ii^iif: MAY31t955 ST VIROIMIA UNIVERSiîY DiC^ SCUOOl Ll^ÂBY WVU - Médical Center Library Locked Cage QH 45 B64o cl v.2 WVMJ Oeuvres d'histoire naturelle et de / Bonnet, Char 3 0802 000023923 9 ;'9 ^vfî^ m^^^ Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding fro.m Lyrasis IVIembers and Sloan Foundation http://www.arcliive.org/details/oeuvresdliistoi02bonn COMFLETTE DES ŒUVRES DE CHARLES BONNET. ^ . . _-=^aO°; TOME SECOND. ŒUVRES 'HISTOIRE NATURELLE ET DE jp jarx jzi os ojp jbczje: DE CHARLES BONNET, De P Académie Impériale Léopoldine , ^ de celle de St. Pétenboiirg ; des Académies Royales des Sciences de Londres , de Montpellier , de Stockholm 5 de Copenhague , de Lyon y des Acad. de Phijîitnt de Bologne, de Harlem, de Munich , de Sienne , des Curieux de la Nature de Berlin ,* Correspondant de l Académie Royale des Sciences de Taris. TOME SECOND. Observations diverses sur les Insectes. g^^^^^ -^-^m^^^ ^ A N E U C H A T E L, Chez Samuel Fauche , Libraire du Roi. M D C C L X X I X. r- ; ^^r/^^,L^^.^^.}J^^^jMrr^^^, PP«.ÉFACE, UAND j'annoncoh en 1744 > dans h Préface de mon Traité dlnfedologie , une fuite d'obfervations fur les hifecks qui devoit compofer un troljieme Volume de cet Ouvrage, je n'ij^iagimis pas qu'il s'écoule^ roit plus de trente-deux ans avant que mes tircoftfîances me permiffent de publier cette fuite. J'ai même lieu de penfer , que je ne raurois jamais publiée , ji timprejfion gériez raie de ynes Oeuvres ne îjfavoit acheminé à le faire. Il m'a paru , que puifque ^ le Libraire fe déterminoit à raffembler tous mes Ecrits , je devais placer immédiatement après /infeclologie , les Obfervations qui m étoient comme tme dépendance. Jai donc extrait de mes Journaux ^ de quelques^ nnes de mes Lettres, à feu M. de Reaumur, Tmm IL 3 I Préface. les faits que fat jugés les plus dignes de tattention des Obfirvateurs» Je les ai racon^ tés dam le jlyk le plus jîmple , ^ tel Cu peu -près que celui de mon adolefcence au de ma première jeuneffe. J'ai préfumé que cette forte de cofiume ne déplairoit pas au l'ublic , ^ quHl aimer oit à me voir croître fous fes yeux. J'ai fupprïmé les détails trop minucieux : mes Journaux en fourmilloient^ If? // y en avoit trop encore dans mes Lettres à mon illufîî'e Maître ; 77jais fcc tendre amitié pour fou jerme Difciple le portait à les lui pardonner , & il vouloit bien ne fe plaindre jamais de ta longueur de ces détails. Je ne pouvois efpérer la même- indulgence de la part du Fublici & peut^ être anrai'je trop compté encore fur celle qu'ail a daigné me témoigner à légard des âeux premier s^ Folumes^ de /'Iniectoiogie. Fmd'ant k long intervalle de temps qui PRÉFACE. ÎÎJ s'efl écoulé' depuis la publication de ce Livret des Natural^ftes célèbres m'ont prévenu fur quelques-unes des Obfervations que je publie aujourd'hui. Je ne leur contejlerai point l'honneur des découvertes : il n'e^lï pas difficile d'en faire en ce genre ; il ne faut que des yeux , de la confiance Sf un grand dejîr de découvrir. Mais les dates de mes ObfervOr-^ fions prouveront au moins que j'avois vu avant eux les mêmes faits ; & je le confir-^ merois , s'il en étoit befoin , par les origi^ maux des réponfes dont M. de Reaumur m'avoit honoré , & qui compofent un aJJ'e^ gros in-quarto. On ne trouvera donc pas mauvais que je revendique ce que je crois m' appartenir. On ne me reprochera pas non plus de n'avoir poiîtt cité ces Naturalijies , puifinHls n'aiment rien publié lorfque je faifois mes Obferzmtions & que je les con^ jîgnois dans les Journaux , dont ce nouvel Ecrit n'ejl proprement qu'un extrait. Mais: et PRÉFACE-, f. » fi pavois ete appelle à les citer , ce n'auroit fas été affurément fans leur payer le tribut d'éloges qu'ils ?néritent. A Genthod près de Genève > k 17 de Mai 1777. OBSERVATIONS OBSEP^VATIONS DIVERSES S U R L E s X M ^ M c T je: S''^ OBSERVATION PREMIERE. Sur tme Chryfalide qui 77iontoît ^ defcendoip dans fa Coque, JLj A grande Chenille velue , à feize jambes, qui Te transforme dans la Chryialide dont il s'agit dans cette Obfervation-, a été très-bien décrite par M. de ReaUx^iur (i). Eile eft repréfentée, Flan. XXXV 5 Fig. I , du Tome I de fes Mémoires. Je Fobrervai pour la première fois en Mai 1737, & je vis alors tout ce que M. de Reaui^iur l'aconte en détail des diverfes attitudes il re- (l) Mémoires pour fervir à l'Ut 'loir e des Infères. T. I^ Mém. XII, page 516, &c. iu-^.^^. tr^miere Edition. Tome IL A Z 0 B s E R r A T 1 0 N S marquables, que la Chenille £iit prendre à fou corps pour donner à fa Coque une forme à- peu-près cylindrique. Le corps de Plnfede eft ainfî le moule qui détermine la forme & les proportions de la Coque. Cette Chenille eft de celles qui fivent fe fcrvir de leurs propres poils pour fortifier ou épaiffir le tiifu foycux & très-mince de leur Coque. La Chenille que j'obfervois en Mai 1737 , employa quatre jours à conitruire fou petit édifice. Lorfque je le crus à -peu -près achevé , je fus curieux de l'ouvrir pour obfer- ver l'état de la Chenille. Si je n'avois pas été prévenu par la ledure du Mémoire de M. de Reaumur , j'aurois été bien étonné de ce qui s'offrit alors à mes yeux. Au lieu d'une Che- nille très-grande & très-velue, je ne vis dans la Coque qu'une Chenille de moyenne taille & à-peu-près rafe. Elle avoit fî bien couché les poils qu'elle s'étoit arrachée de delfus le corps , entre les £ls ou les mailles du tiifu foyeux , qu'ils ne fornioient qu'un tout avec ce dernier. Ils paroiifoient diftribués par-tout d'une ma- nière uniforme. L'intérieur étoit d'un gris de fouris fort luilré. Au mois de Juin 1738 5 une Chenille de la SUR LES INSECTES. 3 même Efpece , q^e i'avois renfermée dans un de ces vafcs de verre que les NaturaliPces nom- ment Poudriers [Pi. I. P.] , y conflruifit une fera^ blable Coque mi-parti foie & poi's. Mais cette Coque, C, m'oiîrit une iîngulanté remarquable. Se qui contredifoit ce que M. de REAUrûus, rapporte dans fou Mémoire. " La Coque de 55 cette Efpece de Cheuifle , dit-il, noiis donne 53 occaiîon de faire remarquer une féconde fois y „ que la grandeur de ia Coque n'eft pas tou- 35 jours proportionnée à celle de la Chenille; „ qu'il y a des Coques fi petites qu'on ne ,3 conçoit pas trop comment une grolfe Che- 33 nille a pu fe renfermer ^.ans une fî petite 53 enceinte qu'elle a été obligée de fe filer; car- 33 il iemble . . . que la Chenille étant maîtreiîe ^3 de prendre ce qu'elle veut de terrein , elle 35 en doit prendre allez pour fe mettre ai* 35 large. Il y en a pourtant beaucoup d'Efpeces, 33 & entr'autres celles dont nous voulons par- ,3 1er, qui fe mettent très à l'étroit dans Icui; 3, Coque 33. Celle que ma Chenille (i) s'étoit <^i} Il cfl; diftîcile de bien tiiTLinguer les Efpcces de ce Genre : elles font aifez nombreufes. En comparant cie nouv-eiii \â Defcription & la Figure que M. de Rlalmur d^nne de fa Cii.:nille , je fuis vent! à douter lî la mienne étuit préci- fcnjent c'c la mènie Efpece. Ce qui m'a fait naître ce d'Kîte, ce font prir.eipalr'.'nent les poils qui rec;tuv;ent !e dos Ue U laieune. Us ^q s'abailîent; pas fur îe^ côtés» comme dans celî^ A 2, 4 OBSERVATIONS conftruite ctoit pourtant Ci grande, & fur-tout fi longue , qu'elle auroit pu facilement contenir deux Chrylalides pareilles à celle dans laquelle la Chenille fe transforma bientôt. Elles y au- loient même été' fort au large. J'ignore ce qui avoit déterminé l'Infecle à travailler fur de fî grandes proportions. Le tiffu de la Coque ne différoit point d'ailleurs du tiifu propre aux Coques de cette Efpece. La Chryfalide , A , dans laquelle cette Che- nille s'étoit transformée , étoit en général d'un noir luftré : on voyoit feulement une teinte de rouge dans la jondlion des anneaux. Elle étoit de forme conique. Cette Chryfalide m'oiFrit des procédés cu- rieux 5 & qui me paroiiTent dignes d'être ra- contés. On fait que les Chryfalides ne fe don- nent en général que très-peu de mouvement. lie M. de Reaumur. La grandeur de la Coque que ma Che- nille avoit conftruite , eft un autre caraftere qui paroît la tlifFévencier ,• car cette Coque fi grande n'étoit pas probable- irient un accident: j'ai eu depujs une antre Chenille fembla- ble , qui a conftruit fous mes veux une ai)ffi grande Coque. Cette Chenille n'eft pas rare en Aiitomjie: on la voit aflez fuuvent ramper fur l'herbe ou ie long des grands chemins. Elle paflTe l'Hiver d^ns quelque retraite, & fe métsmorphofe au Prin- temps. Je h rionimerois VOurJine , à caufe de la couleur & de la longueur de f«s poils. De loin elle paroît toute noire. SUR LES INSECTES. % Pour l'ordinaire elles ne changent point de place , & ne donnent de figne de vie qu'en agitant un peu leur partie poftérieure. C'ell ce qui a donné lieu de comparer l'état mitoj^en de Chryralide à- un étdt de mort. 11 n'e.n. étoit pas de même de la Chryfalide. dont je- crayonne i'Hiilroire. Lorfque je me mis à robferver , elle étoit placée de manière que fa partie antérieure occupoit un des- bouts de la Goque. [PLl^a.] Là paroiiroit une ouverture ^ o ,. pratiquée . dans îe tilTu même de la Coque , & qui fembloit y a\w été ménagée par la Chenille , pour faciliter la fortie du Papillon. La Coque avoit été conf- truite obliquement à l'horizon , ^ c'étoit au bout le plus élevé que la Chryfahde s'étoit; placée. Sa partie poftérieure , f , appuyoit fur le côté inférieur de la Coque. M'ÉTANT avifé de la toucher du bout dit doigt , je fus bien fiirpris de la voir auffi-tôt quitter fi place , & defcendre à reculons jufqu'à l'extrémité inférieure de la Coque.. Elle élevoit, & abaiifoit alternativement fi partie antérieure. & fa partie poil:érieure , en leur fnfant toucher tour à tour les deux parois, oppofées de la. Coque i & c'étoit par de fcmblables mouve- mens qu'elle parvenoit à fe tranlporter d'ii'i Meu à un autre. Ce procédé ne reifembloit pai; A3 & 0 B s 'E R V A T I 0 N S mal à' celui au moyen duquel les Ramoneurs îiionteiic ^& defccndent dans le canal des che- niinécs. QuoiQjJE Pinclinaifon alTez confîdérable de îa Coque dut aider beaucoup à la defcente de ïa Chrylalide , la marche etoit cependant lente & allez lourde : il lui failoit un temps aiTez îong pour parcourir refpace vuide de la Coque. Parvenue enûn au bout oppofé , elle fembla faire effort pour aller plus loin. Elle s'agitoit & preifoit le bout de la Coque de ia partie pof^ térieure , comme pour s'aiTurer qu'elle ne pou- voit reculer d'avantage. Après quelques tenta- tives inutiles, elle parut fe fixer à cet endroit,- & s'y étendit de fou long. [Fl. /, b.] Mais, quc'le ne fut point ma furprife quelques mo- mens après , lorfque je la vis remonter vers le Iiauf de la Coque avec une merveilleufe agilité, ^ reprendre ainfî fli première pofltion ! Frappé de cette agréable nouveauté , ie ré« pétai plufieurs^ fois la même expérience , 8c toujours avec le même fuccès. Elle defceudoit chaque fois: aiTez lourdement & avec une forte de lenteur ,. qui indiquoit la répugnance avec iaquelie elle abandonnoit la place que je Pavois déterminée à quitter en la touchant du doigt ^j SUR LES INSECTES. 7 8c c'étoit coiiftamment avec tant d'agilité & de promptitude qu'elle remontoit vers le bout fupéricur de. la Coque , que je ne pouvois nie méprendre fur le but de fa marche & le feiiti- ment qui la dirigée it. Ordinairement elle parcouroit d'une feule traite toute la longueur de la Coque ; mais quand il lui arrivoit de s'arrêter à moitié che-» min , j'étois toujours fur de la voir reprendre fa courfe pour regagner la pofitioa- qu'elle préféroit. Je fuivis cette finguliere Chryfalide pendant environ quinze jours , c'eft-à-dire jufqu'au temps où elle fe transforma en Papillon. J'eus donc bien des occafions de revoir les mêmes ma- nœuvres , & je les revis plufieurs fois par jour. Il y avoit de temps-en-temps quelque variété dans fes procédés. Quelquefois elle tardoit k reprendre fa place ordinaire : elle demeuroit fixée au bout inférieur de la Coque pendant un temps plus ou moins long. D'autrefois elle re- montoit vers le bout oppofé prefqu'auiFi- tôt: après que je Pavois invitée à defcendre, A 4. 8 0 Ê S E R V A T I 0 N S ^^^^_^ _j — ,_^^^^^,,,,^^ ^'^- OBSERVATION IL Sur des œufs de Papillon qui choqnoienf une régie- indiquée par Mal PI G HI. ^N Août 17385 on m'apporta deux Papillons de la Chenille dont j'ai parlé dans rObfervation précédente. On les avoit furpris accouplés. Le Piipillon femelle pondit une vingtaine d'œuis. Ces œufs étoient fort jolis , de figure femblable à celle du commun des œufs , & dont la couleur étoit un brun marbré fort iuftré. Au bout de quelques jours je remarquai , que la plupart de ces œufs avoient fouifert un enfoncement Gonfidérable : ils avoient perdu partie de leur rondeur ; ils étoient devenus très-concaves d'un côté y & leur couleur n'avoit éprouvé aucun GÎtangement. Je jugeai donc que de tels œufs ne feroient pas léconds. Je me fondo s fur ce que dit là-deifus M. de Reaumur , d'après fes propres oBfervations & celles de Malpighï. ^' Il faut favoir , remarque cet illuPcre Acadé- ^, niicien (^) , qu'on peut diftinguer les ceufs „ du. Papillon du Ver à foie qui ont été fécon- (^) Mêm, purferrjtr- H ÏHiJloire des Inf. T. II. Mém^Ulh ?'' ;:> SUR LES INSECTES. 9 dés , de ceux qui ne Pont pas été , long- temps avant que le temps foit arrivé où une petite Chenille doit- fortir de chacun des ,5 premiers. Les œufs ont d'abord une couleur d'un jaune qui tire fur celui du foufrcj ils „ font arrondis ; ceuit dans lefquels des em- „ bryons de Chenilles ne croiiîent point , ceux „ qui n'ont point été fécondés ', confervent „ leur premier jaune j mais ils perdent partie 55 de leur rondeur i il s'y fait d'un côté un petit „ creux*, un petit enfoncement. Les œufs „ fécondés au contraire , confervent leur ron- ,5 deur , & leur couleur jaune ne duregUeresf „ à cette couleur il en fuccede une qui tire 55 fur le vifblet ,5. Cependant de ces mêmes œufs qui avoient fouffert un enfoncement Ci coniidérable & dont la couleur n'avoit point changé , je vis fortir de petites Chenilles bien vivantes ; les œufs , au contraire , qui avoient coiifervé toute leur rondeur & dont la couleur étoit devenue violette , ne produifireiit rien. Je me pliis beaucoup à obferver le travail que fe donnoient mes petites Chenilles pour percer la Coque de l'œuf Se venir au jour. Elles ron- gerient cette Coque avec leurs dents , & j'étois un peu' furpris qu'elles pulTent y réuffir dans ni temps où leurs petites dents n'avoieiit 16 OBSERVATIONS pas pris encore le degré de cionfiftence qui cil; propre à ces parties. C'étoit à un des bouts de FoeuF qu'elles pratiquoient l'ouverture ; & je re- marquai , qu'elles l'agrandiiïbieiit plus qu'il u'é- toît néceflaire pour donner ua libre pailage au corps de l'Infecle. Elles fembloient prendre goût à lîianger la Coque de l'œuf. Elles la dévoroient, en effet, car je ne pus découvrir aucun frag- ment de la Coquille. Au refte ; quoique j'aye dit que les œufs dont ces petites Chenilles éitoient éclofes ,. avoient confervé leur première couleur -, cela ne doit pas être pris tout-à-fait à la lettre : il s'y étc)it bien fait un léger changement : le brun «toit devenu un peu plus clair, & la marbrure moins t orte i mais ce changement de couleur n'étoifc rien en comparaifon de celui qui étoit furvenu aux œufs demeurés inféconds. Dans ces dentiers , la marbrure avoit entièrement difparu, A une couleur violette lai avoit fuccedé. Comme la Coque de ces œufs avoit une forte de tra nfparence , les couleurs de la Che- nille perqoie.at au travers- & aiioient à la faire reconnoltre , avant qu'elle eût commencé à venir au jour, il étoit aifé de s'affurer* que ces feouleuis ii'ap partenoient point à l'œuf SUR LES INSECTES. ir Vers la fin de Juillet 1740 , j'eus occafioîi de répéter la même Obfervation fur des œufs de Papillon fort feniblables à ceux dont je viens de parler , & qui avoient été dépofés en grand nombre les uns auprès des autres. Tous avoient fur un de leurs côtés un enfoncement , & il ny eut aucun de ces œufs dont il ne fortit une petite Chenille. J'ajoute que ces œufs n'a-- voient point non plus changé de couleur. D'autres œufs de Papillon m'ont oifert encore les mêmes particularités. Amfî il eft bien dé- montré que la règle de Malpighi n'eft point du tout générale. ^ ^ , ^^-^i:!;^— ==^^g^' OBSERVATION III. Sur les Chenilles républicabtes nommées Livrées y ^ en particulier fur le procédé an moyen duquel elles favsnt retrouver leur nid, lorf- qu'elles s'en font le plus éloignées. G ''Est' la diftribution des couleurs de cette Efpece de Chenille , qui n'imite pas mal celle de ces touffes de rubans qu'on porte aux noces de village , qui a déterminé M. de Reaumur à lui donner le nom de Livrée. Il a publié une ta OBSERVATIONS hiftoire de cette Chenille dans, le Mémoire IIÎ du T. II de fon Hiftoire des Infedes , pag. i6i & fuivantes , & Ta repréfentée PL V , Fig. 7 du T I. Il Fa rangée parmi les Chenilles qui ne vivent en fociété qu'une partie de leur vie ^ 8c il remarque , que depuis leur naijfcmce juf- qu'au temps de leur feparation , elles fournijfent- peu de faits Jinguliers. J'ai été plus heureux à cet égard que cet illuftre Obfervateur , & nos Livrées m'ont offert des particularités qui me parohfent mériter de trouver place ici. D'ail- leurs j'ai du beaucoup à ces Chenilles , Se je ne me le rappelle point fans plaifir : ce furent les Obfervations qu'elles me donnèrent lieu de fiire en 1738 5 qui me mirent en commerce de Lettres avec M. de Reaumur ; commerce fî glorieux pour moi , & qui a duré fans inter- ruption pendant plus de dix-neuf ans ; je veux dire, jufqu'à la mort de cet excellent Natura- Hfte . le modèle des Obfervateurs. Vers le 2^ d'Avril 1738 ? je rencontrai un nid de nos Chenilles Livrées , qui paroiiîbit nou- vellement conftruit. Il étoit formé de pîufieurs couches de foie très -minces , & qui relicm- bloient aux toiles des Araignées. Ce nid avoit. été conftruit dans les ang'es que quatre à cinq petites branches d'Aubépuie formoient avec la EUR LES INSECTES. 15 l)raiiche principale. Les toiles qui le compofoient étoient fi tranfparentes , qu'elles ne déroboient pas à mes yeux les petites Chenilles logées dans Tintérieur. Ces Chenilles me parurent n'être éclofes que depuis peu de jours. Elles étoient fort jolies. Vues d'un peu loin , elles femhloient dorées ; mais quand on les regardoit de près , on recon- noilToit que leur couleur n'étoit qu'un beau jaune ou un jaune très-vif. Obfervées de plus près encore , le jaune paroilToit diftribué par petites raies , qui s'étendoient de la tète à la queue , & qui étoient féparées par de petites raies noires. Elles avoient cà & là de longs poils roux , qu'on n'appercevoit bien qu'en les regar- dant de côté. Elles fembloient avoir deux tètes , l'une à un bout du corps , l'autre au bout oppofé. Deux, petites taches noires placées près de la tète & près de la queue produifoient cette apparence. L'illufion ne duroit pas long-temps : la tète fe faifoit bientôt diitinguer par fa grof- feur 5 par fon poli -& fon brillant. Je coupai la branche principale qui portoit le nid , &z j'en fichai le bout inférieur dans un des montants d'une des fenêtres de mon cabinet, La branche étoit ainfi dans une fituation 14 OBSERVATIONS horizontale , & au dehors de la fenêtre. Mon but étoit de laifler amfi mes petites Chenilles en pleme liberté , & de les liiivre comme je Pauruis fait en pleine campagne. Je confldérois , qu'en renfermant les Infedes dans des poudriers comme les Naturaiiftes ont coutume de le faire, on gênoit plus ou moins leur manœuvre ^ parce qu'on les plaqoit ainfî dans des circonf- tances qui les éloignoient plus ou monis de leur genre de vie ordinaire. Pendant la nuit , mes Chenilles fe tenoient ordinairement dans l'intérieur du nid , mais le jour elles fe rendoient fur fa furface , & s'y arrangeoient les unes rai-deiîus des autres , comme fur une terralFe pour y prendre Pair. S'il venoit à pleuvoir fur le nid, elles fwoient très-bien fe retirer fous la furface oppofée. Un jour qu'elles étoient attroupées au-deffus du nid , & que le (oleil dardoit avec force fes rayons fur la toile , je vis fe former fubiteniinfc un VLiide au milieu de la troupe 5 & plufîeurs Chenilles s'en féparerent avec vitelTe. D'autres branloient la tète à pluiieurs reprifes , elles en frappoient Pair à coups réitérés 5 d'autres fe cachoient fous le nid ou reatroient dans fon intérieur. Le tumulte ne fut pas de durée. SUR LEH INSECTES. Kry M. de Reaumur avoit remarqué ces coups de tète dont je vie?.is de parler. " Ce que ces „ Chenilles , dit-il ( * ) , font voir de plus re- „ marquable dans ce temps de repos, fur-toat „ lorfqu'il fait chaud , & ce qui ne leur eft p;as 35 commun avec beaucoup d'autres Chenilles., 33 ce font des efpeces de coup de tète, extrè- 53 mement brufques qu'elles donnent en i'aiir, 55 tantôt à droit & tantôt à gauche, tantôt Cii- 55 haut & tantôt en-bas; : il fembletoit qu'elks 55 feroient en colère & c^u'elles voudroient fraip- 55 per: ce n'eft pourtant que l'air qu'elles frap- 55 pent y la partie antérieure de leur corps fe j5 meut alors avec la tète. 55 Lorsque je venois les obferver la nuit à ïa lumière d'une bougie , elles fembk>ient fe };é- veiller auiTi-tôt, &' plufieurs fe niettoient en mouvement & commenqoient à marcher. Rcîti- rois-je la bougie ? elles celTbient de le mouvonr, <& paroiifoient fe rendormir. Je remarqiî:ii encore qu'elles étoie nt fenfibKîS à des fons un peu forts : lorsqu'on battoit 1 a caiife dans la rue , celles qui étoient en marche*, s'arrètoient , & faifoient faire à leur partie an--. C) Tome ÎI , page \66. I^ OBSERVATIONS térieurc des vibrations très-promptes , comme fi ce bruit leur eut été très-ijicom.mode. Une Guêpe étant venue voltiger au-deifus du nid , toutes les Chenilles qui étoient attrou- pées fur la toile , fe mirent à agiter brufque- ment la partie antérieure , 8c par ces coups réi^ térés , elles écartèrent le volatil dangereux. QUAISC je toucliois du doigt le derrière d'une de ces Chenilles , elle y portoit brufquement la tète comme pour me mordre. Deux jours s'écoulèrent fans que nos peti^ tes républicaines s'écartailent de leur habitation. Mais le troiiieme jour, j'en vis une compagnie qui avoir commencé à fe mettre en marche , 8c qui montoit le long de la fenêtre. Leur marche étoit lînguliere. Elles alloient en proceiîion à la file les unes des autres. Les rangs n'étoient pas égaux : il y en avoit de quatre , de trois , de deux Chenilles ^ & la plupart n'étoient que d'une feule. Toutes marchoient d'un pas égal <& tranquille , en promenant la tète alternati- vement à droit & à gauche. On croyoït voir WùQ colonie qui alloit chercher ailleurs un éta^ jbliifement. Souvent la proceffiou étoit interrompue dans; SUR LES INSECTES. 17 dans fa marche par des Chenilles qui retour-^ noient au iiid , ou par d'autres qui faifoient halte. Après avoir fait un certain chemin , la pro^ cefîion s'arrètoit, & les Chenilles s'attroupoient ; enluite , les unes retournoient au nid par le même chemin , les autres continuoient / leur route. Ainiî , une partie de la proceifion mon- toit , & l'autre defcendoit , iiuis la moindre confufion : je veux dire , que celles qui rcga- gnoient le nid , paiîbient immédiatement à côté de celles qui s'en éioignoient , fans que la marche des unes & des autres en fût le moins du monde troublée. Elles marchoient d'un pas affez lent. Ce ne fut qu'environ trois à quatre heures après qu'elles eurent commencé à forcir du nid & à défiler en proceiïïon , qu'elles parvinrent au haut de la fenêtre , 011 je les vis fe ralTembler* Cette fenêtre avoit fix à fept pieds de hau- teur , fur trois à quatre de largeur , & le nid n'étoit qu'à demi-pied au-delTus de la tablette. Les Chenilles qui avoient gagné ainfi le haut de. la fenêtre , étoient en ulïez ■ grand nombre , & j'obfervois d'autres compagnies moins nombreufes qui fe difpofoient à aller les Touîe IL B 18 0 B S E R V A T I 0 N S joindre , & qui fuivoient exactement la route des premières. Je commenqai à craindre que mes Chenilles ii'abandonnalTent pour toujours leur habitation , 8c j'avois déjà regret à la liberté que je leur avois laiîTée. Mais , je fus bientôt raliUré : après avoir fait une petite ftation au haut de la fenê- tre , elles fe remirent en marche , & reprirent 3e chemin du nid , en fuivant précifément la jnème route qu'eiko avoient fuivie pour s'en éloigner» J'ÉTOîS fort furpris de les voir fuivre fî conilamment & avec tant de précifion la même toute, foit en montant, foit en defcendant. Je traqai même une ligne parallèle à cette route , pour m'afTurer mieux fi elles ne s'en écarte- ïoient point. Mais , elles la fuivirent toujours avec une égale conftance. Je faVois bien que les Chenilles n'etoient pas privées de la vue : je connoiiroîs leurs yeux , & je les avois ob- fervés à la loupe. J'avois encore remarqué qu'el- les paroifToient fenfibles à la lumière : j'ai rap- porté ci-delîus un fait qui paroiiîbit le prouver. Mais , malgré tout cela , je n'avois pas grande opinion de la vue de nos Chenilles , & je ne pouvais me perfuader que ce fulTent leurs yeu^ SUR LES INSECTES. î9 <5iil les c-uidalTent Ci bien dans leurs diiFérenteâ couufes. Je redoublai donc d'attention & de vigilance, & je les obfervai d'auiîi prés qu'il étoit pofîiblc. Enfin , j'appercus qu'elles tiroient des fils fur leur route , & je découvris fur le montant de la fenêtre , en y regardant fort obli-i quement un petit fentier blanchâtre d'environ une à deux lignes de largeur, que le brillant. de la foie rendoit reccnnoilfable. Je compris alors pourquoi chaque Chenille portoit la tète à droit & à gauche , tandis qu'elle marchoit. Elle recouvroit ainfi de foie le chemin qu'elle parcouroitj & celles qui h fuivoient exécutante la même manœuvre, il fe formoit peu-à-peu dé tous les fils réunis une forte de ruban ou dô tapis de foie ; dont le tiifa fe fortifioit de plus en plus , & déteriîiinoit toujours mieux la route; La première route tracée par nos ptoceffioii-; naires étoit la plus fréquentée : mais elles eu tracèrent d'autres plus ou moins irrégulieres^ ou plus ou moins obliques , qui aboutiffoienç toutes au nid. Le foir du même jour , je m'attendois à \ei Voir regagner le gîte : mais la nuit étoit déjà allez avancée , qu'elles continuoient encore k proceffionner. Pour empêcher qu'elles ne s'éear^ 20 OBSERVATIONS taiTent d'avantage , je plaçai fur leur route des feuiiies fraîches d'Aubépine : elles s'y ralfemble^ xent , & après en avoir mange , elles retournè- rent au nid. A voir nos petites Chenilles marcher tou- jours en grande procefîion , on auroit jugé qu'elles n'ofoient s'écarter feules du nid. Je vis pourtant bien des fois une de ces Chenilles qui faifoit feule toute la route qui avoit été tracée par une procefîion. De petites compa- gnies de fix à fept Chenilles alioient à la quête à une grande diftance du nid. Je prenois quelquefois plaifir à toucher légè- rement du doigt la Chenille ou les Chenilles qui marchoient à la tète d'une procelîion : elles fécouoient auffi-tôt la tête à pluiîeurs reprifes & rebrouiïbient chemin avec viteife , fans être arrêtées dans leur fuite par celles qui fuivoienfr d'un pas tranquille la première route. ^ Je m'arrêtois fouvent à confidércr la petite trace de foie qui dirigeoit mes Chenilles dans leurs différentes courfes, & les empèchoit de s'égarer ; je la comparois au fil d'Ariadne ; mais je ne favois pas encore combien cette compa- i'aifon étoit jufte. M'étant avifé un jour d'en- SUR LES INSECTES. 2î lever avec le doigt un peu de îa foie qui tapif-- foit le chemin de nos proceffiorinaires , je re- marquai avec une agréable furprife que , lorf. que la Cheniile qui conduifoic la procelTion fut arrivée à l'endroit où la trace étoit interrom- pue 5 elle rebrouifa chemin auiîr-tôt , comme fi elle eut été effrayée: celle qui la iuivoit immé-. diatement en fit de même , & elles furent fui- vies de plufieurs autres. Toutes fembloient fc hâter de regagner le nid. L'effroi ne fe répan- dit pas cependant dans toute la proceffion : elle continuoit à défiler en bon ordre d'un pas égal 8c tranquille : mais à mefure que les Chenilles qui précédoient arrivoient à l'endroit où j'avois rompu la trace , elles interrompoient leur mar- che , & paroifToient plus ou moiîis embarraffées. Je voyois , à ne pouvoir m'y méprendre , qu'el- les n'ofoient hafarder de continuer leur route. Elles reiloient à la même place , tâtoient de tous côtés avec leur tère > Se héiltoient toujours, de franchir le pas. Enfin , une des Chenilles , plus hardie que les autres , ofa le franchir. Le fil qu'elle tendit en paiHuit rétablit la route- D'autres Chenilles la fuivirent , qui tendirent de même de nouveaux fils , & au bout de quelque temps je ne vis plus d'interruption dans la trace de foie. Je dois dire néanmoins , que , jufqu'à ce que la voie eût. été entièrement réparée , mss B 3 &i OBSERVATIONS ÇKenilles montrèrent toujours quelqu'inquiétuds m traverlanc l'endroit où elle avoit été rompue^ Je profitai de cette découverte pour âmgex- à mon gré les courfes de nos proceflionnaires. Quand elles enfiloient des routes qui ne ré^ pondoient pas à mes vues , ou qu'elles en tra- ^oient de nouvelles en trop grand norabre , J9 rompois tous ces chemms en enlevant qà & là la foie qui les tapiiîbit, Ja repétois donc ainu jna première Obfervation fur Tuf ge des traces de foie, & je ne me lalfois point de la repéter» Un matin , ç'étoit far les fept heures, t:oute$ lues Chenilles fe rendirent en, prpceffion aii haut de la fenètrç j Sç quelque temps après je ^'çn découvris plus ni dans les chemins, ni dans le nid. Impatient de favoir quelle nouvelle route elles avoient enfilée 5 & craignant de les perdre pour toujours, je courus à la fenêtre voi- fîne j & je les découvris au haut de cette fenè.- tre 3 marchant dans le meilleur ordre ^ à la file les unes des autres ^ & formant ainli un cordon iion-interrompu depuis le haut de la fenêtre Jùfqu'au bas. Elles s'étoient donc frayées une route très-nouvelle , ^ une route qui les éloi- gnoit beaucoup plus de leur habiteîtion , que joutes çeiles qu'elles avoient tracées jufqu'alor^» SUR LES INSECTES, %% Je balançai quelque temps entre les divers partis qu€ j'avois a prendre : je foiigeai d'abord à renfermer toutes mes Chenilles dans un pou- drier pour éviter de les perdre 5 mais enfin, jtî me déterminai à les îaiifer à elles-mêmes , pour voir Çi elles regagneroient leur nid. Elles conti- nuèrent à s'en éloigner en defcendant le long de la fenêtre. Elles pouiTerent même jufqu'à la corniche qui féparoit le fécond étage, où je logeois , de l'étage inférieur. Parvenues fur la corniche, elles firent halte quelque temps 5 puis elles fe remirent en marche , & continuèrent à s'éloigner. J'étois fort inquiet , & j'avois plus de regret que jamais à la trop grande liberté que je leur avois laiifée. Mais , je les vis enân i^venir fur leurs pas , reprendre la route du ni4 par le nouveau fentier qu'elles venoient de tra- cer , continuer leur route fans s'arrêter , & arri- ver toutes fur le midi à leur habitation. Je mtî bâtai de leur fcrvir des feuilles vertes , & je me promis bien de ne leur permettre plus de faire de 0 longs voyages. Elles s'étoient ainfi éloi- gnées du nid par divers détours de plus de quarante pieds. C'étoic un bien long pèlerinage pour de fi jeunes Chenilles , & qui n'avoieitc guère que trois à quatre lignes de longueur. i E ue pouvois me laifer d'admirer la pOiicu y 4 è4 OBSERVATIONS- de mes petites Chenilles. Il n'y avoit rien de fî joli que les cordons qu'elles formoient par leurs évoiutioîis diverfes. lis paroliFoient à une cer- taine diftance , des traits d'or tracés fur la pierre ^ mais ces traits étoient tous en mouve- ment,. & les uns étoient tirés en ligne droite, tandis que les autres repréfentoient des courbes à plufieurs inflexions. Ce qui rendoit le fpec- tacle plus agréable encore , c'étoit que le cordon d'or formé par le corps des Chenilles placées immédiatement à la file les unes des autres & au nombre de pluiieurs centaines , fembloit couché fur un ruban de foie d'un blanc vif Se argenté ; & l'on voit bien que ce ruban étoit ce petit fentier tapiifé de foie que les Chenilles luivoient fi conftamment. Ces Princes de l'Orient, dont les- voyageurs nous vantent la magnifi- cence , ne marchent-ils jamais que fur des tapis de foie ?. Il étoit aiïez remarquable , qu'un refroidilTe- ment confidérable de l'air n'empêchât point nos petites républicaines de fe mettre en campagne. Un jour qu'un vent de Nord tres-lroid iouf- fibit avec force fur le nid , je les vis fe difpofer à fortir en proceiEon ,• & quoique j'euiTe rompu tous les chemins, de foie qui ab utillbien.t au nid .V elles fe feroient probablement fort écartées SUR.LES INSECTES, 2Ç fi je les eulfe abandonnées à elles-mêmes. Dans la première feniaine de Mai, elles chan- gèrent de peau pour la première fois. Elles fu- birent cette opération dans le nid. Leurs cou- leurs devinrent plus vives & plus variées , leurs poils plus nombreux & plus colorés ^ & elles parurent avoir plus augmenté en groileur qu'ea longueur. Je fupprinie d'autres détails comme moins intéreirans. Apres la m'-Mai , elles fe dépouillèrent pou;: 1.1 féconde fois. La plupart étoient demeurées dans le nid , pour y pailer le temps critique de la mue : quelques-unes néanmoins qui avoient gagné auparavant le haut de la fenêtre , y fubi- rent le changement de peau, 8c revinrent au nid après, la mue. Cette féconde mue les embellit encore da- vantage que la première : leurs couleurs parurent plus vives ou plus éclatantes , vS; les nouveaux poils 5 plus longs que les anciens : ceux qui étoient ^fifués fur les côtés du corps s'abaiifoient fur les jambes de façon qu'ils donnoxent à la Chenille Pair d'un Mille-pied. Entre les deux mues , mes Chenilles avoient agrandi leur nid par de nouvelles toiles de ^6 0 B S E R V A T I 0 N S foie , & en faifant entrer dans fa conftru(îlioîi une partie des feuilles que je leur avois don- nées pour nourriture. Elles avoient tendu des £ls fur ces feuilles , & en les multipliant de plus en plus elles s'étoient procurées de nou- veaux appartemeias. Dès que mes Chenilles fe furent dépouillées pour la féconde fois , elles n'obferyerent plus la même difcipline. Elles ne marchèrent plus en proceiîion , & ne fuivirent plus les fentiers de foie qui avoient fervi à les diriger dans leur entance. Elles erroient de cgté & d'autre fans aucun ordre, & je les aurois toutes perdues ^ fi je n'avois pris la précaution de les renfermer <^ans un poudrier. Mais c'étoit bien aifez de les avoir obfervées en pleine liberté pendant environ un mois, Dans le mois de Juin , elles fe renfermè- rent dans des Coques de foie pour y fabir leur métamorphofe. M. de Reaumur a décrit ces Coques : je n'en dirai donc qu'un mot. Elles font de. foie blanche ou blanchâtre. Le tiiîu en eix fi foible , fi lâche , qu'il ne fauroit dérober aux yeux la Chryfalide > mais la Che~ mile fut le rendre opaque , en introduifant dansj les mailles une forte de bouillie aifez épaiife-y SUR LES INSECTES, 27 de couleur jaune , & qui eu fe deHcchant de^ vient une poudre friable & tres-nne. Elle poudre ainil fa Coque , comme nous poudrons nos perruques i mais pour vue fia plys importante. Lk Livrée donne à fa Coque , comnie le Ver-à-foie , une enveloppe de foie de forme irréguliere : c'eil une efpece d^ bourre au milieu de laquelle la Coque elt logée. Mais , j'ai vu des Livrées qui donnoient à cette enveloppe une forme alfez régulière , & qui imitoit celle de la Coque j enforte qu'il fembloit qu'elles euifent Èlé deux Coques renfermées l'une dans l'autre. Au refte > la Coque de nos Livrées eft beau- coup plus alongée que celle du Ver-à-foie , & tient un peu de la forme d'un fufeau. Peu de temps après s'être renfermées dans leur Coque 3 mes Livrées fe changèrent en ChryfLtlides , de forni,e conique , & qui ne m'of- frirent rien de remarquable. Le Papillon parut au commencement de Juillet. On peut en voir ia dçfcnption dans M. de Reaumur. (*) Cet habile Obfervat^ur s'eft trop étendu fur les œufs de ce Papillon & fur Part admira- C) Mém, fur les hif. Tome II. pag. ^z. 28 0 B s E RFA T I G K S ble avec lequel il les arrange en manière de bralTelet autour des menues branches des Ar- bres 5 pour ne me diipenfer pas d'en parler ici. Je renvoie donc là-deifus à fon intérefFante Hiftoire C^). ^^ a^y^ ' . - -- -^'^ OBSERVATION IV. Sur les Chenilles nommées Communes , qui viveyip en fociété pendant une partie de leur vie. C: £tte Efpece de Chenille , eft en effet la plus commune dans nos campagnes ; c'eil ce qui a porté M. de K.EAUMUR à lui donner le nom de Commune, Il en a publié une hilloire fi détaillée (*^) qu'il feroit fuperflu de m'étendre lur les Obfervations qu'elle m'a donné lieu de £\iie : aiiifi je ne toucherai guère qu'aux par- ticularités dont notre ilîu[îre Académicien n'a pas parlé. J'ai vu tous les faits qu'il s'eft plu à: détailler , & mon témoignage n'ajouteroit rien à celui d'un tel Obrervateur.. Ce fut au milieu d'Avril 1738 5 qi^e ]^ fis. (*) Tome lï. Mém. Il , pag. 9^. (**) Mém. fur les Jnf. Tome î , png, 187 y PI VI, Fig.s- & io. Tome li,;pag. ii22 & fuivant^js. SUR LES INSECTES^ 29 îïies premières obfervations fur les Chenilles Communes. Je les pris dans leur état d'enfance, & je plaqai un de leurs nids à la fenêtre de mon cabinet, comme je l'ai raconté du nid des Chenilles Livrées dans rObfervation précédente. Ce nid compofé de feuilles , recoiivertes de plufieurs couches de foie blanche , étoit attaché à une branche de Poirier -, de manière à le laiiTer mobile. Les très-petites Chenilles qui y logeoient , paroilfoient au premier coup d'œil de couleur rouife j mais regardées de près , on appercevoit une raie jaune , formée par des points de cette couleur , qui s'étendoit le long du milieu du dos. Deux de ces points, plus colorés que les autres , fe montroient près des derniers anneaux. D'autres points bruns fe fai- foient auflî remarquer. Sur le quatrième & le cinquième anneau étoit une élévation rouge, fort vifible , femblable à une houppe , & qui fembloit compofée de poils fort courts & fort prelTés. Tout le delfus du corps étoit femé de longs poils roux. La tète étoit noirâtre & luifante. Je viens de crayonner une légère def- cription de mes petites Communes ,• parce que M. de Reaumur ai'a décrit cette Efpece de Chenille que telle qu'elle fe montre lorfqu'elie a pris tout fon accroiiTement. 30 OBSERVATIONS On juge afe, que les diiférens plis des feuilles dont le nid écoit comparé & les inter-- Vallès plus ou moins grands qu'elles laifîbient entr'elles , étoient pour nos petites républicai- nes autant de logemens dans lefquels elles ia- voient fe retirer au befoin. La toile de foie qui recouvroit les feuilles , & qui étoit une forte de tente ^ étoit percée qà & là de plufieurs trous , qui étoient comme des portes ménagées pour l'entrée & la fôrtie des Chenilles. C'étoît par ces portes qUe je le^ voyois fortir pour venir jouir fur la toile de l'air & du foleil ; & c'étoit par le's mêmes ouvertures que je lesj Voyois rentrer dans Tinte deur du nid à l'ap^ proche de la nuit ou du mauvais temps. Ce nid paroilToit avoir été détaché de là branche par un accideut : j'ai dit qu'il étoit mobile , le Vent le faifoit baîotter. (^land les balottemens n'étoient pas trop forts , les petites Chenilles ne fembloient pas s'en mettre en peine j elles alloient Se venoient à leur ordi- naire ', mais lorfqu'ils augmentoient , elles de- ïneuroient immobiles , & ne fe remettoient en mouvement que lorfqu'ils commençoient à di- minuer. J'eus lieu néanmoins de préfumer que ces balottemens ne leur étoient pas agréables t elles travaillèrent bientôt à aifujettir le nid plus SUR LES INSECTES. 31 foiidement , en multipliant les liens de foie qui rat'tachoient à la branche. Mes Chenilles fe promenoient chaque jour fur la toile qui recouvroit le nid , & elles y prenoient leur repas. Qiielques unes ne tar- dèrent pas à prolonger la promenade , & je les obfervai s'éloigner du nid de toute la longueur de la branche qui le portoitj mais elles n'ofe- rent poulTer plus loin. Je remarquai fur la fur- face de cette branche des traces de foie fem- blablcs à celles des Livrées : nos petites Com- munes fuivoient ces traces conime les Livrées , & ne pouiToient pas la promenade au-delà de l'endroit où ces traces fe terminoient. M. de Reaumur , qui ignoroit que les Livrées ta- piflbient leur chemin , Pavoit très-bien obfervé chez nos Communes , niais il n'avoit pas ap- perqu tous les ufages dé cette manoeuvre. Il croyoit que les Communes tapiifoient leur chemin , parce qti'il leur étoît plus facile de vïiarcher ^ de fe crâmpo?mer fur des feuilles @ fur des tiges tapijfées de foie , que fur des tiges ^ des feuilles nues (*). On a vu dans TObfer- vation précédente que les traces de foie dont il s'agit , rendent aux Chenilles républicaines des fervices plus importans. O^ém-faries Inf. T. II, pag. 159. 3^ Ol^SERVATIONS Mes Communes ne marchoient pas en pro« cefîion comme les Livrées , & n'obfervoient pas une 11 grande police. Elles n'étoient pourtant pas fans difcipline. Elles ne manquoient point de rentrer dans leur habitation à l'approche de la nuit , & lorfque le temps fe rafraîchijffbit ou qu'il venoit à pleuvoir , alors je n'en Voyois aucune hors du logis. J'étois (ï content de leur difcipline & du bon ufage qu'elles favoient faire de leur liberté , que je m'alFermis de plus en plus dans la peniée de les abandonner à elles- mêmes & de ne les renfermer point dans un poudrieri Pendant la première femaine de leur éta- blilfement au dehors de la fenêtre de mon cabinet , elles ne s'écartèrent jamais du nid que de la longueur de la branche à l'extrémité de laquelle il étoit attaché. Tous les matins fur les fept heures , lorfque le foleil commençait à darder fes rayons fur le nid , elles fortoient en grand nombre , & commenqoient à fe pro- mener fur la toile & le long de la branche. Qiielquefois on eût dit , qu'elles abandonnoient pour jamais leur nid , &' pourtant elles y reve- iioient toujours. Je plaçois chaque matin fur Li toile du nid à l'extrémité du promenoir des feuilles fraîches : elles alioient v pâturer , SUR LES INSECTES, 33 c^ après s'être rafladées , elles rentroieiit dans îe nid ou le reporeient fur fa furface , & le îiiettoient enfuite à tirer de nouveaux fils qui en fortifioient & en agrandiifoient de plus eu P'us les enveloppes ou fenceinte. CÉTOIT un fpedacîe très-amufant, que de voir ces petites Chenilles aller &z venir , les Uîîes d'un côté, les autres d'un autre iàns con- iuiion 5 •& s'entrebaifer comme les iburnais 5, quand elles ib rencontroienL J'ÉTOIS à la campagne pendant que je faifois ces obfervations : obligé quelque temps après de regagner la ville, je renfermai le nid de îiics Communes dans un paudrier , & les em,^ portai avec moi. Mais comme je ne pouvois me procurer en ville les mêmes commodités pour les obferver en liberté , je fus contraint cie les laiifer clans le poudrier , que je recouvris d'une plaque de verre. Ainil plus de liberté ni de promenades : auili ii'obrerverent-elies plus la même difcipline. Elles ne r entroient plus dans le nid à l'approche de la nuit ni dans les jours froids , comme elles faifoient auparavant. Lorf- que- le ioleil échauJîbit le poudrier , elles fe mettoient à courir de côté & d'^autre dans font incéiicar , cherchant des ouvertures poux St'é* 2lmj IL Ç 34 OBSERVATIONS chapper. C>Licîques unes y réuiîirenti parce que la plaque de verre ne s'ajuftoit pas exadement fur les bords du poudrier. Elles ne s'écartèrent pas néanmoins 3 mais elles ne rentrèrent pas dans le vafe. Mes Chenilles tapilTerent de foie toutes les parois du poudrier , ce qui leur donnoic plus de facilité pour fe cramponner contre le verre. De temps en temps elles s'attroupoient , & s'arrangeoients les unes à côté des autres de manière que la tète de toutes étoit tournée jdans ie même fens. Dans cette fituation , elles de- nieuroient immobiles 5 niais 11 je venois à les toucher du bout du doigt, elles fe difperfoient à Finftant. Les vapeurs qui s'exhaloient des Chenilles 8c des feuilles dont je les nourriifois , s'atta- choient aux parois du vafe , Se craignant que cette liumidité ne fïit nuiflble à la petite fa- mille , j'enlevai la plaque de verre qui couvroit ie vafe. Je vis avec plaifîr qu'elles n'abufoient pas de la liberté que je leur laiifois , & qu'elles fe contentoient de fe promener autour des bords du poudrier : mais bientôt elles tentèrent de s'échapper en defcendant le long des côtés extéiieurs du poudrier. Je les pris donc une à ''SVK LES I N S E C TES. 3f Tine 5 & les remis dans ie vafe 5 Se pour les y retenir captives , je plongeai ie pied du vafe dans une terrine pleine je fis en Juin 1739 l'expérience de couper ces deux mamelons à plufieurs Communes quel- ques jours avant qu'elles conftruiiiiîent leur Coque. Cette opération ne les empêcha point de la conftruire ni de fe métamorphoser en Chryfalides , & ces ChrylaHdes ne me parurent pas diliérer le moins du monde de celles des Chenilles à qui je n'avois point fait fubir la même opération. Il étoit fortiparles plaies une quantité confidérablc de cette Hqueur verdàtre, qui tient Heu de fang aux Chenilles. J'ajoute- rai néanmoins que quelques-unes des Chenil- les que j'avois ainfi mutilées périrent des fuit- s de l'opération , & que celles qui y réfift.crent parurent un peu languillantes.. G 3 3§ OBSERVATION S Le 24 d'Août de la même année , ayan^> trouvé fur une branche de Prunier fauvage un peur md de nos Communes , je coupai cette branche, & j'allai l'attacher fur un Prunier qui' étoit plus à ma portée , & où je pi>uvois fiiivre facilement tous les procédés de nos jeu- nes républiadnes. Ce nid de forme très-alongéa ^ étoit compofé comme à l'ordinaire , de feuilles dont les Chenilles avoient rongé Pépiderme & le parenchyme , qu'elles avoient couchées les unes fur les autres &: le long de la branche , & îecouvert de plufieurs toiles de foie. Ces toiles étoient percées qà & là de petits trous oblongs ,. qui étoient les portes de l'habitation. Environ deux jours après leur étab'iiTement fur mon Prunier , mes petites Communes m'of- frirent un fpedacle très-agréable , 0 ^ 0.] d'inégale grandeur , & qui étoient les portes de l'habitation.^ L'mtérieur du nid, fur-tout dans fa partie inférieure , étoit plein d'excrémens de couleur noire» Deux chemins principaux , tapifles d'une belle foie blanche , partoient de ce nid , s'éten- doient au loin fur la haie , & s'enfoncoient en- fuite dans fon intérieur. On croyoit voir les principales revenues d'une bonne ville. L'un fe - -dirigeoit en ligne droite en en-bas , & aboutif- 'SVTx LES INSECTES. 51 ïoit à la grande porte du nid , R R. L'autre , !SSS, ferpentoit fur le deilus de la haie-, s'éle- voit, s'abaiifoit , fe reievoit pour s'abaiiîer en- core & fe plonger er.E.i dans Tépaiiieur de la Jiaie à une certaine dillance du nid. Ces deux chemins principaux étoient fi mar* qués , & leur ufage et )it fi facile à reconnoi- tre, que je n'ai pu réfiiler au defir de les far© delîiner. La Figure tres-exade que j'en pré- fente ici , fervira en même temps à faire mieux: comprendre ce que j'ai raconté des Livrées dans rObfervation III , & que je n'avois pu repré- fenter par une figure , parce que je manquois de defiinateur quand j'obfervois ces Chenilles. D'autres chemins moins marqués , plus tor- tueux , & qui étoient comme des chemins de traverfe ou des routes détournées , venoient aboutir à l'habitation par divers côtés. Je ne les ai pas fait repréfenter dans la Fi^e 5 |)ouc «vitcr la confufion. %J? D ^ ^2^ OBSFRÎ^ATIONS OBSERVATION VI. Sur les Chenilles qui vivent en fociété fur le^ Fins, N trouve une Hiftoire alTez détaillée de ces Chenilles dans le Tome fécond des Mémoi- res fur les Infedes (*). Elles vivent en grande fociété dans les forêts de Pins , & fe conftruifent fur ces arbres des nids de foie blanche , dont la groifeur égale au moins celle d'un melou ordinaire. Je n'avois point de Pins à ma portée dans la campagne que j'habitois , Se j'avois un defir vif d'obferver ces républicaines , pour lefquelies M. de Reaumur avoit fort excité ma curioflté par quelques traits de leur hiftoire , qui m© paroiîibient exiger un nouvel examen. Je favois que les montagnes de Savoie qui nous avoifi- lient abondoient en Pins : vers la mi-Décembre 1738 5 je chargeai un Payfin de ces montagnes- de nf apporter de ces nids que j'étois iî impa- tient de voir. Il s'acquitta promptement de ma commilTion, & je me trouvai bientôt en pof^éf- fion de fix nids très-bien conditionnés. 11 y eii C) Méni, III , page 145? & fuivantcs. SUR LES INSECTES. f^ «voit d'aiFez grands : d'autr?s étoient fort petits encore. Tous étoient revêtus d'une belle- foie* blanche , plus épailfe dans les uns que dans les autres , & qui enveldppoit divers paquets de feuilles couchées la plupart fuivant leur lon- gueur, & entre lefquels étoient des cavités plus ou moins fpacieufes , dans lefquelies les Che- nilles fe tenoient renfermées. On voyoit fur chaque nid une ou plulîeurs ouvertures qui en étoient les entrées. Leur forme n'oiîroit rien de conftant ni de régulier. Comme je ne voulois pas perdre de vue mes nids, je les diftribuai en divers endroits de la chambre où je couchois. Pluiieurs furent placés fur la tablette de la cheminée, à quelque dit tance les uns des autres. Un jour s'étoit déjà écoulé fans que j'eufTo vu fortir des nids une iéule de nos Chenilles. Le foleil étoit fort brillant & alfez chaud pour la faifon : je crus qu'eii y expoiant quelques-uns de mes nids , j'engageroi^ les Chenilles à le montrer. Un Thermomètre placé à côté des nids , m'indiquoit que la chaleur à laquelle je les ex- pofois, égaloit celle de nos Étés les plus çhau.s. Cependant , je ne v;s paroître que quelques ÇhonillQS 5 & c'éfeoient de celles qiii habitoien^. D 3 f4 0 B S E R V A T r 0 N S le nid le plus petit ou le moins fourni de foie* Elles, ne fe montrèrent pus même en entier t. elles ne. firent que préfenter leur tète aux ou- vertures; & bientôt je les vis rentrer dans l'in- térieur du nid. Ceiies que j'appercevois au tra- vers de la toîîe , paroiiibient fort fenfiblcs à la ehaleur qu'elles éprouvoient : elles montroienfe Beaucoup d'émotion. Je îailîai les nids expofés pendant deux heu- res au même degré de chaleur : ce fut très-inu-* tilemeut : je ne parvins point ainfi à déterminer les Che-iilies à fortir. Je reportai donc les nids dans ma chambre , & les remis à la même place* Enfin , fur les cinq heures eu foir du même jour , les Chenilles de ces nids avoient conv mencé à en fortir ,.. Se elles étoient déjà répan- dues en grand nombre fur la toile , qu'elles cpaifîiifoient par de nouveaux fils qu'elles ten~ doient de côté 8c d'autre. Eies marchoient fort vite , & ne s'écartoient un peu que pom* aller ror-ger quelques feuilles placées dans les envi- rons. Quelques-unes néanmoins fe dévalèrent fur la tablette de la cheminée, à l'aide d'un.fii de foie très - délié : mais elles fe fervirent du même fil, comme d'une échelle, pour remonter dans le nid. E;'es n'y remontoie:it pas facile- ment 5 parce que k hï étoit fi délié , que leurs SUR LES INSECTES, ^f jambes avoient peine à s'y cramponner. Elles ne fe fervoieilt donc pas de ce ni à la manière de ces Arpeiiteiifes dont M. de ivEAUMUR a décrit le. procédé (0 , & que j\u obiervé moi- même chez une petite Chenille du Figuier , qui n'étoit point de la claiFe des Aroenteufes. Ce procédé eft alîurément très - remarquable. La Chenille qui s'ell déva'ée à Taide d'un fil de foie extrait de fa fi' iere >. remonte alfez vite & avec une adreife admirable , en faifiifant "/ec fes premières jambes uno, portion plus élevée du fil qui la tient fufpendue. A mefare qu'elle s'élève , le fil s'entortille & s'amoncelle entre fes premières jambes : ainfi lorfqu'elle s'eft élevée de quelques pouces, , on conmience à apperce- voir entre fes jambes écailleufes un petit amas de foie blanche comme pelotonnée ,. qui n'eft autre chofe que le fil de foie , auparavant étendu en ligne droite , & que la Chenille empaquette entre fes jambes en remontanc. Ce procédé in- génieux n'étoit point celui des Chenilles du Pin. Il ne leur auroit pas convenu. Les fils qu'elles tendent font autant de communications qu'elles pratiquent. Ils doivent donc relier en place : ils doivent demeurer tendus , parce que dans l'inftitution de la Nature , ils dévoient (*) Jllém. f,.r hs Inf. Tome II , Mém. IX. PL XXXI. Fis. 1,2,3» 4, 5- D4 ^ê 0 È s E R P^ A T I 0 ?r s ferviir à nos Chenilles à retrouver leur habitr?- tion , quand il leur arn'veroit de s'en écarter. Mes Chenilles remontoient donc le long du fiiff à-peu^près: comme elles auroient fait le long d'Un plan perpendiculaire à j'horifon. Le fil étoit en effet tendu perpendiculairement depuis le nid à la tablette de la cheminée , & formoit ainfi une feommunicat^'on de l'un à l'autre.. Je voyois nie3 Cheniiles defcendre & remonter d'un pas égal & tranquiHe le long de ce fiU d'abord avec alTe^ de peine ^ puis avec facilité : c'eft qu'à mefure Qu'elles chemir oient le long de ce fil y elles en augmentoient répaiileur par la nouvelle foie dons dles le recouvroient. Les Chenilles qui avoient commencé à for-^ tir , ne tardèrent pas à rentrer : elles fembloient fuir la lumière, de la bougie qui m'éclairoit. Mais* quoiqu'el'es paruiîent fortir plus volontiers, îa nuit que le jour, & qu'elles femblaifent fuir là lumière de la bougie , j'en vis néanmoins les jours fuivans qui fortoient en plein jour & à toutes les heures du jour,, & s'éloignoient alfez du nid» Je remarquai que ces Chenilles avoient deux manières de m^ircKer trèsraifées à diftingucri L'une q.iie J€ nomnierois naturelle , étoit fem- Blable à celle de. la plupart des Chenilles à SUR LES INSECTES. 57 feize jambes: l'autre, qui me frappa beaucoup, fe faifoit par petites fecouires de tout ie corps i & ceile-ci étoit plus lente que Tautre. Cétoiî fur-tout quand je les obfervois. à la lumière d'une bougie , qu'elles me faifoi^nt voir cette finguliere démarche j mais je l'obfervois auffi pendant le jour , fons que je puife dikouvric ce qui i'occafionnoit. Elles marcîioient comme les Livrées , en pro- eeffion , à la file les unes des autres , & dans le plus bel ordre. Elles défiloient toutes une à une , d'un pas très-égal & aiïez lent i & les longues files qu'elles formoient, étoient bien plus co.