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OEUVRES

DE

J. J. ROUSSEAU

TOME XIV.

DE L'IMPRIMERIE DE P. DÎDOT L'AÎNÉ,

CHEVALIER DE l'ORDRE ROTAL DE SAIXT-MïCflEL^ IMPRIMEUR DU ROI.

OEUVRES

DE

J J ROUSSEAU

DICTIONNAIRE DE MUSIQUE. TOME I.

PARIS,

CHEZ E. A. LEQUIEN, LIBRAIRE,

RUE DES NOYERS, No 4^- M DCCG XXI.

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DICTIONNAIIIE

DE MUSIQUE^

Ut psalîencli materiem discerent. Mar j lAX. Cap.

A— M.

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http://www.archive.org/defails/oeuvresj14rous

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PREFACE.

La musique est, de tous les beaux-arts, celui dont le vocabulaire est le plus étendu, et pour lequel un dictionnaire est, par conséquent, le plus utile. Ainsi Ton ne doit pas mettre celui-ci au nombre de ces com- pilations ridicules que la mode ou plutôt la manie des dictionnaires multiplie de jour en jour. Si ce livre est bien fait, il est utile aux artistes; s'il est mauvais, ce n'est ni par le choix du sujet, ni par la forme de l'ou- vrage. Ainsi l'on auroit tort de le rebuter sur son titre; il faut le lire pour en juger.

L'utilité du sujet n'établit pas, j'en conviens, celle du livre; elle me justifie seulement de l'avoir entrepris, et c'est aussi tout ce que je puis prétendre; car d'ail- leurs j& sens bien ce qui manque à l'exécution. C'est ici moins un dictionnaire en forme, qu'un recueil de ma- tériaux pour un dictionnaire, qui n'attendent qu'une meilleure main pour être employés. Les fondements de cet ouvrage furent jetés si à la hâte, il y a quinze ans, dans l'Encyclopédie, que, quand j'ai voulu le re- prendre sous œuvre, je n'ai pu lui donner la solidité qu'il auroit eue, si j'avois eu plus de temps pour en digérer le plan et pour l'exécuter.

Je ne formai pas de moi-même cette entreprise; elle me fut proposée : on ajouta que le manuscrit entier de l'Encyclopédie devoit être complet avant quil en fût imprimé une seule ligne; on ne me donna que trois mois pour remplir ma tâche, et trois ans pouvoient me suffire à peine pour lire, extraire , com*

I

4 PRÉFACE.

parer et compiler les auteurs dont j'avois besoin : mais le zèle de Tamitié m'aveugla sur Timpossibilité du succès. Fidèle à ma parole, aux dépens de ma réputa- tion, je fis vite et mal, ne pouvant bien faire en si peu de temps. Au bout de trois mois mon manuscrit entier fut écrit, mis au net, et livré. Je ne l'ai pas revu depuis. Si j'avois travaillé volume à volume comme les autres, cet essai, mieux digéré, eût pu rester dans Tétat je l'aurois mis. Je ne me repens pas d'avoir été exact, mais je me repens d'avoir été téméraire, et d'avoir plus promis que je ne pouvois exécuter.

Blessé de l'imperfection de mes articles, à mesure que les volumes de l'Encyclopédie paroissoient, je ré- solus de refondre le tout sur mon brouillon, et d'en faire à loisir un ouvrage à part traité avec plus de soin. J'étois, en recommençant ce travail, à portée de tous les secours nécessaires; vivant au milieu des artistes et des gens de lettres , je pouvois consulter le uiiR et les autres. M. l'abbé Sallier me fournissoit, delà Biblio- tbéque du roi, les livres et manuscrits dont j'avois besoin, et souvent je tirois de ses entretiens des lu- mières plus sûres que de mes recherches. Je crois devoir à la mémoire de cet honnête et savant homme un tribut de reconnoissance que tous les gens de lettres qu'il a pu servir partageront sûrement avec moi.

Ma retraite à la campagne m'ôta toutes ces ressour- ces au moment que je commençois d'en tirer partie. Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer les raisons de cette retraite: on conçoit que, dans ma façon de penser, l'espoir de faire un bon livre sur la musique n'en étoit pas une pour me retenir. Éloigné des amusements de la ville , je perdis bientôt les goûts qui s'y rapportoient ; privé des communications qui pouvoient m'éclairer

PRÉrACE. 5

sur mon ancien objet, j'en perdis aussi toutes les vues; et soit que depuis ce temps Fart ou sa théorie aient fait des progrès, n'étant pas même à portée d'en rien savoir, je ne fus plus en état de Jes suivre. Convaincu cependant de l'utilité du travail que j'avois entrepris, je m'y remettois de temps à autre, mais toujours avec moins de succès, et toujours éprouvant que les diffi- cultés d'un livre de cette espèce demandent pour les vaincre des lumières que je n'étois plus en état d'ac- quérir, et une chaleur d'intérêt que j'avois cessé d'y mettre. Enfin, désespérant d'être jamais à portée de mieux faire, et voulant quitter pour toujours des idées dont mon esprit s'éloigne de plus en plus, je me suis occupé, dans ces montagnes, à rassembler ce que j'avois fait à Paris et à Montmorency, et de cet amas indigeste est sortie l'espèce de dictionnaire qu'on voit ici.

Cet historique m'a paru nécessaire pour expliquer comment les circonstances m'ont forcé de donner en si mauvais état un livre que j'aurois pu mieux faire avec les secours dont je suis privé. Car j'ai toujours cru que le respect qu'on doit au public n'est pas de lui dire des fadeurs, mais de ne lui rien dire que de vrai et d'utile , ou du moins qu'on ne juge tel ; de ne lui rien présenter sans y avoir donné tous les soins dont on est capable , et de croire qu'en faisant de son mieux, on ne fait jamais assez bien pour lui.

Je n'ai pas cru toutefois que l'état d'imperfection j'étois forcé de laisser cet ouvrage dût m'empêcher de le publier, parcequ'un livre de cette espèce étant utile à l'art, il est infiniment plus aisé d'en faire un bon sur celui que je donne, que de commencer par tout créer. Les connoissances nécessaires pour cela ne sont

6 PRÉFAC"E.

peut-être pas fort grandes; mais elles sont fort variées, et se trouvent rarement réunies dans la même tête. Ainsi mes compilations peuvent épargner beaucoup de tra- vail à ceux qui sont en état d'y mettre l'ordre nécessaire ; et tel, marquant mes erreurs, peut faire un excellent livre, qui n'eût jamais rien fait de bon sans le mien.

J'avertis donc ceux qui ne veulent souffrir que des livres bien faits de ne pas .entreprendre la lecture de celui-ci; bientôt ils en seroient rebutés: mais pour ceux que le mal ne détourne pas du bien, ceux qui ne sont pas tellement occupés des fautes, qu'ils comptent pour rien ce qui les rachète; ceux enfin qui voudront bien chercher ici de quoi compenser les miennes, y trouveront peut-être assez de bons articles pour tolérer les mauvais, et, dans les mauvais même, assez d'observations neuves et vraies pour valoir la peine d'être triées et choisies parmi le reste *. Les mugiciens lisent peu, et cependant je connois peu d'arts oij la lecture et la réflexion soient plus nécessaires. J'ai pensé qu'un ouvrage de la forme de celui-ci seroit pré- cisément celui qui leur convenoit, et que, pour le leur rendre aussi profitable qu'il étoit possible, il falloit moins y dire ce qu'ils savent que ce qu'ils auroient besoin d'apprendre.

* Dans une Lettre à de Lalande, du mois de mars 1768 (t. XIII, pag. 4"^)^ ^* dans le premier de ses Dialogues*^ Roussran indique spécialement comme dignes d'une attention particidière et comme ij'appartenant qu'à lui seul, les articles de ce Dictionnaire se rap- portant aux mots Accent, Consonnance, Diasoiiunre , Expression , Fugue, Goût, Harmonie, Intervalle, Licence^ Mode, Modulation , Opéra, Préparation^ Récitatifs Son, Tempérament, Trio , Unité de mélodie. Voix, et surtout l'article Enharmonique, dans lequel, dit-il', ce genre, jusqu'à présent très mal entendu, est mieux cxpli- <yué que dans aucun livre.

PRÉFACE. 7

Si les manœuvres et les croque-notes relèvent sou- vent ici des erreurs, j'espère que les vrais artistes et Jes hommes de génie y trouveront des vues utiles dont ils sauront bien tirer parti. Les meilleurs livres sont ceux que le vulgaire décrie, et dont les gens à talent profitent sans en parler.

Après avoir exposé les raisons de la médiocrité de l'ouvrage, et celle de l'utilité que j'estime qu'on en peut tirer, j'aurois maintenant à entrer dans le détail de l'ouvrage même, à donner un précis du plan que je me suis tracé, et de la manière dont j'ai tâché de le suivre. Mais à mesure que les idées qui s'y rapportent se sont effacées de mon esprit, le plan sur lequel je les arrangeois s est de même effacé de ma mémoire. Mon premier projet étoit d'en traiter si relativement les articles, d'en lier si bien les suites, par des renvois^ que le tout, avec la commodité d'un dictionnaire, eût l'avantage d'un traité suivi : mais pour exécuter ce projet, il eût fallu me rendre sans cesse présentes toutes les parties de l'art, et n'en traiter aucune sans me rappeler les autres; ce que le défaut de ressources et mon goût attiédi m'ont bientôt rendu impossible^ et que j'eusse eu même bien de la peine à faire au milieu de mes premiers guides , et plein de ma première ferveur. Livré à moi seul, n'ayant plus ni savants ni livres à consulter; forcé, par conséquent, de traiter chaque article en lui-même, et sans égard à ceux qui s'y rapportoient, pour éviter des lacunes j'ai faire bien des redites. Mais j'ai cru que dans un livre de l'espèce de celui-ci, c'étoit encore un moindre mal de com- mettre des fautes que de faire des omissions.

Je me suis donc attaché surtout à bien compléter le Vocabulaire, et non seulement à n'omettre aucun

8" PRÉFACE.

terme technique, mais à passer plutôt quelquefois les limites de l'art, que de n'y pas toujours atteindre, et cela m'a mis dans la nécessité de parsemer souvent ce dictionnaire de mots italiens et de mots grecs : les uns, tellement consacrés par Fusage, qu'il faut les entendre même dans la* pratique; les autres, adoptés de même par Jes savants, et auxquels, vu la désuétude de ce qu'ils expriment, on n'a pas donné de synonymes en françois. J'ai tâché cependant de me renfermer dans ma règle, et d'éviter l'exès de Brossard, qui, donnant un dictionnaire françois , en fait le vocabulaire tout italien, et î'enfîe de mots absolument étrangers à l'art qu'il traite. Car qui s'imaginera jamais que la vierge^ les apôtres^ la messe ^ les morts ^ soient des termes de musique, parcequ'il y a des musiques relatives à ce qu'ils expriment; que ces autres mots, page ^ feuillet , quatre , cinq , gosier j^ raison ^ déjà , soient aussi des termes techniques, parcequ'on s'en sert quelquefois en parlant de l'art?

Quant aux parties qui tiennent à l'art sans lui être essentielles, et qui ne sont pas absolument nécessaires à l'intelligence du reste, j'ai évité, autant tjufe j'ai pu, d'y entrer. Telle est celle des instruments de musique, partie vaste, et qui rempliroit seule un dictionnaire , surtout par rapport aux instruments des anciens. M. Diderot s'étoit chargé de cette partie dans l'Ency- clopédie ; et comme elle n'entroit pas dans mon premier plan, je n'ai eu garde de l'y ajouter dans la suite, après avoir si bien senti la difficulté d'exécuter ce plan tel qu'il étoit.

J'ai traité la partie harmonique dans le système de la basse fondamentale, quoique ce système, impar- fait et défectueux à tant d égards, ne soit point, selon

PRÉFACE. ij

hfioi, celui de la nature et de la vérité, et qu'il en résulte lin remplissage sourd et confus, plutôt qu^une bonne harmonie: mais c'est un système enfin; c'est le pre- mier, et c'étoit le seul , jusqu'à celui de M. Tartini , l'on ait lié par des principes ces multitudes de règles isolées qui sembloient toutes arbitraires, et qiii fai- soient de l'art harmonique une étude de mémoire plutôt que de raisonnement. Le système de M. Tar- tini, quoique meilleur à mon avis, n'étant pas encore aussi généralement connu, et n'ayant pas, du moins en France, la même autorité que celui de M. Rameau, n'a pas lui être substitué dans un livre destiné prin- cipalement pour la nation Françoise. Je me suis donc Contenté d'exposer de mon mieux les prmcipes de ce système dans un article de mon Dictionnaire; et du reste j'ai cru devoir cette déférence à la nation pour laquelle j'écrivois, de préférer son sentiment au mien sur le fond de la doctrine harmonique. Je n'ai pas du cependant m'abstenir, dans l'occasion, des objections nécessaires à l'intelligence des articles que j'avois à traiter: c'eut'été sacrifier Futilité du livre au préjugé des lecteurs; c'eût été flatter sans instruire, et changer la déférence en lâcheté.

J'exhorte les artistes et les amateurs de lire ce livre sans défiance, et de le juger avec autant d'impartialité que j'en ai mis à l'écrire. Je les prie de considérer que, ne professant pas, je n'ai d'autre intérêt ici que celui de l'art; et, quand j'en aurois, je devrois naturelle- ment appuyer en faveur de la musique françoise, je puis tenir une place, contre l'italienne, je ne puis être rien. Mais cherchant sincèrement le progrès d'un art que j'aimois passionnément, mon plaisir a fuit taire ma vanité. Les premières habitudes m'bnt

to ' PRÉFACE

Jong-lemps attaché à la musique françoise, et j'en étoii eïithousiaste ouvertement. Des comparaisons atten- tives et impartiales m'ont entraîné vers la musique italienne, et je m'y suis livré avec la même bonne foi. Si quelquefois j'ai plaisanté, c'est pour répondre aux autres sur leur propre ton; mais je n'ai pas, comme eux, donné des bons mots pour toute preuve, et je jî'ai plaisanté qu'après avoir raisonné. Maintenant que les malheurs et les maux m'ont enfin détaché d'un goût qui n'avoit pris sur moi que trop d'empire, je persiste, par le seul amour de la vérité, dans les juge- ments que le seul amour de Fart m'avoit fait porter. Mais, dans un ouvrage comme celui-ci, consacré à la musique en général, je n'en connois qu'une, qui^ n'étant d'aucun pays, est celle de tous; et je n'y suis jamais entré dans la querelle des deux musiques que quand il s'est agi d'éclaircir quelque point important au progrès comnum. J'ai fait bien des fautes, sans doute, mais je suis assuré que la partialité ne m'en a pas fait commettre une seule. Si elle m'en fait imputer à tort par les lecteurs, qu'y puis-je faire? ce sont eux alors qui ne veulent pas que mon livre leur soit bon.

Si l'on a vu , dans d'autres ouvrages , quelques articles peu importants qui sont aussi dans celui-ci, ceux qui pourront faire cette remarque voudront bien se rap- peler que, dès l'année lySo, le manuscrit est sorti de mes mains sans que je sache ce qu'il est devenu depuis ce temps-là. Je n'accuse personne d'avoir pris mes articles, mais il n'est pas juste que d'autres m'accusent d'avoir pris les leurs.

Mo tiers-Travers , le 20 décembre 1764.

