\ m^ WVU - Médical Center Library Locked Cage QH 45 B64o cl v.l8 WVMJ Oeuvres d'histoire naturelle et de / Bonnet, Char 3 0802 000023939 1 ?-âfe m WEST VlRGïr^i<\ UMVERSiTY MEOiCAl SCHOt>!s L^RABY :d books 36^0 v,i8 1783 ^ DOHOT i%J COLLECTIO COMPLETE DES ŒUVRES DE CHARLES SONNET. TOME DIX-HUITIEME. ŒUVRES 'HISTOIRE NATURELLE E T D E JPJSTXX OS O :PJE£X JE. DE CHARLES BONNET. Dt r Académie Royale des Sciences de Paris ,• de TA^ cadémie Impériale Léopohdine 8f de celle de St. iV- tersbourg ides Sociétés Royales de Londres , de Mont-^ pellier , de Gottingue^ £^ de celle de JIédq:ine de Farisg des Académies Royales des Sciences de Lyon , de Stockholm , de Coppenhague ,• Honoraire de celle des Beaux- Arts de la même Ville ,• des Académies de Vlnf-. titut des Sciences de Bologne , de Padoue , de Harlem , de Munich., de Sienne., de Cajjel^ ^ de celle du Curieux de la l^ature de Berlin. TOME DIX-HUITIEME. Écrits divers. SéB ^ ^^^^^ '=^' ^--^ ANEUCHATEL, Chez Samuel FAUCHE, Père & Fiis , Imprimeurs & Libraires du ROL M, DCC, LXXXIÏL Digitized by the Internet Archive in 2009 with funding from Lyrasis IVIembers and Sloan Foundation littp://www.archive.org/details/oeuvresdhistoire18bonn < I ) RECUEIL jD£* DIVERS Passages DE LEIBNITZ s if R L A SURflVANCE BE L'ANIMAL', P UUR SERVIR DE SUPPLÉMENT A LA PARTIE Vil DELA PALINGÉNÉSIE PHILOSOPHIQUE ; ET RÉFLEXIOi^S SUR CES PASSAGES INTRODUCTI ON. \^ ' É T o I T pour mettre mon Ledeur à por- tée de comparer mes idées fur la permauence de l'Animal avec celles de Leibnitz, que j'a- vois rallembié dans la Partie Vil de la Palin^ généfie quelques Paiî'ages de ce grand Métaphy* ]^ s U R L A S U R y I V A N C F ficicn fur cet iiitéreflant fujet , & que je les avois accompagnés de réflexions propres à en faire mieux juger. Depuis la première publica- tion de mon Livre», en 1769 , quelques Amis m'ont communiqué d'autres Paifage^ plus ou moins remarquables du même Auteur, 8c qui concourent tous k déterminer de la manière la plus précife fa véritable opinion touchant là Survivance de rAninial. Je vais donc tranfcrire ici ces PafTages » auxquels je joindrai les réfle- xions qu'ils fout naître bien naturellement. I. jiJ Ans un È'ctit ( i ) de notre Auteur in- titulé , Syjîême nouveau fur la Nature ^ fur la comnnmkaîmi des Subjiances , ^ fur P Union ds rAme & du Corp , on lit ce qui fuit, *' Les Transformations de MM. Swammer- „ DàM , Malpighi & Lewenhoek qui font 35 des plus excellenjB Obfervateurs de notre tems , 3, font venues à mon fecours , & m'ont fait 33 admettre plus aifément que l'Animal & toute , autre Subfbmce organifée ne commence point , ( i ) OEUVRES Ae LEIBNITZ, de l'ÉiUt. de Gçnç^ç, Tôm. II, pag. 49 i B E V J N I M A l: . ç. ^ lorfque nous le croyons, & que fa généra- ,3 tion apparente n'eft qu'un développement & „ une efpece d'augmentation. Auffi ai -je re- „ marqué que l'Auteur de la Recherche de h 3, Vérité, M. Régis, M, Hartsoeker & 5, d'autres habiles Hommes n'ont pas été fort », éloignés de ce fentiment. ,9 5, Mais, il reftoit encore la plus grande 5, queftion, de ce que ces Ames ou ces For- 3, mes deviennent par h mort de PAnimal ou 5, par la dcftru(^ion de l'Individu de la SubC- 3, tanee organifee. Et ç'eft ce qui embarrâffe le « plus î d'autant qu'il paroît peu raifonnable ,, que les Ames reftent inutilement dans yii j5 Chaos de Matières confufes. „ „ Cela m'a fait juger enfin qu'il n'y avoit ^, qu'un feul parti raifonnable à prendre ; & 5, c'eft celui de la confervation non feulement a, de l'Ame , mais encore " de l'Animal même 5, & de fa Machine organique j quoique la de4- „ trudion des Parties groffieres l'ait rçduit à „ une petitelfe qui n'échappe pas moins à nos „ Sens que cçlle où il étoii avant que de g, naître. „ ÏL eft aifé d'appercevoir que Leibnitz n^a, A a » SUR LÀ SVRVirANCÊ joute rien dans ce Paiïage à ceux que j'ai tirés de la Théodicée & des Nouveaux Effais fur PEn^ tendemeîit humain. Ceft par -tout la même idée» & que l'Auteur laifle toujours dans un certain vague qui , j'ofe le dire , eft très - éloigné «lu degré de développement que j'ai donné à mon hypotîiefe fur VE'taû futur de l'Homme , ( 2 ) 8c fur la Confervation des Animaux & même des Planteis. (3) Leibnîtz s'appuyoit , à bon droit , fur les Obfervations de Swammerdam , de Mal- piaHi &: de Lewenhoek pour établir que ce que nous nommons Génération n'eft qu'un fimple développement , & c'étoit ce qui le portoit à en inférer , que ce que nous nommons la mort^ ii'cft puint uns deftruBiOii ^ mais que c'efl; plu- tôt un enveloppement. Il admettoit donc ^ que l'Animal confervoît fa Machine organique , & que par la dejîru&ion des Parties groffieres de cette Machine l'Animal fe trouvoit réduit par la ^nort à une petitejfe qui 5(3) Clup. XXÎV de VFfai a;:.4ytîque , (3 ) Part ï, II, m, ÎV, V, VI, XII, XIV, de l* ^ ù Ë r A V 1 M A t. 7 îe rendoit auflî invifible alors, qu'il Fé toit avant les premiers développemens. Il eft de la plus grande évidence que cette idée de notre il!uftre Métaphyficien fur la Con- fervation de TAnimal diiFere beaucoup de celle que j'ai développée Ci au long & fi clairement dans les deux E'crits que j'ai cités. L'opinion que Leibnitz préfente d'une manière Çi vague dans le Paflage que je viens de tranfqrire , re- vient pour le fond à l'hypothefe que j'avois d'abord imaginée pour rendre raifon de la Sur- vivance de tout Etre -mixte & que j'ai fort dé* taillée & réFutée. (4) Il peut m'être permis de douter qu'aucun Difciple du grand Homme dont je parle, ait expofé V Enveloppement d'une manière auili claire & aufîi complète que je l'ai fait. C'eft à cziiyi qui ont beaucoup étudié fur ce point les meil- leurs Leibnitiens à comparer mon expofitioA avec les Leurs & à juger. I I. V>^N trouve dans les Oeuvres ( i ) de nofr^ i 4 ) Fciling. Part VII, ^Chap. IV. ( I. ) TôtTie II, P3S-. i:6. É ^ V R LA StTRVIP'ANeÉ ?mlofopIie une E'pitre latine qu'il adreflbit à V^gne'rus , ftir la Force acfive du Corps , fur fiime humaine ^ fur celle des Brutes, , où il s'exprime ainfi. Me miner is autem , ex fententià me à , non tmu tnm omnes vit as , omnes Animas , onpies Mentes , omnes Entelechias primitivas ejfe perennes , fed ttiam or.mi Entelechi quoiqu'on ne puifle pas 3, dire exadement que le même Animal demeure 5, ou furvive : car rEfpece de l'Animal ne de- 3, meure pas s de même que la Chenille & le „ Papillon ne font pas le même Animal ; quoi- „ que la même Ame foit dans l'un & dans „ l'autre. „ Notre grand Métaphyficien conclut de tout cela 5 " que la Machine n'efl jamais „ détruite en entier, & qu'encore que l'enve- 5, loppe groifiere fe diflipc , il refte toijours ,, une petite Machine à- peu-près comme chez ,, V Arlequin de Théâtre, qui après avoir dé- ., pouillé pluiieurs Habits ^ en confcrvoi: tou- 5j jours un autre. ,, Il ne faut que le plus léger degré d'atten- tion pour découvrir combien ces idées diferent de Qcll&s que j'ai expoféeis dans trois de mçs B E V A N I M A L Tt Écrits. (2) Non feulement elles en différent beaucoup à Tégard du fond des Chofcs ; tnais encore à Tégard de l'énoncé, du développe- ment & de renchainement des propofitions. Leibnitz préfente toujours fa Dodrinc d'une manière û vague , Ci confufe ; il prend (\ peti de foin delà développer, de l'éclaircir, de la fixer ou de la réduire à des termes clairs , précis & exadement déterminés , qu'il eft facile de re- connoître qu'il n'avoit point aiTcz ère u le cette partie de fa Dodrine. Il ell très - manifefte, qu'il envifageoit le Corps orgamfé auquel l'Ame citunie, comme une Machine fufceptible d'une multitude de uwMfcations diverfes , & qu'il pen- foit , qu'entre ces modifications fiiccejjlves , il en étoit une en vertu de laquelle la Machine organique fe confervoit après la mort ; mais Ibus une autre forme & fous d'autres proportioiis. LtiBNiTZ ne parok pas mêrne avoir ' eu des idces exac1:es fur Paccroilfement des Corps or- ganifés. C'eft ce qu'on peut inférer légitime^ ment de fa comparaifon du ■V-iûjfeau Je ThÉSÉe. On n'a 5 pour s'en convaincre, qu'à lire avec attention l'Article 170 des Corps orgmùfés & C iî ) Efil amïyt. Chap. XXIV , Contvitf.. Part. IV; Cliap. XIII. Fdini^, Part. I, II, lîl , ^ tion, & par conféquent dans les Vivans y mài^ 14. SUR t d S U R V I r A 1^ C È j, CCS Vivans feront toujours itideftrudibles , j, non feulement par rapport à la Subftance 5, fimple , mais encore parce qu'elle garde tou- â, jours quelque Corps organique» „ Toujours la même Dodrine, toujours Id même fond d'idées. L'Auteur n'abandonnant point fon principe favori , admet , que toute Mouade efl toujours accompagnée d'un Corps or^ ganique. Il continue à dire ici, commue ailleurs, que ce Corps organique ne d<îmeure*pas le jriéme j mais qu'il eft dans un changement perpétuel § en forte néanmoins que Vylnte & V Animal de- meurent conftamment les mêmes. On voit affez qu'il entend par là ce que nous nommons la Terfonne de l'Animal. Il s'explique lui- même en employant le mot de Ferjoyinage. Il imaginoit donc dans le Corps organique une forte âe jJus ou de fucceJJJon de particules conftituantes , qui s'opéroit de manière que la forme ejfentielle du Corps organique n-e chan- geoit point. Ce qu'ajoute enfuite Leibnitz furies Plan- tes ne reffemble point du tout à ce que j'ai ex- pofé fur leur fenfibilité & fur leur perfedibi- lité dans la Partis X de la Contempktion de U DE V A 2^ I M J L. iç Nature & dans la Partie IV de la Paîingénéfie, Notre Auteur donne aux Fiantes une Monade ou Subftance fimple , d'où réfuîte ce qu'il nomme leur Vie, Il veut que cette Vie loit accompa* gnée de perception & àhippétit. II admet , com^ me probable, qu'il y a une infijiité de degrés dans la Perception des Etres vivans 5 & que tom les Vivans feront toujours indeJîruBibles ,- ce qu'il n'entend pas feuleraer;t de la Monade ^ mais encore du Corps auquel elle eft //râ : car;» dit - il , la Monade garde toujours quelque Corps erganqiue. Remarquez enfin , que Leibnitz ne s'oc- cupe point ici de cette perfedibilité de la Plante , dont j'ai tant parlé. Il ne fait abfolumsnt qu'ap- pliquer fon principe d,es Monades à tout ce qui vit. Mais il ne conduit point, comme je l'ai fait , le Ledleur p.ir la route des obfervations & de l'analyfe. Il affirme comme vrai ou comme probable tout ce qui lui paroît renfermé dans Ton principe fondamental ; m'ais ce n'eft pas ainfî qu'on parvient à donner de k yraifem- blauce à une conj-edure. Si SURLASURVIVANéÈ I V. i>/A N s une autre Lettre ( i ) de LeibNITz; au célèbre Arnauld , datée de Venife le ajd» Mars i6(jo^ il s'énonce en ces termes, ^' Lé Corps eft un aggrégé de Subftances „ & n'eft pas une Subftance à proprement par- •5 1er. Il Faut par conféquent que par- tout a, dans le Corps il fe trouve des Subftances in- 5, divifibles , ingénérables & incorruptibles 9 5, ayant quelque chofe de répondant aux Ames, 5, Que toutes Subftances ont toujours été & 5, feront toujours unies à des Corps organi»- 3, ques diverfement transformables, jj Ce PafTage paroîtroit très - obfcur à queL qu'un qui n'auroit pas un peu médité la Philo- fophie de notre Auteur. Il faut ici fe fouvenir qu'il ne reconnoiifoit pour vcritiible Subftance que les Etres [impies , qu'il nommoit des Ado- ncides. L'Etendue matérielle n'étoit , dans fes idées , qu'un pur phénomène , réfultant des Mo- nades qui la conftituent , & dont l'effet eft de produire en nous la perception de l'E'tendue. Le Corps n'eft >donc ainfi , comme il le dit 9 qu'un Aggrégé de Suhjîances fimpîes^ ( I ) OEUVRES Tom. Il , pag. 46. Et î) Ë U A N I M A L 17 Et comme le Corps nous offre divers alfem- iplages de Parties organiques , qui font elles- inêmes formées de plus petits aifemhlages de Parties encore organiques , Lhîbnitz paroît fuppofer ici dans chaque affemblage une Aïo- nade ou Subftance y?w^/e , ingénérahle ^ incor- rnptihie , ayanf quelque chofe de répondant aux Ames, On ne démêle pas clairement ce qu'il en- tend dans ce Paifage par Ja transformabilité des Corps organiques auxquels ces fortes à^Ames {ont unies. On entrevoit feulement qu'il avoit en vue les changemens que ces Corps peu- vent fubir. Il eft rare que Leîbnitz attache des idées bien déterminées aux expreffions qu'il emploie. Notre Langue n'étoic pas autant à fa difpoiî- tion que l'Allemand ou le Latin , & ceci n'ac- croît pas peu la difficulté de le faifir bien. Je pourrois en fournir divers exemples. Je croirois bien que les idées de l'Aùteuc «toient en général liées & harmoniques dans fa puilfante Tète : mais, il ne les produifoit pai toujours' m aufïî liées ni auifi harmoniques , & Tome X FI II. B ïS SUR LA ÉURVÏVANCÈ fouvent il les diirémiaoit ou les jetoit pèle-mèlç iuï le papier» V v: O I c I un autre PaiTage qu'on rencontre daiis un petit E'cnt (i) de TAuteur intitolé, Principes de la Na/>ure & de la Grâce fondés en Rciifon. *' Tout eft plein dans la Nature. Il y a des §, Subftances limples , féparées effedivement , les unes des autres par des adtions propres , qui changent continuellement leurs rapports; , & chaque Subftance fimple ou Monade qui , fait le centre d'une Subftance compofde, , (comme par exemple d'un Animal) & le , principe de Ton unicité^ cfl environnée d'une , mafle compofée par une infinité d'autres Mo- ■y nades , qui conftituent le Corps propre de , cette Monade centrale ^ fuivant les affedions 5 duquel elle repréfente , comme dans une , minière de centre , les chofes qui font hors , d'elle. ,, Et ce Corps ç{ï organique quand il forme tj une manière d'Automate ou de Machine d<î ( I ) OEUFRES de LEÎB.^'ITZ^ Tom. II, pag. 32, DE V A.V l M A L r| ï, la Natu-e, qui eft Machine non feulement 3, dans le tout , mais encore dans les plus pe* >, tues pai tics qui fe peuvent faire remarquer. „ L'ÎNVENTEUR des Monades fe laiiTe un peu plus entrevoir ici que dans le PaiFage précédent. Il ell ciiilz clair qu'il fuppofe dans le Corps d'ua A il! m al une Mr-nxdf? principale ^ qui eft coni:!)^ le centre du Syltème organique de l'Animal; Il l'appelle le principe de Vnnicité de l'Anima'. Il avance qt-Celle efi environnée d'une Ma^fe cvnpQ" fée ftune injniûé d\iutrss Àloncides ^ & ce font f Jon lui ces Monades qui confiituent le Corp,s propre de la Monade ceiitrale ou principale. Cî Lorps propre a dîverfes ajjeclions , auxquelles la ]Mr>nadt.' ceiitrale correrpond par les repréfe^ipa- t'.Gus plus OU moins conrufes qu'elle fe forme des Ch('j}s qui font hors d'elle. Ceci tient à la fùQiiufe Hariy^onie préétablie de l'Auteur/,,, Il ajoute j que le Corps propre eft organique quand il forme une forte à' Automate q^' de Machins, On voit de relfe ce qu'il entend iqi par une Machine. Le Corps d'un Animal efl ea c.Ttt une admirable Machine. Le Corps d'une Plante en eft une encore & qui n'eft gu^re moins admirable. B^ ^.© SVRLASVRVJVAîfCE Mais, ce qu'il faut fur- tout remarquer iâans le PafTage que nous avons fous les yeux , •jc'efl" que Leibkitz prétend que le Corps de TAnimal n'eft pas feulement une Machine dans fort Syftème organique pris en entier, mais, qiCil l'ejl encore dans chrtame de fes pltis petites farties. Si j'avois connu cette idée de notre Méta- phyficien lorfque je traitois de rexcelle-ce des Machines organiques , Part. IX. de la Palîngéné* fie , je n'aurois pas manqué affurément d'ea faire mention. Le Ledcur attentif reconnoîtra iiéan moins , que mes Réflexions fur les Machinas organiques repofent fur un tout autre fondement <^ue celles de notre Métaphyficien. Je raifon- nois en Phyfiologifte ou en Oblervateur : Je par- fois uniquement des faits. Notre Auteur laiiTe là i'obfervation , ne s'occupe point des faits & ne part que de fâ Monadologie. Jï fais une autre remarque fur ce PafTage : -l'Auteur ne cite ici le (^ovp dun_ Animal que -comme un exemple y cq qui fcmble infinuer que ■le^ Corps /iT/z/j forrnoient aulîi , ielon lui , des Syftèmes plus ou moins eompofés & très - régu- liers , auxquels préfidoit pareillement une M^ nade centrale. 1> 5 V A T^ I M  t. '^% Je ne fais aucune réflexion fur robfcurité & rembarras qu'on trouve fi fouvent dans les phrafes de Leibnitz : je dois îeç attribuerau*- tant à la difficulté qu'il éprouvoit en raaniant le François, qu'au peu de foin qu'il prenoit d'élaguer fes idées &; de féparer la propofition principale des propofitions incidentes. V L JLj ' E'c RÎT ( I ) de notre profond Penfeur, qui a pour titre, Conjt aérations fur les Princi- pes de Vie '& fur les Natures Viatiques ^ publié en 1705", me fournit un iîxieme PafTage qui mérite bien que je le tranfcrive. " Je fuis de Tavis de Mr. Cudworth, que 5, les Loix du méchanifme toutes leules ne fau- y^ roÎÊnt former un Animal là où il n'y a rien „ encore d'organifé -, & je trouve qu'il s'op- 5, pofe avec raifon à ce que quelques Anciens „ ont imaginé fur ce fujet , & même Mr. Des- 5, CARTES dans fon Homms, dont la formation „ lui coûte (1 peu , mais approche aviiîi très* „ peu de l'Homme véritable. Et je fortifie ce 55 fentiinent de Mr. Cudworth en donnant- ( ï y'QEUFKÇS de LEIBNITZ y Tom. II, pag. 43. B 3 tz s V R LA SVRV'îV'A'NCE sV à confidérer, que la M; tiere arrangée par 9, une Sagesse divine doit être elTentiellement *55 oi*ganifée par - tout j & qu'ainfi il y a ma- 55 chiue dans les parties de la Aiachine natu- 55 relie à l'infini & tant d'enveloppes & corps 55 organiques enveloppés les uns dans les au- 55 ti'es qii^on ne iliuroit janrns produire ua 35 corps organique tout - à - fait nouveau & ^5 fans aucune préformation, & quon ne fau- 5, roit déiruire entièrement non plus un Ani- 35 mal déjà futfiftant. „ Dans la Partie VII. de ia Tahménéfte j'ai tranf(?rit divers morceaux de Lfîbi^itz qui prou- vent qu'il croyoit à V Emboîtement des Germes, Il paroit aller bien plus loin ici , & admettre un Enveloppement à Pbifnî, On retrouve cet Infini actuel dans d'autres E'crits de f Auteur. jOn fent afTez que cette idée , qui lui pleifoit , çft erronée. Quel Philofophe voudra admettre cet Infini a&iiel ? Ne faut - il pas que dans uiie férié quelconque il y ait un dernier terme? V Infini des Géomètres eft-il un véritahk Infime J'invite mon célèbre Ami Mr. Nfedkam, qui voudroit étayer fon Epigénefe de l'autorité de Leibnit?; , à méditer un peu ce Pailage & far-touK ces expreiBoas fi tranchantes ? j^ fi^is. I) E r A N I M A l: il éPavis 5 que tes Loix du Méchcimfmc toutes feules ne faur oient, fonner un Animai ^ là ck il n'y a rien encore d'organifé. Mr. Robinet , qui a tout organifé & tout animaîifé , trouveroit mieux (on compte au Paf fage que j'examine. Leibnîtz y avance ex. preiiément, que la Matière doit être ejjmtielle^ ment org, mémoire de fon état palfé & fa Perfonnalité. » En même tems que ce Corps fubtil renferme t> des Organes qui exercent ici bas leurs fonc- er tioiis, il peut en renfermer d'autres qui ne doi- „. vent point fe développer fur la Terre, mais s. qui ie Feront d'une manière très -rapide au ï, jour de !a manifeftation. De là la comparai- 2» fon du Grain fente en terre , dont fe fert la a* Révélation. De là la révélation qu'elle nous s» fait que le corruptible revêtira tincorruptibi- »» lite\ De là l'abolition des Sexes ; ce Corps i„ fpirituel oppofé au Corps animal qui n'en eft %% que l'appareil ,• ce Corps glorieux dans la as compofition duquel' n'entreront point la chair i% & le fang. De là enfin ce qui eft dit , que 5> ceux qui front viv ans feront transformés :, & „ ceux qui feront morts , rejfif cités. 11 eft donc 5> poffible, me dit -il, que le Siège de l'Ame ,5 renferme aduellement le germe de ce Corps y. incorruptible ^dont parlent les Ecritures j qu'a- 5t près la mort elle lui demeure unie , jufqu'à j, ce que par un développement rapide il fe ,y transforme au grand Jour de la manifeftation „ ou dans ce Corps glorieux dont les. Bons 25 feront revêtus, jj A LES JOURNALISTES, Ai Personne au monde ne refpedle & n'admire plus que moi le grand Leibnitz. Sa Théodicée eft un de mes Livres de dévotion. J'ai intitulé mon Exemplaire Àlaimel de Philofophie Chré- tienne. Mais fi Leibnitz a dit précifement iuî notre État futur ce que l'Anonyme lui fait dire ici d'après Tes entretiens avec Mr. Canz , il fe trouveroit que je n'aurois été que le Copifte de cet Homme immortel , & qu'on pourroit m'ac- cufer de plagiat. Veuillez, Mefîîeurs, prendre la peine de comparer ce PafTage avec ce que j'ai expofé en détail fur notre État futur dans le Chapitre XXIV. de mon Lffai analytique fur les Facul- tés de l'Ame ^ publié à Coppenhague en 1760. Lifez , je vous prie, depuis le paragraphe y26 jufqu'au paragraphe 7^4. Vous ferez étonnés ^ comme moi , de la finguliere conformité des idées & dos expreffions. L'Anonyme parle du Corps calleux comme du véritable fiege de l'Ame : or , vous n'igno- rez pas que Leibnitz efl; mort en 171 6, & que c'eft le célèbre Mr. de la Peyronnie qui efl: l'Autetir de cette opinion fur le Corps cal- leux^ qu'il publia en 1741 dans les Mémoires de l'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES dc 44 LETTRE Paris. Je Pavois empruntée de lui & je Tavoîs défigné très-clairement dans le §. 28. J'avois infinuc dans le §. 29. ce que je penfois du fentiment de cet habile Anatomifte. J'y fuis revenu dans le Chapitre XIII. de la Partie IV. de la Contemplation de la Nature que je pu- bliai en I7<34 , & où j'ai retracé en abrégé mon hypothefe fur l'E'tat futur de l'Homme. Je demande donc à ceux qui ont le plus étudié Leibnitz, s'il a penfé que le Corps calleux étoit le Siège de l'Âme ? H y a plus s l'Anonyme fe fert çà & là d'exprefîions qui font prccifé--, ment les mêmes que les miennes : Organe immédiat des opérations de PAme, ^ Vrai Corps de notre Ame dont t* mitre n'ejr , pour ainfi dire , que l'enveloppe. Corps infiniment fiihtil ^ que fa fiihtilité fouf- trait à fatlion des caiifes qui ope2*ent la dijjo^ lution du Corps grojjier. En même tems que ce Corps fuhtil renferme des organes qui exercent ici bas leurs foji&ions, il peut en renfermer d'' autres qui ne doivent point fe développer fur la Terre , mais qui le feront A DES JOUR-NALISTES 4^ J'tate manière très-rapide au jour de la manifef- tation. De là , la comparaifan du grain femé en terre dont fe fert la Révélatiùn. De lÀy le corruptible qui revêtira rincorrup-* tihilité. De là ^ T abolition des Sexes. Ce Corps fpirituel oppofé au Corps anihial. Ce Corps glorieux dans la compofition duquel fi* entreront point la chair & le fang. De là enjtn ce qui efi dit, que ceux qui fe^ vont vivans feront transformés , ^ ceux qiii /è- ront morts refjufcités. Il efi donc pojjible , me dit - il , que le Siège de l'Ame renferme a&uellement le Germe de ce Corps incorruptible dont parlent les Ecritures. Après la mort l'Ame lui demeure unie , juf~ qu'à ce que par un développement rapide il fe transforme , ^c. Leibnitz avoit - il dit tout cela dans la même fuite & dans les mêmes termes ? On fait que la LETTRE fou idée fur îa mort éto'it plutôt celle d'un Bu ^eloppemenû que celle d'un Développement, Sa Métaphyfique favoit conduit à penfer que tous les Efprits finis étoient unis à un Corps. Eit conféquencc il admettoit que TAme humaine demeureroit unie après la moit à un petit Corps organique qui ferviroit de Raifon fuffifante aux idées de TAme depuis la Mort jufqu'à la Eéjiirre&ion, Mais I.EIBNITZ n'avoit point dit ce qu'é- toit ce petit Corps organique. ( a ) Il n'a voit point envifagé fes liaifons avec le Corps grof- fier. Il ne l'avoit point confidéré dans fon double rapport à l'état adluel de l'Homme & à fon état futur. Il n'avoit point expliqué comment la Perfonnaiité le confervoit à l'aide de ce petit Corps organique. Il n'avoit point non plus en- trepris d'expliquer phydquement la Réfurrec- tion. Il n'avoit point fongé à fe fervir de la eomparaifon du Grain femé en terre. II n'avoit point du tout im2\giné les diverfes applications C 2 ] tt Quand j'écrivoîs ceci, je n'avois point encore raffemblé toiis les Paflages diflcminés de Leibnitz où il explique fa penfoe fur ce petit Corps organique. Je ne con- noiffois point non plus la Lettre de fon célèbre Ami J. Ber- KOULLi qui la développe fi clairement. Voyez l'Ecrit pré" cèdent & Fding. Part. VII, Chap. IV. A DES JOURNALISTES. 47 que j'ai tenté de faire de mes principes à Pex- plication philofophique de tout ce que les Ecri- tures nous ont révélé fur les circonftances & fur les fuites de la Réfurredion. Enfin , il n'a- voit point parlé de la transformation des VI- vans, &c. Je puis ajouter, que les plus illui- tres Difciples de ce grand Hon'ime n'ont pas été plus louî que lui dans ce fujet intéreffant : je veux parler fur-tout de Wolf & de Bul- FINGER. Il feroit bien peu vrairemblabîe que notre Anonyme fe fut rencontré fi jufte avec moi & dans la fuite des idées de Mars 176S. T)z ( Ç2 ) VUE z> u LEIBNITIANISME. AVANT- PROPOS. J E me luis déjà occupe dans d'autres E'crits oe divers points de la haute Philofophie de Leibnitz j mais il en efi: auxquels je n'ai tou- ché qu'indiredement. Je reviendrai ici à cette 'Philoiophie qui a eu tant de Parti fans célèbres & qui en a encore d'un mérite trèsdiftingué. J'en efquiflerai les principes fondamentaux de h manière qui me paroît la plus facile à faifir , &; je les ralfemblerai ainiî dans un même Ta- bleau. Le Titre général de Vue que je donne à ce court E'crit, indiqua fuififamment qu'il n'eft pas proprement un Abrégé du Leibnitia- nifme , & qu'il n'eft au vrai que le point de vue particulier fous lequel je me fuis plu à eny vtiiiger cettfi &meufe Dodlrine, JDU LEIBNITI ANISME. \% L' O P T I M I S M E. (0 JLj a grande queftion de l'Origine du Mal eft une énigme propofée aux Philorophes de tous les Siècles & de toutes les Nations. Chacun a dit fon mot, & ce mot a été quelquefois une favante fottife , d'autrefois une erreur dangereufe , fouvent une vaine conjec- ture. Leibnitz a paru enfin , & le Syftême de ce Génie prodigieux eft une des plus belles Produdions de l'Efprit humain. Je ne ferai qu'efquifTer ce Syftême & je laif- ferai aux jeunes Philofophes le foin de finir les traits que je n'aurai qu'ébauchés. L'Univers eft l'enfemble des Chofes; cet Afîemblage immenfe d'Etres divers a un Au- teur, par la raifon toute fimple qu'un effet doit avoir une caufc. Le Bon-Sens feul fuffiroit pour découvrir que l'Univers n'a que les carac- [ I ] Ce Morceau fur 1' Qftimîfme a été compofé & didé en deux heures pour itn jeune étuiUajit en Philorophie le 8. d.e Juin 1766, D X .?i VUE teres d*efFet Se point du tout celui d*un Etre nécelTaire, L'Auteur de rUnivers a donc' toute la Puif-. fance , toute l'Intelligence , toute la Sagefle que fuppoient la grandeur , les rapports & la fia ie l'Univers. Cet Auteur doit avoir en Soi la raifoa de fon Exiftenoe & dans fes Perfedlions celle de Texiftence de tout ce qui eit. Avant que d'être , l'Univers étoit poflîble §» ceci revient à dire que les Chofes prifes fépa- rément & dans leur enfemble ne rcnfermoient rien dans leurs idées qui s'exclût réciproque-, ment. Mais , les idées des Chofes Se de leur En^ femble fuppofent une Intelligence qui les apper- qoit & qui les compare. Elles exiftcnt donc dans cette Intelligence , & c'eft dans ce fens que Leibnitz a dit que I'Intelligence DI VI* NE eft la Région éternelle des Fojjîbles, L'Univers aduel exiftoit donc de toute éternité dans TEntendement divin. Chaque Chofe prife à part 6c dans fes liaifons étoit 3 V l E î B 1^ I T ï  :^ I S M E. V? 3onc dans cet Entendement ce qu'elle a été ^ ce qu'elle eft & ee qu'elle fera. Ce qui fait qu'une Chofe eft ce qu'elle efti, ce font fes déterminations v 8c ces détermina- tions font fes qualités originelles ou ce qui la conftituoit dans les Idées de Dieu. Et parce que Dieu ne peut pas plus chan- ger fes idées que fa nature, il s'enfuit que ce que l'on nomme VEjfence des Chofes eft éternel & immuable. Il ne faut pas un grand effort de Philofo*. phie pour appercevoir que tout eft lié dans la Nature j mais il en faut beaucoup pour fuivrie cette 1iaifon'& pour la développer. Tout ce qui eft a une raifou ftifîfanfe dé fon exiftence : cette propoficion eft encore du reffort du fimple Bon-Sens , car le fîmple Bon-Sens nous montre affez que chaque Chofe pourroit être autrement qu'elle n'eft. C'eft ce que ks Métaphyficiens nomment coyitingence. Ainsi , chaque état d'un Corps organifé doit avoir fa raifon dans l'état qui a précédé immé- diatement : car s'il étoit poifible da concevoir D 4 un état intermédiaire entre ces deux états , il xfy auroit point de raifoii fuffiiante du paflagp de l'un à l'autre. Il y auroit donc un effet fans caufe. Par tine fuite du même principe il ne doit rien fe trouver d'ifolé dans l'Univers. La rai- fon de chaque Chofe doit fe trouver dans celles avec lefquelle? elle a des rapports : la raifoii de celles-ci dans d'autres, & l'Univers entier, qui ell rEnfenible de toutes les Chofcs , eft par conféquent ua Tout fyjiénmtiqiie, Sr donc tout eft enchaîné <& dans l'ordre des Coexiftans i& dans Tordre des Succeflifs , il fuit évidemment qu'on ne pourroit rien re- trancher, ajouter ou changer jà l'Univers fans détruire le Syftème ou fans faire un auflte Univer?. ^ \h faut dévclçupper un peu plus ceci. Cha« que Etre eit déterminé & par fa nature & par fes rapports ou par la place qu'il occupe dans le Syftème i & comme chaque Etre eft contin- gent , il eft évident que chaque Etre auroit» pu Qtre autrement, CHAaye Etre pouvait dpnç fournir à d'au- DU LE I B NI TU N ISM E, 57 très combinaifons , & comme chaque eombi- naifoii renfermoit les E'iémens d'un autre Uni- vers , il y avoit dans TEntendement divin une infinité d'Univers fojjlbles. Chaque Univers avoit un Adam différent, & tous ces Ad A MB avoient quelque chofe de commun & quelque chofe de propre. Ils afpiroient donc tpus à Pexifience , comme p^rle notre Métaphyficien j car ils étoient tous poflîbles. Le VoJJihk dont il s'agit ici eft le Poffible intrinfeque 5 i'adualité de tel ou de tel Poffible dépendoit originairement de la Cause qui .^ouvoit Tadualifer. nu Cette Cause étant Intelligente & Sage n'a pu agir que conformément à fa Sageffe. Sa Puiffance s'étendoit à tous les Poffibles ; mais la Puiffance confidérée en foi eft une Faculté .aveugle & indéterminée. Il faut des raifons à ces déterminations , '& Ces raifons ne fauroient fe trouver que dans la Sagelfe, '' 11,A:' Sf(.^e{Je confiftant dans le choix des meil- leurs moyens & de la meilleure, fin , h Sou- TERÀ'ii^E SAGÈisk n\' "pli être déterminée à donner i'exiitence à cet tJnivcrs préférablement aux autres Univers fo,(Jiblss ^ (2) que parce qu'il renfermpit dahsTà totalité une plus grande femme de Bien & une moindre fomme de Mal. Le mal entroit donc ici comme condition du Bien. L'Adam qui a été choifi renfermoit donc 'dans Tes fuites une plus grande 'fômint de Bien que tous les autres Adams pofliblés. . Et il ne faudroit pas dire que DiEU pou- voit^ retrancher de cet Abam qui a été choifi., k féJ)é qui a produit la mort. Ge retranche- ment en auroitfait un autre ^qam 9 & cet autrjs Adam un autre Univers. Ce feroit donc vouloir que la SoLVEïtÀiNE Sagesse ^ût préféré^' un moindre Bien à un plus grand Bien. - = i Et coîhfïie dans ce SfO-Qmè^ie'préfenteJl totè- jours gros de /'«T.'a//>, poUrm'expViftiér'àvecf Aiï- ( .9^: Jlltfî^b^Wé ailleurs ma, pe'nfé? fiir. ce choix dn meil. leur U?^iivers. çutre tous le*; Urivers ppffihles j idée plus poéti- que ', fans doute , que philôfo'phique. Voy. Efai de f/ycho» h^ie. Chap. LVI. Bfai amlyt ^. IS9. DULEIBNITIANISMB, 59 teur , on peut dire auflî que le Miil eft tou- jours gros du Bien, Il n'y a donc point proprement de M.1I ah^ folu ; tout Mal dérive d'un Bien qui n'aurait pu cxifter fans ce Ma). ^ ou tout Mal produit \ un Bien qui n'auroit pu exifter fans lui. Ne nions point qu'il y ait du Mal dans le Monde; ce feroit nier fa propre exiftençe : mais ^rtons un œil 'philofophique fUr l'Origine & fur' les fuites du Mal. ci .0 . i La Beauté n'eft pas "dans chaque Partie in- dividuelle : elle eft dans l'Enfemble^ qui réfuite des rapports ou de la combinaifon de toutes les Parties. i' 'Un Syftème Ç\ harmonique fuppofe nécellai- •fsement les Loix les plus fimples & les plus .fécondes; & c'eft dans la (implicite & dans la iécondité de ces Loix que confifte principale- ment la Beauté de l'Univers. Les Loix des Etres dérivent de leur nature '& de ieurs relations. Elles fe diverfifient donc comme les Etres. Elles font invariables comme 6o r u j^ les Eflences j & ce que nousf regardons comme une excepion , dérive encore des Loix ou n'ea çft qu'une modification. Les Etres purement matériels font gouvernés par les Loix du Mouvement : les Etres pure- ment fentans font gouvernés par les Loix du Sentiment : les Etres intelligens le font par les Loix de la Raifon. Les Loix de la Raifon font dans les motifs > ceux-ci dans les idées que PEntendement fe forme des Chofes 5 ces idées dans Tadlion des objets fur les Sens, qui tient elle-même à la place que flndividu occupe dans le Syt tème. L'Homme fe détermine donc fur les idées qu'il a des Chofes; & parce qu'il n'agit qu'en vue de fon Bonheur , fes adions font déter- minées par les idées qu'il f e forme du Bon- heur. Il n'eft donc jamais plus libre , que lorf- qu il fe détermine en vue de fon Bonheur ; & cette détermination cft certaine parce qu'elle dépend eirQutiellem&ut de la nature de l'Intel^ ijgcivc'e. DU LÈIBNITIANISME. 6ï Dieu , qui coiinoît cette Intelligence > parce qu'il l'a faite , & qui l'a faite parce qu'elle cit- troit dans k Plan du Meilleur ; Dieu , dis-je , a prévu de toute éternité les déterminations des Etres intelligens , & cette Prévifîon ne nuit point à la Liberté ^ puifqu'elle a fa fource dans la nature même de la Liberté & de la Volonté qui fuppofent toujours dçs motifs. A parler métaphyfiquement , Dieu ne prévoit pas y mais il voit : & il voit les rapports de tels ou de tels motifs à telle ou telle Intelli- gence particulière. Ainsi , dans le Syftème dont je crayonna les principes , la Nécejjité morale n'eft que la parfaite certitude. Le contraire de chaque di- termination étoit poflible en foi, puifque l'adi- vite ou la Liberté de chaque Etre intelligent pouvoit s'étendre à une multitude de cas dif- férensj mais il ne l'étoit pas d'une manière extrinfequey je veux dire, dans le rapport à l'Etre particulier intelligent & à une fituatioii donnée de cet Etre. Les Récompenfes & les Peines font donc juftes. Elles font l'appréciation des Etres mo- raux. Les Peines font encore des moyens na- turels de r^meHer le Pécheur à l'Ordre. 6^ VUE ^ La Prière entroitOtufli dans le Plan géné- ral , parce qu'elle a été prévue comme tout le refte , & qu'elle faifoit partie de rEiifemble des Caufes morales dans l'Ordre del'ENTENDEMENT Divin. Je m'arrête ici : il faut voir dans l'ingé- nieux Dialogue qui termine la Théodicée , le développe-ment des principes de l'Auteur fur l'Origine du Mal moral 5 & l'on conviendra qu'on ne fauroit rien imaginer de plus beau & de plus confolant que le fyftême dont j« viens de tracer la foible efquilfe. ( 3 ) ( 3 ) VoiCi le précis que l'inimitable Fontenelle [^'^ nous donne de l'agréable fiftion de notre fublime Métaphyfi- cien. " Sextus , Fils de Tarq^uin le Stiperbe , va con- „ fulter Apollon fur fa deftinée: le Dieu lui prédit qu'il „ violera Lucrèce. Sixtus fe plaint de la prédiétion: „ Apollon répond que ce n'eft pas fa faute, qu'il n'eft 5, que devin , que Jupiter a tout réglé , & que c'eft à j, lui qu'il faut fe plaindre SlXTUS V9 à Dodone fe „ plaindre à Jupiter du crime auquel il eît deftiné, Ju- ,j PI TER lui répond qu'il n'a qu'à ne point aller à Rome» „ mais Sextus déclare nettement qu'il ne peut renoncer „ à l'efpérance d'être Roi, & s'en va. Après fon départ le 5j Grand -Prêtre Théodore demande à Jupiter, pour- 5, quoi il n'a pas donné une autre volonté à Sextus. Ju- „ piter eîivoie Théodore à Athènes confulter M-.nerve* 5j ïlUe lui montre le Palais des deftinées*^ où font les Ta-' [ * ] Eloge de Leienitz. B V L E I B :Sf t T I A 17 I S 3Î E. 6y 5, bleaiix de tons les Univers poffibles , depuis le pire jufqu'aii 5^ meilleur. THÉODORE voit dans .le meilleur le crime de 53 Sextus , d'où naît la liberté' de Rome, un Gouverne- 5, ment fe'cond en vertus , un Empire utile à une grande partie 55 tlu Genre-humain, Sec. Théodore n'a plus rien à dire. ,^ J'ajoute , que la Déeflfe montre au Grand-Prétre dans cette fuite de Tableaux une multitude de Sextus difFércns , qiij répondent à autant d'Univers poffibles: dans l'un de ces Ta- bleaux eft un Seïtus qui vit heureux à Corinthe ; dans un autre un Sextus qui devient Roi de Thrace 5 dans un autre un SEXTUS content d'un état médiocre^ en un mot des SEXTUS de toute efpece , qui ont tout ce qu'on connolt du véritable SEXTUSj mais non pas tout ce qui ejî déjà dans lui , fans qu'on s'en apperçoive , ni par conféqUent tout ce qui lui arrivera encore. Fous voyez ^ ajoute MiNERVE à Théodore j^/ae won Père n'a point fait SEXTUS méchant i il l'étûit de tojde éternité , il l'étoit toujours lihre'.:tent j mon Fere n'a fait que lui accorder l'exijlence , que fa Sagêjfe ne pouvait refufer au Monde ou il ejl compris : il l'a fuît pcffer de la Région des pojjtbles à celle des Etres actuels. Le crime de SEXTUS fert à de -grandes choses , &c. Théod. pag. 398. Edit. de 1720. Mais, quand notre iVIe'taphyficien introduit The'odore tos le Temple des deftinées , & qu'il feint que Ml mer VE lui montre une multitude de Sextus poffibles , qui diffé- rent tous par des caradleres particuliers & qui entrent ainfi dans la compofition d'autant de Mondes différens ; quand , dis-je , notre Métaphyficien feint de telles ciiofes , fa Fiction ne peche-t-elle pas dans un point effentiel ? je m'explique. Tous les Individus de l'Humanité participent à la même Effince. Confidérés dans leur état priu.itir de Germes ils ont tous effentiellement les mêmes Puiîlances corporelles Se les mêmes PuilTances intclleétuelles. Je ne veux pas dire néan- moins que tous les Germes humains étoient parfaitement fem- J)lables: je veux dire feulement, qu'il n'y avojt pas origi- 64- V V Ê «aiwment entr'eiix des différences telles que le Caraiîlefe d^ vrai Sextus réfultàt nécefîhircment de ces différences pri- mitives ou originaires. Ce (ont manifeftement les cirçonftan- 0€S extérieures dans lefqnclies chaqu'Individu de l'Humanité fe trouve placé , qui déterminent le plus fon Caraftere mo- ral. J'entends par ces circonftances le climat, le genre dévie, l'éducation, les exemples, &c. J'accorde bien qu'il peut fe trouver originairement dans les Germes quelques variétés qui influent ici jufqu'à un certain point , des variétés qui envelop- pent de certaines difpofitions particulières : mais , combien efi: il évident que cette influence eft un infiniment petit com- parée à celle des circonftances extérieures dont j'ai parlé ! Qui ne voit encore , qu'il faut joindre à ces circonftances l^acte de la génération , qui modifiant plus ou moins l'état primitif des Germes, leur imprime des difpofitions que les autres circonftances extérieures peuvent fortifier ou dévelop- per plus ou moins. Ainfi , ce ne font point proprement diférem SEXTUS pojjïbles que renferme le Palais des deftinées dans l'ingénieufe Fidion de Leibnitz: cette dénomination de SEXTUS eH tr»p particularifante , fi je puis m'exprimer de la forte : ces prétendus Sextus auroient pu tout aufli bien devenir des Brutws , des Fabius , des Catons,&c. s'ils avoientob^ tenu une autre place dans le Syftême du Monde. Ces prétendus ♦Sextus étoicnt donc, en quelque forte, ce que font en Al- gèbre les Quantités incommes , qui doivent être défignécs par des X on des y & non par des a & des b. Je m'exprimerai encore par une autre comparaifoii : les Sextus de notr-e Fliîloiophe font autant de Pierres femblables prifes dans la même Carrière, qui fuivant qu'elles font taillées doivent oc- cuper dans le Bâtiment telle ou telle place déterminée: mais ia Pierre x étoit fufceptible de la même occupe que la Pierre «, &c. Tandis que Leibnitz comparoit fes SEXTUS pof- Jsbles, fon Efprit retewoit donc beaucoup trop des caradleres du vrai Sextus. Somme nu LEIBNITIJNISME, é'f Somme totale : un certain Homme détermtjié^ un Homme K & non X n'eft pas détermvié par fes Puiflances originelles , piiifque ces Puiffances font en elles-mêmes iniXéterminées. Un certain Homme n'efl ce qu'il eft, « & won pas J, que par fes modifications acqnifes. Il n'eft un Sextus & non un Brëtus, que parce qu'il a requ cUulchors des modification^ que Bêutus n'avoit pas reques^ Et il ne faudrait pas dire avec Leibnitz, que Sextus pouvoit aller à Con'ntbe ou aller en ThracG, &c. toutes c€s poffibilités & mille autres qu'on pourroit feindre ne fc^ roient ici d'aucune confidcratioui" parce que Sextus étoitdéja tout formé, & qu'il réfultoit de fes déterminations acquifes qu'il iroit à Rome , qu'il y violeroit LUCRECE , &c. Il e'toit donc moralement impoflîble que Sextus ne fît pas ce qu(î l'Hiftoire nous en raconte : il n'y avoit donc qu'un feul SeX-* TUS dans l'Enfembie des PofTibies. Et li l'on vouloit pren- dre Sextus de plus haut & avant même qu'il eut contracte aucune détermination particidiere , ce ne feroit plus un Sex- tus qu'on auroit alors ; ce feroit limplement un ccrtaii» Germe d'Homme, qui auroit pu donner un BRurus tout aiiin bien qu'un S EX tus. Appliquez à Adam ce que je viens de dire de SextuS, & volts n'aure^plus une infinité CCkDXWi fojjtklcs îl ne voi,is reftera que TAdam qui a exiilé , & dont vous pourrez dirô avec Leibnitz, ([u'U avait été tel de touPe éternité dans ki zdt'ei de i E2ÏT ENDEMENT DIVIN i ce qui revienJja % dire, qt:e dans rUnivers qui a été appelle à l'exiftence, j'i devoit y avoir im certain Etre intelligent & moral qui pode- ctar le Fauvuir phylique d'obiervier ou de violer i^ié ceitAÏii? Liri d' qui la vioieroil. Ttme XVUl £ 6^ PUE LES MONADES- 1 j ' E'c OLE définifToit l'Entendue , ce qui a êtes Parties hors des Parties : elle ne iavoit pas qu'elle ne défiuilToit rien 5 car ces Parties font encore de l'E'tendue. Les Atomiftes modernes nous repréfentent TE'tendue matérielle comme un compofé d'A- tomes ou de Particules infécables : ils veu- lent donner à entendre par ce dernier mot, qu'il n'elt dans la nature aucune Force capa- ble de divifer les Atomes. Mais , cette Philofophie corpufcuîaire ne nous éclaire pas plus fur la nature de l'E'- tendue matérielle , que la Philofophie de l'E'- «ole. DIEU 5 qui eft la Caufe efficiente de toute Réalité, ne produit pas les Poifibilités. C'est par fes déterminations idéales & par leurs convenances qu'une Chofe eft pof- D U LEIByilTlA^lSME. '6^ Il faut donc montrer comment Péteadus matérielle eft pofîîble. Elle eft évidemment un Compofé. Il n'eft pas moins évident que la raifon du Compofé ne peut être dans le Compofé même , en tant que compofé. La raifon du Compofé doit donc fe trouver dans des Etres fimples. Ce font de femblables Etres que Leîbnitz a nommés des Monades ou des Unités. L'E'tendue eft donc un Agrégat de ces Unités. Elles exiftent à part les unes des autres , ,& la perception que nous nous formons de rE'tei|due réfulte des rapports que les Monades foutieunent avec nous par leur Adivité com- binée avec la notre. Des Etres fimples ne p>-j i la raifon de ceux - c} dans les Agrégats des Etres (impies qui les com- pofent ; la raifon des Agrégats cft dans les Mo- nades qui en font les E'iémens j la raifon de« E'iéniens eft dans la Raison éternelle. Cest par leur adion réciproque que les Etres (impies font liés entr'eux. Un Etre fimple ( I ) On verra ailleurs , que dans le Leih'JtianiJiy/te ri,> goureux il ne faïuoit y avoir d'adien & de readion dçs Monades les unes fur les autres; tout s'y réduit à la fimple re^réfentation. Mais , cette manière d'envifagcr lès Monades eft fi prodigieufement abftraite que je n'ai pu me flatter d'eu donner une ïàéQ nette à mes Ledcurs. J'ai donc préféré im point de vue qui choquât moins les notions cominuncs ou qui révoltât moins les Sens. J'ai cru que je devois do,nner \m Coi-ps à cette Philofophie fi prodigieufement fubtile , pour que mou î.e(Jlçyr pût , eu quelque j[o.rtc , h palper, E 3 qui feroit ifolé feroit fans adlion , Se l'exiftencé d'un tel Etre feroit fans raifon fuffifante. Il faut donc que toutes les Monades foieut cnchainées entr'elles par des a(ftions réciproques & que les Agrégats qu'elles forment foient pa- reillement enchainés entr'eux. L'univers efl donc un Tout immenfe qui concentre , en quelque forte , toutes les Unités dans une feule Unité. Toutes les Parties de l'Univers font donc en rapport entr'elles & au Tout ; & c'eft: dans ce fens qu'on peut dire que chaque Monade cft un Miroir de P Univers : car chaque Mo- nade étant eu rapport avec fes voifines , celles- ci avec d'autres , ces dernières avec d'autres encore , &c. &c. j il s'enfuit que l'Intelligence qui connoitroit à fond tous les rapports d'une feule Monade , en déduiroit par une férié né- céifaire la Théorie de l'Univers. Il fuit encore de cet enchaînement univer- fel qu'il n'y a point de Vuide. Tout ei\ plein parce que tout eft lié, \ Mais ces mots de Vuide & de Flein n'ont DU LEIBVITIAI^ISME, 7/ pas ici le même fens que chez les Ncwtoniens & les Cartéfieiis. Des Etres fîmples n ont au- cufi rapport avec le Vuide & le Plein. Ce fc- ro t donc très -mal à propos que l'on tourne* rott ici contre !e Leibnitianifme les argumens NeWtoniens en faveur du Vuide. Le Plein leib- nitien eft , en quelque forte , métapbyfique. Il peut s'exprimer par cette propofition,* qu*il n^efi aucun point afjlgnable dans /' Univers où il n^y ait pai une aBion & une réa&ion. Je m'exprime en d'autres termes : un Monde plein d'Ames feroit- il plein ? L'habirude que nous avons de peindre tout eft un obftacle k bien faifir ceci: Mde. du Chatel^et ne me pa- roît pas l'avoir alfez bien compris ou l'avoir rendu comme il demandoit à l'être. (2) Nous manquons de moyens pour apperce- voir les Etres fimples. Nous n'appercevons que les Agréi^ats qui réfultent de leur union. ( 2 ) hijlitutions Phyficiues i Chap. Vît, VIII. Cet excel- lent OiUTage eft , je crois, le premier qui ait été' publié e» France pour donner aux François une idée du Leibnitianifme Il eft écrit avec goût , & la profondeur n'y nuit point à la. flarté. J'ai .profite avec rcconnoiflance des ch«fes très-inftruc- tives qu'il renferme fur la Philofophie de Leibnitz ou (fç fou Difciple le célèbre wolf. E4 72 VUE Nous n'avons donc que des perceptionsf ronfiifes de rE'tendvie matérielle. Cefl: ainfi, à peu près , que dans une couleur verte nous aie démêlons pas le jaune & le bleu qui entrent dans fa compofition , & c'efl: précirément de cette conFuflorL même que nait la perception du yerd. Il en va de même de l'E'tendue i parce que nous ne pouvons démêler les Etres fimples qui îa compofent , nous n'en Jippercevons que Fef- fet total , & la perception de cet effet total , qui eft très- claire, eft ce que nous nommons lE^tendîie matiriella. Ainsi , toutes les Aâivités particulières d'une E'tendue quelconque concourent dans cette E'tendue à produire un effet général , & cet effet eft le leul objet de notre perception. L'eTEKDUE matérielle n'eft donc , à notre pgard 5 qu'une Cmpie apparence , un phéno- mène, La réalité n'eft que dans les Etres fimples, dont l'adion ou plutôt les adions confpirantes, PïQduifent le phénomène. DU L EIENITljÊFISME, ii Si donc notre inaniere d'appercevoir venoit àdianger^ fi nous venions à démêler les Etres fimples, nous perdrions aullî - tôt la percep- tion de leur effet total , & par conféquent celle de l'E'tendue. Nous appercevrions les E'iémens de TE'tendue & point du tout rE'tcndue. Le degré de confufion ou de diftinclioiî dans les perceptions des différens Ordres d'In- telligences fuffit donc pour varier à leurs yeux le fpecftacîe de l'Univers. Il peut donc exifter 4Îes Intelligences pour lefquelles il n'y a point d'E'tendue. Elles font, fans doute, amplement dédommagées de cette privation par les connoif- lances que leur procurent les perceptions 11 prodigieufement multipliées & varices des Etres (impies & de leurs rapports divers. Puis donc que l'E'tendue matérielle n'eft qu'un pur phénomène relatif à notre manière d'appcrcevoir , il eft bien clair que tout ce que nous nommons Subjlance n'eft non plus qu'un pur phénomène ; car tout ce que nous défignons par ce terme générique n'eft qu'un Agrégat d'Etres fimples. Les Touts particuliers ou concrets ne fau- xoient être de véritables Subftances. Ils n'ont 74 VUE point d'exiflencc propre ; ils n'exiflent qu'en vertu des Etres fimples de la réuniou defquel» ils réfulteiit. Ceci étoit facile à découvrir fans le fecours du Leibnitianirme : il ne falloit que méditer un peu fur la nature des Corps particuliers que nous gratiêons du titre de Subjiance. Il eft de la plus grande évidence que chaque Corps par- ticulier n'ett qu'un aflemb'age de Parties ; cel- les-ci ne font elles-mêmes qu'un alfemblage de Particules, celles-ci de Particules plus pe- tites encore. En pouifant cette décompofition jufqu'à fon dernier terme , on feroit arrivé aux Monades j mais on s'étoit arrçté aux Atomes. Ainsi , comme une Montre n'eft pas une Subftance , aucun Corps particulier n'eft une Subftance. Le Corps en général n'étant que l'idée abftraite des Corps particuliers , n'eft pas plus une Subftance. Ce ne font donc que des phénomènes fuhf- tantifiés que nous appercevons ; les véritables Subftances nous demeurent voilées. Les Corps ne nous font connus que p-ar nu LÉIB-NITI^ NISME, ^i leurs Qualités fenfibles. Nous diftinguons ces Qualités en eifentielies & accidentelles, Nous nommons ejjentieîles toutes les Qua- lités à la colledion defqueiles la notion du Sujet eft attachée. L'E'tendue, la Solidité, la Force d'inertifi font ainfî des Qiialités eflentielles à la Matière. Nous ne pouvons la concevoir fans elles; mais nous pouvons par abftradion les conddérer Séparément. Nous nommons accidentelles toutes les Qua- lités qui peuvent être ou n'être pas dans le Sujet fans que fa nature change. Nous entendons par la îiamre d'un Sujet fon Ejjenœ ou ce qui fait qu'il eft ce qu'il efi, La Figure, le Mouvement, îa Dureté; la Couleur , &c. font des Qualités accidentelles de la Matière. Les Qualités cfîentielîcs fe nomment des Attributs j les accidentelles des Modes ou ma- nieres d'être. V<^ V' V E Cest dans les Compofés que nous obfer- vons des Attributs & des Modes. Les Compo- fés ne font rien par eux - mêmes. Tout ce qu'ils font , toutes les apparences fous lefquel- les ils fe montrent à nous dépendent des Etres fimples ou des Monades dont ils ne font que les Agrégats. La raifon des Attributs & des Modes des Compofés eft donc originairement dans les Mo- nades. Mais , les Attributs & les Modes ne font an fond que des effets que les Compofés exercent fur nous ou les uns fur les autres & les uns par les autres. Il y a donc dans les Corps des Caufes fe- cretes en vertu defquelles its produifent en nous les perceptions de l'E'tendue, de la So« lidité , de la Figure, du Mouvement. &c. &c. Et comme tout ce qui eft dans les Compofés dérive primitivement des Êtres fimples , c'eft dans les Etres fimples qu'il faut chercher les Çaufes fecrctes des effets des Compofés. , QiJi dit une Caufe dit un pouvoir d'agir D V LEIBT^ITIANISMK 77 en de produire certains effets. C'eft ce que nous exprimons encore par les ternies un peu vagues de Force ou d'A&ivité. LeibniTZ définit la Force , le Principe qui a en foi la laifoii fuf- fifante de l'adualité de l'adion. Les Monades font donc douées de force ou d'adivité* Mais , les Attributs ne dérivent pas les uns des autres : ils ne font pas eau Tes les uns des autres. L'E'tendue n'eft pas caufe de la Soli- dité ; celle-ci de la Force d'mertie ; cette der- nière ne l'efl: pas non plus de la Force mo- trice , puifqu'elle lui léfifte. Il faut donc qu'il y ait dans les Monades différentes Forces qui corrcfpondent aux diffé- rentes perceptions que nous avons des Attri- buts. Il y a donc dans les Monades des Forces repréfentatrices de TE'tendue matérielle , du Mouvement , de la Réfiftance. Entenoez par ce terme de repréfentatrices la capacité de produire tous les efîets que no- tre manière de concevoir a attachés à l'E'ten- due , à la Force motrice , à la Force d'inertie* 7 s VUE Les Modes dérivent des Attributs. La Figure dérive de l'E'tendue j le Mouvement de la Force motrice, &c. Les Forces primitives des Monades éprou- vent donc des modifications qui correfpondenC aux perceptions que nous avons des Modes de la Matière. Les Monades font donc eflentiellement adi- ves ou ce qui revient au même , elles font dans une adion perpétuelle : & il faut bien que cela foit , puiique la Matière ne celTe point ■de fe montrer à nous fous les mêmes Attri- buts, & que ces Attributs ne font que les effets de Tadivité des Etr&s fimpîes qui fo4it les vrais E'iémens de la Matière. C'est dans cet Efprit que Leibnitz difoit j • que les véritahles Siibjumces étaient néceffaire- -^.eiit a&ives. Elles le font en effet , puifque ce qu'elles nous paroiilent étire réfulte de leur Adivité & de fes Modifications diverfes. Si quelqu'un avoit de la peine à concevoir ^ cette adion perpétuelle des Monades , je lui ferois remarquer i que les * Corps qui tombent fous no« Ssi'us ont toute;» kurs Parties i-ntégraa- DV LE IB N 1 T jANi SM £, 79 tes dans un mouvement perpétuel , mais in- fe-nûble. Ceci ett déjà bien évident des Corps organifés. Ils nai/Tent ., ic nourrilfent, croiOTentj engendrent , dépériilenc : combien toutes ces adions vitales fuppofent - eiles de mouvemens inteftins dans les pais petites Parties de ces Corps ! Il cft exadl de dire , que leur état n'eft pas le même deux inftans , 8c qu'il n'y a pas dans toute la durée de leur vie deux inttans qui fe reflemblent. Il eft ailé de prouver qu'il en eft de même des Corps bruts. Ils font continuellement fou- rnis à l'adlion de la Pefanteur , à celle du Feu , de l'Air, de l'Eau & de quantité d'autres Ma- tières plus ou moins iubtiles. Leurs Parties in- fenfibles participent à to^ites ces petites impul- sons. La chaleur feule dont le degré varie à chaque inftant tient tous les Corps dans un état d'ofcillation perpétuelle. L'Activité des Monades eft le principe de tous ces nwuvemens 5 & les eifets qui tombent fous nos Sens iont les derniers réfultats de cette Adivité, Mais , il n'y a point d'adion fans réadiou. Si les Monades étoient jfoléesi , leur Adivité" ni %9 VUE pouiroit fe déployer,* car il faut à une Force un Sujet auquel elle s'applique. Les Monades font donc liées les unes aux autres , & elles agiifent & réagiiient réciproque- Hienc les unes fur les autres. Les Agrégats qu'elles forment par leur union exercent pareillement les uns fur les autres une adion & une réaction réciproques. De la combinaifon de ces adions des Forées primitives réfultent les Forces dérivatives. Les Leibnitiens entendent donc par les For- ces primitives celles qui font elfentielles à cha- que Monade conlidérée en elle - même. Ii.s entendent par les Forces dérivatives , celles qui réfultent de l'adion combinée de différentes Monades ou de différent Agrégats. Les Forces dérivatives donnent nailfance aux Loix du Mouvement. En vertu de la Force motrice primitive in- hérente à chaque Monade elle a une tendance à cliangei: de lieu. Toutes les Monades d'un Agrégat D V LEIBTTITIÂNISME. ^i Agrégat quelconque ayant la même tendance, le choc en détermine TefFet. La Force d'inertie primitive eft la raifori fbffiiante de la quantité du Mouvement , comt me elle l'efl: de fa communication Se de la perfévérance du Corps dans le même éta§ foit de mouvement foit de repos. Sans cette Force d'inertie il ny auroit; point de raifon fuffifante pourquoi un rayon de Lumière ne déplaceroit pas le Globe de 1^ Terre. Mais, chaque Monade ayant fa Forc^ d'inertie primitive , PLiercie totale d'un Agré^ gat eu. la ibmme de toutes les Lierties par-i ticulieres des Monades qui le compofent. Ainsi , le Mouvement fe communique & fà confirve dans un rapport dired aux Forces adives & aux Forces pallîves des divers Agré^ gacs. I La Force pajjlve eft ici la Force d'inertie, ' Ce mot piijive ne doit pas ètie pri. au fens ! étroit , puilque la réfiftance eft une véritabiç ^îdlion. Les Forces adives & les Forces pafljvff T9WC XVIIL F f3 r ¥ M font aînfi les Principes premiers de tous l€« effets que nous obfervons dans la Nature. La Force adive d'un Agrégat ou d'un Corps cft donc le réfultat de toutes les Forces par- ticulières des E lém*-ns qui le compofent. Sa Force paiTive eft le réfultat de toutes les réCf- tances particulières des E'iémens. Mais, parce que nous ne pouvons pas dé- inè'er toutes ces i\d:ivitcs 8c ces Réfittances particulières , le Mouvement & la Réijftance ne font pour nous , comme TE tendue , que des phénomènes ou des apparences. L- Zvlou- vement nous paroîc une Force ajoutée au Corps. Nous nous repréfentons le Mouvement comme une Subllance , dont les Modes , iont la vitelîe & la diredion. Cette manière de voir Se de concevoir eft relative à la limitation ou à l'imperfcdion de nos Facultés. Si nous pouvions atteindre jufqu'aux E'îémens des Compofés j fi nous avions des notjions diftindes des déterminations inter- nes ou de PAdivité de chaque E'iément ou Monade , nous verrions diftmdement comment le Mouvement s'engendre de toutes les Adi- yités particuiieres. Nous ne Fimagiiiedons plus nULEIBNJTIAl^ISMB. g^ comme un Etre diftind: , ndus le verrions dans les Monades mêmes ou plutôt nous ne ver- rions que les Monades produifant tel ou tel effet par telle ou telle raodîfijation de leur Adivité. Nous ne diftinguerions point cette Adivité de la Monade où elle réfide : ces deux choies s'identifieroient. ( 3 ) L'Activité eft donc une réalité de la Mo- nade, puifqu'elle conftitue fon EiTence. L'E'- tendue n'eft done point une réalité, puifque la Monade eft abfolument fimple. Mais , les Mo- nades exiftenc à part les urtes des autres; leur Agrégat doit donc nous paroitre de l'E'tendue. Dans chaque point de cette E'tendue , il y a une adion , & l'adion d'une Monade n'eft pas celle d'une autre Monade. Nous ne démêlons pas toutes ces adions i elles doivent donc fa confondre dans notre Ame fous l'image d'une certaine E'tendue. Si nous analyfons ce que nous entendons ( 3 ) Je pî*ie qu'on fe fouvîenne de ce qne j'ai j'ai cïit plus haut dans une courte Note^ que je ne traitois pas ici du Leihnitianifme , pris dans toute fa rigueur : car dans la rigueur métaphyfique du Syftemc Lcibnitien , il n'y a ponifc du tout de Mouvement ou de tranfport d'un lieu dans un I ai?tre ; puifque des Etre fimpleç n'ont point de rapport au i If eu. F 3 S4 VUE par le mot cle Force ou d'a&ivîté , nous re- coiinoîtrons bientôt que tout (e réduit pour nous à la fimplc capacité de produire un cer- tain effet. Nous ignorons profondément ce qu'une Force eft en elle-même 5 nous ne la connoiirons que par fes effets , & ces effets nous ne les connoiffons encore que très-im- parfaitement. Un Corps en choque un autre qui eft en repos: que voyons nous? le Corps choqué change de Heu -, il s'applique à diffé- rens points d'un efpace que nous imaginons $ nous mefurons fa vitelfe j nous jugeons de fa diredion j &c. mais tout cela n'eft encore , encore une fois , qu'une colledion d'effets , & la Force qui les produit nous échappe entiè- rement. Notre propre Force , cette Force que nous exerçons à chaque inftant nous eft auifi profondément inconnue que toute autre Force. Les Compofés périifent précifément parce qu'ils font compofés. Ils fe décompofent ou ils font décompofés. Les Monades ou les Etres fimples ne pé- riffent point , précifément parce qu'ils font fimples. Ils ne peuvent fe réfoudre en d'autres Etres. (4) ( 4 ) LeibnitZ difoit , quUl n'y a foint de diJfoUttîon à DULEIB1^ITIA}7ISME, 8t Les Corapofés font plus ou moins compo- fés. Le Microfcope nous montre ici une pro- greffion qui épuife notre admiration. P!us la compofition augmente, plus la décompofition devient facile : une plus grande compofition foumet le Compofé à Tadion d'un plus grand nombre de Gaules décompofantes. Les Corps qui tombent fous nos Sens font compofés de Corps plus petits 5 ceux -ci, de Corpufcules -, ces Corpufcules , de Corpufcu- les plus petits j ceux-ci, de Corpufcules plus petits encore , & ainfi , dans une pro- craindre pour les ATonades j parce qu'on ne peut concevoir au-, cune manière dont une Subfiance Jhnple peut naturellement finir. Il ajoiitoit j que les Monades ne peuvent ni commencer ni finir f[ue dans un infiant j c'efi-à-dire , qu'une Monade ne peut com-m mencer que pc& la création 'ni finir que par r annihilation. Ij difoit encore ,• qu'une Monade ne peut être altérée ou changée dans fon intérieur jpuif qu'on ne peut couceiwir en elle ni tranj\ fqfition ni aucun mou-vement intérieur. Il fe fervoit à ce fujet d'une expreffion fort finguliere j les Monades y difoit il Jt'mf point de fenêtres par ou quelque chofie puijfe entrer ou fortir* Je tire ce Paiïhge de rÉcrit intitulé: Frincipia Fhilofophi^ f feu Thefes in gratiam Frincipis EÛ&ENII \ IV, VI , VII. C'eft fur-tout dans c-e petit E'crit qu'il faut chercher la véri- table manière de penfcr de Leibnitz fur les divers Sujetit de Métaphyfique & de Cofmologie dont il s'étoit occupé : il le compofa deux années avant fa mort j c'eft-à-dire en 1714, & on peut le regarder , en quelque lorte, comme fon Tef-. taiTient philofophique. Le grand Prince pour lequel il Tavoit jçompofé U rend plus intereffant encore. %é ^, V'XI E greffion dont l'imperfedion de notre ^ue ^ de nos Inftrumens ne nous permet pas d'ai^ figner le dernier terme. La Métapliyfique feule nous montre qu'iî cft ici un dernier terme , & que ce terme eft dans l'Etre fimple. La divifibilité de la iMatiere à l'infini eft donc une vérité géométrique & une erreur phyfique 5 car tous nos raifonnemens fur l'Infini géométri- que ne repofent que fur l'E'tendue abftraite. L'E- tendue concrète cft néceiHiirement déterminée. Les Corptifculcs qui compofent les Corps peuvent fe divifer en primitifs & en dérivés. Les Corpufcuies primitifs font formés d'Etres iîmples. Les Corpufcuies dérivés font formés de Cor- pufcuies primitifs. Les Corpufcuies dérivé s ^^quvqiM fe divifer en divers Ordres, Les Corpufcuies formes d® Corpufcuies primitifs font des Corpufcuies dé- rivés qu'on nomme du preraitr Ordre. Les Corpufcuies formés de ceux-ci foiit des Cor- WV LEIBniTlANiSME, §7 pufcules t-lu fécond Ordre y les Corpufcules du i fécond Ordre coaipofent les Corpufcules du troifmne Ordre ^ &c. &c. Tous les Compofés peuvent donc fe réfou- dre enfin dans leurs premiers E'iémens , ok ces E'iémens font les Etres (impie- , au-delà defl quels la réfolution ne peut aller. Ainsi, les QjLialités fenfibles des Compofés de tous les Ordres ont pour raifon primitive les déterminations internes des Etres fîmples. La Firctptîhilité 2l de la convenance avec la fimplicité : & s'il y a plus de B-^auté €Ù il y plus de Pcrfedlion , & plus de Perfec- tion où il y a p'us de Facultés réunies , les Monades feront encore douées de perceptions, & ces perceptions les différencieront les une« des autres. (5) *( Ç ) Je ^oh le faire remarquer. Ce n'etoit pas fimple- jnent fur la convenance que l'on conçoit entre la Perceptif bilité & la fimplicité que Leibn-tz fe fondoit pour attri- buer des perceptions à fes Monades. Ce point eft un des plus «iifficiles ou des plus abftraits de fa Doélrinc. Il faut d'abord l'écouter lui-même : j'effaycrai enfuite de l'expliquer en cx- j>ofant brièvement la manière dont je conçois fa penfe'e. 55 Les Monades , dit-il , font fujettes au changement , -S: 55 même le changement dans chacune d'entr'elles eit coa- » tinuel. „ F4 '88 VUE Les perceptions de chaque Monade feront tçlatives à la place que cette Monade occu- pera dans le Syftème général. ** Les chaiigemens naturels des Monades partent d'un Prîn- j) cipe interne i puifqu'aucune Caufe extérieure ne peut in- ^> fluer dans leur intérieur, „ " La Force n'eft autre chofe que le principe des change-» %i hiens» I>rincipes Fhilof. X, XI. „ 11 n'y a pas ici de difficulté à faifir la penfée du Méta- |)hyficien. Qn comprend facilement que les Etres naturels Changent fans cefTe. Suivant l'Auteur le Principe de ces chan- genienseft dans les Monades dont l'état varie continuellement. Mais comme les Monades ne peuvent rien recevoir du de^ nors, ce n'eft pas du dehors que viennent les changemens con- liiuiels qu'elles éprouvent. La Cnufe ou le principe de ces thangemens eft dans la Force ou VAciivité dont elles font douées & qui fe déploie fuivaiife certaines Loix. " 11 faut auflî , continue l'Auteur , qu'outre le principe des jj changemens , il y ait quelque Schéma Aq ce qui eft changé, », qui faffe , pour ainfi dire , la fpéçification & la variété ij des Subftances fimples. „ " Cette efpece de Schéma doit envelopper la multitude dans j^} l'unité ou dans le fimple : car dans tout changement na- sj turel , puifqu'il arrive par degré , quelque ehofe eft changé 5, & quelque chofe refte : donc il faut rceonnoître dans m\ë ^j Subftance limple une certaine pluralité d'affeélions & de ^5 srelations , quoique cette Subftance mnnque de Parties. „ ** Cet état pafl'ager qui enveloppe & repréfente la multitude \^ dans Punité ou la Subitance fimple , n'eft autre chofe que '%i te que nous appelions perceptions. „ Ç'eft ici qu'on a le plus de peine à fe faire une idée un JïélTi nettç de la finguliere Dod3,-ine du profond Métaphyficien. yo.îct ôoîiiment je conqois la chofe. La Monade éprouve des ^|i:2s,«gem§îia çontii\ij,eis & fuccefiifs : voilà ce ^ue l'Auteur DU LEIBVÎTIAVISME. g^ Et comme tout eft lié ou harmonique dans ce Syftème , il y aura dans chaque Monade nomme laimdtituàe dam V unité. Mais ces changcmem& cette fuite particulière de cliaiigemens ne fe trouvent que dr.ns cette Monade : chaque Monade a les changemens propres & fa férié déterminée de ckangemens qui la différencie de toute autre Monade ic'eft ce que l'Auteur exprime par les termes de TjE'ecf- f cation des Stihfianees Jimples. Il y a donc dans chaque Monade une pluralité d'états qui ont des relations les uns avec les au- tres & qui caraftérifent la Monade comme Etre individuel; car puifqu'elle eft parfaitement fimple , elle ne peut être caradérifée ou différenciée à la manière d'un Compofé, Puis donc qu'il y a ici pluralité dans l'unité , il faut qu'il y ait quelque chofe dn.ns la Monade qui reprcfente cette pluralité ou qui en foit comme une efpece de Tableau ou de S'ebema , comme parle l'Auteur: or, on conqoit que cette forte de re- pr^fentation de la pluralité dans l'unité ne peut fe trouver que dans la Perceptibilité ou dans la Capacité d'avoir des perceptions 5 puilque la Monade , en qualité d'Etre abfolument fimple n'eft fufceptible que de cette feule forte de repréfentation. La Monade paffe donc d'une perteptioa à une autre percep- tion i & toutes ces perceptions plus ou moins cojifufes ne font jamais accompagnées dan.^ la Monade d'appcrcrftion ou de co7ifcience qui ne convient -qu'aux Ames capables de ré- ilexion. Suivons encore notre Auteur: " nous devons, dit-il, foi- 5, gtieufement diftinguor la perception dans les IMonaùc.-; de 5, l'apperception ou de la confcienee L'a<.T;Ion du principe 5, interne en conféquence de laquelle arrive le changement ou 5, le paffage d'une perception à une autre , peut être appellée „ appétit. „, XIV , XV. On voit bien que cet appétit n'eft au fond qu'une forte de tendance de la Monade àpaffer d'une perception à une autre & cette tendance a fon foademeat dans le rapport qui lie les deux perceptions. 5» VUE une repréfentation idéale de toutes les réalites de l'Univers. Cette Métap^fique tranfcendante devien- dra un peu plus intelligible , Ci Ton fait at- tention , qu'en vertu du principe de la raifoa fuffifante tout eft réceflairement lié dans TU- lîivcrs. Toutes les adions des Etres fimples font harmoniques ou fubordonnées les unes ftux autres. L'exercioe aduel de PAdivité d'une Monade donnée , eft déterminé par l'exercice adue de PAdivité des Monades auxquelles elle correfpond immédiatement. L'Adivit^ des Mo.. nades correfpondantes eft déterminée pat celle Telle c-fi; en général la manière dont Leibnstz avoit été conduit à acco-rder la perception à fes Monades : précifément parce qu'il les coneevoit comme des Etres parfaiterrient fnn- ples , il ne lui paroi îToit pas " qu'elles puffent renfermer autre 5, chofe que des perceptions & des changemens de perceptions- 3, & c'ell en celafeul, concluoit-il qi/e doivent confifter tou- 55 tes les aftions intérieures des Subftances ïimples. „I1 .don- iioit le nom de Monades du éC Entéléchies aux Subftances fim- ples bornées aux feules perceptions , & il réfervoit celui A' Ame aux Subftances fimples douées de perception & de confcience' XIX. Mais parce que Leienitz ne concevoit pas qu'il pût y avoir autre chofe dans des Etres fimples que des perceptions^ s'enfuit - il que de tels Etres ne puiffent polTeder des pro- priétés très-différentes des perceptions ? la manière de raifon- ner de notre Phiîofophe ttoit- elle ici d'une L©gique aiTez cxaiSfc: ? JDV LE I B NI TIA N 1821 F. 91' ^es Monades avec lefquelles ej^es correrpondent immédiatement. Cette correfoondance continue d'un point quelconque de l'Univers jufques à fcs extrémités. Repréfentez-vous les ondes cir- culaires & ccmcentriques qu'une pierre excite dans une eau dormante: elles vont toujours en s'éiargiiTant Se en s'aifoibliiTant. Voila une image grofliere des Harmonies méchaniques de l'Uinvers. En vertu du prin* cipe des Indifcernablcs , (6) il doit y avoir dans chaque Monade une repréfentation idéale de cette méchaniquc. . Les ondes qui vont en s'élargiirant & en s'aiFoibliifant de plus en plus font repréfcntées dans la Monade par des per- ceptions de plus en plus lonfnfes : car il faut qu'à des aiouvemens plus foibles^ r.ep\^.\jdent des perceptions plus foibles. .;•■: -. Mais, l'état ac1:uel d'une Monade efl; ncccf- ( 6 ) On fait que Leibnitz foutenoit qu'il n'y -voit" fXs dans la Nature deux Etres précifement femblables, Se c'eft ce qu'il nommoit le principe des indifceniahles. Il le de'- duifoit du principe plus général de la raifon fujjifunte ■■, car s'il avoit exifté deux Etres préciiement femblables , il n'y au- roit eu aucune raifon fuffifantc pourquoi Dieu auroit placé l'un de ces 'très dans un certain lien plutôt que l'autre^ puifqu'il faut toujours des motifs pour déterminer le chaix i]e la Volonté & qu'il, n'eit point ds Libtrté d'indiffexcuct. . <>2 r u B fairement déterminé par fon état antécédent j celui-ci par un état qui a précédé & ainfj en remontant jurqu'à l'inftant de la Création. Or , comme cette fuite d'états divers d'une Mo- nade donnée eft en rapport aux Monades qui Pavoifinent immédiatement, il s'enluit qu'il y a dans chaque Monade une fuite ordonnée de perceptions correfpondantes à la fuite des mou* vemens de l'Univers, C'est proprement dans ce fens que Leib- KITZ diioit ,• que chaque Monade étoit un Miroir ou une repréfentation de l'Univers entier. (7) C 7 ] Il convient que je tranfcrîve ici les propres termet de Leibnitz. " Cette adaptation de toutes les Créatures à 35 chacune d'entr' elles, & de chacune d'entr'elles à toutes les 3, autres , fait que chaque Subilance fimple a des rapports qui 5j expriment toutes les autres , & devient par conféquent uu 53 Miroir vivant & perpétuel de l'Univers. „ *' Or, comme la même Ville apperçue de difFérens lieux ,5 ne paroit pas la même, & fe multiplie, pour «infi dire , 5, avec les difFérens points de vue, il arrive uulîi qu'à caufe- 5, de la multitude infinie des Subftançes fimples , il exifte en jj quelque manière autant d'Univers diiFérens , qui ne font pour- 5. tant que des repréfeatations fcénographiques du même 33 Univers fuivant les différens points 4e vue de chaque Mo- 5, nade. „ " C'elt auili le moyen d'obtenir autant de variété qu'il eft ^, poiîibie , mais avec le plus grand ordre poUible , e'eft'à-dire-» t> U L EIBT^ITIAy ISM F. 95 Ainsi, le pafle, le préfent & le futur n^ forment dans la même Monade qu'une feule chaîne. Notre Philofophe difoit ingénieufe- ment 5 que le p'éfmt ejl toujours gros de Pa^ venir. Il difoit encore; que PÈteriçel Géomè- tre réfolvoit fans ceife ce Problèmes Vétaù d'une Monade étant donné ^ en déterminer l'état fajje , préfent, ^ futur de tout /' Univers, ExPLiQUcZ par les principes que je viens d'fcfquillèr ce Paffage de la Théodicée §. 403. 5, le moyen d'obtenir la plus grande fomme poffibîe de per- ^ feaion. „ Thefes ingrat. EuGENll , LVIII, LIX , LX. Qiiand on connoit un peu les terribles objeâiions qu'on a élevées contre toute la Dodrine monadologique de LeibnitZ, combien eft-on étonné de ce qu'il ajoute immédiatement après? •' cette hypothefe , que j'ofe dire démontrée, eft la feule 55 qui donne une alFez haute idée de la Grandeur de Dieu. „ LXI. „ Comment un fi excellent Philofophe a-t-il pu donner pour démontrée une Hypothefe dont les fondemens ne repofent que fur l'ignorance profonde oii nous fommesde la véritable nature de l'E'tendue matérielle ? J'ofe le dire à mon tour j Leibnitz ne favoit pas douter affezj & l'en- chainement qu'il favoit mettre dans fes profondes médita- tions lui perfuadoit trop qu'elles l'avoicnt conduit au vrai Syftéme ,du Monde. Il énonqoit fes proportions monadologi- ques du même ton dent on énonceroit les vérités les mieux prouvées ou des propofitions de Géométrie. 94. V V R 53 L'Opération des Automates fpii*ituel:g , „ c\e(lrà-dire des Ames , n'eft point méchani- 5^ que y mais elle contient éminemment C5 53 qu'il y a de beau dans la Méchanique : les 33 mouvemcns développés dans les Corps y 53 étant concentrés par la repréTentation , com- 33 me dans un Monde idéal , qu? exprime \qz 33 Loix du Monde aduel & leurs Suites , avec 55 cette différence du :>ionde idéal parfait qui 33 ell en Dieu , que la plupart des perceptions 33 dans les autres ne font que confufes. Car 33 il faut favoir que toute Subftance fimple en- 33 vcloppe l'Univers par fcs perceptions con- 53 fufes ou l'entimens , & que la fuite de ces 53 perceptions eft réglée par la nature parti- 35 culiere de cette Subltance j mais d'une ma- 33 niere qui exprime toujours toute la Nature 35 univerfelle : & toute perception préfente 33 tend à une perception nouvelle , comme 5, tout mouvement qu'elle repréfente tend à 5, un autre mouvement. Mais il eft impof- 55 fible que l'Ame puiffe connoître diftinc- 33 tcment toute fa Nature & s'appercevoir 33 comment ce nombre innombrable de peti- 53 tes perceptions entalTées ou plutôt ooncen- 55 trées enfemble , s'y forme : il faudroit pour „ cela qu'elle connût parfaitemeuc tout TU* BU LEIBNITIANISAÎE. 55 55 nivers qui y cfl: enveloppé , c'eft-à-dire\ j» qu'elle fûc un Dieu. „ Il réfulte donc des idées de notre fublime Métaphyficien , que comme les mouvemens raiirent les uns des autres dans le Syftème phyfique-, les perceptions naiffent les unes des autres dans le Syftème intelleduel. Ces deux Sjftêmes correfpondent exadement l'un à l'au- tre, & cette correfpondance conftitue THarnionie univerfelle qui fait de l'Univers entier un feul Trut,une Machine unk][ue. Et comme dans une Machine parf;iîte , toutes les Pièces font nécciraires , parce qu'elles concourent toutes à un but commun par les rapports fnutueîs qu'elles Ibutiennent entr'eiles & avec le Tout ; de même aullî dans la grande Machine de lUnivcis , il ny a pas une feule Monade qui ne foit nécciraire & qui ne conf- pire au but général par les rapports qu'elle fouticnt avec les Monades environnantes & par elles avec tout le Syftème. Ainsi , une feule Monade ajoutée ou re- tranchée au Syftème générai eu détruiroic toute l'Harmonie. ï^ F ïï E L'HARMONIE PRÉÉTABLIE. JT A R c E que Leibnitz ne concevoit point de rapport naturel entre la Subftance maté- rielle & la Subftance immatérielle , & que les Caufes Qccafionelîes lui paroiflbient iuppofer des Miracles continuels j il imagina fa fameufe Harmonie préétablie , qui auroit fuffi feule à immortalifer fon Nom. Dans cette finguliere Hypothcfe il n'y a point proprement de commerce réciproque entre l'Ame & le Corps , parce qu'il n'y a point d'adion réciproque des deux Subftances Tune fur Tautre. Afin donc de fatisfaire philofophiquement aux Phénomènes de V Union , notre profond Métaphyficien fuppofoit que toutes les per- ceptions & toutes les volitions de l'Ame nait fent de fon propre fond , & qu'elles font engendrées les unes par les autres , comme par une forte de génération naturelle. L'Ame eft ainfi , feloii lui , une efpecc d'AntomaU D TJ L E I B NI TI d NISM E, '^'^ à" Automate ffiriUtd y qui exécute p;rr lui-mèias & itiilépendammenc de tout Ac,'ent extérieur, toute la faite des opcrations qui doivent coni- tituec Kl Vie reuluive , iiiteUecluelie & morale de riiiJividu. Le Corps art: un autre A;itomate propre- ment dit , dont tous les mou ve mens ont éts' calculés parle su.?REME i^KT.iSTE,de manier© qtfils correrpondent exactement à toutes les perceptions & à toutes les vôlitions de l'Ame* Les deux Automates font donc dans Uflé harmonie parfaite Tua avec faufe j & tout ce qui fe paiTe dans fun ell: repré.fenté aysG la plus grande précifion par ce qui fe paiTe dans l'autre. Ce lont, fi l'on veut, deux Hor^ loges montées Pu ne fur Fautre , & qui ïn^ diqucnt la même heure chacune à ïà manière. On voit par ce léger crayon de l'Harmonis préétablie , que quoique les deux Automates exif- taîTent féparéraent l'un de Fautre , il n-e fur^ viendroit aucun changement ni dans Fun ni dans Fautre. Tout s'y paiTeroit de la mènié manière & dans ïe même ordre que daus Isi fuppoGti'on de leur Uiiion, Tome X VilL Ç ^% . V ^' B ■■ Cette ingénicufe Hypothefe eft fujette â- de très-grandes objections : il eu etl même qui me paroiirent prouver la fauiTeté de cette forte d'Harmonie ou du moins la rendre très-im- probable. Bayle en a élevé quelques-unes dans fou Didlionnairc , Art. Rorarïusj mais je me fuis étonné de leur foibleiTe *. je ne fais îlième Ç\ ce fameux & fubtil Dialedicien avoit bien faifi rHj^pcthefe qu'il combattoit k les pri;icipcs lur lefqucis elle rcpofijit. Qiîoiqu'il en foi: j mon plan ne me conduit point à faira un examen critique de œtte opinion de Leib- î^iTZ : je n'ai voulu qu'en tracer FErquiiTe. Je trouve dans la Théodicée un Paffiige fort remarquable , que je placerai ici d'autant plus volontiers qu'il eft un de ceux ci^ l'Auteur a le plus développé fa peu fée fur les Monades & fur l'Harmonie préétablie. " On peut, dit-il, donner un fens véritable ^ rp£ qui l'envirunnent. ,> G » loo VUE 53 Et la même chofe fe doit entendre cîè tout ce que Ton conçoit des adions des Siihflanc'es fimples les unes fur les autres. Cell que ckacune eft eenfée agir fur l'autre à mcfure de fa peiFcdion , quoique ce ne foît qu idéalement & dans les raifons des ChoTcs ; en ce que Dieu a rég'é d'abord une SubiVance fur fautre , fclon la perfedioit ou fimpcrfedion "qu'il y a dans chacune : bien que Padion 8c la palTion foient tou- j urs mutuelles dans les Ctéaturcs , parce qu'une partie des raifons qui fervent à ex- pliquer diilindemcnt ce qui fe fait, 8c qui ont fervi à le faire cxiiier, Cil dans l'une de ces Subnances ; & u:-.e autre partie de 3, CCS raifons eil dans fiiurre , les perfedions 3, (Se les irnpeifedions étant touiours mêlées 5, & partagées. C'eil ce qui nous lait attiibuer j, Vatî'wn à l'une & la jpqj'on à l'autre. „ Ce Pain^j^e prouve clairement que Leib- KîTZ n'adinettoît point proprement d'adioii léciproque entre les Mofiadej. C!!f\Q,UE Monade ne fut que repréfenter par fjs perceptions ce qui réfulteroit de cette ^^tion réciproque lî elle exiitoit en effet. La liaifoii ou l'harmonie que les Monades ©nt entr'eîles eft purement idéale ou raùon- nielle y c'eft-à-dire , qu'elles repréfentent par leurs perceptions di^^erfes tout ce qui naîtroit de leur adlion fi elles agiiToicnt réellement les unes fur les autres & les unes par les autres. Les perceptions confufes de l'Ame repré- fentent ainfi Wi&ivi*'é que nous concevons com- munément dans les Objets & dans les Or- ganes lorfqu'ils font naître des feniiitions dans î'Ame ou plutôt les perceptions confufes de l'Ame expriment l'effet de cette Adivité. Les Objets Se les Organes font un alTem- blage de Monades qui expriment aulli par des perceptions très-con fuies cette forte d'action réciproque que nous concevons enu'eux. G 3 ( ro2 ) CONCLUSION. i^ORsciu'oN réfléchit profondément fur le Syftème des Monades , on ne peut s'em- pêcher d'admirer la hardicife & l'invention qui éclatent de toute part dans ce grand Edifice, 8: qui annoncent fi hautement le puifîlnic Gé- r.ic de rArchitCLl:: ; mais on cil en même tcms forcé de reconnoître que cet étonnant Édincs n'cfl: qu'un Palais enchanté , bâti au milieu des airs , & qui ne fauroit loger que des Syl- phes & des Gnomes. La. Métaphyfique a, comme la Géométrie, des Data ( i ) qui «doivent fcrvir de bafe à nos raifonnemens. Les Propriétés eiTentieîles des Corps font au nombre des Data de la Mctaphyfique , & il eft fort dans refprit d'une faine Logique de n'entreprendre point de remonter au - dj!