaleur, elle en conclura que les vers a soie ont aussi trop chaud, et alors elle diminuera conve- nablement le feu (la chaleur) [']. » Cette manière d'exprimer la proportion de chaleur à donner aux vers à soie est une des plus simples, des plus pratiques et une des plus exactes qu'on ait suggérées. On devrait seulement ajouter que le renouvellement incessant de l'air dans l'atelier doit être tel qu'il en nsulte une impression agréable pour notre propre respiration; jamais un air étouffé, lourd, pénible à respirer ou chargé d'odeur malsaine. Celle du tabac est surtout proscrite par les auteurs chinois et japonais. Dans plusieurs contrées séricicoles de l'Italie et de l'Autriche, on suit une pratique que je crois excellente pour améliorer la santé des 1. .li lien Stanislas). Résumé des principaux traités chinois sur la culture îles mûriers cl L'éducation des vers à soir. Paris, 1S37, Imprimerie royale, xxu-224 p. in-8° (lu pi.), p. 132. 238 ŒUVRES DE PASTEUR vers et pour éviter, ou du moins pour diminuer les cas de flacherie. Elle consiste à donner aux vers la feuille en branches après la quatrième mue et quelquefois même aussitôt après la troisième. Cette méthode, qu'on connaît en France sous le nom de méthode à la turque, mais qui n'y esi jamais employée, ajoute singulièrement à l'aération des vers, à la surface qu'ils occupent, et contribue à leur donner une nour- riture saine. Dans les Cévennes, et généralement dans toute la France, la cueillette a lieu comme le représente la planche ci-jointe. On comprend aisément que la feuille, se trouvant arrachée avec force, est souvent déchirée, maculée et recouverte par des gouttes de sève découlant des rameaux ou des pétioles brisés. Or, il est facile de se convaincre que la sève exposée au contact de l'air se remplit rapidement de vibrions ; d'autre part, la feuille entassée dans des sacs, où elle séjourne quelquefois pendant plusieurs heures, est plus disposée à s'échauffer et ii fermenter. Placez une goutte de sève sur une lame de verre, recouvrez-la d'un verre à boire renversé, dont vous aurez humecté les parois à l'intérieur, afin d'empêcher l'évaporation de la goutte : dans l'espace de vingt-quatre heures, aux températures des mois d'avril et de mai, vous verrez la goutte se remplir d'organismes, principalement de vibrions CUEILLETTE DE LA FEUILLE DANS LES CÉVENNES CHAPITRE VI ESTIMATION DE LA PRÉDISPOSITION DE DIVERS LOTS DE GRAINES A LA FLACHERIE PAR LA RAPIDITÉ DE LA CONTAGION DE LA PÉBRINE Dans l'essai de contagion de la première expérience du § II, chapitre II, p. 105 et suivantes, des vers sains ont été contagionnés par un seul repas corpusculeux, au sortir de la première mue. La maladie s'est communiquée à tous, sans exception, et tous sont morts de la pébrine avant d'avoir pu faire leurs cocons. Les choses se passent-elles constamment de la même manière!' En d'autres termes, la contagion ayant lieu par le canal intestinal, tout de suite après la première mue, peut-on être assuré que les vers n'atteindront pas la bruyère et périront avant de Hier leur soie? J'ai fait à ce sujet des expériences assez nombreuses, d'où il résulte qu'on observe certaines différences dans les effets de la con- tagion, suivant la nature des races soumises aux essais, ou dans une même race, suivant l'origine de la graine et l'état des éducations qui l'ont fournie. Il semble, en outre, qu'il faille attribuer ces différences à la vigueur plus ou moins grande des vers, c'est-à-dire que la conta- gion aurait d'autant moins de prise et de rapidité dans ses effets que les vers seraient plus robustes. On comprend sans peine qu'il y aurait un intérêt majeur à pouvoir comparer, avant toute éducation, la vigueur relative des diverses races de vers à soie, ou mieux, des divers lots de graines qui peuvent être à la disposition des éleveurs. J'entends parler ici de graines saines, toutes exemptes, sous le rapport d'hérédité, des deux maladies les plus redoutables aujourd'hui, la pébrine et la flacherie. Une graine, même très saine, sans prédisposition originelle à telle ou telle maladie pouvant affecter les vers à soie, donne des vers plus ou moins vigoureux, plus ou moins propres à résister à de mauvaises influences d'éducation ou de climat. On sait, par exemple, que les graines japonaises principalement celles qui furent importées en 1865, 1866 et 1867 ont montré une résistance aux maladies qu'on trouve rarement au même degré dans nos races indigènes. Chez ces dernières éga- 240 ŒUVRES DE PASTEUR lement, on rencontre de temps à antre divers lots d'une vigueur excep- tionnelle, garantie assurée des plus abondantes récoltes. Par des essais comparatifs de contagion portant sur diverses graines et en s'appuyant sur les observations que je vais faire connaître, on peut estimer leur force relative. Par ces mots, vigueur des vers, j'entends la résistance plus ou moins grande qu'ils offrent aux maladies accidentelles. Qu'une graine saine, élevée dans vingt chambrées différentes, donne lieu à deux ou trois échecs seulement par la flacherie; qu'une autre graine saine, élevée également en vingt chambrées, donne lieu à dix, douze et quinze échecs, il est palpable que la première graine devra être consi- dérée, toutes choses égales d'ailleurs, comme étant plus robuste que la seconde. Par exemple, la graine, qui a fourni les vers de l'expérience que j'ai rappelée au commencement de ce chapitre, était certainement une graine faible, quoique très saine, car les grandes éducations auxquelles elle a donné lieu dans le département du Gard, en 1868, ont, ;i (- (A. de). Rapport sur une lettre du ministre de la Marine relative à l'éduca- tion des vers à soie dans les colonies. Comptes rendus de l'Académie des sciences, XI\ . 1842, p. 151-15G. [Notes de l'Édit 246 ŒUVRES DE PASTEUR rapporte que les graines de vers à soie transportées d'Europe aux Antilles, à une température uniforme de 22 à 23 degrés centigrades, éclosent très mal ou pas du tout, et qu'au contraire, d'après une remarque des colons, leur éclosion devient complète et régulière quand on les a placées, pendant quatre à cinq mois, dans une glacière. Il ajoute que quelques personnes à la Martinique présument que l'elTet de la glacière esl de fortifier la larve. « Ce fait, dit M. de Gasparin [p. 154], vient étayer un soupçon que nous avons depuis longtemps, de la nécessité d'une basse température pour faciliter l'organisation fœtale des vers. » Les citations suivantes montrent que les Japonais et les Chinois partagent l'opinion rapportée par M. Perrotet sur l'influence que le froid peut avoir pour fortifier la graine. « Au cœur de l'hiver, on plonge les cartons revêtus de leur graine dans l'eau glacée pendant une nuit, et le lendemain matin on les retire pour les faire sécher. » [Rivista settimanale di bachicoltura, Milan, n° du 1er novembre 1869.) Cette phrase est empruntée à un Rapport récent d'un sériciculteur japonais sur les pratiques suivies dans son pays. Il ajoute que cet usage s'appelle sarasfci, mot qui signifie faire j/âlir, et que son but est de séparer les vers (œufs) destinés à périr des vers robustes, ces derniers résistant au froid et se fortifiant, tandis que les premiers meurent. Enfin, comme preuve de cette explication, que les premiers de côté, chaque ver ayant sa cellule. Comme ils parais- sent avoir un grand besoin de société, il sera indis- pensable de couvrir chaque case d'un morceau de canevas, afin d'empêcher qu'ils ne se réunissent. Le fond de tout le casier devra être également fait de canevas, pour faciliter l'aération dans les cel- lules. La figure ci-jointe re- présente une de ces édu- cations arrivée à son terme. Par ce procédé, on ob- tient des résultats aussi remarquables qu'imprévus. Je me bornerai à exposer quelques-unes des nombreuses expé- riences que j'ai faites d'après ces indications. Education de vers isolés pour régénération des races tes plus atteintes par ta pébrine ou la flacherie. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 251 Une éducation très bien réussie, portant sur la race jaune dite milanaise, avait été livrée au grainage cellulaire. On avait mis à part, et réuni ensuite, les pontes pures, c'est-à-dire provenant des couples exempts de corpuscules, et les pontes provenant des couples dont le mâle et la femelle offraient des corpuscules dans la proportion de cent à deux cents par champ. De chacun de ces deux lots de graine, on a élevé par éducation cellulaire vingt-cinq vers, dans le même local, avec la même feuille, et en outre cent vers du lot infecté mais réunis à la manière ordinaire. Voici quels ont été les résultats de ces trois éducations. La première portant sur les vers sains a fourni vingt-quatre cocons provenant de vingt-quatre vers, dont tous avaient la plus belle appa- rence. L'éclosion a eu lieu le lt> avril. Les vers ont fait leurs cocons dans les cellules le 15, le 16 et le 17 mai. La sortie des papillons a commencé le 10 juin; pas un seul n'avait de corpuscules. Un ver est mort dans le cours de l'éducation sans offrir ni corpuscules, ni vibrions, ni ferment en chapelets de grains. Hien de plus beau à voir que ces vers vivant isolément sans être gênés par d'autres, sans être jamais souillés ou soumis à des frot- tements pouvant altérer leur fraîcheur. Leur peau est mate et comme argentée ; on n'y découvre pas la plus petite tache, même à la loupe. L'éducation des vingt-cinq vers isolés de la graine infectée s'est comportée de la manière suivante : L'éclosion a eu lieu le 17 avril. l'n ver mort le 19. Il n'offrait pas de corpuscules. Première mue le 22. Deuxième mue le 26. Le 30. L'n ver mort montrant plus de cinq cents corpuscules par champ. Il reste dix-huit bons vers et cinq mauvais. Troisième mue, le 1er mai. Un ver mort sans corpuscules, mais dans son canal intestinal une foule de vibrions. C'est donc un ver mort-flat. Le 5 mai. L'n ver mort; foule de corpuscules par champ. Quatrième mue, le 7 mai. La mue se fait très irrégulièrement. Les plus beaux vers sont en mue, alors que le 7 au soir et le 8 plusieurs ne sont pas encore endormis. Le 10 mai. Un ver mort; plus de cinq cents corpuscules par champ. Le 13 mai. In des beaux vers est mort. Il n'a pas de corpuscules, mais dans le canal une foule de vibrions. C'est donc un ver mort-flat. 252 ŒUVRES DE PASTEUR Le 16 mai. Quatre morts. Ions très corp'usculeux à mille et quinze cents corpuscules par champ. Le 17 mai. Un mort à mille corpuscules par champ. Parmi les vers restant, il en est qui commencent à filer leur soie. Le 18 mai. Un mort; corpuscules à profusion. Le 19 mai. Un très beau ver meurt de flacherie. Le 26 mai. Quatre vers morts. Tous sont pétris de corpuscules. On relève sept cocons. A la sortie des papillons, quatre n'offrent pas de corpuscules ; les trois autres en contiennent. Sept cocons sur vingt -cinq vers; c'est une proportion de 28 pour 100. Voyons maintenant comment se sont comportés les cent vers réunis de la même levée, qui a fourni l'éducation cellulaire précé- dente. Éclosion le 17 avril. Première mue le 22 avril. Délitage le 24. On compte quatre-vingt-deux vers ayant mué, qua- torze n'ayant pas mué; en tout seulement quatre vingt-seize. On ne retrouve clans la litière qu'un seul des quatre vers morts; deux cents corpuscules par champ. Deuxième mue le 28. Délitage le 30. On compte soixante-treize vers ayant mué, trois n'ayant pas mué, et treize vers morts dans la litière, dont voici les examens au microscope : 1. 2.000 corpuscules par champ. 2. 1.500 » « 3. 1.000 » 4. 1.500 » 5. 1.000 ». » 6. 500 » » 7. 1.500 » >» Les vers sont en outre assez inégaux. La troisième mue a lieu le 3 mai. On ne retrouve que soixante- quatorze vers, dont soixante-neuf ayant mué et cinq n'ayant pas mué. L'essai va très mal. Une foule de vers sont petits et évidemment cor- pusculeux. On sacrifie les cinq vers qui n'ont pas mué. Ils sont chargés de corpuscules. Délitage le 19. Les vers sont très inégaux. On relève quatorze morts. 8. 9. 1.000 500 coi ■puscules par champ » 0. 1.000 » )> 1. 50 » » 2, 100 » )> 3. 2.000 » » ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 253 2.000 corpuscules par champ. 1. 2.(100 2. 1.500 3. 2.000 V 1.200 5. 000 6. 500 7. 500 HE DES V ER s A son-: 8. 500 c orp uscul es par cham] 9. 800 1) » 10. 1.0(1(1 » » 11. 500 » » 12. 500 « » 13. 800 )) » 14. 500 » » Le 21. On relève de nouveau quatorze morts 2.000 corpuscules par champ. 1. 2.000 2, 1.000 .'!. 800 4 100 5. 600 6. 500 7. 2.000 8. .soo coi "puscul les par champ 9. 300 » » 10. 500 » » 11. 1.000 » » 12. 500 » » 13. 200 » » 14. 10 » » La montée n'est finie que le 25; elle ne donne que trois cocons seulement, dont deux très faibles fournis par deux vers à trois mues. Tout le restant des vers est pourri de corpuscules. Les trois chrvsa- lides des trois cocons sont très corpusculeuses. Je reviendrai tout à l'heure sur toutes ces observations. Voyons . auparavant comment se comportent en éducation cellulaire les graines atteintes de flacherie héréditaire. Prévoyant en 1868 que des contradictions se produiraient, touchant les principes de l'hérédité de la flacherie et de son indépendance avec la pébrine, malgré les preuves sur lesquelles je les avais établis, j'eus le soin de me procurer diverses graines parfaitement exemptes de la maladie des corpuscules, mais très prédisposées à la maladie des morts-flats. Une entre autres provenait d'une éducation de M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais. Cette graine, faite cellulairement, afin d'éloigner toute trace de pébrine. mais issue de papillons dont un grand nombre renfermaient le ferment en chapelets de grains, fut soumise en 1869 aux épreuves les plus variées. Outre les très petites éducations de cent vers seulement, que nous fîmes simultanément au Pont-Gisquet et au Collège d'Alais, la Commission des soies de Lyon en éleva deux grammes que je lui avais adressés comme spécimen d'une graine propre à démontrer la llacherie par hérédité (*). J'en envoyai deux autres grammes au même titre à M. Cor- nalia; ce dernier échantillon fut confié par l'éminent directeur du Musée de Milan à son ami le Dr Levi, dont j'ai déjà antérieurement rappelé la réputation d'habileté dans l'élève des vers à soie. Dans 1. Voir, à ce sujet, p. 609 du présent volume. (Xote de l'Édition.) 254 ŒUVRES DE PASTEUR toutes les éducations de cette graine, les vers, après avoir accompli avec une parfaite régularité leurs premières mues, ont péri sans donner un seul cocon, soit à Alais, soit à Lyon, soit à Villanova, en Illyrie. Pourtant, M. Levi, et M. Paul Eymard, secrétaire de la Com- mission des soies de Lyon, ont fait l'un et l'autre l'aveu qu'ils avaient mis un soin extrême à bien élever ces vers, désireux qu'ils auraient été sans doute de constater que la sériciculture n'avait pas à enre- gistrer, une fois de plus, le caractère héréditaire d'une maladie des vers à soie ('). 11 importe de noter en outre que les vers morts n'offraient pas de corpuscules, mais tous des vibrions en abondance. Eh bien! chose vraiment digne de remarque, vingt-cinq vers de cette même graine, ayant été isolés dès leur naissance et soumis à l'éduca- tion cellulaire dans un casier dont toutes les cellules se touchaient, ont fourni huit cocons très beaux et très sains, soit 32 pour 100. Quoi de plus instructif que les faits exposés dans ce chapitre? Que d'enseignements pour l'hygiène de notre précieux insecte et de tous les êtres vivants en général, dans ces simples observations!... Presque tous les principes relatifs aux deux maladies régnantes, à leur nature, à leur mode de propagation, s'y trouvent condensés, en quelque sorte, pour un lecteur attentif. Le caractère contagieux de la pébrine et de la llacherie s'y mani- feste dans les conditions les plus remarquables. Voilà deux graines : une corpusculeuse, l'autre très affaiblie, conduisant fatalement à des échecs, alors même qu'on les élève en très petites éducations et avec des soins particuliers, et, néanmoins, nous avons pu en retirer des proportions de 28 et de 32 cocons pour 100 vers. Bien plus, sur ces deux nombres de cocons, il y a eu dans le premier cas seize, et dans le second trente-deux reproducteurs sains; et tout cela a été la con- séquence du seul fait de l'isolement des vers. Il a suffi de ne pas ajouter, à la mortalité que devait entraîner l'hérédité, celle qui résulte du caractère contagieux de nos deux maladies. Pour réaliser ces heureuses conséquences, est-il donc nécessaire de procéder rigoureusement, comme nous l'avons fait, c'est-à-dire de séparer chaque ver de tous les autres? Oui, il faut aller jusque-là si vous voulez régénérer une racé, si vous voulez tirer des reproducteurs sains d'une graine détestable, parce 1. Voici les termes dont M. Levi s'est servi dans une lettre à M. Gornalia : « M. Pasteur vous avait remis un échantillon d'une graine marquée G. G. afin de vous donner la preuve de la prédisposition héréditaire à la llacherie. En dépit de tous les soins et de tous les spécifiques en usage pour sauver les vers de cet échantillon, tous ont péri de cette maladie. •> (Bollettino dell' Associazione agroria friulana, novembre 1869.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 255 qu'il importe de soustraire la nourriture el l'air que respirent les [•ares sujets sains, ou ceux <|ui peuvent se guérir, aux souillures du contact, des déjections et des gaz exhalés par la foule des sujets malades, morts ou mourants. Mais, en définitive, on peut avoir rare- ment à résoudre ce problème de la régénération d'une race à l'aide d'une très mauvaise graine; aussi n'est-ce pas la que se trouve le grand intérêt des faits que nous venons de constater. Ce qu'il faut y voir principalement, ce sont, d'une part, les funestes effets de la con- tagion des deux maladies régnantes et [d'autre part] l'influence considé- rable de l'isolement pour en arrêter les ravages. Si vous savez com- prendre l'économie et la portée de ces résultats, vous vous eiïorcerez de \ous rapprocher le plus possible des conditions théoriques de l'édu- cation cellulaire; vous y parviendrez aisément en donnant à vos vers une grande surface, particulièrement dans les premiers âges; car, vu la lenteur des eiïets de la contagion, celle-ci est relativement bien moins dangereuse, comme je l'ai déjà fait observer, quand elle se produit vers la fin de la vie de la larve que dans les premiers temps de son existence. Espacez donc vos vers le plus possible dès leur naissance; faites-les éclore en étendant beaucoup la graine, au lieu de l'accumuler sous une grande épaisseur. Tous les jours, augmentez la surface occupée par votre éducation. Sans doute, en agissant ainsi, vous dépenserez un peu plus de nourriture, mais vous donnerez de la vigueur à vos vers, et vous supprimerez, en grande partie, la mortalité due à la contagion. En un mot, vous assurerez le succès de votre récolte, et s'il s'agit d'une éducation pour graine, vous contribuerez considérablement à la rendre efficace au double point de vue du ren- dement et de la reproduction. Enfin, n'oubliez pas que, dans notre éducation cellulaire, les vers morts se trouvent naturellement isolés de tous les autres. Pour réaliser autant que possible cette condition, faites en sorte qu'une personne intelligente soit toujours occupée à enlever les vers morts ou mourants, et en général tous ceux qui paraissent ne pas être en état de pouvoir faire leurs cocons. En suivant ces pratiques, en n'élevant que de bonnes graines, faites d'après les procédés qui sont exposés dans cet Ouvrage, et en vous conformant, d'ailleurs, aux préceptes ordinaires de l'élève du ver à soie, vous pourrez compter sur des réussites inconnues aux époques de la plus grande prospérité de l'industrie séricicole. Afin île donner aux conseils qui précèdent une sanction pratique, je ne saurais mieux faire que de les appuyer sur les usages suivis par les éducateurs japonais. On trouvera, parmi les Notes et Documents p. *'>:!.'! el suivantes), des 256 ŒUVRES DE PASTEUR nombres précis et authentiques sur la surface occupée par les vos dans les éducations du Japon. Les vers d'un carton japonais, c'est-à-dire d'une once de graine de 25 grammes environ, n'occupent pas moins de 5 mètres carrés, au moment du premier sommeil. Voyons quelle est, chez nous, la surface réservée à une once de graine, à cette époque de la première mue. La figure de la page 16 représente, en grandeur naturelle, des vers pris au réveil de la première mue, dans une éducation ordinaire, c'est-à-dire que les vers y ont à peu près l'espace qu'on leur donne habituellement en France à cet âge. Or, cette planche comprend un total de cent treize vers, et il est facile de s'assurer qu'ils occupent 28 centimètres carrés, soit, pour trente ou quarante mille vers, 7.500 à 10.000 centimètres carrés. C'est 1 mètre carré seulement pour quarante mille vers, ou cinq fois moins environ qu'au Japon. Pour les autres mues, nous sommes aussi parcimonieux dans la surface occupée par nos éducations. Est-ce à dire qu'il faille changer tout le système de l'élève des vers à soie en Europe? En aucune façon, car la place ne manque nulle part pour les premières mues. M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais, a fait en 1868 et en 1869 des éducations pour graine à grandes surfaces qui ont eu les plus belles réussites ('), sans être le moins du monde atteintes par la flacherie. Le lecteur me saura gré d'insister, par de nouvelles citations, sur l'importance qu'on attribue au Japon aux éducations à grandes surfaces. M. Mermet de Cachou, interprète de la Légation de France au Japon, a traduit, en 1865, un Traité japonais sur l'art d'élever les vers à soie, dans lequel on lit [p. 15-16] les passages suivants (2i : « Faites en sorte que les vers ne soient pas trop pressés. » (Il s'agit des vers à l'éclosion.) « Les vers provenant d'un carton devront occuper un espace d'un mètre carré. Vous n'emploierez jamais assez de récipients (paniers ou claies où sont placés les jeunes vers). Faites que les vers ne soient pas en contact... » 1. Parmi ces éducations dont j'ai le compte rendu très détaillé sous les yeux, il en est qui ont un intérêt particulier, parce qu'elles ont été faites dans le but d'étudier l'influence de diverses sortes de feuilles sur la marche des vers. Contrairement à des idées généralement admises et qui paraissent d'ailleurs appuyées sur des faits assez positifs, M. de Lachadenède n'a trouvé aucune différence appréciable entre la feuille taillée, la feuille non greffée et la feuille résultant du mélange de ces diverses sortes. 2. Mermet de Gachon. De l'éducation des vers à soi.' au Japon. Ouvrage traduit du texte japonais de Ouekaki-Morikouni. Traduit de l'italien d'I. Dell'Oro par L.-N. Pécoul. Saint- Marcellin, 1866. 48 p. in-8°. (Note de l'Édition.) La traduction de M. Mermet de Gachon a été mise en italien par M. Dell'Oro, négociant, établi au Japon. Cette version italienne a été de nouveau traduite en français par M. Pécoul, professeur au collège de Saint-Marcellin (Isère). [Note de Pasteur.} ÉTUDES SUR LA MALADIF. DES VERS A SOIE 257 « N'oubliez pas d'éclaircir chaque jour les vers et d'empêcher qu'ils ne s'agglomèrent ; faites-le au moyen de petits bâtons avant de leur donner la feuille... » « ... En résumé, nous dirons qu'à partir du second jour de l'éclo- sion, il faut écarter deux ou trois fois par jour les petits vers, au moyen de petits bâtons et empêcher avec soin qu'ils ne s'entassent. » On lit encore dans le Traité japonais, traduit par M. Léon de Rosny i1) : « Il faut à l'éclosion clair-semer les vers à soie provenant d'un carton sur une superficie d'environ trois syak carrés d'étendue, et leur donner de la pâture en les clair-semant de plus en plus. » La surface dont il s'agit correspond à un carré de 909 millimètres de côté. Et ailleurs : « ... Ensuite, c'est-à-dire dans les jours qui suivent l'éclosion, il faut espacer de plus en plus les vers à soie à l'aide de bâtonnets minces et pointus, et, chaque jour avant de leur donner du mûrier, les séparer avec ces mêmes bâtonnets dans les endroits où ils sont trop compacts; ensuite il faut leur verser de la nourriture, en évitant de faire des tas de feuilles. » « ... A partir de la première mue, il faut maintenir les vers clair- semés... » « Tous les vers qui ont été maintenus compacts ne sont pas bons. » Puissent être entendus et compris de tous nos éducateurs ces sages préceptes des auteurs bacologues d'un peuple industrieux qui, depuis 1865, a fourni à l'Europe d'immenses quantités de graines de vers à soie d'une vigueur remarquable, quoique d'un produit médiocre, préceptes auxquels les expériences exposées dans ce chapitre donnent une autorité irrésistible ! 1. Rosny (Léon de). Traité de l'éducation des vers à soie au Japon, par Sira-Kawa de Sendaï, traduit pour la première fois du japonais. Paris, 1868, Imprimerie impériale, iaiv 228 p. in-8« (24 pi.), p. 59 et Gô. {Note de l'Édition.) ETUDES SUB la Maladie des vers a soie. APPENDICE CHAPITRE PREMIER DE L'ANCIENNETÉ DE LA PÉBRINE Je ne crois pas qu'on puisse mettre en doute l'ancienneté de la pébrine et des ravages qu'elle a dû exercer dans les éducations depuis les temps les plus reculés. Tous les auteurs qui ont écrit sur les vers à soie, avant l'époque actuelle, parlent de vers malades qui présentent des taches noires, des meurtrissures. Dandolo (Milan, 1818) décrit !) une maladie du cinquième âge, nommée vulgairement maladie du signe (segno), et, après une interprétation de fantaisie sur la cause du mal, il ajoute : « On a des preuves claires de cette désorganisation par les taches ou pétéchies noires, rouges ou d'autres couleurs, qu'on aperçoit sur le corps de l'insecte... ("2). » Il importe peu que cet auteur confonde la maladie du signe ou des taches avec la muscardine. Ce qui est signifi- catif, c'est le fait de l'existence de vers évidemment atteints de maladie et portant sur leur corps des taches noires. 1. Dandolo. Dell'arte di govemare i bachi da seta. Milan, ISIS, in-8°. — De l'art d'élever les vers à soie. Traduit de l'italien par Fontaneilles. Paris, Lyon et Montpellier, 1819, xvi- 102 p. in-8°(2 tabl. et 2 pi. avec. 29 fig.). (Xote de l'Édition.) 2. La maladie régnante a été précisément désignée par quelques auteurs italiens sous le nom de pétéchie (petechia). Voici le programme d'un prix proposé en 1857, par l'Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts du Royaume lombard-vénitien: « Afin de décerner le prix extraor- « dinaire de 12.000 francs, dû à la munificence impériale, un concours est ouvert pour « rechercber les causes, l'origine, les caractères, le siège îles maladies connues sous les noms ■< à'atrophie, de pétéchie {petechia), etc., dont les vers ont été atteints pendant ces dernières « années, et indiquer surtout un remède préservatif ou curatif, d'une efficacité prouvée et « d'une application générale... Le jugement sera prononcé, et, s'il y a lieu, le prix sera décerné •• dans la séance solennelle du 3 mai 1860. « Milan, le 12 mars 1857. » Le mot de pébrine, proposé par M. de Quatrefages en 1859 [p. 221-222 de ses « Études sur les maladies actuelles du ver à soie »], a remplacé généralement celui de pétéchie. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 259 L'abbé de Sauvages .'. parle également de vers malades présentant le symptôme des taches. « On tonnait, dit-il, les vers atteints de la muscardine, d'abord à des points noirs répandus sur différents endroits de la peau ; quelque- fois aussi les symptômes commencent par des taches livides ou noi- râtres au sommet de la tète, à la naissance des jambes, autour des stigmates. » La muscardine ne commence point du tout par des taches noires sur différentes parties du corps, comme le dit l'abbé de Sauvages. Ainsi que Dandolo, il a confondu la muscardine avec la pébrine. Olivier de Serres, lui-même, avait déjà remarqué l'existence de vers malades et tachés (à) : « Le mal est bien plus difficile à guérir, de ceux qui ont été repus de mauvaise feuille, comme de la jaune, maculée ou trop nouvelle, car souventes fois, de cette-ci, leur avient flux de ventre qui les crève, et de cette-là, la peste toute certaine. De cette maladie-ci, les magniaux viennent tous jaunes et tachetés de meurtrissures; de quoi vous aper- cevant tant soit peu, ne faillez de les remuer diligemment en chambres et tables séparées pour essayer de les sauver par bons traitements, ou du moins, pour éviter la contagion au reste du troupeau. Mais tenez pour désespérée la guérison de ceux qu'avec les marques dites verrez, être baignés au ventre par certaine humeur leur découlant en telle partie du corps, lesquels enlèverez d'entre les autres pour viande aux poules. » [p. 426.] Il est bien évident qu'Olivier de Serres, surtout dans les dernières lignes île ce passage, avait pour objet la maladie des gras, mais il n'est pas moins certain, d'autre part, que les vers commençant à devenir gras et qu'il espère pouvoir guérir, pas plus que ceux atteints de cette affection à un degré plus avancé, ne sont tachetés de meurtrissures. Olivier de Serres a donc confondu les vers pébrinés avec ceux qui deviennent gras, erreur pouvant s'expliquer par cette circonstance que les vers tachés ont fréquemment, au dernier âge, une teinte rouillée. Je ne m'arrête pas à la cause qu'Olivier de Serres attribue à la maladie dont il parle. On sait ce que valent les appréciations de cette nature quand elles s'offrent à titre d'idée préconçue en dehors de toute 1. Boissier de Sauvages Abbé l'.-A.i. Mémoires sur l'éducation des versa soie, divisés .•h trois parties. Nîmes, 1763, in-8», p. 74 du troisième Mémoire. (Note de l'Édition.) •2. Olivier de Serres. Le théâtre d'agriculture el mesnage des champs. Dernière édition, "'' l augmentée par l?autbenr. Genève, 1619, gr. in-8*. (Chapitre XV. La cueillette delà soie par la nourriture des vers qui la font, p. 398-435.) [Note rie l'Édition.) i La cueillette de la soie ,. d'Olivier de Serres, seigneur du Pradel. 1509, avec notes de. Mathieu Bonafous. Paris, 1843, m-s°. 260 ŒUVRES DE PASTEUR démonstration expérimentale. Je me borne a répéter que ce qui doit nous intéresser dans les citations précédentes, ce sont les assertions positives de nos anciens auteurs, relatives à la présence des taches noires très prononcées sur la peau de vers évidemment malades. J'ai démontré l'identité de la maladie des taches avec la maladie des corpuscules. En recherchant dans des vers, des chrysalides ou des papillons conservés depuis longtemps, soit la présence des taches, soit celle des corpuscules, on aurait pu s'assurer très facilement que la maladie actuelle a toujours existé. Aussi est-il regrettable que les départements du midi de la France n'aient pas eu autrefois l'idée de former une sorte de musée séricicole, une collection dans laquelle on aurait réuni chaque année des spécimens de graines, de vers, conservés dans l'esprit-de-vin, de cocons des diverses races élevées et des papillons correspondants. L'examen de ces échantillons, remontant aux années des époques de prospérité, aurait été précieux pour la connaissance de la maladie actuelle. Par les observations suivantes, j'ai essayé de suppléer à la lacune que je signale. M. Robinet (*), qui a consacré longtemps ses elïorts aux progrès de la sériciculture (-), avait fait don au Conservatoire des Arts et Métiers d'une collection de cocons, dont quelques rares échantillons avaient une date antérieure à la maladie. Grâce à l'obligeance du général Morin, directeur de cet établissement, et de M. Tresca, j'ai pu observer quelques-unes des chrysalides de ces cocons. Premier bocal, portant l'étiquette : Cocons blancs de la race Sina de la Cataudière, 1838. Dix chrysalides ont été examinées : aucune n'a présenté de corpuscules. Deuxième bocal, portant l'étiquette : Sina ordinaire, Brésil, 1844. Six chrysalides : aucune n'a présenté de corpuscules. Troisième bocal, portant l'étiquette : Espagnolets, Brésil, 1843. Cinq chrysalides : pas de corpuscules. Examen de onze chrysalides de la race André Jean, provenant d'un don fait, en 1852, par cet industriel, à la Société centrale d'agriculture et transmis au Conservatoire des Arts et Métiers. On sait qu'en 1832 les produits des graines André Jean étaient exempts de maladies; elles donnaient de bonnes récoltes, et les succès se sont maintenus encore 1. Les faits qui suivent [jusqu'à la tin du chapitre] sont tirés de ma « Lettre à M. H. Mares ... datée d'Alais. le 1" mars 1«07. [Voir p. 'i7G-i9H du présent volume.] 2. M. Robinet a rédigé pendant plusieurs années la « Chronique séricicole » au Journal d'agriculture pratique. [Soie de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 2 1 ('-courte de la « Lettre à M. H. Mares », p. 477 du présent volume. [Xote de l'Edition.) -Jl,.' ŒUVRES DE PASTEUR qui portait sur trente-trois œufs; dix n'ont pas offert du tout de corpuscules [clans les œufs de mauvaise apparence], et treize n'en ont pas offert dans les œufs de belle apparence (l). CEI l'S ŒUFS de mauvaise apparence l*i de belle ipparence COI LEUR NOMBRE d'oeufs examinés SOMBRE de ceux qui ont offert des corpuscules NOMBRE d'œufs examinés NOMBRE de ceux qui ont offert des corpuscules des cocons 3 1 33 0 Blancs. a 1 18 0 ld. i> 0 33 1 Id. i:: 1) 33 II ld. 8 0 33 1 ld. 3 3 18 3 Id. 3 i 18 2 Id. 8 a 33 0 ld. 3 3 18 3 Id. 3 (J 33 il Id. 8 1 33 0 Id 3 2 :;:; 6 ld :; 1 33 0 Verts. :: il :::> 0 ld. 8 J :;:; 0 ld. ', 0 33 0 Id. 3 1 33 1 ld. 3 1 33 3 Id. 8 0 33 II Id. 3 2 33 2 Id. 3 1 33 1 Id. 8 0 :;:; 0 Id. :; 1 33 3 Id. 8 1 33 0 ld. 3 0 :i:; 1 Id. (*) Les trais dits de mauvaise appât ence étaient les œufs rouge-brun, déprin éS, etc. Les graines qui nous arrivent du Japon présentent donc des corpuscules ou n'en présentent pas du tout, à la manière des graines françaises, italiennes, d'Orient, etc., etc.; en un mot, à la manière de toutes les graines de vers à soie, quelle que soit leur provenance. Elles sont même atteintes dans une forte proportion, si l'on ne considère que les œufs rouge-brun déprimés, et les œufs évidemment défectueux, en général stériles. Quant aux œufs de bonne apparence, le nombre de ceux qui sont corpusculeux, dans les cartons japonais, est assez faible, compara- tivement aux graines indigènes. 1. Il y a dans le texte île Pasteur .les erreurs de nombres qui nul été rectifiées. [Note, de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 263 En résumé, La maladie caractérisée par la présence des corpus- cules existait en France et ailleurs bien longtemps avant l'époque dite de la maladie régnante, et le Japon en souffre actuellement, bien que le Japon soil dans une situation au moins aussi prospère que l'était autrefois la France. CHAPITRE II POURQUOI LE FLÉAU A SUIVI A TRAVERS L'EUROPE ET L'ASIE LES OPÉRATIONS DU COMMERCE DES GRAINES Les faits et les observations qui précèdent ne peuvent laisser aucun doute sur l'ancienneté de la maladie actuelle. Il est même présumable que ce n'est pas la première fois qu'elle sévit épidémiquement. L'histoire nous apprend que la sériciculture a éprouvé, à diverses reprises, des revers semblables à celui qui frappe aujourd'hui cette industrie. Dans son ouvrage sur l'Art d'élever les vers à soie, Boissier de Sauvages s'exprime ainsi : « Vers la fin du xvne siècle, après plusieurs années de mauvais succès, on désespérait de pouvoir arrêter le progrès des maladies des vers à soie ; on arrachait partout les mûriers comme des arbres inutiles, et il nous en resterait à peine quelques-uns de ce temps-là sans la prévoyance de M. de Basville, qui, en 1692, défendit sous les peines les plus sévères une dépopulation qui aurait été si préjudiciable au bien public. Il fit venir de nouvelles graines de l'étranger, qui furent distribuées dans les principaux endroits de la Gêné/ ahlé, et l'on éprouva quelque amendement aux maladies dont on se plaignait (') ». En 1750, un fléau de même nature apparut avec une nouvelle vigueur. Les graines indigènes ne réussissant plus, le Parlement d'Aix engagea les éducateurs à se pourvoir en Espagne ou en Piémont, et la sériciculture française fut encore sauvée d'un désastre imminent. Trente ans après, l'insuccès des éducations de vers à soie fut complet. L'once de graine se vendit un louis, et il fallut encore recourir aux graines d'Espagne pour renouveler nos races épuisées par la maladie. Tout nous porte à croire, en conséquence, que les désastres actuels ne sont qu'une nouvelle épreuve semblable aux précédentes, et pro- bablement due aux mêmes causes. Toutefois, elle en diffère par sa persistance et son extension graduelle à toutes les contrées séricicoles, 1. Boissieii de Sauvages (Abbé P.-A.j. L'arl d'élever les vers a soie. Avignon, 1788, in-8», p. 19-20. (Xote de l'Édition.) ETUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 265 circonstances qu'il faut attribuer, sans doute, au développement du commerce des graines, motivé lui-même par la prospérité de l'indus- trie séricicole dans le siècle actuel. En partant de cette donnée incontestable, ainsi que je viens de le prouver au chapitre précédent, que la pébrine est une maladie inhérente aux éducations, qu'elle y a toujours exercé des ravages ignorés quoique réels, il est assez facile de se rendre compte de sa propagation à tra- vers l'Europe et l'Asie à la suite des grainages industriels qu'on a dû aller y pratiquer pour suffire aux demandes des contrées atteintes par le fléau. Afin de mieux fixer les idées sur le point qui nous occupe, consi- dérons une localité séricicole très prospère. Ce sera, par exemple, Andrinople, dans la Roumélie, en 1856. Comme autrefois en France, les éducateurs y font eux-mêmes, chaque année, la graine dont ils ont besoin. Ils s'enquièrent des meilleures éducations de leur voisi- nage, dont ils achètent quelques kilogrammes de cocons pour graine. S'ils ont eu une chambrée très satisfaisante, ce sont eux qui deviennent les pourvoyeurs de bons cocons pour leurs amis et connaissances. Ils n'élèvent qu'une seule sorte de graine. Voilà bien les conditions nor- males de la sériciculture, et telle était la situation de tous nos dépar- tements séricicoles avant l'apparition du fléau actuel. Il n'y avait que les grandes magnaneries de vingt, trente onces et plus, qui ne faisaient pas leur graine. Elle était achetée à des fermiers n'ayant que de petites chambrées, placées de préférence dans les localités montagneuses où l'air est plus vif et le sol moins humide que dans la plaine. Dans ces conditions la production de la graine ne donne pas lieu à une branche de commerce proprement dite. Le prix de vente de la graine en France, aux époques de prospérité, ne dépassait pas 3 francs l'once de 25 grammes. Cela étant, voici venir dans l'heureuse et prospère localité de la Roumélie, que nous avons prise pour exemple, des personnes envoyées de France ou d'Italie par les éducateurs des contrées où les bonnes semences font défaut. Les agents dont nous parlons commencent par choisir aux environs d'Andrinople un emplacement plus ou moins vaste, puis ils achètent les cocons qui leur sont apportés à des prix naturellement bien plus élevés que ceux qui avaient cours jusque-là dans le pays. Les chambrées productrices de ces cocons ont-elles bien ou mal réussi? Le temps a manqué pour s'en assurer. Le paysan, alléché par le gain, affirme que les cocons qu'il vient offrir proviennent de la plus belle éducation qui se puisse voir. Malgré tout, dans cette première année, nos graineurs confectionnent des semences qui sont 266 ŒUVRES DE PASTEUR en général de très bonne qualité et qui se comporteront à merveille chez leurs commanditaires. Aussitôt ces derniers, et tous les éduca- teurs de France, vantent à l'envi la graine d'Andrinople, et c'est à qui pourra se procurer des semences de Roumélie. Nos graineurs, suivis de nombreux imitateurs, s'empressent de retourner l'année suivante dans cette heureuse contrée. Ils y avaient confectionné 1.000 onces de graines : on les oblige par des demandes sans nombre à en rapporter 10.000 et plus. Ils étaient partis la première année à titre d'agents de Comices agricoles ou de souscripteurs qui payaient leurs dépenses et avaient exigé que la graine importée serait vendue à un prix relative- ment modique, fixé à l'avance. Cette fois, sûrs de la vente de toute la provision de semences qu'ils pourront confectionner, ils se garderont d'aliéner leur liberté. Ils partent à leurs risques et périls. Ce ne sont plus des commissionnaires, mais des négociants qui vont chercher à l'étranger une marchandise dont ils trouveront à leur retour le meil- leur placement, sans que personne soit capable d'en contrôler la qualité. Des changements d'une autre nature se sont accomplis dans notre pays aux grainages prospères. On sait à l'avance que les graineurs de France et d'Italie reviendront. Ils l'ont dit. Ils ont même fait des marchés anticipés, pressentant que leur nouveau commerce pouvait les conduire à la fortune. Sous cette influence une profonde transfor- mation se prépare aux environs d'Andrinople. Chaque éducateur veut accroître l'importance de sa récolte. Dans telle chambrée où l'on n'éle- vait auparavant qu'une once de graine, on en fera une et demie et deux. Les soins que réclame l'éducation se trouveront diminués, les causes de contagion accrues; aussi la pébrine, jusque-là à l'état latent, va prendre un peu plus de développement. La proportion des papillons corpusculeux deviendra plus grande. Quant à nos graineurs, moins encore que l'année précédente, ils pourront s'enquérir de la qualité des cocons et de la marche des éducations qui les ont fournis. Tout ce qui est apporté est livré au grainage. Toutefois, les nouvelles graines donneront encore en France et en Italie de nombreuses réus- sites, et les demandes de graines d'Andrinople augmenteront derechef pour la campagne suivante. Nos graineurs repartiront donc une troi- sième fois, et toujours avec de nouveaux imitateurs. De leur côté, les éducateurs de notre lointaine localité, prétendue saine, accroissent de plus en plus l'importance de leurs éducations; sous cette influence, la pébrine grandit toujours, et finalement, à la quatrième ou cinquième campagne de ces grainages industriels sans contrôle, la Roumélie se trouve en proie à la maladie des corpuscules au plus haut degré. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 2fi7 Toutes les chrysalides, tous les papillons sont chargés du parasite des- tructeur. Dès lors les graines rapportées d'Andrinople ne donnent plus en 1860 et 1801 que des insuccès. Qu'importe ! nos graineurs porteront ailleurs et plus loin leurs opérations, où les mêmes causes amèneront les mêmes effets ; et c'est ainsi, selon moi, que le commerce • les graines a introduit partout non la maladie, mais son exagération et son intensité. Elle existait, latente, ignorée, faisant périr 10, 20, 30 pour 100 des vers mis en éducation : cela passait inaperçu, parce qu'avec de tulles pertes les éducations étaient encore très rémunéra- trices. D'ailleurs, il n'y avait pas de motif sérieux pour que cette prospérité relative fût compromise ('). Sous l'influence des grainages industriels, de la production exagérée des cocons, de l'absence de soins hygiéniques suffisants, conséquence de l'accumulation des vers, la maladie des corpuscules prend bientôt des proportions si étendues qu'elle conduit à des pertes de 60, 80 et 100 pour 100. Alors les plaintes surgissent de toutes parts, et on assure que le iléau vient d'envahir de nouvelles contrées séricicoles. Ce qui est vrai, c'est que les grainages industriels, pratiqués comme nous venons de le dire, développeront toujours fatalement la maladie régnante, même dans le pays le plus prospère et le plus sain. L'exposé des faits auxquels j'attribue la propagation du fléau a tra- vers l'Europe et l'Asie est-il infidèle, est-il exagéré? En aucune manière. Dans ce qui précède, je me suis borné à faire le récit de circonstances qui ont eu lieu réellement. Le lecteur pourra s'en con- vaincre en lisant dans les Documents (-) une suite d'extraits des procès- verbaux du Comice agricole du Vigan, rendant compte des pratiques des graine iirs que le Comice avait envoyés en Orient pour y confec- tionner des semences saines. C'est ainsi qu'on aura malheureusement, et probablement d'ici à peu d'années, un nouvel exemple de l'infection progressive d'un grand pays séricicole sous l'influence d'un commerce de graines exagéré. Le Japon, seule contrée qui soit présentement une source de bonnes semences, résiste encore a la mauvaise influence des vastes grainages 1. « Une perte de 25 pour 100 n'empêche pas qu'une éducation soil belle au point de vue .. industriel, et qu'elle ne procure îles bénéfices suffisamment rémunérateurs des pertes et des « dépenses des éleveurs. Il en était ainsi avant que le terrible Iléau qui désole nos magnane- « ries se fût abattu sur l'Europe: on supportait, sans se plaindre, des déchets de 25 à « 30 pour 100; on élevait l'année suivante des œufs provenant de ces éducations, que l'on cou- « sidérait comme moyennes quant à la réussite; tantôt le mal augmentait, tantôt il dimi- « nuait: on ne s'inquiétait guère des causes de ces alternatives en mieux ou en pis ; l'industrie « de la soie marchait, on était content. » (Maréchal Vaillant, p. 375 du présent volume i 2. Voir p. 613-618 du présent volume. [Note de l'Édition.) 268 ŒUVRES DE PASTEUR industriels qu'on y effectue : son exploitation sous ce rapport et sur une grande échelle ne date encore que des années 1867 et 1868. En outre, nos négociants ne peuvent pénétrer dans l'intérieur de l'île, où il est possible que les indigènes aient le bon esprit de continuer leurs anciennes pratiques d'éducation et de grainage (J). Cette situation ne saurait durer toujours, et, pour les personnes qui ont suivi, comme je l'ai fait depuis 1865, le développement de la maladie des corpus- cules dans les cartons du Japon, il doit être certain que ce pays finira, tôt ou tard, par nous envoyer de très mauvaises graines, et perdra lui-même sa prospérité. Le rendement moyen des cartons japonais d'importation directe, pour les éducations de 1868, n'atteindra pas L5 kilogrammes par carton, c'est-à-dire par once de graine de 25 grammes environ. L'affaiblissement des graines japonaises a été très remarqué durant la campagne de 1869. On peut se convaincre par le tableau suivant, relatif à l'examen microscopique de vingt cartons élevés en 1869, que cet affaiblissement correspond probablement à une extension de la pébrine au Japon; mais il y a lieu de croire égale- ment à une prédisposition croissante à la flacherie. Graines de vingt cartons japonais achetés sur le marché d'Alais, sans choix, ni pour les cartons, ni pour les œufs, au prix de 0 fr. 25 pièce, et examinés fin d'avril 18C>9 : NOMBRE NOMBRE NOMBRE NOMBRE d'œufs examinés ORSEHVATIONS un à un des corpusculeux un à un des corpusculeux 20 1 20 Ces cartons étaient Id. 5 Id. o revêtus des timbres les plus authenti- Id. \ Id. 3 ques, et étaient cer- Id 6 Id. 3 tainement d'impor- Id. 1 Id. 4 tation directe. Id. 0 Id. 5 Id. 0 Id. 2 Id. 'i Id. 2 Id. 0 Id. 1 Id. 0 Id. 0 Tous les cartons japonais d'importation directe élevés en 1869 étaient loin d'être aussi corpusculeux. Voici le résultat de l'examen de vingt-sept cartons japonais de bon choix mis en éducations précoces à Saint-Hippolyte Gard) en 1869 : 1. Voir, \i. 178, l'opinion du Dr Gaddi sur les graines du Japon. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 269 EXAMEN do 60 vers à L'éolosiun NOMBRE des corpusculeux sur 00 EXAMEN de On vers a l'éclosion NOMBRE des corpusculeux sur 60 1« carton 2» » 3" » 4e » 5e n 6e » 7= » 8e » 9» 10e 11° » 12e » 13* » 14« » 2 3 l 3 1 5 1 5 1 2 1 I 5 0 15e carton 16« » 17e » 18e » 19e .. 20» « 21° » 22e » 23° 2',« » 25e » 26' 27" » N'a pas éclos. 0 0 0 0 (1 II II 0 0 0 0 IJ Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que dans le nombre immense de cartons importés en France, en 1869, il a dû s'en rencontrer une multitude aussi corpusculeux que ceux du premier de ces tableaux. Le commerce des graines avec le Japon a été exagéré en 1868, à tel point qu'on n'a pas importé de ce pays en France et en Italie moins de deux millions quatre cent mille cartons ; c'est-à-dire que les arrivages ont de beaucoup dépassé la consommation possible, si l'on tient compte des graines reproduites, soit avec des éducations de graines japonaises, soit avec des éducations de graines indigènes (*). Aussi, après avoir exigé le prix de 20 à 30 francs par carton, les détenteurs de cette marchandise ont dû vendre, à la veille de la cam- pagne de 1869, sur tous les marchés du Gard et des pays séricicoles, des milliers de cartons à 10, 15, 25 et 50 centimes. D'ailleurs ces car- tons, en général d'assez belle apparence, étaient revêtus de timbres authentiques. Cette circonstance amènera sans doute une grande diminution dans l'importation des semences japonaises pour 1870. 1. Voir p. 627, 628 el 642 du présent volume. CHAPITRE III LA RÉCOLTE DES COCONS A TOUJOURS ÉTÉ FORT DÉPENDANTE DES CONDITIONS CLIMATÉRIQUES On se plaît aujourd'hui à affirmer la régularité et l'abondance de la récolte de la soie avant l'apparition de la maladie actuelle, c'est-à-dire avant 1849. La nature humaine est ainsi faite qu'elle est injuste envers le sort dans la prospérité comme dans l'infortune. Heureux, nous souffrons des moindres peines; malheureux, nous aimons à exagérer nos misères en exallant le bonheur perdu. Ecoutez les plaintes des sériciculteurs. A les entendre, de toutes les récoltes, celle de la soie était la plus sûre. Leurs échecs d'à présent sont le fait de la maladie régnante. Ils n'accusent jamais les circonstances atmosphériques ou les fautes qu'ils ont pu commettre. Cet optimisme rétrospectif est fort exagéré. Comme toutes les récoltes agricoles, celle de la soie avait ses bons et ses mauvais jours. On peut assurer même qu'elle était moins favorisée que toutes les autres, car elle avait à compter, non seulement avec les intempéries des saisons, les gelées tardives, les pluies pro- longées, les chaleurs excessives ou les froids inaccoutumés, mais encore avec le défaut de soins ou l'inintelligence des éleveurs. A l'appui de cette opinion, je vais reproduire quelques comptes rendus séricicoles, extraits d'une publication dont l'impartialité ne saurait être contestée, car elle date d'une époque où il n'était pas encore question de la maladie des vers à soie : je veux parler des Annales de la Société séricicole, Société fondée en 1837 pour la propagation et l'amélioration de l'industrie de la soie en France (1). « Les nouvelles que nous pouvons vous donner sur les récoltes de cocons de 1841 ne sont pas aussi satisfaisantes que celles des années précédentes; l'industrie de la soie est, comme toutes les industries agricoles, soumise à des chances que ne peut conjurer la sagesse de l'homme ; les éducations de vers à soie ont généralement manqué en Provence, il y a eu de grands désastres Dans les Basses-Alpes 1. Les extraits suivants sont tirés < 1 1 1 « Compte rendu des travaux de l'année », par F. de Boullenois. {Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 271 les vicissitudes de l'atmosphère ont été extraordinaires. La pluie, le froid el la chaleur se sont succédés d'une manière incroyable Nos vers sont restés faibles, petits et paresseux pendant toute l'éducation ; à la montée ils ont été affligés par toutes les maladies connues, et ceux qui sont sortis victorieux de ces épreuves sans cesse renaissantes ont manqué de force à la fin de leur tâche et n'ont filé que d'une manière imparfaite » (Annales de la Société séricicole, V, année 1841 , p. 5-24.) « l'ne circonstance fâcheuse a exercé son influence sur les éduca- tions de cette année. Je veux parler de la gelée du mois d'avril, qui a été si funeste, non seulement aux mûriers et à la vigne, mais à la plupart des arbres fruitiers Presque partout dans le Midi on a perdu la moitié et même les deux tiers des feuilles Les gelées ont été suivies de pluies continuelles, de grêle et de brouillard Dans le département de l'Isère beaucoup de propriétaires ont renoncé à faire des éducations. Le département de la Drôme a été particulièrement maltraité. Les vers n'ayant été nourris qu'avec de mauvaises feuilles ont traîné une existence languissante et n'ont donné que des cocons très légers et en très petite quantité. La perte que ce département a éprouvée est au moins des deux tiers d'une récolte ordinaire, c'est-à- dire d'environ dix à douze millions » (Annales de la Société séri- cicole, VII, année 1843, p. 5-32.) « Vous savez que la récolte de cette année a été aussi bonne que celle de l'année dernière avait été peu satisfaisante. Dans presque tout le Midi une température douce, progressivement chaude et plus égale que de coutume a favorisé le développement de la feuille de mûrier, et presque partout aussi les éducations de vers à soie ont donné les meil- leurs résultats. » (Annales de la Société séricicole, VIII, année 1844, p. 5-18.) « L'état de la température de 1845, si contraire à l'élève des vers et si fâcheux pour la plupart de nos produits agricoles, a fait ressortir avec plus d'éclat encore la supériorité des magnaneries bien ventilées et des bonnes méthodes d'éducation. Les déparlements de l'Ardèche, de la Drôme ont été les plus maltraités par l'influence de la saison. Ils ont eu a peine une moitié de récolte. Le Yar et les Bouches- du-Rhône estiment la leur aux trois quarts. Dans le Gard la récolte peut être classée dans les moyennes, et elle aurait été bonne si les éducateurs, effrayés par le froid qui se manifesta au commencement de l'éducation et arrêta la végétation des mûriers, n'avaient pas jeté beau- coup de vers » (Annales de la Société séricicole, IX, année 1845, p. 5-32.) 272 ŒUVRES DE PASTEUR « La récolte séricicole de cette année a été en général médiocre, on doit l'attribuer en grande partie à l'élévation extrême de la tempé- rature. Il est à remarquer que les grandes chaleurs sont presque aussi nuisibles à l'éducation des vers et au rendement des cocons que les pluies et l'humidité. Dans tout le Midi les cocons se sont payés très chers et ont très peu fourni à la bassine » (Annales de la Société séricicole, X, année 1846, p. 5-26.) Ainsi, sur cinq années consécutives, de 1841 à 1846, une seule, celle de 1844, a été très satisfaisante. CHAPITRE IV 1)1 RENDEMENT MOYEN DES ÉDUCATIONS DE VERS A SOIE AVANT L'ÉPOQUE DE LA MALADIE. — POSSIBILITÉ DE L'ACCROITRE Le rendement industriel des chambrées de vers à soie a toujours été fort au-dessous de ce qu'il aurait pu être théoriquement. Chacune des phases de la vie du ver a ses causes de mortalité, les unes insépa- rables de l'éducation en grand telle qu'on est tenu de la pratiquer, les autres au contraire plus ou moins à la merci du savoir de l'éleveur. Qu'au moment de l'éclosion, sur un total de trente-cinq à quarante mille œufs qui composent une once de 25 grammes de graine, il naisse dans les premiers jours et à diverses reprises quelques douzaines de vers, le mieux est de les abandonner errants sur les toiles ou sur les carions. L'affaiblissement dû à l'inanition trop prolongée fera bientôt succomber ces premiers vers, mais cette perte est préférable aux embarras de leur égalisation avec ceux des éclosions abondantes qui doivent former le gros de l'éducation. A la lin de la sortie une autre perte du même ordre se renouvelle. Aux diverses mues, à l'époque des délilages, on est contraint de sacrifier les retardataires; enfin dans une grande famille de vers à soie il y a nécessairement des avortons, des vers blessés, écrasés, etc., etc. Ce sont là autant île circonstances qui diminuent la récolte. Les soins et l'intelligence des éleveurs peuvent bien en atténuer les effets, mais non les supprimer entièrement. Dans une certaine mesure elles sont inévitables. Toutefois il ne faut pas en exagérer l'importance; aussi n'est-ce pas a leur sujet que je désire appeler l'attention. Il y a une mortalité, bien autrement désastreuse, qui depuis les temps les plus reculés de l'élève des vers à soie a frappé indistinc- tement la grande majorité des éducations. Cette mortalité, quoique considérable, est presque ignorée du plus grand nombre des magna- niers, ou du moins elle est restée en dehors de leurs préoccupations; c esl que les éducations dans leur rendemenl habituel étaient rémuné- ratrices; peu de cultures même passaienl pour plus lucratives que celle du mûrier; de la une insouciance naturelle pour le progrès, qui ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS i SOIE. |8 274 ŒUVRES DE PASTEUR s'explique d'aillant mieux que la production de la soie est entre les mains de fermiers ou de petits propriétaires en général peu éclaires. Trouvant profit à pratiquer l'élevé des vers à soie d'après les méthodes séculaires en usage dans la contrée qu'ils habitent, ils n'ont jamais attaché beaucoup d'intérêt aux améliorations dont elle est susceptible. Qu'on interroge, dans nos départements séricicoles, les hommes les plus compétents; que l'on consulte les statistiques ou les auteurs qui ont écrit sur les vers à soie, voici les chiiïres auxquels on arrive. Dans les chambrées les mieux réussies, dès que l'éducation portait sur quelques onces de graine, on retirait au maximum 20 à 25 kilo- grammes de cocons par once île 25 grammes. Le succès d'une cham- brée était remarqué quand on obtenait ! kilogramme de cocons par gramme de graine pour une éducation de 10 onces (*). l)ans ses Recherches sur /es maladies des vers à soie, publiées en 1808, Nysten (2) blâmant le peu de soins que prennent de leurs éducations les agriculteurs du Piémont, qui ne retiraient souvent que 30 livres de cocons par once de graine, et jamais au delà de 35 a 40 (3), Nysten, dis-je, s'exprime ainsi : « On doublerait les récoltes, si, à l'avantage des petites éduca- tions, on réunissait celui des soins qu'exigent continuellement les vers à soie, car dans ceux des grands établissements du département de la Drôme où les vers à soie. sont bien gouvernés, on retire généralement 60 livres de cocons par once de graine, et les propriétaires de ce département entendent si bien leurs intérêts qu'ils multiplient tous les ans leurs plantations de mûriers. » C'est bien le chiffre des bonnes réussites dont je parlais tout a 1. « Dans les meilleures réussites, on n'obtienl ordinairement que 20 à 20 kilogrammes de cocons pour 25 grammes de graine. » [Guébin-Méneville. Recherches sur la maladie des vers à soie connue sous le nom de muscardine cl sur un moyen eilii-ae.- de préserver les magnaneries de ce fléau.] Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1848. XXVII. p. 416. 2. Nysten (P.-H.). Recherches sur les maladies îles vers à soie et les moyens de les pré- venir; suivies d'une instruction sur l'éducation de ces insectes. Paris, 181)8, Imprimerie impériale, 188 p. in-8°. \Xote de l'Édition.) :!. M. Darbousse, maire de Gruviès iGard , m'a assuré de la façon la plus positive et la plus réitérée que, clans sa commune, avanl l'époque de la maladie, quand on avait 35 à 30 livres petit poids par once de 25 grammes en grande chambrée de 10 à 20 onces, la cham- brée était une chambrée réussie. Cela ne fait que 12 à 15 kilogrammes au plus par once. M. Darbousse m'a exprimé ce résultat sous cette autre forme : Quand une once faisait 4 tables (une table est une surface de 'i mètres carrés, 2 métrés sur 2 mètres . c'était beaucoup. Pour les chambrées d'une once, on avail •"> tables au plus. .l'ai écrit ces nombres sous la dictée de M. Darbousse. On voit que, du moins dans cette localité du Gard, le rendemenl moyen, avant l'époque de la maladie, était le même que relui dont parle Nysten pour le Piémont. [Note de Pasteur.) Cette note constitue la Note I) <\n » Rapport sur la mission, confiée à M. Pasteur, en 18118, relativement à la maladie dis vers ;'i soie ». Voir p. 547 du présent volume. [Note de l'Édition, i ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A son: 275 l'heure : 00 livres de 'iOi> grammes, c'est 24 kilogrammes de cocons par once de 25 grammes ' ; qu'on le remarque bien, il s'agit ici des réussites dans lev établissements les mieux gouvernés. La moyenne du rendement d'un grand nombre de chambrées, prises au hasard, élail très sensiblement moindre. En d'autres ternies, si l'on eût divisé le poids total des cocons recueillis, par exemple dans une centaine de chambrées, prises tout venant, par le nombre de grammes de graines misrs en éducation, le quotient obtenu, ou la moyenne dont je parle, n'aurait pas atteint, à beaucoup près, 20 kilogrammes. On citait dans les contrées séricicoles, comme exceptionnelles, les éducations d'une once qui avaient rendu 40 kilogrammes de cocons. Voici des renseignements statistiques qui font connaître approxi- mativement cette moyenne du rendement des chambrées avant la maladie pour la France entière. Dans le Rapport présenté à l'Académie des sciences (séance du 16 février 1857), par M. Dumas (-), au sujet d'un Mémoire de M. André Jean, il est dit que la moyenne de la production totale en cocons pour toute la France, pour huit des années les plus productives du siècle, de 1846 à 1853, a été de 24.254.050 kilogrammes de cocons. D'autre part, M. Dumas évalue à 33.000 kilogrammes, soit à 33.000 X 40 ou 1.320.000 le nombre d'onces mises à l'incubation. En divisant le premier nombre par le second, on trouve 18 kilogr. 4 pour le rendement moyen des chambrées par once de 25 grammes clans les huit années les plus productives de ce siècle. Je ferai remarquer en outre que le nombre de 33.000 kilogrammes de graines dont la France aurait besoin, d'après M. Dumas, est établi dans son Rapport sur une donnée qui rend peut- être ce nombre plutôt trop faible que trop élevé. Le rendement moyen de 18 kilogr. 4 serait donc un maximum. Persuadé que l'adoption des procédés de grainage que j'indique dans cet Ouvrage accroîtra, dans une proportion considérable, le poids total de cocons qu'on pourrait retirer d'une once de graine ' , je dois faire connaître exactement les rendements théoriques possibles comparés à ceux de la pratique industrielle. J'ai réuni, dans le tableau suivant, les nombres d'œufs contenus dans 1 gramme de graine de diverses races de vers à soie et les nombres de cocons nécessaires 1. Dans les départements séricicoles on se servait de la petite livre de 400 grammes, com- prenant 16 onces de A~> grammes. Les rapports des nombres que je eile restent les même-, si I on entend que Nysten parle de la livre de 'iX'.i ^r. -~>1 el île l'uiice de 80 gr. 59. 2. [iiiu> (J.-B.). Rapport sur un Mémoire de M. André Jean, relatif à l'améliorati les races de vers à soie. Comptes rendus de l'Académie des sciences, X.LIV, 1857, p. 276-314. de l'Édition.) stime que cet accroissement peut aller aux trois demi el au double. ŒUVRES DE PASTEUR - = - «-H • *= £ s. s. ■i. ■™ — i z C3 S •~ C a C ■^ -^ -^ "^ -^ ^ ^ ^ -^ a 60 O w ce X d 33 ai ,- O _ es -*--.-*_ ^- — i-; !>. JZ ^- ~- ~l -• X ce 00 x oc ~ OC X i ■> Y _ _ 3 co - ; = o s, jC /'. O S. 'z* -r ,_ _ ira •£> !fl <£> es 1 - ' - •d -3 :* « £ ■d Jïï s S 5 es u > c & S ^ ~ £ io o fi io K io c oc In (NOiiftOfll«*COCC c t- — x x in a> cri en iO -,- in ** ^.f io ** . r> — x ti r- ci - -- -. 1 eo ce rc ce <- " ifi o ^ s O (fi s 3 **. a r. c C > o O 0 o 0 33 ^ fi M •j! « 5 pour 100 des pertes, et réservées aux gens nécessiteux. Ils sollicitent des dégrèvements et des secours pris sur tonds spéciaux, réclamés des pouvoirs publics. A ces vieux dont l'accomplissement ressortit au ministère des Finances, s'en joignent d'autres qui s'adressent aux ministères de l'Agriculture, de la Marine el des affaires étrangères. Les éducateurs qui leur demandent des graines saines, de provenance certaine, à prix modéré, n'ignorent pas que l'Empereur a voulu personnellement qu'il lût porté par ce moyen un pre- mier remède à leurs souffrances ; que c'est aux facilités ouvertes par les ordres de Sa Majesté au commerce des graines de l'Extrême-Orient que sont dus les meilleurs succès des récoltes des années les plus près de nous. Ainsi qu'on l'a vu précédemment, les chambrées les plus favorisées depuis douze ou quinze ans sont celles dont les éducations ont reposé sur 292 ŒUVRES DE PASTEUR l'emploi de graines étrangères saines, ou pour mieux dire de provenances ■récemment exploitées. En France, la récolte la plus abondante du siècle, qui a eu lieu en 1853, provenait presque en entier déjà de graines d'Italie. En ce moment, les graines du Japon sont pour quelques parties très impor- tantes du Midi les seules qui n'aient pas échoué. Les éleveurs, témoins de ces résultats, ne peuvent se contenter d'exprimer leur reconnaissance poul- ie passé. Leurs désirs iraient plus loin pour l'avenir. Ils ne proposent pas à l'Etat de se faire collecteur ou marchand de graines, car ils savent que ce com- merce est le fait de l'industrie privée. Mais ils pensent que les Sociétés ao-ricoles pourraient être aidées par l'Etat dans leurs tentatives pour se procurer des graines authentiques du Japon ou d'ailleurs, et que leurs agents devraient être spécialement protégés. Ils demandent que le retour de ceux- ci puisse s'opérer à un jour déterminé, sur un bâtiment de l'Etat, spéciale- ment affecté à ce service. Les graines y seraient disposées de façon à être rentrées, à volonté, pendant la traversée, dans l'intérieur du navire, en cas de mauvais temps, reportées sur le pont, au contraire, et visitées dès que le temps le permettrait. Ces conditions, indispensables au succès, l'expé- rience l'a démontré, et sans lesquelles les graines arrivent toujours plus ou moins altérées, sont inadmissibles pour des bâtiments du commerce chargés de marchandises quelconques et de passagers de toutes professions; elles ne peuvent se réaliser que sur un navire de la marine impériale. L'intervention de l'État consisterait donc : 1° à assurer aux collecteurs de graines la protection spéciale des consuls ; 2° à fournir des bâtiments pour le transport des graines, du lieu d'origine en France. Les Sociétés agricoles, de leur côté, feraient les frais des expéditions, en choisiraient les agents, vérifieraient l'état des graines à leur arrivée, les placeraient sous la recommandation de leur estampille, et procéderaient à leur vente, sous leur seule responsabilité. Bien entendu qu'avant d'accré- diter les agents des Sociétés agricoles, les préfets et les autorités locales se seraient assurés qu'il s'agit d'une expédition d'intérêt public et non d'une spéculation commerciale, et que par conséquent le transport gratuit effectué par les navires de l'État profiterait à l'éleveur seul et non à un intérêt privé. Ces vœux n'ont rien qui ne soit réalisable ; le concours des agents consulaires n'a jamais fait défaut à notre industrie séricicole et celui de noire marine lui est acquis. Ce sont donc seulement des mesures de pré- voyance à combiner et à prendre en temps utile par l'État pour désigner les bâtiments de retour propres au transport des graines, et c'est en ce sens seulement que le renvoi au ministre de la Marine doit être compris. Mais l'indispensable nécessité des moyens dont il dispose et l'importance de leur rôle conduisent les pétitionnaires à déclarer qu'à leur avis c'est lui qui tient dans ses mains la saine récolte des années que nous allons tra- verser, si rien ne modifie la situation d'une manière favorable en Europe. Les pétitionnaires réclament une étude nouvelle, systématique et pra- tique à la fois, de, la maladie, de son origine, des conditions de sa propa- gation et des moyens de la combattre. Constatons d'abord qu'ils enregistrent avec un sentiment de profonde •V A •' P ; ÉTUDES S l II I.A MALADIE DES VERS A SOIE 293 reconnaissance les soins que le Gouvernement de l'Empereur, l'Académie des sciences et la Société d'encouragemenl pour l'industrie nationale ont accordés à cette étude. Des missions, des enquêtes confiées aux savants et aux praticiens les plus compétents, des éducations expérimentales tentées sur tous les points, des magnaneries spéciales consacrées à des renseigne- ments permanents, des Rapports développés résumant les travaux des Commissions les plus attentives, un traité complet enfin à la composition duquel s'est dévoué un naturaliste éminent, M. de Quatrefages, œuvre provoquée par l'Académie des sciences et publiée par ses soins ('), sous la présidence de notre illustre collègue M. le maréchal Vaillant, dont le zèle pour ce grand intérêt s'est montré sans limites, voilà en effet de nombreuses preuves de sollicitude. Mais les pétitionnaires, dont votre rapporteur a entendu les délégués, craignent que leur misère, en se prolongeant et en s'aggravant, n'ait porté le découragement dans l'esprit des protecteurs qui s'étaient, dès l'origine de la maladie, dévoués à leur cause. Us craignent surtout qu'une maladie qui avait excité tant de généreux efforts, lorsqu'elle se présentait cir- conscrite à certaines contrées, ne semble désormais au-dessus des forces de la science et de l'Administration, depuis qu'elle s'est répandue, pour ainsi dire, dans le monde entier. Ils verraient donc avec une profonde reconnaissance qu'une Commission spéciale fût constituée en permanence auprès du ministère de l'Agriculture. Elle serait chargée de recueillir en France, en Europe et dans les pays d'outre-mer toutes les informations relatives à l'élève des vers à soie, de préparer les instructions de nature à diriger les agents des Comités sérici- coles, de déterminer la nature des expériences à entreprendre, enfin de discuter toutes les mesures commandées par la situation au point de vue de l'hygiène. En centralisant les efforts, cette Commission préparerait l'entente des préfets des départements où l'on s'occupe de la récolte de la soie, car il peut devenir nécessaire, en effet, que des précautions simultanées soient concertées et mises en vigueur. o On a fait remarquer, au commencement de ce Rapport, que c'est le ver à soie qui est malade et point le mûrier. Non que le mûrier n'ait été accusé de dégénérescence ou de maladie, mais on n'en a jusqu'ici administré aucune preuve. La maladie du ver, au contraire, s'observe à toutes les phases de sa vie : œuf, ver, chrysalide, papillon ; elle peut se manifester dans tous les organes. D'où vient la maladie ? on l'ignore. Comment ..." ^ s inocule-t-clle .' on ne le sait. Mais son invasion se reconnaît à des taches brunes ou même noirâtres, qui se voient à l'œil nu, et par des corpuscules vibrants qu'on observe au microscope dans les tissus tachés et dans les liquides qui les baignent. 1. Quatrefages A. de). Études sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, 382 p. in-4» (6 pi col. et Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut impérial de France, XXV 1860, p. 3-382. — Nouvelles recherches laites en 1859 sur les maladies actuelles du ver à soie. Pans, 1860, 120 ]p. in-4°, et Mémoires de l'Académie des sciences de l'Institut impérial deFrance, XXX. 1860, p. 521-640. Voir ausM. pour l'historique, le chapitre II de l'Introduction, p. 23-39 du présent volume. e de l'Édition.) 29'. ŒUVRES DE PASTEUR La production de ces corpuscules ou de ces animalcules microscopiques envisagée au point de vue de leur origine nous ramène aux mystères de la génération des êtres. Leur propagation nous rejette dans les incertitudes qui entourent l'apparition des épidémies, des épizooties et de la plupart des maladies contagieuses ou transmissibles par voie d'hérédité. Cependant, sans prétendre à résoudre ces problèmes obscurs, on s'est demandé si la sériciculture, depuis longtemps livrée à elle-même, sous le point de vue de la police, ne serait pas victime de la tolérance absolue dont elle jouit ; des mesures d'hygiène dont on a reconnu la nécessité pour prévenir la diffusion de toutes les maladies contagieuses ne pourraient- elles pas être utilement essayées aussi à son occasion ? On abat les animaux atteints de la morve ; on isole les bestiaux malades «le la péri- pneumonie contagieuse : ces rigueurs qui sont acceptées par l'agri- culture quand il s'agit des chevaux ou des bêtes à cornes, lui paraîtraient- elles plus inopportunes lorsqu'elles s'appliqueraient aux vers à soie? Votre Commission n'aurait pas qualité pour résoudre de semblables questions. Elle doit se borner à dire qu'en présence d'un mal aussi funeste que celui qui atteint la sériciculture, il lui paraît indispensable, en effet, que la science soit consultée de nouveau et que les plus larges moyens d'investi- gation soient mis à sa disposition. Les études auxquelles on s'est livré depuis quelques années en France et en Allemagne ont jeté un jour inattendu sur la génération des parasites, souvent microscopiques, qui vivent aux dépens des animaux peu volumineux. Leur transmission d'un être il l'autre par des œufs ou spores d'une ténuité extrême et d'une diffusion prodigieuse a été constatée. On a mis hors de doute que des maladies mortelles pour l'homme, les animaux et les plantes n'avaient souvent pas d'autres causes ni d'autre origine. C'est tout un monde nouveau qui s'est ouvert aux médi- tations et aux études de la science de la vie et de Fart de guérir. S'il en était ainsi de la maladie îles vers à soie, s'il fallait en fane remonter la cause et l'origine à l'inoculation de ces vibrions qui ont été signalés dans les tissus de tous les vers atteints, on serait conduit, sans remonter à leur origine première et en s'inquiétant seulement de leur transmission et de leur propagation, à demander, en effet, que des mesures de salubrité fussent concertées par les autorités des départements sérici- coles. L'assainissement et la désinfection des localités ayant servi à élever des vers qui auraient succombé à la maladie; l'enfouissement ou la destruction des restes, des déjections, des résidus de tout genre provenant de l'éduca- tion manquée. pourraient être jugés indispensables, fallût-il que, dans certains cas, et pour les petites magnaneries, on fit exécuter les opérations d'assainissement aux frais de la commune. Le Sénat ne trouvera pas que ceux des pétitionnaires qui ont envisagé comme suffisamment justifiées ces conséquences de la maladie dont souffrent leurs récoltes aient été trop exigeants, s'il veut bien considérer : 1° que, livrée à elle-même, la maladie, depuis ses débuts qui remontent à dix-huit ou vingt ans, n'a fait que s'envenimer et s'étendre ; 2" que son aggravation, après avoir ruiné les éleveurs du Midi, deviendrait déplorable pour nos manufactures de soieries à leur tour; 3" que le commerce de la France lui- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 295 même, où les objets de goût prennent une part si importante, en serait atteint. Lorsque le midi de la France produisait pour L4 millions de cocons, au commencement du siècle, Lyon mettait alors en mouvement 1 1.000 métiers; il v a vingt ans. une production de 50 millions de cocons correspondait à 38.000 métiers lyonnais en activité; en 18515, enfin, l'année où la séri- ciculture française, exerçant son dernier effort, produisait pour 117 millions, Lyon ne comptait pas moins de 72.000 métiers occupés. On n'a pas besoin de préciser la situation actuelle, tout le monde sait quelles sont les souf- frances de la fabrique lyonnaise. La solidarité est naturelle, elle semble complète entre les intérêts de la sériciculture, ceux de la fabrique et ceux du commerce. Tout ce qui viendra en aide aux agriculteurs sera donc également secourable aux ouvriers lyonnais et au commerce parisien qu'on n'en peut point séparer. Il serait même d'une grande importance, à ce point de vue, que Lyon et Paris fussent représentés dans la Commission qui serait chargée d'étudier la maladie des vers à soie. Eclairé sur la vérité de la situation, le commerce de ces deux grandes cités trouverait dans ses relations étendues et dans ses capitaux des ressources que les infortunés paysans, métayers et magnaniers des montagnes du Midi, ne soupçonnent même pas. 11 reste a votre Commission à apprécier en quelques mots les procédés indiqués par quelques-uns des pétitionnaires, soit pour retenir la popula- tion découragée dans les communes d'où elle émigré, soit pour maintenir à leur valeur des terres qui sont dépréciées au delà de toute expression dans certaines de nos contrées séricicoles. Les pétitionnaires font remarquer qu'il existe des projets pour le reboi- sement des montagnes, la régularisation des cours d'eau, l'ouverture de voies de communication tant ordinaires que ferrées, dont l'exécution intéresse les localités qu'ils habitent. Ils demandent si l'ouverture de ces travaux ne pourrait pas être promptement ordonnée ; elle offrirait à la population des chantiers où elle trouverait à s'occuper dès cette année et qui. en assurant son existence, la retiendrait dans son pays natal. Plus tard, elle en aura disparu et il faudra pour accomplir ces mêmes travaux y appeler des ouvriers nomades qui ne s'y fixeront pas. Ces considérations sont surtout présentées par les éducateurs des Cévennes et des pays de montagne. Les propriétaires de terres à mûriers des environs d'Avignon et des pays de plaine en font valoir d'une autre nature. Ils demandent si l'Administration des finances ne pourrait pas autoriser la culture du tabac dans les terres qui deviendraient libres par l'arrachage des mûriers. Ils espéreraient trouver dans les profits de cette culture une compensation aux pertes qu'ils ont subies et à celle qu'entraînerait la des- truction de leurs mûriers. Votre Commission pense que le Sénat doit se montrer sympathique au premier de ces vœux, et qu'il doit être un peu plus réservé à l'égard du second. Ouvrir sur place des chantiers de travaux publics serait d'un excellent effet, tant pour faire vivre la population ouvrière que pour l'empêcher 296 ŒUVRES DE PASTEUR d'émigrer; cette mesure tendrait à conserver les mûriers dans un pays de petite culture où la propriété est assez divisée, où chacun possède un coin de terre avec quelques mûriers qu'il ne détruira qu'à la dernière extré- mité. Au contraire, une décision, tendant à remplacer la culture du mûrier par celle du tabac, provoquerait l'arrachage des mûriers. Votre Commission est convaincue qu'il n'y a pas lieu de désespérer de l'industrie séricicole, qu'il y a moyen de la sauver, qu'il faut y tendre avec sollicitude et persé- vérance, qu'elle ne doit pas s'abandonner elle-même; elle conseillerait donc au ministère des Finances, s'il est conduit à donner des licences pour la culture du tabac, à les réserver du moins pour les localités où, de l'aveu même des praticiens éclairés, il n'est pas bon cjue l'éducation des vers à soie se maintienne, et où les premiers symptômes de la maladie se sont manifestés il y a vingt ans. En résumé, Messieurs les Sénateurs, votre première Commission reconnaît l'extrême gravité de la maladie qui détruit les vers à soie et qui, après avoir atteint successivement les graines de France, d'Italie, d'Espagne, de la Grèce, de la Turquie et de l'Asie, oblige les éleveurs à demander pour leur récolte de chaque année des graines à l'Extrême-Orient et particulièrement au Japon. Elle constate le dommage immense qui résulte pour le commerce de la France de la diminution que sa production en soie a éprouvée depuis huit ou douze ans, la perte de travail que l'industrie lyonnaise en subit, la ruine imminente des magnaneries du Midi, la dépréciation des biens ruraux et l'émigration de la population des campagnes, qui en sont la conséquence. Elle rappelle que les pétitionnaires sollicitent essentiellement du Gou- vernement : 1" une petite modération d'impôt par une mesure spéciale ; 2" des moyens de transport à leur usage pour amener du lieu d'origine jusqu'aux ports français les œufs de vers à soie en bonne condition ; 3° l'ouverture de chantiers de travaux publics destinés à venir en aide aux ouvriers de la sériciculture dans ces contrées en détresse ; 4° une étude nouvelle, centralisée et permanente, des causes et conditions de la maladie, des moyens de la combattre et de la prévenir; les mesures d'hygiène privée ou publique à conseiller ou à prescrire, si son caractère contagieux paraît suffisamment établi. Votre Commission est d'avis qu'il n'y a rien dans ces demandes qui excède les moyens dont le Gouvernement de l'Empereur peut disposer pour atténuer des désastres déjà bien étendus, qui menaceraient, par leur aggravation ou leur durée, le travail des soies, dans son ensemble, l'une des meilleures sources de la prospérité du pays, d'une ruine ou du moins d'un appauvrissement certain. En conséquence elle a l'honneur de vous proposer de renvoyer la péti- tion des trois mille cinq cent soixante-quatorze maires, conseillers muni- cipaux et propriétaires fonciers des départements du Gard, de l'Ardèche, de 1 Hérault et de la Lozère, ainsi que celle du sieur Limagne, aux ministres des Finances, de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, de la Manne et des Colonies et des Affaires étrangères. (Marques nombreuses d'approbation. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 297 Le Rapport précédent donna lieu devant le Sénat aux observations sui- vantes : M. LE général marquis i)' 1 1 autpoul. Messieurs, il n'y a pas grand'chose à dire après le discours que vous venez d'entendre. La science profonde du rapporteur, qu'il vient de mettre en pratique dans l'exposé lucide et rapide en même temps qu'il a fait, ne me donne pas de place pour traiter la question scientifique. Je demanderai seulement la permission d'ajouter à ce que vous venez d'entendre quelques observations pratiques. Je sais qu'il n'est pas de bon goût de parler de soi ; mais cependant, éducateur sur une assez grande échelle, douze ans frappé comme beaucoup d'autres des ell'ets de la contagion qu'on appelle gattine, et pourtant décidé à ne pas abandonner la culture du mûrier ni l'éducation des vers à soie, mais préoccupé surtout de remédier au mal, je viens vous prier de m'accorder quelques minutes pour vous faire part de mes sérieuses observations au sujet de ce que je crois utile pour combattre ce fléau. (Très bien! très Lien !) Messieurs, jusqu'à présent, les éducateurs de vers à soie ont lrappé à toutes les portes pour avoir de la graine, ils en ont demandé partout. Cette graine est arrivée en France ou falsiliée ou portant en soi un prin- cipe morbide, d'où il est résulté que les graines venues de l'Orient ou de l'Occident ont été toutes frappées de stérilité. Ce qu'il v a de fâcheux pour les éducateurs, c'est que cette maladie terrible, la gattine, pour l'appeler par son nom, ne se fait connaître qu à la lin de l'éducation ; de telle sorte que lorsque tous les frais sont terminés et que l'éducation est presque complète, lorsque l'éducateur, le malheureux paysan (car le fléau frappe sur toutes les classes) est au moment d être rémunéré de ses dépenses, de ses travaux, de tous ses soins, il voit ces animaux, qui ordinairement montent sur les rameaux, tomber sur le dos, les pattes en l'air, et mourir. Voilà la situation de tous les éducateurs de vers à soie et les consé- quences de ce malheureux fléau qui désole tous les pays où on s'occupe de cette industrie. Il n'y a qu'un seul remède, et, sur ce point, je suis d'accord avec 1 honorable rapporteur. Je ne crois pas que les mûriers soient malades et leurs feuilles insalubres. A l'appui de cette opinion, je fournirai une preuve évidente, c'est que dans une même chambrée, avec la même nourriture donnée aux mêmes heures, avec les feuilles provenant du même mûrier, certains vers réus- sissent, tandis que d'autres meurent. S'il y avait un principe morbide dans la feuille, tous mourraient également. Quand on mange à la même table ■d'un mets empoisonné, tous ceux qui en mangent succombent. 11 y a donc ici une autre cause. Pour remonter à la cause, il faut cher- cher naturellement la provenance des graines. Celles que nous avons tirées de la Turquie, de l'Asie Mineure, de la Roumélie, de l'Italie, de l'Kspagne ont eu toutes le même sort. Nous avons frappé en Chine: notre représentant, M. de Montigny, alors consul général de France, a mis beaucoup de bonne volonté à envoyer des 298 ŒUVRES DE PASTEUR graines, mais ces graines ont mal réussi, elles n'ont pas bien profité. Ce n'est que l'an dernier que la Société impériale d'acclimatation a eu la bonne, l'heureuse pensée de s'adresser au Japon. Autrefois il y avait la peine de mort au Japon pour ceux qui exportaient de la graine. Depuis que les Européens y ont pénétré, et surtout depuis que le drapeau français y a été arboré sur plusieurs points, les autorités de ce pays sont devenues plus traitables. Cette restriction a été levée. Il est permis maintenant d'acheter de la graine de vers à soie au Japon. L'année dernière, la Société impériale d'acclimatation en a fait venir 100 onces; or, l'once peut produire, dans les bonnes années, environ 50 kilogrammes de cocon. Ainsi un certain nombre d'onces correspond déjà à une éducation assez considérable. Cette quantité de graine a été distribuée, mais à un prix un peu cher, dans les pays séricicoles; elle a été payée jusqu'à 20 francs l'once, ce qui est un prix trop élevé. Excusez-moi, si je suis encore obligé de faire intervenir ma personne, mais j'en ai acheté moi-même, et ce qui est arrivé sous mes yeux est encore une fois une démonstration évidente que la maladie tient à la graine et non pas à la feuille. J'ai des magnaneries assez considérables, j'élève plusieurs espèces de graines, eh bien ! toutes celles qui ne proviennent pas du Japon sont malades. L'éducation n'est pas terminée, elle ne le sera que vers le 15 de ce mois; mais on voit d'ores et déjà l'aspect de ces pro- duits : les vers d'une autre provenance que le Japon sont tous malades et n'offrent aucune espèce de ressources, tandis qu'au contraire ceux du Japon sont magnifiques, pleins de vie, de santé et de vigueur, et promettent les plus heureux résultats. Que faut-il conclure de là? que la maladie est dans la graine et non pas dans les feuilles, puisque tous les vers mangent à la même table, et que c'est la feuille du même mûrier que les uns et les autres consomment tous les jours. La conséquence de ce fait est que le Gouvernement doit, comme l'a dit M. Dumas, encourager, par tous ses efforts, l'arrivée en France de la graine du Japon. C'est la seule bonne jusqu'à présent, la raison en est toute simple : le Japon est le seul pays où la gattine n'a pas été connue ; elle l'est en Chine, mais elle ne l'est pas au Japon. Voilà pourquoi cette graine, parfaitement pure, donne tout espoir de réussite. Je voudrais donc, d'accord avec le rapporteur et la Commission, que le Gouvernement prêtât tout son concours à l'introduction des bonnes graines. Je ne m'occuperai pas des détails d'exécution : c'est au Gouvernement, soit par des bâtiments de l'Etat, soit par tout autre moyen, de faciliter l'arrivée d'une quantité considérable de graine du Japon et à un prix moins élevé. L'éducateur, le paysan surtout, ne peut pas payer 20 francs une once de graine. Le prix normal est de 4 à 5 francs, c'est donc quatre à cinq fois sa valeur. C'est beaucoup trop cher pour un homme pauvre qui cherche dans l'élève de la graine une amélioration à sa position, mais qui ne peut pas mettre beaucoup de capitaux dehors. Ainsi, en renvoyant cette pétition, je voudrais que cette considération touchât plus particulièrement le Gouvernement et qu'il prit tous les moyens ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 299 pour faire venir du Japon le plus de graines qu'il pourra à des prix modeics. Je ne demande pas que le Gouvernement se lasse marchand de graine, mais qu'il fournisse des bâtiments, qu'il donne des instructions à nos consuls à ce sujet. Quant à moi, je convertirai en graine tous les vers à soie de celte année, et comme j'espère la réussite, j'aurai plusieurs centaines d'onces que je mettrai à la disposition des éducateurs à un prix très modique, au prix, s'il est possible, où était autrefois la graine. Si j'ai pris la parole, c'est pour appuyer le quadruple renvoi proposé par la Commission. J'étais bien aise de donner ces éclaircissements; pour confirmer la preuve que ce n'est pas le mûrier, mais la graine, qui, par suite de sa provenance, cause la mort de ces malheureux insectes. (Mou- vement très marqué d'approbation. M. le président. M. le commissaire du Gouvernement a la parole. M. CoiiNUDET. commissaire du' Gouvernement. Messieurs les Sénateurs, après le Rapport si complet et si savant de l'illustre rapporteur, après les observations pleines d'intérêt qui viennent de vous être soumises par l'honorable marquis d llautpoul, je n'ai que peu de mots à dire, mais il est peut-être utile que ce peu de mots soit dit. Et d'abord je m'empresse de déclarer que non seulement le Gouvernement ne s'oppose pas le moins du monde au renvoi des pétitions, mais qu'il prend volontiers l'engagement d'étudier de très près et avec un très grand soin, je ne dirai pas la situa- tion calamiteuse des populations du Midi qui se livrent à la production de la soie, — car cette étude est suivie depuis longtemps avec une grande solli- citude et la plus scrupuleuse attention par l'Administration, — mais les moyens pratiques qui sont indiqués avec tant d'autorité par notre éminent rapporteur pour remédier au mal qui désole nos contrées du Midi. Il est cependant bon que le commissaire du Gouvernement insiste sur une observation déjà faite d'ailleurs par l'honorable rapporteur. C'est que le Gouvernement se préoccupe depuis longtemps de ce mal, et qu'il n'a rien négligé jusqu'ici pour y remédier. J'ai entre les mains une Note de l'Administration qui prouve que le Gou- vernement a multiplié les encouragements pécuniaires aux établissements qui se livrent à la production des graines perfectionnées, qu'il a multiplié aussi les encouragements à ceux qui sont allés chercher des graines au Japon, en l'erse et en Chine. Le ministre du Commerce a sollicité de son collègue M. le ministre des Affaires étrangères l'appui de nos agents diplo- matiques pour les personnes qui se sont rendues à l'étranger dans ce but. Il a obtenu pour ces personnes de M. le ministre de la Marine le passade gratuit sur les bâtiments de Frétât. Enfin, rien n'est négligé, soit en France, soit hors de Fiance, pour seconder les efforts et les travaux de nos éduca- teurs. De son côté, M. le rapporteur n'a pas oublié une circonstance importante. M. le ministre des Finances a fait tout ce que la loi lui permettait de faire pour assister les malheureux cultivateurs affligés par le fléau ; il leur a donné et a autorisé MM. les préfets à leur donner tous les secours, tous les 300 ŒUVRES DE PASTEUR allégements d'impôts que l'état île la législation permettait de leur accorder. J'ai une seconde observation à soumettre au Sénat, elle a aussi son importance. L'Administration a bien voulu me confier le Rapport d'un inspecteur spécial envoyé par M. le ministre du Commerce, pour étudier de près et sur place la situation des départements qui se livrent à la produc- tion de la soie, et il résulte de ce Rapport émané d'un homme très compé- tent que le mal tend à diminuer. On ne connaît pas encore le résultat de la récolte de 1865, les éducations ne sont pas encore terminées, comme vous le disait tout à l'heure l'honorable marquis d'Hautpoul, mais la production de l mil- I' Il DES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 301 lions de lianes, en L863 elle s'est élevée à nue valeur de 314 millions; mais le prix axant augmenté dans des proportions considérables, celte augmen- tation de la valeur importée ne prouve pas une augmentation dans la quan- tité. D'autre part, l'exportation de nos matières premières pour la fabrica- tion des étoiles de soie, qui était de 30 millions en 1855, est aujourd'hui de 97 millions. Je fais ici la même observation que tout à l'heure : l'aug- mentation de la valeur exportée ne prouve pas, à cause de la variation des prix, qu'on ait exporté une plus grande quantité. En résumé, ces chiffres prouveraient que l'industrie de la fabrication des étoiles de soie n'a pas autant souffert que nos malheureux producteurs. Je ne les cite pourtant pas, loin de moi cette pensée, pour infirmer les observations si justes et si sages de votre éminent rapporteur. Je n'ai pas eu d'autre pensée que celle-ci : prévenir des alarmes exagérées et le décou- ragement qui en résulte. J'ai voulu montrer d'abord que le Gouvernement faisait tout au monde pour obvier au mal si douloureux dont souffrent nos contrées du Midi. J'ai voulu aussi contribuer pour ma part au but que s'est proposé M. le rapporteur, encourager ces malheureuses populations dont il nous a peint la détresse, leur montrer que le mal, tout grand qu'il est, n'est pas cependant désespéré, et qu'avec l'aide du Gouvernement, qui ne négligera rien pour les secourir, si elles ne s'abandonnent pas, elles arri- veront prochainement à une situation meilleure. Mes observations n'ont pas eu d'autre but que de provoquer chez elles plus de courage, d'énergie et de confiance en elles-mêmes, ainsi que dans la vitalité de l'industrie séricicole dans notre pays. .Marques d'approbation.) M. Dumas, rapporteur. Je ne puis me dispenser, Messieurs, de vous donner connaissance d'un renseignement qui m'est arrivé aujourd'hui même. Il vient tellement à l'appui des conclusions que la Commission a adoptées, et il concorde si parfaitement avec les opinions qui ont été énon- cées tout à l'heure, que je croirais manquer à mon devoir vis-à-vis des populations du département du Gard, qui me l'ont transmis, si je ne le plaçais sous les yeux du Sénat. Voici ce que M. le président du Comice agricole d'Alais m'écrit aujour- d hui même : « On peut dire d'une manière générale que toutes les graines de repro- duction indigène, après deux ans de perfectionnement, ont échoué. <( Les graines du Japon, de première importation et de provenance authentique, ont seules donné un résultat vraiment satisfaisant. « Mais l'approvisionnement de cette bonne graine ayant été infiniment au-dessous des besoins des éducateurs, la récolte se trouve être la plus mauvaise qu'on ait eue depuis quinze ans. Elle atteint à peine un vingtième d'une récolte moyenne. « Le fonctionnement des filatures sera extrêmement réduit, le travail manquera pour un très grand nombre d'ouvrières, et la matière première, pour nos fabriques de soieries, montera à un prix exagéré, surtout si le débouché de l'Amérique vient à se rouvrir. « Quant à la situation des propriétaires qui vivent de la culture du mû lier, elle est déplorable. La majeure partie des terres à mûrier ne pro- 302 ŒUVRES DE PASTEUR duiia pas le montant de l'impôt payé ou à payer en 1865. » (Mouvement.) Il est inutile d'ajouter quoi que ce soit après les observations qui ont été présentées. M. le pnÉsiDENT. 11 n'y a pas d'opposition aux conclusions de la Com- mission ? Je les mets aux voix. (Le renvoi au ministre des Finances, au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, au Ministre de la Marine et des Colonies et au ministre des Affaires étrangères est ordonné.) Les vœux du Sénat ne tardèrent pas à être pris en considération par le Gouvernement. M. Béhic, ministre de l'Agriculture, du Com- merce et des Travaux publics, adressa à l'Empereur le Rapport suivant. RAPPORT A L'EMPEKEUR, PAR M. BEHIC, MINISTRE DE L'AGRICULTURE, l'i: COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS I1 . Paris, le 19 juillet 1860. Suie, A la suite de la récolte exceptionnellement abondante que l'industrie séricicole obtint en 1848, une maladie, déjà anciennement connue suivant les uns, nouvelle selon l'opinion d'autres personnes, frappa nos races de vers à soie, et prenant un caractère épidémique, se propagea avec une rapi- dité désespérante, non seulement en France, mais dans toutes les contrées séricicoles de l'Europe et même d'une portion de l'Asie. Les ravages occasionnés par cette maladie, appelée gattine, étisie ou pébrine, ont été tels, que la production normale des cocons, en France, évaluée dans les années ordinaires à plus de 100 millions de francs, est tombée en 1863 et 1804 à 34 millions, dont il faut encore retrancher 10 millions pour le prix des achats de graines que nos éducateurs ont dû l'aire à l'étranger, alors qu'auparavant ils les produisaient eux-mêmes. Le mode de propagation de la pébrine, la bizarrerie de sa inarche, son invasion soudaine, ses préférences comme ses répulsions inexplicables, riaient de nature à dérouter l'expérience des praticiens comme la science des théoriciens. I)es efforts énergiques furent néanmoins tentés pour conjurer le mal. Dès sou apparition, le Gouvernement prêta son concours empressé à toutes 1. Moniteur universel, n° '.'ni, 20 juillei 1865, p. 1045. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 303 les expériences et prit l'initiative de toutes les mesures propres à diminuer les ravages du fléau. Des Commissions de sériciculteurs éminenls furent constituées dans les départements de 1 Ardèche, du Rhône, des Basses-Alpes, des Bouches-du-Rhône, pour y faire fabriquer, avec l'aide des subventions de l'Etat, d'après les meilleures méthodes, des graines de vers à soie, avec lesquelles on espérait arrêter la maladie. Les graines ainsi obtenues étaient vendues à prix réduit, par quantités de 25 grammes au plus. Des essais d'éducations précoces furent encouragés par l'Administration, afin de con- stater à l'avance la valeur des graines de différentes provenances et de déter- miner celles dont l'éclosion régulière présentait des chances sérieuses de réussite. Parmi les pays producteurs de la soie, nos voisins les plus immédiats se trouvant, eux aussi, atteints par la gattine, une enquête eut lieu par les soins du minisire des Affaires étrangères, afin de connaître les contrées où nos éducateurs pourraient trouver des graines de bonne qualité et exemptes du mal qui ruinait nos magnaneries. Grâce à ces recherches, plusieurs pavs offrirent, pendant deux ou trois années, des ressources précieuses, qui devaient être de comte durée. L'Académie des sciences s'émut aussi de la situation désastreuse contre laquelle luttaient en vain nos éducateurs. L'examen des questions relatives à l'étisie fut confié à une Commission spéciale nommée par elle. En 1858, une Sous-Commission fut désignée pour étudier sur place les symptômes du mal. Mon honorable prédécesseur mit à sa disposition tous les docu- ments que l'Administration possédait, et invita les préfets des départements intéressés à lui faciliter l'accomplissement de sa mission par tous les movens en leur pouvoir. A la suite de deux vovages entrepris dans le Midi, en 1858 et 1859, M. de Quatrefages, rapporteur, publia des travaux importants sur la nature de la maladie, sur les causes qui en accroissent la gravité et sur les moyens de la combattre (4). Pendant que ces recherches se poursuivaient en Erance, qu'une enquête avait lieu à l'étranger par les soins de nos agents diplomatiques et consu- laires, profitant de l'occasion favorable offerte par notre expédition de Chine, l'Administration, en 1860, envova dans ce pays M. Eugène Simon, qui devait surtout étudier les questions relatives à l'éducation des vers à soie en Chine et au Japon. Dans le courant de l'année L863, M. Onesti, de Vicence, fit proposer au ( '.ouvernement français l'achat d'un procédé destiné, selon lui, à combattre avec certitude la pébrine. Malgré des doutes, qui ne se sont que trop justifiés, et pour ne négliger aucune occasion possible d'atténuer en quelque sorte les désastres dont souffraient nos populations méridionales, le ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, stipulant au nom de l'Etat, signa avec M. Onesti un traité par lequel il s'engageait, dans le cas seulement où l'efficacité du procédé serait reconnue, à solliciter une indemnité de 500.000 francs en faveur du sériciculteur italien. Des expériences eurent 1. Qi vire! v ies \- de). Loi-, cit. \'"tf >//• l'Éditit ' 304 ŒUVRES DE PASTEUR lieu clans douze départements. A l'unanimité, une Commission centrale constituée près du ministère de l'Agriculture pour recueillir et juger les résultats obtenus déclara le procédé absolument inefficace. Cette année, par suite de l'heureuse issue des démarches faites par le ministre de Votre Majesté au Japon, dix mille cartons de graines de vers à soie de la meilleure qualité et d'une origine sûre furent expédiés en France et vendus aux enchères dans les principaux départements séricicoles, par les soins et l'entremise de la Société impériale zoologique d'acclimatation qui prit l'opération pour son compte. Le Gouvernement ne devait pas intervenir directement, et la Société fournit ainsi à nos sériciculteurs les seules graines qui aient réussi en 1865. En dehors de ce succès, il faut le reconnaître, Sire, tous les efforts tentés, soit par l'Administration de l'agriculture, pour secourir l'industrie séricicole en détresse, soit par les savants ou les praticiens, sont restés jusqu'ici impuissants. En 1863 et 1864, la pébrine parut subir une sorte de transformation et entrer dans une période de décroissance. On constata une diminution sen- sible dans les pertes et le retour des anciennes maladies qui, depuis l'inva- sion, avaient presque complètement disparu. Mais la récolte de 1865 a fait évanouir les espérances que celle de 1864, notamment, a fait naître, et nos éducateurs découragés ont adressé au Sénat une pétition signée de trois mille cinq cent soixante-quatorze maires, conseillers municipaux et propriétaires fonciers des départements de l'Ardèche, du Gard, de l'Hérault et de la Lozère, où ils exposent la situation pénible dans laquelle se trouvent les sériciculteurs. Le Sénat, sur le Rapport présenté par l'honorable M. Dumas, a accueilli cette pétition et l'a renvoyée h mon examen et à celui de mes collègues des Finances, des Affaires étrangères, et de la Marine et des Colonies. Toutes les recherches faites jusqu'ici ont, il est vrai, échoué; mais il serait possible que la réunion des hommes les plus versés dans les hautes études de la science, en coordonnant toutes les observations déjà faites, fit découvrir de nouvelles données, à l'aide desquelles on pût vaincre ce mal, comme on a déjà triomphé de l'oïdium, de la pyrale et d'autres fléaux dont gémissait notre agriculture. Une question, notamment, pourrait être élucidée avec succès, celle du grainage industriel, qui, dans l'opinion d'hommes très compétents, serait l'une des causes les plus sérieuses de la persistance et de la propagation du mal. Pour ceux qui considèrent le grainage industriel, le grainage en grand, comme la plaie la plus profonde de la sériciculture, ils ne voient de salut que dans le grainage domestique. A leur avis, tout ce que l'on tentera en dehors de cette dernière voie ne pourra procurer qu'une amélioration passa- gère. Le grainage industriel, disent-ils, détermine la maladie et en favorise le développement dans tous les pays, même les plus éloignés, où il va opérer; et au moment où le Japon vient d'être ouvert à nos éducateurs, ils craignent qu'au lieu de se borner, comme cela a eu lieu en 1864, à acheter aux indigènes les graines qui ont fait, seules, le salut des éducations de L865, les personnes qui exercent en grand l'industrie du grainage ne conti- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 305 nuenl dans ce ]>a\s des pratiques qui détruiront cette dernière et précieuse ressource. Les procédés d'éducation eux-mêmes sont l'objet de critiques sérieuses : tes méthodes présentées comme les meilleures ont offert souvent de graves mécomptes : on demande des lors que la science vienne éclairer des ques- tions qui touchent à des intérêts aussi considérables. Aussi, d'après toutes ces considérations. Sire, et en m'appuyant sur l'avis du Sénat, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté de vouloir bien auto- riser la nomination d'une Commission dont les travaux auraient pour objet de rechercher les causes qui ont amené et prolongé la situation actuelle de l'industrie séricicole; d'apprécier la valeur des systèmes d'éducation des vers à soie pratiqués en France et à l'étranger ; de donner son avis sur les effets du grainage industriel et sur ceux du grainage domestique ; enfin d'indiquer les moyens pratiques de secourir l'industrie séricicole et de lui rendre son ancienne prospérité. J'espère que les études de la Commission pourront déterminer une amélioration sérieuse qui relèverait de sa détresse l'une des branches les plus précieuses de notre agriculture, et au sort de laquelle se trouvent liés de si graves intérêts industriels et commerciaux. o Si Votre Majesté daigne approuver les conclusions de ce Rapport, je la prierai de vouloir bien, en m'en réservant la présidence, composer cette Commission ainsi qu'il suit : MM. Douas, sénateur, membre de l'Institut: vice-président; De Quatrefages, membre île l'Institut : Peligot, membre de l'Institut: Pasteur, membre de l'Institut: Claude Bernard, membre de l'Institut . Tulasne, membre de l'Institut: De Monny de Mornav. directeur de l'Agriculture; Six sériciculteurs, nommés par moi, sur la présentation qui en sera faite par les préfets des départements dans lesquels l'industrie de la soie est le plus considérable; Deux membres appartenant à l'industrie et au commerce de la soie, à Paris et à Lyon, nommés par les Chambres de commerce de ces deux \ illes : MM. Porlœr, chef du bureau des encouragements à l'agriculture et des secours : seci taire : Monnier, auditeur au Conseil d'État, attaché à la direction de l'Agriculture : taire. Je suis, Sire, etc. Le ministre tic l'Agriculture, du Commerce et 'les Travaux publics, Armand Béhic. Approu i NAPOLÉON. éttdes SUS LA maladie des vers a soie. 20 306 ŒUVRES DE PASTEUR Les personnes dont la nomination était réservée au ministre de l'Agriculture furent : MM. Gagnât, sériciculteur et juge de paix, à Joyeuse (Ardèche) : Bonnet, éducateur et juge de paix, à Aubagne (Bouches-du-Rhône) ; Sérusclat, fllateur de soie et président de la Chambre des Arts et Manufactures de Valence, à Valence (Drônie) ; Le marquis de Ginestous, éducateur et président du Comice agricole du Vigan, au Vigan (Gard); Buisson, fllateur de soie, à Tronche, près Grenoble (Isère) ; Le marquis de l'Espine, sériciculteur et président de la Société d'agriculture de Vaucluse, à Avignon (Vaucluse); Payen, négociant en soieries, membre de la Chambre de Commerce de Paris, à Paris ; Duseigneur, négociant en soie, membre de la Chambre de Commerce de Lyon, à Lvon. La discussion qui eut lieu au Corps législatif, dans sa séance du 17 niai 1867, n'a apporté que de faibles lumières sur l'état de la sérici- culture en France à cette époque. Aucun des orateurs qui prirent la parole au sujet des interpellations de M. Fabre, député du Gard, n'était au courant de la question, excepté, toutefois, le ministre de l'Agriculture, M. de Forcade la Roquette. Les propositions de M. Fabre, s'appuyant sur une connaissance incomplète des principes scientifiques relatifs à la maladie régnante, n'avaient pas un caractère pratique nettement déterminé, et, dans leur teneur, elles étaient d'une application impossible. En faisant porter, non sur la graine, mais sui- tes chrysalides et les papillons reproducteurs, les garanties demandées par M. Fabre, on aurait pu arriver à des mesures acceptables. Par exemple, on jette au fumier les papillons après la reproduction; L'obligation seule d'accompagner tout lot de graine indigène d'une partie de ces papillons au moment de la vente pourrait éviter une multitude de fraudes dans le commerce de cette denrée. Toutefois, cette discussion a témoigné une fois de plus de l'étendue et de la in-avité des désastres séricicoles. CORPS LEGISLATIF (Séance du 17 mai 1867) [l]. M. le président Schneider. L'ordre du jour appelle la discussion des interpellations de M. Fabre et de plusieurs de ses collègues sur les mesures prises pour combattre la maladie épidémique et contagieuse des vers à soie. 1, Moniteur universel, n° 138, 18 mai 1807, p. 5SV2-594. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 307 (Sont assis au banc du Gouvernement : LL. EE. MM. Baroclie ministre de la Justice et des Cultes; de Forcade la Roquette, ministre de 1 Agriculture, du Commerce et des Travaux publics.) M. le président ScHXEiDEH. La parole est à M. Fabre. M. Fabre. Je remercie la Chambre d'avoir bien voulu autoriser nos inter- pellations... M. Glais-Bizoix. Nous n'avons pas à la remercier, nous ! Bruit.) M. Fabre Et le Gouvernement de les avoir acceptées. Nos populations méridionales, si cruellement éprouvées, depuis bientôt vingt ans, par un fléau auquel on n'a pas jusqu'ici découvert de remèdes, trouveront dans la bienveillance du Corps législatif un premier dédommage- ment à leur misère. Pour ceux qui connaissent nos contrées séricicoles, pour ceux qui ont été témoins des souffrances de nos populations, je n'aurai pas à démontrer l'im- portance du sujet: une grande majorité de la Chambre l'a comprise, puis- qu'elle a bien voulu nous accorder l'autorisation d'interpeller le Gouverne- ment. Pour ceux qui l'ignorent encore, je demande la permission de dire en quelques mots quelle est l'importance de l'industrie séricicole en France. Près de quarante départements cultivent le mûrier; tout le bassin du Rhône, une grande partie du bassin de la Garonne élèvent des vers à soie. Cette production, avant 1853, époque à laquelle la maladie a pris des pro- portions considérables, avait atteint une valeur de 120 millions. Mais ce n'était pas là, il s'en faut de beaucoup, le seul avantage, le seul produit de cette partie de notre industrie agricole. Tous nos producteurs récoltaient, en outre, la quantité de semences et de graines nécessaire à leur reproduction, et cette partie de leur récolte peut être évaluée au chiffre de 20 ou 22 millions. De plus, dans tous les pays producteurs s'étaient établies des filatures, des usines pour le moulinage de la soie, et l'on peut affirmer, sans crainte d'être démenti, que notre production indigène fournissait à l'industrie, lyonnaise des produits manufacturés pour près de 300 millions. J'ai besoin de rappeler ces chiffres pour que tout le monde comprenne bien qu'il ne s'agit point ici d'un intérêt local, d'une question départe- mentale, mais qu'il s'agit, en réalité, d'un de nos grands intérêts nationaux. J'espère avoir l'occasion de le démontrer jusqu'il l'évidence. Cette récolte était peut-être de tous nos produits agricoles le moins incertain, le moins casuel et, entre la récolte d'une année et celle de l'année suivante, il y avait de très petites différences, jusqu'au moment où l'épidémie, dont je vais avoir à parler, s'est produite en France. Cette épidémie a commencé en 1848; mais elle n'a pris son entier développement qu'en 1854, et depuis 1854, depuis treize ans, on peut affirmer, sans crainte de contradiction, que jamais on n'a obtenu une demi- récolte, c'est-à-dire qu'un produit agricole de 120 millions est tombé au-dessous de 60, et comme les frais de culture et d'éducation sont restés 308 ŒUVRES DE PASTEUR les mêmes, on peut dire, non pas que la propriété a diminué de moitié, mais qu'elle a diminué des quatre cinquièmes au moins. Telle est la situation. 11 y a trois ans, pour la première fois, j'ai pris la liberté d'appeler l'attention du Corps législatif sur la détresse des quelques départements qui n'ont d'autres ressources que l'industrie séricicole. J'ai affirmé, et ces calculs n'ont point été contredits, que les pertes éprouvées jusqu'à ce moment dépassaient 1 milliard; ces pertes ont bien grossi depuis. Je disais en même temps cpie la diminution de revenu avait eu pour consé- quence la dépréciation de la propriété, c'est-à-dire du capital, et que cette dépréciation était au moins égale à celle subie sur le revenu. De sorte que, en réalité, il y a deux ans, on pouvait évaluer les pertes qui étaient la con- séquence de l'épidémie séricicole au chiffre de 2 milliards. (Bruit.) Je regrette que de pareilles pertes ne paraissent point avoir, aux yeux de la Chambre, l'importance d'une véritable calamité publique. Plusieurs membres. Mais si ! mais si ! M. Achille Jubinal. On vous écoute avec intérêt. Cela en vaut la peine. M. Fauiîe. L'agriculture, Messieurs, et nos industries locales, la filature et le moulinage, ne sont pas seules compromises par cette épidémie; l'in- dustrie lyonnaise, c'est-à-dire la plus prospère, la plus riche de nos industries, se trouve également atteinte ; non pas qu'elle ne puisse s'ali- menter au dehors, mais lorsque l'industrie lyonnaise va chercher en Orient, en Chine, dans l'Inde, les matières premières nécessaires à la fabrication de ses étoffes, elle ne retrouve pas les qualités supérieures de cocons qui sont récoltés en France, et qui lui permettaient de donner à ses étoiles un éclat, un brillant qu'aucune des autres contrées ne peut donner au même degré. Il y a donc ici, à la l'ois, une grande perte pour notre industrie agri- cole, une cause d'infériorité pour notre industrie lyonnaise. Il s'agit, vous le comprenez, de l'un de nos plus grands intérêts nationaux. Je tenais à le prouver pour remercier encore une fois la Chambre de l'avoir compris et d'avoir bien voulu appeler une fois de plus l'attention du Gouvernement sur ce grave sujet. Quelle a été la conséquence de l'épidémie séricicole, d'abord dans les pays qu'elle a ravagés ? quelle en a été la conséquence au point de vue des revenus publics ? Voilà ce que je demande à la Chambre la permission d'indiquer en très peu de mots. L'industrie séricicole est établie principalement dans les Cévennes, l'Ardèche et dans les pays qui, par la configuration et par la nature du sol, sont impropres à toute autre espèce de production. Cette culture avait fait de pays très pauvres qui ne peuvent produire ni céréales, ni fourrages, des pays relativement fort riches. L'épidémie les a réduits à une misère com- plète. Non seulement on ne trouve plus aujourd'hui dans les récoltes de quoi faire face aux dépenses qu'entraînent l'éducation des vers à soie et la culture des champs, mais encore je puis affirmer à la Chambre qu'il est des cantons entiers où la propriété ne donne plus le moyen de payer l'impôt. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 309 Voilà, Messieurs, à quelle extrémité nous sommes réduits. Les expro- priations n'ont pas seulement doublé, — ■ tandis que partout ailleurs la prospérité allait croissant; — je suis en mesure d'établir par des chiffres que, depuis quinze ans, le nombre de ces expropriations a quadruple dans tous les arrondissements dont l'industrie séricicole est le seul ou le princi- pal revenu, et si l'accroissement des expropriations n'a pas été plus consi- dérable, c'est qu'on ne trouve plus à emprunter sur un gage complètement avili ; je puis affirmer à la Chambre que plusieurs des propriétaires les plus riches du département du Gard m'ont déclaré n'avoir pas pu, depuis dix ans, couvrir leurs fiais d'exploitation avec la vente de leurs produits. Telle est dans sa triste réalite la situation. En présence de faits si graves, qu'a fait le Gouvernement ? qu'a-t-il tente pour arrêter au début l'extension de la maladie '.' qu'a-t-il fait, depuis, pour adoucir de si grandes misères? Comme je vous l'ai dit, la maladie s'est déclarée en 1848, mais n'a pris des proportions très inquiétantes qu'en 1S54. A ce moment, rien n'avait été fait encore, on n'avait pas compris la gravité du fléau. Lorsque, après trois ans, la maladie fut répandue dans tous nos pays séricicoles, en 1857, le Gouvernement a songé à la restreindre ou à la combattre, et je l'en remercie, il a fait pour en trouver le remède de très louables elï'orts. L'un de nos savants les plus illustres, M. Dumas, fut d'abord chargé de visiter nos contrées séricicoles, d'étudier les caractères et la marche de la maladie; cette première étude amena quelques résultats. Les populations désolées par le lléau en avaient aussi recherché la cause, elles avaient essayé des traitements de toutes sortes. On avait d'abord cru que la source du mal se trouvait dans le mûrier, et l'on avait essayé, comme pour la vigne, de traiter le mûrier par le soufre. D'autres supposaient que les influences atmosphériques avaient développé l'épidémie, et ils avaient pro- posé l'emploi de désinfectants : tantôt l'acide phénique, tantôt les chlo- rures. 11 serait trop long de vous indiquer toutes les expériences tentées, toutes également impuissantes. M. Dumas constata que la végétation du mûrier était intacte, qu'elle était normale, que l'air des magnaneries n'était pour rien dans les causes qui avaient pu produire la maladie des vers à soie. Il arriva à constater le caractère extérieur de cette maladie dans le ver à soie parvenu à un cer- tain développement, mais il ne put en indiquer le remède. De sorte que, jusque-là, ces recherches provoquées dans un but si louable restèrent com- plètement impuissantes, et qu'il était encore impossible d'en tirer une conclusion pratique. C'est alors, en 18G4, que, comprenant l'insuffisance des recherches scientifiques, l'impossibilité d'arriver par elles à régénérer nos races de vers à soie, je nus devoir appeler l'attention du Corps législatif sur ce suje1 _ Depuis cette époque, on a acquis la certitude que les graines du Japon, aptes avoir donné en France une première récolte, échouent dès la deuxième année, c'est-à-dire qu'elles contractent la maladie. 310 ŒUVRES DE PASTEUR Voilà un nouveau fait ('gaiement constaté par l'expérience du cultivateur et par les recherches de M. Pasteur, membre de l'Institut, que le Gouver- nement a chargé de ce soin. A l'heure qu'il est, nous sommes donc en pré- sence de trois laits certains, démontrés par la science. Ces trois laits sont ceux-ci : la maladie est universelle, le Japon seul y a échappé; la maladie est épidémique, contagieuse; en France le nombre des sujets préservés est minime. Que faire en pareille occurence? Je dis : Que faire? Pour nous, d'abord, propriétaires de mûriers, que faire? Pour le Gouvernement, dans quelle mesure son intervention est-elle utile, dans quelle mesure est-elle Il est aujourd'hui démontré par les travaux de M. Dumas, par ceux de M. de Quatrefages et de M. Pasteur, membres de l'Institut, que la maladie est éminemment contagieuse ; que des semences intactes, saines, élevées dans des locaux déjà infectés, contractent immédiatement la maladie. Non seulement la contagion est prouvée par des milliers de faits, mais M. Pas- teur a constaté qu'en prenant sur des parois des murs, des plafonds, des fragments impalpables du plâtre, de la chaux des murs, et les répandant dans une magnanerie neuve, la maladie était immédiatement communiquée à la chambrée. Voilà ce qui est hors do discussion. La maladie est donc émi- nemment contagieuse o M. Pasteur a constaté, dans des expériences nombreuses, qu'il existe aussi des symptômes extérieurs de l'épidémie, et il est arrivé à cette affir- mation qu'on peut reconnaître la maladie dans l'œuf, dans le ver à soie, sous toutes ses formes et à toutes les périodes de son existence, qu'on peut la retrouver dans l'œuf, dans le ver, dans le cocon, dans la chrysalide et dans le papillon. Voilà des faits très importants dont je désire tirer des consé- quences pratiques Ce que je demande au Gouvernement, le voici, et lui seul peut le faire : Ses agents ont constaté l'universalité de l'épidémie; lui, il en connaît l'étendue, il en connaît la gravité, il en connaît l'importance, il en connaît le danger; il s'agit de la prospérité d'une de nos grandes industries natio- nales; il s'agit de l'aisance, de la vie de quatre départements qui n'ont pas d'autre ressource. Si donc il a des moyens d'étouffer le fover d'épidémie, de le circonscrire et d'arriver à la régénération de nos graines, il ne doit pas hésiter, et, j'en ai la certitude, il n'hésitera pas. Je dis donc que s'il est vrai, — et quant à moi je tiens pour certaines les affirmations de M. Pasteur, confirmées d'ailleurs par M. Dumas, — s'il est vrai qu'on puisse discerner d'une manière positive les graines saines des graines malades, je lui demande de prendre des mesures pour que le commerce des graines soit surveillé, pour que la vente des graines soit sur- veillée et que toute graine malade ou suspecte soit à l'instant saisie et détruite Il y a un immense intérêt à cela, Messieurs. Les graines coûtent 10 francs l'once, elles ont coûté jusqu'à 1.000 francs le kilogramme; leur prix ordi- naire est de 500 francs; mais les frais de l'éducation sont de 50 francs l'once, c'est-à-dire de 2.000 francs le kilogramme. Donc, le jour où vous vous présentez à un propriétaire, à un séricicul- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 311 teur, où vous examinez sa graine, si vous pouvez lui dire : « Votre graine est mauvaise et ne peut porter de fruits, les dépenses que vous allez faire seront perdues, » vous lui rendez un très grand service Nous ne demandons pas, cependant, — on eût pu le faire, — qu'on aille visiter tous nos pays séricicoles, qu'on aille s'introduire dans les magnaneries qui deviennent souvent un foyer d'infection, dont les miasmes infects peuvent ruiner des cantons entiers et enlever la récolte de plusieurs années, nous ne demandons pas qu'on aille s'emparer des vers à soie qui s'y trouvent pour les enfouir et l'aire cesser ainsi les émanations qui vont porter la mort dans les magnaneries voisines. Nous appuyant sur les résultats affirmés par vos agents, par les savants chargés par vous d'étudier la nature du mal et les moyens par lesquels il se propage, nous appuyant sur ce fait, que vous pouvez reconnaître l'existence du mal dans les graines, dans les semences qui nous arrivent aujourd'hui avariées, fraudées, de pays étrangers où la maladie existe, nous vous demandons de les faire examiner. A cela vous répondez : Il y a une difficulté! M. Pasteur peut constater le mal, d'autres ne le pourront pas avec certitude. Eh bien, ce que je vous demande, c'est de donner des élèves, des aides à M. Pasteur. M. Dumas, M. de Quatrefages se sont livrés à des études approfondies, aucun d'eux ne refuserait certainement de se consacrer à un travail aussi patriotique et d'un intérêt aussi grand que celui qui consis- terait à former des élèves. Mais je crois que vous n'aurez pas besoin d'aller jusque-là et qu'il n'y a pas un seul de nos arrondissements où chacun de ces savants, faisant connaître ses procédés, ne puisse arriver à donner des moyens d'investiga- tion dont les résultats seront assurés Il est aussi facile assurément, surtout lorsqu'on se trouve précédé dans cette voie par les hommes les plus éminents de la science, d'appliquer le microscope à l'étude des graines que d'appliquer l'analyse à l'étude des engrais; en outre, l'intérêt est infiniment plus considérable, l'intérêt agri- cole, l'intérêt de l'industrie, je pourrais dire l'intérêt politique. Car enfin, il y a quelques jours, on portait devant cette Chambre et on discutait ici une question de solidarité : on demandait dans quel cas l'intervention de la société, l'intervention de l'Etat pouvait être justifiée. II s'agissait d'indemniser ceux qui pourraient avoir été victimes d'une erreur judi- ciaire. A ce propos, on a parlé de solidarité; je reconnais que, dans ce cas, elle ne pouvait être appliquée, mais dans celui-ci j'affirme, et j'affirme avec le Gouvernement, qu'elle ne peut être discutée. Comment! l'inondation du Rhône s'est étendue sur dix départements; celle de la Garonne, du Lot. sur quatre ou cinq, et elles ont causé des dom- mages pour 12 ou U) millions. Le Gouvernement s'émeut, et M. le ministre vient devant cette Chambre demander des crédits spéciaux pour faire face aux ravages de l'inondation. Laissez-moi vous dire que notre inondation dure depuis vingt ans. Elle nous coûte 60 millions, et elle nous ruine! 'Mouvements divers.) Elle nous ruine ! (C'est vrai !) Elle nous ruine ! j'en appelle à tous ceux qui connaissent nos contrées méridionales. 312 ŒUVRES DR PASTEUR Cependant, je ne demande pas d'indemnité pour le passé: mais je ne veux pas qu'on reste sourd à nos plaintes. Il y a trop longtemps qu'on aurait dû les Faire entendre à cette Chambre; elle les aurait comprises. Eh bien, moi qui ai assisté à toutes ces misères, moi qui ai souvent pro- nonce l'adjudication du patrimoine de ces familles ruinées par une épi- démie persistante contre laquelle ou a lutté sans succès, parce qu'on ne savait pas le moyen de se défendre, contre laquelle j'affirme qu'aujourd'hui on peut lutter avec succès, je ne pourrai jamais m'empêcber de protester contre une pareille situation et d'invoquer l'intervention du Gouvernement, car c'est sa cause que je défends, c'est son propre intérêt que je le conjure de servir M. le président Schni; i m; n . I.a parole est à M. le ministre des Travaux publics. S. Exe. M. de Forcade la Roquette, ministre de V Agriculture, du Com- merce et des Travau.v publics. Messieurs, le Gouvernement a déjà eu l'occa- sion de faire connaître, à diverses reprises, soit au Sénat, soit au Corps législatif, les mesures auxquelles il a eu recours pour combattre le fléau qui désole, depuis de longues années, plusieurs départements du Midi. Quelle que soit l'importance de cette question, comme elle a été déjà plusieurs fois traitée, la Chambre comprendra que je n'entends pas la reprendre ici dans tous ses détails : je me propose seulement de lui rappeler les faits généraux. Je lui indiquerai ensuite l'état des travaux auxquels se livre la Commission permanente nommée en 1865, et à laquelle les précé- dents orateurs ont rendu justice. J'indiquerai enfin les mesures récentes qui- le Gouvernement a pu prendre. Sur la gravité du fléau, sur ses conséquences pour l'agriculture, pour la grande industrie des soies et pour le commerce en général, je suis d'accord avec l'honorable préopinant, d'accord sur les points généraux. Alors même qu'il y aurait une certaine exagération dans les doléances, ce n'est pas le Gouvernement qui, en présence de plaintes sérieuses, croirait devoir les discuter. Il y a là une cause de pertes importantes pour l'industrie du pays, pour son agriculture, pour son commerce. Le mal est persistant ; il sévit depuis quinze années. Je désire seulement vous rappeler les efforts qu'a faits le Gouvernement, les succès qu'il a obtenus, et vous montrer que, dans ces questions, il n'accepte aucune théorie absolue, ni celle de la responsabilité, ni celle de l'irresponsabilité. (Très bien ! très bien !) 11 y a dans ces questions la conduite, la mesure et la force des choses. (Très bien !) Le Gouvernement s'est mis en présence des difficultés ; il les a mesurées, il a fait des efforts pour les résoudre. ^ est-il toujours parvenu? je n'oserais pas l'affirmer. Ce que je puis affirmer, c'est que sa préoccupation et sa sollicitude ont été constantes, et que ses efforts ont été souvent couronnes de succès. (C'est vrai! — Très bien ! très bien !) Vous savez, Messieurs, que la maladie des versa soie a éclate en France ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 313 il v a environ quinze années, et <|u'à peu près à la même époque, elle s'est montrée en Allemagne, en Italie et jusque dans l'Orient. Ici se place uni' observation que vous a laite l'honorable M. Fabre; il vous a dit : Pourquoi n'avez-vous pas déployé contre cette maladie, si dange- reuse, l'énergie que vous avez montrée pour lutter contre l'épizootie des bêtes à cornes.' Vous n'avez pas craint de faire revivre, a-t-il dit, des arrêtes cpn remontent au Siècle dernier, vous n avez pas craint d établir sur la frontière une sorte de cordon sanitaire. Pourquoi n'avez-vous pas l'ail la même chose en ce qui concerne les vers à soie? Pour une raison bien simple. Messieurs, c'est que le mal est né en Fiance. Il s'est développé d'abord dans le département du Yar, puis dans le département du Gard, puis dans les départements voisins. Comment voulez-vous que nous puissions arrêter à la frontière un mal qui s'esl développé à l'intérieur et qui s'y est développé avec une intensité extrême? Voyez, Messieurs, comme, dans ces sortes de questions, la conduite du Gouvernement doit être différente. Pour ce qui est de la maladie des vers à soie, nous ne pouvions pas porter obstacle à son invasion, puisqu'elle était, je le répète, née chez nous avec un caractère de gravité considérable. Nous avons fait l'opposé de ce qui a élé fait lors de l'épizootie des bêtes à cornes : au lieu de fermer la France aux graines étrangères, nous avons dû engager les étrangers à nous apporter des graines saines. C'est donc le procédé contraire a celui qui avait été pratiqué pour l'épizootie que le Gouvernement a dû suivre et qu'il a suivi pour la maladie des vers à soie. En effet, (pie s'est-il passé.' La maladie s'est déclarée en France: elle >r\i",iit dans plusieurs départements, il y avait contagion, c'est incontes- table : il fallait chercher des graines saines; ces graines on ne les trouvait pas en France : nous les avons demandées à l'Italie, à l'Allemagne, à I I trient, et toutes ces o-raines nous sont arrivées infectées de la maladie o qui régnait en France. Mais, vous le savez, Messieurs, le Gouvernement de l'Empereur, dans 1 intérêt de la liberté commerciale, dans l'intérêt du développement des relations de notre pavs, non seulement avec les peuples de l'Europe, mais avec les peuples de I Extrême-Orient, venait d'engager une expédition en Chine, de pénétrer dans ces pays lointains. Là on trouve des graines saines : au Japon, on put trouver une graine qui n'était point atteinte de la maladie. Et voyez, Messieurs, en passant, les conséquences de ces grandes entreprises et les résultats heureux qu'elles peuvent être appelées à pro- duire : c'est en réalité aux efforts faits par le Gouvernement pour développer les relations commerciales de la France avec l'Extrême-Orient qu'on doit d'avoir trouvé le remède de la maladie des vers à soie. Mouvement. — ■ Très bien ! très bien ! ) Croyez-vous que ce lût une entreprise si facile que de se procurer la graine du Japon ? 11 v avait autrefois peine de mort contre l'exportateur de la graine du Japon, à une époque où ce pavs. encore fermé à la civilisa- tion, refusait toute communication avec les pavs européens comme avec des barbares. Eh bien, le Gouvernement a pu ouvrir le Japon, il y a fait pénétrer le commerce, et il en a rapporté ici un remède efficace, quoiqu'il ne soit pas encore complet, contre la maladie des vers à soie. 314 ŒUVRES DE PASTEUR Voilà le premier elTort du Gouvernement. Et permettez-moi ici, Messieurs, de vous citer deux noms; car, lors- qu'on soulève ces questions qui touchent aux souffrances des populations, vous trouverez qu'il est juste de dire les noms de ceux qui ont contribué à les adoucir et qui ont ainsi rendu des services considérables à leurs conci- toyens. Les deux hommes que je tiens à signaler sont M. de Montio-ny, consul général en Chine, et M. Léon Roche, consul général au Japon. Ce sont eux qui, les premiers, ont envoyé les graines de la Chine et les graines du Japon : celles-ci excellentes, y quelques exceptions près ; celles-là d'une qualité moindre. Ces graines, ils les ont envoyées en France, et ils ont apporté ainsi, les premiers, un remède à la maladie. Donc, permettez-moi de le dire, Messieurs, dans cette question, le premier succès a été obtenu par les efforts du Gouvernement. Non que je veuille lui en faire un mérite spécial; mais en présence des paroles sévères et quelquefois injustes de l'honorable M. Fabre, je tiens à constater devant vous les efforts couronnés de succès du Gouvernement. (Très bien! très bien !) C'est au bout de deux ou trois ans, c'est en 1864, que la graine du Japon a été introduite en France. Elle a réussi les deux premières années ; mais, au bout de deux ans, on s'est aperçu que cette graine elle-même était atteinte par la contagion, et les vers à soie du Japon ont été contaminés au contact des vers à soie indigènes. II y avait donc là un fait nouveau et grave qui devait attirer l'attention. On avait cru trouver un remède dans des graines saines; mais ces graines ont été elles-mêmes, au bout de quelques années, atteintes de la contagion. Que fit le Gouvernement? Le Gouvernement nomma une Commission permanente, composée, je ne dirai pas seulement d'hommes savants, mais des savants les plus illustres du pays, de MM. Dumas, Quatrefages, Peligot, Pasteur, et d'autres encore. Tels furent les principaux membres de cette Commission, dans laquelle furent introduits également les principaux sériciculteurs des départements intéressés, et cette Commission, fonctionnant en perma- nence, fut chargée de rechercher les causes du développement de l'épi- démie. Qu'a fait la Commission? Il fallait éviter que les graines saines fussent atteintes par la maladie; il fallait également obtenir que, parmi les graines indigènes, celles qui n étaient pas atteintes pussent être sauvées de la con- tagion. Voici ce que la Commission a proposé et ce que le Gouvernement est en train d'exécuter : La maladie des vers à soie a fait son apparition probablement, — car ici personne n'est affirmatif, pas même VI. l'asieur, quoi qu'en ait dit 1 honorable M. Fabre, — et s'est développée par suite du grainage indus- triel fait sur une grande échelle, par suite de l'accroissement de l'industrie sencicole, au sein des grandes magnaneries dans lesquelles on élève une quantité considérable de vers à soie. La Chambre comprend que, là où 1 industrie se développe, le mal, quand il se produit, prenne immédiate- ment de grandes proportions. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 315 Vous allez juger combien cette cause a eu d'influence sur les progrès du mal. Au commencement de ce siècle, il n'y avait à Lyon que treize mille métiers. En L853, il y en avait soixante-treize mille. Vous voyez quel immense développement, avait pris l'industrie de la soie. Quant à l'industrie séricicole et à l'élève des vers à soie, vous pourrez juger de son développement par quelques chiffres : sous le premier Empire, la production des cocons représentait une valeur de 14 millions. Elle s'est «levée successivement à 20, 30, 40, 50, 100 millions: en 1853, elle attei- gnait 1 17 millions. Avant ces magnifiques développements de cette industrie, les vers à soie étaient élevés par le grainage domestique, — je demande pardon à la Chambre d'employer ces termes techniques, mais enfin il faut parler aujourd'hui le langage simple de l'agriculture. (Oui! oui! — Très bien!) C'était le grainage domestique, c'était la petite éducation, les petits éleveurs qui suffisaient aux besoins du commerce. Mais lorsque, l'industrie lyonnaise se développant, les besoins du commerce s'étaient sextuplés, il a fallu arriver, pour suffire à ce grand développement de l'industrie séri- cicole, au grainage industriel. Eh bien, c'est avec le développement du commerce et de l'industrie que sont venus les grands dangers que nous rencontrons. Eh, mon Dieu! ce n'est pas seulement dans l'industrie des vers à soie que cela se produit. La Providence a attaché aux progrès de toutes les industries des difficultés continuelles : toujours le danger est à côté du progrès, et toujours l'intelligence de l'homme est appelée à concourir par un travail incessant au succès qu'il veut obtenir. (C'est vrai! — Très bien! très bien !) Eh bien, en présence de la contagion, de la maladie qui s'est déve- loppée, de cette industrie qui a grandi et qui, en grandissant, a augmenté la contagion, je dois le dire aujourd'hui, il faut que les populations fassent des efforts pour revenir au grainage domestique. .le ne veux pas employer des tei mes absolus, mais je dis, — ce que le bon sens indique, — que c'est par le grainage domestique qu'on arrivera à rendre la graine saine et à améliorer la race. La Commission nommée en 1865 est convaincue de ces idées : elle veut ramener les populations au grainage domestique; elle veut du moins les ramener à faire du grainage domestique le moyen d'arriver à la pureté des graines et à créer des reproducteurs. Tel est le conseil qu'a donné la Commission, et, permettez-moi de le dire, c'est aussi le conseil qu'a adopté le Gouvernement, et qu'il est en train de suivre. Il y a ici deux thèses en présence : l'une soutenue par l'honorable M. Fabre, l'autre par l'honorable M. de Benoist. .le ne veux pas exagérer la pensée de M. de Benoist; mais, entre lui et M. Fabre, sur l'intervention et les devoirs du Gouvernement, il y a une nuance. Le Gouvernement ne peut pas faire du grainage domestique, mais il ne veut pas s'en désintéresser; il ne veut pas retirer sa main, il veut que 316 ŒUVRES DE PASTEUR l'expérience se fasse, et, en y contribuant lui-même, il veut, dans une certaine mesure, par l'expérience, donner le précepte et l'exemple aux populations. (Très bien ! j Voilà dans quelles limites le Gouvernement renferme son intervention. Qu'a-t-il fait? Au mois de mars dernier, le ministère des Travaux publics a affecté au grainage domestique une somme de 2."). 000 francs, qui est devenue le point de départ d'une souscription dans deux départements. Il vient de donner, il y a deux mois à peine, peu de temps après mon entrée au ministère, des instructions pour qu'une prime de 200 francs soit accordée aux petits éleveurs dans les limites que voici... La prime est accordée à ceux qui n'élèvent pas moins de 5 grammes et pas plus de 10 grammes, de manière, vous le voyez, à favoriser le grainage domestique dans des limites définies. Maintenant, certaines conditions sont attachées à l'obtention de la prime : elles ont pour objet de surveiller l'éducation du ver à soie, d'écarter la contagion par le choix de la graine, qui est fait par des Commissions spéciales; l'éducation est surveillée par des inspecteurs. Et enfin, lorsque arrive la reproduction, la graine nouvelle est observée dans ses œufs, pour voir si le produit se trouve plus parfait, plus complet, meilleur à tous les points de vue, et dégagé des atteintes de la contagion. Voilà donc le système que le Gouvernement encourage; il l'encourage non seulement par ses conseils, mais encore par les souscriptions dont le ministère de l'Agriculture et des Travaux publics a pris l'initiative. Est-ce tout, Messieurs? Non, d'autres efforts ont été faits. Dans le dépar- tement du Gard notamment, le Conseil général a cherché tous les moyens de résoudre ce difficile problème: il a voté une somme de 4.000 francs, des- tinée à l'éducation des vers à soie en liberté, et le ministre de l'Agriculture a immédiatement doublé la somme. Ainsi, aussitôt qu'une idée qui parait sérieuse se manifeste, qu'elle vienne de la Commission permanente instituée par le Gouvernement, qu'elle vienne des Conseils locaux, le Gouvernement intervient et encou- rage. Voilà dans quelle limite notre intervention s'est produite. (Très bien !) Nous avons fait quelque chose de plus; nous avons fait un pas vers un moyen plus scientifique, moins habituel au Gouvernement : nous avons donné des microscopes. La Chambre me permettra d'expliquer dans quelles circonstances nous avons été amenés, à cause de l'importance des intérêts engagés dans cette- grande question, à nous écarter un peu des habitudes de l'Administration. M. Pasteur, dont l'honorable M. Fabre a fait à juste titre l'éloge, M. Pasteur, qui a rendu de grands services dans cette question, qui s'y est dévoué comme à un intérêt national, qui a beaucoup observé, étudie. est moins affirmât if que ne le croit M. Fabre. J'ai eu sous les yeux et j'ai lu avec la plus grande attention tous les Rapports de M. Pasteur. Il n'a pas la prétention de distinguer la maladie dans l'oeuf du ver, dans la graine, il n'émet pas cette prétention. Mais M. Pasteur a remarqué que, dans le ver malade ou dans le papillon qui sort de la chrysalide, le symptôme principal de la maladie, c'était la pré- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE :r sence de certains corpuscules, de certains éléments étrangers au ver. La question était donc de trouver le moyen de reconnaître les reproducteurs qui n'étaient pas atteints de la maladie, c'est-à-dire ceux qui n'avaient pas tic ces corpuscules. Eli bien, s'il fallait observer tous les papillons au microscope, la Chambre comprend qu'il serait impossible d'arriver à un grand résultat ; on arriverait à des résultats de laboratoire, mais non pas à des résultats pratiques et industriels. M. Pasteur l'a bien compris, et il a indiqué des procédés qui permettent de faire les expériences sur un certain nombre de papillons à la fois. C'est pour ces expériences que le microscope est nécessaire. Il permet d'observer les corpuscules dans les papillons. Si. ii l'aide du microscope, on remarque l'absence de ces corpuscules, les «rraines qui viennent des papillons offrent des garanties sérieuses pour la reproduction ; on les prend alors et on les consacre au grainage domes- tique, en surveillant leur éducation, en faisant la reproduction de ces lines. Voilà le système fondé sur l'observation, sur des études attentives, continuelles, que recommande la Commission permanente et que suit le Gouvernement. Le Gouvernement suit ce système en organisant le grainage domestique et en fournissant des microscopes. Nous en avons fourni cinquante. Nous avons voulu les fournir, parce que, en les fournissant, on est plus sûr de la valeur de l'objet d'expérimentation : nous les avons envoyés aux préfets, aux membres des Sociétés d'agriculture. Voilà ce qui a été fait. Vous le voyez, cela est pratique, cela nous parait efficace; nous ne répondons pas du succès, mais nous ferons tous nos efforts pour l'obtenir. Le Gouvernement ne doit pas, dans ces questions, s'engager au delà des limites légitimes de sa responsabilité. Lorsqu'il a promis d'étudier cette question, lorsqu'il a chargé les hommes les plus compétents de l'examiner, lorsqu'il a suivi leurs conseils et que ces conseils semblent en effet dictés par le bon sens, le Gouvernement a dégagé sa responsabilité. L'honorable M. Fabre nous donne des conseils. Je demande la per- mission de les examiner. 