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AVERTISSEMENT

Quand IVspèce grammaticale des mots pouvoit embar- rasser quelque lecteur, on Ta désignée par les abréviations usitées: v. n. , verbe neutre; s. m., substantif mascu- lin, etc. On ne s'est pas asservi à cette spécification pou» chaque article, parceque ce n'est pas ici un dictionnaire* de langue. On a pris un soin plus nécessaire pour des mots qui ont plusieurs sens, en les distinguant par une lettre majuscule quand on les prend dans le sens technique, et par une petite lettre quand» on les prend dans le sens du discours. Ainsi, ces mots, air et Air ^ mesure et Mesure ^ note et Note, temps et Temps, portée et Portée, ne sont ja- mais équivoques, et le sens en est toujours déterminé pai la manière de les écrire. Quelques autres sont plus embar- rassants, comme Ton, qui a dans l'art deux acceptions toutes différentes. On a pris le parti de l'écrire en italique pour distinguer un intervalle, et en romain pour désigner une modulation. Au moyen de cette précaution, la phrase suivante, par exemple, n'a plus rien d'équivoque :

« Dans les Tons majeurs , l'intervalle de la Tonique a <( la Médiante est composé d'un Ton majeur et d'un Ton

u mineur. » *

* Tel est YÀvertissernent mis en tête des deux éditions premières (in-4'' et in-S" , ijSS) de ce Dictionnaire, dans l'impression des- quelles la règle qu'on annonce s'y être prescrite a été en effet rigou- reusement suivie. Mais nous nous sommes bien convaincus qu'il ne résultoit autre chose de cette multiplication de majuscules qu'une bigarrure peu agréable à l'œil, et sans utilité réelle pour le lecteur, dont l'intelligence n'a jamais nul effort à faire pour distinguer le cas o\x les mots note, temps, mesure, etc. , sont employés dans le sens technique, de celui ils sont à prendre dans le sens com^

12 AVERTISSEMENT.

munément adopté. Nous n'avons donc pas hésité à suivre , dans cette édition, et pour ce Dictionnaire comme pour tous les. autres ouvrages dont elle se compose, l'usage généralement reçu relati- vement à l'emploi des majuscules. Quant à la manière différente d'imprimer le mot ton suivant les deux acceptions qui lui sont pro- pres dans Tart musical, on s'est conformé avec soin aux intentions de l'auteur, à la majulcule près , qui n'a pas paru plus nécessaire pouv ce mot-là que pour tous les autres.

(Note de M. P. , dians l'édition en 22 vol. , publiée par M. Lefèvre. )

V». vvv<

DICTIONNAIRE

DE MUSIQUE

A

A mi la, A la mire, ou simplement A, sixième son de la gamme diatonique et naturelle ; lequel s'appelle autrement la, ( Voyez Gamme. )

^ battuta. ( Voyez Mesuré. )

A livre ouvert , ou à l'ouverture du livre. ( Voyez Livre.)

J tempo. ( Voyez Mesuré. )

Académie de Musique. C'est ainsi qu'on appeloit au- trefois en France , et qu'on appelle encore en Italie une assemblée de musiciens ou d'amateurs , à laquelle les François ont depuis donné le nom de concert. ( Voyez

COiVCERT. )

Académie royale de Musique. C'est le titre que porte encore aujourd'hui l'Opéra de Paris. Je ne dirai rien ici de cet établissement célèbre , sinon que de toutes les académies du royaume et du monde , c'est assuré- ment celle qui fait le plus de bruit. ( Voyez Opéra. )

Accent. On appelle ainsi , selon l'acception la plus générale , toute modification de la voix parlante dans la durée ou dans le ton des syllabes et des mots dont le discours est composé \ ce qui montre un rapport

I 4 A C C

très exact entre les deux usages des accents et les deux parties de la mélodie, savoir le rhythme et Imtoiia- tion. Jccentus, dit le grammairien Sergius dans Do- nat, quasi ad cantus. Il y a autant d'accents différents qu'il y a de manières de modifier ainsi la voix ; et il y a autant de genres Ôl accents qu'il y a de causes géné- rales de ces modifications.

On distingue trois de ces genres dans le simple dis- cours : savoir , Y accent grammatical , qui renferme la régie des accents proprement dits , par lesquels le son des syllabes est grave ou aigu , et celle de la quantité , par laquelle chaque syllabe est brève ou longue: Vac- cent logique ou rationnel , que plusieurs confondent mal à propos avec le précédent \ cette seconde sorte ô^ accent indiquant le rapport, la connexion plus ou moins grande que les propositions et les idées ont en- tre elles , se marque en partie par la ponctuation : en- fin Y accent pathétique ou oratoire , qui , par diverses inflexions de voix , par un ton plus ou moins élevé , par un parler phis vif ou plus lent , exprime les senti- ments dont celui qui parle est agité , et les communi- que à ceux qui Fécoutent. L'étude de ces divers ac- cents et de leurs effets dans la langue doit être la prande affaire du musicien : et Denvs d'Halicarnasse regarde avec raison \ accent en général comme la se- mence de toute musique. Aussi devons-nous admettre pour une maxime incontestable que le plus ou moins à'accent est la vraie cause qui rend les langues plus ou moins musicales : car quel seroit le rapport de. la mu- sique au discours si les tons de la voix chantante n'i- mitoientles accents de la parole? D'où il suit que moins

ACC i5

une langue a de pareils accents , plus la mélodie y doit être monotone, languissante et fade, à moins quelle ne cherche dans le bruit et la force des sons le charme qu'elle ne peut trouver dans leur variété.

Quant à ï accent pathétique et oratoire, qui estFob* jet le plus immédiat de la musique imitative du théâ- tre , on ne doit pas opposer à la maxime que je viens d'étabhr que tous les hommes étant sujets aux mêmes passions doivent en avoir également le langage : car autre chose est \ accent universel de la nature , qui arr rache à tout homme des cris inarticulés, et autre chose V accent de la langue , qui engendre la mélodie particu- lière à une nation. La seule différence du plus ou moins d'imagination et de sensibilité qu'on remarque d'un peuple à l'autre en doit introduire une infinie dans l'i- diome accentué, si j'ose parler ainsi. L'Allemand, par exemple, hausse également et fortement la voix dans la colère; il crie toujours sur le même ton. L'Italien, que mille mouvements divers agitent rapidement et successivement dans le même cas , modifie sa voix de mille manières : le même fond de passion régne dans son ame ; mais quelle variété d'expression dans ses accents et dans son langage î Or , *c'est à cette seule va- riété, quand le musicien sait l'imiter, qu'il doit l'éner- gie et la grâce de son chant.

Malheureusement tous ces accents divers , qui s'ac- cordent parfaitement dans la bouche de l'orateur , ne sont pas si faciles à concilier sous la plume du musi- cien , déjà si gêné par les régies particulières de son art. On ne peut douter que la musique la plus parfaite pu du moins la plus expressive ne soit celle tous les

t6 ACC

accents sont le plus exactement observés ; mais ce qui rend ce concours si difficile est que trop de régies dans cet art sont sujettes à se contrarier mutuellement, et se contrarient d'autant plus que la langue est moins musicale ; car nulle ne Test parfaitement : autrement ceux qui s'en servent chanteroient au lieu de parler.

Cette extrême difficulté de suivre à-la-fois les régies de tous les accents obligent donc souvent le composi- teur à donner la préférence à l'une ou à fautre , selon les divers genres de musique qu'il traite. Ainsi les airs de danse exigent surtout un accent rhytbmique et ca- dencé dont en chaque nation le caractère est déterminé par la langue. V accent grammatical doit être le premier consulté dans le récitatif, pour rendre plus sensible l'articulation des mots , sujette à se perdre par la ra- pidité du débit dans la résonnance harmonique : mais Vaccent passionné l'emporte à son tour dans les airs dramatiques ; et tous deux y sont subordonnés , sur- tout dans la symphonie , à une troisième sorte d'«c- cent, qu'on pourroit appeler musical , et qui est en quelque sorte déterminé par l'espèce de mélodie que le musicien veut approprier aux paroles.

En effet le premier et priucipal objet de toute musi- que est de plaire à l'oreille ; ainsi tout air doit avoir un chant agréable : voilà la première loi, qu il* n'est ja- mais permis d'enfi^eindre. L'on doit donc première- ment consulter la mélodie et Vaccent musical dans le dessein d'un air quelconque : ensuite , s'il est question d'un chant dramatique et imitatif, il faut chercher Vaccent pathétique qui donne au sentiment son expres- sion , et l'accent rationnel par lequel le îiiusicien rend

ACC 17

avec justesse les idées du poète ; car poirr inspirer aux autres la chaleur dont nous sommes animés en leur parlant , il faut leur faire entendre ce que nous disons. Ja accent grammatical est nécessaire par la même rai- son ; et cette régie , pour être ici la dernière en ordre, n'est pas moins indispensable que les deux précéden- tes, puisque le sens des propositions et des phrases dépend absolument de celui des mots : mais le musi- cien qui sait sa langue a rarement besoin de songer à cet accent; il ne sauroit chanter son air sans s'aperce- voir s'il parle bien ou mal , et il lui suffit de savoir qu'il doit toujours bien parler. Heureux toutefois quand une mélodie flexible et coulante ne cesse ja- mais de se prêter à ce qu'exige la langue ! Les musi- ciens françois ont en particulier des secours qui ren- dent sur ce point leurs erreurs impardonnables , et surtout le Traité de la Prosodie françoise de M. l'abbé d'Olivet , qu'ils devroient tous consulter. Ceux qui se- ront en état de s'élever plus haut pourront étudier la Grammaire de Port-Royal , et les savantes notes du phi- losophe qui Fa commentée ; alors en appuyant l'usage sur les régies , et les régies sur les principes , ils se- ront toujours sûrs de ce qu'ils doivent faire dans l'em- ploi de Vaccent grammatical de toute espèce.

Quant aux deux autres sortes d'accents, on peut moins les réduire en règles, et la pratique en demande moins d'étude et plus de talent. On ne trouve point de sang froid le langage des passions , et c'est mie vérité rebattue qu'il faut être ému soi-même pour émouvoir les autres. Rien ne peut donc suppléer, dans la re- cherche de ïaccent pathétique , à ce génie qui réveille" XIV. 2

1 8 A c c

à volonté tous les sentiments ; et il n'y a d'autre art en cette partie que d'allumer en son propre cœur le feu qu'on veut porter dans celui des antres. (Voyez Gé- nie. ) Est-il question de ïaccent rationnel, l'art a tout aussi peu de prise pour le saisir, par la raison qu'on n'apprend point à entendre à des sourds. Il faut avouer aussi que cet accent est moins que les autres du ressort de la musique , parcequ'elle est bien plus le langage des sens que celui de l'esprit. Donnez donc au musi- cien beaucoup d'images ou de sentiments et peu de simples idées à rendre ; car il n'y a que les passions qui chantent, l'entendement ne fait que parler.

Accent. Sorte d'agrément du chant françois, qui se notoit autrefois avec la musique, mais que les niaitres de goût du chant marquent aujourd'hui seu- lement avec du crayon jusqu'à ce que les écoliers sa- chent le placer d'eux-mêmes, lu'accent ne se pratique que sur une syllabe longue, et sert de passage d'une note appuyée à une autre note non appuyée, placée sur le même degré; il consiste en un coup de gosier qui élève le son d'un degré , pour reprendre à l'instant sur la note suivante le mêtne son d'où Ion est parti. Plusieurs donnoient le nom de plainte à Vaccent. ( Voyez le signe et l'effet de Vaccent , planche B , figure i3. )

Accents. Les poètes emploient souvent ce mot au pluriel pour signifier le chant même, et l'accompa- gnent ordinairement dune épitliète, comme doux, tendres, tristes accents: alors ce mot reprend exacte- ment le sens de sa racine ; car il vient de cancre , ^cantus , d'où l'on a fait accentus. comme concentus.

ACG 19

Accident, Accidentel. On appelle accidents ou signes accidentels les bémols , dièses ou bécarres qui se trouvent par accident dans le courant d'un air, et qui par conséquent n'étant pas à la clef ne se rapportent pas au mode ou ton principal. (Voyez Dièse, Bémol, Ton , Mode , Clef transpos£:e. )

On appelle aussi lignes accidentelles celles qu'on ajoute au-dessus ou au-dessous de la portée pour placer les notes qui passent son étendue. ( Voyez Ligne, Portée.)

Accolade. Trait perpendiculaire aux lignes , tiré à la marge d'une partition, et par lequel on joint en- semble les portées de toutes les parties. Comme toutes ces parties doivent s'exécuter en même temps , on compte les lignes d'une partition, non par les por- tées mais par les accolades^ et tout ce qui est compris sous une accolade ne forme qu'une seule ligne. (Voyez Partition.)

Accompagnateur. Celui qui dans un concert accom- pagne de Torgue , du clavecin , ou de tout autre instru- ment d'accompagnement. (Voyez Accompagnement.)

Il faut qu'un bon accompagnatem^ soit grand musi- cien, qu'il sache à fond l'harmonie, qu'il connoisse bien son clavier, qu'il ait l'oreille sensible, les doigts souples, et le goût sûr.

C'est à Y accompagnateur àe donner le ton aux voix et le mouvement à l'orchestre. La première de ces fonctions exige qu'il ait toujours sous un doigt la note du chant pour la refrapper au besoin, et soutenir ou remettre la voix quand elle foiblit ou s'égare. La se- conde exige qu'il marque la basse et son accompagne-

2.

iiO ACC

ment par des coups fermes, égaux, détachés, et bien réglés à tous égards , afin de bien faire sentir la me- sure aux concertants , surtout au commencement des airs.

On trouvera dans les trois articles suivants les dé- tails qui peuvent manquer à celui-ci.

Accompagnement. C'est l'exécution d'une harmonie complète et régulière sur un instrument propre à la rendre , tel que l'orgue , le clavecin , le téorbe , la gui- tare, etc. Nous prendrons ici le clavecin pour exem- ple, d'autant plus qu'il est presque le seul instrument qui soit demeuré en usage pour V accompagnement.

On y a pour guide une des parties de musique, qui est ordinairement la basse. On touche cette basse de la main gauche, et de la droite l'harmonie indi- quée par la marche de la basse, par le chant des autres parties qui marchent en même temps , par la partition qu'on a devant les yeux , ou par les chiffres qu'on trouve ajoutés à la basse. Les Italiens mé- prisent les chiffres; la partition même leur est peu nécessaire; la promptitude et la finesse de leur oreille y supplée, et ils accompagnent fort bien sans tout cet appareil. Mais ce n'est qu'à leur disposition natu- relle qu'ils sont redevables de cette facilité, et les autres peuples, qui ne sont pas nés comme eux pour la musique, trouvent à la pratique de Y accompagne- ment des obstacles presque insurmontables : il faut des huit et dix années pour y réussir passablement. Quelles sont donc les causes qui retardent ainsi l'avan- cement des élèves et embarrassent si long-temps les maîtres , si la seule difficulté de l'art ne fait point cela?

A ce 2 1

fl y en a deux principales : Tune , clans la manière tle chiffrer les basses; Tautre, dans la méthode de Y accompagnement. Parlons d'abord de la première.