à de ces vérités phyfiques. l^'Êtendue, rimpénétrabi'ité , la Fores d'inertia font des Faits fondamentaux que Texpéricnce pous attelle , 8z fur iefquels nous pouvons f^ ï ^ Des données.^ C 0 2^ C L U s I 0 N. loj clnver les Théories lès plus certaines : mais il n'eft aucune expérience dont nous puiffions eléiluire la connoiffance de la nature intime de ces Propriétés. Tout ce que nous pouvons inférer légitimement de l'expérience, c'efl: qu'el- les dépendent de Forces fecretes inhérentes à la Matière. Nous, pouvons encore déduire de rkléc que nous acquérons de la force par l'expérience, qu'elle. eft quelque chofe defimple, puifque nous ne faurions en dccomporer l'idée. Un Philofophe (lîge renoncera donc h re- chercher la véritable nature de ces Propriétés qui confti tuent à fcs yeux l'Elfence de la Matière 5 parce qu'il comprendta facilement qu'il n'auroit aucun moyen de parvenir à cette connoiiTancc. î! ne recherchera donc point avec LeîBNïTZ , conunent l'E' tendue matérielle ejl pqjjibU : il ne fe jettera peint, comme lui, dans le pur métaphyliquc pour efTayer de ren- dre rai Ton du pbyfique. Il fe bornera à ad- mettre que rÉtendue matérielle exifte , & ne fe mettra point en peine du comment, il vA- mettra de même rexillcnce de l'Impénétra- bilité o: de la Force d'inertie , & fe contentera d'entrevoir que toutes ces Propriétés font ds fniipics clFeis produits par des Forces lecretes G 4 îë'i' t 0 }^ C L u s I 0 }^, qui ne fe manifcftcnt à lui que par ces feu!» efLts. Il admettra encore rïnfiuence phyfiquc parce airelle lui paroltra eiulfi un f.ut fonda- ïïiental 5 & qu'une logique $éveve ne lui prr- hîcttra point de prononcer fur Hmp^ffililité de cette Infiuenee. li ne regardera donc THar- ènonicy préétablie que corn,me un Roman ingé- génieux dont roriginalité fait le principal nvirice. (2) J'OSEROIS bien prédire que la Monadolo- gie tombera un jour comme la Fhilofophie Scliolaftique , avec laquelle elle a bïen des rap- ports, que rinventeur lui-même vouloit bien ne diihmuler ponit. On fait qu'elle a déjà perdu beaucoup de Paaifans en Allemagne , & glj'eilc n'a guère fait de progrès dans le refte de l'Europe. Il eft très^boii néanmoins que les jeunes Philofophcs s'occupent de cette Mctar phjilque tranfçendante , ne fût-ce que pour accroître les forces de leur Enteiulement & le farniliarifer avec les abftradipns. J'ai du moi- jiîème beaucpup à cette Fhilofophie & je faifis [ ^» ] J^ pîic que Ton conFuUc ici h Note additionnelle fur \x, V^P'^t'^ 46 àe VFjff.i mmlytifue & cdl& fur le para- r. 510. toi^cLUSioir. it>ï avec plaifir cette occadon d'en faire l'aveu public & d'en témoigner ma reconnoifllince. Je -puis même ajouter qfn'il y eut un tems dans ma vie où je gôutois atfez la Dodrine des Monades, malgré lu violence qu'elles faifoient à mes Sens Se à mon Efpnt; mais à mefure que j'ai vieilli & que j'ai approfondi davan- tage cette Dodtriaie , je m'en fuis détaché de plus en plus , parce que j'ai reconnu de plus en plus qu'el'e ne repofe pas fur des fonde- niens folides & qu'elle eft fujette à des cb- jedions infolubles. (3) ( 3 ) Suivant Leibnitz , les Monades font elTentieî- lement ajftives : elles font des Etres Jhnplcs , & l'Aétivité eft la feiile cUofe pofitiye qu'on puiffe concevoir dans de tel* Etres. L'Aftivité des Monades efl une tendance au cliangenient. Ce ehangement eft ce que notre Philofophe nomme une wo^ dalité. Il d it , que la Monade produit par elle-même fes propre^ modidités. Elles naiffent donc de fon propre fond, & déri- vent ainfi les unes des autres par une forte de filiation na- turelle , car la Monade ne recevant rien du dehors , il faut bien que toutes fes modalite's dépendent uniquement de TAc- tivité ou de la Force qui tpnftitue fon Eflence. Mais, la Force ou l'Activité de la Monade eft de fa nature hidêterminée : elle eft fufteptiblc d'une multitude de déter- minations ou de modalités différentes , & ne peut'fe donner par elle-même aucune détermination particulière. Quelle eft donc ici la raifon fiiffifunte de l'exiftence de la premier modcc- lité, de cente modalité qui date de l'inftant de la Création, & dont dérivent originairement tontes les autres modalités? Je pile qu'en n'oublie point , que notre Metaphyricîen n'ad- met aucune forte d'influence des Monades les unes fur les antres ni aucune adion immédiate du Créateur. Je de- mande donc , encore une fois , comment on peut concevoir la produftion de la première modalité "^ On voit bien, que cette objection porte autant contre VJIurmo^ nie préétablie que contre la Monadoîogie '-, puifque dans THypo- thefe de l'Harmonie préétablie, il s'agit auffi de rendre rai- fon de la première perception de l'Ame & du premier mou- vement du Corps , qui correfpoîid , fuivant l'Auteur , à cette première perception. % On a vu (ii-deffus que dans Thypothefe de l'Harm^onie préé- tablie toutes les perceptions de l'Ame naiffent de fon propre fond , & que tous les mouvemens du Corps qui correfpon- dent à ces perceptions , dérivent uniquement de fon organi- fiition ou d'une méchanique fccrete. Les deux Sublbnccs font effentiellement harmoniques , fans exercer ni fans pouvoir exercer aucune aétion réciproque l'une fur l'autre. Dans ce Syftêmc fingulier , toutes les perceptions & tous les mouvemens font fournis aux loix particulières de l'évo- lution des deux »Subftances. Les perceptions font prodrtites les ïfnc;; par les autres , & les mouvemens engendrés les un» par les siitres. Mais ., pour qu'une perception naiHe d'une autre percep- tion , ne fant-il pas qu'il y ait entre les deux perceptions un certain rapport ? Or j quel rapport y a-t-il entre la perception de la couleur ronge & la notion très- abftraite de l'Invini ? Il peut arriver pourtant , que tandis que je médite profondé- ment fur la notion de l'Infini, ujj Corps rouge vienne fubi- tement frapper ma Vue. Comment donc h notion de l'Infini a-t-clle produit dans mon Ame la perception-du rouge ? A cette . perception fuceede encore tout auffi brufquement la perception d'un fon éclatant; à eeile-ci une faveur piquante, &c. &c. Comment concilier tout cela & mille autres faits analogue; av&c riiarmanie préétablie & le grand principe de la nafon fiijîfante J C 0 N C L U s I 0 2^. Ï07 . tJne autre objeftion s'offre à monEfprit: piîifqiie dans T'Hy- pothefe leibiiitienne toutes ks idées de l'Ame naiîTent du fond de fou Etre & qne rien de ce qui eft hors d'elle ne peut agir fnr elle j- il s'enfuit nécefîairement que l'Inventeur de l'Hypothefe n'a dû qu'à fon Ame feule le Savoir profond & l'inimenfe érudition qui ont rendu fon Nom immortel; car ces nsiliicrs de Volumes qu'il avoit lus ou cru lire n'avoient pu être la fource de tant de Connoiiïances. Les Livres n'agiffent fur l'Ame que par les yeux ou les Oreilles , & dans l'Hypo- thefe de l'Inventeur les Yeux & les Oreilles n'ont & ne peu- i^ent avoir aucune forte d'influence fur l'Ame. Le Cerveau ne fait que repréfenterà fn manière ce qnifepafle dans l'Ame & qui lui ell abroîumeat étranger. En vérité , plus on approfondit rîlarmonio préétr.blie de notre Aristote «loderne-, & moins on la juge conforme aux faits ou aux priircipes les plus fondamentaux de la Pfy- chologie expérimentale. On admire toujours le Génie de l'In- vtnteur, & l'on finit par en revenir à V Influence fhyjjque ou aux notions communes. L'Analyfedu Defir&de l'Attention ne fournit pas de moins fortes objeiflions contre l'Harmonie préétablie , comme je l'ai fait fentir aillétirs. Et que n'aurois-je point encore à dire fur la manière de conccvo-ir les Propriétés effentielles des Corps dans la Monadologie ! (Quelle idée fe faire en particulier du Mouvement fuivant cette Dodrrine toute trani'ciîudante? que font CCS prépa-zatiofts ou ces évolutioris de la Force des Mona- des ou des Ames par lefqueiles les Leibnitiens tentent de mon- trer comment le Mouvement ou le tranfport d'un Corps d'un lieu dans un autre n'eft au fond qu'une pure apparence? Et quelle ne ferait point la=sfurprife du Leftpur Philolophe, fi je lui produifois ici les argumens par lerquels Lefsnitz tcn- toit de prouver la poflibilité de la préfence réelle* Mais je crois en avoir dit afîez pour juftifier le jugement qut j'aiofc jgorter de quelqucs-u»'js d;s Oj^inions de ce grand Homme. ^ ( toi ) NOUFELLES CONSIDÉRATIONS SUR LES BORNES NATURELLES DE 2^ Q S CONNOI SS 4NCES, fOUR SERVIR DE SUPPLÉMENT AUX PARTIES XÏI & XIII DE LA FALINGENESIÉ FJULOSOFEIQUE, J'Ai donné dans les Parties XIÎ & XIII Ac la Palingénéfie mes premières méditations fur les bornes naturelles de nos ConnoiiFances. Je reprends aujourd'hui cet important Sujet > & je me propofc uniquement de le conii- dérer dans le rapport aux idées que nous nous formans des Etres fimpks. J'ai ici un but r< DE IsGS C02^If}^0ÏSSJJl CES. 10^ fecret qui tie fe manifeftera â mon Lcdetit que lorfqu'il aura marché quelque tcms avec moi dans cette route philorophique* Ce n'eft pas précifément parce que nois Facultés font très -limitées que nos CorsnoiC fanées fur les Etres fimpks font tl imparfaites : c'ed plutôt par la nature «même de notre Conftitution. Nous fommes des Ëtre,s mixtes : notre Conilitutioîi eft le réfultat de l'Union d'une certaine Ame à un certain Corps. Ceft cz qu'on a voulu exprimer par un feul mot quand on a dit , que l'Homme eft un Etrs mixte» Si donc nous fommes efTentieîJem.ent des Etres mixtes , il faut bien que nos premières idées foient purement fenhbles. Nos Sens font les Inftrumens que l'AuTEUR de notre Etre a cor.iiruirs fur des rapports déterminés aux diiierentes Qiiaîités qu'ils dé- voient nous nianifefter dans les Objets. Les Sens font ainO à l'Ame ce quç U% M;ichines fout au Phyficien, îiô :^ V R LÈS Ë 0 R N É s Notre Ame , perpétuelle^ment unie à ce^ Inft rumens , ne pou voit culinoîtrç les Objets qnc dans ie rapport à la manière dont ils lui en tranTmclteni îes imprcllions diverfes. Les imprefîions des Sens fur l'Ame donnent lieu 'A la géiicration des idées qu'on peut nom^ mer directes , par oppofition aux idées dérivées ou réjîécbies que l'Entendement déduit par abf- tradion des idées diredes. Sr nous examinons de fort près la formatiort des idées dérivées, nous reconnoitrons évidem- ment qu'elles ne font que des idées dired:es ou fenfibles plus ou moins déguijées. je Tai montré bien clairement dans les Chapitres XV & XVI de Vfljld analytique. Ce déf^uifement des idées directes fera d'au^ o tant plus grand , que les abftradions de l'En- tendement auront été poufTées |:^lus loin : mais, toujours parviendra-t-on à reconnoître la pre- mière origuie des idées dés:ivées les plus dé- guifées. Si donc nos idées les plus abfi.raites font encore des idées plus ou nioijis fenfibles , il fera vrai de dire . que tout ce que notre Ame ■f DE 'NOS COis^NOI SSAlsCES. lin fent ou apperqoit a des rapports plus ou moins immédiats avec ce Corps auquel elle ê(1 unie. • Il fera donc pfj^choîogiquement impoiUbîe que notre Ame puiiTe fc fâiie aucune idée re- préfcntatrice ou pofitive des Subftanccs , qui par leur nature ne foutiennent aucun rapport avcs les Etres qui font les objets immédiats de fes perceptions, i Nous ne faurions donc nous former aucune idée qu'on puiffe dire direùie des Subftances abfolumcnt ûmpics. Ainsi, nous ne parvenons à la connoiiTance des Etres fimples que par la confidération mé- taphydque des effets qui fuppofent rexiflcnce des Etres Hmoles. C'eft de cette manière, par exemple, que nous déduifons légitimement do la (implicite de notre Moi rexiftence de cette Siibftance immatérielle qui en efl; le Siège im- médiat & que nous nommons l'Ame. ( i ) Donnons la plus grande attention à cette îTuirche de notre Efprit , «x nous dén'èicrcnS £ I ] CcnjTiiitez la Préface de l'Efai anal^HciMe. lit SURLESBOEl^ES iiciuôt que l'idae qne nous nous formons de l'Ame n'ed poiiit du tout celle d'une Subf^ tance ;cE ne'cessaire , de cette exis- tence qui eft à Eile-mèine Ta propre CaUSE. C^'ON y prenne bien garde; la Puissance' ÏKF1N1E ELLE-mème ne fauroit Te manifefter 'd. des Etres mixtes autrement que dans le rap- port k la nature particulière des Etres mixtes. Qiielle n'ell donc point la folie de ceux qui rejettent TExiftence de Dieu , parce qu'ils ne peuvent voir ni palper ce .grand Etre Î Tirons de tout ceci une conféquence géné- rale : c'eft que la diTproportion naturelle ou le défaui d'analogie de nos Facultés avec la nature des Objets que nous defirerions de ,connQitre eft l'unique caufe de Timpoilibiiiti DE tf os coN:Êroî^s.^ 2^CËS, ii^ ou nous fommes de parvenir à cette Con< noiflancco Le vrai fhilofoplie chércliera donc âd-m Cttte difproportioii les bornes prefcrites à no« tre Faculté de connoître. Il mefurera cette Fa=. culte aux Objets , & déduira de cettu^ forc^ de comparaifon les conféquences pratiques qui deviendront les règles de fa conduite dan^ 1^ recherche des Vérités, ii' n i ii€ SUR LES B 0 R 2s^ N E S Continuation du même Sujet, J E reprends ma riiécîitation : ce fujet fi fé- cond eft en même tems un des plus impor- tans de la Philofophie rationnelle. La Vue eft de tous les Sens celui dont nous £nrons un plus fréquent ufage. Il eft auffî celui qui tient le plus à l'Imagination. La Vue eft fans celTe occupée d'étendue , Je lumière & de couleurs. L'Imagination peinfe d'après elle , & elle peint fans ceife. Elle ne peint pas feulement dans la veille ; elle peint encore dans le fommeil. Nos ibngg^s nous re- piéfentent plus fréquemment & plus fortement les Objets de la Vue que ceux des autres Sens. Notre Ame eft donc toujours afiedlée d'Objets fcnfibles : comment les fenfations nefemèlo roient - elles pas à fes idées les plus intellec- tuelles ? Ce n'eft jamais que par une forte d'effort & par un très - grand effort qu'elle parvient à fe détacher un peu de fes Sens, & bientôt e'ie retombe dans la Matière commç (entraînée par fon propre poids, CfiST dans cette fource pfychologique que DE NOS C0:Nle tift — Ji ait — «« H^i — ^ îfe!: — *■"«•. -nnfVjT^yTniTBfr (n^X^y^^^ ui«)f^r^fiiB. Bio^îm^jpBtt luff^^^ig-asi tu^'^ji^vniai v^- 5 C/ i? i £ SENTIMENT DE CLARKE Touchant la liberte\ JLjE célèbre Clarke difputant avec le fubtil CoLLiNs fur la Liberté , lui oppofoit di^vers raifonncmens que j'expoferai ici en abrégé. I. Un Agent nécefaire n'eft pas , feloa Clarke , un Agent. Une Horloge n'eft pas un Agent , parce qu'elle ne fe meut pas elle* même *, mais elle elt mue par le poids qui eft mu lui-même par la Pcfanteur. Pour qu'un Etre foit vraiment un Agent , il faut qu'il puiife commencer pur lui-même le mouvement •u Tadion. a. Le pbifir ne peut jamais être îa ^.:iUiQ sffiàmts d'une adion iihïe j parce quô toiU«s a:'t 144 * ^^/ A R OU E S les fen rations & toutes les perceptions font purement pajjives : l'Ame ne peut pas ne pas fentir & appercevoir à la préfence des objets. Et comment un état purement fajjif feroit-il la Caufe phylique ou efficiente d'un état actif i^ Il vaudroit autant dire qije le repos eft caufc du mouvement. 3. ClaPvKE veut donc que les perceptions , les ienfations , les ynotifs ne foient que les occajhns qui déterminent l'Ame à agir ou qui lui don- nent lieu de déployer fon Adivité , fans qu'il y ait ni qu'il puiiic y avoir aucun rapport fhyfique ou néceiîaire entfe le motif & l'adion. Notre Philofophe demande là-deiîus j (î des notions abrtraites ou des motifs font des Subf- tances qui aglifent fur l'Ame comme un Etre agit fur un autre Etre j* 4. Il défapprouve cette définition , gue la Liberté eft Is pouvoir de faire ce que l'on veut. Il lui oppofe l'exemple d'une B.ilance qui ac- quiefceroit au poids qui la fait incliner. Il fe borne donc à dire j que la Liberté eft le /?orf-. voir d'agir on de ne pas agir, f. La 7iécefpité mornîe n'eft point une vraie néçejjîté > parce que le coutuaiïe phyfiqne eft toujours SURLALISERTE", 14c toujours poflîble. Il eft imponTible moralement qu'un Homme de bon feus fe jette par la fe* nècre y mais il en a toujours le pouvoir phy- fique. Cette forte de 7iécejfité n'eft donc que la certitude morale, ■ 6. Soit que nous foyions libres ou non, on eft forcé de convenir, que quand Dieu nous auroit fait libres en effet , il n'auroit pas pu nous donner un autre Sentiment de la Liberté que celui que nous en avons. Ceux qui nient 'a Liberté n'ont donc en lear favaur que la fimpîe pollîbilité que ce Sentiment de notre Liberté foit trompeur. Ceci revient à h queftion s'il eft des Corps. On conçoit qu'il eft polfible que l'Univers foit purement idéal , & pourtant , ajoute Clarke , qui feroit aifez fou pour fe perfuader que les Corps n'exiftent point ? 7. Il prétend , que préférer 8c vouloir fonc dsux chofes différentes. Le premier eft un fimple jugement fur la convenance , Se ce ju- gement eft purement paffif. Il ne dépend pas de nous de juger mauvais ce qui nous paroit bon. Le fécond ou la Faculté de vouloir eft le pouvoir qu'a l'Homme de commercer ou de finir une action , Si ce pouvoir eft vraimenc Tome XyiIL K adlif. A Taide de cette diftindioii , Clarke entreprend d& réfoudre cette queftioii j fi mus fommes libres de vouloir ou de ne vouloir pas ? Il dit j que relativement à la préférence nous ne fommes pas libres , & que relativement à la Volonté. &, au Fouvoir a&:f nom le fommes toujours. S. L'Auteur revient à ce qu'il a dit du Pouvoir phyfique d'agir, qu'il nomme auffi le iPouvoir foi mouvant ou le Pouvoir de fe mou- voir foi - même , de commencer ou de Enir une adion. On objedoit , que les Enfans & les Animaux ne font pas libres ^ & que toutes leurs adions font réputées néceffaires. Clarke répond, que les Enfans 8c les Animaux font toujours libres, parce qu'ils jouiifent toujours èa Pouvoir foi-nioiivant i ils agiflent par eux- mêmes , ils fe meuvent eux-mêmes, rien d'ex- térieur ne les meut. La feule différence qui eft cntr'eux & l'Homme, c'eft que dans celui-ci l'exercice du Pouvoir foi-mouvant eft toujours accompagné de la confcisnce du bien ou du mal înoral que renferme l'adion. 9. On objedoit encore; que toute adlion doit avoir un commencement fans quoi il fau- droit nier la relation naturelle de la Cmife à SUR LA L I È E R T B, 147 VEffet, Notre Métaphyficien réplique ; que quand oa admet le Principe foi - mouvant ^^ow a une Caufe du commencement de l'adlion. Si ce Principe n'exiftoit point , il faudroit ad- mettre une fuite infinie d'EiFets fans Caufe p'emiere, ce qui feroit abfurde : car fuivant la définition de l'Agent ( i ) , cette confé- quence abfurde feroit inévitable, puifque cha- qu'adlion > chaque choix étant un effet qui a fa caufe dans un autre effet, & celui-ci dans un autre encore , la fuite fuppofce eft infinie. Cette difficu'té s'évanouit au moment qu'ont admet que la nature du Principe foi-mouvant eft de pouvoir commencer par lui-même laflion* 10. Les Saints , âk - on , les Anges , DieU lui - même ne font pas libres de faire le maJ. Clarke répond en repreuAnt fa diftindion entre \e jugement & Va^ion. [2] Dieu juge infailliblement du bien-, il ne peut jamais fe méprendre 5 ce jugement eft fiécejfaire -, mais il n'eft pas une atiion ; il eft une chofe pure- ment paJJJve. Il n'y a point .de relation pby.* Jîque ou néceffaire entre le jugement & l'adion^ l'un n'eft pas la caufe efficiente de l'autre , Jiiffi7e, idlt de 1771. . K 4 iç« REMARQ^UES împofîîble confidéré dans rEnfcmble. La Liberté peut aller au mal ; mais la {àgt^e qui la di- rige la porte au bien ; & comme il eft phyfi- quement impoflible qu'une pierre foutenue tom- be ; il eft de même moralement impoflible que le Sage, reftant y??^e , fe conduife comme un Fou. Mais il eft pofîible que le Sage fe cor- rompe , comme il eft pofîible que la pierre perde foîi fupport : or ; qui ne voit que le cas a changé. J'ose le dire ; il ne me paroît pas que Clârke eût aflez approfondi la queftion & qu'il l'eût envifagée fous fon vrai point de vue. Je ren- voie fur cette Matière, la plus importante de toutes celles dont la Plychologie s'occupe, aux Chap XII & XIX de VEfai analytique. J'ai ta- elle dans le §. 470 d'anaiyfer la nature de cette adion de l'Ame , que nous exprimons par les termes de préférence , de détermination^ <^e choix. On comparera mes principes avec ceux de l'illuftre Philofophe dont je viens d'exa- miner l'opinion. Il raifonnoit d'ailleurs très-jufte fur la Prescience Divine, quand il difoic que la Prévifion de DiEU ne rend pas nécef- f air es les Futurs cont ingens, [il] Jb n'en dirai pas de même de fa penfée fur SUR LA LIBERTE, 155 VImfumhiiité:(j^) car il eft un fens fuivant lequel elle pourroit avoir lieu encore , même dans le fyftème de la néccfîité. L'Auteur de VEJJai de Pfychologie Pavoit aifez bien prouvé , au- tant qu'il m'eft permis d'en juger. [2] Il en va donc de même du mérite & du démérite ^ qui fubfiftent, comme l'Imputabilité , fous un afped différent de celui fous lequel les Théo- logiens & les Jurifconfuîtes les envifagent. Je n'ajoute plus qu'une remarque ; c'eft; fur la définition que notre Auteur donne de la Li- berté qiCeîle efi le Pouvoir d'agir ou de ne pas agir [4]- Ce n'cft pas' parce que nous pou- vons ne pas agir que nous fommes libres ; c'eft uniquement parce que nous pouvons agir , & que nous agiflbns en effet conformément k la détermination de notre Volonté. La Liberté , Cttte belle Faculté fur laquelle on controverfe tant, devient une chofe fort fimple des qu'on fait la confidérer fous fon vrai point de vue: elle n'eft au fond que le Pouvoir exécutif de la Volonté: celle, ci fe détermine, préfère ou choifit 5 & la Liberté exécute le choix. Notre Plîilofophe dit très -bien, que les Eiifans & ( 2 ) ÉjCai de PfycVolo^îe ou Co-'tJï.UratioHS fur les opérai fions de l'Am ^c. Ciiap. LVIL iç4 R E M A R nu E S, &c, les Animaux font libres parce qu'ils jouifTent toujours du Pouvoir foi-mouvant , qu'ils agif- fent & fe <|neuvent par eux - mêmes [ 8 ]. La Moralité n'efl: donc pas efTenticlIe à la Liberté. OBSERTATïONSco ^l/i^ UiV^" NOTE D E M^ DE CASTILLON DE LACADÉM7E DE PRUSSE, AJOUTÉE A LA TRADUCTION FRANÇOISE DU LIVRE DE M^. CAMPBELL SUR LES MIRACLES. V>/ N trouve à la fin de la Tradudlion Fraii- qoife du Livre de Mr. Campbell contre Mr. HtJME, Qz) quelques Notes du célèbre Tra- ( î ) tt Ce petit Écrit avoit paru en 176Ç dans le Jowrnal des Savans de Hollande. J'ignore s"ii étoit parvenu à la comioiffance de Mr. d£ Castillon. ( i ) Bijfe-ftation fur les Miracles contenant V examen des frîncîoes -pofés far Mr. DAVID HUME E'cuyer , dans fa K^c. A Utrecht chez Henei Spruyt J76Ç. 'AU SUJET DES MIRACLES. i^j If mànifertement bon j c'eft à la Raifon à voir j, fi les nouveaux préceptes s'accordent avec >5 ces principes inaltérables de jufte & d'hon- 5^ nête que nous portons gravés dans notre „ Cœur. Si cela eft , il faut recevoir la nou- „ velle Dodiine de quelque part qu'elle vienne , 5, car elle eft bonne & utile. Si c'efl le con- „ traire, il faut la rejeter quel qu'en foit TAu- 5, teur. On doit donc premièrement examiner „ la Dodrine pour voir fi on doit l'admettre ,3 ou la rejeter. „ 55 Si la Raifon & la Confcience nous aflTurent 55 que la Dodrine eft bonne, on doit la rece- 55 voir 5 que ce foit un Homme ou que ce foit 9, Dieu qui nous l'enfeigne : mais il importe 5, d'en connoître l'Auteur, fur-tout fi celui qu{ 55 la prêche fe donne pour infpiré. S'il m'en 5, impofe , je rougirois d'être fa dupe. Je mé- 5, priferai le Dodeur en admirant fa Dodrine „ 3, j'en recevrai tous les Articles que je com- j, prends , & je la recevrai , parce que je le „ dois à moi-même & à la vérité : mais fi cet ,5 Homme eft réellement infpiré & fi fa Doc« 3» trine vient de Dieu , je dois recevoir „ même cePque je ne comprends point , c'eft-à- 55 dire, je dois croire que les paroles que je „ n'entends pas ont un fens & font vraies dans ï>Ô" OBSERVATIOm SUR UNE 2>'0TE „ ce fenis. Je dois recevoir la Dodlrinc cclefte „ par tout ce que je dois à moi - même , à la „ vérité & à mon Créateur. Si la Dodlrinc ,, humaine eft accompagnée de promelfes 8c 5, de menaces, les récompenfes & les peines j^ ne fauroient être que des fuites naturelles 55 de mes adlions; 8c c'eft à la Raifon à juger „ de leur réalité. Mais la fandion d'une Doc* 5, trine révélée peut dépendre de la libre vo^ 3, lonté de Dieu qui eft PAuteuh de tous les 55 biens dont je jouis , qui peut les augmenter 3, à rin&ni , 8c qui les couronne par cette même ,) Révélation que je dois recevoir avec rc- 55 connoiilince. „ 5, Mais comment pourrai -je reconnoître fi 55 certe Dodrine vient de Dieu? D'abord elle 5, doit por fer le fucré cara&ere de la DiViNiTÉ. ,5 Non feulement elle doit nous éclaircir les idées 5, confiffes que le rai]on7iement en trace dam no^ ., tre Efprit : mais elle doit aujjî nous propofer yy un Culte , une Morale & des Maximes conve-^ 5, nahles ««x Attributs par lefquels feuls nous ,, concevons fon EJfence. A l'égard des Dogmes „ ils doivent être clairs , lumineux , frappans 3, par leur évidence , en un mot , ^^la Dodrine ,5 doit être fî pure & û fublime qup nous 5, fcyions forcés à reconnoître qu'elle eft au- 'AU SUJET DES MIRACLES^ 5^9 5i defliis des forces de rHumanité. En fécond ,5 lieu, cette Dodrine doit être confirmée par „ des Miracles ; Dieu feul a établi les Loix de ,, la Nature & Dieu feul peut les fufpendre. ,, 3, Ainsi , les Miracles prouvent la divinité 5, d'une Doctrine que la Raifon reconnoit pour 3, vraie. Ceux qui difent qu'après avoir prouvé „ la Docirim par le Miracle , il faut prouver le 3, Miracle par la Do&rine , fe trompent : ils 53 voient un dialele où il n'y en a point. La 3, vérité de la Dodrine fe prouve par la Rai- 5, fon qui peut fort bien comprendre ce qu'elle „ ne peut pas découvrir ; & la réalité des Mi- ,3 racles fe prouve par \t témoignage qui nous 33 aiTure du fait & par le bon fens qui nous „ montre fuffifamment quels faits font dans l'or- ,, dre de la Nature ê? ^^^^/^ autres faits n'y „ font pas 3 & qui crie que DiEU ne peraiet- 3, tra jamais les Miracles deftinés à prouver une ;, Dodrine fauffe & pernicieufe. Voilà pour- 3, quoi dans le Deuteronome , chap. XIII, verf. 5, 1,^3 3 » 5 > il ordonne que fi un Prophète 53 anno7îçant des Dieux étrangers^ confirme fe s 9, Difcours par des prodiges 3 ^ que ce qu'il 33 prédit arrive, loin d'y avoir aucun égards 5, on doit mettre ce Prophète à mort. Dès qu'il „ annonce des Dieux étrangers , il enfei gne >^a OBSERVATION SUR VNE NOTE ^, une Dodrine que la Raifon peut d'abord re^ ,5 connoitre pour manifeftemenc faufle & per- ,5 nicieuie j s'il la confirme par des prodiges , 5, ce fonc des impoftures ou peut-être les œu- 5, vres d'un Eprit malin que Dieu laifTe libre 55 pour éprouver la Foi des Hommes : car enfin 55 laDodrine eu: mauvaife & il faut la rejeter, 55 que Ton Auteur faffe des Miracles ou non. Ce 55 n'eft pas ici le lieu de détailler pourquoi le 5 5 Prophète UTipofteur de voit être mis à mortm 55 Le cas étoit bien différent quand les Payens a, mettoimt à mort les Apôtres. Ccux-ei prè- 95 choient aux Payens un Évangile dont la fain^ j5 teté "parle au cœur , ils leur offroient une 5 5 E'cruure âo7it la mnjefté étonne^ pfrês de la^ 95 qi^-sUe les / ivres des Plvlofophes avec toute leur ,5 ponpe [ont bien petits, (3) On pouvoir ob- 55 jeder aux Payens perfccuteurs la Morale éle- 55 ^'ée & pure, dont Jésus feiil a donné les /i?- 55 çons ^ l'exemple , les Apôtres pouvoient dire 55 aux Payens , examinez notre Dodrine & 5, puis faites ce que vous trouvez à propos ; 5, & les Payens ne pouvoient pas rétorquer ,5 cette réponfe contre les Apôtres. Il faut corn- [ 3 ] Tous ces paffages que notre Auteur a mis en lettres italiques me paroifTent pris de VE'mile tje Mr. ROUSSEAU,- iquoiau'il ne foit point cité. mencer AU SUJET DES MIRACLES. i6i i^ mencer par le raifonnement 8c il ne faut pas „ laijer là les Mirachs. Il faut y recourir pour „ prouver la Million , Ci laDodrine eft bonne. 3, Cejl là du bon fe?is le pluf Jïmple , & la dif- ,, tindlion entre la vérité 8c la divinité d'une 5, Dodrine n'eft pas une diftindion au moins ,5 très- fubii'e. „ Cette diftindion entre la vérité 8c la divi- nité d'une Dodrine me paroit fondamentale. M. DE Castillon Texpofe ici avec clarté, & avant que d'avoir lu fa Note, je m'en étois fervi plus d'une fois contre cette faufle Philofo- phie qui voudroit nous faire envifager les M- racles comme de purs accejfoires : mais exami- nons de plus prés le peincipe fur lequel cette diftindion repofe. L'Auteur foutient que c'ejl à la Raifon à voir fi la Do&rine s^ accorde avec les principes inaltérables du jujle & de l'honnête, ( 4 ) SL cela eji , ajoute- t-il , il faut recevoir la Do&rine de quelque part qu'elle vienne. Si c'ejl le contraire, il faut la rejeter quel qu'en Joit ( 4 ) Pag. 3Ç8- TomeXVni L 162 OBSERVATIONS SUR UNE NOTE r Auteur y foit qu'il fajfe des Miracles ou qu'il -iHen fajje foint, ( 5 ) Mr. DE Castillon admet donc qwe la vérité d'une Dodlrine eft le feul caradere dont il faut partir, pour juger fi elle doit être admife. Il entend par cette vérité la coyiformité de la Do&rine avec les principes inaltérables du jujie & de rhonnête. Il ne veut pas qu'on re^^oive une Dodrine qui choqueroit ces principes lors même que fon Auteur feroit des Miracles, La raifon qu'il en donne eft tirée du bon-- fens qui erie que DiEU ne permettra jamais les Miracles defiinés à prouver ww Do&rine faujji & pernicieufe, (6 ) Sur ces principes il eft évident qu'ABRA- HAM ne devoit point fe mettre en devoir de facrifier fqn Fils : quoi de plus contraire aux Loix inaltérables du jufte & de l'honnête f quelle Dodrine plus faujfe çf? t^^^^ pernicieufe qu« celle ( 5 ; Pag. 2Ç8. ( 6 ) JPag, 26 î. Atl ^VJET DES MIRACLES. tS^ qui porte un Père à plonger le couteau clan<î le fein de fon Fils ! comment y reconnoitre le DIVIN Auteur de la Loi Naturelle , de cette Loi gravée dans tous les Cœurs ^ Maïs ce fut une 'Révélation^ Se par confé- quent un ou plufieurs Miracles qui perfuade- rent au Patriarche cette Dodlrine. Il devoit donc la rejeter fuivant notre Au- teur , & pourtant les Ecritures célèbrent la Foi du Patriarche & la propoient pour modèle à tous les SiccleSi Et qu'on ne dife pas , que la Révélation étoit C claire, (î certaine, qu' Abraham ne pouvoit douter le moins du monde que Dieu lui eue parlé : je répondrois ^ que cette Révélation ne pouvoit être ni plus claire iVl plus certaine que la Loi Naturelle qui lie un Père à fon Fils. Il y a plus ,* ce Fils que Dieu lui ordonna d'immoler , lui avoit été promis & donné par une difpenfation miraculeufe : voilà donc de vrais Miracles oppofés ici à de vrais Miracles. Les uns atteftent au Patriarche , que ce Fils fera le Père d'un grand Peuple 5 les autres TappeU kilt à le facrifier. Au milieu de ce confii^ i% L 25 id4 OBSERVATIOM SUR UNE SCTE Miracles, la Lot Naturelle ne dcvoit - elle pas prévaloir, & quand le Patriarche lui auroit don- né la préférence, auroit -il été coupable i* On répondra peut-être que l'exception à la Loi Naturelle n'étoit ici qu'apparente ou im- parfaite 5 & que la Révélation étoit réelle ou parfaite : ce Fils de la Promejfe n'étoit pas en- core facrifié > Tordre pouvoit à tout inftant être révoqués TAuteur de la Révélation étoit auflî celui de la Loi Naturelle 5 II étoit encore celui de la Prvmejfe v II pouvoit reiTufciter l'in- nocente Vidime j Il ... . mais tout cela fa- tisfait-il à Fobjedlion qui fort immédiatement du principe que j'examine ? Mr. DE Castillon parlant des Prodiges qui tendent à confirmer uwq fanjje Doctrine, di£ que ce font des impofiures ou peut-être les œu-^ vres d'mi Efprit malin que DiEU laijfe libre pour éprouver la Foi des Hommes. (7) Mais eft-ii bien conforme au bon fens d'admettre que FEtre SAGE & BON permette à VEjprit malin d'éprouver la Foi des Hommes par des Prodiges ? Les Hommes ont - ils appris [ 7 ] Au bas dt la page a6i. AV SUJET DES MIRACÉES. i(îç de Dieu même les caraderes ejfmtieîs aux- quels on peut diftinguer les Prodiges des Mira- cles ? Et combien cette diftinclion eft-elle déli- cate aux yeux de la Raifon ? Combien eft - il fa- cilg que la Toi des Hommes échoue dans cet examen ? Et ce feroit Djeu lui- même qui les expoferoit à un lemblabie danger î En vain répondroit-on que les Prodiges ne tendront jamais qu'à confirmer une Dodane que la Raifm reconnoUra d'abord pour faiijfd ^ perntcieufe i le Sacrifice d'ABRAHAM prouveroit l'infuffifance de cette réponfc. Cependant c'eft un Fait établi par les E'cri- turcs elles-mêmes , que Dieu permet les Fro^ diges ou les Prefiiges ^ témoins les Magiciens de Pharaon. Et à propos de ces Magiciens , com- ment les E'critures ne nous difent- elles point que Mo Y SE découvrit Vimpojiure ? Cette Verge changée en Serpent n'étoit- elle pas manifefte- ment un tour de pafTe- pafle ? Il eft vrai que les Miracles de Moyse triomphèrent des Prodi* gcs des Magiciens j mais n'auroit- il pas été, ce femble , plus conforme au but de l'Envoyé de démontrer à Pharaon la fourberie de fes Ma- giciens, & de faire tomber ainfî toute la pré- tendue Magie? Ce quife paffe ici entre Mo yse L ^ ï66 OBSERVATIONS SUR UNE NOTE & les Enchanteurs ne peut -il pas paroitre Uîl jeu ridicule aux yeqx de l'Inaréduie ? Il y a aufTi dans le Nouveau Teftament quel- ques Paflages qui annoncent des Prodiges ten- dans à ébranler la Foi. Voyez en particulier Matth. XXIV, V. 24. Car il s'élèvera de faux ChrijîS ^ de faux Prophètes , qui feront des cho- fes fi rnerveilleufes ëf? fi prodigieufes que 5*il etoït pojfîhle les Elus vmnes en feraient féduits, hcs Foibles fuccomberont donc à ces Prodiges, ^ les Foibles ne demandent ^ ils pas à être fortifiés ? On nous a donné en divers teins d'excellens Traités fur la Vérité de la Religion 5 plufieurS de ces Traités forment de gros Volumes, & pourtant nous n'avons pas encore une défini- tion bien exaéte & vraiment philofophique du Miracle. Tout ce qu'on nous a dit là-delfus eil encore plus ou moi.ns vague. De là mille ob- jedtions que lincrédulité moderne propofe avec confiance , & dont elle «^'applaudit d'autant plus que les réponfes font moins iatisflùranteS'. Ou n'a pas même procédé pliilofopbiquement dans l'emploi des Miracles, & ee défaut dans i a marche a infirmé cette belle preuve. Je con* xtùk un Homnie dont le nom n'eft pas inconnvj AU SVJET DES MIRACLES. 167 à la République des Lctt;res , qui fe propofe, fi fa fanté le lui permet , de préfenter dans \xn ordre analytique les principales preuves de la Révélation. Il n'écrira pas contre les Incrédu- les ; il n'en fuppofera pas même l'exiftence ; mais il cherchera (încérement la Vérité , il l'ex- pofera avec clarté & avec candeur , & les ob- jedions qu'il fe propofera fortiront du Fond même de fon fujet. (8) Voici une autre réflexion que je foumets au jugement de M. DE Castillon. 1/ faut ^ dit- il , que la Do&rine [oit fi pure & fi fiiblime que nous [oyions forcés de reconnoître qu^elle efi au- Jejfus des forces de P Humanité. ( 9 ) Il efi; clair qu'il s'agit ici de la Morale , & ce caradlère efi: le feul que M. RoufTeau admet pour preuve de la Divinité de l'Evangile. Mais comment prouver que la Morale de l'Evangile efi: au-dejfus des forces de l'Humayiité ? [ 8 ] ti C'EfT ce que l'Auteur elTaya quelques années après d'exécuter dans les Recherches fur le Christianisme» qui faifoient partie de la Palingénéjïe ^hilofophique publiée pour la première fois en 1769. ( 9 ) Pag. 260. L 4 j6S OBSERFATIONS SUR VNE VOTE a t^on calculé les forcss de la Raifoii humaine & rinfluence des circonftances fur fes progrès? Dix à douze Socrates qui fe feroient fuccc- dés fans interruption n'auroient-ils point con- duit enfin la Morale au même degré de perfec- tion que TE'vangile ? Nous fommes obligés d'admettre cette poiTibilité , & elle eft un argu- ment très -Fort contre M. Rousseau, Nous en déduifons légitimement la néceffité des Mira- cles pour prouver la Diviuité de la Doctrine. D'ailleurs , comment les premiers Fondateurs de la Religion auroient - ils pu triompher du Juif & du Grec avec la Morale toute feule? Je me relTerre beaucoup : M. DE Castil- LON me comprend alî'ez : voila donc les Mira^ des qui reviennent de nouveau comme preuve de la Divinité de la Dodrine & avec eux tou- tes les objections que j'ai indiquées ci-delTus. Je prie l'ettimabîe Auteur de vouloir bien réfléchir fur tout ceci : il a trop de fagacité & de juftelfe dans l'Efprit pour ne pas découvrir enfin quelque folution raifonnable, & je la recevrois de lui avec autant de plaifir que de- reconnoiffance. Le fujet eit de la plus haute importance 9 fur -tout dans un teras où llncré- AV SUJET DES MIRACLES, 169 dulité, femblable à un Frothée , revêt toutes fortes de formes. Les objedions que je viens de propofer ne me font pas beaiicoup de peine. Je fuis très- perfuadé qu'il n'^eft aucun Incrédule de bonne foi qui ne fe fût rendu aux Miracles fi nom- breux, fi variés, fi éslatans de N. S. & de fes Apôtres , & je ne penfe p,as qu'aucun Incré- dule eût pris de meilleures précautions contre l^impofture & eût montré plus de deRance que le^ANHÈDRiN & Thomas. Mais je fouhaite- rois que M. DE Castillon parvînt à débar- ralTer fes argumens des difficultés que j'y dé- couvre. , . Encore une obfervation , & ce fera la der- nière. L'Auteur dit à la page 261 que le bon fens nous montre fliffifamment quels font Us Fa'Us qui font dans l'ordre de l4 Nature Èf quels au^ très Faits ny font pas. Ceci cd-il bien exad ? Le hou fens auroit- il fuffi aux Hébreux & aux premiers Chrétiens pour leur faire toujours diftinguer certains Pro- diges de la Cliymie , de rE'Icdricitc , &c. d'avec îes vrais Miracles ? N'auroit ► il pas été facile s 17» OBSERVATIONS SUR UNE NOTE nos Pliyliciens modernes de leur en impofer, & de pafler parmi eux pour de vrais Frophen. tes? (lo) ( lo ) f t II fallait tlont montrer dans quel cas le fim- $le bon fens peut fuffire pour diftinguêr un Miracle d'un Prodige de la Phj'fique. Confultez là - deffus la Note qui ter-* mine le Chap. VI. dés Recherches Fhihfophiques fur les preuves du CHRISTIANISME, de l'E'dit. de 1771. C 171 3 IDÉES SUR L A R T D' E" T U D J E R E T S U R L'ORDRE ET LE BUT DES FTUDES DE FHIZOSOFHIÉ RATIONNELLE, De lArt d'étudier. c E T Art > (î utile à la Jeunefle & trop peu connu de la Jcuneire, condfte proprement à acquérir fur chaque Sujet le fond d'idées qui le co;.{litue. Et comme chnque Sujet a un fond d'idées qui lui eft piopre , il s'enfuit que les difpofi- tions de FEipiit doivent être relatives à ce fond 4'idées pour qiiil puiiTe en faire l'aquifition. ï-jz SUR VART irrTUDIEJt Il faut donc s'attacher d'abord à démêler CCS difpofîcions naturelles de PEfprit , afin de déterminer le choix des Études. On y parvient en partant du plus ou du moins de facilité qu'on éprouve à acquérir telle ou telle fuite d'idées, comparativement à d'au- tres fuites. Ce que l'Efprit aura plus de faci- lité à exécuter, fera toujours ce qu'il exécu- tera le mieux. Mais, parce que la capacité de l'Efprit» cil fort bornée, & qu'elle Fefl: fur -tout chez- les Commenqans y il efi d^^s l'ordre de ces limites d'aller toujours du plus facile au moins facile, du fimple au compofé. Toutes les idées d'un Sujet ayant des liai- fons néceffaires entr' elles , il importe infini- ment de ne pafTer jamais d'une idée à une au- tre, qu'on ne tienne fortement la première ou celle qui eft le principe de la féconde , &c. Il arrive fouvent qu'on ne parvient pas d'a- bord à faifir fortement un principe , même erès-fimple : cela tient à la (îtuation aduelle d^ TEiprit : on fent une certaine fatigue , une réfillance qu'on ne réuffit point à furmonter: -ji' ET rORDRE DES HTTUDES. 