ŒUVPvES

DE

is^^AINT FRANÇOIS DE SALES

EVEaUE ET PRINCE DE GENEVE

ET

DOCTEUR DE L 'ÉGLISE

ÉDITION COMPLÈTE

D'APKtS LES AUTOGRAPHES ET LES EDITIONS ORIGINALES ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES

DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII

ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX

PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M'^" l'ÉVÊQUE d'aNNECY,

PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION

DU l^"» MONASTÈRE d'aNNECY

TOME XIV LETTRES VOLUME IV

ANNECY MONASTÈRE DE LA VISITATION

MCMVI

1

Digitized by the Internet Archive

in 2010 with funding from

University of Ottawa

http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr14fran

ŒUVRES

DB

SAINT FRANÇOIS DE SALES

ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE

DOCTEUR DE L'ÉGLISE

TOME QUATORZIÈME

LETTRES

IV"" VOLUME

1608 - 1610

<'Vv

Propriété

^

>^

4? ^

i'^

:n

^

t^

ES

\

/■

\

■>

. ..= -^^

w

•* *

l

i'' ■^...

;;-*^-^

-5

ŒUVRES

DE

SAINT FRANÇOIS DE SALES

EVEQUE ET PRINCE DE GENÈVE

ET

DOCTEUR DE L ÉGLISE

ÉDITION COMPLÈTE

D*APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES

DÉDIÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII

ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX

PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M^'' l'ÉVÊQUE d'aNNECY,

PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION

DU I^* MONASTÈRE d'aNNECY

TOME XIV LETTRES VOLUME IV

ANNECY MONASTÈRE DE LA VISITATION

MCMVI

Droits de traduction et de reproduction réservés

Les Religieuses du i*' Monastère de la Visitation Sainte-Marie d'Annecy ayant sollicité, le 2i novembre 1904, de notre Saint-Père le Pape Pie X une bénédiction particulière en faveur de l'Edition des Œuvres de leur saint Fondateur, Sa Sainteté a daigné les honorer d'un Bref adressé à Ms' Campistron, Evêque d'Annecy, le i*»" janvier 1905. On donne ci-après le texte et la traduction de ce document qui a pénétré de gratitude respectueuse et rempli d'un nouveau cou- *rage ceux qui travaillent à l'entreprise.

Plus pp. X

Venerabilis Frater, salutem et Apostolicam benedic- tionem.

Quod nuper a Salesianis de Monasterio Anneciensi Virginibus quae omnium legiferi sui Patris operum nobi- lem editionem accurant, ipse Nobis attulisti munus, volu- mina scilicet usque adhuc édita, idque amantissimis coniunctum litteris, Nos quidem habuisse pergratum, vix attinet dicere. In quo non solum respicienda pietas est erga sanctum Auctorem ab alumnis disciplinae suae egre- gie testata, sed opportunitas etiam Ecclesiae, sacro prae- sertim ordini, praebita. Inest enim in Salesio, tamquam peculiaris, ab amore profecta Jesu Christi unde totus calet, mira quaedam persuadendi suavitas, cui non facile resisti queat, sive is mentes ab opinionum insania ad catholicam sapientiam, sive animos a vitiositate quavis ad virtutem atque adeo ad sanctitatis fastigia traducit. Huius tanti viri documenta ac spiritus, si modo penitus in mi- nistris sacrorum insederint, sane quam prodesse possunt vel hodie, quum veritati divinitus traditae et christia- norum integritati morum tam iniqua sunttempora. Quare, uti divinae providentiae beneficio factum arbitramur ut ille, Doctoris titulo rite insignitus, Ecclesiae hac aetate eluxerit, ita divinae benignitatis instinctu susceptum esse consilium videtur, universa quae ipse reliquisset, scripta rursus meli usque vulgandi. Operis autem confec- tionem gaudemus talem exsistere, ut prudentioribus in

VI Bref de Sa Sainteté Pie X

hoc génère cumulatissime satisfaciat : id quod, praeter- quam non vulgari Sanctimonialium soUertiae et diligen- tiae, tribuendum est doctissimorum navitati virorum, qui pro sua sagacitate ac peritia earum labores regunt atque adiuvant. Utrisque igitur, quas laudes a Decessore Nostro fel. rec. Leone XIII novimus rem exordientibus tributas, easdem Nos iam féliciter properantibus ad exitum itera- mus perlibenter : simul oramus Deum, ut in reliquum auxiliari pergat, et largam pro meritis mercedem conférât. Haec tu, Venerabilis Frater, qui ex auctoritate huic operi advigilas, sacris istis Virginibus ipsarumque adiu- toribus signifiées volumus, una cum benedictione Aposto- lica, quam et caelestium bonorum auspicem et praecipuàe Nostrae benevolentiae testem tibi atque eis amantissime in Domino impertimus.

Datum Romae apud S. Petrum, die i Januarii, anno MDCCCCV, Pontificatus Nostri secundo.

Plus PP. X.

PIE X, PAPE

Vénérable Frère, salut et bénédiction Apostolique.

Naguère, au nom des Filles de saint François de Sales du Monas- tère d'Annecy, qui préparent avec soin une remarquable édition des Œuvres complètes de leur bienheureux Père Fondateur, vous Nous avez remis vous-même tous les volumes parus jusqu'ici. Que ce pré- sent, avec la lettre pleine d'afïection qui l'accompagnait, Nous ait été fort agréable, il est à peine besoin de le dire.

Il faut voir dans cette publication, non seulement un témoignage insigne de piété rendu au saint Auteur par les disciples de sa doc- trine, mais encore une œuvre opportune pour l'Eglise, et surtout pour le clergé. On trouve en effet chez François de Sales une qualité qui lui est propre et qui procède de l'amour de Jésus-Christ dont il est tout embrasé : le don merveilleux de suave persuasion, dont la force est presque irrésistible, soit pour ramener à la sagesse du catholicisme les esprits égarés par de folles doctrines, soit pour guérir les âmes de toute mauvaise affection, les porter ensuite à la vertu et jusqu'aux sommets de la sainteté. Quel secours assuré que les enseignements et l'esprit d'un si grand génie, s'ils étaient une fois gravés profondément dans l'âme des ministres sacrés, aujourd'hui surtout la vérité divinement révélée et l'intégrité de la morale chrétienne ont tant à souffrir de notre siècle !

Aussi, c'est par un bienfait de la divine Providence, semble-t-il, que saint François de Sales a reçu dans notre temps un nouvel éclat avec le titre de Docteur de l'Eglise. Mais c'est encore, croyons-Nous, par une inspiration de la divine Bonté qu'on a entrepris de donner au public une nouvelle et meilleure édition de tous les écrits qu'il a laissés. Nous Nous réjouissons que ce travail se poursuive dans de telles conditions qu'il satisfait au-delà les plus difficiles en cette ma- tière. Ce succès, il faut l'attribuer non seulement à l'habileté peu commune et à l'activité des Religieuses de la Visitation, mais aussi au zèle des hommes très instruits qui dirigent et secondent leurs tra- vaux de leur sagacité et de leur savoir. Aux uns et aux autres,

vm Bref de Sa Sainteté Pie X

quand la publication était à ses débuts, Notre Prédécesseur Léon XIII, d'heureuse mémoire, a décerné des éloges ; Nous les renouvelons de grand cœur, maintenant qu'elle s'achemine heureusement vers son terme, et Nous prions Dieu de leur continuer jusqu'au bout son assistance, et de leur accorder, selon leurs mérites, une large ré- compense.

Voilà, Vénérable Frère, ce que Nous vous chargeons de dire à ces Vierges consacrées et à leurs collaborateurs, puisque, en vertu de votre autorité, vous veillez sur cette oeuvre. Aussi Nous donnons à vous et à tous très affectueusement la bénédiction Apostolique, comme gage des biens célestes et en témoignage de Notre toute par- ticulière bienveillance.

Donné à Rome près de Saint-Pierre, le i*"" Janvier, l'an 1905, de Notre Pontificat le deuxième.

PIE X, PAPE.

AVANT-PROPOS

Dans ce volume, on a recueilli les Lettres écrites depuis avril 1608 jusqu'à fin décembre 1610. Ce court espace de temps n'est qu'un fragment de la vie du Saint, mais un fragment essentiel l'on saisit, dans toute leur fraîcheur et dans toute leur vivacité, les énergies séduisantes de son activité à la fois humaine et surnatu- relle. N'oublions pas, en effet, qu'à cette date, François de Sales atteint sa quarantième année, l'âge de la floraison intense, l'esprit, fort de sa propre vigueur, développé d'ailleurs par la culture et mûri par l'expérience, n'at- tend que l'impulsion des circonstances et des hommes, sans parler de l'influence providentielle, pour porter ses fruits les meilleurs.

Aussi, est-ce dans cette période que se produisent quelques-uns des faits les plus significatifs et les plus dominants de sa vie : la publication du livre de V Intro- duction à la Vie dévote, la fondation de l'Institut de la Visitation, les tentatives qui furent renouvelées de la part de Henri IV pour attirer le Saint à Paris. Comme la plupart des Lettres contenues dans ce volume ont un rapport direct à ces événements, peut-être ne sera-t-il pas inutile d'en préciser les principaux détails et de les grouper dans une suite d'esquisses rapides. Ces indica- tions préliminaires fourniront quelques vues d'ensemble sur les choses qui se passèrent au dehors. Quant à l'esprit, aux sentiments, à la vie intérieure de saint François de

LiTTRBS IV V

X Lettres de saint Frakçois de Salés

Sales, telle qu'on l'appréhende et qu'on peut la suivre à travers sa correspondance actuelle, nous essaierons aussi d'en retracer une idée sommaire.

La publication du livre de V Introduction à la Vie dévote ouvre la série des grands faits qui marquent d'une lumineuse auréole les belles années du saint Evo- que de Genève. L'ouvrage puise son origine dans ce grand bourdonnement de vie religieuse que nous avons déjà signalé dans l'Avant-Propos du dernier volume (0. Bien des âmes, dans le gfrand monde surtout, se sen- taient éprises d'un goût inconnu pour la pratique sé- rieuse de la religion. Elles étaient lasses et dégoûtées de la vie bruyante et sceptique de l'époque précédente. D'autre part, les audaces dogmatiques des protestants, leur prétention hautaine de ramener le monde au pur Evangile, leur prosélytisme- effréné avaient provoqué dans ces âmes restées fidèles une réaction puissante. De là, cette aversion de la vie mondaine et ces aspirations vers une vie plus grave et plus religieuse.

Mais comment suivre ces appels de la grâce divine, comment réaliser ces rêves de perfection chrétienne ? Le problème restait, semble-t-il, à peu près insoluble, s'il s'agissait des âmes obligées par leur état ou par leurs devoirs de famille à vivre au milieu du siècle. Vainement aurait-on demandé aux livres de spiritualité d'alors de résoudre la difficulté : le charme persuasif, l'attrait suave leur manquait. Le petit traité de V Introduction à la Vie dévote eut la bonne fortune de montrer agréable- ment comment on pouvait allier ensemble ces deux choses tenues jusqu'alors comme antipathiques : la vie de société et la pratique de la dévotion. Les Lettres de ce volume donneront des détails sur la composition toute de circonstance de cet ouvrage ( * ), qui eut, comme l'on sait, une vogue immense et une célébrité universelle (3).

(i) Pages ix-xi.

(2) Voir Lettre dkiv, p. 115, 'et Lettre Dux, p. «25.

(3) Voir le totns III de cette Edition, pp. xxni-zxx.

Avant-Propos xi

Ainsi que tous les chefs-d'œuvre de nos grands écri- vains duxvii" siècle, il fut avant tout une œuvre d'action, une œuvre de zèle, plutôt que la réalisation d'une pensée d'art. Aussi, en dépit de certaines particularités qui ont trait à l'époque et dont l'intérêt est perdu pour nous, y Introduction contient des peintures morales, des ex- hortations pieuses et surtout un fond de doctrine ascéti- que, une direction toujours neuve, toujours sûre, toujours féconde, qui s'adapte encore à tous les temps, à tous les pays, à toutes les conditions et à tous les caractères.

Ce célèbre manuel s'adressait principalement aux per- sonnes qui voulaient ou qui devaient rester dans le monde. Aux âmes tourmentées d'une perfection plus haute, aux âmes qui désiraient renoncer à la vie du siècle, et qui avaient la liberté de se retirer au delà des « marais et paluds(0, » François de Sales prépara un asile très particulier et tout nouveau en France, en fondant pour elles l'Institut de la Visitation. Ce n'est pas que les Ordres religieux fissent alors défaut. Ils étaient nombreux, au contraire, et partout disséminés, mais ils répondaient mal à la pensée du Saint. C'étaient des arbres abîmés par les tempêtes et d'ailleurs épuisés de sève ; la plupart se mouraient. Quelques-uns, à qui l'on venait d'amputer nombre de branches mortes, pous- saient à peine quelque rare feuillage ; les uns et les autres promettaient un abri peu propice à l'essaim des âmes ferventes qui allaient devenir les ancêtres de la grande famille de la Visitation.

Nous avons déjà fait connaissance avec la baronne de Chantai, « la pierre fondamentale (»), » l'âme, l'ou- vrière, la Fondatrice de cet Ordre illustre, autant que saint François de Sales en fut le Fondateur. Une fois qu'elle aura fixé son séjour à Annecy, elle ne recevra plus, hélas l de longues lettres comme autrefois. Les entretiens de vive voix, les conférences, les exhortations remplaceront désormais la correspondance épistolaire,

(i) Lettre dxcix, p. 307, variante (u). (s) Ibid., pp. 306, 307.

xti Lettres de saint François de Sales

avec avantage sans doute pour la Bienheureuse, mais avec une perte irréparable pour nous.

Deux figures nouvelles viennent maintenant se ranger à la suite de M."' de Chantai dans la correspondance : M"* de la Fléchère et M"* de Bréchard. La première (0, retenue dans le monde par la vie de famille, appartient de cœur à la Visitation et s'en fit même recevoir Reli- gieuse sur son lit de mort. C'était une femme distin- guée, d'une grande culture elle possédait les langues anciennes et l'italien, mais son âme était encore plus grande que son esprit. On peut la regarder comme une digne émule de l'incomparable Baronne. « Apres nostre « madame de Chantai, » écrivait le Saint en 1616, « je ne « sçay si j'ay fait rencontre d'une ame plus forte en un « cors féminin, d'un esprit plus raysonnable et d'une « humilité plus sincère. » Rien d'étonnant ! car cette âme d'élite, comme on le verra par les lettres si nom- breuses et si intéressantes qui la concernent, ne pouvait être à meilleure école : elle avait en profiter.

M'" de Bréchard, que saint François de Sales appelait sa « chère Nièce » à cause de l'affection que lui portait M"* de Chantai (•"), tient de plus près à la Visitation, dont elle fut une des premières Mères. Orpheline dès le berceau, négligée et parfois tristement délaissée par son père, elle mena pendant plus de vingt ans une existence souffrante et humiliée. Heureusement enfin, elle rencon- tra le Bienheureux. Ce fut avec elle et Marie-Jacqueline Favre que Jeanne-Françoise de Chantai s'enferma, le 6 juin 16 10, dans la maison de la Galerie, à Annecy, pour y commencer la vie nouvelle.

L'histoire de ces premières années, qu'on peut appeler l'âge d'or de la Visitation, a été parfois contée non sans agrément, mais aussi non sans quelques inexactitudes, plus ou moins inconscientes, pardonnables peut-être à la fantaisie littéraire d'un historien. Quoi qu'il en soit, l'examen de la critique ne saurait les laisser passer sans

(t) Voir note (î), p. I.

(3) Voir note (i), p, 86, et Lettres Dxxxi, DXxxiV.

Avant-Propos xi»

retouches. Les Lettres du présent volume en fournissent les éléments.

Sur un bon mot que M*' Camus prête à François de Sales (i), on a prétendu qu'il avait voulu, dans son projet initial, fonder un Ordre de Sœurs de Charité. Ce thème commode a servi de tréteau à plus d'un bio- graphe pour présenter à ses lecteurs d'ingénieux paral- lèles entre l'Evèque de Genève et saint Vincent de Paul.

La vérité est toute différente ; elle a l'avantage de rendre à notre Saint sa véritable originalité. Voici en quoi elle consista, d'après le propre témoignage du Fon- dateur. « C'est une Congrégation simple, » écrit-il ('), « instituée pour les femmes et filles qui, pour leur in- « firmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration « d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer « es Religions formées et reformées ; car la elles auront « un refuge doux et gracieux, avec la prattique des « vertus essentielles de la dévotion. »

« Les jeunes » Religieuses « ne sortent point qu'en « certains cas fort rares ; les anciennes sortent pour « servir les pauvres, mais avec une belle police (3)... » Comme on le remarquera dans cet endroit, la grande originalité du Saint a été de rendre la vie religieuse plus accessible et moins farouche aux yeux du monde, en lui donnant un cadre plus souple et plus libre, un extérieur plus avenant, une apparence moins dure que celle des « Religions formées et reformées » qui existaient alors.

Si, dans l'origine, il avait voulu qu'on visitât les pau- vres, ce n'était qu'à titre de dévotion (4) et pour unir, dans une certaine mesure, la vie de Marthe à la vie de

(i) « Pour moy, j'admire que j'aye fait ce que je voulois deffaire et défiait ce que je voulois faire. » (L'Esprit du bienheureux François de Sales, Evesque de Genève, Paris, AUiot, 1639-1641; Partie XV, section xi.)

Il faut noter que, même au rapport de Camus, la modification qu'agréa le Saint, portait seulement sur deux points : la profession des vœux solennels et la clôture perpétuelle.

(s) Lettre dcx, p. 331.

(3) Ibid., p. 330.

(4) Cf. Mémoire adressé par saint François de Sales au Cardiual de Mar- quemont.

XIV Lettres de saint François de Sales

Marie. Mais le saint Fondateur eut toujours ses pré- férences les plus chères et les plus avouées pour les exercices de la vie contemplative. Il faut donc laisser à saint Vincent de Paul ce qui lui appartient, et retenir comme la propriété personnelle de l'Evèque de Genève, la conception qu'il a eue de la vie religieuse telle qu'on la trouve formulée dans les Lettres de la présente période, telle enfin qu'elle est pratiquée de nos jours dans les Monastères de la Visitation.

Et ici encore, qu'est-il arrivé ? Bien des observateurs superficiels se sont mépris sur les apparences faciles, sur l'extérieur humain et débonnaire, sur la façade, si l'on peut ainsi parler, de l'édifice, jusqu'à s'imaginer que François de Sales a réellement adouci l'austérité de la vie chrétienne et atténué peut-être les exigences des conseils évangéliques. Comment expliquer cette illusion ? Ne serait-ce pas que la bonté, la douceur admirable, la suavité de langage du saint Docteur leur a dérobé le fond austère et crucifiant de la vie intérieure qu'il pro- pose à ses Filles ? « Elles ont, » dit-il (0, « de un' heure « le mattin et une le soir d'orayson mentale, et pour le « demeurant, une police de travail, silence, obéissance, « humilité, dénuement de propriété extrêmement stricte « et autant qu'en monastère du monde. »

La même méprise s'était produite au sujet de Y Intro- duction à la Vie dévote. M. Olier, le Fondateur de Saint-Sulpice, remarquait finement que, même en son temps, le véritable esprit du saint Prélat était assez mal saisi par le commun. « Il est pourtant, » disait-il ('), « dans le fond de sa conduite (c'est-à-dire de sa direc- tion), le plus mortifiant de tous les Saints. » Cette illu- sion durerait-elle encore ? Et ne voit-on pas quelques bonnes âmes glisser sans y prendre garde, sur l'austérité foncière de la doctrine et de l'esprit de saint François de Sales, et arrêter seulement leur attention sur la douceur et l'aménité de son style, prendre la forme en laissant

(i ) Lettre dcx, p. 330.

( 2 ) Discours sur M. de Sales.

Avant-Propos xv

le fond, lui emprunter ses cadres commodes, ses formules dégagées, en oubliant que les règles et les formules per- dent toute force vive, isolées de l'esprit de leur auteur ?

Quelqu'un qui voudrait de nos jours organiser une vie religieuse en utilisant le cadre simple et flexible dont François de Sales se contenta pour la Visitation, tra- vaillerait en vain, à moins qu'il n'eût l'âme et l'esprit de l'Evêque de Genève. Ce qui donne en réalité longue vie à une œuvre monastique, ce ne sont pas tant les règlements qui la précisent et qui l'enserrent ; c'est, plus que tour, le souffle puissant que lui communique son Fondateur. L'Ordre de la Visitation a pu subir, dès ses premières années, des vicissitudes et consentir à des modifications extérieures ; il pourrait en recevoir de nou- velles, si les événements les imposaient, sans souffrir le moindre détriment essentiel. En effet, ce qui lui assure à jamais un caractère authentique et durable, c'est l'es- prit que saint François de Sales, avant de quitter la terre, lui a laissé, comme un manteau d'Elie. En conser- vant cette relique, plus précieuse encore que ses restes mortels et que ses écrits, les Filles du Saint n'ont rien à craindre ni du temps ni des hommes.

Deux ans avant les débuts de la Visitation, pendant que François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantai devisaient doucement sur leur projet bien-aimé, il sur- vint une traverse qui inquiéta momentanément leurs plus chères espérances et faillit tout changer!'). Voici ce qui se passa.

Depuis plusieurs années, et surtout depuis 1605, An- toine des Hâves ne cessait d'employer son crédit auprès de Henri IV pour attirer et fixer à Paris le bienheureux^ Prélat (»). Il secondait ainsi, et non sans le savoir, les vues et les espérances de M. de BéruUe et du cercle AcarieC?). De son côté, Pierre Fenouillet, annécien d'origine et sorti naguère des rangs du clergé savoyard, avait prêché à la

( I ) Voir Lettres cdxlix-cdli.

(s) Cf. le tome précédent, note (a), p. 84.

{)) Cf. Lettre dliii.

XVI Lettres de saint François de Sales

cour avec éclat et venait de gagner par ce coup d'éloquence, l'évèché de Montpellier. Sans aucune particule nobi- liaire ni titre de noblesse, fils d'un simple régent de collège, l'ancien curé d' Arenthon ( ' ) avait, à force de talent, attiré sur lui l'attention du roi. Très ami de l'Evè- que de Genève, qui l'avait recommandé tout récemment à Rome dans les termes les plus flatteurs ( ' ), il eût vivement souhaité que son éminent compatriote quittât la Savoie pour s'établir dans la capitale. C'est pourquoi, unissant ses démarches à celles de des Hayes, l'ami commun, il fut sur le point d'aboutir (.3).

François de Sales laissait faire ; même il semblait en- visager non sans quelque plaisir la perspective de venir à Paris. Il aimait tant Paris ! C'était sa ville d'université ; c'était le théâtre de ses grands succès oratoires et de plusieurs conversions éclatantes. Il avait fait à Paris la rencontre de si grandes âmes, pour ne nommer que M""* Acarie, la fondatrice des Carmélites de France, M. de BéruUe, le fondateur de l'Oratoire, et tant d'autres personnes éminentes, qui, à cette époque, imprimaient une direction d'exemple et de conseils aux gens du monde, avides d'une véritable et sincère réforme. Paris souriait à son zèle d'apôtre, comme la vision d'un champ de bataille l'attendaient de bons combats et de belles victoires.

En Savoie, la place était plus étroite, et il faut bien l'avouer, le duc gênait parfois de son autorité jalouse et tracassière, la noble indépendance du Saint, pourtant si humble et si dévoué. Celui-ci s'en plaignait doucement à Antoine des Hayes et ne craignait pas de prononcer le mot de servitude un jour que Son Altesse l'empêchait d'accepter une prédication à Paris : « Ces obédiences et « mortifications n,'oser pas estre libre quand on n'est « pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux « qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz (4) ? »

(i) Voir le tome précédent, p. 351.

(a) Voir ibid., Lettre cdxxvu; cf. ci-après, note (r), p. 4.

(3) Voir Lettre cdlvi.

(4) Lettre dxlii, p. 183.

Avant- Propos xvu

Un peu plus tard, nous voyons François de Sales calomnié par des flatteurs auprès de son prince, à l'oc- casion d'un trait de courage qu'il aimait à raconter comme un bon tour joué à ses diocésains récalcitrants de Genève. En pleine effervescence de calvinisme, il n'avait pas hésité à traverser la ville avec sa suite. Le récit qu'il en fait lui-même est assez joli (0. Croirait-on que le duc de Savoie prit ombrage de cette aventure ? Il pensaj ou se laissa persuader, que le Saint n'avait pu exécuter ce coup hardi sans avoir quelque intelligence avec les habi- tants. François dut se défendre et se disculper. Quand on compare à ces méfiances injustifiées du prince savoyard les avances aimables et les « bonnes grâces (») » du roi Henri IV pour le bienheureux Prélat, il est aisé de con- clure de quel côté auraient penché ses préférences, si une âme aussi détachée avait pu concevoir d'autre ambition que celle de faire la volonté de Dieu.

La baronne de Chantai, tout de suite avertie des offres qu'on faisait à son vénéré Conducteur, en con- çut quelque inquiétude. Vite, le Saint la rassure : « Ne « vous troubles point, ma Fille... touchant la proposition « qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de « mon parentage ; car rien ne se fera que de par Dieu, « et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira « fort bien et pour vous et pour moy (?). »

La Providence ne voulut pas ravir au bon pays de Savoie un de ses fils les plus illustres et les plus saints. Paris avait assez d'hommes d'esprit, savants et pieux, capables de tenir tète aux hérétiques et de diriger la réaction de ferveur qui se produisait alors. Ne fallait-il pas qu'à proximité de Genève, la Jérusalem du Calvi- nisme, l'Eglise catholique fût représentée, défendue et honorée à la face de ses irréconciliables ennemis, par le génie, le savoir et la vertu d'un homme si irrésistible- ment aimable ?

(i) Voir les Lettres Dxr.vii, dlviii, dlix. (a) Lettre dc, p. 311. (3) Lettre cdui, p. 15.

XVIII Lettres de saint François de Sales

Tel en effet se montre-t-il au premier abord, et quoi- que à son insu, dans la libre allure et l'honnête candeur de sa correspondance. Il porte déjà sur son front l'au- réole distinctive de tous les Saints, l'air de famille qui les rattache tous à Jésus-Christ, le divin Modèle : la douceur. Mais, comme un air de famille qui se diversifie selon les personnes, la douceur, chez les Saints, rayonne en mille nuances sur leurs physionomies variées. Chez François de Sales, elle est le reflet tout original de la bonté d'une âme au fond très vigoureuse. C'est la grâce séduisante avec laquelle il semble vouloir relever com- me si ses grandes qualités en avaient besoin le don de lui-même, soit qu'il se dévoue à l'occasion pour des inconnus, soit qu'il prolonge son attachement dans des liaisons durables de tendresse affectueuse avec des amis et avec les siens.

Pourquoi cette affabilité, pourquoi cette bonté char- mante, sinon pour attirer tout le monde au Bien-Aimé de son cœur, au Seigneur Jésus ? Qu'on étudie à travers ses lettres l'amitié que saint François de Sales entrete- nait avec les grandes âmes de cette époque, qu'on ana- lyse la tendresse dont il chérit ses parents : on sera ému d'admiration en découvrant que ce grand homme, si sensible à l'amitié, n'a jamais aimé que pour le compte et pour l'amour de son Maître. C'est à la lumière de cette idée qu'il faut lire sa correspondance avec sa sœur. « Ouy, ma chère Fille, ma Seur, » lui dit-il (0, « que je « vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire ; mais « principalement des que j'ay veu en vostre ame ce u digne et honnorable désir de vouloir aymer Nostre « Seigneur avec toute fidélité et sincérité. »

Cette affection surnaturelle pour ses proches n'excluait pas la tendresse naturelle du sang ; elle l'agrandissait et la fortifiait, sans rien lui ôter de sa sensibilité humaine. Aucun témoignage plus touchant à cet égard que la lettre le Saint raconte à la baronne de Chantai la mort de sa mère, M™" de Boisyl»). Le récit fait à la hâte et par

(i) Lettre Dxxxvir, p. 172, (3) Lettre dlxxxi.

Avant-Propos xix

reprises trahit naïvement l'exquise sensibilité de l'amour filial. (( Le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mère « plus que je n'avois fait des que je suis d'Eglise ; mais « ce fut sans amertume spirituelle, grâces a Dieu(0. »

En pareille circonstance, et dans un endroit de ses Confessions ('), saint Augustin s'excuse, pour ainsi dire, d'avoir pleuré sa mère ; il a l'air de se reprocher cette tendresse comme un défaut de résignation chré- tienne. Il est vrai que sa douleur fut moins discrète et qu'elle affecta son âme avec une grande violence. On ne voit pas que François de Sales ait éprouvé les mêmes scrupules de rigorisme. Et comme s'il répondait à l'objec- tion de son illustre frère dans l'épiscopat : « Helas ! il « la failloit néanmoins bien un peu pleurer, » écrit-il à propos de la sainte mort de la « pauvre petite Charlotte, » âgée de neuf ans, une admirable fillette de la baronne de Chantai, car, ajoute-t-il, « n'avons nous pas un « cœur humain et un naturel sensible (3)? »

Reconnaissons néanmoins que chez l'Evèque d'Hip- pone comme chez l'Evêque de Genève, les larmes n'arri- vent qu'en dernier lieu. C'est quand saint Augustin a fermé les yeux de sa mère et chanté joyeusement les Psaumes liturgiques, c'est quand il a mis la défunte au tombeau, qu'il songe à sa douleur. Pareille fut la con- duite de saint François de Sales : « J'eu le courage, » dit-il (4), « de luy donner la dernière bénédiction, luy « fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier « bayser de paix a l'instant de son trespas. » Après quoi, son cœur se gonfla et ses larmes jaillirent.

Nous laissons au lecteur le plaisir de remarquer lui- même plusieurs autres analogies qui se correspondent dans la lettre de saint François de Sales et les chapitres des Confessions de saint Augustin. Ce qui appartient plus étroitement à notre sujet, c'était de signaler, à pro- pos d'une même situation entre deux grands Saints,

( 1 ) Page 262.

(3) Lib. IX, cap. XI, xii.

(3) Page 264.

[a) Page 261.

XX Lettres de saint François de Sales

cette condescendance à la nature humaine qui, chez le premier, se retrouve au milieu de la plus grande tristesse de sa vie, et qu'en pareille circonstance on a peine à dis- tinguer dans les pleurs amers du fils de sainte Monique.

Il y aurait à écrire tout un chapitre sur l'amitié surna- turelle de notre Saint pour ceux qu'il aimait, et tout spécialement sur son amitié pour Jeanne-Françoise de Chantai. Il faut attendre que de nouvelles lettres soient publiées. Remarquons en passant, que l'affection de cette âme angélique marche progressivement et s'élève dans ces quelques années, vers une région de plus en plus sereine et divine, attirant après elle l'âme de la Sainte vers l'aimable et « saint domicile » du Cœur de Jésus (0.

Intéressante aussi, bien qu'à d'autres titres, l'amitié de l'Evèque de Genève pour Camus, l'Evèque de Belley, dont le nom apparaît pour la première fois dans ce volume (»). Comment pouvait-il exister une liaison aussi intime, aussi durable entre ces deux natures si dispro- portionnées ? Ce bon Camus qui fit des romans, qui batailla la majeure partie de sa vie contre les moines, qui scandalisa la Mère Angélique de Port-Royal par ses facéties peu jansénistes, était pourtant le fils chéri de saint François de Sales. Admettons qu'avec son carac- tère jovial et badin, il servît quelquefois d'amusette à ses récréations. Si l'on ajoute quelque confiance à son livre de L Esprit du bienheureux François de Sales et pourquoi non (3) ? il faut avouer que le Bienheureux, qui avait beaucoup d'esprit, ne dédaignait pas de sourire et de plaisanter avec un si gai voisin. Mais si le Saint l'aima beaucoup, s'il prit quelque divertissement à ses joyeux devis, ici encore son amitié réelle pour Camus était au service du Maître. Tant que François de Sales vécut, l'Evèque de Belley s'occupa merveilleusement de son diocèse : il prêcha, confessa, visita sans relâche, avec une piété, avec un zèle qui nous étonne. Dès que le Saint

(i) Lettre dlxxvi, p. 253. (s) Page 139.

( 3") Voir toutefois la note de la page i ^9, l'on trouvera, avec plus de détails sur Mg"^ Camus et sur cet ouvrage, un jugement motivé de l'un et de l'autre.

Avant-Propos xxi

lui manqua, cet esprit bizarre et inquiet fut livré à tous ses caprices, non sans revoir souvent, avec fierté sans doute, mais peut-être aussi avec quelque repentir, l'image du grand homme qui l'avait jadis aimé.

Le génie de saint François de Sales ne fait pas tort à son grand cœur. Ses lettres nous le montrent à cette époque, doué déjà d'une grande sagesse, ayant des vues à peu près définitives sur les hommes et sur les choses, très clairvoyant du côté de la terre et du côté du Ciel.

Quel admirable conducteur d'âmes ! Quel guide sûr pour toutes les conditions de la vie humaine ! Il connaît tous les chemins, il a voyagé sur toutes les routes. Ce qu'il n'a pas vu, il le devine. Soit pour orienter les âmes dans la voie du salut, soit pour les ramener de celle de l'erreur, il est véritablement un Docteur, un Père de l'Eglise.

Dans les avis et les recommandations pour un jeune homme qui va à la cour ( 0 , on retrouve sa philosophie clairvoyante, sa sagesse toute chrétienne. Il excelle dans l'art de concilier le christianisme avec les obligations délicates d'une vie si élégante et si mondaine : ce don qu'il eut toujours, sa qualité originale, unique. Et quelle pénétration dans les conseils ! quelle discrétion et quel tact aussi pour ne pas s'immiscer dans les questions qu'il ne croit pas de son ressort ! « Je ne parle pas, » lui dit-il (2), « de l'extérieur de l'habit,... car vous sçavés « trop mieux la bienséance, il ne m'appartient pas d'en « parler. » Quelle différence avec le bon moine qui censurait lourdement la belle étoffe du sire de Joinville ! Il est vrai que le sénéchal le mit vite à la raison.

François de Sales n'est pas moins heureux quand il s'agit de ramener les mécréants dans les voies de la vérité. Veut-on connaître son secret ? Son apologétique tient dans une ligne admirable qui en dit plus que tous les gros livres qu'on écrit aujourd'hui sur l'art de con- vertir : (( Qui presche avec amour presche asses contre

( I ) Lettre dcxxxvii. (a) Page 379.

xxn Lettres de saint François de Sales

« les hérétiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute « contre eux (0. » La douceur, toujours la douceur.

Ce n'est pas qu'il ignore le grand mystère de l'obsti- nation et de l'impénitence de certaines âmes. Il y a dans une lettre à M"" Brûlart, une réflexion qui fait penser. Si le jeune homme « est un esprit de nature mal qua- rt lifié,... certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en « ses mains, sous l'incertaine et douteuse présomption « d'amendement ('). »

Il n'attend rien non plus des chefs d'hérésie ; il les connaît trop. En trois mots, il enlève leur croquis (?), avec une vivacité de touche que nous retrouverons plus tard dans VHistoire des Variations de Bossuet.

C'est encore à Bossuet que fait penser François de Sales dans sa célèbre lettre sur la mort de Henri IV (4). Comme lui, le sentiment de la vanité des grandeurs humaines le saisit, 4'étreint. C'est aussi le même souffle, c'est la même inspiration oratoire. « Le voyla mort d'un « contemptible coup de petit couteau (5), » fait songer encore à Pascal, parlant de la fin inopinée de Cromwell. Mais les sentiments développés dans cette admirable lettre, la part de sympathie personnelle que prend l'auteur, les mouvements et l'économie de l'ensemble présentent déjà en raccourci une première épreuve de l'oraison funèbre à la manière de Bossuet, quand il déplore la mort tragique de la duchesse d'Orléans.

Cette rencontre avec le puissant orateur du xvii' siècle n'est pas seulement intéressante pour le lettré ; elle est instructive encore pour le philosophe qui voudrait faire l'histoire naturelle des écrivains d'une même race et d'une même époque. De ce point de vue, François de Sales, par bien des influences non moins littéraires que morales, peut être regardé comme l'ancêtre des grands écrivains religieux qui l'ont suivi. A l'époque nous

(i) Lettre cdxcvi, pp. 96, 97. (a) Lettre dlxxxviii, p. 279.

(3) « Estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde. » (Lettre dxliv, p. 191.)

(4) Lettre dc.

(5) Page 310. -

Avant-Propos xxm

sommes, sa physionomie commence à se fixer. Les années pourront marquer plus vivement certains de ses traits ; d'autres qui affleurent à peine apparaîtront distinctement à leur tour, mais déjà l'image n'est-elle pas admirable- ment expressive ?

C'est cette imagfe que nous avons essayé de repro- duire d'après la correspondance de 1608 à 16 10, tout en nous disant que rien ne remplacera la lecture per- sonnelle des Lettres de saint François de Sales ; car, est l'écrivain plus ingénu que lui, plus personnel, plus transparent ? est l'écrivain plus charmant et plus aimable ?

J.-J. Navatel, s. J.

Annecy, i**" octobre 1905,

Fête de Notre-Dame du Saint-Rosaire.

AVIS AU LECTEUR

Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune. Lorsqu'un Autographe provient d'une Communauté exilée ou dispersée, nous donnons son ancien domicile de France.

Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin de ce volume la Table de correspondance, et V Avant-Propos du tome XI, pp. xxv-xxvij,

Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui pré- cèdent chaque pièce ; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou quelles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivement, par l'édition à laquelle notre texte est emprunté.

Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entr-e []. Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le. texte.

Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les pas- sages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre TJ .

Dès points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet. Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois.

A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques. Toutes les notes concer- nant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés à l'Evêché d Annecy; elles sont désignées par les deux initiales R. E.

Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras, si dignement continué par le Comte de Mareschal de Luciane : Armoriai et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.

LETTRES

DE

SAINT FRANÇOIS DE SALES

ANNEE 1608

(Suite)

CDXLIV

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE (0

Il faut premièrement « avoir patience d'estre imparfait. » Conseils pratiques pour mettre son esprit en posture de suavité. A quoi doivent servir nos chutes.

Annecy, 8 avril i6o8.

Madame,

J'ay receu vostre première lettre avec une particulière consolation, comme un bon commencement de la com- munication spirituelle que nous devons avoir ensemble pour l'advancement du royaume de Dieu dans nos cœurs.

( I ) Madeleine de la Forest, fille de Philibert de la Forest, baron de la Bâtie- d' Albanais, et de Madeleine Fléard, pée vers 1^65, épousa le a juin 1603, Claude- François de la Fléchère. Restée veuve en 1616, elle mourut le 17 août 163a.

Des grandes chrétiennes qui parvinrent sous la conduite du Saint à une perfection éminente, M™' de la Fléchère n'est pas la moins connue. Sa foi naïve et profonde, son héroïque amour des malades et des pauvres, et plus encore la trempe de son caractère et l'élan de sa piété, en font une digne émul ; de la baronne de Chantai. Par une attention de cette même Providence qui les avait faites si semblables, ces deux âmes vigoureuses se rencontrèrent un jour, et depuis, elles ^aimèrent comme deux sœurs. Le Bienheureux, lui aussi, on le verra par ses lettres, affectionna M""* de la Fléchère comme une de ses plus chères filles spirituelles. « Apres nostre madame de Chantai, » écrivait-il en i6i6, « jejie sçay si j'ay fait rencontre d'une ame plus forte en un cors « féminin, d'un esprit plus raysonnable et d'une humilité plus sincère. »

Les commencements de cette direction semblent dater du Carême de 1608. Lorsqu'il venait à Rumilly, le saint Evéque logeait ordinairement chez la

LirriiEs I

2 Lettres de saint François de Sales

Veuille ce mesme Dieu me bien inspirer ce qui sera plus propre pour vostre conduitte.

Il n'est pas possible que vous soyes si tost maistresse de vostre ame et que vous la tenies en vostre main si absolument de premier abord. Contentés-vous de gaigner de tems en tems quelque petit advantage sur vostre pas- sion ennemie. Il faut supporter les autres, mais premiè- rement, il se faut supporter soy mesme et avoir patience d'estre imparfait. Mon Dieu, ma chère Fille, voudrions nous bien entrer au repos intérieur sans passer par les contradictions et contestes ordinaires ?

Observés bien ces pointz que je vous ay dit. Préparés des le matin vostre ame a la tranquillité ; ayés un grand soin le long du jour de l'y rappeller souvent et de la reprendre en vostre main. S'il vous arrive quelque acte de chagrin, ne vous en espouvantés point, ne vous en mettes nullement en peyne ; mais, l'ayant reconneu, humiliés- vous doucement devant Dieu et taschés de remettre vostre esprit en posture de suavité. Dites a vostre ame : Or sus, nous avons fait un faux pas; allons maintenant tout bellement et prenons garde a nous. Et toutes fois et quantes que vous retomberes, faites-en de mesme.

Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus fréquentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent ; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidèle es petites choses, on luy confiera les gran- * Luc, XVI, lo ; des *. Sur tout, ma Fille, ne perdes point courage, ayés

Matt., XXV, 21, 33. . ,, _ ,, . ,

patience, attendes, exerces-vous fort a 1 esprit de compas- sion. Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien qu'il vous laissera broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout, et affin que vous luy serries la main de plus fort.

noble dame. De sa maison, celle-ci, plus tard (163^), eut la délicate pensée de faire un monastère pour les Filles de Sainte-Marie. Elle y fut enterrée, après avoir fait sur son lit de mort les vœux de Religion dans le même Institut de la Visitation. (Cf. sa Vie, dans Les Vies de VIII vénérables Veves, etc., par la Mère de Chaugy ; Annecy, 1659.)

Année 1608 3

A Dieu, Madame, a Dieu soyés vous entièrement, abso- lument, irrévocablement. Je suis en luy,

Vostre serviteur tout dédié.

Franc», E. de Genève. Le 8 avril 1608.

CDXLV

A MADAME DE VALLON (')

Le Saint donae à la destinataire des nouvelles de son mari et de sa parenté.

Annecy, 10 avril 1608 (a). Madame ma Cousine,

Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin vostre mari ( 3 ), mais je ne puis me contenir de vous dire que monsieur de la Fleschere (4), qui fut hier icy, m'asseure que jamais il ne se porta mieux, ni monsieur de Charmoysi (5). Il faut donques que vous vous en res- jouissies, en remerciant Dieu et le louant. Je le supplie qu'il vous accompaigne tous-jours de ses saintes consola- tions et, qu'en icelles, il vous rende de plus en plus sa dévote.

Je suis cependant, ma Cousine,

Vostre cousin, compère, parrein et serviteur bien humble,

Franc*, E. de Genève. X avril 1608.

( I ) Antoinette-Françoise, fille de Charles Vidomne de Chaamont, seigneur Charmoisy, et de Françoise de Bellegarde, avait épousé par contrat dotal du 14 janvier i^çs Jacques de Gex, seigneur de Vallon. (Voir le tome XII, note ( I ), p. 260.) Elle testa le 55 mai i6aa.

( j) Migne, après Vives, donne la date de 1603 ; les faits la contredisent ma- nifestement et persuadent de lui substituer avec certitude celle de 1608.

(j) M. de Vallon était alors à Turin. (Cf. la lettre du i6 mai 1608, p. 16.)

( 4 ) Claude-François (voir sa note plus loin, et cf. ci-dessus, note ( i ), p. i).

( 5) Claude, frère de la destinataire. (Voir le tome XII, note ( i ), p. 316.)

Lettres de sajnt François de Sales

CDXLVI

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE ÉLU DE MONTPELLIER ( ' )

(inédite)

Remerciements et félicitations pour l'envoi d'une oraison funèbre ; souhaits d'amitié offerts au destinataire, son futur frère dans l'épiscopat. Message pour un ami commun.

Annecy, 19 avril 1608.

Monsieur,

Il n'estoit pas besoin que vous prissies la peyne de me faire sçavoir comme j'avois perdu le bien de recevoir de vos lettres ces deux ou trois moys passés, car jamais je ne me fusse voulu donner cette affliction de croire que c'eust esté pour estre esloigné de vostre bonne grâce, et toutes les autres causes ne me sont pas ennuyeuses. Je vous rens mille grâces de la belle orayson funèbre que vous m'aves envoyée (*). Elle a double prix en mon estime,

(i) Pierre Fenouillet, à Annecy en 157a, préconisé évéque de Mont- pellier le 27 août 1608, mourut à Paris en 1653, dans les derniers jours de novembre. Il fut célèbre en son temps : le Saint l'aima, il s'en fit aimer ; mais sa gloire littéraire a beaucoup souffert de ce redoutable voisinage. Le panégyriste disert, l'académicien de la Florimontane, fut surtout un évéque vigilant et zélé : Unis exostis hœreticis, dit son épitaphe. Les Religieux furent sous son épiscopat, protégés, rappelés ou réformés. Son origine annécienne, sa vénération et sa gratitude pour le Fondateur lui firent chérir les Filles de Sainte-Marie. Il les attira dans sa ville et jusqu'à sa mort leur fut un vrai père. Son cœur fut déposé à la Visitation, dans la chapelle qu'il y avait fait bâtir en l'honneur de saint François de Sales. Les historiens de la littérature ne font guère que citer son nom; Fenouillet mériterait plus qu'une simple mention. Sa vie active et très remplie, ses œuvres oratoires, le rôle qu'il ajcué dans le clergé de France, fourniraient sans doute la matière d'une étude intéres- sante. (Cf. le tome précédent. Lettre cdxxvii.)

(a) A cette date, Pierre Fenouillet avait déjà publié deux oraisons f inèbres ; ' en voici les titres :

Oraison funèbre sur le irespas de hault, puissant et illustre Messire Pompone de Believre, Chevalier et Chancelier de France, prononcée en P Eglise de S, Ger- main de rAuxerrois, le 77 septembre z6oy, par M. Pierre Fenoliiet, docteur en

Année 1608 5

estant, comm'elle est, fort ornée, et d'un lieu que j'hon- nore avec une affection très entière.

J'attens avec un peu d'inquiétude la nouvelle de vostre consécration. Il m'est advis que la communion de ce saint caractère nous alliera de plus fort ; mays en l'attendant,- je ne laisseray de prononcer souvent en mon ame le souhait solemnel : Ad multos annos*. Dieu me veuille •Pontifical. Rom.,

tvjt ^ n 1 1 1 1 1 Deconsecratione...

exaucer, iMonsieur, et vous seres beni des plus durables in Episcop. bénédictions du ciel *, et moy je deviendray autant *Gen., xux, 25. utilement comme je suis affectionnement,

Vostre serviteur et très humble,

FRANç^ E. de Genève.

Monsieur, j'escris a nostre grand amy (O, mais je vous requiers vostre intercession encor affin qu'il continue de m'aymer. fielas, le pauvre Truitard (3) me vient de sup- plier avec grande instance de le recommander a monsieur de la Bretonniere (3).

A Annessy, le 19 avril 1608.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation de Montpellier.

Théologie, Prédicateur ordinaire du Roy', et nommé par sa Majesté à FEvescké de Montpellier. Paris, chez Rolin Thierry, rue S. Jacques, 1607.

Oraison funèbre sur le trespas de Très-haut, tres-puissant et tres~illustre Prince Henry de Bourbon, duc de Montpensier, Pair de France, Souverain de Dombes, etc., Gouverneur et lieutenant général pour le Roy en Normandie, prononcée en la grande Eglise de Nostre-Dame de Paris, le sie jour de Mars 1608, par Messire Pierre Fenolliet, etc. Paris, Rolin Thierry, 1608.

Il est malaisé de savoir si c'est la première ou la seconde que désigne le Saint.

( I ) Antoine des Hayes.

(2) Probablement, Jean Truitard ou Truitat, « officier en la maison de Monseigneur » le duc de Nemours. (Reg. par. d'Annecy.)

(3) Charles Chaliveau (voir le tome XII, note ( i ), p. 214).

6 Lettres de saint François de Sales

CDXLVII

AU ROI DE FRANCE, HENRI IV ( MINUTE )

Pauvreté des curés du Bugey ; supplique en leur faveur.

Annecy, fin avril 1608 (i). Sire,

J'ay cinquante ou soixante curés sous ma charge au balliage de Beugey, sur lesquelz nulle décime n'a ci devant esté imposée de la part de Vostre Majesté, a la bonté delaquelle je recours maintenant pour eux, et eux avec moy, affin quil luy playse les exempter encores ci après. Le fondement de cette supplication. Sire, est a la vérité bien mauvais, mais il n'en est que plus solide; car c'est leur extrême pauvreté ; puisque presque tous sont si chetifz en moyens qu'ilz n'en ont que pour vivre misé- rablement. Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donpera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable, du milieu delaquelle

[je prie] Dieu quil prospère Vostre Majesté!»)

qui est

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

(r) La date de cette lettre se déduit de son contenu. En 1607, l'assemblée générale du clergé de France essaya de faire payer les décimes au clergé de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, charge dont celui-ci avait été exempté par le traité de Lyon (17 janvier 1601).

Les ecclésiastiques de Valromey et de Michaille constituèrent le 24 avril 1608 leur procureur, André de Sauzéa, pour solliciter du roi le maintien de l'exemp- tion. (R. E.) C'est donc vers le même temps que le Saint dut écrire la pré- sente lettre, et peut-être la confia-t-il à M. de Sauzéa. Henri IV fit droit à la réclamation, et le 38 août 1608 le Conseil d'Etat annulait la décision de l'as- semblée du clergé de France. (Cf. la lettre du 25 septembre 1608, aux Ecclé- siastiques du Bugey, du Valromey et de Gex.)

(a) Les lacunes qui suivent proviennent de la mutilation de l'AutograpUe.

Année 1608 CDXLVIII

A MADAME DE LA TLÉCHÉRB

L'humilité joyeuse dans les légers manquements. Les exercices de dévotion pendant la journée. Faire comme Notre-Dame : se tenir toujours d'une main à Notre-Seigneur. Apprivoiser son cœur à la mansuétude. Les prières vocales et l'oraison mentale.

Annecy, [fin avril ou commencement de mai] 1608 (i). Madame,

J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a faitgouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyen- nant sa grâce, il nous faut des-ormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige. J'ay une extrêmement bonne espérance pour vous, parce que j'ay veu, ce me semble, en vostre cœur une profonde resolution de vouloir servir sa divine Majesté, qui me fait asseurer que vous userés de fidélité es exercices de la sainte dévotion. Que si bien il y entrevient beaucoup de manquemens par infirmité, il ne faut nullement s'estonner ; mais, en détestant d'un costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a playsir de voir et connoistre nostre misère.

Je vous diray briefvement les exercices que je vous con- seillerois ; vous les verres plus clairement en cet escrit que je fay (»). La préparation de toute la journée, qui se fait briefvement le matin ; l'orayson mentale avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ ; le soir, avant souper, une petite retraitte, en laquelle, comme

(i) L'étude des lettres du 8 avril, du 19 mai 1608, leur comparaison avec celle-ci, lui font attribuer avec certitude une même destinataire et suggèrent la date avec une grande vraisemblance.

( a ) Des instructions de ce genre avaient été rédigées en 1604 pour les dames de Dijon. (Cf. le tome XII, pp. 166, 333, 357 etc.)

8 Lettres de saint François de Sales

en manière de répétition, vous faciès une douzaine de vives aspirations en Dieu selon la méditation du matin, ou sur quelque autre sujet.

Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point détraqué et si vous ne vous te- nes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur. Si vous vous treuves embarrassée outre mesure, accoisés vostre ame et remettes-la en repos. Imaginés vous comme Nostre Dame employoit doucement l'une de ses mains tandis qu'elle tenoit Nostre Seigneur de l'autre, ou sur son autre bras, en son enfance ; car c'estoit avec un grand esgard.

Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes de douceur; car, par ce moj'^en, vous apprivoyseres vostre cœur a la mansuétude. Ne vous amuses pas a combattre les menues tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jésus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour.

Ne vous mettes point en peyne de faire beaucoup d'oraysons vocales, et tous-jours, quand vous prières et que vous sentires vostre cœur porté a l'orayson mentale, laissés-l'y aller hardiment ; et quand vous ne feries que l'orayson mentale avec l'Orayson Dominicale et la Sa- lutation Angélique et la Créance, vous pouves vous contenter.

Je me dédie de grand courage au service de vostre ame, qui me sera dores-en-avant chère comme la mienne propre. Nostre Seigneur soit a jamais maistre de nos cœurs, comme je suis en luy,

Vostre serviteur.

Franc*, E. de Genève.

Année 1608 9

CDXLIX

A M. ANTOINE DES HAYES

Henri IV désire attacher le Saint au service de l'Eglise de son royaume. Humilité et désintéressement de François de Sales ; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté de Dieu.

Annecy, 6 mai 1608.

Monsieur,

J'ay receu vostre lettre du 21 avril qui me fait admirer la bonté du Ro)'^, qui non seulement me fait Ihonneur de se resouvenir de moy, mais encor de me vouloir du bien et m'estimer digne de luy rendre du contentement au service de l'Eglise en son royaume (0, Vous pouves penser, Monsieur, si j'ay esté touché de gloyre pour cela. Si ay, a la vérité, et m'y fusse laissé emporter si la con- noissance de mon insuffisance ne m'eut arresté ; car cet honneur ne m'esbloùyt point tant que je ne voye bien les bornes et limites de ma capacité, lesquelles sont sans doute fort courtes et estroittes.

Et pour cela, Monsieuf, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses ; et j'ay néanmoins cette générosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grâce d'un si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes de mérite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement.

Et je sçai bien qu'il ny a nulle si mauvayse pièce au monde qui ne soit utile a quelque chose ; mais il faut

(i) Il est certain que le roi de l'rance essaya d'attirer à Paris l'Evéque de Genève. Des propositions furent faites au Prélat, en particulier en 1608 (cf. les Lettres cdli, cdlii); toutefois, il est difficile de préciser quelle fut alors l'intention de Henri IV et de savoir à quel service il désirait appliquer les adaiirables ressources de notre Saint.

10 Lettres de saint François de Sales

luy treuver son usage et son lieu. Dieu m'a fait la grâce de reconnoistre que je suis fait pour luy, par luy et en luy. Je ne suis ni seray jamais enfant de fortune, tandis que le Ciel m'esclairera. C'est pourquoy, ou que je sois appelle pour le service de la gloire divine, je ne con- trediray nullement d'y aller ; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri et instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une spéciale inclination, et encor plus, la voyant sous un Roy que je doys honnorer et estimer si hautement et qui m'oblige si extrêmement comm'il fait. Il est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy me sem- ble asses ferme. Mais tout cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit empescher de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a la gloire divine et au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par vocation je suis consacré a cela.

Si donques Sa Majesté vous dit son intention parti- culière, j'examineray avec Dieu et en sa présence mes forces"; et si je les sens aucunement assortissantes au service qu'elle désirera, et que Sa Sainteté me le com- mande (car vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la sentinelle en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt, tout affectionné a suivre la vocation divine, ne doutant nullement qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés du Pape et du Roy.

C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et me connoisses tant, et qui sçaves entr'au- tres choses que je suis de tout mon cœur. Monsieur,

Vostre serviteur très affectionné et bien humble, Francs E. de Genève. VI may 1608, a Neci.

A Monsieur

Monsieur des Hayes.

Revu sur l'Autographe conservé au i^"^ Monastère de la Visitation de Rouen.

Année 1608 11

CDL

AU MEME

Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions de Henri IV à son égard. Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements ; il ne veut que la volonté de Dieu. Témoignages d'amitié. Message pour M*' de Montpellier.

Annecy, 6 mai 1608.

Monsieur,

Je (jette cette feuill' a part affin de vous y parler avec plus de liberté et vous en laisser aussi pour monstrer ma lettre, sil y escheoit. Vous verres donq, sil vous plait, la lettre que j'escris au Roy, et, sil vous semble a propos, vous la luy donneres, ou si vous juges autrement, vous pourres en parler a Sa Majesté vous mesme a vostre gré, car en ceci j'ay grandement besoin de vostre conduite.

Je n'ay pas creu, sur une proposition si générale comm'est celle que Sa Majesté me fait faire, de me devoir résoudre ; car il se pourroit bien faire que venant a join- dre et a voir le lieu ou l'occasion en laquelle on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service que l'on prsetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expédient que je me misse au change, dautant que les changements, a mon advis, sont tous-jours dignes de con- sidération pour ceux qui ne sont pas mal. Si le sujet n'en est grand et digne, on est blasmé de légèreté, et l'attirail en est tous-jours de grands frais ; car il faut un peu tout dire avec vous qui aves mon cœur en main.

Apres tout cela, vous sçaves que sans l'authorité du Pape, je ne puis nullement me remuer ; et si, il m'importe que cest' authorité prévienne toutes les nouvelles qu'on en pourroit avoir de deçà. Vous jugeres bien pourquoy. C'est cela qui me rend tout ceci difficile, car, pour parler en conscience, je ne mérite pas l'employte de tant de mi stères.

12 Lettres de saint François de Sales

Je sçai que, la chose n'estant pas preste, il y a asses de tems pour penser a toutes ces choses ; mais encor m'a-il semblé que je vous devois ainsy tout dire naïve- ment, affin que, selon les occurrences, vous m'aydies a prendre les resolutions convenables. Et ce pendant, je demanderay incessamment la clarté du Ciel et diray a Nostre Seigneur : Seigneur, que voules vous que je

Act., IX, 6. face * ? car je proteste devant sa souveraine Majesté,

que je ne veux vouloir que sa volonté tressainte, soit a demeurer, soit a changer de place. Et si |e la sçai con- noistre, je ne me veux divertir ni a droite a gauche du chemin qu'elle me monstrera ; car ce peu de tems que j'ay a passer ne m'est rien au prix de l'éternité. Pour donques laysser entièrement la conduite de mon sort

Cf. Ps. XXX, i6. es mains de Dieu *, je ne veux ni refuser ni accepter que

je ne voye et considère que c'est.

Au demeurant, je ne doute point que vostre amitié en mon endroit n'aye beaucoup contribué pour amplifiei et aggrandir l'estime que le Roy fait de moy, de laquelle, sans mentir, je suis honteux, et en cas que je deusse pa- roistre a sa veùe, je serois bien en peyne de soustenir cett' opinion. Nostre Seigneur vous conserve et aggran- disse en ses saintes bénédictions, et me face la grâce de ne point paroistr' ingrat de tant de faveurs que je reçois de vous, ains de tesmoigner par effect que je suis de c6eur tout entier.

Monsieur, Vostre serviteur plus humble et très fidelle. Francs E. de Genève.

6 may i6o8.

Monsieur, on me presse de plier ce pacquet. Osera)'' je donq bien supplier Monsieur le Reverendissime de Montpellier de me conserver ses grâces, et sçavoir par ces trois lignes que je suis son très humble serviteur? Monsieur, obliges moy de le luy dire, car il est fort vray.

Revu sur l'Autographe conservé au i" Monastère da la Visitation de Rouen.

\

Année 1608 13

CDLI

A LA BARONNE DE CHANTAL

(fragment)

Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu. Le Saint ne veut que Dieu pour son partage. L'objet de ses considérations en l'oraison.

Annecy, 6 mai 1608 (i).

On parle de m aggrandir, mais c'est a bon jeu, bon argent, et du costé de delà. Cela m'a mis en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande gloire de Dieu et du ser- vice de l'Eglise. Or, demeurés en paix, ma très chère Fille ; car il ne se fera rien que selon le bon playsir de sa divine Majesté et. sous sa conduite.

Je ne sçai d'où cela peut arriver que ce grand Prince continue si fort a me favoriser sans que j'aye jamais fait nulle chose pour cela. J'ay fait responce* (car, comme je * Vide Ep. prsced. vous dis, c'est tout de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois : Seigneur, que voules vous que Je face*? ' A*=*-' '^' ^• Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absolue. Priés donques bien pour moy, ma chère Fille, affin que mon cœur se tienne pur de toutes vanités et prétentions mondaines. Pour moy, je proteste que je ne veux que Dieu pour mon partage *, comme * Ps- "xn, 26. que ce soit. La commodité de nos resolutions * ne se peut •Videtom.prœced.

1 -Il 1 r •!• P- '95' not. (3), et

bonnement perdre, mais de plus en plus laciliter, moyen- pp. 295, 318. nant la grâce divine.

O ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite ? quand aurons nous des coeurs embrasés de son amour ? Courage, ma chère Fille, nous sommes destinés a cette heureuse fin. Ne nous troublons point des stérilités, car les stérilités enfanteront en fin ; ni des sécheresses, car la terre sèche se convertira en sources d'eaux vivantes *. * isaiœi xxxv, 7.

( I ) La date attribuée à cette lettre est prouvée par celle des deux précédentes.

14 Lettres de saint François de Sales

L'autre jour en l'orayson, considérant le costé ouvert de Nostre Seigneur et voyant son cœur, il m'estoit advis que nos cœurs estoyent tout alentour de luy, qui luy faisoyent hommage comme au souverain Roy des cœurs. Qu'a jamais soit-il nostre cœur. Amen.

( 0 Et cette petite Aymee sera des très mieux aymees seurs du monde, car je seray son frère. Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance extérieure, car Celuy a l'œil duquel le fond de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien intérieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement indépendant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime et très pure aflfection et union que Dieu a fait en nous.

Francs E. de Genève.

(i ) L'édition de 1626 n'étant pas une édition critique (cf. l'Avant-Propos du tome XI, pp. IX, x), toutes les fois que, faute d'Autographe, il a fallu reproduire son texte et que, faute de documents, celui-ci n'a pu être contrôlé et justifié, nous ne pouvons garantir l'intégrité de la lettre. C'est le cas de celle-ci. Quant aux autres, le lecteur sera averti par un renvoi à la présente note.

CDLII

A LA MEME

Il faut tout faire avec une diligence tranquille. On veut tirer l'Evêque de sa terre et de son « parentage » ; sentiments que lui inspire ce projet. Le rendez-vous d? l'âme du Saint.

Annecy, [vers le ii] mai 1608.

Je receu la semaine passée quatre lettres des vostres : l'une, du jour de Pasques, les autres trois, du 27 avril. Or, plustost que de tarder davantage, je vous veux escrire tout a la haste.

Je voy ce que vous me dites de ces bonnes âmes,

Année 1608 15

compagnes de vos désirs (0; de vos désirs, dis je, qui se fortifient et se rendent actifs dedans vostre cœur. Helas, ma chère Fille, ilz vous resveillent souvent l'esprit, a ce que je voy ; mais croyés bien que celuy que j'ay de con- duire le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi très souvent (or sus, je veux dire ce mot de vanterie), plus souvent que vous, que je croy ; mais ne faut il pas tout faire avec une diligence soigneuse, mais douce, mais tranquille, mais résignée? Eh bien, j'espère que Dieu sera nostre guide.

Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour * touchant la proposi- * Epist. pr«ced. tion qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage* ; car rien ne se fera que de par ' Gen., xn, i. Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy. Non, croyés-le bien, ma chère Fille (mais voyes vous, n'en parles a personne, je vous dis tout), ce ne seroit pas sans répu- gnance s'il me failloit changer de logis, bien que je ne me sente nullement attaché qu'a quelques âmes, d'un lien tput purement spirituel. Dieu mercy. Mais Dieu tiendra tout de sa main ; car voyes vous, ma chère Fille, mon ame n'a point de rendes vous qu'en cette providence de Dieu : Mon Dieu, vous me l'aves enseigné des ma jeunesse, et jusques a présent f en annonceray vos merveilles *. * p^. lxx, 17.

A Dieu, ma chère Fille. Tenés pour tout asseuré que je pense fort au soin de vostre ame, laquelle m'est chère, pretieuse et aymable comme la mienne propre, et je ne la tiens que pour une mesme. Dieu nous ayme, ma chère Fille ; il sera tous-jours avec nous, nostre unique amour et confiance. O Dieu, que je désire de bien a vostre esprit,

( t) La baronne de Chantai aimait à s'entourer de personnes éprises du désir de la ferveur et aspirant comme elle à quitter le siècle. « Elle avait souvent avec elle des prétendantes des Carmélites, et singulièrement depuis l'année 1607, notre très honorée Sœur et Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard demeu- rait assez souvent avec elle. Depuis son retour de ce dernier voyage de Savoie (1607), toutes ces filles dévotes et elle s'accoutumaient ensemble aux exercices religieux, comme silence, psalmodie et semblables. » (Mémoires de la Mère de Change, I" Partie, chap. xxiv.)

i6 Lettres de saint François de Sales

ma chère Fille ! Nostre Dame soit nostre Dame et Mais- tresse.

Vostre, tel que Dieu le veut et fait,

Franc*, E. de Genève. A Neci... may 1608.

CDLIII

A madame de vallon

(inbditb)

Témoignages de dévouement à une parente. Nouvelles et messages.

Annecy, 16 mai 1608.

Madame ma Cousine,

Par ce que monsieur de Fontaine (0, partant lundi de Turin, laissa monsieur de Vallon mon cousin en bonne •Cf. supra, Epist. santé et monsieur de Charmoysi aussi*, j'ay voulu, par cette commodité, vous en donner l'asseurance, bien que peut estre âures vous des lettres aussi récentes que cela. Mais cet advis ne sera pas pour cela inutile, puis qu'il me donnera sujet de me ramentevoir en vostre bonne grâce, en vous tesmoignant que si mes prières sont favorisées au Ciel, vous vivres tous-jours toute consolée des consola- tions du Saint Esprit.

Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine (^), ou je leur ofFriray tout ce qui est en mon

(i) Antoine des Hayes, dans ses lettres à M. de Charmoisy, parle plus d'une fois du sieur de Fontaine comme d'un ami commun. Les historiens de Savoie mentionnent aussi un gentilhomme de ce nom, noble Jean-Baptiste Fontaine, qui épousa Jeanne Vimarcat, première femme de chambre de la princesse Marguerite de Savoie, duchesse de Parme. « Monsieur de Fontaine » dont il est ici question semble être identique au premier, si toutefois il ne s'agit pas dans les trois cas d'un seul et même personnage.

(a) L'une des filles de M.""* de Vallon, Louise-Françoise, baptisée le ai sep- tembre 1604, fut la filleule du Saint, entra au couvent des Chartreusines de

Année i6o8 17

pouvoir ; mais elles ont un si bon père et une si bonne mère, que le reste des parens n'ont nul sujet de les servir. Au moins en auray-je tous-jours la volonté', puis que je suis,

Madame ma Cousine,

Vostre bien humble cousin, parrein, compère et serviteur.

Franc", E. de Genève.

Je salue bien humblement monsieur du Vilars, mon bon cousin (0, et luy renvoyeray bien tost la requeste de la parroisse respondue (*).

La bonne madame de Charmoysi est malade d'une grande descente, et je m'en vay tout maintenant la voir, si cela ne l'incommode point.

A Neci, le xvi may 1608.

A Madame

Madame de Vallon.

Keva sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

Mélan vers 1620 et mourut en 1660. Les « cousines » dont il est parlé ici, sont sans doute Claudine et Charlotte-Françoise de Vallon, alors pensionnaires au monastère de Sainte-Catherine (voir le tome précédent, note (4), p. 116); Charlotte-Françoise en devint plus tard l'abbesse et mourut le 36 avril 167s.

( I ) Claude de Gex (cf. le tome XII, Lettre ccxiv).

(3) La famille de Gex avait sollicité du saint Evêque la concession d'une chapelle dans l'église paroissiale de Samoëns ; celle de Saint-Laurent lui fut assignée. La supplique mentionnée ici et la promesse d'y répondre paraissent $e rapporter à cette affaire.

Lbttms IV

»8 Lettres de saint François de Saus

CDLIV

A MADEMOISELLE CLAUDINE DE CHASTEL ( 0

Le vœu de chasteté : considérations qu'il faut faire pour s'y préparer. Eloge de la sainte chasteté : vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, rouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges. Formule de ce vœu; il fait de notre corps une sainte relique, un calice consacré.

Annecy, i8 mai 1608.

Madamoy selle,

Je croy que le désir que vous aves de vouer vostre chasteté a Dieu n'a pas esté conceu en vostre ame que premièrement vous n'ayes longuement considéré son im- portance : c'est pourquoy j'appreuve que vous le faciès, et le jour de Pentecoste mesme (*). Or, pour le bien faire, prenés le loysir les trois jours precedens, de bien prépa- rer vostre vœu par l'orayson, laquelle vous pourres tirer de ces considérations :

Considérés combien la sainte chasteté est une vertu

aggreable a Dieu et aux Anges, ayant voulu qu'elle fust

éternellement observée au Ciel, ou il n'y a plus aucune

Matt., XXII, 30. sorte de playsirs charnelz ni de mariages *. Ne seres-vous

pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que

( I ) Une des filles de Jean-François de Chastel et de Jacqueline de Boni- vard, Claudine de Chastel, avait fait vœu de chasteté, après en avoir conféré par écrit avec le Saint. (Année Sainte de la Visitation, tome IV, p. 108.) Cette particularité et d'autres analogies permettraient de lui attribuer la destination de cette lettre.

Avec ses quatre sœurs, dont l'une, la future Mère Péronne-Marie de Chastel, illustra plus tard les origines de la Visitation, Claudine « avait participé à l'excellente éducation que M"® de la Chambre » (voir ci-après, note (2), p. î8) « donnait à plusieurs personnes de qualité. » Entrée à la Visitation d'Annecy, elle reçut l'habit des mains du Saint, avec le nom de Claude-Cécile, le 26 avril i6jo, et fit profession le 13 juin 1621. Elle décéda le 4 avril 1668 au monastère de Chambéry, elle vint tout d'abord quand il se fonda, comme il lui avait été prédit par le Bienheureux. (Voir sa Vie dans l'Année Sainte, tome IV, p. 106.)

(a) La Pentecôte tombait cette année le 25 mai.

Année 1608 19

vous continueres éternellement en l'autre ? Bénisses donq Dieu qui vous a donné cette sainte inspiration.

Considérés combien cette vertu est noble, qui tient nos âmes blanches comme le lys, pures comme le soleil ; qui rend nos cors consacrés et nous donne la commodité d'estre tout entièrement a sa divine Majesté, cœur, cors, esprit et sentimens. N'est ce pas un grand contentement de pouvoir dire a Nostre Seigneur : Mon cœur et ma chair tressaillent de j'oye en vostre Bonté *, pour l'amour ps. lxxxui, ?. de laquelle je quitte tout amour et pour le playsir de la- quelle je renonce a tous autres playsirs ? Quel bonheur de n'avoir point réservé de délices mondaines pour ce cors, affin de donner plus entièrement son cœur a son Dieu !

Considérés que la Sainte Vierge voua la première sa virginité a Dieu, et après elle, tant de vierges, hommes et femmes. Mais avec quelle ardeur, avec quel amour, avec quelle affection furent vouées ces virginités, ces chastetés ? O Dieu, cela ne se peut dire. Humiliés vous fort devant la trouppe céleste des vierges et, par l'humble prière, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour prétendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus près que vous pourres. Suppliés-les qu'elles offrent avec vous vostre vœu a Jésus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par le mérite de la leur. Sur tout, recommandés vostre intention a Nostre Dame, puis a vostre bon Ange, affin que désormais il luy playse, d'un soin particulier, pré- server vostre cœur et vostre cors de toute soûilleure contraire a vostre vœu.

Puis, le jour de Pentecoste, Ihors que le prestre esle- vera la sainte Hostie, offres avec luy a Dieu, le Père éternel, le cors pretieux de son cher Enfant, Jésus, et tout ensemble vostre cors, lequel vous feres vœu de con- server en chasteté tous les jours de vostre vie. La forme de faire ce vœu pourroit estre telle :

O Dieu éternel, Père, Filz et Saint Esprit, je N., vostre indigne créature, constituée en vostre divine présence et

20 Lettres de saint François de Sales

de toute vostre Cour céleste, prometz a vostre divine Ma- jesté, et fay vœu de garder et observer tout le tems de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entière chas- teté et continence, moyennant la faveur et grâce de vostre Saint Esprit. Playse vous accepter ce mien vœu irrévo- cable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pieu m'inspirer de le faire, donnes mcy la force de le parfaire •Cf Formui. voto- a vostre honneur, par tous les siècles des siècles*.

rum simpl. in Soc. /-, i . - . ,

jesn usurpatam. (Juelques uus escTivent OU font escrire ce vœu, et le

signent; puis le remettent a quelque père spirituel, affin qu'il en soit comme le protecteur et parrein. Mais bien que cela soit utile, il n'est pas nécessaire. Vous commu- nieres sur cela, et pourres dire a Nostre Seigneur que vrayement il est vostre Espoux.

Mais parles-en a vostre confesseur ; car s'il vous ordon- noit de ne le faire pas, il le faudroit croire, puisque, voyant Testât présent de vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expédient que moy.

Mais, ma bonne Fille, ce vœu estant fait, il faut que vous ne permetties jamais a personne de chatouiller vostre cœur d'aucun propos d'amour ni de mariage ; mais que vous ayés un grand respect a vostre cors, non plus comme a vostre cors, mais comme a un cors sacré et a une très sainte relique. Et comme on n'ose plus toucher ni pro- faner un calice après que l'Evesque l'a consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré vostre cœur et vostre cors par ce vœu, il faut que vous luy porties une grande ré- vérence.

Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, le- quel sçait que je vous chéris fort affectionnement en luy ; et le mesme jour de Pentecoste, je luy offriray vostre cœur et ce qui en sortira pour sa gloire. Qu'a jamais Jésus soit vostre amour et sa sainte Mère vostre guide ! Amen.

Vostre serviteur en Jésus Christ,

France E. de Genève. A Neci, le i8 may 1608.

Année 1608 21

CDLV

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE ( i )

Un moyen commode d'acquérir les solides vertus : se mettre en patience avec opiniâtreté. Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence. Les affaires de ce monde et les mai- sonnettes des petits enfants. La chose la plus importante. Toujours recommencer : le meilleur moyen pour achever la vie spirituelle.

Annecy, 19 mai 1608,

Je me resouviens que vous me distes combien la mul- tiplicité de vos affaires vous chargeoit ; et je vous dis que c'estoit une bonne commodité pour acquérir les vrayes et solides vertus. C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires ; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la mul- titude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme.

Vous aves besoin de la patience, et j'espère que Dieu la vous donnera, si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y préparant tous les matins par une application spéciale de quelque point de vostre méditation, et vous opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journée tout autant de fois que vous vous en sentires distraite.

Ne perdes nulle occasion, pour petite qu'elle soit, d'exercer la douceur de cœur envers un chacun. Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement par l'assistance de Dieu ; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé,

^ I ) Les conseils précis de cette lettre et d'autres particularités historiques, connues d'ailleurs, persuadent que cette dame est très vraisemblablement la destinataire.

22 Lettres de saint François de Sales

vous usies d'une douce diligence. Je dis douce diligence, parce que les diligences violentes gastent le cœur et les affaires, et ne sont pas diligences, mais empressemens et troubles.

Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'éter- nité, et Ihors nous verrons combien toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou ne se fissent pas ; maintenant, néan- moins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses grandes. Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions nous des morceaux de tuyles, de bois, de la boue, pour faire des maysons et petitz bastimens ! Et si quelqu'un nous les ruynoit, nous en estions bien marris et pleurions ; mais maintenant nous connoissons bien que tout cela importoit fort peu. Un jour nous en serons de mesme au Ciel, que nous ver- rons que nos affections au monde n'estoyent que de vrayes enfances.

Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries et bagatelles, car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice ; mais je voudrois bien oster l'ardeur et la chaleur de ce soin. Faysons nos enfances, puisque nous sommes enfans ; mais aussi, ne nous morfondons pas a les faire. Et si quelqu'un ruyne nos maysonnettes et petitz desseins, ne nous en tourmen- tons pas beaucoup ; car aussi, quand ce viendra le soir auquel il se faudra mettre a couvert, je veux dire la mort, toutes ces maysonnettes ne seront pas a propos : il faudra Cf. Ps. cxxi, I. se retirer en la mayson de nostre Père *. Soignés fidel- lement a vos affaires, mais saches que vous n'avés point de plus dignes affaires que celuy de vostre salut et l'ache- minement du salut de vostre ame a la vraye dévotion.

Ayés patience avec tous, mais principalement avec vous mesme ; je veux dire, que vous ne vous troublies point de vos imperfections et que vous ayes tous-jours cou- rage de vous en relever. Je suis bien ayse dequoy vous recommences tous les jours : il n'y a point de meilleur moyen pour bien achever la vie spirituelle que de tous- jours recommencer et ne penser jamais avoir asses fait.

n

Année 1608 33

Recommandés moy a la miséricorde de Dieu, laquelle je supplie de vous faire abonder en son saint amour. Amen. Je suis

Vostre serviteur bien humble,

Franc», E. de Genève. Le 19 may 1608.

CDLVI

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE ÉLU DE MONTPELLIER

(ikéditb)

Eloge de des Hayes, « le grand amy » de Pierre Fenouillet et de l'Evêque de Genève. C'est surto'lit sur les petits lacs d'eau douce que la barque du Saint se plaît à voguer.

Annecy, 2} mai 1608 Monsieur,

Je cours après vous par ces deux motz pour vous ren- dre grâces de la faveur que vous me faites, si abondam- ment tesmoignee par vostre lettre. J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand amy*, et luy addressay une lettre *Epist.cDXLix,cDL. pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant le conseil que vous me donnes avant que je l'eusse receu ; tant mon affection, qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon esprit a quelque conformité du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inférieur.

Je m'esjouis d'une joye toute particulière sur l'advan- cement de ce digne amy ( i ), duquel le mérite se fera tous- jours plus paroistre en montant, comme fait le soleil ;

( I ) Henri IV avait promis à des Hayes la charge de prévôt des marchands de Paris. A la mort du roi, cette promesse fut maintenue par la reine. En 1613, le roi Louis XIII la lui faisait encore. Antoine des Hayes occupa-t-il enfin la prévôté f François Miron la remplit jusqu'en 1609.

24 Lettres de saint François de Sales

et ce grand Roy, qui le tire après sa prouvoyancô, le portera sans doute bien plus haut.

Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'au- tant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extrê- mement indigne, et ne doute point que vostre bienveuil- lance en mon endroit et cello de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salées de l'Océan, mais pour nos petitz lacs d'eau douce.

Monsieur vostre cousin m'arrache cette lettre d'entre les mains, car il veut partir et il est tard. Nostre Sei- gneur vous prospère. Monsieur, et je suis extrêmement,

Vostre serviteur très humble,

Franc», E. de Genève. 23 may 1608.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation de Montpellier.

CDLVII

AU PÈRE JEAN COMES, RELIGIEUX AUGUSTIN (O

Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel ; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint. Assurance d'affectueux dévouement.

Annecy, 24 mai 1608.

Mon Révérend Père,

Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au désir que j'ay de vous voir bien ensemble-

(i ) Jean Cornes, à Seyssel (France), entra dans l'Ordre des Augustins et s'y distingua. D'esprit fort cultivé, docteur en théologie de Sorbonne, provin- cial de France en 1586, lecteur et prédicateur de l'église de la Bienheureuse

Année 1608 25

ment avec eux, par un appointement amiable de tous les difFerens qui sont entre vous ( ' ) . Il ne reste sinon de conve- nir du tems, du lieu et des personnes convenables a cett'in- tention ; sur quoy je vous prie m'envoyer quelque propo- sition et projet, affin que, de nostre costé, nous taschions de concourir a vostre commodité. Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appoin- tement pour fait, bien que, puisque vous le désirés, le pro- cès ne se retarde point encor, lequel néanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous ; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard.

Quant au fermier du prieuré de SesseK»), sil a quelque chose a demesler pour son particulier avec vostre Con- vent, mon Chapitre n'y peut pas remédier. Que si c'est a rayson de la cure, je puis y donner de l'ordre moy mesme, et le feray tous-jours convenablement quand il vous plaira.

Et pour le regard des paroles desreglees desquelles vous vous plaignes, nos chanoynes nient qu'elles soyent sorties de leur Chapitre, et disent qu'au contraire on leur

Marie d'Aix, provincial de Narbonne en 1587, il devint le 6 août 1591 vicaire des couvents de Béziers, Montpellier, etc.. et en i6;o la Province de Toulouse l'envoyait à Rome comme définiteur, au Chapitre général. Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane, le prit en 1616 pour son théologien consulteur et pour son confesseur en 1633.

Il publia en 1636, à Florence, la Vie de saint Fiacre, Bénédictin. D'après une citation de Moréri, Jean Cornes aurait vécu encore trente ans et serait mort à Seyssel, en odeur de sainteté, à l'âge de cent onze ans. (Voir les His- toires de l'Ordre, Herrera, Elssius, Ossinger, etc.)

(i) Titulaire de la cure de Seyssel depuis 157a, le Chapitre de la cathé- drale de Saint-Pierre de Genève en percevait les revenus, à condition de pourvoir à l'administration spirituelle de la paroisse. Il voulait obliger les Âugustins à payer le prédicateur du Carême, sous prétexte que certaines dîmes leur avaient été concédées à cet eÉfet ; mais les Religieux entendaient laisser cette charge au curé, c'est-à-dire aux chanoines d'Annecy. Tel est, semble-t- il, le différend qui provoqua l'intervention du saint Evéque. (Cf. Fenouillet, Histoire de Seyssel, Annemasse et Seyssel, 1891.)

(a) Le prieuré des Ermites de Saint-Augustin de Seyssel datait de 13*7. Ce couvent eut à soutenir au xvi" et au xvii* siècle de longs et nombreux procès avec des gens d'église et des particuliers. Le dernier prieur devint en iSoa curé de Seyssel; l'église do monastère a subsisté jusqu'en 18)4. (Cf. ibid.)

26 Lettres de saint François de Sales

a donné advertissement que vos Religieux en avoyent asses proféré contr'eux. Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a coopérer l'un a l'autre pour le •Colosf., I, i8. service du cors gênerai de Jesuschrist qui est l'Eglise *.

Je me res-jouis que vos Religieux ayent pris en bonne part l'advis que je vous donnay ; aussi le devoyent-ilz faire, puisqu'il sortoit d'une poitrine sincèrement affec- tionnée a leur bien et honneur, comme je seray tous- jours plein de ce désir. Je prie sa divine Majesté qu'elle nous rende tous dignes du service auquel nous avons esté appelles, et suis, en ce qui regarde vostre particulier,

Mon Révérend Père,

Vostre confrère bien humble,

Franc», E. de Genève. 24 may 1608, a Neci.

Au R. P. en N. S', Le P. Maistre Cornes, Bachelier en l'Université de Paris. Aux Augustins de Sessel.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Maistre, au château de Bissy, près de Chambéry.

1

CDLVIII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Deux choses qu'il faut joindre ensemble. Comment reprendre son cœur quand il a failli.

Annecy, 28 mai 1608 (i).

Madame,

Il est vray, je désire fort que quand vous penseres tirer de la consolation en m'escrivant, vous le faciès avec con- fiance.

( I ) Les analogies de cette lettre avec la lettre du 8 avril trahissent la même destinataire, et l'appellation de Madame ne permet pas de lui donner une date ultérieure. Plus tard, le Saint ne l'appelle plus ainsi.

Année 1608 27

Il nous faut joindre ces deux choses ensemble : une extrême affection de bien et exactement prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des vertus, et de nulle- ment nous troubler ou inquiéter ou estonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquemens ; car le premier point dépend de nostre fidélité, qui doit tous-jours estre entière et croistre d'heure en heure ; le second dépend de nostre infirmité, laquelle nous ne sçaurions jamais dépo- ser pendant cette vie mortelle.

Ma très chère Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre cœur tout a l'heure et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entière la resolution de servir a Dieu ; et j'espère qu'il nous respondra qu'ouy et que plustost il souffriroit mille mortz que de se séparer de cette resolution. Demandons-luy de rechef : Pourquoy donques bronches tu maintenant ? pourquoy es tu si lasche ? Il respondra : J'ay esté surpris je ne sçai comment, mais je suis ainsy pesant maintenant.

Helas ! ma chère Fille, il luy faut pardonner ; ce n'est pas par infidélité qu'il manque, c'est par infirmité. Il le faut donques corriger doucement et tranquillement, et non pas le courroucer et troubler davantage. Or sus, luy devons-nous dire, mon cœur, mon amy, au nom de Dieu, prens courage ; cheminons, prenons garde a nous, esle- vons nous a nostre secours et a nostre Dieu. Helas ! ma chère Fille, il nous faut estre charitables a l'endroit de nostre ame, et ne la point gourmander tandis que nous voyons qu'elle n'offense pas de guet a pens. Voyes vous, en cet exercice, nous prattiquons la sainte humilité.

Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu, car Nostre Seigneur mesme n'a fait en ce monde que nostre salut. Ne désirés point la guerre, mais attendes la de pied coy.

Nostre Seigneur soit vostre force. Je suys en luy,

Vostre très affectionné serviteur.

Franc», E. de Genève. Le 28 may, en haste.

C. XXVII.

28 Lettres de saint François de Sales

CDLIX

A MADEMOISELLE CLAUDINE DE CHASTEL

Dieu protège les vœux qu'il a inspirés. Il n'est pas toujours possible ni à propos de fuir, mais il est toujours nécessaire de combattre avec opiniâ- treté. — Les afflictions qui aident à bien servir Dieu. Conseils pour l'oraisoQ. Bonheur de s'être consacré à Notre-Seignenr.

Annecy, [fin mai ou commencement de juin] 1608 ( i). Madamoyselle,

Cf. supra, p. 30. Je garderay chèrement le billet de vostre vœu * et Dieu en gardera la fermeté ; il en a esté l'autheur il en sera le conservateur. Je feray souvent pour cela la prière de

•Confess., 1. XII, saiut Augustin * : Helas ! Seigneur, voyla un petit pous- sin esclos sous les aysles de vostre grâce : s'il s'escarte de l'ombre de sa mère, le milan le ravira ; faites donq qu'il vive a la faveur et a l'abry de la grâce qui l'a produit. Mais voyés-vous, ma Seur, il ne faut pas seulement pen- ser si cette resolution sera perdurable ; il faut tenir cela pour si certain et résolu, que jamais plus il n'en soit doute. Vous m'obliges bien fort de me dire les deux motz que vous m'escrives de vos inclinations ; sur lesquelz je vous dis que nos affections, pour petites qu'elles soyent, des- chirent nostre ame quand elles sortent mal a propos. Tenés-les en main et n'en faites pas peu de conte, car elles valent beaucoup selon le poids du sanctuaire.

Le désir de vous esloigner des causes n'est pas a pro- pos au train auquel nous sommes ( *), car il fait abandonner

( I ) Pour l'adresse et la date de cette lettre, voir celle du 18 mai (p. 18) et la note qui l'accompagne. Les deux lettres s'adressent à la même personne et ont se suivre de près.

(2) Au dire de V Année Sainte, tome IV, pp. 107, 108, Claudine de Cfaastel (voir ci-dessus, note (i), p. 18) eut à souffrir sons la conduite « sévère et fort parcimonieuse » de M"* de la Chambre, très probablement Marguerite de Seyssel-la-Chambre, fille de Jean de Seyssel et de Barbe d'Amboise, ancienne fille d'honneur de Catherine de Médicis. Elle s'était fixée à Chambéry, elle mourut le 38 juin 1614. (Cf. La Maison de Seyssel, tome I*'; Grenoble 1900.)

1

Année 1608 29

le vray soin de combattre. Or, ce dernier nous est nécessaire, tandis que le premier est impossible. Et puis, ou il n'y a pas danger de péché mortel, il ne faut pas fuir, mais vaincre tous nos ennemis et s'y opiniastrer sans perdre courage, bien que nous soyons quelquefois vaincus.

Ouy vrayement, ma chère Fille, attendes de moy tout ce que vous pouves attendre d'un vray père, car j'ay certes bien cette affection la pour vous ; vous le connois- tres au progrès, si Dieu m'assiste.

Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligée com- me il faut pour bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'hu- milier ; mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'hu- milité, la modestie et la douceur de cœur ! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glo- rieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé com- me les ballieures et racleures du m.onde *. i Cor., iv, 15.

Vous aves, ce me dites vous, encor le sentiment fort vif aux injures. Mais, ma Chere Fille, cet encor a quoy se rapporte-il? En aves vous des-ja beaucoup gasté de ces ennemis-la ? Je veux dire qu'il faut avoir courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne faysons que commencer et que néanmoins nous avons désir de bien faire.

Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort, lises volontier les loiianges de l'orayson qui sont semées en beaucoup de livres : en Grenade *, au commen- •Videtom.xiihuj. cément de Bellintani * et ailleurs; car l'appétit d'une ^îdem^'iit'fé)^"' viande fait qu'on s'entend fort a la manger.

Vous estes bien heureuse, ma Fille, de vous estre voiiee a Dieu. Souvenes vous de ce que fit saint François quand son père le mit a nud devant l'Evesque d'Assise * : •s.Bonav.,Legend. « Maintenant donques, dit il, je pourray bien dire : Nos- ^' ^"°'=' ^- "• tre Père qui estes es deux *. » Mon père et m.a mère, * Matt., vi, 9. dit David *^ m'ont abandonné, et le Seigneur m.' a 'Ps. xxvi, 10. pris a soy.

Ne me faites point de préface pour m'escrire, car il

^o Lettres de saint François de Sales

n'est nul besoin de cela, puisque je suis avec tant de volonté dédié a vostre ame. Dieu la bénisse de ses gran- des bénédictions et la rende toute sienne. Amen.

Franc», E. de Genève.

^

CDLX

AU CARDINAL POMPÉE ARRIGONI, SECRÉTAIRE DU SAINT-OFFICE (O

(uinutb)

Le Saint demande au Saint-Siège le renouvellement de plusieurs permissions qui doivent faciliter son ministère et celui de ses prêtres.

Annecy, lo juin 1608.

(2) Illustrissime et Reverendissime Domine mi colendissime,

Mihi ac aliis viris idoneis a me deputandis, quoscum- que haereticorum seu alias prohibitos libres legendi et retinendi, necnon hœreticos, etiam relapsos, pœnitentes

Illustrissime, Reverendissime et très honoré Seigneur, 11 y a déjà longtemps, la Sacrée Congrégation m'avait accordé, pour moi et pour d'autres personnes que je jugerais capables, la faculté et la plus ample autorisation de lire et de garder les ouvrages

(i) Toutes les permissions sollicitées dans cette supplique ayant trait aux questions de foi, relevaient exclusivement du Saint-Office ou Sacrée Congré- gation de rinquisition, instituée par le Pape Paul III le 21 juillet 154s. C'est le Souverain-Pontife lui-même qui préside ce tribunal suprême. Le cardinal le plus ancien dans la Congrégation remplit les fonctions de secrétaire; en 1608, elles étaient exercées par le cardinal Pompée Arrigoni, du titre de Sainte-Marie in Aquiro, et c'est lui, probablement, qui est le destinataire de la présente lettre. (Voir le tome XII, note ( 1 ), p. 3.)

{3) Le texte latin est inédit; Migne, tome VI, col. 941, n'en avait donné qu'une traduction.

Année 1608 31

recipiendi, ac insuper sacerdotes, qui ecclesias ac caeme- teria poUuta ac omnia ornamenta ad divinum cultum neces- saria benedicere possint deputandi, matrimonia in quarto affinitatis vel consanguinitatis gradu ab haereticis conver- sis revalidandi, vota simplicia commutandi, pugnantes in duello absolvendi, facultatem ac authoritatem amplis- simam, ad quinquennium, Sacra Congregatio jampridem concessit. Verum mihi pluribus aliis cogitationibus inten- to, accidit ut temporis illius spatium elaberetur ante- quam de nova facultate impetranda memoriae occurreret. Quod ubi cognovi, non diutius immorandum duxi quin (a) humillimis praecibus a Dominatione Vestra Iir' et R"* contenderem ut mihi eadem facultas, et per longius tem- poris spatium, si qua fieri possit ratione, concedatur(0. Petitionis ratio est quia plerosque adhuc in diocaesi habemus haereticos qui quotidie, tum publicis concioni- bus, tum privatis colloquiis, ad Ecclesiée caulas redeunt, et quia cominus, non solum cum haereticis, sed cum haere- ticorum magistris pugnare, et mihi interdum et aliis

des hérétiques quels qu'ils fussent, et aussi les livres défendus à un autre titre, de recevoir les hérétiques pénitents, même les relaps, de déléguer des prêtres pour réconcilier les églises et les cimetières pollués et pour bénir tous les ornements nécessaires au culte divin, de revalider les mariages que les hérétiques convertis auraient contrac- tés dans le quatrième degré d'affinité ou de consanguinité, de com- muer les vœux simples et d'absoudre les duellistes. Ces pouvoirs étaient pour cinq ans ; mais, absorbé par beaucoup d'autres pensées, j'ai laissé écouler cet espace de temps sans songer à demander de nouvelles permissions. Dès que je m'en suis aperçu, je me suis hâté de recourir à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, pour la prier très humblement de m'accorder les mêmes facultés et, s'il se peut en quelque manière, pour un temps plus long (i).

Voici les raisons de ma supplique. Des hérétiques que nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent chaque jour

(a) quin f pressissimis J

(i) Voir à l'Appendice I, le texte de la permission qui fut accordée le 17 juillet suivant, et le tome II de notre Edition, p. 43^.

53 Lettres de saint François de Sales

etiam per diocaesim concionatoribus i^) contingit, quod sine prohibitorum librorum lectione vix fieri posse, (<=) nemo peritus dixerit. Caeterum, quo fructu hactenus ea facultate usi fuerimus, illud satis testatum faciet quod hominum et mulierum haereticorum multa millia, istis duodecim annis novissime elapsis, partim meo, partim aliorum ministerio, haeresim abjurarunt et in Catholicae Ecclesise gremium per Dei gratiam i^) reversi sunt.

Quapropter, nobis ne hujusmodi facultas desit, Illus- trissimam et Reverendissimam Dominationem, per ant- •I Petri, II, uit. marum supremum Episcopum * et Salvatorem, et Apos- tolicam quam in terris stabilivit Sedem, obtestor.

Necii Gebennensium, x Junii 1608.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications publiques que des entretiens privés. De plus, il m'arrive, comme aussi aux autres prédicateurs, d'avoir à combattre de près à travers le diocèse, non seulement les hérétiques, mais aussi les ministres ; or, de telles dis- cussions sont presque impossibles sj l'on n'a pas lu les ouvrages prohibés. Tout homme compétent le certifiera. D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique.

C'est pourquoi, je supplie Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie de vouloir bien proroger en ma faveur cette permission. Je vous le demande au nom de VEvêque souverain et Rédempteur des âmes, et du Siège Apostolique qu'il a établi sur la terre.

A Annecy en Genevois, 10 juin 1608.

(b) concionatoribus f necessie est... J

(c) fieri posse, f certum est... J

(d) Dei gratiam f r«dierunt J

Année 1608 33

CDLXI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Il faut aimer l'attente que Dieu impose à l'accomplissemept de nos désirs. Projet de voyage en Bourgogne. Le sacre de l'Evêque de Lausanne. Le Saint aimé de « beaucoup de boas veillars. » Pensées qui lui sont venues quand il faisait oraison. « Il faut bien que les filles soyent un petit jolies. » Portrait du P. de Monchy. Le Frère Matthieu. Pour se mêler d'exorcismes, il ne faut pas être trop crédule. Les femmes et le culte ; la part qu'elles peuvent y prendre. Retour d'apostats. Nou- velles et messages. M*"* de Charmoisy « chemine fort bien. »

Annecy, 25 juin 1608.

C'est encor vitement que je vous escris a cett'heure, ma chère Fille, que j'aime tendrement et incomparable- ment en Nostre Seigneur. J'ay receu vos deux lettres du 24 may et 8 juin, et en toutes deux je voy ce grand désir de vostre retraitte et tranquillité. J'en ay un^ je pense, bien aussi fort, mais il faut attendre que Dieu le veuille. Je dis quil faut l'attendre bien doucement et amoureuse- ment ; je veux dire, quil faut aymer cett'attente, puisque Dieu la veut.

J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté de Bourgoigne pour consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne (' ), car un gentilhomme qui manie cet affaire (») m'a asseuré que j'y seray appelle ; et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste des alliés de delà, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon ou je ne pourray peut estre pas aller, de peur de m'engager en un lieu d'où je ne pourroys pas

(i) Jean de Watteville, fils de Nicolas de Watteville, baron de Versoix, an pays de Gex, élu évêque de Lausanne le ai novembre 1607, était déjà Abbé de la Charité au comté de Bourgogne. Il fut sacré par l'Archevêque de Besançon, et seulement le 18 avril 1610; la Gallia Christi.tna (Ecclesia Lausannensis) vante son zèle et ses vertus. Il mourut le 2a juillet 1649. Un document daté du 26 janvier 1647 et signé de son nom, atteste la vénération qu'il professait pour la sainteté de l'Evêque de Genève.

(2) Serait-ce le baron de Watteville, qui semble avoir séjourné à Annecy en 1608 'f

Lettri s IV î

34 Lettres de saint François de Sales

sortir si tost qu'il seroit requis, sans laisser beaucoup de mes [fonctions] a faire. Mais nous y penserons, et si je ne suis pas appelle a ce sacre, je treuveray quelqu'autr'ex- pedient. Hier nous en parlions, mon frère de Groysi (0 et moy ; car, comme vous desires, il sera de la partie. J'espère que Dieu nous fera la gprace de treuver mon- sieur vostre beaupere plein de vie, et ce me sera une consolation incredible de le pouvoir entretenir. Je m'ima- gine que je le gouverneray paysiblement, non obstant la disparité de nos eages, car beaucoup de bons veillars m'ont aymé. Je l'honnore de tout mon cœur, et ce jour- dhuy je m'en vay luy appliquer le saint Sacrifice de l'au- tel, ou j'auray particulière mémoire de nos filles que je chéris tendremert.

Quant a vous, je sçai bien que vous aves nom Jane, et que toute cet'octave vous penses que je vous recommaride a ce glorieux Praecurseur. Vrayement, l'autre jour (ce fut samedy) je faysois l'orayson sur la grandeur de l'amour que Nostre Dame nou>s porte. Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Gen., XXX. Rachel sa dame * ; et me sembloit que si nous mettions,

par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle : cela me consoloit beau- coup. A la fin, je me mis a luy remettre non seulement ces enfans de mon cœur, mais aussi le cœur de mes enfans et mes enfans de cœur. Penses, ma chère Fille, si vous 3stes du nombre et en quel rang je vous y mettois, O Dieu j'avois une certaine chaude suavité a vous colloquer dans ce giron sacré et dire a Nostre Dame : Voyla vostre fille, de laquelle le cœur vous est entièrement voiié. Je ne sçaurois pas dire ce que mon cœur disoit, car, comme vous sçaves, les cœurs ont un langage secret que nul n'entend qu'eux. Il m'est venu de vous dire cela et je vous l'ay dit.

(i) Bernard de Sales (voir le tome précédent, note (i), p. 307).

1

I

Année 1608 35

Je demanday voirement a Jan ( ' ) si nostre chère Marie bienaymee portoit le moule, mais je n'y entendois nul mal ; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage. Que voules vous? il faut bien que les filles soyent un petit jolies.

Le Père de Monchi (*) vous fut envoyé, tout ainsy que je vous escrivis : c'est a dire, Thibaut (3) luy parla d'aller servir vostre chapelle, et puis ilz m'en parlèrent ; et me resouvenant que vous aviés peyne d'en treuver, je consen- tis qu'il allast et vous escrivis. Je veux dire que vous ne permetties point que monsieur vostre beaupere en soit importuné, sil n'est pas a propos pour ce service la. Je luy escris qu'il oste hardiment cet habit et qu'il prenne un habit de prestre séculier, puisque Nostre Seigneur n'a pas voulu qu'il demeurât en lieu ou cet habit fut conve- nable. Il est admirable en ces affections auxquelles, comme vous voyes, il s'abbandonne totalement, et n'est importun qu'a force d'affectionner. Au demeurant, il est fort désireux de servir Dieu. Il a pourtant bien un peu tort de vouloir exhorter, car il n'en a pas le talent, ce me semble. Mais il n'y a remède, il faut supporter un peu d'indiscrétion en son zèle. Je ne laisseray pas de luy en

(i) Sans doute un serviteur de la famille de Sales.

(2) Le P. de Monchy, qui avait pour « exhorter » plus de bonne volonté que de talent, était un Religieux du Tiers-Ordre de saint François. Après avoir desservi la chapelle du château de Monthelon, il aurait désiré être le confesseur de la Congrégation, lorsque la baronne de Chantai se rendit en Savoie en 1610 pour l'y établir. Son désir n'ayant pas été agréé, il resta en Bourgogne auprès de M. de Chantai pour veiller sur ses derniers jours et l'aider à mourir chrétiennement. Ce bon ermite avait souvent confessé à Mon- thelon la Baronne et la future Mère de Bréchard, et « leur ordonnoit sou- vant le jeune et la discipline. » C'est lui qui prêta aux premières Religieuses de la Galerie « sa chapelle, qui consistoit à deux chasubles, un parement de lacis, des napes, chandelliers, cierges, une cloche et quantités de petits anges de gis et de carton, dont on paroit l'autel aux grandes festes. » Mais environ un an après, il fallut la lui rendre; il consentit toutefois à vendre la cloche avec quatre chandeliers de bois. Quant à l'argent, il ne voulut pas le toucher ; la Sœur de Bréchard dut le mettre dans sa manche. La petite scène fat contée à la Sainte qui était malade, et sans doute elle y trouva un sujet de récréation. (Cf. Histoire de la Galerie.)

(3) Pierre Thibaut (voir le tome précédent, note 1 1 ), p. 365, et ci-après, p. 44).

36 Lettres de saint François de Sales

escrire. Je ne sçaurois me courroucer avec ceux qui vont simplement.

Le Frère Mathieu (0 fera bien de s'en aller. Je ne me resouvins pas de vous escrire que ce bon Père (») a une certaine inclination aux exorcismes, laquelle ne me plait point, car il est trop simple et crédule pour cela. Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay défendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous ; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut. Le bon- homme m'escrit que je luy die sil fera la vie active ou la contemplative, ou toutes deux. Vous voyes bien sil est simple ; je luy escris quil face la vie douce et dévote. Il est fort entendu aux cas de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a ; mais par ce qu'il n'a pas le discernement si délicat quil seroit requis, ne vous amusés point a ses advis. Vous pourres donq vous confesser a luy, et les autres, et tout. Quant aux cantiques, je vous asseure que je n'ay pas tant de loysir que d'en faire ;,il m'en a veu peut estre de ceux de M. de Lacurne (3), et il a pensé que ce fussent des miens.

Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux après que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir après. Il ne faut pas que les femmes ni les filles ministrent a l'autel, mais elles peuvent bien respondre ; c'est a dire, elles ne doivent pas ni prendre le livre ni donner les burettes. Je vous avois des-ja bien escrit ceci, je ne sçai comme vous n'aves pas receu les lettres.

J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour re- cevoir des habiles hommes ecclésiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche, Helas, quelle cheute avoyent ilz faite ! Ce m'a esté une grande conso- lation de les voir revenir entre les bras de l'Eglise, avec grande violence qu'ilz se sont faite pour cela. Helas, ilz

( I ) Voir le tome précédent, note ( 2 ), p. 188.

( 3 ) Le P. de Monchy.

(3) Voir le tome précédent, note (3), p. 363.

Année 1608 37

estoyent Religieux (O, et l'un estoit Jésuite (^). La jeu- nesse et vaine gloire et la chair les avoient emportés en cet abisme contre leur propre conscience. Le Jésuite sur tout, me racontant sa cheute, me faysoit grande pitié, et dautant plus de joye de sa constance a revenir. O Dieu, quelle grâce ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que jamais mon cœur aye

(i) Pierre Gillette, à Levens dans le comté de Nice, Religieux des Frères Mineurs de l'Observance, avait quitté le bercail de l'Eglise, entraîné, comme son malheureux compagnon d'apostasie, par de vulgaires convoitises. Après un séjour à Lausanne, touché de repentir, il fut reçu dans la commu- nion catholique « devant le grand autel de l'église de la Saincte Maison de Tonon, » le même jour que Claude Boucard (1). Le charitable Evèque ne se contenta pas de rétablir le converti dans l'état ecclésiastique. Nous savons que Pierre Gillette, déjà vice-préfet en 1609 de la Sainte-Maison de Thonon, en fut constitué économe général par un bail signé à Thonon le 27 mars de la même année, et qu'il devint, le î8 juillet 1610, recteur et économe du prieuré de Saint-Jeoire, près Chambéry. (D'après Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII, et les notes de M. le chanoine Lavanchy, curi-archiprêlre de Thonon.)

(a) à Verdun en 1567, Claude Boucard entra jeune encore dans la Com- pagnie de Jésus. Vers 1590, on lui confia la chaire de philosophie du célèbre collège de Clermont, à Paris; Pierre de Bérulle fut l'un de ses auditeurs. Pro- fesseur de théologie en 1595 à l'Université de Pont-à-Mousson, reçu docteur l'année suivante, le brillant professeur promettait une belle carrière, mais le succès le grisa. Frivole, il se laissa entamer par la vaine gloire, et son coeur sensuel, qu'une vie de tiédeur rendait plus vulnérable encore, sembla le pré- parer à toutes les chutes. Désabusés, ses supérieurs l'envoyèrent à Rome, mais il s'enfuit en Suisse. Là, il apostasia et, comme il arrive d'ordinaire, après avoir renié sa foi, il profana ses vœux. Pris de remords, après huit ans passés à Lausanne dans l'enseignement de la philosophie et des arts libéraux, il finit par écouter les pressantes objurgations de son ancien élève, déjà illustre, M. de Bérulle (cf. ci-après. Lettre cdlxv), et vint tout repentant se jeter entre les bras de saint François de Sales, alors à Thonon. Le 15 juin 1608, le pauvre transfuge fit son abjuration, mais il retomba bientôt après. Avec une indécou- rageable mansuétude, le Saint, pendant le Carême qu'il prêchait à Grenoble en 1617, releva une fois encore ce pitoyable pécheur. Pourvu d'un honnête béné- fice par les soins du miséricordieux Prélat, il passa le reste de ses jours à Annecy. Il y mourut, dit Michel Favre (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 27), « en très bon catholique. » L'histoire de ce personnage nous inté- resse fort peu aujourd'hui, mais au xvii"^ siècle, elle fit grand bruit en France et à l'étranger, et désigna à la gratitude et à la vénération des catholiques le grand convertisseur de la Savoie. (Cf. Abram-Carayon, L'Université de Pont-à- Mousson (Paris, 1870), liv. V; Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII, IX.)

( I ) Le ricit de cette conversion fut puMié. « Déclaration de la Profession defoy de Pierre Gillette, Preilre de Niée en Provence, avec Us raisons qui t'ont r'appeUi à l'Eglise Romaine ; livret Imprimé à Tonon, ptr Marc de la Rue, l'an mille six cents et huict. Chacun en peut avoir. » (Charle»- Auguste, Histoire, etc., lable des Preuves, w 28.)

38 Lettres de saint François de Sales

seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz ! Bénite soit la main débonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos.

Le bon curé de Bon (O, duquel vous me parles, me demanda ae vostre santé et vous honnore d'un honneur particulier. A mon retour, je vis ma mère et fus deux jours avec elle, et, de trois motz, les deux furent de vous et de nostre chère Aymee. Ma seur de Mayrens (*) me fit pro- mettre de vous saluer de sa part, et hier nos dames, mais spécialement la bonne M"' de Lalee (3). Quant a M"' de Charmoysi, il ne faut pas dire combien elle vous ayme affectionnement. Elle chemine fort bien et advance de bien en mieux ; je la voy souvent, au pris de vous, mais non pas si souvent que je voudrois, par ce que je n'en ay pas la commodité pour le faire a propos. C'est hors de confession que je parle, car en confession je la voy tous les huit jours pendant l'absence de son mari. Je vous ay escrit par M"* de Traves (4), mais tous-jours en presse.

A Dieu, ma très chère Fille ; a Dieu soyons nous entiè- rement et éternellement. Je vous ay appliqué plusieurs Messes ces jours passés. O Dieu, ma Fille, que ce cœur est vostre, puisque Dieu l'a voulu et le veut. Qu'a jamais son nom soit béni ! Amen.

F.

XXV juin 1608.

Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque communale d'Amiens.

(i) à VoUognat (Ain), institué curé de Boëge le 13 décembre 1590, et le 7 août 1601 de Bons, qu'il desservait dès 1597, Jean Mangier fut l'un des pre- miers curés établis en Chablais. Prêtre exemplaire, catéchiste infatigable, ami de saint François de Sales, il vint parfois l'aider au début de ses travaux dans ce pays. Dans une de leurs sorties (27 mars 1603), les Genevois le firent pri- sonnier. Ce vaillant champion de la foi fat inhumé à Bons, le 5 juillet 1618. (D'après les notes de M. le chanoine Gonthier.)

(2) Gasparde de Cornillon, dame de Meyrens.

( 3 ) Voir le tome précédent, note ( 3 ), p. 308.

(4 ) Voir ibid., p. 223, et plus loin, la lettre du 18 décembre 1608.

Année 1608 ^g

CDLXII

A LA PRESIDENTE BRUDART

Le Saint n'est « point homm'extreme ; » il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue. Ne pas trop s'attacher aux pratiques de piété de son choix. Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état. Estime du Saint pour l'Ordre du Carmel.

Annecy, 25 juin 1608. Madame ma très chère Seur,

J'ay receu vostre lettre du 16 may. Que je seray marri si les bons projetz de la reformation du Puys d'Orbe s'es- vanouissent comme cela ! Si est ce pourtant que si l'espé- rance que j'ay d'aller en Bourgoigne n'est point vayne, je me resoulz d'aller jusques la pour voir ce que c'est. Je ne suis point homm'extreme, et me laisse volontier emporter a mitiger, quand on ne peut faire absolument.

Je n'escris point a M°" l'Abbesse, quoy que je le désire, par ce que je n'en ay pas le loysir, et il faut que je luy escrive un peu a mon ayse. C'est grand cas ; je pense tous-jours que si je la voy a souhait avec toute sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui «eroit désirable, nous en ferons quelque chose; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a en moy, qui aussi la chéris d'un amour fort particulier en Nostre Seigneur.

Vous me parles de vostre impatience. Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des répu- gnances naturelles ? Mais puisque vous la nommés impa- tience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray , ma chère Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention. Vous ne praetendes, je le sçai bien,

40 Lettres de saint François de Sales

que rameur de nostre Dieu ; pour y parvenir, il faut em ployer des moyens, des exercices, des prattiques. Or, je dis que vous vous attachés puissamment aux moyens que vous goustés et voudriés tout réduire la ; c'est pourquoy vous aves de l'inquiétude quand on vous empesche ou qu'on vous distrait.

Le remède seroit de prendre la peyne de vous bien per- suader et bien détremper vostre esprit en ce sentiment : c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estât et par les actions qui en dépendent ; et en suite de cette persua- sion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estât et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy. Mays voyes vous, ma chère Seur, il ne faut pas penser a ceci simplement en passant ; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cœur et, par des recollections et attentions particulières, vous ren- dre cette vérité savoureuse et bien venue dans vostre esprit. Et croyes moy, tout ce qui est contraire a cet advis n'est autre chose qu'amour propre.

Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la désirer fort fréquente, pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves avoir a vostre confes- seur (0, qui void Testât présent de vostre ame et est si digne personnage.

Cette variété en laquelle vostre esprit se void en Toray- son et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu ; de sorte que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela.

Il n'est ja besoin que madame nostre chère seur l'Ab- besse m'envoye un homme pour me fair'avoir de ses nouvelles ni pour sçavoir comm'elle me pourra voir ; car si je fay mon voyage, comme j'espère, je vous advertiray

( I ) Le p. Gentil (voir le tome XII, note ( i ), p. a6, et le tome XIII, p. 290).

I

Année 1608 41

asses tost devant mon despart pour tout cela. Je vous recommande a Nostre Seigneur continuellement et ay vostre dilection fort avant dans mon cœur. Je feray part aux Sacrifices que je présente, a la Mère Prieure des Car- melines (0 ; j'honnore généralement tout cet Ordre, et la remercie de la charité qu'elTuse en mon endroit de prier pour moy, qui suis des plus nécessiteux de la sainte Eglise. Qu'a jamais le saint amour de Dieu vive et règne dans nos espritz. Amen.

Vostre très affectionné et tout dédié frère et serviteur,

F. A Neci, le xxv juin 1608.

A Madame

Madame la Présidente Brulart.

Revu sur l'Autographe appartenant à M"^ Boissat, à Albens (Savoie).

(i) Louise Gallois, née à Paris le 19 novembre 1569, épousa Guillaume Jourdain, et devenue veuve vers 1597, songea à la vie religieuse. Elle entra dans le Carmel de Paris, y prit l'habit sous le nom de Louise de Jésus, le I*'' novembre 1604, fit profession le 20 novembre de l'année suivante, à Pon- toise. D'abord maîtresse des novices au couvent de Dijon, elle en devint prieure en février ou mars 1607. C'était la première fois qu'on donnait cette charge à une française. Mère Louise de Jésus fonda en i6i.o, le Carmel de Chalon- sur-Saône, et celui de Besançon en r6i6. Elle mourut saintement, le 29 février 1628, dans le monastère de Dôle qu'elle avait fondé en 1614. Ses grandes vertus, ses travaux non moins que ses épreuves, lui valent l'honneur d'être comptée parmi les premières Carmélites françaises regardées à juste titre comme les colonnes du saint Institut. Elle conserva toujours avec M""* Acarie des relations intimes, et sans doute eut de l'occasion d'être connue de saint François de Sales quand il vint à Paris en 1602. (Cf. Chroniques de l'Ordre des Carmélites, tome II ; Troyes, 1850.)

4% Lettres de saint François de Sales

CDLXIII

A UN CARDINAL

(pkagmbht) (i) Un reproche immérité. Les Savoisiens ne lisent pas de mauvais livres. Annecy, commencement de juillet 1608 (a).

Profecto si res ita haberet, justissime non tantum indi- gnaretur in me Sua Sanctitas, sed negligentiam meam, imo vero proditionem, castigaret. At in rei veritate dico : cum generalem diocaesis meae visitationem, nulla praeter- missa parrœcia, pêne exegerim, nullum omnino reperi

.... Si ce reproche était fondé, Sa Sainteté aurait un très juste motif, non seulement de s'indigner contre moi, mais encore de châtier ma négligence, je dirais même ma trahison. Mais la vérité, la voici : dans la visite générale de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les

(i) D'après Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. VII), d'où nous tirons ce texte, « le sieur Medard, chanoine de l'Eglise Cathédrale de Verdun (i), reve- nant de Rome, » dit au Bienheureux « qu'il avoit appris d'un tres-illustre Prélat, que Sa Saincteté estoit grandement indignée contre luy, d'autant qu'elle avoit sceu par les lettres du Père Chérubin de Maurienne, qu'il sortoit tous les jours un grand nombre de livres hérétiques de la ville de Genève, qui s'espan- choyent par le reste du diocèse... ; et elle eust voulu qu'il eustpris soing d'em- pescher ce malheur par tous moyens. » (Cf. V Année Sainte de la Visitation, tome VII, p. loi.)

Il n'est pas absolument prouvé que le P. Chérubin ait fait au Saint-Siège ce rapport inexact; quoique l'affirmation de Charles- Auguste ne semble pas gratuite, et quand bien même cette dénonciation s'expliquerait par le zèle im- pétueux du célèbre Capucin, il ne convient pas de la lui attribuer sans preuves certaines. Le chanoine Médard a pu se méprendre, confondre le Chablais avec le Valais, dontrEvèque, Hildebrand de Riedmatten, par son attitude indolente envers le prosélytisme des ministres protestants, semblait alors mériter les justes plaintes de Rome.

(a) La date du ajuillet, donnée dans l'édition de 1758, est démentie par les faits, puisque ce jour-là le Saint ignorait encore la calomnie qui provoqua sa lettre.

(1) « Médard de Medardis » fut pourvu de la trente-cinquième prébende du Chapitre de Verdun, le il octobre 1603. Il mourut en 1650.

Année 1608 43

haereticum in parrœciis quae a Bernatibus et Genevatibus non fuerunt occupatae, nullum librum prohibitum, anti- quis nonnullis exceptis, qui ex mera negligentia et con- teraptu in alicujus domus profundo pulvere restabant ; et Catholici nostri tantis anguntur scrupulis, ut, cum de libro aliquo dubitant, vel in ignem projiciunt, vel defe- runt ad delegatos. Verum est Genevae fabricari libelles multos pestilentissimos, sed quod Sabaudi nostri eos legant, nullo modo verum est.

Fateor postea me non tanta uti diligentia quanta neces- sarium forte foret ; verumtamen in ea qua secundum tenuitatem meam uti possum, fidelis sum et sincerus, et in me nec perfidia nec animi defectus, siquidem virium et insitae dotis, reperientur.

Obsecro te autem, Illustrissime Domine, uti hilaritatis mihi in afflictissima hac provincia necessariae protector esse velis : pendet vero ex eo haecliilaritas,utsciam Sanc- tam Sedem de actibus meis non contristari, ut a generali illa sua erga inferiores benevolentia non me excludat.

Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est quelques vieux ouvra- ges restés ensevelis, soit pure indifférence, soit mépris, dans la pous- sière de quelque maison. D'ailleurs, sur ce point, nos catholiques sont pris de tels scrupules que, si quelque livre leur paraît suspect, ils le jettent au feu ou le remettent aux délégués. Oui, à Genève, des libelles très corrupteurs se fabriquent en nombre ; mais que nos Savoi- siens les lisent, cela n'est nullement vrai.

Après tout, je n'use pas, je le confesse, de toute la diligence qui serait nécessaire ; toutefois, je mets de la fidélité et du bon vouloir à celle que, selon ma petitesse, je puis exercer. Enfin, si les forces et les talents naturels me font défaut, on ne trouvera point en moi de perfidie, ni de manque de courage.

Je vous en supplie donc, Illustrissime Seigneur, daignez me con- server la consolation joyeuse dont j'ai tant besoin dans cette province si éprouvée ; cette joie dépend de la certitude que le Saint-Siège n'est pas affligé de ma conduite et que je ne suis pas exclu de la bienveil- lance ordinaire accordée à ses inférieurs

44 Lettres de saint François de Sales

CDLXIV

a la baronne de chantal

(fragments) ( I )

Transcription de YInfroduction h la Vie dévote. Le projet de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque, Son amour pour Notre-Seigneur. Nouvelles de la ferveur de M™* de Charmoisy. Bonheur de ne pré- tendre qu'à Dieu.

Annecy, 4 juillet 1608.

me feroit volontier

me feroit des be.

séries bien ayse. . . . non pas plus que moy. Or sus, ce sera a mon tour que je seray le bien venu comme les autres ; je dis plus que les autres, car je pense bien cela. Alhors nous parlerons, si nous pouvons, de vostre misère et de l'envie que vous me dites avoir de vous plonger pour la dernière fois au saint lavoir de Pœnitence.

J'ay respondu a toutes vos lettres jusques a huy ; et si, je n'ay pas beaucoup de loysir maintenant, car voyes vous, en ces grans jours on ne me laisse point en repos, et je fay escrire a nostre Thibaut les advis spirituelz (') Cf. toiu. praeced., desquclz je VOUS ay parlé*. Mais si faut il que.je vous die PP- 3 .375. ?77- qyg Y^ sorte de vie que nous avon.'. choysie me semble tous les jours plus désirable et que Nostre Seigneur en sera fort servi. Je voy bien plusieurs difficultés,' mais croyant que Dieu le veut, cela ne me donne nulle crainte : il faut seulement avoir un peu de patience. Je vous recom- mande, ce me semble, de si bon cœur a Dieu, ma chère Fille ; croyés que je le fay avec un'atfection du tout incom- parable. Vives bien doucement, ce pendant, tous-jours auprès de Nostre Seigneur et de Nostre Dame et de saint

( I ) Cette lettre est en partie inédite ; le texte des treize premières lignes de cette page et des lignes 5-16, 19, ao de la page suivante paraît ici pour la première fois. Les lacunes du commencement et du milieu proviennent de la mutilation de l'Autographe.

(a) Il s'agit de V Introduction h la Vie dévote. (Cf. tome HT, pp. xvii, lxv )

1

Année 1608 45

Joseph. Mon Dieu, ma Fille, que quelquefois j'ay des bonnes et douces affections en mon ame a l'endroit de ce Sauveur ; mais, helas ! je n'ay guère d'effectz en mes mains. Je ne perds pourtant point courage.

Or sus, . . . [mon] frère de Groysi n'est pas. . resolution quil viendroit avec moy vers vous, ou soit que Monsieur de Nemours fut icy ou quil n'y fut pas.

Vostre fileul (0 se porte bien, et sa bonne mère l'ayme spécialement pour l'amour de vous. Ma mère se porte bien aussi et tout le reste de la famille. Or, pour moy, je pippe a me porter bien maintenant. M^^de Charmoysi se porte bien et ne me parle jamais que de vous, et me presse de vous aller voir tant qu'elle peut. Je ne la voy pas si souvent que je voudrois, mais si voy-je bien qu'elle s'affermit fort en sa resolution de bien servir Dieu.