Les signes dont on se sert pour chiffrer les basses sont en trop grand nombre : il y a si peu d'accords fondamentaux! pourquoi faut-il tant de chiffres pour les exprimer? Ces mêmes signes sont équivoques, obscurs, insuffisants : par exemple, ils ne déterminent presque jamais respéce des intervalles qu'ils expri- ment, ou, qui pis est, ils en indiquent d'une autre espèce. On barre les uns, pour marquer des dièses ; on en barre d'autres, pour marquer des bémols : les intervalles majeurs et les superflus , même les dimi- nués , s'expriment souvent de la même manière : quand les chiffres sont doubles , ils sont trop confus ; quand ils sont simples, ils n'offrent presque jamais que l'idée d'un seul intervalle; de sorte qu'on en a toujours plusieurs à sous-entendre et à déterminer.

Gomment remédier à ces inconvénients? Faudra- t-il multiplier les signes pour tout exprimer? mais on se plaint qu'il y en a déjà trop. Faudra-t-iHes réduire? on laissera plus de choses à deviner à l'accompagna- teur, qui n'est déjà que tix)p occupé; et dès qu'on fait tant que d'employer des chiffres , il faut qu'ils puis- sent tout dire. Que faire donc? Inventer de nouveaux signes, perfectionner le doigter, et faire des signes et du doigter deux moyens combinés qui concourent à soulager l'accompagnateur. C'est ce que M. Rameau a tenté avec beaucoup de sagacité dans sa Dissertation sur les différentes méthodes d'accompagnement.

22 A ce

Nous exposerons aux mots chiffres et doigter les moyens qu'il propose. Passons aux méthodes.

Comme Tancienne musique n'étoit pas si compo- sée que la nôtre ni pour le chant ni pour Tharmonie , et qu'il n'y avoit guère d'autre basse que la fonda- mentale , tout Yaccompagnemen} ne consistoit qu'en une suite d'accords parfaits, dans lesquels l'accom- pagnateur substituoit de temps en temps quelque sixte à la quinte, selon que l'oreille le conduisoit : ils n'en savoient pas davantage. Aujourd'hui qu on a varié les modulations , renversé les parties , surchargé , peut-être gâté l'harmonie par des foules de disso- nances, on est contraint de suivre d'autres régies. Campion imagina, dit-on, celle qu'on appelle régie de l'octave (voyez Règle de l'octave); et c'est par cette méthode que la plupart des maîtres enseignent en- core aujourd'hui Y accompagnement.

Les accords sont déterminés par la régie de l'octave relativement au rang qu'occupent les notes de la basse et à la marche qu'elles suivent dans un ton donné. Ainsi le ton étant connu, la note de la basse- continue aussi connue, le rang de cette noté dans le ton , le rang de la note qui la précède immédia- tement , et le rang de la note qui la suit , on ne se trompera pas beaucoup en accompagnant par la * régie de l'octave , si le compositeur a suivi l'har- monie la plus simple et la plus naturelle : mais c'est ce qu'on ne doit guère attendre de la musique d'aujourd'hui, si ce n'est peut-être en Italie, l'harmonie paroît se simplifier à mesure qu'elle s'al- tère ailleurs. De plus, le moyen d avoir toutes ces

AGC 23

choses incessamment présentes? et, tandis que Tac- compagnateur s'en instruit, que deviennent les doigts? A peine atteint-on un accord qu'il s'en offre un autre , et le moment de la réflexion est précisément celui de' Fexécution. Il n'y a qu'une habitude consommée de musique, une expéi'ience réfléchie, la facilité de lire une ligne de musique d'un coup d'oeil, qui puissent aider en ce moment : encore les plus habiles se trom- pent-ils avec ce secours. Que de fautes échappent, durant l'exécution , à l'accompagnateur le mieux exercé!

Attendra-t-on, même pour accompagner, que 1 o- reille soit formée , qu'on sache lire aisément et rapi- dement toute musique, qu'on puisse débrouiller à livre ouvert une partition? Mais en fût-on là, on au- roit encore besoin d'une habitude du doigter fondée sur d'autres principes Ôl accompagnement que ceux qu'on a donnés jusqu'à M. Rameau.

Les maîtres zélés ont bien senti l'insuffisance de leurs règles : pour y suppléer ils ont eu recours à 1 énumération et à la description des consonnances dont chaque dissonance se prépare, s'accompagne, et se sauve dans tous les différents cas : détail prodigieux que la multitude des dissonances et de leurs combi- naisons fait assez sentir, et dont la mémoire demeure accablée.

Plusieurs conseillent d'apprendre la composition avant de passera V accompagnement : comme si \ac- compagnement n'étoit pas la composition même, à 1 invention près, qu'il faut de plus au compositeur! c'est comme si l'on proposoit de commencer par se

24 A ce

faire orateur pour apprendre à lire. Combien de gens au contraire, veulent que Ton commence par Taccom- pagnement à apprendre la composition ! et cet ordre "•est assurément plus raisonnable et plus naturel.

La mardhe de la basse , la régie de Toctave, la ma- nière de préparer et sauver les dissonances, la compo- sition en général, tout cela ne concourt guère qu'à montrer la succession d'un accord à un autre; de sorte qu'à chaque accord, nouvel objet, nouveau sujet de réflexion. Quel travail continuel 1 quand l'esprit sera- t-il assez instruit , quand l'oreille sera-t-elle assez exer- cée pour que les doigts ne soient plus arrêtés ?

Telles sont les difficultés que M. Rameau s'est pro- posé d'aplanir par ses nouveaux chiffres et par ses nou- velles régies d'accompagnement.

Je tâcherai d'exposer en peu de mots les principes sur lesquels sa méthode est fondée.

Il n'y a dans Tharmonie que des consonnances et des dissonances ; il n y a donc que des accords con- sonnants et des accords dissonants.

Chacun de ces accords est fondamentalement di- visé par tierces. (C'est le système de M. Rameau. ) L'accord consonnant est composé de trois notes , comme nt mi sol; et le dissonant de quatre , comme 90/5?' i^efa; laissant à part la supposition et la suspen- sion, qui, à la place des notes, dont elles exigent le jetranchement, en introduisent d'autres comme par licence , mais \ accompaqnement n'en porte toujours que quatre. (Voyez SupposrriON et Suspension. )

Ou des accords consonnants se succèdent , ou des accords dissonants sont suivis d'autres accords dis-

ACC ^5

sonants , ou les consonnants et les dissonants sont entrelacés.

L accord con sonnant parfait ne convenant qu à la tonique , la succession des accords consonnants four- nit autant de toniques , et par conséquent autant de changements de ton.

Les accords dissonants se succèdent ordinairement dans un même ton, si les sons n'y sont point altérés. La dissonance lie le sens harmonique , un accord y fait désirer Tautre, et sentir que la phrase n est pas finie. Si le ton change dans cette succession, ce changement est toujours annoncé par un dièse ou par ini bémol. Quant à la troisième succession , savoir l'entrelace- ment des accords consonnants et dissonants , M. Ra- meau la réduit à deux cas seulement ; et il prononce en général qu'un accord consonnant ne peut être im- luédiatement précédé d'aucun autre accord dissonant que celui de septième de la dominante-tonique , ou de celui de sixié-quinte de la sous-dominante, excepté dans la cadence rompue et dans les suspensions ; en- core prétend-il qu'il n'y a pas d'exception quant au fond. Il me semble que l'accord parfait peut encore être précédé de l'accord de septième diminuée, et même de celui de sixte-superflue ; deux accords origi- naux, dont le dernier ne se renverse point.

Voilà donc trois textures différentes des phrases harmoniques : i . des toniques qui se succèdent et for- ment autant de nouvelles modulations ; i. des disso- nances qui se succèdent ordinairement dans le même ton ; 3. enfin des consonnances et des dissonances qui s'entrelacent, et la consonnance est, selon M, Ra-

y^ A ce

meau, nécessairement précédée de la septième de la dominante, ou de l.-î sixte-quinte de la sous-dominante. Que reste-t-il donc à faire pour la facilité de Yaccompa- gnement, sinon d'indiquer à laccompa^nateur quelle est celle de ces textures qui régne dans ce qu'il accom-r pagne ?0r, c'est ce que M. Rameau veut qu on exécute avec des caractères de son, invention.

Un seul signe peut aisément indiquer le ton , la to- nique , et son accord.

De se tire la connoissance des dièses et des bé- mols qui doivent entrer dans la composition des ac- cords d'une tonique à une autre.

La succession fondamentale par tierces ou par quin- tes , tant en montant qu'en descendant , donne la pre- mière texture des phrases harmoniques > toute compo- sée d'accords consonnants.

La succession fondamentale par quintes ou par tierces , en descendant , donne la seconde texture , composée d'accords dissonants, savoir dUs accords de septième; et cette succession donne une harmonie descendante.

L'harmonie ascendante est fournie par une succes- sion de quintes en montant ou de quartes en descen- dant, accompagnées de la dissonance propre à cette succession, qui est la sixte-ajoutée ; et c'est la troisième texture des phrases harmoniques. Cette dernière n'a- voit jusqu'ici été observée par personne, pas même par M. Rameau, quoiqu'il en ait découvert le prin- cipe dans la cadence qu'il appelle irrégulière. Ainsi , par les régies ordinaires, l'harmonie qui naît d'une succession de dissonances descend toujours, quoique,

\CC 1']

selon les vrais principes et selon la raison , elle doive avoir en montant une pro(jrcssion tout aussi ré^julière qu'en descendant.

Les cadences fondamentales donnent la quatrième texture de phrases harmoniques , les consonnances et les dissonances s'entrelacent.

Toutes ces textures peuvent être indiquées par des caractères simples, clairs, peu nombreux, qui puis- sent en même temps indiquer quand il le faut la dis- sonance en général; car l'espèce en est toujours déter- minée par la liexture même. On commence par s'exer- cer sur ces textures prises séparément ; puis on les fait succéder les unes aux autres sur chaque ton et sur chaque mode successivement.

Avec ces précautions , M. Hameau prétend qu'on apprend phis d'accompagnement en six mois qu'on n'en apprenoit auparavant en six ans, et il a l'expé- rience pour lui, ( Voyez Chiffres et Doigter. )

K l'égard de la manière d'accompagner avec intelli- gence, comme elle dépend plus de Tusage et du goût que des régies qu'on en peut donner, je me contente- rai de faire ici quelques observations générales que ne doit ignorer aucun accompagnateur.

I. Quoique dans les principes de M. Rameau Ton doive touche-r tous les sons de chaque accord , il faut bien se garder de prendre toujours cette régie à la lettre. Il y a des accords qui seroient insupportables avec tout ce remplissage. Dans la plupart des accords dissonants, surtout dans les accords par supposition, il y a quelque son à retrancher pour en diminuer la dureté : ce son est quelquefois la septième , quclquC"»

iH ACC

(ois la quinte; quelquefois Tune et 1 autre se retran- chent. On retranche encore assez souvent la quinte ou Toctave de la basse dans les accords dissonants , pour éviter des octaves ou des quintes de suite qui peuvent faire un mauvais effet, surtout aux extrémi- tés. Par la même raison, quand la note sensible est dans la basse , on ne la met pas dans Vaccompagne- ment; et Ton double au lieu de cela la tierce ou la sixte de la main droite. On doit éviter aussi les intervalles de seconde, et d'avoir deux doigts joints , car cela fait une dissonance fort dure ,. qu'il faut garder pour quel- ques occasions l'expression la demande. En géné- ral on doit penser en accompagnant que, quand M. Rameau veut qu'on remplisse tous les accords, il a bien plus d'égard à la mécanique des doigts et à son système particulier à'accompagnenient^ qu'à la pureté de l'harmonie. Au lieu du bruit confus que fait un pa- reil accompagnement , il faut chercher à le rendre agréa- ble et sonore, et faire qu^il nourrisse et renforce la basse , au lieu de la couvrir et de l'étouffer.

Que si l'on demande comment ce retranchement de sons s'accorde avec la définition de \ accompagnement par une harmonie complète , je réponds que ces re- tranchements ne sont, dans le vrai , qu'hypothétiques , et seulement dans le système de M. Rameau ; que , suivant la nature , ces accords , en apparence ainsi mutilés , ne sont pas moins complets que les autres , puisque les sons qu'on y suppose ici retranchés les rendroient choquants et souvent insupportables ; qu'en effet les accords dissonants ne sont point rem- plis dans le système de M. Tarlini comme dans celui

A ce 9J)

de M. Rameau ; que par conséquent des accords défec- tueux dans celui-ci sont complets dans l'autre; qu'en- fin le bon poût dans Texécution demandant qu'on s'é- carte souvent de la régie générale, et V accompagnement le plus régulier n'étant pas toujours le ping agréable , la définition doit dire la régie, et l'usage apprendre quand on s'en doit écarter.

II. On doit toujours proportionner le bruit de Yac- compagnement au caractère de la musique et à celui des instruments ou des voix que l'on doit accompa- gner. Ainsi dans un chœur on frappe de la main droite les accords pleins ; de la gauche on redouble l'octave ou la quinte, quelquefois tout l'accord. On en doit faire autant dans le récitatif italien; car les sons de la basse, n'y étant pas soutenus, ne doivent se faire en- tendre qu'avec toute leur harmonie , et de manière à rappeler fortement et pour long-temps l'idée de la mo- dulation. Au contraire, dans un air lent et doux, quand ou n'a qu'une voix foible ou un seul instrument à ac- compagner, on retranche des sons, on arpège douce- ment, on prend le petit clavier. En un mot on a tou- jours attention que V accompagnement ^ qui n'est fait qut* pour soutenir et embellir le chant , ne le gâte et ne le couvre pas.

III. Quand on frappe les mêmes touches pour pro- longer le son dans une note longue ou une tenue, que ce soit plutôt au commencement de la mesure ou du temps fort, que dans un autre moment : on ne doit rebattre qu'en marquant bien la mesure. Dans le réci- tatif italien , quelque durée que puisse avoir une note de basse, il ne faut jamais la frapper qu'une fois ef

JO ACC

fortement avec tout son accord; on refrappe seule- ment Taccord quand il change sur la même note : mais quand un accompagnement de violons régne sur le récitatif, alors il faut soutenir la basse et en ar- péger Taccf^rd.

IV. Quand on accompagne de la musique vocale, on doit par Y accompagnement soutenir la voix , la guider, lui donner le ton à toutes les rentrées, et Fy remettre quand elle détonne : Taccompagnateur , ayant toujours le chant sous les yeux et 1 harmonie présente à Fesprit, est chargé spécialement d'empê- cher que la voix ne s'égare. (Voyez Accompagnateur. )

V. On ne doit pas accompagner de la même ma- nière la musique italienne et la françoise. Dans celle- ci , il faut soutenir les sons , les arpéger gracieuse- ment et continuellement de bas en haut, remplir tou- jours l'harmonie autant qu'il se peut, jouer propre- ment la basse, en un mot se prêter à tout ce qu'exige le genre. Au contraire , en accompagnant de l'italien , il faut frapper simplement et détacher les notes de la basse, n'y faire ni trilles ni agréments, lui conserver la marche égale et simple qui lui convient : Yaccompa- fjnement doit être plein, sec et sans arpéger, exi:epté le cas dont j'ai parlé numéro 111, et quelques tenues ou points-d'orgue. On y peut sans scrupule retrancher des sons; mais alors il faut bien choisir ceux qu'on fait entendre: en sorte qu'ils se fondent dans Fhai- monie et se marient bien avec la voix. Les Italiens ne veulent pas qu'on entende rien dans Yaccompagne- ment ni dans la basse qui puisse distraire un mo- ment Foreille du chant; et leurs accompagnements sont

ACC 3l

toujours (iiil<»os sur ce principe que le plaisir et Tat- tention s'évaporent en se partageant.