175 il ne faut poitjt alors lutter trop contre cette réfiftance : il faut fufpendre le travail, laiiTcr repofcr TEfprit ; j'ai prefque dit , le faire ra- fraîchir , & revenir enfuitc à une nouvelle lutte. Comme les Définitions fonc FAbrégc de îa Science; c'eft fur les Définitions qu'il importe le plus d'infifter. Il ne fuiîît point de les gra- ver dans fa Mémoire , il faut encore fe rendre taifon à foi- même de chaque membre de la Définition & de chaque partie qui entre dans la compoGtion du membre , &c. Et parce que les Divifions du Sujet font les principaux points de vue fous lefquels le Sujet peut être envifagé , il importe beaucoup encore de les graver dans fa Mémoire, & de fe ren- dre attentif au fondement de ces Divifions & aux liaifons qu'elles ont entr'elles. Les principes que FEfprit a une fois faifis , doivent être appliqués à des Exemples bien choi- fis. Les Exemples font ce qui contribue le plus à l'éclairciffement & au développement des prin- cipes. Il convient donc encore de varier les Exemples pour donner plus d'exercice à l'Ef- X74 SUR rjnr d'L'tuèier prit & foire faillir davantage tout ce qui eîi renfermé dans le principe. Chaque Auteur a fes Définitions , fes Divi- fions , fes Exemples j en un mot , fa marche ou fa manière. Un Commençant courroit donc fë rifque de jeter de la confufion dans fes idées s'il fuivoit en même tems plufieurs Auteurs fur chaque Sujet : il devra donc ie borner d'abord à un feul , & confulter un habile Maître fut le choix. Le Commençant devra fe fendre fi familier l'Auteur choifi, que fur quelqu'endroit du Livre qu'il tombe , il puifle toujours s'en faire à foi- même l'Analyfe exade. Quand le Commençant fera parvenu à pof. féder ainfi l'Auteur élémentaire , il pourra con- fulter avec fruit les autres Auteurs qui auront traité du même Sujet , & y puifer fans confu- iîon les idées de détail auxquelles l'Auteur élé- nientairc n'avoit pas touché. Le jeune Homme en fera un Extrait fommaire , qu'il aura foin de rapporter à l'endroit correfpondant de fon Au- teur élémentaire. Ce$ foftes d'Extraits feront ainfi le Commentaire de cet Auteur , & le Com- jnsntaire fera au jeune Homme. Il fera donc ET rORDRB DES ETUDES, Ï7Ç gravé plus profondément dans fa Tète , & fg liera mieux avec ce qu'il aura déjà appris. Précisément parce que les Forces de PEf- prit s'affoibliflent en fe partageant, le Com- mençant devra fe ménager des heures particu- lières pour les divers Sujets auxquels il fe pro- pofera de s'appliquer, afin d'être tout entier à un feul Sujet. Comme le changement d'occupations eft une forte de diftradion , & que les diûradlions font néceffaires pour entretenir le reffort de PEfprit, le jeune Etudiant aura foin de ne demeurer jamais trop long - tems fur le même Sujet : il variera donc fes occupations relati- vement au fcntiment de fes Forces. Dans la même vue , il faura fe ménager des lieures de délalfement , qu'il placera de préfé* rence après celles des repas , & il fera en forte que ces délaifemens foient toujours du nombre de ceux qui peuvent fortifier le tempérament & cultiver ou orner l'Efprit. ^ C n^l De P Or tire des Études de Pkilofofhie raîmineJIe* J E Pai déjà dït : ie choix des Etudes doit être fubordonné aux difpoiitions naturelies de i'Efprit : mais, fi Ton fuppofe des difpofitions •à peu près égales pour divers Genres , il eft bien évident qu'il faudra s'attacher de préfé- rence au Genre qui a le plus de rapport au perfectionnement de I'Efprit & du Cœur. Dieu , THomme & le Monde font les Objets de la Philofophie rationnelle, & combien eft- il manifefte que ces objets font les phis impor- tans de tous ceux qui entrent dans la fphere des Connoiffances humaines î L'Homme eft né pour le Bonheur : il doit donc s'appliquer à VE'tude du Bonheur & re- chercher foigneufement lesi routes qui condui- ient au Bonheur. Les Faculté^ de l'Hoaime font les moyen» qui lui ont été donnés pour parvenir au Bon- heur : la Vérité eft la route qui y conduit. I.A ET rORDRE DES ETUDES. lyj La principale E'tude de PHomme fft celle A@ l'Homme. La Prychologie , la Morale , 1© Droit Naturel font les trois parties de la Philo- fophie rationnelle qui ont dés rapports plus di-.' reds avec l'Homme : elles Font donc celles qui méritent le plus d'être cultivées par THom- me qui s'occupe de la recherche du Bonheur, Et parce que c'efl: uû certain Etre qui defire de parvenir au Bonheur , lia ConnoilTance dé cet Etre eit lin préliminaire liccetraire de l'E'tu- de du Bonheur. La Pfychologie qui eft propre- ment la Science de l'Homme & des Opératioiis de fon Être, occupera donc le premier ran^ dans la gradation des E'tudes de Philbfophie rationnelle. Mais, la recherche du Bonheur ne diffère point de la recherche de la Térité : rlîomme doit être éclairé fur le Bonheur : il doit acqué- rir° un jufte difcernemcnt des Biens & des Maux , du vrai & du faux 5 l'ignorance , l'er- reur, les préjugés font les ténèbres de l'Efprit. Il y a un Art de diffiper ces ténèbres & de fe conduire dans la recherche de la Vérité : cec Art fi important par fes ufages & fi noble dan* fa fin , ett l'Art de penfer ou la Logiq"ue. Tome XVUl M î78 SUR VART D'FTUDIER La Logique fuivra donc la Prychologie daii? Tordre des Etudes philofophiques. A la fuite de la Logique marchera la Science des Mœurs ou la Morale 5 car ce font les adions de THonime qu'il s'agit fur -tout de diriger Vers une ccrcaine Fin. Le Droit Naturel fe lie naturellement à la Morale : l'un Se l'autre ont le même fonde- ment & à peu près le même Objet. L'Homme n'eft pas ifolé fur la Terre : il eft enchaîné ai fes Semblables : il l'eft encore à une multitude d'autres Etres : les rapports Ci nombreux , (î divers qu'il foutient avec tous ces Etres font ce qui influe le plus immédiatement fur fou Bonheur. Mais , l'Homme a des rapports avec fou Créateur comme fa Créature & comme un Etre que fa Souveraine Bonté deftine au Bonheur. Après s'être étudié foi - même , ° & après s'être occupé des moyens qui conduifent îe plus direderaent à fa Fin, l'Homme tâchera donc de parvenir à la connoilfance de foii Cre'ateur, & ce grand Objet eft celui de la Théologie Naturelle. Et comme tout eft enchaîné dans les Ow- ET rORDRE DES E'TUÎ)ES, 179 vrages du Cre'ateur , & que chaque Etre particulier eft Une Partie cQnftituante de l'Uni- vers, l'Homme s'occupera de cet Enchaîne- ment univerfel, &; il le contemplera dans la Science du Monde ou la Cormologie. Mais , parée que toutes les Parties mixtes de la Philofrjphie rationnelle font les différentes Branches d'un même Tronc 8c que ce Tronc eft la MetaphyGque pure ou l'Ontologie , il fera bien dans Tordre de la marche de rEfprit, qui va naturellement des concrets aux abltraits & des moins abftraits aux plus abftraits , de finir par l'Ontologie oii la Science de l'Etre en général, êc de la placer ainfi à la fuite des autres Parties de la Philofophie rationnelle. Cet ordre n'eft pas le plus fcientifique : il eft même op-* pofé à celui que la plupart des x'\uteurs préfè- rent 5 mais il eft au moins le mieux approprié à l'enfance de la Raifon. L'Inftituteur doit fé plier aux befoins d'une Railbn nailTante : des notions trop abfttaites, trop éloignées des Ob- jets (enflbles repoulTent Fortement l'Efprit d'un Commentant, & combien importe -t - il de lui rendre facile l'acquifition de toutes les Vérits î Pourquoi entaiier des épines à l'entrée de la Carrière qu'on veut lui. faire parcourir } M ^ igo SUR VART D'E'TUDIBK La Métaphyfique pure eft, en quelque fortei' la Science tmiverfille ^ puifqu'elle eft la Science ues Abjînrits: elle enveloppe donc toutes les au- tres Sciences , & leur fournit à toutes des prin- cipes communs dont elles ne fauroient fe par- fer. Elle accoutume encore TEfprit à fe déta- cher des Objets matériels i elle le familiarife avec un genre de notions , plus indépendant que tout autre des idées purement fenfibles. Elle accroît donc merveilleufement les forces & la pénétration de l'Efprit , 8c le met à portée de fciiiir les rapports les plus éloignés & les plus compliqttés. Telles font les principales réflexions que l'Art d'étudier préfente au Philofophe , & telle» font les gradations que la bonne Méthode fait mettre dans les E'tudes philofophiques. Il m'au- roit été facile d'étendre beaucoup ces réfle- xions : le Champ eft immenfe : je me fuis ref- ferré dans le rapport à mon but particulier : il ne fera pas difficile de développer davantage cette légère Efquilfe d'un Sujet fi riche j & je dois lailfer ce développement à ceux qui font chargés par état de l'Inftruclion de la Jeuneffe. Si j'écois entré ici dans le détail , j'aurois dit ma penfce fur la manière dont chaque Parti® de la Philofophic rationnelle demande à être T.T rORDRB DES ETUDES, igi traitée foit dans le rapport à fou Objet , foit dans le rapport à l'Inftrudion. Je me ferois fur-tout attaché à faire fentir combien les Lo- giques ordinaires répondent peu au but que leurs Auteurs fe font propofé. Au lieu de pré- fenter au jeune E'tudi.ant une Logique fans ceffs en adlion , au lieu de lui montrer par des exem- ples intéreifans puifés principalement dans la Phyfiqae & dans l'Hiftoire naturelle comment le Philofophe parvient à la découverte de la Vérité, on ne lui préfente qu'un tas de rè- gles , de diftindions , de préceptes plus faits pour charger fa Mémoire que pour éclairer font Efprit » former fon jugement , lui infpirer le goût de la bonne Philafophie & développer chez lui le génie de Pobfervation fi Fécond en grands effets, & qui eft lui-même une Logique vi- vante, toujours adivc , toujours inventive & toujours fage. Nautre '^ fin de la VhHofophie mtmineîle. p A R c E que rîlomme eft un Etre fentant , il veut fentir beaucoup & agréablement : & parce qu'il cft un Etre adif, il recherche les Biens & fuit les. Mau:^. M 3 382 SUR VART U ETUDIER L'Activité' a été fubordonnée à la SenG- bi'ité. On ne recherche poiiiç & roii ne fuit point ce qu'on ne connoît point. Un Etre qui ne feroit que [entant auroit des/ fenuuions , fans pouvoir jamais fe déterminer en conréquence de ce qu'il fentiroit. \\ feroit \\\\ Mifoir qui demeureroit immobile à la pré- fenee des Objets dont il peindroit l'image. Le grand Objet de la Senflbilité & de PAdli- Vité ell: le Bonheur. L'Amour du Bonheur eft le principe pre- jaiier & univerfel des adions de rHomnie. Il ne diiïere point de l'Amour de foi- même bien, entendu : car c'eft fon propre Bonheur que l'Homme recherche , & il le recherche encore quand il s'occupe du Bonheur de fes Sembla- bles & qu'il le procure. Ce feroit donc une grande méprife , que de confondre l'Amour de foi - même bien entendu s vec l'intérêt greffier: celui - ci eft l'éponge de toutes les Vertus : l'Amour propre bien or- donné en eft la fource la plus pure & la plus féconde. Toux ce qui peuD contribuer direclement ET rORDRE DES FTUDSS. iS| ou indiredlement à la confervation & au per- fedtionnement de l'Homme entre dans les in-» grédiens de fon Bonheur. Le Bonheur eft un état permanent , & il diffère ainfi du plaifir , qui n'eft qu'un état paiTager. Le Bonheur eft donc la grande Fin de l'Honi- me. La Railbn eli: le moyen relatif à cette Fin. J'entends ici par la Raifort i'Enfemble de ces nobles Facultés dowt l'Homme eft enrichi & la meilleure application de ces Facultés à ia Fin. Ce ne fera donc qu'une Raifon très-écîairée qui pourra procurer à l'Homme la plus grande fomme de Bonheur qu'il puiffe obtenir fur la Terre : c'eft que les Objets de fes Alfedions étant très - nombreux & très -variés, les mé- prifes peuvent être infinies , & la Raifon peuÊ feule prévenir les plus dangereufes. Elle les prévient par la connoiffance réSé-. chie qu'elle acquiert des divers Objets avec lefquels l'Homme foutient des rapports. La rai- fon apprécie les Objets , & décide par cette M 4 184 SUR VAÏtT D'É'TUDIER., ^c. appréciation du choix que THomme doit ett faire. La Phiîofophie rationnelle n'eft donc pro- prement que la Raifqn elle-même appliquée à rimportante recherche du Bonheur. La Phiîo- fophie rationnelle fera donc ainli la Science du Bonheur : ce qui revient à dire , qu'elle fera la Sageffe 5 puifque la Sagefle choifit toujours les meilleurs moyens pour parvenir à la meil- leure Fin. La Phiîofophie rationnelle eft donc la Science qui mérite le plus d'être cultivée puifqu'elle eit celle qui influe le plus diredement fur le perfedionnement de TEfprit & du Cœur. C 185 1 HYPOTHESE SUR L'AME DES BÊTES ET LEUR I NDUS TRIE. I L eCl peu de queftions qui aient autant exer- cé la fagacité des Philofophes que celle de l'A^ me des Bètes. Cela étoit fort naturel : les Ani^ maux font fans ceflc fous nos yeux , & plu- fieurs nous furprennent par Icyrs procédés ingé^ nieux. Ils afFec!^ent une forte de relTembldnce avec nous fur laquelle notre Imagination s'é^ chauffe aifément, & qu'eik fe plaît d'autant plus à accroître, qu'il en réfolte plus de faci- lité à expliquer ces procédés ; car il eft bien fimple que plus l'Animal fe rapprochera de l'Homme , 8c plus on fera tenté d'interpréter l'Animal par l'Homme ; on ne fe défiera pas même de l'interprétation , p^rce qu*on ne s'a- vife guère de fe défier de ce qu'on croit voir, «nteudre & toucher. i8<^ HTPOTHESE Un vice général m'a paru régner dans \eï E'crits des Philofophes fur l'Ame des Bête$ 2 ils dilTertent trop & fe perdent dans les détails. Il falloit chercher dans cette foule immenfe de petits détails, qu'on étale fouvent avec trop de compîaifance & toujours avec alTez peu de Lo- gique; il falloit, dis- je, chercher au milieu de tout cela quelque grande Vérité , quelque Fait laillant , qui fût comme le centre où tous les rayons vont aboutir. o C'est ce Fait que j'ai cherché & que je n'ai pas analyle dans mes E'crits ( i ) autant que je l'gurois defiré. La nature & le but de cesE'erits ne me le permettoienc pas. Je vais effayer d'y fuppléer ici j & encore donnerai -je plutôt les élémens de cette analyfe que Tanalyfe elle - mê- me. Il faut bien laifler quelque chofe à faire à TEfprit; & comme le difoit Montesquieu ^ le moyen de dire tout fans tin mortel ennui ? Ce Fait fondamental dont il me paroît qu'on doit partir , eft celui-ci : tout ce qui eft nécefl faire à la confervation de l'Individu & à celle [l] Ejfai analyt. Chap, XVI. XXIV. Contempl. Part. XI. Chap. XIX , XXïi , XXX e^ dans les Notes : Part. XII. Ch. II, IV, XXXII, XXXilî, XXXVil, XXXVm,XLVII &lc». Notes. SUR rjIMB B ES BETES, ig? cle fon Eipece , rAnimal l'exécute du premier coup , fans préparation , fans étude , fans expé- rience , fans jmitaûon, & l'exécute auffi parfai- tement que 11 rOavrage ctoit le réfultat de la plus longue habitude ou des réEexions les plus profondes. • ** Je prie qu'on y prenne, garde : tous les dé- tails fur l'induftrie des Animaux vont fe réfqu- dre dans ce Fait fondamental, c'efl: toujours ce Fait qu'il s'agit d'expliquer, & fi l'on peut jamais en donner une folution fatisfaifante , cette folution enveloppera tous les détails. Si ks Naturaliftes Philofophes l'avoient bien fertti, ils auroient fait un meilleur emploi du tems qu'ils ont confumé dans cette recherche, & une plus heureufe application de leurs talens & de leurs lumières. Il fuffit de confiiérer un Animal d'un point de vue général, pour reconnoître auffi - tôt l'appropriation de fa Strudure à fes befoins ou à fon genre de vie. Il eil: même rigoureufement vrai que ces befoins & ce genre de vie font I les réfuitats néceîîaires de cette Scruclin-e elle- même ', c'eft que l'Animal n'a certains befoins , que parce qu'il a une certaine Strudure, 8c if ne m.ene un certain genre de vie , que parce. fS8 HrrOTHÉSB que ce genre de vie eft le réfultat néceflaire de la Scrudure. Combkn eft-il évident que la faim a fon principe dans la conftiudtion or- ganique de l'eftomac , & n'eft-ce pas encore la conftitUÊion particulière des ouïes du Poiflbn qui lui rend le féjour dans l'eau néceflaire? La Strucflure de TAnim-al n'eft que l'enftm- î>le harmonique de fes différens Organes. J'en- tends ici par les Organes , toutes les Parties relatives à la confervation de Tlndividij & à eelle de rEfpcce. Il y a donc dans chaque Animal un aflem- Kîage d'Organes qui ne fe trouve que dans les individus de fon Efpece , à qui caradérife cette Efpece. Cet aflemblage d'Organes répond cradle- ment à la defti nation de l'Animal : ces Orga^ nés font les moyens phjficiues relatifs à une Êii phyfique. Je fùpprime les détails d'Anatomie , & je m'avance rapidciiîent vers le terms de cette difcuffîon. ■* Les, Organes de l'Animal font diverfifiés :: ils SWR VA ME DES BETES. Ï89 fe font comme l'eft letir fin. Chaque Organe eft fufceptible de bien des mouvemens différens: mais entre ces mouvemens il n'y en a qu'uri certain nombre •& quelquefois qu*un fcul qui réponde diredement à la fin : tout autre mou- vement y f^rôit indifférent ou contraire, • ÏL peut donc m'ètre permis d'enVifager cha- que Organe comme une PuifTance indétermi- née : or, dans une Puiiïance indéterminée quel- conque, la raifon fuffifante d'une détermina- tion particulière ne peut être dans la Puiiîance elle - même. Il y a donc une raifon fuffifante, une caufe fecrete qui détermine le mouvement ou l'exer- cice particulier de chaque Organe , & qui appro- prie ce mouvement ou cet exercice à une cer- taine fin. Cette caufe cft prochaine ou éloignée : je cherche d'abord la caufe prochaine* L'Anatomie m'apprend que le Principe des mouvemens volontaires eft dans le Cerveau. On voit aifez que je ne dois parler ici que des mou- vemens qu'on fuppofe fuumis à la Volonté. Il y a dmc dans le Cerveau de l'Animal Ipo H r F 0 T H E S È tme organifatioii corrélative aux mouvemens que tel ou tel Organe doit exécuter. Maïs, les Opérations de l'Animal font tou- jours de la plus grande précifion & répondent exadcment à fâ dellination. Il y a donc dans le Cerveau de TAnimal quelque choie qui dé- termine infailliblement la manière & refpecc de Topération. Un Arehitede ne conftruit un Bâtiment que parce qu'il en a conqu le plan. L'invention ou le deffein eft le fruit de l'étude & du travail. Mais quels eiTets cette étude & ce travail ont- , ils produit dans fon Cerveau ? ils ont donné à différentes fibres & à différens faifceaux de fibres des déterminations particulières & coor- données qu'ils ont confervé & en conféquence defquelles l'Ame de l'Architecle a opéré. L'é- tude & îe travail ont produit encore dans d'au- tres faifceaux , liés à ceux-là , des détermina- tions' relatives à l'exécution du plan , &c. Supposons maintenant qus cet Architede fût veau au Monde avec un Cerveau pourvu de fibres fenfîbles dont les déterminations ful- fent exactement les mêmes que celles qu'y au. roieut produit l'étude & le travail ? cet Archi- ÈÛR VAME DES BETES. 191 tede 5 fi heureufement né, ne porteroit-il pas dans fon Cerveau une Architecture imiée , en vertu de laquelle il exécuteroit fans prépara- tion tout ce que le commun des Architedles n'exécute qu'à force d'étude & de travail t* Ne feroit - ce point ici précifément le cas de l'Animal ? Son Cerveau ne eontieudroit-il point originairement un fyftème de fibres repréfen- tatif de l'Ouvrage & des moyens relatifs à l'exécution ,• & ce fyftème de fibres ne le p!a- jceroit-il point à fa naiiTance précifément dans îe même état où une étude de plufieurs années place TArchiteéle ? Mais, il ne fufïîroit pas pour la folution du problême que le Cerveau de TAvitmal contint des fibres repréfentatnces de l'Ouvrage à exé- cuter; il faudroit encore deux conditions Q^ew-' tielles : la première, que ce Syftôme repréfen- tatif eût avec le Syftème des membres ou des Organes une liaifun telle que les mouvemens de celui-ci fuifent déterminés par les mouve- mens de celui - là : la féconde, que le Syrtèiilié repréfentatif eût lui - même une caufe motrice qui le mît en adlion. Par- tout la fage Nature a lié le plaifir au befoin. Le befoin à remplir ne Vdi jamais fans quelque fenfation agréable. ï9« H r p 0 T t{ E s b:, ^t. Mais toute fenfation fuppofe la préfence d'un Etre capable de fentir. Nous ne pouvons douter de Pexifterice des fens dans PAnimal ; nous ne pouvons pas pliis douter raifonnablement de Tahalogie des Sens de l'Animal avec les nôtres. Si dans l'Homme les Sens font les moyens des fcnfations , & fi nous avons de bonnes ]preuves de Texiftence de l'Ame de l'Homme , nous pouvons légitimement en inférer qu'à des moyens femblables répond au moins une fia analogue. Il y a donc dans l'Animal une Subftance imo^atérielle qui reçoit les impreflions des Sens & qui agit en conféquence de ces imprelîîons. Mais Ci cette Subftance eft unie à un Corps organifé , & fi elle eft deftinée à agir fur lui & par lui , elle agira relativement à la Struc- ture particulière de ce Corps organifé & aux déterminations originelles du Cerveau. Le Ledeur intelligent a faifi mon Hypothefe Se n'a pas befoin que je la développe davan- tage. Il expliquera par ces principes ce que j'ai expofé ailleurs fort en raccourci. IDE'ES t^S.!i.p .itS^S*j- j^' S^v -T'.S^j.. ■tfvSS^ •tf^'^gMj sf^âjsj IDÉES ^ i;- i? U O R I G 1 N E D a MAL. J Ë partirai d'une fuppofition qui ne fauroie m'ètre conteitéci c'eft qu'il y avoit un nombre indéfini d'Etres fentans & d'Etres intelligens poffibles. Je me repréfente donc la Senfibilité & l'In- telligence comme deux MalTes qui pouvoieiu fe dtftribuer entre tous ces Etres par portions inégales -, & j'imagine que par cette diftribu- lion les deux MaiTes étoient épuifées. Je fuppofe encore, que la Création a âà être dans un rapport exad avec les Perfec- tions de fon Auteur ; & je ne penfe pas que cette féconde fuppofition me foit plus con^ teftée que la première. J'observe enfuite que tout Etre fentant on intelligent, dont la fomme entière de l'exiC- Tom XVIIL N 194 i B r È S tence renfermoit plus de Bien que de Mal, s pu ècre créé fans choquer ni la Sageflc ni la Bonté, Mais, fi le Plan de la Sagesse suprême cmportoit que PEtre (entant ou intelligent , créé d'abord avec des Facultés extrêmement bornées , accrût par la fuite en pcrfedion j je dis , que Texiftence d'un tel Etre Teroit eticore plus harmonique avec la Sagefle & la Bonté j car cet- accroiffement de perfedion feroit un âccroiiTcment de Bonheur. Si nous comparons les Etres entr'eux , nous pourrons nommer imparfaits ceux qui ne pofle. dent point ia perfedion que nous découvrons dans lesautuesi pfuifque c'eft par leurs perfec- tions relatives que les Etres feritans ou intelli- gens fe différencient le plus. Il ne s'agit donc pas ici de la perfedion abfolue ou de celle qui eft propre à chaque Etre fentant ou intelligent confidéré en lui-même. Tous les Etres confi- ^rés de la forte peuvent être dits parfaits» parce qu'ils font tels qu'ils dévoient être dans h rapport à leur fin. ( i ) (i) On voit donc qne le terme à'imparfaits que j'emploie îd, ii'inili • ^"'PoUR bannir le Mal, il eût donc fallu ban- nir toutes les Efpeces inférieurgs ; mais , ne concevons- nous pas facilement qu'il peut y avoir au - dcflus de l'Homme un nombre pro- digieux d'Efpeces encore très-imparfaites à leur manière, quoique très • parfaites en comparai- fon de l'Homme? Il eût donc fallu retrancher encore de l'E'chelle des Etres toutes ces Ef- peces. Mais où nous arrêterons - noiss dans ces SUR rORlGIJ^E DU MAL. 197 retranehemens fucceffifs ? quelles bornes leur alîignerons-nous ? Il y a pourtant un terme à cette Série graduelle des Etres : le t«rme ou le degré le plus élevé fera donc formé de la Créature la plus parfaite que nous puiifions concevoir. Afin donc de bannir de rUnivers le Mal , il eût fallu réxiuire l'Univers à ce premier t_er« me de la Série, à cette feule Créature que nous concevons comme la plus parfiite. Cependant, combien eft-il évident que cette Créature auroit encore bie^i des imper- fedions originelles inféparables de tout ce qui eft créé ; puifqu'entre le Fini & flnfini la dif- tance eft toujours infinie , & qu'il n'y a que TEtre existant Par soi dont la Perfec- tion foit ahfoliie ! ' Voila, (î je ne me trompe, jjufqu'où Ton eft conduit quand on veut analyfer la grande queftion de l'Origine du Mal. Je hafarderai en- core quelques idées fur un Sujet qui a engea- dré tant & de fi longues controverfes. . Le Monde matériel a été fait pour le Monde immatériel ou le Monde des Ames ou des In- N 3 Ï58 I D F E S telligenees : il a donc été nécefTaire que Tar- tangement du premier fut en rapport avec la progreiîion graduelle du fécond. Si donc l'Uni- vers avoit été réduit à une feule Créature in- telligente , on comprend bien qu'il auroit fallu arranger autrement le Monde matériel. • Je fais une autre réflexion : toutes les Efpe- ce$ ont été fub'ordonnées les unes aux autres ^ & cfftte admirable fùbordination conftitue le caradere clfentiel de l'Harmonie univerfelle. Les Efpeces inférieures font pour les Efpeees Supérieures î la Plante eiï pour la Brute , la Brute pour l'Homme, l'Homme pour des Na- tures plus parfaites, celles-ci potir d'autres plus parfaites encore , Sec, - Le Bonheur des Natures fupérieures tenoil donc à l'cxiftence des Natures inférieures; car les Connoiffanees des premières , fources fécon- des de plaifirs inteFleduels , dévoient naturel-* lement s'accroître par la contemplation des der- nières. Pour proairer à l'Homme la riche Con- noiflanoe du Monde organique, il falloit appel- 1er à Texiftence les Végétaux & les Animaux. Retranchez de la fphere des Gonnoiffances de l'Homme celles qu'il puife dans l^tude de ces Ëçrçs orgïuiifés , & vous vous çtoîinçrez de f a^ SUR roRIGINE nu MAL 199 pauvriircment de fes idées. Le perfedionnement de Pliitelligence de THomme étoit donc lié à l'exiftence de ces Etres organifés qui lui fom fi inférieurs en perfedion. Il y a plus 5 l'exiftence mêrtie de l'Homme étoit enchaînée à celle de ces Etres , puifqu'il ne peut fe conferver que par leur moyen. Il en eft de même de tous les Etres vivans > ils fubfiftent tous les uns par les autres , & cette forte de dépendance réciproque , qui conferve par -tout la Vie & TAdivité , fait encore partie de cette Harmonie univerfelle qu'on admire d'autant plus qu'on l'approfondit davantage ou qu'on la contemple dans un plus grand détail. DÈS qu'on s'eft une fois convaincu qu'il n'eft aucun Etre de notre Monde qui foit parfait^s^ ment ifolé , on vient bientôt à fe repréfenter notre Monde fous l'image d'une grande Ma- chine dont toutes les Pièces façonnées les unes pour les autres, jouent les uiies par les autres, 8c concourent enfemble à produire un effet principal , qui eft ainfi le réfultat général de la conftrudlion de la Machine. -On ne demande plus, alors pourquoi il exifte des Moules , des Vers de terre , des Polypes & N 4 200 i D i: E S tant d'autres Efpeces plus dégradées encore; parce qu'en contemplant le Chef - d'oeuvre d'un profond Méchanicien , on ne s'avife pas de dou- ter que les plus petites Pièces de fa Machine n'aient leur utilité comme les plus grandes & qu'elles ne concourent à leur manière au but principal que le Méchanicien s'eft propofé. ^Uïte au même Sujet. k3l l'an a bien faifi ce que je viens d'expofer, on fera , fans doute , porté à penfer que c'eft principalement dans la limitation naturelle & refpedive des Etres qu'il faut chercher l'Origine du Mal. Les Métaphyficiens difent que le Mal eft de trois fortes \ le Mal méthaphydque ou de limitation , le Mal phyfique & le Mal moral. Ils font confifter le Mal métafhyfique dans la fimple imperfedion , le Mal pbyjiqtie dans la fouffrance, le Mal moral dans le péché. Mais , Ci Ton y regarde de bien près , ne fera- t on point tenté de croire qu'il n'y a proprement qu'une feule forte de Mal, favoir , le Mal d'im- pctfeclion ou de Hmitation ? Je me bornerai à piopofer là defîus quelques confidérations gêné- SUR L'ORIGINE DU MAL. j^oj râleff , dont j'abandonnerai l'examen & le déve- loppement au Ledleor Phiiofophe. Si Ton cnvifage rUmvers comme une Machi- ne immenfe, ne fera-c-on pas dans l'obligation naturelle de convenir que les Etres qui entrent dans ia compofition de cette Machme ne pou- voient être tous précifément femblables , & que leurs Propriétés ou leurs Facultés dévoient varier dans un rapport déterminé à la place qu'ils dévoient occuper dans la Machine ou au* fonc- tions qu'ils étoient appelles à y exercer ; car toutes les Pi«ces d'une Machine quelconque doivent avoir des formes , des proportions & un arrangement exadement relatifs aux adlions réciproques qu'elles doivent exercer les unes fur les autres & au but principal de la Machme ? L'Homme eft doaic précifément tel que l'cxigeoit le rôle qu'il étoit appelle à jouer dans la grande Machine de l'Univers. Il n'eft pas une MaîtrclTe- Roue de cette Machine , il n'en ell qu'un très- petit Pignon j mais fi l'on vouloit qu'il en eût été une Maitreiîe-Roue , il eût fallu le rempla- cer par un autre Etre précifément femblable , deftiné , comme lui , à exercer la fondion de pignon j autrement il y auroit eu un défordre dans la Machine & elle n'auroit plus répondu toz I D K E % • à fa fin. Je ne dis pas aflez : THomme , devenu Maître ITe- Roue , auroit pris la place d'un autre Etre , appelle lui - même à faire la fondion de cette MaitrefTe.Roue ; cplui-ci en auroit donc dû déplacer un autre , &c. &c. & il eut fallu ainlî changer toute la conftrudion de Li Machine , ce qui reviendroit à dire , que Dieu auroit dû créer un autre Univers. Mais , qui ne voit que la même difficulté auroit lieu pour tous les Univers poffiblesî Qui ne voit encore que la difficulté cniporteroit enfin, que Dieu ne devoit point créer du tout j car un Etre souverainement , Intelligent peut-il ne pas mettre entre tou- \ tes les Parties de fon Ouvrage une harmonie qui les fubbrdonne les unes aux autres & les fafle concourir à la meilleure Fin ? L'Homme efl: donc tel qu'il devoit être , & il n'eft tel qu'il eft que par fes Facultés. Ce font fes Facultés corporelles & intelleduelles qui conftituent fa nature ou fon effence. L'Homme eft donc limité par fes Facultés mêmes; puif- qu'il ne peut connoître & agir que dans le rapport à fa nature ou à fon elTence. L'Homme eft eflefitiellement un Etre mixte : il réfulte eiTentiellement de l'union de deux Subltauces , l'une matérielle, l'autre immatérielle. SUR rORIGINB DU MAL, ioj qui agilTent ou paroiflent agir réciproquement Tune fur l'autre. Les deux Subftances fe limitent donc réciproquement. La portée des Sens limite la Faculté de connoîtré j la portée des Membres limite la Faculté d'agir. &c. L'ignorance & l'erreur étoient donc le ré- fultat naturel de ces limites , & ces limites de- voienjt varier dans chaque Individu relativement aux circonftances particulières où il fe trouve placé ; puifqu'on ne peut difconvenir que les circonftances n'influent plus ou moins fur le développement & le perfedionnement des Fa- cultés de l'Homme. Mais, à la Faculté de connoître & d'agir l'Homme joint encore la Faculté de fentir, & cette Faculté qui ne s'exerce non plus que par les Sens , eft de même limitée par les Sens. L'Homme r^ fauroit avoir plus de plaiGrs & de peines que ne comportent le nombre , Tefpece & l'adivité de fes S'^ns. • ; Et parce que l'Homme eft un Etre fentant , "il aime à fentir agréablement. Il fe plait donc d'autant plus aux fenfations agréables j que fes .Sens font plus exquis ou qu'ils font plus pro- pres à TalFeder vivement. Il a dpnc un pen- chant naturel pour les objets fenfiblcs : le deg^é de ce penchant détermine la PafEon* 20+ I D E* E S ir Les Paflîons , fources fécondes de tant de Biens & de tant de Maux, font donc les ré- fultats néceflaires de la Faculté de fentir mife en adion par les Sens. Elle cft réprimée ou balancée dans fes ciFets par la Faculté de con- lîoitre, & ces deux Facultés fe limitent ainfî réciproquement. Ce f#nt deux PuiJTances qui agilTent & réagilTent fans cefle Tune fur l'autre. Mais , parce que l'Homme tient plus ici-bas â la Matière qu'à l'Efprit , les plaifirs des Sens l'attirent plus fortement que les plaifirs de l'Ef- prit : il efi: donc plus porté à fentir qu'à réflé- chir 9 & c'eft apparemment ainfi qu'il faut en- tendre ce que les Moraliftes nous difent de la corruption naturelle d» l'Homme. Ce n'eft pas néanmoins que l'Homme foit eifentiellement corrompu 5 mais il ett effentiellement limité , & de fes limites réfukent en dernier reiîbrt toutes fes imperfedions. L'Activité dont PHomme eft doué eft inhé- rente à fon Ame & fait le fond de fon effence. L'Homme a une Volonté , & cette Volonté ne peut jamais être contrainte. L'Homme ne pou- voir donc être porté vers le Bien moral , com- me un Corps eft projeté vers un certain point. L'Hummc ne pouvoit être porté au Bien que •■tUR rORlGI-^È BU MAZ. io? par des motifs proportionnés a fa Faculté de connoître. Le saCîe Auteur de ion Etre lui a donc fourni ces motifs; mais II ne pouvoic ôter aux Sens leur influence dâttgereufe fans dénaturer THomme : Il ne pou Voit pas plus lui donner les Facultés & les Gonnoiflances des Natures fupérieures, puifqu'lL en auroit fait ainfi un autre Etre. " -^'' ^'*'- L'Homme faifoit eiTentiellcment partie d'un Syftème particulier, dont il -étoitla .principale l^ïecQ. Ce Syftème eft notre Planète , Théâtre dont les fcenes varient fans cefle & fur lequel les E'émens fe livrent des combats perpétuels qui entretiennent la vie & le mouvement dans toute la Nature. La Machine fi admirablement bien organifée à laquelle l'Ame humaine eft uniç par des nœuds qui nous font inconnus, eft donc foumife aux adions combinées de tous lei,Etres terreftres aveclefquels elle fouticnt des rapports.' Ses Forces font coordonnées & limitées rela- vivement à fa Fin. Elle agit & réfifte dans le . rapport à ces Forces ; elle fe nourrit , végète , fc développe , fc dégrade , fe décompofe , périt : Mais l'Homme ne périt pas tout entier: il ne fait que fe dépouiller de fon Enveloppe terreftre, & n'eft. que transformé. Enfin > parce que rorganifation des Scrs 2qI ID^ÎS $^R rORÏÛÏNË DU MALI devoit être dans un rapport dired à la confer- Vfldon 5 au bien être & au perfedionnement de THomme , il étoit dans Tordra de cette impor* tante fin , que les Sens fulTcnt doués d'une dé- licatefle extrême pour tranfmettre promptemeut &; fidellement à TAme les imprefîions des Objets , & cette délicatefle elle-même Içs rendoit autant les Inftrumens de la douleur que ceux du plaifir. Mais la doyleur, que nous nommons un it/a/ > avoit aufîî une fin , & cette fin étoit bonne* Coinment l'Homme eût * il pu conferver fon Etre , (î la douleur ne l'eût point averti de ce qui pouvoit lui n.uire ? Le Mal phyftqtie ou de fouffrance détivoit donc originairement des limites afîîgnées aux Forces organigues de l'Homme, & ces limites étoient déterminées par la place qu'il dévoie occuper dans la grande Chaîne des Etres mixtes. t toi 3 MÉDITATIONS SUR L'ORIGINE DES SENSATIONS ET SUR L'UNION DE LAME ET DU CORPS, *5^r •oj* Je voudrois tâcher de parvenir par la rame des faits à quelque chofe de philofophique fur rOrigihe de nos fenfations. Je partirai donc des faits les mieux conftatés : je les analyferai autant qu'ils demanderont à l'être, & j'en dé- duirai par le raifonnement des conféquences plus ou moins immédiates , qui feront commt- les élémens de la petite Théorie à laquelle je defirerois d'atteindre. Je pro^ndrai pour exemple la Vue : j'ai ana* lyfé autrefois l'Odorat. Je fuivrai une marche analogue dans l'examen de la Vue. Je préfère aduellement ce Sens, parce qu'il répond ^licux à moa but particulier* ^S M E'D i T A r t 0 27 s On connoît la ftrudure admirable de rOeftî on fait qu'elle a pour fin de raflembler fur la .Rétine les rayons qui émanent des Objets. Cette réunion des rayons au fond de POcil, eft le premijer fait qui s'offre à mon examen. Une Pyîïîmide fe préfente à ma Vue : l^s rayons réfléchis par tous les points de la furfacé de l'Objet entrent dans mon Oeil , traveifent fes humeurs , en font rompus s'il tombent, obli- quement , & vont peindre fur ma Rétine une très- petite image ♦ une -miniatwre parfaite, qui eflî celle de la grande Pyramide que j'ai fous les yeux. Les détails d'Optique n'entrent point .dans mon plan: il me fufHt de rappeller ici les faits fondaxnentaux 5 ce font ces faits qui doivenc fervir de bafe à mes raifonnemerts. ; » j ;.. Une image eft donc peinte fur ma Rétine, & c£tre image eft celle d'une Pyi-amide. Tout ce que la Pyramide qui eft fous mes yeux rti'offre très - e£X grand , la Pyramide qui eft peinte fur ma Rétine , l'offre très-en petit. Je puis donc comparer mon Oeil à une Chambre obfcure. Les Humeurs de l'Oeil en font SUR LES SENSATIONS 40^ font les verres j la récine eft le carton qui re- çoit l'image. Mais , eft-ce en qualité de Chambre obfcure que mon Oeil fait naître dans mon Ame la perception très - claire d'une Pyramide ? non afTurément ; car pour fuivre la comparaifon , il faudroit que mon Ame fût préfente à l'intérieur de l'Oeil j qu'elle y fut placée comme le Spec- tateur eft placé dans la Chambre obfcure. Je fais certainement que la chofe ne fe pafle point ain(î : un fait très - connu me le démon- tre : une paralyiie du Nerf optique détruit la Vifîon ; & pourtant les images des Objets peu- vent encore fe peindre fur la Rétine : l'Ame n'eft donc pas préfente à l'intérieur de l'Oeil. Et puifque le Nerf optique fe prolonge jufques dans le Cerveau , ce doit être dans la Partie du Cerveau à laquelle il fe termine , que je dois fuppofer que l'Ame eft préfente. Je puis nommer cette Partie , quelle qu'elle Ibit , le Senforiwn ou le Siège de l'Ame. Je fuis donc obligé de reconnoître que la Strudure de l'Oeil n'a pas pour dernière & principale fin de crayonner fur la R^-tine les Tome X VIU. O ^lo MEDITATIONS images des Objets places à une certaine diftancs de rOeil. " Ces images font pourtant du fini le plus parfait ; & lorfque j'ai dépouillé un Oeil de Bœuf de fcs enveloppes, & que je l'ai fubfti- tué au verre de la Chambre obfcure , je ne puis me hlfer d'admirer ia miniature peinte avec tant de^ netteté & de précifion fur la Ké- tme de cet Oeil. On n'imagine pas d'abord que les Humeurs de cet Oeil aient d'autre fin que d'exécuter cette furprcnante miniature. Il femble que ce foit déjà bien affez que l'exé- cution d'un tel chef-d'œuvre. Cependant , il eft prouvé que ce chef- d'œuvre n'eH: point ici la dernière & princi- pale fin de la Nature. Pourquoi donc la minia- ture eft-elle fi finie ? pourquoi tous fes traits , toutes fes couleurs , toutes fes proportions font- ils une imitation Ci parfaite de tout ce que je découvre dans l'Objet?' Pourquoi eft -ce une Pyramide qui fe peint aduellement au fond de mon Oeil ? Il faut que j'analyfe ceci. Je fais que îa Lu- mière eft une Matière très-fubtile , & qui fe meut avec unç extrême rapidité. Réfléchie par SVR LES SB2^SATI0NS. 2ix la Pyramide que )'ai devant les yeux , & raf- femblée fur ma Rétine , elle excite dans les fi- brilles de cette membrane des ébranlemens re- latifs à la rapidité & à la nature de fon mou- vement. Ces fibres font un prolongement de la fubftance médullaire du Nerf optique : les ébranlemens communiqués aux fibres de ma Rétine fe propagent donc par mon Nerf opti- que jufoues à cette Partie de mon Cerveau où mon Ame eft immédiatement préfente. AÎAii^ , c'eft la lumière réfléchie par un cer- tain Objet qui fe raiîemble iur ma Rétine : c'eft la Lumière qui réjailiit d'une Pyramide , & cette Lumière en trace l'image fur une portion de ma Rétine. Il n'y a donc que les Fibres contenues dans cette porrion de ma Rétine , qui reçoivent ies ébranlement des rayons partis de la Pyramide. La manière dont ces fibres reçoivent ces ébranlemens eft exadtement correfpondante à Tordre fuivant lequel les rayons font réfléchis & raifemblés , &à Tefpece de leur mouvement Il eft donc néceiTaire qu'il en réfu'te fur la Ré- tine une certaine image en miniature , & que cette image foit celle d'une Pyramide. G z «li MFDITATIOVS Si donc je concevois un doigt doué du Tou- cher le plus exquis , placé à l'extrémité de mon Neif optique, à cette extrémité qui aboutie à mon Senforium , ce doigt fentiroit les ébran- lemens de tous les points de ma Rétine oc- cupés aduellement par l'image de la Pyramide; & fi ce doigt étoit fort exercé , il démèleroit tous ces ébranlemens , & de l'enfembie de tous ces ébranlemens naitroit une imprefîîon totale qui feroit celle de la Pyramide. Ce ne feroit donc plus une image que le doigt fentiroit : ce feroit une multitude de pe- tites impreffions partielles coordonnées dans un rapport dired à l'image tracée fur ma Rétino^ Je place une Ame dans ce doigt pour fen- tir tout cela & en juger -, car je ne puis at- tribuer au doigt le fentiment & le jugement. Cette Ame fentiroit donc l'image & en jugeroit par le Toucher j à-peu-près comme un Aveu- gle-né qui difcerneroit les couleurs par le Toucher. L'Ame que je fuppofe ne verroit donc pas Timage j mais elle la fentiroit , & ce feroit encore comme l'Aveugle qui touche ua Corps avec fon bâton. Mon Ame eft donc cet Aveugle; le Nerf , ^ SUR LES SENSATIONS, 2i| optique eft fon bâfcoii. Elle Cent les impreffions de la Lumière qui frappe fur l'autre extrémité du bâton. Et parce que ces impreffions lont coordonnées dans un rapport à une certaine fi- gure, à certaines proportions, à certaines cou- leurs, mon Ame a la perception ou pour par- ler plus pfychologiquement le fentiraent d'une Pyramide. La produdion de ce fentiment eft donc ici la dernière & principale fin de I'Auteur de mon Etre. Il a voulu que mon Ame fût ainiî en commerce avec le Monde vifible ou plutôt tangible: Mats, ce fentiment ne me femble pas avoir rien de commun ni avec l'image tracée fur la Rétine ni avec les fibres de cette Membrane ni avec la fubftance médullaire du Nerf opti- que ni avec les Efprits qui animent les Nerfs ni avec les ébranlemens que la lumière excite dans les Nerfs ou dans les Efprits. La Lu- mière agit, fur la Rétine & par elle fur mon Senforium comme un Corps agit fur un autre Corps. Tout ceci cft fournis aux Loix généra- les du Mouvemerrt, & je ne faurois y conce- voir qu'un jeu de méchanique ; mais d'une mg- chanique trèii-profonde , & dunt je n'entrevois O 3 2Î4 MEDITATIONS que les effets les plus généraux ou les plus faillans. Je ne découvre rien du tout de méchani- que dans le fentiment de mon Ame. Il eftune modification, une manière d'être de mon Arrit qui ne refTemble à rien de tout ce que m'ot- frc la Matière. Mon Ame paroit recevoir l'im- preffion qui fe fait fur l'extrémité antérieure du Nerf optique i mais c'eft à la manière d'une Subftance immatérielle: elle éprouve un fenti- ment, & ne reçoit pas un choc. Je tâche d'analyfer ce fentiment. Il réfulte de mon analyfe , que ce fentiment eft un , fim- ple , indivifible : & pourtant il cfl celui d'un Objet très - compofé. Je diftingne très - nette- ment les différentes Parties de la Pyramide; elles ne fe confondent point dans mon Ame. J'ai la perfuafion intime que c' eft mon Ame qui les apperqoit & les diftingue toutes. Je fens intimement, que c'eft dans mon Moi que toutes les imprelîions partielles fe réuniifent fans s'y confondre jamais : je fens de la manière la plus claire , qu'il eft le même Moi dans cha- que impreilion partielle & dans Penfemble de tontes les imprelfions : que le Moi qui apper- çoit la pointe de la Pyramide eft elfentiellement SUR LES SENSATIONS. 