11 nous a dit : Vous venez de faire une loi sur les engrais ; vous punissez ceux qui vendent des engrais frauduleux, pourquoi ne punissez-vous pas ceux qui vendent des graines frauduleuses? Mais, Messieurs, je dirai ici, comme pour l'épizootie : La question n'est pas la même : si un engrais est falsifié, on le reconnaîtra, il n'est pas difficile de le reconnaître; mais, s'il s'agit de graines, qui décidera si elles sont saines ou si elles ne le sont pas? Un membre. Le microscope. M. le ministre. L'honorable M. Fabre disait : M. Pasteur les reconnaît. Je lui en demande bien pardon. M. Pasteur ne va pas si loin; il n'a pas le moins du monde ces affirmations absolues en ce qui concerne les 318 ŒUVRES DE PASTEUR graines; il ne voit qu'un moyen d'arriver il constater qu'une graine est lionne, c'est d'observer le papillon reproducteur et, lorsqu'il a constaté que le papillon reproducteur était sain, d'en conclure que la graine serait saine. Mais, au vu d'une graine, décider si elle est contaminée ou non, cela est impossible. Il n'y a rien à faire de ce côté. Ce sont là des idées qu'on peut produire en dehors de toute responsabilité, mais qu'un Gou- vernement, après avoir étudié la question, ne pourrait pas accepter. Comprenez-vous, Messieurs, que nous prenions la responsabilité de pré- senter à cette Chambre une loi reposant sur ces principes, une loi créant la fraude là où elle n'est pas, établissant des pénalités sur des données sur lesquelles les savants eux-mêmes hésitent à se prononcer? Nous n'avons pas cru devoir le faire. (Marques d'approbation.) Maintenant des recommandations nous ont été faites, nous sommes très disposés à les accepter. On nous a dit : Il faut des travaux publics à ces populations qui suc- combent sous le poids des impôts. Messieurs, il serait contraire à ma pensée, à la pensée du Gouver- nement, de nier que les souffrances qui ont été signalées soient réelles; mais, cependant, n'y a-t-il pas quelques exagérations dans ces plaintes! Nous le croyons, et il y a des points sur lesquels il faut rétablir l'exactitude des faits et des appréciations qui en ont été produites. En ce qui concerne les impôts, que pouvons-nous faire, et qu'avons- nous fait? La loi permet de dégrever d'impôts les contribuables dans des circonstances déterminées; la loi ne permet que le dégrèvement individuel, demandé individuellement. Eh bien, que s'est-il passé? Je prends les départements les plus affligés, le département du Gard et le département de l'Ardèche. Pour le département du Gard, l'impôt foncier s'élève à 1.882.000 francs. Le dégrèvement, en 1865, a été de 195.000 francs. Il a donc été de plus de 10 pour 100. Mais remarquez que, dans le département du Gard, il n'y a pas seulement les sériciculteurs, il y a des villes qui ont peu souffert; il y a une ville importante qui paye une part considérable de l'impôt; il y a, d'ailleurs, dans la campagne d'autres cultures que celle du mûrier. Il y a notamment celle de la vigne. Ainsi, Messieurs, vous voyez qu'en présence d'un dégrèvement qui s'élève à 10 pour 100 de la totalité de l'impôt foncier, et qui a porté presque exclusivement, je pourrais dire exclusivement sur le mûrier, on peut dire que ce dégrèvement a atteint la limite de ce que le Gouvernement pouvait faire. En voulez-vous la preuve? Vous parlez de l'impossibilité de payer l'impôt? Grâce au dégrèvement, l'impôt est devenu léger ; dans le dépar- tement du Gard les frais de poursuites ne dépassent pas 1,64 pour 1.000. c'est-à-dire à peu près ce qu'ils sont dans les autres départements. Ce que j'ai dit du département du Gard, je pourrais le dire pour l'Ardèche. Dans l'Ardèche, où l'impôt foncier est de 92.1.000 francs, les dégrèvements ont été de 143.000 francs, c'est-à-dire d'environ 15 pour 100. Ici, je dois faire remarquer que dans l'Ardèche il n'y a pas de ville de l'importance de Nîmes, et je dois ajouter que c'est un département dans ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 319 lequel l'industrie séricicole est plus considérable que dans le Gard. La proportion est donc à peu près la même en ce qui touche les dégrè- vements, et quant aux frais de poursuites, ils ont été aussi de L,64 pour 1.000. Ainsi. Messieurs, le Gouvernement a fait, je crois, ce qu'il était dans la possibilité et dans les principes de notre législation de faire; il a accordé des dégrèvements d'impôt considérables, et la preuve (pie ces dégrèvements suffisent, c'est que le chiffre des frais de poursuites n'est pas plus élevé dans ces départements que dans les autres. Quant aux travaux publics, il y a eu deux chemins de fer dont l'utilité publique a été reconnue, et qui sont d'un grand intérêt pour les deux départements du Gard et de l'Ardèche : l'un est celui de Lunel au Vigan, l'autre celui d'Alais au Pouzin. Mi l'un ni l'autre n'ont été encore exécutés, cela est vrai; mais il faut dire que dans l'Ardèche on s'est occupé de la ligne de Privas. Quant aux lignes intérieures, je crois pouvoir dire à la Chambre que le Gouvernement fera tous ses efforts, non seulement pour donner de l'occupation aux populations, mais aussi pour donner une satis- faction légitime à des localités qui ont beaucoup souffert; je pense que c'est le sentiment de la Chambre, quoique chacun de vous ait le désir de voir exécuter au plus tôt ses propres chemins de fer, que la priorité doit être donnée aux départements du Gard et de l'Ardèche, et le Gouvernement fera tous ses efforts pour que ces populations, qui ont été si éprouvées, n'attendent pas longtemps encore le bienfait de l'exécution de leurs chemins len de fer. Très bien! très b Maintenant, est-il bien urgent d'exécuter dans le département du Gard et dans celui de l'Ardèche des travaux publics pour occuper les bras? M. Fabuk. Pardon ! je n'ai pas demandé cela. Je ne voudrais pas inter- rompre M. le ministre, mais je dois dire que j'ai parlé seulement des travaux concédés; je n'ai pas demandé autre chose que l'exécution de ces travaux concédés. M. le ministre. Très bien! Mais une préoccupation s'est produite, et je vais au-devant de cette préoccupation : les populations manquent de travail, a-t-on dit, principalement celles qui s'occupent de l'industrie séri- cicole : il faut leur donner du travail. Eh bien, il résulte de l'enquête agricole récemment faite que, dans le département du Gard, les salaires ont augmenté de 33 pour 100, malgré la cause profonde de souffrances qui existe réellement dans ce département; il parait que ces souffrances n'ont pas porté particulièrement sur les tra- vailleurs, puisque, grâce sans doute à la prospérité générale de la France, grâce aux progrès de la culture de la vigne dans le Midi, le prix de la main-d'œuvre, loin de baisser, a augmenté, au contraire, dans une pro- portion considérable. Je finis cette discussion, Messieurs, et je demande pardon à la Chambre d'avoir occupé si longtemps son attention... (Non! non! — Du tout!) I ai tenu à montrer que la sollicitude du Gouvernement n'avait pas cessé d'être éveillée sur cette question ; je tenais à faire connaître dans 320 ŒU"\ RES DE PASTEUR quelle mesure son intervention était possible, car il v a là une question de principes que je ne veux pas aborder, mais dont vous comprenez toute l'importance. Messieurs, toutes les industries souffrent à leur tour, et les épreuves se succèdent dans le monde. Ici c'est la maladie des vers à soie; si vous allez vers les contrées de l'Ouest, vous verrez aussi de grandes souffrances parmi les populations du littoral et des marais salants. Dans d'autres pays encore, vous verrez également des industries soumises à de fortes épreuves. Le Gouvernement ne peut pas remédier à tout. Le Gouvernement ne peut pas considérer comme étant de sa mission de réparer tous les maux et d'être perpétuellement comme une Providence dont les mains sont toujours ouvertes sur ceux qui souffrent. A côté de la bonne volonté permanente, à côté de l'effort continuel et du dévouement absolu, il y a, Messieurs, une limite que vous connaissez tous, c'est la force des choses et les lois que la Providence a imposées aux hommes et aux Gouvernements. (Vives et nombreuses marques d'assen- timent et d'approbation.) On trouvera dans le Rapport suivant l'opinion du Sénat, en 1868, sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour venir en aide à la sériciculture. Ces mesures ont pour point de départ l'application rai- sonnée et suivie des résultats de mes recherches. RAPPORT AU SÉNAT. PAR M. LE COMTE DE CASABIANCA(<) Séance du 28 juillet 1868.) .Messieurs les Sénateurs, Le sieur Achard, docteur en médecine à Saint-Marcellin (Isère), et plusieurs habitants de la commune de Saint-Hilaire-du-Rosier, même département, signalent au Sénat l'extrême détresse des populations séri- cicoles occasionnée par les progrès incessants de la maladie des vers à soie. Ils annoncent comme imminente la destruction totale d'une industrie qui versait chaque année plus de 100 millions dans quarante départements et alimentait nos plus riches manufactures. Les pétitionnaires attribuent cette épidémie à la détérioration des graines; on a constaté, disent-ils, qu'en 1865, sur 1.200.000 onces élevées en France, dont le produit a dépassé 45 millions de francs, 012.000 onces sont demeurées improductives. L'un d'eux, le sieur Achard, prétend avoir découvert la cause de cette 1. Mom/riir u,iir,;-sel. n° '.'11, \".l juillet INliN, p. I ] ïl l'ïl DES sili LA MALADIE DES VERS A SOIE a21 stérilité. D'après lui, le germe contenu clans la graine qui se forme en juin ou juillet ne devient viable i|uo dans les premiers jours de janvier; niais à celte époque il entre en éclosion, dès que la température s'élève au-dessus de 9 degrés centigrades; il en résulte qu'en mars ou avril, lorsque com- mencent les éducations des vers à soie, le principe fécondant a été presque toujours détruit par un développement prématuré. De cette loi naturelle (|ii il regarde comme incontestable, le sieur Aehard tire une double con- séquence : La première, que le transport, la vente et le colportage de la graine devraient être interdits dès le mois de janvier, et que la campagne séri- cicole devrait s'ouvrir à la même époque ; La seconde, qu'il faudrait confier le soin de produire des graines et de les distribuer à une grande société coopérative, organisée d'abord sous le patronage et aux frais de l'Etat, et que l'industrie privée établirait ensuite dans toutes les régions intéressées. o Alors même que ces propositions ne seraient pas accueillies, les péti- tionnaires implorent votre intervention comme l'unique voie de salut qui leur reste, et vous supplient d'élucider, dans une discussion complète, les questions qui se rattachent à des intérêts dont on ne saurait contester 1 importance exceptionnelle. Tel est l'exposé sommaire de cette pétition, qui a été de notre part l'objet de l'examen le plus approfondi. Nous avons recueillisur le fléau qui désole la sériciculture et sur les moyens de le combattre de précieux ren- seignements au ministère de l'Agriculture et surtout dans les entretiens du jeune et déjà illustre savant qui, depuis 1865, poursuit avec une persé- vérance et un dévouement au-dessus de tout éloge la solution de ce difficile o problème. Ces renseignements, nous sommes heureux de pouvoir les livrer à la publicité. La maladie qui fait actuellement de si terribles ravages dans les magnaneries est connue sous la dénomination de gattine ou pébrine, et plus généralement de maladie des corpuscules. Elle a commencé en 1849. La récolte moyenne des cocons était alors en France de 20 millions de kilo- grammes. Pendant quelques années, la gattine est devenue presque stationnaire. Une statistique récemment publiée par le ministère de l'Agriculture et du Commerce évalue la production annuelle des cocons ainsi qu'il suit : kg 1853, année la plus féconde du siècle 26.000.000 1854 21.500.000 1855 19.800.000 1 ont à coup, sous l'influence de l'épidémie, la production s'est abaissée : kg En 1856, à 7.500.000 Et progressivement, en 186H, à 6.500.000 En 1864, à 6.000.000 Et en 1865, à 4.000.000 On n'a pu encore constater avec certitude le rendement des récoltes de ; l DES SI l: LA MALADIE M:- VERS A SOIE. 21 322 ŒUVRES DE PASTEUR lXiilJ et 18(37: mais on a acquis la triste certitude qu'elles n'ont pas été moins désastreuses que les précédentes. Par les soins du même ministère, une enquête spéciale sur la situation de l'industrie séricicole a lieu annuel- lement depuis 1860. Nous n'hésitons pas à placer sous vos yeux le résumé de l'enquête de 1867, quelque affligeant que soit le tableau des souffrances que cette enquête révèle. En voici le résumé : (( F. a situation de l'industrie séricicole, bien loin de s'améliorer en 1867, n'a fait que s'aggraver ou tout au moins est demeurée dans le statu (jiio. Le découragement commence à s'emparer d'un très grand nombre d'éducateurs; dans beaucoup de localités, on arrache les mûriers pour y substituer des cultures plus fructueuses. Il en résulte aussi une crise des plus violentes pour la fabrication des étoffes de soie; les salaires des ouvriers employés à cette fabrication, qui étaient autrefois de 10 à 12 francs par jour, ne sont plus que de 1 fr. 50 à 2 francs. De leur côté, les fabri- cants ne peuvent surélever le prix du marché, sous peine de diminuer les achats dans des proportions qui seraient funestes. Les ouvriers aban- donnent les manufactures, surtout à Saint-Etienne, pour embrasser d'autres professions, celles de mineurs ou d'armuriers. Les paysans renoncent aux petites éducations, où ils ne trouvent que des pertes. Si l'on en excepte le Gard, qui ressent l'influence de soins plus intelligents, les rendements s'abaissent, et la culture se restreint, même dans les dépar- lements qui avaient toujours été regardés comme les plus importants producteurs. » Qu'a-t-on fait pour conjurer ce fléau dont nous venons de retracer les déplorables résultats ? Dès son apparition, la science en étudia les sym- ptômes, et rechercha en premier lieu si le principe morbide n'était pas dans la feuille du mûrier. Elle apprit bientôt la preuve du contraire et concentra dès lors ses observations sur la graine. Des faits nombreux o constatés en France et en Italie démontrèrent que l'unique moyen d'échapper à la maladie ou du moins de la rendre moins intense, c'était l'emploi de graines non infectées par l'épidémie régnante : mais où les trouver:1 La contagion avait envahi avec une effrayante rapidité toutes les contrées séricicoles de l'Europe, la Turquie, l'Asie Mineure et même la Chine ; le Japon seul n'était pas atteint, et l'exportation de la graine des vers à soie y était interdite sous peine de mort. L'intervention de notre Gouvernement fit lever cette prohibition, et dès 1864, 400 onces furent achetées par la Société impériale d'acclimatation et transportées en France avec tous les soins nécessaires pour les empêcher de s'altérer pen- dant le cours de cette longue traversée. Par une coïncidence singulière, ces semences pures que la France allait chercher aux extrémités de l'Orient, l'Italie les rencontrait dans un village obscur de la Corse, situé vis-à-vis les côtes île la Toscane et de la Romagne, le village de Porto-Vecchio. Nous nous bornerons ici à reproduire un extrait des observations faites et publiées en 1807 par M. Guérin-Méneville, à qui le ministère de l'Agri- culture et du Commerce a confié l'inspection de la sériciculture ('). 1. <1[ i' m\-M r.NEYir.u--. [Observations de sériciculture laites en 18iw dans les départements ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 323 Voici commenl M. Guérin-Méneville s'exprima : « Je me suis rendu à Porto-Vecchio, le point principal de mes investi- gations en (.dise, afin d'étudier la fameuse éducation et les mûriers de M""' Rocca-Serra. s Cette vénérable dame m'a appris que la culture des mûriers et l'élève des vers à soie sont pratiqués dans sa famille depuis 1790. Il y a eu des interruptions dans les éducations, mais depuis une vingtaine d'années on n'a plus cessé d'en faire. C'est avec de la graine venue d'Italie que ces édu- cations ont été reprises, et depuis ce temps elles n'ont cessé de réussir d'une manière plus ou moins complète. « ... Les qualités exceptionnelles des graines de M""' Rocca-Serra ont d'abord été remarquées par des ouvriers italiens qui viennent tous les ans travailler en Corse. Ayant obtenu quelques onces de graines faites par M""' Rocca-Serra, celles-ci donnèrent dans leur pays des produits si magni- fiques et si avantageux, qu'ils renouvelèrent l'essai trois années et toujours avec le même succès. La connaissance de ces étonnants résultats s'étant répandue chez eux, une Société se forma pour venir exploiter cette espèce de mine d'or, et en 1863 elle passa avec M""' Rocca-Serra un contrat de sept, ans pour se faire réserver tous les produits de sa magnanerie. « Cette même Compagnie, reconnaissant que ces graines donnaient d'aussi bonnes récoltes dans d'autres parties de la Corse, prit les mêmes arrangements avec presque tous les autres propriétaires de mûriers de ce déparlement, et aujourd'hui ils sont les maîtres de cette remarquable pro- duction et l'emportent chaque année en Italie. » M. Guérin-Méneville ajoute que la Compagnie italienne, d'après les assurances qui lui ont été données, avait, pendant la campagne de 1866, confectionné en Corse plus de 12.000 onces de graines et réalisé sur la vente un bénéfice net de 300.000 francs. Il a remarqué avec un grand étonnement que la plupart des miniers de M"" Rocca-Serra, parmi lesquels il y en a de séculaires, se trouvent dans des terrains bas, situés au bord de la mer et d'étangs salés, presque inondes et coupés de canaux. 11 n'a vu sur leurs feuilles aucune trace de maladie. Les vers de M"" Rocca-Serra, lorsque M. Guérin-Méneville les a inspectés, étaient sortis du quatrième sommeil et magnifiques de sanli et d'aspect. Il n'a trouvé dans les litières aucun ver malade ou mort, ni aucune moisissure. Il a depuis appris (pie la récolte avait répondu à toutes les espérances qu'elle faisait concevoir. Malheureusement de nombreux essais ont démontré que la graine de M""' Hocca-Serra, partout ailleurs qu'à Porto-Vecchio, et celles du Japon ne conservent pas toujours leur pureté' primitive. L'enquête officielle de 1867 a établi que cette dernière, la graine du Japon, réussit généralement la pre- mière année de son importation en France, mais elle dégénère à la seconde ou à la troisième reproduction. Aussi l'usage en est-il abandonné dans un grand nombre de localités, d'autant plus que la petitesse et la légèreté t\v^ cocons la font rejeter par le commerce; dans les Alpes-Maritimes, on les payait en ISl>7 moitié moins que les produits d'une origine différente. ■ lu sud-est, de l'est el du nord-esl de la France. Journal de V agriculture, ï> avril 1868, II, p. 38-59. 324 ŒUVRES DE PASTEUR Après ces tentatives infructueuses, il était urgent de découvrir, si c'était possible, un procédé qui garantît les éducateurs découragés des déceptions d'autant plus cruelles que souvent elles se manifestent au moment même où toutes les dépenses ont été faites et où le succès paraît assuré ; les vers de la plus belle apparence, parvenus presque au terme de leur développement, périssent tout à coup comme par l'effet d'un empoi- sonnement instantané. Tous les efforts du Gouvernement ont eu pour but la recherche d'une méthode sûre qui prévînt ces désastres ; le Sénat s'est associé par ses votes aux principales mesures qui ont été prises. En 1865, trois mille cinq cent soixante-quatorze maires, conseillers municipaux et propriétaires du département du Gard, de l'Hérault, de la Lozère et de l'Ardèche nous adressèrent une pétition qui contenait, entre autres demandes, celle d'une étude à la fois théorique et pratique de l'épi- zootie, de son origine, de sa propagation et des moyens de la combattre e1 de la prévenir. Les signataires exprimaient le vœu qu'une Commission spé- ciale et permanente fût constituée au ministère de l'Agriculture. Un remar- quable Rapport de notre éminent collègue M. Dumas mit en évidence la justice et l'opportunité de cette demande. Le Sénat, dans sa séance du !> juin 1865, prononça, par un vote unanime et avec l'adhésion du commis- saire du Gouvernement, le renvoi de la pétition au ministère de l'Agricul- ture, qui s'empressa d'y donner suite en instituant la Commission. En même temps, sur la désignation de M. Dumas, vice-président de cette Commission, le ministre qui est devenu notre collègue chargea M. Pasteur, membre de l'Institut, d'aller étudier le fléau aux lieux oii il sévissait avec le plus de violence. Quel secours M. Pasteur trouvait-il, pour l'accomplissement d'une mission si délicate, dans les remarquables travaux entrepris en France par MM. Guérin-Méneville et de Quatrefages, en Italie par MM. Filippi, Cornalia, Osimo et Vittadini ? De l'ensemble de leurs observations il résultait que, dans les vers à soie atteints par l'épidémie, on pouvait constater la présence de corpuscules vibrants, produit anormal qui, en se multipliant, entraînait la perte de l'éducation tout entière. Le véri- table caractère de la maladie se trouvait ainsi parfaitement déterminé. C'était beaucoup pour la science, mais nul n'avait encore indiqué aux édu- cateurs un procédé pratique pour confectionner une graine dont le ver lût à l'abri de la contagion. Aussi la crise, comme nous l'avons déjà dit, s'aggravait-elle d'année en année. C'est après des essais nombreux, pour- suivis sans relâche pendant trois campagnes consécutives, que, dans un Rapport adressé à M. le ministre de l'Agriculture, le 25 juillet 1867 (d), M. Pasteur a pu annoncer la découverte d'une méthode sûre et facile pour produire en grand une graine qui permît d'entreprendre des éducations dans les contrées même les plus infectées, avec la presque certitude d'un rendement au moins égal à celui qu'on obtenait, avant l'épidémie, dans les années les plus prospères de la sériciculture. Voici en quoi consiste cette méthode : dans une chambrée dont les cocons viennent d'être formés, on en extrait de cent à cent cinquante ; on les sou- met à une température de 25 à 30° Réaumur. On fait anticiper ainsi de cinq 1. Voir ce Rapport, p. 511-523 du présent volume. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 325 à six jours réclusion dos chrysalides et des papillons. s de CÊdition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 327 Gouvernement n'a-t-il pas place les intérêts de la sériciculture sous le patronage el la surveillance active d'une Commission composée de nos plus hautes notabilités scientifiques? N'a-t-il pas distribué des primes et des microscopes pour substituer des semences pures aux graines suspectes que la cupidité propage el que l'ignorance accepte aveuglément? N'est-ce pas enfin un délégué du Gouvernement qui, après avoir, par des investigations non interrompues pendant trois campaniles consécutives, sondé le mal dans sa mystérieuse constitution, est parvenu à s'en rendre maître, ce qui enseigne le secret de le vaincre à nos populations reconnaissantes? Que lest o-t-il donc à faire, si ce n'est à marcher résolument dans la voie que M. Pasteur a si bien tracée et qu'ont suivie avec tant de succès M. Ravbaud-Lange dans les Basses-Alpes, la Commission départementale à Perpignan ? Votre Commission, malgré toute la sympathie que lui inspirent les réclamai ions des pétitionnaires et leurs souffrances imméritées, ne trou- vant dans la pétition aucune vue utile ou pratique, el rendant hommage aux efforts et à la constante sollicitude du Gouvernement, a l'honneur de vous proposer de passer à l'ordre du jour. SENAT (Avril 1869: [»]. M. le président. La parole est à M. le comte de Sartiges. M. le comte de Sartiges, ra pporlr ii r . Messieurs les Sénateurs, M. Numa Laval, négociant à Alais (Gard), demande au Sénat : « Que, pour éviter les erreurs qui se produisent dans l'achat des graines de vers à soie importées du Japon, il soit créé à Marseille une Com- mission spéciale chargée de contrôler à la douane l'importation de ces semences, et d'estampiller chaque carton suivant la qualité des graines qu'il renferme. » Cette demande, portant sur un détail de l'industrie séricicole, est en quelque sorte le complément de toutes celles qui ont motivé les pétitions adressées annuellement au Sénat depuis 1858, et auxquelles le Gouverne- ment de l'Empereur a donné une sérieuse attention. \ otre Commission pense qu'une enquête faite par les municipalités, cen- tralisée aux préfectures, et dans laquelle seraient entendus les acheteurs et les vendeurs de graines, serait de nature à faire découvrir peut-être des moyens pratiques pour éviter, au moins dans la mesure du possible, la fraude ci-dessus indiquée, dont les sériciculteurs français se plaignent d'avoir eu à souffrir. I. Journ il officiel de l'Empire français, l" année, n" 110, 21 avril 1869, p. 577. (Note de l'Édition.) 328 ŒUVRES DE PASTEUR C'est dans cette pensée que, tout en s'associant au vœu des Commissions précédentes, qui ont invité le Gouvernement à prendre des mesures protec- trices à ce sujet, votre Commission, qui ne croit pas pouvoir recommander l'adoption du moyen proposé par le sieur Numa Laval, c'est-à-dire la création à Marseille d'une Commission spéciale de vérification, a cru cependant devoir appeler l'attention du Gouvernement sur les inconvénients de la fraude, les moyens de la prévenir, et, dans ce but, elle propose le renvoi de la pétition du sieur Numa Laval à S. Exe. le ministre de l'Agri- culture, du Commerce et des Travaux publics. M. CiAuni\, commissaire du Gouvernement. Messieurs les Sénateurs, avant d'examiner la proposition du pétitionnaire, je demande au Sénat, qui a désiré entendre les observations que le Gouvernement pourrait avoir à présenter, de lui faire connaître en peu de mots la situation de cette industrie si intéressante de la production de la soie en France et les mesures auxquelles elle a donné lieu. Cette industrie, Messieurs, vous ne le savez que trop, est depuis long- temps atteinte par la maladie des vers, maladie à laquelle toutes les recherches jusqu'ici n'ont encore pu apporter un moyen curatif complet et satisfaisant. Est-il à craindre, tant qu'un résultat ne sera pas obtenu, que la sollicitude du Gouvernement s'arrête, que sa préoccupation cesse, et que, lassé d'une lutte dans laquelle les efforts incessants de tous, les recherches de la science, n'ont pu encore arriver à triompher des obstacles, il aban- donne à la Providence une solution si désirée, si impatiemment attendue par ces populations laborieuses et intelligentes auxquelles, depuis le com- mencement de la crise, il a toujours témoigné tant d'intérêt? Non! Messieurs, et toutes les fois que la question s'est présentée devant le Sénat, toutes les fois qu'une pétition vous a été adressée sur ce sujet, le Gouvernement s'est empressé de venir renouveler à cette tribune les déclarations les plus formelles et protester de la sollicitude constante avec laquelle il suivait dans toutes ses phases cette question de la production de la soie, également importante pour notre agriculture et pour une industrie qui est peut-être encore au premier rang parmi celles de l'Empire. Et ce n'est pas seulement par des déclarations à la tribune, c'est par tous les moyens que cette sollicitude du Gouvernement s'est manifestée. Les populations ont obtenu des dégrèvements de contributions, des ateliers de travaux publics ont été ouverts pour leur donner les moyens de traverser les mauvais jours, et d'attendre, avec ce courage dont elles ont donné de nombreux et admirables exemples, le moment, espérons-le, aujourd'hui assez rapproché, où la maladie sera vaincue, et où elles pourront retrouver dans cette magnifique culture de la soie les bénéfices considérables qu'elles en obtenaient autrefois, et qu'aucune autre, dans certaines contrées surtout, n'a pu et ne pourrait remplacer. En dehors de ces moyens d'action qui peuvent être employés dans toutes les calamités, le Gouvernement s'est attaqué d'une manière directe à la maladie elle-même. L'Empereur a chargé les hommes les plus compétents de l'étudier. C'est ainsi qu'il a institué une haute Commission, dans laquelle ÉTUDES SUR LA MALADIE DUS VERS A SOIE 329 les notabilités de la science et celles ilu Gouvernement sont réunies aux hommes les plus spéciaux pour rechercher tous les moyens de connaître et de vaincre cette étrange et terrible maladie. De plus, un savant éminent, bien connu par les travaux si remarquables auxquels il s'est livré. — j'ai nommé M. Pasteur, — a été. non pas une fois, non pas deux fois, mais cette année, pour la cinquième fois, chargé d'une mission dans les départements séricicoles, et avec un dévouement égal à sa science, il n'a épargné aucun travail, aucune recherche, pour tâcher d'arriver à la solution de ce problème depuis si longtemps et si ardemment cherchée. Voilà ce qui s'est fait, Messieurs. Quel a été le résultat de tant d'efforts, une solution heureuse et définitive a-t-elle été obtenue? A ce sujet, je ne puis mieux faire que de mettre sous vos yeux quelques points d'un remar- quable Rapport fait il y a quelques jours devant la Commission supérieure de l'enquête agricole, par un des membres éminent s du Sénat, M. le duc de Padoue, sur cette importante question (*). La solution définitive est entrevue, peut-être; mais, constatée par des succès partiels, elle ne l'est pas par des résultats généraux : pas encore, Messieurs, car le jour où elle le serait, le Gouvernement ne reculerait devant aucun effort nouveau et emploierait avec bonheur tous les moyens dont il dispose pour que cette solution, passant dans la pratique des faits, rendît enfin à toutes ces populations, si malheureusement atteintes dans leurs principales richesses, une prospérité tant désirée. Cependant, tant de travaux et d'efforts n'ont point été inutiles jusqu'ici; si, dans cette question comme dans tant d'autres, le dernier mot ne peut être trouvé, si la cause si longtemps cherchée de la maladie échappe jusqu'à présent et déjoue les recherches, si le moyen curatif pour les êtres ou même pour les graines déjà atteintes de la maladie n'a pas encore été ren- contré, les travaux île la Commission ont déjà donné des résultats précis que la pratique et l'expérience des faits ont confirmés. Les résultats obtenus par M. Pasteur sont constatés par la Commission supérieure de l'enquête agricole dans les termes suivants : « M. Pasteur a posé, dit le Rapport dont je parlais tout à l'heure, cette conclusion remarquable : « Jamais un œuf quelconque ne contient de corpuscules quand il a été produit par des papillons qui n'en contenaient pas eux-mêmes. Il faut donc élever exclusivement des graines exemptes de cette maladie corpusculaire, condition que l'on réalise sûrement par l'examen microscopique préalable des cocons destinés au grainage. » C'est donc là maintenant que se portent la pensée et l'espérance de la Commisssion agricole, la pensée de la Commission spéciale : conseiller et favoriser la culture par de petites éducations séparées faites avec des graines provenant d'individus sains dans les pavs où l'épidémie n'a pas encore pénétré. « C'est par ces éducations qui ont été, dit le Rapport, déjà tentées dans quarante-trois départements où elles ont produit les résultats les plus 1. Il s'agit du Rapport qui suit, intitulé : Sériciculture. Voir p. 332-337 du présent volume. \Xote de l'Édition.) 330 ŒUVRES DE PASTEUR heureux, qu'on doit chercher non pas ce dernier mot qui échappe toujours à la science humaine dans les secrets de la nature, mais cette solution pra- tique dont tant île populations attendent le retour de leur ancienne pros- périté. » Mais quelque chance que cel espoir ait de se réaliser, est-ce à dire, Messieurs, qu'il faille laisser de coté ces différents moyens dont on s'est occupé depuis longtemps, et qui, à l'époque où toutes les graines paraissent atteintes en France, ont permis à l'industrie de la sériciculture, non pas de se relever et d'atteindre cette prospérité qu'elle avait autrefois, mais de ne pas disparaître définitivement et de conserver ces mûriers, ces arbres si précieux et en nombre si considérable constituant une richesse acquise qui ne pourrait se produire qu'après de longues années d'attente? Pendant longtemps, certaines contrées ont continué à se livrer à la reproduction, car alors toutes les parties de la France n'étaient pas atteintes: c'étaient là que les sériciculteurs qui, auparavant, produisaient leur graine eux-mêmes, allaient chercher celles qui leur étaient devenues nécessaires. Mais avec le temps la maladie a tout envahi; elle s'est étendue au dehors, et c'est ainsi que successivement les marchands de graines, industrie qui n existait pas autrefois, chacun produisant en raison de sa consommation, se sont répandus d'abord en Italie, puis en Orient. Mais à mesure que l'on multipliait les recherches, il semble que la maladie, elle aussi, étendait ses ravages. C'est ainsi qu'après avoir cherché vainement dans toutes les parties de l'Europe, après avoir exploré toutes les contrées de l'Orient et même de l'Extrême-Orient, on n'a plus trouvé qu'un seul pays qui, par une laveur exceptionnelle, avait été jusque-là préservé de la contagion : ce pays, c'est le Japon, et, dans les dernières années, c'est là seulement qu'on a rencontré une graine que la maladie n'avait pas encore infectée. Qu'est-il alors arrivé? Le Gouvernement a fait comme dans toutes les questions de ce genre. Non seulement il s'est empressé de donner à tous le témoignage de sollicitude que les grands corps de l'État, et le Sénat notamment, par de nombreux renvois de pétitions, avaient réclamé de lui, mais encore il a prouvé, de la manière la plus décisive, tout son intérêt pour cette grave question. L'envoyé de l'Empereur au .lapon a sollicité du Gouvernement de ce pays le retrait d'une ancienne loi de l'Empire qui défendait, sous peine de mort, l'exportation des graines japonaises; un certain nombre de cartons ont ete envoyés en Europe, et même celui qui était alors le Souverain véritable du Japon en a offert plusieurs milliers à l'Empereur, qui s'est empressé de les faire distribuer parmi les populations les plus sérieuse- ment éprouvées. Les graines du Japon paraissent avoir été jusqu'ici préservées de l'enva- hissement de la maladie, et cela par une circonstance que signalait l'autre jour l'honorable M. Dumas, dont je ne saurais trop regretter l'absence, car sa voix, bien plus autorisée que la mienne, n'aurait pas manqué d'apporter ici des renseignements du plus haut intérêt. la solution qui, momentanément du moins, semblait la plus satisfaisante ÉTUDES SI R LA MALADIE DES VERS A SOIE 331 paraissait être de se procurer, dans celle contrée véritablement privilégiée, des graines importées en France qui permettraient d'y conserver la produc- tion de la soie. Ici plusieurs difficultés se présentaient. D'abord, la graine du .lapon n'est pas toujours analogue à celle de France; elle n'éclot pas toujours aux mêmes époques, parfois elle éclot deux fois et même trois fois dans l'année. Elle expose les éducateurs à perdre non seulement la récolte espérée, mais encore le prix de la graine elle-même. De plus, le Japon, à l'abri de l'épidémie, était-il également à l'abri de l'importation des graines étrangères venant de pays atteints par la contagion ? Ici, j'ai le bonheur de pouvoir dire que, du moins, ce ne sont pas des Français qui, à l'abri de notre pavillon, ont tenté une odieuse spéculation, quand on a vu que les graines du .lapon arrivaient dans nos ports avec une marque constatant leur origine, avec un timbre spécial apposé par les soins du représentant de la France. Une manœuvre indigne a été tentée, on est allé acheter des graines dans les pays voisins, où l'invasion de la maladie s'était produite, on les a portées au .lapon, puis on a osé solliciter l'appo- sition du cachet de notre Consulat général ! Mais, je le répète, pas un de nos Français n'a été mêlé dans de semblables tentatives. Ces tentatives pouvaient compromettre le résultat de l'importation des graines en France: mais le Gouvernement veillait: il les a déjouées, et, à la suite des négociations ouvertes avec le Gouvernement voisin, le ministre de France à Pékin a obtenu que l'on ne pût exporter de la Chine, pour la transporter au Japon, aucune espèce de graine sans avoir obtenu une permission spéciale et l'apposition du cachet de la France. Ainsi. Messieurs, toutes les mesures ont été prises pour cjue les graines venant véritablement du Japon portent avec elles et sur les cartons, non pas des informations précises sur leur qualité et leur valeur, que nos agents, au moins dans le pays, ne possèdent pas encore, mais leur certificat d'ori- gine. Pour cela, des cachets de deux espèces, changeant tous les ans, et chaque mois, pendant les mois de juillet et d'août, où se fait cette expé- dition, sont apposes sur les cartons qui, au Japon, sont présentés à nos agents. Ces deux modèles de cachets, envovés en France, sont mis à la disposition îles autorités départementales et communales dans toutes les localités intéressées à les connaître. Ainsi chaque personne qui veut acheter des graines japonaises peut contrôler elle-même si les cartons portent véritablement l'empreinte officielle, et si cette empreinte ne présente aucune trace d'altération. Telle est la situation. Messieurs. M. Numa Laval, ancien marchand de graines, désire que le Gouvernement, après avoir pris des mesures pour constater, non pas la qualité de la graine, je le répète, mais du moins son origine, fasse davantage. Que demande-t-il ? Je lis le Rapport de la Com- mission : 11 demande que, « pour éviter les erreurs qui se produisent dans l'achat des graines de vers à soie importées du lapon, il soit créé à Marseille une Commission spéciale chargée d'examiner les graines importées et d'estam- piller chaque carton suivant sa qualité ». o 332 ŒUVRES DE PASTEUR Je le disais tout à l'heure, et je reviens sur la remarque que je faisais au commencement de ces observations, la science croit avoir reculé le domaine des faits déjà connus: elle a trouvé les moyens de constater sur les papillons l'existence de la maladie; elle croit pouvoir affirmer que, quand la maladie ne s'est pas développée sur le papillon, la graine qu'il produira sera saine et pourra se produire dans de bonnes conditions. Mais ce sont là les seuls points qui peuvent être précisés d'une manière certaine, et le savant éminent qui les a constatés par ses travaux déclare, avec autant de loyauté que de modestie, qu'il ne saurait jusqu'ici, par le seul examen de la graine, reconnaître si elle est bonne. Voici comment s'exprime sur ce point le Rapport de la Commission de l'enquête agricole : « Jusqu'ici M. Pasteur ne donne pas de moyen propre à faire connaître si une graine est bonne, son origine étant inconnue. Il donne le moyen de reconnaître si la graine est bonne, non en l'examinant elle-même, mais en examinant les deux papillons qui l'ont produite. » M. le président. Je consulte le Sénat sur l'ordre du jour proposé par M. Bébie. L'ordre du jour est adopté. En 1867, le Gouvernement de l'Empereur ordonna une enquête ayant pour objet l'étude approfondie de tout ce qui intéressait alors les besoins de l'agriculture et de toutes les industries qu'elle alimente. Le Rapport suivant résume l'opinion de la Sous-Commission des Vaux de l'enquête, en ce qui concerne la sériciculture. SERICICULTURE (i) RAPPORTEUR : M. LE DUC DE PADOUE, SÉNATEUR. Parmi les maladies qui ont menacé le plus sérieusement la production française, celle du ver à soie à dû appeler toute la sollicitude du Gouverne- ment. La diminution considérable de la production des cocons, en menaçant d'une ruine complète l'une de nos industries autrefois les plus prospères, a nécessité l'intervention du Gouvernement, qui a fait rechercher quelles pouvaient être les causes de la maladie. A cet effet, il a confié des missions à des hommes compétents, savants ou praticiens. L'Empereur a nommé auprès du ministre de l'Agriculture une Commission centrale, composée des I. /// : Enquête agricole. lre série, tome II, Parts, Imprimerie impériale, 1869, p. 603-613. (Note de L'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 333 savants les plus éminents, comme des négociants et des producteurs les plus expérimentés. Sur la proposition de cette Commission, le Gouver- nement a institué, dans les départements intéressés, des primes à l'effet d'y multiplier les petites éducations pour graines, reconnues plus avanta- geuses, et à les introduire dans les départements dont la configuration géographique, la nature du sol ou le climat paraissaient devoir être favo- rables à la régénération ou a la conservation des bons types. 26.000 francs, en 1867, ont été affectés à cette destination, et des primes, de 200 francs chacune, ont été instituées dans quarante-deux départements. Tous les concours, pour ces primes, n'ont pu avoir lieu cette première année. Ils ont été renouvelés, en 1868, dans quarante-trois départements et le total des primes allouées s'est élevé à 28.600 francs. Aux ternies des instructions ministérielles, ces primes doivent être décernées à l'éducation, de ."> grammes au moins et de 10 grammes au plus, qui aura donné, à la fois, le rendement le plus élevé et la meilleure qualité de graine. La première moitié seulement est délivrée la première année à l'éducateur. Ce n'est qu'après l'expérimentation de la graine et la constatation de résultats satisfaisants qu'il touche le reste de la prime. Le préfet fait suivre ces édu- cations par une Commission locale, prise le plus généralement dans le sein de l'Association agricole qui étend son action sur le canton de l'éducateur. Notons qu'il y a lieu d'accorder la seconde moitié des primes dans la plupart des départements où on avait déjà décerné la première. Ces essais sont commences depuis trop peu de temps pour qu'il soit possible d'en connaître encore toute l'efficacité. Cependant, clans le Gard, elle parait déjà se manifester d'une manière très sensible. En 1805, l'Empereur, ayant reçu du Taïcoun du Japon quinze mille car- tons de graines de vers à soie de choix, a bien voulu abandonner ce don aux sériciculteurs français, dans le désir de porter par là remède à la situation actuelle. Une enquête a fait connaître les résultats, assez satisfaisants sous certains rapports, des éducations entreprises avec ces graines. Malheu- reusement, la maladie parait sévir également sur les graines étrangères acclimatées, et les éducateurs semblent porter de nouveau leurs efforts sur les graines indigènes régénérées au moyen des petites éducations. Le Gouvernement avait chargé M. de Quatrefages, M. Decaisne et M. Peligot. membres de l'Académie des sciences, de lui donner leurs avis sur les conditions physiologiques, agricoles ou chimiques, auxquelles la maladie actuelle pouvait être attribuée. M. Peligot a reconnu qu'elle ne s'expliquait par aucun l'ait chimique appréciable, malgré l'opinion contraire de M. Liebig. M. Decaisne a démontré que le mûrier n'en pouvait pas être la cause première, les conditions de végétation et de vitalité, l'état satisfaisant de la feuille étant toujours les mêmes, quoi qu'on en ait pu dire. M. de Quatrefages a publié un ouvrage spécial complet sur la maladie des vers à soie, et il en a retracé l'histoire dans tous ses détails. Il Fa con- sidérée comme héréditaire, épidémique et contagieuse. Enfin, le Gouvernement a envoyé un de nos savants les plus éminents, M. Pasteur, dans le Midi, où, dans quatre missions successives, laborieuses et fructueuses, il s'est livré aux études les plus approfondies sur celte 334 ŒUVRES DE PASTEUR maladie. Il s'est déjà installé pour la cinquième, et il étudie les éducations précoces. Cette mission, commencée en 1865, renouvelée en 1866, 1867, 1868, 1869, a donné d'importants résultats scientifiques et pratiques. Durant tonte la campagne séricicole, M. Pasteur établit le siège de ses travaux à Alais, et adresse au ministre, à la fin de cette campagne, sur le résultat de ses recherches, un Rapport qui est publié. Les études spéciales entreprises par ce savant promettent une heureuse issue. Dans le Rapport de 1866 ('),M. Pasteur déclarait qu'il était très porté à croire qu'il n'existe point de maladie actuelle particulière des vers à soie, et que le mal dont on se plaint a toujours existé, mais à un degré moindre. Comment reconnaître l'existence de cette maladie dans les vers? Aux cor- puscules, dont la nature est encore indéterminée, La présence de ces corpuscules lui paraît une preuve certaine de maladie. L'illustre savant ne croit pas, cependant, que ce soit la seule: mais la graine provenant de papillons non corpusculcux semble offrir des conditions, en général, suffi- santes pour assurer une lionne éducation. Le Rapport de 1867 f2) confirme le précédent, établissant, en outre, par tics expériences directes et précises, que l'épidémie est transmissible par hérédité, par les aliments et par l'inoculation. M. Pasteur fait voir, en outre, que, parmi procédé de sélection heureu- sement conçu, constituant une méthode de grainage parfaitement pratique, on pourra prévenir d'une manière à peu près certaine l'apparition de la maladie des corpuscules avant la montée. La mission de 1868 n'a l'ait qu'ajouter aux espérances déjà conçues anté- rieurement. Les travaux accomplis cette année sont venus confirmer et com- pléter les conclusions du Rapport de 1867. Les sou (Iran ces de l'industrie séricicole proviennent de deux maladies : l'une, la plus générale et la plus dangereuse, est la maladie des corpuscules, dont il a déjà été question; I autre, moins fréquente, est la maladie des morts-llats, héréditaire ou acci- dentelle, sévissant même sur les graines les plus pures de corpuscules, et due au développement « d'un petit ferment, en chapelets de grains » dans le canal intestinal du ver. On ne connaît pas le moyen de guérir la maladie des corpuscules. « Heureusement, dit M. Pasteur, dans son Rapport du 5 août L868 (3), la connaissance d'un remède n'a rien de nécessaire. On peut prévenir cette maladie d'une manière absolue, au moment de la confection des graines, en écartant des éducations toute graine fournie par des papillons corpuscu- lcux. » Et M. Pasteur arrive à poser ces conclusions remarquables : « Jamais un œuf quelconque ne contient de ces- corpuscules quand il n été produit par des papillons qui n'en contenaient pas eux-mêmes... Il /'nul donc élever exclusivement des graines exemptes de cette maladie corpusculaire, con- dition que l'on réalise sûrement pur l'examen microscopique préalable des cocons desimcs nu grainage. » 1. Voir, p. 436-448 du présent volume : Nouvelles études mu- la maladie des vers à soie. •,'. Voir ce Rapport, p. 511-SW3 du présent volume, :i. Voir ce Rapport, p. 547-576 «lu présent volume. [Notes de l'Édition.) ETUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 335 La maladie des corpuscules prend une intensité extraordinaire par la concentration des éducations trop nombreuses dans un rayon restreint; la quantité des sujets corpusculeux est plus forte dans les éducations des loca- lités à grande culture, et, dans ces dernières, il est inutile d'essayer des éducations pour graine. Les faits sont venus justifier les prévisions établies dans le Rapport de l'année dernière; les graines non corpusculeuses ont eu un rendement qui peut aller au double de celui des anciennes époques de prospérité. Par exemple, la Ferme-Ecole de Paillerols a pu livrer au commerce, en 1807. 2.500 onces de graines saines, et 5.000 en 1868. Des graines provenant de deux chambrées de cette Ferme-Ecole ont été distribuées gratuitement à cent douze éducateurs des Hautes et Basses-Alpes, par lots de demi-once, de i once et de 2 onces, à condition que ces éducateurs élèveraient exclu- sivement cette sorte de graines. Le rendement moyen a été de 45 kilo- grammes de cocons par chaque once (de 25 grammes) de graines. Avant l'apparition du fléau actuel, un éducateur était satisfait quand il obtenait 25 kilogrammes de cocons par once de graines. De même, dans les Pyrénées- Orientales, par les soins d'une Commission locale, il a été constaté que toutes les chambrées corpusculeuses ont échoué et que la plupart des autres ont réussi. Il faut citer encore les départements des Hautes et Basses- Alpes, du Var, des Alpes-Maritimes, de Vaucluse, de l'Hérault et de la Corse ('). Quand ces premiers résultats auront été confirmés par de nouvelles expériences, entreprises d'une manière plus générale, les sériciculteurs, au lieu d'aller porter au Japon l'argent de la France pour la munir de graines de races très inférieures aux nôtres, auront intérêt à se transporter dans nos départements de petite production, à y faire élever de la graine pure, ;i en surveiller les éducations et à choisir au microscope les meilleures chambrées pour les livrer au grainage. L'autre maladie, celle des morts-flats , pourra, sinon être écartée d'une manière absolue, du moins être notablement atténuée par l'élimination des graines prédisposées héréditairement à ce mal, grâce à une observation microscopique facile du contenu de la poche stomacale et corrélative de celle tendant à la recherche des corpuscules. Jusqu'ici, cette maladie, com- promettant l'efficacité du procédé de M. Pasteur, qui ne s'attaquait encore qu'à la maladie des corpuscules, était la principale objection de certains sériciculteurs contre l'emploi de cette méthode. Les recherches de 1868 laissent cette objection sans fondement, et permettent d'espérer qu'on arrivera prochainement à une solution définitive. Tels ont été les résultats des missions confiées a M. Pasteur. Ils ont repondu à l'attente des personnes qui l'avaient désigné comme préparé par 1. 1 >.i ri ^ ce dernier département, l'enquête a démontré que les plantations de mûrier, aban- données pendant un temps, se multipliaient activement, et que l'éducation des vers à soie pro- mettait de devenir une source de prospérité pour certaines parties de l'Ile. A Porto-Vecchio, notamment, la graine est en grande réputation; elle est achetée à des piiv inconnus précédemment, et surtout par des commerçants italiens. Le prix moyen en est de à"i francs l'once, et se serait élevé jusqu'à 50 francs. Il parait constant que la maladie n'atteint pas les vers qui y sont élevés. Les éducations se l'ont sur une petite échelle, dans les maisons particulières el dans les fermes. 336 ŒUVRES DE PASTEUR ses études sur les organismes inférieurs à l'accomplissement de ces difficiles recherches. Ceux qui savent ce que la science pouvait espérer des travaux de son laboratoire et des efforts de sa pensée sont seuls en état d'apprécier ce que lui doit la sériciculture et quels sacrifices il lui a faits. Sur la proposition de la Commission centrale de sériciculture, le ministre de l'Agriculture, désireux de donner toute l'efficacité nécessaire aux enseignements et aux découvertes de l'illustre académicien, a l'ait répandre dans les départements séricicoles un grand nombre de micro- scopes. Dans ceux du Gard et de Vaucluse, le Conseil général s'est associé à cette mesure en décidant, de son côté, qu'un certain nombre de microscopes seraient achetés par le département pour être placés dans les mains des éducateurs ou des instituteurs. Plusieurs sériciculteurs ont profité de la présence de M. Pasteur à Alais pour lui demander des conseils sur la manière de se guider dans leurs observations. C'est ici le cas de dire que M. Pasteur s esl nus, avec une patience égale à son ardeur, au service de tous les édu- cateurs, et. à toute heure du jour et de la nuit. Pas une chambrée offrant dos symptômes inquiétants qu'il n'ait visitée aux environs d'Alais, prodi- guant ses forces, ses soins et ses conseils jusqu'à compromettre pour tou- jours sa santé. En outre, des hommes de bonne volonté se sont chargés, dans le Gard, de faire, sous sa direction, des conférences aux instituteurs, pour leur apprendre le maniement du microscope, et pour donner à leurs observa- tions un caractère scientifique et les rendre ainsi véritablement fructueuses. Avec l'aide des précieux renseignements de M. Pasteur, ceux-ci se livrent à des observations sérieuses et efficaces, qui, ne donnant peut-être pas toujours des résultats immédiatement pratiques, permettront, cepen- dant, de réunir un ensemble de faits suffisant pour dégager la vérité scien- lilique et pour en déduire les règles pratiques à suivre, soit pour l'éduca- tion des vers, soit pour la distinction des bonnes graines et des mauvaises. Jusqu'ici, M. Pasteur ne donne pas, en effet, de moyen propre à faire connaître si une graine est bonne, son origine étant inconnue. Il donne le moyen de reconnaître si la graine sera bonne, non en l'examinant elle- même, mais en examinant les deux papillons qui l'ont produite. Les sériciculteurs, qui sont peut-être trop exigeants, demanderaient davantage : ils voudraient qu'on leur apprit à distinguer la bonne graine de la graine malade; ils voudraient qu'on leur fournit le remède propre à guérir les vers atteints par la maladie. M. Pasteur leur répond, avec une grande sagesse, que de telles solutions ne se découvrent pas ordinairement par les seuls efforts des méthodes scientifiques, et qu'elles naissent d'un hasard heureux sur lequel on ne doit pas compter. Au contraire, les procédés préventifs, et c'est vers ceux-là que tous ses efforts sont dirigés, sont de nature à être combinés par le raisonnement, et leur recherche n'a rien qui soit au-dessus des forces de la science. Heureusement, pour le présent, les facilités données au commerce pour amener des graines du Japon bien choisies, et, pour l'avenir, le résultat consolant des recherches persévérantes et fructueuses de M. Pasteur, les ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 337 efforts de beaucoup de sériciculteurs distingués, sont venus rendre des espérances aux éducateurs, el l'enquête séricicole de 1S6S, dont les résul- tais ne sont point encore entièrement connus, permet de constater, par avance, au moins le statu quo, peut-être même une légère amélioration dans les conditions de la production séricicole, prise dans son ensemble. Mais ce h est pas la ce qui caractérise la campagne de 1868. Les leçons qu'elle a données, et c'est par elles qu'on en tirera bon parti, résultent de ce fait, qu'à côté des pires insuccès on a obtenu des récoltes d'une abondance inconnue, et cela par la seule différence des graines employées. Ainsi, la feuille, le climat, le mode d'éducation ne peuvent rendre bonne une graine viciée, ni rendre improductive une bonne graine. Ces résultats extrêmes, constatés dans la même commune et parfois cliez le même éleveur, justifient les efforts dirigés vers la production de la graine saine par le choix judicieux des parents, base de la régénération de l'industrie séricicole. 11 y a donc lieu de croire que l'industrie à laquelle Sully et Colbert avaient donné une si énergique impulsion, se relèvera par cette voie, et qu'elle reconquerra, qu'elle accroîtra même sa prospérité des temps passés. ETU0] EKS .1 SOIE. DEUXIÈME PARTIE RAPPORTS ET PUBLICATIONS DIVERSES CONFIRMANT LEFFICACITÉ DE MON PROCÉDÉ DE CONFECTION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE Pendant les quinze ou dix-huit années qui uni précédé mes étude*, le mal a provoqué une multitude de recherches, de journaux, de bro- chures On a proposé des remèdes sans nombre pour le combattre. On a formulé des théories sur ses causes et sur sa propagation a tra- vers l'Europe et l'Asie. Parmi les auteurs de ces travaux, il en est dont l'impuissance se traduit aujourd'hui par la négation des progrès qui ont échappé à leurs investigations. C'est la loi commune pour toutes les découvertes nouvelles. D'autre part, le commerce des graines avec le Japon ne peut avoir de prospérité et de durée qu'au prix de la continuation du fléau. Les Compagnies qui exploitent ce nouveau genre de négoce avec l'Extrême-Orient ont donc intérêt à nier la possi- bilité du grainage indigène. Quant à la déloyauté et aux manœu\ res de certaines personnes livrées au commerce de la graine indigène, elles dépassent toutes les bornes. Le lecteur me saura gré, sans doute, de passer sous silence les attaques passionnées auxquelles ont donné lieu mes Communications à l'Académie des sciences et à divers Recueils l). Je ne crains pas d'être démenti en assurant que, dans toutes les contradictions qui se sont fait jour, il n'y a pas un fait, pas une observation sérieuse. On m'a opposé des opinions préconçues, des théories hasardées, et sur- tout un certain nombre d'insuccès d'éducations faites avec des graines confectionnées d'après mon procédé de grainage. s;ms s'inquiéter tles causes qui a\aient pu provoquer ces échecs, comme si la non-réussite d'une éducation avait pour conséquence nécessaire que la graine élevée était mauvaise. 1. lin trouvera, p. D96-6HC du présent volume, les réponses faites aux attaques dont il ''si estion. Note de l'Édition ETUDES SCIi LA MALADIE DES VERS A SOIE 339 Si, dans les articles publiés par mes adversaires pour contester l'exactitude des résultats de mes recherches et leur importance pra- tique, il n'y a pas un l'ait cligne d'être discuté, en revanche, j'ai la satis- faction de pouvoir produire les Rapports d'un certain nombre de personnes qui, cherchant la vérité sans parti pris, se sont livrées à des expériences comparatives clans le but de mettre à l'épreuve des faits les principes que j'avais établis '). Leurs observations forment la deuxième Partie de ce volume [la deuxième Partie de ces « Notes et Documents »1. EXTRAIT DU MESSAGER AGRICOLE DU MIDI (Jj. En rendant compte au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics de la mission qui lui avait été confiée en 1SG5, 1866 e! 1867, au sujet de la maladie des vers à soie, M. Pasteur avait signalé les importants grainages de M. Raybaud-Lange, l'honorable directeur de la Ferme-Ecole des Basses-Alpes ' . M. Rendu, inspecteur général de l'Agri- culture, a constaté à son tour les belles réussites des éducations faites à Paillerols, sous la direction de M. Raybaud-Lange, et il appelle sur elles 1 attention de M. le ministre dans un Rapport fort intéressant que nous allons mettre sous les yeux de nos lecteurs. Rapport sur l'éducation des vers à saie à l'aillerais adressé à S. /:. le ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics. Monsieur le Ministre, Votre Excellence, justement préoccupée des souffrances de l'industrie séricicole, m'a chargé de rechercher les faits qui pourraient éclairer cette 1. Les personnes qui désireraient connaître les attaques auxquelles je fais allusion et mes i ponses pourront consulter ta collection du Moniteurdes soifs, journal hebdomadaire publié à Lyon. [Voir p. 596 et suivantes du présent volume.] Ces critiques ont été jugées sévère- ment, quoique sans exagération, dans le journal séricicole rédigé par le professeur Haber- landt, directeur de la Station séricicole d'Autriche : « En ce moment ou se livre en France à des attaques nombreuses et violentes contre M. Pasteur et sa méthode de sélection des graines par le choix de papillons sains. On ras- semble, presque avec plaisir, tous les cas d'insuccès survenus à une partie des éducations des graines faites par cette méthode, sans s'assurer te moins du monde des causes des insuccès. On parait oublier qu'il est impossible que des graines saines réussissent absolu- ment sans exception. Le choix des graines importe extrêmement pour la réussite, mais il faut les '-lever convenablement... M Pasteur est dans la voie de la vérité, tandis que ses adver- saires ignorent le plus souvent et complètement les points essentiels dont il parle, et sont abandonnés sans direction fixe aux variations quotidiennes 'les opinions avec la loi la plus, aveugle. " (Voir Oesterreichische Seidenbau-Zeitung, a.' ^. 15 juillet 1869; et les Mondes, de M. l'abbé Moigno, 5 août 1809, XX. p. 562.) 2. lia] port 'li' V. Rendu, reproduit et commenté par \- Gazalis dans le Messager agricole du Midi, 5 janvier 1868, VIII, p. 425-428. (Note de l'Édition.) 3. Messager agricole du Midi, '■> novembre 1867, VIII, p. 863 [et p. r>17 du présent volume 340 ŒUVRES DE PASTEUR difficile question; j'ai été assez heureux pour rencontrer chez M. Raybaud- Lange, directeur de la Ferme-Ecole de Paillerols, des procédés d'éducation et de grainage, confirmant les belles expériences de M. Pasteur, et appe- lées, suivant moi, à prévenir la maladie qui décime les chambrées : per- mettez-moi de vous soumettre le résultat de ma mission. Depuis plus de quarante ans, on se. livre, sur une grande échelle, à Paillerols, à l'éducation des vers a soie. Trois mille mûriers, tant en plein qu'en bordures, occupent près de 20 hectares de ce domaine ; ils végètent sur un coteau argilo-calcaire, sous le climat sec de la haute Provence, à une altitude de 250 mètres au-dessus du niveau de la mer, et peuvent fournir de la feuille pour 50 onces environ. Ces conditions éminemment favorables n'ont cependant pas empêché le mal de sévir ici comme ailleurs : en 1852, la gattine faisait périr tous les vers à soie de Paillerols, et, les années sui- vantes, ses éducations étaient également frappées d'insuccès. M. Raybaud- Lange ne perdit pas courage. Homme de science et de pratique, après avoir, en vain, cherché à combattre le fléau par des soins hygiéniques mul- tipliés, il se décida, en 1800, à recourir aux petites éducations. Persuadé qu'il fallait, avant tout, se préserver des foyers d'infection, il abandonna la magnanerie de Paillerols et divisa autour de lui ses éducations. Ce moyen ne suffisant pas encore, il alla dans les fermes écartées des Hautes et des Basses-Alpes, où la maladie n'avait jamais paru et où les conditions d'iso- lement et de salubrité présentaient les meilleures chances de réussite. Là, iliaque année, à l'ouverture de la campagne sérlcicole, il examinait avec soin les petites éducations de, ces contrées, il les suivait aux différents âges et ne s'en rapportait qu'à lui-même pour se procurer de bons reproduc- teurs. N'apercevait-il aucune trace de maladie aux mues successives des vers ou à la montée, il achetait à tout prix les cocons provenant de ces petites éducations, pour les faire grainer dans un bâtiment spécial de la Ferme-Ecole. Bien convaincu déjà que la pureté de la graine était le point essentiel à rechercher, il portait toute son attention sur les reproducteurs, principal contrôle de ses essais; les papillons les plus sains, les plus blancs, les plus vigoureux, ceux dont l'accouplement rapide s'effectuait sans inter- ruption, dont la vitalité se continuait encore douze ou quinze jours après la ponte, lui fournissaient les meilleurs types : tous les autres étaient rejetés. C'est ainsi que la graine s'est faite à Paillerols de 1860 à 1800. Six années de réussite consécutive ont récompensé cette manière judicieuse d'opérer. Au commencement de juin 1867, 35 quintaux de cocons de 40 kilogrammes chaque, résultant de 35 onces de graines, du poids de 25 grammes, partaient de Paillerols, vendus au prix de 8 francs le kilo- gramme ; ils étaient de fort belle qualité : on avait assurément lieu d être satisfait, en présence surtout des nouveaux désastres qui venaient de signaler la dernière campagne. Toutefois M. Raybaud-Lange ne s'arrêta pas dans celte voie du progrès. Mieux que personne il avait compris l'insuffisance de ces moyens de régénération; l'achat d'un grand nombre de lots de cocons pour en obtenir un seul d'apparence irréprochable n'était pas un médiocre inconvénient; en outre, l'inspection à simple vue d'œil n'était point infaillible, il fallait donc trouver un contrôle plus parfait. .M. Pasteur, l'éminent académicien, venait de publier une partie de ses ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 341 expériences : ses recherches consciencieuses ouvraient une voie d'investi- gation et plus sûre et plus complète ; M. Raybaud-Lange, avec le tact pra- tique qui le distingue, se fit aussitôt son disciple; nous entrons ici dans la seconde phase de ses expérimental ions. On connaît les travaux remarquables de MM. Cornalia et Vittadini sur les corpuscules du ver à soie; c'était une première révélation, révélation précieuse, mais incomplète, car la graine seule avait été l'objet de leurs études. 11 fallait pousser plus avant les recherches, et les poursuivre dans la chrysalide et le papillon, pour s'assurer réellement de la pureté de la graine; la maladie, en effet, peut se trouver dans la graine à l'état consti- tutionnel ou d'hérédité, sans montrer aucune trace sous l'objectif du micro- scope, ce qui ne l'empêcherait pas plus tard de se déclarer, soit dans les vers, soit dans les papillons. Là gisait le secret du problème : il était réservé à M. Pasteur de le mettre en lumière et de prouver, par des expériences aussi ingénieuses que multipliées, que la pureté de la graine dépend essen- tiellement de l'absence de corpuscules dans les papillons. Ces corpuscules ne font doute pour quiconque les a étudiés au microscope. Toute chrysa- lide ou tout papillon, quel que soit le degré de la maladie, montre sous l'instrument une série plus ou moins nombreuse de petits corps ovoïdes réfractant la lumière: ceux-ci sont-ils des organites ou bien des parasites, comme l'affirme M. Béchamp, il ne m'appartient pas d'émettre un avis dans cette question de science pure; il suffit que l'origine du mal soit connue : un grand pas a été fait pour le combattre efficacement. S'inspirant des travaux et des conseils de l'illustre académicien fran- çais, M. Raybaud-Lange, à son tour, s'est armé du microscope pour se pro- curer de bons reproducteurs. Ses petites éducations dans la montagne se sont élevées cette année à soixante-dix-huit; les plus minimes ont eu lieu sur un demi-quart d'once, les plus considérables n'ont pas dépassé 2 onces; toutes provenaient d'une graine déclarée parfaitement pure par M. Pasteur lui-même. Ces éducations ont été réparties entre les arrondissements de Gap, Digne et Sisteron ; réussite parfaite ; deux ont atteint des chiffres extraordinaires : 55 kilogrammes par once de 25 grammes, chez M. le docteur Allemand, à Riez; 58 kilogrammes pour une même quantité de graine, chez M. Rougier, à Louvière (Basses-Alpes ; plusieurs sont montées a 'iS, 50 et 52 kilogrammes; pas une n'est descendue au-dessous de 42 kilogrammes. Dans le département de Vaucluse, il est vrai, on cite quelques échecs partiels, bien que la graine fût originaire de Paillerols; mais d'une paît, cette graine n'offrait qu'une garantie insuffisante de pureté: elle seule, d'après le procédé Cornalia, avait été examinée au microscope, sans que chrysalides et papillons eussent préalablement subi cette épreuve, comme le fait et le conseille M. Pasteur; d'autre part, les acheteurs avaient mélangé la graine de Paillerols avec d'autres graines infestées : les mêmes qualités on1 donné une bonne récolte moyenne clans les Basses-Alpes, l'échec du Comtat n'infirme donc point la réussite obtenue sans conteste ailleurs. Au premier abord, Monsieur le Ministre, ces heureux résultats semblent concluants, puisque, depuis l'invasion de la maladie, la plupart des éduca- teurs si- croient bien partagés quand ils ont moitié de récolte. Mais tous 342 ŒUVRES DE PASTEUR les cocons qui donnent un bon rendement ne sont pas tous aptes à fournir de bons reproducteurs; pour s'assurer de la pureté de ces derniers, il faut recourir au microscope. C'est ce que vient de faire, dans cette cam- pagne, M. Raybaud-Lange ; il ne croit plus pouvoir se passer de ce moyen d'investigation. Aux approches de la montée, le directeur de Paillerols s'est transporté, avec son voisin, M. Gordes, aux lieux de ses diverses éducations en montagne; il a pris des cocons comme spécimen de chaque chambrée-; son choix s'est porté de préférence sur les cocons les mieux conformés, les plus lourds, les plus fins et d'une coloration uniforme; les chrysalides triturées ont passé sous le microscope; tout ce qui présentait plus de 2 pour 100 de corpuscules a été rejeté, le reste a pris le chemin de la Ferme-École. Des cocons y ont été déhavés de nouveau; on les a encha- pelés et suspendus à des traverses mobiles dans de vastes pièces bien aérées, sous une température moyenne de 12 à 13 degrés. A la sortie des papillons, nouvel examen microscopique, auquel M. de Plagniol, habile micrographe de l'Ardèche, a prêté son concours; comme contrôle suprême, M. Kavbaud-Lange a envoyé, sous des numéros d'ordre, à M. Pasteur, des spécimens de tous les papillons des différentes chambrées destinées au grainage, afin qu'il voulût bien réviser lui-même les expériences de Paille- rois ; de cette manière, tous les lots de cocons dont les papillons n'offraient pas assez de garantie contre la maladie se sont trouvés complètement éli- minés. Plus les papillons sont exempts de corpuscules, plus leur graine pro- duit de cocons, plus les vers échappent à la mortalité des mues, et plus il y a d'égalité dans l'éducation. M. Pasteur estime que, dans quelques cas, 20 pour 100 d'infection promettent encore une récolte industrielle; mais comme, de l'aveu même du savant expérimentateur, rien n'est encore bien certain dans cette tolérance, M. Raybaud-Lange, pour plus de sécurité, n'admet en grainage que les papillons présentant moins de 10 pour 100 de l'aiïection corpusculaire. J'ai pu constater moi-même, par l'inspection au microscope, qu'un grand nombre de lots réservés pour le grainage sont entièrement purs de corpuscules; c'est parmi ces derniers triages que M. Raybaud-Lange opère une sélection minutieuse pour se procurer la graine de ses types reproducteurs de 1868; il serait difficile de s'entourer de plus de précautions. L'atelier de grainage de Paillerols ne laisse rien à désirer; l'ordre et la propreté y président. Tout y est préalablement lavé avec un mélange d'acide sulfurique étendu de six fois son volume d'eau, afin de détruire les germes miasmatiques. Mêmes soins hygiéniques pour les éducations en montagne. Tous les lots de cocons portent une étiquette, et des numéros correspondants sont placés sur les linges destinés à recevoir la graine. Les papillons sont classés avec une extrême attention, et, nonobstant l'examen microscopique, on rejette encore tous ceux dont l'apparence est suspecte. L'accouplement ne dure pas au delà de six à sept heures. Dès que les toiles sont couvertes de graines et que celles-ci ont passé du jaune au gris, on trempe les linges dans deux eaux successives, à la température ambiante, pour les débarrasser de toute substance étrangère au grainage; cette opé- ration terminée, on expose les linges à un courant d'air frais jusqu'à dessic- III DES SI I! LA MALADIE DES VERS A SOIE 343 cation suffisante; ils sont ensuite placés dans un endroit sec, à basse tem- pérature, suspendus sur des cordes à l'abri de la poussière el des souris. Tels sont, Monsieur le Ministre, les procédés usités à Paillerols. Toutes conditions générales de réussite d'ailleurs observées, on peut les résumer en deux principes : petites éducations dans des lieux éloignés de tout foyer d'infection; emploi exclusif et isolé de reproducteurs absolument purs de corpuscules. .Nul doute <|ue, par ce double moyen, on n'arrive à la régéné- ration des races de vers à soie; c'est la conséquence logique des expériences de M. Pasteur corroborées par les succès de M. Raybaud-Lange. La grande industrie de la soie, principale source des richesses de tant de populations, n'est donc plus menacée de périr sous le fléau qui l'a si souvent compro- mise-, à l'aille de bonnes méthodes, de soins judicieux et persévérants, et sous l'impulsion désintéressée de la science, nos éducateurs doivent se relever de leurs nombreux échecs, leur salut est entre leurs mains. M. Pasteur l'a déclaré, c'est aussi la conclusion de ce Rapport. Agréez, etc. o Victor Rendu, inspecteur général de l'Agriculture. M. Victor Rendu a si bien l'ait ressortir toutes les conséquences logiques des expériences de M. Pasteur, corroborées par les succès de M. Raybaud- Lange, que nous n'avons rien à ajouter à son Rapport. Nous pensons, comme cet honorable inspecteur général de l'Agriculture, qu'à l'aide de lionnes méthodes, de soins judicieux et persévérants, et sous l'impulsion désintéressée de la science, l'industrie de la soie saura se relever de ses nombreux échecs et répandra de nouveau l'aisance et la richesse parmi nos populations du Midi, si rudement éprouvées pendant de longues années. E. Cazalis, directeur du Messager agricole du Midi. Le Mémoire qu'on va lire, rédigé par M. de Lachadenède, prési- dent du Comice agricole d'Alais, décrit exactement les pratiques qui étaient usitées dans notre laboratoire du Pont-Gisquet, près d'Alais. Il est incomplet en ce qui concerne les observations relatives à la maladie des morts-flats, parce qu'il a été fait au printemps de 1868, époque à laquelle je n'avais pas encore découvert le ferment en cha- pelets de grains, indice de la flacherie. 344 ŒUVRES DE PASTEUR SUR L'EMPLOI DU MICROSCOPE POUR LA FABRICATION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE (i). On peut considérer aujourd'hui comme démontré, par les résultats des expériences que M. Pasteur poursuit au Pont-Gisquet, près d'Alais. que l'un des plus sûrs moyens pour l'aire de bonne graine de vers à soie con- siste à choisir au microscope les papillons que l'on destine au grainage, après que l'on s'est assuré préalablement que ces papillons proviennent d'une chambrée ayant offert un aspect très satisfaisant de la quatrième mue à la montée. Quelques instructions sur la manière de se servir du microscope sont donc opportunes, maintenant surtout qu'il devient si difficile de se pro- curer, même à un prix très élevé, de la bonne graine, et que les éduca- teurs sont convaincus de la nécessité de faire grainer eux-mêmes. On sait que les vers malades présentent souvent, dans leurs tissus exa- minés au microscope, de petits corps ovoïdes, de dimensions très ténues, que l'on nomme corpuscules; que ces corpuscules se rencontrent non seule- ment dans le ver malade, à l'état de larve, mais encore dans l'œuf, dans la chrysalide et dans le papillon. Il s'en trouve, et en grande quantité, dans les poussières des magnaneries où ont eu lieu des chambrées qui n'ont pas réussi, parce que les vers malades, se desséchant après leur mort, se réduisent en poussière qui se répand clans l'atelier. La présence de ces petits corps dans l'organisme du ver constitue la maladie des corpuscules, maladie très répandue aujourd'hui et à laquelle il faut attribuer le plus grand nombre des échecs des éducations. Les expériences du Pont-Gisquet ont prouvé, de la manière la plus évi- dente, que cette maladie est héréditaire et contagieuse. Les personnes qui croient encore que la maladie n'est pas héréditaire- ment constitutionnelle se rendent un compte très inexact des résultats acquis. On peut dire qu'elles les ignorent. En ce qui concerne la contagion, il faut, pour y soustraire les vers, les élever loin île toute autre provenance infectée, dans un local séparé, parfaite- ment propre, nettoyé avec le plus grand soin, et ne se servir que d'agrès débarrassés, par un lavage énergique, de toutes les poussières et débris d'une précédente éducation. Il faut, en outre, prendre toutes les précautions les plus minutieuses pour ne pas introduire dans l'atelier le germe de la maladie, surtout le germe qui peut être apporté par une autre éducation courante; car la contagion est infiniment plus facile avec des poussières fraîches qu'avec des poussières sèches et vieilles. Un seul ver corpuscu- leux, qui traîne son corps et ses déjections sur les feuilles, peut empoi- sonner un nombre considérable de vers sains. 1. Laohadenède (de). Rapport sur l'emploi 'lu microscope pour la fabrication . 317-827. [Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 3'.5 Quant à l'hérédité, M. Pasteur a montré, par des expériences souvent répétées, que les papillons corpusculeux produisent de la graine infectée, surtout quand les chrysalides de ces papillons ont offert, encore jeunes, des corpuscules. Aussi l'examen des chrysalides peut-il rendre de grands services. Il est donc indispensable de ne prendre, pour reproducteurs, que des papillons exempts de corpuscules quand on veut avoir la certitude d'éloigner, d'une manière absolue, la maladie des corpuscules dans la graine et dans les vers qui en naîtront. Ces précautions ne suffisent pas encore pour assurer la récolte. Il faut, de plus, que les papillons proviennent d'une éducation ayant parfaitement marche, car s'ils proviennent, par exemple, d'une chambrée dans laquelle il s'est trouvé des morts-flats, leur graine peut échouer complètement à l'éducation. Et pourtant les papillons d'éducation avec morts-flats peuvent 1res hi, -n ne pas être corpusculeux; mais des expériences récentes de M. Pas- teur prouvent que cette maladie, d'un genre différent, est héréditaire comme celle des corpuscules et fait souvent autant de ravages qu'elle. En résumé, deux conditions principales sont nécessaires pour obtenir un bon rendement en cocons : 1" Education soignée des vers ; o 2" Emploi d'une graine saine. Que signifient ces mots : Education soignée des cei's? Ils signifient qu'il faut tout faire pour éviter la contagion du mal. Ils veulent dire aussi, comme au temps de la prospérité, qu'il ne faut pas s'exposer, par manque de soins, à provoquer des maladies accidentelles dans l'éducation. Que signifient ces mots : Emploi d'une graine saine? Ils signifient qu'il faut employer uniquement des graines ne portant pas en elles-mêmes, dans leur constitution intérieure, le germe des deux maladies, aujourd'hui redoutables, mises en lumière par les expériences de M. Pasteur, la maladie îles corpuscules et la m EXTRAIT DU JOURNAL LE VAR, No DU 14 JUIN 1868 (s). A M. L. PASTEUR, MEMBRE DE l/lNSTITUT, EX MISSION A ALAIS (gARd) Callas, le 8 juin 1868. Monsieur, La campagne séricieole touche à sa fin dans ma commune : je suis donc en mesure de vous faire connaître le résultat des éducations faites avec les ^raines n° 1 et n° 2 que, sur ma demande, vous aviez bien voulu soumettre à un examen microscopique. Dans l'intérêt de la sériciculture de notre département, vous daignâtes consigner les déductions pratiques, fournies par votre examen, dans une lettre qui, selon votre désir, fut insérée dans le journal le Var du 30 avril et reproduite dans un journal de Toulon. Comme vous devez bien le penser, l'émotion produite par votre Commu- nication fut grande parmi les éducateurs nantis de ces deux graines ou de l'une des deux. On hésita d'abord sur le parti à prendre : fallait-il jeter au feu ces graines que vous veniez de condamner ? En d'autres termes, fallait-il ajouter foi aux prévisions de la science ? Eh bien, vous l'avouerai-je, l'hésitation ne fut pas de longue durée. Après s'être passé de mains en mains le numéro du journal qui avait reproduit votre lettre, on finit par se dire que, après tout, le microscope n'était pas infaillible, que les jugements de la science étaient parfois frappés d'appel, etc., et on procéda, comme si de rien n'était, à l'éducation de ces graines, à l'occasion desquelles vous aviez prémuni les éducateurs. Tout au plus si, parmi ces derniers, quelques- uns jugèrent faire acte de prudence en s'approvisionnant d'une faible quan- tité d'autres graines. 1. Ici se plaçait, dans l'édition de 1870, une » Lettre à M. )'• maire de Callas, arrondisse- ment de Draguigna i trouvera cette lettre dans 11- Rapport du 5 août 1868, p. 547-576 du présent volume. 2. Cette lettre figurait dans les » Notes et Documents » du Rapport du 5 août 1868. Voir 1. page 547 du présent volume. [Notes de l'Édition 350 ŒUVRES DE PASTEUR Il s'en est donc suivi que, selon que vous en exprimiez le désir. mais dans une mesure plus large qu'il ne convenait à l'intérêt des éducateurs eux-mêmes, on a soumis votre jugement à l'épreuve des laits. I£li bien ! les faits ont parlé, et, malheureusement pour notre localité, ils n'ont que trop confirmé le verdict que vous aviez porté sur les graines n" 1 et n" 2, soumises à voire examen dans le courant d'avril dernier. Les éducations faites avec ces deux sortes de graines ont complètement échoué; à peine si quelques-unes, réputées les mieux réussies, ont donné de 2 à 5 kilogrammes de cocons par 25 grammes de graines. Que dire des autres, sinon constater des résultats véritablement navrants! Au même moment où je trace ces lignes, je reçois la visite d'un éducateur désolé. qui, m'exhibant un cocon unique, m'affirme que c'est là le produit tout entier d'une éducation de 25 grammes de la graine n" 2. J'ai, de mon coté, me conformant à vos intentions, fait procéder sous mes yeux à l'éducation de 4 grammes de la graine n" 1. que je croyais excellente avant l'examen que vous en aviez fait ; ni le choix du local, ni la qualité de la feuille, ni les soins les plus minutieux n'ont pu un seul instant arrêter les progrès du mal, dont les symptômes ont apparu dès la première mue. Aujourd'hui, au moment de la montée en bruyères, je conserve à peine une demi-claie de vers, ne devant probablement pas donner plus de s kilogramme de cocons. Ainsi donc, Monsieur et très honoré Maître, vos appréciations sur les qualités pathogéniques des graines n" 1 et n" 2. après l'examen microsco- piqu e du mois d'avril, ont reçu dans cette commune la consécration rigou s reuse des faits. Et, s'il ne vous a pas été donné d'épargner à nos éduca- teurs, pour l'année 1868, des mécomptes cjue vous aviez prévus d'avance, votre lettre du 24 avril aura eu ce résultat inappréciable de démontrer aux plus incrédules que la science, encore impuissante aujourd'hui à guérir le mal quand il est déclaré, peut du moins le prévenir en faisant connaître les conditions dans lesquelles il se développe. Et, par suite, j'aime à penser que, dès cette année, on ne procédera dans notre département à aucun grainage sans avoir préalablement soumis à l'examen microscopique les papillons destinés à la reproduction : je suis d'autant plus fondé a l'espérer, que le Comice agricole de Draguignan, selon l'avis que m'en don M. le professeur Barles, se trouve dès à présent en mesure de soumettre l'épreuve du microscope les échantillons de cocons qu'on voudra bien ne i ep adresse) m Le D' PlERHUCl ES, maire de ( '.allas (Var). Depuis plusieurs années, M. Henri Mores, correspondant de l'Académie des sciences, avait renoncé à l'éducation des vers à soie, particulièrement des races indigènes, tant étail grande la difficulté de se procurer des semences saines. M. Mares, qui s'étail rendu compte par lui-même des résultats de nies expériences dans plusieurs visites ÉTUDES SI I! LA MALADIE DES VERS A Sun: ;;:,] ;> notre Laboratoire du Pont-Gisquet, pics d'Alais, n'hésita pas à entre- prendre, en L868, une éducation de 25 onces, et son frère. M. Léon Marcs, une éducation de L5 onces aux environs «le Montpellier. La réussite fut complète dans ces deux éducations. Encouragés par ce succès. MM. Mares oui renouvelé la même épreuve en 1869, el le succès n'a pas été moindre. La Mole de M. Mares renferme, en outre. d'excellents conseils sur la production de la graine saine. PRODUCTION DE GRAINES DE VERS A SOIE EXEMPTES DE GERMES CORPUSCULEUX, PAR M MARES i1). J'ai eu, cette année, l'occasion de faire une série d'éducations avec la même graine de vers à soie, et d'en observer les larves, les chrysalides et les papillons, au point de vue du développement des corpuscules dont ces insectes sont actuellement le siège, et de la maladie dont ils Sont attaqués. Les résultats de ces éducations m'ont paru offrir quelques indications relativement aux conditions les plus propres à reproduire facilement îles graines saines, et font l'objet de cette Note. Ayant suivi avec le plus vif intérêt les beaux travaux de M. Pasteur sur la maladie des vers à soie, et m inspirant de ses idées sur les garanties que doivent offrir les œufs de ces insectes pondus par des papillons vigou- reux et exempts de corpuscules, j'ai élevé en IS6S des vers à soie de race jaune du pays, dont les graines m'ont été remises par M. Raybaud-Lange, et qui avaient été obtenues par lui au moyen du procédé de sélection fondé sur l'emploi du microscope, ainsi que l'a indiqué M. Pasteur. Un kilogramme de ces graines a été divisé en deux éducations : l'une de 625 grammes (soit 25 onces), l'autre de 'Mo grammes (soit 15 onces), et laites l'une et l'autre aux environs de Montpellier, mais dans des directions différentes, éloignées de 25 kilomètres, ont complètement réussi au point de vue industriel (-), et ont confirmé la justesse des vues de M. Pasteur. Ce résultat est d'autant plus remarquable que les graines de ce pays ont généralement échoué. On peut juger ainsi des immenses services que la sériciculture est appelée à retirer d'un procédé de sélection destiné à para- lyser, sinon à supprimer, la production des graines défectueuses. Mais, si la réussite pour la production des cocons a été complète, il n'en a pas été de même pour la production d'une graine saine. La plupart des lots de cocons tirés de ces belles chambrées pour le grainage ont donne des papillons de belle apparence, qui ont beaucoup graine, mais que le microscope a fait connaître comme corpusculeux : aussi les graines qui en proviennent doivent-elles être considérées comme suspectes. 1 ( omptes rendus de V académie des sciences, séance du 29 juin 1868, LXVI, p. 1292-129'i ■-3. Les quantités de cocons obtenues onl été, pour l'éducation de 25 onces faite chez moi. . Launac, de 910 kilogrammes, el pour celle de 1~> onces faite chez mon frère, à Saint-Gely- du l 'escq, de 575 kilogi ammi 352 ŒUVRES DE PASTEUR Un pareil résultai a été si fréquemment constaté, depuis quelques années, dans les conditions actuelles de la maladie des corpuscules, qu'il est de ceux auxquels on devait s'attendre. Mais si, considéré isolément, il ne présente pas d'intérêt spécial, il n'en est pas de même quand on le rapproche d'autres résultats fournis par la même graine, élevée dans d'autres conditions. Ce sont les suivants : l" Je remis un échantillon de cette graine, pour être essayée en hiver à la magnanerie expérimentale de Ganges, à son directeur, M. le comte de Rodez. Les vers se comportèrent parfaitement, et reçurent la bruyère le 22 mars dernier. Sur 100 graines, on obtint 98 cocons, qui furent tous considérés comme filés par des vers sains et vigoureux. 2" Le 15 mars, je retirai de cette graine un deuxième échantillon d'un demi-gramme environ, et je le mis à éclore. Les vers naquirent dans les premiers jours d'avril et furent élevés dans la chambre à éclosion, où le 7 avril on porta les 625 grammes d'œufs de la grande éclosion. Cette petite division de vers s'est parfaitement comportée. II ne s'en est pas perdu, car les retardataires, mis de côté, ont fait leurs cocons sans maladie. Les vers sont montés du 6 au 8 mai, et ont produit 950 cocons. Conservés pour graine, les papillons sont nés du 2G au 29 mai. Sur plus de 100 vers examinés au microscope et pris au hasard, il s'en est trouvé 3 de corpusculeux, à raison de 50 à 100 corpuscules par champ. Quelques vers de cette petite division, isolément élevés, chez moi et chez ma mère, à Montpellier, quinze jours avant la montée, et nourris de feuilles de prove- nances diverses, ont tous donné, après la ponte, des papillons, soit mâles, soit femelles, exempts de corpuscules. 3° Dans la grande éducation dont la graine fut mise à éclore le 7 avril, une petite division, qui a produit 20 kilogrammes de cocons, a été conduite séparément dans la chambre d'éclosion. Les vers montèrent du 18 au 20 mai, par un temps très chaud. On trouva quelques gras au moment de la montée, mais en quantité insignifiante. Après la montée, je trouvai pour la première fois quelques retardataires tachés ou pébrinés, et je les reconnus corpusculeux, mais leur nombre était très petit. Une partie des cocons a été réservée pour graine. Sur 1.000 papillons, j'en ai examiné plus de 100 au microscope ; il s'en est trouvé les -^ de corpusculeux, à raison de 150 à 500 corpuscules par champ. V' Dans la grande éducation, conduite dans une magnanerie divisée en deux pièces, les vers montèrent très bien du 21 au 24 mai. Après la qua- trième mue (du 12 au 14 mai), l'éducation marchait si bien, qu'en enlevant les litières on n'y trouvait aucun ver malade d'une maladie quelconque ('). A peine y restait-il quelques retardataires. A la montée, il v eut quelques gras, et, pour la première fois, çà et là, quelques pébrinés, corpusculeux. Ils étaient plus nombreux dans les dernières divisions, qui montèrent du 23 au 24 mai. Quelques petits lots de beaux cocons ont été prélevés sur la grande cham- ]. .le trouvai deux muscardins et quelques petits, que je reconnus exempts de corpuscules, dans îles litières occupant dans les magnaneries plus île MO mètres carrés. Je n'y trouvai ni gras, m morts-flats. A la montée, cette dernière maladie ^Vst à peine montrée. ÉTUDES SI R LA MALADIE DES VERS A SOIi: 353 brée pour en faire grainer les papillons. Ayant examiné ces derniers à diverses reprises, je les ai reconnus corpusculeux, à raison de 20 sur 21, et la plupart des champs observés ont présenté de 500 à 2.000 corpuscules. 5° Sur la grande chambrée, deux petits lots de vers furent prélevés, le I" et le 2 mai, dans le troisième âge, el élevés à Montpellier, l'un chez moi. l'autre chez ma mère, avec les soins les plus minutieux. L'un de ces lots a donne 7011 cocons et l'autre 560. Tous les deux ont été gardés pour graine. Ces vers ont parfaitement marché; néanmoins j'ai trouvé dans chaque lot deux retardataires légèrement pébrinés, corpusculeux, et, en outre, dans le mien (de 5G0 cocons), il y eut deux gras à la montée. Celui de 700 cocons, arrivé à la bruyère le premier, du 21 au 2;î mai, a donné des papillons presque tous exempts de corpuscules. Sur 100 que j'en ai examinés au hasard, 5 ont été trouvés corpusculeux, à raison de 150 à 250 corpuscules par champ. Le lot de 560 cocons, auprès duquel j'avais eu l'imprudence de mettre quelques vers malades, dont j'avais formé une petite infirmerie, monta du 24 au 27 mai. Sur 100 papillons examinés, j'en ai trouvé 10 de corpus- culeux. à raison de 110 à 500 corpuscules par champ en moyenne. 6° Des faits analogues se sont passés chez mon frère (4) ; quelques vers que son magnanier fit éclore en mars, donnèrent, au commencement de mai. des papillons que j'ai reconnus tous exempts de corpuscules. Tous les papillons provenus des lots de sa grande éducation, gardés pour graine, ont été reconnus comme très corpusculeux. Il est vrai qu'à la distance de quelques centaines de mètres de ses magnaneries, et sous le vent régnant habituellement, se trouvait une éducation de 75 grammes très corpus- culeusc. qui a pu être pour ses vers un foyer d'infection, auquel les miens n'ont pas été exposés. Ces diverses éducations d'une même graine me paraissent présenter, au point de vue de l'invasion des corpuscules, une gradation marquée. En laissant de côté l'essai précoce de la Magnanerie expérimentale, dont les papillons ne furent pas examinés au microscope, nous voyons une première petite éducation, plus précoce que les grandes chambrées, mais conduite à une époque où l'on trouve déjà des feuilles de mûrier en abon- dance dans tous les terrains chauds et abrités, donner des papillons à peu près exempts de corpuscules, et qui se trouvent dans les meilleures condi- tions pour pondre les graines destinées à former les futures éducations de l'année suivante. Pourvu qu'on parte de graines non corpusculeuses (ce qui est aujourd hui très facile), la réussite de ces petites éducations pré- coces me paraît certaine. Les petites divisions de vers qui viennent après la petite éducation précoce, et en même temps que les grandes chambrées, donnent des papillons plus corpusculeux, malgré les soins dont ils sont l'objet, et leur nombre est beaucoup plus grand; ainsi il est double et même triple. Sous l'influence des grandes éducations et de l'accumulation de vers qui en résulte, on voit, à l'époque ordinaire où on les fait, le corpuscule envahir presque tous les papillons. Cependant, quelques jours auparavant, 1. C'est chez lui que s'est faite L'éducation de 375 grammes de graine. ÉTUDES SDR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 23 354 ŒUVRES DE PASTEUR au moment de la montée, on ne trouvait que fort peu d'individus corpus- culeux dans ces mêmes chambrées, soit parmi les vers, soit parmi les chrysalides. Je dois ajouter qu'ayant eu l'occasion de visiter à Montpellier plusieurs petites éducations de graines distribuées par ."i grammes à la fois, et issues de papillons exempts de corpuscules, je les ai trouvées réussies quant aux cocons: mais au moment de la montée, j'ai toujours reconnu, parmi les retardataires, des vers pébrinés corpusculeux. Plus tard, l'inspection des papillons a démontré que les corpuscules les avaient envahis dans la pro- portion de 20 à (in pour 100 des individus examinés. Les vers de ces graines sont montés du 15 au 20 mai ; il est probable que leur éducation, avancée de huit à quinze jours, aurait donné des papillons bien moins atteints de corpuscules. On a souvent parlé de l'heureuse influence de la précocité des éduca- tions sur leur réussite ; les résultats qui viennent d'être cités montrent que cette opinion est fondée. Dans le courant d'une pratique déjà longue, j'ai eu souvent l'occasion de m'en assurer, en observant aussi l'influence de l'élévation générale de la température, dans la dernière quinzaine de mai et le courant de juin, sur les maladies du ver à soie et sur l'activité de leur propagation ('). Mais alors nous manquions de faits comparables comme ceux de cette année, et nous étions dépourvus des moyens d'obser- vation qui permettent de contrôler l'état du papillon après sa ponte et même après sa mort. Nous croyons donc les faits que nous signalons susceptibles d'être mis à profit par la pratique, 'pour la facile reproduction des graines saines et exemptes de corpuscules. Les éducations de vers desquelles on peut tirer des papillons reproducteurs sont rares, si on les cherche parmi celles qu'on fait à l'époque ordinaire, surtout si les chaleurs sont précoces comme cette année; elles sont, au contraire, communes si, partant de graines non corpusculeuses, on les conduit plus tôt et au moment où les chaleurs sont seulement suffisantes pour développer la végétation du mûrier. L'époque qui nous parait la plus favorable, sous le climat de Montpellier, pour mettre à éclore les œufs destinés aux petites éducations de graines, est, selon les années, la première quinzaine de mars. On peut alors obtenir la montée des vers dans les premiers jours de mai. Le papillonnage et le grainage ont lieu quinze jours après, à une époque de l'année où les chaleurs ne se font pas encore sentir, et où elles ne compliquent pas encore les difficultés de l'éducation des vers. Ces petites éducations devront être faites dans des locaux spéciaux, qui leur seraient exclusivement destinés. Il ne faudrait pas y élever, plus tard, d'autres vers, pour ne point y accumuler les germes d'infection qui jouent un rôle si actif dans le développement des maladies du ver à soie. On devrait se borner à élever la quantité de vers strictement nécessaire pour repro- duire les graines dont on croit avoir besoin pour l'année suivante. En isolant par couples les papillons d'un certain nombre de pontes, et en les 1. Tous les magnaniers savent combien il est dangereux de retarder l'éducation des vers à soie et d'arriver à la montée à l'époque des chaleurs. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 355 examinant ensuite au microscope pour séparer tout ce qui est corpusculeux, il est facile de se procurer, dans chaque petite éducation précoce, des graines tout à fait exemptes de germes corpusculeux, et d'en l'aire la hase des éduca- tions futures. RAPPORT DE LA COMMISSION DE SERICICULTURE DU DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENTALES A M. Pasteur, membre de l'Institut de France (<) Perpignan, le 8 juillet 1868. La Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales entreprit, l'année dernière, sous votre savante direction, l'œuvre de la régénération des vers à soie. La Commission séricicole formée dans son sein vous doit un compte rendu des observations qu'elle a faites et des résultats qu'elle a constatés : elle vient remplir ce devoir, qu'elle considère d'ailleurs comme une obli- gation imposée par la reconnaissance. Le désastre était grand ; il devait appeler la sollicitude du Gouverne- ment et des hommes, comme vous, dévoués à la science et à leur pays. Notre Société, dans une bien petite sphère, s'est efforcée de seconder les vues généreuses auxquelles vous sacrifiez votre temps et votre santé, et elle éprouve une véritable satisfaction en pensant au bien produit. La Commission séricicole départementale nommée par M. le préfet a, en effet, constaté l'excellence de vos procédés de sélection. Vos prévisions se sont toutes réalisées, les faits le prouveront, et l'on peut espérer de toucher, dans un avenir très prochain, au terme de l'épreuve à laquelle est soumise l'industrie séricicole. Vous aviez, en 18(>7, visité, avec M. Vilallongue, président de la Société, et M. Siau, membre de la Commission, un grand nombre des magnaneries de notre département. Et, après l'examen microscopique des chrysalides et des papillons, vous désignâtes l'éducation de M""' Guchens comme devant donner de bons résultats. Elle était presque exempte de cor- puscules. Celles de M. Melchior Thomas et des demoiselles Pech-Marty riaient très corpusculeuses : vous annonçâtes, avec la certitude profonde de la science, qu'elles ne pourraient point arriver à la reproduction. La Société de Perpignan eut foi en vos indications, et, pour vous aider autant que possible, selon la mesure de ses faibles forces, dans la haute mission que vous remplissez, elle acheta les cocons de M"'e Guchens. Par- les soins de M. le président, un grainage fut opéré, et la graine obtenue a été distribuée par lots de 3 à 8 grammes dans vingt-deux communes. C était une expérience publique et décisive qui était tentée ; mais il ne suf- 1. Ce Rapport figurait dans les « Notes et Documents » du Rapport du 5 août 1868. Voir, p. 547-076 du présent volume. {Note de l'Édition.) 356 ŒUVRES DE PASTEUR lisait pas de donner une graine presque irréprochable aux éducateurs, la Société devait leur transmettre vos conseils pour conduire heureusement l'éducation, el c'est là qu'a commencé, en 1868, la tâche de la Commission de sériciculture. Les chambrées du département <>nt été visitées par la Commission. Les recommandations qui pouvaient assurer le succès ont été faites : on a insisté sur l'isolement à adopter pour l'éducation de la graine Guehens, sur l'exposition. l'aération, l'alimentation, enfin sur la séparation des vers qui, à la montée, ne présentaient pas les caractères que vous avez indiqués. Le plus grand nombre des éducateurs s'y est conformé ; un petit nombre est resté dans les vieilles coutumes, et la Commission, à part le dommage particulier qui en est résulté, a été, en quelque sorte, bien aise de ces exceptions, qui ont servi à confirmer l'excellence de votre méthode. Les cocons une fois produits, le tour des observations microscopiques arrivait. Avant de vous faire l'exposé de ces observations, il est nécessaire d'établir les résultats offerts à la vue: vous les aviez prévus. Les éducations isolées, sans contact du matériel précédemment employé, et faites dans les conditions prescrites, ont fourni des cocons égaux, d'une giande finesse et d'une force désirable. Celles dont l'isolement n'a pas été complet, ou qui n'ont point été faites dans de bonnes conditions hygiéniques, n'ont pas présenté les mêmes résultats; mais il y a eu une amélioration sensible, évidente, qui sera pour plusieurs un utile enseignement. En résumé, Monsieur, vos principes ont été répandus dans notre pays; ils ont été accueillis avec reconnaissance par les cent quatre-vingt-neuf édu- cateurs qui se trouvent répartis entre trente-quatre communes. En suivant ces principes, on est arrivé à une récolte de cocons rémunératrice et pleine de promesses pour l'avenir. Il n'y avait plus qu'à se confirmer dans les espérances conçues. La science avait parlé Lan dernier : c'était encore à la science à dire le dernier mot, à corroborer les essais précédemment faits. Les résultats sont des plus concluants. Vous aviez constaté que les éducations Melchior Thomas et Pech-Marty étaient infestées de corpuscules et qu'elles ne pouvaient réussir. La dernière a été détruite par les morts-flats, il n'y a pas lieu de s'en occuper. Quant à la première, voici un extrait d'un Rapport de M. le docteur Aimé Massot, qui a essayé, en petit, une éducation des graines de M. Melchior: « Le 10 septembre 1867, j'ai fait un premier examen de ces graines ; une trentaine ont été lavées à plusieurs reprises avec de l'eau distillée ; cette eau de lavage, examinée au grossissement de 400 diamètres, ne m'a présenté aucune trace de corpuscules ; ces graines écrasées, leur contenu oll'rait un assez grand nombre de corpuscules de petite dimension, mais parfaitement caractérisés. « Le 10 mars 1868, j'ai procédé à un nouvel examen sur trente graines : comme la première fois, l'eau de lavage ne présentait rien de particulier, mais on observait dans le contenu des graines des corpuscules nombreux et beaucoup plus développés. « Cent graines ont été mises à éclore dans mon cabinet : vingt-cinq ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A Son: 357 ii 'on i pas bougé; soixante-quinze vers sont nés du ■'! au S avril; la plupart mmiI morts dans les premiers quinze jours et ont tous présenté des corpus- cules plus ou moins nombreux. Le -■"> avril, il ne restait plus que einq vers faibles et peu développés, qui n'ont pas tard.- à périr; ils étaient aussi très corpusculeux. •> Parallèlement à cette éducation, M. Massot en a fait une autre, avec les mêmes soins minutieux, de graines sans aucune trace de la maladie, prove- nant de papillons corpusculeux : elle a donné pour tout résultat neuf cocons sur cent graines. Ainsi, c'est décisif, les éducations eorpusculeuses sont fatalement con- damnées. Cette expérience de M. Massot faisait attacher plus d'intérêt aux obser- vations à faire sur les éducations provenant de la Société etde M'"c Guchens. La Société désirait ardemment votre venue dans le département des Pyré- nées-Orientales pour l'aider dans ses investigations. Retenu dans le Gard, vous priâtes M. Maillot, qui vous assiste clans votre mission, de se mettre à la disposition de la Société: l'œuvre entreprise a donc pu être poursuivie. M. Maillot s'est acquis des droits à notre reconnaissance. Dès son arrivée parmi nous, la Commission de sériciculture fit un appel aux éducateurs, par sa circulaire du 3 juin 1868, pour les engager à sou- mettre leurs produits à l'examen microscopique. Cet appel fut entendu. M. Maillot a consacré vingt jours à la vérification de plus de cent vingt édu- cations : il a accompli sa tâche de dévouement avec un zèle au-dessus de tout éloge, et la Société a fait moins qu'elle n'aurait voulu en l'inscrivant au nombre de ses membres et en lui votant une médaille d'or. Après les constatations de M. Maillot, la Commission de sériciculture, dans une lettre particulière, conseillait aux éducateurs ou le grainage ou la livraison à la filature. Des faits d'une haute importance sont résultés des observations micro- scopiques, savoir : Que les graines de la Société ont fourni les résultats les meilleurs, et que lu régénération est, non seulement possible, mais certaine, incontestable; Que, pur la livraison à la filature, les graines qui auraient pu perpétuer le mal ont été retirées de la circulation ; Que le département y a trouvé un avantage réel, un profit considérable: le type primitif n pourrait de ces divers faits tirer certaines conclusions. Il ne m'appar- tient pas de les discuter. Je me borne donc à vous transmettre sans com- mentaires les renseignements qui précèdent. Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus distinguée. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais. RAPPORT DE M. DUCROT RÉPÉTITEUR A LÉCOLE IMPÉRIALE D' AGRICULTURE DE LA SAULSAIE (Ain) [-]. Les essais de sériciculture que je fais à l'Ecole de la Saulsaie datent de 1866. Ils sont une preuve de l'infaillibilité des moyens proposés par M. Pas- teur pour obtenir de la graine saine, et de la nécessité de ne confier la production de cette graine qu'à de petites éducations d'une demi-once au plus, les seules qui puissent recevoir les soins nécessaires pour une réussite complète. J'élevai en 1866 quelques graines du Japon; les vers devinrent fort beaux, furent exempts de maladie et firent tous leurs cocons; mais le faible 1. Dans le Rapport du ."i auiït lwiS voir p. 547-576 du présent volume) la Communica- tion de M. de Lachadenède se terminait par les Iruis alinéas suivants, qui ont été supprimés dans l'édition de 187U des « Études sur la maladie des vers à soie ». 2. Ducrot. Essais séricicoles. Moniteur des soies, 25 juillet 1868, VII, n° 314, p. 4-5. — Cet article a été reproduit dans le Rapport du 5 août 1808 où il constitue la note C. [Notes de l'Édition.) 36', ŒUVRES DE PASTEUR produit obtenu (trois cocons ne pesaient guère plus de 1 gramme), et le faible prix qu'on en offrit à Lyon, 4 francs le kilogramme, me décidèrent à abandonner cette éducation et à m'occuper exclusivement de la race jaune du pays, plus délicate, dit-on, mais donnant des cocons pesant près de 2 grammes chacun, et valant 7, 8 et 9 francs le kilogramme. Cette race fut introduite dans la commune de Beynost (vallée du Rhône), il y a une douzaine d'années; les nombreux petits propriétaires qui habitent cette commune tirent d'abord chacun de petites éducations de 5, 8, 10 grammes au plus: la réussite fut complète : leurs produits acquirent bientôt une réputation bien méritée: chaque récolte était achetée pour' graine, sur place même, à des prix exorbitants, 12, 15 et jusqu'à 18 francs le kilogramme. Cet état de choses dura cinq orr six années : l'ambition des éleveurs v mit bientôt un terme. Tel propriétaire qui faisait 5 grammes en fit successivement 10 grammes, 20 grammes, 2 onces et jusqu'à 6 onces : qu'en résulta-t-il? l'éducation fut de plus en plus rrégligée, les maladies sur- vinrent, la race de Beynost perdit sa réputation, le peu de produits obtenus rre purent se vendre que pour la filature à prix réduits; les éleveurs se décou- ragèrent, de telle sorte qu'en 1866 je pus à peine trouver, dans cette commune, quelques grammes de graines pour faire mes expériences. Aujourd'hui, cette éducation est complètement abandonnée. Il en est de même à Trévoux, qui se livrait, il y a quelques années, à l'éducation de la même race avec le même succès, et qui a échoué par la même cause. J'ai visité dernièrement ces deux localités; pas une feuille n'a été cueillie cette année sur leurs nombreux et beaux mûriers, qui, cependant, sont encore tous debout. Un découragement si prompt est extraordinaire, car, il y a cinq ans à peine, les éducateurs de ces communes, Trévoux et Beynost, les seules de l'arrondissement où l'éducation se faisait sur une large échelle, allaient chercher, à une distance de 10, et même 15 kilomètres, la feuille des mûriers assez communs et très beaux sur tout le territoire de l'arron- dissement. Revenons à mon éducation. Au printemps de 1866, je pris à Beynost, chez M. Meillard, 5 grammes de graine provenant d'une éducation des plus infectées par la pébrine. Je fis éclore cette graine au commencement de mai, et je choisis dans la masse, à leur naissance, les vers qui me parurent les plus noirs et les plus vigou- reux; je les enlevai avec précaution, au moyen de jeunes feuilles de mûrier; je recueillis aiirsi environ sept cents vers et je jetai le reste. Ces sept cents vers furent élevés sans chaleur artificielle et dans toutes les conditions de propreté et d'aération désirables. A chaque sommeil, je réservais seule- ment les vers qui s'endormaient durant les huit premières heures du sommeil; le reste, levé au filet, était jeté. Au réveil, tous les vers qui n étaient pas de même réveillés huit heures après le réveil des plus hâtifs, étaient aussi impitoyablement jetés; je parvins ainsi à n'avoir plus, au commencement du cinquième âge, que trente-quatre vers, très beaux, paraissant sains, et qui tous montèrent presque en même temps, le trente- cinquième jour après leur naissance. Cette éducation, ainsi que celles de 186> et de 1868, se fit dans une grande salle, pourvue de trois fenêtres exposées à l'est, au sud et à l'ouest. En ouvrant ces fenêtres à propos et sans avoir recours au chauffage, je parvins, tout en maintenant mon éduca- ÉTUDES SI Et LA MALADIE DES VERS A SOIE 365 lion parfaitemenl aérée, à obtenir, pendant toute sa durée, une température assez constante de 17 à 22" C. Les trente-quatre cocons obtenus étaieni de toute beauté: ils nie donnèrent quinze papillons mâles et dix-neuf femelles; je jetai deux màlcs et cinq femelles <[ui présentaient quelques défauts à vue d'œil. II me restait ainsi treize mâles et quatorze femelles qui lurent séparés par couple au fur et à mesure de leur éclosion et placés couple par couple dans des cadres numérotés. L'accouplement dura vingt-quatre heures environ : j'ai pris pour règle de laisser les papillons se séparer d'eux- mêmes; deux femelles cependant ont dû recevoir le même mâle chacune douze heures, et leurs œufs ont tous été parfaitement fécondés. L'accou- plement terminé, je laissai la ponte s'effectuer pendant soixante-douze heures, au boni desquelles chaque couple fut examiné au microscope avec le plus grand soin. Six observations furent faites pour chaque papillon écrase dans un mortier avec quelques gouttes d'eau distillée; le nombre de corpuscules observés dans le foyer de la lunette chez les papillons malades a varié entre un et dix pour chaque observation. . I Mâle malade. X l ( Femelle .... saine. 9 { Mâle sain. / Femelle .... saine. ., ( Mâle sain. ( Femelle .... saine. , \ Mâle malade. I Femelle .... malade. _ \ Mâle sain. I 2 Femelles . . . saines. , Mâle sain. Femelle .... saine. Mâle sain. Femelle .... malade. 10 11 12 13 ^ Mâle sain. ( Femelle .... saine. ^ Mâle sain. ( Femelle .... saine. { Mâle sain. ( Femelle .... malade. S Mâle sain. ) Femelle .... saine. Ç Mâle malade. I Femelle .... malade. \ Mâle sain. / Femelle .... saine. Les couples 2, 3, 5, 6, 8, 9, 11 et 13 ayant été trouvés exempts de corpuscules, les oeufs de leurs neuf femelles lurent gardés; les œufs des autres femelles fuient jetés. En 18G7, l'éclosion a eu lieu le G mai; la température a été relative- ment basse pendant toute la durée de l'éducation, elle a varié entre 15 et 20° C; il en est résulté que les vers ne sont montés que le quarante et unième jour après leur naissance. Pour ce qui concerne l'exclusion des retardataires, j'ai été moins sévère que l'année précédente. En 1866, comme en 1867, j'ai agi comme il suit à l'époque critique du sommeil. Je donne douze repas en vingt-quatre heures pendant les deux premiers âges et huit repas pendant les trois derniers; or, à chaque sommeil, je supprime dès son début quatre repas; il y a donc jeûne pendant huit heures aux deux premiers sommeils, et pendant douze heures aux deux derniers. Plaçant le filet après ce jeûne, j'enlève tous les vers qui ne dorment pas pour former une nouvelle table. De cette manière, les vers dorment découverts, la tête élevée, cl se réveillent tous à la fois, ce qui n'est pas lorsqu'on les enfouit sous des monceaux de feuilles. A partir du moment où le réveil commence, 366 ŒUVRES DE PASTEUR j'attends six heures avant de placer le filet qui doit recueillir les vers éveillés; six heures après la pose de ce dernier, je l'enlève, et tous les paresseux sont alors jetés. En agissant ainsi, j'ai obtenu, en 1867, au cinquième âge, des vers d'une égalité parfaite. La montée s'est faite dans un très court espace de temps, et j'ai récolté deux mille cinq cents cocons magnifiques. J'en ai gardé cent cinquante pour graine; le reste, soit deux mille trois cent cin- quante cocons pesant 4 kilogrammes, a été vendu pour la filature au prix de 7 francs 50 centimes le kilogramme. Sur les cent cinquante papillons réservés, onze ont été jetés comme incomplets. Parmi les autres, vingt couples ont été examinés au microscope, comme l'année précédente, et pas un seul corpuscule n'a été trouvé, d'où j'ai conclu qu'il était inutile de pousser l'examen plus loin. J'ai gardé toute la graine obtenue. Cette année (1868) l'éclosion a eu lieu le 13 mai; l'éducation s'est faite dans les conditions les plus favorables. La température, pendant toute sa durée, n'est pas descendue au-dessous de 20° C et a varié entre 20 et 24. Les vers ont marché avec une grande régularité. J'ai dédoublé seulement au premier et au deuxième sommeil; les retardataires ont été si peu nombreux aux deux derniers sommeils que j'ai pu les réunir à la table suivante sans être obligé d'en faire de nouvelles. La montée a commencé le vingt-hui- tième jour après la naissance, soit le 10 juin; le 14, tout était monté. J'ai commencé la récolte le 19; le 20, elle était terminée, et j'ai pu constater le résultat obtenu; quatorze mille quatre cents cocons ont été récoltés et ont pesé 24 kil. 080. Je puis assurer que je n'ai pas eu de vers malades de pébrine, et pas un mort-flat; 24 kilogrammes ont été vendus pour graine à M. Chabot, épicier, rue Saint-Dominique, à Lyon, au prix de 10 francs le kilogramme. J'ai gardé pour ma graine, comme l'année précédente, cent cinquante cocons, et je n'en garderai jamais davantage, bien que les mûriers de l'Ecole, que M. le directeur veut bien mettre à ma disposition, me permettent d'en élever une quantité plus considérable. L'éclosion des papillons a commencé le .30 juin et s'est terminée le 4 juillet. Vingt couples examinés au microscope ont été, comme en 1867, trouvés exempts de cor- puscules. J'ajouterai que le délitement, pendant chaque éducation, a eu lieu régu- lièrement chaque jour: que les vers ont été maintenus toujours espacés entre eux, ce qui nécessite, il est vrai, une plus grande quantité de nourri- ture; que pendant les deux premiers âges il a été donné de la feuille de mûriers non greffés, et que les vers ont constamment reçu de la feuille fraîchement récoltée, parfaitement sèche, exempte de taches et prise sur les mûriers les plus vigoureux. Que conclure de ce résultat? Que par une sélection bien entendue, pra- tiquée sur de petites éducations, les seules qui puissent être parfaitement soignées, et en s'aidant du microscope, il est possible d'améliorer en peu d'années nos races indigènes. ETUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 367 EXTRAIT DUNE LETTRE DE M. LE MARÉCHAL VAILLANT (<). Paris, 15 août 1868. Je suis peine de vous voir en dissidence avec M. Pasteur, peiné aussi de l'espèce de reproche que vous me faites de rapporter tout le succès de mes éducations au procédé de grainage par le microscope. Je vous ai cité des faits, voilà tout. Je crois volontiers avec vous que bien d'autres circonstances fortuites ont influé sur ces faits et peuvent diminuer la part du grainage cellulaire et de l'examen microscopique; mais cette part reste inattaquable. Permettez-moi de vous rappeler sommairement ici comment les choses se sont passées. J'avais fait en 1866 une petite éducation d'œufs provenant de la Tran- sylvanie, elle réussit bien ; en 1867, j'élevai de nouveau une partie de ma graine obtenue, je réussis encore. M. Pasteur, qui était venu voir mes vers au printemps de 1867, me dit : « Si vous voulez suivre mes indications, nous aurons avec vos vers de la graine parfaitement exempte de corpus- cules, que vous pourrez donner à des éducateurs fort embarrassés pour s'en procurer. » De là, le grainage cellulaire et l'examen des papillons au microscope. De là aussi trois catégories d'œufs ou de graines : les œufs provenant de parents irréprochables; les œufs provenant de parents ayant tous deux des corpuscules; enfin, les œufs dont un des parents était sain et dont l'autre était malade des corpuscules. Eh bien ! l'éducation faite avec les œufs de la première catégorie n'a pas 1. Moniteur des soies, 5 septembre 1868, VII, n° 319, p. 4. Cette lettre, dont les 2e, 3« et 4e alinéas seuls sont reproduits ici. était adressée à M. E. de Masquard. Pasteur l'a insérée i,i extenso dans le Rapport du 5 août 1868 {voir p. 547-576 du présent volume), en la faisant précéder des réflexions contenues dans la note suivante : « Cette lettre relate des faits très intéressants. Ils le deviendront davantage encore si j'ajoute que, parmi les œufs des couples dont le mâle et la femelle étaient corpusculeux, un très petit nombre étaient eux-mêmes corpusculeux, preuve certaine que des chrysalides n'avaient été envahies que fort tard par les corpuscules. Je ne les avais pas examinées. M. le Maréchal n'avait pu me remettre que les papillons morts naturellement après la ponte. « Néanmoins, M. le Maréchal accuse 2ô pour 100 de non-valeur, et pour une éducation en petit, ;i Viucennes, loin des centres de grande culture. Il est bien probable qu'en grande édu- cation il y aurait eu échec. « J'avais emporté à Alais quelques œufs des pontes réunies des couples malades par le mâle et la femelle. Le 13 mars je les ai mis à l'incubation. On a examiné un à un les vers ;i l'éclosion; sur un groupe de 126 vers ou œufs étudiés, on en a trouvé 4 seulement qui étaient corpusculeux. o On remarquera la similitude de l'opinion de M. le Maréchal et de celle que j'ai émise moi- même au sujet de la maladie des morts-flats. Je croirais volontiers que cette maladie est aux vers à soie ce que la météorisation est aux bestiaux. « Nous verrons bien, l'an prochain, si le doute soulevé par M. le Maréchal au sujet de la signification que j'attribue au ferment en petits chapelets de grains sphériques ou légèrement ovoïdes est fondé. Pour moi, j'attache à sa présence une grande importance comme témoin du mal, et je crois, en outre, que si l'on pouvait prévenir son développement, on préviendrait peut-être la maladie qui me paraît être caractérisée par une fermentation anormale de la feuille dans le canal intestinal, identique à celle que la feuille subit en dehors de ce canal quand elle est broyée avec de l'eau; tout comme la météorisation est constituée par une fer- mentation de la feuille de luzerne, pareille à celle que cette même plante, broyée avec de l'eau, subit en dehors du canal intestinal et avec formation des mêmes organismes. » {Xote de l'Édition.] 368 ŒUVRES DE PASTEUR (M i un malade, pas même un indisposé; celle de la troisième catégorie a eu 5 pour 100, si je me rappelle bien, de morts, soit avec des taches noires, soit de toute autre maladie. Enfin, une troisième et bien plus nombreuse éducation faite à Vincennes, composée d'œufs provenant de parents tous deux corpusculeux, le mâle et la femelle, ont présenté un déchet de 25 pour 100, savoir des morts-flats, des petits, d'autres qui n'ont pas monté à la bruyère, ou qui ont fait des cocons dans lesquels le ver à soie était visible. N'attachez pas trop d'importance aux nombres 5 et 25 pour 100; j'ai des notes précises, mais elles ne sont pas sous mes yeux. Ce qu'il faut tenir pour assuré (et c'est à quoi j'attache une grande importance), c'est que la première éducation n'a pas oiîert un mort, non plus qu'une éducation d'œufs sains que m'avait envoyés du Midi M. Pasteur, et qui ont été élevés à Vincennes dans la même chambre, avec la même absence de soins, avec les mêmes feuilles, sur les mêmes planches ou claies où ont été élevés les vers qui ont donné 25 pour 100 de non-valeurs, à trois ou quatre repas par jour, pas davantage RAPPORT AU MINISTRE DE LAGRICULTURE, DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS Paris, 15 décembre 1868. Vous avez bien voulu me charger de constater les résultats de la cam- pagne séricicole de M. Raybaud-Lange, directeur de la Ferme-Ecole de Pail- lerols, dans les Basses-Alpes; j'ai l'honneur de vous rendre compte des résultats de cette mission. Le vœu émis par la Commission supérieure de sériciculture, que l'on procédât à la régénération des vers à soie au moyen de petites éducations, et que des ateliers privés de grainage vinssent en aide aux éducateurs, a reçu, cette année, son accomplissement; M. Raybaud-Lange a pris l'ini- tiative de ce progrès de la manière la plus heureuse. Dans le Rapport spécial que j'ai eu l'honneur d'adresser à Votre Excel- lence en 1867 (4), j'ai indiqué les procédés d'éducation et de grainage suivis à Paillerols : je n'y reviendrai pas. Il suffit de rappeler que M. Raybaud- I, ancre n'adopte que le système des petites éducations; il distribue ses chambrées par lots de demi-once jusqu'à 1 et 2 onces dans les localités exemptes de tout foyer d'infection, et il emploie exclusivement comme reproducteur la graine dont le microscope a constaté la pureté. Fidèle aux errements dans lesquels il s'était engagé à la suite de M. Pasteur, il a dis- persé ses petites éducations dans les parties des Hautes et Basses-Alpes, du Var et des Alpes-Maritimes qui semblaient lui offrir le plus de chances de réussite; comme par le passé, il a réparti la graine de ses meilleures cham- brées entre de petits éducateurs, la leur abandonnant gratuitement, sous la 1. Voir, \>. 339-343 du présent volume, le Rapport de Victor Rendu sur l'éducation des vers à suie à Paillerols. (Note de l'Édition.) ETIDES Sl'l! I.A MALADIE DES V E 11 S A SOIE 369 condition qu'ils n'élèveraient que les vers provenant de celte graine, et qu'ils lui vendraient leur récolte au plus haut prix du cours des cocons. Ce contrat a été exactement observé de part et d'autre ; le succès le plus remarquable est venu confirmer les espérances de M. Raybaud-Lange sur les petites éducations isolées. Au moment de ma visite à Paillerols, de magnifiques récoltes de cocons affluèrent de toutes parts à la Fermc-Leole : au fur et à mesure des livraisons, on prélevait sur chaque lot un certain nombre de cocons, des femmes les mettaient en chapelets, et aussitôt après ceux-ci étaient suspendus dans une pièce dont la température était cons- tamment entretenue à 25" Réaumtir. Le but de cette sélection première est d'obtenir promptement des papillons destinés à l'examen d'épreuve. Sont-ils reconnus corpusculeux, on les envoie à la filature: au contraire, s'ils sont exempts de maladie, tout le lot est enchapelé et porté avec son numéro d'ordre à l'atelier de grai- nage, disposé ainsi que je l'ai décrit dans mon précédent Rapport. L'an dernier, Monsieur le Ministre, par une tolérance qu'admettait M. Pasteur lui-même, M. Raybaud-Lange faisait passer au grainage les papillons présentant 10 et 12 pour 100 de l'affection corpusculaire: mais, cette année, fort de sa réussite, ii s'est montré plus sévère dans le choix de ses reproducteurs. A la vérité, il disposait d'un très grand nombre de lots excellents, dont plusieurs étaient entièrement purs de corpuscules; M. Rav- baud-Lange ne doute pas qu'en faisant chaque année un triage de plus en plus rigoureux, on ne parvienne à résoudre le difficile problème d'une com- plète régénération de la graine. Ces espérances sont autorisées, et on les partage à son tour quand on a été témoin du soin scrupuleux qui préside au choix des papillons reproducteurs à Paillerols : du matin au soir, MM. Pas- teur et Raybaud-Lange ne quittaient pas le microscope; ils étaient assistés dans cette tâche laborieuse par M. Duclaux, professeur agrégé à la Faculté des sciences de Clermont. Pour mettre de son côté toute chance de succès, M. Raybaud-Lange ne s'est pas contenté d'opérer un contrôle sévère sur tous les lots destines à la reproduction ; il a eu de nouveau recours au orainase cellulaire tenté en 1867, mais cette fois sur une vaste échelle : 70 onces de graines par couples isolés confirmeront sans doute en 1869 le principe posé par M. Pasteur : qu'une graine irréprochable peut seule assurer les ebambrées destinées à la reproduction, et qu'en s'aidant avec persévérance de la sélec- tion et des petites éducations, la gattine finira par être conjurée. La campagne séricicole de M. Ravbaud-Lange en 1868 se distingue surtout par le grainage: près de 5.000 onces, contrôlées par les moyens qu indique la science, vont être mises en circulation. Elles ne suffiront pas aux nombreuses demandes qu'a reçues depuis longtemps le directeur de Paillerols, mais elles aideront à combler une grande lacune : on peut, sans témérité, bien augurer de leur réussite, si l'on tient compte des succès de cette année. En effet, les rendements obtenus avec la graine de Paillerols ont été excellents. Dans les Hautes et Basses-Alpes, cette graine a été distribuée entre deux cents éducateurs; le rendement moyen, constaté par M. Pasteur, ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE. 2'i 370 ŒUVRES DE PASTEUR s'est élevé à 47 kilogrammes par once de 25 grammes; on ne cite que deux ou trois échecs. Dans les Alpes-Marilimes, 50 onces, partagées entre vingt-cinq éduca- teurs, n'ont donné lieu qu'à un seul mécompte. Dans le Var, 25 onces ont été placées chez M. de Gasques, directeur de la Ferme-École de Salgues, et dans son voisinage: 30 onces ont été distri- buées à Fayence. Succès partout. Dans les Bouches-du-Rhône, trois éducateurs; aucun échec. Dans l'Hérault, 25 onces delà graine de M. Raybaud-Lange ont produit 910 kilogrammes de cocons. Dans le département de Vaucluse, chez M. Raspail, lauréat de la prime d'honneur, et chez les fermiers de M. le marquis de Jocas, réussite com- plète. A Nîmes et dans les environs, succès à peu près général, d'après M. le président de Labaume. A Alais, Anduze et le Vigan, revers et succès se sont balancés; le pro- duit moyen a été de 20 kilogrammes par once. Ce chiffre n'était pas dépassé, à l'époque de la prospérité des vers à soie, dans les pays de grandes éducations. A la Tour-du-Pin, à Vizille et à Saint-Barthélémy (Isère), bonne réus- site, tandis qu'on a échoué à la Tronche et sur un point de la Drôme. J'ai pensé, Monsieur le Ministre, que ce relevé exact était le meilleur commentaire des procédés de grainage de M. Raybaud-Lange. Qu'il n'y ait pas eu succès absolu partout, je n'en suis pas surpris. Qui ne sait que la meilleure graine n'entraîne pas comme conséquence une réussite infail- lible? Tant de causes secondaires peuvent la compromettre! Cette année, par exemple, où le printemps a été accompagné de chaleurs très fortes, quelques éducateurs ont brûlé leur graine au moment de l'éclosion ; la maladie des mort-flats a sévi avec rigueur. L'accumulation d'un grand nombre d'éducations dans un rayon restreint a été encore, suivant M. Pas- teur, une cause d'insuccès; il ne serait donc pas logique de n'en pas tenir compte dans quelques revers partiels. Ce qui demeure certain, incontes- table, c'est qu'aujourd'hui, grâce aux savantes recherches de M. Pasteur et à la pratique si habile de M. Raybaud-Lange, le grainage indigène est désor- mais assuré : c'est là un immense service rendu à la sériciculture; elle lui devra sa résurrection. Agréez, Monsieur le Ministre, l'hommage de mon respect. L'inspecteur général de V Agriculture, Victor Rendc. ÉTUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 371 SUR LES BONS EFFETS DE LA SELECTION CELLULAIRE DANS LA PRÉPARATION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE («) En 1867, je proposai à M. le maréchal Vaillant de mettre à l'épreuve des faits mon procédé de régénération de nos belles anciennes races de vers à soie, dont j'avais déjà à cette époque démontré l'efficacité certaine touchant la maladie des corpuscules ou pébrine. M. le Maré- chal, dont l'Académie connaît toute la sollicitude pour la crise sérici- cole actuelle, voulut bien accepter mon offre, et depuis deux ans il consacre à celte épreuve les petites éducations qu'il a l'habitude de faire, soit à Paris, soit à Yincennes. Il y a juste deux ans au mois de juillet, M. le Maréchal était à la veille de livrer au grainage les papil- lons que lui avait fournis son éducation très bien réussie, mais dans laquelle un œil exercé pouvait reconnaître une première atteinte de la maladie des corpuscules. Je partageai les reproducteurs en deux catégories, ceux qui étaient irréprochables et ceux où commençait le mal, en priant M. le Maréchal d'élever séparément les deux sortes de graines correspondantes. L'une devait être de très bonne qualité et l'autre plus ou moins suspecte. Dans une lettre rendue publique en 1868 ("'), M. le Maréchal fit savoir que la première graine dont il s'agit lui avait donné des vers si bien exempts de la maladie précitée qu'aucun d'entre eux n'était mort pen- dant le cours de l'éducation; qu'au contraire, l'autre sorte de graine avait offert une perte de 25 pour 100, perte considérable, sur- tout si l'on observe que les vers avaient été comptés pour la première fois à la fin du troisième âge. En 1868, M. le Maréchal fit de la graine séparément avec les deux catégories de cocons qu'il avait obtenus, et il me remit les papillons pour les examiner. Je reconnus que ceux de la bonne éducation faite à Paris étaient irréprochables comme leurs ascendants, tandis que ceux de l'éducation faite à "Vincennes, éducation qui avait eu une mortalité sensible, étaient très mauvais, infiniment plus que ne l'avaient été leurs ascendants à eux, et que leur graine cette fois serait détestable. Ces dernières prévisions ont été adressées par moi à M. le maré- chal Vaillant, dans une Lettre qui a été insérée aux Comptes rendus de 1. Cette Note a paru dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 19 juillet 1869, LXIX. p. 158-160, sous le titre : « Note sur la sélection des cocons faite par le microscope pour la régénération des races indigènes de vers à soie. » 2. Voir, p. 367-368 du présent volume : Extrait d'une lettre de M. le maréchal Vaillant. {Sotes de l Édition.) 372 ŒUVRES DE PASTEUR l'Académie des sciences, séance du 11 janvier 1869. Je crois utile de reproduire ici textuellement cette Communication (d). Vous avez eu l'obligeance de me confier les produits de vos petites éduca- tions de cette année : l'intérêt de leurs résultats est bien plus grand que nous ne le pensions. J'y trouve de nouvelles preuves fort démonstratives de la vérité des principes que j'ai établis. Permettez-moi de vous rappeler sommairement ce qui s'est passé entre nous, au sujet de vos expériences. Vous aviez élevé en 1SG7, dans votre cabinet, un lot de graine originaire de Transylvanie, déjà reproduite par vous en 1866. Dans une visite que j'eus l'honneur de vous faire, à mon retour du Midi, au mois de juillet 1867, je reconnus qu'un certain nombre de vos papillons étaient malades et les autres sains. Je vous ai proposé alors de les soumettre à un partage devant donner deux sortes de graine, l'une de liés bonne qualité, l'autre plus ou moins suspecte. Vous avez bien voulu accepter mon offre, et, afin de mettre mes assertions à l'épreuve de l'expé- rience, vous avez élevé ces deux catégories de graine en 1868. Dans une lettre rendue publique, vous avez déjà fait savoir que la première graine dont il s'agit vous avait donné des vers si bien exempts de la maladie régnante qu'aucun d'entre eux n'était mort pendant le cours de l'éducation; tandis que les œufs que j'avais déclarés devoir être en partie mauvais, bien qu'ils eussent la même origine et qu'ils fussent sortis de la même éducation (pie les précédents, vous ont offert une perte de 25 pour 100, ce qui est con- sidérable, si l'on observe que cette perte a été évaluée sur les vers arrivés à un âge assez avancé. Vous remarquerez cependant, d'après la note dont j'ai fait précéder votre lettre, à la fin de mon Rapport au ministre de l'Agricul- ture (2), que les œufs issus de vos mauvais papillons ne renfermaient pas .') pour 100 de corpusculeux au moment de leur éclosion : preuve nouvelle du danger que l'on court en élevant des graines produites par des papillons chaînés de corpuscules, alors même que ces petits corps n'ont pas pris naissance dans les chrysalides assez tôt pour introduire dans les auifs une forte proportion de sujets corpusculeux. Vous avez eu, en outre, dans cette même éducation à 20 [25] pour 100 de non-valeur, un grand nombre de cocons fondus, ce qui est la preuve ordinaire de l'existence de vers atteints de la maladie des morts-flats. Cela pose, voici le résultat des observations que je viens de faire faire sous mes yeux sur les papillons des deux éducations précédentes cl sur les œufs qui en proviennent. Les papillons des premiers vers, de ceux qui étaient exempts de maladie, sont eux-mêmes irréprochables, et j'affirme, par avance, que la graine qu'ils ont pondue, si vous voulez bien l'élever en 1869, vous donnera les plus beaux produits. Quant aux papillons sortis de la graine (pie j'avais condamnée, ils étaient tellement mauvais pour la reproduction, malgré la réussite partielle 1. Elle a paru .tans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 11 jan- vier 1869, LXVIII. p. 79-82, sous le titre : « Sur les tiens effets de la sélection cellulaire dans la préparation de la graine de vers à soie. » 2. Voir la note 1, p. 367 du présent volume. {Notes de l'Édition.) ÉTUDES Slll LA MALADIE DES VERS A S01K 373 que vous ave/, obtenue, que je me crois autorisé à prédire l'échec le plus radical de leur «naine. Vous possédez plusieurs onces de cette graine : eh bien! agissez comme vous l'entendrez, par petite ou par grande éducation; employez les soins les plus minutieux, et, vous aurez beau faire, aux Tuileries comme à votre chalet de Vincennes, vous n'en retirerez peut-être pas un seul cocon. Que d'enseignements pour les éducateurs, s'ils savent les com- prendre! Dans les faits que je viens de relater, nous avons le tableau réduit, mais fidèle, des succès et des revers qui tour à tour soutiennent l'espérance ou entretiennent les malheurs de l'industrie séricicole depuis vingt ans. En effet, vous aviez, en 1867, à la suite de deux éducations heureuses, des repro- ducteurs qui étaient à votre insu en partie excellents et en partie malades. Leurs première et deuxième générations se seraient peut-être encore bien comportées en 1868 et en 1869; mais en 1870, au plus tard, tous vos vers auraient péri. Grâce au microscope et à un travail si facile que j'y ai habitué jadis un enfant de sept à huit ans, vous avez rendu une race à sa première vigueur, en même temps que dans une autre série d'épreuves vous la détrui- siez sans retour. La sélection cellulaire qui a conduit à ce double résultat ne pourrait, il est vrai, devenir industrielle et correspondre à de vastes grainagës : mais j'ai démontré depuis longtemps que la sélection peut s'appliquer, non aux individus isolés, mais à de grandes familles, c'est-à- dire aux chambrées elles-mêmes: d'un côté, il en existe partout d'entière- ment saines et, en outre, il est facile d'accroître le nombre de celles-ci en proportion du soin que l'on apporte dans le choix préalable des graines ser- vant à les produire. Souvenez-vous, je vous prie, de ce qui est arrivé successivement pour tous nos départements de petite culture. Chacun d'eux, à une époque déter- minée, a eu le privilège de pouvoir fournir aux départements séricicoles de la graine parfaitement saine. On a vanté tour à tour dans les Cévennes, dans l'Ardèche, dans la Drôme, la graine de Perpignan, celle de l'Aude, des Basses-Alpes, de Montauban, de l'Aveyron, du Lot, du Cher, de Tours, de Limoux, tout comme en 1866 et 1867 on aurait pu faire l'éloge de la graine du maréchal Vaillant. Mais dans toutes ces localités le mal, insensible d'abord, s'est développé peu à peu, et la célébrité de toutes ces graines s'est évanouie, parce que l'on manquait d'une méthode propre à avertir les éleveurs de la dégénérescence de leurs éducations et capable de rendre à ces dernières leur vertu originaire par l'emploi de graines reconnues pures. De même que vous avez conservé à la santé une partie de vos vers, par une sélection facile, de même on pourra, quand on le voudra, rendre des grainagës prospères dans tous nos départements de petite culture, et ultérieurement dans les autres. Il suffira de recourir à la méthode que j'ai proposée pour la recherche et la multiplication des chambrées pour graine, de façon à n'élever, dans ces départements de petite culture, que des graines irréprochables. Cela est d'autant plus facile que la France compte seulement quatre ou cinq départe- ments séricicoles contre trente ou trente-cinq où la culture du mûrier esl fort restreinte. Ces derniers néanmoins peuvent amplement suffire pour alimenter de graines toutes les magnaneries de l'Ardèche, de la Drôme, du Gard Je suis heureux de pouvoir ajouter qu'au milieu des obstacles et des con- 37'. ŒUVRES DE PASTEUR tradictions que suscitent l'ignorance ou l'intérêt, et qui sont inséparables de toute application nouvelle, le progrès de mes études commence à se faire jour sur divers points de la France. On se préoccupe de plus en plus de l'immense intérêt pratique qu il \ a à s'assurer de la vérité des résultats de mes expé- riences. Puissent les éducateurs apporter dans cette vérification l'esprit de suite que vous y avez mis vous-même ! Vous connaissez le succès dû à l'initia- tive de la Société d'agriculture de Perpignan. En ce moment même les édu- cateurs des Pyrénées-Orientales, loin d'arracher 1rs mûriers, comme ou l'a fait imprudemment dans bon nombre de localités, les recherchent à prix d'or, partout où il en existe. Le Conseil général de Vaucluse, imitant celui du Gard, a recommandé expressément la recherche des chambrées pour graine, en suivant mes indications, et il a ordonné le dépôt d'un microscope dans chaque chef-lieu de canton. Je viens d 'apprendre que. grâce aux obser- vations de M. Ligounhe, membre de la Société d'agriculture de Montauban, le Tarn-et-Garonne sera, cette année, pourvu d'une multitude de lots de graines issues de chambrées dont le microscope a assigné par avance la bonne qualité pour la bonne reproduction. A Grenoble, un jeune et habile praticien. M. Sirand, a publié, au sujet de mes recherches, des observations pleines d'intérêt. Dans les Basses-Alpes, l'exemple de M. Raybaud-Lange provoque les plus louables efforts. On parle même d'y créer une Association qui aurait spécialement pour but la recherche des cocons pour graine. Enfin, M. Cornalia, dont le nom est d'une si grande autorité en ces matières, m'a informé récemment qu'un certain nombre de grainages ont été faits, cette année, en Italie, d'après ma méthode, et qu'on y a été encouragé par le succès extraordinaire obtenu par quelques personnes qui déjà l'avaient appliquée en 1807, notamment par M. le marquis Luigi Crivelli, à Inverigo, et par M. Bellotti, tous deux bien connus en Italie par leurs travaux de séri- ciculture.. .M. [le maréchal Vaillant a fait connaître à l'Académie, dans une Note détaillée ('), les résultats qu'il a obtenus des deux sortes de graines dont il vient d'être parlé. La première lui a offert une éducation admirable; la seconde, malgré une sélection accidentelle et naturelle au moment de l'éclo- sion, a donné les plus mauvais résultats. Il eût fallu voir, comme cela m'est arrivé, au moment de la montée à la bruyère, les uns auprès des autres; à 1 mètre ou 2 de distance seulement, dans la même pièce, nourris de la même feuille, les vers issus des papillons sains, et ceux qui étaient nés des papillons très malades. Les bons vers couvraient la bruyère de cocons magnifiques, tous étaient égaux, agiles à filer leur soie; aucun d'eux ne mourait ou ne paraissait malade. Les vers de la mauvaise graine, au contraire, avaient un retard considérable sur les autres, de plus de sept a huit jours; ils avaient toutes les tailles, 1. Voir la lettre qui suit. [Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA .MALADIE DES VERS A SOIE 375 depuis celle de la deuxième ou troisième mue jusqu'à celle des vers montant à la bruyère; ça et là, des morts et des mourants; l'image, en un mot, la |j1us accusée du fléau qui désole la sériciculture. Enfin, exa- mines au microscope et pris au hasard, gros ou petits, tous étaient remplis des corpuscules de la pébrine. En résumé, on a pris en 1867, dans une même famille de vers à soie, des reproducteurs sains et des reproducteurs commençant à devenir malades, on a élevé séparément leurs générations respectives : dans un cas, la race a été améliorée, fortifiée; dans l'autre, elle a telle- ment dégénéré qu'elle peut être à bon droit considérée comme ayant totalement disparu, car il ne sera pas possible de tirer des quelques mauvais cocons de la mauvaise éducation de cette année autre chose qu'une graine absolument stérile. Mais j'ai hâte de laisser la parole à M. le maréchal Vaillant; qu'il me permette seulement de lui exprimer ma reconnaissance pour la rigueur et l'esprit de suite qu'il a bien voulu apporter dans cette double série d'expériences. LETTRE DE M. LE MARÉCHAL VAILLANT A M. PASTEUR (i) Vous m'avez témoigné le désir de connaître le résultat final des deux petites éducations de vers à soie faites par moi avec la graine que vous m'avez envoyée d'Alais au commencement de l'hiver dernier. Voici les renseigne- ments que je puis vous communiquer. Je commence par rappeler que les graines que j'ai reçues de vous prove- naient d'éducations des vers Transylvaniens faites par moi en 1868, savoir : 1° à Paris, avec les œufs que vous aviez reconnus provenu' de papillons exempts de corpuscules: 2° à Vincennes, avec des œufs de papillons ofirant tous des corpuscules, mais qui à l'état d'œufs ne présentaient, d'après voire examen, qu'une proportion de 3 pour 100 d'œufs corpusculeux. Vous m'aviez prévenu Les choses se sont passées, en 1868, absolu- ment cnmme vous les aviez annoncées. L'éducation faite à Paris a bien marché du commencement à la fin, les pertes ont été nulles. L'éducation de Vincennes a eu 25 pour 100 de vers morts; la plupart avaient succombé à la dernière mue ou au moment de la montée, et cependant une perte de 25 pour 100 n'empêche pas qu'une éducation soit belle au point de vue industriel, et qu'elle ne procure des bénéfices suffisamment rémunérateurs dis peines et des dépenses des éleveurs. Il en était ainsi avant que le terrible fléau qui désole nos magnaneries se fût abattu sur l'Europe; on supportait sans se plaindre des déchets de 25 à 30 pour 100; on élevait l'année suivante des œufs provenant de ces éducations que l'on considérait comme moyennes 1. Vaillant (Le maréchal). [Résultat de deux petites éducations de vers à soie provenant de graines étudiées par M. Pasteur. Lettre à M. Pasteur.] Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 19 juillet 1869, LXIX, p. 160-163. 376 ŒUVRES I) K PASTEUR quaul à la réussite; tantôt le mal augmentait, tantôt il diminuait; on ne s'inquiétait guère des causes de ces alternatives en mieux ou en pis; l'indus- trie do la soie marchait, on était content. Aujourd'hui les conditions sont bien changées! nous l'avons dit déjà dans plusieurs Notes, et nous revien- drons encore sur ce point capital de votre théorie et de vos grandes décou- vertes; mais parlons d'abord de mes éducations de 18G9. Je vous avais envoyé, à la fin de 18G8. tous les couples de papillons obtenus soit à Paris, soit à Vincennes, avec les œufs pondus par chaque couple, tout cela bien séparé, bien distinct, de manière a rendre toute méprise, toute erreur impossible; ces détails étaient utiles à rappeler. Vous m'avez adressé deux petites boîtes que vous trouverez ci-jointes, et qui portent sur leur couvercle, l'une, la lettre A avec cette indication : Tran- sylvaniens. Graine des papillons dont les ascendants étaient purs (mâle et femelle); l'autre, la lettre B, et ces mots : Transylvaniens. Graine des papil- lons de l'éducation de Vincennes (25 pour 100 de perte). En m'adressant les boîtes, vous m'écriviez : « Les œufs A doivent vous donner des résultats excellents, mais les œufs B ne produiront pas ou peu de cocons. » Vous avez vu mes éducations chez moi, au moment où elles finissaient : elles ont eu lieu dans la même chambre, afin que les conditions dans les- quelles elles se trouvaient fussent aussi égales que possible ; mais je recon- nais, cependant, qu'il n'est pas sans danger de tenir si rapprochés les uns des autres des vers sains et des vers corpusculeux : l'infection des premiers par les seconds peut se produire tout d'un coup, auquel cas les conclusions que l'on veut tirer des résultats finalement obtenus peuvent être tout à fait inexactes. La chambre où mes vers ont été élevés n'a jamais eu de feu. La fenêtre qui l'éclairé regarde le sud-ouest. L'éducation A vous a paru magnifique, elle m'a donné quatre cents beaux cocons que je vous envoie; il me semble difficile de rien voir de plus complè- tement satisfaisant. Pendant toute la durée de l'éducation, j'ai eu deux jeunes vers tués; ils ont été (je crois en être sur) atteints par un morceau de bois qu'on a laissé tomber. Un ver a été trouvé mort dans la bruyère: il avait toute sa grandeur et était monté fort haut, G ou 7 décimètres au moins au-dessus des feuilles du mûrier. Il avait la tête entièrement noire comme de l'encre. Un quatrième ver est devenu dur, farineux, ayant assez l'apparence d'une dragée; c'est, je crois, ce qu'on appelle un muscardin. Il n'avait pas monte, n'avait pas filé, mais était parvenu à toute sa grandeur. Enfin, si nous ajoutons à ces pertes un ver qui a filé assez haut dans la bruyère, non pas un cocon fermé, mais une espèce de tapis de soie d'où est tombée une chry- salide nue, bien vivante, ce sera, en tout, une perte de cinq vers pour quatre cent cinq œufs éclos, c'est-à-dire 1 pour 100 seulement! c'est là, con- venez-en, un beau résultat. Voyons maintenant l'éducation B. Il paraissait y avoir la même quantité d'œufs dans les deux boîtes, eh bien ! tandis que A me donnait quatre cents et quelques petits vers bien vils. bien mangeants, B ne produisait, après une éclosion lente et pénible, que quatre-vingt-dix-huit vers (moins d'un quart) n'ayant pas, à beaucoup près, autant de \ ivacité, autant d'appétit que les vers de A. ÉTUDES SUR LA MALADIE DÉS VERS A SOIE 377 Vous m'avez déjà cl 1 1 que ce l'ail ne vous surprenait pas; il indique que dans la graine même, el avant l'éclosion, il s'opère déjà une sélection, ou, ce qui revient au même, que quand une graine ne provient pas ^ascendants pin s. un nombre d'oeufs plus ou moins grand, déjà atteints par la maladie des corpuscules, ne peuvent briser leurs coques et meurent avant d'éclore. C'est du moins ainsi. m'a\ ez-V0US dit. que les choses se passent dans certains cas. .le dois vous dire que l'éclosion axait commence le I 5 mai dans la boîte A, et le LG niai dans la boîte B. Le 20 juin, un ver de A était en train de filer; ce n'est (pie le 28 juin qu'on a vu un ver de B émettre île la soie et commencer un cocon au ras du sol où reposaient les feuilles. Le 7 juillet, les derniers cocons de A étaient termines: pour B. à partir du 3 juillet, il n'y a plus eu de cocons en voie de formation; les vers qui vivaient encore étaient petits, d'un aspect désagréable. Le dernier a succombé tout à fait le J2 juillet. Le nombre total des morts pour l'éducation B a été de quarante et un vers. Le résumé de ce qui précède est ceci : Boite A. Graine provenant d'ascendants purs. Œufs mis à éclore 405 Œufs éclos 40."> Cocons obtenus (très beaux . ■ 400 Vers morts pendant l'éducation 5 Perte de 1 pour 100, soit sur le nombre des œufs mis à éclore, soit sur le nombre des vers nourris. Boite B. Graine provenant d'une éducation de 1868, laquelle avait donné li") pour 100 de perte. (Les œufs de la boîte B étaient cousins germains des œufs de la boîte A. Œufs mis à éclore de 400 à 410 Œufs éclos 03 Cocons obtenus (assez misérables pour la plupart 52 Vers morts pendant l'éducation 41 Perte de 44 pour 100 sur le nombre des vers nourris. Perte de pour 100 de perte, ne sont surs de rien, el peuvent, comme cela vient de m'arriver avec le contenu d>- votre boite B, avoir 80 pour 100 et plus de graine qui n'éclora pas, et n'obtenir, en résultat final, que de rares cocons, assez médiocres d'ailleurs. Là est. comme vous l'avez dit, le secret de tant de mécomptes journellement éprouves ci l'explication de tout ce qu'il y a de contradictoire dans les nom- 378 ŒUVRES DE PASTEUR lu eux Rapports adressés sur l'état actuel de la sériciculture en France et en Europe. Provisoirement, et jusqu'à ce que viennent de meilleurs jours pour l'industrie des soies, il faut n'élever que de la graine provenant d'ascendants purs, pureté dont l'emploi du microscope peut seul donner la certitude. RAPPORT, FAIT AU NOM DE LA SECTION DES CULTURES SPÉCIALES, PAR M. ROBINET, SUR LES RECHERCHES DE M. PASTEUR RELATIVES AUX MALADIES DES VERS A SOIE (i) Messieurs, L'article 14 de votre programme des prix est ainsi conçu : Travaux sur les maladies des vers à soie. « Les résultats de ces travaux devront résoudre quelqu'une des ques- tions scientifiques que soulèvent les maladies des vers à soie, et donner les moyens de préserver ceux-ci des ravages causés par les maladies dont ils sont le plus souvent atteints. « Les Mémoires sur cet important sujet devront rapporter des recherches expérimentales, décrites de manière que les résultats annoncés puissent être vérifiés par les Commissaires. » Les travaux de l'honorable M. Pasteur, sur le sujet proposé, sont si connus, ils ont eu un si grand retentissement, qu'il a paru inutile à votre Section des cultures spéciales de les décrire ou de les analyser, pour appuyer la proposition qu'elle a l'honneur de vous faire. f.llc se bornera à examiner si ces travaux répondenl bien aux vues de la Société. Or, Messieurs, soit par la confirmation expérimentale de faits déjà connus, mais plus ou moins contestés, soit par la découverte de faits ou de phénomènes qu'on n'avait pas signalés avant lui, M. Pasteur nous paraît avoir pleinement répondu à la première partie du programme : il a résolu ou ('claire d'une vive lumière plusieurs des questions scientifiques que sou- lèvent les maladies des vers à soie : I. existence des corpuscules dans le bombyx mori, à ses différents états : œuf, larve, chrysalide, papillon; La faculté qu'a la maladie de se transmettre par hérédité; Sa nature contagieuse et la possibilité de l'inoculer: Enfin, différentes propriétés ou caractères des corpuscules qui avaient échappé à la sagacité de plusieurs expérimentateurs des plus habiles. 1. Bulletin des séances de la Société impériale et centrale d'agriculture 'de France, séance du 14 février 1869, 3« sér., IV, 1868-1869, p. '?'il-'.'ï4. ÉTUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 379 A ce premier point île vue. les travaux de M. Pasteur ont dignement répondu aux conditions du programme. En (■<■ c[ui concerne les moyens ^préserver les vers des ravages causes par les maladies dont ils sont le plus souvent atteints, M. Pasteur nous paraît n'avoir pas été moins heureux: surtout en tenant compte de l'extrême difficulté il ii problème, et en nous rappelant les nombreuses tentatives faites par les hommes les plus compétents, tentatives qui n'avaient abouti qu'à des procédés insuffisants, ou absolument sans valeur. Deux systèmes de méthodes prophylactiques avaient été proposés et exécutés avant M. Pasteur. Le premier consiste en petites éducations précoces, exécutées avec des échantillons pris sur des parties d'œufs mises dans le commerce. Des résul- tats plus ou moins favorables de ces éducations d'essai, on tire des consé- quences sur la qualité des œufs et les probabilités de succès de l'éducation industrielle. L expérience a démontré que ce système a des avantages réels, mais qu'il ne donne, en définitive, que des probabilités. Bien souvent les éducations industrielles ont été loin de répondre aux promesses des éducations pré- coces. Le second système préventif a été la conséquence de la découverte, au moyen du microscope, des corpuscules des œufs de vers à soie. Plusieurs observateurs italiens et français en ont fait une large application, et l'on a cru un moment qu'on avait enfin mis la main sur un moyen infaillible de distinguer les œufs qui devaient donner des vers sains de ceux dont on ne devait rien attendre. Cette illusion n'a pas duré longtemps, et M. Pasteur a contribué à la détruire. Il a démontré, d'une part, que l'existence des corpuscules ne devait pas nécessairement entraîner la perte entière des éducations, et, d'une autre part, que des œufs clans lesquels le microscope ne faisait découvrir aucun corpuscule ne pouvaient pas être considérés comme absolument bons. C'est en présence de ces incertitudes que M. Pasteur s'est mis à l'œuvre. Nous ne rappellerons pas ici les différentes phases des immenses travaux répartis sur les trois années qu'il y a presque entièrement consacrées, interrompant, dans 1 intérêt de la précieuse industrie des soies, d'autres recherches dans lesquelles il obtenait des résultats aussi nombreux qu'importants, et non moins utiles à l'industrie qu'à la science pure. Négligeant l'œuf, qui ne peut donner que des renseignements. incertains, et la chrysalide, dont l'évolution est incomplète, M. Pasteur s'adresse direc- tement aux reproducteurs, aux papillons, et, après avoir écarté ceux qui présentent, à l'œil exerce de l'éducateur, des signes de faiblesse ou de maladie, il recueille les papillons choisis, il les isole par couples, et, lors- qu ils ont accompli la tâche que la nature leur a imposée pour la conserva- tion de l'espèce, M. Pasteur les soumet, à l'aide du microscope, à un examen minutieux. Si ces reproducteurs ne présentent aucune trace de ces terribles corpuscules, i\I . Pasteur en conclut que les œufs qui ont été fécondés et pondus par ce couple exempt de maladie donneront, à la saison prochaine, des vers sains et dont l'élevage récompensera de ses peines l'éducateur intelligent. 380 ŒUVRES DE PASTEUR Des faits nombreux ont démontré que le savant expérimentateur avait bien auguré de ces observations. Il restait à votre Section, Messieurs, à vous dire si, conformément au programme, nous avons pu vérifier les résultats annoncés par M. Pasteur. L'un de nous, dont le talent d'observation ne saurait être l'objet d'aucun doute, a suivi avec soin, depuis trois ans, les expériences de M. Pasteur, et constate la valeur des résultats obtenus^1); mais nous pouvons, en outre, Messieurs, nous appuyer sur des preuves tirées des contrées elles-mêmes 1rs plus intéressées aux succès de ces tentatives. Dans plusieurs départements séricicoles où l'on a été témoin des faits décrits par l'honorable M. Pasteur, on n'a pas hésité à le suivie dans la voie qu'il a tracée. On a voté l'achat d'un grand nombre de microscopes : on a institué les enseignements nécessaires; on a distribué les instruments dans les chefs-lieux les plus propices, et l'on fonde de grandes espérances sur le procédé de sélection proposé par le savant observateur. Prenant en considération les faits connus et vérifiés, et ses propres obser- vations, votre Section des cultures spéciales vous a propose de décerner a M. Pasteur la grande médaille d'or de la Société impériale et centrale d'agri- culture de France, et vous avez. Messieurs, à l'unanimité, ratifié cette propo- sition. LETTRE ADRESSÉE A M. DUMAS PAR M. L. PASTEUR («) Je viens de recevoir une lettre fort intéressante de AI. Cornalia sur la maladie des vers à soie. Sa lecture m'a causé la vive satisfaction qu'éprouve un expérimentateur en recevant d'une parole autorisée la confirmation de ses travaux. L'éminent directeur du Muséum d'histoire naturelle de Milan affirme à diverses reprises que ma méthode est seule capable de régénérer les belles races de vers a soie de France et d'Italie, et il en donne une nouvelle et remarquable démonstration. Dans un seul passage de sa lettre, il met en doute un des résultats que j'ai donnés comme certains dès le commencement de l'année dernière. C'est au sujet de l'hérédité de la maladie des morts-flats. Je vous enverrai prochai- nement de nouvelles preuves peremptoires de la parfaite exactitude de mon assertion. M. Cornalia n'a pas assez remarqué la distinction que j'ai établie entre les circonstances où cette maladie est accidentelle et celles où elle est hérédi- taire. Il est très exact que le petit ferment en chapelets de grains que j ai découvert dans la chrysalide, et que je considère comme le témoin de la pré- disposition héréditaire de la maladie des morts-flats, n'existe jamais, ni dans 1. Le membre de ta Société centrale d'agriculture, au jugement duquel se réfère ici le Rap- port de la Commission, est le maréchal Vaillant, ministre de la Maison de l'Empereur. 2. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 15 mars 1869, LXVIII, p. 028-629. ÉTUDES Sf 11 LA MALADIE DES VERS A SOIF. 381 les œufs, ni dans 1rs tissus de l'insecte: mais il n'y a pas lieu d'inférer le moins du monde que ce soil là une preuve de la non-hérédité de la maladie dont il s'agit. Pour démontrera mon savant confrère de l'Institut lombard <|tie la maladie des moi'ts-llals peul être héréditaire, il me suffira, je pense, de lui adresser plusieurs lois de graines, et de lui annoncer d'avance que les vers qui na il ion I périront Ions entre ses mains de celle maladie. LETTRE DE M. CORNALIA A M. PASTEUR |i) Le Rapport que vous avez publié récemment sur la maladie des vers à soie -' . et que vous avez eu la bonté de m'envoyer, a vraiment marqué un grand progrès dans la question. Appuyé sur un grand nombre de faits, exposés avec Tordre et la netteté qu'un observateur exercé peut seul obtenir, vous avez établi comme un axiome que la graine saine provenant de papillons sains et cultivée avec des soins particuliers doit fournir non seulement un bon pro- duit, mais encore des papillons sains, qui, à leur tour, donneront de la graine saine. C'est ainsi qu'est proclamée, avec l'autorité de votre parole, l'utilité du microscope, que moi-même et plusieurs de mes compatriotes nous avons soutenue dans toutes les occasions où de nouvelles expériences et de nou- velles observations le permettaient. Quelques-uns de mes amis, en effet, depuis plusieurs années, font des récoltes merveilleuses de cocons en choisissant les graines exemptes de cor- puscules, graines que je leur indiquais d'après des examens très conscien- cieux. Pour opérer en grand et obtenir de bonnes récoltes, c'était encore le meilleur moyen, et on doit l'employer jusqu'à ce que l'examen des papillons et leur choix puissent être appliqués par le commun des cultivateurs. Avec l'examen au microscope, limité aux œufs, on ne l'ait certainement qu'une demi-expérience. Quoique plus pratique, la méthode était impar- faite, et les insuccès qu'on observait pouvaient être attribués, sans parler de certains mauvais procédés d'éducation, à la recherche des corpuscules dans la graine seulement, car toute graine saine ne donne pas nécessairement des papillons sains. Ces laits, on pouvait déjà les prévoir en observant qu'une graine atteinte dans la proportion de \ pour 100, par exemple, si elle provenait de nos races, ou de 8 ou (J pour 100. si elle était de race japonaise, donnait déjà des résultats médiocres. En effet, les corpuscules, sur lesquels j'ai insisté tant de lois, sont les caractères sensibles de la maladie; mais des graines pouvaient déjà être atteintes du mal originel sans en avoir les indices microscopiques. En examinant les œufs d'une femelle cofpusculeuse, tels qu'ils se trouvent disposés en chapelets dans les ovaires, on ne les trouve pas tous pourvus de corpuscules. Afin donc de faire une expérience définitive, et pour avoir la certitude de 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 15 mars 1869, LXVIII, !.. i. -..'9-639. •_>. Voir ce Rapport, p. 547-576 du présent volume. Note 8 en Lombardie nous permet de formuler. Dans le mois de juin de l'année 1867, je recevais de Zara une chambrée de cocons, de la plus belle race qu'on puisse voir, l'ancienne race d'Italie cultivée sur la côte de Dalmatie, non loin des rivages de l'Adriatique. Ces cocons, 1 kilogramme environ, contenaient leurs chrysalides vivantes. Quelques-unes de ces chrysalides, qui n'étaient pas encore parfaites et que j'observai tout de suite dans mon laboratoire, ne me donnèrent aucune trace de corpuscules. C'est alors que me vint l'idée d'appliquer votre méthode à un grainage obtenu de papillons sains et élevés avec tous les soins que la science nous indique maintenant, et en tenant pour certain que la maladie des corpuscules est à la fois héréditaire et contagieuse. Ce furent mes amis M. le marquis Crivelli et M. Bellotti qui se prêtèrent à cette expérience. Les papillons éclos avaient un aspect des plus séduisants, et, examinés par ces messieurs, ils se montrèrent tout à fait exempts de corpuscules. Voilà donc une graine parfaitement saine, produite par des générateurs sains, qui donnait les plus belles espérances non seulement d'un grand produit en cocons, mais encore d'une production ultérieure de papillons sains et de graine saine pour l'éducation de 18G9. M. Crivelli choisit, dans ses propriétés, celle d'Inverigo, au milieu de la Brianza, pour élever cette graine dans le but d'y mettre en pratique tous les soins nécessaires. Il partagea cette graine en trois portions, dont l'une fut donnée à un paysan qui habite au milieu même du village; une deuxième fut élevée par lui-même, dans une serre tout ouverte de son jardin et presque dans le voisinage de locaux où l'on élevait d'autres graines ; et enfin, la troisième fut confiée à un paysan habitant une maison tout à fait isolée. Il n'est pas nécessaire d'ajouter que la méthode d'éducation suivie par M. le marquis Crivelli est la plus logique, et celle qu'une longue observation donne pour la seule bonne, c'est-à-dire une propreté extrême, un aérage abondant, une chaleur assez soutenue, une certaine précocité dans toute l'éducation, etc., etc. Mais soupçonnant, lui aussi, le caractère contagieux de la maladie, il avait choisi, pour y ('lever la troisième portion de sa graine, la localité isolée que je viens d'indiquer. Dans ce local, on avait de plus pratiqué d'abondantes fumigations au chlorure de chaux, parce que cette même maison avait servi d'hôpital pour quelques cholériques à Inverigo, 1. A la date du 10 juillet 1808 (numéro de la Perseverauza du 2tl juillet). \Xote de l'Édition.] ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 383 eu 1867. Dans un rayon d'à peu près 500 mètres tout autour de la maison, il n'y avait aucune éducation de vers à soie, et, comme cette maison se trouve entourée de nombreuses haies de mûriers, on pouvait ordonner au colon d'employer leurs feuilles seulement pour nourrir les vers en expérience. Cette dernière précaution était inspirée par la crainte que des mûriers crois- sant lout près d'autres chambrées ne pussent avoir leurs feuilles souillées par des corpuscules transportés par les courants d'air <|iii circulent près des magnaneries infectées. Les éducations ont marché toutes trois merveilleusement, comme toutes les chambrées de la propriété d'Inverigo, où M. le marquis Crivelli éleva 210 onces de graine qui n'avait pas plus de 2 pour 100 de maladie. De ces 210 onces il a obtenu 10.176 kilogrammes de cocons : en moyenne, 48 kilo- grammes par once. Les trois portions de graines de Zara produites par des papillons sains ont réussi mieux encore, car elles ont donné un maximum de produit s'élevant jusqu'à (>2 kilogrammes par once. Et je me permets de me faire garant de ces résultats, o Comme vous pouvez bien vous l'imaginer, M. le marquis Crivelli destina au grainage, pour l'année prochaine, les cocons produits par cette dernière qualité de graine, et il se mit à l'œuvre avec ardeur et avec la plus grande espérance d'une excellente réussite. Mais toutes ses peines ne furent pas couronnées d'un égal succès. L'examen des chrysalides répondit parfaitement aux prévisions, c'est-à- dire qu'elles se montrèrent également saines dans les trois éducations de la graine de Zara, tant dans celle qui avait été faite en serre dans son jardin que dans celles qui avaient été effectuées au milieu du village d'Inverigo et dans la maison isolée dont je vous ai parlé plus haut. L'examen microscopique des papillons donna un résultat tout différent. Ceux qui provenaient des cocons des deux premières éducations nous offrirent une large proportion de papillons corpusculeux. Au contraire, ceux qui étaient sortis de la maison isolée se montrèrent d'une parfaite santé : pas un ne nous présenta de corpuscules, soit en sortant du cocon, soit pendant le grainage, soit enfin dans la décrépitude ou après la mort. Et pourtant on avait dans l'éducation conçu pour ceux de la serre une grande espérance, car les années précédentes on y avait fait de très bous grainages. Voilà un résultat bien décisif; car la graine était la même et les soins également les mêmes pour les trois éducations, sauf certaines circonstances sur lesquelles il est très important d'insister. Partout la même abondance d'air, partout les chambrées également espa- cées, partout une nourriture excellente. Les circonstances différentes se rapportaient uniquement aux effets de la contagion, au transport des cor- puscules. En effet, les papillons ne se sont montrés sains que dans l'éduca- tion isolée, opérée dans les chambres qu'on avait primitivement désinfectées et dont les vers avaient été nourris avec une feuille également isolée. Voilà une donnée positive, voilà ce qu'il faut ajouter pour avoir des résultats sûrs. Aux soins ordinaires d'une éducation conduite avec toute l'attention possible, relativement à la température, à l'aérage, à l'abondance de nourriture, etc., il faut joindre un isolement des chambres et des mûriers d'au moins 500 mètres et une graine saine déposée par des papillons sains. 38', ŒUVRES DE PASTEUR cultivée avec tles soins particuliers dans des locaux isolés désinfectés avec le chlore, et avec une certaine précocité ' , afin d'obtenir l'isolement. L'expérience n'a pas été faite sur une échelle trop petite, car M. Oivelli a pu obtenir 480 onces de cette graine parfaite, et c'est dans cette éducation qu'on a pu recueillir un maximum de 02 kilogrammes par once. M. Bellolti, à qui j'avais donné également l'autre lot de graine saine, et qui l'a cultivée à Varèse avec tous les soins qu'il a l'habitude d'employer, a obtenu un grand produit en cocons : mais les papillons sortis présentèrent des corpuscules : il n'avait pas isolé sa chambrée. Voilà pourquoi dans quelques localités des Apennins, de la Dalmatie ou de l'Istric on l'ait encore de bonnes récoltes et une lionne graine. Les habi- tations y sont bien plus isolées que chez nous: elles sont situées au-dessus îles collines, el dans des conditions très favorables pour éviter la contagion. Pourtant, dans ces localités qui peuvent encore donner des graines absolu- ment privées de corpuscules, les parties formées de papillons sains sont très rares, et l'on ne peut les retrouver que dans des chambrées faites exclusive- ment pour avoir de la graine saine : de même, chez nous, il est difficile de pouvoir réunir les conditions nécessaires pour arriver à ce but. Voici, pour cette année, comment la chose s'est passée en Istrie. Depuis plusieurs années j'observais moi-même les graines que MM. |XX. de] Villa- nova di Fara, non loin de Trieste, voulaient élever dans leur vaste propriété ils élèvent quelques milliers d'onces). Ils se trouvaient toujours bien de mes pronostics, et ils ont voulu cette année expérimenter l'examen des papillons des chambrées à acheter pour obtenir leur graine. Je leur ai, en consé- quence, envoyé M. Gaddi, qui pendant plusieurs années de suite s'est exercé dans mon laboratoire à l'emploi du microscope. Il est parti avec son instru- ment pour l'Istrie, et a parcouru plusieurs localités au moment de la récolte des cocons. Ainsi il a fait ses observations à Yillanova. à Mantoue, à Pisino. à Pinguente, etc. Dans cette pérégrination, il a examiné cinquante-quatre diflerents lots de cocons, en commençant par l'examen des chrysalides, dans le but de rejeter ceux qui les montraient déjà malades. Je pourrais publier le compte rendu lies détaille qu'il a eu la bonté de me remettre, et dans lequel on peul trouver des données bien précieuses. Sur cinquante-quatre lots différents, 5 seulement, lesnos8, 11, I7,.55,4(,l n'ont montre que 10 pour 100 de corpuscules, et présentaient donc des chances favorables pour obtenir des papillons assez sains; quelques-uns ont montré une santé parfaite. Avant d'aller plus loin, il faut observer que d'un même lot de chrysalides on peut avoir des proportions différentes d'individus sains et d individus malades, selon leur maturité. Les chrysalides qui viennent de se métamor- phoser participent de l'état du ver; celles qui sont âgées de plusieurs jours, au contraire, participent de l'état du papillon. Je pourrais vous citer une observation (n" 36 dans laquelle les chrysa- 1. Le but de la précocité est d'éviter la contemporanèité des éducations exceptionnelles avec toutes les autres éducations, d'éviter que les vers des éducations pour graine soient encore à la bruyère au moment même où les éducations ordinaires sont à la dernière mue, époque de la plus grande production des corpuscules. ÉTUDES SUR LA MALADIE 1)KS Y K II S A SOIE 385 [ides à peine formées présentaient seulemenl \ pour 100 de sujets infectés, ci après quelques jours le même loi donnail 70 pour 100 de chrysalides cor- pusculeuses. Ainsi ou pourrail établir la proposition, que les chrysalides qui viennent de se foi nier présentent le même degré de maladie que la graine correspon- dante. Celles, au contraire, qui sont près de se transformer en papillons, présentent une infection trois fois plus forte ' . Des lots dont on pouvait espérer uni' production de bons papillons, d après I examen des chrysalides, trois seulement se sont montrés encore sains dans les papillons, et d'une santé qu'on pourrait dire florissante. \ oici le résultai des observations faites sur ces trois lots : NUMÉROS CHRYSALIDI s PAPILLONS GRAINE Nombre des individus observés Indi- vidus malades Malades p. 100 Nombre des individus observés Indi- vidus malades Malades p. 100 Nombre des œufs observés Œufs malades Malades p. 100 N» 11 . . . N» 17 N° 35 . 31 32 80 (J 1 l 0 3 1,25 lil 153 1 268 3 1 18 0 0,75 1,5 116 205 215 0 0 0 0 0 0 Vous voyez, Monsieur, qu'on a fait de nombreuses observations pour chaque cas; ces observations se sont succédé dans un certain nombre de jouis, c'est-à-dire du 14 juin au 4 juillet. Des 1.268 papillons examinés dans h- n" 35. 346 étaient des plus beaux par leur aspect, 38 étaient des moins beaux, et 885 étaient des couples séparés par la méthode cellulaire. C'est avec ces graines excellentes que les frères Levi attendent la campagne de 1 année prochaine. La qualité des cocons est aussi des plus belles. M. Crivelli n'a pas eu un résultat moins heureux avec la partie cultivée isolément dont je vous ai parlé précédemment : 30 chrvsalides, moitié mâles, moitié femelles, ont été trouvées toutes saines: parmi 60 papillons de la même chambrée, dont 30 mâles et 30 femelles, une seule femelle a présenté des corpuscules. Pas un œuf sur 150 ne s'est montré malade. Cette graine, qu'on peut dire parfaite, on l'élèvera dans la maison même que je vous ai indiquée plus haut, maison éloignée des autres chambrées, où l'on a déjà pratiqué et où l'on renouvellera la désinfection par le chlore. J'ai tâché plus haut d'établir une proportion entre la maladie des chrysa- lides et celle des papillons et des œufs. Cette proportion est difficile à établir à cause de l'époque différente à laquelle on fait les examens, principalement pour les chrysalides. Si l'on observe celle-ci trop tôt, on peut avoir 0 pour 100 dans les chrysalides, 30, 50. 60 pour 100 dans les papillons, et avoir encore 0 pour 100 dans les œufs qui en proviennent. Les mêmes proportions ont été trouvées par M. Crivelli. 1. Observation n» 7 : chrysalides, .s pour 100; graines, 3 pour 100 de malades. Observation n» 25 : chrysalides, 20 pour 100; graines, 6 et 7 pour 100 ». Observation n» 43 : chrysalides, 33 pour 100; graines. 12 pour 100 ». ÉTUDES SUR LA MALADIE IlEs VERS A SOIE. 25 386 ŒUVRES Dli l'ASTEUR On voit que les corpuscules se reproduisent avec une rapidité incroyable, et quelquefois dans les derniers moments de l'existence de la chrysalide, alors que les œufs eux-mêmes sont déjà formés, ce qui explique le grand nombre de papillons corpusculeux dans un lot où cependant les œufs en sont presque exempts. Si donc les chrysalides présentent des corpuscules, on est sûr d'en trouver aussi dans les œufs, mais dans une proportion plus faible. Alors la maladie est moindre d'un tiers ou de moitié dans les œufs. Tout dépend de l'époque d'invasion de la maladie. Dans des expériences de grainage cellulaire, on a constaté le peu d'apti- tude qu'ont les mâles à communiquer les corpuscules aux femelles. Dans des tableaux rédigés par M. Crivelli, lorsque le mâle était malade et la femelle saine, les œufs étaient constamment sains. Est-ce que les spermatozoïdes entrent dans l'œuf par des ouvertures qui ne laissent pas pénétrer les cor- puscules ? Des registres d'observations microscopiques que je possède, je puis encore déduire que la maladie des œufs est fréquemment le dixième de celle (iin- présentent les papillons. En voici quelques exemples : OBSERVATIONS ŒUFS PAPILLONS Nombre des œufs observés Nombre des œufs malades Malades p. 100 Individus observés Individus malades Malades p. 100 1™ observation . . . 2e observation. . . . 3e observation .... 'ie observation. . . . 50 50 75 45 4 3 1 4 8 (i >.) 8-9 20 20 15 20 16 12 I'. 17 80 60 95 85 De tout ce que je viens de dire, on peut tirer les corollaires suivants : 1° Une graine saine pour le microscope peut provenir de papillons malades, et même bien malades; 2° Une graine saine pour le microscope peut donner et donne ordinaire- ment de grands produits en cocons, mais elle peut être incapable de donner de la graine saine après son éducation : '.V' La santé absolue d'une graine provenant de papillons sains, qui ne présentent que 4 ou 5 pour 100 de malades, est déjà une donnée excellente pour constater son aptitude à produite des papillons sains, capables de donner de la graine saine ; 4° Pour être sûr de ce résultat, il faut ajouter une éducation spéciale, c'est- à-dire pas trop considérable, un peu précoce, avec beaucoup d'air, une grande propreté, une nourriture saine et abondante, et assurer l'isolement des chambres où l'on fait l'éducation ainsi que celle des mûriers qui doivent fournir la feuille. Cet isolement peut varier certainement : on pourrait le limiter maintenant à 500 mètres. Ces limites, on les fixera mieux par la suite, quoiqu'on puisse déjà décider que la distance doit être en proportion des chambres infectées dans le voisinage. Les 500 mètres seront suffisants, par exemple, s'il n'y a pas. à une petite distance, de gros villages avec de 1-Tl DES SI R I.A MALADIE DES VERS A SOIE 3S7 grandes chambrées, el si les conditions météorologiques e1 la disposition des locaux ne peuvent pas favoriser le transport des corpuscules. Enfin, on doit prescrire 1rs fumigations préalables des locaux avec du chlore. La recherche des lois offranl des papillons sains esl certainement difficile ei pénible, e1 l'on ne peul être sûr d'en trouver toujours où l'on veut ; mais, si c esl une condition indispensable, il faut bien l'aire tous ses efforts pour y réussir. C esl a cause de celle difficulté qu'eu Italie le nombre de ceux qui suivent cette voie esl encore liés restreint. La question esl trop ardente pour lin pays où toute l'agriculture était sacrifiée au produit des vers à soie. Ici, on veut faire des cocons a tout prix, et voilà pourquoi les cultivateurs payent les cartons du Japon des prix fabuleux, plus qu'on ne fait en France, pour être sur d un produil abondant. Chez nous, on préfère payer les cartons 2(1 el 30 francs chacun, plutôt que de perdre du temps dans des expériences, ce qui est pitoyable : car, outre l'énorme capital en argent qui sort du pays, qui assure que l'on pourra continuer à en tirer de ces lointains parages.' Plusieurs causes peuvent en tarir la source, qu'il est inutile d'indiquer ici; car les cartons aussi se présentent corpusculeux : il y en a qui nous ont pré- senti' 20 pour 100 d'œul's corpusculeux. C'est pour cela encore qu'il faut faire des reproductions, en se guidant par le microscope. Sous ce rapport, je crois, Monsieur, avoir été utile à mon pays : car ceux qui font de bons examens microscopiques et qui règlent leurs éducations sur les données fournies par cet instrument s'en trouvent tou- jours bien. Les tentatives pour la régénération de nos races sont donc à mes yeux toutes louables, et j'insiste toujours pour qu'elles se multiplient. Et, d'après ce que je viens de dire, ce ne sera <]ite pur l'examen des papillons qu'on pourra v réussir. Cette année, la maladie des morts-flats a l'ait aussi de grands ravages < liez nous. Des papillons issus de lots atteints de cette maladie m'ont pré- senté les petits corps que vous décrivez et ligurez très bien dans voire Rap- port. Déjà, en juin dernier, M. Crivelli me présenta des papillons dans lesquels il avait, de sou côté, l'ait cette observation. C'est une myriade de ces granulations du ferment en chapelets qu'on voit clans le champ du micro- scope. Je puis ajouter qu'avant observé deux fois des graines dont les papil- lons m'ont présenté une foule de granulations en chapelets, ces mêmes œufs ne m'ont pas offert de traces de ces corps. Les corpuscules ordinaires ou. comme vous l'avez dit, les corpuscules de Cornalia, peuvent se trouver mêlés aux corpuscules en chapelets des morts-flats. Cette maladie est connue depuis longtemps chez nous. Tous les traites sur l'éducation des vers à soie en parlent : dans ma Monographie, je lui ai dédié un chapitre (1). Dans ces dernières années ' 1863, 1864 ce fut le Rév. Buzzoni qui, avec une louable insistance, a démontré que plusieurs des échecs arrivés à nos chambrées n'étaient pas dus à la pébrine, mais bien à la maladie des morts- flats. I. Cornalia (E.). Monografia Je] bombicc de] gel ". Milan. 1856, in-4° (15 pi.), Xote de l'Édition.] 388 . ŒUVRES DE PASTEUR Je ne saurais encore me prononcer sur les causes de cette maladie ; 1 iden- tité que vous avez trouvée entre ces graines en chapelets et le ferment pro- duit par la feuille du mûrier vous conduit à considérer comme cause une fermentation des aliments par une mauvaise digestion. Cela pourrait être : mais le ravage des morts-flats s'opère en tant de circonstances différentes, que cette cause ne suffit pas pour en donner l'explication. Il serait trop long de. discuter ici sur ce sujet. Dans ma Monographie du ver à soie, j'en parle et je l'attribue beaucoup à une altération de la fonction respiratoire; mais cette supposition même ne satisfait pas non plus entièrement : il faut d'autres observations pour cela. Cette maladie, je ne la crois pas héréditaire, ni logée dans la graine. A l'appui de cette assertion, je pourrais faire observer que M. Crivelli, dans toutes ses observations, n'a pas eu un seul ver mort-flat, tandis que plusieurs personnes qui élevaient de la graine donnée par lui et identique à la sienne ont beaucoup souffert de cette maladie dans leurs chambrées. Peut-être sont-ce des défauts d'éducation jusqu'à présent mal appréciés qui en sont la cause. Cette maladie détruit toute espèce de ver: clic fait cependant moins de ravages sur les races japonaises qu'on élève avec tant de préférence dans l'Italie du nord, et qu'il faut laisser élever jusqu'à ce que les méthodes que nous conseillons, appuyées par des résultats toujours plus décisifs et plus constatés, se soient fait jour dans la généralité des éleveurs. Jusqu'à présent ils s'attachent aux moyens qui leur offrent quelques chances de réussite sans exiger de prévoyance. A mon sens, il vaut mieux tâcher d'améliorer les races du pays, races qui sont bien supérieures en qualité, et qui, avec les moyens indiqués par la science, pourraient bientôt se répandre davantage : les filateurs les payent au delà de 1 franc de plus par kilogramme. Notre Gouvernement est de cet avis, et M. le ministre de l'Agriculture (*) a proposé des prix pour les meil- leurs grainages obtenus dans le pays. Dans l'Italie centrale et méridionale, on fait un usage plus limité des car- tons japonais, car les races de ces localités se sont bien mieux conservées: ce résultat est dû, je crois, aux éducations plus restreintes, plus isolées et, par cela même, plus soignées qui s'y pratiquent. M. le professeur Studiati. de Pise, vient de publier en effet une petite brochure très précieuse pour moi, car, bien qu'il n'ait jamais observé au microscope les papillons, mais seule- ment les œufs, il a obtenu dans ces dernières années de la graine toujours saine, en exagérant les soins que nous conseillons toujours et auxquels il faut ajouter les fumigations, que je crois maintenant nécessaires. Un autre éduca- teur, M. Torelli, près de Varèse, a obtenu des papillons sains ; mais aussi la propreté extrême, l'isolement, la désinfection, avaient été pratiqués dans sa chambrée. Je ne veux pas continuer cette lettre, déjà peut-être trop longue. Je suis heureux d'avoir pu vous rendre compte de ce qu'on a l'ait chez nous, à propos des moyens capables d'améliorer les races de vers à soie. Nous allons lente- ment peut-être, mais nous marchons d'un pas sûr. Plusieurs années d expé- 1. M. Cicconi1, bien connu îles éleveurs de vers à soie par ses lravau\ ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 389 riences nous ont prouve l'utilité des observations microscopiques (*), sur la graine au moins, pour faire (les cocons. Quoique persuade que l'examen des papillons aurait pu être plus utile, nous ne l'avons pas encore pratiqué, parce qu'il est plus difficile. Vous en avez montré la nécessité pour l'aire non seulement des cocons, mais aussi de la graine saine. D'après vos conseils, on a procédé de la sorte sur une échelle assez \asle et on a obtenu des résultats merveilleux, non seulement comme production de cocons, mais aussi comme reproduction de graines. L'expérience qu'on fera cette année à Inverigo, chez M. le marquis Cri- velli, sera, je l'espère, décisive ; la pratique viendra sanctionner les 'résultats et les prévisions de la science. La «raine tout à fait exempte de corpuscules, produite par des papillons sains, sera élevée, comme je vous l'ai déjà dit, dans la maison isolée qui a servi l'année passée, avec les mêmes soins, avec la feuille récoltée sur des miniers également isolés ci dans îles chambres où l'on a déjà pratiqué les fumigations de chlore. Avec ces dispositions préa- lables, je m' saurais mettre en doute les bons résultats. Vous me permettrez de vous les communiquer. E. CORNALIA. RÉPONSE A LA LETTRE PRÉCÉDENT]- («). Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), 23 mars 1869. Je ne saurais vous exprimer tout le plaisir que j'ai ressenti à la lecture de la lettre que vous m'avez l'ait l'honneur de m'adresser. Elle m'a causé la vive satisfaction qu'éprouve tout expérimentateur en recevant d'une parole auto- risée la confirmation de ses travaux. Dans un seul passage de votre intéressante communication, vous mettez m doute un résultat que j'avais affirmé dès l'époque des essais précoces de l'an dernier. C'est au sujet de l'hérédité de la maladie des morts-flats, maladie qui est l'objet de toutes mes préoccupations présentes. Mais j'espère publier bientôt des preuves nouvelles de l'exactitude de mes assertions. Peut-être n'avez-vous pas assez remarqué la distinction que j'ai établie entre les cir- constances où la maladie était héréditaire et celles oii elle n'est qu'acciden- telle. Il faut noter, en outre, que la prédisposition héréditaire disparait quel- quefois par les conditions de nourriture ou d'éducation. Au surplus, je ne saurais mieux vous prouver l'hérédité de celle maladie qu'en vous adressant quelques lois de graines absolument exempts de corpuscules et que vous verrez périr exclusivement de la maladie des morts-flats, si vous voulez bien les élever. Je recueille depuis quelque temps de. nombreuses adhésions, et des meil- leures. Toutes les personnes qui ont pris la peine de répéter mes expériences se montrent très favorables à ma méthode de grainage et affirment, comme 1. Elle a été aussi proclamée récemment par M. I'1 professeur Salimbeni, de Modéne, dans deux lettres publiées il y a quelques mois. ■ Messager agricole du Mali, r> avril 1869, X, p. 94-98. 390 ŒUVRES DE PASTEUR vous le- faites, avec votre grande autorité en ces matières, que l'emploi de celte méthode assurera la régénération de nos belles races de vers à soie. Yoiei des laits très significatifs : dans les départements du Gard, de l'Hérault, du Tarn-et-Garonne et des Pyrénées-Orientales, presque toutes les primes décernées par le Gouvernement aux petites éducations pour graine ont été obtenues par des éducateurs qui s'étaient procuré des graines prove- nant de papillons sans corpuscules. Dans l'Hérault et dans le Tarn-et- Garonne, il a été décidé que les concurrents devaient remettre aux Commis- sions de surveillance tout ou partie îles papillons de leurs grainages. En outre, ht Commission départementale de sériciculture du Gard vient d'insti- tuer des prix pour être distribués, chaque année, aux éducateurs du Gard qui, ens'aidant des données delà science, importeront dans ce département la- graine saine provenant d'éducations poursuivies, sous leur contrôle, dans les pays de petite culture. Ce serait un usage à la fois utile et facile à propager que celui de la vente de la graine, en joignant à celle-ci une centaine de papillons pro- ducteurs. Vous avez mille fois raison : il est pitoyable que l'on place tout son espoir dans les graines, si peu rémunératrices, originaires du .lapon, sans se préoc- cuper d'appliquer les méthodes aujourd'hui découvertes et démontrées par la science. Heureusement, la vérité a des droits imprescriptibles, et la lumière se fait souvent alors qu'on s'y attend le moins. Elle nous viendra beaucoup de l'Italie, grâce à vos efforts et à ceux de MM. Crivelli, Bellotti, Salim- beni, etc. J'ai lu également, avec une grande satisfaction dans la Nouvelle Revue hebdomadaire de sériciculture, publiée à Milan, l'excellente Note de votre élève, M. Gaddi (/'), à laquelle vous faites allusion, et le résumé d'un Mémoire du professeur Habei landt, que le gouvernement d'Autriche vient de placer à la tête de l'établissement expérimental séricicole qu'il a créé récem- ment. C est par des travaux de cette nature que nous aurons gain de cause auprès des éducateurs éclairés et non prévenus, et que nous les entraînerons à notre suite. Je m'empresse de reconnaître que nos opinions, quand elles ne sont pas identiques, ne diffèrent que par des nuances. Je ne sais si j'ai bien compris votre pensée : vous paraissez croire que la méthode qui consiste à multiplier et à rechercher les chambrées à papillons sains est moins pratique que la méthode italienne de l'examen des graines. Je ne partage pas votre avis. Sans doute votre méthode est la seule possible lorsqu'il s'agit de décider du choix à faire entre de nombreux lots de graines, à la veille d'une campagne séricicole, et je ne suis pas surpris qu'entre vos mains et celles de vos com- patriotes elle ait empêché bien des insuccès. Dans les circonstances que j'indique, je l'ai toujours pratiquée et recommandée. Elle éloigne sûrement les lots évidemment défectueux. Toutefois, je suis loin d'être aussi aflii niatil sur la réussite des lots qu'elle conserve; mais le vice le plus sérieux de la méthode italienne, c'est avant tout d'exiger l'existence de la graine. Or. une graine qui est faite est une graine qui est toujours élevée. La supériorité pratique de ma méthode consiste à prévenir la confection 1. Ga.ddi (D. Antonio). Confezione de] semenle dei bachi 'la seta. Rivista settimanale di bachicoltura, Milan, numéros du ■.'! décembre 1868, p. 2-:!; du 4 janvier 1869, p. 10; du 1S janvier 1869, p. 17-18. {Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIF. DKS VERS A SOIE 391 de la mauvaise graine en fournissanl d'ailleurs des semences irréprochables, sauf toutefois l'incertitude relative à la prédisposition héréditaire à la maladie des moi ts-llais. Mais de celle-ci, également, j'espère avoir raison. Le grand intérêl de ma méthode. échantillons de graines indigènes, 10 ont échoué ou donné un très faible rendement. Cet insuccès doil être attribué à la maladie des corpuscules ou à la flacherie. « Les échantillons qui ont réussi proviennent des départements du Tarn- et-Garonne, de l'Aude, de l'Hérault, des Basses-Alpes et de la Haute-Marne. « Les graines du .lapon, d'importation directe, ont généralement éclos et donne un lion résultat : mais nous avons trouvé, cette année, dans les races annuelles comme dans les races bivoltines, des vers corpusculeux en plus giand nombre qu'en 1868. « Les reproductions japonaises ont produit une demi-récolte. On remarque souvent dans ces reproductions deux catégories de vers bien distinctes : des vers très corpusculeux qui meurent au premier ou au qua- trième âge, et d'autres vers parfaitement sains qui font leurs cocons. « Les graines d'Espagne, d'Algérie et de Boukara ont à peu près échoué; celles de Portugal ont donné quelques cocons seulement. « En résume, des essais précoces faits, cette année, à Saint-Hippolyte, on peut conclure : « 1° Que la maladie corpusculeuse, dont le développement remonte déjà à une vingtaine d'années, n'a rien perdu de son intensité; « 2° Que la maladie des morts-flats qui a revêtu le caractère épidémique exercera encore cette année de cruels ravages clans les magnaneries; « 3° Que la reproduction des graines indigènes dans les pavs de grande culture, comme le département du Gard, est bien difficile, et que ces graines échoueront presque toutes en 1869; « \" Que le g lainage, dans les contrées de petite production, est possible, in m- basant sur l'examen microscopique des papillons; « 5" Que les reproductions des graines du Japon sont supérieures aux graines indigènes, mais (pie la plupart portent en germe la maladie des corpuscules: « 6° Enfin ([lie les graines du Japon d'importation directe écloronl géné- ralement bien, réussiront et formeront la majeure partie de la récolte des cocons de 186U. « Mais les essais précoces de celle aimée ont eu un autre avantage. Ils ont permis de faire des observations importantes sur le mérite du procédé de M. Pasteur, et, tout eu laissant, comme il convient, à ce digne savant, o I honneur de faire connaître lui-même les résultats de ses intéressantes expériences, il convient de constater les résultats de quelques graines pondues par des papillons examinés au microscope. 394 ŒUVRES DE PASTEUR ci Première expérience. — En 1S(>7. le Comice agricole de l'arrondis- sement du Viffan éleva à Sauve, sous la direction de deux de ses membres, une once de graines à cocons jaunes, originaires du département de l'Aude, el qui avait été déclarée saine par M. Pasteur. Cette graine donna 46 kil. 500 de cocons, cl les papillons furent trouvés encore propres au grainage. « En 1868, il fut fait une nouvelle éducation dans le même local de Sauve, avec tous les soins exigés pour une lionne hygiène, et le résultat fut magni- fique, puisque l'once de 25 grammes produisit 51 kil. 500 de cocons. « Mais l'examen microscopique des papillons ayant donné 28 sur 30 sujets très corpusculeux, le rapporteur put. dans une séance du Comice, tenue le 19 juillet dernier, annoncer l'insuccès presque certain de cette graine aux éducations de 1869. « Or, deux essais de celte graine1 de Sauve, et les seuls poursuivis à Saint- Ilippolvle tout dernièrement, ont échoué complètement à la deuxième mu e. u Deuxième expérience. — L'année dernière, le Comice agricole de l'arrondissement du Vigan confia aussi à M. Treilles, propriétaire au Mas- Voyer, près Saint- André-de-Valborgne, la direction de l'élevage d'une once de graine non infectée, provenant d'un envoi fait par M. Raybaud-Lange, l'habile directeur de la Ferme-Ecole de Paillerols (Basses-Alpes). Cette once produisit 48 kilogrammes de cocons. Malheureusement, sur 30 papillons observés au microscope, il s'est rencontré 16 papillons remplis de corpuscules. m I. 'insuccès de leurs graines était donc encore facile à prévoir; aussi les vers de l'essai précoce sont-ils presque tous morts corpusculeux à la sortie de la quatrième mue. u Troisième expérience. — Un éducateur de Saint-Hippolyte, avant obtenu, en 1868. un beau rendement de 2 onces de graines de Corse, lit grainer le produit de sa récolte. u Etudiés au microscope. 21 papillons de ce grainage présentent 8 sujets corpusculeux. (( Celle proportion a suffi pour faire échouer aux essais précoces les vers originaires de cette graine. » On voit parce compte rendu combien les résultats des essais précoces coïncident avec les données fournies par l'examen microscopique des papillons, du moins en ce qui concerne la maladie des corpuscules. On peut juger aussi combien I établissement séricicole de Saint-Hippolyte est un vaste champ d'études cl d'observations, el combien il mérite à ce titre l'intérêt et l'appui de l'Administration. Une discussion s'engage sur les conséquences pratiques à tirer de cette Communication. Conséquences pratiques a tirer de ce Rapport. — L'année 1869 va fournir 1rs graves enseignements qui avaient clé déjà pressentis par plusieurs éduca- teurs. Le mal augmente d'intensité. Les races japonaises sont atteintes d'une manière plus marquée; elles ne tarderont peut-être pas longtemps à être entièrement compromises, si le fléau poursuit sa marche de ce côté. ÉTUDES SUR LA MALADIF. DES VERS A SOI M 395 D'autre part, les tentatives faites dans le sens îles grainages indigènes, au moyen des éducations spéciales 8, à Perpignan, où la méthode de M. Pasteur avait été mise en pratique avec succès par les soins de la Société d'agri- culture de celle ville; il acheta les cocons d'une chambrée bien réussie, mais atteinte de la pébrine; la chambrée choisie par M. Vidal fut celle du sieur Louis Robin, près de Perpignan. Les cocons furent apportés avec les soins nécessaires à Saint-Ambroix, et l'on procéda à un grainage cellulaire dans les conditions suivantes : on mit à part cinq catégories de graine. La première fut composée de la réunion des pontes de tous les couples de papillons qui n'offraient pas les corpuscules de la pébrine; la deuxième, des couples qui offraient d'un à six corpuscules par champ du microscope: la troisième, des couples qui offraient de six à trente corpuscules par champ: la 1. J, m, -/ml officiel île l'Empire français, 1" année, 1» juillet 1869, p. 900. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES .VERS A SOIE 397 quatrième, des couples qui offraient de trente à deux cents corpuscules par champ: enfin la cinquième était composée des couples offrant de deux cents à deux ou trois mille corpuscules par champ. Ces cinq catégories grammes, et de chacune des quatre autres 9 grammes. Voici quel a été le résultat de ces cinq éducations : L'once de graine jugée pure a produit 47 kilogrammes de cocons, el l'éducation n'a rien laissé à désirer dans sa marche. Les catégories suivantes, rangées par ordre d'infection croissante, ont produit, la première 12 kilogrammes de cocons, soit 33 kilogrammes à l'once: la deuxième catégorie a produit 6 kilogrammes, soit 17 kilogrammes à l'once environ : une Foule de vers étaient pébrinés; la troisième catégorie a donné lieu à une mortalité considérable et a produit seulement 650 grammes de cocons, soit 2 kilogrammes à ronce environ. Enfin la dernière catégorie n'a pu arriver jusqu'à la quatrième mue et n'a pas donné un cocon : a l'approche de cette quatrième mue. l'éducation avait l'aspect d'un véritable fumier. Ces éducations ont été visitées à Saint-Ambroix par un grand nombre de personnes, sur lesquelles elles ont produit une vive impression. Dans l'intérêt de la vérité, j'ai cru devoir informer Votre Excellence de ces résultats, en reportant à qui de droit le mérite de cette nouvelle et heureuse application de la science. Guisquet, propriétaire à Saint-Ambroix (Gard . EXTRAIT DU MONITEUR DES SOIES, 26 JUIN 1869 (J). Alais, 24 juin 1869. Comme tant d'autres personnes, j'ai été fort surpris de trouver dans votre numéro du 12 juin courant les allégations suivantes : KS VERS A SOIE 399 cette année par ces procédés, elle De pourra sulfire, à .Mais seulement, aux demandes déjà formulées. Heureusement que le procédé se vulgarise de plus en plus, et que déjà M. Raybaud-Lange a des imitateurs dans le dard, l'Hérault et les Pyrénées-Orientales. Permettez-moi d'ajouter, Monsieur, puisque j'en trouve l'occasion, que, dans ces dernières années, je me suis convaincu par mes propres expériences de l'excellence des procédés de M. Pasteur, pour la confection de la graine de vers à soie. Sans doute, nous avons eu à regretter encore celte année bien des échecs par la maladie des morts-flats, mais ces échecs doivent être attribués d'une part à l'inclémence île la saison, si bien constatée par votre correspondant, cl de l'autre à la mauvaise conduite des chambrées. En voici la preuve : je ne connais pas une seule sorte de graine authentique- ment laite par le procédé de M. Pasteur, qui n'ait fourni, une ou plusieurs lois, chez divers éducateurs, de 35 à 45 kilogrammes par once de 25 grammes. Si un éducateur obtient un pareil rendement, souvent en grande chambrée, et que, tout à côté de lui, un autre, avec la même graine, puisée dans le même sac. élevée avec la même feuille, n'ait qu'une récolle nulle ou insignifiante, n'est-il pas de toute évidence que ce dernier a fait prendre mal à ses vers? souvent d'une manière inconsciente, j'en conviens : mais il est impossible d'accuser en quoi que ce soit la qualité de la graine et le procédé qui 1 a fournie. S'armer îles insuccès de quelques-uns ou îles fautes de nos magnaniers pour condamner le procédé de M. Pasteur me paraît souverainement injuste. M. Pasteur, depuis cinq années, n'a qu'un but, qu'une pensée, pour- suivie avec le dévouement le plus patriotique. Il a recherché et découvert les moyens de produire des graines saines, et il juge à bon droit que ce problème est résolu. C'est à nous, éducateurs de vers à soie, à trouver les conditions qui tantôt nous font réussir extraordinairement, tantôt nous font échouer avec une même bonne graine. Ce que nous savons tous, c'est que la plupart des graines de race du pays, faites autrefois sans la connaissance des procédés de M. Pasteur, échouaient constamment chez tous les éduca- teurs, quels qu'ils lussent. Aujourd'hui nous pouvons supprimer ces sortes de graines. C'est un immense progrès. Beaucoup de personnes pensent que la confection de la graine saine par l'application des procédés de M. Pasteur exige que l'on aille faire îles édu- cations dans des pays éloignés, isolés et de petite production. Sans doute, ces conditions doivent être recherchées par tout industriel qui désire préparer de grandes quantités de graines; mais j'ai encore acquis la conviction, par ma propre expérience, qu'en suivant les indications de M. Pasteur, on peut faire d'excellentes graines à Alais. qui passe pour une des localités les plus infectées: ce qui est possible ici doit l'être partout ailleurs. L'an dernier, j'ai fait moi-même une partie de la graine que j'ai élevée celte année. Elle a été de qualité supérieure et trouvée telle par les personnes que j'avais priées île l'élever dans le Gard. l'Ardèche, l'Isère, le Gers et les liasses-Alpes. Quant aux graines que j'avais rejetées de mon grainage comme malades, le savant professeur de Milan. M. Cornalia, qui les a expérimentées, a déjà fait connaître ce qu'elles salent. Présentement je fais ma provision de graine pour l'an prochain. '»00 ŒUVRES DE PASTEUR En résumé, Monsieur, je suis de ceux qui attachent le plus grand prix et la plus grande importance pratique aux travaux de M. Pasteur, travaux qui acquièrent tous, à mesure qu'ils sont mieux connus, une notoriété plus considérable dans ions 1rs centres sciicicoles de la France et de l'étranger. P. DE LaCHADEXÈDE, président du Comice d'Alain EXTRAIT DE LA REVUE UNIVERSELLE DE SERICICULTURE, AOUT 1869 (i) La Saulsaie, "27 juillet 1869. Vous voulûtes bien insérer, en 1868, dans le numéro du 25 juillet du Moniteur des noies (-), le résultat de modestes essais de sériciculture que je fais depuis l'année 1866, à l'Ecole impériale d'agriculture de la Saulsaie. Procédant par grainage cellulaire et par sélection microscopique d'après les indications de M. Pasteur, et opérant sur de petites éducations, je suis par- venu à régénérer et à maintenir saine, une race à cocons jaunes fort estimée. Voici, Monsieur, le résultat de ma dernière éducation : Les 150 cocons que j'avais gardés pour graine en 1868 auraient du me donner, en admettant 75 femelles et 300 œufs par femelle, 20 à 22.000 œufs. Le 1" mai dernier, je transportai mes œufs du lieu frais où je les conservais à la salle d'éducation, et je les laissai exposés à la température ambiante, ayant pris pour règle de n'employer jamais aucun mode artificiel d'éclosion. Le lendemain, visitant mes œufs, je reconnus des dégâts causés par un rat : je crus tout perdu, cependant je remarquai bientôt que beaucoup d'œufs étaient intacts, et je pris mes précautions pour les garantir contre tout nou- veau ravage : l'éclosion d'un grand nombre de vers eut lieu le 8 mai et les jours suivants. L'éducation a été faite dans les mêmes conditions, avec les mêmes soins que les précédentes, ainsi que je l'ai indiqué dans mon Rapport de l'an der- nier. 10.000 cocons récoltés ont pesé 21 kil. 100, soit 2 gr. 07 par cocon. chiffre plus élevé que celui de l'année dernière, qui n'était que de 1 gr. 71 ; aussi, ai-je pu vendre ma récolte, cette année, à divers éducateurs de l'Isère, 15 francs le kilogramme au lieu de 10 francs, prix de 1808: 21 kilogrammes à 15 lianes représentent une valeur de 315 francs. Ce chiffre n'est-il pas magnifique, et de nature à pousser à la multiplication des petites éduca- tions .'. . . Ducrot, répétiteur à l'École impériale d'agricultare de la Saulsaie (Ain). 1. Duchot. Essais de la Saulsaie. Revue universelle de sériciculture, 1869, p. 219-320. ■■>. Voir, p. 363-366 du présent volume : Rapport de M. Ducrot. {.Xotes de l'Édition.) ÉTUDES Sll! I A MALADIE DES VERS A SOIE .01 Divers Rapports adressés au ministre de l'Agriculture, dans les années 1866, I8(>7 et 1868, représentaient la Corse comme une contrée privilégiée, liés propre à la confection des semences saines. Par l'exemple de la Corse, on prétendait même prouver que la maladie des vers à soie tendait à disparaître d'une manière générale, puisque l'épi- zootie paraissait ne pas pouvoir faire invasion dans cette île. La Note suivante de M. Maillot fait justice de ces erreurs: elle montre, au contraire, que la pébrine est partout répandue en Corse, et qu'elle y a exercé, dans ces dernières années, les plus grands ravages. Mais à côté du mal qu'elle signale, cette Note place le remède, en indiquant les conditions qu'il conviendrait de réaliser pour rendre aux éducations leur état prospère des années 1863, 04 et 65. En n'élevant nue des semences irréprochables confectionnées d'après ma méthode cellulaire, dans cette contrée de petite culture, isolée du continent, à l'abri de toutes les causes de contagion, on parviendra facilement à faire de la Corse un centre d'approvisionnement de bonnes graines. SI li LA SÉRICICULTURE EN CORSE, PAR M. MAILLOT (i). La Corse est une des rares contrées où les vers à soie n'ont pas cessé de prospérer, tandis que sur le continent la maladie régnait d'une manière à peu près générale. Sans doute l'isolement du pays, la douceur de son climat, le petit nombre des éducations devaient produire cette situation exception- nelle. Pourtant la maladie s'y est montrée visiblement en 1S66, mais seule- ment dans certains cantons ; c'est ce que constate l'Enquête agricole faite cette année-là "-' . Depuis, en 1867 et 1868, on a pu croire que le mal était resté stationnaire, peut-être même qu'il était en voie de décroissance: ce serait une erreur complète. Malheureusement cette opinion a été soutenue dans divers Rapports adressés au ministre de l'Agriculture, et il en est résulté qu'au lieu de chercher quelque remède au mal, on lui a laissé prendre des proportions excessives. A la suite des expériences faites par M. Pasteur en 1868, M. de Casa- bianca conçut le projet d'appliquer en Corse ses procédés rigoureux de sélection, dont il appréciait toute la supériorité; il me proposa dans ce luit d'utiliser ses propres plantations de mûriers, qui sont situées près de la 'te orientale, dans la partie nord de l'île. L'exécution de cette tâche ne me parut pas trop difficile, et je me rendis en Corse avec l'approbation de M. Pasteur. Aujourd'hui, les résultats des éducations sont connus, et mon devoir est d'en rendre compte, sans mYearler du simple expose des faits. CI 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance 'lu S août 1869, I.XIX, p. 361-363. 2. Voir : Enquête agricole (1866). 28' circonscription : Corse. Paris, lXtïi, in-4°; p. (il. 68 122, etc. Note de l'Édition. ÉTUDES SOB LA MALADIE DES VERS \ SOIE. 26 ',0-2 ŒUVRES DE PASTEUR J'entrepris d'abord l'éducation de six lots de graines qui m'avaienl été remises par M. Pasteur, el qui provenaient des grainages faits en grand, selon ses méthodes. Tous réussirent 1res bien, et, malgré mon peu d'expé- rience, malgré divers petits accidents, j'obtins plus de 40 kilogrammes a l'once de 2."i grammes pour cinq de mes lots, et 30 kilogrammes pour le sixième. J'avais négligé tous les vers en retard sur la masse, visant plus a la qualité qu'au rendement. e1 quand la montée fui achevée, j'eus tout lieu de croire que ees cocons fourniraient d'excellente graine. Pendant ce temps, que se passait-il chez h's autres éducateurs .' I. état des chambrées était loin d'être aussi satisfaisant. Quatre lots, que j'avais condamnés avant l'éclosion, sur l'examen des graines, périrent en totalité. Plus de L50 onces d'autres graines, élevées par des Italiens habiles praticiens, ne parvinrent pas à la quatrième mue. ou n\ survécurent guère. Plusieurs autres éducations ne donnèrent non plus aucune récolte, soit à Bastia, soit aux environs. La provenance Porto-Vecchio ne réussit pas mieux. Bref, je trouvai partout une ruine complète par les corpuscules ; il n'y eut d'exceptions que pour quelques chambrées, dix environ, provenant de graines deCervione, d'Urtaca, OU du cap Corse: celles-là donnèrent une récolte de cocons très satisfaisante. Il restait à examiner au microscope les chrysalides de ces éducations réus- sies : ce moment est critique pour le producteur de graines, tout autant que l'époque de la montée pour celui qui cherche seulement à obtenir des cocons. Grand fut mon désappointement, quand je reconnus, dans ma propre récolte, une très forte infection corpusculeuse. Le meilleur lot offrit 10 pour 100 de chrysalides malades, peu de temps avant leur changement en papillons : il était donc impossible de faire grainer en masse, et je dus me borner à un "rainao-e cellulaire. Je fus bien plus surpris encore à l'examen des échantillons des autres éducations, tant de Cervione que de Bastia et du Cap: les chrysa- lides, encore I lès peu âgées, avaient déjà 80, 90 et quelquefois 100 pour 100 de malades. Celle infection venait ici évidemment de la graine, tandis que les 10 pour 100 de mes chambrées peuvent bien avoir en pourcause les poussières corpusculeuses qui ont dû remplir la plaine vers la lin des éducations. De ces lois détestables, les uns lurent clou Iles aussitôt d'après mon conseil, les autres conservés pour le grainage : hcureusemenl plusieurs de ces derniers donnèrent un si grand nombre de papillons de mauvais aspect que 1 ou s'arrêta presque forcément. Je conseillai de petits grainages cellulaires ; cette méthode est seule capable de régénérer ces races, et, bien qu'on ail dit l'appliquer dans des conditions peu avantageuses el sur une échelle lori res- treinte, je ne doute pas qu'on n'obtienne l'année prochaine de ces petits lois de 1res bons résultats. En présence de ces faits, ce sérail une dérision de prétendre que, dans la Corse, la maladie est en décroissance on stal ioiinai re. Je II ai pas trouve, je le répète, malgré le désir que j'en avais, nu seul loi de cocons dont létal de saule lui satisfaisant, ni au Cap. ni dans la Balagne, ni dans le pays d Orezza, ni dans toute la plaine qui s'étend de Bastia a Aleria. Cet étal de choses mal- heureux n'est que la conséquence fatale «le ce qui existait en 1866 : les échecs ont été, d'année en année, plus nombreux: en 1868, beaucoup d'éducations ne donnèrent déjà pas de produit en cocons, notamment en Balagne. où les ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE W.i éducateurs découragés ont laissé, cette année, presque toute la feuille sans emploi. El pou ri ,-i ii i il eût été facile de faire d'excellents grainages cellulaires, il y a deux ans, on même l'année dernière; toutes les chambrées dont la graine a donné quelque produit cette année étaient alors d'une qualité suffi- samment lionne. Cependant je suis loin de croire que la situation de la Corse soii déses- pérée : une chose m'a frappé surtout, c'est l'absence complète de la maladie .les morts-flats. <|ui sévit au contraire avec tanl de force dans nos départe- ments du Midi. Je n'ai pas vu mourir un seul ver de cette affection, ni dans mes éducations, ni dans toutes celles que j'ai pu observer dans le voisinage. Partout la maladie des corpuscules exclusivement : mais il parait facile d'éloigner celle-ci par l'application rigoureuse de la méthode de .M. Pas- leur: et. dés lors, on aurait en Corse des chances de réussite tout à fait exceptionnelles. Que l'on parte d'une graine rigoureusement pure, qu'on l'élève dans des localités choisies, bien isolées, et tout nous permet de croire qu elle si' multipliera d'année en année en restant saine : la Corse deviendra donc bientôt un centre d approvisionnement pour les éducateurs du continent français. Cette mesure trouverait un appui, j'en ai la certitude, auprès de M. de Casahianca. qui se préoccupe toujours avec tant de sollici- tude des intérêts de son pays, et peut-être verrions-nous, dans un avenir prochain, les sériciculteurs oublier enfin le Japon et tourner tous leurs efforts vers l'éducation des races indigènes. LE PROCÉDÉ PASTEI li, PAR M. DE CHAVANNES (i). Quand M. Pasteur, reprenant les travaux de l'école italienne sur les maladies des vers à soie, découvrit et vulgarisa le procédé qui gardera son nom, il pouvait s'attendre à ce que les sériciculteurs n'adoptassent pas ce procédé de confiance, à ce que des doutes, des objections se manifestassent de tous côtés : mais rien ne devait faire supposer que le savant académicien se verrait en hutte à des récriminations aussi injustes que passionnées. Si le procède Pasteur avait dû, pour se l'aire place, se substituer à un autre pro- cède, on comprendrait encore la vivacité, les entraînements de la défense de ceux dont l'œuvre se trouverait menacée. Mais rien de pareil ne s'est produit. puisque l'examen microscopique est tout simplement un moyen de plus pour h-, magnaniers d'obtenir et de poser des graines saines. Celui uni veut s'en servir peut le faire sans modifier en rien son svstème d'éducation, sans ie cer à aucune de ses pratiques, de ses précautions pour se procurer de bonnes graines, soit qu'il les acheté, soit qu'il les lasse lui-même. L'examen microscopique des papillons ne dispense ni des petites chambrées pour graine, ni de la sélection des mâles et des femelles, ni des delitements l're- I Journal d'agriculture pratique, numéro du 19 août 1869, II, p. 264-266. M. il.' Chavannes est chargé, di puis plus de trente années, d'inspections séricicoles par le ministère 'l.' l'Agriculture. 404 ŒUVRES DE PASTEUR quents, ni de l'aération presque toujours incomplète des magnaneries. Il nous apporte purement et simplement le critérium tant demandé, si inutile- ment cherché jusqu'à ce jour, et dont l'absence laissait l'éducateur dans l'inconnu, rien ne lui indiquant que la graine qu'il avait faite avec les plus grands soins et dans les meilleures conditions lût saine ou non. Ce critérium, ne constituât-il qu'une simple probabilité, serait encore un auxiliaire pré- cieux qu'il faudrait bien se garder de dédaigner, de repousser, puisque, malgré toutes les recherches, toutes les tentatives, tous les procédés qui ont été tour à tour essayés, abandonnés, personne, en dehors de l'examen microscopique, n'est en droit d'affirmer qu'une graine n'est pas infectée. Y avait-il là, je le demande, matière à une polémique aussi passionnée que celle dont les expériences et les résultats obtenus par M. Pasteur font les frais depuis deux ans? Heureusement qu'en ce monde le bien naît toujours à côté du mal, et que, sans la façon acrimonieuse et bruyante dont le nouveau procédé a été attaqué, il serait peut-être encore loin d'avoir la notoriété qu'il possède aujourd'hui. Examinons le procédé en lui-même. D'abord peut-on admettre qu'un papillon dont l'organisme entier est envahi par des myriades de corps étran- gers ne soit pas profondément altéré dans sa constitution, qu'il soit dans un état normal? Or, comment reconnaître, constater cette altération autrement que par le microscope, puisqu'il s'agit d'infiniment petits ? Que les corpus- cules soient la cause, la conséquence ou simplement le symptôme de la maladie, que ces corpuscules appartiennent au règne animal ou végétal. qu'importe au magnanier; il lui suffit de savoir, et c'est acquis aujourd'hui, qu'un papillon corpusculeux est un papillon malade, que sa constitution est altérée, et que, par conséquent, il est impropre à la reproduction, puisque, sauf des exceptions excessivement rares, il communiquera à sa descendance le vice dont il est atteint, .le dis, sauf des exception*, parce que, de même que chez l'homme on peut citer des pères, des mères phtisiques, cancéreux, qui ont donné le jour à des enfants restés exempts de toute affection cancé- reuse ou tuberculeuse, de même on pourra citer des papillons corpusculeux comme ayant donné naissance à des vers qui ont traversé sans encombre toutes les phases de leur existence. Mais que prouvent ces exceptions contre le procédé microscopique? qu il n est pas absolu .' Personne n'a élevé cette ridicule prétention d'infaillibilité. Qu'il arrivera que tel reproducteur, reconnu mauvais, donnera par extra- ordinaire des œufs sains ? je l'accorde, mais est-ce un motif pour condamner un procédé parce qu'il n'est pas infaillible? Ne suffit-il pas, au contraire, pour l'adopter, qu'il donne, dans l'immense majorité des cas. des indications exactes? Or, l'exactitude de ces indications est démontrée par des faits trop nombreux pour que le doute à cet égard soit possible. Et lorsqu'on voit les adversaires les plus décidés du procédé Pasteur en être arrives à croire à l'utilité pratique du procédé sur une très petite échelle (comme si un procédé bon pour faire une once de graine pouvait être mauvais pour en obtenir mille), on peut dire, avec l'un des plus respectables doyens de la séricicul- ture, que le microscope n'a plus besoin d'être défendu et qu il a surabondam- ment prouvé son efficacité à indiquer la présence de la pébrine dans les vers à soie. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 405 (Tuant aux difficultés que présente le maniement d'un microscope, dans le cas spécial de l'examen des papillons, elles sont loin d'être sérieuses, et je crois pouvoir poser en fait que tonte personne capable de diriger une eham- brée de vers à soie en saura assez après quelques leçons pour se tirer d'affaire. 11 est évident qu'au débul il y aura des tâtonnements, que la besogne n'ira pas vite ; mais le commençant n'aura pas fait cinquante observations sans être assez suffisamment familiarisé avec l'instrument et les corpuscules pour se guider dans son grainage. Seulement il s'agit de ne pas demander au procède Pasteur plus qu'il ne peut donner. Que nous indique-t-il ? que les reproducteurs que vous employez sont sains, que la graine que vous en obtiendrez ne contiendra pas le germe originel de la pébrine. 11 ne vous apprend rien de plus, il ne vous donne pas d'autre garantie. Si donc votre chambrée venait à sombrer, cet échec ne prouverait absolument rien contre l'examen microscopique, à moins qu'il ne lût causé par la pébrine. C'est dans ce cas-là seulement que le procédé Pas- teur se trouverait en défaut. Or, ce fait, dans ces conditions, ne s'est peut-être jamais produit : je dis peut-être, parce que les quelques exemples qui ont été cités n'offrent pas. au point de vue de la précision de l'examen, toutes les garanties désirables. Aussi n'est-ce pas sans un sentiment de surprise que j'ai vu les adversaires de l'examen microscopique chercher à se faire une arme de tous les échecs, quelle qu'en fût la cause, qui frappaient les graines faites d'après le procédé Pasteur, comme s'il suffisait de poser une graine saine pour être certain d'avoir une belle et bonne récolte de cocons. Je sais bien que c'est un préjuge qui a cours dans les pays séricicoles, que tout est là. et que beaucoup mettent invariablement leur insuccès sur le compte de cette malheureuse graine, qu ils traitent un peu comme le baudet du fabuliste. De ce qu'il n'y a pas de succès à espérer avec de la graine infectée, est-il permis de conclure qu'on ne peut pas échouer avec la meilleure graine, du inonde ? Mille fois non, par la raison que la vie animale et végétale est sou- mise à des vicissitudes sans nombre. En posant des œufs sains, qui donne- ront des vers bien constitués, on met de son côté le plus de chances possible ; mais on ne les conservera, ces chances, qu'autant que l'éducation sera con- duite avec soin et intelligence. Plus les vers seront robustes et sains, mieux ils résisteront aux fautes du magnanier, aux influences d'une saison con- traire. Sans doute il vaudrait mieux que M. Pasteur nous eût gratifiés d'une panacée qui assurât pleine récolte au sériciculteur, quoi qu'il fasse et quoi qu'il arrive. Mais en attendant qu'on trouve cette recette miraculeuse, remer- cions le savant qui, en nous donnant le moyen simple et sûr de ne poser que des graines saines, nous permet d'échapper à la cause qui rend tout succès impossible. 406 ŒUVRES DE PASTEUR LES EDUCATIONS DE VERS A SOIE DANS LES CEVENNES, EN 186'.), PAR M. JEANJEAN, SECRÉTAIRE DU COMITE DU VICIAS ('). Celui (jui. avant parcouru, il y a une vingtaine d'années, les basses devenues, les traverserai! rapidement aujourd'hui, pourrait supposer, en voyant les mûriers dépouillés de leurs feuilles comme en 1848, que la pros- périté est revenue clans cette contrée dont la principale ressource est la pro- duction de la soie. Mais si, quittant le rôle de simple touriste, le voyageur voulait bien interroger les gens du pays, il apprendrait bientôt, hélas ! que cette prospérité n'est qu'à la surface, que la récolte de 1869, quoique assez abondante, est loin d'atteindre la production des années antérieures à l'épi- démie et qu'en définitive le revenu des terres à mûriers diminue chaque jour. Qu'on essaye, en effet, de calculer le nombre des cartons du Japon ajouté à celui des onces de graines indigènes ou de reproduction, élevés dans une certaine étendue de pays, un canton, par exemple; qu'on établisse ensuite une comparaison entre ce nombre et le chiffre du produit en cocons de ce même canton, et l'on arrivera à un rendement moyen de 10 à 12 kilogrammes par 25 grammes de graine. Or, à cause du prix extraordinaire de la main- d'œuvre pendant les éducations qui viennent de finir, un rendement de 10 à 12 kilogrammes, au prix moyen de (> fr. 50, suffit à peine pour payer tous les frais qui se rattachent à l'éducation des vers à soie. Ainsi, malgré l'abondance relative de la récolte, l'éducateur n'aura cette année aucun bénéfice et n'en devra pas moins payer l'impôt établi sur les terres à mûriers. Comme beaucoup d'arbres n'avaient pas été élagués depuis quelque temps, qu'en certains lieux les bourgeons principaux avaient été brûlés par la gelée circonstances qui rendent la cueillette de la feuille plus difficile . et que, d'un autre côté, les ouvriers étaient assez raies, le prix de la cueillette a été fort élevé. 11 en a été de même du prix de la feuille, qui de 8 francs les 100 kilogrammes s'est élevé jusqu'à 24 lianes à Saint-IIippolyte et 30 francs au Vigan. Voici les prix des cocons sur les divers marelles de Saint-I I ippolvte. Ces prix, un peu supérieurs à ceux d'Anduze et d'Alais, mais inférieurs aux prix ilu \ igan el de Valleraugue, peuvent être considérés connue les prix moyens des Cévennes. MARCHÉS JAPONAIS JAPONAIS RACES annuels bivotins indigènes fr fr fr 4 juin 1869 .... 7.25 5, » à 6, » 9,50 5 juin (3,75 à 7. » 4.50 à 5.50 0.50 II juin 6, » à 0,50 4, >■ à 4,50 S, 75 à 0. » 15 juin 0.25 à 0.60 4, » à 4,15 0. » à 9,25 18 juin 0, » à 6,25 4, » S. 50 à 0. » On accordait sur les prix une tolérance de 6 pour 100 de doubles. 1. Messager agricole 'lu Midi, août 1869, X. p. 208-212. KTI DES SI R I. A MALADIE DES VERS A SOIE 107 La majeure partie des cartons élevés dans les Cévennes appartenaient aux races annuelles du Japon ; ils ont produil moins de doubles qu'en 1868, ci une assez belle quantité de cocons, puisque 11 à 15 kilogrammes de cocons annuels, verts ou blancs, donnent I kilogramme de soie. I es éducations laites avec des graines de reproduction japonaise ou avec des graines de races indigènes ont généralement échoué. < >n a obtenu cepen- danl quelques réussites par I élevage de graines originaires des liasses-Alpes, des Pyrénées-Orientales, de la Haute-Marne el de l'Aveyron. La Qacherië a été la cause de l'insuccès du plus grand nombre des graines indigènes, les dangers provenant de la maladie coi puseuleuse avant pour la plupart été écartés par I observation microscopique des papillons. Les graines japonaises n'onl pas également réussi; à côté de 1res beaux succès, mi a constaté plus d un échec partiel. J'ai trouvé sur plusieurs cartons des graines coi pusculeuses ; dans certaines éducations il y a eu beaucoup de petits vers pendant lev deux premiers âges, et au cinquième âge la flacherie s'est montrée dans quelques chambrées. Il est évident que. cette année, les vers provenant des graines du .lapon ont présenté plus de symptômes de maladie qu'en 1868. La maladie envahirait-elle le Japon '.' Voici ce (pion lit dans l'ouvrage de Sira-Kawa (p. \'l et 44i : « Les meilleures localités du Japon don Ion tire la graine de vers à soie sont, axant tout, celles de la province d O-Syou. Pour obtenir un bénéfice assuré en élevant des vers à soie, il est nécessaire chaque année d acheter de nouveau de la graine d O-Syou i . » Les cartons de cette province montagneuse arrivant plus tardi- vement à Yokohama que ceux de la plaine, il parait qu'en 1868 les Japonais, pour faire timbrer autant que possible leurs cartons dans le mois de juillet, ce qui en rehaussait le prix, avaient l'ait grainer sur une vaste échelle les cocons provenànl des éducations faites dans les plaines qui avoisinent Yokohama. relie est peut-être la cause de la faiblesse relative de certains cartons japonais. Ne nous effrayons donc pas outre mesure et espérons que le royaume Au Japon, qui a une étendue considérable, pourra nous fournir encore pendant quelques années des graines suffisamment saines pour être élevées en France avec un léger profit. Mais comme en définitive l'avenir est incertain et que d'ailleurs les cocons japonais sont bien inférieurs à ceux des races françaises et italiennes, il faut penser à la ( Nervation de nos belles races, et faire des éducations pour graine dans les pays de petite production. J'estime qu'il v a encore, en I- lance, des départements où 1 on peut, à I aide d un microscope, choisir des chambrées capables de donner de la graine assez saine pour réussir, non pas toujours, mais le plus souvent, dans les contrées même les plus infectées. Deux maladies principales ravagent actuellement nos magnaneries : la première, la plus ancienne, la plus répandue et celle (pii.au fond, empêche toute reproduction dans les Cévennes, c'esl la pébrine ou la maladie des cor- puscules. Eh bien '. cette maladie est très reconnaissable, très facile à saisir. I Uosny F.énn de). Traité de l'éducation des vers à soie au Japon, par Sira-Kawa de Sexd.vï, traduit puni- la première fois du ja] ais. P>iris. lxiix. Imprimerie impériale, lxiv-228 p. in-8" \ïi pi.) [Xote de l'Édition.) 408 ŒUVRES DE PASTEUR et, par suite, à écarter par le procédé de M. Pasteur : l'examen microsco- pique des papillons. Je pourrais indiquer une foule d'expériences personnelles qui viennent à l'appui de cette assertion : j'en citerai seulement quelques-unes. En 1807, le Comice agricole de l'arrondissement du Vigan, sur ma pro- position et d'après l'avis de M. Pasteur, fit élever à Sauve une once de graine originaire de l'/\ude, qui produisit 46 kil. 500 de cocons. Avant examiné 50 papillons de ce grainage et n'en ayant trouvé qu'un seul corpusculeux, j'engageai notre Comice à faire à Sauve, en 1808. une nouvelle éducation de 1 once de graine ainsi reproduite. Cette once de 25 grammes donna un ren- dement en cocons de 5J kil. 500. Mais, d'après l'examen microscopique, de 30 papillons provenant de ces cocons, je pus annoncer à mes collègues, dans la séance du 20 juillet 1808, l'échec certain de la graine de Sauve aux éduca- tions de L869, et l'événement vient de confirmer entièrement cette prévision. L'année dernière notre Comice fit aussi, sous la direction de M. Treilles, propriétaire au Mas-Voyer, près Saint-André-de-Valborgne, une autre édu- cation expérimentale de 1 once de gramc, originaire des Basses-Alpes. La réussite de cette éducation fut très satisfaisante, puisque les 25 grammes donnèrent 48 kilogrammes de cocons. o Mais, à la même séance du 20 juillet 1808. je lis connaître à mes collègues le résultat de l'examen microscopique de 30 papillons, et, comme sur ce nombre 16 étaient corpusculeux, il me fut facile d'en conclure que notre graine de Saint-André-de-Valborgne échouerait en 1869, comme celle de Sauve. Ces craintes se sont réalisées : l'insuccès a été général. o M. Carrière, propriétaire sériciculteur à Millau (Aveyron), m'envoya, à la fin de 1807. plusieurs lots de papillons représentant les grainages faits aux environs de cette ville; je fis le classement de la valeur de ces grainages, selon les données de mes observations microscopiques, et, d'après ce que m'a affirmé M. Carrière, les résultats des éducations furent conformes aux dia- gnostics. Un éducateur de Saint-Ilippolyte obtint, l'an passe, une réussite parfaite avec de la graine de Corse; sa petite chambrée fut convertie en graine et les papillons du grainage furent soumis à mon examen; mais comme j'en trouvai un tiers rempli de corpuscules, j'annonçai l'échec île cette graine : ce qui, en effet, a eu lieu. En 1808. M. Barrai de Montaud, propriétaire à Saint-Félix-de-Pallières, me pria d'examiner les papillons de son grainage. Ces papillons, d'origine japonaise, étant sans corpuscules, je l'engageai à faire l'éducation de cette graine. 11 suivit mon conseil et sa chambrée a bien réussi. Mais je veux citer encore un l'ait qui démontre clairement que les carac- tères de la maladie corpusculeuse sont aujourd'hui bien connus. M. Pasteur a remis à M. le I)1' Delettre, qui a bien voulu diriger encore celte année, pour notre Comice, l'éducation expérimentale île Sauve : I" 2 grammes île graine de M. Raybaud-Lange, n° 8, destinés à être élevés, quoique sur des tables distinctes, dans la magnanerie où se faisait l'éducation de la graine de Sauve. que nous savions être très corpusculeuse: 2° une demi-once de la même graine n° 8, dont l'éducation devait avoir lieu dans un local tout à fait distinct du premier. M. Pasteur avait annoncé que les deux éducations réussiraient, ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 409 niais que les chrysalides el les papillons provenant des 2 grammes de graine de la première seraient tous corpuseuleux, parée qu'ils prendraient la maladie par contagion, au moyen des poussières fraîches de la magnanerie. Les éducations avant prospéré, et un certain nombre de cocons ayant été envoyés à M. Pasteur, l'examen microscopique des chrysalides, déjà fort Aérées, a eu lieu le lit courant, et M. Pasteur m'écrit que, sur 20 chrysalides des cocons de la demi-once, une seule était corpusculeuse, tandis que les 20 chrysalides du lot île 2 grammes étaient toutes corpus culeuses. La graine des Basses-Alpes avait été, en effet, infectée par celle de Sauve, ainsi que l'avait prédit M. Pasteur. La seconde maladie des vers à soie, celle qui fait périr le plus souvent les vers à la fin de leur éducation, c'est la flacherie. Dans son dernier Rapport au ministre de l'Agriculture, et dans une Lettre adressée le 22 mai 1869 à M. Dumas '). et qui a été reproduite dans le der- nier numéro du Messager agricole [5 juin 1809], M. Pasteur a démontré que cette maladie était héréditaire et que. pour la prévenir, il fallait rejeter tout grainage dont les chrysalides présentaient, dans leurs canaux intestinaux. des petits ferments en chapelets de grains. Je laisse au savant académicien le soin de faire connaître lui-même les expériences qu'il a faites cette année et qui viennent corroborer son opinion. Mais je dois faire remarquer qu'il y a une différence notable, quant aux résul- tats, entre la maladie des corpuscules et celle des morts-flats. La maladie corpusculeuse. qui se transmet si facilement dans les magnaneries, n'empêche pas les vers à soie, primitivement sains, de faire leurs cocons, tandis que la flacherie est très souvent accidentelle, et. lorsqu'elle se déclare dans un ate- lier, elle fait périr quelquefois, en très peu de temps, un grand nombre de vers. Les causes de la maladie des morts-flats sont fort nombreuses et proba- blement encore peu connues. M. Pasteur indique : << une grande accumula- tion de vers aux divers âges de l'insecte, une trop grande élévation de tempé- rature au moment des mues, la suppression de la transpiration par les effets du vent que dans le Midi on appelle marin, un temps orageux qui prédispose les matières organiques à la fermentation, l'emploi d'une feuille échauffée et mal aérée, et souvent même un simple changement subit dans la nature de la feuille qui sert de nourriture aux vers. » M. Raybaud-Lange attribue la flacherie aux gaz ammoniacaux qui se dégagent des litières en fermentation, et il conseille, pour l'éviter, de faire des délitements fréquemment. Je crois bien que par une bonne hygiène on peut échapper souvent à la maladie des morts-flats. J'ai vu cependant de petites chambrées, bien con- duites, atteintes inopinément de cette maladie, tandis que d'autres éducations peu soignées étaient préservées. Voici, à ce sujet, un l'ait qui me parait très intéressant : En 1867, je fus appelé a examiner des papillons envoyés par M"'' Méry- 1. Voir, p. 547-576 du présent volume, le Rapport du 5 aoûl 1868 au ministre île l'Agricul- ture; et p. 590-594 la Lettre du 22 mai lHt;9 : Résultats des observations faites sur la maladie des morts-flats, soil héréditaire, suit accidentelle. [Note rie l'Édition.) WO ŒUVRES DE PASTEUR Boyé, demeuranl au Soulier, prés Caussade (Tarn-et-Garonne). Ces papillons étant siins corpuscules, leur graine, élevée à Saint-Hippolyte en 1868, réussit généralement. J'examinai de nouveau, l'année dernière, les papillons dugrai- iiaoi- de Mlle Méry-Boyé et je les trouvai encore non corpusculeux. La graine a été élevée, quoique à nos essais précoces les vers eussent échoué par la flacherie. Or, qu'est-il arrivé cette année? L'insuccès par les morts-flats a été complet . à l'exception d'une éducation de 5 onces de graine, pendant laquelle les vers n'ont été délités qu'une fois après chaque mue, et qui a donné cependant .'!."> kilogrammes par once. Ici le succès a été en raison inverse des soins hygiéniques, mais je «lois considérer le fait comme une exception. En résumé, malgré les risques que la flacherie l'ait courir aux éducations n ne peut guère attendre la reconstitution des anciennes belles races du pays. lit la situation s'aggrave d'autant plus que ces mêmes semences commencent à être atteintes, el que la sériciculture est menacée d'être privée de cette der- nière ressource. D'après le dernier Rapport de la Commission départementale de sérici- culture, qui nous a été communiqué par l'Administration, les éducations spé- ciales pour graines n'ont pas encore donne de succès constants dans les pays de grande culture, dans le Gard par exemple : « Là où on élève tant de sortes de graines corpusculeuses, les vents ou les personnes transportent une Foule de maladies. » En définitive, au nom de l'expérience la plus générale, on est autorisé à dire qu'il ne suffit pas que l'éducateur ait a sa disposition de la graine exemple de corpuscules. Avec la meilleure graine, quelle que soit sa prove- nance, quelque confiance que doive inspirer la méthode qui a présidé a sa confection, on n'est malheureusement pas dispense de subir les vicissitudes et les dangers propres à toute éducation, sous l'influence épizootique ou épi- démique qui s'acharne sur la race bombycale, soit que le mal existe dans 1 air ou dans la feuille, soit qu'il provienne ou qu'il soit entretenu, comme le pense M. Pasteur, par l' accumulation d'un grand nombre d'éducations dans un rayon restreint. Ce qui manque donc, dit la grande majorité des éducateurs praticiens. c est un préservatif ou un moyen hygiénique qui maintienne la saute des vers à soie issus de graines réputées saines, à travers les circonstances défavo- rables qu'ils oui i'i parcourir depuis l'éclosion jusqu'à la montée en bruyère. Si ce moveu était trouve, la méthode de M. Pasteur serait très heureuse- ment complétée, et alors on verrait disparaître le déplorable et trop fréquent contraste de deux lots de graines provenant de la même origine et garantis également par l'observation rigoureuse des indications de l'illustre savant, dont l'un cependant échoue dans une magnanerie, tandis que l'autre, sans que les soins de l'élevage soient mieux diriges, réussit dans une autre chambrée. En cet état, votre Commission a pensé que vous deviez émettre le vœu que la mission confiée à M. Pasteur lui soit continuée en 1870, ainsi que le demande le Conseil d'arrondissement d'Alais, mais en le chargeant expres- sément de joindre à l'étude delà maladie des morts-flats, objet de ses der- nières investigations, la recherche d'un moyen curatif ou tout au moins d un préservatif facile à vulgariser. Si la nature déchaîne des fléaux terribles, dont la cause véritable est trop souvent inconnue, elle tient en reserve des moyens propres à les arrêter ou a en conjurer les effets destructeurs : il s'agit de les trouver. (! est ce (pie l'on il fait pour I oïdium de la vigne ' . 1. I.' rapporteur parle ensuite des espérances que 1 "ii 'l"ii attendre du remède proposé 412 ŒUVRES DE PASTEUR La Commission propose, et le Conseil adopte à l'unanimité la conclusion suivante : Emettre le vœu que la mission confiée à M. Pasteur suit continuée en 1870, mais en priant spécialement l'honorable savant de vouloir bien consa- crer ses recherches nouvelles à l'étude d'un moyen curatif. Je ne cacherai pas la surprise que m'a causée la lecture de ce docu- ment, et si je ne savais que la rédaction d'un semblable Rapport engage plus, à l'ordinaire, la responsabilité individuelle du rapporteur que celle de l'assemblée qui en vote les conclusions, j'aurais adressé l'expression motivée de mes regrets au Président du Conseil général du Gard. Le Conseil s'est fait l'écho de ces personnes ignorantes qui blâment depuis cinq années la direction que j'ai donnée à mes études et qui réclament à grands cris la découverte d'un spécifique, d'un remède pouvant leur épargner la peine facile de faire de la graine saine, ou de veiller à la bonne hygiène de leurs éducations. Bien que mes expériences aient amené la connaissance des deux maladies régnantes à ce point qu'on puisse aujourd'hui aborder scien- tifiquement la recherche d'un remède, il n'en est pas moins vrai que de telles découvertes sont bien plus l'œuvre du hasard que d'une étude raisonnée et suivie. « M. Pasteur a démontré définitivement la sûreté de sa méthode de grainage. » Telle est la déclaration du Conseil général du Gard sur laquelle cette assemblée eût dû particulièrement insister, en invitant tous les éducateurs à s'efforcer de mettre eux- mêmes ou à faire mettre en pratique cette méthode, reconnue excel- lente, pour la confection de la semence saine des vers à soie. Comment le Conseil veut-il que « le mal soit en décroissance ou que l'industrie sérigène retrouve la voie d'une prospérité éclipsée depuis vingt années », s'il ne stimule pas l'initiative individuelle, si les propriétaires de mûriers ne payent pas de leur personne pour appliquer des principes rigoureusement établis et pour amener, par la généralité d'une telle application, l'éloignement du mal en assurant des récoltes abondantes? Sans doute, on a trouvé le soufre contre l'oïdium de la vigne, mais cette grande découverte a été si peu scien- tifique dans son établissement que le nom même de son inventeur est resté inconnu. par M»" Sabatier-Guibal, de Nimes, consistant ilans l'emploi dos fumigations d'acide sulfureux, qui auraient la vertu de guérir la pêbrine. Ce prétendu spécifique a été essayé maintes fois en Italie, sans le moindre succès. [Voir, à ce sujet, les Rapports séricicoles de M. Gornalia.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DUS VERS A SOIE 413 PROJET DE CONFECTION DE GRAINE INDIGENE DANS LE PAYS DE TRENTE La Revue hebdomadaire de sériciculture (*) que publie à Milan M. Felice Franceschini a donne toute son approbation à un projet de confection de graine indigène dans le pays de Trente, par l'application des principes que j'ai établis. L'auteur de ce projet s'est adresse a la Chambre de commerce et d'industrie de Rovereto, dans le but d'amener les trois cents communes du territoire de Trente à élever chacune, dans un local isolé, 1 once de graine de vers a soie préparée dans les meilleures conditions de l'application de ma méthode : « En choisissant, dit-il, les papillons par la méthode Pasteur, nous aurions bien vite une bonne graine et nous arriverions à nous passer du Japon -'. » Je renvoie pour le détail du projet à la Revue, qui l'a publié, et à l'article de M. Balsamo Crivelli, numéro du 25 octobre 1869. Voir également Ylndus- tria serica, de Turin. Par l'indication qui précède, j'ai voulu montrer seulement que les sérici- culteurs italiens comprennent toute l'importance pratique des résultats de mes recherches, qui ressort plus clairement encore des précieuses observa- tions de M. Cornalia et du succès île certaines des éducations de M. Bellotti et du marquis Crivelli, en 1868. RÉSULTATS DE DIVERSES ÉDUCATIONS PROVENANT DE GRA1NAGES FAITS SUIVANT EE PROCÉDÉ PASTEUR, PAR P. SIRAND, PHARMACIEN A GRENOBLE (') J'ai lait, m L868, l'examen microscopique d'un grand nombre de chrysa- lides et de papillons appartenant à diverses chambrées. En insérant le tableau de ces observations dans le journal le Sud-Est (numéro de juillet), je pro- mis de suivre, en 1869, les éducations des graines de ces différentes prove- 1. Rivista settimanale >ii baclucolhtfu, £> octobre 1809. 2. o Pour que nos lecteurs, dit M. Franceschini, conçoivent plus facilement l'utilité pra- tique de cette méthode de confection, qui est seule capable du soustraire notre précieuse industrie à des maux plus grands que ceux qu'elle a m à subir jusqu'ici, nous allons citer cet article publié déjà par VIndustria serica. C'est pour ainsi dire un résumé des recomman- dations que il. m-, avons toujours données, et que nous ne cesserons de donner tant que nous verrons le pauvre ver à soie menacé de la pébrine si désastreuse, m1"' ' "n veut, par nous ne savons quelles raisons, nous faire croire absente du Japon, comme si le microscope et la récolte moyenne qui va eu diminuant chaque année ne su ni -aient pas à prouver justement le contraire. « 3. Extrait sommaire de deux articles insérés dans le Sud-Est, journal agricole de Grenoble, juillet lsitt et août 1869. J'appelle l'attention particulière du lecteur sur l'excellent article de M. Sirand, observateur aussi consciencieux quesagace. 514 ŒUVRES DE PASTEUR nances, el de publier les résultats quels qu'ils fussent, obtenus d'un côté avec 1rs lots privés ilf corpuscules, el de l'autre avec les lots corpusculeux. C'était indiquer ainsi à l'avance une expérience publique, dont les phases et l'issue pouvaient être suivies et jugées par un grand nombre de personnes. Je ne pouvais cependant me dissimuler qu'il y avait des difficultés à redouter. Si j'espérais que les lots privés de corpuscules donneraient des chambrées qui ne périraient pas de cette maladie, rien ne pouvait me faire prévoir quel serait le nombre des échecs causés par la maladie des morts-flats et par les soins mal compris durant l'éclosion et pendant L'éducation elle-même. Qu'on veuille bien reconnaître, en lisant mon premier article de juillet 1868, que tous les lots inscrits ont été examinés seulement au point de vue de la maladie des corpuscules, et qu'ils pouvaient être exposes soit à la flacherie héréditaire, soit aux cas accidentels de la même maladie. S I. Essais comparatifs sur trois i.ots différents de chaînes. Avant de donner les résultats des grandes éducations industrielles, je vais décrire d'abord trois essais comparatifs qui sont des éducations de labora- toire que j'ai pu l'aire moi-même. Éducation avec li' lot P (n° 10 du tableau insère dans le Sud-Est, juillet 1868) : 5 papillons examines, tous corpusculeux. Corpuscules sur bon nombre de graines. — Nombre de vers éclos, 130 : produit, 20 cocons. Envi- ron 100 vers ont péri avant la première mue : j'ai examiné quelques séries de ces vers, elles étaient très corpuseuleuses. Dans le couranl de 1 éducation quelques autres vers ont péri, parmi lesquels 'A n'avaient pas de corpuscules et devenaient noirs, et 3 avaient des corpuscules au point que le champ n était que corpuscules. J'ai examine 1 5 papillons provenant des cocons produits. I2étaien1 sans corpuscules et 3 étaient corpusculeux. On peut donc voir que, dans ce cas. les vers qui ont monté à la bruyère devaient, pour la plupart, être prives de corpuscules. Éducation avec le lot Q, "° 18; /tapi/Ions tous priées de corpuscu des. — D'autre pari, aucune précaution n'avait été prise, connue on lésait, en vue d'éviter la flacherie héréditaire. Poids de la graine, Ogr. 20 : produit, 130 co- cons pesant 250 grammes. Avant la quatrième mue. il a péri en tout 3 k 4 vers. Apres la quatrième mue. il a péri 36 vers morts-flats, soit 22 pour 100. J'ai pris un bon nombre île ces derniers que j'ai soumis un a un au micro- scope, aucun n'avait de corpuscules : j'ai pris aussi les débris de feuilles con- tenus dans le tube digestif, el j') ai rencontré- des vibrions. \'oir aussi les autres éducations du lot u" 18. Éducation avec la graine l>. que M. Pasteur m'a adressée sous le n'1 'il avec l'indication qu'elle était pure aux deux points de eue de la flacherie héré- ditaire <■< des corpuscules. — l'oids de la graine. 0 gr. 2."): produit. 200 cocons pesant 370 grammes, l'eu après l'éclosion. 4 à 5 vers morts: dans le reste de l'éducation. 3 vers morts. Pas de morts-flats après la quatrième mue. [\-oir oins loin I éducal ion du loi f> . ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 115 Los trois essais P, Q, 15 ont été faits dans les mêmes conditions : éelosion en môme temps, même alimentation, mêmes soins; la corbeille Q n a pas cessé d'être à côté tle la corbeille IL ^ II. — Produits des lots dont les papillons étaient presque tous PRIVÉS DE CORPUSCULES. Lui n" 15; 'il papillons examinés, dont 'ill sont privés de corpuscules. — Voici les noms des personnes qui oui élevé 1m graine de ce loi : M. Boineau, au Rondeau, succès: M. Mittet, a Barraux, échec, pas oie détails à ce sujet : M. DE MoRTILLET, a Mexlan, succès: M. Pehrin (Henri . à Apprieu, succès : sur un nombre tle 21!) graines, 2."> n'ont pas éclos; niais autant de vers éclos autant de cocons. Ce sont de faibles quantités de graines « j ■ a élevées dans chacun de ces essais. f.nt n" 17 : l!t papillons examinés cl /mis privés de corpuscules. — Ce loi a été élevé chez M. David, à la Buisse, cl chez un certain nombre d'autres propriétaires, .le n ai pu recueillir sur ces diverses éducations que des rensei- gnements très insuffisants. Il y a eu le plus souvent soil un faible produit, soit un échec complet: d'une manière générale, l'ensemble des résultats de cette graine est doue mauvais, .le n ai visité aucune de ces chambrées, je n'ai rs .i pas davantage pu me procurer des vers morts, et personne n a pu m indiquer de quelle manière échouaient les éducations, .le regrette donc de laisser ici une lacune, faute d'avoir pu m assurer que les échecs devaient avoir pour cause la Hacher ie, qui, dans ce cas. aurait sévi grammes; produit. L7 kilogrammes de cocons. M. Charles Péronnet, à Grenoble, a élevé aussi avec succès un échantillon de la même Lot n" 27: 8 chrysalides examinées, /ou/es sans corpuscules. — Race du Japon, reproduite, à cocons verts. Éducation faite à Sassenage, chez M. Buissard; 25 grammes de graine ont produit 28 kilogrammes de cocons. Les lots dont je viens de donner les résultats étaient indiqués sous leurs numéros respectifs dans le Sud-Est de juillet 1808. Quant aux suivants, ils ne figurent pas dans cette publication, et je les désigne par des lettres. Lois A et B. -- Vers le commencement de mais 1869, M. Pasteur a bien voulu m'adresser de Saint-Hippolyte (Gard) deux sortes de graines avec la note qu'elles étaient pures au double point de vue de la pébrine et de la flacherie héréditaire. L'une des boites, que je désigneavec la lettre A, portait le n" 8, et l'autre B portait le n" 41. Ces graines, élevées à Voreppe, ont fourni les rendements ci-après : M"' Mondon, à Voreppe. Graine A (n° 8 de M. Pasteur), poids 5 grammes; produit, 7 kil. SOI) de cocons. Graine B n" 41 de M. Pasteur), poids .'! gr. 50; produit, 5 kil. 350 de cocons. J'ai fait connaître précédemment, sous la lettre B, le produit que j'ai obtenu avec 0 gr. 25 de la même graine B. II est utile de faire observer que ces graines, n"" S et 11 de M. Pasteur, sont les mêmes que celles dont la Commission des soies a rendu compte dans le Moniteur des soies, du 2.") septembre : dans ce Rapport, il est dit que la graine n° 8 a échoué par les morts-flats et que la cause de l'insuccès esl peut-être la flacherie acciden- telle ' . Cette interprétation se transforme en une certitude en présence du rendement parfait que je lais connaître. 1. Voir, à ce sujet, la note 1 p. 610 'lu présent voluro . (Note île l'Edition.) ÉTUDES Si I-, i \ mu \ - vi. i;- v soir: ~7 418 ŒUVRES DE PASTEUR Lot C. — A la fin de mars. M. Henri Perrin, d Apprieu, me présenta des papillons à l'effet de les examiner; c'étaient des bivoltins de reproduction, .le soumis au microscope L8 papillons, tous étaient privés de corpuscules. A la date du 28 juin, M. Perrin m'écrivait ensuite : « Le résultat a justifié les données microscopiques : aucun de mes vers n'a péri de la pébrine, tous ont parfaitement l'ait leurs cocons, et si je n'ai pas obtenu le rendement maximum (25 grammes de graine ne m'ont produit que 20 kilogrammes de cocons), c'est que l'éclosion a laisse à désirer : j'estime à un cinquième le nombre de graines n'ayant pas éclos; à part cela, l'éducation a marché à souhait. » g III. — Produits des lots dont les papillons étaient corpusculeux DANS UNE GHANDE PROPORTION. Lots nos 1 <7 .'!(l : n" I, 8 papillons examinés dont 7 corpusculeux et l sans corpuscules; n°30, h papillons examinés et Ions corpusculeux. — M. Abonnel, dont on connaît l'habileté et le savoir en sériciculture, m'a donné les rensei- gnements que voici : A Bernin, on a l'ait grainer plus de 10 kilogrammes de cocons pris dans l'une et l'autre des chambrées nos 1 et 30, et cela dans un certain nombre de maisons différentes. M. Abonnel avait, en outre, (i onces de graines des mêmes lots. Chez lui et chez tous les autres éducateurs tout a péri, et péri de la pébrine. Il est bon de faire observer que les chambrées d'où l'on a tiré les cocons avaient fourni un très beau rendement. Lot n0 (i: l'i papillons examinés, dont 12 corpusculeux et 2 non corpus- culeux; les corpuscules cl nient en petit nombre dans le champ du microscope. - Race du Japon de reproduction, à cocons blancs. Educations faites avec succès à Sassenage, chez M. Buissard et chez une autre personne. On sait qu'un lot à papillons corpusculeux ne doit pas nécessairement fournir une graine incapable de réussir. Lot n° 10; 5 papillons examinés, tous corpusculeux. — Une personne de Voreppe a fait l'éducation d'une petite quantité de cette graine; celle-ci na presque rien produit. J'ai dit aussi que j'avais élevé quelques vers de ce lot el que le déchet avait été considérable. Lot n° 12; 5 papillons examinés, tous corpusculeux. — J'ai essayé plusieurs séries de graines, quelques-unes étaient corpusculeuses ; d'autre part, j ai examiné une dizaine de vers éclos, ils n'avaient pas de corpuscules. L'ne éducation de 95 grammes a été commencée à Grenoble, puis les vers ont été transportés à Claix : 10 grammes environ n'ont pas éclos, et le produit a été de 120 kilogrammes de cocons. Par tous les temps on a laissé les fenêtres ouvertes jour et nuit. Après la quatrième mue il y a eu un peu de déchet. On a fait quelques feux clairs pendant la grande frèze dont la durée a été de quinze jours, et à la montée on a aussi un peu chauffé. J'ai examiné 10 papillons provenant de cet élevage : 5 étaient sans corpuscules et 5 étaient corpusculeux. Environ 4 onces de la même graine réparties entre quinze per- sonnes ont donné des échecs chez cinq ou six et des succès chez les autres. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 'i 19 Lot n° 16; 30 chrysalides examinées, environ dix /Ours après la montée, et Imites sii/is corpuscules; sur 57 papillons, 2."> étaient COrpusCuleUX . Les jeunes vers à réclusion se sont montres corpusculeux , quoique dans une proportion assez faible. — J'inscris les résultats dans le tableau suivant : JOMS DES KDUCATEURS , ! ",,IS. RENDEMENTS de la graine gr kg ., . , . . , ,7 \ M. Cottel (Jean] 30 G, 300 M. Cottel [Jean1., a \ orcppc : ., D , ' ,m ^ , . , rr /M. Robert 30 Echec complet- M Cottel Louis . àVoreppe 00 4,800 , M^Colombin 30 10,500 M. Mondon, àVoreppe . . . < Mme Genin 15 6 t Mme Volmat 15 3 Qu'on veuille bien noter que les six chambrées ont présenté, sans exception, îles résultats du même ordre. J'ai vu plusieurs (ois les éducations dont je viens de faire connaître les insuccès. Toutes ont subi d'une manière fatale les ravages de la pébrine, et, comme toujours, cette maladie était associée à un certain nombre de morts-flats. J'ai pris dans trois de ces chambrées des vers morts, je les ai soumis un à un au microscope; ils mon- traient tous, sans exception, un nombre effrayant de corpuscules. $ IV. — Produits des lots dont les œufs étaient en grande majorité PRIVÉS DE CORPUSCULES. Lot D. — Echantillon de 3 grammes de graine du Cher, à cocons blancs. J'ai examiné plusieurs séries d'œufs, et je n'ai pas trouvé de corpuscules. Cette graine, élevée à Voreppe. a donné un résultat satisfaisant; cependant il y a eu quelques morts-flats. Lots E, F, G, H, I. — L'honorable M. Buisson a bien voulu mettre à ma disposition les cinq échantillons de graines qui suivent. Je n'ai point oublié la grande bienveillance avec laquelle il s'est empressé de me fournir ces lots, dont l'étude m'intéressait vivement. C'est au commencement de mai que j'ai essayé ces graines dont il se faisait des éducations nombreuses. Voici pour chaque espèce les examens et les résultats respectifs. E. — Graine de race japonaise reproduite au Liban; examen de 10 séries composées chacune de 10 graines : 9 étaient sans corpuscules et I avait quelques corpuscules. Echec général, pas de renseignements sur la nature de la maladie. F. — Graine exotique sur carton. Wedda : 3 séries de six graines, toutes sans corpuscules; 1 » de six » pas de corpuscules; 1 » de vingt » avec corpuscules; 1 » de dix » avec quelques corpuscules. Succès très général. 420 ŒUVRES DE PASTEUR G. — Graine exotique sur carton, Yanagava : 3 séries de dix graines, toutes sans corpuscules; 1 >. de dix » avec corpuscules. Succès très général. II. — Graine exotique, Djoshio : 3 séries de dix graines, toutes sans corpuscules. Succès très général. I. — Graine du (Hier, à cocons blancs moricauds : 3 séries de dix graines, toutes sans corpuscules. Les cas d'insuccès sont plus nombreux que les cas de succès; pas de renseignements sur la nature de la maladie. R y. Produits des lots dont les œufs ou les vers eclos étaient EN GRANDE MAJORITE COR PUSCULEUX. Lot K. — Au début des éducations, je pris à Voreppe, chez M. Louis Cottel, de jeunes vers éclos depuis quelques jours et dont la graine, venue de l'Ardèche, était de race japonaise reproduite. J'ai examiné successivement au microscope six séries composées chacune de trois vers : l'une était sans cor- puscules, et les cinq autres étaient bien corpusculeuses. Plus tard, quand les vers périssaient à la troisième et a la quatrième mue, j'ai pris quelques sujets et j'ai de nouveau constaté sur tous de nombreux corpuscules. Encore des morts-flats. Celte éducation de 30 grammes de graine a produit 0 kil. 600 de cocons. Lot L. — Vers le mois de mai. je me suis l'ait remettre un échantillon d'une graine que je savais très répandue. L'examen microscopique m'a donne ce qui suit : 1° dix graines ensemble, avec corpuscules; 2° dix » » » 3° huit » >' » 4° huit » » pas de corpuscules; 5° huit » » » (5° six » » » On m'a ensuite [donné les renseignements que voici: l'échec «les éduca- tions faites avec ce lot a été très général, les vers ont péri de la maladie des petits pébrine). Sur environ 50 onces de cette graine on a pu cependant compter quelques rares chambrées qui ont réussi. L0t M. — A la fin d'avril, j'ai examiné de jeunes vers provenant d'une éducation de M. Àllard, a Sassenage : quatre essais, de chacun deux vers, ont montré chaque fois des corpuscules en nombre immense : du reste, les papillons producteurs s'étaient montrés corpusculeux. Je dis alors que j'avais la conviction qu'une telle chambrée périrait de la pébrine, ou qu'elle donne- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE &21 rait, du moins, une perte importante, el que si telle était mon appréciation d'après le microscope, je désirais cependant que les vers ne fussenl | >.is jri <-s sur cette considération, l'en de jours après, les mis étaient très inégaux, avaient une mauvaise apparence, et la personne qui conduisait la chambrée, l'oit an COUranl des prodromes de la maladie, elail convaincue qu'il y aurait échec, et tout lut jeté. Lot \. — Graine de Candie, dont on a élevé de nombreuses chambrées. Examen microscopique : six séries de Kl graines chacune, trois n'ont pas présenté de corpuscules et trois étaient corpusculeuses. Les éducations de ce loi ont eu de nombreux insuccès, et un très petit nombre de réussites. Lut 0. — Graine d'Egypte, dont voici l'examen microscopique: 10 graines ensemble, avec corpuscules; 4 » » » 4 « » » 2 » » » Les nombreuses éducations de ce lot n'ont donné que des échecs. S VI. — Conclusions. Les nombreux lois de graines dont les papillons étaient en grande majo- rité prives de corpuscules ont fourni des chambrées dont les vers n'ont pas été détruits par la pébrine, et dans les cas où ces mêmes chambrées ont péri, c était par le l'ait d'une autre maladie, celle des mo?mts-flats. Toutes les lois qu il m a été donne de constater cette assertion, elle s'est vérifiée complète- ment : à propos d'un seul lot je n'ai pu recueillir aucun renseignement propre à établir la cause des échecs, et je puis croire que, dans ce cas encore, l'aspect dis chambrées aurait montré qu'il s'agissait des morts-flats ; du reste, les autres lots, élevés en tant d'éducations différentes, suffisent, et au delà, pour que je sois autorisé à dire que le principe est parfaitement rigoureux. C'est sous cette phase seulement que j'avais envisagé le problème, il y a un an, à propos des examens microscopiques que j'ai indiqués. Mais tout le mal n'est pas dans la pébrine; et ces mêmes vers, garantis des effets dis corpuscules, ont permis de faire la part d'un autre fléau, qui est la llachei ie. Les échecs survenus, tantôt d'une manière générale sur deux des lots privés de corpuscules, tantôt d'une manière assez rare sur d'autres graines également pures au point de vue des corpuscules, ont révélé l'exis- tence de la maladie des morts-flats, que j'ai attribuée, dans le premier cas, à des causes constitutionnelles, et alors les insuccès tiennent encore à la graine; et que j'ai attribuée, dans le second cas, à des causes accidentelles, (|iii ne relèvent en aucune façon de la qualité de la graine; on ne pourrait alléguer à cet égard que la mauvaise conservation des œufs, mais c'est encore là un accident. Il en résulte (pie la maladie des morts-flats est un mal grave qui fait des ravages importants dans nos localités et dont il v a lieu de se préoccuper avec autant de sollicitude (pie de la maladie eorpuseuleuse. Aussi, pour 422 ŒUVRES DE PASTEUR qu'une chambrée soit propre au grainage, il faut l'étudier au double point de vue de la flaeherie héréditaire et de la pébrine. Ces recherches, faites avec les soins rigoureux qu'elles réclament, conduiront à une graine pure qui sera encore susceptible d'échouer par l'effet des causes accidentelles amenant la flaeherie. Je regarde comme inutile de parler ici de quelques autres maladies connues depuis longtemps, et qui se présentent rarement aujourd'hui : telle est la muscardine. On peut se demander dans quelle proportion les éducations avec la graine pure seront frappées par les accidents de flaeherie. Parmi les lots dont j'ai parlé, le n° 19, que je consi- dère comme ayant éprouvé seulement le développement accidentel de cette maladie, pourrait faire croire qu'on peut répondre à cette question, et dire que les cas de ce genre seront rares. Mais on va voir qu'il n'est pas prudent de se prononcer à cet égard. Toutes choses égales d'ailleurs, on peut conce- voir que, les circonstances atmosphériques étant différentes d'une année à l'autre, il y aura, par ce fait, des différences dans le nombre des cas de flaeherie. D'autre part, si les accidents dont il s'agit sont subordonnés à une série de causes plus ou moins connues, certaines dépendent des éducateurs, et conséquemment, suivant l'intelligence et les soins que ceux-ci apporte- ront, il y aura encore des différences. Il faut donc reconnaître que, pour être fixé sur le nombre des cas accidentels de la flaeherie, il faudrait noter cette proportion pendant une série d'années, et faire porter cette statistique sur un certain nombre de races diverses ; alors seulement on pourra avoir une donnée bien positive. C'est affaire aux sériciculteurs d'inscrire sévèrement le poids de leurs produits et les observations relatives à leurs éducations, et si tous contribuaient à fournir ces renseignements et y mettaient l'esprit de suite nécessaire, tout porte à croire que les questions secondaires qui restent à résoudre seraient facilitées par une statistique sincère et complète. J'ai parlé des résultats obtenus avec les graines dont les ascendants n'avaient pas de corpuscules. Un mot sur celles qui provenaient de papillons corpusculeux. Là, les échecs sont en grand nombre et atteignent la géné- 1 "or") ralité des éducations; c'est d'une manière exceptionnelle que des succès se sont mêles aux nombreux revers; mais, ici encore, il ne suffit pas de dire que les vers ont péri, car. si dans les cas précédents ils avaient péri des morts-llats, cela ne prouverait absolument rien; il est bien constaté, au contraire, que la perte des chambrées est due à la pébrine, et ce point est capital. Si l'on s'étonne de voir réussir quelquefois des graines pondues par des papillons malades, j'ai traité ce sujet fort longuement dans mon Mémoire, et j'ai donné aussi le moyen sûr de se procurer une graine qui périra fata- lement des corpuscules. Enfin, les lots jugés notablement corpusculeux par l'examen même des œufs nous fournissent un enseignement très concluant à cet égard. ÉTUDES SCI! LA MALADIE DES VERS A SOIE 423 RAPPORT SUR LES EXPERIENCES FAITES, EX 1808 ET 18(S9, A LA MAGNANERIE EXPÉRIMEXTALE DE GANGES, DU SYSTÈME DE M. PASTEUR RELATIF AU GRAINAGE INDIGÈNE, PAR M. LE COMTE DE RODEZ, DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT, MEMBRE DU CONSEIL GÉNÉRAL DE L'HÉRADLT. Depuis vingt ans un fléau destructeur décime les magnaneries dans les régions séricicoles. Cette maladie a été appelée d'abord pébrine et, plus tard, maladie des corpuscules, parce qu'il a été reconnu que le corpuscule dit vibrant l'indiquait d'une manière absolue. Qu'il en soit la cause déterminante on l'effet, peu importe à l'éducateur, il suffît à ce dernier de savoir que les papillons reproducteurs infectés de ce corps étranger peuvent donner de la graine infectée elle-même, et, par conséquent, des vers atteints de la maladie originelle. Depuis l'apparition de cet état morbide du ver, chaque éducateur s'est livré à toutes sortes de suppositions sur l'origine et la cause de la dégénérescence tics vers à soie, et tous les efforts des praticiens ont été impuissants pour conjurer le fléau. In illustre membre de l'Institut, M. Pasteur, s'est adonné avec persévé- rance à l'étude de ce parasite, et, s'il ne nous a pas fait connaître un spéci- fique destructeur du corpuscule, après des travaux aussi intelligents (pie consciencieux, il nous a appris, à l'aide du microscope, à produire des semences non viciées. Le système de grainage par la sélection indiqué par M. Pasteur a été, depuis plusieurs années, mis en pratique à la magnanerie expérimentale de Ganges. sous ma direction, avec l'aide et sous le contrôle de mes collabora- o teurs. MM. Randon et Paris, membres, comme moi. du Comice agricole. Nous avons apporti' à nos expérimentations le zèle et l'exactitude que récla- mait l'étude d'un procédé émanant d'une autorite aussi compétente. Voici l'énumération des résultats obtenus en 1868 et LS69 : Un 1868, la magnanerie reçut de M. Pasteur 19 échantillons à élever aux essais précoces : 1 '\ devaient réussir et 5 étaient condamnés d'avance; dans les premiers, 13 ont donne un très bon résultat ; un seul n'a pas tenu complè- tement les espérances qu'il semblait offrir, mais qui ne sait que la meilleure graine peut être compromise par tant de causes, presque toujours inexpli- cables? Les 5 lots jugés d'avance comme corpusculeux ont complètement échoué. Nous avons (devé aussi, en 1868, 4 lots dont les papillons, examinés pai moi au microscope et reconnus infectés de corpuscules, n'ont pas fourni un seul cocon. Outre les expériences laites, la même année, sur les graines envoyées par M. Pasteur, d'autres semences n'avant pas la même origine ont été éprou- vées. Une graine celle de Roux) m'avait été signalée, par l'éminenl académi- cien, comme exempte de corpuscules: l'essai précoce avait merveilleusement réussi et, moi-même, à l'éducation normale, j'en obtins 45 kilogrammes de beaux cocons pour une once de graine : mais les reproducteurs soumis à l'examen microscopique présentèrent beaucoup de corpuscules, tandis que J24 ŒUVRES DE PASTEUR ceux du lot élevé précocement à la magnanerie expérimentale, soumis au même examen, furent reconnus très sains. En 1809, ces deux graines, de la même provenance, mais de différente valeur, ont été élevées comparativement à l'époque des essais précoces, et, pour que l'expérience fût plus concluante, M. Pasteur désira joindre à mon échantillon corpusculeux un autre échantillon ayant la même origine, prove- nant de vers élevés dans une magnanerie éloignée de la mienne (Gilodes), vers qui avaient bien réussi. m;iis dont les reproducteurs étaient aussi reconnus malades. Ces trois lots ont été, pendant toute l'éducation, placés côte à côte; des deux lots infectés, l'un a fait 4 cocons et l'autre pas un seul ; tandis que le lot réputé sain a produit 98 cocons sur 100 vers élevés. Avec les papillons issus de cette même graine élevée à l'éducation nor- male en 1868, j'ai fait moi-même un grainage par pontes isolées, qui, séparées, suivant le résultat de l'examen microscopique, ont été essayées cette année en 4 lots dont deux de chaque valeur : l'événement final est venu encore confirmer le pronostic indiqué par le microscope. Un grainage cellulaire a été fait aussi à la magnanerie expérimentale de Ganges, avec des papillons issus d'une semence des Basses-Alpes (Raybaud- l.ange), essayée, en 1808, dans cet établissement: les pontes reconnues malades par le microscope ont échoué, tandis que les saines nous ont fourni 95 cocons sur 100 vers élevés. M. Pasteur nous a encore adressé, cette année, 9 lots séparés et de diffé- rentes provenances, qui, tous, ont terminé leur tâche, conformément à l'examen microscopique auquel l'éminent académicien les avait préalable- ment soumis. D'autres expériences faites avec des graines infectées à divers degrés nous ont donné des résultats tels qu'il est permis de croire, à juste titre, que les savantes recherches de M. Pasteur sont appelées à rendre de grands services à la sériciculture. 22 octobre 1869. LETTRE DE M. GERNEZ SUR LES ÉDUCATIONS POUR GRAINE DANS LES BASSES ET HAUTES-ALPES, CHEZ M. RAYBAUD-LANGE, EN 1869 (i). Je lis dans votre dernier numéro des Mondes (2), à propos des recherches de M. Pasteur sur les vers à soie : « En un mot, l'échec est si général sur les graines des chambrées choisies au microscope que les adversaires du savant académicien en ont été étonnés et affligés eux-mêmes. » En présence d'une assertion pareille, je crois utile de vous faire connaître le fait suivant. 1. Gebnez. Éducation de vers à soie. Les Mondes. XX, 1869, p. 549. 2. Le jugement si erroné auquel M. Gernez fait allusion a été reproduit dans le journal Les Mondes, XX. 1869, p. 504, d'après une Communication faite au Journal d'agriculture par M. E. de Masquard. marchand de graines de vers à soie, à Saint-Cézaire-lez-Nimes, auteur d'un Traité sur la maladie des vers à soie. (Note de l'Édition, d'après Pasteur.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 425 l'n grand propriétaire des Basses-Alpes a l'ait l'an dernier, en appliquant presque rigoureusement le procédé de .M. Pasteur, des graines de trois pro- venances différentes, qu'il a lail élever celle année dans deux cents cham- brées situées dans des localités diverses des Hautes et Basses-Alpes. .l'ai visité une soixantaine de ces chambrées au moment où les vers faisaient leurs cocons, toutes promet talent une récolte magnifique. J'ai vu, depuis, les cocons des deux cents chambrées, et, à part trois ou quatre accidents de chauffage, toutes ont admirablement réussi, et la moyenne de la récolte a dépassé 45 kilogrammes à l'once de 25 grammes, c'est-à-dire le double du rendement moyen des époques de prospérité. Il y a plus; en les étudiant au microscope, j'en ai trouvé un certain nombre d'assez bonne qualité pour être livrées entièrement au grainaffe. Ainsi donc, sur deux cents chambrées, deux cents réussites : cela me parait décisif, et c'est le résultat de l'applica- tion authentique et presque rigoureuse du procédé de M. Pasteur. 11 serait à souhaiter que les personnes de bonne foi qui parlent légèrement du procédé prissent la peine d'étudier la question et de ne parler que de ce qu'elles ont observé elles-mêmes, plutôt que de se faire aveuglément l'écho de récrimi- nations dont le mobile n'est un secret pour aucun de ceux qui ont vu les choses de près. TROISIÈME PARTIE MES COMMUNICATIONS A L'ACADÉMIE DES SCIENCES ET A DIVERS RECUEILS. RAPPORTS AU MINISTRE DE L'AGRICULTURE. Dans la troisième Partie de cet Appendice [de ces Notes et Docu- ments], je réunis, dans leur teneur à peu près complète et. textuelle, et par ordre chronologique, mes Communications à l'Académie des sciences, de 1865 à 1869 inclusivement, et mes Rapports au ministre de l'Agriculture. Le lecteur trouvera dans ces Communications une appréciation des faits qui ne sera pas toujours rigoureusement con- forme à celle du texte du premier volume de cet Ouvrage ('). Ces variantes dans les opinions d'un même auteur sont une conséquence inévitable des progrès mêmes de ses travaux. J'aurais pu me dispenser de reproduire intégralement ces publi- cations, puisque le premier volume renferme l'expression définitive de mes opinions actuelles ; mais j'ai pensé qu'elles pouvaient offrir de l'intérêt sous le rapport historique et comme exemple de la marche progressive des idées dans un sujet difficile et de longue haleine, au fur et à mesure que l'observateur multiplie ses expériences. « Ras- semblons des faits pour avoir des idées », disait Rufïon. Il n'est pas sans utilité de montrer à l'homme du monde ou au praticien au prix de quels efforts la science conquiert les principes les plus simples et les plus modestes en apparence. 1. L'édition Je 1870 des « Études sur la maladie des vers à soie » était divisée en deux volumes. [Note Xote ajoutée par Pasteur à la rédaction de l'éditi • îs70.) 430 ŒUVRES DE PASTEUR corpuscules, et la graine saine relie qui n'en contient pas? Assurément l'œuf isolé qui offre des corpuscules est 1res malade, mais je me suis convaincu, par des études microscopiques multipliées sur les graines annuelles et poly- voltines, qu'une graine peul être malade sans contenir un seul corpuscule, et je présume même que c'est ce qui arrive le plus souvent. Je suis porte à admettre «pie la graine malade est toute graine née de papillons renfermant des corpuscules. Si les papillons sont peu charges de corpuscules, leur graine fournira des vers qui n en montreront pas ou qui n'en montreront qu'exceptionnellement tout à la fin de leur vie, et la chambrée pourra se bien comporter; mais si la graine provient de parents dont les tissus ou les sues nourriciers auront dû fournir les principes néces- saires au développement d'une quantité considérable de corpuscules, elle participera davantage de leur constitution, et peut-être que, dès le premier âge du ver, le mal s'accusera par les corpuscules ou par tous ces symptômes plus ou moins difficiles à caractériser qui font préjuger qu'une chambrée n'aboutira pas. Si l'on réunissait dans un même lieu une foule d'enfants nés de parents malades de la phtisie pulmonaire, ils grandiraient plus ou moins maladifs, mais ne montreraient qu'à des degrés et a des âges divers les tuber- cules pulmonaires, signe certain de leur mauvaise constitution. Les choses se passent à peu près de même pour les vers à soie(4). Si ces principes sont vrais, si j'ai bien observé les faits sur lesquels ils s'appuient, il doit v avoir un moyen infaillible d'obtenir une graine privée absolument de toute constitution maladive originelle, résultat précieux, industriellement parlant, puisque les graines saines donnent toujours une recolle la première année, même dans les localités les plus éprouvées. Ce moyen consistera à isoler, au moment du grainage, chaque couple mâle et femelle. Après le désaccouplement, la femelle, mise à part, pondra ses graines, puis on l'ouvrira, ainsi que le mâle, afin d'y rechercher les corpus- cules. S'ils y sont absents et également dans le mâle, on numérotera cette graine qui sera conservée comme graine absolument pure et élevée l'année suivante avec des soins particuliers. 11 y aura des graines malades à divers degrés, d'après l'abondance plus ou moins grande des corpuscules dans les individus mâle et femelle qui les ont fournies. J'ai pu appliquer ce mode nouveau de se procurer des graines pures malgré l'état très avancé des éducations et des grainages au moment où mes études m'avaient conduit à l'essayer. Mais le mal était si généralement répandu qu'il m'a fallu plus de huit jours de recherches microscopiques assidues pour rencontrer parmi tics centaines de papillons choisis deux ou trois couples privés de corpuscules ("2). J'aurais désiré pouvoir traiter ici de la nature des corpuscules; mais ce 1. Je désire toutefois que l'on sache bien que je parle en profane lorsque j'établis des assimilations entre les faits que j'ai observés et les maladies humaines. 2. Je dois signaler ici un fait remarquable. Les principaux résultats de la présente Note ont été communiqués au Comice agricole d'Alais le 26 juin dernier. JIM. André et Rollin, <|ui assistaient à la réunion, avaient eu la pensée d'apporter d'Anduze cinq femelles d'une race du paj -, élevées en plein air et encore vivantes, bien qu'elles eussent pondu leurs graines depuis quinze jours. Je soumis ces papillons, séance tenante, à l'examen microscopique. Or, quatre d'entre elles n'offraient pas trace de corpuscules. J'ajoute que d'autres papillons, élevés éga- lement en plein air, offraient tous des corpuscules. Ils m'avaient été remis par M. Laupies. ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE «31 i sujet mérite des observations plus étendues que celles que j'ai pu faire. Cependant je me hasarde à dire que mon opinion présente est que les corpus- cules ne sont ni Vies animaux ni des végétaux ('). mais des corps plus ou moins analogues aux granulations des cellules cancéreuses ou des tubercules pulmonaires. Au [oint de \ue d une classification méthodique, ils devraient ('•Ire rangés plutôt à côté des globules du pus. ou des globules du sang, ou loen encore des granules d amidon, qu auprès des infusoires, ou des moisis- suies. Il ne m ont point paru être libres, comme les auteurs le pensent, dans le corps de I animal, mais bien contenus dans des cellules de volumes très variables à parois fort lâches, et qui commencent à apparaître à l'origine dans ou près le tissu musculaire placé sous la peau du ver ou du papillon. Si on les rencontre partout, et le plus ordinairement libres et épars dans les liquides et dans les tissus, c'est que la pression des lames de verre qui servent aux observations microscopiques fait crever les parois des cellules où ils sont contenus et qu'ils peuvent alors se répandre irrégulièrement de tous côtes. En résume, si mes premières études ont l'exactitude que j'ai essayé de leur donner, et s il ne s y mêle pas quelque illusion provenant du peu de temps ((lie j ai pu v consacrer, elles peuvent se formuler succinctement par ces deux conclusions rue je crois nouvelles : 1° C'est la chrysalide plutôt que le ver qu'il faut tenter de soumettre à des remèdes propres à combattre le mal et à en arrêter les progrès. Les idées se présentent en foule à l'esprit pour modifier expérimentalement les conditions de la vie de la chrysalide dans son cocon. C'est dans cette voie que je me propose de diriger mes recherches l'an prochain, en vue de la produc- tion de meilleures graines. o 2° Il ne faut considérer comme graine pure que celle qui est née de parents juives de corpuscules et appliquer pour se la procurer le moyen que j'ai décrit dans cette Note, moyen simple, quoiqu'il soit encore plus scien- tifique qu'industriel. Mais, je le répète, tout ce que je viens de dire suppose que les corpus- cules peuvent être considérés comme le critérium de la maladie de l'insecte. C'est heureusement l'opinion de la plupart des savants italiens qui ont étudié cette maladie, notamment du célèbre entomologiste Cornalia. 1. Opinion déjà émise pour la première fois par M. Ciccone [Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, XL1, 1855. p. 900]. 432 ŒUVRES DE PASTEUR SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU 26 JUIN 1866 DU COMICE AGRICOLE D'ALAIS (>) M. Pasteur commence par se poser celte question : Qu'est-ce que la maladie .' La maladie existe-t-elle ? Sans doute, la situation actuelle de la sériciculture autorise à dire que les graines, que les vers sont malades. Cependant, il n'existe pas de définition exacte de la maladie; ses symptômes ne sont pas caractérisés d'une manière précise, et quoique les opinions les plus sérieuses s'appuient sur des laits qui paraissent incontestables, rien n'esl encore certain et positif. Quant à lui. il se fait une opinion arrêtée, motivée par les résultats obtenus ; cependant les preuves ne sont pas encore aussi complètes qu'il le voudrait. Aussi son projet est de revenir à Alais l'année prochaine pour étu- dier les graines qu'il a préparées cette année. Ce délai est bien long sans doute, quand on poursuit la solution d'une question aussi importante. Mais en agriculture, on ne peut répéter de suite les expériences, il faut presque tou- jours espérer le retour de la saison ; force est donc d'attendre encore un an. La maladie des vers à soie présente deux caractères principaux: les taches et les corpuscules. Tout le monde connaît les taches, ce sont ces points noirs dissémines irrégulièrement sur le corps du ver, qui se montrent le plus souvent à l'extré- mité de l'éperon, aux pattes, et qui apparaissent surtout sur les ailes du papillon. Les corpuscules sont une production de forme et de dimension très régu- lières qu'on remarque dans toutes les humeurs du ver, dans les muscles, dans le tissu cellulaire. Celui-ci surtout est quelquefois criblé de corpuscules, il s'y forme d'abord des poches qui en sont remplies, et qui, rompues on ne sait par quelle cause, les laissent se répandre dans toutes les parties du corps. Plus le sujel est malade, plus le nombre de corpuscules est grand; ils sont quelquefois innombrables. Relativement aux taches, on a dit qu'un ver ou un papillon est malade quand il est taché. Quant aux corpuscules, on a dit qu'un ver ou un papillon est malade quand il présente des corpuscules. Il ne faut pas cependant exagérer ces deux assertions, car le ver taché, le ver corpusculeux peuvent l'un et l'autre filer un bon cocon lorsqu'ils ne sont pas gravement atteints. L'éminent membre de l'Institut a étudie séparément ces deux caractères. Premièrement la tache. La tache n'est pas un caractère, un signe certain de maladie. Il faudrait pour cela être sûr que l'insecte taché est mauvais 1. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement tfAlais, n» 38, 1866, VI, p. 517-525. — « Celte réunion, dit le Bulletin, avait pour objet d'entendre les Communications impatiem- ment attendues que l'honorable M. Pasteur, avant de quitter notre ville, avait consenti à faire au Comice sur les principaux résultats de ses patientes recherches concernant l'étude de la maladie des vers à suie. » — Le Compte rendu de celte séance n'a pas été reproduit dans l'édition de 1870. iXote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 433 reproducteur : mais s'il fournil une graine saine, on ne peut pas dire qu'il SOÎ1 malade. Le ver taché n'es! pas nécessairement malade, car il peut donner un très beau papillon e1 un très bon reproducteur. Il n y a pas correspondance entre la tache et les fonctions de génération. Il v a un moment où les vers ont tou- jours des taches; c'est lors de la métamorphose en chrysalides. Mais comme un ver très corpusculeux offre généralement des taches, il est rationnel d'admettre qu'un ver parfait ne devrait pas en présenter. M. Pasteur pense cependant que les vers ont toujours présenté des taches. Secondement les corpuscules. Un ver corpusculeux est-il malade? Oui, répond le savant. En effet, dit-il, un ver corpusculeux est toujours malade, il peut à la rigueur donner lieu à un papillon, mais ce papillon est mauvais reproducteur. Les corpuscules sont donc un signe de maladie; plus de doute à cet égard. Ainsi les corpuscules ont toujours sur la tache cette supériorité d'indi- quer d'une manière certaine la maladie. Et voilà pourquoi des vers non tachés peuvent être malades. De la graine. Des vers non corpusculeux sont-ils sains? Non, ils ne sont pas nécessairement sains, ils ne le sont pas généralement, l'expérience le prouve. Une chambrée sans corpuscules à tout âge est-elle saine? Non, répond encore M. Pasteur. C'est ce qu'ont démontré toutes les observations de cette année. Elles ont établi que les papillons seuls étaient corpusculeux. En général, les corpuscules n'apparaissent pas durant l'éducation, mais on les observe clans les papillons. On ne peut donc pas dire n priori qu'un ver est ou non malade. Ce n'est qu'en examinant son papillon qu'on peut l'affirmer. Si le papillon est corpusculeux, certainement le ver était malade quoiqu'il parût sain ; il faut donc le rejeter comme mauvais reproducteur. Telle est la conséquence qu'il faut tirer des travaux si consciencieux auxquels s'est livré cette année M. Pasteur. Il résulte des expériences faites et répétées bien des fois par ce savant durant sa dernière campagne : 1° Que le papillon sans corpuscules est plus sain que le papillon corpus- culeux. car le ver corpusculeux ne pouvant vivre, on doit admettre que son papillon est malade parce qu'il est corpusculeux : 2° Que dans les mauvaises chambrées les chrysalides même sont remplies de corpuscules; aussi les papillons fournis par ces chambrées sont-ils mous, sans énergie, de mauvaise apparence ; 3° Qu'une belle chambrée peut donner des papillons sans corpuscules, les polvvoltins, par exemple, sont dans ce cas. Les corpuscules ne sont donc pas nécessaires, c'est un accident et non pas un état normal: 4° Qu'une très belle chambrée peut ne donner que des papillons corpus- culeux : 5° Que c'est au moment de la métamorphose et surtout dans le dernier âge de la chrysalide que se produisent les corpuscules. Faut-il proscrire la graine toutes les fois que les papillons sont corpuscu- leux ? Non. l'expérience démontre le contraire. La graine produite pa des ÉTUDES SCI', LA MALADIE DES VERS A SOIE. 28 434 ŒUVRES DE PASTEUR papillons corpusculeux donne souvent une assez bonne récolte, ce qui fait espérer que les couples sains provenant d'une graine corpusculeuse donne- ront des couples moins corpusculeux et même sans corpuscules. En effet, dans toute graine il v a un certain nombre d'oeufs sains, il y a quelques œufs revenant à la santé ; ainsi la graine de papillons corpusculeux peut donner de bons couples. Que faire donc pour avoir de la bonne graine .' Il résulte de tout ce qui précède que pour se procurer de la graine saine, il faut éloigner du grainage tous les papillons corpusculeux. Il est plus facile avec les races japonaises de trouver des couples sains ; cependant, on peut en trouver dans les vers de toutes les provenances, seulement les races indigènes en fournissent rarement. 