VI. Quoique \ accompagnement de lorgue soit le même que celui du clavecin , le goût en est très diffé- rent. Comme les sons de l'orgue sont soutenus, la marche en doit être plus liée et moins sautillante : il faut lever la main entière le moins qu'il se peut, glisser les doigts d'une touche à l'autre, sans ôter ceux qui, dans la place ils sont, peuvent servir à 1 accord l'on passe. Rien n'est si désagréable que d'entendre hacher sur l'orgue cette espèce d'accom- pagnement sec, arpégé, qu'on est forcé de pratiquer sur le clavecin. (Voyez le mot Doigter.) En général l'orgue , cet instrument si sonore et si majestueux, ne s'associe avec aucun autre, et ne fait qu'un mauvais effet dans V accompagnement ^ si ce n'est tout au plus pour fortifier les rippienes et les chœurs.

M. Rameau, dans ses Eireurs sur la musique, vient d'établir ou du moins d'avancer un nouveau principe dont il me censure fort de n'avoir pas parlé dans TEncyclopédie; savoir que X accompagnement représente te corps sonore. Comme j'examine ce principe dans un autre écrit, je me dispenserai d'en parler dans cet article , qui n'est déjà que trop long. Mes disputes avec M. Rameau sont les choses du monde les plus inutiles au progrès de l'art, et par conséquent au but de ce Dictionnaire.

Accompagnement est encore toute partie de basse ou d'autre instrument, qui est composée sous un chant pour y faire harmonie. Ainsi un solo de violon s'accompagne du violoncelle ou du clavecin, et un

32 ACC

acco7npagnement de flûte se marie fort bien avec ]a voix. L'harmonie de V accompagnement ajoute à Tagré- meut du chant, en rendant les sons plus sûr^, leur effet plus doux, la modulation plus sensible, et por- tant à Toreille un témoigna(]e de justesse qui la flatte. Il y a même, par rapport aux voix, une forte raison de les faire toujours accompagner de quelque instru- ment, soit en partie, soit à Tunisson ; car quoique plusieurs prétendent qu'en chantant la voix se mo- difie naturellement selon les lois du tempérament (Voyez Tempérament), cependant Texpérience nous dit que les voix les plus justes et les mieux exercées ont bien de la peine à se maintenir long-temps dans la justesse du ton, quand rien ne les y soutient. A force de chanter on monte ou Ton descend insensiblement; et il est très rare qu'on se trouve exactement en finis- sant dans le ton d'où l'on étoit parti. C'est pour em- pêcher ces variations que l'harmonie d'un instrument est employée; elle maintient la voix dans le même dia- pason, ou l'y rappelle aussitôt quand elle s'égare. La basse est de toutes les parties la plus propre à Y accom- pagnement, celle qui soutient le mieux la voix, et satis- fait le plus l'oreille , parcequ'il n'y en a point dont les vibrations soient si fortes, si déterminantes, ni qui laisse moins d'équivoque dans le jugement de l'har- monie fondamentale.

Accompagner, v. a. et n. C'est en général jouer les parties d'accompagnement dans l'exécution d'un mor» ceau de musique; c'est plus particulièrement, sur un instrument convenable , frapper avec chaque note de la basse les accords qu elle doit porter, et qui s ap-

ACG 33

poUentraccompagnement. J'ai suffisamment expliqué dans les précédents articles en quoi consiste cet ac- compagnement. J'ajouterai seulement que ce mot même avertit celui qui accompag?ie dans un concert qu il n'est chargé que d'une partie accessoire , qu'il ne doit s'attacher qu'à en faire valoir d'autres , que sitôt qu'il a la moindre prétention pour lui-même , il gâte l'exé- cution, et impatiente à-Ia-fois les concertants et les auditeurs; plus il croit se faire admirer, plus il se rend ridicule; et sitôt qu'à force de bruit ou d'ornements déplacés il détourne à soi l'attention due à la partie principale , tout ce qu il montre de talent et d exécu- tion montre à-la-fois sa vanité et son mauvais goût. Pour accompagner divec intelligence et avec applaudis- sement , il ne faut songer qu'à soutenir et faire valoir les parties essentielles , et c'est exécuter fort habile- ment la sienne que d'en faire sentir l'effet sans la lais- ser remarquer.

Accord, s. m. Union de deux ou plusieurs sons rendus à-la-fois, et formant ensemble un tout har- monique.

L'harmonie naturelle produite par la résonnance d'un corps sonore est composée de trois sons diffé- rents, sans compter leurs octaves, lesquels forment entre eux Vaccord le plus agréable et le plus parfait que l'on puisse entendre : d'où on l'appelle par excel- lence , accord parfait. Ainsi pour rendre complet© i'iiarmonie, il faut que chaque accord soit au moins composé de trois sons. Aussi les musiciens trouvent- ils dans le trio la perfection harmonique , soit parce- qu'ils y emploient les accords en entier , soit parceque , xiv. . 3

34 ACC

dans les occasions ils ne les emploient pas en en- tier, ils ont Fart de donner le change à l'oreille, et de lui persuader le contraire, en lui présentant les sons principaux des accords de manière à lui faire oublier les autres. (Voyez Tpjo.) Cependant Toctave du son principal produisant de nouveaux rapports et de nou- velles consonnances par les compléments des inter- valles (voyez Complément), on ajoute ordinairement cette octave pour avoir Fensemble de toutes les con- sonnances dans un même accord. ( Voyez Conson- NANCE.) De plus, Taddition de la dissonance (voyez Dissonance ) produisant un quatrième son ajouté à r<7ccorc/ parfait, c'est une nécessité, si Ton veut rem? plir V accord y d'avoir une quatrième partie pour expri- mer cette dissonance. Ainsi la suite des accords ne peut être complète et liée qu'au moyen de quatre parties.

On divise les accords en parfaits et imparfaits. 1^ accord parfait est celui dont nous venons de parler , lequel est composé du son fondamental au grave, de sa tierce , de sa quinte , et de son octave : il se subdivise en majeur ou mineur , selon l'espèce de sa tierce. (Voyez Majeur, Mineur. ) Quelques auteurs donnent aussi le nom de parfaits à tous les accords^ même dis- sonants, dont le son fondamental est au grave. T.es accords imparfaits sont ceux régne la sixte au lieu de la quinte, et en général tous ceux le son grave n'est pas le fondamental. Ces dénominations, qui ont été données avant que l'on connût la basse fon- damentale, sont fort mal appliquées : celles dUaccords'

ACG 35

directs ou renversés sont beaucoup plus convenables dans le même sens. (Voyez Renversement.)

Les accords se divisent encore en consonnants et dissonants. Les accords consonnants sont r<3!ccorc/ par- fait et ses dérivés : tout autre accord est dissonant. Je vais donner une table des uns et des autres selon le système de M. Rameau. ^P

3.

36

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TABLE

DE TOUS LES ACCORDS

I ^ECUS DANS l'harmonie.

ACCORDS FONDAMENTAUX.

ACCORD PARFAIT, ET SES DÉRIVÉS. Le son fondamental Sa tierce au grave. Sa quinte au grave, au grave.

H

-e-

-e- -e-

-e-

^

-e-

-e-

Accord parfait. Accord de sixte. Accord de sixte-

quarte.

Cet accord constitue le ton , et ne se fait que sur la tonique : sa tierce peut être majeure ou mineure, et c'est elle qui constitue le mode.

ACCORD SENSIBLE OU DOMINANT, ET SES DÉRIVÉS. Le son fondamental 'Sa tierce Sa quinte Sa septième au grave. au grave. au grave. au grave.

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Accord sensible. De fausse- De petite- De triton, quinte. sixte majeure.

Aucun des sons de cet accord ne pcut.s'alrérer.

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37

ACCORD DE SEPTIÈME, ET SES DÉRIVÉS.

Le son fontlamen- Sa tierce tal au îïrave. au "rave.

Sa quinte Sa septième

au fïrave.

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au f;iave.

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Accord De grande- De petite-sixte De seconde.

de septième. sixte. mineure.

La tierce, la quinte, et la septième, peuvent s'altérer dans cet accord.

ACCORD DE SEPTIÈME DIMINUÉE , ET SES DÉRIVÉS. Le son fondamen- Sa tierce Sa quinte Sa septième

tal au grave. au grave. au gravt

au ffrave.

(^

4-6.

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K

Accord de sepliè- De sixte majeu- De tierce mi- De seconde me diminuée. re , et fausse- neure, et tri- superflue,

qiiinte. ton.

Aucun des sons de cet accord ne peut s'altérer.

ACCORD DE SIXTE AJOUTÉE, ET SES DÉRIVÉS.

Le son fondamen- Sa tierce Sa quinte Sa sixte

au grave. an grave. au grave.

tal au grave.

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4

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O

-e-

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-e-

u

¥

TT

Accord De petite-sixte De seconde

de sixte ajoutée. ajoutée. ajoutée.

De septième ajoutée.

Je joins ici partout le mot ajoutée pour distiiifjuer

38 Acc

cet accord et ses renversés des productions sembla- bles de Vaccord de septième.

Ce dernier renversement de septième ajoutée n'est pas admis par M. Rameau, parceque ce renversement forme un accord de septième, et que Yaccord de sep- tième est fondamental. Cette raison paroîtpeu solide. Il ne faudroit donc pas non plus admettre la grande sixte comme un renversement, puisque, dans les propres principes de M. Rameau, ce même accord est souvent fondamental. Mais la pratique des plus grands musiciens , et la sienne même , dément l'exclusion qu'il voudroit établir.

ACCORD DE SIXTE SUPERFLUE.

. Cet accord ne se renverse point, et aucun de ses sons ne peut s'altérer. Ce n'est proprement qu'un accord de petite-sixte majeure, diésée par accident, et dans lequel on substitue quelquefois la quinte à la quarte,

ACG

39

ACCORDS PAR SUPPOSITIOX.

(Voyez Supposition. ) *

ACCORD DE NEUVIÈME, ET SES DÉRIVÉS.

Le son supposé Le son fonda- Sa tierce Sa septième au grave. mental au au grave. au grave,

grave.

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s:

-e-

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â

-e-

Accord De septième, De sixte-quarte, De septième,

de neuvième. et sixte. et quinte. et seconde.

C'est un accord de septième auquel on ajoute un cinquième son à la tierce au-dessous du fondamental.

On retranche ordinairement la septième , c'est-à- dire la quinte du son fondamental, qui est ici la note marquée en noir; dans cet état V accord de neuvième peut se renverser en retranchant encore de l'accom- pagnement l'octave de la note qu'on porte à la basse.

ACCORD DE QUINTE SUPERFLUE.

à

9-

Ç

-O-

C'est Y accord sensible d'un ton mineur au-dessoii«i duquel on fait entendre la médiante : ainsi c'est un véritable accord de neuvième; mais il ne se renvers»^ point, à cause delà quarte diminuée que donneroit

4o ACC

avec la note sensible le son supposé porté à l'aigu, la- quelle quarte est un intervalle banni de l'harmonie.

Af:coRD d'onzième, ou quarte.

Le son supposé Id. en retran- Le son fonda- Sa septième au grave. chant deux sons, mental au au grave.

grave. ^ ._ O ._ O

0 o

t

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-e-

SL

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¥

o

Accord de neu- vièwie et quarte.

^5

Accord De septième De seconde

de quarte, et quarte. et quinte.

C'est un accord de septième au-dessous duquel on ajoute un cinquième son à la quinte du fondamental. On ne frappe guère cet accord plein à cause de sa du- reté ; on en retranche ordinairement la neuvième et h. septième , et, pour le renverser , ce retranchement est indispensable.

ACCORD DE SEPTIÈME SUPERFLUE.

-G—

k

-e-

C'est Vaccord dominant sous lequel la basse fait la tonique.

ACC

ACCORD Di: SEPTIExME SUPERFLUE , ET SIXTE MINEURE.

-Or-

e-

-*^

-&-

C'est VaccoTd de septième diminuée sur la note sen- sible, sous lequel la basse fait la tonique.

Ces deux derniers accordas ne se renversent point , parceque la note sensible et la tonique s'entendroient ensemble dans les parties supérieures ; ce qui ne peut se tolérer.

Quoique tous les accords soient pleins et complets dans cette table, comme il le falloitpour montrerions leurs éléments, ce n'est pas à dire quil faille les em- ployer tels on ne le peut pas toujours et on le doit très rarement. Quant aux sons qui doivent être pré- férés selon la place et Tusage des accords^ c'est dans ce choix exquis et nécessaire que consiste le plus grand art du compositeur. (Voyez Composition, Mé- lodie , Effet , Expression , etc. ) .

FIN de la table des ACCORDS^

42 ACC

Nous parlerons, aux mots Harmonie, Basse-fonda- mentale, Composition, etc. , de la manière d'employer tous ces accords pour en former une harmonie ré- gulière. J'ajouterai seulement ici les observations suivantes.

I. C'est une grande erreur de penser que le choix des renversements d'un même accord soit indifférent pour l'harmonie ou pour l'expression. Il n'y a pas un de ces renversements qui n'ait son caractère propre. Tout le monde sent l'opposition qui se trouve entre la douceur de la fausse-quinte et l'aigreur du triton ; et cependant l'un de ces intervalles est renversé de l'autre. 11 en est de même de la septième diminuée et de la seconde superflue , de la seconde ordinaire et de la septième. Qui ne sait combien la quinte est plus sonore que la quarte? \J accord àe grande-sixte et celui d'e petite-sixte mineure sont deux faces du même accord fondamental , mais de combien l'une n'est-elle pas plus harmonieuse que l'autre ! lu accord de petite- sixte majeure, au contraire, n'est-il pas plus brillant que celui de fausse-quinte? Et, pour ne parler que du plus simple de tous les accords , considérez la ma- jesté de \ accord parfait , la douceur de Y accord de sixte , et la fadeur de celui de sixte-quarte, tous cependant composés des mêmes sons. En général les intervalles superflus, les dièses dans le haut, sont propres par leur dureté à exprimer l'emportement , la colère , et les passions aiguës : au contraire les bémols à l'aigu, et les intervalles diminués, forment une harmonie plaintive qui attendrit le cœur. C'est une multitude d'observations semblables qui , lorsqu'un habile mu-

ACC 4')

sicicn sait s'en provaloir, le rendent maître des affec- tions de ceux qui Fécoutent.

II. Le choix des intervalles simples nest guère moins important que celui des accords pour la place Ton doit les employer. C'est, par exemple, dans le bas qu'il faut placer les quintes et les octaves par préférence , dans le haut les tierces et les sixtes. Transposez cet ordre, vous gâterez l'harmonie en laissant les mêmes accords.

III. Enfin, Ton rend les accords plus harmonieux encore en les rapprochant par de petits intervalles plus convenables que les grands à la capacité de Toreille. C'est ce qu'on appelle resserrer Iharmonie, et que si peu de musiciens savent pratiquer. Les bornes du diapason des voix sont une raison de plus pour resserrer les chœurs. On peut assurer qu'un chœur Q%t mal fait lorsque les accords divergent, lorsque les par- ties crient, sortent de leur diapason, et sont si éloi- gnées les unes des autres qu elles semblent n'avoir plus rapport entre elles.