Or sus, je verray encor nos vefves(») avec vous, ou a Dijon : comment ? O ma Fille, ne sommes nous pas bien- heureux de ne prsetendre rien moins qu'a Dieu ? Mais monsieur le Conte (3) est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait* ? ' Cf. tom.prœccd.

A Dieu, ma chère Fille, je m'en vay aux prières du soir qui se font devant le Saint Sacrement pour les nécessités de ce pais. Vous ny seres pas oubliée, car vous tenes un rang en mon cœur qui ne le peut permettre. Ouy, je croy en mon ame que Dieu veut que je sois inviolablement et très incomparablement tout vostre.

F.

A Neci, le iiii julliet 1608.

A Madame Madame la Baronne de Chantai, m. f. (ma fille).

Rêva sur l'Autographe conservé à la Visitation de Limoges.

(i) Probablement Charles-Auguste de Sales, le i''' janvier 1606. (Voir le tome précédent, note (a), p. 322.) Le jour il fut sevré, la baronne de Chantai le présenta au prêtre pour le bénir.

( a ) Parmi ces veuves se trouvaient sans doute M"* Jaquot (voir le tome pré- cédent. Lettre coxix) et M"" de Traves. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 15.)

(3) Sans doute Guy de Chaugy, comte de Roussillon, chevalier des ordres du roi, maître de camp, conseiller d'Etat, etc., qui épousa en 1602, Diane de Chastellux, une amie de M""* de Chantai. (Baudiau, Le Morvand {lievers, 1854), tome II.)

46

Lettres de saint François de Sales

%

CDLXV

A M. PIERRE DE BERULLE

Retour à la foi d'un apostat; M. de BéruUe y a beaucoup coopéré. Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise «t celle de ses amis.

Annecy, 6 juillet 1608.

Monsieur,

Je me retiens de vous escrire souvent pour le respect que je doy a vos dignes et religieuses occupations, quoy que je désire tous-jours bien fort d'avoir quelque place en vostre mémoire et dilection, particulièrement pour le tems de vos oraysons et Sacrifices. Mais maintenant vous aures aggreable, je m'asseure, que je vous diver- tisse un peu pour vous dire que le 1 5 du moys passé, je receuz l'abjuration de M. Claude Boucard, de Verdun, et le remis dans le sein de la sainte Eglise publiquement,

Vide supra, p. 37. en l'eglisc de Nostre Dame de Thonon *. Vous devés vous

en res-jouir par ce que la pièce que njous avons gaignee est importante, mais spécialement par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup coopéré par vos lettres a sa réduction en l'Eglise ; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la.

Dieu soit a jamais béni de la chaleur amoureuse •Ps. xvrii, 7. duquel nul n'est esconduit ni caché*. Le discours que

ce personnage m'a fait de sa cheute et de la peyne quil a eu a prendre les resolutions convenables pour son red- dressement, me font dire du fond de mon ame : ^"> Nisi quia Dominus erat in nohis, nisi quia Dominus erat

* Ps. cxxiii, r, a. in nobis *.

n Si le Seigneur n'eût été avec nous, si le Seigneur n'eût été avec nous.

I

Année 1608 47

J'ay de la consolation d'oûir le résonneraient, quoy que confus, des biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur (0. Sa divine Majesté soit tous-jours a vostre dextre * pour establir de plus en plus vostre vie en son ' Ps. cix, 5. saint amour, et je suis inviolablement. Monsieur,

Vostre serviteur bien humble.

Franc', E. de Genève. A Neci, le VI julliet 1608.

Monsieur, je salue bien humblement mesdames vos mè- re (3) et tante (3), et madamoyselle de Montberaut (4) ; sil "VOUS plait de le leur faire sçavoir, je vous -en auray de l'obligation.

A Monsieur Monsieur de Berule,

Aumosnier de S. M*«.

Revu sur l'Autographe conservé au Carmel de la rue Messine, à Paris.

(i) A cette date, du Val, Gallemand, de Brétigny, Vivien, Soulfour, Asse- line, de Marillac, etc., mêlaient leur activité et rivalisaient de zèle pour propager en France l'esprit de piété et doter la capitale d'institutions chrétien- nes. Tous ces hommes de bien se donnaient rendez-vous, avec M. de BéruUe chez M™* Acarie. Saint François de Sales, qui fut en 1602, pendant son séjour à Paris, le père spirituel de la Bienheureuse, les y rencontra souvent et gagna si bien leur confiance que la plupart le prirent pour leur directeur.

(a) Voir le tome XII, note (a), p. 156.

( 3 ) Voir ibid., note ( i ), p. 1 57.

(4) Très probablement. M™' Acarie. (Voir le tome précédent, note ( i ), p, 153, et note (4), p. 286.)

48 Lettres de saint François de Sales

CDLXVI

AU BARON AMÉDÉE DE VILLETTE

L'Académie Florimontane et ses premiers membres. Le Saint promet sa visite au châtelain de Dérée, son parent, nouvellement marié.

Annecy, 7 juillet 1608. Monsieur mon Oncle,

Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de conso- lation de recevoir par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuil- lance en mon endroit. Je voudrois bien, en eschange, vous pouvoir aussi rendre des preuves de mon affection a vostre service, et avoir quelques bonnes nouvelles pour vous envoyer, en lieu de celles dont il vous a pieu me grati- fier. Mais outre que je croy que vous les aves de delà les mons, j'en suis bien le plus mauvais pescheur de cette ville. Je vous diray seulement que nostr' Académie (O

( I ) Le Sai.it pouvait dire « nostr'Academie, » puisqu'il l'avait fondée, de concert avec le président Favre, pendant l'hiver de 1606-1607. S°° nom de Flori- montane ; son emblème, un oranger; sa devise, « Fleurs et fruits, » sentaient l'Italie et respiraient l'âme gracieuse de l'Evèque ; mais l'institution fut très française et très pratique par le genre de travaux qu'elle se proposa. Ses constitutions sont toutes pénétrées d'une instructive sjgesse : « Les seuls gens de bien et doctes y seront receus... Le stil de parler ou de lire, » y est-il dit encore, « sera grave, exquis, plein, et ne ressentira en point de façon la pédan- terie. » Dans les leçons, « on traictera de lornement des langues, et sur tout de la françoise... Les lecteurs tascheront de tout leur pouvoir d'enseigner bien, beaucoup et en peu de temps... Tous iront à qui mieux fera. » (Charles- Auguste, Histoire, etc., liv. VIL)

Ces derniers articles et d'autres encore, prouvent que l'Académie avait orga- nisé des cours publics qui lui donnaient des airs de petite Université. Bien- tôt, Annecy devint un foyer de ferveur littéraire et scientifique, et vit se grouper toute une élite de lettrés et d'érudits autour du saint Evêque et du grand magistrat. Ainsi les deux amis, arrivés à l'âge mûr, restaient fidèles au culte des belles-lettres, dont l'étude avait enchanté leur jeunesse (voir leur correspondance de cette époque). Quant à François de Sales, il continuait la tradition des Pères et des Docteurs de l'Eglise. Comme eux, il goûtait le plaisir délicat des choses de l'esprit ; il savait comme eux la prestigieusti puissance des lettres, mais instruit par son temps, il sentait plus vivement

Année 1608

49

\

a receu pour faveur la demande que monsieur Nouve- let ( ' ) luy a faitte d'une place pour vous, entre les acadé- miciens. Pour moy, vous pouves penser si je la pris a gloire, m'acquerant un si digne sujet.

Demain, madame de Deré (^) vient a Deré O), et moy j'y iray mercredi faire la part des honneurs du logis qui me compete, en qualité de bien humble parent du nou- veau marié. Nostre Seigneur vous prospérera tous-jours en l'abondance de ses bénédictions, si luy plait d'exaucer les souhaitz que fait continuellement. Monsieur,

Vostre serviteur bien humble et neveu.

Franc*, E. de Genève. VII juillet 1608.

A Monsieur Monsieur le Baron de Vilette, Conseiller d'Estat et Ambassadeur ordinaire de S. A. en Soiiisse.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. Domenjoud, à Annecy.

peut-être que ses illustres devanciers, qu'il fallait tourner en moyen d'apos- tolat la beauté conquérante du savoir. L'Académie eut des débuts prospères, mais son destin fut court; Toranger des montagnes ne donna pas longtemps ses fleurs odorantes et ses fruits dorés; au départ du président Favre pour Chambéry, il sembla dépérir.

L'Académie Florimontane n'était pas la première institution de ce genre ; bien d'autres sociétés littéraires avaient fleuri avant elle, en Italie et même en France; toutefois, son organisation, qui devance de vingt-sept ans la fondation de Richelieu, C'st à retenir. Il est piquant aussi de le noter : Vaugelas, l'auteur des Remarques sur la lingue f rançaisf, un des premiers membres de l'Académie française, l'un des fiU du président Favre, dut fréquenter l'Académie paternelle, et sans doute il y trouva la culture qui le prépara à sa destinée de grammairien.

L'Académie Florimontane du xvii* siècle se survit aujourd'hui dans deux sociétés; l'Association Florimontane et l'Académie Salésienne ; la première date de 1851, l'autre a été fondée en 1878. Toutes deur publient chaque année un volume de Mémoires, l'on remarque d'intéressants travaux.

( I ) Voir le tome XII, note ( i ), p. 47.

(a) Très probablement, Charlotte-Emmanuelle de Chabod, fille de Guil- laume-François de Chabod, seigneur de Jacob, comte de Saint-Maurice, et de Louise-Marguerite de Seyssel. Le 23 juin précédent, elle avait épousé le neveu du destinataire, Bernard de Chevron-Villette, baron et seigneur de Chevron, gentilhomme ordinaire de Son Altesse, etc. Il portait vraisemblablement alors le nom de M. de Dérée.

(5) Château situé sur les bords du lac d'Annecy.

Lettres IV

ço Lettres de saint François de Sales

CDLXVII

AU PÈRE PIERRE DUBOULOZ, DOMINICAIN (0 (inédite)

Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy ; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge.

Annecy, 8 juillet 1608.

Monsieur nostre Maistre,

Ayant sceu que les bons Pères Religieux de cette ville (3) vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extrêmement res-joûy ; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la prière quilz vous veulent présenter de vou- loir accepter cett'election et charge, je vous envoyé cet

(i) 0 p. F. Pierre DeboUo, natif» de Montmin (Haute-Savoie), « proffes de ce couvent, docteur de Paris... ensuite vicaire gênerai de la congrégation Galli- cane, prieur des convents de Lion, de S' Maximin, et de ce couvent dès Tannée 1604 jusqu'en l'année 161 3, durant lequel temps... apreschépartrois ou quatres diverses fois devant le Sénat, avec applaudissement... a esté grand Théologien de S. A. Charle Emanuel, a laissé quantité de beaus et bons livres. » (Livre de la Cti des Dominicains de Chambéry ; voir Mémoires de la Société Sav. d'kist. et d'archéol., 1856, tome I.) Le P. de BoUo ou Dubouloz, mourut le a septem- bre 1613. Il est appelé dans le même Recueil : Scriptor etprœdicator celeherrimus . Il prêcha l'Avent de 1604 et les Carêmes des années 1605, 1606 et 1613 à Annecy. Le Saint tenait sans doute cet éminent Religieux en grande estime ; il fait mention de lui dans une lettre, comme « ayant favorisé » les Dames de la Visitation « de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire. »

(2) Le couvent des Dominicains d'Annecy devait sa fondation (23 mars 1423) à l'influence du célèbre cardinal de Brogny. Ces Religieux en s'établissant dans la petite ville, lui apportèrent de grands bienfaits ; ils y instituèrent des prédications pleines de fruits que multipliaient encore de beaux exemples de vertus monastiques. L'un d'entre eux, Jacques d'Orlié, en Religion Frère Guillaume, avait laissé après sa mort (19 février 1458) une réputation de sain- teté que l'Eglise consacrera peut-être un jour.

Leur église, aujourd'hui église paroissiale de Saint-Maurice, était chère à saint François de Sales. Il y avait recula première Communion et la Confir- mation, il y prêcha plusieurs Carêmes. Saint-Dominique servait de rendez- vous aux nombreuses corporations de la cité quand elles voulaient célébrer leurs fêtes. Le Monastère commença à déchoir dès le milieu du xvii' siècle, mais la décadence des derniers jours ne saurait faire oublier deux siècles et demi de ferveur et d'apostolat fécond. (Cf. Mercier, Souvenirs historiques d'Annecy, 1878 )

Année i 608

5>

escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni désiré ni demandé avec plus d'affection et de sincérité que vous Testes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'es- sayeray de vous servir si promptement en toutes occur- rences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon désir. Les Religieux aussi se disposent a vous obéir et soulager si entière- ment que vous ne perdres nullement le repos requis a vostr'aage et a vostre contemplation. Faites nous donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste demande, qui regarde la gloire de Dieu et le restablisse- ment d'un convent tout entier.

Je me prometz bien que l'amitié que vous me portés intercédera encor pour moy en cett'occasion ; c'est pour- quoy, finissant, je prieray Nostre Seigneur quil vous pros- père et inspire a nostre consolation, demeurant,

Monsieur,

Vostre serviteur très affectionné,

Franc', E. de Genève. VIII julliet 1608.

A Monsieur nostre Maistre, Le R. P. de Bollo, Docteur en théologie.

A S' Dominique de Chamberi.

Revu sur l'Autographe conservé à la VisitatioD de Saint-Marcellin.

CDLXVIII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Conseils à une femme chrétienne. L'humeur mélancolique : circonstances qui la favorisent ; nécessité et moyens de la combattre. Une parole de sainte Angèle de Foligno.

Annecy, 13 juillet 1608.

Madame,

Je n'ay pas respondu ci devant a vostre dernière lettre par ce que je n'ay point rencontré de porteur asseuré, et maintenant je n'ay pas le loysir requis pour vous bien

52 Lettres de saint François de Sales

satisfaire. J'ay voulu néanmoins vous escrire pour simple- ment vous tesmoigner que je prie tous les jours Nostre Sei- gneur pour vous ; mais je dis d'un'afFection toute spéciale, le requérant quil vous assiste de ses saintes consolations parmi les travaux que vostre grossesse vous donnera.

Voyes vous, Madame, je m'imagine que l'humeur mé- lancolique se praevaudra de vostre grossesse pour vous attrister beaucoup, et que, vous voyant triste, vous vous inquieteres. Mais ne le faites pas, je vous prie. Si vous vous treuves pesante, triste et sombre, ne laisses pas pour cela de demeurer en paix ; et bien quil vous semblera que tout ce que vous ferés se face sans goust, sans sen- timent et sans force, ne laisses pour tant pas d'embras- ser Nostre Seigneur crucifié, de luy donner vostre cœur et consacrer vostre esprit avec vos affections telles quelles et toutes languissantes qu'elles sont. La bienheureuse Ange- •Arnaidus, VitaB. line de Foligni * disoit que Nostre Seigneur luy avoit niof^c.'Lxii. " ^ révélé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force ; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien résolue luy fait contre les alanguis- semens delà chair, les répugnances de la partie inférieure, et au travers des sécheresses, tristesses et derelictions intérieures. Mon Dieu, ma chère Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidèle en vos resolutions, parmi les croix qui se presentenc, a Celuy qui vous ayma si

Philip., II, 8. fidèlement jusques a la mort, et la mort de la croix *.

J'escriray au premier loysir sur le sujet de vostre lettre

Vide Epist. scq. dernière *, et a M™^ de Mioudri ( ' ) et a M"" de la Forest,

vostre bonne seur »). Demeures avec Jésus, vives en luy et par luy, qui m'a fait

Vostre serviteur tout dédié,

F. E. de G.

XIII juUet 1608, a Neci.

Revu sur l'Autographe appartenant Ji M. le baron dTvoire, château d'YToire, près de Thonon.

( I) Gasparde de Cerisier, dame de Mieudry. (Voir la lettre que le Saint loi adresse le 6 novembre 1608.)

(s ) Jeanne-Bonaventure, Religieuse de l'abbaye de Bons. (Voir sa note plus loin, octobre 1609.)

Année 1608 53

CDLXIX

A LA MÊME

La tranquillité d'âme, mère du contentement et fille de Tamour de Dieu. Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion. Ne s'astreindre « que tout bellement >• aux exercices de piété, est chose conseillée en certains cas. Attitude devant la souffrance. Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition. Notre-Seigneur aime ceux qui souffrent.

Annecy, 16 juillet (i) 1608

Il faut sur toutes choses, ma chère Fille, procurer cette tranquillité, non point parce qu'elle est mère du conten- tement,' mais parce qu'elle est fille de l'amour de Dieu et de la résignation de nostre propre volonté. Les occa- sions de la prattiquer sont quotidiennes, car il ne nous manque pas de contradictions ou que nous soyons ; et quand nul ne nous en fait, nous nous en faysons a nous mesmes. Mon Dieu, ma chère Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions bien em- ployer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans sans doute qu'entre les Religieux ; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux.

Contregardés-vous fort soigneusement en cette gros- sesse ; ne vous mettes nullement en peyne de vous con- traindre a aucune sorte d'exercice que tout bellement. Si vous vous lasses a genoux, assiés-vous ; si vous n'aves pas d'attention pour prier demi heure, priés un quart d'heure ou demi quart d'heure seulement.

Je vous prie de vous mettre en la présence de Dieu et de souffrir vos douleurs devant luy. Ne vous retenes pas

(i) Il semble bien que la présente lettre a été écrite après celle du 13 juil- let, qui l'annonce et la promet (voir la page précédente). La date du 11, donnée par l'édition de i6a6, est inexacte et doit être reculée jusqu'au 16 juillet.

54 Lettres de saint François de Sales

de plaindre, mais je voudrois que ce fust a luy, avec un esprit filial, comme feroit un tendre enfant a sa mère ; car, pourveu que ce soit amoureusement, il n'y a point de danger de se plaindre, ni de demander la guerison, ni de changer de place, ni de se faire soulager. Faites seulement cela, avec amour et résignation entre les bras de la bonne volonté de Dieu.

Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les •VideEp. praced., actcs des vertus ; car, comme je vous ay dit *, ilz ne lais- P" 5'" sent pas d'estre très bons, encor qu'ilz soyent faitz lan-

goureusement, pesamment et quasi forcement. Vous ne sçauries donner a Dieu que ce que vous aves, et en cette sayson d'affliction vous n'aves pas d'autres actions. Main- tenant, ma chère Fille, vostre Bienaymé vous est un bouquet de myrrhe ; ne laissés pas de le bien serrer

Gant., 1, 12. sur vostre poitrine *. Mon Bienaymé est a moy, et moy *lbid., II, i6. a luy'' ; tous-jours il sera dans mon cœur. Isaïe l'appelle •Cap. LUI, 3. homme de douleurs*; il ayme les douleurs et ceux

qui les ont. Ne vous tourmentes pas a beaucoup faire, mais disposes vous a souffrir ce que vous soufFrires, avec amour.

Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grâce de traitter de cette vie plus retirée de laquelle vous me parles. Ou languissant, ou vivant, ou mourant, nous

Rom., XIV, 8. sommes a Dieu *, et rien ne nous séparera de son saint

Ibid., VIII, ult. amour*, moyennant sa grâce. Jamais nostre cœur n'aura

vie qu'en luy et pour luy, il sera a jamais le Dieu de

Ps. Lxxii, 26. nostre cœur *. Je ne cesseray point de l'en supplier, ni

d'estre entièrement en luy,

Vostre très affectionné serviteur.

Francs E. de Genève. Le ... juUiet 1608.

Année 1608 çç

CDLXX

A LA MÊME (inbditb)

Dispositions, pieux espoir du Saint à l'approche d'une naissance.

Annecy, vers le 21 juillet (i) 1608.

Oùy, ma très chère Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon parrein (*) ; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse.

A Madame de la Flechere. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.

( I ) Le contenu de ce billet donne à penser qu'il a été écrit deux ou trois jours avant la naissance attendue. { 3 ) Voir le tome XI, note ( i ), p. 3.

CDLXXI

A M. CLAUDE-FRANÇOIS DE LA FLÉCHÈRE (O

Félicitations, prédictions, prières du saint Evâque répandues sur un berceau.

Annecy, 23 Juillet 1608. Monsieur, Je loue Dieu de l'heureuse arrivée de cette belle fille

(i) Claude-François de la Fléchère, fils de Henri, seigneur de la Fléchère, Molliens, etc., et d'Etiennette de Bellegarde, chevalier des saints Maurice et Lazare, gentilhomme de la Chambre de Son Altesse, commandeur de Vions, mourut en 1616, Il avait épousé en 1603 la vertueuse Madeleine de la Forest,

^6 Lettres de saint François de Sales

que vous m'aves accordée pour filleule ( 0 ; madame sa mère sera un jour récompensée, je dis mesme en ce monde, des travaux qu'elle a soufFertz pour la produire, quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille sortes de contentemens. Mes foibles prières ne luy manqueront point a cette intention, ni a vous aussi et a madame sa mère, pour vostre longue prospérité que je souhaitteray tous-jours avec grande affection.

Vostre commodité fera tous-jours naistre la mienne, pour Ihonneur que je désire de pouvoir aussi véritable- ment me nommer vostre humble compère, comme je suis sincèrement

Vostre très affectionné et fidelle serviteur.

Franc*, E. de Genève.

Co 23 (3)julliet 1608.

A Monsieur de la Flechere.

Revu sur une aacienne copie coaservée à la Visitatioa de Turin,

(voir plus haut, note ( i), p. i). « D'un jîune homme qui, selon son inclina- tion, étoit porté à la profusion et à la vanité,., elle en fit, m d'après la Mère de Chaugy (Vies de VIII vénérables Veves, etc.), « un miroir de dévotion et de pieté. »

( I ) Françoise-Innocente-Madeleine de la Fléchère, née à Rumilly le ï2 juil- let 1608, entra au premier Monastère d'Annecy, y prit l'habit le a8 décembre i6j4, devint supérieure du couvent de Rumilly et mourut le rs avril 165s. Après beaucoup de résistances et de douloureuses irrésolutioas, cette âme se souvint qu'elle était la fille d'une admirable mère et la filleule d'un Saint, et jusqu'à la fin de sa vie religieuse elle pratiqua, dans le silence, les plus rares des vertus monastiques. (Voir sa Vie, dans Les Vies de plusieurs Supérieures de l'Ordre de la. Visitation Sainte Marie, revues et corrigées par un Père de la Compagnie de Jésus ; Anneci, 1693.)

(3) L'ancienne copie reproduite ici porte la date du a8 juillet; mais celle du 43 doit lui être substituée, le copiste ayant pris sans doute l'une pour l'autre. L'affectueux intérêt que François de Sales portait à ses amis de Ruinilly, la proximité de leur résidence, permettent en effet de supposer qu'il a appris de très bonne heure l'événement, et c'est sans doute le lendemain, 23 juillet, qail a envoyé ses félicitations au père de « la belle fille. »

Année 1608 57

CDLXXII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

La vertu des vertus. Comment servir le Maître. Le moyen de faire glori- fier Dieu par le prochain. Quand les mortifications sont interdites par une santé délicate, que faut-il faire ?

Annecy, [août] 1608 (i).

Madame ma très chère Fille (car je croy que vous vou- lesbien que je vous nomme ainsy), nourrisses vostre chère ame en l'esprit de cordiale confiance en Dieu, et a mesme que vous vous treuveres environnée d'imperfections et misères, relevés vostre courage a bien espérer. Ayés beau- coup d'humilité, car c'est la vertu des vertus, mais humi- lité généreuse et paisible.

Soyés fidelle a bien servir nostre Maistre, mais gardés en son service la liberté filiale et amoureuse, sans donner des amertumes degoustantes a vostre cœur. Conservés un esprit d'une sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux gens de bien qui vous verront, a f fin qu' il^ en glorifient Di etL* •Matt.,v, 16; IPe- qui est nostre unique prétention. Et puisque vous ne sçau- ries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de pénitence et qu'il n'est nuUemenc expédient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'ac- cord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la con- dition de cette vie, souffres le a mesme intention ; car ainsy Dieu vous possédera toute et vous fera la grâce que vous le possederes un jour éternellement, dont je le sup- plieray toute ma vie, ma très chère Fille, et seray de tout mon cœur,

Vostre très humble et très affectionné serviteur, Franc", E. de Genève.

( I \ Certains déiails car^ctérisiiques sembl-nt désigner M™' de la Fléchère comme destinataire, et aussi la date que nous proposons.

58 Lettres de saint François de Sales

CDLXXIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL

(inbdite)

L'Evêque de Genèye avertit le duc qu'il ira en Bourgogne pour une affaire de famille.

Annecy, 16 août 1608. Monseigneur,

Désirant de tous-jours rendre conte a Vostre Altesse de mes actions, et m'acheminant en Bourgoigne pour un'afFaire d'un mien frère i^\ ou je pense arrester seule- ment quinze jours, je supplie très humblement Vostre Altesse de l'avoir aggreable, et la continuation du vœu que j'ay a l'obéissance de ses commandemens, m'ad- vouant,

Monseigneur,

Son très humble, très fidelle

et très obéissant orateur et serviteur, Franc», E. de Genève. A Neci, le 16 aoust 1608.

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin, (i) Le mariage de Bernard avec Marie-Aimée de Chantai.

CDLXXIV

A MADAME DE CHARMOISY

La « soigneuse assistance » des bons Anges. Exhortation à progresser dans l'amour de Dieu. Message pour une ancienne Abbesse.

Saint-Rambert, 21 août 1608.

Madame ma très chère Cousine,

A mesure que je m'esloigne de vous selon l'extérieur, mon esprit retourne plus fréquemment ses yeux du costé

Jeretn., xxxi, 3.

Année 1608 59

du vostre, d'avec lequel il est inséparable, et je ne man- que point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus désirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidélité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur débonnaire de ce doux et cher Jésus. Vives tous- jours, ma chère Cousine, ma Fille, avec ce courage d'ag- grandir perpétuellement en la dilection de Dieu ; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu éternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bien- veuillance en vostre endroit*. !Cf. Is., xux, 16;

Je pars pour aller voir cette chère seur que vous aymes tant(0, avec laquelle vous pouves penser si je m'entre- tiendray de vostre ame, laquelle je porte tous-jours pré- sente a la mienne par affection. Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne (*), a laquelle vos encouragemens seront profiitables ; car pour le présent, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte bénédiction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singuliè- rement.

Madame ma chère Cousine,

Vostre très fidelle et très affectionné serviteur.

Franc», E. de Genève.

A Saint Rambert, le 21 aoust 1608.

Je finis aujourd'huy ma 41 année : priés Nostre Seigneur qu'il rende le reste de mon aage utile a sa gloire et a mon salut. Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur.

( I ) La baronne de Chantai.

(2) Jéronyme de Maillard de Tournon, ancienne abbesse de Sainte-Cathe- rine. (Voir ci-après, la lettre que le Saint lui adresse le 15 octobre.)

6o Lettres pe saint Fj^ançois de Sales

CDLXXV

A LA BARONNE DE CHANTAL

La Baronne est prévenue que le Saint est aux « portes » de Monthelon.

Montcenis (près Autun)^ 34 août 1608.

Nous voyci a vos portes, ma très chère Fille ; mais par ce que Thibaut m'a dit qu'avec beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu devant nostre arrivée, j'ay voulu vous aggreer, et pour cela je l'ay fait partir trois heures avant nous.

Or sus, ma chère Fille, vous l'avois-je pas escrit que ce seroit environ la feste du grand saint Loùys ? Je vous porte mon esprit plein de désir de servir le vostre et faire tout le bien que nous pourrons faire. Environ les trois heures, je vous verray. Dieu aydant ; car, en passant, je veux bayser les mains de Monsieur vostre bon Eves- que (M, et voir nos Capucins (2), l'église cathédrale et ce quil faut que je voye en vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner.

Dieu soit tous-jours avec nous, ma chère Fille. C'est luy qui me rend si uniquement

Vostre F. E.

Au Mont Senis, le 24 aoust 1608.

A Madame Madame la Baronne de Chantai, m. f. (ma fille).

Revu sur l'Autographe conservé au a** Monastère de la Visitation de Paris.

( I ) Pierre Saulnier (voir le tome précédent, note ( 3 ), p. 287). (3) Voir ibid., note (i), p. 188.

Année 1608 61

CDLXXVI

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITSD'oRBIÎ

Encouragements à persévérer dans de saintes résolutions.

Dijon, i" septembre 1608

Je vous avois promis, ma chère Seur, ma Fille, de vous escrire par le retour de vostre laquay ; mais l'ayant ren- contré en lieu ou je ne pouvois le faire, je repare ce défaut, vous escrivant ce soir de nostre arrivée en cette ville. Mais que vous escriray-je donques, ma chère Fille ? Rien, sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous cor- porellement, mon esprit s'est retourné plus ardemment de vostre costé pour vous souhaitter mille bénédictions. Sa divine Majesté vous les donne très abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es saintes resolutions quil vous a inspirées. Helas ! je regrette sans doute tant d'in- commodités qui s'opposent a nos désirs ; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppléera au reste et vous consolera de son assistence spéciale.

Je vous escriray. Dieu aydant, avant mon départ d'icy, et a mon premier loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos. Ah, que je désire de bonheur a vostre chère ame, ma Fille bien aymee ! Qu'a jamais puissions nous vivre pour ce saint amour céleste.

Je suis d'un 'affection inviolable, ma chère Fille,

Vostre très fidelle et très affectionné serviteur,

F. A Dijon, le [i*' septembre (' )] 1608.

A Madame, M""" l'Abbesse du Puys d'Orbe.

Revu sur l'Autographe conservé à l'Evêché d'Orléans.

( I ) La date du i'^'^ septembre, très oblitérée, quoiqu'il en reste des traces, est confirmée par le voyage du Saint.

62 Lettres de saint François de Sales

CDLXXVII

A UNE RELIGIEUSE (i)

Dieu agrée extrêmement la résignation dans les maladies et l'obéissance au médecin. Les croix qu'il faut baiser avec amour.

Annecy, 9 septembre 1608.

Je m'advise, ma chère Fille, que vous estes malade d'une maladie plus fascheuse que dangereuse, et je sçay que telles maladies sont propres a gaster l'obéissance que Cf.Eccii.,xxxvin, l'on doit aux médecins*. C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les méde- cines, ni les viandes, ni les récréations qui vous seront ordonnées. Vous feres une sorte d'obéissance et de rési- gnation en cela, qui vous rendra extrêmement aggre- able a Nostre Seigneur ; car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues. Dieu vous les a données de sa sainte main : receves les, baysés les, aymés les. Mon Dieu, elles sont toutes parfumées de la dignité du lieu d'où elles viennent.

Bon jour, ma chère Fille ; je vous escris avec empres- sement. Que si j'avois le loysir, j'en dirois davantage, car j'affectionne infiniment que vous soyes fidèle en ces petites etfascheuses occurrences, et que, tant au peu qu'au prou, vous disies tous-jours : Vive Jésus !

Vostre tout et très affectionné serviteur,

Franc*, E. de Genève.

Ce 9 septembre 1608,

( I ) Les conseils de cette lettre semblent s'adresser à une Religieuse qui avait affligé son corps de mortifications excessives. La Sœur Bernarde de Vignod (voir le tome précédent, note (i), p. 103) se rendit très infirme à force d'aus- térités ; elle pourrait bien être la destinataire.

Année 1608 ga

CDLXXVIII

A LA BARONNE DE CHANTAL (fragmhmt)

Anne-Jacqueline Coste offre spontanément au Saint de servir les futures Religieuses qu'il méditait d'établir.

Sales, 19 septembre 1608 (i).

Au reste, ma Fille, il faut que je vous dise que Diman- che dernier je fus très consolé. Une païsanne de naissan- ce (=*), très noble de cœur et de désir, me pria, après l'avoir confessée, de la faire servir les Religieuses que

(i) La date fournie par la Mère de Chaugy (Vie de Sœur Anne-Jacqueline Coste) est justifiée par les faits.

( 3 ) Cette « fille pieuse et studieuse » se nommait Anne-Jacqueline Coste. Née en Savoie de parents très pauvres, bergère entre ses montagnes, puis servante à Genève, elle vint à Annecy en 1604, entra à la Visitation le jour même qu'elle naissait (6 juin 1610) et mourut le 25 octobre 1633, à l'âge de soixante- trois ans. (Livre du Couvent, du 1" Monastère de la Visitation d'Annecy.)

L'histoire de cette fille des champs a été contée avec un grand charme par la Mère de Chaugy, dans Les Vies de VIT Religieuses, etc. (Annecy, 1659). Les curieux épisodes du séjour dans la cité calviniste, la rencontre providentielle qu'elle y fit de saint François de Sales et les circonstances presque dramatiques de cette entrevue, ont popularisé dans toutes les mémoires le souvenir de la Sœur Anne-Jacqueline. Parmi le petit groupe des nobles dames qui commen- cèrent la Congrégation dans la maison de la Galerie, la figure de la monta- gnarde se détache avec un piqnant relief. Sans la présence de cette « païsanne » candide et forte, qui l'anime de sa foi pittoresque et de sa courageuse activité, le tableau de ces premiers jonrs perdrait sans doute quelque chose de sa délicieuse ingénuité. Le Saint suivit toujours de près la servante de l'hôtel- lerie genevoise ; pendant vingt-sept ans, il fut son père spirituel et l'aima comme sa fille. Elle ne fut pas moins chérie de la vénérable Fondatrice, qui écrivait après son décès : « Voilà notre chère Sœur Anne-Jacqueline qui vient de passer à Notre-Seigneur. . . . Vous savez la fidélité de cette pauvre Sœur, et combien elle a toujours été humble, dévote et laborieuse; enfin, c'était l'incomparable. » (Sainte J.-F. Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. II (Paris, Pion, 1877), p. 193.) Aux Instituts qu'il aime. Dieu donne toujours, à leurs débuts, des âmes qui puissent servir de modèle aux futures recrues. Ne serait-ce pas dans ce dessein qu'Anne-Jacqueline Coste, la première des Sœurs Tourières de la Visitation, a été, selon le mot de la Mère de Chaugy, « une fille admirable pour son rang » f

64 Lettres de saint François de Sales

je voulois establir. Je m'enquis d'où elle sçavoit une nou- velle encor toute cachée en Dieu. « De personne, » me dit elle, « mais je vous dis ce que je pense. » O Dieu, dis- je en moy mesme, aves vous donques révélé vostre secret Cf. Matt., XI, 95. a cette pauvre servante* ? Son discours me consola beau- coup, et j'iray, tant qu'il me sera possible, encourageant et soustenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement

CDLXXIX

AUX ecclésiastiques du bugey, du valromey et de gex

Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doivent envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don.

Sales, 25 septembie 1608.

Messieurs,

Par ce que, pour éviter l'imposition de décimes perpé- tuelles, les députés de Bresse ont obtenu un arrest ( ' ) qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouflfit commun de tous les ecclé- siastiques des pais eschangés (-), il me semble que pour concourir avec eux a l'exécution dudit arrest, vous deves faire un député d'entre vous qui aille a Lion , pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemp- tion (3). C'est pourquoyj'ay donné la présente a monsieur Rosetan, curé de Chavornay ( 4 ), affin qu'avec cette mienne

(i) Voir la Lettre cdxlvii à Henri IV, fin avril 1608.

(3) Le traité de Lyon (17 janvier i6ot j avait donné à la France, la Bresse, le Bugey, les pays de Valromev et de Gex, en échange du marquisat de Saluces. En onti'e, le duc de Savoie recouvrait la cbâtellenie de Gaillard.

( 3 ) Le montant de ces « sommes convenues » s'élevait à 20.000 livres tour- nois. Le clergé dut faire un emprunt à M. Particelly, banquier à Lyon.

( 4) Jean Rosetain ou Rostaing, curé de Chavornay dès le ^ mai 1594 ; il sera plus tard destinataire.

Année 1608 65

lettre en main, il procure et face faire ledit député (0, comme je vous en prie, jugeant que ce soit vostre mieux. Dieu vous conserve, Messieurs, et je suis

Vostre confrère très affectionné,

Franc', E. de Genève. XXV septembre 1608, a Sales.

A Messieurs Messieurs les Ecclésiastiques du diocœse de Genève, des pais de Beugey, Valromey et Gex.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine J. -M, Chevalier, à Annecy.

{ I ) Yves Lambertod, « prieur de Saint Jan des Advantures, » député du clergé, fit vers ce temps-là, de nombreux voyages à ce sujet. Le 26 septembre 1608, il alla a I.yon « pour trouver deniers a emprunter pour le service du clergé. » Mais nous ignorons si cet ecclésiastique fut chargé de la mission dont il est parlé ici. (D'après les notes de M. O. Morel, archiviste de l'Ain.)

CDLXXX

A M. ETIENNE DUNANT, CURÉ DE GEX(0

Servir Dieu l'on est. Le labeur patient n'est jamais stérile devant Dieu. Le désir du changement empêche le succès de l'oeuvre présente.

Sales, 25 septembre 1608.

Monsieur mon très cher Confrère,

Pardonnésmoy, je vous prie, si j'ay tanttardéarespon- dre sur la première lettre que vous m'aves jamais escritte : il n'en sera pas ainsy des autres, si j'ay la consolation

j, •»*•./-• . , * Vide supra, Epist.

Q en recevoir. Mais je fus si occupe a mon despart*, que cdlxxhi.

( I ) La lettre est adressée à un curé et très vraisemblablement, d'après cer- taines indications du texte lui-même, au curé de Gex. Le prêtre qui gouvernait alors cette paroisse était probablement Etienne Dunant. Au retour de Louvain, il avait demandé à François de Sales, en ce temps simple Prévôt, de présider ses thèses. Il travailla dans la mission du Chablais, y desservit la paroisse de Massongy dès la fin de 1598, et tout en gardant cette cure jusqu'au 7 juin 1611, il administra celle de Gex depuis 1608. Il en fut institué curé le 15 mai 1611, et y demeura jusqu'en 1641. (R. E, ; Archiv. paroiss. de Massongy et de Gex.)

Utt«es IV 5

66

Lettres de saint François de Sales

Gen., xvii, I.

Ps. cxxvii, r. •• Ps. cxxv, 6.

Ps. Lxxxin, 6, 8,

•III Reg.,xix, Rom., XI, 4. •* Isaiae, vi, 5.

I Cor., XV, ult.

Ps. L, 20.

» Cf. II Parai., 11, 3, ult.; I Reg., V, 15-18.

je n'eus nulle sorte de loysir pour vous rendre ce devoir ; et, avec cela, je me promis bien de vostre dilection que vous interpreteries le retardement en bonne part.

Je persiste tous-jours a vous dire que vous deves servir Dieu ou vous estes, et (») facere quod facis. Non pas, mon cher Frère, que je veuille forclorre l'accroissement de vos bons exercices ni la purification continuelle de vostre cœur; mais, (b) fac quod facis, et melius quam facis. Car je sçai bien que Dieu commande en la per- sonne d'Abraham a tous ses fidèles •A'^) Ambula coram me, et esto perfectus* ; et que beaU-qiti ambulant in viis Domini *, et que nos pères eiintes ibant **, et in corde suo ascensiones disponebant, ut irent^^ virtute in virtutem *.

Ayés donques bon courage de cultiver cette vigne, con- tribuant vostre petit travail au bien spirituel des âmes (d)quas servavit sibi Dominus, ne ûecterent ge nu a ante Baal*, in medio populi polluta labia habentis**. Ne vous estonnés point si les fruitz ne paroissent pas encor, (e) quia si patienter opus Domini feceris, labor tuus non erit inanis in Domino *.

Helas ! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations, affin que, devenus grans, nous tas- chions d'ayder a la reedification des murs de Hierusa- lem *, ou en portant des pierres, ou en brassant le mortier, ou en martelant*. Croyés-moy, demeurés la ; faites fidelle- ment tout a la bonne foy ce que moralement vous pourres

(a) faire ce que vous faites.

(b) faites ce que vous faites, et mieux que vous ne le faites.

(c) Marche devant ma face, et sois irréprochable ; et que heureux sont ceux qui marchent dans les voies du Seigneur, et que nos pères s'en allaient, et ils pensaient aux saintes montées, afin d'aller de vertu en vertu.

(d) que le Seigneur s'est réservées, afin qu'elles ne fléchissent pas les genoux devant Baal, au milieu d'un peuple aux lèvres souillées.

(e) car si vous faites patiemment l'œuvre du Seigneur, votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur.

Année 1608 67

faire, et vous verres que (f) si credideris, videbis glo-

riam Dei *. Et si vous voules bien faire, tenés pour ten- * Joan., xr, 40.

tation tout ce qui vous sera suggéré pour changer de place ;

car, tandis que vostre esprit regardera ailleurs que la ou

vous estes, jamais il ne s'appliquera bien a proffiter ou

vous estes.

Or sus, tout ceci soit dit en la confiance que vous me donnes par vostre lettre, et en la sincère amitié que je vous porte (g) in visceribus ejus* cujus viscera pro amore * Cf. Philip., 1, nostro transfixa sunt. Je le supplie qu'il affermisse de plus en plus le zèle de son honneur en vous, et suis d'un cœur tout entier,

Vostre humble et très affectionné confrère et serviteur,

Franc*, E. de Genève. A Sales, le 25 septembre 1608.

(f) si vous croyc:(, vous verre:( la gloire de Dieu.

(g) dans les entrailles de Celui dont le cœur a été transperce pour notre amour.

CDLXXXI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Accueil que fait le Saint aux désirs et aux recommandations de la baronne de Chantai. Dieu seul est un guide indispensable. Sortir du monde, pour plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour- propre. La fin qu'on doit se proposer en quittant le siècle. Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble donner à penser au futur Fondateur de la Visitation. Conseil du Saint à « ceux qui se meslent des âmes » et aux personnes de piété. Son atïection pour la père et les enfants de sa fille spirituelle. La jeune fille et le seau d'eau. Messages divers.

Annecy, 29 septembre 1608.

Jésus, es entrailles duquel mon ame chérit uniquement la vostre, soit a jamais nostre consolation, ma Fille. J'ay

68 Lettres de saint François de Sales

plusieurs choses sur le cœur pour vous dire, je ne sçai si je les pourray mettre sur le papier ; car j'ay grande- ment pensé en vous tout le long de mon retour, je dis grandement.

Vos troys désirs pour la vie mortelle ne me desplay- sent point, car ilz sont justes, pourveu quilz ne soyent pas plus grans que leurs objectz méritent. C'est bien fait, sans doute, de désirer la vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre ; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela : c'est luy qui vous ♦Ps. Lxxix, 2. conduit comme une brebis*. Ah! je vous prie, tenesbien vostre cœur en haut, attachés le indissolublement a la souveraine volonté de ce très bon cœur paternel de nostre Dieu ; qu'a jamais il soit obéi, et souaivement obéi par nos âmes. J'auray pourtant soin de moy selon que je vous l'ay promis, et plus pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention ; car je croy bien que Dieu veut que je veiiille quelque chose pour Cf. Tob., m, 6. l'amour de vous. Or, Dieu face de moy selon son gré *.

Ma Fille, tandis que Dieu voudra que vous soyes au monde pour l'amour de luy mesme, demeures-y volon- tier et gayement. Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens ; et ceux ci s'empressent merveilleusement après cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et desreglé. Ma Fille, je dis ma vraye Fille, ne soyons point de ceux la. Sortons du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aymer Dieu ; et en cette sorte, tandis que Dieu voudra que nous le servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cœur, car puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous lefacions, nous nous conten- terons. Demeures en paix, ma Fille ; faites bien ce pour- quoy vous restes au monde, faites le de bon cœur, et croyes que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties faites par vostre propre volonté et amour.

Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay

Année 1608 69

esté consolé ? Je rencontray a Chalons monsieur André Valladier (c'est ce grand prœdicateur qui prescha après moy (0, estant Jésuite) : or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses diverses. Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisée (2), avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer (3). Et m'enquerant des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariée, et qu'en sa viduité eU'erigea une Congrégation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes ; elles, néanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme. Vous ouïtes ce que M. Blondeau (4) dit de Paris. Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il règne en nos cœurs ! Je n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves (5) : c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise. Prions Dieu, humilions nous, attendons en patience, et nous serons consolés.

Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas si aggreables, car il parloit avec grande véhémence de sa sortie (6), et comme vous sçaves, j'ay grand'aversion des espritz troubles. Il me dit que les

( I ) A Dijon. Voir le tome précédent, note ( a ), p. 49.

(ï) Sainte Françoise Romaine avait été en effet inscrite au catalogue des Saints le 39 mai 1608.

(3) L'ouvrage de Valladier parut sous ce titre : Spéculum sapieniice matro- nalis, ex vita Sancice Franciscœ Romance, fundatricis Sororum Turris Specuîo- rum, panegyricns. Paris, Richer, 1609. La même année, une édition en fut donnée en français, sous le titre de : Miroir de la Sagesse matronale.

( 4 ) Plusieurs familles de ce nom, dont quelques-unes parentes de la baronne de Chantai, figurent dans les archives de Bourgogne. Serait-il question ici de Gilles Blondeau, conseiller à la Chambre des Comptes de Paris (1^96), et en 1621, trésorier de France à Dijon, ou de Guy, seigneur de Beauvoir, qui eut des rapports fréquents avec le Saint ?

( 5 ) Voir ci-dessus, note ( 2 ), p. 45.

(6) André Valladier était sorti de la Compagnie dejésus au mois de juillet ;

70 Lettres de saint François de Sales

impertinentes procédures de ce Religieux duquel nous parlasmes en carrosse (0 et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne, estoyent venues aux oreilles du Car- dinal de Givry (=») et de l'Inquisition de Romme. Je fus marri dequoy il m'en parla comme de chose que je sçavois, quoy que je n'en fisse nul semblant. Je crains, d'un costé, que cela ne s'esvente, car ce seroit un grand scandale et appresteroit beaucoup a dire aux mondains ; d'autre part, je voudrois bien que ce mal fut reprimé, de peur quil ne se glisse en d'autres. Il me dit que le Père

Vide infra, p. 76. duquel VOUS me monstrastes la lettre a Beaune *, faysoit

presqu'aussi mal. Cela me despleut infiniment ; si je vay OU il est, je m'essayeray de luy en parler.

Tout cela, ma chère Fille, mp fait désirer que mes seurs, mes filles, ne s'abandonnent guère a nulle sorte de, grande confiance qu'en la seule confession ; car, mon Dieu, yoyla pas des grans dangers ? Ah ! je veux croire qu'il ni a pas tant de mal ; mais il y en a encor moins d'estre bien discret. Je 'dirois volontier a ceux qui se meslent des âmes, comme saint Bernard a ses Novices : « Je ne veux pour cela que des âmes, et que les cors ne

Vita s. Bern.» s'en mesleut point *. » Or, j'ay dit tout cela par ce quil

t. I, ce. IV, VI. (P. , , . . ^ ,

L.,tom.CLXXXV.) ^^ ^st ainsy venu, et avec un ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue. ^Serves vous des advis de tous quand il en sera besoin, mais

s'il faut, en croire Moreri, « les impertinentes procédures » dont il se plaignit au Saint avaient été inspirées par la jalousie d'un Supérieur. Valladier se pourvut, paraît-il, devant le Pape Paul V, qui lui conseilla de quitter la Société. (Pour plus de détails, voir Moreri, 1740.)

( I ) Ce personnage, dont la charité du Saint nous a caché le nom, serait-il un ancien frère sn Religion d'André Valladier? appartiendrait-il aux abbayes de Saint-Etienne ou de Saint-Bénigne ? Il est difficile de le savoir.

(2 ) Anne de Pérusse d'Escars ou des Cars, à Paris en 1546, entré de très bonne heure à Saint-Bénigne de Dijon, en devint abbé coniniendataire en 1570. Il fut aussi nommé abbé de Molesme, de Pothières, et en. 1585, évèque de Lisieux. Promu au cardinalat en 1596, il prit dès lors le nom de sa mère, Françoise, co:utesse de Givry, et en 1604, le titre de Sainte-Susanne. Evèque de Metz en 1608, il mourut (avril 1612) non loin de cette ville et fut inhumé dans son église cathédrale. Partout il parut, à Dijon, à Rome, à Metz, le cardinal de Givry s'attira la vénération publique par le prestige d'une grande piété. Membre de plusieurs Congrégations romaines, il fut un vigilant défenseur des intérêts catholiques. Nous savons que le << saint Cardinal » ne s'épargna point pour faire avancer l'reuvre de la Sainte-Maison de Thonon.

Année 1608

71

a3''es peu de confiance es hommes, quoy qu'ilz semblent des anges ; je veux dire pour des confiances grandes et entières. Or, ceci soit dit entre nous deux.

Revenons a vostre troysiesme désir ( 0, Il est bon aussi ; mais mon Dieu, ma Fille, il ne mérite pas qu'on s'y affec- tionne. Recommandons le a Dieu, faysons tout bellement ce qui se peut pour le faire reuscir, ainsy que je feray de mon costé; mais au bout de la, si l'œil de Dieu qui pénètre l'advenir, voyant que cela ne reviendroit pas peut estre ni a sa gloire ni a nos intentions, sa divine Majesté ordonn'autrement, il ne faut pas, ma Fille, pour cela en perdre le sommeil d'une seule heure. Le monde parlera. Que dira-on ? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voyent le monde que pour le mespriser, et qui ne regardent le tems que pour viser a l'seternité. Je m'essayeray de tenir l'affaire liée en sorte que nous le (sic) puissions voir ache- vée, car vous ne le desires pas plus que moy ; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme de moy.

J'ay treuvé ma pauvre bonne mère si très malade a mon gré que j'en ay esté estonné ; non pas qu'elle soit alittee, mais il semble que ce soit une lassitude et achemine- ment a une deffaillance de nature. Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous.

Nostre livre de dévotion (*) n'est pas encor imprimé : quand il le sera, j'en envoyeray a tous ceux a qui j'en ay promis, Nostre bon père (3) est venu joyeusement et a un'ame inclinée a la dévotion ; mais l'embaras des affai- res apporte sans doute quelque sorte d'empeschement a une entière praeparation qui luy seroit nécessaire en ce déclin de sa vie ; mais elle se doit procurer tout bellement. Je luy ay proposé la lecture de certains livres propres a cela, et il l'a receu de fort bon cœur. Je luy suis tout dédié, non seulement pour les obligations extérieures, mais par inclination intérieure.

( I ) Le mariage de Marie-Aimée de Chantai avec Bernard de Sales. ( 2 ) L'Introduction à la Vie dévote. (3) Le président Frémyot.

7 a Lettres de saint François de Sales

J'ay pensé a vostre cher filz, etconnoissant son humeur, je pense quil faut avoir grand soin de son esprit affin que maintenant il se forme a la vertu, ou qu'au moins il ne panche pas au vice ; et pour cela, il le faut bien recom- mander au bon M. Robert! 0, et luy faire souvent gouster le bien de la vraye sagesse par des remonstrances et recommandations de ceux qui sont vertueux. Je suis tous- jours bien ayse d'avoir veu tous les enfans de ma chère Fille, car vrayement je les ayme comme miens en Nostre Seigneur.

Demeures en paix, avec un singulier amour de volonté et providence divine ; demeures avec nostre Sauveur crucifié planté au milieu de vostre cœur. Je vis il y a quel- que tems, une fille qui portoit un seau d'eau sur sa teste, au milieu duquel ell' avoit mis un morceau de bois ; je voulus sçavoir pourquoy, et elle dit que c'estoit pour arrester le mouvement de l'eau, de peur qu'elle ne s'espanchast. Et donques, dores-en avant, ce dis-je, il faut mettre la Croix au milieu de nos cœurs, pour arrester les mouvemens de nos affections en ce bois et par ce bois, affin qu'elles ne s'espanchent ailleurs, aux inquiétudes et troublemens , d'esprit. Il faut tous-jours que je vous die mes petites cogitations.

A Dieu, ma chère Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort •CtllCor.,v,i4,is. pour nous, ne vivions plus qu'a luy *. J'escris au bon M. le Praevost (>), a l'ame duquel j'ay un grand amour par ce qu'elle me semble bonne, ronde et franche. J'escris aussi a nostre M. de la Curne et luy envoyé les escritz ci joins que je vous prie luy faire tenir. Vive Jésus et Marie ! Amen.

Je suis celuy que ce mesme Jésus a rendu vostre.

A Neci, le 29 septembre 1608.

Je vous escriray le plus souvent que je pourray. J'ay

(i) Voir le tome précédent, note (a), p. 379.

( a ) François le Breton, bachelier en droit canon, prêtre du diocèse du Mans , qui fut prévôt de Notre-Dame-du-Châtel d'Autun, de 1607 à i6ii. (Mémoires de la Société Eduenne, tome XIII, p. 279.)

Année 1608 73

ouvert les lettres de mon frère de Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit et a nostr'Aymee ; mais celle de M'" de Brechart(0 ça esté par mesgarde, la prenant pour la vostre. M"" de Charmoysi vous s^lue et ne sçait pas que j'escrive,

(2) A Madame Madame la Baronne de Chantai. A Monthelon.

Revu sur l'Autographe conservé i la Visitatioa d'Annecy.

( I ) Voir ci-après, p. 86.

(a) L'adresse n'est pas de la main du Saint et ne porte que la première syllabe de Monthelon.

CDLXXXII

AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

(mBDiTB)

Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après le cloître.

Annecy, \" octobre 1608.

Mon Révérend Père,

Vostre charité vous trompe saintement en moy, qu'elle vous représente pour digne de vostre affection et de tous vos Pères et Frères, bien qu'en vérité je manque de toutes les conditions requises pour recevoir ce bonheur ; excepté de Ihonneur et respect que je vous dois a tous, et parti- culièrement a vous, car en cela je ne veux céder a per- sonne. Les bons PP. Villardi ( 0 et Muilet ( » ) furent receuz

(i) François Villiardi, à Avignon le 8 février i;6i, entra dans la Com- pagnie de Jésus le 13 mai 1379, fit profession le is juillet 1601 ; il mourut le 18 février 1617, après avoir exercé le ministère de l'enseignement et de la prédication. (D'après les notes du R. P. van Meurs, S. J.)

(3) Le P. Antoine Millieu « Muilet » est certainement une erreur qu'il faut attribuer sans doute à la transcription naquit à Lyon le 10 septembre 1574; admis dans la Compagnie à l'âge de dix-sept ans, profès le 6 janvier 161 1, il

74 Lettres de saint François de Sales

icy avec plus de cœur que de démonstrations et plus de démonstrations que de bonne chère. Ma gloire en eust esté accomplie, s'ilz eussent eu plus de loysir de nous favoriser de leur présence ; une autre fois, en pareille occasion, je veux implorer vostre entremise pour obtenir du P. Recteur (ï) une prolongation de ce contentement pour moy.

Dieu sçait que je chéris la bonne fille M"* Clément (>), et voudrois bien la voir assouvie en ses devotz désirs ; mais, mon cher Père, je ne pense pas que son cors puisse porter les effortz de la forme de vivre des Religieuses de Sainte Claire, et ailleurs en Savoye, ou la pourroit on mettre qu'elle ne fust pire qu'au siècle ? Je me suis enquis en Bourgoigne s'il y auroit moyen, mais je n'ay sceu rencontrer. Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance ; et si elle vient icy ce Caresme pro- chain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entière, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Révérend Père, et demeurer

Vostre confrère et serviteur

plus humble et affectionné, Francs E. de Genève. i" octobre 1608.

Je vous supplie de m'assister auprès de Nostre Sei- gneur par vos prières, et d'impetrer la mesme grâce de vos Pères et Frères,

Au R. Père Nicolas PoUiens,

de la Compagnie de Jésus. A Chamberi.

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.

enseigna successivement les lettres, la philosophie et la théologie pendant plusieurs années. Recteur de Vienne et de la maison Saint-Joseph à Lyon, socius du provincial et provincial en 1642, il mourut à Rome le 14 février 1646. Ce Religieux est l'auteur d'un curieux poème qui a pour titre : Moyses viator : seu, Imago Militantis Eccleslœ Mosaïcis Peregrinaniis Synagogx iypis adum- brata. Lugduni, 1636- 1639.

( I ) Le P. Jean Fourier.

(s) Voir le tome précédent, p. 244, et la lettre suivante.

i

Année 1608 75

CDLXXXIII

A MADEMOISELLE CLÉMENT (')

Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts, notre désir n'est pas accompli. Les âmes que Dieu aime « en tout et par tout. »

[Octobre 1608.]

Madamoyselle,

Vous deves vous resigner entièrement entre les mains de nostre bon Dieu, lequel, quand vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation de ce dessein que vous aves, aura très aggreable tout ce que vous feres, encor que ce sera beaucoup moins. Bref, vous deves avoir courage a bien procurer que vous soyes Religieuse, puisque Dieu vous en donne tant de désir.

Mais si, après tous vos effortz, vous ne pouves pas reùscir, vous ne sçauries plaire davantage a Nostre Sei- gneur que de luy sacrifier vostre volonté, et demeurer en tranquillité, humilité et dévotion, entièrement remise et sousmise a son divin vouloir et bon playsir, lequel vous reconnoistres asses quand, a3'-ant fait vostre possible , vous ne pourres pas jouir de vos souhaitz. Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont très bonnes a Tame ; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et néanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des bénédictions plus grandes en la pri- vation qu'il ne nous en donne en la possession de Testât désiré ; car, en tout et par tout. Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire : Vostre volonté soit faite *. " Matt., vi, 10.

Fr.<nç , E. de Genève,

(i) La mention de M'" Clément dans la lettre précédente et celle du 14 décembre 1606, semblent indiquer que la présente lettre lui a été aussi adressée, et vraisemblablement après le i*' octobre 1608.

76 Lettres de saint François de Sales

CDLXXXIV

A LA BARONNE DE CHANTAL

La fête de la Dédicace ; les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Diea par les vœux. La dévotion du Rosaire à Annecy. La baronne de Chantai à l'hôpital de Beaune.

Annecy, 8 octobre 1608.

Nous célébrons aujourd'huy, ma chère Fille, la Dédi- cace de nostre Eglise ; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulières affections, faire action de grâces a nostre doux Sauveur de la dédicace de nos cœurs et de nos cors que par sa miséricorde nous luy avons faitte par nos vœux. O que nous serons heureux,

Cf. I Cor., m, 16. ma bonne chère Fille, si nos temples * ne sont point violés !

Rom., VIII, II. Qu'a jamais le Saint Esprit y réside * et ne permette point

qu'aucune irrévérence y soit commise ; que ce soyent des *lsaiaB,Lvi,7;Matt., maysoHS d'oraysofi * et de prière, ou les sacrifices de •Pss. xLix, i4,uit., louange, de mortification et d'amour soyent immolés*. "^' ''* O ma Fille, que mon cœur est plein de bons souhaitz

pour le vostre ! Vous diray je bien ce sentiment ? Diman- che je fis un sermon du Rosaire, parce que je suis de cette Confrérie la il y a long tems(ï), et presque toute cette vilette en est ; et d'autant que je voulois faire entendre a mon cher peuple pourquoy on appelloit le Chapelet Couronne, je fus contraint d'apporter le passage de saint

Philip., uit., I. Paul*, auquel il appelle ses disciples, sa couronne :

Demeurés ainsy, mes très chers. O ma Fille très chère et très désirée, ievous laissay en l'hospital de Beaune (*),

( I ) En effet, « pendant les premières années de ses estudes. .. il se fit inscrire en la Confrairie du Rosaire... il fit le vœu de dire tous les jours de sa vie le Chapelet. xf'Aww/^Saiw/^, ancien Ms.) Au dire de Charles-Auguste, c'est à Paris, devant Notre-Dame des Grés, qu'il s'obligea à cette pratique, et d'après sainte Jeanne de Chantai fProctfss. remiss. Gebenn.[\), ad art. 5), il portait le chapelet à sa ceinture et employait une heure à le réciter, « car il meditoit en le disant. »

( 3 ) L'édifice, vrai bijou de l'architecture du xv* siècle, et l'œuvre qu'il abri- tait, doivent leur fondation à Guigonne de Salins et à Nicolas Rolin son époux, chancelier de Bourgogne. « Il faut être Sœur de l'hôpital de Beaune, » avait dit un jour François de Sales à sa fille spirituelle, pour éprouver son obéissance.

Année 1608

77

pleine de désir d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant en toutes choses, grandes et petites, la vostre a la miséricorde de la sienne ; je vous laissay avec Nostre Seigneur réellement receu en vous mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur. Mon Dieu, ma chère et très singulièrement chère Fille, comme cela, vous estes et ma joye et ma couronne. Et demeurés donques ainsy, ma très chère : demeurés de cœur et d'esprit avec nostre Sauveur, demeurés résignée a sa volonté, demeurés entre ses pauvres par affection. Et puisque sa volonté est que vous soyés encor au ser- vice et a la conduitte de vostre famille, demeurés-y en paix, avec la fidélité que vous devés a ce saint vouloir. Je suis celuy que Nostre Seigneur veut estre tout vostre, et tout singulièrement vostre.

Le S octobre 1608, a Neci.

(Voir Mémoires de la Mère de Chaugy, l" Partie, chap. xxi.) En revenaDt du cbâteaa de Monthelon, en 1608, le Saint s'arrêta à Beaune et visita l'Hôtel- Dieu avec le président Frémyot, M»'' de Bourges et sa sœur, M™* de Chantai. Ce fut que les voyageurs se séparèrent. (Cf. Bavard, L'Hôtel-Dieu de Beaune, etc.; fieaone, 1881.)

CDLXXKV

A MADAME DE LA FLECHERE

Les vendanges. Comment l'Epoux divin des âmes nourrit leur espérance et repaît leur amour. Les vendanges spirituelles. Le côté du Sauveur percé sur la croix. Les choses temporelles doivent servir « d'eschellon » aux spirituelles. Comment il faut considérer ses fautes.

Annecy, 12 octobre 1608.

Madame,

On m'a dit que vous esties bien avant en vos vendan- ges : Dieu soit loiié. Il faut que mon cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos pi as chères cousines!').

( I ) Probablement, M"* de Charmoisy.

78 Lettres de saint François de Sales

Cap. I, 1, 2. Es Caniiques des Cantiques *, TEspouse sacrée, parlant

a son divin Espoux, dit que ses mammelles sont meil- leures que le vin, odorantes en unguens pretieux. Mais quelles mammelles a cet Espoux ? Ce sont sa grâce et sa promesse ; car il a sa poitrine, amoureuse de nostre salut, pleine de grâces, qu'il distille d'heure a heure, ains de momens en momens, dedans nos espritz : et si nous voulons bien y penser, nous treuverons qu'il est ainsy.

Joan., VI, 69. Et de l'autre costé, il a la promesse de la vie éternelle *,

avec laquelle, comme avec un saint et amiable lait, il nourrit nostre espérance, comme avec sa grâce il repaist nostre amour. Cette liqueur pretieuse est bien plus déli- cieuse que le vin.

Or, comme on fait vendange en pressant les raysins, on vendange spirituellement en pressant la grâce de Dieu et ses promesses. Et pour presser la grâce de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs ; et pour presser sa promesse, il faut multi- plier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses, fay esté malade, et

Matt., XXV, 36. vous inaves visité, dira-il*. Toutes choses ont leur ' Eccies., m, 1. sayson * : il faut presser le vin en l'une et en l'autre

sorte de vendange ;■ mais il faut presser sans s'empresser, avoir du soin sans inquiétude.

Encor pensant, ma chère Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, com- bien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargée ! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille. Combien de grains y ont treuvé les âmes saintes, par la considération de tant de grâces et vertus que ce Sauveur du monde y a monstrees !

Faites belles et bonnes vendanges, ma chère Fille, et que les unes vous servent d'eschellon et de passage aux autres. Saint François aymoit les aigneaux et moutons

»s.Bonav.,Legend. parce qu'ilz luy represcntoycnt son cher Sauveur * ; et

. ranc, c.viii. ^.^ yeux que nous aymions ces vendanges temporelles,

non seulement parce que ce sont choses appartenantes au

soin qui correspond a la demande que nous faysons tous

•Lues, XI, 3. les jours de nostre pain quotidien *, mais aussi, et

Année 1608 79

beaucoup plus, parce qu elles nous eslevent aux ven- danges spirituelles.

Tenés vostre cœur plein d'amour, mais d'un amour doux, paysible et rassis. Regardés vos fautes, comme celles des autres, avec compassion plustost qu'avec indi- gnation, avec plus d'humilité que de sévérité.

A Dieu, Madame ; vives joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mes- me, qui veuille a jamais vivre et régner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,

Vostre humble et très asseuré serviteur.

Franc", E. de Genève. Le 12 octobre 1608.

CDLXXXVI

A MADAME DE MAILLARD, ANCIENNE ABBESSE DE SAINTE-CATHERINE (0

Souhaits de ferveur par le don du cœur à Dieu. N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui.

Annecy, 15 octobre 1608.

Un seul mot, ma très chère Fille. N'advoùés vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cœur ? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a donné. Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas donner comme tout mien ? Qu'a jamais, et le vostre qui est mien et le mien qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par son immense bonté, le sien est tout nostre. Je vous conjure, ma chère Fille,

(0 Jéronytne de Maillard, fille de Pierre de Maillard, baron du Bouchet, comte de Tournon, gouverneur de Savoie, etc., et de Claudine de Bellegarde, dame de Montagny, entrée à l'abbaye Sainte-Catherine du Semnoz, près An- necy, en devint l'abbesse en 1587, après Claudine de Villette, et fut remplacée par Claudine de Menthon. (Voir le tome précédent, note (4), p. 116.)

8o Lettres de saint François de Sales

d'aymer bien ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy. C'est ainsy que je vous chéris de toute mon ame, et suis Vostre serviteur très fidelle,

F. E. de G. XV octobre 1608.

Je sçai bien que vous aures des lettres sur le sujet du- quel vous me parlastes. La chère cousine (0 m'escrivit hier : ce sera un cœur tout d'or. Elle m'escrit deux motz d'un saint amour pour vous.

A Madame Madame l'Ancienne Abbesse de S*« Catherine.

Revu sur l'Autographe appartenanl à M. l'abbé Michaud, curé de Saint-Âlban, près de Chambéry.

( I ) M""= de Charmoisjr.

CDLXXXVII

a la baronne de chantal

Humilité du Saint; sa confusion et sa peine de se voir estimé. Se tenir dans l'indifférence.

Annecy, 28 octobre 1608.

Je ne sçaurois maintenant, ma chère Fille, respondre a vostre lettre du septiesme de ce mois, que je receus hier au soir bien tard ; car il faut que je die Messe et que j'aille visiter une église a une lieuë d'icy ('). Je diray ce que je pourray.

Ma Fille, je ne suis que vanité, et néanmoins je ne m'es- time pas tant que vous m'estimes. Je voudrois bien que vous me conneussies bien ; vous ne lairries pas d'avoir une absolue confiance en moy, mais vous ne m'estimeries guère. Vous diries : Voyla un jonc sur lequel Dieu veut que je m'appu3'e ; je suis bien asseuree, puisque Dieu le veut, mais le jonc ne vaut pourtant rien.

( I ) Il visita Met2 et Meythet.

Année 1608 81

Hier, après avoir leu vostre lettre, je me promenay deux tours avec les yeux pleins d'eau, de voir ce que je suis et ce qu'on m'estime. Je voy donques ce que vous m'estimes, et m'est advis que cette estime vous contente beaucoup : cela, ma Fille, c'est un idole. Or bien, ne vous fasches point pour cela ; car Dieu n'est pas offencé des péchés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible. Vos affections fortes s'addouciront tous les jours par les fréquentes actions de l'indifférence. Revoyés une lettre que je vous escrivis au commencement, de la liberté de l'esprit*. * Vide t. xii huj.

A Dieu, ma Fille très chère. Je suis celuy que Dieu ' P'^"^^'"'- rend tous-jours plus vostre.

Francs E. de Genève.

Le jour saint Simon et saint Jude, 1608.

CDLXXXVIII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

L'insensibilité et l'indifférence religieuse : définition de l'une et de l'autre ; celle-ci est un grand don de Dieu.

Annecy, 28 octobre 1608.

Madame ma très chère Fille et Commère,

Vous verres la lettre que j'escris a monsieur de Cis- teaux(0 et a madame vostre bonne seur (2). Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que j'ay, que j'appreuve infiniment l'indifférence que vous avés, tant en l'affaire de Bons( 3) qu'en toutes autres, puisque c'est en contemplation

(i) Nicolas Boacherat, en 1562, Religieux de Cîteaux, docteur en théo- logie de l'Université de Paris, prieur de Cîteaux, devint Général de l'Ordre en 1604. Il visita presque toutes ses abbayes, favorisa leur réforme, réunit cinq Chapitres généraux, de 160^ à 1633, et présida aux Etats de Bourgogne au nom de Henri IV et de Louis XIII. Il mourut le 8 mai 1623. François de Sales l'ayant rencontré à Dijon en 1608, avait reçu sa délégation pour s'em- ployer à la réforme de l'abbaye de Sainte-Catherine d'Annecy.

(a) Jcanne-Bonaventure de la Forest, Religieuse à Bons.

(3) L'abbaye de Bons, située près de Belley, en Bugey, fut fondée en 11^5

LlTTtlS IV (,

p. 80, not. (i).

82 Lettres de saint François de Sales

de la volonté de Dieu. Je n'ayme nullement certai- nes âmes qui n'affectionnent rien, et a tous evenemens demeurent immobiles ; mais cela, elles le font faute de vig-ueur et de cœur, ou par mespris du bien et du mal. Mais celles qui, par un' entière résignation en la volonté de Dieu, demeurent indifférentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car c'est un grand don que celluy la. Je vous dîrois mieux ceci de bouche ; mais vous l'entendres, je pense, asses ainsy que je le dis.

C'est une tentation, de vray, de vous amuser en l'oray- son a penser ce que vous aves a me descouvrir de vostre ame, car ce n'en est pas le tems. N'escrimés néanmoins point contre ces pensées, ains destournes-en tout belle- ment vostre esprit par un simple retour a l'object de vostre orayson.

Je vous escriray avec plus de loysir a la première ren- contre de commodité, car raaintenant il faut que je parte ♦VideEp.prœced., pouT aller faire la visite d'une parroisse*, et j'ay beau- coup de gens autour. Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma chère Fille, et le veuille enflammer de son saint amour. C'est luy qui m'a rendu pour jamais

Vostre très affectionné et fidelle serviteur,

F. E. de G. XXVIII octobre 1608.

(0 Monsieur de Charmoysi arrive ce soir en cette ville.

A Madame Madame de la Flechere.

Revu snr l'Autographe appartenant à M. Emile Roux, au château de Vogland

(Ain).

par Marguerite de Savoie, fille d'Amédée II de Savoie ; elle dépendait de l'abbaye de Saint-Sulpice, qui abritait des Cisterciens. En 1608, elle n'était déjà plus un lieu de prière, mais de scandales. « En ce lieu-la, » écrivait le Saint (s octobre 1609), « il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour i( les tendres âmes... » « L'affaire » dont il est question ici, doit se rapporter à ces tristes événements, auxquels semble avoir été mêlée l'Abbesse elle-même, alors Jeanne de Vignod (cf. le tome précédent, note (2), p. 248), et il s'agis- sait sans doute d'une tentative de réforme.

( I ) Cette ligne, qui paraît avoir été biffée par les éditeurs de 1626, est inédite. M. de Charmoisy revenait probablement de Turin, il avait accompagné le duc de Nemours, à l'occasion des mariages de Marguerite et d'Isabelle de Savoie.

Année 1608 83

CDLXXXIX

AUX SYNDICS, OU AUX MESSIEURS DU CONSEIL DE RUMILLY (O

L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration: difficultés de l'en- treprise ; encouragements à les vaincre. Affection du Saint pour la ville ; son humilité.

Annecy, 4 novembre 1608. Messieurs,

Je sçay que le desir de la restauration de vostre église parrochiale ne vous a jamais manqué. Mais il a néan- moins esté infructueux jusques a présent, ou soit que la générale condition de ce païs despuis plusieurs années vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union et liaison des espritz, si nécessaire a toute bonne entreprise, vous ayt defailly.

L'année passée (*), quand j'estois avec vous, il me sem- bla que ce dernier empeschement fust fort débilité, puis- que je vous vis presque tous consentans pour ce regard. Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte dévotion,, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrèrent pas en cette si digne délibération selon leur devoir ; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est néanmoins la pièce la plus requise a l'exécution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert.

Maintenant, il se présente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement désiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre ville, laquelle,

(i) Migne (tome VI, col. 1072) suppose que cette lettre a été adressée à « MM. du Conseil d^ Annecy . » C'est une erreur. L'objet dont elle traite, le post- scriptum qui la suit, ce que nous savons de l'histoire de Rumilly, tout persuade que les destinataires sont les Syndics, ou MM. du Conseil de cette ville.

( a ) Voir la note { i ) de la page suivante.

84 Lettres de saint François de Sales

au demeurant, n^en a que des bonnes. Il est vray que, comme en toutes les choses de ce monde il y a tous-jours moyen de faire naistre des difficultés, aussi se pourra-il faire qu'en celle-ci quelques uns en pourront susciter. Et pour cela je vous escris, vous conjurant, par vostre pro- pre bonheur et honneur, que vous consideriés beaucoup avant de refuser un si bon moyen de faire une chose si utile, si nécessaire et si désirable pour vostre ville, et sans laquelle, ou je me trompe en l'estime que je fay de vos âmes, ou vous ne pouves pas vivre contens ni consolés en vos consciences. Je me prometz que cette déclaration de mon affection aura quelque poids pour vous esmouvoir, comme considerans que je n'ay nul motif que celuy de la gloire de Dieu et de vostre bien spirituel, auquel, selon mon devoir et inclination, je suis extrêmement dédié, et je puis mesme dire que j'y suis tout sacrifié et immolé.

Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre postérité, que par des dissensions et variétés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie. Ainsy, puissies vous longuement tous jouir de la dévotion que cette restauration rendra a vos exercices spirituelz et des biens temporelz que Dieu vous en donnera en recompense. Je suis. Messieurs,

Vostre humble et très affectionné en Nostre Seigneur,

Franc*, E. de Genève.

A Neci, 4 novembre 1608.

Je m'essayeray de vous procurer un meilleur prédica- teur que celuy qui vous prescha l'année passée ( O, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.

( I ) Ce prédicateur dont le Saint fait si peu de cas, on devine bien que c'est lui-même. (Cf. le tome précédent, note(i), p. 377.) « L'année passée » veut dire ici, sans aucun doute, le Carême passé.

Année 1608 85

CDXC

A MADAME DE MIEUDRY(ï)

Les menoes pensées de vaine gloire et les mouches. Les larmes et les réso- lutions, «la tendreté de cœur et la fermeté de cœur « : choses bien différentes. Les pensées importunes. Ne pas tourmenter son âme.

Annecy, 6 novembre 1608. Madame,

Hasté du soudain despart de... (^) vostre porteur, je vous respondray briefvement. Escrives moy tous-jours quand il vous plaira, avec entière confiance et sans céré- monie ; car en cette sorte d'amitié, il faut cheminer comme cela.

Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pen- sées de vaine gloire qui se viennent présenter a vostrë ame parmi vos bonnes actions ; car ce ne sont propre- ment que des mouches, lesquelles ne- vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner. Ne vous amuses donq point a examiner si vous y aves consenti ou non ; mais, tout simplement, continues vos œuvres comme si cela ne vous regardoit nullement.

Ne poussés pas vostre cœur a la pitié ou compassion en la méditation de la Passion du Sauveur, car il suffit, en toutes méditations, d'en tirer de bonnes resolutions pour nostre amendement et fermeté en l'amour de Dieu, encor que ce soit sans larmes, sans souspirs et sans douceur de cœur ; car il y a bien de la différence entre la tendreté de cœur que nous desirons parce qu'elle console, et la fermeté de cœur que nous devons désirer parce qu'elle nous rend vrays serviteurs de Dieu.

Ne respondes non plus aucun mot a la pensée deshon-

(i) Gasparde de Cerisier, fille de Jacques de Cerisier, Elle épousa (contrat dotal de février i6oa) Sébastien Portier, seigneur de Mieudry, qui habitait Ru- milly. La destinataire mourut le lo octobre 1616.

( t ) Le nom qui manque a été laissé en blanc par le premier éditeur.

86 Lettres de saint François de Sales

neste qui vous arrive ; seulement, dites en vostre cœur, a Nostre Seigneur : O Seigneur, vous sçaves que je vous •Ps. cxTiii, 94. honnore ; ah ! je suis toute vostre* ; et passes outre, sans disputer avec cette tentation.

Ne vous troubles point du défaut de vostre examen de conscience, car il ne peut pas estre grand, puisque vous aves désir de vous bien purifier. Il ne faut pas tourmen- ter son ame, quand on la sent désireuse d'estre fidelle a Dieu. Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne faut pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui confesse ou absout ; mesme- ment, vous confessant souvent comme vous faites.

Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur. Je suis en luy, Madame,

Vostre

A Neci, 6 novembre 1608.

CDXCI

A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD (0

Recommandations pressantes de garder son cœur, de le mortifier et de le tenir en même temps dans la joie. Messages.

i6 novembre 1608.

Madamoyselle,

Le seul désir que j'ay que vous sachies que mon cœur chérit le vostre me fait escrire ces trois motz. Conserves

(i) Jeanne-Charlotte de Bréchard, née en 1^80 et vraisemblablement au château de Vellerot, non loin de Beaune, descendait de deux nobles familles de Bourgogne, les Bréchard et les Machecop. Orpheline dès le berceau, négli- gée et parfois tristement délaissée par son père, elle mena pendant plus de vingt ans, parmi toutes sortes de périls, une existence souffrante et humiliée. Heureusement, elle rencontra la baronne de Chantai, et, par sa vertu et par ses malheurs, s'en fit aimer. Qui sait même, si d'être la proche parente de M. d'Anlezy, le meurtrier de M. de Chantai, ne lui valut pas un surcroît d'obli- geantes amitiés de la part de la veuve magnanime ? Un jour, et par l'entre- ~ mise de celle-ci sans doute, François de Sales prit sa conduite. Ce fut pour M la noble demoiselle un jour béni; dès lors, elle trouva la paix et connut sa vocation. Le 6 juin 1610, elle s'enfermait dans la maison de la Galerie, à

Année 1608 87

le bien, ce cœur, pour lequel le cœur de Dieu fut triste

jusques a la mort*, et, après la mort, transpercé par 'Matt., xxvi, 38.

le fer *, affin que le vostre vive après la mort et soyt joyeux * Joa°-. «ix, 34.

toute sa vie. Mortifies le bien en ses joyes, et le res-

jouisses en ses mortifications (0.

Resouvenes vos petites damoyselles (2) de moy, et principalement ma Marie Aymee que je tiens pour toute mienne. Je suis,

Madamoyselle,

Vostre très asseuré serviteur en Nostre Seigneur,

F. E. de G. XVI novembre 1608.

Je vous escrivis l'autre jour par l'homme de M°" du Puy d'Orbe, et au bon M. de Lacurne que je vous prie saluer de ma part.

A Madamoyselle Madamoyselle de Brechard.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Mérona, au château de Mérona

(Jura).

Annecy, pour y commencer avec sa protectrice et Marie-Jacqueline Favre, l'Institut de la Visitation. Après son oblation (6juini6ii), elle fonda le Monas- tère de Moulins (le troisième de l'Ordre, 1616), de Nevers (1620), et en der- nier lieu, celui de Riom (1633), elle mourut le 18 novembre 1637.

Par sa droiture d'esprit, par son activité féconde et son admirable simplicité de cœur, la Mère de Brechard est bien de la sérieuse et forte race des fonda- trices. Eloquente, enjouée, elle a fait des cantiques dont quelques-uns ne sont pas dénués de grâce ; il semble même qu'elle avait l'intelligence des Saints Livres. Mais une faveur plus rare et plus haute fut accordée à la troisième Religieuse de la Visitation. Longtemps la corruption respecta son corps; des guérisons notables auraient été obtenues par son aide et par ses prières ; il fut même sérieusement question, en 1709, de commencer le Procès de sa Béatifi- cation. (Cf. Les Vies de quatre des premières Mères, par la Mère de Chaugy (Paris, 189s), et La Visitation Sainte-Marie de Riom et Jeanne-Charlotte de Brechard, par E. Everat ; Riom, 1901, 2""^ édit.)

(i) Les deuxième et troisième phrases de ce billet ont été interpolées par les éditeurs de 1626, dans une lettre qui sera donnée plus loin ; le reste est inédit.

(3) Les trois filles de la baronne de Chantai.

88 Lettres de saint François de Sales

CDXCII

A LA BARONNE DE CHANTAL

(fragment)

Amiable partage de biens pour faciliter le mariage de Bernard de Sales.

1 6 novembre ( i ) 1 608.

Jamais nostre la Thuille ne m'a tant contenté que dans ce partage des biens que nous avons fait amiable- ment cette semaine entre mes frères. En fin nostre Marie bienaymee sera baronne de Thorens(*). Mais tout cela s'est passé si paysiblement et si chrestiennement, que j'en suis tout a fait édifié et consolé

(i) D'après une pièce authentique, le partage avait été fait le 14 novembre. Comme le 16 était un Dimanche, il résulte du texte même du fragment que celui-ci a été écrit ce jour-là même.

(s ) Pour obliger ses enfants à vivre ensemble, M. de Boisy avait décidé par testament, que les biens resteraient indivis; que le partage, s'il devenait un jour nécessaire, serait fait par François de Sales, mais que Bernard, cadet de la maison, aurait le premier choix, et ensuite les autres ; si bien que la part qui resterait devait échoir au frère aîné. Ainsi fut fait. Bernard de Sales choisit pour sa part la maison paternelle, et devint baron de Thorens et seigneur de Sales. Cette distribution plus qu'égalitaire n'agréa pas tout d'abord aux aînés, qui s'en croyaient lésés ; mais la sagesse désintéressée de Louis, seigneur de la Thuille, intervint et les apaisa. Les lignes de ce fragment se rapj. ortent sans doute à cet épisode. (Voir de Hauteville, La Maison naturelle de S* Fr. de S. (Paris, 1669), Partie II.)

Ici le Saint a de la peine à contenir sa joie ; pour la comprendre, il faut savoir que ces arrangements facilitaient le mariage de son jeune frère, et par suite, donnaient plus de jour à la retraite de M<°« de Chantai en Savoie. Le projet de l'Institut se précisant de plus en plus, il fallait bien songer à son établissement.

i

Année 1608 89

CDXCIII

A MADAME DE LA CHAMBRE, RELIGIEUSE DE L' ABBAYE DE BAUME ( ï )

Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après souper. Le moyen d'être consolée pour cette vie et pour l'autre. Messages divers.

Annecy, 24 novembre 1608.

Madame ma très chère Nièce,

Vous ne sçauries m'obliger davantage que de prendre la confiance que vous aves en moy, qui aussi vous chéris et honnore avec toute la fidélité que vous pouves désirer. Vous faites dignement de donner a monsieur vostre frère (*) toute la satisfaction que vous pouves, puisqu'il vous tesmoigne tant de son amitié, et, puisqu'il le désire, c'est bien fait de vous tenir tout le jour occupée aux ouvra- ges. Mais quant a remettre vos Vespres jusques a ce que vous vous retiries le soir après souper, oh ! ma chère Nièce, je ne vous le conseille pas. Non point que ce soit grand péché, car tout au plus il n'est que véniel ; mais par ce que ce sera plus d'édification pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoi- gne bienaymee. Pour les autres suffrages des trespassés,

( I ) Louise de Seyssel, née de François de Seyssel-la-Chambre, marquis d'Aix, lieutenant-général au gouvernement de Savoie, et d'Isabelle de la Roche-Andry, demoiselle d'honneur de la duchesse de Savoie. Elle entra en 1603 à l'abbaye de Baume-les-Dames (voir le tome précédent, note ( i ), p. no), et mourut à Chambéry, le 30 avril 1652. Le Saint lui avait offert un exem- plaire dtV Introduction à la Vie dévote (la 3"* édition, 1610). Voir notre tome III, note (s), p. Lxii.

(3) Louis de Seyssel, baron de Meillonnas, marquis d'Aix, vicomte de Mau- rienne, maréchal de camp, chevalier de l'Ordre de TAnnonciade (1018), fut le continuateur de sa race. Après la mort de Gasparde-Juliane de Mouxy, sa première femme, il épousa, le 8 août 1633, Adrienne-Françoise de Grammont, veuve de Jean Fournier de Marcossey, baron d'Haussonville, et mourut à Aix, le 33 janvier 1650.

90 Lettres de saint François de Sales

vous pouves bien ne les point dire du tout, car vous n'y estes nullement obligée ; si que vous pouves, sans scru- pule, les laisser.

Soyes tous-jours bien dévote, ma chère Nièce, et croyes que c'est le seul moyen de recevoir toute consolation Cf. I Tira., IV, 8. pour cette vie et pour l'autre*. Jerecommanderay a Nostre Seigneur madamoyselle vostre seur (O, affin quil la con- duise selon vostre désir. Je vous supplie de resaluer madame vostre belleseur (») de ma part et de l'asseurer de mon service.

Si j'avois autant de liberté que je souhaiterois, vous ne tarderies guère a me voir ; mais, ne pouvant mieux, je vous visite souvent en esprit, désirant en vostre cœur abondance de l'amour divin. Vives joyeuse. Madame ma chère Nièce, puisque vous aves bonne volonté d'estre toute a sa divine Majesté, pour laquelle je suis très affec- tionnement,

Vostre oncle et serviteur très asseuré,

Franc», E. de Genève. XXIV novembre 1608.

A Madame Madame de la Chambre,

Religieuse de Baume. AAix(3).

Revu sur l'Autographe conservé au Grand-Séminaire de Besançon.

( I ) Sans doute Marguerite de Seyssel, qui épousa (par contrat signé à Cham- béry le a8 mai 1613) Charles, comte de la Forest. Elle testa le 33 août et le 10 décembre 1655, et fut ensevelie en l'église de Sainte-Claire, à Chambéry.

(2) Gasparde-Juliane de Mouxy, fille de Georges de Mouxy, conseiller et chambellan du duc de Savoie, et de Louise de Seyssel-la-Chambre, épousa en avril 1606, Louis de Seyssel (cf. note (2) de la page précédente); mais elle ne vécut pas longtemps. (Voir La Maison de Seyssel (Grenoble, 1900), tome I*'.)

(3) Aix en Savoie, Louis de Seyssel, frère de la destinataire, avait un château.

Année 1608 91

CDXCIV

A LA BARONNE DE CHANTAL '

(fragment)

Anniversaire d'ane consécration épiscopale. Sentiments de François de Sales à propos de cet événement.

Annecy, 7 décembre 1608.

Ma très chère Fille,

Je m'essaye de faire un très grand renouvellement pour mon ame, parce qu'il y a demain six ans que Dieu m'osta au monde et a moy mesme pour me donner a son Eglise et a ses brebis. Vous sçaves que c'est le jour de ma consé- cration épiscopale. Ah, ma Fille, qu'il me fit alhors de grâces, ce gfrand Dieu, et que j'en ay mal prouffité ! Mais, vive sa bonté et son amour! je vay commencer tout a cette heure a le bien servir, moyennant l'ayde de sa gra.ce.

Revu snr le texte inséré dans le II" Procès de Canonisation.

CDXCV

A MADEMOISELLE DE TRAVES(0

Témoignages d'affectueux dévouement. Ingénieuse manière de demander à une âme chrétienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu.

Annecy, 18 décembre 1608. Madamoyselle, Mon frère (2), qui va la, vous dira peut estre que je vous

( I ) Probablement Claude du Plesseys, fille de Jean du Plesseys et de Louise de Vieil-Châtel, qui avait épousé le 34 juin 1598, Jean II de Choiseul de Traves. Celui-ci mourut en octobre 1605, laissant i sa veuve trois enfants et la tut.'Iie de cinq fils et d'une fille qu'il avait eus de Barbe de Chastellux, sa première femn;ie. (Cf. La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la. Noblesse, 1770-1786, art. Choiseul.) Voir le tome précédent, p. 233, et ci-après, la lettre du 18 avril 1609 i la même.

(s) Bernard de Sales (voir ci-après, note (s), p. 93).

92 Lettres de saint François de Sales

chéris et honnore bien fort ; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je désire que vous sçachies que c'est mon cœur qui a vraye- ment ce sentiment-la : c'est pourquoy je l'escris ainsy de ma main et de mon cœur.

Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affec- tions et qui dompte toutes les passions de vostre cœur ? Oh je n'en doute nullement ; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme chèrement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur. On demande si souvent : Vous portes-vous bien ? encor que l'on voye ceux qu'on interroge en fort bonne santé. Ayés donques aggreableque, sans desfiance de vostre vertu et constance, je vous demande par amour : Aymes-vous bien Dieu, Madamoyselle? Si vous l'aymes bien, vous vous plaires a le considérer souvent, a parler souvent a luy et de luy, a vous reunir souvent a luy au très Saint Sacrement. Qu'a jamais puisse-il estre nostre propre cœur, Mada- moyselle !

Je suis en luy,

Vostre serviteur bien humble,

Franc*, E. de Genève. i8 décembre 1608.

^

Année 1608 93

CDXCVI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Départ de Bernard de Sales pour la Bourgogne. Souhaits et actions de grâces à propos de son mariage. Le Saint déplore les dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui Ta gardé de l'erreur dès son jeune âge. Les saints Pères et l'hérésie. Un ministre converti. « Madamoyselle de Perdreauville » et sa famille. La manière de prêcher contre les hérétiques.

Annecy, 18 ou 19 décembre 1608 ( i ).

Mais dites donq la vérité, ma très chère Fille, ne voyci [pas] une extravagance, que mon frère ( ^ ) partant pour aller auprès de vous, je n'aye pas loysir de vous escrire qu'a demy ? Or sus, voyia quil s'en va avec un cœur tout vostre et désireux de vous obéir en tout ; car, comme je luy ay recommandé, il traittera de toutes choses avec vous, en l'entière confiance et obéissance qu'un humble et doux enfant doit rendre a sa bonne et chère mère, et en tout suivra vos advis. Dieu soit loué a jamais ! Je ne puis révoquer en doute que ce mariage ne soit son prouffit, puisque luy en ayant si purement remis et recommandé l'événement, il l'a conduit a ce terme. Qu'a jamais il veuille en maintenir le lien intérieur, et longuement l'extérieur.

Helas, ma Fille, que c'est un dur passage a mon esprit, de passer de ce mariage a la dissolution de celuy que la pauvre damoy selle de Bareul (3) avoit fait avec son Dieu !

(i) La date du 2 décembre 1609, donnée par l'édition de 1626, est inexacte; la nôtre est justifiée par le texte. L'allusion formelle à la fête de saint Thomas (voir la page suivante) indique le jour, et c'est le voyage du gentilhomme, porteur de cette lettre, qui sert à préciser l'année.

Le texte entier de cette page est inédit.

{2) Bernard de Sales, qui se rendait en Bourgogne pour son contrat de mariage avec Marie-Aimée de Chantai. Ce contrat fut signé à Thoste, le 3 janvier 1609.

(3) La sympathie attristée du Saint sur le malheur de la « pauvre daraoy- selle » éveille notre curiosité ; mais l'histoire détaillée de la « pauvrette » et de son mari, qu'il serait si intéressant de connaître, s'est dérobée jusqu'ici i nos recherches. Nous savons seulement que Marie de Rabutin, fille de Jean de Rabutin et cousine germaine du mari de la baronne de Chantai,

94 Lettres de saint François de Sales

La pauvrette se veut donques perdre avec son mary. Les Confessions de saint Augustin et le chapitre que je luy montray passant vers elle, devoyent suffire pour la retenir, si elle n'estoit lancée a son précipice que par les consi- dérations qu'elle allègue. Dieu, au jour de son grand jugement, se justifiera contre elle et fera bien voir pour-

Ps. xLi, 8. quoy il l'a abandonnée. Ah ! un abisme en tire un autre*.

Je prieray Dieu pour elle, et spécialement le jour de saint Thomas, que je conjureray, par son heureuse infidélité, d'intercéder pour cette pauvre ame si malheureusement infidelle.

Quelles actions de grâces devons nous a ce grand Dieu, ma chère Fille ! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et floùet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce mal- heureux mal : o Dieu, quand je pense a ce bénéfice, je tremble d'horreur de mon ingratitude. Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces âmes, car Jésus Christ a qui elles estoyent plus chères, ne les laisseroit pas aller après

Cf. Rom., 1, 28. leur sens *, si sa plus grande gloire ne le requeroit. Il

est vray que nous les devons regretter, et souspirer pour •IlReg.,xvin,9-33, elles comme David sur son Absalon pendu et perdu *. *' ^' Il n'y eut pas grand mal, non, en ces desdains que

vous tesmoignastes parlant avec elle. Helas ! ma Fille, on ne se peut contenir quelquefDis en des accidens si dignes d'abhorrissement. Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Pères en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie.-

L'autre jour, de grand matin, un homme grandement" docte et qui avoit esté ministre long tems, vint me voir,

épousa Eraste de Vins, seigneur de Bareuil. Si cette personne est celle dont parle saint François de Sales, il avait pu la voir lors de son voyage en Bour- gogne quelques mois auparavant.

Année 1608

et me racontant comme Dieu l'avoit retiré de Theresie : « J'ay eu, » ce me dit il, « pour catéchiste le plus docte Evesque du monde. » Je m'attendois qu'il me nommast quelqu'un de ces grandes renommées de cet aage, et il me va nommer saint Augustin. Il s'appelle Corneille (0, et maintenant fait imprimer un beau et digne livre pour la foy (*). Il n'est pas encores receu a l'Eglise, et m'a donné espérance que ce sera moy qui le recevray. Je n'ay jamais veu homme si docte de ceux qui sont hors de l'Eglise. Helas, le bon homme s'en alla satisfait d'avec moy, disant que je l'avois caressé amoureusement et que j'avois le vray esprit de chrestien. (3) Je croy bien qu'il adjousta que je n'estois pas des plus doctes, mais on ne me le dit pas. Mon Dieu, ma Fille, que dis-je ? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous parler comme entre nous deux. Je voulois dire que ces anciens Pères ont un esprit qui respire contre l'heresie, es pointz mesmes esquelz ilz ne disputent pas contre elle.

(i) Jean Corneille, à Noves en Provence, quitta l'habit religieux, vint i Genève pour y étudier, en 1581, et après quelques années fut élu ministre d'Orange (1586). Suspendu en raison de sa conduite qui l'avait rendu suspect, il dut comparaître le 8 octobre 1592 devant le consistoire de Nîmes. Ses répon- ses et son adhésion écrite à la confession de foi semblèrent dissiper la méfiance de ses juges et le firent réintégrer dans ses fonctions. Mais au mois d'avril 1596, son attitude et ses relations avec les Jésuites d'Avignon excitèrent de nouveau les alarmes des pasteurs, et bientôt, son refus de comparaître une deuxième fois devant eux, les persuada qu'il était retourné au papisme. A partir de ce moment, on perd la trace de l'ancien ministre jusqu'en mai 1608. On le trouve alors à Paris, faisant visite à un de ses bons amis, Pierre de l'Estoile, et lui exposant un plan de réunion des églises. (Voir Mémoires-Journaux de Pierre de l'Estoile, mai 1608.) La présente lettre nous avertit qu'il était à Annecy à la fin de cette même année. Curieuse figure que celle de ce provençal érudit, à l'âme inquiète et remuante, tour à tour l'ami du célèbre chroniqueur pari- sien et de François de Sales I

C'est la lecture du Traité de l'Eglise de du Plessy-Mornay, « le pape des huguenots, » qui lui aurait ôté la foi ; mais si « le plus docte Evesque du monde » le catéchisa, n'est-ce pas le plus aimable et le plus persuasif des Evêques qui sans doute le convertit ? (Cf. Haag, La France protestante, 1884.)

(2) Ce doit être l'ouvrage mentionné par l'Estoile (ibid., a juin) : Joannis Cornelii provincialis Encyclopœdia (hoc est universa Institutio atque

disciplina sacro-sanctce christiance et catholicœ Religionis), in qua contra tela mali illius ignita rabidorum videlicet crescentes in dies errorum deformitates et damnatorum mornm corruptelas, verœ sapientiœ ac Religionis puritas defen- ditur et armatur.

(3) Les quatre lignes suivantes sont inédites.

96 Lettres de saint François de Sales

Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommée madamoyselle Per- dreauville, qui estoit venue par curiosité ; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'ins- truire, et dans trois semaines après, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en la Confirmation (0. Voyes vous, ce sermon la, qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit néanmoins contre l'heresie, car Dieu me donna Ihors cet esprit en faveur de ces âmes. Despuis j'ay tous-jours dit que qui presche

(i) M. de Raconis était aussi seigneur de Perdreauville ; il eut quinze enfants de trois mariages successifs. C'est pour avoir ignoré ces deux particu- larités, que la plupart des historiens ont mêlé au récit de cette conversion beaucoup d'inexactitudes.

François d'Abra de Raconis, d'origine piémontaise, naturalisé en 1549, seigneur de Neuville, de Perdreauville et d'Havelu, ambassadeur en Suisse pour le roi, etc., épousa en troisièmes noces Rachel Bochart. C'est cette âme obstinée dans le calvinisme, qui se rebella contre la grâce jusqu'au jour elle fut pjise dans les filets du grand convertisseur, et avec elle, sa maison, com- posée d'une vingtaine de personnes. L'événement fit grand bruit à la cour et dans la capitale. On connaît le mot du cardinal du Perron, cité par Charles- Auguste (Histoire, etc., liv. V) : « Sire, il s'en est peu fallu que je n'aye jette tous mes livres de controverse au feu, quand j'ay sceu que ces messieurs de Raconis, à la conversion desquels j'ay pris tant de peine, avoyent abjuré l'heresie entre les mains de Monsieur de Sales, Evesque de Genève (i). »

Trois membres de la famille de Raconis sont surtout connus dans l'histoire religieuse du temps : Matthieu de Raconis, du deuxième mariage de Fran- çois d'Abra, se convertit en 1593, entra en 1595 chez les Capucins, il devint célèbre sous le nom du P. Ange ; trois de ses soeurs abjurèrent dans le même temps ; la quatrième, plus opiniâtre, fut amenée à la foi par M. de Bérulle. Celui-ci n'étant pas encore prêtre, la confia au P. Benoît de Canfeld et ensuite à M"* Acarie. Entrée au Carmel, non sans de grandes difficultés (cf. Mémoire sur la fondation... des Carmélites (Reims, 1894), t. II, p. 177), elle reçut le voile et le nom de Claire du Saint-Sacrement, au monastère de Pontoise, elle mourut en 1666. Le troisième personnage, Charles-François de Raconis, neveu du P. Ange, se trouvait au nombre des convertis et des filleuls spirituels du Saint, et mourut en 1646 évêque de Lavaur, après s'être distingué par ses travaux et ses ouvrages de controverse.

(Cette note s'inspire en grande partie des renseignements du P. Edouard d'Alençon, érudit aussi consciencieux que bien informé. Voir Annales Fratt' ciscaines,]\iirx 1888 : « Deux Saints François. »)

(1) Le même Cardinal disait encore du Saint : « Si vous voulez que je les convainque (les hérétiques), j'espère, avec l'aide de Dieu, que la doctrine qu'il m'a' donnée pourra aisément faire cela; mai» si vous voulez les convertir, menez-les à Monsieur de Genève^ auquel Dieu.» baillé eeste vertu, que tous ceux ausquels il parle s'en retournent convertis. » (Ibid.)

Année 1608 97

avec amour presche asses contre les hérétiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre eux ; et c'est pour dire qu'en gênerai, tous les escritz des Pères sont proptes a la conversion des hérétiques.

(0 O mon Dieu, ma chère Fille, que je vous souhaitte de perfections ! Une pour toutes : cette unité, cette sim- plicité. Vives en paix et joyeuse, ou au moins contente, de tout ce que Dieu veut et fera de vostre cœur. Je suis en luy et par luy, tout vostre.

Franç% E. de Genève. Le ... décembre

A Madame Madame la Baronne de Chantai.

Revu sur le texte inséré dans le I*"" Procès de Canonisation.

(1) Cette fin de lettre, qui manque dans le Procès de Canonisation, est empruntée à l'édition de i6i6.

CDXCVII

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITSD'ORBE

Le Saint demande à l'Abbesse de ses nouvelles. Conseils divers. Le moyen de tirer profit de ses infirmités. Exhortation à la dévotion. Assurance de dévouement.

Annecy, 19 décembre 1608.

C'est grand cas, ma chère Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de Dijon, ni de Bourbilly, sinon l'autre jour madame de Chantai qui me dit qu'elle vous iroit voir. Mais que faites vous donq, chère Fille? Voyci la cinquies- me lettre que je vous envoyé despuis mon retour : penses vous pas que ce soit a bon escient que je suis vostre père? Voyes vous, escrives moy un peu souvent, et envoyés a commodité vos lettres a Dijon et a Montelon, car je les recevray tous-jours asses ; et si vous ne pouves pas m'escrire (car je m'imagine que cette mauvaise jambe

Lbttms IV 7

98 Lettres de saint François de Sales

vous tient souvent au lit), faites que cette bonne seur (O m'escrive pour vous.

Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre ! Faites bien vostre prouflfit de vos travaux, rendes-les fruc- tueux par une volontaire acceptation des croix que la nécessité vous impose. Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de dévotion ; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu. Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles qu elles vous entretiennent de Dieu.

J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours je prie pour vous ; et certes, mon cœur vous chérit très parfaittement en Joan., XIX, 34. Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé sur la croix*. Dites vous pas tous-jours : Vive Jésus ? Ouy, ma Fille très chère, qu'a jamais ce grand Jésus vive et règne en nos âmes ! Amen.

Je salue toutes vos chères Seurs, et a part la nostre ('). Mon frère le chanoyne (3) n'est pas icy ; je m'asseure quil vous escriroit ; car et luy et toute nostre mayson est dédié a vostre service.

xviiii décembre 1608.

A Madame Madame l'Abbesse du Puy d'Orbe.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitatioa du Mans.

( I ) VL"" de Chantai.

(3) Françoise Bourgeois, prieure du Puits-d'Orbe.

(3) Jean-François.

Année 1608 99

CDXCVIII

A MADAME DE ROCHETTE, RELIGIEUSE DE l'aBBAYE DE SAINTE-CATHERINE (0

(inédite)

Un sajet inépuisable de correspondance. Le Saint envoie à la destinataire des chansons spirituelles.

Annecy, 28 décembre 1608.

Vous faites bien, ma chère Fille, de m'escrire quel- quefois sans sujet particulier, mais avec le seul gênerai que Jésus Christ et sa dilection, unique lien de nos cœurs, vous fournira tous-jours. Sans doute que Dieu vous con- solera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves faitte de ne vivre que pour luy. Continues donq courageusement, chère Fille, et demeures invariable en ce divin propos.

Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse (^), et ne sçay comme elle ne les vous a données. Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees ; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre

(i) Péronne de Rochette, fille de Charles de Rochette et de Françoise- Marie de Chevron-Villette, entra à Sainte-Catherine et prit l'habit de novice le 4 mars 1607. Aidée par les avis du saint Evêque, elle se distingua bientôt par sa ferveur, et plus tard, quand parmi ses compagnes, un groupe se forma pour embrasser décidément une vie religieuse plus exacte, elle donna son nom. Elle eut l'occasion de se lier avec la baronne de Chantai et d'en recevoir de précieux conseils pour sa conduite spirituelle. Les particularités de cette lettre semblent se référer à son histoire et la désigner comme destinataire. (Voir Grossi, La Vie de la Vble Mère de Ballon (Annecy, 1695), et Mugnier, Hist. de l'ahbaye de Ste-Caf/terine ; Chambéry, 1886.)

(3) La « porteuse >>, si la lettre s'adresse à Péronne de Rochette, pourrait être Marie-Aimée de Blonay, qui était venue passer les fêtes de la Noël i Annecy pour y entendre les prédications de François de Sales. (Cf. ci-après, note (i ), p. loi.)

loo Lettres de saint François de Sales

vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours. Amen. Je suis en luy,

Vostre très affectionné et fidelle serviteur,

Francs E. de Genève.

28 décembre 1608.

Si vostre bonne Mad" (sic) ( ' ) me fait la consolation de venir me voir, faites-le moy sçavoir, je vous prie, affin que je la reçoive plus a propos, et vous aussi.

A Madame de Rochette.

Revu sur une copie conservée à la Visitation de Montélimar.

( I ) Cette « bonne Mad^ » serait-ce l'Abbesse du monastère, Claudine de Menthon, ou Claudine de Rochette? Celle-ci était sœur de Pérbnne; Reli- gieuse comme elle à Sainte-Catherine, elle contraria souvent, par son tem- pérament un peu rude, l'humeur plus douce de sa cadette. L'abbaye l'avait pour prieure le i*"' août 16:22; c'est peu de temps après, que les généreuses dissidentes, et Péronne parmi elles, allèrent fonder à Rumilly un asile plus régulier et plus fervent. (Voir les ouvrages indiqués à la note ( i ) de la page précédente.)

CDXCIX

A M. CLAUDE BRETAGNE (0

Souhaits de courtoisie à un magistrat à la fin d'une année. Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister.

Annecy, 28 décembre 1608, Monsieur,

Cette année, qui se passe en ces deux jours suivans, me sera mémorable pour avoir en icelle receu le bien de

(i) Claude Bretagne, conseiller du roi au Parlement de Bourgogne, com- missaire aux requêtes du Palais, lieutenant-général au bailliage d'Auxois, sei- gneur de Benoisey, etc., avait cessé de vivre en 1622. Sa femme, Claude de la Plume, lui survécut. (Archiv. départ, de la Côte-d'Or.) Une petite-fille du destinataire, Reine-Françoise, entra à la Visitation de Dijon. (Voir YAnnée Sainte, tome IV, p. 642.)

Année 1608 101

vostre amitié et connoissance. Avant donq qu'elle finisse, je me veux ramentevoir en vostre souvenance, et vous supplier de me conserver en cette nouvelle année venante le mesme bonheur que vous m'aves donné en celle cy. Elles s'en vont bien viste, ces années, et nous vont ravis- sant après, ou plustost avec elles ; mais que nous en doit- il chaloir, puis que, moyennant la miséricorde de Dieu, elles nous vont fondre et abismer dedans une profonde éternité ?

Je suis toute ma vie, Monsieur,

Vostre bien humble serviteur.

Francs E. de Genève. 28 décembre 1608.

A Monsieur

Monsieur Bretaigne,

Conseiller de Sa Majesté au Parlement de Bourgoigne.

A Dijon.

D

A LA BARONNE DE CHANTAL (fragment)

Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des âmes d'élite. Une prétendante ; estime qu'en fait le saint Evêque.

Annecy, fin décembre 1608.

Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein ; il nous prépare des âmes d'eslite. Madamoy- selle de Blonay, de laquelle autrefois je vous ay parlé, m'a declairé son désir d'estre Religieuse ('); Dieu l'a

( I ) Comme François de Sales devait prêcher en sa cathédrale les fêtes de Noël, l'Abbesse de Sainte-Catherine, invitée par M""* de Charmoisy, descendit à Annecy pour l'entendre, accompagnée de quatre Religieuses et d'autant de

102 Lettres de saint François de Sales

marquée pour estre de la Congrégation. Je luy ay dit de me laisser gouverner son secret, et je me veux rendre bien soigneux de servir cette ame en son inspiration, car Dieu m'a donné quelque mouvement particulier la dessus. Je tiens des-ja cette fille pour vostre et pour mienne.

pensionnaires. Parmi ces dernières, se trouvait Marie-Aimée de Blonay. La jeune fille, qui songeait à la vie du cloître, découvrit avec une joie candide tous ses sentiments à l'ami vénéré de sa petite enfance, car le Saint l'avait connue presque dès le berceau, durant son apostolat en Chablais. Il la fit « pro- mener avec luy plus d'une heure dans la salle joignant sa chapelle... Durant ce tres-sainct et tres-aimable entretien, » ajoute-t-elle, « mon ame fut saisie de nouveaux sentimens de la présence divine et de ses Anges. » C'est dans ce pieux colloque que l'Evêque tourna les pensées de l'angélique enfant vers la Congrégation qui allait naitre.

Les lignes de ce fragment de lettre ont été écrites à cette occasion et portent ainsi leur date. (Voir Ch.-Aug. de Sales, La Vie de la Mère Marie Aymée de Blonay (Paris, 1655), chap. i, 11.)

FRAGMENTS

DE

LETTRES A LA BARONNE DE CHANTAL 1605-1608(1)

DI

Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. Le crucifix matériel et le vrai Crucifix. Comment s'accuser en confession. La simplicité, l'amitié, la petitesse. Que faire quand il arrive des pensées mauvaises.

Le tems que nous déterminons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensée libre et des- occupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arri- vent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est. plus a nous ; et encor que vous y senties vostre misère, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse*, pensant que vous *Cf. iiCor.,uit. 9. estes une vrayement bonne besoigne pour la miséricorde , ^^ ^^^ ^^^^^ de Dieu*. p- 366.

(i) En 160^, la baronne de Chantai commença à transcrire dans un petit livret, des extraits des lettres qu'elle recevait de saint François de Sales. (Cf. Mémoires de la Mère de Chaugy, Partie III, chap. xv.) L'original de ce recueil n'a pas été retrouvé. II en existe toutefois plusieurs copies. Les fragments donnés ici proviennent d'un ancien Ms. in-n gardé à la Visitation d'Annecy, lequel contient, avec une partie du « petit livret, » V Histoire de la Galerie, etc.

Les passages que nous reproduisons ont paru pour la plupart dans le tome II des Œuvres de sainte Jeanne-Françoise de Chantai (Paris, Pion, 1875). D'une longue et minutieuse étude, il ressort qu'ils appartiennent à des lettres écrites de 1605 à i6o8 ; mais comme la vénérée Fondatrice n'a pas cru devoir s'astrein- dre à une transcription scrupuleuse, et que d'ailleurs notre copie n'est pas de première main, il n'est pas possible de garantir absolument l'intégrité de ces morceaux. C'est cette difficulté qui a persuadé de les grouper ensemble et de les insérer à cette place.

Certains fragments nous ont paru inédits; nous les indiquons, mais sous toutes réserves,

I04 Lettres de saint François de Sales

b) Quand on fait les Religieuses professes, on leur met un crucifix matériel entre les bras ; mais moy, ma Fille, je vous donne le vray Crucifix, C'est vostre Espoux. Portés le entre vos bras et que vostre ame le tienne bien serré et n'abandonne point le pied de la Croix, luy donnant vostre cœur souventes fois le jour.

c) (i) Je vous recommande de vous accuser en confession clairement, franchement et simplement, et ne vous em- presses point pour vos confessions, pourveu que vous gar- dies cette fidélité a Dieu, de ne point retenir ni excuser vos péchés : Non, non, mon Sauveur, deves vous dire, jamais je n'oublieray vos volontés, car enicelles, vous

* Ps. cxviii, 93. m'aves justifiée *.

Vuides vostre cœur de toute image des choses corpo- relles, et simplifies vos actions et vos paroles, tant que vous pourres. Que vostre amitié soit cordiale et sincère et sans flatterie- Faites vous fort petite a vos yeux : c'est la

- Cf. tom. praeced., vrayc grandeur des vef ves *.

P" '^'* Quand il vous arrivera des pensées mauvaises et que

vous vous en appercevres, faites un acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le tems a vouloir

•Cf.infra, p. lu. rien rechercher, mais passes outre*.

Il est bon de représenter ses nécessités a Dieu par un simple regard, et l'invoquer au commencement de toutes vos actions. Penses que le doux Sauveur est assis dans vostre cœur comme en son throsne, et le regardés souvent, vous humiliant fort devant luy.

Je désire que vous soyes extrêmement humble ; que vostre cœur soit fort clair et ouvert, et sans réserve en mon endroit.

( I ) La phrase suivante paraît inédite.

Années 1605-1608 105

DU

Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain. Comment réprimer les défauts de nos inférieurs. Aveu du Saint. Les vainqueurs du mal.

(0 Quand le saint patriarche Joseph renvoya ses frères d'Egypte pour amener Jacob leur père, il leur donna cet advis : Ne vous courroucés point en chemin *. Je vous * Gen., xlv, 54. dis de mesme : Cette misérable vie n'est qu'un achemi- nement a la bienheureuse ; ah ! ne nous courrouçons point en chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement. Ne recevés pas les prétextes que l'amour propre suggère pour excuser le courroux, car saint Jac- ques dit tout net * : L'ire de l'homme n'opère point la * Cap. r, ao. justice de Dieu ; combien moins celle de la femme. Et aussi, Nostre Seigneur a formé toute sa doctrine en ces motz : Apprenes de moy que je suis doux et humble de cœur "'. Bref, le sucre ne gaste nulle sauce. * Matt., xr, 39.

Il faut résister au mal et reprimer les vices de ceux qui sont en nostre charge, puissamment, vaillamment, mais doucement, paisiblement. Rien ne matte tant l'ele- phant que l'aigneau, et rien ne rompt tant la fureur du canon que la laine. Je ne me suis mis en cholere, pour justement que ç'ayt esté, que je n'aye reconneu par après que j'eusse encores plus justement fait de ne me point courroucer.

Bref, resouvenes vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appellee Sulamite *, c'est a dire paisible, et que des- * Cant., vir, i. sous sa langue est le lait et le miel; en ses lèvres, le rayon distillant, comme il est dit au Cantique *i 'Cap. iv, u. Saint Paul nous apprend de vaincre le mal *, et non * Rom., xn, uit.

(i) Ce passage a été inséré presque textuellement dans V Introduction a la Vie dévote (voir tome III, pp. i6î, 163, 165). Le saint Evêque s'est donc servi des lettres écrites à la baronne de Chantai, pour compléter les instructions adressées à Philothée et pour donner plus « de cors >< à l'ouvrage, suivant le désir de son ami Fenouillet. (Cf. plus bas, Lettre dxiv, p. 127.)

io6

Lettres de saint François de Sales

seulement de le combattre. Ceux qui se courroucent com- battent le mal, mais ceux qui sont doux le vainquent : Ubi pag. praced. Surmontes, dit l'Apostre*, le mal par le bien.

DIIKO

Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre. Obligation d'une âme qui est toute à Dieu. Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi qu'il convient d'en faire pour servir Notre- Seigneur comme il le désire.

(*) Mon ame est au hazard, je la porte en mes mains, Ps. cxviii, 109. disoit David *. Examines souvent si vous aves vostre ame en vos mains ; si quelque passion, trouble ou inquiétude vous l'a point ravie ; si vous l'aves en vostre commande- ment, ou bien si elle est point engagée en quelque affec- tion ; et si vous voyes qu'elle vous soit eschappee, avant toutes choses, cherches la et la reprenes. Mais resouve- venes vous qu'il la faut reprendre fort bellement et dou- cement, car si vous la voules saysir a force de bras, vous l'effaroucheres.

Dieu soit nostre tout !

^) Considérés souvent si vous pouves dire avec vérité : •Cant., n, 16. Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy*. Voyés s'il y a quelques pièces et facultés de vostre ame ou quelque sens de vostre cors qui ne soit pas a Dieu, et l'ayant descouvert, reprenes le ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a luy, toute, toute.

Nostre Seigneur désire que vous ne pensies ni a vostre advancement ni a vostre amendement, point du tout ;

(i) Il existe deux leçons des fragments diii-dv. Nous les avons fondues ensemble, en rectifiant et en complétant un texte par l'autre.

( 2 ) four les deux alinéas suivants, cf. Y Introduction a la Vie dévote, tome III, p. Lxvi, note ( i), et p. 312. (Voir la note ( i) de la page précédente,)

Années 1605-1608 107

mais a recevoir et employer fidellement les occasions de

le servir et prattiquer les vertus dans chaque moment,

sans aucune reflexion sur le passé ni l'avenir. Chaque

moment présent doit porter son soin *, et Tunique occupa- ' Cf. Matt., vi, 34.

tion dans les retours a Dieu, est un gênerai abandonne-

ment et désir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses

desseins.

DIV

(fragment inédit)

Un « point d'importance. » Les feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines. Les petits renardeaux et les mouches mortes. Les amitiés mauvaises et les amitiés de charité ; différence de leurs allures. Il faut couper les premières, et « au couteau tranchant. » Le trouble de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon aux âmes pudiques.

Ayes memoyre de l'advis de saint Jacques* : Lami- *Cap. iv, 4. tié du monde est ennemie de Dieu.* Gardes vous de *Cf.tom. praeced.,

... 1 1 PP- M'j 1^2-

recevoir ou nourrir aucune amitie mondaine, sous quel prétexte que ce soit ; ceci est un point d'importance.

* Vous descouvrires cette amitié par ses feuilles, par * Cf. tom. III, pp. ses fleurs [et par ses fruitsl. Ses fruitz, ses feuilles et ses fleurs ne valent rien. Ses feuilles sont des paroles bien coiffées, recherchées, inutiles, affectées, loiianges tirées de vos qualités naturelles et civiles, et semblables vanités. Ostés-vous de la, ma Fille, car l'ombre de ces feuilles est vénéneuse. Les fruitz sont : distraction de cœur, obscur- cissement d'esprit, degoustement d'ame, dissipation des facultés intérieures. Oh ! Dieu vous défende de ces acci- dens.

Saysisses, dit il au Cantique *, ces petit^ renardeaux, * Cap. n, 15. car ilz démolissent les vignes. Telles petites galante- ries sont renardeaux qu'on ne voit presque pas : ilz sont propres a se cacher parce qu'ilz sont petitz ; ilz se fourrent insen.siblement au travers de la haye de nos resolutions, mais ilz ne laissent pas de faire un grand degast, pour

io8 Lettres de saint François de Sales

peu d'entrée qu'on leur donne. La vraye marque de ces renardeaux, c'est-qu'ilz ne voudroyent ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne fust sceu de personne ; il2 recherchent les ténèbres et fuyent le jour ; ilz recher- chent des immodérés secretz et silence. Toutes telles amitiés sont mondaines et desplaisantes a Dieu.

Ce sont ces mouches qui perdent la suavité de Vun-

•Eccies.,x, I. guent, parce qu'elles sont mortes*. La vraye amitié de charité est ronde, franche, ouverte, sans fierté, sans fines- se, toute simple, point jalouse, point affectée. O mouche morte, que fais tu dans ce miel ? Que te sert il d'estre parmi l'unguent, ni a l'unguent de te recevoir ? Si tu estois vive, tu ferois le miel, et le miel te nourriroit ; tu mangerois l'unguent, et l'unguent te parfumeroit, tu emporterois le parfum ça et la : mais morte, tu perds l'unguent.

•Cf.tom.iil.p.aii. * Coupés, tranchés ces amitiés, et ne vous amuses pas a les desnoiier : il faut les ciseaux et le couteau. Non, les nœudz sont minces, entrefichés, entortillés ; vous les pen- seres desfaire, et les entreficheres plus fort ; vos ongles [sont] trop courtes pour passer toutes ces boucles. Ce n'est qu'au couteau tranchant qu'on les coupe ; aussi bien les cordons ne valent rien : qu'on ne les espargne point. Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu.

Voyes vostre sainte Abbesse : elle se trouble voyant

Luc, I, a8, 39. un Ange en forme d'homme avec elle *, parce qu'il la loiioit et qu'elle estoit seule. Sauveur de mon ame ! elle craint un Ange en forme humaine ; craignes un homme, encor qu'il soit en forme d'ange, car le danger en est

208, et supra, p! 71. bien plus g^and*. C'est Esses dit.

Années 1605-1608 109

DV

Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves. A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine. Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes qu'on arrive aux autres. La « femme forte » et ce qu'il faut faire pour lui ressembler. Dieu, comme un bon père, accommode ses pas aux nôtres. Comment fortifier son cœur contre Satan et le rendre « imprenable. »

Chacun doit aymer les vertus qui luy sont convenables, chacun selon sa vocation.* Les vertus d'une vefve sont * Cf. tom. praeced., l'humilité, le mespris du monde et de soy mesme, la PP- ^^^'''^^îd- simplicité. Ses exercices sont l'amour de son abjection, le service des pauvres et des malades ; son lieu, le pied de la Croix ; son rang, le dernier ; sa gloire, d'estre mes- prisee ; sa couronne doit estre sa misère : (0 petites ver- tus. *Car, quant aux extases, insensibilités, et ces unions * Cf. tom, m, pp. deifiques, eslevations, transformations et semblables ver- ^^'' '^*" tus, et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son humanité et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence divine, il les faut laisser pour les âmes rares, eslevees et qui en sont dignes. Nous ne méritons pas tel rang au service de Dieu ; il le faut servir premièrement es bas offices, avant que d'estre attirée a son cabinet*. *Cf. tom. praeced.,

Voyes vostre Abbessepar tout ou elle est. En sa cham- ^^' ' '' ' ^' ' ''• bre de Nazareth : elle exerce sa pudicité en craignant ; sa candeur, désirant d'estre enseignée et interrogeant ; sa démission, son humilité, se disant chambrière*. Voyes * Luc, 1,59, 34, 38. la en Bethléem : elle exerce une vie simple de pauvreté ; elle escoute les bergers comme si c'eussent esté de grans docteurs. Voyes la avec les Rois : elle ne s'empres.se point a leur faire des harangues. Voyes la en la Puri- fication : elle va pour obéir a la coustume ecclésiastique*. * Ibid., u, J2-34. En allant et revenant de l'Egypte, elle obéit simplement

( I ) La fin de cet alinéa et les deux suivants sont inédits, sauf les lignes 14-17 de la p. tio.