îitinues encore que celles des Livrées s je veux dire , que la tète de la Chenille qui fuivoit , tou-^ choit le derrière de la Chenille qui précédoit. Elles ne marchoient pas toujours en Hgne droite : fou- vent elles traqoient une multitude de courbes dif- férentes , & ces courbes repréfentoient quelque- fois des feftons ou des guirlandes , dont le coup- d'œil étoit d'autant plus agréable, que toutes les parties de la guirlande étoient en mouvement & changeoient fans ceife de fituation refpedive , ce qui varioit d'inftant en inftant la figure de la guirlande. En un mot, je ne faurois dire combien le fpeclacle de ces proceffions parties de dinérens nids 5 & qui fuiv oient différentes diredions , étoic ^S 0 B S^E R FA T T 0 N S intéreflant. Elles s'éloignoient fouvent à ct'alTe^ grandes tliftances du nid : les files de Chenilleât étoient alors fort longues. Tandis qu'une procel- lion fuivoit la même ligne droite , d'autres fe détournoient en diiférens fens. Les unes mon- toient , les autres defcendoient. Les murs, les planchers , les meubles de ma chambre étoientC les théâtres de leurs différentes évolutions- Toutes les Chenilles d'une même proceflloii marchoient d'un pas uniforme : aucune ne fe preiToit de devancer les autres : aucune ne de- iiicuroit en arrière dans, l'intérieur de la file- Qiiand celle qui marchoit à la tète de la procelîioa 1 s'arrètoit , celle qui la fuivoit immédiatement s'arrètoit auffi s puis la troifieme, la quatrième, i la cinquième , &c. & fi la file étoit fort longue % 1 on juge bien que les Chenilles qui en occu- poient le miheu ou la queue , cheminoient encore ,, j tandis que celles qui en occupoient la tète ne cheminoient plus. Il fe palToit donc ici précifé- * m.erit ce qui fe paife dans des troupes qui dé- j filent en bon ordre. Chaque Chenille gardoit fa place , & dirigcoit fa marche fur celle de la Chenille qui la précédoit immédiatement. Elles n'avoient pas proprement un Chef .; mais la Chenille qui marchoit à la tète de la procefTion en tenoit lieu , & toutes les Chenilles fuivoient fcs pas. SUR LES INSECTES.. ^§ Lorsque les premières Chenilles d'une pro» ceffion faifoient halte , elles le raHeriibloient les unes auprès des autres , & les unes fur les au- tres en monceau , & fe renfermoient dans une efpece de poche à claires voies , aiîez fembîal>'e à un filet à prendre le poiiTon. S'il arrivoit que cette poche fut fort fréquentée , elle deve- iioit en quelque forte un fécond nid y car les Chenilles f agrandiiToient Se la fortifioient de plus en plus par de nouveaux fils. Cette poche les empèchoit de tomber , lorfqu'elles s'étoieiit fixées fur la partie inférieure d'une poutre, d'une corniche ou de queiqu'autre appui. Lorsque nos Procefîionnaires revenoient aa nid , c'étoit par la même route qu'elles avoient fuivie en s'en éloignant. Mon Ledeur devine aifément le procédé au moyen duquel elles re- trouvoient toujours le chemin de leur habita- tion : les Livrées l'en ont déjà inftruit. Comme . elles , nos Proceilionnaires du Pin tapiffent de foie tous les chemins qu'elles parcourent. Peu- à-peu ces chemins deviennent très-reconnoiifa- bles par une trace de foie blanche aifez bril- lante 5 & qui a une ou deux Hgnes de lon- gueur. Un correspondant de M. de Reaumur avoit appercu ce fliit Ç^) s mais il ue l'avoit pas C) Ment, fur Us Inf, T. II, pag. ISJ. 60 OBS^TxVATIOKS obfervé avec toute l'attention qu'il méritoit» Je remarquai une dilïerence bien fenfiblfr entre la manière dont nos Chenilles du Pin tapiifoient leurs chemins , & celle dont les... Livrées tapiiîent les leurs. Qiiand ces dernières, marchent procelîîonnellement , elles promènent ia tète à droit & à gauche alternativement ;. & pendant qu'elles exécutent ce mouvement , la filière laille fortir le fil qui trace la route. Il n'en étoit pas de même de la manœuvre des ProceiTionnaires du Pni : au lieu de porter la tète alternativement à droit & à gauche, elles, i'élevoient & l'abaiiToieut alternativement. Quand: elles rabaiiToient , la filière coUoit le fil fur le plan le long duquel défiloit la proceffion : quanci elle l'élevoit , la filière laiiToit couler le fil , & il continuoit à couler tandis que la Chenille faifoit quelques pas : la tète s'abailToit enluite de nouveau , & le fil étoit collé fur le plan. On préfume bien , que je fis fouvenl: l'expé- rience de rompre les chemins de nos Procell fionnaires , comme je Pavois pratiqué, à Pégard des Livrées : le iuccès en fut le même. J'ar- rètois ainfi à volonté la marche des proceffion s,. Je me fervis même plus d'une fois de cet expé^ dient pour les détourner de certains endrQit% SUR LES INSECTES. 6l âe ma chambre , & en particulieur du lit oii je coiichois. J'étois pourtant obligé de revenir •aiTez fou vent à rompre les mêmes chemins , car il fuififoit qu'une feule Chenille traverfit d'un bord à l'autre de l'endroit rompu pour rétablir la route. Qiielquefois , au lieu de retourner fur leurs pas , mes Proceilionnaires tiroient fur la droite ou fur la gauche , & fe fray oient une nouvelle route , que j'étois appelle à rompr© comme la première. En parlant de la foie des nids de nos Che- nilles du Pin , M. de Reaumur obferve , qu'elle devient caiTante dans l'eau chaude s & que fi Ton vouloit eifayer " de la mettre en œuvre, 33 il faudroit bien fe donner de garde de la faire 33 bouillir pour la teindre ; qu'il fmdroit l'em- 33 ployer avec fa couleur naturelle ou la teindre 33 prefque à froid ,3, Il ajoute j " il femble donc 33 que l'eau diiTolve cette foie • ce qui nous 33 invite à faire de nouvelles expériences , pour 33 voir fi dans la nature il y a une foie que 33 l'eau bouillante peut diiToudre. Une pareille 33 foie auroit peut-être des utilités pour la com- 33 pofition de vernis flexibles (^) , kc. ,3 Pour entrer daiiis les vues pratiques de notre il'uftre Naturalifte , je fis bouillir quelques ini;jas dans Q) 2hid, j)ag. 151. fô 0 B s E R V A T 1 0 N S l'eau commune des nids de nos Chenilles du Pin. Ils s'enflèrent beaucoup par îa dilatation de Pair qui y étoit renfermé j ils fe réduifirent enfuite en un très-petit volume , & la foie de- vint caiiante. Je tentai une autre expérience : j'elTayai d'ex- traire du corps même de ces Chenilles la ma- tière foyeufe , après en avoir mis les réfervoirs à découvert. Pendant l'opération , j'obfervai avec plaifir i que je tirois cette matière en Êls auffi longs & auiîî déliés que je le voulois. Je pris* aulFi-tôt une feuille de papier blanc , que j'ima- ginai d'enduire de cette matière : j'efpérois que , je la couvrirois ainli d'un beau vernis : mais le fuccès ne répondit pas pleinement à mes efpérancps : les endroits vernis ne devinrent pas aiiiîi brillans que je Pavois préfumé. Je recourus enfuite à un autre procédé , à celui dont les Mexicains font ufage pour retirer la matière de leurs admirables vernis du corps de certains vers , & dont M. de Reaumur avoit fait me'ition ('*^): je fis bouillir dans de Peau commune une bonne quantité de nos Chenilles j je les y fis cuire en quelque fnte : il en fortit une liqueur de couleur canelie i mais qui ne* C) Menu Swf lêi 14, Tome L ^UR LES INSECTES, €3 ^le parut pas avoir de la vifcofité. Je fis éva- porer Peau fur le feu 61 eu plein air , pour don- ner lieu au rapprochement des particules foyeu- les. Il me refta une forte de grailTe de couleur brune , qui me donna quelques efpérances , quoiqu'elle n'eût pas une vifcofité bien fenfi- ble y mais un accident imprévu brifa le vafe de verre qui la contenoit. J^ n'indique ces expériences que pour exci- ter les Naturaliftes à fuivre aux vues ingénieufes de M. de Reaumur j & je regrette de n'avoir pas pouiTé moi-même ces expériences auiîi loin qu'il auroit été à defirer. Les nids font pleins de feuilles & d'excré* mens. Ils demandent à être bien nettoyés pour qu'on puiife travailler fur leur foie. Ceux que î'avois dégagés de toute matière étrangère , & que je mettois enfuite fur ma peau , me fai- foient éprouver une chaleur douce qui fembloit aller toujours en augmentant. J'en conclus avec fondement , que ces nids feroient admira- bles pour la fabrique des ouates. J'ai eu dans la fuite d'sutres occafions dob- ferver les manœuvres des Chenilles du Pin ; 8c parce que j'avois expérimenté qu'elles étoient ^4 0 B S E R V A T I 0 -N S de grandes vo3^ageures^ je plantois dans un alTe^Z grand vafe plein de terre la branche qui por- toit le nid , & je mettois le pied du vafe dans une terrine pleine d'eau. La marche des proceiîions étoit ainfî *fort circonfcrite : elles fuivoient long -temps les bords circulaires du Tafe , qui étoient bientôt recouverts en entier d'une épaiiie couche de foie : mais peu-à~peu les Chenilles defcendoient fur les côtés du vafe & en gagnoient le pied. Ce vafe étoit pourtant de terre vernilîee , & les Chenilles ne s'y cram- ponnoient d'abord que difficilement : mais la foie dont elles tapiifoient leur chemin , leur donnoit auffi-tôt la facilité de fe porter par tout. J'étois force de revenir très-fouvent à enlever toute la foie qui tapiifoit les côtés du vafe , pour les empêcher d'atteindre au pied. Un jour néanmoins , malgré toute ma vigilance & mes précautions, j'en trouvai un grand nom- bre qui s'étoient noyées en vouhmt traverfer l'eau de la terrine *, plulieurs avoient même xéuiîi à traverfer le petit lac , 8c marchoient en proceffion fur les bords de la terrine. Je fus réduit à les prendre une à une avec la maiiî & à les pofcr fur la toile du nid. Je ne m'é- tois pas aiTez défié de leurs poi s : je fentis au bout de quelque temps une forte d'engourdif- iiment dans mes doigts 3 puis des démangeaifons :§uR LES I2>^SE-€TES. 6X Sr i:!es cuifoiis très-fortes qui furent fuivies cl^eii*. €ure. On lait que ce n'ei-f: que par leurs poils -Tue les Chenilles font à craindre : celles qui eu ont dépourvues peuvent être maniées impu* iiément, .Je ne parie point ici à-c mes ïechm'ches ftt les Fauxrjîigmates de ces Chenilles : on en trou- vera ailleurs le détail. I s oiiroient des parti* Cfilarités qui méntoient bien un examen plus approfondi • ON.pei^t voir la fuite de Fîiiftoire des Che>^^ ndlles du Pin dans l'ouvrage que j'ai cité. Elles «ntrent en terre en Mars ou Avril (i) , & sy =€onftrmfent des Coques de pure {o\q , qui ne répondent pas à ce qu'on attendoit de û gran-. des fileufes. (0 Je trouve dans une de mes lettres à M- de Keaumus. ■dû 25 de Juin 1743 , que j'obfervois encore 1^ "Chenilles da Pin driiîs îe milieu de Mai de la n'Cnne année , & beau- coup de ces Chenilles n'avojent point encore atteint alors leur .parfait accroiiTement. Il n'eft donc point généralement vrai , que ces Chenilles n'avent plus à croître dès le mois de Dé= «eînbre , comme M. de ReaOmur le p-ni^oit. La di"^eiÊ£« ><΀ ciiinat peut devenir ici une Tource de vaii^tésc ^6 OBSERVATIONS OBSERVATION VIL &r des Cbenilles qui vivent en fodété , ^ qui fe confiruifent des nids qiCon pour r oit nouu îner en pendeloques , dans lefqnels elles pajfenP PHiver. E N Odobre 173 S 5 "Un de nies amis qui aimoit l'étude des Infectes , m'apporta une petite branche , aux boutons de laquelle étoient fuf- pendus par des fils de foie de^ petits paquets de feuilles. [ PL III:, Fig. /, //. ] La manière dont ils étoient fufpendus favoit d'abord frappé. Il avoit ouvert quelques-uns de ces paquets ^ 8c avoit trouve conftamraent dans chaque pa- quet deux efpeces de très-petites Coques d'une foie blanchâtre , adoifées Tune contre l'autre , 8c qui renfermoient inie très - petite Chenille de couleur grife <, à . feize jambes. Bien fâr que fon Obfervation piqueroit ma curiofité , il s'é- toit empreifé à mettre fous mes yeux quelques- uns de ces nids. Je n'en fus pas moins frappé qu'il i' avoit été lui même. Ces paquets de feuilles étoient en effet fufpendus à la branche par un fil de foie, & ce fil ctoit fi bien entortiiié autour du bouton de la branche 5 qu'on n'auroift 'SUR Lis INSECTES. 6 ]pTa faire mieux pour empêcher ^ue le Yeni 'ii'emportàt le petit nid. J'ouvris en préfence Hè mon ami quelq^jes* tins de ces paquets de feuilles 5 & j'y trouvai comme lui de petites Coqu-es qui renferm oient chacune une petite Chenille grife , demi-velue & de la première clalTe. Je préfumai dabord ^ que ces Chenilles s'étoient ainfi renfermées pour paifer plus en fareté la mauvaife faifon. Je connoilfois les nids que d'autres Kfpeces de Che- nilles fe conftruifent fur la fni de l'Eté ou an commencement de l'Automne , pour une fem- ^blable fin : mais je ne iais ce qui m'empêcha alors de donner aux petites Chenilles dont je parle toute Pattentxon qu'elles me paroiiloient mériter^ Ce ne Rit qu'en Janvier de WnnéQ fuivantC;, qu'ayant rencontré par hafard de ces nids fur les haies , je pris la réfolutioii de m'inftruire plus à fond 4e l'hiftoire des Chenilles. Dans cette vue , je •coupai quelques branches auxquelles pcndoient de ces paquets de feuilles. Je les emportai dans îuon cabinet 5 & les rangeai tous fur une même ligne , en £chant l'extrémité des branches dans une planche que j'avois percée à deiîein. Tqîî'^ tes étoient ainii dans \m^ (ituation horifonn'le^ & contimieiiement fous mes yeux. ^8 0 B S E t V A T I 0 H S Ces nids font compofcs la plupart cl'un« feule feuille féche , pliréc en deux. [ Fi III , Fig. I. N :, N , N. ] Tantôt ce font des feuilles d'Aubépine , tantôt de Pomier , de Poirier ou de Prunier. Un £1 de foie aifez fort, /, /, /, paroît tenir au pédicule de chaque feuille. Ce fil va s'entortiller autour d'un des boutons de la branche. Là , il femble plus, épais 3 il l'eft eifedivement , parce que les diiférens tours du fil fe recouvrent en partie les uns les autres. ■Qiielquefois on parvient à défentortiller le fil , & à faire defcendre le nid qu'il tient fufpendu ; niais fou vent les ditférens tours du fil font telle- înent collés les uns aux autres & à l'écorcc de la branche , qu'il efl: inipoffible de les féparer fans rompre le fil. Quoiqu'on puilfe dire de ces nids ce qu'on dit de la vie humaine , qu'elle lie tient qu'à un fil -, ils font cependant fi bien fujpendus , que le plus grand vent ne fauroife les détacher. La fcîqon finguliere dont ces nids font fuf- pendus , me porte à les nommer des nids en pendeloques. J'ai dit que j'en avois rafTemblé un bon nombre dans mon cabinet. Mon premier foin fut de m'alîurer -s'il n'y avoit conftamment dan$ SUR LES INSECTES:. 6^ ôhaqiie nid que deux Cheiiilies, , comme mes premières obrervations & celles de mou ami fembloient l'indiquer. Dans le premier que, j'ouvris , au lieu de deux Coques , j'en trouvai plus d'une douzaine. Elles étoient diftnbuées par paquets en ditFérens endroits de l'intérieur du nid. J'en trouvai à-peu-près un pareil nombre dans un fécond nid. Je détachai ces Coques». & les renfermai dans une boite. En mettant à découvert l'intérieur de nos. nids en pendeloques , je m'étois rendu attentif à leur conftrudion , & je reconnus que je m'é- t;ois trompé fur une particularité elfentielle. Je. remarquai que le fil de foie qui les tenoit fuf- pendus , n'étoit pas fimplement attaché par une de fes extrémités au pédicule de la feuille, comme le premier coup - d'œil me Favoit fait croire j mais qu'il pénétroit dans l'intérieur- même du nid, & qu'il n'étoit aind qu'un pro- longement de la doublure de foie qui tapiilbit les parois du logement. Au bout de quelque temps , mes petites Chenilles commencèrent à fortir de leur nid , & à fe promener, foit fur les branches , foit aux environs. L,a tem},érature douce de l'air de jûiou c:ibinet les avoit détermui'5es à fortir , bien 70 0 B S E R F A T I 0 N S: avant ie temps où les Arbres de la campagnis; commencent à ouvrir leurs boutons. Je ne puîi: donc leur donner' de la nourriture , & elles. périrent enfin d'inanition. Quelques-unes néan- moins tirèrent des fJs de foie , depuis, la fur-, face du nid jufqu'à la branche qui le portoit. On auroit dit qu'elles vouloient empêcher qu'il; jiQ fût fans celle balotté-* Quelques Chenilles fortirent aufîi des. Coques que j'av.ois renfermées dans une boîte,, 8z malgré leur extrême folbleife , elles ne laif. fcrent pas. de changer de peau. La mue les £t paroit'-e plus velues , & les nouveaux poils étoient d\m roux cdatant > qu'on ne voyoit pas aux anciens.. Au mois d'Avril î7;^9 , j'appercus un de nos "iiîds 617 pendeloque qui pendoit à u*ic branche V ^ Pommier. Je coupai la branche, & j'en fich..i ie bout inférieur dans un des montants de la fenêtre^ de mon cabinet. Ce nid étoit beaucoup plus gros que tous ceux que j'avois vus jurqu'alors. Il étoit formé de l'aiTemblage de plufieurs feuilles féches , ou fi l'on veut , de Ja réunion de plufieurs nids particuhers. Les peti:es Chenilles ne tardèrent pas- à fortir de leur nia ^. & je les viS; chaque jour fe pronieuei fur SUR LES INSECTES. 71 îa branche & aux environs. J'obfervai qu'elles tiroient des fils fur le terrein qu'elles par-, couroient, & ces fils leur aidoient à retrouver le chemin de leur nid , iorfqu'elles s'en étoient un peu éloignées. Ce procédé revient à celui des Chenilles Livrées dont j'ai parlé dans rObf. III. Elles fe retiroicnt de temps en temps dans leur habitation , & s'y arrangeoient les» unes à côté des autres , de manière que la tète de toutes regardoit vers le même endroit. ' Elles changèrent de peau ; mais des occu^ pations qui me furvinrent ne me permirent pas alors de continuer à les fuivre , & elles pé- rirent faute de nourriture, j'ouvris leur nid , ou plutôt je féparai les petits nids particuUers dont il étoit compofé , & j'en obfervai l'inté- rieur. Dans le premier que j'ouvris , je trouvai beaucoup de très-petites dépouilles blanchâtres , & je remarquai avec furprife qu'elles n'étoient pas complettes , comme le font ordinairement les dépouilles des. Chenilles. La tète ou le crâne manquoit à toutes : elles reifembioient a un très- petit fourreau ouvert par un bout. Cette Ob- fervation me rappella ce que j'avois lu dans la Préfice du Tome II des Mémoires de M. do Reaumur , fur une Erpece de Chenille obfer- yée par M. Bazin , qui fort de fa dépouille E 4 ^f 0 B s E R r A T T O K S: par l'ouverture qu'elle s'y pratique eu en faifânt tomber le crâne. J'ignore fi la Chenilîe de cet Obfervateur étoit de même Efpece que celles, dont je par] Ce Quoi qu'il en foit , cette parti- cularité me fit bien regretter de n'avoir pu fui- %a'e mes Chenilles autant qu'elles; le méiitoient. Un autre de mes petits nids m'offrit un(g forte de poche ou de lac qui étoit entièrement rempli d'excrémens ; ce qui: me fit juger quo mes Chenilles avoient loin d'aller dépofer leurs; excrémens daiis un lieu à part. Mon ami m'af- fura qu'il avoit vu une de ces Chenilles fortiij de ia Coque , le derrière le premier ,, pour jetter au dehors un grain d'excrément Dans tous les petits nids que j'ouvris enfuite ,. je trouvai conftamment les excrémens. ralfemblés dans un lieu féparé. Je trouvai encore dans l'intérieur de ces nids de ces petites Coques de foie blan- che , dont j'ai frtit mention ^ & qui imitoient très bien en petit la. Coque du Ver-à-foie. Je île connoiiTois encore aucune Efpece de Che- nille qui fe filât une Coque , pour y pafler l'Hiver pendant fou enfancei. Enfin, je trouvai dans un des nids les plus volumineux une multitude d'autres Coques auffi. petites 5 & de la même forme 3 mais qui uvoici;Ç SUR LES INSECTES. 73 été filées par des Vers mangeurs de Chenilles. Je renfermai ces Coques dans une .boîte , & vers, la mi-Mai , il en fortit de petites Ichneii-^ mones , femblables à celles dont M. de Reaumqr 9 donné la defcriptiou, page 243 du Tome II de fes Méuioirçs. Il me vint en penfce de renfermer une de nos Chenilles des nids en pendeloques avec ces Ichncumones. Je voulois voir fi elles ne la pi^ queroient point poyr dépcfer leurs œufs dans fon intérieur. Mais cette curieufe expérience ne réuiîit point: Les petites Ichneumones palToienfe & repaiToient fur le corps de la Chenille fans jamais s'y fixer. Peut-être que les femelles n'a- voient point été fécondées par les mâles. La Chenille tiroit des fils de tous côtés : fouvent 1-es petites Ichneumones s'embarraiToient dans ces fils comme dans les filets de l'Araignée , & je m'amufois à voir içs efforts qu'olles faifoient peur fe dégager. Nos Chenilles des nids en pendeloques font du nombre de celles qui ne vivent en {odho qu'une partie de leur vie. Quelque temps après la féconde mue , elles abandonnent le nid & fe difperfent. J'en ai vu cependant qui n'abandon- noient pas entièrement leur habitation 3 ou qui '74 OBSERVATION S du moins ne s'en éloignoient pas beaucoup. Ls féconde mue apporte divers changemens a leurs couleurs , & les rend plus vives. Ces change- mens fe foiit fur-tcut remarquer dans les poils : ils deviennent d'un roux p'us ardent. Parvenues à leur parfait accroiiFement , ces. CHenilles n'ex- cédert que peu la grandeur que M. de Reau- KUR a rc .nniée moyenne. Le fond de la couleur du delllis du corps eft noir. Les poils, qui font fort courts , tnvcent deux raies d'un roux ar- dent , qui régnent tout du long du dos. Les côtés & le deiîLi^ du ventre font d'une couleur qui tire fur le gris de pj:de , & ils font parfe- mes de petits poils blanchâtres. La tête & les jambes écaiileufes font r.oires , Se les membra- neufes de même couleur que le ventre. Pour fe préparer à la metamorphofe , ces Chenilles ne fe cor%uifent point de Coque $ mais elles fe lient ovec une ceinture de foie, La Chryfàlide eft angulaire. Elle olfre une efpece d'arrêté vive qui s'étend le long du milieu du dos, & qui eft très faiilante fur le corcelet. Là, e'Ie eft bordée de noir. Le fond de la couleur du, corps eft d'un beau jaune parfcmé de points noirs. Au bout c?une dixaine de iours ,. le Papillon SUR J^ES INSECTES. 7f a tarifé rétui de Chrynilide , & s'eft mis en ■ liberté. Il eft prerque- tout blanc , & facile k jrcconncitre par la couleur noire qui teint tou- |tes les nervures de Tes ailes. C'eft encore celle I de la tète , des yeux , des antennes & des jam- jbes. Le corcelet & le ventre font d'une couleur i qui tire fur le gris de fâr. Ce Papillon , qui eft îairez commun , appartient à la première claiTe î des Papillons diurnes , feloii la divifioii de M» jde ReaumuRo On eft averti de la fortie pirochaine du I Papillon par le changement de couleur qui fur- I vient à la Chryfaîide. Sa belle couleur jaune s'altère peu-à-peu , & fe change infenfiblcment en gris de perle. Un autre figne annonce en- core la fortie prochaine du Papillon : il f oa preiTe un peu la Chryfilide entre deux doigts , on entendra un petit bruit femblable à celui que rendroit en pareil cas un morceau de par- chemin : c'eft que le corps du Papillon étant alors entièrement détaché de l'enveloppe cruf- tacée de Chryfaîide , les anneaux de celle-ci frottent légèrement les uns contre les autres. Il ne me refte plus pour achever de faire- €onnoitre la Chenil'] g dont il eft ici quettion y «ju'à ajouter , qu'elle eft précifément celle que 7^ OBSERVATIONS, M. de REiVUMUP. a reprcTeiitée , PI. II, Fig. f ;. du Tome II de fcs Mémoires ^ Se qu'il a décrite, page 73. Mais ce grand Obfervateur ignoroit, fans doute , que cette Efpece vit en fociété ; car il ne dit rien du tout des procédés que je viens de raconter , & fe borne à la fimple def- criptioîi de lTnfec1:e. r OBSERVATION VIII. Suite de rhifioire des Chenilles qui habitent dans des nids en pendeloques^. IvJLes Obfervations m'ont procuré la fuite alTez compiette de Phiftoire de nos Chenilles des nids en pendeloques : je n'en préfenterai ici quc- les particularités les plus intéreifantes. Sur la fin de Juin 1739 , j'apperqus fur une feuille de Prunier fiuvage un petit amas d'œufs, qui excitèrent mon attention. Leur forme ne reiiembloit point du tout à celle des ojufs les plus connus : elle étoit pyramidale. Chaque py- ramide repoîbit fur ia bafe , & toutes écoient arrangées adroitement, les unes à. coté des au- tres dans un efpace circulaire. Elles étoient can- nelées , & leur bafe étoit arrondie en maniera, i^s porcc. Ces œufs fi jolis , pai'oiilbient pluS:, \ SUR LES INSECTES. 77 jolis encore coiifidéres à la loupe. J'y comptai fept cannelures. Le fommet de la pyramide pré- fentoit une furface plane , où les fept cannelu- res tracoient la figure d'une petite étoile à fept rayons. On voyoit au centre de l'étoile un point brun bien marqué. L'extrémité fupérieure des cannelures étoit de couleur blanchâtre , & le corps de l'œuf d'un beau jaune. M. de Reau- MUR a décrit des œufs de Papillon fort fem- blables à ceux-ci , Tome II de fon Hiftoire des Infedes , page 89, & les a reprefentées PL III. Fig. 12, 13, 14. Qi^AND je découvris ces jolis œufs , j'igno- rois qu'ils eulTent été pondus par le Papillon de la Chenille des nids en pendeloques ; mais la faifon & le lieu où je les a vois découverts me le firent aufîi-tôt fcupqonnèrj & l'expérience confirma mon foupçon. Au bout de quelques jours je les vis changer de couleur , & leur beau jaune s'altérer de plus en plus. Ce change- ment de couleur m annonqoit aflez que les Che- nilles ne tarderoient pas à éclorrej & en elFet, les plus diligentes parurent bientôt au jour. Je ne pus les méconnoltre ; elles étoient bien de l'Efpece de celles dont les nids m'avoient déjà tant occupé, n 0 B s Ë R V A T î ô N s Les premières qui fortirent des œufs , tiîè rendirent très -attentif à épier le moment oà les autres cclorroient. Je voulus affifter à leur iiaiirance. Il me parut , que Pcnveloppe ou la I coquille de l'œuf devenoit plus mince ou plus tranfparente vers le haut de la pyramide. La petite Chenille , non encore éclofe , rongeoit in- térieurement la partie de Fenveloppe comprifô 1 entre les cannelures ^ & les difpofoit ainiî à fe prêter plus facilement à fa fortie. Je compareis les cannelures à ces gros fils de ioie, qui for^ ment l'entonnoir en naiTe de poiiTon^ que la belle Chenille à tubercules du Poirier j pratique à une des extrém tés de fa Coque j & que le Papillon n'a qu'à écarter pour fe faire jour (^) , & je crus reconnoître que ma comparailbn étoit aflez j Lifte. Le point brun placé au centre de la petite étoile que les cannelures traqoient au fcmmst de la pyramide , fe rembruniflbit de plus en plus , & devenoit enfin d'un noir "àUct. foncé. Alors paroiilbit à découvert la tète de la Chenille naiilante. De moment en moment une plus grande portion de fon corps fe montroit hors de fœuf Je remarquai que mes petites Chenilles ret (*) Mcm. pmirfcrvh' à VHiJl, des hif. T. ï, p. 62€ , 627^ ï?i.XLViU,Fi§. 4,<î,7. SVR LES INSECTES. ^;9 Coient pofees fur l'amas d'œufs c imrne (î elles n'avoient ofé s'en éloigner. J'obii^rvLU encore que leur tète étoit ramenée vers :cs prcmrj.^s jambes. Cette attitude excita moi attei^tion ; ja ne la jugeai pas indirférente ; mais j j n'en péaé- trois pas la rarfon , & je ne Paurois afTurément pas devinée. J'en fus bientôt hiùrmi Mes peti- tes Chenilles dévoroient la coquille des œufs dont elles venoient de fortir (i) , & ce qui me furprit bien d'avantage , après avoir dévoré leurs propres œufs , elles alloient encore ronger la coquille des œufs dont les Chenilles n'étoient pas éclofes. On eut dit qu'elles vouloient les aider à éclorre ; & je ne doute pas que des NaturaUftes amoureux du merveilleux , n'euifent attribué à nos Chenilles cette bonne intention, ïl eft bien évident néanmoins , qu'elles n'a- voient que celle de fatisfaire leur goût. Elles fe plaifoient apparemment à manger la coquille des ccufs , &- cette Hnguiiere riourriturc pouvoit leur être alors d'une utilité particulière que nous ne devinons pas , & qui entroit fans doute , dans ies vues de la Nature. On voyoit allez que cet (l^ iM. cïe Maupertuis , qui fe plaifoit à obferver les înfedes, & favoit 1er, obferv;:r, avoit f^it avant 'noi une rem* blable Obfervation fur des Chenilies d'une antr. Efpece , &. que M. de Reaumue. a rapi^ortéc, page i6s du 'romc il de fes Ménaires. 8o 0 13 S E k y A T I 0 K ^ aliment un peu dur excrqoit fort leurs petites- dents encore tendres , & que ce n'étoit que i kntenient & avec peine qu'elles parvenoient à la broyer. Quoique nos Chenilles nouvellement cclo- fes ne fe propofairent pas d'aider à leurs corn* pagnes à venir au jour, il eft pourtant vrai que celles dont les œufs étoient ainfi rongés par dehors , écloibient plus facilement : elles avoient moins d'ouvrage à fiïre. Il s'écoula quelqiies jou-Ps avant qtie toute la nichée fut écloie. Bientôt je ne vis plus fur la feuille que des veftiges des bafes de quelques-^ unes des pyramides. La plupart avoient été dé- vorées en entier» Je donnai a mes Chenilles nouvellement nées de jeunes feuilles de Prunier fauvage. J'obfer- vai conftamment qu'elles n'en rougeoient que l'épiderme & la portion du parenchyme com- prife entre les nervures. Elles fe mirent enfuite à tendre des fils fur ces feuilles , comme pour jetter les fondemens d'un nid. Mais je préférai de futvre les manœuvres de nos Chenilles en pleine campagne^* j'étois plus alfuré ainfi de me procurer la fuite de leur kiftoirc. Un nid de ces Chenilles SUR LES îKShCTEl 8t Chenilles cclofes depuis peu de temps , qus j'avois découvert fur uae haie , me parut ré- pondre bien à mes vues. Je vis que les petites Chenilles rapprochoicns avec des £îs de foie les jeunes feuilles dont elles avoient dévoré le parenchyme , & qui s'étoient ainfi defféchées. Elles les lioient comme t:rat xi'autres Efpeces de Chenilles lient les feuilles de diiférentcs plantes. Ainfi , les premières: feuilles dont le parenchyme a été dévoré , & •qui font ordinairement celles fur lefquelles les oeufs ont été dépofés j ces premières feuilles ^ dis-je , doivent être regardées comme les fon- démens du petit édifice. C'eft ordinairement dii côté du pédicule que nos j .unes Chenilles com^ mencent à ronger le deifus de la feuille. Elles font alors rangées les unes auprès des autres fur une même ligne dro:'te ou courbe , & s'a- Vancant peu-à-peu comme en ordre de bataille vers l'autre extrémité de la feuille -, elles ea fourragent ainfi toute la furface. Le nid que ces Chenilles fe conCtrUifent peu. de temps après leur naiifmce , n'efl: pas celui où elles paiîent l'Hiver. Je me fuis allure qu'ellef en conftruifent pluileurs lucceilivenlent. DÈS qu'elles ont dévoré toutes les feuilles Tome IL ^ 82 0 B S E R V A T I 0 N S .foities du même bouton , elles vont rougèf celles d\m autre; & telle eft Porigine de ces diiférens nids qu'elles habitent iucceirivement. Le paquet de feuilles qu'elles ont rongé le der- nier 5 compofe le dernier nid , ou celui dans lequel elles paiTeront l'Hiven J'ÀI encore obfervé que ^ lôrfqu'elles aban- donnent le nid qu'elles ont conftruit le pre- mier, elles commencent à fe divifer en fociétés plus petites ou moins nombreufes , qui fe fouf- divifent elles-mêmes dans la fuite en fociétés moins nombreufes encore. Et c'eft ainfi qu'il, arrive que lorfqu'on ouvre de ces nids pen- dant l'Hiver , on les trouve fî inégalement peu- plés ; enforte que les uns ne renferment que deux Chenilles , tandis que d'autres en renfer- ment quatre , fix , douze , quinze , &c. Ce n'cft apparemment qu'à la fin de l'Au- tomne que nos Chenilles filent ces petites Coques de foie dont j'ai parlé , & où elles fe renferment jufqu'au retour du Printemps. Mais comment le nid fe trouve-t-il fî adroi- tement fufpendu à une branche par un fil de .foie, & comment ce fil eft-il fi bien entortillé autour de la branche ? C'cil; ici un petit pro* SUR LÈS ïKSËCTE^. 8j fciènie dont mon Leclôur attend impatieni nient la folution. Je puis la lui fournir j "mais j^ai à regretter qu'elle ne réponde pas mieux à Pidée^ lans doute trop avantageufe ^ qu'il s'ëft déjti formée de rinduftrie de nos -Chenilles. Cette furpenfion qui lui paroit receler un art fecret ? îi'en exige point , & n'eft qu'un pur eliet dj [Obi. lil, ]. Lorfque nc3 Chenilles des, nids en pendeloques oi:t palTé 6^ repafle bien des fois fur la branche qui porté le nid ^ on voit fur cette branche miQ trac^ blanche , une efpecc de rt-iban de fme d'une certaine largeur, qui va aboutir au nid & pe-^ netre dans fon intérieur. Ce nid eft formé d'um t)u de plufieurs feuilles féches -, qui partgjit^ d^ même bouton. Le vent , qui les détache vers -la fin de l'Automne, fie iauroit les emporter.^ parce qu'elles font retenues par ie ruban (b foie , col'é plus ou moins fortement à l'-écorc^ -de la branche. Mais fi le vent ne peut emportv^ 84 OBSERVATIONS le nid , il peut au moins détacher de la brart-." che une portion plus ou moins longue du ru- ban. Le nid , qui auparavant tenôit immédiate- ment au bouton , demeurera donc fufpendu à la branche par un ruban de foie. Les fréquentes agitations de Pair tordront de plus en plus le ruban , & le convertiront en un fimple fil. De nouveaux coups de vent entortilleront ce fil autour de la branche. Les pluies ou l'humidité de Pair colleront les uns aux autres , & à la branche , les diiférens tours du fil : mais un plus long détail feroit fuperllu. }^^- s^fyr^ . — -^^ OBSERVATION IX. Découverte d'une norruelle partie commime k fhifieurs Efpeces de Chejiilles. ANS les premiers jours de Juillet 1739, on me remit une Chenille trouvée fur la Chi- corée fauvage. Sa grandeur étoit au-delTus de la moyenne. Elle étoit parfaitement rafe , & à feize jambes. Du jaune, du noir & du blanc, diffé- remment combinés , paroient fa peau , qui avoit un œil fatiné. Le jaune formoit trois bandes , dont deux étoient fur les côtés , & la troilicme moins large , régnoit le long du dos. Le noir étoit diftribué par plaques ou par taches, de SUR LES INSECTES, 8f deux manières différentes. La plaque la plus large, de forme à-peu-près quarrée , occupoit la partie fupcrieure de chaque anneau. Deux ..au- tres de ces taches noires étoient placées l'une à droit , l'autre à gauche de la ligne du dos. La plus étroite occupoit la jonction des anneaux'. Là , elle étoit environnée d'une hgne blanche , qui lui formoit une forte de cadre. Les iligma- tes fe voy oient dans la bande jamie , qui régnoit fur les côtés. Ils étoient noirs , & paroiifoient doubles à caufe d'une petite tache noire placée au-delfous de chacun d'eux. On n'appercevoit pas d'abord les deux premiers ftigmates , parce qu'ils IV étoient pas noirs comme les autres, Se que V^is à la loupe , ils ne fe montroient que comm.e une iSmple fente. Cette Chenille fembloit donc n'avoir tru- feize ftigmates au lieu de dix-huit. La tète , les^ jambes écailleufes & les membra- neufes étoient r^oires. C'étoit encore la couleur du ventre. Les jaii~?bes membraneufes avoient un air écailleux ; parr^e qu'elles étoient d'un aiTez beau noir & très-iuftré. La tète, affez petite proportionnellement au corps , étoit tail- lée en manière de cœur. Le petiCUiangle placé iiir le devant , étoit formé par trois jlgnes blan- ches , qui le faifoient aifénient diftingu^^îi*- Jl me fuis un peu arrêté à décrire cette CSq- F a Z^: 0 B S E R V A^ T I 0 N S 4nUe, parce qu'elle a qté la première qui m'.^c offert la particularité rem.rc^uable qui fait le i-ujet de cette Obfervatioii, Tandis que je 1^ tenois entre mes doigts , je vis Tortir entre hi Içvre mlénetire & la première paire des jambes çcailleuies , une cfpece de petit bec oucle troippe çharnije [Pi lil . fig. 3 , i/,J , de cQuleur rou-. geatre. Cette forte de trompe étoit aiiez {àiU^ Jante pour me frapper ^ exciter beaucoup moa attention, LTiilîeurs , je n'avois rien obrervé de femblable dans aucune Efpece de Chenilles , & je ne çonnoiiioîs aucun. Naturalilte qui eut parié de quelque chofe qui fe rapprochât de ce qu(^ je VLna)is,J\kois au. moins très-,aifuré , que mon iUùltre Maître vM de Reaumur , qui a voit plus obicrvê ces Inlect-s., qu'aiiçun des Natursliftes, qui favoient précédé , rfavoit point ûpperqu cette nouvelle partie qui fe montryit à moi. Si te découverte d^w^a:^ nouvelle partie dans le çc»tps humain ou dans celui d^S grands animaux, a ton jours droit d'intéreirér la curiofit.é de TAna-- tomitîe , on juge coiy/oien la découverte d'une Itouvelie partie d^^ns les Chenilles , devoit pi- quer la curiofjiîé d'un jeune Obfervateur , que la Nature favorifoit aifeï: pour lui dévonvrir ce qu'elle ly/ôit caché à iés Maîtres. .CEPENDANT j je ne pus ilitisfure au men SUR LES INSECTES. 87 Inftant Tardent defir que j'avois de coniioitre mieux cette partie. J'en fus détourné par uu obftacle. Qiielques jours ciprès , je remarquai que la Chenille avoit commencé à tendre des lîls dans la boîte où je Pavois renfermée. Je jugeai qu'ils annonqoient les préparatifs de la niétamorphofe. Cette Chenille étoit d'une grand® vivacité. Quand je la touchois du doigt, elle agitoit brufquement & à plufieurs reprifes la partie antérieure & la poltérieure , puis elle reftoit quelques momens immobile , Se fe met- toit enfuite à courir avec beaucoup de vlteife^ Tandis que je la tenois fur la paume de ma main pour mieux l'obferver , elle me faifoit entendre un petit bruit femblable à celui que forié entendre diverfes efpeces de Mouches lorfqu'oii les tient entre les doigts. Eile me le faifoit en- core entendre quand je fermois la main. Elle tâchoit alors de fe gUlTer entre mes doigts pour s'échapper , & me mordoit fi cruellement que j'avois de la peine à fupporter la douleur aigus qu'elle me faifoit relfentir. Dans la vue d'examiner de plus près cette nouvelle partie dont l'apparition m' avoit Ci fort furpHs , je faifis entre mes doigts les premiers anneaux de la Chenille , & je tâchai de l'y rc~ F 4 S§ OBSERVATIONS tcjiir dans la pofition lu plus favorable : mak,. elle fe doniioic tant de mouvemens 8c de cou- toriions, quq je ne pus réulîir a la placer d'une- riianiere convenable. Je ne parvins donc point à revoir la partie qui cxcitoit ma curioiité. Mais en revanche, j'apperçus une autre fingu- îarité au-deiibus de la lèvre iniérieure, & beau- coup plus près de la nliere ou du mamelon dans lequel elle eft fituée ^ que ne l'étoit l'ef- pece de trompe que je ehercliois j j'obrervai qu'il parroit comme un petit aiguillon [ PL III ^ Fr^. 3 ,/ 1 écailleux , d\m noir luifant , qui faiL loit tout à fait au dehois *, en forte qu'il ne pa-.. roiîioit pas ramena v:rs; le deifous de la tètç pour s'y coucher comme uii aiguillon ou une trompe en repos s mais ii y étoit implanté comrn^ un aiguillon prêt à piquer,. Aï'BÈs avoir ciré des fils de côté & d'autre dans la boite ^ fans s'être fixée nulle part pour y eonfiuire une Coque , ma Chenille fe changea en t hryfuUde conique , d'un rouge marron j & de forme un peu plus aîongée que ne le font d'ci'dinaire les Chryialides de cette clalTe. La trompe du Papillon étoit jogée dans un four- reau rebouclé. On fait que la Nature replie ainlî csrtames trompes de Papillons , parce que fi elle les éteadoit en ligne droite fur le ventre de ia SUR LES INSECTES. m Chrylalide , leur longueur exceiTive les feroi^ outrcpaîîer rextrémité du ventre. Je revis, fur la dépouille de la Chenille refpece d'aiguillon écivilleux dont j'ai parlé. Il étoit dans la même iituation que j'ai décrite. Je dois le répéter 3" il ne faut pas le confondre avec la nou-» velle partie dont il s'agit dans cette Oblervation. Au refte , j'ai lieu de penfer que cette Che- nille étoit de celles qui entrent en terre pour s'y conftruire une Coque , & q'avoit été , fans doute , parce que je Pavois laiifée manquer de terre , qu'elle n'avoit fiiit que tirer qà & là des fils ir réguliers. J'OMETTROïS une chofe affez eiTentielle , & qui eft une autre forte de nouveauté dans Phif- toire des Chenilles , fi j'omettois de dire , que dans le temps que celle dont je parle comuienqa à tendre des fils , elle rendoit une odeur de rofe très-agréable. Je crus que je ferois plaifir à M. de Reaumur, en lui envoyant la Chryfalide de ma Chenille & i'à dépouille : c'eft ce qui ne me permet pas de donner ici la defcription du Papillon que je n'ai jamais vu. $0 OBSERVATION S OBSERVATION X, Continuation du même Sujet, L !E 27 d'Août 1739 -> on m'apporta une Chenille trouvée fur l'herbe. Sa grandeur étoit un peu aii-delTus de la médiocre. Elle étoit rafc & pourvue de feize jambes. La couleur du delliis du corps étoit un bel olive , & celle du ventre un beau gris ardoifé. La tète , de même que les jambes écailleufes , étoient noires. Mais ce qui peut le plus fervir à faire recon- iioitre cette Chenille , ce font deux petites particularités que je vais indiquer. Le pied dcî chaque jambe membraneufe étoit de couleur blanche , & le refte de la jambe étoit d'un noir luifant, il femblabie à celui de l'écaillé, qu'on auroit dit que ces jambes étoient réellement écailleufes. L'autre particulariré étoit une petite raie d'un vcrd jaunâtre, placée près du derrière, piécifément à l'endroit où fe voit la petite corne dans les Chenilles qui , comme le Ver-à- foie , font pouvues de cette partie , ;' Tome IL Q , 98 onsERVATions Elle s y conftruifit une Coque de. terre & de foie , qui iivoit allez de coiiIj (lance , & de figure femblable à celle que fe conilruit la belle Che- nille du Bouillon blanc. Curieux de voir la Chryfalide , je tirai hors de terre la Coque : je l'ouvris -, mais j'y trouvai encore la Chenille : fa couleur étoit- fort altérée , & fon corps très- raccourci. Je la renfermai avec fa Coque dans une petite boite , que je couvris d'une plaque de verre. Au bout de quelque temps , la Che- nille fe transforma en une Chryialide tout-à- fait femblable à celle de la Chenille dé la Chi- corée. Tandis que je maniois la Coque de notre Chenille pour en obferver mieux la conlfruc- tion 5 je fus bien furpris de lui trouver la même odeur de rofe que la Chenille m'avoit fait fentir. J'approchai au même inftant de mon nez la Cryfalide & fa dépouille ; mais je ne leur trouvai aucune odeur. L'agréable odeur dont je parle appartenoit uniquement à la Coque. Je conjedurai donc avec fondement , qu'elle étoit due à • la foie de la Chenille ; & fî je ne l'avois fenti dans la Chenille qu'à l'ap- proche du temps de la métamôrphofe , c'ed que ce temps eft celui où les vailfeaux à foie font les plus remplis de matière foyeufe. SUR LES INSECTES. $0 J'ajouterai pour terminer Phiftoire de mu Chenille , que le Papillon que j'at^endois périt foi?s les enveloppes de Chryfaiide- OBSERVATION XL Sur les poils en forme d^ épines .des Cbenilles noires qui vivent en- fociété fur l' Ortie , ^ fur la manière dont ces poils font logés fous la vieille peau. L Zs Naturaliftes qui , avant M. de Rè AUMUR ^ avoient le plus obfervé les mues dès Chenilles 5 n'avoient point eu, comme lui, la curiolîté de favoir comment les poils de la nouvelle peaiï étoient difoofcs fous celle que rinfedle va re-i jetter. Après ^'ètre convaincu par des expé- riences du'ectes , que les nouvelles jambc^ étcient logées dans celles de la dépouille comm^ dans autant de Fourreaux 5 il étoit allez naturel de ibupqonner , qu'il en étoit de même des poils ,; car la 9meiiQ des poils n'étoit point une raifon de rejetter cette conjec1:ure. La nature travaille aulh en petit qu'elle veut , & l'on cormoilîbit da:is les Chenilles des parties auiîî déliées quç les poils , qui n'en étcient pas moins emboîtées dans celles qui leur reilcmbloient t tels font G 2 îoo OBSERVATIONS les ongles des pieds , dont la finelTe égale celle des cheveux. Il convenoit donc de tenter auili des expériences dii-edcs, pour s'alTurer de îa manière dont la Nature opéroit à Tégard des poils. M. de Reau?.iur , qui avoit fu penfer à ces expériences , nous avoit appris , que ce qu'il étoit 11 naturel de foupco'nner , n'étoit point ce que la Nature pratiquoit ici. Il s'étoit aifurc au moyen de la ttiiredion , que les poils de la nouvelle peau n'étoicnt point logés dans ceux de l'ancienne 3 mais qu'ils étoient rafTem- blés par paquets entre les deux peaux. On peut voir le détail de ces Obfervations dans le Mé- moire IV du Tome I de fbn Hiiloire des Infedes. J'avois répété nioi-mèm.e ces obfervations de M. de Reaumur ; j'avois auili dilTéqué des Chenilles peu de temps avant la mue ; j'avois vu les mêmes cliofes que ce grand Obferva- teur. Mais , étant venu à conlidérer les poils en forme d'épine , dont les anneaux des Che- nilles de l'ortie font garnis , je me fentis porté à conjedurer, qu'il n'en étoit pas de ces poils il gros, fi courts , Ci pointus &. à -peu -près écailleux (^) , comme de ces poils ordinaires , & qu'au lieu d'être couchés entre les deux (*) Voyez la fi^rure île ces foils, PI. II, Fig. 7 du Tome I, de& Mm. fur les Inf, SUR LES INSECTES, lOi p^aiix 5 ils étoient emboîtés dans les, anciens qui leur fervoieat d'eLiû. J'ayois donc un fecret penchant à croire , Cjue fi je coiipois avec des cifeaux les poils de ia vieille peau, jp couperois en même temps ceux de la nouvelle. Pour nVaf- furer de la vérité ou de la fauireté de mon fcupçon 3 je recourus au moyen que je vieris d'indiquer. (^) Je coupai les poils du deiTus du corps à un certain nombre de nos Chenilles dç l'ortie j alTez peu de temps ayant la der- nière mue. J'obfervai en faiiant cette opéra- tion , que lorfque je coupois un poil auiîi près de iii bafe qu'il m'étoit poijible , il for- toit de la coupe une liqueur lim_pide & ver- dàtre ; & j'obfervois en même temps que la Chenille paroiUbit fouffrir. Mais ce qui étoit bien propre à me confirmer le foupqon que j'avois conçu j c'eft qu'immédiatement après pQpération , je voyois s'élever au - delFus do. la petite plaie une partie charnue qui ref- fembloit beaucoup à un de nos poils épineux, tels qu'ils Te montrent à l'Obfervateur dans les premiers inftans qui fuivent la rejeiftion de la dépouille. Cependant , je ne pouvois compren-, dve 5 comment en fuppofant les poils de la nouvelle peau logés dans ceux de l'ancienne, je n'avois pas, coupé ceux-lbk en coupant ceu: ^ (*j Eu AjiK 1732- G 3. to% OBSERVATIONS ci. Je fus réduit a imaginer que les nouveaux poils étoient plies & contournés près de la bafe des anciens en maniera de vis ou de tire- Tboiirre , & qu'i's n'attendoient pour fe déployer que d'être dégagés de leur étui. Eîs^FiN , dès que la plus diligente de m^es Chenilles eût rejette fa dé.oouuie , je fus défa- bufé de mon foupcon. Elle parut à mes yeux parée de poils auili longs , & même plus longs que ceux de la dépouillco Quoique cette expérience fût bien décifive, la partie charnue que j'avois vu s'élever au- deiTus de la plaie , me laiiîoit toujours quelque doute dans l'efprit, que je fouhaitois de diiliper par de nouvelles expériences. Je me mis donc à tondre d'autres Chenilles de la même Efpece , dont la mue n'étoit pas éloignée. Je remarquai, qiie tontes fe donnoient pendant & après l'o- pération des mouvemens violens , qui paroif- fbient contribuer beaucoup à faire ilûllir au dehors de la partie charnue dont j'ai parlé. Il fcmbloit, que de nouveaux poils pri/lent à l'inf- tant la place de ceux que je mutilois. J'eus lieu penfer que l'opération que j'avois fait fnbir à mes Chenillt^s , leur avoit été funefbei car il nV en eut qu'une ou deux qui parvin- rent à fe dépoiûlier. SUR LES INSECTES. Ï03 J'aurois pu décider la quefiiio'ii qui m'oc- cupoit , en recourant au moyen que M. de Reaumur avoit fî heureufement pratiqué iiir d'autres Eipeces de Chenilles, & que je n'avois pas pratiqué moi-même moins heureufement 5 je veux dire , que je n'aurois eu qu'à dliFéquer quelques-unes de nos Chenilles épineufes , un jour ou deux avant la mue. J'aurois vu fî les nou- veaux poils étcie.it couchés entre les deux peaux. Je ne faurois dire pourquoi je ne tentai pas cette expérience 5 qui étoit d'ailleurs il déciiive. J'invite donc les Obfervateurs à réparer mon omiflîon. Quelque petit que ce fujet paroiile , il ne laiile pas de préfenter des côtés intérellans. On peut en juger par ce que je viens d'en rapporter. Une autre chofe qui ne contribuoit pas peu à nourrir mon foupcon fur la manière dont les nouveaux poils font difpdfés fous la vieille peau j c'étoit ce que j'avois obfervé pendant la. transformation de nos Chenilles épineufes eu Chryfalides. J'avois fuivi avec foin cette trans- formation , & voici une particularité que je trouve là-deiTus dans mon Journal qui a bien du rapport au fujet que je traite ici. Il faut favoir que la Chryfalide de la Che- G 4 t04 OBSERVATIONS Bille dont il s'arHt , cH angulaire , & qu'elle a,' fur le dos des efpcces de piquans (^). Il faut iavoir encore , que c'eft la partie poftérieure de 3a Chrylalide qui fe dégage la première du. four- reau de Chenille : el'e n'en fort pourtant pas j ïiiais elle s'avance vers la tète de la dépouille. La partie antérieure de la Ch'yfalide devient ninfi plus groife , & agit avec plus de force contre la dépouille , qu'elle tend a ouvrir au- dcillis du dos. Tandis que j'avois les yeux fixés fur la Chryfalide , loriqu'elle commenqoit à^|dé-. gager fa partie polférieure de dedans celle de la dépouille , je voyois les poils épineux de celle-ci le donner des vibrations très-feiifiblcs. î:s font pourtant toujours immobiles fur la Chenille. Je iie tardai ras à découvrir la caufe de ces vibrq-, tions. Je reconnus que les piquans de la Chry- faiide étoient emboîtés dans les poils de la dé- pouille. Je m'en afîurai en enlevant avec les- doigts quelques-uns des poils de la dépouille correfpondans aux piquans de la Chryfilide. J-avois d'autant moins de peine à y réuiîir, que dans cette circonftance , les poils paroiifent terir très-peu à la dépoui'le. A mefure que j'en- }evots ainfî un poil , je voyois ibrtir de fon Intérieur une partie charnue fort apparente , Ç) Ccnfolt.z les Ç^ig. Il , 12, 15 , de la PI. XX,V du, T-oirfe I des Mémoires A^ M» de Reaumuh. SUR LES INSECTES. lof qur Te retiroit auffi-tôt vers le corps de la Chry- fiiiide ^ & que je ne pou vois méconnoitre pour un de fes piquans. Je ' iVobrervois point la niéme choie quand j'enîevois les poils placés fur les cotés de la dépouille : il ne fortoit rien de leur intérieur : c'elt que la Chryfalide n'avoit point de piquans fur les cotés. On voit donc à pré lent , pourquoi les poi's de la dépouille qui renfcrmoient les piquans de la Chryfalide , fe dpnnoient des^ vibrations alternatives pendant la transformation. Ces mouvemens étoient oc- cadonés par les eiibrts que faifoit la Chryfa- lide pour défengrainer fes piquans. L'ortie nourrit une autre Efpece de Che- nille épineufe (*) , iur laquelle je tentai en Mai 1740 5 la même expérience que j'avois tentée l'année précédente fur les Chenilles de l'autre Efpece : mais toutes celles auxquelles j'avois coupé les poils avant la mue ne parvinrent point à fe défùre de leur vieilli peau. Il paroit donc que les poils en forme d'épines font d'une nature très - différente de celle des poils ordi- naires , & que leur retranchement intérelTe plus ou moins la vie de Plnfede. (*) Elle cft repréfentée , PI. XXVI , Fig. I du Tome I des Mémoires de M. Ue Rlaumu^l. Jo^ 0 B s E K VA T I 0 N S OBSERVATION XII. Sur le temps où la dorure de certaines Chryfa^, iides commence à àifparoître. N {.\\t que c'efl: à la belle couleur d'or à^ certaines Chryfaîides , que toutes les Chryfalides ont dii leur nom. Les Chryfalides de nos Che- nilles noires & épineufes de l'ortie font au nom- bre de ces Chryfalides fî richement vêtues. Il a voit été réfervé à M. de Reaumur de nous découvrir l'art fecret que la Nature emploie pour opérer à peu de fraix cette brillante déco- ration, li a prouvé , qu'il n'entre pas la plus petite parcelle d'or dans cette dorure , & qu'elle eft due -uniquement à une pratique analogue* à celle dont nos ouvriers font ufage dans la fabri- que des cuirs dorés. Une membrane mince, tranfparente & légèrement colorée , appliquée immédiatement fur une fubftance d'un blanc brillant, fuffit dan^'les mains de la Nature pour produire une dorure fort fupérieure à celle de nos plus beaux cuirs dorés (*). L'illuilire Ob- fervateur, qui nous a dévoilé ce petit myftere, n'avoit pas fuivi la Chryfalide jufqu'au moment C) Coriiultez ic Mém. X du Tome I de Vllipire des, Infeclcs. SUR LES INSECTES. 107 uu le Papillon fe dégage de fes enveloppes. Il n'civoit donc pu s'allurer du temps où la do- rure de la Chryfircs. La Chryfalide ne prcfeiite qu'une petite mailè conique , aiiez lourde en apparence ^ 8c dont Ton n'attend pas des tours d'adreife. Son derrière ib termnie en pointe , & il eil garni de petits crochets trts-propres, à la vérité , à le cram- ponner dans les fils de Ibie. Mai^ encore une fois , commeiit la Chryfiilide , entièrement déga- gée de fa dépouille , le Ibutiendra-t-elle en Pair & ira-t-elle s'attacher par fon derrière à la même place qu'occupoirt la Chenille ? M. de Reaumur , qui pénétroit avec tant de liigacité les manœu- vres les plus feeretes des ïiiiécT:es , & qui ré- pandoit tant d'intérêt dans le récit de ces ma- nœuvrcs , nous a appris leS tours d'adreiîe^ que notre Chryfilide met en œuvre dans cette cir- coiîfrance fi critique pour elle. Qiiand la Chry- falide fort de fa dépouille, elle cit très -molle encore i (es aniieaux ont beaucoup de foupleiTe, cSc jouent facilement les uns fur les autres. Tandis qu'avec deux de fes anneaux elle (àiijt une portion de la dépouille & s'y cramponne , elle iaiiit avec les deux anneaux qui fuivcnt une portion plus élevée de la dépouille : elle fait lâcher priié aLilîi-iùt aux deux premiers s & la voilà élevée le long de la dépouille d\iu petit cran. En repétant la même manœuvre , elle s'élève d'un iecond cran. Elle atteint eniin du bout de fon derrière à la monticule de foie , SVR LES INSECTES. m & y engage fortement fes crochets. Elle e(l maintenant en ftireté , & n'a plus à craindre de chute pédlieiire. Elle va mcme exécuter une autre manœuvre , qui fuppofe qu'elle tient bien fortement à la petite touffe de foie. La dé- pouille y eft encore accrocliée , & la Chryfalide ne fauroit la foufirir fî près d'elle. Elle veut fe débarraifer de ce voifinage incontmode , & elle va travailler à détacher cette dépouille. Mais, je dois laiifer parler celui de qui nous tenons cette curiéufe hiftoire. " Ce n'efl: pas afTez ^ dit - il ( * ) , pour 53 notre Chryfalide , de s'être tirée de la peau „ de Chenille, elle ne veut pas *fouffrir cette 33 peau auprès d'elle , elle ne s'eft pas plutôt 55 accrochée , qu'elle travaille à la faire tomber. ^5 La méchanique qu'elle y emploie a encore fa 53 (ingulariùé -, elle courbe la partie qui eR au- 53 deiToLis de fa queue en portion d'*S', de ma- 55 niere que cette partie peut embrafîer & faifir 55 en quelque forte le paquet fur lequel elle 33 s'applique. Alors elle fe donife une fecoulfe 55 qui fait faire à tout fon corps une vingtaine 35 de tours de pirouette fur fa queue , & cela 55 avec une grande viteife : pendant tous ces O Mém, fur les Inf, {t. I , psg. 434- •ÎÎ2 0 B S E R V  T î Ô N S ,3 tours elle agit contre ia peau , les crochets 33 des jambes tiraillent les fils , les cafTent ou s'eiî 35 dégagent j les crochets des jambes de la dé- 53 pouille font plus éloigi>;js du centre du pirouct-^ 53 tement, que ne le font les crochets de lar 53 queue de la Chrylalidej ainfi les fiîs auxquels 53 tiennent les premiers crochets , font bien plus 53 tiraillés que ceux auxquels tiennent les fe- 53 conds. Si les premiers pirouettcmens n'ont 53 pas détaché la dépouille , la Chryfalide , aprcs 33 s'être tenue un inftant en repos , recommence 53 à pirouetter dans un fcns contraire ; contc- 33 nant toujours la dépouille dans Pefpace au- 33 ,tour duquel elle circule. Il eft alfez ordinaire 33 que la dépouille tombe après les féconds 33 pirouettemens j la Chryfalide eft pourtant 33 quelquefois obligée de recommencer à pi- 33 rouetter quatre à cinq fois de fuite. Enfin 33 j'ai vu quelquefois la peau de Chenille fi bien 33 accrochée , que la Chryfalide , après s'être 33 laifée inutilement pour la faire tomber , dé- 33 fefpéroit d'y pouvoir parvenir , elle prenoit 33 le parti de la laiiTer en une place où elle étoit 33 trop cramponnée. 