1 lans la pratique, pour faire de la bonne graine, on met à part des couples, on examine au microscope après la ponte le mâle et la femelle, et selon ce que dévoile cet examen minutieux on sait ce que vaut la graine de chaque couple. Dans la grande pratique, on visite plusieurs chambrées et l'on prend des cocons dans celles qui ont marché de la manière la plus satisfaisante. On soumet un certain nombre de ces cocons à une température assez élevée, afin de hâter la sortie des papillons, sans compromettre leur existence. Ces pre- miers papillons sont examinés avec soin et, si on les trouve sains, on fait grainer le reste des cocons; dans le cas contraire on les étouffe et Ton cherche ailleurs, jusqu'à ce qu'on ait trouvé des cocons convenables. Enfin, si le temps manque pour faire ces observations microscopiques, on peut faire le grainage comme à l'ordinaire, et après l'accouplement et la ponte mettre dans l'alcool les papillons mâles et femelles qui ont servi à faire la graine. Ils se conservent très bien ainsi, ce qui permet de les examiner plus tard à loisir, lorsqu'on veut savoir si la graine pondue par ces papillons est bonne ou mauvaise. Deux expériences fort intéressantes que chacun peut répéter facilement démontrent d'une manière évidente que les corpuscules sont un signe certain de maladie. M . Pasteur, dans le courant de février, alors que les magnaneries désorganisées étaient remplies de paille et de fourrage, suivant la coutume du pays, a recueilli dans ces magnaneries des poussières et des débris de litière. En les examinant au microscope après les avoir finement tamisées, il y a découvert des corpuscules en quantité considérable. Il en a conclu que ces poussières ne devaient pas être sans influence sur la santé des vers. En effet, si l'on prend des vers reconnus sains, qu'on les sépare en deux lots égaux pour les élever à côté les uns des autres, dans les mêmes conditions, mais disposés de manière à ce qu'ils ne puissent se mêler, et qu'on nourrisse l'un des lots avec de la feuille propre pendant qu'on donne au second lot de la feuille saupoudrée une fois par jour avec cette poussière corpusculeuse, on verra bientôt les vers de ce dernier lot périr et disparaître p esque totalement, tandis que ceux du premier lot continuent à se bien porter et parviennent à filer leur cocon. I. effet produit sera plus prompt encore, si au lieu de poussière on emploie de I eau dans laquelle on aura préalablement délavé un ver corpus- culeux. Pour cette seconde expérience, il convient d'élever un troisième lot ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE W:, de vers auquel on donnera de la Feuille humectée d'eau pure aussi souvent que le second lot recevra de la feuille proparée avec l'infusion de ver corpus- culeux. On comprend d après cria ce u,- Pasteur à lu rédaction de l'édition de. 1870.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 437 bien à la troisième, ou bien à la quatrième; s'il survit à la quatrième mue, il se traînera en restant uetil pendant huit, <'iiis. Un seul repas par jour de feuilles salies par ces pous- sières, alternant avec deux ou trois repas de feuilles ordinaires, amène en quelques jours une mortalité qui s'élève à 20. .">0 et 80 pour 100 du nombre total des vers. Développe-t-on ainsi la maladie avec présence des corpuscules? Non, car les vers morts dans ces conditions n'en ont pas présenté. Mais nous savons que l'absence îles corpuscules ne prouve pas l'absence de la maladie. Dans tous les cas, il est sensible que les matières qui composent la poussière des magnaneries sont toxiques pour les vers à soie lorsque cette poussière est très corpusculeuse. En outre, j'ai cru remarquer que l'effet était plus accusé sur les vers déjà malades ou prédisposés à la maladie que sur les vers sains. I . expérience est plus concluante lorsque l'on recouvre les feuilles de gouttelettes d'eau ordinaire rendue trouble par les liquides et les solides du corps d'une chrysalide ou d'un papillon très corpusculeux. Tous les vers soumis à l'expérience ont péri dans l'intervalle de quelques jours. Les mêmes essais répétés, soit avec des poussières minérales, soit avec de l'eau rendue troulilc par les substances qui composent le corps d'un papillon sain, n'ont donné lieu à aucune mortalité qui mérite d'être signalée (*). Lorsque l'on se représente les éducations industrielles telles qu'elles sont conduites, il est difficile de ne pas admettre, d'après les faits qui précèdent, que, dans les chambrées dérivant de mauvaises graines, beaucoup de vers se perdent par le mode d'infection dont je viens de parler. La feuille ne serait pas malade, 1 air que les vers respirent ne serait pas chargé de miasmes délétères; il n'y aurait pas un choléra des vers à soie, ni d'épidémie mysté- rieuse dans ses causes. Un mal pouvant naître dans une éducation quelconque par îles circonstances propres aux éducations ,'-), mal héréditaire par infec- tion congénitale; les crottins des mauvais vers, surtout lorsque ces crottins sont humilies : les débris des cadavres de ceux qui périssent, toutes circon- stances qui accumulent des poussières dangereuses pour la saute des vers, voilà peut-être toute la maladie. 1. J'aurais désiré placer sous les yeux de l'Académie les résultats de cette expérience. M. Peligot voulut bien me remettre un certain nombre de vers ayant accompli leur quatrième mue depuis quelques jours. Après les avoir partagés en plusieurs lots, j'ai donné à l'un d'eux de la feuille humectée avec une eau rendue trouble par les matières du corps de papillons cor- pusculeux; mais aujourd'hui ils vivent encore et se préparent à faire leurs cocons. Les expériences de ce genre que j'ai faites à Alais ont porté sur des vers plus petits et avant la quatrième mue. Est-ce là la cause de la différence de l'essai de Paris et des essais d 'Alais? Je ae sais. Tout ceci sera l'objet d'études approfondies l'an prochain. '■2. J'ai fait des éducations dans des boites de carton munies de leurs couvercles. Tous les papillons ont été corpusculeux. J'ai tout lieu de croire que les mêmes graines élevées à la manière ordinaire avec n nouvellement de l'air auraient fourni beaucoup de papillons privés complètement de corpuscules. 4ii ŒUVRES DE PASTEUR IX. Je suis très porte à croire qu'il n'existe pas de maladie actuelle parti- culière des vers à soie. Le mal dont on se plaint me paraît avoir existé toujours, mais à un moindre degré. J'ai déjà dit qu'il existait sûrement au- Japon, bien que ce pays nous envoie des graines relativement saines. En outre, M. le préfet du Gard ayant bien voulu faire la demande, un peu partout dans son département, d'anciens cocons étouffés, et M. le général Morin, de son côté, avant mis obligeamment à ma disposition des cocons conservés par M. Alcan au Conservatoire des Arts et Métiers, j'ai pu m 'assurer que quelques chrysalides de l'année 1838, époque à laquelle on était encore loin de se plaindre de la maladie actuelle, offraient en abondance des corpus- cules. Aussi ai-je l'espoir que, si le mal est combattu et écarté avec intell i- gence, on arrivera à une situation bien meilleure que celle qui a précédé l'époque antérieure à la maladie. X. En outre, j'ai des motifs sérieux de croire que la plupart des maladies- du ver à soie counues depuis longtemps sont liées à celle qui nous occupe, la muscardine et, peut-être, la grasscrie exceptées. Il ne faut pas oublier que si les éducations d'autrefois étaient à l'ordinaire faciles, régulières et rému- nératrices, elles ont toujours donné lieu à une grande mortalité, ne s'élevant pas à moins de 40 à 50 pour 100 environ, ai-je ouï dire, du nombre total des œufs et des vers à la naissance. Je crois que cette mortalité était pour une grande part sous l'influence de la maladie dite actuelle (4). Le développement des corpuscules altère, selon moi, à des degrés très divers les humeurs et les liquides du corps des papillons. Sans doute ils peuvent assez peu se multiplier, ou se multiplier dans des organes qui intéressent à un assez faible degré la fonction de reproduction pour que la graine des parents corpusculeux ne soit pas malade sensiblement. 11 est vraisemblable, au contraire, qu'il y a tels degrés d'altération des parents qui correspondent à telles ou telles affections ou genres de morts qualifiés anciennement de maladies spécifiques du ver à soie. Voici, par exemple, ce que j'ai observé relativement à la maladie dite des morts-flats, qui a toujours fait de grands ravages, et qui a déterminé, conjointement avec la muscardine, au commencement du siècle, les intéressantes études de Xysten(2). Parmi les échantillons de graines que j'avais préparés l'an dernier, il y en avait un issu de papillons, mâle et femelle, très corpusculeux, pas de façon, cependant, à rendre la graine corpusculeuse ni les vers. Néanmoins, il est mort de ceux-ci 04 pour 100, entre la quatrième mue et la montée, de cette maladie des morts-flats. J'attribue cette mortalité à ce que la graine née de parents corpusculeux était malade au degré voulu pour provoquer la maladie des morts-flats; car il m'est difficile d'admettre qu'un accident inconnu. 1. J'ai vu échouer plusieurs éducations sous l'influence de causes mal déterminées. On aurait attribué volontiers ces échecs à la maladie régnante. Pourtant il n'en était rien. Je suis porté à croire qu'il y a assez souvent des insuccès provoqués par quelque circonstance défectueuse pendant la conservation de la graine, ou à l'époque de l'incubation. Il arrive fré- quemment que l'on met sur le compte de la maladie régnante des échecs qui ont de tout autres causes. 2. Nysten (P. -H.). Recherches sur les maladies des vers à soie et les moyens de les pré- venir; suivies d'une instruction sur l'éducation de ces insectes. Paris, 1808, Imprimerie impériale, 188 p. in-8°. (Xotc de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK d'éducation ait donné lieu ;'i cette maladie, d'autres essais de la même graine placés à côté de celui-ci et conduits absolument de la même manière ne m 'ayant rien offert de pareil. Voici un autre l'ait non moins significatif. Dans les expériences où j'ai vu périr tous les vers qui avaient pris quelques repas de feuilles humectées par les débris du corps de papillons très corpusculeux, si j'avais eu à qualifier le genre de mort qui avait atteint ces vers, sans rien connaître de l'expérience par laquelle j'avais provoqué leur mort, j'aurais dit qu'ils avaient péri de la négrone, car dès le lendemain de la mort, le corps de ces vers était tout noir. XI. Je ne saurais mieux faire comprendre la manière dont je me repré- sente la maladie des vers à soie qu'en la comparant aux effets de la phtisie pulmonaire. 11 s'agit ici, bien entendu, d'effets généraux et de ressemblances dans les résultats. Je ne prétends pas le moins du monde assimiler ces maladies dans leurs natures propres, qui probablement diffèrent beaucoup, l.a phtisie pulmonaire est une maladie héréditaire, mais elle est aussi une maladie que mille accidents peuvent déterminer. Elle est donc, pour ainsi dire, inhérente à l'espèce humaine. En outre, le signe physique des tuber- cules n'apparaît qu'à un certain âge. Provoquez des mariages entre parents atteints de cette alïection, et la maladie fera peu à peu de grands ravages. De même, je pense qu'en pleine prospérité, en partant de la meilleure graine possible, on pourra donner naissance à des vers qui deviendront par accident corpusculeux, sinon les vers eux-mêmes, du moins les papillons. La meilleure de mes graines de l'an dernier, provenant de parents qui n'offraient que de très rares corpuscules, m'a fourni 91 papillons sur 100 absolument dépourvus de corpuscules f1). Les 9 papillons corpusculeux ne l'étaient pas, je crois, par hérédité, mais par accident d'éducation, peut-être par contagion. J'en serais plus sur encore si la graine d'où ils étaient issus avait été produite par des papillons absolument sans corpuscules. Mais la graine totale de 100 papillons, dont 9 sont corpusculeux, pourrait donner une bien plus grande proportion de papillons corpusculeux. surtout si tous les 9 papillons infectés le sont a un degré suffisant pour amener un tel résultat. La troisième génération pourrait être plus infectée encore, et ainsi de suite. Cette circonstance se présenterait d'autant plus sûrement que dans les grainages successifs on ne prendrait aucun soin pour éloigner les papillons évidemment mauvais à la simple apparence de leurs ailes et de leurs corps. Les grainages industriels qui ont été un des effets de la maladie sont ordinairement entaches de ce vice radical, très préjudiciable aux chambrées, et bien fait pour propager outre mesure le mal régnant. XII. Si l'on se reporte maintenant à ma Note de l'an dernier (2), on verra que plusieurs des principes qui me servaient de guide et que je n'avais pré- sentés que sous toutes réserves du contrôle de faits nouveaux, plus nombreux et mieux étudiés, ont aujourd'hui l'appui de preuves décisives : 1. Dans une éducation de la graine d'un couple de race polyvoltine, graine produite en 1806, et dont le mâle et la femelle n'avaient pas du tout de corpuscules, aucun des papillons n'a été corpusculeux. 2. Voir, p. 427-131 du présent Tolume : Observations sur la maladie des vers à soie. (Xote de l'Édition.) 4'.6 ŒUVRES DE PASTEUR 1° La présence des corpuscules clans une graine ou dans un ver est l'indice du mal le plus profond et le plus avancé. Toutes les contradictions qui ont été adressées sur ce point aux obser- vations de MM. Cornalia, Yittadini, Lebert sont dénuées de fondement. 2° L'absence des corpuscules dans un ver ou dans une graine ne prouve pas que ce ver, que cette graine ne sont pas malades. S'il faut condamner une graine, une graine indigène principalement, dont beaucoup d'oeufs sont corpusculeux, il est indispensable de ne prêter qu'une confiance réservée à une graine qui ne contient pas de tels œufs. L'étude de la graine, bonne en soi, n'éclaire donc pas suffisamment 1 éducateur. Une chambrée dans laquelle on ne trouve pas de vers corpusculeux, ou qui n'en offre qu'exceptionnellement, peut échouer comme rendement, et elle se montre très souvent défectueuse lorsqu'on la prend comme source de graine pour l'année suivante. 3° C'est que la maladie, avec présence du caractère des corpuscules, ne s'accuse en général que dans les chrysalides âgées et dans les papillons. Le ver non corpusculeux porte doue très souvent en lui-même la prédis- position qui le rendra très corpusculeux dans la dernière de ses métamor- phoses, celle-même qui intéresse le plus directement sa fonction de repro- duction. 4° Dans aucun cas, les papillons non corpusculeux ne fournissent au nombre de leurs œufs un seul œuf corpusculeux, c'est-à-dire un œuf dont on puisse dire, dès son éclosion, que le ver qui en sort est destiné à périr dans le cours de l'éducation avec tels ou tels des symptômes caractéristiques de la maladie régnante. Tous les œufs corpusculeux proviennent donc de papillons très chargés de corpuscules. 5° La réciproque n'est pas exacte, c'est-à-dire que des papillons chargés de corpuscules peuvent donner et donnent très fréquemment une graine dont les divers œufs ne sont pas du tout corpusculeux. G" Non seulement des papillons plus ou moins chargés de corpuscules peuvent fournir des graines qui n'en contiennent pas, mais, en outre, ces mêmes graines, élevées avec des soins de propreté ordinaires, particuliè- rement en petites éducations, conduisent à des papillons parmi lesquels un plus ou moins grand nombre ne sont pas du tout corpusculeux ('). XIII. En cherchant à déduire des principes qui précèdent, par le raison- nement seul, un moyen pratique de produire de la bonne graine, on arrive, en quelque sorte forcément, au procédé de grainage que j'ai indiqué, car ces 1. J'entends par petites éducations des éducations qui peuvent être quelconques, à la seule condition qu'elles soient dirigées avec ces soins de propreté auxquels je fais allusion, tels que délitages en temps utile, éloignement des poussières, suppression fréquente des vers morts ou mourants, aération convenable. Il faut y joindre une bonne conservation de la graine qui ne doit point travailler, puis s'arrêter, puis reprendre son travail intérieur. Je pense que la graine doit être conservée au froid (cellier au nord dans les hivers ordinaires, cellier plus froid, cave, dans les hivers doux) jusqu'au dernier moment, et sa température graduellement élevée à l'incubation. Il faut y joindre également beaucoup de science pratique dans l'art de conduire les repas au moment des diverses mues. Tout cela avec, beaucoup d'air, c'est-à-dire un air renouvelé, un air non stagnant, comme en procurent de bonnes dispositions de magna- neries pour la ventilation. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE i'i7 principes permettenl d'affirmer que le papillon vraiment sain, bon repro- ducteur par conséquent, est dépourvu de corpuscules. Je parle, bien entendu, de la maladie régnante; un papillon non corpusculeux qui serait issu d'un ver prédispose à la grasserie, par exemple, pourrait être mauvais repro- ducteur e1 fournir une graine dont les vers périraient de la grasserie. J'ai eu une preuve de ce lait cette année. Que manque-t-il doue au procédé auquel je fais allusion pour que je puisse, dés à présent, le propose]- en toute sécurité.' Il lui manque le contrôle des éducations des nombreuses graines que j'ai préparées, en les qualifiant à l'avance par l'examen du corps des papillons d'où ces graines sont issues. J'ai fait déjà quelques éducations de telles graines, obtenues en 1865, dont le résultat a répondu à mon attente. .Mais par les raisons que j'ai fait connaître dans ma Note de l'an dernier l), j'avais trop peu de ces graines à ma dispo- sition, et je dois attendre les données des éducations futures avant de me prononcer définitivement. XIV. Les principes que j'ai posés tout à l'heure me paraissent rigoureu- sement démontres par l'ensemble des observations que j'ai recueillies cette année. Il résulte, en outre, de ees observations des conséquences qui, pour être présentement moins bien étayées par l'expérience, méritent cependant l'attention sérieuse tics savants et des éducateurs. Voici les principales : 1° Les papillons corpusculeux sont d'autant plus malades et mauvais reproducteurs que leurs chrysalides ont été plus tôt le siège de la formation des corpuscules. 2° La maladie actuelle a toujours existé. Il n'y a qu'exagération d'un état de choses en quelque sorte inhérent aux éducations industrielles. Des causes mal connues l'ont développée outre mesure. Cependant il serait facile, par îles grainages pratiqués sans autre intérêt que celui de pro- duire des œufs en abondance, et aussi par des éducations dans un air humide, non renouvelé, de faire naître la situation actuelle, même en pleine prospé- rité. Il est donc bien probable qu'il n'y a rien de mystérieux ni dans la maladie ni dans ses causes. 3° La maladie existe au .lapon, souvent très développée dans telles ou telles chambrées individuelles. Mais tandis qu'il est rare aujourd'hui de trouver en France une chambrée dont tous les papillons ne soient pas cor- pusculeux. il en existe beaucoup de telles au Japon, surtout parmi les chambrées polvvoltines, et dans les autres le nombre des papillons corpus- culeux est relativement faible en général. 4" La mortalité des chambrées avant l'époque de la maladie était déjà en partie sous l'influence du mal actuel. On a donné des noms spécifiques à des maladies qui ne sont que des formes et des effets de la maladie régnante. 5" La mortalité des chambrées à mauvaise graine provient non seulement d une infection de la graine par hérédité congénitale, mais en outre de 1 introduction directe dans le corps des vers de feuilles salies par des pous- sières, des déjections, ou des débris de vers morts très corpusculeux. 1. Voir. p. '427-431 du présent volume : Observations sur la maladie des veis à soie. (Note de l'Édition.) 448 ŒUVRES DE PASTEUR XV. Un mot encore en terminant sur les corpuscules considérés dans leur mode de formation. Si j'avais eu à ma disposition les ressources d'un laboratoire, je crois qu'il m'eût été facile de faire nue analyse élémentaire de ces petits organites, dont on pourrait préparer vraisemblablement de grandes quantités en opérant à peu près comme on le fait pour isoler la fécule des cellules de la pomme de terre. Mes observations de cette année m'ont fortifié dans l'opinion que ces organites ne sont ni des animalcules ni des végétaux cryptogamiques. Il m'a pain que c'est principalement le tissu cellulaire de tous les organes qui se transforme en corpuscules ou qui les produit. Entre les muscles et le tissu cellulaire qui les entoure et les pénètre, on voit quelquefois les corpus- cules faire hernie, tant leur abondance est grande. L'enveloppe des poches plus ou moins volumineuses dans lesquelles, ainsi que je le disais l'an dernier, sont renfermés les corpuscules, est peut-être le plus souvent con- stituée par le tissu cellulaire propre à tel ou tel organe. Les études auxquelles je me suis livré cette année ont exigé un travail considérable qu il m'eût été impossible d'accomplir seul. Un jeune physicien déjà connu par d'importantes recherches, M. Gernez, n'a cessé de me prêter son concours le plus empressé et le plus intelligent. M. Duclaux, jeune chimiste fort exercé, a bien voulu, également, passer quelque temps auprès de moi et m'a rendu d'importants services. C'est à eux que revient une bonne part des observations sur lesquelles s'appuient les données qui pré- cèdent. Je ne dois pas oublier le bienveillant empressement de S. Exe. le minist e de l'Instruction publique à accorder toutes les facilités nécessaires pour leur collaboration, et je suis heureux d'en témoigner ici ma vive recon- naissance. Enfin je ne saurais trop louer M. de Lachadenède, président, et M. Despeyroux, secrétaire du Comice agricole d'Alais, de leur dévouement sans bornes aux intérêts qui leur sont confiés. Je déposerai ultérieurement sur le bureau de l'Académie des tableaux nombreux, faisant connaître tout le détail de mes observations (*). J'espère que l'on sera conduit à leur donner les mêmes interprétations que moi-même: aussi, est-ce avec quelque confiance que j'attendrai les résultats des éduca- tions île ions les échantillons de graines que j'ai préparés cette année. S'ils confirment les idées que je me suis faites au sujet de la nature et de la pro- pagation du mal, j'ai la confiance que toutes les plaintes des sériciculteurs disparaîtront bientôt (-). 1. Voir, au sujet de ces tableaux, p. 454-468 du présent volume : Nouvelle Note sur la maladie des vers à. soie. {Note de l'Édition.) 2. Après la lecture de M. Pasteur, M. Combes demande la permission d'exprimer à son illustre confrère sa reconnaissance pour les beaux travaux qu'il vient d'exposer devant l'Aca- démie. M. Combes est sur d'être le iidèle interprète des populations séricieoles du midi de la France, qui souffrent depuis si longtemps du fléau dont M. Pasteur étudie les causes pour en découvrir le remède. S'il atteint, comme il y a lieu de l'espérer, le but qu'il poursuit avec la sagacité et la persévérance que nous lui connaissons, il ramènera la prospérité dans nos con- tréea des Cévennes, qui sont aujourd'hui réduites à une misère déplorable. Il sera le bien- faiteur de ce pays et aura acquis la gloire la plus pure et la plus durable à laquelle un savant puisse aspirer. M. Dumas, qui a reçu, jour par jour, les témoignages de la reconnaissance respectueuse que le dévouement et la persévérance de M. Pasteur ont inspirée aux habitants d'Alais et des i ' Mimes, se joint à M. Combes et prie l'Académie de décider qu'un nombre assez considé- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 149 NOUVELLES ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE i1) (Complémenl à ma Communication du 23 juillet dernier.) Dans la lecture concernant la maladie des vers à soie, que j'ai eu l'hon- neur de faire à la Commission impériale de sériciculture et à l'Académie au mois de juillet dernier, j'ai présenté le résultat d'expériences tendant à éta-. blir que l'on peut provoquer une grande mortalité dans les éducations de vers nourris avec des feuilles que l'on a recouvertes de poussières sèches ou fraîches, à la condition que ces poussières renferment des débris empruntés à la substance de vers ou de papillons chargés des petits corps désignés sous les noms de corpuscules vibrants, corpuscules de Cornalia J'ajoutais qu'ayant désiré mettre sous les yeux de l'Académie l'une des expériences dont je parle, j'ai prié notre confrère, M. Peligot, qui élève chaque année de petits lots de graines, dans le but de se procurer les éléments de. ses importantes recherches sur la composition du précieux insecte et de la feuille du mûrier, de vouloir bien me remettre quelques centaines de ses vers. Ceux-ci se trou- vaient avoir déjà dépassé la quatrième mue. J'en élevai une partie que je séparai sans choix en trois portions égales de 50 vers chacune. A l'une d'elles je continuai les repas de feuille ordinaire. A la deuxième je distribuai des repas de feuille ordinaire, alternant avec des repas de feuille humectée par de l'eau tenant en suspension des débris du corps de papillons non corpusculeux. Le troisième lot de vers fut élevé de la même façon, avec cette différence essentielle que les papillons dont je viens de parler étaient au contraire choisis corpusculeux. J'ai déjà dit à l'Académie qu'en opposition aux résultats d'expériences que j'avais faites à Alais, les vers du troisième lot ne périrent pas. et firent leurs cocons à peu près aussi bien que ceux du premier et du deuxième lot. La seule différence a été que les vers étaient un peu plus petits, un peu retardés à la montée, de deux jours environ, et les cocons un peu plus faibles que ceux des deux autres lots. Dans le premier lot la montée fut terminée le 20 juillet. Le 25 j'examinai au microscope dix chrysalides de chacun des lots. Voici le résultat de cette étude : ralde d'exemplaires de son Mémoire soient mis à la disposition de l'auteur pour être distri- bués dans le Midi. L'Académie adopte la proposition ("I. 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 26 novemluv lsiii'i. LXIII. p. 897-903. * Cette note ne ligure que dans lea Comptes rendus de l'Académie des sciences. {Xole de l'Édition.) 1 l l I ■ 1 3 SBH l.A MALADIE DES VERS A SOIE. 29 i50 ŒUVRES DE PASTEUR PREMIER LOT DEUXIÈME LOT TROISIÈME LOT (') Repas de feuilles ordinaires Repas de feuilles mouillées avec eau non corpusculeuse Repas de feuilles mouillées avec eau corpusculeuse CHRYSALIDES CORPUSCULES CHRYSALIDES CORPUSCULES CHRYSALIDES CORPUSCULES Ire 0 !''• 0 ]re Foule. 2" 0 2'' 0 2e Ici. 3« 0 3e 0 3» Id. 4" 0 4» 0 4e Ici. 5e 0 5" 0 5e Ici. 6e Très rares. 6e 0 6= Id. 7e la- 7e Très rares. 7e Id. 8e id. 8e Ici. 8e Id. 9e Ici. 9" Ici. 9= Id. 10« Foule. 10e Koule. 10" Ici. 1. Dans ce lot, à la date du 34 juillet, beaucoup de vers étaient encore à l'état de vers et nuu chrysalides dans leurs cocons. Je reviendrai tout à l'heure sur ces observations. Quant aux cocons restants des trois lots, j'attendis que les papillons lussent sortis pour les examiner également au microscope, après les avoir laissés s'accoupler et donner de la graine. Le résultat définitif de ces trois éducations partielles est compris dans le tableau suivant : PREMIER LOT Repas de feuilles ordinaires 42 cocons de bonne na- ture. 3 vers morts. 5 vers perdus. 31 papillons sortis, 1 chrysalide morte lesquels joints aux 10 chrysal. observées le 25 juillet 'font un total de 42 cocons. Papillons et chrysalides, tous ont été corpuscu- leux. — Accouplements satisfaisants. DEUXIEME LOT (au nombre de huit) de feuilles mouillées avec eau de papillons non corpusculeux 40 cocons. Cocons plus forts que ceux du troisième lot. 0 ver mort. 10 vers perdus. 29 papillons sortis, 1 chrysalide morte, lesquels joints aux 10 chrysal. observées le 25 juillet font un total de 40 cocons. Papillons et chrysalides, tous ont été corpusculeux. — Ac- couplements satisfaisants. TROISIÈME LOT Repas (au nombre de huit) de feuilles mouillées avec eau de papillons corpusculeux 45 cocons. Bon nombre de peaux et de cocons très faibles. 1 ver mort. 4 vers perdus. 21 papillons sortis, 14 chrysalides mortes, ou papill. formés mais qui n'ont pu sortir ni de leurs coques de chrysal. ni de leurs cocons, lesquels joints aux 10 chrysal. observées le 25 juillet font un total de 45 cocons Papillons et chrysalides, tous ont été corpusculeux. — Accouplements impossibles en général. — Pas de graine pondue, quelques œufs seu- lement. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 151 Ce tableau joint au précédeni est très instructif. A ue prendre que 1<' résultai brut des essais, c'est-à-dire le nombre total île cocons, les expériences dont je viens de rendre compte ne paraissent pas tout d'abord avoir «le signification bien déterminée; car le lot des vers qui ont eu «les repas de Feuilles mouillées par l'eau tenant en suspension des débris de papillons corpusculeux, et que j'appellerai par abréviation des repas corpusculeux, a donne autant de cocons que les autres, je ne dis pas plus malgré le nombre 45 supérieur aux nombres 40 et 42), parée que les vers perdus ont dû aller faire des cocons hors des paniers respectifs qui les contenaient. D autre part, tous les papillons sans exception, et dans les trois lots, se sont montrés corpusculeux, bien qu'à des degrés divers. Mais l'infériorité du troisième lot. celui à repas corpusculeux, est très manifeste, si 1 on remarque que 14 chrysalides n'ont pu se transformer en papillons, ou que les papillons développés n'ont pu quitter leur enveloppe de soie, ni même leur coque de chrysalide. Cet effet, sans nul doute, était dû à l'intensité de la multiplication des corpuscules dans les sujets de ce lot, qui •Mi renfermaient beaucoup plus que les sujets des deux autres, et surtout que ceux du premier, moins chargés en général que ceux du second. I. influence des repas corpusculeux n'est pas moins sensible dans le pre- mier tableau relatif aux chrysalides, puisque toutes les chrysalides du lot soumis à de tels repas se sont montrées, dès les premiers /Ours de leur forma- tion, chargées de corpuscules à profusion, tandis que moitié seulement des chrysalides des deux autres lots en ont offert et que. là où il y en avait, ils étaient en général très peu nombreux. Quoi qu'il en soit, je ne devais pas accepter comme tout à fait concluantes les expériences que je viens d'exposer, par cette circonstance que tous les papillons des trois lots ont été trouvés corpusculeux. Du moins, les essais précédents auraient une signification bien plus tranchée, si le lot des vers élevés avec de la feuille saine avait fourni des papillons absolument privés de corpuscules, tandis que la feuille préjugée malade n'en aurait donné que de corpusculeux. J'ai donc senti la nécessité de répéter mes expériences dans des conditions meilleures et plus décisives. Durant notre séjour à Alais, M. Gernez avait envoyé à Yalencieiines une petite quantité de graine que nous avions lieu de croire saine. Outre l'étude que nous en avions faite, elle appartenait à l'un de ces cartons rendus célèbres par le don que le Taïcoun en avait l'ait à l'Empereur. A la date du ^11 aoùl dernier, M. Gernez put examiner les papillons issus de ces graines. Aucun d eux ne montra des corpuscules. En outre, il fut constaté que leur graine était bivoltine, c est-à-dire qu'au bout de quinze jours environ elle donna nais- sance à de nouveaux vers, qui furent également élevés à Valencienncs. par les soins de M. Gernez, du 20 juillet à la fin de septembre. Informe à temps par lui de ces circonstances, je le priai de reproduire sur les vers de cette seconde génération les épreuves auxquelles j'avais soumis les vers de M. Peligot, ri de les rendre même plus complètes, en disposant quatre lots au lieu de trois, dans les conditions suivantes : Le premier avec repas de feuilles ordinaires: l.e deuxième avec repas de feuilles mouillées d'eau de papillons non'cor- pusculeux : cette nature de repas a commence après la troisième mue; 452 ŒUVRES DE PASTEUR Le troisième avec repas de feuilles mouillées d'eau de papillons corpuscu- leux, cette nature de repas devant commencer après la troisième mue ; Le quatrième avec repas semblables à ceux du troisième lot, mais devant commencer après la quatrième mue seulement. La comparaison entre le quatrième lot et le troisième devait m'éclairer sur les causes des différences observées entre l'expérience faite à Paris et les expériences faites à Alais; car je soupçonnais que ces différences tenaient à l'âge auquel les vers avaient été mis à l'épreuve de la contagion de la maladie. Les repas d'expériences ont été au nombre de cinq, en cinq jours consé- cutifs, un par jour, intercalés dans des repas de bonnes feuilles. Voici le résultat, assurément remarquable, de ces nouvelles éducations : Le premier lot de vers soumis au repas de feuilles ordinaires n'a rien offert de particulier. L'éducation a été aussi bien que le permettait la saison déjà avancée dans le département du Nord, et sans faire de feu dans la pièce où se trouvaient les vers. Elle a fourni 27 cocons, dont aucun des papillons n'était corpusculeux. Chaque lot avait 40 vers à l'origine. Le deuxième lot (feuilles non corpusculeuses) a donné 19 cocons, dont aucun des papillons n'était corpusculeux. Néanmoins il est sensible que l'humectation de la feuille a nui en quelque chose. C'est du reste un fait con- stant que la feuille mouillée ne convient pas aux vers. Le troisième lot (feuilles corpusculeuses après la troisième mue) n'a fourni que 4 cocons. Un seul de ces cocons a donné un papillon lequel était très corpusculeux ; deux autres de ces cocons renfermaient des chrysalides mortes, dont une était très corpusculeuse, et enfin un ver était mort dans le qua- trième cocon et s'est trouvé également corpusculeux. Le quatrième lot (feuilles corpusculeuses après la quatrième mue seule- ment) a fourni 22 cocons, dont 6 fondus ou peaux à peine formées. La morta- lité a donc été ici beaucoup moindre que pour les vers du troisième lot, mais tous étaient également corpusculeux, excepté 3 vers, morts sous forme de vers dans leurs cocons. Ces résultats confirment ceux que j'ai fait connaître tout à l'heure. Ils expliquent en outre, conformément aux prévisions que j'énonçais il n'y a qu'un instant, l'anomalie apparente que j'avais signalée le 215 juillet devant l'Académie, entre mes essais d' Alais et ceux de Paris sur les vers de M. Peligot. Mais ils empruntent une valeur toute particulière à cette circon- stance remarquable, que les deux lots auxquels on n'a pas donné de matières corpusculeuses n'ont pas fourni un seul sujet corpusculeux, sans nul doute à cause de la qualité de la graine, tandis que, et malgré la supériorité de celle-ci, les deux autres lots, soumis à une alimentation corpusculeuse, ont fourni des vers dont la très grande majorité est devenue corpusculeuse à l'état de chry- salides et de papillons. Il n'y a eu d'exception que pour 4 individus sur 26 qui avaient résisté, et encore ces 4 individus étaient morts trop jeunes pour qu'il y eût déjà développement des corpuscules dans leurs tissus. Enfin, pour ceux qui ont eu après la troisième mue, dans un âge moins avancé, cinq repas corpusculeux, la mortalité (déclarée surtout après la quatrième mue) a été si considérable avant la montée que 40 vers n'ont fourni que 4 cocons, renfermant des individus très malades. En résumé, si l'on se reporte aux expériences que j'ai faites à Alais, et ÉTUDES SUN LA MALADIE DES VERS A SOIE '.53 qu'on les rapproche de celles <[m' je viens il exposer, il est certain que l'on peut déterminer par îles repas <) feuilles eorpusculeuses une grande mortalité, lorsqu'on opère sur les vers dans les premiers âges; qu'en agissant au con- traire sur îles vers qui ont dépassé la quatrième mue, c'est-à-dire sur des individus relativement plus vigoureux, et qui n'ont plus à subir les époques critiques des mues, la mortalité ne s'accuse pas sur eux à l'état de vers ou de chenilles; l'éducation donne des cocons, mais l'infection se décide dans les chrysalides, à tel point que celles-ci peuvent avoir de la peine à se trans- former en papillons, et, dans le cas où elles atteignent cette phase de leur vie, les papillons meurent souvent dans les cocons, ou dans leurs coques île chrysalides, sans avoir la force d'en sortir. On peut aller aussi, ainsi que le constate la troisième colonne du deuxième tableau ci-dessus, jusqu'à l'impos- sibilité presque absolue de l'accouplement et de la ponte, circonstances qui sont, après la mort, les signes les plus accusés de la maladie. D'ailleurs, si l'on considère les pratiques ordinaires des éducations ainsi que les faits que j'ai signalés dans ma lecture du 23 juillet sur la composition de la poussière de certaines magnaneries et sur l'origine de cette poussière, on comprendra que les éducations provenant de mauvaises graines, et qui manquent de très grands soins, sont une source de matières eorpusculeuses répandues sur les feuilles; qu'en conséquence, le genre d'inoculation par les voies digestives, institué dans les expériences qui précèdent, et dont les résultats démontrent l'influence morbifique, n'est pas seulement artificiel et spécial à des essais de laboratoire ; c'est un mode d'inoculation de la maladie régnante que l'on pourrait appeler naturel, inhérent aux éducations de mau- vaises graines, bien qu'il ait échappé jusqu'à présent à l'attention des prati- ciens et des savants. Il est bien propre également, par la nature de ses effets, à fortifier la confiance que peut inspirer le procédé que j'ai l'ait connaître à l'Académie pour obtenir des graines irréprochables. Quoi qu'il en soit, et sans m'étendre davantage sur ce dernier point qui est toujours soumis aux réserves que j'ai introduites dans ma Note du mois de juillet dernier, on peut considérer comme acquis et démontré qu'il est possible de provoquer la maladie sous diverses de ses formes, plus ou moins destructives des éduca- tions, plus ou moins semblables à celles que les éducateurs ont fréquemment sous les yeux, et que ces formes du mal, dans les expériences précédentes, sont en rapport direct avec le développement des corpuscules chez les chry- salides ou chez les papillons. Cela est si vrai que nous venons de reconnaître qu'en opérant sur des papillons réputés sains par les principes mêmes qui me servent de guide, on peut à volonté, en une seule éducation, tantôt amener les vers issus de leur graine à l'un des états les plus graves de la maladie, voire même à une mort certaine, tantôt les préserver de 1 infection. ',:>'< ŒUVRES DE PASTEUR NOUVELLE NOTE SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE. PRÉSENTÉE A LA COMMISSION IMPÉRIALE DE SÉRICICULTURE, DANS SA SÉANCE DU 12 JANVIER 1X67 (i) (Tableaux complétant ma Note du 23 juillet 1866. Dans la Communication que j'ai eu l'honneur de faire à la Commission impériale de sériciculture, au mois de juillet dernier, sur la maladie des vers à soie (2), j'ai plutôt exposé les conclusions de mes observations que ces observations mêmes, et j'annonçais, en terminant, le dépôt de nombreux tableaux qui en feraient connaître les détails. Je viens aujourd'hui satisfai e à cet engagement. Comme l'étendue de ces tableaux n'en permettrait pas la lecture devant la Commission, je me bornerai à présenter aujourd'hui un résumé succinct de chacun d'eux (3). L'esprit dans lequel ces tableaux ont été rédigés et la nature des observa- tions dont ils rendent compte permettront peut-être de mieux juger les motifs que j'ai d'espérer des moyens pratiques, non de guérir, mais de prévenir la maladie. La recherche de remèdes proprement dits ne doit pas être négligée. J'ai commencé quelques études dans cette direction (tableau 23), afin de répondre à l'un des desiderata du questionnaire de la Commission impériale. La connaissance de ces tableaux répondra probablement aux préoccupa- tions des personnes qui peuvent craindre la difficulté d'appliquer en grand le procédé de grainage que j'ai proposé, par la raison que la maladie, suivant elles, serait trop généralement répandue en Fiance. Elles pourront se con- vaincre que. les chambrées de graines japonaises d'importation directe ou de reproduction, et même les chambrées de graines indigènes, offrent quelque- fois, soit la totalité, soit la grande majorité de leurs papillons absolument dépourvus de corpuscules. Le tout est de rechercher et de découvrir ces chambrées, afin de les livrer au grainage. Malgré certaines réserves, qui seront écartées, j'espère, par les recherches que j'effectuerai en 1867, je m'affermis, en effet, de plus en plus dans l'opinion que la pureté de la graine correspond principalement à l'absence des corpuscules chez les papillons, et que, de plusieurs graines issues de papillons corpusculeux, la meilleure ou la moins suspecte provient de ceux dont les chrysalides ont pris le plus tard possible, des corpuscules. En d'autres termes, plus jeunes seraient les chrysa- lides lorsque les corpuscules y prennent naissance, plus mauvais reproduc- teurs seraient leurs papillons. J'ai suivi dans ce travail une méthode nouvelle d'observation que je crois plus propre que toute autre à conduire à des résultats certains. Il me semble que, pour un animal aussi robuste que le ver à soie, ce sont les maladies 1. Messager agricole du Midi, '> lévrier 1867, VIII. p. 13-25. Nous reproduisons ici le texte original paru dans cette publication, en signalant les quelques passages qui ont été supprimés dans l'édition de 1870 des « Études sur la maladie des vers à soie » 2. Voir, p. 536-448 du présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie. 8. La Commission impériale de sériciculture siégeait au ministère de l'Agriculture. Elle était composée, ainsi qu'il est indiqué p. 305-306 du présent volume. [Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 455 d'hérédité qu'il faut le plus craindre et s'efforcer de bien connaître, car celles <[iii iiiiissonl accidentellement dans l'éducation sont toujours plus ou moins faciles à éviter par des soins intelligents. Déterminer, par des expériences multipliées et suffisamment contrôlées, les qualités «pie doivent posséder les chrysalides et les papillons pour fournir de la graine saine, et les meilleurs moyens de leur donner ces qualités, tel est le point de vue qui m'a le plus préoccupé. On a eu le tort jusqu'à présent de vouloir tout déduire de l'étude de la graine. Cette étude peut être fort utile, elle a rendu et rendra encore de grands services : mais elle est incertaine dans un grand nombre de circon- stances, et les soins à donner aux vers deviennent tardifs et superflus si les papillons dont ils proviennent leur ont communiqué, soit des maladies d'héré- dité, soit une prédisposition très grandeà des maladies accidentelles. Portons en conséquence toute l'attention possible sur les reproducteurs eux-mêmes, avec suite et avec l'aide du microscope. L'application de cette méthode four- nira de bonnes graines et facilitera considérablement l'étude scientifique des maladies auxquelles les vers sont sujets. Tableau n" I . — Exemple d'une graine Japonaise bivolline, déjà reproduite neuf' lins h Alais, et dont, les vers ont fourni des papillons qui riaient tous privés de corpuscules. Réussite parfaite. Observation de L08 chrysalides âgées et de 44 papillons sans choix. Neuf éducations successives n'ont pas altéré une graine. Les vers, au moment de la montée, étaient très rarement tachés pour l'œil : à la loupe, ils l'étaient fréquemment, mais d'une façon peu accusée. Les taches étaient plus nombreuses et plus visibles sur les vers prêts à se chrysalider après avoir lilé leur soie. Je n'ai pas trouvé de relation entre la présence de ces petites taches et celle des corpuscules, non plus qu'avec la présence des taches chez les papillons {voir également les tableaux nos 12, 13 et 1'. . Tableau n" 2. — Exemple d'une graine japonaise annuelle, d'importation directe, quia donne des vers dont tous les papillons étaient privés de corpus- cules. Cette éducation a donné lieu, en outre, aux remarques suivantes : 1° Les vers petits, en retard sur les autres, provoquant Y inégalité, ne sont pas nécessairement des vers corpusculeux, et, si l'on suit n part leur éduca- tion, ils peuvent donner des papillons non corpusculeux. 2° Dans l'éducation par la méthode dite à la turque et sans feu, les vers qui résistent ont plus belle apparence et sont, en général, moins tachés que les mêmes vers des éducations ordinaires voir aussi le tableau n" 15). Tableau x" 3. — Exemple d'une graine japonaise bivoltine, d'importation directe, qui a donné des vers durit les papillons étaient, en grande majorité, prives de corpuscules. Une deuxième éducation de 200 vers seulement issus de la graine de ces 456 ŒUVRES DE PASTEUR papillons et faite à Alais. au mois de juillet, a donné des papillons qui étaient également presque tous privés de corpuscules. Tableau n° 4. — Exemple de graine japonaise annuelle à cocons verts, d'im- portation directe, qui a donné des vers dont les papillons étaient, en grande majorité, privés de corpuscules. Tableau n° 5. - — Exemple de graine japonaise verte annuelle, d'importation directe, qui a donne des vers dont tous les papillons ont été très corpuscu- le u.c. L'un des cartons du Taïcoun. La graine était complètement privée de cor- puscules. Pas un des vers examinés pendant l'éducation n'a offert de corpus- cules, même les petits. Voici quelques autres conséquences des observations consignées dans le tableau : 1° Les vers, après avoir filé et avant d'être chrysalides, se sont montrés très tachés et certainement beaucoup plus que des vers de même race pris au. même état de leur vie, et devant donner, au contraire, des papillons privés de corpuscules ; 2° Des papillons peuvent être d'une parfaite blancheur, à ailes bien déployées et fermes, et contenir néanmoins une foule de corpuscules ; 3° Sous le rapport de la beauté extérieure des papillons, on gagne consi- dérablement à enlever les vers de leurs cocons après qu'ils ont filé leur soie et à les abandonner au libre contact de l'air. L'amélioration des reproduc- teurs, qui est manifeste pour ce qui est de la beauté des ailes, s'applique-t-elle à la qualité de leur graine ? Je le crois. Pourtant j'ai besoin de preuves expé- rimentales directes portant sur ces graines elles-mêmes que j'élèverai en 1867. Ces résultats tendraient à confirmer l'opinion que j'ai émise, en 1865, sur l'amélioration possible des races par des soins convenables appliqués aux chrysalides. Mes expériences de l'année 1866 n'ont pu embrasser cette partie du programme que je m'étais tracé en 1865. Tableau n° 6. — Exemple de graine japonaise, d'importation directe, à cocons blancs, qui a donné des vers dont les papillons étaient en grand nombre cor- puscule!/.r, mais dont les corpuscules ne se sont développés que dans les tout derniers jours de la vie des chrysalides. Tableaux0 7. — Exemple de graine japonaise de première reproduction, à cocons blancs, annuelle, quia donné des vers dont tous les papillons étaient très eorpusculeux, et dont les chrysalides l'étaient dès leur jeune âge, c'est- à-dire des les premiers jours de leur formation. L'éducation de 1865 avait bien réussi. La graine que j'ai observé en 1866 ne contenait pas moins de 50 pour 100 d'oeufs eorpusculeux. Echec. Rares cocons. Les vers qui ont fait des cocons n'étaient pas eorpusculeux à la montée ; mais dès que les chrysalides se sont formées, elles ont commencé à devenir corpusculeuses. J'insiste sur ce point, parce que je crois que la tolé- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 157 rance à accorder aux papillons eorpusculeux. considères sons le rapport de la reproduction, esl lice surtout à l'époque de l'apparition des corpuscules ehe/ les chrysalides. Ainsi, l'éducation du tableau n" 6 donnerait des graines bien meilleures que celles du tableau 11° 7, toutes choses égales, c'est-à-dire lors même que la réussite aurait été bonne dans les deux éducations. Discussion sur la cause du développement anticipé ou retardé des corpus- cules dans les chrysalides. 11 faut considérer deux choses : 1" l'influence de la graine, ou mieux le degré de maladie des papillons qui ont fourni la graine l'année précédente ; 2" l'influence de l'infection par les conditions de l'édu- cation, au nombre desquelles la contagion par les voies digestives, ainsi que je l'ai démontré expérimentalement. Tableau n°8. — Exemple de graine japonaise de première reproduction, race verte, qui a donne des vers dont tous les papillons étaient très eorpusculeux, et dont les chrysalides l'étaient des leur jeune âge. Bonne réussite en 1865. La graine observée par moi en 1866 renfermait environ 25 pour 100 d'œufs corpusculeux. Produit, 5 kilogrammes de cocons par once seulement, en 1866. Tableau n° 9. — Exemple de graine jaune indigène, dite de Brives, qui a donne des vers dont les chrysalides se sont montrées en partie corpuseii/euses des les premiers jours de leur formation. Quelques réussites : bon nombre d'insuccès. Les observations dont il est question dans le titre du tableau ont été faites sur des cocons de chambrées réussies ou non réussies. Tableau x° 10. — Exemple de graine jaune indigène, qui a donné des vers dont les chrysalides sont devenues co/pusculeuses plus de huit jours au moins après leur formation. Bien meilleure réussite que pour la graine du tableau n° 12. Réussite très satisfaisante. I. éducateur a vendu pour graine. Les résultats des éducations des tableaux 9 et 10 prouvent que les graines indigènes peuvent se comporter comme les graines japonaises, c'est-à-dire que les corpuscules absents chez tous les vers à la montée peuvent apparaître chez leurs chrysalides dès les premiers jours de leur formation ou dans les derniers jours seulement de la vie des chrysalides. Tableau x° 1 I . — Exemple de graine indigène, à cocons blancs, quia donné des papillons en presque totalité privés de corpuscules. M. X.... du Vigan, a fait élever, en 1866, près de Perpignan, une graine indigène à beaux cocons blancs, dans le but de faire grainer les papillons qui en proviendraient. Portion de la même graine fut, en outre, élevée par lui au Vigan. Celle-ci n'ayant pas réussi, cet éducateur, grand négociant en graines, craignit que la chambrée de Perpignan, malgré sa bonne réussite, ne donnât ',.->* ŒUVRES DE PASTEUR de mauvaises graines et la lit étouffer. Nous allons voir qu'il eut grand tort d'agir ainsi. En effet, il avait vendu les cocons de sa chambrée de Perpignan à un (dateur du Vigan : or, le jour où je visitai la filature de cet industriel, il se trouva que bon nombre de papillons sortaient du tas de cocons, par suite d'un étouffement insuffisant de ces cocons au lieu de leur production. Je m'empressai de recueillir ces papillons et de les examiner. Sur 40, 4 seule- ment lurent trouvés corpusculeux et un seul d'une façon très intense. On voit, par cet exemple, le service «pie l'étude microscopique aurait pu rendre à M. X .le dois ajouter que ces papillons de race indigène ne sont pas du tout les seuls que j'aie trouvés purs. J'ai reçu de l'Yonne 100 papillons d une très belle race blanche indigène, prélevés tout venant dans le grainage. Les 100 papillons étaient tous absolu- ment privés de corpuscules. Même résultat à Anduze. mais on avait ici envoyé presque toute la cham- brée à la filature. Tout le mal est là. Les éducateurs, n avant pas eu jusqu à présent un cri- térium de la valeur de huis cocons, envoient ou n'envoient pas à la filature, sur la foi d'observations vagues, gardant les mauvais reproducteurs, se privant des bons, ou inversement, d'où résulte un pèle-mèle de bonnes et de mau- vaises graines qui prolonge outre mesure une situation déplorable. Tableau x° 12. — Recherche d'une correspondance possible entre la présence ou l'absence des taches au moment de lu montée, et lu présence ou l'absence des corpuscules chez les papillons provenant de ces vers. (Graine japonaise île première reproduction.) Les expériences ont consiste à prélever dans une éducation, dite à lu turque et sans feu, des vers tachés et des vers non tachés à la veille de la montée, et à suivie l'éducation séparée des deux lots jusqu'à la sortie des papillons. Les résultats ont été les suivants : lu Les vers tachés de taches sensibles et visibles à l'œil nu, à leur dernier âge, n'ont pas offert de corpuscules ; 2" Les vers non taches se sont comportés de la même façon ; .'!" Les vers tachés ont donné plusieurs papillons sans taches et plusieurs papillons taches ; 4° Les vers non taches ont donné également, soit des papillons sans taches, soit des papillons tachés (*). La présence des taches chez les vers n'est ni un signe certain qu'ils ont des corpuscules ni un signe certain que leurs papillons en auront. Néanmoins, il resuite de mes observai ions que des vers dont les papillons doivent être corpusculeux sont, en général, plus tachés que des vers de même race, dont les papillons ne sont pas corpusculeux; de même aussi les vers corpusculeux et les papillons corpusculeux ont en général bien plus de lâches que les vers I. Les alinéas précédents depuis : « Les résultats etc.. ■• ne figurent pas dans l'édition de 1870 des a Études sur la maladie des vers à soie ». Note de V Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 459 cl les papillons non corpusculeux ('). Il manque au fa.il de la présence de la lâche le caractère de réciprocité pour qu'elle puisse être un signe certain de [a maladie. Quand la maladie existe, les taches existe il I plus volumineuses et plus abondantes : mais, quand il y a des taches, la maladie accusée par les corpuscules n existe pas nécessairement, suit chez les sujets où on les observe, soit chez ces mêmes sujets à une époque ultérieure de leur vie. Tablbau n" \'A. — Recherche d'une correspondance possible entre la présence des taches chez les vers près de la montée, et la présence des corpuscules chez les papillons qui en proviennent. Les observations ont été laites delà manière suivante : un certain nombre de cocons ont été ouverts et l'on a mis à part, dans des cellules, tous les vers axant déjà filé leur soie, mais non encore transformés en chrysalides, en pre- nant note, aussi exacte que possible, des taches que ces vers présentaient : puis on a attendu la sortie des papillons, que l'on a observés isolément, et pour les taches qu'ils pouvaient eux-mêmes offrir, et sous le rapport de la présence ou de l'absence des corpuscules. Les résultats sont les suivants : 1° il n'y a pas de correspondance nécessaire entre la présence des taches chez les vers et la présence des corpuscules chez les papillons ; 2°jes vers peuvent avoir des taches plus ou moins visibles à l'œil nu et à la loupe et les papillons présenter de belles ailes sans taches. Ainsi, sur vingt vers examinés, deux seulement étaient sans taches, tandis que tous les papillons, sans exception, avaient la plus belle apparence ; trois étaient corpusculeux. Les sujets avaient été élevés à la turque, sans feu (2). Tableau x" 14. — Recherche d'une correspondance possible entre la présence des taches chez les vers et ta présence des corpuscules chez les papillons . — Observations sur les éducations en plein air. Des opinions généralement admises au sujet des petites éducations, des éducations dans les pays éloignés des grandes éducations industrielles, et sur le caractère épidémique de la maladie. Dans la Communication que j'ai faite à l'Académie des sciences, au mois de septembre 18G5 ('), j'ai dit que sur 5 papillons d'une race indigène, qui m'avaient été remis par MM. Rollin et André, d'Anduze, et dont les vers avaient filé leur soie en plein air, où ils avaient passé tout le temps de leur éducation, 4 s'étaient montrés absolument privés de corpuscules, mais que tous les papillons, assez nombreux, qui m'avaient été- remis par M. Laupies, membre du Comice agricole d'Alais, et dont les vers avaient été également élevés en plein air, s'étaient trouvés corpusculeux. Ces deux résultats, si contraires, doivent être certainement attribués à la diiïérenee de qualité des graines qui avaient été élevées en plein air par MM. Rollin et Laupies. Grâce à l'obligeance de M. Rollin, j'ai pu étudier les produits de ses éducations de 1SG6. Ils m'ont offert des particularités très dignes d'intérêt : mais auparavant je dois dire quelques mots des éducations fort soignées de M. Rollin et de la méthode qu'il a systématiquement adoptée. M. Rollin, ancien industriel de Rouen, habite cette ville pendant la plus giande partie de l'année, et se rend à Anduze pour l'époque et pendant la durée des éducations des vers à soie. Un de ses amis élevait chaque année, à Rouen, par distraction, quelques vers à beaux cocons blancs de la race célèbre dite de Valleraugue; M. Rollin transporta à Anduze la graine des papillons de son ami de Normandie, pour l'élever sur les arbres, en plein air, en adoptant les pratiques de M. Martins et de M. de Cha vannes, de Lausanne, et avec- ridée de se servir de la graine issue des papillons formés dans ces condi- tions, pour une petite éducation en chambre, dont la graine, à son tour, servirait aune éducation industrielle. Le projet de M. Rollin est, en outre, de renouveler successivement ce triple mode d'éducation, c'est-à-dire que chaque année il élèverait : 1° quelques centaines de vers en plein air, dont la graine aurait été faite à Rouen (2) ; 2° en chambre, en petite éducation très soignée, quelques grammes de graine issue de l'éducation en plein air de l'année précédente; enfin 3° en grande magnanerie, plusieurs onces de la graine issue de la petite éducation en chambre de l'année précédente. Cette manière de faire est fort bien raisonnée, si l'on prend pour base d'inductions les idées qui régnent au sujet des causes de la maladie. Ces idées conduisent à admettre qu'à Rouen, où il n'existe pas de magnanerie, l'épidémie ne doit pas sévir: qu'en conséquence, la graine qu'on y prépare doit être bonne, et d'autant meilleure même qu'elle y provient de petites éducations, puisque ces mêmes idées régnantes proclament l'influence bien- 1. Voir, p. 137-431 du présent volume : Observations sur la maladie des vers à soie. {Xote de l'Édition.) ■2. Afin d'accroître un peu la quantité de graine présumée parfaite, préparée à Rouen, et pouvoir la distribuer à des éducateurs du Gard, qui voudraient imiter ses pratiques, M. Rollin a provoqué des éducations chez quelques personnes amies habitant Rouen. G'esl ainsi qu'en 1866, il y a eu, dans cette ville, plusieurs de ces très petites éducations pour graine. s 162 ŒUVRES DE PASTEUR faisante et curative des petites éducations pour obtenir de bonne graine. Si nous poursuivons le raisonnement dans cet ordre des idées admises généra- lement, nous reconnaîtrons que cette graine de Normandie, élevée ensuite en plein air à Anduze, doit s'y maintenir avec sa vigueur originelle. Les papillons, enfin, qui en naîtront, fourniront de la graine bonne, laquelle graine, (levée en petite éducation, mais sur une échelle déjà plus grande, en produira 10 à 20 onces. Celle-ci sera toujours assez robuste pour suffire à une éducation industrielle rémunératrice l'année suivante. Les vers, il est vrai, toujours d'après le même ordre d'idées, auront pris la maladie épidé- mique parce qu'on les aura élevés en grande magnanerie et en plein pays d'infection ; mais cela importe peu, puisqu'ils auront pu donner des cocons et qu'on ne leur demandera pas de servir de reproducteurs. Telles sont les vues de M. Rollin, vues judicieuses, je le répète, lorsque, l'on prend, pour point de départ, les opinions généralement admises d'épidémie, de pays infectés ou non infectés, d'influence des petites éducations, de nécessite de grainages originels dans les contrées nord. etc.. Je ne doute pas, d'après les résultats déjà acquis de mes études, qu'un pareil système, suivi avec la persévérance intelligente que M. Rollin y a mise en 1865 et 18GG, ne doive conduire au but désiré par cet éducateur ; mais nous allons reconnaître combien ce système est inutilement compliqué et combien sont peu exactes plusieurs des opinions générales sur lequel il repose (*). Tout est autrement simple qu'on ne le croit, tel est du moins mon avis, et ce qui importe par-dessus tout, nous allons en avoir de nouvelles preuves, c'est d'avoir primitivement une bonne graine, laquelle peut être partout préparée et qualifiée sûrement, à la condition de recourir à l'étude microsco- pique, non de cette graine, mais des papillons qui lui ont donne naissance. Voici les résultats curieux auxquels je suis arrivé en observant, cette année, les papillons des petites éducations de Rouen et ceux des éducations, soit en plein air, soit en chambre, à Anduze. .le n'ai pas eu l'occasion de voir de chambrée industrielle chez M. Rollin. 1° Tous les papillons sans exception des petites éducations de Rouen étaient tics eorpusculeux ; 2" Sur 26 papillons de l'éducation en plein air à Anduze, 8 étaient eor- pusculeux, soit 30 à 31 pour 100 ; 3" Sur 53 papillons de la petite éducation en chambre faite sur ."> gr. 5 de graine environ, lit étaient eorpusculeux, soit également 30 à 31 pour 100. I.a graine de cette petite éducation provenait de celle des papillons de 1 éducation en plein air de 1805, laquelle renfermait des sujets eorpusculeux, ainsi que cela résulte de ma Note à l'Académie du mois de septembre 1865("2). On voit donc que les petites éducations de Rouen, en 1806, ont été plus défectueuses que celles d Anduze de la même année, et que, si Ton n'a pas recours à un moyen sûr de reconnaître la bonne graine, on peut être induit en erreur par les procédés en apparence les plus rationnels. Joignez l'observation microscopique des papillons aux études poursui- 1. Les deux alinéas relatifs aux éducations de M. Rollin ont été supprimés dans l'édition .le 1870. 2. Voir. p. 127-481 du présent volume : Observations sur la maladie des vers à soie. (Notes de l'i ditioii. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 163 vies par M. Rollin, et c'esl bien l'intention de cel intelligent éducateur de le faire dés l'an prochain, depuis que je lui ai donné un moyen simple de reconnaître les bons papillons, et il sera facile d'aller mettre la main sur la bonne graine, d'éliminer la mauvaise, de supprimer I élevage en plein air et de se procurer ainsi les éléments les plus sûrs d'une petite éducation pour -raine (1). Rien de mieux, je le répète de nouveau, que les petites éducations, mais à la condition qu'elles porteront sur de bonnes -raines, reconnues telles par les indications ordinaires, fortifiées des résultats de l'observation microsco- pique îles papillons. Tableau x° 17. — Les "raines f/ui renferment beaucoup d'œufs corpusculeux tiennent des chambrées détestables ; la présence des corpuscules dans un œuf est un signe certain de maladie très avancée. Les preuves de ces faits abondent et confirment les nombreuses observa- tions faites chaque année par M. Cornalia. Dans l'éducation dont il s'agit ici (éducation de quelques mille vers d'une graine réputée pure et envoyée de Shang-Haï par un missionnaire , l'infection a été telle, que les vers prêts à filer leur soie étaient déjà corpusculeux. Il n'y a eu que quelques cocons. Dans les observations qui accompagnent ce tableau, j insiste de nouveau sur la possibilité de déduire, des époques d'apparition des corpuscules chez les chrysalides, une espèce d'échelle de qualité pour la graine résultant des papillons auxquels ces chrysalides donnent naissance. Tableau x" 18. — Educations diverses, en 1866, de graines que j'avais pré- parées en 1865 et i/ui étaient issues de papillons t/ue /"avais examinés sépa- rément au microscope et par couples isolés pour 1/ découvrir la présence ou l'absence des corpuscules. \ oui les principales conséquences auxquelles donnent lieu les observa- tions sur ces éducations, toutes de graines japonaises, à moins que je n'aver- tisse du contraire : i" Les mêmes graines avant été mises à éclore en février et en avril, ce sont celles d'avril qui ont le moins bien éclos. La différence clans les nombres d'œufs qui n'ont pas fourni de vers a même été considérable, au moins dans le rapport de 1 à 5 et davantage. Nécessité d'attribuer la cause de cette diffé- rence à ce que, dans les mois de février et de mars, il y a eu un travail embryonnaire dans les reufs, à cause de la douceur de la température. Au lieu de conserver la graine dans une chambre au nord, suivant la méthode du pays, il aurait fallu adopter un hivernage plus rigoureux. 2U Plusieurs lots de graines indigènes ont éclos aussi bien en avril et O D même mieux qu'à l'époque des éducations précoces de février. • !" Des graines détestables qui renferment un grand nombre d'œufs très 1. r.et alinéas été supprimé dans l'édition de IS7U. {Xote de l'Édition.) 46'. ŒUVRES DE PASTEUR corpusculeux éclosent quelquefois tout aussi bien que celles qui sont relati- vement beaucoup plus saines. 4" Exemples de graines où la non-éclosion avait, au contraire, pour cause le degré avancé d'infection des œufs sous le rapport de la présence des cor- puscules. 5° Des papillons très corpusculeux (mâle seul, femelle seule, ou mâle et femelle ensemble) donnent fréquemment des graines absolument dépourvues de corpuscules; mais il peut arriver qu'avec de tels œufs une mortalité considérable de morts-flats se déclare après la quatrième mue, sans que ces morts-tlats soient le moins du monde corpusculeux. (i" Plus une ponte offre d'œufs corpusculeux, plus il existe de papillons corpusculeux. 7° Plus purs sont les papillons, au point de vue de la présence des cor- puscules, plus grand est le rendement de leur graine en cocons, moins est sensible la mortalité aux mues, plus il y a d'égalité dans l'éducation. En d'autres termes, il parait certain que la graine la meilleure est celle qui est issue de papillons non corpusculeux, toutes choses égales d'ailleurs. Il faut regretter cependant que je n'aie pu mettre ce fait en évidence qu'à l'aide d'une ou deux éducations de pontes isolées. Mais j'ai les éléments nécessaires pour reproduire ces expériences en 1867 sur un nombre considérable de pontes. C'est ici qu'est le pointvif de mon travail. 8" Des papillons chargés de corpuscules peuvent donner des graines non seulement dépourvues de corpuscules, mais de cette graine peuvent provenir des papillons non corpusculeux et en grand nombre. !)" Il y a plus : une ponte dont une foule d'œufs sont très corpusculeux peut, conduire à des papillons absolument dépourvus de corpuscules, de telle sorte qu'en isolant ceux-ci pour les faire pondre à part, on ne peut douter qu'il soit facile de régénérer toutes les races de vers à soie, même les plus abâtardies et qui auraient fourni les plus mauvaises graines. Pourtant cette conclusion ne sera à l'abri de toute critique que s'il est établi, par mes recherches de 1807. que les papillons sans corpuscules, issus de graines détestables, donnent des œufs tout aussi bons que les papillons également privés de corpuscules, mais issus de graines excellentes. Cela me parait certain. Il y a lieu néanmoins d'en rechercher des preuves directes. Tableau x" 19. — Exemples d'échecs absolus dans des éducations [grandes et petites) qui ne peuvent être attribués à la maladie caractérisée par les corpuscules. Beaucoup de travaux sont à faire dans cette direction. Je suis très peu (i\é présentement sur les véritables causes, probablement multiples, de ces échecs. A plusieurs reprises, pendant le cours de mes recherches de cette année, les insuccès dont il est question dans ce tableau m'avaient porté à penser que la maladie régnante n'était pas en relation directe et nécessaire avec la présence des corpuscules chez les papillons reproducteurs, ce qui est pourtant le point de vue dominant de ces tableaux et de toutes mes observa- tions. Mais la multiplicité des exemples que j'ai recueillis où cette correspon- dance n'était pas douteuse et surtout les résultats de mes expériences ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 465 d'inoculation par les voies digestives d'un étal maladif, donnant lieu aux Formes les plus ordinaires des insuccès (les chambrées, et mis en rapport direct avec le développement des corpuscules, me font regarder comme accidentels les échecs dont je parle dans le présent tableau. Quoi qu'il en soit, cl à tous les titres, les causes de celte nature de non-réussites méritent la plus scrupuleuse attention. Tableau n° 20. — Tableaux d'examens microscopiques de graines japonaises d'importation directe, principalement choisies parmi les cartons du Taï- coun, et démontrant que, par/ni ces graines, on en trouée assez fréquem- ment qui sont corpusculeuses. Autres tableaux de graines indigènes ou de graines japonaises de reproduction, d'où l'on peut induire facilement que, dans ces deux dernières sortes, il y a, à /'ordinaire, un plus grand nombre d'œufs corpusculeux . Remarque. — Lorsque les graines japonaises sont privées de corpus- cules, elles ont. en général, une qualité bien supérieure aux graines indi- gènes également privées de corpuscules. Même observation lorsque ces deux sortes de graines contiennent des œufs corpusculeux: c'est-à-dire qu'à égalité du nombre d'œufs corpusculeux, ce sont les graines japonaises qui l'empor- tent. Toutes ces différences tiennent, selon moi, à ce que le nombre des papil- lons corpusculeux au Japon est beaucoup moindre qu'en Europe, ou, s'il est. quelquefois égal, l'époque du développement des corpuscules chez les chrysalides doit être beaucoup plus retardé. Tableau n° 21. — La mal, idie est constitutionnelle dans une foule de cas. Elle existe avant l'apparition des corpuscules. Cela résulte d'un grand nombre d'observations consignées dans les tableaux précédents. La maladie est-elle parasitaire.' Je n'ai sur ce point que des idées préconçues, qui me portent à croire, que les corpuscules sont des organites : 1° parce que la maladie est certainement constitutionnelle dans nombre de circonstances et précède l'apparition des corpuscules; 2" les repas de matière corpusculeuse font souvent périr les vers jeunes sans que, dans le corps de ceux-ci. il y ait des corpuscules: • '•"je n'ai pu. jusqu'à présent, surprendre chez les corpuscules un mode de reproduction; 4° leur mode d'apparition ressemble à une transformation des tissus. Pourtant, je suis très frappé des opinions et des faits énonces par Leydig, professeur à l'Université de Tûbingen, dans divers Mémoires, depuis que ce savant zoologiste a bien voulu me communiquer par écrit quelques- unes de ses observations, adoptées récemment par M. Balbiani. Malheureusement, personne n'a rien découvert de précis au sujet du mode possible de reproduction des corpuscules, et toutes les recherches doivent se concentrer sur ce point très important de leur histoire. Ni M. Leydig, ni M. Balbiani n'ont traité du mode d'apparition des corpuscules, el les faits signalés par M. Lebert ne sont pas confirmés) ' |. Pour moi, voici ce 1. Voir, pour Leydig, Balbiani, Lebert, p. :ii a 38 du présent volume. [Note de l'Êd ÉTUHE< Ml; I v MALADIE !>ES VERS A SOIE. ;J|| .',66 ŒUVRES DE PASTEUR mie j'ai vu. Là où les corpuscules vont prendre naissance, je n'aperçois d'abord qu'un tissu ou une matière amorphe translucide; j'y distingue îles granulations confuses; puis, je soupçonne des formes de corpuscules avant déjà la dimension des corpuscules adultes, mais sans avoir le moins du monde la visibilité de contours, ni l'éclat, ni la liberté d'aller et de venir. 1 a substance se délimite d'elle-même en quelque sorte sur toute sa surface par un dessin de corpuscules presque invisibles d'abord et peu à peu de plus en plus nets dans leur contour ovalaire, se tenant les uns aux autres sans doute par les portions de matière non transformable ou non encore transformée en corpuscules. En d'autres termes, le corpuscule ne m'a point paru du tout être quelque chose qui grandisse, qui soit d'abord un point et qui grossisse ultérieurement. Dans le tissu se dessinent de prime saut des ovales presque invisibles, et ce qui s'accuse et grandit de plus en plus, si je puis m'exprime r ainsi, c'est la netteté de leur contour et la réfringence plus accusée de leur masse. Existe-t-il une liaison matérielle quelconque entre les corpuscules à l'état adulte et ce substratum de la première évolution des globules.' .le ne l'ai jamais aperçue. Il v a un détail de structure des corpuscules à peine appréciable, mais qu'un microscope ordinaire permet cependant de saisir, et qui, jusqu à un certain point, pourrait s'accorder avec les vues de MM. Leydig et Balbiani; c'est une ligne médiane dans le sens du grand axe formant boutonnière, sans avoir cependant jamais la longueur du corpuscule. Je mettrai beaucoup de soins à suivre toutes ces incertitudes des obser- vations dans de nouvelles recherches. Si elles étaient levées en faveur des idées émises par M. Leydig, il resterait à concilier l'opinion, selon moi cer- taine,du caractère constitutionnel de la maladie avec celle du parasitisme qui semble contradictoire de la première. Pourtant il serait possible d'admettre que des papillons corpusculeux donnent lieu à des graines malades, sans que celles-ci soient corpuseuleuses. tout comme des parents atteints d'une maladie spécifique pourraient donner naissance à des enfants maladifs, sans que néanmoins ces derniers présentent la maladie propre de leurs parents. Mais cet état maladif constitutionnel des graines et des vers qui en pro- viendraient serait propre à prédisposer ces vers à devenir corpusculeux à l'âge de la transformation en chrysalides et en papillons. Telle est la manière dont on pourrait se représenter les choses dans la nouvelle opinion (•). Tableau x" 22. — Elude de chrysalides de cocons étouffés à /// exigé un temps considérable sans une grande utilité : trois repas ordinaires, trois repas a température élevée, sucre en poudre, phos- phate île chaux, sulfate tic fer, goudron, térébenthine , lait, vinaigre, feuille jeune, repas 1res multiplies, feuille fermentee, café, coaltar, farine de riz, farine de froment, etc. ; il y avait un seul repas anormal par jour, les autres étaient de feuille ordinaire. On a formé un grand nombre de lots de 10U vers chacun, prélevés tous ilans une même éducation et on les a élevés en associant les feuilles à telles OU telles de ces substances très divisées sous les états solide, liquide ou de vapeur, et on a examine les papillons au microscope. Les résultats offrent quelques points mal définis encore et qui ne donnent (pie quelques indica- tions vagues au sujet de remèdes préservatifs de la maladie. Ce qui frappe le plus à la lecture des observations auxquelles ont donné lieu ces nombreuses éducations partielles, c'est le peu d'influence de ces additions de matières sur la santé générale des vers, bien (pie les repas anormaux eussent été pro- longés pendant toute l'éducation. La plus mauvaise éducation au point de vue de la multiplication des corpuscules chez les papillons a été offerte par le lot élevé à une température sensiblement supérieure à 15 degrés Réaumur sans augmentation du nombre des repas. Les repas avec addition de lait, ceux avec vapeur de térébenthine, ceux avec vapeur de goudron des appa- reils inhalateurs de Sâx(') et ceux avec sulfate de fer ont conduit au plus petit nombre de papillons non corpusculeux. L'éducation au lait n'en a pas offert du tout. Mais je ne puis déduire des résultats de ces éducations aucune conclusion qui me satisfasse, parce (pie le hasard a voulu (pie les vers qui m'ont servi fussent sains: d'où il est résulté que les éducations ordinaires de ces vers ont donné très peu de papillons corpusculeux. Le moindre nombre des papillons sans corpuscules, dans quelques-uns de mes essais comparés. perd donc beaucoup de son importance. Tableau x" 24. — Education avec feuilles recouvertes de corpuscules empruntes aux poussières sèches de magnaneries ou aux débris du corps de vers ou de papillons corpusculeux. Les résultats de ces éducations ont été suffisamment indiqués dans mes lectures à l'Académie du 23 juillet et du 26 novembre - . pour (pi II soil superflu de m arrêter à les résumer ici. .le ferai seulement remarquer (pie. dans quelques-unes des éducations avec repas de feuilles rendues corpuscit- leuses par des poussières sèches de magnaneries, si les repas de cette nature venaient à être suspendus longtemps avant la montée, les papillons provenant des vers qui axaient résiste a ces repas pouvaient n'être pas corpusculeux si la graine originelle était bien saine. L'ingestion des corpuscules n'entraîne 1. .le dois à L'obligeance de M. Sax trois de ces appareils, qui sont, je crois, ce qui a été di mieux imaginé pour répandre des vapeurs en quantité plus un moins grande. •>. Voir, p. i36-448 'lu présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie: et p. 149-453 : Nouvelles études expérimentales sur la maladie des vers à soie. [Xote (te l'Edition.) 468 ŒUVRES DE PASTEUR donc pas forcément le développement de ceux-ci. si on ne la prolonge pas indéfiniment, et alors même que cette ingestion a donné lieu à une grande mortalité des vers à la suite de tels repas. Tableau n° 25. — Examen microscopique des poussières de magnaneries des environs d'Alais. Abondance souvent excessive des corpuscules, particulièrement dans les poussières des magnaneries qui ont renfermé, l'année précédente, de mau- vaises éducations, c'est-à-dire des éducations non réussies. Les tableaux qui précèdent ne renferment pas encore toutes mes obser- vations, mais ils suffisent néanmoins pour appuyer et compléter les conclu- sions de la Communication que j'ai faite, en juin et juillet 1866, au Comice d'Alais, à la Commission impériale de sériciculture et à l'Académie des sciences (1). J'espère qu'ils pourront être de quelque utilité aux éducateurs intelli- gents, dans la campagne prochaine. C'est le motif qui m'a engagé à les sou- mettre dès aujourd'hui à la Commission impériale. OBSERVATIONS AU SUJET DE NOTES DE M. BECHAMP ET DE M. BALBIANI OBSERVATIONS (») AU SUJET D'UNE NOTE DE M. BÉCHAMP RELATIVE A LA NATURE DE LA MALADIE ACTUELLE DES VERS A SOIE L'Académie a renvoyé à l'examen de M. de Quatrefages et au mien une .Note de M. Béchamp insérée au Compte rendu de la dernière séance (3) et relative à la nature de la maladie actuelle des vers à soie. Avant que les membres de la Commission puissent juger en commun cette Note, je prends la liberté d'exprimer mon opinion personnelle. Les assertions de cette Note sont île deux ordres. Les unes sont des vues ii priori sur lesquelles je ne veux présenter aucune observation : en fait d idées préconçues, il est bon (pue chacun s'inspire de celles qu'il croit le plus propres à le conduire à la vérité. Les autres assertions s'appliquent à des laits d'expériences faciles à vérifier. C'est de ceux-ci que je désire entre- tenir un instant l'Académie. 1. Voir, p. 436-'i48 du présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie. 2. Comptes rendus de V Académie des sciences, séance du 20 août 1866, L'XIII, p. 317-319. Cette Note n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870 des « Études sur la maladie des vers à soie ». 3. Béchamp. i tbservations sur la nature de la maladie actuelle des vers à soie. Ibid., séance du 13 août 1866, l.XIII, p. 311-313. (Notes de V Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOU 469 « M. Le Ricque de Monchy, dit M. Béchamp, qui, depuis plusieurs années, s'occupait de l'examen microscopique de la pébrine, était, comme moi, arrivé à la conviction que les corpuscules vibrants avaient pour siège initial l'extérieur de l'œuf et du ver. « Nous choisissions un lot d'reufs donnant des corpuscules par le procédé de M. Cornalia, c'est-à-dire l'écrasement de l'œuf sur la lame porte-objet; puis, au lieu de les écraser, on les lavait dans de l'eau distillée. Dans l'eau de lavage on décou- vrait en abondance les corpuscules. Si, après un lavage aussi complet que possible, nous venions à écraser les œufs, nous n'en découvrions plus. » Sans nul doute il y a des corpuscules extérieurs aux graines, et il peut v en avoir beaucoup. On sait, par exemple, que les liquides de couleurs variables que les papillons rendent sur les toiles ou sur les cartons où on les fait grainer. liquides qui tachent ces objets ainsi que les œufs, sont très souvent remplis de corpuscules en nombre quelquefois incalculable. L'eau de lavage des graines peut donc renfermer une foule de corpuscules, lorsque les papil- lons sont corpusculeux. Et, comme il résulte des observations consignées dans la dernière Note que j'ai lue à l'Académie (*), qu'il v a lieu d'éloigner le plus possible des éducations les poussières qui sont chargées de corpuscules, c'est une bonne précaution, ainsi que M. Dumas le faisait remarquer à l'occasion de mes recherches dans une des séances de la Commission impé- riale de sériciculture, de laver les graines avant l'incubation, pratique bien connue, mais un peu négligée aujourd'hui, et qui avait en outre l'avantage d éliminer toutes les graines auxquelles une avarie quelconque avait donné une pesanteur spécifique qui les faisait surnager. Tous ces points sont donc acquis. Mais l'assertion principale et toute nouvelle de la Note de M. Béchamp consiste, comme je viens de le rappeler, eu ce que les corpuscules des graines leur sont extérieurs, et qu'après avoir lavé ces graines avec soin, elles n'en offrent plus si l'on vient à examiner leur contenu au microscope. C'est là une erreur, et une erreur grave, car elle ten- drait à infirmer la vérité d'une pratique excellente, bien qu'elle soit impar- faite, la pratique de l'observation microscopique des graines, qui constitue, dans l'étude de la maladie des vers à soie, le meilleur et le plus sensible des progrès que la science doive aux savantes recherches de M. Cornalia. En outre, dans la question soulevée par la Note qne je réfute, il ne s'agit de rien moins, comme le dit son auteur, que de transporter le siège initial du mal de l'intérieur de l'œuf du ver à soie à l'extérieur de cet œuf. La diffé- rence est considérable. Par tous ces motifs, la Note de AI. Béchamp méritait une attention sérieuse. Malheureusement, elle est tout à fait controuvée. Il est si vrai qu'une foule de graines contiennent des corpuscules dans leur intérieur, même après le lavage le plus minutieux, il est si facile de le démontrer, que je ne puis me rendre compte île la manière dont l'erreur dont je parle a été commise. Que l'on prenne des graines issues de papil- lons très corpusculeux. qu'on les lave par tous les moyens imaginables et qu on les écrase, les corpuscules apparaîtront au microscope en nombre 1. Il s'agit de la Note du 23 juillet 1866 : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie. I'. 136-448 du présent volume. (Note de l'Édition.) 170 ŒUVRES DE PASTEUR quelquefois très grand, et il v a tel loi dans lequel pas une seule des graines, pour ainsi dire, n'en sera exempte à ce degré, surtout à la veille ou au moment îles incubations. OBSERVATIONS ('I AU SUJET DINE NOTE DE M BÉCHAMP RELATIVE A LA NATURE DE LA MALADIE ACTUELLE DES VERS A SOIE M. Pasteur, absent pendant le dépouillement de la correspondance, prend connaissance de la Communication de M. Béehamp (-), et adresse les obser- vations suivantes : La lecture «le cette Note me confond. M. Béehamp a écrit dans les Comptes rendus (séance du 13 août dernier) : « Quel est le siège initial du parasite? M. Le Ricque de Monchy, qui, depuis plusieurs années, s'occupait de l'examen microscopique de la pébrine, était, comme moi, arrivé à la conviction que les corpuscules vibrants avaient pour siège initial V exté- rieur de Vceuf. Nous choisissions un lot d'oeufs donnant des corpuscules par le procédé de M. Cornalia, c'est-à-dire l'écrasement de l'oeuf sur la lame porte-objet; puis, au lieu de les écraser, on les lavait dans de l'eau distillée. Dans Veau de lavage on découvrait en abondance les corpuscules. .Si, après un lavage aussi complet que possible, nous venions à écraser les œufs, nous n'en découvrions plus. » Et plus loin : « La graine porte les corpuscules à l'extérieur : mieux on l'a lavée, moins on en trouve, si l'on vient, opérant comme le veut M. Cornalia, à écraser l'œuf pour les découvrir. » Est-ce que cette dernière phrase ne redit pas : 1° que la graine porte les corpuscules à l'extérieur; 2° que plus on la lave, moins elle en montre, et qu'en conséquence si on la lavait dans la perfection il n'y en aurait plus!1 Cette phrase n'est-elle pas la répétition de celle-ci : « Si, après un lavage m/s.si complet que possible, nous venions à écraser les œufs, nous ne décou- vrions plus de corpuscules ? » La graine porte les corpuscules 472 ŒUVRES DE PASTEUR manifeste avec plus d'évidence. Le degré de sensibilité du papier influe naturellement sur le résultat, mais particulièrement pour ce qui concerne le papier rouge. C'est seulement parmi les œufs non fécondés, qui ne changent pas de couleur, et que pour ce motif on distingue si facilement au milieu des autres œufs fécondés, que j'ai vu tantôt l'alcalinité, tantôt l'acidité accusées par le papier bleu comme par le papier rouge, sans relation d'ailleurs avec la pré- sence ou l'absence des corpuscules chez les papillons. Les caractères précédents varient un peu, mais en intensité seulement, avec les diverses races de papillons. Pour ce qui est des opinions émises par M. Balbiani sur la nature des corpuscules, bien que je ne les partage pas, j'apporterai beaucoup de soin à les examiner, pour deux motifs : parce qu'elles sont d'un observateur habile, et que je n'ai encore sur les objets qu'elles concernent que des vues pré- conçues, auxquelles je ne tiens pas plus que de raison. Il y a plus : je souhaite vivement que les idées de MM. Balbiani et Leydig(') soient vraies, parce qu'il n'en est pas qui puissent donner une plus grande force aux consé- quences pratiques que j'ai déduites de mes observations. J'ai, en effet, la satisfaction de constater, quant à la production de la bonne graine, point capital pour l'industrie, que tout ce qui a été écrit à l'Académie depuis la lecture de ma Note sur la maladie dite actuelle des vers à soie (2) concourt à établir directement ou indirectement qu'un moyen assuré d'avoir de la graine irréprochable, dans l'état actuel des choses, consisterait à faire grainer des papillons privés de corpuscules. C'est le seul résultat de mes études auquel je tienne particulièrement, et encore ne serai-je assuré de son exactitude définitive, ainsi que je l'ai expliqué devant l'Académie, qu'autant que les éducations des graines que j'ai préparées confirmeront, l'an prochain, mes prévisions. Si je ne crois pas, quant à présent, que les corpuscules soient des para- sites, si je les assimile à des organites, à des globules du sang, à des globules du pus, etc., c'est que je ne les ai jamais vus se reproduire, pas plus qu'on ne voit les globules du sang, les globules du pus, les spermatozoïdes, les gra- nules d'amidon, etc., etc., s'engendrer les uns les autres. Tant qu'on n aura pas démontré le mode de génération des corpuscules, l'idée que ce sont des parasites manquera de base. M. Lebert(3) a figuré, il est vrai, un mode de reproduction; mais je n'ai pu revoir ce qu'il a vu. Je suis tout prêt a me ranger à l'avis du savant qui démontrera qu'il a été plus loin que moi sur la génération des corpuscules, que j'ai cherchée, avec l'idée d'un parasi- tisme possible, sans pouvoir la découvrir. 1. Voir, au sujet des idées de Leydig, p. 620-626 du présent volume. 2. Voir, p. 436-448 du présent volume : Nouvelles études sur la maladie des vers à soie. 3. Lebert. Ueber die gegenwârtig herrschende Krankheit des Insects der Seide. die degenerative Ernâhrungsstôrung mil Pilzbildung, Dystrophia mycetica. Berlin, 1858, in-8°. [Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 473 INSTRUCTION PRATIQUE POUR PRODUIRE DE BONNES GRAINES DE VERS A SOIE i M M. Pasteur va poursuivie ses expériences pendant la campagne de 1867, afin de contrôler les conclusions de celles qu'il a faites en L866. Le nouveau travail que l'on vient de lire (-) doit donc traduire encore sur plu- sieurs points l'incertitude qui accompagne toute recherche scientifique ina- chevée. M. Pasteur est le premier à proclamer qu'il ne possède pas les preuves définitives de ses opinions. Mais, comme il importait beaucoup de gagner une année, et qu'il y a, clans tous les cas, un puissant intérêt à mul- tiplier le plus tôt possible des essais tentés d'après des vues qui, dès à pré- sent, s'offrent avec des caractères nombreux de vérité et de déduction logique, nous pouvons supposer un instant très exactes les vues qui ser- vent de guide à M. Pasteur, et admettre avec lui que le critérium de la bonne graine pourrait bien être, en effet, l'absence des corpuscules chez les papillons reproducteurs. Voyons, dans cette hvpothèsc, et en nous plaçant exclusivement au point de vue pratique, ce qu'il y aurait à faire pour se procurer de la bonne graine pendant la campagne prochaine. Pratiques à suivre pour se procurer de ht bonne graine. Ne nous arrêtons pas aux indications tirées de la marche de l'éduca- tion. Chacun est édifié sur ce point, c'est-à-dire que, suivant les pratiques anciennes consacrées par l'usage de tous les pays séricigènes, il ne faut recher- cher pour le grainage que des éducations qui ont été satisfaisantes. On com- prend, en effet, que si des vers ont souffert, s'il y a eu parmi eux une assez grande mortalité par une cause inconnue, alors même que les papillons pro- venant de leur éducation seraient exempts de corpuscules, ces papillons pourraient avoir une affection cachée héréditaire sans rapport avec la maladie propre à ces petits corps. C'est même une circonstance qui se présente assez fréquemment, ainsi que j'en donnerai des preuves lorsque je traiterai de la maladie des morts-llals. Notez bien l'époque de la montée. Ce sera, si vous le voulez, le 10 juin qu'elle aura lieu pour la presque totalité des vers de votre chambrée. Le 15 juin, allez prélever en différents points, dans la chambrée, vingt cocons ou davantage. Examinez au microscope séparément chacune de leurs chrysa- lides. Je suppose qu'elles n'aient pas de corpuscules. Le 20 juin, refaites le même travail: puis le 25 juin. Supposons toujours que vous ne trouviez pas de corpuscules. Vers le 30 juin, apparaissent les papillons. Nouvel examen sur cinquante (3) de ces papillons pris au hasard. Admettons encore que tous, 1. Messager agricole du Midi, numéro de février 1»;7. VIII, p. 25-28. La Note qui forme cotte Instruction pratique a été soumise à M, Pasteur, qui en a autorisé la publication. 2. Il s'agit de la o Nouvelle Note sur la maladie des vers à soie » (p. 4ô4-'i68), placée dans le Messager agricole du Midi avant cette « Instruction pratique ». 3. Dans le Messager agricole du Midi : « vingt à trente ... (Notes de l'Édition.) \',\ ŒUVRES DE PASTEUR ou presque tous (4), n'aient pas de corpuscules. Alors ayez toute confiance dans la graine que de tels papillons pourront vous donner. Faites grainer toute votre chambrée, si vous le désirez, en procédant au grainage d'après les errements et avec les soins d'autrefois. Enfin, procédez pour elle à un bon hivernage. Généralement les papillons de la fin et de l'origine ont la même proportion. Si l'on craint un mélange ou que eeei ne soit pas, il faut attendre la sortie des derniers. Si. dans vos visites à l'époque des grainages, ou dans les indications qui vous seront données de vive voix, vous apprenez que telle personne est satis- faite et de sa chambrée et de son grainage, et que l'idée vous vienne d'acheter une portion de la graine de ce grainage, comme en fait de papillons il faut se délier des apparences, priez le graineur de vous remettre ses papillons mâles après le désaccouplement et aussi les femelles après qu'elles ont pondu. Exa- minez-en une cinquantaine ou davantage au microscope, et si ces papillons sont en grande majorité privés de corpuscules, achetez en toute confiance leur graine. o Le errainaee dont il s'agit, dont on vous a vanté la beauté des vers, des cocons et des papillons, s'effeetue-t-il loin de vous? Faites de même. Priez qu'on vous envoie par la poste une centaine de papillons après qu'ils auront donné leur graine. Le voyage doit-il être long, craignez-vous les insectes, etc. .' Dites que l'on place les papillons dans une bouteille avec de l'eau-de-vie. Vous pourrez les conserver ainsi pendant plusieurs mois, et bien plus longtemps si vous le désirez. Il faudrait arriver à l'aire le commerce de la graine avec la garantie des papillons. Une objection s'est présentée certainement à votre esprit. Comment faire pour se donner le temps d'envoyer à la filature, si besoin est, dans le cas où il serait reconnu que les cocons sont défectueux pour graine? Au lieu d'agir comme il a été dit tout à l'heure, lorsqu'il était question, non de grainages déjà en train, niais de chambrées, on prélèvera sans choix, de côté et d'autre, dans la chambrée, quelques centaines de cocons, et on les portera dans un local dont la température soit de quelques degrés au-dessus de celle de la chambrée, afin d'avancer la sortie de ces cocons, et ce sera sur ce lot de cocons qu'on fera les épreuves indiquées ci-dessus pour les 15, 20, 25 et 30 juin. Quant aux petites éducations pour graine, tant préconisées et si peu sui- vies, les résumés de M. Pasteur nous apprennent à quelle condition elles peuvent réussir. Rien n'est plus utile que les petites éducations pour graine; mais c'est à la condition expresse que l'on partira d'une bonne graine. Sans doute, on a toujours dit cela, et il n'y a personne à convaincre à ce sujet ; mais M. Pasteur v ajoute le critérium pour reconnaître la bonne graine, sans laquelle les petites educat ions ne sont qu'un moyen propre à favoriser la mul- tiplication des grailles défectueuses. Prenez des pontes appartenant à des papillons mâle et femelle, exempts de corpuscules, et élevez ces pontes en petites éducations. Elles vous donneront d'excellents reproducteurs et nom- breux. Songez qu'avec un seul couple non corpusculeux de nos belles races, 1. Dans le Messager agricole 'in Midi : « par exemple, vingt-cinq sur trente ». {Xote de l'Édition.) c î-1 ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 175 vous aurez, en général, 1 kilogramme de cocons, lesquels ne vous donneront pas moins de 2 à 3 onces de graine. Quoi de plus facile que l'éducation soi- gnée, loin de la magnanerie, dans votre cuisine ou dans votre chambre à C0U- her, d'une ou de deux ou trois pontes dont vous vous serez assuré que les deux, quatre ou six papillons étaient privés de corpuscules! Avez-vous par hasard quelque raison de croire que votre petite éducation \ous a donné des cocons suspects pour la reproduction ? Ayez recours à votre microscope. 11 vous dira exactement à quoi vous devez vous en tenir sur vos doutes. Le microscope vous fait-il peur? Sachez bien qu'en Allemagne, dans beau- coup de localités, il est défendu de vendre de la viande de porc sans la garantie de l'observation microscopique, et que dans les plus petites com- s. moyennant 1 à 2 francs, on se procure, auprès d'une personne dési- gnée à cet effet, un certificat de constatation microscopique. Avez-vous un peu de mauvaise graine d'une race très belle que vous dési- riez régénérer, c'est-à-dire faire pulluler chez vous? M. Pasteur vous dit encore que rien n'est plus facile. Elevez à part quelques centaines d'oeufs seu- lement de cette graine avec de grands soins de propreté. Ainsi, éloignez jour par jour les petits, les morts, les pourris... Garantissez-vous des poussières de vos litières et des poussières des mauvaises éducations. Vous aurez certai- nement des papillons, peu ou beaucoup, n'importe. Comme vous serez parti dune mauvaise graine, la plupart de ces papillons seront mauvais ; mais, comme vous aurez évité autant que possible l'infection par contagion qui résulte des expériences positives de M. Pasteur (Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences. 2f> novembre 18(16 ['] |, il arrivera que parmi ces papillons quelques-uns seront excellents, c'est-à-dire privés de corpuscules. Le micro- scope vous en instruira: mais il est essentiel, pour découvrir ces papillons avec profit, de procéder d'abord par grainage cellulaire. En d'autres termes, vous ferez pondre à part chaque couple en numérotant les cellules, et vous examinerez les papillons des diverses pontes. Conservez alors les pontes des couples non corpusculeux, pour les élever l'année suivante en petites éduca- tions très soignées. Celles-ci vous donneront une abondante récolte de bons cocons reproducteurs. Mais, direz-vous, cette bonne graine s'altérera de nouveau. Que vous importe! Vous avez à votre disposition et le moyen de savoir si elle s'altère et le moyen de la conserver pure par les petites éducations dont il a été parlé en premier lieu. Il y a un point sur lequel M. Pasteur appelle l'attention des éleveurs et qui pourra avoir beaucoup d'intérêt dans l'avenir si l'expérience parle en sa faveur. Convaincu, par ses propres observations sur des cocons étouffés d'avant l'époque de la maladie, que les corpuscules ont toujours été abon- dants chez les papillons, M. Pasteur se demande quel est le degré de tolé- rance qu'on pourrait accorder à îles papillons chargés de corpuscules pour (pi ils fussent jugés propres a faire de la graine rémunératrice, c'est-à-dire Imnnc. industriellement parlant. A cette question, M. Pasteur répond que 1. Voir, p. ii9-453 du présent volume : Nouvelles études expérimentales sur la maladie des vers à soie. {Xote de l'Edition.) 476 ŒUVRES DE PASTEUR toutes les fois qu'une chambrée a été détestable, qu'elle a fourni peu de pro- duit, qu'il y a eu des petits et des petits corpuseuleux, etc., les chrysalides des cocons obtenus sont toujours chargées de corpuscules dès les premiers jours de leur formation. La montée, par exemple, a-t-elle eu lieu le 10 juin, dès le 15 juin vous trouverez 20. 30, 50 pour 100 et davantage de chrysalides avec corpuscules, et ce nombre augmente rapidement les jours suivants. Dans ce cas, la graine issue de tels cocons est absolument mauvaise. Il y a, au contraire, des circonstances où une chambrée, dans laquelle la montée sera faite le 10 juin et dont tous les papillons offriront des corpus- cules le 30 juin, n'offrira pas de corpuscules dans ses chrysalides ni le 15 juin, ni le 20 juin, ni le 22, ni le 25, ou du moins à peine celles-ci com- menceront-elles à en montrer dans ces derniers jours. M. Pasteur pense que c'est dans ce cas, assez fréquent selon lui, que les papillons peuvent encore fournil- des graines industrielles. o Mais, pour le moment et jusqu'à ce que les études se soient assez multi- pliées sur ce point, il est prudent de ne. rechercher pour graines que les chambrées dont la totalité ou la grande majorité des papillons sera privée de corpuscules. Les résumés de M. Pasteur prouvent qu'il est assez facile de trouver de telles chambrées, même parmi les races du pays. LETTRE A M. H. MARES, CORRESPONDANT DE L" ACADÉMIE DES SCIENCES (') Au Pont-Gisquet, près d'Alais, le 1er mars 1SG7. Mon cher confrère. Vous connaissez les opinions qui résultent de mes premières recherches, et combien elles seraient consolantes pour cette belle industrie de la produc- tion de la soie, si les observations qui les appuient présentement se trou- vaient confirmées par des études nouvelles. Le fléau qui ruine depuis tantôt vingt années ces contrées du Midi, autrefois si prospères, aujourd'hui si désolées, serait une vieille affection inhérente à tous les pays séricigènes, presque à toutes les chambrées, aussi loin que l'on aille observer le ver à soie, en Europe ou dans l'Orient, dont personne ne se plaignait quand les produits des éducations étaient rémunérateurs, mais qui n'en existait pas moins, fai- sant de sourds ravages, et, comme le feu qui sommeille sous la cendre, tou- jours prêt à s'attiser par des circonstances diverses. Je pense, en outre, qu'il est facile de le combattre, de l'éloigner même entièrement, au prix d'un examen microscopique simple et rapide dans son application. Enfin, parce qu'il aurait été reconnu dans son origine et dans ses effets, ce mal prétendu !. Messager agricole du Midi, ;, mai 1807, VIII. p. 124-139 (avec 'J'.i tableaux), el Mont- pellier, 1867, typographie P. Grollier, brochure de 40 p. iu-8° (avec 29 tableaux). Nous avons reproduit ici in extenso la Lettre à M. H. Mares, d'après le Messager agri- cole du Midi, il signalé les passages qui ne figurent pas dans l'édition de 1870 des « Études sur la maladie des vers à soie ». [Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 477 terrible, on aurail à l'avenir les yeux ouverts sur lui, de façon à diminuer considérablement jusqu'à l'influence cachée donl je parle, qui a toujours con- tribué à amoindrir la fortune des éducateurs. La sériciculture acquerrail ainsi une prospérité jusqu'alors inconnue; de telle sorte que la maladie actuelle deviendrait l'occasion d'un progrès salutaire. Plus que personne je recherche ce <|ui peut contrarier ces principes, en même temps que je m'efforce de contrôler les faits qui me les ont suggérés ('). Tableau n° 1. ŒUFS CEI FS NUMÉROS D'ORDRE DE MAUVAISE APPARENCE C| DE BELLE APPARENCE inscrits COULEUR sur les cartons Nombre d'œufs Nombre de ceux qui ont ollert Nombre d'œufs Nombre de ceux qui ont offert des cocons examinés des corpuscules examinés des corpuscules A, 161. . . . 3 1 33 Pas. Blancs. A, 162. . . . 3 1 18 Pas. Id. A, 164. . . . 3 Pas. 33 1 Id. A, 564. . . . 13 Pas. 33 Pas. Id. A. 563. . . . 8 Pas. 33 1 Id. B; 2.314. . . . 3 3 18 3 Id. B. 2.311. . . . 3 1 18 2 Id. h'. 2.308. . . . 8 Pas. 33 Pas. Id. Bi 2.324. . . . 3 3 18 3 Id. B^ 2.307. . . . 3 Pas. 33 Pas. Id. B, 2.292. . . . 8 I 33 Pas. Id. B. 2 312. 3 2 33 6 Id. B^ 2.305. . . . 3 I 33 Pas. Verts. B. 3.940. . 3 Pas. 33 Pas. Id. B'. 3.930. 8 1 33 Pas. Id. B^ 3.933. . 4 Pas. 33 Pas. Id. B; 3.951. . 3 1 33 I Id. B. 3.952. 3 1 33 3 Id. B! 3.952. . . . 8 Pas. 33 Pas. Id. B! 3. 958. 3 2 33 2 Id. Bl 3.969. . 3 1 33 1 Id. B^ 3.966. 8 Pas. 33 Pas. Id. B'. 3.950. 3 1 33 3 Id. IL :: 965. 8 1 33 Pas. Id. B! 3.961. . 3 Pas. 33 1 Id. 1. Les œufs dits de mauvaise apparence étaient d ,s œufs rouge brun aplatis, etc. Mes dernières observations leur apportent un appui qui me paraît mériter l'attention des éducateurs éclairés. 1. Le texte et les tableaux suivants jusqu'à : « En jetant les yeux... > (p. 180), ne figurent pas 'lans l'édition de 1870 des « Etudes sur la maladie des vers à soie ». Pasteur, à la plan', a inséré celle note dans son Ouvrage : « Suivent mes observations, déjà reproduites plus haut, sur la recherche des corpuscules dans des chrysalides ou papillons antérieurs aux époques de maladie [Ton-, p. 260-'*:-! du présent volume, à partir de : « M. Piobinet... »] et sur l'état corpusculeux des graines et des papillons d'éducations faites au J^pon, en 1866, mis en oppo- sition avec 1 état corpusculeux des papillons de quatorze grainages indigènes de cette même année [Voir p. 81-85 du présent volume] ». (Xote de l'Édition.) 178 ŒUVRES DE PASTEUR A ce titre, permettez-moi de vous les communiquer. Biles portent princi- palement sur des produits qui me sont parvenus directement du Japon par l'entremise île Son Excellence le ministre de l'Agriculture. Mais, si vous le voulez bien, nous reprendrons tout d'abord les choses de plus haut. Il y avait un grand intérêt à pouvoir comparer le Japon et la Fiance, non seulement sous le rapport de la graine, mais pour les diverses phases de la vie de l'insecte. C'est dans ce but que. il y a un an, j'avais écrit à M. île Monnv de Mornay de vouloir bien soumettre au ministre l'opportunité de la demande d'échantillons de vers, de chrysalides et de papillons, prélevés dans des chambrées japonaises. Ce précieux envoi vient de m'ètre adressé par le ministre de l'Agriculture. Le représentant de la France au .lapon, M. Léon Roches, que chacun se plaît à louer des services qu'il a rendus à la séricicul- ture, avait confié la collection des échantillons à un négociant italien. M. Dell'Oro, honorablement connu par la traduction qu'il a donnée d'un ouvrage primitivement écrit en langue japonaise sur l'éducation des vers a soie, et qui a d'ailleurs acquis une connaissance personnelle des éducations au Japon. Je parlerai dans une autre occasion des vers de cette collection. On y trouve les particularités de ceux de nos chambrées, et j'y vois la confirma- tion certaine des idées que j'ai émises au sujet des taches, des éperons noirs, etc., etc. Tableau ÈTIQUBTTE du flacon : Papillons sains d'une seule éducation. l'.YPILLON N° SEXE ÉTA'I UES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 t, 5 (i 7 S 9 10 11 12 13 14 15 Femelle. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Mâle. Id. Id. Id. Id. 1(1. Id. Id. Très belles ailes, mais foule de petites taches. Belles ailes 20 Pas. 10 Pas. Pas. Pas. 20 10 l'as. 100 10 100 Pas. Pas. 100 Belles ailes Belles ailes Belles ailes Belles ailes Belles ailes, mais courbes et trois liés petites taches. Belles ailes, avec plusieurs très petites taches. Belles ailes sans taches Belles ailes sans taches Belles ailes sans taches Belles ailes, deux taches, corps plombé. . . Ailes courbes, nombreuses très petites taches. Belles ailes couvertes de petites taches, corps plombé . . . Aiies plissées sans taches, corps plombé Cette collection renferme plusieurs lots de chrysalides. 50 chrysalides, prises tout venant dans un de ces lots qui en contenait plusieurs centaines. I' pas offert du tout de corpuscules, excepte uni' seule qui en montrait 200 par champ. Je dirai, une fois pour tontes, ce que j'entends par ces expres- sions : Telle chrysalide, tel ver. tel papil Ion contiennent 10, 20, 100, 200... cor- puscules par champ. Nous savez comment j'opère. Je broie dans un mortier, avec quelques gouttes d'eau soit à peu pies le volume de 10 à 12 gouttes . la ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIF 479 chrysalide, le ver ou le papillon ailes enlevées) : puis je dépose une seule goutte de la bouillie sur la lame de verre, je recouvre de la lamelle, et j'observe, là où les matières grossières de la goutte gênent le moins. Enfin j'évalue approxi- mativement le nombre des corpuscules que je vois dans un champ quelconque. Si j'en vois 200 environ, j'inscris ce nombre à côté du sujet examine. Quand il n'y a pas du tout de corpuscules, j'inscris le mot pas; et, si je suis obligé de chercher dans plusieurs champs, en déplaçant la lame de verre, un ou deux corpuscules, j'inscris : pu 1, pu 2 corpuscules. Ce cas est fort rare. excepté dans l'étude des œufs. Passons à l'examen plus instructif des papillons des grainages japonais de 1866. Afin de ne pas allonger cette Lettre outre mesure, je ne donnerai qu'un petit nombre des observations propres à chaque lot : [Voir les tableaux nos l. 2, 3, 1. 5. Tableau n° 3 (*). Étiquette du flacon : Papillons sains de douze différentes éducations. NOM 11 HE PAPILLON N" SEXE ÉTAT l'Es AILES di*s corpuscules par champ 1 2 :; Femelle. ld. Pas. Pas. Pas. ld. . . . Belles ailes, quatre ou cinq petites taches i ld. Belles ailes, mais un peu courbes, cl di u\ ,) ld. l'as. 20 Belles ailes courbes sans taches 6 Id. ld. Belles ailes sans lâches Pas. Pas. Belles ailes courbes sans taches . . S ld. ld. .... Pas. >t Mâle. Pas. tu ld Belles ailes un peu courbes 211 1 1 ld. ôll 12 ld. /,/. Pas. 13 ld Pas d'indication notée pour les ailes Pas. 14 1,1 /,/ Pas. L5 ld /,/. ô L6 ld /,/ Pas. i; ld. /,/ Pas. 18 ld. ld Pas. 19 ld ld. Pas. 211 ld ld Pas. •21 ld ld Pas. 22 ld. ld. Pas. ■>■; ld. ld. . . Pas. ■>', ld hl . . Pas ■jr. ld ld. . . Pas 26 ld. ld. Pas 27 ld ld. Pas. 2 s ld. ld Pas. 2'.i ld. ld. Pas. 30 ld. ld l'as. Considérons maintenant, et par comparaison, les papillons de nos grai- nages. .le vais t ranscrire le détail des observations «le L4 d'entre eux. J ajoute, 1. Ce tableau *'• trouve résumé p. 90 'lu présent volume. Soie de l'Édition. 480 ŒUVRKS DE PASTEUR ce qui est essentiel à dire, que ce sont I \ grainages d'une seule localité, et les seuls que j'y aie visités. Tous sont des grainages de cocons indigènes, excepté trois. [Voiries tableaux nos 6 à 19 inclus.] En jetant les yeux sur ces tableaux et sur ceux qui sont relatifs aux papil- lons japonais, vous voyez immédiatement la différence qui existe entre les Tableau n° 4. — Etiquette du flacon : Papillons sains d'une seule éducation. PAPILLON N° SEXE ÉTAT DES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 '» 5 6 1 8 9 10 11 12 Femelle. Id. Id. Id. Id. Id. Mâle. Id. Id. Id. Id. Id. Très belles ailes, foule de petites taches . . Belles ailes 20 Pas. 10 Pas. Pas. Pas. 10 Pas. 100 10 100 Pas. Id. Id. Id. Id. Belles ailes avec des taches extrêmement Id. . . Id. . . . . Belles ailes, deux taches, corps plombé. . . Ailes courbes, nombreuses petites taches . . Tableau n° 5. - Papillons malades ETIQUETTE DU FLACON : de diverses éducations. PAPILLON N° SEXE ÉTAT DES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 '. 5 6 8 9 10 M 12 Femelle. Id. Id. Id. Id. Id. Mâle. /n ne voit pas le mal prendre cette inten- sité dans les papillons japonais issus de vers qui se. sont conservés beaux jusqu'à l'époque de la montée; mais au-dessus des vers de ce demi-carton et à côté d'eux, dans la même chambrée, on élevait les plus mauvaises graines indigènes, dont les litières renfermaient considérablement de corpuscules. Je ne puis douter que le magnanier n'ail réalisé à son insu, sur une grande échelle, les ell'ets de contagion que j'ai décrits dans ma Note du 26 novembre L866 à l'Académie des sciences (*). Visitez de telles chambrées, assistez à de tels résultats, et vous direz peut-être que l'air malfaisant qui infecte le Gard pendant les éducations a soufflé sur ces chambrées. Il n'en est rien, pourtant. L'infection a été produite par le magnanier lui-même, qui a eu le tort d'élever une graine issue de papillons Dès eorpusculeux à côté d une lionne graine japonaise. Une objection s'offre sans doute à votre esprit. Je viens de prouver qu en ce qui concerne les graines du Japon, beaucoup de nos chambrées ne sont pas inférieures à celles de ce pays, lorsque les cartons qu'il nous envoie nous le permettent; mais à l'égard des graines indigènes nous sommes peut-être dans l'impossibilité de réparer le mal, puisque les quatorze éducations d une seule localité dont j'ai parlé, pour la plupart de races indigènes, n'ont pas offert un seul papillon qui ne fût très eorpusculeux. Certainement nos graines indigènes sont beaucoup plus affaiblies que celles du Japon; mais vous allez reconnaître qu'il existe des grainages offrant des papillons non moins bons que ceux de ce lointain pays parmi nos races françaises. [Voir les tableaux nos 24, 25, 26.] Il existe donc chez nous, en races du Japon et en races indigènes, des chambrées à papillons privés de corpuscules. Voici seulement la grande diffé- rence entre le Japon et la France : tandis qu'en France, sur 100 chambrées à graine du Japon, la majorité offre des papillons pour la plupart privés de corpuscules, ce qui est également, nous venons d'en avoir la preuve, la situa- lion du Japon, même avec un certain avantage pour ce dernier pays, on trou- verait peut-être 90 à 95, et même plus, dans certaines localités, de chambrées a papillons très eorpusculeux pour nos races indigènes. Mais qu'importe! 11 csl clair que, si peu nombreuses que soient les exceptions, elles peuvent devenir pour nous la planche de salut. Voulez-vous élever tles races japonaises.' il vous sera très facile de ren- contrer des grainages à papillons sans corpuscules. Voulez-vous élever des races indigènes, et c'est le but qu'il faut atteindre, à cause de leur grande supériorité? vous pouvez encore trouver des grainages à papillons prives de corpuscules. Cela est. je ne dirai pas facile, niais possible. Il faudra seulement multiplier davantage vos recherches au moment du grainage, et quand vous aurez une bo • graine, veillez sur elle, évitez de la corrompre par votre 1. Voir, p. 449-453 du présent volume : Nouvelles études expérimentales sur la maladie des vers à soie. (Xote de l'Édition.) 490 ŒUVRES DE PASTEUR Tableau n° 24. — Grainage de cocons blancs (race Sina) PAPILLON N° ÉTAT DES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 4 5 6 n 8 9 10 11 12 0 0 0 0 0 0 0 2.000 0 0 0 0 Id. Id. Id. Id. Id. Ailes plissées, grosse tache Ailes plissées, tombantes Tableau n° 25. — Grainage de beaux cocons jaunes indigènes. PAPILLON N° ÉTAT DES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 0 0 150 100 0 0 0 0 0 0 0 0 Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. . . . . Id. Id. Id. Tableau n° 26. — Grainage de beaux cocons blancs indigènes. PAPILLON N° ÉTAT DES AILES NOMBRE des corpuscules par champ 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Belles ailes sans tache;- 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Id. Id. Id. Id. Ailes courbes et tachées .... Belles ailes, deux petites taches Belles ailes, cinq ou six taches . . Petites ailes, trois petites taches. Ailes courbes, sans taches .... Id. . . . ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIF. 491 faute, faites une petite éducation plus soignée pour graine. Le microscope vous dira, par l'examen des papillons, si vous pouvez compter sur elle. Dans le cas de la négative, renouvelez mis recherches pour vous procurer un bon grainage. Je viens d'avoir l'occasion «le constater qu'il est plus facile que je n'osais le prévoir de rencontrer îles grainages - OQ eu 'i 3 S S -a ** eu S = 3 o" lits vers en re- quatrième mue ux. 3 • » 3 0> V x 2 3 — -3 CU 3 a, y. 0 - = "3 S « X r 3 3 % » *— 3 e ~ ~ 3 « a ce «> -^ 5 eu 3 3 Oh 'S. z V* < 4) CU X - 2 -- — C8 — es O Jl « al s 2 s ce -j eu y. O Cl /. Ch - ! a CU IU 3 ~ V Z = 0 S /. c* en 0 cj p "3 '? a S a. « ? 3 ô 7 ~ 3 -o ?-* |s 1: / •D 0 ce S . "•9 u 0 eu > s = X M u — , Cfl -S - g -eu 3^5 ' s 1 » •5) y ce -j eu 0 3 « ? ï Se £ Oh _5 S. ED ■/. Q O u X ■/. « 0 y eu 3 eu 0 «2 «S 3«3 = 13 O 13 0 X eu Eh O "3 ce a 0 O M 3 0 X 3 O 3 ^ 0 ep ■u 2 P- "= 2 3 -L.-2 0 3 ^ t- S -S « 3 3 cj es O ° ?. cg tu T3 u -3 0 s cy -3 M 3 3 « CJ X x 3 < - < 1/1 cd X X i3 .S u ce c C- 3 0*0 Cm li- ;x — D — Q LO rej co H !» 0) eu eu □ s TJ -3 "3 S 3 en •à X s. X T3 C OJ 01 eu ? S a> ro -* P^ co O 3- ro a. ru re m (N 3 co ro s DO 3 s s 0 0 O t- L. î- o iyD bC hC z En U u Qh a, a "" ?■ X — 1 ^ ■■— ^^- . . /. Efl — 0 ce - Si /. 3 3 S 0 eu 0 TZ] a, "* .2 's a, "2 -— "r1 eS -. u t- ^ 0 CD * g j "™ < «S ■/. CD *3 u I. 3 « * 3 0 Q- 2 a .2 ce ce eu 3 S ? •3 s. X S O -es X x c 0 0 » t. 0 3 » 0 ce" '5 « s. 5 a< u en 3 a, 0 CD -a RJ 3 — «M 0 X £ X X eu X ^3 Z O" O Ntjj -n cj 3 V ™ 0 0 O X O -3 £ -t. a ^ 0) eu "3 X 3 O 3 « 0 M S fl ** ■ Cfl X 0) a, 3 0 772 u X es DO »^ «J eu 3 -3 -S 0 a. a, 0 3 eu -H 0 Z. < U < < CQ pq ■t. 0) c -3 /, C- 3 'CU O 0) CU 0 •§"1 eu 73 tï ce 3 0 O £ -1 QJ 0 X 3 s r s— 1 3 ** O J£ 3 _i =3 a *3 ■f. a, °> a. S — ? / 7 3 U 0 c ce " s 7 tu 5 ■_ /- /. ■_ » ce 0 eu Cfl CJ 0 eu 3 - /. " 3 01 =^ < 3 F- 1 ?" 2h— * 71 O a. Cfl u 3 y. « P '• Oh T3 3 e 8 - /■ " t. '*' 3 "es c- O 0 CJ U -3 > - OJ i - 3 £ S 3 -" 0 ■ l 0 g -= 0 3- — ^ fe £ < 2Q — ï a) < 3 S o J o ..•* CM CM r: 10 * £ '-T CM — ^ CM CM ~" n *. .i eu 0 a 0 0 0 O 0 0 z z z 2 Z Z z Z 194 ŒUVRES DE PASTEUR leurs pontes dans les conditions que je viens d'indiquer. J'élevai ers peintes en 1806. Le tableau n° 27 l'ait connaître quelques-uns de leurs résultats. A l'exception des papillons des couples nos 6 et 24, presque tous les papillons, mâles el Femelles, étaienl donc très corpusculeux. A l'époque où je faisais ces observations, je n'avais pas encore pris l'habitude de noter le nombre approximatif des corpuscules par champ du microscope. Les expres- sions que j emploie dans ce tableau : foule de corpuscules, corpuscules à pro- fusion, devaient correspondre probablement à plusieurs centaines par champ; celle-ci : corpuscules à profusion à des places restreintes, à 10, 20 ou 50 cor- puscules par champ. Autrefois je détachais un fragment des tissus du corps pour rechercher la présence ou l'absence des corpuscules. Tableau n° 28. DÉSIGNATION des pontes NOMBRE des vers séparés après la 4" mue NOMBRE des cocons obtenus NOMBRE des cocons sur 100 vers comptés après la 4" mue OBSERVATIONS 1 Beaucoup d égalité. Pas de N° 6. . . . 89 66 75 (72 après ' la 2e mue). ( mortalité sensible aux mues précédentes. Très peu de mortalité aux N° 24 . . . 44 42 95 mues précédentes. Quel- ques vers gras à la 4e mue. N° 12 . . . 91 41 45 Inégalité et grande mortalité aux mues précédentes. Inégalité aux différentes mues. | Mortalité sensible attribuée N° 21 . . . 82 54 66 ! aux morts-pats avant la ' montée sans la présence des corpuscules. Mortalité avec présence fré- N° 22 . . . 67 36 5i quente des corpuscules avant la montée. 1 Mortalité considérable de la N» 23 . . . 140 51 36 ! 4e mue à la montée sans la 1 présence des corpuscules, attribuée aux morts- flats. N" 15 . . . )) » 54 (après la 3e mue). N° 2 . . . . » » 39 (après la 2e mue). Beaucoup d inégalité et grande ) mortalité aiix diverses mues | avec présence fréquente de corpuscules. 1 Le l'ait de l'existence des corpuscules dans certains œufs des pontes nos 12. 22, 15 et 2, prouve assez que les papillons de ces pontes étaient chargés d'une quantité énorme de corpuscules, puisque nous voyons les pontes 21 et 23 ne pas offrir d'reufs corpusculeux, malgré l'abondance des ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOI] '.95 corpuscules chez les papillons correspondants. \)r la graine corpusculeuse au degré de celle des nos 12. 22. [15], 2. devrait être sacrifiée s'il s'agissait d'éducations en chambrées. Or, quel a été le résultai des éducations do ces couples.' Les meilleures de ces éducations, celles qui onl offert le plus d'égalité dans les vos et le plus grand nombre de cocons, sont les poules 6 et 24, ainsi que le montre le tableau n" 2S. Ce sont également ces pontes qui ont conduit au plus grand nombre de papillons privés des corpuscules [voir le tableau n" 29 . Ces observations sont instinctives à plus d'un titre. Nous voyons abonder les papillons corpusculeux dans les pontes à graines corpusculeuses, et il y a, au contraire, à peu près absence de papillons corpusculeux dans les lots de graines Issues tic papillons peu corpusculeux. D'autre part, nous constatons la présence de papillons corpusculeux en nombre restreint clans les lots de papillons 1res corpusculeux, mais pas assez néanmoins pour donner lieu à des œufs corpusculeux. Les éducations des n05 2i et 23 donnent lieu à une remarque digne d attention. Il y a eu après la quatrièmemue une mortalité considérable sans la présence de corpuscules dans les vers, mortalité «jue j'ai rapportée, dans les deux cas. à la maladie dite des morts-flats . Il m'est difficile de ne pas croire que cette mortalité s'est trouvée liée à la présence des corpuscules chez les papillons producteurs de ces pontes. En d'autres termes, je suis disposé à admettre «pie si des papillons sont très corpusculeux, pas assez néanmoins pour donner lieu à des œufs corpusculeux, l'affaiblissement qui en résulte dans leurs œufs est tel, qu'avant la montée il peut v avoir une grande mor- talité. Mais je suivrai cet aperçu dans mes recherches de cette année. Tableau n° 29. NOMBRE NOMBRE NOMBRE DÉSIGNATION l'Es PONTES des papillons observés des papillons non corpusculeux des papillons corpu sculeux N" 6 . 49 48 1 N° 1! '. 89 80 9 N" 12 . 24 14 10 X» 21 . 45 36 9 N" 22 31 9 22 N° 23 . 32 29 3 N» 15 . 70 57 13 N°2 . 19 6 13 Ce qu il importe le plus particulièrement de noter en ce moment, c'est le nombre considérable de papillons privés de corpuscules dans les lots des pontes des papillons très corpusculeux. voire même dans ceux des papillons qui avaient fourni des œufs corpusculeux. Tels sont les nos 2, 12, 22. Ce résultat est des plus consolants, e1 c'est ce qui m'a fait dire que l'on pourrait partir de la plus mauvaise graine et en tirer des reproducteurs sains, si tou- tefois ces papillons non corpusculeux, issus de papi '" ï ' 496 ŒUVRES DE PASTEUR mollirent tout de suite des reproducteurs d'aussi bonne nature que les papillons non corpusculeux appartenant à de bonnes éducations. Il n'est pas douteux que les graines des n"s 12, 21, 22, 23, 15, 2, auraient complètement échoué en chambrée, et que les rares cocons qu'elles auraient produits n'auraient fourni que des chrysalides et des papillons corpusculeux. D'où Ment qu'avec ces graines j'ai obtenu un grand nombre de papillons non corpusculeux ? J'attribue ce résultat à ce que, en petites éducations soignées, on supprime l'infection par contagion et l'influence plus ou moins affaiblis- sante de l'encombrement. La petite magnanerie où je faisais mes essais avait été nettoyée, lavée, blanchie à la chaux, et les planches passées au sulfate de cuivre par crainte de la muscardine. On ne balayait jamais; on se bornait à nettoyer le plancher avec une éponge très humide pour enlever la poussière. Les vers étant dans des paniers, il était facile de déliter au dehors. Enfin, chaque jour on éloi- gnait les vers morts ou mourants. Quelle a pu être la part d'influence de ces soins sur les résultats des éducations? Je l'ignore, à dire vrai: mais ces résultats mêmes autorisent à croire qu'elle a dû être très sensible. Dans tous les cas, ce sont là des précautions vulgaires à la portée de tous. Tout édu- cateur peut élever pour graine dans des paniers, loin des poussières dange- reuses des mauvaises éducations (l). Je terminerai par une observation qui pourrait prendre à l'avenir quelque importance si de nouveaux faits venaient à l'appuyer. Je viens d'examiner deux lots de graines préparées par moi en 1866, issues des mêmes cocons; mais, pour le premier lot, les cocons avaient été ouverts aussitôt après cpie le ver avait filé sa soie et alors qu'il se trouvait encore sous forme de ver. Or, les graines de ce lot ne sont pas corpuscu- lcuses, tandis que celles de l'autre lot, provenant des cocons traités à la manière ordinaire, le sont beaucoup. Ce fait demande à être suivi et contrôlé avec le plus grand soin, car il pourrait conduire à un moyen fort simple d'empêcher le développement exagéré des corpuscules clans les chrysalides et dans les papillons. Je n'entends pas dire que ces graines non corpuscu- leuses donneront de bons produits ; mais tout au moins il semble que l'artifice dont je parle ait influé sur la marche du développement des corpuscules dans la chrysalide. Vous vous souvenez peut-être cpie j'avais présumé, dans ma Note du 25 septembre 1865 ("2), cpie l'on pourrait essayer de combattre la maladie en s'opposant, par quelque artifice, à la production des corpuscules dans les chrysalides et dans les papillons. En 1866, je n'ai pu suivre ce point de vue comme je l'aurais désiré. Le fait que je viens de signaler donnerait-il quelque espoir de réussir dans cette voie en provoquant, par une influence exté- rieure, des modifications chimiques clans le genre de vie de la chrysalide? Voilà, mon cher confrère, une lettre dont la longueur n'est guère excu- sable que par l'intérêt palpitant du sujet et par la nécessité, à la veille de la campagne qui va s'ouvrir, d'engager les hommes éclairés à mettre à l'épreuve 1. La fin de la Lettre, à partir d'ici, jusqu'au Post-scriptum, n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870. 2. Voir, p. W7-431 du présent volume : Observations sur la maladie des vers à soie. (Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIF. DES VERS A SOIE 497 des pratiques industrielles les indications auxquelles j'ai été conduit par mes études antérieures. 11 faut que l'année 1867 soit la dernière à entendre les plaintes des édu- cateurs. Mettons-nous donc à l'œuvre résolument et ayons confiance. Veuillez agréer, mon cher confrère, l'assurance de mes sentiments bien dévoues. L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. Postscriptum : Xo/e sur la structure des corpuscules des vers à soie. — I >ans la Note sur la maladie des vers à soie communiquée, au mois de janvier ISli7, à la Commission impériale de sériciculture el insérée dans le numéro de février du Messager agricole du Midi (* , j'ai indiqué l'existence sur les cor- puscules dune ligne médiane, en forme de boutonnière dans le sens du grand axe. Un microscope suffisamment puissant et net permet de mieux voir qu'une ligne confuse: on distingue parfaitement un ovale très régulièrement dessine, et toute la portion qu'il délimite est plus brillante que le restant du corpuscule. Sous l'influence des vues de MM. Leydig et Balbiani, je me demandais si cet ovale ne serait pas le contour d'une fente ou ouverture par où s'échap- perait une matière propre à reproduire les corpuscules. Il n'en est rien. Cette ligne ovalaire n'est autre chose que le contour d'un noyau propre à chaque corpuscule, ayant exactement la forme de ces derniers. 11 est facile de mettre en évidence les noyaux par divers réactifs, notamment par l'iode. .Maigre la netteté parfaite de la délimitation de leur contour, ils paraissent quelquefois, pour un certain foyer, comme s'ils étaient lobés. Ces noyaux intérieurs s'échapperaient-ils à tel ou tel moment et seraient-ils des noyaux reproducteurs.' Je n'ai encore rien pu distinguer de semblable. Quoi qu'il en soit, il me parait utile d'appeler l'attention des mierographes sur ce détail intéressant de la structure de ces petits corps (-). Il n'est que juste (3) que je déclare ici que je dois la première observation de ces noyaux à un micro- scope qui ma été livré par M. Hartnack. La structure des corpuscules est donc plus compliquée que je ne lavais cru jusqu'à présent. Bien ) Alais. 24 avril 1867. Vous savez que jusqu'à présent j'ai considéré les corpuscules des vers à soie, dits de Cornalia, comme des organites que l'on devait ranger à côté de tous ces corps réguliers de forme, mais ne pouvant s'engendrer les uns les autres, tels que les globules du sang, les globules du pus, les granules d'amidon, les spermatozoïdes, que les physiologistes désignent sous le nom à' organites. Cette opinion, partagée par beaucoup de personnes très auto- risées., s'appuyait principalement sur l'impossibilité de saisir un mode quel- conque de reproduction des corpuscules par voie de génération directe, soit par bourgeonnement, soit par scissiparité, M. Leydig (3), dès 1853, avait assimilé les corpuscules à des psorosper- mies, et cette opinion a été soutenue récemment par M. Balbiani (4). Comme 1. Voir, p. 454-468 'lu présent volume : Nouvelle Note sur la maladie des vers à soie. 2. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 29 avril 18G7, LXIV. p. 835-830 . Cette Lettre n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870. 3. Leydig (F.). Zur Anatomie von Coecus hesperidum. Zeitschrift fur voissenschaftliehe /oolofjie, V, 1854, p. 1-11 (6 ti^.). i Balbiani. Recherches sur les corpuscules du la pébrine et sur leur mode de propagation. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1.XI1I. L866, p. 388-390. {Xotes de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 499 ers parasites ont, paraît-il, un mode de génération exceptionnel, qui n a rien de commun avec ceux que je viens de rappeler, j'ai dû chercher à contrôler les descriptions de M. Balbiani. Je n'y ai poinl réussi : mais ces études nou- velles m nul (illcil l'occasion de constater rigoureusement la génération des corpuscules par scissiparité, tout au moins dans les circonstances que je vais indiquer. Lebert l), en 1856, avait admis l'existence de ce mode de génération des corpuscules, tout eu n'étant que médiocrement satisfait lui-même de ses preuves, et, depuis lors, personne à ma connaissance n'avait pu voir le nombre considérable de corpuscules en voie de division . 470-498 et p. 454-i68 du présent volume. (Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 503 corpuscules n'est pas la seule qui ait amené les souffrances île la sériciculture. Une fois éloignée par les moyens que j'indique, tous les insuccès ne seront pas écartés : mais permettez-moi de remettreà une Communication ultérieure l'exposé îles faits qui m'obligent à vous soumettre, en terminant, ces reserves. D'ailleurs mes recherches se poursuivent dans cette nouvelle direction ('). Je serais heureux que cette Lettre vous parût mériter d'être rendue publique, car je me crois autorisé, par les observations qui précèdent, et dont l'exactitude est indiscutable, à former le vœu que lés éducateurs confectionnent le plus tôt possible, et sur une immense échelle, une multitude de lots de graines, en suivant le procédé dont j'ai parlé, et qui se résume dans cette double prescription : ne faire grainer que des chambrées Ires réussies et dont la grande majorité des papillons, sinon la totalité, sera exempte de corpus- cules. J'aiprouvè ailleurs qu'il en existait de telles et en bon nombre, particu- lièrement dans les localités qui produisent encore des graines saines. SL"R LA MALADIE DES VERS A SOIE LETTRE A M. Dl'MAS (3) Alais, le 21 mai 18t>7 [LETTRE A M. LE RÉDACTEUR DU COURRIER DU GARD] (3) Alais, le 13 juin 1867. Monsieur le Rédacteur, Permettez-moi de recourir à la publicité de votre journal pour adresser aux éducateurs de vers à soie une prière dont ils pourraient tirer un utile parti en ce moment. Vous savez que l'ensemble de mes observations sur la maladie des vers à soie se résume dans ce conseil, qu'il est indispensable de rejeter tous les grainages dont les papillons seraient en majorité chargés de corpuscules, et que les meilleurs lots de graines sont ceux qui proviennent de chambrées réussies, dont les papillons sont, au contraire, pour la plupart, exempts de ces petits corps. Je crois que. pour les grainages de race japonaise, il est bon de ne tolérer ipie 20 pour 100 de papillons corpuseuleux, et un moindre 1. La Communication ultérieure que j'annonçais à M. Dumas est reproduite intégralement [p. 196-202 du présenl volume . Elle a paru dans les Comptes routas de l'Académie des sciences, séance du 3 juin 1867, LXIV, p. 1113-1120 [sous le titre : Sur la maladie îles vers à soie. Lettre à M. Dum 2. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 3 juin 1867, LXIV. p. 1113-1120. Cette Lettre se trouve reproduite p. 196-202 du présent volume {Note de l'Édition.) 3. Cette lettre a été publiée dans le Messager agricole du Midi, 5 juillet 1867, VIII, p. 216-218. Elle n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870. iXote de l'Édition.) 504 ŒUVRES DE PASTEUR nombre s il s'agit de races indigènes. C'est une pratique des plus faciles à suivre, et, pour le mieux prouver, je me suis amusé à dresser une petite fille de huit ans à rechercher seule e1 sans aide les papillons placés dans l'une ou dans l'autre de ces catégories ; aussi ce mode de sélection est-il appliqué en ce moment par un grand nombre de personnes. En se généralisant, il rendra un service immense à la sériciculture. Personne ne peut en douter, car il est parfaitement certain, d'après mes observations, que, dans aucun cas, des papillons privés de corpuscules ne donnent un seul œuf qui en possède. Il n'est pas moins exact, d'autre part, qu'il existe, à la veille de chaque cam- pagne séricicole nouvelle, une infinité de lots de graines chargées de corpus- cules et qui conduisent à des échecs nécessaires par le fait de la présence de ces petits corps, indépendamment de tout autre motif. II résulte de là, et avec la clarté de 1 évidence, que, moyennant une observation microscopique d'une heure ou deux, et qui n'oblige à aucune dépense quelle qu'elle soit, il est à la disposition de tous les éducateurs d'éliminer de leurs éducations de l'an prochain une foule de lots de graines, voués fatalement à des échecs absolus. Sans doute, ma dernière Lettre du 21 mai à M. Dumas (*), et que vous avez eu l'obligeance de reproduire, a révélé l'existence de deux mala- dies indépendantes, et démontré qu'en prévenant celle des corpuscules on n'est pas sûr absolument du succès; mais lorsque l'on court deux dangers, c'est beaucoup d'avoir déjà la certitude que l'on échappera sans crainte à l'un d'eux. Malheureusement, les pratiques nouvelles, quoi qu'on fasse, se répandent lentement; d'ailleurs les fabricants de microscopes n'ont pu suffire, dans ces derniers temps, à toutes les demandes. Dans cette occurrence, je viens prier les éducateurs qui n'auront pu se renseigner préalablement sur la valeur de leurs grainages, de façon à envoyer à la filature tous les cocons suspects, de vouloir bien conserver dans des boîtes de bois ou de carton, voire même dans des cornets de papier (où ds dessécheront rapidement), les papillons qui auront servi à faire la graine de leurs éducations de l'an prochain. Pour chaque grainage déterminé, il suffira de mettre de côté une centaine de papillons, mâles et femelles, pré- levés sans choix. Ce sera toujours chose facile pour les éducateurs de faire observer ces papillons d'ici à l'an prochain, avant les éducations d'avril 1868. Je ne pourrais pas promettre de me charger personnellement du travail de I examen tics papillons de tous les grainages qui se pratiquent en ce moment; pourtant je ferai ce qui dépendra de moi, et tout éducateur ou graineur peut m adresser ses papillons, soit à Mais, soit, de préférence, à Paris, à la condition de joindre à l'envoi son adresse exacte, l'indication de la race, du poids des cocons livrés au grainage, des renseignements sur la réussite de la chambrée, et, s il y a lieu, une note au sujet de l'origine de la graine qui aura produit la chambrée. J'avais conseillé, antérieurement, l'emploi de l'esprit de vin pour conserver les papillons. C'est une petite dépense qu'il vaut mieux supprimer. Les papillons desséchés conviennent très bien à l'examen microscopique, après qu'on les a broyés dans un mortier avec quelques gouttes d'eau. Les 1. Voir celle Lettre, p. 196-202 du présent volume. (Note de l'Édition.) I II DES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 505 corpuscules s'j distinguent beaucoup mieux que dans ceux qui ont été dans l'alcool pendant longtemps, où ils perdent un peu de leur netteté. J'ajoute qu'il Faut éviter l'usage des boîtes de fer-blanc, et eu général les boites qui s'opposent à la dessiccation : les papillons peuvent s'y putréfier. Les observations des papillons de tous ces grainages montreront aux éducateurs qu'il existe partout, en plus ou moins grand nombre, des cham- brées réussies, à peu près privées de la maladie des corpuscules. Hier, encore, j'écrivais à M. le préfet du Gard, dont la sollicitude est toujours en éveil sur la malheureuse situation des éducateurs, que des cocons de race indigène, d'une très bonne chambrée, qu'il avait soumise à mon examen, étaient, à peu près sans exception, dépourvus de corpuscules. Les graines issues de telles chambrées, une fois qu'elles seraient connues des éducateurs, pourraient être surveillées avec des soins particuliers et devenir la source de reproducteurs privés de la maladie des corpuscules. Cela n'est plus douteux, depuis la connaissance des faits nouveaux que j'ai signalés à M. Dumas, dans ma Lettre du 30 avril dernier | l . Il serait désirable (pie vos collègues de la presse des départements séri- cicoles voulussent bien porter cette Lettre à la connaissance de leurs lecteurs. Veuillez agréer, Monsieur le rédacteur, l'assurance de mes sentiments de haute considération. L. Pasteur. LETTRE A M. DUMAS (») Alais. le 15 juin 1867. [SÉANCE EXTRAORDINAIRE DU 24 JUIN 1867 DU COMICE AGRICOLE D'ALAIS] (») Mon but unique, dit M. Pasteur, a été depuis trois ans d'étudier la maladie dite des corpuscules, et pas autre chose. Je crois avoir réussi. Connaître une maladie, c'est, par exemple, pouvoir la donner et pouvoir la prévenir à volonté : si je ne me trompe, je puis envisager avec confiance ces deux laces de la question . Mais tout d'abord, qu'est-ce que la maladie des corpuscules .' Le corpus- cule est peu connu en lui-même. Heureusement sa nature nous importe médiocrement : c'est sa présence, ce sont ses effets qui doivent particulière- ment nous intéresser. 1. Voir, p. 500-503 du présent volume : Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas. 2. Messager agricole du Midi, 5 juillet 1867, VIII, p. 218. Cette lettre se trouve reproduite p. 515-516 du présent volume. 3. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d' Alais, n» 2, 1867, VII, p. 134-145. Le compte rendu de cette séance n'a pas été reproduit dans l'édition de 1870. {Notes de l'Édition.) 506 ŒUVRES DE PASTEUR Si l'on broie dans quelques gouttes d'eau un papillon sauvage, et qu'on observe ce liquide au microscope, on voit une multitude de globules sphé- riques et translucides de toutes dimensions, — ce sont des globules graisseux. On aperçoit aussi d'autres globules de contours plus noirâtres, de tailles diverses e1 également sphériques. Au contraire, si l on traite de même un papillon de ver à soie, on retrouve les mentes globules graisseux, les mêmes globules noirâtres, mais très fré- quemment on en aperçoit d'autres de forme ovoïde et brillants. Ce sont les petits corps dits corpuscules, produit anormal, puisqu'on ne les observe pas dans le papillon sauvage. Quand le corpuscule se montre dans le ver encore jeune, celui-ci périt rapidement et avant de coconner en général. Le ver est par conséquent dans ce cas bien malade. Il y a donc une maladie caractérisée par la présence des corpuscules. Quels en sont les caractères ? La maladie est essentiellement héréditaire. La chrysalide est un être nouveau en voie de formation, un nouvel œuf en quelque sorte, une matière pulpeuse aux dépens de laquelle se forment les différents organes du papillon. S'il existe des corpuscules dans la chrysalide, ils se multiplieront dans toutes les parties, dans les éléments spermatiques du mâle, dans les œufs de la femelle. C'est là un premier motif d'hérédité du mal. 11 y en a un autre : tous les œufs de la même ponte ne contiennent pas des corpuscules, l'observation le prouve, mais ces œufs exempts de corpuscules n'en seront pas moins malades, parce qu'ils proviendront de parents affaiblis par un produit anormal qui a nui à la santé de ces parents. La maladie est donc constitutionnellement héréditaire, outre qu'elle est matériellement transmissible des parents à leur génération. Mais un des caractères sur lesquels il importe surtout d'appeler l'attention, c'est qu'elle est contagieuse et à un très haut degré. Prenons des vers très sains, provenant de parents non corpusculeux. Faisons de ces vers trois lots égaux de cent sujets chacun, par exemple, et pris au moment de la montée. Au premier lot, continuons les repas ordinaires. Au second lot, donnons un repas corpusculeux, c'est-à-dire un repas compose de feuilles sur lesquelles on a passé avec un pinceau une solution obtenue en broyant dans quelques centimètres cubes d'eau un seul ver cor- pusculeux. Quant au troisième lot, donnons-lui un repas semblable: seulement, au lieu d'employer un ver corpusculeux, nous emploierons un ver sain, parfai- tement exempt de corpuscules, afin de placer ces vers du troisième lot dans les mêmes conditions que ceux du second, sous le rapport de l'humidité «le la feuille et des éléments organiques du ver. Au bout de quelques jours, tous les vers ont fait leurs cocons. Si on examine au microscope les chrysalides de chaque lot, elles donnent toutes un même résultat, elles ne présentent rien de particulier. C'est au douzième ou treizième jour seulement, après le repas en question, que les chrysalides du ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 50; deuxième lot présentenl quelques corpuscules : celles dos deux autres lois en sont exemptes. Lorsque les papillons paraissent, ceux du deuxième lot sont tons chargés de corpuscules on nombre considérable. Ainsi, un seul repas a suffi pour donner la maladie des corpuscules. Los conséquences de ces faits, relativement à ce qui se passe dans 1rs chambrées industrielles, sont certaines : les vers corpusculeux salissent la feuille, leurs voisins la mangent, les corpuscules se répandent, se propagent, se transmettent, et la nouvelle génération peut être infectée cent fois plus ('. pour Ganges . La maladie est donc actuellement très répandue. Comment sortir de cette situation .' Il y avail deux routes a suivre : on pouvait chercher un spécifique, mais rien de moins scientifique et de plus difficile à réaliser qu'une telle recherche. On pouvait d'autre part étudier la maladie et, par sa connaissance, 508 ŒUVRES DE PASTEUR tenter les moyens île la prévenir; c'est cette marche lente, mais pins sine que j\I. Pasteur a suivie. Déjà, en 1865, à la suite de ses premières observations il émet avec une grande réserve l'idée qu'un moyen de faire de la graine saine pourrait être de s'adresser à des papillons non corpusculeux ; en 1866, ses recherches lui ont permis d'être plus affirmatif dans ses espérances; aujourd'hui, ajoute M. Pasteur, je puis affirmer, d'après les faits les mieux étudiés et contrôlés, que l'on peut prévenir la maladie des corpuscules, en faisant de la graine avec des parents non corpusculeux. Vers la fin du mois de juin 1865, M. Pasteur commence à faire de la graine d'après ce procédé. Arrivé tardivement à Alais. il ne peut trouver que quelques couples de papillons japonais verts tous très corpusculeux, excepté- deux qui Tétaient moins. En 1866, il élève leurs pontes isolées; les vers provenant des papillons peu corpusculeux sont exempts de corpuscules, ainsi que les chrysalides et les papillons. Parmi les papillons provenant de parents corpusculeux, il y a moins de corpuscules que l'année précédente ; un certain nombre même en est totalement privé; il y a donc progrès incontestable. En mars et avril 1867. il y a moins de corpuscules encore. Toutes les pontes de parents non corpus- culeux ont été sans corpuscules à tous les àaes des vers, de leurs chrysalides et de leurs papillons. Mais, dira-t-on, dans une chambrée industrielle en sera-t-il de même que dans un essai en petit? Sans doute, dans l'un et l'autre cas les résultats peuvent être les mêmes. Et, à ce propos, voici ce qu'écrivait M. Pasteur à i\l . Dumas, le 15 juin : « Je m'empresse de vous communiquer un fait très digne d'intérêt. Les résultats de mes essais, etc.. I1). » On peut donc en chambrée industrielle obtenir les mêmes résultats qu'avec un essai fait sur une petite échelle. A l'exemple cité dans la lettre précédente, on peut en joindre d'autres. Ainsi la petite chambrée de M. Gignan, à Nîmes; une chambrée Guchens, à Perpignan : celle de vers à trois mues de M. Solier. à Saint-Amhroix, vers, parait-il, assez difficiles à élever; celle de M. Mazel, à Saint-Hilaire : plusieurs de M. Raybaud-Lange, dans les Basses-Alpes, etc., etc. Ces chambrées, prises en divers pays et même dans les localités les plus infectées, étaient la plupart sans corpuscules, quelques-unes en présentaient lort peu. L'année prochaine, en poursuivant leur éducation, on aura de pré- cieux éléments de jugements au sujet de la marche de la maladie. Quelques-uns des exemples que nous venons de citer prouvent que, dans le bassin d'Alais, on peut obtenir de bons résultats tout comme dans d'autres pays, qui selon l'opinion passent pour moins infectés. On est donc fondé à repousser l'idée d'une influence épidémique, de miasmes, de courants d'air empesté, telle que se l'imaginent certains éducateurs au sujet du fléau actuel, et il faut admettre que la régénération est possible partout, et qu'elle est seulement un peu plus difficile, quoique non moins sûre, à tel endroit qu'à tel autre. 