1 to Lettres de saint François de Sales

Matt., II, 14, »i. a saint Joseph *. Elle ne croit pas de perdre le tems •Luc, 1,39. 40, s6. d'aller visiter sa cousine sainte Elizabeth *, par office

d'une charitable civilité. Elle cherche Nostre [Seigneur]

Ibid., Il, 48. non pas en se res-jouissant, mais en pleurant *. Elle a

compassion de la pauvreté et confusion de ceux qui l'ont •joan., Il, 3. invitée aux noces, leur procurant leurs nécessités'*'. Elle

Ibid., XIX, 55. est au pied de la Croix *, humblement humble, basse,

vertueuse, et vertueusement basse.

»Cf.tom.lII,p.t32. * Dieu ne recompense pas ses serviteurs selon la dignité de l'office qu'ilz exercent. Je ne dis pas qu'il ne faille aspirer a ces hautes et suprêmes vertus, mais je dis qu'il faut s'exercer aux petites, sans lesquelles les grandes aont souvent fauses et trompeuses. Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis ; puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'anéantisse- ment en Dieu et l'insensibilité en toutes choses. David apprit premièrement a esgorger les bestes et puis a des-

M Reg., XVII, 34- faire les armées*. L'on sçait ce qu'Eliezer fit pour con-

37 ; Eccli., XLVii, . . T-» , , -^ ^ j

jlg, noistre si Rebecca estoit propre pour estre espouse du

filz de son maistre Abraham : [ce] fut en luy demandant a boire de l'eau, espreuvant si elle en donneroit volon- tier et espreuvant encores si elle en donneroit volontier

Gen., XXIV, 13-30. a ses chameaux *. Petite courtoisie ; basse vertu, mais

marque d'une bien grande.

Je ne forclos pas l'eslevation de l'ame, Torayson men- tale, la conversation intérieure avec Dieu, l'eslancement perpétuel du cœur en Nostre Seigneur ; mais sçaves vous ce que je veux dire, ma Fille ? Je veux dire qu'il vous faut estre comme cette femme forte, de laquelle le Sage

Prov.,uit., 19. dit* : Elle a mis la main a choses fortes et ses doigtai

ont manié le fuseau. Médites, esleves vostre esprit, portes-le en Dieu, c'est a dire, tires Dieu en vostre esprit : voyla les choses fortes. Mais avec tout cela, n'oublies pas vostre quenouille et vostre fuseau : filés le fil des

•Cf. tom. praeced., petites vertus, abaisscs vous aux exercices de charité*.

pp- 1 . aoa. g^j ^.^ autrement, se trompe et est trompé.

Laisses moy le soin de vos autres désirs, je les vous garderay fort soigneusement ; n'en a5'es nul souci, car

^

Années 1605- 1608 lu

peut estre aussi ne vous les rendray je jamais et ne sera pas expédient ; mais asseures vous que je ne les em- ployeray pas mal. J'en dois rendre conte a Dieu et je m'en charge.

Chemines tous-jours devant Dieu et devant vous. Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon père qui tient son enfant par la main, il accom- modera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous. Dequoy vous soucies vous ? d'aller ou d'un costé ou d'autre, d'aller vistement ou bellement ? Pourveu qu'il soit avec vous, et vous avec luy.

Ne disputés jamais ni peu ni prou avec les sugges- tions de l'ennemy, contre la foy, contre la chasteté, con- tre l'obéissance vouée et contre le dessein de tendre a la perfection. Vostre cœur est imprenable, et ces articles en sont les fondamentales asseurances. Qu'est il besoin de disputer? Non, pas un seul mot de réplique, sinon celle de Nostre Seigneur : Arrière de moy, o Satan, tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu *. * Matt., iv, 10, 7 ;

Marches joyeusement, ma Fille, avec une extrême confiance en la miséricorde de vostre Espoux, et croyes qu'il vous conduira bien ; mais laissés-le faire.

DVI

L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi ; les rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de subsister et d'avoir finalement la vic- toire. — La barque, l'aiguille marine et la « belle estoile. » Que doit faire l'âme chrétienne au temps de la « dereliction. » Comment se con- duire dans les assauts contre la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire. Les assoupissements et les distractions. Les nuages du ciel atmosphérique et les brouillards de l'esprit. Porter remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des résultats. Le moyen d'être parmi le monde, sans y avoir son cœur.

Resouvenes vous que nostre esprit connoissant et agissant, s'appelle ame agissante et connoissante ; [con- naissant] par le discours et raysonnement naturel, il s'appelle entendement, intelligence ou esprit humain ;

1 1 2 Lettres de saint François de Sales

mais connoissant et agfissant par l'esprit de la foy, il s'appelle esprit de la foy ou esprit chrestien. Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquies- cer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent ; et Ihors il nous sem- ble que tout est perdu, et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné. Mays néanmoins, en vraye vérité, il n'y a nul danger, car l'esprit de la foy demeure vif et sauve. Quand tout le reste conspireroit contre nous, nous ne sçaurions deschoir de la grâce de Dieu.

Il est vray qu'Absalon inquiète et trouble tout le royau- me d'Israël contre son père David, en sorte que le pau- vre David, tout Roy qu'il est, s'en va pleurant, piedz

•II Reg., XV. nus et la teste voilée, chacun l'ayant abandonné*; mais

il est Roy néanmoins, et a la fin rangera tout le reste a son obéissance. Quand donq il vous arrivera de voir vos- tre ame sensuelle et vostre esprit humain se bander contre vostre esprit chrestien, le troubler, inquiéter et faire sous- lever contre luy les facultés de vostre cœur, courage, ma Fille, un peu de patience, car nostre David, en fin, demeu- rera vainqueur. Que toute la barque de nostre navire aille ou il voudra ; il tirera bien quant et soy l'aiguille marine, mais il n'empeschera pas pourtant qu'elle ne face son mouvement et qu'elle n'aye sa tendance a sa

•Cf.tom.llI,p.3i7. belle estoile*.

Cette dereliction ressemble a celle que Nostre Seigneur

Matt.xxvn, 46. ressentit a sa Passion * ; et en icelle, il semble que nostre

ame soit comme le Prophète que l'Ange tenoit et portoit

Dan., XIV, 35. en l'air par un de ses cheveux *. Nul remède a cela, ma

Fille, que de s'humilier et attendre en patience la sainte grâce de Dieu, recommandant doucement nostre esprit

Cf.Luc.xxiii, 46. entre ses mains paternelles*.

Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte in- clination cordiale, et faites un acte positif de foy, pro- testant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a révélé a son Eglise ; et, sans plus disputer ni examiner

I

Années 1605-1608 113

aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres oc- cupations, et principalement extérieures. Et bien que la tentation vienne autour de vous, ne faites aucun semblant de la voir ; mais dissimulant cette attaque, appliques vous aux autres exercices*. *Cf. supra, p. 104.

Aux tentations de vanité et de vaine gloire, il en faut faire le mesme, c'est a sçavoir : faire un acte positif et contraire, et au lieu de se glorifier, s'humilier de ba propre vanité, comme disant : Ou}^, Seigneur, je suis vaine et mon esprit n'est que vanité.

Ne vous rendes pas si pointilleuse et tendre aux senti- mens des tentations, que pour cela vous soyes troublée et inquiétée. Helas ! ma Fille, il se faut résoudre éga- lement a sentir les tentations et a n'y point consentir. Quand donq vous les sentires, penches doucement^ vostre cœur de l'autre costé et ne vous inquiètes point ; et bien que vos sens et vostre esprit humain semblent tenir le parti de la tentation, ne vous estonnes nullement, pour- veu que l'esprit de la foy et le mouvement intime de vostre cœur se tournent tous-jours a vostre belle estoile.

Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui surviennent, car ce sont accidens natu- relz. Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous- jours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit morde, qui est l'homme *, l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, *Vide tom. m, p. mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa ^' clairté et empesche sa gayeté.

(0 Quand il vous arrive des maux, ou intérieurs ou extérieurs, employés contre iceux les remèdes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remèdes, selon son bon pla)'^sir. Cette résignation est bien requise. Cloues vostre cœur au pied de la Croix, laissés-le la en asseurance, tandis que par la nécessité de vostre condition il faut estre parmi le monde, , q^ ^^ ^^ ^,5^ car ainsy nous n'y aurons pas nostre cœur *, 77-

(i) Cet alinéa paraît iDédit.

LeiTRBs IV 8

114 Lettres de saint François de Sales

DVII

Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour M""* de Chantai.

La présence de Dieu dans rame chrétienne, d'après sainte Thérèse et saint François de Sales.

a)

J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme il faut resigner tout vostre soin, toutes vos agilités et souplesse d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui veulent tout mesnager, voir et prévoir, entre les mains de sa Bonté souveraine et très paternelle, ne permettant point que vostre cœur s'inquiète, ains le faysant reposer doucement sur les bras du Sauveur.

(0 La présence de Dieu que la Mère Thérèse enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous mar- quois, quand j'escrivois que Dieu estpit dans iiostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie, et que David appelloit Dieu : Dieu de son Ps. Lxxn, 26. cœur *. Usés-en hardiment et souvent, car elle est fort utile.

Dieu soit a jamais l'ame et l'esprit de nos cœurs, ma très chère Fille ! Courage, je vous prie.

(i) Ce fragment parait inédit.

DVIII

La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir le mal. Blâmons le vice, épargnons les personnes. Comment nous devons consi- dérer les actions du prochain. La charité et les pécheurs.

(0 Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain

( i) Pour ce fragment, cf. Y Introduction a la Vie dévote, tome III, pp. 234- 236, 241, 242, et voir ci-dessus, note ( i ), p. 105.

Année 1608 115

ni rien qui tant soit peu le puisse ofFencer. Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on parle le requiert ; car en cela. Dieu est glo- rifié. Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que l'on peut la personne auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment seul suffit pour impetrer sa grâce. Et qui pourra asseurcr que celuy qui estoit hier pécheur et meschant le soit aujourd'huy ?

Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons- les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais estons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu. Quand nous ne pouvons excuser le péché, ren- dons le au moins digne de compassion, l'attribuant a la cause la plus supportable, comme a l'ignorance ou infir- mité.

La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en faut qu'elle l'aille chercher*; quand elle le treuve, elle s'en *Cf. I Cor.,xiu, 5. destourne, elle le dissimule, ains elle ferme les yeux avant que de le voir ; que s'il faut le voir, elle s'en des- tourne

DIX

A UN INC ONN U

(fragment inédit)

Regrets adressés à un supérieur de navoir pas su le rencontrer pour lai baiser les mains.

[Fin 1608 ou 1609 ( I ).]

Monsieur, Je desirois infiniment d'avoir Ihonneur de vous bayser

(1) La date proposée est suggérée par une particularité : le verso de l'Au- tographe et leilanc laissé au recto ont servi au Saint pour écrire la var. (f)

ii6 Lettres de saint François de Sales

les mains et vous vouer, en présence, l'obéissance que je vous veux rendre toute ma vie, et avois marqué la ville d'Aix pour le lieu auquel, avec moins de vostre (3) incom- modité, je pourrois jouir de ce bonheur Ihors que vous y viendries faire vostre visite. Mais n'en ayant pas sceu le tems, cett'occasion s'est escoulee inutilement pour moy. Je cours donq d'esprit et d'affection après vous. Monsieur, et vous supplie (^) très humblement de me vouloir

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

(a) [Le Saint a passé un trait de plume sur les lignes qui précèdent; nous les avons reproduites dans notre texte pour donner un sens complet à ce fragment qui n'est qu'une minute.]

{h) Je cours donq après vous, Monsieur, en esprit et affection, pour vous supplier

qui figure au tome III de notre Edition, p. 318. Cette variante représente un fragment du xiii^ chapitre de la IV. Partie de Y Introduction a la Vie dévote, deuxième édition, laquelle, parue vers septembre 1609, fut sans doute rédigée dès les premiers mois de la même année. (Cf. la Préface du tome III, pp. xvui-xx.) Le genre d'écriture et la couleur de l'encre de notre fragment de lettre font croire que sa date ne précède pas de beaucoup la rédaction dudit chapitre.

Quant au destinataire, le texte semble indiquer un évèque nouvellement promu. S'agirait-il de l'Evéque de Grenoble, Jean de la Croix, ou d'un prêtre délégué par lui, ou même d'un grand personnage ? De nombreuses recherches n'ont pas permis de le découvrir.

DX

A LA BARONNE DE CHANTAL

(fragment)

Impatience de M""= de Boisy de voir la conclusion du mariage de son fils Bernard. Le Saint partage ce même désir, mais sans impatience.

Annecy, [fin 1608 ou 1609(1).] Je VOUS asseure que ma mère est dans une telle impa-

( I ) Ce fragment a été écrit, semble-t-il, après le voyage du Saint en Bour- gogne, qui eut lieu en août-septembre 1608.

Année 1608 1 17

tience d'estre mère d'une fille que vous luy aves donnée, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bail- leroyent avec elle de l'inquiétude, si je ne me souvenois de l'édifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans une constante paix. Dieu m'est a tesmoin com- bien je désire cette belleseur et comme elle me sera chère. Non, je ne penseray point que ce soit ma belleseur, elle me sera plus que seur et plus que fille ; mais pour cela, se faut il empresser ?

ANNEE 1609

DXI

AUX SYNDICS DE RUMILLY

Entremise du Saint auprès des FF. mineurs Capucins en faveur de la ville de Rumilly.

Annecy, 13 janvier 1609.

Messieurs,

J'ay eu soin de faire tenir vostre lettre au P. Com- missaire (M, et l'ay accompaignee d'un' autre que j'ay escritte a mesme fin. Celuy qui les a portées m'en rap- portera bien tost la response, de laquelle je vous feray part comme désireux de vostre consolation spirituelle ( = ), estant,

Messieurs,

Vostre bien humble et très affectionné en Nostre Seigneur,

Francs, £_ jg Genève. XIII janvier 1609.

A Messieurs Messieurs les Scindics de Rumilly.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Morand, Le Trembley (Savoie).

(i) En janvier 1609, les fonctions de Commissaire et de Supérieur des mis- sions étaient remplies parle P. Chérubin.

(a) La « consolation spirituelle » que le saint Evêque voulait ménager à son cher peuple de Rumilly, c'était peut-être un « meilleur prédicateur » que lui- même (cf. ci-dessus, p. 84), ou peut-être encore la fondation d'un couvent de Religieux Capucins, lesquels s'établirent en effet dans la petite ville, quelques années après.

Année 1609 119

DXII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRe(0

Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à Dieu. La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui « en luy ont logé leurs espérances. » Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort. Ne pas examiner ce qui est fait, mais penser à ce qui est à faire. Comment haïr nos défauts. Ce qui conserve « nos tares. » Désirs illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer.

Annecy, 20 janvier 1609. Madame,

Il n'y a point a douter que vous vous exnliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit ; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se présentent. Voyes vous, les assoupisse- mens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle ; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien résolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a crain- dre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que péchés ou defautz spirituelz. Il faut néan- moins s'exciter et provoquer au courage et activité d'es- prit, tant quil vous sera possible.

O cette mort est hideuse, ma chère Fille, il est bien vray ; mais la vie qui est au delà, et que la miséricorde de Dieu nous donnera, est bien fort désirable aussi. Et si, il ne faut nullement entrer en défiance, car bien que nous soyons misérables, si ne le sommes nous pas a beaucoup près de ce que Dieu est miséricordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs espérances*. Quand le bienheureux Cardinal Borromee Cf. Pss. xxxii, 18, estoit sur le point de la mort, il fit apporter l'image de ^**^'' "

( I ) Le contenu de cette lettre en désigne la destinataire. Plusieurs des con- seils qu'elle renferme peuvent convenir à d'autres personnes, mais l'ensemble, et en particulier l'alinéa le Saint combat l'idée ae quitter le monde, ne saurait s'appliquer qu'à M""^ de la Fléchère.

I20 Lettres de saint François de Sales

Nostre Seigneur mort, affin d'adoucir sa mort par celle de son Sauveur (O. C'est le meilleur remède de tous contre l'appréhension de nostre trespas, que la cogitation

Coioss., m, 4. de Celuy qui est nostre vie*, et de ne jamais penser a l'un

qu'on n'adjouste la pensée de l'autre.

Mon Dieu, ma chère Fille, n'examines point si ce que vous faites est peu ou prou, si c'est bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas péché et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le faire pour Dieu. Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire. Ailes bien simplement en la voye de Nostre Seigneur, et ne tourmentes pas vostre esprit. Il faut hair nos defautz, mais d'une hayne tranquille et quiète, non point d'une

Cf. supra, p. 79. hayne despiteuse et troublée * ; et si , il faut avoir patience

de les voir, et en tirer le prouffit d'un saint abayssement de nous mesme. A faute de cela, ma Fille, vos imperfec- tions, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquiétude et empressement de les oster,

( 2 ) Dieu soit auprès de madame [de Mieudry ( 3 )] en cette Babilone ou elle va, et luy donne les consolations spiri- tuelles plus grandes que les corporelles. Je salue de tout mon cœur madame de Mirebel(4) et luy souhaite abon- dance du Saint Esprit.

C'est une rude tentation de se desplaire, en s'attristant,

•Cf. supra, p. 54, et au mondc, quand il y faut estre par nécessité *. La provi-

infra, pp. 136, 137. ^q^q^q ^q Dieu est plus sage que nous. Il nous est advis

que, changeant de navire, nous nous porterons mieux;

ouy , si nous nous changeons nous mesme. Mon Dieu, je suis

( I ) De Vita et rébus gestis Caroli S. R. E. Cardinalis, tituli S. Praxedis, Archiepiscopi Mediolani, libri septem, Caroîo a Basilica Pétri (Biscapè) auciore (Ingolstadii, Sartorius, 1592), lib. VI, cap. vni.

(2) Cet alinéa est inédit.

(3) Nous restituons ce nom, oblitéré dans l'Autographe, d'après la lettre du 33 mai 1609, l'on voit que cette personne faisait un séjour à Genève.

(4) Probablement Françoise Portier, fille de Claude-Lambert Portier, sei- gneur de Mieudry, et de Guillermine de Loche, qui avait épousé (contrat dotal du 23 novembre 1 590) Pierre SoUiard, seigneur de Miribel, et par cette alliance était devenue belle-sœur de la précédente. (Voir ci-dessus, note (i), p. 85.)

Année 1609 121

ennemi conjuré de ces désirs inutiles, dangereux et mau- vais ; car encor que ce que nous desirons est bon, le désir est néanmoins mauvais, puis que Dieu ne nous veut pas cette sorte de bien, mais un autre, auquel il veut que nous nous exercions. Dieu nous veut parler dedans les espines et le buisson, comm'il fit a Moyse*, et nous voulons quil * Exod., m, 2. nous parle dans le petit vent doux et frais, comm'il fit a Helie *. * ni Reg., xix, la.

Sa Bonté vous conserve, ma Fille ; mais soyes cons- tante, courageuse, et vous res-jouisses dequoy elle vous donne la volonté d'estre toute sienne. Je suis en elle, très entièrement vostre.

F. E. de G.

XX janvier 1609.

Revu sur l'Autographe communiqué par M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry.

\

DXIII

A LA MÊME

Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres. De quelle plainte il se faut garder en toute façon. Les « petites tricheries quo- tidiennes. » La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection. Après les chutes, il ne faut jamais se décourager. Dans quel cas il est sage de payer ce qu'on ne doit pas,

Annecy, [février] 1609.

Je VOUS renvoyé vostre livre corrigé (0, ma très chère Fille : vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte ! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions engagés. Mais je désire qu'en vos ferveurs vous ne faciès pas des désirs de tentations ni occasions de mortifications ; car puisque,

( I Sans doute un exemplaire de l'Introduction à la Vie dévote, dont la première édition parut à la fin de i6oS ou au commencement de 1609. (Voir tome III, p. xviii.)

122 Lettres de saint François de Sales

par la grâce de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les désirer. Occupés le plustost a le préparer et mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés, mais quand Dieu voudra les vous permettre.

D'avoir un peu de joye en la grâce divine quand les rencontres nous succèdent bien, il n'y a point de mal, pourveu que nous les terminions en humilité. De remé- dier aux occurrences qui ne vous regardent pas en parti- culier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise néanmoins, de vouloir avec un cœur esgal atten- dre l'événement que Dieu disposera pour le mieux. Mais quant a cette sorte de plainte, que vous estes misérable et infortunée, mon Dieu, ma chère Fille, il s'en faut gar- der en toute façon ; car, outre que telles paroles sont deshonnestes a une servante de Dieu, elles sortent d'un cœur trop abbatu et ne sont pas tant des impatiences que des courroux.

Voyés vous, ma chère Fille, faites un particulier exer- cice de douceur et d'acquiescement a la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites tricheries quotidiennes. Prépares vous y le matin, l'apres disnee, en disant Grâ- ces, devant le souper, après souper et le soir, et faites en vostre prix fait pour un tems. Mais faites cela avec un esprit tranquille et joyeux, je veux dire ces exercices ; et s'il vous arrive des manquemens, humilies vous et recommencés.

C'est bien fait d'aspirer d'une générale aspiration a l'ex- trême perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amen- dement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait gênerai a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son père luy fournit, espérant qu'il luy fournira a pro- portion de son appétit et de sa nécessité.

Pour ces tentations d'envie, prattiqués ce que je dis

Année 1609 123

au livre, des mesmes tentations*. Puisque la Communion ' introd. a u Vie

rr- -, -i r . , r ji ^^u.li "^«edit.), Part.

VOUS est SI proumtable, fréquentes la avec ferveur d esprit n, ce. xlv, lu. et netteté de conscience. Vives tous-jours joyeuse au tra- vers de toutes vos tentations. Ne faites point pour le présent d'autre pénitence*, et vangés-vous de vous mes- 'Cf. supra, p. s;, et me en esprit de douceur a supporter charitablement le '°"'P'3 prochain, visiter les malades, et ayés bon courage.

J'ay escrit despuis peu a nostre bonne seur (^) : c'est une fille que je chéris bien fort, La pauvrette a esté tout plein troublée pour peu de chose ; mais c'est bon signe, car cela a produit de la crainte de Dieu. Elle a esté toute descouragee parce qu'elle croyoit d'avoir ofFencé. O Dieu, il faut plustost mourir que d'offencer sciemment et délibé- rément ; mais quand nous tombons, il faut tout perdre, plustost que le courage, l'espérance et la resolution. Or bien. Dieu convertira le tout a son honneur.

Vostre voysine peut fort loûablement payer derechef ce qu'elle ne doit pas, pour éviter le mal d'un procès ou d'une discorde a son mary, si la somme n'estoit pas fort importante ; car, si pour le préserver d'une fièvre corpo- relle, elle peut bien a son insceu employer de l'argent, poUrquoy non pour divertir une fièvre spirituelle ?

Bon soir. Madame ma très chère commère, ma Fille ; vostre cœur est a Dieu, vives heureuse d'estre si bien logée. Je suis, d'un cœur entier,

Vostre très fidelle serviteur et compère.

Franc», E. de Genève.

Je prieray pour la filleule (').

(i) Probablement, Jeanne-Bonaventure, Religieuse à Bons. (Cf. ci-dessus,

P- 5*-) (a) Françoise-Innocente, fille de la destinataire et filleule du Saint. (Voir

ci-dessus, note (i), p. 36.)

124 Lettres de saint François de Sales

DXIV

A MONSEIGNEUR PIERRE DE VILLARS, ARCHEVEQUE DE VIENNE (0

L'Introduction à la Vie dévote : circonstances historiques de la publication de cet ouvrage. Pour quelles raisons l'auteur croit devoii- laisser aux grands ouvriers les grands desseins. Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire : « un livret « de V Amour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques. La bibliothèque du Saint en Chablais. Jugement de JdB"" Fenouillet sur V Introduction,

Annecy, vers le 15 février 1609 (a).

Monseigneur,

Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous 'pleut m'escrire le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur ; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque heureuse rencontre avoir quelque digne accès a vostre bienveuillance. Mais, comme le pouvois je espérer,

( I ) Pierre de Villars, à Lyon le 3 mars 1545, étudia à Tournon, à Tou- louse et enfin à Paris, il fut reçu docteur en théologie. Il succéda à son oncle Pierre, comme évêque de Mirepoix, en 1575, et comme archevêque de Vienne, en 1587. Malade, il démissionna en 1599 en faveur de son frère Jérôme, qu'il sacra lui-même, à Saint-Maurice de Vienne, le 57 décembre de la même année. Après cinq ans de séjour à Annonay, il se retira à Lyon en 1604 et mena jusqu'à sa mort (18 juillet 161 3) une vie de prière et de bonnes œuvres. On a de lui, en deux volumes in-folio, divers écrits de spiritualité et de théo- logie. Grégoire XIV songea à le faire cardinal ; le saint Evêque, comme on le voit, déférait à ses conseils, non seulement parce qu'il était son métropolitain, mais surtout à cause de sa doctrine et de sa piété. C'est « l'un des plus saintz « prelatz, » écrivait-il (i), « et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de « nostreaage. >. (Cf. Colonia, S. J., Hist. litt. de la ville de Lyon [i-] }o), tome II.) {2) Charles-Auguste (Histoire, etc., Table des Preuves, 57) signale trois lettres de Pierre de Villars adressées au Saint, à propos de 1 Introduction a la Vie dévote, en janvier, mars et avril 1609. (Voir à l'Appendice I ce qui nous est parvenu de cette correspondance.) C'est à la première lettre de son métropoli- tain que François de Sales semble répondre, et il résulte des premières lignes de sa réponse que celle-ci a être envoyée quelques jours après le 8 février.

(1) Préface du Traitté de l'Amour de Dieu, tome IV de cette Edition, p. la. Voir encore tome VI, pp. 197, 198, et tome XIII, pp. 48, 49.

Année 1609 I25

estant cloué et affigé a ces montaignes, et si indigne de vostre considération ? Et voyci néanmoins que Dieu a voulu me prévenir de cette consolation, de laquelle je remercie très humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre qui s'y est si amiablement inclinée. C'est un grand fruit que ce pauvre petit livre m'a rendu, et lequel certes je n'attendois pas, mais pour lequel seul, plus que pour aucun autre duquel je me sois apperceu jusques a présent, je le veux désormais a5'mer et cultiver.

Vous aures bien remarqué, Monseigneur, que cette be- soigne ne fut jamais faitte a dessein projette. C'est un mémorial que j'avois dressé pour une belle ame qui avoit désiré ma direction ; et cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois la semaine. Elle le monstra au R. P. Forier, Ihors Recteur du collège de Chamberi et maintenant de celuy d'Avignon, qu'elle sça- voit estre mon grand amy, et auquel mesme je rendois souvent conte de mes actions. Ce fut luy qui me pressa si fort de faire mettre au jour cet escrit, qu'après l'avoir hastivement reveu et accommodé de quelques petitz ageancemens, je l'envoyay a l'imprimeur : c'est pourqiioy il s'est présenté a vos yeux si mal accommodé. Mais puis- que, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me délibère de l'ageancer et accroistre de certaines pièces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que vous luy faites.

Et puisque vous m'exhortes. Monseigneur, de conti- nuer a mettre par escrit ce que Dieu me donnera pour l'édification de son Eglise, je vous diray librement et avec confiance mes intentions pour ce regard. Tout me man- que, sans doute, pour l'entreprise des œuvres de grand volume et de longue haleine ; car vra3'ement je n'a}' nulle suffisance d'esprit pour cela. Il n'y a peut estre Evesque a cent lieues autour de moy qui ayt un si grand embroiiil- lement d'affaires que j'ay ; je suis en lieu ou je ne puis avoir ni livres ni communications propres a telz effectz. Pour cela, laissant aux grans ouvriers les grans desseins, j'ay conceu certains petitz ouvrages moins laborieux, et

136 Lettres de saint François de Sales

néanmoins asses propres a la condition de ma vie, non seulement voiiee mais consacrée au service du prochain pour la gloire de Dieu. Je vous en representeray brief- vement les argumens.

Je médite donq un livret de V Amour de Dieu^ non point pour en traitter speculativement, mais pour en monstrer la prattique en l'observation des commande- mens de la première Table. Celuy ci sera suivi d'un au- tre, qui monstrera la prattique du mesme amour divin en l'observation des commandemens de la seconde Table; et tous deux pourront estre reduitz en un volume juste et maniable. Je pense aussi de pousser dehors un jour un petit Calendrier et Journalier pour la conduitte de l'ame dévote, auquel je representeray a Philothee des saintes occupations pour toutes les semaines de l'année (0.

J'ay de plus quelques matériaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la prédication evangeli- que('), laquelle je voudrois faire suivre de la méthode de convertir les hérétiques par la sainte prédication. Et en ce dernier livre, je voudrois, par manière de pratti- que, desfaire tous les plus apparens et célèbres argumens de nos adversaires ; et ce, avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la réduction des

( I ) Ce qu'il n'a pu faire, pressé par tant de travaux, le saint Docteut a ins- piré à d'autres de l'exécuter.

Le Diaire Ckrestien ou Exercices Journaliers des Chrestiens (Paris, 1628), du P. Caussin, S. ]., mais plus encore VAnme chrestienne (Paris, 1641), du P. Suffren, S. ]., semble offrir à Philothee le « petit Calendrier et Journalier » que François de Sales pensait « de pousser dehors. » L'auteur de ce dernier recueil reconnaît expressément qu'il en doit l'idée à l'Evéque de Genève : « Il y a plus de vingt ans, » dit-il dans la Préface, « que conférant avec ce grand Père de la vie spirituelle... touchant l'ayde qu'on pouvoit donner aux âmes pour leur salut, ce bon Prélat me conseilla de dresser pour elles un bré- viaire spirituel (ainsi l'appeloit-il), afin que... les âmes chrestiennes eussent leurs pratiques pour tous les jours, sepmaines, mois et diverses saisons de l'année. »

(2) Si le saint Missionnaire du Chablais avait eu le loisir de rédiger le Traité de prédication qu'il rêvait d'écrire, il y aurait fait entrer vraisemblablement la magistrale lettre à Ms"" Frémyot, du 5 octobre 1604 (voir tome XII, Lettre ccxxix), et aussi un directoire manuscrit qu'il prêtait parfois à de jeunes pré- dicateurs, comme nous l'apprend Jean-François de Blonay dans sa déposition. (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 35.)

Année 1609 127

hérétiques : a quoy j'employerois plusieurs méditations que j'ay faites durant cinq ans en Chablais (0, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux du grand Bellarmin.

Voyla, Monseigneur, ce que mon petit zèle me suggère, lequel, n'estant pas, a Tadventure, secundum scien- tiam*, le tems, le peu de loysir que j'ay, la connoissance ' Rom., x, 3. de mon imbécillité modérera ; bien que, sans mentir, vostre authorité l'ayt bien fort enflammé par le favorable jugement que vous faites de ce premier livret, duquel encor faut-il que je vous die ce que Monsieur nostre Eves- que de Montpellier (') m'a escrit.

Il m'advertit que je me tiens trop pressé et serré en plusieurs endroitz, ne donnant pas asses de cors a mes advis. En quoy, sans doute, je voy qu'il a rayson ; mais n'ayant dressé cette besoigne que pour une ame que je voyois souvent, j'affectois la briefveté en escrit, pour la commodité que j'avois de ni'estendre en paroles. L'autre chose qu'il me dit, c'est que, pour une simple et première introduction, je porte trop avant ma Philothee ; et cela est arrivé parce que l'ame que je traittois estoit des-ja bien fort vertueuse, quoy qu'elle n'eust nullement gousté la vie dévote : c'est pourquoy, en peu de tems, elle ad- vança bien fort.

Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais cette Introduction se reimprime (3) ; car, pour finir par ou j'ay commencé, l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le chemin a vostre amitié, et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux âmes, sera cause que je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible.

Mais, mon Dieu, que dires vous de moy. Monseigneur, me voyant espancher mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien mérité raccueil que vous me faites et l'accès que vous me donnes?

(1) Il s'agit des feuillerdes Controverses. (Voir tome XI, p. 115) (s) Mff Fenouillçt.

(3) L'humilité du grand Docteur l'empêchait de prévoir que son ouvrage devait se réimprimer, et même plus de cinquante fois avant 1633.

138 Lettres de saint François de Sales

Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité me donne cette libre confiance ; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de nostre commun et souve- rain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé a me départir, non seulement me commu- niquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et advertissant en tout ce que vostre dilection et zèle vous dicteront ; vous promettant que vous rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs.

Dieu vous conserve longuement, Monseigneur, et vous prospère en ses grâces, selon le souhait de

Vostre très humble et très obéissant serviteur, Franc», E. de Genève.

DXV

a la baronne de chantal

Souhaits de bienvenue et offrande d'un gîte. Envoi d'exemplaires de Vl/i/ro- dttction à la Vie dévote. Joie du Saint de voir que tous les siens parlent avec respect et affection de la petite Aimée et de sa mère. M""" de Ciinntal attendue à Sales. De quels documents l'auteur compte se servir pour une seconde édition de l'Iptroduction. L'Abbesse du Puits-d'Orbe et son frère. Affection de François de Sales pour Marie-Aimée.

Annecy, mi-février 1609(1).

Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chère Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre chèrement ! Partes donq au premier beau jour que vous verres, après que vostre cheval se sera délassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous ren- voyer sinon despuis troys jours en ça, pour les derniè- res pluyes qui sont tombées en ce pais. Je vous souhaitte

( 1 ) Hérissant, qui a publié cette lettre pour la première fois, n'a pu la donner en son entier. Nous pouvons aujourd'hui la compléter, en grande partie du moins, grâce à deux fragments autographes conservés à la Visitation de Reims; ils en sont en effet la suite et la fin authentiques, comme il ressort d'ailleurs d'une simple lecture. (Voir ci-après, note ( i ), p. 131.)

Année 1609 129

bon et heureux voyage et que ma petite fille(') ne soit pas mallement du travail du chemin ; mais arrivant de bonne heure le soir et la faisant bien dormir, j'espère qu'elle fera prou.

M. de Ballon ( = ) désire tant que vous faciès vostre giste chez luy, que je suis contraint aussi de le désirer pour la bonne amitié qu'il nous porte.

Madame du Puys d'Orbe m'avoit escrit qu'elle desiroit de venir avec vous ; mais ni la sayson n'est pas propre pour elle, ni je ne voudrois pas l'avoir en tems si incom- mode comme est le Caresme. Je luy escris donq qu'elle attende le vray primtems et qu'elle vienne en litière, affin que si l'une de ses seurs veut l'accompaigner, elle le puisse faire sans appréhension d'aller a cheval. Je luy envoyé le livre ci-joint (3), l'autre a madamoyselle de Traves selon vostre désir. Le Père de Monchi (4) m'en demandoit un : si vous luy donnés celuy que vous avés, je vous en rendray un plus brave icy ; car encor le faut-il consoler. J'en voudrois envoyer a plusieurs personnes, mais je vous asseure que, pour tout, il n'en est venu que trente en ce païs, et je n'ay peu fournir a la dixiesme partie de ceux a qui j'en devois donner. Il est vray que je n'en suis pas

( I ) Marie-Ainiée.

(2) Charles-Emmanuel de Ballon était le fils de Marguerite Le Grand et de Pierre Perrucard, barbier et valet de chambre d'Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, anobli le 15 mars 1563 et devenu peu de temps après, seigneur de Ballon, Cusinens, Vanchy, etc. Il épousa (contrat dotal du 29 ou 30 avril 1 586) Jeanne de Chevron-Villette, fille de Jean et d'Alexandrine de Menthon, et nièce de la grand'mère de François de Sales, Bonaventure de Chevron-Vii- lette. De cette union naquirent plusieurs enfants, dont l'une, Louise, fut la célèbre Mère de Ballon. (D'après les tiofes de M. le comte de Mareschal.)

Le château de Vanchy ne fut pas seulement le berceau de l'illustre fonda- trice des Bernardines réformées de Rurailly; il abrita plus d'une fois deux grands Saints. En effet, au dire de la Mère de Ballon elle-même. M"" de Chantai « passoit par Vanchy dans les voiages qu'elle faisoit de Savoie en Bourgogne. Comme elle logeoit toujours au château, » ajoute-t-elle, « j'alois volontiers la voir en sa chambre... et je me souviens qu'elle me caressoit plus que mes autres sœurs. » (Grossi, La Vie de la Vblt Mère de Ballon (Annecy, 1695), liv. !"■, chap. II.) François de Sales allait aussi à Vanchy visiter son parent, et celui-ci réunissait alors tous ses enfants pour recevoir sa bénédic- tion. M. de Ballon vivait encore en 1624.

(3) La !■■« édition de Y Introduction à la Vie dévote.

(4) Voir ci-dessus, pp. 35, 36.

Lettres IV 9

130 Lettres de saint François de Sales

tant en peyne, parce que je sçai que de delà il y en a plus qu'icy. J'a}'- creu néanmoins que je devois en envoyer un a M. de Chantai (O, et qu'il s'ofFenceroit si je ne le faysois; c'est pourquoy le voyla.

Qu'ay-je a vous dire de plus, ma chère Fille ? Mille choses, mais que je n'ay nul loysir d'escrire, car je veux que Claude (=») parte sans plus tarder. Saches seulement, ma vraye Fille, que je suis tout plein de joye et de con- tentement dequoy vostre Groysi (3) parle non seulement avec respect, mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos pères (4), et ce qui me plaist le plus, de ma chère petite Aymee, Je vous dis la vérité, il ne me sçauroit plus donner de playsir que par la ; et vrayement j'espère que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera nul sujet de mescontentement a personne. Ne vous repentes point de m'avoir escrit des douze cens livres ( 5 ), car vous ne vous deves nullement repentir de rien qui se passe avec moy.

Et bien, je verray donq bien des misères, et nous en parlerons, a mon advis, a souhait.

Ma mère désire que vous faciès vostre petit délasse- ment a Sales, ou elle vous attendra pour vous accom- paigner icy ; mais ne croyes pas que je vous y laisse sans moy. Non pas, certes, car ou je vous y attendray, ou j'y seray aussi tost que je vous y sçauray (6).

Je n'escris point a vostre commère (7 ), car j'auray loysir

( i) Beau-père de la Baronne.

(a) L'un des serviteurs du Saint. (Voir le tome précédent, note (6), p. i88.)

(3 ) Bernard de Sales (cf. ci-dessus, p. 93).

(4) Le président Frémyot et le baron de Chantai.

( 5 ) Dans le contrat de mariage passé à Thoste le 3 janvier 1609, Bernard de Sales avait promis de « donner des bagues et joyaulx nuptiaulx, jusques a la valeur de 1,200 livres « à sa future épouse, « pour la bonne amour et dilection que ledit sieur futur espoux porte a ladite damoyselle. » (Cf. Les deux filles de sainte Chantai, Pièces justificatives, A.)

(6) Ce fut la première semaine de Carême, vers le 10 mars, que la Baronne arriva au terme de son voyage, avec Marie-Aimée et la petite Françoise. Les deux enfants attirèrent tous les regards. « On les trouvait si aimables, » écrit la Mère de Chaugy, « si bien nourries et si modestes, que l'on se pressait dans les églises et dans les maisons pour les voir. ^^ (Mémoires, V^ Partie, chap. xxiii.)

(7 ) M"* de Bréchard, qui avait tenu sur les fonts baptismaux Charlotte, fille cadette de M.""* de Chantai.

Année 1609 131

de l'entretenir bien au long. Et si, je confesse que vous m'aves fait bien playsir de la mettre sur vostre train, bien que pour elle il faudra peut estre que je me mette en despense, affin qu'a son retour, elle face bon récit de ma magnificence. Voyes vous, je ris des-ja dans le coeur sur l'attente de vostre arrivée ( ^ ).

Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé, si vous les aves encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes a vandangesl^)), par ce que sil faut reimprimer Y Introduction, cela me deschargera beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce sujet ; puisque l'on ne m'a encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop peu estendu*. *Cf. supra, p. 137.

La bonne M™" de Charmoysi fait prou ; vous la treu- verés bien avancée aux affections et aux effectz de la vraye dévotion. Mais mon Dieu, la voyla l'un des pieds sur le sùeil de la porte de la cour. J'espère que Dieu la tiendra par tout de sa main ; au moins il luy donne des bonnes resolutions. Je sçai que vostre venue luy sera (3)

Je vous prie de bien faire tenir a la bonne M""^ du Puys d'Orbe le pacquet ci joint, car il faut luy donner satis- faction a la pauvrette. J'ayme bien sou cœur par ce quil m'est bien franc. Elle m'escrit que, pour tous les advis que je luy ay donnés pour le bon ordre de son Monas- tère, elle ne pourroit pas se résoudre a rien faire sans le consentement de son frère (4), qui a, dit elle, un grand

( i) Ici finissait le texte donné par le premier éditeur. L'Autographe de ce texte n'a pu être retrouvé. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 128.)

(2) A l'époque des vendanges de 1606, une épidémie ayant éclaté à Bour- billy, M""= de Chantai avait failli mourir victime de son dévouement pour les malades. Il est très probable qu'elle détruisit alors, s? croyant près de sa fin, quelques-uns de ses papiers intimes. Cette destruction serait le « naufrage » dont parle le Saint.

( 3 ) La lacune regrettable qui existe ici s'explique par la disposition des deux fragments écrits au recto et au verso de l'Autographe et par l'état de l'Auto- graphe lui-même. Celui-ci représente environ la moitié d'une page ; la seconde moitié, le bas, a été coupée et n'a pas été retrouvée. C'est cette partie disparue qui contenait la suite du premier fragment et au verso de laquelle figurait sans doute l'adresse. (Cf. notre tome III, note ( i ), p. xix.)

(4) Le gentilhomme qui semblait tenir de son père cette manie d'ingérence abusive (voir le tome précédent, note (i), p. 35) était Guillaume Bourgeois,

152 Lettres or saint François de Sales

pouvoir sur sa volonté. Elle m'a infiniment obligé a me parler ainsy clair.

J'ay ouvert la lettre que mon frère ( ' ) vous escrivoit, pour curiosité que j'avois de voir le poulet qui estoit dedans. Je n'escris point a la chère petite ( = ), mais je sçai bien que je luy garde le plus amoureux salut que j'aye fait a damoyselle du monde il y a seze ans.

Mon Dieu, ma Fille, que j'ay grand désir que le bon et doux Jésus vive et règne dans nos coeurs ! C'est en luy que je suis tout uniquement vostre.

F.

baroD d'Origny, seigneur de Crépy, etc., et de Vie de Chassenay, gentilhomme ordinaire de la maison du roi, colonel d'infanterie, gouverneur de Semur. Il épousa Elisabeth, fille de Pierre Le Charron et de Marguerite Sauvât. (Cf. le tome précédent, note (2), p. 124.) En 162g, il avait cessé de vivre.

{ I ) Sans doute Bernard.

{2) Marie-Aimée.

DXVI

A LA PRÉSIDENTE BRULART

En quels cas une chrétienne doit être indifférente au choix du confesseur. Les bonnes intentions et les mauvaises pensées. Dévotion de François de Sales à sainte Thérèse. Intérêt qu'il porte à une veuve. Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu. Unique souci d'une veuve chrétienne. Il faut être douce et suave parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir.

Annecy, fin février 1609.

Ma chère Seur, ma Fille,

Je ne respons qu'aux deux lettres que ce porteur m'a rendîtes de vostre part ; car la troysiesme, envoyée par la voye de madame de Chantai, ne m'est pas encor arri- vée ('). Ce m'est beaucoup de contentement que vous

(i) Donc la Sainte n'était pas encore à Annecy, elle n'arriva que vers le 10 mars (cf. ci-dessus, note (6), p. 130) : ce qui rend très probable la date proposée.

I

Année 1609 133

viviés sans scrupule et que la sainte Communion vous soit prouffitable ; sur quoy je vous dis qu'il faut donq conti- nuer. Et pour cela, ma chère Fille, puisque monsieur vostre mary s'inquiète dequoy vous ailes a N. ( 0, ne vous y opiniastres nullement ; car, puisque aussi bien vous n'aves pas beaucoup de grans conseilz a prendre, tous confesseurs vous seront presque bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur No(*), et, quand il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Mères Cair- melites (3). Vous sçaves tout ce qu'il faut pour se bien conduire avec tout^ sorte de confesseurs ; c'est pourquoy vous pouves aller en liberté pour ce regard. Ma chère Fille, demeurés bien douce et bien humble a vostre mary.

Vous aves rayson de ne vous point inquiéter pour les mauvaises pensées, tandis que vous aves de bonnes inten- tions et volontés, car ce sont celles-cy que Dieu regarde. Ouy, ma Fille, faites bien comme je vous ay dit, car quoy que mille petites tricheries de ra)'^sons apparentes s'eslevent au contraire, si est-ce que mes resolutions sont fondées sur des raysons fondamentales et conformes aux Docteurs et a l'Eglise ; mais je vous dis qu'elles sont telle- ment véritables, que le contraire est une grande faute. Serves donq Dieu selon cela, et il vous en bénira ; mais n'escoutés jamais rien au contraire, et croyés qu'il faut que je sois bien asseuré quand je parle si hardiment.

Je rens grâces a la bonne Mère Prieure (4), et la porte avec toutes ses Seurs en mon ame, avec grand honneur et amour. Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour cette mesme dévotion de la bien- heureuse Mère Thérèse : c'est que je voudrois que vous me fissiés extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs ont (5), et allant par delà, un de nos curés qui doit y aller

( i) Probablement le P. Gentil, S. J., confesseur de M"'« Brûlart depuis 1607. (Voir le tome précédent, p. 290.)

(3) Sur les registres de l'église Saint-Pierre, paroisse de la Présidente, on trouve les noms de « Vyardot » et de -< Ponse ou Ponset. »

(3 ) Le confesseur des Carmélites dijonnaises nous est inconnu.

{4) La Mère Louise de Jésus (voir ci-dessus, note ( i ), p. 41).

(5) La vénérable Mère Anne de Jésus, étant prieure à Bruxelles, elle

134 Lettres de saint François de Sales

dans sept ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter. Je ne traitterois pas comme cela avec tou- tes sortes de filles, mais avec vous je fay selon mon cœur.

Je recommanderay au Saint Esprit la chère seur vefve(i), affin qu'il l'inspire au choix d'un mary qui luy soit a jamais a consolation. C'est le sacré mary de l'ame que j'entens ; néanmoins, si Dieu dispose de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il la veuille exercer a la sujétion, il en faudra louer sa Majesté, laquelle sans doute fait toutes choses pour le Cf. Rom., VIII, 28. bien des siens*. Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariée sont aggreables a Dieu ! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation ; mais aussi, o mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter ! Mais bien ; cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chère seur, affin qu'elle sache ou prendre son- chemin. C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espère qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prières que je feray pour elle.

Je me recommande a celles de nostre petite fille [Made- leine (=)] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres ; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre. Je suis en luy, ma très chère Fille, Vostre frère et serviteur très humble,

Francs E, de Genève. Faites avec un soin particulier tout ce que vous pourres

arriva en 1607, fit exécuter à Anvers un album de vingt-quatre planches repré- sentant toute la vie de sainte Thérèse. Elle en envoya un exemplaire aux Carmélites de Dijon qu'elle chérissait. La première planche.de ce recueil, devenu très rare aujourd'hui, contient un portrait-médaillon de la Sainte d'Avila.

D'autre part, le cardinal de Bérulle avait apporté à son retour d'Espagne une miniature de sainte Thérèse. A sa mort, il la laissa au premier Monastère de Paris, du faubourg Saint-Jacques, qui la conserve encore.

C'est sans doute de l'un de ces deux portraits que saint François de Sales désirait avoir une copie.

(i) M"^ Jaquot (cf. ci-dessus, note (2.), p. 45).

(2) Madeleine était la fille aînée de la Présidente. (Voir le tome précédent, pp. 228,2^8, 290, et ci-après, p. 138.) Voici, avec la date de leur baptême, le nom

Année 1609 135

pour acquérir la douceur entre les vostres, je veux dire en vostre mesnage. Je ne dis pas qu'il faille estre molle ni remise, mais je dis, douce et suave. Il y faut penser entrant en la mayson, sortant d'icelle, y estant le matin, a midy, a toute heure ; il faut faire un principal de ce soin pour un tems, et le reste, l'oublier quasi un peu.

de ses quatre petites sœurs, que le Saint a pu connaître lors de son voyage à Dijon, en 1608 : Françoise, 5 mars 1598; Rose, 21 mars 1599; Marguerite, 13 juin 1600; Anne, 6 novembre i6or. (Archives municipales de Dijon, B. 490 et 506.)

DXVII

A MADAME DE LA FLECHERE

Analyse d'une tentation de découragement. Comment doit s'exercer l'apos- tolat des femmes chrétiennes hors de leur maison. Conduite à tenir lorsque nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait. L'amour- propre et l'amour de Dieu. Les heures de sommeil et la santé. Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à l'acquisition des vertus.

Annecy, [mars 1609.]

J'ay receu vos deux lettres, ma chère Fille, et voy bien clairement que tout le mal que vous aves eu n'a esté qu'un vray embarrassement d'esprit provenu de deux désirs qui n'ont pas esté satisfaitz en vous : l'un estoit le désir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit ; l'autre, le désir de connoistre si vous avies fidellement fait vostre devoir. Et en l'un et en l'autre vous aves eu de l'empres- sement qui vous a troublée et inquiétée, et puis embar- rassée. Or, sans doute vous aves bien fait vostre devoir. Vostre esprit, panchant tous-jours un peu a l'indignation, vous a fait treuver peu ce que vous aves fait, et le mesme esprit, désirant grandement de satisfaire a son obligation et ne .se pouvant certainement persuader de l'avoir fait, est tombé en tristesse et descouragement ou desgoust.

i}6 Lettres de saint François de Sales

Or sus, ma chère Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant tout cela et s'humiliant bien fort devant Nostre Seigneur, et vous resouven-ant que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet d'empescher le mal hors de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des remonstrances simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement aux Supé- rieurs quand cela se peut ( 0 ; ce que je dis pour une autre fois. A quoy j'adj ouste, pour un advis gênerai, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requérir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumière pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire ; car une curieuse et empressée recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait désirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit : Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, a,ppuye toy en la piisericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidélité, passe outre a la poursuite de ton avancement.

J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos, on ne dorme pas du tout son saoul ; mais pour faire que cela ne nuyse point, en lieu de dormir, il faut un peu faire plus d'exercice pour dissiper les humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes. Et en cette sorte, vous pourres retrancher une heure sur vostre sommeil du costé du matin, et non pas le soir, et je m'asseure que vous vous en porteres mieux. Pour le reste des austérités, ne vous en donnes point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne Cf. supra, pp. 57, le facics pas * ; ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le présent, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions ; et ne faut

(i) M™* de la Fléchère, comme nous l'apprennent plusieurs épisodes de sa vie, était très pénétrée du devoir de la correction fraternelle, et sans doute elle mettait à le remplir une rigueur que le Saint voulait tempérer.

"3

Année 1609 137

point en cela se descourager, ains user de préparation

fréquente pour s'y bien comporter*. 'Cf. supra, pp. 54,

Dieu soit tous-jours nostre unique amour et prétention, ma chère Fille, et je suis en luy tout vostre.

Franc*, E. de Genève.

120.

DXVIII

A LA PRÉSIDENTE BRULART

Les menues et fréquentes impatiences; moyens de les sarmonter. Il faut être colombe à l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son entourage.

Annecy, vers mi-mars 1609. Ma très chère Fille,

Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [del Moyron, présent porteur, est mon plus proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié (0, par le retour duquel vous me pourres escrire en toute asseurance ; et si l'image de la Mère Thérèse estoit faite *, il la prendroit, payeroit et appor- *Videsupra,p.i33,

. , et infra, p. 142.

teroit, ainsy que je 1 en ay prie.

Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma dernière lettre * ce que je desirois touchant * Epist. dxvi, vos menues, mais fréquentes impatiences es occurrences de vostre mesnage. Je vous dis donq qu'il faut que vous ayes une spéciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levée le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous ren- tres en ces affaires domestiques, il vous faut estre atten- tive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addou- cir avant toutes choses; que s'il l'est, il en faut loiier

( I ) L'hôtel des Paquellet de Moyron se trouvait entre la cathédrale et la rue Filaterie, donc tout proche la maison Lauibert, habitée alors par saint François de Sales. François PaqueUet et Jean étaient tous deux ses amis; mais c'est ce dernier sans doute qu'il appelle son « grand amy, » l'ayant eu pour condisciple à Paris. (Voir notre tome XII, notes (j), pp. 103, 196.)

138 Lettres de saint François de Sales

Dieu, et l'employer aux affaires qui se présentent, avec un soin spécial de ne point le laisser dissiper.

Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres. Vostre ame s'entretenant souvent aux exercices spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle revient aux exercices corporelz, extérieurs et mate- rielz, elle les treuve bien aspres et fascheux ; c'est pour- quoy aysement elle s'impatiente. C'est pourquoy, ma chère Fille, il faut qu'en ces exercices vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme

Gant., II, 10, VI, 8. qui se fait. Invoqués souvent l'unique et belle colombe*

de l'Espoux céleste, affin qu'elle impetre pour vous un vray cœur de colombe, et que vous soyes colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor dedans vostre nid et avec tous ceux qui sont autour de vous.

Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma bonne

I Cor., VI, 17. et chère Fille, et nous rende un mesme esprit avec luy *.

Je salue par vostre entremise la bonne Mère ( O et toutes les Seurs Carmélites, implorant l'ayde de leur orayson. Si je sçavois que madamoyselle nostre chère seur Jacob fust la( = ), je la saluerois aussi, et sa petite Françon(3), comme je fay vostre Magdeleine ( 4 ) qui est encor mienne.

Vive Jésus !

( I ) La Mère Louise de Jésus.

(2) M"^ Jaquot, sœur de la destinataire.

(3) Françoise Jaquot, fille de Palamède Jaquot et de Madeleine Bourgeois de Crépy (cf. tome XIII, note { r ), p. 87), épousa par contrat du a8 juin 1630, Gaspard d'Amanzé, chevalier, comte d'Amanzé, baron de Combles, seigneur de Prisy, PuUigny, Mypont, etc., conseiller ordinaire du roi, lieutenant- général au gouvernement de Bourgogne. Douze enfants naquirent de ce mariage, cinq fils et sept filles, dont trois furent Religieuses à la Visitation de Paray. (Cf. d'Hozier, Qénéalogie de la Maison d'Amanzé, etc., Dijon, 1659.)

(4) Madeleine, dont il a été parlé plusieurs fois (cf. note (2), p. 134), entra au Carmel de Dijon. Elle prit part à la fondation de Beaune (25 juillet 1619), revint à Dijon, puis à Beaune, et enfin retourna au Carmel de sa ville natale. La Mère Madeleine de Saint-Joseph mourut dans la charge de prieure, le 24 mars 1656. On lui attribue une Vie de la vénérable Soeur Marguerite de Beaune. (Archives du Carmel de Chalon.)

Année 1609 139

DXIX

A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS, ÉVÊQUE NOMMÉ DE BELLEY (0

(fsaghbnt)

Panégyrique en raccourci de saint Joseph. Tableau de la Sainte Famille. François de Sales accepte avec joie de « mettre la mitre en teste » au futur Evêque de Belley.

Annecy, [fin mars] 1609. Monseigneur,

Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle soit un peu pressante, pour respondre a vostre dernière lettre, toute marquée de suavité, du jour

( I ) Jean-Pierre Camus naquit à Paris le 3 novembre 1584. Le succès de ses prédications le fit nommer, avant même qu'il eût l'âge canonique, à l'évêché de Belley. Il obtint de Paul V la dispense nécessaire et fut sacré dans sa cathé- drale le 30 roût 1609, par les mains de saint François de Sales. Après vingt ans de ministère laborieusement dépensés, il se démit de son siège et se retira en NormandieJ dans l'abbaye d'Aunay. Il reprit bientôt la vie active en acceptant d'être le vicaire général de l'Archevêque de Rouen, François de Harlay. A la mort de ce Prélat, l'ancien Evêque de Belley vint à Paris et y choisit pour sa définitive retraite l'hospice des Incurables. Néanmoins, il s'était laissé nom- mer, en 1650. à l'évêché d'Arras; ses bulles n'étaient pas encore arrivées lorsqu'il mourut, le 25 avril 1652. Godeau prononça son oraison funèbre.

Jusqu'ici, Camus n'a eu que des panégyristes ou des détracteurs. Il est vrai que sa vie toute remplie de pensées et d'actes contradictoires découragerait un biographe sincère. Ce Prélat qui fit venir les Capucins à Belley en 1620, et qui écrivait un jour au P. Recteur du collège de Chambéry : « Je suis Jésuite de cœur, d'ame, de tout, » (Archiv. domest. de la C* de Jésus) a mené presque jusqu'à sa mort une campagne furibonde contre les Religieux. Austère dans sa vie intime, jusqu'à la rigidité, il a semé dans ses romans des peintures plus que profanes. On ne se souvient plus guère aujourd'hui du polygraphe et du romancier si extraordinairement fécond, ni peut-être du belliqueux contempteur des moines; on ne voit en lui que l'ami de l'Evêque de Genève et l'auteur de L'Esprit d; saint François de Sales.

L'ouvrage qui porte ce nom parut en six volumes in-8", 1639-1641. Il eut plusieurs éditions du vivant de l'auteur. En 1840, M. Dépery en a donné une nouvelle édition. Mais déjà Collot, en 1727, avait réduit le recueil en un volume in-8", puis en deux petits in-12, plusieurs fois réimprimés en ce siècle.

C'est ce résumé qui a popularisé dans le public le nom de Jean-Pierre Camus, et ce sont ces extraits sans doute qui ont fait désirer à plus d'un lettré

«40 Lettres de saint François de Sales

du grand Père saint Joseph, grand Amy du Bienaymé, grand Espoux de la Bienaymee du Père céleste, qui a

•Cant.. II. i6. voulu que son Filz céleste fust repeu entre les lys* de cette Espouse et de cet Espoux. Je ne treuve rien de plus doux a mon imagination que de voir ce céleste petit Jésus entre les bras de ce grand Saint, l'appellant mille et mille fois : Papa, en son langage enfantin et d'un cœur

•Cf. Tr. de FAm. filialement tout amoureux*.

de Dieu, Orayson r\ j i -r-.

dedicatoire. ^"^ SUS, venes donq, mon très cher Frère, et que ce soit

par mon ministère que vous soyes orné de ce grand carac- tère du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon

de lire l'ouvrage en entier. Eh bien ! il faut le dire, pour en finir avec une légende : l'écrivain, à cet égard, ne mérite pas tant de sympathie et de con- fiance, de la part surtout des historiens qui le citent si complaisamment. Après le consciencieux travail de M. l'abbé de Baudry : Le véritable Esprit de saint François de Sales (Lyon, 1846), on ne peut plus regarder l'Evêque de Belley comme l'interprète fidèle de la doctrine du Saint et le peintre exact de son âme. En des points notables, il travestit ses pensées en lui prêtant les siennes propres ; et cela n'a rien d'étonnant chez un écrivain qui se pique en maintes préfaces de ne jamais rien relire ni effacer de ce qu'il écrit, et qui citait de mémoire, dix-sept ans après la mort de François de Sales, les propos qu'il lui attribue. Et en vérité, à travers cette indigeste compilation, quoique mêlée d'anecdotes dont beaucoup sont agréables, on ne voit pas revivre l'âme noble, discrète et harmonieuse du grand Evêque : on y entend trop résonner le bavar- dage de son interlocuteur et les éclats de son rire. Il fut l'ami du Saint, ne le nions pas ; celui-ci l'aima sincèrement, et c'est sa plus belle louange, c'est la plus solide : elle lui restera.

Ce qui donne du piquant à cette amitié, c'est qu'elle ait pu exister entre deux âmes aussi dissemblables. Mais quoi d'étonnant.^ Le jeune Evêque depuis son sacre, était devenu le fils spirituel de François de Sales, et, à cause de son inexpérience, l'objet de ses sollicitudes. Il lui témoignait la confiance et l'affec- tion d'un vrai disciple. Tant de démonstrations touchaient le Saint; il souriait de ses travers, tâchait de l'en guérir et loin de lui reprocher la pauvreté de son jugement, il s'édifiait plutôt d'entendre son ami en convenir avec candeur. Quand il venait à Belley, la bonne humeur de son hôte, féconde en saillies pitto- resques, devait être au saint Evêque une récréative diversion parmi les soucis toujours croissants de ses travaux. Le Saint lui manqua trop tôt; il eût calmé, s'il eût vécu davantage, cette fougue, cette impressionnabilité toujours exci- tée, et tourné vers un apostolat plus fructueux l'activité débordante qu'il dépensa contre les moines.

Jean-Pierre Camus fut un ami de la Visitation, mais un de ces amis contre lesquels il faut se défendre parfois. Le 10 août 1633, la Mère de Chantai visi- tant à Belley ses filles, qu'il avait établies, écrivait à une Supérieure : « Hélas ! nous sommes ici ce bon Prélat veut faire des constitutions nouvelles; il se passe des choses inouïes et que jamais on n'eût pu penser ni attendre. O bienheureux Père de mon âme, que dites-vous? secourez-nous! » (Let~ trest vol. II, Paris, 1877.) Cette confidence alarmée de la Fondatrice, son

Année 1609 141

très véritable, mais que le sang et la chair n'entend

pas *, nous contractions par ce moyen un parentage spi- 'Matt., xvi, 17.

rituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne

pourront desfaire et qui durera éternellement, et pour

lequel mon esprit aura une réelle relation de paternité,

filiation et fraternité avec le vostre. Dieu sçait que j'irois

au bout du monde pour vous mettre la mitre en teste, et

serois jaloux si un autre me ravissoit cet honneur.

FRANÇ^ E. de Genève.

exclamation en disent long. En 1632, la Sainte écrivit une lettre au Prélat. C'est une pièce décisive ; il faut la lire. (Voir à l'Appendice II.) Elle ne révèle pas seulement le tact éminent et l'admirable souplesse d'esprit de la femme qui l'a écrite, elle sert à faire connaître l'auteur de L'Esprit de saint François de Sales quand il avait près de cinquante ans, et par surcroît, à justifier ceux qui, en parlant de lui, ont pu paraître un peu trop sévères.

DXX

A LA PRESIDENTE BRULART

Trop différer la première Communion : grande erreur. Le visage pâle et l'âme vermeille. Envoi d'un exemplaire corrigé de r/«/ro«?M<r/ïO«.

Annecy, fin mars ou commencement d'avril 1609 (O-

N'attendes pas de moy maintenant que je vous escrive a souhait, car bien que ce soit par mon frère ('), si n'ay-je pas beaucoup de loysir et si je ne sçai s'il passera a Dijon ; mais je sçai bien pourtant qu'il fera rendre seu- rement ma lettre.

Ouy, ma Fille, sans doute, il ne faut pas laisser passer ces Pasques sans faire communier vostre filz. Mon Dieu, c'est un docteur des-ja(3)! C'est un grand erreur, ce me

(i) L'allusion aux « Pasques » prochaines et à« l'image de la bienheureuse Mère Thérèse » ne laisse aucun doute sur la date approximative de la lettre.

(a) Peut-être Jean-François.

{3) Ce H docteur » avait douze ans et s'appelait Denis Brûlart. Baptisé le 35 mars 1597, le fils aîné de la Présidente fut reçu conseiller au Parlement de

142 Lettres de saint François de Sales

semble, de tant différer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions a quinze. Vrayement, j'eusse bien désiré de luy donner la première Communion : ce luy eust esté un sujet de se resouvenir de moy et de m'aymer toute sa vie. Mais bien, il n'importe pas pour luy. Vide supra, pp. T^Y receu l'image de la bienheureuse Mère Thérèse*, 33f 137- dont je suis consolé et vous en remercie.

Je suis bien ayse de sçavoir que cette fille soit en paix avec monsieur Chevrier (0. Vrayement, je luy escri- vis par M. de Moyron, qu'elle fist ce qu'elle a fait de point en point, sur une lettre par laquelle elle me deman- doit conseil.

Eh bien, ma chère Fille, Dieu soit loué ; pourveu que nostre ame soit colorée du vermeil de la charité, il ne nous doit pas chaloir que nous ayons les pasles couleurs. C'est un mal propre a mortifier et les sens et les senti- mens, car il ne laisse point de mouvement qu'il n'allan- guisse, horsmis celuy du cœur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut et rend plus fréquent. Rendés-le bien utile a vostre advancement spirituel par vostre abnégation reôlle des goustz, des suavités qu'il vous oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit. Vous faites bien de prattiquer mes advis, car ilz sont selon la volonté de Dieu ; et si cette maladie vous y donne plus de répu- gnance, tant plus gaigheres vous en leur exercice.

Je pensois vous envoyer plusieurs livres (2), mais l'im- primeur m'a manqué de parole de les m'envoyer ; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy. Je vous envoyé néanmoins celuy-ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit, afiin que, s'il est possible, vous ayes le

Bourgogne le 19 mars 1619, et premier président le 20 avril 1627. Il épousa Marie Massol et en eut quatorze enfants. L'aîné devint en 1657 premier pré- sident au Parlement de Dijon ; trois filles furent Religieuses à Dijon, Claude et Françoise à la Visitation, Elisabeth au Carmel. (Bibl. publ. de Dijon, Fatras généalogiques du baron de Juigné, etc.)

( I ) « Monsieur Chevrier » serait-il un parent de Jeanne Chevrier, fondatrice 4u Carmel de Dijon (voir le tome précédent, note (2), p. 118), ou bien appar- tiendrait-il aux Chevriers de Saint-Mauris ?

(2) De l'Introduction à la Vie dévote.

Année 1609 143

premier de ma part. Il faudra corriger les autres sur iceluy, car je l'ay corrigé par tout, tant que j'ay peu.

Dieu soit a jamais nostre amour, ma chère Fille, et croyés que je suis en luy tout particulièrement vostre.

F. Vive Jésus ! Ne dites pas que je vous ay envoyé ce livre, jusques a ce que je puisse en envoyer davantage.

DXXI

A MONSEIGNEUR PIERRE DE VILLARS, ARCHEVEQUE DE VIENNE

Une « petite opiniastreté » de saint François de Sales. L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le Bienheureux s'excuse de le lui donner encore et lui expose les raisons de sa respectueuse obstination.

Annecy, mars-avril 1609 (i).

Monseigneur,

Permettes moy, je vous supplie très humblement, cette petite opiniastreté ; car vrayement, tout aussi tost que vous aves voulu que je bannisse des lettres que je vous envoyé le tiltre de Monseigneur, mon opinion s'est soudaine- ment deslogee de ma volonté, laquelle est irrévocable- ment sousmise a la vostre ; mais elle s'est sauvée dans mon entendement, ou elle s'est tellement retranchée que je suis en peyne d'entreprendre sa sortie. Ce n'est pour- tant pas que mon entendement ne veuille céder a vostre jugement, duquel il révère extrêmement l'authorité et la reconnoist pour souveraine en son endroit ; mais c'est qu'il luy est advis que vous n'aves pas bien conceu la bonté et sincérité de ses intentions pour ce regard. Ose- ray-je bien disputer avec vous. Monseigneur ? Vostre

( I ) La date proposée résulte du rapport de cette lettre avec celle de février 1609 au même personnage, et aussi avec les lettres que celui-ci écrivit aa Saint (cf. note (3), p> 124).

144 Lettres de saint François de Sales

douceur, je pense, m'excusera ; c'est simplement pour m'expliquer.

Je dis donq, avec vostre congé : premièrement, que je "ous puis appeller Monseigneur, et que ce tiltre n'est pas trop grand pour vous, ni de moy ni d'aucun autre Eves- que. Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appelle de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes. Et a cet argument ne satisfait pas la response, que tous les prestres estoyent censés saintz, heureux, pères, et que par conséquent il failloit qualifier les Evesques sur iceux : non. Monseigneur, car tous ces tiltres regardoyent leur estât, leur dignité, leur Ordre.

Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est expédient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques. Car, quelle rayson y a-il que j'appelle les princes du siècle Messeigneurs, et non pas ceux (') quos constituit Pss. xLiv, 17, Dominus principes populi sui*? Et ne sert a rien de •Tpe^tri, uit., ^^^® ^"^ Non dominantes in cleris* ; car, comme non debetis dominari, sic nostrum subjici. Je vous sup- plie, pesés bien. Monseigneur, cette rayson d'estat. Puis- que nous ne pouvons refuser aux princes mondains ce tiltre d'honneur, ne ferions-nous pas bien de nous esga- 1er, tant qu'en nous est, a eux pour ce regard, desquelz on peut dire que deridetit nos junior es [hoc] tempore, quorum non audebant patres cum sacerdotibus mi- noribus incedereCh

Je dis, troysiesmement, qu'il est bien séant ; car encor que l'Italie et la France sont séparées et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie en France, si est ce que

(*) que le Seigneur a établis j^mc^s de son peuple?

(**) Ne dominant pas le clergé; car, comme vous ne devez pas dominer, ainsi est-ce de notre devoir de nous soumettre.

('") en ce temps-ci, les jeunes gens nous dédaignent, tandis que leurs pères n'osaient pas se comparer aux jeunes prêtres.

Année 1609

'45

l'Eglise n'est pas séparée ; et le langage, non pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche des ecclésiastiques. C'est pourquoy, puisque le Pape mesme vous appelleroit Monseigneur, il est séant que j'en face de mesme.

Il ne reste a résoudre que l'argument fondamental de vostre volonté, mais il ne se peut résoudre ; car ce n'est que vostre humilité : O ut qui major est dignitate, sit potior humilitate *. J'y respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté , et les rends esgaux quant a cet honneur ^''"' extérieur, laissant a mon intérieur de donner diverses me- sures de respect, sous un mesme mot^ selon la diversité de mes devoirs; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une révérence toute cordiale, toute parti- culière.

Voyla ce que je vous puis dire, allant, comme je vay dans une heure, monter en chaire. J'attendray vos com- mandemens pour y obéir, car en somme, je suis prest a déposer toute sorte d'opinions que vous n'appreuveres pas, et suivre en tout et par tout vos volontés ; mais je vous demande pardon pour ce coup. Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non seulement patiente, mais débonnaire*, me rendra excusable, vous asseuiant que je suis

Vostre très humble et très obéissant serviteur,

Franç% E. de Genève.

S. Greg. Mag., in Ezech., 1. II, Hom. VI, § 9. Cf. Luc,

I Cor., xiii, 4, 7.

(') afin que le plus grand en dignité, l'emporte par l'humilité.

Lbttrbs IV

146 Lettres de saint François de Sales

DXXII

a madame bourgeois, abbesse du puits-d'orbe

Faire le bien joyeusement, sans s'attrister de ses défauts. Tenir la clôture. Les confesseurs extraordinaires : manière d'observer la prescription du Concile de Trente. L'administration des pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses Chapitres. Rappeler au monastère une Religieuse absente et par quels procédés. Conseils variés sur l'oraison, la lecture spirituelle, etc. Acquérir un grand courage au service de Notre-Seigneur.

Annecy, commencement d'avril 1609 (i).

Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de

bouche : res-jouisses vous tant que vous poutres en bien

faysant, car c'est une double grâce au bon œuvre, d'estre

•Cf.Eccles.,m,i3; bien fait et d'estre fait ioyeusement*. Et quand ie dis en

II Cor., K, 7. ,. r ^ . ,• ,..•'.

bien faysant, je ne veux pas dire que s u vous arrive quelque défaut, vous vous addonnies a la tristesse pour cela. Non, de par Dieu, car ce seroit joindre défaut a défaut ; mais je veux dire que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-jours au bien, sou- dain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant cette fidélité, que vous viviés tous-jours bien joyeuse.

Pour le gênerai, j'ay a vous dire, outre l'ancien escrit que je vous renvoyé, que vous deves tenir le cloistre et le dortoir fermé aux hommes : ainsy la closture s'en fera doucement. Sess, xxr, cap. x. Le Concile de Trente * ordonne a tous les Supérieurs et Supérieures des Monastères qu'au moins trois fois l'an- née ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires ; ce qui est grandement

(i) En datant cette lettre de 1606, les éditeurs précédents n'ont pas pris garde à cette phrase : « les premiers advis que je vous escrivis il y a cinq ans. » Ces derniers mots suffiraient à dater la lettre. Elle n'a pas été écrite avant 1609. L'allusion à la « Mort et Passion du Sauveur, » et plus encore la men- tion que fait le Saint de M'"^ de Chantai (p. 148), de sa présence à Annecy et de son retour en Bourgogne, indiquent que la présente lettre a été écrite au commencement d'avril.

Année 1609 147

requis pour mille bonnes raysons. C'est pourquoy vous l'observeres, faysant venir ou quelque bon Père Minime, ou quelque bien dévot prestre, auquel toutes ayent a se confesser cette fois-la. Je vous ay dit la rayson pourquoy toutes s'y doivent confesser, ce qui ne sera point grief a aucune ; car celles qui voudront ne se confesseront que d'un jour ou de deux, s'estans préalablement confessées, et celles qui voudront pourront en user autrement.

Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration des pensions ; mais députés une des Dames, qui, sous vostre authorité, ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employé.

Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recomman- der souvent la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulièrement envers celle de laquelle vous m'es- crives, laquelle il faut, par charité, révoquer a une bonne et douce intelligence et confiance avec les autres. Je luy escris un petit mot(0.

Vous treuveres bien, ce croy-je, les premiers ad vis que je vous escrivis il y a cinq ans *, de la façon avec laquelle Vide tom. XII, vous dévies doucement réduire tous ces espritz a vostre ^** ' '^^^^^^^ bon dessein. Vous y verres beaucoup de choses que, pour briefveté, je ne diray pas maintenant.

Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frère, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos âmes, édification du prochain et honneur de vostre Monastère, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirées dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant ; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger : dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a voiiee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et très amiable conversation, laquelle seule, outre

(i) La Religieuse à laquelle le Saint écrit « un petit mot, » celle qui avait quitté le monastère et son frère sont trois personnages qu'il n'a pas élé possi- ble d'identifier.

148 Lettres de saint François de Sales

son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte ; et choses semblables. Si pour cela elle ne revient, il faudra l'arraysonner deux autres fois, avec des intervalles de trois semaines. Que si en fin elle ne revient, vous luy envoyeres qu'elle se détermine donques de n'estre plus receuë, et d'estre forclose de sa place. Mais je croy que ses parens la feront revenir ; et, estant revenue, vous la traitteres doucement et avec grande patience.

Si j'oublie quelque chose, je le diray a nostre seur (0, qui vous ira voir infalliblement, et elle vous chérit bien fort. Pour vostre particulier, ne faites point faute de faire l'orayson mentale tous les jours, a la mesme heure qu'elle se fait au chœur, si vous ne pouves pas y aller; et ce pour demie heure. Ne vous tourmentes point encor que vous ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz que vous •Cf.llCor.,viii,i2. desireries, car c'est la bonne volonté que Dieu requiert*. Lises tous les jours un quart d'heure dans les livres spi- rituelz, et ce, devant qu'aller a Vespres ou que les dire, quand vous n'y pourres pas aller.

Vous vous coucheras tous les jours a dix heures, et vous leveres a six. Quand vous seres contrainte d'estre au lit, faites lire quelqu'une de tems en tems, selon vostre commodité. Baysés souvent vostre croix que vous portes ; renouvelles les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immédiatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs ; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'as- pirations et d'humiliations devant Dieu.

Je vous ordonne pour vostre spécial Patron de cette année le très glorieux saint Joseph, et pour vostre Pa- tronne, sainte Scholastique, seur de saint Benoist, de laquelle vous treuveres beaucoup d'actions en sa Vie et en celle de saint Benoist, dignes d'estre imitées.

Voyés-vous, ma très chère et bonne Fille, entreprenés de vous acquérir un grand courage au service de Nostre Seigneur ; car, pour asseuré , sa Bonté vous a choisie pour se servir de vous, pourveu que vous le veuillies, pour

(i) La baronne de Chantai.

Année 1609 149

le restablissement de sa gloire et salut des âmes en vostre Mayson. Vous ne sçauries tenir un chemin plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance : c'est pour- quoy je me res-jouis grandement que vous y soyés affec- tionnée, pour l'intention que me marqués. Mais resouve- nés-vous donq bien de ce que je Vous ay commandé de la part de Nostre Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne.

Pour moy, ma très chère Seur, ma Fille bienaymee, j'ay une volonté fort entière a vous chérir, honnorer et servir ; et jamais rien ne m'ostera cette affection, puisque c'est en ce mesme Sauveur et pour luy que je l'ay prise, estant a jamais,

Vostre humble frère et serviteur,

tout entièrement vostre,

Franc», E. de Genève.

DXXIII

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER

Le destinataire ayant écrit au Saint une lettre d'affectueuse courtoisie, celui-ci lui envoie l'expression de son respect et de sa confiance.

Annecy, avril 1609 (i).

Monseigneur,

C'est de tout mon cœur que je vous escris esgalement avec respect et confiance. Celle ci procède de la connois- sance que j'ay»de la sincérité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qua- lités qui décorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu ; auquel, bien que je vous aye devancé quant au

( X ) La date est donnée par Hérissant (173$) qui a pris la lettre sur roriginal.

150 Lettres de saint François de Sales

tems, je vous voy néanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une réciproque révérence en vostre endroit. Et si vous ne vous esties pas mis a l'ex- trémité du plus haut point d'honneur envers moy, je me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en donnes ; mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout mieux faire que moy, que d'autant que le lieu d'où sort l'honneur que vous me faites luy donne un poidz si excessif que je n'ay rien qui le puisse esgaler. Mais c'est assés.

Continués, je vous supplie. Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de bonheur en la grâce de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable, Vostre très humble frère

et très obéissant serviteur,

Franc», E. de Genève. Avril 1609.

DXXIV

A MADEMOISELLE DE TRAVES

Le monde « n'est qu'un vray trompeur. » Considérations proposées à une personne qui songeait à se marier. L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des Saints à la très sainte unité de Dieu.

Annecy, 18 avril 1609(1).

Madamoyselle,

Vous voulant honnorer, chérir et servir toute ma vie, je me suis enquis de madame vostre chère cousine, ma seur (s), de Testât de vostre cœur, duquel elle m'a dit

( I ) La date ayant été coupée dans l'Autographe, nous adoptons celle du premier éditeur.

(3) La baronne de Chantai. Elle quitta Annecy après les fêtes de Pâques, c'est-à-dire après le 19 avril, et très probablement le Saint lui confia la pré- sente lettre.

Année 1609 15.1

chose qui m'a consolé. Que vous seras heureuse, ma chère Fille, si vous persévères a mespriser les promesses que le monde vous voudra faire, car en vray (sic) vérité ce n'est qu'un vray trompeur. Ne regardons jamais tant ce quil propose que nous ne considérions ce qu'il celé.

Il est vray, sans doute, c'est une grande assistence que celle d'un bon mari; mais il en est peu, et pour bon qu'on l'ayt, on en reçoit plus de sujettion que d'assistence. Vous aves un grand soin pour la famille qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand vous entreprendries la charge d'un'autre peut estre aussi grande. Demeures ainsy, je vous prie, et croyes-moy, faites en une resolution si forte et si sensible que nul n'en doute plus.

L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les tra- vaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye dévotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin très heureuse. Que puissies vous donq comm'eux conserver et sacrer a Dieu vostre cœur, vostre cors, vostr'amour et toute vostre vie.

Je suis en toute sincérité,

Madamoyselle,

Vostre bien humble serviteur en ce mesme Sauveur,

Francs E. de Genève. Ce 18 avril 1609.

A Madamoyselle, Madamoyselle de Traves.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitatioa de Boulogne-sur-Mer.

152 Lettres de saint François de Sales

DXXV

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET, ÉVÊQUE DE MONTPELLIER

(imbditb)

Annonce de nouvelles. Messages. Le nouvel Evèque de Belley. Jean- Pierre Camus songe à faire une visite à saint François de Sales. « Une lettre toute d'amour. »

Annecy, 20 avril 1609. Monseigneur,

Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection au désir de vous rendre toute ma vie très humble service, car, quant au reste des nouvelles, le porteur vous les dira suffisamment, sinon que monsieur Valladier (0 m'a escrit n'a guère une lettre toute pleyne de Ihonneur et respect quil vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme tout uny et conjoint a vous.

Nous avons depuis peu monsieur l'Evesque de Belley (») en ces quartiers, qui me fait la faveur de me venir voir la semaine prochaine. On m'en dit tant de bien, qu'avant Ihonneur de sa connoissance, je suis forcé de luy porter une singulière révérence.

Nostre monsieur des Hayes m'escrivit l'autre jour par monsieur de Charmoysi une lettre toute d'amour. Il faut que je m'en glorifie au près de vous qui, avec moy, esti- més si praetieusement son amitié. Faites moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je corres- pondray fidellement par autant de très humble affection

(i) André Valladier (voir plus haut, p. 69).

(î) Jean-Pierre Camus (voir ci-dessus, note (i), p. 139).

Année 1609 153

que vous en pouves désirer de celuy qui vous souhaite toute prospérité et bénédiction, demeurant, Monseigneur, Vostre très humble frère et très obéissant serviteur,

FRANÇ^ E. de Genève.

Le 2' jour de Pasques 1609, a Neci.

A Monseigneur

Monseigneur le R""* Evesque

de Monpelier.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier.

DXXVI

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D'ORBE

Une cure difficile ; le charitable Saint prend l'avis d'un gentilhomme et d'un H viel cyrurgien » et députe à la malade le fils de celui-ci. Conseil donné à l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie. Comment Dieu lui témoigne son amour paternel.

Annecy, 27 avril 1609.

Ma chère Fille,

Désirant sçavoir avant le départ de M"^ de Chantai que c'est que je pouvois espérer du gentilhomme qui croyoit de pouvoir guérir vostre jambe ( ' ), je luy fis dire par M"" de Chantai mesme toute l'origine et le pro- grès de vostre mal, car je ne le sçavois pas. Ce qu'ayant oûy, il perdit sa première opinion et son courage, m'ad- dressant néanmoins a un viel cyrurgien (*) auquel il estime beaucoup de choses estr'aysees qui sont difficiles aux autres, et lequel, comm' on dit, fait des petitz mira- cles ; et pour cela, je l'envoyay quérir, affin quil oùyt

( I ) Plusieurs gentilshommes exerçaient alors la médecine à Annecy : Jean Favre, Maurice de Charrière, Jean Grandis, Pomée, etc. Quel est celui d'entre eux qui espérait guérir Rose Bourgeois-' II est malaisé de le savoir.

(a) Annecy, en ce temps-là, comptait plusieurs chirurgiens ; Pierre Ribe- mont, Antoine Vallefroyd, Claude Desgranges, et quelques-uns, le docteur Symène et Le Barba, étaient espagnols.

154 Lettres de saint François de Sales

tout le récit de vostre fait et quil en dit son opinion. Il vint donques, et ayant encor ouy M"" de Chantai, il res- pondit que non obstant toutes les difficultés quil y avoit a la cure de ce mal, il espereroit de vous guérir, mais que pour cela il faudroit du loysir.

Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May(i) toutes les par- ticularités plus exactement, et apporter une bonne et véritable description de toute l'affaire. Ce quil fera mieux qu'un autre, par ce qu'encor quil ne soit pas cyrurgien, il y entend néanmoins quelque chose a force d'en avoir ouy parler a son père. Je vous prie donq, ma chère Fille, de vouloir le faire bien instruire et de luy faire donner par escrit tout le fait ; car sur cela, si son père espère de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions sur le lieu, affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses opérations.

J'ay creu que je ferois bien d'user de cette méthode, affin de ne point vous engager au voyage de deçà mal a propos ; duquel, si le succès n'estoit pas selon mon désir, je serois extrêmement marri. Il est vray quil seroit tous- jours a mon grand contentement en ce que j'aurois le bien de vous voir et entretenir ; mais si aussi vostre santé corporelle en souffroit, ce me seroit bien du desplaysir. Or, le tracas d'un si long chemin pourroit sans doute vous beaucoup apporter de péril, et, comme que ce soit, j'ay espérance de vous revoir dans quelque tems, sans tant d'incommodité pour vous. Que si Dieu nous estoit

(i) Pierre-Antoine Dumay, originaire de Bourgogne, mort en léis, était devenu premier médecin de la reine Marguerite de Navarre. Quoique établi à Toulouse, il épousa Jeanne du Caylar, il revenait quelquefois au pays natal. Un de ses fils, Paul, baptisé le 33 août 1585, étudia aussi la médecine à Montpellier, mais se fixa en Bourgogne peu de temps avant son mariage, con- tracté le 16 mai 1610 avec Marie de Massol; il mourut à Dijon le 19 décem- bre 1645. (D'après les notes de M. Gabriel Dumay, membre de r Académie de Dijon.) C'est l'un des deux, sans doute, qui était le médecin de Rose Bourgeois.

Année 1609 155

si miséricordieux que vous puissies guérir par l'opération de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la peyue de faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit.

Cette lettre n'a point d'autre sujet que celuy ci, espé- rant de vous escrire de rechef par autre voye dans peu de jours*. J'attendray donq la response par le mesme Vide Epist. seq. porteur, qui, partant ce jourdhuy, ne me donne pas le loysir d'escrire a vos chères Seurs et filles, vers lesquelles je désire estre excusé sil vous plait. Et tandis, resou- venes vous, ma chère Fille, que Dieu vous invitant au chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne un doux amour paternel et quil veut rendre vostre ame purement sienne, comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour de luy, auquel soit a jamais gloire et louange.

Je suis en luy tout vostre.

F. Le XXVII avril 1609.

A Madame Madame l'Abbesse du Puys d'Orbe.

Revu sur TAutographe conservé à la Visitation d'Annecy.

DXXVII

A LA MÊME

Offre de services spirituels. Visite annoncée. Nécessité de donner suite à de bonnes résolutions. Exhortation à faire « beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jésus crucifié. »

Annecy, 39 avril 1609 (i).

Ma très chère Fille,

Je vous escrivis avant hier * sur le sujet de vostre «Epist. pn jambe ; maintenant je vous escris sur celuy de mon cœur qui vous chérit d'un amour extrême, et pour cela, pense

( I ) Cette lettre, qui n'a jamais été reproduite depuis 1636, fait suite à la lettre précédente, du 37 avril, et porte ainsi sa date avec elle.

156 Lettres de saint François de Sales

continuellement comment, en quoy et quand il pourra tellement servir le vostre, que celuy de vostre Espoux, nostre très doux Sauveur, en soit satisfait et content. C'est mon désir très ardent, principalement Ihors que je repasse en ma memoyre l'affection, la confiance et le zèle avec lequel vous reposastes un jour vostr'ame (d'autant mienne) et vostre volonté sur ma direction.

Or sus, Dieu me fera la grâce qu'il ne se passera pas beaucoup de tems que je ne vous revoye ; et Ihors, certes, il faudra voir une conclusion de tous nos bons desseins, affin que si nous ne faysons pas tant de chemin que la chaleur de nostre première dévotion nous faysoit entre- prendre, nous en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous en pourrons faire. Con- tinués ce pendant vos exercices, excités en vous vostre courage, et sur tout parforces vous de faire beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jésus Christ crucifié.

C'est en luy que je suis, ma chère Fille, tout entière- ment vostre.

Franc», E. de Genève.

DXXVIII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Après un premier « choppement », que faire? Comment apaiser son cœur quand il est prévenu contre le prochain. Il faut avoir de la compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité.

Annecy, [mai 1609 (i).]

J'ay veu, ma très chère Fille, cette petite infirmité qui vous est arrivée ces jours passés sur les divers mouvemens de vostre cœur, entre l'affection de renoncer a vostre

(i) L'édition de 1626 indique une seule et même destinataire pour la pré- sente lettre et la Lettre dxvii. Or, cette dernière a été certainement adressée à M^e de la Fléchère.

Quant à la date, elle se déduit de l'écriture et du salut de M"" de Chantai (voir à la page suivante). Ce n'est que pendant le Carême de 1609 que les deux filles spirituelles du Saint ont pu se rencontrer ou se connaître.

Année 1609 '57

propre inclination, et l'inclination de suivre vostre goust

particulier. Et bien, ma chère Fille, vous verres que le

plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre

troublée de vostre imbécillité ; car si vous ne vous fussies

point inquiétée après le premier choppement, mais que

tout bellement vous eussies repris vostre cœur en vos

mains*, vous ne fussies pas tumbee au second. Or, au bout 'Cf. Ps.cxvm, 109.

de tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de

plus fort en nos saintes resolutions, sur tout en celle de

nous point inquiéter, ou au moins de nous appayser a la

première veiie et reflexion que nous ferons sur nostr'in-

quietude.

Ce mot la : « Je suis bien toute deschiree, moy, » ne fut pas bon au sujet sur lequel il fut dit ; car, ma chère Fille, il nous faut bien suivre la compassion au prochain et l'humilité pour nous mesme, ne pensans pas aysement que le prochain ayt jamais trop d'ayse, ni que nous en ayons trop peu. Helas ! nous aurons tous-jours quelque chose a faire, tous-jours quelqu'ennemi a combatre. Ne vous estonnes point, mais quand ces mauvaises inclina- tions vous voudront inquiéter, jettes l'œil intérieur sur le Sauveur crucifié. Ah ! Seigneur, vous estes mon miel et mon sucre ; addoucises ce cœur par la douceur du vostre. Divertisses vous pour un peu, et ailes vous praeparer au combat ; puis représentes vous y l'autrefois, et sentant la seconde émotion, faites tout de mesme* : Dieu vous * C(. Combat spiri-

. , tuel, c. xni.

assistera.

Je suis bien ayse de la venue de la bonne seur ( 0 , a laquelle je doy une longue response, que je feray. Dieu aydant, avec un peu de loysir. La bonne madame la Baronne de Chantai vous saluoit l'autre jour par une lettre.

Vive Jésus, en qui je suis tout vostre.

F. E. de G.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse.

(1) Il s'agit peut-être de la Religieuse de Bons, propre sœur de M™« de la Fléchera, dont le Saint parle assez souvent (of. plus haut, pp. 33, 133).

1^8 Lettres de saint François de Sales

DXXIX

au duc de SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL, I*'

Recommandation en faveur d'un officier sans ressources.

Annecy, 9 mai 1609. Monseigneur,

Le capitaine La Rose ( ^ ) recourt a la bonté de Vostre Altesse pour obtenir d'elle quelqu'ayde a l'entretenement de sa pauvre famille. Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent sortis de Genève, je supplie très humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter le comble des grâces célestes, demeurant. Monseigneur,

Son très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur,

Franc", E. de Genève. A Neci, 9 may 1609.

( I ) Voir le tome XII, note ( i ), p. 400.

DXXX

A MADAME DE CORNILLON, SA SŒUR (0

Les sentiments que doit exciter la perte des parents. Mort de M*"* de la Thuille, Le meilleur des souhaits. Comment il faut supporter les ennuis que donnent les affaires temporelles.

Annecy, 15 mai 1609.

Mon Dieu, ma chère Fille, ma Seur, soyés joyeuse- ment dévote. Que vous seres heureuse si vous embrasses

(i) Gasparde de Sales, soeur de saint François de Sales, épousa (contrat dotal du 33 août 1595) Melchior de Cornillon, seigneur de Meyrens, dont le

Année .1609 '^9

constamment ce dessein ! La pauvre petite seur [de la Thuille(0], qui s'en est allée si chrestiennement et si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportée. Aymons-nous bien, chère Seur, et nous tenons bien ensemblement a ce Sauveur de nos âmes, en qui seul nous pouvons avoir nostre bonheur. Je suis tout plein d'espérance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi, obéi et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter.

La multitude des ennuis que vous aves es affaires de vostre mayson (desquelz mon bon frère ( » ) me parla l'autre jour) vous serviront infiniment pour rendre vostre ame vertueuse, si vous vous exerces a supporter le tout en esprit de douceur, de patience et de debonnaireté. Tenes tous-jours bien vostre cœur bandé a cela, et consi- dérés souvent que Dieu vous regarde de son œil d'amour parmi toutes ces petites incommodités et brouilleries (?), pour voir comme vous vous y comportes selon son gré. Faites donq bien joliment la prattique de son amour en ces occasions, et s'il vous arrive quelquefois de vous impatienter, ne vous troubles point pour cela, mais vous remettes soudainement en douceur. Bénisses ceux qui vous affligent *, et Dieu, ma chère Fille, vous bénira. * Cf. Luc, vi, 28.

Je l'en supplie de tout mon cœur, comme pour ma Seur bienaymee et ma Fille très chère, a laquelle je suis tout dédié.

Franc», E. de Genève.

Le 15 may 1609.

père, Raymond-Charles, était capitaine et gouverneur de la ville de La Roche. Elle aurait eu vingt-huit enfants; M. de Foras n'a pu en retrouver que dix. M™* de Cornillon fut chèrement aimée de son bieuheureux frère; ses encou- ragements la soutinrent parmi bien des tracas. Grâce à cette affectueuse direc- tion, elle pratiqua jusqu'à sa mort (27 janvier 1629), avec une ferveur toujours croissante, les difficiles devoirs de son état.

( I ) Belle-sœur du Saint ; elle était décédée à la fin de mars (voir le tome précédent, note (2), p. i).

(2) M. de Cornillon.

( 3) Ces " brouilleries » provenaient soit du beau-père de M"" de Cornillon, lequel était peut-être d'humeur chagrine, soit de contestations survenues entre les deux familles.

i6o Lettres de saint François de Sales

DXXXI

A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD(t)

Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre. Que l'on ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement fondée. Les Communions que nul ne peut refuser. La plus solide des nourritures au Ciel et sur la terre.

Annecy, [mi-mai 1609.]

Or sus, ma chère Nièce (*), ma Fille, vous voyla donq auprès de monsieur vostre peref(3) que vous regarjdes comme une image vivante du Père éternel ; car c'est en cette qualité que nous devons honneur et service a ceux desquelz il s'est servi pour nous produire. Tenés bien •Ps. cxTiii, 109. vostre ame en vos mains* affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche ni a droitte ; je veux dire, ni qu'elle s'amol- lisse entre les affections des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités des humeurs avec lesquelles il vous faut vivre.

Vrayement, je croy fort bien que vous fustes vivement touchée en vous séparant de yostre chère mère (4), car elle m'escrit que, de son costé, elle fut extrêmement pressée ; mais un jour cette société durera éternellement

( I ) Pour l'adresse et la date de cette lettre, cf. ci-après, Lettre dxxxiv, à la même destinataire.

(2) Les témoignages d'affection quasi maternelle que M"* de Chantai pro- diguait à M"* de Bréchard avaient rendu celle-ci un peu plus chère au saint Evêque ; de là, le titre de « Nièce » qu'il lui donne.

( 3) Jean de Bréchard, chevalier de l'Ordre du roi, seigneur de Vellerot et Saint-Pierre-en-Vaux, descendant d'une famille très ancienne, avait épousé une demoiselle de Machecop, issue d'une vieille famille parlementaire de Bourgogne. Dix enfants naquirent, mais les fils moururent et avec eux s'étei- gnit la branche des Bréchard de Bourgogne qu'ils représentaient. Jean de Bréchard vécut jusqu'en 1617. En le quittant pour entrer à la Visitation, sa magnanime fille Jeanne-Charlotte n'avait qu'un souci : le salut de son âme; à force de prières et de sacrifices, elle lui obtint la grâce de mourir « enfant de l'Eglise. » (Cf. Les Vies de quatre des premières Mères, etc. (Paris, 1892),

PP- 133. 134» 182-)

(4) A cette date. M"* de Bréchard était orpheline, mais on sait qu'elle avait trouvé une seconde mère dans la baronne de Chantai. (Cf. note (i), p. 86.)

1

Année 1609 161

s'il plaist a l'Eternel, et en attendant, demeurons tous bien unis en son saint amour.

J'admire que monsieur N. se soit persuadé cette opi- nion, que l'on ne puisse pas communier sans ouyr la Messe, car non seulement elle est sans rayson, mais elle est sans apparence de rayson*. Puisque toutefois il faut *Cf. infra,p. i( que vous passies par la, multiplies tant plus les commu- nions spirituelles, que nul ne vous peut refuser. Dieu vous veut aussi sevrer, ma chère Nièce, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion ; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des désirs plus fortz.

Je vous escris sans loysir, ma chère Nièce, ma Fille, et prie Nostre Seigneur qu'il soit tous-jours vostre cœur. Je suis en luy entièrement,

Vostre très humble serviteur, F. E.

DXXXII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

La réponse de La Faye au livre de la Croix ne vaut pas la peine d'une répli- que. — Zèle de M'""= de Mieudry pour la foi catholique. Messages. Quel est le vrai esprit de Jésus,

Annecy, 23 mai 1609.

J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Ge- nève!') et luy donnay la permission qui luy est requise pour l'usage des viandes. Quant au livre de la Croix, il est vray que le ministre La Faye s'est essayé d'y respon- dre ; mays il l'a fait d'une telle sorte que mes amis n'ont jamais voulu que je prisse seulement la peyne de penser a répliquer, tant la response leur a semblé indigne, et ont creu que mon livre fournissoit asses de défenses

( I ) " Cette bonne fille » paraît être M™» de Mieudry, dont il est parlé à la page suivante. (Cf. ci-dessus, p. lao.)

LlTTKBS IV II

162 Lettres de saint François de Sales

contre ceux qui l'attaquent, sans que j'y adjoustasse chose du monde (0. Mais il n'est pas besoin d'escrire tout cela a M"* de Mioudry, que je loue beaucoup du bon zèle qu'elle a a la réduction de ces pauvres âmes. J'ay sceu, il y a quelque tems, le désir que celuy qu'elle nomme a de me rencontrer (») ; et certes, je ne l'ay pas moindre en cela, espérant que s'il prestoit une fois l'oreille a la sainte parole, avec le bon jugement qu'il a et moyennant la grâce de Dieu, il pourroit voir la lumière céleste.

Je croy bien que vous aves le cœur sujet aux secousses, ainsy que vous m'escrives ; mais vous verres que, moyen- nant la grâce de Dieu, il s'affermira petit a petit.

Ce porteur m'a dit que monsieur vostre mary viendra demain icy et j'auray le bien de le voir. Ma bonne cousine et la vostre (3) seroit, ce me semble, bien accom- paignee de cette vertueuse damoyselle que je luy ay souhaittee, après qu'elle mesme m'eut dit que vous luy en avies parlé ; car, connoissant cette ame-la, j'ay espéré que la rencontre seroit bonne. Je crois néanmoins que malaysement pourra-elle sortir du lieu ou elle est.

Madame de Chantai se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit par celle qui l'avoit accompagnée (4).

Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jésus, qui veuille a jamais régner en nos cœurfe,

F.

XXIII may 1609.

A Madame

Madame de la Flechere.

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.

( i) Voir notre tome II, pp. xxli seq., et aussi pp. 296, 397 du tome XII.

( 2 ) Le Saint parle de la conversion d'un gentilhomme de marque, dans une lettre de décembre 1609. Il recommande, le 31 mars 1610, un gentilhomme de Genève converti, Alexandre de Montcroissant. Ne s'agirait-il pas ici de ce même personnage ?

(3) Très probablement M"" de Charmoisy.

(4) Sans doute, M"^ de Bréchard.

Année 1609 163

«

DXXXIII

A LA BARONNE DE CHANTAL ( 0

ç L'âme humaine et les afflictions de cette vie. Une réflexion de saint Gré- goire. — Une vraie chimère. L'esprit de foi et la douleur. Les progrès d'un Saint dans l'oraison.

Annecy, 27 mai (2) 1609.

Voyci la troisiesme fois que je vous escris depuis vostre despart, ma chère Seur, ma Fille. N. m'a bien dit de vos nouvelles et de celles de M. (3), laquelle il m'a dépeinte pour fort affligée ; mais je crois bien, c'estoit sa fille celle qui est morte. Helas ! il faut avoir compassion a nos misérables âmes, lesquelles, tandis qu'elles sont en l'imbécillité de nos cors, sont si très fort sujettes a la vanité*. Comment est-il possible, disoit saint Grégoire Rom., vm, ao. a un Evesque, que les orages de la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel (4) ? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre ? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent sérieusement embrasser leur salut !

Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tous- jours semblé une vraye chimère ; mais aussi, après qu'on a rendu le tribut a cette partie inférieure, il faut rendre

(i) L'édition de 1626 adresse cette lettre : A une Vefve, et s'il n'y a pas d'interpolation, la fin montre bien qu'elle a été écrite à la baronne de Chantai.

(2) La date : « veille de Y Assomption 1609 » donnée par les mêmes éditeurs doit être fausse. Entre le 25 avril, jour la Baronne quitta Annecy, et le 14 août, le Saint dut certainement écrire plus de trois fois. « Veille de VAssomp' iion » pourrait être une faute d'impression pour « veille de Y Ascension. » Cette dernière date concorde très bien avec les particularités de la lettre.

( 3 ) Il ne faut pas songer, étant donné le grand nombre des porteurs et des parents de la destinataire, à découvrir les noms que cachent ces deux ini- tiales.

(4) Voici le texte de saint Grégoire le Grand (Epistolce, lib. XI, Epist. xlv, circa init.) : Miror cur vos qui cor fixistis in calo, verba kominum agitent in terra. La lettre n'est pas adressée à un Evéque, mais à Théoctiste, sœur de l'empereur Maurice.

164 Lettres de saint François de Sales

le devoir a la supérieure, en laquelle sied, comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos afflictions. Que bienheureux sont ceux lesquelz se res-jouissent d'estre ♦Cf. Matt.,v, 5;ii afflisfés * et qui convertissent l'absynthe en miel!

Cor., XII, 10. ° ^ ■^

Il ne faut pas que je vous die, ma chère Fille, combien afFectionnement je vous recommande a Nostre Seigneur, car c'est avec un cœur tout nouveau et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce costé-la. Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire ; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Grâces a Dieu, j'ay un extrême désir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple.

A Dieu, ma chère Fille, que mon ame ayme et chérit incomparablement, absolument, uniquement en Celuy ^^^' pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est Ephes., V, îj.' ' rendu a la mort*. Vive Jésus! vive Marie! Amen.

Franc*, E. de Genève. La veille de 1' 1609.

DXXXIV

A MADEMOISELLE DE BRÉCHARD

L'art de cheminer sur la corde et « le baston de contrepoidz » pour marcher assurément parmi les périls du monde. On ne peut jamais atteindre le souverain degré de l'amour divin. Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur.

Annecy, [fin mai 1609(1).]

Ma chère Nièce,

Vide Ep. Dxxxii. Je VOUS escrlvis l'autre jour *, mais mon cœur qui vous chérit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre

( I ) Les premiers éditeurs de cette lettre avaient inséré, après la troisième phrase, quelques lignes d'un billet envoyé à M"* de Bréchard le i6 novem- bre 1608. (Voir ci-dessus, pp. 86, 87, le texte et les notes.)

Les présentes recommandations de François de Sales semblent inspirées par les vicissitudes douloureuses qui, en 1609 surtout, affligeaient la vie de la future Mère de Bréchard. Il n'est pas jusqu'à son vœu de chasteté, émis en 1608 pendant la Messe du Saint, qui ne soit mentionné ici, au moins sous forme

Année 1609 165

au moins ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent que je puis. Vives toute en Nostre Seigneur, ma chère Fille ; que ce soit l'eau dans laquelle vostre cœur nage. Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston de contre- poidz, pour balancer leurs cors justement en la variété des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur, affin de marcher asseurement parmi les perilz que la variété des rencontres et conver- sations pourront apporter a vos affections ; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique et très aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors et tout vostre cœur. (0 .

Et allés, chère Nièce, je veux dire, chemines tous-jours courageusement de vertu en vertu *, jusqu'à ce que vous ' Ps. txxxm, ayes atteint le souverain degré de l'amour divin. Mais jamais vous ne l'atteindres, puisque cet amour sacré n'est nomplus fini que son object, qui est la souveraine Bonté.

A Dieu, très chère Nièce, aymés-moy tous-jours cons- tamment, en qualité de l'homme du monde qui vous désire le plus de vrayes et solides consolations. Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera éternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien.

Je suys très sincèrement tout vostre, ma chère Nièce, ma Fille.

Franc», E. de Genève.

d'allusion. (Voir Les Vies de quatre des premières Mères, etc. (Paris, 1893), pp. 164-168.)

Le rapport de tous ces faits avec la lettre semble justifier la destinataire et la date que nous lui attribuons.

( I ) Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 87, et voir note ( i ), p, 14.

i66 Lettres DE saint François de Sales

DXXXV

A LA PRÉSIDENTE BRULART

L'Abbesse du Puits-d'Orbe désire venir en Savoie ; réserves que fait le Saint à propos de ce projet de voyage. Il se dispose à sacrer l'Evêque de Belley. Comment réparer « le manquement » de la méditation. Pomtquoi Dieu quelquefois empêche la méditation. Les « vrayes continuelles oraysons » et « la plus dign' offrande. » La sainte Communion en dehors de la sainte Messe. Faisons le bien avant de mourir, mais toujours avec discrétion, Le boa plaisir de Dieu meilleur que le nôtre.

Annecy, 30 mai 1609.

Je respons briefvement mais exactement a vostre lettre que le curé de Sessel ( ' ) m'a rendue. Je voy l'esprit de nostre chère seur {^), qui désiré venir faire un voyage èt^'en promet un grand alegement. Encor faut-il un peu condescendre a cette pauvre fille, qui, est vrayement bonne, quoy qu'infirme ; et pour cela je luy dirois volon- tier qu'elle vint, si je ne craignois l'inquiétude et la diver- sité de sentimens que messieurs vos parens en prendront. Il se peut neann^oins faire qu'ilz l'auront aggreable ; et si vous connoisses que ce soit tout a la bonne foy et simplement qu'ilz l'auront aggreable, vous pourres fort librement luy donner courage de venir, et venir vous mesme, dans les mesmés conditions. Je vay ainsy réservé en ce dessein, parce que je doute que les congés qu'ilz accordent ne soyent pas donnés de bon cœur, et la des- sus se disent mille choses. , ,

Or, quand elle se résoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude', et vous aussi, et la bonne madaiftoyselle de Puligni(3) aussi, si ell'est de la trouppe,

( i) A cette époque, et depuis i^l^, service de cette cure était à la charge des chanoines de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève. Le Chapitre la faisait desservir par un vicaire, ordinairement appelé curé de Seyssel, d'où la difficulté de connaître son nom. (Voir ci-dessus, note (i), p. aj.)

(a) L'Abbesse du Puits-d'Orbe (cf.rtCi-dessus, p. 119).

(3) « Madamoyselle de Puligni est vraisemblablement la propre sœur de 1| présidente Brûlart,' c'est-à-dire Madeleine Bourgeois, veuve de Palamède

Année 1609 167

affin d'éviter les curiosités de ceux qu^,, voudront tout enquérir. Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, par ce que nous avons un peu de soupçon de guerre (0, qui s'évacuera, et que Monsieur le Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant lesquelz je ne pourray pas l'abandonner (»). Si que, si vous prenes reso- lution, il faudra prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre ; car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems précisément.

Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consola- tion si je vous puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, (3) et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir. Dieu aydant. En un mot, prenes garde que vos congés soyent «io mes franchement, et cela estant, ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte de cœur (sic) qui ne sont pas vulgaires.

Quant a la méditation, les médecins ont rayson : tandis que vous estes infirme, il s'en faut sevrer. Et pour reparer ce manquement, il faut que vous faciès akx double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui

Jaquot, seigneur de Puligny. (Cf. le tome précédent, note ( i ), p. 87.) L'appel- lâKon de « M"* Jaquot » que lui donne ordinairement le Saint, ne contredit pas absolument notre conjecture.

( I ) Ce « soupçon de guerre » provenait sans doute des représailles de Genève contre l'entreprise malheureuse du sieur du Terrail. {Cf. Journal d'Esaïe Col- ladon, Genève, 1883.) On trouve un écho de cette alarme dans les Délibérations municipales d'Annecy ; en effet, on lit dans le Registre, à la date du 6 juin 1609 : « Pour le bruict de guerre qui court... la ville ordonne que l'on continuera la garde avec les rondes ordinaires, » etc.

(a) Le duc de Nemours, étant tombé malade, ne vint qu'eu septembre.

(3) Cette fin de phrase a été supprimée par les premiers éditeurs et ceux qui ont suivi. Les ... laissés au milieu de la phrase suivante tiennent la place d'un mot biffé, illisible. Ce n'est pas le Saint qui l'a effacé.

i68 Lettres de saint François de Sales

vous sépare aucunement de luy, vous donnant cet empes- chement la a la méditation ; mais cet (sic) pour vous unir plus solidement a luy par l'exercice de la sainte et tran- quille résignation. Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En vérité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre ; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr' esprit sont des vrayes conti- nuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant. Faites vous lire quelque bon livre parfois, car encor cela supplée.

Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous ay dit quil n'estoit nul besoin d'ouir •Cf. supra, p. i6i. la Messe pour se communier les jours ouvriers*, ni mesme les jours de feste, quand on en a oûy une devant ou qu'on en peut oùir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup d'autres choses : cela est vray.

Pour le légat, sur l'appréhension de vostre mort, vous le pourres bien faire, mais il faut que ce soit avec modération, en telle sorte que cela ne soit pas a trop grande charge aux vostres, car vous leur donneries sujet de refuser, ou de murmurer et se troubler. Je vous dis •Gaiat., uit., ro, comme Saint Paul * : Faysons bien tandis que nous en avons le teins, mais tous-jours avec modération. Ne vous inquiètes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos in- commodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre. Qu'a jamais soit il béni et glorifié.

Vive Jésus ! et je suis en luy, d'un cœur très fidelle,

tout entièrement vostre.

F. XXX may 1609.

Je salue bien humblement le bon P. Gentil.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims.

Année 1609 169

DXXXVI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Quelques-unes des " mille douces pensées » du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-Sacrement. Le pectoral de l'ancienne Loi et l'ostensoir eucharistique. Effusions de piété. Nouvelles et messages.

Annecy, 18 juin 1609.

Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille très uniquement chère, car c'est aujourdhuy le jour de la grande faste de l'Eglise (0, en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de sa grâce, donné mille douces pensées emmi lesquelles j'ay eu peyne de reprimer les larmes. O Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre de l'ancienne Loy avec moy, et considerois que ce grand Prestre portoit un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze pierres pre- tieuses, et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israël *. Mais je treuvois mon pec- 'Exod., xxvm, 15-

, ai, 29.

toral bien plus riche, encor quil ne fut compose que

d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mère

perle conceut en ses entrailles chastes, de la bénite rosée

du ciel * ; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement * Isaïae, xlv, 8.

bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms

des enfans d'Israël estoit (sic) tous marqués en iceluy.

Ouy, et le nom des filles spécialement, et le nom de l'une

encor plus,

L'espervier et le passereau de saint Joseph me reve- noyent en l'esprit; et me sembloit que jestois chevalier de l'ordre de Dieu, portant sur ma poitrine le mesme Filz qui vit éternellement en la sienne. Ah ! que j'eusse bien voulu que mon cœur se fut ouvert pour recevoir ce pre- tieux Sauveur, comme fit celuy du gentilhomme duquel «vide T"/-. rfWyi«i. je vous fis le conte* ; mais helas ! je n'a vois pas le couteau f ^^''^^l^^ 'vVuj! quil failloit pour le fendre, car il ne se fendit que par Edit., p. 48).

{ I ) En 1609, la « grande feste » dont il est parlé ici, tombait le i8 juin. Le contenu de la lettre justifie cette même date.

170 Lettres de saint François de Sales

l'amour. Si ay-je bien pourtant eu des grans désirs de cet amour, mais je dis pour nostre cœur indivisible.

Voyla ce que je vous puis dire(0 maintenant, a ce retour de vostre cher et brave neveu ('), qui a esté si courtoys que d'arrester volontier ces quattr'ou cinq jours avec nous. Il a, a mon advis, beaucoup de l'air de Mon- sieur l'Archevesque son oncle (3), non seulement au visage mais encor en l'esprit. Je n'ay pas reveu vos lettres pour faire celleci, car j'attens au départ de vostre filz (4), quil eçpere faire mardi prochain.

Bonsoir, ma très chère Fille, vives toute en Dieu et pour Dieu. Je suis en luy infiniment tout vostre. (5) La chère seur (6) fait tous-jours bien, et le reste aussi. Vive Jésus ! Amen.

Je salue bien humblement monsieur de Chantai et luy souhaite tout bonheur et félicité. Et ma petite fille (7), encor faut-il que je luy envo^^e un petit bayser d'amourette, puis qu'elle se fie en moy ; que sil estoit mal fait, je le luy donnerois pas. Je luy escriray. Dieu aydant, quand son

(i) La suite de cet alinéa est inédite.

(a) La sœur de M™* de Chantai, Marguerite Frémyot, mariée en 1587 à Jean-Jacques de Neufchèzes, baron d'Eflfrans ou des Francs, et décédée le 19 mai 1593, laissa plusieurs enfants, parmi lesquels Bénigne et Jacques. Le •premier, connu sous le nom de baron des Francs, seigneur de Brain et de Bussy, mourut sans postérité en 1629, au siège d'Aleth, après de brillants services dans les armées de Louis XIII.

Jacques, le 25 octobre 1591, avait été élevé avec son frère, dans la piété et Tamour de l'étude, par le savant Claude Robert. (Voir le tome précédent, note (a), p. 379) Il embrassa l'état ecclésiastique; son oncle l'Archevêque de Bourges, le fit grand vicaire et chancelier de son Eglise, et en 1624, le 29 décem- bre, il le sacrait évèque de Chalon-sur-Saône. M*' de NeufchèzeS se montra pendant trente-trois ans l'ami des pauvres, le protecteur des Réguliers, fut député aux Assemblées du clergé en 1625 et en 1645, et mourut le i*'' mai 1658. Il ava#t été abbé de Varennes, de Saint-Etienne de Dijon, de Ferrières, etc. Sainte Jeanne de Chantai aima beaucoup l'Evéque de Chalon ; fréquemment, dans ses lettres, elle encourage et loue son zèle, tout en reprenant avec une délicatesse de mère un certain goût d'opulence et de splendeur. Cette préfé- rence d'affectioa fait croirl que c'est de lui qu'il est fait mention ici.

(3) André Frémyot.

( 4) Bernard de Sales.

(5) La fin de la lettre est-,lnédite. Les premiers éditeurs avaient substitué aux passages inédits un fragment étranger.

(6) Probablement, M^^'de Cornillon, sœur du Saint.

(7) Marie-Aimée.

Année 1609 171

futur rira voir, et a ma chère nièce (0 aussi. J'escns sans loysir et tout empressement, car en ces grans jours vous sçaves comme je suis. O ma Fille, mon cœur est plus vostrôf que mien; a jamais Nostre Seigneur y règne. Amen.

A Madame Madame la Baronne de Chantai, m. f. (ma fille.)

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le vicomte Le Rebours, à Paris. (i) M"* de Bréchard (cf. ci-dessus, note (2), p. 160).

DXXXVII

A MADAME DE CORNILLON, SA SGEUR

L'amitié d'un Saint pour sa sœur. Exercice recommandé pour s'avancer en l'amour de Dieu. Quand les affaires réussissent-elles plus à souhait. Pourquoi M"" de Cornillon paraît à son frère plus digne d'affection.

Annecy, 30 juin 1609(1).

Ma chère Seur, ma Fille,

Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin ( * ) m'avoit apporté de vostre part ; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein d'affection pour vous et vous chérit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu.

Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous prétendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices. Mais je vous recommande tous- jours plus que tout, celuy de la sainte douceur et suavité

(i) Les éditeurs de 1626 donnent la date du 30 juin; Vives indique, mais sans preuve, 1612. Or, d'après son contenu, la lettre semble faire suite à celle du i^ mai 1609.

( 2 ) Parmi les nombreux contemporains qui portaient ce nom, il est diffi ;ile de savoir celui dont il est parlé ici. Serait-ce « Maistre André Constantin » qu'on voit figurer plusieurs fois, avec sa femme Charlotte Cellier, dans les Registres parwssiaux de La Roche ? C'est dans cette ville que résidaient, au moins tem- porairement, les beaux-parents de la destinataire et que celle-ci mourut.

172 Lettres de saint François de Sales

es rencontres que cette vie vous présente sans doute souventesfois. Demeurés tranquille et toute amiable avec Nostre Seigneur sur vostre cœur. Que vous seres heureuse, très chère Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles réussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre.

Ouy, ma chère Fille, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire ; mais principalement des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable désir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec toute fidélité et sincérité; a quoy je vous conjure de persévérer cons- tamment, et de m'aymer tous-jours bien entièrement, puisque je suis, d'un cœur tout entier et fidelle,

Vostre humble frère et très affectionné serviteur,

Franc», E. de Genève. Le 30 juin.

DXXXVIII

AU PÈRE CLAUDE-LOUIS-NICOLAS DE QUOEX, PRIEUR DU MONASTÈRE DE TALLOIRES(i)

La réforme dans ua monastère demande une grande longanimité dans l'exécu- tion et un cœur généreux. L'exemple de Notre-Seigneur. Les exercices de piété; l'habit, le mobilier, etc. ; la « composition extérieure » et son im- portance dans une Communauté. Conditions du succès.

Annecy, 10 juillet 1609. Monsieur, Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la Mayson en a âge et

( I ) Claude-Louis-Nicolas de Quoex, à Talloires vers 1 574, de noble Jean- Ennemond de Quoex et de noble Jeanne Délavai, descendait d'une famille attachée au prieuré par les offices séculiers qu'elle y remplissait. Après 1390, il prit l'habit dans l'abbaye royale bénédictine de Saint-i>lartin de Savigny,

Année 1609 173

en crédit, il faut que le tout s'entreprenne avec une très grande humilité et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres par paroles ni par gestes extérieurs ; ains que simplement il les édifie par bon exemple et conversation (0.

Le commencement estant si petit, il faut avoir une grande longanimité a la poursuitte, et se resouvenir que

diocèse de Lyon.. Mais François de Sales, qui voulait réformer Talloires, avait jeté les yeux sur son jeune ami pour en faire l'instrument de son dessein. Il le persuada de venir s'y fixer. Ordonné prêtre par le Saint lui-même, le 18 février 1606, Religieux profès (25 novembre 1610), élu prieur de l'abbaye (juin 1609), il exerça cette charge jusqu'en 1623, et se retira avec un Religieux pour compagnon, nommé Pierre, dans la pittoresque solitude de Saint-Ger- main, où jadis François de Sales avait rêvé de finir sa vie. II mourut le 14 jan- vier 1660 et fut enseveli dans le cloître de Talloires.

Le pieux ermite de Saint-Germain avait connu de près pendant vingt- quatre ans le Saint, qui véritablement l'aimait d'un amour paternel. Aussi appartient-il au groupe des contemporains privilégiés qui furent admis dans son intimité. Les deux dépositions qu'il a laissées en 1627 et en 1656 sont d'un remarquable intérêt, la dernière surtout; il y règne en effet un ton de convic- tion admirative, un accent ému qui la rendent touchante. Ces pages, écrites dans une belle langue latine, prennent même un air vénérable, quand on songe que l'humble moine était un vieillard de quatre-vingt-deux ans.

( t ) Le prieuré de Talloires (cf. tome XII, note ( i ), p. 241), « lieu à la vérité grandement propre pour la vie religieuse et que la nature a rendu tres-ayma- ble, » (Charlîs-Auguste, Histoire, etc., liv. VII) fut pendant des siècles un foyer de ferveur monastique qui abrita de vrais saints. Là, comme ailleurs, le règne abusif des abbés commendataires amena le relâchement et la ruine de la piété. Cl.Tude de Granier, Ange Giustiniani travaillèrent en vain à restaurer la régularité déchue. Cette rude tâche devait échoir à François de Sales. Muni des pouvoirs du Saint-Siège et de l'agrément de l'Abbé de Savigny, dont Talloires dépendait, l'Evêque de Genève se rendit au monastère («609) et fit procéder à l'élection d'un prieur claustral, malgré l'opposition de quelques Religieux. Claude-Louis-Nicolas de Quoex ayant été élu, les opposants descen- dirent aux pires violences. Le prestige du Saint, sa prudente fermeté eurent bientôt taison de ces fanatiques; ils durent se retirer et il ne resta dans le monastère que les Religieux sincèrement désireux de l'observance. C'est pour éclairer le nouveau prieur sur la conduite du petit troupeau demeuré fidèle, que François de Sales lui adressa les présentes instructions. Jusqu'à sa mort, le Saint entretint l'ardeur des convertis par des visites annuelles. Plus dune fois il dut s'entremettre, tant auprès du Pape qu'auprès du duc, pour garantir la tranquillité des Religieux, menacée de temps à autre par les abbés commendataires ou par les moines non réformés. Il songea un moment à introduire les Feuillants dans le prieuré. Celui-ci fut détaché par le Saint- Siège de l'abbaye de Savigny (juillet 1634), institué par Urbain VIII, chef d'ordre de la Congrégation des Bénédictins de Savoie, ou Congrégation des AUobroges, et uni plus tard par Clément X, à la Congrégation du Mont- Cassin. L'abbaye de Talloires subsista jusqu'à la grande Révolution.