On appelle encore accord l'état d'un instrument dont les sons fixes sont entre eux dans toute la jus- tesse qu ils doivent avoir. On dit en ce sens qu'un in- strument est d'accord y qu'il n'est pas di! accord ^ qu'il garde ou ne garde pas son accord. La même expression s'emploie pour deux voix qui chantent ensemble , pour deux sons qui se font efntendre à-la-fois, soit à l'unisson, soit en contre-partie.

Accord dissonant. Faux accord. Accord faux, sont autant de différentes choses qu'il ne faut pas confon- dre. Accord dissonant est celui qui contient quelque

4-i ACC

dissonance; Accord faux ^ celui dont les sons sont mal. accordés et ne gardent pas entre eux la jutesse des intervalles ; faux accord, celui qui choque Foreilie , parcequ'il est mal composé , et que les sons, quoique justes, n'y forment pas un tout harmonique.

Accorder des instruments, c'est tendre ou lâcher les cordes, alonger ou raccourcir les tuyaux, aug- menter ou diminuer la masse du corps sonore, jus- (\\\k ce que toutes les parties de l'instrument soient au ton qu elles doivent avoir.

Pour accorder un instrument, il faut d'abord fixer un son qui serve aux autres de terme de comparaison. C est ce qu'on appelle prendre ou donner le ^ton. (Voyez Ton. ) Ce son est ordinairement \ut pour l'or- gue et le clavecin, le la pour le violon et la basse, qui ont ce la sur une corde à vide et dans un médium pro- pre à être aisément saisi par l'oreille.

A l'égard des flûtes, hautbois, bassons, et autres instruments à vent, ils ont leur ton à peu près fixé, qu'on ne peut guère changer qu'en changeant quel- que pièce de l'instrument. On peut encore les alon- ger un peu à l'emboîture des pièces, ce qui baisse le ton de quelque chose; mais il doit nécessairement résulter des tons faux de ces variations , parceque la juste proportion est rompue entre la longueur totale de l'instrument et les distances d'un trou à l'autre.

Quand le ton est déterminé , on y fait rapporter j

tous les autres sons de l'instrument, lesquels doivent 1

être fixés par Faccord selon les intervalles qui leur "

conviennent. L'orgue et le clavecin ^'accordent par quintes jusqu'à ce que la partition soit faite, et par

ACC /p

octaves pour le reste du clavier : la basse et le violon , par quintes; la viole et la guitare, par quartes et par tierces, etc. En général on choisit toujours des inter- valles consonnants et harmonieux , afin que l'oreille en saisisse plus aisément la justesse.

Cette justesse des intervalles ne peut, dans la pra- tique, s'observer à toute rigueur, et pour qu'ils puis- sent tous s accorde?' entre eux , il faut que chacun en particulier souffre quelque altération. Chaque espèce d'instrument a pour cela ses régies particulières et sa méthode d'accorder. (Voyez Tempérament.)

On observe que les instruments dont on tire le son par inspiration, comme la flûte et le hautbois, mon- tent insensiblement quand on a joué quelque temps; ce qui vient, selon quelques uns, de l'humidité qui, sortant de la bouche avec l'air, les renfle et les rac- courcit; ou plutôt, suivant la doctrine de M. Euler, c'est que la chaleur et la réfraction que l'air reçoit pendant l'inspiration rendent ses vibrations plus fré- quentes, diminuent son poids, et, augmentant ainsi le poids relatif de Talmosphère, rendent le son un peu plus aigu.

Quoi qu'il en soit de la cause, il faut, en accordant^ avoir égard à l'effet prochain, et forcer un peu le vent quand on donne ou reçoit le ton sur ces instruments; car , pour reste^r d'accord durant le concert , ils doivent être un peu trop bas en commençant.

Accordeur, s. m. On appelle accordeurs d'orgue ou de clavecin ceux qui vont dans les églises ou dans les maisons accommoder et accorder ces instruments, et qui, pour l'ordinaire , en sont aussi les facteurs.

46 ACT

Acoustique, 5. /. Doctrine ou théorie des sons. (Voy. Son.) Ce mot est de l'invention de M. Sauveur, t>t vient du grec à/oûw, j'entends.

Uacoustique est proprement la partie théorique de la musique ; c'est elle qui donne ou doit donner les raisons du.plaisir que nous font Tharmonie et le chant, qui détermine les rapports des intervalles harmoni- ques, qui découvre les affections ou propriétés des cordes vibrantes, etc. (Voyez Cordes , Harmonie.)

Acoustique est aussi quelquefois adjectif: on dit l'organe acoustique^ un phénomène acoustique ^ etc.

Acte, s. m. Partie d'un opéra séparée d'une autre dans la représentation par un espace appelé entr acte. (Voyez Entracte.)

L'unité de temps et de lieu doit être aussi rigou- reusement observée dans un acte d'opéra que dans utie tragédie entière du genre ordinaire, et même plus à certains égards, car le poète ne doit point donner à un acte d'opéra une durée hypothétique plus longue que celle qu'il a réellement, parcequ'on ne peut supposer que ce qui se passe sous nos yeux dure plus long-temps que nous ne le voyons durer en effet; mais il dépend du musicien de précipiter ou ralentir l'action jusqu'à un certain point, pour augmenter la vraisemblance ou l'intérêt ; liberté qui l'oblige à bien étudier la gradation des passions théâtrales, le temps qu'il faut pour les développer, celui le progrès est au plus haut point , et celui oii il convient de s'ar- rêter pour prévenir l inattention, la langueur, l'épuise- 1 lient du spectateur. Il n'est pas non plus permis de changer de décoration et de faire sauter le théâtre d'un

ACT 4?

lieu à un autre au milieu d'un acte^ même dans le genre merveilleux, parcequ'un pareil saut choque la raison , la vérité , la vraisemblance , et détruit Tillusion, que la première loi du théâtre est de favo- riser en tput. Quand donc Faction est interrompue par de tels changements, le musicien ne peut savoir ni comment il les doit marquer, ni ce qu il doit faire de son orchestre pendant qu ils durent, à moins d'y re- présenter le même chaos qui régne alors sur la scène.

Quelquefois le premier acte d'un opéra ne tient point à l'action principale et ne lui sert que d'intro- duction : alors il s'appelle prologue. ( Voyez ce mot. ) Comme le prologue ne fait pas partie de la pièce, on ne le compte point dans le nombre des actes qu'elle contient, et qui est souvent de cinq dans les opéra françois , mais toujours de trois dans les italiens. (Voyez Opéra.)

Acte de cadence est un mouvement dans une des parties , et surtout dans la basse, qui oblige toutes les autres parties à concourir à former une cadence ou à l'éviter expressément. (Voy. Cadence, Éviter.)

Acteur, s. m. Chanteur qui fait un rôle dans la re- présentation d'un opéra. Outre toutes les qualités qui doivent lul^être communes Sivec l'acteur dramatique, il doit en avoir beaucoup de particulières pour réussir dans son art. Ainsi il ne suffit pas qu'il ait un bel or- gane pour la parole, s'il ne l'a tout aussi beau pour le chant ; car il n'y a pas une telle liaison entre la voix parlante et la voix chantante , que la beauté de l'une suppose toujours celle de l'autre. Si l'on pardonne à un acteur le défaut de quelque qualité qu'il a pu se

48 ACT

flatter d'acquérir , on ne peut lui pardonner d'oser se destiner au théâtre, destitué des qualités naturelles qui y sont nécessaires, telles entre autres que la voix dans un chanteur. Mais par ce mot voix^ j'entends moins la force du timbre que l'étendue, la justesse, et la flexibilité. Je pense qu'un théâtre dont l'objet est d'émouvoir le cœur par les chants doit être interdit à ces voix dures et bruyantes qui ne font qu'étourdir les oreilles; et que, quelque peu de voix que puisse avoir un acteur , s'il l'a juste, touchante, facile, et suffisamment étendue, il en a tout autant qu'il faut : il saura toujours bien se faire entendre s'il sait se faire écouter.

Avec une voix convenable, V acteur doit l'avoir cul- tivée par l'art ; et quand sa voix n'en auroit pas besoin , il en auroit besoin lui-même pour saisir et rendre avec intelligence la partie musicale de ses rôles. Rien n'est plus insupportable et plus dégoûtant que de voir un héros, dans les transports des passions les plus vives, contraint et gêné dans son rôle, peiner, et s'assujettir en écolier qui répète mal sa leçon; mon- trer, au lieu des combats de Famour et de la vertu, ceux d'un mauvais chanteur avec la mesure et l'or- chestre, et plus incertain sur le ton que tur le parti qu'il doit prendre. Il n'y a ni chaleur ni grâce sans facilité , et ï acteur dont le rôle lui coûte ne le rendra jamais bien.

Il rie suffit pas à Yacteur d'opéra d'être un excellent chanteur, s'il n'est encore un excellent pantomime; car il ne doit pas seulement faire sentir ce qu'il dit lui- même, mais aussi ce qu'il laisse dire à la symphonie.

ADA 49

L orchestre ne rend pas un sentiment qui ne doive sortir de son ame; &es pas, ses regards, son geste, tout doit s'accorder sans cesse avec la musique, sans pourtant qu'il paroisse y songer ; il doit intéresser toujours, même en gardant le silence, et quoique oc- cupé d'un rôle difficile , s'il laisse un instant oublier le personnage pour s'occuper du chanteur, ce n'est qu un musicien sur la scène, il n'est plus acteur. Tel excella dans les autres parties, qui s'est fait siffler pour avoir négligé celle-ci. Il n'y a point d^ acteur à qui l'on ne puisse à cet égard donner le célèbre Citasse pour modèle. Cet excellent pantomime, en mettant toujours son art au-dessus de lui et s'efforçant tou- jours d'y exceller, s'est ainsi mis lui-même fort au- dessus de ses confrères : acteur unique et homme estimable, il laissera l'admiration et le regret de ses talents aux amateurs de son théâtre, et un souvenir honorable de sa personne à tous les honnêtes gens.

Adagio, adv. Ce mot écrit à la tête d'un air désigne le second, du lent au vite, des cinq principaux degrés de mouvement distingués dans la musique italienne. (Voyez Mouvement.) Adagio est un adverbe italien, qui signifie à l'aise , posément, et c'est aussi de cette manière qu'il faut battre la mesure des airs auxquels il s'applique.

Le mot adagio si|i prend quelquefois substantive- ment, et s'applique par métaphore aux morceaux de musique dont il détermine le mouvement : il en est de même des autres mots semblables. Ainsi l'on dira, un adagio de Tartini , un andante de S.-Martino , un allegro de Locatelli , etc.

XI v. 4

JO AJO

Affettuoso, adj. pris adverbialement. Ce mot écrit à la tête d'un air indique un mouvement moyen entre Vandante et \ adagio, et dans le caractère du chant une expression affectueuse et douce. .

Agogé. Conduite. Une des subdivisions de Tan- oienne mélopée , laquelle donne les régies de la mar- che du chant par degrés alternativement conjoints ou disjoints , soit en montant , soit en descendant. ( Voyez Mélopée. )

Martianus Gapella donne , après Aristide Quinti- lien , au mot agogé , un autre sens que j'expose au mot Tirade.

Agréments du chant. On appelle ainsi dans la mu- sique françoise certains tours de gosier et autres or- nements affectés aux notes qui sont dans telle ou telle position, selon les régies prescrites par le goût du chant. ( Voyez Goût du chant. )

Les principaux de ces agréments sont TAccent , le Coulé , le Flatté , le Martellement , la Cadence PLEINE , la Cadence brisée , et le Port-de-voix. ( Voyez ces articles chacun en son lieu , et la Planche B ^fig. 1 3 . )

Aigu, adj. Se dit d'un son perçant ou élevé par rap- port à quelque autre son. ( Voyez Son. )

En ce sens le mot aigu est opposé au mot grave. Plus les vibrations du corps sonore sont fréquentes , plus le son est aigu. ^

Les sons considérés sous les rapports d'aigus et de graves 3ontle sujet de riiarmonie. ( Voyez Harmonie . Accord. )

Ajoutée, ou acquise ^ ou surnuméraire^ adj. pris sub- .^tantivement. C'étoit dans la musique grecque la corde

AIR 5l

OU le son qu'ils appeloient ProslambanOxMenos. ( Voyez ce mot. )

Sixte ajoutée est une sixte qu'on ajoute à Taccord parfait, et de laquelle cet accord ainsi augmenté prend le nom. ( Voyez Accord et Sixte. )

Air. Chant qu'on adapte aux paroles d'une chanson ou d'une petite pièce de poésie propre à être chantée, et par extension l'on appelle air la chanson même.

Dans les opéra l'on donne le nom d'airs à tous les chants mesurés, pour les distinguer du récitatif , et généralement on appelle air tout morceau complet de musique vocale ou instrumentale formant un chant , soit que ce morceau fasse lui seul une pièce entière , soit qu'on puisse le détacher du tout dont il fait partie, et l'exécuter séparément.

Si le sujet ou le chant est partagé en deux parties , l'air s'appelle duo; si en trois , t7-io, etc.

Saumaise croit que ce mot vient du latin œra;et Burette est de son sentiment, quoique Ménage le com- batte dans ses étymologies de la langue françoise.

Les Romains avoient leurs signes pour le rhythme ainsi que les Grecs avoient les leurs, et ces signes, ti- rés aussi de leurs caractères , se nommoient non seu- lement 72 umerw^ , mais encore œt^a, c'est-à-dire nombre, ou la marque du nombre : numeri nota, dit Nonnius Marcellus. C'est en ce sens que le mot œra se trouve employé dans ce vers de Lucile :

Haec est ratio ? Perversa aéra ! Summa subclucta improbè !

Et Sextus Rufus s'en est servi de même.

Or, quoique ce mot ne se prît originairement que pour le nombre ou la mesure du chant , dans la suite

4.

52 AIR

on en fit le même usage qu'on avoit fait du mot nume-

rw5, et l'on se servit du mot œra pour désigner le chant

même; d'où est venu , selon les deux auteurs cités , le

mot François air^ et l'italien aria pris dans le même

sens.

Les Grecs avoient plusieurs sortes à' airs qu'ils appe- loient nomes ou chansons. ( Voyez Chanson. ) Les no- mes avoient chacun leur caractère et leur usage , et plusieurs étoient propres à quelque instrument parti- culier, à peu près comme ce que nous appelons au- jourd'hui pièces ou sonates.

La musique moderne a diverses espèces ^airs qui conviennent chacune à quelque espèce de danse dont ces airs portent le nom. ( Voyez Menuet , Gavotte , Musette, Passe-pied, etc. )

Les airs de nos opéra sont , pour ainsi dire , la toile ou le fond sur quoi se peignent les tableaux de la mu- sique imitative; la mélodie est le dessin; l'harmonie est le coloris; tous les objets pittoresques de la belle nature , tous les sentiments réfléchis du cœur humain sont les modèles que l'artiste imite ; l'attention , l'inté- rêt , le charme de l'oreille, et l'émotion du cœur, sont la fin de ces imitations. ( Voyez Imitation. ) Un «fi/* sa- vant et agréable, un air trouvé par le génie et com- posé par le goût, est le chef-d'œuvre delà musique ; c'est que se développe une belle voix, que brille une belle symphonie; c'est que la passion vient insensi- blement émouvoir lame par le sens. Après un bel air on est satisfait, l'oreille ne désire plus rien; il reste dans l'imagination , on l'emporte avec soi , on le répète à volonté* sans pouvoir en rendre une seule note , on

i

AIR 53

l'exécute clans son cerveau tel quon 1 entendit au spectacle; on voit la scène, Tacteur, le théâtre; on entend Taccompagnement, Tapplaudissement; le vé- ritable amateur ne perd jamais les beaux airs qu'il entendit en sa vie ; il fait recommencer l'opéra quand il veut.