21% îe même Moi qui en apperqoit la bafe; 8c que c'eft encore le même Moi qui compare les deux imprcfîîons & juge ainfi de la hauteur de la Pyramide. Ce Moi qui eft toujours un dans toutes ces opérations,* ce Moi qui fe les approprie toutes ou qui s'identifie avec toutes,- ce Moi qui dans le môme infiant indivifible apperqoit , compare, juge , & qui a toujours le fentiment intime que c'eft lui- même qui apperqoit, compare, juge ; ce Moi , en un mot , qui ne ceiFe ja- mais d'être un, identique, quoique Tes opéra- tions puifTent fe multiplier & fe diverfifîer à l'infini ; ce Moi , dis- je , n'eft donc pas Ma^ tiere. Je ne vois dans l'Organe que compoû- tion & diverfité de Parties : j'y découvre des fibres dont l'arrangement , l'entrelacement , les rapports me préfentent une foule de particula- rités que je ne parviens point à épuifcr. Cha- que fibre, chaque fibrille , chaque molécule exifte à part i l'une n'eft pas l'autre j mais de leur colledion harmonique réfulte l'Organe. Ce n'eft donc pas l'Organe lui-même qui apper- qoit, compare, juge j car un Etre multiple ne Tauroit former cette Unité , ce Moi dont j'ai le fentiment fi mtime , Ci clair , & qui réunie en fui, fans confufion , tant de chofes qui exiC. G 4 «i(f ME'DITATIO^S tent féparément hors de lui. Quelque organ}- fation que je conçoive , il en fera elTentielle- îTient de même que de celle de l'Oeil que l'A- natomilb dilTeque : je ne trouverai par - tout que multiplicité & variété » & jamais cette Unité ffychologique qui conftitue le fentiment du Moi. Je fuis donc dans l'obligation philofophique de reconnoître que mon Moi n'eft pas Ma- tière ; & pourtant il eftuni intimement à cette portion de Matière qui fait partie de mon Etre. Comment la Matière peut - elle agir fur ce qui n'eft point Matière , & comment ce qui n'eft point Matière peut - il agir fur ce qui 6ft Matière ? J'ai fait bien peu de chemin encore , & me voici déjà parvenu aux dernières bornes de la ConnoifTance humaine. Je n'ai pas la té- mérité d'entreprendre de les franchir: je fais trop que mes tentatives feroient vaines. Mais , je veux efîliyer d'obfervcr de plus près ce qui eft placé fur les limites & en deqà de ces li- mites. Je retourne donc fur mes pas : je vais examiner de nouveau TObjet & l'Organe qui m'en tranfmet l'imprellion: je tenterai enfuite de tirer de mes obfervations des réfultatsqui SUR LES SENSATIONS, 217 puîfTent m'écîairer un peu plus fur la nature de l'Union des deux Subftances j & fur les effets généraux de cette Union. L'Objet eft une Pyramide. Il eft de la plus grande évidence que Timagc qui s'en forme fur ma Rétine n'eft pas plus cette Pyramide qu'un Portrait n'eft le Vilage qu'il repréfente. Des faifceaux de Lumière qui, fi je puis parler ainfi , appuient par un bout fur chaque point vifible de la Pyramide , & par l'autre fur au- tant de points correfpondans de ma Rétine, y impriment l'image de l'Objet : en forte qu'à un point donné de la Pyramide répond un point de ma Rétine. De cet alfemblage de points di- verfement colorés & plus ou moins lumineux fe forme dans mon Oeil une rcpréfentation en miniature de la Pyramide. Sr donc il n'y avoit point de Fluide inter- pofé entre l'Objet & mon Oeil , il me feroit phy- fiquement impollîble d'acquérir la perception vifuelle de l'Objet. La Lumière eft ce Fluide interpofé. Mais , fi je me repréfentois la Lumière comme l'on a coutume de la repréfenter fur le papier par des traies ou des fai^cîuux de JII5 M F D I T J T I 0 2r S traits ; fi j'imaginois des baguettes infiniment déliées qui porteroient par une de leurs extré- mités fur la Pyramide & par l'autre fur ma Rétine ; je concevrois bien comment ces ba- guettes impriraeroient fur ma Rétine , comme fur une pare molle , l'image ou la repréfen- tation de la Pyramide ; mais , je ne pourrois concevoir comment cette repréfentation paffe- roit dans mon Cerveau , & par mon Cerveau jufqu'à mon Ame. La difficulté ne vicndroit donc que de ce que je me repréfenterois la Lumière comme un aifembîage de traits roides & immobiles , fichés par un bout dans la Pyramide, & par l'autre dans mon Oeil. Mais, dès que je fais queja Lumière eft un Fluide doué d'un mouvement très -rapide , mon point de vue change , mes conceptions deviennent p!us exades & h difficulté s'éva- nouit. Je vois, auiîî - tôt que le mouvement très - rapide de la Lumière fe communique aux fibres très - délicates de ma Rétine , par elles aux fibres de mon Nerf optique , & que le mouvement fe propage ainfi jurqu'à mon Ssn- SUR LES SE}^SATIO]^S. ^i$ Ce ii'eft donc plus une peinture qui doit m'occuper à préfent ; c'ell un certain mouve- ment imprimé à une certaine Partie de moa Oeil , & communiqué par d!e à certaines par- ties de mon Cerveau. Je ne cherche point à pénétrer la nature du mouvement de la Lumière , la manière dont elle fe réfléchit de deiTus la Pyramide 8c dont elle eft portée à mon Oeil : une femblable re- cherche feroit trop hors de ma portée. Je dois me contenter de favoir que la Lumière efi; douée d'un certain mouvement , & que ce mou- vement eft d'une rapidité extrême. Puisque c'eft par fon mouvement combiné avec la prodigieufe ténuité de fes molécules , que la Lumière eft deftinée à tranfmettre à mon Organe Timpreffion. de TObjet , il fauc que la ftrudture de cet Organe foit en rap- port dired avec la nature de la Lumière 8c fa manière d'agir. J'apprends en effet de FA- natomie, que la ftrudure de l'Oeil eft préci- fément telle qu'il convcnoit pour admettre la Lumière i k j'apprends en même tems de l'Op- tique , que cette ftrudure renferme toutes les conditions néceilaircs pour ralTembîer fans con- fiifion fur la Rétine la Lumière que fObje» rcBéchit. Mats , l'adiou de cette Lumière que l'Ob- jet réfléchit & que POeil rafTemble fur la Ré- tine, ne fe termine pas à la Rétine. Elle fe propage dans un nnftant jufqu'à cette Partie du Cerveau que je regarde comme le Siège de l'Ame , & il eft de la plus grande évidence que cette propagation ne fauroit s'opérer que par des Corps interporés. L'Anatomie me mon- tre dans le Nerf optique & dans le Fluide ex- trêmement fubtil qui y circule les inftrumens de cette propagation inftantanée : mais TAna- tomie ne me découvre pas la manière dont ces inftrumens agifTent , & elle ne me préfente fur ce fujet obfcur que des conjedures plus ou moins plaufibles , qu'elle déduit de faits qui paroilTent bien conftatés. Les Nerfs , qu'on fe repréfentoit comme les cordes d'un Iiiftrument de Mullque , ne font point tendus comme les cordes de cet Liftru- înenti ils ne font ponc dcftinés à ofciller comme elles : ils ne font point étendus comme elles en ligne droite ; ils foutfrent une multitude d'in- fîexions : enfin , ils ne font ni élaftiques ni irri- tables : leur fubttance propre eft molle ou puU pcufe j & l'on connoît des Animaux doués d'une fenlibilité exquife qui femblent n'être qu'une gelée un peu épaiiîie. Conniient des filets auiG Srn LES SENSATIONS. r*| mous que le font ceux qui compofent la Subf- tance propre des Nerfs , pourroient - ils tranf- mettre en un inftant dé la Rétine au Siège de l'Ame les impreflîons de la Lumière? Puis donc que la partie folide du Nerf ne paroît pas pro[>re à tranfmett;re Timpreilion de rObjet , & qu'il eft pourtant bien prouvé qu'elle ne fe tranfmet que par l'intervention du Nerf, il faut qu'il y ait dans le Nerf quelqu'autre cbofe qui opère cette tranfmifîion. Cette ehofe ne peut être qu'un Fluide très-fubtil & très- élaftique qui réfide dans le Nerf, & qui en a pris le nom de Fluide nerveux. Une ligature faite à un Nerf fufpend l'adtion du Mufcle où ce Nerf va fe plonger : le Nerf porte donc dans le Mufcle un Fluide qui le met en adion , & dont le cours rapide eft intercepté par la liga-^ ture. La paralyfie opère un eifet analogue. La Lumière que réflécbit l'Objet agit donc fur le Fluide très-adif contenu dans les filets nerveux de la Rédne, & cette adlion fe pro- page anifi dans le Nerf optique , dont ils ne font qu'un prolongement ou un épanouiifement, La célérité prodigieufe avec laquelle cette imprelîion fe communique jufqu'au Siège dç i>i M F D I T A T I 0 N S' TÀme , ne permet pas de croire que cette comi manication s'opère -par un tranfport ou par des Ondulations du Fluide nerveux , de la Rétine à ce Siège : mais , fi Ton fe rcpréfente les mo- lécules du Fluide nerveux rangées, comme des billes, à la file les unes des autres, on concevra facilement , que le choc de la Lu- mière imprimé aux premières molécules ou à celles qui touchent à la furface de la Rétine, pouVrâ fe communiquer dans un inftant aux dernières par les molécules intermédiaires. Je fuppofe maintenant que la Pyramide qui s'offre à ma vue eft diverfemenc colorée 5 que fa pointe eft rouge , Ion milieu jaune & fa bafe bleue. J'ai appris de l'Optique newtonienne que chaque rayon coloré a fes propriétés par- ticulières : tous les rayons colorés n'agiifent donc pas fur l'Organe précifément de la même manière : la différence qui eft entre leurs pro- priétés doit en mettre dans leur adlion. L'Or- gane , deftiné à tranfmettre à mon Ame cette adion , doit donc avoir été conftruic dans un rapport diredl à la manière d'agir de chaque rayon. Il doit donc fe trouver dans l'Organe des filets nerveux qui fe différencient comme les rayons ou d'une manière analogue , & qui font ainfi appropriés à la diverfité d'adlion de ces rayons. Il çn eft probablement de mèmd du Fluide nerveux contenu dans ces filets : il peut fe diverfiner comme ces filets , & pour ia môme fin. E: ce que je dis ici de l'Organe doit fur-tout s'entendre de cet Organe principal ou immédiat que je nomme le Siège de l'Ame. C'est donc par cette appropriation de l'Or- gane que j'acquiers la perception des couleurs de la Pyramide. Mais, fi je m'cloigne de cette Pyramide au point de ne la voir plus , je n'en perdrai pas l'idée : mon expérience m'alîure que je conferve long-tems le fouvenir des Objets qui m'ont aiFedés , & que mon Imagination peut toujours me le« peindre avec beaucoup de fidélité. Je me repréfente donc'^la Pyramide à.peu-près comme fi elle étoit encore fous mes yeux. Mon Ima- gination produit donc fur mon Ame le même eifet eifentiel que l'Objet y produit par fa pré- fence : & puifque l'Objet n'agit fur mon Ame que par l'ébranlement qu'il occafione dans l'Or-* gane , il eft bien naturel de penfer que l'imagi- nation excite dans l'Organe uii femblable ébran- lement lorfqu'elie retrace la peinture de l'Objet. La forte d'Imagination dont je parle n'eli Ikz4 M E' D I r A T I 0 N S donc proprement qu'un jeu phyfique qui $'o^ père dans l'Organe, & auquel a été attaché le fouvenir ou la repréfentation de l'Objet. Une multitude de faits très-frappans & bien atteftés ne me permet pas de douter que l'Ima- gination & la Mémoire n'aient dans le Cerveau un Siège phyfique , & que la ténacité de la Jlémoire ne dépende eiTentiellement de la per- fedion des très - petits Organes qui en font le liege. J'en infère donc légitimement que POb- jet ne produit pas fur ces .Organes un effet momentané , & que la durée plus ou moins longue de cet effet eft relative au degré de per- fe(*lion des Organes. Un Fluide très-fubtil qui fe renouvelle fans eeffe n'eft pas fait pour être le fiege phyfique d'impreffions durables. Ce n'eft donc pas dans le Fluide nerveux que fe conferve pendant des mois & des années le fouvenir des Objets. Il eft bien manifefte qu'il doit tenir aux parties folides de l'Organe de la Penfée. L'Objet im- prime donc à certaines parties folides de cet Organe ou aux éiémens conftituans de ces par- ties des déterminations durables en vertu def- quelles elles confervent & retracent le fouvç» iiir ou l'image de l'Objet. J'ignore StJR LES SENSATIONS, Z2\ J'ignore profondément en quoi confident ces déterminations , & je ne cherche point à le pénétrer. Je me borne à remarquer que l'ac- tion de rObjet doit produire lUi certain chan- gement dans l'état aduel des iblides déliés fut lefquels elle, s'exerce , que l'eiFet qui en réfulte eft plus ou moins durable, & que le fouvenir de l'Objet fe conferve auffi long - tems que ces folides retiennent les déterminations particu- lières <]ui dérivent immédiatement du change- ment lurvenu. Mais > j'ai reconnu que les parties folides des Nerts font d'une grande mol! elfe : elles doi- vent être bien plus molles encore dans les der« nieres extrémités des Nerfs ou dans celles qui aboutilTent au Siège de l'Ame- Comment donc des parties fi molles pourroient- elles être le fiege d'impreiTions durables ? La difficulté eft prefTante ; j'elTaie de la réfoudre. Je remarque d'abord , que quelle que foit X la manière dont fe conferve dans le Cerveau le fouvenir des Objets, il faut ntécefîairement que ce fouvenir y ait un Siège phyfique , puifque des accidens qui aifedent le Cerveau atfoiblif- fent & détruifent même la Mémoire. L'extrèm* Tome XVIII P ai4 ME'BITATJo^t^S molîeffe du Cerveau n'eft donc pas un obftacle à la confcrvation du fouvenir. Je remarque en fécond lieu , que quoique les folides du Cerveau , & en particulier ceux des Sens , foient d'une prodigieufe déiicatefle , ils ne lailFent pas de s'acquitter de leurs fondions propres pendant une longue fuite d'années & jufques dans une grande vieilleffe. Leur ftruc- ture Ultime demeure donc la même pendant un tems il long & malgré toutes les altéra- tions que les mouvemens inteftuis de la nutri- tion , de la circulation, de f'accroiirement, &c. iembkroienc devoir y caufer. A quoi donc attribuerai -je une telle ftabi- iité , jointe à une li grande déiicatefle ? Ce n©- fera pas alfurément aux folides en tant que folides mous > mais ce fera aux folides en tant que doués de cette organifation admirable fu- périeure à toutes les conceptions humaines , & âont je n'entrevois confufément que les de- liors. Si toute Fois je ne puis pénétrer le fond des merveilles que recelé cette organifation, je puis au moins en iuger jufqu'à un certain point par la multitude , la diveifité k fimpor- i^mce de fes effets , & en inférer que la Mé- r.iDire , qui eft au nombre de ces effets les plus SUR LES SENSATIONS. 227 îtnportans , tie;it à certaines conditions parti*, culieres de la profonde Méchanique qui a pré- fidé à la conftrudion des Organes. Je conçois facilement, que puifqu'il eft des moyens ph/- fiques qui confervenc aux Organes leurs fonc- tions pendant une longue fuite d'années , il peut y en avoir d'analogues qui leur con fer- vent pareillement les déterminations particu- lières qu'ils ont requ de i'adion des Objets & auxquelles le fouveuir de ces Objets a été attaché. Je ne faurois me faire que de très-foibles idées du grand appareil d'Organes qui concou- rent à la production , à la confervation & au rappel des fenfations & des perceptions de tout genre : quelle étonnante compofition que celle de l'Oeil , & combien me paroîtroit - elle plus étonnante encore fi je pouvois en faifir les parties les plus microfcopiques & la fuivre juC ques dans le Siège de l'Ame î Mais il eft ici une bien plus grande Merveille encore & qui abforbe toutes les conceptions de l'EfprJt humain : cette Machine (î prodigieufement compofée & d'une compofitioa fi favante eft intmiement unie à une Subftance exempte de toute compofition, à Uîie Subftance abfolument fimple, à une Subf- tance qui n'eft point Matière & qui agit pour- P a %2n JI ETD ï T A T l 0 N ^ tant fur la Matière & fur laquelle la Matière agit. Me voici ramené de nouveau au bord as cet abimc que )'ai contemplé tant de fois : ofe-J" rai -je y fixer encore mes regards, & puis-j^ efpérer de découvrir quelque foible lueur dans cette nuit profonde ? Cette Machine merveilleufe à laquelle mon Ame eft unie a donc été faite pour mon Ame 5 puiique c'eft cette Machine qui met en valeur toutes Tes Facultés. La grande compofition ds la Machine n'eft donc pas en oppodtion réelle avec la (implicite de mon Ame l car fi l'oppod- tion étoit réelle comment les deux Subftances pourroient- elles être unies Se agir réciproque-' Bient l'une fur l'autre ? Je fuppofe , comme l'on voit, que rimpoifibilité de V Influence phyfiquç n'eft pas démontrée , & je crois en avoir de bon- nes preuves, auxquelles je toucherai dans un moment. La Machine n'agit que par fon mouvement, &; ce mouvement anime toutes fes Pièces. J'û gnore la nature intime du Mouvement; mais >e fais en général qu'il eft une Force qui s'ap- plique au Corps & par laquelle le Corps agit. Ce ii'eil: donc pas proprement la Matière de la'Ma- chine qui eft ici le véritable Agent; c' eft la.' SUR LES SENSjîTIONS. 229 Force qui l'anime. Mais , une Force phyfique quelconque efl: en foi indéterminée & ne {à\i^ roit fe donner par elle-même aucune détermi- nation particulière : pour qu'elle produife de certains effets, il faut qu'elle foit appliquée à un Sujet d'une certaine manière , dnns un cer- tain ordre , fuirant certaines proportions & une certaine direction. Le Sujet auquel s'appli- que la Force que je conlidere eft le Cerveau, & c'eft Ton organifuic qui règle les déterminations particulières de la Force & la fait converger vers un certain but. Ce but efl: d'exciter dans l'Ame les fenfations ou les perceptions correfpondantes aux modifications de la Force qui les fait n.iître. Cette Force eft nécedairem^it un Etre fim- ple ; caf l'idée que j'ai de cette Force ne peut être décompofée en d'autres idées. Je ne puis pas plus la décompofer, que je ne puis décom- pofer le Sentiment que j'ai de mon Moi. La Force dont il s'agit , me paroît toujours une , Cmple, immatérielle, (i) Je fuis dans la plus pro- (i) Je puis me démontrer à moi-même d'une manière pins dircéle l'immatérialité de la Force qui opère le mouvement. Je fuis certain que le Corps ne fie met pas de lui-même en mou- vement : le mouvement ne découle donc pas immédiatement df? ta nature propre du Corps : il dérive donc de quelque chofe d'extérieur au Corps , & fi cette Gliofe étoit encore Matière » où trouverois^j'e la caufe du mouvement? P 3 «5^ ME*DITATIONS foqde ignorance iur la manière dont cette Force s'applique à la Machine organifée à laquelle mon Ame efl: immédiatement préfente*, mais je fais très - certainement qu'elle s'y applique , qu'elle agit en elle > & j'en contemple les merveilleux eifets. Ce ne feroit donc pas proprement un Etre purement matériel qui agiroit fur mon Ame : ce feroit proprement un Etre fimple , qui par fa fimplicité pourroit foutenir des rapports fecrets avec cette Subftance fimpie que je nomme mon Ame. Si un Etre fimple peut, fans celfer d'être un & fimple, s'appliquer à un Etre multiple, comme Tefl: la Matière, trouverai -je plus de difficulté à admettre qu'il s'applique à un Etre auffi fimple qile lui & qu'il le modifie par fon adion ? Il efl: vrai que je ne conçois pas comment un Etre adif & fimple s'applique' à un Etre multiple & en anime toutes les parties y mais puis- je le moins du monde douter raifonnable- ment de Pexiftence du Mouvement, & puis -je concevoir le Mouvement autrement que fous l'idée d'une Force ou d'un Etre adif &; fimple ? ÏL eO: vrai en cors que je n'ai aucune idée SÛR LES SENSjîTIO:S\^. 3îr repréfentative ou fenfible d'un Etre fimple , & que ce n'eft que par un eiFort de raifonnement que je parviens à la connoiiîlince de Texiftence d'un tel Etre; mais le raifonnement m'apprend €n même tems que c'eft précifément parce que je fuis un Etre mixte ou un Etre qui n'apper- ^oit que par le miniftere des Sens , que je ne puis me former une idée repréfentative ou di- rede d'un Etre fimple. A la foible lueur de ces idées , je crois en- trevoir comment il eft polfible que les Sens agilTent fur l'Ame & la modifient. On juge bien que je ne cherche pas à pénétrer le profond myftere de l'Union des deux Subflrances ; je ne fais qu'indiquer le point de vue fous lequel la msditation me conduit à la confidérer. Si les Sens agiiTent fur fAme, il faut bien que l'Ame réagiife fur les Sens ,* car je ne fau- rois concevoir d'action fans réaclion. Je ne connois pas plus la nature intime de mon Ame , que je ne connois celle de tout autre Etre ; mais j'ai les meilleures preuves que mon Ame eft un Etre abfolument fimple & doué d'une Adî- Vicé qui lui eft eifentielle. Mon Ame eft donc une Fprce , & cette Force eft fufcepcible d'une multitude de modifications diverfes. Elle eftauiiî F 4 212 M E' D I T A T 1 Q ^ S indéterminée en foi que toute autre Force , & ne peut pas plus fe donner par elle - même des déterminations particulières, que ne le peut la Force qui anime la Matière. Cette Force , qui conftitue mon Moi , reçoit donc fes détermina* tiens du Corps organifé auquel elle eft unie , ou pour parler plus exactement , elle les reçoit de la Force qui anime ce Corps , & celle - ci reqoit elle- m.ème les Hennés des Forces inhérentes aux Corps environnans. Mais afin que mon Ame puiife déployer la Force dont elle eft douée , il eft néceflaire qu'il y ait un Sujet auquel cette Force s'applique & qui foit doué lui - même d'une Force réagif- fante s car Çi rien ne réfiftoit , comment la Force produiroit - elle fon effet .^ Le fujet fur lequel mon Ame déploie fa Force & par lequel elle agit, eft la Machine organiféc qui lui eft unie , ou plutôt la Force inhérente à cette Machine, J'ai la plus parfaite certitude que mon Ame tft une force , puifque j'exerce à chaque inftant cette Force & que je iens à chaque inftant que. c'eft moi qui l'exeree. J'ai une volonté , & je Tfixécute; j'ai des defirs , & je les fatisfais ; je %is effort contre les obftacles 5 & je les fur^ SUR LES SENSATIONS. i}$ monte; kc. J'ai la confcience la plus intime de tout cela. Vouloir , deGrer , faire effort n'eft pas fimplement fentir , appercevoir , pàtir ; c'eft agir, c'e{^ produire un certain eiFet , & cet; effet, mon Ame le produit fur (on Corps. J'analyfe le defir , & k lumière jaillit de tous côtés. Le de- fir efl: une volonté exaltée. Je ne' puis deGrer fortement un Objet, que je ne m'en retrace vivement l'image. Ces deux chofes font infépa- râbles, & je ne puis les féparer que par abftrac- tion s mais les abllradions n'cxiftent point dans la Nature. L'image que mon defir retrace tient à des fibres de mon Cerveau qui en font le Ciege phyfique : je m'en fuis convaincu : mon Ame agit donc fur ces fibres lorlqu'elle éprouve ce defir. L'Attention me préfente le même fait effen- tiel : elle peut rendre très- vive une impreilion très - foible , & ajouter ainfi à l'adion de l'Ob- jet. L'Attention efl: donc une Force qui fe dé- ploie avec énergie fur les petits organes que rObjet n'ébranle que foiblement. Si elle s'exerce trop longtems avec la même énergie , j'éprouvç un fentiment de fatigue, qui peut aller jufqu'à la douleur , & cette fatigue ou cette douleur n'efli-elle pas elle-même une preuve de l'ac- tion trop forte ou trop continuée que mon Ame exerce fur. ees Organes.^ Je détourne mon hu tention, je la porte fur d'autres Objets, & je «t4 MFBÎfATJOVS SUR LES SÊNSATIOTfS. ceife defouffrir; c'eft que mon Ame ne déploie plus fon Adivité fur les mêmes Organes. Puis donc qu'il eft de la dernière évidence que le defir & TAttention font des modiBca- tiens de l'Adivité de l'Ame, & qu'ils font in- féparables d'un certain ébranlement dans les Organes des Sens , i) eft prouvé par cela même que l'Ame exerce une acflion fur fon Corps. La fimplicité de l'Ame ne la met donc pas en oppofition réelle avec la compofition des Or* ganes : il y a donc un rapport fecret qui lie les deux Subftances , un moyen fecret qui éta- blit entr'elles un commerce réciproque, & ce moyen doit , ce me femble , fe trouver dans la nature des Forces inhérentes aux deux Subf- tances. Ce font les différentes modifications de ces Forces combinées qui produifent tous les phénomènes de la Vie. . Je borne ici ma méditation : la foible lueur qui dirigeoit mes pas s'éteint , & je me retrouve dans les plus profondes ténèbres. mjf C2h3 PHI LALETHE ESSAI D'UNE xMÉTHODE POUR ÉTABLIR XIUELXIUES VERITES DE PHILOSOPHIE RATION xM EL LE. ^ VANT^P ROP OS. V>Et Écrit, compofé dans les années 17^7 & 1768, avoit été deftiné à fervir dlntroduc- tion à une Morale Philofophique que je proje- tois. L'idée de la Palingénéjîe s'étant oiFerte alors à mon Efprit & m'ayant beaucoup pIù , je me mis aulîî-tôt à la développer j elle devint un Ouvrage en forme , & j'abandonnai mon PHI- LALETHE. La publication de mes Oeuvres m'a . rappelle en dernier lieu à ce petit Écrit : je l'ai revu , & j'y ai ajouté un nouveau Cha- pitre fur la Caufe & l'EiFct. En me lifant avec un peu d'attention , le Lecleur Philofophc dé- mêlera mou but ik ju;^era (1 la méthoJe t^iie 2^6 ?HILALETH£ j'emploie eft celle qui pouvoit le mieux le rem- plir. Je ne me produis ici que fous rafpeâ; d'un Sceptique raifonnable, qui cherche ûncérement le vrai & qui indique la route qu'il a fuivie pour tâcher d'y parvenir & fixer fa croyance philofophique. CHAPITRE L Conftdératîons fur les Facultés de P Homme. Les Sens, La Senfibilité. V Attention. La Eéjlexion. L'Entendement, J E ne faurois douter raifonnablement que je ne fois doué de Senfibilité y d'Entendement , de Volonté , parce que j'exerce à chaque inftant ces Facultés ; à chaque inftant je fens , j'apper- çois, je veux, & j'ai la confcience ou le fen- timent intime de tout cela. Comme je déduis de mes propres opérations la Connoiirance des Facultés dont je fuis doué ^ je déduis des opérations de mes Semblables la conformité de leurs Facultés avec les miennes. Ce jugement repofe fur ce principe j que les ^'v ni L A i E T kk IVV 'inêmes ÉiFets fuppofent les mêmes Caufes. ( i ) En m'obfervant avec uh''''peu d'attention , je oréconnois que je n'ai la perception des Objets que par l'intervention de mes Sens. Je vois •très- clairgmerit que û j'étois privé de la Vue je ne pourrois me former l'idée de la Lumière , & il je pouvois en douter, un Aveugle- né me le prouveroit. Ma 1S-: en continuant de m'obferver , je ^ me perfuade bientôt que ma •Facilité de fentir ou d'appercevoir n'eft pas bornée précifément à J'impreffion que les Objets font fur mes Sens, Je puis, (i je le veux , modifier cette impret iion, la^rpudre plus ou moins vive. Je nomme cet effet un ade de l'Attention. Par le fecours de l'Attention je puis encore ne conGJérer dans un Objet que fa figure, fans ' ;avoir égard aux autres déterminations que mes Sens y découvrent. Je nomme cet ade de moa Attention ^ une ahfiraBioru Je continue de m'obferver , & je vois que je puis beaucoup étendre mes abftradions. Non Ci) Je montre ailleurs dans quel uu!> je preiuîs oe eaiioa phiiufophiciiie : Voyez le Chap. XV. ^î$ P E I L A L E T K E feulement je puis abftraire d'uli Objet la partie ou le mode que je veux j mais je puis encore ne retenir de cet Objet que ce qu'il a de com- mun avec p-lufieurs autres. A l'aide de la Pa- role je puis repréfenter par un mot cette qua- lité commune , & ce mot deviendra ainfi le ligne d'une idée univerfelle ou d'une notion. En réfléchiflant fur ces diverfes; opérations de mon Etre, je découvre que toutes mes idées dérivent originairement de deux fources, des Sens & de la Réflexion 5 car cet ade de mon Attention par lequel j'acquiers une idée univer- felle, que je repréfente par un ^igne ^ cet ade , dis-je 5 cft l'effet de la Réflexion , qui n'effc au fond que l'Attention en tant qu'elle fe déploie d'une Certaine manière. Mais comme mon Attention ne peut jamais fe déployet que fur des idées qui viennent ori- ginairement de mes Sens , je puis dire que les idées que je nomme réfiéchies ne font que des idées feafibles , plus on moins modifiées ou gé- néraiifées par la Réflexion. Je découvre encore que ma Faculté de fen-. tir & de connoître renferme une autre opéra- tion , celle de comparer entr'elles les idées que P H I LA L E T HM.-r i»)^ ]q rei;o!S par ies Sens & celles qui naiflent de la Réftexion , & cette comparaifon eft fuivie nu jugement que je porte du rapport ou de roppofition que ces idées ont entr'elles. J'exprime par un feul mot ces différentes Opérations d'abdraire, de comparer, de juger j ce mot eft celui à' Entendement ou d'Intelligence;^ L'Entendement eft donc en général la Fa- culté d'avoir des notions , de les comparer Se d'en juger. L'Entendement fuppofe donc l'ufage des Sens & de la Réflexion. En méditant fur tout ceci , je m'affure que mon Entendement né crée rien -, mais qu'il opère fur ce qui eft créé. Je vois fort bien qu'il eft limité par mes Sens , puifque mes idées les plus abftraites ou les plus réfléchies tiennent toujours par quelque endroit aux idées pure- ment fenfiules fur lefquelles mon Entendement s'eft exercé. Je ne puis douter de cette vérité , puifque je vois clairement que fi j'étois réduit au leul Sens de l'Odorat, mon Entendement fcroit rei- »4^ ' P' H I L A L E T H e} ferré dans les limites étroites des idées qui dérîJ Vent de ce Sens. Je vois , au contraire, que fi y-acquérois de nouveaux Sens , la fphere de mon Entendement' s'étendrbit fort au-delà de fes limites aduelles. J'acquerrois des idées fenfiblea d'un tout autre ordre, je découvrirois dans les Objets de nouvelles Propriétés, qui donne- roient naiiïance à" de nouvelles comparaifons , à de nouveaux jugemens , à de nouvelles idées ^bftraites ou réfléchies. Je verrois un autre Univers. Parce que les idées qui viennent par uiv Sens n'ont aucun rapport avec celies qui vien- nent par un autre Sens , mes Sens aduels ne peuvent fuppléer à ceux qui me manquent. L'Oreille ne iauroit s*acquiter des fondions de- rOeil. Chacun de mes Sens eft donc en rapport avec la manière d'agir de« Objets dont il me tranfmet les impreffions. Chaque Sens a fa fin j & la Orudure de chaque Sens eft le moyeu ou ralfemblage des moyens relatifs à cette fin; Si la ftrudure d'un Sens s'altéroic ou chau- geoit , les imprellions ne feroient plus - les mê- mes. Si la ftrudure- de mon Oeil devenoit aufll parfaite que l'elt xeile -de l'Oeil -de cei tains Ani« \ maux F H T LA L E T H E. g^i îtîaux , je découvrirois dans les Objets mille- chofes qui échappent à mes regards. Les Ver- res nous fourniilent, en quelque forte, de nou- veaux yeux, & nous font juger de ce que nous pburnons découvrir par des Sens pîus parfaits ©u par de nouveaux Sens, C H A..P I T.R E IL . .^Huiifii srv^q -; 5*ip • VAvie : fon immaiêrtaîité: n Union de VAme & du Corps: Es Sens dont je fuiis doué font Matière |' ils font étendus & folides. Si ce qui apperçoit en moi, qui compare, qui juge d\ auffi Ma- tière, je ferois dans rimpofTibilité de me reit- dre raifon de m.on Moi ou de ce fentimbnt un 4 limplé , indivifibie que j'ai de tout ce qui s'd» père en moi & de toi^t ce que j'opère. •Jé tâche d'approfondir ceci. Dans tons mea jugemens il y a au moins deux idées que je compare. J'ai le fentiment un & fimple de cha* cunc de ces idées. Je fens intimement que lé Moi qui 'apperqoit l'une eft le: même qui ajiper^ ^oit l'autre. Or , fi ce Moi étoit quelque chûf^ Tome XVI IL Q^ 26,% Vni t A L È T H É, de matériel , il feroit étendu. La partie de ce Moi qui feroit affedée par une des idées ne feroit pas la même qui feroit affedée par l'autre. Dans toute étendue les parties font néceffaire- ment diftindes , Tune n'eft pas l'autre , & fi Tune n'efl; pas l'autre , comment ai -je le fen- tiinent un & iimple des deux idées ? Comment le fentiment de mon Moi eft~il unique? J'appercois que je puis raifonner d'une ma-» niere analogue fur l'impulfion ou le mouve- ment. Je vois des Corps en mouvement cho- quer des Corps en repos & les mettre en mou- vement. Je ne fais point ce que Fimpulfion ell en elle- même 5 je ne la connois que par fes effets. Mais , une chofe que je crois favoir très- bien , c'efl: qu'un Corps ne fe met pas de lui-* même en mouvement & que pour qu'il forte de fon état de repos il faut que quelqu'autre Corps en mouvement agiife fur lui. Il peut arriver que je n'apperçoive pas le Corps qui choque, parce que fa petiteife ou fa tranfparence me le rendent invifible ; mais , je parviens à m'aifu- rer de fon exiftence en obfervant attentivement les faits. Je découvre encore , que fi un Corps en re- pos eft choqué en même tems par deux Corps PHILALETHÈ, ^^ qni agifleiit fur lui fuivant deux diredions dif- férentes 5 il fe prête à la fois aux deux impref- jfions & décrit par un mouvement compofc une ligne qui eft comme le produit ou Texpret fion des deux adions. Si donc ce qui eft en moi qui apperçoît, compare, juge eft Corps ^ il faut bien que je raifonne fur ce Corps conformément à ce que je découvre dans tous les Corps qui me foné connus. Je ne conçois point d'adion dans les Corps fans mouvement. Ce Corps, quel qu'il foit , qui apperqoit en moi eft donc fufceptible de mouvement. Ses diiférentes perceptions font diiférens mouvemens que lui impriment les divers Organes auxquels il correfpond. Lors donc que j'ai à la fois deux perceptions diiFé4 rentes , le Corps ou l'Organe qui appércoit au^ dedans de moi recjoit deux impulfions dilFéreit- tes. Il fe prête donc à la fois à ces deux inlpuî- fions par un mouvement compofé. Mais ce mouvement n'eft aucune des deux impujiions en particulier; il eft le produit ou TexpreffioU des deux impulGons réunies : comment donc ai- je le fentiment diftind des deux perceptions fimultanées ? Comment ne fe confondent -elles point, puifqu'elles ne font que mouvem^^nt^ & que les deux impuUions fe confondent dans 244- PHILALETH E. le Corps qui eft le Siège de ces perceptions > Mais je ne fuis pas borné à appercevoir; je compare mes perceptions & j'en juge : cette com.paraifon , ce jugement font donc de nou- X^eaux mouvemens communiqués à ce Corps qui apper(;oit 3 compare & juge. Son mouvemene devient donc de plus en plus compofé. Cora- inent donc un pareil mouvement peut - il me donner le fentiment diftind des deux percep- tions & me donner en même tems le fentiment diftind du rapport ou de Poppofition des deux perceptions ? Comment ai- je dans tous ces cas & dans une infinité d'autres plus compofés , le fentiment intime de mon Moi i' Comment fens- je que le Moi qui appercoit une des Perceptions €ft le même qui appercoit l'autre ? Comment fcns je que le Moi qui compare & qui juge eft le même qui appercoit r* Comment ai je la conf- cience il diftinde de toutes ces chofcs? Je reconnois clairement que je ne parvien- drois pas à refondre l'objedion en fuppofant -que je n'ai jamais qu'une feule idée préfente au môme inftant : car Çi cela étoit, je ne pour- rois jamais ni comparer ni juger. La chofe me paroit évidente. Si au même inftant que je paf- ierois d'une ià^Q à une autre, la première dif- PHîLALSTffK t45 paroifloit entièrement , comment pourrois - Je comparer celle-ci avec celle qui feroit préfente & juger ainfî du rapport ou de roppofition des deux idées ? Si l'idée qui m'étoit préfente a diC paru, elle eil nulle pour moi. Je ne dirai pas que j'en conferve un certain fouvenir ; parce que ce fouvenir feroit au fond l'idée elle - même un peu afïoibliej j'aurois donc réellement deux idées préfentes à la fois , ce qui feroit contraire à la fuppofition. Pour que j'aie l'idée d'un trian- gle il faut néceflairement que je me repréfente à la fois fes trois côtés i (1 je ne me les repré- fentois que fucceiîivement , comment parvien- drois- je jamais à acquérir l'idée de la figure qui réfulte de leur enfembie ? comment pourrois - je comparer les côtés entr'eux à juger de leurs rapports ? Je reconnois encore que je ne réuiïirois pas. mieux à réfoudre l'objedion en fuppofant dans l'Organe qui apperqoit différentes parties orga- niques ^ui , comme autant de petits Organes diltincls feroient dellinés à recevoir chaque im* preflion , à la faire exifter à part & à le la re- préfenter ; car il faudroit toujours un Moi, une Unité qui réunit en foi toutes ces impreiTions fans lês'confondre, qui fe les appropriât toutes» qui fut la même dans toutes, les comparât, en 0.3 '2^S T H 1 L A L E T H El jugeât, s'appropriât encore toutes ces compa- raifoiis , tous ces jugemens faas les confondre jamais ^ fans C6)fer un inftant d'être le même Moi , la même Unité dans chaque perception , dans chaque comparaiion , dans chaque juge- Jiient. Je fuis donc dans l'obligation philofophiqua d'admettre qu'il elt en moi une Subftance dif- îinde de la Matière , une Subftance Gmple , une , indivifible , qui apperqoit, compare, juge, & qui a le fentirnent intime ou la conicience de. toutes fes Perceptions, de tous fes jugemens & par cela même le Sentiment de fa propre indi* vidualité ou de fa propre exiftence. C'eft cette SuLftince que je nomme mon Ams , mon Moi. Je découvre donc ainfî que je fuis formé de deux Subftances très ^ différentes , entre lefquel- les je n'apperqois aucun rapport , qui pourtant iont unies ou me paroiifent l'être , qui agiffent eu me paroifient agir réciproquement l'une fur Tautre , & dont l'union conftitue mon Etre ou inon état à' Homme, Je ne cherche point à pénétrer le fecret de. cette Union. Je vois que pour y parvenir, il iau droit que je counuiie ia nature intime des s n 1 LA L E T H E, ^47 deux Subfta lices , & je fuis forcé de convenk que je ne les connois un peu que par quelques uns de leurs effets. J'admire ces Génies immor- tels qui ont tenté dans ces derniers tems de lever un coin du voile épais qui couvre es grand myftere, & je n'ai pas la témérité d'/ porter la main. Je dois me borner à admettre l'Union de mon Ame & de mon Corps comme un phénomène dont j'ignore profondément la manière , & dont j'étudie les Effets , les Loix & la Fin. Je renonce donc à favoir comment tel ou tel mouvement d'un de mes Sens fait naître dans mon Ame telle ou telle perception , & comment à l'occafion d'une certaine perception il s'excite dans mon Corps ou dans un ou pLufieurs de fes Membres un certain Mouvement. Je regarde ceci comme une Loi fondamentale de l'Union des deux Subftances. Je raifonne d'après cette Loi, & je fais profefîion d'ignorer fa Caufe fç- crete. Je ne fais point du tout pourquoi une certaine perception eft conftammcnt la fuite d'un certain mouvement ni pourquoi cette percep- tion fait naître à fon tour un certain mouve- ment, qui eft fuivi lui - même d*une autre per- ception.' Tout mon favoir fe réduit ici à con- noitre le Fait ou ce qui me parok l'être. Je fais 0.4 24S T H I L AL E T HJB. encore qu'il n'y a aucun rapport, au moin$ apparent, entre un mouvement & une pLicep- tion , quoique l'une de ces chofes lembie êtrs ja caiîfe ou du moins l'occafion de l'autre. C'est donc à mon Ame & à mon Ame feu'e qu'appartienneat les Facultés d'appercevou" , de comparer, de juger. J'exprime ceci par un feul yuot, quand je nomme Vhntenâement, CHAPITRE lïl. ^uite des Confidérations fur les facultéi de CHojnme, La Volonté : la Liberté. L'Imagination : la Àîémoire, J E pourfuis rexamen de mon Etre. Ce font fur -tout les faits que je veux faifîr : ils font les vrais élémens de toute Science. Deux autres Facultés de mon Ame viennent s'offrir à ma méditation. J'éprouve que je ne fuis point ren- fermé dan$ Id^ limites de la Faculté de connoi- ^re & de juger j je fens que je puis me déter- fài\QX ^11 conféqueuce de niea jugemçus, préfi?