1. Voir cette lettre reproduite plus loin, p. 515-516 du présent volume. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 509 Quelques Faits paraissenl contredire cette assertion, mais examinés de plus près ils viennent au contraire à son appui. Ainsi la chambrée de M. Ma/cl. mise en regard de la chambrée de M Meynadier, non moins bien réussie que celle de M. Mazel, tontes les deux dans la commune d'Alais et tontes deux provenant d'une même chambrée de Montpellier en IStiG. Dans l'éducation de M""' Meynadier les papillons ont tons été corpusculeux; ceux de l'éducation de M. Mazel étaient exempts de corpuscules, ou du moins un très petit nombre en contenait. Pourquoi cela ? C'est sans doute parée que Mme Meynadier a infecté sa bonne graine par deux autres très mauvaises qu'elle a élevées sons le même toit, tandis que M. Mazel n'avait dans sa chambrée que la seule graine de Montpellier. Les résultats probables de ces deux grainages sont faciles à indiquer : la graine Mazel réussira, tandis que celle de M"'e Meynadier échouera. Partout il v a des chambrées exemptes de corpuscules ; il faut les cher- cher. Là est la source de la régénération et cette recherche, un peu pénible peut-être au début, deviendra de plus en plus facile, a tel point même qu'en quelques années peut-être on n'aura plus que l'embarras du choix. Maintenant se présente une grave question : la graine provenant de papillons non corpusculeux réussira-t-elle toujours.' Non, l'expérience va nous l'apprendre. M. Pasteur connaissait une graine industrielle dont il avait trouvé les papillons non corpusculeux. Cette graine a été élevée dans six magnaneries différentes de la localité : cinq de ces éducations seulement ont réussi ; elles ont donné de 35 à 50 kilogrammes de cocons par once; la sixième, celle du Comice, a seule échoué. Par quelle cause.' Ce n'est point du tout par les cor- puscules qu'elle a péri. Aucun des vers morts dans le courant de l'éducation et surtout au moment de la montée ne contenait des corpuscules. Les observations quotidiennes des vers de cette éducation n'en ont pas révélé. Ce sont les morts-blancs et morts-flats qui ont cause le désastre, les vers ont péri en grand nombre au pied de la bruyère. Il faut en conclure que la maladie des corpuscules seule ne cause pas tous les échecs. Dès le mois d'avril M. Pasteur avait appelé notre attention sur l'indépendance possible de la maladie des morts-flats et de la maladie des corpuscules. Quelles sont les causes de la maladie des morts-flats ? M. Pasteur déclare l'ignorer et n'avoir point porté ses études sur ce point. Il n'a l'ait que découvrir le fait de l'indépendance des deux maladies dont nous venons de parler. Quoi qu'il en soit, les affirmations précédentes au sujet de la maladie des corpuscules subsistent : il en est de même de la facilité de la prévenir, puisqu'on peut trouver un nombre suffisant de chambrées saines au point de vue de cette maladie dans les localités même les plus infectées. Bien des circonstances peuvent déterminer l'apparition des morts-flats : les mauvaises conditions des grainages notamment, réchauffement des chry- salides, l'état de langueur des vers au dernier âge, le défaut de transpiration des vers, etc., etc. Voici un exemple remarquable de l'influence des précautions à prendre 510 ŒUVRES DE PASTEUR , dans sa grande monographie du bombyx du mûrier, une relation entre les corpuscules et une maladie nouvelle bien déterminée. Lebert et Frej '■' . en 1856, considèrent les corpuscules comme une algue unicellulaire et les rattachent sans hésitation aux effets de la maladie régnante. Depuis lors, une foule d'écrits parurent en Italie sur ces mêmes corpus- cules et sur le fléau qui s'étendait de plus en plus, sous l'orme épidemique, à toutes les contrées de l'Europe et de l'Orient. Parmi les nombreuses observations et opinions, le plus souvent hypothétiques, qui se produisirent alors, il en est une qui mérite une mention toute particulière. Elle est due à M. Osimo (*) et est relative à la présence des corpuscules dans l'intérieur des œufs de vers à soie. Peu de temps après, en 1859, un autre naturaliste italien, M. Vittadini (5), fonda sur ce lait une méthode qui, selon lui, devait per- mettre de distinguer la bonne graine de la mauvaise. M. Cornalia (6) s'associa activement à cette manière de voir que ses travaux avaient préparée, et bien que la méthode de ces savants naturalistes s'oit incertaine dans une foule de circonstances et d'une application souvent téméraire, il n'est pas moins avère qu elle peut rendre de grands services, dans des cas particuliers, entre des mains exercées. Klle peut permettre l'élimination de beaucoup de lots de graine très défectueux. Malheureusement, les lots qu'elle conserve sont souvent très mauvais. C'est sans doute le motif du peu d'attention qui a été donné à cette méthode par les éducateurs et les savants français, à de très rares exceptions pies. A la suite de deux voyages entrepris dans le Midi, en 1858 et 1859, M. de Quatrefages (7) publia des travaux importants sur la nature de la 1. Kilii'pi (F. de). Brève riassunto di alcune ricerche anatomiche e flsiologiche sul baeo da sela. Societa d. science zoologiche di Torino (séance du 10 juillet 1853). 2. Cornalia (E.). Monografia del bombice del gelso. Milan, 1856, in-V< 15 pi. . 3. Fiîey (II.) u. Lebert (H.). Beobachtungen ûber die gegenwàrtig im Mailândischen uerrschende Krankheit der .Seidenraupe, der Puppe und des Schmetterlings. Vierteljahrs- schrift der naturforschenden Gesellschaft in Zurich, I, 1856, p. 374-389. i. Osimo. Cenni sull'attuale malattia dei bachi da sela. Venise, 1857, 19 p. in-8». — Ricerche e considerazioni ulteriori sull'attuale malattia dei bachi. Padoue, 1859, 32 p. in-8°. 5. Vittadini (C). Su] modo di distinguera nei bachi da seta la semente infetta dalla sana. Atti d. I. R. Istituto Lombardo di science, lettere ed arti, I, 1858, p. 3G0-363 (1 pi.). 6. Cornalia (E.). Notice indiquant un moyen de distinguer sûrement la mauvaise graine de la bonne. (Traduite de l'italien par le D' N. Jolv'i. Messager agricole du Midi. I. 1860- 1861, p. 323-329. 7. Quatrefages (A. de). Études sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, in-'i" (6 pi.). — Nouvelles recherches faites en 1859 sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1860, in-'i». (Notes de l'Édition. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A Soit; 513 maladie, sur les causes qui en accroissent la gravité et sur les moyens de la combatl re ou de la guérir. Malgré tous ces efforts, la maladie continuait de sévir et de se répandre. C'esl dans ces circonstances, Monsieur le Ministre, que je reçus de votre honorable prédécesseur, M. Béhic, sur la proposition de mou illustre con- frère fi maître, M. Dumas, le périlleux honneur de m'occuper de ce sujet. Le sentiment de mon insuffisance me lit hésiter beaucoup à m'y engager; mais l'émotion que je ressentis sur les lieux mêmes de la production de la soie, en face des misères i neom mensu ra Ides provoquées |iar le lleau, |ieul-èlre aussi, plus tard, l'aiguillon de la difficulté de l'entreprise, m'attachèrenl irrésistiblement à ces études. Votre Excellence verra bientôt que si, par I application heureuse du procédé de grainage <[ui formera le principal objet de ce Rapport, j'acquérais dans l'avenir, comme j'en ai l'espoir fondé, des droits à la reconnaissance des éducateurs, je les devrais surtout à la persé- vérance que j'ai mise a suivre une idée qui était un perfectionnement pratique, pour ainsi dire indiqué d'avance, des résultats déjà obtenus par les savants auxquels je viens de rendre hommage. Les premières observations que j'ai faites en 1865 ont placé sur un terrain nouveau les préoccupations des savants et des éducateurs. L'étude de la maladie des corpuscules avait été poursuivie presque exclusivement dans le ver et dans la graine : je montrai que la principale attention devait être donnée, au contraire, à la chrysalide et au papillon, chez lesquels, des l'ori- gine, on avait bien signalé la présence des corpuscules, mais en y joignant l'observation, inexacte, qu'ils s'y trouvaient en quelque sorte à l'état normal, circonstance qui axait éloigné M. Cornalia lui-même, comme il le dit expres- sément, de l'idée de recourir à l'observation des chrysalides et des papillons pour préjuger de la qualité de la graine. M. Bellotti et M. Cantoni étaient entrés dans une meilleure voie, mais ils appliquèrent mal ou incomplètement des principes justes, et retardèrent ainsi le moment où l'on pouvait espérer sortir de ce chaos. Le fait suivant, que j'observai en 1865, devint le fil conducteur de mes recherches. Je vis qu'une chambrée, dont la réussite avait été assez remar- quable et assez remarquée pour qu'elle fût livrée au grainage, ne m'offrait que des chrysalides et des papillons chargés de corpuscules, tandis que, dans une autre chambrée, si malade que son propriétaire allait la jeter, les rares vers en tram de montera la bruyère ne montraient aucun sujet corpusculeux ; mais ces mêmes vers, examinés à l'état de chrysalides et de papillons, mon- trèrent tles corpuscules a profusion. En conséquence, un ver peut ne pus présenter de corpuscules et être néanmoins assez envahi par le germe du mal pour que la chrysalide et le papillon auxquels il donnera naissance soient remplis de ce produit anormal que l'on appelle les corpuscules des vers à soie. Mais la graine étant formée dans la chrysalide, fécondée et pondue par les papillons, doit se trouver naturellement plus ou moins viciée par suite de la constitution maladive des sujets qui lui donnent, naissance, alors même (pi elle ne contiendrait pas d'une manière effective des corpuscules visibles. II résultait de ces faits et de celte opinion que la maladie doit être envisagée comme constitutionnelle, quand bien même elle n'esl pas ostensiblement héréditaire, par la présence des corpuscules dans les oeufs; en outre, il deve- i I DES SUH LA MM. AME DES VI 33 514 ŒUVRES DE PASTEUR nait sensible qu'il ne faut pas la rechercher exclusivement clans l'œuf ou clans le ver, mais au contraire, et de préférence, clans la chrysalide et dans le papillon. De là la déduction logique de tenter de faire de la graine en s'adressant à des papillons exempts de corpuscules, malgré l'assertion que j'ai rappelée toutàl'heure et qu'heureusement j'ignorais alors, car j'aurais pu la tenir pour exacte, à savoir que les papillons deviennent, pour ainsi dire, normalement corpuseuleux. Si la méthode de grainage dont je parle était sanctionnée par l'expérience, elle devait offrir sur le procédé Vittadini et Cornalia, avec l'immense avantage de supprimer la confection de la mauvaise graine, une bien plus grande certi- tude dans l'application, car j'ai constaté que, dans aucun cas, des papillons privés de corpuscules n'avaient donné un seul œuf qui en contînt, tandis qu'au contraire il arrive très fréquemment que des papillons corpuseuleux four- nissent des œufs qui ne le sont pas. Mais le défaut capital de la méthode Vittadini consiste en ce que son usage présuppose l'existence simultanée des bonnes et des mauvaises graines. Or, la confection de la mauvaise graine doit être empêchée à tout prix; c'est elle qui est la principale cause de la durée du fléau, parce cjue la graine faite est une graine qui est élevée, quoi qu'il arrive. J'écrivais récemment à M. Dumas (•) que, depuis vingt années que sévit la maladie et que l'on propose toutes sortes de moyens de reconnaître qu'une graine est saine ou malade, on n'a peut-être pas jeté 1 kilogramme de graine à la rivière. On donne la mauvaise graine ou on la vend à chers deniers, et 1 immoralité de ce commerce est telle que, plus une graine est suspecte, plus est élevé, en général, son prix de vente. Le procédé de grainage que j'ai proposé en 1865, et que je jugeais alors être plus scientifique qu'industriel, s'est trouvé, heureusement, clans la pratique d'une exécution très facile, contrairement à mes prévisions. J'avais pensé qu'il fallait l'appliquer de la façon suivante : Placer les divers couples de papillons clans des cellules distinctes où les femelles pondraient ensuite sur des fragments de toiles numérotés, et, après la ponte, faire isolément l'examen des papillons des divers couples, de manière à pouvoir mettre à part les pontes des couples non corpuseuleux. Ce travail est possible, laeile même, pour des lots de peu d'importance : par exemple, s'il s'agit de régénérer une race. J'ai suivi cette marche en 1865 et en 1866, et il est remarquable jusqu'à quel point la graine de 1866 s'est montrée supérieure à celle de 1865. Tous les papillons de mes essais précoces auraient pu être mis à grainer ensemble à la manière ordinaire, c'est-à-dire que tous les papillons de ces essais provenant de parents non corpuseuleux ont été eux-mêmes non corpuseuleux, et il en a été ainsi, à peu de chose près, de mes essais d'avril et de mai. Bien que, clans ces derniers essais, j'aie eu quelques papillons corpuseuleux parmi les éducations résultant de pontes de parents non corpuseuleux, le nombre en a été assez restreint pour que je n aie pas jugé utile de conserver le grainage cellulaire, et cjue j'aie pu réunir tous les papillons sur la même toile sans distinction. Ce succès dans mes éducations de L867, I amélioration progressive de mes graines par le procède de sélection que je conseille aux éducateurs, est le 1. Voir, p. 500-503 du présent volume. Note de l'Édition. I rUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 515 fait le plus saillanl de mes recherches de cette année. J'y trouvais, en outre, I espérance précieuse de découvrir (1rs chambrées industrielles privées, d'une manière plus ou moins absolue, de la maladie des corpuscules. Il était, en effet, raisonnable d admettre que, dans la grande pratique, les graines indus- trielles doivenl se comporter quelquefois comme lavaient l'ait celles de- mes propres essais. Or, dans tous les cas où on découvrirait qu'il en était ainsi, le grainage cellulaire dont je viens de parler deviendrait superflu : on n'aurait qu'à livrer au grainage les chambrées entières sans triage ni sélection autres que ceux qui ont été recommandés avec raison dans tous les temps. Examinons donc la double question de savoir : i" comment on pourrait découvrir les chambrées saines: 2" si leur existence est aussi réelle qu'elle est \ raisemblable. Puisqu il se passe trois semaines entre l'époque de la montée et celle du grainage el que, par une élévation de température, il est facile d'avance)' de quelques jours la sortie des papillons, rien ne s'oppose à ce que l'on procède de la manière suivante dans la recherche des chambrées pour graine : on prélève dans la chambrée quelques centaines de cocons, et on les place dans un endroit plus chaud, sous le manteau d'une cheminée de cuisine, dans une pièce au midi où l'on peut au besoin faire du feu, voire même dans une étuve. Tous les deux ou trois jours, on fait l'examen d'une douzaine de chrysalides au microscope, et, ultérieurement, celui des papillons. Si les chrysalides sont corpusculeuses, si les papillons sont corpusculeuX, on s'empresse de livrer les cocons de la chambrée à la filature. Si les papillons, en grande majorité, par exemple dans la proportion de 90 à 95 pour 100, sont privés de corpus- cules, on fait grainer toute la chambrée. Considérons, en second lieu, la question de l'existence possible de ces chambrées exemptes de la maladie des corpuscules. En d'autres termes, peut-on espérer trouver dans toutes les localités des chambrées réussies, privées, au degré «pie je viens d'indiquer, de la maladie des corpuscules.' Non seulement je puis répondre affirmativement, mais, dans les derniers temps de mon séjour dans le Midi, la recherche que j'ai faite dételles cham- brées pour graine a eu assez de succès pour inspirer la plus grande confiance aux éducateurs. On s'en convaincra principalement par les faits que j'ai eu 1 honneur de signaler à M. Dumas, à la date du 15 juin dernier, dans une lettre dont je reproduis ici les termes (•) : « Les résultats de nus essais précoces, résumés dans la Lettre que j'ai eu 1 honneur de vous adresser à la date <\u 30 avril dernier (2), vous ont montre'' combien il était facile de prévenir la maladie des corpuscules, maladie qui exerce de tels ravages que la science la croyait, naguère encore, la seule don! d lui nécessaire de se débarrasser pour rendre à la sériciculture sa prospérité d aut refois. (' Je suis parti de pontes appartenant à des papillons privés de corpus- cules, et, sans avoir pris il autres précautions que celles qui sont à la portée 1. Lettre â M. Dumas. Alais-, le 15 juin 1867. Messager agricole du Midi, 5 juillet 1867, VIII. p. 318. tte lettre débutait par rette phrase : « Je m'empresse de vous communiquer un fait digne d'intéi 2. Voir, p. 500-503 du présent volume : Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas. ion A 516 ŒUVRES DE PASTEUR de tous les éducateurs, je a ai vu ni vers, ni papillons corpusculeux dans les éducations de ers pontes. « On pouvait arguer, néanmoins, que des éducations faites à l'instar d'expériences de laboratoire ne constituent pas une épreuve suffisante. Les éducateurs apprendront donc avec une grande satisfaction le fait suivant : J'ai eu l'occasion, au mois tic mais dernier, d'appeler l'attention de M. Jeanjean, maire de Saint-Hippolyte e1 secrétaire du Comice agricole du Vigan, sur une graine de race indigène à cocons blancs et jaunes mêlés, dont j'avais trouvé les papillons producteurs à peu près tous exempts de la maladie des corpus- cules. Le Comice du Vigan, sur la proposition de M. Jeanjean, décida qu'une once de cette graine sciait élevée à Sauve, près Saint-llippolvte, sous la sur- veillance de deux de ses membres, MM. Delettre et Conduzoreues, en vue o il une reproduction possible. s La chambrée a réussi dune manière exceptionnelle; mais ce n'est pas le résultat sur lequel je veux appeler, en ce moment, votre attention. Ce que je tiens à vous faire savoir, c'est que je viens d'examiner les cent cinquante premiers papillons sortis de I kilogramme de cocons prélevés sans choix dans la chambrée dont il s'agit, et que, sur ce nombre, deux sujets seulement se sont montrés corpusculeux. Ces papillons sont d'ailleurs, à part 2 ou 3 sur 100, d une rare beauté apparente. En d'autres Ici nus, il est démontré que l'on a pu obtenir en chambrée industrielle précisément le résultat de mes essais précoces, c'est-à-dire absence presque absolue de corpuscules en partant d une graine qui provenait de parents non corpusculeux. » Lis résultats consignés dans cette lettre ont une signification qui ne sau- ]-ait échapper à personne. Ils établissent tout à la fois l'existence de cham- brées très saines sous le rapport de l'absence de la maladie des corpuscules, et la possibilité de les multiplier à volonté. La chambrée dont il s'agit a produit 46 kil. 5 de cocons pour 1 once de 2r> grammes. Le Comice du Vigan aura donc à sa disposition environ 150 onces de graine que l'on peut considérer comme saine. N'est-il pas vraisemblable que si j'avais étudié, en 1, les papillons de tous les grainages auxquels l'industrie s'est livrée, j'aurais rencontré un certain nombre de lots aussi sains que celui que j'ai signalé à M. le secrétaire du Comice du Vigan? On peut, dès lors, assurer en quelque sorte, a priori, qu'en 1867 il existait d'une manière oblio-ée des chambrées non moins irré- prochables que celle de Sauve, et, en s'appliquant à les découvrir, on devait en rencontrer quelques-unes. C'est précisément ce que j'ai constaté, ainsi qu'on va pouvoir en juger. Je ne parlerai d'ailleurs que de chambrées de races indigènes à cocons blancs ou jaunes, parce qu'elles passent à bon droit pour les plus atteintes et qu'elles sont supérieures aux autres pour la qualité de la soie. A Perpignan, chambrée Guchcns, 136 papillons examinés : 6 corpus- culeux; A Nîmes, chambrée Gignan, 62 papillons examinés : 1 corpusculeux; A Alais, chambrée Mazel, 72 papillons examinés : 2 corpusculeux. Je pourrais prolonger cette cnuniération (') en la faisant toujours porter ] Je rie le fais pas, parce que je dois craindre que l'on n'abuse de celle publicité. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 517 sur des chambrées de races indigènes, mais celles que je viens de citer suffiront, je pense, pour bien montrer à tous les éducateurs que le lait de la chambrée de Sauve n'esl pas du tout isolé. Je répète, en outre, que I exemple même de cette chambrée prouve qu'il (luit être facile de multiplier les succès analogues. Si l'on pouvait en (Imiter, les faits suivants écarteraient toute crainte à cel égard. Un habile éducateur, M. Etaybaud-Lange, directeur de la Ferme-Ecole .le parte m en ta le des liasses-Alpes, confectionne de la graine pour l'industrie. Il a distribué celte année, entre divers propriétaires, de la graine destinée à la reproduction, et il a eu l'obligeance de m'envoyer seize séries de papillons d'autant de grainages importants qu'il vient d'effectuer en suivant exactement les indications que j'ai données, c'est-à-dire, en s'aidant du microscope, livrant certaines chambrées à la filature e1 conservant les autres d'après la proportion plus ou moins grande des papillons corpusculeux. Je n'ai pas encore achevé le contrôle des observations, très exactes du reste, de M. Raybaud-Lange ; mais voici les résultais correspondant à huit de ses meilleurs grainages parmi ceux que j'ai déjà examines : 100 papillons examinés : 5 corpusculeux. » 0 » » 1 » » 2 » » 0 » » 2 « » 1 » » 3 » » l 'i » Ainsi, en réunissant les graines de ces grainages, elles ne seraient atteintes de la maladie des corpuscules que dans la proportion de 2 à 3 papil- lons sur 100. J'ajoute que toutes les chambrées qui ont fourni ces grainages ont eu des réussites exceptionnelles s élevant jusqu'à 55 kilogrammes de cocons par once de 25 grammes, notamment celle du n° 1, qui était pourtant uni- chambrée de 4 onces. M. Raybaud-Lange a donc vu se réaliser sous ses yeux une foule d'exemples analogues à celui de la chambrée (le Sauve, et il a à sa disposition plusieurs milliers d'onces de graines exempts de la maladie des corpuscules. Quelques personnes pourraient croire ([lie ces succès d'éducations et de grainages de M. Raybaud-Lange sont le l'ait de la localité où il élève des vers à soie. Ce sérail une erreur complète. Il y a eu cette année, dans les Rasses- Alpes, de très nombreux échecs, et M . Raybaud-Lange n'a guère, rencontré en dehors de ses propres grainages que des papillons corpusculeux. Examinons maintenant la question capitale de l'avenir des graines de la chambrée de Saine, des chambrées Guchens, Gignan, etc., et de celles de M. Ravbaud-Lange. Elevées en 1808 avec les soins ordinaires, deviendront- elles des sources de bonnes graines ou éprouveront-elles une dégénéres- cence? Les observations que j'ai faites cette année démontrent que cette dégénérescence est possible. J'ai constaté souvent qu'une graine, issue de papillons non corpusculeux, pouvait fournir des chambrées dont les papil- N° 1 100 N° 2 45 N« 4 70 N° 6 70 N° 7 60 N° 9 62 N°10 60 N° 11 57 Total. . ~524 518 ŒUVRES DE PASTEUR Ions étaient en partie corpusculeux. L'exemple île la chambrée de Sauve n'est pas général, à beaucoup près, et cette même graine qui, à Sauve, a fourni des papillons exempts de la maladie, m'a offert ailleurs, dans le rayon d'Alais, des éducations également réussies, mais dont le tiers au moins des papillons étaient corpusculeux. Toutefois il est essentiel de remarquer que cette apparition du mal dans les chambrées n'est point du tout un l'ait néces- saire, comme les résultats de mes essais précoces de cette année et l'exemple de la chambrée de Sauve en sont notamment la preuve indubitable. Bien plus, il arrive fréquemment qu'il y a amélioration de la race et non dégéné- rescence. Dans mes éducations de 1866 et 1867 toutes les graines issues de papillons corpusculeux, même au degré nécessaire pour que ces graines ren- fermassent des œufs corpusculeux, donnèrent lieu à des éducations dont les papillons étaient pour la plupart privés de corpuscules. J'ai vu des ell'ets semblables se produire, quoique à un moindre degré, dans des chambrées industrielles. C'est donc à tort que beaucoup de personnes croient à une dégénérescence fatale et nécessaire des graines de vers à soie, sous l'influence d'une pré- tendue infection générale des pays séricicoles. Le mal et le bien sont, au contraire, partout coexistants, quoique dans des proportions diverses, sui- vant les localités, et je suis persuadé qu'il est aussi facile de découvrir l'un que de propager l'autre. Parmi les causes de dégénérescence des graines, il faut placer les mau- vaises conditions accidentelles des éducations. Toutes les causes d'affaiblis- sement des vers paraissent contribuer à la propagation de la maladie des corpuscules et à son apparition spontanée dans les chambrées. Je ne partage pas l'opinion, fort répandue parmi certains éducateurs, que la feuille du mûrier est malade, parce que, dans cette hypothèse, on ne peut guère se rendre compte de l'existence de chambrées absolument privées de la maladie des corpuscules; mais je ne doute pas cependant que toute imperfection dans la qualité de la feuille doive être mise au nombre des causes de dégénéres- cence rapide des graines. J'ai vu également les éducations d'une graine absolument privée de la maladie des corpuscules manifester cette maladie dans les chrysalides et dans les papillons, lorsque ces éducations avaient présenté, par telle ou telle cause connue ou inconnue, la maladie des morts-flats. Il existe donc des circonstances encore mal déterminées qui amènent d'une manière spontanée l'apparition de la maladie des corpuscules. Ce serait à l'avenir une lourde incertitude pour les éducateurs, si je n'étais en droit d'ajouter qu'il ne m'est pas arrivé jusqu'à présent de rencontrer une seule éducation, petite ou grande, ayant péri de la maladie à 2 kilogrammes de cocons par gramme de graine, toutes les fois que les chambrées provenant de ces graines ne sont pas envahies par la maladie des morts-flats. En présentant, l'an dernier, à l'Académie des sciences, mes observations de 1866, j'ai signalé à l'attention de cette illustre Compagnie le zèle intelli- gent de deux jeunes professeurs de 1 Université que M. le ministre de l'Ins- truction publique avait bien voulu autoriser à m accompagner dans le Midi, MM. Gernez et Duclaux i '). C'est encore avec leur aide empressée que j'ai pu mener à bonne fin les observations sans nombre auxquelles j'ai dû me livrer cette année. Je suis heureux de porter leurs noms à la connaissance de Votre Excellence et de les remercier publiquement de leur précieuse collaboration. L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. 1. Voir p. iiS du présent volume. (Note de l'Édition.) 52', ŒUVRES DE PASTEUR EDUCATIONS PRECOCES DE GRAINES DES RACES INDIGENES PROVENANT DE CHAMBRÉES CHOISIES LETTRE A M, DUMAS (i) Alais, 20 mars 18G8. I, année dernière, à la date du 15 juin(2), j'ai eu l'honneur de vous com- muniquer un l'ail très digne d'intérêt, relatif à la première éducation indus- trielle d'une graine issue de papillons privés de corpuscules et provenant d'une éducation bien réussie. Le Comice du Vigan, sur la proposition de l'un de ses secrétaires, M. Jeanjcan, maire de Saint-IIippolyte, avait décidé que 1 once de cette graine serait élevée dans la commune de Sauve, près Saint- Hippolyte, sous la surveillance de deux de ses membres, MM. Delettre et Conduzorgues, en vue d'une reproduction possible et dans le but principal de soumettre à l'épreuve d'une expérience publique les résultats de nus recherches. Ainsi que je vous l'ai annoncé dans la Ici Ire que je rappelle, la chambrée a fourni 46 I-i.il . 5 de cocons pour 1 once de 25 grammes (3), résultat rarement obtenu au temps de la prospérité la plus grande. En outre, sur 500 papillons provenant de cette chambrée, je n'en ai trouvé que 5 offrant des corpuscules. Les deux conditions que je recommande pour le choix des reproducteurs : d'une part, l'absence présumée de la maladie des morts-flats de la quatrième mue à la montée, car MM. Delettre et Conduzorgues n'avaient point remarqué de mortalité sensible à cette époque de l'éducation; d'autre part, la non-existence de l'affection corpusculeuse, s'étant trouvées réunies dans cette chambrée, elle a pu être livrée tout entière au grainage. Pour tous. c était une grande audace; il y a bien des années qu'aucun éducateur n'aurait osé faire grainer toute une chambrée des races indigènes noire e1 blanche dans l'arrondissement du Vigan, quelle qu'ait été la réussite de l'éducation. Le grainage de la chambrée de Sauve s'est accompli dans les meilleures con- ditions, et la graine qui en est résultée (3.510 grammes pour 45 kilogrammes a été distribuée par les soins du Comice du Vigan entre deux cent cinquante éducateurs. (Test une nouvelle épreuve publique, et sur une vaste échelle, des moyens de régénération que je préconise. Beaucoup d'autres, non moins importantes, vont avoir lieu, notamment celle qui portera sur les graines de M. Raybaud-Lange, dont j'ai parlé dans mon Rapport du 25 juillet dernier à S. Exe. le ministre de l'Agriculture; mais l'épreuve de la graine de Sauve, étant plus avancée déjà d'une année, offre un intérêt particulier. En m'appuyant sur les résultats de mes recherches antérieures, je dois regarder comme démontré qu'aucune des deux cent cinquante éducations faites avec la graine de la chambrée de Sauve ne pourra périr de la maladie 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 6 avril 1868, LXVI, p. 689-695. '■I. Voir cette lettre, p. 515-516 du présent volume. 3. Voir p. 516du présent volume. [Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE des corpuscules ' . Je l'affirme il une manière absolue, el je liens à I affirmer à la veille des éducations, afin de mieux montrer aux éducateurs qui en seront juges toute la rigueur des principes que je crois avoir déjà établis péremp- toirement. L'incertitude sur la réussite de ces deux eenl cinquante éducations de la graine de Sauve ne peut doue s'appliquer qu'à la maladie des morts-flats, mie je vous ai signalée, dans mes Lettres d'avril et de mai 18G7 (â), comme une maladie propre, indépendante de celle des corpuscules, et plus ou moins répandue (3). N'oubliez pas cependant, toujours en vous reportanl à mes recherches antérieures, que si les deux cent cinquante chambrées de la graine de Sauve ne peuvent périr, à l'état de vers, de la maladie des corpuscules, eette maladie pourra sévir sur les chrysalides et les papillons d'un certain nombre d'entre elles : mais cette circonstance n'intéresse que les grainages que l'on pourrait désirer taire avec ces chambrées : question capitule sans doute et pourtant de deuxième ordre, car le but principal de I éducateur est de produire de la soie. Eh bien! je le répète, la maladie des corpuscules n'empêchera pas une seule chambrée de vers issus de la graine de Sauve de fournir des cocons. C'est uniquement la maladie des morts-flats ou d'autres maladies très rares aujourd'hui qui pourraient amener ce résultat. Cela posé, vous apprendrez avec une grande satisfaction que je viens de 1. Rapport du 25 juillet 1867, à s. Exe. le ministre de l'Agriculture [p. 511-523 du présent volume]. 2. Voir ces Lettres p. 498-499, 000-503, p. 196-202 du présent volume. (Note de l'Édition.) ■ ). Je n'exprime qu'un résultat direct de mes expériences, lorsque je considère la maladie des morts-flats comme indépendante de celle des corpuscules. Vous verrez, en relisant ma Lettre du 21 mai dernier, que des graines issues de papillons privés de corpuscules, dont les vers n'ont pas offert un seul sujet corpusculeux durant tout le cours de l'éducation, et qui ont conduit à de nouveaux papillons également exempts de corpuscules, ont présenté néanmoins, de la quatrième mue à la montée particulièrement, une mortalité sensible due aux morts- flats, sans que l'on puisse supposer d'ailleurs que tes conditions de l'éducation aient pu pro- voquer une telle mortalité, puisqu'une foule de lots de vers élevés exactement dans les mêmes conditions n'avaient rien montré de pareil. Mais je suis toujours porté à croire, comme dans cette Lettre du 21 mai, que la maladie des morts-flats peut être sous la dépendance de celle des corpuscules, par suite d'un affaiblis- sement des races amené par cette dernière maladie. J'ai appuyé, ce me semble, sur de très bonnes raisons l'opinion que la maladie des corpuscules a été, à toutes les époques, inbérente aux éducations des vers à soie, et qu'elle a toujours fait des ravages ignorés. De son exis- ■ longtemps prolongée, n'est-il pas résulté une dégénérescence, un affaiblissement des 3 françaises, qui les rend aujourd'hui très aptes à contracter cette même maladie des cor- puscules à un degré plus intense que par le passé, et sujettes en outre à la maladie des morts- flats? Aussi ne saurait-on trop insister sur la nécessité de ne confectionner aujourd'hui que raines aussi exemptes que possible de la maladie des corpuscules. Quand cette maladie atl'ertait autrefois des races robustes, elle pouvait passer inaperçue. C'est ainsi qu'aujourd'hui les vers vigoureux des races japonaises sont très peu atteints par les morts-flats. et peuvent donner lieu à des papillons corpusculeux, sans que la maladie des corpuscules affecte d'une manière sensible leur génération, si les corpuscules se montrent tout au dernier âge de la chrysalide et quand les œufs sont déjà formés chez les papillons femelles. J'ai constaté ces faits, nombre de fois. Il résulterait de ces opinions que, quand on aura rendu aux races de pays leur vigueur d'autrefois, on pourra donner peut-être moins d'attention que je n'en demande aujourd'hui à la maladie des corpuscules, excepté toutefois dans les éducations pour graine, car je suis persuadé que le procédé de grainage dont je réclame l'application pour échapper au fléau, et qui repose essentiellement sur le caractère de l'absence de la maladie corpusculeuse chez les papillons, restera dans la pratique séricicole, et qu'il per- mettra d'accroître beaucoup le chiffre de la production de hi suie. En attendant, c'est un des plus sûrs moyens, selon moi, de ramener les races françaises de vers à soie à leur ancienne ■tir, si on l'associe a toutes les pratiques, à toutes les observations propres à éloigner la maladie des morts-flats. 526 ŒUVRES DE PASTEUR visiter les établissements d'essais précoces de Saint-Hippolyte et de Ganges, diriges avec tant de soins et de dévouement par MM. Jeanjean et Durand, et par M. le comte de Rodez; que la graine dont il s'agit a été éprouvée, que l'éducation est terminée dans le premier de ces établissements, qu'elle s'achève dans le second, et que, dans 1 un et dans l'autre, tout a marché à souhait. 100 vers comptés après la première mue ont donné à Saint-Hippo- lyte 95 cocons, et pas un ver n'a péri de la maladie des corpuscules, ni de la maladie des morts-flats. Nous reconnaîtrez néanmoins, par les faits que je rapporte à la fin de cette Lettre, que les essais précoces sont loin d'être à l'abri de la maladie des morts-flats lorsque les graines portent en elles les conditions propres au déve- loppement de cette maladie. Si, comme tout semble le faire croire, ce premier succès des essais pré- coces se confirme aux chambrées industrielles d'avril et de mai, nous aurons l'exemple d'une graine à race indigène privée de la maladie des corpuscules en L86f>, qui aura très bien réussi en chambrée industrielle en 1867 dans le département réputé le plus infecté, et enfin, les papillons issus de cette graine se seront montrés non moins bons reproducteurs que les papillons mères. Comment maintenir cette race saine et la propager? Cela est naturelle- ment indiqué par mes Communications de l'an dernier, que mes études de cette année préciseront davantage encore, je l'espère. Il faudra suivre atten- tivement les éducations industrielles de la graine dont il s'agit et prendre note exacte de toutes celles qui auront réussi sans offrir les moindres symp- tômes de la maladie des morts-flats, particulièrement de la quatrième mue à la montée (4). Puis, on choisira pour grainages toutes celles de ces dernières chambrées qui se montreront exemptes de la maladie des corpuscules chez les chrysalides et chez les papillons. Ces prescriptions étant observées fidèlement les années suivantes, on perpétuera une graine excellente, de façon à la multi- plier en quantités énormes. Mais il ne serait pas moins facile d'altérer sa pureté, des cette année, en faisant grainer, sans choix ni examen microsco- pique, les chambrées qu'elle va produire, fussent-elles les meilleures pour le rendement des cocons. Telle de ces chambrées pourrait introduire, dans la graine la maladie des corpuscules, telle autre la maladie des morts-flats. Une grande mortalité sévirait l'année suivante, et l'arrondissement du Vigan, comme tant d'autres, continuerait de passer pour un pays très infecté par l'épidémie. J'ai tenu à ne mentionner dans celte Lettre que les résultats des essais précoces relatifs à la graine de Saine, parce que cette graine vous est connue 1. Le texte des Comptes rendus de l'Académie des sciences comporte la note suivante : " Je note en passant un caractère qui accuse sûrement l'existence de la maladie des morts- dans les graines, quand les papillons producteurs de ces graines présentent ce caractère. Je viens de constater expérimentalement que les papillons à duvet plombé, gris-noir-velouté, même par plages isolées, donnent des graines atteintes de la maladie des morts-flats à un liant degré, et elle s'y joint souvent à la maladie des corpuscules, car dans un grainage qui offre de tels papillons, ceux-ci sont toujours plus corpusculeux que les autres. Cette circonstance tend bien à démontrer que l'affaiblissement dû à la maladie di - morts-flats prédispose à la maladie des corpuscules, et que les causes de contagion de cette de ire maladie ont d'autant plus d'effet et d'empire que la maladie des morts-flats existe. » No l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 527 ainsi que des éducateurs, depuis la publicité donnée à la Lettre que je vous ai adressée le L5 juin L867, el parce qu'elle constitue, eonime je le rappelais précédemment, la première graine industrielle sur laquelle une épreuve publique ait été laite pour juger en dernier ressort la valeur pratique de mes opinions. D'autres graines, je le répète, ont été confectionnées, en 1807, dans les conditions de eelles de Sauve et vont être élevées par l'industrie. Vous savez qu'il en existe 2.000 à 3.000 onces et de diverses sortes et origines. Vous serez heureux d'apprendre les beaux résultats qu'elles ont offerts aux essais précoces : mais je veux attendre pour vous en parler que les essais de Ganges soient entièrement terminés. Si toutes ces graines réussissent en grandes magnaneries, ce qui sera connu publiquement clans deux mois, et qu'on applique à leurs chambrées les rétries pratiques que j'ai rappelées tout à l'heure, une quantité considé- rable de graines des plus belles races du pays pourra être faite dès cette année. Je ne terminerai pas cette Lettre sans porter à votre connaissance un fait qui me parait éclairer beaucoup la maladie des morts-flats. L an dernier, lorsque je vous ai fait part de mes craintes sur l'existence et sur l'extension jusque-là ignorées de cette dangereuse maladie, je présumais qu'elle pouvait être héréditaire et qu'il était possible de prévoir, avec une assez grande pro- babilité, si une chambrée était capable de la communiquera ses générations futures. Désirant élucider cette question si importante de l'hérédité de la maladie des morts-flats, j'ai préparé, en 1807, plusieurs pontes provenant de celles de mes petites éducations qui avaient eu cette maladie, mais dont quel- ques vers avaient résisté, formé de beaux cocons et fourni des papillons de bel aspect, privés de corpuscules. J'ai envoyé aux essais précoces de Saint-IIip- polyte plusieurs lots de semblables pontes réunies. Sur sept lots ainsi choisis dans sept éducations distinctes, six ont échoué à divers âges, surtout à la quatrième mue, de la maladie des morts-flats. Plus de doute, par conséquent : la maladie des morts-flats peut être héréditaire et frapper une chambrée, indépendamment de toutes les conditions sur le mode d'éclosion de la graine, sur l'aération de la chambrée, sur le trop grand froid ou sur la trop grande chaleur que les vers ont à supporter, conditions cpii peuvent sans doute pro- voquer d'une manière accidentelle cette même maladie. De là, la nécessité impérieuse de ne jamais faire de la graine, quels que soient la qualité exté- rieure ou les résultats de l'épreuve microscopique des papillons, avec des chambrées qui ont eu. de la quatrième mue à la montée, des vers languis- sants ou qui ont subi une mortalité sensible à cette époque de l'éducation par la maladie des morts-flats. J'insiste de nouveau sur ce conseil, et avec plus de force encore que l'an dernier, auprès des personnes qui appliqueront cette année mon procédé de grainage. C'est, du reste, une prescription de tous les temps; mais le trouble pro- fond que les malheurs de ces vingt dernières années ont porté dans les esprits a fait souvent oublier les avis les meilleurs pour mettre quelquefois à leur place des idées ou des pratiques plus ou moins extravagantes. Vous retrouverez dans cette Lettre les préoccupa lions des Lettres que je vous ai adressées l'an dernier au SUJel de la maladie des morts-llats, et dont 528 CEI \ i; is DE PASTEL It mon Rapporl du 25 juillet, au ministre de I agriculture ('), porte également l,i trace. C csl ici, en effet, nue se concentrent toutes mes craintes au sujet de l.i valeur pratique des résultats de mes recherches. Je suis maître de la maladie des corpuscules, que Ion considérait avant moi comme la maladie unique donl soulïro aujourd'hui ta sériciculture. Je |>uis la donner et la pré- venir à volonté. Le problème scia donc résolu le jour où je n'aurai plus à appréhender pour mes graines la maladie des morts-flats, car il me scia alors démontré qu'il csl possible de faire de la graine irréprochable par un moyen pratiquomonl industriel. Or, je vous annonce qu'au sujet des craintes donl je parle, la question a fail un grand pas, puisque les essais précoces qui viennent d'avoir lieu pour éprouver la qualité des graines préparées en 1867, d'après mes indications, donnent I espoir le plus fondé que ces graines sont bien réellement exemples do toute maladie quelconque. Il ne me reste donc plus que la faible incertitude correspondant à la différence possible, mais peu pro- bable, entre les résultats d'une petite el d'une grande éducation portant sur une même graine de choix. Les éducations industrielles d'avril et de mai eclaircii on I ce dernier iloiih ÉDUCATIONS PRÉCOCES DE GRAINES DES RACES INDIGENES n;<>\ GNAN i m CHAMBRÉES CHOISIES DEUXIÈME LETTRE A M. DUMAS 1 1) Mais, le in avril 1868 Nous sommes à la veille d une nouvelle campagne industrielle. Nous con- naissez toute la réserve que j ai apportée dans les conclusions pratiques que l'on pouvait déduire des observations de laboratoire que je poursuis depuis quatre années. Vous étiez même disposé, si je ne me trompe, par une bien- veillante confiance dans leurs résultats, a trouver quelque peu exagérée cette prudence scientifique, bien qu'elle ne soil qu'une pari modeste de I héritage intellectuel «pie vous avez légué a vos disciples, aujourd'hui, en présence des résultats que je viens de constater dans les essais précoces de Sain l-l I ippol v te ei «le Ganses sur les ^raines qui oui été faites industriellement en 1867 o n i d'après mes indications, je me sens plus affermi. Permettez-moi donc de vous informer de nouveaux faits très significatifs, e1 de poser la question capitale de la confection de la bonne graine dans les lermcs pratiques, accessibles pour ions les éducateurs intelligents. Dans la Lettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser toul récemment [20 mars', je vous ai rappelé la rcussile remarquable d une chambrée de races jauni' cl blanche, qui s'esl trouvée, après examen, dans les conditions que je réclame pour cire livrée tout entière au grainage, bien qu'elle eû1 été faite dans i,. Gard, cl dont la graine, éprouvéo aux essais précoces .le celle année. I, Voir en particulier la Lettre, p. 196-202 du présonl volume; el p. 511-528 le Rapport i \ de l'Édition.) endus de l'Académie des sciences, séance du L8 avril i^i"s. i.Wl, p, , Il Message) U ett, i mai 1868, IX. p. 129 1 3 '■ i rUDES SI i: l.A MALADIE DES VERSA son 529 a «In d'excellente résultats. Ces dernières circonstances méritcnl toute I attenl ion des éducateurs. En effet, la situation esl celle-ci : Prenez ;i la fin d'une campagne les chambrées de races de pays qui ont réussi el livrez-les toutes au errainace; neuf fois sur soie. I ne sorte de choléra propre à ces insectes régnerait dans ces contrées. La plupart des vers à son- meurent avant de pouvoir faire leurs cocons, el tout est perdu pour l'éducateur. Si la graine est de lionne qualité, il y ; récolte, mais la reproduction est impossible. Dès lors, commenl se procure-t-on de la graine des belles anciennes races de France dans ces malheureux départements séricicoles dont la résignation des habitants est la preuve d'un grand (ironies dans les idées du peuple, ou le témoignage honorable que l'Empereur et son Gouvernement onl fait ce qu il étail humainement possible de faire? Pour se procurer de la graine îles races dont je parle, on a recours au commerce, donl voici le genre d'industrie le plus répandu. Des personnes [•lus ou moins versées dans la eonnaissa me îles mis a soie se rendent dans toutes les parties 'le la France, «lu Portugal, île l'Italie, «le la Corse,... on il II existe que très peu de. plantations île mûriers, on le nombre des éducations, par conséquent, est ires restreint. Cela s'appelle des pays sains, où la maladie n'a pas pénétré. Là, ces industriels font faire des chambrées, ou ils visitent celles qui existent, et en achètenl les produits, 'l'on ils tirenl de la graine qu'ils viennent vendre ensuite dans les départements séricicoles, sans pouvoir offrir la moindre garantie sur la qualité de leur marchandise. Quelques rares sortes de ces -raines réussissent; le plus grand nombre échoue. (.elle situation, aggravée par toutes sortes de fraudes, est intolérable. Commenl s remédier? Il faudrait revenir an grainage indigène el créei entre le commerçant el le propriétaire des garanties de la valeur de la m .Mais le moyen d'y parvenir? puisque je disais tout a l'heure que neuf lois sur di\ au moins le grainage sur place des plus belles chambrées des races jaune et blanche conduit à une ruine certaine l'année suivante. I m- découverte pratique pourrait tout sauver. Elle de-, rail consister essen- tiellement dans l'affirmation motivée qu'il existe partout ne m, dans les loca- lités les |dns éprouvées, des chambrées propres a la reproduction, et donner le moyen de les reconnaître, a l'exclusion de toutes les autres qui seraient li\ rées a la filature. Cela posé, que vous ai-je écrit? '.tue j'avais pris une graine provenant, en 1866, de cocons exempts de la principale maladie actuelle; qu'elle avait été élevée, en 1867, dans le Gard, de tous les grands centres de production de la soie le (dus importanl et le (dus atteint par le fléau; que cette graine avait réussi, el qu après nouvel examen de la nouvelle chambrée, j'avais pré- sumé qu elle était entièrement bonne pour la reproduction, qu'enfin jugement venait d'être confirmé par trois épreuves laites en L868, aux •■ n LA MALADIE M 530 ŒUVR|ES DE PASTEUR précoces de Saint-Hippolyte et île Ganges. Vous le voyez, ceci n'est autre chose que le grainage indigène rétabli avec succès dans un cas particulier. Je viens aujourd'hui vous donner un autre exemple d'une pareille réussite, qui, par l'opposition remarquable d'un échec correspondant, ajoutera beaucoup à votre confiance. Ma démonstration sera, en outre, d'autant plus complète qu'il s'agira de faits que j'ai prévus et publiés dans le Rapport que j'ai eu l'honneur d'adresser à S. Exe. le ministre de l'Agriculture le 25 juillet dernier (4). Au mois de juin 1807, dans le dernier temps de mou séjour à Alais, deux éducateurs de cette ville, M"10 Meynadier et M. Mazel, vinrent me consulter sur la possibilité de faire grainer utilement leurs chambrées, qui, toutes deux, avaient très bien réussi, et provenaient d'ailleurs exactement de la même graine, délivrée par un employé du chemin de fer, demeurant à Montpellier, M. Poujol. Le conseil qui m'était demandé par ces éducateurs et par les per- sonnes qui désiraient acheter leurs cocons pour les livrer au grainage, à cause de leur beauté et du succès remarqué des deux chambrées, correspond exac- tement au problème dont je viens de vous entretenir, et de la solution duquel dépend le retour au grainage indigène dans des conditions d'une application sûre. Apres avoir fait l'examen au microscope de soixante-douze cocons de M. Mazel et d'un nombre à peu près égal de M Meynadier, j'engageai M. Mazel à livrer sa chambrée au grainage, et M"" Meynadier à vendre la sienne à la filature, avec prière de ne conserver que l livre de cocons pour graine, afin qu'elle pût contrôler, en 1868, le jugement que je venais de porter. De mon côté, j'ai fait un peu de graine avec quelques couples de papillons issus de l'une et de l'autre de ces chambrées. Voici les résultats des essais précoces de Saint-Hippolyte et de Ganges sur ces deux graines. L'épreuve a été quadruple, parce que les chambrées dont il s'agit se composaient d'un mélange à parties égales de cocons jaunes et cocons blancs des belles races de pays. Essais de Saint-Hippolyte. N° 6. Graine des cocons jaunes Mazel; éclosion le 11 février. lremue : 18 février, on compte 100 vers. 2e » 24 » » 98 « 3e « 29 » » 97 » 4e » 8 mars, » 97 » Résultat : 96 cocons. N° 17. Graine des cocons jaunes Meynadier; éclosion le 11 février. 1" mue : 18 février, on compte 100 vers. 2e » 24 « » 97 « 3e ii 1er mars. » 89 » 4" » 10 « » 81 » Résultat : 55 vers seulement à la montée; aucun d'eux n'a fait son cocon. Maladie caractérisée des corpuscules avec quelques morts-flats. I. Voir ce Rapport, p. 511-523 du présent volume. [Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 531 Essais de Ganges. N" 7. < '.mine des cocons blancs Mazel; èclosion le 7 février. lrc' mue : 20 février, on compte 100 vers. 2" » 27 » » 100 o .'>' «' 6 mars, » 100 » V » 15 » » 100 » Résultat : 03 cocons. N° 10. draine des cocons blancs Meynadier ; èclosion les 6, 7, 9 février. 1"" mue : 20 février. 20 février, 21 février, 100 vers. 2e » 27 » 27 » 29 » 78 .'!•■ » 4 mars. 7 mars. 8 mars, 78 4" » 15 » 18 » 20 .. 0 Mortalité de plus en plus grande après la quatrième mue. Résultat : pas un seul cocon; maladie des corpuscules des plus accusées. Huit vers sonl pris au hasard et examinés, tous sont remplis de corpuscules. En résume, les deux épreuves de la graine Mazel ont fourni 96 et 93 cocons pour 1(10 vers comptés au premier repas de la première mue, et les épreuves correspondantes de la graine Meynadier n'ont pas donné un seul cocon. Pourtant, je le répète, les deux chambrées Mazel et Meynadier, issues de la même graine, avaient eu la même réussite. o D'où peuvent provenir tant de ressemblance dans le succès de deux cham- brées d'une même graine, considérées jusqu'à la formation des cocons, et tant de différence entre leurs papillons, envisagés sous le rapport de la repro- duction.' Pour le comprendre, il faut se reporter à mes premières obser- vations de iSli.i, par lesquelles j'ai constaté que des vers pouvaient être tous empoisonnés sans offrir un seul corpuscule à la montée. Il faut se reporter principalement à mes expériences de L867, par lesquelles j'ai reconnu que le mal avait une incubation très lente, et que, quand je contagionnais des vers très sains après la quatrième mue, tous faisaient leurs cocons, et les corpus- cules n'apparaissaient dans les chrysalides que quinze jours environ après 1 empoisonnement ' . La graine Poujol n'avait pas la maladie des corpuscules: cela est prouvé par la chambrée Mazel. Cette maladie n'a donc pu frapper la chambrée Meynadier de façon à la faire périr à l'état de vers. Mais ces vers furent tous empoisonnés, et dès lors les chrysalides et les papillons furent chargés de corpuscules. Enfin, quelle a pu être la cause occasionnelle de l'empoisonnement de ces vers? Je l'ai indiquée dans mon Rapport au ministre : M'"" Meynadier a élevé la graine Poujol sous le même toit que deux autres graines du Portugal et de pays, (pu avaient, elles, au plus haut degré et sous forme de vers, la maladie des corpuscules. L'échec des graines a été complet. On ne sait pas jusqu'à quel point on entretient et on propage la maladie 1. Voir p. 519 du présent volume. (Note de l'Édition.) 532 ŒUVRES DE PASTEUR par des associations de graines. Autrefois chaque éducateur n'en élevait que d'une sorte; aujourd'hui il en élève au moins de deux ou trois, souvent davan- tage, dans l'espoir que toutes ne seront pas également mauvaises; mais, sur ee nombre, la majorité est très malade, s il s agit îles graines à cocons jaunes et blancs. La peste est donc dans la chambrée. .Néanmoins, si une des graines est saine, elle donne des cocons, parce que, je le répète, l'éducation dure trop peu de temps pour que la maladie, lente à apparaître sous forme de corpuscules, puisse frapper le ver à l'état de ver; mais la chrysalide est perdue comme sujet propre à la reproduction. C'est ce qui est arrivé à la chambrée Meynadier. M. Mazel, au contraire, n'a élevé que la seule graine Poujol dans sa magnanerie. Permettez-moi de compléter toutes ces observations par le signalement microscopique des papillons, qui m'avait permis de prévoir, dès le 3 juin 1867, les résultats dont je viens de vous entretenir. Papillons de quatre couples Meynadier jaunes qui ont produit la graine de l'essai n° 17. MALES FEMELLES Belles ailes, 150 corpuscules par champ. Belles ailes, 500 corpuscules par champ. » 250 » » 800 « >> 500 » » 200 » » 0 » » 0 » Papillons de six couples Meynadier blancs qui ont produit la graine de l'essai n° 16. MALES II MFXLES Belles ailes, 50 corpuscules par champ. Belles ailes, 800 corpuscules par champ. » 150 >> » 1.000 » 500 » » 600 » » 500 » » 500 » « 800 » « 150 » » 150 » » 1.000 » Les papillons Mazel des essais n°s 6 et 7 étaient, au contraire, tout à l'ait privés de corpuscules. Enfin, j'ajoute que l'examen microscopique de ces divers papillons n'a certainement pas duré plus d'un quart d'heure. Quant au résultat de ce rapide et non moins facile examen, car j'aurais pu le faire faire par un enfant de huit ans (pie je m étais amusé à habituer à ce travail, il a permis de prévenir, pour 18U8, l'insuccès absolu de 150 onces de mauvaise graine, et de substituer à celle-ci un poids égal de bonne semence. J'espère que mes études de cette année perfectionneront les pratiques propres à éloigner le fléau. Nous savez que j'ai rencontré, chemin faisant, une forme de la maladie dont la part d'influence funeste avait été ignorée jusqu'à présent. C'est sur elle que je concentre toutes mes observations actuelles. Toutefois son étude est déjà bien avancée, ce me semble, par les résultats que j'ai eu l'honneur de vous communiquer récemment. En résumé, dans le département du Gard, le plus frappé depuis vingt ans III DES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 533 par la terrible maladie, et conséquemment dans toutes les contrées où l'on élève des vers à soie, il existe îles chambrées bonnes pour la reproduction el propres à ramener le grainage indigène dans des conditions de garantie et de succès. Ces chambrées sont faciles à découvrir, à 1 exclusion des autres qui de\ raient être livrées aux li la leurs. Il est non moins facile de les multiplier par quelques précautions et par l'emploi de graines reconnues irréprochables. J'ose assurer (pie le salut des éducateurs est entre leurs mains. Qu'ils imitent un propriétaire éclairé des Basses-Alpes, M. Raybaud-Lange, direc- teur de la Ferme-Ecole de Paillerols, qui a fait, en 1867, en prenant mes indications pour base, plusieurs milliers d'onces de graines. Après avoir sur- veillé avec soin, de la quatrième mue à la montée, afin de s'assurer de la vigueur des vers et de l'absence de la maladie des morts-flats, soixante-dix- Imit chambrées, il les a toutes examinées au microscope à l'état de chrysalides et de papillons. Ce double examen lui a permis d'en conserver dix-sept. 11 a l'ait étouffer les autres. Quatre sortes de graines fournies par quatre de ces dix-sept chambrées, choisies au hasard parmi ces dernières, à la convenance des éducateurs interesses, viennent d'être éprouvées aux essais précoces de Saint-IIippolvte : ces quatre essais ont donné les meilleurs résultats. Mais, tout à côté de M. Raybaud-Lange, dans les Basses-Alpes, on faisait de la graine en prenant pour guide les anciennes pratiques. Je pourrais démontrer, dès à présent, que, parmi ces graines, il en existe par milliers d'onces qui échoueront complètement aux éducations de eette année. Or, les personnes qui ont confectionné ces graines, lesquelles vont achever de ruiner des cen- taines d'éducateurs, auraient pu reconnaître avec évidence, par quelques minutes d observation au microscope, qu'elles allaient préparer de la graine détestable. Un des grands avantages du système que je préconise consiste à préjuger de la qualité de la graine avant qu'elle soit faite. C'est une condition de succès pour éloigner les désastres de la sériciculture, parce que toute graine laite est une graine qui sera élevée ('). Il faut donc pouvoir empêcher la confection des graines destinées à périr. M. Raybaud-Lange vient de m' adresser la liste exacte de tous les proprié- taires auxquels il a livré les graines de ces dix-sept chambrées. Afin que vous jugiez mieux de l'importance de son initiative, déjà signalée avec à-propos dans un Rapport officiel de M. Rendu, inspecteur général de l'Agriculture - , permettez-moi de vous donner le nombre des propriétaires qui élèveront ses graines' dans nos principaux départements séricicoles : seize dans le Gard, dix dans 1 Isère, trois dans l'Ardèche, trois dans la Drôme, un dans l'Hérault, trois dans les Bouches-du-Rhône, huit dans Vaucluse, sept dans le Var, deux dans les Alpes-Maritimes, quinze dans les Hautes-Alpes, trente dans les Basses-Alpes, un dans la Savoie. Plusieurs de ces personnes ont acheté une assez grande quantité des graines dont il s'agit pour pouvoir en distribuer, notamment M. de Plagniol, habile éducateur de Chômerai-, dans l'Ardèche. 1. Je n'affirmerais pas que, dans tous les cas où l'examen microscopique des papillons tait éliminer une graine, celle-ci ne pourrait donner une chambrée rémunératrice. Mais cette graine ne se trouve condamnée que pour être remplacée par une meilleure. Il n'y a pas d'intérêt à connaître sans exception toutes les chambrées propres à la reproduction. ■2. Voir p. 339-343 du présent volume. {Xote de l'Édition.) 534 ŒUVRES DE PASTEUR Enfin cent douze éducateurs des Hautes et Basses-Alpes vont faire autant d'éducations de \, I et 2 onces de ces mêmes graines, qui seront destinées aux grainages de M. Raybaud-Lange en 1868. Il sortira peut-être de ces nou- velles chambrées 200 à 300 kilogrammes de graines de bonne qualité. C'est presque le centième de ce qu'il faut à la France entière. Jugez par là de ce que peut accomplir l'initiative individuelle quand elle prend pour guide les résultats établis par l'expérience, au lieu de s'abandonner à de vagues disser- tations ou de se confier à de prétendus remèdes dont l'efficacité n'a d'autre appui que les idées préconçues de leurs auteurs. Je terminerai en vous faisant connaître deux autres réussites de graines industrielles, à cocons jaunes et blancs, issues de papillons à peu près exempts de la maladie des corpuscules. En premier lieu, la graine Guchens, de Perpignan, dont il est question dans mon Rapport au ministre de l'Agri- culture du 25 juillet dernier (') : j'ai l'ait faire deux essais de cette graine, sous les n"s 5 et 36, à la serre de Ganges. Le n" 5 était la graine des papillons sans choix, et le n» 36 la graine des papillons choisis. Le n° 5 a fourni 95 coemis pour 100 vers comptés au premier repas après la première mue, et le n" 36 en a fourni 93. Voici le deuxième et lies remarquable succès. Un graineur de Saint-Bau- zille-de-Putois, M. Roux, m'a adressé, le 16 juillet 1867, une centaine de papillons (I un de ses grainages à beaux cocons blancs de pays. Aucun de ces papillons n'était corpusculeux. .le me suis empressé de signaler ce fait a INI. le comte de Rodez, directeur des essais précoces de Ganges, qui habite Saint-Bauzille, en le priant de faire acheter la graine Roux pour la distribuer parmi les membres du Comice agricole de Ganges. Cette graine, éprouvée par M. de Rodez aux premiers essais précoces, a fourni 100 cocons pour 100 vers comptés au premier repas après la première mue (2). N'oubliez pas toutefois de remarquer l'incertitude attachée au résultat de l'examen des papillons d'une chambrée qui n'est pas autrement connue. Que les papillons tels que ceux dont je viens de parler soient tous privés de corpus- cules, on ne pourra affirmer que deux choses : C'est que leur graine sera parfaitement exempte de la maladie corpuscu- leuse, et, en outre, que les vers issus de cette graine ne périront pas, à l'état devers, par l'effet de cette maladie. Mais on ne peut garantir que la graine n'aura pas constitutionnellement une maladie d'une autre nature, notamment celle des morts-flats. J'insiste sur ce point, parce que, sans cela, il serait facile de commettre des erreurs dans les jugements anticipés sur la valeur des graines. Il suffirait de s adressera des papillons exempts de corpuscules, mais provenant d'une chambrée de vers languissants et ayant péri en partie ,1e la maladie des morts- Mats de la quatrième mue à la montée (3). Je ferai observer, d'ailleurs, que ce n'est pas assez de savoir qu'une chambrée a donné un fort rendement pour que l'on soil toujours assuré qu'elle n'était pas sous l'influence de cette 1. Voir ce Rapport, p. 511-523 du présent volum,'. 2. Les quatre alinéas suivants, qui constituent la fin de cette Communication :'i l'Académie des sciences, ne figurent pas dans l'édition de 187(1. {Notes de l'Édition.) 3. Ou qui ont souffert du froid à cet âge : du moins je crois avoir îles motifs .le le pré- sumer. É.ÏUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 535 maladie. En effet, une once de graines du poids de 2."i grammes fournit quel- quefois 55 kilogrammes de cocons, cl. à la rigueur, elle peut en donner bien davantage. Supposez qu'elle n'en produise que 45, ce qui est encore une 1res belle réussite, mais que la mortalité correspondant à la dill'érence de \~> à 55, qui est de plus d'un cinquième, se rapporte presque entièrement à I âge des vers compris entre la quatrième mue et la montée, et que cette mortalité soit due à la maladie des morts-flats. Dans ce cas. soyez-en sur, les 45 kilogrammes de cocons produiront une grairte qui aura héréditairement cette maladie, lors même que tous les papillons seraient exempts (le corpuscules. Vous êtes alors .la us le cas des expériences que je vous ai communiquées dans ma Lettre du 20 mars dernier ('), expériences qui prouvent que des papillons sans corpus- cules, mais originaires de vers atteints de la maladie des morts-flats, donnent de la graine affectée constitutionnellement de cette maladie. Aussi ne saurait-on sans danger se priver de la garantie qui résulte de l'observation d'une bonne marche de la chambrée de la quatrième mue à la montée. Si vous avez des vers d'apparence vigoureuse à cet âge et que les papillons auxquels ils donneront lieu soient privés de corpuscules, ne crai- gnez rien, faites grainer tous ces papillons, et votre graine sera excellente. Négligez, au contraire, la première prescription, vous pourrez avoir la maladie des morts-flats ; négligez la seconde, vous pourrez avoir la maladie corpusculeuse ; négligez-les toutes deux, vous pourrez avoir à la fois l'une et l'autre de ces deux maladies. C'est ce qui est arrivé le plus fréquemment dans les grainao-es des races jaune et blanche dans ces vingt dernières années. ÉDUCATIONS PRÉCOCES DE GRAINES DES RACES INDIGÈNES PROVENANT DE CHAMBRÉES CHOISIES TROISIÈME LETTRE A M. DUMAS (s) Alais. le 15 avril 1868. Mon cher maître. Voulez-vous me permettre de vous donner des preuves palpables de l'im- mense bienfait que la sériciculture peut retirer de l'application du procédé de sélection des chambrées pour graine par l'examen microscopique des chry- salides et des papillons, tel qu'il résulte de mes observations de ces dernières années ? On a fait, en 1867, dans le département des Basses-Alpes, une quantité considérable de graines de vers à soie. C'est une de ces régions réputées saines dont je parlais dans une Lettre précédente. Toutefois, si le moyen que 1. Voir, p. 524-538 du présent volume : Éducations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. Lettiv à M. Dumas. 2. Messager agricole du Midi, 5 mai 1868, IX, p. 134-136. Cette Lettre, à l'exclusion du passage compris entre ■. N'oubliez pas... dans ces vingt der- nières années », a été reproduite dans le numém du IX avril 1868, p. 527, du Moniteur uni- versel. [Notes de l'Édition.) 536 ŒUVRES DE PASTEUR j ai indiqué pour découvrir les chambrées de reproduction offre réellemenl la valeur que je lui attribue, le département (1rs Basses-Alpes a ilù donner lieu, en lb67, à un très grand nombre de chambrées impropres aux grainages. Je vous écrivais, en effet, toul récemment, que M. Raybaud-Lange, membre du Conseil général de ce département, axant préparé plusieurs milliers d'onces de graines par le procédé dont il s'agit, n'a pu utiliser, pour arriver à ce résultat, que dix-sept chambrées sur soixante-dix-huit qu'il a examinées. Ceci posé, je vais vous entretenir succinctement de deux des éducations qui "lit été soumises à des grainages dans le département des liasses-Aines, en suivant les anciennes pratiques. Je ne nommerai personne. Cela n'ajoute- rait rien à la force de mes arguments. La première de ces chambrées était de loi) kilogrammes, la seconde de 300 kilogrammes, toutes deux d'une réussite forl remarquable. Elles ont pro- duit 12 ou 1.300 onces de graines qui sont, à cette heure, l'espoir de la récolte de quelques centaines d éducateurs. Je sais qu'à la suite d'un examen microscopique des papillons de ces chambrées, l'ait par une personne exercée, qui avait reconnu que tous ces papillons étaient fortement atteints de la maladie des corpuscules, les pro- priétaires lurent avertis du danger de faire graiuer ces chambrées. Mais ils arguèrent de la beauté des vers qui axaient fourni ces papillons et du succès extraordinaire des éducations, en ajoutant que le microscope pouvait se tromper. Les grainages eurent donc lieu, l'eu de temps après mon arrivée à Mais, je me suis procure une petite quantité des graines dont je parle, et j'ai commencé à les élever. Je suis en mesure d'affirmer que toutes les chambrées de ces graines, sans exception, périront entièrement de la maladie corpuscu- leuse. Les L.200 à 1.300 onces ne feronl peut-être pas 1.200 à 1.300 cocons, et elles achèveront de ruiner quelques centaines d'éducateurs. Heureusement ces faits se sont présentés à des personnes honorables el éclairées, qui vont être prochainement désabusées et seront les premières à proclamer leur erreur. Pécheurs repentants, elles deviendront de fervents apôtres. Par leur influence, j'en ai l'espoir, la lumière se fera dès cette année dans le département des Basses-Alpes, qui est, en effet, l'un de ceux dont on peut attendre un grand nombre d'excellents grainages, si les éducateurs veulent bien v prendre pour guide les résultats de mes recherches. Nous n imagine/ pas jusqu'à quel point est répandue la maladie des cor- puscules, lie serait à désespérer de l'avenir, si je n'avais reconnu qu'un cer- tain nombre de chambrées en sont exemples, et qu'il est facile de multiplier celles-ci à volonté. Désiranl m'assurer île nouveau, cette année, de l'extension de cette maladie, je me suis procuré, le lundi 6 avril, au marché d'Abus, quarante et une sortes de graines qui étaient en vente. Si je ne craignais de trop allonger celle Lettre, je vous transcrirais le tableau des résultats tic leur examen microscopique. Elles sont malades à un degré tel, que trente-huit sortes au moins sur les quarante el une échoueront forcement par la maladie des corpus- cules. Tous les départements sériricoles sont inondes de pareilles graines, qui sont celles du pauvre, en général, car les propriétaires aisés, par leurs relations, par leurs lectures de journaux séricicoles, réussissent quelquefois a découvrir des sources de bonnes graines. Le paysan est sans défense contre ÉTUDES SUB I. \ MALADIE DES VERS A son; 537 le mal qui l'entoure. Mais quel esl un des résultats nécessaires de mon pro- cédé de sélection des chambrées pour graine, reposanl sm' I exame icros- copique des chrysalides et des papillons, procédé si facile et si rapide, qu un enfanl peul en être chargé? C'esl qu'il '-si impossible de trouver dans les graines que l'on tire de ces chambrées un seul œuf corpusculeux ' . N'oubliez |>as toutefois de remarquer I incertitude attachée au résultai de l'examen des papillons il une chambrée <|ui n'esl pas autrement connue. Que les papillons tels que ceux dont je viens de parler soient imis privés de corpuscules, on ne pourra affirmer que deux choses : I" C'esl que leur graine sera parfaitement exempte de la maladie cor- pusculeuse : 2" Uiir 1rs mis issus (ii- <-<■ 1 1 <- juiiinr m- périront pas, à I état de vers, pai l'effet de cette maladie. Mais mi m- peul garantir que la graine n'aura pas constitutionnelle- iiu-iit une maladie d'une autre nature, notamment celle des morts-flats. J'insiste sur ce point, parce que, s;ins cela, il serait facile de commettre des erreurs dans les jugements anticipés sur la valeur des graines. 11 suffirait, de s'adresser à des papillons exempts de corpuscules, mais provenant d'une chambrée de vers languissants cl avant péri en partie u éviter? Car il convient de ne pas mettre au nombre des échecs pouvant être, attribués à la graine ou à l'épidémie des insuccès dus à des fautes commises. Permettez-moi de vous rappeler les origines des graines dont il s agit, qui ont été distribuées dans l'arrondissement d'Alais : 1" Graine de M. Etaybaud-Lange, à cocons jaunes; 2" Graine de M. de Chavannes, à cocons jaunes; .'!" Graine de M . Mazel lils, à cocons jaunes et blancs ; V' Graine de M. de Guchens, à cocons jaunes ; 5° Graine de Saine pies Saint-Hippolyte, à cocons jaunes et blancs, dont le Comice du Vigan a remis deux onces à chacun de MM. les présidents des Comices d'Alais, de Nîmes et d'Uzès : 6° J'ai eu l'honneur de vous remettre quelques petits lots de graine con- sidérés par moi comme exempts de maladie. Ces lots étaient composés de: Graine Mazel, à cocons blancs; Graine de Sauve, à cocons blancs et jaunes croisés de graine Mazel à cocons jaunes ; ('■rame de Sauve, à cocons jaunes ; Graine de Sauve, à cocons blancs; Graine Guchens; Graine d'un croisement de cocons jaunes Mazel et de cocons jaunes de Perpignan. Enfin, M. Despeyroux, trésorier du Comice agricole d'Alais, a dû distri- buer une certaine quantité de graine à cocons jaunes, provenant d'un grainage cellulaire que j'avais l'ait l'an dernier, à l'aide de cocons provenant de diverses chambrées, entre autres de celle de Julia Belia, de la Tour de Fiance Pyrénées-Orientales) et de celle dite Caladroy. J'avais observé moi-même les papillons des grainages qui ont fourni toutes les graines précédentes. Je n'avais pas vu sur la bruyère les vers qui ont formé ces papillons, à l'exception toutefois des chambrées Guchens et de Sauve. Je m'en suis rapporté aux indications des propriétaires pour ce qui était de la condition de l'agilité des vers à la montée et de l'absence présumée de la maladie des morts-flats dans leurs chambrées de 18(>7. Je vous serai obligé, Monsieur le Président, de me l'aire connaître, dans le plus bref délai possible, les résultats des éducations de toutes les graines dont je viens de vous entretenir, et qui ont été élevées dans le rayon d Alais. Votre Rapport - . joint à celui des présidents des Sociétés d'agri- culture du Vigan, de Ganges, de Aimes, de Perpignan, des Basses-Alpes, 1. M. de Lachadenède. 2. Voir, p. 359-363 du présent volume : Rapport adressé à M. Pasteur, par M. de Lacha- denède, président du Comice agricole d'Alais. {Xotes de l'Édition.) 540 ŒUVRES DE PASTEUR servira de base aux appréciations que je devrai soumettre à S. Exe. M. le ministre de l'Agriculture et du Commerce, lorsque j'aurai l'honneur de lui rendre compte de la mission qu'il m'a confiée. \ endlez agréer, M. le Président, l'assurance de ma parfaite considération. L. Pasteuh, membre de l'Académie des sciences, en mission à Alais (Gard). SUR LES REMEDES AU NITRATE D'ARGENT ET A LA CRÉOSOTE, POUR GUÉRIR LES MALADIES DES VERS A SOIE (') NOTE SUR LES TACHES DES VERS A SOIE (*-) Il v a deux sortes de taches sur la peau des vers à soie. Les unes sont l'effet des ravages internes dus à la présence et à la multiplication des cor- puscules. Prenez des vers très beaux, sortant, par exemple, de la première mue. donnez-leur la maladie des corpuscules par un repas de feuilles rendues cor- pusculeuses, ainsi que je l'ai indiqué dans mes expériences antérieures. Vers le dixième ou douzième jour depuis la contagion, vous commencerez à aper- cevoir les corpuscules de forme ordinaire ou de la variété piriforme. Jusque- là vous ne pourrez apercevoir à la loupe la moindre tache sur la peau des vers; mais, à partir de ce moment, où les corpuscules commencent à se pro- pager dans les parois de l'intestin, la peau externe montre de très fines taches irrégulières, particulièrement sur la tête de l'insecte. Voilà la pre- mière espèce de taches qui est le signe certain de la maladie des corpuscules. Elles persistent, en général, jusqu'à la fin de la vie du ver, sans s'accuser d ailleurs d'une manière très marquée en général, excepté les circonstances (pie je relaterai tout à l'heure. Il existe une autre sorte de taches sur la peau des vers, principalement sur la peau des vers âgés, prêts à monter à la bruyère. Ces taches, que l'on a confondues jusqu'à présent avec les taches dont je viens de parler, sont, pour ainsi dire, naturelles aux vers à soie en grande éducation; elles résultent de o piqûres que les vers se font en marchant les uns sur les autres, en se frois- sant, en faisant des efforts pour se dégager au moment des délitages, etc., etc. Voici la preuve manifeste de l'existence de cette nouvelle espèce de tache, dont il n'y a, pour ainsi dire, pas de vers à la montée qui en soient exempts dans les glandes éducations. On sait que les mues l'ont disparaître toutes les 1 Bulletin 'lu Comice agricole de l'arrondissement d'Alais, séance du 1" juin 1868, VIT. p. 272-274. Cette Communication se trouve reproduite p. 52-53 du présent volume. 2. Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d'Alais, n° 6, séance du 1" juin 1868, VII. p. 281-284, et Messager chambrées, formant un total de L.200 kilogrammes sont livrés au grainage. Il n'y a pas moins tic vingt femmes occupées exclu- sivement à mettre en filanes les cocons choisis par le microscope. Voici, en quelques mots, toute 1 organisation. M. Raybaud-Lange, je vous l'ai écrit (' \ avait îles marchés avec I 12 éducateurs des Hautes et Basses-Alpes, auxquels il avait remis gratuitement de la graine, à la condition qu'ils n'élè- veraient que cette sorte et qu'ils lui vendraient leur récolte. La graine avait été laite au microscope. Les réussites ont été admirables (de 45 à 60 kilo- grammes à l'once de 2."> grammes! et générales. Les cocons sont apportés à Paillerols, chambrée par chambrée, pendant la nuit. Dés leur arrivée, on en prélève I kilogramme sur chaque lot, que l'on place, avec son numéro d'ordre, dans une chambre constamment chauffée à 25 degrés Réaumur. Le restant des lots est mis au frais sur des claies. Dès que les papillons sortent à la chambre chaude, ce qui a lieu au moins quatre jours avant qu'ils ne sor- tent sur les claies, on en soumet au microscope une cinquantaine, et, d'après le résultat de l'examen, on conduit le lot correspondant dans la petite ville des Mecs, où on les vend pour la filature, ou bien on les descend aux ateliers de grainage. 11 y a tant de bonnes chambrées, tout à fait exemptes, ou à très peu près, de la maladie des corpuscules, que nous sommes très sévères sur le choix. Le succès extraordinaire de toutes les éducations de M. Ravbaud-Lange a o tellement ouvert les yeux que son exemple est suivi dans les Basses-Alpes par nombre de personnes. Le microscope devient le vade mecum de tous les graineurs intelligents. Ainsi donc, dans les Basses-Alpes, le succès des graines tic M. Raybaud-Lange a été des plus remarquables. Dans le Var, même réussite. Dans les Alpes-Maritimes, dans Vaucluse, dans l'Hérault, dans le Gard, l'Isère, l'Ardèche, bon nombre d'éducations ont échoué avec ces mêmes graines, mais toutes sans exception par la maladie des morts-flats (2). N'allez pas croire néanmoins que l'insuccès dans ces départements ait été général. Je fais dresser le tableau complet de toutes les réussites et de tous les échecs. Or, en divisant le poids total des cocons par le poids total de la graine, on arrive au chiffre de 20 kilogrammes à l'once de 25 grammes poul- ie rayon d'Alais. C'est le chiffre de l'ancienne prospérité, ce qui suppose, vous le comprenez sans peine, de très grandes réussites. Aussi l'opinion s'est-elle établie que les graines choisies an microscope donneront, ainsi que je l'avais prévu, des récoltes extraordinaires, lorsque la maladie des morts- llats sera écartée. C'est précisément ce qui vient de se passer dans les Basses- Alpes, où la maladie des morts-flats a peu sévi. En divisant le poids total des cocons par le poids total de la graine pour les éducations de ce département et pour la graine de M. Raybaud-Lange, calcul qui peut s'appliquer à plus de 150 éducations distinctes, on arrive au rendement de 45 kilogrammes à l'once de 25 grammes. o o Que restc-t-il donc à faire ? Il faudrait pouvoir prévenir la maladie des 1. Voir, )>. 528-535 du présent volume : Éducations précoces de graines des races indigènes provenant île chambrées choisies. Deuxième Lettre à M. Dumas. '.' i'oii'lu îvctiticatimi signalée dans la note 1 de la pave ôô'.l. Il faut lire : Dans les Hautes- Alpes, dans le Var, dans les Alpes-Maritimes, dans Vaucluse, dans l'Hérault, même réussite. Dans le Gard, l'Isère. l'Ardèche, Imn nombre, etc. (Xotes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 543 morts-flats ou l'empêcher d'apparaître. Eh Lien, j'ai l'espoir d'y parvenir. Lisez Lieu la Note que j'ai communiquée au Comice d Alais dans s;i séance du | " juin ' . et peut-être partagerez-vous ma confiance. Dans tons les cas, vous v verrez comment mon examen microscopique, dans le grainage que je suis venu étudier dans les Basses-Alpes, peul porter sur deux choses très distinctes: sur les corpuscules, d une part, et sur le fermeiil en chapelets de grains, d'autre part, qui peut être le témoin dans la chrysalide et dans le papillon de la maladie tics morts-flats chez le ver. Tous les lots que je laisse aller au grainage on1 subi cette double épreuve, el j'ai l'espoir d'éliminer ainsi la maladie des niorts-llats par hérédité. Je suis donc très satisfait de cette campagne, bien que je sois le premier à comprendre qu'il v ait encore beaucoup à faire. La marche de mes études esl lente, mais j'ai la confiance d'avoir établi des principes sûrs qui rappro- chent le Lut. Par exemple, j'avais affirmé que pas une seule des graines choisies au microscope par le procédé du grainage, dont je vous décrivais tout à l'heure une si belle el si heureuse application chez M. Raybaud-Lange, ne périrait de la maladie des corpuscules, et que là où elles ne seraient pas atteintes de la maladie des morts-flats, la récolte irait au double du chiffre île l'ancienne prospérité. Or, je ne connais pas un seul fait qui soit venu démentir ces prévisions. Agréez, mon cher maître, la nouvelle expression de mes sentiments de respect et d'affection. L. Pasteuh. MALADIE DES VERS A SOIE LETTRE A M. DUMAS (s) Ce '-'4 juin, à Paillerols, commune des Mées (Basses-Alpes). Je suis depuis quinze jours dans les Basses-Alpes où j'assiste M. Raybaud- Lange dans le vaste grainage qu'il effectue de nouveau cette année, d'après mon procédé. Grâce à l'obligeance de M. le président du Comice d'Alais, je viens de recevoir le Compte rendu de la séance de l'Académie des sciences du 8 juin, où je lis une Note de M. Béchamp relative à la maladie des morts- Hats (3). Nous savez que j'ai, le premier, appelé l'attention des éducateurs sur l'influence de cette maladie, et que, le premier également, j'ai démontré qu'elle était indépendante, en fait, de celle des corpuscules. Maître de cette dernière maladie, ce dont les éducations de cette année ont donné les preuves les plus éclatantes, je devais porter toute mon atten- 1. Voir, p. 544-546 du présent volume : Note sur la maladie des vers à soie désignés vul- gairement sous le nom de morts-blancs eu morts-flats. i. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du i'.\ juin 1868, LXVI, p. 1289. Cette Lettre n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870. 3. Béchamp (A.). Sur la maladie à microzymas .les vers à soie. lhid.. p. 1160-1163. [Notes de VÊctition.) 544 Œl'VRES DE PASTEUR tion sur celle des morts-flats que, le premier encore, vous le savez, j'ai démontré être héréditaire dans certains cas détermines. J'ai communiqué les principaux résultats de mes observations de cette année au Comice d'Alais par une Note lue en séance publique, le 1" juin, en présence d'un nombreux concours d'éducateurs, réunis dans la grande salle de la mairie. Permettez-moi de vous prier de vouloir bien faire insérer dans le plus prochain numéro des Comptes rendus de l' Académie des .sciences le texte complet de celle Note, dont je vous adresse un exemplaire, extrait du Bulletin ilu Comice agricole d'Alais. NOTE SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE DESIGNES VULGAIREMENT SOUS LE NOM DE MORTS-BLANCS OU MORTS-FLATS (i) Mes études de cette année devaient porte)' plus particulièrement sur la maladie des morts-flats, que j'ai le premier signalée à l'attention des éduca- teurs, comme intervenant pour une part importante dans les désastres actuels de la sériciculture. Lorsque les vers sont atteints de cette maladie d'une manière apparente, qu'ils ne mangent plus ou très peu. qu'ils se montrent étendus sur les bords des claies, ou lorsqu'ils viennent de succomber, les matières qui remplissent leur canal intestinal renferment des productions organisées diverses, qu'on ne rencontre pas dans les vers sains. Ces organismes sont : 1° des vibrions, souvent très agiles, avec ou sans points brillants dans leur intérieur; 2° une monade à mouvements rapides ; 3° le bacterium termo, ou un vibrion très ténu qui lui ressemble; 4° un ferment en chapelets de petits grains, pareil d'aspect à certains ferments organisés que j'ai rencontrés maintes fois dans mes recherches sur les fermentations (-). Ces productions sont réunies dans le même ver, d'autres fois plus ou moins séparées. Celle qui se montre le plus fréquemment, au moins dans le cas que je vais indiquer tout à l'heure, est ce ferment en chapelets flexibles de deux, trois, quatre, cinq... grains sphé- riques, d'une parfaite régularité. Ce ferment, ou une production toute sem- blable, est décrit ou dessiné dans plusieurs de mes Mémoires relatifs aux fermentations. Le diamètre des grains est à peu près d'un millième de milli- mètre. On peut le déduire de la longueur d'un chapelet formé de plusieurs grains, divisée par le nombre de ces grains. La mesure ainsi faite, et qui comprend l'intervalle de deux grains, outre le diamètre de ces grains, est égale à 0 mm. 0015 environ. J'ai démontré récemment que la maladie des morts-flats peut être héré- ditaire. On s'en convaincra facilement en répétant mes expériences. 1. Comptes rendus de l' Académie des sciences, séance du 29 juin 1808, LXVI, p. 1389-1292. C'est la Noie annoncée ilans la Lettre précédente; elle a paru sous le même titre dans le Bulletin du Comice agricole de l'arrondissement d'Alais, séance du 1" juin 1868, VII, p. 376-280. 2. Voir, à ce sujet: Œuvres de Pasteur, tome II; Fermentations, notamment p. 134, 251, 270 et 271. (Xotes de l'Édition.) ÉTUDES SI i; I.A MALADIE DES VERS A SOIE 5'.5 Prenez dans une éducation fortement atteinte de celle maladie des cocons biens Formés, renfermanl des chrysalides d'un aspecl lies sain, el soumettez- les au grainage, en nous assurant que les papillons sont exempts de la maladie des corpuscules : vous reconnaîtrez, l'année suivante, que la maladie des morts-flats fera périr les vers issus de la graine dont il s'agit. La maladie des morts-flats peut donc être constitutionnelle et héréditaire dans certaines -laines. D'ailleurs, qu'elle Frappe accidentellement des éducations de graines 1res saines, par suite de Fautes commises dans ces éducations ou de circons- tances inconnues, ou qu'elle sévisse héréditairement, cette maladie se montre avec une intensité très variable. Les échecs sont absolus ou partiels, niais généralement, Lorsqu'une chambrée ne périt pas tout entière par la maladie des morts-flats, il esl Facile de reconnaître que les vers survivants, lorsqu'ils montent à la bruyère, ou lorsqu'ils commencent à filer leurs cocons, ont tics mouvements très lents. On les dirait sous l'influence du mal qui en l'ait suc- comber un certain nombre, bien qu'ils lassent des cocons, que ces cocons puissent être d'un bel aspect et fournir des papillons paraissant très sains. 11 y a plus, je pourrais citer des exemples dans lesquels j'ai vu presque tous les vers d'une éducation former leurs cocons, mais en présentant la langueur dont je parle. Ce sont des vers malades, mais pas assez pour qu'il leur soit impossible de monter à la bruyère. Toutefois, on rencontre alors beaucoup de cocons /'un/lus. Cela étant, je me suis demandé si les vers des chambrées atteintes de morts-flats, et qui néanmoins sont capables de faire des cocons et de se trans- former en chrysalides et en papillons, ne porteraient pas en eux-mêmes les organismes dont j'ai parlé et qui sont propres à tous les vers assez malades pour succomber avant île pouvoir filer leur soie. Ces prévisions se sont réalisées. Voici ce que l'on observe toutes les fois que l'on a affaire à des éducations frappées de la maladie des morts-flats, et dont les sujets survivants fourni- raient nécessairement, ainsi cpie je l'ai précédemment expliqué, une graine constitutionnellement atteinte de cette maladie. Le contenu du canal intes- tinal de la chrysalide, au lieu d'être formé, comme dans les chrysalides saines, de granulations amorphes, est rempli de ces petits chapelets de grains sphériques que j'ai décrits précédemment. En faisant ces observations, je croyais revoir quelques-unes de mes anciennes préparations relatives aux fer- mentations. On n'aperçoit ici ni bacteriums, ni vibrions, ni monades. Lorsque l'on étudie, dans les conditions précédentes, les chrysalides d'édu- cations atteintes a un faible degré de la maladie des morts-flats, il faut en général en ouvrir plusieurs avant d'en trouver une qui offre le caractère dont il s'agit. Enfin, dans les cocons des bonnes éducations, où rien ne dénote l'existence de la maladie, le petit organisme dont il s'agit parait tout à fait absent. Rien ne démontre encore que ces sortes de ferments dont je viens de par- ler soient la cause de la maladie des morts-flats. Ils ne sont peut-être que le résultat nécessaire d'un trouble profond dans les fonctions digestives. L'intestin venant à ne plus fonctionner par quelque circonstance inconnue, les matières qu'il renferme se trouvent alors placées comme dans un vase inerte. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VEP.S A SOIE. 35 546 ŒUVRES DE PASTEUR J'ai introduit dans un vase des fouilles cle mûrier broyées avec de l'eau, et, au bout de vingt-quatre heures déjà, elles ont commencé à fermenter en montrant précisément les mômes organismes que ceux que j'ai décrits. Je terminerai par une indication qui paraîtra fort extraordinaire; pour- tant, comme ee n'est pas une opinion, mais un fait que j'ai à communiquer au Comice, je me hasarde à le publier, tout incomplet et tout singulier qu'il me paraisse à moi-même. Le 29 mars, à 8 heures du matin, j'ai placé sous une cloche de verre, en plein soleil, une boîte de carton renfermant une graine à cocons jaunes. La boite était renfermée elle-même dans un sac de papier avec un thermomètre dont le réservoir touchait la boite et dont la tige dépassait le bord du sac, ce cpii permettait de lire la partie haute de la graduation. La cloche est restée au soleil, à la même place, jusqu'au lendemain 30 mars à midi. Le 29, le ther- momètre est monté à 27 degrés Réaumur, et le 30, à 32 degrés. Dans la nuit du 29 au 30, à 2''3()'" du matin, il est descendu à 2 degrés Réaumur. La boîte contenant la graine a été apportée, le 30 mars à midi, dans une petite chambre où se trouvait, dans une autre boîte pareille à la première, le même poids de la même graine ; cette chambre était alors à la température de 13 degrés Réaumur, laquelle a été élevée d'un degré par jour jusqu'au moment de l'éclosion. Les deux graines ont commencé à éclore le même jour, le 13 avril. Ce jour-là, à midi, on a fait une levée de vers dans l'une et l'autre boîte. L'éclosion a été terminée de part et d'autre le 14. Dans la boîte chaullée sous la cloche, il est resté cinquante o^ufs sans éclore, et dix seulement dans l'autre. Chaque lot cle graine pesait un demi-gramme. J'ai élevé des portions égales de vers recueillis le 13 avril à midi ; ils étaient placés dans deux paniers qui n'ont cessé d'être côte à côte, les repas donnés aux mêmes heures avec la même feuille. La graine qui n'a pas été chauffée m'a offert de la qua- trième mue à la montée huit morts-flats sur un total de 100 vers ; l'autre, au contraire, n'en a pas offert un seul. Tous les vers de ce second panier, sans exception, ont fait leurs cocons et sont montés à la bruyère environ douze heures avant ceux de l'autre panier. Dans les premiers temps de l'éducation, il m'a paru qu'il y avait quelques vers un peu plus petits, mais en très faible nombre, dans le panier de la graine chauffée. Cette inégalité, d'ailleurs à peine sensible, a disparu pendant l'éducation, excepté pour un seul ver, qui néanmoins a parfaitement mûri et fait son cocon. Est-ce une illusion de ma part ? J'ai cru remarquer que les vers issus de la graine qui avait séjourné sous la cloche avaient une vigueur plus accusée que les vers de l'autre essai. Je m'abstiens cle toute réflexion sur l'observation qui précède ; je ne la publie qu'à titre de renseignement pour l'avenir, lui ce qui me concerne, je ne la perdrai pas de vue et je multiplierai les expériences, afin d'en mieux connaître la signification et l'importance pratique, si toutefois clic en a une. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 547 RAPPORT A S. EXC. M. LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE SUR LA MISSION CONFIÉE A M. PASTEUR, EN 1868, RELATIVEMENT A LA MALADIE DES VERS A SOIE (i) Paris, le 5 août 1868. Monsieur le Ministre, Je viens soumettre à Votre Excellence les résultats de la nouvelle mission dont j'ai été chargé relativement à la maladie des vers à soie, en 1868. Mes recherches expérimentales de 1865, 1866 et 1867, et dont j'ai rendu compte à Votre Excellence dans un précédent Rapport (-), à la date du 25 juillet 1867, m'avaient conduit, dans le but de prévenir la maladie régnante, à proposer un procédé de grainage qui consiste essentiellement dans un examen microscopique simple et rapide d'un petit nombre de chrysa- lides et de papillons des éducations les mieux réussies. De l'examen de ce petit nombre de sujets pris au hasard on conclut à l'état de la chambrée entière, et, d'après le résultat obtenu, on livre celle-ci, soit au grainage, soit à la filature. § I. — Nouveau procédé de grainage. — Sox application chez M. Raybaud-Lange, a Paillerols (Basses-Alpes). Avant de faire connaître les résultats industriels de ce procédé, je vais décrire L'application qui en a été faite en 1867 et en 1868, par M. Raybaud- Lange, membre du Conseil général des Basses-Alpes et directeur de la Ferme- Ecole de Paillerols. Comme ce propriétaire a pu livrer au commerce en 1867 environ 2.500 onces de graine et qu'il pourra en livrer en 1868 près de 5.000 onces, il sera bien établi que ce procédé peut être mis en pratique sur une vaste échelle. M. Raybaud-Lange avait distribué la graine de deux de ses meilleures chambrées choisies au microscope à cent douze éducateurs des Hautes et Basses-Alpes, par lots de demi-once, 1 once et 2 onces. Cette distribution avait été faite gratuitement, à la seule condition que les détenteurs n'élève- raient que cette sorte de graine (3) e1 qu'ils vendraient à M. Raybaud-Lange leur récolte au plus haut cours du prix «les cocons. Cinq ou six éducateurs ont brûlé leur graine a l eclosion. Tous les autres ont réussi. La ino\ enne du rendement a été de plus de 45 kilogrammes à l'once de 25 grammes. Les 1. Paris, 1868. Imprimerie impériale, brochure de 72 p. in-4° (avec 2 pi.). Cette brochure se romposait du Rapport « proprement dit (p. 1-41) et de « Notes et Docu- '>'■'■ 72 Pasti m a reproduit ici. dans l'édition de 1870 des « Études sur la maladie '';" verS ■' --Mi,. „. [e Rapport in extenso et les Notes A. B. et E. en renvois. Les autres Notes et les Documei irtis par Pasteur dans divers chapitres des « Études sur la ii- d.-s vers à soie . [Voir p. -.'m. 349, 355, 359, 367, du présent volume). Les d planches qui accompagnaient le Rapport original sont les figures reproduites p. 212-213 du i volume. i p. 511-523 du présent volume. (Notes de l'Édition.) rconstance qui doit donner lieu à une surveill i i cte que possible. 548 ŒUVRES DE PASTEUR cocons de chacune de ces éducations séparées ont été apportés à Paillerols pendant la nuit, dans drs corbeilles longues, peu profondes, superposées en croix et enveloppées d'un drap. Sur chaque lot on avait prélevé I kilogramme de cocons (1 demi-kilogramme suffirait), qui, après avoir été mis en filane, étaient suspendus dans une chambre chauffée constamment par un poêle, à 2~> et 30 degrés Réaumur ('). Les papillons sortent dans cette chambrée quatre ou cinq jours au moins avant de sortir dans le lot principal correspondant. On a doue le lemps nécessaire pour les examiner, et, dans le cas où on les juge mauvais, de faire envoyer le lot principal à la filature. Si les papillons sonl déclarés propres au grainage, on l'ail mettre en flânes tous les cocons du loi, en éloignant seulement les faibles et les doubles. Les /lianes sont portées dans râtelier de grainage avec un numéro d'ordre. Elles sont suspendues à des perches placées horizontalement sur des espèces de tréteaux très solides de 2 mètres de hauteur environ. 11 est bon de ne pas tolérer plus de 10 à 12 pour 100 de papillons corpus- culeux dans les lots conservés, el il faut être même plus sévère dans le cas où l'on a à sa disposition plus de bons lois qu'on n'en peut l'aire grainer. Toute- lois la tolérance de ce nombre de papillons corpusculeux est en raison du petit nombre de corpuscules par champ (-), de l'âge avancé auquel les chry- salides ont présente des corpuscules, de la vigueur des vers et des papillons, (lette tolérance peut être accrue un peu lorsque les graines doivent être élevées dans des localités très favorables aux éducations. Quoi qu'il en soit, c'est toujours beaucoup s'exposer dans l'état présent de la sériciculture, que d'élever des graines issues de papillons corpusculeux, alors même que les chrysalides auraient paru saines jusqu'à la fin de leur vie (3). 1. Il est nécessaire, pour l'aire ce prélèvement, de ne pas attendre le déramage. Cinq ou six jours seulement après que l'on a mis la bruyère, lorsque les cocons sont bien formés, il faut prendre, par-ci par-là, dans la chambrée, îles bouquets de bruyère formant environ un demi à un kilogramme de cocons et les envoyer sans retard à la chambre chaude. 2. Les nombres de corpuscules par champ sont faibles, pour des papillons, lorsqu'ils sont compris entre 0 et 20. Pour des chrysalides jeunes et a fortiori pour des graines, ces mêmes nombres sont énormes. 3'. La ferme isolée de Rourebaud, dans les Basses-Alpes, près de la petite ville des Mées, a eu des réussites excellentes de 1862 à 1X07. En 1867, toutes les personnes qui ont élevé sa graine de 1866 ont eu de bonnes recolles. M. Arnoux, adjoint au maire des Mées, a exaiu , en 1867, les chrysalides et les papillons du grainage des cocons de cette ferme. Les chrysalides étaient toutes saines jusqu'à la fin de leur vie de chrysalide, mais les papillons étaient corpus- culeux ; peu, en général, c'est-à-dire que plusieurs ne montraient que 10 et 20 corpuscules par champ. De mon côté, j'ai eu l'occasion d'étudier la graine de ces papillons le 31 mars 1868. Sur 78 œufs, je n'en al trouvé que 2 offrant de très rares corpuscules. Qu'est-il advenu de cette graine? A la ferme même de Rourebaud, en 1868, l'échec a été absolu par la maladie des morts-tlats principalement. Il n'y a eu que de très rares réussites de cette graine, même dans les Basses-Alpes. Ces faits et d'autres qui les confirment tendraient à faire admettre que l'état maladif des papillons corpusculeux, provenant de chrysalides non corpusculeuses, suffit pour prédisposer leurs graines à des maladies et entraîner, par conséquent, la perte des chambrées. Il me paraît nécessaire d'insister sur ce point de la tolérance à accorder quant au nombre ■ 1rs papillons corpusculeux d'une chambrée très réussie que l'on désire livrer au grainage. rcher el .'tendre cette tolérance, n'est-ce pas vouloir s'exposer à mal faire? En effet, l'industrie de la soie consiste à produire des cocons, et il est dans la nature des choses d'envoyer à la filature une multitude de chambrées qui seraient très bonnes pour faire de la graine. Si donc, dans la recherche de bonnes chambrées pour graines, on use de trop de sévé- rité, il ii v a aucun péril à agir ainsi puisque c'est pour mieux faire. Toutes les pratiques nouvelles, quelque] vraies et utiles qu'elles soient, subissent à leur * Cette note est la Note A jointe au Rapport de 1368. {Xole de l'Édition.) ÉTUDES SUR L'A MA'I.AIHi: DES VKRS A SOIE 5'i9 § II. — Différence des résultats des grainages DANS lis DIVERS DÉPARTEMENTS. l'eu l-Dii tenter une opérai ion de grainage de la nature de celle que je viens de décrire dans ions les départements séricicoles .' Les éducateurs savent, et cette connaissance leur étail acquise déjà avanl l'époque de la maladie, ■] ti il v a u l'ait des différences considérables dans les résultats, suivant qu'on s adres- serait a des localités de grande ou de petite culture. La réussite des chambrées pourrait être sensiblement la même partout; mais lorsqu'on viendrait a examiner au microscope les chrysalides et les papillons desdeux séries d'éducations, on reconnaîtrait que, dans les localités à grande culture, la proportion des sujets corpusculeux serait infiniment pins forte et qu'en conséquence le nombre des bonnes chambrées pour graine v serait très restreint. Je vais en donner des exemples : M. Raybaud-Lange a l'ait grainer, en 1867, dix-sept chambrées à cocons jaunes sans admettre une tolérance de plus de 10 à 12 pour 100 de sujets cor- pusculeux. Il a distribué quelques-unes de ces dix-sept sortes de graines dans début l'épreuve de critiques plus ou moins fondées. Je n'étonnerai donc personne en disant que celle que je préconise a le sort commun. Un des arguments île mes honorables adversaires est celui-ci : Des graines faites par des papillons corpusculeux ont réussi. Je commencerai par dire que je suis l'auteur de cette proposition et que, le premier, je l'ai appuyée de pn expérimentales; mes contradicteurs ne m'apprennent donc rien. Ils m'embarrassent moins encore; car si. après tout, dans les conditions que j'ai indiquées .le chrysalides non corpuscu- leuses et de graines non corpusculeuses, des papillons corpusculeux, auteurs de ces graines, ont pu conduire à de bonnes réussites, il est parfaitement avéré qu'il y a une limite, passé laquelle les papillons corpusculeux provenant de chrysalides corpusculeuses fournissent des graines également corpusculeuses, et que de telles graines sont fatalement condamnées à périr de la pébrine ou maladie des corpuscules. Qu'on lise, à défaut d'autres preuves, les passages de mon Rapport relatifs aux graines élevées en 1868 dans la commune de Callas (arrondisse^ ment de Draguignan) et dans les Basses-Alpes par M. Laugier, maire d'Oraison [p. 561-563]. C'est par milliers que je pourrais relater des insuccès de cet ordre, insuccès généraux s'appli- quant à toutes les chai de ces graines corpusculeuses. Quand vous avez affaire à de telles graines, elles échouent partout, dans toutes les localités, cent fois sur cent. Élever des graines issues de papillons corpusculeux, c'est donc vouloir courir une mau- vaise chance. Je ne saurais comprendre une pareille manière d'agir que dans le cas où l'on se serait trouvé dans l'impossibilité de faire de la graine dans d'autres conditions. Si l'on est réduit à cette extrémité, le résultat de mes recherches dé-montre qu'il ne faut faire grainer alors que des papillons corpusculeux dont les chrysalides auront offert le plus tard possible des corpuscules. Dans ce cas, on n'a pas à craindre des corpuscules dans les œufs, mais seu- lement l'affaiblissement de la génération dû à l'état maladif des parents. Un travail fort utile et que je prends la liberté de recommander aux personnes occupées d'observations microscopiques sur les vers à soie, consisterait à examiner jour par jour i ysalides d'un lot de corons déterminé, puis 50 papillons, puis enfin les œufs après la ponte et vers l'époque de réclusion. En répétant cette étude sur quelques lots corpusculeux, on arriverait à pouvoir dire très vraisemblablement le nombre d'œufs corpusculeux corres- mt à telle proportion pour 100 de chrysalides corpusculeuses, pour tel jour d'examen is la montée à la bruyère. Exemple: Je crois pouvoir assurer qu'un lot dont les chrysa- lides se montrent corpusculeuses dans la proportion de 75 pour 100, le huitième jour après le jour moyen de la montée, donnei > où il y en aura environ 60 à 70 pour 100 qui seront isculeux. Il faut que les chrysalides soient sans corpuscules pendant quatorze à quinze depuis le jour de la mise en bruyère pour que tous les œufs soient sans corpuscules, tous les papillons seraient corpusculeux. Quand on fait îles graina observations microscopiques, il faut toujours commencer par s'enquérir du jour de la mise en bruyère, ou mieux, du jour moyen de la montée, car il y onnes qui mettent prématurément la bruyère, et noter cette date en tête de 1 observa- tion microscopiqu jrrespondante. 550 ŒUVRES DE PASTEUR les Hautes et Basses-Alpes et clans le Gard et l'Ardèche, départements de très grande culture comparés à ceux des Hautes et Basses-Alpes. J'ai examiné les chrysalides et les papillons d'une foule de chambrées de ces graines, bien réussies, dans ces divers départements. La différence des résultats a été très accusée. Tandis que, dans les Hautes et Basses-Alpes, à la fin de la campagne, nous rencontrions, pour ainsi dire, autant que nous voulions des chambrées bonnes pour graine, ne renfermant pas ou en petit nombre des papillons cor- pusculeux, dans l'Ardèche et le Gard, au contraire, on avait les plus grandes peines à découvrir des chambrées exemptes de corpuscules. Voici d'autres faits du même ordre, relatifs au département des Pyrénées- Orientales comparé au Gard. En 1867, j'avais désigné au Comice agricole du Vigan une graine provenant de papillons privés de corpuscules. Le Comice décida qu'une once de cette graine serait élevée, en vue d'un grainage pos- sible, dans la petite ville de Sauve près de Saint-IIippolyte, dans le Gard. L'éducation réussit très bien, et les papillons s'étant trouvés presque tous exempts de corpuscules, on fit grainer la chambrée. En 1868, cette graine a donné de très bons résultats, toutes les fois que les chambrées n'ont pas été envahies par la maladie des morts-Hats. Dans la petite ville de Sauve notam- ment, sur 12 éducations, 10 ont réussi. De ce nombre est la chambrée de 2 onces faite à nouveau par les soins du Comice du Vigan, dans le même local que l'an dernier, sous la surveillance de M. le docteur Delettre. Or, les papillons de ces chambrées de Sauve ont été, en 1868, et malgré leur réussite remarquable, impropres à la reproduction. Cette même graine de Sauve, au contraire, élevée dans des localités de petite culture, a fourni des repro- ducteurs généralement sains. Par les soins du ministère de l'Agriculture, quelques onces de cette graine avaient été envoyées à Perpignan où elles ont été distribuées à sept ou huit éducateurs. Non seulement les chambrées ont eu de très bonnes récolles, mais les papillons qu'elles ont produits ont été fréquemment exempts de la maladie des corpuscules. Le tableau comparatif suivant montre cette différence entre la chambrée du Comice du Vigan, à Sauve, et une chambrée de la même graine, à Perpignan. On sait que le département des Pyrénées-Orientales est un dépar- tement de petite culture. Il ne renferme guère que deux cents éducateurs. La différence des résultats est considérable. Elle a été du même ordre pour d'autres chambrées de la même graine faites à Sauve et à Perpignan. M. le maréchal Vaillant (M et M. Peligot ont élevé près de Paris, à Vincennes 1. « ... Mes éducations sont terminées, du moins celles de Paris. Aucun ver provenant de mes éducations de 1867, dont les papillons ont été soumis au microscope de M. Pasteur, n'est mort ni n'a été malade. Dans les éducations faites également à Paris avec des vers non garantis par il. Pasteur, j'ai eu 15 à 16 morts sur 350. A Vincennes où j'ai fait élever 3.000 et tant de vers, frères do ceux de Paris, j'ai eu 70 à 80 morts en tout. « A Vincennes au^si. et à côté des 3.000, j'ai fait élever 400 vers restant d'un envoi d'œufs irréprochables faits à Alais ou au Vigan par M. Pasteur (graine de Sauve) : pas un n'a été malade. Il en a été de même de 400 à 500 vers de la même provenance élevés à côté de la table où j'écris. « Ainsi, en résumé, aucun des vers dont les œufs ont été garantis par M. Pasteur n'ont été malades. Pour les autres, j'ai eu depuis 2 pour 100 jusqu'à 5 pour 100, et même un peu plus de morts. « 1 )e la graine examinée par M. Pasteur, remise par moi au maréchal Ranon et élevée en Dauphin/, a donné des résultats magnifiques, à ce qu'il me disait hier. Les éducations ÉTUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 551 Examen des papillons de la graine de Sauve ÉLEVÉE A SAUVE EN L868 (Chambrée du Comice du ViganJ Cocons blancs. — 1 once a produit 27 lui. li juin. Examen de 10 chrysalides : 1. l'as de corpuscules par champ. 2. 2 corpuscules par champ. 3. Pas de corpuscules par champ. 4. Vu 1 corpuscule par champ. 5. Vu 2 corpuscules par champ. 6. Pas de corpuscules par champ. 7. 50 corpuscules par champ. 8. 50 là. 9. 20 hl. 10. 2 là. 10 juin. Examen de 10 chrysalides : 1. 200 corpuscules par champ. 2. 20 là. 3. 150 Id. 1. 100 Id. 5. 50 Id. 6. 500 Id. ~: 50 Id. 8. 50 Id. 9. 50 Id. 0. 20 Id. Cocons jaunes. — 1 once a produit 51 kil. 5. 6 juin. Examen de 10 chrysalides : 1. Pas de corpuscules par champ. 2. /,/. 3. là. 4. Id. 5. Id. 6. Id. 1. Id. s. là. 9. là. 10. Id. 10 juin. Examen de 10 chrysalides 1. 10 corpuscules par champ. 2. Pas de corpuscules par champ. 3. 20 corpuscules par champ. 4. Pas de corpuscules par champ. 5. 100 corpuscules par champ. I',. 50 là. Pas de corpuscules par champ. X. /,/. 9. 50 corpuscules par champ, lu 100 Id. ÉLEVÉE A PERPIGNAN EN 1868 (Chambrée de M. Montoya) Cocons blancs. 8 juin. Examen de 1 mâles : Pas de corpusculeux. 9 juin. Examen de 9 mâles : Pas de corpusculeux. 10 juin. Examen de 9 mâles : Pas de corpusculeux. 12 femelles : 11 sans corpus- cules et 1 avec 200 corpus- cules Cocons jaunes. 9 juin. Examen de 6 mâles : Pas de corpusculeux. 10 juin. Examen de 10 mâles : 9 sans corpuscules, 1 avec 20 corpuscules. 11 juin. Examen de 12 mâles : 8 sans corpuscules, 4 avec cor- puscules de 10 à 20 par champ. 12 juin. Examen de 10 mâles : Pas de corpusculeux. 552 ŒUVRES DE PASTEUR et à Sèvres, et à Paris même, des petites quantités de eette même graine de Sauve. Tous les vers ont fait leurs cocons. M. Peligot a examiné un grand nombre de papillons. Aucun d eux n était corpusculeux. Je ferai observer que pour la chambrée du Comice du Vigan, faite à Sauve, la montée a eu lieu les 29 et 30 mai. Or, le tableau précédent nous fait voir «pie. déjà le 6 juin, les chrysalides des cocons blancs étaient corpusculeuses dans la proportion de 7 sur 10. D'ailleurs, à en juger d'après le nombre des corpuscules par champ, ce jour-là l'infection ne faisait que commencer. Mais avec quelle rapidité marche le développement des corpuscules! Dès le 10 juin, toutes les chrysalides des cocons blancs étaient malades et dans des pro- portions énormes. Les cocons jaunes, au contraire, étaient moins atteints par la maladie. La montée avait eu lieu également les 29 et 30 mai. Or, le 6 juin, aucune des chrysalides n'offre encore des corpuscules, mais, le 10 juin, 6 sur 10 sont malades. La chambrée de ces vers, particulièrement des jaunes, était admirable au moment de la montée. Mon avis a été qu'il ne fallait pas faire grainer les papillons, que les blancs fourniraient une graine très corpusculeuse qui échouerait complè- tement, et (pie les jaunes pourraient donner un produit, mais faible. Le Comice du Vigan, encouragé par le succès de la chambrée, a livré au grainage o ' o i on les 51 j kilogrammes fournis par l'once de graine jaune. M. Dclettre m'a informé que ce grainage s'est effectué dans les meilleures conditions, que les papillons étaient beaux, vigoureux, et avaient donné beaucoup de graine. Voilà, pour l'an prochain, un sujet d'études plein d'intérêt (J). § III. — Cause présumée des différences dans les chaînages DES DIVERS DÉPARTEMENTS. Il est assez facile, ce me semble, de se rendre compte des différences que je viens de signaler dans les qualités des papillons des grands centres de pro- duction e1 de ceux des localités de petite culture. La pébrine, ou maladie des corpuscules, est essentiellement une maladie contagieuse. Or, le nombre des corpuscules est si grand dans les mauvaises chambrées au moment des éduea- cations, que j'ai pu écrire, à la date du I''1 mars 1S67 (2), à M. Henri Mares, correspondant de l'Institut, que si l'on répandait uniformément dans voisines ont échoué, et cependant c'était la première fois qu'on élevait des vers chez le maréchal. » (Extrait d'une lettre du maréchal Vaillant à M. Masquard, de Nîmes, en date du 17 juin, insérée dans le Moniteur des soies, 1" août 1868, n° 315, p. 4.) I ■ casais auxquels s'est livré, celle année. M. le maréchal Vaillant ont démontré que les graines non corpusculeuses, issues de papillons corpusculeux, provenant eux-mêmes de vers très robustes, n'éprouvent qu'une mortalité insignifiante à Paris et à Vincennes et que dans les localités de grande culture elles n'ont à craindre que la maladie des morts-tlats *. 1. L'écl le la graine du Comice du Vigan a été complet, absolu en 1869. I.'"- '-' à :! kilo- grammes de cette graine n'ont pas fourni un seul cocon. {Sote ajoutée en 1868 à la rédaction de ce Rapport. 2. Lettre à Al. II. Mares, [l'oir p. 476-498 du présent volume.] * Ce renvoi, inséré dans le Rapport, ne figure pas dans l'édition de 1870. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 553 l'atmosphère, au-dessus du départemenl du Gard, la totalité des corpuscules «l'une seule magnanerie que je lui désignais et qu'ils \ inssenl à tomber sur le sol. chaque mètre carré du départemenl en recevrait un certain nombre. On comprend donc que, dans les pays de grande culture, où l'on élève tantdc sortes de graines corpusculeuses, les vents <>u les personnes transportent une l'unie de germes de maladie. Les faits donl j ai parlé précédemment paraissent bien dus à la cause que je signale; car, si I cm considère un département de petite culture, et, dans ce département, une ville, un village, où un grand nombre de personnes lassent des éducations, tout de suite on remarque une grande infection dans les chrysalides ou les papillons des chambrées de cette localité. C'est ce qui est arrive, cette année, pour la petite ville des Mées, dans les I î,isses-.\ lpes. Une multitude de personnes ont élevé des vers à soie, bien plus que ne le comportait la quantité de feuilles dans la commune. <*n allait acheter la feuille à 30 et 40 kilomètres. Or, l'examen microscopique des cocons de cette ville, fait par M. Arnoux lils, comparativement à celui des chambrées isolées des environs, a montre!' que l'infection corpusculaire était bien plus grande dans la ville que dans les campagnes ' . La nourriture ni le climat ne paraissent donc être la cause occasion- nelle du développement des corpuscules dans les vers, les chrvsalides et les papillons, mais bien plutôt l'accumulation d'un grand nom lire d'éducations dans un rayon restreint - . Est-ce donc à dire qu'il y ait impossibilité matérielle à obtenir des cocons propres au grainage dans les départements de grande culture? Non, sans doute : seulement, il y faut plus de soins que partout ailleurs. Il faut n'élever que de très faillies quantités, 1, 2. 'A, 4, 5 grammes de graine, (pie celle graine soit irréprochable, s'éloigner le plus possible des grandes éducations industrielles, ne jamais associer dans le même local des graines connues et choisies à des graines inconnues. Le succès de certains errainaees accomplis o Do1 1'. J'ai l'ait, au sujet de la contagion de la maladie corpusculeuse, des expériences dignes d'intérêt. Elles démontrent que les corpuscules peuvent perdre, avec le temps, la propriété qu'ils ont à un si haut degré de communiquer la maladie à des vers sains. J'ai essayé d'inoculer à des vers sains la maladie des corpuscules avec des poussières es de magnaneries qui avaient une et deux années de date et qui étaient remplies de cor- puscules. Il y a eu une mortalité plus ou moins sensible; mais ni 1rs vers morts, ni les papillons provenant des vers survivants n'étaient corpusculeux. C'est vraisemblablement la lie des niorts-llats qui a été cause de la mortalité. Des vibrions se sont développés en grand nombre clans ces vers. A ce moment, mon attention n'avait pas été appelée encore sur !■■ ferment en petits chapelets de grains .pic je considère comme le signe, sinon comme une cause occasionnelle de la maladie des morts-flats. .te ne l'ai donc pas observé. Dans d'autres s. '.ries d'expériences, il m'a été impossible de provoquer la maladie des corpuscules chez des vers sains auxquels j'avais donné un repas de feuilles salies par une «eau dans laquelle j'avais délayé des corpuscules pris dans des papillons secs, conservés à cet étal cl. -puis 1866. Un fait m'a frappé dans ces dernières expériences: c'est que, non seulement les papillons ont été exempts de corpuscules, du moins presque tous, mais aucune mortalité sensible n'a suivi l'administration des matières corpusculeuses. C'est le contraire qui a mrs existé, quand j'ai fait des essais avec des poussières corpusculeuses fraîches ou mène1 es, mais récentes. Il semblerait donc que les poussières de magnaneries mal nettoyées pourraient donner plutôt la maladie des morts-flats que la maladie des corpuscules, et qu'outre les corpuscules, elles contiennent des matières pouvant être toxiques pour les vers. •-'. Afin de résoudre diverses questions, et, entre autres, celle de l'influence de l'alimentation. mon projet bien arrête' est d'élever à Paris et dans un département de la zone centrale une graine déterminée avec de la feuille envoyée chaque jour du Midi, et, dans le Midi, la m graine avec de la feuille envoyée de Paris ou du Centre. * Cette note est la Note B du Rapport de 1868. (.Voie de l'Édition.) 554 ŒUVRES DE PASTEUR dans ces conditions, en L868, par le collège d'Alais, sous la direction de M. Despeyroux, pur M. de Lachadenède, président du Comice agricole de cette ville, etc., démontre ce que j'avance. Moi-même, ainsi que je l'ai indiqué depuis longtemps, j.- me suis toujours préservé, pour ainsi dire a volonté, de la maladie des corpuscules dans les nombreuses expériences que j ai poursuivies an Pont-Gisquet, pies d'Alais. Bien plus, dans tous 1rs cas ou j ai élevé des graines corpusculeuses, j'ai pu en retirer quelques reproducteurs absolument exempts de la maladie régnante. Il v a un autre moyen de se mettre, dans une certaine mesure, à l'abri de la funeste influence du trop grand nombre d'éducations, lorsque l'on veut instituer des éducations pour graine. 11 consiste à élever quelques grammes de graine de très bonne heure avec des Feuilles de mûrier précoces ou qu'on aura fait pousser en serre. M. Henri Mares a insiste avec raison sur eette manière d'agir dans une Communication qu'il a faite récemment à l'Académie des sciences ' . Ce moyen offre également le double avantage d'éviter 1rs grandes chaleurs du mois de mai qui affaiblissent les vers et les prédisposent aux maladies, notamment à la maladie des morts-flats, et d'avoir recours à une feuille moins forte el plus digestive. l-.n résumé, on peut faire partout de bonne graine, mais pour en faire beaucoup, pour se livrer à des grainages véritablement industriels, ce qui me parait souhaitable, si on les fait avec les garanties que la science offre aujourd hui aux éducateurs, il faut nécessairement aller opérer dans des centres de petite production et imiter ce qu'a fait si heureusement M. Raybaud-Lange dans les Basses-Alpes. Il existe, en France, une foule de localités non moins propices «pie les Basses-Alpes a ce genre d'industrie. J'en nommerai quelques-unes : les Hautes et Basses-Alpes, les Pyrénées- Orientales, le Var, les Alpes-Maritimes, la partie montagneuse de la Drôme, la partie montagneuse de l'Hérault, au Poujol, l'Aude, le Lot. PAveyron, le Cher, etc. 11 est a désirer que des propriétaires intelligents, d'une probité rigide, s,, transportent dans ces départements, qu'ils \ distribuent une graine reconnue pure, qu'ils astreignent les petits éducateurs avec lesquels ils feront des marehes à n'élever que la seule sorte de graine remise par eux. et qu'ils recherchent ensuite dans les chambrées résultantes celles qui seront propres au grainage. Ils trouveront dans ce commerce honneur et profit. Le Japon n'opère peut-être pas autrement, puisque dans ce pays, parait-il. une seule province, dit-on. est propre à la confection des graines et fournit la semence au reste du royaume -' . § 1\ . Dr GRAINAGE CELLULAIRE OU PAR COUPLES ISOLKS POUR FACILITER, lAwri SUIVANTE, LES GRAINAGES INDUSTRIELS. 11 importe de mettre en lumière une autre pratique qui permettrait d accroître beaucoup le nombre des chambrées bonnes pour graine, dans le t. Mares [H. Production de graines '1.- - exemptes de germes corpusculeux. endus d,- VAcadém - xces, LXVI, 1868, v_ 1392-1297 A tion.) 'i. Vo -, p. 513-422 du présent volume, le Rapport de M. Sirand, sur les éducations à Gre- noble et dans les environs de cette ville. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE cas où l'on voudrait instituer d'importants grainages du genre de ceux dont je \ iens de parler. En élevanl avec soin des pontes provenant de parents corpusculeux et <|ui étaient elles-mêmes corpusculeuses, j'ai reconnu que l'on arrive assez faci- lement à rencontrer parmi les cocons qui en résultenl un certain nombre de sujets non corpusculeux et que ce nombre augmente, en quelque sorte, en raison inverse de I infection des parents ou des graines : enfin, dans les cas où l'on se sert des | 1rs provenant de parents exempts de corpuscules, on peut se procurer îles éducations dont tous les papillons, à peu près sans exception, en sont eux-mêmes prives ' . Conséquemment, il est très utile de ne mettre en éducations isolées, en vue de grainages futurs, qu'une graine irrépro- chable, si l'on veut augmenter le plus possible le nombre des chambrées lionnes pour graine. M. Raybaud-Lange l'a bien compris et le résultat a répondu à son al tente. En 1867, il a fait un grainage cellulaire de quelques onces de graines tout à fait exemptes de la maladie des corpuscules. Or, en 1868, les lots de cocons issus de ces graines se sont trouvés privés de corpuscules dans la proportion de '! sur \. Encouragé par ce premier succès, .M. Raybaud-Lange n'a pas pré- parc, en LcS(i8, moins de 70 onces de graines par couples isolés qu'il destine a ses éducations pour graine eu L869. Confectionner une aussi grande quantité de graine par couples isoles parait être au premier aperçu un travail excessif. Sa réalisation est cepen- dant très facile, .le vais le décrire tel qu'il a été appliqué par M. Raybaud- Lange et par MM. Laugier, maire d'Oraison, cl Arnoux, adjoint au maire des Mers, qui, encouragés par les succès de leur voisin, se sont empresses de l'imiter. Longtemps avant les éducations cl les grainages, on se procure une mul- titude de petits morceaux de toile de 5 à 6 centimètres de largeur sur 10 de hauteur environ, numérotes, et. en outre, des crochets de (il de 1er pour les suspendre. Ces crochets peuvent être faits avec des épingles à cheveux que l'on coupe en deux, et que l'on recourbe ensuite convenablement. On a pré- paré d'autre part une foule de petits cornets de papier également numérotés. A l'époque des grainages, ou choisit un des meilleurs lots pour graine dont les chrysalides et les papillons ont été étudiés préalablement au double point de vue de la maladie des corpuscules et de la maladie des morts-flats, ainsi que je l'expliquerai dans la suite de ce Rapport. On place les couples. un à un, sur les petites toiles que l'on a suspendues à l'aide des crin lie I s à de, ficelles tendues horizontalement dans un appartement assez spacieux. Au bas de chaque morceau de toile est accroché avec une épingle ordinaire recourbée un des cornets de papier portant le même numéro d'ordre «pie la toile. Au moment du désaccouplement, on place le mâle dans le cornet. La femelle reste sur la toile, où elle pond ses œufs. Le surlendemain ou renferme dan le cornet a cote du mâle. Tous les cornets sont conservés soigneusement à l'abri de l'humidité, et, plus tard, à loisir, on examine les sujets des divers couples. On rejette les toiles qui correspondent à un ou à deux sujets cor- 1. Voir p. 196-202, el p. 500-503,] les Communications que j'ai tait. -s à l'Académie de sciences dans sa séance >iu 3 juin 18f,7. 556 ŒUVRES DE PASTEUR pusculeux et on réunit par lavage les graines de toutes les autres. On a de eette façon de la graine absolument privée de corpuscules et qui offre beau- coup plus de chances de se conserver pure et de fournir des reproducteurs sains. L'observation des papillons au microscope, à temps perdu, plus ou moins longtemps après la mort des papillons, offre une garantie particulière pour la qualité de la graine. Les corpuscules, en effet, se multiplient tant que vit le papillon, et tel individu qui, au moment où il sort du cocon, n'aurait encore que quelques corpuscules pouvant échapper à l'observation en montrera con- sidérablement après sa mort. Du moins. M. Raybaud-Lange croit avoir observé que la proportion pour 100 des papillons corpusculeux est plus grande quand on la détermine sur les papillons morts naturellement. Le mode de grainage que je viens de décrire est si facile à appliquer que, de leur côté, M. Laugier, maire d'Oraison, et M. Arnoux, des Mées, ont fait grainer ainsi 4 à 5.000 couples représentant 40 ou 50 onces de graine. M. Arnoux a modifié le travail en plaçant les couples au moment de la sortie des papillons dans un châssis à cellules de carton, couvert d'un treillis en toile métallique, afin d'empêcher le voyage des mâles. Au moment du désaccouplement, les femelles sont placées sur les toiles. Les femelles restant volontiers à la place où on les met, on peut rapprocher les toiles sans incon- vénient, les suspendre même aux ficelles à laide d'un crochet unique et dimi- nuer ainsi beaucoup l'espace nécessaire pour le grainage. (.'est un perfec- tionnement réel(1). M. Vilallongue, président de la Société d'agriculture des Pyrénées-Orien- tales, et M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais, ont lait également, cette année, des grainages par couples isolés, d'une assez grande importance. On lira avec intérêt parmi les documents annexés à ce Rapport un travail de M. Duerot, répétiteur à l'Ecole impériale d'agriculture île la Saulsaie (Ain), dans lequel l'auteur démontre qu'il est parvenu à régénérer et qu'il conserve saine une race à cocons jaunes fort estimée, après avoir procédé par grainage cellulaire et sélection microscopique (2). Je parlais tout à l'heure de la difficulté des grainages dans les centres de grande production. Par le grainage sur toiles isolées, cette difficulté se trouve écartée à beaucoup d égards. Le nombre des couples que l'on devra rejeter pourra être, il est vrai, assez considérable, mais ce qui importe principale- ment, c'est le moyen assuré de faire de la graine exempte de pébrine. Le grainage pratique suivant les indications qui précèdent offre ce moyen. Par exemple, toutes les graines distribuées cette année par M. Raybaud-Lange auraient pu se prêter, même dans les localités de grande culture, à un grai- nage cellulaire fructueux. 1. Arnoux (G.), drainage cellulaire. Moniteur des soies, VII. auméro du 25 juillet 1868, p. 2-3. :.'. Voir [p. 363-366du présent volume]. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES Vl-RS A SOIE 557 $ Y. — Résultats offerts par le xouvi m procédé de grainage. C'esl l'an dernier seulemenl que L'industrie a |>n appliquer pour la pre- mière fois ce procédé de Façon à pouvoir en éprouver les effets en 1868. Jusque-là j avais ilù m attacher à établir expérimentalement les principes sur lesquels il repose. Les résultats qu'il a produits, sans (''tic encore parfaits, me paraissenl mériter toute l'attention des éducateurs, surtout si Ton tient compte des difficultés el îles incertitudes inévitables de toute application nouvelle. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de résumer en premier lieu les pré- visions el les espérances énoncées dans le Rapport que j'ai eu l'honneur de vous adresser le 25 juin 1867. Sur la foi des résultats de mes expériences de laboratoire, j'ai écrit à Votre Excellence : « Il existe une maladie qui fait des ravages considérables dans les magna- neries depuis quinze ou vingt ans, partout très répandue (excepté au Japon, ainsi que cela résulte des observations consignées dans une Lettre que j'ai adressée au mois de mars dernier à M. IL Mares, correspondant de l'Ins- titut [']), maladie regardée, par la plupart des savants italiens ou allemands qui s'en sont occupés, comme étant la maladie régnante et la cause des desastres de la sériciculture. Cette maladie peut être appelée, ainsi que je 1 ai lait dans ce Rapport, la maladie des corpuscules, parce qu'elle est carac- térisée, dans certains cas, par la présence de petits corps qui sont évidemment un produit tout a lait anormal du ver à soie, puisqu'on ne le rencontre, ni dans les chenilles, ni dans les papillons sauvages, ni dans les vers à soie des chambrées réussies pouvant fournir une succession de générations saines « Il me paraît résulter des faits que j'ai exposés dans ce Rapport qu'en suivant le procédé de grainage et de sélection que j'ai indiqué, on peut pré- venir sûrement la maladie des corpuscules avant la montée, dans tous les cas. En outre, on la prévient aussi, non pas toujours, mais fréquemment, dans les chrysalides et dans les papillons, circonstance dont le microscope avertit de façon à guider avec certitude dans la confection de la nouvelle graine pour l'année suivante. Enfin, ce procédé de grainage est très pratique puisqu'il vient d'être appliqué avec succès dans le Midi, non seulement par moi, mais par diverses personnes, notamment par M. Ravbaud-Lange, direc- teur de la Ferme-Ecole des Basses-Alpes, sur une échelle assez grande pour qu'il en ait obtenu plusieurs milliers d'onces de graine « En prévenant la maladie des corpuscules on améliorerait donc dans une énorme proportion la situation de la sériciculture, et j'ajoute qu'il pourrait en résulter une prospérité qu'elle n'a jamais connue. Cela arriverait dans le cas où la maladie des morts-flats, indépendante de la maladie des corpus- cules, ne sévirait pas présentement plus qu'elle ne sévissait jadis. Je sais qu'avant l'époque dite du fléau actuel, quand un éducateur obtenait seulement 1 kilogramme de cocons par gramme de graine, il était satisfait, et que telle 1. Voir cette Lettre, p. 476-W du présent volume. (Note de l'Édition.) 558 ŒUVRES DE PASTEUR était la récolte le plus souvent. Or, avec des graines issues de papillons non corpusculeux, on obtient en moyenne 1 kilogr. 5 à '2 kilogrammes de cocons par gramme de graine, toutes les fois que les chambrées provenant de ces graines ne sont pas envahies par la maladie des morts-flats. » J'ai la satisfaction de pouvoir annoncer aujourd'hui à Votre Excellence que ces prévisions, dans ce qu'elles ont de plus favorable, se sont réalisées sans réserve dans plusieurs départements. En effet, bien que la maladie des morts-flats ait été fort répandue et fort intense, cette année, il existe un grand nombre de localités où elle a peu sévi sur les graines des chambrées choisies au microscope et où, en conséquence, si mes prévisions étaient fondées, la réussite des chambrées devait être exceptionnellement bonne. C'est ce qui est arrivé. Je citerai, en premier lieu, le département des Pyrénées-Orientales. L'an dernier, je visitai un grand nombre de chambrées de ce département, en compagnie de M. Vilallongue, président de la Société d'agriculture, et de M. Siau, trésorier de cette Société. J'examinai au microscope les chrysalides et les papillons de vingt lots de cocons destinés au grainage, et je les classai sous les expressions : Très bon, bon, assez bon, mauvais. Le lot trouvé très bon figure dans mon Rapport de l'an dernier sous le nom de chambrées Guchens. Il fut acheté par la Société d'agriculture des Pyrénées-Orientales, qui le fit grainer et distribua gratuitement la graine par petits lots de 5 à 10 grammes à soixante-dix éducateurs dans vingt-deux communes du dépar- tement. En même temps, elle fit faire par un de ses membres une très petite éducation d'un des lots que j'avais déclarés mauvais, lots qui étaient au nombre de dix. Cette dernière éducation a échoué. Bien qu'elle fût faite fort en petit, 100 vers ne donnèrent pas un cocon. Quelques éducateurs, par igno- rance des jugements que j'avais portés ou par manque de confiance, élevèrent en grande chambrée la graine de quelques-uns des mauvais lots. L'échec a été général. Quant à la réussite des soixante-dix éducations de la graine Guchens, elle a été parfaite, excepté dans quelques cas très rares où les éducateurs avaient associé la graine de la Société à des éducations de très mauvaise graine. Une Commission spéciale fut nommée par M. le préfet des Pyrénées- Orientales, avec la mission de contrôler les indications que j'avais fournies en 1867 et de contribuer de tout son pouvoir à la régénération de la race si précieuse de cocons jaunes que l'on élève de préférence dans ce dépar- tement. J'ai placé parmi les documents joints à ce Rapport le travail résumé des opérations de la Commission en 1X67-68 (J). Il témoigne tout à la fois du zèle éclairé avec lequel (die a accompli la mission qui lui était dévolue et de la confiance entière dans le succès du procédé qu'elle a pris soin d'appliquer et de vérifier - . Le département des Pyrénées-Orientales n'est pas le seul où la maladie 1. Voir, p. 355-359 du présenl volume, le Rapport de ta Commission île sériciculture du département des Pyrénées-Orientales. {Note (U> VÊditiên.) '-'. Je ne dois pas omettre de signaler plusieurs réussites très remarquables de la graine Guchens dans le Gard. Ce sont les chambrées de M. Gardies, membre du Conseil général, et de M. Darbousse, maire de Cruviès. Ce dernier a élevé une chambrée de 20 nuées qui a pro- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 559 «les morts-flats n'ait pas sévi sur les graines des chambrées qui avaient été choisies au microscope en L867. Je dois citer encore les Hautes el Hasses- Aliifs, le Var. les Aines-Maritimes. Vaucluse, l'Hérault. Dans ces départe- ments, les «naines de M. Raybaud-Lange, donl il a été question dans mou Rapport de l'an dernier, ont eu des réussites générales (4). En outre, le ren- dement a dépassé de beaucoup le chiffre de l'ancienne prospérité, confor- mément aux espérances que j axais l'ait concevoir. NOMS DES ÉDUCATEURS NOMBRE D'ONCES RÉCOLTE 1| 1 I 1 3 1 ' 1 1 ' 1 1 2 i; 2 1 if j ï 1* 1 1{ kg 86 60 35 41 45 46 21 52 62 55 82 76 69 54 73 23 25 41 44 66 M. Pons M. Cibot i Louis! M. Rivas. M. David M. Doléon (au Riou) 22 { 1.056 11 serait sans grande utilité de donner ici le tableau détaillé des rende- lents de toutes les éducations des graines de M. Raybaud-Lange, dans les duit 900 kilogrammes de cocons, qui ont été vendus 10 francs le kilogramme. Cette graine était donc excellente. Toutefois, tandis que, dans les Pyrénées-Orientales, les petits lots de la Société d'agriculture de Perpignan se sont maintenus généralement sains, de petites éduca- tions de 5 grammes faites chez MM. Gardies et Darbousse, d'une réussite excellente, ont pré- senté un grand nombre de papillons corpusculeux. N'aurait-il pas fallu éloigner davantage ces petites éducations de celles du village, qui, probablement, les ont infectées? 1. Dans Vaucluse, il n'y a eu qu'un seul échec, pour les graines de M. Raybaud-Lange, à la Tour-d'Aigues, où la feuille avait été gelée. Le Moniteur universel a publié un extrait d'une Lettre que j'avais écrite de Paillerais à M. Dumas, à la 8. Diverses pers s ont appuyé sur l'erreur que je signale les critiques qu'elles ont cru pouvoir faire des résultats de mes recherches; ce sont, entre autres, MM. Meynard fn marchands de graines à Valréas, et M. de Masquard, de Nîmes. On trouvera ces critiques dans le Moniteur des soies de juillet et août 1868. Je n'y ai pas répondu : la polémique prend beaucoup de temps sans grand profit. D'ailleurs le présent Rapport est une réponse indirecte à toutes les personnes qui demanderaient à être édifiées sincèrement et sans parti ir la valeur de mes travaux de ces quatre dernières année.1 à soie. 560 ŒUVRES DE PASTEUR départements que je viens de nommer. Je me bornerai à faire connaître les résultats fournis dans les Hautes et Basses-Alpes par vingt d'entre elles prises au hasard parmi les chambrées d'une demi-once à 2 onces, qui étaient au nombre de plus de cent cinquante, et dont j'ai pu vérifier moi-même les produits sur place. 11 résulte des nombres inscrits dans le tableau précédent que 22 j onces de graine ont donné 1.056 kilogrammes de cocons jaunes d'une excellente qualité et qui ont été jugés par les filateurs très supérieurs à tous ceux de la même race récoltés également dans les Hautes et Basses-Alpes (*). C'est un rendement moyen de 47 kilogrammes environ par once de 25 grammes. Comme exemple du rendement de ces mêmes graines pour de grandes chambrées, je citerai celui des chambrées de MM. Henri et Léon Marcs, de Montpellier, faites aux environs de cette ville, dans des directions différentes, éloignées de 25 kilomètres. La première était de 25 onces (625 grammes), la seconde de 15 onces (375 grammes). Elles ont produit, l'une 910 kilogrammes de cocons marchands, l'autre 575 kilogrammes, soit 1.485 kilogrammes pour 40 onces, ou 37 kilogrammes à l'once. Ces faits ont été consignés par M. Henri Mares dans une Communication que ce savant agriculteur a faite à l'Académie des sciences dans sa séance du 2!» juin dernier. Je puis ajouter que M. Mares, par suite de la maladie qui frappe les vers à soie, avait abandonné toute édu- cation depuis plusieurs années. Quelques personnes avaient craint qu'en prévenant la maladie des corpus- cules chez les vers à soie, on ne les prédisposât à la maladie des morts-flats. Non seulement il n'en est rien, mais c'est l'inverse qui est vrai. Car, dans tous les départements où les graines de M. Baybaud-Lange ont eu un succès général sans atteinte de la maladie des morts-flats, beaucoup d'autres graines ont péri de cette maladie. Les échecs par les morts-flats comme par la gattine ont été nombreux dans les Hautes et Basses-Alpes, dans le Var, dans l'Hérault... § VI. — Preuves de non-réussites par la maladie des corpuscules DANS LES DÉPARTEMENTS LES PLUS FAVORARLES AUX EDUCATIONS. Ce n'est pas assez de prouver le succès des graines des chambrées choi- sies au microscope, dans les départements où la maladie des morts-flats n'a pas été très intense, et l'absence radicale de tout échec par la maladie corpus- culaire. On pourrait penser, en effet, que, dans ces départements, la réussite des éducations a peut-être été générale et que les graines choisies au micro- scope n'ont fait qu'éprouver le sort commun. Je sais que c'est l'insinuation de quelques personnes. Ai-je besoin de dire que le nombre des échecs par la maladie des corpuscules en 1868 dans les Hautes et Basses- Alpes, dans le Var, dans l'Hérault,..., par toute la France enfin, a été considérable, immense. La pébrine est toujours la grande maladie régnante, sans que je veuille préjuger ici la question des liens cachés qu'elle peut offrir avec la 1. Je tiens ce renseignement du représentant de la maison Sérusclat, de Valence, chargé de l'achat des cocons, dans la petite ville des Mées, en 1868. ÉTUDES SUB LA MALADIE DES VERS A SOIE 561 maladie des morts-flats. Mais je m'empresse de sortir des généralités el de citer les faits 1rs plus positifs el les plus probants. Consulté, au mois d'avril dernier, par M. le maire de (.'