3, Le defir de faire admirer les procédés hx- duilrieux des Infedes à ceux même qui favent le moins admirer , a quelquefois porté leur cé- lèbre SUR LES ÎNSECTÎ:S té t fsbre Hiftorieii à leur prêter des vues , 8c preC «jue liiie intelligence , qu'ils ne (auroient avoir. Ceft ce qu'il fait ici à l'égard de notre Chry« falide , & ce que je ne foifois poiiit lorfque je revoyois après lui la petite manœuvre dont it s'agit. Qii'on fe rappelle , que la dépouille eft garnie de piquants allez durs & très-aigus y que l'on veuille bien confidérer encore , que dans le temps qui fuit la réjeclion de la dépouille , la peau de la Chryfalide eft très-m.olle , très-déli- cate , & très-fènfîble 5 & l'on comprendra fasi- iemenc , qu'cile ne piroiiette que pour fe foui- traire aux pièottemens continuels dé la dé-^ pouille. Ses pirouettemens n'ont donc pas pro- prement un but I ils ne tendent pas à décram-i ponner la dépouille : mais ils décramponnent' la dépouille , parce que la Chryfalide la heurte en pirouettant ; & elle pirouette , parce que la dépouille la bleife ou l'irrice, La Chrylalide ne cherche pas à contenir la, dépouille dans PeCpacQ autour duquel elle circule j mais elle y eft con- tenue par une fuite naturelle de la manière dené elle eft fufpendue , & dont la Chryuilide tourne fur elle-même. Je ne puis m'emoêcher de tranf- crire ici mot à mot ce que je lis là-deiTus dans mon Journal de 1739 , à la fuite de mes pro- près Obfervations fur la Chryfalide dont il efî queftion. Tome IL ÎJ Jî4 OBSERVATIONS Par rapport: aux pirotiettenieyis de la Chryfà-^ liàe s dijois-je , qui tendent à faire tomber la peau de Chenille , ]e crois , que ce n'eji pas tant une adrejfe de la Chryfalide , que l'effet que prodiii- ftnt Jîir la peau les poils piquans ^ aigus de la dépouille. Dans ces premiers momens , la peau tendre de la Chryjalide eji blejjce par ces poils ^ ce qui force la Chryfalide à tourner autortr de la dépouille pour en éviter les frottemens. Aujfî voyons-nous que d^ abord Cjue la Chryfalide a pris tin certain degré de confftance ^ qui la met à Pabri des frottemens ^ des piquures , elle cèjfe de s\igiter. Depuis que j'ai tranfcrit ceci de mon Jour- nal, j'ai affifté au dépouiilemeiit de deux Chry* lalides de nos Chenilles épineuft^s de l'ortie, de l'Efpece ^e celle qui eft repréientée PL II, Fîg. 4 , du Tome I des Mémoires de M. de REAUMUk fur les Infedes. Une de ces Chryfa- iides venoit de fe dépouiller , & elle commen- (;oit à fe donner des contorfions de tout le corps , qui fembloient tendre à faire tomber la dépouille. Mais cette dépouille fe trouvoit fuf- pendue par hafard à un fil de foie très-délié & prefqu'invifible , d'environ trois hgncs de lon- gueur, qui tenoit à la monticule de foie , & qui, dans doute , en a Voit été détaché. Tandis que la SUR L ES INS ÈC TES. Uf ChryCiîide contournoit fa partie poftérieure en. diiîerens feus , & le plus fouvent en maniéré d\9, qu'elle paroiiToit tourner en même temps fur elle-même , fans pirouetter ncanm.oins , je voyois la dépouille courir fur la Chrjfaîidè comme une Chenille : elle alloit & Venoit, mon- toit & defcendoit , parcoiiroit avec viteiie lé devant & le derrière de la CL^yfalide fans la- bandonner jamiais. L'illuiion éroit même d'au- tant plus complette à une certaine diftance qu'on n'appercevoit point le fil délié qui tenoit la dépouille fufpendue , c^ qu'elle préfentoit toutes les^ parties extérieures d'une Clienille épineufê fort raccourcie. La Chryfalide a eu beau continuer fes contorfi )ns aufli long-temps que fon état de foupleife le lui a permis , elle n'eft point parvenue à détacher la dépouille i elle étoit trop bien fufpendue : mais j'ajouterai que la Chryialide n'a jamais pirouetté 3 & q'd.u-i roit été bien inutilement. L'autre Chryfahde venoit de fe remonter fur la dépouille , & d'accrocher fa queue à la monticule de foie , lorfque la dépouille eit tom- bée comme d'elle - mèmeo Cependant , j'ai vu avec furprife la Chryialide continuer , pendant un temps alfez long , à fe donner des mouve- mens d'ondulation précifément femblabies h H :? ïi^ OBSERVATIONS ceux de la Chryralide précédente , & qu'eîi«^ exécutoit , comme el]e , avec une grande fou- plelfe & une agilité mcrveilleufe. J'ai cru re-^ connoître , que ces mouvemens tortueux ten- doient à faire pénétrer les petits crochets de fa queue dans les mailles de la monticule de foie. Ainfî, quoique notre illuftre Hiftorien des In- fectes ait fi bien obfervé les manœuvres adroi- tes de ces Chryfalides , & que je les aie beau- coup obfervées après lui , elles méritent encore de l'être 5 & très -probablement, nous n'avons pas vu tout ce qu'elles ont à offrir d'intérelfant. On pourroit même tenter des expériences , qui €u plaçant ces Chryfalides dans des circonf- tances où la Nature ne les place pas , donne- xoient lieu à des procédés que nous ne devi- lîbns point. On ne fauroit imaginer trop de moyens pour déterminer . les Inièdles à varier leurs manœuvres : c'eft la manière la plus fûre de juger de la portée de leur inftinâ:. Au refte , j'ai obfervé que nos Chenilles épi- ai eu fes ne lailfent pas de fe transformer en Chrylalides , lors même qu'elles ne peuvent fe fufpendre : mais apparemment qu'il en périroit un grand nombre , û elles n'avoient pas été in{l truites à fe fufpendre. C'eft encore ici une de ces chofes qui mériteroit d'être plus approfoit. SUR LES INSECTES, jty ^ie par de nouvelles expériences : car il feroit bon de s'aiî'urer juCqu'à quel point les procédés de chaque Efpece font néceiiàires à fa confer- vation. O B S E R A^ A T I O N XIV. Sur une Cbeinlle qui ^ cojinm la belle du Fenouil, porte nne corne branchue fur fa partie antéy rieiire, \^ EST une {ingularité bien remarquable que. celle que préfente une Chenille qui vit fur le Fenouil, & dont M. de Reaumur nous a donne une defcription exade (^^. Cette Chenille , qui €fl; alfez belle , porte fur fa partie antérieure une corne charnue & mobile en tout iéns , formée de deux branches qui s'implantent dari:-^ une tige commune , & qui compofent avec cette tige un tout dont la figure imite celle d'un T. Cette corne flnguliere rclfemble fort , par ia. confiftance & par fes mouvcmcns , à celles du Limaçon. La Chenille la tient ordiimirement ca- chée fous fa peau 5 mais elle peut l'en, faire {ortir quand il lui plait. Oii peut même l'obliger à la montrer, en prelfant un peu la partie au- C*) Mém. fur les Inf. T. ï, pag. 4^2, 4<î? , &c. Hb '|i3 OBSERVATIONS térieure. On vo^t alors fortir ruîie.ou Fautr© des deux branches , & fouvent les deux bran-r ches à la fois. Si l'on pouile plus loin la pref- fion , on fera fortir encore la tige commune» Cette corne û lemarquable , a environ demi- pouce de longueur: les brandies paroiiTent airez déliées quand elles s'aîongent le plus. Elle fort; d'une fente tranlverfe placée dans le milieu de la partie fupéricure du premier anneau. Cha- que branche rentre en elle-même comme une corne de Limaqon , & toutes deux rentrent dans la tige dont elles i artont. Lorfque je pref^ fois, cette Chenille près de fa partie antérieure, elle dardoit fa corne comme fi elle eût voulu s'en fervir pour me piquer : elle la dirigeoit vers mes doigts ; mais el-e la retiroit bien vite dans fon intérieur dès que je ceifois de la preifer. Je remarquois que cette corne avoit une odeur très- forte de Fenouil , que le corps de la Chenille nie fliifoit auffi fentir ^ mais moins fortement. On ignore encore les ufages de cette corne fourchue. A en juger par fa grandeur , par fa flexibilité Se par fon jeu , elle doit en avoir d'importans. Entre ces uîages cft peut-être celui de chaiier les Mouches iclmevrnones , qui tente- roient de piquer la Chenille, pour introduire leurs œufs dans fon intérieur. SUR LES IN SE crus. 119 Il faudroît elTayer de couper cette conie avec des cifeaux : on s'airureroit par-là fi elle peut recroître , & Ci elie importe à îa vie de Chenille ou à celie de Chryraiide. (i) M. de Reaumur ne connoUroit apparem- ment qu'une ieule Eipece de Cheaiiie à coriies en Y. Dans TEié de 1737, j'en trouvai une autre Efpece moins grande & nioi;is groire, & dont la forme & l'attitude me frappèrent. -Elles donnoient à la Chenille de Pair d'une Limace. La partie antérieure étoit fort grolie , propor- tionnellement au refte du corps , ik la partie pofténeure étoit très-efïiiée. Cecte Chenille , qui ne reilembloic ni par fa grandeur , ni par fcs couleurs , à la belle du Fenouil , avoit pourtant comme elle une corne en Y, qui m'offrit les mêmes chof:^ que j'avois obfervées dans la corne de cette dernière. (l) C'eft ce que je fis le K d'Août 174? , comme je le vois paï un article ik mon JonrnaL La Chenille , fur laquelle je ten- tai l'expe'rience , étoit parvenue à ion parfait accroiffsment. Je coupai la corne près de fa bafe. II fortit par la plaie des gout- tes d'uiie liqueur verdâtrc. Le jour fuivisnt, fur les cinq heu- res du matin, elle s'étoit liée pour fe transformer. Le 17, fur les neuf heures du matin , la Chryfalide rejetta fa dépouille. Rien ne paroiiToit lui manquer, &; elle donna en moins t'''m mois i.n Papillon, qui paroifToit très-com.plet. J'avois accéléré fa fartic ta reiii-ei.'.i»ant ia Chrylalidj dans un- étuve,- H 4 %%0 OBSERVATIONS L'esi^ECE dont, il s\;git , fe rapprochoit encorg, de celle du Fenouil par irne autre particuiarité; clic avoil; la mènis od^ur , & cette odeur étoit auîîi plus forte, dans la corne qu'ailleurs. Il efl probable qu'elle vit pareiilemeut fur le Fenouil & fur la Carotte fiiuvage. Ceti'Ç Chenille , que je npmmerois Chenille^ I^iniaçe à- corne hranchue , eft d'un jau'.ie ver-^ dâtre j fur lequel font femés des points d'un, jaune plus vif, mèlqs de traits bruns. Elle e{^ ïafe & à feize jambes. J'ai eu à la fois deux de ces Chenilles , qui i;ôUtes deux étoient parvenues à leur parfait açcroiiTement. Elles fe filèrent une ccmture pour le métamorphofer. Leurs Chryfalides furent an- gulaire? 5 & Jeurs couleurs ne diiféroient pa^ "beaucoup de celles de la Chenille. Les Papillons périrent fous Penveloppe de Chryfalide. Ils au- roient été probablei^ient des Papillons à queue, J'avois déjà écrit ceci , lorfqu'en parcourant une de mes Lettres à M. de Reaumur , j'y ai 1^ ce qui fuit, CeUe Ifpece de Chenille qui , comme la belle 4u Fenouil i porte une corne charnue 'en Y fuif SUR I^SS INSECTES^ 12% ift. partie antérieure , if? dont fai eu , Afonjienr , rhonneiir de vous parler dans une de tnes Let^^, très en vous envoyant la Chryfalide , donne bien fin Papillon à q;(eue femhiable à celui qui efl repréjenté PL II, Fig. 3 &? 4 , du Topie I de vos Ménwires. Deitx Chenilles ds cette nouvelle Efpece , qui s^étoient transformées en Chryfalides le 9 d'AoUt , n'oyit paru fous la forme de Papil-, (on ^ que vers la mi- Juin de l' année fuivante. g^o^^====:^_^ , i^Cl<^- OBSERVATION XV. Efpeces d.e faux-figrnates découverts dans queL ques Chenilles. t £ s Naturaliftes ont donné le nom de flig- mates [PL IV, pig. i. j] à de petites ouvertu- res oblongues mrorimées en creux dans la peau des Chenilles , & qui fervent à introduire Tair, dans leur intérieur. Toutes les Chenilles ont dix-huit de ces bouches ou iti^mr.tes , neuf de chaque côté du corps. Ils y font placés un peu au-deifus de la ligne des jambes (/). Ordinai- rement ils font reconnoiiiabîes par leur cou- leur , qui ditfere plus ou moins de celle de la peau. La forme" & la Itruclure de ces organes de la refpiration offrent une multitude de par- 122 OBSERVATIONS ticrJarites intéreiTantes que je ne rappellerai pas ici (*). J'ai aduellemcnt un autre objet en vue. Au commencement d'Août 1740, tandis que j'obfervois la grande Chenille nommée Sphinx^ (|) j'apperqus au-delîus & à peu de diftance de chaque ftigmate , un petit enfoncement, qui avoit tout-à-£tit l'air d'un véritable itigniate. Il étoit feulement beaucoup plus petit, [FI. IV> Fi^. J. t.] & de même couleur que la peau. Comme les vrais ftigmites il étoit oblong, & le grand diamètre de l'ovale perpendiculaire à la longueur du corps. Considérant la forme ellyptique & la po- fition fi régulière de ces petits enfoncemens; confidérant encore que leur nombre étoit pré-, cifément le même que celui des vrais ftigmates ; je ne pus m'empècher de foupqonner qu'ils étoient des parties elfentielies à la refpiratiou de PInfede. Je connoillois l'appareil prodigieux des organes qui fervent à introduire l'air , 8c à ie répandre dems tout l'intérieur des Chenilles , Se je n'étois point étonné de l'accroiiTement de cet appareil dans la fuppofition allez naturelle (*) Confuîtcz là-iîefius le Mém. ÎII, du Tome I de r-juvrage de M. de Reaumur fur les Inficies. (t) Jhicl. T. îl , PJ. XX , F iiT, 1 , a. SUR LES INSECTES. 12^ que les enfoncenieîis eu queftion étoient de nouveaux ftigmates. Cela même contribuoit un peu à m'affermir dars mon foupçon. Pour tâcher de îe vérifier , j'eus recours à rexpérience qui nie fembloit la plus déciiive : je plongeai ma Chenille dans Feau froide ; je Vy tms plongée plus de cinq heures *•& je fus très-attentif à obferver s'il s'échappoit quelques bulles d'air de ces efpeces de ftigmates que je venois de décou- vrir. Je n'en vis for tir aucune i mais j'en ob- fervai de très-groifes qui fortoient des vrais ftigmates , & fur-tout de ceux de la première paire , ou des deux antérieurs. Je remarquai même qu'elles étoient comme dardiées au-dehors avec une certaine force -, auiTi gagnoient-elies promptement la furface de l'eau. J'obiervai en- core , & à piuGeurs reprifes , une de ces bulles qui fembloit prête à fe détacher d'un des ftig- mates antérieurs , qui y rentroit & en fortoit aiterniitivement : elle étoit donc alternativement afpirée & expirée. C'étoit fur ^ tout iorfque la Chenille s'agitoit , que je voy jis fortir des builcs des ftigmates -, mais je m'aifurai qu'un mouve- ment à peine fenfible fuffifoit à produire cet eifet; fi remarquable. Je parlerai ailleurs plus au long de la refpiration des Chenilles. Cette expérience me donna lieu 'de réitérer 124 OBSERVATIONS rObrervatioii que j'avois faite rannée précét dente, fur l'eifet (îngulier que l'eau produit dan^^ les Chei-iilles qu'où y tient plongées (*). L^ peau du Sphbix eft forte & conipade : elle ienir ble avoir plus d'épaiiTeur que n'en a ia peau des grandes Chenilles de fa claife. Elle réfifte d'une manière bien fenfible aux doigts qui la preifent. Cependant , lorfque je retirai de l'eau celle que j'y avoi§ tenue- plongée , elle étoit aufTi fouple que le gant qui l'eft le plus : elle ne donnoit aucun ÇignQ de vie , & fe laiiToit manier eii tout fens, comme fi elle eut été morte. Il y a plus : je la ferrai entre mes dofgts au point de lui faire, perdre fa forme cylindrique, & de lui en donner une auffi applatie que Ml celle d'une fimple peau ou d'une membrane charnue. Comment eût-on imaginé qu^xnie Chenille que je traitois ainlî confervoit encore quelque prin,. cipe de vie? Rien n'étoit plus vrai néanmoins,* & au bout d'une heure, ma Chenille parut aulïi ferme , auiîi compacte , auffi arrondie ; en un mot , aulfi bien portante , que ^i je ne l'euiTe point mifc à une épreuve Ç\ rude en apparence. Cette Chenille, qui eil; une des plus grandes & des plus groiTes de nos contrées , me donne occafion de dire un mot d'une particularité très- (") Voy. robf. X. ïlTJt LES INSECTES, ^3? remarquable de fon Papillon (^). Sa trompe , qu'il tient roulée en fpirale au-delTous de fa tète , eft fi démefurément longue , que , Payant mefurée exadement, je lui ai trouvé trois pouces quatre lignes de longueur , quoique le corps entier du Papillon n'eût qu'une longueur d'un pouce neuf lignes. Ce Papillon offre une autre particularité ; je veux parler de la groiFeur de Tes yeux : ils font prefqu'aufîi grès qu un petit pois, de cou- leur noire & fans poils. Ce feroit fur de tels yeux , qu'il faudroit étudier au microfcope la ftrudure admirable de ces milliers de facettes, qui font autant de petites cornées , 8c qui mul- tiplient Cl prodigieufement les objets. Ce feroit encore fur une trompe auffi démefurément lon- gue que celle de ce Papillon , qu'il fiudroit tâcher d'approfondir la ftrudure de cet organe qui a déjà offert des cliofes Ci curieufcs. M. de Reaumur n'a pas Riit mention des deux par- ticularités dont je viens de parler. Il dit , que les ftigmates de la Chenille font: ajjez petits : mais je trouve dans mon Journal , qu'ils m'a- voient paru aufîi grands qu'ils ont coutume de fêtre dans les Chenilles de la taille du Sphinx, Ils font bordés de noir , & cette bordure fem- ble leur former une forte de cadre. C) Voy^ PI. XX , Fig. 4 , dH Tom. II des Mhn.fur Us Inf, î2^ àESERVATIONS Je demeurai donc indécis fur la nature & î'ufage de ces fortes de cicatrices que j'ai nom- mées des Faux-Jii^mates y mais j'étois averti de les chercher dans d'autres Chenilles de la même claiTe , & de c!a(îes différentes. Je ne fus pas long-temps à répéter mon Obfervation. Peu de jours après , on' me remit une grande Chenille rafe , à feize jambes , & qui portoit fur le der- rière une corne courbée en arc. Le fond de îa couleur du delfus de fon corps étoit un olive foncé , dans lequel entroit une teinte de café clair. Le deffous du ventre offroit un olive clair & fatiné. L'efpace compris entre les lligm.ates & les jambes , étoit d'un blanc de lait. Sur chaque anneau , excepté fur les quatre premiers & fur les deux derniers , fe voyoient deux taches , dont la couleur imitôit celle du parche- min. Trois raies de cette mèmie couleur , & qui partoient du quatrième anneau , alloient de cet anneau vers la tète. La forme de celle-ci étoic applatie & obîongue , & l'on y remarquoit des traits noirs. La corne étoit d'un noir luifmt: c'étoit encore la couleur des jambes éeailleufes : celle des membraneufes étoit la même que celle du ventre. Ce qui me frappa le plus dans cette Chenille , ^e fut la grandeur de les ftigmates. Ils étaient SUR LES INSECTES. 127 é'xin noir foncé j mais ce qui çontribuoit en- core à les faire paroitre plus grands , c'étoit une bordure de même couleur dans laquelle ils étoient encadrés. Comme je confidérois atten- tivement ces ftigmates , j'appe: eus un peu au- deifus de chacun d'eux une tache noire , beau- coup moins apparente , mais qui imitoit bien un ftigmate. Je ne doutai pas que ces taches ne fuifent de même nature que celles que j'avois découvertes dans le Sphinx , & qu'elles ne fuC fcnt aufîî des Efpeces de Fanx-Jtigmcîtes. Je me .munis auflî-tôt de ma loupe, êc je m'aillirai qu'elles étoient toutes imprimées en creux dans îa peau de la Chenille. Elles avoient une figure exactement elîyptique , très - bien terminée , & très-femblable à celle qui eft propre aux ftigma- tes de la plupart des Chenilles. J'ai dit quT y avoit une de ces taches au- delfus de chaque ftigmate. Je ferai pourtant re- marquer 5 que le grand diamètre de la tache ne répondoit pas précifément au grand diamètre du ftigmate correfpondant : la tache ou le Faux- ftigmate fe rapprochoit tant foit peu plus du derrière de riafede. Je répétai fur cette Chenille l'expérience que j'avois tentée fur Iq Sphinx: je la plongeai dans r^B 6 Ë s E R V  t î 6 N s Téau froide , & je l'y lailfai quelque temps. Jte vis de même fortir beaucoup de bulles d'air de^ ftigmates , & principalement des deux antérieure. Toutes les fois que la Chenille s'agiîoit un peu , je voyois diftinclement les ftigmates tourner de mon côté , s'ouvrir & lailTer échapper l'air contenu dans l'intérieur de l'Infedte. Mais je ii'obfervai rien d'analogue à l'égard des taches ou faux-ftigmates dont je recher chois la natUre & l'ufage. Environ quinze jours après cette féconde expérience , on m'apporta une autre Chenille de la même Efpece, & plus grande encore, filr laquelle je ne manquai pas de répéter mes pre- mières Obfervations au fujet des taches eh forme de ftigmate. Je les examinai attentit^é- nient à la loupe , & à diverfes reprifes ; mais! quelqu'attention que "j'apportaiTe , & quoique le verre dont je me fervois fiit excellent, je ne pus jamais parvenir à découvrir au milieu du faux-ftigmate une fente femblable à celle qu'on découvre (î ficilement dans les vrais ftigmates. Je crus feulement y appercevoir un petit point qui paroiifoit défigner une ouverture. Ce fut même inutilement que je préfentai les taches ou faux-ftigmates à un bon microfcope : il n'a- jouta rien à ce que j'avois déjà apperçti. Forcé rsVR LES INSECTES. 129 Forcé de me tourner d'un autre côté , j'eC- "îliyai de préienter la pointe d'une épiijgle £ne à la ïente d'un des vrais fligmates : elle s'y enfonça xuiîî-tôt. Je l'en retirai, k je "tâchai de Pintto- duire pareillement dans un des iaux-itigmates- Elle n'y pénétra point : mais en frottant d^ la pointe de l'épingle, le milieu an faux-fligmate. K' fentis une réfiftance fenibiabie à celle que 'an'auroit fliit éprouver en cas pareil uuq petite Irane de cerne ou d'écaillé. Il me parut donc que j'étois en droit d'inférer de cette expé- rience que les taches dont il -«'agit, n'étoient riîn moins que de- fimples 'taches. D'ailleurs leur figure régulière , leur pofition , leur nom- bi e , toujours égal à celui des ftigmates , cou- a-Kroient encore à me ^perfuader la mènis. vérité. Je penfai bien à recourir à ia difTediion pour tâcher de découvrir., Ci quelque paquet un :;pcu conGdérable de trachées fe rendoit à ces efp eces de faux-ftigmatcs j mais je ne pré fumai .pas allez de ma dextérité en ce genre pour tenter cette forte de diiiectiono Au refte , la Chenille dont je viens de patlsî, efi celle qui donne le Papillon repréfenté dans le To.ne I des ?viémoires fur les Infedes , Pi, XIII , Fig. 8 , & dont l'iJluIlre Auteur n'av4>i£ 7^0.11^ Il l igd OBSERVATIONS point vu la Chenille , que je lui fis enfuit^ parvenir par la pofte. On fait que les fatijfes Chenilles (*) fo^it des Infectes dont l'extérieur fe rapproche beaucoup de celui des Chenilles : elles fe transforment auflî en des Mouches (**) , qni ont quelques traits d'analogie avec les Papillons. Une fauife Chenille qui vit fur le Saule , & qui eft repré- f entée N<^. 77 de Goëdaert , Edit. de Lifter , m'a offert de ces taches en forme de ftigmates , que j'aVois découvertes^ dans les Chenilles. Elles y étoient placées de la même manière , & leur nombre égaioit de même celui des ftigmates. (*) Voy. Mêm. fur les Inf. Tome V , Mém. III , PL X , Fig.î, 12. PL XIV,Fig.3. C^) Ibhl PL X, Fig. 5,14. SUR LES INSECTES. î^t OBSERVATION X V I. Tarticiihmtés anatonriques de la peau de la Che* mile qiti donne le Fapilloyi. à tète de mort. u. Ne des plus grandes & des plus belîes CheniU les de ncs contrées , e{t fans contredit , celle qui donne la fameux Papillon à tète ie mort. On peut voir la figure de cette Cheniiîe & de ion Papillon dans le T. Il des Alémoires pour fervir À PhïjiOire des L^feîhs \ PL XXIV, Fig. 1,4, S" La peau de la Chenille efl de la plus gr:inde douceur, & Ton n^y apperçoit pas un fcut poil. Un beau jaune citron forme le fond de fa cou- leur , fur lequel font jettées obliquement en iTianiere de boutonnières des bandes vertes & bleues. Ces bandes comm.encent au quatrième anneau , !^c fe terminent à la bafe de la corne. Elles vont à la rencontre les unes des autres , & tracent ainfi fur le dos diiférens angles, dont îe fommet eft dans Panneau qui fuit celui àowt e'ies partent. Aind la peau de cette Chenille re reiiemble pas mal à Un^taifetas chiné. Les' iiitervaiics compris entre les b.mdes font femés de points de même couleur que les bandes. Je viens d'ébaucher la defcription de cette "belle Chenille , parce qu'elle ét-oit nécei&ii\^ .*?^ 0 B s £ Ê rJTirjNS pour rintelligence de ce que j'ai à erl rappof^ ter. Ge fut le 24 de Juillet 1737 , que je là Vis pour la première fois. Un de mes pour^ voyeurs d'Infedes m^eii apporta trois , qui avojent été trouvécxS fur le Fufain , & dont une avoit quatre pouces fix lignes de loilgueuf jur un pouce trois-quarts de circonicrence. Elles entrèrent en terre quelque temps après , &: s'y conftruiiîrent une Coque dont la grolTeur iurpalToit celle d'un œuf de Poule. Les grains de terre qui la compoloient , n'étoient point Hés par des fiis de foie ; ils ne^'étoient qu'au moyen d'une humeur vifqueufeou d'une forte de colle. La terre paroilîbit avoir été fort humedée p^r îa Chenille. J'ouvris Une de ces Coques &je lui trouvai une ligne & demie d'épailTeur. Un grand art ne brille pas dans la conftrudioii de cette groife Coque : peut-être néanmoins <^ue fi là terre au milieu de laquelle la Ch-e- nille travaille , perniettoit de l'obferver facile- ment , oii découvriroit daïis foii travail de petits procédés qui né feroient point à méprifer. Ce n'eft pas peu pour elle , que de pratiquer au fein d'un maffif de terre une auffi grande cavité que celle qu'exige la conftrudion d'une Coque aulFi grodè que la fienne. yERS la rai-Juillet 1739 5 j'eus encore trois SUR LES INSECTES. 135 Chenilles de la même Efpece , & qui avoient auili été prifes fur le Fufain ,• mais , je dois avertir qu'où trouve encore cette Efpece fur le Jafmiu. Je rais une de ces Chenilles dans un mélange d'efprit-de-vin ^ d'eau commune & de fucre , pour la conferver dans mon ca- Ipinet. Mais au bout d'environ trois femaines , elle y étoit devenue prefque meconnoilïable. Ses belles couleurs avoient entièrement difparu^ & elle n'otîroit plus que du noir ^ ce qui fem- bloit indiquer , que la liqueur avoit trop agi . fur fa peau , qu'elle l'avoit , en quelque forte , brûlée. Quoi qu'il en foit ; je crus devoir mettre à proiit cet accident pour m'éclairer fur la ftiudure des Chenilles, par la diiibdion d'un individu de fi grande taille. Mais avant que d'en venir à l'ouverture , je jettai un coup- d'œil fur Texte rieur. Tout le corps de la Che- nille , à l'exception du pénultième anneau , étoit Goupé par des rides ou plis, circulaires^ parallèles les uns aux autres , & qui fembloient ibnner autant d'anneaux diftinds. Je comptai huit de ces plis traniverfaux fur chaque anneau. Les pHs des deux premiers anneaux étoient ieulement moins profondément gravés dans la peau que ceux des autres anneaux. La tète «voit peu changé , & fa couleur étoit à-peu- l\i^:^. iiaLUieliÇ. Lu jon.çUQ4\ des aiu\e'4UX >. *34 OBSERVATION S le dcirous du ventre & le derrière montroieiit eiicore quelques velhges de leurs piemicres teintes. Dans cet étut , la Chcaille tcnoit aiibz de la corfitlance d'un cuir mouilié s elle en avoit prefque la foupleiïe. Je l'ouvris le long du dos en commençant îà feclion à la bafe de la corne , & je la pouilai juFques près de la tète. Ce qui s'oiirit à mes. yeu'f de plus remarquable, & qui me parut, en effet , bien digne d'attention 3 ce fut une féconde peau beaucoup plus mince que celle qui formoit l'extérieur de la Chenille , & qui étoifi appliquée fous celle-ci comme une doublure. Cette peau n'étoit pas une fimple membrane : elle étoit différemment colorée , & fes couleurs étoient aifces à Jiftinguer. Le fond en étoit une forte de gris de perle , ilir lequel étoient éten- dues en forme de boutonnières des raies d'un pônceau pale , mais dont les nuances étoient admirables. Ces raies répondoient précifément par leur pofition ^ par leur longueur & par leur largeur à celles qui paroient auparavant l'exté- rieur de rinfede. Les efpiîces que ces raies laiiïoient entr' elles étoient pariemés de. points fcleus", ziiez fcmblablcs à de petits itigmates. Cette peau intérieure , cette forte de doublure ne. paroiffoit tenir pair aucun ligament ou pai' SUR LES INSEC'TES, 135: aucun vaifleau à la première peau , ou à la peau extérieure : elle fembloit fimplement appliquée ou couchée fous celle-ci j enforte que pour lé- parer les deux peaux dans toute leur longueur, il Tuffifoit que j'introduidife entre deux le man- che très-applati de mon fcalpeî. Je fixai mon attention fur le côté intérieur de la première peau j & j'y découvris les bandes en manière de boutonnières , mais dont les couleurs étoient altérées. Je n'y apperqus point les mufcles qui fervent aux mouvemens des anneaux : je n'y obferyai que les plis dont j'ai parlé. Revenant .enfuite à la féconde peau , je découvris un grand nombre de trachées qui alioient s'y rendre. On peut demander maintenant ce qu'étoit cette forte de doublure if Je crus dabord , que c'étoit la peau de la Chryfalide ; & cette idée étoit bien naturelle j car je n'avois rien lu nulle part fur cette (înguliere doublure. Mais j'abandonnai bientôt cette idée ; parce que j'avois fuivi avec la plus grande exactitude tout ce qui fe paife avant , pendant & après la transformation de îiotre grande Chenille en Chryfalide i & que je aii'étois ailuréaintî> que les couleurs de la Chry- falide ne reifembloient dans aucun temps à celles de la Chenille. Au moment que la Chryfalide vient de rejcttqr la dépouille de Chenille , elle eft d'un 14 13^ 0 E S E R V A T I 0 N T }.raiie tendre & uniforme : un marron clair Im fuccede , -qui fe rembrunit infenfiblcmeiit. Si la Chenille a voit ,eu encore une mue à fubir ^ il ne nxauroit pas été difficile de deviner ce qu'étoit la féconde peau dont il s'agit ; mais elle étoit parvenue a. fon parfait accroifîement > 8c n'avoit plus qu'à fe transformer en Chryfa- lide. Cette expérience nous apprend donc , que la peau des Chenilles a de nouvelles, particula- rités- à nous offrir. El'e nous rriontre que cette peau, n'eft point, iimple , &. ce fait a bien des ûnaiogues.. Je palTe fous fîlence les obfervations que ja £s fur le canal inteftinal , fur les trachées, fur les vaiiTeaux variqueux , &c. parce qu'ils ne im'olïrirent à-pci^. -près rien que je n'euifei dcja lu. dans, les Naturalifles, qui m'avoie^t. fvAcédé, SUR LES INSECTES. 1^7 -j^ff -:■ — - — '^^cii^^ j^y^-. OBSERVATION X V ï L Sur différentes Efpeces- de Cheiiilles qui dévorenû leur dépouille après ravoij- rejejtée. L S mues des Chenilles font connues de tout, îe monde : à qui le Ver-à-foie y qui ett une vé- ritable Chenille , ne les a-t-il point fait connoî- tre ? Ceux qui élèvent cet Infèdle , devenu iî, précieux , nomment fes mues des. maladies , & elles en font en effet. C'eft même une opé- ration confidérable pour une Chenille , & bieu plus grande qu'on ne le penfe communément , que celle de changer de peau. On commence à le fentir , des qu'on vient à apprendre , q^-'e la Chenille ne rejette pas fimpiement fa peau,- mais qu'elle fe défait en même temps de toutes les parties extérieures grandes & petites qui tenoient à cette peau. Ainfi toutes les parties de la tête , le crâne , les mâchoires , la filière , les yeux , (^c. font rejettes avec la peau. Les jambes écailîeufes , les membrane ufes & tous les petits crochets qui les terminent , font re- jettes pareillement. Toutes les parties qui les remplacent étoient emboîtées dans les ancien-. 3a.es > c'eft-à'dire , dans les parties cpnelpoii-- 'I3S OBSERVATIONS dautcs , comme dans autant de fourreaux. IMMÉDIATEMENT après la mue , les Che-. nilles font tres-foibles , & elles demeurent au moins quelques heures , quejquefois un jour entier dans cet état da foibJeiie. Tous leurs iiouveaux organes font mois encore ; & ce n'eft que par degrés qu'ils prennent îa confiftance qui eft propre à chacun d'eux. Cctf' remarque. ne paroitra pas in ditfé rente quand on aura îu ipe que j'ai à raconter, J'OBSERVOîs en Septembre 1738» les belles Chenilles du Tithymale à feuilles de Cyprès , dont M. de Reaumur a beaucoup parlé (f) 5 & que je me difpenfe de décrire , parce qu'il les a fait aflez connoltre. Celles que je fuivois alors n'avoient pas encore fubi le dernier chan- gement de peau , & je me préparai à i'obferyer. Pour cet effet, je mis à part dans va\ poudries deux de mes Chenilles dont la mue me paroiifoit la plus prochaine. Mais ayant été appelle ail- leurs , je les trouvai à mon retour parées d'un nouvel habit. Je cherchai de l'œil la dépouille 5 & je fus bien furpris de ne la point voir. Je founqonnai auiîi-tôt qu'elles l'avoient mangée j & ce foupqon étoit ailez étrange ; car les Che- nilles ont coutume de faire diere un jour ou . O Jlém. fuY les Inf, Terne I, pag. 298 , PI. XUI,-Fis i. SUR LES INSECTES. 159 deux après la mue : leurs nouveaux organes font alors fi foibies qu elles ne Hmroient encore en faire ulage : leurs dciits en particulier , font hors d'état de broyer les feuilles ', il leur faut toujours un temps plus ou moins long pour acquérir le degré de confiftance propre à cette fubftance écailleufe dont elles font formées. Cedendant , quelques recherches que je fiife^ je ne pus parvenir à découvrir aucun veftige de la dépouille : elle avoit entièrement difparuj tout avoit donc été dévoré, & jufqu'aux par- ties les plus dures, comme le crâne , les mâ- choires , les jambes écaiileufes & la corne que ces Chenilles portent fur le derrière. Un fait fi nouveau, & auquel je n'avois été préparé par aucune obfervation ni par aucune lec- ture , méritoit bien que je ne uégKgeaile rien pour nvaiTurer de fa réalité d'une manière plus directe. Il me reftoit encore une de nos Chenilles du Tithymale qui n'avoit pas changé de peau pour la dernière fois , & qui paroiifoit très-près de la mue. Je l'avois renfermée feule dans un petit poudrier bien net, & j'attendois avec im- patience le moment où elle acheveroit de fe dépouiller. J'écois alors à la campagne : je fus obligé de me rendre en ville le même jour , & pour ne pas manquer une pbfervation qui pi^ ^ï4o OBSEKVATiaNS quoit tant ma curiollté , je mis dans ma poche Je poudrier qui rcnfermoit ma Chenille , & je montai à cheval. De temps à autre , j-e fortois de ma poche le poudrier pour voir ce qui s'y pallbit. Au bout de quelques heures , je trouvai ma Chenille dépouillée en grande partie : il n'y avoit plus que les jambes poftérieures qui fuf- fent encore engagées dans la dépouille. La Che- nille étoient courbée fur cette dépouille , & elle la rongeoit déjà avec avidité , en Tembraf- fant avec fes premières jambes. Je fatisfis donc pleinement ma curiofité , & j'eus le plailir de me convaincre par mes propres yeux de la vérité de mon premier Ibupqon. En fuivant avec attention ma Chenille tandis qu'elle dévo- roit ainii fa vieille peau , je reconnus facile^ ment que cet aliment li coriace & fi étrange donnoit beaucoup d'occupation à fes nouvelles dents , qui n'avoient pas eu encore le temps d'ac-^ quérir le degré de dureté qui leur eft propre. Au milieu de mon obfervation , je fus forcé de re- monter à cheval pour retourner à la campagne: je n'abandonnai point mon poudrier , & des que je fuîs defcendu de cheval , moii premier foin fut de reprendre mon obfervation. La Chenille avoit abandonné fa dépouille à demi rongée : appa-. remmène que le mouvement du cheval Favoit forcée d'iuterrompre. ion éumige rejpas;. Je m'a.-* SUR LES IKSÈCTES. 141 ViFai de lui en prénjiiter les reftes : elle les dé- Tora en entier fous mes yeux , à l'exception de la corne , qu'elle n'auroit pas manqué fans doute de dévorer , (î elle n'avoit été dérangé© par ma courfe. Cette OLfervation me fit naître la penfée, que les Chenilles du Tithymale,fe dévoreroient fort bien les unes les autres', Ci certaines cir- conil:ances favorifoient un peu l'humeur carna- dere que je veneis de leur découvrir. Pour véri- fier ce nouveau foupqon , je plaçai auprès de la Chenille qui avoit dévoré fa dépouille, & à laquelle je n'avois point encore donné de nour- riture, une Chenille de fon Efpece qui étoit fur le point de fe transformer en Chryfalide. Je choifîs pour mon expérience une telle Che- nille 5 parce que dans les momens qui précé- dent immédiatement la transformation en Chry- falide , les Chenilles font dans un état de foi- bleiTe qui ne leur permet gUere de fe défendre contre les attaques de leurs ennemis. La Che- nille dont je voulois éprouver ainfi la voracité» ne manqua point de porter la dent fur celle que j'avois placée auprès d'elle : elle la blelfa ; mais celle-ci fe fentant bleîfée , fe retourna (î bmfquement qu'elle fit làchsr prife à l'autre, j&ie revint plufieurs fois à la charge, 8c tou- Hi 0 B §^ E R V A T ï 0 N § jours elle fut repoiiiTée par les mouvement brurqiics de celle qu'elle attaquoit. Il me fut donc bien, démontré , qu'il ne manquoit aux Chenilles du Tithymale pour exercer les unes fur les autres la plus grande cruauté , que d'en avoir des occafioiis favorables. M. de Reaumur iious avoit déjà fait connoître une Chenille qui dévore celles de fon Efpece -, mais il n'avoit vu que cette feule Chenille à qui cette barbarie put être reprochée. Il faut l'entendre lui-même: i'Obfervation qu'il rapporte diffère des miennes à plufieurs égards. *' La maxime fi foùvcnt citée contre nous, dit notre célèbre Obfervateur P) , qu'il n'y a que l'homme qui £iiîe la guerre à l'homme ^ que les animaux de même Efpece s'épar- gnent, a aifurément été avancée, & adoptée par gens qui n'avoient pas étudié les Infedles. Leur hiftoire nous fera voir en plus d'un endroit , que ceux qui font carnaciers en man- gent fort bien d'autres de leur Efpece quand ils le peuvent. Mais ce qui ell pis Si parti- culier à quelques Chenilles , c'eft que , quoi-^ , que faites , ce femble , pour vivre de feuilles, quoiqu'elles les aiment & qu'elles en falfent leur nourriture ordinaire , elles trouvent la (*) Mém. fur ies Inf T. II , fag. 4i3. SUR LES INSECf^ÉS: 143 ^ chair de leurs compagnes un mets préféra- 53 ble , elles s'entremangent quand elles le peu- 55 vent. Il n'y a pourtant qu'une feule Efpecô „ de Chenilles qui vit fur le Chêne , qui m'ait j,5 encore donné occafion de faire cette remar- „ que ', elle n'a d'ailleurs rien qui la Ht juger 55 d'un Cl mauvais naturel ; elle paroît aufli „ douce qu'aucune Chenille que ce foit , elle n'a 53 ni air de férocité , ni grande adivité. Elle eft 55 à feize jambes & très-rafe. (*) J'avois 53 mis une vingtaine de Chenilles de cette Ef- 33 pece dans un poudrier 5 on avoit le m:rnie 53 foin de les nourrir , que de nourrir celles de 53 pîufieurs autres Efpeces , c'eft-à-dire , de leur 33 donner des feuilles de Chêne nouvelles , des 33 que celles qu'elles avoient commenqoient à 33 fe faner. On remarqua que le nombre de ces 33 Chenilles diminuoit journellement : on ns 53 trouvoit pas cependant les cadavres des mor- 33 tes. Cette obfervation rendit plus attentif à 33 les examiner , & l'on vit que lorfque quel- 53 qu'une d'elles rencontroit une de fes compa- 53 gnes , elle tâchoit de la faifir avec fes dents, 53 vers les premiers anneaux j qu'elle lui fiifoit 53 des b'eiiures mortelles , Ci l'attaquée ne fe déga- 55 geoit par de prompts eliorts , avant que d'à- „ voir requ des coups de dents. Les Chenilles C) Mi. PI. XXXlII,Fis. f. 4-44 'e J^ S E K r J T I 0 N S qui ont été percées quelqlie part périfFe-iit» & Cl elles ne périfFent pas fur-le-champ ., bien- tôt au moins elles deviennent trcs ^ foibles ,* ainfi l'attaquante , la meurtrière fe trou voit bientôt maitrelTe de fa proie. Qiiand elle ne pouvoit p;us lui échapper , elle la fu^oit & la rongeoit tranquillement. Celles qui atta- quoi^ent , paroiiToient toujours les plus fortes , elles ne s'adrelToient apparemment qu'à celles dont elies connoiiroient l'état de ibibleire., peut-être qu'à celles que l'approche de la mue rendoit languilFantes. Ce qui eft de fur , c'eft que de mes vingt Chenilles 8c plus , il ne m'en refta qu'une , qui fut deiîinée pendant qu'elle raangeoit la dernière de fes camarades. Elle y étoit fi acharnée , qu'elle fe laiila tirer du poudrier fans abandonner fa proie, à la- quelle elle refta attachée s elle cojitinua de fucer & de manger pendaîit tout le temps. qui fut employé à la deffiner. Ce ne font pourtant que les parties intérieures qu'elles, mangent , elles laifient non-feulement la tète ^' les jambes , elles lailfent même toute la peau. Le cadavre alors eft réduit à peu de chofe 5 & c'eft ce qui empèchoit de trouver dans le poudrier ceux des Chenilles qui avoient été mangées , parce qu'on croyoit devoir y trouver des Chenilles mortes .,' ayant la forme SVR LES INSFCTF'S. j^^ ^„ '^ "la grandeur des vivantes. Celle qui m'étoic -.,5 reftée périt fans fe transformer en Chryfa- yy lide. Mademoifelle Mérian aiTure qu'elle a va -„ auin des Chenilles à tubercules , qui font •>,;, celles que nous avons fait repréfenter Tome ■„ I, PL XLIX,î'ig. I , ou celles de la PL L, .„ Fig. I , qui s'entremangeoient j mais j'ai nourri .,) de ces dernières 'Chenilles fans les avoir v^ ., fe traiter avec une pareille barbarie. ,. ^ Je repris en Juillet 1739 , les 'Obfervation?; 'que j'avois commencées PEté précédent fur les Chenilles du Tithymale. Je defîrois uir-tout d^ •les voir de nouveau -manger leur dépouille. Ta fis donc chercher de ces Chenilles fur les Titny,- -maies. On m'en apporta de différentes gran- deurs. Les unes avoient atteint leur parfuit accroiifement 5 les autres en étoient plus ou moins éloignées. Les couleurs des plus jeunes étoient fort tendres. Un jaune très-agréable en failbit îe fond. J'en vis piufieurs fe dépouiller fous mes yeux, & jnanger enfuite leur dé- pouille. J'essayai de faire jeûner deux de -ces Che- nilles. L'une n'écoit encore parvenue qu'à la moitié de fon accroiifement *. . l'autre n'avoit prefque plu-s à croître. Je les tins renfermée^ i4^ ùbseèvationS dans la même boite vitrée : je voulois voir fi k plus grande attaqueroit la plus petite -, mais ce f Jt ce qui n'arriva point. Elles fe bornèrent à ronger une vieille dépouille d'une Chenille de leur Efpece qui s'étoit transformée en Chryfalide quelque temps auparavant. J'imaginai enfuite de leur fervir la dépouille d'une grande fauj]} Chenille du Saule : mais elles n'y touchèrent pas. Dans le même temps , m'étant mis à diïTé- quer une de ces Chenilles , j'enlevai tout le canal intclHnal , je veux dire , ce long fac qui contient l'œfophage , l'eftomac & les inteftins j & après l'avoir détaché en entier de l'intérieur , je rétendis fur une planchette. Je plaçai tout auprès la grande Chenille que je faifois jeûner depuis quelques jours , & je la vis dévorer tout ce vifcere. Elle le tenoit ferré entre fes pre- mières jambes , pour que les dents ne manquaf- fent point leurs coups. Un autre jour, je mis à part dans une boite vitrée deux autres Chenilles du Tithymale qui n'avoient pas encore fubi le dernier change- ment de peau. Elles ne tardèrent pas à fc dé- pouiller; & quoique je les lailiaife fans nourri- ture , elles ne mangèrent point leur dépouille ., cSc ne s'attaquèrent point l'une l'autre. Elles SÏJÈ LES 1 N s E C TE s. HT lîérirent toutes deux au bout de quelque temps . après avoir beaucoup diminué de grandeur. Ces Chenilles ne mangent donc pas conftammenÉ leur dépouille , 8c ne s^ittaquent pas toujours les unes les autres , lors même qu'on les prive de nourriture. En Mai 1739 , j'avois reiiFemié dans Un poudrier une grande Chenille très-veliie , a feize jambes , qui vit im le Charme , & j'avois logé avec elle une de ces Chenilles, que la longueur^ la roideur & la diredion de leurs poils ont fait nommer Herijjonne (^j. Au mois de Juin fui- vaut 3 la Chenille du Chariiie me parut inlmo- bile au fond du poudrier. Je la pris entre mes doigts , & je reconnus qu'elle ne vivoit plus. En Pexaminant de plus près , je remarquai qus fa peau étoit comme déchiquetée , 8t que par- tout où je pottois le doigt j'en enlevois quel- que fragment. Il fortoit en même temps de l'in- térieur du corps une matière jaunâtre & médio- crement épailfe. Je conjecturai qxîe la Chenille avoit été réduite dans ce pitoyable état par THérilTonne , qui Pavoit apparemment trouvée tin mets à fon gré. J'eus lieu de me confirmer dans ma conjedurejorfqûe je vis bientôt apfè^ PHériifonne enfoncer fa tète & fes première^ C) Méw. fur ies Inf. Tome ï, PI. XXXVI, Fig. u J48 OBSERVATIONS jambes dans le cadavre , y fouiller très-avants & en fouîever la peau qà & là. Elle demciiroit immobile , & paroiifoit toute occupée à iucer la matière grailTcufc que renfermoit le cadavre. Sa partie antérieure étoit recourbée vers les premières jambes. Elle ne fembloit faire que fucer j car je ne lui voyois point remuer les mâchoires comme une Chenille qui ronge une feuille. Elle refta quelque temps dans la même attitude , la tète toujours enfoncée dans le ca- davre"3 & lorfqu'elle vint à l'en retirer , elle étoit toute couverte de la matière grailfeufe : les pre- mières jambes en avoiént auili une bonne tou- che. La Chenille fit enfuite quelques pas , 8c j'obfervai qu'elle promenoit fes mâchoires fur fes premières jambes , qu'elle en enlevoit ainil la matière graiifeufe qui les recouvroit , & qu'elle ia faifoit palTer dans fon intérieur. Lorsqu'en fe promenant dans le poudrier^ notre Hériffonne venoit à rencontrer le cadavre.^ elle y pîongeoit de nouveau fa tète & fes pre- mières jambes , comme la première fois. Elle continua la même manœuvre pendant toute la journée ; mais l'action de l'air ayant peu-à-pcu deiféché la matière graiifeufe dont le cadavre ctoit rempli, l'HérilTonne n'y toucha plus. Elle aifecl;oit même de s'en tenir toujours à quelque djftance. SUR LES INSECTES. 149 JoMETTROîS une choie eiTentielle , fî je ne difois point , que je n'avois pus privé cette Chenille des feuilles dont elle failbit: m nour- riture ordinaire , qui étoient celles du Prunier. Mais cette Eij^ece vit encore de celles du Charme & du Poirier.. Instruit par cette expérience de rétrange goût de mon Hérlifonne , je pcnfai à ne la nourrir plus que de Chenilles vivantes ou mor- tes. Je commençai par Iid en fervir une vivante demi-velue , & de grandeur au-deiius de la mé- diocre. L'HériiTonne ne l'attaqua point. J'expofai cnfuite le poudrier à un folcil très -ardent, parce que j'avois remarqué en d'autres occa- fions que la chaleur de cet aPrre animoit beau- coup certaines Chenilles , & qu'elle les rendoit prelque furieufes. Notre Hérifibnne ne manqua point de l'éprouver: dès qu'elle eiit commencé à fentir les impreiîio'^is de la chaleur , elle fè mit à courir avec une grande vitelTe ; elle pa- roiiToit toute en feu. Cependant elle n'attaqua point la Chenille que j'avois renfermée avec elle , & qui étoit bien moins affeâée de la chaleur. Au bout d'une heure , j'obfervai que rHériiîbnne faifoit d'inutiles efforts pour mar- cher : elle tâchoit de fe traîner fur fes premières jambes 5 mais les mcmbraneufes refnfoient de K 3 ïf^ OBSERVATIONS s'acquitter de leiv's fondions. Je jugeai taci- lemcnt que cet accident avoit été caiifé par Pcxcès de la clialetir. Je fortis la Chenille hors du vafe, Sç en la maniant, je remarquai qu'elle étoit devenue tres-flalque , & que fes, jamhes membraneufes , qui étaient très-flafques auflî , étoient plus aîongées que dans Pétat naturel. Les poilg. avoient changé de couieur , & fem- bloient avoir été légèrement brûlés. La chaleur, avoir occafioné fans doute un excès de tranfpira- tioii , qui avoit prcdiiit un affoibliirement généraL Je mis la Chenille dans un autre vafe , & la portai dans mon cabinet. Je la crus mourante. Je fus donc aiîeîz furpris le lendemain matin de la re- troîiyer à-peu-pres dans ion état naturel, & de. la voir marcher. Je lui donnai des feuilles de prunier dont elle mang a. Mais elle ne paroiffoit plus auffi vigourcufe ^ & fes jambes membra- neufes. ne g'acquittoient pas auiîi bien de leurs fon étions qu'auparavant. Elle ne fit que languir pendant quelques jours & mourut enfuite. .Dans le même temps (*) , je trouvai fur un Prunier fauvage cinq jeunes Chenilles rafes , à feize jambes , de FEfiiece de celle qui eft repré-* fentée PI XVIÏT , Fig^r , du Tome I des Mé^ nioirét de, M. de Reaumur , & dont je ferai d6nnp!tre ailleiir$ i'induftrie. Je renfcrniai tiicB C) Mai îm- SUR LES INSECTES. l'ff jiinq Chenilles dans la même boite. Au bout de quelques jours , elles me parurent annoncer une mue prochaine. Sur ces entrefaites , un de mes amis 5 qui noumifoit de ces Chenilles ^^ m'apprit que les fiennes s'étoient dépouillées , & qu'il n'avoir point retrouvé les dépouilles dans le vafe où il les avoit renfermées. Il en inféroit qu'elles avoient mangé leyr dépouille. Ce fait n'avoit plus de quoi me furprendre. Les Che- nilles, du Tithymale m'en avoient déjà fourni un exemple , & j'avois préiumé facilement que je le reverrois dans d'autres Efpeces. J'avois de plus obfervé que s lorfque mes petites Chenilles venoient à fe rencontrer , elles s'attaquoient l'une l'autre , & fe donnoient des coups de dents . J'attendois avec iraratience. le moment de ia mue. Il arriva biei tôt. La plus diligente de mes Chenilles s'étant dépouillée , je trouvai fo dépouille arrêtée contre les parois de la boitç par des £ls de foie. La C/ienille en étoit à quelque diftance, & ne paroiiToit point fe ôÀi'-- pofar à la manger. Elle n'y toucha point en efFet. Mais je fus furpris de ne trouver dans la boîte que quatre Chenilles au lieu de cinq que j'y avois renfermées. J'étois très -fur que la boite avoit toujours été bien clofe. Je jugeai i^mic que la Chenille qui me roanquoit avoit été r^z O B S E- R V A' r ï 0 N ô éévorée par les autres. J^ .jercîmi. les rcilc^ du cadavre , &. je ne découvris que ie crâne. Il ifétoit point celui de la dépouille dont je viens de parler ; car cette dépouille en avoit un bien complet. Mes quatre Chenilles changèrent de peau à diiférens intervalles. Elles avoient fait, diète pendant les deux ou trois jours qui avoient, précédé, 'la mue. J.e ne les vis point manger leur dépouille. Quelque temps après, elles fubirent un fé- cond changement de peau. Diftrait par d'autres occupations., je ne pus les fuivre. pendant cette eirconPcaiice : mais n'ayant point retrouvé de. .dépouille dans.' la boite , je ne doutai pas que ehaque Chenille, n'eût mangé la fienne. Elles n'avoient. point touché à celle qui écoit 'rete- nue contre les. parois de la. boite par des nls de i^ok. Cette dépouille s'étcit, fans, doute, trop deiiéchée pour être au gode de nos Chenilles. ,, Il me rettoit une Chenille , qui moins dili- gente que les autres , n'avoit pas. encore changé de peau. Elle ne tarda pas à fe dépouiller , Se ayant ouvert la boite , je la vis parée d'une .nouvelle peau, La dépouille qu'elle vcnoit dt SUR LES INSECTES^ îf3 l'ejetter étoit placée toiit auprès de foii derrière >, eni'brte que la tète de la dépouille touchoit prcrque le deniere ^le la Chenille. Les couleurs. de ceiie-ci étoient fort tendres encore i mais au bout d'une heure & demie y elles parurent auiîi foncées qu'elles dévoient le devenir. La Che-> nille , qui jufqu- alors écoit demeurée immobile ^ fe retourna bout par bout > & amena Cn tèta vers celle de la dépouille qu'elle commença à dévorer.. Jamais je n'avais vu aucune Chenille dévorer des feuilles avec autant d'avidité que_ celle-ci dévoroit fa dépouiUe. Elle ne s'y prenoit pas comme elle auroit fait pour ronger une- feuille : elle dévoroit fa vieille peau comme un Loup affamé dévore une charogne. En moins d'un quart d'heure il n'QH relia pas le moindre veftig-e. Tandis que ma Chenille dévoroit fa dé^ pouille avec tant d'avidité , & qu'il n'en reftoit plus que les. deux dernières jambes , je m'avifai de placer tout auprès de ces reftes de la dé- pouille une petite Chenille vivante , de \EipecQ. qui vit en fociété fur le Fufain : je vouldls voir il , après avoir achevé de dévorer fa dé- pouille 5 notre Chenille voracc poiteroit la dent lur la petite Chenille que je lui préfentois , & que je retenois avec une pince pour qu'elle ne ïT4 0 n S E R V A T I 0 K S pût lui échapper. Après avoir décoré la dernière jambe de la dépouille , la Chenille avança ft tète fur celle que je dcftinors à lui fervir de pâture i elle fenibla même vouloir y porter la dent : mais des. qu'elle l'eût touchée, elle retira fa tète fous fes premières jambes , & fe mit à tâter la place où avoît été la dépouille , comme pour y chercher quelques reftcs de cette vieille peau. Elle en trouva en effet 5 & de fi petits que je pouvois à peine les difcerner : elle s'en faiiit à rinftant, & les dévora avec la même avidité. Je m'opiniâtrai à lui préfenter toujours la petite Chenille : ce fut toujours en vain. Elle ne l'attaqua jamais Elle en détournoit la tète très-brufquement quand je la lui faifois toucher , ou fe mettoit à fuir. Le Bouillon blanc nourrit une Chenille rafe (^) , un peu au-deifus de la grandeur mé-- diocre 5 dont les couleurs font agréables, & qui eft remarquable par l'induftrie avec laquelle elle conftruit fa Coque. J'en parlerai ailleurs. Quatre de ces Chenilles que je nourriifois en Juin 1739 , mangèrent leur dépouille après l'avoir rejettée. (j) (*^ Reaumur, Tome î, PI. XLÎÎT, Fig. 5. (i) Je m'étois hâté de communiquer à M. de REAUMUJEt. incs Obfervations fur ies Chenilles qui mangent leur tlépouillci 3WR LES INSECTES, i & ce fut dans le cœur de deux ou trois feulement , que je découvris un petit Ver , que je reconnus bientôt pour être une véritable Chenille. Elle étoit de la grandeur de celle qui vit dans l'intérieur des grains de bled. Sa couleur étoit rongeàtre. Elle avoit feize jambes , dont les membraneufes étoient à cou- ronnes complettes de crochets. Elle étoit r^.fe "; mais vue à la loupe , elle montroit qk & là quel- ques petits poils. La tète & les jambes écail- leufes étoient d'un rouge marron. Le premier anneau étoit recouvert d'une plaque écailleufe d'un rouge plus foncé que celui de la tète. De petits tubercules luifans & applatis , d'un rouge plus vif que celui de la peau , & qui ne pa- roiiîbient que comme des taches de figure ovale, étoient diftribués avec ordre fur les autres an- neaux , & y traqoient fix ligues parallèles à la longueur du corps. Je renfermai dans une boîte vitrée trois à •quatre grains de raifîn , dans l'un defquels je m'étois bien alTuré que logeoit une Chenille ; car tandis que je maniois ce grain , la petite hermite avoit avancé fa tète au-dehors du petit trou 1 SUE LES INSECTES, 16i trou rond percé -d h furface. Je plaqai ce grain de manière que la petite fenêtre fût toujours cxpofée à mes regards , mais quelques jours j^pres , la CheniHe tendit au devant de rouver- ture une toile de foie qui me déroboit entiè- rement la vue de l'intérieur de fa celluîe. Une autre Chenille de la même Efi3ece , que j'avois renferniée dans la boite avec celle dont je viens de parler, fe nicha entre deux grains ^ dans une forte de cavité qui fe trou voit à la furface d'un de ces grains. Elle le rongea dans toute la longueur de cette cavité. Elle tendit au-delTus une toile de foie fous laquelle elle fe tenoit cachée. De temps en temps iiéinnupins; elle avanqoit au dehors fa partie antérieure. La toile lioit deux grains l'un à l'autre : je les ié- parai avec précaution , 8c j'obfervai que le grain qui n'étoit pas habité , étoit pourtant percé à l'endroit où la toile le lioit à l'autre.- Cette obfervation m'apprit que notre Chenille des raifins ne fe contente pas d'un feul grain pour fa nourriture , comme celle qui vit dans rmtérieur des grains d'orge -, mais que fa ma- nière de vivre fe rapproche beaucoup de celle de la faîïjje teigne du bled , qui lie enfembie pluiieurs grains & les ronge fuccefTivement, Tome IL l J62 OBSERVATIONS Je ne dois pas oublier de faire remarquer ^j que parmi les grains de raifin que j'ouvris , y en trouvai pluficurs dont les pépins avoient été rongés par la petite Chenille qui les avoit habités. Amfi cette Eipece fait aux raifins tout le mai qu'elle peut leur faire. . Je ne trouve ni dans mon journal ni dans mes lettres à M. de Reaumur , la fuite de l'iiif- toire de notre petite Chenille des raifins. Mais je vois par un paragraphe d'une de ces lettres à l'illuftre Naturalifte , que je lui avois envoyé la Chenille en perfonne , pour qu'il pût la fuivre de l'on côté. îl m'apprit en réponfe 5 que M. Bazin l'avcit auili obfervée , & qu'il s'étoit aiTuré , ôomme moi , qu'elle en vouloit aux pé- pins. Mais il n'ajoutoit là-delTus aucun détail. Il me parloit à cette occafion d'une autre Che- nille 5 qui , me difoit-il , s^ prend de meilleure heure pour nous empêche}- de faire des récoltes de vin : elle a faàt cette amiée 1740 , ajoutoit-il , d'étran.^es ravages dans des vimobles d'une grande étendue. On dit , cpCelle commence par ronger les bourgeons de la vigne , ^ enfuite les raifins long-temps avant ipûiis faient a maturité. J'ai eu les Papillons de ces Chenilles & les Che- nilles elles-mêmes , mais en jnauvais état. Je, crains de ix' avoir que trop d'occafions d'en fuivre rhif* SUR LES INSECTES. 163 foire j cm' PEfpece s'efl p-odigieiifernent 7niiU tipiiée. M. de R'eaùmur ne revient plus dans fes lettres a me parler de ma Chenille des raiiiiiSo il y a bien de l'apparence qu'elle entre en terre pour s y métaniorphofer , comme tant d'autres Chenilles qui vivent daîis l'intérieur des fruits, OBSERVATION XIX. Hiftoire de la petite Chenille qui vit dans PiU" térieur de la îste du Chardon à bonnetier. JLjE Chardon a bonnetier eft ce grand Chardoii qui porte fiir une tige longue & droite une tète oblongue , hériilee de piquans , dont l'art fait faire un emploi utile pour la perfection de nos Draps. Cette tète eft creufe , & c'eft au centre de fa cavité que loge la petite Chenille dont j'écris l'hiftoire. Là'; elle vit dans la plus parfaite folitude & dans l'obfcurité la plus pro- fonde. Elle y eft mieux défendue par l'écorce dure & par les piquans du Chardon , que nous ne le fommes par les remparts dé nos forterenes. Une Chenille il bien cachée n'étoit pas f^icile à découvrir. M, de Villars , Médecin de b L 2, 16-4 OBSERVATIONS Rocheîîe , cil le premier qui l'ait découverte ; & c'eft à lui que M. de Reaumur eu dut la coniiGiiTaucc. 