- f Ji I L A L :^ T H K :»49 rer un Objet à un autre Obj en & agir confor- mément à cette préférence ou à ce choix. Je nomme Volonté^ cette Faculté en vertu de laquelle je me détermine ou je choifis , & Liberté , cette Faculté par laquelle j'exécute ma détermination on mon choix. Je ne puis douter le moins du monde que je ne poiTede ces deux Facultés , parce que je les exerce, à chaque inftant & que j'ai le fentimcnt intime ou la confcience que je les exerce, Rien n'eft plus évident pour, moi que le fentiment que 'ai de ma propre exiftence ; or je ne fuis pas plus fur que j'exifte que je ne le fuis que je veux. Si quelque chofe eft à moi , c'ell incon- teftablement ma Volonté , & ce Moi qui veut efi: inconteftablement le même qui apperçoit & qui juge* Je ne cherche pas encore à m'aiTurer Çi c'eft moi - même qui exécute ma Volonté, J'ai bien le fcntiment intime que c'eft moi-même qui veux mouvoir mon bras ^ mais ce fentiment , quelqu'évident qu'il foit» ne me prouve pas en- core que c'cft- moi-même qui meus mon bras. Je fuis feulement afTuré que lorfque j'ai \ mou bras eft 5^0 THILALETHE. mil. Je puis donc me regarder à bon droit comme l'Auteur de ce mouvement, puifqu'il ii'cd produit qu'en coiiféquence de la volonté que i'di de le produire , & que cette volonté e(t Moi - même. Au refte , je vois aifez que la folutîon de cette queftion pfychologique eft: enveloppée dans le myftere de l'Union des deux Subftancesi mais , il me fuffit préfentement d'être afluré que la vérité que je cherche ne tien<î point du tout à cette queftion ténébreufe. Il m'importe fort peu de connaître comment rna volonté s'exécute 5 ce qu'il m'importe de (avoir & que je fais très- bien, c'eft que j'ai une volonté & que je l'exerce. Une autre chofe que je fais tout aulTi bien , c'eft que ma volonté s'exécute conllamment dans tel ou tel cas particulier : mais je dois approfondir davantage tout ce qui con- cerne la Volonté. Quand je ne fais qu'apper^scvoir deux Ob- jets, mon Ame n'a que la fimple perception de ces Objets. Qiiaud je juge que fun n'eft pas l'autre ou que l'un n'eit pas comme l'autre , mon Ame n'a que le (impie fentiment de la diveriité des deux imprcfïions. Si mon Ame éroit privée de volôni;é, elle ne pourroit fs F H 1 L A L E T H E. s^i' déterminer pour un de ces Objets plutôt que pour l'autre 5 elle leroit , en quelque forte, im- mobile en leur préfencG. Elle fentiroit bien que l'un lui pL^iroit plus que l'autre j mais fentir cela ne feroit pas préférer i'un à l'autre , & moins encore agir en conféquence de cette pré- férence. Une (jinple perception , une fimple fen- fation 5 même la plus agréable , n'efl: que le fimple réfultat de l'aclion de l'Objet fur les Sens & des Sens fur l'Ame. Je ne veux pas dire que la fenfuion foit l'effet immédiat ou phy- fique de faclÎQn dus Sens fur l'Ame,* je crois m'ètre donné à moi-même de bonnes preuves que l'Ame n'eft pas Corps : C O je veux dire feulement qu'une certaine fenfation eft toujours la fuite d'une certaine adlion d'un de mes Sens. Cette fenfation peut augmenter d'intcnfité; je puis même démêler fes degrés 5 mais , ces degrés ne font jamais que la même fcnfuion renfor- cée plus ou moins. Ma Faculté de vouloir renferme donc quel- que chofe que ne renferme pas ma Faculté *de iêntir. Je déllgne cette chofe par le mot à'Acti^ vite. Je dis donc que ma Volonté eli: active: je veux figniHer par ce mot, que mon Amii a une Force inhérente à fa nature , en vertu de la- (0 Chap. IL »ç» THILALETH E, çae-Iîe elle fe détermine par elle - même , agît à Ion gré » préfère , choifît : je regarde toutes ces Êïçons de parler comme fynonymes , parce qu*el- les expriment toutes un même eifet , dont mon ^me eft la Caufe efficiente & immédiate. Jai reconnu que 'j'étois doué d'Attention: { I ) cette Faculté me paroït fort caraclérifée par fes elFets. Si plufiîurs Objets frappent à la fais ma Vua , & qu'aucun de ces Objets ne foit propre à fe faire diftinguer par lui - même , je fens que je puis à mon gré fixer mes Yeux fur ^11 de ces Objets & les détourner des autres Ob- jets environnans. Il en réfulte auffi- tôt un effet très- feniible : la perception de cet Objet de- vient plus vive y je viens à y appercevoir des traits qui m'avoient échappé : plus je redouble d'Attention & plus je démêle de traits nouveaux. Si je fixe mes Yeux fur un feul de ces traits 5 il devient lui-même un Objet très-compofé j j'y découvre mille particularités dont je ne me dou- tois pas le moins du monde. Je continue à ten- dre mon Attention, & je commence à me fentir fatigué, cette fatigue augmente de plus en pliis> clic va prefque à la douleur y il faut malgré moi <|uc je çeffe d'être attentif. PHIL/ÎLETHÊ. t%t Je fuis aiTuré de ces faits ; j'ai éprouvé tout cela & je l'ai éprouvé bien des fois. Je ranalyfe avec foin j je cherche quelles font les principa- les vérités qui en découlent comme de leur fource naturelle, Tous ces Objets que j'avois fous les Yeux faifoient fur mon Organe une imprelîion à- peu-près égale en intenlité j puiC- qu'aucun d'eux ne fe faifoit remarquer plus que les autres : ils étoient à mon égard , pour ainâ dire , au même niveau. Si mon Ame n'avoit été donée que de la feule Faculté d'appercevoir , comment auroit-elle pu fixer un de ces Objets préférablement aux autres ? elle auroit éprouvé les diverfes perceptions attachées a l'adlion dé ces divers Objets fur l'Organe & elle n'auroit rien éprouvé ds p'us ; car appercevoir & agir font deux chofes qui paroiiîent ici très - dit tindes. L'action de l'Objet fur l'Organe eft uA mouvement imprimé à celui-ci : le degré d'in- tenfité ou de vivacité de la perception doit dé- pendre du degré d'intenfité du mouvement. Je ne puis concevoir Fac1:ion d'un Corps fur un autre Corps que par l'impulfion. J'ai éprouvi mille fois que la vivacité de mes perceptions répondoit toujours au degré d'ébranlement corn- jniuniqué à mes Sens. Je fais aufli que je n'ai I T^'i THILALETÏÏE, jamais de perceptions nouvelles que par Tiii- tervention de mes Sens. Si donc r^tecntion que j'ai donnée à un des Objets que j'avois fous les Yeux a rendu la perception de cet Objet plus vive, fi elle m'y a fait découvrir des particularités; que je n'y avois pas d'abord apperques ; il faut nécelfaire- ment que mon Ame ait augmenté rébranlement de rOrgane : elle a donc exercé quelque adioii fut certaines ôbres de cet Organe ; elle les a ébranlées d'une manière analogue à celle dont l'Objet agit s & l'effet de cette augmentation de mouvement a été de rendre la perception plus vive : elle n'a pu le devenir fans que tou- tes les parties de l'Objet ne m'aient paru plus diftindcs. Mais ^ en continuant d'agir fur l'Or- gane 5 mon Ame a dû éprouver enfin ce fenti- ment de fatigue attaché à tout ébranlement trop long - tems continué , & cela même me prouve que l'Attention eft une Force que mon Ame déploie à fou gré fur tel ou tel Organe des Sens j puifque le fwniment de la fatigue ne peut avoir fon fiege que dans des. parties orga- jiiques qui commencent à fouffrir. Mais, je vî'exerce mon Attention que parce que je veux l'exercer. Si je ne voulois point P H I L A L E T H B. êçç Être attentif, je n'éprouverois point ce feiui- ment que j'exprime par le terme de fatigue. Mon Attention' eft donc une modification ou un ade de ma Volonté. Elle elt ma Volonté elle- même appliquée à un certain Objet. Et iî l'At- tention que je donne à cet Objet en reiid la perception plus vive; Ç\ cette augmentation de vivacité fuppofe une augmentation de mouve- ment dans certaines fibres de l'Organe , je fuis fondé à en conclure que ma Volonté eft une Force qui s'applique à ces fibres dans un cer- tain degré. J'admets donc que mon Ame eft douée d'une Force motrice qui fe déploie au gré de fa Volonté fur certaines fibres de mon Cerveai% Je ne dis pas que cette Force motrice de mon Ame foit de même nature que celle qui fe manifefte dans les Corps : j'ai reconnu que mon Ame n'eft pas Corps. Je me borne donc à dire que l'effet de cette Force motrice de mon Ame fur mon Cerveau eft une augmentation de mouvement dans quelques unes de fes fibres. J'ignore comment cet eifet eft produit ; je ne cherche pas même à le pénétrer 5 il me fuffit de m'être affuré du Fait. Je vois très - bien que fi j'analyfois le Defir 'û^6 PIITLJLETH jr: comme je viens d'analyTer rAttentiôn , j'atiroîs le même réfulcat eiTentiel j car je ne puis defîrer un Objet (ans me retracer en même tcms l'i- mage de cet Objet , & j'éprouve que la vivacité de l'image répond toujours à la vivacité du Defir. Le Defir eft donc une adioil que mon Ame exerce fur certaines parties de fon Cer- vsau, & je ne puis pas plus douter de la réa- lité de cette adtion , que je ne puis douter de la réalité du Defir , puilque ces deux chofes font de leur nature inféparabies. Or, le Defir n'eft qu'une modification de ma Volonté , & ma Vo-i lonté ed mon Ame elle - même. Mon Ame agit donc lorfqu'elle defire : defirer & agir ne fone donc au fond qu'une même chofeo « Mais , fi j.e né puis raifonnablem'ent refiifet d'admettre que mon Âme agit fur certaines parties de fon Cerveau , pourquoi refuferois - je d'admettre encore qu'elle agit auifi fur fes Mem'^ I bres «& que c'eft elle-même qui les meut? l'un n'ell pus plus difficile que l'autre > l'un n'ell pas plus oppofc que l'autre à la fimplicité de mon Ame ; Se je ne fuis pas plus alTuré par le fentiment intérieur que c'eft bien Moi-même qui defire , que je ne le fuis que c'eft Moi-même qui meus mon bras. 11 me paroît donc que je puis admettre l'Influence ^hyfiq^ue comme une Loi THILALET HE. ^^^ Loi de mon Ectej car Ç\ mon Ame peut a^îr fur {^on Corps ^ pourquoi le Corps ne pourroît- il agir fur elle? Tous les phénomènes de i'Hu^ manité ne feniblent- ils pas dépofer en faveuc de ce commerce réciproque des deux Subftances? Cette Volonté qiie je reconnois m'nppar- tenir , parse que je l'exerce à chaque inftanc & que je fens à chaque inftant que c'eft Moi qui l'exerce, & que ce fentiment intime n'a rien du tout d'équivoque, cette Volonté , dis* je, a toujours un Objet. Je ne puis vouloir fans raifon de vouloir, ou pour parler p'u^ clairement encore, lorfque je veux, c'eft tou* jours quelque chofe que je veux. Je ne veux point en général ou d'une manière vague & indéterminée. Je veux toujours quelque chofe en particulier. Ma Volonté en général eft bieii la Faculté que j'ai de vouloir j n'wis elle n'eft pas telle ou telle volonté en particulier. Une volonté particulière efl: l'apphcatiç>n de la Fa- culté de vouloir à tel ou tel objet particulier. Ma ^^olonté fe détermine donc toujours en confidération de quelque objet particulier. Jô nomme cet objet un motif ^ Si je dis que je me détermine toujours en confldératioii de quel- que motif. Tome XV UL R, ^^çï P H I L A L ET n K Je né dis pas que les motifs me déterminent s iîs n'agiflent pas fur mon Ame par une forti d'impuifioii femblable à celle qu'un Corps exerce fur un autre Corps. Mais en vertu de la Sen- fibilité ou de Tlntelligence dont mon Ame eft douée , elle juge du rapport de l'objet à fon bien-être , & en vertu de TAdivitc qui lui eft élTentielle elle fe détermine pour cet objet , elle le préfère , elle le choifit. Cette détermination ne vient point proprement du dehors : elle fort du fond même de mon Ame ; elle eft toute à elle , parce qu'elle n'eft qu'une modification de cette Adlivité ou de cette Force qui conftitue fon eiTence. L'objet ou le motif n'eft donc pas la caufe efficiente de la détermination de mon Ame,- il n'en eft que la caufe finale. C'eft ainft que je 7}ie détermine à déployer mon Adivité d'une manière plutôt que de toute autre qui fcroit également en mon pouvoir. " Afin donc que je veuille quelque chofe , 'û faut nécelfairement que quelque chofe foit pré- fent à mon Entendement ou que j'apperçoive quelque chofe. Si j'étois totalement privé d'i- dée , comment pourrois - je vouloir quelque chofe ? Les Objets eux - mêmes ne viennent pas fe loger dans mon Ame. Leur adion eft bornés à rimprcfTioii qu'ils font fur mes Sens. VHlLALEfÉÈ, gî4 Éetté împrefîîon fe tranfmet à mon Cerveau & par mon Cerveau à mon Ame. Je ne pé- nètre pas le fecrtt de cette tranTmifTIôn : je fais feulement , qu'en coniéquence de l'adioii des Objets fur mes Sens, j'ai des idées ou de$, repréfentations des Objets. Ma Volonté fe détermine doiic fîjr les idéél qui font aduellemenc préfentes à mon Ame^. Je dis a&Hellemtnt , parce qu'une idée qui m*^' été préfefite & qUi ne Peft plus , ne peut pas plus influer fur ma déterminat-on actuelle qU6 fi elle ne m'avoit jamais été préTente. Mais , une idée qui n'efl pa§ acftuelîemetil' préiente à mon Ame peut lui devenir préfenÊé par l'Imagination ou par la Mémoire. Mon ex- périence journa'iere me prouve, en effets que les idées des Objets fe retracent à mon Amé fins l'intervention de<^ Objets. J'en conclus donc, que les impreifions qiJe les Objets \o\\ï fur mes Sens , ne s'effacent pas eu même in& tant que les Objets cclfent d'agir fur mies Sen§i Ceux-ci communiquent aVec cette partie dii Cerveau qui ell i'Organe iiiimédiat des ô\)é- rations cle l'Ame. Par leur adion fur les Séné les Objets impriment dor.c à cet Organe cle§ iléterminations durabUâ auxquelles liniaga OtJ t6o VHILALETHE. le fouvenir des Objets a été attaché. Ceft dons à cette Faculté qui conferve -chez moi les im- preffions reques & par laquelle mon Ame fe les retrace, que je donne le nom à^ Imagination^ ou de Mémoire. La Mémoire a donc un fiege phyfique dans le Cerveau , & pourrois-je douter un inftant d'une vérité que tant de faits m'atteftent î L'âge , Ja maladie & mille accidens divers n'inftuent- ils pas fur la Mémoire? Ne connois-je pas des procédés purement méchaniques qui en per- fectionnent l'exercice & en accroiflent la tena* cité ? Et fi je n'acquiers l'idée d'un Objet qua par l'ébranlement qu'il produit fur un ou plu- fieurs de mes Sens ; Çi l'effet qui en réfulte fur le Cerveau eil durable ; Çi la Mémoire a dans le Cerveau un fiege phyfique, ne fuis- je pas conduit à penfer, que lorfque mon Ame fe retrace l'idée d'un Objet , elle agit fur cette partie du Cerveau qui a retenu les détermi- nations que l'Objet lui avoit imprimées & auxquelles la reprodudion de l'idée eft atta- chée , & qu'elle produit dans cette partie un ébranlement femblable k celui que l'Objet y avoit excité? Et parce que les idées ou les images qu» "P H 1 L A L E T R s. ij<îi la Mémoire ou l'Imagination me retrace ne font jamais aufîî vives que celles que les Ob- jets eux-mêmes excitent par leur préfence , & que j'ai fur les premières un empire que je n'ai pas fur les fécondes , je ne confonds point les unes avec les autres & }e parviens tou- jours à les diftinguer. CHAPITRE IV. V Amour de foi-même ou P Amour du Boitheur» Le Bien, Ohjet de la Volonté, I L fe préfente ici à mon examen une queftion importante : quel eft le Principe général de mes déterminations ? Pourquoi me déterminé- je par tel ou tel motif dans tel ou tel cas particu- lier ? J'ai reconnu évidemment que la fpher© de mon Adli vite s'étend à un très - grand nom- bre de cas differens : d'où vient donc que dans tel ou tel cas particulier, je me détermine d'une certaine manière préférablement à toute autre qui feroit également en mon pouvoir ? Je vais tâcher de me réfoudre à moi - même cette beiie ^ueftion. Toutes mes p.crception$ , toutes mes fenfa" R î ¥^s p H I L A n E T iï É. tions font de- modificatious ou des mdniere*^ 'detre de moa Atne. Je crois m'ètre prouva folidemjnt , qu'eHes ne peuvent être des modi- fications ou des manières d'être de mgn Coips, ( I ) Mais je fuis c^errain , qu'à certaines ma- nières d'être de mon Corps répondent cooitam- îiienc dans mon Ame certaines manières d'ètrq, que j'exprime par les ternies généraux de per- ceptions & de fenfations. C'eft ainfi qu'à cer- tains mouvemens de mon nerf optique répon- dent dans mon Ame certaines modifications , ^ue je àkÇignz par ie Êerma de Cauleurs. Il ne me paroît pas que la fenfation diffère ^ffèntieliem.ent de la perception. J'ai une per- ception quand )'app.ercois un Objet : cette per- ception ne fait que m'annoncer la préfence de cet Qbjec. Mais , fi cette perception devieuc ^ife? vive pour être accompagnée deplaifir-ou ^e douleur , je la nomme tine feyjfation. Il me feiTibie donc que la fenfation ne diifere delà jp^rception que par le degré d'intenfitc. J'ap- perçois de loin un Corps lumineux ; j'ai la fin>- ple perception de la Lumière j je m'en apprg- ç\\Q de trop pièsj )'ai 1^ fenfation dç la doif- ieur. Je nomme çn général ^icùfir , toute fituation V H 11 A L B T K'E. i^f de mon Ame qu'elle aime mieux éprouver qua ne pas éprouver. Je nomme en général dou^ leur ou déplaifir , toute fituation de mon Ame qu'elle aime mieux ne pas éprouver qu'éprouver. Quoique beaucoup de mes perceptions me paroiiîent indifférentes ou n'être accompagnées ni de plaifir ni de déplaifir , je recaimois faci- lement que ce n'eft que par comparaifon avec des perceptions plus vives : car il eft bien évi- dent que toute perception efl: agréable ou dé« fagréable en foi, & qu'aucune perception ne peut être abfolument indifférente dans un fens, pfychologique^ Je fuis un Etre fentant : Je puis être affedé de plaifir ou de douleur. Il répugne à ma na- ture d'Etre fentant que je fois indifférent au plaifir & à la douleur. Précifément parce que je fuis un Etre fentant , je veux fencir agréiu; hhment. Cette Volonté eft ce que je nomme €n général V Amour de moi - înême. Je ne puis pas plus ne pas m'aimer moi - même ; que je ne puis ne pas fentir de la chaleur à l'appro- che du Feu. Je n'exifte i l'égard de moi-même qu'autant que j'apperçois ou que je fcns. Une privation abfolue de perception ou de fenfatioii ferait à mou égard une privation d'exillence.. R 4 154 :l> H l L A l ET H S. Mon exiftence ne me paroît donc un Bien que psr les perceptions H l L A L E T R E. point de cette parfaite certitude ; mais , il me reite toujours quelques degrés d'incertitude que je ne parviens point à taire évanouir. Je puis donc confidérer la Certitude comme pn Tout, & divifer par la penfée ^e Tout en parties ou degrés qui feront ain(î des parties ou des degrés de la Certitude. Je nommerai Probabilités ces divifîons idéales de la Certitude. Je connoitrai donc le degré de ia Certitude , lorlque je ferai parvenu à désoui-' vrir le rapport de la partie au Tout. Si elle en- eft ia |, les I &cj ce ferai ou | de Certitude. Pans les Chofes qui font déterminées par îcur propre nature ou par les idées qui les conf- tituent & qui ne peuvent être ainû que d'une feule manière , je fuis toujours aifuré de par- venir à la parfaite Certitude. Il me fufïît pour cela d'avoir les idées de ces Chofes & de les comparer entr'elles. De ce genre font toutes les Vérités métaphyfiques & toutes les Vérités géométriques. De là l'Évidence métaphyfique & l'Évidence géométrique qui n'admettent aucun doute. Maïs , il n'en eft pas de même des Chofes P H I L A L E T H E. 27f dont l'exiftençe aidluelle ou future exige cer- taines conditions. Afin que je fois certani qu'une pareille Chofe exide ou exiftera , il faut que je fois afluré déboutes les conditions que fon exif- tence aduelle ou future fuppofe néceflairement : car c'eft du nombre des conditions que réfulte ici la* Probabilité ou les degrés de la Certitude. Si donc je ;i>e fùislaffuré que d'une -partie des conditions , l'exilience adluelle* ou future de cette Chofe ne fera pour moi que probable , & elle le fera d'autant plus que je ferai afTuré d'un plus grand nombre de conditions. Je puis ap- pliquer ceci aux Chofes paiTées comme aux Chofes aduelles ou futures. C'eft fur ce fonde- ment que je dois juger de la Certitude hifto- rique. Si je fuis parvenu à m'aiTurer d'un {\ grnn(i nombre de conditions qu'il rie me refte plus de iloute raifonnable , je dis que l'exiftençe de la Chofe eft d'une Certitude phyfique ou morale : fhyfique s'il s'agit d'une Chofe qui dépende uniquement des Loix des Corps 5 morale s'il s'agit d'une Chofe qui dépende ' des Loix du Sentiment ou de l'InteUigence. Au refte; j'entends ici en général par les Chofes, non feulement tout ce qui exifte ou S 4 Igd T H 1 L A L E T H E, que je conçois exifter hors de moi ; mais eru core toutes les idées de mon Entendement. J'ek TENDS en général par les conditions d'une Chofe, tout ce qui eft nécefTaire pour déterminer l'exiftence de cette Chofe : ou fî Ton aime mieux ; tout ce que l'exiftence paiTée , pré fente ou future de cette Chofe fuppofe effen- Ueliement. De tout ce que je viens de m'expofer à moi- même il me paroit en réfulter cette confé. quence générale ; que la Vérité eft l'Objet de mon Entendement , comme le Bien eft l'Objet de ma Volonté. Il faut que je développe un peu ceci. J'observe que mon Entendement eft fait de manière qu'il ne peut pas ne pas acquiefcer à l'Évidence au moment qu'il l'apperqoit. Il n'eft pas plus dans fa nature de ne pas affirmer le rapport d'égalité des Parties au Tout , qu'il ne Teft dans la nature de ma Volonté de préfé- rer le Mal au Bien, Ceci découle de la nature même de l'Intel- ligence. Je ne fais pomt du tout ce que l'Intel* ligencc eft en foi : je f^s feulement qu'elle eft P H I L A L E T H R iiï la Faculté d'avoir des notions , de les comparer & d*eii juger. Je fais encore qu'il eft des rela- tions naturelles entre les idées, parce (jji'il en éft entre les Chofes qu'elles repréfentent , & que ces relations font indépendantes de l'Intel- ligence qui les apperqoit : je veux dire , que l'Intelligence apperqoit les relations* qui font à fa portée, comme la Faculté de fentir appêrçbit les Qualités fenfibles des Corps. Il n'eft pas plus au pouvoir de Tlntelligence de ne pas apper- cevoir telle ou telle relation , qu'il n'eft au pou- voir de la Senfibilité de n'être pas affedée de la chaleur à la préfcnce d'un Corps chaud. Quand donc l'Entendement apperqoit avec évidence les relations qui font entre deux ou plufieurs idées , il apperqoit une Vérité, Il ac- quiefce à l'inftant à cette Vérité , & fon acquief- ceraent eft raffirmation de cette Vérité. Il efl fait de telle forte qu'il cherche la Vérité comme par un appétit naturel , & lorfqu'il Ta trouvée il eft fatisfaic. L'Evidence eft toujours le der- nier terme de fa recherche. C'eft dans ce fens que je dis, que la Vérité eft l'Objet de l'Enten- dement comme le Bien eft l'Objet de la Volonté. Mais, dans les Chofes où l'Entendement ne fauroit atteindre à la Vérité ou à la pîrfùcc tr>^ l^HIL A LE THE. certitude, il eft forcé de fe contenter du plus grand degré de probabilité ,* & j'ajoute , qu'alors même ^I ne dépend pas plus de l'Entendement de ne pas acquiefcer à cette probabilité , qu'il n:e: dépend de lui de ne pas acquiefcer à l'EM- den'ce elle-njême : c'eft que l'Entendement ap- perçoit les Chofes comme elles fe montrent à lui' ou conformément aux rapports qu'il fou- tient avec elles. Or, l'Entendement ne peuç appercevoir la probabilité d'une Chofe, qu'il n'affirme la probabilité de cette Ghofe j car ap- percevoir &; affirmsr font ieî -fynonymes. Il y aurait, wne véritable contradidion G l'Entendcr ment jugeoit autrement qu'il n'apperqoit ; s'il regardoit comme douteux ce qui le montre à lui comme très - probable. . - > :, L'Entendement peut bien fe méprendre & regarder comme treswprobable une Chofe qui eft plus qu'incertaine. Mais,' dans ce cas comme dans tout autre , l'Entendement juge toujours conformément ï la manière dont la Chofe fe montre à lui. Il jugeroit autrement fi fon point de vue étoit redreifé : il le feroit fi l'Entende- ment àcquéroic de cette Chofe & de fes rela^ tions des idées plus julîes. Je? fais ici une véftexion effentielle : lorfque P R t L AL E T M R 2%\ je dis, qu'il n'eft pas plus ali pouvoir de l'Eit- téndement de né pas aeqtiiefcer à la Proba* bifité, qull- n'eft en fou pouvoir de ne pat acquiefcer à TEVidence elle-même} je ne veux pas dire que la Probabilité Fatle fur lui précifé- itîent le même eifet que l'Evidence. Dans tout ce qui ne s'oifre à lui que comme probable , il voit toujours au-delà quelque chofe qui lui man- que pour arriver à la pleine certitude & foii défit eft toujours d'y arriver. Mais, daas tout ce qui s'oifre à lui comme évident , il n'y t jamais lieu à ce defir , parce qiie l'Évidence porte avec elle la marque la plus parfaite de la pleine certitude ou de la Vérité. C HA PITRE Vlir. ^^r : Le Jugement ' le Raifonnement, Le Sentiment _ intime ou la Confcience, 'Entendement forme un Jugemeiit toutes les fois qu'il apperqoit le rapport ou l'op- pofition qui eft encre deux ou pluiieuis Cho* fes. S'il exprime ce Jugement par des termes , les Logiciens nomment cela mio- Enonciatic/n. n^ PHILALETHE, L'aflemblage d'un certain nombre de Jugemens compôfe ce qu'ils nomment un Kaifomiement , dont ils nous tracent les règles, peut-être trop «n détail. J'ai remarqué , qu'il eft des Chofes que je puis comparer immédiatement les unes aux au- tres , & que de cette comparaifon immédiate ntiiiToit rÉvidence proprement dite. J'en ai donné des exemples, (i) J'apperqois au- de- dans de moi une autre fource de cette forte d'Évidence j c'eft mon Sentiment intime. Je n'ai, en eiFet, qu'à rentrer en moi- même pour être convaincu que mon Ame a le Senti- ment intime ou la Confcience de tout ce qu'elle éprouve 5 elle feat que c'eft elle - même qui réprouve. J'ai déjà touché à cette grande vérité pfychologique : (2) elle eft ù claire que je crains de l'obfcurcir en l'expliquant. Mon Ame ne peut appercevoir, penfer, agir, qu'elle ne fente en même tems que c'eft elle qui apper- qoit , qui penfe , qui agit. Ce fcntiment qu'elle a d'elle - même , toujours un , toujours fimple , toujours indivifible, eft inféparablement lié à ( I ) Chap. VI. ( i ) Chap. I. PHILALETHE. agÇ toutes fes perceptions , à toutes fes opérations. Il conftitue cette Unités ce Moi qui s'incorpore ou s'identifie avec tout ce qui fe paiTe dans TAme , qui raflTemble en lui tout cela , s'appro- prie le pafle comme le préfent , & réunit ainfi dans une feule Individualité, dans une feule Exiftence toute la fuite des perceptions & des opérations de FAme. C'est ce Sentiment fi clair , fi permanent , fi uniforme que j'ai de ma propre Individualité, de mon Moi qui m'aifure que j'exifte ,• & mon exiftence eft une de ces vérités d'une évidence proprement dite que rien ne peut le moins du monde aiFoiblir : car puifque je ne puis avoir une perception que je ne fente en même tems que c'eft moi qui l'ai , je ne puis fentir que j'ai cette perception que je ne fente en même tems que j'exifte. Si donc je détache par abftraAion de mes propres perceptions le Sujet qui apperqoit, j'ac- querrai l'idée abftraite de ce Sujet, que je re- préfenterai par les mots à'Arne ou de MoL Mais, je ne puis jamais exifter d'une ma- nière indéterminée : riçn n'exifte & ne peut exifter de cette manière. Mon exiftence ne peut 2%6 P n I L A L E THE. kxxe , à mon égard , que la fuite des idies & des opérations de mon Etre. Chaque momenÇ de mou exiftence eft donc caradérifé par une certaine modification de mon Ame , par une fcertiiine fituatioii de mon Etre. Mon Ame a le Sentiment intime ou la Confcience de chacune dé fes modifications. J'entends ici par ces mo- difications les perceptions , les feiifations , & en général tout ce qui fe paiTe dans l'Ame dont elle a le Sentiment ou la Confcience. Je ne luis donc pas plus afluré que j'cxifte , que je ne id luis que j'éprouve telle ou telle fenfation, que 3*ai telle ou telle idée. Je ne parle que de la fenfation ou de l'idée confîdérées en elles- mêmes ou indépendamment de leurs Objets & de leurs Cau fes : car j'ai reconnu que je ne pou- vois tirer aucune conféquence néceliaire de la préfence d'une fenfation ou d'une idée quel- conque à la Caufe qui la produit ou qui me parole la produire. Je fuis très-aifuré que je fens 'de la douleur; mais ce Sentiment que j'ex- pritne par le mot de douleur ne m'alfure point que cette douleur eft dans mon doigt , quoique je la rapporte à mon doigt par un faux jugementl Ce Sentiment ne m'aifure point non plus que cette douleur a pour caufe efficiente le mouve- ment trop accéléré de quelques nerfs. Je ne fens pas même ces nerfs quoique mon Ame leur fuit V k 1 L A L E T ti :^. " h^i immédiatement unie. Airtfî,je ne fuis aflliré ici que d'une feule, chofe , c'eft que j'éprouve une certaine douleur , & je fuis aufîî certain de la préfence de cette fenfation que je le fuis de ma propre exiftence. Comme mon Ame a la Confcience de toutes fes modifications , de toutes fes manières d'être , elle a conféquemment la Confcience de toutes les Facultés qu'elle exerce & que ces modifica- tions fuppofent effentiellement. Mon Ame ne peut avoir des idées, les comparer, en juger qu'elle ne fente en même tems qu'elle eft douce de Senfibilité & d'Entendement. Mou Ame ne peut avoir des volontés particulières qu'elle ne fente en même tems qu'elle eft douée de Vo- lonté : elle ne peut exécuter fa Volonté , qu'elle ne fente qu'elle eft douée de Liberté. J'en: dis autant de toutes les autres Facultés que mon Ame exerce & dont elle a le Sentiment intime ou la Confcience. Tous les efforts de mon Scep-^ ticifme viennent fe brifer contre ce rocher. jfti9 PHILALETJÎB. CHAPITRE IX. Sur la réalité des Objets de nos fenfations* Les Propriétés de la Matière, Lts Forces. M O N Ame ne peut avoir la même efpece de certitude de ce qui fe pafTe hors d'elle que de ee qui fe palTe en elle. Il m'eit facile d'en découvrir la raifon. Mon Ame ne juge de ce qui eft hors d'elle , qu'au travers de certains milieux , qu'à l'aide de certains Inltrumens : ces ïnftrumens font les Organes des Sens. J*Ai vu que chacun de mes Sens eft en rap- port avec la manière d'agir des Objets dont, il doit tranfmettre à mon Ame les impreiîîons. (i) Ce rapport réfulte elfcntiellement de la ftruc- ture de chaque Sens & de certaines Qiialités des Objets qui agilfent fur ce Sens. Mon Ame n'ap- perqoit pas immédiatement ces Quahtés : un milieu ell interpofé entr'elle & ces Qualités , entr'elle & les Objets : ce milieu eft un alfem* ( I ) Chap. L bîage P If T L A l Ê f È k ^i^ fo!agfe d'Organes. Mon Ame ne peut donc juger des Qjiiaiitçs des Objets que conformément à la manière donc chaque Sens les lui m^inifefte, M;îîs , cette niàilifeftation eft ilécefTairènient ren- fermée dans leâ limites p'us ou moins étroircà de chaque Sons : tes Sens ne peuvent donc ma-t nifefter à mon Ame les Objets fceis qii'iis fonç en Bux-mènresj ils ne peuvent les lui mani- fePcer que dans un rapport déterminé à leur ma-; niere d'agir combuiée avec celle dont i'Amë apperqoit. Moi< expérience joutnaliere me corivallic aué certaines feniations ne dépendent point du îou€ À\s bon plaifir de mon Ame. Eile fent intimemens qu'il ri'efl: point du tout en Ton pouvoir de n'ê- tre pas affedée de telle ou de telle fenfation dané telle ou telle circonftance. Toute fenfation eS 13 n effet qiti , dans ma manière de concevoir , doit avoir une Caufe. La Caufe de telle oU telle fenfation ne peut être danîS ma Volonté, pùiC qu'il n'eft pas en ion pouvoir de n'être pas atfeci téc de telle oU telle fenfation dans telle ou telle circonftance. Je fuis donc fondé à en conclure^ qu'il eft hors de moi quelque chofe qUi me proî^ cure telle ou telle fenfation, & e'eft cette Chofé TQme XV m. T 290 VHILALETH É. ique je conçois que mes Sens font appelles i rfte manifeller. J'ajoute ; que ce que les Sens me décou- vrent ou paroiiîent me découvrir renferme de vraies réalités dont j'ai la plus parfaite certitude. Je fuis très - certain , par exemple, que j'ai la perception très -claire de quelque chofe qui fe jiiontre à moi & hors de moi comme étendu, iolide , réiaftant : je donne à cette Chofe ou à cette Colledion de Qualités fenfibles le nom de Corpf , & je dis , que je connois le Corps par quelques, unes de fes Qiialités fenfibles ou de fes Propriétés. Mais , il s'en faut de beaucoup que je fois certain que ce qui fe montre à moi & hors de moi comme étendu , folide , réfiftant foit dans la réalité ce qu'il me paroit être. Je ne dois pas oublier que je ne fapperqois pas immédiatement; que je ne le vois qu'au travers d'un m.ilieu qui me le dcguifc plus ou moins. Mais , je fuis au moins très - fur que ce qu'il me paroît être ré- fuite elfentieliement de ce qu'il cft en lui-même &. de ce que je fuis par rapport à lui. Ainsi , lors même que j'admettrois que cette ^_Qlleâj.on de Qualités fenfibles , à laquelle je PHILALETHÈ, i^t donne le. nom de Cor;ps , pourroit n*écre à mon: égard qu'une apparence , un phénomène j il n'en demeureroit pas moins évident que ce phé- nomène ferbit quelque chofe de' très-réel & donc je ne pourtois révoquer en doute i'exitlence. Plus j'étudierbis ce phénomène , & plus je m'af- futerois qu'il eil: confiant, invariable, uniforme. Je déduirois donc de tout cela la réalité de là Caufe extérieure qui le produit; mais je con^ viendrois en même tems que cette Caufe , quelle qu'elle foit en elle-même , ne m'eft connue que par quelques effets, & ce font ces effets que je déii:.;,ne par les termes à' étendus ^ àt foHdité y de ^'épjtmice» J'ai lés perceptions très - claires dMn grand nombre d'autres Qiialités fenfibles , dont les com- blnaifbns variées péefqu'à l'infini compofent cet Aifemblage de Corps particuliers que je nomme la Nature , le Monde* Las Qiialités que je découvre conftàmment ^ dans tous les Corps ^ les Qualités qui ne font fufceptiblcs ni d'augmentation ni de diminution & fans lefquelles je ne pourrois avoir l'idée du Corps, je les nomme les Attributs ■ e([enîiels du Corps. C'elt en décachunt par abikadioii ces. T % l^i V n î LA L E f n E. Attributs des autres Qualités , que je me formt l'idée du Corps en gctiéraL Je nomme les autres Qualités , fubordonnées à celles-là , des modifications ou des Aîodes du Corps. Ainfijle mouvement, la couleur» la du- reté i &c. &c. font des Modes ou des manières d'être du Corps. Elles peuvent être ou n'être paS dans le Corps, fans que l'idée que j'ai de fon Eifence en foit changée. Je dois le répeter : le Principe ou la Caufe de toutes ces Qpalicés , dont j'ai les perceptions claires , m'eft entièrement inconnu. Mais , parce que j'ignore profondément ce que cette Caufe fecrete ell en foi , révoquerois - je en doute rexiitence de fes eifets ? ne feroit-ce pas révo- quer en doute l'exiftence de mes propres per- ceptions ? ce qui équivaudroit à douter de ma propre exiftence. Ces Qualités ou ces Modes que je diftingue fi nettement dans le Corps ne font donc pro- prement que de Gmples eiiets. Mais , des effets font les réfultats de certaines adions qui fup- pofenc eifentiellemertt des Forces qui les produis (gnt. Il y a don© dans le Corps certaines For^ Ses fecretes de l'acftion defquelles réfultent cel Qualités ou ces Modes dont j'ai les idées. Je ne fais point du tout ce qu'une Force quel- «onque eft en elle - même : je ne fais pas même ee qu'une adion quelconque eft en foi. Je ne eonnois une Force quelconque que par fes pro- duits ou par fes effets. Je déduis de ces eiFets Texiftence de ia Force , parce que je fuis confti* tué de manière , que je ne puis concevoir qu'une chofe foit , fans qu'il y aie une raifcn pourquoi elle eft. Je définis donc la force , ce qui a en foi le principe ou la raifon de l'effet dont j'ai l'idée. : Et parce qu'il m'eft impoflîblc de décompo- Icr l'idée que j'acquiers des Forces du Corps par leuradion, je crois être fondé à en inférer que les Forées font des Etres (impies on immatériels , qui par leur influence fur ce Sujet que je nomme le Cor/7j, produifent les divers afpeéts foiis leC quels il fe montre à moi. Je vois clairement, que fi je pouvois former quelque doute fur l'exiftence de ces Forces im- matérielles, la Cohéfion , la Dureté, le Mouve- ment fuffiroient à m'en convaiiicre : c'eft qu'il me paroit très-évident , que le Corps ne fauroife* T i f#4 T:tfT%A Z T T'ITvEn car lui - même me donner-la- raifon de- ces Clioi îes. PourroiS"je nier que to;ute;p,ar^içuJç de Ma-? tiere ne foie indifférente de fa nature à quel- îfue fituation ou à quelque poiition' refpedii.ve que ce fpit ? Pourrois- je attribuer aux Etémen» de la Matière des alîedions ■ particulières qui ne conviennent qu'aux Etres fentans? Puis donc que les Corps iont des Compofés d'E'iémens ma^ tlriels, & qu'il faut que les Elémens cohérent pour que les Compofés foient permanens , ne dois je pas admettre qu'il eft quelque Chofe qui lie entr'eux les Ëlémens & qui produit ce que jt nomme la Cohérence ?, Et fi cette Chofe étoit encore Matière , fcs E'iémens cohéreroient auffi , & je n'aurois point encore la raifon de la Cohérence. Je fuis doirc^ obligé de reconnoître , que cette raifon ne peut fe trouver que dans quelque Chofe qui n'eft point Matière , & c'efl: à cette Chofe qiie je donne le nom de Force : j'ajoute ; que l'idée que j'ai de la Force eO; abfoIumeiU fimple ou indér çompofable. Non feulement ie Corps eil indifférent de fa nature à quelque fituation que ce foit, il l'eft encore ay repos & au mouvement. Je fuis très- iflfuré qu'aucun Corps ne fe. met 3e lui - m^îme «n mouvement ni ne cefTe de lui-même de fe mouvoir. Ce n'eft donc pas dans le Corps lui- même ou dans fa- propre riatiire que je dois chercher la Caufe du Mouvement : il faut nécef- fairement que cette Caufe foit extérieure au Corps, & qu'elle ne foit point elle-même quel- que Chofe de corporel : j'admets donc que W Mouvement eft l'eiFet d'une Force immatériellG, qui s'applique au Corps & agit en lui d'une-^ manière qu'il m'eft impolîible de pénétrer. Cette; impofîibilité n'a pas de quoi me furprendrej^ car puifque le Corps ne peut par lui -^ même fei mouvoir & qu'il doit fon mouvement à un Ager^t-^ immatériel , il eft bien dans ma nature d'Etre, . mixte ou d'Etre qui n'a des perceptions que^^ par le miniftere de Sens matériels , que je ne puifle appercevoir cet Agent, & quq.je_ne par- vienne à me perfuader fbn exiitcnce Se fon in- fluence fur le Corps , que par des eifets qui, tombent fous mes Sens, & que le Raifonnement me porte à lui attribuer comme k leur Caufei^ immédiate. ^étS^* J i i^^ PTtri Z A l E T'a Er CHAPITRE X. VAmlogie , fouree de la Certitudsi morale* L Ors Q.U E j'ai étudié la nature & les rela- tions d'un très-grand nombre de Chofes , & que j'ai reconnu dans toutes la même nature E^ les mêmes relations , il me paroît que je fuis très - autorifô à en conclure que les Chofes qui £è montrent à moi précifément fous les mêmes caraderes que celles - là \ rnais que je n'ai pas examinées dans le même détail , font aalîi (^ouéeâ <^ts mêmes Propriétés. Il faut que j'éclaircifle ma penfée par \\\\ ou deux exemples. Tous les Corps que )'ai exami- nés m'ont fait éprouver une certaine réfiftançe: ]or$ donc que de nouveaux Corps s'offriront a iTJoi , je ne jugerai pas néceifaire de les exami- ner auffi pour être certain qu'ils me fcroicnc ^prouver pareillement une certaine réfiftançe. Toutes les fois que j'ai vu du Feu & que je în'en fuis approché j'ai éprouvé cette fenfcition pe j'exprime par le terme de chaleur : lors èÇfl? W,® i^ yerrai de nouveau d^ Etu^ j-sne ÎTH T l 4 L E Tff m '^fc j^gfrai pas Heee/Taire de m'en approcher pour être certain qu'i) me forpii éprouver de In- chaleur. C'est à cette manière de juger deg Chofes que les Logièieng ont donné le nom d'Analogie, S§ ils nous difenc là- defliis des vérités d'autant plus dignes d'ècre méditées qu'elles font plus pratiques. Mais, parce que je ne découvre aucun rap- port néceiïliire entre ce que mon expérience me î^anifefte dans un Corps & ce qu'elle me ma- nifefteroit dans un autre , je fuis forcé de con- venir que l'Analogie ne fauroit me conduire à h DémonftratiDu ou à TE'vidence proprement J'approfondis un peu la nature de l'Ana- logie & je reconnois qu'elle repofe principale- ment fur cette propofition ; que des Ejfets pré^ ciféutent femblahles fuppofent les mêmes Caufesi c'ed que dans ma manière de concevoir, tout ce qui eft, doit avoir une raifon pourquoi il eft & pourquoi il eft d'une manière plutôt que d« toute autre. Qiiand donc je vois clairement, ^e pluiîcurs Chofes font prccifément de la m«me manière , je fuis porté naturellement a çn inférer l'identité de leurs Caufes. Par une fuite du même principe , lorfque 5'iii vu certaines Qualités coexifter conftamment dans un grand nombre de Chofcs , je fuis porté à. conclure de la préfence d'une partie de cet Qualités dans d'autres Chofes , que les autres Qualités s'y trouvent pareillement , & dans cette perfuafîon fi