174 Lettres de saint François de Sales

Nostre Seigneur, après trente "trois ans, ne laissa que six vingtz disciples bien assemblés, entre lesquelz il y en eut ©ncores beaucoup de discoles. La palme, reyne des arbres, ne produit son fruit que cent ans après qu'elle est plantée. Il convient donq estre doiié d'un cœur généreux et de longue haleyne en un œuvre de si grande impor- tance. Dieu a fait des reformations par des nioindres commencemens, et ne faut rien moins prétendre qu'a la perfection.

Et pour venir au particulier, mon advis est que toute vostre sainte brigade soit soigneuse de se communier dé- votement, a tout le moins une fois chaque semaine. Qu'on luy apprenne de bien et deiiement examiner sa conscience tous les soirs ; qu'on luy monstre a faire convenablement l'orayson mentale, selon la disposition des sujetz ; sur tout qu'on luy enseigne a obéir au directeur très volon- tairement, très fermement et très continuellement.

Quant a l'habit, je ne pense pas qu'il soit a propos de le changer qu'après que l'année sera expirée ; bien desi- rerois-je qu'il fust en tout le plus uniforme que faire se pourra, tant en sa forme qu'en sa matière, et que le froc fust large, a la façon des Bénédictins reformés. Il me semble qu'on doit garder la chemise pour l'honnesteté, pourveu toutefois que le collet ne soit pas immodéré- ment estendu, ains fort sobrement et d'une mesme ma- nière. Chacun aussi portera la ceinture et le bonnet de mesme façon, et le tout bien proprement.

Pour le regard des litz,' plus ilz seront simples, plus aussi seront ilz a propos. Que chacun ayt le sien, et qu'ilz soyent tellement disposés, qu'en se couchant ou levant on ne se voye point les uns les autres, affin que les yeux mesmes soyent mondes et netz.

J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Bénédictins ; et que, tant qu'il sera pos- sible, on n'allast plus seul a seul, ains tous-jours avec un compaignon.

Il sera expédient qu'aux divins Offices le petit trou- peau entre, demeure et sorte ensemblement, avec mesme

Année 1609 175

contenance et cérémonie, d'autant que la composition extérieure, soit aux Offices, soit a table, soit en public, est un puissant motif pour beaucoup de bien.

A ce commencement, il n'est pas nécessaire d'adjouster aucune abstinence a celle des vendredis et des samedis, sinon celle des mercredis, selon la vielle coustume et mitigation observée au Monastère.

Voyla mon petit advis pour ce commencement. La fin prétendue sera bien autre chose. Dieu aydant : car, comme vous sçaves, i^) primtim in intentione est ulti- mum in executtone. Mais pour bien servir en cette besoigne, il faut avoir un courage inexpugnable et atten- dre (^) fructum in patientia*. Je sçay et voy vostre 'Luc, vm, 15. Règle qui dit merveilles ; il n'est pas pourtant expédient de passer d'un^ extrémité a l'autre sans milieu.

Plantés bien avant. Monsieur, cette affection dans vostre cœur, de restablir(^) mur os Hierusalem* : Dieu * i Mac, xu, 36. vous assistera de sa main. Sur tout prenes garde d'user de laii et de miel*, parce que les viandes solides ne *Cf. Cant.,iv, n. pourroyent pas encor estre maschees par les foibles dens des invités *. * Cf. I Cor., m, a.

A Dieu, et ayés bon courage d'estre l'un de ceux i^) per quos salus fiet in Israël *. * l Mac, v, 6a.

Vostre confrère et serviteur affectionné en Nostre Seigneur,

Francs E. de Genève.

D'Annessy, ce lojulliet 1609.

(a) la première chose en l'intention est la dernière en l'exécution.

(b) le fruit dans la patience. ( c ) les murs de Jérusalem.

{à.) par lesquels le salut serai fait en Israël.

176 Lettres de saint François de Sales

DXXXIX

A M. CLAUDE DE CHARMOISY

M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin. Un « ennemi juré des cours. » Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir.

Annecy, [vers mi-JuilIet] 1609(1).

Monsieur mon Cousin,

Pressé par le sieur Pergod(>) de vous repraesenter la prière qu'il vous a ci devant faitte, je n'ay sceu refuser, bien que, de vostre grâce, monsieur de Vallon (3) m'aye communiqué vos affaires, lesquelles, comme je croy, ne vous permettront pas d'embrasser pour le présent celleci.

Je n'ay encor point veu madame vostre digne compai- gne et ma chère cousine despuis ses (sic) dernières nou- velles; je croy néanmoins qu'ell'en est trop plus contente, pour l'espoir qu'ell' en aura de jouir plus pleynement et entièrement de vostre douce présence. Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'approuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posséder avec plus de loysir (4), et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et

( I ) D'après la lettre, le destinataire était à la veille de rentrer à Annecy ; il s'y trouvait le i*'' août 1609. (Délib. municip. d'Annecy.) Ces données justifient la date.

(a) Le « sieur Pergod » est sans doute l'avocat Noël-Hugon dont la note a été donnée au tome XIII, p. 197. Il est difficile de savoir si la « prière » que faisait celui-ci à M. de Charmoisy était l'offre ou la demande d'un service.

( 3 ) Jacques de Gex, seigneur de Vallon (voir ci-dessus, note ( i ), p. 3).

(4) M. de Charmoisy après avoir servi pendant près de quinze ans le duc de Nemours, cessait maintenant de lui plaire. Celui-ci, mal conseillé par des envieux, trouvait que le gentilhomme avait trop d'indépendance, qu'il avait plus d'affection au duc de Savoie qu'à lui-même et qu'il faisait avant tout le service de Charles-Emmanuel. (Lettre de des Hayes à M. de Charmoisy, 23 juin 1609.) On verra par la lettre du commencement d'août 1609 que saint François de Sales n'abandonna pas son ami dans cette délicate épreuve.

Année 1609 177

de l'amitié sincère que vous portes a celuy qui vous chérit, respecte et honnore d'un cœur très fidelle, et qui est,

Monsieur mon Cousin,

Vostre humble cousin et serviteur,

Francs E. de Genève.

A Monsieur mon Cousin, Monsieur de Charmoysi, Seigr de Marclaz, Villi, etc.

Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Vuy, à Carouge (Genève).

DXL

A LA BARONNE DE CHANTAL

La quatrième chose tout à fait ignorée de Salomon. L'ange gardien de Celse- Bénigne. L'unique ambition d'un Saint. L'Evêque de Genève trouve son âme « un peu plus a » son « gré que l'ordinaire, » et pourquoi. Ce qu'il veut, d'une volonté inviolable. Le gui et les imperfections involontaires.

Annecy, 14 juillet [1609 (i )].

Cette fause estime de nous mesmes, ma chère Fille, est tellement favorisée par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contre elle. Helas ! c'est la quatriesme chose difficile a Salomon, et laquelle il dit * luy avoir esté *Prov.,xxx, 18,19. inconneuë, que le chemin de Vhomme en sa jeunesse. Dieu donne a monsieur N. (2) beaucoup de grâce d'avoir monsieur son grand père qui veille sur luy. Que lon- guement puisse il jouir de ce bonheur !

O ma Fille, croyés que mon cœur attend le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur que le vostre. Mais attendes, ma très chère Seur, attendes, dis je, en

(i) Les faits et le contenu de la lettre contredisent la date de 161 5 que lui ont donnée les anciens éditeurs et s'harmonisent mieux avec celle que nous lui attribuons. (Voir plus haut, note ( i), p. 14.)

(3) Celse-Bénigne sans doute, objet des sollicitudes de son grand-père, M. Frémyot.

Lettres IV la

lyS Lettres de saint François de Sales

•Ps. XXXIX, I. <2//^n^^n/,affin que j^insere( Odes paroles de l'Escriture*. Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquiéter point en attendant ; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent.

Nous ferons prou, chère Fille, Dieu'aydant. Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me présagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur. Et quand je dis de mon ame, je dis de toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a conjointe insépara- blement.

Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle : c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point ; et vous remercie du zèle que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard. Je vous diray plus : c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachée a ce monde et plus sensible aux biens eternelz. Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint et aliéné du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous séries contente ! Mais je parle pour l'intérieur et pour mon sentiment ; car mon extérieur, et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande variété d'im- perfections contraires, et le bien que je veux, je ne le Rom., VII, 15. fay pas * ; mais je sçay pourtant bien qu'en vérité et sans feintise je le veux, et d'une volonté inviolable. Mais, ma Fille, comment donques se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections paroissent et naissent en moy ? Non certes, ce n'est pas de ma. volonté ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté. C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un

( I ) A partir de Hérissant (1758), on a imprimé -.je me serve.

Année 1609 179

arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre. O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cœur se met tous-jours au large et s'espan- che sans borne quand il est avec le vostre ?

Si vous demeuries de delà, je serois bien ayse d'entre- prendre le service que le Révérend Père N, désire de moy pour cette dame; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'elle aura moyen de voir plus souvent, se rendra plus utile a ce bon œuvre. Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnes, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme. Helas, quelle consolation de voir reverdir cette pauvre ame, après un si dur, si long et si aspre hiver !

Je vous suis ce que Dieu sçait. Amen.

Le 14 julliet.

Franç% E. de Genève.

DXLI

A M. ANTOINE BELLOT (0 (minute imbdite)

Les conditions de la conférence contradictoire proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint. Celui-ci désire y apporter non un esprit de con- tention, mais de bonne foi ; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les éplucher. Une dernière garantie à prendre.

Annecy, [juillet-août] 1609(2).

Monsieur,

N'ayant eu nul advis de vous sur le sujet de la confé- rence de laquelle vous m'escrives, despuis la première

( I ) Noble Antoine Bellot, conseiller du roi, surintendant des tailles pour le roi en Bugey, avait aussi le titre d' « Esleu en Beugey, Valromey et Gex. » (R. E.) Avant la Révolution, on donnait ce nom au magistrat chargé de répartir la taille entre les subdivisions d'une circonscription financière, appelée élection.

Comme le destinataire résidait aux portes de Genève, il lui était facile d'avoir un écho de ce qui se passait dans la ville.

(a) La date de cette lettre se déduit des particularités suivantes : Le Saint,

i8o Lettres de saint François de Sales

fois que vous pristes la peyne de m'en venir parler, j'en avois laissé le soin, bien que non pas la mémoire. Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur prétendue religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux désirent employer a cet efifect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent ; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte très volontiers que ladite conférence se fasse dedans la ville de Genève et que ce soit a la Version de la Bible imprimée a Anvers (0, a la- quelle nous nous arrestions.

Mais quant a la modestie, outre ce qu'en tous lieux nous en voulons tous-jours observer estroittement les lois, la considération du lieu ou nous serons nous y conviera asses, et nos parties, a ne se point desfier de nous. Il ne reste donq, ce me semble, sinon a nous bien entendre

dans une lettre au P. de Bonivard (17 août 1609), s'intéresse de très près à l'organisation d'une conférence contradictoire avec les ministres de Genève, laquelle échoua, mais qui alors semblait prochaine. Les dispositions qu'il conseille au Jésuite de prendre semblent le résultat et comme la conclusion de réflexions et de dispositions antérieures. Or, c'est de celles-ci que la présente lettre parait être l'expression ; les deux lettrei se suivraient donc, ayant trait à une même affaire. Cette conjecture, que suggère la comparaison des deux pièces, est d'ailleurs fortement autorisée par le témoignage de Charles- Auguste (Histoire, etc., liv. VII), qui résume visiblement, en les fondant en un seul récit, les considérations essentielles des deux lettres.

(i) On entend par Bibles d'Anvers les diverses éditions du texte et de la Version latine des Livres Saints imprimés par Plantin. Le texte hébreux (A. T.) et grec (N. T.) figurait dans sa Polyglotte, « cura et studio » d'Arias Montanus, en huit volumes in-folio, sous le titre suivant : Biblia sacra, Regia, sive Antuerpiensia dicta, hebraice, chaldaice, grœce et latine, Philippi II, Régis Catholici, pietate ac studio ad sacrosanctunt Ecclesiœ usum, cum Prcefatione Benedicti Arice Montant et apparatu, Christophorus Plantinus excudebat Antuerpice, ah anno i^6g ad annum i^ja. Cette Bible est connue sous le nom de Bible royale ou Polyglotte d'Anvers.

La Version latine, dite Vulgate, avait paru dans la Biblia latina. Cette œuvre in-folio, soignée d'abord par Henten, O. P., puis par Luc de Bruges, eut vingt-six éditions de 1547 à 1394. L'édition Vulgate officielle actuelle, dite Clémentine, ne fut publiée qu'en 1592.

C'est surtout à la Biblia latina que saint François de Sales fait allusion. Evidemment, les ministres protestants donnaient la préférence aux éditions des textes d'Erasme, Bèze, R. Estienne et aux Versions en toutes langues faites par des réformés. Cependant, pour partir d'un terrain commun, ils devaient dans les controverses admettre les Bibles d'Anvers, d'un mérite reconnu et qui n'avaient pas de caractère officiel comme la Bible papale.

I

Année 1609 181

sur la fin et le but de cette action. Et pour moy je proteste que je ne m'y porteray point avec esprit de contention, car je ne l'ay point, ni pour y faire paroistre aucune suffi- sance aux sciences, car je n'en fay nulle profession, mais simplement et tout a la bonne foy pour l'esclarcissement de la sainte vérité.

Et a cette intention, je désire que nous ne [nous] em- ployons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplu- cher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble ; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, après que vous m'aures adverti de la réciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier.

Ce pendant, je supplie Nostre Seigneur qu'il soit luy mesme le commencement, l'advancement et la fin de ce dessein et de toutes nos actions "', et je suis, * Cf. Orat. penuit.

ad cale. Litan. omn.

Monsieur, Sanot.

Vostre bien humble serviteur,

Francs E. de Genève.

A Monsieur l'Esleu Belot, a Belley,

Surintendant des tailles pour le Roy riere la province du Beugey.

Revu sur le texte inséré dans le P' Procès de Canonisation.

i82 Lettres de saint François de Sales

DXLII

A M. ANTOINE DES HAYES

Remerciements du Saint à son « arch'intime » qui voulait le faire venir à Paris. Les obédiences qui entravent sa liberté. Invitation pour l'année 1611 à prêcher dans la chaire de Saint-Gervais; hésitations de François de Sales pour accepter l'intervention de Henri IV. Nouvelles de M. de Charmoisy et de sa rupture avec le duc de Nemours. Le Saint désire rétablir le mari de Philothée. Un projet de pèlerinage à la Sainte-Baume. M"* de Mai- gnelais. La denxième édition de l'Introduction.

Annecy, [commencement d'août] 1609 ( i). Monsieur,

Puisque je sçai que vous croyés la vérité que je vous ay si souvent jurée d'estre très absolument et invaria- blement vostre par inclination, par élection et par un extrême amour, je ne vous feray point d'excuse du long tems que j'ay mis a vous escrire, car je suis asseuré que vous ne l'interpreterés nullement en mauvaise part. Lais- sant donq en arrière toute sorte de praefaces, je vous remercie humblement du soin que vous avés d'acheminer le dessein de me faire jouir encor une bonne fois de vostre présence en vostre Paris. Je dis de vostre présence, qui m'est désirable sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concédée plus a souhait qu'ailleurs.

Mais, Monsieur, dites donq la vérité, je vous supplie : ces obédiences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut néanmoins s'y accommoder, et tout douce- ment, qui est l'importance. Que j'estois ayse en cette petite ombre d'espérance que j'avois conceùe de me treuver a Paris auprès de vous, comme je faysois souvent par l'ima- gination, avec laquelle je prenois le tems de cette joiiis- sance désirée !

Et puisque je suis sur ce sujet, je diray encor quil y

a trois jours que je receu une lettre de monsieur de

>

( I ) La nouvelle de rarrivée récente de M. de Charmoisy, dont parle le Saint à la page suivante, sert i fixer la date ; le gentilhomme était revenu de Turin le i" août. (Voir plus haut, note (i), p. 176.)

I

Année 1609 183

Santeùl (0, qui, de la part de monsieur Perrochel (»), me semont a la chaire de Saint Gervais pour l'an 1 6 1 1 , et me dit que l'on en a parlé avec monsieur des Hayes, mon arch'intime. Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté devant les yeux ; mais, sur une si gfrande vérité, il a esté receu de mon cœur très intime- ment, et le bon monsieur de Santeul ne me dit jamais un mot plus a mon gré.

Or, je reviens a ce que je disois : c'est que je n'ose encor dire que non, tandis que j'espère que l'accommodement des Princes accommodera peut estre ces affaires ; ni aussi je ne veux dire qu'oùy, ne pouvant avoir null'asseurance. Monsieur de Santeul dit que, si je veux, le Roy en escrira a Son Altesse ; mais, comme vous sçavés , cest honneur seroit un petit trop chaud et pesant pour moy. C'est pour- quoy j'attendray éncor un peu, avant que d'en donner la dernière resolution audit sieur de Santeul, et ce pendant luy diray chose pour laquelle il devra conseiller a ce sei- gneur de ne point s'attendre a moy ; car aussi bien, en tout événement, si j'avois ma liberté pour ce tems-la, il me manqueroit pas de chaire en une ville ou il y en a tant.

Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de très bon cœur icy, et prens, en eschange de la satis- faction que j'aurois de vous voir, l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de vous avec ceux qui vous honnorent, et sur tout a vous chérir d'un amour tendre et respec- tueux, autant qu'homme du monde.

Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur de Charmoysi*, avec lequel je me 'Videpag.praeced. suis entretenu ce matin trois grosses heures sur son départ de la mayson de Monsieur (3), et ay treuvé que certes il a

( I ) Probablement, Denis de Santeuil (voir tome XII, note ( a ), p. 1 33).

(9) Charles et Guillaume Perrochel appartenaient à la paroisse de Saint- Gervais. Le premier, seigneur de Granchamp, conseiller d'Etat, grand audien- cicr de France, avait épousé Marie Varlet ; le second, marié à Françoise Buisson, était conseiller du roi en ses Conseils d'Etat et privé, maître d'hôtel de Sa Majesté et maître ordinaire de la Chambre des Comptes. (Bibl. Nat., Chérin. 154.) Aucun indice pour découvrir lequel des deux frères avait inrité saint François de Sales.

( 3 ) Le duc de Nemours (cf. ci-dessus, note ( 4 ), p. 176).

184 Lettres de saint François de Sales

eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent trop longues a déduire ; néanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce que ses amis, et sur tout vous et moy luy conseillerions. Certes, Monsieur a perdu un très bon, très utile et très digne serviteur, et Madamoy- selle sa maistresse ( ^ ) eiit eu en madame de Charmoysi une fort vertueuse servante. Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la i-eparation de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur se remplissent tous les jours de plus en plus de persuasions contraires, que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi ont tout loysir et advantage de faire. Et après une séparation si entière, il sera malaysé d'oster un peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre ; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir ses coudées franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain. Au pas- sage de Monsieur, je me fourreray le plus avant que je pourray en cett'entreprise, et auray bon loysir d'y penser, puisque on ne l'attend que sur la fin du moys

Cf. supra, p. 167, auquel nous sommes *. Je ne crains sinon d'offencer ma

not. (2). . . , u 1 j

conscience en cela, car je n ay pas si bonn opinion de la cour que je ne pense que Dieu soit mieux servi hors d'icelle qu'en icelle, et saint Augustin avoit cette solem- nelle resolution de ne conseiller jamais a personne la

Confess., 1. VIII, suite des cours *. Toutefois, la vertu de monsieur de Char- ci XIX. ' ' moysi est des-ja ferme pour n'estre pas esbranslee a ce

vent-lâ.

Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume (^), ne doutes pas que vous ne m'ayes pour

( I ) Anne de Lorraine, fille unique de Charles de Lorraine, duc d'Aumale, et de Marie de Lorraine d'Elbeuf. Son mariage avec le duc de Nemours, Henri de Savoie, n'eut lieu qu'en 1618.

(a) Vaste grotte qui s'ouvre au coeur d'un rocher gigantesque dans une montagne de la Provence, à une égale distance d'Aix, de Toulon et de Mar- seille. D'après une tradition, elle aurait été sanctifiée par les pénitences de sainte Marie-Madeleine. « Là, elle mena une vie plus divine qu'humaine, « estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que pour cela son coeur » sortist des pieds de son Sauveur. » (Sermon pour la fête de S te Marie-Made- leine, tome X, p. 88.) Dès les premiers temps, la Sainte-Baume fut l'objet de la piété populaire. Grâce au zèle des Religieux de Cassien, de Saint-Benoit,

Année 1609 185

associé a vostre pèlerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable ; et nostre cher petit Evesque, mais grand Prselat ( ' ), sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Genève, y viendra tout entier, hugue- notz et Catholiques pesle mesle. Je m'en donne des-ja au cœur joye.

Madame vostre chère partie (3) me fait trop d'honneur de me vouloir du bien et se resouvenir de moy, mais en par- ticulier estant avec madame la Marquise de Meneley (3), une des dames du monde de laquelle j'honnore le plus

de Saint-Dominique, qui firent tour à tour le service de la chapelle, la dévo- tion à ce pèlerinage devint universelle, elle attira les plus illustres visiteurs. Des rois, des Papes, des Saints ont gravi la rude colline et traversé les sentiers abruptes de la forêt vierge plus de dix fois séculaire, orgueil de la Provence, pour vénérer les vestiges de la reine des pénitentes.

Rien de surprenant que François de Sales ait eu de l'attrait pour ce voyage de piété. Marie-Madeleine était une de ses Saintes préférées. Il prenait plaisir à la louer; il choisissait volontiers le jour de sa fête pour les cérémonies de vêture. Le panégyrique de la « parfumeuse » du divin Maître, qu'il donna le 22 juillet 1621 comme Sermon de vêture, est comparable, supérieur peut-être, aux plus beaux du genre. En 1622 (le 23 novembre), quand il voyageait dans le midi de la France à la suite du Cardinal de Savoie, le désir le reprit d'aller faire une course à la Sainte-Baume ; mais il n'en eut pas la liberté. « Monsieur de Genève, » lui dit alors le prince Maurice, « vostre coeur est une Sainte Beaume ou vous estes toujours solitaire. » (Année Sainte, ancien Ms.)

(i) MB'' Fenouillet, évêque de Montpellier.

(2) Marie Chapelle, veuve de Pierre Faure, seigneur de Berargne, avait deux enfants de ce dernier, Claire et Gilbert, âgés de douze et dix ans, quand elle épousa (contrat du 16 juillet 1597) Antoine des Hayes. (Bibl. Nat., Dossiers bleus, vol. 352, 9074.) Le Saint, quand il écrit à son ami, adresse toujours un mot de courtoisie à madame sa « partie, » mais on ne voit pas que celle-ci se soit mise sous sa direction.

(3) Charlotte-Marguerite de Gondi, née en 1570 d'Albert de Gondi, mar- quis de Belle-Isle, et de Charlotte-Catherine de Clermont, était la sœur du général des Galères, l'ami de saint Vincent de Paul, et des deux Gondi qui s'étaient succédé sur le siège de Paris. Florimond d'Halwin, marquis de Mai- gnelais, qu'elle avait épousé en 1587, mourut trois ans après, assassiné. Elle perdit bientôt son jeune fils. Ce nouveau malheur, en achevant de briser son cœur, découvrit à la jeune femme le néant des joies terrestres. Dès lors, elle fut perdue pour le monde et ne vécut que pour la piété et pour la charité. Sa jeunesse, ses bonnes grâces, son immense fortune, elle dépensa tout avec une délicate humilité au profit des pauvres et des malheureux. Elle contribua puissamment à fonder, avec Vincent de Paul, l'œuvre des missions, protégea

i86 Lettres de saint François de Sales

la vertu et constance en la pieté. Et puis qu'elles favori- sent ce chetif livret de V Introduction a la Vie dévote^ je vous supplieray, dans trois semaynes, de leur en faire a chacune un présent de ceux que je vous envoyeray de la seconde édition (0, et autant que la commodité le per- mettra ; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites cho- settes, selon les désirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en avoir, et tous-jours regardant les gens qui vivent en la presse du monde.

J'escris cette lettre sans loysir et sans esprit, mais non pas sans cœur, car mon cœur est tous-jours ou il vous peut regarder. Nostre Seigneur vous conserve, prospère et bénisse, Monsieur ; c'est le souhait de

Vostre très humble et très fidelle serviteur.

Francs E. de Genève.

A Monsieur

Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel

du Roy, Gouverneur et Baillif

de Montargis,

Revu sur l'Autographe conservé au i*'' Monastère de la Viritation de Rouen.

affectueusement les Religieuses Capucines, dont elle aurait aimé partager la vie sévère, si le Pape lui-même ne lui avait fait un devoir de demeurer dans le siècle. C'est elle qui fonda en faveur des filles repenties, en i6t8, la Maison de Sainte-Marie-Madeleine, dirigée par les Sœurs de la Visitation ; elle con- tribua aussi, pour une grande part, à la fondation de l'Oratoire et du séminaire de Saint-Magloire. Il n'est d'ailleurs pas possible d'énumérer les œuvres et les institutions qui bénéficièrent de ses largesses et du concours personnel de sa charité éminemment active, courageuse parfois jusqu'à l'héroïsme. La mar- quise de Maignelais mourut en 1650, laissant la réputation d'une sainte. Elle fut estimée comme telle par les deux Fondateurs de la Visitation.

(i) Elle parut, en effet, vers le mois de septembre. (Voir le. tome III de notre Edition, p. xxi.)

Année 1609 187

DXLIII

AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE

Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour lui obtenir de succéder à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny.

Annecy, 1 1 août 1609. Monseigneur,

Ayant esté prié par le sieur de Crans, juge maje de Foucigni (0, d'intercéder vers Vostre Excellence affin d'obtenir la survivance de sa charge en faveur de son filz, je fay très volontier cet office, parce qu'il regarde un gentilhomme bien nay, qui a bon esprit et bonne ame, qui a fort bien estudié et qui, en l'exercice de la lieute- nance de son père, quil fait il y a quelque tems, tes- moigne qu'ayant la charge en chef, il s'en acquiteroit dignement et se rendroit utile serviteur de Vostre Excel- lence ; a laquelle je fay donq très .humble demande de ce bienfait pour ce viel père qui, se praeparant a la sortie de ce monde, a cette juste ambition d'y laisser son filz au mesme service de son Prince, qu'il a eu Ihonneur d'y exercer (2).

La bonté de Vostre Excellence, qui daigne me tenir en sa grâce, m'a donné le cœur d'entreprendre cette inter- cession envers elle, pour laquelle j'en fay journellement

( i) Noble et spectable Pierre de Crans, conseiller de Son Altesse et juge- maje de Faucigny, avait épousé successivement : Renée de Crans (contrat dotal du 9 août 1573) ; Lucrèce, fille de François de l'Alée, seigneur de la Tournette (contrat dotal du 31 décembre 1598) ; Françoise, fille de noble Amé Pernet, bourgeois d'Annecy.

(a) Le fils du -< viel père, » objet d'une recommandation si élogieuse, était sans doute Nicolas de Crans, docteur en droit, frère cadet de Charles de Crans, seigneur de Bausse, enfants tous les deux, du premier lit. De fait, Nicolas devint juge-maje de Faucigny; en 1616, et encore le 9 mars 162a, il exerçait cette charge. Il mourut quelques années après. (Archiv. départ, de la H'«-Savoie, E, 103a et 53a.)

i88 Lettres de saint François de Sales

a l'autel envers Dieu, affin quil la comble de bénédic- tions immortelles. C'est, Monseigneur,

Vostre très humble et très obéissant serviteur et orateur.

Franc», E. de Genève. XI aoust 1609.

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Nationale ( Fonds français, 3650).

DXLIV

au père JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ( 0

(MraUTB raÉDITE)

Raisons et avantages d'offrir aux ministres de Genève une conférence publique. Manière de la proposer. En quel cas il serait à propos d'engager la controverse sur les Versions. Comment, présenter la doctrine catholique, et de la prudence requise en la formulant. Derniers avis.

Annecy, 17 août 1609.

Mon Révérend Père,

Je ne doute nullement que l'offre d'une douce et amia- ble conférence avec ceux de Genève (2) ne soit très utile

(i) Le P. Jacques-Philibert de Bonivard, issu d'une famille de Savoie, à Grenoble en 1563, entra dans la Compagnie de Jésus le 17 juillet 1585, fut admis à la profession des quatre vœux le 14 juillet 1603 et mourut à Vesoul le 3 août 1619. Il professa la philosophie et les belles-lettres avec un réel talent, mais le ministère de la prédication le passionnait davantage ; il y em- ploya vingt années de sa vie, avec un succès qui déconcertait les ministres. Religieux mortifié, ami des riches et des pauvres, secourable à tous, le P. de Bonivard laissa à sa mort un renom de sainteté. Il avait, dit-on, la grâce de voir son bon Ange; en tout cas, il fut favorisé de l'amitié de saint François de Sales et de la confiance de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. Eclairé de lumières surnaturelles sur le futur Institut de la Visitation, il en avait approuvé haute- ment le dessein (voir le tome précédent, p. 293). Les Religieuses Ânnonciades, venues d'Italie en Bourgogne au xvii' siècle, lui doivent leur établissement dans cette province. (D'après les notes du R. P. van Meurs, S. J .) Voir à l'Appendice I, la réponse du P. de Bonivard, à la présente lettre,

(a) Voir ci-dessus, Lettre dxli.

Année 1609 189

en ce tems, auquel ilz sont venus en quelque sorte de désir d'en avoir une, au moins a ce que j'apprens par les continuelz advis que j'ay de divers propos qu'ilz tiennent. Hz sont, pour la plus part, en scrupule de leur religion, quoy que, quand on leur en parle directement, ilz fassent semblant d'estre bien asseurés, par rayson d'Estat. Si donques ilz acceptent l'offre, il y a de l'apparence d'un grand fruit; s'ilz le refusent, la gloire en demeurera pour l'Eglise, et le refus accroistra le soupçon que plu- sieurs ont de n'avoir pas la rayson de leur costé. Je loùeray pour cela grandement que l'offre se face, puisqu'il ne peut nuire et peut grandement prouffiter.

Une lettre a celuy que vous escrives ( ^ ), sera fort a propos ; mais il faut qu'elle soit présentée par qjielqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire res- ponce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire le fin ; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes avec lesquelles ceux de Genève ont commerce, seroit fort sortable. Et si, il faut adjouster a l'inscription, le titre de Conseiller du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs!*); car il y a un autre Sarrasin qui

(i) Le personnage proposé par le P. de Bonivard et agréé du Saint pour recevoir l'offre d'une conférence, était Jean Sarasin, en 1574 de Jean-Antoine Sarasin et de Marie Truchet. On l'appela d'abord « le jeune » pour ne pas le confondre avec son oncle (voir note ( i ) de la page suivante), puis Jean Sarasin tout court, à la mort de ce dernier, et plus tard « l'aîné » pour le distinguer de son fils. De bonne heure, il exerça des charges importantes. Membre du Magnifique Conseil des Deux Cents le 9 janvier 1600, auditeur le 3 novembre suivant, secrétaire d'Etat le 7 janvier 1603, membre du Conseil des Vingt-Cinq le 4 janvier 1604, syndic le 6 janvier 1605-, et réélu comme tel en janvier 1609, 1614, 1618, 162a ; premier syndic en i6î6 et 1630, il remplit entre temps l'office de lieutenant de justice (novembre 1612, 1623, 1627,1631), et mourut le 30 mars 1632. Avec une ténacité infatigable, Jean Sarasin dépensa en faveur de Genève les ressources d'un esprit fertile et très avisé. Ses talents, l'ardeur de son dévoue- ment, les services rendus ont fait son nom glorieux dans l'histoire de la cité. De concert avec Jacques Lect, dont il devait éditer les Œuvres en 1615, il publia en 1606 Le Citadin de Genève (,<). Marié successivement à Marie Thèze (9 octo- bre 1600), et à Anne Bitto, veuve de Samuel Bastier (28 novembre 1609), il eut de la première Jean-Antoine et de la seconde Jean Sarasin, reçu médecin à Bâle en 1633. (D'après les notes de M. Chatelan, sous-conservateur de la Bibl. publ. de Genève.)

(3) Le pouvoir législatif î Genève au temps de saint François de Sales était

(1) i.< Citadin de Genève, ou reiponse au Cavalier de Savoye. Se vendent à Paris, chez Pierre Le Bret, 1606.

190 Lettres de saint François de Salés

n'en est pas (0, bien qu'il soit de grand crédit dans cette ville la.

Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis sur la lettre que vous luy escrives, je vous diray que je n'appreuve pas que vous luy proposies si distinctement le dessein de la façon de procéder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce viendra au joindre et au faire ; et il n'est pas expédient que main- tenant vous vous engagies en aucune sorte de controverse, d'autant qu'en traittant plus avant de la conférence, vous treuveres peut estre qu'il sera mieux de prendre un autre biais. Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette générale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particulière déclaration des

constitué par le Magnifique Conseil des Deux Cents. Celui-ci avait le droit de grâce et était seul qualifié pour prendre les décisions importantes.

Le Conseil des Vingt-Cinq Seigneurs, appelé aussi Conseil estroit ou Petit Conseil, se. composait des membres les plus notables du Conseil des Deux Cents et formait au sein de la République genevoise, un véritable gouverne- ment aristocratique. C'était lui qui désignait les candidats aux Conseils ou aux diverses charges publiques. Il exerçait aussi un vrai contrôle sur les questions à soumettre aux Deux Cents.

Le Conseil des Soixante comprenait le Conseil des Vingt-Cinq et l'adjonc- tion de trente-cinq Seigneurs choisis parmi les plus influents des Deux Cents. Il s'assemblait quand le petit Conseil ne voulait pas prendre à lui seul la responsabilité d'une décision, laquelle n'était pas jugée devoir être portée au Conseil des Deux Cents.

Le pouvoir <'x<!'cm/î/ était confié auxmains de quatre syndics, élus pour un an et non immédiatement rééligibles. Tous les ans, dans les premiers jours de jan- vier, le peuple assemblé en Conseil général, choisissait quatre Seigneurs entre huit membres du Conseil des Vingt-Cinq. (Mêmes références que ci-dessus.)

(i) Cet « autre Sarrasin, » oncle du précédent, était le septième des onze enfants de Philibert Sarasin et de Louise de Genin. le 15 avril 1553, il fut envoyé dans sa jeunesse auprès de l'amiral de Coligny, auquel Théophile, son frère, avait servi de secrétaire. Il prit part aux guerres de religion, fut fait prisonnier et conduit à Grenoble. Revenu à Genève, grâce à une forte rançon, Jean Sarasin entra en 1578 dans le Conseil des Deux Cents, puis des Soixante, assista en 1^94 aux conférences d'Hermance, et fut envoyé en 1398 à Thonon pour les préliminaires de la conférence demandée par le P. Chérubin. Il mourut le 8 novembre 1610(1). Malgré « son grand crédit, » il ne fit jamais partie du Conseil des Vingt-Cinq. (Idem.)

(i) De la biographie mieux connue de l'oncle et du neveu, il résulte que l'attribution de la Lettre cxvii (tome XI, p. 355) à Jean Sarasin (1574-1632), dit « le jeune, n est inexacte. Son véritable destinataire est celui-ci.

Année 1609 191

moyens que vous voules tenir pour ce faire ; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre inten- tion, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par après a vostre gré. Et si, la proposition est beaucoup plus spécieuse pour estre imposée entre des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la. Et si, je ne laisseray pas encor de dire mon opinion sur lès moyens que vous proposes, puisque je suis obligé a la naïfveté et franchise en l'amitié que nous avons ensemble et que je sçay que vostre esprit correspond au mien en cela. Cette générale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extrêmement a propos. Mais s'il faut avoir soin d'esbransler le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent discerner de la rayson ou du tort ; car en celuy des Versions, pour peu que les ministres tiennent conte- nance (comme ilz feront, estans des plus asseurés men- teurs et des plus opiniastres mattois du monde), le peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé en leur parti. Et quand je dis le peuple, je veux dire les Seigneurs des deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens de peu.

Sur tout il m'est advis qu'il faut grandement estre attentif z a la façon de proposer la doctrine catholique, en sort'e que, comme la rayson est de nostre costé, aussi l'apparence, le lustre et la speciosité ne nous défaillent point. Comme par exemple : sur ce que vous m'escrives, de convaincre l'insuffisance de l'Escriture seule pour le parfait gouvernement de l'Eglise, sur ce mot d' « insuffi- sance de l'Escriture, » ilz crieroyent tous blasphémant. J'aymerois donq mieux advoiier que l'Escriture est très suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuf- fisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le ma- gistère de l'Eglise, ne sçaurions nous déterminer du sens qu'elle doit avoir, ni des conséquences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien ; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'expli- cation est plus spécieuse et plausible a ceux aux oreilles

192 Lettres de saint François de Sales

desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres (0.

Mais je m'espanche trop, mon cher Père, et prens a l'adventure trop de carrière. Si je croyois que vous ne conneussies pas mon cœur, je ne traitterois pas si libre- ment ; mais je me confie en Nostre Seigneur que vous sçaves que je ne fay rien ni dis rien avec vous que sur les gages de vostre sincère amitié, et qu'en vous propo- sant mes petites pensées, vous les adjusteres a la rayson avec autant de franchise que je les vous présente.

Je veux finir, en vous suppliant de continuer en ce bon dessein, lequel, de quel costé qu'on le tourne, ne peut que reuscir a la grande gloire de Dieu. Continués encor, je vous supplie, a m'aymer cordialement comme vous faites, et tandis, je prieray Nostre Seigneur qu'il vous fortifie et bénisse de plus en plus en sa grâce.

Je suis très sincèrement,

Vostre humble serviteur et confrère en Nostre Seigneur,

Francs E. de Genève. XVII aoust 1609, a Neci.

Hier je vous escrivis le billet ci-joint ; et despuis, ayant derechef considéré l'advis du Père ProvinciaK^), je le treuve entièrement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable ; car tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y employeray soigneusement. Dieu aydant. En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Révérend Père ; et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conférence se fait, il sera voirement bien requis que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant familière, je vous pourray dire plusieurs

(i) Le docte et prudent controversiste avait déjà adopté cette sage tactique dans ses Controverses. (Cf. tome I*'' de notie Edition, Part. II, ch. m, art. i, il.)

{2) Le P. Ludovic Michaelis, à Avignon le 5 janvier 1564, entré dans la Compagnie de Jésus le 16 mars 1580, profès des quatre voeux le 39 septembre 1599, mourut à Avignon le 4 octobre 1632. Il avait été successivement pro- fesseur, recteur et provincial. (D'après les notes du R. P. van Meurs, S. J.)

Année 1609 193

choses qui vous serviront en cette sainte et très prouffi- table entreprise.

Je viens de recevoir [avis] que nous ferons mieux d'at- tendre, pour une certaine défiance en laquelle ilz sont, de l'armée de Flandre ('). Ne doutés point que [je] ne veille a cela, et -vous en reposes sur moy.

Au Révérend Père en N. S., Le P. Jacques Philibert de Bonnivard,

Théologien de la Compaignie de Jésus. A Besançon.

Revu sur le texte inséré dans le I*'' Procès de Canonisation.

( I ) En vertu du traité de Lyon, art. i^'', le duc de Savoie pouvait se servir, pour le passage éventuel de ses troupes en Flandre, du pont de Gresin, près de Vanchy, non loin de Genève. L'usage de ce droit était, on le conçoit, un sujet de perpétuelles alarmes pour les genevois.

DXLV

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE (0

L'attitude d'une âme chrétienne durant la maladie. Douceur et tranquillité. Comment ne jamais trébucher.

Annecy, 20 août 1609.

Selon la sainte et parfaitte amitié que Dieu m'a donnée pour vous, ma très chère Fille, j'ay de la peyne de vostre maladie. Or sus, il faut pourtant s'accommoder a non seulement vouloir, mais a chérir, honnorer et caresser le mal, comme venant de la main de cette souveraine Bonté a laquelle et pour laquelle nous sommes. Que puissies-vous bien tost guérir, si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma très chère Fille ; si moins, que puis- sies-vous amoureu-sement souffrir, tandis qu'ainsy le re- querra la Providence céleste, affin que, guérissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.

( I ) Les conseils donnés à la destinataire et le ton général de la lettre font croire quelle a été adressée à M""* de la Fléchère.

Lbtt«is IV «3

194 Lettres de saint François de Sales

Que vous puis-je plus dire, ma chère Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions intérieures de cet amour, et encor des extérieures, et sur tout contour- nant tant que vous pourres vostre cœur a la sainte dou- ceur et tranquillité : a la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux ; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentée ou affligée, quoy que misé- rable. J'espère en Nostre Seigneur que vous vous tiendres tous-jours en sa main, et que, par conséquent, jamais vous ne trebuscheres du tout. Que si, a la rencontre de quelque pierre, vous choppes, ce ne sera que pour vous faire tant mieux tenir sur vos gardes, et pour vous faire de plus en plus reclamer l'ayde et le secours de ce doux Père céleste, que je supplie vous avoir a jamais en sa sainte protection. Amen.

Je suys en luy, très fermement tout vostre,

Franc', E. de Genève. Le 20 aoust i6oq.

DXLVI

A DOM MICHEL BOUDET, PRIEUR DE POMMIER (0

Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé.

Annecy, 27 août 1609.

Mon Révérend Père, [Ayant appris par] les remonstrances que méfait le sieur

( I ) « La chartreuse de Notre-Dame de Pommier, sar le penchant du Salève, au diocèse d'Annecy, ancien diocèse de Genève, eut pour fondateurs Amédée, comte de Genève, et Guillaume son petit-fils. Les chartes sont de 1179 et de 1252. » (Lefebvre, Saint-Bruno etTOrdre des Chartreux, tome II; Paris, 1883.) L'invasion des Bernois dans la Savoie du nord en 1556, dépouilla le monas" tère d'une grande partie de ses biens, mais le laissa subsister. La chartreuse de Pommier disparut en 1793. Là, comme ailleurs, les fils de saint Bruno furent le sel de la terre; quand la corruption régnait dans la majorité des

Année 1609 195

curé de Beaumont(0, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les prémices, lesquelles néanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expédient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refu- sans, pour les réduire a la rayson, espérant que vostre sage entremise aura tout pouvoir requis pour l'effect de mon équitable désir, comme la mienne aura le crédit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je sou- haitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et révère de tout son cœur.

Je n'employeray pas davantage de paroles pour vous exprimer mon affection en ce point, non plus [que] pour vous offrir derechef mon humble service, que je vous supplie accepter et tenir tous-jours pour tout asseuré. Nostre Seigneur vous conserve, mon Révérend Père, et je suis

Vostre humble serviteur et confrère en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève.

27 aoust 1609.

Au Révérend Père en N. S.,

Le Père Dom Prieur de Pomiers.

monastères, ils surent garder dans sa belle intégrité la régularité des saintes observances et répandre autour d'eux, par l'intelligente initiative de leurs méthodes et le rayonnement de leurs vertus, la vraie civilisation elles bonnes mœurs.

En 1609, le prieur était D. Michel Boudet; Religieux profès de la Grande- Chartreuse depuis le 8 décembre 1591, recteur à Currière, il avait été désigné en 1605 pour succéder à Ludovic Mollières. Pendant vingt-quatre ans, il gou- verna le prieuré de Pommier avec sagesse. C'était un homme fort instruit, versé dans le droit, aussi doux pour les autres qu'il était austère pbur lui- même. Son humilité, son esprit de prière, ses grandes mortifications étaient un sujet d'admiration pour les catholiques ; les genevois eux-mêmes s'incli- naient avec respect devant cette belle figure de moine. Les Annales de l'Ordre racontent qu'une fois le pain se multiplia miraculeusement en faveur des indi- gents qu'il voulait assister. Le saint Religieux mourut le 30 mai 1629. (D'après les noies de M. le. chanoine Rannand, curé de Saint-Julien, H'^'-Savoie.)

( I ) François Durgiat ou Duborjal (voir le orne XII, note ( 3 ), p. 179).

196 Lettres de saint François de Sales

DXLVII

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE

Négociations du Saint dans le pays de Gex. Une première Messe après soixante-treize ans d'interruption. La traversée de Genève.

Cessy, ai septembre 1609.

Monsieur mon Frère,

Il me tarde extrêmement de vous revoir avec madame nostre Présidente, ma seur. Mais la variété des affaires que M. de Lux a treuvés icy et les resistences des minis- tres nous ont porté sans rien faire jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la première Messe a Sessi despuis 73 ans. Demain nous passerons outre a faire le mesme es autres deux parroisses ( 0, et passé demain j'iray a Sessel, et le jour suivant je me rendray entre vos bras, Dieu aydant.

Vous aures sceu comme je traversay Genève sous la conduite de mon bon Ange, et cela seulement per non parer poltrone^'^ et pour vérifier queC) qui ambulat 'Proy.,x, 9. simpliciter, ambulat confidenter*^ et avec la profes-

sion de ma qualité (*). Je ne m'en vante pas, non, car il

(') pour ne pas sembler poltron.

(**) celui qui marche simplement, marche confidemment.

(i) Dès 1604, les paroisses de Cessy, Péron, Challex et Versonnex sollici- taient le rétablissement du culte catholique (cf. tome Xll, note (a), p. 396). Ce fut seulement le 5 février 1609, qu'un arrêt du Conseil du roi décréta cette restauration pour les trois premières paroisses, avec l'obligation de restituer aux ecclésiastiques romains les églises et les cimetières. (Voir Brossard, Histoire politique et religieuse du pays de Gex, 1851, chap. xxv.)

En dépit de cette décision, les ministres firent de vives oppositions à l'égard de Chgllex. A deux reprises, Genève envoya ses magistrats auprès du baron de Lux pour obtenir que le culte catholique ne fût pas introduit dans ce village. Satisfaction lui fut accordée. (Cf. Reg. du Conseil de Genève, 6, 8, 13 septembre 1609, d'après Claparède, Histoire des Eglises réformées du pays de Gex, 1856.) Deux ans plus tard, en 161 1, le duc de Bellegarde retira cette concession, et Challex fut restitué à la religion romaine. (Ibid.)

(a) Le passage de François de Sales à travers Genève le la septembre 1609, n'est pas un des épisodes les moins curieux de sa vie. Il fallait quelque courage pour s'aventurer dans la ville en ce temps-là. Tout récemment, en effet, la

Année 1609 197

y eut peu de prudence en cette resolution-lâ ; mais,

comme vous sçaves, ce n'est pas ma vertu que celle la.

Bon soir,Monsieur mon très cher Frère ; je suis, Monsieur,

Vostre humble frère et serviteur,

et de madame ma chère Seur,

FRANÇ^ E. de Genève. 21 septembre 1609.

A Monsieur

Monsieur le Baron de Peroges,

Conseiller de S. A. et Sénateur au Souverain Sénat,

Président de Genevois.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Rennard, à Mont-Saxonnex (Haute-Savoie).

Seigneurie de la cité protestante avait réglé avec des précautions ombrageuses et fort sévères l'arrivée, le passage et le séjour des étrangers (i). D'ailleurs, n l'Evesque de Genève » restait « le seul légitime Prince sauverain de Genève et de ses dependences, non obstant » les prétentions contraires des « citoyens de Genève » et des « Ducz de Savoye (2). » Il y avait donc tout à craindre d'une ville jalouse de son autonomie, menacée à tout instant de se la voir enle- ver par les menées incessantes du duc de Savoie, et capable des pires excès pour la défendre contre l'apparence même d'une revendication. Dès lors, quoi d'éton- nant que l'entreprise du saint Prélat ait paru très dangereuse à tous ses amis .^ Toutefois, l'Evêque de Genève ne courut pas ce risque par pure vanterie les Saints ne sont pas des fanfarons. Les intérêts de la religion étaient en jeu. Pour conclure le rétablissement du culte catholique dans quelques paroisses du pays de Gex, Henri IV avait délégué le baron de Lux ; un rendez-vous avait été assigné à François de Sales et à jour fixe. Manquer l'entrevue, c'était, dit un témoin, mettre l'affaire « hors d'espérance, attendu le commandement que le dict seigneur avoit de se retirer. » (Dép. de Pierre Magnin, chanoine de St-Pierre de Genève, Process. remiss. Gehenn. (I), ad art. 28.) Or, le Rhône ayant grossi à la suite de grandes pluies, le passage par Genève s'imposait, pour se trouver à Gex au jour marqué. Ecrivant à des Hayes le 4 décembre 1609, et au P. Possevin le ro du même mois, le Bienheureux raconte avec force détails pittoresques la périlleuse traversée. L'événement fit sensation dans tout le pays; le duc de Savoie le connut bientôt; mais, mal inspiré par sa défiance toujours aux aguets et par de calomnieux rapports, au lieu d'attribuer le voyage de l'Evêque au courage de l'apôtre, il le mit sur le compte d'une ambitieuse complicité avec les genevois ou les français. Nous verrons le Saint se plaindre de cette bizarre accusation en maintes lettres il parle sur un ton d'agréa- ble humeur de son audacieux trajet. (Cf. les Lettres dlviii-dlx.)

( i) Ordonnances de la cité de Genève, sur la reformation, estât et Police d'icelle. Revues par nos Treshonnorés Seigneurs, et publiées le 2y juillet i6oç. A Genève, pour Michelle Nicod. m.dc.ix.

Le P. Maurice de la Morra, Capucin (voir t. XIK, (1), p. Iî6), qui avait été rencontré dans Genève, avait comparaître devant « MIVl. les quatre syndiques, et luy a esté de rechef deffendu l'entrée dans la ville, a peine de chastiment corporel, n (Reg.du Cons. de Genève, ai août 1609.)

(a) Mémoire autographe de S. Fr. de Sales, publié en 1883 dans les Mémoires de l'Acad. SaUi., tome VI.

'9^ Lettres de saint François de Sales

DXLVIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I"

François de Sales offre au duc la deuxième édition de l'Introduction à la Vie dévoie. Culte du bienheureux Anié en Savoie et en Bourgogne. Sup- plique pour obtenir que le président Favre puisse transmettre à son fils René la charge de sénateur,

Annecy, 26 septembre 1609(1).

Monseigneur,

Je supplie Vostre Altesse de regarder de son œil de faveur ce petit livret ( = ) que je luy offre en toute humilité. La dévotion est son sujet, la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par toute sorte de devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse. Il fut des-ja publié l'an- née passée, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince ; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule considération de cette douce bonté qui a tous- jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidélité. L'infinie variété des occupations que ma charge me pousse incessamment sur le bras, adjouste beaucoup a mon insuffisance, pour m'empescher de bien faire de telz ouvrages ; mais s'il plaist a Dieu de se servir de moy en cet exercice d'escrire, il m'en donnera des commodités.

J'envoye a Vostre Altesse l'attestation de Testât de deux images et de quelques autres particularités qui regardent l'estime que l'on a eu de la sainteté du sere- nissime et glorieux Amé (3). Dans peu de jours, j'en

( I ) La date du 16 septembre donnée par Datta est inexacte. Comme cette lettre, d'après son contenu, a été écrite par le Saint à son retour de Seyssel et qu'il était encore dans cette ville le 25 septembre (cf. la lettre précédente), c'est la date du 26 qui est plus probable.

( 2 ) La deuxième édition de V Introduction à la Vie dévote.

( 3 ) Le « glorieux Amé » ou Amédée, fils aîné de Louis, duc de Savoie, et de la célèbre Anne de Lusignan ou de Chypre, naquit à Thonon le i" février 1435.

Année 1609 199

envoyeray un'autrede l'image que j'ay treuvee a SesseK O,

revenant de Gex ou j'estois allé pour establir l'exercice

catholique en quelques parroisses *. J'ay aussi sceu qu'au "Vide supra, p.iç

duché de Bourgoigne, en la ville de Seurre, il y a une

église de Sainte Clere, ou il se treuve une chapelle sous

l'invocation de ce bienheureux Prince, avec son image et

l'abbregé de toute sa vie escritte en un placard affigé.

C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour

le mariage de l'un de mes frères avec la fille du baron

de Chantai (2), selon la déclaration que Vostre Altesse

a faitte de l'avoir aggreable, j 'envoyeray exprès sur le

lieu pour avoir de tout cela une attestation authentique (3),

laquelle, s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus

belles marques de la sainteté de ce glorieux Prince que

l'on ait recouvert jusques a présent.

Oseray-je bien. Monseigneur, présenter encor ce mien

Il épousa en 1452, Yolande de France, fille de Charles VII, succéda à son père comme duc de Savoie en 1465, et mourut en odeur de sainteté à l'âge de trente-sept ans, le 30 mars 1472. (Cf. Guichenon, Hist. génial de la royale Maison de Savoie, 1778, tome II, chap. xxviii.) L'Eglise l'honore le 30 mars.

En 1609, lorsque les Evêques de Verceil et de Turin firent une enquête sur les vertus d'Amédée et sur les miracles obtenus par son intercession, François de Sales s'intéressa tout de suite à cette cause, avec ce zèle qu'il mettait à toutes les œuvres qui avaient pour but de glorifier Dieu et ses Saints. On verra au cours de sa correspondance les démarches multipliées de sa piété pour propag-.' parmi ses diocésains et dans son Institut de la Visitation le culte et l'amour du bienheureux Prince. Celui-ci fut béatifié par Innocent XI, le 3 mars 1677 ; sa Messe et son Office propres furent approuvés par le Saint-Siège le 22 avril 1684. (Voir Lafrasse, Etude sur la liturgie dans l'ancien diocèse de Genève, p. 502 ; Genève, 1904.)

( I ) Le procès-verbal de ces attestations, rédigé avec le plus grand soin par les ordres de saint François de Sales, se conserve à Turin, aux Archives de l'Etat. (Storia délia Real Casa, Mazzo 5°, cat. 3*.)

L'une des « deux images » se trouvait dans Féglise de Saint-Dominique d'Annecy, « affigee en haut, en un pilier de la chapelle de Nostre Dame de Confort; » l'attestation porte la date du 21 août 1609. La seconde ornait un vitrail du chœur dans l'église du prieuré de Notre-Dame de Talloires; l'attes- tation est du 7 septembre 1609. Quant au tableau Seyssel, il était « pendant et attaché en la muraille de l'église du couvent des Augustins. .. a costé du grand autel. » L'attestation a été dressée le 25 septembre 1609.

(a) François de Sales partit pour « ce pais-la » le 6 octobre suivant.

(3) Ce fut Georges Rolland qui alla à Seurre pour y prendre l'attestation désirée. Dans cette ville, en effet, « en l'église du dévot couvent Madame 5"= Claire, » au chœur, « proche le grand autel, » l'envoyé du Saint put voir x un grand tableau... sur toile, peinct en détrempe, » représentant le bienheureux Prince. Le procès-verbal est daté du i8 octobre 1609.

200 Lettres de saint François de Sales

souhait a Vostre Altesse ? Le sieur président Favre a mis sur le front des beaux livres qu'il a composés et qiie les nations estrangeres admirent, les marques de sa fidélité envers Vostre Altesse et de l'honneur qu'il a receu d'elle ( 0 . Or , maintenant il désire laisser les mesmes mar- ques a son filz aisné, affin que l'une et l'autre production tesmoigne a la postérité le bonheur qu'il a eu d'avoir esté serviteur aggreable d'un si grand Prince. Il supplie donq Vostre Altesse de faire grâce a son dit filz de la survi- vance en Testât de sénateur ; ce qu'obtenant, il en aura une consolation nompareille, prévoyant qu'en la personne de son filz, il revivra après sa mort au mesme genre de vie qu'il a suivi en vivant. Pour cela. Monseigneur, sachant que les affections et services héréditaires sont les plus fermes, je souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'entérinement de laquelle se respandra une bonn' odeur qui fera connoistre a cha- cun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs pères, ilz s'en rendent dignes (2).

Je joindray donq ma très humble supplication avec celle dudit sieur Président, et faysant très humblement la révérence a Vostre Altesse, je prie Dieu qu'il la pros- père en toutes bénédictions.

Monseigneur,

de Vostre Altesse, Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et orateur,

Franc*, E. de Genève.

A Neci, le ... septembre 1609.

(i) Les dédicaces, dont l'usag* est très ancien, étaient fort en honneur au début du XVII* siècle. Antoine Favre dédia au duc de Savoie Les Gordians et Maximins (1589), le Codex Fabrianus, etc.

(a) Le duc accorda la faveur demandée, par lettres patentes en date du !*'■ février 1610 ; le Sénat ayant fait des difficultés, Charles-Emmanuel envoya, le 25 juillet suivant, des lettres de jussion. (Archives du Sénat, Edits-Bulles, vol. XXXI.)

Année 1609 201

DXLIX

AU ROI DE FRANCE, HENRI IV

(minute)

Remerciements adressés à Henri IV à propos du rétablissement du culte catho- lique dans deux paroisses de Gex ; « bien infini » qui en résultera. Le digne héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne. Zèle et pru- dence du baron de Lux.

Annecy, fin septembre 1609 (i).

Sire,

Apres avoir donné gloire (a) a Dieu pour le C') nouveau restablissement de l'exercice catholique en deux parrois- ses du balliage de Gex, que monsieur le baron de Lux vient de faire (2), j'en rens grâces (<=) a la providence royale de Vostre Majesté, de la pieté delaquelle ces pau- vres peuples ont receu ce bien infini (d). Je dis infini, Sire, par ce qu'en efFect, iK^) regarde le salut des âmes, qui s'estend jusques a l'éternité ; et non seulement desames(f) qui ont esté maintenant favorisées de cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitées par l'exem- ple de celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté, minutent des très humbles requestes pour en obtenir une pareille grâce.

( a ) Apres avoir Tfait actions de gracesj

( b ) pout ri'heureuij

(c) grâces fa Vostre Majesté... J

( d) ce bien infini fet moy, cett' extrême consolation. J

(e) il fs'estend a l'éternité et au salut des âmes et...J

(f) des âmes fdes parroissesj

(i) Cette minute se rapporte par son objet à la lettre au président Favre, du ai septembre précédent.; elle a été écrite au verso d'une lettre adressée an Saint par un de ses correspondants, le ao septembre 1609. Ces deux parti- cularités justifient la date que nous lui attribuons.

( a) Voir ci-dessus, note (i), p. 196.

202 Lettres de saint François de Sales

Quant a moy, Sire, je contemple (g) en ces réparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font con- noistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Loûys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt (sic) jamais veu.

Et puis que je dois ce tesmoignage a la vérité, je vous diray. Sire, que celuy que jusques a présent Vostre Ma- jesté a employé comme son instrument pour l'exécution de ses W volontés en cet endroit (0, a un zèle qui ne peut rien oublier et une prudence qui ne sçauroit jamais rien gaster, qui est tout ce qui se peut désirer en une si digne et importante affaire.

Je supplie incessamment ( i ) Dieu quil vous face la grâce, Sire, d'exalter de plus en plus sa divine Majesté, affin que, réciproquement, il bénisse et prospère de plus en plus la vostre royale, a laquelle faysant très h[umble]

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy,

(g) je contemple Tavec un incroyable... avec extrême consnlationj

(h) de ses fordonnances pour ce regard. ..J

(i) incessamment fia Bonté divine... suprême Bonté qu'ell'establisse... qu'elle rende de plus en plus heureuse et prospère... glorifie de plus en plus vostre couronne royale, Sire, affin que, de plus en plus, vous exaltiés la sienne- divine. ..J

(i) Le baron de Lux.

DL

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Les suites d'une chute. Annonce d'un deuxième voyage en Bourgogne. Les Saints ne sont pas « despiteux. » Les curiosités qu'il faut éviter.

Annecy, 2 octobre 1609.

Ma chère Fille,

J'ay eii fort peu de mal de ma cheute, qui ne m avoit apporté qu'une fouleure de nerfz et un os demis ; mais

Année 1609 203

j'en ay l'incommodité de demeurer au lict, et par con- séquent, de ne point célébrer. J'espère néanmoins, Diman- che prochain, jour de mon saint François, recommencer mon petit train, et mardi prochain, partir pour aller achever le mariage de mon frçre chez nostre bonne M""* de Chantai.

Nostre seur ( 0 a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de paroles que cette pauvre Religieuse (») va semant ; car cela me peut servir et ne peut nuyre a per- sonne, puisque je ne suis point despiteux, et pour cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve ame qui, a mon advis, est pleyne de légèreté et inconstance, plus tost que de malice. Je fay response a l'autre conseil que nostre seur desiroit de moy *. * vide Epist. seq.

Pour vous, ma chère Fille, je lotie Dieu des sentimens de l'amour que vous aves envers luy, sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités, de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour vostre inutilité. Non, il ne faut point avoir ces craintes ; mais, en vous humiliant et reconnoissant que vous estes toute inutile*, espères en *Cf. Luc, xvn, 10. la grandeur de la miséricorde divine qu'elle vous sera propice de plus en plus. Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme ; mais de recevoir les grâces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige.

Vous faites bien pour ce qui regarde l'orayson et ces distractions et petites envies spirituelles. Ne vous amuses point a cela ; mais, d'un cœur eslevé, travailles devant Dieu avec vostre volonté supérieure, vous animant au saint amour. L'exercice que vous m'aves envoyé est bon, mais prenes garde qu'en l'exécution vous n'abbandonnies point la resolution de vous mortifier es rencontres que vostre vocation vous fera faire.

J'envoye le livre ci joint ( 3) a nostre seur, et me reserve

( I ) M""* de la Forest (voir la lettre suivante).

(a) Probablement Jeanne de Vignod , abbesse de Bons (voir ci-après, note (a), p. ao6).

(3) Sans doute la deuxième édition de V Introduction à hi Vie dévote.

204 Lettres de saint François de Sales

a vous en envoyer un a mon retour, n'en ayant pas, pour le présent, que ce quil me faut pour porter ou je vay. Je vous recommande M""* de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un (sic) bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs âmes (0.

Je suis tout entièrement tout vostre en Nostre Seigneur, qui vive et règne es siècles des siècles. Amen.

A Neci, le 2 octobre, en haste.

A Madame Madame de la Fleschere.

Revu sur l'Autographe appartenant k M. le comte de la Fléchère, à Saint-Jeoire (Haute-Savoie).

( I ) Cette « bonn' œuvre » était sans doute la fondation de la Visitation. Le Saint songeait en effet à prendre, pour l'établir, les dernières mesures, de concert avec la baronne de Chantai qu'il devait rencontrer à Monthelon quel- ques jours après.

DLI

A MADAME DE LA FOREST RELIGIEUSE DE l' ABBAYE DE BONS (0

(inbditb)

Les « âmes revesches » et le Saint. Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes. Une Religieuse qui avait besoin de changer d'air. Les promenades dangereuses. Envoi d'un exemplaire de V Introduction.

Annecy, 2 octobre 1609.

Vous aves bien fait, très chère Fille, de m'advertir des mauvayses paroles de cette pauvrette, car cela m'est utile

( I ) La comparaison de cette lettre avec la précédente permet de lui attribuer la même date.

La destinataire, Jeanne-Bonaventure de la Forest, professe de l'Ordre de Cîteaux, était la propre sœur de M"" de la Fléchère. Ame craintive et délicate,

Année 1609 205

et ne luy sera pas inutile a elle mesme pour l'advenir. Je suis certes fort libre a parler, mais je ne pense pas avoir rien dit de tout cela. Oiiy bien, peut estre, que l'expérience m'avoit apris de ne point estre dur aux âmes revesches, tandis quil y avoit espérance de les gaigner par douceur.

Je croy que quant a Monsieur de Belley(0, je n'en auray parlé qu'avec le compas de la sincère dilection avec laquelle je l'honnore, car je sens bien en mon ame que j'ay de l'affection a son estime. Mais, ma chère Fille, il faut estre patient a ceux qui veulent servir les âmes, car tous-jours ainsy au commencement, elles sont volages, bigearres et inventrices de paroles. Qui se voudroit des- gouster pour cela, ne feroit jamais rien. Cette la auroit grand besoin de changer d'air pour estre guérie, car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour les tendres âmes. Dieu y mette sa sainte main. EU' a rayson de dire que je luy parlay a son advantage, car je ne luy parlay que pour son bien, mais sans flatterie et rondement, selon les sentimens que j'en avois.

Mais vous, ma très chère Fille, continues a tenir vostre cœur pur devant Dieu et compatissant envers le pro- chain. Vrayement je ne voudrois nullement que si les promenades tendent a la rencontre de ces galantz hom- mes, vous vous y treuvassies ; mais si cette fois-la ce fut par hazart, il n'en faut pas pour cela se scabrer. Que si néan- moins on voyoit que la chose retumbast souvent a mesme rencontre, je vous aymerois mieux en vostre chambre.

elle avait grand besoin que le Saint l'encourageât à la ferveur et la réconfortât au milieu des pernicieux divertissements qui troublaient la vie monastique à Bons. (Voir ci-dessus, note (3), p. 81.) Son nom figure, avec celui des Dames Louise de Pâquier, Louise de Ponçonas, Claude de Buissonrond, dans un acte notarié du 28 février 1624, il est dit qu'elles veulent établir un couvent réfor- mé à Grenoble. (Archives départ, de la H"-Savoie, E. 532.) Ces trois mêmes personnes étaient venues du monastère des Ayes, situé près de Grenoble, chez les Bernardines de Rumilly le i"" janvier 1633. La Mère de Ballon, qui avait loué leur dessein, les accompagna elle-même à Grenoble le 22 novembre 1624, pour les aider dans leur entreprise. Toutefois, les historiens qui rapportent cette circonstance, ne font pas mention de Jeanne-Bonaventure de la Forest. { i) Jean-Pierre Camus, évoque de Belley, que saint François de Sales avait •acre un mois auparavant.

2o6 Lettres de saint François de Sales

Je vous envoyé un livre de la nouvelle édition (0, et en envoyeray un autre a M""' vostre jeun' Abbesse (*) quand j'auray le loysir de luy escrire a propos, sans faire sem- blant de rien, sinon de quelques bonnes paroles qu'elle me dit.

Nostre Seigneur soit a jamais au milieu de nous, et je suis en luy très entièrement,

Vostre serviteur,

F., E. de G. A Madame Madame de ia Forest, Religieuse a [Bons].

Revu sur l'Autographe conservé au a"* Monastère de la Visitation de Marseille.

( I ) De V Introduction à la Vie dévote.

(2) Cette « jeun' Abbesse; » Jeanne de Vignod, sœur de Bernarde de Vignod (voir le tome précédent, note ( i ), p. loj), est citée par Guichenon, Hist. de Bresse et Bugey, Partie II, avec les dates de 1606-1613. Certaines allusions dans les lettres précédentes et dans d'autres qui suivront, persuadent qu'elle était de ces âmes « revesches, volages, bigearres » qui exerçaient, sans la lasser, la patience du Saint. Peut-être même était-ce la « pauvrette » qui, « pour estre guérie, » avait « besoin de changer d'air. »

DLII

A LA BARONNE DE CHANTAL

A une journée de Monthelon, le Saint prévient la Baronne qu'il va arriver, Il demande « un petit bain de sauge » pour son pied à peine guéri d'une chute récente.

Vers le 10 octobre 1609(1).

Ma chère Seur,

Nous allons a la Messe, pour disner par après et partir. Mais qu'il me tarde que je sois vers vous ! Je n'y seray néanmoins qu'un peu tard, car nos chevaux sont recreuz

(i) Comme le mariage de Marie-Aimée de Chantai avec Bernard de Sales fut béni le 13 octobre, ce billet a être écrit peu de jours avant.

Année 1609 207

des grandes journées que nous avons faites. Si nous treu- vons monsieur de Chantai couché, nous ne laisserons pas de luy aller donner le bonsoir. Mais il faut que je prie ma bonne nièce (0, si elle [est] auprès de vous, de me faire la charité d'un petit bain de sauge pour mon pied, que je vous porte un peu boiteux*. 'Cf. supra, p. aoa.

Bon soir, ma chère Seur, ma Fille ; vostre filz (»), vos- tre neveu(3) et laThuille(4) vous baysent les mains. Nous avons pensé amener monsieur de Charmoysi, mais la venue de Monsieur de Nemours nous a osté cette bonne compaignie.

Nostre Seigneur soit avec vous.

Revu sur l'Autographe conservé i la Visitation de Rennes.

( I ) M"« de Bréchard.

(2) Bernard de Sales.

(3) Serait-ce Jacques de Nenfchèzes ? La Baronne, en effet, dut envoyer quelqu'un des siens au-devant de François de Sales.

(4) Louis de Sales accompagnait son bienheureux frère.

DLIII

A M. PIERRE DE BÉRULLE (fragment)

Sympathie très effective de François de Sales pour le dessein de M. de BéruUe. Il conseille une démarche auprès du Nonce.

29 octobre 1609.

Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies envoyée sur le sujet de la Congrégation des prestres reformés (0, vous tesmoignant le désir que

(i) Depuis longtemps, les âmes que l'amour de Dieu rendait clairvoyantes soupiraient après la régénération du clergé. Dès i6or, Pierre de BéruUe se sentait pressé de consacrer sa vie à ce noble objet. François de Sales, de l'aveu même de HabertfLa Vie du Cardinal de Berulle, Paris, 1646, liv. II, chap. m), l'avait devancé dans la conception de ce dessein. Grand admirateur de saint Philippe de Néri, de son Institut et de ses disciples, on sait tout ce qu'il fit

2o8 Lettres de saint François de Sales

j'avois de contribuer a une si utile entreprise tout ce qui dépend de moy ; et ne pouvant disposer de l'absence de mon diocèse requise pour cette œuvre, je vous asseurois que, si tost que je serois arrivé a Neci, j'escrirois au Saint Père pour avoir son commandement sur cela. Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit faire [que,] de delà, le Nonce du Saint Siège qui réside a Paris (O escrivist en faveur

pour en donner l'esprit et les règles aux prêtres de la Sainte-Maison de Tho- non. Aussi, pendant son séjour à Paris en 1603, s'intéressa-t-il vivement à cette œuvre de rénovation sacerdotale ; il fut même instamment prié, et à plus d'une reprise, d'en prendre la direction, au moins pour un temps. yCi. tome XII, note ( i), p. 155.) La lettre présente, sans doute, répond à une invitation de ce genre. Poussé enfin par les encouragements des membres du cercle Âcarie et surtout par les sollicitations d'une sainte Carmélite, la vénérable Mère Madeleine de Saint-Joseph, Pierre de BéruUe finit par réunir quelques disci- ples. La première maison fut une modeste demeure, dite du Petit-Bourbon ; les premiers membres y entrèrent le 10 novembre 161 1. Par lettres patentes du 2 janvier i6ia, l'approbation royale encouragea ces débuts, et le 10 mai 1613, Paul V accordait la Bulle qui consacrait l'existence de la nouvelle société, sous le nom de Congrégation de l'Oratoire. Malgré des emprunts notables aux Constitutions de l'Oratoire de saint Philippe de Néri, l'Institut était une création originale et toute française. Il n'est pas besoin aujourd'hui de louer une association qui a compté parmi ses membres le cardinal de BéruUe, les PP. de Condren, Le Jeune, Morin, Thomassin, Malebranche, etc., et dont François de Sales a pu dire qu^il n'y avait rien de plus saint et de plus utile à l'Eglise. Le saint Evêque professa en effet jusqu'à sa mort une très grande estime pour les fils de son illustre ami, le cardinal de BéruUe ; il ne négligea aucune démarche pour les introduire en Savoie. Ils s'établirent à Rumilly en 1634, mais sa correspondance nous avertit qu'il s'occupait dès 1616 de les y faire venir. D'après un témoin, Guillaume de Bernard de Forax (Process, remiss. Parisiens., ad art. 30), le Saint lui aurait dit un jour « que sa seule ambition en ceste vie seroit de se pouvoir ranger avec les Prestres de l'Ora- toire, et en ceste retraicte s'occuper a servir Dieu et escripre quelque chobe a l'honneur de Dieu et proffict des âmes. »

La Congrégation de l'Oratoire fut emportée par la Révolution; Même après les trois volumes de M. Houssaye sur M. de BéruUe, l'étude sur L'Oratoire de France au XVII' et au XIX' siècle de S. E. le cardinal Perraud, demeure, malgré sa brièveté, l'histoire la plus intéressante et la plus impartiale du célèbre Institut, de ses premiers jours de gloire et aussi des tristes causes qui amenèrent d'assez bonne heure sa décadence.

L'ancien Oratoire a été rétabli en France le 16 août 1853, par l'initiative de M. l'abbé Pététot, alors curé de Saint-Roch, à Paris. Rome approuva cette restauration en 1864. Par leurs talents et par la qualité de leurs travaux, les nouveaux Oratoriens ont continué, et non sans éclat, les traditions de leurs premiers devanciers.

( I ) Le Nonce du Saint-Siège en ce temps-là était Robert Ubaldini, évêque de Montepulciano. à Florence, petit-neveu du Pape Léon XI, docteur in utroquejure, maître de chambre de Paul V, il avait remplacé à Paris, à la fin de 1607, le Nonce Maffeo Barberini. Il fut fait cardinal le 3 décembre i6ij et

Année 1609 209

de ce dessein la, il le rendroit fort aysé ; qui m"a fait vous escrire encor des icy, pour ne rien oublier de mon costé, de tout ce que je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix pour le bien de l'Eglise. Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en faire comme vous jugeres plus a propos. .

Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Archiv. Nat., M. 234.

retourna le 23 décembre 1616 en Italie. Ce Prélat fit preuve de courage en soutenant contre les pernicieuses maximes d'Edmond Richer les droits du Saint- Siège. Ancien élève des Jésuites, il se montra ouvertement l'ami du P. Coton et fut pour ses frères un fidèle appui au milieu des persécutions que leur susci- taient les sournoises rancunes de l'Université et du Parlement. Ubaldini pro- tégea aussi l'Oratoire naissant avec non moins de bienveillance. Passionné pour les lettres, il honora de son amitié et gratifia de ses largesses les écri- vains et les poètes. Il laissa à la Propagande ses biens qui étaient immenses, et mourut le 32 avril 1635.

DLIV

AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE SALINS ( ^ ) Acceptation d'une invitation à prêcher dans la ville de Salins.

Dole, i*"" novembre 1609.

Messieurs,

Vous m'obliges extrêmement par le désir que vous aves de mes prédications, lesquelles seront utiles a vostre peu- ple, si Dieu me donne autant de force comm' il m'a donné

(i) Ces magistrats étaient : M. de Nancray, raayeur ; échevins : MM. Musy, d'Alaise, Pelot, Cécile, Patornay, Vauldry, Périet.

Aux premiers jours du mois d'août précédent, M. de Nancray s'était rendu à Annecy pour prier le Saint de venir prêcher l'Avent et le Carême suivants à Salins. Celui-ci avait subordonné son acceptation à l'agrément du duc de Savoie qui le donna. Mais dès le 11 octobre, le Conseil de cette ville appre- nait que François de Sales était empêché de tenir sa promesse. C'est sans doute pour le faire revenir sur sa décision, que MM. d'Alaise et Cécile avaient été délégués vers lui à Dole le i*'' novembre. Le Saint remit la présente lettre aux députés, mais il s'excusa tout à fait, au moins pour l'Avent, puisque dès le jour suivant les magistrats firent des démarches pour trouver un autre prédi- cateur, qui fut le P. Boitte, des Jésuites de Dole.

Ce billet se rapporterait donc aux prédications du Carême de 1610 ; on peut le croire, quoiqu'il n'y soit pas fait d'allusion explicite. Quand, le jour de son arrivée dans leur ville, les échevins renouvelèrent à François de Sales

LllTTRES IV 14

210 Lettres de saint François de Sales

de courage et d'affection de vous rendre du service. Que s'il exauce mes prières, vous vivres tous longuement, heu- reusement et saintement en ce monde, et éternellement, glorieusement et très [heureusement] en l'autre ; car ce sont les souhaitz continuelz que je feray meshuy devant sa divine Majesté_, pour vous et pour vostre ville, estant,

Messieurs,

Vostre très humble serviteur en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève.

Jour de Toussaintz 1609, a Dole.

A Messieurs les Magistratz de Salins.

l«nr invitation, ils obtinrent cette fois encore une réponse presque évasive. Cette réserve nous paraît intentionnelle ; le saint Evêque aura voulu laisser en suspens la question de son retour dans ce pays. Il ne fallait pas donner prise à de nouveaux soupçons de Charles-Emmanuel, qu'il savait déjà, peut- être, prévenu contre lui (cf. ci-dessus, note (2), p. 196, et ci-après, p. ai6). Et, ce qui est plus probable, il voulait ne rien préjuger encore des difficultés que le Chapitre de Saint-Anatoile de Salins, pour des raisons de pur formalisme, opposait à sa venue. (Délib. municip. de Salins, a juillet-19 novembre 1609; Délib. du Chapitre de Saint-Anatoile de Salins, 2, 4 septembre, et 3, ^3 octobre 1609, Archiv. départ, du Jura, Série G.)

DLV

a la baronne de chantal

Pourquoi nous sommes en ce monde. Absoudre, c'est donner Jésus-Christ. Le traité du P. Arias. Le corporal envoyé par la Baronne.

Baume-les-Dames, 16 novembre [1609^1).]

Ma chère Fille,

Je reçois une particulière consolation a vous parler en ce langage muet, après que tout le jour j'ay tant parlé a tant d'autres en langage parlant. Or sus, si faut-il vous

{ I ) La date de 1605, que l'édition de 1626 et les suivantes ont donnée à cette lettre, semble être contredite par les allusions du texte et par le rapport qu'il a avec une lettre de la fin de février 1610. Toutefois, il est moins probable que l'avant-demier alinéa soit de 1609. (Cf. ci-dessus, note ( i), p. 14.)

Année 1609 211

dire ce que je fay, car je ne sçai presque rien autre, et encor ne sçai je gueres bien ce que je fay.

Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous sommes en ce monde, j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et porter le doux Jésus : sur la langue, en l'annonçant ; sur les bras, en faysant des bon- nes œuvres ; sur nos espaules, en supportant son joug, ses sécheresses, ses stérilités, et ainsy en nos sens intérieurs et extérieurs. O que bienheureux sont ceux qui le portent doucement et constamment ! Je l'ay vrayement porté tous ces jours sur ma langue, et l'ay porté en Egypte, ce me semble, puisqu'au Sacrement de Confession j'ay ouy grande quantité de penitens qui, avec une extrême con- fiance, se sont addressés a moy pour le recevoir en leurs âmes pécheresses (0. Oh ! Dieu l'y veuille bien conserver.

J'y ay encor appris une prattique de la présence de Dieu, laquelle, en passant, j'ay resserrée en un coin de ma mémoire pour vous la communiquer, si tost que j'auray leu le traitté qu'en a fait le Père Arias (2).

•Ayés un grand cœur, ma chère Fille, et estendes-le fort sous la volonté de nostre Dieu. Sçaves vous que je dis estendant vostre corporal pour la consécration ? Ainsy, dis je, puisse bien estre estendu le cœur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrées influences de la volonté du Sauveur. Courage, ma Fille, tenés vous bien serrée auprès de vostre sainte Abbesse, et la suppliés sans fin que nous puissions vivre, mourir et revivre en l'amour de son cher Enfant.

Vive Jésus qui m'a rendu tout vostre, et plus que je ne puis dire. La paix du doux Jésus règne en vostre cœur.

Franç% E. de Genève.

Le 16 novembre...

( I ) Tous les loisirs que lui laissaient les négociations de l'affaire des salines (voir ci-âprès, note ( a ), p. 215), le Saint les employa à prêcher dans les monas- tères et dans les églises et « à ouyr les confessions de ceux qui accouroyent de tous costez. » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII; cf. la Lettre dlx.)

(2) Cet ouvrage sur VExercice de la présence de Dieu parut en espagnol, sa langue originale, à Valladolid, en 1593; en italien, à Venise, 1602; en latin, à Mayence, 1605; en français, à Paris, 1605, et à Liège, 1607.

a 12 Lettres de saint François de Sales

DLVI

A madame de boisy, sa mère

M'"'= de Boisy est priée par son fils de consulter le médecin Marc Offredo.

Pourquoi elle doit se dégager de certaines « petites pensées. » Le « petit advis » que le Saint donne clairement à sa « chère Dame et bonne Mère. »

Annecy, 29 novembre 1609. ( " ) Madame ma Mère,

La nouvelle que mon jeune frère (') m'a donnée de vostre meilleure santé m'a fort consolé, et néanmoins je ne laisse pas d'appreuver Tadvis de mon cosin Chau- dens ( 3 ), que le sieur Marcofredo ( 4 ) soit consulté sur vostre santé, ou le faysant venir a Sales, ou, si vous le pouvés, allant vous mesme a Genève pour trois ou quattre jours ; mais en ce dernier cas, il faudroit faire le voyage bien tost pour prse venir les grandes froideures.

Si mon frère m'eut aussi bien sceu dire en quel estât estoit vostre esprit, ma consolation eiit esté plus grande ; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas

( I ) Voir le fac-similé placé en tète de ce volume,

(2) Janus, ou Bernard : on ignore si le premier était en Savoie à cette date, et d'autre part on peut douter que Bernard, à peine de retour à Sales (cf. ci- après, la lettre du 11 décembre à la baronne de Chantai), ait pu donner des nouvelles si détaillées sur M"" de Boisy.

(3) Les membres des familles Choudens étant très nombreux, il est difficile de préciser le nom du cousin mentionné ici. Il semble pourtant que le Saint désigne l'un des deux frères, « egrege François » et « egrege Gaspard » de Choudens, fils d'Antoine de Choudens, notaire, mort avant i^'^S. Le premier, qui vivait encore en 1624, apparaît comme notaire à Gex le 26 juillet 1612; le deuxième, également notaire, figure comme témoin dans un acte de dona- tion du 12 décembre 1603 en faveur de Bernard de Sales, et mourut avant 1622. (D'après les noies de M. Vidart, de Divonne.)

(4) Marc Offredo ou OÊfredi, de Crémone, avait émigré à Genève dont il devint bourgeois, et mourut en 1620. Ce savant médecin avait épousé le 13 décembre 1602, Louise Sarasin, fameuse par son étonnante précocité ; toute enfant, elle parlait, dit-on, les langues anciennes, y compris l'hébreu. (Cf. Galiffe, Notices généalogiques sur les familles genevoises, 1830-1895, tome III.)

Année 1609 213

voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivres pas asses pour les user. Or, en tout cela, il ny a pas grand mal ; mais je désire pourtant bien que, petit a petit, vous vous desfacies et desengagies de ces petites pensées, lesquelles sont entièrement inutiles et infruc- tueuses, et outre cela, elles tiennent la place d'autres cogitations meilleures et aggreables a Nostre Seigneur. Il faut un petit plus mettre vostre esprit au large et a l'ayse avec Nostre Seigneur, et ne le point charger de ces menues affections ou pensées, et vivre librement, lais- sant a la providence de Nostre Seigneur ce quil luy plaira faire de vous.

Mais, avec vostre permission, je vous parleray claire- ment. Il faut, ma chère Mère, ne plus vous amuser a certaines considérations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit ; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil (sic) vont bien, en louer Dieu, sil (sic) vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expé- dient a nostre bien *. Cf. Rom., vm, 28.

Voyla mon petit advis, ma chère Dame et bonne Mère. Pour l'amour de Dieu, soyes un peu fort courageuse ; dites cent fois le jour, mais dites le de cœur : Dieu nous aydera, et vous verres qu'il le fera. Commandes librement a vos enfans, car Dieu le veut.

Je vous envoyé deux lettres de Dijon, et vous souhait- tant toutes les grâces que Nostre Seigneur donne a ses loyales serventes, je demeure,

Madame ma chère Mère,

Vostre filz très humble.

Franc', E. de Genève.

Veille saint André.

A Madame ma Mère,

Madame de Boysi.

Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince Trivulzio.

214 Lettres de saint François de Sales

DLVII

A LA BARONNE DE CHANTAL

(fragment)

Retour de François à Annecy ; il en donne avis à la baronne de Chantai. L'abandon de tout notre être au bon plaisir divin ; bonheur qu'il procure, Le sacré oreiller de saint Jean.

Annecy, [fin novembre] 1609 ( i ).

Vous croires bien mieux que nous sommes venus a bon port, ma chère Fille, quand vous en verres ce petit tesmoi- gnage de ma main. Et bien, vous voyla donq toute rési- gnée entre les mains de nostre Sauveur, par un abandon- nement de tout vostre estre a son bon playsir et sainte providence. O Dieu, quel bonheur d'estre ainsy entre les bras et les mammelles de Celuy duquel l'Espouse sacrée disoit : Vos tetins sont incomparablement meilleurs Cant., I, I. que le vin*. Demeurés ainsy, chère Fille, et, comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur diverses viandes, reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre teste, vostre ame, vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Sei- gneur ; car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller, que de veiller en toute autre posture

( I ) La date se déduit de l'allusion au retour du Saint à Annecy, qui eut lieu après le 34 et avant le 29 novembre.

Ce fragment est le premier alinéa d'une lettre fabriquée par les éditeurs de 1626 qui l'ont donnée sans date ; Hérissant (1758) a, sans aucune preuve, ajouté celle du 27 décembre 1609. Le même texte se continue par des emprunts faits à la lettre du 11 décembre 1609 et finit par celle du 4 juillet 1608. (Cf. ci- dessus, note (i), p. 14, et la Table de correspondance placée à la fin de ce volume.)

Année 1609 315

DLVIII

A M. ANTOINE DES HAYES

Nouvelles rétrospectives d'un voyage en Bourgogne. Pèlerinage différé. François de Sales accusé auprès du duc de Savoie d'avoir fait une tenta- tive pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque de Genève ; le fondement de catte calomnie. Un mariage désiré. Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite. Trois dames desti- nataires de V Introduction à la Vie devotti.

Annecy, 4 décembre 1609.

Monsieur,

Ayant esté près de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché (0, pour assister aux noces de mon frère de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté (2), pour l'exécution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle(3) et a moy conjointement (4), j'ay treuvé a mon retour la lettre

(i) Ancienne province de France qui avait Dijon pour capitale.

(3) Aujourd'hui, la Franche-Comté; Dole en était la capitale. Besançon appartenait alors à l'Allemagne.

( 3) Guillaume Rinck ou Reinck de Baldenstein, en 1566, élu évêque de Bâle le 19 mai 1608, préconisé le 14 février 1609, sacré le la juillet suivant, succédait à son oncle, Jacques-Christophe Blarer de Wartensee qui lui laissait de grands exemples. L'affaire des salines lui valut le bienfait de connaître François de Sales; le Saint fit un petit séjour à Porrentruy et logea dans l'hôtel qu'habitait la mère du Prélat, Anastasie Blarer de Wartensee, veuve alors de Jean-Georges Rinck. La vertueuse dame, les PP. Jésuites, tous les habitants entourèrent l'Evêque de Genève de révérence et d'honneur. La chambre, le fauteuil lui-même dont il se servit, furent conservés avec respect. Aujourd'hui encore, au presbytère de cette ville, on peut voir son portrait, décoré de ses armes, qu'il avait envoyé à l'Evêque de Bâle devenu son ami. Sur la toile, on lit : Glatis suce 50, anno i6rj.

(4) Voici quelle fut l'occasion de ce « commandement. » De temps immé- morial, les salines du comté de Bourgogne appartenaient par moitié au clergé de Bourgogne et aux comtes de la province. Un accord était survenu qui cédait à ces derniers la propriété des « muyres » ou eaux salées, en échange d'une certaine redevance de sel aux Eglises. La mort du roi d'Espagne Phi- lippe II (1598) et du Pape Clément VIII (1605) avait fait traîner la ratification de cet arrangement; puis d'autres controverses avaient surgi. C'est pour régler ce différend que Paul V avait délégué l'Evêque de Bâle et l'Evêque de Genève, par des lettres de commission données à Rome le 28 janvier 1608, et fulminées

2i6 Lettres de saint François de Sales

que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon mon- sieur de Soulfour(0, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage ; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis réciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies départir.

Si vos affaires retardent nostre pèlerinage a la Sainte Magdeleyne('), il n'en sera que tant plus délicieux un'au- tre fois, quand vous les aures heureusement achevées comme je souhaite. Et tandis, je m'esclarciray aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour, fort inopinément, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je voudrois estre tous-jours tout ouvert) consiste en un esclarcissement d'un ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition de sa calomnie, entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence sur ma misérable Genève, pour y entrer et régner par autre moyen que celuy de sa grâce. Le fondement du mesdisant a esté dix ou douze jours entiers que je fus a Gex ce mois de septembre passé, et ou allant, par une certaine imprudente hardiesse, je passay tout au travers Cf. supra, Epist. de Genève *, après avoir fait dire a la porte a celuy qui DLix, DLx!° "' ^ marchoit immédiatement devant moy, que j'estois Mon- sieur l'Evesque, et escrire en la bullette : Franc, de Sales, Evesque de ce Diocœse (car il se faut un peu estendre a dire les particularités des saillies de ma vail- lance).

par ces Prélats à Baume-les-Dames, le 14 novembre 1609. C'est dans l'abbaye de cette ville (voir le tome précédent, note (i), p. no) que se tinrent les conférences. Grâce à la conciliante habileté des deux arbitres, une convention fut arrêtée à la satisfaction des deux parties : moyennant une somme d'ar'gent payée au clergé, les comtes de Bourgogne furent reconnus propriétaires à perpétuité des salines. Dans cette délicate affaire, François de Sales avait voulu se faire assister de son frère Louis; la sagesse avisée du gentilhomme savoyard fit impression sur les gens du roi d'Espagne. L'archiduc d'Autriche, Albert, et sa femme Isabelle-Claire-Eugénie, princesse de Flandre et comtesse de Bourgogne, témoignèrent leur gratitude à François de Sales en lui offrant de riches présents.

( I ) Nicolas de Soulfour (voir le tome précédent, note ( i ), p. 284),

(2) Voir ci-dessus, pp. 184, 185.

Aknée 1609 217

Sur tout cela, donq, on a fait cet argument : Qu'a-il tant fait a Gex, et qui luy a donné cett'asseurance de pas- ser en cette ville tant ennemie du nom quil porte et de sa qualité, et en laquelle ses praedecesseùrs ne sont jamais entrés des la révolte, sans sauf conduit, sans se desguiser, sans desadvoûer sa qualité? Mais en vray (sic) vérité, ilz ont peu de connoissance de mon ame, s'ilz me jugent si plein de considération et d'appréhension que je ne puisse pas faire une petite témérité. Le tems, mon innocence, mais sur tout la providence de Dieu, accommodera tout cela : dequoy néanmoins j'ay escrit a Son Altesse tout ce quil m'en sembloit, ayant premièrement sceu qu'elle s'estoit laissé porter a quelque sorte de desfiance de moy ; de manière que j'en demeure en tout bon repos. Voyla mes nouvelles d'Estat.

Quant a celles de ce pais, nous nous res-jouissons gran- dement en l'espérance de voir un bon fruit du voyage de monsieur de Jacob (0 et attendons que Monsieur vienne pour passer en France, achever ce mariage que nous desi- rons tant et qu'on diffère tant (2). Nostre monsieur de Charmoysi, ce pendant, est tout joyeux en sa mayson des chams et tesmoigne d'aymer tant sa retraitte quil ne veut point qu'on traitte de l'en retirer ; néanmoins, si Mon- sieur vient, je feray, si je puis, selon vostre conseil. Je desirerois bien y pouvoir beaucoup, comm'aussi de sça- voir, \e tems estant venu, que Paris ayt un chef auquel mon cœur ayt tant d'alliance et de correspondance d'ami- tié comm'il a avec vous.

J'envoye ces trois livres (3) aucunement corrigés de tant de fautes que l'imprimeur y a laissé glisser. Je les

( i) M. de Jacob (cf. tome XI, note ( i ), p. i86, et note (s), p. sog) dès 1604 faisait des négociations auprès de la cour de Henri IV pour proposer au roi le mariage du prince de Piémont, Victor-Amédée, avec Elisabeth de France. Le « bon fruit » de ce voyage se rapportait vraisemblablement à cette affaire; c'est pour la traiter, en effet, qu'il était envoyé en France comme ambassadeur.

(a) Dans les relations diplomatiques de cette époque, il est question de deux mariages : celui de Victor-Amédée et d'Elisabeth de France, dont le duc de Nemours s'était occupé, et le propre mariage de ce prince avec l'infante Marie-Catherine de Savoie, ou avec Anne de Lorraine. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 184.)

( } ) Trois exemplaires de la deuxième édition de l'Introduction à la Vie dévote.

2i8 Lettres de saint François de Sales

offre a madame vostre chère moytié(0 et un, par son entremise, a madamoyselle de Touteville ( ^ ), sinon que vous en voulussies prendre la peyne vous mesme, et un autre a madame la Marquise de Menelay(3). J'auroys honte de tout cela, si vostre faveur ne devoit couvrir la nudité qui y est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en ce pacquet.

Nostre Seigneur vous conserve, Monsieur, et vous com- ble de tout bonheur ; c'est le continuel souhait de

Vostre très affectionné et très fidelle serviteur.

Francs E. de Genève.

4 décembre 1609, a Neci.

Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles.

A Monsieur Monsieur des Hayes,

Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif de Montargis.

Revu sur TAutographe conservé au presbytère de Gex.

(i) Voir ci-dessus, note (a), p. 185.

(2) Marguerite d'Orléans, princesse d'Estouville ou de Touteville, était la sœur de Catherine (voir tome XII, note ( i ), p. 131) et aussi son émule par les bonnes œuvres que lui inspira sa haute piété. Elle mourut à Paris, le 23 septembre 161 5, dans sa quarante-neuvième année.

(3) Voir ci-dessus, note (3), p. 185.

Année 1609 319

DLIX

AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0

(inîdiItb)

Les fruits des Exercices de saint Ignace. Progrès des conversions autour de Genève. Une paysanne missionnaire. Rétablissement du culte catho- lique à Gex. Un grand nombre de genevois ébranlés ; obstacles qui s'op- posent à leur retour. Le Saint raconte comment il a traversé Genève à cheval et l'émoi que son passage a suscité dans la ville. Le mauvais vou- loir des ministres à l'égard des propositions de François de Sales. Com- ment Vlntroduction à la Vie dévoie a vu le jour ; cause de son succès. Offrande d'un exemplaire au destinataire.

Annecy, lo décembre 1609, Mio Reverendo Padre,

Il Padre GiosefFo Alamanni, Rettore del Collegio di Turino(2}, mi ha mandate un aviso de i frutti i quali sono stati fatti in Salamanca per mezo degVEsercitii spiritualii^)^ et questo per commissione la quale voi gli

Mon Révérend Père, Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin ( 2 ), m'a envoyé une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen des Exercices spirituels ( 3 ) ; or, c'est vous qui l'avez chargé de me faire

( I ) Notre texte italien doit être une traduction de l'Autographe écrit en français, comme la lettre du 4 octobre 1605 (voir le tome précédent, p. 105).

Quant au destinataire, il ne peut être que le P. Possevin, à n'en juger que par les confidences de la lettre. D'ailleurs cette copie a été trouvée parmi d'autres lettres certainement adressées à ce Religieux. Au revers de cette même pièce, on trouve notées de la main du P. Possevin ces paroles : Del Sf Vescovo di Ginevra ad un Padre délia Compa di Giesu. Délie conversioni faite di here- tici ei délie cose délia cttià di Ginevra. Le R. P. van Meurs, S. J., à qui nous devons ces indications et le texte de cette lettre, n'hésite pas à croire qu'elle a été adressée à l'ancien directeur du Saint.

(^3) Jean-Joseph Alamanni, à Milan en i^^6, entra dans la Compagnie de Jésus le 25 mai 157a. Profès des quatre voeux le 12 avril 159a, il mourut à Asti le 3 août 1630, après avoir enseigné, prêché et rempli plusieurs fois la charge de recteur. Il était l'aîné de cinq frères Jésuites.

()) Il s'agit sans aucun doute de l'apostolat exercé dans cette ville par le P. Guillaume Batbe ou Bath. « Pajmi les fruits de son zèle, on compta jusqu'à

220 Lettres de saint François de Sales

havete data per farmi questa comunicatione. lo ve ne rendo gratie, mio Reverendo Padre, et mi rallegro di tutto mio core di sapere per questa occasione che non solamente la Providenza divina vi ha conserv^ato in sanità insino al présente, ma parimente mi ha conservato nella vostra benevolenza, la quale io tengo per una ventura ben cara et pretiosa per me, il quale reciprocamente continuo in honorarvi nella mia anima con un rispetto et amore tutto particolare. Per conseguenza di questo, io vi dirô brie- vemente alcune nuove di questa mia diocèse et corne io fo, sentendomi obligato a darvene conto.

Noi non habbiamo più alcun heretico nei balliaggi o signorie di Ternier e Gagliard, ne nel ducato di Chiablès,

cette communication. Je vous en remercie, mon Révérend Père, et de tout mon cœur je me réjouis d'apprendre ainsi que non seulement la divine Providence vous a conservé en santé jusqu'à ce jour, mais que, pareillement, elle m'a conservé en votre bienveillance, faveur que je tiens pour bien chère et précieuse. En retour, je continue à vous honorer dans mon âme avec un respect et un amour tout particulier ; c'est pourquoi je vous dirai brièvement quelques nouvelles de mon diocèse et ce que je fais moi-même, car je me sens obligé de vous en rendre compte.

Nous n'avons plus aucun hérétique dans les bailliages ou seigneu- ries de Ternier et Gaillard, ni dans le duché de Chablais, presque

trois cents conversions d'insignes pécheurs, dont le changement de vie et les œuvres de pénitence et de vertu tenaient du prodige. A sa voix, dit un histo- rien (0, les monastères se peuplaient de jeunes gens des plus illustres familles. Les Exercices de saint Ignace étaient l'instrument par excellence et presque unique des merveilles que Dieu opérait par ses mains. » (Ménologe de la Cie de Jésus, Assist. de Germanie.) Ce généreux apôtre, à Dublin d'une noble famille irlandaise, avait quitté la cour d'Elisabeth pour la Compagnie de Jésus ; après avoir étudié la théologie à Padoue et exercé dans cette ville un fructueux apostolat, il se rendit en Espagne, séjourna à Salamanque, au collège irlan- dais, et mourut saintement à Madrid, à l'âge de cinquante ans, le 17 juin 1614. Il a laissé un ouvrage fort curieux : Janua linguarum, etc., 161 1, et un travail sur les Exercices : Aparejos para administrar el Sacramento de la Penitencia, etc., publié à Milan (1614) sous le pseudonyme de Pedro Manrique. (Cf. Dis- tinguished Irishmen of the XVItb century, hy the Rev. Edmund Hogan, S. J. London, Burns and Oates, 1894.)

(i) Tanner, S. \., Socieias Jesu /Iposiolorum imitatrix, 1694.

Année 1609 221

dove erano quasi tutti, già sedici anni ch'io vi fu (sic) mandato. Una signora, la quale non si era giamai potuta ridurre(0, essendo morta questi giorni passati, doppo havere nondimeno fatto professione délia fede catolica il giorno medesimo ch'ella morî, et havendo ricevuto i divini Sacramenti per le rimonstranze fattele da una paesana sua vicina, ha fatto grandemente maravigliare dei segreti délia bontà di Dio, coloro i quali hanno sa- puto considerargli in questo fatto.

Nel balliagio di Gex, il quai adesso è del di Fran- cia, la più parte sono anchora hughinoti (sic), sendo in loro continuata questa maledetta religione da settanta anni in qua che i Bernesi la piantarono. Con tutto- ciô, doppo nove anni in qua, noi habbiamo ristabilito l'essercitio catolico in cinque bande (*), et i due ultimi ri- stabilimenti furono fatti solamente nel mese di settembre passato*; et doppo quel tempo, alcuni si sono ridotti, 'Vide supra, p. 196, et specialmente questo mese passato, un gentilhuomo d'importanza (?).

tous l'étaient, lorsque j'y fus envoyé il y a seize ans. Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir ( i ), est morte ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine : grand sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont su les considérer dans cet événement. Dans le bailliage de Gex, qui appartient maintenant au roi de France, la plupart des habitants sont encore huguenots ; car cette maudite religion a persisté parmi eux depuis soixante-dix ans que les Bernois l'y ont implantée. Cependant, après neuf ans, nous avons rétabli l'exercice du culte catholique en cinq endroits (2). Les deux derniers rétablissements furent seulement faits en septembre dernier, et depuis lors, quelques personnes se sont converties ; notamment, ce mois passé, un gentilhomme de marque (3).

( I ) Le nom de cette « dame » s'est dérobé à nos recherches.

(2) Les « cinq endroits » le culte catholique fut restauré étaient : Gex, Farges, Asserens, Cessy et Péron, et en novembre 1601 pour les trois premières paroisses. (Cf. tome XII, p. 90.)

(3) Ce '< gentilhomme de marque » serait-il Alexandre de Montcroissant.-' (Cf. ci-dessus, note (a), p. 162.)

222 Lettres de saint François de Salés

Quanto alla città di Genevra, la consideratione dello Stato la ritiene nella sua infelicità ; ma con tutto questo, mi pare che i primi crepusculi del giorno spirituale comin- ciano a spandere i raggi fra i suoi habitanti, poichè grande quantità di loro consentono che la religione cato- lica è migliore. Molti la desiderano e confessano che se la preferirebbono chiaramente, se ella fosse cosi salutare a loro Stato come essa sarebbe aile loro conscienze ; e credo che se il loro edito, il quale chiamano fundamen- tale, nel quale è condennato a morte il primo che pro- porrà la mutatione délia. religione, fosse abolito (0, molti intraprenderebbono di parfare per haveré l'essercitio cato- lico in una chiesa délia città.

Qjjant à la ville de Genève, la raison d'Etat la retient dans son infortune ; mais il me semble que, malgré tout, la première aurore du jour spirituel commence à répandre ses lueurs parmi ses habitants, puisqu'un grand nombre d'entre eux avouent que la religion catho- lique est la meilleure. Beaucoup la désirent et confessent qu'ils la préféreraient ouvertement à la leur, si elle était aussi salutaire à leur Etat comme elle le serait à leurs consciences. Et je crois que si leur édit (qu'ils appellent fondamental), suivant lequel le premier qui proposera le changement de religion doit être condamné a mort(i), si cet édit était aboli, plusieurs entreraient en pourparlers pour obtenir l'exercice du culte catholique dans une église de la cité.

( I ) Parmi les Ordonnances de la Cité de Geteve, sus la Reformation, V Estât, et Police d'icelle, reveues par nos Treshonnorés Seigneurs, le XVII de Décem- bre mil cinq cens huictante huict, et publiées le premier de Janvier, i^8p (Genève Le Preux, 1589), on trouve les prohibitions suivantes :

« De la Reformation, Estât, et Liberté de la Ville. En premier lieu... il est défendu très expressément (conformément à l'Edict passé en Conseil gêne- rai dés l'an 1539) que nul de quelque estât, qualité et condition qu'il soit, n'ait à procurer ni prattiquer secrètement ni ouvertement, directement ou indirec- tement, et en quelque manière que ce soit, d'abolir et faire cesser le cours de la Parole de Dieu et du sainct Evangile, ici purement annoncé, ni introduire en ceste dite Cité et au territoire d'icelle aucune autre Religion à ce contraire. II. Pareillement, que nul n'ait à parler, pourchasser, ni avancer aucun moyen quel qu'il soit, tendant à aliéner, accorder, changer ni altérer directe- ment ou indirectement, secrètement ou ouvertement en quelque façon et ma- nière que ce soit la Seigneurie, Estât et Souveraineté de ceste cité de Genève,... ains que chacun soit tenu de tout son pouvoir maintenir la saincte Reforma- tit)n Evangelique qu'il a pieu à Dieu establir au milieu de nous, ensemble la liberté et estât souverain de ceste dite Cité. Et est commandé et enjoint à tous

Année 1609 223

lo, l'altro giorno, andando a Gex, doppo havere cele- brato la santa Messa in un villaggio vicino( 0, mi venne al core di passar dentro la città di Genevra, il che era il mio camino più diritto ; il che io feci senza alcuna appre- hensione, per una certa confidanza più semplice che pru- dente. Et essendo arrivato alla porta, il sopraintendente di quella dimandando che io era, io feci rispondere pel mio Vicario générale ( = ) che era Monsignor il Vescovo. Et sopra la dimanda che fu fatta : « Quai Vescovo? » io feci rispondere : « Monsignore il Vescovo di questa dio- cèse ; » et allora egli lo scrisse sopra il suo libro di consi- gnatione, con queste parole : Mons" Francesco di Sales,

Naguère, allant à Gex, il me vint au cœur, après avoir célébré la sainte Messe dans un village voisin ( i ), de passer par Genève : c'était mon chemin le plus direct. Je le fis sans aucune appréliension, par une certaine hardiesse il entrait plus de simplicité que de prudence. Arrivé à la porte de la ville, le préposé demanda qui j'étais ; je fis répondre par mon vicaire général (2) que j'étais Monsieur l'Evêque. Et à cette question : « Quel Evêque je fis répondre : « Monsieur l'Evêque de ce diocèse. » L'homme alors l'écrivit dans son registre d'inscriptions, avec ces mots : Monsieur François de Sales, Evêqtu

ceux qui ont devoir à icells, qui appercevront quelques telles pratticques et menées, de les révéler et rapporter promptement à nosdits Treshonnorés Sei- gneurs ; Le tout de ce que dessus à peine aux contrevenans ou consentans de perdition et confiscation de corps et biens. »

Cet édit, dont nous soulignons les derniers mots, est sans doute celui dont le Saint souhaitait l'abolition.

Déjà, dans les Cries (i), soit publications faites le 12 mars 1550, on trouve un article ainsi conçu : << 7. Item, que nul ne soit si osé ni si hardi en manière quelconque procurer ni pratiquer, secrettement ni ouvertement, de abolir ou faire cesser la parole, prêche et sermon de Dieu et de son saint Evangile, ni de avancer ni revenir à la loi papistique, sus peine à.e perdition de la vie. »

(i) Saint-Julien en Genevois, d'où il partit, en effet, dans la matinée du 13 septembre. (Cf. Charles-Auguste, Histoire, etc. liv. VII.)

(a) Jean Favre (voir le tome précédent, note ( i ), p. 265).

(1) L«s Crût de 1550, inédites, sauf erreur, se trouvent aux Archives de Genève, dans un volume manuscrh intitulé : Nouveau Recueil de Règlemens ; compilation faite en 1777, en vue de la rédaction d'un Code genevois.

Le même article est reproduit, avec de légères variantes, dans les Cries des 28 février et 5 mars 1560 : Les Cries faites en ceste cité de Genève, l'an mille cinq cens soixante. Avec privilège. Chez Artus Chauvin. Cette publication a été réimprimée à Montpellier, 1S79. {D'après Us notes de M. E. Rivoire, de Genève.)

224 Lettres de saint François de Sales

Vescovo di questa diocèse. E non se egli intese il motto di diocèse; almeno egli mi lasciô entrare, e cosî io passai a cavallo a traverse délia città, salutato dalla più parte de gli huomini e donne molto honorevolmente. Dapoi, essendo io uscito et essendo sparso fra il popolo il romore délia mia passata, fecero grande diversità di discorsi fra loro. I seditiosi dicevano che dovevo esser ritenuto per costringermi a rinegare il mio grado ; i più honesti, pel contrario, dissero che bisognava rite- nermi per carezzarmi in qualità di signore vicino et amico. Ma communemente, hanno preso per un malvagio presaggio ch'io habbia havuto l'assicuranza di passare freddamente fra loro con le mie insigni di Vescovo et di dire alla loro porta ch' io era il loro Vescovo, il che non è giamai avenuto dapoi che si ribellarono. Io mi sono spesso offerto di andare per convincere la loro dottrina di falsità, se mi dessero sicurezza délia mia persona e di quei che verrebbono meco, et ho fatto portar loro la parola per gente di qualità, con uno scritto sottoscritto di mia mano et sigillato ; ma giamai non hanno voluto.

de ce diocèse. Je ne sais s'il comprit le mot diocèse ; du moins me laissa-t-il entrer, et ainsi je passai à cheval au milieu de la ville, salué par la plupart des hommes et des femmes avec un grand respect.

Après ma sortie, le bruit de mon passage s'étant répandu parmi le peuple, on tint à ce sujet des propos très différents. Les séditieux disaient qu'on aurait me garder pour me contraindre à renier ma dignité ; les plus honnêtes, au contraire, dirent qu'il aurait fallu me retenir pour me traiter avec courtoisie, en qualité de seigneur voisin et ami. Mais en général, ils ont regardé comme un mauvais présage l'assurance que j'ai eue de passer froidement parmi eux avec mes insi- gnes d'Evêque, et de dire à leur porte que j'étais leur Evêque ; jamais pareille chose n'était arrivée depuis leur révolte. Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre leur doctrine de faus- seté, à la condition d'en recevoir quelque garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi ; je leur ai même fait porter la parole par des gens de qualité, avec un écrit signé de ma main et cacheté : jamais ils ne l'ont voulu ; ils en ont été empêchés par les

Année 1609 235

essendo stati impediti da i ministri (0. Hor io ho voluto dirvi questa particolarità perciochè mi è stato scritto d'Ita- lia che in Turino hanno raccontato il fatto altrimente circa la mia passata per Genevra ; et io sarô ben allegro che voi Io sappiate nel modo che veramente è passato.

Nel restante, una virtuosissima et devota gentildonna di questa città(*) dove io fo la residenza, essendo andata a Chiamberi e trattando délie cose spirituali col Padre Forerio, Rettore del Collegio, gli mostrô certi avisi i quali io le haveva dati. Et egli havendoli veduti, mi co- strinse molto ch'io volessi fargli stampare, il che in nissun modo havevo deliberato; e finalmente io fui costretto di farlo Tanno passato. Sono poi stati ristampati la seconda volta e ben tosto gli ristamparanno la terza. Il libro è stato ben ricevuto in Francia, per rispetto délia novità deir argomento, il quale non ha la mira ad altro che ad aiutare i mondani.

Io ho creduto che voi gradireste se io ve ne mandassi

ministres! I ). J'ai voulu vous raconter cette aventure parce qu'on m'a écrit d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage par Genève a été présenté autrement ; je serai donc bien aise que vous sachiez com- ment la chose s'est réellement passée.

Au demeurant, une très vertueuse et dévote dame de cette ville (*) je fais ma résidence, s'étant rendue à Chambéry et traitant de choses spirituelles avec le P. Fourier, recteur du collège, lui montra certains avis que je lui avais remis. Le Père les ayant vus, me pressa fort de les faire imprimer ; ce à quoi je n'avais nullement pensé. Enfin je fus contraint de le faire l'année passée ; depuis ils ont été réimprimés une seconde fois et bientôt ils le seront de nouveau pour la troisième. L'ouvrage a été bien accueilli en France à cause de la nouveauté de son contenu qui ne vise qu'à aider les gens du monde.

J'ai cru que si je vous en envoyais un exemplaire, à titre de

( I ) François de Sales fait allusion aux tentatives qu'il fit pour entrer en discussion publique avec les ministres genevois ; ceux-ci se dérobèrent. L' « écrit de sa main » qu'il leur adressa pour leur proposer la conférence est daté du 6 août 1605 ; il trouvera place dans les Opuscules. (Cf. Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VI, et les Lettres dxli, dxliv.)

(3) M""» de Charmoisy.

Urrais IV 13

226 Lettres de saint François de Sales

un essemplare per modo di novità ; questo è perché io l'ho fatto con questa occasione, supplicandovi di riceverlo corne cosa che viene da colui che vi honora, vi riverisce et ama di tutto il suo core, et prega Dio che vi empisca di ogni santa prosperità.

Vostro humile et affettionatissimo servitore, Francesco, Vescovo di Ginevra. A Neci, i dieci di Décembre 1609.

publication nouvelle, vous l'auriez pour agréable ; voilà pourquoi je vous l'adresse par cette occasion. Je vous supplie de le recevoir comme venant de quelqu'un qui vous honore, vous révère et vous aime de tout son cœur, et qui prie Dieu de vous combler de toute sainte prospérité.

Votre humble et très affectionné serviteur,

François, Evêque de Genève. Annecy, le 10 décembre 1609.

DLX

A LA BARONNE DE CHANTAL

Promesses pour le recrutement de la future Congrégation. Le passage par Genève et les calomniateurs. Le dessein de François de Sales traversé. Occupations, affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du voyage d'un apôtre. Les grands désirs qni remplissent le cœur d'un Saint. Une affection que les paroles du monde ne sauraient traduire,

Annecy, 1 1 décembre 1609.

Et en fin je viens a vous, ma chère Seur, ma Fille, des-ja tout recreu d'avoir tant escrit, mais résolu néan- moins de vous escrire tant que je pourray, tout a l'aban- Jeraye ce mot non don, sclon quil me viendra.

pas de mon caur, /-. r / \ i -r-'n

mais du papier. Oîïy, | mon ame (m, J ma Fille, je vis la bonne M. David,

(i ) Le Saint a d'abord rajé ces deux mots; ensuite il a écrit ce qni seiit ea marge.

Année 1609 227

qui me plait fort(0. J'en vis un'autre a Dole, damoy- selle de fort bon lieu ( » ) et qui a extrêmement bonne mine, un peu ma parente (car ell'est de ce pais), et qui vous vit a Dijon ou ell' estoit allé conduire une Reli- gieuse Carmeline. En fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons recevoir.

Mais, ma chère Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivée, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre a me mettre en la disgrâce de ce Prince qui, des quelque tems en ça, tesmoignoit tant de m'aymer. Et moy, qui ay quelque- fois du courage, je me suis fort plaint par une lettre (3), de laquelle la conséquence peut estre diverse, mais tous- jours universellement a la gloire de Dieu et a ma conso- lation. Or, j'en attens l'événement, et ne voudrois pas que vous fussies icy qu'après que cette bourrasque sera passée, qui sera bien tost, Dieu aydant. Mais quand je l'appelle bourrasque, dame, ne penses pas que j'en sois agité, nomplus certes que de la moindre chose du monde; car il ny a en cela pour tout, aucun sujet de mon costé que ce béni passage que je fis a (ieneve, que les calom- niateurs ne peuvent s'imaginer que j'aye fait sans avoir quelqu' intelligence avec les habitans *. Helas ! ceux qui * Cf. Epist. oLvin.

^ . i. 1 DLix et not. (3), p,

me connoissent sçavent que je ne pensay jamais aintel- ,^6. ligence et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité ; non pas certes simplicité d'esprit (car je ne veux pas parler doublement avec vous), mais simplicité de confiance. Or tout cela n'est rien, et je ne le dis aussi

{ T ) Les membres de la famille qui portait le nom de David étaient fort nom- breux en Bourgogne, mais les détails nous manquent pour identifier <■ la bonne M. David. » Il ne semble pas que cette vocation soit venue à maturité. La pos- tulante serait-elle « D"" Jeanne de Requeleyne, veuve de noble Claude David, avocat au Parlement de Bourgogne et conseiller des Etats particuliers du Comté d'Auxonne »? (Quittance du ig avril z$p8, Archiv. départ, de la Côte-d'Or, E. 2166*.)

( a ) Probablement Marie de Mouxy, veuve de Louis de la Touvière, seigneur d'Escrilles ou des Crilles. Elle entra plus tard à la Visitation. Sa notice sera donnée plus loin.

(3) La lettre que François de Sales écrivit à cette occasion ne nous est pas parvenue.

aaS Lettres de saint François de Sales

qu'a vous, a laquelle je ne puis rien celer de ce qui me regarde.

Cependant, voyci pas une chose notable ? A mon arri- vée, j'ay treuvé que la moytié de nos espérances pour l'érection d'un monastère ou je croyois de pouvoir atti- rer nos bonnes Carmelines est abbatue, car l'une des filles que nous espérions y devoir contribuer ne s'est peu résou- dre a quiter le monde. Sur cela, celuy qui manie toute la barque et duquel dépend l'autre fondatrice, sans que je lu)' en eusse jamais parlé, sans quil en eut jamais rien apperceu, me va proposer que la mayson estant achettee et presque praeparee pour une douzaine de filles, il seroit bon de l'employer a la Congrégation de quelques dames dévotes (0, selon que jadis il avoit ouy discourir a un vieux Capucin italien (2). Je ne luy respondis rien, et maintenant il est revenu, et ayant parlé avec luy sur ce sujet, il ny a quasi moyen de le luy arracher de l'esprit. Pour moy j'attens, et si je voy de la conformité je ne

( I ) Pour l'intelligence de cette lettre et des lettres ultérieares qui lui feront écho, il faut exposer avec un peu de clarté cette affaire assez mal connue jus- qu'ici des historiens.

Le Saint désigne certainement le baron 3t la baronne de Cusy, et ceux-ci sont très probablement Bérold de Pingon et sa femme, beaux-parents de Louis de Sales. Jean-Bérold, en effet, mort en 1624, à Cusy le 4 janvier 1561, d'Emmanuel-Philibert de Pingon, baron de Cusy, et de Philiberte du fireul, était un homme fort dévot. Sur son invitation expresse, les confrères de la Sainte Croix avaient fait halte dans son château, au retour de leur pèle- rinage d'Aix. (Voir tome XI, Lettre xxiii.) Tout marié qu'il était, il menait une vie de Capucin. Il aimait d'ailleurs chèrement les Religieux de ce nom, se fit leur bienfaiteur et voulut mourir revêtu de leur habit. Charlotte de Vautra- vers, qu'il avait épousée après le 4 avril 1585, faisait profession, elle aussi, d'une grande piété. En 1606, tous les deux désiraient entrer en Religion (voir le tome précédent, pp. 156, 157). De telles aspirations les inclinèrent l'un et l'autre à fonder à Annecy, avec l'agrément du saint Evèque, un monastère de Carmélites. La maison qui avait été acquise, devait être « en partie payée des deniers » de leur nièce, M"' de Chapot. M™* de Cusy, que la Règle duCarmel effrayait peut-être, recula, et sa parente se désista comme elle pour se tourner vers une Religion plus douce. (D'après un Ms. inédit de la Mère de Bréehard, conservé à la Visitation de Périgueux.) Ne serait-ce pas elle qui « ne s'est peu résoudre a quiter le monde »? Celui qui maniait « toute la barque » ne sut pas, malgré son vouloir, l'empêcher de chavirer, ou du moins, comme on le verra, la conduire au bon port que souhaitait le Saint. (Cf. les lettres des aj avril, a, a4 et a8 mai, et 3 juillet 1610.)

(a) Il y avait plusieurs Capucins italiens en Savoie i cette époque; il est impossible de nommer celui-ci.

Année 1609 229

refuseray pas ce parti ; mais Dieu sera avec nous, sil luy plait, pour tout cela. Je vous escriray dores en avant le succès de tout, affin que, selon cela, par après nous trait- tions de vostre venue a Salins ou non(0.

J'escris a nostre M. de Vaucroissant (»), qui 'a tort, certes, sil croit que je ne l'ayme pas parfaittemeht, car certes, je le chéris tout entièrement; mais voyes vous, quelques fois l'ardeur de l'amitié s'évapore en jalousie. Je vous envoyé les lettres que j'oubliay a vous porter de M"* Vignod (3), qui est très bonne fille. Escrives un mot a la bonne M""* la Présidente (4), car ell'a le cœur gros aussi bien que monsieur de Vaucroissant, et dit qu'elle ne le mérite pas.

Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y ay prié Dieu de bon cœur pour vous au saint Suaire (5), que l'on monstra publiquement, a ma contem- plation ; a la sainte Hostie (6) et a nostre cher Saint Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a

( I ) La Sainte avait sans doute formé le projet de voir à Salins son bienheu- reux conducteur l'année suivante, à l'occasion du Carême qu'il devait y prê- cher. {Cf. ci-dessus, note ( i ), p. aog.)

(a) Probablement le prieur du monastère de ce nom. Issu de l'abbaye de Val-des-Choux, le prieuré de Val-Croissant ou Vauxcroissant fut fondé en I3i6. par Guillaume de Mont-Saint-Jean, au diocèse d'Autun, non loin de Saulieu. Il compta parmi ses prieurs, en 1585, Dom Frémyot, frère du prési- dent Frémyot et oncle de la baronne de Chantai.

(3) Bemarde de Vignod, Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine.

(4) Sans doute la présidente Favre.

(5) Le saint Suaire de Besançon (voir le tome précédent, note{i), p. a6a).