Les paroles des airs ne vont point toujours de suite, ne se débitent point comme celles du récitatif; quoi- que assez courtes pour l'ordinaire, elles se coupent , se répètent, se transposent au gré du compositeur : elles ne font pas une narration qui passe ; elles pei- gnent ou un tableau qu'il faut voir sous divers points de vue, ou un sentiment dans lequel le cœur se com- plaît, duquel il ne peut, pour ainsi dire, se détacher, et les différentes phrases de Vair ne sont qu'autant de manières d'envisager la même image. Voilà pourquoi le sujet doit être un. C'est par ces répétitions bien en- tendues , c'est par ces coups redoublés qu'une expres- sion qui d'abord n'a pu vous émouvoir , vous ébranle .enfin, vous agite, vous transporte hors de vous; et c'est encore par le même principe que les roulades qui , dans les airs pathétiques , paroissent si déplacées, ne le sont pourtant pas toujours : le cœur, pressé d un sentiment très vif, l'exprime souvent par des sons inarticulés plus vivement que par des paroles. ( Voyez Neume. )

La forme des airs est de deux espèces. Les petits airs sont ordinairement composés de deux reprises qu'on chante chacune deux fois ; mais les grands airs d'opéra sont le plus souvent en rondeau. ( Voyez Rondeau. )

54 ALL

Al segno. Ces mots écrits à la fin d'un air en ron- deau, marquent qu il faut reprendre la première par- lie , non tout-à-fait au commencement , mais à l'en- droit où est marqué le renvoi.

Alla brève. Terme italien qui marque une sorte de mesure à deux temps fort vite , et qui se note pourtant avec une ronde ou semi-brève par temps. Elle n'est plus guère d'usage qu'en Italie, et seulement dans la musique d'église. Elle répond assez à ce qu'on appe- loit en France du gros-fa.

Alla zoppa. Terme italien qui annonce un mouve- ment contraint et syncopant entre deux temps sans syncoper entre deux mesures; ce qui donne aux notes une marche inégale et comme boiteuse. C'est un aver- tissement que cette même marche continue ainsi jus- qu'à la fin de l'air.

Allegro, adj. pris adverbialement. Ce mot italien , écrit à la tète d'un air , indique, du vite au lent, le se- cond des cinq principaux degrés de mouvement dis- tingués dans la musique italienne, ^//e^ro signifierai"; et c'est aussi l'indication d'un mouvement gai, le plus vif de tous après \e presto. Mais il ne faut pas croire pour cela que ce mouvement ne soit propre qu'à des sujets gais : il s'applique souvent à des transports de fureur , d'emportement et de désespoir , qui n'ont rien moins que de la gaieté. ( Voyez MouvtiMent. )

Le diminutif allegretto indique une gaieté plus mo- dérée, un peu moins de vivacité dans la mesure.

Allemande, s.f. Sorte d'air ou de pièce de musique dont la mesure est à quatre temps et se bat grare- ment. Il paroît par son nom que ce caractère d'air

ANA ' 5i?

nous est venu d'Allemagne, quoiqu'il n'y soit point connu du tout. V allemande en sonate est partout vieil- lie, et à peine les musiciens s'en servent-ils aujour- d'hui : ceux qui s'en servent encore lui donnent un mouvement plus gai.

Allemande est aussi Tair d'une danse fort com- mune en Suisse et en Allemagne. Cet air, ainsi que la danse , a beaucoup de gaieté ; il se bat à deux temps.

Altus. ( Voyez Haute-Contre. )

Amateur. Celui qui , sans être musicien de profes- sion , fait sa partie dans un concert pour son plaisir et par amour pour la musique.

On appelle encore amateurs ceux qui , sans savoir la musique ou du moins sans l'exercer, s'y connois- sent, ou prétendent s'y connoitre, et fréquentent les concerts.

Ce mot est traduit de l'italien dilettante.

Ambitus , 5. m. Nom qu'on donnoit autrefois à l'étendue de chaque ton ou mode du grave à l'aigu ; car quoique l'étendue d'un mode fût en quelque ma- nière fixée à deux octaves , il y avoit des modes irré- guliers dont Y ambitus excédoit cette étendue , et d'au- tres imparfaits il n'y arrivoit pas.

Dans le plain-chant, ce mot est encore usité ; mais Y ambitus des modes parfaits n'y est que d'une octave : ceux qui la passent s'appellent modes superflus ; ceux qui n'y arrivent pas, modes diminués. (Voyez Modes, Tons de l'églîse. )

Amoroso. ( Voyez Tendrement. )

Anacamptos. Terme de la musique grecque, qui signifie une suite de notes rétrogrades , on procédau»

56 A]NT

de Taigu au grave ; c'est le contraire de Veuthia. Une des parties de l'ancienne mélopée portoit aussi le nom à'anacamptosa. (Voyez Mélopée.)

Andante, adj. pris substantivement. Ce mot, écrit à la tête d'un air, désigne, du lent au vite, le troisième des cinq principaux degrés de mouvement distingués dans la musique italienne, u^ndante est le participe du verbe italien andare, aller. Il caractérise un mou- vement marqué sans être gai , et qui répond à peu près à celui qu'on désigne en françois par le mot gra- cieusement. (Voyez Mouvement.)

Le diminutif andantïno indique un peu moins de gaieté dans la mesure ; ce qu'il faut bien remarquer, le diminutif larghetto signifiant tout le contraire. (Voyez Largo. )

Anonner, V. n. C'est déchiffrer avec peine et en hé- sitant la musique qu'on a sous les yeux.

Antienne, 5. y. En Isiûn antiphona. Sorte de chant usité dans l'Église catholique.

Les antiennes ont été ainsi nommées , parceque dans leur origine on les chantoit à deux chœurs qui se répondoient alternativement, et l'on comprenoit sous ce titre les psaumes et les hymnes que l'on chan- toit dans l'église. Ignace, disciple des apôtres, a été, selon Socrate, l'auteur de cette manière de chanter parmi les Grecs; et Ambroise l'a introduite dans l'Eglise latine. Théodoret en attribue l'invention à Diodore et à Flavien.

Aujourd'hui la signification de ce terme est res- treinte à ceitains passages courts tirés de l'Écriture , qui conviennent à la fête qu'on célèbre, et qui. pré-

AI'O 57

cédant les psaumes et les cantiques 3 en règlent l'in- tonation.

L'on a aussi conservé le nom d'antiennes à quel- ques hymnes qu'on chante en l'honneur de la Vierge, telles que Regina cœli, Salve regina, etc.

Antiphonie , s. f. Nom que donnoient les Grecs à cette espèce de symphonie qui s'exécutoit par diverses voix , ou par divers instruments à l'octave ou à la dou- ble octave , par opposition à celle qui s'exécutoit au simple unisson , et qu'ils appeloient homophonie. { Voyez Symphonie , Homophonie. )

Ce mot vient d'à-m, contre; et de ^wvyj , voix, comme qui diroit , opposition de voix.

Antiphonier ou Antiphonaire , s. m. Livre qui con- tient en notes les antiennes et autres chants dont on use dans l'Eglise catholique.

Apopthetus. Sorte de nome propre aux flûtes dans l'ancienne musique des Grecs.

x^poTOME, s. m. Ce qui reste d'un ton majeur après qu'on en a retranché un litutna, qui est un intervalle moindre d'un comma que le semi-ton majeur. Par conséquent Vapotome est d'un comma plus grand que le semi-ton moyen. ( Voyez Comma , Semi-Ton. )

Les Grecs qui n'ignoroient pas que le ton majeur ne peut, par des divisions rationnelles, se partager en deux parties égales , le partageoient inégalement de plusieurs manières. (Voyez Intervalle.)

De l'une de ces divisions, inventée par Pythagore, ou plutôt par Philolaûs son disciple, résultoit le dièse ou limma d'un côté, et de l'autre rrt/>ofowe, dont la raison est de 2048 à 2187.

0C> API*

La génération de cet apotome se trouve a la sep- tième quinte ut dièse en commençant par ut naturel ; car la quantité, dont cet ut dièse surpasse Yut naturel îe plus rapproché , est précisément le rapport que je viens de marquer.

Les anciens donnoient encore le même nom à d'au- tres intervalles; ils appeloient apotome majeur un petit intervalle, que M. Rameau appelle quart de ton en- harmonique, lequel est formé de deux sons, en raison de 125 à 128.

Eiilsstppeioient apotome mineur Tintervalle de deux sons, en raison de 2025 à 2048, intervalle encore moins sensible à Foreille que le précédent.

Jean de Mûris et ses contemporains donnent par- tout le nom d' apotome au semi-ton mineur, et celui de dièse au semi-ton majeur.

Appréciable, adj. Les sons appréciables sont ceux dont on peut trouver ou sentir Funisson et calculer les intervalles. M. Euler donne un espace de huit oc- taves depuis le son le plus aigu jusqu'au son le plus ^rave appréciables à notre oreille ; mais ces sons ex- trêmes n'étant guère agréables , on ne passe pas com- munément dans la pratique les bornes de cinq oc- taves, telles que les donne le clavier à ravalement. Il y a aussi un degré de force au-delà duquel le son ne peut plus s'apprécier. On ne sauroit apprécier le son d'une grosse cloche dans le clocher même; il faut en diminuer la force en s'éloignant, pour le distinguer. De même les sons d'une voix qui crie cessent d'être appréciables; c'est pourquoi ceux qui chantent fort sont sujets à chanter faux. A l'égard du bruit , il ne

ARi :)<>

s apprécie jamais , et c'est ce qui fait sa différence davec le son. (Voyez Bruit et Son.)

Apycni , adj. plu?'. ï^es anciens appeloient ainsi dans les genres épais trois des huit sons stables de leur système ou diagramme , lesquels ne touchoient d'au- cun côté les intervalles serrés , savoir : la proslamba- noméne, la néte synnéménon, et la néte byperbolébn.

Ils appeloient aussi apycnos ou non épais, le genre diatonique, parceque dans les tétracordes de ce genre la somme des deux premiers intervalles étoit plus grande que le troisième. (Voyez Epais, Genre, Son, Tétracorde.)

Arbitrio. (Voyez Cadeïïza.)

Arco , archet , s. ni. Ces mots italiens con larco , marquent qu'après avoir pincé les cordes il faut re- prendre \ archet à l'endroit ils sont écrits.

Ariette, s.f. Ce diminutif, venu de Fitalien, signi- fie proprement petit air; mais le sens de ce mot est changé en France, et Ton y donne le nom Mariette à de grands morceaux de musique d'un mouvement pour l'ordinaire assez gai et marqué, qui se chantent avec des accompagnements de symphonie , et qui sont communément en rondeau. (Voyez Air, Rondeau. )

Arioso, adj. pris adverbialement. Ce mot italien , à la tète d'un air, indique une manière de chant , sou- tenue, développée , et affectée aux grands airs.

Aristoxéniens. Secte qui eii^ pour chef Aristoxène de Tarente, disciple d'Aristote, et qui étoit opposée aux pythagoriciens sur la mesure des intervalles et sur Ta manière de déterminer les rapports des sons ; de sorte que les aristoxéniens s'en rapportoiènt uni-

6o ARP

quement au jugement de Toreille , et les pythagori- ciens à la précision du calcul. .(Voyez Pythago- riciens. )

Armer la clef. C'est y mettre le nombre de dièses ou de bémols convenables au ton et au mode dans le- quel on veut écrire de la musique. (Voyez Bémol, Clef, Dièse.)

. Arpéger , v. n. C'est faire une suite d'arpèges. ( Voyez r article suivant. )

Arpeggio, Arpège ou Arpégement, s. m. Manière de j

faire entendre successivement et rapidement les divers I

sons d'un accord , au lieu de les frapper tous à-la-fois. - ^

Il y a des instruments sur lesquels on ne peut for- mer un accord plein qu'en arpégeant; tels sont le violon, le violoncelle, la viole, et tous ceux dont on joue avec Farchet; car la convexité du chevalet em- pêche que l'archet ne puisse appuyer à-la-fois sur toutes les cordes. Pour former donc des accords sur ces instruments , on est contraint d'arpéger , et comme on ne peut tirer qu'autant de sons qu'il y a de cordes , Xarpège du violoncelle ou du violon ne sauroit être composé de plus de quatre sons. Il faut pour arpéger que les doigts soient arrangés chacun sur sa corde , et que Xarpège se tire d'un seul et grand coup d'archet qui commence fortement sur la plus grosse corde, et vienne finir en tournant et adoucissant sur la chante^ relie. Si les doigts ne s'arrangeoient sur les cordes que successivement , ou qu'on donnât plusieurs coups d'archet, ce ne seroit plus arpéger, ce seroit passer très vite plusieurs notes de suite.

Ce qu'on fait sur le violon par nécessité , on le pra-

ARS 6l

tique par goût sur le clavecin. Comme on ne peut tirer de cet instrument que des sons qui ne tiennent pas , on est obligé de les refrapper sur des notes de longue durée. Pour faire durer un accord plus long- temps, on le frappe en arpégeant, commençant par les sons bas , et observant que les doigts qui ont frappé les premiers ne quittent point leurs touclies que tout \ arpège ne soit achevé, afin que Ton puisse entendre à-la-fois tous les sons de Taccord. (Voyez AccoiMpa-

GNEMENT. )

Arpeggio est un mot italien qu'on a francisé dans celui ô^ arpège. Il vient du mot arpa , à cause que c'est du jeu de la harpe qu'on a tiré l'idée de Varpègement. Arsis et Thésis. Termes de musique et de prosodie. Ces deux mots sont grecs. Arsis vient du verbe atp.. tollo , j'élève , et marque l'élévation de la voix ou de la main; l'abaissement qui suit cette élévation est ce qu'on appelle 2^£(7iç, depositiç, remissio.

Par rapport donc à la mesure , per arsin signifie en levant^ ou durant le premier temps; per thesin, en baissant y ou durant le dernier temps. Sur quoi l'on doit observer que notre manière de marquer la mesure est contraire à celle des anciens ; car nous frappons le premier temps et levons le dernier. Pour ôter toute équivoque, on peut dire (j^xi arsis indique le temps fort et thesis le temps foib le. (Voyez Mesure, Temps, Bat- tre LA Mesure. )

Par rapport à la voix , on dit qu'un chant , un con- tre-point, une fugue, sont per thesin^ quand les notes montent du grave à l'aigu ; per arsin , quand elles des- cendent de l aigu au grave. Fugue per arsin et thesin ,

62 - A(JT

est celle qu on appelle aujourd'hui fugue renversée ou contre-fugue, dans laquelle la réponse se fait en sens contraire, c'est-à-dire en descendant si la guide a monté, et en montant si la guide a descendu. (Voyez Fugue.)

AssAi. Adverbe augmentatif qu'on trouve assez souvent joint au mot qui indique le mouvement d'un air. Ainsi presto assai^ largo assai signifient ^or^ vite, fort lent. L'abbé Brossard a fait sur ce mot une de ses bévues ordinaires, en substituant à son vrai et unique sens celui d'wwe sage médiocrité de lenteur ou de vitesse. il a cru çux assai signifioit assez. Sur quoi Ton doit ad- mirer la singulière idée qu'a eue cet auteur de préfé- rer, pour son vocabulaire, à sa langue maternelle, une langue étrangère qu'il n'entendoit pas.