naturelle je ne prends pas la peine de: m'en affurer pac Texpérienee. Il eft bien clair que plus j'ai multiplié mes expériences fur les Chofes de même Efpece , & plus mes conclufions ont acquis de probabilité. La parfaite certitude gît ici dans la connoilTance de la totalité de ces Chofes. Mes expériences n'ont pu èmbraifer cette totalité : mais plus le nombre des Individus qu'elles auront embraffé aura été grand , & plus la probabilité aura accru. Une vérité frappante vient à l'appui de mes raifonnemens fur l'Analogie: c'eftque Ç\ je refu- fois abfoîument de la prendre pour guide dans toutes les Chofes où elle peut toujours me con- duire à une très-grande probabilité , je men crois la vie la plus déplorable , & même je ne pour- rois conferver mon Etre: car fi les caradercs V n 1 L A L E THE, Iv'i fenfîbles feus lefquels les boiiïbns & les 311111611» ordinaires fe .montrent a mai ne fuinfent point^ pour fomder la peifirafion oà Je fuis que tout ce qui fe montre ;à moi revêtu des mêmes caracle-. res polîede les mêmes qualités -bieiifaifatit es , j'iaurai fansLcefTe à craindre de boire ou de man- ger-des chcfes nuifibies. J'apperqois d'un coup d'œil quQ cette, vente s'étend à toute la Viç commune. . laparai CHAPITRE XL V QrdiSe pl^yfque : les Loix de h Nature^ Les EJJences. E N crtufant un peu ce que îe viens de m'ex^ poier a jnoU même fur TAnalogie, je ne. puis ni'empêcher d'admettre qu'il eft dans la Nature un certain Ordre co'aftant, que je nommerai phyfiqiie ^ parce qu'il fe montre à moi comme le réiultat général des Propriétés des Etres cor- pords & des rapports qu'ils foutiennent eii- tr'eux. Mais 5 puifque mes connoiffauccs fur l'Ordre ^ H 1 L A L E T H E, un certain ordre conftant. Je diftingue nette- ment ces idées & ces fuites d'idées. Je fens in- timement qu'il ne dépend point du tout de ma Volonté de changer l'Eniemble ou l'Ordre de certaines idées ni même de n'être pas affedé de telle ou telle idée, de telle ou telle fuite d'idées dans telle ou telle circondance. Je conclus donc légitimement de cette obfervation, que ces idée» ou ces fuites d'idées ont uwq autre origine que celles que je produis à mon gré par certaines opérations de mon Efpiit. ( 3 ) Et parce que l'apparition de ces idées ou de ces fuites d'idées eft abfolument indépendante de ma Volonté , je les range dans Une clafle particulière & 5e les défigne par les termes d'idées fenfibles. Mais les idées fenfibles me repréfentent tou- jours leurs Objets comme exilîans hors de moi, & cette reprélentation eft encore aufli indépen- dante de ma Volonté que ce que je nomme une fenfation. J'en infère donc qu'il eft hors de moi quelque choio qui produit en moi cette repré- fentation, & c'ell dans cette chofe que je place l'origine des idées fenfihles dont je fuis aifedé. J'admets donc la réalité des Objets que mes idées fenfîbles me rcpréfentent , & je raifonne JP H I L A L E T H K 307 fur rOrdre phy^que comme le Phylicien. Il me fuffit d'avoir prévenu Iot équivoques ou Les mé- prifes qui auroient pu fe gUlFer dans mes juge- mens fur ce fujet. En obfervant les Etres qui m'ehvironnent , je ne tarde pas à m'appercevoir qu'ils ne font pas ifolés ou iadçpendaiis les uns des autres. Je découvre qu'ils font liés par divers rapports, plus ou moins directs , qui les fubordonnent les uns aux autres , & qu'ils concourent ainfi à un but commun. Je découvre encore que ces rapports qui en-* chaînent les différens Etres dérivent eflentielle- ment des propriétés ou des Déterminations pro- pres aux différens Etres ,* & que c'eft en yertik de ces Déterminations quagidàns les uns fur les autres & les uns par les autres , ils confpirent à produire certains effets plus ou moins géné- raux, ih Je dis , que ces effets font des Loix de la Nature ; & je déEnis les Loix de la Nature^ les réfultats des rapports qui lient les Etres. Le Syftème entier de ces Loix conftitue donc , dans mes idées 5 ce que je nomme V Ordre phyfique. Va jbfj P H I L A L E T H E. C'est donc en conféquence de ces Loix que les mouvemens font reçus , tranfmis & piopii- gés dans l'Univers. Ceft par elles que les Par- ties principales & fccondaircs dans lefquelles la Matière eft divifée & foudivifée, exercent les unes fur les autres cette grande adlion générale ou univerfelle d'où refuite cette multitude pref- qu'infinie d'effets particuliers , qui font l'objet des recherches du Phy(îcien & des calculs du Mathématicien. Mais , puifqud les Loix de la Nature dérivent originairement des rapports qui font entre les Etres, & que ces rapports dérivent eux-mêmes des déterminations elTcnticlles des Etres , je fui« fondé à regarder les Loix de la Nature comme invariables j puifque les ElTences des Etres font immuables. Chaque Etre eft ce qu'il eft. J'ai défini VElferiçs , ce qui fait qu'une Chofe eft ce qu'elle eft : (4.) c'étoit tout ce que je pouvois en dire. Ce n'eft donc point que je pré- tende favoir ce qui fait qu'une Chofe eft ce iju'elle eft : je me fuis déjà expliqué là - delTus. ( 5 ) Ainfi , tout ce que je puis raifonnablemcnt ( 4 ) Voy. le Ch:»?. VI. ( < ) Chap. IX THILAIETHE. ^i^ affirmer fe réduit à ceci j que ce qu'une Chofe me paroît être , ré fuite eflentiellement de ce qu'elle eft en elle - même & de ce que je fuis par rapport à elle. Le Principe fecret des déterminations des Etres conitirue donc ce que je nomme VEjfence réelle des Etres. Les divers afpedls fous lefquels cette Eifence fe montre à moi ou les diverfes Propriétés que je découvre dans les Etres , font xe que je défigue par les termes d'EJfeme ;/o- minale. J'avoue donc que je ne connois point du tout l'Effence réelle des Etres , & que tout ce que je connois un peu des Etres fe réduit à leur Eifence nominale. Je fuis donc fondé à en in- férer qu'il feroit poiîible que telle ou telle Pro- priété que je juge cifentieHe ne le fut que daihs le rapport à ma manière très > imparfaite de voir & de concevoir les Etres. Mais , cette réfle- xion philofophique ne fauroit m'empècher de raifonner fur les Propriétés qui me paroilfent effentielles , comme fl elles fétoient en elles- mêmes ; parce qu'il doit me fuffire qu'elles de- meurent conftamment les mêmes par rapport à moi , & qu'elles faiTent partie de ce que j'ap- pelle VEJfaice nominals du Sujet : car je n'ac- ^19 rH î L A L E T H E.. quiets la notion du Sujet que par les Propriétés qui le caradérifent à rnes yeux, «Se je ne les nomme ejfenîieliey ^ que parce que je ne faurois en retrancher aucune par la penfée fans détruire la notion que je me forrne du Sujet. Je fais une autre réflexion. En examinant les Etres qui m'environnent, j'ai remarqué que plus je multipliois mes obfervations , mes expérien- ces , mes combinaifons , plus je découvrois de Propriétés de ces Etres, & plus je démèlois de Chofes dans chaque Propriété. Mais , comme ma ConnoilTancc eft renfermée dans les hmites des moyens que j'ai deconnoître, & que ces limi- tes font fort étroites, j'en conclus légitimement qu'il eft poffibJe que les Etres qui me font le mieux connus renferment des Propriétés ou des Déterminations qui me font inconnues & que je ne connoîtrai peut-être jamais ici bas. Un Avcu- gle-né dcvme-t-il les propriétés de la Lumière, & tous les Hommes n'étoient ils pas à cet égard des efpeces d'Aveugles avant l'apparition de l'Anatomifte de la Lumière? Si j'avois été privé du Tad; à ma naiflance , foupçonnerois - je l'exif- teiice de rimpéiiéi-rabilité des Corps? Je ne con- îiois donc les Etres matériels que dans le rap- port à mes Sens. Si donc j'acquérois de nou- veaux Sens, mes rapports aux Etres matériels PEILALETHS, )u fe multiplieroient dans une proportion relative au nombre & à la qualité des nouveaux Sens dont je ferois enrichi. {6) Mais, les Loix de la Nature dérivent dos rapports qui lient tous les Etres , & ces rapports dérivent eux-mêmes des Propriétés ou des Déterminations des Etres: or; puifque je ne faurois me flatter de connoî- tre toutes les Déterminations des Etres & rnème de ceux que j'ai le plus étudiés i je né faurois me flatter non plus de connoitre toutes les Loix de la Nature. Je ne puis même préfumer rai- fonnablement de faifir toutes les modifications dont les Loix que je connois le plus font fuf. ceptibles. Cependant , comme les Etres me paroilTent enchaînés les uns aux autres & ne former ainfi qu'un feul Tout , je puis en inférer logiquement que le Syftème des Loix qui les régiffent n'eft pas moins lié dans toutes fes parties , & qu'il n'eft point de véritable oppofition entre une Loi & une autre Loi; mais que lofqu'une Loi me paroît en conflid avec une autre Loi, le confliél n'eft qu'apparent, & n'indique que la fufpenfîon ou la modification d'un effet , en con- (6) Chap. I. V4 ÎI2 PHILALETHE. f«quencc de certains rapports que les AgetiS foutienneiit cntr'eux. Et parce que les Etres ne fauroicnt être eil- cliaînés les uns aux sutres par leurs rapports divers , fans être fubôrdonnes les uns aux aiîtres en conféquence de ces mêmes rapports ; il s'enfuit que les Loix de la Nature font auffi fubordonnées les unes aux autres 5 & de cette fubordination réfulte l'Harmonie du grand Tout. Ceft encore de cette fubordination que je vois découler ces modi£cations des Loix de la Na- ture 5 que je pourrois cnvifager comme des ex- ceptions de ces Loix. Enfin ; puifque les Loix de la Nature déri- vent eirentiellemcnt des rapports qui lient les Etres , & que ces rapports ont leur fondement dans les Déterminations des Etres, je me crois en droit d'en conclure qu'il n'eft aucune Loi de la Nature qui foit purement arbitraire. Com- ment , en eifet , pourrois - je admettre que ce qui découle immédiatement de l'Elfçnce d'un Etre ne fut pas auffi déterminé en foi que l'eft cette EtTence ; puifqu'il elt le réfultat naturel de cette Etfence elle - même ? Si donc je fuppofe un cer- tain Etre, doué de telles ou de telles Propriétés cfienticllcs , J3 ferai dans l'obligation de recon> THJLALÈTÏÎE. tlf iioîtrc «^ue tout ce qui réfultsr^ immédiatement d'une àe ces Propriétés ^ comn^e la coitiequence' de fon principe , ne fera pas plus arbitraire que cette Propriété. Mais , je découvre encore d'au- tres raifons qui me perfuadent qu'il n'eft rien & qu'il ne peut rien y avoir d'arbitraire dans l'Univers : je m'en occuperai ailleurs. CHAPITRE XII. Le Témoignage , au^re Source de la Çertihide morale, J E ne pouvois examiner tout par mes pro- pres Sens. Je ne pouvois coexifter à toutes les Générations & à tous les Lieux. Madurée eft un moment 5 mon lieu eil un point. Cependant il eft je ne fais combien de Chofes que je fuis très-intéreffé à connoitre , & qui fe (ont paflees avant ma nailTance ou qui fe paflent dans des lieux plus ou moins éloignés de celui que j'oc- cupe , & même dans des lieux où je ne puis me tranfporter. Il eft donc tout à fait dans l'ordre de la Conftitution de mon Etre que 32 m'en rao sorte fur ces Choîôs à ceux gui en ôat été IHU T M 1 L A L E THE, les témoins <^ qjui me les apprennent àt viv« Toix ou par écrit. ' -'" Je recherche le fondement de cet afTentiment que je donne au Témoignage > & je trouve qu'il repofe fur une confidération que ma Raifon ne fauroit défavouer : c'eft que je dois fuppofer dans les Hommes les même«s Facultés eflentielles que celles dont je fuis doué i & que je dois leur fuppofer encore le même principe général de détermination que j'ai reconnu chez moi. ( i ) Il faut pourtant que je convienne que ma fuppofltion , quoique très - naturelle , eft pure- ment analogique. Je n'ai pas examiné tous les Hommes, pour être certain qu'ils polfedent tous les mêmes Facultés eifentielles que je découvre chez moi. Je ne puis même obferver aucun Homme précifémênt comme je m'obferve moi- même. Ainfi, l'affentiment qvie je donne au Té- moignage ne repofe que fur l'Analogie. Cette réflexion ne me précipite point dans un pyrrhonifme uiîiverfel fur ces Chofes qui font uniquement du reflbrt du Témoignage & que j'ai intérêt à connoitr?. Je reprends mes C I ] VToy. le Chap. IV. PJ^ÎLAIETHÉ. |t1f premières confidérations fur P Analogie; (2) je les pcfe de nouveau, & is parviens bientôt à m'aflurer que l'Analogie n'eft pas moins propre à me conduire ici à la Certitude morale, que dans les autres cas auxquels je Tai appliquée avec le plus de fureté. ( 3 ) Je dois fur- tout porter de la bonne foi dans mes recherches & ne choquer point le Sens commun : mon bien. être en dépend eiîentiellement : or, ne choque. rois- je pas la bonne foi & le Sens commun, fi je prétendois , que pour être moralement cer- tain que les autres Hommes font de mêpe na- ture que moi, il faudroit que je les eulfe tous fait pafTer en revue & que je les euffe tous exa- minés en détail ! N'ai- je pas obfervé un affez grand nombre d'Hommes pour être moralement certain que tous les Hommes participent à la même nature ? Et ne puis- je pas raifonnable- ment juger par ce qu'ont fait les Hommes que je n'ai pas vus ni pu voir , qu'ils pofTédoient eifentiellement les mêmes Facultés corporelles & Intelleduelles dont je fuis pourvu? Je n'étends pas trop ma conclufion ; & je ne dis pas que tous les Hommes ont po(fédé & polfedent ces Facultés au même dsgré : je me renferme ici [ jt ] Chap. X. C 3 ] nhL U6 V H I t  L E T H E, i dâiiî ce qui conftjtue, à mon égard, la nature propre de cet Etre que je défigne par le nom général i'Homme, Je vois bien clairement que les Facultés humaines font fufœptibles d*une multitude de modifications diverfes , relatives an degré de leur développement ou à la place que chaque Homme occupoit dans Tefpace & dans le tems. Mais , je ne vois pas moins clairement qu'une modification quelconque ne peut chan- ger l'Eflence ou la nature propre d'un Etre , & que toute modification a néceffairement fon fon- dement dans fEffence. ( 4 ) De tout ceci je déduis une conféquence qui me paroît jufte : c'eft que ces Chofes dont je me ferois afluré par mes propres Sens, Ci j'en avois été à portée, ont pu être connues avec certitude des Hommes qui exiftoient dans le tems & dans le lieu où elles fe pairoient. Et pour- rois - je douter légitimement: qu'elles ne l'aient été en effet , tî je fuppofe que ces Hommes avoient le même intérêt que moi de s'alfurer de la véritré de ces Chofes , & qu'elles n'exigeôient pour être fuiBfamment connues que des Sens bien organifés & un jugement fain î Il y a plus; combien cft-il-de chofes qui ( 4 ) Cîiap. IX. XI. I> R:Jt lâ L B^r H JK , ^ I "1 ne concernent que la vie commune, & à l'égard defquelles je fuis encore forcé de m'en rappor- ter au Témoignage d'autrui , parce que (i je ne voulois me déterminer fur ces Chofes que d'a- près le Témoignage de mes propres Sens , je ne fatisFerois point à mes befoins toujours renaif- fans , & je menerois la vie du monde la plus raiférable & la plus incertaine! J'apprends donc de cette obfervation fort fimple 5 qu'il eft dans l'ordre de la Conftitution de mon Etre, que j'adhère fur un grand nom- bre de Chofes au Témoignage des autres Hom- mes : je regarde donc cet affentiment que je fuis obligé de doixner au Témoigiiage d'autrui» conlme une Loi de mon Etre moral, rsjnoo '^lé P S t LA L E THE. CHAPITRE XIIL V Ordre moral. Les Loix mora/esd Lfs Agens moraux. c E s T en confidérant les Facultés de mort Ame dans leur application à la pratique , que j'acquiers la notion philofophique de VEtre mo^ rul, & par elle celle de l'Ordre rnoral. J'apprends de mon expérience journalière qu'il n'y a qu'un certain exercise de mes Fa- cultés qui foit en rapport ave© mon Bonheur ou auquel aient été attachés la confervation & les agrémens de ma Vie , ainlî que le perfedion* nement de mon Etre. ( i ) J'apprends encore de l'expérience que je ne fuis point un Etre 'ablolument ifolcj mais que je fins enchaîné à la multitude des Etres qui • m'environnent par les rapports plus ou moms direcl. que je foutiens avec eux. Entre ces rapports je diftingue fur - tout ceux qui me lient à ces Etres que je nomme mes Semblables. [ I ] Chap. IV, 'P H IL A L E T H E: yi^ Ce Corps organifé qui fait une pâitie fi effentieîle de mon Etre & auquel mon Ame eft unie par des nœuds qui me font inconnus, ne faiiroic fe conferver fans • le fecours de ma^ tieres étrangères qui doivent être introduites journellement dans fon intérieur pour rempisr- cer celles que les mouvemens inteftins diiïî- pent. C'eft par le travail de certains organes , dont j'admire la ftrudure & le jeu , que^' ce remplacement journalier s'exécute. Il eft donc entre la manière d'agir de ces Organes & les matières étrangères fur lefquelles ils déplDient leur adtion des rapports tels que Tincorporation de ces matières à m:x propre fubftance en» eft le réfultat immédiac. Ce réiultat-eit une . £oi de mon Etre s mais de mon Etre, purement phyfique. ( 2 ) Une conféquence naturelle de cette Loi eft que. l'incorporation ne peut f« faire qu'autant qu'il exifte^ une , certaine pro- portion entre la quantité des matières & la Force des Organes deftinés aies travailler & à les incorporer. Ma Raifon japperqoit facile- ment cette conféquense, & l'expérience m'ea convainc encore. Je fuis donc averti de n'in- C 2 ] Voyez ce. que j'ai expofé. fur les Loix du Monde phyfique dans le Chap. XI. J'y ai défini les Loix de la Naturt & les rapporU dont eUe$ font les r«?fiiUa» 5«o P H I Z AL E THJBi. troduire chaque fois dans mon intérieur qu'une certaine quantité de ces matières étrangères , à l'incorporation defquelles la confervation de mon Etre phyfique a été attachée. Cet aver- tifTement m'eft donné par ma Raifon ; parce que c*eft eHe qui déduit de mon expérience iés Loix de mon Etre phyfique. Il ne dépend point de moi de changer ces Loix: je ne les ai pas établies. Je fuis donc dans l'obligation de les obferver; puifque j'éprouve tôt ou tard un mal lorfque je les vioie. Mon Bonheur a donc été attaché à l'ûbfervation de ces Loix ; & je ne puis ceiîer un inftant de Vouloir mon Bonheur : j'ai même i^^econnu que lorfqu'il m'eft arrivé de préférer le Bonheur apparent au Bon* heur réel , ça toujours été par quelque mé- prife de mon Entendement, (3) occafionée pour Tordmaire par la iédudion dem.es Sens ou La prévalence des Objets féniibles fur le$ Objets intelleduels. Ma Raifon déduit donc de ma Conftituiiort phj^fique & des rapports qu'elle foutient avec les Etres phyiîques qui m'envi- ronnent certaines conféquences fur lefquelles elle me montre- que je dois diriger ma con- duite pour atteindre à la mefure de Bonheur que comporte nion" état préfent. Ces confé- ( 3 ) Cci>CvIte2 les Cba^. IV. & V. quenceg ~~ ^ B i t Al Ë r B È. %n ^\ienceô font encore des Loix de niôn Etre^ fttaisi ma Raifon s'occupe enfuite des rapports qui me lient à ces Etres que je juge m'êcfé femblables ^ elle découvrira auffî-tôt que ce font des rapports de dépendance fondés fur les bè- foins de ma nature. Elle remarquera encore que ces befoins font réciproques , & qu'ils en- chaînent tous les Individus de l'Humanité^ Ma Raifon découvre donc ainfi , que tous les Individus de l'Humanité font liés par des fer« vices mutuels , & que la Sociabilité eft uiî^ des grandes Loix de l'Homme moral. De cette obfervation je tire une conféquenc€ importante j c'eft que mon Bonheur a été at- [ 4 ] o'iî de Réflexion j car c'^ 1« mêm? çhoife. Çoiïûiltî? fur "la ^Réflexion le Chap. I, iQme XV m. % J23 P H I L A L E T H E, taché aux relations qui nie lient à mes Sem« blables , Cvomme il a été attaché aux rapports qui me lient aux Etres phyfiques dont ma coii- fervation dépend. Je ne, puis donc parvenir à un Bonheur folide qu'en obfervant les Loix de la Sociabilité , puifque ces Loix découlent auffi eiTentiellemcnt de la Conftitution morale de l Homme ,que les Loix de la nutrition dé- coulent de fa Conftitution phyfique. Pourrois- je me refuier à des conféquences de pratique auiîi lumincufes ? n'éprouvé- je pas chaque jour que je ne faurois pourvoir à mes befoins ni perfedionner mon Etre fans le fe cours de mes Semblables? Je fuis donc dans l'obliga- tion philofophique de me conduire à l'égard de mes Semblables comme je fouhaite qu'ils fe conduifent à mon égard. Ainfi, la Bienfait fance me paroît la première Loi de l'Etre focial. Je fuis doué de la Parole*: je lie mes idées à des fignes arbitraires ou de convention, à des fons articulés , & je fais connoître ainii à mes Semblables ce qui fe palfeau-dedans de moi. l's jouiifent de la même prérogative, & me rendent aufB participant de leurs penfées. La Parole ell le lien de la Société : celle - ci la fuppofe manifeftement. La Parole eft le moyen relatif à une grande fin. L'uflige de la Parole PHIL4LETHE. ^z% éft donc fubordonné aux Loix de la Sociabilités car il feroit contre la nature de la chofe que le moyen choquât la fin. Je déduis de cetis confidéranon \\ palpable , que la Parole ne cioic pas être en oppolition avec la penfée : la Vérité dans le diicours me paroît doue uns des prin- cipales Loix de TEcre fociaL Je me borne à ces exemples , & je génl- ralife mes principes. PuifqUe ma Raifon me dé- couvre qu'il n'y a qii'un certain exercice de mes Facultés qui foit en rapport dired aVec TE'tat focial , & qu'elle me découvre encore que mon Bonheur eft attaché à cet Ë'tatj j'en conclus légitimement , que je fuis dans robllgatioii étroite de diriger l^exercice de mes Facultés d'une manière conforriie aux diverfes relations que je foutiens avec mes Semblables. Je ns puis me dilîimuter la réalité k l'étendue de cette obligation , puifqiie je ne puis me difEmUler qu'elle ne foit fondée fur mon intérêt per- fonnel bien entendu. Maïs , ce n'eft pas feulement avec mes Sem- blables que je foutiens des rapports j j'ai re- connu que j'en foutenois encore avec tous les Etres qiii m'environnent. Je vois chnremcnt qu'il n'en eft aucun qui ne puiife fervir .à * \ 2, y-i THILAIËT H^J, mes befoins , à mes plaifirs ou à mon înftruc* tion. Je fuis donc lié avec tous par le befoin , par le plaifir ou par la connoiffance. Je fuis ain(î enchaîné aux Etres purement matériels : je le fuis fur- tout par la partie matérielle d« mon- Etre particulier. Je le fuis par un autre lien , par un lien plus noble i par la Senfibi- lité à ces Etres [ 5 ] qui me femblent la parta- ger avec moi, & goûter avec moi les dou- ceurs de Texiftence. Je ne me conduirai donc pas à regard de ces Etres , comme à l'égard des Etres purement matériels ou dans lefquels je ne découvre aucun figne de Senfibiliié s c'eft que ma Raifon m'enfeignant à propor- tionner mes adions à la nature des Etres avec îefquels je foutiens quelque rapport diredl ou indired, cette proportion feroit détruite & la Loi du Sentiment violée , (î je traitois un Etre Tentant comme un Caillou. Ges confidérations générales me conduifent à la notion de VEtre moral, 8c je le définis un Etre intelligent^ [6 ] qui en vue de fou Bonheur ou des idées qu'il fe fait de la per- . [ $: ] Les Anim?aix. [ 6 ] Voy. dans le Chap. i. l;i définition de VJntelligençt T H I LA L E T H E. -^ fedion , conforme fes adlions aux divers rap- ports qu'il foutient avec diiFérens Etres. Je défigne donc ces adions de l'être intel- ligent , par les termes à'a&ions morales ou plus brièvement, par celui de mœurs ^ pour les dif- tinguer des adtions purement machinales & de celles qui n'ont pas une liaifon fenfible avec la pratique ou le Bonheur. Les Loix qui régilTent les adlions morales, font donc des Loix morales. Je puis auiîi les nommer des Loix naturelles , parce qu'elles dé- rivent eiTentiellement de la nature de PEtrc intelligent & de celle des Etres avec lefqueîs il a des rapports. La moralité des adions de l'Etre intelligent confiftera dons dans le rapport de ces adions à la Loi qui les régit. Les Loix jiatur elles ne feront ainfi aux yeux de mon Entendement que les conféquences ou les réfultats des rapports que l'Homme foutient avec les diiFérens Etres. L'Ente i\î BLE ou le Syllème général de ces Loix CQiiftituera ce que je nomme V Ordre m or al. X 3 |2^ }> H ï L A L E T H E, Vohli^ation d'obferver l'Ordre moral fera nue redridion de la Liberté naturelle de l'Homme, opérée par fa Rajfqn , en conféquence de la liaifon qu'elle découvre entre l'ubfervation de l'Ordre moral & le Bonheur [7] pu la Per- fedion. Et parce qu^il m'arrive tôt ou tard d-éprpu- ver un mal lorfque je viole les Loix de l'Or- dre , je regarde ce uial comsiie une iian^ion naturelle des Lqix de l'Ordre. J'jNFERE donc de mon expérience &; des jréfexipns cju'elle rpe fait naître , que je ferai d'autant plus heureux ou ce qui revient au iy\hmt , d'autant plus parRiit , que j'obferverai plus exadempnc ^ plus conilamment les Lçix ^p rOrdrCo Je défignerai par le ternie général de Vertu ,^ rhabitude de fe conformer aux Loix de l'Or- dre, car ces termes de Vertu & à habitude,^ dérivés originairement du phyfique, font très- propres à dcfigner cette Force, diredrice dont l'Agent rrioral cft: doué, & à exprimer que les pffets que la contemplation d.e l'Ordre prpduic I 7 3 Chnp. ly. V= PHILALÊTHB. 527 fur ion Entendement font auffi naturels que permanens. Mais , comme la Volonté de l'Etre intelli- gent ne fauroit fe déterminer que fur les idées que fon Entendement fe forme des Chofes , [ 8 ^ il s'enfuit clairement que les adions de l'Etre intelligent harmoniferont d'autant plus avec fon Bonheur ou la Perfedion , que les idées que fon Entendement fe formera de l'Or- dre feront plus vraies ou plus exades. J'entends ici par la vérité des idées , leur conformité avec la nature des Chofes. [ 9 ] [ s ] Voyez fur la Folonté & la Liberté le Chap. III. [ 9 ] Cohfiiltez ce que j'ai dit fur les Chofes , fur la m-' tare des Chofes & fur leurs relations dans le Chap. VI. X4 î«tr P H I LA L E T H E, CHAPITRE XrV. Continuation des mêmes Sujets Le Carn&erç mord. i L n'y a donc proprement que les Etres in- telligens qui foient des Agens moraux \ parce qu'il n'y a que les Etres intelligens qui foient doués de la Faculté éminente de diriger leurs sdions dans le rapport aux Loix de FOrdre» Les Etres purement fentans ne peuvent donc être des Agens moraux j parce que de pures fenfations ne funt pas des notions ; & que robfcrvation des Loix de l'Ordre fuppofe la connoiflanee de ces Loix , & cellç-ci des no- tions. AiHSi , les mêmes conCdérations philofophî- ques qui m'ont porté à admettre dans le Monde wn certain Ordre phyfique, (i) doivent me por- ter à y admettre aulfi un certain Ordre moral. Et comme TOrdre phyiique m'a paru dériver des Propriétés ou des déterminations des Corps P H J L À L Ê T H E, 1^9 & des rapports qu'ils foutiennent entr'eux en vertu de ces Déterminations ; TOrdre moral me paroît résulter auifi des Facultés de l Am« humaine & des rapports qu'elles foutiennent avec les Chofes qui en déterminent le dévelop- pement 8ç l'exercice. Je puis donc fonder des iugemens fur l'Or- dre moral, comme j'en fonde fur fOrdre phy- fique : mais , il me paroît bien évident que ces jugemens que je fonde fur l'Ordre moral , ne repofant jamais que fur l'Analogie , ( 2 ) ne peuvent pas plus me donner la parfaite certi- tude , que ceux que je fonde fur l'Ordre phy- fique : c'cfl: que telle eft la nature ds la Vo- lonté de l'Agenc moral, que dans chaque cas particulier elle pourcoit fe déterminer autre- ment qu'elle ne fe détermine; car la fphere de cette Volonté s'étend à ,un nombre indéfini de eîis plus ou monis diiférens 1(3) c'eft encore, comme je l'ai déjà remarqué, [4] que la con- noiifance que j'ai des Facultés de mes Sembla- bles & du Principe de leurs déterminations , ne repofe non plus que fur l'Analogie. Amfi » ( 2 ) Confultez le Chap. X & XII. < 3 ) Confiiltez le Chap. IIL [4] Clia^. XII, n* PHILALÈTHE. je fuis forcé d'avouer que tous les jugemeiu que je porte fur l'Ordre moral ne font qu'ana- logiques & conféquemment fimplement proba- bles. Mais , en convenant de la vérité de cette obfervation , je fuis en même tems obligé de reconnoître qu'il eft un grand nombre de cas où les jugemens que je fonde fur l'Ordre mo- ral font d'une probabilité qui fuflfit à nies bcfoins 5 & que je choquerois le fens commun fi je ne me déterminois point dans tous ces cas fur de pareils jugemens. Je m'explique. PouRROis-jE, fans choquer le fens com- mun , me refufer à ce qui réfulte immédiate- ment de ma propre expérience ou de mon fentiment intime CO ? N'ai -je pas éprouvé un aifez grand nombre de fois que je ne vio- lois point impunément les Loix de la Tem- pérance? N'ai -je pas éprouvé la même chofe à l'égard des autres Loix de l'Ordre moral j foie de celles qui me lient à moi - même , foie de celles qui me lient à mes Semblables ? N'ai* je pas éprouvé dans tous ces cas qu'il n'y a qu'un certain exercice de mes Facultés corpo^ i 5 ] Voy. le Chnp. VIIL. PHILALETHE. 3;! relies & de mes Facultés intelleduelles qui foît dans un accord parfait avec mon Bonheur? Pourrois - je donc me refufer à des conclu» fions que mon intérêt perfonnel bien entendu ne fauroit défavouer. Il eft vrai , & j'en ai convenu , que dans chaque eas donné, la Volonté de l'Agent moral pourroit fe déterminer autrement. L'Adivité dont TAme eft douée eft une Force inhérente à fa nature & qui eft en foi indéterminée. Elle embraffe dans fa fphsre un nombre indé- fini de cas auxquels elle peut également s'ap- pliquer. J'ai reconnu évidemment que ce qui en détermine l'application dans tel ou tel cas particulier , tient eirentiellement à la Senfibilité ou à l'Entendement de l'Agent, & en dernier reffort aux circonftances dans lefquelles il s'eft trouvé placé. [ (î ] Si donc je fuppofe dans l'Agent moral une très - grande prudence , je ferai en même tems fondé à fuppofer qu'il ne fe coaduira pas comme un Infenfé dans tel ou tel cas donné de la Vie commune. Il au- roit pourtant toujours le pouvoir phyfique de le faire 5 puifque cette manière d'agir ne rc- pugneroit pas à fon Adivité. Il n'«fl; donc quQ I 6 3 Confultcz le Chsp. Ul, .^^ ^532 TIIILALETHE. probable que cet Agent ne fe conduira pas eu Infenfé j & je dois convenir , fî je veux être de bonne foi avec moi- même, que cette pro- babilité eft alTcz grande pour que je puilîe y fonder un jugement folide & proportionné à mes befoins ou à ma condition préfente. C'est donc fur des probabilités de ce genre que je aie crois autorifé en bonne Logique à fonder les jugemens que je porte du Caradere & des déterminations de mes Semblables. L'A- nalogie me conduifant diredement à leur fup-. pcfer les mémos Facultés corporelles & intel- leduelles dont je fuis doué , ( 7 ) il faut bien que je fuppofe aulîî qu'ils foutienncnt avec les Etres qui les environnent les mêmes rapports. elTentiels que je foutiens avec ces Etres ou avec ceux qui leur rcifemblent. J'en conclus donc analogiquement , que mes Semblables ti- rent ou peuvent tirer de la çonfidération de ces rapports les mêmes conféquences pratiques que j'en tire ,• car leur expérience perfonnelle ne doit pas différer eUeutiellement de la mienne, puifque nous participons à la même nature. Mes Semblables parviennent donc ou peuvent parvenir par les mêmes voies que moi à la cou- ( 7) Chap, X &XÏL PHI L A L E f a E, rn îloîflance des Loix de l'Ordre & de là liaifon naturelle de ces Loix avec le Bonheur, &c. Les rdées que rEntendemerit fe forme des Chofes , les fentiniens qui réfultent de ces idées & que Pexpcrience développe & fortifie ^ le Tempérament & les AfFeclions dont il eft la fource phyfique , les Habitudes qu'elles pro- duifent & qui s'enracinent par la réitération des adles, compofent dans chaque Individu de THu- manité un certain Enfemble phyfico-moral que je puis défigner par le terme général de CaraBerem Les jugemens que je porterai du Cara<^ere de mes Semblables feront donc d'autant plus probables, que je connoitrai un plus grand îiombre des ingrédiens qui le compofent & que je connoitrai mieux ces ingrédiens. Ce fera par Pexpérience & la réflexion que j'acquerrai cette connoifîance Ç\ nécefTairé à mon Bonheur , & elle fera le fondement de mes déterminations à l'égard de chacun des In- dividus auxquels elle s'étendra. Mais , en obfervant le Caraderc de mes Semblables, & en méditant fur cet iraportartt m T il I t A L E T H È. fujet, je découvrirai facilement que les Carac- tères fe diverfifienfe comme les circonftances qui préfident à leur formation & à leur dé- veloppement j & entre ces circonftances je dif- tinguerai fur - tout la Génération & l'E'duca- tion. Le Climat me frappera à fon tour , & je le verrai comme une Caufe modifiante très- générale. Je n'inférerai pas de ces variétés ^ que le Syftême de l'Humanité n'eft point régi pat des Loix j mais j'en inférerai que je dois être très- réfervé à prononcer fur le Caradlere de tel ou tel Individu de l'Humanité, & j'en fentirai mieux que mes jugemens fur mes Semblables ne peuvent jamais repofer que fur des proba- bilités. Je tâcherai d'apprécier ces probabi- lités dans chaque cas particulier ^ & je me déterminerai en conféquence de cette appré- ciation toutes les fois que mes befoins ou me« convenances m'appelleront à agir* Il pourra arriver néanmoins que je me trom- perai bien des fois dans cette Ibrte d'évaluation i foit parce que je n'y apporterai pas allez d'at- tention , foit parce que les chofes à évaluer ïiQ feront pas aùez a ma portée ou qu'elles VHJLALETHE, 13? feront de nature réfradaire : mais , il n'en de- meurera pas moins vrai , que dans beaucoup de cas je ne courrai que peu ou point de rif- que de me tromper , en partant des princi* pes les plus fondamentaux de la Conftitution humaine, dont j*aurai puifé la connoiiTance datîs ma propre expérience ou mon Sentiment intime. CHAPITRE XV. Irécis ou récapitulation des Frincipes fur les fom démens de la Certitude, A' .Vant que d'aller plus loin, il faut que je me retrace à moi - même ce que je viens d'expofcr fur la Certitude & fur fes Fonde- mens , & que je confidere quels en font les réfultats les plus généraux. Ces réfultats feront des principes puifés dans ma propre expérience; & ce font de femblables principes qui font le principal objet de ma recherche. Si mon Entendement étoit borné à ne con- fidérer fes idées que féparément . ou chacune VV6? PniLJLETHÈ, à part & parfliitement ifolée , il efl clair qu'il ne compareroit jamais , & que par conféquent il ne jugeroit jamais : car le jugement eft tou- jours une comparaifon entre deux ou plufieur» idées. [ I ] . Îl efl; clair èncope , que dans cette fuppo^ Ction le nombre Se l'efpece de mes idées fe* toient exadement limités par le nombre & Tef- pece des Objets qui auroient atfedé mes Sens. Mon Entendement , réduit ainfi à ne faire qu'appercevoir , & n'opérant jamais fur fes per- ceptions 5 n'en déduiroit aucun réfultat, au- cune vérité. Il n'auroit que des idées purement fendbles , & ne pourroit jamais s'élever à des idées réfléchieSo Mais , mon Entendement eft doué de la Fa- culté de comparer fes idées; & des compa- raifons qu'il forme cntr'elles naît un nouvel ordre de perceptions , qui perfedionne lui- même de plus en plus cette Faculté de com- parer , & multiplie prefqu'à l'infini le nombre Se Tefpece des idées. Aux idées purement {011- libles , déjà fi norabreules Se fi variées , fe joint une multitude d'idées réHechies qui ne fe dir ( I ) Chap. I. VIII, Verfifient P H I L A L E T H E. ^^^ verfifient pas moins ; & toutes font liées les unes aux autres par différentes relations. Ces relations font immédiates ou médiates. Elles font immédiates toutes les fois que les idées font tellement identiques, qu'elles peu- vent être fubftituées Tune à l'autre fans que la relation change. Dans tous ces cas TEnten- dement n'a point befoin de recourir à des idées intermédiaires ou moyennes pour juger de la relation : il la voit comme par une forte d'in- tuition. C'est de cette manière que l'Entendement juge de tout ce qu'on nomme Axiome ou Vérité première. L'E'vidence la plus parfaite eft tou- jours inféparable des jugemens de cette efpece. Et cela doit bien être ; puifqu'il n'y a pas de rapport plus faillant , plus fimple , plus facile à faifir que le rapport d'identité ; fur - tout lorfqu'il s'agit de Chofes très - connues , très- fimples , très - diftindes. Tel eft le rapport d'i- dentitc entre l'idée d'un Tout en général & l'idée de la colledion de fes Parties j d'où naît ce jugement d'une évidence fi palpable ; que le Tout eft plus grand qu'une ou pluficurs de fes Parties. Tome XVIII. Y j5g PHILALETHE. Les relations font médiates Icrrfqiie les idées fe lient l'une à Tautre par des idées moyennes. Ces idées moyennes font autant de chaînons de la chaîne qui He les deux idées dont l'En- tendement cherche la relation. Les chaînons font plus ou moins nombreux , la chaîne cft plus ou moins longue félon que la relation efl: plus ou moins médiate. L'Entendement fe fixe donc alors fur les idées moyennes & parce que la comparaifon qu'il forme entre deux idées moyennes eft im*. médiate , il va par la route de PE'vidence à la découverte de la relation qui l'occupe. Telle d\ la marche du Géomètre ou du Métaphyficien. J'en ai donné un exemple dans le Chapitre VI. Il s'y agiflbit de découvrir le rapport qui eft entre une idée réfléchie & les idées purement fenfihles àént elle tire fon ori- gine. Il eft bien manifeile que ce rapport n'efl: pas celui d'identité y car je ne pourrois fubfti- tuer l'idée réfléchie aux idées fenfibles fans dé- naturer les Choses. Mais , je vois avec évidence que je puis fubftituer l'idée à'ahftra&ion ( 2 ) à l'idée réfléchie 5 parce que je découvre entre ces (2) Chap. I. P H ï L A L E T H s, 3J9 deux idées un rapport d'identité. Je vois très-clai- rement que je tire l'idée abltraite de l'idée feu- fible par une opération de mon Entendement. Je puis donc alïîgner fûrement l'origine de chaque idée abftraite , & mentrer avec évi- dence qu'elle dérive plus ou moins immédiate- ment de quelque idée purement fenflble. Je découvre donc ainfi le rapport fecret qui lie les idées réfléchies aux idées fenfibles. Je ne pouvois l'appercevoir intuitivement, parce qu'il n'étoit pas immédiat à mon égard. Je dis û mon égard , parce qu'il en eft ici de la Vue de l'Efprit comme de celle du Corps : une Vue courte a befoin de Lunettes : les idées moyennes font les Lunettes de l'Efprit : une Vue étendue fe pafle de ces LunetteSé Je ne fuis pas plus certain que le Tout eft' la môme Chofe que la colleélion de fes Parties ^ que je ne le fuis que c'eft mon Moi qui ap- perqoit ce rapport d'identité. Je découvre donc dans le Sentiment intime que j'ai de mon Moi & de toutes fes opérations une autre fourcé de l'E'vidence. [3]Ainfî, j'affirme, fans rif- quer de me tromper , que tout ce que je puis ( i ) Chap. VI it. HO- VnilALETRE. déduire immédiatement de mon Sentiment in- time eft pour moi de l'EVidence la plus par- faite. Puis- je jamais être plus certain qu'une Chofe eft , que je ne le fuis que c'eft moi qui apperqois qu'elle eft. J'en infère donc par une conféquence rigoureufe ma propre exiftencc. L'E'viDENCE Gonfîfte donc dans la percep- tion immédiate ou claire des rapports qui lient les idées. La certitude eft l'effet que cette per- ception des rapports produit fur l'Entendement ou la convidion qu'il acquiert de la vérité des rapports C'eft ce que le Logicien exprime a fa manière quand il dit , qiiç PWviàmce efl la marque cara&érijliqtie du Vrai , Critérium Veri. C4] Je ne courrai donc aucun rifque de tomber dans l'erreur , lorfque mon Entendement n'o- pérera que fur fes propres idées & fur les rap- ports qui les lient immédiatement 5 car il n'eft rien dont mon Entendement foit plus affuré que de la préfence de fes propres idées & des rapports direds ou immédiats qu'elles foutien- nent entr'elles. L'erreur ne pourra donc com- mencer à fe gliifer dans les jugemens de mon Entendement , que lorfqu'il viendra à s'occuper [ 4 1 Chap. VI. wu l^NIlALÈTKR Ui ^e la Caufc de fes idées & de la nature des Objets qu'elles lui rèpréfentcnt. La raifon en eft, que je ne puis déduire de mon Sentiment intime que ce qui fe montre à moi comme exiftant hors de moi foit réel- lement tel qu'il me paroît être. Mon Senti- ment intime ne m'aflure que de la réalité , de la diverfité ou de i'efpece de mes perceptions ; & il ne m'afTure point du tout que ce qui fe montre à moi comme la Caufe ou l'Objet de ces perceptions foit eu lui • même ce qu'il me femble ètrq. ( 5 ) Je n'ai befoin que d'un moment de réflexion pour juger de ceci. Il eft inconteftable qu'il n'y a que mes perceptions , mes fenfations , 8c en général mes idées qui foient immédiatement préfentes à mon Ame , & dont elle ait une cer- titude parfaite. Tout ce qui eft hors d'elle lui eft étranger ou n'eft point elle ; car fes perceptions ou fes idées font elie - même ; puif- que les idées font des modifications de l'Ame ou l'Ame elle - même modifiée. Mon Ame n'a donc pas & ne peat avoir par fes feules idées ta parfaite certitude de fexiftcnce de fes Sens ( s ) Chnp. xiH. XX. Y ; 143 T H 1 L A L E T H E. ou de fou Corps. Ses Sens ou fou Corps ne font pas elle. Mais , en iuppofant même Texif- tcnce réelle des Sens, je ne ferai pas plus certain que ce qu^ils me montrent comme placé hors de moi , foit réellement hors de moi ou tel qu'il me paroît être. Je reconnoitrai claire» Kient , que mes Sens font des efpeces d& mi- hcux interpofés entre men Ame & ce qu'elle apperçoit comme placé hors d'elle j & que fui- vant que ces milieux feront difpofés , les appa- rence? devront changer par rapport à mon Ame, En pouffant plus loin mes réâextons , je re- connois encore , qu'une Etre immatériel qui agi» roit immédiatement fur mon Atng , à fon infu , pourroit y faire naître les mêmes perceptions dont j'attribue l'origine aux Sens. Je ne puis me démontrer à moi - même la faulfeté de l'hy- pothefe des Caufes occaftonelles. Je ne faurois me démontrer non plus ( ^ ) la fauffeté d'une autre Hypothefe imaginée pour rendre raifon de VUjjion j je parle de V Harmonie préétablie. Il ne feroit donc pas rigoureufement impofîîbîe que mon Ame eût de fon propre fond toutes ces perceptions que j'ai coutume d'attribuer ( 6 ) Je raift.nne ici dans refprit du Scepticifme rigoii^ ïçux. On en démêle la raifon, T H I L A L E T n E, 34) aux împreflîons du dehors » & que ces per- ceptions lui deviniFent paréfentes en vertu de certaines Loix fecretes , qui en détermineroient l'aduaîité , la fuccefîîon & la comloinaifon. Ainfî , dans Tune & Tautre Hypothefe , mon Ame au- roit toutes fes idées fans aucune intervention des Sens. Si mon Sentiment intime ne peut me donner la parfaite ceititude de fexiflence des Corps, il me donne au moins la certitude la plus par- faite de l'exiftence des idées qui me refréfen- tent les Corps. Et puifque ces idées ne dépen- dent point du tout de ma Volonté ( 7 ) je fuis porté tout naturellement à les regarder comm^ un eifet médiat ou immédiat de quelque chofe qui eft hors de mon Ame , & que ces idées me repréfentent comme étendu , folide, réfiftant, &c, L'exiftence des Corps devient ainfi pour moi d'une Certitude équivalente à ce que je nomme la Certitude Morale^ & cette forte de Certitude ou plutôt de Croyance , je dirai mieux, d'Opinion , fuiïic pleinement à tous les befoins jde ma vie. En effet , quand il ne fera queftion que de CCS befoins , & nullement d^un point de Métaphyfique très - fubtile , pourrai -je jamais ( 7 ) Chap. IX. XI. Y4 144 VHILALETHÉ, courir le plus léger rifque de me tromper en raifunnant & en agilîant d'après cette perfua- fion fi naturelle de Fexiftence des Corps ? La. Certitude que me donne l'Analogie ne peut être non plus une Certitude rigoureufe ; elle ne peut être que pliyfique ou morale. ( 8 ) Une feule confidcration fuffiroit pour m'en con- vaincre : c'eft que quel que foit le nombre des expériences ou des obfervations que j'ai- faites fur des Sujets qui me paroiiTent fem- blables, je ne puis tirer aucune conféquence iiéceffaire ou rigoureufe d'un Sujet à un autre Sujet , comme je puis en tirer de la compa- raifon que je fais entre deux ou plufieurs idées niétaphyfiques ou géométriques. La raifon m'en paroît évidente : les Vérités de ce genre font déterminées par leur propre nature & indépen- damment de toute Caufe extérieure : elles ne peuvent être que d'une feule manière,* ce qui revient à dire , qu'elles font immuables , nécef- faires. Ainfî , toutes les conféquences que je déduirai immédiatement de ces Vérités feront néceffaires comme elles ou d'une Certitude ri- goureufe. Mais , ces Sujets , auxquels je donne le nom de Corps , font modifiables de mille & ( 8 ) Chap. VI X. X. TBILALETHE. U5 mille manières différentes , & toutes leurs mo- difications dérivent de Caufes externes. L'é- tat aduel d'un Corps quelconque n'eft donc pas déterminé par la feule nature de ce Corps ou par ce qui conftitue fon Eflence ; puifquc cette EfTence eft fufceptible d'une multitude de modifications diverfes. L'état aduel d'un Corps peut donc toujours changer , & mes obfervatious m'apprennent qu'il change fans ^eife. Mais , fi les expériences ou les obfervations que j'ai faites fur le même Corps ou fur des Corps qui m'ont paru femblables , font en très- grand nombre, & fi les réfultats n'en ont ja- mais varié , je regarderai comme moralement certain , que j'aurois les mêmes réfultats fi je répétois les mêmes expériences fur le même Corps ou fur des Corps qui me paroîtroient précifément femblables. ( 9 ) Je fuis obligé de convenir que dans tous ces cas & dans tous les cas analogues , ma manière de juger ré- fulte eflentiellement de ma condition préfente , puifque ma condition préfente détermine eifen- tiellement ma manière de voir & de concevoir les Chpfes. Mais , il ne m'en parole pas moins ( 9 ) Chap. X. J4^ T H I L A l E T M E. rigoureufement certain , qu'entre l'état donné d'un Corps & l'état qui lui ruccede immédiate- ment, il ne fauroit y avoir de liaifon néœf- faire : ne conçois - je pas facilement que Tétat qui fuccede pourroit ne fuccéder point ? ne conqois - je pas avec la même facilité , que l'état qui a précédé immédiatement auroit pu n'exif- ter point non plus? n'eft-il pas de la plus grande évidence qu'aucun des états divers par lefqueis un certain Corps me paroit pafTer , n'eft déterminé par rEffence de ce Corps; car un état qui feroit déterminé par l'Eflence ne pour- roit pas plus celTer d'être que l'Eifence elle- inême > puifqu'il feroit partie de cette Eiîence ? J'ai dit; ( lo) que l'Analogie repofe fur xe fondement , que les mêmes Effets fuppofent les .mêmes Caufes, Ce n'eft eiFedivement qu'une fuppofition : car je conqois clairement , que des effets femblables peuvent être produits par des Caufes dilTembldbles. Par exemple,* je conçois clairement que des mouvemens femblabîes pour- roient être produits également par un Agent matcriel & par un Agent immatériel, par un Corps & par un Efprit. Et il faudra bien que j'admette cela , fi je fuppofe que mon Ame agit ( lo ) Chap. X. FHILALETHE. 347 fur Ton Corps: ( il) & puis -je me démon- . trer que Pmjïuence phyfique foit impoflîble ? Ainsi, ce fameux canon pliilofophique ; gwf des tffets femblables fuppofent les mêmes Caufes , lie peut me paroître d'une Vérité univerfelle. Mais je dois reconnoître , que Ci je le reftraignois au pur phyfique , il recevroit une jufte applica^ tion , puifque je ne puis me dillimuler que toute la Phyfique repofe fur TAnoIogie. (12) Voici donc comment je raifonnerois alors. La Caufe a tout ce qui eft nécelTaire à la produdion de l'Effet: fi cela n'étoit point , comment le produiroit-elle ? Il y a donc un rap- port entre la Caufe & fon Adion ou ce que je nomme fon Effet. Le rapport de fimilitude que je découvre entre les Effets ne peut donc dériver que d'un pareil rapport entre les Cau- fes ; autrement les Caufes feroient à la fois- & au même fens femblables & diffemblables 3 ce qui fèroit une vraie contradicftion. J'ajoute ; que lorfque je parle de la fimilitude des Effets , j'entends une fimilitude exade. Ce feroit donc inutilement que j'objederois , que la chaleur [ II ] Chap. II. ( 13 ) Chap. XI. ^ ' 548 F If I L  L g T H B. & le froid produifent des Effets fcmblablcs quand ils endurciiTent la boue ; puifque ces effets font réellement très - diffemblables : la chaleiar endurcit la bpue en diflîpant l'humidité qu'elle contient, & le froid en la congelant. Comme le Téfnoignage a auflî fon fonde* ment dans V Analogie, il ne peut me donner, comme l'Analogie , qu'une Certitude morale. Je ne puis , en effet, découvrir aucune liaifon néceffaire entre la manière dont tel ou tel Objet m'auroit affedé ou dont j'aurois agi en telle ou telle circonftance , & la manière dont des Etres que je crois m'ètre femblables , ont été affedés par cet Objet ou détermines par cette circonftance. Je puis m'alTurer & par l'expé- rience & par des confidérations métaphyfiques , qu'il n'eft pas dans la Nature deux Chofes qui foient parfaitement femblables. Cela eft vrai furtout de deux Etres auiîî corapofés que le font deux Individus de l'Humanité. Que de différences encore peuvent receler des circonf- tances que je juge femblables ou au moins ana- logues î J*apperçois plus encore : ce jugement que je porte fur la reffemblance des Etres que je range dans la même efpece que moi, n'eft lion plus qu analogique. Mais, iî je voulois ne m'en rapporter jamais qu'à moi - même ou au PHliALETKm 149 témoignage de mes propres Sens , comment pour- voirois - je à mes befoins ou à mon inftrudion ? Que de chofes qui intéreflent infiniment mon Bonheur , qu'il faudroit me réfoudre à ignorer profondément & toujours ! D'ailleurs , Texpérien- ee & le raifonnement ne me fourniflent - ils pas des règles affez fûres pour juger fainement de k validité du Témoignage de mes Semblables 5 & Tune & l'autre ne concourent - ils pas à ijie perfuarder qu'il eft un certain Ordre moral , dont je puis déduire des conféquences légitimes, propres à diriger ma conduite ? [ 1 3 ] De tout ce que je viens de me retracer à moi-même fur la Certitude, je tire une con- clufion générale très - importante & de la pra- tique la plus fûre: c'eft que dans toutes les Chofes qui intéreflent mon Bonheur , & qui par leur nature ne font point fufceptibles d'une Certitude métaphyfique ou mathématique , je fuis forcé pour me conformer à ma condition préfente, de me conduire à l'égard de ces Chofesî comme li elles ctoient de la Certitude la plus rigoureufe. Rien, en effet, ne m'eft plus ri- goureufement démontré que cette néceflité que m'impofe ma condition adluelle 5 puifqus fi je £ 13 ] Chap. Xlir. ^<;o P H I L A L E T H K rcfufois de m'y foiimettre, je ferois l'Etre lé plus malheureU3t , & que môme je ne pour- rois me confeiver 5 au lieu qn'eit m'y foumet- tant je puis toujours pourvoir efficacement à à ma conrervatioii & parvenir à on certain de^ gré de Bonheur. Cest en conformité de ce principe fi prati- que, que quoique des raifonnemens très - phi- lofophiques me convainquent que mes Facultés naturelles ne fauroient me donner, aucune dé- monftratioa de i'exiftence des Corps , je ne laifle pas de penfer & d'agir comme Ci cette exiftence m'étoit démontrée. Et cela eft la chofe du monde îa plus raifonnable j car il eft bien évident que lorfque cette exiftence me fcroit rigoureufcmeiit démontrée j rien ne changeroic dans Tordre de mes idées, de mes jugemens, de mesadtions, &c. Les Phénomènes du Monde phyfique ne m'en paroitroient pas plus liés, plus, harmoniques , plus conftans. Je n'en rai- fonnerois pas avec plus de folidité fur leurs comhinaifons, fur leur enchaincment , fur leurs effets 5 fur leurs fuites paflees & futures Sec» Cette liaifon , cette harmonie , cette conftance des Phénomènes me font repréfeatées par mè« propres idées: or, Pexiftence, l'efpece, l'ordre & renchaînement de mes idées font des chof^s Phi LA l E T É E, jçi dont je ne puis pas plus douter que de ma propre exiftence : ce n'eft même que par le Sen- timent intime que }'di de ces ehofes , que je fais que j'exifte. ( 14 ) CtsT encore en conféquence de ce mêmip principe de pratique que je me réfère fans héfiter aux expériences que j^ai répétées mille fois fur les mêmes Sujets 5 & qu'en voyant du Ekd qui végète , je décide , fans craindre de me tromper , qu'il eft venu de Graine. Ceft enfin de la même manière , que je juge des Facultés & des adions de mes Semblables , & que je défcre au Témoignage qu'ils me ren- dent en tel eu tel cas particulier, ( IS) J'enteî^ds donc en général par la Certitude morale, un degré de Probabilité tel, que je cho- querois le Sens commun fî je n'y acquiefçois point & Il je ne me déterminois point en conféquence. J'entends par le Sens comraun , ce degré •l'Intelligence qui fuffit pour faifîr les rapports les plus ûmples , & en tirer les conféqucnces les plus immédiates, [ 14 ] Chap. VÎII. XL ( iç ) Chap, XII. XIII. VÇ2^ VHILALETHE. CHAPITRE XVI. La Caufe & PEfet, J E ne puis douter de la réalité de mes pro- pres adions : je fens intimement que je puis mouvoir & que je meus mon Corps ou diffé- rentes parties de mon Corps , que je puis me tranfporter & que je me tranfporte d'un lieu dans un autre , que je puis furmonter & que je furmonte la réfiftance de difFérens Corps, &c. Je déduis de ces différentes adions , dont j'ai la confcience , la notion générale de la Caufe & de TEfik. Je nomme donc Caufe ^ ce qui a en foi le Principe de Tadionj & je nomme Effets c« qui réfulte immédiatement de Tadion. Cet Effet eft un changement que je produis fur mon Corps ou fur différentes parties de mon Corps, & par mon Corps fur les Corps auxquels il s'applique , & par ceux -. ci fur d'au- tres encore , &c. Mais. P M I L A L E T H R 351 Mais , c'eft par l'Adlivité ou la Fo7'ce motrice làont mon Ame eft douée que je piuduis ee changement : je m'en fuis convaincu : [ i ] je place donc dans la Force motrice de mon Ame le Principe de tous les changemens que je pro- duis en moi & hors de moi , & c'eft à ce Prin* cipe que je donne le nom général de Caufe. L'Effet qui réfulte immédiatement de l'exer-. cice de ma Force motrice n'eft pas lui-même cette Force: ee qui eft produit n'eft pas ce qui produit. Ma Force motrice eft un Etre fimple * un Etre dilUndl du Sujet auquel il s'applique & qu'il change ou modifie. [ 2 ] Je ne dirai donc pas , que l'Eifet eft dans la Caufej puifque la Caufe le produit hors d'elle. Je ne chercherai donc pas l'Effet dans la Caufe j puifque ce l'eroit chercher ce que la Caufe eft en foi, & que je ne puis la connoître que par fon Effet ou par les changemens que je vois qu'elle produit dans tel ou tel Sujet* Comme je déduis de l'exercice de ma pro- pre Force la connoiifance refléchie de la Caufe & de l'Elîet, je déduis pareillement des chau- ( I ) Confultez le Cliap. ILL ( 2 ) Voy. le Chap. II- Tome XVIIL Z U4- VHILALETRE, g ©mens continuels que j'obferve dans la Na- ture l'exiftcnce de dilïérentes Forces capables de produire ces changemens & qui les produi- fent en eifet. Je ne faurois prcfumer de l'er- reur dans cette manière de raifonner 5 car puif^ que j'éprouve que je puis mettre un Corps en mouvement en lui appliquant ma Force motrice, lie fuis - je pas fondé à en inférer , que lorf- qUe je vois un Corps en mouvement en dé- placer un auire qui étoit en repos , ce dépla- cement éft TelFet immédiat d'une Force motrice, inhérente au Corps mu & qui agit en lui & par lui '< Mais je n'en infère pas que cette Force foit précifément de même nature que celle dont mon Ame eft douée : j'admets feu- lement qu'elles font l'une &, l'autre des Etres fimples & adifs , capables de produire les mêmes Eifets cffentiels. [ 3 ] C'est de la même manière que je juge d© toutes les modifications ou de tous les chan- gemens que j'obferve dans les Etres qui m'en- vironnent : je regarde tous ces changemens comme les réfultats immédiats de l'adion de différentes Forces qui fe déploient fur ces Etres ou dans ces Etres , comme ma propre Force [ 3 ] Confultez le Chaj?. IX. PHILALSTHE, 555 fe déploie en moi & hors de moi. Ainfî quand je vois le Bois , expofé au Feu , s'y réduire en cendres, le Métal y perdre fa Iblidité &y devenir liquide , je juge que les changemens fi difFérens qui furvieunenc alors à ces Corps font dûs à une Force inhérente au Feu, & dont les EiFets fe diverfiEent dans le rapport à la nature des Corps fur lefquels elle fe déploie. Et parce que j'ai vu un grand nomhre de fois ces mêmes chofcs arriver conftamment dans la même circonftance , je regarde cela comm$ une Loi de la Nature. Mais , les Loix de la Nature font les réililtats des rapports qui en- chaînent les Etres: [4] je conçois donc, que ces Effets divers que le Feu produit en dijfté- rens Corps font les réfultat> néoelfaires des rap- ports qu'il foutient avec ces Corps & que ces Corps foutiennent avec lui. Je reconnois néanmoins , que fi mon Senti- ment intime ne m'alfuroit point que je poifede moi - même une Forée que j'exerce à mon gré i fi des raifonnemens folides ne m^avoiei-it point prouvé que certains mouvemens qui s'opèrent dans mon Corps réfultent eifentieliemeiit d(3 cette Force ou de cette Adivité dont mon Ame [ 4 ] Chip. XI. Z % U6 P H I L A L E T H E. eft douée, ( i ) fi> dis -je, je n'étois point af- furé de tout cela, je ne pourrois légidmetncne inférer des changemens que j'obferve dans les Etres qui m'environnent , que ces changemens font les réfultats immédiats de l'adion de cer- taines Forces qui fe déploient dans ces Etres. Je ne pourrois même l'imaginer. Je verrois cer- taines Chofes accompagner ou fuivre conftam- ment d'autres Chofes , & je me bornerois à en inférer que cette concomitance ou cette fuecef- fion eft une de ces Loix de la Nature qui confti- tuent ce que je nommQV Ordre phyjique. Je m'af- fcrmirois d'autant plus dans ce jugements que je multipîierois davantage mes expériences ou mes obfervations & que les réfuitats en feroient plus conftans > car plus le nombre de mes expé* riences & de mes obfervations feroit grand, & plus la concomitance ou la fuccefïîon dont il s'agit me parokroit une Loi invariable de la Nature. Mais , je ne parviendrois jamais ainfî à me former l'idée delà Caufe & de Viffet: c'eft que cette idée tient eifentieilement à celle de Force, que je n'acquiers que par le fentiment ou la connoifTance de ma propre Force : c'eft encore que je ne puis voir l'Effet dans la Caufe , & déduire ainfi à priori de la iimple vue d'un [ ^ ] Chap. îll. THILAIETHE. 5^7 Etre nouveau qui s'offre tout d'un coup à mot , ce qu'il eft capable de produire. Si je n'avois jamais vu les Corps fe mouvoir , pourrois - je imaginer le mouvement d'une Boule & deviner ce qui doit réfulter de ce mouvement fur la Boule qu'elle va frapper ? Mais, dès que mon Sentiment intérieur ou ma propre expérience & le raifomiement m'ont convaincu que mon Ame polfede une Force motrice qu'elle déploie fur fon Corps & par fou Corps fur tant de Corps divers , j'acquiers l'idée de Caufe & d'Elfet, &. tranfportant cette idée aux Etres qui m'environnent , je les conçois auflî - tôt comme autant d'Agens qui exercent les uns fur les autres une multitude d'adlions d'où réfulte dans ces Etres une multitude de chaiigemens ou d'EiFets divers. Ce n'ell donc plus alors fous la relation purement idéale de concomitance ou de fucceffion que je vois ces changemens j c'eft fous une toute autre rela- tion , fous la relation intime & effentielle de la Caufe à l'Effet , de V Agent au Patient , de l'Etre modifiant à l'Etre modifié, de la Force à fon produit. Je ne dirai donc pas , que l'habitude de voir certaines Chofes marcher de compagnie ou fe Z 3 ^,-8 THILALëTÉË, fuccéder immédiatement eft la véritable origine de ridée que je me Forme de la Caufe & de l'Ef- fet, de la Force oc de l'Adion , & que cette idée n'eft ainfi qu'une erreur de mon Entendement qui transforme de purer. apparences en vraies réalités ; car je fuis très-a^uré que mon Enten- dement ne fe méprend point quand il déduit du Sentiment intime de ma propre adion l'idée de Cjufe & d'Effet, de Force & d' Adion. Je ne fuis pas plus aiTuré que j'exifte , que je ne le fuis que je veux ou que je délire , & je m,e fuis bien prouvé à moi - même que le Defir eft une véritable Adion. (6) Je n'objederai pas non plus contre la réalité des' Caufes, que je ne fais point du tout com- ment elles prociaifent leurs Effets ou en quoi confiftc proprement cette relation fecrete & in- time qui lie la Caufe à l'Effet; puifque fi je fa- vois cela, je verrois, en quelque forte , l'Effet dans la Caufe & je dcvinerois ce que la Caufe doit produire, fans qu'il fut be foin que l'expé- rience vînt m'en inftruirc : non , je n'argumen- terai pas de mon ignorance fur la manière fe- crete dont les Caufes agilfent ^ l'argument feroit trop peu philofophique : car il m'eft très- facile C 6 ] Chap. lîL TEILALETÏÏE. %%^ de reçontioître qu'il y a une grande différence entre favoir qu'un Etre exifle h qu'il produit tel ou tel Effet, h connoitre la nature intime de cet Etre & le comment de fon adion. Je vois très - clairement , qu'il n'efl: point qu ftion ici de déterminer ce que cet Etre efl: en lui-même , comment il agit à ce que fon Adion eft en foi j mais qu'il eft uniquement queftion de s'allurer que cet Etre exifte h qu'il agit. Dès que je par- viens à établir ceci , je n'ai plus aucun douta fur la réalité des Caufes & de leurs Effets , & je renonce fans peine à en favoir davantage. Ainsi , quoique je ne fâche point du tout pourquoi l'empire de mon Ame fur fon Corps eft renfermé dans certaines limites qu'elle ne peut franchir, je Vit^ infère point que je nç puiife rien affirmer de la Force donc elle efl: douée. Je ne fais point , il eft vrai , ce que cettp Force eft en elle-même ; mais je fais très - bien qu'elle exifte, & je fais tout auffi bien- qu'elle produit tel ou tel Effet en tel ou tel cas parti- culier. J'obferve attentivement ces Effets , je les compare entr'eux , je les analyle avec foin , & ce font ces Effets eux-mêmes qui me conduifent à la connoiffance réfléchie de la Force qui les opère. ( 7 ) (7) Chap. III. Z4 î(So PRILALETHE. Enfin ; je ne dirai pas , que tous mes raiTon- iiemens fur les Caufes & fur les Effets ne tenunl qu'à ma manière de voir & de concevoir l'Or- dre des Chofes, je ne puis rien en inférer de certain fur cet Ordre j car ceci reviendroit à dire , que je ne puis rien affirmer du tout fur ce qui exifte hors de moi & même fur ce qui fe paffe en moi 5 ce qui feroit me jeter dans le pyrrhonifme le plus abfurde. N'eft - il pas de la plus grande évidence que je ne puis voir & con- cevoir les Chofes que conformément aux rap- ports que je foutiens avec les Chofes & qu'elles foutienneîat avec moi? & n'eft- il pas de la même évidence que je ne puis raifonner que dans le rapport à la manière dont je vois & con^ çois les Chofes ? Je fuis Homme , & il faut bien que je voie , que je conçoive & que je rai Tonne en Homme. Des Etres qui polfedent des FacuU tés fupérieures aux miennes voient & conçoi- vent d'autres Chofes que je n'imagine point, & leurs raifonnemens font , comme les miens , re- latifs à leur manière de voir & de concevoir. Ces Intelligences p©urroient donc fe propofer la même objedion que je viens d'énoncer , & il en feroit de même des Intelligences les plus éle- vées : il n'y auroit donc rien de certain pour aucune Intelligence créée que le Sentiment de la propre e^iftence. T n j L  i E-f^H s: i6i Je ne m'y méprendrai point : l'Ordre de la Nature eft quelque chofe de très -réel, (g) mais qui fe montre fous difFérens afpeds aux différentes Intelligences qui le contemplent. La diverfité de ces afpeds rcfulte effentiellement de la diverfîté des rapports que les Intelligences foutienneiit avec la Nature , & tous ces rapports font de vraies réalités, puifqu'ils réfultent né- cefTairement de la nature des Intelligences com- binée avec celle des Etres qu'elles contemplent. C H A P I T R E XVII. Suite du même Sujet. La cause des Causes. l3 I je tente d'approfondir un peu plus la ténc- breufe matière des Caufes , je ne tarderai pas à m'aifurer que ce ne font point proprement les Caufes elles-mêmes qui tombent fous mes Sens, ik que ce ne font jamais que leurs Effets qu'il ni'eft permis d'obferver. Je veux me développer ( 8 ) Ghap. IX. XI. XIII, %tt PHILâLETHE. ceci à moi-même par quelques exemples : îl con- vient que je ne néglige rien pour éviter les méprifes où je pourrois facilement tomber eu m*occupant d'un Sujet fi difficile. Que vois -je dans une Boule en mouvement qui va en frapper une autre qui eft en repos ? Je vois la Boule en mouvement s'appliquer fuc- ceflîvement par difFérens points de fii furface aux difFérens points du terrein qu'elle parcourt , aller frapper par un point de fa furface la Boule en repos & la mettre en mouvement. Dans tout cela je ne vois jamais que le même Corps qui fe tranfporte ou qui eft tranfporté d'un lieu dans un autre : rien du tout ne change à mes yeux dans ce Corps pendant le tranfport & après le choc y toujours même figure , même couleur , même grandeur , &c. il en va de même du Corps choqu&5 tout ce qui lui furvient de perceptible à mes yeux fe réduit au pallîîge du repos au mouvement. Je ne vois donc jamais ici qu'un Corps qui fe meut ou qui eft mû & qui paroît en mouvoir un autre -, mais toute»? ces chofes ne font dans le vrai que des Effets : je n'appcrqois point du tout ce qui ineut le Corps , ce qui fait qu'il con- tinue à fe mouvoir : je ne vois point du tout FHJLALETHF. 565 ni comment il efl: mû ni comment i\ meut : je ne vois donc dans tout ceci que de fimplcs Effets, & je n'apperqois point la Caufe fecrete qui les produit. Si , tandis que la Boule fe meut^ j'y applique ma main , je fcntirai bien l'efFort de la Boule fur ma main j mais, ce ne fera en- core là qu'un Effet , qui ne me manifeitera point fa véritable Caufe : j'apprendrai feulement de mon expérience que l'effort eft d'autant plus grand , que la Boule eft rsue avec plus ds vîteffe. J'ai la plus parfaite certitude que le mouve- ment de la Boule ne lui appartient point effen- tiellement ; puifque fi ce mouvement lui étoit effentiel , elle fe mouvroit toujours avec le même degré de vîteffe & fuivanfe la même di- redion. Ce mouvement feroit une propriété effentielle du Corps : le repos répugneroit donc à fon Effence. Mais, j'ai reconnu que les Pro- priétés effentielles des Corps ne font fufceptibles d'aucune variation : ( t ) or j je vois le mouve- ment s'affoiblir peu à peu dans la Boule & s'é- teindre enfin entièrement. Je m'affurc donc, que le mouvement qui m'occuoe n'eft qu'un fini- pie mode ou une manière d'être de la Boule, £ I ] Cli::p. IX. XI. ^^4 THILAIËTHK Ce mode peut être oo n'être pas dans le Corps , fans que l'idée que j'ai de l'ElTence du Corps en foit changée. Il ne dérive donc pas de PEf- fence du Corps; il eÛ étranger à cette Eflence : il dépend donc de quelque Chofe d'extérieur qui s'applique au Corps , qui agit en lui , qui le tranfporte d'un lieu dans un autre , & que mes Sens ne peuvent appercevoir. C'eft à cette Chofe invifible & intangible que je donne le nom de force motrice. Je ne fais point du tout comment cette Force s'applique à la Boule , comment elle agit en elle, comment elle continue à la mouvoir ni com- ment elle paffe ou paroit paiTer au moment du choc dans la Boule qui étoit en repos. Je vois bien que l'Impénétrabilité dont les deux Boules font douées ne leur permet pas de fe pénétrer réciproquement dans le choc y mais , je ne vois point du tout comment le mouvement d'une des Boules fe communique ou paroit fe communi- quer à l'autre Boule, & pourquoi il ne s'éteint pas fubitement dans le choc. La feule Impéné- trabilité des deux Corps ne me donne point la vraie raifon de l'Eflfet j elle ne me donne que la raifon pourquoi les deux Corps ne fe pénè- trent point réciproquement. La Force d'inertie , t^ue j'ai reconnu appartenir effentiellement au PHILALETHE, i6i Corps , ( 2 ) ne me montre point non plus com- ment le Corps eft mû ni comment le mouve- ment fe propage : elle ne me montre autre chofe finon , que le Corps perfévere dans fon état de mouvement ou de repos autant qu'il eft en lui , ou ce qwi revient au même , qu'il eft indiffé- rent à l'un & à Pautre de ces deux états. La Force motrice eft donc très - différente de l'Impénétrabilité & de la Force d'inertie , & toutes les Forces fe dérobant également à mes Sens ne me laiffent appercevoir que leurs Effets. Ainfî, toutes les Machines , foit celles de l'Art, foit celles de la Nature , les Relforts , les Poids , les Leviers , les Organes des Végétaux, des Ani- maux 5 de l'Homme , toutes ces Puiffances mé- chaniques ne font point les vraies Caufes des Effets qu'elles me paroilfent produire &; que je fuis (î naturellement porté à leur attribuer. Toutes ces Machines ne font que des moyens qui déterminent l'application ou l'exercice d'une Force invifible qui eft ici le véritable Agent. Si pour expliquer le jeu du Reffort qui me paroîc mouvoir les Roues de ma Montre , je recourois à une Matière fubtile que je luppoferois agir d'une manière fecrete fur la hme du Relfort, [ 2 ] Chap. IX, ^66 PIIIIALETHE. ce ne feroit point encore cette Matière fubtile que je devrois regarder comme la vraie Caufe de l'adion du RefTort : c'cft que cette Matière fubtile feroit tout aulfi inerte que la Matière du Reirorc y c'eft que pour être très fubtile , elle n'en ieroit pas moins Corps , Se par conféquent indifférente au repos & au mouvement. Ce ne feroit donc encore qu'un fimple Effet que je contemplerois des yeux de i'Efprit dans le jeu de cette Matière fubtile, & point du tout une Cau^e. J'en dis autant des batteraens continuels du Cœur : l'impuliion du fang n'en eft pas plus la vraie Caufe, que l'aétion d'une Matière fub- tile n'eft la vraie Caufe de l'effet du Reffort. Les Mufclcs , qui en fe contradant & en fe relâchant alternativement dans le Cœur par l'at- touchement du fang, paroiffenc opérer fes fyf- toîcs & fes dyaftoles, ne les opèrent pas par eux-mêmes: le Fluide invifible & très - élafti- que qu'on croit agir dans les libres mufculaires de l'Organe , n'en eft pas non plus le vrai mo- teur : il n'eft , pour ainlî dire, que l'intermède par lequel agit cet Etre fimple ou immatériel qui a requ le nom de force motrice^ & dont rOrgane détermine l'emploi & dirige l'adion. Je vois de même que l'effort d'un Poids dans une Machine n'appartient pas proprement à ce Poids 5 & qu'il dépend de l'ac'lion d'une Puif- PMILALETHB. l^f fance invifible que je nomme la Pefanteur } & fi pour rendre raifon de la Pefanteur je recou- rois encore à une Matière fubtile qui agiroit fecrétement fur le Poids , je ferois obligé de rai- fonner fur cette Matière comme j'ai raifonné fur celle que j'ai fuppofée dans le Reffort. Que dirai - je encore ! le Feu , cet Élément fi prodigieufement aétif , dont les effets fe di- versifient à rinfini & qui paroît animer toute la Nature , ne fauroit être non plus un véritable Agent : il eft animé lui - même par cette Force fecrete dont émane originairement Tadion , le mouvement & la vie de tous les Etres. Que dirai - je enfin ! ces Attributs qui ca- radérifent à mes yeux FEffence nominale du Corps , f Entendue , l'Impénétrabilité , l'Inertie, [ 3 ] ces Attributs que mes Sens me manifef- t.ent , ne peuvent être de même à mon égard que de fimple effets. Ils dérivent tous de l'Ef- fence réelle qui ne tombe point fous mes Sens & dans laquelle réfident les Caufes fecretes de ces Etfets que j'appelle des Attributs ejfentieb & qui conltituent l'Eifence noniinale du Sujet;^ [ 3 ] Chap. IX. XI. l^Z PHILdLETffBs Je ne vois donc par- tout dans la Nature? que des Effets & nulle part des Caufes : c'eft que je ne vois par - tout que des Corps , qui agifTent ou paroifTent agir les uns fur les au- tres 8c les uns par les autres , & que des Corps ne peuvent jamais me donner les vraies Caufc$ des Effets qu'ils paroifTent opérer. Ceci tient évi- demment à ma qualité d'Etre mixte. Toutes mes idées dérivent originairement de mes Sens j [4] & mes Sens, qui font matière < ne peu- vent me montrer que de la Matière. Comment donc appercevrois - je ces Forces , ces Etres Cmples ou immatériels qui animent les Corps^ & qui font les Vrais Agens de la Nature ? [ î } Pauivii cette multitude d'Etres divers qui m'environnent , & dont les afpeds varient fans cefle , il n'en eft point qui m'intéreifent autant que les Végétaux & les Animaux , à caufe des rapports de reifemblance qu'ils foutiennent avec moi par leur organifation & fes principaux ré- fultats. J'obferve , que tous ces Etres organi- fés naiffent , fe nourriffent , croilfent , multi- plient , fe dégradent , périifent. Je vois leurs Générations fe fuccéder fans interruptions dans [ 4 ] Chap. I. [ 5 ] Coiifultex fur les Forces k Chap. IX. FHILALETHE. }$9 tin ordre conitant. Je confidere donc la Suite des Générations de chaque Efpece comme une Chaîne & chaque Génération comme un An- neau de cette Chaîne. Tous ces Anneaux me paroiflent produits les uns p^^.r les autres : l'iVn* neau qui précède me paroît Caufe de l'Anneau qui le fuit immédiatement : celui-ci me f'em' ble devenir à fou tour Caufe produdrice d'un autre Anneau , & toute la Chaîne fe montre à moi comme une fuite non interrompue de Câufes & d'Effets , d'Effets & de Caufes, Mâïs , en y regardant dé plus près , je dé^ couvre que cette longue Chaîne, que je ne con- temple point fîîns admiration , n'ell réellement qu'une Chaîne d'Effets : c'eft que des obferva* tions très - fûres m'apprennent qu'il n'y a point de vraie Génération dans la Nature , que les Etres organifés fe développent bien les lias par les autres j mais qu'ils ne font point engen* drés les uns par les autres. Ce ne font donc pas de vraies Générations ou de nouvelles produc-* tions que je contei#ple dans la Chaîne que j'ai fous les yeuxi ce ne font que de fimples de- veloppemens de Touts organifés qui exitioient déjà fous une forme invifible. J'écudie ces dé'» vcloppemens , & je reconnois qu'ils tiennent ♦ Tome XVIIL  a 37é , P H I L A L E T H E. comme tous les autres effets de la Nature , à des Forces cachées qui ne peuvent tom* ber fous mes Sens parcs qu'elles font imma- térielles. Je ne puis concevoir aucun doute raifon. nable fur cette vérité : je vois trop clairement que le développement eft dû à l'impulfion des liqueurs & à leur incorporation au Tout orga- nifé : or ; cette impulfion dépend manifeftement du jeu des Organes , qui dépend lui - même de cette Force motrice & invifible qui les anime. Je me rends attentif à l'Ordre confiant & uni- forme des Générations de chaque Efpece ; je remonte le long de la Chaîne qu'elles compo- fent; & ne découvrant d'Anneau en Anneau que de fimplcs Effets , je me demande à moi- même quelle eft l'Origine de cette longue Chaîne qui ne fe préfente plus elle - même à mes yeux que comme un grand Effet très- com- pofé ? ^ Je conçois affez que la Suite que je confi- dcre doit avoir un premier terme & qu'elle ne peut être infinie : la raifon m'en paroît claire > t?ar 11 j'envifa^s chaque Anneau de la Chaîne comm« Caufe de TAimeau qui le fuit immé- diatement , il fera très - vrai de dire , qu'aucun de ces Amieàuîc n'ôxifte par lui-même: afin donc qu'il y ait un principe ou une raifon de Texiftence de la Chaîne , il faut nécefTaire- ment qu'il s'y trouve un premier Anneau qui ne doive pas fa produdion à mi autre An- neau , mais qui la tienne immédiatement d'un Etre extérieur à la Chaîne, ou qui n'en foit point lui - même un Anneau. Mais , fi cet Etre producfleur du premier Anneau & conféquem- ment de la Chaîne entière , tcnoit lui - même fon exiftence d'un autre Ekre , celui-ci d'un au- tre encore , &c. ce feroit une autre Chaîne qui s'oiFriroit à mon Efprit, & fur laquelle je raifonnerois comme fur la précédente. Je fuis donc dans l'obligation philofophique d'admettre, que la Suite des Générations des Etres organifés n'eft pas infinie ; & puifqu'elle a un commencement, elle eft un EiFet, & cet Effet fuppofe une Caufe. Il y a donc hors de la Chaîne un ETRE qui exifte par Lui - même & qui a en Soi la Raifon de l'exiftence de la Chaîne. Ainsi, c'eftdela Puissance de ce' premier ETRE que je conçois qu'émanent toutes les Aa 3 ■ '^rz T 11 1 L A i £ m É. Forces » toutes les Réalités , comme c*efl: de fon JntelliGence qu'émanent Tenchainement de tous les Etres & leur relation à l'Efpace & au Tems. f ÎN Ju dix-huitième Volmm* C 373 ) TABLE. ÉCRITS DIVERS. RECUEIL de divers Fajjages de LEIB>^ITZ fur la furvivance de f Animal , -pour fervir de Sup" flément à la Partie VIT. de la Falingénéfte Phi- lofophique , & Réflexions fur ces Paffages, P. 3 LETTRE aux Auteurs de la Bibliothèque des Sciences^ au Sujet des Injîitntions Leibnitien^ nés, 4^ VVE DU LEIBNITIANISME, ^Avant ' Propos, • S^ L'Optimifme, 53 Les Monades. ^^ V Harmonie préétablie. 9^ Çonclufion. lo^ noyVELLES CONSIDÉRATIONS fur les Bor- nés naturelles de nos Connoijfances , pour fervir de Supplément aux Parties XII & XIII de la Paliiigénéfîe Philofophique. log 374 TABLE LETTRE au fiijet du âifcours de M, J. J. ROVS^ SEAU fur P Origine ^ les FoKdemens de tiné^ gaîité parmi les Hommes» Page 133 REMARQUES fur le Sentiment de CLARKE , touchant la Liberté, 143 OBSERVATIONS fur une note de M. DE CASTILLON de t Académie de Prufe , ajou^ tes à. la tradu&ion Françoife du Livre de Mr. CAMPBELL fur les Miracles. 155: IDÉES fur VArt d'étudier & fur P Ordre & le But des Études de Philofophie rationnelle. De l'Art d'étudier. 171 De l'Ordre des Études de Phihfophie ration, ne lie. ijS iiature ^fin de la Philofophie rationnelle. J 8 1 BTPOTHESE fur l'Ame des Bêtes & leur in^ duflrie. i8f IDÉES fur l'Origine du Mal. 193 MÉDITATIONS fur P Origine des Senfations g# fur r Union de l'Ame ^ du Corps, 2oy FHILALETHE , ou Ejfai d'une Méthode pour établir quelques Vérités de Philofophie ration- tielle. Avant propos. 23? Chap. I. Confidéraiims fur les Facultés de tHom^ DES CHAPITRES. 37Î me. Les Se?is. La Senfihiîité, V Attention. La Réflexion, VEnteytdement, Page 1^6 Chap. il VAme: fin immatérialité. V Union de PAme Ê? du Corps. 24 ^ III. Suite des Confidérations fur les facultés de P Homme. La Volonté : la Liberté. V Imagina^ tioji : la Mémoire. -248 IV. V Amour de fii - même ou P Amour du Bon^ heur. Le Bien ^ Objet de la Volonté. 261 V. Confidératioîts ffychologiques & morales fur nos idées de Bonheur. 2^7 VI. Les Chofes : leurs Relations : Manière donÊ P Entendement les appsrçoit ^ en juge. VE'vi^ dence : la Certitude. 27 C VII. Les degrés de la Certitude ou la Probabilité, La Vérifé, Objet de P Entendement. 277 VIII. Le Jugement : le Raifonnement. Le Sentie yneyit intime ou la Confcieyue. 2%^ IX. Sur la réalité des Objets de nos Senfations. Les Propriétés de la Matière. Les forces. 288 X. V Analogie , Source de la Certitude morale, 29^ XI. V Ordre phyfque : les Loix de la Nature. Les Ejfejîces. 299 XII. Le Témoignage , autre Source de la Certi* tude inorale, 3 1 3 XIII. V Ordre moral. Les Loi^ morales. Les 176 TABLE DES CHAPITRES. • A^eiis moraux, 518 XIV. Continuation des mêmes Sujets. Le Carac^ tere moral. 328 XV. Précis ou récapitulation des 'Principes fur les fondemens de la Certitude, 33^ XVI. La Caufe_& rEjfet. 3^^ XVII. Suite du 77iême Sujet. LA CAUSE DES CAUSES. 36^ F I N de la TabJe. ERRATA. Tome XVIII. Page Il : lîgil. 21 , inférer j lif. inférer. ïç : lign. 12 , organique ^\\{. organique. Ibid : l'gn. 21 , w'a/^ 5 lif. mais. 3ç : lign. dern. dn texte , £«^f/eHflr-«w; lif. Entelechiarum. 47 : lign. dern. Aiiîmalctdo ; lif. Animalciilo. 40 : lign. 4 de la note, Lijlritutions •-, lif. Inftitutions. 53 * l'S'i' % ■> d'autrefois h^i^- d'autres fois. 64 : lign. 32, même occupe que y lif. même coupe que. 65 : lign. % , acqnifes ; lif. acquifes. Ibid : lign. 6 , BRETUS; lif. BRUTUS. 69 : lign. I de \z note <, Zeihniticdiifîme ', Leibnitianifmc, 7<; : lign. 17 ,/ow^ ,• lif. font. 83 : lign. I de la note, f ai f ai j effacez un j'ai. }}4 : lign. 13 & 14 , n'ejl encvre , encore une fois', lif. n'eft , encore une fois. 8ç : lign. 7 de la note, coucevoir; lif. concevoir. 90 : lign. Il , fidi{e ; lif. aéluel. 106 : lign. 30, rfowc ; lif. donc. 113 : lign. 2Z,fuJJionsh lif. fuffions. 119 : lign. 23 , Terrisorigo i lif. Terris origo. 122 : lign. lo , après Anciens, mettez un point. 128 : lign. 2, co;z/?^Vz/^7ozf ; lif. conftitution. IS6 : lign. 9, CAMPBALL; lif. CAMPBELL. 161 : lign. i^ ,peincipej lif. principe. 168 : lign. 9, légitimement, lif. légitimement. 181 : lign. 20 , Nautre ', lif. Nature. 208 •• lign. 9 , s'il j lif. s'ils. an : lign. 17, ébranlement-, lif. ébranlemens. 219 : lign. 17 , rimfrejjïon. , effacez le point. i:23 : lign. 1/^, affeélés ; lif. affedléi 260 : lign. 9, n'influent -jWÏ. n'influent. 266 : lign. 2, volonté. ; effacez le point, 270 : ligfi. pénultième, /orcej lif. forcé. 284 : lign. 3, traeent; lif. tracent. 299 : Ijgn. '^, fondent s lif. fondent. 303 : lig.i. 8, cc/Zf; lif. cette. 311 : lîgii. 21, /o/^aV«f ,'îif. lorfqu'tiiîc." 313 : lign. 13 ^Maduréei lif. Ma durée. 322 : lign. 22 ,/?;>a/eflttrfe(ia«; j lif. fe paffe ail-dedaiîS» 34-' : lign. 9 , analogie } lif. analogie. ^ ^ 349 : lign. 10, perfmrderj lif. perfuader. 350 : lign. 4 & Ç, à à ma, effacez un à. Addition importante à T Errata du Tome XV. Page 462 : lign. 28 , elle fe développe ^ grojjtt la peatt^ lif. elle fe développe & grolï>t co»fme fe développe & groifit la peau.