(6) La sainte Hostie que vénéra le Saint à Dole est célèbre dans les fastes de l'Eucharistie. Le lundi de Pentecôte, 26 mai 1608, dans l'église des Béné- dictins de Faverney, au diocèse de Besançon (H"-Saône), on vit suspendu en l'air, au milieu d'un incendie, sans aucun support, le vase sacré qui renfermait deux hosties consacrées, restées intactes. Plus de dix mille personnes accourues des villages voisins purent contempler ce prodige, dont la certitude d'ailleurs fut canoniquement reconnue le 10 juillet suivant. Les Dolois réclamèrent l'une des deux hosties et, non sans difficulté l'obtinrent de labbé de Faverney, Alphonse Doresmieux. La translation eut lieu du 13 au 20 décembre 1608, et pro- voqua d'imposantes manifestations de foi et de piété. Jean Boyvin( 1 575-1650), se fit le poète et l'architecte de la sainte Hostie. Il en est aussi le principal histo- rien. Le récit pittoresque qu'il a laissé du miracle a été publié seulement de nos jours, sous le titre de Relation fidèle du miracle de Faverney, Besançon, 1839.

En 1794, la Révolution ne se contenta pas de profaner la Sainte-Chapelle de Dole ; elle détruisit l'auguste relique qui, pendant près de deux siècles, fut la gloire et la protection de la vieille capitale de la Franche-Comté.

not.(i;

230 Lettres de saint François de Sales

voir le lieu ou je receu vostre confession, et fus consolé a repraesenter ce cœur qu'en qualité de père je presentay la première fois a l'autel de Saint Claude (O. J'ay presque presché par tout et a mon gré, c'est a dire utilement. La bonne M"" de Baume ( = ) fut bien consolée, quoy qu'acca- •Cf-^supra. p- 2". blé de tant de gens qui me demandoyent confession"", je n'eu pas tout le loysir que je desirois pour l'entretenir, car outre cela, j'avois mon grand affaire sur les bras (?). Ouy, ma Fille très chère, je dis tout incomparablement, je vous donneray un beau livre (4) ou j'escriray, mais je veux attendre la troysiesme édition, a laquelle j'apporte- ray un soin tout particulier ; mays ce pendant, je ne laisseray pas de vous en donner de cette seconde par la première commodité. Je n'ay nulles nouvelles de monsieur de Berulle.

Ce n'est pas icy la grande lettre que je vous veux escrire, car vous voyes bien que je cours a toutes brides. Vous ne sçauries croire combien je sens mon cœur plein de grans désirs de servir Nostre Seigneur. Certes, ma Fille, mes affections sont si grandes, ce me semble, que j'espère de le faire un jour, après que je me seray bien humilié devant Dieu. Vive Dieu ! ma chère Fille, il m'est advis que tout ne m'est plus rien qu'en Dieu, auquel néanmoins et pour lequel j'ayme plus tendrement que jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame. O il est vray, ma Fille, j'ay ce sentiment là.

(i) Le 34 août 1604, François de Sales, accompagné de M"^ de Boisy sa mère et de Jeanne de Sales, avait rencontré à Saint-Claude la baronne de Chantai, M""^ Brûlart et sa sœur, l'Abbesse du Puits-d'Orbe. (Cf. tome XII, note (2), p. 343-) Les pieux pèlerins, durant leur séjour, logèrent sous le même toit, tout proche de l'église de Saint-Claude, chez un très honnête bourgeois, nommé Henri Rosset, dont l'épouse, une très vertueuse femme, se nommait Jacqueline Michaud. Anne, leur fille, alors âgée de dix ans, devint plus tard la douzième Religieuse de la Visitation ; on sait combien elle illustra, par la rare beauté de sa vie contemplative, les origines de l'Institut. (D'après la Vie manuscrite de la Mère Rosset, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.) François de Sales fait allusion à ce séjour et rappelle ici les souvenirs de l'entrevue de Saint-Claude.

(2) Marguerite de Genève, abbesse de Baume-les-Dames (voir le tome pré- cédent, note (i), p. iio).

(3) L'affaire des salines.

(4) De l'Introduction à la Vie dévote.

Année 1609 231

Encor vous veux je dire que vostre filz ( 0 a bien porté une si douce et aggreable humeur tout au long du voyage, que je l'ayme beaucoup plus que fraternellement, et sur tout quand il parle avec suavité de sa petite famme. Dieu est bon, ma Fille, soyons donq bons aussi.

Bon soir, ma Fille, Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy plus vostre que je ne sçauray jamais dire en ce monde, car les paroles de cet amour ny sont pas.

La pauvre petite seur (2), est toute grosse, a ce que son mari m'a dit, qui se plaint de quoy ell'est un peu mélan- colique ; je pense que dans quatre jours elle viendra.

Vive Jésus et Marie ! Amen,

XI décembre 1609, a Neci.

Ne parles a personne de l'affaire de la cour.

A Madame Madame la Baronne de Chantai.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dijon.

{ I ) Bernard de Sales.

(a) M"* de Cornillon, sœur du Saint.

DLXI

A LA MÊME

(fragment)

Ferveur d'une postulante. Les austérités corporelles et les mortifications spirituelles; celles que le Saint désire pour les filles de sa future Congré- gation.

Annecy, [vers mi-décembre] 1609(1).

Vostre Anne Jacqueline ( » ) me contente tous-jours plus. La dernière fois qu'elle se confessa, elle me demanda

(l) Le Saint, dans la lettre précédente (p. 230), promet à M™» de Chantai une longue lettre. Ce fragment aurait-il fait partie de cette dernière ? En tout cas, lallusion aux « Advens », fait penser qu'il doit avoir été écrit vers la mi- décembre.

(a) Anne-Jacqueline Coste (voir ci-dessus, note (2), p. 63).

332 Lettres de saint François de Sales

licence, pour se préparer et accoustumer, dit elle, a estre Religieuse, de jeusner les Advens au pain et a l'eau, et d'aller nudz pieds tout l'hiver. O ma Fille, il vous faut dire ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante : que je desirois que les filles de nostre Congrégation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien deschaussé et bien nud des affections terrestres ; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté.

DLXII

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

Une contemplation, source de profonde tranquillité. Sentiments qui doi- vent animer un cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié. Examen de prévoyance fort utile. Une pauvreté qui n'en est pas une. L'ap- préhension de l'éternité et l'appréhension des accidents de cette vie mor- telle. — La révérence envers Notre-Seigneur ; en quoi surtout elle consiste.

Annecy, vers mi-décembre [1609 (i)].

C'est la vérité, ma très chère Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arrivèrent despuis sa naissance jusques a sa mort ; car nous y verrons tant de mespris, de calom- nies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connois- trons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de désirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

(t) Le ton de la lettre semble désiguer M'"' de la Fléchère pour destina- taire et les allusions du texte rendent très probable la date proposée.

Année 1609 235

Je connois fort bien Testât de vostre ame et m'est advis que je la voy tous-jours devant moy avec toutes ces pe- tites esmotions de tristesse, d'estonnement et d'inquié- tude qui la vont troublant, parce qu'elle n'a pas jette encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix et de l'abjection dedans sa volonté. Ma très chère Fille, un cœur qui estime et ayme grandement Jésus Christ crucifié, ayme sa mort, ses peynes, ses tourmens, ses crachatz, ses vitupères, ses disettes, ses faims, ses soifz, ses ignominies, et quand il luy en arrive quelque petite participation, il en jubile d'ayse et les embrasse amou- reusement. Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Rédemption, et considérer quel bonheur vous sera d'y participer ; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos désirs, mais sur tout es désirs qui vous sembleront plus justes et légitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André * : « O bonne croix, » in Actis ejus. tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras ?

Voyes vous, ma très chère Fille, nous sommes trop delicatz d'appeller pauvreté un estât auquel nous n'avons ni faim, ni froid, ni ignominies, mais seulement quelques petites incommodités en nos desseins. Quand nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un peu de cette tendresse et délicatesse de vostre cher cœur, car vous aves sur tout besoin, pour vostre paix et repos, d'es- tre guérie de cela avant toutes choses, et de bien former en vous l'appréhension de l'éternité, en laquelle quicom- que pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois ou quatre momens de vie mortelle*. 'Cf. 11 Cor., iv, 17.

Puisque vous estes après a jeusner la moitié des Advens, vous pouves continuer jusques a la fin. Je veux bien que vous communiies, voire deux jours suivans, quand il y aura des festes. Ailes bien dévotement a la Messe après disner : c'est a la vielle façon des Chrestiens.

234 Lettres de saint François de Sales

Nostre Seigneur ne regarde pas a ces petites choses ; la révérence consiste au cœur, il ne faut pas nourrir vostre esprit en ces petites considérations.

A Dieu, ma très chère Fille, tenes moy bien tous-jours pour tout vostre, car en vraye vérité je le suis. Dieu vous bénisse. Amen.

Francs E. de Genève.

DLXIII

A LA BARONNE DE CHANTAL

La succession des années et réternité. Souhaits de nouvel an. Le temps de Dieu ; récompense promise à ceux qui en usent bien. Comment tenir son cœur solitaire au milieu de la foule.

Annecy, 39 décembre 1609(1).

Voyci, ma très chère Fille, cette année qui se va abis- mer dans le gouffre ou toutes les autres se sont jusques a présent anéanties. O que l'éternité est désirable au. prix de ces misérables et périssables vicissitudes î Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour estre transformés en la gloire des enfans de * II Cor., III, uit. Dieu *-

C'est la dernière fois( 2) de cette année que je vous escris, ma chère Fille. Hé, que je vous souhaitte de bénédic- tions, et avec quelle ardeur, cela ne se peut dire. Helas ! quand je pense comme j'ay employé le tems de Dieu, je suis bien en peyne qu'il ne me veuille point donner son éternité, puisqu'il ne la veut donner qu'a ceux qui useront bien de son tems.

Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu est avec vous, ce m'est asses. C'est luy que je vous désire uniquement. Je vous escris sans loysir,

( I ) Si la fin de cette lettre n'est pas interpolée, on peut lui attribuer la date de 1609, toute autre année étant contredite par les allusions du texte. (a) Jusqu'à Vives (1856-1858), les éditeurs avaient : h première fois. »

Année 1609 235

car ma chambre est pleine de gens qui me tirent ; mais mon cœur est solitaire toutefois, et plein de désir de vivre a jamais tout pour ce saint amour, qui est l'unique pré- tention de ce mesme cœur. Au moins, parmi ces jours sacrés, mille désirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui, réciproque- ment, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy bas.

C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné.

Franc', E. de Genève .

DLXIV

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE

L'unique guérisoa de certaines épreuves spirituelles. Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor ; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable et la plus fructueuse. Le pain sans sucre et le sucre sans pain. Pourquoi la connaissance de notre néant ne doit pas nous troubler.

[1609 ou 1610 (i).]

Certes, ma chère Fille, ce n'est pas que je n'aye un cœur tout tendre pour vous, mais je suis tellement tra- cassé d'encombriers, que je ne puis pas escrire quand je veux. Et puis, vostre mal, qui n'est d'autre chose que de sécheresse et aridité, ne peut estre remédié par lettre ; il faut en présence ouyr vos petitz accidens, et encor, après tout, la patience et résignation en est l'unique guerison. Apres l'hiver de ces froidures, le saint esté arrivera et nous serons consolés.

(i) Cette lettre, donnée par les premiers éditeurs sans indication de date ni de destinataire, paraît, d'après sa teneur, avoir été adressée à M""" de la Fléchère. Elle ne renferme aucun renseignement qui puisse aider à mieux préciser la date.

236 Lettres de saint François de Sales

Helas ! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur, suavité et délicieuse consolation ; mais tou- tefois, l'aspreté de la sécheresse est plus fructueuse. Et

•Matt., XVII, 4. quoy que saint Pierre aymast la montaigne de Thabor * et fuist la montaigne de Calvaire, celle ci toutefois ne laisse pas d'estre plus utile que celle la, et le sang qui est respandu en l'une, est plus désirable que la clairté qui est respandue en l'autre. Nostre Seigneur vous traitte des-ja en brave fille ; vives aussi un peu comme cela. Mieux vaut manger le pain sans sucre que le sucre sans pain.

L'inquiétude et chagrin qui vous arrive de la connois- sance de vostre neantise n'est pas aymable; car encor que

•Cf. tom. praeced., la cause en est bonne, l'efFect néanmoins ne l'est pas*

^" ^ '■ Non, ma Fille, car cette connoissance de nostre neantise

ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et ab- baisser ; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz. Or sus, je vous conjure par nostre commun amour, qui est Jésus Christ, que vous vivies toute consolée et toute tranquille en vos infirmités. Je me glorifie en mes infirm.ités^ dit nostre

II Cor., xu, 9. grand saint Paul *, affin que la vertu de mon Sauveur habite en moy. Ouy, car nostre misère sert de throsne pour faire reconnoistre la bonté souveraine de Nostre Seigneur.

Je vous souhaitte mille bénédictions. O Seigneur, bé- nisses le cœur de ma très chère Fille, faites-le brusler comme un holocauste de suavité a l'honneur de vostre divine dilection ; qu'elle ne cherche aucun autre conten- tement que le vostre, ne requière autre consolation que celle d'estre très parfaittement consacrée a vostre gloire. Jésus soit a jamais au milieu de ce cœur et que ce cœur soit a jamais au milieu de Jésus ; Jésus vive en ce cœur et ce cœur en Jésus.

Je suis en luy, plus vostre que vous ne sçauriés croire, ma chère Fille.

Vostre très affectionné serviteur,

Franc', E. de Genève.

ANNEE 1610

DLXV

A UNE DAME INCONNUE

Qu'il faut ravaler son courage et en même temps l'exalter. L'unique leçon du divin Maître. Une bonne condition pour faire des progrès spirituels. Deux choses conseillées contre l«s assoupissements en l'oraison.

Annecy, 5 janvier 1610 (i).

Vous me dites trois bons motz, ma très chère Fille, en la lettre que j'ay receue de vous : que vous faites une grande violence pour empescher l'eslevement de vostre courage et prattiquer l'amour de l'abjection (c'est a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos désirs plus disposés au vouloir divin qu'auparavant. Il faut bien tous-jours faire ainsy, ma chère Fille ; car, comme dit Nostre Seigneur, le Royaume des deux souffre violence et les violens le ravissent *. Plus la Matt., xi, 12. sainte humilité vous coustera de travaux, plus elle vous donnera de grâce. Continues donq courageusement a bien ravaler vostre courage par humilité et a l'exalter par charité ; car ainsy vous monteres et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob*. Estudies bien * Gen., xxvui, n. cette leçon, car c'est l'unique leçon de nostre souverain

(i) La partie de l'Autographe se trouve le nom de la destinataire est collée sur un carton ; il n'est donc pas possible de le connaître, et le texte à cet égard ne donne aucune lumière.

C'est d'après les éditeurs précédents que nous donnons la date de l'année, mais sans la garantir, car lo et ao se confondent parfois sous la plume du Saint, et ici encore le texte ne permet pas de dissiper l'incertitude.

238 Lettres de saint François de Sales

Maistre : Apprenes de tnoy que je suis débonnaire et

Matt., XI, 59. humble de cœur *.

Que vous seres heureuse, ma chère Fille, si vous vous resignes pleynement au vouloir de Nostre Seigneur. Oiiy, car ce saint vouloir est tout bon et sa disposition toute bonne ; mieux ne pouvons nous marcher que sous sa providence et conduite.

Mais sçaves vous ce qui me plait ? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert ; car, ma chère Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidèle et naifve commu- nication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son

Cf. Luc, XI, 13, esprit aux siens *, se plait aussi beaucoup a voir que nous

nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entre- soulager et ayder.

Marches donq comme cela, ma chère Fille, et ne vous troubles point pour vos assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses : l'un' est de changer souvent de contenance en l'orayson, comme de .tenir tantost les mains croisées sur l'estomach, tantost jointes, tantost bandées, tantost estre debout, tantost a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure que les assoupis- semens vous arriveront. La seconde chose c'est d'es- lancer souvent des paroles extérieures, de bouche, semées parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquée des assoupissemens.

Dieu vous siot a jamais favorable, ma chère Fille, affin que vous cheminies bien avant en son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie ; et me recomman- dant de plus en plus a vos prières, je suis

Vostre bien humble serviteur.

Franc", E. de Genève. 3 janvier 16 10, a Neci.

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, à l'Hôtel- Dieu.

Année i6io 239

DLXVI

A LA BARONNE DE CHANTAL

(fragment)

La première tourière de la Visitation offre ses services.

Annecy, commencement de 1610 ( 1).

Cette bonne servante prétendue ( » ) me demande souvent quand Madame viendra. Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espère de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitteque nous méditons.

( i) La baronne de Chantai arriva en Savoie le 4 avril. L'allusion à sa venue semble donc justifier la date attribuée à ce fragment. ( 3 ) Anne-Jacqueline Coste (cf. ci-dessus, Lettre dlxi).

DLXVII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" (minute)

Sainteté du bienheureux Amédée. Estime qu'on en fait en Savoie. C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation d'un tel ancêtre et de s'employer à l'obtenir.

Annecy, [janvier 1610 (0]

Monseigneur,

Il y a quelque tems que j'envoyay a Vostre Altesse Serenissime plusieurs mémoires* touchant l'estime et Vide Ep. dxlvui.

( I) Cette lettre n'a pas été écrite très longtemps après celle du 35 septem- br« 1609, car elle lui fait suite, et d'autre part il n'est guère probable que le

240 Lettres de saint François de Sales

véritable opinion que tout ce pais de deçà avoit tous-jours eue de la sainteté du bienheureux Duc Amedee troi- siesmetO; et je croyois que Vostre Altesse, considérant ces honnorables tesmoignages de l'eminente sainteté d'un Prince auquel elle appartient de si près, seroit suffisam- ment incitée a en désirer la canonisation. Mais attendant de jour a autre qu'on fist quelque bon dessein pour cela et n'ayant point de telles nouvelles, je supplie très humblement Vostre Altesse de me pardonner si, avec un peu de chaleur, je luy représente ma pensée sur ce sujet ; car en une grande affection on ne se peut pas bien retenir.

Ce grand Saint et Vostre Altesse aves un devoir mu- tuel l'un a l'autre; car Vostre Altesse luy succédant, et selon le mesme sang et selon le mesme sceptre, elle luy appartient comme un filz a son père. Vostre Altesse donq le doit honnorer en tout ce qu'elle peut, comme sa charité l'oblige de protéger, secourir et eslever Vostre Altesse. Ni ces liens réciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les Cant., ult., 6. . dissoudre *.

Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui célè- brent si hautement la pieté de sa vie (=*), ce sont. Mon- seigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son

Saint l'ait envoyée au mois de décembre i6og. Averti alors et préoccupé de la calomnie répandue contre lui à la cour de Turin (cf. ci-dessus, pp. ai 6, 227 , François de Sales a attendre un moment plus favorable pour s'intéresser à la canonisation du bienheureux Amédée. La date proposée se déduit de ces circonstances.

( I ) Ce prince porte le nom d'Amédée IX dans l'histoire ; mais comme duc, il est le troisième de sa dynastie.

(2) On peut voir dans les Vies du Bienheureux Amédée, publiées par J.-F. Ranzo (Turin, 1612) et par F. Maleto (Turin, 1613I de nombreux témoi- gnages sur les vertus du Prince, recueillis dans les auteurs qui les ont pré- cédés.

Année i6io 341

excellente sainteté. Nul ne luy a ce devoir en pareil degré avec Vostre Altesse, nul n'a le pouvoir si grand de le luy rendre, ni, par conséquent, nul n'en doit avoir un vouloir si ardent.

Je prie Dieu qu'il comble de célestes bénédictions Vostre Altesse, de laquelle je suis infiniment,

Monseigneur,

Très humble, très obéissant et très fidelle orateur et serviteur.

Francs E. de Genève.

DLXVIII

A UN GENTILHOMME (0

Charité du Saint pour ses amis : au premier il propose une honorable alliance pour l'un des siens; il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son fils repentant.

Annecy, 8 janvier 1610.

Monsieur,

Mais seray-je donq ainsy esconduit es prières que je fay a ceux que je chéris et honnore tant, et pour choses si honnestes et si justes? Monsieur d'Avully(') me fait attendre plus longuement, a mon advis, que ne mérite une bonne et favorable resolution du mariage que je luy ay proposé (3). Et vous, Monsieur, me refuseres- vous la grâce que je vous ay requise, de voir et recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel

( I ) Les conjectures que permet la teneur de la lettre sont trop vagues pour révéler le nom du destinataire et celui de son fils. Il semble néanmoins que le premier était à la fois l'ami du Saint et de M. d'Avully.

(i) Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully (voir tome XI, note (i), p. 198).

(3) Renée de Saint-Michel d'Avully épousa (contrat dotal du s8 août i6ii) Prosper de Montvuagnard. Le contrat de 1616 (voir le tome précédent, note ( I ), p. loi) a être fait après le mariage. S'agirait-il ici de ce projet d'alliance ?

UTTkU IV 16

242 Lettres de saint François de Sales

pour y vivre meshuy avec toute humilité et obéissance qu'il vous doit- rendre ? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce contentement, que ce soit par mon entre- mise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il sache que je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy que vous tenes en mou honneur et respect.

En cor faut-il. Monsieur, que j'adjouste a ma suppli- cation ce mot de mon mestier. Tandis que les pères exercent leur sévérité a l'endroit de leurs enfans par nécessité, ilz leur doivent préparer de la douceur en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés ne les accable pas, dégénérant en dureté et fierté. Cet enfant se jette a vos pieds, et je vous supplie de le recevoir paternellement, ce pendant que je m'essayeray de vaincre aussi^de l'autre costé monsieur d'AvuUy. Que si, tout en retour de mon attente, je suis par tout rejette, je cesseray cet office d'intercéder vers l'un et l'autre, mais non jamais d'estre,

Monsieur,

Vostre serviteur bien humble,

Francs E. de Genève. A Neci, le 8 janvier 1610.

DLXIX

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE

(inédite)

Un chirurgien espagnol est prié de s'employer à guérir l'Abbesse. Encoura- gements. — Comment le Saint s'excuse de parler brièvement de Dieu.

Annecy, 16 janvier 16 to.

Je VOUS escrivis n'a gueres, ma chère Fille, et tous- jours hastivement, comme je fay encor maintenant, et vous envoyay l'advis que j 'a vois eu du cyrurgien

Année i6io i43

espaignol (0. Le gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulièrement ce quil aura dit touchant l'espérance de vous guérir, et tout au plus tard, je vous escriray des Salins ( = ).

Au demeurant, ma chère Fille, tenes vous fort auprès de Nostre Seigneur, aggrandisses tous-jours vostre cou- rage en son amour. Tenes vous ferme en l'enclos de vos resolutions, et vous souvienne que vous n'aures jamais bien que par la.

Que dires vous dequoy je vous escris si peu ? Mais je ne puis mieux faire, et puisque je ne puis vous parler davantage de Dieu, je m'en vay parler a Dieu de vous. Ce grand Dieu soit a jamais en nos coeurs. Je suis en luy, tout entièrement et perpétuellement vostre.

F.

Le XVI janvier 1610.

Revu sur TAutographe appartenant à M"* Farghon, à Issoire (Puy-de-Dôme).

(i ) Voir plus haut, note (2), p. 153. Dans un ancien petit livre de comptes (Archives de Thorens-Sales), on lit ceci : « Pour l'apoticaire des Espagnols, des drogues fournies en maladie de la feue dame (de Pingon, qui mourut le 33 novembre 1609), et le médecin Le Barba, espagnol. »

Le « S' docteur Symene, Yspagnol, » figure dans un acte des Registres parois- siaux d'Annecy, du 17 avril 1608.

(2) François de Sales, en effet, espérait aller à Salins pour y prêcher le Carême (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 209 ; mais il en fut empêché pour des rai- sons qui sont expliquées ci-après, note ( 3 ), p. 245.

DLXX

A MADAME DE CORNILLON, SA SCEUR

Que faire à mesure que les années s'en vont. Les mères chrétiennes et Notre-Sejgneur, qui se comporte au rebours des autres enfants.

Annecy, fin janvier 1610(1).

Il ne faut pas que le premier mois de l'année passe que je ne vous salue, ma très chère Fille, ma Seur, en vous

( I ) Les souhaits du nouvel an, l'allusion à l'enfant nttendu, les livres promis rendent cette date très vraisemblable.

244 Lettres de saint François de Sales

asseurant tous-jours du parfait amour que mon cœur porte au vostre, auquel je ne cesse point de désirer toutes sortes de bénédictions. Mais aussi, ma chère Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur : ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette année soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions ; car a mesure que les années s'en vont et que l'éternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent.

Je voudrois bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ay promis ( 0 et a madame de Cornillon ma com- mère (') ; mais je ne m'en suis pas treuvé un seul. Il faut donq avoir un peu de patience avec moy, comme avec un mauvais payeur.

Ce pendant, chère Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant ; je dis celuy du cors et celuy du cœur, mais sur tout celuy du cœur, qui est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je m'asseure, produire en vostre vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant. Mais c'est un enfant lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mère ; aussi faut il bien, ma Fille, que vous metties toute vostre espérance, vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette sorte vous vivres toute joyeuse, contente. (3)

( I ) Des exemplaires de la deuxième édition de Vlntroduction à la Vie dévote.

(2) Sans doute Eglantine de Moreau, que le beau-père de la destinataire, Raymond-Charles de Cornillon, avait épousée en secondes noces (contrat dotal du 17 septembre 1603). Le Saint l'appelle « ma commère » parce qu'elle avait probablement tenu au baptême avec lui un enfant, soit de Gasparde, soit d'une autre famille.

(3) La lettre, à laquelle manquent les clausules finales, semble se terminer ici. Elle se continuait, dans J'édition de 1629 et les suivantes, par un fragment que nous avons rejeté plus loin, d'après les indications mêmes du texte qui porte avec lui sa date.

Année 1610 245

DLXXI

AUX ÉCHEVINS DE SALINS ( ' )

Les prédications qu'il avait promises à Salins étant empêchées, le Saint les veut « contreschanger en autant d'oraysons » pour la ville.

Annecy, 3 février 1610.

Messieurs,

Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir icy (3), ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conse^fveray chèrement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dédié les prédications que vous aviés désirées de moy pour ce Caresme ('), lesquelles je veux contreschanger er autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville.

( I ) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 209.

(a) Les députés chargés de cette mission désagréable furent MM. Guy on Cécile et M. Romanet. (D'après une note annexée a V Autographe de cette letire.)

(j) L'Archevêque de Besançon avait absolument refusé aux Salinois de donner leur chaire à l'Evêque de Genève ; François de Sales ne sut jamais bien pourquoi. Or, voici quels furent les motifs de ce refus. L'opposition était d'abord venue des chanoines de Saint-Anatoile. Us protestaient contre le droit que s'attribuait le magistrat de la ville de choisir le prédicateur. Il ne lui appartient pas, disaient-ils, « d'enjamber si en avant, estant choses merement spirituelles et au delà de sa portée et puissance. » (Délib. du Chapitre de Saint-Anatoile, 23 octobre 1609, Archiv. départ, du Jura, Série G.) Le diffé- rend fut porté devant l'Archevêque, et ce dernier le trancha en faveur du Chapitre.

Il est permis de le penser : Ferdinand de Rye, fidèle et dévoué sujet de la monarchie espagnole, voyait dans François de Sales un prélat français de cœur, très sympathique à Henri IV. La pyolitique commandait donc la réserve. Cette considération dut singulièrement alléger son regret de priver les Salinois de la parole et des exemples d'un Saint. (Voir ci-dessus, note(i), p. 309, et les Lettres dlxxii, dlxxix, dlxxx.)

246 Lettres de saint François de Sales

Dieu donques soit a jamais vostre protecteur, et je suis en luy de tout mon cœur, Messieurs,

Vostre très affectionné serviteur,

Francs E, de Genève. 3 febvrier i6io, a Neci.

A Messieurs les Capitaines

et Eschevins de la ville de Salins.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dole.

DLXXII

A LA BARONNE DE CHANTAL

Pourquoi l'Evêque de Genève n'alla pas à Salins en 1610. Une àme dont il espérait faire quelque chose de bon, Les souhaits, le cœur et la plume d'un Saint.

Annecy, 5 février 1610.

Cette lettre sera courte, très chère Fille, car je n'ay nul loysir. Elle vous dira donq seulement qu'avanthier j'ay sceu que je n'irois pas a Salins ce Caresme, parce que Monsieur l'Archevesque de Besançon (0 a résolu a

(i) Ferdinand de Rye de Longwy, vers 1556, cinquième et dernier fils de Gérard de Rye et de Louise de Longwy, étudia à Dole, puis à Rome. Nommé prieur de Saint-Marcel (1580), d'Arbois, d'Acey, etc., il était arche- vêque de Césarée in partibus et haut-doyen du Chapitre de Besançon quand, par un choix personnel de Sixte V, il fut promu en 1586 au siège de cette église, dont il prit possession en 1589. Cette même année, son frère Joachim renonça en sa faveur à l'abbaye de Saint-Claude. Ferdinand de Rye gouverna son diocèse pendant près de cinquante ans; il y résida, protégea les Ord-es religieux, aida les uns à s'établir, les autres à se réformer, créa et développa les institu- tions chrétiennes, soutint et releva son peuple parmi les calamités de la guerre, et de concert avec le Parlp"if nt, gouverna la Franche-Comté avec autant de fermeté que de sagesse. Enfin, pour que rien ne manquât à une si belle vie, elle s'acheva dans un acte superbe d'héroïsme. Quand la petite ville de Dole, au mois de mai 1636 était pressée de trente mille soldats, le magnanime vieillard s'enferma dans la ville assiégée. Enthousiasmés par le patriotisme du grand Archevêque, les Dolois firent reculer l'armée de Condé (15 août). Ferdinand de Rye, déjà malade, ne survécut que quelques jours au triomphe; il mourut 20 août, au village de Fraisans. (Cf. Loye, Histoire de FEgîise de Besançon, Besançon, 1902 ; D. P. Benoît, Hist. de Vahbayede Saint-Claude, 189s, tome II, chap. xxxiii.)

Année i6io 247

ceux de cette ville-la, qu'il ne vouloitpas que j'y allasse*; •Videsupra,p.a45. et il est leur Prélat. Le pourquoy de cela, je ne le sçay pas bien (0 ; mais, a le dire entre nous, il ne sera pas grande- ment pris en bonne part de tous. Quant a moy, j'en suis bien ayse, quoy que je fusse résolu d'y aller de bon cœur.

Mon frère (^) vous envoyera son laquay dans peu de jours, en attendant d'y aller luy mesme, après qu'il aura demeslé quelques affaires de deçà. Madamoyselle Favre s'est enfin résolue, avec le bon congé de son père, d'estre toute a Nostre Seigneur et de demeurer ma fille plus que jamais, et je croy que nous en ferons quelque chose de bon (3).

J'escoute de toute part ce que Dieu demande de moy ; priés le, ma chère Fille, qu'il en dise ce bon mot, que je suis sien *. Ouy certes, je le suis de tout mon cœur, quoy 'Cf. Ps.cxvm, 94. que misérable et chetif. Je ne manque point a la promesse faite de l'orayson ; car il faut que de tems en tems je vous en rende conte (4).

La pauvre chère seur(5) est toute grosse, et vrayement fort bonne, ainsy que j'ay veu par la reveuë annuelle qu'elle a faite ces jours passés avec grande dévotion. (6) Je vay mettre la main au livre de V Amour de Dieu, et m'essayeray d'en escrire autant sur mon cœur comme je feray sur le papier.

(i) Voir ci-dessus, note {3), p. 245.

(a) Sans doute Bernard.

(3) Ces paroles avertissent fort discrètement qu'avant d'être à Notre-Sei- gneur, d'autres sentiments s'étaient disputé le cœur de la jeune fille, ingénu- ment amoureuse de liberté et piquée du désir de plaire. C'est au sortir d'un bal à Chambéry, les dames s'étaient promis de la voir briller, qu'elle se résolut de quitter le monde et de n'aimer que Jésus-Christ. Cet attrait se précisa sous la tranquille et souple direction du Saint, « le Pasteur charitable » de « cette blanche brebis, » et Ton verra plus tard que son espoir d'en faire « quelque chose de bon » ne fut pas déçu. On sait en effet qu'elle fut la pre- mière et la plus glorieuse recrue de l'Institut de la Visitation.

Le récit de cette conversion est conté avec un vif agrément par la Mère da Chaugy, dans Les Vies de IV des premières Mères. (Voir à l'Appendice I, le fragment d'une lettre de Jacqueline Favre au Saint.)

{4) Cf. le tome précédent, pp. 76, 318.

(5) M"* de Cornillon.

( 6 ) La phrase suivante et les trois dernières lignes de cette lettre avaient été interpolées par les premiers éditeurs dans la Lettre dlxxvi ; voir ci-après, note (a), p. 354.

248 Lettres de saint François de Sales

Bon jour, mon unique, ma très chère, mon incompa- rable chère Fille. Soyés toute a Dieu. J'espère tous les jours plus en luy que nous ferons prou en nostre dessein de vie. Mon Dieu, j'escris a perte d'haleyne.

Le 5 février 16 10.

DLXXIII

A M., CLAUDE DE BLONAY (fragment)

La nouvelle Congrégation étant sur le point de s'établir, François de Sales demande au destinataire qu'il veuille bien lui amener sa fille après Pâoaes.

Annecy, 8 février 1610.

Monsieur mon cher Frère,

Je vous donne advis que, par la divine miséricorde, le •Cf. Luc, XIX, 44; tems de la Visitation s'approche*; je veux dire qu'en

I Pétri ult., 6. r-r- » j -i

fin nos conclusions sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de Chantai pour commencer nostre petite Congrégation, a laquelle vous sçaves que le Saint Esprit a destiné vostre fille, que je tiens pour mienne (0. Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est singulièrement a son ame que s'addressent les * Cant., Il, 10, ij. paroles de l'Espoux sacré * : Debout, hastés-vous, mon amie; car en fin. Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre.

Dites donq a cette chère fille Amie qu'elle vienne de bon cœur nous treuver. Mais, mon cher Frère, soyés généreux ; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie

{ i) Cf. ci-dessus, Lettre d. Marie-Aimée de Blonay ne se trouva pas prête pour entrer avec les premières commençantes. Elle se disposait sans doute à venir les rejoindre à l'automne, quand un événement tragique, l'assassinat de son frère, Gabriel de Blonay (i8 novembre 1610), retarda tristement l'exé- cution de son dessein jusqu'au 35 janvier i6u. (Voir la lettre à M»'' Gribaldi, i«r décembre 1610.)

Année 1610 S49

son peuple et la mayson de sor père* ; mais non pas «Ps, xuv, u. son père, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui est nostre Père commun. Tenes donq nostre chère fille preste pour nous l'amener aussi tost après Pasques, car nous espérons commencer environ ce tems la(0.

A Neci, 8 février 16 10.

(i) Le saint Fondateur espérait inaugurer le jour de la Pentecôte sa chère Congrégation ; elle ne commença que le 6 juin suivant, à cause de certaines difficultés dont il sera parlé plus loin.

DLXXIV

A M. JACQUES DE BAY Recommandation en faveur d'un jeanè étudiant savoyard.

Annecy, 12 février i6io.

Quod a me petiit vir clarissimus Dominus Ludovicus Bonierius, ut filium suum Laurentium (0, optimae indolis adolescentem, tibi pro tua in me benevolentia commen- darem, non debui neque potui praetermittere ; tum quia is mihi amicissimus semper extitit, tum etiam quia hac data occasione mei apud te recordationem excitabo, et

Le sieur Louis Bonier, personnage de grande distinction, m'a prié de vous recommander, connaissant votre bienveillance à mon égard, son fils Laurent ( i ), jeune homme d'un naturel parfait, je ne devais pas lui refuser cela et je ne le pouvais pas non plus, étant l'ami très cher qu'il a toujours été pour moi. Et puis, c'était une occasion de raviver auprès de vous mon souvenir. J'en profite aussi pour vous

(i) Noble Laurent Bonier, fils de noble et spectable Louis Bonier (voir tome XII, p. 313) et d'Anne Carra ou Carrel, figure dans la liste des nouveaux avocats le 14 novembre 1613. il hérita de la seigneurie de Bonport acquise par son père, et fut maître-d'hôtel de Madame royale, conseiller d'Etat et président aux Finances le 39 avril 1634.

350 Lettres de saint François de Sales

simul obtestabor ut quem hactenus non solum dilexisti, sed dilectionis etiam perenni signo cohonestasti (0, dein- ceps impense diligere ne desinas.

Vale in Christo Domino, vir clarissime, et mihi Sabau- disque tuis diu fœliciterque vive. Reverentiae tuae,

Frater in Christo et servus,

Franc», Episcopus Gebennensis. Annessii Allobrogum, Xll Februarii 1610.

Rever"^" et Clariss» viro, D. Jacobo Baio, sacrae Theologiae Doctori sapientissimo,

et Collegii Sabaudorum Moderatori prudentissimo.

Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes.

conjurer, après m'avoir jusqu'ici non seulement affectionné mais honoré d'un gage éternel d'amitié (O, de continuer à m'aimer bien fort.

Salut, illustre Monsieur, dans le Christ Notre-Seigneur. Pour ma joie et celle de vos Savoyards, vivez longtemps, vivez heureux.

De Votre Révérence,

Frère dans le Christ et serviteur,

François, Evêque de Genève. Annecy en Savoie, 12 février 16 10.

Au Révérend et très illustre M. Jacques de Bay,

très savant Docteur en théologie

et très sage Président du Collège de Savoie,

( I ) Le Saint fait probablemeat allusion à la dédicace que le destinataire lui avait faite d'un de ses ouvrages. (Voir le tome précédent, Lettre ccclxxix.)

Année 1610 231

DLXXV

AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE

François de Sales intercède auprès du duc pour obtenir un secours au chanoine-'poète Nouvellet.

Annecy, 18 février 1610. Monseigneur,

Le bon monsieur Nouvelet, partie par vraye indigence, partie par une légitime ambition, demande quelque bien- fait a Son Altesse (0. J'appelle son ambition légitime, parce quand il pourroit avoir du secours d'ailleurs, je ne sçai sil le pren droit, au moins n'en auroit-il jamais te^ contentement, tant il a a cœur l'honneur de dépendre de Son Altesse, a laquelle, comme Vostre Excellence sçait, il est esperduement affectionné. Or, il m'a rendu pour cela intercesseur vers Son Altesse ; et sachant bien que sans vostr' intercession, Monsejgneur, la mienne sera vayne, il désire que, comme je demande le bienfait a Son Altesse, je supplie aussi Vostre Excellence de le luy im- petrer par une favorable recommandation ; et pour mar- que de sa persévérance au zèle quil a a Vostre Grandeur, il vous offre une devise académique (»).

Je vous supplie donq, Monseigneur, de luy départir

( I ) Depuis 1600 et en 1604, François de Sales s'était intéressé avec grande sollicitude à la cause du « bon monsieur Nouvelet, » à sa vieillesse et à sa pauvreté qu'il voulait soulager et consoler (cf. tome XII, pp. 47, 379, 380). En 1610, les uécessités du vénérable académicien avaient sans doute augmenté, sans qu.. pour autant ses ressources se fussent accrues. Le duc avait fait jadis de belles promesses en faveur du chanoine-poète, mais, selon le mot du Saint (tome XII, p. 48), c'était « aliment de caméléon. >■ C'est pour obtenir une assistance moins illusoire que cette supplique a être écrite.

(}^^La mode était alors aux coaipositions Je ce genro, et Je tout temps les poètes besogneux ont pu, sans déchoir, reconnaître ou provoquer les bienfaits de leurs protecteurs, par d'ingénieux écrits. La pièce de Nouvellet ne nous est pas tombée sous la main.

252 Lettres de saint François de Sales

vostre faveur, et a moy Ihonneur d'estre par tout et tous- jours advoué par Vostre Excellence,

Son très humble et très obéissant orateur et serviteur,

Franc», E. de Genève. XVIII febvrier 16 10, a Neci.

A Son Excellence. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres de la Mission.

DLXXVI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Un cseur plus que paternel, dégagé et fervent au milieu des tracas, Les petites fleurs et les arbres en Savoie, quand souffle la tempête. Petite pluie abat grand vent. La rosée de la Croix. Rendez-vous pendant le Carême : l'aimable et saint domicile du Cœur de Jésus Notre-Seigneur. Ce qui « contenta fort » le Saint. Il n'était point dur aux chrétiennes d'Annecy, et pourquoi. Sermon tout de flammes.

Annecy, vers le 25 février 1610 (i).

Non, ma chère Fille, je n'ay nulles nouvelles de vous il y a trois moys bien entiers ; et si, je ne puis croire que vous ne m'en ayes envoyé. Plus elles arrestent, plus je les souhaitte bonnes. Je le confesse, mon cœur m'im- portune un peu pour ce regard, mays je luy pardonne ces petites ardeurs, car il est paternel et plus que paternel.

Croires-vous bien ce que je vous vay dire ? J'ay, il y a

•Vide supra, p. jii. quelque tems, le petit livre de la Présence de Dieu * ;

c'est un petit ouvrage, mais je n'ay encor sceu le lire

( I ) Les allusions au « petit livre de la Présence de Dieu, » au << Caresme prenant » indiquent une date postérieure à 1608 ; d'autres particnlarités excluent 1609 et l'ensemble du texte semble se rapporter à 16 10. Toutefois, l'interpolation de la fin (voir ci-après, note (3), p. 354), laisse planer quelque doute sur rintégrilé delà lettre tout entière. [Cf. ci-dessus, note (i), p. 14.)

Année i6io 253

entièrement, pour vous en dire ce que je pense pour vostre service. Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deçà . et delà par les affaires ; mais, ma chère Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que néanmoins, grâces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une spéciale assistance pour ce regard.

O ma chère Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte humilité*! car •Videtom.praeced. sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallées, ^' ^ entre nos montaignes, il ternit les petites fleurs et desra- cine les arbres ; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incom- modités. O Seigneur, sauves-nous ; commandés a ces vens de vanité, et une grande tranquillité se fera*. •Matt.,viii, 25, 36. Tenés-vous bien ferme, et serrés bien estroittement ce pied de la sacrée Croix de Nostre Seigneur ; la pluye qui y tombe de toutes pars abat bien le vent, pour grand qu'il soit. Quand j'y suis quelquefois, mon Dieu, que mon ame est a recoy, et que cette rosée, rosine et ver- meille, luy donne de suavités ! Mais je n'en suis pas esloigné d'un pas, que le vent recommence.

Je ne sçay ou vous seres ce Caresme selon le cors ; selon l'esprit, j'espère que vous seres dans la caverne de la tourterelle * et au costé percé de nostre cher Sau- * Cant., n, 14. veur. Je veux bien m'essayer d'y estre souvent avec vous ; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grâce. Hier je vous vis, ce me semble, que, voyant le costé de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cœur pour le mettre dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume ; et, bien que le sien soit plus grand que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y accom- moder. Que ce Seigneur est bon, ma chère Fille ! que son cœur est amiable ! Demeurons la, en ce saint domicile; que ce cœur vive tous-jours dans nos cœurs, que ce sang bouillonne tous-jours dans les veines de nos âmes.

Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le con- noist presque plus ! Quelles congratulations en fis-je

254 Lettres de saint François de Sales

Dimanche (0 a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy ! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence. Et je ne leur suis (sic) point dur, car il ne le failloit pas, puisqu'elles sont si bonnes, avec grande dévotion. (') . . . . .

Mon Dieu, ma très chère Fille, que je sens tendrement et ardemment le bien et le lien sacré de nostre sainte unité ! J'ay fait un sermon ce matin tout de flammes, car je l'ay bien conneu ; il le vous faut dire a vous. Mon Dieu, que je vous souhaitte de bénédictions ! Mais vous ne sçauries pas croire comme je suis pressé a l'autel de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur.

Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions

d'une vie toute morte, et que nous mourions d'une mort

toute vive et vivifiante en la vie et en la mort de nostre

Roy, de nostre Seigneur et de nostre Sauveur, en qui

je suis

Vostre très affectionné serviteur,

Franc", E. de Genève.

( i) Le dimanche de la Quinquagésime, ai février.

(a) Ici, les éditeurs précédents intercalaient trois phrases qui se trouvent textuellement et à leur vraie place dans la lettre du 5 février 1610 (voir ci- dessus, note (6), p. 24.7).

DLXXVII

A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR

eureuse fin de M"» de Boisy. Une promesse mutuelle. Les regrets dans les séparations. Paix joyeuse de la mère du Saiut.

Sales, 4 mars 1610.

Ma très chère Seur, ma Fille, Consolons nous le plus que nous pourrons en ce très- pas de nostre bonne mère, car les grâces que Dieu a

Année i6io 255

exercées en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des marques fort certaines que son ame est dou- cement receuë entre les bras de sa divine miséricorde ; si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde (O. Et nous aussi, chère Seur, serons bienheureux a nostre tour si, comme elle, nous vivons le reste de nos jours en la crainte et amour de Nostre Seigneur, ainsy que nous le nous sommes promis l'un a l'autre, l'autre jour a Neci *. Sa divine Majesté nous *Cf. supra, p. 247. attire en cette sorte au désir du Ciel, y retirant petit a petit tout ce qui nous estoit plus cher icy bas.

Soyés donq bien consolée, ma chère Fille, et si vostre cœur ne peut s'empescher d'avoir du ressentiment en cette séparation, faites au moins qu'il soit tellement modéré par l'acquiescement que nous devons au bon playsir de nostre Sauveur, que sa Bonté n'en soit point ofiFensee, ni le fruit qu'il a mis en vostre ventre, malmené.

Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre con- tentement : c'est que cette pauvre bonne mère, avant que de partir de Neci, revit tout Testât de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus ; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy.

Or sus, ma chère Seur, ma Fille, aymés moy tous- jours bien, car je suis plus vostre que jamais. Et pleust a Dieu que vous peussies venir faire la sainte Semaine avec nous ! je m'en sentirois fort consolé. Bon jour, ma Fille ; je suis

Vostre frère et serviteur très affectionné. Franc», E. de Genève.

Le 4 mars i6io.

(i) M'"» de Boisy mourut le i*"^ mars. (Voir ci-après, la Lettre dlxxxi.)

356 Lettres de saint François de Sales

DLXXVIII

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I*' Lettre d'introdoction auprès de Charles-Emmanael, en faveur d'un ami.

Annecy, 6 mars 1610.

Monseigneur,

Je supplie très humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille favorable au sieur de Blonnay(0, présent porteur, qui ne désire luy parler que des choses qui luy sont aggreables, puisqu'elle prend tous-jours playsir a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy et du salut des âmes.'

Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en bénédictions et consolations célestes, qui sont les continuelz et ardans désirs que fait pour elle,

Monseigneur,

Son très humble, très obéissant, très fidelle orateur et serviteur,

Franc», E. de Genève. VI mars 1610, a Neci.

A Son Altesse.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte J. de Fleuries, au château de Sassangy (Saône-et-Loire).

( I ] Probablement Claude de Blonay (voir tome XII, note ( i ), p. 134).

Année 1610 257

DLXXIX

A M. ANTOINE DES HAYES

Une douloureuse satisfaction. M"" de Boisy assistée par son fils; rapide éloge de la défunte. Pourquoi le Saint n'a pas de particulières nouvelles à communiquer.

Annecy, vers le 10 mars (0 1610. Monsieur,

Je ne sçaurois laisser partir le bon monsieur Bovard (2) sans luy donner quelque marque de la continuelle souve- nance que j'ay de vostre douce bienveuillance, en laquelle, certes, mon esprit s'esjouit grandement et plus que je ne sçaikrois dire.

Je pensois estre [ce] Caresme a Salins, au comté de Bourgoigne, puisque ceux de cette ville-lâ m'en ayant fort conjuré, m'avoyent obtenu de Son Altesse. Mais a mesme presque que je voulois partir, ilz m'envoyèrent deux des leurs, qui m'annoncèrent que Monsieur leur Archevesque leur avoit absolument refusé permission de me donner leur chaire*. Je ne sçai pas le pourquoy selon 'Videsupra.p.a^j. les hommes, mais je croy que Dieu en a ainsy disposé pour une douloureuse satisfaction que j'ay eu ces jours passés, de donner l'extrême bénédiction et de fermer les yeux a ma bonne mère mourante*. Car, puisqu'ainsy il 'Vide supra, Epist.

, DLXXvii, et infra,

playsoit a Dieu de la retirer, ce m est du contentement Epist, dlxxxi. de l'avoir servie et assistée en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et

(i) M"^* de Boisy mourut le i*'' mars; le Saint parle de cet événement comme d'une chose récente, ce qui permet de dater avec assez de précision cette lettre dont l'Autographe est sans date.

(a) Saint François de Sales a connu plusieurs Bouvard : Antoine (cf. tome !«'■, note ( 2 ), p. xxxvi), secrétaire et conseiller du duc de Nemours au Conseil de Genevois, à La Roche et mort le ai juillet 1636; Amédée, prêtre, à qui le Saint fit ses premières confidences au sujet de sa vocation ; Michel, qui fut avocat « au magnifique Conseil de Genevois; » il sera des- tinataire en 1619. Le premier serait-il '< le bon monsieur Bouvard » qui allait à Paris?

Lbttkes IV '7

258 Lettres de saint François de Sales

innocentes âmes quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté fort propice en trespas, Tayant fort heureusement disposée a cela.

Voyes vous, Monsieur, je m'allège a vous dire cecy, car c'est grand cas comme c'est un' heureuse et souefve rencontre a un cœur aucunement blessé, de pouvoir se communiquer, quoy que par lettres seulement, a un cœur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme le vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours de me continuer fermement, avec asseurance que je suis sans fin ni reserve, Monsieur,

Vostre humble et très asseuré serviteur, Franc*, E. de Genève.

Nous attendons tous-jours que Monsieur (0 vienne, et n'en avons néanmoins point de particulières nouvelles. Il est vray que je ne les sçaurois apprendre de mon bré- viaire duquel seul je me mesle, et de prier Nostre Sei- gneur pour vous. J'excepte M. de Charmoysi, que je voy fort souvent.

( 3 ) A Monsieur Monsieur des Haye,

Maistre d'iiostel de S. M., Baillif et Gouverneur de Montargis.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.

(i) Le duc de Nemours.

(3) L'adresse est de la main d'un secrétaire.

Année i6io 259

I

DLXXX

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVKQUE DE MONTPELLIER

François de Sales apprend à son ami la mort de M'"'' de Boisy.

Annecy, mars 16 10 (i).

Monseigneur,

Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville ( = ), chacun est autour de vous pour pu3^ser les eaux des con- solations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous. Ce n'est justement que pour vous bayser humble- ment les mains et vous supplier de me conserver Ihonneur de vostre bienveuillance, que cette lettre se présente a vous en mon nom.

Que si vousluy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera que je viens d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre que j'allasse a Salins'; car ça esté, comme je pense, affin que j'assistasse a la mort de ma très bonne mère, qu'il appella a so}»" le pre- mier de ce moys, ra3^ant, par sa miséricorde, première- ment disposée a bien et heureusement faire ce passage.

Voyes vous, Monseigneur, j'allège, ce me semble, de beaucoup mon cçeur, en le vous communiquant comm' a un ami auquel je porte tant d'amour, d'honneur, de res- pect, de révérence, et en la bienveuillance duquel j'ay

( I ) L'Autographe n'est pas daté, mais l'objet et les termes mêines de la lettre indiquent la date avec certitude.

(2) Serait-ce Paris f Mn"^ Fenouillet était à Montpellier le 4 mai 1609, à Paris le. 30 août i6to; malgré de nombreuses recherches, nous n'avons pu savoir s'il y prêchait le Carême cette même année

a6o Lettres de saint François de Sales

tant de confiance ; bref, auquel je suis d'un' affection absolue,

Très humble, très obéissant et très affectionné frère et serviteur,

Franc', E. de Genève.

( 0 A Monseigneur Monseigneur le R""* Evesque de Montpelier.

Revu sur l'Autographe conserré à la Visitation d'Annecy. ( I ) L'adresse n'est pas de la main du Saint.

DLXXXI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Les sentiments du Saint à la mort de sa mère. François de Sales raconte à M™* de Chantai comment M"* de Boisy a fini ses jours et combien il pleura sur « cette bonne mère. » Invitation à venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux. Dispositions à prendre pour le séjour de la Baronne.* Mort de la petite Charlotte. Il faut pleurer un peu sur nos trépassés. L'Abbesse du Puits-d'Orbe, M™* de Saint-Jean, le P. de Monchy, M"® Favre, le monastère de Sainte-Catherine, Le « train des saintz devanciers et des simples. » Prendre pour méthode de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare le trouver « un peu dur. »

Annecy, ii mars 1610.

Mais, o Dieu, ma très chère Fille, ne faut il pas en tout et par tout adorer cette suprême Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons et très aymables ? Et voyla qu'il luy a pieu retirer de ce misérable monde nostre très bonne et très chère mère, pour l'avoir, comme j'es- père fort asseurement, au près de soy et en sa main droitte. Confessons, ma Fille bien aymee, confessons que

' Ps. cxxxv. Dieu est bon et que sa miséricorde est a V éternité*'.

Toutes ses volontés sont justes et tous ses decretz aequi-

'Cf. Ps.cxviii, 197. tables*, son bon playsir est tous-jours saint et ses ordon-

'Cf.ibid., t- 39- nanccs très aymables*.

Année 1610 261

Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eu un g^and ressentiment de cette séparation (car c'est la con- fession que je doy faire de ma foiblesse, après que j'ay fait celle de la bonté divine) ; mais néanmoins, ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif, car j'ay dit comme David * : Je me tais, o Seigneur, et n'ouvre * Ps. xxxvm, 10. point ma bouche, parce que c'est vous [qui] l'aves fait. Sans doute, si ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola ! sous ce coup ; mais il ne m'est pas advis que j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement sous les coups de cette main paternelle, qu'en vérité, grâces a sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse.

Mais vous voudries peut estre sçavoir comme cette bonne femme a fini ses jours. En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle ; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mère en mon mémorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur ; et par ainsy, vous y estes la première et la dernière. Cette mère, donq, vint icy cet hiver, et, en un mois qu'eir y demeura, elle fit la revëue générale de son ame et renouvela ses désirs de bien faire avec certes beaucoup d'affection ; et s'en alla la plus contente du monde d'avec moy, duquel, comm'elle disoit, ell'avoit retiré plus de consolation que jamais elle n'avoit fait. Elle continua en cette bonne joye jusques au jour des Cendres (0, qu'ell' alla a la parroisse de Thorens, ou elle se confessa et communia avec très grande dévotion, ouyt troys Messes et Vespres ; et le soir, estant au lit et ne pouvant dormir, se fit lire a sa fille de chambre (») trois chapitres de [1'] Introduction pour s'entretenir en des bonnes pensées, et fit marquer la Protestation *, pour la * introd. à la Vie

. . . . Ti, . T-x- . , . j </«., Part. I, c. XX.

faire au matin suivant. Mais Dieu, se contentant de sa bonne volonté, disposa d'autre sorte ; car, le matin estant venu, cette bonne femme se levant et pignant (sic) elle tumbe soudainement d'un catharre, comme toute morte.

( I ) Le mercredi des Cendres tombait le 24 février.

(.a) Nicole Rolland (voir le tome précédent, note (5), p. 329).

262 Lettres de saint François de Sales

Mon pauvre frère vostre filz('), qui dormoit encor, estant adverti accourt en chemise, et la fait relever et promener et ayder par des essences, eaux impériales et autres choses qu'on juge propres en cesaccidens, en sorte qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelli- giblement, dautant que le gosier et la langue estoyent saysis.

On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le médecin et apoticaire, qui la treuvent letargique et para- litique de la moytié du cors ; mais léthargique en telle sorte, que néanmoins ell'estoit fort aysee a reveiller, et en ces momens de réveil elle tesmoignoit le jugement entier, soit par ces (sic) paroles, qu'elle s'efforçoit de dire, soit par le mouvement de sa main saine, c'est a dire delaquelle l'usage luy estoit demeuré. Car elle parloit fort a propos de Dieu et de son ame, et prenoit la croix elle mesme a tastons (dautant que soudain elle devint aveugle) et la baysoit. Jamais ne prenoit rien qu'elle n'eut fait le saint signe dessus, et receut ainsy le saint Huyle. A mon arrivée, toute aveugle et tout'endormie qu'ell'estoit, elle me caressa fort et dit : « Cet (sic) mon filz et mon père cettuyci ; » et me baisa en m'acolant de son bras, et me baysa la main avant toutes choses. Elle continua en mesm'estat presque deux jours et demi, après lesquelz on ne la peut plus guère bonnement resveiller, et le premier de mars, elle rendit l'ame a Nostre Seigneur, doucement, paysiblementetavec une contenance et beauté plus grande que peut estre elle n'avoit jamais eu, demeu- rant une des belles mortes que j'aye jamais veu.

Au demeurant, encor vous faut-il dire que j'en le cou- rage de luy donner la dernière bénédiction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier bayser de paix a l'instant de son trespas. Apres quoy, le cœur m'en- fla fort et pleuray sur cette bonne mère plus que je n'avois fait des que je suis d'Eglise ; mais ce fut sans amertume spirituelle, grâces a Dieu. Voyla tout ce qui se passa.

Au demeurant, je ne me puis taire du grand bon naturel

(i) Bernard de Sales.

Année i6io 263

de vostre filz, qui m'a si extrêmement obligé au soin et travail quil a pris pour cette mère, mais je dis avec tant de cœur, que sil eût esté quelque estranger, je serois forcé de le tenir et jurer mon frère. Je ne sçai si je me trompe, mais je le treuve extrêmement bien changé en mieux, soit pour le monde, soit principalement pour l'ame.

Or sus, ma chère Fille, si faut il se résoudre sur cela, et louer tous-jours Dieu, quand il luy plairoit nous visiter encor plus fortement. Si donq vous le treuves a propos, vous pourrés venir pour estr'icy le jour des Rameaux (O. Je dis icy, car il ni auroit point de proportion que vous fissies les bons jours aux chams. Vostre petite chambre vous attendroit, nostre petite table, et nostre simple et petit traittement vous sera fait et offert de bon cœur, je veux dire de mon cœur qui est grandement vostre. Les festes passées, vous ordonneries ainsy quil vous plai- roit, pour conduire nostre petite (2) chez elle.

Voyla, si cela se peut aysement. Je le désire, mais je dis, sil se peut aysement ; dequoy vous m'advertirés par le retour de ce garçon, et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenés quelque compaignie extraordinaire, car quant a nostre bon Baron (3), je croy quil ne viendra pas nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pour- rons nous res-jouir que dévotement, et totalement en Nostre Seigneur. (4) Je pense quil ne seroit pas a propos quil vinst maintenant : il faut que je die ainsy avec vous. J'attendray ce que vous me marquerés.

Mon frère vous escrit pour le sujet du reste de la dote de ma seur (5). Si cela se peut, je ny voy nul incon- vénient, car enfin vous auries vostre argent icy, outre

(i) M"" de Chantai partit de Dijon le ag mars et arriva en effet à Annecy le dimanche des Rameaux, 4 avril, avec ses deux filles et M"* de Bréchard. Le président Frémyot accepta le sacrifice de la séparation en vrai chrétien. Voir à l'Appendice I, sa lettre admirable au Saint.

(3) Marie-Aimée.

{3) Sans doute le baron d'Effrans, Jacques de Neufchèzes, neveu de M"» Chantai, qu'il accompagna à Annecy avec le baron de Thorens. (Voir note ( a ), p. 170.)

(4) La phrase suivante est ajoutée en marge de l'Autographe.

(5) Il s'agit probablement de la seconde moitié de la dot de Marie-Aimée, la première moitié ayant été payée le 8 janvier 1609.

264 Lettres de saint François de Sales

tout celuy qui dépend de moy, qui est autant vostre que nul autre, et cette dote seroit payée, quil faut aussi bien payer une foys. Mais je laisse cela a vostre providence. J'ay voulu sçavoir sil seroit a propos que vous prissies la une femme pour estr'aupres de ma seur ; mais mon frère m'a dit que vous ne vous missies nullement en peyne, quil accommodera si bien tout ce quil faudra pour ma seur, que vous aurés tout sujet de contentement de luy, de manière quil n'est point besoin de cela. Pour vray, j'espère que ce filz la sera grandement béni pour le service quil a rendu a ses père et mère en leur trespas. Maintenant je vay courant sur les chefz de vostre lettre. Nostre pauvre petite Charlotte est bienheureuse d'estre

•Cf. Sap., IV, 11,14. sortie de la terre avant qu'elle l'eut bonnement touchée*. Helas ! il la failloit néanmoins bien un peu pleurer, car n'avons nous pas un cœur humain et un naturel sensi- ble ? Pourquoy non pleurer un peu sur nos trespassés, puisque l'Esprit de Dieu non seulement le nous permet,

•Eccii., XXII, 10,11, mais nous y semont*. Je l'ay regrettée, la pauvre petite ' fille (O, mais d'un regret moins sensible, dautant que

le grand sentiment de la séparation de ma mère osta presque toute prise au sentiment de ce second desplay- sir, duquel la nouvelle m'arriva tandis que nous avions encor le cors de ma mère en la mayson. Dieu soit encor loué en cet endroit. Dieu nous donne, Dieu nous este,

•Job, I, SI. son saint nom soit béni*.

Helas ! nostre pauvre M™* du Puis d'Orbe auroit un grand besoin d'estre assistée de près, car elle [est] si bonne et si cordiale que rien plus, mais si mélancolique, si douillette et si délicate de courage que rien plus. Vous voyes : je luy avoys tant tesmoigné la nécessité de s'assu- jettir elle mesme a la stabilité en son Monastère, et néan- moins, contre le souhait des siens, elle médite tous les

( I ) Voir le tome précédent, note ( 4 ), p. 140. Cette enfant de neuf ans était, au dire de la Mère de Bréchard (Ms. cité plus haut, note ( i ), p. aaS), « le plus admirable esprit qu'on sçauroit imaginer pour sori aage, et d'un sy bon natu- rel qu'elle estoit aymee de tout le monde. » Au milieu des accès de la fièvre qui l'emporta en quarante-huit heures, « elle ne dit plus autre chose sinon d'apeller Nostre Seigneur de tous les noms qu'elle savoit, comme : Mon Sau- veur, mon Dieu, mon Jésus, Seigneur. »

Année i6io 265

jours des sorties pour ceci et pour cela. Ce n'estoit pas sortir d'aller avec vous a Bourbilly ; non, ma Fille, ce n'est pas sortir quand on sort pour mieux s'arrester et rentrer. Mais ces autres sorties sont hors de rayson ; aussi on les desseigne et delibere-on sans moy. Dieu sçait, ma Fille, si j'ayme tendrement cett'ame et si je suis plein de désir de son bien, et que jamais je ne la veux ni puis abandonner, je dis quoy qu'elle fit ; mais je n'ose pas la presser de loin, car cet (sic) un esprit qui ne peut estre conduit qu'avec amour et confiance ; confiance, dis-je, tous-jours nourrie de nouvelles et continuelles démonstrations d'affection, ce qui ne se peut faire de loin. Mais bien, quand vous seres icy, nous aviserons.

Je regp-ette l'accident de M'"" de Saint Jean(0, qui devoit arriver ou plus tost, ou plus tard, ou jamais. Si ell'a bien jette son espérance en Nostre Seigneur, il la tirera de ce mauvais passage pour la faire marcher tant plus vistement vers luy. J'escriray au P. de Monchi quil souffre beaucoup, car nous ne sommes point deshonno- rables a l'Eglise, quand nous imitons Nostre Seigneur, qui a tant souffert d'ignominies pour nostre salut (»). Ou il y va du proufit spirituel, il ne faut pas craindre les opprobres.

Ouy, ma Fille, nostre bon Dieu nous aydera, et pour la bonne commère aussi (3), bien quil faille tascher d'avoir tout ce qu'on pourra. Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions convenables pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deçà.

(1) L'abbtye de Saint-Jean-le-Grand, d'Autun, dépendait de l'Ordre de Saint-Benoit. On attribue sa fondation à Syagrius, évéque d'Autun, et à la reine Branehaut. La mère de saint Odilon, abbé de Cluny, passa dans ce cloître une partie de sa vie. Les plus grandes familles de France fournirent des abbesses A Saint-Jean. En 1610, Anne de la Magdelaine de Ragny gouvernait les Religieuses ; elle était fille de François de la Magdelaine, marquis de Ragny, bailli d'Auxois, etc., et de Catherine de Marcilly. M"* de Saint-Jean mourut le i" avril 1657, ^^* d'environ quatre-vingts ans. En 1611, elle s'oc- cupait d'établir la réforme dans sa Maison. « L'accident » dont parle le Saint doit se rapporter â cette généreuse tentative. (Gallia Christiana.')

(3) Le bon Père avait-il eu quelque chose à souffrir du baron de ChantaH (Cf. ci-dessQs, pp. 35, 36.)

tj) M"» deBréchard.

266 Lettres de saint François de Sales

Nostre Favre a fait merveilles et est maintenant toute a Dieu.

Ne dites mot de Sainte Catherine, car c'est le secret qui doit tout faire reuscir(0. Je n'ay nulles nouvelles de Paris, non pas mesme si M. de BeruUe est en vie.

Quant a ces préceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mère Prieure ('), je ne vous en diray rien pour le présent ; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la présence de Dieu sans praeparation et sans dessein, jemetreuvasse extrêmement bien auprès de sa Majesté, avec une seule très simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais très doux, si est ce que je n'osay jamais démarcher du grand chemin pour réduire cela en un ordinaire. Je ne sçai, j'ayme le train des saintz devanciers et des sim- ples. Je ne dis pas que quand on a fait sa praeparation, et qu'en l'orayson on est attiré a cette sorte d'orayson, il ny faille aller ; mais prendre pour méthode de ne se point prseparer, cela m'est un peu dur, comm'encor de sortir tout a fait de devant Dieu sans action de grâce, sans offrande, sans prière expresse. Tout cela peut estre utilement fait, mais que cela soit une règle, je confesse que j'ay un peu de répugnance. Néanmoins (je parle sim- plement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois très ayse, je dis extrême- ment très ayse, de me démettre de mon sentiment et sui- vre celuy de ceux qui en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy ; je ne dis pas seulement de cette bonne Mère, maisje dis d'une beaucoup moindre. Apprenesdonq bien tout son sentiment en cela et tous ses fondemens, mais tout bellement pourtant et sans empressement, et en sorte qu'elle ne cuyde pas que vous la veuillies examiner.

( I ) Le secret recommandé sur Sainte-Catherine visait très probablement le projet qui se préparait silencieusement de réformer cette abbaye.

(a) La Mère Louise de Jésus, prieure du Carmel de Dijon (voir ci-dessus, note (i), p. 41).

Année i6io 267

J'honnore cett'ame la de tout mon cœur,- et tout son Monastère.

A Dieu, ma chère Fille, jusques a se revoir bien tost, moyennant Jésus, qui vive et règne a jamais en nos espris. Amen.

XI mars 16 10.

Revu sur l'Autographe couservé à la Visitation de Turin.

DLXXXII

A MADAME DE DÉRÉe(i)

Tout fait espérer que l'âme de l/i.'^* de Boisy a été reçue « en la main dextre

de son Dieu. »

Annecy, 16 mars 1610.

Madame ma très chère Cousine,

J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de glaces que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frère m'apporta, si je n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mère, qui m'obligea d'estre a Sales quelque tems, pour rendre cette dernière assis- tance a cette chère personne *. Mon excuse est fascheuse, Vide Ep. praeced. je m'asseure, a vostre cœur qui, de sa grâce, aymoit fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé, vous honno- roit d'une affection toute dediee a vostre service. Mais, ma chère Cousine, vous seres toute consolée quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'espérer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et misérable vie mortelle.

(i) Charlotte-Emmanuelle de Chabod, qui était devenue cousine du Saint en épousant, le 23 juin 1608, Bernard de Chevron-Villette, seigneur de Dérée. (Cf. ci-dessus, noie (s), p. 49.) Veuve avant i6ao, elle vivait encore en 1630.

268 Lettres de saint François de Sales

Or, il faut bien, ma chère Cousine, que vous m'aymies un peu plus maintenant, pour reparer le manquement que j'auray en terre de l'amour que cette mère me por- toit. Faites-le, je vous supplie, chère Cousine, et soyés bien dévote, tandis que je m'attens de vous revoir bien tost icy, selon l'asseurance que vous en donnastes a mon frère, et tous-jours et par tout je seray, Madame ma Cousine,

Vostre humble et plus affectionné cousin et serviteur,

Franc», E. de Genève.

Oserois-je bien demander par vostre entremise, ma chère Cousine, le pardon requis a la faute que je fayde ne point escrire a monsieur le Baron mon cousin (0? Certes, c'est que je suis fort pressé d'escrire. Mais je ne finiray jamais d'astre son serviteur bien humble.

( I ) Le mari de la destinataire.

DLXXXin a la baronne de chantal

(fraghext)

Souhaits de bienvenue. Les postulantes de Dijon. Engagement avec un imprimeur.

Annecy, vers le 35 mars 1610(1).

de nostre bonne mère i^). Je voy que nous sommes a la veille de vostre arrivée : qu'heureuse puisse-elle estre ! C'est pourquoy je n'adjouste rien.

( I ) L'objet de la lettre, les versets du Cantique cités par le Saint permettent à la fois d'indiquer avec certitude la destinataire, et la date avec une très grande probabilité.

(a) Sans doute M"* de Boisy, récemment décédée (cf. ci-dessus. Lettre

DLXXXI)

Année i6io 269

Si ces bonnes dames vefves ( ' ) vous parlent, dites leur qu'ayant esté icy, vous les advertires de tout, bien parti- culièrement ; car il ne les faut esmouvoir qu'extrême- ment bien a propos, et après un peu d'ageancement de nostre dessein, pour lequel je viens de bien prier nostre chère Dame et son saint Joseph.

Pour le premier livre que je produiray, je suis tant engagé vers Rigaud (^), que je ne sçai si je le pourray donner a Dijon ; car j'ay des-ja fort lié ma liberté par ma promesse.

Or bien, venés, chère Fille, vends es montaignes * ; 'Cant., n, 10, 13 Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es "*^'' ' mons et outrepasse les collines^ qui regarde par les fenestres et a travers la treille *, les âmes qu'il ayme. ' Cant., n, 8, 9. Ah, que cela fut bien chanté hier en nostre église et dans mon cœur !

Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy unique- ment

( I ] Il s'agit des amies de la Baronne qui avaient le désir de se joindre à elle. (Cf. pp. iç, 45, 2»6, 337.)

( 3 ) Pierre Rigaud, imprimeur et libraire de Lyon, dont il sera parlé plus loin.

DLXXXIV

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE ( » )

Ne pas donner créance aux vains présages. Satan abuse des âmes crédules ; comment se garder de ses pièges. Avis variés pour les œuvres de sanc- tification. — Moyen de soulager le prochain et de louer la Vierge Marie.

Annecy, 27 mars 1610.

Ma très chère Fille, Voyci comme je respons. Il n'y eut nulle offence en

(i) La destinataire habitait la ville ou les environs d'Annecy, soutenait des procès, avait besoin de conseils variés et précis : tous ces traits désignent lUm» de la Fléchère avec beaucoup de vraisemblance. (Cf. les lettres du 3i avril etda 19 septembre 1610.)

270 Lettres de saint François de Sales

tout ce qui se passa touchant les présages du péril de monsieur vostre filz ( 0 ; bien qu'il ne faille pas atten- drir son esprit a donner créance a ces préoccupations, mais aller doucement remettant tout ce qui nous touche entre les mains de la divine Providence. Et mesme, quand quelque violent présage nous arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux appréhen- sions qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possi- ble, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité. Mais la vérité est que jamais il n'abusera de chose quelconque en vostre endroit, tandis que, comme vous faites, vous tiendres vostre cœur naifvement et humblement ouvert a vostre guide.

Il faut bien tous-jours faire pour toutes occurrences comme vous faites pour le procès perdu ; c'est a dire, il faut tous-jours bien s'accommoder a doucement suppor- ter ces rencontres.

Faites comme le Père François (^)vous a dit touchant le jeusne, et faites hardiment un peu bonne collation. Pour l'orayson, vous faites bien de vous laisser aller a la mentale, quand Nostre Seigneur vous y semond Ihors que vous dites les vocales.

Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nues, par obéissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons remémorer la mort.

Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samed\', que de donner tous les jours un liard : ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action. Que s'il ne se treuve point de prestre qui ayt besoin de cette assistance, je pense que Sainte Claire (3) en pourra

( 1 ) Charles de la Fléclière que nous retrouverons plus tard.

(2) Serait-ce le P. François de Chambéry ? (Voir tome XI, note ( i), p. 179.) Parmi les nombreux Religieux de ce nom qui vivaient à cette époque en Savoie, on peut encore citer le P. François de Rumilly qui fit profession le 4 octobre 1601, le P. François de Côme, etc.

( 3 ) Sans doute les Clarisses d'Annecy (voir le tome précédent, note ( 2 ), p. 74).

Année i6io 271

estre aydee. Il est vray qu'en cas qu'il y eust d'autres pauvres en nécessité, il le leur faudroit appliquer, parce qu'alhors le soulagement du prochain est commandé en ce que l'on peut bonnement.

Bon soir, ma très chère Fille, demeurés toute en Nostre Seigneur. Je suis en luy tout vostre.

Francs E. de Genève. Le 27 mars 16 10.

DLXXXV

A UNE DAME INCONNUE (0 Parmi les délais imposés à nos désirs, il faut garder la saiate patience.

Annecy, 29 mars 1610.

Madame,

Je suis extrêmement desplaysant du retardement que je voy pour l'arrivée du depesche que ce porteur et vous attendes, et s'il estoit en mon pouvoir, vous auries une prompte satisfaction pour ce regard. Or, espérant que la chose, ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de vous consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte de Nostre Seigneur, que je prie vous donner les grâces de son Saint Esprit, et suis

Vostre humble serviteur en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève. 2g mars 1610.

(i) La brièveté et la menue importance de ce billet atténuent le regret de n'avoir pu découvrir la destinataire.

372 Lettres de saint François de Sales

DLXXXVI

AU CARDINAL ANTOINE-MARIE GALLO ( 0

(iMÉDITS)

Le Saint s'excuse de ne pouvoir obliger le protégé d'un Cardia 1.

Annecy, 30 mars 1610.

Illustrissimo et Reverendissimo

Signer Padron colendissimo,

Vorrei peter con efficacia servir il Révérende Bresa, già che cosî da V. S. 111"'* et R""* mi viene commandato ; ma la causa sua non è stata decisa dal mio Vicario("), anzi dal Senato secolare, il quale, secondo l'usanza di queste bande, cognosce de possessorio. Et de l'altro^can- to, quantumque le provisioni délia Santa Sede devano esser da tutti riverite, tuttavia, già che Sua Santità non intende pregiudicare ail' alternativa de' Vescovi ( 3 ),

Illustrissinie, Révérendissime et très honoré Seigneur,

Je voudrais pouvoir obliger efficacement le Révérend Bresa, puis- que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me le com- mande ; or, sa cause n'a pas été jugée par mon Vicaire! 2), mais par le Sénat séculier, lequel, selon l'usage de ces pays, connaît du possessoire. D'autre part, quoique les provisions du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas, cepen- dant, porter préjudice à l'alternative des Evêques (3 ), à moins qu'elle

(i) Antoine-Marie Gallo, vers 1554, nommé d'abord évéque de Pérouse le 5 novembre 1586, reçut la pourpre de Sixte V, avec le titre de Sainte-Agnès in Agone. Membre de plusieurs Congrégations, protecteur et bienfaiteur de la sainte Maison de Lorette, il devint en 1591, évéque d'Osimo sa patrie, et admi- nistra cette église pendant plus de vingt ans. Sous Clément VIII, Gallo laissa le titre de Sainte-Agnès pour celui de Sainte-Praxède, occupa successivement sous Paul V les sièges de Preneste et de Porto, et mourut en 1620.

(a) Jean Favre (voir le tome précédent, note ( i), p. 265).

(3) En vertu du droit de Valternative, l'Evêque confère à certains mois les bénéfices devenus vacants; la collation de ceux-ci à d'autres mois est réservée au Souverain Pontife. Ce droit est fixé par la neuvième Règle de la Chan- cellerie. S'il n'a pas été proprement abrogé, il a cependant cessé à peu près partout d'être en vigueur, depuis que des concordats ou accords sont inter- Tenus entre le Saint-Siège et les différents pays.

Année 1610 373

se espressamente non lo dichiara, quelli che impetrano li beneficii han torto di pretendere, con provisioni Apo- stoliche, levare il jus delli Ordinarii. Ma in efFetto, la cosa non sta in man mia di privareil competitore del Bresa del canonicato del quale egli è possessore (0; et cosi credo che V. S. 111"' et R""* mi scusarà facilmente.

Et glie bascio humilissimamente le mani, augurandole dal Signor ogni vera prosperità. Di V. 'S. Iir* et R"*, Divotissimo servitore,

Franc°, Vescovo di Geneva.

In Annessi, alli xxx Marzo 16 10.

Air 111"° et K^° Sig"" Padron colendissimo, Monsig' il Cardinale Gallo.

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Chancellerie des E vêques et Réguliers.

ne le déclare expressément ; ceux-là donc qui demandent les béné- fices, ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le droit des Ordinaires. Et de fait, il ne m'appartient pas de priver le compétiteur de M. Bresa du canonicat dont il est possesseur ( O ; aussi, je crois que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'aura pas de peine à m'excuser.

J^e vous baise très humblement les mains, en vous souhaitant du Seigneur toute vraie prospérité. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très dévoué serviteur,

François, Evêque de Genève.

Annecy, le 30 mars 1610.

A rillustrissime^ Révérendissime et très honoré Seigneur^ Monseigneur le Cardinal Gallo.

( i) Pierre Bresa, prêtre du diocèse de Genève, prétendait avoir été pourvu parle Saint-Siège, dès l'année 1606, d'un bénéfice de résidence dans l'église de Saint-Jacques de Sallanches et demandait par une supplique datée du a octobre 1609, qu'il lui fût maintenu. (Archiv. des Evêques et Réguliers, Posi^toni, léra, G.) Mais en 1606, Gervais Burgal avait été, à la mort de Nicolas Locquet, pourvu par son Ordinaire d'un canonicat à Sallanches et de la cure de Passy. En i6oq, Paul V donne à l'official de Genève commission de mettre Révérend Burgal en possession de ces deux bénéfices, s'il le juge capable. Aussi, le 31 avril 1611, Jean Favre, vicaire général et officiai, autorise le compétiteur de Pierre Bresa â posséder simultanément le canonicat et la cure, à condition de résider dans celle-ci. (R. E.)

Uttui IV 18

274 Lettres de saint François de Sales

DLXXXVII

AU PÈRE ALEXANDRE CEVA, DE l'oRDRE. DES CAMALDULES ( i )

Détresse d'un gentilhomme genevois. La Congrégation des convertis. Charité de François de Salés.

Annecy, 31 mars 16 lo.

Molto Reverendo Padre in Christo

osservandissimo,

Questo gentilhuomo Genevrino, Alessandro di Monte- crescenti, havendo perso quanto hâve va per essersi

Très Révérend et très honoré Père dans le Christ, Ce gentilhomme genevois, Alexandre de Montcroissant, a per- du tout ce qu'il possédait, pour s'être converti à la sainte foi

{ I ) Ascanio Ceva, de l'illustre famille de ce nom, naquit à Garessio le 13 janvier 1538, de Jean, marquis Ceva, et de Catherine Scarampi. Après une jeunesse intacte et laborieuse, il alla à Rome (1560), se mit sons la direc- tion de saint Philippe de Néri et pendant dix ans remplit l'office de secré- taire auprès du cardinal Crivelli. Il quitta cet emploi pour entrer chez les Camaldules, à Camaldoli (Toscane), eu 1570. Reçu novice le i*"" novembre, avec le nom d'Alexandre, il passa par toutes les charges, y compris celle de Majeur on de Général. En 1596, il ramène à l'observance le monastère de Pozzo di Strada, près de Turin. La peste qui ravagea cette ville en 1599 et 1600 lui donna l'occasion de déployer sa charité. Charles-Emmanuel le prit pour confesseur, et quand ce prince eut fait vœu d'élever un Ermitage, c'est- à-dire un monastère de Camaldules, le fervent Religieux, qui avait instam- ment sollicité cette fondation, fut désigné pour l'administrer, par un Bref pontifical du r4 mai i6oi.

VEremo fut bâti sur une colline entre Turin et Pecetto, dès 1601, et la première pierre de l'église posée le 3 juillet 1602. Alexandre Ceva mourut à Turin en odeur de sainteté, le 6 novembre 1612, après quarante-deux années de vie monastique. Jusqu'à ses derniers jours, il avait observé avec une admi- rable continuité les vertus qui conduisent à la perfection. Il fut l'ami du bien- heureux Ancina, de saint François de Sales et la lumière de son Institut. Dès 1617, et jusqu'en 1623, on fit des enquêtes pour instruire le Procès de sa Béati- fication. Quant à VEremo, il est devenu, depuis 1874, la maison de campagne des séminaristes du diocèse de Turin, et on y conserve avec respect les restes du vénérable Fondateur, recueillis en septembre 1876 dans un nouveau cercueil. (Voir Chiuso, Istoria del Ven. Alessandro Ceva, fondatore deW Eremo di Torino ; Torino, 1877.)

Année i6io 27$

convertito alla santa fede catholica, è stato qui un pezzo in refugio ( O ; ma non trovando modo di stabilire in queste misère valli alcun modo di vivere, con quel poco aiuto che io gli ho potuto dare, ecco che se ne va in Roma, ove credo che sarà ricapitato dalla sacra Congregatione de'convertiti (2), poichè egli è di costumi et manière molto honorate, et assai anco qualificato nelle buone lettere et scientie matematiche.

Ma perché havendo ad ajutare molti altri converrtti non gli ho potuto dare se non dieci ducatoni alla sua

catholique ( i ). Il est demeuré assez longtemps ici, il s'était réfugié. J\lais ne trouvant aucun moyen d'assurer son existence en ces pauvres vallées, voici qu'il s'en va à Rome avec le peu de secours que j'ai pu lui donner. Je crois qu'il y sera accueilli par la sacrée Congrégation des convertis ( 2 ), car ses mœurs et ses manières sont très honorables, et même il s'est rendu assez remarquable dans les belles-lettres et les sciences mathématiques.

Mais ayant encore à secourir plusieurs autres convertis, je n'ai

( I ) L'histoire de ce distingué gentilhomme, lettré et savant, pique la cu- riosité, mais il faut se résigner à l'ignorer, car les érudits les mieux infor- més ont fait en vain, pour la connaître, de très minutieuses recherches. Les Procès de Canonisation nous apprennent toutefois qu'il fut converti par François de Sales et abjura entre ses mains, qu'il fit un séjour de quelques mois à Annecy, défrayé par le Saint, et que celui-ci, en l'adressant à Rome, « au Séminaire des convertys, » lui donna plusieurs ducatons et les burettes d'argent de sa chapelle.

La seigneurie de Montcroissant (Jura) fut donnée par Claude-Gabriel Mouchet de Battefort, seigneur d'Arinthod, à ses enfants naturels, qui pri- rent le nom de Montcroissant. Le converti genevois appartienJrait-il à cette famille ?

(2) Cette œuvre, qui avait pour objet de venir en aide aux protestant» convertis, devait sa fondation au bienheureux Ancina et au P. Chérubin de Maurienne. Elle commença en 1600, soutenue par les aumônes et la protec- tion de plusieurs prélats et seigneurs romains, des cardinaux Borromée, Aldobrandino et de Charles-Emmanuel, duc de Savoie.

La Congrégation s'intéressait à toutes les nécessités spirituelles et tem porelles des convertis et elle y pourvoyait avec une ingénieuse sollicitude, grâce à une organisation très avisée. L'œuvre avait des rapports avec la Sainte-Maison de Thonon ; le bienheureux Juvénal en étaitl'âme et le principal soutieu ; aussi, après s.i mort, elle commença à péricliter et finit par être dissoute. (Cf. Bacci, Vila del B. Giovanni GiovenaU Ancina (a» éd., Roma, 1890), lib. III, cap. I.)

276 Lettres de saint François de Sales

partenza, V. P" molto R"" farebbe cosa gratissima al Si- gnore Iddio se glie procurasse qualche sorte di ajuto, per via di limosina, da Sua Altezza Serenissima(0, chè cosî potrebbe fare il restante del suo viaggio. Onde, di questo supplico V. P" molto R*', la quale non potrebbe fare maggior carità appresso Nostro Signor Giesù Christo, il quale io prego di darglie ogni santa consolatione et prosperità.

Di V. P" molto R"',

Affettionatissimo servitore in Christo,

Franc", Vescovo di Geneva.

In Annessi, alli 31 di Marzo 1610.

Al Ven. Padre D. Alessandro Ceva, Fondatore del sacro Eremo di Torino.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation d'Annecy.

pu lui donner à son départ que dix ducatons. Aussi, Votre Révé- rende Paternité ferait-elle chose très agréable à Dieu notre Seigneur, si elle obtenait pour lui de Son Altesse Sérénissime, quelque sorte d'assistance à titre d'aumône ( i ). Par ce moyen, il pourrait achever son voyage. Je supplie donc Votre Paternité de lui faire cette charité ; il n'en saurait être une plus grande aux yeux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que je prie de vous accorder toute sainte consolation et prospérité.

Je suis, de Votre très Révérende Paternité,

Le très affectionné serviteur dans le Christ,

François, Evêque de Genève.

Annecy, le 31 mars 1610.

Au Vénéré Père D. Alexandre Ceva,

Fondateur du sacré Ermitage de Turin.

( I ) Les relations d'amitié que le destinataire entretenait avec les Orato- riens de Rome et l'estime dont il jouissait auprès du duc, en qualité -de confesseur, avaient dii persuader le Saint de lui recommander son pro- tégé.

Année i6io 277

DLXXXVIII

A LA PRÉSIDENTE BRULART

Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu. Contre l'amour-propre, il faut faire bon guet. C'est tenter Dieu de confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera. Consultation particulière sur les divertissements pour M"* Brûlart. Comment porter à la vertu une enfant vigoureuse et de naturel un peu ardent. Un magistrat chrétien au xvn^ siècle. Un bien grand voyage pour des femmes. Le plus grand appui pour s'avancer dans la piété. Les aumônes fructifient comme le froment jeté en terre.

Sales, vers le 20 avril 1610 (i).

Ce m'a esté un extrême contentement d'apprendre un peu plus amplement que de coustume de vos nouvelles, ma très chère Seur, ma Fille, bien que je n'aye pas encor tant eu de loysir po'ur parler avec madame de Chantai que j'aye peu m'enquerir si particulièrement, comme je desirois, de toutes vos affaires, desquelles je pense que vous aures communiqué avec elle comme avec une parfaitte amie. Or, pour le moins m'a-elle dit que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre Seigneur, qui est le grand mot de ma consolation, puis- que mon ame désire tant de bien a la vostre très chère.

Au reste, pour respondre briefvement a la vostre, N. fit très bien d'entrer aux Carmelines (»), car il y avoit appa- rence que Dieu en seroit glorifié. Mais puisqu'elle en sort par ordre des Supérieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs ; si bien qu'elle fera mal, si, après les premiers

(i) La date est donnée sous toutes réserves; le texte avertit que M""= de Chantai revenait de Dijon, mais elle était dans cette ville en mars 1610 et aussi durant l'automne de i6n. La lettre, d'après les allusions qu'elle ren- ferme, a été écrite au retour de l'un de ces deux voyages, et probablement après le premier ; toutefois, cette probabilité n'exclut pas la date de fin décem- bre i6ii-janvier 1612.

(a) Serait-ce Marie-Marguerite Milletot, qui entra à la Visitation le 14 août 1610, après avoir fait un essai au Carmel ? Elle était fille de Bénigne Milletot, conseiller au Parlement de Dijon, ami et correspondant de François de Sales. Cette conjecture ne tiendrait plus, si la date de la présente lettre était reculée à la fin de 161 1.

278 Lettres de saint François de Sales

ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition ; car par plusieurs voyes on va au Ciel. Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne, bien qu'en elles mes- mes, les unes soyent plus désirables que les autres a ceux qui ont la liberté de choysir.

Mais quant a vous, ma chère Fille, dequoy vous mettes vous en peyne pour ce regard? Vous aves fait charité de procurer une si sainte retraitte a cette pauvre fille ; s'il ne plait pas a Dieu qu'elle y persévère, vous n'en pouves mais. Il faut acquiescer a cette Providence souve- raine, laquelle n'est pas obligée de suivre nos eslections et persuasions, mais son infinie sagesse. Si N. est sage et humble, Dieu luy treuvera bien une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté, ou par conso- lations ou par tribulations. Cependant, les bonnes Mères Carmelines font bien d'observer exactement leurs Cons- titutions et rejetter les espritz qui ne sont pas propres pour leur manière de vivre.

Ma chère Fille, ce petit esbranslement de cœur que vous aVes en cette occasion, vous doit servir d'advertisse- ment que l'amour propre est grand et gros dedans vostre cœur, et qu'il faut faire bon guet, de peur qu'il ne s'en rende le maistre. Ah ! Dieu, par sa bonté, ne le veuille jamais permettre, ains face régner sans fin en nous, sur nous et contre nous et pour nous son très saint amour céleste.

Touchant le mariage de cette chère fille que j'ayme bien fort (0, je ne puis bonnement vous donner conseil, ne sachant de quelle nature est ce chevalier qui la recherche. Car, ce que monsieur vostre mary dit est véritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises humeurs que vous me marqués ; mais cela

( I ) « Cette chère fille » que le Saint aimait « bien fort » est sans doute Fran- çoise, fille de la destinataire ; elle n'avait alors que douze ans (cf. plus haut, note (a), p. 134). Elle épousa, par contrai du 14 août i6i3.(Archiv. départ, de la Côte-d'Or, E. 1666), Claude de Saulx-Tavanes, lieutenant-général des armées du roi et fils aîné de Guillaume, le célèbre mémorialiste français. Veuve en 1638, elle mourut vers 1663.

Année i6io 379

s'entend s'il est de bon naturel et que ce ne soit que la jeunesse ou la mauvaise compaignie qui le gaste. Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de bazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse présomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme ; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme, ains estant plustost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un évident danger ? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne considération, a quoy vous le servirés ; et moy je prie- ray, selon vostre désir, qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chère fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte.

De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est avec vous qu'elle ira, il importe peu; vostre prudence doit juger de cela a l'œil et selon les occurrences. Mais la voulant dédier au mariage, et elle ayant cette inclination, il n'y a pas du mal de l'y conduire tant souvent que ce soit asses, et non pas trop. Si je ne me trompe, cette fille est vive, vigoureuse et de naturel un peu ardent : or, maintenant que son entende- ment commence a se desployer, il faut y fourrer douce- ment et suavement les prémices et premières semences de la vraye gloire et vertu, non pas en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir avec des paroles sages et amiables a tous propos, et les luy faisant redire, et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien nées et sages.

Madame de [Chantai] m'a dit que, pour vostre extérieur et la bienséance de vostre mayson, vous marchies fort sagement ; et tant elle que mon frère de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse : c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne réputation d'estre bon justicier, ferme, équitable, labo- rieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien.

28o Lettres de saint François de Sales

Je vous prometz, ma chère Fille, que j'ay tressailli de joye a ce récit, car voyla une grande et belle bénédic- tion. Entr'autres choses, ilz m'ont dit que tous-jours il commençoit sa journée par l'assistance de la sainte Messe, et qu'es occasions il tesmoigne uti zèle solide et digne de sa qualité, a la sainte religion catholique. Dieu •Cf. Ps. XV, 8. soit tous-jours a sa dextre, affin qu'il ne change jamafe* que de mieux en mieux. Vous estes donq bien heureuse, ma chère Fille, d'avoir chez vous les bénédictions tem- porelles et spirituelles.

Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes : je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prières a cette grande multi- tude de personnes dévotes qui y vont honnorer la Mère de Dieu, comme au lieu ou premièrement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva. Mais puis- que vous n'aves point de vœu qui vous oblige d'y aller en présence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre ; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la dévotion de cette sainte Dame, de laquelle l'inter- cession est si forte et favorable aux âmes, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté ; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables. Qu'a jamais le nom de cette très sainte Vierge soit béni et exalté ! Amen.

Pour vos aumosnes, ma chère Fille, faites-les tous- jours un peu bien largement et a bonne mesurje, néan- moins avec la discrétion qu'autrefois je vous ay dit ou •Videtom.praeced. escrit * ; car si ce que vous jettes dans le sein de la P' "^' terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés

que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre ; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

Année 1610 281

DLXXXIX

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE

Une heureuse rencontre. A quelles conditions la faiblesse n'est pas un grand mal. Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous. Comment se mettre « sur le solide. » Le moyen de n'avoir rien à craindre. Combien de bons médecins maladifs et d'habiles peintres bien laids. Un « pauvre chetif père » et la seule chose qui pouvait le contrister. Plutôt mourir que de démordre. Les Supérieures et l'observance.

Sales, 30 avril 1610(1).

Or sus, ma chère Seur, ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que je pourray sur le sujet de vostre lettre, qui m'a esté rendue par la seur que vous aymés tant et qui vous chérit réciproquement de tout son cœur ( ^).

Il est vray, nous l'avons en fin cette chère seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee ; c'est Dieu qui nous l'a donnée, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera. Je ne doute nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bour- billy* ne vous fust bien douce, car c'est une heureuse 'Vide supra, p. 265. rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu ; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible présence durast long tems, puisque nostre commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service. Nous ne laissons pourtant pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns aux autres par la commune prétention et entreprise que nous avons.

Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exer- cices que je vous ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidélité, mais de foiblesse; et la foiblesse n'est pas un grand mal,

{ I ) Cette lettre, Honnée jusqu'ici avec la date de i6i i, est certainement de 1610; le texte et les allusions des premières lignes ne laissent aucun doute à cet égard.

^3) La baroaa« de Chantai.

282 Lettres de saint François de Sales

pourveu qu'un fidèle courage la redresse petit a petit, ainsy que je -vous conjure de faire, ma chère Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas cela de nous : aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas. C'est pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considérer si nostre volonté est bien affranchie de toutes mauvaises affections, comme seroit dureté de cœur envers le prochain, impatience, mespris d'autruy, amitiés trop ardentes envers les créatures et semblables choses. Que si nous n'avons point de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous- jours plus fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la pe3'ne pour n'en sentir pas les goustz et les sentimens. Or, voyci une bonne preuve de la fortifi- cation de ces chères resolutions, que par la grâce de Dieu vous aves persévéré a conserver ce que je vous dis en confession ( ^ ), ainsy que vous m'asseures ; car cela vaut mieux que cent mille goustz spirituelz. Faites donq tous- jours ainsy.

Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die point qui ne soit très expressément vostre ; mais je n'ay peu me remettre en mémoire le sujet que vous dites que je sçai ; aussi n'en est-il pas besoin.

Si madame Thenissey ( * ) persévère a ne vouloir pas se ranger, vous n'aures point de part a sa coulpe ; cepen- dant je me res-jouis dequoy le reste de nos articles s'observent. Et pour la particulière qui ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support et de bénignité envers elle, et Dieu la réduira au train Cf. supra, p. 147. des autres *.

bien, ma chère Fille, la multitude des difficultés vous fit peur et vous eustes des pensées de tout quitter ;

(i) Lors d'une visite que fit le Saint au Puits-d'Orbe en i6oq. {2) Voir le tome précédent, note (3), p. 14.

Année i6ïo 283

cependant vous aves veu que tout est fait. Il en sera de mesme en tout le reste : la persévérance vaincra tout.

Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre ne s'en veut charger; mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles a une des filles*. Cf. supra, p. 147. Vous m'àves bien fait rire quand vous m'aves escrit que vous eussies remis lesdites pensions a chacune desdites Religieuses la sienne, si vous n'eussies eu peur que je ne me faschasse a vous. Da, ma chère Fille, quand m'aves vous veu fascher a vous ? Je suis pourtant bien ayse que l'on craigne un peu de desplaire au pauvre chetif père ; car vrayement vous ne me desplaires jamais, ma chère Fille, que quand vous desplaires a Nostre Seigneur et que vous vous esloigneres de son pur et saint amour.

Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la répugnance que vous y aves*; et, après la lecture de la 'Cf. ibid. Règle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que : « Dieu nous face la grâce de bien observer ce qui a esté leu. »

En la Feste Dieu, je ne voy nul inconvénient que l'on face le tour du cloistre; car cela ne tire point a conséquence, a cause de la grandeur de la solemnité.

Helas ! ma Fille, si personne ne servoit aux âmes que ceux qui n'ont point de difficultés es exercices et qui sont parfaitz, vous n'auriés point de père en moy; et il ne faut pas laisser de soulager les autres, encor que l'on soit soy mesme en perplexités. Combien y a-il de bons médecins qui ne sont gueres sains ? et combien se fait- il de belles peintures par des peintres bien lai dz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les ren- voyés point vuides d'auprès de vous.

Vous faites bien de faire venir ainsy des Pères Mini- mes (0 de tems en tems, car cela eslargira le cœur aux .^,

. 'Cf. supra, pp. 146,

filles et soulagera leurs âmes*. Je suis marry avec vous 147.

(i) Les Religieux Minimes avaient d'abord été établis à Dijon sur la paroisse Saint-Michel, par le maire et leséchpvins, en vertu d'une délibération du 14 mars 1599. Henri IV leur délivra, au mois de janvier 1609, des lettres patentes, confirmées par d'autres lettres du 3 décembre 1614 et vérifiées au

284 Lettres de saint François de Sales

du desgoust qu'elles ont de vostre chapelain ordinaire ; mais l'entremise des Minimes peut suppléer a tout cela, puisque, comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres bien conditionnés et que celuy-ci est asses capable. En fin, ma très chère Seur, ma Fille très chère, il faut reprendre nostre premier courage et plustost mourir que de démordre.

Tenés-vous le plus que vous pourrés auprès de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer ; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujetticn que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles : et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous. Que vous seres heureuse si vous aymes bien vostre petit troupeau ! car après l'amour de Dieu, celuy-la tient le premier rang.

Je vous escriray tous-jours quand je pourray et tant que je pourray, et, sans varier, je persevereray a jamais en l'affection que je vous ay une fois de si bon cœur dediee. Demeurés ferme en cette créance, car elle est, Dieu aydant, infallible. Non, ni la mort, ni les choses présentes, ni celles qui sont a venir, ne me sépare- ront jamais de cette dilection que je vous porte en * Rom., VIII, 38, 39. Jésus Nostre Seigneur *^ auquel soit honneur et •ibid., uit., 37. gloire*.

Je suis

Vostre très affectionné, très asseuré et très fidelle,

France de Sales.

A Sales, le 20 avril

Mais voyés-vous, ma très chère Fille, ce que je vous dis, je vous le recommande bien estroittement, car la seur m'a dit que vous voulés que je parle ainsy.

Ma chère Seur, asseurés toutes vos bonnes et bien- aymees Seurs et filles que je les honnore et chéris très

Parlement le i'"' juin 1616. Le couvent fut fondé par les aumônes d'Anne de Bueil, femme du duc de Bellegarde, gouverneur de Bourgogne, par noble Bénigne de Frazans et Marie des Barres sa femme, et par Michelle des Barres, veuve de Pierre Boursault. (Cf. Fyot, Hist. de l'Eglise abbatiale de Saint Estienne de Dijon, Dijon, 1696^ Partie II, chap. xxiii.)

Année i6io 285

intimement, et spécialement Madame vostre très chère seur(0, marry de ne leur pouvoir escrire maintenant. Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon (») et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes (3) ; car tout cela m'est cher.

(i) Françoise, prieure du Puits-d'Orbe.

(2) Sans doute un serviteur de l'abbaye.

(3) « Ces bonnes filles » étaient assurément des domestiques à gages, pré- posées aux offices de la Maison.

DXC

A MADAME DE LA FLECHERE

« Il est dangereux de marcher au chemin des procès. » Par quelles prati- ques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur.

Annecy, 21 avril 1610(1).

Il y a long tems, ma très chère Fille, que j'ay la lettre ci jointe pour vous, mays je n'ay treuvé les com- modités de l'envoyer. Celle qui vous l'envoyé me la donna avec des grans signes de sincère affection en vostre endroit (2), Je ne desirerois pas que vous fissies aucun vœu, ains seulement quelques dévotions particulières destinées a cette particulière intention (3),

Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux de marcher au chemin des procès (4).

( I ) La copie conservée à Turin n'est pas datée ; nous reproduisons la date que donne Migne, d'après l'Autographe.

(1) La lettre jointe à celle du Saint, pourrait bien être de la baronne de Chantai, arrivée à Annecy le 4 avril. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 263.)

(3) Cette intention particulière ne serait-elle pas la fondation de la Visita- tion >

(4) Cf. ci-dessus, Lettre dlxxxiv, p. 170. Si dangereux que fût le « chemin des procès, » on verra par les allusions des lettres ultérieures, que la desti- nataire n'en sortit pas durant la présente année, et que les années suivantes, des tracas du même genre obsédèrent encore la noble châtelaine de Rumilly.

286 Lettres de saint François de Sales

Renouvelles tous les matins la bonn'intention que vous aves en cette poursuite et pries spécialement pour cela. O Dieu, ma chère Fille, qu'ell'est heureuse cette chère nièce ( ' ) qui s'en est allée de ce monde avant que d'y avoir ■Cf. Sap., IV, 14. souillé ses affections* ! Je prie le Saint Esprit quil don- ne sa sainte consolation au père. Je salue la chère seur, la conversation de laquelle vous recréera (^). Ps. cxviii, 109. Tenes bien vostre ame en vos mains*; voyla que

vous ailes en une bonn'occasion de tesmoigner de la fidélité a Nostre Seigneur en la vraye prattique de la dou- ceur, debonnaireté, humilité, résignation et charité.

Je suis plus vostre que vous ne sçaures croire. Vive Jésus ! Amen. XXI avril.

A Madame Madame de la Flechere.

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat .

(i) Une soeur de M""' de la Fléchère épousa (contrat du a6 février 1583) Emmanuel-Philibert Roëro, seigneur de Bressieu. Ils eurent un grand nombre de filles. La « chère nièce » défunte, si c'est une vraie nièce, ne peut être qu'une Bressieu.

(î) La « chère seur » serait-elle M"" d'Avisé, qui habitait Chambéry ?

DXCI

a la baronne de cusy(0

Derniers préparatifs dans le « petit bastiment » destiné aux premières recrues de la Visitation. Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. Quel sera le costume la première année. Réponse à des objections que pré- sentait la destinataire. Un petit Isaac.

Annecy, 23 avril 1610.

Madame, Je vous remercie de la commodité que vous m'aves donnée de vous escrire par ce porteur sur le sujet que

( I ) Charlotte de Vautravers de Charrin, fille de Jeanne de Seyssel-la- Chambre et de Philibert de Vautravers, dame de Bonvillaret, la Cueille, le Crest, Montfort, épousa après le 4 avril 1585, Jean-Bérold de Pingon, baron

Année i^io 287

vous desires. Il y a encor quelqu'accommodement a faire dans nostre petit nouveau bastiment ; mais ce n'est pour- tant pas chose qui puisse retarder le commencement de nostre dessein, lequel je propose devoir estre a ces pro- chaines festes de Pentecoste, Dieu aydant.

Vous treuverés des-ja icy bonne compaignie (0, qui n'attend que le jour heureux auquel elle se consacrera pour une bonne fois a l'unique object de leur cœur. Je suis donq d'advis que vous vous disposies a venir pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deçà, ordonnant les choses en sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur et consolation que vous sçauries désirer (2).

Pour cette première année, nous vous laisserons en habit noir, avec le voyle de toyles noyres déliées et avec le plus de simplicité quil se pourra. Mais pour ce parti- culier, il suffira d'y prouvoir quand vous seres arrivée, affin que tout soit conforme.

de Cusy. (Voir ci-dessus, note (i), p. 228.) De ce mariage naquirent Claudine- Philiberte, qui devint la belle-sœur du Saint (voir le tome précédent, note( 2), p. i), et Amé (voir note (2) de la page suivante). La destinataire donna bien des sujets de préoccupation à saint François de Sales et fit retarder, par ses irrésolutions, le commencement de l'Institut. (Cf. les lettres des 2, 24 et 28 mai.) Elle vivait encore en 1634. (C^ de Mareschal, Quelques vieux papiers des Pingon, 18^3.)

( I ) M»« de Chantai, M"« Favre et 14'"= de Bréchard.

(2) Le II décejibre i6oq, François de Sales hésitait à se prononcer sur la destination particulière que le baron de Cusy désirait donner à la maison acquise tout d'abord pour des Carmélites. (Voir ci-dessus, p. 228.)

La présente lettre prouve que le Saint avait fini par agréer le projet du pieux Baron et avait même consenti à s'en servir pour inaugurer son entre- prise personnelle. Il faut laisser parler la Mère de Bréchard (Ms. cité note ( i ), p. 228) : « M. de Cusy, » dit- elle « aprist le dessein que nostre B. H. Père avoit pour la retraite de nostre Mère; et parce qu'il la congnoissoit despuis lei autres voyages qu'elle avoit fait en Savoye et savoit Testât qu'on en fai- soit partout, il desiroit bien fort que de ces deux projets de pieté on en fist un seul, et que madame sa femme et sa nièce se dédiassent a cette mesme manière de vie... Nostre B. H. Père, qui estoit extrêmement facile a condessendre en toutes les choses de pieté, luy accorda et luy dit qu'il en communiqDeroit avec nostre Mère; ce qu'il fist lors qu'elle fust arrivée. Cette proposition donna bien de la peine a nostre chère Mère, et... n'eust esté la très entière obéissance et parfaite soubmission qu'elle vouloit rendre a toutes les volontés de nostre B. H. Père, elle ue s'y fust jamais résolue. Cela donc fnst ainsy arresté,... et M. de Cusy en donna advis a madame sa femme, afin qu'elle se preparast pour se rendre a Annecy environ la Pentecoste. »

288 Lettres de saint François de Sales

Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des âmes ; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que Ton face ce que nous ferons. Dieu aydant (0.

Je me res-jouis avec vous de la constance avec la- quelle vous aves consacré et sacrifié vostre petit Isaac (*), et prie Nostre Seigneur quil vous comble des bénédic- tions quil donna au bon Abraham pour un semblable •Gen.,xxii, 1-18. sacrifice*. Je suis,

Madame,

Vostre serviteur très affectionné et bien humble, Franc", E. de Genève.

XXIII avril 1610.

A Madame Madame la Baronne de Cusy.

Revu sur l'Autographe conservé à Troyes, à rAumônerie des Dames des SS. Cœurs, dites de Picpus.

(i) On voit par ces derniers conseils, que la résolution de la Baronne n'était pas encore bien assurée.

( 3 ) Le « petit Isaac, » c'est-à-dire Amé de Cusy, ne resta pas longtemps sur le bûcher du sacrifice qui était, pour parler sans figure, la vocation religieuse. Il avait eu la dévotion d'être Capucin ; s'il essaya de le devenir, il ne persé- véra pas. L'épée lui souriant plus que le froc, il fut plus tard capitaine au régiment de Savoie, épousa le i6 juillet 1615 Suzanne de Montmayeur, la perdit le 33 août 1636 et mourut à Cusy le 36 mai 1649. [D'après les notes de M. le comte de Mareschal.)

Année i6io 389

DXCII

A LA BARONNE DE CHANTAL

L'Institut de la Visitation, « havre de grâce et de consolation. » Méditation sur l'Evangile : Je suis la vigne. Notre-Seigneur Jésus-Christ, le tout de François de Sales.

Annecy, 24 avril 1610(1).

Il faut bien prendre courage, ma chère Fille, et se tenir en santé, puisque nous voyci a la veille de nostre embarquement pour aller au havre de grâce et de conso- lation.

J'ay bien pensé je ne sçai quoy de bon ce matin sur l'Evangile courant*, en ces paroles : Qui demeure en 'joan., xv, 5-11. moy et moy en luy, il porte beaucoup de fruit ; car sans moy, vous ne pouvés rien faire. Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que, de cœur, d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le costé percé du Sauveur; car sans luy, non seulement nous ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien faire.

Tout « en luy, » tout « par luy, » tout « avec luy *, » Can. Miss*, tout pour luy, tout luy.

Franc*, E. de Genève.

Le 24 avril 1610.

( I ) La date est justifiée par l'indication de « l'Evangile courant, » lequel, dans l'ancien diocèse de Genève, se lisait le jour de la vigile de saint Marc. (Cf. Lafrasse, Etude sur la liturgie dans l'ancien diocèse de Genève : « Le Missel, » art. IV.)

LirrftBt IV I9

290 Lettres de saint François de Sales

DXCIII

A M. JACQUES DE BAY

Jacques de Bay et son zèle pour la formation chrétienne des jeunes Savoyards. Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland et de Bernardin du Nant. Le Saint ofiFre au destinataire deux de ses ouvrages ; son humilité.

Annecy, 26 avril 1610. Monsieur,

J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus (0 m'a faitte de vostre part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié, comm'en eschange je vous supplie de croire que je vous respecte et révère de tout mon cœur, me sentant extrêmement redevable a la constante inclination que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle vous vous estes tous-jours affectionné a eslever les jeunes gens qui vous sont en- voyés d'icy a toutes sortes de solide vertu, et sur tout au zèle de la sainte foy catholique.

Or, en voyla encor quelques uns qui se vont rendre sous vos aisles pour ce mesme sujet, lesquelz je suis obligé de vous recommander tous généralement, puis que tous ilz sont mes très chers enfans en Nostre Seigneur. Mais il y en a deux pourtant que je doys préférer en ce mien désir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland (»),

(i) En 1614, les proviseurs de Louvain déléguèrent à Annecy « le docteur Ramus, » pour venir contrôler certaines plaintes portées sur le collège Chappuisien, à propos des Barnabites. Ce délégué serait-il le sieur Ramus mentionné dans la présente lettre ? Voici quelques notes biographiques sur deux personnages de ce nom qui vivaient à cette époque.

Georges Ramus, annécien, fut élevé à Louvain dans la pédagogie du Porc, où, après de brillantes études, il obtint une chaire de philosophie. Il était licencié en droit et mourut en 1613, chanoine d'Aire, dans l'Artois.

Un autre Georges Ramus figure souvent dans les Lettres de sainte Jeanne- Françoise de Chantai ; il traduisit en latin Vlntroduction à la Vie dévote et désirait la faire imprimer à Lyon. (Voir Lettres de la Sainte, vol. II, p. 601.) C'est le même personnage qui parait dans le Procès de Canonisation de Fran- çois de Sales, avec les titres de « protonotaire apostolique, docteur de Louvain, juge subdélégué. »

(2) Jean-Antoine Rolland, fils d'Aimé Rolland, de Versonnex, et de Louise Chappuis (voir le tome précédent, note ( i ), p. 115), frère de Georges, au- mônier du Saint, fut tonsuré et minoré de la main de celui-ci le 34 mai 1603,

Année i6io 291

duquel la mère est de la mesme mayson de feu monsieur le fondateur du Collège ( 0 et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit ; qui me fait vous supplier de le prendre particulièrement en protection. Et si mesme, pour quelque sienne néces- sité, es occasions qui se peuvent présenter, il avoit besoin de secours pécuniaire et a ma considération il vous playsoit l'assister, je ne manquerois nullement au remboursement, bien que sa mère et ses frères ayent une fort bonn'intention de ne point luy défaillir en ce qui sera requis.

L'autre est Bernardin du Nant (2), filz d'un fort honneste

étudia à Louvain en 1610, et y reçut pour la promotion aux Ordres majeurs, des Lettres dimissoriales datées du 6 octobre 1612. (R. E.) Il fut anobli par patentes, le i*"" mars 1621.

(i) Eustache Chappuis, à Annecy en 1499 de noble Louis Chappuis et de noble Guigone Dupuis, étudia à Turin, y connut Bonivard, entra dans le clergé, devint doyen de Viry, chanoine de Saint-Pierre de Genève et officiai de l'Evêque (15 17). Mais ce n'était pas une stalle qu'il fallait à ce jeune homme remuant et inquiet, insinuant et audacieux. Une éloquence naturelle, de rares talents de négociateur l'entraînèrent bientôt dans une existence des plus agi- tées et servirent rapidement sa fortune. Comme ambassadeur de Charles-Quint, il séjourna en Angleterre, l'espace de dix-sept ans, au temps même des pires débordements de Henri VIII et de ses violences sanguinaires contre les ca- tholiques. Mais il n'est pas prouvé, comme on l'a prétendu, qu'il se soit fait auparavant l'auxiliaire du connétable de Bourbon et qu'il ait assisté au sac de Rome. S'il oublia plus d'une fois et gravement qu'il était homme d'Eglise, il faut savoir que les mœurs, à l'époque il vécut, étaient sensuelles, débri- dées et à demi-païennes.

Et pourtant, quoique enrichi, il fut généreux; ce diplomate cosmopolite aima sincèrement et intelligemment sa petite patrie; il en fut le bienfaiteur intellec- tuel. Chappuis consacra en effet une partie de ses immenses revenus à fonder deux célèbres institutions : le collège d'Annecy ( 1 549-1 551), l'on devait ensei- gner la grammaire, les belles-lettres et la philosophie, et surtout la crainte de Dieu, et le collège de Savoie, à Louvain (1549), qui admettait gratuitement les jeunes gens de la Savoie, et spécialement d'Annecy, pourvu qu'ils eussent étudié d'abord au collège Chappuisien. Ces deux établissements étaient liés l'un à l'autre par une réglementation réciproque. Ils eurent des vicissitudes diverses, surtout le premier, du vivant même de saint François de Sales ; il en sera parlé au fur et à mesure qu'elles auront leur écho dans sa correspondance. Eustache Chappuis fit son testament le 13 décembre 1551, et mourut à Louvain le 21 jan- vier 1556. (Voir Mercier, Souvenirs hist. d'Annecy, 1878, chap. xi, xviii.)

( 2 ) Sans doute le fils d'Hugon Dunant ou du Nant, Claude-Bernardin, baptisé le 28 décembre 1591, qui eut pour marraine Bernardine de Chissé de Pollinge, nièce de M*"" de Granier, et pour parrain le père même du prédécesseur du Saint, Bernardin de Granier. (Archiv. municip. d'Annecy, Etat civil.)

292 Lettres de saint François de Sales

père, et qui a longuement et fidellement servi feu Mon- sieur le Reverendissime mon prasdecesseur, et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien ; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour les- quelles il a esté nommé, le rendent fort recommandable. J'intercède donq pour ces deux la plus particulièrement et implore pour eux vostre bonté et charité, laquelle je me prometz me devoir estre autant favorable comme je suis plein de désir de vous honnorer et servir.

Au demeurant, Monsieur, je vous envoyé et présente deux petites pièces de mes besoignes, de différent stile et de divers sujet (0. La première fut faitte, il y a plu- sieurs années, avant que je fusse Evesque, et ce, pour •Videtom. II, huj. Toccasion declairee en la Préface*, Ihors que l'œuvre de 1 ., pp. 25-27. Jaques Gretserus (2) n'estoit encor point parveniie jus- ques icy.

La seconde est plus nouvelle, de l'édition delaquelle la Préface aussi rend fidellement la rayson. On l'a reiip- primé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des éditions de Lyon, qui est en nostre voysinage ; non plus que de la traduc- tion que quelques Pères Jésuites en ont fait faire en Italie. L'un' et l'autre sont pleynes de grandes fautes en l'impression et de grands defautz en la composition, car un tel ouvrier que je suis, distrait et embarassé de tant d'affaires, ne sçauroit produire chose que fort impar- faitte ; mais il m'a fallu céder a la volonté et authorité des amis. Et ce pendant, je me confie en vostre douceur que vous aggreeres l'offrande que je vous en fay,. en contemplation de la sincérité du cœur qui vous l'offre.

( I ) La Défense de TEstendartde la Stt Croix et V Introduction à la Vie dévote.

( a ) Jacobi Gretseri S. _/., sacrai Théologies in Academia Ingolstadiensi Pro- fessoris, de Cruce Christi. Tomus primus. Ingolstadii, ex Typographia Âdami Sartorii, mdxcviii. Tomus secundus, in quo varia Grcecorum Auctorum Enco- miasttca Monumenta grœco-latina de SS. Cruce continentur, nunc primum ex variis bibliothecis in lucem édita. Cum notis. mdc. Tomus tertius, Quinque libris comprehensus : quorum Primus est de nummis Crucigeris. Secundus, de Cruciatis expeditionibus, cum Apologia pro iisdem. Tertius, de usu et cultu Crucis adversus hcereticos. Quartus, Hymnos et Encomia Gmcorum et Latino- rum in S. Crucem continet. Quintus, Paralipoména tomt primi. IIDCV. (Cf. notre tome II, var. (j ), p. s8, et tome X, p. eu.)

Année 1610 293

Dieu multiplie vos années et, en icelles, la grâce et consolation de son Saint Esprit sur vostre personne, a laquelle je suis fort afFectionnement,

Monsieur,

Bien humble confrère et fidelle serviteur en Nostre Seigneur

Franc», E. de Genève. XXVI avril 16 10, a Annessi.

( I ) A Monsieur Monsieur de Baye, Doyen de S* Pierre de Louvain

et Président du Collège de Savoye.

RevD sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. BoUandistes. ( i) L'adresse est de la main de Georges Rolland.

DXCIV

A LA BARONNE DE CUSY

Une postulante que le monde dispute à la vie religieuse. Qu'elle sonde son cœur avant d'embrasser Jésus-Christ crucifié ; ce dessein demande une âme vaillante et généreuse. Encouragements à prendre un parti décisif. Le Saint promet de s'employer avec joie et constance à la « sainte besoigne » de la future Congrégation.

Annecy, 2 mai 1610. Madame, A ce passage de M. le Baron vostre mari, j'ay sceu avec combien d'artifices le monde s'estoît essayé d'es- bransler vostre resolution touchant vostre retraitte*, et 'Vide supra, Epist. ay loiié Nostre Seigneur dequoy vous aves conservé vostre fermeté jusques a présent. Néanmoins, mainte- nant que nous sommes, ce me semble, a la veille de l'exécution d'une si sainte entreprise ('), il faut que je vous parle un peu ouvertement, et que je vous conjure

(i) La Pentecôte tombait le 30 mai, et c'était la date arrêtée pour exécuter la « sainte entreprise. » (Cf. ci-dessus, p. S49; note (a), p. 287, et ci-après, note (i), p. 307.)

294 Lettres de saint François de Sales

de bien espreuver vostre cœur pour reconnoistre si vous aures asses d'afFection, de force et de courage pour embrasser ainsy absolument Jésus Christ crucifié et don- ner les derniers adieux a ce misérable monde. Car voyes vous, Madame, il est requis que vous ayes une ame vaillante et généreuse pour entrer en ce dessein, affin que vous resisties aux suggestions que la folle •Cf. I Cor., 1, 30. sagesse du monde * vous fera.

Il est vray que si vous entreprenés cette oeuvre sim- plement pour Dieu et vostre salut, vous y aures tant de consolations que rien ne vous sçauroit destourner, et la bonne compaignie en laquelle vous seres ne vous servira pas de peu a vous bien establir ; mais il ne faut pour cela que vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir. Que si vous le treuvés bon et ferme, venés donq hardiment au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce projet, le favorisera de plus en plus de ses bénédictions et vous y donnera mille consolations que le monde ne peut sçavoir.

Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable désir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré (0.

Pour moy, j'ay tellement cette sainte besoigne en recommandation, que je me sentiray bien heureux de pouvoir m'employer a son advancement, et y serviray constamment, joyeusement et. Dieu aydant, utilement ; mais avec tant d'afFection, que rien ne m'en sçauroit des- tourner sinon la seule volonté de Dieu('), lequel peut

( I ) Comme on le voit, le Saint n'était pas absolument rassuré sur les inten- tions de la respectable Baronne et sur la stabilité de sor dessein. Les per- plexités de la postulante devaient durer jusqu'au moment il fallut songer au départ. François de Sales ne les connut pas, puisque le 24 du même mois (cf. ci-après, p. 307) le projet tenait encore, et aussi l'espoir de le commencer à la date convenue.

(a) Les éditeurs, croyant sans doute devoir éviter la répétition du mot « Dieu », qui se lit plus haut, avaient substitué ici, « la volonté divine », aux mots : « la volonté de Dieu. » Ce changement a nécessairement amener, dans la phrase suivante, celui de luy en elle qui se voit dans les anciens textes.

Année i6io 295

estre, pour mes péchés ne me treuvera pas digne de faire ce service a sa gloire.

( 0 J'espère en luy que vostre esprit accroistra de bien en mieux, et le suppliant qu'il vous console et prépare, je demeureray,

Madame,

Vostre très humble serviteur.

Franc», E. de Genève. D'Annessi, ce 2 may 1610.

Revu sur le texte inséré dans V Histoire manuscrite de la Fondation du ttr Monastère de la Visitation d'' Annecy.