11 iui a donné place dans le Mé- moire fur les Chenilles qui vivent dans l'in- térieur des fruits , &c. (*) ; mais ce qu'il en dit ié réJuit à quelques lignes. Cette Chenille m'a fort occupé , Se m'a offert des faits qui m'ont paru affez intéreflans : peut-être le paroî- tront-ils à mon lecleur & l'engageront-ils à me pardonner la longueur des détails dans lefquels je vais entrer. Ce f?it en Février 1739 , que je commençai à minftruire un peu à fond de fhiifoire de notre petite Chenille. [PL 1J\ Fig. IIL] Je Pavois obfervée l'année précédente s rnais je ne lui avois pas donné toute l'attention qu'elle nié- litoit. Elle n'a que cinq à fix lignes de lon- gueur. Eile eft rafe , de couleur blanche ou blanchâtie , Se a feize jambes , dont les mem- braneufcs font à couroinies complettes de cro- chets. Examinée à la loupe , on découvre fur chaque anneau huit points rougeâtres diilribués avec ordre , & qui font de très-petits tuber- cules fort applatis & arrondis. La loupe fait voir encore qà Se là de petits poils blanchâtres Se médiocrement longs. La tète eft ciblée près 0 Mém. fui' /ff I?f T. II , Mém. XII , pag. 474- SUR LES INSECTES. î6<; des mâchoires & va en s'élargiiHint par le haut. Sa forme eil apphitie.' Sa couleur eft un marron qui a cîe l'éclat. Le premier aimeau auquel tieiit immédiatement la tète , eft recouvert d'une plaque écailleufe de même couleur. Cette cou-, kur eft encore celle des jambes écailleufes , les membraneufes font de même couleur que le corps. J'ajouterai , que toute la peau de cette Chemlle a une forte de luifant , & que la tète eft parfemée comme le corps de petits, poils blanchâtres. Ces poils font plus abondans- fur le derrière de flnfede. Ceux du refte du corps partent la plupart des tubercules. Je me fuis un. peu arrêté à décrire notre petite Chenille du Chardon , p^rce que la def- cription quen donne M. de Reaumur eft. incompletce' , & qu'il a été mal fervi par le. deilînatear (^). Il n'eft pas facile de diftinguer au. premier fvoup d'œil les Chardons qui font habités de ceux qui ne le font pas. On eft réduit pour Fordinaire à ouvrir au hafard les. tètes des Chardons qu^on vient à rencontrer. M.ais lorf- qu'on s'eft. beaucoup exercé dans, cette petite recherche , on parvient jufqu'à un certain pointa C) Ihid.. PI. XXXIX ,. Fig. 7- h 3 i^^ OBSERVATIONS difcerner à la (inip'le vue les Chardons qui font- îiabi'cés , & Ton ne s'y trompe pas fouvent. Dans Fendroit où la tige du Chardon s'im- plante dans la tète , eft une forte de fente ou de crevalie , qui annonce que cette tète eft ha- bitée par une Chenille. On ne voit pas. cette crevafle dans les Chardons qui ne font pas, habités. Mais je ne dirai pas que tous les Chardons qui logent une Chenille , montrent cette crevaifeo La première chofe qui s'offre aux regards de- rObfervateur , quand il ouvre une tète de? Chardon qui renferme une Chenille , eft un. amns plus ou moins confidérable d'excrémens noirâtres & de petits grains blanchâtres , liés, eJîfemble par des fils de foie. Cet amas occupe ordinairement uîie grande partie de la cavité de la tète. Cette cavité eft de figure ellypfoïde. En y regardant de plus près , on reconnoit que les excrémens & les grains, recouvrent une forte de. fourreau [PL IV , Fig. IV , ff-] aifez alongé , fait d'une foie fine &. blanche , & couché fuivant la longueur de la cavité. Les parois de cette cavité font formées, par une écorce mince g mais, aifez dure. Dans cette écorce 3. tantôt vers, un des bouts du fourreau, tantôt vers le milieu, de fa longueur, fe voit SUR LES INSECTES. 167 nn petit trou rond , t , d'environ trois-qnarts de ligne de diamctre , qui traverfe répaiileur de récorce. On s'en afllire facilement en in^ troduiilint dans le trou la pointe d'une épingle ; &. fi on la pouile plus avant , on la verra pa- roitre à Textérieur de la tète , entre les piquans, La poiition du petit trou rond n'a rien de bien confiant, comme je viens de l'infinuer. Elle eft en général déterminée par celle du fourreau , à un des bouts duquel le trou eft le plus fou- vent percé. Il arrive quelquefois qu'on ouvre des tètes de Chardon dans lefquelles le trou ne traverfe pas Tepaitreur de l'écorce : il n'y pénè- tre qu'cà une petite profondeur , ou plutôt , il n'eft .que tracé fur la furface de l'écorce. On recon- 310ÎC qu'il n'eft qu? commencé , & que l'ouvrage refte à finir. D'autres fois , mais ce cas n'eft pas fort commun , on obferve plufieurs trous percés dans les parois de la même cavité. Tous ne font pas achevés. Il en eft qui ne font qu'à demi percés. Un. ou deux feulement le font en entier. Enfin , & ce qu'il importe beaucoup de remarquer 5 on ne voit de ces trous ronds' que dans les tètss de Chardons habitées par une Chenille qui n'eft pas éloignée du terme 4e foii parfait accroiffement. Je fus fort intrigué pendant long-temps à L4. ï<^3 OBSERVATION S à chercher ce que je devois penfcr de cette- petite ouverture. Elle étoit Ci bien terminée , û exactement circulaire, que je jugeois alFcz- qu'elle n'étoit pas là fans deiîein. J'imaginai- d'abord qu'elle fervoit de porte à la Ghenille- pour fortir . au befoin de l'intérieur de la tète du Chardon. Mais une petite expérience que je fis prefque fur le champ , me perfuada que ma Gonjedure n'étoit point fondée. Avec la pointe d'un piquant je touchai légèrement , à plufieurs reprifes , une Chenille logée dans fbn fourreau : je voulois favoir ,. fî elle enfileroit- la petite' porte pour s'échapper î-elle ne parut, point du tout difpofee à profiter de roG\^rture. Je continuai a la harceler jufques à ce que je FeuiTe forcée à v introduire Cii partie antérieure, 8c je -reconnus alors que l'ouverture étoit trop petite pour lui permettre de s'échapper : elle ne put y introduire que fa tète & fes premiers anneaux. J'eus donc une preuve direde, que îa petite porte dont je cherchois l'ufage , n'é- toit point pour la Chenille une porte de fortie. D'ailleurs , j'avois très-bien remarqué , qne tan- dis que je harce-ois la Chenille , elle n'avoit jamais paru chercher cette iiîue pour fe foiif- tr.ine à mes pourfuites. Une autre coniidéra- tion me prou voit encore la fauHèté de ma conjedure y c'eft que comm.e je l'ai dit ei-delîus , SUR LES INSECTES, 169 cni ne trouve point la petite porte dans la tète des Chardons habités par de jeunes Chenilles : il pourtant elle c-toic une liiue (ecrete que la Chenille dût fe ménager pour s'échapper au bcibin-, elle lui aufoit été néceiîaire à tout âge. J'abandonnai donc entièrement ma con- jecture & lui eu fubftituai une autre que je jugeai être la vraie. Je penfai que la petite porte ronde étoit ménagée de loin par la prudente Cheniiic pour le fervice du Papillon. Je {avois qu'elle fe métamorphofe dans fon fourreau , & que le Papillon eft abiblurnent dépourvu d'or- ganes propres à lui frayer une iilue au travers de récorce dure du Chardon. Je comparai le procédé induftrieux de notre Chenille à celui de cette petite Chenille des grains d'orge dont M. de Reaumur n.ous a donné l'intéreirante hiftoire (^). Cette Chenille vit de la fubftance larineufe que renferme le grain. Un feul grain lui fuRit pendant tout le cours de fa vie , 8c c'ell dans l'intérieur même de ce grain qu'elle change de iorme. Quelque temps avant la métamorphofe , elle coupe avec fes dents dans répaiifeur de l'écorce une pièce exacT:cment cir~ cul'iiire , qu'elle a la précaution de laiiiér en place. C'eft une porte qu'elle ménage au Pa> i") T. il, ra^', 4S(î & iuivantes ,. Pi. XXXiX , Fig. 9 , 10. 570 OBSERVATIONS pillon , 8c qu'il n'aura qu'à pouiTer avec la tète pour fe mettre en liberté. Je jugeiii donc que le procédé de notre Chenille du Chardon reiîembloit à celui de la Chenille de FOrge , & quHl avoit préciféraeiit la même fin. Et en effet y récorce du Chardon , beaucoup plus dure encore que celle de l'Orge , n'exigeoit pas moins que la Clienille fut chargée de la percer pour aiiurer une fortie au papillon. Mais en préparant ainfi une porte au Pa-- pillon & en la laiifant ouverte , la Chenille ne facilite-t-elle pas l'entrée de fa cellule à quantité d'Iiifedes malfaifans , qui en veulent à fa vie ou à celle de la Chryfalidc plus incapable en- core de leur oppofer aucune réfiftance. La Che- niile recourroit - elle donc à quelque moyen fecret pour obvier à ce fâcheux inconvénient , & ce moyen auroit-il quelqu'analogie avec celui que la Chenille de l'Orge fait mettre en œuvre? Les Lfifedes m'avoient fort accoutumé à pré- lumcr beaucoup de leur prévoyance , & je ne doutai pas que je ne découvrilfe quelque chofe qui feroit honneur à celle de notre Chenille. Il eft vrai , que les piquans dont la tète du Chardon eft hérilTée , font en fi grand nombre , & fi ferrés les uns près des autres , qu'il me fem- bia d'abord qu'ils pou voient fuifire à hiterdire SUR LES INSECTES, 171 Fientrée de la porte aux Infecfles rôdeurs. Je ne laiBai pas néanmoins de préfumer , que la Cheiiilic ne fe repofoit pas entièrement fui* cette forte de défenie dont la Nature feule avoit fait tous les fraix : je me perfuadai , que rinfede y ajoutoit encore quelque petit ou^ Yiage de fi façon , qui rendoit les approches, plus difficiles , fur-tout à certains Infedes car- naciers , affez petits pour fe gliiîer facilement entre les piquans. Je cherchai donc aufli-tôt à vérifier ma conjecture j & dans cette vue ,. j'examinai avec la plus grande aitention le dedans & le dehors de la porte. Je ne tardai; pas à découvrir au dehors de petits corps [PL IV, Fig. V. c c] longuets, durs & can- nelés , plantés tout autour des, bords de fou-. verture , & qui la bouchoient exaclement. J'ob- fervai enfuite le dedans de l'ouverture ^ & je remarquai qu'il étoit tapilfé de foie , & que les fils de la tapiiferie tcndoient à retenir en place les corps cannelés. Je remarquai encore , que la tapiîferie n'étoit qu'un prolongement de celle qui revètoit l'intérieur du fourreau. Ce prolongement me parut donc avoir un double uvâge 5 celui de maintenir en place les corps cannelés , en les aifujettiifant les uns aux autres & autour de Pouverture 5 & celui de diriger le Papillon, dans, fa route , & le cou- 172 OBSERVATIONS duire ainiî plus fûrement vers la porte pré- parée pour fa fortie. Mais les corps, cannelés fermoient ii exacte- ment îa porte de l'habitation , qu'il me reftoit à favoir , s'il étoit bien facile au Papillon de fe faire jour au travers. Une expérience fort fim-« pie pouvoit m'en inftruire. Une épingle que j'introduiiis de dedans en dehors entre les corps cannelés , me prouva qu'ils s'écartoient ailëz facilement- les uns des autres pour n'op- pofer que la plus petite réfiftance à la fortie du Papillon. Il en étoit donc de nos petits corps cannelés comme de ces gros fiis de foie difpofés en nalfe de Poilfon , que la grande Chenille û tubercules du Poirier place à l'ou- verture de fa Coque (*) , & qui ont précifé- ment la même fin., On préfume bien que je fus curieux de découvrir ce qu'étoient ces corps cannelés pofés fi artiftement à l'ouverture de la cellule , & deftinés manifeftement à en défendre l'entrée. Il ne me fut pas difficile à'y parvenir , & je reconnus bientôt qu'ils n'étoicnt autre chofe que les graines même du chardon. On fait qu'elles font diiféminées partout entre les pi-. C; lllcm, fur Je: înf. T. ! , Pi. XLVliï , Fig. ^,6, 7" SUR LES INSECTES. 173 quans ; mais il vient un temps où elles fe dé- tachent d'elles-mêmes de Técorce : & notre Chenille ienible fe conduire comme il elle le iavoit puifqu'elle prend la précaution de les aifujettir autour de fa porte avec des liens de foie. Je n'avois encore obferve cette porte & fes défenfes que par dedans , & en ouvrant la tète du Chardon fuivant fa longueur. Je voulus Pobferver par dehors, & fans faire aucune ou- verture à la tète du Chardon. La chofe n'étoit pas Cl facile. Pour y parvenir , il ne fulïifoit pas de couper les piquans avec des cifeaux , le plus près de leur origine ou de leur bafe qu'il feroic pofîible : j'aurois couru le rifque de couper en même temps les corps cannelés , ou au moins de déranger beaucoup leur portions & il im- portoit de les ménager. J'avois même déjà tenté ce moyen , & il m'avoit très-mal réuiîî. En coupant ainfi les piquans avec des cifeaux, j'avois eu occafion de remarquer qu'ils étoient plus ferrés encore les uns près des autres vers leur bafe qu'à leur extrémité fupérieure : ils y étoient très-preiîes. Ainfi pour parvenir à ren- contrer l'endroit où la porte de la cellule ré- pondoit , j'étois obligé de fonder qà & là avec h pointe d'une épingle 5 car cette porte ne Î74 OBSERVATIONS s'annoncoit point par dehors. C'eût donc été un grand hafard fî je Tavois rencontrée. Forcé de chercher un autre expédient , je penJai à dépouiiier un Chardon de tous les piqiians , à les enlever délicatement les uns après les au- . très , fans Oitenler le moins du monde i'écorce dans laquelle i!s font implantés. Ce n'étoit pas une petite aifaire que de dépouiller ainii une tète de Chardon de tous fes piquans : la choie exigeoit de la patience & un temps allez iorig. De plus , je ne pou vois m'alFurer que le hafcd me ferviroit atièz bien , pour que je ne fuile pas obligé d'épiler bien des tètes avant que d'en rencontrer une qui fiit habitée , & dont l'habitante eût déjà conftruit fa porte. Mais ,- comme j'avois déjà ouvert un grand nombre de tètes de Chardons , & que j'avois remarqué que plus des trois quarts de ces tètes étoient habitées , je pris courage , & je ne défefpérai pas de fatisfaire ma curiofité. Je me mis donc à détacher un à un tous les piquans , en conw mençant à la bafe de la tète , ou à l'endroit par lequel elle tient à la tige. Il falloit y pro- céder bien déhcatement j car à mefure que j'avanqois vers l'extrémité fupérieure , je re- marquois que la confKlance de I'écorce dimi- iiuoit tellement , que pour peu que je préci- pitaiie l'opération , j'en enlevois ct'aiièz grands SUR LÈS INSECTES, 17? îamoeaux , qui mettoient à découvert l'intérieur de la cavité. Ce n'étoit pas là ce que je me propofois dans ma petite manipulation : je vou- lois avoir la tête du Chardon bien confervée & dépouillée en entier de fes piquans. J'y parvins enfin 5 & plufieurs des tètes que j'avois réuffi à mettre entièrement à nud , étoient ha- bitées par une Chenille qui avoit déjà prati- qué cette porte qui faifoit l'objet de ma re- cherche. Je dois ajouter que les Chardons que je dépouillois ainfi de leurs piquans , étoient parfaitement fecs j car ce n'eft pour l'ordinaire que dans de tels Chardons qu'on trouve des Chenilles qui ont pris tout leur accroillèment. Quand on eft parvenu à dépouiller la tète du Chardon [Fi. IV, Fig. F.] de tous fes pi- quans fans offenfer i'éccrce , on voit à l'œil nud , que cette écorce eft lui tiiTu en forme de natte , compofé de fibres longitudinales , entre lefqueiîes fe voient des rangées de petits enfon- cemens deftinés à recevoir l'extrémité inférieure ou la bafe des piquans. Près de l'endroit où la tige communique avec la tète , on ne didingue point auffi bien les fibres longitudinales de l'é- corce : là , fon tiifu eft plus ferré i auffi ert-il plus facile de détacher les piquans de cet en- droit de l'écorce fans la déchirer. La tète du Î7^ OBSERVATIONS Chardon mife entièrement à niid par ce pro- cédé , reifemble beaucoup à un fufeau : elie lui rcfîemblel'oit parfaitement fi elle n'étoit pas plus large à fa bafe qu'à fon extrémité, A mefure que j'épilois , fi je puis parler ainu, une tète de Chardon , je rencon trois de temps en temps un ou deux de nos petits corps can- nelés, lis étoient épars qà & là , & tenoient (î peu à récorce , que je les voyois fe détacher d'eux-mêmes dès que j'enlevois les piquans qui les envu'onnoient. Il n'en alloit pas de même de ceux qui étoient implantes au-deflus de la petite porte: [Fig. V^ c c] ils y étoient Ci bien arrê- tés , que quoique je détachafle tous les piquans qui les entouroient , ils n'abandon noient point leur place. J'obfervai encore , qu'ils étoient raf- femblés en alîez grand nombre autour de l'ou- verture de la porte , adoiles les uns aux autres , & pofés perpendiculairement au-dellus de l'ou- verture. Parmi quatre tètes de Chardons que je dé- pouillai de leurs piquans , & dont deuxétoient habitées , il y en eut une qui m'offrit à fon extérieur deux de ces amas de corps cannelés ou de graines , aifujettis par des fils de foie , & qui défendent toujours l'entrée de la petite porte SUR LES INSECTES. 177 :porte dont j'ai parlé. Un de ces amas étoit plus petit que Pautre. J'ai déjà remarqué que la Chenilie pratique quelquefois pluficurs portes : le Chardon dont il s'agit en avoit donc deux, ■tk toutes deux étoient défendues ou barrica- 'dées par un amas de nos corps cannelés. J' A VOIS donc eu le plaiilr de fatisfaire ma curiofité fur le procédé induPrrieux de notre Chenille du Chardon s & j'avoue qu'il m'avoit d'autant plus intérelTé , que je n'avois point été préparé à le voir par ce que M. de Reaumu?^ avoit rapporté de cette Chenille. Je ne voudrois p is néanmoins iaiilér penfer que Pindulhieufe Chenille raiFemble à delTein , autour de fa porte , îis graines de Chardon qui en ferment fi bien feutrée : mais en tapiifant de foie le dedans & le dehors de la porte, elle retient par cela même •en place les graines qui répondent à l'ouverture» Cependant , malgré les piquans Ci nom« Ibreux , fi roides , Ci aigus , Ci ferrés les uns près des autres dont la tète du Chardon eft arm.ée , ë: malgré Fefpece de barricade placée au-devant de la porte de la cellule , il ell des Infecles earnaciers qui favent pénétrer jufqucs dans fon intérieur. J'en ai eu des preuves qui ne font pas équivoques , & que je dois rapporter. Diiis Touis IL 11 178 OBSERVATIONS quelques Chardons que j'avois ouverts, fuivanS leur longueur , je trouvai u;ie Mouche Ichmiu moue 5 longue d'environ quatre lignes , de cou- leur brune , dont les jambes étoient rougeâtrcs , les antennes à filets grenés , & dont le corps, termine par une longue queue à trois filets , étoit joint au corceîet par un fil délié. Dans la tète d'un autre Chardon , qui n'avoit point encore été percé par la Chenille , & où fe trou- voit une Ichneumone fembîable à la précé- dente , j'obfervai une efpece de fourreau de foie ,. différent de celui que file la Chenille , & qui avoit plutôt l'air d'une Coque très-aîongée que d'un véritable fourreau. Le tiifu de ce fourreau ou de cette Coque étoit ferré , & fort fembîable à celui qui tapiife l'intérieur des cel- lules des Mouches maçonnes. Son extérieur étoit légèrement recouvert d'excrémens. Une autre fois , en ouvrant le fourreau filé par la Chenille, ie trouvai au centre un autre fourreau moins long , d'une foie blanche , mais d'un tiifu beau- coup plus ferré que celui de la Chenille. Il renfermoit apparemment un Ver ou une Nym- phe d'îchneumone j mais ayant blellé l'Infccts en ouvrant le fourreau qui le renfermoit , je lie pus i'obferver diftin dément. Enfin, dans un autre Chardon je rencontrai encore une efpeca de Coque , d'euviroii deux Hgnes de longueur . SUR LES INSECTES. 179 8c qui étoit de même logée au centre du four- reau, filée par la Chenille. A l'extrémité de ceiui^ ci , vers la bafe de la tète du Chardon , j'apper^ eus un petit corps de couleur brune , que je reconnus à la loupe pour être la tète de la Chenille. Ce iut la feule partie de cette der-. niere que Je parvins à retrouver. Mais quel eft à-peu-près. le teniDS où les Ichneumones ou leurs Vers parvieniieiit à s'in- troduire dans la cavité de la tète du Chardon ? Je n'ai là-deiriis aucune Obfervation direcle. Je conjecture feulement que ce temps eit celui où le Chardon végète encore. Ce feroit donc vers la fin de l'Eté ou au commencement de l'Au- tomne , que richneumone pondroit dans la tête du Chardon ou fur fa furface : car il feroit poifible que ce ne fut pas la Mouche qui s'iu- troduiiit dans le Chardon , & que ce fut le petit Ver éclos de fon ceiiF , qui parvint à Te gUifer dans la cavité. Cette fuppoiitioia me paroît même plus probable que la première. C'est auiïi pendant que le Chardon végète encore , que la jeune Chenille fe loge dans fa cavité. Il ne lui cil pas difficile alors d'y péné- trer : elle n'a à percer qu'une écorce molle a^iv; qui u'oppofe que peu de réiillance. Elle trou ve «go OBSERVATIONS dans la fubftimce médullaire de la plante une nourriture appropriée, & elle s'en nourrit en- core lors même qu'elle s'efl le plus dciréchcc. Je me luis afiiu-c par une Obfervation dirccflc de la vérité de ce que je viens de dire du temps où les Chardons commencent à être habités par notre Chenille. Le 28 de Juillet , j'en trouvai une très -jeune dans une tète de Chardon qui ctoit en fleur. Dans une autre tète , pareille- ïnent en Heur, je reuGontrai une Chryfalide. M. de ReA-UMUR, qui avoit tant approfondi rhiftoire des Infedes qui vivent dans l'intérieur des fruits , & qui nous a donné fur ce fujet un Mémoire très - curieux , a beaucoup infifté fur un fait qui lui a paru fort Inigulier : c'eft qu'on ne trouve jamais , ou prefque jamais , dans le même fi'uit qu'un feul Ver ou une feule Chenille , quoiqu'il y ait des fruits qui en pourroient nourrir à la fois un alfez bon nom- bre, " Les mères Papillons, demande à ce fujet 55 notre célèbre Obfervateur (*) , portent-elles 33 l'attention jufqu'à ne laiifer qu'un feul œuf 55 fur chaque pomme ? Veulent-elles donner un 55 fruit tout entier à chacun de leurs petits? 55 Craignent- elles que deux jeunes Chenilles 55 qui auroient à fe partager une pomme 3 ne i 0 ullém, fur les Lif, Tome II , pag. 485. SUR LES INSECTES. i8i 35 le fiiTent pas en bonnes fœurs : qu'elles ne 35 fc fiirent la guerre , ou au moins qu-elles ne 55 s'incommodïiiient mutueliemeiit ? Ce n'eft pas ^5 même aifez de l'attention de la mère , dont nous 55 venons de parler ^ il faut encore celle des 35 autres mères Papillons de la même Efpece. 35 Pourquoi une autre femelle ne feroit-elîe pas 35 invitée par la pomme bien conditionnée, fur 35 laquelle la première a laiifé un o^uf , à y venir 35 placer un des fiens ? Le Papillon commence- 35 t-il par examiner s'il n'y a pas déjà un œuf 33 fur cette pomme ? Tout cela a pourtant Pair 35 très-vraifsmblable , & je fuis bien diipofé à 55 le croire vrai , par rapport à quelques Infec- 55 tes , mais il ne l'eft pas par rapport à tous. ,, Notre Auteur cite à cette occafion la petite Chenille des grains d'orge , dont j'ai dit un mot ci-dclfus i & il remarque que le Papillon laiifc fur un feul grain d'orge un paquet de vingt à trente œufs -, & puis qu'on ne trouve dans chaque grain qu'une feule Chenille , il faut que celle qui a pris' polTeiuon d'un grain fâche en défendre l'entrée aux autres. M. de Reaumur ajoute à ce fujet : " Qj.i'il y a grande appa- 55 rence que dans certaines circonfranccs il y a 'A <^cs guerres, 8c des guerres très-meurtriercs, 55 pour s'aiiurer la paiiible poirefllofi d'un giain M 3 18:^ OBSERVATIONS ,5 d'orge , plus important pour chacune de nos 55 Chenilles, que ne le font pour nous les- plus 33 riches héritages; & je puis avoir fait naître 3, beaucoup de pareilles guerres Peut-être 33 y auroit-il moyen de voir de tels combats , 33 quelque petits que foient les Inledes qui (e 3, les livrent ; mais j'ai négligé de faire les 33 Obfervations qui auroient pu m'apprendre Ci 33 une Chenille qui s'eil: rendue maitreiïe du 33 grain , peut s'y maintenir , ou fî une autre 33 Chenille ne pénètre pas dans fon habitation, 3, ou ne vient pas à bout de l'y égorger. ,3 Notre petite Chenille du Chardon eft bien du nombre de celles- qui vivent d.nis la plus parfaite folitude Parmi une quantité confidéra- ble de têtes de Chardons que j'ouvris en ditie- rentes années , depuis 1738 jafqu'en Mai 1742, je n'en trouvai pas une feule qui renfermât phîs d'une Chenille, Comme mes Obfervations fur ce fujet ne fe démentoient point , il me vint en penfée de tenter diverles expérieneesi qui, en m'iiii-iruifant plus à Çond du naturel de îîotre Chenille , pulfeiit répandre quelque jour fur la partie la plus intéreifante de. l'hiftoire des înfedes qui vivent dans l'intérieur des fruits. Je ibuhî^itois de fiippiéer amfi à ce qui n-iauquoit aux cuneufes Obiervations de M. de SUR LES INSECTES. 183 Reaumur j & ce qii'il avoit néglige de faire, Fut piécifémcnt ce que je me proporai d'exé- cuter. J'ai encore à demander grâce pour les nouveaux détails dans lelquels je vais entrer. Après avoir tracaiTé afTez long- temps unj Chenille du Chardon, & l'avoir Forcée pluGeuis fois à fortir de^fon fourreau, '& à y rentrer alternativement, je la fis tomber fur^me feuille de papier blanc. Elle y demeura quelque temps immobije, portant feulement fa tête de côté & d'autre comme pour chercher Ion fourreau. Ses niouvemens étoient fort lents : on auroit dit qu'elle fe trouvoit mal. Je la touchai légère- ment près de la tète avec la pointe d'un ]3i- quant, elle recula aulïl-tôt avec une grande Vitcife , & ce qui me parut digne de remarque , c'eft que ce fut en ligne droite , & précifément comme elle l'atiroit fait (i elle eût été encore dans fon fourreau. J'obfervai même que la ligne qu'elle traça en reculant étoit à-peu-pres égale à la longueur du fourreau. Je répétai l'ex- périence, & le réfu'tât en fut toujours le même. L'eipace que la Chenille parcourut chaque fois à reculons , me parut toujours à-peu-pres égal à la longueur de k cellule. Je la laiiïài enfin à e;le-mème, mais Cms la perdre de vue. Elle demeura à la même place , îk porta la tète à M 4 •iS4 OBSERVATIONS droit & à gauche , mais avec plus de lenteiar encore que la première fois. Qiiand'elle eut demeuré quelque temps dans cQtte forte d'ui- adion , je m'avifai de placer auprès d'elle la tète du Chardon que je Pavois forcée d'aban- donner. Je Pavois ouverte fuivant fa longueur. Elle en reprit aulîi-tôt polfeffion , & il me fuc aifé de reconnoitre que je Pavois fervie comme elle le defiroit. Un moment avant que d'y ren- trer 5 elle paroilfoit fort languiifante & ne fe donnoit prefiju'aucun mouvement : mais dès qu'elle fut rentrée dans, fa cellule , elle fembla fc ranimer & prendre une nouvelle vie. Tous- fes mouvcmens étoient incomparablement plus vifs. Je la vis recuJer dans la cavité du Chardon avec une merveilieufe viteiîë , mais elle fe donna bien de garde d'outrepailer Pextrémité de la cavité : elle ne Peut pas fi-tôt atteinte du bout de fon derrière , qu'elle s'arrêta. Je la pi- quai alors près de la tète pour voir fi je la dé- terminerois à reculer d'avantage , & à fortir de la cavité : mais je fus bien fiirpris de la voir £iifir fortement avec les dents la pointe du piquant dont je me fervois : elle la faifit même fi fortement qu'elle y demeura fufpendue. Dans cette attitude, elle fe mit à pirouetter en Pair, & après quelques tours de pirouette , elle lâcha le piquant & retomba dans la cavité. Je réi- SUR LES INSECTES. igf tcrat rexpériencc , & le fuccès en fut le même. Cette expérience m'apprit donc ce que je- devois peiifer du naturel de notre Chenille j & elle me montroit aiTez qu'elle n'étoit point en-- durante. J'en inférai qu'elle ne feroit point d'humeur de partager Ton domicile avec une autre Chenille de fon El]3ece , & que , Ci je tentois de faire vivre enfemble deux ou plu- ficurs de ces Chenilles, j'occaiionnerois entr' elles, bien des combats. Je ne tardai pas à l'entre- prendre. Il convenoit encore de m'aiTurer , Ci je ne pourrois point parvenir par des moyens ap- propriés . à les forcer de travailler en commun dans la même habitation.. Pour cet effet, je commençai par renfermer trois de nos Chenilles avec quelque fragment de Chardon , dans une boite cylindrique de verre , d^environ un pouce de diamètre , fur à-peu-près autant de profondeur, à l'ouverture de laquelle étoit adaptée une loupe de dix à onze lignes de foyer , qui lui fervoit de couver- cle. Mes Chenilles tirèrent un grand nombre de fils de foie , qui ail oient d'une paroi à l'autre , & qui fe croifoient de mille & mille manières. De tous ces fils fe forma peu-à-peu une forte de toile ou une façon de tente , qui recouvroit ïS^ OBSERVATIONS les Chenilles. Au bout de quelques jours , je \\\\\ trouvai que deux qui ïihient vivantes: la troi- fienie étoit morte , & Ton verra bien. tôt qu'il i\'y avoit pas liou de peu fer que fa mort eut été naturelle. Son attitude étoit remarquable : elle avoit la tète élevée dans la toile : un fil fortoit de fa filière , & elle fembioit filer en- core. Son. corps s'étoit fort raccourci , & fd couleur tiroit fur le jaune. Mes deux autres Chenilles le tenoient conf- tamment à une certaine diftance Tune de l'autre. Les fragmens du Chardon , qui occupoient le milieu du logement, fembloient faire à leur égard rolnce d'un mur de féparation. Ils ne ks fcparoient pourtant pas entièrement : elles pouvoient quelquefois fe rencontrer 3 & lorfque cela arrivoit , je vojois une de ces Chenilles , ou toutes les deux enfemble , s'éloigner à recu- lons avec beaucoup de vitelfe. Il n'étoit pas même néceiïaire qu'elles parvinilent à fe tou- cher l'une l'autre pour fe fuir réciproquement. Je les voyois s'éloigner promptement , quoi- qu'elles fuifent encore à une diftance alîcz con^ lidérable l'une de l'autre. Les fils- tendus de tous côtés les avertiifoient fans doute de Leur approche , oc les plus légers ébranlcmens de ces fils les déterrainoient à s'éloigner. Elleç perilîl SUR LES INSECTES. i87 tcrwit donc à vivre féparées , Se à travuiileF chacune à part. J'ÉTOis très-attentif à obferver leurs moin- dres démarches. Un jour qu'une de mes Che- nilles étoit montée vers le haut de la boite où elle s'occupoit à tendre de nouveaux fils , il lui prit envie de defcendre vers le fond. Elle ne tarda pas à rencontrer l'autre Chenille , qui s'y étoit établie. Cette fois , ni l'une ni l'autre ne VGu'ut reculer , & à l'inftant commenqa un furieux comb;;t. Je ne {aurois mieux le rendre ,^ qu'en rappellant à l'efprit de mon Ledcur Pniiage de deux Chiens acharnés l'un contre l'autre. Elles fe mordoient a outrance , & je les voyois engager réciproquement leurs mâchoires l'une dans l'autre , & taire tous leurs eilorts pour fe porter quelque coup mortel. Elles n'y parvenoient pas n.éa mioliis : leur tète & leur premier anneau écoienc trop bien cuiraifés. Le combat dura quelque tem^rs avec !e même achar- nement. Elles làchereiit prif. e ihn ; mais elles refcerent en prélénce & à la mèine place. Toutes deux détournoient un peu la tête en fens oppofé , comme deux Coqs qui font aux pnfes , & qui ibiit prêts à recommencer le com- bat. Elles revinrent en eifet à la charge , & fe livrèrent pludcurs autres combats dont je fus 188 OBSERVATIONS Ipc dateur. Mais il rae parut , que la partie lî'ctoit pas tout-à-fait cgalc , & que la Chenille qui occupoit îe fond de la boite avoit ordiîiai- reinent l'avantage , quoiqu'elle ne fut pas fen- liblement plus grande que l'autre. Au bout de quelques femaincs , mes deux champiojines pé^ rirent : je ne faurois dire Ci ce fut des fuites de quelqu'autrc combat qu'elles fe fuifent livré à mon infu. Tout ce que je puis affirmer, c'eft qu'elles ne fe rencontroient jamais fans en Tenir aux prilcs , & toujours avec un nouvel achar- nement. Je faifois ces Obfervations dans le mois de Février. A-PEU-PRÈs dans le même temps (*) , je ren- fermai une de nos Chenilles dans une petite boite ronde , avec une portion de fon fourreau & quelques fragmens de Chardon. Elle s'étabht entre les parois de la boite & la portion de fourreau. Bientôt elle aiTujettit celle-ci aux pa- rois par des fils de foie qu'elle tira de l'une à l'autre. Elie parvint ainfi à fe faire une forte de cellule qu'elle laiiTa ouverte aux deux bouts. Mais apparemment que ce logement lui parut trop étroit : elle fe mit à l'agrandir en prolon- geant les deux bouts de la celîde. Elle fila donc aux deux extrémités une toile légère qui O Février Î759, SUR LES INSECTES. î89 nt3 ca choit l'Iiifccle qu'en partie. Je fis une ouverture à cette toile , par laquelle j'introduifis dans le logement une autre Chenille de même âge. J'eus de la peine à Pobliger à entrer dans ce logement. Il fembloit qu'elle prévit le fort qui l'y attendoit. Elle ne fut pas plutôt entrée, que la maitrelfe de la loge lui courut deiTus & la forqa à regagner la porte. Je la contraignis de rentrer en la piquant près du derrière. J'en- gageai aiufi un fécond combat entre les deux Chenilles. Il fut très-vif Tandis qu'elles étoient 2UX prifes à l'entrée de la loge , & que l'ha- bitante faifoit les plus grands eiforts pour s'en conferver la poifefFion , je piquai fi fortement l'étrangère que je la mis dans la ncceflité de franchir le palfage & de pénétrer jufques dans l'intérieur de l'habitation s ce qu'elle exécuta avec une promptitude qui indiquoit alTez com- bien elle defiroit d'efquiver les coups de dents de fon ennemie. Celle-ci fe retourna à l'inf- tant , bout par bout , pour courir de nouveau fur l'étrangère qui étoit déjà parvenue à l'autre extrémité de la loge , 8c qui cherchoit à s'y faire jour : mais ayant été obligé de m'abfen- ter 5 je ne pus continuer à fuivre nos cham- pionnes. Elles fe livrèrent fins doute un plus furieux combat y car je trouvai le lende- main une des combattantes morte k l'extrémité Î90 OBSERVATIONS de kl loge. Le genre de Hi mort ne paroilToit pas équivoque : elle avoit rejette par la bouche une liqueur qui avoit fali le fond de la boite , & qui prouvoit aflez qu'elle avoit péri de mort violente. Je ne pus m'aiTurer li c'étoit Tétran- gere : les deux Chenilles étoient (1 lemblables qu'il n'étoit pas poffible de ks diftiiiguer fiire- ment: mais il y a bien de Tapparence que Fha- bitante avoit égorgé Fétrangere : ce qui s'étoit pafîé fous mes yeux dans les divers combats qu'elles s'étoient livrés & où l'étrangère avoit eu conftamment le dellbus, l'indique aiïez. Je voulus obliger la Chenille qui étoit de- meurée en poilelîîon de la cellule à fe montrer au dehors : je la contraignis donc de fortu' ; & je remarquai , que lorfqu'elle fe fut avancée près de Fendroit ou l'autre Chenille avoit été niifs à mort , & qui avoit été lali par la Hqueur qui avoit été répandue , elle s'arrêta tout d'un coup & refufa de palier outre. J'eus beau la piquer fortement près du derrière : ce fut en vain. Je tentai enfiiite deux autres expériences , dont je jugeai que les réiultats feroient plus décififs encore. J'introduifis dans la tète d LUI Chardon que je favois être habitée par SUR LES INSECTES. 191 Xine de nos Chenilles , deux autres Chenilles de h même Efpece. Au bout de quelques jours , je trouvai deux de ces Chenilles mortes à une des extrémités de la cellule. Mais parée qu'elles étoient toutes de même taille , il ne me fut pas plus poflîble cette fois que l'autre , de m'aC furer Ci c'étoit Fhabitante qui étoit demeurée en poirefîion de la cellule. ASn donc de tâcher ûy parvenir , je fis une féconde expérience, J'avois une tête de Chardon habitée par une •jeune Chenille : j'introduifis dans cette tète une Chenille de même Efpece , mais plus âgée. Quel- ques jours s'étant écou'és , j'ouvris la tête du Chardon , & je vis la jeune Chenille privée de vie à l'extrémité de la cellule. L'habitante ne parvient donc pas toujours à égorger l'étran- gère s & il paroit bien probable que la cellule demeure le plus fouvent à celle qui a le plus de force ou de vigueur. Ceci n'eft pourtant pas conftant. J'ai vu une de nos Chenilles du Chardon , qui avoit fait un long jeûne , Se qui fembloit très - afioiblie , donner la chalTe à une autre beaucoup plus vigoureufe en apparence. Je l'obfervai même la faifir fî fortement avec fes dents , qu'elle ne pou voit ni avancer ni reculer. Je revis le môme fait dans une autre circonftance : cette fois l'habitante faifit au corps l'étrangère & lui fit une profonde bleifure , dont IS>^ 0 B s E R V ui T I 0 N S il fortit une liqueur limpide & prefquc {îiiis couleur. Je rapporterai encore une expérience bien propre à faire juger du naturel infociable ds notre Chenille du Chardon. Après avoir par- tagé en deux fuivant {^d longueur, une tète de Chardon habitée par une de nos Chenilles , j'introduifis dans le fourreau une autre Che- nille de même Efpece, mais beaucoup moins îîvancée en âge. Au bout d'une heure & demie , l'habitante du fourreau l'abandonna à ma grande furprife ; car je n'avois point du tout préfumé que l'étrangère la forceroit à déloger. Le lendemain j'obfcrvai , que la petite Che- nille qui s'étoit emparée du fourreau , avoit pris la précaution de le fermer de toutes parts , êc qu elle l'avoit fait comme fî elle y eût habité toute fa vie. J'ouvris le fourreau par un bout, & j'y fis rentrer la Chenille qui en avoit été délogée. L'opacité du fourreau ne me permet- toit pas de voir ce qui fe paiToit dans fon in- térieur : mais fans doute que l'étrangère livrois combat à la maitrefTe de la cellule > puifquo celle-ci rabandcnna de nouveau. Quelques heures après , je la furpris qui changeoit de peau. L'ancien crâne étoit déjà tombé & la dépouille ne tenoit plus qu'à la partie poflérieure de la Chenille. ■SUB. LES INSECTES. 193 Ghèiiilie. Je fijs attentif à la ibivre : je voizlois favoir fî la Chenille du Chardon eit du nom- bre de celles qui dévorent leur dépouille ('). Prefque toute la journée fe paila fans qu'elle pût parvenir à achever de fe dépouiller. Enfin , elle vint à bout de fe débarralier entièrement de fa vieille peau. Comme elle n'y touchoic point 5 j'elfayai de la lui mettre -fous la dent > mais cette tentative fut inutile. Je n'en con^ clurois pas néanmoins que cette Eipece ne mange pas fa dépouille : celle de ma Chenille pouvoit s'être trop delféchée. Je ne fus donc plus furpris que l'étrangère ■eût donné la chaife à la maitrellë de la loge : la circonifance de la mue privoit celle-ci de la • plus grande partie de fes forces. Luriqu^ je jugeai qu'elle avoit repris fa vigueur naturelle, je la fis rentrer dans la loge ^ mais elle en ref- fortit encore au bout d'une heure. Qiieiques jours après je l'y introduifis pour la trojiîeme fois. Les fuites de cette nouvelle tent^itive fu- rent différentes : la victoire fut tres-balancée. Les deux combattantes fortirent en partie du fourreau i l'une par une des extrémités, l'autre par l'extrémité oppofée. Elles y rentrèrent & en fortirent alternativemsnt à pluQeurs repriiés. C^; Voy. ObC XVIL Tome IL N 194 OBSERVATIONS Enfin , la vicloire fc déclara pour ]a maîtrelfe du logis , & rétrangcTè fe vit contrainte de Fabandonner entièrement. Je l'y fis rentrer. Elle y demeura quelques jours pendant lefquels les deux Chenilles travaillèrent Tune à un bout du fourreau , Pautre au bout opporé. La paix fembloit avoir lucccdé à la guerre ; mais ce if étoit quame trêve j car l'habitante du fourreau l'abandonna de nouveau à l'étrangère. Toutes les expériences que je viens de rap- porter prouvent d'une manière bien démonf- trative , que la Chenille du Chardon ne fauroit foulîrir dans fa. cellule une autre Chenille de fon Efpece , & que lorfqu'une telle Chenille s y introduit ou qu'on l'y introduit , il eft en- tre les deux Chenilles une guerre prefque per- pétuelle (*). On ne peut guère douter après (*) Comme je voulois fiire exéciTter ks lîeffins relatifs à Thiftoire de notre Chenille du Chardon , j'ai fait ramalTer clans le Printemps de cette année 1777, un bon nombre de têtes de Chardons , ce qni m'a fourni pins d'une occafion de îevoir des combats fmguliers entre nos Chenilles , dont Tha- fcile DelBnatear a été témoin oculaire. Le 4 Avril , ayant ren- fermé dans la tête d'un Chardon habité par une de nos Che- nilles , trois autres Chenilles de fon Efpece 5 le 9 , trois de ces Chenilles ne vivoient plus. L'espéiiencc ayant été répétée encore le 12, ic fnccès en a été préciréiner.t le même. Je îi'avois introduit cette fois dnns le Chardon que deux Che- jgiliws : toutes étoicnt d'égale grandeur. Cinq à fix jours après il :SUR LES INSECTES. I9f •cela , qu'il n'en fût de même des Chenilles & des Vers qui vivent folitaires dans rintérietir de quantifee de fruits , û l'on tentoit fur ces Chenilles & (ur ces vers des expériences iern- l^lables à celles qiïe j'ai tentées fur la Chenille du Chardon. De pareilles expériences ne ieroient pas à négliger , & pourroient offrir des réful- tats intéreffans qu'on ne prévoit pas , & qui différeroient plus ou moins de ceux que mes expériences m'ont donnés. On peut facilement imaginer en ce genre des combinaifons aux- quelles je n'ai point fongé , & qui en placan.t les Infecles dont il s'agit dans des circoni-!:ance3 trés-éloignées de celles où la Nature les place, donneroient lieu à des réfultats rrès-noiiveaux. On ne fauroit trop vraier les expériences dn genre de celles-ci, puiiqu'elles lont fi propres à répandre du jour iur l'hiff^oire de nos pérîtes Iblitaites. Je ne m'étois pas encore alfez inftruit du travail de notre petite Chenille du Chardon : l'induflrie des Lifedes étoit toujours ce qui piquoit le plus ma -curiodté. Il me vint donc n'en reftoit ^ii'ime feule de vivante. J'ai dit que m-on Deffi- natcur avoit été témoin oculaire dos combats de nos petites CheiK-Iles ; je ponrrois ajouter auriculaire i car il entendoit ferès.biea le cHiiuctis de leurs mâthgires. N ^ ■ 19^ OBSERVATIONS dans PeTprit de tenter quelques cxpéncnccs re- latives à cet objet. Après avoir tiré de leur habitation bon nombre de Chenilles de cette Efpece , je les renfermai dans de petites boites , en obfervant de ne mettre dans chaque boîte qu'une feule Chenille , afin qu'elle ne fut point troublée pendant le travail. Je donnai aux unes des rognures de piquans ; aux autres , des fragniens plus ou moins confidérables de la tète du Chardon ; à d'autres des portions plus ou moins longues du fourreau qu'elles s'étoient condruit dans leur ancienne habitation : enfin j'en iaiilài d'autres dépourvues de tous matériaux. Le travail de m2s folitaires fe diverfifia en raifon des circonftances dilférentes où je les avois placées. En général , je remarquai , que les Chenilles qui avoient à leur difpofition une portion de fourreau , s'étoient mifcs à l'ouvrage plutôt que les autres , 8c qu'elles avoient bien puis travaillé en temps égal. On devine bien que celles que j'avois privées de matériaux ., avoient été les moins diligentes & les moins iaborieufes. Parmi ces dernières , il ny en eut qu'une feule qui parvint à fe faire un alfez^bon fourreau de pure foie. Les autres fe bornèrent à tirer des fils de côté & d'autre , qui n'oifroient rien qui eut le moins du monde l'air d'un four- \ SUR LES INSECTES. 197 reau. Plufieurs périrent : mais ce qui me parut allez remarquable , c'eft qu'il y en eut qui vé^ curent julqu'à la fin d'Avril, quoiqu'elles eulTent été privées de toute nourriture depuis le mois de Février. Lear taille avoit fort diminué , & pourtant elles ne lailfoient pas de filer fans celle comme les autres , & ne fembioient pas s'en porter moins bien. Entre les Chenilles que j'avois renfermées dans mes boites , il y en avoit une à qui j'a-. vois livré en entier le fourreau qu'elle s'écoit conflruit dans la tète du Chardon dont je Pavois tirée. Ce fourreau avoit plus d'un pouce de lon-r gueur. Je Pavois placé précifément dans le milieu de la boite j enforte quii étoit partout à égale diftance des parois. J'étois. fort curieux de voir comment la Chenille s'y prendroit pour tirer parti de ce fourreau. Il ne me lembioit pas qu'elle pût jamais réuiîir à y rentrer. Comme il n'a voit pas de confiftance, il s'étoïc aiiaiiié fur lui-même , & n'avoit pu conferver ia forme de tuyau 3 & parce qu'il n'écoit point retenu fur le fond de la boîte , il n'étoit guère polîible que la Chenille pût parvenir à introduire fa partie antérieure dans une des ouvertures placée aux extrémités. Ce ne fut point non plus ce que ia Chenille entreprit : Elic ic con- N 3 Ï93 0 E S E R V A T I 0 .V ^• tenta des dehors du fourreau fur lefquels dla: s'établit. Elie les revêtit en entier d'une tapif- ferie de foie. Elle fit plus y elle fila des deux càtQFy du fourreau une toile qui raiTujettiiroit aux parois de la boite. Les fils de cette toile ii'étoient pas. tous dans le même plan y mais tO'US étoient à-peu-pres perpendiculaires à la: longueur 'du fourre^iu. Cétoit fur cette toile: que iG Chenille fe tenoit ordinairement. Elle- employa tout le mois d'Avril à la tendre. Sur la fin de ce moiS: , tandis que je Tobfervois avec beaucoup d'attention , je remarqu^^j qu'elle- retiroit là tète entre, fes premières jambes , & qu'en même temps elle i'appuyoit fortement: fiir la toile. ,f^ cru^ pénétrer fon delfein : je- foiipqonnai qu'elle vouloit exécuter fur cette toile ce qu'elle auroit exécuté fur l'écorce du Chardon > je veux dire , y pratiquer un de ces: trous ronds dont j'ai beaucoup parle. Je ne me trompois. poinc> & c'étoit en eiiet à quoi elle étoit occupée. Elle n'eut pas grand'peinc ^ comme ou le juge bien ^ à percer un tiiïu auiE foible. Elle n'y eut pas. fitôt appliqué- la dent ^ qu'il s'y fit une ouverture bien plus grande que la Chenille ne s'étoit fans doute propolée de Ja faire. Le tiifu avoit une certaine teniion , & le rejSbrt des. fils tendoit neiturelîement à agrandir fouverture. Mais fait que la Chenille SUR LES INSECTES: 199 trouvât trop de facilité à percer le tiiTii , -foit qu'elle fut déterminée par que' qu'autre caufe à interrompre fon epératiou, je la vis abandonner le dciliis de la toile , defcendre fur le fond de la boite & aller filer ailleurs. Après qu'elle eut ainfi abandonné la toile , j'apperqus une cliofe qui m'avoit dabord échappé : je vis que la Che- nille avoit fait dans le tiilu beaucoup d^^utres ouvertures , les unes plus grandes , les autres plus petites." Elle ne s'étoic pas même bornée à cribler de trous le tlifu de la toile ; elle en avoit ufé de même à Pégard du fourreau. Elle y avoit aulii pratiqué une multitude de trous d'inégale grandeur. Je ferai néanmoins obfer- ver , qu'elle avoit épargné toute la partie de la toiiC qui ne touchoit pas au fourreau. On ne peut guère douter que ces trous n'eulfent quel- que rapport avec ceux que la Chenille pratique dans récorce du Chardon i & cette obfcrvatioii me donne lieu de préfumer , que fi l'on répé- toit mes expériences , on verroit la Chenille attaquer le fond même de la boite ou fes parois , & entreprendre de les percer. Elle y réuiru-oit probablement , fi la boite étoit d'un bois tendre 8c très-mince. Quoique je me fu/Te bien aiTuré , que la CIiGuilie du Chardon ne feiiroit vivre en ii^ciété, N 4. 200 0 B s E R V A T l 0 N S je ne lailîai pas en Mars 1739, de renfermer fcpt à huit Chenilles de cette Efpece dans une .même hoite , dont Ja capacité étoit telle qu'elles pouvoient y être toutes très-à Paife. Je ne leur livrai que des rognures de piquans. Elles filè- rent beaucoup ^ mais les fJs qu'elles tendirent de tous côtés ne préfentoient rien de régulier. Il n'y en eut qu'une feule qui réulfit à fe conf- truire un fourreau de pure foie. Toutes péri- îcnt au bout d'un temps, plus ou moins long. C'est dans la cavité même de la tète du Chardon que notre Chenille fe transforme en Ciiryfalide. J'ai eu des preuves qu'avant cette mcciimorphofe , la Chenille change au moins deux fois de peau. Elle ne file pas toujours une Coque ou une enveloppe particulière, pour y fubir plus en fureré fa transformation. Il m'eft' arrivé d'ouvrir un Chardon dans lequel une Chryialide de notre Chenille étoit renfermée ,. &; cette Chryfalîdc étoit eiitiéiemcnt à dé- couvert. Elle repofoît fur un lit de moelle , ëc i'â partie pofténeure étoit fmiplement arrêtée par quelques fils de foie tendus transverfaie- me.it. La tète de la Chryfalide regardoit vers le petit trou rond percé dans l'écorce de la cavité. Le fourreau n'étoit recouvert que de q.uciquGS grains d'excrémens. La couleur de la SUR LES INSECTES, 20î ChryPalide [PL IV, Fi^. VL] étoit un rouge aiTez vif: elle paroiiToit s'être dépouiliée récem-. ment de h peau de Chemlie. Quand ou ia touchoit , elle agitoit fa partie poftérieure avec allez de viteiîe. Je Fexaminai à la loupe : elle; étOit conique ; & je crus reconnoitre que le Papillon portoit des antennes à filets coniques , & qu'il était dépourvu de trompe. Je me rap- pelle d'avoir eu ce Papillon : il étoit allez joli: mais je iren retrouve point la delçription dans mon Journal. Le fourreau de pure foie que notre Che» » nille fe conftruit dans la tète du Chardon, P' ii'eft pas toujours recouvert (irnplement d'une couche plus ou moins épaiile d'excrémens : il ell: quelquefois recouvert plus proprement & mieux défendu. Il l'eft par une forte de fur- tout fait entièrement de la moelle du Chardon. Dans un femblable fourreau, je trouvai en Mai 1742 , une Chenille qui avoit pris à-peu-près tout ion accroiifcment. Vers le milieu de fa longueur , & dans fa partie inférieure , le four- reau étoit percé d'un trou qui répondoit di- redoment à celui que la ChenllFe avoit prati- que dans récorce du Chardon. Celui-ci étoit plus petit, & rentrée en étoit défendue, comme à l'ordiiiaire , par un amas de ces petits corps, .202 0 B S E R V A T I 0 N S cannelés , que j'ai dit être les graines même du Chardon. Mais ici j'obfervai une particula- rité que je n'avois pas encore vue : plufleur^ des corps cannelés étoienE rongés eu partie prés de leur bafe. Dans un autre fourreau , recouvert pareille-- ment de moelle , & percé comme le précédent d'un trou qui communiquoit avec celui de Té- corce , je ne rencontrai point de Chenille , quoique la doublure de foie parût avoir été filée récemment. En examinant l'extérieur du fourreau , je découvris une tête de Chenille. Si un grain d'orge fufFt à nourrir pendant toute fa vie la Chenille qui l'habite, la tète du Chardon à bonnetier , incomparablement plus grande , doit à plus forte raifon contenir aifeZ' de moelle pour entretenir toute fa vie la Che-. iiille qui sy renferme. Il eft même prouvé qu'elle le nourrit encore de la moelle contenue dans la tige. Je n'oferois pourtant alïiirer que notre Chenille ne forte jamais du Chardon dans lequel elle s'eft établie. J'ai ouvert des têtes de cette plante > dont Pécorce montroit le petit trou rond, & dont fliahitante , parvenue à- peu-près à fon pariait accroiifement , n'avoit pref(|ue point travaillé. On ne voyoit même SUR LES INSECTES, 20^ imcuii veftige de fourreau , & tout fembloit indiquer que ces tètes n'étoient habit&es que depuis peu. Je foupqonnerois volontiers , qu'il arrive quelquefois à la Chenille de palTer d'un Chardon dans un autre , à qu'elle s'y intro- duit par la tige comme par un canal. J'ai ren- contré un pied de Chardon qui portoit trois tètes: la tète du milieu étoit placée à l'extré- mité de la principale tige : les deux autres , à Textrémité de deux tiges fecondaires , qui par- toient de la tige principale , & ces deux tiges étoient percées ou vuidées dans toute leur lon- gueur. Je ne me rappelle pas qu'aucune de ces tètes fût aduellement habitée. Voila ce que j'avois à dire fur îa petite Chenille qui vit dans l'intérieur de la tète du Chardon à bonnetier. Je laiife fon hilbire bien imparfiite j car malgré l'étendue des détails dans lefquels '^e fuis entré , je me perfuade facile- ment que je ne l'ai que grofîîérement ébauchée. Mais quel eft l'înfecle dont le Naturaliiie le plus patient & le plus laborieux puiiTe fe flatter d'épuifer Phiftoire î Ce que nous connoilfons des produdions de la Nature , fe réduit tou- jours à un certain nombre de faits plus ou moins particuliers , & ce nombre peut accroître fans ceife , parce que les combinaifons, font diverfifiables à l'mdéfini. 204 OBSERVATIONS Au refie , notre Chenil ie n'ctl pas le feiil Infede qui vive dans la tète du Chardon â bonnetier^: elle efl; encore habitée quelquefois par un Infede de genre très-ditiéren: , que je n'ai pas fuivi , mais que je ferai connoitre. U n'eft pas plus grand qu'une mitte. Il eft extrê- mement agile. Sa couleur eft un rouge pâle. Sei tête eft groife proportionnellement au corps. Elle a de chaque côté un gros œil noir, du deffous duquel part une antenne à-peu-près conique , compofée d'une fuite de vertèbres , & garni de poils d'un bout à l'autre. La bafe eft formée de deux articulations en manière de boutons. Le devant de la tête imite un peu celui de la tece des Sauterelles ; il eft feulement moins alongé. Au corcelet tiennent fix jambes , garnies à leur extrémité de deux crochets. Le corcelet fournit encore des attaches à quatre efpeccs d'ailes longuettes & étroites , & qu'on diroit n'avoir pas encore pris tout leur accroif- fement. Elles reifemblent afîéz , mais très en petit , à celles de ces nymphes aquatiques qui ie transforment en Denioifelles de la plus grande efpece. Le corps eft alongé , & de forme coni- que, li eft compofé au moins de neuf anneaux. J'ai trouve pluileurs de ces Lifedes ralfemblés dans la même tète de Chardon. Probablement ils muitîpliejic beaucoup ; car à Fordinaire les. SUR LES INSECTES. 205 plus petits Infedes font ceux qui multiplient le plus. Sans doute que loiTque leur multiplication devient exceirive , elle force la Chenille à délo- ger & à aller chercher une autre retraite. ^^ — r-- — ^^::^ = ^g^ OBSERVAT! ON XX. Sur rms petite Chenille qui roule en cornet les feuilles du Frêne , ê^ qui fe conjlruit au centre du cornet une Coque , qiion fourroit nommer en grain d'Avoine. JLjE 18 de Juillet 1740, tandis que je cô-- toyois un bois , j'appercus des feuilles de Frêne , qui étoient roulées très-artilfement en manière de cornet. J'ouvris auflî-tôt quelques-uns de ces cornets , dans chacun defquels je trouvai une petite Coque de pure foie de couleur blan- che , dont la forme me parut remarquable. Elle étoit très-alongée, & fe terminoit en pointe aux deux extrémités. De petites cannelures très-- applaties , qui imitoient les côtes d'un Melon , régnoient fur toute la longueur de la Coque, & partageoient la furface en pluiieurs fegmens. Au premier coup-d'œil , cette Coque ne reircm- bloit pas mal à un grain d'Avoine ? & ce fut 20^ OBSERVATIONS cette forte de refTemblance qui me détermina à jui donner le nom de Coque en grain d'Avoine, M. de Reaumur avoit déjà fait connoitre une Coque de pure foie >, dont la forme lui avoit paru finguliere , & qu'il avoit comparée à celle d'un grain d'Orge (*). Cette Coque en grain d'orge étoit aulTI divifée par côtes j mais elle n'étoit point renfermée dans une feuille : la Chenille qui l'avoit conftruite l'avoit attachée contre une tige de Gramen. L'adroite fîleufe fê nourrit des feuilles de cette plante. Notre Coque en grain d'Avoine me parut bien plus finguliere que celle en grain d'orge. Elle me le parut fur-tout par la manière ingé- nieufe dont elle étoit fufpendue au miheu du cornet. Elle ne tou choit à aucune de fes^ parois : elle étoit , en quelque forte , fufpendue en l'air à l'aide d'un fil de foie aifez délié , qui tenoit par uwQ de fes extrémités au fommet du cornet, & par l'autre à Çà bafe. Ce fîl étoit donc comme l'axe du cornet , & la Coque occupoit à-peu> près le milieu de la longueur du El , dont elle fembloit n'être qu'un renflement. ^ Voila déjà une particularité bien remar» (*) Mém. fur les Inf, Tome I , Mém. VI , page 279 , PL XII,. Fis. 14. SUR LES IKSECTES. 207 pliable de la conftrudioii de notre Coque : mais ce n'écoit pas là tout ce que Piiidultrie de la Fileufe avoit à m'offrir. En Êxant mes regards fur la bafe du cornet , préciiement à Peiidroît où le fÀ de foie étoit attaché , j'obfervai un efpace exadenient circulaire , d'environ trois quarts de ligne de diamètre , tracé fur l'cpi- derme de la feuille & parfaitement bien terminé. Cétoit près du bord de cet efpace circulaire que le ti étoit attaché. Il ne me fut pas difficile de deviner ce qu'étoit ce petit cercle H b^eii décrit; car il l'étoit auffi régulièrement que s'il Favoit été avec un compas. Je me rappellai fur- ie-champ la petite porte ronde que pratique la Chenille de l'orge & celle du Chardon à bon- netier , dont j'ai parlé dans FObfervation pré- cédente , & qui eft ménagée de loin pour aifu- rer la ibrtie du Papillon. Je ne pouvois m'y mé- prendre : l'analogie entre les procédés étoit trop parfaite. Je jugeai donc , que le petit efpace circulaire que j'avois fous les yeux , étoit la porte que la prévoyante Rouleufe avoit prépa- rée à Ion Papillon. Je reconnus qu'elle l'avoit taillée dans l'épaiffeur de la feuille , & qu'elle avoit eu foin de lailfer en place la pièce circu- laire 5 pour tenir la porte fermée , & interdire l'entrée du cornet aux Infecles mal-faifans. ^o8 OBSERVATIONS Mais le cornet dont il s'agit , eft un viifte appartement en comparaifon de la petite cavité 5 que rcnterme l'nitéricUL d'un grain d'orge ha- bité par une Chenille. Le Papillon de notre Rou- Jeufe s'égareroit facilement dans un fi grand appartement, & ne parviendroit jamais à trou- ver l'iiiue qui lui a été ménagée, fi rindultricure ouvrière ne lui mettoit en main un fil deftiné a le diriger vers la porte qui lui a été préparée, & qu'il n'a qu'à pouiler avec fa tète pour la faire tomber. On voit donc à pré lent , pour- quoi le fil qui tient la Coque fufpendue , eft attaché par fon extrémité inférieure près du bord de la petite porte. Dès que le Papillon cif éclos & qu'il a percé fa Coque , il n\i qu'à fuivre le fil pour parvenir à la poite du cornet, & s'y faire jom\ La Rouleufe , dont je viens de faire admi- rer rindull;rie , eft une petite Chenille rafe , de couleur verte , Se qui appartient à la claife des Chenilles à quatorze jambes , dont la première paire des membraneufes n'eft féparée de la der- nière paire des écailleufes , que par deux an- neaux. Ainfi, elle ne dément point ce que M. de Heaumur a dit des Chenilles de cette cl aile y qu'elles font la plupart remarquables par quel- que trait d'iuduftrie. C'est SUR LES INSECTES. 