.allas, arrondisse- ment de Draguignan Var . sur la qualité de deux graines qui avaient été faites, en I8(i7, en suivant les anciennes pratiques, je répondis par la lettre suivante qui a été insérée, sur nia demande, dans le journal le I > » 4e .... 50 » » 5' 20 » » 5e . . . Pas. 6U 50 » » 6e ... . 5 » » Ces résultats suffisaient pour que l'on pût déclarer sans hésitation que ces graines échoueraient complètement. C'est, en effet, ce qui est arrivé, ainsi que le constate la lettre qui m'a été adressée par M. le docteur Pierrugues, maire de Callas. lettre insérée dans le journal le Var, du 14 juin, et que l'on trouvera à la page 349 de ce volume. Je le répète, une observation microscopique de quelques minutes aurait suffi, en 1807, pour reconnaître qu'il fallait envoyer à la filature les cocons des chambrées qui ont fourni ces graines nos 1 et 2, malgré la confiance qu'inspiraient ces cocons au point de vue de la reproduction. En présence de résultats aussi concluants, on a peine à comprendre que des personnes s'obstinent à proclamer que les conseils de la science sont infructueux et qu'il faut en revenir aux anciennes pratiques de grainage. Je rapporterai d'autres faits de même nature qui se sont passés dans les Basses-Alpes. Le 15 avril L868, j'écrivais à M. Dumas (') : « ... Je vais vous entretenir succinctement de deux éducations qui ont été soumises à des grainages dans le département des Basses-Alpes, en suivant les anciennes pratiques. Je ne nommerai personne. Cela n'ajouterait rien à la force de mes arguments. « La première de ces chambrées était de 100 kilogrammes ; la seconde de 300 : toutes deux d'une réussite fort remarquable. Elles ont produit 1.200 ou 1.300 onces de graine qui sont, à cette heure, l'espoir de la récolte de quel- ques centaines d'éducateurs. « Je sais qu'à la suite d'un examen microscopique des papillons de ces chambrées, fait par une personne exercée, qui avait reconnu que tous ces papillons étaient fortement atteints de la maladie des corpuscules, les proprié- taires furent avertis, au moins l'un d'eux, du danger de faire grainer ces chambrées. Mais ils arguèrent de la beauté des vers qui avaient fourni ces papillons et du succès extraordinaire des éducations, en ajoutant que le microscope pouvait se tromper. Les grainages eurent donc lieu. Peu de temps après mon arrivée à Alais, je me suis procuré une petite quantité des graines dont je parle et j'ai commencé à les élever. Je suis en mesure d'affirmer que toutes les chambrées de ces graines, sans exception, périront entièrement de la maladie corpusculaire. « Heureusement, ces faits ont été constatés par des hommes honorables et 1. Voir, p. 535-538 du présent volume : Troisième Lettre à M. Dumas. Alais, le 15 avril 1868. [Note de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 563 éclairés qui vont être prochainement désabusés et seront les premiers à pro- clamer leur erreur. Pécheurs repentants, ils deviendront de fervents apôtres. Par leur influence, j'en ai l'espoir, la lumière se fera, dès cette année, dans le département des liasses-Alpes, qui est, en effet, l'un de ceux dont on peut attendre un grand nombre d'excellents grainages, si les éducateurs veulent bien y prendre pour guide les résultats de mes recherches. » Il n'y a plus d'inconvénient à faire connaître les noms des personnes dont il s'agissait dans celle Lettre. C'est M. Raybaud-Lange qui, à la suite d'un examen microscopique des papillons, avait condamné le grainage des .'!()() onces, chez son ami, M. Laugier, maire d'Oraison. Dans le séjour que j'ai fait récemment dans les Basses-Alpes, j'ai eu l'honneur de voir M. Lau- rier, et je tiens de lui-même l'aveu que toutes les chambrées de ses 300 onces de "raine ont échoué et toutes de la eattine. Pouvait-il en être autrement? J'ai élevé une pincée de cette graine : dans une levée que j'ai faite le 9 avril, j'ai examiné un à un 20 vers prélevés au hasard : 12 étaient corpusculeux. Quant aux 900 onces de graine de l'autre sorte, elles provenaient d'une chambrée faite à Digne, et d'une réussite assez remarquable pour que M. Ciuérin-Méneville en ait parlé avec éloge dans un Rapport (') qui a été inséré dans le Journal de l'agriculture, de M. Barrai (5 avril 1868). Elle appartenait à feu M. Arnoux. J'ai suivi la trace de ces 900 onces de graine. qui ont été livrées par un négociant de Valence. L'échec a été général dans les Basses-Alpes, comme dans la Drôme, et partout où on en a élevé. Voici le résultat île l'examen microscopique de cette graine, que le graineur lui-même, dans la confiance qu'il avait de son excellente qualité, m'avait prié d'étudier, au mois de mars dernier : Œufs d'aspect ordinaire bien fécondés. 5 œufs ensemble 2 corpuscules par champ. 6 Pas de corpuscules par champ. 4 .3 corpuscules par champ. 3 . . 10 3 . . . .5 » 2 . . . . . ô 2 1 » Je reviens à M. Laugier, afin de faire observer qu'en présence du succès extraordinaire des chambrées de M. Raybaud-Lange, et de l'échec général de sa propre graine, ce1 honorable propriétaire s'est empressé de se procurer un microscope et d'aller demander des leçons à son ami M. Raybaud-Lange. Il ne s'est pas contente de faire un grainage d'un millier d'onces environ par sélection microscopique; il a pris soin, en outre, ainsi que je l'ai rappelé tout à l'heure, de faire 40 ou 50 onces de graines par couples isolés qu'il distri- buera par petites éducations, de façon à faciliter grandement ses opérations de grainage en 1869. J'ai tenu à démontrer par ces exemples que la maladie des corpuscules I. i.i KKiN-Mf.NEViu.r.. Observations de sériciculture faites eu 1807 dans les départements lu Sud-Est, d-- l'Est et du Nord-Est de la France. Journal de l'agriculture, 1868, II, p. 38-59. Note de l'Édition.) 564 ŒUVRES DE PASTEUR sévit avec la plus grande intensité, même clans les départements qui passent pour les plus sains, et qu'il est indispensable, là comme ailleurs, de ne jamais s'exposer à faire des grainages sans l'aide du microscope, surtout des grainages industriels d'une grande importance. Il me semble que la lecture attentive de la première partie de ce Rapport persuadera tous les éducateurs qu'on peut prévenir d'une manière certaine la maladie régnante par excellence, la maladie des corpuscules, et que les graines mises à l'abri de ses atteintes donnent des récoltes pouvant aller au double de celles des époques de prospérité. J'arrive maintenant à la maladie des morts-flats. § VII. — De la maladie des .mouts-flats. Dans son Traité des maladies actuelles du ver à soie (publié en 1859), M. de Quatrefages (•) avait insisté beaucoup sur les maladies intercurrentes. Il considérait la pébrine comme étant la maladie unique, préexistant partout aux autres maladies, affaiblissant les vers et les rendant infiniment plus acces- sibles aux influences morbides qui pouvaient agir sur eux. M. de Plagniol, de Cbomérac ("2), qui a le mérite d'avoir été un des pre- miers en France à s'occuper des corpuscules de Cornalia, a, de son côté, insisté sur ces maladies accessoires dès l'année 18C>i. En lisant attentivement ce qu'ont écrit ces auteurs, on peut se convaincre que la maladie des morts-flats mérite une mention particulière parmi ces maladies dites intercurrentes. M. de Quatrefages signale cette maladie comme générale à Valleraugue en 1859, et je trouve dans une Note de M. de Plagniol ce passage : « II en est autrement de la maladie des passis, morts-flats, flétris, cpii, cette année (en 1861), a été la ruine des graines d'Orient. » Je suis donc porté à croire que cette maladie des morts-flats a fait des ravages sensibles depuis le commencement de la crise séricicole. En 1867, dans une Lettre adressée àM. Dumas, inséréeaux Comptes rendus de la séance de l'Académie des sciences du 3 juin 1867 (3), j'ai démontré que cette maladie était indépendante de celle des corpuscules (4), et j'ai donné 1. Quatrefages (A. de). Éludes sur les maladies actuelles du ver à soie. Paris, 1859, 382 p. in-4« (G fig. col.). 2. Plagniol (E. de). De la nature et de l'origine des corpuscules vibrants. (Chomérac, S mai 1861.) Prii-as. 1861, 14 p. in-8°. ■i. Toir cette Lettre, p. 196-202 du présent volume. (Notes de l'Édition.) 4. J'ai déjà dit ce que j'entendais par cette indépendance. Je ne préjuge pas la question des liens cachés que peuvent avoir entre elles les deux maladies. On pourrait soutenir, dans l'état actuel des choses, que la maladie des morts-flats, ou mieux l'influence des causes qui la déterminent, affaiblit les vers de façon à multiplier et à grossir les mauvais effets de la présence des corpuscules ; qu'ainsi ce serait cette maladie qui amè- nerait le développement occasionnel des corpuscules dès les premiers âges de la chrysalide, et, par suite, ce grand nombre d'œufs corpusculeux qui inondent les pays séricicoles depuis vingt ans. Avec non moins de raisons apparentes, on pourrait prétendre, au contraire, que c'est la maladiedes corpuscules qui prédispose les vers à la maladie des morts-flats. En d'autres termes, il y a beaucoup de recherches à faire sur les liens qui peuvent exister entre ces deux maladies, si tant est que de tels liens existent réellement. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 565 îles preuves de sa grande extension. « L'immense désastre de la sériciculture « depuis vingt ans, disais-je à M. Dumas, est tout entier dans «rite maladie « et dans celle îles corpuscules. » Aussi, dans la grande épreuve qui allait être tentée, en 1868, sur les graines des chambrées choisies au microscope, toutes mes craintes étaient relatives à l'apparition île cette maladie. Ces craintes étaient fondées. Dans plusieurs départements, notamment dans l' Ardèche, l'Isère, le Gard, la maladie des morts-flats a sévi avec assez d'in- tensité pour atteindre même les graines robustes qui avaient été mises à l'abri de la maladie des corpuscules. Graine de M. Raybaud-Lange. 220 onces. — 31 éducations. — Rendement moyen : 20 kil. G par once. NOMS DES ÉDUCATEURS M. de Roisson. iComraune d'Allègre.) . M. de Lascours. (Commune de Roisset. M. César Fabre M. de Coehorn. (Saint-Jean-du-Gard.| M. Villaret. (Commune de Servas.l M. Pontet. (Ardèche.) lyjme (]e Lachadenède. (Servas.l M. Pages. (Commune de Saint-Privat-des- Vieux. ) M. Max. d'Hombres. (Vénézobres. ). Mme de Maubec. [Rivières. M. Tuech. (Salindres.1 Mme Varin d'Ainvelle. |Servas. M. de Logères. (Ardèche.) . M. Rivières de Jean. (Alais i M. de Lachadenède. (Servas.l. NOMBRE d'onces et lettre spécifiant la graine Mllc de Cambis. (Salindres.) ) 10 A 10 A 20 R 2 C 4 C 2 C 3 C 9 C 30 D 10 D 15 J 5 J 20 J 10 L 10 L 8 V 32 V 20 K 220 SUBDIVI- SIONS éducations distinctes gr 40 210 250 325 100 75 50 50 50 50 75 225 750 250 14 50 311 125 10 240 250 250 125 125 200 500 300 300 150 30 20 5.500 RENDEMENT en kilogrammes . kg Échec. 128,45 91,00 507,00 112,00 18,00 Échec. 42,00 29,00 Échec. 77,60 174,00 740,00 71,00 28,00 2,00 250,00 80,00 20,00 243,00 244,00 230,00 98,00 115,15 Echec. 590,00 72,00 378,00 238,00 .46,00 Echec. 4.534.20 Sicile tableau complet et détaillé de toutes les éducations entreprises dans la circonscription d'Alais avec 220 onces de graines de M. Raybaud- Lange, qui avaient été distribuées par M. de Lachadenède, président du 566 ŒUVRES DE PASTEUR Comice de cette ville. Ce tableau est extrait, d'une lettre de M. de Lachade- nede (J). Je ferai observer, en passant, que la seule manière de se former une opi- nion exacte sur la qualité d'une graine dans une localité déterminée consiste à dresser, comme je le fais ici, un tableau détaillé de tous les résultats offerts par un poids connu et assez considérable de cette graine distribuée entre un grand nombre d'éducateurs de cette localité. En agissant autrement, on peut être conduit aux jugements les plus erronés suivant qu'on porte les yeux de préférence, soit sur les réussites, soit sur les insuccès. Les lettres A, B, C, D, J, K, L, V désignent huit des sortes de graines. Or, nous voyons qu'il n'y a pas une de ces sortes qui n'ait eu des réussites. Quant au rendement moyen, il a été de ^ = 20"e6, supérieur au rendement moyen de l'ancienne prospérité. .1 ai visité un certain nombre de ces chambrées, et, dans aucune, la mor- talité, lorsqu'elle a réellement diminué la récolte, ne pouvait être attribuée à la maladie des corpuscules, mais bien à la maladie des morts-flats qui frappait les vers de la quatrième mue à la montée (-). 1. Voir, p. 359-363 du présent volume : Rapport adressé à M. Pasteur par M. de Lacha- denède. Alais, le 22 juillet 1868. [Note de l'Édition.) 2. Je prendrai la liberté de placer ici une question relative aux échecs que les graines choisies au microscope ont éprouvés dans quelques départements par la maladie des morts- ll.ils. Je le ferai avec la réserve qui convient lorsqu'on se pose en censeur d'autrui. Élève-t-on bien les vers à soie dans ces départements? L'éclosion ne s'effectue-t-elle pas souvent par des vents très secs sans qu'on ait le soin de donner à l'air une humidité suffisante1? Dans les premiers âges, à l'époque des mues, l'encom- brement des vers n'est-il pas excessif? La quatrième mue ne s'accomplit-elle pas souvent sous la feuille, les vers étant enveloppés de tous côtés par de la moisissure? Quel est donc l'industriel ou le chef d'atelier qui surveille ses ouvriers aussi peu que le font les propriétaires dans les pays séricicoles? Et de quelle industrie s'agit-il? D'une industrie qui met en œuvre la vie avec ses mille et une perturbations possibles. Je vois, par exemple, dans le tableau précédent, que l'un des fermiers de M. de Lar.hade- nède, qui élevait 20 grammes de la graine, lettre K, a échoué, tandis que les autres obtenaient, l'un 378 kilogrammes de cocons pour 300 grammes de graine, l'autre 238 kilogrammes pour 150 grammes, un troisième 46 kilogrammes pour 30 grammes. Ne serait-il pas impossible de soutenir que celui qui a échoué dans la plus petite éducation, c'est-à-dire avec 20 grammes seulement, a été victime de l'épidémie régnante ? Il est certain que cet éducateur a compromis le succès de sa chambrée par quelque grave négligence. Tandis que M. Pages, maire d'Alais, obtenait dans une grande éducation de 30 onces, faite avec la graine lettre D, une récolte s'élevant à 740 kilogrammes de cocons marchands, M. Max d'Hombres ne produisait que 71 kilogrammes avec 10 onces de la même graine. J'ai visité cette dernière chambrée, qui a été vraiment admirable jusqu'au moment de la montée. Alors elle a éprouvé des pertes considérables par la maladie des morts-flats. Je ne saurais dire assu- rément quelle a été la vraie cause du mal; mais voici dans quelles conditions s'est accomplie l'éclosion des vers, et je doute que M. d'Hombres ait connaissance de ce fait dont j'ai recueilli les détails auprès de son fermier, en son absence : Au fond d'une grande magnanerie, on tendit un drap de façon à isoler un espace suffisant, pouvant être chauffé, tant bien que mal, à l'aide d'une cheminée placée dans un coin de la magnanerie. Les 10 onces de graine étaient étalées sur une grande table; on n'arrosa jamais le plancher. Or, dans la première quinzaine d'avril, des vents du nord d'une sécheresse extra- Oi'dinaire ont régné constamment. Que l'on imagine ces malheureux insectes sortant tout humides de leurs coques et exposés tout à coup à l'atmosphère la plus desséchante. J'insiste sur cette circonstance que la graine était étalée sur une table, parce qu'il y a une grande dif- férence entre ce mode d'éclosion ri celui 6 [tome III des Œuvres de Pasteur."] Je joins à ce Rapport deux dessins qui représentent le petit ferment pris dans la feuille fermentée et dans la poche stomacale des chrysalides. Ils ont été reproduits [p. 213-213 du présent volume]. ÉTUDES SUE LA MAI, ADN': DES VI-RS A SOIK 571 duquel résulterait une prédisposition à la maladie des morts-flats dans la graine faite avec les papillons des chrysalides où ce ferment a existé ? lui d'autres termes, tout en ignorant absolument l'origine d'un lot de cocons, l'état de la chambrée qui les a fournis, on peut présumer, par un examen microscopique du contenu de la poche stomacale des chrysalides, <|u il va eu mortalité par la maladie des morts-flats dans l'éducation ou <|uc cette maladie sévissait sur les vers, alors même que le mal n'allait pas jusqu'à les fane périr. Il est d'autant plus raisonnable d'admettre que des vers, au moment de faire leurs cocons, peuvent être sous l'influence de la maladie des morts-flats que tous les éducateurs savent que, dans les éducations éprouvées par cette maladie, il existe beaucoup de cocons fondus, c'est-à-dire de cocons dont les chrysalides pourrissent et se résolvent eu une sanie noire souvent remplie de vibrions. J'ai appris d'un très habile filateur d'Alais, M. Françaison, que les (dateurs ont souvent l'occasion de rencontrer des cocons qui poussent au fondu, c'est-à-dire que, dans le cas où Ton conserve les cocons sans les étouffer préalablement, la proportion du nombre des cocons fondus augmente chaque jour. M. Françaison était d'avis que l'on ne doit jamais faire des grai- nages avec de tels cocons. Enfin, on sait également qu'il existe des cocons dont les papillons pour- rissent au lieu île se dessécher. M. de Plagniol, de Chomérac, que j'ai eu l'honneur de voir sur la fin de mon séjour à Paillerols, m'a dit qu'il rejetait de ses grainages, depuis longtemps, les papillons dont le liquide rendu après la sortie du cocon montrait de petits bâtonnets articulés, par la crainte (pie la graine de ces papillons fût atteinte de la maladie des morts-flats. S X. - - Conséquence pratique des faits qui précèdent. La conséquence pratique des faits que je viens d'exposer est facile à déduire. L observation microscopique des cocons que l'on destine au grainage devra être faite à deux points de vue : pour les corpuscules et pour le ferment en chapelets de petits grains. On prend vingt chrysalides; après avoir extrait la poche stomacale et de celle-ci la matière d'aspect résineux qu'elle contient, on en délaye une par- celle dans une goutte d'eau qu'on examine au microscope. Il faut que l'on n'y découvre que des granulations amorphes. L'observation pour les corpuscules se fait, à la manière ordinaire, sur une autre série de sujets. La recherche de la présence du ferment en chapelets de petits grains doit se Faire de préférence sur les chrysalides, circonstance qui facilite beaucoup cette étude, puisque la chrysalide met près de trois semaines à sortir de son cocon sous forme de papillon. A la ligueur, on peut faire cette recherche dans les papillons, mais le travail est beaucoup plus pénible, parce que. dans les papillons, la poche stomacale est 1res réduite et que le ferment parait résorbé en partie. 572 ŒUVRES DE PASTEUR Le grainage de M. Raybaud-Lange a été fait, colle année,, pour chacun des lots, au double point de vue dont je viens de parler. Nous avons seule- ment réservé pour expériences d'études la graine de certains lots qui, malgré leur belle réussite, ont offert jusqu'à 50, 60 et 70 pour 100 de chrysalides où le ferment en petits chapelets de grains était très abondant. J'ai lieu d'espérer que les lots qui n'auront point manifesté la présence de « de Chavannes et les avait trouvés tous 574 ŒUVRES DE PASTEUR I miles ces graines ont fourni de 90 à 100 cocons pour 100 vers comptés au premier repas après la première mue (J). La maladie des morts-flats, pas plus que la pébrine, n'a donc détruit un seul de ces essais, tandis que, aux éducations industrielles et dans certains départements, notamment dans le Gard et dans l'Hérault, qui sont les départements où ont été faits les essais précoces dont il s'agit, quelques-unes de ces graines ont subi l'influence delà maladie tics morts-flats. Maintenant que nous avons quelques idées sur la cause probable de cette dernière maladie, il n'est guère possible de se rendre compte de la différence entre les résultats des essais précoces et ceux des éducations industrielles qu'en l'attribuant à la différence de nature des feuilles au moment des essais précoces et pendant les glandes éducations d'avril et de mai, et au moindre nombre des germes de maladie transportés par l'air en février et mars. Les essais précoces, en un mot, paraissent réaliser ces conditions générales d'édu- cations qui seraient propres, ainsi que je le disais tout à l'heure, à guérir les vers de la prédisposition à la maladie des morts-flats quand elle n'est pas trop accusée dans la graine. Leur influence est insensible, au contraire, dans d autres circonstances, puisque j'ai vu échouer aux essais précoces de Ganges et de Saint-Hippolvte les lots de graine provenant des papillons exempts de corpuscules et choisis dans des éducations où il y avait eu une mortalité plus ou moins marquée par les morts-flats. Conclusions. Deux maladies sévissent présentement sur les vers à soie et toutes deux probablement depuis vingt ans. La plus développée, la plus dangereuse, celle qui est répandue dans tous nos départements et dans tous les pays séricicoles, est la maladie appelée en France du nom de pébrine, en Italie, du nom de gattine, et que j'ai désignée de préférence, dans ce Rapport, du nom de maladie des corpuscules. Lors- qu elle est déclarée chez les vers à soie, aucun remède connu ne peut arrêter ses ravages. Heureusement la connaissance d'un remède n'a rien de néces- saire. Les faits consignés dans ce Rapport démontrent que l'on peut prévenir cette maladie, d'une manière absolue, au moment de la confection des graines, en écartant les éducations dont les papillons et surtout les chrysalides sont chargées du petit organisme anormal désigné du nom de corpuscules île Cor- nalia. Jamais un œuf quelconque ne contient de ces corpuscules quand il a jté produit par des papillons qui n'en contenaient pas eux-mêmes. En outre, j ai prouvé que la maladie se développe assez lentement pour qu'elle ne puisse détruire une chambrée quand elle n'est pas héréditaire par hérédité congé- nitale et par la présence effective des corpuscules dans les omis au moment de leur éclosion. i' exempts île corpuscules, ainsi que j'ai eu l'occasion moi-même de m'en assurer. La graine a été livrée à M. le président du Comice agricole d'Alais. Elle a réussi dans le Gard à peu près chez tous les éducateurs, comme le constate le Rapport de M. de Lachadenède. 1. Voir [p. 524-528 et p. 528-535] mes Lettres à M. Dumas au sujet des essais précoces, écrites d'Alais le 20 mars et le 10 avril 18138. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 575 Il faui donc élever exclusivement des graines exemptes île cette maladie corpusculaire, condition que 1 on réalise sûrement par l'examen microsco- pique préalable des cocons destines au grainage. De telles graines existent partout, mais spécialement dans les pays de petite culture. <>n peut en multiplier le nombre à volonté en faisant faire des éducations avec des graines choisies elles-mêmes préalablement, suivant la méthode de grainage dont il s'agit. Cette méthode a passé déjà dans la grande pratique. Il n'y a plus qu'à en multiplier les bons effets. Que i juin 1868. 2. Voir la note 1 p. 559 du présent volume. :!. Voir ce Rapport, p. .Yj7-:>7h .lu prisent volume. {Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A Son; mission des soies a fait faire des études microscopiques. S! vous avez eu à examiner des graines de pays venant des départements de grande culture, n'avez-vous donc pas rencontré une multitude de lots corpusculeux à la veille de la campagne de 1868? A défaut des observations de la Commission, reportez-vous aux Faits authentiques consignés dans mon Rapport au ministre de l'Agriculture, et relatifs aux éducations de la commune de ('.allas, près de DraÊTuiernan ; à celles de M. Laugier, maire il 'Maison, dans les Basses-Alpes; à celles des graines de la chambrée Arnoux, de Digne, etc. Enfin, Monsieur, vous n'avez pas été frappé de l'étal très corpusculeux, en général, des chry- salides el des papillons à la lin de la campagne de 1868? La situation était la même sous ce rapport en 1867. Il a dû en résulter, par conséquent, une foule de lots corpusculeux. Ne vous faites doue pas illusion. Il a péri en 1868 un nombre immense de chambrées par la pébrine. Peut-être ne les avez-vous pas remarquées autant que de raison, parée que ces chambrées périssent jeunes, que leurs vers arrivent péniblement a la quatrième mue, tandis que la maladie des morts- jhils. frappant les vers au dernier moment, en général attire davantage l'attention. Si la pébrine disparaissait complètement, la situation serait méconnaissable, tant elle se trouverait améliorée. \ mis ne rencontreriez plus, en effet, une seule graine fatalement condamnée. Les plus mauvaises donne- raient un certain nombre de réussite. Voulez-vous une dernière preuve de la qualité des graines faites en suivant mon procédé de grainage ? Elle est indirecte, mais tirée de l'intérêt individuel, et. à ce titre, peu contestable. Cette preuve, la voici : M. Raybaud- Lange avait toute sa graine de cette année placée même avant quelle ne fût faite. Il aurait pu en vendre vingt mille onces aussi facilement que cinq mille. Et ne croyez pas que le gros des demandes ait été le propre d'éducateurs nou- veaux qui n'auraient fait qu'entendre parler de ces graines. Le président du Comice d'Alaîs qui, Tan dernier, avait demandé à M. Raybaud-Lange, pour ses amis et sa famille. 220 onces de ces graines, a dû en réserver, pour les mêmes éducateurs, 500 onces dès la fin du mois de juin. M. Gervais. notaire à Anduze, en a réclamé 700 onces, au lieu de 100 en 1867, pour être distribuées également à sa famille et a ses amis. Dans les Pyrénées-* (rientales, où la Commission départementale a mis en honneur les principes qui me guident et qui les a éprouvés expérimen- talement, on a vu accourir cette année un grand nombre de graineurs du Gard qui s étaient déshabitués, depuis plusieurs années, d'aller faire de la graine dans ce département, à cause de la propagation de la maladie. Permettez-moi donc. Monsieur, de conclure comme dans mon Rapport au ministre : La maladie des morts-flats réclame de nouvelles recherches; mais nous avons un moyen assuré de prévenir la pébrine. Que des grands propriétaires, que des graineurs éclairés et probes suivent l'exemple que leur ont donné pour la première fois M. Ravbaud-Lange et la Commission départementale des Pyrénées-Orientales; qu'ils se transportent dans nos départements de petite production: qu'ils v fassent élever une graine pure: qu'ils en sur- veillent les éducations et qu'ils choisissent au microscope les meilleures chambrées résultantes pour les livrer au grainage. Tout en faisant leur 584 ŒUVRES DE PASTEUR propre fortune, ils donneront à la sériciculture une prospérité qu'elle n'a jamais connue. A certains égards, vous avez raison d'encourager le commerce des graines avec le Japon; mais vous feriez encore mieux, à mon avis, de préconiser le grainage local sous la garantie de la recherche préalable des bonnes chambrées pour graine par les observations microscopiques, notamment dans les départements les plus favorisés. Lisez, je vous prie, parmi les documents qui font suite à mon Rapport au ministre de l'Agriculture, le Rapport de la Commission départementale de Perpignan (*), et vous constaterez tout le bien que quelques hommes dévoués ont pu accomplir en une seule campagne. Lisez encore, dans mon Rapport au ministre, ce qui est relatif au con- traste prévu avec certitude, une année à l'avance, entre les admirables réus- sites des graines de M. Raybaud-Lange dans les Basses-Alpes et les échecs des graines Laugier, Arnoux, de Digne, etc. En présence de pareils résul- tais, comment s'expliquer la puérile opposition de certaines personnes à l'emploi du microscope clans la recherche des chambrées pour graine et le silence qu'elles gardent sur ses immenses bienfaits.' Cela m'inquiète fort peu. Elles ne tarderont pas à changer d'avis, ou plutôt c'est déjà fait, mais elles éprouveront quelque gène à en convenir. Vous ne serez pas surpris. Monsieur, des observations et des critiques que j'ai cru devoir vous adresser au sujet du Rapport de la Commission des soies. Votre exposé aurait eu un caractère purement privé que je ne vous les aurais probablement pas soumises, par respect pour les opinions indivi- duelles et parce que la polémique ne m'attire guère. Mais votre Rapport étant l'expression d'une Commission dont le titre emporte avec lui une compé- tence exceptionnelle, j'ai dû rétablir la vérité sur les points principaux où elle m'a semblé compromise. Toutefois, je me plais à constater que, la Com- mission des soies ayant adopte mon procédé pour ses opérations de grainage en 1868, la divergence de nos opinions est plus superficielle que profonde. C'est pour moi un précieux encouragement. .le vous serais obligé de vouloir bien communiquer ma Lettre à la Com- mission des soies. Si vous jugiez d'ailleurs que son insertion dans le Moni- teur des soies puisse intéresser les lecteurs de ce recueil, je vous prie de vouloir bien la réclamer auprès de la direction. Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considération. L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. 1. Voir, p. 355-359 du présent volume : Rapport de la Commission de sériciculture du département des Pyrénées-Orientales à M. Pasteur. {Note de l'Édition.) ÉTUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 585 MOYEN DE RECONNAITRE LE PLUS OU MOINS DE VIGUEUR DE DIVERS LOTS DE GRAINES (J) Lorsque des vers à soie issus de graines pures, c'est-à-dire de graines préservées de lapébrine par le procédé de grainage que j'ai fait connaître, >niit soumis à un seul repas de feuilles chargées de corpuscules, tous, sans exception, deviennent corpusculeux. Si l'expérience est faite entre la première et la seconde mue, beaucoup de vers meurent avant de faire leur cocon : ceux qui résistent donnent des cocons très faillies. Le nombre de ceux qui font leur cocon varie d'ailleurs avec la vigueur des vers et la qualité de la graine. Dans le cas où les graines ainsi éprouvées sont prédisposées à la maladie tics morts-flats, il v a mortalité complète avant le coconnage, comme si l 'affaiblissement correspondant à l'état latent encore de cette maladie prédis- posait à une influence plus funeste des corpuscules. Si, au contraire, les graines doivent résister à la maladie des morts-flats, un certain nombre de vers, la moitié, par exemple, arrivent à faire leur cocon quoiqu'ils soient corpusculeux. Il résulte de là que l'on peut reconnaître aux essais précoces les graines prédisposées à la maladie des morts-flats, par des études comparées sur la mortalité qu'entraîne la maladie des corpuscules, communiquée directement aux vers par un repas de feuilles chargées de corpuscules. SUR LES BONS EFFETS DE LA SELECTION CELLULAIRE DANS LA PRÉPARATION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE (») LETTRE ADRESSEE A M. DUMAS (a) 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 26 octobre 1868, LXVII, p. 813-814. Cette Note fut dictée à M. Gernez par Pasteur quelques jours après l'ictus qui le laissa hémiplégie. | T'oie Vaixehy-Radot (René). La Vie de Pasteur, p. 229. Paris, Hachette, éditeur.) 2. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 11 janvier 1869, LXVIII.p. 79-82. Cette Communication se trouve reproduite p. 372-374 du présent volume. 3. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du lô mars 1869, LXV1II. p. 628-629. Cette Lettre se trouve reproduite p. 380-381 du présent volume. [Notes de l'Édition.) 586 ŒUVRES DE PASTEUR LETTRE A M. LE DIRECTEUR DU MESSAGER AGRICOLE (') Alais, le 1" mai 1869. Monsieur le Directeur, Le 20 avril 1869, M. Grenier, ministre de l'Agriculture, m'adressa, avec prière d'en faire l'examen et de lui en transmettre un compte rendu détaillé, une boîte renfermant des graines provenant d'une éducation de M"6 Amat, de Brives (Corrèze), et une bruyère de cocons provenant des essais précoces du sieur Amarine, d' Alais. Voici quelques extraits de la lettre d'envoi de M"e Amat : « Monsieur le Ministre, « J'ai l'honneur de vous adresser par la poste une petite boîte contenant trois sacs de gaze qui renferment chacun une once de graine de vers à soie de races indigènes ainsi désignées : n° 1 B., n° 2 M. L., n° 3 P. Le n° 1 est la belle ancienne race dite de Brives, qui avait fait la réputation de ce pavs, et qui y est élevée, je crois, depuis un siècle. C'est peut-être la plus belle et la plus riche de nos graines indigènes. Le n° 2 appartient à une race milanaise d'ancienne importation; elle est aussi d'un grand mérite. Le n° 3 est d'origine portugaise, importée dans nos contrées depuis quelques années. « C'est aux deux premières surtout, Monsieur le Ministre, que je vous supplie d'accorder votre sollicitude : il serait très heureux que ces deux races puissent être répandues et reprendre la renommée dont elles ont joui si longtemps J'ai adressé de petits lots de ces mêmes graines à un certain nombre d'éducateurs, à Brives et dans les environs de cette ville, ainsi qu'à M. Tardieu, de Valréas, Audibert, d'Opède, Escoffier, de Bédarrides, et à quelques autres dans les départements du Gard, des Bouches-du-Rhône, de l'Isère, etc., etc. . . « Je vous supplie. Monsieur le Ministre, de vouloir bien faire élever vous-même, avec tous les soins possibles, ces mêmes graines. Comme preuve qu'elles méritent votre protection bienveillante, je joins à ma lettre un extrait du Rapport de M. Camille Planchard, président du Comice agricole de Beau- lieu, où j'ai établi ma modeste magnanerie. « Signé : Victorine Amat. » o Extrait du Rapport de M. Camille Planchard, président du Comice agricole de Beaulieu, membre du Conseil général de la Corrèze : « Le 14 mai 1868, nous nous sommes transporté dans la magnanerie «liiio-ée par M"e Amat, à Beaulieu, conformément aux instructions d'une dépêche préfectorale en date du il courant, et relative à une prime de 400 francs offerte par S. Exe. M. le ministre de l'Agriculture pour favoriser le grainage de bonnes races indigènes de vers à soie. 1. Messager agricole du Midi, 5juin 1869, X, p. 153-156. Cette lettre n'a pas étr reproduite dans l'édition de 1870. [Note de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VKRS A SOIE 587 « M"'' Ainat nous a fait visiter sa magnanerie, où se trouvaient, dans d'excellentes conditions, des vers provenant de 25 grammes de graine de races indigènes Nous avons constaté le parfait état de l'éducation les 11 et 12 mai Le L9 mai, nouvelle visite. L'étal des vers ne laisse rien à désirer: aucun cas 44-.ViC. il u présent volume: Note sur la maladie des vers à soie désignés vul- gairement sous le nom de morts-blancs ou morts-flats. {Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 593 festent sous aucun rapport la maladie des morts-flats ou celle des corpuscules. La contagion a été empêchée. Mélange/, au contraire, à parties égales, des vers très sains avec les mêmes vers que vous aurez contagionnés par un seul repas de feuilles cor- pusculeuses ou par les ferments propres à la feuille du mûrier, et la pébrine ou la maladie des morts-flats se développeront peu à peu au degré le plus intense dans les vers sains. La contagion de la pébrine se fait par deux modes distincts. Un ver qui marche sur un ver corpusculeux enfonce dans le corps de celui-ci les ongles qui terminent ses pattes, et se trouve prêt à aller inoculer à d'autres vers le germe de la maladie au moyen de ses crochets souillés de corpuscules. Mais la matière contagionnante par excellence est la matière excrémen- tielle qui sans cesse tombe sur la nourriture des vers. Chose remarquable, et assurément fort heureuse, cette matière perd son activité assez rapidement. La dessiccation à l'air ordinaire détruit chez le corpuscule sa faculté de repro- duction. C'est que le corpuscule, tel qu'on le connaît ordinairement, brillant, très nettement délimité, est un organisme caduc : il ne peut plus se régé- nérer. Sa faculté de reproduction n'existe que lorsqu'il est entièrement jeune, état sous lequel la dessiccation le fait périr. Tandis que la poussière des crottins frais ou la matière d'un tissu quel- conque d'un ver corpusculeux possède de la façon la plus marquée le pouvoir contagionnant, on ne réussit pas à rendre les vers corpusculeux par des repas de poussières très corpusculeuses, non plus que par les tissus ou les déjec- tions de papillons corpusculeux, conservés depuis l'année précédente. Il résulte de ces faits qu'en passant d'une année à une autre, il n'y a de corpuscules pouvant se reproduire et se multiplier que ceux qui se trouvent dans l'intérieur même des œufs, de telle sorte que, par l'application bien entendue de mon procédé de grainage, on arriverait à supprimer d'une manière absolue la maladie des corpuscules, puisque les poussières de magnaneries, qui offrent des corpuscules par myriades quand la pébrine a sévi sur les édu- cations qu'elles ont renfermées [voir [p. 436-448] ma Communication du 23 juillet 1866 à l'Académie des sciences), sont incapables de communiquer cette maladie au bout d'une année. On pourrait croire qu'un ver corpusculeux doit porter sur sa nouvelle peau, au moment des mues, des corpuscules en grand nombre, il n'en est rien. Je citerai en passant un fait curieux. On sait que les vers, après le chan- gement de peau, deviennent comme cendrés. Ils ont un aspect farineux. J'ai observé que cet effet est dû uniquement à la présence d'une poussière de cristaux identiques à ceux que l'on rencontre dans les tubes de Malpighi. La matière humide qui recouvre la nouvelle peau au moment de la mue cristallise subitement au contact de l'air par évaporation dès que le ver s'est dépouillé. J'ai fait de nouvelles études sur les taches des vers corpusculeux. Elles ne se montrent jamais qu'à la suite de l'apparition des corpuscules dans l'inté- rieur du canal intestinal. Ce sont comme des pétéchies de la peau extérieure, consécutives aux altérations de la peau intérieure. Elles ne sont pas du tout un effet du développement sous-cutané des corpuscules dans les tissus péri- phériques de 1 insecte. ÉTUDES SOB LA MALADIE DES VERS A -OIE. 88 5'J ï CEI YRES DE PASTEUR Quand les éducations industrielles seront terminées, je vous écrirai de nouveau afin de vous démontrer par des faits très précis que l'application de mon procédé de grainage, en vue de prévenir l'une et l'autre des deux mala- dies qui pèsent si lourdement sur la production de la soie, est tout à fait sûre dans ses résultats. Les échecs, quand ils se présentent, ne peuvent être attri- bués qu'à des vices d'éducation ou à des accidents imprévus, et nullement à la qualité de la graine. En communiquant à l'Académie les résultats qui précèdent, et dont vous avez bien voulu contrôler vous-même quelques-uns au milieu de nous, dites bien, je vous prie, à nos savants confrères avec quel zèle je suis secondé ici par le dévouement de MM. Cernez, Duclaux et Ftaulin. N'oubliez pas davan- tage M. Maillot, qui, sur la demande de M. le sénateur comte de Casablanca, a consenti à s'éloigner de nous pour aller en Corse appliquer mon procédé de grainage. Ses éducations sont achevées, et toutes avec succès, tandis que les échecs sont généraux dans l'île cette année. M. Maillot a élevé six lots de graines toutes confectionnées en France d'après ma méthode. OBSERVATIONS («| RELATIVES A UNE COMMUNICATION PRÉCÉDENTE DE M. RAYBAUD-LANGE i'| LETTRE A M. LE MARÉCHAL VAILLANT Dans une Note communiquée à l'Académie par M. Raybaud-Lange, au sujet de la maladie des morts-flats, il est dit que la flacherie est généralement occasionnée par l'action délétère des traz ammoniacaux qui se désracrent des 1 O 1 r) D litières, el comme preuve de son opinion M. Raybaud-Lange ajoute : « Placez des vers sous une cloche, et à côté d'eux, un godet rempli d'ammoniaque liquide. Au bout d'une heure tout sera mort-Rat. » Si cette expérience avait quelque fondement, les faits et les opinions que j ai présentés à l'Académie relativement à la maladie dont il s'agit seraient évidemment controuvés. J'ai dit, en elTct (3), que, dans le canal intestinal d'un ver qui périt de la flacherie, la feuille ingérée fermente comme dans un vase inerte et présente les mêmes organismes que cette fermentation artificielle. Or, il est évident a prioi'i que le contenu du canal intestinal de vers sains qui ne renferme aucun organisme visible au microscope ne peut pas en montrer au bout d'une heure, ni la feuille de ce contenu être en pleine fermentation après un temps aussi court. Je me suis empressé de répéter l'expérience de M. Raybaud-Lange, et je 1. Comptes rendus de V Académie des sciences, séance du 21 juin 1869, LXVIII, p. 1433- 1434. Cette Note n'a pas été reproduite dans l'édition de 1870. 2. Raybaud-Lange. Sur ta maladie des morts-flats et sur le moven de la combattre. Ihi.i., 1869, LXVIII, p. 1275-1276. 3. Voir, p. 590-594 du présent volume : Résultats des observations faites sur la maladie des morts-flats, soit héréditaire, suit accidentelle. Lettre à M. Dumas. Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 595 n'ai pas tardé a reconnaître que l'interprétation qu'il en donne est inexacte. Lorsque des vers sonl places sous une cloche, à côté d'un godet rempli d'ammoniaque, les vers meurenl très promptement, souvenl même au bout (lr quelques minutes, et le corps des vers devienl mou cl flasque. Voilà le caractère physique qui sans doute a trompé M. Ravbaud-I.ange, mais la mort di' ces vers [l'a rien de commun avec la maladie dite des morts-flats. C'est une sorte d'anesthésie. Il est facile même, si l'on ne prolonge pas trop l'expé- rience, de rappeler ces vers à la vie, en les exposant à l'air. La mollesse des tissus disparaît promptement, et les vers se remettent à manger. Si la dose des vapeurs d'ammoniaque est diminuée, quoique encore très forte, ils ne paraissent en éprouver aucun mal. En tous cas, la feuille ne fermente point dans leur canal intestinal, et ou n v voit pas apparaître les organismes propres a cette fermentation. D'ailleurs, la mollesse des lissus n'est point du tout ur caractère nécessaire de la maladie des morts-flats. Le plus souvent, les vers périssent de cette maladie en conservant au moment tic la mort leur élasticité naturelle. Enfin, les effets observés sous l'influence de l'ammoniaque se pro- duisent avec beaucoup d'autres vapeurs, et même d'une manière bien plus prononcée, par exemple avec les vapeurs d'éther. Quant à l'effet curatif dû aux vapeurs de vinaigre, annoncé également dans la .Note de M. Raybaud-Lange, je ne crois pas que cet éducateur ait fait les expériences comparatives suffisantes pour établir un fait de cette impor- tance. .1 avoue cpie. de mon côté, je n'ai pas fait non plus assez d'observations pour démontrer péremptoirement l'erreur de M. Kaybaud-Lange, mais le sens des résultats de celles que j'ai faites ne concorde pas avec l'opinion de cet habile sériciculteur. Le gaz acide sulfureux, si puissant contre le déve- loppement des fermentations, me paraîtrait bien meilleur, comme moyen préventif de la maladie des morts-flats, parce que l'on peut espérer qu'il s opposerait à l'apparition des organismes qui sont la cause de la fermentation de la feuille dans le canal intestinal. Pourtant, de ce côté encore, mes expé- riences n'ont rien de décisif. Q= 8v>°8 * NOTE SUR LA SÉLECTION DES COCONS FAITE PAR LE MICROSCOPE POUR LA RÉGÉNÉRATION DES RACES INDIGÈNES DE VERS A SOIE (>j 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 19 juillet 1869, LXIX, p. 158-16(1 i iette Note est reproduite, p. 371-375 du présent volume, sous le titre : Sur les bons effels de la sélection cellulaire dans la préparation de la graine de vers à soie. [Note de l'Édition^ 596 ŒUVRES DE PASTEUR [LETTRES INSÉRÉES DANS LE MONITEUR DES SOIES] («) Mais, le 15 juin 1869. Monsieur le Directeur (2), Je lis clans votre dernier numéro, sous la signature Eugène de Masquard, les passages suivants : Les graines de chambrées choisies au microscope échouent généralement... Les plus heureux auront à peine quelques kilo- grammes par once... C'est une vraie calamité publique... La désolation est à Alais et dans tout le Gard. J'oppose à ces incroyables paroles le plus formel démenti. La vérité est que, chez les filateurs d'Alais, la presque totalité des cocons jaunes provient des graines faites par mon procédé de grainage. Le rendement moyen de ces graines, qui sera établi prochainement avec le même soin que je l'ai fait l'an dernier, conduira bien probablement, pour tout le Gard, au chiffre de 20 kilogrammes environ par once de 25 grammes, rendement supérieur à celui des époques de prospérité et très rémunérateur, beaucoup plus que ne l'est le rendement moyen des cartons japonais d'importation directe. Dans la même lettre on trouve au sujet des résultats des graines corpus- culeuses et non corpusculeuses une opposition toute à l'avantage des pre- mières. Une telle assertion témoigne chez l'auteur de la lettre d'une si profonde ignorance des principes les mieux établis, que toute discussion sur ce point serait superflue. Ayant acquis par mes travaux de ces cinq dernières années le (huit el le devoir de faire connaître mon jugement dans ces matières, je ne saurais trop flétrir le parti pris d'ignorance et de négation de la vérité dont je vois à chaque instant les preuves dans certains journaux. Venir condamner gratuitement et publiquement, au moment où vont s'accomplir les grainages de cette année, les résultats auxquels je suis parvenu et qui ont reçu la sanc- tion motivée de toutes les personnes, sans exception, qui ont pris la peine d'en vérifier l'exactitude, en France, en Italie et en Autriche, est une action coupable. Je répète, avec le surcroit d autorité que me donnent les faits constatés par moi cette année dans une nouvelle série d'études expérimentales, qu'il n'y a de salut pour la sériciculture et la régénération des anciennes races de pays, que dans l'application rigoureuse des principes que j'ai démontrés. J'affirme que, dans une localité quelconque, tout éducateur qui suivra à la lettre mon procédé de grainage fait en vue de prévenir à la fois les deux maladies régnantes, la pébrine et la flacherie, obtiendra une graine parfaitement saine et qui réussira partout où elle sera élevée convenablement. Permettez-moi, Monsieur le Directeur, de réclamer instamment de votre impartialité la reproduction dans votre plus prochain numéro, en même temps que de cette lettre, d'un article extrait de la Semainedu Dauphinè et du Vivarais, journal publié à Valence. Cet article signé E. M. est de M. Meynot, 1. Ces lettres n'ont pas été reproduites dans l'édition de 1870. (Xote de l'Édition.) 2. Moniteur des soies, n» 359, 19 juin LS69, p. A. ÉTUDES Sl'K LA MALADIE DES VERS A SOIE 597 juge d'instruction à Alais, propriétaire dans la Drôme. Vous y verrez le compte rendu de faits intéressants concernant mon procédé de grainage. Mon aimable écolier, M. le marquis de Bimard, qui, pour le dire en passant, vous a adresse il y a quinze jours un bien mauvais devoir ('), pourrait facilement véri- fier les assertions de l'article de M. Meynot, puisqu'il habite la Drôme. La moyenne du rendement des graines distribuées dans ce département par M. Meynot est de 28 kilogrammes par once de 25 grammes. Recevez, Monsieur le Directeur, etc. L. Pasteur. Alais, 23 juin 1869. Monsieur le Marquis [de Bimard] (2), Je m'empresse de répondre à la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire à la date du 22 juin courant (3). J'ai l'honneur de vous informer que je ne vois absolument rien dans cette lettre qui mérite de ma part une réponse quelconque (4). Recevez, monsieur le Marquis, l'assurance de ma considération distinguée. L. Pasteur. Paris, 5 juillet 1869. Monsieur le Directeur (»), Un seul mot seulement sur la légèreté des allégations de M. E. de Mas- quard. Je lis dans votre numéro du 2(3 juin, sous sa signature, la phrase suivante : « Chez M. Pagézy, maire de Montpellier, graine Raybaud-Lange, échec complet et très connu. » Or, il est absolument faux que M. Pagézy, maire de Montpellier, ait élevé la graine Raybaud-Lange ou toute autre graine faite d'après mon procédé de Se peut-il qu'en réponse à un démenti formel que je lui ai infligé, votre correspondant produise un fait aussi matériellement controuvé? Veuillez agréer, etc. L. Pasteur. 1. Lettre sur la «Sériciculture». Moniteur des soies, 29 mai 1869, n» 356, p. 5-7. Le marquis de Bimard y critique en trois points le procédé de grainage de Pasteur. 2. Moniteur des soies, n" 360, 26 juin 1869, p. 4. '.'.. Ibid. 4. Dans sa lettre, le marquis de Bimard soutenait qu'il croyait « à l'utilité pratique sur une très petite échelle» du procédé de grainage et, «jusqu'à démonstration du fait contraire, aux trois propositions établies dans son mauvais devoir ». (Notes de l'Édition.) 5. Moniteur des soies, n» 362, 10 juillet 1869, p. 3-4. 598 ŒUVRES DE PASTEUR Paris, 5 juillet 1869. Monsieur le Directeur ('), Je lis dans le numéro du Moniteur îles soies du 3 juillet courant, page pour 100 de vers morts, et, comme le dit M. le maréchal, une perte de 25 pour 100 n'empêche pas qu'une éducation soit belle au point de vue indus- triel. Mais voyez dans la Lettre de M. le maréchal la comparaison faite entre une belle graine poursuivie deux ans de suite et une autre issue de papillons sans corpuscules. Encore une fois, sachons distinguer et comprendre. Où donc est la nécessité d'élever des graines corpusculeuses à 3, 4, 5, 10 pour 100 de corpuscules, quand même de telles graines pourraient donner dans certains cas une récolte, puisque j'ai fait connaître le moyen pratique et rigoureux de ne jamais avoir de corpuscules dans une graine? L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. Paris, 27 juillet 1869. Monsieur le Directeur (3), Je reçois de M. Raybaud-Lange un renseignement qui m'oblige, contre mon gré, de répondre à une lettre de M. le marquis de Bimard, insérée dans votre avant-dernier numéro (i). Cette lettre fait connaître les résultats de 40 onces de graine Raybaud-Lange, graine excellente, puisque, d'après M. de Bimard, onze éducateurs ont eu 30 kilogrammes, un autre 23 kilo- grammes pour une demi-once. Il est donc évident que ceux qui ont échoué ne peuvent accuser qu'eux-mêmes. Je sais que cette graine, portant le numéro 81 sur mon registre d'observations, était issue de cocons observes par moi-même au douille point de vue de la pébrine et de la flacherie. La même lettre de M. de Bimard fait connaître l'insuccès général de 120 onces de graine livrées à M. de Montluisant par M. Raybaud-Lange. Or, voici le renseignement que j'extrais de la lettre de M. Raybaud-Lange, datée 1. Moniteur des soies, n° 363, 17 juillet 1869, p. 6. Dans des lettres adressées au Moniteur des soies, M. de Masquard, le marquis de Bimard et M. Luppi ont cherché à jeter le discrédit sur le procédé de drainage de Pasteur, en rapportant des cas comme ceux de Buisson et di Pagézy | Voir p. 603). 2. Voir, p. 375-378 du présent volume: Lettre de M. le maréchal Vaillant à M. Pasteur. 3. Moniteur des soies, n° 365, 31 juillet 1869, p. 5. 4. Ibid., n°363, 17 juillet 1869, p. 6. (Xoles de l'Édition.) 602 ŒUVRES DE PASTEUR du 22 juillet 1869 : c Les 120 onces de graine de M. de Montluisant oui été laites à Crasse par un de nies parents. C est moi qui ai examiné les papillons, il n y en avait que 4 pour 100 de eorpuseuleux, mais aucune observation n'a été laite au point de vue de la llaeherie. A ce moment, personne ne connais- sait encore vos études sur l'influence que vous attribuiez à la présence du petit ferment en chapelets de grains que vous avez trouvé dans les chrysa- lides. " En résumé, Monsieur le Directeur, vous voyez qu'il s'agit ici d'une graine faite à moitié seulement par mon procédé de grainage. Cet échec ne me regarde donc pas. .le pourrais vous citer au moins 4 ou 5 sortes de graines élevées cette année sur une grande échelle, privées presque totalement de corpus- cules, et qui ont péri de la llaeherie, surtout dans les départements de grande culture, parce que l'on n'avait pas pu, ou qu'on n'avait pas voulu reconnaître le caractère de la llaeherie héréditaire. En dehors de 1 application même de mon procédé, il y a des causes d'insuccès qui sont le fait du confectionneur de la graine. Supposez, par exemple, que les chrysalides soient affaiblies dans leurs cocons parce qu'on aura mis ceux-ci en tas et qu'ils se seront échauffés, ce qui arrive trop fréquemment! Il est parfaitement clair que ce vice dans le grainage ne peut développer ni les corpuscules de la pébrine, ni le ferment de la flacherie. L'observateur au microscope pourra donc trouver les cocons parfaits et être ainsi mis dans l'erreur par la faute de personnes étrangères. Il n'est pas douteux, pour moi, que l'échec du n° 45 distribué à Anduze devait avoir pour cause l'affaiblissement dont je parle. C'est là encore un genre d'échec qui n'affecte en rien la valeur de mon procédé de grainage. C'est aux éducateurs a se prémunir par tous les moyens en leur pouvoir contre de pareils acci- dents. \ euillez agréer, etc.. L. Pasteur. Paris, 27 juillet 1869. Monsieur le Directeur (4), Je lis à la page 4 de votre dernier numéro, sous la signature G. Luppi, la phrase suivante : « M. Cuisquet aura sans doute remarqué que M. Buisson confirme par lettre ce qu'il m'avait communiqué de vive voix, ce qui justifie pleinement la fidélité de mon compte rendu (-). » Cette assertion est absolument erronée. Encore une fois, voici ce qu'a écrit .M. Luppi: « Un sériciculteur digne de la confiance la plus illimitée, M. Unisson, mallirmait.il y a deux- jours, qu'une graine corpuseuleuse à 80 pour 100, examinée par M. Pasteur lui-même, avait donné une récolte splcndide. » J'ai répondu sur-le-champ (pie jamais ce fait n'avait pu se produire nulle part. M. Luppi en a aussitôt appelé au témoignage de M. Buis- 1. Moniteur des .mies, n« 365, 31 juillet 1869. p. .">. 2. Tbid., a°364, «juillet 1869, p. 4. {Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 603 son et la lettre de ce dernier a été insérée dans le Moniteur des saies(l). .le l'ai sous les veux. Or, il n'y a pas un mol dans cette lettre relatif aux 80 pour HH), ce qui était le seul fait important à confirmer. Doue, il <'st Taux, comme M. Luppi l'affirme, que M. Buisson ait confirmé par lettre la fidélité de son assertion. Il v a trois ternies dans ce débat -.graine (et non papillons, c'est entendu . Cette lettre ne figure pas dans l'édition de 1870. (Note de l'Édition.} 2. Comptes rendus de V Académie des sciences, séance du 4 octobre 1869, LXIX, p. 744-748. * Note de M. de Ifasquard : « Connaissant la manière adoptée par mon savant adversaire, je ne puis dire aujourd'hui quel était le fournisseur de la dite graine, sans m'attirer un démenti. Si je dis qu'elle sortait des grainages de M. Raybaud-Lange, démenti ; si je dis qu'elle a été livrée par tout autre graineur, démenti. Quel est donc le mot de cette énigme? Pasteur vous le dira... à moins qu'il ne l'ait oublié. •• ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 607 Paul Eymard, secrétaire-rapporteur, entretient à ses frais une magnanerie expérimentale <'i présente annuellemenl dans un Rapport imprime l'exposé de ses travaux. Le compte rendu qu'elle lit paraître au mois de septembre de l'an dernier1) était loin d'être favorable à ma méthode de grainage, mais il Faut dire qu'aucune expérience sérieuse n'avait été laite par la Commission pour se rendre compte île l'efficacité de cette méthode. C'est ce que je m'empressai de faire observer dans une lettre motivée à son rapporteur, M. Paul Eymard, lettre qui a été insérée au Moniteur des soies du 10 octobre 1868 - . La Commission, appréciant sans doute ce qu il y avait de judicieux dans les critiques que je lui avais soumises, m'écrivit spontanément le 22 mars dernier en m exprimant son intention de mettre à l'épreuve des faits les résultats de mes recherches. A la demande qu'elle voulut bien me faire d'un ou deux lots de graine que je jugerais saine et qui aurait été confectionnée suivant mes indications, je répondis par l'envoi de sept lots différents, quatre de graines saines et trois de graines malades, avec le pronostic anticipé con- cernant chacune d'elles. La Commission des soies vient de publier le Rapport de ses opérations de cette année (3). « De toutes les expériences suivies pendant cette campagne, dit le Rapport, celles qui ont offert le plus d'intérêt et qui ont le plus sérieusement occupé votre Commission ont été celles concernant les graines qui lui avaient été conliees par M . Pasteur. Vous connaissez le système d'éducation, reposant sur l'examen microscopique des chrysalides, des papillons et des graines, proclamé par ce savant. Vous savez quelle polémique passionnée s'est élevée à ce sujet... Votre Commission, voulant se tenir complètement à l'écart de ces débats, n'a eu qu'un but, celui de constater aussi exacte- ment que possible des faits dont vous jugerez vous-mêmes l'importance et la portée. « Au mois de mars dernier, nous nous sommes adressés à M. Pasteur, pour le prier de vouloir bien nous remettre quelques onces de graines examinées par lui et sur la réussite desquelles nous pourrions compter d'après ses observations. « M. Pasteur, voulant rendre nos expériences plus complètes, nous a adressé sept lots de graines portant chacun l'indication de la marche présumée des vers qui en proviendraient. « Nous ne croyons pas pouvoir faire mieux que de donner in extenso les 1. Rapport de la Commission des soies sur ses opérations de l'année 1868. Paul Eymard. secrétaire-rapporteur. Lyon, 1868, Imprimerie Pitrat aine, 32 p. in-8° (1 tabl.). et Moniteur des soies, n° 321, 19 septembre 1868, p. 8-9. 2. Voir, p. 578-584 du présent volume, la lettre du 5 octobre 1868 : A M. Paul Eymard. membre de la Commission des soies, à Lyon. 3. Rapport de la Commission des soies sur ses opérations de l'année 1869. Paul Eymard, secrétaire-rapporteur. Lyon, 1869, Imprimerie Pitrat aine, 78 p. in-8° (1 tabl.), et Moniteur des soies, n» 372 à 376, 1S69. Les passades compris entre : « Lie toutes les expériences... » et « Les tableaux de la marche de nos éducations... », qui, dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences et dans l'édition de 1870, sont un peu écourtés, sont reproduits ici in extenso, d'après le Moniteur des soies, 18 septembre 1869, p. 3-4. [Notes de l'Édition.) 608 ŒUVRES DE PASTEUR lettres (juc M. Pasteur a adressées à votre Commission, dont lecture a été donnée à la Société d'Agriculture, et qui, comme le désirait l'auteur, ont été insérées dans le procès-verbal de ces séances. Lettres de M. Pasteur. Saint-Hippolyte-dn-Fort (Gard), 24 mars 1869. Monsieur. J'ai reçu la lettre, en date du 22 mars courant, que vous m'avez l'ait l'honneur de m'écrire, au nom de la Commission des soies de Lyon, pour me demander de la graine, en vue de mettre à l'épreuve ma méthode de grainage. Je regrette que le vœu de la Commission des soies me parvienne à un moment où toutes les graines qui vont être élevées sont déjà distribuées. Néanmoins, je pourrai y satisfaire dans une mesure convenable. Avant de vous faire cet envoi, permettez-moi de vous prier de demander à la Commission si elle désire seulement des échantillons de graines saines, ou si elle ne préférerait pas, afin de rendre les expériences plus concluantes, (nie je lui adressasse des lots choisis dans les conditions suivantes : 1° Lot de graines saines devant réussir; 2° Lot de graines devant périr uniquement de la maladie des corpuscules, autrement dit pébrine ou gattine, etc.: 3° Lot de graines devant périr uniquement de la maladie des morts-flats, autrement dit des tripes, de l'apoplexie, etc.; 4° Lot de graines devant périr partiellement de la maladie des corpus- cules et de la maladie des morts-flats. 11 me semble (pie la comparaison entre de telles éducations serait mieux faite pour éclairer le jugement de la Commission sur la certitude des principes que j'ai établis que si elle se bornait à une seule ou à plusieurs déclarées saines. Je désire. Monsieur, que cette lettre soit communiquée à la Commission des soies, dans une de ses prochaines séances, et transcrite au procès-verbal. Je demanderai la même faveur pour la lettre qui accompagnera mon envoi. Veuillez recevoir, Monsieur, l'assurance de ma considération très dis- tinguée. L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), 28 mars 1869. Monsieur le Secrétaire. Conformément au désir (pie vous m'exprime* dans votre lettre du 27 mars courant, au nom de la Commission des soies de Lyon, j'ai l'honneur de vous adresser 16 grammes de graines saines et 3 de graines malades. ÉTUDES SLR LA MALADIE DES VERS A SOIE 609 Voici le détail de cet envoi el 1 indication de toutes les particularités qui concernent ers graines : D La boite portant l'étiquette 10 grammes, n° 3, renferme une graine industrielle laite à Paillerols (Basses-Alpes). J'ai examiné moi-même les chrysalides et les papillons. Je n'y ai rencontré ni corpuscule, ni le ferment en chapelets de grains, que je considère comme un témoin de l'existence de la prédisposition héréditaire à la maladie des morts-llats. 100 onces de cette graine ont été livrées par M. Maybaud-Lange à M. Meynot, juge d'instruction à Alais. M. .Meynot a bien voulu m'en céder une petite quantité, sur laquelle j'ai prélevé 10 grammes que je vous envoie. La boîte portant l'étiquette 2 grammes, n° 41, renferme encore une graine indus- trielle faite également à Paillerols, et dont j'ai examiné moi-même les chrysalide et les papillons. Je juge que cette graine est à l'abri des corpuscules et de la maladie des morts-flats par hérédité. M. de Lachadenède, président du Comice d'Alais, élèvera 20 onces de cette graine. La boite portant l'étiquette 2 grammes, n° 8, renferme une graine industrielle faite également à Paillerols et dont j'ai examiné moi-même les chrysalides et les papillons. Je juge que cette graine est à l'abri des corpuscules et de la maladie des morts-flats par hérédité. La famille de M. de Lachadenède doit élever 51 onces de cette graine ; M. Gervais, notaire à Anduze, doit en élever 25 onces. La boite portant l'étiquette 2 grammes, D. S., renferme une graine quia été faite cellulairement au collège d'Alais, par M. Despeyroux, professeur dans cet éta- blissement, avec 5 grammes d'une graine cellulaire faite par moi en 1867 (race de Perpignan . Cette dernière graine offre un intérêt particulier, car elle a été confectionnée dans une localité qui passe à bon droit comme l'une des plus affectées par les maladies régnantes. J'estime encore, d'après mes propres informations, que celte graine est à l'abri de la maladie des corpuscules et de la maladie des morts-flats par hérédité. Cette graine sera élevée au collège d'Alais et chez divers propriétaires du Gard. Sur vingt papillons, un seul offrait le ferment en chapelets de grains. La boîte portant pour étiquette 2 grammes, C. C, renferme une graine dont les papillons ne contenaient pas trace de corpuscules et qui, en conséquence des prin- cipes que j'ai établis, ne peut périr de la maladie des corpuscules ou pébrine ; mais ces mêmes papillons contenaient 70 pour 100 de sujets dont la poche stomacale ren- fermait le ferment en chapelets de grains dont j'ai parlé précédemment. Presque tous les vers périront de la maladie des morts-flats héréditaire. Cette graine a été faite cellulairement par M. de Lachadenède à l'aide d'une de ses chambrées les mieux réussies. La boîte portant l'étiquette 2 grammes, S. Del., renferme une graine qui offre également un intérêt tout spécial. En 1867, le Comice du Vigan, voulant mettre à l'épreuve de l'expérience mon procédé de grainage, fit élever dans le canton de Saint-Hippolyte, à Sauve, sous la surveillance de deux de ses membres, une once d'une graine dont j'avais examiné les papillons producteurs, et que j'avais déclarée saine au point de vue de la pébrine. Cette graine produisit 46 kil. 500 de cocons. Le Comice me chargea d'examiner ces cocons et de déclarer s'ils pouvaient servir au grainage. Je les reconnus sains. On fit grainer toute la chambrée, et le Comice décida qu'une once de la nouvelle graine serait encore élevée à Sauve sous sa sur- veillance. L'once de 25 grammes produisit 51 kil. 500 de cocons en 1868. J'examinai de nouveau ces cocons et je les reconnus malades. Le Comice, séduit par la belle -ite de la chambrée et la beauté des cocons et voulant mettre de nouveau à l'épreuve mon jugement, les a fait grainer en totalité. La boîte dont il s'agit ren- ferme 2 grammes provenant de ce grainage et qui- je dois à l'obligeance de M. I lelettre, ÉTUDES SUB LA MALADIE DES VERS A S IE. 39 610 ŒU|VjKE[S D|E PASTEUR docteur-médecin, chargé par le Comice de la surveillance de la chambrée de Sauve. Je juge que cette graine périra à peu près complètement et uniquement par la maladie des corpuscules, car les papillons n'étaient que corpusculeux. La boîte portant pour étiquette 2 grammes, n° 12, renferme une graine dont moitié des papillons producteurs étaient corpusculeux en partie et en partie aussi offrant le ferment, témoin de la maladie des morts-flats par hérédité. L'autre moitié des papillons était saine. Cette graine présentera une mortalité partielle due aux corpuscules, et une autre plus considérable due à la maladie des morts-flats. Je désire que toutes ces graines soient élevées avec un soin particulier par une personne exercée. Il importe extrêmement qu'au moment de l'éclosion, l'isolement des graines soit tel que tout mélange de vers, entre les divers lots, soit rendu impossible. N'ayant pas sous la main une balance au moment de cet envoi, je me suis servi pour la mesure de ces graines d'un dé à coudre renfermant, plein, 2 grammes de graine. La différence avec ce poids doit être extrêmement faible. Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire, de me donner l'assurance que ma première lettre et celle-ci seront transcrites au procès-verbal d'une des séances de la Commission des soies, ainsi que, ultérieurement, les résultats des éducations des graines précitées. Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l'assurance de ma considération très distinguée. L. Pasteur. P. S. — Votre lettre du 26 mars ne me demande qu'un seul lot de graine saine du poids de 10 à 15 grammes. En vous envoyant quatre lots de telles graines formant un poids de 16 grammes, dont trois ont été faits sur une grande échelle dans un département de petite culture, Basses-Alpes, et le quatrième dans un de grande culture, le Gard, j'ai voulu olfrir à la Commission des soies des éléments plus nombreux d'appréciation de ma méthode et lui montrer que celle-ci est appli- cable à la rigueur dans un département de grande culture, bien qu'il faille alors restreindre les éducations pour graine à cause de l'intensité actuelle de la maladie dans de telles localités. La Commission fait connaître ensuite les résultats qu'elle a obtenus pour chacun de ces sept lots de graines, puis elle s'exprime ainsi : « Les tableaux de la marche de nos éducations, notés jour par jour et joints à ce Rapport, vous démontrent avec quelle saisissante exactitude les prédictions de M. Pasteur se sont réalisées. Sur sept indications, cinq ont été rigoureusement exactes, une a été moins certaine, quoique probante, et une seule n'a pas rempli les conditions annoncées ('). Mais si l'on tient compte du peu de certitude qu'offre la marche île l'éducation la mieux menée, par suite 1. La graine qui a échoué est celle de la boite n° 8. Elle a échoué, dit le Rapport de la Commission, par les morts-flats, et il n joute : la flacherie accidentelle est peut-être la cause de l'échec non prévu par M. Pasteur. Cette présomption du Rapport de la Commission est parfaitement justifiée par les très nombreuses réussites constatées de cette même graine sortant du même sac. Des 51 onces achetées par la famille de M. de Lachadenéde, ainsi qu'il est dit à la page précédente, 48 seulement ont été élevées, un des fermiers en ayant perdu volontairement :: onces à l'éclosion, par crainte de manquer de feuille. Les 48 onces ont produit 923 kilo- grammes en trois chambrées. (Lettre de M. de Lachadenéde à M. Pasteur, datée d'Alais le 20 octobre 1869.) M. Gervais, d'Anduze, ne m'a pas fait connaître le résultat de ses 25 onces du même numéro, mais je sais que la réussite en a été très satisfaisante. ÉTUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 611 d'incidents non prévus, on peul dire qu'il étail difficile d'arriver à un résultai plus concluant La Commission, devanl ers résultats, ne peul que se rendre à l'évidence des laits. e1 se croit autorisée à proclamer qu'à l'aide d'observa- tions microscopiques bien faites sur les chrysalides et sur les papillons, on peut fixer la valeur d'une graine, sa réussite ou sa non-réussite, tanl au point de vue de la maladie des corpuscules qu'à celui de la maladie des morts-flats. .Mais il est évident que ces prévisions ne peinent être qu'indicatives, et que les mauvaises chances qui peuvent se produire, soit par suite de milieux infectés, d'intempéries, de défauts de soins ou de mauvaise nourriture, peuvent donner de très mauvais résultats, sans que pour cela le principe de la méthode de M. Pasteur soit infirmé. » Ces conclusions du Rapport de la Commission des soies de Lyon n'ont pas besoin de commentaires. I ne circonstance digne de remarque, c est que, îles quatre graines saines que j'avais envoyées à la Commission, celle qui s'est comportée de la manière la plus satisfaisante est précisément cette graine D. S. déjà deux fois repro- duite, à Alais même, et que j'avais signalée d'une manière toute particulière à l'attention de la Commission : nouvelle et précieuse preuve de la possibilité du graiuage indigène et de l'efficacité de ma méthode, même dans les loca- lités qui passent, à bon droit, pour être le plus facilement et le plus grave- ment atteintes par le fléau. L'Académie jugera peut-être qu'il serait utile de répandre ces faits et ces jugements par la voie de ses Comptes rendus. Emanant d'une Commission d'autant plus scrupuleuse dans la recherche de la vérité, que son précédent Rapport la rendait circonspecte et lui donnait moins de confiance dans l'exac- titude de son appréciation nouvelle, les conclusions de la Commission confir- ment d'une manière éclatante celles des Communications de notre illustre confrère M. le maréchal Vaillant (C, de MM. Cornalia -' et Henri Mares (3), dont l'autorité est si grande en ces matières, et de toutes les personnes, aujourd'hui très nombreuses, qui ont pris la peine de répéter mes expé- riences. Je puis donc assurer avec confiance à l'Académie que. le problème que je me suis posé, il y a cinq ans, est résolu. La sériciculture peut faire revivre, si elle le veut, son ancienne prospérité, non par la connaissance d'un remède que, pour ma part, je n'ai pas cherché, mais par l'application d'une méthode sûre et pratique de confection de la bonne graine. Jamais les circonstances ne furent plus solennelles pour l'avenir de la sériciculture. Le Japon est la seule contrée qui fournisse aujourd'hui à l'Lurope des semences saines, malheureusement bien peu rémunératrices pour les éducateurs. Mais l'affaiblissement de ces graines a été très sensible Chez M. Sirand, pharmacien à Grenoble, éducation à Voreppe, 5 grammes ont produit 7 kil. 800 de cocons, et 3 gr. 50 de la boite n° 41 ont produit 5 kil. 350. On trouvera ces derniers faits relatés dans le numéro du mois d'août dernier du journal le Sud-Est, p. 346. Ce numéro renferme un travail des mieux faits et des plus consciencieux, intitulé : « Résultats de diverses éducations provenant de grainages faits suivant le procédé Pasteur. » par M. Sirand, pharmacien à Grenoble. Ce travail est résumé dans le présent volume, p. 413-422. [Note de Pasteur.) 1. Voir p. 375-378 du présent volume. 2. Voir, p. 381-3S9: Lettre de M. Cornalia à M. Pasteur. 3. Voir, p. 351-355: Production de graines de rei è soie r^mptes de germes corpusculeux. -V"(« de l'Édition. 612 ŒUVRES DE PASTEUR et très remarqué cette année. II est à craindre que, d'ici à deux ou trois ans au plus, les maladies qui déciment les vers à soie en Europe n'aient envahi le Japon. L'application des pratiques que j'ai fait connaître deviendra alors une question de vie ou de mort pour l'industrie séricicole, si un progrès supérieur à celui de mes recherches n'est accompli dans cet intervalle. QUATRIEME PARTIE NOTES DIVERSES Le lecteur trouvera dans les extraits suivants du Bulletin des séances du Comice agricole du Vigan les premières preuves authen- tiques et pratiques de l'un des effets les plus désastreux de la maladie régnante, à savoir l'impossibilité du grainage indigène, alors même que les éducations avaient donné de beaux et abondants produits. Il y trouvera également quelques-uns des faits qui m'ont servi à caracté- riser l'influence des grainages industriels sur l'extension de la maladie dans toutes les contrées de l'Europe et d'une partie de l'Asie. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES DU COMICE AGRICOLE DE L'ARRONDISSEMENT DU VIGAN Dès le mois de juillet 1853 (l), le Comice émit le vœu que le Gouvernement, prenant en considération l'état fâcheux où se trouvait plongée l'industrie de la soie, fit étudier par l'Académie des sciences, avec toute la rigueur des méthodes scientifiques, les diverses maladies qui frappent les vers à soie. A la suite de la malheureuse récolte de 1855, dans la séance du 16 juillet {-), le même Comice renouvela le même vœu dans les ternies suivants: « Attendu que la dégénérescence des vers à soie a pris de telles propor- tions qu'il devient presque impossible de se procurer des graines sur les- quelles les éducateurs puissent raisonnablement fonder des espérances de réussite un peu certaines: « Attendu que la production de la soie est la richesse des Cévennes et constitue une des branches principales de la fortune agricole de la France ; « l.e Comice émet de nouveau le vœu que le Gouvernement veuille bien 1. Comice agricole de l'arrondissement du Vigan. Procès-verbal Je la séance du 1.". juillet 18ô3 à Saint-Hippolyte, p. 32. Le Vigan, 1855, in-8°. 2. Ibid. Procès-verbal de la séance du 10 juillet 1855, p. 8-9. Le Vigan, 1855, in-8". {Notes de l'Édition.) 614 ŒUVRES DE PASTEUR faire étudier par une notabilité scientifique, et de préférence par notre illustre compatriote, M. de Quatrefages, les diverses maladies des vers à soie, en rechercher les causes, et trouver, s'il est possible, un remède effi- cace, ou tout au moins examiner et faire connaître les meilleures méthodes pour la confection de la graine, ainsi que les indices auxquels on pourrait peut-être u priori reconnaître sa qualité. » Séance du lm' mars 1856 (*). En 1855, le Comice du Vigan (it distribuer à des éducateurs un errand nombre de lots de graines de races de pays provenant d'éducations faites avec des soins particuliers par le Comice en 1854. Sur un nombre de cin- quante éducateurs qui avaient reçu une ou plusieurs onces de graine, il n'y eut pas une seule réussite ("2). 1. Comice agricole de l'arrondissement du Vigan. Procès-verbal de la séance du 1" mars 1856. Le Vigan. 1856, in-8». [Note de l'Édition.) 2. Voici quelques détails extraits des Rapports des membres du Comice qui s'étaient cliar- gés de faire élever les graines distribuées par ce dernier. Rapport de M. Paul Séryès, d'Avèze. « J'ai acheté 5 kilogrammes de cocons d'une chambrée très réussie, faite au Vigan (graine importée d'Italie) J'ai rejeté 600 grammes de cocons doubles ou faibles. Le grainage a traîné plus de 15 jours; cependant il était fait dans une température de 17 à 18 degrés Réaumur, l'hygromètre étant toujours de 70 à 75. « Il m'est resté 600 grammes de cocons à éclore, lesquels joints aux 600 grammes de déchet, précédemment indiqués, donnent une perte de 1 kil. 200. Les 3 kil. 800 de bons cocons restants n'ont produit que 7| onces de graine. Les papillons étaient très beaux. » Rapport de M. Durand, vice-président du Comice. « Grainage de 2 kilogrammes de cocons jaunes de race du pays. » Produit : 108 grammes de graine. « Les papillons étaient sains, mais la femme qui les soignait a remarqué que plusieurs d'entre eux n'avaient pas percé leurs cocons. « Autre grainage de 3 kilogrammes de cocons jaunes, première reproduction dans le pays d'une graine importée d'Italie. « Produit : 212 grammes de graine. « Les papillons étaient très blancs et parfaitement sains. » Rapport de M. le Dr Beau. (Canton de Suniène.) o Grainage de 3 kilogrammes de cocons blancs. « Première reproduction d'une graine importée d'Italie. La chambrée de 4 onces, d'où ces 3 kilogrammes ont été extraits, avait merveilleusement réussi .... Chaque cocon, à une dou- zaine d'exceptions près, fournit son papillon. « Pendant les premiers jours les papillons furent beaux et vigoureux: dans les deux ou trois derniers jours, il y en eut beaucoup de défectueux, jaunâtres et porteurs de petites ailes reco- quillées.... Ceux des premiers jours vécurent deux ou trois jours après la ponte. Ceux des derniers, après une ponte qui laissait beaucoup à désirer, tombaient sans vie. Le produit a été seulement de 60 grammes par kilogramme, mais la graine est de belle apparence. « Autre grainage : « Deux kilogrammes de cocons blancs, race indigène, provenant d'une chambrée dont la réussite avait été parfaite ; deux onces de graine avaient donné 108 kilogrammes de cocons d'une qualité supérieure: ces deux kilogrammes de cocons, choisis sur une plus grande quantité, tirent bientôt concevoir des doutes sur le bon résultat que j'en attendais. La sortie des papillons fut extrêmement lente et laborieuse; je fus obligé de venir en aide à beaucoup ÉTUDES SUR LA M.A 1, A DIE LDES .VERS A. [SOIE 615 « L'Assemblée, reconnaissant que les races de vers à soie de France, comme aussi celles d'Italie, ont dégénéré, e1 qu'il est cependant de La plus haute importance d'avoir le plus toi possible des graines provenant île pays iiiui infestés de maladie, décide qu'il scia Formé sous le patronagedu Comice, entre les divers propriétaires qui désirent, y prendre part, une association ayant pour but de faire confectionner, par un ou plusieurs représentants dignes de confiance et sur le lieu même de production, de la graine prove- nant des meilleurs cocons élevés dans les montagnes du Liban. » o Séance du 2 août 1856 (!). Le total des souscriptions ouvertes dans toutes les communes de Larron dissement du Vigan en vertu de la décision rapportée ci-dessus ne s'éleva qu'à environ 600 onces. Dès lors le Comice autorisa ses mandataires à faire en Orient une partie de leur graine pour leur propre compte. Revenant sur sa première idée d'envoyer ses mandataires en Syrie, le Comice, sur de nouveaux renseignements, choisit la Roumélie et principale- ment Andrinople pour le lieu de l'Orient qui lui paraissait le plus propice à la confection d'une bonne graine. Il choisit parmi les nombreux concurrents qui se présentèrent pour aller en Roumélie, au nom du Comice agricole, M. Arnal fils, de Loves près le Vigan, et M. Galtier, de Lasalle. Le Comice obtint pour eux de MM. les ministres de l'Agriculture et de la Marine le pas- sage gratuit sur un navire de l'Etat, ainsi que l'admission à la table de l'Etat- Major aux frais du Gouvernement. Ces mandataires s'embarquèrent le 1er mai 1856, et, arrivés en Roumélie, ils se séparèrent dans l'intérêt de leurs opérations : M. Galtier s'établit à Andrinople pour faire confectionner de la graine de cocons blancs, et M. Arnal à Philippopoli pour se procurer prin- cipalement de la graine de cocons jaunes. Voici des extraits de deux lettres écrites par ces graineurs au mois de juillet 1856, pendant le cours de leurs opérations, et adressées au président du Comice : d'entre eux, qui ne pouvaient sortir entièrement du cocon ; beaucoup d'entre eux périrent dans leurs enveloppes. Ils n'ont produit que 357graninies de graine par kilogramme. « Autre grainage : o 850 grammes envoyés de Novi ont fourni 70 grammes de graine; chaque cocon donna son papillon, et tous les papillons furentjbeaux et vigoureux. » Rapport de il. Rivet de Sabatier. (Canton de Quissac.) « Grainage d'environ 5 kilogrammes dejeocons milanais fournis par deux chambrées où la réussite avait été très satisfaisante. n L'opération traîna en longueur: les papillons étaient lents à sortir. Beaucoup de femelles étaient noirâtres, les mâles faibles, lesaccouplements difficiles. Le produit en graine a été très faible. » Rapport de M. Ulysse Chabal. (Canton de Valleraugue.) « Les cocons .environ 5 kilogrammes) ont été choisis sur une chambrée provenant d'une première reproduction indigène d'une graine importée d'Italie. Le grainage s'est parfaite- ment bien accompli : à peine sur 100 cocons un seul est resté sans éclore. On a obtenu Tu grammes de graine par kilogramme de cocons. » 1. Comice agricole de l'arrondissement du Vigan. Procès-verbal de la séance du 2 août 1856. Le Vigan, 185G, in-8», p.*0-8. (Note de l'Édition.) 616 ŒUVRES DE PASTEUR « La récolte s'est terminée abondante, comme elle le faisait espérer. Aujourd'hui 2 juillet, j'ai commencé à recevoir des cocons le confection- nerai peu; les ouvriers manquent La graine, provenant de vers robustes et vigoureux, ne peut qu'être saine et pure, n'ayant en elle aucun germe de cette épidémie cpii a ruiné les Cévennes. Elle doit incontestablement nous assurer une bonne réussite pour l'année prochaine. Sinon, il faudrait renoncer à élever des vers à soie, car les échecs ne seraient plus causés par la graine. « Signé : Annal. » « Karagatch, 8 juillet 1856. « Depuis six ans epue je m'occupe de grenaisons, jamais, je puis le dire, je n'avais vu de plus beaux papillons, s'accouplant aussi vite, et les femelles donnant de la graine en aussi grande quantité. « Les cocons ([lie nous avons payés dans le début au prix de 30 à 31 piastres, c'est-à-dire environ 5 francs le kilogramme, sont montés jus- qu'au prix de 6 à 7 francs. Je vous avais dit que vous pouviez disposer d'environ 1.000 onces au prix de 8 francs l'once; mais, à cause de nos dépenses, je vous prie, tant en mon nom qu'en celui de M. Arnal, de n'en promettre qu'au prix de 10 francs. Nos autres collègues venus de France sont, comme nous, décidés à vendre à ce prix. « Signé: Galtieii. » o Voyons comment se comportaient ces bonnes graines de l'Orient élevées en France dans les départements de grande culture. Séance du 3 août 1857. Extraits du Rapport de M. Emile Blouquier sur un grainage dont le Comice de l'arrondissement du Vigan l'avait chargé (4). « J'ai fait une éducation de la graine d'Andrinople qui m'avait été remise par M. Galtier, de Lasalle, envoyé en Roumélic comme agent du Comice. L'éclosion fut très belle, la levée eut lieu en une seule fois, il ne resta pas une seule graine à éclore. L'éducation marcha bien; à chaque repas il fallait donner de l'espace aux vers La réussite fut complète : par 2.> grammes, je dépassai 42 kilogrammes. u Je suivis le système de M. André Jean (-). Dès la première mue, j'étendis un filet sur mes vers à soie pour enlever les premiers réveillés. Je continuai la même opération pendant toute l'éducation, et à la montée je me trouvai avoir le premier choix pour les mâles. Pendant toute l'éducation je délitai 1. Comice agricole de l'arrondissement du Vigan. Procès-verbaux des séances des 2 mars, 3 août et 10 septembre 1857. Le Vigan, 1857, in-8°, p. 15-19. 2. Voir à ce sujet : Dumas. Rapport sur le Mémoire de M. André Jean, relatif ;ï l'amélio- ration des races de vers à soie. Comptes rendus de V Académie des sciences, XLIV, 1857, p. 376-314. (Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 617 souvent; pour avoir les [>lus belles femelles, je choisis les plus beaux cocons el je pesai 500 grammes par 500 grammes. Il y eut peu de variation dans le poids de chaque 500 grammes, quant au nombre des cocons. Il en fallait 238, de soile «pie chaque cocon devait peser 2 gr. 12. Je mis ce dernier poids dans un des plateaux de la balance et clans l'autre j'ajoutai successive- ment chaque cocon, rejetant ceux qui étaient plus légers et conservant les plus lourds, qui devaient me donner des femelles. Je continuai l'opération jusqu'à ce que j'eusse obtenu 2 kil. 500. « Les premiers papillons qui parurent furent faibles, roux et ne portant pas ou peu de duvet sur leurs ailes. Ceux qui vinrent ensuite, furent à peu près semblables aux premiers, et même un grand nombre ne purent sortir de leurs cocons. Je portai la chaleur de l'atelier, qui n'était que de L6 degrés Réaumur, à 20 et 22. Je ne réussis pas davantage. « Ma chambrée ayant été très belle, beaucoup de personnes me demandèrent à acheter des cocons pour les faire grainer. Toutes échouèrent comme moi-même dans cette opération. « J'ai également essayé le grainage de plusieurs lots de 2 kilo- grammes de cocons provenant de Montauban, appartenant à des chambrées qui avaient parfaitement réussi clans Saint-Hippolyte, et aussi de 2 kilo- grammes de cocons de la Toscane et de 2 kilogrammes de cocons du Pom- pidou. Je ne fus pas plus heureux pour ces différentes espèces de cocons que pour ceux d'Andrinople. « J'ai cru devoir renoncer à étendre davantage mes expériences, pour ne pas occasionner au Comice de plus fortes et inutiles dépenses ; j'ai l'assurance que tous ces vers ont pris la maladie du pays pendant l'éducation, ce qui est la seule cause de la non-réussite du grainage. « En résumé, de 9 kilogrammes de cocons je n'ai obtenu que 192 grammes de graine. » Extraits du Rapport de M. Salles, avocat, au Vigan (l). « J'ai essayé, pour le grainage, les cocons de 15 à 18 éducations différentes qui avaient parfaitement réussi. Ces éducations avaient été faites avec des graines de divers pays et avec des graines indigènes de plusieurs localités. Dans l'examen préalable que j'ai l'ait des cocons et des chrysalides je n'ai pas trouvé de garanties suffisantes pour obtenir une bonne graine, et j'ai été obligé de les abandonner. Plusieurs personnes, qui avaient obtenu de bons résultats dans leurs éducations, ont essayé comme moi de faire grainer les cocons de leur récolte; elles ont même cherché à s'en procurer ailleurs, dans diverses localités, mais elles ont éprouvé le même désappointement, malgré la bonté et la force des cocons. Les papillons surtout étaient faibles et sans vigueur. « J'ai été plus heureux dans un dernier essai; il s'agit de cocons prove- nant originairement d'Italie, d'une race qu'on élève à Bionni. Ils sont petits 1. Comice agricole de l'arrondissement du Yi>inn. Procès-verbaux des séances des 2 mars, 3 août et 10 septembre 1857. Le Vigan, ls:,7, in-8°, p. 31-37. (Note de l'Édition.) 618 ŒUVRES DE PASTEUR comme les cocons milanais, d'une couleur d'un jaune paille, mais très durs, ayant un beau brin et donnant un bon rendement en soie. En 1855, j'achetai un kilogramme de cette nature de cocons à une femme du Vigan, qui cultivait cette race depuis deux ans avec succès. Je remis 38 grammes de graine à huit éducateurs différents; en 1856, ces huit éducateurs réussirent dans leur petite récolte. Beaucoup d'autres éducateurs qui avaient élevé cette même graine, provenant également de la chambrée du Vigan, réussirent en 1856. On fit de la graine avec ces éducations bien réussies; mais en 1857 il n'y eut que des échecs, excepté chez M. Guérault, coifFeur au Vigan, qui en éleva 2 onces et récolta 48 kilogrammes de cocons par once. « J'ai l'ait grainer 32 kilogrammes de cocons de cette chambrée. Le dimanche 5 juillet 1857, les papillons commencèrent a sortir de leurs cocons. « Les papillons, sauf quelques exceptions, ont en général été beaux, bien couverts d un duvet blanc et les ailes bien développées ; ils ont été assez prompts à la sortie des cocons, prompts à l'accouplement et à la ponte de la graine Leur vitalité a duré six jours au moins après la ponte de la graine et leur corps s'est desséché sans tomber en putréfaction. « Les 32 kilogrammes ont produit 2 kil. 423 de graine, ou un peu plus de 96 onces de 25 grammes, poids admis pour la vente de la graine. C'est donc 3 onces de graine par kilogramme de cocons. » M. Salles constate, en outre, dans son Rapport, que les graines rapportées d'Orient par les mandataires du Comice, et élevées avec succès en général en 1857 dans l'arrondissement du Vigan, se montrèrent tout à fait impropres à la reproduction. SUR L'ATROPHIE DU VER A SOIE Recherches du docteur A. Tigri, professeur d'axato.mie (4). L'auteur remarque que l'atrophie n'est pas due à un parasitisme externe, ni à un défaut d aliments; il entreprend alors l'examen des organes digestifs et découvre dans l'estomac : 1° de la matière verte formée de feuille rongée ; 2" un grumeau [grumo albuminoso) irrégulier ou cylindrique d'une substance gélatineuse et d'aspect opalin; un liquide aussi opalin, du gaz et des cris- taux, notamment d'oxalate de chaux. La matière verte, examinée au microscope, est la même chez les vers malades que chez les vers sains. Reste « l'agglomération albumineuse {agglomerazione albuminoso), géné- ralement cylindrique, d'aspect opalin, d'autant plus longue et volumineuse que le ver est plus près de la fin du quatrième âge. Quand j'ai vu pour la première fois cette masse albumineuse anormale, je savais, par des observa- tions faites au microscope sur les excréments des vers malades, un autre fait que j'ai supposé en rapport avec le premier, savoir : la présence de corpus- cules microscopiques, se mouvant et indiquant un parasitisme interne. Mes 1. Txori (A.). Sull'atrofla dei baoki ila seta. Atti délia R. Accademia economico-agraria dei Georyofili di Firenze, n. s., VIII, 1861, p. 232-239 (1 pi. avec fig.). ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 619 prévisions ne tardèrent pas à se vérifier. J'ai observé le noyau alburaineux en même temps que les fragments de feuille rongée adhérents; après l'avoir comprimé sous les lames de verre du porte-objet, il m'a présenté des corps vésiculaires à paroi transparente ou si diapbane qu'on voyait le contenu corpusculaire... « La régularité de ces corps vésiculaires et leur disposition spéciale me conduisirent à les regarder comme des êtres vivants. Et cherchant les formes o vivantes avec lesquelles ils avaient de l'analogie, j'ai trouvé des raisons de les rapporter aux conférées ou aux grègarines, c'est-à-dire des êtres de l'organi- sation la plus simple, soit qu'on les rapporte au règne végétal, soit qu'on en fasse des animaux. Ceux que j'ai vus dans les vers à soie ont la forme des grègarines, sont accouplés de la même manière, et leurs germes se meuvent ; d'autre part, beaucoup de leurs caractères leur sont communs avec les conferves ; ces germes se meuvent comme ceux des conferves. •® m% Fie. b : Corps vésiculaires isolés et réunis. — Fig. c : Leurs germes (spole semoventi). « Je déclare que c'est un parasitisme interne qui est la cause pathologique première et essentielle du dépérissement, de l'atrophie des vers à soie. » L'auteur signale la possibilité que les vers prennent les premiers germes de ce parasitisme dans leurs aliments , c'est-à-dire dans les feuilles du mûrier: à l'appui, il cite ce fait que la feuille humide leur est funeste, dans le premier âge, tandis que les vers adultes et parvenus à la quatrième mue mangent sans nul inconvénient cette feuille humide. Il termine : « Quant à la transmission de la maladie par hérédité, je n'ai pas fait assez d'observations pour me prononcer. Je sais que les vers malades parviennent fréquemment à faire un cocon, mais il est mal tissé: les cocons ainsi faits s'appellent vulgairement chez nous faloppe. Je sais que fréquem- ment la chrysalide de ces cocons devient insecte parfait, capable de faire des œufs susceptibles d'éclore. Au reste, tout considéré, et le fait du parasitisme étant connu, je serais dès maintenant porté à rejeter la transmission par hérédité de la maladie qui a servi de sujet à mes recherches. » On voit que le fait le plus saillant de cette Notice est que les corpuscules (fig. c) seraient des germes contenus dans des corps vésiculaires (fig. b) bien plus gros et que l'auteur croit être des conferves ou des grègarines. 11 prétend aussi que les corpuscules c remuent d'un mouvement propre. €20 ŒUVRES DE PASTEUR [Recherches de Balbiam] (*). Voici maintenant les observations publiées en 1866 par M. Balbiani : « Les corpuscules de la pébrine présentent dans leur évolution des phénomènes très analogues (2); seulement, au lieu de se propager à l'aide des spores mobiles, c'est le corpuscule tout entier qui joue ici le rôle de corps reproducteur. A cet effet, il commence par perdre son éclat brillant, s'élargit sensiblement en laissant apercevoir à l'une de ses extrémités un espace arrondi, semblable à une vésicule claire et transparente, puis il se transforme en un globule qui augmente rapidement de volume, ainsi que la vésicule interne. La substance qui compose ce globule, d'abord homogène et transpa- rente, se remplit de fines granulations; puis des corps pâles et arrondis, semblables à des noyaux, se formant au sein d'un blastème, apparaissent dans cette masse, laquelle se trouve finalement convertie en un amas de corpus- cules réunis par une matière glutincuse et transparente, ha liquéfaction de cette matière détermine ensuite la dissociation des corpuscules, ou mieux psorospermies, et leur mise en liberté (3). » Les publications de M. Leydig relativement aux corpuscules de la pébrine empruntent une valeur particulière à cette circonstance, que ce parasite a été rapporté, pour la première fois, en 1853, par l'éminent professeur de Tùbingen, à son genre naturel, celui qui a été créé, vers 1840, sous le nom de psorospermie, par l'illustre physiologiste J. Miiller (*). HISTOIRE NATURELLE DES DAPHNIES Par Fr. Leydig, professeur a l'Université de Tùbixgex (3). Peut-être rendrai-je un petit service à maint lecteur en donnant place ici à quelques observations sur les maladies des daphnies et leurs parasites. Je dirai qu'il n'est pas rare de voir quelques espèces envahies plus ou moins à l'extérieur par des rotateurs, des infusoires, des algues; mais je veux sur- 1. Balbiani. Recherches sur les corpuscules de la pébrine et sur leur mode de propaga- tion. Comptes rendus de l'Académie des sciences, LXIII, 1866, p. 388-390 et Journal de Vanatomie et de la physiologie, etc. (Charles Robin) III, 1866, p. 599-604. 2. Très analogues « à ceux du mode de propagation des psorospermies des poissons, qui se développaient dans l'intérieur d'une masse de sarcode, véritable spore mobile qui s'échappait à certains moments de l'intérieur du corpuscule pour aller propager au loin de nouvel! ri' rations de psorospermies ». (Balbiani. Journal de Vanatomie et de la physio- logie, p. 601.) 3. Journal de Vanatomie et de la physiologie, p. 602. 4. Voir, sur cette question, p. 35 du présent volume. :.. Leyjmg (Fr.). Naturgeschichte der Daphniden (crustacea cladocera). Tnbingen, 1860, rv-252 p. in-4» (10 pi. avec 78 fig.). (Notes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 621 toul indiquer les parasites internes, dont l'un est aujourd'hui remarquable, parce que Lebert l'a mentionne dernièrement comme étant la cause probable de la maladie régnante du ver à soie (1). Cet observateur appela ce champi- gnon panhistophyton ovatum, parce qu'il l'a trouvé dans ions les tissus et parties du corps. Je nie permettrai de rappeler, par un retour historique, que j'ai découvert ce champignon en 1853 dans le coccus kesperidum (-), et plus lard dans les muscles des araignées (:)), et que je l'ai encore rencontré dans mes études sur les daphnies, chez le polyphemus oculus, le daphnia sima et le lynceus sphsericus. Notre champignon est un corps très petit, de forme ovale, ou plus effilée comme dans le coccus) ; son contour est nettement dessiné; il n \ a pas de uucleus visible à l'intérieur. Il n'est pas altéré par la potasse et forme ordinairement des amas. Lebert et Nâgeli le prennent pour une algue unicellulaire : je l'ai d'abord comparé aux formes des psoro- spermies, et je soutiens encore maintenant cette idée (*). J'ai vu un autre parasite d'espèce analogue clans l'intérieur du daphnia rectirostris vivant. Il remplissait tous les canaux du sang dans les replis de l'enveloppe générale, dans les nageoires, jusqu'à leur extrémité, dans la cavité du corps, etc. 11 est à peu près de la grosseur d'un globule incolore du sang de l'homme, mais de forme très caractérisée : un petit boudin recourbé jusqu'à ce que les deux bouts se touchent. Vu de l'ace, il a aussi la forme d'un disque troué excentriquement. Les contours sont arrêtés et sombres: en regardant avec attention, on voit dans les deux moitiés un nucleus pale. La solution de potasse ne l'altère pas (PL X, (ig. 78 . D'autres individus vivants de la même espèce de daphnies avaient dans les canaux du sang un autre parasite. C'étaient des cylindres de longueur variée, pâles sur les bords, contenant un nombre variable, en rapport avec leur lon- gueur, de petits noyaux et masses finement granuleuses. Dans les cavités plus orandes du sang, ces cylindres s'étaient arrondis en ampoules ayant le même contenu. Ces productions rappelaient les formes des champignons. Je rencontrai une seule fois dans le lynceus sphœricus des formes incon- nues de parasite. Dans la poche copulatrice il y avait environ douze cylindres, allongés, immobiles, formés d'une membrane délicate remplie à l'intérieur de ■ i loLules très nets, comme des globules de graisse. En cherchant un terme & connu de comparaison, on pourrait les rapprocher des grégarines. Enfin dans le daphnia magna et le daphnia sima, sur des animaux vivants, j'observai une l'ois [quelquefois] un véritable champignon filiforme 1. Lebert. Ueber die gegenwârtig herrschende Krankheit [des Insects der Seide, die dege- nerative Ernâhrungstorung mit Pilzbildung, Dystrophia mycetica. Berlin, 1858, in-8". 2 Leydig (Fr.). Zur Anatomie von Coccus hesperidum. Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoolor/ie, V, 1854, p. 1-11. (PI. I, flg- 1-0.) 3. Leydig (Fr.). Zum feineren Bau der Arthropoden. Arelav />•<■ \im tonne u,id Physio- logie (Mûller), 1855, p. 370-480 (PI. XV-XVIII). [Notes de l'Édition.) 4. J'ai eu ensuite occasion de disséquer des vers à soie malades, et de me convaincre que le champignon de Lebert est ce que j'avais pensé. 11 pénètre tous les organes du ver à soie en quantité prodigieusement grande. J'ai examiné ce champignon avec mon honoré collègue von Moh], et averses instruments anglais si parfaits: cependant je n'y ai rien découvert de plus, si ce n'est une faillie ligne longitudinale et médiane que je ne voyais pas avec le iscope de Kellner; et en ajoutant de l'iode, le contenu se sépare de l'enveloppe. Toutefois ■ hjet est trop petit lil offre le mouvement moléculaire) pour qu'on puisse déterminer avec quelque certitude la nature du contenu. (Note de Leydig.)\ 622 ŒUVRES DE PASTEUR qui avait crû dans la cavité du corps. C'étaient des tuyaux très enlaces et munis d'appendices ; ils contenaient des granules fins et embrassaient tous les organes possibles : ce champignon me parut voisin du sphseria ento- morhiza, si même il n'était pas identique à cette espèce ('). Le lynceus de tout à l'heure m'offrit dans bien des cas un changement singulier du sang. Je trouvai île ces animaux qui se distinguaient par une couleur rouge rosée bien nette, et se tenaient tranquilles au fond du vase tant qu'on ne les inquiétait pas en les poussant. Un premier examen montra aussi- tôt que leur sang était altéré : il se composait de petits points en nombre immense, cpii même aux plus forts grossissements ne se distinguaient pas mieux, et nageaient çà et là avec la plus grande vivacité, comme des individus possédant une vie animale. Je vis aussi, dans des cyclopes d'ailleurs bien portants, de plus grands parasites de la forme des monades, et souvent en quantité : ils se mouvaient de tous côtés dans la cavité |du corps et aussi dans le tube digestif, et se comportaient comme des géants en comparaison des parasites du sang du lynceus. Zaddach a observé une maladie toute particulière dans Vholopedium qu il a découvert. A l'état captif, cet animal eut le corps revêtu d'une boule gélati- neuse qui ne laissait libres que le dessous de la tête avec les grandes antennes et la naissance des pattes. Cette masse semblait amorphe, était parfaitement translucide et augmenta bientôt au point de surpasser de plus du double tout l'animal en longueur et en hauteur. Un tel [fardeau entraîna les animaux au fond du vase où ils vivaient, et ils y moururent amoncelés au fond (-). Sur le daphnia si/un (p. 160-161). Souvent je rencontrai de ces animaux qui offraient une production étran- gère, une masse blanchâtre lobée, sur le tube digestif. Par un examen plus attentif, on reconnut que cette niasse se composait de corps de forme spéciale, bruns sur les bords, et qu'il faut ranger à côté des psorospermies. J'en ai aussi trouvé dans d'autres espèces, et j'y reviendrai. Sur le I a meus sphsericus (p. 225-226). J'ai examiné dans plusieurs de ers animaux une production pathologique surprenante : toutes les lacunes où le sang circule étaient remplies de grandes masses de corpuscules parasites. Ils avaient une forme ovale, réfractaient fortement la lumière et rappelaient les psorospermies. Sur le polyphemus oculus (p. 244). Dans le lac de Maiselstein, je trouvai souvent des animaux dans lesquels 1 Robin (Gli.). Histoire naturelle des végétaux parasites. Paris, 1853. Voir PI. XI, fig. 5 de l'Atlas. 2. Lbydig (Fr.|. Naturgeschichte der Daphniden. Tiïbingen, 1860, p. 7.">-7"<. [Xote de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 623 pullulaient des organismes parasites semblables à ceux que j'ai mentionnés plus haut dans le lynceus sphœricus et le dapknia sima. (.es individus se faisaient remarquer au premier coup d'œil par une masse étrangère, lobée située en général au voisinage de l'ovaire. Blanche à la lumière réfléchie, sombre par transmission, elle se composait d'une foule innombrable de corpuscules particuliers, tronqués un peu aux deux bouts, à contours nets, et dont le pouvoir réfringent rappelait les psorospermies. J'ai mentionné ce Fait dans les Archives d'anatomie pathologique de Virchow ('). On a dit plus haut que Leberl avait trouve des parasites semblables dans des vers à soie malades -' . Là, on les regarde comme des algues unicellulaires. ENCORE UN MOT SUR LE PARASITE DE LA NOUVELLE MALADIE DU VER A SOIE I'ar Fr. Leydig (3). Il y a quelques années (4) en étudiant anatomiquement le coccus, je ren- contrai de petits corpuscules parasites qui se trouvaient en grand nombre dans la cavité du corps. C'étaient des corps en forme de navette [à contours nets], longs de j-^j de millimètre, isolés, non enclos dans des cellules, insolu- bles dans l'acide acétique et la solution de soude. On pouvait aussi observer leur mode d'accroissement; sur ce point, on peut voir ce que j'ai dit ailleurs. ('.es corpuscules rappelaient, par leur manière d'être, les pseudo-navicelles. Quelque temps après (3) je trouvai de petits parasites, mais moitié plus petits, en étudiant histologiquement les muscles des arachnides. Dans les muscles de diverses araignées, surtout en automne, et dans Yépeire diadème, on voit les muscles du tronc et du cœur remplis de quantités de corpuscules ovales, qui sont dans 1 intérieur des faisceaux primitifs des muscles; leurs contours sont clairs et nets : ils sont longs de ,-i-0 de millimètre et insolubles dans la potasse. Les endroits où ils sont entassés produisent à la lumière l'effet de stries blanches clans les faisceaux musculaires. Ces Communications ne furent pas remarquées, et c'est pourquoi les cor- puscules furent une seconde fois découverts par Frey et Lebert (6) dans la che- nille, la chrysalide et le papillon du ver à soie. Le parasite que j'avais laissé sans 1. Leydig Fr. . Ueber Parasiten niederer Thiere. Ardue fur pathologische Anatomie u. Physiologie (Virchow). XIII. 1858, p. 280-283 (PI. V, fig. 7). 2. Lebert. Ueber die Pilzkrankheiten der Fliegen und die neueste in Oberitalien herrschende Krankheit der Seidenraupen mit Parasitenbildung. Ibïd., XII, 1857, p. 69-80 (1 pi.) et p. 144-171. 3. Leydig (Fr.). Der Parasit in der neuen Krankheit der Seidenraupe noch einmal. Archiv fur Anatomie u. Physiologie, 1863, p. 186-192. Nous avons modifié en différents endroits la traduction de Pasteur, d'après le texte original de Leydig. 4. Leydig (Fr.). Zur Anatomie von Coccus hesperidum. Zeitschrifi fur wissenscHaftliche Zoologie, V, 1854, p. 1-11. [Voir p. 11 et fig. 5, PI. I.) 5. Leydig (Fr. i. Zum feineren Ban (1er Arthropoden. Archiv fur Anatomie u. Physiologie (MûRer), 1855, p. 370-480 (PI. XV-XVIII). c. Voir, à ce sujet, p. 38 du présent volume. [Notes de VÊdition.) 624 ŒUVRES DE PASTEUR nom fut appelé alors panhistophyton ovalum, parce qu'il se trouve dans ions les tissus et parties du corps du ver à soie ('). Ce parasite du ver à soie est bien celui que j'avais en vue; je m'en suis convaincu, comme je l'ai dit ailleurs, par l'examen des vers à soie malades. En observant les daphnies, j'avais eu de nouveau l'occasion d'examiner ce parasite; je le trouvai dans de nombreux exemplaires de daplmia sima, lynceus sphœricus et polyphemus oculus. Je trouvai en outre dans l'intérieur du daphnia rectirostris vivant une nouvelle forme spécifique du parasite. Les corpuscules parasites ovales lurent encore signalés dans un autre groupe animal : c'est Ilermann Munk (-) qui les montra dans un ver [ascaris mystax), où dans certains cas ils remplissent, en quantité prodigieuse, les canaux sexuels. Dans l'été de 1861, j'observai de nouveau que beaucoup d'individus de daphnia longispina d'un vivier de Tùbingen étaient pleins de parasites. Comme avec un filet lin on prenait des centaines de daphnies, on pouvait reconnaître que, sur douze individus, il y en avait [presque toujours] un atta- qué ; les corpuscules ovales y étaient en telle abondance qu'ils remplissaient presque tous les canaux du sang, et étaient emportés en partie par lui dans sa circulation ; ces individus se distinguaient à l'œil [nu] des individus sains, par leur couleur, la langueur de leurs mouvements, et évidemment ces ani- maux souffraient de cet excès de parasites. Dans ces derniers temps, j'ai de nouveau disséqué des insectes, où ça et là je trouvai le corpuscule parasite, de sorte que je puis ajouter maintenant au coccus quelques autres espèces. Je trouvai ces corpuscules dans la matière grasse du tipula pratensis, puis au même endroit dans le zygœna filipendulae T mais, en outre, dans la région de l'abdomen, dans des nerfs périphériques, par exemple ceux des antennes, et dans les muscles. Dans ce papillon, ils étaient en foule excessive, mais cependant bien moins grande que ce que j'ai vu dans le ver à soie malade. J'en trouvai aussi beaucoup dans les canaux du sang d'une abeille, dans la tète. Mais ici se présente cette remarque, que, outre ces corpuscules ovales si petits, il y avait d'autres formes de parasites, visi- blement de la même catégorie. Ils étaient environ huit fois plus gros, effilés aux deux bouts, comme des navettes, droits ou courbés en croissant, et en ce cas leur forme rappelait un petit closterium lunula incolore. Dans leur inté- rieur on distinguait environ quatre traits régulièrement espacés, peut-être des cloisons transverses. Si l'on compare les parasites observés autrefois avec ceux dont il s'agit, on voit qu'ils ont des points communs, mais aussi des différences évidentes: en d'autres ternies, ils sont du même genre, mais d'espèces différentes. D'abord, c'est la forme qui établit cette distinction. La plupart sont ou bien ovales, ou bien tronqués, ou bien effiles; au contraire ceux du daphnia recti- rostris sont des cylindres plus allongés et courbés, « de petites saucisses 1. J'ai déjà fait observer qu'il y avait ici une erreur historique. M. Leydig n'a pas décou- vert le premier les corpuscules dont il s'agit. Us ont été aperçus par Guérin-Méncville pour la première fois, en 1849 [voir p. 29-32 du présent volume], et étudiés ensuite par de Filippi, naturaliste italien, en 1850 [voir p. 32-34]. (Note de Pasteur.) 2. Munk (H.). Ueber Ei-und Samenbildung und Befrucbtung bei den Nematoden. Zeitsehrift fur wissenschaftliche Zoologie, IX. is;„s. p. 365-416 (fig. 27, pi. XV). (Note de l'Édition.) ETUDES SIR LA MALADIE DES VERS A SOIE 625 recourbées jusqu'à ce que les bouts se touchent ». Vus de face, ils figurent un disque avec un trou excentrique. Enfin une forme différente existe chez ceux que j'ai signalés en dernier lieu dans l'abeille, qui sont en forme de croissant. En second lieu, ils ne réfractent pas la lumière de la même manière. Les corpuscules parasites que j'ai vus dans les écrevisscs, daphnies, et vers à soie malades, ainsi que dans le zygsena, réfractent très fortement la lumière, sont brillants, et leurs contours bien taillés sont limités par une ligne sombre. Les corpuscules des nématodes sont dans le même cas, d'après ce qu'a vu Munk. Les deux formes de l'abeille et du (cousin des prés) m'ont paru un peu moins brillantes et moins noires sur les limites. Quant à la structure de ces corpuscules, qui semblent tout à fait homo- gènes, je puis dire seulement que je crois avoir vu avec un très fort grossis- sement, dans beaucoup de corpuscules du ver à soie (*), une ligne médiane suivant la longueur. Par l'iode, l'intérieur se sépare de l'enveloppe. Et chez les autres corpuscules moins brillants, des animaux que j'ai cités, je pense avoir vu vers un des pôles un point comme un noyau, tandis que rien de pareil ne se montre dans les corpuscules des daphnies par exemple. Dans ceux des nématodes, Munk (-) observa un point au milieu, mais sans contours nets, et que pour cela il ne voulut pas appeler noyau. Mais pour les grands parasites du daphnia rectirostris , on voit, en examinant avec soin, un nucleus pâle dans les deux moitiés latérales, comme je l'ai dit déjà ailleurs... Si l'on traite les corpuscules par l'acide acétique ou la potasse, il est remarquable comment ils se comportent avec ces réactifs; ils ne sont pas changés, et montrent une grande résistance à ces liquides. Les corpuscules en croissant de l'abeille, et ceux de la daphnia recti- rostris à l'état recourbé sont gros comme les corpuscules incolores du sang de l'homme; mais les autres corpuscules sont très petits, en général — de millimètre au plus; aussi montrent-ils un mouvement oscillatoire ou molécu- laire. Je n y ai jamais remarqué d'autre mouvement; Frey et Lebert parlent aussi de ce mouvement moléculaire ; cependant Munk déclare avoir observé que les corpuscules bien intacts ont un mouvement propre, différent du mou- vement moléculaire. Pour ce qui est de leur situation dans l'organisme, on les voit dans les espaces où est le sang, et aussi dans divers tissus et organes; mais, à cause de leur petitesse, on peut à peine les discerner des autres parties des tissus. Dans le daphnia sima, ils se montrent en masses lobées blanches sur le tube digestif, dans le polyphemus il y en a de même au voisinage de l'ovaire. On peut croire, en rejetant la génération spontanée, qu ils entrent par les ouver- tures du corps, peut-être par les organes génitaux, et de là se multiplient en envahissant le reste des organes. o Au sujet de la nouvelle maladie qui dans ces dernières années a fait périr tant de vers à soie, il m'a paru intéressant de pouvoir montrer que le para- site, (jui est en rapport intime avec la maladie, est répandu chez beaucoup d'insectes, d'araignées, d'ècrevisses et même d'autres invertébrés. Il rend 1. Voir Leydio. Nalurgeschiclite der Daphniden. T \bingen, 18(52, in-'i , p, 26. 2. Mi nk (H.). Loe. cit. [Notes de l'Édition.) ÉTUDES Sl.lt LA .MALADIE DES VERS A SelE. 40 626 ŒUVRES DE PASTEUR malades non seulement les vers à soie, qui sont soignés par l'homme, mais encore des animaux vivant à l'état naturel, bien qu'on ne doive pas trop s'étonner si le ver à soie, en sa qualité d'animal soumis à la domestication, est plus attaqué que les animaux sauvages. Pour conclure, il y aurait encore une question non sans importance; c'est de savoir si ce parasite appartient au règne végétal ou animal. Comme on le voit d'après mes Communications antérieures, il m'a toujours lait l'effet d'être voisin des psorospermies, et je l'ai toujours comparé à ces animaux et aux pseudo-navieelles. Le botaniste Nageli, consulté sur ce point par les observa- teurs de Zurich, prend ce parasite pour une algue unicellulaire, qu'il place dans le groupe, établi par lui, des schizomycètes. Munk remarque qu'il s'est posé aussi de son côté cette question, savoir si les corpuscules ovales sont des pso- rospermies ou pseudo-navieelles, ou si ce sont des algues... Jusqu'ici il n'y a eu à ma connaissance aucune Communication sur ce sujet (4). Il me semble maintenant que le jugement de Xfiigeli et le mien doivent pouvoir se concilier. Si les psorospermies et pseudo-navieelles ont passé jus- qu'ici pour des organismes animaux, j'ai fait dernièrement une observation qui me porte à considérer ces corps également comme des plantes inférieures. Et si 1 on me demande où je placerai les grégarines qui sont liées d'une manière évidente aux psorospermies et aux pseudo-navieelles, je répondrai que je ne les considère plus comme des animaux, mais comme des plantes. II en sera question dans un autre Mémoire. ESSAIS PRECOCES DE LA MAGNANERIE EXPERIMENTALE DE GANGES (2) Il nous reste à vous parler des graines de la cinquième catégorie: sur cinq échantillons, quatre proviennent de nos expériences personnelles et sont le produit du croisement de papillons de races du pays à cocons jaunes et blancs avec des papillons du Japon a cocons verts de première année d'importation; dans chaque expérience, le croisement a eu lieu séparément, tantôt avec îles mâles d'une race et des femelles de l'autre, et vice versa. Le résultat final est venu contredire l'opinion généralement répandue, qu'il faut donner la préférence à la femelle du pays: les deux lots dont la graine avait été produite par des mâles indigènes croisés avec des femelles japonaises ont parfaitement réussi; tandis que les deux autres, à mâles japo- nais et femelles indigènes, ont échoué, absolument comme, la graine de pays qui avait fourni pour cette expérience 1rs reproducteurs des deux sexes très 1. En corrigeant ces épreuves, je remarque un travail de Keferstein sur le champignon parasite de l'ascaris mystax [Keferstein (W'.j. Ueber parasitische Pilze aus Ascaris myslax. Zeitschrift fur wissenschaftliche Zoologie, 18(52, p. 135-137 (PL XV, A)]. (Note de Leydig.) 2. Rodez (de). Compte rendu des résultats des essais précoces de vers à soie, faits à Ganges, dans la magnanerie expérimentale du Comice. Bulletin du Comice agricole de l'arrondisse- ment d'Abus, séance du 4 mai 1868, VII, p. 265-268. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 627 corpusculeux, tandis que la graine du Japon, qui était infectée dans une lies faible proportion, a donné un joli produit. Dans chacun des deux essais réussis, la couleur du mâle a prévalu sur celle de la femelle pour la teinte du eoeon. EXTRAIT DU JOURS AI. OFFICIEL DE L'EMPIRE FRANÇAIS DU 5 FÉVRIER 1869 [IMPORTATION DE GRAINES DU JAPON] Au Japon, les perspectives que le traité de Yedo a ouvertes à notre com- merce s'élargissent chaque année davantage. Malgré la guerre civile qui depuis plus d'un an trouble cet Etat, malgré les obstacles qu'elle a mis à l'ouverture des ports de Yedo et de Xeegata, nos nationaux étendent de plus en plus le cercle de leurs opérations: ils exploitent maintenant les marchés d'Osaka et de Iliogo, et, sur ces deux points, un arrangement conclu avec le gouvernement du Mikado par les représentants des diverses puissances a déjà posé les bases de la future administration municipale des quartiers où les étrangers sont autorises à résider. Les ressources exceptionnelles qu'offre cette fertile contrée pour la régé- nération de nos races de vers à soie concourent à augmenter l'activité des échanges entre les deux pays. De cupules spéculateurs n'avaient pas craint de recourir à la fraude pour vendre en France, comme japonaises, des graines de vers à soie d'une autre origine, obtenues à vil prix: leurs manœuvres ont été déjouées par les dispositions qu'a prises la légation de l'Empereur à Yedo, avec l'approbation du département des Affaires étrangères. L'apposi- tion d'un timbre officiel sur chaque carton présenté en chancellerie constate la provenance et fournit aux acheteurs un moyen efficace de contrôle. Ainsi a été rendu au commerce loyal, comme à la sériciculture française, un service dont l'importance est attestée par le chiffre de près d'un million de cartons soumis, pendant la dernière saison, au timbre de notre légation. EXTRAIT DU JOURNAL OFFICIEL DE U EMPIRE FRANÇAIS DU 16 JANVIER 1869 (GRAINES DU JAPON. — IMPORTATION DE 1868-69.1 D'après les renseignements officiels que le ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics a reçus du ministre de France au Japon, il a été présenté en 1868 au timbrage du Consulat général à Yokohama 560.061 cartons dont : 160.292 en juillet, 111.603 du 1er au 15 août. 141.049 du 15 au 31 août, 147.117 en septembre 560.001 628 ŒUVRES DE PASTEUR EXTRAIT DU JOURNAL OFFICIEL DE L'EMPIRE FRANÇAIS DU 31 JANVIER 1869 (GRAINES DU JAPON. — IMPORTATION DE 1868-69.) Nous avons publié dernièrement (voir la Note précédente du 16) les chiffres du commerce des cartons de graines de vers à soie entre la France et le Japon pendant les mois de juillet, d'août et de septembre. D'après les renseignements complémentaires qui nous parviennent, 71.382 ont été présentés au timbrage du Consulat général à Yokohama dans le courant du mois d'octobre, à destination de France, ce qui porte à 631.443 le nombre des cartons japonais importés en France en 1868. Il faudrait ajouter à ce nombre celui des cartons timbrés par le Consul italien pour le compte de négociants français. EXTRAIT DE LA RIVISTA SETTIMANALE DI BACHICOLTURA, DE MILAN, NUMÉRO DU 1" FÉVRIER 1869 (GRAINES DU JAPON. — IMPORTATION DE 1868-69.) Le dernier transport anglais parti de Yokohama, le 18 novembre dernier, a porté à Marseille les dernières caisses de graines de vers à soie ; c'est la fin des importations pour 1868-69. L'importation des cartons du Japon en 1868-69 est arrêtée comme il suit : 1 50. «51 ' Italie 596.601 Cartons timbrés à Yoko- \ France .... 56.481 hama, par la Légation ita- ) Amérique . . . 6.984 lienne pour les sociétés et \ Hollande . . . 11.055 maisons de / Suisse 28.310 [ Allemagne . . 20.791 Cartons timbrés par la ( France .... 631.443 \ Légation française pour les l Italie 7.428 £ 905.000 maisons de ( Pays divers . . 266.129; Cartons importés par diverses sociétés et maisons de Lombardie, Piémont et pays de Trente, sans timbrage. . 470.000 Cartons expédiés d'Akokadi et autres ports, sans toucher à Yokohama 70.000 Total général 2.195.651 De ces cartons, il n'y en a pas moins de SOO.000 pour la France, l'Espagne, la Turquie, la Perse et autres pays; il en resterait alors environ 1.400.000 pour l'Italie. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 629 SUR LA RESPIRATION ET L'ASPHYXIE DES GRAINES DE VERS A SOIE, PAR M. É. DUCLAUX (M J'ai l'honneur de présenter à l'Académie une étude sur la respiration et l'asphyxie des graines de vers à soie, dont je résume ici les principaux résultats. La respiration de ces œufs, qui est très lente, a été étudiée en les laissant séjourner dans des flacons de 10 centimètres cubes environ, dont j'analysais l'air après un temps variable. Je produisais ainsi, il est vrai, un commence- ment d'asphyxie, à laquelle les graines sont très sensibles. Dès les premiers moments elles ralentissent leur respiration, mais ce ralentissement n'est jamais très grand et, de plus, ne parait pas les éprouver beaucoup, car au sortir d'asphyxies, même prolongées, elles respirent tout aussi activement . 21 7,0 13 » 21 4,7 1 mois 21 3,2 2 » 20 2,3 5i. 11 1 7 " ,. 7 1,4 9 « 8 2,9 Veille de l'éclosion 28 48 Lendemain de l'éclosion 300? Ces résultats se traduisent graphiquement par la courbe ci-dessous, remarquable par la façon brusque dont elle se relève à ses deux extrémités. Ces nombres ne sont pas du reste absolus, car, à une époque quelconque, la respiration est plus ou moins active suivant que la température est plus ou moins élevée. Ils se rapportent à la graine conservée dans les conditions ordinaires. J'ai préféré l'étudier ainsi que de chercher à séparer l'influence de l'âge et celle de la température. On voit d'ailleurs que l'effet de celle-ci 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 36 octobre 1868 [LXVII. p. »>t^830]. 630 ŒUVRES DE PASTEUR n est pas prédominant, et cpie ce n'est pas elle seule qui commande le som- meil de la graine pondant l'hiver. La respiration liés active des premiers jours coïncide avec le phénomène bien connu du changement de couleur de la graine, qui passe peu à peu du jaune serin à la couleur lie de vin, couleur qu'elle conserve jusqu'aux jours qui précèdent l'éclosion. A [ce moment la respiration s'accélère de nouveau, et très brusquement. La vie est alors très active, et la graine perd, en quatre ou [cinq jours, sous forme de vapeur d'eau, 6,5 pour 100 de son poids, ou à peu près autant qu'elle en a perdu en dix mois depuis sa ponte. Ces résultats faisaient présumer que les effets de l'asphyxie sur les graines ne 'devaient pas être les mêmes aux diverses époques. Pour en suivre autant ([ue possible la progression, j'enfermais 1 gramme de graine dans des flacons de L6 centimètres cubes, que je reprenais ensuite un à un à divers intervalles pour en analyser l'air. Tous les lots de graine ainsi étudiés ont été mis à l'éclosion. Quelques-uns ont été sacrifiés aussitôt après qu'on a eu compté le nombre de vers fournis par 1.000 graines. Sur les autres, on a pris un certain nombre de vers que l'on a élevés. J'ai d'abord vu, en opérant ainsi, qu'à toutes les époques la respiration de la graine avait assez de puissance pour aller chercher dans l'air les dernières traces d'oxygène, puis, qu'une fois tout l'oxygène disparu, la vie pouvait encore se continuer pendant quelque temps. Seulement, ce temps était variable. Il était de douze heures au plus au moment de l'éclosion, de deux ou trois jours au moment de la ponte, de plus de six jours chez la graine âgée (1 un mois, de vingt jours au mois de janvier. Je donnerai seulement les nombres qui se rapportent à ce dernier mois. ÉTUDES SIR LA MALJADIE DES VERS A SjOIE 631 TEMPS 1 an sk.tour x- .lui. OXYGÈNE en tlacon carbonique 5 jours . . . . 0,0 18,3 10 » . . . . 1,46 15,22 15 >> . . . . 3,0 14,23 30 7,91 0,47 45 » .... 12,68 0,74 50 » . . . . 13,70 0,0 55 » .... 15,07 0,0 05 » .... 15.03 0,0 Graine normale. » » SOMME VBKS ÉGLOS sur 1.000 graines COCONS sur 1.000 graines 18,3 L6.68 17,23 888 888 861 800 » 750 14,38 13,42 13.70 15.07 888 750 722 500 700 670 » 40!) 15,3 111 02 » 875 820 On voit d'abord que l'acide carbonique produit n'est jamais égal à l'oxy- gène absorbé, et la disproportion devienl d'autant plus grande que l'asphyxie dure plus longtemps. Puis, l'oxygène disparu, la vie ne cesse pas pour cela, et la graine continue à exhaler de l'acide carbonique. En n'envisageant que cette dernière partie du phénomène, on se trouve dans les conditions des expériences qui ont été faites sur divers animaux par Spallanzani et W. Edwards, et qui ont conduit ce dernier à admettre (pie l'acide carbonique est un produit d'exhalation. En tenant compte du phénomène tout entier, on rattache directement l'acide carbonique produit à la fin, à l'oxygène qui sem- blait avoir disparu avant, mais qui était en réalité combiné assez faiblement avec les tissus de la graine pour que celle-ci pût s'en servir pour sa respira- tion, lorsqu'il n'y en avait déjà plus de libre autour d'elle. Maintenant change- t-elle brusquement, à ce moment-là, de mode de respiration ?N'est-il pas plus naturel d'admettre qu'elle respire de la même manière à toutes les époques, non pas au moyen de l'oxygène libre, mais au moyen de celui qu'elle doit d'abord lixer sur tout ou partie de ses tissus, dont elle a toujours un fonds disponible, qu'elle renouvelle si elle en trouve le moyen, et dont l'entière disparition cause seule sa mort? C'est ainsi que, chez les êtres supérieurs, l'oxygène ne sert qu'à la condition d'être fixé sur les globules du sang. Seu- lement, chez la graine, l'absorption de l'oxygène se fait avec une telle puis- sance qu'on peut se servir de ces onifs, au lieu d'acide pyrogallique ou de phosphore, pour faire une analyse d'air, et qu'on trouve par ce procédé, excel- lent en principe, mais un peu grossier comme manipulation, des nombres qui dépassent toujours 20 pour 100 d'oxygène. On voit, en passant, que s d se dégage de l'azote pendant la respiration, il s'en dégage peu. La respiration de la graine serait alors identique à celle des animaux supé- rieurs avec une puissance d'absorption plus grande pour 1 oxygène, et, par suite, une puissance plus grande à décomposer la combinaison instable d oxy- gène formé. Ce qui confirme cette manière d'interpréter le phénomène, c'est l'absence complète d'un saut brusque dans les effets de l'asphyxie, correspondant au moment où tout l'oxygène a disparu. Ces effets, lents mais réguliers, sont de tuer un certain nombre de graines, ou du moins de les empêcher d'éclore. Jusqu'au moment de l'éclosion, en effet, les graines sont restées très belles d'aspect, et auraient été achetées avec confiance. Elles avaient pourtant en elles un défaut caché, et, si celles qui ont le moins souffert de l'asphyxie ont donné d'aussi beaux résultats que la graine normale, les dernières n'ont 632 ŒUVRES DE PASTEUR éelos qu'au jj« Cependant les vers qu'elles ont donnés étalent sains, et parais- saient, de même que ceux des autres lots, n'avoir gardé aucun souvenir du traitement auquel ils avaient été soumis à l'état d'œufs. Ils ont donné 90 cocons pour 100 vers comptés à la première mue, la graine normale en avant donné 93. Malgré la singularité de ce résultat, l'asphyxie est funeste, et toutes les conditions qui peuvent l'amener doivent être évitées soigneusement. Il y a plus : un même degré de viciation de l'air est d'autant plus à redouter poul- ies graines qu'elles sont plus voisines de leur éclosion. Ainsi j'ai laissé, en janvier, mars et mai, des graines dans un flacon, jusqu'à ce qu'elles y aient produit 7 pour 100 environ d'acide carbonique. Celles de mai n'ont éelos que vingt jours après leur sortie du flacon, et leur respiration n'était pas encore très active. Elles n'ont pourtant fourni que 126 cocons par 1.000 œufs : celles de mars en ont donné 480, et celles de janvier 790. La graine qui, pendant six mois de l'année, peut être assimilée aux ani- maux hibernants, dont elle se rapproche par sa résistance à l'asphyxie, la lenteur de sa respiration, etc., commence donc trois mois avant son éclosion à ressembler à un être dans sa période d'activité normale. Encore, à ce moment, elle peut résister sans grand péril à de brusques variations de température, souvent utilisées pour suspendre son éclosion, soit pendant un ou deux mois, soit seulement pendant quelques jours. Seule- ment l'effet est d'autant plus marqué que la suspension a été plus longue, et que la graine était plus avancée. De la graine qui avait commencé à éclore en avril, et dont j'ai suspendu au moyen du froid l'éclosion pendant un mois et demi, a donné seulement 263 cocons par 1.000 œufs. Une autre, dont j'ai suspendu pendant deux jours seulement l'éclosion, a donné 810 cocons par 1.000 œufs, la graine normale en ayant donné 820. L'identité est donc aussi parfaite que possible, et l'on peut considérer cette dernière pratique comme tout à fait sans danger. DE L'INFLUENCE DU FROID DE L'HIVER SUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EMBRYON DU VER A SOIE ET SUR L'ÉCLOSION DE LA GRAINE; PAR M. É. DUCLAUX (Extrait d'une lettre adressée à M. Pasteur) (')■ Sachant, d'après mes expériences de 1868, que le froid de l'hiver est nécessaire pour la formation de l'embryon et la bonne éclosion de la graine, j ai voulu reconnaître si cette condition est suffisante, et, par exemple, si en refroidissant artificiellement de la graine en août, on pourrait avoir des vers en novembre. Pour cela, j'ai partagé un lot de graine en deux portions, dont l'une a été conservée à la manière ordinaire, et l'autre placée pendant qua- 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 15 novembre 1869 [LXIX, p. 1021-1025]. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE (533 rante jouis dans une glacière; puis, au 20 septembre, j'ai partagé chacune de ers deux portions en deux lois différents. Deux de ees lots, l'un ayant subi l'action du froid et L'autre non, ont été portés peu à peu à la température de 20 déniés, .lai le plaisir de vous annoncer que je viens de trouver en pleine éclosion le lot refroidi, tandis que dans l'autre il ne s'est formé aucun embryon; et, d'après mes expériences de l'année dernière, si je continue à le chauffer, il ne s'en formera jamais. Les deux autres lots sont conservés comme à l'ordinaire et seront mis à éclore en mai, si le lot refroidi n'a pas, d'ici là, accompli son éclosion. Il résulte de ces observations que la période de formation de l'embryon, période qui précède l'éclosion, ne commence et ne poursuit son cours régu- lier qu'à la condition nécessaire et suffisante de succéder à une époque de froid et d'hibernation véritable. Une graine, maintenue toute l'année à la tem- pérature de son éclosion, n'éclôt pas, et périt sans que l'embryon s'y forme. Est-elle soumise au froid, niais d'une manière insuffisante, ou pendant un temps trop court, l'embryon s'y organise et réussit à vivre jusqu'au moment de l'éclosion. Mais alors il meurt d'autant plus d'embryons, et l'éclosion de ceux qui résistent est d'autant plus longue et plus irrégulière que l'hiber- nation a été moins longue et le froid moins accusé. La graine, pour Lien eidore. a donc un besoin absolu du froid de l'hiver. Beaucoup d'insuccès dans l'éclosion sont dus à un hiver trop doux, ou à une mauvaise conservation des œufs. Enfin un résultat immédiat des faits qui précèdent serait d'obtenir à volonté des bivoltins, ou d'avoir, en profitant de l'action du froid et de la chaleur sur la graine, le moyen de se procurer des vers toute l'année, ce qui serait très favorable à l'étude (J). PROCEDES D'ÉDUCATION AU JAPON (>-) « Conserver la graine dans un lieu frais, sans humidité, sans mauvaises o odeurs. Maintenir l'ensemble de la graine à une température uniforme. Ne hâter l'éclosion par aucun moyen factice. N'élever ensemble que les vers nés le même jour. » Ainsi, dès la naissance, l'auteur se montre préoccupé d'établir l'harmonie dans son éducation ; il est à présumer que la même préoccupation doit pré- sider au grainage. 1. En transmettant à l'Académie cette Note, M. Pasteur fait observer que le fait principal signalé par M. Duclaux aura certainement, dans la suite, des conséquences pratiques impor- tantes. Dés aujourd'hui, il parait nous donner la clef d'une pratique des Japonais, qui consiste à placer la graine, au cœur de l'hiver, pendant quelques jours, dans de l'eau glacée. Il fait naître aussi l'espérance de pouvoir faire éclore en toute saison les graines de races dites annuelles, ce qui supprimerait une des plus grandes difficultés de l'étude des vers à soie. Peut-être M. Duclaux trouvera-t-il aussi, dans la continuation de ses curieuses recherches, un moyen de fortifier les jeunes vers, de façon à les mettre davantage à l'abri des maladies acci- dentelles. 2. Ces renseignements sont extraits du Bulletin de la Société impériale zoologique d'accli- matation, %' sér., V, 1868, p. 17-47 (traduction d'un ouvrage japonais [« Étude complète de l'éducation des vers à soie », par Siumldzeu-Kinzaimo^] par le D' P. Hourier). 634 ŒUVRES DE PASTEUR « Qiu1 les vers soient clair-semés, dès leur naissance. Pour 20 à 25 grammes de graine qui représentent à peu près le carton japonais, les vers, au moment où ils naissent, doivent occuper une superficie de 2 mètres carrés; il faut ensuite les éclaircir nécessairement, de manière à ce- qu'ils se trouvent occuper : au premier sommeil, 5 mètres carrés; au deuxième sommeil, 10 mètres carrés : au troisième sommeil, 20 mètres carrés ; au quatrième sommeil, 40 mètres carrés; à la montée, 60 mètres et plus. Préférer la feuille au bourgeon, même pour le plus jeune âge. Jusqu'au deuxième sommeil, donner six repas dans les vingt-quatre heures ; Du deuxième au troisième sommeil, cinq repas; Du troisième au quatrième sommeil, quatre repas. Après le quatrième sommeil, donner en abondance la plus belle feuille jusqu'à la montée. Pendant les sommeils, faire huit ou neuf données de feuilles hachées menu, tombant comme pluie. Aussitôt qu'on voit quelques vers éveillés, cesser ces données d'extra et séparer les vers en retard pour les favoriser, en leur prodiguant la feuille, et rétablir la régularité qui tend toujours à disparaître. Donner invariablement un des repas entre la quatrième et la cinquième heure, l'heure la plus froide. Si l'air devient humide ou froid, allumer un feu clair de bois de sapin sans odeur, préserver les vers par des écrans de l'action directe du feu, donner de l'air et de la feuille; si l'air devient chaud, aérer et donner de la feuille. L'aération doit être continue, convenablement ménagée, sans courant d'air violent. Tout ce qui touche au ver doit être parfaitement net et sec; les personnes'qui leur donnent des soins doivent se laver fréquem- ment les mains, bien qu'elles ne touchent aux vers qu'avec de légères baguettes. La feuille doit être cueillie sans pluie et sans rosée. Pour soigner les vers d'un carton 'de graines (20 à 25 grammes) avec per- fection, il faut quatre personnes; pour nourrir parfaitement ces vers, il faut vingt-cinq charges de cheval (feuilles et branches). » Au Japon, les feuilles sont détachées du bois à l'atelier avec des ciseaux. Cette quantité est évaluée d'une façon trop vague ; mais les expressions : « mûrier en abondance, ne jamais laisser les vers la bouche vide, donner de façon à ce que les vers restent en quelque sorte au milieu de la feuille fraîche, » s'entendent assez. RAPPORT SUR LES ÉTUDES SÉRICICOLES FAITES PAR UNE MISSION ITALIENNE DANS L'INTÉRIEUR DU JAPON (») Yokohama, 1" juillet 1869. L'atrophie qui existe depuis quelques années déjà sur le ver à soie euro- péen a fait naître la crainte de voir se détruire cette source de richesse pour 1. Revue universelle de sériciculture, septembre 1869, III, p. 231 et suiv. [et Moniteur des soies, n° 370, 4 septembre 1869, p. 8-4]. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 635 cotre pays. Quoique l'introduction en Italie des cartons de vois à soie importés du Japon ait donné de bons résultais, le bruit avait couru, depuis un certain temps, en Italie cl en France, que le ver à soie japonais était aussi infecté de cette maladie. De là, crainte d'être obligés sous peu d'aller chercher ailleurs, et peut-être avec moins de succès, la sentence que depuis plusieurs années le Japon nous fournit en si grande quantité. Ces bruits répandus, soit à dessein, soit par hasard, et auxquels on pré- tait facilement foi, empruntaient leur origine spécialement de ce fait que, tandis que plusieurs commerçants étaient venus d'Italie, de France et d'autres pays pour v faire achat de cartons originaires, aucun cependant d'entre eux n'avait encore pu pénétrer dans l'intérieur du Japon et ne se trouvait à même de constater dp visu quel degré de bonté on pouvait attribuer à cette semence. La nécessité d eclaircir cette assertion inspira au comte de la Tour, ministre d'Italie au Japon, l'idée d'entreprendre une expédition dans l'une des provinces de l'Empire qui jouit de la meilleure renommée dans l'industrie séricicole, afin de suivre de près la méthode employée par les cultivateurs japonais pour l'éducation dis vers à soie. Le comte de la Tour choisit comme l'époque la plus opportune pour l'exé- cution de ce projet le commencement du mois de juin, moment où le ver à soie se présentant dans ses deux dernières périodes, celle de la montée à la bruyère et celle de sa transformation en papillon, aurait donné plus de faci- lités aux observations à faire. Interprétant le désir souvent manifesté par les graineurs de pouvoir visiter les provinces séricicoles du Japon, et considérant les motifs qui s'opposent pour eux à la réalisation d'un semblable désir (ils avaient voulu entreprendre à eux seuls un voyage dans l'intérieur du Japon], le comte de la Tour pensa faire une chose utile aux intérêts commerciaux de notre pays, et être en même temps agréable à ses compatriotes en associant à son entreprise quelques Italiens qui, par leurs connaissances spéciales en matière de cul- ture des vers à soie et de sériciculture, fussent à même d'étudier avec soin la question et de rendre ainsi plus profitable le but que cette expédition avait à atteindre. Le manque absolu des movens de communication et l'incertitude de l'accueil que la première expédition étrangère dans l'intérieur du Japon aurait rencontré auprès des populations exigeaient que le gouvernement japonais fût informé de ce voyage, afin qu'il pût prendre toutes les disposi- tions qu'il aurait jugées nécessaires pour rendre plus aisés le passage et le séjour de l'expédition italienne dans les différentes localités qu'elle se propo- sait de visiter. L'appui et les facilités de toutes sortes que la mission rencontra dans tout son parcours, par suite de la demande du comte de la Tour, prouvent le bon vouloir et l'empressement montrés par le gouvernement pour prévenir tout ce que cette excursion pouvait avoir de dangereux et d'incommode. L'expédition, composée du comte de la Tour, du baron Galvagna, secré- taire de la Légation, de MM. Ernest Prato, Ferdinand Meazza, Ernest Piatti, Pierre Savio, et d'un interprète japonais accompagné d'une forte escorte donnée par le gouvernement local, partit de Yokohama le 8 juin ; passant par Yedo, Warabi et Konossu, elle arriva le li à Menuma. Cette partie du pays, 636 ŒUVRES DE PASTEUR qui constitue le côté septentrional de la province de Musachiou, est une vaste plaine qui s'élève insensiblement à mesure qu'elle s'approche du nord. Le sol, d'une fertilité merveilleuse, arrosé de tous côtés par des rivières et des ruisseaux, se prête à toute espèce de culture. On voit le riz croître spéciale- ment dans les environs de Warabi, l'orge et le froment dans les districts de Konossu et de Menuma, outre l'indigo, le colza et les fèves. La province de Musachiou est séparée de celle de Giochiou par le Tonen- gawa, fleuve principal de l'île de Nipon. Ce fleuve, qui a sa source dans les- montagnes du Sinchiou, descend presque en ligne droite de l'ouest à l'est,. et, après s'être considérablement accru dans son long cours des eaux qui coulent des hauteurs du Giochiou, se verse dans l'Océan Pacifique ... Le mûrier, très cultivé déjà dans le Musachiou, n'acquiert une impor- tance réellement de premier ordre que sur la rive gauche du Tonengawa. Le />/u/-iis- à fruit blanc n'existe pas au Japon, où l'on ne connaît que celui à fruit noir avec la feuille soit ronde, soit dentelée. On le trouve partout, le long des sentiers, sur le bord des canaux, en masses touffues au milieu des- champs cultivés. Il s'élève rarement au-dessus de 3 mètres ; les Japonais le cultivent ordinairement en buisson, et ils en coupent les branches au ras de terre, recouvrant ensuite la souche et la fumant, soit avec des excréments- humains, soit avec la fiente des vers à soie, levée du treillis et séchée au soleil. Le même engrais est employé pour les mûriers qu'on laisse pousser en arbres, et on le répand dans ce cas sur la terre qui entoure la base du tronc. La reproduction du mûrier ne s'obtient pas par semence mais par pro- vins. Au printemps, on coupe au ras de terre une plante âgée de huit ans au moins ; de la souche recouverte de terre poussent de nouveaux bourgeons. Ceux-ci, à l'automne suivant, sont coupés contre le tronc et servent à former de nouvelles plantes qu'on engraisse avec du fumier humain. Pendant l'automne et l'hiver, les Japonais tiennent leurs cartons dans- des petits sacs de papier suspendus au plafond dans des chambres sèches et dans lesquelles il n'y a aucune odeur, et surtout on n'emploie pas de l'huile pour l'éclairage. Afin de les préserver encore plus de l'humidité, quelques. cultivateurs mettent les cartons dans des boîtes faites en bois de paulownia. C'est par l'influence seule de l'atmosphère qu'on obtient l'éclosion de la semence. Dans les saisons régulières, elle a lieu généralement du 20 au 25 avril. Les graines d'un carton éclosent ordinairement dans l'espace de trois jours ; mais cette opération se produit même en un seul jour pour les qualités supérieures. Dans le but d'obtenir une certaine égalité dans les vers- a soie, ce n'est qu'au second jour qu'on donne à manger aux premiers éclos. Pendant les trois premiers âges, les vers sont élevés dans de petits paniers de bambou, dans une chambre aérée et réchauffée par un feu de bois. Pour les quatrième et cinquième âges on les place sur des treillis dans des lieux bien aérés. Ces treillis, également en bambou, ont l'",80 de lon- gueur sur 1 mètre de largeur. Ils sont recouverts d'une natte faite en paille de riz et superposés les uns aux autres (ordinairement au nombre de dix) à la hauteur de 20 centimètres. On donne d'abord la nourriture six fois dans les vingt-quatre heures, et on diminue d'âge en âge jusqu'à quatre et même trois fois. Jusqu au qua- ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 637 trième àiie, La nourriture donnée aux vers à soie se borne aux feuilles coupées assez minces : au dernier âge, ce sont les petites branches, en repas très abondants. Pour couper la feuille, on se sert d'un large couteau tic fer. J.es Japonais ne craignent pas de nourrir les vers à soie avec des feuilles «ncore bumides de la rosée, néanmoins ils préfèrent qu'elles soient sèches. On a vu, dans quelques localités, des cultivateurs qui arrosaient légèrement la feuille avec de l'eau lorsque la température était très élevée, ou bien avec de l'eau mélangée à du saké (eau-de-vie de riz), si le ver donnait des signes kIc faiblesse. Les vers à soie sont tenus assez espacés. Après la quatrième mue on n'en plaie en moyenne qu'un millier par treillis. La litière est ôtée chaque jour. On fait passer les vers à soie sur la feuille fraîche à travers des filets étendus sur le panier ou le treillis. Ces fdets ont des mailles plus ou moins larges, selon l'âge pour lequel ils doivent être employés. Entre la natte en paille et le ver, les Japonais étendent ordinaire- ment une légère couche de gousses de riz, afin de préserver les animaux de l'humidité. La bruyère pour la confection des cocons est faite le plus souvent avec de la paille de riz mélangée avec des branches de colza après semence, de diffé- rentes formes, et d'une hauteur qui ne dépasse pas 30 centimètres. Les cocons, recueillis de six à huit jours après la montée des vers à soie à la bruyère, s'ils sont destinés à la filature, sont exposés au soleil, afin d'en étouffer les chrysalides; s'il n'y a pas de soleil, après les avoir enfermés dans de petites boites en papier, on les suffoque avec la chaleur produite par la braise de charbon de bois. Les cocons destines à la reproduction sont dépouillés de leur bourre et rangés avec ordre sur les treillis l'un à côté de l'autre ; on les recouvre de o feuilles de papier troué afin de séparer le papillon du cocon. La sortie des papillons a lieu, d'habitude, de quinze à vingt jours après la montée à la bruyère. Les papillons placés sur d'autres feuilles de papier sont accouplés pendant six heures. Alors on jette les mâles et on secoue les feuilles sur lesquelles sont restées les femelles, afin de provoquer chez elles la sécrétion des humeurs. Les papillons sont enfin transportés dans une chambre obscure, sur des cartons disposés horizontalement l'un à côté de l'autre, dans un carre entouré d'un cadre de bois laqué. On les y laisse de douze à seize heures. Sur chaque carton on dépose cent à cent cinquante papillons; le nombre dépend de leur vigueur. Il a été dit plus haut que les cocons destinés à la filature sont exposés au soleil ou au feu de charbon, afin de suffoquer les chrysalides. Il n'y a pas de grandes filatures au Japon. Chaque cultivateur fait filer par les femmes de sa maison le produit de son éducation. S'il n'a pas d'ouvrières chez lui, il vend les cocons. . . Ainsi que pour la filature, la culture des vers à soie au Japon n'est pas faite sur de larges proportions. La plus importante qui ait été vue était de seize cartons. Les Japonais portent une attention toute spéciale aux conditions locales des magnaneries. Toutes celles qui ont été visitées dans les principaux centres de culture de la province de Giochiou, à Sig-Naï, à Nakassé, Iratska, 638 ŒUVRES DE PASTEUR Chimamoura et Maibachi, tant auprès des cultivateurs aisés qu'auprès des simples colons, se distinguaienl par la salubrité et la ventilation des locaux, jointes à la propreté la [tins scrupuleuse. Partout on a trouvé les vers à soie vigoureux, sains et sans le moindre indice de pèbrine. La récolte des cocons se présentait très abondante. A Chimamoura, clans la magnanerie de M. Yahé, qui est un des plus grands et îles plus renommés cultivateurs de Giochiou, on a observé que sur seize cartons qu'il avait fait éclore, la mortalité n'atteignait pas la proportion de 1 sur 1.000. L'expédition italienne, après avoir séjourné quelque temps dans les centres sérieicoles de Giochiou, poursuivit sa marche vers Ikawo, Takasaki et Oniichi. De là, elle traversa la partie montueuse du Musachiou, et rentra le 28 juin à Yokohama, en passant par Omija et Achiougi. Les études auxquelles la mission s'est livrée sur la culture des vers à soie dans les différentes localités qu'elle a visitées, et les observations minu- tieuses qu'elle a été à môme de faire sur l'état sanitaire de ces petits animaux, ont donné les plus heureux résultats. Elle a pu constater que, non seulement il n'existe aucun cas de pèbrine dans les vers à soie, mais que cette maladie est même entièrement inconnue aux Japonais. Cette constatation est de nature à donner un démenti formel à l'opinion répandue en Europe sur l'infection de la graine du Japon, et servira à calmer les appréhensions de nos cultivateurs et à leur inspirer, pour l'avenir, pleine confiance dans la qualité des cartons originaires de ce pays. Avant de clore ce Rapport, la mission tient à ajouter qu'elle a voulu aussi se rendre compte des motifs qui occasionnent des prix de revient très élevés dans les cartons, ces prix n'étant pas en rapport avec les récoltes abondantes qui se font au Japon, ni avec le nombre considérable de cocons qui sont destinés au grainage. La mission croit devoir attribuer la cause de ce fait aux pertes qu'apporte, à la reproduction de la semence, la présence d'un insecte parasite, appelé oudji en japonais {mystère). Ce petit animal, qui est déjà connu ici depuis longtemps, existe à l'état d'embryon dans le ver à soie avant sa montée en bruyère; il prend vitalité clans la chrysalide et sort du cocon après avoir causé la mort de la chrysalide même. Les dommages occasionnés par ce parasite varient, selon les années et les conditions atmosphériques, de 20 jusqu'à 80 pour 100. Cette proportion est basée uniquement sur les cocons destinés au grainage ; pour ceux qui vont à la filature, l'étouffement de la chrysalide a lieu avant que Youdji sorte du cocon.. . Signé : de la Tour, F. Galvagxa, Ernesto Prato, Ferd. Meazza, Ernesto Piatti, Pietro Savio. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 639 NOTE AU SUJET D*UNE RÉCLAMATION DE PRIORITE EN FAVEUR DE M. GAETAN CANTONI On trouve dans la troisième Partie de ces Documents les diverses Notes ([lie j'ai publiées de L865 à L869. Chacune île mes Communications donna lieu à des controverses plus ou moins vives. En ces matières, comme, pour les expériences agricoles en général, il n'est pas possible de vérifier l'exac- titude dis résultats annoncés par un auteur au moment où ils sont connus. Ces lenteurs obligées, jointes aux contradictions des personnes ([lie l'igno- rance ou l'intérêt excitaient à nier la vérité ou l'utilité de mes recherches, retardèrent l'adoption de mon système. Les journaux séricicoles notamment firent une grande opposition; mais la vérité triompha peu à peu de tous les obstacles, car le nombre des personnes qui jugent froidement un procédé industriel est bien autrement grand que celui des opposants de parti pris» quoique ces derniers aient plus d'activité et d'audace. A la fin de l'année 1868 et au commencement de l'année L869, j'eus la satisfaction de constater un mouvement très marqué en faveur de mes études. Beaucoup de personnes avaient mis en pratique mon procédé de grainage et en proclamaient la valeur incontestable. C'est alors que je vis se manifester, dans les articles de nus adversaires, comme il arrive d'ordinaire dans les questions de cette nature, certaines velléités de m'enlever la priorité de mes observations. Après avoir soutenu que mon procédé de grainage était défectueux, on essaya de prétendre qu'il ne m'appartenait pas en propre. Les explications suivantes firent justice des prétentions auxquelles je fais allusion ('). Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), 17 février 1869 Monsieur le Directeur, Permettez-moi de recourir à votre estimable journal pour relever une erreur que quelques-uns de mes contradicteurs cherchent à accréditer en ce moment. Après avoir soutenu que mon procédé de grainage était défectueux, ils essayent aujourd'hui de prétendre qu'il ne m'appartient pas en propre. Vous savez que ce sont les deux phases habituelles de la contradiction pour toutes les applications nouvelles. On commence par cette assertion : « Ce n'est pas vrai » : on finit par cette autre : « Ce n'est pas neuf ». Les explica- tions suivantes feront justice des prétentions auxquelles je fais allusion. Dans une Notice axant pour objet de faire connaître un moyen de distin- guer la bonne graine de la mauvaise, notice publiée en 1860, M. Cornalia (-) s'exprime ainsi : 1. Cette rectification a paru dans le Messager agricole du Midi, 5 mars 1869, p. 37-38, et dans le Moniteur des soies, n° 342, 20 février 1869, p. 4. \Xote de Pasteur.) Nous la reproduisons sous la forme où elle a paru dans le Messager agricole du Midi (Xote de l'Édition.) 2. Cornalia (E.|. Notice indiquant un moyen de distinguer sûrement la mauvaise graine de la 1 h [traduite par le Dr N. Joly). Messager agricole du Midi, I, 1860-1861, p. 323-329 [Note de l'Édition.) 640 ŒUVRES DE PASTEUR « M. Chavannes (de Lausanne) propose les éducations sur les mûriers en plein air, afin d'obtenir des cocons pour graine, en partant de ee principe que la maladie résulte de ['affaiblissement de la race devenue domestique, et que les corpuscules vibrants, qu'il considère comme des cristaux d'un acide particulier, s'engendrent par suite de la faiblesse de l'animal... Que les cor- puscules puissent être un produit morbide provenant de la diminution des forces vitales, on en aurait la preuve dans cette circonstance qu'ils se voient aussi chez les papillons avancés en âge et tout à fait sains d'ailleurs, d'abord dans les tissus, ensuite dans le sang. Cela ne me permet pas de proposer l'examen du papillon pour que l'on puisse se prononcer sur la graine. Dans ce cas, de graves cireurs pourraient en résulter, chose véritablement regret- table, puisqu'on aurait ainsi un pronostic anticipé et précieux pour les fabricants de semences. » Trois ans après que ces lignes étaient écrites, en 1863, M. Cantoni, savant professeur italien, fit de la graine avec deux couples provenant de papillons "exempts de corpuscules. Les vers issus de la graine de ces deux couples se comportèrent bien en 1864. Malheureusement, M. Cantoni eut le tort de n'avoir pas fait une éducation comparative entre les œufs provenant de couples non corpusculeux et 1rs œufs provenant de couples avec corpuscules et issus de la même famille de vers à soie, de telle sorte que son expérience n'avait aucune signification. C'est lui-même qui s'exprime ainsi dans une Note datée du 21 août 1867, et qui a été insérée dans la Revue universelle de sériciculture. M. Cantoni répéta son expérience en 1864 sur 125 couples. Cette fois son éducation échoua complètement. Il ajouta, toujours dans la Note que je viens de rappeler, qu'il en fut découragé et qu'il jugea inutile de poursuivre ses essais. Voilà tout ce qu'a fait M. Cantoni et les opinions que lui et M. Cornalia ont émises avant moi dans la direction d'études dont il s'agit. Loin de rien enlever au mérite de mes recherches, ces observations ne l'ont qu'ajouter à leur nouveauté, et il est fort heureux qu'au début de mes éludes, en 1865, je les aie ignorées, car j'aurais pu me confiera leurs résultats et abandonner la voie où je m'étais engagé, qui devait me conduire sûrement à la découverte d'un procédé pratique de confection de la bonne graine en supprimant la préparation de la mauvaise. L'auteur d'une application nou- velle est celui qui en démontre l'efficacité et qui eu établit les principes sui- des bases expérimentales rigoureuses. Ma méthode est bien à moi: je la revendique comme ma propriété exclusive, aujourd'hui surtout que, grâce à mes efforts, elle est à l'abri de toutes les vaines critiques de l'ignorance, de l'intérêt ou de l'envie. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma considération la plus distinguée. L. Pasteur, membre de l'Académie des sciences. En résumé, M. Cornalia, partageant une erreur introduite dans la science par le naturaliste Filippi, de Turin, déclare qu'il n'est pas possible de pro- poser l'examen du papillon pour que l'on puisse se prononcer sur la graine. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 641 parer que 1rs corpuscules se voient chez les papillons avancés en âge loul à l'ait sains d'ailleurs, e1 ([n'en conséquence de graves erreurs pourraient résulter de cet examen. Quant à M. Canton!, il a apporté dans ce sujet les résultats d'expériences 1res incomplètes et mal conduites, plus propres à jeter la défaveur sur ce qu il pouvait y avoir de fondé dans l'opinion de M. Cornalia qu'à encourager ceux qui auraient l'idée d'en vérifier l'exac- titude. (')... Ma méthode est bien à moi; je la revendique comme ma propriété exclusive. Elle repose sur des observations entièrement neuves. Il ne suffisait pas de démontrer que la graine issue de papillons privés de corpuscules était une graine exempte de la maladie régnante, démonstration que personne n'a donnée avant moi; il fallait établir les propositions suivantes, qui sont le principal fondement de la méthode et la preuve de son caractère éminemment pratique : 1° Il existe partout des chambrées dont la totalité ou la très grande majorité des chrysalides et des papillons sont privés de corpuscules; 2° On peut les multiplier à volonté; 3° Une graine issue de telles chambrées ne peut pas périr à l'état de vers par la maladie des corpuscules, bien que cette maladie soit contagieuse au plus haut degré (2). [A PROPOS DU PROCÉDÉ DE GRAINAGE] (3) ... Pratiquons des grainages le plus possible, dans les départements ou localités de petite culture, en ayant soin de n'y livrer que des graines faites selon n/on procédé, et la France se trouvera alimentée, l'année suivante, d'une quantité de bonnes semences qui pourra répondre à tous ses besoins les plus exigeants, le souligne à dessein cette phrase, parce qu'elle renferme la solution pratique des t difficultés de la déplorable situation sérieicole. Faisons, je vous prie, un calcul très simple. L'application de mon système a donné à Paillerols environ 50 pour 100 de chambrées bonnes pour graine. Ce chiffre eut été plus élevé, à plus de 75 pour 100, si les petites chambrées, faites en vue du grainage, avaient reçu de la graine cellulaire parfaitement pure. J'ai pu m'assurer, en 1868, par des expériences directes, que tous nos départements de petite culture pouvaient donner lieu aux mêmes résultats que ceux des Hautes et Basses-Alpes, c'est-à-dire que les graines issues de parents non corpusculeux, non seulement réussissent dans les départements de petite culture, mais qu'elles n'y prennent que fort rarement la maladie des corpuscules. 1. Pasteur, dans l'édition de 1H70, avait supprimé de sa lettre l'alinéa de la page précédente qui commence par : « Loin de rien enlever ... » et l'avait placé ici. 2. Voir la suite de cette question de priorité p. 732-785 du présent volume. 3. Messager agricole du Midi, 1869. p. 38-39. Cette- Xute de Pasteur était précédée de ces lignes : « Nous appelons toute l'attention i!e nos lecteurs sur le passage suivant d'une correspondance de ce savant, que nous sommes autorisés, par lui-même, à reproduire textuellement. » (Xotes de l'Édition.) ÉTUDES Sl'Il LA MALADIE DES VERS A SOUÎ. 41 642 ŒUVRES DE PASTEUR Les expériences auxquelles je fais allusion ont été effectuées en 1868 dans le Var, clans les Alpes-Maritimes, clans le Gers, dans le Tarn-et- Garonne, dans le Lot-et-Garonne, dans le Lot, dans le Cantal et dans la Seine. Cela posé, admettez pour un instant que quelques mille onces obtenues en 1868 à Paillerols aient été achetées et élevées uniquement par des propriétaires ou des graineurs opérant dans nos départements de petite culture. Que serait-il arrivé en 1869 ? Un grand nombre de chambrées issues de ces graines eussent été elles-mêmes reconnues très bonnes pour le grainage. // résulte de là [Notes de l'Édition.) 3. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 18 juillet 1870, LXXI, p. 183- 185. 6i8 ŒUVRES DE PASTEUR Par l'application rigoureuse de ces prescriptions, les récoltes n'ont plus à craindre que les maladies accidentelles provoquées par des conditions cli- matériques et par l'inexpérience des éleveurs. En d'autres termes, la récolte de la soie se trouve ramenée aux conditions normales de toutes les industries agricoles, toutefois avec cet avantage dont elle était privée, même aux plus beaux jours de sa prospérité, que l'éducateur est sûr d'opérer sur une graine originairement très saine. Il résulte de ce qui précède que l'épreuve tentée sur le domaine de l'Em- pereur ne devait pas se borner, pour être complète, à la constatation du résultat des éducations de produit faites avec les 100 onces dont j'ai parlé. Il fallait que, par des éducations dirigées en vue de la reproduction, j'établisse la [possibilité de la préparation surplace d'une quantité de graine plus ou moins considérable, tout au moins suffisante pour les besoins de la propriété de Villa Vicentina en 1871. De cette manière, le cercle des opérations serait complet, et l'administration du domaine n'aurait plus qu'à les continuer avec les mêmes errements dans les années ultérieures. En conséquence, je confiai au gardien de notre habitation de Villa Elisa, éleveur soigneux et expérimenté, trois sortes de graines cellulaires, de trois provenances différentes, formant ensemble 2 j onces. Je ferai remarquer que ces graines cellulaires, pas plus que les 100 onces dont j'ai parlé, n'avaient été préparées par moi. J'insiste sur ces détails, afin de bien montrer que mon procédé est déjà appliqué sûrement dans toutes ses parties par un grand nombre de personnes. De ces 2 \ onces de graine cellulaire, une m'avait été fournie par M. le D' Milhau, une autre par M. Sirand, pharmacien à Grenoble, et la demi-once restante par M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais. Ceci posé, voici les résultats de la campagne séricicole, tant à Villa Vicentina qu'à Villa Elisa. A Villa Elisa, les 2\ onces de graine cellulaire ont marché à merveille. La récolte, tout entière en magnifiques cocons jaunes, dépassa 45 kilogrammes à l'once de 25 grammes pour chacune des trois petites éducations. Bien plus, j'eus la satisfaction de constater que toutes trois étaient excellentes pour la reproduction. C'était plus que je n'avais espéré, car en faisanttrois éducations de graine cellulaire de trois provenances dill'érentes, j'avais eu principalement pour but de ne pas me mettre à la merci des résultats d'une seule éducation faite en vue du grainage, précaution toujours bonne à prendre. Quant aux 100 onces de graine industrielle élevée par les colons de Villa Vicentina, le produit total a été de 3.000 kilogrammes, c'est-à-dire de 30 kilogrammes à l'once ('). C'est une fois et demie au moins le rendement moyen des époques de prospérité. Dans ce nombre moyen sont comprises quatre éducations qui ont complètement échoué par la maladie des morts- flats, quatre qui n'ont eu qu'une demi-récolte, et deux, un quart de récolte seulement. L'éducation des 25 onces de l'administration a produit près de 39 kilogrammes à 1 once. Je l'avais composée à dessein avec trois des sortes 1. Dans sa Lettre à M. Deseilligny, ministre de l'Agriculture et du Commerce, du 25 janvier 1874, Pasteur a rectifié ce chiffre. « Dans le Rapport académique, dit-il, le produit moyen de la Villa a été porté par erreur à 30 kilogrammes par once pour 1870. Il a été, en réalité, de 33 kilogrammes. » (Voir note 1 p. G82 du présent volume.) [Note de l'Édition.} ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 649 de graine des trois personnes que j'ai nommées: 10 onces graine Milhau, 9 onces graine Gourdin et 6 onces graine Raybaud-Lange i ' . Je (lois ajouter que la moyenne du rendement aurait été sensiblement plus élevée si bon nombre îles colons n'avaient mal l'ait éclore leur graine. L'hiver axant été fort rigoureux, la graine fut très dure à éclore. Quelques-uns la chauffèrent outre mesure : d'autres même, croyant qu'elle n'écloraïl pas, la remplacèrent par de la graine japonaise de reproduction, qui, pour le dire en passant, donna un produit presque nul. On peut évaluer à 10 onees au moins la graine qui fut perdue à l'éclosion, par l'inexpérience des éleveurs. Lu résume, cl malgré les accidents que je signale et les insuccès que je viens de mentionner, accidents et insuccès qui ont été de tous les temps et de tous les pays, l'épreuve tentée à la demande de l'Empereur a eu le résultat le plus satisfaisant. Depuis vingt-cinq ans on n'avait vu à Villa Vicentina une récolte de cocons aussi abondante et de plus belle soie. La joie était générale parmi tous les colons, et on le comprendra aisément si j'ajoute, d'une part, que la récolte a été absolument nulle dans le pays pour toute une partie de graine de Transylvanie d'une valeur atteignant un million de francs, et si, d'autre part, je mets en regard de ce qui précède le résultat d'une récolte des années précédentes à Villa Vicentina. Voici celle de 1869 : En 1869, on a posé 105 onces de graine à Villa Vicentina : 55 cartons japonais originaires, 50 onces de graine de la Corse. Le produit total a été de 800 kilogrammes de cocons marchands qui ont «té fournis uniquement par les 55 cartons japonais, lesquels ont donné, en ■conséquence, environ 14 kil. 5 par carton. Les 50 onces de graine de la Corse ■ont échoué complètement. Il faut noter, en outre, que les cocons japonais n'ont été vendus, en 1869, qu'à raison de 5 francs le kilogramme, tandis que les cocons de nos belles races indigènes ont atteint, en 1870, le prix de •S fr. 40. Enfin, le carton japonais avait coûté 25 francs en moyenne en 1869, tandis que la graine élevée en 1870 fut achetée 15 francs l'once seulement. Bref, la récolte de 1869 a produit environ 1.500 francs, et celle de 1870, au contraire, plus de 22.000 francs, défalcation faite du prix d'achat des semences. D'autre part, la récolte de 1871 se trouve assurée par la confection sur le domaine même d'une centaine d'onces de graine industrielle et de plu- sieurs onces de graine cellulaire, qui seront une source de semences pour les années ultérieures. Je ne sais quels efforts ont été tentés cette année, en France, pour 1 appli- -cation de mon procédé de confection de la semence saine : j'espère qu ils auront continué actifs et fructueux, et qu'ils auront triomphé des résistances intéressées et des contradictions sans fondement. Dans la haute Italie et dans la basse Autriche, le progrès est de plus en plus marqué. A peine étais-je arrivé dans le Frioul que je faisais connaissance avec un des plus riches et des plus intelligents agriculteurs de la contrée, M. le Dr Levi, et j'apprenais 1. On cite une éducation faite en Italie de la graine de M. Pasteur, qui a donné, chez M. le professeur Chiozza, pour 25 grammes, 67 kilogr. 678 de cocons, nombre qu'on n'avait probablement jamais réalisé. {Xote du Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences.) 650 ŒUVRES DE PASTEUR avec autant île bonheur que de surprise qu'à lui seul et pour ses propres éducations de cette année, il avait fait, en 1869, L50 onces de graine cellu- laire. Présentement il en confectionne plus de 300. Tout auprès de Villa Vicentina, M. le professeur Chiozza en prépare 400 onces, et c'est la première fois néanmoins qu'il se livre à ce travail. Dans la haute Italie, M. le marquis Crivelli vient d'obtenir une récolte de plus de 10.000 kilogrammes de cocons jaunes par une nouvelle application rigoureuse, savante et perfectionnée même, paraît-il, des principes que j'ai établis. Encore quelques années, et le commerce des graines avec le Japon aura disparu et la sériciculture aura reconquis toute sa prospérité. I. Académie ne s'étonnera pas que je lui offre les prémisses du Rapport par lequel je devais rendre compte à M. le maréchal Vaillant de la mission que Sa Majesté avait daigné me confier. L'intérêt persévérant que la Compa- gnie a témoigné à l'étude de la maladie des vers à soie et à mes propres tra- vaux m'obligeait à l'instruire la première du succès qui couronne ses efforts et les miens. L'Académie décide qu'un exemplaire de ce Rapport sera adressé aux Comices et Sociétés d'agriculture par l'intermédiaire de M. le ministre de l'Agriculture et du Commerce. NOTE SUR L'APPLICATION DE LA MÉTHODE DE M. PASTEUR POUR VAINCRE LA PÉRRIN'E (i) (avec la collaboration de m. raulin.) La méthode que M. Pasteur a décrite dans ses Mémoires sur la maladie des vers à soie pour combattre la pébrine consiste en trois opérations distinctes : 1° Faire de la graine cellulaire en mettant à pondre chaque femelle sur une toile séparée et ne conserver que les pontes des femelles sans cor- puscules ; 2" Elever cette graine cellulaire en petites chambrées isolées ; 3" Livrer en masse au grainage industriel, avec les seuls soins d'autre- fois, prescrits dans tous les temps et dans tous les pays séricicoles, celles de ces chambrées qui n'offrent pas plus de 8 à 10 papillons corpusculeux sur 100. Cette graine industrielle élevée à la manière ordinaire ne présentera pas de mortalité, appréciable sous le point de vue pratique, par la pébrine ("-). Les grainages pratiqués en suivant ces prescriptions se multiplient de 1. Mémoire lu au Congrès séricicole international d'Udine (Haute-Italie), le 16 sep- tembre 1871, et publié dans les Annales scientifiques de l'École normale supérieure, 2° série, I, 1872, p. 1-9. 2. Il est bien entendu que dans cette Note nous laissons de côté tout ce qui a trait à la flacherie, maladie très distincte de la pébrine. (Xote de Pasteur.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 651 plus en plus chaque année, et les personnes qui s'j livrent ne peuvenl suffire aux derùandes toujours croissantes des éleveurs. C'est que les rendements îles graines ainsi faites atteignent une moyenne fort élevée : cette année même, dans le département du Gard, 3.000 onces de graines industrielles, distribuées en grandes et petites chambrées, ont fourni en moyenne 33 kilo- grammes à l'once, et 1.000 onces d'une autre variété ont donné 38 kilo- grammes, preuves incontestables de la puissance de la méthode nouvelle. Chaque jour aussi cette méthode mieux comprise apparaît plus facile dans son application, plus certaine clans ses résultats. Cette Note a pour but de préciser les conditions nécessaires et suffisantes pour en assurer le succès. Ces conditions sont au nombre de trois : 1" Dans la confection de la graine cellulaire, se borner à examiner chaque papillon femelle sans s'inquiéter des mâles; 2° Choisir pour faire cette graine cellulaire des lots qui ne soient pas trop corpusculeux : 3° Élever cette graine cellulaire depuis l'éclosion jusqu'à la montée, sans contact immédiat avec une graine infectée. I. Examen des femelles seules, non des mâles. — Les expériences de MM. de Rodez et Bellotti sur l'inutilité de l'examen des mâles ont été confir- mées par la pratique industrielle. En 1870. M. Pasteur fit élever sous ses yeux à Villa Vicentina (Frioul autrichien), dans des conditions convenables, plusieurs onces de graine cellulaire obtenue par l'examen des femelles seules : les chambrées donnèrent à peine 2 ou 3 papillons corpusculeux sur 100 : une partie de la graine cellu- laire qu'on en retira, avec examen des femelles seules, fut élevée, en 1871, à Clermont-Ferrand et aux environs d'Alais : or, toutes les chambrées qui furent assujetties à de certaines conditions d'éducation furent assez peu corpusculeuses pour pouvoir être soumises à un grainage industriel. Pour ce qui est de la pureté des femelles, on en connaît l'importance pour la pureté de la graine et des vers : mais ce qu'on ne sait pas assez, c'est qu il suffit de laisser passer dans un grainage une proportion tout à fait minime de pontes de femelles corpusculeuses pour que la graine soit exposée à ne pou- voir servir à une chambrée de reproduction. En 1870, par exemple, à côté des graines cellulaires élevés à Villa Vicentina, M. Pasteur fit élever çà et là 100 onces de graines industrielles (') dont plusieurs provenaient de papillons corpusculeux à 1 ou 2 pour 100 au maximum : eh bien, il nous fut impossible de trouver une seule de ces chambrées infectée à moins de 30 pour 100, bien que la plupart aient réuni toutes les conditions d'éducation désirables. II. Du degré d'infection des cocons destinés au grainage cellulaire. — L'attention des sériciculteurs doit se porter sérieusement sur 1 utilité de choisir, dans la confection de la graine cellulaire destinée aux chambrées de 1. Voir, p. 647-650 du présent volume : Rapport adressé à l'Académie sur les résultais des ■itions pratiques de vers à soie, effectuées au moyen de graines préparées par les pro- éa de sélection. [Note de l'Edition.) 652 ŒUVRES DE PASTEUR reproduction, des cocons dont le degré d'infection ne soit pas trop grand, ne dépasse pas, par exemple, 10 à 15 pour 100. En effet, un grainage cellulaire confectionne en grand, on le conçoit facilement et l'expérience achève de le démontrer, comporte des causes d'erreur à peu près inévitables : dans le cours du grainage, il arrive quelque- fois que deux femelles, après avoir pondu tout ou partie de leurs œufs, passent d'une toile à une antre toile accidentellement trop rapprochée : si l'une de ces femelles est corpusculeuse, l'autre exempte de corpuscules, on sera amené dans l'examen microscopique à rejeter la bonne ponte et à conserver la mauvaise; dans l'examen microscopique des femelles, pour peu qu'il se prolonge, il est difficile d'éviter des distractions dont la conséquence peut être de laisser tomber parmi les bonnes toiles examinées quelque toile corpusculeuse; quelquefois aussi, faute d'une suffisante attention, on laisse passer inaperçus les corpuscules dans l'examen de certains papillons. Nous admettons volontiers que ces erreurs sont toujours peu nombreuses par rapport au nombre total des papillons corpusculeux du lot soumis à l'examen ; mais on conçoit facilement que, si elles sont négligeables dans un lot qui n'a que 2 ou 3 papillons corpusculeux sur 100, elles peuvent, pour un lot corpusculeux à 30, 40, 50 pour 100, introduire, dans la graine cellulaire examinée, 3 ou 4 pontes corpusculeuses sur 1.000, ou même plus, proportion suffisante pour que les papillons issus de cette graine puissent être corpus- culeux à 15 ou 20 pour 100 ou plus encore. L'expérience a vérifié ces prévisions. En 1871, M. de Lachadenède, président du Comice agricole d'Alais, éleva parallèlement, au Tempéras, près d'Alais, deux lots de graine cellulaire. l'un provenant de papillons infectés à 40 pour 100, l'autre issu de papillons corpusculeux à 8 pour 100 ; les résultats de ces deux chambrées furent tics différents au point de vue du grainage ; les papillons de la première furent corpusculeux dans la proportion de 20 pour 100: ceux de la seconde dans la proportion de 6 à 8 pour 100. A Servas, près d'Alais, une graine cellulaire issue de papillons corpus- culeux à 2 pour 100 ne s'infecta pas à 1 pour 100, à côté d'une autre graine d'un lot corpusculeux à 8 pour 100, qui présenta 3 papillons corpusculeux sur 100. Enfin, au Pont-Gisquet, M. Raulin fit élever parallèlement deux sortes de graines cellulaires : l'une faite avec soin, issue d'un lot à 2 pour 100 de papillons corpusculeux et qui fournit une récolte corpusculeuse à 2 pour 100 seulement; l'autre, née de papillons corpusculeux à 20 pour 100, laite avec moins de précaution que la première, de laquelle sortirent des papillons corpusculeux dans la proportion de 60 pour 100. III. Isolement de la chambrée. — M. Pasteur a insisté dans ses divers Mémoires sur la nécessité d'isoler une chambrée destinée à la reproduction : que faut-il entendre au juste par cet isolement? L'expérience va nous l'apprendre. I.a graine cellulaire que M. Pasteur fit élever en 1870, à Villa Vieentina, était entourée d'éducations plus ou moins corpusculeuses, 100 onces au total, répandues çà et là dans un rayon de 1 kilomètre: bien plus, dans le même bâtiment où il élevait cette graine cellulaire, étaient élevées des ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIF. 653 graines corpusculeuses pour expériences diverses : de temps en temps des visiteurs qui avaient été en COntacl avec de mauvais vers venaient voir les chambrées de graines cellulaires. .Mais dans ces chambrées on eut soin de proscrire absolument tout lot corpusculeux, et les magnanières qui les soi- gnaient n'élevaient aucune autre graine douteuse : or, les papillons de ces chambrées lurent purs de corpuscules à moins de 2 ou 'A pour 100. Voici un autre exemple plus frappant encore : au Pont-Gisquet, pus d'Alais, qui passe pour un des pays les plus infectés, M. Raulin a obtenu, en 1871, d'une chambrée composée uniquement de graines pures, une récolte dont les papillons étaient purs à 2 pour 100 prés : cl pourtant, dans une magnanerie voisine du même bâtiment, on élevait une once de graine un peu corpusculeuse, et sur une montagne dominant le Pont-Gisquet, à 200 mètres de distance, était une chambrée de 12 onces, d'une graine détestable, dont tous les producteurs sans exception étaient corpusculeux. D'autre part, une once de la graine cellulaire précédente, élevée au Pont-Gisquet, dans une même magnanerie, à coté d'une autre graine à peine corpusculeuse, produisit des papillons corpusculeux à raison de 25 pour 100. Dans une ferme isolée des environs d'Alais, 6 onces d'une graine très pure, élevée sans aucun mélange, produisirent des papillons infectés à 35 pour 100, par cette seule circonstance que cette graine avait été mise à colore avec des graines corpusculeuses et était restée avec celles-ci dans le même local pendant trois ou quatre jours après l'éclosion. Si donc vous élevez de la graine parfaitement pure dans une magnanerie d'où vous proscrirez toute graine de nature douteuse, très rigoureusement et dès l'éclosion, si vous la faites soigner par une magnanière qui ne soio-ne pas en même temps des graines corpusculeuses, de façon qu'il n'y ait pas entre votre éducation et une autre éducation corpusculeuse de contact immédiat et prolongé, tenez pour certain que, même dans le pays réputé pour être le plus infecté, au milieu d'éducations nombreuses et mauvaises, vous n'aurez pas plus de 4 ou 5 papillons corpusculeux sur 100 : en d'autres termes, vous récolterez des cocons bons pour graine industrielle au point de vue de la pébrine. En résumé : Pour que la graine cellulaire puisse fournir des cocons bons pour graine industrielle au point de vue de la pébrine, c'est-à-dire des papillons corpusculeux à moins de 7 à 8 pour 100, il est nécessaire et il suffit que les femelles productrices de cette graine aient été examinées avec soin, abstraction faite des maies : que le lot qui la fournit ne soit pas corpusculeux à un trop haut degré, par exemple au delà de 10 ou 15 pour 100: qu'enfin cette graine soit élevée dans une magnanerie d'où l'on proscrira absolument toute graine corpusculeuse dès l'éclosion, et par les soins de personnes qui ne soient jamais en contact avec de mauvais vers. Quand nous parlons de conditions nécessaires et suffisantes, nous ne donnons pas à ces mots le sens précis qu'on leur attribue dans les sciences mathématiques : nous n'avons pas la prétention de renfermer un phénomène physiologique dans des formules exactes. Par exemple, nous avons vu de la graine légèrement impure donner dans certains cas des cocons bons [jour graine industrielle : pourquoi cette excep- tion .' Parce que l'abandon des derniers œufs éclos, un grand espace donné 654 ŒUVRES DE PASTEUR aux vers pendant l'éducation, le soin qu'on prenait de laisser dans les litières les vers en retard, ou encore une mortalité accidentelle, avaient produit une sélection naturelle des bons et des mauvais vers. En partant de lots extrêmement corpusculeux, on a pu obtenir, par le procédé cellulaire, de la graine parfaitement pure, en évitant par des soins très grands les erreurs de grainage, comme aussi en partant de lots presque purs on peut, faute de précaution, faire de mauvaise graine cellulaire. Ces exceptions, et d'autres encore, ne sont que des cas particuliers, relativement rares, qui confirment, au lieu d'y porter atteinte, la théorie générale, et dont l'observation attentive des faits rend facilement compte. Les conditions dont nous venons de parler ne sont pas nouvelles; elles découlent directement des expériences fondamentales qui constituent la théorie de M. Pasteur: mais il est un fait digne de remarque : depuis que le procédé Pasteur s'est répandu dans les pays séricicoles, l'oubli des précau- tions indiquées plus haut, l'observation inexacte de certains faits qui se sont produits dans l'application, de ce procédé, ont donné lieu à des inductions fausses, ou au moins fort exagérées, contraires aux principes précé- dents. Dans la pratique industrielle, il arrive trop souvent que des éducateurs réservent pour chambrées de reproduction des graines cellulaires provenant de lots très corpusculeux, ou encore des graines mal faites, qui n'ont de cellulaire que la forme extérieure du procédé décrit par M. Pasteur, ou même des graines non cellulaires que l'on croit pures, sur la foi d'un échantillon plus ou moins bien observé. On pose donc en réalité à l'incubation des graines un peu impures. D'autre part, il est bien difficile, surtout dans les pays de grande culture, de vaincre la routine des fermiers, qui mettent toujours à éclore ensemble et maintiennent ensemble, pendant les jours qui suivent l'éclosion, diverses sortes de graines plus ou moins impures. Ce sont là deux causes d'erreur qui font échouer, au point de vue du grainage, la plupart des chambrées de reproduction. C'est ainsi que nous expliquons comment un éducateur du midi de la France fut obligé, en 1870, d'envoyer à la filature 85 petites chambrées sur 100, chambrées placées d'ailleurs dans d'excellentes conditions, et qu'il destinait au grainage. Lorsqu'ils voient se produire de pareils faits, les éducateurs, admettant sans hésiter que la graine était parfaitement pure, qu'elle a été élevée dans un local séparé de toute chambrée infectée, cherchent fort loin la cause de tant d'échecs : Les uns, ayant rejeté les mâles dans le grainage cellulaire, attribuent les corpuscules de la graine aux corpuscules des mâles, ou bien (s'ils ont examiné ces derniers) à des germes de corpuscules des femelles qui échappent au microscope. D'autres comparent pendant plusieurs années successives les résultats de deux sortes de graines reproduites à chaque éducation par le procédé cellulaire; mais, parce qu'ils sont partis primitivement de deux lots très inégalement corpusculeux, l'une des deux graines se maintient plus pure que l'autre : ils n'hésitent pas dès lors à attribuer cette inégalité à une influence de race ou d'acclimatation. Enfin d'autres sériciculteurs distribuent leur graine cellulaire dans des ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 655 régions de petite culture et n aujourd'hui; ce procédé serait depuis longtemps tombé devant les attaques nombreuses et vives dont il a été l'objet au moment où je l'ai publie. Bien au contraire, il se propage de plus en plus dans toutes les contrées séricicoles de l'Europe, et le nombre des microscopes pour l'appliquer est si grand, que les constructeurs de cet instrument ne peuvent suffire aux demandes qui leur sont faites. Je crains même que cet empressement dans le progrès ne dépasse souvent la mesure, et (pie beaucoup de personnes ne livrent, sous le nom de graines cellulaires, des graines qui pourraient bien n'en avoir que le nom; mais c'est là encore un hommage indirect à I excel- lence du procédé, 1. Voir, p. 511-523 du présent volume, le Rapport de 1867. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA .MALADIE DES VERS A SOIE 671 RAPPORT FAIT, AU NOM DE LA SECTION DES CULTURES SPÉCIALES, PAR M. PASTEUR, SUR LES TRAVAUX DE SÉRICICULTURE DE MM. BERGIS, XAGEL, CORDIER-LAMOTTE ET RAULIN (i) Messieurs, La Société a renvoyé à l'examen de sa Section des cultures spéciales trois séries de travaux de sériciculture, présentés par M. Léonce Bergis, président de la Société d'horticulture et d'acclimatation de Tarn-et-Garonne Nagel, directeur de la magnanerie de Châlons-sur-Marne, et Jules Raulin, sous-directeur du laboratoire de. chimie physiologique établi à l'École nor- male supérieure. Votre Section des cultures spéciales propose de décerner à MM. Naoel et Cordier-Lamotte collectivement, et à M. Bergis, une médaille d'argent et à M. Raulin la médaille d'or à l'effigie d'Olivier de Serres. Yoiei les princi- paux motifs de sa décision. M. Nagel, ancien élève de la magnanerie expérimentale fondée par M. Camille Bramais e1 ancien directeur de la magnanerie de Chenoneeaux, a le mérite d'avoir créé, à Chàlons-sur-Marne, une magnanerie en vue de la production de la graine et un enseignement séricicole qui pourra rendre (I utiles services au département de la Marne, quoique votre Section ne partage pas les opinions de M. Nagel sur l'excellence du climat de cette région pour la culture du mûrier. La Section eroit de son devoir de mentionner à côté du nom de M. Nagel celui de M. Cordier-Lamotte, qui l'a aidé de sa fortune et de ses conseils, et de remercier également la Société d'agriculture de Chàlons-sur-Marne pour la part très intelligente qu'elle a prise à la fondation de l'établissement dirigé par M. Nagel. Tout en accordant à M. Nagel son approbation pour les efforts qu'il a tentes et les résultats qu'il a déjà obtenus, tout en s'associant dans une certaine mesure aux éloges que nos confrères, MM. Guérin-Méneville et C.avot, ont présentes dans des Rapports très favorables sur l'établissement de Châlons-sur-Marne, votre Section des cultures spéciales regrette que M. Nagel n'ait pas introduit dans sa magnanerie les pratiques qui résultent des progrès récents que la sériciculture a si utilement empruntés à divers travaux scientifiques, progrès qui se fondent tous sur l'emploi du microscope. I)ti moins, dans aucun des documents soumis à notre examen, il n'est parle de I usage de cet instrument, qui est cependant devenu indispensable à la confection de la bonne graine de vers à soie. Nous n'avons pas à exprimer le même regrel en ce qui concerne le tra- vail de M. Léonce Bergis, qui repose, au contraire, tout entier sur les résul- tats des recherches scientifiques de ces dernières années et qui les applique avec l'intelligence des conditions dans lesquelles celte application peut con- duire au succès. 1. Mémoires de la Socièt* e d'agriculture de ! , année 1873, p. 99-103 672 ŒUVRES DE PASTEUR La Société d'horticulture et d'acclimatation de Tarn-et-Garonne, dont M. Bergis parait être l'interprète dans le Mémoire qu'il a soumis à la Société, a étudié la maladie du ver à soie depuis 1861 ('). M. Bergis, après avoir fait l'historique des efforts et des insuccès de la Société, malgré le soin qu'elle mettait à suivre les procédés empiriques les plus perfectionnés, fait très bien comprendre de quelle lumière elle a aussitôt éclairé ses travaux, dès qu'elle eut connaissance des services que le microscope pouvait lui rendre. A partir de ce moment, sa marche a cessé d'être incertaine, et ses succès, comme ses écln-cs, n'ont plus été l'œuvre du hasard. C'est toujours le service que les principes scientifiques démontrés rendent à l'industrie. On ne donne aux éducateurs que des conseils stériles quand on leur recommande les méthodes hygiéniques et les sélections arbitraires. Quels sont les traités de sériciculture qui ne les proclament a l'envi? Quel est l'éducateur qui ne s'efforce de les suivre, s'il connaît tant soit peu l'art d'élever les vers à soie ? Que peut l'hygiène contre les maladies héréditaires et contagieuses ? Que peuvent les sélections, sans principes déterminés, contre des maladies qui permettent d'obtenir des récoltes splendides, des reproductions de la plus belle apparence, mais qui fournissent tout aussitôt des graines infectées d'un parasite microscopique, dont la présence et le développement ne se manifes- tent d'une manière désastreuse (pie dans l'éducation de l'année suivante.' Combien de fois ce triste résultat n'a-t-il pas été constaté par les sérici- culteurs les plus habiles, tant que le microscope, et le microscope appliqué a l'examex des hepiîoducteuks, a fait défaut! C'est l'honneur de la science d'avoir donné à la sériciculture cet immense et très pratique progrès. C'est elle qui, par une observation des plus faciles, que les femmes et les enfants exécutent aujourd'hui avec une sûreté presque parfaite, a permis de dire aux éducateurs en présence d'une chambrée admirablement réussie : Oui, vos VERS ÉTAIENT SUPERBES, LA MORTALITE A ÉTÉ XULLE; VOS PAPILLOXS SOXT AUSSI BEAUX QUE VOUS PUISSIEZ LES DESIRER; VOTRE RÉCOLTE VOUS A DONNÉ UN RENDEMENT INESPÉRÉ. Eh BIEN"! SI VOUS AVEZ LE MALHEUR DE VOUS EX SERVIR POUR FAIRE DE LA GRAINE, VOUS ÉCHOUEREZ DE LA MANIERE LA PLUS ARSOLUE, VOUS ET TOUS CEUX QUI ÉLÈVERONT CETTE GRAINE, QUELS QUE SOIENT LES SOIXS HYGIÉNIQUES AUX- QUELS vous pourrez avoir uecours. Non seulement M. Bergis et la Société de Tarn-et-Garonne sont imbus de ces principes, parce qu'ils les connais- sent pour les avoir pris avec intelligence là où ils sont établis, mais, en outre, ils en ont reconnu, à leur tour, l'exactitude par des expériences suivies pen- dant plusieurs années, comme le Mémoire de M. Bergis en témoigne, en donnant ainsi l'exemple si louable d'une conviction raisonnée. Les Mémoires que M. Baulin présente à la Société ont une importance considérable, et votre Section n'eût pas hésité à vous proposer de décerner à leur auteur la grande médaille d'or, si elle n'avait voulu permettre à M. Raulin de confirmer ses résultats par de nouvelles expériences; non qu'elle doute de leur exactitude, mais parce qu'elle estime que le temps doit intervenir dans le jugement à porter sur les grands progrès agricoles. Votre Section se réserve le droit de revenir plus tard sur les faits établis 1. Ce Mémoire est seulement annoncé dans le Bulletin de la Société centrale d'agricul- ture de France, 3' sér., VIII, 1872-1873, p. 112-113. (Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIK 673 par M. Raulin, d'en mieux marquer l'importance el de vons proposer une plus haute récompense, quand M. Raulin aura pu réunir, comme il le désire, a l'appui des faits qu'il énonce, un plus grand nombre de preuves décisives. Dans une Noie intitulée : Des éducations de vers à suie en vue du grai- nage l), M. Raulin décrit un mode d'éducation propre à donner sûrement, dans un pays quelconque, et avec une seule éducation, des cocons bons pour le grainage. On commence par l'aire de la graine cellulaire en suivant les précautions déterminées dans un précédent Mémoire publié par MM. Pasteur et Raulin (-). On élève cette graine dans des conditions hygiéniques conve- nables : on l'élève par pontes isolées, en éliminant pendant l'éducation les pontes qui présentent quelques cas de flaeherie ou quelque autre défaut. On est certain d'obtenir ainsi un grand nombre de pontes excellentes pour le grainage au point de vue de la flaeherie et donnant une très minime propor- tion de papillons corpusculeux. Ce mode d'éducation, réalisé depuis 1871 par M. Raulin (3), au Pont- Gisquet, près d'Alais, sur une assez grande échelle, a donné jusqu'ici de bons résultats. Dans une autre Note (*), M. Raulin met en évidence une influence propre et considérable de la saison sur la flaeherie: l'effet de cette influence est tel que des vers à soie, élevés convenablement au printemps, donnent une récolte complète de cocons, tandis que les vers de la même graine, élevés en juin et en juillet, périssent de la flaeherie vers la deuxième ou la troisième mue, et donnent de nouveau une récolte complète vers les mois d'août et de septembre. Pour ce seul fait, d'une si grande valeur scientifique et pratique, votre Section aurait accordé à M. Raulin la récompense qu'elle vous demande de lui décerner. Les conclusions de la Section proposent d'accorder : 1° Une médaille d'argent à M. Léonce Bergis : 2° Une médaille d'argent à MM. Nagel et Cordier-Lamotte, collective- ment : 3° Une médaille d'or, à l'effigie d'Olivier de Serres, à M. Raulin. D 1. Raulin (J.). Mémoire sur tes éducations de vers à soie eu vue du grainage. Bulletin de la Société centrale d'agriculture de France, KX.XIII, 1873, p. 388-302. 2. Voir, p. 656-663 du présent volume : Note sur la flaeherie. 3. Raci-in I.I. ' diservations sur la pébrine. Méthode pour étudier cette maladie. In. : Actes .•I Mcmi.iivs .lu ',' Ouvres séricirole international tenuà Montpellier du 26 au 30 octobre 1874. Montpellier, 1875, p 252-269. 4. Railin i.I.i. De l'influence propre de la saison sur le phénomène de la flaeherie. Ibid., p. 212-231. Voir aussi Rulin I.I.i. Sur la maladie des vers à soie. Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences. LXXVI. 1873, p. 'i71-473 |1 dg.). [Notes de l'Édition.) ftTUDES SUK LA MALADIE DES VERS A SOIE. 671 ŒUVRES DE PASTEUR [A PROPOS D'UNE NOTE DE M. GUÉRIN-MÉNEVILLE] (i) Paris, le 21 mars 1873. Monsieur le Directeur, Vous avez inséré, dans un de vos derniers numéros, une Note de M. Guérin-Méneville (-) sur la prétendue inutilité de l'application de mon procédé de confection de la graine saine des vers à soie dans nos départe- ments séricicoles. Cette Note, qui ne s'appuie que sur quelques faits très mal observés, relative à des graines que M. Guérin-Méneville a fait faire et élever par d'autres, a provoqué la surprise et les protestations les plus vives de la part d'une foule de sériciculteurs. Permettez-moi de vous prier d'insérer une de ces protestations qui m'a été adressée par M. Raulin, bien connu par des publications séricicoles remarquables. Je partage toutes les opinions, [et je m'associe à toutes les critiques si judicieuses de M. Raulin. Veuillez agréer, etc. L. Pasteur. LETTRES A M. DESEILLIGNY, MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE Paris, le 20 décembre 1873. Monsieur le Ministre (3), Dans la séance de l'Assemblée nationale du mardi 16 décembre courant, à l'occasion de la discussion du budget de votre ministère, M. Destremx a appelé l'attention du Gouvernement sur la situation de l'industrie séri- cicole (4). Mon nom et mes travaux ayant été cités, à diverses reprises, par l'honorable député de l'Ardèche, permettez-moi de vous soumettre quelques observations au sujet des vues et des opinions qu'il a présentées. C'est un devoir pour moi de remercier, tout d'abord, l'honorable député d un département dont l'industrie de la soie est la principale richesse, des sentiments de reconnaissance qu'il m'adresse « pour le grand service que j'ai rendu à la sériciculture, en découvrant le moyen pratique de faire de la graine saine de vers à soie par la connaissance des papillons pondeurs sains et par la séparation de ceux-ei d'avec ceux qui sont malades » ; mais, tout en rendant hommage au résultat pratique de mes travaux, tout en affirmant que le dernier espoir de la sériciculture est dans les éducations de graines cellu- 1. Journal d'agriculture pratique, 1873,1, p. 453-455. 2. Guérin-Méneville. Sériciculture. Ibid., p. 332-338. 3. Journal officiel, V« année, n° 356, 29 décembre 1873. p. 8197-8198. 4. Ibid., n° 345, 17 décembre 187:!, p. 7854. (Notes de l'Édition.) r» ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 675 laires faites au moyen du microscope, d'après les prescriptions que j'ai l'ait connaître, M. Destremx présente des ombres au tableau. Voici comment il s'exprime : i Les grainages faits par ce système (le système de sélection dont nous venons de parler), ayant été exécutés sur une très grande échelle, ont donné, en 1873, une mauvaise récolte, et cet insuccès a été si général, qu'il ne nous reste plus, aujour- d'hui, des travaux de M. Pasteur, que les éducations cellulaires faites au moyen du microscope, pour obtenir de la graine, ce qui nous permet d'espérer encore une graine saine ; mais, malheureusement, on ne peut en produire que de très petites quantités, et c'est là-dessus que j'appellerai la sollicitude de M. le ministre, en lui demandant s'il ne serait pas possible de faire confectionner par des hommes spéciaux ces graines que l'industrie ne peut pas nous fournir, à cause des soins minutieux qu'elles réclament, dans les stations séricicoles, et notamment dans la nouvelle école régionale d'agriculture qui a été établie à Montpellier. C'est là, je le répète, le dernier espoir de la sériciculture, car les graines apportées du Japon ne donnent, même en vieillissant, que des récoltes peu rémunératrices. » Ainsi donc, d'après M. Destremx, il reste de mes travaux le moyen de faire de la graine saine. Eh bien, je ferai observer, tout d'abord, que je n'ai jamais eu d'autre prétention que d'avoir trouvé un procédé de confection de la graine saine des vers à soie, et qu'en conséquence, si ce procédé est définitivement acquis à l'industrie, mes travaux conservent toute leur valeur. Mais, prétend M. Destremx, mon procédé ne serait applicable que sur une très petite échelle, et, ayant été appliqué très en grand pour 1873, il a amené une mauvaise récolte des graines indigènes. Il est impossible d'accepter sans réserve ces deux propositions. Il est de notoriété publique dans tout le midi de la France, en Italie, en Autriche, que mon procédé est tout aussi bon, tout aussi applicable en grand qu'en petit, à la condition d'être pratiqué rigoureusement. Mais le raisonnement de M. Destremx pèche surtout quand il conclut, des insuccès des graines indigènes en 1873, contre l'application en grand de mon procédé. Je le répète, ce procédé, bien suivi, donne de la graine saine, mais il ne saurait la mettre à l'abri de toutes les conditions défavorables des éducations. Or, l'année 1873 et même l'année 1872 ont eu des intempéries atmosphé- riques toujours fatales à la santé des vers à soie, quelle que soit la qualité de la graine. N est-ce pas, en effet, en 1873, qu'à la fin d'avril sont survenues des gelées tardives désastreuses pour la feuille du mûrier comme pour la vigne? Le mois de mai et le commencement de juin ont été, à diverses reprises, froids, humilies et pluvieux. Lorsque des conditions atmosphé- riques semblables se présentaient avant qu'il ne fût question du fléau, c'est-à-dire au temps de la prospérité de la sériciculture, l'insuccès des récoltes était tout aussi général qu'il a pu l'être en 1873. Je prends le compte rendu officiel de la récolte d'une année qui a précédé de six ans la maladie, l'année 1843, et je lis : « Une circonstance fâcheuse a exercé son influence sur les éducations de cette année. Je veux parler de la gelée du mois d'avril, qui a été si funeste, non seulement au mûrier et à la vigne, mais à la plupart des arbres fruitiers... Les gelées ont été suivies de pluies continuelles, de grêle et de brouillard.... Dans le département de 676 ŒUVRES DE PASTEUR l'Isère, beaucoup de propriétaires ont renoncé à faire des éducations. Le départe- ment de la Drôrae a été particulièrement maltraité... La perte que ce département a éprouvée est au moins des deux tiers d'une récolte ordinaire, c'est-à-dire d'environ 10 à 12 millions (J). » Une circonstance qui prouve bien que l'année 1873 a eu un climat défavo- rable aux éducations, c'est le faible rendement moyen des graines japonaises si robustes d'ordinaire, rendement que M. Destremx fixe à la moitié de celui d'une récolte normale, d'après les statistiques de M. Jeanjean, de Saint- Hippolyte-du-Gard. M. Destremx invoque l'autorité, si compétente en effet, de M. Jeanjean. Je ferai de même. Or, voici ce que tilt cet éminent sériciculteur clans son Rapport de 1873(2), cité par M. Destremx: il s'agit de graines indigènes faites d'après mon procédé. « Dans le Gard, certains éducateurs ont obtenu cependant de belles récoltes, et nous avons été nous-même témoin de magnifiques succès donnés par les graines de MM. Darbousse, de Cruviès-Lascour ; Perrier, de Saint-Hippolvte ; Beau, de Sumène; docteur Boyer, de Villauban (Var), etc., etc. «A Alais, les graines cellulaires de MM. de Lachadenède, Jourdan, Fraissinet, docteur Pages, père Raphaël, ont bien marché. De même dans l'Ardèche, l'Hérault, les Pyrénées-Orientales, le Var, quelques producteurs consciencieux et habiles ont fourni, en ayant recours à la sélection microscopique, des graines qui ont donné des rendements quelquefois extraordinaires. » Voilà où on arrive souvent par l'application bien faite de mon procédé, « même dans des années mauvaises ». Je tiens à relever encore quelques assertions de M. Destremx. Il dit que M. Pasteur n'ayant pas trouve de remède au fléau, la maladie subsiste toujours. Beaucoup de propriétaires du Midi ne seraient pas lâches qu'on leur découvrit une poudre a 1 aide de laquelle on guérirait des vers malades. Entendons-nous bien. L expression de remède a deux sens distincts qui sont confondus dans l'exposition de M. Destremx. On dit remède préventif ou remède curatif. Je n'ai pas cherché, et, par conséquent, pas trouvé de remède curatif au fléau, mais, ce qui vaut mieux à beaucoup d'égards, j'ai trouve un remède préventif. M. Destremx commet encore une confusion du même ordre, lorsqu'il parle de la cause de la maladie que, suivant lui, je n'ai pas découverte. Sans doute, je n'ai cherché ni trouvé la cause générale qui a pu provoquer l'éclo- sicm de la maladie à partir de 1849, mais j'ai cherche et si bien découvert la cause immédiate de la maladie, ou mieux tics deux maladies régnantes, que je puis, à volonté, les communiquer à des vers sains ou les prévenir, mais toujours dans la graine que je produis saine. Que les vers, une fois nés, souf- frent des conséquences du froid, ou de la pluie, ou de l'inintelligence des éleveurs, ou de ce que la conservation de la graine s'est faite dans un hiver trop doux, ou de ee que clés graineurs peu consciencieux appellent graine 1. Boui.lknûis (F. de). Compte rendu des travaux de l'année. Annales de la Société séri- ricole, VII, 184:!, p. 7-32. 2. Jeanjean. Revue séricicole. Messager agricole du Midi. XTV, 1873, p. 173-177. [Xotes de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 677 Pasteur une graine mal faite par mon procédé, el qui, même souvent, de ce procédé n a que le nom, je n'y puis rien. Puisque M. Destremx reconnaîl à M. Jeaniean, et cria très lésritime- ment, une grande autorité dans toutes les questions séricicoles, je donnerai, à mon tour, I opinion de ce sériciculteur dans son Rapport pour l'année I S72 f) : « Le Gouvernement, les Conseils généraux, les Comices agricoles doivent donc faciliter et encourager par tous les moyens la propagation du procédé de grainage de M. Pasteur. Nous indiquerons, parmi ces moyens, la publication d'une édition populaire et à bon marché de l'Ouvrage du savant académicien, la distribution de bons microscopes aux Sociétés d'agriculture dont les membres voudront entre- prendre des études sérieuses sur la maladie des vers à soie; enfin, l'établissement de stations séricicoles, conformément au vœu émis récemment par la Société des agriculteurs de France. En attendant la réalisation complète de ce vœu, les sérici- culteurs du Midi ont accueilli avec satisfaction et reconnaissance la création d'une école d'agriculture à Montpellier, où pourront se faire des éducations expéri- mentales de vers à soie et des observations microscopiques, qui serviront à répandre dans les pays séricicoles la connaissance des bonnes méthodes d'éducation et de grainage (-). » Je partage complètement lavis de cet éminent sériciculteur. Voilà des paroles que j'aurais aimé entendre retentir à la tribune de l'Assemblée nationale. L'honorable M. Leurent, cité par M. Destremx, était également dans la vérité, lorsque, l'an dernier, il disait à l'Assemblée que le fléau qui sévit sur la sériciculture ne doit plus inquiéter, parce qu'on a le moyen de le dompter. Dans 1 intérêt même des populations que M. Destremx désirait servir, j'ai vivement regretté que l'honorable député ait jeté de la défaveur sur un pro- cédé (ju il invoquait en même temps comme le seul espoir de la sériciculture. Il y a un moyen sûr d'évaluer à leur véritable prix les services rendus, moyen qu'on devrait bien appliquer plus souvent dans notre chère patrie; c es1 de les estimer, ces services, au prix qu'on leur aurait accordé quand on était prive île leur bienfait. M. Destremx a un bon exemple sous les veux. II a parlé du parasite terrible qui étend de plus en plus ses ravages dans nos riches contrées vinicoles, et contre lequel tout procède curatif ou préventif il une application générale a été impuissant. Or, je suppose qu'on vienne dire aux propriétaires de vignes du midi de la France : « On vient de trouver un procédé pour combattre \& phylloxéra qui est l'équivalent, dans ses résultats, de celui que M. Pasteur a découvert pour prévenir sûrement la pébrine et la flacherie héréditaires des vers à soie ». A combien de millions, je le demande a M. Destremx. ne porterait-on pas la valeur matérielle de ce procédé? \ euillez aeréer, etc. L. Pasteur, membre 'le l'Académie des sciences. I.'Jbanjeax. La sériciculture en lS7i. Messager agricole du Midi, XIII, 1872, p. 219-221. [Note de l'Édition.) 2. On remarquera que M. Jeanjean ne demande pas du tout que les stations séricicoles fassent de la graine cellulaire pour le public. Elles devraient faire ce qu'il indique si bien et poursuivre des recherches de la nature de celles que les professeurs de l'Université, adjoints à la mission que m'avait confiée le Gouvernement, MM. Dticlaux. Haulin, Maillot, ont entre- prises depuis avec tant de succès. iSote de Pasteur i 678 ŒUVRES DE PASTEUR /'. .S', f1). Depuis le jour où j'ai eu l'honneur d'adresser à M. le ministre de l'Agriculture la lettre qui précède, j'ai reçu de M. de Lachadenède, pré- sident du Comice agricole d'Alais (Gard), une lettre dont j'extrais les pas- sades suivants : O Alais, le 23 décembre 1873. « Je voudrais que tous vos contradicteurs vinssent passer quelques semaines à Alais pendant la récolte. En visitant les magnaneries et en se renseignant, ils seraient bien vite convaincus de l'absurdité de leurs théories. Ils seraient obligés de recon- naître qu'en effet le salut de la sériciculture est dans l'application rigoureuse de votre procédé de Drainage. U est de fait que les graines cellulaires sont les seules aujourd'hui que l'on accepte avec confiance. Aussi le nombre de personnes qui font de la "raine cellulaire est-il considérable. Je ne saurais vous les citer toutes. Voici seulement celles dont j'ai visité le grainage et qui, à mon avis, ont dû produire de bonnes graines. « Les docteurs Pages, Roch et Fabre ont produit une centaine d'onces ; les frères du père Raphaël, environ 5.000 onces; Sabatier, mon jardinier, 150 onces; Pauline, 130 onces ; une autre de mes ouvrières, 200 onces. Quant à moi, j'ai obtenu cette année 300 onces. J'ai vu tous ces grainages, je puis donc en parler sciemment. Aussi n'en citerai-je pas d'autres, qui ont donné certainement, à eux tous, plus de graine que la quantité totale énumérée ci-dessus. A Saint-Ambroix, à Vézénobres, à Anduze, à Bessèges, à la Grand'Combe, on a aussi confectionné beaucoup de graines cellulaires... « Tout cela prouve évidemment que les graines cellulaires jouissent d'une "rande faveur chez nous. Pourquoi en est-il ainsi ? C'est évidemment que les édu- cateurs sont convaincus qu'il est plus profitable d'élever des graines cellulaires que des graines ordinaires. « En effet, les graines cellulaires (je parle toujours des graines cellulaires bien faites et non pas des prétendues graines Pasteur) donnent des résultats toujours supérieurs aux autres graines et vraiment surprenants. « En ce moment, je n'ai pas sous la main les rendements de mes graines de 1S72 et 1873, mais je puis vous dire qu'ils ont été des plus satisfaisants dans leur ensemble. « Sans doute, j'ai eu des échecs et même des échecs complets, mais la quantité totale de la o-raine élevée a fourni une quantité de cocons bien supérieure à la moyenne des meilleures graines. « Un autre fait que j'ai maintes fois observé, c'est que, dans une magnanerie où l'on élevait des graines malades, les graines cellulaires résistent beaucoup mieux. Ces graines résistent aussi beaucoup mieux aux intempéries. Aussi, ai-je l'intime conviction que les graines bien faites ne périssent que par la faute de l'éducateur. « Quelles sont donc les conditions d'une bonne éducation :' Je crois impossible de les déterminer, c'est une affaire d'instinct ou plutôt d'intelligence qui consiste à agir selon les circonstances. On peut bien, sans doute, poser des principes généraux, mais on ne peut tout prévoir; il faut voir pour dire ce qu'il convient de faire dans un cas donné. « Quant à la flacherie, je crois qu'elle est toujours le résultat d'une faute com- mise dans la confection de la graine ou durant la conservation de celle-ci et, le plus souvent, pour ne pas dire toujours, pendant l'éducation. Soyez assuré qu'on évite bien difficilement de servir de la feuille fermentée aux vers, ou bien de les préserver 1. Ce post-scriptum se trouve dans le Journal de l'agriculture (1874, I, p. 27-30) qui reproduisit la lettre insérée dans le Journal officiel. Soie de l'Édition.) ÉTUDES Sl'jH IAV MALADIE [DES |VERS [A SOIE 679 d'une variation brusque de température. Ce sont là, à mon avis, les deux causes de Oacherie dans une partie quelconque de la magnanerie. Et une lois le loup introduit dans la bergerie, vous savez les ravages qu'il y cause. » Paris, le 25 janvier L8' ! Monsieur le Ministre (l), M. Destremx, députe'' de l'Ardèche, a répondu dans le Journal 'officie/ du '1\ courant -' aux critiques que j'ai laites, dans ce même journal, des opinions qu'il a présentées devanl I Assemblée nationale, en ce qui concerne la maladie des vers à soie cl le procède que j ai découvert pour prévenir et combattre cette maladie, procédé dont l'application se généralise de plus en plus dans tous les pays séricicoles. Permettez-moi, M. le Ministre, de réfuter à nouveau l'honorable député de l'Ardèche. La lettre de M. Destremx est divisée en deux parties : la première consa- crée à l'exposition de mes travaux: la seconde à leurs résultats pratiques. Ce que M. Destremx dit de mes travaux est loin d'être « clair et précis », malgré l'assertion contraire de l'honorable député; pour moi, je suis obligé de déclarer qu'il règne dans cette partie de sa lettre une grande confusion. Toutefois, je ne m'y arrête pas, parce que la valeur scientifique de mes travaux n'est pas en cause. Il ne s'agit pas de science, de théories, de démonstrations expérimentales. En exposant à mon tour les principes auxquels j'ai été conduit par six années de recherches assidues, préparées par d'autres plus nombreuses encore et de plus longue haleine, j'aurais, je pense, trop facilement raison contre M. Destremx. Laissons donc de côté les cor- puscules et leur nature, les influences morbides et épidémiques. Sur ces divers points, je renvoie M. Destremx à l'Ouvrage bien connu que j'ai publié en 1870. Je vais droit au but, au point vif du débat, à l'application de mon pro- cède et aux résultats pratiques de cette application, en un mot, à la seconde partie de la lettre de M. Destremx. « A la suite de l'application du procédé Pasteur, voici ce qui est arrivé, dit M. Destremx : la première année, on trouvait facilement des papillons exempts de corpuscules pour produire la graine ; mais chaque année, sous l'influence de l'épi- démie qui suivait son cours, ce choix devenait plus difficile, et l'on a bientôt été obligé de tolérer 1, 2, 5 et jusqu'à 20 pour 100 de corpuscules. » Ce qu'affirme ici M. Destremx est précisément l'inverse de la vérité. Pour rendre exacte de tout point la phrase cjue je viens de citer on devrait dire : la première année on trouvait difficilement des papillons exempts de corpus- cules pour produire la graine; mais chaque année, sous l'influence de l'application du procédé de M. Pasteur, qui suivait son coins, ce choix devint PLUS FACILE, ET l'on NE TOLERE PLUS QUE UN OU DEUX POUR CENT DE CORPUS- CULES, et beaucoup de sériciculteurs même éliminent complètement le para- site. Je ne crois pas que personne dans nos départements séricicoles, eu 1. Cotte lettre a été publiée 'tans le Journal d'agriculture pratique, 1.S74, I, p. 229-332. •J.. Journal officiel, n° 23, 24 janvier 1874, p. 706-707. (Notes de l'Édition.) 680 ŒUVRES DE PASTEUR Italie, en Autriche, ignore aujourd'hui le résultat que j'avance en contradic- tion formelle de l'opinion émise par M. Destremx. « M. Pasteur a cependant fait plus, continue M. Destremx; voyant combien les graines saines avaient de peine à se reproduire saines, il a procédé par accou- plements cellulaires, séparant avec soin chaque couple de papillons, examinant chaque ponte et ne conservant la graine qui en résultait qu'après une minutieuse vérification microscopique. Ce procédé, qui demande des soins infinis, une surveil- lance continue, un travail microscopique constant, un rejet énorme de graine, a donné jusqu'ici les meilleurs résultats; malheureusement il ne peut être pratiqué par le premier venu et ne peut produire qu'une quantité de graine fort limitée et bien insuffisante pour la consommation. « C'est là, comme je le disais, ce qui survit du système de M. Pasteur, et c'est ce qui peut encore sauver la sériciculture, si l'on trouve le moyen de produire de plus grandes quantités de ces graines ou de les faire reproduire saines, en évitant le double écueil des éducations industrielles et de l'influence épidémique. » Voilà qui est clair : d'après M. Destremx, j'ai donne le moyen de fane de la graine saine, et l'application de mon système peut sauver la sériciculture. Sommes-nous donc tout à fait d'accord, M. Destremx et moi. puisque j ai dit dans ma première réponse fpie je n'avais jamais eu d'autre prétention que d'avoir découvert un moyen pratique de faire de la graine saine.' Non, nous ne sommes pas d'accord, parce que M. Destremx fait une réserve qu il exprime en ces termes : le procédé de M. Pasteur demande des soins infinis, une surveillance continue, un travail microscopique constant; il ne peut être pratiqué par le premier venu el ne peut produire qu'une quantité de graine fort limitée et insuffisante pour lu consommation. Mais M. Destremx recon- naît que, quand on parvient à vaincre ces difficultés, le procédé donne les meilleurs résultats. Voyons donc si les difficultés que signale M. Destremx existent réellement et sont insurmontables, et s'il est yrai qu'on ne puisse produire par mon procédé que des quantités de graines fort limitées. Tel est, je le répète, le point vif du débat. Kh bien, postérieurement à la première réponse que j ai faite à M. Des- tremx, j'ai reçu d'un sériciculteur éminent, président du Comice agricole d'Alais, M. de Lachadenède, une lettre dont j'extrais les passages suivants l . - Alais, comme tout le monde sait, est le centre séricieole le plus impor- tant de la France et celui qui passe pour le plus infecté par cette influence morbide et épidémique dont parle M. Destremx. Alais, le 23 décembre 1873. « Je voudrais que tous vos contradicteurs vinssent passer quelques semaines à Alais pendant la récolte. En visitant les magnaneries et en se renseignant, ils seraient bien vite convaincus de l'absurdité de leurs théories. Ils seraient obligés de recon- naître qu'en effet le salut de la sériciculture est dans l'application rigoureuse de votre procédé de grainage. Il est de fait que les graines cellulaires sont les seules qu'on accepte aujourd'hui avec confiance. Aussi le nombre des personnes qui lont de la graine cellulaire est-il considérable. Je ne saurais vous les citer toutes. \ oici 1. Voir le post-scriptum de la lettre qui précède. (Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 681 seulement celles dont j'ai visité les grainages et qui, à mon avis, ont dû produire de bonnes graines. « Les docteurs Pages, Roch et Fabre ont produit une centaine d'onces; les frères du père Raphaël, environ 5.000 onces; Sabatier, mon jardinier, 150 on. . s ; Pauline, 130 onces; une autre de mes ouvrières, 200 onces. Quant à moi, j'ai obtenu cette année 300 onces. J'ai vu tous ces grainages, je puis donc en parler sciemment. Aussi n'en .iterai-je pas d'autres qui ont donné certainement à eux tous plus de graine que la quantité totale énumérée ci-dessus. A Saint-Ambroix, à Vézénobres, à Anduze, à Bessèges, à la Grand'Combe, on a aussi confectionné beaucoup de graines cellulaires... » Cet extrait de la lettre de M. le président du Comice agricole d'Alais résout la question posée tout à l'heure : elle prouve, jusqu'à 1 évidence, que mon procédé de grainage, même de grainage cellulaire, est d'une application facile puisque des hommes du monde, un jardinier, des femmes, de simples magnanières, convenablement dressés par des personnes dévouées, arrivent à confectionner des centaines d'onces de graines, c'est-à-dire cinquante et cent fois plus de graine qu'il n'en faut individuellement à la plupart des édu- cateurs, car l'importance moyenne des éducations dans le Midi ne dépasse certainement pas quatre à cinq onces. Notons, en outre, que toute cette -raine saine, dont parle M. de Lachadencde, a été produite dans le centre le plus séricicole et qui passe pour le plus infecté. Sans doute, je suis le pre- mier a le reconnaître, l'application de mon procédé demande quelque intelli- gence, des soins, de l'ordre, une grande probité chez ceux qui l'appliquent sur une grande échelle; mais tous les procédés industriels ne sont-ils pas soumis à ces exigences.1 Au cours de sa lettre, M. Destremx me fait une proposition dont l'obli- geance affectée mérite une réponse digne du sujet. Il m'offre de mettre à ma disposition les locaux, le matériel et la feuille de mûrier nécessaires pour 100 onces de graine, afin que je puisse faire ou faire faire une expérience en grand de mon système, qui serait en même temps, ajoute-t-il, « rémunéra- trice et concluante ». Je m'empresse de répondre àM. Destremx que j'accepterais immédiate- ment son offre, moins, toutefois, la rémunération par la récolte, si, déjà, cette même expérience n'avait été faite par moi, et n'avait donné lieu à un Rapport adressé, en 1870, par ordre du ministère de l'Agriculture, sur la proposition de l'Académie des sciences, à tous les Comices et à toutes les Sociétés d'agri- culture de France '). Si M. Destremx veut bien se reporter au document que je rappelle et qu'il parait ignorer, il y verra qu'au mois d'octobre 1869, M. le maréchal Vaillant me fit part du désir del'Empereur de soumettre à une grande expérience pratique mon procédé de confection de la semence saine des vers a soie, et que j 'acceptai avec reconnaissance; que la propriété choisie pour cette épreuve fut celle de Villa Vicentina, près Trieste, dans le Frioul autri- chien, propriété privée de l'Empereur, où l'on peut élever précisément 100 onces de graine (pie je me procurai auprès de trois des personnes qui, en 1869, avaient appliqué, en France, mon procédé de grainage (et il s'agis- 1. Voir, p. 647-650 du présent volume : Rapport adressé à l'Académie sur les résultats des éducations pratiques '1.- vers à soie, effectuées au moyen de graines préparées par les procédés de sélection. Xotc l'Édition. 682 ŒUVRES DE PASTEUR sait de graine industrielle de I à 5 pour 100 environ de papillons corpuscu.- leux, et non de graine cellulaire : que ces II M) onces furent distribuées entre les colons de la Villa au aombre de 50, par petits lots de une à trois onces, l'administration s en riant réservé 2o onces pour une grande éducation; que le produit moyen lut de 33 kilogrammes à l'once et le produit en argent 26.940 francs : qu'enfin, dans toutes les années qui avaient précédé, la récolte en soie de la Villa avait été déplorable, suffisant à peine le plus souvent à payer les frais d'achat de la semence, tant la maladie sévissait avec intensité (*). Voilà ce que M. Destremx pourrait savoir s'il s'était tenu au courant de tout ce qui intéresse l'industrie séricicole, qui forme la principale richesse du département qu'il a l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale! M. Destremx parle, en terminant, des efforts que j'aurais encore à faire pour obtenir de mon pays reconnaissance et récompense. J'ai l'honneur d'informer M. le député de l'Ardèche que ces efforts ont été, de ma part, jusqu'à la limite des forces humaines, car j'y ai compromis sans retour ma santé, et que, quant à la grandeur du résultat de ces efforts, L'Empereur avait été tellement frappé de l'épreuve pratique de mon procédé à Villa Vicen- tina, qu'à mon retour en France et pendant la guerre j'appris que mon nom figurait dans la liste de promotions au Sénat du 27 juillet 1870. La récom- pense que m'offre, sous conditions, l'honorable membre de l'Assemblée m'avait été décernée, à mon insu, par le chef de l'Etat, dès l'année 1870. Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'hommage de mon profond respect. L. Pasteuh, membre de l'Institut. P. S. Au moment même où j'écris ces lignes, je reçois de M. Tisserand, inspecteur général de l'Agriculture, une lettre bien faite pour venger la vérité contre cette contradiction superficielle qui est, dans notre cher et malheu- reux pays, comme l'apanage obligé de toutes les découvertes et de tous les services rendus. Que M. Destremx aurait été mieux inspiré s'il eût tenu aux populations séricicoles le même langage que M. Tisserand! Quelle salutaire impulsion il aurait donnée à un procédé qu'il proclame lui-même comme le seul espoir de la sériciculture! Paris, le 24 janvier 1874. Monsieur, Je viens de lire dans le Journal officiel de ce jour une lettre qui m'afllige et qui m'étonne (-). Je ne la discute pas; mais en la lisant je n'ai pu m'empècher de me souvenir du témoignage éclatant qui a été rendu, il y a quelques mois à peine, à vos remarquables découvertes dans une circonstance solennelle. C'était à Vienne ; le jury de l'agriculture de l'Exposition universelle s'était divisé en sections. J'avais eu l'honneur d'être élu président de la section chargée de juger les machines agricoles. 11 avait été décidé que les propositions de prix de chaque section seraient discutées par le jury entier du groupe qui statuerait définitivement sur l'attribution des récompenses. 1. J'ai sous les yeux un relevé de la production annuelle de la Villa, depuis lSiii'.. certifié conforme par l'administrateur, M. Tisserand. Je le tiens à la disposition de M. Destremx. Dans le Rapport académique mentionné ci-dessus, le produit moyen de la Villa a été porté, par erreur, à 30 kilogrammes par once pour 1870. Il a été, en réalité, de 33 kilogrammes. 2. Il s'agit de la lettre de M. Destremx à laquelle je réponds. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 683 Quand le tour de la section ayant à juger les produits et travaux de la séricicul- ture arriva, je fus surpris de ne pas entendre citer votre nom. Vous n'étiez pas exposant : c'était là. sans doute, la cause de l'oubli de la section, mais le ministre de l'Agriculture avait présenté vos résultats dans des tableaux explicatifs. J'obtins la parole; en peu de mots je fis connaître vos éminents services, les découvertes consi- dérables que vous avez laites, l'efficacité de vos procédés pour faire disparaître la pébrine. Je n'eus pas besoin de m'étendre, car vos travaux sont connus du inonde entier. J'obtins pour vous d'acclamation, de tout le jury, un diplôme d'honneur. Ce haut témoignage accordé par un jury composé de 70 membres et renfermant les autorités les plus compétentes de l'Autriche, de la Hongrie, de l'Italie, de l'Alle- magne, de la Suisse, de l'Espagne, du Portugal, du Brésil, des Etats-Unis, de l'Egypte, des Indes anglaises et du Japon, vous montrera, Monsieur, la façon dont vos découvertes sont appréciées. Maintes fois, j'ai entendu moi-même, en Italie, en Autriche et en Hongrie, bénir votre nom comme celui du bienfaiteur de la sérici- culture, du sauveur de cette industrie. Ces faits vous sont peut-être inconnus, j'ai tenu en cette circonstance à vous les signaler et à vous rendre cet hommage. Recevez, etc. Eugène Tissekaxd. LETTRE A M. LE DIRECTEUR DU JOURNAL D'AGRICULTURE PRATIQUE |i) Paris, le 7 mars 1874. Monsieur, Vous avez publié dans votre dernier numéro une nouvelle lettre de M. Destremx ("-]. Elle était précédée, dans ce même numéro, d'une commu- nication d un des agriculteurs les plus éclaires du département du Gard, M. le docteur Dupoux. Tous vos lecteurs comprendront que cette Note de M. le docteur Dupoux et les faits pratiques si nets qu'il relate me dispensent de répondre à nouveau à M. Destremx. Mais, comme il est assez piquant et instructif d'opposer à M. Destremx, qui n'a jamais essayé par lui-même mon procédé de grainàge, l'opinion motivée des plus habiles praticiens du Midi, je vous serais obligé d'insérer la lettre ci-jointe de M. Julien, juge d'instruction à Lodève (3). Quoique l'auteur de cette lettre, qui remonte déjà au 9 lévrier, m'eût autorisé à la publier, je ne vous l'avais pas communiquée, parce cjue je tenais à ne pas prolonger une polémique qui me paraissait suffisamment élucidée. Puisque M. Destremx insiste, je dois insister moi-même. Ce n'est pas moi qui ai ouverl cette discussion. M. Destremx ne veut pas que je sois appelé le sauveur de la sériciculture. Il a parfaitement raison, car je ne sauve que ceux qui veulent bien se sauver eux-mêmes par 1rs moyens que j'ai mis à leur disposition. Veuillez agréer, etc. L. Pasteur. membre de l'Institut. 1. Journal d'agriculture pratique, 1874, I, p 36' 2. Ibid., p. 330-832 (Versailles, 22 février 1874). 3. Cette lettre a été insérée dans le Jour, mi d'agriculture pratique, p. 367-368, à la suite de la lettre de Pasteur. [Notes de l'Édition.) 684 ŒUVRES DE PASTEUR RAPPORT FAIT, AU NOM DE LA SECTION DES CULTURES SPÉCIALES, PAR M. PASTEUR ('), SUR L'OUVRAGE DE M. DUSEIGNEUR-KLÉBER, INTITULÉ: MONOGRAPHIE DU COCON DE SOIE (s) Messieurs, La Société a renvoyé à l'examen de la Section des cultures spéciales un ouvrage de M. Duseigneur-Kléber intitulé Monographie du cocon de soie. Ce travail fait connaître les idées propres à l'auteur sur la cause et la propagation de la maladie des vers à soie, depuis l'année L849, où elle a com- mence à sévir en France. On y trouve également un choix de conseils pra- tiques, présentés avec discernement, sur la meilleure méthode a suivre dans les éducations. La théorie de l'auteur sur la dégénérescence des races, sur la distinction à établir entre les cocons à grains fins et à grains rustiques, sur l'immunité de celles-ci pour la maladie, n'a pas reçu, à notre connaissance, la sanction d'observations ultérieures. Aussi n'est-ce pas là que vos commissaires pla- cent l'intérêt du travail de M. Duseigneur. o Cet intérêt est, à proprement parler, historique. « En 1850, dit M. Dusci- gneur, les filatures des pays dits avances en sériciculture, savoir la France, et certaines régions de l'Italie, du Piémont et de l'Espagne, étaient alimen- tées par des races de cocons présentant entre elles de grandes ressemblances physiques. Chacun de ces pays était jaloux de la conservation des types aux- quels il attribuait la beauté et la valeur de ses produits, et nul ne s'inquiétait de connaître les ressources nouvelles que pouvaient fournir les pays étran- gers supposés inférieurs. La maladie des vers à soie a permis ce travail, car c'est elle qui, détruisant graduellement les types anciennement possédés, a lancé à la recherche de nouvelles espèces ces hardis négociants connus sous le nom de graineurs, dont les explorations permettent d'établir aujourd'hui la géographie séricicole. » M. Duseigneur a donc fait le dénombrement et la statistique de toutes les races de vers à soie qui ont été introduites et cultivées en France depuis vingt ans, races ignorées autrefois et dont nous devons la connaissance aux personnes qui ont parcouru l'Europe, l'Asie et l'Extrême-Orient afin d'ali- menter nos magnaneries de graines propres à fournir, au moins pendant la première année de leur culture, une récolte suffisamment rémunératrice. Le livre de M. Duseigneur décrit ces races étrangères et représente leurs cocons en grosseur naturelle dans des planches photographiques très bien réussies. Sous ce rapport, l'ouvrage soumis a notre examen est unique en son genre, et tous les amis de la sériciculture regretteraient vivement qu'il n eût pas été entrepris et mené à bonne fin. M. Duseigneur, à ce titre, mérite la reconnaissance de l'agriculture, et c'est sans hésitation et à l'unanimité o que votre Section des cultures spéciales propose de décerner à l'œuvre de ce 1. Mémoires de lu Société centrale d'agriculture de France, année 1874, p. 67-69. 2. Duseigneur-Klébes (E.). Monographie du cocon de soie. Lyon, 1802, 317 p. in-8° (pi. et carte). [Note de V {•'.dit ion.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 683 bacologue distingué la médaille d'or à l'effigie d'Olivier de Serres, une de vos récompenses 1rs plus enviées. Ce Rapporl devait avoir un douloureux épilogue. Au moment où votre Commission venail de prendre la délibération qui précède, elle apprenail la mort prémal urée de M. Duseigneur, <|iii n'aura donc pas connu le témoignage de haute estime que la Société accordait à ses mérites distingués en sérici- culture. Qu d nous soit permis d ajouter que ce témoignage allait recevoir la con- sécration d'un honneur auquel M. Duseigneur eût été très sensible, celui d'une association plus intime avec les travaux de la Société. M. Duseigneur devait être incessamment nomme associé régnicole de la Société centrale d agriculture de France. NOTE SUR LE GRAINAGE CELLULAIRE, POUR LA PRÉPARATION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE (M .le viens de recevoir de M. Porlier, directeur île l'Agriculture au ministère de l'Agriculture et du Commerce, sur l'invitation qui lui en a été laite par M. Teisserenc de Boit, ministre de ce département, la copie d'un Rapport du consul de France au Japon, sur le commerce d'exportation des graines de vers a soie. Ce document officiel constate que « ce commerce tend à dispa- raître, parce que les excellents résultats donnés par le système Pasteur ont permis aux éleveurs européens de produire eux-mêmes leur graine. « Lesgraineurs français (pour ne citer que ces derniers) n'ont lait timbrer au consulat que 109.000 cartons en 1875, contre 277.700 en 1874 et 384.000 eu L873. » M. le directeur de l'Agriculture a pris la peine de corroborer les affirma- tions de notre consul par un relevé des importations d'œufs de vers à soie du Japon, d après les tableaux des douanes qui établissent que, de 1860 à 1875, les importations, allant en sens inverse tic l'application de plus en plus étendue et 1 1 procède de grainage dont il s'agit, ont diminué dans le rapport de 4- à 1. « Le développement chaque jour plus considérable du grainage cellulaire que l'on doit à vos précieuses découvertes, ajoute en terminant M. Porlier, serait donc en etl'et la cause du ralentissement de l'importation, et je suis heureux de pouvoir, en cette circonstance, vous fournir un document établissant le service que vous avez rendu à la fortune publique. » J'ai pense que ce serait de ma part un acte de fausse modestie que de ne pas rendre publics ces faits et les jugements qui les consacrent. J'ai préjugé également que l'Académie serait heureuse, à son tour, d apprendre le succès croissant de travaux qu'elle a vus naître et auxquels elle a toujours porté un grand intérêt, maigre les vives et nombreuses contradictions qui les ont accueillis à leur début . 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 24 avril 1S7G, LXXXII, p. 95Ô- fi86 ŒUVRES DE PASTEl'R QUEL EST L'AGENT PHYSIQUE IMPORTANT, DANS LES ACTIONS COMPLEXES QUI PEUVENT DÉTERMINER L'ÉCLOSION DES GRAINES ANNUELLES AVANT L'ÉPOQUE NORMALE ? [RAPPORT DE MM. DUCLAUX, PASTEUR, SUSANI, VERSON, LU PAR M. DUCLAUX Al" CONGRÈS SÉRICICOLE DE MILAN] (1) Les rapporteurs désignés pour la troisième question du programme étaient au nombre de cinq : M. Terni étant absent, ce nombre esl réduit à quatre, et j'étais certainement entre eux le moins habile à faire le Rapport. C'est pour- tant une tâche que j'ai dû accepter, et je dois, avant de commencer, demander l'indulgence de l'assemblée pour mon mauvais italien et ma mauvaise pronon- ciation. La question que je dois traiter n'a pas l'importance pratique des questions déjà développées, et elle occupera moins longtemps l'attention du Congrès. Six Mémoires seulement ont été envoyés sur la question. Il y en a d'abord un en cinq lignes, de M. le docteur Pietro Gavazzi ; l'auteur prétend que l'électricité n'exerce aucune action sur le liquide contenu dans l'œuf. Vient ensuite un Mémoire, en une page, de M. Guisquet, de Saint- Ambroix (Gard), qui ne contient aucune expérience. Puis une lettre de M. Carlo Mocchetti, émettant l'opinion que c'est tou- jours le froid qui est l'agent actif de la naissance de la graine, et que, quand on la fait éclore par le frottement, c'est parce qu'elle se refroidit après que l'opération l'a échauffée : cette opinion ne peut se soutenir. M. Angelo Ceroni conseille aussi, dans une lettre, la pratique des éduca- tions automnales, etentre dans des considérations qui n'ont pas grand rapport avec la question à traiter. Ensuite viennent deux Mémoires, l'un de M. l'ingénieur Guido Susani, I autre deM. Duclaux, renfermant chacun le récit de nombreuses expériences. II serait long et fastidieux de les passer en revue. Nous en indiquerons seule- ment les résultats en tout ce qu'ils ont de concordant, laissant de côté les interprétations des deux auteurs, qui diffèrent jusqu'à un certain point, et dont on ne peut prendre une connaissance suffisante qu'en lisant leurs Mémoires. On sait (|u il existe plusieurs moyens de provoquer la naissance précoce de la graine. J'indiquerai successivement à quel point la science est arrivée pour chacun d'eux, dans l'espérance que cet exposé de l'état de la question encouragera à de nouvelles recherches, en évitant à ceux qui voudraient les entreprendre la peine de refaire ee qui a été déjà fait. L hibernation artificielle est le premier des moyens indiqués. La graine maintenue toute l'année à la température de 15°à 20° n'éclôtpas. Elle éclôt, au contraire, si on la soumet pendant quelque temps à l'action du froid, et qu'on 1 Congrès séricicole international de Milan, septembre 11876. Montpellier, 1876, Coulet, in-8», p. 39 ïi. ÉTUDES SUR [LA MjALADIE DES VERS A SOIE 687 la réchauffe ensuite. Les meilleures conditions pour obtenir l'éclosion la plus prompte el 1 ;» plus régulière sont les suivantes : Mettre la graine, vingl jours après la ponte, dans une glacière, à une température de '2 à .'i" centigrades au-dessus de zéro : l'j laisser deux mois, et la mettre à I étuve six semaines après l'avoir retirée de la glacière : on obtient alors une éclosion normale. L'action d'un froid plus intense est non seulement inutile, mais nuisible, et les températures voisines de zéro sont plus favorables pour une prompte et complète éclosion que celles de moins 6 ou de moins 11 degrés. Si la graine reste longtemps exposée à ces températures, elle en demeure le plus souvent avariée. L action du frottement constitue un autre moyen pour obtenir une éclosion précoce, moyen découvert par M. Barca, en 1856, et étudié depuis par MM. Verson et Quajat et par M. Susani. Il résulte des travaux de ces messieurs, qu'on peut frotter la graine par un procédé quelconque, pourvu toujours que le frottement soit suffisamment énergique. On peut de même le pratiquer à toute époque de l'année; mais, tout comparé, les éclosions sont d'autant plus abondantes que l'époque de l'opération se rapproche plus de la ponte des graines. Plus la durée de l'incubation est courte, plus est abondante l'éclosion tic la graine frottée. o C est dans le cours de ces recherches sur Faction du frottement que M. \ erson a trouvé le fait, pins curieux encore, de l'éclosion des graines sous 1 action de l'électricité. C'est surtout de ce côté que se sont poursuivies les recherches les plus récentes, et voici, le plus brièvement possible, comment se résument les résultats obtenus : L'électricité statique semble être jusqu'à présent le seul moyen capable d exciter la naissance précoce de la graine. Du moins l'électricité dvnamique, le magnétisme, l'électro-magnétisme, les vibrations sonores, se sont montrées jusqu'ici sans action. De plus, pour que l'électricité statique agisse, il faut qu'il y ait combinai- son des électricités positive et négative. On n'obtient rien en mettant la graine sur une machine électrique chargée, tandis qu'on obtient l'éclosion en mettant la graine sur le trajet d'étincelles électriques nombreuses, ou bien en la plaçant en lace d un peigne métallique, d'où l'électricité s'écoule eu vertu du pouvoir bien connu des pointes. L'étincelle peut être fournie indifféremment par une machine élec- trique quelconque ou par un appareil d'induction. Seulement, avec ce dernier, il faut éviter que la décharge ne soit si chaude qu'elle brûle la graine mise en expérience. Cet inconvénient existe moins pour l'étincelle des machines. Le temps que doit durer l'action de l'électricité est aussi d'autant plus court que la graine est plus jeune au moment de l'opération. De plus, ce temps ne doit pas dépasser une certaine limite, au delà de laquelle la graine traitée éclôt moins bien el périt en quantité plus ou moins considérable. I.a naissance est d'autant plus rapide et plus complète qu'on opère sur la graine plus jeune, d'autant plus lente et moins complète que la graine est plus âgée. Le plus loin que l'on puisse attendre, c'est que la graine ait quinze à vingt jours, et. dans tous les lots, les œufs qui restent sans éclore éclosent au printemps suivant, comme la graine normale (abstraction faite des œufs 688 ŒUVRES DE PASTEUR morts pendant l'opération, e1 qui sont généralement peu nombreux, si l'opé- ration est bien faite). Ces caractères existent aussi pour la graine soumise au frottement et pour la graine soumise à une hibernation artificielle plus ou moins complète. Voici encore d'autres ressemblances entre les effets provenant de causes si diverses. Quand on opère sur une graine jeune, de l'âge par exemple d'un ou de deux jouis (moment où l'on peut considérer tous les œufs comme étant absolu- ment clans des conditions identiques), qu'on agisse par l'action du frottement ou de l'électricité, on observe à peu près le même intervalle entre le moment du traitement el le commencement de l'éclosion. En d'autres termes, la graine, de quelque manière qu'on la traite, quand elle est jeune, a à peu près- exactement le même âge quand l'éclosion se produit, et cet âge est d'environ dix à douze jours. 11 est singulier que cet âge soit aussi le même auquel se produisent les bivoltins accidentels dans la graine annuelle. 11 n'est pas moins singulier que, quand les naissances des bivoltins se produisent dans les pontes isolées de race annuelle, ces naissances soient d'autant plus rapides qu'elles sont plus complètes, comme cela a lieu dans le cas du frottement et de l'électricité. En présence de ces ressemblances, on est invinciblement conduit à croire que le phénomène produit est le même dans tous les cas, que la cause effi- ciente en est la même, et que la cause occasionnelle seule varie. En d'autres termes, l'électricité, le frottement, l'hibernation artificielle, sont probable- ment des moyens divers de mettre en jeu un même mécanisme physiologique, qui, une fois ébranlé, fonctionne avec régularité. Mais comment se fait la com- munication du mouvement .'Quel est, suivant la question du programme, l'agent physique important dans les actions physiques diverses qui peuvent provoquer l'éclosion précoce? C'est ce que les résultats connus jusqu'ici ne permettent encore pas de dire. Tous les moyens employés jusqu'ici n'ont, en effet, entre eux, aucune ressemblance, et en voici un autre qui diffère encore plus de tous les autres: on peut provoquer l'éclosion précoce de la graine en la plongeant dans l'acide sulfurique au maximum de concentration. La graine supporte très bien un bain de deux minutes dans cet acide, tandis que le tissu auquel les œufs s'attachent est complètement détruit. Mais il n'est pas nécessaire d'aller si loin: trente petites secondes d'immersion, suivies d'un lavage à grande eau, suffisent pour rendre la graine apte à éclore. Je n'ai pas obtenu beau- coup de vers par ce moyen, avant opéré sur une graine trop âgée, mais j'ai constaté le phénomène dune façon indubitable. On ne peut donc conclure qu'en disant que le mécanisme de l'éclosion précoce est jusqu'à présent inconnu. 11 faudra multiplier les expériences et les études. Le sujet en vaut la peine, puisqu'il peut en ressortir des conséquences importantes au point de vue théorique, et que la pratique en tirera peut-être un jour de l'utilité. « Qui sait, a dit Franklin, ce que deviendra l'enfant qui vient de naître ? » ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 689 SUB I.I.IAT DE LA QUESTION DE LA MALADIE DES VERS A SOIE, PARTICULIÈREMENT SUR LA PÉBRINE ET LA FLACHERIE (') [SUR L'ÉTAT DE LA SÉRICICULTURE] (s) M. Pasteur s'exprime à peu près en ces termes : Les nouvelles qui me sont parvenues, notamment en ee cpii concerne le département du Gard, concordent parfaitement avec eelles que M. Barrai vient de donner ; la récolte parait bonne, quoiqu'il v ait eu quelques échees, cependant. J'ai cherché à établir, dans mes travaux, que la maladie des vers à soie tient à deux causes, la pébrine et la flacherie. La pébrine est facile à constater et à guérir, et il n'y a plus de doute, aujourd'hui, sur le procédé que j'ai indiqué pour prévenir cette maladie. Quant à la flacherie, ce n'est pas aussi facile, et il est à craindre qu'on ne puisse arriver à éloigner entièrement cette maladie. Dans l'Ouvrage que j'ai publié en 1870 sur les vers à soie, j'ai établi (pie la flacherie est produite par un développement anormal d'organismes microscopiques, agissant (à la manière de ferments) sur la feuille, dans le canal intestinal du ver à soie. A l'appui de cette opinion j'ai cité, entre autres preuves, le fait que toute feuille de mûrier triturée dans un mortier, et mise dans un tube, fermente en montrant les mêmes organismes, vibrions, bactéries, etc., que ceux qu'on trouve dans le canal intestinal, dans les cas de flacherie. Ces principes, et quelques-uns des faits sur lesquels je les ai établis, ont été contestés en Italie, au Congres de Milan. J'ai dit, dans une précédente Communication, que le Comité d'organisation du Congrès de 1878 a proposé de contrôler l'assertion relative à la corrélation entre le développement de la flacherie et la présence d'organismes microscopiques dans le canal intes- tinal des vers (3). Le Congrès est bien organisé; on n'admet la discussion que sur les questions préparées d'avance et qui ont été l'objet de travaux spé- ciaux. J'ai interrompu quelque temps mes travaux sur cette question. Mais il a été question de nouveau, dans une des dernières séances du Comité, de la pro- position relative à la flacherie. Ne pouvant aller dans le Midi vérifier les faits par moi-même, j'y ai envoyé un jeune homme attaché à mon laboratoire, qui a pu constater que pas un fait n'était venu infirmer l'opinion à laquelle je me suis arrêté : tous les vers malades offrent des organismes dans leur tube digestif, les vers sains n'en montrent jamais. Tous les faits établis, en 1X70, 1. Bulletin de la Société centrale d'agriculture de France, séance du 24 janvier 1X77 , XXXVII, p. 59-64.— Cette Communication est reproduite p. 092-695 du présent volume. {Voir note 1 de la p . 692. i 2. Buili'tiii de la Société centrale d'agriculture de France, séance du 27 juin 1877. XXXVII. p. 352-354. 3. Voir, p. 691-696 du présent volume, le programme de ce Congrès. {Notes de l'Édition.) ÉTCDES SUB LA MALADIE DES VKRS A OU 4 'l 690 ŒUVRES DE PASTEUR restent donc dans La vérité. J'ai donné, du reste, des preuves expérimentales, et la question me paraîtrait devoir être jugée. En résumé, le procédé pour prévenu' la pébrine est aujourd'hui d'une application si sûre que celle maladie n'existe que lorsque l'éducateur ne veut pas y recourir. Il est évident aujourd'hui qu'on peut se procurer faci- lement des œufs exempts du parasite destructeur. La Hacherie. qui est le plus souvent accidentelle, peut aussi, dans certains cas, être héréditaire. Que l'on lasse grainer des papillons provenant de vers qui ont éprouvé, au dernier âge, une fermentation de la feuille dans leur tube digestif, il v a prédisposition très grande à la Hacherie dans les vers qui naî- tront de ce grainage. C'est ce qui me fait insister avec force auprès des per- sonnes qui appliquent mon procède de grainage, de ne jamais faire, quels que soient la qualité extérieure ou les résultats de l'épreuve microscopique, des papillons avec des chambrées qui ont eu, de la quatrième mue à la montée, des vers languissants ou qui ont subi une mortalité sensible, à cette époque de l'éducation, par la maladie, des morts-flats. En suivant ce conseil, si l'on se trouve dans des conditions favorables de climat, on est assuré d'avoir une bonne récolte ; il n'est pas rare aujourd'hui d'avoir des récoltes de 15 kilo- grammes à l'once, quand autrefois elles n'étaient que de 25 à 30 kilogrammes : on obtient donc, aujourd'hui, plus du double. Les contradicteurs que j'ai rencontrés accusent mon procédé de préparation de la graine et ne songent nullement à attribuer la maladie à la gelée du 15 avril de l'année dernière, qui a détruit la feuille de mûrier. Du reste, il s'est formé une Compagnie pour aller chercher des graines au Japon, et, pour la réussite de l'entreprise, il importe que la maladie dure le plus longtemps possible en France; aussi n'est-on pas disposé à sanctionner une méthode qui s'appuie cependant sui- des preuves expérimentales et qu il me parait y avoir lieu de faire connaître dans l'intérêt généra I. [SUR LA CAMPAGNE SERICICOLE EN 1878] (') M. Pasteur, à l'occasion des renseignements donnés par M. Haïrai sur la sériciculture, résume les résultats d'un voyage qu'il vient de faire en Italie. La maladie des vers à soie, dit-il, a été attribuée par moi à deux causes, la pébrine et la Hacherie. En ce qui concerne la pébrine, M. Pasteur a visité la propriété de M. Susani, près de Monza, dans la province de Milan, où l'on élève 800 onces de graines, sur lesquelles il y avait 701) onces environ de graines japonaises cellulaires, qui proviennent d'une graine sélectionnée depuis 7 ans par le microscope. Or, M. Pasteur n'a pu trouver un ver eor- pusculeux. La pébrine a disparu de toutes les éducations qui suivent ce pro- cédé; la maladie est absolument vaincue; elle n'existe que pour ceux qui veulent 1 avoir et qui n'appliquent pas le procédé de sélection : de ce côté la question est entièrement élucidée et pratiquement résolue. 1. Communication résumée dans le Bulletin de la Société centrale d'agriculture de France, éance du 3 juillet 1878, XXXVIII, p. 351-352. ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A son-: 691 Pour la flacherie, M. Pasteur rappelle qu'il a défini celle maladie dans l'Ouvrage SUr les vers à soie publié par lui en 1870. Ses observations ayant été contredites, .M. Pasteur a demandé que la question de la corrélation de la llacherie el de la présence d'organismes vibrioniens, dans le tube intestinal des vers atteints do la maladie, l'ùl portée parmi les questions qui seront débattues au Congrès international qui doit avoir lien à Paris celle année. Un de ses élèves, M. Chambcrland, a été envoyé par lui dans le Midi en 1X77: ce jet savant est revenu, après un grand nombre d'observations, convaincu de la vérité de la corrélation dont il s'agit. M. Pasteur, non con- tent de ces premières confirmations, s'est rendu lui-même en Italie et il lui a eie impossible de trouver nu seid ver atteint de Flacherie qui n'eût pas des organismes dans le tube digestif. .M. Pasteur se propose, d'ailleurs, de revenir dans une Communication ultérieure sur les résultais de ses observations relatives a cette importante question, en l'envisageant surtout dans ses conséquences pratiques. CONGRES INTERNATIONAL SÉRICICOLE TENU A PARIS DU 5 AU 10 SEPTEMBRE 1878 ('i PROGRAMME (*) I. — De l'embryologie. Le Comité ordonnateur du Congrès appelle l'attention des personnes qu s'occupent de biologie sur l'opportunité que présente une étude spéciale de l'embryologie du ver à soie, étude poursuivie en utilisanl les méthodes el les appareils que la science moderne possède et les connaissances qu'elle a acquises sur la marche du développement de l'œuf. Dans un intérêt pratique, il recommande aux sériciculteurs les questions suivantes : A. — Recherche et étude expérimentale des divers moyens propres à amener l'éclosion prématurée des graines de vers à soie. Nota. Il serait utile d'accompagner cette étude de recherches microsco- piques sur les changements subis par la coque de l'œuf, et de recherches chimiques sur les modifications de l'activité respiratoire îles graines soumises a 1 expérience. B. — Quel est le minimum d'abaissement de température et le mini- mum de durée de cet abaissement, qu'une graine de ver à soie doit avoir 1 Son ce titre nous donnons, outre le programme, les interventions de Pasteur dans la Rapports présentés aux différentes séances de ce Congrès. 2. In : Comptes rendns sténographiqaes du Congrès international séricicole, t';nu à Paris an 10 septembre 187s. Paris, 1879, in-8">, p. 'i-10. (Notes de ' Édition.) 692 ŒUVRES DE PASTEUR éprouvés, pour devenir susceptible d'éclore, lorsqu'on la soumet, dans la suite, à une incubation régulière. On tiendra compte de l'âge delà graine au moment du refroidissement, de l'éclosion plus ou moins complète qu on obtient, des circonstances qui ont précédé et suivi le refroidissement. II. — ■ De la flacherie (i). Dans l'Ouvrage publié par M. Pasteur en 1870, sur la maladie des vers à soie, l'auteur a cherché à établir expérimentalement que tout le mal dont se plaignait la sériciculture provenait de deux maladies : lapébrinc et la flacherie, indépendantes l'une de l'autre, quoique toutes deux contagieuses et hérédi- taires : que ces maladies étaient en corrélation intime avec le développement d'organismes microscopiques, mais d'organismes d'une origine, d'une nature el d'un mode de propagation profondément distincts pour chacune de ces maladies. Au sujet de la pébrine, la science et la pratique sont aujourd'hui fixées. Les principes établis dans 1 Ouvrage que nous venons de rappeler ont été universellement confirmés, et le procédé qui s'y trouve indiqué pour pré- venir cette maladie est d'une application si sûre que pas un éducateur éclairé n'hésite à y recourir. Rien n'est plus facile que de se procurer des œufs exempts du parasite destructeur. Relativement à la flacherie, M. Pasteur s'est arrêté à l'opinion que cette maladie est produite par un développement anormal d'organismes microsco- piques agissant (à la manière des ferments) sur la feuille, dans le canal intes- tinal du ver à soie. Comme preuves principales, l'auteur invoque : 1" que les matières du tube digestif des vers qui périssent de flacherie sont remplies de ferments orga- nisés ; 2" ([ne l'on communique la flacherie aux vers les plus sains, soit par des repas de feuilles salies par des feuilles triturées en fermentation, soit par 1 association de vers sains à des vers malades, et que dans ces deux cas le canal intestinal des vers sains devenus malades est rempli de ferments, vibrions, bactéries, chapelets de grains, etc. En d'autres termes, quand il v a flacherie, l'immense majorité des vers malades otîrent des organismes dans leur tube digestif, et les vers sains n'en o o montrent jamais, et, inversement, quand on fait fermenter la feuille dans le canal intestinal par une introduction exagérée de germes d'organismes ou de ces organismes adultes et en voie de propagation, on provoque la flacherie. On dit que deux phénomènes sont en relation de cause à effet lorsque, l'un des deux phénomènes existant, l'autre suit. C'est ici le cas. Les ferments sont-ils présents dans le canal intestinal, il y a flacherie ; et, s'il v a flacherie, il y a des ferments dans le canal intestinal. A beaucoup d'égards, cette maladie serait plus dangereuse que la pébrine. Les germes des parasites qui la déterminent sont partout, et dans les pous- 1. Tout le lexte qui suit jusqu'au paragraphe A (p. 695) est la reproduction d'une Commu- nication laite par Pasteur le 24 janvier 1877 à la Société centrale d'agriculture de France {voir, note 1, p. 689). Ceci montre que le texte du programme du Congrès a dû être rédigé par Pasteur. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 693 sières qui flottent dans l'air, et dans celles qui sont à la surface de tous les objets. A l'appui de cette manière de voir, M. Pasteur cite, entre autres preuves, le fait ([lie toute feuille de mûrier, triturée dans un mortier et mise dans un tube, fermente en montrant les mêmes organismes que ceux du canal intestinal clans les cas de flacherie. Ces germes, à l'inverse des corpuscules, ne périssent pas par la dessicca- tion. M. Pasteur en a donné des preuves directes, notamment pour les vibrions. Il a montré que les vibrions ont deux modes de reproduction, par lissiparite et par des espèces de kystes (pion voit apparaître dans les vibrions sous forme de points brillants, après qu'ils ont subi un certain nombre de divisions spontanées. Il y aurait chez ces organismes, d'après M. Pasteur, une sorte de parthénogenèse. Or, tandis que les vibrions en voie de division peinaient facilement par dessiccation ou par une chaleur inférieure à 100", les points brillants dont nous parlons résistent à la dessiccation et à des tem- pératures élevées. C'est sous cette forme de kystes ou spores que la vie et la fécondité des vibrions pourraient se poursuivre d'une année à l'autre. Les. poussières d une magnanerie où il y a eu la pébrine ne communiquent pas la pébrine à l'éducation de l'année suivante. Au contraire, les poussières d'une magnanerie où il y a eu de la flaeheiie peuvent communiquer cette maladie au bout d'une année (et probablement davantage) par l'abondance des germes de fermentation de la feuille que les poussières répandent dans l'air, à la surface des vers et de leur nourriture. M. Pasteur prouve ces faits par une expérience très simple. Qu'on délaye dans de l'eau, à la température de l'été, de la pous- sière de magnanerie où il y a eu flacherie, poussière remplie de ces sortes de spores dont nous parlons et qui ont été décrites et figurées page 228 de 1 Ouvrage de M. Pasteur [p. 207 du présent volnme], et en quelques heures on voit apparaître, tout à coup pour ainsi dire, dans le champ d'observation d'une goutte de l'eau, de très rares vibrions adultes, sans intermédiaire orga- nisé quelconque entre ces vibrions et le point apercevable. C'est la preuve évidente que ces premiers vibrions formés viennent de sortir des corpuscules brillants ou ([il ils ont été formés par ceux-ci directement. Dans la définition qu'il donne de la cause de la flacherie, M. Pasteur ne préjuge pas la question des circonstances occasionnelles qui peuvent la pro- voquer. La présence des ferments dans le canal intestinal est déjà elle-même un effet de quelque influence accidentelle: refroidissement un peu prolongé de la température et des vers, alimentation par une feuille quia été gelée, par une feuille humectée de rosée, trop d'élévation de température à l'époque dés- unies, chaleur électrique quifavorise les fermentations, etc. etc..., voilàautant de in constances, et il en est sans doute beaucoup d'autres, qui amènent la flacherie. Mais ce sont là des circonstances occasionnelles du mal et non ses causes effectives : ce n'est pas le mal en lui-même. La preuve en est, d'après M. Pasteur, (pie si les vibrions ou autres ferments ne se développaient pas à la suite des occasions d'affaiblissement ou de troubles des fonctions digestives o dont nous venons de parler, les vers ne deviendraient pas malades, ou du moins ils seraient promptement guéris. C'est dans ce sens (pi il faut entendre (jue la cause de la flacherie réside dans la présence et la multiplication des ferments dans la feuille en voie de digestion. l ne des circonstances pouvant provoquer la flacherie a, suivant M. l'as- 694 ŒUVRES DE PASTEUR tcur, un caractère d'hérédité, et c'estce qui lui a l'ait dire que la flacherie," qui est le plus souvent accidentelle, peut être cependant quelquefois héréditaire. Si Ton fait grainer des papillons provenant devers qui ont éprouvé au dernier âge une fermentation de la feuille dans leur tube digestif, il y a prédisposition très grande à la flacherie dans les vers qui naîtront de ce grainage. L'affai- blissement des vers à la montée à la bruyère s'est communiqué à la graine de leurs papillons et aux vers issus de cette graine. Il en résulte que ces vers n'ont pas la résistance nécessaire pour échapper, pendant le cours de leur éducation, à toutes les causes accidentelles qui peuvent provoquer la flacherie. La lutte pour la vie, si l'on peut ainsi dire, entre le ver et les germes de fer- ments qu'il ingère sans cesse, devient plus difficile. Le ver n'en triomphe que s'il est favorisé par tout ce qui peut contribuer à sa vigueur et à une bonne éducation. Aussi voit-on dans ce cas, sur vingt chambrées, par exemple, d'une telle graine, tout au plus quatre ou cinq chambrées réussir et toutes les autres échouer. C'est pourquoi M. Pasteur recommande avec tant d'insistance, afin d'éviter cette flacherie qu'il appelle héréditaire, de ne livrer au grainage que des chambrées dont on a suivi les vers de la quatrième mue à la montée à la bruyère, qui n'ont pas eu à cet âge de mortalité par la flacherie et qui ont prestement l'ait leur cocon. Il y a pourtant des circonstances où ces observations pratiques sur l'état des vers destinés à la reproduction n'ont pu avoir lieu. Comment se renseigner alors sur la qualité des cocons pour graine sous le rapport de la prédisposition possible à la flacherie par hérédité? Dans ce cas, il importe de ne livrer au grainage que des cocons dont les chrysalides auront été étudiées au micro- scope et qui ne présenteront ni germes de vibrions ni ferments en chapelets de grains, etc. [Voir p. 210 du présent volume.] On a exagéré beaucoup l'importance que M. Pasteur a attribuée et qu'il faut attribuer réellement à l'observation microscopique dont nous parlons : c'est à cette exagération que doivent s'adresser les critiques qui ont été faites de ce procédé d'examen des cocons, bien plus qu'à ce procédé en lui-même. En effet, d'après ce que nous venons de rappeler, l'examen dont il s'agit est en quelque sorte un pis aller ; il est utile, nécessaire même, quand il s'agit de cocons quelconques, dont le graineur n'a pu voir les vers de la quatrième mue à la montée et à cette montée même. La présence de ferments dans la poche stomacale doit alors faire rejeter les cocons pour graine : mais M. Pasteur n a pas prétendu que cet examen microscopique puisse être un critérium absolu. S'il y a des restes de ferments dans la chrysalide, craignez extrêmement la flacherie héréditaire; mais si vous ne découvrez pas de fer- ments, cela ne voudra pas dire que vous pouvez avoir toute confiance dans les cocons, qu'ils sont tout à fait sains au point de vue du grainage, en ce qui concerne la prédisposition à la flacherie; car des vers, des chrysalides, peuvent être affaiblis de bien des manières. On peut résumer ces vues en disant : Le ver est un animal chez lequel les fonctions digestives ont une impor- tance énorme, une activité extraordinaire, puisque dans l'intervalle d'un mois environ il augmente de six, sept et huit mille fois le poids qu'il avait à sa naissance. D'autre part, si l'on dépose de la feuille triturée dans un tube de verre, des ferments y apparaissent dans l'intervalle de vingt-quatre heures. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 695 Chaque feuille est doue souillée de germes de ferments organisés ; mais la vie empêche la vie. Si les vers sont sains, bien portants, ces germes ne se déve- loppent pas dans la feuille triturée, ingérée par le ver dans son canal intes- tinal : ils sont digérés ou expulses avec les excréments, à moins toutefois qu'on n'augmente leur nombre et que la lutte pour l'existence tourne en leur faveur, (.'est ce qui arrive lorsque M. Pasteur donne à manger aux vers une feuille qu'il a volontairement souillée par un peu d'eau où l'on a délayé de la feuille triturée en fermentation. Dans ce cas, les vers les plus sains deviennent malades et meurent ultérieurement avec tous les symptômes de la flacbcrie. Tout cela étant rappelé, nous devons faire observer que ces principes et quelques-uns des faits sur lesquels M. Pasteur les a établis ont été contestés par MM. Verson et Vlacovicb, et Bolle ('). Pour ces savants, la flacherie n'est point produite comme le pense M. Pasteur. Les ferments de la feuille exis- tent ou n'existent pas dans les vers flats. La présence de ces ferments n'est qu'un phénomène consécutif à une altération des liquides ou des tissus de l'économie, etc. 11 faut que la science et la pratique sortent de cette incertitude. En conséquence, et sur la proposition de M. Pasteur, le Comité propose l'examen de la question suivante : A. — Contrôler par des observations nouvelles l'assertion relative à la corrélation entre le développement de la flacherie et la présence des organismes de la fermentation dans le canal intestinal des vers. Est-il vrai, par exemple, que, dans les chambrées atteintes de flacherie, les vers dont l'aspect indique un état maladif déjà commencé renferment des organismes agissant à la manière des ferments ? B. — Étude de quelques circonstances dans lesquelles se développerait la flacherie. 1° Etudier directement l'influence delà température, de la durée de cette température et de l'état hygrométrique de l'air dans lequel la graine est con- servée depuis la ponte jusqu'à l'éclqsion, principalement à partir du moment où l'embryon est apte à se développer, sur la production de la flacherie pendant l'éducation de cette graine. On recommande de rechercher un bon appareil d'étude propre à donner une température constante, un état hygrométrique constant avec un renou- vellement d'air suffisant. Voir quel parti on pourrait tirer, au point de vue de l'état hygrométrique, des propriétés du phosphate de soude ordinaire. 2" Rechercher si un abaissement prolongé de la température ambiante n'est pas i/e nature a déterminer la flacherie. 3° Voir s'il n'en est pas de même d'une élévation de température, particu- lièrement aux mues. 1. Verson (E.) et Vlacovich IG.-P.i Note sur la gattino et la flacherie. In : Actes et Mémoires du 'i« Congrès sérieicole international tenu à Montpellier du 26 au 30 octobre 187'j. Montpellier, 1875, iii-!s°. \>. 175-187. — Bolle. Note .sur les organismes de l'air des magna- neries. Ibid., p. 201-210. (Note de l'Édition.) 696 ŒUVRES DE PASTEUR 4° Un arrêt de développement de la feuille provoqué par un abaissement de la température extérieure et conduisant à diminuer le nombre des repas des vers ne produit-il pus lu flacherie par le trouble qu'il amené dans les phéno- mènes de la nutrition ? 5° Etudier tutelle est l'influence de l'humidité provenant soit de l'atmo- sphère, soit de la feuille mouillée par la pluie, les brouillards ou la rosée. C. — Recherche de moyens curatifs ou préventifs. L" Expérimenter si l'on peut prévenir l'apparition ou arrêter la propaga- tion de la flacherie par des substances désinfectantes, vapeurs de chlore, d'acide sulfureux, d'acide phénique, etc. 2° Peut-on exercer sur le ver une action tonique qui le rende moins acces- sible à lit flacherie ou qui en neutralise les effets '.' 3° En admettant que les germes des ferments soient la cause de la flacherie, pourrait-on agir sur la feuille de façon à les détruire.' D. — Étudier chez les papillons reproducteurs les différents caractères au moyen desquels on a proposé d'opérer des sélections en vue de produire des graines saines et robustes, par exemple, la longévité, l'état du résidu stomacal, la conservation plus ou moins parfaite du cadavre. Le Comité est dès à présent assuré que chacune des questions proposées sera étudiée au moins par un de ses membres ; il serait à désirer que les expérimentateurs qui traiteraient une ou plusieurs questions voulussent bien L'en avertir, afin qu'il puisse, dans un intérêt général, mettre en rapport les ersonnes qui s'occuperaient du même sujet (*). Pour le Comité d 'organisation : Le Président Dumas. Le Vite-Président Pasteur. L'un des Secrétaires .... Gehnez. SÉANCE D'OUVERTURE DU 5 SEPTEMRRE 1878 M. Pasteur (2). Je crois être l'organe de l'assemblée en remerciant M. le ministre de l'Agriculture et du Commerce de l'honneur qu'il nous a fait en venant présider notre première réunion. (Assentiment.) Maintenant, permettez-moi de vous donner connaissance d'une lettre que j'ai reçue de M. J.-B. Dumas, président du Comité d'organisation de ce Congres. 1. Ce programme a été envoyé aux sériciculteurs le 22 janvier 1877; le Comité d'organisa- tion a juge' qu'il y avait lieu de le mainlenir comme programme du Congrès. 2. lu : Comptes rendus sténographiques du Congrès international séricicole, tenu à Paris du 5 au 10 septembre 1878. Paris, 1879, in-8°, p. 21-22. {Notes de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 697 Bagnoles-les-Bains, 3 août 1878. Mon cher Confrère, J'ai attendu jusqu'au dernier moment pour vous témoigner le profond regrel que j'éprouve de lïe pouvoir me rendre à Paris eu ce moment. Les soins <|ii exige ma sauté ne me le permettenl pas. Quelques joins avant mon départ, a la réunion ilu Congrès organisé par la Soeiété de tempérance, il m'a été impossible de prendre la parole, et j'ai dû prier M. le sénateur Laboulaye de le faire pour moi. Je n'ai pas retrouvé ma voix. Je suis condamné pour quelque temps encore au silence. Vous avez pu juger vous-même souvent quels efforts me coûtent mes fonctions comme secrétaire perpétuel; cet état s'est aggravé. Si je veux pouvoir passer l'hiver à Paris, il faut absolument que je suive ici un traitement complet. Veuillez être mon interprète auprès de MM. les membres du Congrès. Je m'étais fait un grand plaisir et un grand honneur d'entrer en relations per- sonnelles avec eux et de présider à leurs débats. Les questions qui vont s'agiter en leur présence intéressent à la fois la science, l'industrie, l'agriculture et la prospérité publique. Elles m'ont toujours vivement occupé, et je suis convaincu que la haute compétence des membres du Congrès leur permettra de répandre la lumière sur les points qui restent encore à résoudre. Veuillez agréer, mon cher confrère, l'assurance de tous mes regrets et celle de mes sentiments d'ancienne et bien profonde affection. J.-B. Dumas. Au nom du Comité d'organisation du sixième Congrès, j'ai l'honneur de vous proposer, comme membres définitifs du bureau de nos réunions, les noms suivants : Président honoraire : M. Coiinalia (Emilio). Président : M. Dumas (J.-B.). Vice-présidents : MM. Martelli-Bolognini (Ipolito), Porliek, Cantoni (Gaetano), Levi (Alberto), Pasteur (Louis). Secrétaire général : M. Gernez (Désiré). Secrétaires : MM. Susani (Guido), Maillot (Eugène), Bolle (Giovanni). (Le Congrès adopte par acclamation la composition du bureau, telle qu'elle vient de lui être proposée.) 698 ŒUVRES DE PASTEUR DISCUSSION SLR LA FLACIIEI1IF. . QUESTION A : CONTRÔLER PAR DES ORSER- VATIONS NOUVELLES l'aSSERTION RELATIVE A LA CORRELATION ENTRE LE DEVE- LOPPEMENT DE LA FLACHERIE ET LA PRESENCE DES ORGANISMES DE LA FERMENTA- TION DANS LE CANAL INTESTINAL DES VERS. M. Pasteur (M. Si personne ne demande la parole, je la demanderai pour parler au sujet du travail de M. de Ferry de la Bellone (â). Je commencerai par regretter que. des circonstances douloureuses de famille nous aient privés de la présence de M. de Ferry de la Bellone. Le travail qu'il a envoyé au Congrès est des plus remarquables; M. de Ferry de la Bellone, qui nous était inconnu il y a quelques années, montre dans ce Mémoire un esprit scientifique remarquable, un talent d'exposition, d'expé- rimentation vraiment rare chez les personnes qui ne vivent pas dans les laboratoires. Pour ma part, je dois me féliciter de ce que mes anciennes observations relatives à la flacherie se trouvent confirmées d'une manière si probante par le travail de M. de Ferry de la Bellone. I avais, depuis deux années, étudié la question que le Comité d'organisa- tion du Congrès a mise dans son programme, et, si vous voulez bien me le permettre, je lirai le travail que j'ai préparé. M. Pasteur, lisant : NOTE SUR LA FLACHERIE Le Comité d'organisation du sixième Congrès séricicole, dans la séance o o qu'il a tenue à Paris le 22 janvier 1877 sous la présidence de M. Dumas, a décidé que la question de l'étiologie de la flacherie serait mise en discussion à la session de 1878. J'ai été le promoteur de cette décision, et voici les motifs de 1 initiative que j'ai prise à ce sujet. Depuis la publication de mon Ouvrage sur la maladie des vers à soie et les moyens de la prévenir, en 1870, je ne m'étais pas occupé de sérici- culture. Il en résulta que j'ignorai pendant longtemps que mes observations relatives à la flacherie avaient été l'objet de travaux contradictoires de la part de plusieurs savants bacologues. J'eus connaissance de ce fait, pour la première fois, au Congrès de .Milan, tant par des conversations particulières avec les membres du Congrès que par la lecture même des travaux dont je. parle qui figuraient parmi les brochures présentées au Congrès. Dès lors, je résolus de demander au Comité d'organisation du Congrès de 1878 que la question de l'exactitude ou de la non-exactitude des conclusions de mon Ouvrage de 1870 relatives à la flacherie fût mise à l'étude. Le Comité accepta nia proposition et inscrivit au programme du sixième Congrès la question suivante : 1. In : Comptes rendus sténographiques du Congrès international séricicole, tenu à Paris du 5 au lu septembre 1878. Paris, 1879, in-8°, p. 27-88. 2. Ferry de la Bellone (de). Recherches expérimentales sur les causes de la flacherie du ver à s,, ii\ llnr/., p. 113-13(3. (Notes de l'Édition.) ETUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE (',99 Contrôler par des observations nouvelles l'assertion relative à lu corréla- tion entre le développement r, chacun sait que dans ce cas le développement des organismes semés est très rapide et considérable déjà après vingt-quatre heures. Au contraire, lorsque je contagionne par la bouche, les organismes semés rencontrent des sucs digestifs en pleine action phvsiologique, surtout lorsque le ver n'est pas affaibli par une circonstance quelconque. Dès lors, on le conçoit aisément, ces organismes éprouvent de la difficulté à vivre et à se multiplier dans les premières voies digestives. Revenons aux causes occasionnelles de la flacherie. D'après ce que j'ai vu cette année, en Italie, je ne saurais trop insister sur la prédisposition à la flacherie, que j'ai appelée la flacherie héréditaire. Des causes occasionnelles de la flacherie, c'est certainement une des plus dangereuses, et je crains qu'elle ne soit beaucoup plus fréquente qu'on ne se l'imagine. Les éducateurs sont trop portés à croire qu'une éducation réussie comme produit en cocons et dont les papillons n'ont pas de corpuscules peut être livrée au grainage. Ce sont là des conditions indispensables pour la fabrication d'une bonne graine: mais elles ne suffisent pas à en assurer la qualité et je déplore vivement la défaveur qu ont encourue les préceptes pratiques de mon Ouvrage, à la suite des contra- dictions (pie je rappelais en commençant. On n'a pas assez compris, suivant moi. que, malgré les plus belles réussites et l'absence complète de pébrine, ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 705 il ne faut livrer au grainage que des vers prestes à montera la bruyère el à filer leur soie : (i <>n peul se convaincre aisément, ai-jc dit clans mon Ouvrage de 1870 que les éducations le mieux réussies comme produit en cocons offrent assez souvent, dans les graines qui en proviennent, la prédisposition héréditaire à la Hacher ie. Dans ces éducations, invariablement, les vers, au moment de la montée à la bruyère, ont un état de langueur qui n'échappe pas à un œil exercé, langueur qui s'explique par une Fermentation de la feuille de mûrier dans le canal intestinal des vers ('). » Dés lois, je ne saurais trop le répéter, il faut étudier les vers un peu avant el pendant la montée à la bruyère : 1" sous le rapport de la vigueur ou de la langueur du ver; 2" par l'examen microscopique de la matière intestinale d'un certain nombre de ces vers. J ajouterai ici une observation nouvelle que j'ai faite cette année pour la première fois en Italie : c'est qu'on peut, sans détruire les vers, examiner la matière du canal intestinal, en se bornant à l'examen des déjections, que 1 on délaye dans un peu d'eau. Lorsque le canal intestinal renferme des organismes microscopiques, on les retrouve dans les déjections. Cependant je dois dire que cet examen exige plus d'habileté de la part de I opérateur, parce qu'en général les organismes qui sont mobiles perdent leur mobilité. Il est même arrivé plusieurs fois que des vers qui ne présentaient pas d organismes microscopiques dans les matières de déjections, peut-être à cause de la difficulté de les reconnaître, en montraient dans leur canal intes- tinal. Mais enfin il serait facile d'isoler les vers au moment de la montée à la bruyère, en les plaçant, par exemple, un à un dans un certain nombre de boites, et d'étudier la matière intestinale du ver sans détruire celui-ci, en sou- mettant au microscope le crottin délave dans un peu d'eau. Toutefois, j'insiste pour faire remarquer que cette dernière observation est moins probante que celle qui porte sur la matière encore contenue dans le canal intestinal. J ai une autre observation à faire, qui sera bien comprise des personnes qui m écoulent. Il a été beaucoup question dans ma Note et dans celle de M. de Ferry de la Bellone, comme dans mon Ouvrage de 1870, du petit fer- ment en chapelets de grains. Or, en Italie, cette année, nous avons rencontré très peu souvent ce ferment. Nous l'avons vu, mais il a été très rare, et je serais porte à croire, surtout parce que M. de Ferry de la Bellone le signale comme ayant été très fréquent chez lui, je serais porté à croire que l'Italie, sous le rapport du développement de ces petits organismes, est un peu privi- légiée : il me semble enfin qu'on les trouve moins souvent dans la feuille en fermentation ou dans le canal intestinal des vers qu'en France. Du moins il y a eu une différence sensible entre mes observations de 1870 et celles de cette année eu Italie. Mes observations de 1870 avaient toutes été laites en France. Etudions donc, de préférence aux chrysalides, ce qui n'est qu'un pis aller pour les personnes qui n'ont pu voir les vers a la moulée, étudions les vers ta la montée. 1. Voir p. 223 du présent volume. [Note de l'Édition. ÉTUDE.' -I 11 LA. MALADIE DES VERS A SOIE. 45 706 ŒUVRES DE PASTEUR A mon retour en France, au mois de juin dernier, et pendant les derniers temps de mon séjour chez M. Susani, j'ai dressé un tableau d'observations relatif à cinquante vers et cocons correspondants, d'une ponte isolée atteinte de tlacherie. Les conclusions qui résultent des observations de ce tableau me parais- sent très dignes de fixer l'attention des éducateurs. En voici le résumé rapide : Chacun comprend la manière dont les observations ont été faites. Il v avait chez M. Susani, parmi ses éducations d'expérience, une ponte isolée à cocons jaunes qui paraissait fort atteinte de la flacherie, — c'était le 31 mai dernier; — elle commençait à monter à la bruyère. Il y avait quelques vers qui étaient morts sur la litière, d'autres qui filaient leur soie sur le bois, d'autres qui étaient languissants au pied de la bruyère. Mais le plus grand nombre avait un bel aspect et était bien vivant sur la litière. J'éloignai tous ceux qui me parurent mauvais et manifestement atteints de la flacherie, et, parmi ceux qui restaient, je pris cinquante vers de belle apparence, je les mis séparément dans cinquante petites boites distinctes, recouvertes par du tulle, et on continua à leur donner à manger. Ces vers ont fourni des déjections qu'on a examinées au microscope de jour en jour, en ayant soin d'éliminer le restant de celles qui venaient d'être examinées; on a attendu la formation des cocons, en notant avec beaucoup de soin l'allure générale des vers, la manière dont ils mangeaient, l'agilité plus ou moins giamle avec laquelle ils filaient leur soie, puis on a ouvert les cocons, étudié les chrysalides, attendu la formation des papillons et examiné les papillons. C'est à la suite de toutes ces observations que le tableau a été dressé. Il résulte de son examen attentif que : 1" Un ver peut montrer des organismes dans ses crottins, vers le moment de la montée à la bruyère, et cependant filer un cocon très beau, tort dur, bien fourni en soie. Les exemples abondent. Il faut donc renoncer à la pra- tique qui consistait à choisir des cocons pour grainer, en s'adressant au seul caractère de la beauté et de la force du cocon. 2° On constate les résultats dont je parle, principalement pour les vers avant des organismes, en général un jour seulement avant qu'ils ne commen- cent à filer. Si les crottins manifestent des organismes pendant deux ou trois jours avant que les vers ne filent, on trouvera qu'ils fournissent beaucoup de peaux, de cocons à peine formés, et que le ver est le plus souvent mort, noir, rempli d'organismes; ce qui se conçoit, puisque l'action dépressive due aux organismes microscopiques dans le canal intestinal a été très prolongée. Il y a même beaucoup de cas où ces effets se produisent sur des vers qui n ont que depuis un jour des organismes dans leurs crottins, mais alors ces orga- nismes sont ordinairement des vibrions qui paraissent donc agir plus éner- giquement pour amener la putréfaction de l'individu. Si vous vous le rappelez, tnut à l'heure, une observation semblable a été signalée dans le travail de M. de Ferry de la Bellone, et déjà vous en trouvez des preuves dans mon Ouvrage de 1870; c'est que le vibrion est plus actif pour faire périr le ver que les autres petits organismes de la fermentation de la feuille de mûrier, notamment que le petit organisme en chapelets tic grains. .'!" Une grande langueur du ver, soit en mangeant, soit en marchant, soit ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE ;o7 8 surtout ou filant sou cocon, se trouve presque toujours corrélative avec la présence des organismes dans le canal intestinal. \" Il semblerait qne la présence des organismes dans les crottins d'un ver au moment de la montée à la bruyère devrail entraîner forcément l'exis- tence, tOUl au moins de ces mêmes organismes ou de leurs germes dans la poche stomacale ou dans la poche caecale. On aurait pu l'inférer, même de nos anciennes observations; mais et ceci est une observation nouvelle d'une lande importance ), s'il en est ainsi quelquefois, c'est plutôt à titre excep- tionnel, car, si l'on ensemence, dans un milieu de culture approprié, une portion des matières contenues dans l'estomac ou dans la poche caecale de la ehrvsalide c'est ce que nous avons fait après mon retour à Paris), très sou- vent en n'a pus de développement, alors même que la chrysalide provient d'un ce/- qui, au moment de la montée à In bruyère, avait uni' fermentation île feuilles dans son canal intestinal, fermentation accusée par la présence d'organismes dans les crottins de ce ver. Il y a donc comme une sorte de digestion, de résorption des organismes au moment où le ver se chrysalide. Il est vraisem- blable " H y a certainement une relation entre les taches noires plus ou moins accusées du corps des anneaux ou des ailes de la chrysalide et l'état du ver au moment de la montée, sous le rapport de l'existence des organismes microscopiques dans le canal intestinal. Qu'on prenne, par exemple, ce cas limite, celui où toute la surface des ailes est absolument noire: celui encore où tous les anneaux sont noirs sans que les ailes le soient: celui enfin où les ailes et les anneaux, c'est-à-dire tout le corps, sont noirs. Je parle toutefois du cas où, maigri'- ces diverses circonstances, la chrysalide est bien vivante il capable de donner un papillon. Dans ces trois cas, on n'a pas eu résorption des organismes dans la poche stomacale. Le microscope a permis de les reconnaître, et l'ensemencement des matières contenues a été fécond. Ici donc la relation du caractère des taches extérieures et du contenu stomacal est évidente, et cela suffirait pour inviter l'éducateur à rejeter tous les lots qui présentent des chrysalides à ailes tachées, comme le veut M. Bcllotti. Mais on voit ([lie ce caractère des taches des ailes ou du corps rentre dans les laits relatifs à la présence des organismes au moment de la montée à la bruvère. Nous voyons d'ailleurs que les plus belles chrysalides, les plus irrépro- chables extérieurement, correspondent en gênerai à l'absence d'organismes 708 ŒUVRES DE PASTEUR dans le ver à la montée, et à l'absence de matières contenues dans la poche stomacale. Mais, ici encore, rien n'est absolu : un ver peut s'être très bien vidé, avoir l'estomac vide dans la chrysalide et le papillon, avoir une chry- salide irréprochable extérieurement, et cependant il peut y avoir présence d'organismes dans le ver au moment de la montée à la bruvère. lui résumé, il y a en tout ceci divers caractères plus ou moins pratiques auxquels on peut s adresser pour rejeter ou conserver un lot de cocons pour graine : l'aspect de la chrysalide, qui doit être irréprochable, et le micro- scope, qui doit ne pas accuser la présence d'organismes; mais ni l'un ni l'autre de ces caractères ne sont infaillibles. La chrysalide peut être parfaite extérieurement et intérieurement, et néanmoins correspondre à un ver qui a eu des organismes au moment de filer son cocon. Le microscope et même la culture peuvent ne rien accuser d'étranger dans le canal intestinal, et néan- moins cette chrysalide peut correspondre à un ver ayant eu des organismes à la fin de son dernier âge. Ce qu'il y a de plus pratique est donc de revenir à l'observation de l'influence directe de la présence des organismes dans le canal intestinal du ver, sur les allures de celui-ci, tout à la fin de sa vie et au moment où il monte à la bruyère. Il faut rejeter pour le grainage les vers qui ont eu une mortalité par la flacherie, entre la quatrième mue et la montée; il faut rejeter, alors même que cette mortalité serait nulle ou insignifiante, les vers qui sont languissants, qui ne font pas prestement leurs cocons, et qui montrent des organismes de fermentation de la feuille dans leur canal intes- tinal. Puisqu il v a disparition, résorption des organismes, tout au moins de la plupart de ces organismes, n'ayons recours à l'observation du ferment en •chapelets de grains dans la chrysalide qu'à notre corps défendant, que comme pis aller. C'est une observation aléatoire, et, puisque le microscope, heureu- sement, s'est beaucoup répandu, observons l'intérieur du canal intestinal des vers qui montent à la bruyère, afin de nous assurer du nombre relatif de ceux qui peuvent renfermer de la feuille en fermentation. J'ai écrit en 1870 : « Si j'étais éducateur de vers à soie, je ne voudrais jamais élever une graine née de vers que je n'aurais pas observés à maintes reprises, dans les derniers jours île leur vie, afin de constater leur vigueur, <• est-à-dire leur agilité au moment de filer leur soie. Servez-vous de graines provenant de papillons dont les vers sont montés avec prestesse à la bruyère, sans offrir de mortalité par la flacherie de la quatrième mue à la montée, et dont le microscope aura démontré la sanité au point de vue des corpuscules, et vous réussirez dans toutes vos éducations, si peu que vous connaissiez lait d'élever les vers à soie(J). » Fort tle mes observations nouvelles qui confirment entièrement, en les «tendant, celles (pie j'ai publiées dans mon Ouvrage, j'ajoute que je joindrais à l'observation de la prestesse des vers à monter à la bruyère et à faire leurs cocons I examen microscopique du contenu du canal intestinal des vers à la veille et en train de monter à la bruyère, et que je rejetterais pour le grai- nage une éducation qui m'offrirait, même en petit nombre, des vers où la feuille serait en fermentation dans le canal intestinal. La constatation de la prestesse d'un ver a monter à la bruyère est chose délicate: il y faut une 1. T'o/V p. ytO du présent volume. {Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 709 grande habitude, on ne saurait trop s'y exercer, les plus habiles peuvenl s'y tromper ' . Tel est l'ensemble des observations que nous axons faites dans ces deux dernières années au sujet de la question qui a été proposée par le Comité d'organisation du présent Congrès. M. LE Phésidext. Quelqu'un demande-t-il la parole sur la lecture qui vient d'être faite? M. Pasteur. Je serai charmé de pouvoir ajouter, si personne ne demande la parole : qui ne dit rien avisent. Cela nie prouverait alors que MM. \ erson, Bolle, Bellotti et Susani abandonnent leurs contradictions. M. Bellotti (2).... Je crois qu'il doit y avoir toujours corrélation, c'est-à-dire concomitance des vibrions et de ces organismes avec la flacherie, mais que ces organismes ne sont pas la cause unique et directe de la flacherie et qu'il faut cher- cher ailleurs cette cause directe. Je suis bien aise d'avoir constaté que M. Pasteur est du même avis. M. Pasteur. Il résulte de ce que vient de nous dire M. Bellotti, et je l'entrevoyais déjà par une Note qu'il a publiée, que nous sommes tout à fait d'accord l'un et l'autre sur la question de la corrélation entre la présence des organismes microscopiques et la flacherie. C'est là le point qui est en discus- sion; c'est là le point essentiel ; c'est celui qu'il faut d'abord résoudre avant d'aller plus loin. Pour moi, aujourd'hui, d'après mes anciennes observations» et plus fort par les observations nouvelles que j'ai laites, je dis: Oui, il y a toujours corrélation entre la flacherie et les organismes de la fermentation de la feuille dans le canal intestinal. M. Pasteur, dit M. Bellotti, est d'accord avec moi aussi sur ce point que la présence des organismes microscopiques est une suite de la maladie. Si je comprends bien M. Bellotti. ici nous différons. J'ai bien fait observer tout à l'heure dans ma lecture que, dans une maladie, il y a deux choses essentielles à distinguer : la maladie en elle-même et les causes accidentelles qui la provoquent. 