Aubade, s.f. Concert de nuit en plein air sous les fenêtres de quelqu'un. (Voyez Sérénade.)

Authentique ou Authente, adj. Quand l'octave se irouve divisée harmoniquement, comme dans cette [troportion 6, 4? 3? c'est-à-dire quand la quinte est au grave, et la quarte à l'aigu, le mode ou le ton s'ap- pelle authentique ou authente \ à la différence du ton j)lagal , l'octave est divisée arithméliquement , comme dans cette proportion 4? 3, 2; ce qui met la quarte au grave et la quinte à l'aigu.

A cette explication adoptée par tous les auteurs, mais qui ne dit rien , j'ajouterai la suivante; le lecteur pourra choisir.

Quand la finale d'un chant en est aussi la tonique, et que le chant ne descend pas jusqu'à la dominante au-dessous, le ton s'appelle authentique; mais si \e

BAL G3

chant descend OU finit à la dominante, le ton est plagaL Je prends ici ces mots de tonicjue et de dominante dans l'acception musicale.

Ces différences d'authenteet deplagalne s'observent plus que dans le plain-chant ; et, soit qu'on place la finale au bas du diapason, ce qui rend le ton au- thentique, soit qu'on la place au milieu, ce qui le rend plagal, pourvu qu'au surplus la modulation soit ré- gulière, la musique moderne admet tous les chants comme authentiques également en quelque lieu du diapason que puisse tomber la finale. ( Voyez Mode. )

Il y a dans les huit tons de l'Eglise romaine quatre tons authentiques , savoir, le premier, le troisième, le cinquième, et le septième. (Voy. Ton de l'Église.)

On appel oit autrefois fugue authentique celle dont le sujet procédoit en montant, mais cette dénomination n'est plus d'usage.

B.

B fa 51 , ou Bfa b mi , ou simplement B. Nom du septième son de la gamme de TArétin , pour lequel les Italiens et les autres peuples de l'Europe répètent le B , disant B mi quand il est naturel, Bfa quand il est bémol; mais les François l'appellent 5?. (Voy. Sl)

B mol. (Voyez Bémol.)

B quarre. ( Voyez Béquarre. )

Ballet, s. m. Action théâtrale qui se représente par ia danse guidée par la musique. Ce mot vient du vieux françois baller^ danser, chanter, se réjouir.

La musique d'un ballet doit avoir encore plus df

64 BAL

cadence et d'accent que la musique vocale, parcc- qu'elle est chargée de signifier plus de choses, que c'est à elle seule d'inspirer au danseur la chaleur et l'expression que le chanteur peut tirer des paroles , et qu'il faut de plus qu'elle supplée, dans le langage de l'ame et des passions, tout ce que la danse ne peut dire aux yeux du spectateur.

Ballet est encore le nom qu'on donne en France à une bizarre sorte d'opéra, la danse n'est guère mieux placée qu« dans les autres , et n'y fait pas un meilleur effet. Dans la plupart de ces ballets les actes forment autant de sujets différents, liés seulement entre eux par quelques rapports généraux étrangers à l'action, et que le spectateur n'apeix:evroit jamais si l'auteur n'avoit soin de l'en avertir dans le pro- logue.

Ces ballets contiennent d'autres ballets qu'on appelle autrement divertissements ou fêtes. Ce sont des suites de danses qui se succèdent sans sujet ni liaison entre elles, ni avec l'action principale, et les meilleurs danseurs ne savent vous dire autre chose sinon qu'ils dansent bien. Cette ordonnance, peu théâtrale, suffit 5)0ur un bal chaque acteur a rempli son objet lors- qu'il s est amusé lui-même, et l'intérêt que le spec- tateur prend aux personnes le dispense d'en donner à Ja chose; mais ce défaut de sujet et de liaison ne doit jamais être souffert sur la scène, pas même dans la représentation dun bal, le tout doit être lié par quelque action secrète qui soutienne l'attention et donne de l'intérêt au spectateur. Cette adresse d'au- tour n'est pas sans exemple , même ù l'Opéra françois,

BAL bt)

et Ton en peut voir un très agréable dans les Fêtes vénitiennes , acte du bal.

En général, toute danse qui ne peint rien qu'elle- même, et tout ballet qui n'est qu'un bal, doivent être bannis du théâtre lyriquejïln effet Faction de la scène est toujours la représentation d'une autre action, et ce qu'on y voit n'est que l'image de ce qu'on y sup- pose; de sorte que ce ne doit jamais être un tel ou un tel danseur qui se présente à vous , mais le person- nage dont il est revêtu. Ainsi, quoique la danse de société puisse ne rien représenter quelle-même, la danse théâtrale doit nécessairement être l'imitation de quelque autre chose, de même que l'acteur chantant représente un homme qui parle , et la décoration d'autres lieux que ceux qu'elle occupe.

La pire sorte de ballets est celle qui roule sur des sujets allégoriques , et par conséquent il n'y a qu'imitation d'imitation. Tout l'art de ces sortes de drames consiste à présenter sous des images sensibles des rapports purement intellectuels, et à faire penser au spectateur tout autre chose que ce qu'il voit, comme si, loin de l'attacher à la scène, c'étoit un mérite de l'en éloigner. Ce genre exige d'ailleurs tant de subtilité dans le dialogue, que le musicien se trouve dans un pays perdu parmi les pointes, les allusions et les épi- grammes, tandis que le spectateur ne s'oublie pas un moment: comme qu'on fasse, il n'y aura jamais que le sentiment qui puisse amener celui-ci sur la scène et l'identifier pour ainsi dire avec les acteurs ; tout ce qui n'est qu'intellectuel l'arrache à la pièce et le rend à lui-même. Aussi voit-on que les peuples qui veulent et XIV, 5

66 BAll

mettent le plus d'esprit au théâtre sont ceux qui se soucient le moins de Tillusion. Que fera donc le musi- cien sur des drames qui ne donnent aucune prise à son art? Si la musique ne peint que des sentiments ou des images, comment reii^ra-t-elle des idées pure- ment métaphysiques, telles que les allégories, Tesprit est sans cesse occupé du rapport des objets qu on lui présente avec ceux qu'on veut lui rappeler?

Quand les compositeurs voudront réfléchir sur les vrais principes de leur art, ils mettront, avec plus de discernement dans le choix des drames dont ils se chargent, plus de vérité dans l'expression de leurs sujets; et quand les paroles des opéra diront quelque chose , la musique apprendra bientôt à parler. Barbare, adj. Mode barbare. (Voyez Lydien.) Barcarolles, 5. f. Sorte de chansons en langue vénitienne que chantent les gondoliers à Venise. Quoi- que les airs des barcarolles soient faits pour le peuple, et souvent composés par les gondoliers mêmes, ils ont tant de mélodie et un accent si agréable qu'il n'y a pas de musicien dans toute l'Italie qui ne se pique d'en savoir et d'en chanter. L'entrée gratuite qu'ont les gondoliers à tous les théâtres les met à portée de se former sans frais l'oreille et le goût, de sorte qu'ils composent et chantent leurs airs en gens qui, sans ignorer les finesses de la musique, ne veulent point ^Itérer le genre simple et naturel de leurs barcarolles. Les paroles de ces chansons sont communément plus que naturelles, comme les conversations de ceux qui les chantent; mais ceux à qui les peintures fidèles des mœurs du peuple peuvent plaire, et qui aiment d'ail-

BAR 67

leurs le dialecte vénitien, s'en passionnent facile- ment, séduits par la beauté des airs; de sorte que plusieurs curieux en ont de très amples recueils.

N'oublions pas de remarquer, à la gloire du Tasse, que la plupart des gondoliers savent par cœur une grande partie de son poème de la Jérusalem délivrée, que plusieurs le savent tout entier, qu'ils passent les nuits d'été sur leurs barques à le chanter alternative- ment d'une barque à l'autre, que c'est assurément une belle barcarolle que le poème du Tasse, qu'Homère seul eut avant lui l'honneur d'être ainsi chanté, et que nul autre poème épique n'en a eu depuis un pareil.

Bardes. Sorte d'hommes très singuliers, et très respectés jadis dans les Gaules, lesquels étoient à-la- fois prêtres, prophètes, poètes, et musiciens.

Bochard fait dériver ce nom de parât, chanter; et Camden convient avec Festus que barde signifie un chanteur, en celtique bard.

Baripycni, adj. Les anciens appeloient ainsi cinq des huit sons ou cordes stables de leur système ou diagramme ; savoir, l'hypaté-hypaton , l'hypaté-mé- son, la mjèse, la paramèse, et la nété-diézeu^ménon. ( Voyez Pycni , Son , Tétracorde. )

Baryton. Sorte de voix entre la taille et la basse. ( Voyez Concordant. )

Baroque. Une musique baroque est celle dont l'har- monie est confuse , chargée de modulations et disso- nances, le chant dur et peu naturel, l'intonation diffi- cile , et le mouvement contraint,

5.

68 BAR

Il y a bien Je Tapparence que ce terme vient du baroco des logiciens.

Barré. C ba?Té, sorte de mesure. (Voyez C. )

Barres. Traits tirés perpendiculairement à la fin de chaque mesure, sur les cinq lignes de la portée, pour séparer la mesure qui finit de celle qui recommence. Ainsi les notes contenues entre deux barres forment toujours une mesure complète, égale en valeur et en durée à chacune des autres mesures comprises entre deux autres bandes , tant que le mouvement ne change pas; mais comme il y a plusieurs sortes de mesures qui diffèrent considérablement en durée, les mêmes différences se trouvent dans les valeurs contenues entre deux barres de chacune de ces espèces de me- sures. Ainsi, dans le grand triple, qui se marque par ce signe r, et qui se bat lentement, la somme des notes comprises entre deux barres doit faire une ronde et demie; et dans le petit triple j, qui se bat vite, les deux barres n'enferment que trois croches ou leur valeur; de sorte que huit fois la valeur contenue entre deux barres de cette dernière mesure ne font qu'une fois la valeur contenue entre deux barres de lautre.* ©

Le principal usage des barres est de distinguer les mesures et d'en indiquer \q frappé, lequel se fait tou- jours sur la note qui suit immédiatement la barre. Elles servent aussi dans les partitions à montrer les mesures correspondantes dans chaque portée. (Voyez Partition. )

Il n'y a pas plus de cent ans qu'on s'est avisé de tirer des barres , de mesure en mesure. Auparavant la

BAS 69

musique étoit simple; on n'y voyoit guère que dos rondes, des blanches et des noires, peu de croches , presque jamais de doubles croches. Avec des divisions moins inégales , la mesure en étoit plus aisée à sui- vre. Cependant j'ai vu nos meilleurs musiciens embar- rassés à bien exécuter l'ancienne musique d'Orlande etdeClaudin. Ilsseperdoient dans la mesure faute des barres auxquelles ils étoient accoutumés-, et ne sui- voient qu'avec peine des parties chantées autrefois couramment par les musiciens de Henri III et de Charles IX.

Bas, en musique, signifie la même chose que grave, et ce terme est opposé à haut ou aigu. On dit ainsi que le ton est trop bas, qu'on chante trop bas , qu il faut renforcer les sons dans le bas. Bas signifie aussi quel- quefois doucement, à demi-voix; et en ce sens il est opposé dfort. On dit parler bas, chanter ou psalmodier à basse-voix : il chantoit ou parloit si bas qu'on avoit peine à l'entendre.

Coulez si lentement, et murmui-ez si bas, Qu'Issé ne vous entende pas.

LiV Motte.

Bas se dit encore dans la subdivision des dessus chantants, de celui des deux qui est au-dessous de 1 autre; ou , pour mieux dire, ^a^-dessus est un des- sus dont le diapason est au-dessous du médium ordi- naire. ( Voyez Dessus. )

Basse. Celle de quatre parties de la musique qui est au-dessous des autres , la plus basse de toutes ; d'où lui vient le nom de basse. ( Voyez Partition. )

no BAS

La basse est la plus importante des parties , c'est sur elle que s'établit le corps de rharmonie; aussi est-ce une maxime chez les musiciens que, quand la basse est bonne , rarement Tharmonie est mauvaise.

Il y a plusieurs sortes de basses. Basse -fondamen- tale, dont nous ferons *un article ci-après.

B as se- continue , ainsi appelée parcequ'elle dure pen- dant toute la pièce; son principal usage, outre celui de régler l'harmonie , est de soutenir la voix et de con- server le ton. On prétend que c'est un Ludovico Viana , dont il en reste un traité , qui , vers le com- mencement du dernier siècle , la mit le premier en usage.

Basse-figurée, qui , au lieu d'une seule note , en par- tage la valeur en plusieurs autres notes sous un même accord. ( Voyez Harmonie-figurée. ) *

Basse - contrainte , dont le sujet ou le chant, borné à un petit nombre de mesures , comme quatre ou huit , recommence sans cesse , tandis que les parties supérieures poursuivent leur chant et leur harmonie , et les varient de différentes manières. Cette basse ap- partient originairement aux couplets de la chaconne ; mais on ne s y asservit plus aujourd'hui. La basse-con- trainte descendant diatoniquement ou chromatique- ment et avec lenteur de la tonique ou de la dominante dans les tons mineurs , est admirable pour les mor- ceaux pathétiques. Ces retours fréquents et périodi- ques affectent insensiblement lame , et la disposent à la langueur et à la tristesse. On en voit des exemples dans plusieurs scènes des opéia françois. Mais si ces basses font un bon effet à l'oreille , il en est rarement

BAS 71

de même des chants qu'on leur adapte , et qui ne sont pour l'ordinaire quun véritable accompagnement. Outre les modulations dures et mal amenées qu'on y évite avec peine, ces chants, retournés de mille ma- nières , et cependant monotones , produisent des ren- versements peu harmonieux, et sont eux-mêmes assez peu chantants, en sorte que le dessus s'y ressent beaucoup de la contrainte de la basse.

Basse-chaiitante j est l'espèce de voix qui chante la partie de la basse. Il y a des basses-récitantes et des bas- ses-de-chœur ; des concordants ou basses-tailles qui tien- nent le milieu entre la taille et la basse; des basses pro- prement dites, que l'usage fait encore appeler basses- tailles, et enfin des basses- contre, les plus graves de toutes les voix, qui chantent \3.*basse sous la basse même , et qu'il ne faut pas confondre avec les contre- basses, qui sont des instruments.

Basse-fondamentale , est celle qui n'est formée que des sons fondamentaux de l'harmonie ; de sorte qu'au- dessous de chaque accord elle fait entendre le vrai son fondamental de cet accord, c'est-à-dire celui du- quel il dérive par les régies de l'harmonie. Par l'on voit que la basse-fondamentale ne peut avoir d'autre contexture que celle d'une succession régulière et fondamentale, sans quoi la marche des parties supé- rieures seroit mauvaise.