209 ■Cest de delfus en-deirous que notre petite Rouleuie cGJitotime les feuilies du Frèîie , & qu'elle dirpcfe peu-à-peu celle fur laquelle elle s'eft établie, à revêtir h forme de cornet. Deux de ces Chenilles que j'avois tirées de leur cel- lule , & pofées fur les feuilles d'une branche de Frêne dont l'extrémité étoit plongée dans un vafe plein, d'eau , me donnèrent le plaifir d(j voir de mes propres yeux les procédés fi inté- reifans , que rHillorien des Infedes a il bien dé- •crits (^) , & au moyen defquels les adroites ïlouleufes façonnent leur cornet. Ceux que mes ■Chenilles s'étoient conftruits , & donc je les avois tirées, n'oiîroient point encore la petite porte ronde dont j'ai parlé. Leur travail dura environ deux jours. Pendant que jViiois à la chaiTe de nos Roule ufes , je fis une remarque que je ne dois pas palier fous filence , & qui pourra aider les curieux à les retrouver : ce n'etoit jamais que fur de jeunes Frênes que je parvenois à ren- contrer des cornets habités par des Chenilles .de cette Efpece : j'en cherchai inutilement fur .de grands Frênes. Ces cornets ne font pas bien communs. Sur C) Mém^ pourfervirà VHiJl. des Inf. Tom. II , Mcm. V. Tome IL - Q 210 OBSERVATIONS environ une douzaine que je parvins à raffem- bler 5 il y en avoit pluiieurs qui ctoient percés d'un trou rond, près de leur bafe. Ce trou ne doit pas être confondu avec la porte ménagée pour le Papillon : celle-ci eft toujours percée dans la partie de la feuille qui fert de bafe au cornet. Dans ces cornets ain(î percés près de leur bafe , je ne trouvai ni Chenille ni Coque; mais je vis feulement des excrémens de Che- nilles & quelques petits Perce-oreilles. C'étoient probablement ces Perce-oreilles qui avoient fait périr l'habitante de la cellule , ou qui Pavoient forcée de déloger. Dans un autre cornet je trouvai une forte de Punaife noire : dans un autre , une petite FauiTe-Chenille verte , à vingt- deux jambes. D'autres cornets , qui n'étoient point percés , m'offrirent la petite Chenille elle- même immobile , & qui paroiffoit fur le point de changer de peau. Un autre cornet , percé près de la bafe , ne renfermoit ni Infede ni excrémens. Un autre renfermoit une Coque, dont le Papillon n'étoit pas encore forti. Enfin , dans un autre cornet , dont la petite porte ronde étoit ouverte , je trouvai une Coque en grain d'Avoine, qui renfermoit une ChryfaHde bien vivante. Un accident à moi inconnu , avoit fans doute flût tomber la petite porte, «somme ou ie voit arriver quelquefois à celle SUR LES INSECTES. 2ii ^Ttc pratique la petite Chenille des grains d'orge. Je me propofai de reprendre l'année Suivante mes Oblervations fur cette induftrieufe Clie- îiille : d'autres occupatiojis m'en détourjierent i mais j'en ai dit aiîez pour exciter h curioiité des Obfervateurs. OBSEPvVATION XXI, Sur une Chenille qui ^ comme la grande Cbeniih à tubercules , fe conftriiit une Coque en nm- niere de Najje de Poijjon. N" ne peut s'empêcher d'admirer ie pro- cédé induftrieux de la grande Chenille à tuber- cules du Poirier (*). La groi΀ Coque ("**) qu'elle fe conftruit , eft d'une foie très - forte , très- gommée , & d'un tiifu ferré & fort épais. Le Papillon y demeureroit infailliblement prifon- nier,ii la Chenille ne prenoit la précaution , de ia laiifer ouverte par une de fes extrémités. Cette extrémité eft effilée : l'autre eft grolfe 8c arrondie. Si l'on regarde de près l'extrémité C) Mém. fur les Inf. Tome I , PI. PCLVIII, Fig, i. CO PI. XLVIIÏ , Fig. 4' Q Z 212 observations: effilée, & mieux encore, lî Ton ouvre la Coque fuivant fa longueur (^) , on reconnoitra que tous les fils vont fe réunir vers Touverture à la manière des baguettes qui compofent les nalTes dont on fe fert pour prendre le Poiifon. Les fils de la Coque formant donc là une forte d'entonnoir : ils y font plus forts , plus roidcs qu'ailleurs. L'adroite ouvrière ne fe contente pas même d'un fcul entonnoir : elle en conftruit lin fécond fous le premier 5 & les fils de celui- là font encore plus fériés que les fils de celui- ci. On voit aifez l'ufage de ces entonnoirs : ils fervent à interdire l'entrée de la Coque aux Infedes rôdeurs & mal-faifins. Ils font pour ces Infectes ce que font les iiaiîès pour les PoifTons qui veulent en for tir j & ils font pour 3e Papillon ce que font ces mêmes naUes pour les PoiiTons qui s'y préfentent. Je ferai connoître ici une Chenille dont le procédé a du rapport à celui de la grande Che- nille à tubercules. Elle eft de grandeur nioyenne , demi-velue , à feize jambes , dont les membra- sieufes n'ont qu'une demi - couronne de cro- chets. Le fond de la couleur du deifus du corps eft un violet fort pâle , fur lequel font jettées trois raies jaunes , qui s'étendent depuis O'àJbid, Fig. 6, ^UR LÏS INSECTES. 21^ îe fécond anneau iLifqu'environ le onzième. Aux deux extrémités de ces raies s'obrervent deux éminences ou tubercules charnus , d'où partent de longs poils :" ceux qui partent des tubercules antérieurs font jaunes 5 ceux qui partent des poilérieurs , font bruns. Les tubercules anté- rieurs font de même couleur que les raies 5 les poitérieurs y violets comme le dos. Ces tuber- cules poftérieurs n^en forment proprement qu'un feul , mais refendu, en quelque forte, au-deiliis de {^d bafe. Sur chaque anneau fe voient d\iu- tres tubercules , où s'implantent de longs poils bruns : ceux qui partent des tubercules laté- raux , font blanchâtres. Des taches jaunes font femécs fiir les côtés. La tète eft de couleur violette. Les jambes écailleufes font d'un noir luifaut ', les nicmbraneufes jaunes , & cette couleur eft encore celle du chaperon. Cette Chenille me fut remife dans les pre- miers jours d'Oclobre 1740 : j'ignore de quelles feuilles elle fe nourrit. Vers le milieu du. -mois elle fe conftruifit une fort jolie Coque de foie blanche , alongée par les deux bouts , mais plus aïongée par le bout antérieur que par le pof- çé rieur. Ce bout antérieur réifembloit aife? au bout antérieur de la Coque de la grande Che- nille à tubercules , & paroiiibit être fait à-peu- O ; 214 OBSERVATIONS près fur le même modèle : tous les fils alloienr s'y réunir pour y former une forte d'entonnoir ou de nafle. Cependant le tiifu de la Coque étoit tbrble , & laiifoit voir la Chenille : auiiî avoit-elie pris la précaution de pjacer fa Coque ibus une feuille.. Il y a lieu de préfumer que le procédé de la Chenille à tubercules du Poirier eil commun à plufieurs autres. Efpeces de Chenilles , & qu'il n'efl: pas propre uniquement à celles qui fe filent des Coq^ues de foie d'un tiffu fort ferré. ^^=.==. — sg:s(^ - ^ !g^ OBSERVATION X X 1 1. Sur tim Chenille qui fe confiriiit mie Coque dont la forme imite celle à^mi Bateau renverfé. \s ['Historien des Infedes , qui avoit donné beaucoup d'attention à la Chenille dont je vais parler , & s'étoit plîi à nous faire admirej: l'art qui brille dans fes procédés , en trace dans fes Mémoires la defcription fuivante (*). " Cette Chenille , dit-il , eft de grondeur 3,, médiocre , & a feize jambes > elle sft rare ; 0) Tome I, pag, %6(x T»B tE IL Obs. X. P» RT H. P.ige 2ir. 8vo i j r'ylBLE dt, Uféramm fMe: à fix Vir, ,« d,J,.Te„i mm & m Jifiniuif nnmjlmim . pm„- l'njimr fi le pymcp! L repy,JuA,i^lf^,xlr«mé'i ,"jï o,r,l-,/p,,, "^ 1 m:piiîf,xUe daii, k mémi InJixjUu t 1^. ' ' e»'.î!'»V,'„"''.';, £,'(1 L o V. Ortr'Z'n. . . . '■ ■°: "] tlj: '■"'"/"'""■■■' ■ II. Q^'Sîm. . . . ,11. is;.,.. VII. Op™™ . \ '7 t -^f;:^;^E5 • I. Op(,».,., .,.,;, L r... . a . ,., .- ., >..... ,i, ,,, ,.,„ I. Or'';««".^ • • . . . II. Opi'râ.'X'; .... m. OpfMion.' U". Opir'.C"' s 'i ^ i -^;r-w3^-:;. .. „,„„■,. î ,. I- Opi-ati.» II. Or*'™,™'" -Lis Sr ...:.:;.::...:...:. I. Opirilira =■ ".' I. Opteio,,.. II. o.of,'.mr IV, ot'iZ,': — Ill.Op'/r.C"' V. 0|«r'.°ri','.".'' III. Op'r.Sn.'' i- VI. OeZZ": ■ IV. opj^sr' ^ . ' ! i \ l Fl VII- Opm" V. Opi,.,',,'.""' ■ i.optoi.r? ST ^, IX. Dp'?.;,""' 1 n ! . V. "f"™;^''- VI. Oi;A»»»j' L fjoa.1,, [ L, n ir ^i;;;i;iiii:;;ii;;: IX. op'L'i'l,'.". .Mon. r...,l.ni1Hii-.r n'.j t. VII, 0[V,.'.k2 1 '° II. Ot".,"'"'. m. op'î« .^. .^.,. .r,. 'i ■ .Mo.C pt».lJol 111,..,. ;■;;•■■•■■•■■■■■■■•;■ . . : ; : : : : : ; : : : : : : : ; : ;::::::;::■ =il: , SUFx LES INSECTES. 2iç „ fa peau eft d'un beau verd , fur lequel ou 33 démêle des raies obliquement tranfverfales „ d'un verd un peu plus jaunâtre. Sa partie „ poftérieure eft plus déliée que fa partie anté- „ rieure. Sa tète eft fouvent retirée fous les 53 premiers anneaux , de façon qu'on ne la ,3 voit point; le corps de cette Chenille a alors j3 quelque chofe de celui du PoilTon. Ceft même 33 par le nom de Chenille à forme de Poijjbn que 53 je la défignois , avant que je fufie qu'elle ,3 étoit l'ouvrière de la belle Coque en bateau. ,5 Il manque quelque chofe à cette dêfcription : pour la rendre plus complette , j'ajouterai que les jambes membraneufes font à demi-couronne de crochets , &»que fur la partie lupéiieure du iecoiid anneau , on voit deux mamelons char- nus 3 pofés foit près l'un de l'autre , & qui fe terminent en pointe comme deux petites cornes. Ces mamelons font exprimés dans la figure (*) que notre illuftre Auteur a fait gra- ver de cette Chenille ; quoiqu'il ne les ait pas fait entrer dans fa dêfcription. Je dirai néan- moins à cette occallon s que cette figure n'eft pas exade. J'en trouve les traits obliques à la longueur du corps , trop gros , trop marqués ; C) PI. XXXIX , Fig. 10. O 4 ^2^6 0 B ^ E R V A T I 0 K S & la partie antérieure m y parolt plus larg.e qu'elle ne i'eft dans le naturel. • On rencontre cette Chenille fur le Chêne dans les mois de Mai & de Juin. Ce fut le 3 do Juin 1740 , que je fobfervai pour la première fois. On me remit alors deux Chenilles de cette Eipece qui avoient pris, tout leur accroiifement. Au premier eoup-d^œii , je les crus de la même Efpece que cette Chenille , qui porte une corne charnue en ÊDrnie d'Y fur fa partie antérieure, & dont j'ai fait mention dans l'Obfervation XIV- Je ne parvins même à me détromper , qu'en prellant aiTez fortement mes deux Chenilles près de la tête : je m'aifutai ainiî qu'elles, n'avoient point la corne branchue que leur torme exté- rieure m'avoit paru annoncer. Je reconnus donc qu'elles étoient bien de la même Efpece que celle dont je lifois la defcription pag. 5:^0 des Mémoires fur ks hijechs. J'étois par coriféquent préparé à leur voir conftruire une de ces Co- ques d« forme très-recherchée , mais elle le reprenoit un inftant après avec une nouvelle ardeur. Par tout ce que je viens d'expofer fur la conilrudion du petit mur de foie , on pour- roit croire qu'il n'étoit compofé que d'une luite de fils couchés parallèlement les uns aux autres & à la longueur du mur. On fe repréfente , fans doute , ks fils ou la chaîne iVixne toile. Ce n'étoit pas néanmoins fur un femblabîe modèle que notre Chenille travaiîloit : fimags ne feroit point du tout exacls j inais c'eil que je ne me fuis pas exprimé moi-même avec 220 0 B S E R V A T I 0 N S aiïez d'exaditudc i je ivai pas encore alfez de- taillé les procédés de Touvriere. Chaque foi-s qu'elle droit un fil d\?n point à un autre - elle élevoit fà tête au-delTus du mur ; elle Téloignôit un peu du bord iupérieur en la faifant rentrer dans Teipace ovale. Pendant ce mouvement , le fil continuoit à couler de la filière ; la Che- nille rapprochoit en fuite fa tète du bord du iîiur ; elle y appliquoit fa filière , & y colloit le bout du fil. Elle avoit donc filé ainfi une petite boucle ; & c'étoit d'une fuite de pereilles boucles qu'elle formoit fon tilîii. On a pris à préfent une idée plus jufte de fon travail. Je prie qu'on fe repréfente l'adroite fiileufe placée entre deux murs de foie , qu'elle ne faifoit que commencer à élever. Qiîand elle avoit travaillé quelque temps à l'un des murs . elle paifoit à Tautre , & revenoic enfuite au premier. Ces murs n'étoient pas perpendicu- laires au plan de pofition : quoique la Chenille ne leur eût donné encore que fort peu d'élé- vation , on ne laiifoit pas d'appercevoir qu'ils tendoient à fe rapprocher par le Iraut , «Se à former ainfi une faite de berceau ou de voiite. On diitinguoit déjà la naii]ance de la courbure qu'ils dévoient prendre à m-efure qu'ils s'élcve-= roient. SUR LES INSECTES, 221 On fe rappelie ce que j'ai dit de la longueur de ces murs : i!s ne s'étendoient que depuis la tète de la Chenille jufques vers le feptieme anneau: i-ci,ils étoient interrompus. Ils l'étoient encore à l'extrémité de l'ovale qui répondoit à la tète de l'ouvrière. On doit fe fouvenir , que fou corps étoit étendu parallèlement au grand diamè- tre de l'ovale. Il y avoit donc à l'extrémité dont )e parle , un intervalle égal à la largeur du corps de la Chenille , qui n'étoit point enceint par les murs. Je ne voyois point encore pourquoi l'ouvrière n'avoit pas prolongé l'enceinte à cet endroit , & pourquoi elle y avoit lailfé une ouverture j mais je jugeai bien qu'elle avoit eu quelque bonne raifon pour eu ufer ainfi. Sa tête palfoit au-delà de cette ouverture ; & comparant alors h longueur de la Chenille avec celle de l'enceinte , telle qu'elle s'ofFroit dans ce moment à mes yeux , j'avois peine à compren- dre , comment l'Infecle pourroit fe loger dans luie Coque en apparence fi difproportionnée à fa taille. Ma curiofité redoubloit , & j'étois très-atten- tif à fuivre toutes les manœuvres de notre in- dultrieufe ouvrière. Quand elle eût travaillé un certain temps à exhauifer les murs du côté antérieur de la Coque , elle fe retourna bout 222 OBSERVATIONS par bout pour aller travailler au côté poflérieur. Ici , il s'agiflbit d'achever l'enceinte & d'élever les murs qui dévoient la former. On comprend hlcn , que ces murs ne dévoient être que le prolongement de ceux qui étoient déjà élevés , & qu'ils dévoient aller à la rencontre l'un de l'autre vers le bout poftérieur de la Coque , où ils étoient deftniés à s'unir. La Chenille con- tinua foai travail de la même manière qu'elle î'avoit commencé. Elle traça le relie de l'en- ceinte ou de refpace ovale par des fils de foie , qui déterminoient la direction qu'elle devoit faire prendre aux murs en les prolongeant. Ce prolongement fut exécuté par une fuite con- tinue de petites boucles de foie , liées les unes au:c autres & couchées les unes fur les autres ? comme je l'ai raconté. Cependant la Chenille ne prolongea pas les murs jufqu'à l'extrémité de la Coque : elle îaifla à cette extrémité une ouverture pareille à celle qu'elle avoit laiffée à Fextrémité oppofée. Sa tête paifoit par - delà cette ouverture , & fon derrière , par-delà l'ouverture placée à l'au- tre bout. La longueur de la Coque étoit donc bien inférieure à celle de la Chenille ,• & cette dernière n'auroit pu y être renfermée de fou long 5 fans être forcée de fe contrader beaucoup SUR LES INSECTES. 223 & fans être fort gênée dans toutes fes manœu- vres. Je découvris alors pourquoi elle avoit pris la précaution de ne prolonger point d'abord les murs autant qu'ils dévoient l^tre pour for- mer l'enceinte , & pourquoi elle avoit ménagé une ouverture aiTez confidérabie aux deux extrémités de l'enceinte. Elle n'avoit donc pas été appellée par la Nature à travailler comme le Ver-à-foie & tant d'autres Chenilles , qui font renfermées en entier dans leur Coque tandis qu'elles la conftruifent , & dont le corps con- tourné , tantôt en manière d'anneau , tantôt en manière d'S , devient ainfî l'efpece de moule qui détermine la forme & les proportions de la Coque. Notre Chenille travailloit fur un mo- dèle bien différent , & fans doute que la forme aifez recherchée qu'elle devoit donner à fa Coque 5 exigeoit qu'elle n'y fut pas renfermée en entier pendant qu'elle étoit occupée à la conftruire. Il arrivoit quelquesfois que les murs fe renverfoient en dehors, par une fuite des mou- vemens divers que la Chenille étoit obligée de fe donner pendant le travail. Elle ne manquoit point de remédier à cette accident & de forcer les murs à fe redreifer en les tirant à elle avec fes dents. Elle le faifoit même aifez rudement. 224 OBSERVATIONS &: fans paroître ménager beaucoup le tilTu foyeux. Mais elle favoit proportionnel: la force à la réfiftance qu'il s'agiifoit de furmonter , & rien n'étoit dérangé dans le tiifu. Je remarquai même dans fa manœuvre un€ chofe qui me frappa : elle ne faililîbit pas ks mues par leur bord fupérieur ; ce qui lui auroit donné bien plus d'avantage pour les redreffer , & auroit exigé moins de force : elle les failiifoit , au contraire , à xme certaine didance du bord. Si elle en eût uTé autrement, fi elle eût appliqué fcs dents aux bou- cles qui bordoient les murs par le haut , elles îi'auroient pu réfitler à l'eitort y elles auroient cédé , & le tiifu en auroit foutfert plus ou moins. Il n'en alloit pas de même des boucles qui fe trou voient placées dans le corps du tiiTu : comme elles étoient étroitement liées à toutes celles qui les environnoient immédiatement ^ elles étoient plus capables de ibutenir les plForts réitérés de la Chenille. Notre Architede n'élevoit pas les murs par- tout à la même hauteur. Depuis environ le mi- lieu de la longueur du petit édifice jufques près de Textrémité poftérieure , Is alloient gra- duellement en s'abaiifant. Ils étoient donc peu élevés à cette extrémité j & ils fétoient beau- coup proportionnellemeut vers l'extrémité oppo- SUR LÈS INSECTES, 22f fée. Le plan fuivant lequel Px'^rcliitede bâ-; tiilbit, luppoibit eirentiellement ces diflérences de proportions. Quand la Chenille ajoutoit de iiouvelies boucies aux parties les plus élevées du mur, fes premières jambes étoient appliquées contre le mur , & accompagnoient la tète dans tous fes mouvemens. A mefure que les murs prenoient plus de hauteur , ils tendoient à fe courber davantage ou à fe rapprocher par leur bord fupérieur , & à former une forte de voûte. On n'a pas oublié qu'ils lainoient une ouverture affez coniidérable à chaque bout de Penceinte. Cette ouverture ifétoit que pour un temps & ne devoit pas fubfiller. Aulfi la Chenille travailla-t-elle à la boucher i foit en forçant les murs à le rappro- cher à cet endroit s Ibit en y ajoutant de nou- veaux fils ou de nouvelles boucles. Lorsque les deux murs eurent été bien réu- 3iis au bout antérieur de la Coque > leur rcunian fe trouva marquée par une forte de cordon [ PL ///, F/>. VIII, r. ] qui avoit du relief, & qui^defcendoit en ligne droite, depuis fen- droit le plus élevé de la Coque juiques fur le plan où elle repofoit. Le cordon étoit donc per- pendiculaire' à ce plan. La Coque n'étoi, pa^ Tome IL .V 22^ OBSERVATIONS coupée quarrcment à ce bout : les nnirs avoien?; été prolongés conformément aux contours de refpace ovale : le cordon en étoit la partie la plus faillante. L'endroit le plus élevé de la Coque ou celui qui répondoit au bout fupé- îieur du cordon , étoit marqué par une petite pointe 3 0 , dont la faillie étoit fenfible. Cette petite pointe fembîoit imiter ces aiguilles que nous plaçons au fommct de nos édifices. Je Fai déjà fait remarquer : les murs s'abaiflbient Leaucèup en s'approchant du bout potlérieur , p , de la Coques & en s'y réuniiTant, ils donnoient à ce bout un air tres-effilé : l'ovale étoit donc là très-alongé & beaucoup plus qu'il ne l'étoit à l'autre bout. On vient de voir que la réunion des murs fur le devant de la Coque étoit marquée pi^r un rebord ou cordon faïUant , qui ne permet- toit pas de la méconnoitre. Par-tout ailleurs cette réunion étoit invifible ou à-peu-près. La Chenille l'avoit exécutée d'une manière fort fimple & qui ne m'avoit rien offert de paiticu- : lier. Elle avoit tiré des fils de l'un à l'autre ' nniï , en promenant fa filière de l'une à l'autre extrémité des deux murs : elle avoit ainfi rem- pli l'intervalle par un nouveau tiifu de foie , CjUi ne formoit plus qu'un iéul tout avec le relie (ie l'édifice. SUR LES INSECTE S. 22f AîNSi la Coque avoit pris peu-à-peu la forme d'un bateaurenverié , ou il Pou veut, celle d'un fabot ', car je lui trouvai quelque reileaiblaricô avec cette chauiîuTe ruftique. L'ouvrage était allé (1 vite qu'en moins de deux heures , il îivoit acquis la forme & les dmienfions requi- fes , & qu il ne reiloit plus à l'ouvrière qu'à fortifier intérieurement fon tiifu^ par de nou- velles couches de loie. La coult-ur de la Coque étoit un jaune de paille j mais elle n'en avoié pas le luifant ou le poli. Il faut que je ram.ene encore mon Ledeur à ce cordon (i remarquable placé au devant du gros bout de la Coque , & qui marque la réunion - des deux murs ou des deux grandes pièces dont la Coque eft formée. En confidé- rant ce cordon de plus près 8c avec plus d'at- tention , je reconnus que la réunion des deuk: raurs n'y étoit pas parfoite , & qu'il étoit refté à cet endroit une fente fort étroite , qui régnoic le long du cordon , & dont celui-ci détermi- noit les bords. Je crus découvrir là un petit artifice de la Chenille : je préfumai qu'elle avoit ménagé cette fente pour faciliter la fortie du Papillon. On verra bientôt que je ne me trom- pois pas p & que cette partie de la Coque ren^- ferme une particularité très-iiitéreflante. Mais P 7. Î228 OBSERVATIONS comme Ton pourroit foupqonner , que je n'a- vois apperqii la fente dont il s'agit que parce que la Chenille n'avoit pas encore achevé de réunir à cet endroit les deux grandes pièces de la Coque , je dois ajouter que cette ouver- ture fubfiiia toujours. La Chenille l'a voit donc pratiquée à delTein -, car il lui auroit été bien facile de la fermer -, quelques fils de foie auroient fuffi pour un iî petit ouvrage. / . , Le s ^^ même mois , fur le foir, mon autre Chenille fe mit auffi à conftruire fa Coque. Je îa fuivis comme ' la première , pendant le tra- vail. Elle ne me montra rien de nouveau. Je n'en inférerai pas néanmoins que j'ai vu tout €e que la conftrudion de notre Coque en ba- teau a de plus curieux à noiis offrir. Mes ob- fervations m'ont aifez appris , que les procédés des Lifedes fe diverliEent dans le rapport aux nouvelles fituations dans lefquelles l'Obferva- teur fait les placer. Le 30 de Juin , le Papillon fortit de fa Coque : M. de Reaumur Fa décrit -, je n'en parlerai pas. Il dit à cette occalion ; que Ici Chenille , la Chryfdlide '^ le Papillor jotit verds. Je n'obfervai pas ce rapport fingulier de cou- leur dans la Chryfaiides car ayant ouvert une SUR LES INSECTES. 229 âes Coques long-temps avant la métamorphofe en Papillon , 8c dans la vue d'examiner la Chryfaîide , je là trouvai d'un? couleur bien différente : elle étoit blanche , & on voyoic une aiîez large bande d'un beau noir , qui ré- gnoit le long du dos. C'ÉTOïT par le gros bout de la Coque que le Papillon étoit forti , comme j'avois eu lieu de m'y attendre : mais ce qui me furprit extrê- mement & que }e n'avois point du tout prévu > c'eft qu'après fa fortie la Coque paroiifoit auili bien clofe ou à-peu-près qu'avant fa fortie. La fente dont j'ai parlé étoit feulement un peu plus fenfible. [ PL IIÎ , Fïg. VIII , 0 , r. ] Il y a donc encore plus d'art qu'on ne le penfe dans la conftrudion de notre Coque en bateau > & il femble qu'il faille conclure du fait dont il s'agit i que les deux murs ou les deux gran- des pièces dont la Coque eil compofée , font deux efpeces de reiîbrts fiqonnés de manière qu'ils fe rapprochent d'eux-mêmes l'un de l'au- tre , au moment que la force qui tendoit à lefc écarter a ceifé d'agir. p 3 ^3-0 0 n S E R V A T I 0 N S O B S E R V:A T ï O N X X III. Tartictdarités fur finâiiftrie de la grande Chenille à tubercules du Foirier. I Ai eu p^us d'une fois occaiion de parler de- i'induftrie de cette belle Chenille. J'ai rappelle dans rObfcrvation XXI , ce que £i Coque oJire de plus admirable. On. ne peut vou en efiet , fans admiration , ces. deux entonnoirs il bien façonnés , qu'elle fait pratiquer au bout ouvcit, de fa groile Coque, & dont l'ufage eft h mx li- fefte. Je rappellerai encore ici que cette Coque eft entièrement de pure foie , & d'un tlifu. épai^ 3 ferré & luftré. Albin avoit vu le pre- mier l'entonnoir extérieur y & avoic comparé notre Coque à une nafle de FoilLn. Mais c'é- toit à M. de Reaumur qu'il avoit été réfervé de découvrir tout l'art qui brille dans la conf. trudion de cette Coque : il n'avoit pas néan- moins furpris l'habile Fileufe tandis qu'elle exécute la partie la plus, intérelfante de (on tra- vail, je veux dire les entonnoirs. La difpofitioii 8c l'arrangement des fils qui les compofent , ne reffemblent point du tout à ceux des autres; fils de la Coque , & fuppofent manifcltement iiue tout a^^ue manière (j'o_gérer. Ç'étoit ccttQ SUR LES INSECTES, 231 iTiankre qui reftoit à découvrir 5. & que j'ai tâché de pénétrer. Mes premières Obferyations fur notre grande Chenille à tubercules^ datent du mois d'Août 1737: je ks repris en Juillet 1739 : mais dans ces deux années je ne vis, guère que ce- que M. de Reaumur avoit rapporté. Je le vis feu-, lenient plus en détail , & j'apperc.us quelques petites partiGularités. dont il n'avoit pas fait mention. Je ne les indiquerai pas ici : elle^ n'auroient rien d'intéreirant- pour m.on Lecteur., Mais pendant que je compolbis cet Ecrit , lo hafard m'ayant procuré une Chenille de cette Efpece parvenue à fon parfait açcroilTement, j'ai faifi avec empreirement cette occaiion de ré- pandre quelque jour fur la conilruclion ds notre Coque en entannpir. Dans cette vue , j'ai eu recours à une expérience dont les, réililtats m'ont paru devoir être mftructifs. Voici le précis. de ces nouvelles Obfervations. Ma Chenille s'étoit ét.iblie contre le couver^ de du poudrier. Ce couvercle étoit de papier. La Coque y étoit appliquée fuivant fa longueur , & elle y étoit retenue par de forts liens de Ibie tres-mujtipliés. Elle avoit déjà acquis . la formq & les proportiaus: qu'elle devoit avon- : l'enton^ P4. ni OBSERVATIONS noir extérieur ctoit bien faqonné 3 & il ne rcf- toit; plus à la Fileufe qu'à fortifier de plus en plus Ton tiiTu par de nouvelles couches de foie i car i! étoit fi mince encore , qu'il cédoit à une légère prelîion- Je viens de le dire : c'étoit fur-tout la ma- nière dont la Chenille s'y prend pour exécuter fon entonnoir , que je defirois le plus de dé- couvrir. J'étois arrivé trop t:^rd : il étoit déjà conftruitj & je ne pouvois plus efnérer de rien découvrir d'intéreifant au travers d'un tiiîu de^ venu prefqu'entiérement opaque , & qui le de^ venoit davantage de moment en moment. J'ai donc elTayé de mettre l'ouvrière dans la néce{l fité de conftruire fous mes yeux un autre en- tonnoir. Pour cet effet , j'ai coupé circulaire,. ïnent avec des cifcaux le bout pointu de la Coque , précifément à l'origine de l'entonnoir. Peu de momens après , j'ai vu la Chenille avancer fa tète vers la brèche , la porter enfuite en avant & hors de l'ouverture , l'appliquer contre ie papier auquel la Coque étoit aiiujct- tie , y coller un ni de foie , rameiier f i tète en ligne droite , mais dans une direcPdon oblique ,. vers le bord de la brèche , 8c y attacher le fil qu'elle venoit de tirer.. Ce fil étoit aifez gros.> SUR LES INSECTES. 235 très-brillant , & long crenviroii cinq lignes. La Chenille avoit donc parce fa tète a cinq ligne» des bords de rouverture. Il étoit aile de recon- nokre que ce premier fil déterminoit la lon- gueur que devoit avoir le nouvel entonnoir que la Chenille entreprenoit de coadruire. Après avoir tiré ce premier fil , elle en a tiré un fécond , qui lui étoit à-peu-près' parallèle , & dont elle a collé de même Textrémité au bord de la brèche. L'ouvejfTîire de cette brèche étoit prefque circulaire j c'étoit à-pcu-près le fommet d'un cône tronqué : pour y pratiquer un en- tonnoir 5 ou ce qui revient au même , pour prolonger le cône d'environ cinq Ugncs , il ne s'agiiToit que de tirer du plan de pofition aux bords de l'ouverture , ou des bords de l'ouver^- ture au plan de poiition , des fils dont les plus longs eufient au moins cinq lignes , & de les coucher en ligne droite les uns près des autres, de manière qu'ils fe touchaiiënt tous , & qu'ils convergealTent tous vers le même point. Ça été précifément ce que ma Chenille a exécuté fous mes yeux. Elle a tiré en ligne droite , & fous un certain angle , une fuite de fils fort gros & fort tendus, prefque parallèles les uns aux au- tres , ou du moins peu divergens , inclinés à Taxe de la Coque , & qui ont embraiié exade- iiient tous les coJitours.de l'ouverture. Ainû , 234 OBSERVATION 5 tous, ces fils droits , femblables à de très-petites baguettes, ont été collés par leur extrémité in- férieure tout autour des bords de la brèche , & par l'extrémité oppolée ils Pont été au plan de polition , ou les uns aux autres: on comprend alîez que le plus grand nombre a dû l'être de cette féconde manière y puifque la Coque ne touchoit au plan que par une afTez petite por- tion de fa furface. La foie de notre Chenille abonde en fubilance gommeufe , & c'eft princi- palement à cette fubttance qu'elle doit fon îuitre : elle lui doit encore une partie de fa confîttance. Les fils de cette foie ont donc beaucoup de difpoiition à fe coller les uns aux autres , & au plan de pofition. Ils font de plus prefqu'aulîî gros que des cheveux y & ceux qui forment Fentonnoir font les plus gros de tous. De-là , leur aptitude à repréfenter les baguettes qui en- trent dans la conftrudion des naiîcs à prendre le Poilîbn^ Ici je ne puis m'empêcher de fixer l'attention 4e mon Lecteur fur la diverfité fi remarquable des procédés de notre adroite Fileufc, relative- ment à la fabrique des différentes parties de fon tiifu. Lorfqu'elie jette les fondemens de la Coque , ou qu'elle en façonne le corps , elle trace, avec fa. filière une- multitude de zigzags, SUR LES INSECTES, 23f cntrelafrés les uns dans les autres , & formés par les plis & replis , ou par les circonvolutions prodigieuiement multipliées d'un même £1. J'ai vu de ces zigzags traces avec autant de préci« fion & de grâce que ceux qu'une main habile traceroit fur le papier avec une plume ou un pinceau. Mais quand elle vient à s'occuper de }a conftrudion des entonnoirs , elle change eu^ tiércment de procédé : ce ne font plus alors des zigzags qu'elle trace : une pareille difpofi- tioii des fils ne conviendroit point à cette par- tie de l'ouvrage : elle tire donc des fils droits , forts 5 alfez courts & bien tendus , qu'elle cou- che prcfque parallèlement les uns aux autres, & qu'elle incline vers l'axe de la Coque de manière qu'ils convergent toUs vers le même point. Notre ouvrière s'eft montrée aufïï diligente qu'induftrieule : en moins de trois quarts d'heure, le nouvel entonnoir étoit déjà très-reconnoilîa- ble. Elle l'a perfedionné de plus en plus pair l'augmentation du nombre des baguettes s & bientôt j'ai vu un entonnoir auiîî grand 8c aufîi parfait que le premier. On juge bien qu'il ne m'a pas été poffible de la fuivre dans la conftrudion. de l'eiitonnoir -intérieur : l'opacité çlu tiifu ne me l'a pas permis : mais ce que j'ai 23(5* OBSERVATIONS dit de h conllruclion de rentonnoir extérieiir, ne laiile rien à defirer ici relativement à l ei- ientiel de la manœuvre. Je ne l'ai pas dit encore ; il eft temps que je le dife : je ne m'étois pas borné à enlever les entonnoirs : j'avois encore ouvert la Coque parallèlement à Taxe , & fur une longueur de plus d'un pouce. Les bords de la brèche s'é- toient aufTi-tôt écartés Tun de l'autre , & l'ou- verture en étoit devenue bien plus grande. Elle laiiîbit à découvert une partie allez confldéra- ble du corps de la Chenille. Après avoir tra- vaillé à la reconftrudion de Pentonnoir , elle s'eft occupée à réparer la grande brèche longi- tudinale. Ici encore elle a varié fes procédés. Elle a commencé par tirer des fils de l'un à Fautre bord de la brèche. La plupart étoient plus ou moins obliques à l'axe de la Coque : quelques-uns lui étoient perpendiculaires. Les fils obliques fe croifoient de plus en plus y Se tous tendoient à rapprocher infenliblement les bords oppofës de l'ouverture. Je la voyois dimi- nuer peu-à-peu. Et comme le tifTu de la Coque n'avoit pas pris encore toute fa confidance , radioii des fils tranfverfiux n'en étoit que plus efficace. Mais j'ai cru obferver que la Chenille recuuroit à un moyen beaucoup plus, efficace I ^ SUR LES INSECTES, 2t37 pour forcer les deux bords de la brèche à ie rapprocher de plus en plus : j'ai vu aiîèz dif- tin dément , qu'elle faifiifoit avec fes premières ïambes les fils tranfverfaux , & qu'elle les tiroit à elle : elle fembloit pefer delTous de tout ie poids de fon corps. On conçoit facilement quel grand effet devoir produire cette nouvelle ma- nœuvre. Auffi les bords de Fouveirture fe rap- prochoient-i1s beaucoup plus , & bien pkis promptement. La Chenille continuoit toujours à tirer des fils de Pun à l'autre bord , & à for- tifier fon tilîu. Tout cela a été exécuté fî vite &:'Ci bien, qu'au bout d'environ deux heures, la Coque s'eft trouvée parfaitement clofe. On ne voyoit plus à la place de la brèche qu'un léger trait, qu'une petite rainure tres-peu profonde, qui ne régnoit pas même dans toute la lon- gueur de la brèche : les deux bords avoient été réunis avec une précifion Se une propreté que }e n'ai pu me iaifer d'admirer. 238 0 B S E R V A T I 0 K S O B S E Pv V A T ï O N XXIV. S//r mie Chenille qui fe conjtruit une jolie Coque avec de la joie , j^s plus petits poils ^ ^ une matière graijfeiije. V. Armi les Chenilles qui fe cônflniifent des Coques , il en eft beaucoup qui , n'ayant pas une alTez grande proviiion de foie pour donner à leur tillii la conliitance & Topacité qu'elles veulent , lavent y fuppléer par des matières étrangères. Les unes introduifent dans les mail- les leurs propres poils j d'autres y font péné- trer nue matière plus ou moins gralfes d'autres emploient à la fois une femblable matière & leurs propres poils j d'autres enfin rendent leur ouvrage plus folide encore en y inférant des fragmens de bois ou des grains de fible. Rien ii'eil; plus propre à intéreiièr la curiofité d'un Obfervateur Philofophe que ces variétés ii re- marquables dans l'architedure des Infedes de la même clafle , & nous avons à regretter que des Naturaliftes célèbres fe foicnt plus occupés- de la clalFification de ces petits Animaux , que de leurs mœurs & de leur induftrie. Non-feu- lement on oblérve des différences frappantes dans la manière de bâtir des Infectes d'une SUR LES INSECTES, -239 îîième clafTe ; mais on peut encore en occafion- lier de nouvelles chez les individus d'une même Elj)ece , foit en les privant de matériaux dont ils ont coutume de fe fervir , foit en leur en fubltituant qu'ils n'ont pas accoutumé de met- tre en œuvre 5 foit enfin en les plaçant dans des circondances où ils ne fe feroient pas trou- vés s'ils avoient été ialifés à eux-mêmes. J'en donnerai des exemples dans les Obfervations qui fuivront immédiatement celle-ci. Le 26 de Juin 1737, je trouvai une gv-ànàQ Chenille velue, à feize jambes, dont les poils aifez épais ae partoient point de tubercules. Ils étoient courts , & d'un roux un peu argenté. La féparation des anneaux écoit marquée par des raies tranfverfes de couleur noire , féparées par de plus petites taches de couleur blanche. On voyoit fur chaque anneau fix taches noires aHgnées avec ordre. Quand on touchoit cette Chenille , elle fe recourboit ou fe replioit fur elle-même en manière de cerceau ou en fpirale , & demeuroit long-temps dans " cette litiiation. Le premier de Juillet , fur les dix heures du matin , elle commença à travailler à fi Coque. La foie qu'elle tiroit de fa- Eliere étoit d'un jblanc jaunâtre. Tandis qu'elle mettoit cette foie 240 OBSERVATIONS eu œuvre , j'obn^rvai qu'il fortoit de Ton der- rière une matière grailleufe un peu plus jau- nâtre que la foie , qui {Iiiit le tiilu. Mais il ne ibrtic qu'une très-petite quantité de cette ma- tière 5 & elle fe deirécha peu-à-peu. Pour donner la forme à fi Coque, pour la niouler, fi je puis parler ainfi , la Chenille difpofoit fon corps le plus fou vent en manière d'anneau applati. Cette Coque n'étoit point recouverte d'une forte de bourre , comme celle du Ver-à-foie : elle étoit parfaitement à nud. Sa grandeur ne répondoit point du tout à celle de la Chenille , & c^cft; une Obfervation que bien d'autres Efpeces de Chenilles donnent heu de faire (*). Ma Chenille travaiiloit avec beaucoup de diligence : au bout de quelques heures , la Coque étoit déjà fa- çonnée , & fon tiifu étoit aifez ferré ; mais il étoit néanmoins aifez tranfparent pour permet- tre de voir diftinclenicnt la Chenille. Une heures s'étant écoulée , quelle fut ma furprife de voir , au lieu d'une Coque blailchâtre Se tranfparente , une Coque jaune & partiutement opaque î L'ou- vrière y avoit répandu une abondante dofe de fa matière graiifeufe , qui avoit pénétré toute répailfeur du tiifu , & en aVoit rempli toutes les mailles. L'extérieur de la Coque en avoit pris un œil luiiànt. A mefure que fenduit fe C) Voy. robf. I. deifécha. ^SUR LES INSECTES. 241 ijefîecha , fa couleur fe ternit , & elle le rem- Ibrunit ua peu. Uke quinzaine de jours après, je remarquai (que la Coque étoit ouverte par un de fes bouts , »& qu'il en fortoit quelque choie de noir , que je crus d'abord être le Papillon : maii, Payant çobfervée de plus près, je reconnus , que ce que je prenois pour le Papillon étoit la dépouille de Chenille. Je regardai au fond de la Coque , 8c j'y apperqus deux petits corps noirs , de forme fphéroïde , qui m'apprirent que ma Chenille avoit été piquée par une Ichneumone qui avoit dépofé fes œufs dans fon intérieur , dont étoienc fortis des Vers , qui s'étoient niétamorphofés ^n boule alongée (f) , ou dont la Nymphe s'étoit faite une Coque de la peau même êm Ver. Dans le milieu de Juin 1739 , on me remit îine Chenille de l'Efpece de ia précédente, & ^qui me fournit l'occafion d'obfeiver mieux en- core que je ne Pavois fait , la n^aniere dont cette Efpece conftruit la Coque. Je n'avois jamais v\x de Ctienille travailler avec plus d'adivité que celle-ci. En peu de temps , tous les contours de la Coque furent tracés y & déjà elle avoit pris fa forme. Elle étoit fort tranfparente. Je <*; Mém.fur les Inf. T. IV,, Mém. VII. Toins IL «d. 243 OBSERVATIONS voyois la tetc de la Chenille fe promener d6 tous côtés dans riiitéiieur , la filière <>''alongcr comme un bec ^ & laiircr cou!er le £1 de foie dont les circonvolutions fornKdcnt le tiifu def- tiné à fervir de fondement à tout l'ouvrage. J'étois toujours frappé de la rapidité de Texé- cution : on eut dit que la diligente ouvrière fentoit qu'elle n'avoit pas Un feul infcant à per- dre. Qiiand elle eût donné à fon tiilii un cer- tain degré de confiftancc , & qu'il fut devenu aire2: ferré , j'apperqus de très-petits poils , fore courts , qui s' ele voient fur fa fur face. Peu de .. niomens après , j'obfervai que la Chenille ré- pandoit de tous côtés une matière graife. Cette matière paroiifoit fortir de la bouche , ou au moins c'étoit la bouche qui la diflribuoit de tous côtés. Elle fe répandoit dans le tiiiu foyeu^: comme une goutte d'eau ou d'huile dans un papier brcuillarâ. La ccmparaifon ifétoit pour- tant pas parfaitement exade : notre matière^ graJifeufe ne fe répandoit pas autant en lar- geur que la goutte d'eau ou d'huile : elle c(^u- ïoit plutôt comme un pe:it ruiifeau qui va en ; ferpentant , 3c qui près de fa fource , ne fe montre que comme un filet , mais qui va tou- jours en croiilant à proportion qu'il s'en éloi- gne. La Chenille diftiibuoit fa matière grailfeufe avec autant de céléilté qu'elle £ioit: mais après SUR LES INSECTES. 249 j^u'elle en avoit diftribué une certaine quantité, ou qu'elle avoit enduit une certaine poftioii du tiifu , elle celToit d'en répandre , & je ne voyois plus lortir que le fil de foie. îl s'écouloic un-temps avant qu'elle répandit une féconde dofe de fon enduit graiileux j & je ne remar- quois pas qu'elle oblervàt un certain ordre dars fa diftributiOii 5 qu'elle enduisit d'abord un de;-; bouts de la C;îque , puis le bout ODpofé , &c. : elle diltribuoit indiifércniment ion enduit dî tous côtés: aullî la Coque prit-elle bierSbt ui œil marbré, qui la fit reiîcmbler aux œufs di quelques Oifeaux. La marbiure étoit produ:t.i par le mélange de la couleur de la foie avec celle de t'enduit. Mais peu-à-peu la marbrure difparut, 8c la Coque devint entièrement de la couleur de l'enduit. Je m'attendois toujours à voir ma Chenille coucher de leur long les petits poils qu'elle avoit fait pénétrer dans les mailles du tiitli foyeux , & qui s'élevoient perpendiculuiremeîii; fur fa fur Face. J'avois vu d'autres Chenilles coucher ainfi leurs poils , & les incorporer iî bien dans le tiifu, qu'i's compofoient avec lui une forte d'étolfe alfez unie , mi- foie 8i poi's. Mais cette pratique ne fut point celle de notii Chenille : elle laiiia les pofîi* dans La fituatioa O 2 244 OBSERVATIONS qu'ils avoient pris au moment qu'ils avoieiit pénétré le tiHu : j'ai dit qu'ils étoient fort courts; apparemment qu'ils i'étoient trop pour pouvoir être couchés dans les mailles , & faire corps avec elles. Ils étoieut roides & fort pref^ fés. Lorfque j'appliquois le doigt fur la Coque :. elle y reftoit attachée , & je la faifois ainfi changer de place à volonté. Les poils s'enga- geoient dans la peau de mon doigt , Se y rete- noienula Coque. Le travail de la Chenille lui donna beaucoup de confidance : elle réfiftoit bien à une affez forte prelîion. Sa forme étoit agréable : elle étoit celle d'un cylindre arrondi par les deux bouts. Elle fembloit vernie , tant i'enduit avoit été proprement & uniformément diftribué 3 mais le vernis en étoit un peu mat. Au refte , la Chenille dont je viens de dé- crire les procédés , eit la même qui eft repré- fentée N^. 98 de Goëdaert. Je n'en ai pas eu îe Papillon. ^^ SUR LES INSECTES. 24f ^^ ^^^:^ ^ ?^g^ OBSERVATION XXV. Sur les Coques de foie & de poils , que fe conf- truifent quelques Effeces de Chenilles à brolTes. Coque double qu^une de ces Efpeces faroït fe conjîruire. JLL eft quelques Efpeces de Chenilles velues , de grandeur médiocre , dont les poils font ar- rangés par gros paquets en manière de broffes , ce qui leur a fait donner le nom de Chenilles À broffes. Cet arrangement fingulier des poils eft bien propre à caradérifer ces Chenilles , & à leur attirer l'attention. D'autres poils , un peu plus longs , placés près du derrière & raffem- blés de même en paquets , imitent aifez la forme d'un pinceau. Ces Chenilles paroilTent ainfi fort joliment vêtues. Je ne les décris pas ; je ne fais qu'indiquer leur principal caractère. Toutes appartiennent à la nombreufe claiie des Che- nilles à feize jambes. Au commencement de Juin 1738 5 on me remit une de ces Chenilles à brojfes , qui avoit été, trouvée fur le Noifettier. Elle étoit de la mênae Efpece, ou du moins du même Genre 0.3 24^ 0 B s E R V A T I 0 N S que celle dont M. de Reaumur a fait meiitioa clans le Tome I de fes Mén>oires , page 88 , & qu'il a fait repréfenter Pi. Il, Fig. 2i du même '\^:>lunic. Peu de temps après , elle travailla à fa Coque. Elle y lit entrer fcs propres poils , & je trouve dans rnon Journal , qu'elle fe les arra- cha.- Elle en forma une Coque de figure ovale , un peu renflée dans, le milieu > mais dont îe tilllî mi-foie & poils étoit 1j mil, ce , qu'il ne dé- roboit point la vue de l'mtérieur. On voyoït très-bien au travers la Chryialide , qui étoit d'un liOir luifant. La Chenille avoit recouvert fa Coque d'une enveloppe de foie blanche , affez Jemblable à l'enveloppe qui recouvre la Coque du Ver-à-foie. Vers la mi-Juillet, le Papillon fortit de cette Coque. Il étoit contrefait. Il portoit fes ailes eu toit arrondi. Ses deux premières jambes étoient fi groâes & fi velues, qu'elles caclioient toute la tète. Ses antennes étoient en plumes , & fa couleur étoifc un gris cendré. Je ne pus lui trouver de trompe. C'était une fem-elle. Elle pondit des œufs de couleur grife , de figure ronde , mais applatie , au centre de chacun def^ quels on appercevoit uî.î petit trou ou plutôè iJiie fc/rte d'ejifoncement. isotre Fupillon m'ap- prio (^u'îi écoit du. nombj:(i d^ ceux c^ui preu- SUR LES INSECTES. 2^ n-ent la précaution de recouvrir leurs œufs t^e leurs propres poils. J'EUS dans îa fuite d'antres Cheni'.'es /î hrof- fes ^ UU1 cpnrtruifirent des Coques qui reir.b'oicp.t faites entièrement de poils , & dont la forme étoit auiîi ova'e. Cependant, quoique le tiiih foyeiix ne fe montrât pas dans ces Coques , je ne pus douter de Ton çxiftence. .Tous les poi's etoient Ci bien liés les uns aux autres , qu'ils ne formoient qu'un tout , Se ce n' étoit qu'avec peine que je parvenois à les féparer les uns des autres. Cette petite opération me manifcft.i rexiilence du tiifu foyeux. Je m'en aflurai mieux encore en déchirant une de ces" Coques : elle me £t éprouver une rcfiftance qui m'annouqa alTez que je ne féparois pas iiraplemcrit d.^^ poi'S 5 mais que je rgmpois d'ailez forts liens de foie. La Chryfalide de ces Cliéniîles a une form& fingulicre. Elle eil bien de la elaif:? des coni- ques , quoique fa forme femblât devoir l'en exclure. Elle va infenfiblement en augmentant de groiTeur depuis la tète jufques vers le cin-^ quieme anneau. Là , elle diminue tout-à-coup de diamètre ; & ' cette diminution accroît de plus en plus jufqirau derrière. Le fixieme & b ^4 243 OBSERVATION S feptieine aiineau rentrent dans le quinzième^, au point de ne lailTer appercevoir qu'une très- petite portion de leur contour.. Dans le curieux Mémoire C^) où M. de Reaumur traite de la conftrudion des Coques de foie & de poils , il donne la deicription d'une Chenille à hroffes , qu'il avoit vu fe flùre une Coque de ce genre. " Lies poils de cette Che- ^ nille, dit-il, ont une couleur de foie blanche gg immédiatement après la mue ; enfuite ils de- 35 viennent blonds, pourtant tantôt d'un blond 33 plus blanc , & tantôt d'un blond plus roux, 35 Ceux"^ qui font employés à former les broffes, 55 ont quelquefois leur pointe couleur de rofe«. 33 La Chenille a auiTi fur le derrière un pin- 55 ceau de poils dont le bout eit couleur de ,5 rofe. Ces couleurs tendres y & la. diftributioii ., des poils , font ini fort joli habit de Che- ^ nille. Elle paroit- encore mieux vêtue, quand 55 eHe fe ccurbe \\n peu y que quand elle eft ^ alongéc j alors les intervalles, au moins- de 55 trois, anneaux , paroiiTent > ils font du plus „. beau noir velouté , &c. ,5 J\ii eu cette Che- nille tandis que i'écrivois. ceci v & l'attentioiî ^ue - je lui ai donnée & qu'elle méritoit , m'a SUR LES INSECTES. 249 valu quelques faits qui avoieiit échappe à fon Hiftorien. Je ne coiinois point de Chenille de cette clalfe qui foit plus tranquille que celle-ci ne m'a paru Tètre. Elle fait peu de chemin , & fa mar- che eft allez lente. Elle fe tient ordinairement fous les feuilles dont elle fe nourrit. Je l'ai nourrie de celles du Prunier : M. de Reaumur avoit nourri les fiennes des feuilles du Châ- taignier. J'ai lieu de croire qu'elle mange auilî celles du Charme , & probablement celles d& quelques autres arbres. Ça été le 26 de Septembre , fur les fix heu- res du matin , que ma Chenille a commencé à travailler à fa Coque. Ce qui m'a d'abord frappé dans fon travail , qa été de longs fils droits , incomparablement plus gros que les fils ordi- naires de cette Chenille , qui étoient tendus depuis les parois du poudrier jufqu'aux bords extérieurs de la Coque commencée. La Chenille avoit tendu de femblables fils des deux côtés oppofés de la Coque. La longueur d'un de ces fils étoit de prrès d'un pouce : les autres avoient depuis trois lignes jufqu'à fix ou fept. Il fem- bloit que ce fuifeiit de petits cables que l'ou- vri-ere eût tendu pour aiErmer Ion petit édifice. 2^0 OBSERVATIONS Ils ne paroidoient pourtant pas devoir produire cet effet. En .examinant rcxtrcmité inférieure de ces petus cables , j'ai remarqué qu'ils \c divifoient à cet endroit, comme pour embraffcr une plus grande étendue de terrein , ou former fur le verre une forte d'empâtement. Ces fils en manière de cables , m'ont rappelle ceux de la Moule. Dans ce même endroit où ces £ls. s'attachoient au. verre, on voyoit une niulti-' tu de de fiis très-fins , très-ferrés , dirpofés en manière de zigzags irréguliers , qui formoient fur les parois irtérieurcs du vafe , de petites taches blanchâtres 8i brillantes d'une à deux lignes de largeur. La divifion des gros ùh à leur extrémité înférit;ure-indîquoit affez qu'ils étoient formés de la réunion de pîufieurs £ls. Ces efpe-. ces de cables n'étoient pas Jiombreux : il n'y en avoit guère que quatre à cniq qui fuifent fort apparens , mais tous étaient tendus eu ligne droite. J'ai été furpris de la grandeur que la Chc« îiilie donnoit .à fa Coque : elle n'étoit point du tout proportionnée à celle de fon cotps. La Chenille y étoit extrêmement au large. La forme de cette Coque n'étoit pas bien régulière. Llle étoit fort large proportionnellement à fa lon^ gueur > & relfembloit plus à ojiie forte de pochq SUR LES INSECTES. 2St «u de f!ic qu'à une véritable Coque. Sa largeur étoit de dix iigncs ; fa longueur de quatorze. Un de fes bouts étoit coupé quan;ément, les autres , des courbes plus ou moins irrégu- Ueres. Les fils droits paroiiroient les plus nom- breux lorfqu'on rcgardoit la Coque par-dehors. On jugeoit encore de cette dircdtion en fuivanc les mouvcmens de ia tète., tandis que la filière 3T2 OBSERVATIONS îaiiïoit couler le fil. Ces fils droits revenoient fouvent -lur eux-mêmes, & traçoient des lignes parallèles à la première ; mais qui quelquefois divergeoient plus ou moins. Leur couleur dtois u.i blanc argenté tirant fur le grifàtre. Notre ouvrière ne travailloit pas avec beau- coup d^adivité : elle fe repofoit fréquemment, 8c ces intervalles de repos étoient plus ou. moins longs. Son tilfu demeuroit Ci tranfparent qu'il ne déroboit aucune de fes manœuvres. Je la voyois s'occuper à le fortifier de plus en plus par l'ap- plication luccefTive de nouveaux fils. Cependant il ne perdoit rien de fa tranfparence. I Je l'ai dit : c'étoit contre les parois du pou- drier que ma Chenille s'étoit établie : elle ne pouvoit donc mieux fe placer pour fatisfaire rObfervateur. Mais ce que je n'ai pas dit , c'eft qu'elle avoit recouvert fa Coque d'une feuille de Prunier qui s'étoit trouvée dans fon voifi- nage. Comme cette feuille me déroboit une partie des manœuvres de l'ouvrière , j'ai tenté de l'enlever délicatement , fins rien déranger dans le tilTu , & j'y fuis parvenu. Tous les contours de la Coque, quoxqu'im , SUR LES INSECTES, 1255 peu irréguliers , étoient parfaitement bien ter- minés , & je ne pouvois douter qu'ils ne fufTcnt bien ceux d'une Coque , & non d'une fimple enveloppe , telle que celle que le Ver-à-foie & beaucoup d'autres Chenilles donnent à leur Coque. Cette dernière me paroilîbit diiférer par plus d'un caradgre de la Coque que j'avois fous les yeux. Je n'ai donc pas été médiocre- ment furpris , lorfque dans l'après-midi du même jour , j'ai apperqu les commencemens d'une féconde Coque beaucoup plus petite , que la Chenille conftruifoit dans l'intérieur de ki grande. Cette féconde Coque étoit de la cont truction la plus régulière. Sa forme étoit ovale. Elle avoit onze lignes de longueur , far cinq de largeur j & la Chenille la conftruifoit à-peu- prçs au milieu de la grande Coque : un de fes bouts touchoit le bout quarré de celle-ci. Quoique cette féconde Coque fût confidé- rablement plus petite que celle qui la renfer- moit , la Fileufe ne laiffoit pas ày être alfez au large : auffi n'étoit-ce point en contournant fou corps, tantôt en manière à S , tantôt en manière d'anneau applati , qu'elle lui donnoit la forme & les proportions qu'elle devoit avoir, Elle alloit &: venoit dans cette féconde Coque ? à-peu-pres comme elle avoit fait dans la pren:ûere. Quand 2T4 OBSERVATION S elle avoit travaillé quelque temps à Tun des bouts, elle paiibk à Taucie: puis elle truvailloïC fur les côtés. J'ai remarqué qu'elle prenoit plus d'adivité à meiure que fon ouvrage avanqoit. Les iuter- _ valles de repos deveiioient moins fréquents & moins longs. ! La Coque intérieure n'étoit pas moins tranf- parente que la Coque extérieure , & il n étoit pas moins facile d'y fuivre à Foeil tous les mou- vemens de la Chenille. Je ne doutois pas qu'elle ne fe fervît de fcs poils pour épailîir fon tilfu , Se en diminuer la tranfparence. Je la voyois néanmoins continuer fon travail , fans qu'elle parût fe difpofer à y i faire entrer les poiis dont elle étoit il bien fournie. J'en appercevois bien qà & là quelques- uns qui s'étoiciît détachés du corps , & que i'ouvriere avoit couchés de leur long dans le tilTu i mais ils étoient fort clair-femés j & je jugeois facilement, qu'elle ne fe borneroit pi s à inférer entre les fils une Ci petite quantité de poils. Les autres Chenilles ii brcjfes que j'avoîs obfervées , m'avoient alfez appris qu'elles n'ai- ment pas que leur Coque demeure trop tranf- SUR LES II^SECTES, aff parents , & qu'elles entendent à la rendre plus ou moins opaque. J'etoiS extrêmement curieux de faifîr le moment où la Chenille mettroit en œuvre cette grande quantité de poils dont elle étoit vêtue , & qui me paroiifoient tenir aifez fortement à fon corps 3 car la tranrparence du tiiTa me per- mettoit de voir diftindemenc les brofTes , & même de les compter 5 & j'obfervois fort bien que les divers mouvemens que la Chenille fe donnoit en promenant ion corps de côté & d'autre , ne détachoient point les poils. Je n'ob- fervois point non plus que la Chenille fe mit en devoir de les détacher avec fes dents. Pendant tout le temps que j'avois fuivi notre ouvrière , j'avois été frappé d'une parti- cularité que je ne dois pas paifer fous filence. Ses jambes membraneufes s'alongeoient au point, que dans certaines circonftances , on les auroic prifes pour de petits Vers d'Ichneumones qui fortoient du corps de la Chenille. J'étois même obligé d'y regarder de fort près pour n'y être point trompé ; car ces jambes ont une cou^euc de chair qui accroît encore filluGon. Cet alon^ gement iî coniidérable des jambes membraneufes de notre Chenule , ell très - remarquable. Oa tlS'^ OBSERVATIONS îî'ignore pas que , lorfque les Chenilles travail- lent à leur Coque , elles approchent fort du temps de la métamorphofe , & que leurs jam- bes membraneufes , bien loin de s'alonger alors , fe contradent toujours plus ou moins. L'alon- gement des jambes membraneufes de notre Che- nille m'a paru lui être utile. Il lui aidoit mer- veilleufement à fe cramponner aux parois fupé- rieures de la Coque , tandis que renverfée ainfi fur le dos , elle travailloit à en fortifier un des bouts. Enfin , le moment Ci déliré eft arrivé où la Chenille a commencé à fe défaire de lit four- rure , & j'ai eu le bonheur de le faifir. Il étoit environ minuit. Voici comment la choie s'eil paifée. Le procédé auquel ma Chenille a eu recours n'a reiîemblé à aucun de ceux que je con- noiflbis , & que M. de Reaumu^ a décrits. Quand je fuis revenu l'obferver & que je l'ai furprife dans l'opération , elle étoit renverfée fur le dos , Se fes jambes étoient tournées vers ie haut de la Coque. Mais je dois faire obfer- ver ici , que les deux Coques avoient été filées de manière que leur grand axe coupoit à an- gles droits l'axe du poudrier : leur longueur étoit SVR LES INSECTES. 2f7 ^toit donc parallèle à rhorifon. Le corps de ia -Chenille étoit étendu eii ligne droite dans la Coque intérieure , & elie étoit dans une fitua- tion renverfee comme je viens de le dire. Dans cette fituation, je Tai vu porter brufquement ion corps en avant & le retirer aulïi brufque- ment en arrière , Se réitérer cette manœuvre à plufieurs reprifes , & dans des ÏLiitervalles de temps extrèmeme:it courts. Eue femb^oit fe trémouirer violemment ou être ba'ottée avec ^iteife de devant en arrière Se d'arrière en avant. Cela a duré un temps aifez long. Je m'é- tonnois même que la Ch?:ii'ie ne le lairat pas plutôt d'exécuter des mouvemens en appa- ïence fi pénibies. 11 n'étoit pas difEcilc de de- viner le but de ces mouvemens finguliers , fi diiïérens de tous ceux que la CherJîle s'étoit donnés jufqu'alors : ils tendoient manifcRcment à détacher les poils. Cependant je ne les voyois point encore fe détacher, quoique la Chenille eut déjà exécuté fous mes yeux piuueurs balot- temens. La rranfparence du tifTu ne paroîiroit . pas s'altérer. Mais entm , après un bon nombre 270 0 Ë s E R V A T I 0 M S Chenille fur le Bouillon -bîanc : j'en trouvai trois i\ii' le haut de la tige de cette plante le 6 de Juin 1737 i je les renfermai dans un poudrier avec quelques feuilles de la plante qu'elles aimoient. Elles en mangèrent fous mes yeux ', mais ce ne fut qu'après qu'elles eurent pris la précaution d'en écarter le duvet coton- neux & allez épais qui les recouvroit. Il n'ctoit pas apparemment un aliment qui leur convint. Le 9 du même mois , je remarquai qu'une de mes Chenilles s'étoit cachée fous les feuilles & qu'elle tiroit des fils de foie de tous les côtés. Je jugeai aufîi-tôt qu'elle vouloit fe pré- parer à la métainorphofe. Je la fis paifer fur le champ dans un autre poudrier où j'avois eu foin de mettre une certaine quantité de terre féche , preiqu'auiîi fine que du iable ordinaire. Elle ne tarda pas à percer cette terre & à s'y enfoncer. Au bout d'environ trente-ilx heures , curieux de favoir (i elle avoit beaucoup avancé fon ouvrage , j'inclinai doucement le poudrier pour en faire fortir la terre qu'il contenoit. Je vis paroitre fur le fond une coque de terre de la fismre & de la ^^roifeur de celle du Ver- ïVfoie. Elle avoit beaucoup de confilîance ; car quoique je la preilaife uifez ent/re mes doigts ^ SUR LES INSECTES. 