( I ) La dernière phrase de la lettre et les clausules finales manquent dans l'Histoire de la Fondation ; nous les avons empruntées à l'édition de 164T.

DXCV

A MADAME DE CHARMOISY

(BaLET IKEOIT)

Prière de donner l'hospitalité à une postulante de la Visitation.

Annecy, [mars-mai 1610(1).]

Ma chère Fille,

Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en vostre logis de la ville M'" d'Escrilles ; et pour les meubles, ce qui sera

(i) La destinataire habitait Annecy; elle était dévouée aux intérêts de saint François de Sales. M"'« de Charmoisy semble désignée plus que ton le autre par ces indications ; d'autres renseignements nous apprennent qu'elle n'était pas absente d'Annecy à cette époque.

Quant à la date, elle est très vraisemblablement antérieure à la fondation de la Visitation, c'est-à-dire au 6 juin 1610. Hlle se déduit des dispositions se trouvait la voyageuse, M'"' d'Escrilles. C'était une postulante pour le petit monastère de la Galerie (cf. ci-dessus, note (a), p. 297). S'il avait été ouvert quand elle vint à Annecy, le Saint aurait-il pris le souci de lui cher- cher un logis ailleurs t

396 Lettres de saint François de Sales

requis je le feray prendre céans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere.

Je vous donneray simplement le bon jour ce matin.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitatioo de Nantes.

DXCVI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Une idée que le Saint trouve à son réveil. La fête du Saint-Suaire et les paroles « extatiques » d'Isaïe. Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier la plante du futur Institut.

Annecy, ç mai 1610.

Ma chère Fille,

Il faut bien dire que nostre Congrégation me soit a cœur, puisque j'y songe, contre ma coustume, et la treuve comme une idée a mon resveil. Dieu y veuille mettre sa bonne et puissante main.

O ma Fille, que je fus consolé hier sur le sujet de la mort et sépulture du Sauveur ! car les paroles d'Isaie, qu'on lisoit a la Messe pour la feste du Saint Suaire, estoyent extatiques (0. O Dieu, si ce Sauveur a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy? S'il a exhalé sa vie pour nous, pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son service et plus pur amour ? En fin, je m'imagine que Nostre Seigneur plantera cette plante, l'arrousera de ses bénédictions et la fera fructifier en sanctification.

( I ) Ces paroles « extatiques » se lisaient àl'Epître du jour; elles sont tirées d'Isaïe, chap. lxii, ii, lxiii, 1-7.

Le texte de la Messe du Saint-Suaire se trouve dans le Missel du Saint, conservé à Chambéry, chez M. le chanoine Collonges, avec ces particulari- tés, qu'il est sur feuille volante, collée après l'Office de sainte Monique, entre les pages 446 et 457, et que la date d'impression est de 1611. Mais cette Messe dut être concédée avant, et sans doute avant le 4 mai 1610.

Année t6io 297

Certes, l'autre jour, en recommandant ce projet a sa divine Majesté, je me confondois extrêmement dequoy elle se servoit pour cela de mon cœur et du vostre, je veux dire de nostre cœur ; car, bien que la rayson ne le veuille pas, si est-ce que je ne sçai séparer ce cœur en deux, ni en me res-jouissant, ni en me confondant. Nous serons trop heureux de rendre ce service a sa Bonté céleste.

Dieu soit vostre Dieu, ma chère Fille, Dieu soit vostre Dieu ; et vostre cœur, que vous luy aves dressé, soit sa mayson* et son autel, sur lequel nuit et jour il fasse * Cf. Gen., xxvm, ardre et luire le feu de son saint amour*. O Dieu, qui cf. Levitic , ti, nous fera la grâce de nous combler de charité ? Recom- "' '^" mandés-moy a vostre Abbesse.

Franç% E. de Genève.

Ce 5 may 1610.

DXCVII

A M. JEAN-FRANÇOIS RANZO ( O

Zèle de François de Sales pour la Canonisation du bienheureux Amédée. Il propose de lui faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation.

Annecy, 6 mai 1610.

Molto Illustre Signor mio,

La lettera che V. S. molto Illustre mi scrisse per far dar principio a qualche sorte di solennità per il giorno

Mon très Illustre Seigneur,

La lettre que Votre très Illustre Seigneurie m'écrivit pour me prier d'inaugurer une manière de solennité au jour du trépas du

(i) Jean-François Ranzo, à Verceil vers 1550, suivit tout jeune la carrière des armes. Chevalier de Saint-Maurice en i^jyo, préposé à la garde

298 Lettres de saint François de Sales

del transite del Beato Amedeo ( ' ), capitô nelle mie mani il giorno dopo la festa ; onde non si fece quel che io havrei sommamente desiderato, ma si farà, piacendo al Signore, l'anno seguente.

Da Nantua non si ha altro, ne de Borghi, perché le fondationi ivi fatte ( ' ) sono del Conte Verde ( 3 ) et non del nostro Beato. Ringratio V. S. molto Illustre délia

bienheureux Amédée (O, me parvint le lendemain de sa fête ; ainsi l'on ne put faire ce que j'aurais vivement souhaité, mais, s'il plaît à Dieu, on le fera l'année prochaine.

De Nantua, on n'a pas autre chose, ni de Bourg non plus, parce que les fondations de ces pays (') sont du Comte-Vert (?) et non de notre Bienheureux. Je remercie Votre très Illustre Seigneurie de

du château de Nice, il fit ensuite des études de droit à Bologne et fut podes- tat du marquisat de Romagnano en 1 583-1 584. Charles-Emmanuel, qui l'ai- mait, le nomma d'abord son conseiller, gentilhomme de sa chambre, et en 1604, gentilhomme ordinaire et conseiller d'Etat. (Voir Dionisetti, Notifie biografiche dei Vercellesi illustri, Biella, 186a.) Il a écrit plusieurs ouvrages, et notamment la Vie du bienheureux Amédée. Certains manuscrits le donnent comme ayant fait partie de la maison de saint Charles Borromée. Dans une lettre du 17 février 1615 (cf. note (a) de la page suivante), François de Sales parle du « trespas du seigneur Ranzo. » (i) Ce jour était le 30 mars. (Voir ci-dessus, note (3), p. 198.)

(2) Nous n'avons pu savoir les fondations du Comte- Vert, à Nantua. (Cf. le tome précédent, note ( i ), p. 165.)

Il fonda à Bourg, le 18 mai 1356, de concert avec Bonne de Bourbon, sa femme, le couvent de Saint-François qui « a subsisté en splendeur fort long- temps, jusques à ce qu'à la prise de Bourg par le Roy Henry le Grand, on l'abbatit pour estre trop prés de la citadelle. » Le monastère fut rebâti dès le mai 1604, et l'église en fut consacrée le 31 juillet 1605 par Robert Berthelot, évêque de Damas, suffragant de Lyon. (Voir Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey, Lyon, 1650; Partie II, p. 19.)

(3) Amédée VI, à Chambéry le 4 janvier 1334 d'Aimon le Pacifique et d'Yolande de Montferrat, succéda tout jeune à son père et mourut de la peste au château de Saint-Etienne, près de Campobasso, non loin de Naples, le 2 mars 1383, laissant de Bonne de Bourbon qu'il avait épousée en 1355, Amé- dée VII et Louis, mort au berceau.

Ce long règne affermit la Maison de Savoie, car ce prince chrétien fat toujours heureux dans ses armes et sut profiter de la paix pour doter son peuple de sages institutions. Dans un célèbre tournoi donné à Chambéry en 1348, le jeune comte de Savoie, âgé de quatorze ans, fit admirer les grâces séduisantes de sa jeunesse; les couleurs qu'il avait choisies pour son armure, son coursier et son écuyer, étaient vertes; de là, le nom de Comte-Vert qu'il porte dans l'histoire. (Cf. Guichenon, Hist. généal. de la royale Maison de Savoie, tome I*^)

Année i6io 299

imagine, et desidero sominamente d? veder la Vita (O et che le cose délia Canonizatione vadano inanzi (»).

Mi è venuto in pensiero una cosa, la quai se V. S. molto Illustre trova a proposito, potrà molto ben riu- scire ad honor di detto Beato. Si darà principio a questa festa prossima di Pentecoste, ad una Congregatione di gentildonne (3), di gran spirito et qualità, nella quale si adopraranno molto [in] opère di carità verso li poveri et ammalati, al servi tio de'quali quelle benedette anime si vogliono in parte ( 4 ) dedicare, secondo che in queste

l'image, et j'ai un extrême désir de voir la Vie(0 et l'avancement des affaires de la Canonisation (2),

J'ai pensé à une chose qui pourrait, si Votre Seigneurie l'ap- prouve, contribuer grandement à la gloire du Bienheureux. En la prochaine fête de Pentecôte, on doit donner commencement à une Congrégation de dames, de grande vertu et qualité (3). Elles s'emploieront à plusieurs œuvres de charité en faveur des pauvres et des malades ; c'est à leur service que ces bénites âmes veulent en partie (4) se consacrer, en suivant l'usage d'après lequel, en ces

(i) L'original de cette biographie se conserve aux Archives de Turin (Sto- ria délia Real Casa, Mazzo 9°, cat. m) et porte ce titre : Vita dtl Beato Atnedeo, ter^o duca di Savoia, di Gio. Francesco Ran^o, di Vercelli, al Seren. Vittorio Atnedeo, Prencipe di Pientonte. Le manuscrit, qui est daté du 6 avril 1610, ne fut imprimé qu'en i6ra.

( 3 ) Ces affaires de la Canonisation n'avançaient pas beaucoup, malgré qu'on eût l'air de se remuer de tous'côtés pour les faire aboutir. Le seigneur Ranzo et le P. Maleto qui s'en occupaient à Turin, y mirent, à ce qu'il sem- ble, plus de zèle que d'ordre et d'exactitude. Sur ce dernier point, la lettre que François de Sales adressa au cardinal Maurice le 17 février 161 5, est significative. Le 18 décembre 161 1, le Nonce de Turin écrivait au cardinal Borghese : « On parle encore du bienheureux Amédée. On parle de tant de choses ici, mais quand vient-on à l'exécution ! » (Archiv. Vaticanes, iV««{. di Savoia, vol. 161.)

( 3 ) Cf. les lettres du i et du 34 mai.

(4 ) On pourra remarquer l'importance de cette restriction « in parte», que les éditeurs précédents avaient négligé de traduire. Dans la toute première pensée du Saint, ses filles devaient vivre de prière et d'oraison. La visite des pauvres et les exercices de charité, tels qu'il les régla, ne devaient pas déranger leur vie contemplative. (Cf. le tome précédent, note(i), p. 310, et ci-après, note ( i), p. 306.) Les biographes modernes se sont donc mépris en écrivant que François de Sales avait rêvé « la SœL-r de Charité, » et que « la visite des malades et des pauvres » était le <■ but définitif » de son Institut. (Voir Bougaud, Hist. de Ste Chantai, tome l", chap. xiii, xiv.)

300 Lettres de saint François de Sales

parti ultramontane quel essercitio si suol fare fra le donne ; et elle havranno una casa nella quale viveran- no insieme, et un oratorio di gran devotione. Hora, sta in man mia di far dedicare quell' oratorio et quella casa al Santo che mi parera più a proposito. Et vedendo che la divotione di quelle gentildonne è circa li poveri et ammalati, alli quali il nostro Beato fu tanto affettio- nato che l'essempio suo è pubblicato in tutti li pulpiti, vorrei volontieri che detta Casa al suo beato nome fosse dedicata ( ' ) ; et sarebbe convenevole che essendo egli nato in questa diocesi, in questa havesse la sua prima casa et oratorio.

Ma acciô io potessi far questo, sarebbe conveniente che Sua Altezza ne fosse contenta, et facesse che Sua Santità ciô havesse grato ; il che, secondo che io penso, sarebbe cosa facilissima a Sua Altezza se commandasse che in Roma se ne facesse instantia, atteso che già anticamente è stato tanto venerato questo Beato in questa diocesi. V. S molto Illustre vi pensarà, et se me awisarà dell' intentione di Sua Altezza , io non

pays ultramontains, ce ministère se pratique ordinairement parmi les femmes. Elles auront une maison elles vivront ensemble, et un oratoire fort dévot. Or, il dépend de moi de faire dédier cet oratoire et cette maison au Saint que je jugerai plus à propos. Voyant donc que la piété de ces dames les porte vers les pauvres et les malades si chéris de notre Bienheureux, comme le proclament toutes les chaires, j'aimerais bien que cette Maison fût érigée sous son vocable (0. Et ne conviendrait-il pas qu'étant dans ce dio- cèse, il eût ici même sa première maison et son premier oratoire ?

Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait que Son Altesse l'agréât et qu'elle le fît agréer à Sa Sainteté; ce qui, à mon avis, sera très facile à Son Altesse, si elle ordonne qu'on fasse à Rome des instan- ces à ce sujet, d'autant plus qu'anciennement déjà, le Bienheureux était très vénéré dans ce diocèse. Votre très Illustre Seigneurie vou- dra bien penser à cette affaire. Si, ensuite, elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas de faire, de

(i ) Voir la lettre du septembre 1610, à Ranzo. Malgré le désir du Saint, la chapelle de la Galerie ne fut jamais dédiée au bienheureux Amédée.

Année 1610 301

mancarô di far quanto dal canto mio sarà convenevole ; ma la supplice bene che sia quanto prima, per mia con- solatione.

In tanto supplice Nostro Signore che a V. S. molto Illustre dia ogni vero contento. Di V. S. molto Illustre,

AfFettionatissimo servitore,

Franc", Vescovo di Geneva. In Annessi, alli 6 di Maggio 1610.

Al molto 111'^*' Sig"" mio,

11 Sig' Francesco Ranzo, Gentilhuomo et Consigliere di S. A. Ser™*. Turino.

Revu sur une copie déclarée autheatique, conservée à Turin, Archives de l'Etat .

mon côté, tout ce qui sera convenable ; mais je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation.

En attendant, je supplie Notre-Seigneur d'accorder à Votre Sei- gneurie tout vrai contentement.

De Votre très Illustre Seigneurie,

Le très affectionné serviteur,

François, Evêque de Genève. Annecy, le 6 mai 16 10.

A mon très Illustre Seigneur, M. François Ranzo, Gentilhomme et Conseiller de Son Altesse Sérénissime. Turin.

502 Lettres de saint François de Sales

DXCVIII

A M. ROCH CALCAGNl(i)

Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à remplir la charge de chevalier pour laquelle il est proposé. Le destinataire est prié de remettre des lettres pour faire aboutir la nomination.

Annecy, i8 mai 1610.

Monsieur,

Estant icy de retour (*), j'ay treuvé le bon monsieur de Monthou mort (3), et mon frère, le sieur de la Thuille, nommé par le Conseil a Monseigneur (4) pour estre prouveu de Testât de chevallier, nomination a laquelle ni mondit frère ni moy n'avions seulement pas pensé(5).

( I ) Roch Calcagni, « escuyer de la grande escurie » du duc de Nemours et frère du malheureux P. Ange Calcagni, était issu d'une noble famille de Plai- sance. Le Saint bénit son mariage avec Marguerite de Chavanes, dans la chapelle du palais épiscopal, le 19 juin 1618. Ils n'eurent qu'une fille, Jeanne- Marie. (Archives de M. le comte Morandi, Plaisance.)

(3) Le Saint était à la chartreuse de Mélan, le 15 et le 16 mai.

(3) Marius, seigneur de Monthouz, fils aîné de François de Monthouz et de Claudine de l'Alée ou Lalée, épousa Marguerite Marc. Ils furent enterrés dans l'église de Saint-Dominique d'Annecy, à deux jours de distance, le 18 et le 20 mai 1610. (Reg. paroiss. d'Annecy.)

( 4 ) Le duc de Nemours.

( 5 ) M. de la Thuille (Louis de Sales) fut en effet nommé en 1610, chevalier du Conseil de Genevois, par le duc de Nemours. (Cf. tome XII, note ( i ),

P- 97-)

Le Conseil de Genevois était surtout une cour judiciaire à laquelle devaient ressortir toutes les causes d'appel des juges de Genevois, de Beaufort, de Faucigny et autres terres. Elle fut instituée à la suite du traité du 14 août 1514, qui donnait en apanage à Philippe de Savoie-Neniours les susdites terres. Ce Conseil dura jub^u'à l'occupation de la France par François P"" qui le con- serva au duc de Nemours. Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, lui accorda aussi de nombreux privilèges. Toutefois, le Conseil présidial dépendait du Sénat qui jugeait en dernier ressort les appels du Faucigny et du Genevois. Aussi, les conseillers au présidial de Genevois ambitionnaient-ils d'obtenir un siège à la cour suprême de Chambéry.

Supprimé après la mort de Henri II, dernier duc de Genevois (14 janvier 1659), rétabli le 10 décembre 1675, par un édit de Jeanne-Baptiste, duchesse de Savoie, le Conseil de Genevois cessa tout à fait d'exister avec Victor- Àmédée II, en 1713.

Année i6io 303

Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frère une très humble supplication a Son Excel- lence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet hon- neur, lequel est certes plus grand que nous ne méritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mon dit frère sera ; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueuse- ment en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent.

La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi! i ), qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy ; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquérir cette qualité, si avons nous bien eu ce désir, et moy particulièrement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,

Monsieur,

Vostre serviteur très affectionné,

Francs Evesque de Genève.

XVIII may 1610, Annessi.

A Monsieur Monsieur Roc Calcanle,

Escuyer de la grande escurie de S. E.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance.

( I ) M. Desfrenes ou Dufresne est très probablement le secrétaire du duc de Nemours.

304 Lettres de saint François de Sales

DXCIX

AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JESUS (0

A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci raconte les circons- tances qui ont donné jour aux commencements de la Visitation. Sommaire et premier crayon de la vie religieuse proposée par manière d'essai. La clôture, l'habit, l'Office, l'union intérieure. La pierre fondamentale. Pourquoi le Saint ne se soucie pas des critiques. L'Institut de la Visita- tion et le voyage de François de Sales à Dijon en 1604.

Annecy, 24 mai 1610.

(a) Mon Révérend Père,

L'inviolable affection que j'ay vouée a vostre sainte Compaignie (^ ) et l'honneur particulier que je dois a vostre personne, me fera acquiescer a vostre pieux, saint et

(a) [Notre texte est emprunté à V Histoire manuscrite de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy. La Mère de Chaugy fait précéder la lettre des paroles suivantes : « Nous avons trouvé une de ses responses faite a un Père Jésuite, qui déclare naïvement tout son dessein ; voicy ses propres mots : L'inviolable affection, » etc. L'absence des clausules finales et de la date donnerait à penser que nous sommes en présence d'une minute. D'autre part, l'annaliste n'avait pas besoin de reproduire les premières et souvent, on le sait, elle négligeait les dates.

La leçon parue pour la première fois dans l'édition de 1641 présente avec le texte du Ms., bon nombre de divergences; nous reproduisons celles-ci sous forme de variantes, mais sans pouvoir affirmer qu'elles proviennent toutes d'une source authentique. L'éditeur n'aùrait-il pas pris la liberté de corriger le style du Saint , comme il Ta fait pour ses Sermons et pour d'autres de ses lettres ?]

(b) a vostre Compaignie

k

(i) D'après le texte même de cette lettre, le destinataire était d'origine savoyarde, ami du Saint et de résidence à Chambéry : tous ces traits convien- nent au P. Polliens et ne semblent convenir qu'à lui. (Voir le tome précédent, note { I ), p. 380, et ci-dessus, Lettre cdlxxxii.)

Il fut, disent ses anciens biographes, assez peu doué pour l'érudition et les belles-lettres, mais très porté à la piété et aux exercices de la charité. Ce Religieux se fit surtout remarquer par sa dévotion envers la Vierge et les Saints de son Institut, non moins que par sa scrupuleuse et constante obser- vance des Règles. (Archiv. de la C* de Jésus.)

Année i6io 305

curieux (<=) désir, non seulement sans peyne, ains (<*) avec suavité.

Saches donq, mon cher Père, que quelques âmes de- votes me proposèrent, il y a un an, l'establissement d'une Religion de filles, avec offre d'une («) bonne somme d'ar- gent pour faire le bastiment et fondement. Et moy(f), sçachant combien de filles desiroyent la retraitte du monde, qui ne la pouvoyent treuver es Religions ja establies, j'acceptay l'offre et promis toute mon assis- tance pour ce projet*. 'Cf. supra, p. saS.

Monsieur le Baron de [Cusy,] qui m'avoit apporté l'ambassade, acheta une petite mayson au faubourg, en lieu extrêmement propre pour (g) bastir et commencer a dresser ce petit édifice ; en sorte qu'en peu de tems il le rendit commode pour loger une douzaine de personnes, avec l'ornement d'un petit oratoire, affin que celles qui seroyent si heureuses que de vouloir servir d'exemple aux autres, s'y puissent (h) retirer et commencer a faire essay du dessein. Tost. après, voyci que l'on me fit en- tendre qu'il n'y avoit que la moitié des moyens que l'on avoit proposé, et despuis l'on mit en doute de (») beau- coup de commodités temporelles qui devoyent arriver avec une personne, laquelle avoit premièrement chau- dement (j ) entrepris de venir, et puis s'estoit tout a coup rafroidie ( ^ ).

Parmi tout cela, il me fallut surseoir le dessein d'ériger

(c) me fera satisfaire a vostre pieux

(d) maii

(e) de

(f) le bastiment. Et moy

(g) propre a bien

(h) affin que celle qui seroit si heureuse de vouloir servir d'exemple aux autres, se puisse

( i ) des moyens qu'on avoit proposé, et despuis quelque tems en ça on mit en doute

(j) premièrement avec ardeur

( I ) Cette personne aussi prompte à s'enthousiasmer qu'à se refroidir, était la nièce de la baronne de Cusy. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. aa8, et ci-après, note (3), p. 31a, et la lettre du 3 juillet à M'"' de Chapot.)

L«TT«iS IV ÎO

3o6 Lettres de saint François de Sales

un Monastère reformé 1^); et néanmoins, pour donner lieu a une très honneste(M retraitte a quelqu' ame bien résolue et saintement impatiente de se retirer du tracas du monde, je leur ouvre la porte d'une petite assemblée ou Congrégation de femmes et ('") filles vivant ensemble par manière d'essay, sous des ( " ) petites Constitutions pieuses. Nous commencerons avec la pauvreté, parce que nostre Congrégation ne prétendra de s'enrichir que de bonnes œuvres.

Leur clausure sera telle pour le commencement : aucun homme n'entrera chez elles que pour les occurrences qu'ilz peuvent entrer es monastères reformés. Les femmes aussi n'y entreront point sans i°) licence du Supérieur, j'entens de l'Evesque ou de son commis. Quant aux Seurs, elles sortiront ( p)pour le service des malades après l'année de leur Noviciat, pendant lequel elles ne porte- ront point d'habit différent de celuy des femmes du monde; mais sera noir, et elles le ravaleror^^ (i) a l'ex- trémité de l'humilité et modestie chrestienne.

Elles chanteront le petit Office de Nostre Dame, pour avoir en cela une sainte et divine récréation. Au sur- plus, elles vacqueront a toute sorte de bons exercices, notamment a celuy de la sainte et cordiale union inté- rieure (0. J'espère que Dieu ('') sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Père Recteur (*), la pierre

{ k) formé

{ 1 ) très honneste et chrestienne

(m) et de

(n) de

(o) sans la

(p) elles ne sortiront que

(q) mais il sera noir, et elles le rendront

{t) et cordiale orayson. J'espère que Nostre Seigneur

[i) L'exposé qui précède et ces dernières lignes montrent que si le Saint songeait à l'office de Marthe pour ses futures Religieuses, il voulait qu'elles pussent surtout vivre de la vocation de Marie-Madeleine. (Cf. plus haut, note (4 ), p. 299.)

(a) Le P. Fourier n'était plus recteur à Chambéry, mais à Avignon depuis avril 1608; c'est de lui néanmoins que parle le Saint, comme il semble évident, par les dernières lignes de la page suivante.

Année 1610 307

fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reûscira heureusement.

Mon cher(0 Père, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens de ce païs, et jugeres bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux faire, il est bon de faire cela. Je sçai que je m'attireray des contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas; car, qui fit jamais bien sans cela ? Ce pendant, plusieurs âmes se retireront auprès de Nostre Seigneur, ( ^ ) treuveront un peu de réfrigère et glorifieront le saint nom du Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres grenouilles es marais (").

Voyla, mon cher Père, le sommaire et premier crayon de l'ouvrage, que Dieu conduira a la perfection que luy seul sçait, et pour lequel mon courage est incompara- blement animé, croyant que Dieu l'aura aggreable. Vostre ( "^ ) candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis (w) filz et serviteur bien humble du Père Recteur, qui sçait bien que nostre Congrégation, qui se commencera dans peu de jours ( ' ), est le fruit (^) du voyage de Dijon, pour

(s) Mon très cher

( t ) Nostre Seigneur et

( u ) demeureroyent engageas avec les autres grenouilles dans les marais et paluds.

(v) aggreahle. Je laisse a vostre prudence de communiquer toutes ces particularités a qui vous jugeres a propos. Le commencement se fera dans peu de jours, Dieu aydant ; et puisque vous le desires, je vous tiendray adverti en confiance du progrès, car vostre

(wj m'oblige a traitter avec vous sans reserve et d'estre

Vostre très humble confrère et serviteur,

F«ANÇ«, E. de Genève.

Je suis

(x) nostre Congrégation est le fruit

( I ) Hélas ! cette inauguration tant désirée fut retardée par un fâcheux contre-temps, au moment même le Saint formulait son espoir si chèrement caressé. M"" de Cusy devait se rendre à Annecy « environ la Pentecoste ; mais, » raconte la Mère de liréchard (Ms. cité note ( i ), p. 228), « Nostre Sei- gneur, qui en avoit ordonné autrement, permit que plusieurs considérations,

3o8 Lettres de saint François de Sales

lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcée a pénétrer un autre succès qui tumboit si directement sur le service des âmes, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a (y) la cruauté de la. calomnie des mauvais. Or(^), j'espère que les jours •Cf. I Cor m, 13, suivans jugeront les precedens de ma vie, et le dernier

et toni. XII, Epist. ,

ccxi, les jugera tous*.

(3') D'Annessi, 24 may 1610.

(y) des bons que de fuir tout a fait

(z) des mauvais ou

(a') [La date, qui manque dans le Ms., est donnée d'après l'édition de 1641.]

pensées et aprehentions entrèrent dans l'esprit de celte bonne dame ; si qu'elle commença a douter si c'estoit la volonté de Dieu qu'elle fust Religieuse... Petit' a petit, la tentation se fist plus forte, de manière que quelques jours avant qu'il fallust partir, les cofres estant desja faits et toutes choses préparées, elle se mist en oraison et demanda a Dieu un signe pour congnoistre sa volonté de laquelle elle estoit en doute, et que ce signe fust de luy envoyer une bonne maladie, s'il ne luy plaisoit pas qu'elle poursuivit son dessein. Or, soit que Dieu l'exau- çast a point nommé, ou que le travail de son esprit fit une violente reflection sur le corps, elle tomba malade la nuit avant le jour de son prémédité des-, part, d'une grosse fièvre, avec un grand vomissement de sang ; de sorte que la pauvre dame croyoit mourir la nuit mesme et disoit a Nostre Seigneur avec un cœur grandement dolent et affligé : « Hé, mon Dieu, je vous avois bien demandé un signe, mais non pas la mort. » La dessus, elle se résout entièrement de demeurer en la condition ou elle estoit ; dequoy monsieur son mary fut affligé au possible, et fallut qu'il allast faire une honneste excuse a nostre B. H. Père. Je croy que s'il n'eust esté grandement vertueux, a peine eust il pris cette jolie commission, mais il sçavoit se conformer en tout au bon plaisir de Dieu. Tout ceci se passa pendant le séjour que nostre Mère fit a Sales... Apres y avoir séjourné six semaines, on s'en retourna a Annecy la veille de la Pentecoste, ou se treuva M. de Cusy qui estoit vena annoncer la rupture de son dessein... Qui fut bien aize de cette nouvelle, ce fut nostre chère Mère qui congnoissoit apertement, par le sentiment intérieur que Dieu luy en donnoit, que ce meslange n'estoit pas expédient : cela la soulagea du tout. » (Cf. ci-dessus, note (2), p. 287.)

Année i6io 309

DC

AU PRÉSIDENT BÉNIGNE FRÉMYOT (')

Mort de Henri IV. Vanité des grandeurs du monde. « Un contemptible coup de petit couteau. » Le Roi immortel. Pourquoi le Saint espère que Dieu aura été pitoyable au prince. Les faveurs de Henri IV pour François de Sales. Aven du Saint ; sa gratitude.

Annecy, 27 mai 1610.

Ah ! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pou- voit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV ( * ). Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde ? Ce Prince, ayant esté si grand en son extrac- tion, si grand en la valeur guerrière, si grand en vic- toires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en réputation, si grand en toutes sortes de grandeurs : hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inséparablement liée et collée a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidélité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termine- roit en une glorieuse mort ? Non certes. Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, après une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme. Ces quinze ou dix huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vœux de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent encor de vie vigoureuse, eus- sent esté suffisans pour cela : et voyla qu'une si grande suite de grandeurs aboutit en une mort qui n'a rien de grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, misérable et déplorable ; et celuy que l'on eust jugé

( I ) D'après sa teneur, cette lettre s'adresse à un vieillard, sujet dévoué de Henri IV, très ému par sa mort tragique, et ami du Saint, non toutefois jus- qu'à l'intimité. Quelques-unes de ces particularités excluent des Hayes qu'on a donne comme destinataire, et toutes s'appliquent au père de la baronne de Chantai. (Cf. tome XII, note(i), p. 326.)

(3) Le roi était mort assassiné, le 14 mai.

310 Lettres de saint François de Sales

presque immortel, puisqu'il n'avoit peu mourir parmi tant de hasars, desquelz il avoit si longuement fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de laquelle il avoit esté jouissant ces dix années dernières, le voyla mort d'un contemptible coup de petit couteau et par la main, d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une rue !

Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur ? Pourquoy cherissés-vous la va- *Ps. IV,)- nité et pourquoy pourchassés-vous le m.ensonge'* ? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge. Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivières d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu périr et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la grève et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il de- voit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un océan, par plus de triomphes que le Nil n'a d'embou- cheures? Et néanmoins^ les enfans des hommes ont Ps. Lxr, 10. esté trompés et deceuz en leurs balances * et leurs

présages ont esté vains.

Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'expériences ! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille ! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces consi- dérations ; mais vous seres très heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exha- lant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'éternité. L'affec- tion que j'ay a vostre chère et belle ame me fait dire cela sans nécessité.

Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit père de la France ; se rendant bre- bis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de

*' Année i 6 i o 311

peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques a soy. C'est ce seul bonheur qui me fait espérer que la douce et miséricor- dieuse providence du Père céleste aura insensiblement mis dans ce grand cœur ro5'al, en ce dernier article de sa vie, la contrition nécessaire pour une heureuse mort. Ainsy prié-je cette souveraine Bonté qu'elle soit pitoya- ble a celuy qui le fut a tant de gens; qu'elle pardonne a celuy qui pardonna a tant d'ennemis, et qu'elle reçoive cette ame réconciliée a sa gloire, qui en receut tant en sa grâce après leurs reconciliations.

Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit me sembloyent infinies, mettant en considération ce que j'estois, Ihors qu'en l'année 1602 il me fit des semonces d'arrester en son royaume ( ' ), qui estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que j'estois, mais un bien grand Prélat. Or, Dieu dispo- soit autrement. Et j'a)!^ esté extrêmement consolé que ce royal courage m'ayant une fois départi sa bienveuillance, ayt si longuement et gracieusement persévéré a m'en gra- tifier, comme mille tesmoignages qu'il en afaitz a diver- ses occasions m'en asseurent; et bien que je n'aye jamais receu de sa bonté que la douceur d'estre en ses bonnes grâces, si m'estimé-je extrêmement redevable a continuer mes foibles prières pour son ame et pour le bonheur de sa postérité.

Je ne finirois pas aysement de parler d'un Prince digne de tant de mémoire, mais me voyci pressé de donner ma lettre. Dieu soit vostre tout, Monsieur ; je suis en luy, Vostre très affectionné serviteur,

Franç% E. de Genève. A Neci, le 27 may 16 10.

( I ) Ces « semonces » se renouvelèrent plus d'une fois dans la suite. (Cf. tome XIII, note (2), p. 84.) Henri IV, dit Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. V), « a souvent ( i ) tasché de le retenir auprès de soy, jusques à employer à cet effect tous ceux qu'il sçavoit estre puissans en sa familiarité, comme la Duchesse de Mercœur, la Princesse de Longueville, le sieur des Haye, » etc.

(t) (I Par cinq différentes fois. » dépose sainte Jeanne-Françoise de Chantai (Process. remiss. Gebeiin. (I), ad art. 45).

312 Lettres de saint François de Sales

DCI

A LA BARONNE DE CHANTAL

Les soucis du saint Fondateur. Ses désirs d'union à Jésus-Christ. Pourquoi M"" de Chantai doit se a mettre sur la grandeur de courage. »

Annecy, 28 mai (i) 1610.

Ce sera donq demain que vous aures des pensées et des soucis ; car je commence d'en avoir de bien parti- culières sur nostre future Mayson, pour les choses tem- porelles!»). Et quant aux spirituelles, il me semble que Nostre Seigneur en aura le soin sans souci, et qu'il y respandra mille bénédictions.

Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement combien vous estes ma fille que je le voy maintenant, mais je dis que je le voy dans le cœur de Nostre Seigneur ; c'est pourquoy n'interprétés pas a

( I ) La date du 5 juin donnée par Hérissant (1758) est plus que douteuse, puisqn'à cette date, M"^ de Chantai était à Annecy auprès du Saint et les « choses temporelles, » c'est-à-dire les négociations pour l'achat de la maison de la Galerie, allaient aboutir. Il est bien plus probable que cette lettre a été écrite le a8 mai, la Baronne étant encore à Thorens.

( 3 ) Les soucis du Saint pour la « future Mayson » lui venaient du désistement de la baronne de Cusy (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 286, et note ( i ), p. 307), qui renrersait tous ses plans. En effet, « a la veille de se retirer, » écrit la Mère de Bréchard (Ms, cité, note (i), p. 228), « il ni avoit point de maison, parce qu'on avoit fait estât de celle que M. de Cusy avoit achetée, qui estoit en partie payée des deniers de cette damoiselle sa nièce » (voir ci-après, lettre du 3 juillet i6ro), « laquelle voyant que sa tante se departoit de son entre- prise, demeura aussy pour luy faire compagnie ; de manière qu'il estoit ques- tion de se pourvoir d'une maison. Le bon Prélat, qui s'estoit atendu a celle la, se treuva un peu empesché, car il vouloit commencer sa Congrégation sans plus de retardement. Or y avoit il double traité a faire pour avoir celle dont j'ay cy devant parlé, car il failloit sçavoir si M. de la Pesse, a qui elle avoit esté, voudroit que nous entrassions dans le marché que les autres avoient fait avec luy, et si ceux qui avoient advancé les deniers de l'achat se contente- roient de nous pour leur remboursement. Enfin, après toutes sortes de pour-, parlers... la maison fut asseuree. « Me voila le plus content du monde, » dit alors le Bienheureux, « car j'ay trouvé un nid pour mes petits poussins. »

Quelques jours après, le 6 juin, fête de la sainte Trinité et de saint Claude, l'Ordre de la Visitation était officiellement établi.

Année i6io

3'3

desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour : mais nous en parlerons une autre fois.

O ma Fille, que j'ay de désirs que nous soyons un jour tout anéantis en nous mesmes pour vivre tout a Dieu, et que nostre vie soit cachée avec Jésus Christ en Dieu*! Oh ! quand vivrons-nous nous mesmes, mais non pas nous mesmes, et quand sera-ce que Jésus Christ vivra tout en nous*? Je m'en vay un peu faire d'orayson sur cela, ou je prieray le cœur royal du Sauveur pour le nostre. Je suis, en Jésus Christ, plus vostre, et admire ses accroissemens (0. Ouy, je le dis tout de bon, je ne pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit des eaux tous-jours plus abon- dantes. Ah ! c'est Dieu, sans doute.

Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et vaillamment que nous pourrons ; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son Créateur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre.

Franc*, E. de Genève.

Coloss.

m, 3.

Cf. Galat., Il, jo.

( I ) Ce membre de phrase n'est pas très intelligible et paraît incomplet ; la destinataire'a supprimer quelques expressions gênantes pour son humilité.

DCII

A LA MEME

Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais de corps seulement. De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux. Un Psaume dont le chant attendrissait le cœur de l'Evêque pendant la procession.

Annecy, 10 juin 1610(1).

Or il est vray, chère Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de cors ; mais d'esprit et de cœur, comme le pourrois-je

(i ) La déposition de François Fzvie (Process. remiis. Gebenn. (I), ad art. 38) est à citer ici. Elle sert à dater la lettre ; elle explique aussi à quelle occasioa

314 Lettres de saint François de Sales

estre, après avoir tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cœur un si divin epitheme, comme j'ay fait ce matin tout au long de la procession ? Helas ! si j'eusse eu mon cœur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjec- tion, j'eusse sans doute attiré ce sacré gage en moy, il se fut caché dedans moy ; car il est si amoureux de ces ver- tus, qu'il s'eslance a force ou il les void.

Le passereau treuve un repaire et la tourterelle

•Ps. Lxxxiii, 4. un nid ou elle met ses poussins, dit David*. Mon Dieu, que cela m'a attendri quand on a chanté ce Psalme ! car je disois : O chère Reyne du Ciel, chaste tourterelle, est-il possible que vostre poussin ayt maintenant pour son nid ma poitrine ? Cette parole de l'Espouse m'a bien encor touché : Mon Bienaymé est mien, et moy je suis

•Cant., II, 16. toute sienne* ; il demeure entre mes mammelles** ;

"ibid., I, n. ^^^ .^ j^ tenois la. Et celles-ci de l'Espoux : Met^-moy

* ibid., uit. 6. comme un cachet sur ton cœur *. Helas ! ouy, ma Fille ; mais ayant osté le cachet, je ne voy point l'impression des traitz d'iceluy en mon cœur. Y a-il une douceur comparable ?

Quant a l'affaire, je ne sçaurois que dire, sinon qu'en une heure on se peut résoudre au moins maUO; et la resolution prise, on se doit donner du contentement sur ce que, de quel costé que l'on retourne les affaires de ce monde, il se treuvera tous-jours beaucoup de choses a désirer et redire. En sorte qu'après qu'on s'est déterminé, il ne faut plus s'amuser a souspirer après les imagina- tions des choses meilleures, mais a bien passer les dif- ficultés présentes, lesquelles aussi bien ne sçaurions

elle fut écrite. Un jour, » appres la procession » de la Fête-Dieu, « en laquelle il avoit porté le Sainct Sacrement par toute la ville, qui dura de deux ou trois heures, une personne dévote » la Mère de Chantai, <i manda sçavoir de luy comme il se portoit, car la chaleur avoit esté grande. Il luy res- pondit ces mots par un billet : Il est vray,fay esté 7in peu las, » etc. De ce témoignage, il résulte que la destinataire était à Annecy. L'appellation de « Seur » et une autre allusion (voir la note suivante) confirment la date de 1610. La Fête-Dieu, cette année-là, tombait le 10 juin.

(t) « L'affaire » mentionnée se rapporte sans doute à la maison de la Galerie. L'abri était trouvé, mais il fallait le payer, et la déposition elle-même du vendeur, M. de la Pesse, nous avertit que l'achat ne fut fait qu'après le 6 juin 1610. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 312, et ci-après, note (i), p. 325.)

Année i6io 315

nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est plein.

Bon soir, ma très chère Fille; le divin Sauveur, uni- que amour de nostre cœur, soit nostre éternel repos. Amen.

Francs E. de Genève.

DCIII

A M. ROGH CALCAGNI

DXCVIlt.

Gtatitude pour la courtoise intervention du destinataire en faveur de Louis de Sales, frère du Saint.

Annecy, 15 juin 1610. Monsieur,

Nous nous sentons extrêmement obligés, mon frère (0 et moy, a vostrç courtoysie, du soin que vous aves eu de faire réussir le désir que nous avions quil fut mis au service de Son Excellence*. Si jamais nous sommes «Vide supra, Epist. capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos services, vous pourres. Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon cœur, nous recon- noissons vous devoir rendre.

Et ce pendant, en vous en rendant grâces, je prie Nostre Seigneur quil vous conserve et prospère, et suis, Monsieur,

Vostre humble serviteur.

Francs E. de Genève. XV juin 1610, a Neci.

Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la façon de recevoir ceux qui se présentent a la Confrairie de Nostre Dame des Carmes ( = ), car j'ay

( I ) Louis de Sales.

(2) On sait que Térection canonique de cette Confrérie est exclusivement réservée aux Généraux de l'Ordre ; mais ils délèguent ce pouvoir, moyen-» nant certaines formalités,

3i6 Lettres de saint François de Sales

esgaré celle que j'avois, et néanmoins je suis requis de recevoir quelques dames (O.

A Monsieur

Monsieur Roch Calcagne,

Escuyer de S. E>

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance. ( 1 ) 11 est difficile et d'ailleurs il n'y a pas lieu.de connaître leurs noms.

DCIV

AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l"

Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son Evêque pour la promotion d'Antoine Favre « a Testât de premier Président. » Ce qui donne le- plus de douceur à la vie humaine. Description imagée de la justice. Responsabilité et devoir des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom.

Annecy, 15 juin 1610 Monseigneur, La promotion de monsieur Favre a Testât de premier Président de Savoye ( O a donné une joye si universelle aux peuples de deçà, que s'il se pouvoit bonnement faire,

( I ) Antoine Favre fut créé premier président du Sénat de Savoie par let- tres patentes du 20 juin 1610; il remplaçait Charles de Rochette qui mourut le a8 mai précédent. Cet événement ne passa pas inaperçu, soit à Annecy, soit à Chambéry; aussi a-t-il été spécialement consigné par les annalistes de cette époque. « M. le Président Favre, » disent les Petites Annales d'Annecy (Mugnier, Annecy, iSBij), « ayant présidé au Conseil de Genevois l'espace de 13 ans et quelques mois, a esté choisi par Son Altesse pour premier Président au souverain Sénat de Savoye, ou il est entré sans aucune faveur. Suyvant quoi, ce mardy 6 juillet 1610, le dift sieur Président Favre a tenu sa der- nière audience au dict Conseil de Genevois, en fin de laquelle il a dict adieu a la ville par une fort belle harangue. Et le lendemain, 7 du dict mois, il est parti pour s'en aller a cheval, accompagné de quatrevingt et dix personnes. »

Et nous savons par le Registre des Entrées du Sénat, que le jeudi suivant, 8 juillet, à sept heures du matin, le grand ami du Saint fut reçu et installé à Chambéry, « en Testât et charge de premier Président, » et qu'il tint l'au- dience publique dans la salle ordinaire de Saint-Dominique.

Année i6io 317

ilz en iroyent, je pense, porter mille et mille actions de grâces aux pieds de Vostre Altesse. Mays ne pouvans faire cette si juste démonstration de l'obligation qu'ilz en ont a la providence de Vostre Altesse, il m'a semblé. Monseigneur, qu'en qualité de pasteur de la plus part d'iceux, joignant leurs très humbles affections a la mien- ne, je devoys, pour eux et pour moy en commun, rendre ce tesmoignage de la grande redevance que nous en avons a la bonté de Vostre Altesse, a laquelle nous sommes bien glorieux d'en devoir tout le remerciment, puis- qu'elle seule, sans aucun'autre considération que de nostre bien et de son service, a fait cette digne élection.

Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte administration de la jus- tice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, . ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et mesmes jus- ques la que, comme parle un sacré Prophète*, ell'est * Amos, v, 7. convertie en absinte. Mais passant entre les peuples par les mains de gens doctes, bien affectionnés et équita- bles, elle remplit les provinces de bon heur et de suavité ; estant es uns, comm'un torrent impétueux qui ravage tous les bords qu'il accoste, et es autres, comm'une douce rivière qui rend amenés les rivages qu'elle de- trempe. C'est aussi le plus grand garend que les Prin- ces puissent avoir (Ihors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier ; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus près qu'ilz auront sceu, don- nant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance.

Les magistratz. Monseigneur, représentent la souve- raine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz ; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doi- vent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien

3 '8 Lettres de saint François de Sales

représenter. Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint ♦Piio., Hist. nat., que par la main de Tunique Apelles *, aussi les Prin- xxxvi). ces nedevroyent jamais permettre que leur souveraineté

fut exprimée que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans jamais mieux faire connoistre la grandeur de leurs âmes qu'au choix de celles qu'elles employent et eslevent.

Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand per- sonnage duquel elles connoissent la doctrine avec admi- ration, comme les voysines font la probité par expé- rience ; et nous la supplions très humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prospérer vostre cou- ronne, de laquelle je suis, Monseigneur,

Très humble et .très obéissant serviteur et orateur,

France E. de Genève. XV juin 1610.

A Son Altesse.

Revu sur l'Autographe appartenant à Ivl""* Boarelli di Verzuolo, à Saluées.

DCV

A M. FRANÇOIS DE SAINT-SIXT ( ' )

Affaire d'argent qui sépare deux frères; intervention du Saint pour les accommoder.

Annecy, 22 juin 1610.

Monsieur,

Bien que jusques a présent je ne vous aye peu accom- moder , monsieur vostre frère et vous, au différent

(i) Docteur de Louvain, élu en 1600 archidiacre de l'église de La Roche, François de Saint-Sixt était l'un des fils de noble Pierre de Saint-Sixt, écuyer du duc de Savoie, et de Huguette Comte. Il fit construire l'ancienne chapelle de la Bénite-Fontaine, unie le 24 octobre 1620, par ordonnance épiscopale, à la mense de la Collégiale de La Roche, et mourut en 1632.

Année i6io

3'9

que vous aves ensemble (0, si veux-je espérer qu'un jour je le pourray faire. Mais ayant entendu que monsieur vostre dit frère a consigné es mains de M. Bonodl») certaine quantité qu'il prsetend seulement vous estre deiie, j'ay pensé que, en attendant une plus entière resolution, vous déviés pour cette fois et sans conséquence, vous contenter de prendre cela. Je vous en prie donq de tout mon cœur, en quoy vous tesmoigneres combien vous m'aymes ; car désirant cela avec affection comme je le désire, si vous m'aymes, vous le feres sans difficulté et sans réplique.

Atant, je prie Nostre Seigneur quil vous accroisse en ses grâces et bénédictions, et suis,

Monsieur,

Vostre confrère très affectionné,

Francs, E. de Genève. XXII juin i6io, a Neci.

A Monsieur Monsieur de S* Sixt,

Archidiacre de l'église de La Roche.

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry.

( i) François fut, avec son père, héritier universel de son oncle, noble Fran- çois de Saint-Sixt, par testament du 27 août 1 578. Dans ce testament, étaient en outre nommés trois frères de l'archidiacre : Claude, Jacques et Révérend Dom Laurent, prieur de la chartreuse de Ripaille. C'est sans doute à propos de cette succession, que des différends surgirent dans la famille.

Woble Claude, le 4 juin 1570, teste le 4 juin 1648 au château de Saint- Sixt. On le voit en 1604, gentilhomme de bouche de Son Altesse; en 1623, commandant dans la ville de Montmélian, et en 1628, gouverneur du fort et préside des AUinges. Il épousa successivement Gasparde Achard, Claudine de Rochette, Antonie Vuy. (D'après les notes de M. le comte de Mareschal.)

{2) Ce M. Bonod devait être un notaire; il nous est inconnu.

320 Lettres de saint François de Sales

DCVI

A LA MERE DE CHANTAL

Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste : sa nourriture, le miel, les locustes représentent les deux vies, contemplative et active. Applications. Signi- fication de ses vêtements. Un habit propre à conserver la sainteté. Obéissance du Précurseur. Ce qu'annonçait « ce beau rossignol du bois. »

Annecy, 23 ou 24 juin [1610 ( i ).]

Ne faut il pas, ma chère Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la bonne feste en esprit ? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se pré- sente aux yeux de nostre àme ! Quand je le considère dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme, ou un homme qui prétend de devenir Ange. Quelles contemplations ! quelles esleva- tions d'esprit fait-il la dedans !

•Mati., m 4. Sa viande est admirable* ; car le miel représente la

suavité de la vie contemplative, toute ramassée sur les fleurs des mystères sacrés. Les locustes représentent la vie active, car la locuste ne chemine jamais sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mystérieux mes- lange, tantost on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre son air ; car ceux qui font la vie active sautent et touchent" terre alternativement. Elle vit de la rosée et n'a point d'exercice que de chanter. Ma chère Fille, bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour donner ordre aux nécessités de cette vie, si est-ce que nostre cœur ne doit savourer que la rosée du bon playsir de Dieu en tout cela et doit tout rapporter a la louange de Dieu.

Mais ce que cet ange terrestre est habillé de poil

•Ibid. de chameaux*^ que signifie-il? Le chameau, bossu et

( I ) C'est surtout pour la Mère de Chantai que le Saint réservait les char- mantes effusions de son âme contemplative; il semble donc que cette médita- tion lui a été adressée. La fin paraît avoir été tronquée. La date de 1610 n'est pas sûre, mais toute autre serait moins probable encore.

Année 1610 321

proprement fait a porter les fardeaux, représente le pé- cheur. Helas ! pour gens de bien que soyent les Chres- tiens, ilz doivent néanmoins se resouvenir qu'ilz sont environnés du péché ; et si le péché ne les touche pas, au moins y a-il tous-jours du poil des cogitations, des tenta- tions et des dangers. Ah, que c'est un habit propre a conserver la sainteté, que la robbe de l'humilité !

Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé dans la solitude : il y est par obéissance, attendant qu'on l'appelle pour venir au peuple. Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il connoissoit et baysoit par affection des le ventre de sa mère*, afifin de ne point s'esloigner de l'o- 'Ltic., i, 41, 44. beissance, sçachant bien que de treuver le Sauveur hors de l'obéissance, c'est le perdre tout a fait.

Au demeurant, il naist d'une vielle stérile, pour nous apprendre que les sécheresses et stérilités ne laissent pas de produire en nous la sainte grâce; car Jean veut dire grâce.

Mais sur tout, ma chère Fille, voyés que tout aussi tost que son père Zacharie eut escrit le nom de ce glo- rieux enfant sur ses tablettes, il commence a prophe- tizer et chanter le beau cantique Benedictus Dominus Deus Israël*. Certes, ce nom bien gravé dans nos cœurs, * ibid., i, 63, 64, je veux dire, l'honneur et l'imitation de ce Saint, nous fera prophetizer et bénir Dieu abondamment.

J'ayme ce beau rossignol du bois, qui, estant tout voix et tout chant, sortant sur les advenues de Judée, an- nonce le premier la venue du Soleil *. Je le prie qu'il * Matt., nr, i, 3 ; vous donne de son miel, de ses locustes et qu'il vous "*^'' '"' ^' ' communique son manteau.

Franc», E. de Genève.

LiTTUS IV

322 Lettres de saint François de Sales

DCVII

A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER

(imbditb)

Le trépas du « grand Roy. » Regrets. « Le jeune et nouveau Roy. » Le vrai rendez-vous de nos « cogitations. » Une charge obtenue « sans brigue, sans cour et sans argent. »

Annecy, 24 juin 1610.

Monseigneur,

Entre plusieurs considérations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas du grand Roy que la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu celle de la perte que vous y aves faite ; car il vous aymoit et avoit une grande connoissan ce des ray sons pour lesquelles il vous pouvoit encor aymer davantage. Mais il faut ado- rer la Providence souveraine et bénir ses decretz. C'est a elle que je recommande de tout mon cœur le jeune et nouveau Roy et tout ce grand royaume.

Je me prometz de vos nouvelles de rechef, au passage que vous feres a Lion, allant a la cour (0. Mon Dieu, que nostre grand amy (') aura esté touché rudement de ce coup 1 car son mérite ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce digne Monarque. Mays revenons tous-jours a cette Providence, car c'est le vray rendes vous de nos cogitations.

Nous sommes icy sans nouvelles. M. nostre cher Pré- sident (?) s'en va pour présider a toute la justice de Sa- voy e, plus glorieusement qu'on n'a pas fait il y a quelque tems(4); car il a cet honneur sans brigue, sans cour et

( I ) M»' Fenouillet était en effet à Paris le 30 août (cf. la Lettre Dcxvi). (s) Antoine des Hayes.

(3) Antoine Favre.

(4) Voir ci-dessus, Lettre dciv. En quittant Annecy, le Président eut la gracieuse pensée de laisser au Bienheureux, <f sa maison, gratuitement... pro- testant que ce n'estoit qu'un petit gage de son amitié... ce que le Serviteur

Année i6io 323

sans argent, n'ayant point eu d'autre intercession que ses mérites, quoy que Monseigneur de Nemours ayt contri- bué sa recommandation a l'inclination de Son Altesse. Dieu vous prospère de plus en plus. Monseigneur, et je suis sans fin,

Vostre très humble frère

et très affectionné serviteur, Franc», E. de Genève. Jour de saint Jean 16 10, Annessy.

Revn sur nue copie déclarée authentique, coniervée i. la Visitation de Montpellier.

de Dieu accepta avec remerciement. » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII.) On voit encore au 18 de la rue Sainte-Claire, la maison qui a servi de résidence à un grand magistrat et à un grand Saint. (Voir sur cet hôtel, une intéressante notice, Gonthier, Œuvres historiques, tome II.)

DCVIII

A LA MÈRE DE CHANTAL

Comment remplacer le jeûne. Les « petites brebis » de la Mère de Chantai. Visite de Marie à Elisabeth ; amabilité de la très Sainte Vierge. Con- templation du mystère. Un beau pèlerinage en compagnie du Sauveur.

Annecy, 30 juin 1610(1).

Mais que je suis ayse, ma chère Fille, que ces deux filles de nostre cœur (2) ne puissent pas jeusner demain, et qu'en eschange elles ayent des petites mortifications involontaires ; car j'ayme singulièrement le mal que la seule élection du Père céleste nous donne, au pris de celuy que nous choysissons. Mais vous, qui estes robuste, jeusneres donq en pain et eau. Cela s'entend, ma chère Fille (car vous ne l'entendres pas, si je ne le vous dis), cela s'entend l'année qui vient, sil y escheoit ; car pour

(0 Les allusions au jeûne, à la fête de la Visitation, à celle de saint Paul, ne laissent aucun doute sur la date. («) Les Sœurs Favre et de Bréchardt

324 Lettres de saint François de Sales

celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et •I Cor., IX, 40, 21. Gentile aux Gentilz *, manger avec les mangeans et rire •Rom., XII, 15. avec les rians, dit le grand Apostre de ce jourdhuy *. Or, paisses donq vos petites brebis, ma chère Fille.

Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses chères voysines pour trois (0 moys qu'elle pense estre aux chams et es

Luc, 1, 56, 39. montaignes * ; car ce mot est bon. Je pense que toutes

la laissent avec tendreté, car elle estoit si aymable et amiable qu'on ne pouvoit estre avec elle sans amour, ny la laisser sans douleur.

Elle entreprend son voyage avec un peu d'empresse-

ibid., f. 39. ment ; car l'Evangeliste le dit*, que ce fut hastivement.

Ah ! les primices des mouvemens de Celuy qu'ell'a en ses entrailles ne se peuvent faire qu'avec de la ferveur. O saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous praecipiter ! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire cordiale- ment. Je voudrois bien sçavoir quelque chose des entre- tiens de ces deux grandes âmes, car vous prendries bien playsir que je vous le dise. Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et qu'elle ne res- pire que le Sauveur ; saint Joseph, réciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens. Et comme les vins enfermés dans les caves ressentent sans

Cant., II, 13. la sentir l'odeur des vignes florissantes *, ainsy le cœur

de ce saint Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle vigne. O Dieu, quel beau pèlerinage ! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite bouteille a

Ps. cm, 15. vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes *,

et qui enivre Dieu le Père d'un amour démesuré (»).

(i) Ici l'Autographe a été coupé; les sept ligaes qui suivent sont emprun- tées à rédition de 1626.

(2) Immédiatement après cette phrase, l'édition de 1626 et les suivantes

Année 1610

325

Bonsoir, chère Seur, ma Fille; bonsoir encor, mes chères Filles, recommandes moy a cette chère Maistresse de nos vies ( 0.

Revu sur l'Autographe conservé au 2"^ Monastère de la Visitation de MarseUle.

donnent sur le même thème une addition assez longue; mais une comparaison attentive avec le texte précédent fait reconnaître qu'elle a été interpolée par les premiers éditeurs. ( I ) Cette clausule n'existe pas dans les éditions précédentes.

DCIX

A MADEMOISELLE DE CHAPOT (0

Les parents et les directeurs spirituels ; l'autorité des uns et des autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse. S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il ? Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements. Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre.

Annecy, 3 juillet 1610.

Madamoyselle, Vous aves opinion que vostre désir de vous retirer du monde ne soit pas selon la volonté de Dieu, puisqu'il

(i) François de Sales, dans ses lettres du 11 décembre 1609 (p. îa8) et du 34 mai 1610 (p. 305) parle d'une personne dont la défection fit échouer l'érec- tion d'un monastèie de Carmélites, celui que projetait en premier lieu la famille de Cusy. D'autre part, François VioUon de la Pesse raconte dans sa déposition (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 25), qu'il traita avec le Saint de la vente d'une maison du faubourg de la Perrière, « pour le prix de sept centr escuz d'or, lesquels » lui « furent promis par une damoyselle nommée Chap- pot. » Huit mois après, celle-ci changea d'avis et se maria. C'est alors que le Serviteur de Dieu prit lieu et place de cette personne et s'engagea à payer le prix de ladite maison.

Le récit de la Mère de Bréchard (voir ci-dessus, note (a), p. 31a) semble se rapporter à cette même affaire ; il y est question aussi d'une fondatrice qui promet son concours, puis le retiré et met le Saint dans la nécessité d'entrer dans son marché. Elle est donnée comme étant la nièce de M""» de Cusy.

Réunis, tous ces traits désignent évidemment une même personne et de plus font penser qu'elle doit être la destinataire de la présente lettre, surtout si on les rapproche des avis qui terminent celle-ci. D'après V Armoriai et Nobi- liaire dt Savoie, une Jeanne-Françoise de Cbapot on Chappot, fille de noble

336 Lettres de saint François de Sales

ne se treuve pas conforme a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir de vous commander et le devoir de vous conduire. Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous aves rayson ; car en obéissant a ceux-là, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal con- seiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et advancement spirituel. Mais si ce sont ceux que Nostre Seigneur vous a donnés pour directeurs es choses domestiques et temporelles, vous vous decevres vous mesme de les croire es choses esquel- les ilz n'ont point d'authorité sur vous. Que s'il failloit ouyr les advis des parens, la chair et le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit peu de gens qui embrassas- sent la perfection de la vie chrestienne. Voyla le premier point.

Le second est que, puisque non seulement vous aves désiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapi- dement destourné par les empeschemens terrestres. Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il n'estoit empesché ? Vous diroit-il pas : Retirons-nous d'entre les mondains ? Il a donq encor cette inspiration ; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire. Rendés-luy sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme : Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté de Dieu. En quoy vous aves tort (et pardonnes a ma naïfve li- berté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller les

Claude, seigneur de Cezarche, épousa par contrat de mariage du 39 janvier 1613, noble François ou Jean-François de MandoUaz, seigneur de Cernex. Elle se remaria (contrat dotal du 25 juillet 1616) avec noble Vincent du Crest de Men- tbonnex et testa le 4 septembre 1643.

Année i6io 537

empeschemens qui vous sont donnés a l'exécution de cette inspiration, volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu.

Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en indifférence devant Dieu, puisque le désir de laretraitte qu'il vous a donné, est tous-jours dedans vostre cœur, quoy qu'il soit empesché de faire son effect ; car la balance de vostre esprit tend de ce costé la, bien qu'on donne du doigt de l'autre costé pour em- pescher le juste poids.

Le quatriesme, c'est que si vostre premier désir a esté excessif en quelque chose, il le faut corriger, et non point le rompre. Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu (O. Peut astre fut-ce trop, eu esgard que vous avies une seur chargée de grosse famille, a laquelle, selon l'ordre de charité, vous eussies plustost deu appliquer vos biens. Or sus, il faut corriger cet excès, et venir en cette may- son avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour vivre sobrement, en laissant tout le reste a qui vous voudres, et mesme reservant la portion sus- dite, après vostre mort, pour ceux a qui vous en vou- dres faire du bien. En cette sorte, vous corrigeres l'excès et conserveres vostre dessein, et n'y aura rien en cela qui n'aille gayement, doucement et saintement.

En fin, prenés courage a faire une bonne resolution absolue; et bien que ce ne soit pas péché de demeurer ainsy en ces foiblesses, si est-ce que sans doute on perd beaucoup de commodité de bien advancer et recueillir des consolations grandement désirables.

Je vous ay voulu familièrement esclarcir de mon opinion, estimant que vous me feres le bien de ne point le treuver mauvais. Dieu vous donne les saintes bénédic- tions que je vous souhaitte et la douce correspondance

( i) L'étude des projets successifs de fondation qui cédèrent la place à l'éta- blissement de la maison de la Galerie, les circonstances dans lesquelles celle- ci fut acquise, persuadent que la date de 1610 doit être substituée à la date de 1613, donnée à la présente lettre par l'édition de 1626 et les suivantes.

328 Lettres de saint François de Sales

qu'il désire de vostre cœur; et je suis en luy, avec toute sincérité,

Madamoyselle,

Vostre très affectionné serviteur,

Franc», E. de Genève. Le 3 juUiet...., a Neci.

DCX

A M. PHILIPPE DE QUOEX

Pension on dot requise pour les postulantes de la Visitation. « Il est vray que l'on regarde encor aux facultés. » Le Chablais au xvii^ siècle. Une Congrégation qui ne veut être « ni mendiante ni playdante. » Som- maire des Règles. Les commencements de l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un refuge.

Annecy, vers le 20 juillet i6io(i). Monsieur,

J'ay conféré sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congrégation, que, passé la première année, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur lequel elles puissent estre entretenues ; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se révoque en procès.

Or, ce fons peut estre donné en deux façons : car ou il est réversible aux parens après le trespas de celle pour laquelle il est donné, et Ihors on le demande plus gras et tel qu'il égale en revenu la nourriture de la fille ; ou bien on le donne simplement pour demeurer par après a la Congrégation, et Ihors on se contente de moins. Comme par exemple : jeudi on reçoit une fille d'une fort

(i) La date se déduit du texte lui-même (voir la note ( i) de la page sui- vante).

Année i6io 329

honnorable famille de cette ville (0 : pour la première année du Noviciat, elle donne 200 florins ; au bout de l'année, sa mère donne absolument 4000 florins en fons. Monsieur le premier Praesident (2) en fera de mesme, hormis en la quantité, car il donnera davantage ; et ainsy de toutes les autres. Il est vray que l'on regarde encor aux facultés, car une damoyselle qui seroit de bonne volonté et n'auroit pas moyen de tant faire, on se con- tente de moins.

Or, il faut parler avec vous a cœur clair. En Chablaix, on est un peu mauvais payeur. C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle (3) peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une pièce a jouir par elle mesme, qui porte 200 florins annuelz, réversible a ses parens quand elle mourra. Il seroit mieux que ce fut un fond un peu moindre et quil fut absolument a elle. Tout cela se fait ainsy, dautant que cette Congrégation n'est encor point rentee, ni ne veut estre ni mendiante ni playdante.

Quant aux Règles, voyci le sommaire *, en attendant de 'Cf.supraTpp. jo6, vous faire avoir un double de toutes. Ceste Congrégation reçoit femmes vefves et filles indifféremment, mais non pas les filles qu'elles n'ayt (sic) 17 ans (4). Elles font un'annee de probation et, quand il est expédient, deux et trois ; et c'est Ihors qu'en la première année, elles n'ont pas encor donné tesmoignage asseuré de leur amen- dement. Apres leur Noviciat, on les reçoit solemnelle- ment, non point aux vœux, car on n'en fait point de

(i) Le jour de cette réception fut le aa juillet, fête de sainte Marie-Made- leine. La jeune novice reçue, et qui sera plus tard destinataire, était fille de Claude Roget et de Marie Dupanloup ; elle s'appelait Claude-Françoise. (Cf. tome XI, note ( i ), p. 44, et note ( 2 ), p. a49-)

fâ) Le président Favre.

(3) Cette « bonne damoyselle » doit être la fille de Guy Joly de Vallon. Elle était du Chablais et, comme on peut le voir par la lettre du 38 octobre 1610, elle pouvait songer dès le mois de juillet à la Visitation, elle entra d'ailleurs en 1617.

(4) Ou le Saint a voulu parler de la réception à Vobiaiion, ou bien il faut croire à une distraction, car dès l'âge de quinze ans, Claudine Roget fut reçue pour la probation, et on lit dans la Constitution xuii* : « On ne recevra f auouae fille pour entrer ea la Congrégation qui n'ayt quinze ans accomplis, ir

330 Lettres de saint François de Sales

solemnel, mais a l'establissement ou dédicace, a la forme que le bienheureux Cardinal Borrhomee a dressée pour les Urselines ( ï ), peu de choses changées, paucis mutaiis. Néanmoins elles font le vœu de chasteté simple, par l'advis du confesseur et de la Supérieure. En leur esta- blissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame, pour estre le tout employé a son honneur, selon les Règles de la Congré- gation ; mais cela se fait par une belle cérémonie.

Les hommes n'entrent point en leur mayson en façon que ce soit, ni les femmes aussi qu'avec licence in scrip- tis. Les jeunes ne sortent point qu'en certains cas fort rares ; les anciennes sortent pour servir les pauvres, mais avec une belle police, a la forme des Dames de la Torre di Specchii^).

Elles disent les Heures de Nostre Dame seulement, en un chant fort dévot. Elles se lèvent l'esté a cinq heures çt couchent a dix ; l'hiver a six, et se couchent a dix et demi. Elles ont de un'heure le mattin et une le soir d'oray- son mentale, et pour le demeurant, une police de travail,, silence, obéissance, humilité, dénuement de propriété ex- trêmement stricte et autant qu'en monastère du monde. Elles communient toutes les f estes et Dimanches. Si quel- qu'une ne veut pas suivre l'esprit de la Congrégation,

(i) £a 1368, saint Charles Borromée avait fait venir à Milan doaze Ursu- lines de la Maison primitive fondée à Brescia par sainte Angèle Mérici, le 35 novembre 1535. Sur les conseils de l'Archevêqne, ratifiés et confirmés en 1572 par une Bulle de Grégoire XIII, les Ursulines commencèrent à vivre en communauté, adoptèrent certaines observances uniformes, firent des vœux sim- ples et vécurent comme dans une clôture mitigée. C'est le même saint Prélat qui, en 1581, nommé visiteur apostolique des Sœurs à Brescia, confirma leur soumission à la juridiction immédiate des Evoques. (Cf. Postel, Hist. de sainte Angèle Mérici^ Paris, 1878, tome l", liv, II, chap. iv, et liv. III, sect. i".)

(2) Les Dames de la Torre di Specchi étaient des Oblates du monastère de Sainte-Marie-la-Neuve, dans la ville de Rome, de l'Ordre de Saint-Benoît, de la Congrégation dite du Mont-Olivet, fondée près de Sienne en 1319, par le docteur Bernard Tolomei. Le 55 mars 1433, elles fixèrent leur demeure dans une maison appelée la Tour des Miroirs. Sainte Françoise Romaine avait d'abord été l'âme de la petite Communauté. En 1536, à la mort de son mari, elle en fut nommée la supérieure, et Ton sait comme elle en devint la gloire. Le monastère existe encore, à la même place et avec le même nom ; sauf quelques légères modifijcations dans le costume et la clôture, les Règles sont aussi restées les mêmes que du temps de la Sainte. (Cf. ci-dessus, p. 69.)

Année i6io 331

sa punition est d'estre mise dehors, en iuy rendant néan- moins ce qu'ell'a apporté ; mais cela seulement après tout essay de les corriger. Il ny a point de jeusne que l'ordi- naire de l'Eglise, sinon le vendredi et vigiles de Nostre Dame.

Ell'est instituée sous tiltre de la Visitation de Nostre Dame *. Le commencement est fort plausible et rend * Cf. infra, p. 349. beaucoup d'édification ; il y vient des filles de Chamberi, Grenoble (0 et Bourgoigne. Or en fin, c'est une Congréga- tion simple, instituée pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formées et reformées * ; car la elles auront * Cf. Préface des une (sic) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la dévotion (2).

Je remercie M. d'Alemand (?). La reformation de vos- tre Talloyres, que j'ay sur les bras (4), m'empeschera

( I ) De Grenoble, il ne vint personne dans les premières années de l'Insti- tut ; peut-être le Saint attendait-il alors de cette ville une postulante qui ne vint pas.

(3) Les Régies que le. saint Evêque de Genève traçait à sa Congrégation naissante offrent plus d'une divergence avec les Règles qui se pratiquent aujour- d'hui. Mais il faut le dire, s'il a eu tout d'abord la vision assez nette de ton œuvre, du moins dans ses grandes lignes, François de Sales n'a pas pré- tendu la dessiner d'avance et dans tous ses détails. Comme tous les grands Fondateurs, il était trop sage pour tracer des règles minutieuses a priori, en dehors du contrôle rassurant que donne l'expérience, et il était trop respec- tueux des intentions de la Providence, pour les devancer par de hâtives régle- mentations. L'Institut de la Visitation est précisément le fruit patient et lon- guement mûri des inspirations du Ciel, du génie du Fondateur, et de sa pensée fortifiée par l'observation et corroborée par l'approbation des sages.

(3) Si c'est M. d'Allemand (l'initiale M. est souvent employée indifférem- ment pour Monsieur et pour Madame), le Saint désigne très vraisemblable- ment François du Nant, dit de Russin, seigneur d'Allemand, Maugny, etc., fils de noble Jacques du Nant et probablement de Françoise-Gasparde de Clavel, sa seconde femme. (Cf. tome XI, p. 343.) Il était, le 16 décembre 1629, lieutenant- colonel du régiment du prince Thomas, et mourut avant le 13 octobre 1631; il avait épousé Bénigne de Marchand de Citey. (Voir note (a) de la page suiv.)

(4) Pour faire cette réforme, l'Evêque de Genève avait reçu toute autorité de l'Abbé de Savigny et une délégation du Saint-Siège le 31 mars 1610. Le 25 octobre suivant, il se rendit à Talloires avec le sénateur de Buttet pour remplir sa mission. Philippe de Quoex, d'une famille de Talloires, était, de plus, le frère de Claude-Louis-Nicolas de Q.uoex, prieur du Monastère. (Cf. ci-dessus, note (i), p. 173.) Aussi, tout ce qui touchait â la réforme devait inté- resser le destinataire.

33» Lettres de saint François de Sales

d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray, nous pren- drons le log^s ou de M"" du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse (0, ou de M"* d'Allemand, ma comere (2).

Nostre Seigneur soit tous-jours au milieu de nos cœurs, et je suis tout en luy,

Vostre confrère plus humble et très affectionné,

Franc», E. de Genève. . A Monsieur Monsieur de Quoex,

Recteur de S^ Catherine. Thonon.

Revu sur l'Autographe conservé au Collège des PP. Jésuites de Grand-Côteau (Louisiane, Etats-Unis).

( I ) Voir tome XI, note ( i ), p. 1 14, et note ( î ), p. 344.

(a) M"* d'Allemand, « comere du Saint, est la femme de François du Nant (voir note ( 3 ) de la page précédente). Fille de noble et puissant Philippe de Marchand, seigneur de la Chatellaine, et de Marguerite Gagnefin, elle épousa en deuxièmes noces (contrat dotal du 13 octobre 1631) noble Philippe de Lucinge, baron d'Arenthoa, et testa le 9 octobre 1650.

DCXI

A MADAME DE TRAVERNAY (0

Quand on souffre, il est malaisé de prier. Quels sont les malades capables de faire oraison. Comment remplacer cet exercice, si nous sommes trop douillets. Il faut reprendre, quand on est guéri, ses habitudes de prière. Un « rare bien : » parler cœur à cœur avec son Dieu.

Annecy, 21 juillet 1610.

Madame ma très chère Fille, Je vous escrivis avant hier seulement pour accompai- gner une lettre que la bonne madamoyselle d'Escrilles (^ )

( I ) La destinataire, Péronne de Montfalcon, une des plus chères filles spirituelles de l'Evêque de Genève, avait épousé (contrat dotal du 10 mai 1598) Balthazard de Mouxy, seigneur de Travernay (voir la note de la page suivante). Elle eut trois enfants ; la seconde de ses filles, Anne-Françoise, fut filleule du Saint. Elle testa le 17 avril 1629. Son père était Jean de Montfalcon, seigneur de Chitry, etc., conseiller d'Etat, lieutenant-général et gouverneur du duché de Savoie, et sa mère, Adriane du Breul ou Breuil.

(2) Marie de Mouxy, veuve d'Bschlks (cf. ci-dessus^ note ( i )r p. 395).

Année i6io 333

envoyoit a monsieur vostre mari, son frère (»); mays j'ayme bien mieux vous escrire maintenant sur le sujet de vostre lettre.

Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la considération parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur ; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit entière- ment contourné du costé du Ciel. Mays nous, qui som- mes encor tous tendres, nous avons des âmes qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et dou- leurs du cors ; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'oray- son intérieure. Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prières jaculatoyres et sacrées aspirations ; car puis- que le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles.

Mais maintenant que Dieu vous a rendu vostre santé, il faut bien, ma chère Fille, reprendre vostre orayson, au moins pour demi heure le matin et un quart d'heure le soir avant souper ; car despuis qu'une fois Nostre Sei- gneur vous a donné le goust de ce miel céleste, ce vous sera un grand reproche si vous vous en degoustés, et mesmement puisque il vous l'a fait gouster avec beau- coup de facilité et de consolation, ainsy que je me resou- viens fort bien que vous me l'aves advoiié. Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu.

Vous nl'obliges certes beaucoup de me donner un peu des nouvelles de vostre ame, car la mienne l'ayme chère- ment et ne se peut empescher de désirer de sçavoir en quel estât elle se treuve ; mais la variété des desseins que monsieur vostre mari a eu de vous faire revenir icy

( 1 ) Balthazard de Mouxy, fils de Pierre-Marc, seigneur de Travernay, et d'Antoinette de Saint-Jeoire. Après avoir testé le 34 ou 35 août 1616, Il mou- rut le 7 octobre suivant. Il fut seigneur de Chitry, de Lupigny, gentilhomme de la chambre de Son Altesse, capitaine d'une compagnie de cavalerie, etc.

334 Lettres de saikt François de Sales

et de vous faire demeurer aux chams m'a retenu de vous en demander. Faites moy donq ce bien, je vous supplie, de m'escrire quelquefois, avec asseurance que je vous donne de tous-jours vous respondre, comm'aussi de correspondre fidèlement a Ihonneùr que vous me faites de me vouloir du bien, par une très sincère affection a vostre service. Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur pour le remplir et fayre abonder en son saint amour : ce sont les souhaitz journaliers. Madame ma chère Fille, de Vostre plus humble compère et serviteur,

Franc», E. de Genève. XXI juillet 1610.

Je suis fort affectionné serviteur de madame vostre chère seur (i) et de M"* la petite nièce, ma fille (*), que j'hon- nore de tout mon cœur (3).

Revu sur l'Autographe conservé à l'Hôtel-Dieu de Québec (Canada).

( I ] C'était Anne de Montfalcon, qui épousa d'abord Anne, baron de Chau- virey en Conité, et ensuite Jean-Claude de Clermont-Mont-Saint-Jean. Son testament est daté du 7 février 1613. Parmi sas enfants, on peut nommer Jac- queline de Chauvirey, née du premier mariage ; Anne-Françoise et Françoise, issues du second.

( 3 ) La « petite nièce » mentionnée ici, doit être Jacqueline de Chauvirey. Nous la retrouverons plus tard sous le nom de M"« du Châtelard, et alors il sera parlé d'elle plus en détail.

(3) Ce post-scriptum est inédit.

DCXII

A LA MÈRE DE CHANTAL

(ikbdite)

Les premiers jours de la Visitation. Les « douces amours en Jésus Christ » de l'Evêque de Genève ; se portait nuit et jour sa sollicitude.

Annecy, [juillet-août] 1610(1).

Je vous remercie, ma chère Seur, ma Fille, de vos deux billetz. Ce sera bien fait de faire remédier au mal de

( I ) Le ton, les particularités de ce billet disent assez qu'il est des premiers jours de la Visitation.

Année i6io 335

la bonne nièce (O, duquel elle m'avoit voyrement parlé, mais avec tel mespris, que je pensois estre fort peu de chose. Dieu soit loué !

Hier monsieur de Lux me fit sçavoir que monsieur vos- tre [père (»)] se portoit fort bien. Dormes jusques a six, voire jusques a sept, si vous en aves besoin.

Aujourdhuy je n'ay encor fait qu'un peu d'orayson, mais j'en feray. Dieu aydant ; car je vous veux bien ren- dre rayson de ce que si justement et charitablement vous desires pour nostr'ame. La seur(3) se porte mieux, et moy fort bien.

Je salue ces chères filles qui sont autour de vous : ce sont mes douces amours en Jésus Christ, et vous, ma chère Fille, vous estes mon propre cœur en Celuy qui, pour avoir le nostre, nous présente le sien tout a descou- vert. Je salue bien ma chère petite (4) et ma seur Fran- çoise (5) ; mais a présent je regarde si [fort] nostre Con- grégation, que j'y suis nuit et jour. C'est pourquoy je resalue ces (6)

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Autun.

( t) Par le billet du 7 septembre i6ro, on voit (p. 344) que la Scenr de Bré- chard était alors souffrante. C'est elle qui paraît être désignée ici ; dans ces commencements, le Saint lui donnait souvent le titre de « nièce ». (Cf. ci- dessus, note (3), p. 160.)

{ a ) Le mot est déchiré dans l'Autographe, mais « père » est bien vraisem- blable. M. Frémyot vécut jusqu'au 20 ou ai janvier 1611.

( 3 ) Ici, la première lettre est oblitérée ; on ne peut dire s'il y a Ma ou Za, mais on peut croire qu'il s'agit de li'"^ de Cornillon, souffrante au cours de cette année, comme on le voit par les lettres du Saint.

(4) Marie-Aimée.

{ 5 ) Françoise de Chantai.

(6) Le bas de l'Autographe est coupé.

336 Lettres de saint François de Sales

DCXIII

A MADAME DE LA FOREST, RELIGIEUSE DE l'abbaye de bons

Subtilité de Satan. Le Saint cherche à détruire le résultat d'une calomnie. Bonnes nouvelles de la Maison de la Galerie.

Annecy, 2 août 1610.

Ma chère Fille,

Je respons a vostre lettre du 23 julliet. Si je pouvois parler a celuy duquel tant de gens parlent (O, certes, je luy dirois fort franchement tout ce que je croirois estre propre a le retirer a soy, a Dieu, a son Eglise ; mais je ne pense pas qu'il fut a propos de traitter cela par lettres. Helas, que nostr'ennemi est subtil et comme il nous conduit insensiblement aux précipices ! Or, ne pou- vant donq autre chose, je prieray pour ce personnage, que je chéris tendrement et de tout mon cœur.

Je suis marri que l'on ayt poussé aux oreilles de Ma- dame de Bons (*) la calomnie delaquelle vous m'adver- tisses. C'est pour luy oster la créance qu'elle pourroit prendre en mes advis, lesquelz, a l'aventure, luy seroyent utiles ; mais je ne sçaurois empescher sa crédulité, ni la malice des calomniateurs. Je sçai bien, pourtant, que vrayment je n'ay parlé ni en vert ni en gri d'elle a mon- sieur de Lux. Seulement, me parlant d'oster les (3) [scan- dales qui esto]yent a Belley, je luy dis simplement . .

me

il luy estera du cœur tous ces empeschemens du péché (4).

( I ) A cette époque, les scandales n'étaient pas rares dans les monastères déchus. L'abbaye de Saint-Sulpice, près de Belley, a laissé un triste renom. Le personnage « duquel tant de gens » parlaient, serait-il un apostat de cette Maison ou d'une abbaye voisine ?

(3) L'Abbesse, Jeanne de Vignod (cf. note (a), p. ao6, et Lettres dl, dli).

(3) Le bas du feuillet a été coupé; les premiers mots seulement peuvent être restitués entre crochets [ ]. Cette mutilation montre bien qu'il s'agissait d'une affligeante aventure.

(4) L'Autographe étant sans doute encadré, cette première ligne d\i verso disparaît en partie dans la reproduction photographique. Il est difficile de savoir s'il faut lire du péché ou au péché.

Année i6io 337

Ma très chère Fille, soyes tous-jours bien douce et suave, aymant amoureusement les créatures pour les- quelles Nostre Seigneur est mort d'amour*. M'"' Vignod, * Cf. Gaiat., n, 20. de Sainte Catherine (0, ira de delà, et je croy qu'ell'edi- fîera sa seur ( = ), car c'est vrayement une fille tout abso- lument remise en Dieu. Nostre petite mayson de ces Dames dévotes se confirme fort au bien et s'accroist en nombre de personnes toutes bonnes (3).

Je prie sa divine Majesté qu'a jamais elle vive et règne dedans nos cœurs, et je suis, en elle, tout fidellement vostre.

F.

2 Aoust 16 10.

(4) [A Madame] [Madame de] la Forfest,

Religieuse a Bons.

Revu sur l'Autographe conservé au Noviciat de la Compagnie de Jésus d'Arlon (Belgique).

(i) Voir le tome précédent, note (i), p. 103.

(a) UAbbesse de Bons.

( 3 ) La « petite mayson » attirait à elle de temps à autre de nouvelles recrues. Après la Sœur Claude-Françoise Roget (voir ci-dessus, note ( i ), p. 329), ce fut le tour de Péronne-Marie de Chastel, qui se présenta le 26 juillet, suivie, le 14 août, de Marie-Marguerite Milletot.

(4) Cette partie d'adresse, que nous rétablissons entre crochets [ ], a été coupée par le fait de la mutilation dont il est parlé note (3) de la page pré- cédente.

LgTTKBS IV

33^ Lettres de saint François de Sales

DCXIV

A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR

La transfiguration en Notre-Seigneur. Le séjour des vaines beautés et belles vanités. Encouragements à monter à la céleste vision du Sauveur. Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint. Partout il faut avoir bon courage, et pourquoi.

Annecy, [6 août i6io(i).]

Ma très chère Seur,

Ce n'est que justement pour vous donner le bon soir que je vous escris, et vous tenir asseuree que je ne cesse point de vous souhaiter mille et mille bénédictions du Ciel, et a monsieur mon frère, mais particulièrement celle d'estre tous-jours transfigurée en Nostre Seigneur. O que sa face est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité, et que c'est chose bonne •Cf. Matt.,xvii, 4. d'estre auprès de luy en la montaigne de la gloire*" ! C'est la, ma chère Seur, ma Fille, ou nous devons loger nos désirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés et belles vanités.

Or sus, grâces a ce Sauveur, nous sommes a la montée du mont Thabor, puisque nous avons des fermes reso- lutions de bien servir et aymer sa divine Bonté : il nous faut donq encourager a une sainte espérance. Montons tous-jours, ma chère Seur, montons sans nous lasser, a cette céleste vision du Sauveur ; esloignons-nous petit a

( I ) La première édition indique M""^ de Cornillon comme destinataire de la présente lettre, et d'ailleurs le caractère intime de cette exhortation péné- trée d'affection et de confiance, est tout à fait dans le ton des lettres du Saint à sa soeur. Mais un léger doute subsiste : le texte de 1626 se termine par un fragment interpolé, tiré de la lettre autographe du 5 décembre 1610 à la Présidente Favre. La présente lettre n'aurait-elle pas été également adressée à celle-ci ? Les mots de « Monsieur mon frère » (ligne 4) n'infirmeraient pas cette conjecture ; sous la plume de François de Sales, ils peuvent désigner aussi bien Antoine Favre que M. de Cornillon.

La date du jour semble indiquée par l'allUsion au mystère de la Transfigu- ration ; celle de l'année est moins certaine. Toutefois, les autres lettres écrites à la même destinataire ne permettent pas de la placer avant 1610.

Année i6io

359

petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est préparé.

Je vous conjure, ma chère Fille, de bien prier Nostre Seigneur pour moy et qu'il me tienne dores en avant dans les sentiers de sa volonté, affin que je le serve en sincérité et fidélité. Voyes vous, ma très chère Fille, je désire ou de mourir ou d'aymer Dieu ; ou la mort ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort. Mon Dieu, ma chère Fille, que nous serons heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prépare tant de faveurs et bénédictions ! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses mondaines nous présente. Comme voulons -nous mieux tesmoigner nostre fidélité qu'entre les contrariétés ? Helas, ma très chère Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas ; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance.

Vous marches tous-jours entre nos saintes resolutions, je m'en asseure ; ne vous fasches donques point de ces petitz assautz d'inquiétudes et chagrins que la mul- tiplicité des affaires domestiques vous donne. Non, ma chère Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus chères et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé *. Croyés-moy, la vraye vertu ne * Mait., xi, 59. se nourrit pas dans le repos extérieur, non plus que les bons poissons dans les eaux croupissantes des ma- rais (i).

(i) Les deux derniers alinéas de cette lettre, que nous soudons ici parce qu'ils paraissent se faire naturellement suite, sont séparés dans les anciennes éditions, par l'intercalation d'un fragment de la lettre du 5 décembre à la présidente Favre. (Voir la note précédente, et ci-après, note (6), p. 373 ; cf. ci- dessus, note (i), p. 14.)

540 Lettres de saint François de Sales

DCXV

AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE Recommandation en faveur du sieur Bouvard pour la charge d'avocat fiscal.

Annecy, i8 août 1610. Monseigneur,

Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Sénat ( 0 et que Vostre Excellence a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature de Genevois (2), je la supplie très humblement de favoriser le sieur Bouvard de Testât de son advocat fiscal (3), l'asseurant en toute vérité que la recommandation que ci devant j'ayfaitte de la personne et mérites d'iceluy, se treuvera moindre que le sujet ne

requeroit, et qu' (4) de Vostre Excellence

. ne sçauroit faire un choix plus utile a son service que celuy de cet homme là, vertueux, sçavant, laborieux et nourri es lettres par la grâce de Vostre Excellence. Je prie Nostre Seigneur quil vous prospère, Monsei- gneur, et comble Vostre Grandeur de ses bénédictions. Ce pendant, je vivray heureux d'estre, De Vostre Excellence,

Très humble et tres-obeissant orateur et serviteur.

Francs E. de Genève. XVIII aoust 16 10, a Neci.

A Son Excellence. Revu sur l'Autographe appartenant à la famille Berthet, à Annecy,

(i) René Favre de la Valbonne avait été installé le 11 août (voir p. 200).

(3 ) Claude-Nicolas Arpeaud ou Arpiaud, fils de Jean-Louis Arpeaud, baptisé à Annecy le 28 janvier 1577, épousa d'abord en 1606 Françoise Burin, sépul- turée le 3 septembre 1617, et ensuite Amable de Mandolle, morte le 13 novem- bre 1642. (Reg. paroiss. d'Annecy.) Il fut avocat fiscal de 1604 à 1610, et juge- maje de 1610 à 1639; en cette dernière qualité, il fit au mois de janvier 1623, l'ouverture du testament de saint François de Sales.

( 3 ) Michel Bouvard (cf. note ( 2 ), p. 257) n'obtint pas la charge que le Saint sollicitait pour lui, car l'année suivante, Henri Ouvrier était avocat fiscal.

(4) L'Autographe est détérioré ; il n'est pas possible de rétablir les mots qui manquent.

1

Année 1610 341

DCXVI

A M. ANTOINE DES HAYES(i)

Un trépas vraiment pitoyable. Le Saint relève le courage de son ami, dont la mort de Henri IV semblait avoir compromis la fortune Comment se ménager la protection de la Providence. Souhaits pour la France et la famille royale.

Annecy, 50 août 1610.

Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de mon cœur sur la dernière lettre que j'ay receiie de vostre part, il y a près de six semaines.

Certes, le trespas de ce grand Roy m'a touché de com- passion en cent façons et par cent motifz, car vrayement il a esté pitoyable. Mais vostre considération a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir ; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous connoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse. Mais faites, mon cher Monsieur, que je chéris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me pro- metz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune ; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa provi- dence, laquelle sera tous-jours spécialement sur vous quand vostre amour sera spécial en son endroit. Je la supplie de tout mon cœur qu'elle soit spéciale a la France et a son petit Roy et a sa grande Reyne (2).

Je vous avois escrit sur ce sujet bien tost après le coup ; mais, a ce que je voy, mes lettres ne vous sont point venues en main. Oh bien, vous aves la Monsieur

( I ) Le texte et tout ce qu'on sait ae Taffection de Henri IV pour des Hayes indiquent celui-ci comme destinataire. (3) Marie de Médicis.

342 Lettres de saint François de Sales

de Montpellier (0, et m'asseure que vostre mutuelle pru- dence aura apporté tout le soulagement a vos espritz qui se peut recevoir. Pour moy, Monsieur, ]e, vous conjure de croire que vous n'aves point de cœur au monde qui soit plus absolument en la pensée du bien qu'il a d'astre si parfaittement aymé de vous.

Dieu vous bénisse et prospère de plus en plus en ses grâces et consolations, et suis irrévocablement, Monsieur, Vostre très humble et très affectionné serviteur,

Franç% E. de Genève. 30 aoust 16 10.

(i) M*"" Fenouillet (cf. ci-dessus, p. 321). A la mort du roi, ce Prélat fit un office funèbre à Montpellier et porta la parole. Mais arrivant à Paris, à la vue de tant d'éloges et d'oraisons qui avaient été publiés, il fut pressé d'éter.dre plus au long ce qu'il avait dit dans sa cathédrale. L'ouvrage parut sous ce titre : Discours funèbre sur la mort de Henry le Grand, Roy de France et de Navarre. A Paris, chez Rolin Thierry, 1610. (Le Privilège est du 3 décembre.)

Ces renseignements sont donnés par l'auteur lui-même dans la dédicace qu'il fit de son Oraison funèbre à Marie de Médicis.

DCXVII

A LA MERE DE CHANTAL

Hésitations à faire venir en Savoie le P. de Monchy. Souhait du Saint pour M"» de Chantai.

Annecy, 4 ou ^ septembre 1610 (i). Ma très chère Seur, ma Fille,

Ce bon hermitel^), venu de la part du P. de Monchi (3), me dit hier au soir que si ledit P. de Monchi venoit, il reviendroit aussi avec luy, par ce qu'il s'estoit mis sous son obéissance et l'avoit pris pour Supérieur. Cela, ma

( I ) D'après les allusions qu'il renferme, ce billet a été écrit quelques jours avant le billet suivant, lequel est du 7 septembre. (3) Ce « bon hermite » nous est inconnu. (3) Voir ci-dessus, pp. 35, 365.

<

Année 1610 343

chère Fille, me tient encor plus en opinion de différer encor un peu a le faire venir, en luy parlant néanmoins en sorte que s'il vouloit venir, il n'en fut pas du tout forclos ; car, pour parler entre nous deux, sil vient sur ma parole, il me sommera de le si bien accommoder que j'en auray bien de la peyne, ce quil ne feroit pas sil venoit d'autre façon ; car le bonhomme va selon son esprit, et je ne désire point de luy donner aucun sujet de plainte.

Mais dites moy vostre advis sur cela, ma très chère Fille, a laquelle je souhaite incessamment un parfait engloutissement en l'amour très pur de Nostre Seigneur, auquel soit honneur et gloire *. * Rom-, ait , 37.

Bonjour, ma très chère Fille, ma Seur. Nostre Baron ( i ) a peyne' de penser au retour, mais il me semble tous- jours qu'il l'y faut disposer.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San Remo (Italie).

( I ) Sans doute Jacques de Neufchèzes, baron d'Effrans, « nostre Baron » et « nostre cher neveu » paraissant désigner le même personnage. (Voir la page suivante.)

DCXVIII

A LA MÊME

La méthode de M"" de Chantai. La confession de Françon. Doux pres- sentiments intimes à l'approche de la fête de la Nativité de la très sainte Vierge. La céleste Pouponne.

Annecy, 7 septembre 1610(1).

Je treuve certes encor meilleur (sic) la méthode que vous dites, d'escrire au P. de Monchi tout nûement vostre pensée, ma très chère Fille, car après cela il ny aura rien a dire*. Ce bon Frère qui est icy('), ne partira que 'Cf. Epist.praeced. jeudi (3), car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé quil n'est pas possible de plus.

( I ) La date de cette lettre est justifiée par les faits auxquels elle fait allusion, (a) Sans doute le même Religieux dont il est parlé dans le billet précédent. (}) Le 9 septembre.

344 Lettres de saint François de Sales

Ne jeusnes pas ("), ma très chère Fille, ni nostre fille de Brechard ( » ) ; car, quant a vous, je me souviendray bien, après que vous seres bravement guérie, de vous faire jeusner un samedi en eschange.

Envoyés moy nostre Françon(3), que nous confesse- rons ce soir. Parles amiablement, mais gravement, au bon enfant M. de Grenier, lequel j'espère fera quelque chose de bon (4),

Nostre cher neveu (5) a certain désir de ne retourner pas vers le pere(^), mais je n'y vois point d'apparence. Il faut bien tout cet hiver pour la digestion de nostre reso- lution (7).

Au demeurant, je me suis treuvé ce matin, avec une certaine douceur et tranquillité d'esprit, sans aucun res- sentiment de l'estonnement que mon cœur avoit eu, que j'ay conneu clairement que la venue de Nostre Dame s'approchoit, par un presentiment de sa douce lumière. J'ay envie de vous parler un peu bien a loysir de cela .

Cependant, bon soir, ma très chère Fille, ma Seur ; faites bien la cour a cette céleste Pouponne qui nous arrive, et luy demandes sa grâce pour impetrer celle de son Filz. Jamais je n'eu tant de sainte affection que j'en ay pour nostre ame et nostre très unique cœur.

A Madame Madame de Chantai,

ma très chère Fille.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Metz.

(i) La Règle prescrivait le jeûne pour la fête de la Nativité de la très sainte Vierge.

(2) Voir ci-dessus, Lettre dcxh.

(3) Françoise de Chantai avait alors onze ans.

(4) Ce « bon enfaut » était sans doute Denis de Granier, neveu de Ms"" Claude de Granier, et connu dans l'histoire littéraire sous le nom d'Auger de Mauléon. Il ne réalisa pas, hélas! les espérances qu'il donnait alors au successeur de son oncle. Ses tristes aventures seront contées quand il sera destinataire.

(5) Jacques de Neufchézes (voir note ( i ) de la page précédente).

(6) Le président Frémyot; le père de Jacques était mort.

(7) Nous ne savons si cette « resolution » concernait l'avenir à régler du « cher neveu, » ou si elle se rapportait à l'organisation progressive de l'Institut naissant.

Année i6io 345

DCXIX

A MADAME DE TRAVERNAY (0

Une âme docile. L'exercice de l'amour sacré et les tribulations. Un spectacle encourageant.

Annecy, i i septembre 1610.

Madame,

Mais moy, j'ay bien de la consolation de vous voir rece- voir si doucement les essais que je fay au service de vostre chère ame, laquelle voyant marquée de plusieurs grâces célestes, je ne puis que je n'ayme tendrement et puissamment. C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la bénédiction des bénédictions.

Or, vous sçavés, ma très chère Fille, que le feu que Moyse vit sur la montaigne * representoit ce saint amour, *Exod., m, i, a, et que, comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi l'exercice de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations qu'emmi les contentemens. Vous aves donq bien occasion de con- noistre que Nostre Seigneur désire que vous proffities en sa dilection, puisqu'il vous donne une santé presque tous- jours incertaine et plusieurs autres exercices.

Mon Dieu, ma très chère Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel ! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de félicité. Tenés vous tous-jours bien serrée et jointe a

( I ) La destinataire avait une santé incertaine ; elle était « commère » de François de Sales. Or, déjà M""* de Travernay avait été assez longtemps malade (cf. ci-dessus, p. 333) ; en lui écrivant le si juillet précédent, le Saint se signe << compère. » C'est donc à elle que la présente lettre semble avoir été adressée.

346 Lettres de saint François de Sales

Nostre Seigneur, et vous ne sçauries avoir aucun mal qui ne se convertisse en bien. Madame,

Vostre humble et très affectionné serviteur et compère,

Franc», E. de Genève. Le II septembre 1610.

DCXX

A MADAME DE LA FLÉCHÈRE ( 0

Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres plus dange» reuses pour l'âme. Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix intérieure. La seule perte que nous devons craindre en cette vie. Comment les procès peuvent servir à l'avancement spirituel, Exemple de Notre-Seigneur. Le moyen d'être toujours assez riche.

Annecy, 19 septembre 1610.

Ma très chère Fille,

J'ay sceu la multitude de vos peynes et je les ay re- commandées a Nostre Seigneur, affin qu'il luy pleust de les bénir de la sacrée bénédiction de laquelle il a béni celles de ses plus chers serviteurs, affin qu'elles soyent employées a la sanctification de son saint nom en vostre ame.

Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes propres et celles des proches (*) soyent plus affligeantes, néanmoins celles des procès me donnent plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame. Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix intérieure dans les tracas

( 1 ) L'adresse que nous donnons semble être confirmée par les lettres du 21 avril et du 24 novembre de cette année 1610, à M"* de la Fléchère.

( 9) Dans les éditions précédentes, on lit : « et celles des pechis. » Cette ver- sion concorde mal avec la suite du texte; ne devrait-on pas lire plutôt celle que nous lui substituons ?

Année i6io

347

des procès extérieurs ? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson : nous avons peyne de croire que le mal des procès soit employé de Dieu pour nostre exer- cice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes ; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous re- muons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand péril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie.

Or sus, ma très chère Fille, quand voulons nous tes- moigner nostre fidélité a nostre Sauveur, sinon en ces occasions ? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des précipices ? Pour Dieu, ma très chère Fille, ne laissés pas passer une sayson si favo- rable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection. Souvenés-vous que jamais Nos- tre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le con- damnèrent, il ne les jugea point ; il fut jugé et condamné a tort, et il demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier pour eux *. Et nous, ma très chère 'Luc, xxm, 34. Fille, nous jugeons nos juges et nos parties, nous nous armons de plaintes et de reproches. Croyés-moy, ma très chère "Fille, il faut estre forte et constante en l'amour du prochain ; et je dis cecy de tout mon cœur, et sans avoir esgard ni a vos parties, ni a ce qu'ilz me sont, et m'est advis que rien ne me touche en ces rencontres que la jalousie de vostre perfection.

Mais il faut que je cesse, et je ne pensois mesme en tant dire. Vous aures Dieu tous-jours quand il vous plaira : et n'est-ce pas asses estre riche ? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos, et sa Croix vostre gloire *, et Cf. Gaiat., uit., je suis sans fin,

Vostre très humble et invariable serviteur en luy,

Franc', E. de Genève.

Le 19 septembre 16 10.

14.

34^ Lettres de saint François de Sales

DOXXI

a m. JEAN-FRANÇOIS RANZO

(inédite)

Les débuts de la Congrégation. La Patronne qu'elle a choisie. Attesta- tion du culte rendu au bienheureux Amédée dans le monastère de Talloires et à Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Phili- bert de Savoie reçoit les hommages de François de Sales.

Annecy, 29 septembre 1610

Molto Illustre Signor osservandissimo,

Air ultima di V. S. molto Illustre rispondo con queste quatro righe, lasciando poi al signor Collatérale de Quoex (O, latore, di dire anco il restante secondo che insieme n'habbiamo ragionato.

La Congregatione di queste gentildonne (») è eretta

con molta sodisfattione de' buoni che le vedono ; et do-

vendo mandare a Roma per havere la benedittione et

qualche Indulgenze da Sua Santità, tentaremo anco se

Vide supra, p.300. l'oratorio potrà dedicarsi ail' onor del beato Amedeo *,

Très Illustre et très honoré Seigneur,

Je réponds par ces quatre lignes à la dernière lettre de Votre très Illustre Seigneurie, en laissant au porteur, M, le collatéral de Quoex( i ) le soin de dire le restant, d'après les entretiens que nous en avons eus ensemble.

La Congrégation de ces dames (2) est érigée à la grande satisfac- tion des gens de bien qui la voient. Aussi, comme je dois faire demander à Rome la bénédiction de Sa Sainteté avec quelques Indulgences, je verrai si l'oratoire peut être dédié à l'honneur du bien- heureux Amédée. Cependant, pour plus d'un motif, la Congrégation

( I ) Claude de Quoex (voir tome XII, note ( i ), p. 84). ( a ) La Visitation.

Année i6:o 349

se bene la Congregatione ha desiderato per Patrona la Beata Vergine délia Visitatione per molti rispetti (O.

Et quanto alla Messa celebrata nel monasterio di Tal- loyres al honor di detto beato Principe, non ho potuto cavar altro se non che il signor Claudio Nicolô de Quoex, fratello del signor latore, il quale è Priore claustrale di detto Talloyres (=»), essendo giovine Novitio rispondeva le Messe, e si ricorda molto bene di haver veduto detta Messa in antiquo messale et di haver spesse volte risposto alla Messa medesima del beato Amedeo(3), celebrata da un suo zio che pur era Priore claustrale et si chiamava

a désiré comme Patronne la Bienheureuse Vierge de la Visitation ( i ). Quant à la Messe célébrée en l'honneur du bienheureux Prince au monastère de Talloires, je n'ai pu recueilHr que ceci : M. Claude- Nicolas de Quoex, frère du porteur et prieur claustral de Talloires (2 ), étant jeune Novice, servait les Messes. Or, il se rappelle très bien avoir vu dans un ancien missel cet office, et d'avoir servi ladite Messe du bienheureux Amédée (3), célébrée par un de ses oncles qui

(i ) C'est donc de très bonne heure, et dès le i'^'' juillet 1610, que le bien- heureux Fondateur voulut que sa petite Congrégation s'appelât : la Visitation de Nostre Dame. Le titre de Filles de Sainte Marthe (cf. le tome précédent, note ( I ), p. 294), puis celui d'Oblaies de la sacrée Vierge lui avaient d'abord souri, mais il fut détourné de ce dessein par des clartés particulières que Dieu lui donna, et il adopta l'appellation définitive de Religieuses de la Visitation Sainte-Marie, '< parce qu'il trouvoit dans ce mistere, » disait-il, « mil particu- larités spirituelles qui luy donnoient une lumière specialle de l'esprit qu'il desiroit établir dans son Institut... La voix publique nomma » les « premières Mères, les Saintes Maries, a cause de la grande modestie qui paroissoit en elles.» (Année Sainte, ancien Ms., et Hist. delà Fondation du 1er Mtère d'Annecy.) C'est sous ce dernier nom qu'elles furent connues durant tout le xvii* siècle.

( 3 ) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 17a.

(5) Dans le procès-verbal de la visite faite à Talloires le 7 septembre 1609 (Turin, Archiv. de l'Etat, Storia délia Real Casa, Mazzo 5°, cat. 3*), on lit : « Ayant d'avantage veu une Messe dressée a l'honeur de Dieu et du bienheu- reux Amé, anotee de notes de plainchant, escripte de la main de son dit oncle, » (Amédée de Quoex, oncle de Claude-Louis Nicolas) « qui se chantoit a haute voix a la dicte église, estant pour maintenant perdue par le deces du R. P. N. Duché, decedé en l'office de prieur claustral, qui lors en estoit saisy... Claude Estienne Nouvellet, docteur en la sacrée théologie et chanoinne en l'église cathédrale de Saint Pierre de Genève, au dit Talloyres, aagé de septante ans, » s'était « souvente foys aidé avec les autres a chanter une Messe dressée » à l'honneur du Bienheureux, « laquelle se celebroit a l'autel de Nostre Dame de Consolation... »

350 Lettres de saint François de Sales

Amedeo (0. Ma del messale non ci n' è più cosa alcuna, essendo detto Priore stato un pezzo absente alli studii. Bisogna anco ch'io dica che essendo andato a far riverentia alT Altezza del Signor Principe, che passô l'altro giorno in Ciamberi (»), egli fu, et io con lui, nella capella di Santo Amedeo nella chiesa di Saïi Francesco ; et è una capella tanto authentica et l'imagine posta sopra r altare in tal modo, che altrimenti non si potrebbe fare, ne con maggior decoro se fosse per San Pietro (3).

était aussi prieur claustral et se nommait Amédée ( ï ). Mais du missel, il ne reste aucune trace, parce que ledit prieur est resté longtemps absent pour cause d'études.

Je dois ajouter que j'allai présenter mes hommages à Son Altesse M»"" le Prince, qui passa l'autre jour à Chambéry (2). 11 se rendit, et je l'accompagnai, dans la chapelle de Saint-Amédée, à l'église Saint- François, C'est une chapelle tellement authentique et l'image est placée sur l'-autel de telle façon, qu'on ne saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer les choses autrement, ni avec plus d'apparat (5).

(i) Amédée de Quoex, en 1515, mourut le 30 septembre 1595, après avoir exercé avec autant de piété que de dévouement pour sa Communauté la charge de prieur claustral avant 1592. (Talloires Martyrologium et Obi- tuarium, Musée Britannique, Ms. 53495.) ^^ ^"' singulièrement dévot au Bien- heureux dont il portait le nom.

(3) Emmanuel-Philibert de Savoie, le troisième fils de Charles-Emmanuel et de Catherine-Michelle d'Autriche, naquit le 17 avril 1588 et mourut à Palerme en 1624. Envoyé en 1603, avec ses deux aînés à la cour d'Espagne, il en revint en 1606 et y retourna eu 1610 pour recevoir le titre et la charge de « généralissime de la Mer ( ' )■ » En cette qualité, il mena en Sicile en 1614 les galères espagnoles pour s'opposer à la descente des Turcs. Grand Prieur de Castille et de Léon dès l'âge de dix ans, il était encore Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, prince d'Oneille et vice-roi de Sicile. (D'après Guichenon, Hist. génial, de la royale Maison de Savoie, tome II, chap. xxxvi.)

(3) L'église de Saint-François à Chambéry, bâtie au xv« siècle par les Mi- neurs conventuels, est aujourd'hui la cathédrale, mais il ne s'y trouve plus de chapelle dédiée au bienheureux Amédée.

( I ) Il se rendait précisément dans ce pays, lorsqu'il fit halte à Chambéry, François de Sales alla le saluer. Voici ce qu'on lit dans les Entrées du Sénat, au sujet du passage du prince dans cette ville :

« 13 septembre, dimanche. Mgr le Prince Philibert est arrivé a Channbery environ les onze heures du matin. Mgrs du Sénat sont allés au devant jusqu'à la croix... près de Montme- lian, et non en corps. Du dit jour, environ 4 heures, le Sénat a esté en corps, avec les robes noires et le bonnet de velours, visiter et saluer Mgr le prince Philibert au chasteau. La Chambre des Comptes a fait de mesme. Le 14, [le prince] est parti pour son voyage d'Espagne. »

Année 1610 351

Et con questo, pregho nostro Signor Iddio che a V. S. molto Illustre dia ogni vero contente. Di V. S. molto Illustre,

AfFettionatissimo servitore in Christo,

Franc", Vescovo di Geneva. In Neci, alli XXIX di Settembre 1610.

Al molto Illustre Sig' osservandissimo, 11 Sig' Giovan Francesco Ranzo,

Gentilhuomo délia Caméra di S. A. Ser"».

Rêva sur l'Autographe appartenant à M. Gaspard Cassinis, à Turin.

Sur ce, je prie Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre très Illustre Seigneurie tout vrai contentement.

De Votre très Illustre Seigneurie,

Le très affectionné serviteur dans le Christ,

François, Evêque de Genève. Annecy, le 29 septembre 1610.

Au très Illustre et très honoré Seigneur, M. Jean-François Ranzo, Gentilhomme de la Chambre de Son Altesse Sérénissime.

DCXXII

A MADAME DE LA FLÉGHÈRe(ï)

Condoléances sur la mort de M. d'AvuUy, père de la destinataire. Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante.

Septembre- octobre 1610. **

Madame, Je regrette avec vous la perte que nous avons faite de la présence de monsieur vostre père ( >), et lotie néanmoins

(1) Madeleine de Saint-Michel, qui avait épousé François de la Fléchère (voir tome XI, note ( a), p. 199). (») M. d'Avully (ibid., note ( 1 ), p. 198)-

352 Lettres de saint François de Sales

Nostre Seigneur avec vous du gain qu'il a fait, en eschange de cette misérable vie mortelle, avec la très heureuse vie céleste a laquelle il a esté appelle. Cette grâce si signalée par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie (0, il est néanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise mili- tante, sa mère et mère de tous les enfans de Dieu.

Soyés donq toute consolée en cette véritable confiance, ma chère Seur, et continues avec fermeté a servir sa divine Majesté en pureté et sincérité. Je la supplie qu'elle règne par son saint amour au milieu de nos cœurs, et suis.

Madame,

Vostre très humble serviteur et frère en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève. A Madame Madame de la Flechere.

( I ) Il décéda en effet à Genève, la maladie l'avait saisi; mais il eut la dévotion de demander les derniers Sacrements qu'il reçut dans le mystère, des mains du « Révérend sieur Nicolas Gottry, chanoyne de la cathédrale de Genève et Ihors curé de Cholex. » (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. d'An- toine Bouvard, ad art. 9.)

La date de cette mort, arrivée au mois de septembre 1610, fixe d'une manière approximative celle de cette lettre.

Année i6io 353

DCXXIII

A LA MÈRE DE CHANTAL

Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au TraitU de l'Amour de Dieu. « Petites lanterneries » et « petites clartés. » La parfaite résignation. Une lettre il est parlé mignardement de Celse-Bénigne.

Annecy, 9 octobre 1610(1).

Je n'ay garde, ma très chère Fille, de me rendre négli- gent en la besoigne que Dieu m'a mise en main pour la gloire de son saint amour (»), car c'est la vérité que je n'en sçaùrois chevir qu'avec un grand effort, dautant que cet amour est un abisme des cœurs et des espritz. Je désire fort de vous entretenir tout un' après disner, mais tenes un peu bien prest ce que vous aves a me dire, et vos petites lanterneries, dans lesquelles, si je puis, je mettray aussi des petites clartés, affin que vos lanternes ne soyent pas du tout inutiles.

J'avois dit a M. Michel (?) que vous communieries ; et ce grand Saint (4) mérite bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite résignation.

Je vis des hyer la lettre du bon Père, et pour ce qui me regarde, je vous en entretiendray la centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny a pas pour davantage. Mais quant a vostre Celse Bénigne, gardes bien que vous savouriés délicieusement tout ce qui est dit si joliment de luy, car c'est vostr'enfant. Dieu luy donnera beau- coup de grandes perfections et solides, sil exauce mes

(i) Cette lettre, que Migne date de 1614, est sûrement de 1610. C'est ce que prouvent les billets du 3 et du 5 décembre, relatifs à la sainte Commu- nion, la mention de la fête de saint Denis, tombant cette année-là un samedi, et la présence du Saint à Annecy le lundi suivant.

( a) Le Traitté de l'Amour de Dieu.

( 3 ) M. Michel Favre, aumônier du Saint et confesseur de la Visitation d'Annecy, exerça ce dernier ministère jusqu'à sa mort (24 avril 1633). Sa note sera donnée plus loin.

( 4) Saint Denis, que l'art chrétien représente portant sa tête dans les mains.

Unmu IV aj

354 Lettres de saint François de Sales

prières. Je verray voir si je pourray gaigner Tesprit de nostre Seur Jaqueline, et seray bien discret a la persua- der (0. Voyla donq la chère lettre que je vous renvoyé, car je ne voudrois estre plus longuement dépositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement. Bon soir, ma très chère Seur, ma Fille ; soyes bien toute a Nostre Seigneur. Je le supplie quil vous face abonder en son tressaint amour et toutes nos chères filles (^). Je vay escrire a la petite seur (3) par monsieur son mari qui s'en rêva. Lundi, Dieu aydant, nous dirons le reste. Sa divine Majesté remplisse et occupe a jamais tout nostre cœur. Amen.

Revu sur l'Autographe conservé à Lyoo, paroisse de Saint-Joseph.

(i) Pour servir la Mère de Chantai et ses filles, la « Seur Jaqueline » n'était ménagère ni de son temps, ni de sa peine, ni de son sommeil : elle manquait de discrétion. Il semble donc que le Saint fut prié par la Mère de Chantai d'intervenir auprès de l'intrépide tourière, afin de l'engager à être moins rigide à soi-même.

(s) La Communauté comprenait alors, les Sœurs Favre, de Bréchard, Roget, de Chastel, Milletot, Anne-Jacqueline Coste. Peut-être Françoise de Chantai était-elle avec sa mère à cette date.

(3) Marie-Âimée.

DCXXIV

A MADEMOISELLE DE VALLON (0 (inbditb)

Une noavelle postulante pour la Maison de la Galerie. Par quelles vertus s'entretient le désir de la vie religieuse.

Annecy, 28 octobre 1610

Madamoyselle, Vostre désir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extrêmement aggreable, et vous tesmoigneray combien

(1) Claudine de Vallon {cf. ci-dessus, note (3), p. 559), fille de Guyjoly, seigneur de Vallon, et de Marguerite de Fret, naquit en 1593, entra à la Visi- tation, reçut à la vêture (19 avril 1617) le nom de Soeur Claude-Catherine et fit profession le 33 mal 1618. Assistante et directrice à Marseille (1623-1634), elle

Année i6io 355

j'en [ai de mon(0] costé pour vous en faire reuscir heu- reusement, quand monsieur vostre pere(=») apportera ce qui est requis de sa part. Et ce pendant, nourrisses chè- rement la sacrée inspiration que Dieu vous a donnée, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté ; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell' abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle. Donnes moy part a vos prières, puisque je suis, Madamoyselle,

Vostre très afifectionné et bien humble en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève. XXVIII octobre 16 10.

Madamoyselle Madamoyselle de Vallon .

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier.

revint à Annecy, fut supérieure à Thonon de 1631 à 1635, puis reprit à Annecy les charges de sacristine et de directrice, gouverna la Maison de Fribourg {1643-1646) et retourna, pour n'en plus sortir, à la Sainte-Source, elle fut conseillère et surveillante. Elle mourut le 26 avril 1677, après soixante années de vie religieuse.

M"* de Vallon était une cbablaisienne fort attachée aux erreurs du calvi- nisme ; une fois éclairée, cette âme droite et ferme ne revint plus en arrière; elle répondit à sa vocation avec une exactitude et une piété qui ne se démen- tirent jamais. (D'après le Livre du Couvent, du i^'' Monastère de la Visitation d'Annecy et la Lettre circulaire du 23 juin 1678.)

(i) L'Autographe est déchiré; les mots qui manquent sont ajoutés entre crochets [ ].

(2 ) Le père de la destinataire, Guy Joly, fils de noble Georges, seigneur de Drusilly, et de Pernette Thibaud, avait épousé Marguerite de PreZ, dame de Drusilly ; celle-ci vivait encore le 24 mars 1609. Il mourut à Anthy et fut enterré à Thonon le 17 janvier 1618. Le seigneur de Vallon figure, dans l'his- toire du Chablais, parmi les gentilshommes que le zèle de François de Sales ramena au catholicisme, et, de l'aveu d'un déposant converti en même temps que les frères Joly, le Saint « prit une très grande peyne » pour les instruire. (Process. remiss. Gebenn, (I), dép. d'Antoine de Prez, ad art. 11.)

356 Lettres de saint François de Sales

DCXXV

A M. PHILIPPE DE VILLERS (0

Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures et églises des paroisses vacantes. Affaire de M. de Sauzéa. La vérité est toujours la plus forte.

Annecy, 4 novembre 1610.

Monsieur mon bon Père,

A ce renouvellement des entrées de la cour, jne voyci a vostre porte, requérant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur (') et de celle que j'ay pour Cf. infra, Epist. la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley*, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et églises parrochiales vacantes (3), contre toute rayson, contre toute coustume et contre les

(i) Voir le tome précédent, note (i), p. 23. M. de Villers mourut vers mars 162 1 et fut regretté du Saint comme un parent. Une de ses petites-filles, Anne-Thérèse de Villers, entra à la Visitation de Dijon.

( 2 ) Le porteur était probablement André de Sauzéa (voir le tome précédent, note ( I ), p. 271, et la page suivante). L'affaire qui le concernait se rapportait sans doute au doyenné de Belley. Au mois de janvier 1604, il présentait des Bulles par lesquelles le Pape Clément VIII l'avait pourvu du décanat de Belley. Or, messire Jean Mermet, docteur en droit, archidiacre de la cathé- drale de Saint-Jean de Belley, prétextant avoir été nommé auparavant à ce bénéfice, s'opposa le 20 avril 1605, à la mise en possession d'André de Sauzéa. Malgré cette opposition, ce dernier fut installé, mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés, car le compétiteur ne voulut pas sortir du siège, et la mise en possession se fit <( par attouchement d'ycelle place. » (R. E.)

(3) Voici d'où venaient les difficultés que suscitait au Saint le Chapitre de Belley. Celui-ci affirmait avoir un droit de patronage sur trente -sept églises du Bugey, Valromey et Chautagne, dépendantes du diocèse de Genève, et entre autres, sur la cure des Abergements. Le prieur de Nantua, alors M^r André Frémyot, prétendait aussi avoir un droit semblable sur ce dernier bénéfice. Malgré les réclamations des opposants, saint François de Sales s'en tint aux prescriptions du Concile de Trente et fit mettre au concours ladite cure, le 29 avril 1610. Les examinateurs la décernèrent à Claude de Cheynel, qui fut jugé le plus capable parmi les concurrents. (R. £.)

DCXXVUI.

Année i6io

357

articles que nous avions signés et arrestés par composi- tion amiable (*), mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement ; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré ('), et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclésiastique et qu'a nous introduire des méthodes con- traires aux Conciles. Je vous supplie donq de me bien favoriser pour ce regard.

Et quant a l'affaire de M. de Sauzea, j'ay appris chose qui m'a despieu ; et c'est que sa partie a remis son droit a M. Gontier, homme puissant et de grand crédit ( 3), comm'on me dit. Néanmoins, la vérité est tous-jours la plus forte.

Je n'escriray point pour ce coup a madamoyselle ma chère mère ( 4), par ce que ce porteur me presse et m'a treuvé entre mille embarassemens ; mais il ne passera beaucoup de jours que je ne repare ce défaut. Ce pendant je prieray Nostre Seigneur pour vous, Monsieur, et pour

( I ) Dans la même assemblée du 29 avril 1610 (voir la note précédente), une transaction avait été présentée comme ayant été contractée entre François de Sales et Jean-Claude de Mrgieu, primicier, chanoine et procureur du Chapitre de Belley, le i*'' septembre 1609. (R. E.) Cet arrangement serait-il la « composition amiable » mentionnée ici ?

(a) La cure de Ceyzérieu était alors disputée par Antoine Boudon, chanoine de Belley, et Jacques Leynez, licencié en droit-canon. A la suite d'un procès, ce dernier, qui avait reçu l'institution pour ce bénéfice le 19 janvier et le 23 juin 1605, l'abandonne à M. Boudon, moyennant une pension, par un accord passé le 10 novembre 1620. (R. E.)

« Monsieur de Vitré, » autre compétiteur de ce même doyenné, est vrai- semblablement Dom Eustache Le Compasseur, Religieux et chambrier de l'ab- baye d'Ambronay, fils de Bénigne Le Compasseur, seigneur de Vitré ou Vitrey.

( 3 ) L' « homme puissant et de grand crédit » pourrait être l'un des Gonthier dont les noms suivent :

Jean Gonthier, seigneur du Sauvement, conseiller-clerc au Parlement de Dijon (1602), sansdoute le même qui figure comme greffier au Parlement dans son contrat de mariage avec Marie Camus, fille de Jean Camus, seigneur de Saint-Bonnet. Gaspard Gonthier, conseiller aux requêtes du Palais à Dijon (1619). Palamède Gonthier, élu du Roi aux Etats de Bourgogne en 1613. Claude Gonthier, chanoine et prévôt de la Sainte-Chapelle de Dijon en 1643, (Archiv. départ, de la Côte-d'Or.)

(4) Jeanne de Villers, femme du destinataire (voir tome XIII, note ( i ), p. 33).

358 Lettres de saint François de Sales

elle, comm'estant inviolablement de tous deux, avec un cœur tout filial,

Bien humble et très asseuré serviteur.

Franc*, E. de Genève. 4 novembre 16 10.

A Monsieur Monsieur de Vilers, Advocat au Parlement .

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation (Je Valence,

DCXXVI

A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE

Le profit qu'on peut retirer d'un mal incurable. En quels cas le monde'juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître ; celles-ci perdent tou- jours quelque chose aux sorties. Il faut avoir quelque égard à l'opinion publique. Une ancienne coutume du monde ; son pharisaïsme. Contrai- rement à l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs à gagner les inférieurs. Une abbesse et une prieure un peu refroidies ; exhortation du Saint pour ramener entre les deux sœurs l'amitié fraternelle.