11 me vient, en ce moment, une idée. Je fais actuellement des études sur la maladie charbonneuse dans le département d'Eure-et-Loir, afin de découvrir pourquoi ce département perd chaque année une somme de plusieurs millions par la maladie charbonneuse. Il es1 évident qu'il v a là des causes occasionnelles du mal, soit dans le terrain, soit dans la nourriture ou dans d'autres conditions que j'ignore. 1. Qu'on me permette de signaler de nouveau ce fait important qui se passa un jour chez M. Susani : De très beaux vers, de race blanche, montaient à la bruyère: on les visita plusieurs fois- dans la journée, et chacun admirait leur vigueur et leur agilité. La dernière visite eut lieu au moment de l'heure du dîner. On me demanda si je ferais grainer en toute assurance : « Oui. répondis-je, pour ceux qui ont monté dans la journée: mais je suis moins satisfait de ceux qui montent à présent. Si vous le voulez, nous reviendrons les voir après dîner; je choisirai [ues-uns de ceux qui me paraîtront languissants, nous les mettrons à part sur une bruyère isolée. » Il fut ainsi fait. J'en choisis une vingtaine. Or, les jours suivants, la moitié étaient morts, noirs, dans des cocons à peine commencés. "-2. In : Comptes rendus sténographiqaes du Congrès international séricicole, tenu à Paris du 5 au 10 septembre 1878. Paris, 1879, in-8», p. 43-48. {Xote de l'Edition.) 710 ŒUVRES DE PASTEUR Mais cela n'empêche pas que le charbon est déterminé par un organisme microscopique, la bactéridie charbonneuse, et qu'il y a corrélation de la maladie avec la bactéridie. La maladie existant, la bactéridie existe, et la bactéridie existant, la maladie se produit. C'est là un point scientifique acquis. Cela n'empêche pas que j'ignore absolument et que tout le monde, je crois, ignore en ce moment quelles sont les causes occasionnelles de cette maladie, notamment dans le département d'Eure-et-Loir. Revenons à la flacherie. La flacherie existe lorsqu'il y a fermentation des feuilles dans le canal intestinal. Quant aux causes occasionnelles de cette maladie, c'est tout autre chose. Il est parfaitement évident qu'il faut des causes occasionnelles pour que cette fermentation ait lieu. Je me rappelle précisément que je disais au Comité d'organisation, lorsque la proposition de cette question a été débattue : Vous et moi nous allons, étant chacun en transpiration, nous jeter dans la Seine ; puis, vous ou moi, nous aurons l'un une fluxion de poitrine, tandis que l'autre n'en aura |ias. La souffrance que j'aurai pu ressentir de ce bain insolite, mon corps l'aura surmontée très facilement, et comment se fait-il que vous ayez une fluxion de poitrine ? Cela tient à ce qu'à la suite de ce bain froid, quand vous étiez en transpiration, il s'est formé de l'eau dans la plèvre de votre poumon, ce qui peut même entraîner la mort. Évidemment cette maladie est tout autre chose que l'occasion qui en a déterminé l'explosion, et la preuve, c'est que moi je n'ai pas eu d'eau dans la plèvre de mon poumon et que je n'ai pas été malade. Il y a donc, je le répète, dans toute maladie à distinguer, d'une manière essentielle, la maladie prise en elle-même avec ses symptômes et sa patho- logie propre et les causes occasionnelles qui la font éclater. Eh bien ! les causes occasionnelles de la flacherie, et cela se trouve développé très au long dans mon Ouvrage, sont multiples. H y a beaucoup de causes occasionnelles de la flacherie ; mais ce qui constitue cette maladie prise en elle-même, c est le développement des organismes, et la preuve, c'est que, si vous n'aviez pas le développement des organismes, vous n'auriez pas la flacherie. Supposez, par exemple, une éducation dans laquelle il y ait île la maladie, de la mor- talité, et que vous ne trouviez pas les organismes microscopiques ; est-ce que vous aurez les caractères de la flacherie ? Est-ce que vous aurez ces vers qui sont si magnifiques que souvent on les dirait vivants et qu'il faut les toucher pour savoir qu'ils sont morts? Ils sont souvent comme foudroyés, à tel point que cette maladie, parmi ses nombreux synonymes, a été désignée sous le nom d'apoplexie. Il est clair qu'il faut séparer d'une manière complète la cause occasionnelle de la maladie qui est multiple et la maladie en elle-même. Il faut s'efforcer de supprimer par tous les moyens possibles le dévelop- pement des organismes microscopiques. Voyez quelle différence il y a entre vous et moi. Vous dites : La flacherie est une maladie que je ne connais pas et à la suite de laquelle viennent les organismes microscopiques. Moi je dis, au contraire : La maladie n'existe que lorsqu'il y a des organismes microsco- piques. Alors immédiatement, au point de vue pratique, j aurai 1 idée de rechercher si, en plaçant sur la feuille certains antiseptiques, comme l'acide ÉTUDES SUR LA .MALADIE DES VERS A SOIE 711 borique et l'acide salievlique, — je nomme ceux-là parce que nous les avons employés, — j'ai, dis-ie, tout de suite l'idée de rechercher si par ces anti- septiques ' \\ sten (-i, l'auteur d'un dictionnaire de médecine, aujourd'hui 1. In : Comptes rendus sténograpkiques du Congrès international séricicole, tenu à Paris du 5 au 10 septembre 1S7.S. Pans. 1879, in-8°, p. 55-58. •-2. Xvstex (P.-H.). Recherches sur les maladies des vers à soie et les moyens de les pré- venir; suivies d'nne instruction sur l'éducation de ces insectes. Paris, 1808, Imprimerie impé- riale, 188 p. in-8». (Notes de l'Édition.) 714 ŒUVRES DE PASTEUR revu et corrigé par MM. Littré et Robin. Après la publication du petit traité dont je parle, le Dr Nysten, homme très éclairé, avait été envoyé par le Gou- vernement français dans les départements de la Drome et de l'Ardèche, pour étudier l'épidémie qui sévissait à cette époque sur les versa soie. LeD' Nysten, d'après les détails de son ouvrage, a eu sous les yeux des cas de llacherie très développée, et il a, dans un de ses ouvrages, donné quelques indications utiles sur cette maladie. Dans les éducations actuelles, je crois que la flacherie est plus remarquée, parce qu on donne à la confection des graines beaucoup plus de soins qu au- trefois. Les récoltes actuelles de vers à soie, quand elles réussissent, sont infiniment supérieures à celles des temps passés. Qu'était autrefois cette récolte? J'ai toujours entendu dire dans les centres séricicoles que, quand une éducation donnait 42 kilogrammes de cocons à l'once, c'est-à-dire le petit quintal métrique par once qui était alors de 31 grammes, on venait la voir des magnaneries voisines. En ce moment, quel est l'éducateur qui citerait comme remarquable une éducation qui lui aurait donné 42 kilogrammes de cocons? Vous trouverez beaucoup d'éducateurs qui obtiennent 52 kilogrammes: il y en a même qui vont jusqu'à 60 et 05 kilogrammes par once de 25 grammes. 11 résulte de là que, lorsque la flacherie vient atteindre un éducateur qui a souvent de ces récoltes-là, il est infiniment plus frappé qu'il l'était dans le passé. D'après les chiffres que nous a dévoilés la statistique, la moyenne des récoltes était autrefois de 18 kilogrammes par once de 31 grammes. Voyez combien déjà devaient être multiples les mauvaises chambrées, puisque, sur 1.200.000 onces à peu près que l'on mettait en éducation, on avait une moyenne de 18 kilogrammes par once de 31 grammes. J'ai quelques observations à faire sur ce que vient de dire M. de Cha- vannes, au point de vue des causes probables de la maladie qu'on appelle la flacherie. 11 est certain que, si l'on donne au ver une feuille fermentée, on doit singulièrement le prédisposer à prendre la flacherie. Vous détachez un rameau de mûrier; il s'écoule la sève cpie tout le monde connaît, par consé- quent chaque feuille a cette petite quantité de suc que nous voyons poindre a 1 extrémité de sa tige; vous mettez tout cela dans un sac, c'est-à-dire des feuilles forcément humides avec des fragments de branches coupées. Ces feuilles restent souvent longtemps dans cet état; il est certain que ce liquide rencontrera des germes déposés à la surface des feuilles; une fermentation s ensuivra, et, si vous donnez à manger au ver ces feuilles, vous lui ingérez des organismes tout développés, vous lui donnez la flacherie. C'est là certai- nement une des causes de la détermination de la maladie. Il se peut que dans une magnanerie quelques vers réchappent, mais la plupart succombent. J ai, pendant mon séjour chez M. Susani, lait quelques expériences sur ci- point avec M. Chamberlain!. J'avais même préparé un petit tableau à cet effet; je ne l'ai pas sous la main, mais j'espère que vous comprendrez com- tnent les expériences étaient faites. On prenait un tube en verre fermé à l'une de ses extrémités, on pressait l'extrémité de la branche d'une feuille et Ton attendait que la gouttelette de lait ou de suc vint à l'extrémité; on aspirait celle gouttelette de liquide, puis après avoir répété cela un certain nombre de lois, on refermait l'extrémité du tube à la lampe. Un certain nombre de tubes ont été préparés ainsi, et d'autres ont été préparés de la manière sui- ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 715 vante : une gouttelette qui venait à l'extrémité d'une branche était passée sur la fouille: on mouillait la feuille au moyen de ce liquide; on prenait une autre gouttelette et l'on avait ainsi une certaine quantité de sue <|tii avait mouillé la surface îles feuilles; on aspirait ce liquide dans un tube préalablement flambé. On avait donc, d'un coté, une série de tubes dans lesquels on avait introduit du sue, qui se trouvait à l'état de nature, et, d'autre part, des tubes contenant le même suc, mais qui avait pu prendre à la surface îles feuilles les germes déposés par l'air extérieur. Dans les premiers tubes, conservés à la température de magnaneries, il ne s'est pas manifesté la moindre fermen- tation. Vous savez que c'est un phénomène général que tous les êtres, végétaux et animaux, ont leur économie absolument fermée à l'introduction de germes d'organismes extérieurs : j'ai établi ce fait pour le sang, pour les urines, et en général pour tous les liquides du corps humain (*). J'ai fait notamment des expériences pour le sue de raisin (-) ; vous aspirez ce sue dans un tube préala- blement disposé, comme je viens de le dire, et ce suc ne fermente jamais, quelle que soit la température à laquelle on l'expose. Quant aux tubes qui contenaient l'aspiration des gouttelettes qui avaient essuyé les parties extérieures des feuilles, un certain nombre, pas tous, mais la grande majorité, présentaient des preuves manifestes de fermentation. Il résulte de pareils faits que la feuille de mûrier, telle qu'on la récolte en France, ne peut pas impunément, sans conséquences déplorables pour la santé du ver, être maintenue longtemps (par exemple vingt-quatre heures c'est beaucoup trop) à une température un peu élevée, sans que, à la surface de cette feuille, il ne se trouve des vibrions ou des germes d'animalcules microscopiques qui germeront. Vous mettez tout cela dans le canal intestinal du ver, quand vous lui donnez à manger cette feuille fermentée; vous le con- tagionnez absolument comme je l'ai contagionné autrefois et comme le con- tagionne M. de Ferry de la Bellone, lorsqu'il essaie de donner la flacherie artificielle. M. de Chavannes. Dès l'instant qu'il y a échauffement de la feuille, il y a néces- sairement fermentation. M. Pasteur. Mais réchauffement des feuilles peut être produit par d autres causes: il y a des phénomènes d'oxydation. Il est certain que, dès que les feuilles sont récoltées, il y a fixation d'oxygène à leur surface, et il en resuite un changement de température indépendant des organismes micro- scopiques. Je vais vous citer un fait relativement à ces phénomènes d'oxydation par- ticuliers dont je parle. Il y a des exemples que tout le monde connaît : ainsi il y a des meules de foin auxquelles le feu prend spontanément sans que l'incendie tienne, comme on l'imagine, à la fermentation, à des organismes microscopiques; ce phénomène est produit par de l'oxyde de fer qui, pas- sant à l'état de sulfure de fer, comme dans les volcans, amène la combustion. II v a là une chaleur indépendante de la fermentation. 1 et 2. Voir, ,\ ce sujet, tome II des Œuvres de Pasteur. ]>. 247-359 : Chapitre V du « Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l'atmosphère », et p. 367-418 : Dis- cussion avec MM. Premy et Trécul sur l'origine et la nature des ferments. (Note de l'Édition.) 716 ŒUVRES DE PASTEUR M. de Cha. vannes. Quand la feuille s'est échauffée, comme vous le dites, est- elle dans le même état que quand elle est prise sur l'arbre? M. le Président. Cette question ne peut être traitée en ce moment. M. Pasteur. J'ajouterai une observation relative à la flacherie; je l'em- prunte à M. de Ferry de la Bellone. Il fait remarquer que, quand une chambrée a réussi, est satisfaisante, si on livre 60 kilogrammes de cocons ai» g] ainage, je suppose, il y a un désastre, si les cocons ont été mal choisis, désastre qui est plus important que si l'on en avait pris une pareille quantité d'orioines diverses. Reprise de la discussion suii la flacherie. question A. M. Perroncito (j)... M. Pasteur admet comme un fait bien assuré que, dans la pluralité des cas, on trouve plus ou moins abondants les vibrions et les ferments dans le tube intestinal des vers flats, sans nier les faits rares, mais bien constatés, de vers à soie flats sans vibrions ou ferments à chapelets. Il admet que, bien que le virus charbonneux soit représenté dans le plus grand nombre des cas par la bactéridie du sang des animaux infectés, il y a des cas dans- lesquels l'observateur ne saurait trouver des bactéridies. Il admet également que des bactéridies d'une forme identique à celles du charbon peuvent se trouver dans les affections typhoïdiques et tétaniques non con- tagieuses, que par conséquent elles n'ont rien de caractéristique. Toutefois, nous devons admettre que les vibrions et les ferments de la flacherie se multiplient en peu de temps et déterminent une rapide putréfaction du corps des vers. M. le Président. La parole est à M. Pasteur. M. Pasteur. Je dirai d'abord quelques mots relativement aux paroles que vient de prononcer M. Perroncito. Nous n'avons pas évidemment à discuter ici la question de la maladie charbonneuse. C'est moi peut-être qui l'ai soulevée en disant incidemment ;'c la première séance qu'il fallait toujours bien distinguer, dans une maladie, entre la maladie prise en elle-même et les causes prédisposantes ou occa- sionnelles de cette maladie, et j'ai ajouté: Par exemple, j'étudie le charbon en ce moment dans le département d'Eure-et-Loir, où la maladie charbon- neuse est endémique, mais je l'étudié à un certain point de vue. Jusqu'à présent, dans mon laboratoire, j'avais étudié le charbon au point de vue scientifique, au point de vue de la corrélation étroite et absolue, suivant moi, ([in existe entre l'affection charbonneuse et la présence des petits organismes microscopiques que l'on désigne sous le nom de bactéridies charbonneuses. Je crois avoir démontré, dans deux premières Notes communiquées en mon nom et au nom de M. Joubert, mon collaborateur, que la bactéridie charbonneusi est bien la cause du charbon (-). 1. In : Comptes rendus sténographiques du Congrès international séricicole, tenu à Pari» du 5 au 10 septembre 1878. Paris, 1879, in-8°, p. 66-76, et p. 78-79. 2. Pasteur. Étude sur la maladie charbonneuse (avec la collaboration de M. J. Joubert Comptes rendus de l'Académie des sciences, séance du 30 avril 1877, I.XXX1V. p. 900-906. — Charbon et septicémie (avec la collaborai ion de M. J. Joubert). [b/d., séance du 16 juillet In;;. LXXXV, p. 101-115. Ces Communications figureront dans le tome VI des Œuvres de Pasteub-. {Notes iir l'Édition.) ÉTUDES SUR LA .MALADIE DES VERS A SOIE 717 Voilà pour ce qui est de la maladie prise en elle-même, et on pourrait ajouter ([iiels sonl les symptômes pathologiques de la maladie, lorsque la baetéridie est développée chez l'animal, soit dans ses ganglions, soit sous sa peau, soit même dans le sang. Mais à côté de ceci, pour bien montrer qu'il fallait distinguer entre les caractères pathologiques d'une maladie, entre sa cause immédiate et pro- chaine et ses causes occasionnelles, j'ai dit: Je crois avoir terminé l'étude scientifique du charbon dans le laboratoire ; je crois avoir mis en évidence l'étroite et absolue dépendance qu'il y a entre le charbon et la baetéridie; mais, quant à la cause occasionnelle de la maladie, je l'ignore absolument. C.'esl pour rechercher et déterminer cette cause occasionnelle que j'ai ins- titue en ce moment des expériences dans le département d'Eure-et-Loir. J'ai voulu par là vous indiquer qu'il fallait toujours distinguer avec soin les causes ■occasionnelles d'une maladie et la maladie en elle-même. J'avais même ajouté: Je suppose (pie j'aille me jeter, étant en transpira- tion, dans la Seine. Evidemment j'ai été soumis là à une cause occasionnelle de maladie, de fluxion de poitrine. Eh bien! cependant, je puis ne pas avoir de fluxion de poitrine. J'ai subi la cause occasionnelle de la maladie, et je n'ai pas pris la maladie. Personne ne peut dire, lorsque j'ai pris ce bain dans des circonstances si fâcheuses pour nia santé, que j'aie gagné une fluxion de poi- trine, si la fluxion de poitrine avec ses caractères, avec la sérosité entre la plèvre et le poumon, ne s est pas manifestée chez moi. Vous, au contraire, vous répétez cette même expérience, permettez-moi cette supposition, et, au bout de quelques jours, il se manifeste chez vous une fluxion de poitrine qui peut entraîner la mort. Vous avez subi l'occasion de la maladie comme moi, et vous avez eu la maladie en plus. Voilà deux choses absolument distinctes. C était simplement des comparai- sons, des indications que je voulais présenter au Congrès, afin de bien faire saisir ma pensée. Mais je n'ai jamais eu l'intention d'établir une relation quelconque entre la maladie charbonneuse et la flacherie des vers à soie. La seule relation qu'on puisse établir, c'est que, de part et d'autre, il y a des organismes microscopiques qui se développent dans le corps des animaux, mais dans des conditions bien différentes ; car dans le charbon, à la fin de la maladie, c'est dans le sang que se développe la baetéridie charbonneuse, et c'est parce qu'elle se développe clans le sang que se produisent toutes les lésions et tous les symptômes de l'affection charbonneuse, et finalement la mort. Dans la flacherie des vers à soie, c'est clans le canal intestinal que se développent les organismes. C'est par conséquent bien différent. Et puis, les organismes microscopiques sont très différents clans les deux cas. M. Maillot ayant eu l'obligeance de traduire en fiançais les paroles qui avaient été prononcées par M. Verson en italien, je vais maintenant essayer de repondre à l'argumentation de M. Verson. M. Verson nous disait à la première séance, après la lecture de mon tra- vail : « Les observations faites incidemment par M. Susani me permettent de conclure (pie M. Pasteur, mis en présence de certains vers malades, s est trouvé quelquefois dans le doute pour savoir si ces vers étaient affectés ou non de llaeherie, et qu'il a résolu ce doute eu se fondant sur le résultat de 718 ŒUVRES DE PASTEUR l'examen microscopique, déclarant ver flat celui qui contenait des vibrions et des ferments dans son estomac, et le déclarant non flat dans le cas con- traire. » Que M. Verson me permette de lui dire qu'il a mal compris la réponse que j'ai faite à M. Susani, et peut-être aussi mal compris les paroles de AI. Susani. J'ai expliqué au Conorès que, pendant l'année 1878, j'avais été passer plu- sieurs semaines en Italie dans la propriété de M. Susani, où les éducations abondaient autour de nous, puisqu'on élevait le chiffre véritablement énorme de 700 à 800 onces de graines tant japonaises qu'indigènes. J'y ai été, et non en France, pour des raisons que j'ai indiquées déjà: j'y ai été surtout pour me trouver sur le terrain même de la contradiction qui s'était élevée depuis la publication de mon Ouvrage en 1870, relativement à mes observations sur- la flacherie. J'y ai été pour trouver un contradicteur ou des contradicteurs. J'y ai été pour trouver un témoin de la vérité, et je dois dire que j'ai trouvé chez M. Susani un témoin qui certainement, qu'il me permette de le lui dire, n'était pas commode. M. Susani, dans toutes les conversations que nous avons eues, dans tous les détails de notre vie en commun, était d'une aménité et d une courtoisie parfaites. Mais je dois déclarer que*, relativement à la question de la corrélation qui m'amenait en Italie, jamais il ne m'a été pos- sible d'obtenir de lui une réponse quelconque. Il a été d'un silence et d'un mutisme absolus, et je lui en savais gré; car, ayant toujours l'habitude de prêter à mes amis des intentions élevées, je pensais que M. Susani gardait le silence parce qu'il attendait les discussions contradictoires du Congrès, et qu'il rendait ainsi un hommage à ceux de ses compatriotes qui m'avaient contredit et pouvaient le faire encore. Mais ceci m'inquiétait fort peu. .le n'allais pas en Italie pour chercher des paroles d'approbation ou pour établir définitivement la discussion sur la question de la corrélation. J'y allais en définitive dans un seul but : pour qu'on me montrât un ver flat qui ne contint pas d'organismes microscopiques dans son canal intestinal. Eh bien! je déclare ici devant M. Susani que jamais M. Susani, malgré mes demandes réitérées, n'a pu me présenter un ver flat sans que je n'aie immédiatement rencontré des organismes microscopiques dans son canal intestinal. M. Brambilla, M. Sala, M. Vitali, les aides dévoués et intelligents de M. Susani. n'ont pas pu davantage nie présenter un ver flat qui ne renfermât des organismes microscopiques dans son canal intestinal. Voilà en définitive le résultat intéressant et important de ma campagne d'études en Italie. Mais nous nous présentons devant une éducation de vers à soie, devant des tables où il y a un certain nombre de vers qui sont flats ; il y en a de morts, il y en a de mourants, il y en a qui sont évidemment malades et il y en a qui paraissent parfaitement sains. Tous ceux qui sont morts sans exception offrent des organismes microscopiques dans leur canal intestinal. Les mourants offrent tous des organismes de la fermentation de la feuille dans leur canal intestinal, et ceux qui sont évidemment malades, ces beaux vers qui ne mangent pas et que tous les éducateurs connaissent, qui se promènent sur la feuille et qui l'attaquent difficilement, tous ces vers renferment des orga- nismes microscopiques dans leur canal intestinal. J'éloigne d'une table ou ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 719 cl un panier tous les morts, tous les mourants, tous ceux qui son) évidemment malades, et il me reste quoi? Un certain nombre de vers très beaux en apparence. Et puis vous me demandez quels sont les vers qui sont Mats dans ceux-ci qui restenl .'.le vous réponds hardiment : Je n'en sais rien, car évidem- ment je n'ai pas le don de la divination relativement à ces vers. Vous me direz : Mais cependant, demain ou après-demain, il y aura de ces vers qui périront de la flacherie, puisqu'il peut y avoir déjà là-dedans des liais, .le vous repondrai alors ceci : Je vais vous dire quels sont ceux qui mourront demain ou après-demain. Seulement, j'ai besoin île l'aire une observation. La flache- rie n'a pas des caractères extérieurs tels qu'on puisse dire, lorsqu'un ver n'est pas visiblement malade pour le praticien : Voilà un ver malade. Je prendrai, par exemple, les crottins sans détruire les vers; je séparerai tous ces vers comme je l'ai l'ait sur ee tableau de cinquante vers dont j'ai parlé, sur lesquels ces expériences ont été laites et qui provenaient précisément d'une éducation dont on avait éloigné tous les vers morts ou mourants et tous les vers mani- festement atteints. On avait pris parmi les vers lestants les cinquante plus beaux et on les avait mis un à un dans cinquante boites séparées, et l'on avait continué à les élever et à les faire filer. Dans ces boites se trouvaient les crottins de la veille. Quand il y avait des organismes dans ces crottins, je disais : Voilà un ver qui est atteint de flacherie. C'est tout ce qu'évidemment on peut demander, et il me semble que c'est aller très loin dans l'étude de la flacherie, dans la désignation des vers qui peuvent être flats. Maintenant le point essentiel à traiter avec M. Verson, le voici, et je l'ai étudie avec beaucoup d'attention. Il va dans les vers flats des caractères anatomiques qui sont évidents. Si nous prenons des vers mourants, leur tunique intestinale est tout opaque; elle se divise avec une facilité extrême, etc.; il y a là évidemment une affection très grave de la tunique intestinale Si vous prenez les vers qui sont moins malades, mais qui le sont évidem- ment , vous trouverez encore la même chose : leur tunique intestinale est opaque. Le point capital est de savoir si, par exemple, dans les vers dont je parle, il en existe ayant une très belle apparence, mangeant, et devenant plus tard flats et qui ont déjà des caractères pathologiques et la tunique intestinale avariée. Eh bien! je dirai ici que cela n'est pas sans qu'il y ait concomitance et présence des organismes microscopiques. Si vous avez des organismes microscopiques, vous devez avoir très évidemment, comme je viens de le dire, l'opacité de la tunique intestinale et des altérations anatomiques; mais si \ous n'avez pas d'organismes microscopiques dans le canal intestinal, vous n avez pas de caractère anatomique qui puisse vous indiquer que vous avez affaire a un ver liât. M. Verson m'a lait ensuite une observation sur laquelle je m'arrêterai 1res peu (I instants. « On peut objecter, dit-il, que les expériences d'inoculation de ferments et de vibrions sur le ver semblent autoriser à admettre que les vibrions et les ferments sont la cause de la flacherie: mais cela ne nous semble pas être ainsi, car en lut induisant ces êtres eu quantité suffisante dans l- corps d'un autre animal, un lapin, par exemple, un chien, un chat, ils meurent sans qu'on puisse attribuer la cause de cette mort à la flacherie: et encore, serait-il admissible, parce que des ferments etdes vibrions se trouvent 720 ŒUVRES DE PASTEUR dans la déjection d'un cholérique, que le médecin qui en rencontrerait clans les déjections d'un de ses malades, par suite de ce seul fait, diagnostiquât le choléra? » D'abord, je ferai observer que, si l'on introduit dans le corps d'un animal les organismes de la fermentation de la feuille du mûrier, on n'obtient pas du tout le résultat qu'indique M. Verson. Notre canal intestinal est rempli d'organismes microscopiques. Quelques soins que vous ayez, vous tous ici présents, de votre bouche, si vous prenez dans l'intervalle de vos dents la plus petite quantité de matière qui s'y trouve et que vous l'examiniez au micro- scope, vous rencontrerez des ferments tout à fait analogues à ceux qui se trouvent dans la feuille qui fermente et dans le canal intestinal du ver. Tout notre canal intestinal est rempli d'organismes microscopiques qui ne nuisent pas à notre santé. La physiologie générale de l'économie humaine nous apprend qu'il n'y a aucun inconvénient pour nous à avoir de ces organismes. Si vous introduisez sous la peau les organismes de la feuille par une piqûre ou par une injection hypodermique, il n'en résultera aucun mauvais effet, un petit abcès peut-être, mais d'une guérison facile, excepté le cas toutefois où il se trouvera parmi les organismes de la fermentation de la feuille le vibrion septique, le vibrion de la septicémie, c'est-à-dire un organisme qui peut se développer dans l'intérieur du corps et passer ultérieurement dans le sang. Alors la mort est inévitable. Mais vous voyez que ce sont des faits absolu- ment en dehors de ceux que nous étudions en ce moment. Relativement aux déjections des cholériques, M. Verson dit : « Serait-il admissible, parce que des ferments et des vibrions se trouvent dans les déjections d'un malade, que le médecin diagnostiquât le choléra? » Mais ceci est tovit à l'ait hors de cause. Je viens de dire que, dans l'intestin de tous les êtres malades ou sains, se trouvaient ces organismes microscopiques à profusion. Ah! si, par exemple, l'homme à l'état de santé n'avait jamais de ces organismes dans son intestin cl ses déjections, et qu'on en trouvât chez les cholériques, il faudrait s'em- presser de se demander : N'y a-t-il pas corrélation entre la présence de ces organismes et l'affection cholérique? Je le répète, suivant moi, il n'y a pas lieu de tenir compte de ces observations. J'ai déjà répondu à l'observation suivante et qui est mieux spécifiée dans cette phrase de M. Verson: « Scientifiquement parlant, nous ne pouvons donc que répéter avec insistance que la flacherie ne doit être admise que quand l'étude anatomique montre qu'il s'agit véritablement de la flacherie. » Sans doute, ceci serait vrai si l'altération anatomique précédait la flacherie; mais, je le répète, cela n'est pas, et quand vous avez l'altération anatomique, vous voyez qu'en même temps il y a des organismes microscopiques. 11 y a plus, c'est que vous voyez déjà des organismes microscopiques, alors qu'il a y a pas encore d'altération anatomique. Je parle ici de la flacherie redoutable, telle que tous les éducateurs la connaissent, de cette flacherie qui tout à coup lait périr toute une chambrée, toute une éducation se présentant sous les meilleures apparences et qui provenait d'une graine très saine : de cette flacherie où il y a une telle prédisposition à la maladie, depuis l'œuf, depuis l'embryon, qu'il soit impossible d'obtenir un seul cocon de mille et mille vers. 11 est bien facile de produire cette flacherie-là. 11 suffit d'avoir affaibli la graine, et rien n'est plus simple (pie d'affaiblir cette graine pour produire cette flacherie ave c ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 721 la prédisposition héréditaire au plus haut degré. Prenez une graine, la meil- leure que vous puissiez fabriquer ou faire fabriquer; exposez-la au mois de mars au chaud pendant quelques jours : exposez-la au froid pendant quelques jours el ensuite à la chaleur pendant quelques jours, et mettez-la à l'incuba- tion. Elle liait, et très souvent la naissance est parfaite. Elevez ces vers, et chaque fois vous apercevrez la Qacheric. Mais que dans de tels vers il soit possible de trouver des altérations anatomiques, qui correspondent à cet affaiblissement excessif du ver, je ne le conteste pas; mais, dans tous les cas, il faudrait, pour que vous puissiez l'aire de ces altérations anatomiques le. caractère île la llacherie, que, dans tous les cas de llacherie, et quelle que soit leur cause, vous avez toujours ces altérations anatomiques. Eh bien! cela n'est pas. Je veux bien faire comprendre au Congrès que c'est ici qu'il y a une cer- taine équivoque d'où il résulte que beaucoup des meilleurs esprits disent : Mais c'est une question de mots, c'est une question de définition. Non, ce n'est pas une question de mots, c'est une question beaucoup plus grave. J'ai cherché un raisonnement le plus topique possible pour bien montrer la différence qui existe entre la maladie définie par ses caractères patholo- giques, par ses caractères extérieurs, c'est-à-dire la maladie prise en soi, et les causes occasionnelles de cette maladie : Je suppose que je sois né de parents phtisiques : tout le monde sait que je serai né avec une très grande prédispo- sition a la phtisie pulmonaire. Mon enfance, mon adolescence se passeront dans des conditions maladives ; je serai chétif, malingre, exposé à prendre un rhume pour la moindre variation de température, et puis, peut-être, à l'âge de vingt ou vingt-cinq ans, je mourrai avec la phtisie tout à fait déclarée; quel est celui d'entre vous, quel est le médecin qui, en voyant cet enfant chétif, pâle, né de parents phtisiques, dira : Il est phtisique ! Le médecin lui-même attendra pour vous dire : Cet enfant est phtisique, qu'il ait des tubercules dans les poumons. A ce moment-là seulement, il pourra dire: Cet individu est phtisique. Jusque-là il n'a pas le droit de le dire, et la preuve, c'est que, si vous placez cet enfant dans des conditions de nourriture et dans des conditions climatériques convenables, très souvent vous le sauverez, et il ne mourra pas phtisique, et il vivra longtemps. Il en est de même pour les vers à soie. Voilà une graine très prédisposée à la llacherie, qui y est tellement prédisposée que, sur vingt éducations, dix- neuf échoueront complètement, je suppose, entre la quatrième mue et la montée à la bruyère. Direz-vous, parce qu'elle est très disposée à la flacherie, qu'elle a la llacherie avant que la flacheric soit déclarée. Non, et la preuve, c est que la vingtième éducation a donné une réussite parfaite. Tout le monde a ru de ces exemples SOUS les VCUX. 11 y a donc, je le répète, une différence essentielle entre une maladie avec sis caractères, c'est-à-dire la maladie prise en soi, et les causes prédispo- santes, les occasions qui peuvent lui donner naissance. Je pense que tout le monde m'aura compris, et il y a peut-être plus de rapport qu'on ne saurait le dire entre tous ces caractères relatifs à la phtisie pulmonaire et les caractères relatifs a l'affaiblissement qui détermine, pour ainsi dire forcément, la llacherie chez les vers. En quoi consistent les bonnes conditions d'éducation devers à soie.' Je ÉTUDES SUR LV MALADIE DES VERS A SOIE. 46 722 ŒUVRES DE PASTEUR n'en sais pas plus, j en sais même probablement moins, à cet égard, que les éducateurs, que les praticiens ; cependant, si j'étais éducateur, j'aurais tou- jours la crainte des organismes microscopiques. Avec M. de Cbavannes, je craindrais les dangers qui peuvent résulter de l'emploi de certaines feuilles ; ainsi, j'aurais peur de donner des feuilles mouillées, parce que cette nourri- ture est mauvaise et provoque la flacherie. Au moment des chaleurs acca- blantes, où tout le monde dit : Comme le temps est lourd! je produirais un mouvement d air de nature à amener la transpiration si nécessaire à cet animal qui absorbe beaueoup'd'eau qu'il doit rejeter par la transpiration ; il est donc indispensable de [songer aux movens qui peuvent produire la trans- piration et d employer pour ce but les aliments, les conditions de température nécessaires. Je ne chaufferais pas beaucoup au moment des mues. Il n'y a donc pas ici une simple question de mots, une simple question de définition. Je voudrais qu'on définit cette maladie, la fermentation qui se pro- duit dans le tube intestinal ; mais, je le répète, en ce moment, il ne s'agit pas de définitions à formuler, mais d'une question très importante au point de vue pratique. De quoi s'agit-il dans mon Ouvrage de 1870? Vous y trouverez tout ce que j'ai dit ici. Vous savez que la question proposée au Congrès est née de la contradiction qui s'est produite entre plusieurs naturalistes autrichiens et italiens relativement au système énoncé dans mon Ouvrage. Eh bien ! les observations que j'ai faites en 1870, je les ai retrouvées exactes, et je n'ai rien à y retrancher. Les expériences de M. de Ferry de la Bellone, qui, comme vous l'avez vu, donne une flacherie artificielle occasionnant la mort, mort qui se produit dans l'espace de vingt-quatre à quarante-huit heures, tandis que, dans mes propres expériences, la mort n'arrivait souvent qu'après plusieurs jours, et quelquefois après que le ver a fait son cocon, les confirment et les étendent de la manière la plus précieuse. Quant à l'importance pratique de ces résultats, anciens et nouveaux, je m'étonnerais singulièrement qu'elle ne frappât pas tous les esprits. Si vous êtes persuadés que la flacherie ne se déclare jamais que quand les organismes se sont développés dans le canal intestinal, vous ferez tout pour que ces organismes microscopiques ne se produisent pas et qu'il n'y en ait pas au moment de la confection de la graine. Ayez une bonne graine et sachez les conditions d'une bonne [éducation, vous réussirez certainement : mais cette bonne graine, comment l'obtenir ? Dites-vous : Malgré leur bonne apparence à la montée, les vers peuvent être malades. — M. Pasteur nous en a cité, des exemples dans son Ouvrage. — Alors, examinez ces vers comme pour la maladie des corpuscules. On prend, vous le savez, pour cette dernière maladie, un kilogramme de cocons, et on les fait éclore prématurément, on examine les papillons et. si l'on ne trouve pas de corpuscules, on peut faire grainer ; dans le cas contraire, on s'abstient. Opérez à peu près de même pour les vers suspects de flacherie et même pour les plus beaux vers. Prenez un certain nombre de vers et examinez leurs intestins. Si vous y trouvez des matières en fermentation, la flacherie est à craindre et il faut prendre d'autres papillons. Si vous ne voulez pas détruire des centaines de vers, vous pouvez en mettre une certaine quantité dans des boites et examiner leurs déjections ; mais cpi importe la perte de quelques centaines de vers pour examiner le canal intestinal ? Le point de vue pratique est donc lié à la corrélation qui ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 723 existe entre le développement de la flacherie et celui des organismes micro- scopiques pendant l'éducation. M. Susani a dit une parole très juste en en reportant l'honneur à M. Bel- lotti : « Il faut, a-t-il dit, tenir compte de tous les caractères que présente le ver dans ses diverses transformations. » Parfaitement. Quand, avant la montée, j'aurai constate qu'il n'y a pas d'organismes, j'examinerai les chrysa- lides, les papillons, je verrai s'il v a des taches sur les ailes, sur les anneaux; j'examinerai un certain nombre de poches stomacales, je m'aiderai de tous les caractères qui peuvent m éclairer sur la bonne fabrication de la graine. Que faut-il encore faire pour éviter la flacherie ? Je donnerais peut-être, ce qu'on ne fait pas, surtout après la quatrième mue, un peu de repos à l'animal ; il ne faut pas lui donner trop à manger, car vous pourriez ainsi, en suivant certaines habitudes, accumuler des ferments morbides clans le canal intes- tinal. Il faut que le suc digestif ait un peu de repos. Puis, il y a des races plus ou moins prédisposées à la flacherie. Eh bien ! je ferais choix de celles qui le sont moins. Mais quoique la race japonaise soit dans ce cas, je me garderais bien d'aller en chercher la graine au Japon même. Par la sélection microscopique, vous pouvez très facilement avoir des graines japonaises de reproduction bien supérieures comme vigueur et comme rendement aux meilleures graines d importation directe. Les races jaunes indigènes sont moins prédisposées à la flacherie que les races blanches. Je préférerais élever les premières. Il me semble qu il v a une expérience qui devrait éclairer M. Verson rela- tivement à ce fait de l'altération des organes par la présence des organismes microscopiques, c'est l'expérience qui consiste à donner artificiellement la flacherie. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point que jamais les vers sains ne renferment des organismes. Je prends des vers très sains et je leur communique la flacherie. Dans l'espace de vingt-quatre ou de quarante-huit heures les vers meurent flats. Il est de toute évidence, puisque les vers étaient sains, qu'ils ne présentaient aucune altération anatomique et vous ne pouvez pas invoquer cette altération tomme étant la cause du développement de la maladie. M. le Dr Verson dit qu'il doit toujours y avoir une correspondance parfaite entre le développement, l'intensité de la flacherie et les différents caractères intérieurs et extérieurs : cela n'est pas, suivant moi. Il y a mille causes qui peuvent déterminer une différence. Est-ce que nous ne savons pas quelle grande différence existe entre tel ou tel organisme? Si nous prenons par exemple les bactéridies. est-ce que nous ne savons pas quelle est l'action intense de ces organismes sur l'économie des grands animaux.' Est-ce que nous ne savons pas qu'une quantité infinitésimale de ces bactéridies peut entraîner la mort ? Je me rappelle que, lorsque j'ouvris en présence de M. Susani un ver flat et que je lui montrai les petits organismes que ce ver contenait, il me dit : « Ce n'est pas cela que nous cherchions. » Ce sont ses seules paroles. Et qu est-ce que l'on cherchait de préférence? Ce qu'on cherchait : c'était des vibrions et de petits organismes que j'appe- 724 ŒUVRES DE PASTEUR lais des chapelets de grains. C'était sur ce point que j'avais le plus insisté, comme étant celui sur lequel les éducateurs devaient porter toute leur atten- tion. Permettez-moi de vous citer un court passage de mon Ouvrage. A la page [205], le chapitre sur la nature de la flacherie commence ainsi : Lorsque les vers sont atteints de cette maladie d'une manière apparente les matières qui remplissent leur canal intestinal renferment des productions orga- nisées diverses. Ces organismes sont : 1° des vibrions, souvent très agiles, avec ou sans noyaux brillants dans leur intérieur; 2° une monade à mouvements rapides; 3° le bacterium termo ou un vibrion très ténu qui lui ressemble ; 4° un ferment en chapelets de petits grains... Ces productions sont réunies dans le même ver, d'autres fois plus ou moins séparées. J'avais donc signalé un grand nombre d'organismes comme provenant de la fermentation de la feuille, mais dans le reste de l'Ouvrage, j'ai appelé plus particulièrement l'attention des lecteurs sur les vibrions comme plus à redouter et sur les chapelets de petits grains, et mes observations ont été confirmées par M. le docteur de la Bellone. Les vibrions sont des organismes plus dangereux que ceux que j'ai appelés le ferment en chapelets de grains ; mais ce dernier est celui qui se présente dans les chrysalides et celui qu'on retrouve dans la poche stomacale, et j'avais donné comme pis aller pour les éducateurs qui ne peuvent pas examiner les vers au moment de la montée à la bruyère, d'examiner la poche stomacale et j'avais dit : Si vous trouvez des chapelets de grains, considérez-les comme pouvant donner la flacherie dans la graine. Voilà comment j'avais insisté sur ce point. Si vous voulez bien me le permettre, je vais essayer de poser de nouveau la question. Tout à l'heure, j'ai tâché de faire comprendre quel devait être le véritable terrain de la discussion en cherchant à établir une comparaison entre la maladie des vers et la phtisie pulmonaire; je serais charmé que vous puissiez dire si, dans tout ce qui vous a été exposé à ce moment-là, il y a quelque chose qui vous paraisse défectueux. Pouvez-vous dire qu'un enfant qui est né de parents phtisiques et qui est prédisposé à mourir à quinze ou vingt ans, pouvez-vous dire qu'il est phtisique, à moins que vous n'ayez constaté chez lui des tubercules dans les poumons? Non, vous ne le pouvez pas; vous êtes donc, sur ce point, d'accord avec moi, et je vais répondre en quelques mots à ce que vous venez de dire. Voilà une éducation de vers à soie où la plupart meurent de la flacherie. Nous prélevez, par exemple, cent vers, il en meurt un certain nombre, mettons la moitié ; les cinquante autres font leurs cocons, la chrysalide se forme et ces cocons donnent des papillons qui fournissent de la graine, et celte graine, dites-vous, est fatalement destinée à périr. Supposons qu'il en soit ainsi (et je l'admets d'autant mieux que j'ai donné autrefois la démonstration de ce fait, contrairement à l'opinion générale admise à l'époque où je faisais mes expé- riences) et que fatalement cette graine soit destinée à donner des vers qui périront de la flacherie; sur les cent vers, il y en a déjà eu la moitié qui sont morts de la maladie : je vous demanderai si des 50 pour 100 de vers qui vous sont restés de cette éducation et qui vous ont donné des papillons et de la graine, si vous les avez examinés au moment de la montée à la bruyère, je ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS .V SOIE 725 vous demanderai, dis-je ; Combien en était-il donl vous pussiez dire qu'ils n'étaienl pas réellement des vers liais'.1 Pour moi, je crois qu'il v a là (1rs expé- riences a refaire ; on ne peut pas s'appuyer sur îles faits qui ii'unl pas été suffisamment constatés. Je crois que si vos cinquante vers vous donnent des oeufs qui meurent de la llaeherie, c'est que ces vers devaient avoir des orga- nismes dans le canal intestinal, et si ces vers avaient des organismes non o dans la poche stomacale des chrysalides, mais dans le canal intestinal à 1 état île larves, les nuls devaient avoir une faiblesse originelle; par consé- quent, il n'est pas étonnant que les vers nés de ces œufs soient morts abso- lument comme des enfants, nés de parents phtisiques ou très disposés à la phtisie, mourront dans un âge peu avancé. Je prie mon savant ami, M. Bellotti, de tenir compte à 1 avenir de ce que mes études récentes ont ajouté à ce qui était connu auparavant. Dans le tableau auquel j'ai l'ait allusion dans ma lecture et qui correspond aux faits dont je viens de parler, j'ai dit que j'avais constaté des organismes microscopiques dans les déjections d'un certain nombre de vers et que, cepen- dant, ces vers avaient fait des cocons très forts et très durs, et que mon examen du tube intestinal des papillons ne m'avait pas permis de constater le développement d'organismes microscopiques; il peut se faire qu'il v ait eu résorption au moment de la montée à la bruyère et pendant la chrvsalidation ; mais, évidemment, ces papillons devaient avoir une faiblesse originelle, puis- qu ils étaient nés de vers qui étaient sous l'influence d'organismes microsco- piques au moment de la montée à la bruyère. (Clôture du Congrès.) M. Pasteur (i). Avant de clore ce Congrès, permettez-moi de regretter l'absence de notre illustre président. Je la regrette surtout en ce moment. Au début de vos séances. M. le ministre de l' Agriculture et du Commerce, o après vous avoir souhaité la bienvenue et remerciés d'avoir contribué à l'éclat de notre Exposition par votre présence et l'importance de vos travaux, expri- mait le vœu, l'espoir que vos discussions seraient très utiles à la sériciculture ; je crois que je ne serai pas démenti en disant que cet espoir a été réalisé, et que vous avez donc bien mérité de la sériciculture. (Applaudissements.) [OBSERVATION A PROPOS DUNE LETTRE DE M. DE iMASQUARD] (s) M. Pasteur. M. de Masquard est l'auteur d'une foule de pamphlets séri- cicoles concernant mes études anciennes et récentes sur la maladie des vers à soie. Ils ne méritent guère une réponse, et il v a longtemps que je ne leur 1. In : Comptes rendus sténojjraphiques du Congrès international sérieieole, tenu à Paris du 5 au 10 septembre 1878. Paris, 1870. in-S°. p. 110. {Xote de l'Êditi •■>. Bulletin de l'Académie de médecine, séance du 1" avril 1879, 2« sér., VIII, p. 332-333. 726 ŒUVRES DE PASTEUR donne aucune attention. Par respect pour M. le président, qui vient d'avoir l'obligeance de me communiquer la lettre de cet éducateur et marchand de graines, je dirai qu il suffit de prendre connaissance des discussions des congrès séricicoles internationaux qui se sont tenus depuis dix ans, en France et en Italie, pour être frappé des applications pratiques, heureuses, qui ont été faites de mes travaux, et de l'approbation qu'ils ont reçue et qu ils reçoivent chaque jour davantage dans les pays séricicoles. Malheureusement la sériciculture souffre aujourd'hui de l'introduction à bas prix des soies exotiques, et c'est sur ce point, dont M. de Masquard ne parle pas, que cet auteur voudrait donner le change au public. 11 y a long- temps que les écrits partiaux de M. de Masquard ne réussissent plus à détourner les éducateurs du Midi de l'attention qu'ils s'efforcent d'apporter dans le choix de la graine, et du mérite attribué par eux aux préceptes que j'ai résumés en 1870 dans mes « Études sur la maladie des vers à soie ». MALADIES DES VERS A SOIE [OBSERVATION A PROPOS D'UNE LETTRE DE M. DE MASQUARD] (*) M. Pasteur. M. le président m'a fait l'honneur de me renvoyer une lettre, relative à la dernière campagne séricicole, de M. de Masquard, de Nimes. Cette lettre constate que les éducations de cette année n'ont pas réussi du tout, que la récolte a été tout au plus d'un cinquième de ce qu'elle est dans une année ordinaire. Les gelées du mois d'avril, les pluies et les froids exceptionnels des mois d'avril et de mai, expliquent suffisamment les désastres de cette campagne. L'auteur de la lettre ne peut taire complètement ces déplorables influences climatériques, qui font de l'année 1879 une des plus exceptionnelles de ce siècle ; mais il serait fort aise et laisse bien voir que c'est là tout le but de sa sollicitude vis-à-vis de l'Académie de médecine et de l'un de ses membres; il serait fort aise, dis-je, de rendre responsable du mal l'application qu'on fait dans le Midi des moyens préventifs des mala- dies du ver à soie préconisés par M. Pasteur. [DISCUSSION SUR LES RÉPONSES A KAIRE A L'ENQUETE OUVERTE DEVANT LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE PAR M, LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE] (s) M. Pasteur reconnaît que les souffrances de la sériciculture qui sont mentionnées par la Commission sont réelles, mais il croit qu'elles doivent 1. Bulletin de l'Académie de médecine, séance du 25 novembre 1879, 2» sér., VIII, li. 1205-1206. 2. Bulletin tir ht Société nationale d'ur/rieulture de France, séance du 4 février 1880, XL, p. 90-91. ÉTUDES SI 11 LA MALAlHi: DES VERS [A SOIE 727 être aujourd'hui attribuées à autre chose <|ii à la maladie des vers à suie; il est, en effet, facile de conjurer cette maladie dans une large mesure par les procédés de grainage qu'il a l'ait connaître. Ces souffrances proviennent plutôl de ce que les suies du Japon arrivenl à Marseille à des prix inférieurs aux |>ri\ des soies de la France ei même de 1 Italie. 11 pense que, si l'on rétablissait des tarifs ou si la mode revenait à la soie des Cévennes, la prospérité pourrait renaître pour la sériciculture... ('ii se plaint surtout, dit-il, de la difficulté de produire de la soie à des prix rémunérateurs, mais ou ne se plaint pas île la maladie, car tout le monde sait aujourd'hui qu'elle est conjurable dans une large mesure. I n éducateur soigneux, avec la méthode actuelle conseillée pour la confec- tion de la graine de vers à soie, peut avoir une récolte plus élevée qu'autre- fois, si 1 on prend une moyenne de plusieurs années. M. Pasteur (') demande qu'il soit ajouté au paragraphe 5 la mention proposée par M. Bella dans la dernière séance : « La sériciculture souffre de la concurrence des soies étrangères et notamment de celles d'Orient... » II insiste sur ce point que le quintal (par petite once) varie suivant les localités, de telle sorte que les évaluations de contrées différentes ne sont pas toujours comparables. En tout cas, il estime que, si les éducateurs étaient pourvus de bonnes graines, la moyenne du rendement serait plus grande. RAPPORT FAIT, AU NOM DE LA SECTION DES CULTURES SPÉCIALES, PAR M. PASTEUR, SUR LES TRAVAUX DE M. MAILLOT, DIRECTEUR DE LA STATION" SERICICOLE DE MONTPELLIER ("2) Si l'on se reporte à la création de la station séricicole de Montpellier, le 20 décembre L873, on pourra constater que les nouvelles méthodes de sélection étaient fort peu répandues en France, et même étaient contestées dans les localités où quelques adeptes les appliquaient. Il était donc néces- saire de les divulguer, d'apprendre aux éducateurs la pratique du microscope et la lecture des ouvrages spéciaux : en un mot, de les amener au niveau où s'étaient placés les Italiens et les Autrichiens dès la publication des travaux de M. Pasteur. C'est précisément ce programme qui fut tracé par M. Deseil- ligny au directeur de la nouvelle station, cl son rôle dut être absolument celui d'un vulgarisateur. Divers moyens Furent employés pour satisfaire à ce programme: confé- rences publiques, leçons à l'Ecole d'agriculture, éducations modèles, distri- bution de graines saines, leçons de micrographie en permanence: enfin, publication et distribution gratuite lie brochures sél'icicolcs. C'est ce dernier 1. Bulletin de la Société nationale d'agriculture de France, séance du il février 1880, XL, p. 111 ■'! 113. 2. Mémoires de la Société nationale d'agriculture de France, CXXVI. 1881, p 31-34. ;ji ŒUVRES DE PASTEUR moyen que M, Maillot applique avec le plus de succès, et que nous avons à considérer. Disons d'abord qu'il fallait, pour la rédaction ou le choix de ces bro- chures, des connaissances très variées : 1" Être au courant de la question; et, en France, sauf M. Pasteur et ses «levés, il n'y avait personne, ou à peu près, satisfaisant à cette condition ; 2° Être quelque peu praticien. M. Maillot l'était devenu par ses missions en Corse et Roussillon et ses essais de grainage dans les Bouehes-du-Rhone. 3" Connaître les travaux italiens, afin de les traduire en français ; 4° Connaître l'histoire de la science, les auteurs anciens, dont quelques- uns méritaient d'être tirés de l'oubli ; 5° Être professeur, afin défaire des cours, conférences, etc. Rappelons que, à la suite de missions en Corse et en Italie, M. Maillot, ancien élève de l'Ecole normale supérieure et agrégé des sciences physiques, avait adressé au ministère des Rapports qui décrivaient bien la situation de la sériciculture et les progrès accomplis dans les divers pays qu'il avait dû étudier. Ces Rapports forment comme la préface des Mémoires qu'il devait publier désormais. Le but de ces Mémoires étant l'instruction générale des sériciculteurs, les sujets qu'ils devaient comprendre étaient nécessairement très variés. Leur ensemble devait former comme une Encyclopédie. Il devait y avoir : 1° Des travaux didactiques, conférences, leçons populaires ; 2° Des revues d'un niveau plus élevé, résumant les travaux récents ; 3° Des traductions des travaux étrangers, anciens et modernes; 4° Des rééditions de travaux français devenus rares; 5° Des essais historiques. Actuellement 18 Mémoires de cette collection ont paru, se répartissant entre ces divers chapitres : 1° Les nos 4, 8, 15, sont des conférences faites et rédigées par M. Maillot ; 2° Les n"s 1, 3, 5, 9, 10, 11, 12 des résumés écrits ou traduits par le même ; 3" Les nos 2, 6, 17 des traductions faites par le même. Ajoutons-y celle du traité de Malpighi (*), qui forme le 1er volume d'une série in-4° destinée à comprendre de grands ouvrages avec planches (Cornalia, Maestri, Vittadini). La notice biographique sur Malpighi est à signaler, et le soin avec lequel la I raduction a été faite de tout l'ouvrage. C'est une des publications qui font le plus d'honneur à M. Maillot; 4° Les nos 13 et 16 remettent en honneur Laiïémas (-) et du Halde (3) ; 5° Les nos 7 et 14 donnent une idée de l'histoire de la sériciculture à notre époque et à celle de Henri IV. Cette collection peut être continuée indéfiniment, et il serait regrettable qu'elle ne le fût pas. Rien que pour les rééditions, il y aurait à signaler en France : 1. Malpighi. Traite du ver à soie, traduit par E. Maillot. Montpellier, 1X78, 145 p. in-4» tl pi.). :1. Voir, pour Laffémas, p. 220-221 du présent volume. 3. du Halde (J. B.). Vers à soie, pratique industrielle des Chinois. In : « Description géographique, historique et chronologique... de la Chine et de la Tartarie chinoise. Paris, 1735, 4 vol. in-fol. {Notes de l'Édition.) étud;es sir la maladie des VERS A SOIE 729 Isnard, Le Tellier, Boissier de Sauvages ('). Et pour les traductions : Cornalia, Vittadini, etc. Cette collection de .Mémoires n'est pas le seul titre scientifique de M. Maillot. 11 a pris pari à la rédaction des actes du Congrès de Montpellier et a écrit pour divers journaux des notes et des traductions nombreuses parmi lesquelles nous citerons la traduction du Mémoire sur l'actinomètre, de M. Alberto Levi, un travail original sur les cédratiers, et le Rapport inédit sur l'Exposition séricicole de Paris. Je joins à cet exposé des principaux titres de M. Maillot une nomencla- ture exacte de toutes ses publications jusqu'à ce jour, rédigée par lui. Tous ces travaux justifient la proposition que la Section des cuit uns spéciales lait à la Société de décerner à M. Maillot une grande médaille d'or. [SUR LES ÉDUCATIONS DES VERS A SOIE EX 1881] (s) M. Pasteub croit devoir combattre le voeu émis par M, Chatin, relati- vement aux encouragements à donner aux éducateurs autres que ceux des régions séricicoles. C'est une erreur, dit-il, de croire que l'on peut faire des graines dans le Nord, parce qu'on est loin du centre du fléau. Il faut être dans les grands centres séricicoles pour se rendre compte de ce qu'est le grainage, •dans le Nord on ne le sait pas. Dans les environs de Paris, à Villeneuve- Saint-Georges, il y a des mûriers très beaux, mais cela ne suffit pas. Plu- sieurs éducations ont été faites par des dames, mais tous les essais tentés sur une échelle plus grande ont été infructueux. M. Pasteur ajoute que le climat est surtout important; lorsqu'il n'est pas favorable, même avec de la bonne graine, on ne réussit pas. Sous Henri IV, des tentatives furenl faites par Laffémas pour établir la culture du ver à ■soie dans le Nord; mais il fut obligé d'y renoncer, et cette industrie resta spéciale à la Provence... M. Pasteur rappelle (pie, dans le passé, lorsqu'une once de graine, cjui était de .'il grammes, donnait un petit quintal ou 42 kilogrammes de cocons, on venait des environs voir ce produit exceptionnel et on retenait des cocons pour faire de la graine. Aujourd'hui, l'once de 25 grammes donne jusqu'à 50 kilogrammes de cocons... A loceasion du procès-verbal de la séance précédente, M. Pasteur, revenant sur la question des vers à soie, fait observer que M. de Retz a placé sous ses veux un ouvrage sur les éducations, ouvrage qui date de l'époque dite d'avant la maladie, et dans lequel on voit, ainsi qu'il l'a dit à la fin de la discussion, qu'on récoltait au maximum 40 kilogrammes de cocons par once ou 31 grammes de graines; on citait alors le chiffre de 42 kilogrammes comme extraordinaire, et, dans ce cas, on venait des environs voir la récolte. Ce n'est Jonc pas 50 et 60 kilogrammes, comme l'affirmait M. Chatin, 1. Voir, pour Boissier de Sauvages, ]>. 259 du présent volume. (Xote de l'Édition.) •2. Bulletin de lu Société nationale d'agriculture de France, séance du 29 juin 1881, XLI, X>. 446, 447 et 448; et séance du 6 juillet 1881, XLI, p. i68. 730 ŒUVRES DE PASTEUR [SUR LA SITUATION DE LA SÉRICICULTURE EN 1881] (*) M. Pasteur fait remarquer que, pour réussir en sériciculture, il est indispensable d'abord d'avoir de la bonne graine bien sélectionnée, et ensuite que les circonstances météorologiques soient favorables au mois de mai. La sériciculture, comme les autres industries rurales, a besoin de bonnes condi- tions climatériques. M. Pasteur est d'accord avec M. de Retz, pour reconnaître que l'industrie des vers à soie est en souffrance; mais cet état de choses tient surtout à une cause dont M. de Retz n'a pas parlé, c'est que la soie de l'Orient arrive à Marseille à un prix inférieur à celui des cocons. Dans cette situation, ajoute M. Pasteur, peut-on se livrer à l'éducation des vers à soie avec l'espoir d'obtenir des rendements supérieurs? Oui, répond-il, on peut aujourd'hui avec une once de 25 grammes de graine, et les chiffres cités par M. Heuzé sont là pour le prouver, obtenir des rendements considérables qui s'élèvent quelquefois à plus de 55 kilogrammes. M. de Retz ne pouvait trouver, au moment de la prospérité de l'industrie des vers à soie, aucun rendement atteignant ce chiffre. Alors, quand on récoltait 43 kilogrammes avec une once de 27 ou 31 grammes, on venait voir le produit, tandis qu'aujourd'hui on a un rendement supérieur par once de 25 grammes. Que veut dire cet accrois- sement? C'est que, quand on a de la graine bien faite, on obtient des ren- dements bien supérieurs à ceux que l'on obtenait avant la maladie des vers à soie. Les sériciculteurs ont, en effet, maintenant une méthode de préparation de la graine, d'après laquelle chaque œuf peut être parfait. En résumé, il y a la question pratique et la question scientifique : pour la première, M. Pasteur reconnaît que la situation n'est pas favorable, mais il fait remarquer que la question scientifique parait résolue, et c'est sur cette dernière question seule qu'il a pris la parole. M. Pasteur n'est pas d'accord avec M. de Quatrefages, en ce qui concerne la moyenne du rendement obtenu autrefois. Sans doute, ajoute-t-il, il y a eu des années déplorables ; mais aujourd'hui, il le répète, on peut revoir la pros- périté ancienne si l'on a des graines bien faites et si les conditions climaté- riques sont favorables. [SUR LA SITUATION DE LA SÉRICICULTURE EN 1881] (») M. Pasteub l'ait observer que M. de Retz, pour prouver que la sérici- culture continue à être dans une situation bien inférieure à celle de la période qui a précédé la maladie, donne des chiffres anciens pour la production des cocons plus forts que ceux qu'on relève depuis un certain nombre d'années. La production totale des cocons, ajoute M. Pasteur, est, en effet, moins 1. Bulletin de la Société nationale //'agriculture de France, séance du 30 novembre 1881, XI. I. p. 673-674 .H 675. 2. U,i,l., séance du 'i janvier 1882, xr.lt, p. 8-9. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 731 considérable, muis celte diminution doit être attribuée principalement à ce qu un grand nombre de mûriers ayant été arrachés, la feuille a été beaucoup diminuée et, par conséquent, un ne peut nourrir une aussi grande quantité de mis à soie. Ce qu'il faut surtout considérer, et ce qui est important au point de vue scientifique et pratique, c'est (pie le rendement en cocons de graines de races Françaises, sélectionnées, est proportionnellement beaucoup plus élevé. Il résulte, en effet, de l'enquête de 1881 que ce rendement a été en moyenne de 31 kilogrammes par once de 25 grammes de graine. Or, si l'on se reporte aux tableaux dressés autrefois par M. Dumas, le rendement, avant la maladie, n était en moyenne que de 18 kil. 6, et l'once était alors de 31 grammes. C'est là un fait qu'on ne saurait trop faire ressortir. [SUR LE RENDEMENT EN COCONS PAR ONCE DE GRAINE] («) M. Pasteur revient sur la question des rendements en cocons par once de graine, soulevée par M. de Retz dans la dernière séance. M. Pasteur déclare tout d'abord que, si la situation de la sériciculture n'est pas aussi favorable qu'elle pourrait l'être, c'est à la concurrence étrangère qu'il faut en attribuer la cause, car la soie arrive du Levant à Marseille à des prix plus bas que ne se vendent les cocons fiançais. Quant aux chiffres concernant les ren- dements en cocons que conteste M. de Retz, M. Pasteur peut démontrer que ses assertions sont exactes. Il donne, à cet effet, lecture de plusieurs extraits du premier volume de son Ouvrage sur la maladie des vers à soie. Il résulte de ces extraits que, avant la maladie, dans les chambrées les mieux réussies, dès que l'éducation portait sur quelques onces de graine, on retirait au maxi- mum 20 à 25 kilogrammes de cocons par once de 25 grammes. La moyenne du rendement d'un grand nombre de chambrées, prises au hasard, était très sensiblement moindre ; il n'aurait pas atteint 20 kilogrammes. En ce qui concerne le chiffre cité dans le Rapport de M. Dumas ("2), M. Pasteur l'ail observer à M. de Retz que M. Dumas a parlé dans son travail du rendement obtenu par once de graine levée. Or, ajoute M. Pasteur, en donnant le texte complet du Rapport de M. Dumas, « par les mots graine levée, on entend la quantité de vers éclos et arrivés à la première mue, qui aurait pu provenir d'une once de graine dont il ne se serait pas perdu un seul œuf ou un seul ver avant et durant les premières phases de la vie du ver à soie. Dans la pratique, il est loin d'en être ainsi, car, par année moyenne, en|dehors de la maladie qui règne actuellement, il y a perte d'un tiers ou d'un quart au moins de la graine conservée pour les éducations, depuis le moment de sa récolte jusqu'à la première mue du ver ». M. Pasteur a fait celle citation pour montrer que c'est là ce qui a trompé 1. Bulletin de la Socictr nationale d'agriculture de France, séance du 18 janvier 1882, XLII, p. 28-29. 2. Dumas. Rapport sur le Mémoire de M. André Jean, relatif à l'amélioration des races de vers à soie. Comptes rendus de l'Académie des sciences, XLIV, 1857, p. 276-314. (Note de l'Édition.) 732 ŒUVRES DE PASTEUR M. de Retz, car s'il avait établi s<'s calculs d'après ce principe, il aurait obtenu L8 kil. 6 grammes pour le rendement moyen des chambrées par once de -.") grammes. [SUR UN ARTICLE DE M. DESTREMX RELATIF A LA SÉRICICULTURE])'} M. Pasteur signale un article de M. Destremx, paru dans le dernier numéro du Journal de l'agriculture. M. Destremx, dit M. Pasteur, est pro- priétaire de mûriers à Alais, centre le plus important du Gard : il déclare qu'au moyen du grainage cellulaire, dont il n'est devenu partisan qu'après un temps assez long, on obtient de très hauts rendements, mais que, malgré une très belle réussite, la sériciculture est dans une situation pénible, à cause iln prix avili des cocons. M. Destremx donne les chiffres des dépenses qu'il a laites et du prix de vente des cocons. C'est donc surtout, l'ait observer M. Pasteur, au bas prix des cocons ou à des conditions économiques, mais non aux moyens de production, qu'il faut attribuer la cause de cette situation. [A PROPOS DE LA PRIORITÉ RÉCLAMÉE PAR M. GAETAN CANTONI] (-1) Monsieur le directeur et cher confrère, Paris, le 9 juin 1881 Vous m'avez fait l'honneur de me communiquer la lettre ci-jointe que vous avez reçue de M. Gaétan Cantoni. M. le directeur de l'École d'agriculture de Milan se plaint que vous n'ayez 1. Bulletin de la Société nationale d'agriculture de France, séance du 25 janvier 1882, XLII, p. -M. 2. La question de priorité de l'invention du procédé de sélection, soulevée par certains baco- logues italiens déjà antérieurement à la publication des « Études sur la maladie des vers à soie » (voir p. 039-641), a été reprise par eux dès 1871. Pendant son séjour à Lyon, au début de L871, Pasteur eut à répondre à des lettres de polémique de J. Rosa (Lettre au journal II Suif, datée de Lyon, 22 mars 1871, et reproduite dans la Rivista settima.na.le di baehicoltura, III, 1871, n» 15) et de Cantoni (Lettre au journal II Sole, datée du 8 avril 1871, en réponse à une lettre de Cantoni, adressée au même journal). A la même époque, il adressa à la Rivista settimanale di baehicoltura deux articles : l'un « Sur la tlacherie. Lettre à M. Bellotti » (III. 1871, n» 18); l'autre « Encore sur la question de priorité » (III, 1871, n° 20). En 1882, le T>' Gaétan Cantoni. à propos d'un discours prononcé par M. Barrai aux fêtes d' \nlii-mis. .n l'honneur de Pasteur, revint sur la question de priorité. Il adressa au directeur du Journal de l'agriculture une lettre où il contesta que Pasteur fût le véritable inventeur du procédé auquel la sériciculture devait sa régénération, et il termina en disant : « Il faut convenir que les études régénératrices de la sériciculture appartiennent à l'Italie, à la France d à PAutriche, et que l'idée d'examiner les liquides des papillons, pour avoir de la bonne graine, naquit en Italie avant que M. Pasteur s'occupât des vers à soie. » (Journal de l'agriculture, 1882, II, p. 442-443.) Voici la réponse que Pasteur fit àcettre lettre. Journal de l'agriculture, p. 443-444. (Xote de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 733 pas rendu justice, dans votre discours d'Aubenas, à ceux qui m'onl précédé dans L'étude de la maladie des vers à soie et plus particulièrement à lui-même. Vraiment, la circonstance dans laquelle vous avez pris la parole à Aubenas eût été mal choisie pour faire un historique des travaux sans nombre qui ont paru sur le sujet avant que je fusse sollicité de m'en occuper moi-même. Cet historique impartial et très complet se trouve mieux à sa place dans le premier volume de mon Ouvrage édité en 1870. Toutefois, si votre appré- ciation, à Aubenas, en ce qui me concerne, n'avait été déjà beaucoup trop indulgente, moi aussi je regretterais, avec M. Cantoni, que vous n'eussiez pas fait une revue du passé, car vous auriez eu l'occasion de donner les preuves de la nouveauté de mes études. M. Cantoni a donc oublié qu'en 1867, dans la Bibliuteca utile, publiée à .Milan, il a écrit la phrase suivante que je transcris textuellement avec la traduction française en regard; c'était à un moment où j'avais déjà établi ma méthode de grainage par des expériences irréfutables : « Le nostre sperienze diedero già ragione aqueste sei conclusioni e per di più diedero luogo ad una 7" cioè, che da farfalle e da uova senza cor- puscoli si possono ottenere baehi infetti, il che vuol dire esse sgrazia- tamente inutile anche l'esame micro- scopico délie farfalle. » « Nos expériences ont déjà donné raison à ces six conclusions, mais de plus elles ont donné lieu à une sep- tième, à savoir : que de papillons et d'œufs sans corpuscules on peut obte- nir des vers infestés, ce qui veut dire que l'examen microscopique des pa- pillons est aussi malheureusement inutile. » Se peut-il que, après avoir écrit, en 1807, cette phrase qui est la condam- nation de mon procédé de grainage et après avoir motivé cette condamnation sur une erreur absolue, savoir : que des papillons sains on peut tirer des vers infestés de la maladie, se peut-il, dis-je, que M. Cantoni soulève une ques- tion de priorité ! M. le directeur de l'École d'agriculture de Milan a donc oublié également que la question de priorité a été, en son temps, traitée et résolue par les hommes les plus autorisés de l'Italie et de l'Autriche méridionale ; qu'elle a été traitée et résolue principalement par la savante et très compétente Com- mission instituée par le gouvernement autrichien pour juger les trente-huit concurrents au prix de cinq mille florins proposé par le ministère de l'Agricul- ture d'Autriche en laveur de celui qui découvrirait un remède curatif ou pré- ventif de la maladie des taches des vers à soie, prix qui m'a été décerné à l'unanimité des neuf membres de la Commission ! Puisque M. Cantoni m'y oblige, je vais transcrire la lettre par laquelle le ministre de l'Agriculture d'Autriche m'a notifié la décision de la Commission : o Viemir (Autriche), le 11 décembre 1871. <( Au très honorable M. Pasteur. « En réponse à votre lettre du 7 juillet par laquelle vous ave/ déclaré prendre part au concours pour le prix de cinq mille florins, institue par le 734 ŒUVRES DE PASTEUR ministère I. R. de l'Agriculture d'Autriche pour la découverte d'un remède curatif ou préventif de la maladie des taches des vers à soie, j'ai l'honneur de vous informer que la Commission désignée pour répondre d'une manière compétente à la question de savoir si votre procédé a été suffisamment éprouvé, pendant deux années consécutives, vient de déposer ses proposi- tions relatives aux concurrents qui, au nombre de 37, outre vous-même, ont pris part au concours. « D'après la déclaration de la Commission composée de neuf séricicul- teurs compétents et autorisés, tant de l'Autriche que de l'étranger, lapriorité du procédé que vous avez indiqué pour obtenir la graine saine vous appar- tient d'après /'/iris unanime des membres de la Commission. Elle déclare, en outre, que votre méthode est parfaitement efficace pour prévenir la maladie des corpuscules, qu elle est facilement et universellement applicable et déjà même universellement appliquée. « En conséquence, le prix gouvernemental de cinq mille florins d'Autriche, institué pour la découverte d'une méthode propre à guérir ou à prévenir la maladie des vers à soie, vous est décerné par la présente dépèche ('). « Heureux de pouvoir vous faire part de cette nouvelle, j'ordonne en même temps qu'on prenne les mesures de publication nécessaires et je vous autorise, ainsi que vous m'en avez exprimé le désir dans votre lettre du 15 décembre 1870, à mentionner le prix qui vous est décerné en tète de votre Ouvrage sur la maladie des vers à soie. « Je vous invite à me faire connaître par quelle voie je dois vous faire parvenir la somme susdite ou si vous préférez charger quelque personne de confiance de la retirer à Vienne. Le ministre de l'Agriculture, Sicile : Chlumetzky. » Certes, voilà une lettre propre à satisfaire les scrupules de M. Cantoni. S il en était autrement, je m'empresserais de vous prier, Monsieur le direc- teur, de vouloir bien insérer dans votre Journal \e Rapport même de la Commis- sion du prix où la question de priorité a été exposée de main de maître par le Dr Alberto Levi, nommé dans la lettre de M. Cantoni. Ce rapport est assez long, très motivé et j'aurais craint d'abuser de votre obligeance en vous priant de le faire paraître à côté de la lettre du ministre autrichien qui me paraît suffisante à tous les points de vue. Veuillez agréer, etc. L. Pasteur. [A la suite d'une réplique du Dr G. Cantoni [Journal de l'agriculture, 1882, III, p. 13), Pasteur envoya la réfutation suivante. (Ibid., p. 44. i] A la question de priorité soulevée par M. Cantoni, directeur de l'École d'agriculture de Milan, j'ai opposé des assertions formulées par lui dans un Mémoire inséré dans la Biblioteca utile de Milan, en 1867. Ces assertions de 1. Voir le Rapport sur ce prix, p. 743-74(5 du présent volume. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 735 M. Cantoni, M. Cantoni aie leur c\istence. Tant d'oubli, pour ne pas dire davantage, me confond. Je l'ai là, sous les yeux, cette Biblioteca utile. Je lis el je recopie : « Biblioteca utile Annuario scientifico-industriale} anno terzo, Milano, via Duzini, n" 29, 1867. » et à la page 486, je lis également : « Agraria del dottor Gaetano Cantoni, professore d'economia rurale nelV isiiiuio teenico normale di Torino. » Eh bien, c'est ce Mémoire, dirigé contre, mes travaux, comprenant huit pages de texte, sur la sériciculture, qui se termine par la citation que j'ai transcrite textuellement dans ma première réponse. Cette citation met à néant toute réclamation de priorité. Il n'est pas exact du tout qu'il s'agisse, comme M. Cantoni l'insinue, que ce Mémoire soit un extrait de travaux anté- rieurs avec une conclusion propre à la rédaction de la Biblioteca. Le travail est de M. Cantoni. Il y parle à la première personne et la conclusion est de lui tout entière, et dirigée par lui contre les conclusions de mes études. Il est vraiment surprenant que M. Cantoni qui habite Milan, qui peut si facilement avoir sous les yeux la Biblioteca utile, publiée à Milan en 1867, affirme une chose si manifestement contraire à la vérité. J'ai opposé, en outre, à la réclamation de M. Cantoni le jugement officiel de la Commission du prix autrichien, Commission de neuf membres, tous très autorisés et qui, à l'unanimité, m'ont décerné le prix et déclaré, après examen approfondi, que j'avais l'entière priorité de mon procédé. Que répond à cela M. Cantoni? J'ose à peine le dire. M. Cantoni répond par une insinuation injurieuse à l'adresse des membres de cette Commission que j'aurais rendue partiale par ma position, et qui aurait pu subir une pres- sion de ma part. Cette incroyable insinuation fait bien le pendant des dénégations si évi- demment erronées, que je viens de relever au sujet de la Biblioteca utile. M. Cantoni a raison : la discussion est close, et que lui importe! Ne nous dit-il pas qu il en sort satisfait, puisqu'une personne, de nulle autorité en sériciculture, a écrit (sans doute à Milan, sous la dictée de M. Cantoni) que mon procédé était en usage, en Italie, depuis 1862. Il en sort satisfait encore, parce que M. Cornalia a dit, ce qui est vrai, et ce que personne ne conteste, que les naturalistes italiens avaient proposé avant moi l'examen des papillons. Mais M. Cantoni se garde d'ajouter que les naturalistes italiens n'ont rien déduit de bon de cet examen qui ne relui- sait sur aucun principe démontré, et que M. Cantoni s'est chargé de leur prouver que ce moyen, après tant d'autres, était défectueux et inutile, puisque les papillons sains donnaient des œufs infestés, ainsi qu'il l'a déclaré par erreur dans la Biblioteca utile en 1867. Ah! la mauvaise fille que cette Biblioteca utile] Qu'il est pénible pour M. Cantoni de ne pouvoir l'anéantir! Je viens de montrer de nouveau qu'elle a la vie dure, et que toutes les palinodies de M. Cantoni ne prévaudront pas contre elle. Pasteur. 736 ŒUVRES DE PASTEUR RAPPORT FAIT, AU NOM UE LA SECTION DES CULTURES SPÉCIALES, PAR M. PASTEUR, SUR L'ATELIER DE GRAINAGE DE MM. DEYDIER, D'AUBENAS (ARDÈCHE) ['] Pendant le voyage que je viens de faire dans le midi de la France, j'ai visité à Aubenas, en compagnie de notre savant Secrétaire perpétuel, M. Barrai, un atelier de préparation de la graine de ver à soie qui nous a pari* bien aménagé et si important par les résultats qu'il a déjà produits que nous avons eu, M. Barrai et moi, la pensée de le signaler à la Société nationale d'agriculture comme digne d'une de ses récompenses. Cet établissement a été fondé- et est dirigé par la maison Deydier et fils, filateurs et mouliniers à Aubenas. Dès 1868, aidés des conseils, aussi obligeants que dévoués, du- président du Comice d'Alais, M. de Lachadenède, MM. Deydier suivirent l'exemple déjà donné par M. Baybaud-Lange dans les Basses-Alpes. Dans le but d'obtenir des chambrées propres au grainage, ils placèrent de la graine de sélection, par petits lots, chez des éducateurs bien choisis dans un pays de collines. Un magnanier habile et intelligent est chargé de visiter sans cesse les éducations et de choisir celles que leur marche irréprochable parait rendre propres à servir à la reproduction. De vastes locaux servent au papillonnage et à la ponte. MM. Deydier sont arrivés à produire annuellement de 12 à 14.000 onces de graines, de 25 grammes chacune, représentées par un million à douze- cent mille cellules dont pas une n'échappe au microscope. L'atelier de micrographie est une immense pièce au centre de laquelle se trouve un lavabo entouré de tables où s'opère le broyage des papillons mâles et femelles. Les microscopes sont installés devant les fenêtres des deux façades de l'immense salle. Un dispositif expérimental bien étudié permet d'éviter la confusion dans le classement des pontes et de rendre impossibles les moindres erreurs. Aussitôt après l'examen au microscope les cellules sont timbrées des lettres M (mauvaise) ou B (bonne). A la fin de la journée toutes les cellules portant la lettre M sont détruites par une immersion dans l'eau bouillante. Comme on l'imagine aisément, MM. Deydier ne sont arrivés que progres- sivement à une fabrication aussi importante que celle que je viens de men- tionner. Au début ils avaient deux micrographes ; ils en emploient vingt aujourd'hui. Aussitôt la micrographie terminée, ce qui a lieu au mois de décembre, la graine des cellules B est détachée et transportée à Pradelles (Haute-Loire), à 1.000 mètres d'altitude pour éviter les alternatives de chaud et de froid. Cette hibernation est pratiquée par MM. Deydier de/mis 1811. La graine revient du, 15 au 20 mars et elle est distribuée aux souscripteurs, en même temps que îles conseils écrits aux éducateurs. Les éducateurs se trouvant munis de graines pures, le grainage domes- tique leur est souvent facile et beaucoup d'entre eux en font l'essai avec succès. 1. Mémoires de la Société nationale d' agriculture de France, séance du 19 juillet 1882.. CXXV1II, 1883, p. 71-74. ETUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE 737 « A. côté d'échecs rares, disent MM. Deydicr, el imputables d'ailleurs à i;mi de causes étrangères à la graine elle-même, les réussites à 50 kilo- grammes par once sont communes, même en grandes chambrées, el nous en avons plusieurs de 10 onces qui, depuis plusieurs années, ne livrent pas moins de 500 à 551 ' kilogrammes de beaux cocons jaunes à la filature. Souvent même, pour des chambrées, sensiblemenl plus petites il est vrai, 1rs paysans obtiennent de 60 à (ii> kilogrammes. Nous sommes fiers de ers résultats dus à la pratique rigoureuse ilu système Pasteur. » Vous permettrez, Messieurs, à votre rapporteur d'ajouter que, si les prin- cipes (|ii il a établis pour la Fabrication de la graine pure de vers à soie forment la base principale des pratiques de MM. Deydier, c'est particulière- ment a I intelligence persévérante de ces filateurs et au zèle de leurs collabo- rateurs, qu'il faut attribuer la valeur de leur graine. La pari de ces collabora- teurs, dont nous avons pu apprécier surplace ledévouement, mérite également d être récompensée. ('. est pourquoi, tout en proposant à la Section des cultures spéciales qu'une médaille d'or, a l'effigie d'Olivier de Serres, soit attribuée à MM. Deydier, votre rapporteur vous demande de reconnaître par des médailles d'argent 1 assistance dévouée des quatre personnes dont voici les noms : Gustave \ ieu, surveillant en chef sédentaire, directeur de la micrographie, n i âgé de trente-huit ans. Il est ne dans la maison Deydier, où son père était contre-maître et où il mourut après trente-six ans de bons services. Eugène Agier, inspecteur en chef des éducations pour graine. Il est directeur du papillonnage et a été l'auxiliaire de MM. Deydier depuis 1 époque de 1 installation de leur atelier. M Marie Véron, âgée de trente-cinq ans. Elle aussi est née, dans la maison, de parents qui y étaient employés. Elle est directrice de la magna- nerie expérimentale. M"1' Marie Doux, première micrographe, très habile, tics dévouée et qui travaille depuis dix-huit ans dans la maison de ses maîtres. Les quatre personnes qui précèdent nous ont été spécialement signalées par MM. Deydier pour l'utilité de leur collaboration dans leurs opérations et I atelier de grainage. Je prends la liberté, avec l'agrément de M. Barrai, de signaler à l'atten- tion île la Section une servante de la maison, digne de tous les respects et de toute-, les récompenses. Encore très alerte malgré ses quatre-vingts ans. elle est depuis soixante-deux a ses au service de la famille Deydier; elle a vu naître et a élevé ses maîtres, leurs enfants, leurs petits-enfants. Sa surveil- lance, nous avons ou nous eu convaincre, s exerce sur les gens el sur les l r^ choses : enfin, il y a vingt-cinq ans. elle a été honorée d un des prix de vertu que décerne annuellement l'Académie française. .Nous vous proposons d accorder a la brave Marie Audigier, c'est ainsi ipi elle si' nomme, comme témoignage de votre grande estime, un prix de KM) francs et une médaille d'argent. La valeur du prix décerne par la Société reviendra sans doute aux indigents de la ville d Aubenas. Marie Audigier a I habitude de dire qu'elle n a besoin de rien, el elle en donne la preuve en distribuant ses salaires aux pauvres. I. aider a foire le bien est la plus haute récompense qu on puisse lui décerner. R LA HAÏ 'IE Dl i RS A selE /|7 ANNEXES in 1. Nous avons reproduil ici la présentation à l'Académie des sciences, par M. Dumas, des « Etudes sur la maladie des vers à soie » et trois Rapports sur des prix attribués à Pasteur pour ses recherches sur ce sujet. (Note lier comme résumé des travaux qu'il a accomplis pendant les missions que le Gouvernement lui a confiées. Cet Ouvrage se compose de deux volumes. Le premier contient l'exposé des recherches propres à l'auteur sur les maladies des vers à soie, et les conclusions qu'il en tire; le second est consacré aux documents et aux pièces justificatives. Des planches en couleur, nombreuses, d'une belle exécution, repro- duisent avec fidélité les divers aspects du ver à soie sain aux âges caracté- ristiques de son existence, et ceux du ver à soie malade. L'état des tissus du ver sain ou malade, et leur apparence sous le microscope, ainsi que les signes microscopiques caractéristiques des maladies régnantes, ont fourni à l'auteur le sujet d'un certain nombre de figures qui ornent son Ouvrage. Un rapide historique fait connaître la nature et la marche des maladies principales dont le ver à soie a été atteint, soit en France, soit dans les autres pays. M. Pasteur en distingue trois principales : la muscardine, la pèbrine et la flacherie. La muscardine produite par le botrytis bassiana, qui, semé sur le ver à soie, envahit peu à peu tous ses tissus et le tue, a été peu à peu surmontée par l'emploi des lavages au sulfate de cuivre, appliques aux magnaneries et à leur outillage. On peut la considérer comme ramenée aujourd'hui à un état pure- ment accidentel, et sans portée industrielle. Il n'en est pas de même de la pébrine, qui a fait l'objet de l'Ouvrage publié par notre confrère, M. de Quatrefages, sous les auspices de l'Aca- démie. C'est elle qui depuis vingt ans ravage les magnaneries de l'Europe, et même de l'Orient. M. Pasteur démontre que cette désastreuse épidémie doit être attribuée à l'envahissement du ver à soie par les corpuscules. Les corpuscules peuvent se montrer dans le ver à soie à toutes les époques, depuis la graine jusqu'au papillon. Leur nombre s'accroît cependant à mesure que la vie de l'insecte se prolonge, et il arrive à son maximum dans le papillon, lorsque l'animal n'a pas été victime de leur présence avant d'avoir atteint le dernier terme de son existence. Les corpuscules se rencontrent dans tous les tissus, dans tous les liquides, dans la matière même de la soie, et dans les déjections du ver. I. Comptes rendus de V Vcadémie des sciences, I.KX, L870, )>. 772-776. ETUDES SUR I.A MALADIE DES VERS A SOIE :\\ Ils se reproduisenl e1 se multiplient au moyen de germes qui s'en séparent. Les corpuscules qui se rencontrent en quantités innombrables dans la poussière des magnaneries, ceux qui existent dans les cocons, les papillons, les chrysalides, à la surface des œufs, dans les débris de vers ou leurs déjec- tions, desséchés el conservés d'une année à l'autre, sont heureusement inca- pables d'engendrer la maladie. Ils sont privés de vie et n'ont pas la faculté de se reproduire. 11 n'en est pas de même des corpuscules ou de leurs germes existants dans les œufs. Ceux-ci sont vivants comme les omfs, et. après avoir traversé I hiver à l'état latent, se développent avec eux, se multiplient dans les vers en éducation et en altèrent plus ou moins les conditions d'existence. La maladie des corpuscules se transmet par hérédité, par l'inoculation ri par les aliments. Notre éminent confrère démontre par des expériences décisives et par une pratique étendue que, pour se mettre à l'abri de la maladie des corpus- cules, il faut préparer une graine qui en soit exempte, ce dont on est toujours certain quand elle provient de papillons qui n'en contiennent pas. Il démontre, en outre, que la maladie des corpuscules a toujours existé et qu'elle se manifeste partout. Si l'on exagère la production des graines, sans surveillance, on multiplie les vers corpusculeux à tel point que toute éduca- tion en devient impossible. Cependant, tout n'est pas perdu, car. si l'on isole les vers pendant toute leur existence, la graine la plus malade fournira toujours quelques individus sains, capables de servir de point de départ à la régénération d'une race exempte de corpuscules. Ces circonstances expliquent comment tout pays producteur de graines peut commencer par fournir d'excellents produits et finir par des désastres, et surtout comment on ne peut compter pour l'alimentation permanente des contrées séricicoles sur aucun pays producteur de graines, puisque les demandes qu'il cherche à satisfaire sont pour lui une cause certaine d'avilis- sement de la qualité. Notre confrère étudie ensuite la flacherie, qui a pour cause l'apparition et le développement d'un ferment en chapelets de grains. Il constate que celle maladie peut se présenter sous forme héréditaire, qu'elle se transmet par I inoculation et par les aliments. Il en voit l'origine en certaines fermenta- tions de la feuille de mûrier qui, se manifestant dans l'estomac des vers, produisent la flacherie provoquée ou accidentelle. lue graine saine garantit toujours contre la maladie des corpuscules et même contre la flacherie héréditaire. .Mais, pour se mettre à l'abri de la flacherie accidentelle, il faut rendre les éducations précoces, préférer la feuille des mûriers non taillés, éviter l'emploi de feuilles de mûrier fernien- tées ou mouillées, iflodérer les repas, et donner aux vers un espace et une aération suffisants, surtout vers la fin de l'éducation, où les ravages de la flacherie sont plus à redouter. Il faut enfin des magnaneries bien tenues, car le ferment de la flacherie résiste pendant plusieurs années. Pour reconnaître si 1rs vers sont corpusculeux, l'emploi du microscope est indispensable : pour savoir s ils sont atteints de flacherie, il suffit de jeter 742 ŒUVRES DE PASTEUR un coup d'oeil sur les tables. <>n ne doit donc jamais être trompé sous ce dernier rapport, s'il s'agit de faire grainer. Toute éducation envahie par la flacherie peut être condamnée au simple aspect par le magnanier. Notre confrère prouve, par de nombreux exemples, que le procédé de sélection qu'il conseille et qui consiste à isoler les couples et à ne considérer comme bonnes que les graines provenant de parents reconnus sains, a fourni en moyenne environ 40 kilogrammes de cocons par once de 20 grammes et même, dans certaines éducations bien conduites, jusqu'à 64 kilogrammes par once de 25 grammes. Les soins que l'Académie a donnés à l'étude de la maladie des vers à soie depuis plusieurs années par divers de ses membres ont donc été conduits a leur terme parles travaux auxquels M. Pasteur, au détriment de sa santé, se consacre depuis cinq années avec tant d'activité, et qui lui ont mérite la reconnaissance de tous les hommes éclairés du midi de la France el le respect des sériciculteurs de tous les pays. Sans doute, pour mener à bien une éducation de vers à soie, il laul encore, des soins, de l'intelligence, de la prévoyance, une pratique exercée. M. Pasteur n'a pas cherché et n'a pas trouvé une recette qui dispense de toutes ces conditions. Il n'a pas appris non plus à faire des cocons beaux et abondants avee une graine infectée, mais il a appris à faire partout, et à coup sûr, une bonne graine el a la reproduire a volonté exemple de toute in dadie héréditaire. Qui- les éducateurs suivent ses préceptes, et, non seulement ils verront reparaître l'ancienne prospérité de leur industrie, mais encore, on a lieu de le penser, elle prendra un essor inconnu des anciens sériciculteurs. RAPPORT SUR LE PRIX FONDÉ EN 1868 PAR LE GOUVERNEMENT AUTRICHIEN « POUR L AUTEUR DE LA DÉCOUVERTE D'UN REMÈDE CURATIF OU PRÉVENTIF DE LA PÉBRINE (MALADIE DES VERS A SOIE) » («) Dans le but de relever en Autriche la sériciculture gravement compromise depuis dix ans et pour ainsi dire annihilée par suite de la maladie épidé- inique du ver à soie, Son Excellence le ministre de l'Agriculture, à la suite d'une proposition de la dernière Commission de sériciculture et conformé- mentaux délibérations du Congrès séricicole viennois de 1867, ouvrait dès le 5 août L868 le concours pour un prix du Trésor public de 5.000 florins, en faveur de celui qui découvrirait un remède curatif ou préventii pleinement 1. Nous reproduisons ici une copie manuscrite de ce Rapport, annotée par Pasteur. En marge Pasteur écrivit : « Rapport de M. leDr A. Levi, le plus grand propriétaire de mûriers de l'Autriche méridio- nale et l'homme le plus compétent en sériciculture de l'Autriche et de l'Italie. » \Xoie de l'Édition.) ETUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 743 efficace et il une application générale contre l'épidémie des taches ou pébrine (jui depuis tant d'années sévissail sur les vers à suie. D'après la teneur du programme de ce concours, pour avoir le droit d aspirer au prix, il fallait avoir rempli les conditions suivantes : l" Proposer avant le mois d'août 1870 un remède curatif ou préventif contre la pébrine ; 2" En prouver la pie ifficacité au moyen de nombreuses expériences faites pendant deux années consécutives dans diverses parties de l'Empire par les soins du ministre de l' Agriculture et de tous les membres de la Com- mission de sériciculture et avec la coopération des sociétés séricicoles autri- chiennes ; .'!" Joindre, dans le remède proposé, à l'efficacité de l'action curative ou préventive, le caractère d'une application générale, c'est-à-dire la faculté de pouvoirêtre appliqué par la généralité des éducateurs et dans les proportions voulues par l'importance de l'industrie séricicole dans la monarchie autri- chienne. Trente-six concurrents ont répondu à l'appel du gouvernement autri- chien, se présentant en temps utile à cet intéressant concours. Des propositions mises en avant par les trente-cinq premiers, il a déjà été fait justice, d'abord parla dernière Commission de sériciculture, puis par la respectable direction de la Station bacologique de Gorizia, organes tout à fait compétents eu pareille matière. Il ne reste donc plus aujourd'hui dans l'arène qu'un seul concurrent, I illustre membre de l'Académie des sciences. M. Pasteur; et c'est donc uni- quement sur les titres de ce conclurent que j'aurai à me prononcer. C'est a 1 illustre Pasteur, à Pasteur seul, que l'on doit attribuer le mérite d avoir indiqué, en s'appuyant sur des principes scientifiques expérimenta- lement démontrés, les règles sûres pour obtenir de la semence saine et pour exclure à jamais de nos éducations la semence corpusculeuse . Il s'est rendu, pour ainsi dire, maître absolu de cette terrible maladie contre laquelle jusqu'à ce moment tous les autres efforts tentés étaient restés inutiles et impuissants. En appliquant avec la précision scientifique la méthode expérimentale préconisée par le grand Galilée, l'éminent académicien de France réussit le premier à proclamer et démontrer les trois grands principes d'où découlent par un enchaînement logique tous les autres corollaires sur lesquels se fonde sa méthode de sélection microscopique, à savoir : 1° One des reproducteurs privés de corpuscules donnent toujours de lu semence tout à l'ait exempte de l'affection congénitale corpusculeuse; 2° nue des vers issus de cette graine, bien qu'élevés dans des centres d infection corpusculeuse, ne peuvent jamais, grâce à l'immunité constitu- tionnelle de cette semence et à la longue période d incubation de la contagion corpusculeuse, périr entièrement de la pébrine avant d'avoir filé leur cocon: 'A" Que les corpuscules perdent complètement leur faculté contagionnante et reproductrice par suite de l'exposition et conseqiiem ment de la dessiccation au contact de I an : qu d n \ a dune pas de corpuscules qui puissent se ri' pro- duire et se multiplier, eu passant d'une année à l'autre, excepté ceux qui se trouvent dans I intérieur de l'œuf; qu'il n'existe donc, dans le \ rai sens du mot, ni pays infectés, ni air ambiant épidémique délétère, mais que la maladie 744 ŒUVRES DE PASTEUR renaît chaque année à I'éclosion des graines corpusculeuses ; et qu'en n'élevant partout que de la graine saine issue de reproducteurs privés de corpuscules, on parviendrait à supprimer dune manière absolue et pour toujours la maladie des corpuscules ou pébrine ('). ... Le plus grand mérite de Pasteur, le vrai titre sur lequel se fonde son droit de priorité dans la découverte d'un remède infaillible contre la pébrine, ce mérite, dis-je, ne réside pas, comme on semblerait le supposer, dans ce l'ait qu'il a indiqué la préparation cellulaire comme un expédient empirique pour obtenir de la semence saine; mais son mérite est d'avoir découvert les lois qui règlent le développement et la multiplication de la maladie corpusculeuse ; c'est d'avoir démontré que la génération est son unique source constitutionnelle, que l'œuf infecté est l'unique véhicule de transmission des corpuscules d'une génération à l'autre; son mérite est d'avoir déterminé exactement la faculté contagionnante de ces parasites, la période d'incubation et les limites de la contagion, la caducité de ces êtres microscopiques et en conséquence la perte de leur faculté contagionnante ou reproductrice; toutes lois d'où dérivait, par un enchaînement logique, l'axiome suivant : que l'œuf sain est seulement celui qui a été engendré pai- lles reproducteurs sains, et de là découlait la méthode pratique pour obtenir des reproducteurs sains, c'est-à-dire l'isolement et l'examen microscopique des couples. Ainsi Pasteur a répondu pleinement et d'une manière vraiment admirable à la première condition du programme ministériel, en ayant le premier découvert et proclamé les lois qui régissent le développement, la conservation, la reproduction, la multiplication et la mort du corpuscule, en ayant aussi déduit et proposé dès le mois de septembre 1865, comme corollaire de ces principes, un remède préventif infaillible contre la pébrine, c'est-à-dire la sélection microscopique des reproducteurs. Les nombreuses expériences laites pendant cinq ans en France, en Italie et en Autriche depuis 1867: les splendides résultats obtenus par M. Raybaud- Lange à Paillerols, parle noble Luigi Crivelli d'Inverigo, par M. Christophe Bellotti à Varèse, par la Station bacologique expérimentale et par la Société agricole à Gorizia, par la remarquable Chambre de commerce de Roveredo et, parmi d'autres encore, par le soussigné dans le comté de Gradisca, que de nombreuses publications récentes ont déjà fait connaître, entre autres, les actes du Congrès bacologique international de Gorizia; tout cela prouve avec évidence l'entière efficacité de ce remède préventif contre la pébrine et dispense le soussigné de l'obligation d'en donner des démons- trations ultérieures. Aux innombrables résultats qui ont été publiés comme pour appuyer et confirmer cette thèse, qu'il me soit permis d'ajouter aujourd'hui le tableau résumé des résultats que j'ai obtenus avec des semences cellulaires préparées par moi en 1870 pour mes éducations de Tannée courante. Plies ont cependant été maltraitées par une saison humide et froide et par de graves changements de température si nuisibles aux vers à soie clans leur dernier âge. I In un.- digression de priorité dont l'auteur du Rapport fait justice et que je supprime. Note manuscrite de Pasteur.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 745 Ces circonstances onl décimé la récolte des graines indigènes non cellulaires, comme aussi les graines de reproduction et d'origine japonaise dans la dernière campagne séricicole. L68 onces .'! \ . produil de 25 grammes de graine cellulaire de 1870, furent élevées clic/ 90 de mes colons et domestiques avec la méthode ordi- naire, indépendamment d'un loi de 63 onces I '2 détruites en grande partie par la léthargie et qui ne donnèrent pas plus de 21,83 funti '; à I once. Les L68onces3 '> donnèrent en 1871 un produit correspondant en moyenne à 55,05 funti de cocons de choix, ou 30, 84 kilogr. par once de 25 gr., tandis que quelques onces de la même semence élevées chez moi prématurément pour la reproduction axaient donné 119 1/2 funti, ou 66,92 kilogr. à l'once. Il vient maintenant à propos de rappeler et de confirmer le fait très impor- tant, remarqué par l'illustre M. Pasteur dès 1866 et 1867 et indiqué dans son Rapport au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, date du 25 juin 1867, et que j'eus l'honneur de formuler dans la 9e conclu- sion de mon Rapport au Congrès bacologique de Gorizia, l'année dernière, dans les termes suivants : ci La sélection des reproducteurs, répétée sur la même race et la même famille pendant deux ou trois ans consécutifs, semble rajeunir les vers qui eu proviennent, y introduire une vigueur extraordinaire qui les rend capables de résister beaucoup mieux qu'auparavant à la contagion et aux épidémies et de fournir un produit plus abondant d'année en année. Cette récolte est plus riche en soie et apte enfin à servir aussi à la reproduction industrielle de la graine, ou à réduire au moins à de plus petites proportions le rebut de la graine cellulaire. » Les prévisions tic l'illustre académicien, autant que la proposition con- tenue dans la 9e conclusion, se sont entièrement vérifiées dans mes éducations de l'année courante, car j'ai obtenu d'une graine provenant d une 3e sélection microscopique un produit de cocons très bon pour la reproduction, parce qu'il ne contenait chez la plupart de mes colons et domestiques pas plus de 1 à 2 pour LOI) d'infection corpusculeuse, et que le petit lot dont j'ai parlé et qui a été élevé chez moi n'avait pas un ver qui présentât même un seul corpuscule. Le remède propose par M. Pasteur est-il en même temps d'une applica- tion générale, c'est-à-dire capable d'être appliqué par la grande généralité des éducateurs et dans les proportions réclamées par l'importance de l'industrie séricicole de la monarchie!' Il suffirait pour le prouver de dire que M. Raybaud-Lange, à lui seul, a produit 2.5(10 onces en 1867 et en a préparé 5.01)0 industriellement en 1868 et dans les années suivantes (2). Il se sert de l'examen microscopique des échantillons qu'il a fait sortir de leurs cocons prématurément, d'après la méthode de M. Pasteur. II suffirait de rappeler les importantes confections de semence opérées annuellement selon 1. Le l'unto vaut à peu près 1 '_' kilogr. iXote manuscrite de Pasteur.) •„'. J'ajoute que M Raybaud-Lange a fait ee'tte année 36 mille onces de graine qui était toute retenue avant d'être pondue et qu'il a tout préparé pour en faire cent mille onces en In?-'. La France n'a besoin que d'un million d'onces. On peut évaluer à plus de trois cent mille I le bénéfice net des 36 mille onces confectionnées par M. Raybaud-Lange dans les Basses-Alpc en 1871. L'an passé il avait fait 32 mille. (Note manuscrite de Pasteur.) 746 ŒUVRES DE PASTEUR la même méthode depuis IttliT par MM. Crivelli et Bellotti ; ainsi que les 250.000 pontes que l'ingénieur Susani se proposait de préparer et qu'il a confectionnées en effet cette année-ci, selon La méthode purement cellulaire. Mais, pour me limiter aux exemples que nous offre dans l'intérieur de l'Etat la province de Gorizia seule, qui peut se vanter avec raison d'avoir donné la première l'exemple de l'application en grand de la méthode cellu- laire, il me suffira de citer les centaines d'onces préparées cellulairement en 1870 et 1871 par l'Institut bacologique et la Société agricole de Gorizia, ainsi que par le savant professeur Louis Chiozza à Seodovacca, et la propor- tion ascendante de ma production de graine cellulaire. Elle a commencé en 1868 avec 7 onces 1/2 seulement et s'est élevée en 1869 à 111 onces 8/10 pour atteindre en 1870 476 onces et en 1871 pas moins de 600: elle n'a été limitée que par mes besoins et mes convenances. Des considérations précédentes il résulte pour moi la profonde conviction (pie M. Pasteur a entièrement et lumineusement rempli toutes les conditions du programme ministériel. Je n'hésite donc pas à déclarer en toute sincérité qu'il a mérité le prix de 5.000 florins proposé en 1868 par le ministère de l'Agriculture pour la découverte d'un remède préventif ou curatif de la pébrine; je déclare qu'il l'a mérité en entier et que ce prix lui revient de plein droit et sans aucune diminution ou altération. Mais pendant que je regarde comme une dette de conscience d insister fermement pour que ce prix soit accordé intégralement à M. Pasteur seul, j ose eu même temps exprimer un vœu au Gouvernement, qui, par ce concours de L868, par la création de l'Institut bacologique expérimental de Gorizia cl par la promotion des Congrès séricicoles internationaux, a si bien mérite de la sériciculture aussi bien en Autriche que dans le reste de l'Europe. Ce vœu est qu'il veuille bien saisir cette occasion de la remise du prix du Trésor public à M. Pasteur pour présenter en même temps, par une distinc- tion honorifique spéciale, un tribut d'honneur à ces savants éminents qui vivent encore, à ceux qui par leurs travaux et leurs découvertes ont préparé en quelque sorte la voie aux découvertes plus récentes de M. Pasteur, et précisément aux illustres MM. Leydig, Frev, Lebert, Cornalia, Osimo, Vlacovich et Cantoni, ainsi qu'au savant directeur de la station de Gorizia. On récompensera de cette façon les services signalés rendus par chacun d eux, à des titres différents, à la science et à l'art séricicole. Je me fais un devoir de déclarer rempli l'honorable service dont ni a chargé, par la Note reçue le 21 juin passé, S. Exe. M. le ministre de 1 Agri- culture, et j'ai l'honneur de signer avec un profond respect. Votre très humble serviteur, Alberto Levi. Villanova ili Fara, lu octobre 1871. ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE :\'. GRAND PRIX DE LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT Rapport sur le concours ouvert pour le grand prix fondé, ex 1867, par la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, par M. E. Peligot (l). La Société a décidé qu'elle décernerait, tous les six ans, un grand prix do lii valeur de 12.000 francs à l'auteur de la découverte la plus utile à l'industrie française. Ce prix alternera désormais avec celui d'une égale valeur dont elle doit la fondation à l'un de ses généreux donateurs, M. le marquis d'Argenteuil. Rappeler les noms de MM. Vicat, Chevreul, Heilmann, Sorel et Cham- ponnois auxquels, depuis vingt-sepl ans. le prix d'Argenteuil a été décerne, c'est rappeler en même temps l'importance des services rendus que la Société a pour mission de récompenser. C'est la première fois que la Société esl appelée à décerner le prix qu'elle a fonde. D'un assentiment unanime, elle l'offre à M. Pasteur, dont le nom figurera désormais avec honneur à côté des noms illustres ou méritants à des titres si divers ([lie, chaque année, depuis soixante-quinze ans, elle inscrit dans ses annales. Les études auxquelles M. Pasteur s'est livré depuis un grand nombre d'années présentent un ensemble bien remarquable de caractères communs: elles l'ont conduit à des résultats pratiques dont profitent aujourd'hui plu- sieurs de nos grandes industries; ces résultats sont la conséquence directe et pour ainsi dire naturelle des découvertes de M. Pasteur sur les phéno- mènes chimiques accomplis par des ('très dont le microscope peut seul faire connaître la nature, qui, sous le nom de ferments, exercent sur les produits élaborés par ces industries une action tantôt utile, tantôt désastreuse. C'est un ferment organisé spécial qui produit le vinaigre: ce sont des ferments organisés spéciaux qui font le vin et la bière, et qui amènent 1 alté- ration ou la destruction de ces produits: ce sont encore des êtres organisés analogues aux ferments qui produisent cette» maladie régnante du ver à soie qui, depuis vingt-cinq ans, sévit d'une manière si désastreuse sur l'industrie séricicole. <)n comprend comment l'étude persévérante du développement de ces êtres ni ie roscopiques a conduit à des applications qui concourent, des aujourd'hui, aux progrès de plusieurs de nos grandes industries : la produc- tion de la soie, celle du vin, de la bière et du vinaigre tire ni des travaux de M. Pasteur les conséquences les plus fructueuses. Ces éludes de M. Pasteur sur le vinaigre liaient de 1861 : elles .ml été o résumées dans un Mémoire qui a paru, en 1868, sous le titre de : « Etudes Sur le vinaigre, sa fabrication, ses maladies; moyens de les prévenir, » A la suite des expériences de Davy, publiées en 1821, sur la transforma- tion de l'alcool en acide acétique sous l'influence de la mousse île platine. on 1 Bulletin de l" Société d'encouragement pour l'industrie nationale, éani générale du 28 mars 1873,2 -ri-.. XX, p. 262-267. 748 ŒUVRES DE PASTEUR avait admis généralement que le vinaigre est le résultat de la combinaison de l'alcool avec l'oxygène de l'air par l'entremise de certains agents, tels cjue les matières azotées du vin ou les copeaux de hêtre dans le procédé allemand. Ce mode de formation de l'acide acétique comptait, au nombre de ses adhérents les plus convaincus, deux illustres chimistes, Berzelius et Liebig. M. Pasteur a démontré que les conditions nécessaires et suffisantes pour l'acétification sont le contact de l'alcool avec l'oxygène, une matière azotée et un végétal microscopique, le mycoderma aceti, celui-ci vivant dans des con- ditions convenables de température à la surface du liquide alcoolique. C'est ce végétal qui est l'élément actif de l'acétification, que celle-ci se produise au moyen du vin. comme à Orléans, ou bien au moyen de l'alcool en contact avec l'air e1 les copeaux de hêtre, comme dans le procédé des Allemands. On comprend, dès lors, que la culture raisonnée de ce mycoderma ait pour résultat de rendre son action plus régulière et plus active. Telle est l'origine du nouveau procédé tic fabrication du vinaigre qu'on doit à M. Pas- leur, procédé qui est appliqué sur une grande échelle dans plusieurs fabriques, notamment à Orléans, chez M. Breton-Laugier, auquel la Société a accorde, en 1870, un prix de mille francs. Dans îles cuves ouvertes, sur une épaisseur de 30 à 40 centimètres, se trouve un mélange d'alcool et de vinaigre déjà formé : on sème à la surface de ce liquide le mycoderma aceti avec une petite quantité de matière azotée; sous l'influence d'une température de 20 à 25 degrés, les germes se déve- loppent et couvrent bientôt toute la surface de la cuve d'une sorte de voile uniforme. C'est alors que l'acétification commence et qu'elle se développe régulièrement, avec grande économie de matière, de temps, de place et de matériel, et avec de grands avantages au point de vue de la qualité et de la conservation du vinaigre ainsi produit. Dans ses « Études sur le vin », publiées en 1866, M. Pasteur développe Ions les principes scientifiques propres à guider le praticien dans 1 art de traiter et d'aménager ce précieux liquide, le plus envié et le moins imitable de nos produits agricoles. En vertu de sa nature propre, le vin peut subir, avec le temps, deux sortes de modifications : ou bien il s'altère peu a peu et il devient malade: ou bien il s'améliore en subissant ces changements si appréciés et si variés qui constituent le vieillissement. Les maladies des vins, l'acescence, la graisse, l'amertume, la faculté de tourner, etc., viennent à la suite de plusieurs sortes de ferments organisés dont M. Pasteur a l'ait connaître la forme et le développement. Les germes de ces ferments s'étaient introduits dans le liquide avant ou pendant la fer- mentation; car, on le sait, M. Pasteur est l'ennemi des générations spon- tanées. Le vieillissement est principalement dû à l'action lente de l'oxygène; il varie de nature suivant que l'oxygène intervient sous l'influence de l'obscu- rité ou sous l'influence de la lumière. De ces observations est née une conséquence pratique dune importance bien considérable. Il suffit de chauffer le vin à la température de 60 degrés environ pour le soustraire aux maladies qui peuvent le menacer. En tuant ainsi les germes de tous les organismes, on empêche leur développement ultérieur. Le vin, ainsi préservé, ni1 perd aucune de ses qualités; il conserve ÉjTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 749 son goût ci sa couleur; sa faculté tic vieillir semble même s'exalter par le chauffage. o Ce procédé, aussi simple que rationnel, est aujourd'hui entré dans la grande pratique, non seulement pour les vins en bouteilles, mais aussi pour les \ins en fûts; la dépens" à laquelle il entraîne esl insignifiante quand on la compare aux résultats qu'il produit. Il assure à tous les vins de France La faculté d'être transportés dans tous les pays cl de s'y conserver sans altéra- tion; il fournit, en conséquence, à notre commerce d'exportation de nou- veaux et importants débouchés. Les lions effets du chauffage ne sauraient être mis en doute désormais : o ils sont attestés par plusieurs Commissions qui depuis 1865 ont été chargées, soit par les représentants du commerce des vins de Paris, soit par le ministre de la Marine, de déguster comparativement des vins chauffés et les mêmes vins non chauffés; ils sont attestés également par les nombreux appareils, brevetés ou non brevetés, qui ont été inventés pour le chauffage des vins. L'un de ces appareils, celui de MM. Giret et Vinas, de Béziers (Hérault), a remporté en 1870 le prix de 3.000 francs que la Société avait proposé pour le meilleur appareil construit dans ce but. M. Pasteur a entrepris sur la bière un travail analogue à celui qu'il avait fait sur le vin. Ces deux liquides sont produits par des variétés d'un même ferment, la levure alcoolique; l'oxygène intervient pour modifier leurs qua- lités; mais, comme la bière ne gagne pas en vieillissant, c'est principalement de sa fabrication et des moyens de prévenir les altérations auxquelles elle est exposée que M. Pasteur s'est occupé; il a déjà obtenu, par ces études, les résultats les plus positifs. Les travaux de M. Pasteur sur la maladie des vers à soie sont si connus et ont fourni des résultats si importants qu'il est facile d'en faire connaît ri- en peu de mots toute la valeur. En 1865, au moment où M. Pasteur commença ses études sur la maladie des vers à soie, on supposait vaguement, sans aucune observation rigoureuse, qu'il existait une relation entre les corpuscules vibrants, dont Cornalia avait fait pressentir l'importance, et l'épidémie régnante. M. Pasteur a démontré, par des expériences suivies, qu'il existe en réa- lité deux maladies des vers à soie, indépendantes l'une de l'autre, lu pébrine et la flacherie, chacune ayant une relation nécessaire avec un organisme microscopique distinct qui se développe dans le ver à soie comme une graine dans un terrain fertile. Ces deux maladies sont contagieuses; avec les o semences de ces organismes, l'une ou l'autre peut être communiquée artifi- ciellement aux vers. Les germes des corpuscules de la pébrine passent directement des papil- lons dans les œufs et de ceux-ci dans le ver à soie, tandis «pic les vibrions de la flacherie ne passent pas des parents aux enfants, bien qu'ils leur communi- quent une prédisposition marquée à la maladie ; néanmoins, les conditions de 1 éducation peuvent modifier profondément cette prédisposition héréditaire. La conséquence pratique de ces études a été un procédé de grainage, aujourd hui très répandu, qui, avec le temps, rendra, aux contrées qui pro- duisent la soie, la sécurité et, par suite, l'état prospère donl elles jouissaient autrefois. Ce procédé repose sur les principes suivants : 750 (Kl VI! ES DE PASTEUR On fait grainer séparémenl 1rs papillons d'une chambrée de vers n'ayant l>ns présenté les signes de la flacherie ; on en l'ait l'examen au microscope et on ne conserve que la graine des femelles exemptes de corpuscules. Cette graine, élevée seule en petites chambrées, fournit fréquemment des cocons bons pour graine industrielle, c'est-à-dire ne contenanl pas au delà de 3 à \ pour 100 de papillons corpusculeux. Elevée à nouveau, après sélection, elle donne des vers qui sont exempts de pébrine et qui n'ont à redouter que la flacherie accidentelle qu'on évite sûrement par des soins convenables. Cette méthode de grainage donne des résultats bien supérieurs à ceux qu'on obtient avec les graines ordinaires; elle fournil souvent, par once de 25 grammes, 40, 50 et même (>0 kilogrammes de cocons, c'est-à-dire des ren- dements égaux ou supérieurs à ceux qu'on obtenait dans les meilleurs temps de la prospérité séricicole; elle est aujourd'hui fort répandue: le microscope esl devenu, pour l'éducation des vers à soie et surtout pour celui qui l'ait la draine, un instrument de première nécessité; près de 2.000 de ces instru- ments mil déjà été livrés aux sériciculteurs de France et d Italie par trois habiles fabricants de Paris, MM. llartnack, Nachet et Verick; avant de s'adresser à eux, on avait acheté beaucoup de ces instruments à Berlin et à Munich. Le grainage industriel par sélection est devenu lui-même une industrie importante à laquelle la Société a déjà accordé plusieurs récompenses. L'année dernière, un graineur du Midi, M. Raybaud-Lange, a produit par celte méthode plus de 50.000 onces de graines. Le procédé Pasteur est arrivé' désormais à cette période de notoriété que les découvertes les plus importantes n'atteignent qu'après des temps de doute et de controverse plus ou moins prolongés. Il faut reconnaître, d ailleurs, qu'à cet égard les étrangers ont été plus vite que nous. On a vendu plus de microscopes pour l'Italie que pour la France, et le Gouvernement autrichien, à la suite d'un concours, a décerné, l'an passé, à M. Pasteur, un prix impor- tant, d'après le vote unanime des sériciculteurs les plus autorisés ('). Dans sa lettre d'envoi, le ministre de l'Agriculture d'Autriche déclare que « la méthode de M. Pasteur est parfaitement efficace pour prévenirla maladie des corpuscules ; qu'elle est facilement et universellement applicable, et que déjà elle est universellement appliquée ». Ajoutons, pour compléter ce1 exposé à la fois trop long et trop sommaire, qu'en dotant son pays et plusieurs pays étrangers de découvertes aussi fruc- tueuses, M. Pasteur a constamment laissé de côté toute question d'intérêt personnel; pour accomplir son œuvre et pour en faire prévaloir les résultats pratiques, il a maintes fois sacrifié son repos et compromis sa santé. Aussi, en décernant à M. Pasteur le grand prix qu'elle a fonde, la Société d encou- ragemenl croit se rendre l'interprète de l'opinion publique et elle s'estime heureuse d'inaugurer sa nouvelle fondation par un acte de haute justice et de profonde reconnaissance. I. Voir le Rapport précédent, p. 742-746 'lu présent volume. (Note de l'Édition.) ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS A SOIE 751 [LA « ROYAL SOCIETY OK LONDON » DÉCERNE A PASTEUR LA MÉDAILLE DE COPLEY POUR SES RECHERCBES SUR LA FERMENTATION ET LA PÉBRINE] («) The Copley Medal has been awarded to Prof. Louis Pasteur, one of ou r Foreign Members, « for his researches on Fermentation and on Pebfine ». Prof. Pasteurs researches on fermentation consist essentially of two parts : tlie first part, in which he enters exhaustively into the examination of the products formed in tins process; and the second, in which he takes up the question of the cause of fermentation. Previous observers had noticed the production, in solutions of sugar which had been fermentetl, of su 1 (stances other than the two commonly recog- nized, alcohol and carbonic acid; luit it remained for Pasteur to show which were essential, and which were occasional products. In the séries of able papers contributed to the « Comptes rendus » and to the « Anna/es de chimie cl de physique », he proved conclusively that succinic acid and glycé- rine were alwavs found in ferraented solutions of suear, while lactic acid o and acetic acid, although occasionally présent, were not alwavs so. Ile also showed that. m addition to thèse substances, a part of the sugar was eonver- ted into cellulose and fat. The study of the products formed during fermentation opened the way to the second part of the research, \ iz. the cause of fermentation. It had been found that certain solutions, when exposed to the air, soon became lull of living organisms : and Pasteur s experiments led him to support the view that thèse organisms originated from the présence of germs Hoatingin the air. Ile found that no living organisms were developed if tare were taken to destroy completely ail those which might be présent in the solution, and if the solutions were then carefullv sealed up Iree from air. Nor was it necessary to exclude the air, provided that pure air, free from germs, were admitted. By passing the air through red-hot tubes or through gun-cotton before reaching the solutions, he found that the deve- lopinent of organisms, in such boiled solutions, did not take place. An exception to tins was noticed in the case of milk, which required to be heated at a higher température than the boiling-point of water at atmospheric pressure. Pasteur showed that this was connected with the alkàline reaction, for in ail cases in which the development of life was prevented by heating to the boiling-point of water. the solutions had a faintly acid reaction — but that when this was neutralized by carbonate of lime, the solutions then behaved like milk. Prof. Pasteur also examined the gun-cotton through which the air lias passed ; and he found. among other things, certain cells to which he attributed the power of causing the growth of organisms in solutions. By sowing some of the cells in solutions which previouslv had remained clear, 1. Proceedings o/ the Royal s,„-,ety of London, séance du :;. Introduction du tome IV y ÉTUDES SUR TA MALADIE DES VERS A SOIE LA PÉBRINE ET LA FLACHERIE A sa Majesté l'Impératrice 3 PllÉFACE 5 Introduction 9 Chapitre Ier. Notions sur la maladie régnante considérée d'une manière générale 9 § I. — Importance de la sériciculture en France 9 § II. — Apparition de la maladie; ses ravages, sa propagation . . 11 § III. — Apparences extérieures de la maladie (avec 5 figures) . . 14 Chapitre II. Caractères physiques de la maladie 23 § I. — Des taches à la surface de la peau des vers malades. Histo- rique (avec 2 figures) 23 § II. — Des corpuscules dans l'intérieur des organes des vers malades. Historique 28 Chapitre III. Des recherches entreprises avant l'année 1865 pour combattre la maladie /,Q § I. — Distinction de la bonne et de la mauvaise graine. Procèdes divers (avec 1 figure) 40 S II. — Remèdes proposés 48 Rapports sur les résultats des expériences de traitement des vers pébrinés par le nitrate d'argent 51 Sur les remèdes au nitrate d'argent et à la créosote, pour guérir les maladies des vers à soie 52 I.a pébrine ,">4 Chapitre 1"'. Elude de la maladie dans les chrysalides et les papillons. La maladie de la tache ou pébrine et celle des corpuscules sont une seule et même maladie extrêmement répandue ,Vi ES SUB LA MALADIE DES VERS A SOIE. 'l,S 754 ŒUVRES DE PASTEUR SI. — Mes premières observations en 1865 54 S II. — Erreur des naturalistes italiens au sujet de la présence normale des corpuscules dans les papillons avancés en âge . . . GO ^ III. — Lorsque les papillons sont corpusculeux, les œufs qui en proviennent peuvent être exempts de corpuscules (avec 2 figures) 05 £ IV. — Pourquoi des papillons corpusculeux donnent-ils dans certains cas des œufs corpusculeux, et dans d'autres, des œufs privés de corpuscules '3 S V. — Le corpuscule est-il l'indice d'une maladie régnante très développée ? (avec 2 figures) 77 S VI. — Identité de la pébrine et de la maladie des corpuscules . 05 Chapitre IL Caractère éminemment contagieux de la pébrine. . . . 100 § I. — Opinions diverses 100 £ IL — Contagion par la nourriture (avec 2 figures) 102 §111. — ■ Contagion directe par la peau des vers à l'aide de piqûres H" S IV. — Contagion par les poussières fraîches des éducations courantes 1-1 S V. — Contagion des vers sains par simple association avec des vers malades 122 5< VI. — Infection ou contagion à distance (avec 2 figures; .... 124 5j VIL — La pébrine ne peut dans aucun cas détruire l'éducation industrielle d'une graine issue de papillons sains 131 Chapitre III. De la nature des corpuscules et de leur mode de géné- ration (avec 11 figures) 135 Chapitre IV. Les corpuscules vieux et secs sont des organismes caducs incapables de se reproduire 15o § I. — Considérations préliminaires ... 155 S IL — Essai infructueux de contagion avec d'anciennes pous- sières très corpusculeuses 156 §111. — Essais infructueux de contagion avec les débris corpus- culeux de papillons morts depuis un an 157 § IV. — Essai infructueux de contagion avec des corpuscules recouvrant des graines corpusculeuses 158 § V. — Essai infructueux de contagion avec des corpuscules pro- venant de vers desséchés à l'éclosion depuis six semaines. . . . 159 Chapitre V. Des moyens de combattre la pébrine et d'en prévenir le retour 10-4 § I. — Méthode de grainage au microscope (avec 1 figure, .... 104 £ 11. — Des moyens de multiplier les chambrées bonnes pour graine ' '■' § III. — Du grainage appelé « cellulaire » (avec 3 figures] . . . . 181 g IV. — De la préférence à donner à l'examen des papillons rela- tivement à celui des n-iils pour se procurer de la graine exemple de pébrine 185 TABLE DES MATIERES 755 La flacheiue 188 Chapitre Ier. La maladie des vers à soir se compose de deux maladies distinctes 188 § I. — Avant l'année LS67, on croyait à une maladie unique pou- \ an I revêtir des formes diverses 188 § II. — Indépendance delà pébrine et delà flacherie (avec I figure . 190 Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas [Alais, le 21 mai 1807] (avec I ligure) 196 § III. — La pébrine et la flacherie composent tout le mal 203 Chapitre IL Nature de la maladie dite des morts-llats ou flacherie (avec 3 figures) 205 Chapitre III. La flacherie est tantôt héréditaire, tantôt accidentelle. . 219 Chapitre IV. Caractère contagieux de la flacherie 225 Chapitre Y. Guérison possible de la prédisposition héréditaire à la flacherie par des conditions encore indéterminées d'éducations (avec 1 figure) 233 Chapitre VI. Estimation de la prédisposition de divers lots de graines à la flacherie par la rapidité de la contagion de la pébrine 239 Chapitre VIL Régénération d'une race à l'aide d'une graine, quelque mauvaise qu'elle soit. Education cellulaire; éducation à grande sur- face (avec 1 figure) 249 Appendice 258 Chapitre Ier. De l'ancienneté de la pébrine 258 Chapitre IL Pourquoi le fléau a suivi à travers l'Europe et l'Asie les opérations du commerce des graines 264 Chapitre III. La récolte des cocons a toujours été fort dépendante dis conditions climatériques 270 Chapitre IV. Du rendement moyen des éducations de vers à soie avant l'époque de la maladie. — Possibilité de l'accroître 273 Chapitre V. De quelques différences entre la muscardine, la pébrine et la flacherie 27'J NOTES ET DOCUMENTS Avant-propos 285 Première partie. Rapports officiels et discussions au Sénat et au Corps législatif relativement a la maladif des vers a soif . . . 287 Rapport au Sénat, par M. Dumas (Séance du 9 juin 18(35) 287 Rapport à l'Empereur, par M. Béhic (Paris, le 19 juillet 1865) 302 Corps législatif Séance du 17 mai 1807; 300 Rapport au Sénat, par M. le comte de Casablanca Séance du 28 juillet 1808) .' . . . 320 756 ŒUVRES DE PASTEUR Sénat (avril 18(59) 327 Sériciculture (enquête agricole de 1867). Rapporteur : M, le duc de Padoue, sénateur 332 Deuxième partie. Rapports et publications diverses confirmant l'effi- cacité DE MON PROCÉDÉ DE CONFECTION DE LA GRAINE DE VERS A SOIE. 338 Extrait du Messager agricole du Midi (5 janvier 1868). Rapport de Victor Rendu sur l'éducation des vers à soie à Paillerols 339 Sur l'emploi du microscope pour la fabrication de la graine de vers à soie (par M. de Lachadenède) 344 Extrait du journal Le Var, numéro du 30 avril 1868 349 Extrait du journal Le Var, numéro du 14 juin 1868 (Lettre du Dr Pier- rugues) 349 Production de graines de vers à soie exemptes de germes corpusculeux (par M. Mares) 351 Rapport de la Commission de sériciculture du département des Pyré- nées-Orientales (juillet 1868] 355 Rapport adressé à M. Pasteur, par M. de Lachadenède (juillet 1868 . 359 Rapport de M. Ducrot (Moniteur des soies, 25 juillet 1868) 363 Extrait d'une lettre de M. le maréchal Vaillant (Paris, 15 août 1868j. . 367 Rapport au ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, par Victor Rendu (Paris, 15 décembre 1868) 368 Sur les bons effets de la sélection cellulaire dans la préparation de la graine de vers à soie, ou Note sur la sélection des cocons faite par le microscope pour la régénération des races indigènes de vers à soie . 371 Lettre de M. le maréchal Vaillant à M. Pasteur (C. R. de l'Acad. des sciences, 19 juillet 1869) 375 Rapport, fait au nom de la Section des cultures spéciales, par M. Robinet (1869), sur les recherches de M. Pasteur relatives aux maladies des vers à soie 378 Le lire adressée à M. Dumas | C. R. de l'Acad. des sciences, 15 mars 1869). 380 Lettre de M. Cornalia à M. Pasteur (C. R. de l'Acad. des sciences, 15 mars 1869) 381 Réponse à la lettre précédente (Saint-Hippolyte-du-Fort [Gard . 23 mars 1869) 389 Extraits d'un Rapport présenté par M. Jeanjean, maire de Saint- Hippolyte-du-Fort (Gard), à la Commission départementale de sérici- c allure du Gard, dans sa séance du 18 mars 1869 392 Lettre (de M. Guiscjuet) adressée au ministre de l'Agriculture, du Com- merce et des Travaux publics (Saint-Arabroix, le 13 juin 1869) . . . 396 Extrait du Moniteur des soies, 26 juin 1869 (Lettre de M. P. de Lacha- denède) 397 Extrait de la Revue universelle dr sériciculture, août 1869 (Lettre de M. Ducrot) ' 400 Sur la sériciculture en Corse, par M. Maillot 401 Le procédé Pasteur, par M. de Chavannes 403 Les éducations de vers a soie dans les Cévennes, en 1869, par M. Jean- jean 406 TABLE DES MATIÈRES 757 Conseil général du Gard. Rapport sur la sériciculture (Séance du 27 aoùi 1869) 410 Projet de confection de graine indigène dans le pays de Trente. . . . 413 Résultats de diverses éducations provenanl de grainages faits suivant le procédé Pasteur, par P. Sirand 413 Rapport >ur les expériences faites, en lS(i8 et ISiiO. à la magnanerie expérimentale de (langes, du système de M. Pasteur relatif au» grai- nage indigène, par M. le comte de Rodez 423 Lettre de M. Gernez sur les éducations pour graine dans les Basses et Hautes-Alpes, chez M. Raybaud-Lange, en 1869 424 Troisième partie. Mes Communications a l'Académie des scienxes et a DIVERS RECUEILS. RAPPORTS AU MINISTRE DE l' AgrICULTUR E 426 Observations sur la maladie des vers à soie 427 Séance extraordinaire du 26 juin 1866 du Comice agricole d'Alais . . . 432 Nouvelles études sur la maladie des vers à soie 436 Nouvelles éludes expérimentales sur la maladie des vers à soie 449 Nouvelle Note sur la maladie des vers à soie 454 Observations au sujet d'une Note de M. Béchamp relative à la nature de la maladie actuelle des vers à soie 4(>8 et 470 Observations au sujet d'une Note de M. Balbiani relative à la maladie des vers à soie 471 Instruction pratique pour produire de bonnes graines de vers à soie. 473 Lettre à M. H. Mares (Pont-Gisquet, le 1er mars 1867) 476 Post-scriptum : Note sur la structure des corpuscules des vers à soie. 497 Sur la nature des corpuscules des vers à soie. Lettre à M. Dumas .Mais. 24 avril L867) 498 Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas [Alais, le 30 avril 1867) 500 Sur la maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas (Alais, le 21 mai 1S67) 503 [Lettre à M. le rédacteur du Courrier du Gard] (Alais, le 13 juin 1867) . 503 Lettre à M. Dumas (Alais, le 15 juin 1867) 505 [Séance extraordinaire du 24 juin 1867 du Comice agricole d'Alais. . 505 Rapport à S. Exe. le ministre de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics (Paris, le 25 juillet 1867) 511 Educations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. Lettre à M. Dumas (Alais, le 20 mars 1868). . . 524 Educations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. Deuxième Lettre à M. Dumas (Alais, le 10 avril L868) ' 528 Educations précoces de graines des races indigènes provenant de chambrées choisies. Troisième Lettre à M. Dumas (Alais, le 15 avril 1868 535 Lettre a M. le président du Comice agricole d'Alais Alais, le 27 mai L868) 538 Sur les remèdes au nitrate d'argent et à la créosote, pour guérir les mala lies des vers à soie 540 758 ŒUVRES DE PASTEUR Note sur les taches des vers à soie 340 [Lettre à M. Dumas] (Paillerols, le 24 juin 1868) 541 Maladie des vers à soie. Lettre à M. Dumas (Paillerols, le 24 juin 1868). 543 Note sur la maladie des vers à soie désignés vulgairement sous le nom de morts-blancs ou morts-flats 544 Rapport à S. Exe. M. le ministre de l'Agriculture sur la mission confiée à M. Pasteur, en 1868, relativement à la maladie des vers à soie (Paris, le 5 août 1868) 547 § I. — Nouveau procédé de grainage. Son application chez M. Raybaud-Lange, à Paillerols (Basses-Alpes) 547 5; II. — Différence des résultats des grainages dans les divers départements 349 § III. _ Cause présumée des différences dans les grainages des divers départements °°2 s IV. - — Du grainage cellulaire ou par couples isolés pour faci- liter, l'année suivante, les grainages industriels 554 s V. — Résultats offerts par le nouveau procédé de grainage . . 557 S VI. — Preuves de non-réussites par la maladie des corpuscules dans les départements les plus favorables aux éducations .... 560 Lettre à M. le maire de Callas, arrondissement de Draguignan [Alais, le 24 avril 1868] 361 g VIL — De la maladie des morts-flats 564 S VIII. — De la nature de la maladie des morts-flats et de son caractère héréditaire dans certains cas déterminés 568 S. IX. — D'un ferment pouvant servir de témoin de l'existence de la maladie des morts-flats chez les vers, à la montée 570 SX. — Conséquence pratique des faits qui précèdent >'l S XI. — Des essais précoces "■• Conclusions 0/^ Lettre à M. de Masquard (Paris, le 3 octobre 1868) 377 Lettre à M. le marquis de Bimard [Moniteur des soirs, 10 octobre 1868) 77 Lettre à M. Paul Eymard (Paris, le 5 octobre 1868) 378 Moyen de reconnaître le plus ou moins de vigueur de divers lots de graines. 585 Sur les bons effets de la sélection cellulaire dans la préparation de la graine de vers à soie ,hj Lettre adressée à M. Dumas [C. Ji. de l'Àcad. des sciences, 15 mars 1869). . 585 Lettre à M. le Directeur du Messag r agricole du Midi (Alais, le 1er mai 1869). 586 Lettre à M. le Directeur du Messager agricole (Alais, le 22 mai 1869) . ... 588 Résultats des observations laites sur la maladie des morts-flats, soit héré- ditaire, soit accidentelle. Lettre à M. Dumas (Alais, le 22 mai 1869 . . . 590 Observations relatives à une Communication de M. Raybaud-Lange. Lettre à M. le maréchal Vaillant [C. R. de l'Ara,!, des sacres, 21 juin 1869). . 594 TABLE DES M A 1 I ERI S Note sur la sélection des cocons faite par le microscope pour la régénération des races indigènes de vers à soie 595 Lettres insérées dans le Moniteur tics: soir* juin-septembre 1869 . . 596 Lettre au Directeur du Messager agricole Paris, 27 juillet 1869) 606 Note sur la confection de la graine de vers à soie el sur le grainage indigène, à l'occasion d un Rapport de la Commission des soies de Lyon 606 Quatrième partie. Notes diverses 613 Extraits des procès-^ erbaux des séances du Comice agricole de l'arron- dissement du \ igan • 613 Séance du L" mars 1856 (Extraits des Rapports 014 Séance du 2 août L856 Extraits des Rapports • . 615 Séance du 3 août 1857 Extraits des Rapports 616 Sur l'atrophie du ver à soie 618 Recherches r Tigri 618 [Recherches de Ralbiani] 620 Histoire naturelle des daphnies, par Fr. Leydig (120 Encore un mol sur le parasite de la nouvelle maladie du ver à soie, par Fr. Leydig 023 Essais précoces de la magnanerie expérimentale de Ganges (par le comte de Rodez 112(1 Extrait du Journal officiel de l'Empire français, du 5 lévrier 1869. . . . 627 Extrait du Journal officiel de l'Empire français, du 16 janvier 1869. . . . (>27 Extrait du Journal officiel de l'Empire français, du 31 janvier 1869 . . . 628 Extrait de la Rivista settimanale di bachicoltura, du 1er février 1869. . . (i2/ Note relative à un Rapport de M. Cornalia sur les éducations de vers à soie en 1872 669 Rapport fait, au nom de la Section des cultures spéciales, par M. Pas- teur, sur les travaux de sériciculture de MM. Bergis, Nagel, Cordier- Lamotte et Raulin ''71 [A propos d'une Note de M. Guérin-Méneville] 674 Lettres à M. Deseilligny, ministre de l'Agriculture et du Commerce (décembre 1873-janvier 1874) 674 [Extrait d'une lettre de M. de Lachadenède (Alais, le 23 décembre 1873)] 678 [Lettre de M. E. Tisserand (Paris, le 24 janvier 1874)] 682 Lettre à M. le Directeur du Journal d'agriculture pratique (Paris, le 7 mars 1874) 683 Rapport fait, au nom de la Section des cultures spéciales, par M. Pas- teur, sur l'ouvrage de M. Duseigneur-Kléber, intitulé : Monographie du cocon de soie 684 Note sur le grainage cellulaire, pour la préparation de la graine de vers à soie 685 Quel est l'agent physique important, dans les allions complexes qui peuvent déterminer l'éclosion des graines annuelles avant l'époque normale? Rapport de MM. Duclaux, Pasteur, Susani, Verson, lu au Congrès séricicole de Milan [1876] 686 Sur l'étal de la question de la maladie des vers à soie, particulièrement sur la pébrine et la flacherie 689 [Sur l'étal de la sériciculture] ,;S'.p [Sur la campagne séricicole en 1878] 690 Congrès international séricicole tenu à l'avis du 5 au 10 septembre 1878. (i'.»l Note sur la flacherie 698 [Observation à propos d'une lettre de M. de Masquard] 725 Maladies des vers à soie [Observation à propos d'une lettre de M. de Masquard] 726 [Discussion sur les réponses à faire à l'enquête ouverte devant la Société d'agriculture par M. le minisire de l'Agriculture] 726 Rapporl fait, au nom de la Section des cultures spéciales, par M. Pas- teur, sur les travaux de M. Maillot 727 [Sur les éducations des vers à soie en L881] "29 [Sur la situation de la sériciculture en 1881] '30 [Sur le rendement en cocons par once de graine 731 [Sur un article de M. Destremx relatif à la sériciculture] 732 TABLE DES MATIÈRES ;i,l [A propos de la priorité réclamée par M. Gaëtan Cantoni (Paris, le 9 juin L882 z.Vl Rapport fait, au nom de la Section des cultures spéciales, par M. l'as- teur, sur l'atelier de grainage de MM. Deydier, d'Aubenas Ardèche). 736 ANNEXES [Présentation à l'Académie des sciences par M. Dumas de l'ouvrage intitulé ; « Etudes sur la maladif des vers à soie »] 740 Rapport sur le pris fondé en ISliS par le Gouvernement autrichien « pour l'auteur de la découverte d'un remède curatif cm préventif de la pébrine maladie des vers à soie) » 742 Grand prix de la Société d'encouragement. Rapport sur le concours ouvert pour le grand prix tonde en 1867 par la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, par M. E. Peligot 747 [La « Royal Society of London » décerne à Pasteur la médaille de Copley pour ses recherches sur la fermentation et la pébrine] 7,">1 Paiis. — !.. Mabethkux, imprimeur, 1. rue Cassette. — 1926. ŒUVRES < DE PASTEUR TOME IV ÉTUDES SUR LA MALADIE DES VERS À SOÎE MASSON £7* Cϧ EDITEUR S. PARI S 25 PHI JANVIER 1 927 ION K SANS MAJORAT 175 FR. M ASSON & Cf.