271 J-e ne la fentois pas céder à cette preffioii. J'en conclus , que fi elle n'étoit pas enticre- nient achevée , elle étoit au moins très-avancée ; 8c je préfumai qu'elle devoit être d'une épaif- feur confidérable. Mais cela ne fatisfaifoic pas ma curiofité -, je regrettois de n'avoir pu dé- couvrir comment la Chenille s'y étoit prife pour conftruire une pareille Coque. Dans la vue de m'inftruire par moi-même de fon art , j'eus recours au moyen que M. de Reaumur avoit lui-même pratiqué. Je fis une brèche à la Coque : je l'ouvris à un des bouts. Je mis aiafi l'intérieur à découvert. Je vis alors que Ja Coque étoit un compofé de terre & de foie, très-bien lié dans toutes fes parties & dont l'épaiiTeur étoit de plus d'une ligne. Je pofai la Coque de fon long fur un petit tas de terre féche 5 & j'attendis avec impatience ce qui ré- fuîteroit de' ma tentative. Le bout par lequel j'avoîs ouvert la Coque fe trouva répondre au derrière de la Chenille. Elle ne pouvoit donc venir réparer la brèche qu'après s'être retournée bout par bout. Ce fut aufïi ce qu'elle ne manqua pas de faire , & qu'elle exécuta très - promptement. Elle étoit déjà fi raccourcie , qu'elle n'avoit guère que la moitié de fa longueur , & fes jambes membra^ 272 OBSERVATIONS îieufes ctoieiit fi coiitradées qu'elle ne pou voit plus en faire ufage. Quand elle eut amené ia tète à l'ouverture de la brèche , elle la porta en avant & tâta de tous côtés. Sa partie anté- rieure étoit encore fufceptible d'un certain alongement. En tàtant ainfi de tous côtés , elle rencontra bientôt la terre fur laquelle repofoit îa Coque. Elle prit entre fes dents un grain de cette terre : elle alla le placer contre les bords de l'ouverture j & pour le maintenir mieux en place , elle le prella avec la tète j elle s'ciForqa de le faire pénétrer entre les grains qui compofoient les bords de l'ouverture , auxquels elle le lia plus étroitement encore par des fils de foie. Apres avoir mis en place ce premier grain , elle porta de nouveau fa tète hors de îa Coque , alongea fa partie antérieure , 8c s'a- vanqa même il fort au dehors de îa brèche , que près de la moitié de fbn corps étoit à dé- couvert. Elle failit un fécond grain, le tranf- porta , le plaça , le preila on y ap- percevoit même un petit vuide : de plus, elle étoit beaucoup plus large proportionnellement à fà longueur, qu'elle n'aïu-oit dû l'être. Elle reiîembloit donc plutôt à une forte de nid qu'à une véritable Coque. Elle étoit appliquée contre les parois du vafe , comme les nids des Mou- ches maçonnes le font contre les murs de nos. niaifons. Il y avoit encore une ouverture dans. la partie inférieure de la Coque : la tète de la Chenille fortoit par cette ouverture , & quel- quefois près de la moitié de fon corps. Elle périt au bout de quelque temps fans avoir bou- ché cette ouverture. Plusieurs de mes Chenilles qui s'étoient enfoncées en terre , s'y étoient conftruites des Coques auxquelles rien ne manquoit. L'occalion ctoit bien favorable pour répéter mes premières expériences fur l'art avec lequel ces Chenilles SUR LES INSECTES, 2S3 travaillent : je ne la îaiilai pas échapper. Avec des cifeaux j'ouvris les Coques eu divers en- droirs. Les unes furent ouvertes fur le côté : les, autres le furent dans une de leurs extrémités. Toutes mes Chenilles ne réparèrent pas la brè- che de la même manière: les unes employèrent à cette réparation la terre & la foie : d'autres n'y employèrent, ou ne parurent y employer que la foie. Celles-ci fe bornèrent donc ù tem^re ini voile devant l'ouverture. Je ne détaillerai pas les manoeuvres de ces Chenilles j parce qu'elles ne différent point de celles que j'ai dé- crites dans cette Obfervation. Je viens de dire qiie j'avois ouvert des Coques par une de leurs extrémités : j'eifayai d'en ouvrir une aux deux bouts : je crus que je ne poUvois trop Varier mes eilais : la Coque que j'avois traitée ainfî n'étoit plus qu'une forte de fourreau. La Chenille qui s'y étoit ren- fermée n'entreprit point de ré./arer les brèches : elle fortit de fi Coque fans avoir frit aucun travail. Je la forçai d'y rentrer ; elle en fortit pour la féconde fois. Je l'obligeai encore à ren- trer dans fon domicile ; & pour l'y retenir , j'enfonqai dans la terre un des bouts de la Coque : je la plaçai ainfi dans une lituatioii verticale. Cette féconde tentative fut auiîi in- â£4 OBSERVATIONS fmclueiire que la première : la Chenille aban- donna encore fon domici'e, & elle fe dirpofoit à s'enfoncer dans la terre , lorique J'imaginai de taire une troiileme tentative. Je la ns- rentrer dans fa Coque , & je couchai la Coque de Ion long dans la terre , de fac^on que les deux bouts, ouverts étoient bouchés par la terre. Cette der- nière tentative ne fut pas plus heureiife que les précédentes -, la Coque avoit été ians doute trop maîtraitée : la Chenille refuia confl:amment d'y demeurer c%. de la réparer. Quelques-unes de mes Chenilles que j'avois entièrement privées de terre , parvinrent à fe faire de fort bonnes Coques avec leurs excré- mens & des portions de feuilles , qu'elles lièrent les uns aux ancres au moyen d'un tilfu fojeux. Toutes fe transformèrent enfuite en Chryfali- des , qui ne parurent fous la form.e de Papillon que dans les premiers jours de Juin T740. Ce fut environ fix femaines plus tard qu'à l'ordi- naire. Ce retard remarquable avoit été occa^ fioné par l'Hiver fî long & fi rude de cette année. On connoît les curicufes expériences par lefquelles M. de Reaumur a prouvé-, (-^0 que la durée de la vie. des înfedes eff toujours eu rapport avec le degré de la température de C) Mém, JiL,- les Inf, To.r.e II, Mém. L SUR LÈS INSECTES, 2gf Pair , & qu'on peut à volonté prolonger oli abréger la vie de ces petits Animaux , en les tenant dans un air plus froid ou plus chaud que celui auquel ils ont coutume d'être expofés. (g^^==^ ^^^cx^^ '^^"^^ OBSERVATION XXVIL Sur les Coques que diverfes Chenilles Je conjlriii' [ent avec de la terre Jf? une forte de colle. N fe tromperoit beaucoup , fi Ton penfoit que toutes les Chenilles qui entrent en terre à l'approche de la métamorpliofe, s'y conftruifcnc des Coques fur le modèle de celle de la belle Chenille du Bouillon-blanc. Il en efr de diver- fes Efpeces , qui n'ayant point de foie :\ met- tre en oeuvre , ne fauroient her enfemble les grains de terre, comme le pratique Ç\ habile- ment la Chenille que je viens de nommer. Elles ont été réduites à v^y employer qu'une forte de colle plus ou moins vifqueufe , & plus ou moins abondante. Les Coques conftruites de la forte , n'ont point pour l'ordinaire le degré de Solidité qui eft propre à celle de la Chenille du Bouillon-blanc. Elles ne fauroient être maniées fans fe rompre , & cèdent aux plus petits chocs. C'eil; au moins ce que j'ai vu aniver ie plus n6 OBSERVATIONS fouvent. La colle ne lie point auffi bien îe^ grains de terre que le Lit la foie : d'ailleurs h manière dont la Chenille emploie cette colle , ne reifemble point à celle que pratiquent les Chenilles qui ont de la foie à leur difpoiltion. J'ai parlé ailleurs (^0 d'une grande Chenille , que Ton attitude la plus ordinaire a fliit nom- mer le Sphinx : elle eft au nombre de celles qui bâtiffent avec de la terre & une forte de colle. Je commenqai à Fobferver en Juillet 1737 , & j'eus dès-lors occafion de m'inftruire par moi- même de fd manière de bâtir. La terre dont j'avois rempli en partie le poudrier dans lequel je l'avois renfermée , étoit très - féche : tous les grains en étoient friables. Quand j'inclinai le vafe pour obferver la Coque que la Chenille étoit occupée à conftruire , je fus bien étonné de trouver la terre auiîi humedéc que fi l'on y eût verfé de l'eau. La Chenille avoit donc ré- pandu dans cette terre une dofe bien abondante de fa liqueur. Le mouvement que j'avois occa- fioné en inclinant le vafe , fit rompre la Coque : il s'y fit une ouverture fur un des côtés. J'en examinai avec foin le dehors & le dedans, Se je m'alfurai par cet examen , que les grains de terre n'étoient liés les uns aux autres qu'au C) Obf. XVe SUR LES INSECTES. 287 moyen de la liqueur vifqueule dont ils avoient été humectés. La conftrudion des Coques de terre & de colle', ell: donc quelque chofe de fort limple , & qui ne fuppofe pas autant de travail que celle des Coques de terre & de foie. Tout Tart de Fouvriere paroit conlifter à pratiquer autour d'elle une cavité proportionnée à fa grandeur. Si à donner aux parois de cette cavité une cer- taine coniiftance. Pour y parvenir , elle humecle la terre avec fa liqueur , & par des battemens réitérés de fon corps , elle lui fait prendre la forme d'une voûte. La même manœuvre qui produit la voûte , en lie les matériaux & les retient en place. Le deiféchement de la colle fait le refte. A rheure que j'écris ceci , j'ai fous les yeux ii!i poudrier plein à moitié de terre de jardin , au fond de laquelle une de ces grandes Che- nilles qui donnent le Papillon a tête de mort ^ a conftruit fa Coque. On reconnoit manifefte- ment , que cette Coque n'eft qu'une fimple ca- vité en manière de voûte. Les parois du pou- drier forment un des côtés de la cavité , & elles ont confervé aifez de tranfparence pour laiiTer Voir la Chenille. Cette cavité a deux pouces deux ^88 OBSERVATIONS lignes de longueur ^ fur environ dix lignes ^e hauteur : là Forme dl donc celle d'un ovale aiiez alongé i mais l'opacité de la terre ne permet pas de juger bien des vraies dimenlions de cette Coque. Avant que de la coiillruire , la Chenille étoit entrée en terre , & en étoit ibrtie cinq à ^ fix fois. OBSERVATION X X \n 1 1. ] Sm- deux Efpeces de Chenilles qui fe confiruij oient une Coque avec dijferens ?norceaiix de papier. j £ ne décris pas la première 'Erpece de ces Chenilles : M. de REAur.fUR en a donné rHif- toire & la Figure (*J). Il n'en avoit pas vu la Chryfalide , & n'avoit point cherché à la voir j il ne préfumoit pas qu'elle otîrit rien de Sin- gulier. Elle a pourtant une forme remarquable. On en jugera par ce que je vais en rapporter. A la fin de Septembre 1738 5 on me remit une Chenille de cette Eipece , parvenue à fon pariait accroiiiement. Peu de jours après , elle fe conftruilit une Coque de foie , d'un tiifu aiîez (*; Mé^iu fur les Inf. Mém. XIII , page 559 , PI. XXXVIf , Fig. II. ferré , :SUR LIS Jn SECTES, 289 ferré-, de couleur gris de fouris , qu'elle recou- vrit en partie des graines .d'ortie dont elle fe nourrit. Curieux de voir la Cbryfalide., j'ouvris 'la Coque au bout .de quelque temps : je mis ;ain{î à découvert uiieChrvTalide, dont la forme afTez finguiiere excita mon attention. Elle étoit bien du Genre des Chiyralides coniques , m.-is au lieu d'aller en dimmuane par degrés inieu- iibles depuis le corcelet juU|u'au derrière , elle confervoit à -peu -près le même diamètre juf- vqu'au tixieme anneau. Elle était donc à-pcu- près cylindrique d.uis toute cette partie de fon corps. Mais au lixienie anneau elle dimiuuoit lirufquemcnt de diamètre , & formoit un cône -très-court dont la bafe étoit dans cet anneau j .& le iommet à la queue de la Chryiaiide. Je remarquai encore que les fix premiers :îmneaux n'étaient pas conformés à la manière 'Ordinaire: ils n'alloient pas en recouvrement les uns fur les autres j & dans l'endroit de leur jondiou , on obfervoit un rebord arrondi, qui avoit allez de relief, .& qui imitoit fort ^ien une moulure de menuiferie. L'elpace com- pris entre deux moulures itoit uni, & ne pré- fentoit point cette convexité qui eft proprt? îuix anneaux > & qui les xaraclérife. Les jtrois ;^2rnicrs anneaux , ou ceu^x qui comporoienl le Toyue IL '£ ' Î2^90 OBSEVxVATIONS petit cône dont j'ai parlé , étoient au contraire fort peu marqués : ils n'avoient point le relief des autres , & on dillmguoit à peine leur jondion. Le 26 Odobre de la même année , je trou- vai une autre Chenille de la même Efpece, qui au. bout de trois à quatre jours , fe mit à travailler à fa Coque. Elle s'étoit établie fur un des côtés du poudrier , à-peu-pres à la moitié de fa hauteur. Elle avoit déjà commencé à re^ couvrir de feuilles fon "petit édifice , iorfque je i^vins l'obferver. Je renverfii auiîi-tôt tout ce qu'elle avoit fait , pour l'obliger à travailler avec du papier que je coupai avec des cifeaux par petits morceaux , auxquels je donnai toutes fortes de figures. Il y en avoit d'oblongs , de ronds , de quarrés , de triangulaires , & d'autres figures plus ou moins irrégulieres , ou plus ou liioins bifarres. Je viens de dire , que j'avois détruit tout F-ouvrage de ma Chenille: je dois ajouter, qu'il étoit reil:é fur les parois du vafe de verre où je Pavois renfermée , un efpace ellyptique bordé & tapilfé de foie , qui ctoit le fondement de la Coque que j'avois détruite. Je m'attendois à voir ia Chenille reprendre bientôt fon travaiU SVR LES 71<^SECTES, 29T 'car ie flivois qu'en pareille circonftance les In- fectes ne fe découragent pas facilement. Cepcn- •dant ma Chenille abandonna la place où elle 's'étoit fixée , & ne rh^ que fe ,promener dans le vafe pendant environ une heure. Elle revint néanmoins fe fixer au milieu de Pefpace ovale, 'tapiiîë de foie , & entreprit d'élever une nou- ^^elle Coque fur les fondemens de l'ancienne» IL'ouvrage étoit déjà un peu avarice quand je -revins l'obferver. EHe s'étoit fervie des maté- riaux que je lui a vois livrés : elle avoit poië & ^arrèté fur leur tranche piulieurs des petits mor- ceaux de papier que j'avois jettes au fond du vaië. La hauteur de ce vafe étoit d'-enviroii ■'trois pouces , & c'étoit , comme je l'ai dit , à ?îa moitié de cette hauteur qu'elle avoit d'abord ^tabh fon logemient. Elle occupoi*: le milieu de -l'efpace ovale , & ^c'étoit tout au^our d'elle qu'elle avoit arrangé les petits morceaux de papier, de manière qu'i-s formoient une e^pcce de clôcu.c. Comme i-s 'étoient pofés & arrêtés fur tranche, il me parut ■que la Chenille n'avoit plus qu'à les rappro- cher par le huut, à les forcer de fe toucher, pour donner à ion petit édifice la forme d'un l^erceau. Je ne jugeai pas à propos de la iaiifir fcire : je n'avois pas V4ji comment elle s'y était 292 OBSERVATIONS prife pour tranrporter les matériaux depuis le fond du poudrier jufqu'au lieu où elle s'étoit fixée 5 & je voulois le voir. J'eus donc refpece de cruauté de détruire pour la ieconde fois fon travail : j'enlevai tous les morceaux de papier , à l'exception d'un feul, qui étoit le plus grand, & de forme triangulaire. Il étoit placé fur un des côtés de l'efpace ovale , & en occupoit la plus grande partie. Je laiifai en place ce mor- ceau de papier, pour ne pas trop décourager i'induftrieufe Architecte. Elle me parut d'abord embarralTée , elle tàtoit à droit & à gauche , comme pour chercher les morceaux de papier que je lui avois enlevé. Après avoir long-temps tâté , elle rencontra le morceau de papier trian- gulaire 5 qui occupoit un des grands côtés de i'efpace ovale. Elle le faifit avec iés dents & Cqs premières jambes , & en le tirant à elle , elle le forqoit de prendre une polition plus avanta- geufe , ou plus appropriée au but de fon tra- vail 5 car lorfque j'^vois enlevé les autres mor- ceaux de papier , j'avois fiit changer de pofi- tion à celui-ci : il étoit lié aux autres par des fils de foie , & on juge afîez que je ne pouvois enlever ces derniers , fans déranger plus ou moins la pofition du premier. Après avoir donné à ce morceau de papier la pofition la plus con- venable 5 elle fe remit à tâter de tous côtés ? & 'fe: SUR LES INSECTES. 2,93 ne découvrant rien , elle defceiidit vers le fond du vafe , mais fans abandonner entièrement rcfpace ovale , dont le grand diamètre étoit pa- rallèle à Taxe du vafe : elle tenoit toujours à cet efpace par fa partie poftérieure ou fes der- nières jambes. Elle rencontra bientôt un des morceaux de papier qui étoient au fond du vafe : elle s'en faifît auilî-tôt 'avec fes dents & fes premières jambes , à la manière d'un Ecu- reuil. Elle releva en Pair , en fe renverfant en arrière , & en rapprochant ainfi fa tète de fou dos : elle remonta enfuite à reculons vers Pef. pace ovale , mit en place le morceau de papier , le fixa contre les parois du vafe avec des fils, de loie , & redefcendit comme la première fois vers le fond du vafe pour y chercher un autre morceau de papier , s'en faifir & le mettre en place comme le premier. Je fuivois attentivement toutes, les manœu- vres de notre adroite & laborieufe ouvrière y je reconnus facilement qu'elle ne faifoit point un choix des morceaux de papier qui étoient à fa portée : elle s'emparoit du, premier qu'elle rencontroit quelle que fût fa figure , & alloit auiîî-. tôt le pofer à côté j. ou fort près de ceux qui étoient déjà en place. Ainfi elle pofoit les uns auprès des autres des mat;énu.ux dont [es..figu- T 3 2:9f 0 B S E K r A T I 0 K 3 res & les proportions n'étoient point en rap^.- port , ni entrelles , ni avec la p]uee que les, juateriaux occunoient : par ex:cmple , un mor- ceau de papier quarré-long occupoit u>ie place <, où un morceau de forme triangulaire auroit îîiieux convenu. Il en fut à-peu-près de raèmc' des antres morceaux que h Chenille tranfporta fucceirivement , & qu'elle mit eu place. On fent: bien qu'il ne pouvoit réfuiter de tout cela qu'un ouvrage afiz informe , «Se dont l'extérieur ne reirembloit qu'imparfaitement à une Coque. Mais: Jk Chenille ne pouvoit guère tliire mieux :. elle; étoit forcée d'employer des matériaux, dont la nature & la forme différoient fans, doute beau- coup de celle des matériaux qu'elle auroit trouvés dans la campagne. Et fi l'on demandoit pour- quoi la Chenille ne favoit pas foire un choix entre les morceaux de papier, pour les adapter mieux aux différentes places qu'ils dévoient, occuper, je demanderois à mon tour, fi un femblable choix étoit bien fait pour une tète d'Infede ï Quel Maqon , quel Menuiiier conf- truirôit un ouvrage propre & folide avec des matériaux choifîs & taillés par un homme qui ignoreroit p'-ofondément l'art du Maqon ^ ou celui du Menuilier ! Lorsque la Chenille eut raifemblé autour SUR LES INSECTES, S95: d'elle aiTez de matériaux pour former renceinte de fou logement , fon grand travail fut de donner à ces matériaux le degré de courbure qu'exigeoit la forte d'ouvrage qu'elle vouloit conitruire. Le papier étoit une matière bien ingrate , & dont la roideur oppofoit beaucoup de rédftance à la Chenille , & d'autant plus qii'il étoit coupé en morceaux plus petits. Auiîî fe donnoit-elle des peines infinies pour forcer le papier à plier fous fes doigts. Qiiand le mor- ceau qu'elle attaquoit étoit de forme triangu- laire , c'étoit par l'angle oppofé à la bafe qu'elle le ftiliifoit avec fes dents , comme fî elle eût connu cette régie de méchanique, qui veut que la puillltuce 5 pour agir avec plus d'efficace , foit le plus éloignée qu'il eft poiîîble du point d'ap- pui. Si le morceau de papier étoit quadrilatère, elle l'attaquoit par un des côtés. Mais il arrivoit quelquefois que les efforts que la Chenille fe donnoit pour courber un de ces morceaux de papier , le détachoit de fa place : alors elle pre- noit le parti de le fixer de nouveau à la même place , ou elle alloit le fixer ailleurs. Si elle ne parvenoit point à fe fitisfaire par l'un ou l'autre de ces deux procédés , elle lallfoit là le mor- ceau de papier, & alloit en cherch-er un autre. Enfin , à fores de p. tience , de foins à d'iu- T 4 t9^ 0 "è S Ë K r A- T ï 0 K ^ diiftrie , notre Chenille fe trouva en poiTeffîoît é'un logement commode. Elle n'étoit pourtant pas parvenue à"' donner aux matériaux la cour^ fcure propre à leur faire repréfenter une Coque • mais elle' les avoit difpofés^ les uns à côté des autres , & les uns fur les autres , de faqon qu'ils fecouvroient très-bien le tiiTu foveux qui l'en- "veUvppoit immédiatement, & qui étoit comme le doublage de Tédifice. Je remarquai que c'é- toicnt les plus grands morceaux de papier qui ©ccupoient les grands cotés de l'édifice •; les plus petits étoient aux extrémités. La Chenille fut trt:s - attentive à garnir de foie tous: les petits vuides que les morceaux de papier lahfoient ciîrr'Vtix , & que l'irrégularité de leurs figures îendoient inévitables. Eîle épaiilît & fortifia de plus, en plus le tiflu foyeux i & ce fut ainii qu'elle réuiîit à donner une telle folidité à tout ]'oavrage , qu'il réfiftoit tres-biert à une aifez; forte prefïion du doigt.' Une autre Cheiiille , d'Efpece très-difTérente ^ m'a oifert à-peu-près les mêmes procédés. Cette Cheniuc n'a pi- s été inconnue à M. de Reaumur : il l'a décrite & repréfentée (*) ; mais il ne s'étoit pas attaché à la fuivre dans fes manœu- C} Mém. fur les Inf. Tome î, page 507, ?og, PI. XVIII, SVR LES INSECTES. 297 vrcs. Je i'ai vue fe conftruire aiiilî une Cvjque avec de petits morceaux de papier v les traîil^ porter, les mettre en place, les y retenir d'a- bord par des fils de foie peu ferrés , les y alTu-^ jectir enfuite par des fîîs plus ferrés & plus jriultipliés , & donner ainli à tout l'ouvrage une propreté Se une folidité bien remarquables. Les ditférens morceaux de papier qu'elle alTcmbloit avec tafit d'induftrie , étoient même fi étroite- ment liés les uns aux autres, qu'ils fembloient plutôt unis avec une colle fine , que liés avec des fils, de foie. L'aifemblage étoit fi iblide , (i parfait , que lorfque je voulois détacher un des morceaux de papier qui entroient dans la conf- trliclion de la Clique , je réuiîiiTois mieux à le déchirer , qu'à le iéparer des morceaux avec lef- quels il étoit lié. Ma Chenille ne fe contentoit pas d'aflembier & d'unir fi proprement entr'eux les morceaux de papier ; elle- ratiifoit encore avec fes dents la furface de plufieurs : elle en détaehoit de très-petits fragmens qu'elle mèlan- geoit avec fa foie , & dont elle garnilfoit tous les vuides de la Coque. Elle remplaça avec le même art un des morceaux de papier que j'avois enlevé à deifein , & qui recouvroit une partie confidérable de la Coque. Au lieu de lui fubftituer un autre m.orctau de papier, elle bou- cha la brèche avec un tiifu de foie & de frag- 298 OBSERVATIONS inens de papier. Cette Chenille eft la même dour j'ai parlé Obf, XVIÎ, & que j'avois vu dévorei fa dépouille. OBSERVATION XXIX. Irrégulm-ités dans la C07ifiru3mi des Coqnes des Chenilles^ JLl arrive quelquefois que les îiifedles fem- blent commettre des méprifes dans rexécution de leurs ouvrages j & ce fait bien remarquable eft un de ceux qu'on pourroit alléguer pour prouver qu'ils ne font pas de pures machines. L'Infedlologie nous fournit divers exemples de ces méprifes ou de ces fortes d'irrégularités, qu'on croiroit des méprifes. Je n'en indiquerai ici que deux , qui m'ont été offerts par deux Chenilles de Genres très-dilférens. En Mars 1741 , j'envoyai à M. de Reaumur une Coque que s'étoit conftruite une de ces Chenilles à ttiberctdes ^ qui donnent le Papi'ion qu'il a nommé le moyen Paon (*). La Coque de cette Chenille reiîèmble parfaitement pour X") Mém, fur les Inf. T. î , Mém. XIV. SUR LES INSECTES. 293 Felientiel à celle de la grande Chenille du même Genre : elle eft , comme cette dernière , façon- née en manière d'entonnoir ou de nailë de- PoilTbn. Un de fcs bouts eft très^effilé > c^eft le bout ouvert : l'autre eft gros & arrondi. La forme de cette Coque imite donc un peu celle de certaines Poires. Le tiiFu en eft ferre , très- hiftré , & d'une couleur qui tire iur le brun. La Coque dont je veux parler , & que j'envoyai à M. de Reaumur étoit , au contraire , parfaite-* ment ronde , & d'un blanc argenté. On n'y dé- couvroit aucune trace d'entonnoir , & elle étoit par-tout exadement clofe. La Chenille qui avoit conftruit cette (înguiiere toque , avoit fait un long jeune avant que de s'y renfermer. Ce jeCnie n'avoit pas été volontaire ; elle avoit manqué de nourriture,; Dans le même temps, je fis parvenir à notre illuftre Obfervateur une Coque de Ver-à-foie , dans laquelle trois de ces Lniééles s'étoient ren- fermés 5 & où ils avoient fuhi heurcufement la métamorphofe en Chryfalide 8c celle en Papil- lon. Je difois dans ma Lettre d'envoi : " Ll fliu- „ droit voir fi les couches de foie de cette 53 Coque extraordinaire y font multipliées pro- 55 portionnellement au nombre des Vers qui 35 ont concouru à la conftruire. „ 300 OBSERVATIONS Je ne trouve rien dans les réponfes de M. dr ReaUiMUR qui foit relatif à ces deux Coques. Il étoit fouvent Çi occupé , 8c mes Lettres con- tenoient tant d'articles différens , qu'il ne lut étoit pas toujours poffiblc de fatisftiire à tous. OBSERVATION XXX. Sur une Chenille qui avoit une forte odeur de Funaife , ^ fur un Papillon qui fentoit le I miifc. 'A I parlé de deux Chenilles qui , à l'approche- de la métamorphofe , avoient une odeur de Rofcs très-agréable : on icra moins furpris , fans doute , qu'il y ait des Chenilles d'une très-mau^ vaife odeur. La Clématis en nourrit une , qui roule fes feuilles , & qui a une odeur de Fu- naife , qui ne le cède point à celle des Punaifes les plus odorantes : auiîi Pavois -je nommée la Funaife. On la trouve dans le mois d'Août. Elle eft au-deflbus de la grandeur médiocre. Je n'ai eu ni fa Chryfalidc , ni fon Papillon , & je ne trouve qu'un mot fur fon hiil:oire dans Utie de mes" Lettres à M. de REAUMUR,fous la date du II Mars 1741. Je lui avcis envoyé cette Rouieufe. SUR LES INSECTES. 301 Je lui envoyai encore en Mai 1741 , le Papillon d'une Chenille qu'il avoit fait repré- fenter PL XVI, Fig. 8 , tlu Tome I de Tes Mé- moires , & qui a quelque relTemblancç avec la Coiinmine. J'avois eu cette Chenille en Juin de l'année précédente ; elle s'étoit conftruite alors une Coque pour s'y métamorphofer , & le Pa- pillon en fortit au commencement d'Août. Il avoit une afTez forte odeur de mufc. Elle fe feifoit encore fentir dans la Coque étoit une des plus grandes Chenilles que j'cu;ie~ encore vues. Elle avoic quatre pouces de lon- gueur quand elle s'étendoit , & Hi cuxonférence ^toit de deux pouces deux Hgnes. Elle pefoit lin peu plus de demi-once. Au refte , ce n'eft pas feulement fur la Che- nille que j'ai apperqu ces efj^eces de faux-lng- mates dont il s'agit \ je les ai découverts encore fur le Papillon-, comme on peut le voir dms une Lettre que j'écrivis à M. de EjeaUxIIUR le 23 de Juin 1742 , & que j'avois inférée dans Tome IL "^'^ 30(^ OBSERVATION S un Mémoire fur la rerpiration des Chenilles, Tome V des Savans Etrangers (i), page 297. 1^'^ --^Z^^'-^ — ^._.--^-g^ OBSERVATION XXXII. S/fr mi grand vaiffemi couché le lon^ du ventre , qtCon a cr^i appercevoir dans quelques Chenilles. N connoit ce long vailfeau CGUché le long du dos des Chenilles , & qui paroit faire chez ces Infedes les fondions de cœur. Il a des mou- vemens alternatifs de fyftole & de dyaftole , de contradion & de dilatation , qui font extrême- ment fenfibles dans les Chenilles rafes , dont la peau a de la tranfparence. Ce vaiiTeau eft uni- que : fon diamètre eft allez égal dans la plus grande partie de fon étendue , mais près du derrière & à la bafe de la corne chez les Che- îiilles qui en font pourvues , il paroît un peu plus large qu'ailleurs , & fes battemens y font plus apparens. Il diminue fenfiblement de dia- mètre près de la tète. On Pa nommé la grande artère ^ & ce nom paroît lui convenir mieux que celui de cœur. On ne découvre aucune (1) Mémoires de Mathématique £f/ de Phr/Ique préfentés à t '^Acndêmie Royale des Sciences ^ far divers Savans , c9' ^«^ ^^''^ ,^es ajfemhlies, Paris , 1768, SUR LES INSECTES. $07 xîimificatioîi à cette grande artère , quelque loin qu'on fe donne pour les trouver, La liqutui* que ce valifeau lait circuler , oc qui tient lieii de fang à l'Infede , eft limpide & prefque l;ins couleur. On ne découvre pas même comment elle eft apportée dans le vailieaa. On voit iëu- iement que le. principe de la circulation eft vers îe derrière-, à Pendroit où l'artère a le plus de diamètre -, car la liqueur paroit maniieftemeut chaifée du derrière vers la tète. Cette grande artère n'eft point propre aux Chenilles: elle eft commune à quantité d'Inrec- tcs de clalies différentes. On la voit toujours très -bien chez ceux dont le corps eft long 8c ïin peu tranfparcnt. Elle eft facilement recon- nciifable par fes mouvemens alternatifs de con- trai dlion & de dilatation. Elle offre un grand fpcdacle chez les Vers-de-terre & chez ces Vers d'eau douce, que j'ai multipliés en les coupant par morceaux. Je l'ai décrite dans mon premier ouvrage. (*) Une maitreiTe artère femble fuppofer une rnaîtr€ffe vciiie j & l'on ne trouve point de mai- treile veine dans les Chenilles : au moiiiS ii>' dccouvre-t-ou rien qui puiife être regardé uve^s C) Traité iClnfcclologk.^ui. II, Obf. IL V 1^ 308 OBSERVATIONS certitude comme le principal tronc des veines- Je ne fais pourtant s'il eft bien fur quïl n^ ait point à roppodte de la grande artère , & le long du ventre , lui grand vaiiieau parallèle à cette artère. M. de Reaumuk femble l'avoir apperqu : c^eft du moins ce qu'on peut inférer d'un en- droit de fes Mémoires (*). " Si on ne voit pas , „ dit-il, les artères de nos Chenilles , que leur 33 mouvement pourroit rendre fenfibles , on doit 33 encore moins efpérer d'y voir les veines. Je 53 ne fais néanmoins fi on ne doit pas prendre 55 pour le principal tronc des veines , un vaif- ,3 fcau conGdérablc qui eft en-deilcus , & tout 55 du long de l'eftomac & des inteftins. ,3 Les faulfes -Chenilles ont bien des rapports avec les Chenilles j & lî on leur découvroit , du côté du ventre , un long ViiiiTeau parallèle à la grande artère , ce feroit une nouvelle raifon de foupconner un femblable vaiiieau dans les Che- nilles. Or, M. de Reaumur lui-même ne nous permet pas de révoquer en doute l'exiftence de ce vaiiîeau dans une Efpece de faulTe-Cheniile qui vit fur le Rofier, & qui fe transforme dans cette Mouche pourvue d'une fcie Ci admirable, au moyen de laquelle elle pratique dans les franches de l'Arbrilfeau des logettes à fes œufs» (^) Tome I, pa^e 16^, SUR LES INSECTES. 309 ^^ En deifous , tout du long du ventre , dit 33 notre Obrervateiir (*) , on apperqoit un vaif- „ feau femblabie à celui qui règne le long du „ dos , & que nous avons regardé comme le 35 cœur des Chenilles , & de bien d'autres In^ 35 fecles , ou au moins comme leur principale 33 artère. Le vailfeau qui paroit fous le ventre 33 de notre fauire-Chenilîe , a un mouvement » 33 mais qui femble plus lent & plus foible que 33 celui de l'autre. Eft-ce que ce vaiiieau feroit 33 le principal tronc des veines ? ,.3 Je ne prononcerai pas fur l'exiftence de ce vaiiieau dans les Chenilles > mais je dirai , qu'ayant obfervé bien des fois & en divers temps , le deifous du ventre de quelques Che^ iiilles de la première grandeur , j'ai cru y apper- eevoir au travers de la peau , des indices plus ou moins apparens d'un long vailîbau qui cou- roit parallèlement à la grande artère. Souvent j'ai fixé mes regards fur des portions de ce vaiifeau plus apparentes que les autres 5 je les ai confidérées très-att;entivement pour m'aifurer de leur véritable nature , & pour l'avoir Ci je n'y découvrirois point de légers battemciis j mais quelques foins & que^qu'attention quj j'aie apporté à cette recherche , je n'ai jamaisL pu (*) Tome V , page 105. V3- 5T0 OBSERVATIONS réufllr à appercevoir le moindre mouvenTerrr dans ce qui s'ofFroit à mes yeux , fous l'appa- rence cFun vaifleau longitudinal. Il m'eû bien arrivé quelquefois, de croire y entrevoir à\h mouvement : je redoublois alors d'attention , &' je m'ailurois toujours que ce mouvement tenoit à celui de la Chenille y. ou à certains mouve- mens mtelHns occaiîonés. dans, les parties, voiiines. J'ai fait mention dans l'Qbfervation XV d'une grande Chenille rafe différente du Sphinx^ dont je parlois dans la même Obfervation , & fîir laquelle le grand vailfeau en queftion eri: extrêmement fenfible. Je ne connois aucune Chenille où il le foit davantage. On n'a qu'à la regarder du côté du ventre pour appercevoir aufîi-tôt un trait brun bien continu & biea terminé , qu'on fuit facilement , lans le fecours d'un verre , depuis le derrière jufques vers la dernière paire d.es jambes écailleufes. Je l'ai fait repréfenter dans la Fic^ure II de la Flanche V. [^v V V.']. Cette Figure eft très-exade , & rend au mieux Tobjet. Qiiand le fang ne fe meut pas dans la grande artère , & il eft des moyens de fu [pendre fon mouvement , comme on le verra ailleurs , ce vaiifeau a précifément la même apparence que celui de la Figure que je viens SUR LES INSECTES, 31Ï d'indiquer. On ne voit plus alors qu'un grand trait brun , dont la largeur eft par-tout à-peu-pres égale. Si donc le trait analogue que j'ai obfervé du côté du ventre , offre précifément les mêmes apparences, n'elt-on pas fondé à en inférer, que c'eR plutôt un maître vaiiïëau qu'un iimple trait ou une pure coloration de la peau? Si Ton venoit jamais à appercevoir dans ce trait quelque mouvement , qu'on pût s'alTurer lui être propre , la queftion feroit décidée. Je l'ai confidéré fouvent avec toute l'attention dont je fuis capable s j'ai tenu mes yeux fixés fur différentes portions de ce trait ; & ces yeux , qui à riieure que j'écris ceci (i) , apperqoivent (i) Le 9 d'Odobre 1776. Je fais ici cette remarque, parce que bien tJes gens dans les pnys étrangers , qui avoient lu ce que j'ai dit dans quelques-uns de mes écrits de l'état de mes ■yeux, ont cru que j'étois aveui^le. Je ne le fuis point, quoi- que j'aie fait dans ma jeuneiTc tout ce qu'il falloit peur le devenir. Je découvre encore jnfqu'aux traits les plus fins & 9UX plus petits points des admirables Planches de la Cheiiilk du célèbre Lyonet. Je dccouvie mê.re des objets plus diffi- •ciles à app-cicevoir i je vois à la vue fimple les finieufes an- guilles du bled Rc'.chitique , quoique delféchées , & les points ou ftigmatts da Tcenia^ dont la petiteffe furpaffe celle de ces anguilles. Je pourrois citer à ce lujet-de bons témoignages, s'il en étoit befoiu. Dans ce moment même, j'ai fous les yeux une Puce ; je vois à Pœil nud les poils de fes dernières jam- bes j je les compte, & mon Deifinateur, qui a la vue excel- lente, ne jieut les compter ; iï vient de prendre une luape ^ sr2 observation: s encore les p^us petits objets que la mcillcurr vus peut découvrir £ms le fecoars des verres j,. CCS yeux , dis - je , n'ont pu découvrir aucurt niouvemeiit dans aucune des parties du trait. ÀJl refte , j'avois déjà apperqu ce vaiiTeai^ daiis de grandes Chenilles dès Tannée 1740,. & Yen parle dans mon Journal à i'occadon de* celui de la fauiie-Cheniîle du Rofler. Sz il recoTinoit- que le nombre des poiis en vue efl bfeii le" Tîiéine qne j'ai npperqu. Mais ii eft vrai , que je ne faurois- Bxer quelques momens mes yeux fur un petit objet fans éproii-- Ver une fatigue plus^ ou moins (iouloiircufe. Mes yeux man- quent d-onc de force , &- ils fenteit les variations de l'atmof- phere. Je ne puis non plus lire ou écrire moi-même fans éprouver bientôt un fentîoîcnt plus ou moins pénible v& l'on' fait que piefque tous les écrits que j\ii compK)fés depuis J744, ont cré diftes les uns en entier , les autres en partie. ,yen dis^ autant des Lettres que j'ai écrites dans Tétranger , parmi lef- <|iielles il en eft qwi font de petite volumes. 0'% SUR LES INSECTES. ^ij ^^^..^^^ ,^^^^ _^,^^^^ OBSERVATION XXXIIL Sur la grande Fauffe-Chenille de l'Ofièr , & en particulier^ Stir la confiru&ion de fa Coque. Coque remar- quable que fe fie un Ver mangeur de la Faujfe- Chenille, L E nom de Faujfes-Chenilles paroît convenii: pariaitement à des Infectes qui reflembîent beau- coup aux Chenilles par leur forme , par leur flrudure & par leurs inclinations , & qui n'en différent principalement que par le nombre de leurs jambes membraneufes. Les Clienilles qui ont le plus de jambes membraneufes en ont dix : celles qui en ont le moins n'en ont que quatre. Toute Chenille doit devenir Papillon : on connoît en général les caractères cîaiîiques» des Papillons : on connoît auiîi ceux des Mou- ches. La Fauife-Chenille devient une Mouche à quatres aiics (*) , très-aifée à diftinguer du commun des Mouches par ceux même qui ne font pas Oblcrvateiirs. Elle a un air alfez lourd j elle eft peu farouche & porte fes ailes croifces fur le corps. Le tnV\x de fes ailes n'ell; pas auffî C) Itlém. fur les Inf. Tom. V, PI. X, Fig.^tf & 7- 3X4 OBSERVATIONS lilTe que celui des ailes des autres Mouches : il fembîe un peu chifonné. Je ne parle que de la Mouche femelle. Elle eft devenue célèbre depuis que deux grands Obfervatcurs ('^) lui ont donné l'attention qu'elle méritoit. Ce font eux qui nous ont fait connoitre cette doublç fcie (^~*) d'une {]:rue1:ure Ci admirable , au moyen de laquelle l'indullrieufe Mouche pratique dans les branches de petites loges pour fes œui^ (^'*'^). Les FaulTes-Chenilles ne diilcrent pas des Chenilles uniquement par le nombre des jam- bes ; elles en diiï^érent encore par la forme de la tète qui eft plus arrondie , & par celle du corps , qui eft plus applati fur les côtés 8c plus relevé fur le dos. Je me borne à ces traits généraux : je ne fais pas l'hiftoire des FaulTes- Chenilles : je ne veux que rapporter les Obfer- vations que j'ai eu occalion de faire fur ces •Infedes. Elles me donneront lieu d'entrer un peu plus dans le détail fur ce qui concerne leur ftrudure. Ce fut en Juillet 1738 ? que je commençai à obierver les Fauifes-Chcniiles. La première Efpece qui s'oifrit à mes recherches , & celle à O Vallîsnilri & Reaumur. C*) IbiiL PI. XV, Fig. 10, II, 12, 15, 14. C^^O Ibkl, Pl> XV , Fig, I , s. SUR LES INSECTES, 3Tf laquelle je donnai le plus d'attention , eft une grande Efpeee qui vit fur l'Oiler. On ne la trouve poin^'t dans les Mémoires de M. de Reau- MUR. Elle a environ dix-huit lignes de lon- gueur lorfqu'elle eft étendue , & elle eft grofle à proportion. C'eft là une grande taille pour des Fauilës-Cheniiles ; car parmi ces Infedes on ne connoit aucune Efpecê dont la taille ap- proehe de celle des plus grandes Chenilles. J'ai fous les yeux mon Journal , & je ne ferai guère que le tranfcrire. Lorfque j'y confia gîiois mes Obfervations fur la grande Faulfe- Chenille de l'Ofier , le Mémoire de M. de Reaumur fur ce genre d'Infede n'avoit point encore paru. Ce que je voyois étoit donc tout nouveaiu pour moi , & je n'avois été préparé à le voir par aucune ledure préliminaire. Notre Fauffe - Chenille de l'Oder a vingt- deux jambes. Les membraneufcs font dépour- vues de crochets : les écailleufes font par con- tre armées d'une petite griife noire fort aigué , qui fert bien la Fauife-Chenille & lui aide merveilieufemcnt à fe cramponner. Tout le corps de l'Infccle ell jaune , excepté fur le dos où règne une raye d'un beau bien. Il eft diviié tranfvcrfalcmcnt par une multitude de rides ou 316- 0BSERVATI0 2\'S de plis circulaires , parallèles les uns aux au- tres , & qu'on diroit être autant d'anneaux. Les vrais anneaux ne font point du tout npparens. Les ftigniates font noirs , & leur nombre égale celui des ftigmates des Chenilles. Une infinité de très-petites éminences , en forme de gaHes , font dilféminées dans la ligne des ftigniates , & font fur le doigt la même imprefîîon que le cha- grin. La tète eft très-arrondie , on n'y voit point comme dans celle des Chenilles la fcpa- ration des deux calotes écaiileufesi Le crâne eft d'une feule pièce. De chaque côté on ap- perqoit un point noir , qui paroit un véritable oeil : fa forme eft fphérique ou à-peu-près. L'attitude la plus ordinaire de cette Faufle- Chenille a de quoi frapper ceux qui n'ont pas ob- fervé ce Genre d'Lafècles. Elle fe tient roulée lur elle-même , de manière que fa tête appuie fur fou derrière , & que les jambes écailleufes le faiffiflent fi fortement, que leur griife fe fiche dans la peau, fans néanmoiJis que PLafecte paroiile en fourfrir. Si Ton tente de le dérouler , on fentira de la réfiftance , & il laut faire un certain effort pour la vaincre ; alors il fera fortir de différents points de fon corps des gouttelettes d'une liqueur limpide qu'il lancera allez loin. Cette liqueur n'eft poi.;:t de nature à faire élever des ampoules iur la pea.u. Li m'eft fouvent arrivé SUR LES INSECTES!. 317 Û'en recevoir fur le vifage , & jamais je n'en ai éprouvé aucun mal. Il ell: fort ordinaire de trouver cette Faulfe-Chenille cramponnée à une menue branche d'Oficr ; & la manière dont elle y eft cramponnée eit encore remarquable. Elle €\k roulée autour de la branche comme autour d'un axe : la branche occupe ainfi le centre du rouleau. Si Ton entreprend de détacher de la branche la Faufîe-Cheniile , il faudra ufer de violence & Ten arracher. GoEDAERT a connu notre FauiTe-ChemlIe , 8c la repréfentée N^ 77 de fon Livre, lî en parle comme de Plnfecle le plus admirable qu'il eut obfervé. Ce qui l'avoit le plus frappé dans cette FaulTe-Chenille , c'étoient la fobrieté , fon im- mobilité & fi je puis parler ainfi , fon immuta- bilité. Il affure avoir confervé un de ces In- fectes viv;;ins pendant deux ans & viilgt-quatre jours , fans lui avoir vu prendre aucune nour- riture ni l'avoir vu changer de place. Il ajoute , qu'il n'y obferva aucun changement à l'excep- tion d'une diminution fenfible de taille. Je ne fais ce qu'on doit penfer de ce récit de GoE- DAERT : je fais mieux ce qu'on doit penfer de l'Auteur. Il n'étoit point Oblérvateur : il n'étoit que Peintre dlnfedes ; & îe célèbre LiSTER lui fit beaucoup d'honneur en commentant fon 3ï8 OBSERVATIONS livre. Je ne iTi'infcrirai pourtant pas en faux aU fiijet de rOblervation de Goedaert : il n étoit pas befoin d'être grand Obfervateur , pour s'af- fiirer fi un Infedle de ce genre vivoit ou ne vivoit pas : mais je puis dire , que parmi les Fauires-Chenilles de cette grande Efpece que j'ai eues en ma poiTelîion , & j'en ai eu un affez bon nombre , je n'en ai rencontré aucune qui m'ait rien offert de femblable à ce que racoiite notre Amateur. Il eft vrai qu'en général elles riiangoient peu , ne changeoient pas fou vent de place 5 & que lorfqu'elles fe mettoient à mar- cher , elles n'alloient pas loin Elles mangeoient comme le commun des Chenilles , en embraf- faut la- feuille avec leurs jambes écailleufes , & en en maintenant le tranchant dans la petite couHife de leur lèvre fupérieure. Quand elles marchoient , c'étoit aifez lentement i & leur corps étoit alors monis étendu que celui des Chenilles : la partie poftéricure demeuroit toujours plus recourbée du côté du ventre. Les premières Faulfes-Chenilles de cette Ef- pece que j'obfervai en 17385 avoient été trou- vées fur l'Ofier au commencement de Juillet. Elles n'étoient pas éloignées du dernier terme de leur accroiilément. Dès le 2^ , elles com- mencèrent à changer de couleur & à fe ca- I 1 SUR LES INSECTES. 319 elier fous les feuilles. Cette inclination à fe cacher nie fit foupconner qu'eiies étoient du nombre des Infedes qui percent la terre pour B'y métamorphoier. Je me hâtai donc de met- tre de la terre dans le poudrier; mais elles ne la percèrent point. Elles fe contentèrent d'en creufer un peu la furface. Là , elles fe conf- truilirent une Coque , dont la forme étoit celle d'un cylindre arrondi par les bouts. Je devrois dire , que la forme de cette Coque n'étoit qu'à peu-pres cylindrique ; car dans le milieu de fa longueur elle avoit un peu moins de diamètre que dans les extrémités. La couleur de cette Coque étoit un beau jaune doré qui avoit du brillant. J'ai vu néanmoins de ces Coques d'un, brun verdâtre qui étoient aulîî fort iuftrées. Apparemment que ce brun luftré tenoit au mélange de quelque fubftance gommeufc avec des molécules terreufes : ce qui porteroit à le préfumer , c'eft que je n'ai vu ce brun luftré qu'à des Coques qui avoient été conftruites fur une terre tres-pulvénfée. Celles qui avoient été laites par des FaulTësXhenilles que j'avois privées de terre , étoient d'un jaune doré. Quoique ces Coques n'aient guère que répaufeur d'une feuille de papier un peu grof- Ccr 5 elles font cependant d'un tiifu il fort 520 OBSERVATIONS qu'elles plient à peine feus les doigts. Leur €Xtéricur n'eft pas iiiie : on y apperqoit des inégalités j & en quelques endroits il reiîemble aifez à celui de la colle forte. Il n'a point du tout l'air d'un tiiîu foyeux j & lors même qaon. robferve à la loupe , on ne parvient pas à s'ai^ furer de Fexiftence des £ls qui le compofent. J'ai pourtant vu nos Faulfes-Chenilles filer en ma préfence : la foie qu'elles tiroient de leur filière etoit même extrêmement groliîere , & relfembloit plus à de la gomme qu'à de la foie. Qiioiqu'il en foit, les Coques filées par des Faulfes-Chenilles qui avoient été privées de terre , avoient plutôt l'apparence de Coques de parchemin que de Co- ques de Ibie. Aulli leur avois-je donné le nom de Coques en parchemin. Un mouvement de curiofité me porta à ou- vrir quelques-unes de ces Coques : c'étoit en Oclobre. Je rie fus pas médiocremeiu furpris de trouver dans toutes , ians exception , une ieconde Coque qui rempliîToit exadcment toute la capacité de la première , & dont le tilfu ne reifembloit point du tout à celui de la Coque extérieure. 11 avoit le luftre & le poli des plus beaux vernis. Il étoit d'une fineiTë extrême , & paroiffoit être plutôt une membrane ou uiie pellicule foyeufe qu'un tiiili. Entre les deux Coques' ■SUR LES J:RSECTES. 321 Coques êtoit rènferriiée la dépouille de FaulTe-. Chenille. J'ouvris une des Coqties intérieures, & j'y trouvai un Ver jaUnô ■, gras & dodu , entièrement dépourvu de jambes , & dont la tête écailleufe étoit fort petite proportionnel- lement au corps. Je ne pus douter que cette féconde Coque , dont j'admirois le tiiFu , n'eût €té filée par le Ver qui y étoit logé. La dé- pouille de Faufle-Chenilie renfermée entre leg' deux Coques en étoit une autre preuve biea démon ftrative. La Fauire-Chenille avoit donc, été piquée par une Mouche Ichneumone , qui avoit dépofé un œuf dans fon intérieur , dont étoit forti le Ver que j'obfervois. Une chofe néanmoins me fûrprenoit un peu \ c'ètoît de trouver dans toutes mes Coques en parchemin une féconde Coque de Ver d'Ichneumone. Les piquures des Ichneumones fônti toujours de purs accident , & de purs accidens font rare- ment auiîi communs. A, la vérité , nos Fauifes-^ Chenilles font très -rares & prefque toujours immobiles j ce qui donne bien de la facilité aux Ichneumones d'exécuter leur opération. La Fauire-Chenille a cependant un moyen na-^ turel de les écarter : je parle de cette liqueut \ en réferve fous la peau & qu'elle fait jaiHiC quand on la touche. Mai^s la Fauiîe-Chenill® n'a apparemment qu'une eertame -pi'ôvifion d^ Tome IL X 322. OBSERVATIONS cette liqueur, & il lui faut un temps pour répa- rer la perte dç celle qu'elle a fait jaillir : car j'ai obfervej que fî Ton touche la Faulie-Che- iiille ou que même on Tirrite pour la féconde oiji la troifienie fois après qu'elle a fy.it jaillir ia figueur , elle ne peut plus en répandre. Une "l clin eumone qui furviendroit alors auroit donc une grande facilité de piquer, la. Fauile- Chenille : elle la trouveroit délàrmée. Cette féconde Coque da Ver mangeur de îa FauiTe-Chenille mérite bien un examen par- ticulier. Sa couleur eft un brun prefque noir ; mais en certains endroits , 8c, ordinairement vers Je rpilieu de fa longueur, on y appercoit. un œil argenté ou cuivré. On remarque même. 4aiis cet endroit une forte de bande ou de pïaque dont Péclat approche de celui de l'argent ou du cuivre. Qu'on fe repréfente un papier siiarbré très-fin ,. très-fpyeux , très-Iurrré & on aura -une idée de l'extérieur de notre. Coque., Elle imite encore le papier par le petit bruit qu'elje fait, entendre quand on paiie légèrement. le doigt fur fa furtace. Cetta furface n'eG: pas , ]^eanmoins , auffi parfaitement, i^nie que Peft' celle du papier auquel ï\qus venons de la com- parer: en y regardant de plus près, on y ap- perqpit de| plis, longitudinaux , qui s'étendent I I St/i L'ES INSECTES, 3^3 de ruii à l'autre bout de la Coque. Si Ton ma-» nie la Coqiie , Se qu'on la preiie eu même temps entre les doigts , bu entendra mieux encore le petic bruit dont j'ai parlé. Les plis longitudinaux contribuent fans doute a ie produire. L^ forme de cette (inguliere Coque eft celle d'un ellypfoïde très-alongé : elle diifére donc très - fenfiblement de celte, de, la Cpqu^ qui la renferme. Elle n'affecle pas plus l'aie d'un tiifu que le papier ne l'atiede : elle n'a même guère plus de confiftance que le papiei; suquel je continue de la comparer : elle a feu- lement un peu plus d'épaiiteur. Cette épameuc rcfuitc d'u!ie fuite de lames ou de couches ïoycmcs fuperpofées les unes aux autres commet les différentes peaux d'un Oignon,. Avec un fcalpel aifez groiTier je parvins facilement a eii détacher quatre j & j'en aurois' fûrement dé^ taché davantage , (1 j'avois . eu un meilleur inf- trument , & que j'eùile voulu exercer ma pa^ tience fur ce petit fujet. J'obfervai féparémentj ces quatre couches foyeufes que j'avois féparées il facilement -, Se voici ce qu'elles m'oifrirent de plus remarquable j car elles n'étoient pas toutes uniformes, & il vaut îa peine que^je diié eii quoi elles diiîéroient. La première de ces couches, étoit extrême-; 324 OBSERVATION^; nient mince , & plus mince que le plus fin papier que Part peut fabriquer. Le côté inté- rieur ou celui qui regardoit le dedans de la Coque , avoit beaucoup plus d'éclat que le côté oppolé. La couleur de cette couche étoit un olive foncé. J'ai pourtant dit , que la Coque étoit d'un brun noir. C'étoit en effet la couleur de la couche de foie qui fuivoit immédiatement celle que j'avois détachée la première. Celle-ci ne faifoit donc que l'office d'un vernis tranf- parent , qui n'altère pas d'une manière fenfiblc la couleur du corps fur lequel on Pétend. Ceci me rappella auffi-tôt le petit artifice dont la Nature fe fert pour dorer fi admirablement bien certaines Chryfalides , & dont j'ai fait mention dans l'Obfervation XIL II me vint donc en penfée d'éprouver , Ç\ ma première couche foyeufe , appliquée fur une pièce d'ar- gent poli ne la doreroit point. Je tentai fur le champ l'expérience ; & je vis avec plaifir , que la pièce d'argent prenoit un œil doré dans l'en- droit que recouvroit immédiatement la couche foyeufe. Cet œil doré devenoit plus fenfiblc quand je mouiîlois un peu la pièce d'argent : la couche foyeufe s'y appliquoit alors plus exade- ment. J'ai lieu de croire , que la dorure auroit été plus parfaite , & qu'elle auroit peut-être égalé ^elle des Chryfalides , fi la couleur de la couche S:UR LES INSECTES. 32S foyeufe avoit plus approché de celle de la pre-v îiiiere peau des Chryfalides. Ce qui me le per- fuaderoit, c'eft que la couleur jaune étoit plus vive par-tout eu la couche foyeufe tiroit fur cette couleur. J'ai fait remarquer , que notre Coque de Ver d'Ichneumone ne paroît point tiifue : cette apparence éft trompeufe. Elle eft bien formée de fils de foie s mais ils font (i fins Se Cl ferrés qu'ils échappent au premier coup- d'œil. Je m'en aifurai en obfervant à la vue fimple , vis-à-vis le grand jour ^ la première cou^ çhe de foie que je venois d'enlever. J'y apper* qus qà & là comme de très-longs poils bruns diiféminés fans ordre : c'étoient des fils de foie moins fins que les autres , & qui en devenoient plus apparens. L'exiftence des fils n'étoit pas douteufe , lorfque je déchirois la couche foyeufe-: je voyois très-diftindement des fils de foie fort courts qui débordoient la déchirure y 8c qui examinés à la loupe paroiiToient; d'inégale grof- feur. La féconde couche foyeufe paroiifoit tirer un peu plus fur le brun noir que la première; probablement parce qu'elle étoit un peu plus épaiife. En la détachant , j'avois apparemment détaché d'autres, couches qui lui étoient demeu- X. a 'J2ô 0 B S E B. V A T î 0 N- S 'lées unies AiiiTi n'y appercevoit-on pas fi bien les fils en manicre de longs poils. La troifierae couche ne diiféroit pas de h première en épaiiieur , quoiqu'elle parût d'une- couleur plus foncée. Les fi!s en. manière de poils y étoient Fort diftincts. Enfin , la quatrième couche qui étoit la Coque eUe-mème , monçroit encore allez d'é-, paiiicur pour me faiie juger qu'elle contenoit d'autres couches, que je ferois parvenu à dé- tacher en partie 5 fi j'avois eu un in ftrupenfc beaucoup plus fin. La couleur de cette dernière couche étoit la pkis foncée ; mais je dois, ajou- ter que tou^:s les couches étoient à-peu-près également luftrées. Dans le Tome îï de fes Mémoires ,, pag 438 3t M. de Reaui^iur parle d'une Coque de Ver mangeur de Chenilles*, qui a bien des rapports avec celle que je viens de décrire , fi elle n'eft précifément la même. " Après avoir ouvert , „ dit-il 5 une Coque de terre & de foie , très- 35 bien conftitiite par une Chenille- qui vit fur 35 le Bouillon-blanc , au lieu de la Chryfalide 33 que j'y chcrchois , je trouvai dedans une ,3 Coque 5 qui par fa couleur de marron clair , ^•ir^ LES INSECTES. 