Annecy, 6 novembre 1610.

Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles après tant de tems que j'avois demeuré sans en recevoir, ma très chère Fille, par vous mesme ; car, que me peuvent dire de certain, de vous ni de vos affaires, tous les autres?

Mays, ma très chère Fille, en fin tous les remèdes humains se sont treuvés inutiles pour la guerison de cette pauvre jambe, qui vous donne une peine qu'il faut sage- ment convertir en pœnitence perpétuelle. A la vérité, j'ay tous-jours eu cette cogitation, que toutes ces appli- cations reusciroyent très mal, et que c'estoit un coup que la Providence céleste vous avoit donné, affin de vous donner sujet de patience et mortification. O quelz trésors pouvies vous assembler par ce moyen ! Il le faut faire

t. prœc^d*.,' pp.^s?! '^^^^^ ^^ avant, et vivre comm'une véritable rose C")

^'- entre les espines

*

( I ) La destinataire, on le sait, s'appelait Rose,

Année i6io 359

Mays on m'a escrit que vous esties au Puy d'Orbe avec de vos Filles, et le reste estoit demeuré a Chatillon(0. Cela est vray, car l'eusse [on pas dit (>), je l'eusse deviné. Mais ça esté pour peu, ce me dites-vous,] et pour un bon et légitime sujet. Je le croy ; mays croyes moy aussi, ma très chère Fille, que comme les filles qui ont quitté le monde devroyent ne le jamais vouloir voir, aussi le mon- de qui a quitté les filles ne le (sic) voudroit jamais voir, et pour peu qu'il les voye, il s'en fasche et murmure. C'est la vérité aussi que l'on perd tous-jours quelque chose aux sorties qui peuvent, voire mesme avec quelque perte temporelle, estre évitées. Pour cela, si vous escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le crédit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes propres pour vostre assemblée.

Certes, il faut avoir quelque égard a la voix commune, et faut beaucoup faire de choses pour éviter les bruitz des enfans du monde. Certes, si je sçavois, disoit ce grand spectacle de religion et de dévotion, saint Paul*, si je 'l Cor., vin, nit. sçavois qu'en mangeant de la chair je donnasse du scan- dale au prochain, je n'en manger ois jamais a Vœter- nité. Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'après vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble que je les [voy qui disent : Pourquoy loger a] commodité des filles (3) qui sortent

( I ) La Communauté du Puits-d'Orbe fut transférée entièrement en 1619 à Chatillon-sur-Seine, alors du diocèse de Langres. Ce fut le 33 février 1641, que des Constitutions furent données aux Révérendes Mères Abbesse et Reli- gieuses, par les soins de Dom Jean de Boucher de Flogny, grand-prieur et grand-vicaire de l'abbaye de Moutier-Saint-Jean et en cette qualité, supérieur régulier de l'abbaye du Puits-d'Orbe.

(a) On lit dans l'Autographe : « car Peusse... » au lieu de ^ je l'eusse deviné, » que portent les imprimés. Comme le bord du papier a été coupé et laisse voir après 1'* final de « l'eusse » le trait d'une autre lettre, on peat supposer que le Saint avait écrit : « car l'eusse on pas dit, » etc. La fin de cette phrase et le commencement de la phrase suivante, qui ont disparu par suite de la mutilation de l'Autographe, [sont empruntés au texte imprimé, ainsi que les mots insérés entre crochets [] à la fin de cette page.

( j) Après ce mot, une ligne a été coupée ; les éditions n'en ont pas tenu

360 Lettres de saint François de Sales

et vont parmi le monde ? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en exagèrent la quantité et qualité. C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible de parler des ecclésiastiques a toute main, et croit que pourveu qu'il ayt quelque chose a dire sur iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans.

Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seurl')? car encor que selon le monde c'est aux inférieurs a recher- cher la bienveuillance des supérieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux supérieurs a rechercher les inférieurs et les gaigner ; car ainsy fait nostre Rédemp- teur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Prselatz zélés en l'amour de leur Maistre. Je confesse que je n'admire nullement que vos proches se scandalizent de voir la froideur de l'amitié qui est entre deux seurs naturelles, deux seurs spirituelles, deux seurs Religieuses. Il faut remédier a cela, ma très chère Fille, et ne permettre pas que cette tentation dure. Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures vous celuy la, de ne la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel et incessable de celuy que vous luy deves selon Dieu et le monde.

Vous voyes de quelle liberté j'use a vous (*) [dire mes sentimens, ma chère Fille, car vous estes] une fille que je désire estre tous-jours victorieuse de la victoire que l'Apos- Rora., xii, uit. tre annonce * : Ne soyes point vancu (sic) par le mal, mais vainques le mal par le bien. Si je vous parlois au- trement, je vous trahirois ; et je ne puis ni ne veux vous aymer que tout a fait paternellement, ma très chère Fille, que je prie Nostre Seigneur vouloir combler de grâces

compte et poursuivent comme s'il n'y avait aucune lacune. Il n'est pas possible de restituer'la phrase absente.

(i) Françoise Bourgeois, sœur de l'Abbesse.

( 3 ) La dernière ligne de la troisième page de l'Autographe est coupée entiè- rement ; le texte se continue en marge de la même page, par ces mots : « une fille que je désire estre tous-jours » etc. La suite de la phrase que nous réta- blissons entre crochets [ ], paraît mieux s'accorder avec le contexte que celle des éditions précédentes et a pu tenir dans une ligne de l'Autographe.

Année 1610 361

et [de] ses consolations, saluant très humblement toute vostre chère compaignie.

Vostre très humble frère et serviteur,

F. E. de Genève. VI novembre 16 10.

A Madame Madame l'Abbesse [du] Puys d'Orbe. Chatillon.

Revu sur l'Autographe conservé à Saint-Loup-sur-Aujon (Haute-Marne), au Pensionnat du Cœur Immaculé de Marie.

DCXXVII

A M . PIOTON (0

Prière de retirer un legs en faveur d'une œuvre pieuse.

Sales, 9 novembre 1610. Monsieur,

Je vous prie de prendre la peyne de retirer le legz fait a la Sainte Mayson, duquel ou vous ou l'hoir aves adverti M. de Blonnay, affin qu'il soit employé, selon l'intention du légataire, en une œuvre grandement pieuse

( I ) Le destinataire est, ou Jean Pioton, nouvel avocat à la rentrée du 3 novembre 1605, connu par son humeur batailleuse, ou François Pioton.

Celui-ci, ami et allié de la famille de Blonay, est peut-être le fils de Claude Pioton, châtelain d'Abondance. vers 1573, il devint avocat au souverain Sénat de Savoie. Son entente des affaires, une inclination naturelle à rendre service en firent un très précieux ami pour la Visitation. C'était aussi un fils spirituel de saint François de Sales, qu'il eut sans doute l'occasion de ren- contrer chez les de Blonay. La Fondatrice l'appelle son « bon très cher frère. » Le nom de ce saint homme apparaît à tout instant dans ses Lettres, l'on voit qu'il la seconda efficacement dans les fondations da Chambéry, Evian, Thonon, etc. François Pioton accompagna la Mère de Chantai à la fondation de Turin (1638); il revint en Savoie l'année suivante et fut ordonné prêtre le 15 mai 1641, dans l'église de la Visitation. (R. E.) Le a^ septembre 1643, le i" Monastère le désigna officiellement pour la charge de confesseur qu'il avait déjà remplie à titre provisoire pendant seize mois. M. Jean-Paul Truitat lui succéda au mois d'octobre 1648. (Archiv. de la Visitation d'Annecy.) M. Pioton mourut en odeur de grande piété, nous ne savons à quelle date.

362 Lettres de saint François de Sales

qui se praesente maintenant (0, Et puysque le sieur de

Blonnay vous en escrit encor, je n'employeray rien de

plus pour ce sujet, qui suis tous-jours de tout mon cœur,

Monsieur,

Vostre plus humble, très affectionné serviteur

en Nostre Seigneur,

Franc', E. de Genève. A Sales, 9 novembre 1610.

A Monsieur Piotton,

Advocat au Souverain Sénat.

(i) Décédé juste deux mois auparavant (voir ci-dessus, note (i), p. 35»)» M. d'Avully avait peut-être fait un legs à la Sainte-Maison, lui, son bienfaiteur de la première heure. (Cf. tome XII, p. 450.) Dans ce cas, « l'hoir » (l'héri- tier) serait l'un des fils du défunt, Gabriel, ou François-Melchior.

DCXXVIII

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE

Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon. Le Saint réclame l'inter- vention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce utile au procès.

Annecy, 20 novembre 1610.

Monsieur mon Frère,

Quelques curés de Valromey ont des procès a Dijon ausquelz j'ay deu intervenir pour les droitz de l'eves- ché(0. Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conféré les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque procès devant le Sénat pour ce regard, le Sénat a jugé selon ce con- cours et en faveur d'iceluy. C'est pourquoy ce porteur

( I ) Ces procès se rapportent probablement aux contestations qui avaient surgi à propos d'une nomination faite par le Saint à la cure des Abergements. (Voir Xîv-dessas, no^e (3), p. 356.) Nous savons en effet que le Chapitre de Belley protesta contre la nomination qui fut faite, malgré son opposition, de Claude de Cheynel, le 29 avril précédent. (R. E.)

Année i6io 363

recourt a vous affin quil vous playse favoriser la suppli- cation quil présentera, pour obtenir une déclaration pro- pre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allégué, ainsy que je viens de dire.

J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat generaK ' ), qui me dit que malaysement obtiendrions-nous une telle déclaration, mais que le Sénat feroit bien faire un'in- formation par un commissaire député de sa part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme ; ce qui suffiroit, car je ne suis point attaché a la manière. Je vous supplie donq, Monsieur mon Frère, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite.

Je prieray ce pendant Nostre Seigneur quil vous con- serve et prospère de plus en plus, demeurant. Monsieur mon Frère,

Vostre très humble frère et serviteur, Franc', E. de Genève.

XX novembre 16 10.

A Monsieur Monsieur Favre, Baron de Peroges, Conseiller d'Estat de S. A.,

Premier Président de Savoye.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.

(i) Pierre Favier du Noyer de Lescheraine (voir tome XII, note (i), p. 154)» qui épousa Marguerite, fille de Jean Boysson ou Buysson, et à la mort de celle-ci, D"« Philiberte, fille de noble Etienne Maresch?.!, avait été reçu avocat général le 39 août 1601.

364 Lettres de saint François de Sales

DCXXIX

A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR

(fragment)

Les croix domestiques; il faut savoir les bien prendre.

Sales, 23 ou 24 novembre 1610(1).

J'ay appris que mon frère (») et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les volontés de monsieur vostre père (3). Ma Fille, si vous sçaves bien prendre cette croix, vous seres bien heureuse, car Dieu vous don- nera en eschange mille bénédictions, non seulement en l'autre vie, mais mesme en celle cy ; mais il faut estre courageuse et persévérante en douceur et patience.

Madame de Chantai se recommande mille fois très affectionnement a vous et vous souhaitte continuellement accroissement de l'amour de Dieu.

Bon jour, ma chère Fille, ma Seur ; je suis

Vostre frère tout vostre,

Franc», E. de Genève.

A Sales, d'où je pars vendredy pour aller a mon devoir en ces AdvensU).

(i ) La date de i6n n'est pas absolument improbable, mais les salutations de M"* de Chantai, le lieu d'où cette lettre est partie, semblent justifier plutôt la date proposée pour ce fragment, lequel, croyons-nous, a été interpolé par les éditeurs précédents. (Voir plus haut, note (3), p. 244.)

(a) Melchior de Cornillon, mari de la destinataire (voir ci-dessus, note (i ), p. 158).

(3) Raymond-Charles de Cornillon, seigneur de Meyrens, Bardonnenche, etc., qui exerçait la patience de sa belle-fille, avait épousé en premières noces (contrat dotal du 14 février 1567), Philiberte, fille de François de Thoyre, et en secondes noces, Eglantine de Moreau. (Cf. ci-dessus, note (a), p. 544.) Il mourut en 1616.

(4) Le prédicateur de l'Avent 1610 fut un Capucin, et sans doute le P. Fran- çois de Chambéry (cf. ci-après, note ( 1 ), p. 373J; mais le Saint prêcha aussi durant la sta'tion. (Voir tome VIII, pp. 62-67.)

Année i6io 365

DCXXX

A MADAME DE LA FLECHÈRE

(iitbditb)

Une tranquillité fainéante et trompeuse. Quand faut-il augmenter les Com- munions, au lieu de les diminuer. Le Saint, ennemi, dans ses visites, des cérémonies, compliments et perte de temps.

Sales, 24 novembre 1610.

Or sus, il faut donq bien tous-jours persévérer, ma très chère Fille, a colloquer vivement toute vostre con- fiance en Nostre Seigneur parmi ce grand em-barras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la résignation et tranquillité ; car la tranquillité qui n'est pas exercée par la tempeste est une tranquillité fainéante et trompeuse.

Mais pourquoy dites-vous, ma chère Fille, que s'il vous faut aller a Chambery ( ' ) vous craignes d'interrompre vos exercices, et particulièrement celuy de la Communion ? O Dieu, ma Fille, un peu de diligence de plus vous con- servera vos exercices sains et sauves entre tous ces tra- cas. Il s'en faut bien garder de quitter le manger quand il faut travailler ; au contraire, il le faut accroistre. Ayés bon courage, ma chère Fille, il faut bien tenir nostre cœur a l'espreuve de toutes rencontres.

Vrayement je désire fort de vous aller voir, mais je voudrois, s'il se pouvoit, que ce fust sans avoir occasion de m'engager en cérémonies, complimens et perte de tems ailleurs, comme je crois la chère seur(«)vous devoir avoir dit; car si ce n'eust esté cette considération, puis- que j'avois le pied a l'estrier, je fusse retourné de Cham- bery (?) par devers vous. Or bien, comme que ce soit,

( I ) La destinataire s'y rendait souvent pour ses procès, (î) Peut-être M'^* d'Avisé, sœur de M"* de la Fléchère. (3) Le Saint parait avoir été à Chambery entre le 9 et le ao novembre. (Cf. ci-dessus, p. 363, et ci-après, p. 373.)

366 Lettres de saint François de Sales

nous demeurerons tous-jours bien unis, Dieu aydant, au désir de servir et aymer parfaitement nostre Sauveur. Je vous escris sans loysir. A Dieu, ma très chère Fille, a Dieu soyons nous a jamais. Amen. Je suis en luy, très entièrement tout vostre et

Vostre plus humble compère et serviteur,

Francs, e. de Genève. 24 novembre 16 10.

A Madame de la Flechere.

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.

DCXXXI

A LA MÈRE DE CHANTAL

Quelques bonnes pensées pour passer l'Avent avec dévotion : trois objets capables de ravir les coeurs en la sainte dilection.

Annecy, 28 novembre 1610.

Vous voules, ma très chère Fille, quelques bonnes pensées qui aydent a nos Seurs a passer les Advens avec autant de dévotion qu'elles en ont le désir. Que vous dirayje, ma Fille, sinon que la sainte Eglise Romaine, nostre mère, conduit aujourd'huy ses enfans a Sainte Marie la Majeure pour y faire la station et y commencer les Advens ( ^ ). Faysons en de mesme, ma très chère Fille ; entrons en esprit dans l'intention de la sainte Eglise, et dans cette unité, retirons nous auprès de la sacrée Vierge, nostre bonne Mère et Maistresse.

Nous verrons dans ce mois trois objetz, non seule- ment capables d'occuper nos âmes, mays qui doivent

(i) Les stations, marquées aujourd'hui encore au missel romain, étaient autrefois des processions de tout le clergé et de tout le peuple, qui se ren- daient à une église désignée, pour la célébration de l'Office et de la sainte Messe. Le premier dimanche de l'Avent, la « station » était à Sainte-Marîe ad Prœsepe ou Sainte-Marie-Majeure. Cette allusion liturgique indique la date de la lettre.

Année 1610 367

ravir nos cœurs en la sainte dilection. Le premier objet,

c'est Marie conçeûe sans péché ; le second, saint Jean,

l'enfant de la grâce, criant au désert pour faire aplanir

les chemins * pour TEspoux qui doit arriver; le troi- •ls.,xL,5,4;Matt.,

siesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa

sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a

Noël VEmmanuel Dieu avec nous*. *is.,vu,n;miii.,

Voyla asses dequoy méditer, ma Fille, jusques a ce ' que je vous voye avec la chère petite trouppe, que Dieu veuille bénir.

Revu sur un ancien Manuscrit de Y Année Sainte de la Visitation, conservé au i*'' Monastère d'Annecy.

DCXXXII

A MONSEIGNEUR VESPASIEN GRIBALDI, ANCIEN ARCHEVÊQUE DE VIENNE (0

Le Prélat destinataire est prié de vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat.

Annecy, i*"" décembre 1610. Monseigneur,

Je reçois un extrême desplaysir du malheur arrivé ces jours passés a Saint PauK») ; malheur environné de cent déplorables circonstances. Mays celle du violement du cimetière me regardant, affin d'y donner le plus digne et

( i) Voir sa notice au tome XII, note ( i ), p. 24.

(2) Dans la paroisse de Saint-Paul, prèsd'Evian, le 18 novembre précédent, le fils de Claude de Blonay, Gabriel de Blonay, avait été assassiné par Georgios ou Georges Hyos du Nant, dit de Russin. Celui-ci fut « convaincu par les preuves résultant du procès, d'avoir de propos délibéré et de guet apend, » avec la complicité de « Charron, pédagogue de ses enfants, et Claude Requet (ou Reguet) agredy le dict sieur Gabriel de Blonnay estant au cimetière avec messire Claude Orset, curé du lieux (sic), et icelluy de Blonnay tué, massacré et assassiné avec supercherie... le i8 novembre dernier, passé «nviron les trois heures de l'apres midi... » (Arrêt criminel du a6 mai 1611, publié par M. Duplan, Evian-les-Bains, 1897.) Plus tard, il sera parlé des suites de ce tragique événement.

368 Lettres de saint François de Sales

prompt remède que je puis, je vous supplie très humble- ment , Monseigneur, de vouloir, en quelque journée aggreable, prendre la peyne de faire la reconciliation requise ( ' ) ; en quoy vous favoriseres infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime, ne laysse pas de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres de rechef a vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je suis tout voiié et dédié.

Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous pros- père et multiplie vos ans en sa bénédiction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant très hum- blement les mains, se tient glorieux d'estre, Monseigneur,

Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur.

Franc», E. de Genève. I décembre 16 10.

A Monseigneur Monseigneur le R""' Archevesque de Vienne. A Evian.

Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay.

( I ) En tant que lieu sacré, parce que bénit, le cimetière de Saint-Paul avait subi une profanation, à cause du meurtre qui s'y était commis. Pour le récon- cilier, c'est-à-dire pour le bénir de nouveau, le Saint recourait à un évèque, sans doute parce que ce cimetière avait reçu la bénédiction solennelle dite consécration, laquelle est un acte de l'ordre épiscopal. (Voir à l'Appendice I, les Facultés -délivrées à François de Sales par la Congrégation du Saint- Office, le 17 juillet 1608.)

Année i6io ^69

DCXXXIII

A LA MÈRE DE CHANTAL

Pratique conseillée à la Mère de Chantai pour s'attirer la spéciale protection de Notre-Dame.

Annecy, 3 décembre 1610.

Sur ces nouveaux courages que nous prenons, je voy arriver la feste de la Conception de Nostre Dame, feste de très particulière dévotion a ceux qui sont voués et dédiés a son service. Affin donques qu'elle prene en sa spéciale protection nostr'ame et nostre Congrégation, nous commencerons ce jour a communier quotidien- nement (^ ) ; et je vous en advertis a l'avantage, affin que ces jours d'entredeux soyent employés a la praeparation de la réception d'un si excellent bénéfice. Ces grans Saintz qu on célèbre ces jours, viennent a propos pour nous ayder : saint Nicolas, saint Ambroyse, et demain sainte Barbe. Dimanche *, c'est le jour des louanges de * Secunda Adven- saint Jean Baptiste prononcées magnifiquement par le Sauveur de nos âmes *. * *^3"-. 5". »-'*•

C'est le bon jour que je vous donne, ma très chère Fille, sans pour cela vouloir dire que je ne vous aille voir quand je pourray.

Revu sur l'Autographe conservé à Versailles, dans la Maison de Notre-Dame de la Retraite au Cénacle.

( I ) Le 8 décembre 1641, la Mère de Chantai disait que ce jour lui était « bien particulier, car, » ajoutait-elle, « il y a aujourd'hui trente-un ans accom- plis que, par le commandement de notre bienheureux Père, je communie tous les jours, indigne que je suis de cette grâce. » (Mémoires de la Mère de Chaugy, Partie II, chap. xxxii.) De ces paroles et de l'allusion à la fête de sainte Barbe, on a pu déduire avec certitude la date de ce billet.

Lbttms IV

37^ Lettres de saint François de Sales

DCXXXIV

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE

Le grand tracas d'un premier Président. Le prieuré de Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. Les Pères Feuillants. L'hôtesse du Chablais.

Annecy, 5 décembre 1610.

Monsieur mon Frère,

Avec mille actions de grâces des deux dernières lettres [que(0] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable!*), je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement ; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand.

Je me res-jouis de la bonne volonté du sieur chevalier Buccio ; je doute pourtant que Son Altesse n'apporte quelqu'excuse a la nomination, a cause de la praetention que messieurs de Saint Lazare ont d'employer le nom de la Sainte Mayson pour accroistre la leur [de ce bien] (3); mays les essays ne peuvent point nuyre et peuvent reus- cir. O Dieu, j'ay le cœur a demi gasté des alarmes qu'on

( i) L'Autographe de cette lettre a été bien détérioré par l'humidité; quel- ques mots sont complètement effacés, d'autres le sont en partie. Nous plaçons entre crochets [ ] ceux qui ont disparu de l'original et dont la plupart se trouvent dans le texte publié pour la première fois par Hérissant (1758).

(2) En arrivant à Chambéry, Antoine Favre trouva tant d'affaires à résou- dre, qu'il dut siéger neuf mois de suite et à toutes les audiences.

( 3 ) La Sainte-Maison de Thonon avait droit aux revenus du prieuré de Contamine (voir tome XII, note (a), p. 241), qui lui avait été uni par la Bulle d'érection du 13 septembre 1599. Le prieur commendataire, qui pou- vait garder le bénéfice jusqu'à sa mort, ne pouvait pas le résigner entre les mains d'un autre. Philippe Buccio (voir ibid., note (2), p. 5) essaya en vain jusqu'en 1615 d'usurper ce dernier droit. A la date de cette lettre, « le sieur chevalier Buccio » voulait-il résigner son bénéfice en faveur d'un membre de la Sainte-Maison r C'est sans doute de cette « bonne volonté » que François de Sales s* réjouit. On verra la suite de cette affaire dans les lettres ultérieures.

j

Année i6io 371

me donne d'une rude guerre pour nostre Prince (0, bien que j'espère en cette souveraine Providence qu'elle ré- duira le tout a nostre profl5.t.

Les bons Pères Feuillans escrivent aux leurs de Thu- rin pour l'affaire de Talloyres ( =»), et moy encor avec eux. Je vous supplie de commander a du Pont ( 3 ) de les re- mettre au premier qui passe en Piémont. Ces Pères sont revenuz tous pleins de respect et d'amour cordial pour vous et toute vostre mayson.

La fille (4) se porte bien et tous-jours bonne fille, je veux dire tous-jours meilleure. Madame du Foug, ma tante, et, comme je crois, vostre hostesse de Thonon, me prie par une lettre, que je vous recommande l'affaire qu'ell'a au Sénat. Je ne sçai quel il est ; mays elle, ell'est certes digne de faveur pour mille raysons, entre lesquelles celle-ci me presse, qu'ell'a esté nostre Rahab* 'josue, n. en Chablaix(5). Hormis que toute sa vie ell'a esté de bonne réputation, la comparayson est bonne.

(r) A cette date, l'Espagne avait désarmé (voir ci-après, note (4), p. 398), mais Charles-Emmanuel songea alors à tourner ses armes contre Genève. Cette ville se mit aussitôt en bonne défense contre les entreprises du duc. Les Bernois vinrent à son secours, renforcés par bon nombre de gentilshommes français, de la religion prétendue réformée. Marie de Médicis, touchée des malheurs que cette campagne allait entraîner, finit par persuader Charles-Emmanuel d'y renoncer. Ainsi cette « rude guerre » n'eut pas lieu.

(2) Pour réformer Talloires, le Saint avait songé à y établir les PP. Feuil- lants. (Cf. ci-dessus, note (i), p. 173.) « L'affaire » dont il est parlé ici doit se rapporter à ce dessein, lequel, comme on sait, n'aboutit pas.

( 3 ) M* Jean Dupont, d'abord secrétaire de M. de la Roche, premier président de la Chambre des Comptes, figure dans les Délibérations municipales d'An- necy, au 12 avril 1610, comme secrétaire d'Antoine Favre, et ce même jour, la ville, pour reconnaître ses services, lui délivre gratuitement des lettres de bourgeoisie.

(4) Sœur Marie-Jacqueline Favre.

(5) Cette '< Rahab » du Chablais dont le Saint gardait un souvenir si reconnaissant, lui fut en effet, dans les mauvais jours, une hôtesse toute secourable. Quand le grand Missionnaire vint se fixer à Thonon, « damoiselle Jeanne de Maney, vefve de noble François du Foug, Procureur fiscal du duché de Chablais, » y demeurait. « Elle avoit des-ja de fort long temps obligé toute la maison de Sales par un grand nombre de services, procédez de son amitié et de celle de son mary; mesmes qu'elle avoit des-ja souvent receu le Bien-heureux François dans sa maison, tant pour y prendre sa réfec- tion que pour estudier. Elle luy offrit de nouveau une partie de son logis avec une franchise très-grande, car elle l'aymoit souverainement... » (Charles- Auguste, Histoire, etc., liv. H.)

37* Lettres de saint François de Sales

Je prie Nostre Seigneur quil vous renforce de plus en plus pour porter le [faix] quil a imposé sur vos espaules, et que ce soit par après [très] longuement, car ce sera très heureusement. Je suis, Monsieur [mon Frère], Vostre très humble frère et serviteur,

Francs [E. de] Genève. 5(0 décembre 16 10.

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Carmel de la rue Denfert-Rochereau.

( I ) Sur l'Autographe, ce quantième est illisible ; Hérissant le donne d'après l'original. On peut l'en croire, car à cette même date, nous avons une lettre à la présidente Favre.

DCXXXV

A LA PRÉSIDENTE FAVRE (')

Une lettre écrite après dix heures du soir. Les additions à une nouvelle édition de Y Introduction à la Vie dévote. Notre guide, notre nocher pen- dant notre navigation. Le moyen de ne rien craindre.

Annecy, 5 décembre 1610.

(2) Ne penses pas, ma Seur très chère, que je n'aye de la peyne a demeurer tant sans vous escrire, et prin-

■{ I ) Philiberte Martin de la Perouse, fille de Michaud ou Michel Martin, seigneur de la Perouse et Clartans, et de Guillemette du Tartre, était veuve de noble Claude Daniel lorsqu'elle épousa, avant le septembre 1606, le président Antoine Favre, dont la première femme, Benoîte Favre, était décédée avant le 18 mai de cette même année. Elle fut enterrée le 11 janvier 1634, dans l'église des Franciscains (Sainte-Marie-Egyptienne), le !*"■ mars suivant, le cercueil de son mari devait la rejoindre. Le Général de la Grande- Chartrense, Dom Bruno d'Affringues, écrivait le 18 janvier 1624 à son ami le Président : « ... Le decez de Madame vostre femme... m'a faict soudain ressentir en l'ame laigreur et la douleur que vous en souffrez, perdant en icelle un précieux thresor de toute honnesteté et vertu et une ferme colonne de vostre maison. » (Voir Mugnier, Hist. d'Antoine Favre, 1902-1903, chap. xv, xxii.) Ces louanges ne paraissent point excessives; elles sont d'ailleurs justifiées par les regrets d'Antoine Favre qui semble n'avoir pu survivre à sa perte. François de Sales tenait la Présidente en singulière estime ; cela se voit au ton des lettres qu'il lui adresse et aussi par les mentions qu'il fait d'elle en écrivant à d'autres correspondants.

(3) Cet alinéa et le suivant sont inédits.

Année i6io

373

cipalement maintenant qu'au rapport des bons Pères Feuillans * vous estes encor un peu tendre en santé. * VideEp. prsced. Certes, je voudrois bien tous les jours vous envoyer quelque petite marque de la souvenance que j'ay de vostre dilection ; mais je suis quelquefois sans loysir et d'autres fois sans commodité. Or bien, encor vous escris- je maintenant après dix heures du soir, pour accompai- gner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres éditions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la ; et, outre ce, il y a trois chapitres : Des habit^, Des désirs et Quil faut avoir l'esprit juste^^). Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus de bénédictions cselestes.

Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi (*), de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation ; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay. Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre ci jointe a la petite Chatel (3) ? C'est sa bonne seur qui la m'a envoyée ; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est (4). Mais et nostre fille (5) et tout, est bien la vrayment bonne fille. Toute leur Mayson vous salue, notamment M"^ de Chantai qui vous honnore et chérit ardemment.

(6) Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquiétude, et toute embarquée que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nosti-e Seigneur : O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher. Et puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y

(i) Les trois chapitres dont parle le Saint avaient déjà figuré dans l'édition princeps, mais dans la seconde édition, ils furent « oubliés par niesgarde, » comme le dit l'Auteur lui-même dans VAvis au lecteur de la troisième édition. (Voir tome III, p. 3.)

(3) Cf. ci-dessus, p. 350, et note (3), p. 365.

(j) Sans doute Claudine de Chastel (voir plus haut, pp. 18, 28).

{4) Sœur Péronne-Marie de Chastel, dont la note sera donnée plus loin.

(5) Sœur Marie-Jacqueline Favre.

(6) Toute cette fin de lettre, à l'exception du dernier .-ilinéa qui est inédit, a été publiée par les éditeurs de 1626 comme appartenant à la lettre du [6 août 1610,] donnée ci-dessus, p. 338.

374 Lettres de saint François de Sales

aurons, effaceront les travaux pris pour y aller. Or, nous y allons parmi tous ces orages, pourveu que nous ayons le cœur droit, l'intention bonne, le courage ferme, l'œil en Dieu et en luy toute nostre fiance. Que si la force de la tempeste nous esmeut quelquefois un peu l'estomach et nous fait un petit tourner la teste, ne nous estonnons point, mays soudain que nous pourrons, reprenons ha- leyne et nous animons a mieux faire.

Bonsoir, ma très chère Seur, ma Fille. Craignons [Dieu] et nous ne craindrons point autre chose ; aymons Dieu et nous aymerons tout'autre chose. Je suis en luy tout vostre et

Vostre humble frère et serviteur,

Franc*, E. de Genève.

5 décembre 1610.

A Madame Madame la première Présidente de Savoy e.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dietramszell (Bavière).

DCXXXVI

A LA MERE DE CHANTAL

Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotienne du « Pain vivant et suressentiel. » Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent.

Annecy, 5 décembre 1610(1).

Mon Dieu, ma chère Fille, certes il me tarde que je vous voye. Au reste, je me porte fort bien, et vostre cœur, tout autant que je le puis connoistre. J'ay prié avec une ardeur très particulière ce matin pour nostre advan- cement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans désirs que jamais au bien de nostre ame. Ah ! ce

(i) L'allusion à la Communion quotidienne que la Sainte commença à faire le 8 décembre suivant (cf. ci-dessus, Lettre dcxxxiii), la mention du P. Fran- çois et du sermon que le Saint fit lui-même à Sainte-Claire, garantissent la date proposée.

Année i6io 375

dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non seu- lement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant * et suressentiel **, faites que tous les jours \l°^l{\^^^\^^ nous facions une bonne et parfaite digestion de cette viande très parfaitte, et que nous vivions perpétuelle- ment embausmés de vostre sacrée douceur, bonté et amour.

Je vay au sermon du Père François ( ' ) ; ce soir j'en fay un a Sainte Claire (*). Mais l'autre soir, ce sera vers demain, il faut escrire a Dijon, car mardy nous envo- yerons ; mais si je puis, je vous verray.

Bon soir, unique et très chère Seur, ma Fille. Je ne veux pas que vous jeusnies cette année.

( I ) Nous savons par les Délibérations municipales d'Annecy, que le prédi- cateur de l'Avent en 1610 était un « célèbre Capucin. » D'après la présente lettre, il s'appelait P. François. On peut donc croire qu'il s'agit ici du P. François de Chambéry. (Cf. tome XI, note (i), p. 179, et ci-dessus, note (4), p. 364.)

( a ) Le Saint prêcha sur saint Jean-Baptiste, dont il est fait mentiorr dans l'Evangile du jour. (Voir tome VIII, p. 64.)

376 Lettres de saint François de Sales

DCXXXVII

A M. GELSE-BÉNIGNE DE CHANTAL(0

Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France ; à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse. Ses écueils, leurs perni- cieux effets. Remèdes : les « viandes spirituelles et divines, » Eviter les mauvaises lectures, Rabelais, « cet infâme, » et les sceptiques. La vraie courtoisie. Ne pas s'embarrasser parmi les amourettes. Faire profes- sion ouverte de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constamment et chrétiennement. Les vertueux à la philosophique. En quoi il ne faut pas marchander. Se choisir des amis de même intention. Recourir à la direction d'un prêtre, Religieux ou séculier. -- Un exercice de fainéant. Avoir un cœur vigoureux, et pourquoi. L'idéal d'un courtisan, d'après saint Louis; portrait de ce prince. La bravoure et la piété. Une médi- tation à faire souvent. Le patron, la voile, l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde.

Annecy, 8 décembre i6io. Monsieur,

En fin donq vous ailes faire voyle et prendre la haute mer du monde en la cour. Dieu vous veuille estre pro- pice, et que sa sainte main soit tous-jours avec vous.

Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus dangereuses pour les âmes bien nées et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre : la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, féminins et floiietz, et l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et présomptueux. Et comme la vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition

( I ) Nous pourrions proposer d'autres destinataires, mais c'est encore en faveur de Celse-Bénigne de Chantai que les probabilités semblent le moins contestables. (Cf. tome XII, note (2), p. 328.)

Celse-Bénigne était à la cour en 1613. En i6io-, il avait quinze ans, et sans doute, déjà il laissait paraître les qualités et les défauts de sa race. Les conseils de cette lettre lui conviendraient assez bien. En tout cas, si le départ du jeune gentilhomme avait été décidé en novembre-décembre 1610, il dut être différé pit la maladie et la mort de son grand-père le président Frémyot.

Année 1610 377

est un excès de courage qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la règle de la rayson. Ainsy, la vanité fait qu'on s'amuse a ces folas- tres galanteries qui sont a louange devant les femmes et autres espritz ^ninces, et qui sont a mespris devant les grans courages et espritz relevés, et l'ambition fait que l'on veut avoir les honneurs avant que les avoir mérités. C'est elle qui nous fait mettre en conte pour nous, et a trop haut prix, le bien de nos prédécesseurs, et voudrions volontier tirer nostre estime de la leur.

Or, Monsieur, contre tout cela, puisqu'il vous plaist que je vous parle ainsy, continués a nourrir vostre esprit des viandes spirituelles et divines, car elles le rendront fort contre la vanité et juste contre l'ambition. Tenes bon a la fréquente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu. Et pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander conte en con- fession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies. Confesses-vous tous-jours humblement, et avec un vray et exprès propos de vous amender. N'oubliés jamais (mais de cela je vous en con- jure) de demander a genoux le secours de Nostre Sei- gneur avant que de sortir de vostre logis, et de demander le pardon de vos fautes avant que d'aller coucher.

Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter vostre esprit après certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités qu'ilz y hument, comme cet infâme Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font profession de révoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité. Au contraire, ayés des livres de solide doc- trine, et sur tout des chrestiens et spirituelz, pour vous y recréer de tems en tems.

Je vous recommande la douce et sincère courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux

37^ Lettres de saint François de Sales

despens de personne, ni piquamment, qui ne recule per- sonne et aussi n'est jamais reculée, et si elle l'est, ce n'est que rarement ; en eschange dequoy, elle est très souvent honnorablement avancée.

Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embar- rasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prévenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables ; car, quand une fois l'affec- tion a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repen- tir qui les suit par après bien tost.

Je voudrois que d'abord, en devis et maintien et en conversation, vous fissies profession ouverte et expresse de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constam- ment et chrestiennement. Je dis vertueusement, affin qu'aucun ne prétende de vous engager aux desbauches. Judicieusement, affin que vous ne fassies pas des signes extrêmes, en l'extérieur, de vostre intention, mais telz seu- lement que, selon vostre condition, ilz ne puissent estre censurés des sages. Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes pas avec persévérance une volonté esgale et inviolable, vous exposeres vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs misérables âmes qui attaquent les autres pour les réduire a leur train. Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui néan- moins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quel- conque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des cérémonieuses conte- nances et paroles. Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grâce •Cf. joan., XV, 5, de Nostre Seigneur*, nous devons employer la pieté et la sainte dévotion pour vivre vertueusement ; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre. Or, il importe infiniment de se faire connoistre de bonne heure tel qu'on veut estre tous-jours ; et en cela, il ne faut pas marchander.

Il vous importera aussi infiniment de faire quelques

Année i6io 379

amis de mesme intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier ; car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien dressée, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressée la nostre. Je pense que vous treuveres bien aux Jésuites, ou aux Capucins, ou aux Feuillans, ou mesme hors des monastères, quelque esprit courtois qui se res-jouira si quelquefois vous l'allés voir pour vous recréer et pren- dre haleyne spirituelle.

Mais il faut que vous me permetties de vous dire quel- que chose en particulier. Voyés-vous, Monsieur, je crains que vous ne retournies au jeu, et je le crains parce que ce vous sera un très grand mal : cela, en peu de jours, dissiperoit vostre cœur et feroit flestrir toutes les fleurs de vos bons désirs. C'est un exercice de fainéant ; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point de bonne marque de mérite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent bazar- der ; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz. Je laisse a part les suites des choleres, desespoirs et forceneries, desquelz pas un joueur n'a aucune exemption.

Je vous souhaitte encor un cœur vigoureux pour ne point trop flatter vostre cors en délicatesse au manger, au dormir et telles autres mollesses ; car en fin, un cœur généreux a tous-jours un peu de mespris des mignardises et délices corporelles. Néanmoins Nostre Seigneur dit* *Matt., n, 8. que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois ; c'est pourquoy je vous en parle. Et Nostre Sei- gneur ne veut pas dire qu'il faille que tous ceux qui sont es cours s'habillent fnollement ; mais il dit seulement que, coustumierement, ceux qui s'habillent m.ollement se treuvent la. Or, je ne parle pas de l'extérieur de l'habit, mais de l'intérieur ; car pour l'extérieur, vous sçavés trop mieux la bienséance, il ne m'appartient pas d'en parler.

380 Lettres de saint François de Sales

Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des délicatesses et le renoncement fréquent des choses aggreables aux sens ; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exer- cice de sa supériorité et de l'authorité qu'elle a de ran- ger les appetitz sensuelz.

Mon Dieu, je suis trop long, et si, je ne sçai ce que j'escris, car c'est sans loysir et a diverses reprises. Vous connoisses mon cœur et treuveres tout bon.

Encor faut-il pourtant que je vous die ceci. Imaginés- vous que vous fussies courtisan de saint Louys : il aymoit, ce Roy saint (et le Roy est maintenant saint par inno- cence (0), qu'on fust brave, courageux, généreux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, pbly ; et néanmoins, il aymoit sur tout qu'on fust bon Chrestien. Et si vous eussies esté auprès de luy, vous l'eussies veu rire amia- blement aux occasions, parler hardiment quand il en estoit tems, avoir soin que tout fust en lustre autour de luy, comme un autre Salomon, pour maintenir la dignité royale ; et un moment après, servir les pauvres aux hos- pitaux, et en fin marier la vertu civile avec la chrestienne, et la majesté avec l'humilité. C'est, en un mot, ce qu'il faut entreprendre, de n'estre pas moins brave pour estre Chrestien, ni moins Chrestien pour estre brave. Et pour faire cela, il faut estre très bon Chrestien, c'est a dire fort dévot, pieux et, s'il se peut, spirituel ; car, comme iCor., 11,15. dit saint Paul*, l'homme spirituel discerne tout : il connoist en quel tems, en quel rang, par quelle méthode il faut mettre en œuvre chaque vertu.

Faites souvent cette bonne pensée, que nous chemi- nons en ce monde entre le Paradis et l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au logis éternel et que nous ne sçavons lequel sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les autres. O sainte et interminable éternité, bien- heureux qui vous considère ! Ouy, car qu'est-ce que [ce]

( I ) Louis XIII, le 27 septembre 1601, avait à cette époque neuf ans.

Année 1610 381

desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours ? Rien du tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'éternité. Pour cela donq il nous faut avoir soin du tems que nous avons a demeu- rer ça bas, et de toutes nos occupations, affin que nous les employons a la conqueste du bien permanent.

Aymés-moy tous-jours comme chose vostre, car je le suis en Nostre Seigneur, vous souhaittant tout bonheur pour ce monde et sur tout pour l'autre. Dieu vous bénisse et vous tienne de sa sainte main. Et pour finir par ou j'ay commencé : vous ailes prendre la haute mer du monde, ne changés pas pour cela de patron, ni de mat, ni de voyle, ni d'ancre, ni de vent. Ayés tous-jours Jésus Christ pour patron, sa Croix pour arbre, sur lequel vous esten- dies vos resolutions en guise de voyle ; vostre ancre soit une profonde confiance en luy, et allés a la bonne heure. Veuille a jamais le vent propice des inspirations célestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte éternité, que de si bon cœur vous souhaite sans cesse. Monsieur,

Vostre plus humble serviteur.

Franc', E. de Genève. Ce 8 décembre 16 10.

DCXXXVIII

A LA MÈRE DE CHANTAL

Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui sont autour du cœur. A quelle condition rieane nous offensera.

Annecy, [8 décembre 1610 (i).]

En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma très chère Fille, s'escoule ainsy sans que j'aye ce

(i) La dernière phrase de la lettre avertit qu'elle s'adresse à la Mère de Chantai.

Quant à la date du 8 décembre i6io, on peut la conjecturer avec quelque

383 Lettres de saint François de Sales

contentement ; au moins faut que je supplée en quelque sorte par ce petit mot, que je sauve d'entre les affaires que certains Religieux m'apportent.

Bon soir donq, ma très chère Fille. Ayés bien soin de soulager doucement vostre pauvre cœur ; gardés-vous bien de luy sçavoir mauvais gré de ces fascheuses pensées qui luy sont autour. Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mau- vais gré pour cela ; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du •Cf.s.Aug.,Conf., milan qui va voltigeant au dessus de luy* ; car c'est signe

1. XII, c. xxvn. ... , ,.1 11 1

qu il est bon, ce cœur, et qu il abhorre les mauvaises fantasies.

Mais, ma très chère Fille, nous avons nostre Mère, sous les aisles de laquelle nous faut fourrer. Recourons a la Croix, et l'embrassons de cœur ; demeurons en paix a l'ombre de ce saint arbre. Mon Dieu ! il est impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolu- tion nous voulons estre tout a Dieu ; et néanmoins nous sçavons bien que nous le voulons.

Bon soir de rechef, ma très chère Fille ; ne vous in- quiétés point, mocqués-vous de l'ennemy, car vous estes entre les bras du Tout Puissant. Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour ! Demain, moyennant sa g^race, nous vous irons voir, ma très chèrement unique Fille de mon cœur.

vraisemblance, de l'appellation de « Fille », laquelle fait penser aux premières années de la Visitation. Les allusions à la Sainte Vierge et la mention des n Religieux » (cf. ci-dessus, pp. 371, 373) servent à confirmer le quantième proposé.

Année i6io 385

DCXXXIX

A M. PIERRE RIGAUD(i)

(inédite)

Le Saint et son éditeur lyonnais. Celui-ci le presse « de rendre fait » le Traitté de T Amour de Dieu. Commande de livres.

Annecy, 14 décembre 16 10.

Monsieur Rigaud,

Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'en- voyer exprès ce porteur qui m'a rendu les livres que vous luy avies confiés. Il est, au demeurant, hors de mon pouvoir de rendre fait le Traitté de V Amour de Dieu de quelque tems, pour le peu de loysir que mes continuelles occupations me laissent, quoy que je sois soigneux de n'en perdre pas un seul moment. Mais quand il sera en estât d'estre envoyé, je vous avertiray quel- ques semaines devant, affin que vous ayes ce qui sera

(i) Pierre Rigaud était l'aîné des enfants de Claudine Dumergue, la fille d'un imprimeur, et du fameux Benoît Rigaud. A la mort de celui-ci (aj mars 1597), sa maison fut administrée sous la raison sociale : Héritiers de Benoist Rigaud. Pierre imprima jusqu'en 1657. Il avait pour enseigne : A la Fortune, et pour légende : Invidiam Fortuna domat. Quand il édita les ouvrages de François de Sales, il dirigeait l'imprimerie sous son propre nom. (Cf. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, Lyon, 1895-1904 )

Pierre Rigaud figure en bonne place dans la corporation des imprimeurs lyonnais du xvn' siècle, si justement célèbres par leur savoir, le bon choix des livres qu'ils publièrent et la beauté de leur exécution. Après trois siècles, on admire encore leur résistante solidité. La clientèle de François de Sales n'a pas nui à la célébrité de l'imprimeur lyonnais qui habitait « en rue Mercière, au coing de rue Ferrandiere, » et sa fortune n'en a pas souffert. En 161 j, il avait gagné vingt mille francs avec les réimpressions de l'Intro- duction à la Vie dévote. (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. de François de Ronis, ad art. 44.) Pierre Rigaud voulut un jour témoigner sa gratitude à l'Auteur et lui offrit quatre cents écus d'or. Le Saint, dépose François Favre (Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 51), les refusa, puis sur les instances de l'imprimeur, les accepta : « II» serviront, » dit-il, « à fournir la dot d'une jeune fille pieuse et pauvre, appelée de Dieu à la vocation religieuse. »

384 Lettres de saint François de Sales

cofivenable pour l'édition, en suite de ce que ci devant je vous en ay dit et escrit a monsieur le Suifragant (O.

Je vous prie de m'envoyer par la première commodité le livre de La Vénerie, de Jaques du Fouilloux ( = ), et celuy d'Esperron (3), et un petit livret du Combat spi- rituel, de ceux qui sont nagueres traduitz{4).

Dieu vous conserve et prospère, et je suis. Monsieur Rigaud,

Vostre bien humble et affectionné a vous faire service,

Franc*, E, de Genève, xiiii décembre 16 10, a Neci.

A Mons"" Mons' Rigaud, marchand libraire. A Lion.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.

( I ) Robert Berthelot, docteur de Paris, de l'Ordre des Carmes, évêque de Damas, avait été choisi par l'Archevêque de Lyon, Albert de Bellièvre, comme suffragant aux fonctions pontificales. C'est lui qui approuva l'Intro- duction à la Vie dévote, le 4 août 1608 (voir notre tome III, p. 11*) et le Traitté de l'Amour de Dieu, le 20 mai i6ifi, en décernant de grands éloges à la doctrine et à l'Auteur. Le 13 février 1600 il était alors provincial des Carmes, Frère Berthelot avait déjà donné l'approbation à la Défense de FEstendart de la sainte Croix ; enfin, ce fut encore lui qui approuva la pre- mière édition des Constitutions de la Visitation (1619). « Monsieur le Suffragant» visita le Saint à son lit de mort, avec de grands témoignages d'affection. Quand le corps du Bienheureux fut embaumé, « on le revestit avec des habits pontificaulx que Monseigneur l'Evesque de Damas presta, lesquels despuis il a gardé avec beaucoup d'honneur, comme reliques. » (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. de Georges Rolland, ad art. 53.)

(2) Jacques du Fouilloux, seigneur de Bouille (1521-1580). Le « livre » demandé par saint François de Sales porte le titre suivant :

La Vénerie de Jacques de Fouilloux... dédié au Roy tres-ckrestien, contenant plusieurs préceptes et des remèdes pour guérir les chiens de diverses maladies. Poitiers, 1560. L'ouvrage eut un grand succès, fut souvent réimprimé au ivi' et au XVII* siècle, et traduit en plusieurs langues. De nos jours, une nouvelle édition a été publiée à Angers (1844), par Jérôme Pichon.

(3 ) Charles d'Arcussia, au château d'Esparron en 1545, et mort en 1617. La Fauconnerie d'Esparron, ouvrage souvent réimprimé et traduit, parut à Aix en Provence, en 1598. C'est l'édition in-4° de Rouen (1647) qui est la plus recherchée comme étant la meilleure.

(4) Denis de Santeuil avait donné une traduction du fameux opuscule en 1608. (Voir tome I*'', note ( i ), p. xliv, et tome XII, note ( i ), p. 122.) L'intéressante dédicace qu'il en fait à François de Sales est datée du i*'' janvier. Cette traduction serait-elle celle que désigne le Saint ?

Année i6io 385

DCXL

A M. JACQUES DE BAY

Le Saint s'intéresse aux études d'un jeune annécien et demande que le collège de Savoie de Louvaia lui soit rouvert.

Annecy, 16 décembre h6io.

Monsieur,

La bonté d'Anthoyne Gard (0, bourgeois de cette ville, me rend fort désireux du bien de son filz Jean Baptiste, lequel ayant esté receu ci devant en vostre collège (*), est decheu de cette grâce quil tenoit de vos- tre faveur. Je vous supplie donq de tout mon cœur, Monsieur, qu'il vous playse le restablir en ce bonheur, sans lequel il est a craindre qu'il ne perde tout celuy du reste de sa vie. Et outre le contentement que vous aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sem- bloit perdu *, vous me rendres de plus en plus obligé de * Cf. Luc, xv, 34.

( I ) Antoine Gard était officier domestique du duc de Nemours.

(î) Jean-Baptiste Gard, annécien, en I788, fit ses études à Louvain, reçut la prêtrise dès mains du Saint (a avril 1616), devint prêtre d'honneur, puis chanoine de Notre-Dame de Liesse en 1621, et recteur de Saint-Maurice avant 1627. Il mourut le 26 juin 1658, archiprêtre des Machabées. (R. E. et Reg. paroiss.) Le bienheureux Evêque vantait « sa vertu, sa pieté, sa suffisance » quand il le proposa au duc de Nemours pour la stalle du Chapitre de Notre- Dame. (Lettre du 4 mars 1631.) Pendant la peste de 1639 et 1630 qui désola Annecy, sa conduite fut héroïque. Jean-Baptiste Gard déposa en 1636, et sa déposition est remarquable autant par la précision des détails que par le ton de filiale vénération qui accompagne ses récits. Pour attester que la réputation de sainteté de François de Sales dépassait les montagnes de Savoie, il raconte le fait s\iivzat ( Process. remiss. Gehenn. (II), ad art. 16) : « Lors que j'allay a Louvain, il me fit la grâce de me donner une lettre de faveur pour me faire recevoir au collège. Il l'addressoit au premier Président, nommé Jaques de Bayo, qui estoit premier Professeur de cette Université fameuse, qui aiant receu ladite lettre, la baisa reveremment, et l'aiant leue et releiie avec véné- ration, la fit lire publiquement a table, disant tout haut que c'estoit la lettre d'un Sainct, et que nous estions trop heureux d'avoir un si sainct Evesque pour nostre Pasteur et il pleura de joye, et me dit qu'il garderoit cette lettre comme une relique. ><

Lbttrbs IV 25

386 Lettres de saint François de Sales

vous honnorer avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et dois rendre a vos mérites.

Et me promettant cette gratification de vostre bien- veuillance, je demeureray a vous souhaitter toute sainte consolation caeleste, et seray tous-jours, Monsieur,

Vostre humble confrère et serviteur en Nostre Seigneur,

Franc», E. de Genève. XVI décembre 16 10, a Neci.

A Monsieur

Monsieur de Bay, Docteur et Lecteur en la sainte Théologie, Doyen de S' Pierre, Président du Collège de Savoye a Louvain.

Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Boliandistes .

DCXLI

A M. PHILIPPE DE QUOEX

Dans les appointements, le Saint n'est pour personne. Pas de particularités dans sa Congrégation ; il faut que tout y « aille d'un train. »

Annecy^ 17 décembre 1610.

Monsieur,

Voyla vostre porteur (0 que nous vous renvoyons des- peché. Je serviray madame d'AvuUyC^) en tout ce qu'il

(i) Hérissant (1758) donne : « Voyla vostre prestre. » Il a sans doute mal lu; ne serait-ce pas pour le mot que nous substituons?

(2) Florise de Boyvin, fille aînée de noble et puissant seigneur messire François de Boyvin, baron du Villars (cf. tome XII, note (i), p. 417), épousa M. d'AvuUy par contrat du 10 octobre 1608 (voir tome XI, note (i), pp. 198, 199). Elle vivait encore le 13 décembre 1634. A la mort de son mari (cf. ci- dessus, note ( i), p. 352), son hoirie se trouva fort embrouillée. Des sommes promises à Florise par son contrat de mariage, ne lui furent pas payées; de là, des contestations avec les héritiers du défunt, des procès, des tentatives d'« appointemens » qui n'avaient pas encore abouti en i6ia. (Archiv. de la Visitation d'Annecy, Collection J. Vuy.)

Année i6io 387

me sera possible, notamment en l'un et en l'autre des articles que vous me marques.

Et quant au premier, bien que je n'aye pas accoustumé d'estre pour personne es appointemens, attendu que ma qualité m'invite tous-jours a la neutralité pour penser la paix*, si est-ce que, si elle le veut ainsy, je me dispen- Jerem., xxix, rt. seray de lettre pour ce coup, et M. de la Roche (0, qui est dehors, estant venu, je luy parleray a mesme efFect.

Quant au second, je pense qu'il faudra attendre qu'elle vienne icy pour voir le train de cette Congrégation, affin que, selon le jour qu'elle prendra, on regarde de luy donner satisfaction, s'il se peut(*). Néanmoins, je veux bien dire que malaysement pourroit-on luy permettre d'avoir une fille de chambre qui ne fust pas de la may- son, mais ouy bien qu'elle fust spécialement servie par une de celles qui seront en la mayson. C'est affin que tout, la dedans, aille d'un train. Certes, pour moy, je souhaitterois fort de la voir bien consolée en cette voca- tion la.

Ne me faites point d'excuses a m'escrire bien ou mal, car ne me faut nulle sorte d'autre cérémonie que de m'aymer en Nostre Seigneur, selon lequel je suis Vostre plus humble confrère,

Franc", E. de Genève.

Ce 17 décembre 1610.

(i) Sans doute Jean Joly, seigneur de la Roche et d'Alery (voir le tome précédent, note (i), p. 364). La Mère de la Roche, sa fille, dit dans sa dépo- sition, en parlant du Saint (Process. remiss. Aurelianensis, ad art. 28) : « Une grande partie de son temps s'employoit a apaiser des querelles, a suprimer des procès... et mon père... y assistait presque ordinairement. »

(2) M'"^ d'AvuUy désirait sans doute faire un essai de la vie religieuse dans la maison de la Galerie. Les Annales de l'Institut ne disent pas si elle donna suite à son dessein.

388 Lettres de saint François de Sales

DCXLII

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE

Les « bonnes coustumes » de Savoie. Rendez-vous pour les âmes chrétiennes unies d'affection. Une amitié sans limites.

Annecy, 17 décembre 1610. Monsieur mon Frère,

Ce n'est que simplement pour contenter mon cœur que je vous escris maintenant, car il faut, quand je puis, suppléer au bonheur que j'avois d'estre auprès de vous par ce petit allégement. Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes ; car, de m'attendre au bien que nous avions presque espéré, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours présent a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Noiiel, environ lequel j'eu cette si chère gfrace de vous voir. Mais com- bien y a-il (0 ? Certes, je n'y pense point, car il me sem- ble que nostr'amitié est sans limites, et qu'estant si fort naturalisée en mon cœur, ell'est aussi ancienne que luy. Ce pendant, continuons. Monsieur mon Frère, en cette si digne et si rar'afifection, affin que non seulement Monsieur le R"' de Saint Paul(»), mais tout le monde l'admire et loiie des-ormais.

Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de 'Cf. sipra, p. 573. madame nostre chère Présidente*, bien qu'on m'asseure

(i) Il y avait dix-sept ans. Ce fut à Annecy, et le 24 décembre 1593, qu'eut lieu la première entrevue entre ces deux hommes qu'une « si digne et si rar* affection » devait unir pour jamais. (Cf. tome XI, p. 430.)

(3) Sans doute Thomas Pobel, l'un des consécrateurs du Saint (voir sa notice au tome XI, note ( i ), p. 356). François de Sales lui donna toujours le titre d' « Evesque de Saint Paul, » malgré qu'il n'eût jamais pris possession de ce siège.

Année i6io 389

que son mal n'est pas plus grand quil faut pour seule- ment luy faire prendre les prseservatifz d'un plus grand. Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous conserve longuement et heureusement. Je suis, Monsieur mon Frère,

Vostre très humble frère et serviteur,

Franç% E. de Genève. XVII décembre ibio, a Neci.

(0 Monsieur mon Frère, ce porteur m'a dit comm'il a sceu, ou plus tost comm'il n'a pas sceu, la supplication que mon frère de Thorens vous fait* ; et ça bien esté asses 'Cf. infra, p. 591. pour y faire adjouster la mienne, que je sousmetz néan- moins a vostre jugement.

A Monsieur Monsieur Favre, Baron de Peroges,

Conseiller d'Estat de S. A., premier Président Savoye. A Chamberi.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. ( I ) Ce post-scriptum est inédit.

DCXLIII

A LA MÈRE DE GHANTAL

(billbt inédit)

Une galerie le Saint parlait « plus a commodité » à la Mère de Chantai.

Annecy, 18 décembre 1610 ( i).

Demain, ma très chère Fille, je ne sçaurois voir cette grande Seur (»), sinon quil y eut chose qui pressast ; car

( T ) Les particularités de ce billet s'accordent avec cette date; elles excluent léra, époque lés Sœurs quittèrent la Galerie, et aussi 1611, date la Mère de Chantai et le Saint furent tour à tour absents d'Annecy aux environs de la Noël et de la Pentecôte.

(a) Probablement la Sœur Marie-Jacqueline Favre, que les deux Fonda- teurs appelaient leur » grande Fille, u

390 Lettres de saint François de Sales

ne ferons-nous pas l'exhortation ? et après cela, il sera nuit. Or, quand je l'iray voir, je veux gaigner une bonne heure pour me promener avec vous en la galerie, car on y parle plus a commodité (0.

Marcelle (») désire de se confesser avant ces festes, et je luy avois dit que ce fut mercredi ; mais je voy qu'il faudra remettre a jeudy, ou plustost a vendredy matin.

(3) mon unique Fille, que j'ay de tendre et forte

affection pour nostre cœur, et que je suis pressé de le re- commander incessamment a Nostre Seigneur !

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.

(i) Cette « galerie » couverte, propice aux entretiens, d'où la première maison de la Visitation avait pris son nom, avait été jetée comme un pont par- dessus la voie publique, pour unir la cour et le verger de l'habitation.

(2) Marcelle était probablement une fille de petite condition.

(3) Les points de suspension remplacent un ou deux mots coupés dans l'Au- tographe.

DCXLIV

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE

(inédits) Recommandation en faveur d'une pauvre veuve.

Annecy, [vers le 33 décembre 1610(1) ] Monsieur mon Frère,

Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre persévérance au désir du bien des nostres, que je vous escris maintenant ; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection cette

(i) L'objet de la lettre, l'écriture et le rapprochement avec la lettre du 17 décembre, suggéré par la mention du baron de Thorens (voir la page pré- cédente), persuadent que celle-ci a être écrite à la date proposée.

Année 1610 39'

pauvre vefve(0, que monsieur de Conflens(*), a mon advis tant de vos serviteurs et Je mes amis, m'a instam- ment recommandée. Je vous en fay donq supplication, et vous souhaite et a madame vostre chère Prsesidente, ma très chère seur, Monsieur mon Frère, ce que vous pouves imaginer du cœur de

Vostre très humble frère et serviteur,

Franc', E. de Genève.

Nous attendons mon frère de Thorens pour vous faire la responsé que vostre lettre pleyne de faveur requiert*. 'Cf. supra, p. 389.

A Monsieur Monsieur Favre, Baron de Peroges, Conseiller d'Estat de S, A.

et son premier Président.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Saint-Marcellin.

( I ) Le 24 décembre 1610, Antoine Favre recommande à Charles-Emmanuel la veuve du capitaine du Frenay, « fort pauvre, » exposée, si elle n'était secourue, à retourner à Genève d'où on l'avait retirée après sa conversion. (Voir Mugnier, Correspondance du Président Favre, 1903, tome P'.) Ne serait- ce pas cette même personne que le Saint recommande à son ami f

(2) M. de Conflans parle ainsi de lui-même dans sa déposition, le 21 mai 1632 (Process. remiss. Gebenn. (I), ad 2"'"interrog.) : «Je me qualiffie noble et spectable Anthoine de Boege, dict de Conflens, conseillier de Monseigneur le Duc de Genevois et de Nemours, docteur es droictz et ballif au duché de Genevois. Je suis aagé d'environ 65 ans, bourgeois et habitant de la présente ville et cité d'Annessy, originaire du lieu et parroisse de Sillingy, et fils de feu noble homme Amed de Boege et damoyselle Pernette de Conflens, vivant de mon revenu. » Il épousa D'" Françoise Crassus, veuve de noble Guignes Viollon, seigneur de la Pesse, et en secondes noces, Jeanne-Aimée de Mouxy. Antoine de Conflans fut le premier syndic d'Annecy et juge des terres pour Philippe de Lorraine et Marie de Luxembourg. Il figure parmi les témoins que prit le Saint quand il fit son testament, le 6 novembre 1622.

39^ Lettres de saint François de Sales

DCXLV

A LA MERE DE CHANTAL

Tableau de la Nativité. se trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints. Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'ils entendent durant leur sommeil. Le cadeau du Bienheureux au a petit Roy. »

Annecy, 25 décembre [1610(1).]

Hé, vray Jésus ! que cette nuit est douce, ma très •AdMat.,Respons. chère Fille ! « Les cieux, » chante l'Eg-lise *, « distillent

post 2»" Lect. ° '

de toutes pars le miel ; » et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel céleste sur les lys ou il se treuve, sur la poitrine de la très douce Vierge et de saint Joseph. J'ay peur, ma chère Fille, que ces divins Espritz ne se mesprennent entre le lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché sur ces mam- •Cf. Gant., IV, 11. nielles. Quelle douceur de voir le miel succer le lait* !

Mais je vous prie, ma chère Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chère trouppe des musiciens célestes qui chantèrent en cette nuit ? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre coeur cette mesme céleste chanson, quelle joye, quelle jubila- tion ! Je les en supplie, afïin que gloire soit au ciel, et

Luc, II, 14. en terre paix aux cœurs de bonne volonté*.

Revenant donq d'entre les sacrés mystères, je donne ainsy le bon jour a ma chère Fille ; car je croy que les pasteurs encor, après avoir adoré le céleste Poupon que

* Ibid., 8-1 1. le Ciel mesme leur avoit annoncé"', se reposèrent un peu.

Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil ! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacrée mélodie des Anges qui les avoyent salués si

( I ) Le ton de la lettre, l'appellation de « ma Fille » inclinent à proposer la présente date. Letexte ne s'accorderait pas avec les années antérieures, et plus difficilement avec les années suivantes.

Année i6io 393

excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous- jours le cher Enfant et la Mère qu'ilz avoyent visité.

Que donnerions-nous a nostre petit Roy que nous n'ayons receu de luy * et de sa divine libéralité ? Or sus, *Cf. I Cor., iv, 7. je luy donneray donques a la sainte grand'Messe la très uniquement fille bienaymee qu'il m'a donnée. Hé, Sau- veur de nos âmes, rendés-la toute d'or en charité, toute de myrrhe en mortification, toute d'encens en orayson, et puis recevés-la entre les bras de vostre sainte protec- tion, et que vostre cœur die au sien : Je suis ton salut * 'P*- xxxiv, 3. aux siècles des siècles. Amen.

Vostre très afifectionné père et serviteur,

France E. de Genève.

DCXLVI

A MADAME d'aIGUEBELETTE ( ' )

Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté. Ce que fait la « petite trouppe » de la Visitation.

Annecy, 30 décembre 1610(2).

Or bien, ma très chère Fille, nous finissons cett' année en un jour. A la suite de la bonne dame defuncte(3),

( I ) Françoise-Melchionne, fille de Françoise-Melchionne de Maillans et de Guillaume du Four, premier syndic de Chambéry, conseiller d'Etat et juge-maje de Savoie, avait épousé par contrat dotal du 12 février 1581, Jean-Claude Bal- land; elle devint ensuite (24 février 1591) la femme de René de Chabod-Lesche- raine, seigneur d'Aiguebelette, des Echelles, etc. Celui-ci, après même qu'il eut vendu au président Favre la première de ces seigneuries, continua à en porter le nom. M"'* d'Aiguebelette n'eut qu'un fils et ce fut de son premier mariage ; elle mourut avant René de Chabod, comme on le voit par le testament de celui-ci (î6 février 1633).

La destinataire habitait Chambéry; elle avait sans doute connu le saint Directeur lors de son premier Carême prêché dans cette ville (1606). L'intimité de la présente lettre fait penser que d'autres lettres ont précéder celle-ci. M*"' d'Aiguebelette ne serait-elle pas la « Dame inconnue », destinataire des lettres données au tome XIII, pp. 173, 320?

( 2) L'allusion à la maladie de la Mère de Chantai et à la « petite trouppe » de ses filles rend cette date à peu près certaine.

(3) u De Fruité, » qui se lit dans les éditions précédentes, doit être une erreur de lecture pour '< defuncte ».

394 Lettres de saint François de Sales

nous finirons nos années pour commencer nostre éternité. Ah! ma Fille, c'est cett'eternité que sur tout je vous souhaitte très heureuse, et a cause d'elle vous vives tous- jours présente a mon cœur, qui se res-jouit de voir que vous persévères a vouloir de tout le vostre servir sa

•Cf. Luc. ,1,74, 75. divine Majesté en sainteté et pureté*. Faites bien cela, ma chère Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce misérable siècle, afFermisses-vous souvent auprès de ce Sauveur qui est venu apporter la. paix, la douceur,

•Ibid., n, 14. la tranquillité atix gens de bonne volonté *.

Nostre pauvre M"" de Chantai a eu un' attaque pareille a celle du moys d'aoust dernier, mais maintenant elle est presque guérie, et toute cette petite trouppe fait bien

Rom,, XII, 17 ; II devant Dieu et devant les hommes *_, nostre Chastel (^ )

Cor., VIII, 11, 1- T 1 I \ r -,

particulièrement, La chère cousine (2) fait de mesme, et je ne manqueray pas a luy faire vos recommandations. Bon jour et très bon an, ma très chère Fille ; je Vous escris sans haleyne et loysir, et suis entièrement tout vostre

(i) Sœur Péronne-Marie (cf. ci-dessus, note (3), p. 337). (2) Sans doute M.""*^ de Charmoisy, désignée sûrement far une mention identique dans une lettre du 15 décembre i6ri à M™* d'Aiguebelette.

Année 1610 y^^i

DCXLVII

AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE (0

Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable. La pensée de l'éternité pour le Saint. L'espérance de Téternité, et les motifs philoso- phiques qui la légitiment. L'échelle qui nous conduit aux années éter- nelles, — Souhaits de nouvel an.

Annecy, 31 décembre 1610(3).

Monsieur mon Frère,

Je finis cette année avec le contentement de vous pou- voir présenter le souhait que je fay sur vous pour la suivante. Elles passent donq, ces années temporelles, Monsieur mon Frère ; leurs mois se réduisent en semai- nes, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-là seulz que nous pos- sédons, mais que nous ne possédons qu'a mesure qu'ilz périssent et rendent nostre durée périssable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable ; puisque cette vie estant pleine de misères, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte éternité qui nous est préparée en l'abondance de la misé- ricorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire inces- samment par les continuelles pensées que sa propre nature luy suggère, bien qu'elle ne la puisse espérer que par des autres pensées plus relevées que l'Autheur de la nature respand sur elle.

Certes, Monsieur mon Frère, je ne suis jamais attentif a l'éternité qu'avec beaucoup de suavités ; car, dis-je, com- me est-ce que mon ame pourroit estendre sa cogitation

( I ) C'est sous toutes réserves que nous attribuons la lettre à ce destina- taire. La première édition (1626) l'adresse : A son Frère d'alliance ; les édi- teurs suivants, à partir de Hérissant (1758), l'attribuent au président Favre, mais sans fournir la preuve de cette attribution.

(2) Migne, au tome VI, col. 952, dit en note, à propos de la présente lettre : « Nous en avons retrouvé la date qui est : Le )i décembre 1610 ; » mais il ne donne pas les raisons de son affirmation.

39^ Lettres de saint François de Sales

a cette infinité, si elle n'avoit quelque sorte de pro- portion avec elle ? Certes, tous-jours faut-il que la faculté qui atteint un object ayt quelque sorte de convenance •s. Thom., I«ll«, avec iceluy*. Mais quand ie sens que mon désir court

Qu.v, art.i. j. j t.

après ma cogitation sur cette mesme éternité, mon ayse prend un accroissement nompareil ; car je sçay que nous ne desirons jamais d'un vray désir que les choses possi- bles. Mon désir donq m'asseure que je puis avoir l'éter- nité : que me reste-il plus que d'espérer que je l'auray ? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas créé une ame capable de penser et de tendre a l'éternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre. Ainsy, Monsieur mon Frère, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces années temporelles, nous passons aux années éternelles.

Or, je spuhaitte donq sur vostre chère ame que cette année prochaine soit suivie de plusieurs autres, et que toutes soyent utilement employées pour la conqueste de l'éternité. Vives longuement, saihtement et heureusement entre les vostres icy bas parmi ces momens périssables, pour revivre éternellement en cette immuable félicité pour laquelle nous respirons.

Voyla comme mon cœur s'espanche devant le vostre, et fait des saillies qu'il ne feroit pas sans cette confiance que luy donne l'affection qui me rend

Vostre très humble frère et serviteur.

Francs E, de Genève.

Année 1610 397

DCXLVIII

A LA MÈRE DE CHANTAL

(BaLHT INBDIT)

Les Filles de saint Bernard chez les Filles du saint Evêque de Genève. Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour.

Annecy, juillet-décembre 1610(1).

Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir (2), m (3). Vous ne connoisses que ma cou- sine de Ballon (4), mais les autres ne laissent pas d'estre bonnes filles ; je les vous recorhmande, m. La cherè fille de la haut ( 5 ) m'a escrit avec beaucoup de salutation pour vous.

Sil se peut, pour chose du monde je vous iray donner le bon soir, ou ce sera lundi matin pour le bon jour.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

( i) Outre l'écriture, qui paraît autoriser la date de 1610, nous savons que les visites des Dames Bernardines commencèrent dès les premiers temps de la Visitation. (Voir la note suivante.)

(î) « Souvent elles estoient visitées des Dames de Sainte Catherine, pour parler des choses spirituelles. Quant elles arrivoient à l'heure du diner, quoi qu'il ni eut rien de prêt dans la maison que ce qui estoit sur la table des Seurs, elles leur dojinoient de bon cœur leurs petites portions, s'abandonnant à la divine Providence, sans jamais teimoigner de la peine de leur arrivée, ni manquer de les recevoir avec toute la cordialité possible. » (Hist. de la Galerie.) Déjà, et de très bonne heure donc, les Filles de saint François de Sales attiraient à elles les âmes par l'affabilité cordiale de leur abord.

Il est difficile de nommer les membres de la « petite trouppe. »

(3) Cet m serait-il employé pour « ma mie » que nous trouvons ailleurs sous la plume du Saint ?

(4) Sans doute Sœur Louise-Thérèse de Ballon, professe à Sainte-Catherine depuis le 4 mars 1607 (cf. ci-dessus, note (3), p. 129). Elle sera plus tard destinataire.

(5) Ce doit être Sœur Bernarde de Vignod, que la Mère de Chantai con- naissait. (Cf. ci-dessus, p. 339.)

398 Lettres de saint François de Sales

DCXLIX

A M. ANTOINE DES HAYES ( 0

(inédits)

Une amitié constante. Mariage princier et les menaces d'une guerre.

Vanchy, 8 mai 1610. Monsieur,

Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis(»), partant d'auprès de monsieur le baron de Lux pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou cinq motz qui vous asseureront de la continuelle passion avec laquelle mon cœur vous honnore, respecte et chérit.

Et pour dire quelque chose sur le sujet de la dernière lettre que vous me fistes Ihonneur de m'escrire, je croy bien que meshuy cett' heureuse alliance delaquelle nous nous res-jouissons tant (3), me mettra en autant de liberté quil m'en faut pour pouvoir jouir un bon jour de la dou- ceur de vostre conversation, si toutefois la guerre a la- quelle il semble que tant d'inclinations conspirent (4), ne

( I ) Cette lettre est arrivée trop tard pour être insérée à la place que lui assignait sa date.

(s) Le Saint logeait sans doute au château de Vanchy quand il écrivit ce billet. Le gentilhomme auquel il le confia, pourrait être l'un des fils de son hôte, M. de Ballon. (Voir ci-dessus, note (2), p. ug.)

(3) L' n heureuse alliance » dont il est ici question, doit être le mariage de Victor-Amédée, prince de Piémont, avec Elisabeth de France (cf. ci-dessus, note (x), p. 217). Ce mariage, agréé de Henri IV, fut ajourné par la mort du roi et à cause des guerres qui occupèrent les deux pays. En 1619, Elisabeth était mariée au futur roi d'Espagne; Victor-Amédée épousa alors Christine de France, deuxième fille de Henri IV.

(4) Henri IV avait eu beaucoup à se plaindre du roi d'Espagne, et, comme il l'écrivait le 10 novembre i6oa, « des mauvaises practiques » qu'il avait faites pour exciter des troubles en son royaume. D'autre part, Charles- Emmanuel, qui avait épousé l'infante Catherine, l'une des filles de Phi- lippe II, « enrageant de despit de ce que son bon beau-père ne luy avoit laissé pour supplément du partage de sa femme, qu'un crucifix et l'image de la Vierge, » n'était pas moins irrité contre Philippe III son beau-frère, dont il n'avait pu obtenir davantage. Unissant leurs rancunes, le duc de Savoie et Henri IV conclurent à Brussol, le 25 avril 1610, par l'intervention de BuUion et de Lesdiguières, un traité par lequel ils s'engageaient dans une guerre

Année i6io 399

me sert de nouvel empeschement. Dieu en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus pros- pérer, avec madame vostre chère partie et toute vostre famille, jusques a vostre petit nouveau Anthoyne (O, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection pour estre le nom du père, auquel je suis si absolument, Monsieur,

Très humble et très affectionné serviteur,

Franc', E. de Genève. A Avanchy, le 8 may 16 10.

Monsieur de Charmoysi triomphe tous-jours au mespris de la cour ( = ) et m'est ad vis que nous aurons de la peyne de luy en faire reprendre le goust.

A Monsieur Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel de S. M., Gouverneur et Baillif de Montargis.

Revu sur l'Autographe communiqué par M. Robert de Courcel, Archives du Port Courcel, à Vigneux (Seine-et-Oise).

offensive et défensive contre l'Espagne. Le but était la conquête du Milanais, qui serait échu à Charles-Emmanuel, tandis qu'il aurait cédé la Savoie à la France. Le roi avait su gagner à sa cause les Vénitiens, le grand-duc de Flo- rence, le Pape, les princes et les républiques secondaires. (D'apirès Poirson, Hist. du règne de Henri IV, 1866, tome IV, liv. VIII, chap. 11.)

Le 8 mai 1610, le Saint pouvait croire prochaine cette guerre à laquelle « tant d'inclinations » conspiraient. Six )aurs après, Henri IV mourait assas- siné. '( Par cette déplorable mort, » dit Guichenon (Hist. génial, de la royale Maison de Savoie, tome II, chap. xxxvi), n le Duc se vit éloigné de ses espérances, exposé à la haine des Espagnols et sur le point de voir la guerre en son pays, n

(i) Cet enfant dut mourir tout jeune, car les fils de des Hayes ne portent pas le nom d'Antoine, ou bien le nouveau-né de 1610 a-t-il cessé de le porter plus tard.

(a) Cf. ci-dessus, note (4), p. 176.

40O Lettres de saint François de Sales

DCL

A LA MÈRE DE CHANTAL

(billet inédit)

Sollicitude pour la santé de la Mère de Chantai.

Annecy, [fin i6 10-16 ii (i).]

Je vous souhaite une bonne, douce et salutaire purga- tion, ma très chère Fille, et prie Nostre Seigneur quil vous comble de bénédictions. Ce soir, Dieu aydant, j'iray voir comme vous vous seres portée, et ce pendant, bon jour, ma très chère Fille.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy.

( I ) L'appellation de « Fille » fait croire que ce billet et le suivant ont été écrits entre 1610 et 1612, peut-être pendant l'une des maladies de la Mère de Chantai, fin 1610 (cf. ci-dessus, p. 394); fin janvier-mars 1611.

I

DCLI

A LA MÊME Souci charitable que prend le Saint pour la santé de la Fondatrice.

Annecy, [fin 16 10-1 6 11.]

Je VOUS souhaite infiniment le bon soir, ma très chère Fille toute mienne ( O, et sur tout craignant que l'éva- cuation ne vous laisse quelqu'incommodité de lassitude, altération et chaleur. Mais je sçai bien pourtant que vous soufFriries tout cela bien doucement, car vous estes bien sage, ma chère Fille, et ne treuveres jamais rien de trop dur de ce que Nostre Seigneur vous envoyera.

(i) L'Autographe porte ici et plus bas (lig. 3, 7 de la page suivante) /. m. Ces deux abréviations signifient sans doute : « toute mienne. »

Année lôio 401

O je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cœur tout sien par efFect, comm'il l'est, il y a long tems, par affec- tion ! Ouy certes, ma toute mienne très chère Fille, nous n'avons point d'affection en nostre cœur que pour sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite qu'elle fut.

Bonsoir, ma toute mienne chère Fille. Demeures en paix, et vive Jésus ! La chère nièce i^) me dira comme vous aves fait.

Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, chez les PP. Capucins.

(i) Saint François de Sales appelait « nièces « les Sœurs Favre et de Bré- chard, mais c'est la dernière qui devait soigner la Mère de Chantai et qui paraît être désignée ici.

DCLII

A MADEMOISELLE DE BLONAY

(fragment)

La grâce d'évangéliser n'est pas le privilège de tout le monde.

[1610-161 1(1).]

Ma chère Fille, je vous sçay bon gré de cette remar- que (') ; mais voyes vous, tout le monde n'a pas receu de Dieu la grâce d'évangéliser comme son Filz, le doux

( I ) La lettre d'où ce fragment est tiré a été écrite assurément avant l'entrée de M'"^ de Blonay à la Visitation (25 janvier 1612) ; il est difficile d'en préciser la date. Charles-Auguste (voir la note suivante) place le fait après la mort de Gabriel de Blonay. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 367.)

(a) Pour connaître «cette remarque, » il faut citer Charles- Auguste ('Za Vie de la Mère Marie Aymée de Blonay, 1655, chap. iv) : « Le seigneur de Blonay preschoit presque ordinairement les Dimanches et les Festes après Vespres, et souvent avec tant de chaleur, que le zèle l'émportoit ; et sa chère fille ayant appris que cette violence n'estoit pas approuvée de tout le monde, elle creut qu'un petit advis estoit nécessaire a ce cher père ; mais le respect filial ne souffrant pas qu'elle le donnast elle mesme, elle s'advisa de le faire sçavoir au sainct Evesque. » C'est ce fragment qui fut la réponse.

Lettres iV 26

402 Lettres de saint François de Sales

•Cant, ly, ii. Jesus, Evec miel et le lait sous la langue *. Il faudra pourtant que le cher père soit adverti de ce défaut tout doucement ; Dieu nous en fera naistre les occasions ( ^ ).

( I ) L'occasion se rencontra, ou plutôt fut amenée par le Saint; et ici encore il faut laisser parler l'historien de la Mère de Blonay : « Ce tres-sage correc- teur, dans un entretien de récréation, ayant engagé insensiblement le seigneur de Blonay à raconter comment avant que d'estre d'Eglise il se faschoit contre ses soldats vicieux, luy dit tres-agreablement : Mon cher frère, dites la vérité, vous avez encore un peu retenu de cette humeur de capitaine, et quel- quesfois, quand vous corrigez vos parroissiens, vous vous imaginez peut-estre avoir encore a faire à vos soldats ; cependant il y a bien à dire entre les qualitez de capitaine et de pasteur, de soldats et de brebis, car celles-cy doivent estre conduites avec douceur et patience. Il n'acheva pas la période, mais la laissa au bon jugement de celuy qu'il corrigeoit. »

I

APPENDICE

Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.

LETTRES

ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS

FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE

* DoMiNicus, Episcopus Ostiensis, Pinellus (0; Fr. Hieronimus Bernerius, Episcopus Portuensis, Asculanus (»); Fr. Annasde Cars, tituli Sanctae Susannae, deGivry *; Laurentius, tituli Sancti Lau- rentii in Pane et Perna, Bianchettus * ; Pompeius, tituli Sanctae Bal- binae, Arigonius * ; Robertus, tituli Sanctse Mariae in Via, Bellar- minus (3) ; Antonius, tituli Sanctas Crucis in Hierusalem, Zapata(4), et Ferdinandus Taberna, tituli Sancti Eusebii (5), nuncupati Pres- byteri, miseratione Divina, Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinales, in

(i) Dominique Pinelli, à Gênes le si octobre 1541, évêque de Fermo, cardinal en 1586, archiprêtre de Sainte-Marie-Majeure, plus tard légat de Pérouse, mourut le 9 août 1611.

(2) Jérôme Bernier, lombard, Dominicain (1540-1611), évêque d'Ascoli, fait en 1586, par le Pape Sixte V, prêtre-cardinal du titre de Saint-Thomas, puis de Sainte-Marie sur la Minerve, etc., et évêque de Porto.

(3) Robert Bellarmin, Jésuite (1542-1631), créé cardinal par Clément VIII, le 3 mars 1599. Il sera plus tard destinataire.

(4) Antoine Zapata, à Madrid vers 1550, évêque de Cadix, puis de Pampelune, plus tard archevêque de Burgos, fut fait cardinal en 1604, par Clément VIII, se démit de ses charges en 1632, et mourut en 1638, le 6 mai.

(5) Ferdinand Taberna ,j milanais, nommé cardinal en 1604, évêque de Novare, mourut le 39 ao(it 1619.

* Vide Epist

. CDLX.

* Vide supra , p. not. (ï).

* Vide tom. XU, p

70.

not. (2). Vide ibid

, not.

(0,

et supra, not

(>),P.

, -0.

4o6 Appendice

universa Republica Christiana adversus haereticam pravitatem générales Inquisitores a Sancta Sede Apostolica specialiter deputati : Reverendo in Christo Patri Domino Francisco, Episcopo Gebennensi, salutem in Domino sempiternam.

Cum in generali Congregatione sanctae Romanae et universalis Inquisitionis habita in Palatio Apostolico montis Qiiirinalis, coram Sanctissimo Domino nostrô Domino Paulo, divina Providentia Papa Vide tom. prieced., Quinto *, ac nobis, die infrascripta, nomine Reverendae Paternitatis ' ' tuae supplicatum fuerit, quatenus ad animarum salutem, ac haeresum

et errorum confutationem eidem Paternitati tuae infrascriptas facul- tates concedere dignaremur, ut haereticos quoscumque, etiam re- lapsos, reconciliandi ; cum haereticis jam conversis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis gradu nuUiter contraxerunt, ut de novo contrahere possint dispensandi ; diaecesanorum vota commutandi ; pugnantes in duello ab excommunicatione absolvendi ; Regulares extra claustra degentes coercendi ; -quoscunque haereticorum libres legendi et retinendi, eosque etiam aliis permittendi ; deputandi nonnullos confessarios idoneos in suadiaecesi, qui haereticos redeun- tes in foro conscientiae absolvere, ac etiam aliquas personas eccle- siasticas quae per eandem diaecesim vestes sacras et alia ad divinum cultum necessaria benedicere possint.

Nos, quibus in primis cordi est, ut omnis haeretica pravitas e mentibus hominum tollatur et oves aberrantes ad caulam Dominici gregis sedulo reducantur, cunctorum Christi fidelium saluti provide consulatur, ac summopere cupientes, ut sancta Catholica et ortho- doxa fides ubique floreat et augeatur, auctoritate Apostolica nobis in hac parte commissa, Paternitati tuae ac aliis octo viris ei benevisis, doctis, piis et zelo Catholicae fidei praestantibus, quique ex librorum haereticorum lectione perverti nequeant, ut omnes, et quoscunque prohibitos libros etiam in Indice Romano librorum prohibitorum damnatos, ad effectum haereses et errores redarguendi et confutandi, secreto et per vos ipsos tantum et sine aliorum scandalo aut peri- culo légère et retinere libère et licite absque censurarum et pœnarum incursu possitis et valeatis, injuncto tamen vobis : Venerabili Paterni- tati tuae, ut tam praesentium literarum exemplum, quam librorum prohibitorum praedictorum, quos hujusmodi nostrae facultatis vigore leget aut retinebit, notam quamprimum exhibeat Reverendo admo- dum in Christo Patri Domino Archiepiscopo Viennae (O, uttempore hujus facultatis elapso, vel post obitum Paternitatis tuae, si ea

(i) Jérôme de Villars, frère de Pierre (voir ci-dessus, note (i), p. 134), fut sacré archevêque de Vienne le 27 décembre 1599 et mourut titulaire de es siège, le 18 janvier i6a6.

I

Facultés accordées par le Saint-Office 407

intérim forte ex hac vita migrare contigerit, libri praedicti ei consi- gnentur, ut provideat diligenter ne ad aliorum manus pervenlant, sed per eum tradantur igni comburendi ; dlctis autem octo viris ab ea deputandis, ut librorum prohibitorum quos legent aut retinebunt Paternitati tuas notam quamprimum ad eundem effectum exhibeant.

Praeterea Paternitati tuae, ut omnes et quoscunque suos disecesa- nos ad eam in aliquo suae diaecesis loco constitutam, seu residentem sponte venientes utriusque sexus, ac tam laycos quam dericos saecu- lares et cujusvis Ordinis Regulares, haereticos, schismaticos et a sancta Catholica fide aberrantes, iilorumque credentes, etiam in haereses et errores semel relapsos, non tamen Italos, Hispanos, aut alios ex partibus in quibus Sanctum Inquisitionis Officium exercere- tur, nec eos qui in judicio de haeresibus accusati vel condemnati fuerunt, aut pluries in eas relapsi, in eadem Paternitatis tuje diaecesi commorantes, de quibus niiiilominus Sanctissimus Dominus noster Papa aut hoc sacrum Inquisitionis Officium consulatur, pœnitentes quidem ab excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis, quas propter haereses et excessus hujusmodi quomodolibet incurrerint, dummodo corde sincero et fide non ficta coram notario et testibus publiée vel priva- tim, prout casus exegerint et Paternitati tuae magis expedire yide- bitur, haereses, schisma et errores suos ac alios quoscunque detestati fuerint, anathematizaverint et abjuraverint, ac in gremium sanctae matris Ecclesiae recipi et admitti humiliter postula verint, atque praestito per eos jurejurando promiserint de castero ab hujusmodi haeresibus, schismate eterroribus, ac aliis similibus exccssibus pœni- tus abstinere, in forma Ecclesiae consueta, injuncta inde eis et eorum cuilibet, pro modo culpae, pœnitentia salutari, et aliis injungendis, prout eorum saluti Paternitas tua expedire cognoverit, per se ipsam in utroque foro absolvere, et in gremium sanctae matris Ecclesiae recipere et reconciliare [licebit] ; nec non ut universos et singulos suos diaecc- sanos, qui llbros haereticorum seu alias prohibitos, etiam in Indice Romano librorum prohibitorum damnatos, scienter legerint vel reti- nuerint, haereticorum quoque et schismaticorum receptatores, fau- tores et defensores qui in illorum haresibus non adhaeserunt, et in futurum ab hujusmodi perniciosa lectione, vel retentione etexcessi- bus praedictis abstinere firmiter proposuerint, similiter ab excommu- nicationis et aliis ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis, quibus propterea fuerint innodati, in eadem forma Ecclesiae consueta, injunctiseisdem pœnitentiis salutaribus et aUis injungendis, in utro- que foro pariter absolvere et liberare.

Et insuper, ut cum eisdem pœnitentibus qui clerici saeculares, vel

4o8 Appf.ndicf.

cujusvis Ordinis Regulares fuerint, super irregularitate per eos, tum h£eresum, schismatis et errorum, quam lectionis vel retentionis librorum haereticorum, seu alias prohibitorum, ac excessuum hujus- modi, aut alias praemissorum duntaxat occasione contracta ; quoad executionem Ordinum tantum, non autem quoad habilitationem obtinendi vel retinendi bénéficia ecclesiastica, dignitates et officia, iis tamen, qui haeretici fuerint, et in sacris Ordinibus constituti ab altaris ministerio, et omnium Sacramentorum administratione perpetuo vel ad tempus arbitrio Paternitatis tuae suspensis, si aliud canonicum impedimentum non obsistat, pœnitentia vel ejus parte peracta, et suffragantibus meritis in utroque foro di^pensare.

Ac praterea, ut cum singulares casus occurrerint, vel alias Pa- ternitati tuae expedire videbitur, aliquos sacerdotes saeculares vel cujusvis Ordinis Regulares idoneos, et ad sanctum Pœnitentiae Sa- cramentum ministrandum praevio examine a Paternitate tua appro- batos, et in dicta diascesi Gebennensi constitutos seu résidentes, qui haereticos, schismaticos et delinquentes praedictae diaecesis Geben- nensis ad eos sponte venientes, et ad sanctae matris Ecclesiae gremium recipi et admitti humiliter postulantes, abjuratis per eosdem verbo in ipso Sacramento Pœnitentiae, haeresibus, schismate et erroribus suis, ac aliis quibuscunque prasstitoque jurejurando, quod talia deinceps non committent, si in haereses et errores relapsi non sint, aut de eis in judicio inditiis praeventi vel condemnati, in forma Ecclesiîe consueta, impositis eisdem pcenitentiis salutaribus et aliis injungen- dis, in foro conscientise duntaxat, citra uUam habilitationem aut dispensationem, absolvere praedicti sacerdotes possint, et quilibet eorum possit, eligere et deputare Paternitas tua possit et valeat.

Insuper, de speciali mandato prœdicti Sanctissimi Domini nostri Papae vivïe vocis oraculo nobis facto, eidem Paternitati tuae, ut cum haereticis suae dieecesis ad fidem Catholicam conversis et reconciliatis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis vel affinitatis gradu nuUi- ter contraxerunt, ut denuo non obstante hujusmodi impedimento, matrimonia in facie Ecclesiœ, servata forma Concilii Tridentini, contrahere possint, dispensare, prolem susceptam et suscipiendam legitimam nuntiando. Vota etiam eorundem diaecesanorum (castitatis et Religionis duntaxat exceptis), in alia pietatis opéra commutare ; eos qui in singulari certamine seu duello hactenus pugnaverunt, a sententia excommunicationis et aliis pœnis hac de causa per ipsos incursis, absolvere et liberare ; Regulares quoscunque sine licentia et obedientia suorum Superiorum in diaecesi Paternitatis tuas extra claustra degentes coercere ; ac tandem sacerdotes aliquos Paternitati tuse benevisos, qui in dicta diaîcesi existentes corporalia, pallas, vestes

Facultés accordées par le Saint-Office 409

sacras et alia ornamenta ad divinum cultum necessaria, in quorum

benedictionenon intervenit sacra unctio, benedicere ; ecclesias^orato-

ria et casmeteria pollutas et poUuta, cum aqua a Paternitate tua, vol

alio Catholico Antistite, gratiam et communionem Sanctae Sedis Apo-

stolicae habente, [benedicta,] reconciliare possint, et quilibet eorum

possit, Paternitas tua eligere et deputare valeat * : licentiam, faculta- *^*;^v^xP'^*- ^'''""' **

tem et auctoritatem ad quinquennium proxime futurum, a data pras-

sentium duntaxat duraturam, harum série ac tenore damus, conce-

dimus et impartimur, non obstantibus in contrarium facientibus

quibuscunque ; volumus autem ut prasdictis facultatibus cum suis

diaecesanis duntaxat et non cum aliis Paternitas tua uti valeat.

In quorum omnium et singulorum praemissorum fidem et testi- monium présentes literas gratis expeditas, per infrascriptum nostrum et praedictas sanctae universalis Inquisitionis Notarium fier! et ma- nibus nostris subscriptas, sigilli ejusdem sanctae Inquisitionis quo in talibus utimur, jussimus et fecimus appensione muniri.

Datum Romae, in generali Congregationi dictae sanctae Inquisi- tionis, decimo sexto kalendas Augusti, anno a Nativitate Domini Nostri Jesu Christi millesimo sexcentesimo octave, Pontificatus praedicti Sanctissimi Domini nostri Papae anno quarto.

DoM'="^ Ep^ Ostiensis, Gard. Pinellus.

Fr. Hier., Ep"s Portuensis, Car"'. Fr. Annas, Car''% de Givry. L. Car"= Blanchettus. P. Car''= Arigonius. R. Car"= Bellarminus. Ferd% Car"5 5*' Eusebii.

Andréas de Pettinis, Sanctae Romanœ

et nostrae Inquisitionis Notarius,

Revu sur l'original inédit, appartenant à M. le comte de Roussy de Sales, au château de Thorens-Sales.

B

LETTRES DE M^R PIERRE DE VILLARS

ARCHEVÊQUE DE VIENNE

(fragments)

Vide Epist. Dxiv. * Lg ijvre spirituel que vous venez de mettre sur la presse de

l'imprimeur (i ), me ravit, m'eschauffe, m'extase tellement, que je n'ay ny langue, ny plume dont je puisse vous exprimer l'affection qui me transporte en vostre endroict, pour l'amour de ce grand et signalé service que vous en rendez à la divine bonté et l'inestimable fruict qui en reviendra à tous ceux qui seront si heureux que de le lire ainsi qu'il faut.

Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Genève tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fm à l'infamie de Genève, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie ? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les hérésies de ce siècle ; mais je veux bien aussi dire et sous- tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la dévotion n'y ont pas apporté moins de remède. Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les préférer en ce cas, s'il estoit question de la débattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matière des hérésies et l'obstination la forme, la doctrine qui illumine l'entende- ment remédie à la matière ; mais la vertu, la dévotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastrété, domine sur la forme qui tient le preciput en l'essence : de manière qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cède à celle delà pieté et dévotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concédant sa nécessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pécheur est ignorant. Et, quoy qu'au syllogisme spéculatif il puisse dire : « Je vois le bien etl'appreuve, » parce que l'entendement est vaincu par la vérité, si est-ce qu'au syllogisme practic, il confessera qu'il suit le mal, d'autant que la

( I ) V Introduction à la Vie dévote.

Lettres de csjelqpes correspondants 411

passion mal reiglée l'emporte, de façon que, quand le feu de la concupiscence est tombé sur les âmes passionnées, elles ne voyent point le soleil. 11 faut donc bonifier la volonté pour empescher qu'elle ne nuyse a l'illumination efficace de l'entendement, attendu mesmes que les livres spirituels commencent par la doctrine pur- gative, pour despoûiller les âmes de toutes les mauvaises habitudes incompatibles au vray Christianisme.

Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sa- pience, r'embarrant l'erreur des hérétiques par la doctrine des controverses, et conduisant les volontez dépravées au chemin de la vertu par vos traictez de pieté et de dévotion. C'est sans doute que la reformation des mœurs esteindra les hérésies avec le temps, comme la dépravation les a causées, puis que l'heresie n'est jamais le premier péché.

Excusez, s'il vous plaist, ma prolixité ; il a fallu que j'aye contenté mon ame, de vous signifier son aise et contentement sur vostre beau et bon livre que je ne puis assez louer.

25 janvier 1609.

II

* Vostce dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera videEpist. oxiv.pp. des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que '**"'*7" de les lire, relire et retenir ; car ils arriveront par ce moyen au suprême faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme ; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire : Je ne suis rien.

Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se ser- vira sur le clavier de son espinette, organizée pour conserver sa mémoire des plus beaux airs spirituels que la nécessité du corps et les autres occupations extérieures luy font interrompre actuellement plus souvent qu'elle ne voudroit. Ces cinquante deux semaines, quoy que réitérées par plusieurs années, ne luy dureront rien, luy repré- sentant les deux septénaires de gloire spirituelle et corporelle qui suivront le grand Jubilé qui ne finira jamais.

Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de prédicateurs qui fassent de mesme que vous ; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces

4 1 2 Appendice

belles conceptions) une si acile et nombreuse réduction des des- voyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable méthode.

Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoflFe ! Et je persiste en tout ce que ma précé- dente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination ne peut estre vaincue que par la melio- ration des volontez, s'il faut user de ce terme : à quoy la reforma- tion des mœurs sert directement. f

Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zèle, qui est vrayement selon la science des Saincts, exécute ce que vous me daignez commu- niquer. Pour mon symbole, je n'y peux contribuer que ceste tres- instante réquisition que je vous en fais, pour la gloire de Dieu et service de son Eglise.

Mars 1609.

III

Je nedesadvouë pas que je n'aye faict une grande feste de vostre Introduction en plusieurs bonnes compagnies ; mais ce n'est pas ma recommandation qui l'a mise en vogue : elle vole de ses propres aisles, elle est douce de son propre succre, elle est embellie et enri- chie de ses propres couleurs et joyaux. Celuy qui a de bon vin, n'a point besoing d'enseigne

Avril 1Ô09.

Lettres de auEL^uts correspondants 413

LETTRE

DU P. JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD

DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS

p. 189, not. (1).

Monseigneur, *NostreR. P. Provincial** s'en retournant en France, layssa charge * V^fl^ ^p'^*- '>'''•"'•

^ ■' o «» Y,jg supra, p. \yi,

a nostre R. P. Recteur (0 que l'on ne passast plus avant en l'affaire not. (2). duquel je vous avois escrit *, sans son expresse communication ; ce cf. Epist. dxli, et qui tirera l'exécution en longueur, et non sans ma langueur. Spes enim quœ differtur affligit animam ; sed qui venit mittere ignem in terrant, nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam ; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier colloque du très hault Sacrifice, comnie en ses ferventes oraisons et sublimes élévations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante miséricorde et paternelle provi- dence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort. Hic {élus comedit me, qui ut sit secundum scientiam et spiri- tumjesu Christi, libentissime dirigar consiliis Apostolicis et sapienti potestate Superiorum.

Je me double bien que ce delay se procure pour ce que nos Supérieurs m'ayant accordé a Gray pour le saint Advent et Caresme, ils ne voudroyent que l'on entamast besogne qui me tint engagé en ce temps la. Je vois bien qu'aux approches que nous en ferons, l'on ne pourroit estre si libre a s'entendre en la conférence selon que la nécessité le pourroit requérir. Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Révérend Père General ( 2 ), gardant la subordination de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets ; veu mesme que si, suivant ce que nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entre- vienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit

(i) Le P. René Ayrault, recteur du collège de Besançon, de 1608 à 1616. (ï) Claude Aquaviva, le 15 septembre 1543, Général des Jésuites le 19 février 1581, mourut en 1615, le 31 janvier.

414 Appendice

exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit entrecoupé.

Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplie- ray Dieu, le Créateur et Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver en toutes prospérités et vous combler de ses dons célestes, pour les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie.

De vostre Reverendissime Seigneurie,

Très humble et indigne serviteur,

Jaques Phrt Bonivard.

De Besançon, le 24 septembre [1609].

Revu sur une ancienne copie inédite, conservée à la Visitation d'Annecy.

D

LETTRE DE M^^e fAVRE (fragment)

Cf. p. 247, net. (3). *Je n'ay plus besoin de chercher le chemin de la vertu,; mon- sieur de Boisy (O, en vôtre absence, Monseigneur, me le montre si clairement, que je n'ay qu'à l'embrasser et affectionner. Contre la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon premier désir, à me rendre obeyssante, et je ne puis être touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes éternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être éternellement vôtre fille.

Monseigneur, je tacheray de me conserver [ce bonheur,] me sou- mettant entièrement à vos volontez

[Fin octobre-novembre 1609 (*).]

( I ) Jean-François de Sales.

(a) Cette lettre a être écrite pendant le séjour de saint François de Sales en Bourgogne.

Lettres de auEtauEs cîorrespoKdants 415

£

LETTRE DU PRÉSIDENT FRÉMYOT

Monseigneur,

* Ce papier devroit estre marqué de plus de larmes que de lettres, 'Cf. p. afij, not. (i). puis que ma fille, en laquelle, pour ce monde, j'avois mis la meil- leure partie de ma consolation et du repos de ma misérable vieillesse, s'en va et me laisse père sans enfans. Toutesfois, à vostre exemple. Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mère avez pris une ferme et constante resolution sur la volonté de Dieu *, je me resous *videEpist. otxxw. et conforme à ce qui plaist à Dieu ; et puis qu'il veut avoir ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en sa gloire éternelle, je veux bien monstrer que j'ayme mieux son conten- tement avec le repos de sa conscience, que mes propres affections.

Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge qu'elle n'oubliera pas son père, qui l'a si chèrement et tendrement aymée. Elle emmeine deux gages, l'un desquels j'estime heureux, puis qu'il entre en vostre beniste famille ; l'autre, je voudrois bien qu'elle voulust nous le conserver. Pour son fils, j'en auray le soing qu'un bon Père doit aux siens ; et tant que Dieu aura aggreable de me laisser en ceste vallée de pleurs et de misères, je le feray instituer en tout honneur et vertu.

Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes volontez, et croire que je ne désire rien plus, après les grâces et bénédictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute ma vie, Monseigneur,

Vostre tres-humble et tres-affectionné serviteur,

Fremiot.

Dijon, 29 mars 1610.

4i6 Appendice

LETTRE DU CARDINAL JEAN GARSIA MILLINO

{»:

(2) Illustre et molto Reverendo Monsignore,

Il Rev. Giovanni Sauli, sacerdote di Verduno in Lorena, è venuto qui et ha esposto alla Santità di Nostro Signore che 166 heretici calvinisti délie città di Losana et Geneva voerliono tornare alla fede cattolica con le famiglie loro et abiurare 1 hérésie in mano di V. S. a Tunone ; rapresentando che non possono conferirsi (sic) altrove con le famiglie, senza pericolo délia vita di molti di essi, facendo instanza che si concéda a lei facoltà di assolverli et reconciliarli in utroque foro. Di che essendosi trattato in Congregatione del Santo Officio avanti Nostro Signore a xi del présente, la Santità Sua si è conten- tata dar ampla facoltà a V. S. di assolvere detti heretici, con le amiglie loro, in utroque foro, procurando di farli prima instruir bene negl'articoli délia fede cattolica contro l'heresie tenutê, et che per l'avvenire, per mezzo di sacerdoti dotti et prudenti, siano mantenuti et conservati nella purità délia fede cattolica ; confidando Sua Beati- tudine et questa sacra Congregatione nella molta bontà, prudenza et zelo di lei in procurare la salute dell' anime, ch' Ella darà in ciô quelli buoni ordini et avvertimenti che saranno in ciô necessarii ;^ piacendole, a suo tempo, dare avviso de' nomi et cognomi délie persone che assolverà et reconciliarà in vigore délia présente, per farne relatione a Sua Beatitudine.

Et a V. S. tra tanto mi offero et raccommando. Di V. S. Illustre et molto Reverenda,

Corne fratello, Il Cardinale Millinô.

Di Roma, li 13 di novembre 16 10.

Revu sur le texte inséré dans le II"* Procès de Canonisation.

(i) Jean Garsia Millino, en 1572, cardinal le it septembre 1606, mourut le !"■ octobre 1629.

(2) Le texte italien de cette lettre est inédit.

II

LETTRE DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL

A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS (0

Vive f Jésus !

Mon très-honoré et très-cher Seigneur,

Vous avez laissé cette petite ville toute parfumée de la suavité de votre douce, dévote et débonnaire conversation, particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en parlent avec grand sentiment. Mais surtout nos pauvres Sœurs sont demeurées tellement conso- lées de l'entretien de la pure dilection, qu'elles regrettent avec moi de n'avoir su jouir plus souvent du bonheur de votre désirable présence.

Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas ; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas. Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néan- moins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule ; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheu- reux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en

(i) Voir ci-dessus, note ( i ), pp. 139-141.

Lettrés IV n

41 8 Appendice

particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité.

Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bon" exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumis- sion qu'ils doivent ; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur. 11 vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes : c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection.de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux. Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de- très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plu- sieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailli- blement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de votre véri- table vertu.

Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire : il attribue cette faute à son zèle. Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce Bienheureux,

I

Lettre de sainte J.-F. de Chantal 419

imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience à tout supporter, et en cette prudence charitable qui le tenait attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser le général, ni les particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive qu'elle fût. L'on voit cette vérité dans ses écrits, il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de l'Eglise. Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'em- ployait soigneusement à les aider à réparer : je l'ai vu dans cette pratique seize années ; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait ! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples.

Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je prends de lui dire ainsi simplement tout mon sentiment? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été excitée par le véritable amour que je vous dois et veux vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration d'employer doréna- vant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs traités utiles à ses enfants. Permettez-moi, Monseigneur, de vous supplier de me donner quelques petits témoignages que vous n'aurez point désagréé ma simplicité et confiance en votre bonté, car mon cœur aurait une bonne touche s'il pensait avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs de se voir continuer l'honneur de votre précieuse amitié

[Annecy, 1632.]

D'après l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

GLOSSAIRE

DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNÉS

ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui (0

(L'astérisque désigne les mots qui ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)

*A pour avec (v. p. 26, lig. 5), contre (f. 283, 11. 9, 10), t/^(pp. 39, lig. ai ; 119, lig. 2 ; 204, lig. i ; 388, lig. 5, etc.), en (pp. 78, lig. 6 ; 113, lig. I ; 311, 11. 10, 21), en signe de (p. 290, lig. i) envers, à l'égard

<^'(P- 153. lig- 13). /"^'■(PP- 184, lig- 27 ; 26r, lig. 3o),/)o«r(p. 387,lig.2o).

AAGE pour vie, temps (v. pp. 59, 142).

ABBATU pour anéanti (v. p. 228).

ABHORRISSEMENT Ao;r*H/-(voir

p. 94). Cf. l'ital. ABOKRIMENTO.

'ACCOISER apaiser, rendre coi, calme (v. p. 8). Cf. le lat. acquies-

CKRB.

ACCOISER (s') s'apaiser, se tran- quilliser (v. p. 94).

ACCOMMODEMENT de l'ital. ACCOttOGAMBuro, aménagement (voir p. 287).

•ACCOMMODER pour _finir de préparer (v. p. 36), pourvoir, or- donner (pp. 125, 198).

ACCOSTER pour<:o/oy^r(v.p. 317). A CE pour ce (v. p. 248). ACOLANT entourant le cou (voir p. 262).

* ACTION pour cérémonie (voir

p. 167).

* ADDRESSER pour diriger (voir

p. 279). ♦ADMIRABLE pour singulier, étrange (v. p. 33).

* ADMIRER pour trouver étonnant,

s'étonner (v. pp. 24, 161, 360). •ADVENTURE, AVENTURE (a 1')

pour peut-être (v. pp. 127, 102,

278, 336). ADVISER (s') pour s'apercevoir

(v. p. 62).

* AD VOUE pour reconnu, approuvé

(v. p. 252). ./ÉTERNITÉ, ETERNITE (a 1') —t'/^/-- nelle , éternellement (v. pp. 260,

359)-

* AFFECTER pour rechercher (voir

p. 127).

( I ) Nous n'avons pas songé à dresser ici, pour ce volume, en toute rigueur scientifique, le Lexique de saint François de Sales. Un tel travail, à peine est-il besoin de le dire, ne pourra être établi qu'après l'achèvement de cette publication. Notre but a été surtout de rendre provisoirement service aux lecteurs français ou étrangers qui seraient peu familiarisés avec les particu- larités du vieux langage. On voudra bien, en se servant de ce recueil, se souvenir de la pensée d'ordre tout pratique qui l'a inspiré.

432

Lettres de saint François de Sales

AFFECTION pour désir, ardeur (v. pp. 175, 195, 361).

AFFECTIONNEMENT— avec affec-

tion (v. pp. 5, 38, etc.)

AFFIGÉ fixé, attaché, suspendu

(v. pp. 135, 199)-

AGEANCEMENT pour arrange-

ment, disposition (v. p. 369).

AGGRANDIR çqmt faire croître, donner une part plus large [v. p. la), élever en dignité (p. 13).

•AGILITÉ (d'esprit) ^omt prompti- tude d'esprit (v. p. 114).

AINS mais, mais plutôt, mais encore, et aussi.

AINSY COMME comme (v. p. 40). AIR pour vol (v. p. 320).

ALANGUISSEMENT langueur

(v. pp. 52, 119). ALENTOUR— pour autour (v. p. 14). ALIÉNÉ du lat. alienus, éloigné,

détaché (v. p. 178). •AMENE du lat. amœnus, d'un

aspect agréable, riant {v. p. 317).

A MESME à mesure (v. p. 57), a

l instant même (p. 257).

AMIABLE qui a lieu par voie de

conciliation (v. p. 25), doux, gra- cieux, aimable (pp. 78, 147, etc.), amical (pp. 188, 279, etc.)

•AMIABLEMENT aimablement, gracieusement (v. pp. 125, 344, 380).

AMOINDRIR pour devenir moin- dre, diminuer (v. p. 151).

•APPARENT— pour marquant (voir

p. 158). Cf. le lat. APPARBNS.

APPERT (il) il paraît évident

(V. p. 83).

APPLICATIONS pour remèdes appliqués (v. p. 358).

•APPOINTEMENT pour arbi- trage dans les différends (v.p. 387).

APPREHENSION sentiment, idée

vive (v.p. 233). APPRESTER— pour />;-//«»• (v.p. 70).

APPRIVOYSER pour accoutu-

mer (v. p. 8).

ARDRE du lat. ardere , brûler

(v. p. 397). ARGUMENT pour raison, motif (v. p. 367).

ARRAYSONNBR - chercher à per-

suader, chapitrer (v. p. 148).

ARRESTER pour rester, demeu- rer, se fixer (v. pp. 58, 170, 311), tar- der (p. 353).

ARRESTER (s') pour demeurer,

rester (v. p. 183). ASPRE pour dur, désagréable au

goût (v, p. 138).

ASSEURÉ (estre) pour être in assurance, en sécurité (v. pp. 80, 189).

ASSEURÉ (pour) pour sûr, assu- rément (v. p. 148).

•ASSEURER (s') pour être sûr (v. p. 98), s'affermir, se fortifier

(P- 377V ASSOUVI contenté, satisfait (voir

P- 74).

ATANT là-dessus, sur ce (voir

P- 319)-

ATTENDRE A (s') pour compter

sur (v. p. 183). ATTENDRIR... A pour amollir...

jusqu'à (v. p. 270). AU pour à (v. p. 185, lig. 9).

AUCUNEMENT pour quelque peu, en quelque façon, d'une manière quelconque (v.pp.6, 10, 168, 238, etc.)

AUX— pour dans les, che^ les (v. pp.

41 ; 379. 11- 5. 6). •AVANCER pour faire avancer,

mettre en avant (v. p. 317). AVANCER SUR (s') empiéter (voir

P- 357)-

AVANTAGE (a 1') d'avance, par avance (v. p. 369).

AVIDEMENT pour avec empresse- ment (v. p. 139).

*AYSE poMT consolation, plaisir, contentement (v. pp. 183, 396).

* BAILLER donner (v. p. 117).

* BANDÉ pour attentif, appliqué (v. p. 159), tendu (p. 338).

BASILISQUE du lat. basiuscum, basilic (v. p. 305).

* BENEFICE pour bienfait (v. pp.

94. 369)- BIEN pour plaisir, bonheur (voir p. 162).

Glossaire

423

BIENS pour bonnes œuvres, bien

(v. p. 47)- •BIGEARRE bigarre (v. p. 205).

BONNEMENT facilement (voir

p. 362). BORD ON bourdon de pèlerin [voix

p. 3M). •BOUT DE LA (z\x)— après tout, après

cela (v. p. 71).

BRAVE poMT Joli (v. p. 129).

BRIGADE de l'ital. brigata, com- pagnie, assemblée (v. p. 174).

*BROUlLLBMES di//icultés, peti- tes disputes intestines (v. p. 159).

ÇA BAS ici-bas (v. p. 381).

» CARESME PRENANT les trois jours qui précèdent le mercredi des Cendres (v. p. 253).

CARESSER pour faire des dé- monstrations vives d'amitié, faire bon accueil (v. pp. 93, 193).

CARESSES pour démonstrations

d'amitié (v, p. 69). •CARMELINE Carmélite.

CE ceci, cela.

CEANS ici {v. p. 296).

CELEBRER pour dire la Messe (v. p. 203).

•CE PENDANT, CEPENDANT pour pendant ce temps, en attendant (v. pp. 12, 44, 156, etc.)

CETTE LA celle-là (v. p. 203).

CETTUYCI celui-ci (v. p. 262).

CHALOIR importer (v. pp. lox,

143). CHAMBRIERE- «^««/^(v. p. 109).

CHAMS (aux, des) pour à la

campagne, en voyage (v. pp. 263, 324, 334), de la campagne (p. 217). CHEFZ pour points principaux (v. p. 264).

CHEVIR venir à bout (v. pp.

•CHOPPEMENT - faux pas (voir

P- 157)- CIVIL qui appartient à la socia- bilité (v. p. 107).

CLAIR pour clairement (v. p. 132). CLAIREMENT pour avec clair- voyance (v. p. 322).

•CLAUSURE - du lat. clausura, clôture (v. p. 306).

COGITATION - du lat. cogitatio, pensée (v. pp. 40, 72, 120, etc.)

COIFFÉ pour apprêté (v. p. 107).

COLLOQUER— dulat. collocarb, placer, mettre (v. p. 363).

COMME pont comment, par quels

moyens (v. pp. 4, 40, 184, etc.) COMMIS pour délégué {v. p. 306).

Cf. l'ital. coMMESso. COMMUNE pour publique (voir

P- 359)- COMMUNION— pour participation

commune (v. p. 5). COMPETER du lat. competere,

appartenir en vertu de certains droits

(v. p. 49). COMPOSITION pour manière

d'être, maintien (v. p. 175), CONDITIONNÉ pourvu des qua- lités requises (v. p. 284). CONFON DRE (se) —pour s'humilier

(v. p. 297). CONGREGEES du lat. congrh-

GATM, réunies, assemblées (v. p. 328). CONJOINT uni (v. p. 178).

CONJURÉ pour Juré (v . p. 1 2 1). CONSIDERER pour réfléchir (voir

p. 84).

CONTE pour compte. CONTÉ pour comté (v. p. 33). CONTEMPLATION (a ma, a vostre)

à ma considération, à votre con~ sidérât ion (v. pp. 229, 51).

CONTEMPLATION (en) en vue, en considération (v. pp. 81, 292).

CONTEMPTIBLE du lat. contemp- T1BILI3, méprisable (v. p. 310).

CONTENTION du lat. contbn-

Tio, dispute (v. p, 181).

CONTESTE pour combat, débat,

discussion (v, pp. 2, 8). CONTINUER poMT maintenir (voit p. 238).

CONTREGARDER (se) se tenir

sur ses gardes (v. p. 33).

CONTREROLLEMENT - critique (v. p. 307).

CONTRESCHANGER EN - rempla- cer par (v. p. 243).

•CONVERSATION-pourco/«w/r/-<r^

424

Lettres de saint François de Sales

rapports (voir p. 147), société (p. 176). CORDIAL pour<f« cœ«r(v. p. 113).

* COUCHER pour se coucher (voir

P- 377)- COULPE du lat. culpa, faute, cul- pabilité (v. p. 282).

* COURAGE pour cœur, bonne

volonté, esprit (v. pp. 8, 310, 237,

. 3").

COY ^ovlX ferme, assuré{v. p. 27).

* CREANCE pour Credo (v. p. 8),

croyance, confiance (pp. 284, 'i'^d). CREDIT de Tital. credito, auto- risation, faveur (v. p. 359).

* CURIOSITÉ pour recherche cu- rieuse, inquiète (v. p. 203). Ihi lat.

CURIOSITAS.

* CUYDER du lat. cogitare, croire, penser (y. p. 266).

DAMOYSELLE (voir MADAMOY- SELLE appellation usitée jadis a l'égard de toute femme mariée qui n'était pas noble, ou qui, étant noble, n''était pas titrée (v. pp. 93, 96, 227).

* DE pour une partie de, un certain nombre de (v. p. 559, lig. 3).

DEBILITE— ^ow'i amoindri [y .T^. 83).

* DEÇA (de) ici, d'ici, de ce côté- ci, de ce pays (v. pp. 11, 340, 265, 316, etc.)

* DEDANS dans (v. pp. 15, 78). "DEDIE pour voué au service de

quelqu'un [v. p. 41).

* DEDIER pour dévouer, consacrer

(V. pp. 71, 84, 279, etc.)

* DEDUIRE exposer en détail (voir

p. 184). Du lat. DEDUCERE.

DEFAILLY manqué (v. p. 83).

* DEFAUT pour déficit (v. p. 86). DEGOUSTANT - pour découra- geant (v. p. 57).

* DEGOUSTEMENT dégofd (voir

p. 107).

* DELA (de) de là, de la-bas, là-bas, près de vous (v. pp. 13, 4S, 1-30, etc.)

* T)EUBERER{se)— se proposer {voit p. 125).

DEMARCHER s'écarter {v. p. 266). DEMESLE pour débarrassé (voir P- 275)-

* DEMEURANT (le) - le reste du

temps (v. p. 330). DEMISSION désir d'abaissement

(v. p. 109). Du lat. DEMISSIO.

* DEPART pour sortie (v. p. 183).

* DEPESCHE - pour pièce expédiée (v. p. 271).

* DEPORTEMENT -manière de se comporter (v. p. 178).

* DERELICTION du lat. derelic-

Tio, délaissement, désolation (v. pp. 52, 112).

* DES pour depuis (v. p. 217). DESDUIT divertissement (voir

p. 381).

* DESENGAGER (se) s'affranchir (v. p. 213).

DESFAIRE pour détruire, renver- ser (v. p. 126).

DESHONNESTE pour peu séant (v. p. 122).

DES ICY d'ici, de ce lieu (voir p. 209).

DESPECHE pour pourvu de mes- sages (v. p. 386).

* DESPITEUX pour susceptible, porté à la rancune (v. p. 203).

* DESPLAYSANT -fâché {y. p. 271). DESPRIS délivré, dégagé (voir

p. 255).

* DES QUE pour depuis que (voir pp. 172, 262).

DES QUELQUE TEMS EN ÇA depuis quelque temps (v. p. 227).

Cf. Tital. DA QUALCHE TEMPO IN

QUA.

DES REGLE pour injurieux (voir p. 25).

* DESSEIGNER /ro/V/f/- (v.p.265).

* DESSOUS pour sous (v. p. 105),

* DESSUS pour sur (v. p. 365). DETRAQUE détourné (v. p. 8). DETREMPER EN pénétrer de

(v. p. 40).

* DEVANT pour avant, auparavant

(v. pp. 41, 122, 168, etc.) DEVANT QUE pour avant de

(v. p. 148). DEVOT pour serviteur dévoué

(V. p. 3). DE VRAY vraiment, en vérité

(v. p. 82).

Glossaire

425

DEXTRE ar;-ot7<r (v. pp. 267, î8o).

Du lat. DBXTBR.

DIGESTION pour examen lent et profond {^l. p. 344).

DILATION du lat. dilatio, action

de différer, ajournement[v. p. 192).

DISCOLE d'humeur difficile, re-

vêche (v. p. 174). Du grec dus-

COLOS.

DISCOURS pour récit (v. p. 46), raison (p. 142).

DISJOINT du lat. disjuhctus, séparé (v. p. 178).

DISPUTER —pour argumenter, dis- cuter (v. pp. 95, m).

DISTRAIT pour empêché, empê- tré, dérangé par (v. pp. 267, 292).

DIVERTIR— pour détourner (voir

p. 12), distraire{pp. 46, i<j-]), écarter (p. 84), prévenir (p. 123), tourner

(PP- "3. 333)-

DONT pour ce dont, de quoi

(v. p. 57). ♦DORES-EN-AVANT, D'ORES EN AVANT dorénavant.