52? "^ par fà forme alongée & par fa grofleur , 35 avoit quelque air d'une ChryPalide. E!2e étolt 35 faite d'une foie extrêmement fine & tilTus 35 très-ferré; auffi cette Coque avoit-elle , fur- ■33 tout dans rintérieur , un éclat pareil à celui 33 des vernis ; elle étoit compofée d'un nombre 33 prodigieux de couches ou de feuilles de foie 33 étonnamment minces , que pourtant Je fépa- 53 rois allez facilement les unes des autres. ,3 Je ferai remarquer néanmoins , que la Coque de mon Ver mangeur de FauiTes-Chenilles étoit beaucoup plus alongée que celle dont parle M. de Reaumur , & oui eft repréféntée Pi. Z^XXV 5 Fig. 1 1 du même volume. Au commencement de Juin 1739 , il fortit d'une de mes Coques une aifez grande ichneu- m^one, de couleur canelle ; mais dont la partie inférieure du corcelet 8c l'extrémité du ventre étoient d'un brun prcfque noir, de même que les yeux, je ne décris pas cette Mouche ; parce qu'elle reiiembloit parfaitement à celles, que M. de Reaumur a fait repréfenter dans la Planche que j'ai citée. Ma Mouche avoit une odeur très- forte & très-délagréable , que je ne faurois com- parer à aucune autre. Le fond de la Coque dont elle étoit fans doute ^^ tombés entièrement en pourriture ; car je trou- vai au milieu de la bouillie une forte de boyau » qui en étoit lui-même trés-rempli. Dafs les premiers jours de Juillet 1739 l je trouvai fur TOfier ime de nos grandes Fauifes^ Chenilles qui étoit parvenue à fon parfait ac- çroiflement. Je ne mis point de terre dans le vafc où je la renfermai. Je m'étois aifez alTuré que ces Fauires-Çhenilles favoient très - bien 5'en paifer ; & je préfumoi» à bon droit que je îî,'en ferois que mieux placé pour obferver de plus près la conftrudlion de leur Coque. Ma Fauiîe-Chenilie fe mie. bientôt à l'ouvrage , & îorfque je revins Fobferver ,, la Coque avoit déjà reçu fa forme ;, mais elles étoit. encore fore mince, & pour peu qu'on la prelfât, elle plioit fous les doigts. Elle étoit d'un jaune doré. Avec des cifeaux à pointes fines, j'oirvris un des bouts de cette Coque : j'y fis ainil une aifez large "brèche. Le dos de la F^uiiéXhenille fe trouvât, lépondre à l'ouverture. Elle étoit immobile ,. J'attendis alfez long-temps pour voir ce qui arriveroit.. Enfin ^ notre ouvrière çonimenqa à ih mettre en mo.uYem*ent , mais avec uno SUR LES INSECTES, 329 extrême lenteur. Elle amena fa tète à Fouver- ture de la brèche , & tira des fils d'un bord à Tautre. Cétoit encore avec la plus grande len^ teur qu'elle tiroit ces fils. Ils étoient fort grof- fiers. Leur couleur etoit un blanc argenté , dans lequel il entroit une teinte de jaune. La lente fileufe ne les attachoit pas précifément aux bords de la brèche : elle ne foreoit pas ainfî ces bords à s'abaiirer pour reprendre la cour- bure que je leur avois fait perdre en ouvrant la Coque. J'avois obfervé des Chenilles qui exécutoient une pareille manœuvre. Ma FaulTe^ Chenille ne fe piqua pas d'une pareille préci>- fion : elle laiiïà les bords de la brèche comme leur reflbrt naturel les avoit difpofés : ils étoient ini peu relevés : elle fila au-delFous une toile égale à l'ouverture. Se qui la bouchoit exade- ment. Cette toile nouvellement filée n'étoit donc pas au nivau des parties voifines : elle étoit placée un peu plus bas. Tout l'art de la fileufe fe réduifit donc à tirer au-dedans de la brèche des fils qui fe croifoient en diffère ns fens Se dont la réunion forma une pièce égale , & à-peu-près femblable à celle que j'avois enle- vée. Elle ne fe fervit pas plus de fes dents que de fes fils pour faire reprendre aux bords de la brèche leur courbure naturelle. Auiîi la Co- que prçfentoit ^ çIIq à cet endroit des inégalités :>y OBSERVATIONS qui aicloient à reconnoître la pkice de la brèche. Elle étoit encore reconnoilîiible par la couleur de h toile que la Faurfe-Chenille venoit de filer : elle étoit un peu plus claire qiie celle du refte de la Coque, Le j6 de Mai 1740 , }e trouvai dans le vafe où étoient,ies Coques de mes Faufles-Chenilles d'afTez grandes Mouches, qui étoient provenues de ces FauHes-Chenilles. ' Elles montroient plus de vivacité que les Mouches de cette claiTe n'ont coutume d'en montrer. Elles avoient de Pair des Guêpes ordinaires. Leurs couleurs n'é- toient que du brun & du jaune , diilribués à-peu- près comme fur les Guèpès. Les antennes étoient entièrement jaunes, & fe terminoient par un bouton , comme celles de diiférens Papillons diurnes. La tige de l'antenne étoit articulée , comme le font les antennes qu'on nomme à filets grenés. Le devant de la tète étoit auffî de couleur jaune. Les yeux 8c les dents étoient d'un brun îuifant , tel que celui de- l'écaillé. Les ailes préfentoient qà 8c là des taches bru- nes qui diminuoient leur tranfparence. Les fupérieures égaloient la longueur du ventre ) mais les infédeures étoient plus courte? d'en- viron un tiers. Leur port étoit en toit un peu arrondi. Elles fe recouvroient , en même temps SUR LES INSECTES. a^i qu*elles reccuvroie'it le corps. A l'end iroit de leur attache dans le corcelet fe voyoient deux taches jaunes de figure triangulaire , qui peu- vent aider à faire reconnoltre ces Mjuches. Le ventre qui étoit un peu plus applati & moins effilé que celui des Guêpes , étoit compofé de huit anneaux. La longueur de ces Mouches, depuis la tète au derrière , pouvoit être d'en- viron un pouce. Quoique pourvues de grandes hambes & de grandes ailes , elles ne la voient prefque pas marcher ni voler : elles paroilToient un peu lourdes : mais elles étoient très-difpofées à faire ufage de leurs dents , lorfque je venois à les prendre ou fimplement à les toucher. Qj-ielquefois elles s'incUnoient fur le côté , & fe mettoient dans une pofture allez plaifante : elles recourboient leur derrière comme fi elles euiient voulu- en faire fortir un aiguillon. Quand elles fe laiifoient tomber fur le dos , elies ne réuiîiilbient pas toujours à fe relever. Elles de- meuroient un certain temps dans cette fituatioii fans fe donner aucun raouvemcn.t , les jambes repHées iur le ventre comme fi elles eulTent été mortes. J'y étois même trompé , & je ne parvenois à me'défibufer quVn les touchant du d')i t. Elles faifoient alors de nouvelles ten- tatives pour fe relever , & enfin je les voyois marcher. k Î32 OBSERVATIONS Pour oiivrtr la Coque & fe mettre en liberté*» nos Mouches avoient ^erné avec leurs dents, un des bouts j elles en avoient détaché circu^- lairement une pièce en manière de calotte. Cette pièce tenoit encore à une des Coques par une petite portion de fa circonférence y elle- pouvoit y jouer comme un èouvercle à char- nière s je veux dire, quon pouvoit à volonté ouvrir & fermer la Coque. Ailleurs la pièce, avoit été entièrement détachée par la Mouche. Une main d'Homme n'auroit pas mieux réuffi à couper avec des cifeaux une telle pièce. Les dents de nos Mouches leur avoient tenu heu de cet inftrument , & leur ftudure répondoit à merveille à cette foncflion. Je dois, en dire un mot. On connoit les dents des Guêpes : les dents de nos Mouches leur reiTemblent aiTex, Elles fe terminoient par un petit crochet fort aigu 5 fort femblahle à celui qui termine les pinces des Araignées.. Elles n'étoient pas égales- en longueur s & le crochet de la plus courte n'étoit pas fi bien façonné ni {{ aigu que celui de la plus longue, (^rand les deux dents Ç ^ue œuf. Au reiie,tous ces œufs avoient fur le çgte \in petit enfoncement.. SUR LES INSECTES. B4? OBSERVATION XXXVII. Sur une petite Mouche Ichneumone qui ferçoiS une galle du Çhène four y dépofer [es œufs. O U R peu qu'on ait étudié Les Iiifedes , on n'ignore point qu'il eft des Mouches qui piquent différentes parties des plantes , dans lefquelles elles introduifent un ou pluiieurs œufs , & qui y font naître ainfi diverfes excroiffances , qui ont requ le nom de galles. Les galles du Cîiène font les plus généralement connues , & il n'eft point d'arbre dans nos contrées , qui en préfente un plus grand nombre d'efpeces. Les Vers qui naiifent 8c s'élèvent au centre de ces galles fembleroient devoir y être fort à l'abri des en- trcprifes des Mouches Icbneumones. Des Obfer- vations multipliées ont pourtant appris aux Naturaliftes modernes , que ces Mouches gtier- rieres favent percer les galles les plus épaiiTes , & introduire dans leur cavité un ou plufieurs œufs , d'où fortent des Vers qui vivent aux dépens de l'habitant ou des habitans de la galle. Mais on n'avoit pu encore s'affiircr , ^i les Ichneumones perqoient les galles qui ne faifoient que de naître , ou fi elles perqoient des galles qiii avoient déjà pris im certain accroiffcmcnt. 34'] ou de coude. Le côté oppofé du ventre [ 0 ] , celui par lequel il s'uniifoit au cor- celet, nepréfentoit point de renflement, & étoit terminé par une ligne droite , qui formoit un d3S côtés du triangle. Qiiand la Mouche faifoit pénétrer fon aiguillon le plus profondément qu'il étoit polîîble..^ le renflement ou le coude SUR LES INSECTES. 3^)7 clont j'ai parlé , difparoiiroit , & c'était alors que h ventre preiioit une forme plus exaclement triangulaire. [PL VI, Fig. J.] Je le voyoïs. s'e- krgir, je dirai mieux, salonger de plus en plus par fa partie inférieure 5 au paiuti de s'eni-oncev lui-même allez avant entre les feuilles. Il s'é- couloit Uji temps plus ou moins long pendant lequel la Mouche continuoit à tenir foix aiguil-= loji aulli profondément enfoncé entre leS: fcuiU les : elle le retiroit enfuite peu-à-peu , & à me-, fure qu'elle le retu'oit , le ventre fe rapprochoit davantage de fa première forme ou de fa forme naturelle. Pendant 'toute la durée de l'opération , Il Mouche paroiiToit fort tranquille ; elle n'agitoit3 que fcs antennes., & même afTez foiblement. Sa tète étoit inclinée & tendoit à fc rapp roc lier des premières jambes. Elle étoit Ci occupée de fon travail , que quoique je tran.fportalTe le va le d'un lieu dans un autre , elle ne fembloit pas s'en appercevoir ; & qiiiind je la touchois légè- rement du doigt, elle ne iaifoit que retirer un peu fon aiguillon d'entre les feuilles ,. pour l'y replonger un moment: après , auffi profondément qu'auparavant. Les yeux armés d'une ioune ^ je tâchois de z 3 35S observations: découvrir les œufs à leur pafïiigc par le cauaî que renfermoit l'aiguillo!! -, mais ce fut en vain. L'opacité des parties ne me le permettoit pas. J'appcrqus feulement dans l'intérieur du ventre ini certain mouvemciit , que je ne pou vois comparer qu'à celui d'ui fluide qui fc portoit tantôt d'un côté > tantôt, d'un r.utre. Ce fluide apparent étoit ds couleur brune , & rendoit ainfi plus opaque le côté du ventre vers lequel il fe portoit. Il étoit environ midi quand une Mouclie commença à enibnccr fon aiguillon entre les feuilles, 8i elle étoit encore fur les deux heures > dans la pcfture que je viens de décrire. Mais bientôt je la vis agiter fes antennes avec viva- cité , & commencer à retirer fon aiguillon. Je préfumai affez , que dès qu'elle auroit achevé de le dégager, elle m' échappe roi t. En effet, elle çouroit déjà fur la branche , & elle étoit fur le point de s'envoler , lorfqu.e je la faiiis pour la renfermer dans une boite. CettF; Mouche n'avoit pas deux lignes- de. longueur. La couleur de fon ventre étoit , comme |e l'ai dit , d'un rouge marron y Se cette couleur étoit encore- celle des. jambes. La tète y les an- Içiliiés & lé QQXcéQtc dtoient noirs. Les anteu-». SUR LES I2s[SECTES. 3^-9 lies étoîent affez longues & à filets grenéc. Les ailes , au nombre de quatre , avoient la tranfpa- rence ordinaire : on appercevoit feulement dar.s le milieu de chacune deux petites taches noirâ- tres. Les fupérieures recouvroient les inférieu- res , & fe croiibient un peu : leur extrurn^té outrepafToit un peu le bout du derrière. Leur port étoit parallèle au plan de pofition. On penfc bien que je fus très-foigneux d'ob- fervcr à la vue (impie & à la loupe , Tendroit oii l'aiguillon' de la Mouche avoit pénétré ; mais je ny démêlai rien de particulier. Les feuilles me parurent parfaitement exemptes de cicatri- ces. Qiiatre jours après , je féparai entièrement les deux feuilles pour les examiner plus 'atten- tivement & plus à mon aife : mais quelque attention que j'y apportaffe , je ne découvris ni cicatrices , ni œufs. A la vérité , les o:ufs pou-, voient être Ci petits , que ma loupe n'étoit pas aiTez forte pour me les faire appercevoir. J'ai rapporté d'autant plus volontiers cette Obfervatioii , qu'il cPc très-rare qu'on parvienne à furprendre leti Mouches des, galles tandis qu'elles font occupées à percer les feuilles pour y loger leurs œufs. M. de Reaumuk lui-même iiy étoit pas parvenu. Je vais tranlcriiç là Z 4 5^0 OBSERVAT I 0 N S defcription de la Mouche des galles y elle aiderij' mow Lecteur à laifir mieux tout ce que j'air, rapporte dans cet article,. " La tète de cette Efpece de Mouche , dil^ „ M. de ReaUxMUR (^ , n'a rien de fort rc- 33 marquable , elle porte deux antennes alTcz ^3 longues .... elle eft muiiie de deux dents . . , ^ Le corcelet eft allez grand par rapport à la „ longueur dû corps -, il eft brun , inais li l'eft y^ moins que la tête. . . .Le corps eft d'un brun 35 très-luifant. ... Il eft court , mais ce qui lui ,^ donne un air qui lui eft propre , une forme 35 diiîérente de celle du corps, des Mouches des 33 autres Genres y c'eft qu'il a moins de diame- ;j3 tre d^un côté à l'autre , que du deifus au^ 53 dôlTous. C'eft fur-tout le dcifous d\x ventre , 33 qui a une forme difFérente de celle du def- „ fous du ventre des autres Mouches j il a en ,;, quelque forte celle d'une carène de vaiifeau,. ^ Imaginons le vaiifeau renveifè, ou ce qui eu J.3 la même chofe y que nous avo^is mis la 53 Mouche le ventre en-haut :: depuis, le corcc- yy let jufques, vers, la moitié de la longueur du 3.3 corps, il y a une efpece d'arrêté,, ou plutôt 33 de tranchant v le mot de tranchant ne dit (*) Mé,n. fytir Servir à l'Hifl. des- Ivf- Tom. III , Mcm. XI j. %^%f 4.83 «S; fi;i,v.. lie la gr.tnakrc liduion in-^-''^. SUR LE^ IN SECTE!-. :^t 55 rien de trap ; car chaque anneau eft couvert: 5) par une pièce d'écaillé , qui eft une elpeca 53 de ceinture ou d'anneau ouvert , dont les 35 deux bouts viennent s'appliquer l'un contre. 35 Tautre en delTous du ventre , & former par 2^ leur rencontre une arrête aiguë. Là, les deux 55 bouts de l'anneau écailleux ne font qu'ap- 55 pliqués l'un contre l'autre ; il eft aifé de le 35 rcconnoitre , fi on tâche de les écarter avec 33 une pointe fine. S'ils ne pouvoient pas s'é- 33 carter de la forte, le ventre de l'Infeéte ne; 35 pourroit pas fe gonfler plus dans certains. 33 temps que dans d'autres , & il lui eft néceC- 35 faire de le pouvoir. Vers le niiheu du ven- 35 tre , cette arrête manque , elle femble abattue 55 depuis cet endroit jufqu'à l'anus ; c'eft-à- 35 dire , que les deux bouts de chaque écailler 35 de l'anneau , lailfent là un petit intervalle 35 entr'eux. Là auilî , ils forment une efpece de 35 Goulilfe où font logées des parties qui m5- „ ritent d'être connues j favair , une efpece de 35 tarière en forme , d'aiguillon , & deux pièces 35 beaucoup plus groiles , qui lui fervent d'étui. 35 II ne faut que preifcr entre deux doigts 1@ 53 ventre de la Mouche , & augmenter douce- 55 ment les degrés de preirion , pour obliger ces 35 parties de fe mettre à découvert, & de mon- 33 trer d'où leur jeu dépend. Le premier degré 3^2 OBSERVATIONS de preffion force feulement les deux pièces qui compofent Pétui , à s'écarter l'une de l'autre , & aiïez pour permettre de diftinguer l'aiguillon qui eft entr'elles deux , & contre lequel elles ne font plus alors auffi exacfte- ment appliquées qu'elles l'étoient auparavant. Le contour de l'anus paroît alors s il eft cir- culaire & borde de poils. Si on prelTe en- fuite , on oblige l'aiguillon à fortir de fon étui , à s'élever ; on reconnoît qu'il eft d'une fubftance analogue à la corne & d'un brun châcarn , comme le font les aiguillons ou les inftrumens équivalens de beaucoup de Mou- ches plus groifes. On voit qu'il vient de Peu- droit où Parrètc du ventre commence à être abattue , que là , eft une pièce écailleufe qui avance un peu fur la couliiTe , & que c'eft deifous cette pièce que palfc Paiguillon. Mais on ne le voit pas encore dans toute fa lon- gueur ; il paroit bientôt plus long , fi on 33 preife le ventre davantage y on Poblige de „ fortir du ventre dans lequel il eft logé en grande partie. La prefîîon augmentée con- traint auffi Panus à devenir' plus éloigné qu'il ne Peft dans Pétat naturel , de Pendroit où l'arrête commence à manquer , & où eft Pori- 55 gine de la coulifîe. Les bouts de chacune 55 des pièces qui compofent Pétui , fe trouvent; SUR LES INSECTES 3^3 ;, cependant toujours à même diftance de l'anus , j3 d'où il fembieroit que ces pièces s'alongent, 35 mais ce qui ei^c plus vrai, & ce qui eft plus 33 remarquable , c'efi: que la tige , pour ainlî 53 dire, de chacune de ces pièces étoit dans le 3, corps, & que la preiPion l'en a iait fortir. „ Qii'on pouiîe plus loin la preffion , & juf- 53 qu'au dernier point où elle peut être portée, 33 tout cela devient plus fenfible; Faiguilloii 33 par oit plus du double , & près du triple plus 3^3 long, qu'il ne l'étoit d'abord; l'anus s'éloi- 53 gnc davantage de l'origine de la coulilTe , 53 mais ce n'eft pas en ligne droite qu'il s'en 53 éloigne, il paiTe du côté du dos, & la partie 33 de chacune des pièces de la couliife qui eft 33 fortie du ventre , fe recourbe en arc , &c. ,> Si l'on compare cette defcription de M. de REA.UMUR avec les détails que mon Obferva- tion préfente , on y trouvera bien des rapports. Ce que cet habile Obfervateur opéroit en prel^ Tant de plus en plus le ventre de fa Mouche, -s'opéroit naturellement dans celle que j'avois furprifei occupée à pendre. Il eût été a fouhai- ter , que Malpighï , qui avoit auffi furpris une Mouche de cette Efpece dans la même fonc- tion , comme on peut ri;ûerer d'un palfage de fon Hiftoire des galles , fut entré ià-delfus dans 3(^4 OBSERVATIONS quelque détail. Il en feroit mieux prouvé en- core , que le ventre de la Mouche fubit pendant l'opération de la ponte les divers changemens de formes que /ai décrits. Au refte, je me ferois. exprimé avec plus d'exaditude & de clarté , 11. j'avois eu en main les Mémoires de M. de Reaumur tandis que je faifois mon Obier- vatioii. OBSERVATION XXXIX. Sur le Founnilion , ^ en particulier fur fa Jîru&ure. L iE Fourmilion , ce petit Ver hexapode que- ion induftrie a rendu Ci fameux, efl un des In- fedes qui piquèrent le plus ma curiofité dans ma première jeun elfe. Je n'étois encore que dans ma dix-repticme année, lorfque je cem^ menqai a ToLfervcr. J'en avois dû la première connoiirance à Fingénieux Auteur du Speclacle- de la Mature j & frappé de tout ce qu'il qi\ racontoit G agréablement , j'avois defiré- avec- ardeur de voir par moi-mèiiie des fiits que je foupqonnois avoir été trop embeiiis par THif- torien y car je ne pouvois me pcriuader encore qu'il exi(i:àt dans la Nature un petit înfede fi- SU:^ LES INSECTES, 3^f jnduftrieux. Je ne tardai pas à me fatisfaire , & dès l'année 1737 , j'avois vu par mes propres yeux les particularités les plus intéreiTantes de rhiftoire du Fourmilion , & j'avois été forcé de reconnoître qu'elles n'avoient pas été exagé- rées par l'Abbé Pluche. Cet eftimable écrivam, qui n'étoit pas Obfervateur de profeiîîon , avoit puifé les matériaux de fon agréable Dialogue dans un Mémoire du favant Poupart , que l'Académie des fciences de Paris avoit publié -en 1704. Je crus donc que je de vois confulter fur-tout ce Mémoire comme l'Hiftoire orginale du Fourmilion , & comparer mes obfevations à celles de cet habile Académicien. Je ne favois rien encore des obfervations de M. de Reau- MUR : fon hiftoire du Fourmilion ne de voit fe trouver que dans le fixieme volume de fes Mémoires fur les Infe&es , qui ne parut qu'en 1742. Ce que je vais tranfcrire de mon Journal eft donc antérieur à la publication de ce volume , dans lequel l'illudre Auteur a bien voulu inférer pîufieurs de mes obferva- tions fur le Fourmilion Se les confirmer par celles qu'il avoit faites lui-même. Je ne donnerai pas ici la defcription détaillée du Fourmilion : on la trouve dans le Mémoire de M, de Reaumur : je me bornerai aux par- 3^S OBSERVJTIOKS ticiilarités de fa ftruclure . qui avoicnt fait l'ob* jet des recherches de M. Poupart. Ce curieuse Obfervateur s'étoit contenté de dire , que le Fourmilion file avec fon derrière à -peu- prés conhne fait P Araignée. Il eft fingulier qu'il n'eût pas cherché à voir l'organe au moyen duquel rinfec1:e file , & qui le met en état de revêtir l'intérieur de fa petite Coque d'une jolie tapif- ferie de foie du plus beau gris de perle. C'eft en effet au derrière qu'eH la filière du Four- milion. C'eft pareillement au derrière que font placées les filières de PjVraignée ; auiîi M. Pou- PART fe plaifoit-il à trouver des analogies en- tre les deux Infedes. Le derrière du Fourmilion eft terminé par une pointe mouiTe : en obfer- vant à la loupe cette pointe , tandis que je tenois l'Infede renverfé fur fon dos , jy dé- . couvris ûx petits poils , fort courts , de couleur brune , piqués les uns à côté des autres , & à 'égale diftance , fur un même arc de cercle. Au- deflTus de ce prem:er rang de poils courts , & à une petite diftance , j'en découvris encore quatre autres rangés à-peu^pres fur une ligne droite. Ils n'étoient pas tous placés comme les premiers , à égale diftance les uns des autres ^ ils étoient difpofés par paires , & il reftoit un. vuide entre les deux paires un peu plus grap.d que celui qui féparoit les poils de chaque paire. SUR LES INSECTES, 3(^7 Les poils de la première rangée ou ceux qui ctoieiit difpolés en arc de cercle , & qui étoient les plus prés du derrière , fembloient y former une forte de couronne , ou plutôt de demi- couronne. Tout devint bien plus diftind au microfcope : les petits poils • m'y parurent fous la forme de mamelons coniques fort alongés ou fous celle de petites quilles , de couleur rouge. Je fus féduit par cette apparence trom- peufe & je ne pus m'empêcher de les regarder comme autant de filières. Je les comparois ta- citement aux mamelons qu'on obferve au der- rière des Araignées , & qui font bien de vé- ritables filières. Je me trompois néanmoins ; & je ne fus défabufé que par une lettre de M, de Reaumur , à qui j'avois fait part de mes obfervations fur la ftrudure du Fourmilion. Il m'affura que cet Infecle n'avoit qu'une feule filière , placée au bout de fon derrière , & que cette filière étoit précifément ce petit corps lon- guet & charnu que j'avois moi-même obfervé , Se dont je n'ai pas parlé encore. M. de Reau- mur ajoutoit 5 qu'il avoit fait fortir un fil de foie de cette même filière , & que ce fil s'alongeoit autant qu'il le vouloit. C'avoit été fur un Four- milion prêt à conftruire la Coque , que M. de Reaumur avoit réulîi à faire c. it : petite expé- rience. J'appris donc de mon iiluitre maître. 5^S OBSERVATIONS «que j'avois vu la véritable filière de notre îit- fede fans l'avoir reconnue pour ce qu'elle €toit. En effet , après avoir beaucoup examiné ces petits poils que je prenois pour des filières > je m'étois avifé^ de prelfer un peu fortement le derrière de PInfcc1:e , Se j'en avois fait for- tir un petit corps charnu en forme de marne* Ion très - alongé , qui reifembloit fort à cette nouvelle partie que j'avois découverte dans les Chenilles^ & que j'ai décrite Obf. IX ^ X. Ce corps longuet & charnu étoit compofé de deux pièces qui paroiflbient faites pour s'emboiter Fune dans l'autre comme les tuyaux d'une hu nette à longue vue. Le tuyau inférieur ou la pièce qui fervoit de bafe à l'autre , avoit une forme approchante de la cylindrique : elle s'é- largiflbit pourtant un peu vers le bas. Elle étoit la plus longue. L'autre pièce , la fupé- rieure étoit exadlenient cylindrique ^ mais fon diamètre étoit beaucoup plus petit. Les deux pièces prifcs enfemble n'avoient pas trois quarts de ligne de longueur : auiîi pour les bien voir falloit-il recourir à la loupe. Leur couleur étoit blanchâtre. Ce fut en vain que je prelfai le derrière d'un Fourmilion jufqu'à le faire écla- ter ', je ne parvins point à forcer la filière à •■s'alonger davantage ; mais je vis fortir de rextrémité fupérieure une gouttelette d'une liqueur ^UÏL lÈS INSECTES. 36^ ïîcjiieur aflez claire qui-, appliquée fur ma lan- gue , n'y fit aucune imprefHon fenfible. Du derrière du Fourmilion je remontai à fa tête. M. Pou PART avoit dit que cet Infecte n'a qu'un œil placé à la bafe de chaque corne. S'il eut obfervé plus attentivement & avec une bonne loupe , il auroit reconnu qu'il fe trom- poit. Le FouLmilion eft mieux partagé à cet égard j au lieu d'un œil à la bafe de chaque corne , il en a réellement ûx , que je n'eus pas de peine à découvrir. Cinq de ces yeux me pa- rurent rangés à-peu-près fur la circonférence d'un cercle : le lixieme en occupoit le centre. Ils étoient d'un noir luifint & pofés fur une petite élévation fort feniible , qui failloit aux deux côtés de la tète , à la bafe de chaque" corne. Le Fourmilion eft donc pouivu de douze yeux , qui m'ont paru le fervir très-bien. Il eft encore finguiier que M. Poupart ne les eut pas apperqus ; car il nous apprend lui- même , qu'il avoit obfe vé les cornes ave'c un fort microfcope : commeiU donc les douze yeux lui avoient-ils échappés 5 tandis qu'une loupe médiocre fuftit pour les faire appercevoir ? Ces cornes , que notre Obfervateùr avoit «îxpolées au foyer d'un microfcope à liqueurs.' Toms IL h a 37®- OBSERVATIONS lui avoient paru comme deux feringues ou deux corps de pompe. Il nous apprend lui- même ', qu'il y avoit apperçu wi corps trcmfpa- rent ^ membraneux , qiii alloit tout du long de la cavité de la corne , qui pouvait Men être le pifion de la feringue. Sans avoir eu recoujLS à un micro icope aulîî fort que celui de notre cé- lèbre Académicien , & en ne me fervant que d'une fimpie loupe , j'avois fouvent obfervé une ef^ pecc de canal qui occupoit le milieu de chaque corne , & qui régnoit dans toute la longueur de celle-ci. Mais il me paroiUbit au contraire opaque , «Se de couleur rougeâtre. Cétoit fans doute , ce que M. Pou PART avoir pris pour le pifton de la feringue. Après Tavoir coniidéré à la loupe , je le démèlois très-bien à la vue fimple. Ceci m'engagea à poufTer plus loin mes re- cherches fur la ftrudure des cornes du Four- milion : les inftrumens qui ont été donnés aux Infedes pour leur confervation , méritent bien d'occuper un Obfervateur qui fe plait à ad- mirer ces chef-d'œuvres de la Nature. Les cornes du Fourmilion parvenu à fon parfait accroiffement , n'ont guère plus d'une Jigne & demie de longueur. Elles font d'une SUR LES INSECTES. 371 Fui) (tance qui approche de celle de la corne ou de Pécaille. M. PotJPART les avoit comparées à celles du Cerf- volant , & cette comparaifou •eft aflez jufte. Elles font en effet , dentées fur leur bord intérieur comme celles de ce grand Scarabé. Les principales dents font au nombre de trois. Elles font aiguës , de forme triangu- laire , & inclinées vers la pointe de la corne. Celles de chaque corne font placées à-peu-près à égale diftance les unes des autres, & occupent ie milieu de la longueur de la corne. Leurs dimenfions ne font pas égales : îa dent la plus voiiine de la pointe de la corne efl la plus lon- gue : la dent la plus voiiine de la bafe eft la plus courte. Leur extrémité eft noire. Si la dent la plus proche du bout de la corne eft; la plus longue , c'eft probablement pour qu'elle puiife agir avec plus d'avantage fur la proie. Les cornes du Fourmilion ne font pas rafes & luifantes comme celles du Cerf- volant : elles font affez garnies de poils noirs , dont quel- ques-uns font alfez longs. 11 en eft de fort courts qui font placés entre les dents , & qui reffem- blent eux-mêmes à de petites dents j car ils ont une certaine groifeur. On peut confidérer les cornes de notre Li- ftde fous deux faces principales & oppofées, Aa z 372 OBSERVATIONS Je nommerai riine îa face fupérieure h l'autre ^ rinférieiire. On découvre celle-ci en regardant FInfecle du côté du ventre > on découvre celle- là , en le regardant du côté du dos. Sous la- quelle de ces deux iaces qu'on examine les cornes du Fourmilion, on les trouve plus larges qu'épaiiTes. E!!es coiifervent à-peu-près la même largeur depuis leur origine jufqu'à Tendroit où elles commencent à fe courber en crochet. Là ^ elles diminuent confidérablement de largeur pour fe terminer par une points aiguë & très- fine. Obfervées par la face fupérieure , elles pa- roiifent aiîez liifes & un peu relevées dans le milieu j & fi dans cette pofition on les examine au grand jour & par tranfparence , on apper- cevra dans leur intérieur , cette efpece de con- duit qui s'étend d'un bout à l'autre de la corne ^ & que M. PouPART a regardé comme le piftoii de la feringue. Mais quand on vient à confi- dérer la corne par la face oppofée ou par l'in- férieure , on reconnoît , que ce qu'on prenoit pour un conduit intérieur , n'en eft point un , & qu'il eft une pièce diftincle , quia du relief, & qui fe montre fur cette face de la corne ibus l'afped d'une forte de cannelure. Tandis que je conOdérois attentivement cette canne- lure à la loupe , il me parut , que û j'eifayois d'introduire la pointe d'une épingle entre la SUR LES INSECTES, ^75 tannelure & le trou de la corne , je parviendrois peut-être à len féparer , & que par ce moyen ailez fiinple , j'ucquerrois de nouvelles lumières fur la conftrudion de l'iuRrument. J'en fis auiîî-, tôt la tentative , qui me réulTît au-delà de ce que j'avois ofç efpérer. Je vis avec une agréa- ble furprife , que d'une feule corne j'en avois fait deux -, car la pièce qui formoit la canne- lure paroilfoit une féconde corne , plus déliée que celle fur laquelle olle etoit auparavant ap- pliquée. Cette petite pièce qui imitoit (î bien une corne , demeura unie par fa bafe à celle dont je i'avois féparée dans le refte de fa lon- gueur : mais je pouvois à volonté l'en écarter à droit & à gauche ou la remettre en place. Cette pièce , qui s'oifroit à moi comme une féconde corne , n'avoit guère que le tiers de la largeur de la corne principale , qu'elle égaîoit en longueur. Il eft prefqu'inutile que j -ajoute qu'elle en étoit encore diftinguée par la priva- tion de ces. petites dents que j'ai décrites, Je pourfuivis un examen qui devenoit de plus, en plus intérelîant, & muni d'une loupe, je me mis à obferver l'endroit de la corne fur lequel la pièce que j'avois détachée avoit- été auparavant appliquée dans toute fa longueur. J'y appercus très - diftia&ment une rainure , Aa 3. 74 OBSERVATIONS ïiiie forte de gouttière , qui diminuoit de lar- geur à niefure qu'elle approchoit de la pointe de la corne. Le long des bords extérieurs de- là rainure , la corne paroiflbit fe relever ou s'ar- rondir en forme de moulure. Il ne me fallut pas un grand effort de reflexion pour péné- trer Tufage de la gouttière : il étoit alfez évi^ dent qu'elle faifoit partie du canal deftiné à conduire dans l'eftoraac du Fourmilion les fucs plus ou moins déliés dont il fe nourrit. Je n'eus pas plutôt fiid cette idée , que je portai mon attention fur la face inférieure de la pe- tite pièce ou de la cannelure que j'avois dé- tachée 5 & je vis avec admiration qu'elle étoit de même creufée en gouttière dans toute fa longueur. h.ii\Ç\ , de la réunion des deux goût-- tieres réfulte un canal conique, qui s'étend d'un bout à l'autre de la corne. Telle eft donc fadmirable ftrudïure des; cornes du Fourmilion. Elles font manifeftement des efpeces de chalumeaux ou pour parler plus, exaclement , de véritables trompes, à l'aide def- quefles finfede fe nourrit. Elles font en même tempâ de véritables pinces au moyen defquelles ii' faiiit fi proie &: la perce. Leur extrémité eft Il déliée y que je n'ai pu parvenir à découvrir im niicrofcope fou ver tare qui y a été pratiquée SUR LES INSECTES, 375- pour donner entrée aux liqueurs nourricières dans le corps de la trompe : mais au défaut d'obfervations direcfles fur ce fujet , je rappor- terai un fait qui démontre rigoureufement Fexiftence de cette ouverture. En preiîant un peu fortement la tète d'un Fourmilion prés de la bafe d^s cornes ^ je vis à Pinftant fortir de leur extrémité une gouttelette d'une liqueur limpide, qui acquit bientôt la grolfeur d'une tète d'épingle. Je la goûtai , & ne lui trouvai, aucune faveur fenfible. Cette liqueur a fans doute le même ufage que celle de la trompe des Mouches & des Papillons : elle rend appa- remment les alimens plus coulans. Peut-être encore qu'elle les aflaifonne , & qu'elle prévient auiîi un trop grand delféchement de la corne. Inutilement chercheroit-on une véritable bouche chez le Fourmilion : il n'en a point : mais à l'endroit de la tète où l'on croiroit qu'une bouche devroit être placée , on voit une petite échancrure qui a peu de profon- deur, & qu'on prendroit d'abord pour l'ouver- ture d'une bouche. Ce n'cft donc réellement que par l'extrémité (1 déliée de fes cornes, que ie Fourmilion fuce les alimens qui lui font appropriés ; l'ouveiture prefque infinimeiit petite qui eïï à cette extrémité , équivaut pour lui à Aa 4 37^ 0 B S E R V A T î 0 N S lane bouche. Pendant que je preiTois la tète de- rinfede & que j'obrcrvois avec attention une des cornes, par fa face inférieure , j'appercus dittindement un mouvement dans la pièce en relief ou dans la cannelure : je la voyois aller Se venir le long de la corne , & ce jeu duroit- quelques inftans. Mais ayant fouhaité de revoir ce mouvement Ci remarquable , je ne pus y réuffir. Je m'étois au moins allure par cette- obfervation , que la pièce dont il s'agit n'étoit pas fimplement imprimée en reiief fur la corne;, Biais qu'elle en étoit réellement diftincle , & qu'elle étoit bien une pièce mobile , ailemblée avec la corne de manière qu'elle pouvoir gUlfer- en avant Se en arrieie fur celle-ci.. Je ferai encore deux ou, trois rembarques fur- hs cornes du Fourmilion. Elles ne font pas dans un même plan avec le corps , je veux dire que leur extrémité s'élève fenfiblement au- delTus du plan de pofition : peut - être pour donner plus de facilité à I Lifecle de faifir f^ proie. En ferrant un peu entre deux doigts la, îète du. Fourmilion ^. on oblige les cornes à s'ap- procher ou à s'éloigner l'une- de. l'autre à volonté. On peut m.ème les. forcer à fe crcifer par leur extrémité , & d'autan'c plus qu'on aug- :ûXei^te dayantage la preffion. Zvïais fans y être SUR LES INSECTES. j^T forcé , le Fourniilion les croife quelquefois , ou les éloigne plus ou moins Tune de Tautre , félon fes befoins. M. PouPAKT Tavoit aufîî obfervé. Mais je préfnme qu'il s'étoit trompé- lorfqu'il avoit avancé, fans, pourtant en donner aucune preuve , que les cornes de notre In- fecte repoulTent après avoir été coupées. J'avois: tenté cette expérience , & elle ne m'avoit point réuiîî. Elle n'avoit pas mieux réulîî à M. de Reaumur. Je Youdrois néanmoins qu'on la répétât encore , & qu'on la variât plus que nous ne l'avons fait. Il eft des phénomènes rares dont la produdion dépend du concours; de certaines circonilances que rObfervateur doit tâcher de fdre naître.. Après m'ètre occuné des cornes du Four- milion , j'examinai fa tète. M. Poupart s'étoit contenté de dire , qiCelle étoit menue çf? -plate y & ce n'étoit poir.t allez pour en faire recon- noître la forme. La tète du Fourmilion eft aiTez petite proportionnellement à fou corps. Elle eft plus large qu'épaifle. Sa forme tient de la qua- drangulaire. Elle eft néanmoms un peu con- vexe tant en deifus qu'en deifous j elle l'eft même un peu plus dans fa face infé.'ieure , que dans la face opnofée. Sa forme n'eft pas celle îj'un quarré parfait : elle a plus de largeur entre 378 0 B S E R r A T I 0 N S'- les deux cornes que dans Tendroit où elle fe joint au col. J'ai parlé de la petite échancrure qu'on y obferve. Tout du^ long du milieu de la tète, depuis l'échancrure jufqu'au col, on ap- perçoit à la vue finiple, & mieux à la loupe,, ime forte de petite rainure ou de future , aiTez.. feniblabie à celle qui marque fur le devant de. Ja tète des Chenilles , la réunion des deux ca^ lottes écailleufes : mais cette forte de rainure, eil; moins fenlîble dans la tète du Fourmilioix que dans celle des Chenilles, Elle exiûe dans. Tune & Taiitre face. A l'heure que j'écris ceci, j'ai fous les yeux Tune de mes Lettres à M. de Reau^iur , datée du 23 de Novembre 1740, ou je lis ces mots. J^avois eontinué à exannner la tête du Fourmi- lioit ,• ^ je crois y avoir apperçn deux ouvertu- res i mais dont je n'ai pu jufqiiici bien 'ûiajjii- rer j parce que j\ti été obligé de [ufpendre ces ObfervatioHS. Je ne trouve rien de plus dans, mes Lettres fur ces deux ouvertures , & je ne faurois à préfent me rappeller ce qu'elles étoient, ni dans quel endroit de la tète je les avois ap- perques. Trente-fix ans qui fe font écoulés dès- lors , ont eificé de ma mémoire les traces de cette Obfervation,. SUR LES INSECTES. 379 IMMÉDIA.TEMEKT à côté des yeux font pla- cées les antennes , qui ne paroiifent à la vue iimple que comme deux petits poils y mais qui obfervées à la loupe y paroiifent compofées d'une fuite de vertèbres raifes bout à bout. Elles font rafes , & leur longueur ne femble pas être la moitié de celle des cornes» Les Hiftoriens du Fourmilion nous ont vanté fa patience & fa fobriété. Il peut en eifet fou- tcrir de très-longs jeunes. Caché au fond de £on entonnoir y il attend en chaifeur rufé & patient que quelqu'Infede rôdeur tombe dans le piège > & il f e paife quelquefois des femai- îles & même des mois fans qu'il lui arrive de faire aucune capture. On a vu des Fourmilions vivre plus de fîx mois dans une boîte exad:e- nient fermée , & où ils avoient été privés de toute nourriture. Mais cette fobriété fi remar- quable de notre chaileur n'eft que l'eifet de la néceilîté , & on la voit fe démentir dès qu'on jette dans l'a folfe deï Infecles fort fucculens. On eft alors étonné de fa gloutonnerie. Je jettai un jour dans la folfe d'un Fourmilion par- venu à fon parfait accroiifement ? une des plus groifes Araignées domefîiques y après avoir pris la précaution de la fecouer un peu fortement pour diminuer fa trop grande agilité. 11 la faifit no OBSERFATIONS à riîiitaiic , Teiitralna fous le fable , & la fuça au point qu'il n'y refta que la peau. Peu de jours après , je lui fervis une autre Araignée d'une aufîi belle taille que la première ; il s'en faifit encore , & la fuqa en entier. A la fuite de deux repas fî copieux, il devint d'une grof- feur prefque monftrueufe. Son ventre étoit fi dillendu qu'il fembioit prêt à éclater. Il pouvoit à peine fe remuer. Il s'enfonça peu de tempS: après d:ms le fable, & y conftruifit fa Coque. J'attendois d'un Fourmilion Ci bien nourri une Demoifelle proportionnée à fon énorme corpu-^ lence ; <& je ne fus pas médiocrement furpris-, quand je vis paroitre une Demoifelle dont la taille n'avoit rien du tout de remarquable. OBSERVATION XL. Sur le procédé hiânjlrieiix an citoyen duquel te Fownnîlion tranyporte hors de fa fojje les corps trop pejhis pour être lancés au loin avec fa tète. JLiE Fourmilion établit fa demeure ibus quel- qu'abri, dans une terre féche & fort pulyéri- fée. Il ne marche qu'à reculons: il ne peut donc aller chercher fa nourriture. Il eft Carnivore, & ne fe nourrit que d'înfecles vivans. Il cil ré- f SUR LES ÎMSËCTES. 38i âuk à leur tendre un piège. Celui qu'il {lût leur drelTer , eft une foiîe en manière d'enton- noir 5 au fond de laquelle il fe tient en embuf- cade. La Fourmi eft de tous les Infedles rôdeurs celui à qui il arrive le plus fouvent de tomber dans le piège. C'eft ce qui a fait donner h notre chafTeur le nom aifez impropre de Foitrmilmu Celui de Fournii-rejiard lui auroit mieux con-* Venu fans doute -, mais il avoit paru trop long. L'entonnoir que creufe le Fourmilion, eft toujours revêtu intérieurement des grains de terre les plus fins & les plus xiifpofés à glilTer fous les pieds de TLifecte qui a eu le malheur d'y tomber. 11 fait fouvent de vains efforts pour regagner le haut de l'entonnoir, la roideur de la pente & la terre qui s'éboule continuelle- ment fous fes pieds , oppofent des obftacJes mul- tipliés à fes elîortf', & le malheureux Lifecle retombe bientôt au fond de la foiFe , où il eft faiii à l'inftant par les ferres de fon ennemi. Si pourtant il ne retombe pas d'abord, Se s'il re- double fes efforts pour fe tirer du piège , le Fourmilion lance au-delfus de lui avec fa tète & fes cornes des jets de poufîiere qui fe fiic- cédent avec une grande célérité , & qui font pour l'infortunée viclmie,une .grêle qui triom- phe enfin de fon agilité ou de fa vigueur. 3S2 OBSERVATIÛNS On comprend par ce qui vient d'être dit , combien il importe à notre rufé chiiireur que fbn entonnoir ne foit formé que d'une terre très-fine & très-dirpofée à s'ébouler. De petites pierres ou des moiécules de terre un peu grof- fieres donneroient trop de flicilité à la proie pour fe tirer du précipice : elles lui ferviroient d'échellons. Si l'on parcourt de l'œil les endroits qui abondent en folTes de Fourmilions , on re- marquera bientôt , que l'intérieur de toutes les folTes n'offrira qu'une terre extrêmement pulvé- rifée , Se telle à-peu-près que la poudre des clep- fydres. On remarquera en même temps autour des foires , 8c fouvent fur leur bord , de menus graviers , de petites pierres , ou d'autres corps plus ou moins groiîîers. Quelquefois ces dilfé- rens corps fe trouveront en li grand nombre autour des folles , qu'on n'en fera que plus étonné de n'en voir aucun dans leur intérieur, «Se pour peu qu'on ait de curiolité , on délirera de favoir comment le Fourmilion réuffit Ci bien à débarraiîer fon piège de ces corps étrangers. On n'aura pas à le fuivre long-temps , pour découvrir au moins fa manoeuvre la plus ordi- naire. 11 fuffira de le mettre dans une terre féche & fine , mêlée avec de menus graviers. Tandis qu'il fera occupé à creufer dans cette terre fou efpece d'entonnoir, on le verra char- SUR LES INSECTES. 383 g©r fa tète des menus graviers , & les projetter d'un mouvement brufque , mais bien calculé , afTez loin de l'enceinte de l'entonnoir. Il réité- rera cette manœuvre chaque fois qu'il rencon- trera de nouveaux graviers , & les mouvemens fubits de fa tète & de fon col feront toujourf; proportionnés à la force qu'exigera le poids du corps à projetter , ou à la hauteur à laquelle il devra être projette. Mais , comme je l'ai dit , on voit fouvent fur le bord des entonnoirs que les Fourmilions creufent en pleine campagne , de petites pierres ou d'autres corps plus ou moins lourds , qu'on reconnoit avoir été déplacés par l'Infedle , 8c qu'on juge bien qu'il ne lui a pas été poifible de projetter avec fi tête & fes cornes. Dès que j'eus commencé à obferver , c'eft-à-dire , à ad- mirer le Fourmilion , je fus extrêmement cu- rieux de favoir le moyen auquel il avoit recours pour fortir de fon entonnoir ces corps lourds qu'il ne pou voit lancer au-dehors avec fa tète. Je ne tardai pas à le découvrir : ce fut en 1737. M. de Reaumur en informa le public dans fon intérellante Hilloire du Fourmilion. (^) Je ne ferai guère que tranfcrire ici ce qu'il en O Mém. fur les Inf. T. VI , Mém. X, pag. 551 , 552. §84 0 S S Ë R V 4^^ ^ ^ i^ S a rapporté d'après une de mes Lettres , & qiiè j'avois cru digne de Ion attention-. Quand le Fourmilion , occupé à creufer foit entonnoir , rencontre Une maiTe incommode qu'il ne peut projetter, il prend le parti de l'a tranf- porter. On fait que pendant le travail il eft toujours caché fous le fable : il ne laiiTe apper- eevoir alors que fes cornes & fa tète : mais îorfqu'il eft dans l'obligation de tranfporter hors de fa folfe un corps pcfmt , par exemple , une petite pierre , il fort du fable & ne craint plus de fe montrer entièrement à découvert. Il avance enfuite un peu à reculons s il fait palfer le bout de fou derrière fous la pierre , & va encore un peu en arrière : en même temps qu'il exécuté ces mouvemen.s , les anneaux en exé- cutent qui leur correfpondent , & qui tendent à con'diiire la pierre vers le milieu de fon dos , & à l'y mettre en équilibre. Mais le plus diffi- cile eft ici de la conferver dans cet équilibre pendant le tranfport , en graviiî^uit à reculons le long d'une pente déjà efcarpée. De moment en moment, la charge eft prête à tomber, foit à droit foit à gauche , ou même à rouler par- deifus le dos de l'Infede : ce n'eft qu'en aJbaif- fant ou élevant à propos certaines portions de fes anneaux , qu'il parvient a la retenir fur foit dos. SUR LES INSECTES. 38^ ûas. Cependant malgré tous fes efforts , & mal- gré tout fon favoir faire en tours d'équilibre-, ia pierre lui échappe quelquefois, & rou!e juf- qu'au fond de Pentonnoir. Le Fourmilion ne fe rebute point; il reprend fon travail, fe charge de nouveau de la pierre , redouble d'adreiTe & de force , & parvient enfin à atteindre avec fa charge le haut du précipice. Il ne la lailfe pas précifément fur le bord de l'ouverture , elle pourroit trop facilement retomber au fond du précipice : il la pouiTe un peu plus loin , fe re- tourne à l'inftant , revient à reculons dans fa foife 5 & fe remet à excàver. On voit alTez que la figure de la pierre ne contribue pas moins que fon volume & fou poids , à en rendre le tranfport difficile. Une pierre ou une petite maiîe quelconque , dont la. figure approche de la fphérique , eft bien plus difficile à tranfporter qu'i^ne m.aife de même volume & de même poids, dont la forme eft applatic. Je ne faurois dire combien le Four- milion intéreife le Spedateur tandis qu'il eft occupé de ce pénible travail. Il vous attache de plus en plus : on ne peut le perdre de vue un inftant , & l'on a pour ce petit Syliphe des inquiétudes qui augmentent de moment en mo- ment , & qu'on ne s'attendoit pas à éprouver. Tome IL B b 38^ 0 B S E R V A T I 0 N S Sa patience dans ce rude travail ne fe fliit pas ^noins admirer que fon /adreile : j'ai vu des Fourmilions revenir à la charge cinq à lix fois .de: fuite, foit parce que la pierre étoit retom- bée autant de fois , foit parce que j'avois fubf- .titué une autre pierre à^celle qui avoit été •traniportée. J'obfervai un jour un Fourmilion ^occupé à pouffer pour la féconde fois une aifez gi'oifè pierre vers le haut* de fi folfe , fuivre -conftammjent en remontant le fil! on qu'il avoit tracé en dcfcendant. On eut dit qu'il connoif- foit l'avantage réel que lui procuroient les 4iords du ûYlon y car on comprend qu'ils ne lui fervoient pas peu à maintenir l'équilibre -, ils emp échoient la pierre d'incliner tantôt d'un côté 5 tantôt d'un autre. Les Naturaliftes ont fort célébré la force de la Fourmi dans le tranfport des fardeaux dont elle fe charge ou qu'elle entreprend de char- rier 5 fou vent aiîez loin , & fur un terrein plus ou moins raboteux ; & il eft vrai que la force de ce petit Infede eft étonnante. Je ne fais pourtant il celle du Fourmilion n'eft pas plus étonnante encore. Il eft lui-même un allez petit Infede , «Se qui ne pefe guère que trois à ■quatre grains , lors même qu'il eft parvenu à fou parfait accroiiîement. J'ai vu néanmoins un SUR LES IKSEVTËS. B'S? Totirmilion de médiocre groffeur , qui poniToit Vers ie haut de fou entonnoir une pierre du poids de deux deniers ou de quarante grains- Il y auroit bien d'autres expériences cuxieufes à faire pour juger de la force & de i'adreile de ce petit Animal 5 & je me perfuade facilement que quoiqu'il ait été étudié par les meilleurs Obfervateurs , il s'en faut de beaucoup qu'ils aient vu tout ce qu'il peut offrir d'intéreirant. J'en juge par le procédé induftrieux que je viens de décrire , & qui avoit échappé aux Naturaliftes qui avoient obfervé les premiers le Fourmilion: je parle fur-tout de MM. Pou-^ PART , Vallisniérï Sc Reaumur* OBSERVATION XLI. Sur tins nouvelle Espèce de Fourmilion décou< verte par l'Auteur. L Es Fourmihons qu'on rencontre dans les jardins ou dans la campagne paroilfent tous appartenir à la même Efpece ; au moins n'ap- percoit-on entreux aucune différence vraiment caraclériftique 3 car quelques légères diveriités . dans les couleurs , dans la taille ou dans les dimenlions de certaines parties , ne fuffiroiciifi Uh 2, 38B OBSERVATIONS point pour établir des différences qu'on pût regarder à bon droit comme fpécifiqiies. Je fuis pourtant certain , qu'il eft aux environs de Genève une Efpece de Fourmilion qui avoit été inconnue aux Naturaliftes ; mais cette Ef- pece m'y a paru fort rare. Je la découvris en Juin 1740, dans ma campagne àThonex , petit village fitué en Savoie , à trois quarts de lieue de GtwQWQ , & dont le terrein léger & un peu i!iblonneux eil: très-favorable aux Fourmilions. Je cherchois de ces Infedes au pied d'un gros Noyer , qui avoit crû fur une petite élévation , au midi , le long d'un grand chemin. Les grofles racines de l'arbre étoient un peu à découvert, & fous ces racines étoit une terre fort féche & fort pulvérifée , où j'apperqus plufieurs foifes de Fourmilions. Entre ces foifes , j'en remarquai une beaucoup plus petite que les autres , & . alfe2 mal façonnée , dont il me vint en penfée de prendre la terre dans ma main. Quelle ne fut point ma furprife de voir fortir de cette terre un petit Fourmilion , qui au lieu de mar- cher à reculons & aifez pefamment comme tous ceux que j'avois obfervés jufqu'alors , alloit en avant avec agilité , & la tète élevé© ! Je ne pou vois en croire mes yeux , & je ne revenois point de ma lurprife : mais ce Fourmilion lî nouveau & fi précieux pour moi , étoit unique. SUR LES INSECTES. 3S9 ic je defirois avec ardeur d'en trouver d'autres qui lui reiTemblafTent. Je me hâtai donc de fouil- ler dans la même terre & dans celle des envi- rons : ce fut pour brs inutilement : je n'y trou- vai que des Fourmilions communs , qui mar- clioient tous à reculons. J'avois conçu néanmoins une forte de défiance fur cette manière de mar- chçr , depuis la découverte que je venois de faire ; 8c pour m'alTurer que les Fourmilions dont je m'étois faifi ne pouvoient marcher eu avant , je les mis tous les uns après les autres fur la paume de m.a main , & en les preilant par derrière , j'eiîàyai de les forcer d'aller eu avant : mais toutes mes tentatives furent conf- tamment vaines , & tous mes Fourmilions s'obf- tinerent à marcher à reculons. J'eus donc la meilleure preuve que tous apparteuoient à l'Ef^ pece commune , & mon Fourmilion de la nou- velle Efpece ne m'en devint que plus précieux,. Je logeai à part le petit Animal , 8c je lui donnai de la terre femblable à celle dans laquelle je Pavois trouvé. Il ne s'y enfonça pas à l'info tant s il fit d'abord quelques pas en avant fur la furface ; mais bientôt il recourba le, bout de fbn derrière, l'enfonça dans la terre, s'y cacha. en entier > 8c y dcracura fans mouvement» ?b 3 ?9"^ OBSERVATIONS Je deGrois extrêmement de trouver d'autres^ Fouimilioîis de la mémo Efpece, pour étendre & perftdionncr mes Oblervations fur ce Genre dliiiedes. Plein de l'idée que celui que j'avois découvert n'étoit pas leul de fon Efpece dans le lieu où je Pavois rencontré, je ne tardai pas à y retourner & à y faire de nouvelles recher- ches. Elles ne furent point infrudueufes : j'eus le bonheur de trouver encore deux Fourmilions- de PEfpece qui cxcitoit le plus ma curiofîté. Je les mis dans le même vafe où j'avois renfermé le premier. Tous trois paroiifoient à-peu-près de même âge , & n'avoir pas atteint la moitié de ieur accroilTement. J'en jugeois par comparaifoii avec les Fourmilions communs. En examinant avec plus d'attention ces Four- inilions nouvellement découverts, je remarquai bietitot qu'ils diiféroient des Fourmilions corn.- niuns par divers caradercs plus ou moins fril- lans. Je m'attachai à étudier ces caradleres , & à déterminer exaclement ceux qui pouvoient fervi/ le plus à difrérencier la nouvelle vEfpece de Fanciennc. Voici les reialtats de mon examen, I. La couleur de la nouvelle Eipece eft moins claire ; elle tire \va peu i'ur le gris de ier , prin-r ci paiement à la tète & aux cornes. Les trois SUR LES IKSECTES. ^51 lignes formées de taches noires , qui s'étendent le long du dos , font moins diitincTies j elles font à peine vifiblcs. 2. Le corps eil plus alongé : le derrière fe termine mieux en pointe , & le dos efi ordinai- rement plus appiati. 3. La. tête eft plus large, & h. col eft plus fufGeptible d'alongement. 4. Les cornes , vues par la face fupé^îeure-, paroiifent plus fortes , plus, arrondies , plus lif- fes, moins tranfparentes , & prefque fans poils\ 5. L'ESPECE de tuhercuk ^ïut \qc^\q\ font pla- cés les yeux , eft plus faillant. Les yeux fons plus gros , plus vifs , plus diftnids. 6". Les anneaux font plus marqués. 7. Le^ mamelons ou tubercules placés fur les GÔtés , & d'où partent des poils noirs en ma- nière de houppes , font plus fonfibies. 8- Les jambes delà dernière paire font moins repliées, & peuvent s'écarter davantage dudef- fous du ventre. Les jambes de cette paire .. Bb 4 393 OBSERVATIONS comme celles des deux autres paires , font ter- minées par des crochets plus aigus. % Le bout du derrière n'offre qu'une feule deyHi-coîironne de poils courts. Ils font au nom- bre de huit , & placés beaucoup plus près les uns des autres : ils femblent même comme Te unis dans une bafe commune. VoïLA fans doute aiTez de caractères pour différencier les deux Efpeces. Un fcul pourroit fuffire y je parle de celui qui nous eft fourni par la faculté de marcher en avant , que la nou- velle Efpece polTede à l' exclu fion de Pautre. J'ÉTOis fort defîreux de m'inftruire du genre de vie de mes nouveaux Fourmilions. Je les. obfervois fouvent. Jétois fur -tout curieux de favoir s'ils feroient ufige de leur faculté d'aller en avant pour courir fur leur proie. Je les fiuvis conftamment depuis le mois de Juin , )iifqu'à la fin de Novembre > & pendant tout ce long iritervalle de temps , je ne les vis jamais. fe creufer d'entonnoir. Ils demeuroient toujours, immobiles , cachés fous- le fable y la tète ordi-^ nairement un peu élevée au~deflus de la fur- face , & les cornes écartées Tune de l'autre , & prêtes à fiiiir la proie, lis étoient fùremcnt fort SUR LES INSECTES. 395 adroits à la faifîr j car lorfque j'introduifois dans le vafe quelque Iiifcde rampant ou voJaiit , j'étois prefque f^ir ^e n'en trouver le lende- main que le cadavre , réduit à n'être plus qu'une peau féche. Toutes mes Obfervations concoururent donc à prouver que mes Fourmilions de la nouvelle Efpece n'avoient point cette induftrie qui a rendu fi célèbre le Fourmilion commun. Tout l'art de mes nouveaux Fourmilions me parut fe réduire à faifir promptement la proie au paiTage. L'alongement dont leur corps eft fui^ ceptible , & la facilité qu'ils ont d'aller en avant , leur font , fans doute , d'un grand fe- cours dans leur chalfe. Je ne les ai jamais vus fortir de terre pour courir après leur proie: mais je n'oferois aiîurer qu'il ne leur arrive jamais de le faire. Je l'ai dit , ils font agiles , & marchent la tète levée comme les petits Lions des Pucerons , auxquels ils reiiemblent bien plus que les Fourmilions communs. Comme ces pe- tits Lions encore , ils agitent la tête en marchant. Ordinairement mes Fourmilions de la aaoLivelle Efpece creufoient un peu la terre au devant de leur tète : cette petite folfe, toujours mal façonnée , pouvait fervir à retenir queL 394 OBSERVATIONS ques momens de fort petits Infedes , 8c à don- ner aux Fourmillons plus de facilité de s'en faifir. Mais encore une ^ok , cette manière de foiTe ne pouvoit point être comparée à l'enton- noir du Fourmilion commun : elle n'étoit qu'un petit creux qui n'avoit rien du tout de remar- quable. Notre nouveau Fourmilion oiFre pourtant une particularité qui mérite que j'en fafle men- tion : il tient Ton corps plus enfoncé dans le fable que le Fourmilion commun. Il s'y cram- ponne mieux , & fe procure ainfi le moyen de retenir des IiifecTtes vigoureux qui lui oppofent nue grande réfiftance. Je l'ai vu retenir de la forte des Chenilles de grandeur moyenne , qui fe donnoient entre fes ferres les mouvemens les plus violens , en fe pliant & fe repliant iur elles-mêmes , & qui ne parvenoient point ni à lui faire lâcher prife , ni à le tirer de deiTous le fable. Ceux qui fe font plu à fuivre les procédés du Fourmilion commun , favent qu'il a coutume de fecouer plus ou moins les ~ Infectes vivans dont il fe faifit : il les étourdit ainfi , 8c s'en rend plus facilement maître. Le Fourmilion de la nouvelle Efpece ne m'a point paru recourir SUR LES insectes:. 39^ à ce moyen pour s'aiTurer de fa proie. Il eft pourtant fingulier, qu'il ne m'ait pas paru la tuer auffi promptement que le fait le Fourmi^ lion de l'Efpece commune. J'ai vu des Chenilles demeurer vivantes entre fes cornes plus de douze heures. Après les avoir fucées en entier, il étoit Cl dodu , fi replet , qu'il pouvoit à peine fe remuer. Quand on renverfe fur le dos le Fourmis lion commun , il ne reprend que difficilement & avec effort fa poiliure naturelle : il n'en va pas de même du nouveau Fourmilion j il fe redrelfe leftement &; promptement : c'eft que tous fes membres ont plus de foupleife, & que fa tète & fes dernières jambes peuvent s'alon-. ger davantage. Le nouveau Fourmilion diffère encore de l'ancien par fa taille , qui eft plus avantageufe. Au printemps de 1741 , je retournai cher- cher des Fourmilions de la nouvelle Efpece dans le même endroit où j'avois trouvé les premiers. Je ne pus en trouver qu'un feul : il étoit plus gros que le Fourmiuon commun parvenu à fon parfrit accroilfement. Il lui manquoit la moitié d'une corne : la corne mutilée ne paroiifoit pas 39^ OBSERVATIONS l'avoir été récemment. Je le mis dans une boîtev que je ne remplis qu'à moitié de fabîe. Je né- gligeai de la couvrir , ne penfant pas que cette précaution fut néceiFaire. Je me trompois ; mon Fourmilion s'échappa. Je le retrouvai néanmoins, & je le logeai dans un verre à boire , que je ne l'emplis de llible que jufqu'à la moitié de fa hauteur. Je n'imaginois pas le moins du monde que mon petit prifonnier pût grimper le long des parois du vafe pour fe mettre en liberté. Je îTje trompois encore -, il fortit de ce vafe , & je le trouvai le lendemain caché dans une fente du plancher de mon cabinet. Je le remis dans le verre que je couvris d'une plaque de même matière. Les crochets qui terminent les jambes de ce Fourmilion , font fi aigus qu'ils ont prife fur le verre même. J'ai vu un de ces Fourmi- îions marcher facilement fur un plan uni & perpendiculaire à l'horifon. Peu de jours avant que mon Fourmilion fortit du verre où je l'avois logé , je lui a vois, fervi une Chenille qui avoit beaucoup perdu de fa vigueur. Il favoit faifie avec la feule corne qui lui reftoit entière , & en avoit tiré tout le fuc. Mais après l'avoir fucé , il ne put parvenir à en détacher le bout de fa corne , & je fus obligé de le débarralTcr moi-même du cadavrQ. SUR LES INSECTES. 