DRESSÉ, DRESSER pour dédié,

consacré, dirigé, réglé (v. pp. 297, 379). diriger, régler (p. 379)-

DRU fréquemment (v. p. 238). •DU TOUT— pour tout à fait, com- plètement (v. pp. 2, 136, 333, etc.)

EAGE âge (v. p. 34).

EFFORTZ pour austérités, rigueurs

(V. p. 74). •EMBARASSEMENT, EMBÂRRAS-

SEMENT embarras (v. pp. 135,

357)-

EMM.I an milieu de, dans, parmi

(v. pp. 125, 136, 169, etc.)

EMPLOYTE emploi (v. p. 11). EN pour par, de, au (v. pp. 8, 78,

î*3)-

EN ÇA ancien terme de palais

poar jusqu'à présent. Jusqu'ici (voir var. (i), p. 3D3). Cf. l'ital. in qua.

ENCOMBRIER encombre, empê-

chement (v. p. 233). ENFANCES pour enfantillages (v. p. 22).

EN LIEU pour en échange, au

lieu (v. pp. 48, 136).

ENNUY pour peine, tristesse (voir p. 322).

ENSEMBLEMENT - ensemble (voir

pp. 34, 159, 174). ENTENDRE A (s") pour prendre goût à (v. p. 29).

ENTRE CI entre le moment pré-

sent, lej'our présent {v. p. 13). ENTRECOMMUNIQUER (s') se communiquer réciproquement (voir

p. 238). ENTRE DEUX (d') rf'»«/«roa//<f (voir p. 369).

ENTREFICHER embarrasser, ser-

rer fortement (v. p. 108).

ENTREPORTER (s') se porter, se

soutenir mutuellement (v. p. 379). ENTRESOULAGER (s') se soulager mutuellement (v. p. 238).

* ENTRETENEMENT entretien (v.p. 158).

* ENTRETENIR (s') pour se tenir

mutuellement (v. pp. 26, 281).

ENTREVENIR intervenir, se mê-

ler (v. p. 7). ♦ENVERS pour auprès de (voir

p. 380). ENVOYER pour mander (voir

p. 148).

ESCHEOIT (s'il y) s'il est néces- saire, s il y a lieu (v. pp. 11, 323).

ESCRIMER— ponx s'escrimer, lutter avec persistance (v. p. 82).

ESJOUIR (s') se réjouir (voir

pp. 23, 29, 257).

ESLANCEMENT pour élan (voir

p. 168). ESLANCER jeter, lancer (voir

p. 238)- ESLECTIONS pour vues person- nelles (v. p. 378).

ESLEWEU.'EMiT enflure, exaltation orgueilleuse (v. p. 237).

ESMERVEILLABLE qui émer- veille, ravit (v. p. 338).

•ESMOUVOIR pour exciter, dé- terminer (v. pp. 142, 369, 374). ESPRIT— pour état d'âme [v. p. 166).

ESTABLIR du lat. stabiliuh, rendre stable, affermir (v. p. 294).

ESTONNÉ poni saisi, frappé [soit p. 71).

426

Lettres de saint François de Sales

ET SI pour aussi, cependant, et

encore, pourtant . ÉVACUER (s') pour se dissiper

(v. p. 167). •EVENEMENT pour issue (v. pp.

93, 2Î7).

EXACTION action d'exiger ce qu'un autre doit ou a promis (voir p. 83).

EXPRIME pour représenté (voir p. 318).

EXTRAIRE pour tirer (v. p. 133).

EXTRAVAGANCE pour chose ex- traordinaire (v. p. 93).

EXTREME çowr excessif , extraor- dinaire (v. p. 378).

FAIRE pour constituer, nommer

(v. pp. 64, 65). FAIRE PART pour donner part

(v. p. 41)- FASCHEUX pour pénible (voir

p. 267). •FAUTE (a) à défaut (v. pp. 83,

120),

FEINTISE feinte, dissimulation

(v. p. 178).

FIANCE confi.ince (v. pp. 355,

374). FLOÛET fluet, faille, léger (voir

pp. 94. 376).

FONDRE ^om jeter, se perdre

(v. pp. ICI, 310). Du lat. FUNDERB.

FORCE (a) avec force, avec impé-

tuosité (v. p. 314).

FORCENERIE acte de forcené,

acte violent (v. p. 379).

FORCLORRE ^»z/)éc/;(rr, exclure, mettre dehors (v. pp. 6(>, iio, 148,

343)-

FORME ^ouT formule (v. p. 19). FORME (a la) à la manière (voir

p. 330).

FORMÉ qui a reçu sa constitution

définitive (v. p. 331).

FORT (de plus) plus fortement (v. pp. 2, 5).

FORTIFICATION pour affermis- sement (v. p. 282).

» FORTUNE (par) par hasard [voii PP- 36. 377)-

* GARDER pour prendre garde (V. pp. 285, 353).

* GASTE pour détruit (v. p. 29), blessé, meurtri (p. 370).

GLOIRE, GLOYRE pour vanité, plaisir (v. pp. 9, 74).

* GOUVERNER pour entretenir, prendre le soin de, diriger (v. pp. 34, 102, 155, 167).

GRACE (de vostre) volontiers de votre part (v. p. 176).

* GRAND CAS (c'est) c'est une

chose surprenante (v. pp. 39, 97,

258). GRATIFIE pour satisfait, agréé

(v. p. 51). GRIEF pour pesant, a charge (voir

p. 147). Du bas-lat. grevem.

HABILE pour intelligent et ins- truit (v. p. 36).

* HASTIVEMENT promptement, a

la hâte (v. pp. 125, 242, 324). HAZARD (astre au) exposé à toute

aventure, à tout péril {y. p. 106). HISTOIRE pour relation (voir

p. 261). HOIR du lat. HERES, héritier (voir

p. 361). *HONNESTE pour raisonnable {voir

p. 241). 'HUMEUR pour caractère, tempé- rament (v. p. 192). HUMEURS goûts, tendances, mœurs

(v. pp. 307,378).

* HUY aujourd'hui [y. p. 44).

IL N'EST pour ce n'est (v. p. 20). •IMBECILLE du lat. imbecillis, faible (v. pp. 310, 357).

* IMBÉCILLITÉ du lat. imbecilli-

TAS, incapacité, faiblesse (v. pp. 127, 157, 163).

* IMPERTINENT hors de propos et offensant (v. p. 70), hors de pro- pos (p. 378). Négatif de pertinent (lat. PERTiNENs), a propos.

IMPORTANCE (1') pour l'impor- tant (v. p. 182).

INCESSABLE du lat. incessabilis, incessant [v. p. 360).

Glossaire

427

INCREDIBLE - du lat. incredibilis, incroyable (v. p. 34).

INDIGESTE pour tion digéré (v. p. 136).

INTERiMIS interrompu [w, p. 333).

Du lat. INTBRMITTERE.

•IRE du lat. IRA, colère [v. p. 10^).

JA certes, déjà (v, pp. 40, 305),

JOIGNANT (tout) tout près de

(v. p. 314). JOINTE pour atteinte (v. p. 317). JOLIMENT pour doucement, de

bon cœur (v. p. 159). JOUIR (pièce a) dont on aura la

jouissance, les revenus (v. p. 329).

JOURDHUY (ce) aujourd'hui (voir pp. 155, 196, etc.)

LAIRRIES ancienne forme de laisseriez (v. p. 80).

LANTERNERIE petite difficulté

(v. p. 333)-

L'AUTREFOIS pour de nouveau,

une autre fois {\. p. 157J.

LEGAT du lat. legatum, legs (v. p. 168).

LETARGIQUE, LETHARGIQUE qui est en léthargie (v. p. 262).

LHORS pour alors (v. pp. 22, 96, etc.)

LIEU pour auteur (v. p. 5).

LOCUSTE du lat, locusta, sau-

terelle (v. pp. 320, 321).

MADAMOYSELLE (voir DAMOY- SELLE) (v. pp. 47,91, 129, etc.)

MAIN (a toute) sans ménagement

(v. p. 360). MALLEMENT mal (v. p. 129). Cf.

l'ital. MALAMENTE.

MANQUEMENT pour absence, privation, manque (v. pp. 75, 268, 376, etc.)

MANTE pèlerine (v. p. 324).

MARRI, MARRY fâché (v. pp.

22, 171, etc.) MEMORIAL pour mémento (voir

p. 261). *MESHUY désormais (v. pp. 10,

210, etc.)

* MESMEM2NT - surtout (v. pp 86. 333).

MINISTRER du lat. ministrare, servir (v. p. 36).

MINUTER projeter (v. p. 201). MONDE du lat. mundus, pur (voir

p. 174). MOULE partie fondamentale et ca- ractéristique du chaperon ou coiffure des dames en France, de zf$o à 162 f (v. p. 35).

* NAVIGER naviguer (v. p. 373).

NEANTISE néant (v. p. 236).

* NJtT pour pur (v. p. 174).

NOURRIR pour^/tr^r, entretenir,

instruire (y. pp. 10, 240, 340, etc.) ♦NOURRITURE pour entretien (v. p. 328).

* NUDITÉ pour dépouillement (voir

p. 232). NÛEMENT simplement, ingénu- ment [v. p. 343).

•OBEDIENCE du lat. obhdibntia, obéissance (v. p. 182).

ORATEUR titre que prenaient au- trefois les gens d'Eglise écrivant a des souverains [\. pp. 158, 200, etc.)

OR SUS parole d'encouragement.

Cf. l'ital. ORSÙ.

PALUD du lat. palus, lieu maré- cageux, étang (v. var. (u), p. 307).

PAR AINSY ainsi (v. p. 261).

PAR APRES ensuite, dans la suite.

PARCOURIR SUR— t^ovh parcourir (v. p. 94).

PAR DELA vous êtes (voir

P- 133)-

PAR DEVERS auprès de (voir

p. 363).

PARENTAGE parenté, lien de parenté [v. pp. 15, 141).

PARFORCER (se) s'efforcer le plus

possible (v. p. 156). PARROCHIALE paroissiale (voir

pp. 83, 356). Du lat. PAROCHIA.

PARTICULIER.— pour détail (voir p. 181).

428

Lettres de saint François de Sales

PARTIE familier : femme a l'égard du mari (v. pp. 185, 399).

•PASSER pour dénouer, défaire

(v. p, 108). PERDRE du lat. phrdere, gâter

(v. p. 108).

PERDURABLE du lat. perdura-

BiLis, éternel, qui dure toujours [voit

p. 28).

PETIT (un) pour un peu. PIPPER A exceller a (v. p. 45).

Cf. Richelet et Furelière. PIQUAMMENT— d'une manière pi- quante (v. p. 378).

PLAINDRE pour se plaindre {voir

P- 54)-

PLAINT pour plainte (v. p. 333).

PLAYSE VOUS ^«'«7 vous plaise

(v. p. 20).

POIX pour poids (v. p. 209).

POLICE règlement, sage organi- sation (v. p. 330).

POULET pour billet d'amitié (voir pp. 132, 267).

POUR pour quant à (v. p. 24), par {p. 141).

POUR CE QUE parce que (voir

p. 378).

POUSSE pour fait parvenir, re- tentir (v. p. 336).

POUSSER DEHORS pour pro- duire, publier {v. p. 126).

PRETENTION, PRETENTION pour but oit tendent les désirs de quelqu'un (v. pp. 39, 57, 137, etc.)

•PRESAGER prédire, annoncer

(v. p. 178). Du lat. PRiESAGIUM.

PRESOMPTION du lat. pr^- suMPTio, supposition, espérance témé- raire [y. p. 279).

PRESSE pour demande pressante,

insistante (v. p. 117). PRESSE ponT serré par la douleur

(v. p. 160). PRETENDUE pour qui a donné

son nom (v. p. 239).

PRIS, PRIX (au) en comparaison

(v. pp. 38, 234). PROPORTION (il n'y auroit point de)

il ne conviendrait pas (v. p. 265). PROPOS dessein, résolution (voir

p. 99), s«/W(p. 178).

PROPOS (a) pour convenable (voir p. 35)-

PROSPERER - pour faire pros- pérer (v. pp. 6, 49, 200, etc.)

♦PROU beaucoup (v. pp. 63, 120, etc.)

PROUVOIR du lat. providere,

pourvoir (v. pp. 287, 302). PROUVOYANCE (tirer après sa) entourer, suivre quelqu'un de sa protection (v. p. 24).

PROVIDENCE pouT sagesse (voir

p. 264).

* PUREMENT pour franchement, sincèrement (v. p. 266).

* QUAND pour quant (v. p. 40). QUANT ET SOY avec Itiy (voir

p. 112).' •QUE pour comme, sans que, car, de, dont{v. pp. i<j, 18, 148, 189, etc.)

QUE C'EST QUE qu'est-ce que

(v. pp. 9, 153). •QUE L'ORDINAIRE pour qu'à l'ordinaire (v. p. 178).

* QUI pour ce qui.

QUIETE du lat. quietus, calme (v. p. 120).

RAMENTEVOIR EN rappeler à, entretenir [v. pp. 16, ici).

RANGÉ pour recueilli, discipliné (v. p. 37).

REBENIR bénir de nouveau (voir p. 36).

RECOMMANDATIONS pour salutations, compliments (v. p. 394).

•RECOUVERT pour découvert (v. p. 199).

* RECOY (a) du lat. requietum, en

repos (v. p. 233). REDDRESSEMENT action de cor- riger (v. p. 46).

REDUCTION pour conversion,

retour (v. pp. 46, 126, -162). Cf. le lat. REDUCT10, action de ramener.

REFORMATION du lat. refor-

MATio, réforme (v. pp. 39, 174, 331).

* REFRIGERE du lat. rehuigerium,

rafraîchissement (v. p. 307).

* REGARD (pour ce, pour le) sur

Glossaire

429

ce point, en ce qui concerne, a cet effet, a ce sujet, à cet égard (v. pp. 35, 122, 174, 252, 362, etc.)

* REGARDER DE tâcher de, avoir

soin rff (v. p. 387). REJETTE pour /conduit (v. p. 242).

* RELIGION pour Ordre religieux

(v. pp. 288, 305, 331). REMÉDIÉ secouru, guéri (voir

P- 235)-

REMEMORER pour faire commé- moration, célébrer le souvenir d'un événement (v. p. 270).

REMIS pour abandonné (v. p. 337).

REMISE pour abandon (v. p. 122).

REMONSTRANCE pour réclama- tion (v. p. 194).

RENDU pour remis (v. p. 3S3).

RENFORCER pont fortifier, aug- menter les forces (v. p. 372).

REPAIRE pour retraite (v. p. 314).

REPOSER SUR pour confier h (voir p. 156).

* REPRESENTER pour présenter de nouveau (v. p. 230).

REPRISE pour recommencement après une interruption (v. p. 61).

REQUERIR demander avec insis- tance, prier, supplier (v. pp. 5, 52, 136).

RESALUER pour saluer (v. p. 90).

* RESOLU répondu en donnant une solution, une décision (v. p. 246).

* RESOLUTION du lat. resolutio, décision, solution{v. pp. 18), 2 ^ï,^ï()).

RESONNER pour faire résonner (v. p. 392).

•RESOUDRE (se) pour prendre un parti, une détermination (v. pp. Ji, 263).

•RESOUVENIR pom faire res- souvenir (v. p. 87).

* RESPECT pour égards (v. p. 46).

Du lat. RESPECTUS.

RESPONDU ce à quoi on a fait réponse (v. p. 17).

* RESSENTIMENT pour peine, chagrin (v. pp. 255, 261, 278), im- pression (p. 270).

RESSENTIMENT {ïiixe)— tJmoigncr de la satisfaction, de la gratitude (v.p. 318).

RESSERRÉ pour logé avec soin

(v. p. 211). RESVEILLÉ pour excité (v. p. 1 59). RETARDEMENT retard (v. pp. 66,

192, etc.) REUNIR (se) pour s'unir (v. p. 92).

* REVA (s'en) s'en retourne (voir

p. 354). REVENGER (se) se venger (voir

P- 547)- REVEUH considération, contempla- tion générale (v. p. 233).

* REVOQUER du lat. revocarb, rappeler, ramener (v. p. 147).

REVOQUER (se) pour se réduire

(v. p. 328), ♦RIERE dans (v. p. 181). Cf. le

Dicf« de Godefroy.

* ROMPRE pour interrqmpre [voixt p. 254).

SACRER du lat. sacrare, dédier, consacrer [w. p. 151). SAYSI pouT paralysé (v. p. 262). SCABRER (se) s'effaroucher (voir- p. 205).

* SEMONCE pour invitation, sol- . licitation (v. p. 311).

* SEMONDRE inviter, solliciter (v. pp. 148, 183, etc.)

SENTINELLE pour poste, place

(v. p. 10). SEP (une) un cep (v. p. 78).

* SI pour cependant, pourtant, en-

core, mais ; s'il (v. p. 49). SI AY locution affirmative (v. p. 9). SI EST CE il n'en est pas moins

vrai (v. p. 39).

* SI EST CE QUE il n'en est pas

moins vrai que, néanmoins, toutefois (v. pp. 83, 133, 144, etc.) SIL pour si cela (v. p. 170).

* SI MOINS sinon (v. p. 193). SIMPLE pour h voeux simples (voir

P- 330-

* SI QUE de sorte que (v. pp. 6,

90, etc.) SI TRES tellement (v. p. 71). SI TRES FORT si fort (v, p. 163). SIX VINGTZ— cent vingt {y. p. 174).

* SOIGNER pour pourvoir, veiller à quelque chose (v. p. 2a).

430

Lettres de saint François de Sales

'SOIN pour souci (v. p. 151). SOLEMNEL pour formel ; ou du lat. sOLLBNNis, habituel (v. p. 184).

SOUAIVEMENT, SOUEFVEMENT

suavement (v. pp. 68, 99).

* SOUEFVE suave (v. p. 258).

♦SOUVENTES FOIS, SOU VENTES- FOIS maintes fois, souvent (v. pp. iO/(, 17s).

PECIEUX subtil {v. p. 191). SPECIOSITÉ subtilité, habileté

(v. p. 191). SPECTACLE— pour woa'^/*(v. p. 359). STUDIEUX du lat. studiosus, 50/-

gneux, dévoué (v. p. 64).

SUCCEDER du lat. succedbrb,

réussir (v. p. 122). •SUCCES de l'ital. successo, issue (v. pp. 154, 229, 308).

* SUFFISANCE pour aisance, ca- pacité,talent[v. pp. 10, 125, 317, etc.)

Du lat. SUFFICENTIA.

* SUITE pour conséquence pour

l'avenir (v. p. 363).

* SUR pour au sujet de (v. p. 142). SUR CELA pour après-cela (voir

p. 20).

SURESSENTIEL:— plus que néces- saire (v. p. 375).

SURSOYER surseoir [v. p. 25).

TANDIS —pendant ce temps (v. pp.

98, i_55, etc.)

* TANT pour si fort, tellement (voir

pp. 235, 269. 391). TANT MIEUX pour d'autant mieux

(v. p. 194). •TANT PLUS d'autant plus (voir

pp. 142, 161, etc.) TANT SOUVENT aussi souvent

(v. p. 279).

TARE pour défaut (v. p. 120).

TENDRE pour faible, impres-

sionnable, délicat (v. pp. 54, 113, 373. etc.)

TENDRESSE pour sensibilité, im- pressionnabilité (v. p. 233).

' TENDRETÉ du lat. teneuitas, attendrissement, tendresse (v, pp. 85, 324).

TILTRE pour prétexte, raison ap- parente (v. p. 13).

TIRER pour importuner, distraire

(v. p. 235). TORTISSE tordue plusieurs fois

(v. p. 78). Du lat. pop. TORTICIUM,

dérivé de tortiim, supin de torcere.

Cf. Dict^= de Hatzfeld et Darmes-

teter. TOST (si) pour bientôt (v. p. 332). TOUT AINSY Q.UE pour comme

(v. p. 35). TOUT A L'HEURE - pour sur-le- champ (v. p. 27). •TOUTES FOIS ET QUANTES -

autant de fois, toutes les fois (voir

p. 2). TRAIN pour manière d'être et de

vivre, allure, genre de vie (v. pp.

378, 387). TRAIN (aller d'un) po\ir avoir une

manière d'être, une allure uniforme

(y. p. 387). TRAVAIL pour fatigue, peine

(v. pp. 129, 263). TRAVAUX poTiT souffrances, dou- leurs, ' efforts pénibles (v. pp. 52 ,

103, 155, etc.) TRAVERS (au) au milieu, 'a traders

(v.pp. 52, 216).

TRICHERIE pour chose de peu

d'importance, bagatelle, futilité, légèreté (v. pp. 32, 122, 133, 203). TROP MIEUX - trop bien (voir

P- 379)-

TROP PLUS extrêmement (voir p. 176).

TROUBLEMENT trouble (v. pp.

72. 373)- TRUAND misérable (v. p. 136). TUMBER EN pour échoir h (voir

p. 303). TURCISME mahométisme (voir

P- 309)-

VANTERIE louavge qu'on se donne

h soi-même (v. p. 13). VENANTE qui vient, prochaine

(v. p. ici). VENANT A JOINDRE venant à

rencontrer [\. p. 11). VIENDRA AU JOINDRE (quand ce

quand on en viendra à l'exécution

(v. p. 190).

Glossaire

43 «

*VERS pour che^, auprès de, avec

(v. pp. 94, 155, 569, etc.) •VIANDE pour mets, aliments,

nourriture (v. pp. 138, 175, 320, etc.) VIF du lat. vivus, vivace (voir

p. 112). •VILETTE —petite ville (v. p. 76). VIOLEMENT profanation (voir

p. 367). •VISITATION du lat. visitatio,

visite (v. p. 248).

VISITER pour éprouver (v. p. 263). ♦VISTEMENT, VITEMENT en

hâte, vite (v. pp. 33, m, 265). VITUPERE m/pris {v. p. 233). VŒU pour dévouement (v. p. 58). VOIREMENT, VOYREMENT --

vraiment, à la vérité (v. pp. 35,

203, etc.) VOUEE pour consacrée (v. p. 29),

dont on a fait le vœu (p. m). VUIDE pour vain (v. p. 376).

I

INDEX

DES CORRESPONDANTS

ET DES PRINCIPALES NOTES BIOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES DE CE VOLUME (O

Abergements (Différend pour la cure des). Voir

Chapitre de Belley Pages 356, 362

Académie Florimontane » 48

Aiguebelette Françoise-Melchionne du Four

(dame de Chabod-Lescheraine et d') » 393» 393

ALAMANNiJean-Joseph, Jésuite, Recteur de Turin » 219

Allemand Bénigne de IVlarchand de Citey

(dame d') » 331, 323

Allemand François du Nant de Russin (sei- gneur d') » 331

Alliances princières » 217, 398

Alternative (droit d') pour la collation des

bénéfices » 272

Amédée VI de Savoie. Voir Comte- Vert » 298

Amédée IX (Bienheureux), duc de Savoie » 198, 199, 240,

299, 349 Anne de Lorraine » 184

Arpeaud ou Arpiaud Claude Nicolas » 340

Arrigoni Pompée, Cardinal » 30, 30

AvuLLY Antoine de Saint-Michel (seigneur d') » 352

AvuLLY Florise de Boyvin (dame d') » 386, 387

(i) Les pages des Lettres sont indiquées par des chiffres ordinaires ; les caractères et les chiffres gras désignent les noms des correspondants et leurs notes biographiques. Quant aux autres notes, leurs titres sont donnés en caractères ordinaires.

Les noms suivis d'un astérisque* indiquent les auteurs ou les destinataires des pièces qui figurent dans l'Appendice.

Dans cet Index, on a donné aux personnages la désignation que leur attribue le texte des Lettres. (Cf. tome XII, note ( i ), p. 491.)

LiTTRES IV »8

434 Lettres de saint François de Sales AvuLLY Renée de Saint-Michel d' Pages

241

Ballon Charles-Emmanuel Perrucard de

Bareuil Marie de Rabutin ? (dame dé)

Bathe ou Bath Guillaume, Jésuite

Bay Jacques de

Beaune (hôpital de)

Belley (Affaire du doyenné de)

Bellot Antoine

Berthelot Robert (Carme), Suffragant de Lyon

et Evêque de Damas

Bérulle Pierre, Cardinal de

Blonay Aimée de (Marie-Aimée, Religieuse de

la Visitation)

40», 401

Blonay Claude de

Blonay Gabniel de (Assassinat de)

Blondeau (M.)

Boisy Françoise de Sionnaz (dame de)

BoNiER Laurent

Bonivard Jacques Philibert * (de). Jésuite

Bons (abbaye de) . . . .•

BoucARD Claude

BoucHERAT Nicolas, Général de l'Ordre de

Cîteaux

Boudet Michel, Prieur de Pommier

Bourg (Couvent de Saint-François à)

Bourgeois Guillaume, baron d'Origny

Bourgeois Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe. . , . 153, 155, 242, 281, 358

Bouvard (MM.)

Bouvard Michel

Bréchard Jean de

Bréchard Jeanne-Charlotte (de), Rehgieuse de

la Visitation

Bresa Pierre

Bretagne Claude,

Breton François (le). Prévôt deNotre-Dame-du-

Châtel d'Autun

Brulart Denis

Brulart (filles de la Présidente)

Brulart Françoise

129

95 219

249, 290, 385

76

356

179, 179

384 46, 207

99, 101. 248

248, 401, 402

367

69

212

249

188, 188, 4«3

81

37

81

194. 195

298

'3»

61, 97, 146.

257 340 160

86,86, 160, 164

273

100, 100

72 141

'34

278

Index des correspondants et des notes 435

Brulakt Madeleine (Madeleine de Saint-Joseph,

Carmélite) Pages 1 34, 1 38

Brulart Marie Bourgeois (dame) » 39, 132, 137

141, 166, 277 Buccio Philippe, Voir Sainte-Maison » ' 370

Calcagnl Roch » 302, 302, 3 1 5

Camus Jean-Pierre *, Evêque de Belley » 1 39, 139, 417

Cardinal (un) » 42

Ceva Alexandre, Religieux de l'Ordre des Camal-

dules » 274, 274

Ceyzérieu (Compétitions pour le doyenné de) » 357

Chambre Louise de Seyssel (la), Religieuse de

Baume » 89, 89

Chantai Celse-Bénigne de Rabutin » 376, 376

Chantal Charlotte de Rabutin » 264

Chantai Jeanne-Françoise Frémyot* (Sainte),

baronne de » 13, 14, 15, 33,

44, 60, 63, 67, 76, 80, 88. 91. 93, loi,

103, 105, 106, 107, 109, i!i, 114, 114,

116, 128, 130, 131, 163, 169, 177, 206,

210, 214, 226, 230, 231, 234, 239, 246,

252, 260, 263, 268, 289, 296, 312 Chantal (Mère de) » 3»3('). 320,

323» 334, 342, 343, 353, 3^6, 369, 369, 374, 381, 389. 392, 397, 400, 400, 417

Chantal Marie-Aimée de Rabutin » 88,93, 130

Chapitre de Belley (Différend avec le). Voir

Abergements * 356, 357, 362

Chapitre de Saint-Pierre de Genève et la cure

de Seyssel. Voir Seyssel » 25, 166

Chapot ou Chappot Jeanne-Françoise ? (de).

Voir CusY et Visitation » 228, 287, 305,

312, 325, 325

Ch appuis Eustache » 291

Charles-Emmanuel l«^ duc de Savoie » 58, 158, 198,

239, 256, 3«6 Charmolsy Claude Vidomne de Chaumont (sei- gneur de) » 1 76, 1 76

(1 ) L'inauguration officielle de la Visitation eut lieu le 6 juin t6io; à partir de cette lettre, écrite quelques jours après, nous adopterons cette appellation en parlant de la Fondatrice.

436 Lettres de saint François de Sales

Charmoisy Louise du Chastel (dame de) Pages 58, 295

Chastel Claudine de (Claude-Cécile, Religieuse

de la Visitation) > 1 8, 1 8, 28, 28

Chauvirey Jacqueline de » 334

Chérubin de Maurienne, Capucin. Voir Médard » 42 Chevron-Villette Amédée (de). Voir Villette » 48 Chevron-Vtllette Bernard (de). Voir Dérée. . . » 49 Chirurgiens d'Annecy et Chirurgiens espa- gnols. Voir Médecins » 153, 243

Choudens François et Gaspard » 212

Clément (M"») » 75

Collège Chappuisien » 291

Collège de Savoie a Louvain » 291

Cornes Jean, Augustin » 24, 24

Comte-Vert de Savoie. Voir Amédée VI » 298

CoNFLANS Antoine de Boëge (seigneur de) » 391

Congrégation des Convertis » 275

Congrégation du Saint-Office * » 30, 405

Conseil de Genevois » 302

Constantin André » 171

Corneille Jean » 95

CoRNiLLON Eglantine de Moreau (dame de) . . . . » 244

Cornillon Gaspardede Sales (dame de) » 158, 158, 171,

243, 254, 33^, 364

Cornillon Melchior (de), seigneur de Meyrens » 158

Cornillon Raymond-Charles de » 159, 364

Coste Jacqueline (Anne-Jacqueline, première

tourière de la Visitation) » 63, 354

Crans Nicolas de » 187

Crans Pierre de » 187

Curés du Bugey » 6

CusY Amé de Pingon » 288

Cusy Charlotte de Vautravers (baronne de). Voir

Chapot et Visitation » 228, 286, 286,

293,294,307, 312 Cusy Jean-Bérold de Pingon (baron de). Voir

Chapot et Visitation 228, 287, 307,

312

David Jeanne de Requeleyne ? (dame) » 227

DÉRÉEBernardde Chevron-Villette (seigneur de).

Voir Chevron-Villette » 49

Index des correspondants et des notes 437

Uérée Charlotte-Emmanuelle de Chabod (dame

de) Pages 49, 267, 267

Destinataires inconnues » 337, 271

Destinataires inconnus » 1 15, 241

Dominicains d'Annecy 50

DuBOULOz Pierre, Dominicain » 50, 50

DuMAY ou DU May Pierre-Antoine » 154

DuNANT ou DU Nant Claude-Bernardin » 291

DuNANT Etienne, curé de Gex » 65, 65

Dupont ou du Pont Jean » 371

Ecclésiastiques de Bugey, Valromey et Gex » 64

Effrans ou des Francs Bénigne de Neufchèzes (baron d') » 170

Emmanuel-Philibert de Savoie 350

EscRiLLES ou des Crilles Marie de Mouxy, dame d' (Marie-Madeleine, Religieuse de la Visita- tion) » 227

EsPARRON Charles d'Arcussia (seigneur d'). .. . » 384

Estouteville ou de TouTEViLLE Marguerite d'Orléans (princesse d') » 218

Fa viER Pierre du Noyer de Lescheraine » 363

Favre Antoine » 196, 3 1 6, 322,

362, 370, 388, 390, 395 Favre Jacqueline * (Marie-Jacqueline, Religieuse

delà Visitation) .* » 247, 414

Favre Michel, Aumônier de saint François de

Sales » 533

Favre Philiberte Mariin de la Perouse (dame) » 372, 372

Favre René, seigneur de la Valbonne » 200, 340

Fenouillet Pierre, Evêque de Montpellier.... » 4, 4, 23, 149,

152, 259, 322, 342

Fléchère Claude-François de la » 55. 55

Fléchère Françoise-Innocente-Madeleine (de la),

Religieuse de la Visitation » 56

Fléchère Madeleine de la Forest (dame de la) » 1, I, 7, 21, 26,

51.53, 55,57.77.81. 119. 121, 135, 156,

161, 193, 202, 232, 235, 269, 285, 346,

35', 365 Fléchère Madeleine de Saint-Michel d'AvuUy

(dame de la) » J5 1

438 Lettres de saint François de Sales

Fontaine Jean-Baptiste ? de Pages 16

Forest Jeanne-Bonaventure (de la), Religieuse

de Bons » 204 204, 336

FouG Jeanne du Maney (dame du) » 37 1

FouiLLOUx Jacques du » 384

François de Chambéry, Capucin » 270, 364, 375

François (Père), Capucin » 270

Frémyot Bénigne*. » 309,415

Gallo Antoine-Marie, Cardinal » 272, 272

Gallois Louise (Louise de Jésus, Prieure du

Carmel de Dijon) » 41

Gard Antoine et Jean-Baptiste » 385

Genève (Alarmes et représailles de) » 167, 193

Genève (Anciennes ordonnances de la cité de) . . » 222 Genève (Passage de saint François de Sales à

travers) » 196

Genève au xvn® siècle (Pouvoirs législatif et

exécutif de) » 189

Genève (Projet d'une conférence avec les minis- tres de) » 179, 22Ç

Gex (Le culte catholique partiellement rétabli

dans le pays de) » 196, 23 1

Gillette Pierre » 37

Givry Anne de Pérusse d'Escars ou des Cars

(Cardinal de) » 70

Gonthier (membres de la famille) » 357

Granier Denis (Auger de Mauîéon) de » 344

Gribaldi Vespasien, ancien Archevêque de

Vienne » 367

Groisy Bernard de Sales (seigneur de). Voir

Sales et Thorens » 1 30

Guerres du duc de Savoie » 371, 398

Hayes Antoine des » 9, 1 1, 23, 182,

215» 257. 341, 398

Hayes Marie Chapelle (dame des) » 185

Henri IV » 6, 201

Henri IV (son dessein d'attirer saint François de

Sales à Paris) » 9.3"

Hosties de Favernay et de Dole (saintes) » 229

Jaqîjot ou DE JaqîJOt Françoise » 138

Index des correspondants et des notes 439

jACgJOTOuDEjAduoT Madeleine Bourgeois (dame

de). Voir Puligny Pages 166

JoLY Guy. Voir Vallon > 355

Lambertod Yves » 65

Magdelaine de Ragny Anne (de la), Abbesse de

Saint-Jean-le-Grand. Voir Saint-Jean » 265

Magistrats et Echevins de Salins. Voir

Salins « 209, 209, 245,

245 Maignelais Charlotte- Marguerite de Gond!

(marquise de) » 185

Maiilapd Jéronyme (de), ancienne Abbesse de

Sainte-Catherine » 79. 79

Mangier Jean, curé de Bons » 38

MÉDARD(chanoine).Voir Chérubin de Maurienne » 42

Médecins d'Annecy. Voir Chirurgiens » 153

MiCHAELis Ludovic, Jésuite, Provincial de Lyon » 192"

Mleudry Gasparde de Cerisier (dame de) » 85, 85

Milletot Marie-Marguerite, Religieuse de la

Visitation » 277

MiLLiEU CA/m7«/) Antoine, Jésuite » 73

Millino Jean Garsia *, Cardinal » 416

Minimes de Dijon » 283

Miribel Françoise Portier (dame de) » 120

MoNCHY (Père de) » 35

Montcroissant Alexandre de » 275

Montfalcon Anne de » 334

Monthouz Marius de » 302

Moyron François et Jean Paquellet de » 137

Nemours Henri de Savoie (duc de Genevois

et de) » 187,251,340

Neufchèzes Jacques (de), Evêque de Chalon-sur- Saône » 170

NouvELLET Claude-Etienne » 251

Offredo ou Offredi (Marcofredo) Marc » 212

Oratoire (Congrégation de l') » 207

Perrochel Charles et Guillaume » 183

440 Lettres de saint François de Sales

Ploton Jean ou François? Pages 361, 361

Polliens Nicolas, Jésuite » 73, 304, 304

Pommier (chartreuse de) » 194

Possevin Antoine, Jésuite » 219

Puits-d'Orbe (Transfert de la Communauté

à Chatillon-sur-Seine) : » 359

PuuGNY Madeleine Bourgeois (dame de). Voir

Jacluot » 166

QpOEX Amédée (de), Prieur de Talloires » 350

Quoex Claude-Louis-Nicolas (de), Prieur de

Talloires » 172, 172

Quoex Philippe de » 328, 386

Raconis (famille de) » 96

Ramus Georges ? » 290

Ranzo Jean-François » 297,297,348

Rigaud Pierre » 383, 383

RiNCK ou Reinck de Baldeinstein Guillaume,

Evêque de Bâle » 215

Roche Jean Joly (seigneur de la) » 387

Rochette Claudine (de). Religieuse de l'abbaye

de Sainte-Catherine » lOO

Rochette Péronne (de), Religieuse de l'abbaye

de Sainte-Catherine » 99, 99

Roget Claudine (Claude-Françoise, Religieuse

de la Visitation) » 329

Rolland Jean-Antoine » 290

Rosaire (S' François de Sales et la Confrérie du) » 76

Rosset Anne (Anne-Marie, Religieuse de la Visi- tation). Voir Saint-Claude » 230

Roussillon Guy de Chaugy (comte de) » 45

Rye de Longwv Ferdinand (de), Archevêque de

Besançon » 245 , 246

Saint-Claude (Pèlerinage à) » 230

Saint-Jean-le-Grand (abbaye de) » 265

Saint-Jean-le-Grand (Abbessede). Voir Magde-

LAINE de RaGNY » 26ç

Saint-Sixt Claude de » 319

Saint-Sixt François (de), archidiacre de la Col- légiale de La Roche » 318,318,319

I

Index des correspondants et des notes

441

Saint-Sixt (membres de la famille de) Pages

Sainte-Baume (Projet de pèlerinage à la) »

Sainte-Catherine (Les Sœj.irs de la Visitation et les Dames de) »

Sainte-Maison de Thonon et le prieuré de Con- tamine »

Sales Bernard (de). Voir Groisy et Thorens. . . »

Sales Louis (de). Voir Thuille »

Salines (Affaire des)

Salins (Carême de). Voir Magistrats

Santeuil Denis de

Sarasin Jean

Sarasin Jean (oncle du précédent)

Sauzéa André de

Sevssel Gasparde-Juliane de Mouxy (dame de)

Seyssel Louis (de), marquis d'Aix

Sevssel Marguerite de

Seyssel (prieuré et cure de). Voir Chapitre de Saint-Pierre de Genève

Syndics de Rumilly

Talloires (prieuré et réforme de)

Thérèse (portrait de sainte)

Thorens Bernard de Sales (baron de). Voir Groisy

et Sales

Thuille Louis de Sales (seigneur de la). Voir

Sales

ToRRE Di Specchi (Dames de la)

Travernay Balthazard de Mouxy (seigneur de) Travernay Péronne de Montfalcon (dame

de)

Traves Claude de Plesseys (dame de)

Truitard ou Truitat Jean

Ubaldini Robert, Evêque de Montepulciano,

Nonce en France

Ursulines de Milan

Valladier André

Vallon Antoinette-Françoise Vidomne de Chau-

mont (dame de)

Vallon (filles de M""» de)

3'9

184

397

370

88

. 93

130

88,

302

21'î

09,

243.

245 384

189 190

6.

90 89 90

25

166

83,

118

73.

33'.

37» »33

88,

302

330 333

332,

332

345

9'

,91,

150

5

208 330

69

3, 3, 16 16

442

Lettres de saint François de Sales

Vallon Claudine Joly de (Claude-Catherine,

Religieuse de la Visitation) Pages 329,354,S54

Vallon Guy Joly (seigneur de). Voir Joly

Vanchy (château de). , ,

Vauxcroissant ou Val-Croissant (prieuré et

Prieur de)

Vignod Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye

de Sainte-Catherine

Vignod Jeanne (de), Abbesse de Bons

Villaps Pierre * (de), Archevêque de Vienne. . . 410, 411,412

Vllleps Philippe de

Villette Amédée de Chevron (baron de). Voir

Ghevron-Villette

ViLLiARDi François, Jésuite

Visitation (La véritable pensée du Saint sur le

genre de vie de la)

Visitation (Origines de la) : La Maison de la Ga- lerie. Voir CHAPOTet Cusy

390 » Le nom donné à la nouvelle Congré- gation'

» Les premières Sœurs

Vitré ou Vitre y Eustache Le Compasseur (de), Religieux d' Ambronay

Watte VILLE Jean (de), Evêque de Lausanne. . .

355 129

229

62

206

124, 124, i43>

356, 356

48 73

299.306,331 312, 314, 325,

349 337

357 33

TABLE DE CORRESPONDANCE

DE CETTE NOUVELLE EDITION AVEC LES PRECEDENTES

ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS

NOUVELLE EDITION PROVENANCE DES MSS.

CDXLIV

CDXLV

CDXLVI MoNTPBLLiB» . Visita- tion (Copie)

CDXLVII Ahmbct. Visitation . . .

RouHM. Visitation (i*' Monastère)

CDXLVIII

CDXLIX

CDL Idem

CDLI

CDLII

CDLIII Annecy. Visitation

CDLIV

CDLV.

CDLVI MoNTPBLLiB». Visita- tion (Copie)

PREMIÈRE PUBLICATION ( I ) ÉDITIONS MODERNES

Epistres spirituelles t Vives, x, p. sS;

1626, 1. lY ( Migne, V, col. 674

Viv. xn, p. I Mig. V, col. 408

Inédite

( Viv. VI, p. 264 Datta, II, y. ^^ i 3f,^. VI, col. 650

Epistres spirituelles l Viv. xii, p. 58 i6a6, 1. II ( Mig. V, col. 1555

Hérissant, Opuscules, ( Viv. ix, p. 366 !▼. P- 33- ^ Mig. V, col. 675

[ Viv. IX, p. 368

^^'''^•'P-^5 i M,^. V, col. 677

Epistres spirituelles t Viv. x, p. 317 1626, 1. IV ( Mig. V, col. 702

( Mig. V, col. 569

Inédite

Epistres spirituelles l Viv. x, p. 288 1626, 1. VI I Mig. y, col. 678

^^*<*-'^-^ \ Mig. V, col. ^l9

Inédite

(i) Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées dans l'Avant-Propos du tome XI.

La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du xvii* siècle, quand nous remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indi- quons seulement la série, soit le Livre dans lequel elles sont insérées.

444

NOUVELLE ÉDITION

CDLVII

CDLVIII

CDLIX

CDLX

Î mutilée entière

CDLXII

CDLXIII..

Ip. 44,11.1-1? 11. i4-3a p. 45,11. 1-4 11.5-16, 19, ao fin

CDLXV

CDLXVI

CDLXVII

CDLXVIII

CDLXIX

CDLXX

CDLXXI

CDLXXII

CDLXXIII

CDLXXIV

CDLXXV

CDLXXVI

CDLXXVII

PROVENANCE DES MSS.

BissT (Chambéry). C'« de Maistre

Annecy. Visitation...

Amibns. Bibliothèque communale

Albbns (Savoie). M"* Boissat

Limoges. Visitation. . . Idem

Idem

Idem

[ Paris. Carmel de la

( rue Messine

( An><bct, m. Domen-

( joud

Saint-Makcbll™. Vi- sitation

YvoiRB (Thonon). Ba- ron d'Yvoire

ToRiN. Visit. (Copie).. Idem

TuRH Visit. (Copie)..

Paris. Vif itation(a ''Mo- nastère)

Orléans. Evêcbé

PREMIÈRE publication ÉDITIONS MODERNES

Mem.de la Société Sav., ) ,^. , ,

1 , o^ o^ 1 J Af i^. VI, col. 1346 vol. VI (1861-1861). .. \ * ' ^

Episires spirituelles ( Viv. x, p. 4a8

i6a6, 1. IV ( Mig. V, col. 840

( Viv. XII, p. 131

I^'^'^-^ I 3f,^. V, col. 1613

Mig. VI, col. 941 (traduction) Epistres spirituelles 1636, 1. II Annales de la Philoso- \ phie chrétienne, t. x[ ,Y"* '''' ^' ^V

(,854) ) ilf.i'. V, col. 680

Epistres spirituelles ( Viv. x, p. agi p6a6, 1. ui I Mig. V, col. 684

!Viv. IX, p. 375 Mig. V, col. 687 (cf. IX, col. 1185)

Inédites

Epistres spirituelles ( Viv. x, pp. 346, 347 1636, 1. IV I Mig. V, col. 737

Inédites

Epistres spirituelles I Viv. x, p. 347

i6a6, 1. IV I ^ig- V, col. 737, 738

Etudes religieuses S.J.,

mars 1868 Revue Savoisienne,jin-

vier-février 1894

Daita,n,p.xi j ^^^^

Epistres spirituelles ( Viv. i6a6, 1. rv \ Mig.

„, . i Viv.

Hérissant, vi, p. 50. . . | ^ .

Epistres spirituelles l Viv. 1636, 1. IV ( Mig.

Epistres spirituelles { Viv.

1636, 1. m { Mig.

Biaise, Nouvelles inJ- j

dites (1833), p. 46 ; Bé- I Vtv.

thune (1833), t. XVI, 1 Af«;g'.

p. VI )

Biaise, Nouvelles iné- ( Viv.

dites (1833), p. 10 I Mig.

Epistres spirituelles l Viv.

1636, 1. IV 1 Mig.

Inédite X, p. 394

VI, col. 640 XII, p. 114 V, col. 1600 Inédite XII, p. 44

V, col. 1546 XII, p. 137 V, col. 1610 Inédite X, p. 395

V, col. 689

VII, p. 3»3

VI, col. 880

X, p. 313 VI, col. 858

ï, p- 297

V, col. 690

445

NOUVELLE EDITION PROVENANCE DES MSS.

CDLXXVIII (fragm')

CDLXXIX

CDLXXX

(mutilée

PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES

\ Annhcy. Chanoine J. ( M. Chevalier

CDLXXXI j

lentière. . . Annecy. Visitation. . . .

CDLXXXII Turin. Visit. (Copie). .

CDLXXXIII

Vie de Sœur A .J. Coste,

1659(1), chap. XII. .. . Mémoires de l'Acadéin.

Salés., t. Il (1880) Epistres spirituelles

1629, 1. V

Epistres spirituelles

1626, 1. IV Datta, II, p. 19

Epistres spirituelles 1626, ]. VI

CDLXXXI V.

CDLXXXV

CDLXXXVI Saint-Alban (Chambé-

ry). M. Michaud, curé

CDLXXXVII

Ibid., 1. II... Ibid., 1. Yii.

Viv. X, p. 298 Mig'. V, col. 690

Viv. vu, p. 141 Afî^. V, coi. 646

Viv. X, p. 299 Mig. VI, col. 641 Inédite

Viv. XI, p. 491 Mig. V, col. 1516

Viv. X, p. 304 Mig. V, col. 691

Viv. X, p. 306 Mig. V, col. 692

Mig. VI, col. 107 1 Viv. X, p. 308

CDLXXXVIII. CDLXXXIX... CDXC

Château db Vooland (Ain). M.E. Roux...

CDXCI.

( Château de Mbrona l phrase. . . | ^^^^^^ j^ ^^ Méroua. 1

2' et 3' Idem.

suite Idem.

CDXCII (fragment)

CDXCIII j Besançon. Grand-Sé-

f mmaire

CDXCIV (fragment) . . Il"* Procès de Canonis.

CDXCV

[ p. 93 I"" Procès de Canonis.

CDXCVI? ^.j^ I Idem. (Voir note (1),

[ '* i P- 97)

CDXCVII Le Mans. Visitation . .

Epistres spirituelles

1626, 1. IV / Mig. V, col. 694

l Viv. x, p. 260

^^'^^ j Mig. V, col. 650

Mig, VI, col. 1073

l Viv. X, p. 309 Biaise {1S21), II, p. 107 j ^.^ ^^ ^^1 ^^^

Inédite

Epistres spirituelles i Viv. xii, p. 29

1626, 1. IV ( Mig. V, col. 1536

Inédite

De H&atev'ûle, La Mai- son naturelle de S. Fr. rftfSa/«(i669),Part,II

( Viv. XII, p. s ( Mig. T, col. 695

Instructions et prati- ( Viv. x, p. 316 tiques de piété, 1688 (a) ( Mig. v, col. 701 Inédite

!Viv, IX, p. 388 Mig. V, col. 730 (Voirnot.(3),p.95)

Mig. VI, col. 942

{1) Les Vies de VII Religieuses de F Ordre de la Visitation Sainte Marie écrites et dédiées a Madame la Princesse Chisi (sic), par la Mère Françoise Madelene de Chaugy, Supérieure du premier Monastère de cet Ordre. A Annessy, par Jacques Clerc, mdclix.

(2) Instructions et pratiques de piété pour communier saintement, avec des lettres spiri- tuelles sur divers sujets, tirées des Manuscrits originaux nouvellement trouve^ de S. François de Sales. Dédié à Madame de Maintenon. Paris, Hélie Josset, 1688.

446

NOUVELLE ÉDITION

CDXCVIII

CDXCIX

D (fragment)

DI (fragments)

DII (fragments)

DIII (fragments)

DIV (fragment)

Ip. 109, 11. 1-7.. 11. 8-36 p. 110, 11. 1-13, 18, 25 suite

nvi iPP- "»-"?• •• "(dernier alinéa

DVII (frag")p

W

DVIII (fragment).... DIX (fragment)

DX (fragment)

DXI

DXII

DXIII

DXIV

Îpp. ia8-i3i (11. 1-6) 11. 7-19 suite

DXVI

DXVII

PROVENANCE DES MSS.

MoNTBLiMAK. Visitation (Copie)

Anmect. Visitation (An- cien Ms.)

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem

Idem.

Annecy. Visitation

Lb Trbmblbt (Savoie).

M. de Morand

,' Chatbau de Marlins (Albens). M. Emile Boissat

Reims. Visitation .... Idem

PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERMES

Inédite

Tj. . . S yi-o- X, p. 319

Hérissant, 11, p. axa.. { ,-. .

r 171 j Mifr. V, col. 703

Charles-Auguste, Vie \

de la Mère de Blonay ^"- ^"' P' ^^7

(1655), chap. II ^ M,^. V, col. 701

Œuvres de SleJ.-F. de l (Voir note ( i ), p.

Chantai, 1. 11 (1875).. . | 104)

Ibid., et voir note ( i ),

p. 105 Ibid., et voir note ( a ),

p. 106

Inédit

Œuvres de SteJ.-F. de

Chantai, t. 11

Inédites

f

Œuvres deSteJ.-F.de Chantai, t. 11 Ibid.

Inédit

Œuvres de Sic]. -F. de . Chantai, f. 11 Inédit

S Cf. Introd.à.laViedev., P. III, ch.xxviii, xxnc

Inédit

Mémoires, parla Mère de Chaugy (Paris, i874),Part.I",ch.ixn

Mig. ▼!, col. 1073

!( Viv. X, p. 330 Epistres spirituelles \ ^^^ ^^ ^^j ^^^ ^^'^'l- '^ ( (V. not. (a), p. uo)

i Viv. xn, p. 39

I^'^' ^- '" {Mig.^, col. 1543

( Viv, IX, p. 380

ï^''^'^- ' -••• [Mig. y, col. 709

l Viv. X, p. 392 Hérissant,v,^.iè^... \ Mig. v, co\. -jor,

Viv. XI, p. 13 Mig. V, col. I034 Viv. XI, p. 371 Mig. V, col. 1388 Œuvres, 1641, t. II, l Viv. xii, p. 63 epist. xxxix ( Mig. v, col. 1558

i Epistres spirituelles ( Viv. xii, p. ri 3 1636, 1. IV ( Mig. V, col. 1599

447

NOUVELLE EDITION

DXVIIl

DXIX (fragment) ....

DXX

DXXI

DXXII

DXXIII

DXXIV j

DXXV

PROVENANCE DES MSS.

BoULOGNB-SUa-MEK. Vi-

sitation

Montpellier. Visita- tion

DXXVI Annecy. Visitation. . .

DXXVII., DXXVIII

DXXIX..

Toulouse. Visitation..

DXXX,...

DXXXI.. DXXXII . DXXXIII

DXXXI V.

TuKiN. Visit. (Copie).

DXXX V Reims . Visitation .

DXXXVI

pp. 169, 170

(11. 1-3) 11. 4-10

U. 11-13

I suite

Paris. Vicomte Le Re- bours

Idem

Idem. Idem.

DXXXVII.

DXXX VIII.

DXXXIX . . DXL

Carougb (Genève) M "•

ÎCar Vu

PREMIERE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES

Epistres spirituelles ( Viv. xii, p. 185 i6a6, 1. m \ Mig. v, col. 1695

Œuvres, 1641, t. II, t Viv. x, p. 338 epist. l \ Mig. v, col. 7a»

Epistres spirituelles ( Viv. xii, p. 8i 1626, 1. II \ Mig. V, col. 1570

Ibid..l.i \M"^""'^^\''

{ Mig. V, col. on

( Viv. VI, p. aao

Ibid., 1. IV 1 w. , rc

' I Mig. V, col. 566

rr. . ^ ^»'- X, p. 324

Hérissant, n,-^. ^l(>- -X Mig. y, co\. -j^^ Instructions et prat. de \

^.V//. (Voir note (2), .Y"' '''^•^'^ p. 445) \Mig. y, col. -j^,

Inédite

Le Correspondant, jin- vier 188 I

Epistres spirituelles 1626, I. V

( Viv.xu,p. III

Ibid., 1. IV 5 w , o

' ( Mig. V, col, 1598

( Viv. IX, p. 386

Datta, u, p. ti^ i Àf,>. VI, col. 645

Epistres spirituelles l Viv. x, p. 328

1626, 1. V ( Mig. V, col. 717

Œuvres, 1641, t. II, l Viv. x, p. 326

epist. X ( Mig. V, col. 716

Mig. VI, col. 943

Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 337

1626, 1. IV l Mig. V, col. 723

Ibid l;^-"-^"'^''' .

( Mig. V, col. 1536

Ibid., i.„ ■\L""'''\''"

l Mtg. V, col. 714 .... , i Viv. X, p. 164

I^^«*-'^-^" U,^. V, col. 570

Inédites

Epistres spirituelles l Viv. x, p. 165

i6a6, 1. VII ( Mig. V, col. 571

Inédite

Epistres spirituelles i Viv. x, p. 432

1626, l. IV I Mig. V, col. 849

Vie du Saint, par le P. \

de la Rivière (1624), ^"- ^"' P" '^^

1. III, chap. xv-.....i^'^-^''=°^-7*° J. Vuy, La Philotkée

(1878), II, p. 277 Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 518

1626, 1. VI ( Mig. V, col. 977

448

NOUVELLE EDITION

PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION

DXLII . DXLIII

DXLI I*' Procès de Canonis.

RouBN. Visitation (i*''

Monastère)

Pakis. Biblioth. Nat. (Fonds français, 3650) DXLI V I" Procès de Canonis .

DXLV.... DXLVI . . DXLVII.. DXLVIII.

Momt-Saxommex (H"- Sav.) Abbé Rennard

Hérissant, Opuscules, IV, p. 41

Etudes religieuses S.J . mars 1900

Epistres spirituelles i6a6, 1. V

DattUy n, p. 26.

OXLIX Annecy. Visitation . . .

l Saint-Jeoirb (H'^-Sa- DL j voie). C'<= de la Flé-

( chère

DLI Marseille. Visitation

(a"* Monastère)

DLII Rennes. Visitation ....

(Paris. Archives Nat., M. 334 (Copie)

DLIV

DLV...

DLVI

DLVII (fragment).

Datta, n, p. 27

Epistres spirituelles

i6a6, 1. I

Datta, II, p. II.

EDITIONS MODERNES

Inédite I Viv. VII, p. 188 f Mig. V, col. 776

Inédite j Viv. X, p. 339 ( Mig. V, col. 724 Viv. VI, p. 267 Mig. VI, col. 645

Mig. VI, col. 944

iViv. VII, p. iji Mig. VI, col. 646 Viv. IX, p. 328 Mig. V, col. 374 / Viv. X, p. 225 j Mig. VI, col. 636 ( et 1074

Milan. Archives du prince Trivulzio

Etudes religieuses S.J., août 1877

Hérissant, 11, p. 202.,

Epistres spirituelles 1626, 1. VII

l Viv. (Mig.

Datta, II, p. 30

Epistres spirituelles i6î6, 1. IV

DLVIII Gbx, Presbjrtère

DLIX Archives de la Compa- gnie de Jésus

pp. 226, 227

Hérissant, 11, p. 212..

Viv. Mig. l Viv. } Mig. l Viv. (Mig.

; Viv.

iMig. Viv. Mig.

Inédite X, p. 334 V, col. 726

X, p. 341 V, col. 729 X, p. 128

V, col. 551 X, p. }4^

VI, col. 648

X, p. 345 V, col. 736 IX, p. 393 V, col. 734

226 227 ) ... ' „' V Dijon. Visitation.

DLX.

p. 227 Idem

pp. 228, 22g

Vie du Saint, par Char- les-Auguste, liv. VII

(11. 1-13)

11. 14-18 p. 230, 11. 1-3

11. 4-17

Idem. Idem.

Inédite

Mig. VI, col. 945

Viv. X, p. 344 Mig. V, col. 736, et VI, col. 945, 946

Mig.vi, col. 946,947

{ Viv. X, p. 346 Epistres spirituelles ] j^,^. v, col. 737, et

1626, 1. IV

11. 18-26 > Idem.

fin

Epistres spirituelles 1626, 1. IV

( VI, col. 947 Mig. VI, col. 947

Viv. X, p. 346 Mig. V, col. 737, et

VI, col. 947 M«]g'.vi,col.947,948

449

NOUVELLE EDITION

DLXI (fragment)

DLXII

DLXIII

DLXIV

DLXV

DLXVI (fragment) . . ,

DLXVII

DLXVIII .,

DLXIX

DLXX

DLXXI

DLXXII

DLXXIII (fragment). ,

DLXXIV

DLXXV

DLXXVI

DLXXVIJ

DLXXVIII

DLXXIX

DLXXX

i mutilée . . . DLXXXI

fentjère

Lettris

PROVENANCE DES MSS.

Paris. Hôtel-Dieu

IssoiRB (Puy-de-Dôme) M"" Farghon

Dole. Visitation

Bruxelles. Bibliothè- que des PP. Bollan- distes

Paris. Prêtres de la Mission

Château de Sassangy. ) (Saône-et-Loire). C"' [ de Fleurieu )

Le Maks. Visitation., . Annecy. Visitation. . . .

S i

Turin. Visitation

IV

PREMIERE PUBLICATION

Vie de Sœur A. J . Cas- te, chap. XII. (Voir note(i), p. 445)

Epistres spirituelles i6a6, 1. V

Ibid., 1. VIT

Ibid., 1. V

Biaise, Nouvelles iné- dites (1&33), p. 48. . . .

Vie de Sœur A . J. Cas- te, chap. xii. (Voir note(i), p. 445)

Epistres spirituelles 1626, 1. i

Hérissant, 11, p. 2îi

Epistres spirituelles 1629, 1. VI

Hérissant, 11, p. 227 . .

Ibid., p. 229. (Voir note (6), p.. 247)

Charles-Auguste, Vie de la Mère de Blonay (1655), chap. IV

Annuaire de l'Univer- sité catholique de Lou- vain (1848), p. 253

Biaise, Nouvelles iné- dites (1833), p. 50. . . .

Epistres spirituelles i6î6, 1. IV. (Voir note (2). P- 254)

Ibid., 1. V

Datta, II, p. 34

Hérissant, Opuscules, IV, p. 32

Datta, II, p. 43

Epistres spirituelles 1626, 1. II

Datta, II, p. 36

EDITIONS MODERNES

Viv. X, p. 342 Mig. V, col. 730

Viv. xii, p. 162 Mig. V, col. 1638

Viv. X, p. 212 Mig. V, col. 617

Viv. XII, p. 157 Mig. V, col. 1634

Viv. X, p. 347 Mig. VI, col. 881

Viv. VI, p. 279 Mig. V, col. 825

Viv. X, p. 349 Mig. V, col. 738

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

V-iv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Viv. Mig.

Inédite XII, p. 38 V, col. 1541 VII, p. 154 V, col. 740

X, p- 353

V, col. 741

VII, p. 155 V, col. 742

VII, p. 156

VI, col. 883

IX, p. 553 V, col. 727

X, p. 354

V, col. 742

VII, p. 159

VI, col. 650

VII, p. 158 y, col. 743 VII, p. 170 VI, col. 656

Mig. V, col. 744

Viv. Mig

VII, p. 160 VI, col. 651

a9

450

NOUVELLE EDITION

PROVENANCE DES MSS.

DLXXXII.

DLXXXIII (fragment)

DLXXXIV

DLXXXV

DLXXXVI RoMB. Chancellerie des

Evêques et Réguliers

DLXXXVII

Annecy. Visitation (Co- pie)

DLXXXVII I

DLXXXIX

DXC Turin. Archir. de l'Etat

(Copie)

DXCI.. DXCII.

Trotes. Aumônerie des Dames des SS. Cœurs

Bruxblles. Bibliothè-

DXCIII ] que des PP. Bollan-

distes

Annecy. Visit. (Hist. de la Fondation) . . . . DXCV Nantes. Visitation

DXCIV

DXCVI . DXCVII

Turin. Archiv. de l'Etat (Copie)

DXrVIIT S Plaisance. Comte Mo- randi

l texte ,

DXCIX

Annecy. Visit. (Hist. de la Fondation) . . . .

fvariantes.

DC.

DCI

DCII

DCIII Plaisance. C'«Morandi

Saluces. M""* Boarelli

di Verzaolo

Chambbry. Chanoine

CoUonges

DCIV.

DCV.

PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES

( Viv. vn, p. 167

Datla, H, p. 44 j „. , ,'

( Mtgr, VI, col. 657

Hérissant, v, p. 277 . . j w. ,

' ' «^ " ( Mtg. V, col. 1490

Epistres spirituelles l Viv. x, p. 355 1626, 1. IV I Mig. V, col. 749

Hérissant, Opuscules, 4 Viv. x, p. 358 IV, p. ( ^-g- ■'■) col. 751

Inédite

Biaise, Nouvelles ini- l Viv. vn, p. 168

dites (1833), p. II... ( Mig. VI, col. 859 Epistres spirituelles l Fïd. x, p. 381

1626, 1. III I Mig. V, col. 788

Instructions etprat. de \

piété. (Voirnote(2),f ^Y"' ""' ^^ ^^

p. 445) j 3i.^. y, col. 797

Mig. VI, col. 949

Revue cath. du digc. de Troyes, 26janvier 1883

Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 359 1626, 1. IV ( Mig. V, col. 753

Annuaire de FUniver- sité catholique deLou- vain (1848), p. 354

Œuvres, 1641, t. II, ( F/o. vu, p. 171 epist. XII et xliii \ Mig. y, col. 752

Inédit

Epistres spirituelles i Viv. vii, p. 173

1636, 1. VI \ Mig. V, col. 753

_^ , l Vi^- vi> P- 368

Datta,n,^.^6 j 3i«;^. vi, col. 657

Pératé, La Mission de Fr. de S. dans le Châ- tiais (1886), Append.

Œuvres, 1641, t. II, ( Fit», vil, p. 174 epist. XLiv \ Mig. v, col. 754

Epistres spirituelles t Viv. ix, p. 395 1626, 1. V ( Mig. V, col. 756

iDld., 1. IV ) ,,. , ^

( Mtg. V, col. 761

!Viv. xii, p. 33 î 3f,^.v,col.x677 Pératé

l Viv. vn, p. 178

Datta, II, p. 50 S xjt- , ^/r

' ' ^ -^ f Mtg. VI, col. 661

Af /motr^^ de l'Acad^m.

Salés., 1. 11(1880)

45»

NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES

jjQyj l Epistres spirituelles l Viv. xii, p. 231

[ 1626, 1. vn ( Mi£r. V, col. i68a

DCVII Montpellier. Visita- tion (Copie) Inédite

Dcyill \ ^ï'^i^SBiLLE. Visitation l Epistres spirituelles i Viv. xii, p. 236 l (2" Monastère) \ 1626, 1. vu ( Mi^. v, col. 1686

Dcix ibid.,i.v, i w'-''"'P; V^

( Mtg. V, col. 849

!Grand-Cothau (Loui- ) - . siane, Etats-Unis)Col- ^'"''" rel,g"uses S.J., lège des PP. Jésuites^ juillet 1878 ( Québec (Canada). Hô- I ^/)«s/r« spirituelles l F/o. x, p. 395

"^^^ ( tel-Dieu I 1626, 1. II \ Mig. v, col. 804

DCXII AuTtn». Visitation Inédite

l Arlon. (Belgique). No- ( Collection de Précis

DCXIII j viciât de la Compa- j hist. et mélanges reli-

[ gnie de Jésus ( gieux, !«■■ sept. 1874

jj^^jy i Epistres spirituelles ( Viv. xiî, p. 25

1 1626, 1. m l Mig. V, col. 1533

Annecy. Famille Ber- l Revue Savoisienne, mai

DCXV , ,. , , „,

( thet f 1863

DCXVI Hérissant,.,, p. 266.. j ^^'^ '''' P'/"',

( Mtg. V, col. 7<=

( San Remo (Italie). Vi- ) ( Viv. x, n. 410

DCXVII \ .... l Datta, u, p. ^46 \ •- 'i-. *, p. 419

"^"^ " I sitation > y >f \ Mig. V,, col. 8

\ Mig. V, col. 766 'iv. X, p. 419 ig. VI, col. 833

DCXVIII Metz. Visitation Hérissant, v, p. 80.. . j , '.^' ^' ^' ^,^^

Mig. V, col. 143 1

DCXIX.

Epistres spirituelles { Viv. x, p. 364 1626, 1. V l Mig. V, col. 767

DCXX Ibid l^'"-'''^'!^

( Mtg. V, col. 767

DCXXI TuRiM. M. Gaspard

Cassinis Inédite

DCXXII <. Etudes religieuses S.J.,

l mars 1868

DCXXIII Lton. Paroisse de St-

Joseph Mig. vi, col. 974

DCXXI V Montpellier. Visita- tion Inédite

DCXXV Valence. Visitation Mig. vi, col. 1060

I Saint-Loup-sur- AujoN ) )

/TTie if ^„\ D :__ / Instructions et prat. de I ,,. (H'*-Marne). Pension- f ,, ^ 1 Vtv. vi, p. iig

* ^ *- I > ^«V/<^. |Voirnote[2). > x^ ,

nat du Cœur Imma-^ ^ . \ "n "^'■^K-^ it fMtg.v, col. 309 culé de Marie ) P- '^'15^ J

DCXXVII /^M-5..«/„, p. 274..1^'""^"'P;'^

' ' '^ ( Mtg. v, col. 769

DCXXVIII Le Mans. Visitation Mig. vi, col. 952

DCXXIX (fragment) j ^^,"""7 '>*'''''« '"" \ Y!'' ""' ^\ ^^

° ' ( 1629, 1. VI ( Mig v, col. 1542

DCXXX Turin. Visit. (Copie) Inédite

452

NOUVELLE EDITION

PROVENANCE DES MSS.

l Annecy. Visitation (An-

DCXXXI

1 cien Ms. de V Année

[ Sainte)

DCXXXII

, Marin (Chablais). Ar- chives de Blonay. . . .

DCXXXIII

Versailles. Maison de

N.-D. de la Retraite..

DCXXXIV

1 Paris. Carmeldelarue [ Denfert-Rochereau . .

2 premiers

l DiETRAMszBLL (Bavière)

alinéas . .

( Visitation..

DCXXXvJ , ,. ,

I3* alinéa. .

(fin

Idem

Idem

DCXXXVI

DCXXXVII

DCXXXVIII

DCXXXIX

Bourg-en-Bresse. Visi-

tation

1 Bruxelles. Bibliothè-

DCXL

j que des PP. BoUan-

. distes

DCXLI

( post-script. DCXLIII

Le Mans. Visitation..

Bo0rg-en-Brbssb. Visi-

DCXLIV

Saint-Marcbllin. Visi-

tation

DCXLV

DCXLVI

DCXLVII

DCXLVIII

Annecy. Visitation. . .

r ViGNHUX (Seine-et-Oi-

DCXLIX

[ se). Archives du Port

Courcel

DCL

Nancy. Visitation

DCLI

Chambbry. PP. Capu-

'•ins

DCLII ffraRment) . . . .

PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES

Mig. VI, col. 950

Mémoires àtVKcSià.im. Salés., t. VI (1883)

Mig. VI, col. 951

TT. . , \ Viv. VIT, p. 185

Hérissant, n, p. 436.. \ ^. , /

' > r t;7 / Mig. V, col. 769

Inédits

T- . . . ,, ( V^'°- X"> P- 26

Eptstres spirituelles \ ,^- ,

^ ^ \Mig.\, col. 1533,

1626, 1. III /

\ 1534

Inédite

TT o 1 ^'^' ^'> P- 39^

Hérissant, y, p. 85... ! ,^. ,

^ > r p ^ Mig. V, col, 1429

Œuvres, 1641, t. II, ( Fît), ix, p. 403 epist. V ( Mig. y, col. 771

TT O i ^"'' X'» P- 397

Hérissant, v, p. 85. . . < ,,. ,

' f tr 7 j Mtg. V, col. 1430

Inédite

Annuaire de l'Univer- sité catholique de Lou- vain (1848), p. 257

{ Viv. VII, p. 187

Hérissant, 11,^^.2^..^^^^.^^^^ col. 776

Mig. VI, col. 951

Inédit

Inédit

Inédite Epis très spirituelles ( Viv. Xii, p. 196

1626, 1. VIT { Mig. V, col. 1655

l Viv. XI, p. 10 Datta,u,p. 179 i 3f ,^. VI, col. 736

Epistres spirituelles l Viv. xir, p. 202

1626, 1. VII \ Mig. V, col. 1660

Inédit

Inédite

Inédit

^ig- VI, col. 1093

Charles- Auguste, Vie

de la Mère de Blonay

(1.655), chap. IV

APPENDICE

453

NOUVELLE EDITION

PROVENANCE DES MSS.

PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES

A Thorens-Sales. Comte

de Roussy de Sales. .

B.

Il

IIÏ (fragment) Ibid.

C Annecy. Visit. (Copie)

D (fragment).

F IP Procès de Canonis.

II

Appendice II Annecy. Visitation . . ,

Inédite

ViVrdu Saint, par Char- l Viv. ix, p. 378 les-Auguste, liv. VII ( Mig. v, col. 707

Ibid i F/.. IX, p. 384

M.tg. V, col. 712 Viv. IX, p. 380 Mig, V, col. 708

Inédite

Vie de la Mère M. J. l Viv. x, p. 277 i^acr^, 1659(1), ch. XIV ( Mig. v, col. 666

Fi> du Saint, par Char- ( Viv. x, p. 357 les-Auguste, liv. VII ( Mig. v, col. 750

Mig. VI, col. 949 (traduction)

Migne, Œuvres de Stt J.-F. de Chan- tai, II, col. 626

Pion, 1879 [i), Let- tres, IV, p. 121

( I ) Les Vies de IV des premières Mères de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie, écrites et dédiées a N. S. P. le Pape Alexandre VII, par la Révérende Mère Françoise Madelene de Chaugy, Supérieure du premier Monastère de cet Ordre. A Annessy, par Jacques Clerc, mdclix.

(2) Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres. Paris, Pion, 1879.

TABLE DES MATIÈRES

Bref de Sa Sainteté Pie X v

Avant-Propos ix

Avis au Lecteur xxiv

ANNÉE 1608

(Suite)

Lettre CDXLIV A M""* de la FlÉCHÈRE. L faut première- ment « avoir patience d'estre imparfait. » Conseils pratiques pour mettre son esprit en posture de suavité. A quoi doivent servir nos chutes I

CDXLV A M™" DE Vallon. Le Saint donne à la destinataire

des nouvelles de son mari et de sa parenté 3

CDXLVI A M»' FenOUILLET (Inédite). Remerciements et féli- citations pour l'envoi d'une oraison funèbre ; souhaits d'amitié offerts au destinataire, son futur frère dans l'épiscopat. Message pour un ami commun 4

CDXLVII Au Roi de France. Pauvreté des curés du Bugey ;

supplique en leur faveur 6

CDXLVIII A M'"^ DE LA FlÉCHÈRE. L'humilité joyeuse dans les légers manquements. Les exercices de dévotion pendant la journée. Faire comme Notre-Dame : se tenir toujours d'une main à Notre-Seigneur. Apprivoiser son cœur à la mansué- tude. — Les prières vocales et l'oraison mentale 7

CDXLIX A M. DES Hayes. Henri IV désire attacher le Saint au service de l'Eglise de son royaume. Humilité et désintéres- semeot de François de Sales; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté de Dieu 9

CDL Au MÊME. Le Saint voudrait savoir de son ami les inten- tions de Henri IV à son égard. Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements ; il ne veut que la volonté de Dieu. Témoignages d'amitié. Mes- sage pour M'' de Montpellier 1 1

456 Lettres de saint François de Sales

CDLI A la Baronne de ChaNTAL. Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu. Saint ne veut que Dieu pour son par- tage. — L'objet de ses considérations en l'oraison 13

CDLII A LA MÊME. Il faut tout faire avec une diligence tran- quille. — On veut tirer l'Evêque de sa terre et de son « paren- tage » ; sentiments que lui inspire ce projet. Le rendez-vous de

l'âme du Saint 1 4

CDLIII A M"e de Vallon (Inédite). Témoignages de dévoue- ment à une parente, Nouvelles et messages 1 6

CDLIV A M"^ de ChaSTEL. Le vœu de chasteté : considéra- tions qu'il faut faire pour s'y préparer. Eloge de la sainte chas- teté : vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges. Formule de ce vœu; il fait de notre

corps une sainte relique, un calice consacré 18

CDLV A M*"^ DE LA FlÉCHÈRE. Un moyen commode d'acquérir les solides vertus : se mettre en patience avec opiniâtreté. Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence. Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants. La chose la plus importante. Toujours recommencer : le meilleur moyen pour achever la

vie spirituelle 21

CDLVI A tAs" FenouilleT (Inédite). Eloge de des Hayes, « le grand amy » de Pierre Fenouillet et de l'Evêque de Genève. C'est surtout sur les petits lacs d'eaa douce que la barque da

Saint se plaît à voguer 23

CDLVII Au père ComES, Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel ; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint. Assurance d'af- fectueux dévouement 24

CDLVIII A M™^ DE LA FlÉCHÈRE. Deux choses qu'il faut joindre

ensemble. Comment reprendre son cœur quand il a failli.. . . 26

CDLIX A M"* DE ChaSTEL. Dieu protège les vœux qu'il a

inspirés. Il n'est pas toujours possible ni à propos de fuir,

mais il est toujours nécessaire de combattre avec opiniâtreté.

> Les afflictions qui aident à bien servir Dieu. Conseils pour

l'oraison. Bonheur de s'être consacré à Notre-Seigneur 28

CDLX Au Cardinal ArrIGONI. Le Saint demande au Saint- Siège le renouvellement de plusieurs permissions qui do. vent

faciliter son ministère et celui de ses prêtres 30

CDLXI A LA Baronne de GhaNTAL. Il faut aimer l'attente que Dieu impose à l'accomplissement de nos désirs. Projet de

Table des Matières 457

voyage en Bourgogne. Le sacre de l'Evêque de Lausanne. Le Saint aimé de « beaucoup de bons veillars. » Pensées qui lui sont venues quand il faisait oraison. « Il faut bien que les filles soyent un petit jolies. » Portrait du P, de Monchy. Le Frère Matthieu. Pour se mêler d'exorcismes, il ne faut pas être trop crédule. Les femmes et le culte ; la part qu'elles peuvent y prendre. Retour d'apostats. Nouvelles et mes- sages.— M™* de Charmoisy « chemine fort bien 33

CDLXU A LA Présidente BruLART. Le Saint n'est « point homm'extreme; » il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue. Ne pas trop s'attacher aux pratiques de piété de son choix. Dieu veut être servi par les exercices compa- tibles avec les devoirs d'état. Estime du Saint pour l'Ordre du Carmel ig

CDLXIII A UN Cardinal. Un reproche immérité. Les

Savoisiens ne lisent pas de mauvais livres 42

CDLXIV A LA Baronne de ChanTAL. Transcription de V Introduction à la Vie dévote. Le projet de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque. Son amour pour Notre-Sei- gneur. Nouvelles de la ferveur de M"* de Charmoisy. Bonheur de ne prétendre qu'à Dieu 44

CDLXV A M. DE BÉRULLE. Retour à la foi d'un apostat; M. de BéruUe y a beaucoup coopéré. Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle de ses amis 4^

CDLXVI Au Baron de VilleTTE. L'Académie Florimon- tane et ses premiers membres. Le Saint promet sa visite au châtelain de Dérée, son parent, nouvellement marié 48

CDLXVII Au PÈRE DUBOULOZ (Inédite). Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy ; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge 50

CDLXVIII A M™« DE LA FlÉCHÈRE. Conseils à une femme chrétienne. L'humeur mélancolique : circonstances qui la favorisent; nécessité et moyens de la combattre. Une parole de sainte Angèle de Foligno 5 '

CDLXIX A LA MÊME. La tranquillité d'âme, mère du conten- tement rt fille de l'amour de Dieu. Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion. Ne s'astreindre « que tout bellement » aux exeicices de piété, est chose conseillée en certains cas. Attitude devant la souffrance. Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition. Notre- Seigneur aime ceux qui souffrent 53

458 Lettres de saint François de Sales

CDLXX A la même (Inédite). Dispositions, pieux espoir du

Saint à l'approche d'une naissance 55

CDLXXI A M. DE LA FlÉCHÈRE. Félicitations, prédictions,

prières du saint Kvêque répandues sur un berceau 55

CDLXXII A M""* DE la FlÉCHÈRE. La vertu des vertus. Comment servir le Maître. Le moyen de faire glorifier Dieu par le prochain. Quand les mortifications sont interdites par une santé délicate, que faut-il faire ? 57

CDLXXIII Au Duc de Savoie (Inédite). L'Evèque de Genève

avertit le duc qu'il ira en Bourgogne pour une affaire de famille. 58

CDLXXIV A M""* DE ChARMOISY. La » soigneuse assistance » des bons Anges. Exhortation à progresser dans l'amour de Dieu. Message pour une ancienne Abbesse 58

CDLXXV A LA Baronne de ChaNTAL. \a Baronne est pré- venue que le Saint est aux « portes » de Monthelon 60

CDLXXVl A l'AbbessE du PuiTS-d'OrbE. Encouragements

à persévérer dans de saintes résolutions 6 1

CDLXXVII A UNE religieuse. Dieu agrée extrêmement la résignation dans les maladies et l'obéissance au médecin. Les croix qu'il faut baiser avec amour 62

CDLXXVIII A LA Baronne de ChANTAL. Anne-Jacqueline Coste offre spontanément au Saint de servir les futures Religieu- ses qu'il méditait d'établir 63

CDLXXIX Aux Ecclésîasticsjes du Bugev, du Valromey et

DE Gex. Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doi- vent envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don. 64

CDLXXX A M. DuNANT. Servir Dieu l'on est. Le labeur patient n'est jamais stérile devant Dieu. Le désir du changement empêche le succès de l'œuvre présente 65

CDLXXXI A LA Baronne de ChaNTAL. Accueil que fait le Saint aux désirs et aux recommandations de la baronne de Chan- tai. — Dieu seul est un guide indispensable. Sortir du monde, pour plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour-propre. La fin qu'on doit se proposer en quittant le siècle. Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble donner à penser au futur Fondateur de la Visitation. Conseil du Saint à << ceux qui se meslent des âmes » et aux personnes de piété. Son affection pour la père et les enfants de sa fille spi- rituelle. — La jeune fille et le seau d'eau. Messages divers.. . 67

CDLXXXII Au PÈREPollIENS (Inédite). Témoignages d'af- fection pour les PP. Jésuites de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après le cloître. 72

Table des Matières 459

CDLXXXIII A M"" Clément. Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts, notre désir n'est pas accompli. Les âmes que Dieu aime « en tout et par tout » 75

CDLXXXIV A LA Baronne de Chantal. La fête de la

Dédicace ; les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les vœux. La dévotioti du Rosaire à Annecy. La baronne de Chantal à l'hôpital de Beaune 76

CDLXXXV A M""^ DE LA FlÉCHÈRE. Les vendanges. Comment l'Epoux divin des âmes nourrit leur espérance et repaît leur amour. Les vendanges spirituelles. Le côté du Sauveur percé sur la croix. Les choses temporelles doivent servir « d'eschellon » aux spirituelles. Comment il faut considérer ses fautes nn

CDLXXXVI A l'ancienne Abbesse de Sainte-Catherine. Souhaits de ferveur par le don du cœur à Dieu. N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui 79

CDLXXXVII A la Baronne de Chantal. Humilité du

Saint ; sa confusion et sa peine de se voir estimé. <— Se tenir

dans l'indifférence 80

CDLXXXVIII A M""* de la FlÉCHÈrE. L'insensibilité et l'indifférence religieuse : définition de l'une et de l'autre ; celle- ci est un grand don de Dieu 8 1

CDLXXXIX Aux Syndics ou aux Messieurs du Conseil

DE RUMILLY. L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration : difficultés de l'entreprise ; encouragements à les vaincre. Affection du Saint pour la ville ; son humilité 83

CDXC A M""' de MiEUDRY. Les menues pensées de vaine gloire et les mouches. Les larmes et les résolutions, « la ten- dreté de cœur et la fermeté de cœur : choses bien différentes. Les pensées importunes. Ne pas tourmenter son âme 85

CDXCI A M"® DE BrÉCHARD. Recommandations pressantes de garder son cœur, de le mortifier et de le tenir en même temps dans la joie. Messages 86

CDXCII A LA Baronne de Chantal. Amiable partage de

biens pour faciliter le mariage de Bernard de Sales 88

CDXCIII A M™* DE LA Chambre. Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après souper. Le moyen d'être consolée

pour cette vie et pour l'autre. Messages divers 80

CDXCIV A LA Baronne de Chantal. Anniversaire d'une consécration épiscopale. Sentiments de François de Sales à

propos de cet événement ûl

CDXCV A M"* de Travf.s. Témoignages d'affectueux-

460 Lettres de saint François de Sales

dévouement. Ingénieuse manière de demander à une âme chré- tienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu. . . Q|

CDXCVI A LA Baronne de ChaNTAL. Départ de Bernard de Sales pour la Bourgogne. Souhaits et actions de grâces à propos de son mariage. Le Saint déplore les dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge. Les saints Pères et l'hérésie. Un ministre converti. « Madamoyselle de Perdreauville » et sa famille. La manière de prêcher contre les hérétiques gs

CDXCVII A l'Abbesse du PuiTS-d'OrBE. Le Saint demande à l'Abbesse de ses nouvelles. Conseils divers. Le moyen de tirer profit de ses infirmités. Exhortation à la dévotion. Assurance de dévouement nn

CDXCVIII A M"* DE RochetTE (Inédite). Un sujet inépui- sable de correspondance. Le Saint envoie à la destinataire des chansons spirituelles qq

CDXCIX A M. Bretagne. Souhaits de courtoisie à un magis- trat à la fin d'une année. Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister 1 GO

D A LA Baronne de ChanTAL. Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des âmes d'élite. Une pré- tendante ; estime qu'en fait le saint Evâque ICI

FRAGMENTS DE LETTRES A LA BARONNE DE CHANTAL

160 5- 1608

DI Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. Le crucifix matériel et le vrai Crucifix. Comment s'accuser en confession.

La simplicité, l'amitié, la petitesse. Que faire quand il arrive

des pensées mauvaises 1 03

DU Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain.

Comment réprimer les défauts de nos inférieurs. Aveu du Saint. Les vainqueurs du mal 1 05

DIII Avoir son âme en ses mains ; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre. Obligation d'une âme qui est toute à Dieu. Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi qu'il convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le désire. 106

DIV (Fragment inédit). Un « point d'importance. » Les feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines. Les petits renardeaux et les mouches mortes. Les amitiés mauvai- ses et les amitiés de charité; différence de leurs allures. Il faut couper les premières, et « au couteau tranchant. » Le trouble

Table des Matières 461

de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon aux

âmes pudiques IO7

DV Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves.

A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine. ^- Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes qu'on arrive aux autres. La « femme forte » et ce qu'il faut faire pour lui ressembler.

Dieu, comme un bon père, accommode ses pas aux nôtres. Comment fortifier son cœur contre Satan et le rendre « impre- nable I) lOQ

PVI L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi ; les rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de subsister et d'avoir finalement la victoire. La barque, l'aiguille marine et la « belle estoile. » Que doit faire l'âme chrétienne au temps de la « dereliction. » Comment se conduire dans les assauts contré la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire.

Les assoupissements et les distractions. Les nuages du ciel atmosphérique et les brouillards de l'esprit. Porter remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des résultats.

Le moyen d'être parmi le monde, sans y avoir son cœur l l l

DVII Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour M"»* de Chantai. La présence de Dieu dans l'âme chrétienne, d'après

sainte Thérèse et saint François de Sales 1 14

DVllI La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir le mal. Blâmons le vice, épargnons les personnes. Comment nous devons considérer les actions du prochain. La charité et les pécheurs I 1 4

DIX A UN INCONNU (Fragment inédit). Regrets adressés à un supérieur de n'avoir pas su le rencontrer pour lui baiser les mains 1 ' 5

DX A LA Baronne de ChANTAL. Impatience de M-^^ de Boisy de voir la conclusion du mariage de son fils Bernard. Le Saint partage ce même désir, mais sans impatience 110

ANNÉE 1609

DXI Aux Syndics de RuMILLY. Entremise du Saint auprès

des FF. mineurs Capucins en faveur de la ville de Rumilly. .. . 1 18

DXII A M""* DE LA FlÉCHÈRE. Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à Dieu. La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui « en luy ont logé leurs

462 Lettres de saint François de Sales

espérances. » Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort. Ne pas examiner ce qui est fait, mais penser à ce qui est à faire. Comment haïr nos défauts. Ce qui conserve « nos tares. » Désirs illusoires de changement ; c'est nous- même qu'il faut changer 1 1 9

DXIII A LA MÊME. Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres. De quelle plainte il se faut garder en toute façon. Les « petites tricheries quotidiennes. » La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection. Après les chutes, il ne faut jamais se décourager, Dans quel cas il est sage de payer ce qu'on ne doit pas 121

DXIV A M^"" DE ViLLARS. Vlntroduction à la Vie dévoie : cir- constances historiques de la publication de cet ouvrage. Pour quelles raisons l'auteur croit devoir laisser aux grands ouvriers les grands desseins. Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire : « un livret » de VAmour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques. La bibliothèque du Saint en Chablais. Jugement de M»"" Fenouillet sur Vlntroduction. 124

DXV A LA Baronne de ChaNTAL. Souhaits de bienvenue et offrande d'un gîte. Envoi d'exemplaires de Vlntroduction à la Vie dévote. Joie du Saint de voir que tous les siens parlent avec respect et affection de la petite Aimée et de sa mère. M"^ de Chantai attendue à Sales. De quels documents l'auteur compte se servir pour une seconde édition de Vlntroduction. L'Abbesse du Puits-d'Orbe et son frère. Affection de François de Sales pour Marie-Aimée 1 28

DXVI A LA Présidente BruLART. En quels cas une chrétienne doit être indifférente au choix du confesseur. Les bonnes in- tentions et les mauvaises pensées. Dévotion de François de Sales à sainte Thérèse. Intérêt qu'il porte à une veuve, Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu. Unique souci d'une veuve chrétienne. Il faut être douce et suave parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir. l J2

DXVII A M"»» DE LA FlÉCHÈRE. Analyse d'une tentation de découragement. Comment doit s'exercer Tapostolat des fem- mes chrétiennes hors de leur maison. Conduite à tenir lorsque nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait. L'amour-propre et l'amour de Dieu. Les heures de sommeil et la santé. Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à l'acquisition des vertus IJ6

Table des Matières 463

DXVIII A LA Présidente BruLART. Les menues et fréquen- tes impatiences ; moyens de les surmonter. Il faut être colombe à l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son entourage l^y

DXIX A M^"" Camus. Panégyrique en raccourci de saint Joseph.

Tableau de la Sainte Famille. François de Sales accepte avec joie de « mettre la mitre en teste » au futur Evèque de Belley I ^q

DXX A LA Présidente BruLART. Trop différer la première Communion : grande erreur. Le visage pâle et l'âme vermeille.

Envoi d'un exemplaire corrigé de V Introduction I^I

DXXI A Mo"" DE VilLARS. Une « petite opiniastreté » de saint

François de Sales. L'Archevêque ayant refusé le titre de Mon- seigneur, le Bienheureux s'excuse de le lui donner encore et lui expose les raisons de sa respectueuse obstination I

DXXII A l'AbbESSE du PuiTS-d'OrbE. Faire le bien joyeuse- ment, sans s'attrister de ses défauts. Tenir la clôture. Les confesseurs extraordinaires : manière d'observer la prescription du Concile de Trente. L'administration des pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses Chapitres. Rappeler au monastère une Religieuse absente et par quels procédés. Conseils variés sur l'oraison, la lecture spirituelle, etc. Acqué- rir un grand courage au service de Notre-Seigneur I46

DXXIII A M«' FeNOUILLET. Le destinataire ayant écrit au Saint une lettre d'affectueuse courtoisie, celui-ci lui envoie l'ex- pression de son respect et do sa confiance 1 40

DXXIV A M'" DE TraVES. Le monde « n'est qu'un vray trompeur. » Considérations proposées à une personne qui son- geait à se marier. L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des Saints à la très sainte unité de Dieu •• icq

DXXV A M^"" Fenouillet (Inédite). Annonce de nouvelles.

Messages. Le nouvel Evêque de Belley. Jean-Pierre Camus songe à faire une visite à saint François de Sales.

« Une lettre toute d'amour » 1^2

DXXVI A l'Abbesse du Puits-d'Orbe. Une cure difficile ; le charitable Saint prend l'avis d'un gentilhomme et d'un « viel cyrurgien » et députe à la malade le fils de celui-ci. Conseil donné à l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie. Com- ment Dieu lui témoigne son amour paternel 15a

DXXVII A LA MÊME. Offre de services spirituels. Visite annoncée. Nécessité de donner suite à de bonnes résolutions.

Exhortation à faire « beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jésus crucifié » 1^5

464 Lettres de saint François de Sales

DXXVIII A M™* DE LA FlÉCHÈRE. Après un premier « chop- pemeiit, » que faire ? Comment apaiser son cœur quand il est prévenu contre le prochain. Il faut avoir de la compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité 156

DXXIX Au Duc DE Savoie. Recommandation en faveur d'un

officier sans ressources I 58

DXXX A M'"^ DE CORNILLON, SA SŒUR. Les sentiments que doit exciter la perte des parents. Mort de M"* de la Thuille. Le meilleur des souhaits. Comment il faut supporter les ennuis que donnent les affaires temporelles 1^8

DXXXI A M"^ DE BrÉCHARD. Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre. Que Ton ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement fondée. Les Com- munions que nul ne peut refuser. La plus solide des nourri- tures au Ciel et sur la terre 1 60

DXXXII -♦- A M™° DE LA FlÉCHÈRE. La réponse de La Paye au livre de la Croix ne vaut pas la peine d'une réplique. Zèle de M"' de Mieudry pour la foi catholique. Messages. Quel est le vrai esprit de Jésus 1 6 1

DXXXIII A LA Baronne de ChaNTAL. L'âme humaine et les afflictions de cette vie. Une réflexion de saint Grégoire. Une vraie chimère. L'esprit de foi et la douleur. Les progrès d'un Saint dans l'oraison 163

DXXXIV A M"* DE BrÉCHARD. L'art de cheminer sur la corde et « le baston de contrepoidz » pour marcher assurément parmi les périls du monde. On ne peut jamais atteindre le souverain degré de l'amour divin. Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur. ... ; 164

DXXXV A LA Présidente Brulart. L'Abbesse du Puits-

d'Orbe désire venir en Savoie ; réserves que fait le Saint à pro- pos de ce projet de voyage. Il se dispose à sacrer l'Evêque de Belley. Comment réparer « le manquement » de la médita- tion. — Pourquoi Dieu quelquefois empêche la méditation. Les (I vrayes continuelles oraysons » et « la plus dign' offrande. » La sainte Communion en dehors de la sainte Messe, Faisons le bien avant de mourir, mais toujours avec discrétion. Le bon

plaisir de Dieu meilleur que le nôtre l66

DXXXVI A LA Baronne de ChANTAL. Quelques-unes des « mille douces pensées » du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-Sacrement. Le pectoral de l'ancienne Loi et l'osten- soir eucharistique. Effusions de piété. Nouvelles et mes- sages i . . 1 69

I

Table des Matières 465

DXXXVII A M""» DeCornILLON, sa sœur. L'amitié d'un Saint pour sa sœur. Exercice recommandé pour s'avancer en l'amour de Dieu. Quand les affaires réussissent-elles plus à souhait. Pourquoi M™^ de Cornillon paraît à son frère plus digne d'affection I ^ I

DXXXVIU Au Prieur de TallOIRES. La réforme dans un mo- nastère demande une grande longanimité dans l'exécution et un cœur généreux. L'exemple de Notre-Seigneur. Les exer- cices de piété; l'habit, le mobilier, etc. ; la « composition exté- rieure » et son importance dans une Communauté. Conditions du succès 172

DXXXIX A M. DE ChaRMOISY. M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin. Un « ennemi juré des cours. » Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir 176

DXL A LA Baronne de ChaNTAL. La quatrième chose tout à fait ignorée de Salomon. L'ange gardien de Celse-Bénigne. L'unique ambition d'un Saint. L'Evêque de Genève trouve son âme « un peu plus a » son « gré que l'ordinaire, » et pourquoi. Ce qu'il veut, d'une volonté inviolable. Le gui et les imperfec- tions involontaires inn

DXLl A M. BellOT (Minute inédite). Les conditions de la con- férence contradictoire proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint. Celui-ci désire y apporter non un esprit de con- tention, mais de bonne foi ; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les éplucher. Une dernière garantie à prendre 1 79

DXLII A M. DEsHaYES. Remerciements du Saint à son « arch'in- time » qui voulait le faire venir à Paris. Les obédiences qui entravent sa liberté. Invitation pour l'année 161 1 à prêcher dans la chaire de Saint-Gervais; hésitations de François de Sales pour accepter l'intervention de Henri IV. Nouvelles de M. de Charmoisy et de sa rupture avec le duc de Nemours. Le Saint désire rétablir le mari de Philothée. Un projet de pèlerinage à la Sainte-Baume. M"" de Maignelais. La deuxième édition de V Introduction 102

DXLIII Au Duc de Nemours. Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour lui obtenir de succéder à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny 187

DXLIV Au PÈRE DE Bonivard (Minute inédite). Raisons et avantages d'offrir aux ministres de Genève une conférence publique. Manière de la proposer. En quel cas il serait à propos d'engager la controverse sur les Versions. Comment

jo

Lbttus IV

466 Lettres de saint François de Sales

présenter la doctrine catholique, et de la prudence requise en la formulant. Derniers avis I08

DXLV A M™« de la FlÉCHÈRE. L'attitude d'une âme chré- tienne durant la maladie. Douceur et tranquillité. Com- ment ne jamais trébucher 1 93

DXLVI Au Prieur de Pommier. Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé 1 94

DXLVII Au Président FavrE. Négociations du Saint dans le pays de Gex. Une première Messe après soixante-treize ans d'interruption. La traversée de Genève 196

DXLVIII Au Duc DE Savoie. François de Sales offre au duc la deuxième édition de l'Introduction à la Vie dévote. Culte du bienheureux Amé en Savoie et en Bourgogne. Supplique pour obtenir que le président Favre puisse vransmettre à son fils René la charge de sénateur 1^8

DXLIX Au Roi de France. Remerciements adressés à Henri IV à propos du rétablissement du culte catholique dans deux parois- ses de Gex ; « bien infini » qui en résultera. Le digne héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne. Zèle et pru- dence du baron de Lux 201

DL A M""* DE LA FlÉCHÈRE. Les suites d'une chute. Annonce d'un deuxième voyage en Bourgogne. Les Saints ne sont pas a despiteux. » Les curiosités qu'il faut éviter 203

DLI A M°^^ DE LA ForesT (Inédite). Les « âmes revesches » et le Saint. Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veu- lent servir les âmes. Une Religieuse qui avait besoin de changer d'air. Les promenades dangereuses. Envoi d'un exemplaire de l'Introduction 204

DLII A LA Baronne de ChaNTAL. A une journée de Mon- thelon, le Saint prévient la Baronne qu'il va arriver. Il demande « un petit bain de sauge » pour son pied à peine guéri d'une chute récente 206

DLIII A M. DE BÉRULLE. Sympathie très effective de François de Sales pour le dessein de M. de Bérulle. Il conseille une démarche auprès du Nonce 207

DLIV Aux Magistrats de la ville de Salins. Accepta- tion d'une invitation à prêcher dans la ville de Salins 209

DLV A LA Baronne de ChaNTAL. Pourquoi nous sommes en ce monde. Absoudre, c'est donner Jésus-Christ. Le traité du P. Arias. Le corporal envoyé par la Baronne 210

DLVI A M"*^ de BoiSV, sa mère. M»" de Boisy est priée par

Table des Matières 467

son fils de consulter le médecin Marc Offredo. Pourquoi elle doit se dégager de certaines « petites pensées. » Le « petit advis » que le Saint donne clairement à sa « chère Dame et bonne

Mère » 2 12

DLVII A LA Baronne de ChaNTAL. Retour de François à An- necy; il en donne avis à la baronne de Chantai. L'abandon de tout notre être au bon plaisir divin ; bonheur qu'il procure.

Le sacré oreiller de saint Jean 2 1 4

DLVIII A M. DES HayeS. Nouvelles rétrospectives d'un voyage en Bourgogne. Pèlerinage différé. -^ François de Sales accusé auprès du duc de Savoie d'avoir fait une tentative pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque de Genève ; le fonde- ment de cette calomnie. Un mariage désiré. Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite.

Trois dames destinataires de V Introduction à la Vie devoti 2 1 5

DLIX Au PÈRE POSSEVIN (Inédite). Les fruits des Exercices de saint Ignace. Progrès des conversions autour de Genève. Une paysanne missionnaire. Rétablissement du culte catholique à Gex. Un grand nombre de Genevois ébranlés ; obstacles qui s'opposent à leur retour. Le Saint raconte comment il a tra- versé Genève à cheval et l'émoi que son passage a suscité dans la ville. Le mauvais vouloir des ministres à l'égard des propo- sitions de François de Sales. Comment Vlntroduction à la Vie dévote a vu le jour ; cause de son succès. Offrande d'un exem- plaire au destinataire 210

DLX A LA Baronne de ChaNTAL. Promesses pour le recru- tement de la future Congrégation. Le passage par GenèVe et les calomniateurs. Le dessein de François de Sales traversé. Occupations, affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du voyage d'un apôtre. Les grands désirs qui remplissent le cœur d'un Saint. Une affection que les paroles du monde 11e

sauraient traduire 226

DLXI A LA MÊME. Ferveur d'une postulante. Les austé- rités corporelles et les mortifications spirituelles; celles que le

Saint désire pour les filles de sa future Congrégation 23 I

DLXII A M™" DE LA FlÉCHÈRE. Une contemplation, source de profonde tranquillité. Sentiments qui doivent animer un cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié, Examen de prévoyance fort utile. Une pauvreté qui n'en est pas une. L'appréhension de l'éternité et l'appréhension des accidents de cette vie mortelle. La révérence envers Notre-Seigneur; en quoi surtout elle consiste 232

468 Lettres de saint François de Sales

DLXIII A LA Baronne de ChanTAL. La succession des années et l'éternité. Souhaits de nouvel an. Le temps de Dieu; récompense promise à ceux qui en usent bien. Com- ment tenir son cœur solitaire au milieu de la foule 234

DLXIV A M"" DE LA FlÉCHÈRE. L'unique guérison de certai- nes épreuves spirituelles. Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor ; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable et la plus fructueuse. Le paia sans sucre et le sucre sans pain. Pourquoi la connaissance de notre néant ne doitpasnoustroabler. 235

ANNÉE 16 10

DLXV A une DAME inconnue. Qu'il faut ravaler son courage et en même temps l'exalter. L'unique leçon du divin Maître. Une bonne condition pour faire des progrès spirituels. Deux choses conseillées contre les assoupissements en l'oraison 237

DLXVI A LA Baronne de ChanTAL. La première tourière

de la Visitation offre ses services 239

DLXVII Au Duc DE Savoie. Sainteté du bienheureux Amé- dée. Estime qu'on en fait en Savoie. C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation d'un tel ancêtre et de s'em- ployer à l'obtenir 239

DLXVIII A UN GENTILHOMME. Charité du Saint pour ses amis : au premier il propose une honorable alliance pour l'un des siens ; il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son fils repentant 241

DLXIX A l'AbbessE du FuiTS-d'Orbe (Inédite). Un chirur- gien espagnol est prié de s'employer à guérir l'Abbesse. Encou- ragements. — Comment le Saint s'excuse de parler brièvement de Dieu 242

DLXX AJVI™*DeC0RNILL0N,SASŒUR. Que faire à mesure que les années s'en vont. Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants 243

DLXXI Aux ECHEVINS de Salins. Les prédications qu'il avait promises à Salins étant empêchées, le Saint les veut « contres- changer en autant d'oraysons » pour la ville 245

DLXXII A LA Baronne de ChantAL. Pourquoi l'Evêque de Genève n'alla pas à Salins en 1610. Une âme dont il espérait faire quelque chose de bon. Les souhaits, le cœur et la plume d'un Saint 246

DLXXIII A M. DE BlONAY. La nouvelle Congrégation étant sur le point de s'établir, François de Sales demande au destina- taire qu'il veuille bien lui amener sa fille après Pâques 248

Table des Matières 4^9

DLXXIV A M. DE Bay. Recommandation en faveur d'un

jeune étudiant savoyard 249

DLXXV Au Duc de Nemours. François de Sales intercède auprès du duc pour obtenir un secours au chanoine-poète Nou- vellet 251

DLXXVI A LA Baronne de Chantal. Un cœur plus que

paternel, dégagé et fervent au milieu des tracas. Les petites fleurs et les arbres en Savoie, quand souffle la tempête. Petite pluie abat grand vent. La rosée de la Croix. Rendez-vous pendant le Carême : l'aimable et saint domicile du Cœur de Jésus Notre-Seigneur. Ce qui « contenta fort » le Saint. Il n'était point dur aux chrétiennes d'Annecy, et pourquoi. Ser- mon tout de flammes 252

DLXXVII AM"*DeC0RNILL0N,SASŒUR. Heureuse fin de M°* de Boisy. Une promesse mutuelle. Les regrets dans les sépa- rations. — Paix joyeuse de la mère du Saint 254

DLXXVIII Au Duc de Savoie. Lettre d'introduction auprès

de Charles-Emmanuel, en faveur d'un ami 256

DLXXIX A M. des HayES. Une douloureuse satisfaction. M""^ de Boisy assistée par son fils; rapide éloge de la défunte. Pourquoi le Saint n'a pas de particulières nouvelles à com- muniquer 257

DLXXX A M"' FeNOUILLET. François de Sales apprend à son

ami la mort de M™» de Boisy 259

DLXXXI A LA Baronne de Chantal. Les sentiments du

Saint à la mort de sa mère. François de Sales raconte à M"* de Chantal comment M"* de Boisy a fini ses jours et combien il pleura sur « cette bonne niere. » Invitation à venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux. Dispositions à prendre pour le séjour de la Baronne. Mort de la petite Charlotte. Il faut pleurer un peu sur nos trépassés. L'Abbesse du Puits-d'Orbe, M"" de Saint-Jean, le P. de Monchy, M""^ Favre, le monastère de Sainte-Catherine. Le '< train des saintz devanciers et des simples. » Prendre pour méthode de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare le trouver « un peu dur » 260

DLXXXII A M""* DE DÉRÉE. Tout fait espérer que l'âme de

M""^ de Boisy a été reÇue « en la main dextre de son Dieu ». ... 267

DLXXXIII A LA Baronne de Chantal. Souhaits de bienve- nue. — Les postulantes de Dijon. Engagement avec un im- primeur 268

DLXXXIV A M™* de la FlÉCHÈRE. Ne pas donner créance aux Tains présages. -> Satan abuse des âmes crédules; cammfent »e

470 Lettres de saint François de Sales

garder de ses pièges. Avis variés pour les oeuvres de sancti- fication. — Moyen de soulager le prochain et de louer la Vierge Marie , 269

DLXXXV A UNE DAME INCONNUE. Parmi les délais imposés à

nos désirs, il faut garder la sainte patience 27 1

DLXXXVI Au Cardinal Gallo (Inédite). Le Saint s'excuse

de ne pouvoir obliger le protégé d'un Cardinal 272

DLXXXVII Au PÈRE Ceva. Détresse d'un gentilhomme gene- vois. — La Congrégation des convertis. Charité de François de Sales 274

DLXXXVIII A LA Présidente Brulart. Par plusieurs voies

on va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu. Contre l'amour-propre, il faut faire bon guet. C'est tenter Dieu Je confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera. Consultation particu- lière sur les divertissements pour M"* Brûlart. Comment porter à la vertu une enfant vigoureuse et de naturel un peu ardent. Un magistrat chrétien au xvii® siècle. Un bien grand voyage pour des femmes. Le plus grand appui pour s'avancer dans la piété. Les aumônes fructifient comme le fro- ment jeté en terre 277

DLXXXIX A l'AbbESSE du PuiTS-d'OrbE. Une heureuse rencontre. A quelles conditions la faiblesse n'est pas un grand mal. Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous. Com- ment se mettre « sur le solide. » Le moyen de n'avoir rien à craindre. Combien de bons médecins maladifs et d'habiles peintres bien laids. Un « pauvre chetif père » et la seule chose qui pouvait le contrister. Plutôt mourir que de démor- dre. — Les Supérieures et l'observance 28 1

DXC A M""^ DE LA FlÉCHÈRE. « Il est dangereux de marcher au chemin des procès. » Par quelles pratiques les âmes chré- tiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur 285

DXCI A LA Baronne de Cusy. Derniers préparatifs dans le « petit bastiment » destiné aux premières recrues de la Visita- tion. — Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. Quel sera le costume la première année. Réponse à des objec- tions que présentait la destinataire. Un»petit Isaac 286

DXCII A LA Baronne de ChaNTAL. L'Institut de la Visita- tion, « havre de grâce et de consolation. » Méditation sur l'Evangile : Je suis la vigne. Notre-Seigneur Jésus-Christ, le tout de François de Sales 289

DXCIII A M. DE BaY. Jacques de Bay et son zèle pour la

I

1

Table des Matières 471

formation chrétienne des jeunes Savoyards. Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland et de Bernardin du Nant. Le Saint offre au destinataire deux de ses ouvrages; son humilité. 29O

DXCIV A LA Baronne de CusY. Une postulante que le inonde dispute à la vie religieuse. Qu'elle sonde son cœur avant d'embrasser Jésus-Christ crucifié ; ce dessein demande une âme vaillante et généreuse. Encouragements à prendre un parti décisif. Le Saint promet de s'employer avec joie et cons- tance à la « sainte besoigne » de la future Congrégation 203

DXCV A M"'^ DE Charmoisy (Billet inédit). Prière de donner

l'hospitalité à une postulante de la Visitation 295

DXCVI A LA Baronne de ChaNTAL. Une idée que le Saint trouve à son réveil. La fête du Saint-Suaire et les paroles « extatiques » d'Isaïe. Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier la plante du futur Institut 296

DXCVII A M. Ranzo. Zèle de François de Sales pour la Cano- nisation du bienheureux Amédée. Il propose de lui faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation 297

(DCXLIX) A M. des Haybs (Inédite). (0 Une amitié

constante. Mariage princier et les menaces d'une guerre ^98

DXCVIII A M. CalCAGNI. Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à remplir la charge de chevalier pour laquelle il est proposé. Le destinataire est prié de remettre des lettres pour faire aboutir la nomination 302

DXCIX Au Père PolLIENS. A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci raconte les circonstances qui ont donné jouraux commencements de la Visitation. Sommaire et premier crayon de la vie religieuse proposée par manière d'essai. La clôture, l'habit, l'Office, l'union intérieure. La pierre fonda- mentale. — Pourquoi le Saint ne se soucie pas des critiques. L'Institut de la Visitation et le voyage de François de Sales à

Dijon en 1604 3*-*4

DC Au Président FrÉMYOT. Mort de Henri IV. Vanité des grandeurs du monde. « Un contemptible coup de petit cou- teau. » Le Roi immortel. Pourquoi le Saint espère que Dien aura été pitoyable au prince. Les faveurs de Henri IV

pour François de Sales. Aveu du Saint; sa gratitude 309

DCI A LA Baronne de ChaNTAL. Les soucis du saint Fonda- teur. — Ses désirs d'union à Jésus-Christ. Pourquoi M"» de Chantai doit se « mettre sur la grandeur de courage » 312

(1) Cette lettre nous a été communiquée trop tard pour être insérée dans le corps du volume, à la place que lui assignait sa date.

472 Lettres de saint François de Sales

DCII A LA même. Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais de corps seulement. De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux. Un Psaume dont le chant attendrissait le cœur de l'Evêque pendant la procession :t\i

DCIII A M. CalCAGNI. Gratitude pour la courtoise interven- tion du destinataire en faveur de Louis de Sales, frère du Saint. 3 1 5

DCIV Au Duc de Savoie. Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son Evêqne pour la promotion d'Antoine Favre « a Testât de premier Président. » Ce qui donne le plus de douceur à la vie humaine. Description imagée de la jus- tice. — Responsabilité et devoir des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom Xl6

DCV A M. DE Saint-SixT. Affaire d'argent qui sépare deux

frères ; intervention du Saint pour les accommoder 3 l8

DCVI A LA MÈRE DE ChaNTAL. Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste : sa nourriture, le miel, les locustes représentent les deux vies, contemplative et active. Applications. Signi- fication de ses vêtements. Un habit propre à conserver la sain- teté. — Obéissance du Précurseur. Ce qu'annonçait « ce beau rossignol du bois » ^20

DCVII A M^"" Fenouillet (Inédite). Le trépas du « grand Roy. » Regrets. « Le jeune et nouveau Roy. » Le vrai rendez-vous de nos « cogitations. >> Une charge obtenue « sans brigue, sans cour et sans argent » 322

DCyiII A LA MÈRE DE ChantAL. Comment remplacer le jeûne. Les « petites brebis » de la Mère de Chantai. Visite de Marie à Elisabeth ; amabilité de la très Sainte Vierge. Con- templation du mystère. Un beau pèlerinage en compagnie du Sauveur 323

DCIX A M"^ DE ChaPOT. Les parents et les directeurs spiri- tuels ; l'autorité des uns et des autres et la confiance qu'ils mé- ritent dans l'affaire d'une vocation religieuse. S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il ? Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements. Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre 3^5

DCX A M. DE QuOEX. Pension ou dot requise pour les postu- lantes de la Visitation. « Il est vray que l'on regarde encor aux facultés. » Le Chablais au xvn" siècle. Une Congré- gation qui ne veut être « ni mendiante ni playdante. » Som- maire des Règles. Les commencements de l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un refuge.. . ., 328

Table des Matières 473

DCXI A M™" DE TraveRNAY. Quand on souffre, il est malaisé de prier. Quels sont les malades capables de faire oraison. Comment remplacer cet exercice, si nous sommes trop douil- lets. — Il faut reprendre, quand on est guéri, ses habitudes de prière. Un « rare bien : » parler cœur à cœur avec son Dieu. ^^2

DCXII A LA MÈRE DE ChANTAL (Inédite). Les premiers jours de la Visitation. Les « douces amours en Jésus Christ » de l'Evêque de Genève ; se portait nuit et jour sa sollicitude. . . 354

DCXIII A M""* DE LA FOREST. Subtilité de Satan. Le Saint cherche à détruire le résultat d'une calomnie. Bonnes nou- velles de la Maison de la Galerie 336

DCXIV A M™^ DE CORNILLON, SA SŒUR. La transfiguration en Notre-Seigneur. Le séjour des vaines beautés et bellei vani- tés. — Encouragements à monter à la céleste vision du Sauveur.

Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint. Partout

il faut avoir bon courage, et pourquoi ss8

DCXV Au Duc DE ^EMOURS. Recommandation en faveur du

sieur Bouvard pour la charge d'avocat fiscal 34O

DCXVI A M. DES HaYES. Un trépas vraiment pitoyable. Le Saint relève le courage de son ami, dont la mort de Henri IV semblait avoir compromis la fortune Comment se ménager la protection de la- Providence. Souhaits pour la France et la famille royale 341

DCXVII A LA MÈRE DE ChaNTAL. Hésitations à faire venir en Savoie le P. de Monchy. Souhait du Saint pour M""= de Chantai 3^2

DCXVIII A LA MÊME. La méthode de M"« de Chantai. La confession de Françon. Doux pressentiments intimes à l'ap- proche de la fête de la Nativité de la très sainte Vierge. La céleste Pouponne a^a

DCXIX A M""" DE TrAVERNAY. Une âme docile. L'exercice

de l'amour sacré et les tribulations. Un spectacle encourageant. 345

DCXX A M'"» DE LA FlÉCHÈRE. Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres plus dangereuses pour l'âme.

Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix intérieure. La seule perte que nous devons craindre en cette vie. Comment les procès peuvent servir à l'avancement spirituel.

Exemple de Notre-Seigneur. Le moyen d'être toujours assez riche 34^

DCXXI A M- Ranzo (Inédite). Les débuts de la Congréga- tion. — La Patronne qu'elle a choisie. Attestation du culte rendu au bienheureux Amédée dans le monastère de Talloires et

474 Lettres de saint François de Sales

à Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince Emma- nuel-Philibert de Savoie reçoitleshommages de François de Sales. ^48

DCXXII A M"* DE LA FlÉCHÈRE. Condoléances sur la mort de M. d'AvuUy, père de la destinataire. Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante 351

DCXXIII A LA mère de ChaNTAL. Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au Traitti de l'Amour de Dieu. « Petites lanterneries » et « petites clartés. » La parfaite rési- gnation. — Une lettre il est parlé mignardement de Celse- Bénigne 353

CDXXIV— A M"" de Vallon (Inédite). Une nouvelle pos- tulante pour la Maison de la Galerie. Par quelles vertus s'entretient le désir de la vie religieuse 354

DCXXV A M. DE VillERS. Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures et églises des paroisses vacantes. Affaire de M. de Sauzéa. La vérité est toujours la plus forte. 356

DCXXVI A l'Abbesse du Puits-d'Orbe. Le profit qu'on peut retirer d'un mal incurable. En quels cas le monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître ; celles-ci perdent toujours quelque chose aux sorties. Il faut avoir quel- que égard à l'opinion publique. Une ancienne coutume du monde ; son pharisaïsme. Contrairement à l'esprit du siècle, c'est aux supérieurs à gagner les inférieurs. Une abbesse et une prieure un peu refroidies ; exhortation du Saint pour rame- ner entre les deux sœurs l'amitié fraternelle. 358

DCXXVII A M. PioTON. Prière de retirer un legs en faveur

d'une œuvre pieuse 36 1

DCXXVIII Au Président Favre. Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon. Le Saint réclame l'intervention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce utile au procès 362

DCXXIX A M™* DE CoRNILLON, sa sœur. Les croix domesti- ques ; il faut savoir les bien prendre 364

DCXXX A M"" DE LA FlÉCHÈRE (Inédite). Une tranquillité fainéante et trompeuse. Quand faut-il augmenter les Commu- nions, au lieu de les diminuer. Le Saint, ennemi, dans ses visites, des cérémonies, compliments et perte de temps 365

DCXXXI A LA MÈRE DE ChaNTAL. Quelques bonnes pen- sées pour passer l'Avent avec dévotion : trois objets capables de ravir les cœurs en la sainte dilection 366

DCXXXII A M»' GribalDI. Le Prélat destinataire est prié de

vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat. 367

DCXXXIII A LA MÈRE DE ChANTAL. Pratique conseillée à

Table des Matières 475

la Mère de Chantai pour s'attirer la spéciale proteclion de Notre- Dame ^69

DCXXXIV Au Président Favre. Le grand tracas d'un pre- mier Président. Le prieuré de Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. Les Pères Feuil- lants. — L'hôtesse du Chablais ijo

DCXXXV A LA Présidente Favre. Une lettre écrite après

dix heures du soir. Les additions à une nouvelle édition de Y Introduction à la Vie dévote. Notre guide, notre nocher pen- dant notre navigation. Le moyen de ne rien craindre 372

DCXXXVI A LA MÈRE DE ChANTAL. Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotienne du « Pain vivant et sures- sentiel. » Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent. 374

DCXXXVII A M, DE ChaNTAL. Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France ; à quelles âmes cette fréquenta- tion est-elle moins dangereuse. Ses écueils, leurs pernicieux effets. Remèdes : les « viandes spirituelles et divines. » Eviter les mauvaises lectures, Rabelais, « cet infâme, » et les scep- tiques. — La vraie courtoisie. Ne pas s'embarrasser parmi les amourettes. Faire profession ouverte de vouloir vivre ver- tueusement, judicieusement, constamment et chrétiennement. Les vertueux à la philosophique. En quoi il ne faut pas mar- chander. — Se choisir des amis de même intention. Recourir à la direction d'un prêtre, Religieux ou séculier. Un exercice de fainéant. Avoir un cœur vigoureux, et pourquoi. L'idéal d'un courtisan, d'après saint Louis ; portrait de ce prince. La bra- voure et la piété. Une méditation à faire souvent, Le patron, la voile, l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde 376

DCXXXVIII A LA MÈRE DE ChaNTAL. Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui sont autour du cœur. A quelle condition rien ne nous offensera a8 1

DCXXXIX A M. RiGAUD (Inédite). Le Saint et son éditeur lyonnais. Celui-ci le presse « de rendre fait » le Traitté de T Amour de Dieu. Commande de livres 383

DCXL A M. DE Bay. Le Saint s'intéresse aux études d'un jeune annécien et demande que le collège de Savoie de Louvain. Ini soit rouvert 385

DCXLI A M. DE QjJOEX. Dans les appointements, le Saint n'est pour personne. Pas de particularités dans sa Congréga- tion ; il faut que tout y « aille d'un train » 386

DCXLII Au Président Favre. Les « bonnes coustumes » de

47^ Lettres de saint François de Sales

Savoie. Rendez-vous pour les âmes chrétieunes unies d'affec- tion. — Une amitié sans limites 588

CDXLIII A LA MÈRE DE Chantal (Billet inédit). Une gale- rie où le Saint parlait « plus a commodité » à la Mère de Chantal. 389

DCXLIV Au Président Favre (Inédite). Recommandation

en faveur d'une pauvre veuve lûO

DCXLV A LA MÈRE DE Chantal. Tableau de la Nativité. se trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints. Les pasteurs et la mél<Wie sacrée qu'ils entendent durant leur sommeil. Le cadeau du Bienheureux au « petit

Roy » 393

DCXLVI A M™« d'AiGUEBELETTE. Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté. Ce que fait la « petite tronppe » de la Visitation 393

DCXLVII Au Président Favre. Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable. La pensée de l'éternité pour le Saint. L'espérance de l'éternité, et les motifs philoso- phiques qui la légitiment. L'échelle qui nous conduit aux années éternelles. Souhaits de nouvel an 395

DCXLVIII A LA MÈRE de Chantal (Billet inédit). Les Filles de saint Bernard chez les Filles du saint Evéque de Genève. Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour 397

DCXLIX (Voir ci-dessus, note (i), p. 4J1) 398

DCL A LA MÈRE DE Chantal (Billet inédit). Sollicitude

pour la santé de la Mère de Chantal 4OO

DCLI A LA MÊME. Souci charitable que prend le Saint pour

la santé de la Fondatrice. 4OO

DCLII A M"' DE BlONAY. La grâce d'évangéliser n'est pas

le privilège de tout le monde 40 1

APPENDICE

I

LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS

A -- FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA CONGRÉGATION DU SArNT-OFFICE. 4O5 B LETTRES DE M^"" DE VILLARS, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. I. 4'^

4««

n 41'

I

Table des Matières 477

C LETTRE DO P. JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD, DE LA COM- PAGNIE DE JÉSUS 413

D LETTRE DE m"* FAVRE 4 I 4

E LETTRE DU PRÉSIDENT FRÊMYOT 415

F LETTRE DU CARDINAL JEAN GARCIA MILLINO 416

II LETTRE DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE GHANTAL A M^' JEAN- PIERRE CAMUS 417

Glossaire des locutions et des mots surannés 42 1

Index des correspondants et des principales notes biographi- ques et historiques de ce volume 433

Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de la provenance des iVlanuscrits. 443

REPRODUCTION PHOTOGRAPHIQUE

PAR L'IMPRIMERIt FRANÇAISE DE MUSIQUE

ET REPRODUCTION PHOTOMÉCANIQUE

PARIS 1949 - Imprimé en FRANCE

185010

o =:

CM :=

O =:

00

CM :=

o ^

■z_ -=.

o 1

-

en

o ^

t^

o

CT)

il 'I2I 31 ' 4! ..:.5| -6

r

p^''- '

■l>-

'. * -,■

«^V-.-

k

/JÉîï9^-'i

fl

1 1

^^^

cvj

z

=

3 3 -=

ro ^^^

O ;^ -P' ^^

O ^^

-s-1

O)

-

C)

I

m w

=

-

=

;i

^

^

^^ .

-

tV)

=

_ o

=

^

o :=:

OH

1

W

*:..

*wi9^