397 Le premier de Juillet , il commença à travailler à fa Coque , qu'il conftruifit à fleur de terre. Le 23 d'Août , la Demoifelle fortit de cette Coque. Elle étoit plus grande que celle du Four- milion commun. C'étoit une femelle : elle pon- dit un œuF d'une forme feniblable à celle de i'œuf du Fourmilion de l'Efpece commune. J'envoyai la Coque , la Demoifelle & fon œuf' à M. de Reaumur pour le mettre à portée d'en juger, & pour qu'il pût les faire defïîner: mais fon Mémoire fur le Fourmilion étoit déjà imprimé lorfque mon envoi lui parvint. Je lui avois envoyé auparavant le Fourmilion lui- même, qui étoit arrivé à Paris bien vivant. II en fit mention dans fon Hiftoire , & en accom- pagna la defcription des deux Figures que j'ai tranfportées dans cet écrit. Aucun des Naturaliftes qui m'avoient pré- cédé n'avoit parlé des mues du Fourmilion. J'ignore moi-même Ci le Fourmilion commun change de peau avant que de parvenir à fon dernier accroiiîement : je le préfumerois volon- tiers d'après l'analogie -, car tous , ou prefque tous les Infedes qui ont des métamorphofcs a fubir, changent une ou plufieurs fois de peau pendant qu'ils demeurent fous leur pr'^miere forme. Quoiqu'il en foit -, je fuis au moins cer-^ 39S OBSERVATIOXS tain que le Fourmilion de la nouvelle Efpece change de peau awuit que de fubir la première niécamorphoik Pendant que je robfervois en 1-40, ie trouvai ù dépouille dans le iable : elle étoit tres-complette , de couleur blanche ou blanchâtre , & tendue fur le dos. O R S E R \' A T I O N X L I L S^ir u€ ^eîïte^ Fonrydîs qui s'étaient établies dans la tète d'un Chardon à bonnetier. A.- U commencement d^Août 1739, tandis que je chaiîbis aux Iniecl.s le long d'une haie à Texpolîtion du midi , je rencontrai tout auprès quelques pieds de Chardon à bonnetier de Tan- née précédente , & qui s'étoient delîechés fur la place. Comme j'avois commencé à obferver la petite Chenille qui vit dans la cavité de la tète de ce Chardon , l'autre fur celle du poudrier. J'avois préléré à deliéin les tiges du Tiiiiymale , parce qu'elles font garnies à-z petites afpérités qui me paroiifoient très-pro- pres à faire pour les Fourmis l'office d'échellons ou de degrés. Je pourvus ^n^iiku des brins de paille qu'elles tranfportoient SUR LES INSECTES, 403 dans la fourmilière. Celles qui s'étoicnt chargées d'un brin de paille avoient de la peine à Tin- troduire dans le logemsiit : la porte en étoit fi étroice, que c'écoit chofe très-amufante que do voir tous les mouvemens que fe donnoit la -Fourmi pour faire paiîer par Fouverture le brin de paille dont elle étoit chargée. Elle le préfeu- toit à Fouverture tantôt dans uil fcns , tantôt dans vn autre : enfin , elle parvenoit à rencon- trer le fens canvenable , Se le brin de paille ctoit introduit. Je crus que j'irois au-devant des befoins de mes Fourmis, (1 j'entr'oavrois un peu plus la tète du Chardon : ce fut donc ce que j'exécutai ; mais ce n'étoit point du tout ce qu'elles fouhaitoient : je n'eus pas plutôt agrandi Fouverture de la porte qu'elles travaillèrent aved ardeur a la rétrécir. Elles fe mirent à charrier de la terre , de la paille , du foin , qu'elles alfem- 'blerent en dedans & autour de Fouverture , & qui la rétrécirent au point qu'elle ne fut plus qu'une très-petite fente oblongue j qui fufHfoit à peine à laiiTer pailër de front deux Fourmis, Le 19 d'Août , remarquant que depuis plu- fleurs jours mes Fourmis ne fortoient point do la fourmihere , il me vint en penfée de Fex* pofjr au foleil. Je Favois tenue jufqu'alors far une des fenêtres de mon cabinet , ou le folei] Ce Z 404 OBSERVATIONS ne donnoit qu'une partie de la matinée. Dès qu'il eut commence à échauffer la tète du Char- don, je vis paroitre à l'ouverture de la porte plufieurs Fourmis. Bientôt elles fortirent en ioule, & s'attroupèrent en grand nombre au- tour de la porte : elles avoient même été G. empreiTées à fortir , qu'elles avoient fait fluiter toutes les petites barricades qui en rétrecilFoient l'ouverture. Le foïeil étoit ardent, & les Four- mis paroiilbient très -émues, j'en vis un bon nombre qui defcendoient le long de la tige, portant chacune entre leurs dents un Ver ou xiiiQ Nymphe , qu'elles alloient cacher dans la terre. Mais ce qui excita le plus mon attention ,. ce furent d'autres Fourmis qui fembloient por- ter fur leur dos une de leurs compagnes. Je crus d'abord que c'étoient des cadavres qu'elles •alloient enterrer. Une petite obfervation que j'avois faite peu de jours auparavant , me fem- î)loit confirmer cette idée : j'avois obfervé une de mes Fourmis qui tranfportoit hors de la fourmiUere une Fourmi morte , & qui après avoir rodé long-temps fur la terraiîc fupérieure, avoit dépofé le cadavre dans une petite foife qu'elle avoit rencont ée à la furfice de la terre. J'étois encore affermi dans ma penfée par l'im- SUR LES INSECTES. 40T mobilité conftante de la Fourmi qui etoit aiiifi tranlportce , & je commer.çnis à ni'afïliger de îa grande mortalité fur venue dans h petite Répu- blique. Mais m'étant avifé de prendre délicate- ment entre mes doigts une de ces Fourmis qui en portoit une autre , je ne fus pas peu ilirpris cle les voir fe féparer à Tindant l'une de l'autre , & courir toutes deux avec une grande vitelTe. Je répétai pluficurs fois., l'expé- rience , & toujours avec ic même fuccès. Toutes les Fourmis que j'avois prifes pour des cada- vres , étoient pleines de vie. Après avoir vu & revu bien des fois cette manœuvre fingulierc de mes petites Fourmis , je fus très-embarraiié de m'en rendre raifon à moi-même. Jd formai diverfes conjedures : je préfumai d'abord que c'étoit quelque bon ofïice que les Fourmis fe rendoient les unes aux au- tres j car il étoil: alfe^ naturel de préfumer de tels offices entre des Infccles qui vivent eu fociété , & qui font appelles à s'entr'aider mu- tuellement dans leurs travaux. Mais une obfer- vation que je fis alors ne me parut point favo- rable à cette conjeclure. J'avois pris entre mes doigts une de ces Fourmis qui en portoit une ai::re fur fon dos : elles ne s'étoient point fé- paiees Tune de fautrc 3 & les avant mifcs à Ce 3 ^66 0 B S B R V A T ï 0 N S part dans une boite , h portcufe avoit conti-* irué à courir de tous cotés avec fa charge : cela avoit duré un temps : les deux Fourmis s'étoient enfin iéparées ; & j'avois remarqué que- chaque fois qu'elles venoient à fe rencontrer dans la boite , elles s'attaquoient Tune l'autre , Se fe mordoiert fortement. J'avois même cru- appercevoir que Pune des deux faifoit mine de- vouloir monter fur le dos de l'autre. Elles étoient fi femblablcs que je ne pouvois reconnoitre celle iqui avoit porté l'autre fur fon dos. Je continuai à fuivre cette étrange nianœu^ vre de mes Fourmis , & je m'attachai fur-tout à obferver l'attitude de celle qui étoit portée ^ OU pour parler plus jufte qui fe fai^jit porter. Je reconnus à ne pouvoir m'y méprendre , qu'elle faifiifoi.t fortement avec fes dents le delfus du col de celle qui la portoit , & que , le ventre recourbé contre le dos. de cette dernière. qu'elle embraifoit avec lès jambes . elle s'y tenoit cramponnée d-ans. une immobilité parfaite. La Fourmi qui étoit ainiï forcée à en porter une autre fur fon dos , ne paroiffoit point, fouffrir âc cette contrainte: elle alloit 8-: vendit de touS: €ô,tés. avec une grande aifaiiçe , & couroit fou- ■^ent av:ec beaucjoup de yit.eife. SUR LES INSECTES. 4C7 Non-seulement je vis des Fourmis qui defceiidoient le long de la tige du Chardou portant une autre Fourmi iiir leurs épaules 3 mais j'en vis encore d'autres qui remontoien.t le long de la même tige avec une femblabrç charge ,. & dont la marche n'en paroilToit pas- moins dégagée, (i) Maintenant , Ci Vcm réfléchit un peu fur ces faits , on fera fans doute porté à pré- fumer avec moi , que les Fourmis n'en ufeiit ainfi les unes à l'égard des autres que lorf- qu'elles font irritées , ou qu'une trop grand* chaleur les tire de leur état naturel. Elles k jettent alors les unes fur les. autres ; elles fc livrent des combatsiînguhers > & l'un des cham^ pions faifilumt l'autre fur le delfus du col ,. le cramponne fur fon dos, & s'obftine à ne point lâcher prife. L'autre champion , qui ne peut fe débarralTer de fon adverfiire , eft réduit à le fouifrir fur fes épaules , & à le porter qà. & là ^ (i^ Quelque temps après, j'ohfervai la même manœuvre cbcz les grandes Fuurmis des prairies, dont ia fourmilière fe fait remarquer par une élévation hémifphérique, compofée as fei-ins de bois, de paille, 8:c. Une Fouriniliere de cette Erpece que j'avois tranfportée dans un jardin , pour être plus à por- tée ucn fuivre les Fourmis, me donna Ireu de revoir ce fait finpolicr que les petites Fourmis du Cferardon m'avoient oSferô ieà nr-^mieres, C-C 4. 408 OBSERVATIONS pendant un temps plus ou moins long. Oïî fait que les Fourrais font fort colères ; Se Pon a pu voir cent fois des Fourmis auxquelles on prcfcntoit le doigt après les avoir un peu ex- citées , & faifir la pctiu avec leurs dents , & s'y tenir cramponnées opiniâtrement, le ventre re- courbé contre le doigt. Je continuai à obferver affidument mes Four-- mis jufqu'au mois d'Oclobre. De temps en- temps j'expofois la fourmilière au foleiî , & chaque fois que je l'y expofois , je voyois les Fourmis retiier leurs Vers ou leurs Nymphes âc l'intérieur du Chardon, pour les trL^iifporter dar.s la terre : mais dès que le foleil celiorc de darder fes rayons fur la iourmiUere , el'cs rap- portoicnt leurs petits dans l'intérieur du loge- aient. Il faut à ces petits une certaine humi- dire, qu'ils trouvent dans la terre. Ils ne iku- roieiît être expofés quelque temps à fardeur du ibhïl fans en fouifrir plus ou moins. Les Four- mis ouvrières qui le favent ou paroiiient le- f;voir, ont grand foin de les tranli-oricr au licfoin dans le lieu qui leur efl; le plus conve- nable. Ils redoutent également l'excès de la. chaleur & de Fhumidité. Swammerdam s'en étoit affuré par une expérience qui avoit bien an rapport, avec celle que je décris. Il avoit. iUK LES fN SECTES. 409 avoit même cru voir que le Ver de la Fourmi fuçoit l'humidité de la terre. Plus d'une fois j'obfervai , que lorfqu'uiie Fourmi rapportoit uu Ver ou une Nymplie dans la fourmilière , & qu'elle fe préfentoit à la porte , une autre Fourmi , qui étoit prête à for- tir , tentoit de fe faifir du Ver ou de la Nym- phe , qu'elle le prenoit entre fes dents , & s'ef- forcoit de le tirer à elle & de l'enlever à fa compagne. Celle-ci réfilloit de tout fon pou- voir , & faifoit les mêmes etforts en fens con- traire : le Ver étoit ain(î tiraillé quelque temps par les deux Fourmis , fans néanmoins qu'il parût en fouffrir. De pareilles conteftations choquent un peu ce merveilleux accord qu'on a fuppofé entre les Fourmis, & qu\ni a trop exalté. On voit tous les jours des Fourmis fe difputer pendant un temps plus ou moins long, un grain d'Orge ou de Bled , un brin de bois ou une carcalfe d'Infecls. Mais il faut convenir que nous fonmies bien mal placés pour juger des différends qui s'élèvent parmi ce petit peu- ple i & ce que nous prenons pour un différend pourroit bien être toute autre cliofp. Je ne fluirois dire de quoi mes Fourmis- Vvkurent , depuis que je les eus tranfportées de 4io 0 E S E K J^A T I 0 K S \à campagne dans mon cabinet. Elles ne paroiî^ fuient faire que peu d'ufage du fucre que j'a- vois mis à leur portée i & ce n'étoit que de temps à autre que quelques-unes fembloient y toucher. Elles ne touchèrent point du tout à des grains de bled que j'avois placés à delîsiii fur Tune & l'autre terraife. Jamais elles ne transportèrent dans la fourmilière que des grains de terre , des brins de paille , ou des brins de foin. Comme je ne voyoïs aucune de mes Four- mis defcendre le long du poudrier pour gagner la cuvette & tenter de s'échapper du petit en- clos dans lequel je les avois renfermées , j'avois négligé de tenir toujours la cuvette pleine d'eau > & j'étois venu à penfer qu€ cette précaution n'étoit plus îiécelfaire. Je me trompois dans mon jugement. Au commencement d'Odobre , je dé- couvris plulleurs de mes Fourmis qui fe prome» noient le long d'un des montans de la fenêtre , & qui s'éloignoient beaucoup de la fourmilière. Je ne défefpérai pourtant pas de leur retour. Je n'ignorois point , que les Fourmis qui vivent en pleine campagne, font fouvent de très-longs voyages , & qu'elles favcnt toujours retrouver leur domicile. Je ne perdis point de vue celles de mes petites Fourmis qui s'ctoient mifes eii SUR LES INSECTES. 41T Courfe. Jeu vis une qui defceiidoit le long de la fenêtre , & qui paroiîfoit vou'oir regagner la fourmilière. Je ta fuivjs de l'œil. Je la vis arri- ver fur la tablette de la fenêtre , gagner le pied de la cuvette , monter le long de fes parois ex- térieures, defcendre dans rintérieur, diriger fa courfe vers le pied du poudrier , grimper le long de fes parois , traverfer les deux terraffes , & rentrer enfin dans la fourmilière. Au même inftant, j'apperqus deux autres Fourmis qui for- toient de la tète du Chardon . 8c qui defcen- doient cnfemble le long de la tige. Je jugeai qu'elles alloient en courfe , & je les fuivis de i'œiî avec la même alUduité que la précédente. Elles firent en fens contraire précifément le même chemin que celle-ci venoit de faire, & en allez peu de temps , elles parvinrent au mon- tant de la fenêtre , le long duquel elles grim- pèrent. J'etois fort curieux de favoir ce qu'elicb alloient faire vers le haut de la fenêtre : je tâchai de le découvrir : il ne me fut pas diffi- cile d'y parvenir. Le cadre de la fenêtre étoit d'un bois vieux que la carie avoit attaqué : elle y avoit crcufé cà & là de petits trous , & ce- toit dans ces trous que mes Fourmiis s'intro- dinioicnt. Elles paroiîFoient s'occuper à les agraii- 4T2 OBSERVATIONS dir : avec leurs dents e)les détachoicnt de petits, fragmens de bois y elles les puivérifoient , & fembloierit vouloir fe préparer là un nouveau domicile. J'iGNOROis Cl toutes mes Fourmis s'étoient niifes en campagne v je tentai de m'en inftruire en entr'ouvrant un peu la tète du Chardon : aucune Founiii ne parut à l'ouverture : j'en conclus que toutes ou prefque toutes a voient abandonné la fourmilière poiir aller s'établir pilleurs. Mais vers le milieu d'Odlobre , le temps étant devenu froid & pluvieux , je ne découvris plus de Fourmis autour de la fenêtre ; & je remarquai que. l'ouverture que j'avois faite à la tète du Chardon avoit été rebouchée avec des, grains de terre , & des brins de paille. C'étoit un indice bien fur que les Fourmis avoient regaqrné leur ancien domicile. 'fe^'b' Je ne quittai la campagne que dans le milieu de Décembre. Je retirai la fourmilière dans mon cabinet, dont je fermai cxaiftement les fenêtres. & les volets, je revins à la campagne' au mois d'Avril 1740 ; & mon premier foin fut de ren- dre vifite à mes Fourmis. Elles étoient toutes reii Fermées drins la tête du Chardon: j'en exa- minai l'ouverture s & je reconnus que les Four- SUR LES INSECTES, 413 rnis Tavoient bouchée en entier avec beaucoup d'exaditude. On n'a pas oublié le froid fi long 8c Ci rigoureux de l'hiver de 1740. Il avoir prefque égalé en intenfité celui de 1709, & l'avoit fur- palfé en durée. Le retotîr du printemps avoit été retardé d'environ fix feniaines. J'en eus plus d'une preuve , dont une entr'autres me fut fournie par les Papillons d'une Efpece de Che- 3iille qui entre en terre pour s'y métamorpho- fer. A l'ordinaire ces Papillons commencent à paroître vers la mi- Avril , & en 1740 , ils ne parurent qu'au commencement de Juin. On peut coiifulter fur cet hiver mémorable Phiftoire in- térelFante que M. de Reaumur en a publiée dans les Mémoires de l'Académie des Sciences. J'avois lieu de craindre qu'un hiver li long & fi rigoureux , n'eût été fatal à la petite Répu- blique j car feau de la cuvette avoit gelé dans mon cabinet dès le mois de Novembre. Je n'y faifois point de feu. Cependant mes petites Fourmis étoient encore pleines de vie , & je ne tardai pas à en voir paroitre à la porte de la fourmilière. Pendant les mois d'Avril & de Mai, & juf- qu'au commencement de Juin , elles fortirent 4H OBSERf AXIONS fort peu de leur retraite. Mais toutes les foîsf que j'expofoîs la fourmilière au foleil , elles s'at- troupoient en grand nombre au-dehors de lu porte. Il y en avoit très-peu néanmoins qui defcendiifent le long de la tige du Chardon pour sV promener fur la terraife fupérieure. Celles-ci couroient avec une grande viteife, & paroiifoient fort émues. Je renouvellai en partie la terre des deux vafes , & je fervis à mes Fourmis de la nouvelle nourriture & de nouveaux matériaux. Ce fut encore du fucre que je leur donnai : les Four- mis en font friandes : mais au lieu de le diitri- buer fur la terre des vafes , je le renfermai dans une petite boîte, [PL VI, Fig. ^. ] où je pratiquai dcux petites portes à Poppcfite l'une de l'autre. C'étoit un petit magafin de provi-- fions de bouche. Je le couvris d'une plaque de verre qui lui iervoit de toit. Ce magafin fut placé fur la terraife fupérieure. Quelques-unes des Fourmis le découvrirent bientôt , & ne manquèrent pas à'y entrer. Elles y relièrent iquelque temps ; & faiiS doute qu'elles v pre- noient une nourriture qui leur étoit devenue bien neceflaire après un lî long jeaue. Plusieurs Fourmis étant entrées un jour SUR LES INSECTES, 41^ dans le magafiii , je remarquai qu'elles n'en ref- ibrtoient point : curieux de voir ce qu'elles y faifoient, je m'en approchai: je les trouvai raf- femblées les; unes auprès des autres far la fur- face du fucre ; & les ayant regardées de fort près, j'apperqus un de leurs Vers qu'elles avoient tranfporré là , Se qu'une d'elles emporta hors du magafin dès qu'elle m'eut découvert. Le fucre s'étoit un peu ramolli dans la boite 5 il y avoit contradé une foite d'humidité qui étoit favorable aux petits. J'essayai un jour de mettre la fourmilière en plein air , & j'obfervai que chaque fois qu'il pleuvoit , les Fourmis fe retiroient dans leur logement , dont la porte fe refermoit en entier. Ce n'étoit point une précaution que priifent les Fourmis pour fe mettre plus à l'abri de la pluie j la Nature la prenoit pour elles , & elles n'eu étoient que mieux défendues. En pénétrant l'é- corce du Chardon , l'humidité la gonfloit , & ce gonflement reiferroit de plus en plus l'ouverture de la porte. Je regrette de ne pouvoir donner la fm de l'hiftoire de mes petites Fourmis 5 mais elle manque dans mon Journal , & ma mémoire ne ^ayroit me la rappeller au bout de trente-fept 41^5 OBSERVATIONS ans. Je fuis au moins bien fiir , qu'aucune xîe ces Fourmis ne prit des ailes dans la tète du Chardon. Je fup prime les Obfer valions que je fis à- peu -près dans le même temps fur de petites Fourmis noires qui s'étoient logées dans la terre , & fur les grandes Fourmis des pranies. Ces Obfervations que je trouve confignées dans mon Journal de 1739, n'auroicnt rien d'alfez intéreiiant pour le public. Mais je ne puis paiîcr fous illence un procédé que j'ai vu pratiquer à de petites Fourmis qui s'étoient établies dans le voifinage de mes ruches vitrées. On fait que les Abeilles excitent autour d'elles une chaleur douce, qui élevé la liqueur du thermomètre bien plus haut qu'on ne l'auroit pcnfc. Les Fourmis dont je veux parler fembloient avoir reconnu que cette chaleur convenoit à leurs petits. Cha- que jour -elles apportoient leurs Vers ou leurs Nymphes près des carreaux de verre d'une des ruches. Ces carreaux étoient recouverts d'un volet de bois garni de flanelle. C'étoit entre ce volet & le chaiîis de verre qu'elles placoicnt leurs petits : elles, les empiloient contre le verre, quelquefois à la hauteur de plus de deux pou- ôcs. Quand je veno s à ouvrir le volet , c'étoit t'bjujcu.s une grande défokitioii pour les Fou/~. nus : SUR LES INSECTES, 417 ftils : elles fe faifilToient aufïï-tôt de leurs petits , & fe mettoient à courir de tous côtes avec beaucoup de vîtelTe. En continuant de les fui^ vre , je les voyois fe rendre toutes par la mèms route vers le haut du pavillon fous lequel les ruches étoient placées. Il y avoit là une fente qui pénétroit dans Pintérieur de la paroi , & ou les Fourmis fe précipitoient avec leur charge. Au bout de quelques quarts - d'heure , on ne découvroit plus ni Fourmis , ni Vers , ni Nj'm- plies près de la ruche. Mais le lendemain , ou les jours fuivans , j'étois très-uir d'en retrouver bien des centaines contre les verres de la ruche^ OBSERVATION XLIIL Sur un procédé des Fonrînis. 3 Ai fait connoître ( Obf III, V, Vî. ) le procédé , au moyen duquel quelques Efpeces de Chenilles répubUcaines favent retrouver leur nid lorfqu'ellcs s'en font éloignées. Il nVa paru que les Fourmis avoient un moyen analogue pour regagner leur Fourmilière , dont elles s'é- loignent bien plus encore que les Chenilles ne s'éloignent de leur nid. Un jour que j'obfervois un grand nombre de petite? Fourmis qui naon-* TQwe IL D d 41^ 0 B S E Tv V A T I 0 N S toient à la file & une à une le long d'un mur, je remarquai qu'elles fuivôient conftamment la même ligne. Cette ligne étoit à-peu-près droite. En même temps qu'un grand nombre de Four- niiis moutoient le long du mur en fuivant cette ligne 5 j'en Voyois d'autres qui defcendoient en fuivant auffi conflamment la même route. Ces procefîions de Fourmis me rappellerent celles des Chenilles républicaines , Se il me vint lur- le-champ en penfée que ces Fourmis que j'a- vois fous les yeux , laifïbient , comme les Che- nilles , une trace qui les dirigeoit dans leurs courfes. Je n'ignorois pas néanmoins que les Fourmis ne filent points mais je fa vois qu'elles ont une odeur ajGTez pénétrante , qui pouvoit adhérer pliîs ou moins aux corps qu'elles tou- chent, & agir enfuite fur leur odorat. Je com- parois ces traces invifibles aux pqjfées des bêtes fauves , qui agiffent fur l'odorat du Chien. Il mi'étoit bien facile de vérifier mon Ibupqon : je n'avois qu'à m'y prendre comme je m'y étois pris pour arrêter ou dérouter dans leur marche les Chenilles qui vivent en fociété. Je pallai donc le doigt ludement fur la ligne que fui- vôient les Fourmis : je rompis ainfi le chemin fur une largeur égale à celle de mon doigt j & je vis précifément le même fpedlacle que celui qiiQ les CheaiiJies nV»ivoi(^iit oifeit ; ics Fouimis SUR LIS INSECTES. 419 furent déroutées , leur marche fut interrompue , & leur embarras m'amuia quelque temps. Je répétai pluiieurs fois l'expérieiiee avec le mèm.e fuccès ou un fuccès équivalent. Je placerai ici une Obfervation d'un autre genre , qui prouvera à quel point les Fourmis- font attachées à leurs NourriiTons. Une Fourmi, que j'avois partagée tranrverfalement par le îTiilieu du corps , & à qui il n'étoit relié que la tète & le corcelet , tranfporta fous mes yeux avec la plus grande activité , huit eu dix Vers ou Nymphes de fon Eipece. }^'^.=^-^ — ■^'::io -.■ ^ ' ■ - ^"^ OBSERVATION X L î V. Sur les Vers niineiirs de la Jnfquiame. L Es Infedes mineurs de feuilles (^O font pouf la plupart des animaux bien petits 5 car ils peu-* vent fe loger commodément dans l'épailTeur d'une ilmple feuille d'herbe ou d'arbre, fouvent très-mince. Ils fe gHifent entre les deux mem- branes qui en forment le deifus & le deffous, & en détachent adroitement la fubftance paren-. chymateufe qu'elles renferment , & dont ils fà . C) ^^e''«. M les Inf. Tome ÎII, Mém. L D d 2, 420 OBSERVATIONS noiirrifTent. Les uns minent tout autour d'eux dans des aires plus ou moins grandes , & ce font des Mineurs en grand : les autres creufent dans répailieur' de la feuille des efpeces de boyaux plus ou moins longs & plus ou moins tortueux y & ce font des Mineurs en galerie, Ainfî, en m.ème temps que nos Infecftes mineurs travaillent à fe loger , ils travaillent à fe nourrir. La plupart des Mineurs ne fortent jamais de la mine qu'ils fe font creufée : ils y palfent toute leur vie ; & beaucoup d'Efpeces y fubif- fent leur transformation. Ils ne favent pas même y rentrer lorfqu'on les a forcés à en fortir : ils périifent fur la furface de la feuille & s'y def- féchent. Il n'en eft pas de même des Mineurs de la Jufquiame, ils fortent au befoin de leur mine. Se s'en creufent une autre à volonté. Si on les retire de celle qu'ils fe font nouvellement creu- fée , ils ne tarderont pas à fouiller dans l'épaif- feur de la feuille , & à fe creufer une nouvelle retraite. Il en eil des Infedes mineurs de feuilles comme des Infedes qui s'élèvent dans l'inté- rieur des fruits ^ les uns & les autres vivent SUR LES INSECTES, 421 pour rordinaire- dans la plus parRiite folitudâ On ne trouve ordinairenicîit qu'un feul MineuL dans chaque nv-ne. Les Mineurs de la Juiquiamc nous oiïrent encore une exception à cette forte de règle. Ils minent en grand &, très en grand v & il n'ei-fc point rare d^en trouver fept à huit dans la même mine. Ils font bien plus gros que la plupart des Mnieurs de feuilles , & rellem^ blent beaucoup aux Vers de la viande. Leur bout poftérieur eft gros & arrondi : leur bout antérieur eft effilé & garni de deux crochets en manière de pioches. C'eft avec ces crochets qu'ils creufent dans le parenchyme de la feuille. Ils y trouvent une fubftance très-abondante Se très-fucculente qui cède facilement à leurs eilorts, 8c leur permet de miner en trè&-grandes aires.. On fait que les feuflles de Jufquiame font grandes, épaiifcs, molles <& charnues. Apres avoir retiré un Mineur de la Juf- quiame de rintérieur de fa mine, je le pofai fur iè deifus d'une feuille verte de la même plante. Je voulois voir par moi-même comment il par- viendroit à fe creuier une nouvelle mine. Je m'armai d'une loupe pour ne rien perdre de- toutes fes manœuvres. Bientôt il commença à entamer la furficc de la feuille. Sa tète fe don- noit des mouvenieus très-prompts; elle s'ap-oro-. ad i. 42'^ 0 B'S s Ti V AT r 0 N S êhoit & s'éloi?-noi^ alternativement du deifouS' du ventre , Fans abandonner la lurface de la feuille , contre laquelle les crochets agifloient' contimïellement. On juge facilement de l'effet que les petites pioches produifoient fur la peau tendre de la feuine. E^les en ratiiToimit la fur- face comme nous la ratiiferions avec Tongle. A niefure que les crochets ratilfoient ainfi la feuille, elle prenoit à cet endroit une teinte de verd plus f )ncé ••, c'cft que les crochets en enle- Voient répiderme , & nvettoient le parenchyme à découvert. Ce parenchyme eft d'un beau verd . Se répi-derme eft blanchâtre ou grifatre. Non- feulement l'endroit que les crochets att;iquoie:.t devenoit verd , mais il paroiiioit encore un peu îiumide , apparemmeiit parce que les vaiiieaux qui étoicnt déchirés par les crochets , laiiToient épancher le fuc qu'ils contenoient. Mon Mineur n'eut pas bsfnn d'agir long- temps fur la furface de la feuills pour parvenir à y raire une ouverture capable de recevoir fa partie antérieure. A peine cette ouverture eut- elle été pratiquée , que je le vis introduire ft tète entre les deux membranes de -la feuille. La membrane fuperieure étoit ailez tr^uiiparente pour me permettre d'obferver ce qui fe paiîbit dans l'intérieur de la mine. JufQu'alor^ les cro- SUR LES INSECTES, 425 thets avoient agi perpendiculairement à la fur- face de la feuille ; mais dès que le Mineur eut incioduit fà tète entre les deux membranes , il donna une autre diredlion à rinfttum3nt ; il le dirigea parallèlement aux deux membranes ;,&. tandis qu'il s'en fervoit à détacher le paren^ chyme , il fe donnoit bleu de garde de toucher aux membranes : elles dévoient demeurer bien entières pour mettre le Mineur à l'abri du con- taél de l'air & lui fournir un logement convc-. nable. Il piochoit avec une extrême vîtelfe : je; ne perdis pas un feul de fes mouvemens , car la membrane qui le couvrait prenoit une tranf-. parence égale à celle du. talc. En fort peu de temps il parvint à fe loger. Il minoit tantôt en avant , tantôt fur les côtés i & peu-^à-peu il f^ trouva en poifeffion d'une mine où il étoit logé, très à l'aife. En parlant des Mineurs de la Jufquiame > qui habitent dans la même mine, quelquefois au nombre de fept à huit , d'autrefois au nom- bre de trois à quatre j M. de PvE A UMUR. remar- que 5 qy^ils 7ie ^aroijjhievit, ni Je chercher les uns les autres , 7ii craindre de fe rencoiitrer (*) : on pouvoit pourtant douter avec quelque ibnde- 3^-ient , fi malgré ces apparences, ils ne le mi- O Tome UI, pa§e 15.^ Dd 4. - 4^4 OBSERVATIONS foient point îa guerre quand ils venoieiit à fe rencontrer dans rintérieur de la mine. Les Mineurs- font de petits ïnfedes appelles à vivre en folitude , & qui ne travaillent point en com- mun à fe loger. Ils relîeniblent à cet égard aux Infec1:es qui vivent dans-, l'intérieur des fruits , comme je Pai déjà frit remarquer i & nous avons eu de bonnes preuves (Obf XIX.) que ces derniers fe livrent de cruelles guerres , quand on veut les forcer de vivre enfemble dans le ïuènie logement. Il me parut donc curieux de favoir s'il en feroit de même des Mineurs de îa Jufquiame. Pour m'en ailiirer , je tentai une expérience qui ne pouvoit manquer d'être très- déciiîve. J'mtroduifis un fécond Miiieur dans la mine que venoit de fe creufer fous mes yeux celui dont je parlais il n'y a qu'un moment. Ce fécond Mineur eut bientôt pénétré jufqu'à Fendroit où le premier étoit parvenu -, mais celui-ci ne parut point du tout fe mettre en peine de l'arrivée du nouvel hôte : il continua ion travail comme auparavant , & ue £t aucune tentative pour chaiTer le Mineur étranger. Ce dernier n'étoit pas fort à fon aife : la mine où je i'avois introduit n'avoit été pratiquée que pour un feul Ver , & il en rempliifoit prefque toute la capacité. Le Mineur étranger tâcha de -ie gliiler enure les parois de la mine ik le corps SUR LES INSECTES, 42v de l'autre Mineur. Mais comme le Mineur étran- ger étoit fort gène , fes crochets ne pouvoient agir commodément contre les parois de la mine : auiîîne paroifToient-ils pas Télargir^ & ce n'étoit qu'autant que le premier Mineur gagnoit du terrein dans l'épaiireur de la feuille , que le fécond avanqoit dans la mine. Bientôt néan- moins il y fut entièrement à couverts & dès qu'il fe fut porté un peu en avant , j'introdui- fis dans la mine un troifîeme Mineur , puis un quatrième. On voit bien qu'ils y dévoient être tous fort mal à l'aife 5 & pourtant il ne leur arriva jamais de s'attaquer les uns les autres. A mefure que le premier avanqoit , les autres le fuivoient & élargiifoient de plus en plus la mine, (i) (i) Je vûiilois placer à la fuite de cette Obfervation fur les Vers mineurs de la Jufquiame , les Obfervations que j'avois faites eia 1741 , fur l'œuf lingulier de la 3'Iouche-Araignée ; mais je dois renvoyer fur ce fujet à l'article 924 de mes Coyrjîdé-- Citions fur les corps organifés , où ces Obfervations font rapportées en de'tail. M. de Reaumub. en avoit donné un précis dans îe dernier Mémoire du Tame VI de fon Hilloire des Initdes. 426^ OBSERVATIONS OBSEPvVATION XLV. Sur une petite Araignée qui faifoit fuir tine- Araignée domejliqne de la plus grande taille. J £ jettai un jour une Mouche au milieu de* la toile d'une des plus groiTes^ Araignées. Ce- toit de celles qu'on nomme domeftiqiies. Elle ne tarda pas à fortir de fa niche pour accourir fur la proie. Je crus que c'en étoit fait de la pau- vre Mouche j lorfque je vis fortir de deiîbu& l'extrémité oppofée de la toile , une autre Arai- gnée , groiie tout au plus comme un petit pois , qui s'avanqoit à grands pas vers celle qui alloit emporter la Mouche. J'étois étonné du. courage & de la témérité du champion. J'avois fouvent cru remarquer que les Araignées qui livrent combat à d'autres Araignées dans, leurs, propres toiles , avoient de grands avantages f parce que connoillaiit tous les détours de leur labyrinthe , elles fe metteiit facilement en fiireté par la fuite , quand le combat ne leur eft pas avantageux , & qu'elles favent revenir enfuite par des chemins détournés fondre fur l'ennemi, au moment qu'il s'y attend le moins. Mais je n'avois jamais obfervé , & je n'avois jamais îur dans aucun livre d'Hilloire Naturelle ^ qu'une SUR LES INSECTES. 427 petite Araignée vint difputer une Mouche k une autre Araignée , beaucoup plus forte qu'elle , Se jufques dans fa propre toile. J'étois donc extrêmement curieux de favoir comment fe ter- mineroit un combat Ci inégal : je redoublai d'attention ; & voici un nouveau fujet d'éton- nement. La démarche de la petite Araignée ne reifembloit point du tout à celle des Infe(fles de Ton Efpeces elle ne marchoit qu'à reculons, <& en ruant fans ceiTe des pieds de derrière. Ce- toit ainfi qu'elle s'avancoit vers la groife Arai- gnée. Celle-ci ne Peut pas plutôt appercue , qu'elle parût fonger à la retraite ; & quoique la petite Araignée en fût encore à une allez grande diftance , chaque fois qu'elle ruoit , la groiTe Araignée lâchoit le pied, & s'éloignoit. un peu plus. Enfin , ne pouvant apparemment plus fou- tenir la préfence ou l'approche du valeureux champion , elle tourna le dos , & courut fe cacher dans fa niche , abandonnant honteufe- nient & le champ de b?.tai!le & le butin. x\près cette retraite G honorable pour la petite Arai- gnée , je m'attendois que la Mouche , qui n'a- yoit pu fe débarraffer d'entre les fils de h toile , alloit devenir la récompenfe du courage de notre héroïne : mais elle préféra la gloire d'avoir vsincu aux avantages de la vicloire : çile battit à fon tour en retraite j mais fa dé- 428 OBSERVATIONS marche fut alors très-diiFéreiite de celle qu'elle avoit eue eu allant au combat. Je la vis rega- gner l'endroit dont elle étoit partie , en mar- chant en avant comme les autres Araignées , & d'un pas tranquille & allez lent. Quelques momens après , la grolTe Araignée fortit de nouveau de fa cellule pour revenir à la charge : mais elle paroifToit prefque trem- blante , & fembloit regarder de tous côtés ; & ne découvrant plus l'ennemi , elle s'avanqa fur la Mouche : mais au moment qu'elle alloit s'en faifir , voilà la petite Araignée qui reparoit comme la première fois , & s'avance à reculons contre la groife Araignée , en ruant toujours des pieds de derrière. La lâche Araignée ne put foutenir la vue de fon antagonifte , je la vis tomber prefque en défaillance , à mefure que la petite Araignée s'approchoic. Enfin elle rega- gna fon trou comme la première fois j & la petite Araignée , contente de l'avoir forcée à fuir , ne toucha point à la Mouche , Se fe re- tira de fon côté. Ces fin^uliers alîàuts furent o réitérés trois à quatre fois , 3c toujours de la même manière. La petite Araignée étoît, comme je l'ai dit, de la groiTeur d'un petit pois. Son ventre étoit SUR LES INSECTEV. 4^9 fort arrondi. Elle paroinbic recouverte en entier d'une écaille fort luifante , de couleur pourpre. Les pieds dont elle ruoit, étoient extrêmement aigus. Elle ne fe filoit point de toile : au moins je ne lui en découvris point. Elle fe tenoit fous celle de la grofîe Araignée. g^^ : .:^:S^ - t- r^W^ OBSERVATION XLVL Continuation du même fujet. L: lEs faits qu'on ne doit qu'à d'heureux ha- fards , ne font pas de ceux qu'on peut fe pro- mettre de revoir aufîi ibuvent qu'on le vou- droit. On penfe bien que je defirois extrême- ment de répéter l'obfervation que je viens de raconter. L'occafion ne s'en préfenta qu'en Juillet 1742. Jeus alors le bonheur de ren- contrer une petite Araignée , qui me parut fem- blable à celle dont j'avois admiré le courage. Je la renfermai auffi-tôt dans un poudrier avec une aiîez grofle Araignée domeftique. Je fermai le poudrier avec un couvercle de papiers & je me promis bien de ne pas perdre de vue mes deux Araignées. La petite Araignée fe tenoit çonftamment 430 OBSERVATIONS vers le haut du poudrier, contre le couvercle: l'autre relloit au fond du va le. Il fe paiîa plu- fieurs jours avant que l'Araignée domeftique commençât à tendre une toile. Mais la petite Araignée tira bientôt quelques fils depuis les parois du poudrier jufqu'au couvercle. Sûr ces entreEiites , j'eiîiiyai d'introduire danâ le poudrier une Mouche commune , par un trou pratiqué dans le couvercle de papier , & je fus très-attentif à obferver ce qui fe paflbit. L'Araignée domeftique courut auiîî-tôt fur la Mouche 5 fans que la petite Araignée fe mit eit devoir de la lui difputer. Quelques jours s'étant écoulés , je remar* quai que la petite Araignée avoit pondu contre le couvercle , & qu'elle avoit renfermé fes œufs dans une bourfe de foie , de forme fphérique , & de la groiTeur d'un petit pois. La taille de l'Araignée avoit diminué proportionnellement. La groilc Araignée avoit tendu une toile. Se elle s'y étoit pratiqué une niche comme les Araignées de fon Efpece ont coutume de le faire. Un jour une Mouche aheilliforme m'étant tombée entre les mains , je la fis palîcr dans le poudrier. Elle fut d'abord arrêtée par les fils \ SUR LES INJECTES. 431 qui traverfoient le milieu de h hauteur du vafe. Auffi-tôt les deux Araignées fe mirent en mou- vement. La plus grofTe s'avanqa vers la Mou- che , & fe jetta fur elle' pour l'emporter dans fa niche : mais la grofleur de la Mouche 8c les fils qui la retenoient , ne permirent pas à l'Arai- gnée de l'emporter fur-le-cliamp. Une légère impuîfion donnée par hafard au poudrier , £t fuir l'Araignée. Dans le même temps , je vis la petite Araignée s'avancer vers la Mouche -, puis le retourner de foçon que fon derrière regar- doit vers la groife Araignée. Elle repéta plu- ficurs fois le même manège. Je l'obfervois de fort près : j'apper<;us que fes manœuvres ten- doient à Her la Mouche avec des fils de foie , dont elle arrêtoit une des extrémités au cou- vercle. La Mouche ne fe donnoit aucun mou- vement: elle avoit été blelTée à mort par la groife Araignée. Celle-ci fortit bientôt de fa niche , remonta vers la Mouche , la failit avec fes pinces , & fit des eiforts pour la tirer à elle. La petite Araignée , nullement intimidée de la préfence de l'autre , continuoit fes ma- n fi je me faifiifois du fac , l'Araignée demeuroit immobile & confter- née*, mai-s revenant bientét à elle ,, jo la. voyois rôder dans la boite pour y chercher ce Cic qui, hii étoit Cl cher : k lui rendois-je ?, elle fe pen- choit auflî.tôt deffus , le faifîifoit avec fes pin- ces ou le. coiloit à fon derrière y & fe mettoit à courir. Je m'arrètois fou vent à confidérer mon Arai- y gnée à travers les parois tranfparentes de fa. pdfon. Je l'obfervois quelquefois promener fon derrière fur la furface de la petite boule de fois. Cétoit toujours après que je la lui avois enle- vée , & que je la lui avois rendue. Comme pa- vois fans doute endommtigé un peu le tiifu »_ elle travailloit à le réparer & à le fortifier par de nouveaux fils. Je voyois la foie fortjr des, filières , & recoirvrir de fils cert.iincs portions. de h fuperÉcie du, fac, E.e 3' 43é OBSERVATIONS Mon Araignée ne fe donnoit que peu dô fnouvemens dans fa prifon. A Tordinaire , elle demeuroit tranquille à la même place j & quoi- que j'introduidire dans fon domicile une Mou- che vivante , loin de lui donner la cliaffe , elle fe mettoit à fuir toutes les- fois que la Mouche venoit à la toucher. Toute fon occupation fem- bloit confifter à garder précieufement fes œufs 5 à les couver en quelque forte. Au bout de quelque temps ^ je vis avec fur- prife que l'Araignée avoit abandonné ce même fac qu'elle avoit défendu fi fouvent avec tant de courage & d'adreife y & qu'elle s'en tenoit éloignée. Je fus pi us furpris encore , lorfque l'ayant placé auprès d'elle jufqu'à le lui faire toucher , je la vis s'en éloigner de nouveau. Je xii'appercus en môme temps , qu'elle n'étoit plus auiîï agile ; elle paroilfoit malade ou languif. fante. Je ne fa vois à quoi attribuer l'abandon dp précieux fac , & je réfléchiifois là-delfus , quand je commentai à découvrir dans la boîte de très-petites Araignées , dont le nombre aug- Mentoit par degrés. Elles étoient récemment édofes des œufs dont l'Araignée avoit pris tant de' foin.. Toutes alloient fe -rendre auprès de ]eur mère ., & toutes grimpoient fur fon corps : les unes fe plaçoient fur la poitrine , les- autres SUR LES INSECTES. 439 fur le Centre , d'autres fur la tête , d'autres fur les jambes , de faqon que l'Araignée eu étoit toute couverte : elle fembloit plier fous l^e poids. Ce n'étoit pourtant pas qu'elle en fut furchar- gée : mais , comme je l'ai dit , elle paroiifoit depuis quelques jours alTez languiifante s fe& jambes au lieu d'être étendues fur les côtés du corps , comme elles le font dans les Araignées qui fe portent bien , étoient ramenées vers la poitrine, comme elles le font dans les Araignées qui fouffrent ou qui font près de périr. Mon Araignée finiifoit donc fes jours après avoir donné naiffance à une nombreufe poftérité. Les petites Araignées demeurèrent encore attroupées fur le cadavre de leur mère , & ne l'abandonnèrent qu'au bout de quelques jours. En confidérant ces petites Araignées pendant qu'elles étoient attroupées fur leur mère , il me vint à l'efprit un foupqon que JTTi'ofe pref- qu'indiquer dans la crainte de gâter ce que j'ai raconté à la louange des mœurs de cette Efpece d'Araignée : je foupconnai que les Araignées nouvellement éclofes , ne fe r-nJoient fur le corps de leur mère oc ne s'y arrangcoient lî bien , que pour en fucer la fubftance. On vou- dra bien me pardonner cet odieux foupqon , E e 4 '^0 0 B s E k V A T I 0 N s, ^d. (jue je n'indique que pour inviter les Obferva-^ leurs à ci^aminer la choie de plus près. A leur naiffance , mes petites Araignées étoient iVune couleur qui tiroit fur le blanchâtre , mais elles fe rembrunirent dans la fuite. Les yeux Gtoient kl partie qui fe faifoit le plus remar- quer. Elles tendirent dc»s fils de côté & d'autre , de la boite : mais comme je n'ignorois pas que les Araignées fe dévorent les unes les autres,, alibz peu de temps après leur naiilance , je ne tentai pas d'élever celles qui étoient. éclofes fous mes. yeuxo ut je: :k :jp :jlz c ^:t X o N DES FIGURES.. F LANCEE L JLfA Figure îgure de cette Planche eft repréfentée au iiatursL P , eft un de ces vafes de verre connu des Naturaliftes fous le nom général de poudrier, C , eft une grande coque de foie & de poils ,. que s'étoit conftruite une groife Chenille velue» Cette coque eft alfcz tranfparente. A , eft la Chryfalide dans, laquelle cette Che» nille s'étoit transformée. « y eft la partie antérieure de cette Chryfa- Hde , placée au bout fupérieur de la coque, j 0 , eft une ouverture qui paroilToit avoir été n-îiiia^ée à ce bouu par h Cheaille, La paLtie 442 EXPLICATION antérieure de la Chryfalide répond à cette ouverture. p^ eft la partie poftérieuro de la Chrylalide^ qui appuyé fur la paroi inférieure de la coque. ^ , eft la Figure pointillée de cette même ChryRilide couchée de fon long fur la paroi inférieure de la coque , vers le bout inférieur. J, eft la dépouille de Chenille. PLANCHE IL Cette Planche repréfente au naturel un nid de ces Chenilles que j'ai nommées à dentelles ^ & qui vivent en fociété une partie de leur vie» N N , ce nid de forme affez irréguliere , d'une foie blanche & aifez luftrée. Il eft conf- truit dans les intervalles de quelques branches de Prunier fauvage. 0000 0, font cinq ouvertures oblongues , les unes plus grandes , les autres plus petites, qui font autant de portes de l'habitation. R R , eft un chemin tapiifé de foie qui va DE S FIGURE S, ^n aboutir en ligne droite à la principale poi.. du. nid. S S S S ,- efl: un autfe chemin de foie qûî va en ferpentant autour du nid , & fe rend pa- reillement à une des portes du nid. FLANCHE I I L Les Figures t ^ 2 , repréfentent au naturel deux petites branches d'Aubépine , auxquelles, font fufpendus de ces nids de Chenilles , que- j'ai nommés en pendeloques, N N N N N 5 font ces nids. Il en eft quatre qui ne font compofés que d'une feule feuille r le cinquième fuipendu à la branche de la Fig- 2 , eft compofé de deux feuilles , dont le pé- dicule eft en vue. J fffff, El de foie qui tient le nid fufpenduâ & qui étoit auparavant une de ces traces de foie qui recouvroient la branche , & qui en a été détachée. t tt 1 1, endroits de la branche autour def- quels le fil qui tient le nid fufpendu, eft di^ tortillé plus ou moins^- 444 EXPLICATION Les Figures , 3 , 4 , ^ , 6", 7 , font reprefen- técs un peu groffies à la loupe. La Figure 3 , efl: celle de la tète & du pre- mier anneau d'une Chenille dans laquelle fe voit cette nouvelle partie que j'ai découverte dans plufieurs Efpeces de ces Liiedes. M , cette nouvelle partie qui a la forme d'un mamelon un peu alongc , & qui elt placée entre la lèvre inférieure , & la première paire des jambes écailîeufes. / 5 la lèvre inférieure. /, la filière , qui relTemble à un petit aiguillon. il, h première paire des jambes écailîeufes. La Figure 4 repréfente la Chenille renver- fée fur le dos , pour mettre en vue la petite fente de laquelle fort le mamelon charnu dç h Figure 3. /, cette fente. La Figure f repréfente une autre Chenille, ou plutôt fa tète ou fou premier amicau. DES F 1 C U R E S. 44Î reiiveiTc fur le dos , pour montrer les deux mamelons charnus que j'ai découverts dans cette Chenille. ?// m , ces mamelons , moins alongés que c^lui de la Figure 5. La Figure 6 eft celle du devant de la tête de la grande Chenille à queue fourchue du Saule 5 deltinée à faire voir la fente placée fous le premier anneau , & dont on peut faire fortir la nouvelle partie. /, cette fente bien plus aîongée que ceUç de la Figure 4. La Figure 7 repréfente les quatre mamelons qu'on a forcés de fortir de la fente/, de la Figure 6, m m m m , ces quatre mamelons plus longs & un peu plus effilés que ceux des autres Figures. lis font difpofés par paires. La Figure 8 repréfente au naturel une coque de foie , dont la forme imite celle d'un bateau rcnverfé. En r , eft une fente oblongue , qui isjidique l'ouverture ménagée pour la fortie du 44^ EXPLICATION Papillon. 0 , eft une petite pointe placée dans la partie la plus élevée de la coque, p , eft h partie poftérieure de la coque. PLANCHE I V. Toutes les Figures de cette Planche , à Pexccption de la féconde , ont été deiîinées au naturel. La Figure i repréfente un anneau d^une grande Cheiiille rafe dont il a été parlé dans îes Obfervations XV, XXXI, & qui montroit ces efpeces de faux Jîîgmates que j'ai décrits. A , Tan n eau. S 5 le vrai ftigmate , qui eft fort apparent. /, le faux fligmate qui ne paroît ici que comme un point , pas trop facile à démêler. Le Defîinateur Ta repréfente tel qu'il le voyoit , & tel qu'on le voit en effet i mais , pour le bien faifir , il faut une vue appropriée aux plus petits objets. Le faux fligmate fe trouve placé ici dans une raie blanchâtre ou jaunâtre en forme de boutonnière. La Chenille a pluiieurs de ces raies fur ies cotés. DUS T I û vu I s. 447 5, une des jambes membraneufes. Z , indique le côté du derrière : A , le côté oppofé. La Figure 2 repr-éfente , groflî au microfcope, le fiiux fiigmate de la Figure l. T 5 ce faux ftigmate. On apperçoit au centre une très -.petite ouverture, d'où fort un petit poil recourbé. La. Figure-^3 eft- celle de la petite Chenille qui vit dans l'intérieur de la tête du Chardon À bonnetier. Elle avoit été très - mal exécutée par le Deflînateur de M, de Reaumur, La Figure 4 eft celle d'une tête de Chardo:i À bonnetier ouvert fuivant la longueur , pour en mettre l'intérieur à découvert. f f ■> \q fourreau que la Chenille s'eft confl truit, & qui occupe la plus grande partie de la cavité. On voit aux environs des grains d'excrémens. Le fourreau en e(l lui-même aifez iouvent entièrement recouvert. t y trou rond percé par h Chenille dans U% EXPLICATION répaiiTcur dé î'ecorce pour ménager une Iffuê îiu Papillon. Il faut fc repréfenter la tète du Chardon non ouverte , & alors on concevra que le petit trou rond répondoit au fourreau ; en- forte que celui-ci commiiniquoit immédiate- ment avec la petite jrorte avant qu'on eut ou- vert la tète du Chardon. La Figure ^ repréfente une tète de Chardon dont on a enlevé tous ies-piquans pour mettre eiitiéremePxt à découvert les petits corps canne- ΀S placés au-devant de la porte , & qui fer- vent à en intecdire i'entr«e aux Infedes rô^ âeurs. ce, ces corps cannelés. Les petites lofan- ges qu'on apperqoit fur cette tète , & qui y forment un travail agréable , indiquent les pla^ ces des piquans retranchés. La Figure 6 efl: celle de la Chryfilide de la Chenille du Chardon. Je n'ai pu encore me procurer le Papillon peur le faire deiîiner. Je l'ai vu plus d'une fois : il eft fort joli. TLANCHE jD J^ ^ FIGURES, 44^ FLANCHE V. (i) La Figure i repréfente au naturel uil poudrier au haut duquel une Chenille à hrojfeç a conftruit une manière de double coque de foie j dans laquelle elle a fait entrer fes poils. e f , la coque extérieure , dont la forme dit fere peu de celle d'une véritable coque. ///, &c. aflez gros fils en manière de pétitg cables qui vont aboutir à la coque extérieure , & qui paroiflent deftinés à la fixer au corps voifin. Ils font tirés en ligne droite. La piu^ part vont s'attacher aux parois du poudrier 5 niais il en eft un qui s'attache aux feuilles qui font au fond du vafe. a , endroit où le petit cable paroit divifé & former une forte d'empattement. D'autres fils, qui ne font pas reprifentés ici , montroient M pareils empattemens. . h b b , taches foyeufes Se brillantes qu'où (i) NB. Le Leéleur cft prie de confnlter rExpîîcation ^ petite boite où j'avois renfermé du fucre, & q,ui eft recouverte d'une plaque d€ verre. Mu du TonK féconde 4T'7 i;vi'.-^x^j»^^wt-..«^,wa^^«ss5ar— — rc-?r: DES OBSERVATIONS Contenues dans ce Volume. S/P'RÊFACE. Page j Observ. I. Sur une Chryfaltds qui montoit ^ defcendoit dans fa- Coque. î Obs. II. Sur des œufs 'de Papillon qui choquoient iine régie indiquée par Malfighi. -• 8 Obs. III. Sur les Chenilles républicaines nommées Livrées ^ ^ en particulier fur le procédé au moyen duquel elles favent retrouver leur nid , lorfqu^ elles s^en font le plus éloignées. 1 1 Obs. IV. Sur les Chenilles nommées Communes , qui vivent en fociété pendant une partie ds leur vie. 28 Obs. V. Sur des Chenilles qui vivent en fociété une partie de leur vie , ^ qiCon pourroit nommer à dentelles. 42 Obs. VI. Sur les Chenilles qui vivent eit fociépé fur les Fins. S 2 Obs. VII. Sur des Chenilles qui vivent en fociété ^ &. qui fe conjlruifent des nids qu'on pourroit 4T8 TABLE. 7iommer en pendeloques , dcms Icfqneh elles- pLijJent rHher, 66 Obs. VIII. Suite de'PbiJîoire des Chenilles qui habitent dans des nids en pendeloques. 7^ Obs. ÏX. Découverte d'une nouvelle partie coni- 7mme à plufieurs Efpeces de Chenilles, 84 Obs. X. Continuation du me^ne Sujet. 90 Obs. XL Sur les poils en for /ne d'épines des Chenilles noires qui vivent en fociété fur l^ Ortie , ê? fur la manière dont ces poils font logés fous la vieille peau. 99 Obs. XII. Sur le temps ou la dorure de cer- taines Chryfalides commence à difparoître. \oG Obs. XII l. Sur les pirouettemens qu'exécute la Chryfalide de la Chenille noire 9§ épineufe de r Ortie pour faire toinber fa dépouille. ro9 Obs. XIV. Sur une Chenille qui., comme la belle du Fenouil^ porte une corne branchue fur fa partie antérieure. I17 Obs. XV. Ej fèces de faux -Jtigmates découverts dans quelques Chenilles. I2I Obs. XVI. Particularités anatomiqu.es de la peau de la Chenille qui donne la Papillo'u à tète de mort. 131 Obs. XVII.-'^nr différentes Efpeces.de Chenilles qui dévorent leur dépouille après l'avoir rf- jettée. 137 Oes. XVilL Sur une petite Chenille qui vit dans table: 4S9 Phîtérieur des grains de Raifin. 15g Obs. XIX. Hijioire de la petite Chenille qui vit dans l'intérieur de la tète du Chardon à bon- netier. 163 Obs. XX. Sur une petite Chenille qui rovde en cornet les feuilles du Frêne , ^ qui fe conjiruit au centre du cornet tine Coque , qu'on pour- roit Jîontrner en grain d'Avoine. 20 > Obs. XXL Sur une Chenille qui , comme la grande Chenille à tubercules , fe conjîruit une Coque en ynmmre. de Najfe de Foijfon. 2 1 1 Obs. XZ^IL Sur tine Chenille qui fe confiruit une Coque dont la forme imite celle d'uji Bateau renverfé. 214 Obs. XXiiî. Particularités fur r indu f rie de la grande Chenille à tubercules du Poirier. 23a Obs. XXIV. Sur une Cheiiille qui fe co^ijiruit une jolie Coque avec de la foie , fes plus patits poils, ^ une matière graiffeufe. 23 S 0?.3. XX V^. Sîir les Coques de foie £=f de poils ^ que fe confiruifent quelques Ejpeces de Chenilles^ à broiTes. Coque double qu'une de ces Efpeces paroît fe conjtruire. 245' Obs. XXV^Î. Divers faits relatifs a Part avec lequel la he-le Chenille du Bouilloji-bLuic conf- îruit fa Coque. 268 Oj&s. XXV^ii.. Sur les Coques que diverfe^ Che* 460 TABLE. irilies fe coyijh'uifent avec de lœ terre ^ une forte de colle. 285" Obs. XXVTII. Sur deux Efpeces de Cbemlles qui fe conjlrnifoieiit une Coque avec dijférens mor^ ceaux de papier. 2 88 Obs. XXIX. Irrégularités dans la conjlru&ion des Coques des Chenilles. 298 Obs. XXX. Sur une Chenille qui avoit une forte odeur de Fiaiaife , $^ fur tut Fapilion qui fentoit le raufc. 3C0 Obs. XXXI. Nouvelles recherches fur ces Efpe- ces de Faux-ftigmates , dont il a été parlé dans rohfervation XV. 30 r Obs. XXXII. Sur un grand vaiffeau couché le long du ventre , qiCon a cru appercevoir dans quelques Chenilles, 306" Obs. XXXïII. Sur la grande Fauffe-Chenille de l'Ofier^ ^ en particulier fur la conjlru&ioii de fa Coque. Coque remarquable que fe file un Ver 'mangeur de la Faujfe- Chenille. 313 Obs. XXXIV. Sur la flru&ure de la grande fauffe-Chenille de POfier. 334 Obs. XXXV. .S:/r une faufe^ Chenille du Foi^ rier. 340 Obs. XXXVL Sur de très -petites Mouches- Ichneumones qui avaient pris leur accroijfe^ ment dans des œufs de Fapilion. 342 Obs. XXX\- il Sur une ptîite Mouche Ichiicu- T A B L E: 4^1 fnone qui perçoit: tine galle du Chêne -pour y dépofer [es mifs.^ 34 f Qbs. XXXVIII. Sur une Mouche des galles qui perçoit une feuille pour y dépofer [es œufs. 353 Obs. XXXIX. S:ir le Founnilion , êff e>^ p^^^^- ticulier fur fa Jhu&ure, 3^4 Obs. XL. Sur le procédé induftrietix au moyen duquel le Fourmilion tranfporte hors de fa fojfe les corps trop pefans pour être lancés au loin avec fa tête. 3ûO Obs. XLÏ. Stir une nouvelle Efpece de Four- milion découverte par r Auteur. 387 Obs. XLII. Sur de petites Fourmis qui s'étoient établies dans la tète dhm Chardon à bonne- tier. 398 Obs. XLIII. Sur un procédé des Fourmis. 417 Obs. XLIV. Sur les Vers mineurs de la Juf- quiame. 419 Obs. XLV. Sur une petite Araignée qui faifoit fuir tme Araignée domejîique de la plus grande taille. 4.16 Obs. XLVI. Continuation du même fujet. 429 Obs. XL VII. Sur l'Araignée qui renferme fes œufs dans une bourfe de foie , qu'elle porte par-tout avec elle. 43^ Explication des Figures. 441 F I N de la Table. errata: Ze Ze^ieur ejl prié de confulter cet Errata ; farce que tes r envois (tux Jr'lunches V ç^ VI ont été omis pir oubli dans le Texte, On ne s'en ejl appcrçu qii' après Vimprcjfton du Volume. droits , ajoutez , PI. V , Fig, i. ///. endroit , a j. a. taches ,. aj. h b b. coque , aj. e e. coque , aj. PI. V , Fi>. I , i «. conique , aj. PI. V , Fij;. i , C. PL V, Fig. I , aj. ///. derrière , aj. PI. VI , Fig. 7» mouj'e, aj.- /. poils, 5). q q. autres , aj. r r. Microfccpe, aj. PI. VI, Fig. 7. coniques , aj. q qr r. derrière , aj. f. cancU, aj. PI. VI, Fig. ^ , ^ , p p P* dents , aj. Fii;. 4 , ^ , d d d. conduit , aj. PI. VI, Fig. ^,6, ppp' épin->;le,y). Fig. J , e. pièce , aj p. rainure , aj. PI. VI, Fig. 5 , n extrémité , aj. Fig. <5 , e. pièce, aj. PI. Vî , Fig. 4, ^1 f P f' derrière, aj. PI. VI , Fig. 8 , 9. commune , nj. q q. à boire , aj. Pi. VI , Fig. 10 , V. toute la partie , aj. Fig. 10,0. du Chardon , aj. PI. VI, Fig. lO , T. petite boite , aj. PI. VI , Fig. lo , b. Nli. Lifez au mafculin 1§ mot monijcuîe , qui a été mh par coût au féminin. P.ise 249 lig. 16. i\ . . . 2sO . 4- . . . ibid. . . 15. . . . ibid. . . 22. • . . 2?? . . II. . . j 259 . . ï9. . . . 261 . . 2?. . . . 366 . . 14 . . . ibid. . . 15. , . ibid. . . 18. , . . ibid. . n '» , , . 367 . . 6. . , ibid. . . 7. , . . ibid. . • 19. . . . 570 . • 9- . . 371 . . 6. . . . 572 . . 15. . , . ibid. . . 28. , , . ?75 . . 8. . . . ibid. . . 28. . . . 574 . . 2Ô. . . . 376 . . 5. . , . 592 . . ?. . . . ibi^i. . . 7. , , . 400 . . 13. • • . ibid. . . 18 . . . 403 . . 16. . . . 414 • . 15. To/77 U Plmdie a OÙj-: Jweiv j-w/gr.'/ar: ¥ Objerv: àiLtrj: jur uj oii. rr. Fù/.n Fi^.JK BM.-SaJf>. /— ,7 I. i ûh^:({ù'■«' ,a -.,# ^^ xX- KB— SÛtp. (ïLerv 3,V.r^. .ur lej S,^ Ww^*^" Fù>E. li % - — , r>^'»*arcl f '^,^