Pour bien entendre ceci , il faut savoir que , selon le système de M. Fiameau, que j'ai suivi dans cet ou- vrage, tout accord , quoique formé de plusieurs sons , n'en a qu'un qui lui soit fondamental, savoir, celui qui a produit cet accord et qui lui sert de basse dans

72 BAS

l'ordre direct et naturel. Or, la basse qui régne sous toutes les autres parties n'exprime pas toujours les sons fondamentaux des accords : car entre tous les sons qui forment un accord , le compositeur peut porter à la basse celui qu'il croit préférable, eu égard à la marche de cette basse , au beau chant , et surtout à l'expression, comme je l'expliquerai dans la suite. Alors le vrai son fondamental , au lieu d'être à aa place naturelle, quiestla basse, setransporte dans les autres parties, ou même ne s'exprime point du tout ; un tel accord s'appelle accord renversé. Dans le fond , un ac- cord renversé ne diffère point de l'accord direct qui l'a produit, car ce sont toujours les mêmes sons; mais ces sons formant des combinaisons différentes , on a long-temps pris toutes ces combinaisons pour autant d'accords fondamentaux , et on leur a donné diffé- rents noms qu'on peut voir au mot A'ccord , et qui ont achevé de les distinguer, comme si la différence des noms en produisoit réellement dans l'espèce.

M. Rameau a montré dans son Trattéde IHarmoniey et M. d'Alembert, dans ses Eléments de Musique, a fait voir encore plus clairement , que plusieurs de ces prétendus accords n'étoient que des renversements d'un seul. Ainsi l'accord de sixte n'est qu'un accord parfait dont la tierce est transportée à la basse ; en y portant la quinte, on aura l'accord de sixte-quarte. Voilà donc trois combinaisons d'un accord qui n'a que trois sons : ceux qui en ont quatre sont susceptibles de quatre combinaisons , chaque son pouvant être porté à la basse. Mais en portant au-dessous de celle-ci une autre basse, qui, sous toutes les combinaisons

BAS 73

d'un même accord présente toujom\s le son fonda- mental , il est évident qu'on réduit au tiers le nombre des accords consonnants , et au quart le nombre des dissonants. Ajoutez à cela tous les accords par suppo- sition , qui se réduisent encore aux mêmes fondamen- taux, vous trouverez Fharmonie simplifiée à un point qu'on n'eût jamais espéré dans l'état de confusion oii étoient ses ré^jles avant M. Rameau. C'est certaine- ment, comme l'observe cet auteur, une chose éton- nante qu'on ait pu pousser la pratique de cet art au point elle est parvenue sans en connoître le fonde- ment , et qu'on ait exactement trouvé toutes les règles , sans avoir découvert le principe qui les donne.

Après avoir dit ce qu'est la basse-fondamentale sous les accords, parlons maintenant de sa marche et de la manière dont elle lie ces accords entre eux. Les pré- ceptes de l'art sur ce point peuvent se réduire aux six régies suivantes.

I. La basse-fondamentale ne doit jamais sonner d'autres notes que celles de la gamme du ton on l'on est , ou de celui Ton veut passer : c'est la première et la plus indispensable de toutes ces régies.

IL Par la seconde, sa marche doit être tellement soumise aux lois de la modulation, qu'elle ne laisse jamais perdre l'idée d'un ton qu'en prenant celle d'un autre; c'est-à-dire que la basse-fondamentale ne doit jamais être errante ni laisser oublier un moment dans quel ton l'on est.

IIL Par la troisième, elle est assujettie à la liaison des accords et à la préparation des dissonances; pré- paration qui n'est, comme je le ferai voir, qu'un des

-^' BAS

74

cas de la liaison, et qui par conséquent n'est jamais nécessaire quand la liaison peut exister sans elle. ( Voyez Liaison, Préparer. )

IV. Par la quatrième, elle doit, après toute disso- nance , suivre le progrès qui lui est prescrit par la né- cessité de la sauver. ( Voyez Sauver. )

V. Parla cinquième, qui n'est qu'une suite des pré- cédentes, la basse-fondamentale ne doit marcher que par intervalles consonnants , si ce n'est seulement dans un acte de cadence rompue , ou après un accord de septième diminuée qu'elle monte diatoniquement : toute autre marche de la basse - fondamentale est mauvaise.

VI. Enfin , par la sixième , la basse-fondamentale ou Iharmonie ne doit pas syncoper, mais marquer la me- sure et les temps par des changements d'accords bien cadencés; en sorte , par exemple, que les dissonances qui doivent être préparées, le soient sur le temps foi- ble , mais surtout que tous les repos se trouvent sur le temps fort. Cette sixième régie souffre une infinité d'exceptions ; mais le compositeur doit pourtant y songer , s'il veut faire une musique le mouvement soit bien marqué , et dont la mesure tombe avec grâce.

Partout ces régies seront observées l'harmonie sera régulière et sans faute ; ce qui n'empêchera pas que la musique n'en puisse être détestable. ( Voyez Composition. )

Un mot d'éclaircissement sur la cinquième régie ne sera peut-être pas inutile. Qu'on retourne comme on voudra une b asse -fondamentale ^ si elle est bien faite,

BAS 75

on n'y trouvera jamais que ces deux choses, ou des accords parfaits sur des mouvements consonnants , sans lesquels ces accords n'auroient point de liaison , ou des accords dissonants dans des actes de cadence ; en tout autre cas la dissonance ne sauroit être ni bien placée, ni bien sauvée.

Il suit de que la basse-fondamentale ne peut mar- cher régulièrement que d'une de ces trois manières : monter ou descendre de tierce ou de sixte; de quarte ou de quinte; 3*^ monter diatoniquement au moyen de la dissonance qui forme la liaison , ou par licence sur un accord parfait. Quant à la descente dia-. tonique, c'est une marche absolument interdite à la basse-fondamentale^ ou tout au plus tolérée dans le cas de deux accords parfaits consécutifs, séparés par un repos exprimé ou sous-entendu : cette règle n'a point d'autre exception , et c'est pour n'avoir pas démêlé le vrai fondement de certains passages, que M. Rameau a fait descendre diatoniquement la basse- fondamentale sous des accords de septième; ce qui ne se peut en bonne harmonie. ( Voyez Cadence, Dissonance. )

La basse -fondamentale ^ qu'on n'ajoute que pour servir de preuve à l'harmonie, se retranche dans l'exécution, et souvent elle y feroit un fort mauvais effet; car elle est, comme dit très bien M. Rameau, pour le jugement et non pour l'oreille. Elle produi- roit tout au moins une monotonie très ennuyeuse par les retours fréquents du même accord , qu'on déguise et qu'on varie plus agréablement en le combinant en différentes manières sur la liasse- continue ; sans compter que les divers renversements d'harmonie

76 BAS

fournissent mille moyens de prêter de nouvelles beautés au chant, et une nouvelle énergie à l'expres- sion. (Voyez Accord, Renversement.)

Si la basse-fondamentale ne sert pas à composer de bonne musique, me dira-t-on, si même on doit la re- trancher dans Texécution, à quoi donc est-elle utile? Je réponds qu en premier lieu elle sert de régie aux écoliers, pour apprendre à former une harmonie ré- gulière, et à donner à toutes les parties la marche diatonique et élémentaire qui leur est prescrite par cette basse-fondamentale ; elle sert de plus, comme je Tai déjà dit , à prouver si une harmonie déjà faite est bonne et régulière; car toute harmonie qui ne peut être soumise aune basse-fondamentale, est régulièrement mauvaise : elle sert enfin à trouver une basse-con- tinue sous un chant donné; quoiqu'à la vérité celui qui ne saura pas faire directement une basse-con- tinue , ne fera guère mieux une basse-fondamentale ^ et bien moins encore saura-t-il transformer cette basse- fondamentale en une bonne basse-continue. Voici tou- tefois les principales régies que donne M. Rameau pour ti^oiw gy\c\ basse fondamentale A' \u\ chant donné.

I. S'assurer du ton et du mode par lesquels on commence, et de tous ceux par 1 on passe. Il y a aussi des régies pour cette recherche des tons , mais si longues , si vagues , si incomplètes , que Toreille est formée à cet égard long-temps avant que les régies soient apprises , et que le stupide qui voudra tenter de les employer n'y gagnera que l'habitude d'aller toujours note à note,.-jsans jamais savoir il est. . II. Essayer successivement sous chaque note les

BAS ^y

cordes principales du ton , commençant par les plus analogues , et passant jusqu'aux plus éloignées , lors- que l'on s'y voit forcé.

III. Considérer si la corde choisie peut cadrer avec le dessus, dans ce qui précède et dans ce qui suit, par une bonne succession fondamentale, et quand cela ne se peut, revenir sur ses pas.

IV. Ne changer la note de basse-fondamentale que lorsqu'on a épuisé toutes les notes consécutives du dessus qui peuvent entrer dans son accord , ou que quelque note syncopant dans le chant peut recevoir deux ou plusieurs notes de basse , pour préparer des dissonances sauvées ensuite régulièrement.

V. Étudier l'entrelacement des phrases, les suc- cessions possibles de cadences , soit pleines , soit évitées , et surtout les repos , qui viennent ordinaire- ment de quatre en quatre mesures ou de deux en deux, afin de les faire tomber toujours sur les ca- dences parfaites ou irrégulières.

VI. Enfin observer toutes les régies données ci-de- vant pour la composition de la basse -fondamentale. Voilà les principales observations à faire pour en trouver une sous un chant donné ; car il y en a quelquefois plusieurs de trouvables : mais , quoi qu'on en puisse dire , si le chant a de l'accent et du caractère, il n'y a qu'une bonne basse-fondamentale qu'on lui puisse adapter.

Après avoir exposé sommairement la manière de composer une basse-fondamentale , il resteroit à don- ner les moyens de la transformer en basse-continue; et cela seroit facile s'il ne falloit regarder qu'à la

78 BAT

marche diatonique et au beau chant de cette basse : mais ne croyons pas que la basse, qui est le guide et le soutien de Tharmonie, Famé, et, pour ainsi dire, Finterpréte du chant, se borne à des régies si simples ; il y en a d'autres qui naissent d'un principe plus sûr et plus radical , principe fécond , mais caché , qui a été senti par tous les artistes de génie, sans avoir été développé par personne. Je pense en avoir jeté le germe dans ma Lettre sur la Musique Françoise. J'en ai dit assez pour ceux qui m'entendent; je n'en dirois jamais assez pour les autres. (Voyez toutefois Unité de mélodie.)

Je ne parle point ici du système ingénieux de M. Serre de Genève, ni de sa double basse-fondamen- tale, parceque les principes qu'il avoit entrevus avec une sagacité digne d'éloges ont été depuis développés par M. Tartini dans un ouvrage dont je rendrai compte avant la Fin de celui-ci. (Voyez Système.)

Bâtard, nothus. C'est Fépithéte donnée par quel- ques uns au mode hypophrygien, qui a sa finale en si, et conséquemment sa quinte Fausse , ce qui le re- tranche des modes authentiques ; et au mode éolien , dont la finale est en fa , et la quarte superflue , ce qui l'ôte du nombre des modes plagaux.

Bâton. Sorte de barre épaisse qui traverse perpen- diculairement une ou plusieurs lignes de la portée, et qui, selon le nombre des lignes qu'il embrasse, ex- prime une plus grande ou moindre quantité de me- sures qu'on doit passer en silence.

Anciennement il y avoit autant de sortes de bâtons que de différentes valeurs de notes, depuis la ronde,

BAT 79

qui vaut une mesure, jusqu'à la maxime, qui en va- loit huit , et dont la durée en silence s'évaluoit par un bâton qui , partant d'une ligne , traversoit trois espaces et alloit joindre la quatrième ligne.

Aujourd'hui le plus grand bâton est de quatre me- sures; ce bâton ^ partant d'une ligne, traverse la sui- vante etva joindre la troisième. {Planche A. ^figure 12.) On le répète une fois , deux fois , autant de fois qu'il faut pour exprimer huit mesures, ou douze, ou tout autre multiple de quatre, et l'on ajoute ordinairement au-dessus un chiffre qui dispense de calculer la valeur de tous ces bâtons. Ainsi les signes couverts du chif- fre 1 6 dans la même figure 1 2 indiquent un silence de seize mesures. Je ne vois pas trop à quoi bon ce double signe d'une même chose. Aussi les Italiens, à qui une plus grande pratique de la musique suggère toujours les premiers moyens d'en abréger les signes , commencent-ils à supprimer les bâtons^ auxquels ils substituent le chiffre qui marque le nombre de me- sures à compter. Mais une attention qu'il faut avoir alors est de ne pas confondre ces chiffres dans la por- tée avec d'autres chiffres semblables qui peuvent mar- quer l'espèce de la mesure employée. Ainsi, dans la figure 1 3 , il faut bien distinguer le signe du trois temps d'avec le nombre des pauses à compter, de peur qu'au lieu de 3 1 mesures ou pauses, on n'en comptât 33 1 .

Le plus petit bâton est de deux mesures , et traver- sant un seul espace , il s'étend seulement d'une hgne à sa voisine. [Même planche ^ figure 12.)

Les autres moindres silences, comme d'une me- sure, d'une demi-mesure, d'un temps, d'un demi-

8o BAT

temps, etc., s'expriment par les mots de pause, de demi-pause, de soupir, de detni-soupir, etc. (Voyez ces mots.) Il est aisé de comprendre quen combinant tous ces signes, on peut exprimer à volonté des silences d'une durée quelconque.

Il ne faut pas confondre avec les bâtons des silences d'autres bâtons précisément de même figure, qui, sous le nom de pauses initiales, servoient dans nos anciennes musiques à annoncer le mode, c'est-à-dire la mesure, et dont nous parlerons au mot Mode.

Bâton de mesure, est un bâton fort court, ou même un rouleau de papier dont le maître de musique se sert dans un concert pour régler le mouvement et marquer la mesure et le temps. (Voyez Battre la mesure. )

A l'Opéra de Paris il n'est pas question d'un rou- leau de papier , mais d'un bon gros bâton de bois bien dur dont le maître frappe avec force pour être entendu de loin.

Battement, s. m. Agrément du chant françois, qui consiste à élever et à battre un trille sur une note qu'on a commencée uniment. Il y a cette différence de la cadence au battement , que la cadence commence par la note supérieure à celle sur laquelle elle est mar- quée, après quoi l'on bat alternativement cette note supérieure et la véritable : au lieu que le battement commence par le son même de la note qui le porte ; après quoi l'on bat alternativement cette note et celle qui est au-dessus. Ainsi ces coups de gosier, mire mi re mi re ut ut sont une cadence; et ceux-ci, re mi re mi re mire ut re mi, sont un battement.

BAT 8l

Battements au pluriel. Lorsque deux sons forts et sout^ius, comme ceux de l'orgue, sont mal d'accord et dissonent entre eux à l'approche d'un intervalle consonnant^ ils forment, par secousses plus ou moins fréquentes, des renflements de son qui font à peu près à l'oreille Teffet des battements du pouls au toucher, c'est pourquoi M. Sauveur leur a aussi donné le nom de battements. Ces battements deviennent d'autant plus fréquents que l'intervalle approche plus de la jus- tesse; et lorsqu'il y parvient, ils se confondent avec les vibrations du scfh.

. M. Serre prétend , dans ses Essais sur les principes de riiarmonie^ que ces battements produits par la concur- rence de deux sons ne sont qu'une apparence acousti- que, occasionée par les vibrations coïncidentes de ces deux sons : ces battements , selon lui, n'ont pas moins lieu lorsque fintervalle est consonnant ; mais la rapi- dité avec laquelle ils se confondent alors ne permettant pointa l'oreille de les distinguer, il en dpit résulter, non la cessation absolue de ces battements, mais une apparence de son grave et continu, une espèce de foible bourdon , tel précisément que celui qui résulte dans les expériences citées par M. Serre , et depuis détaillées par M. Tartini, du concours de deux sons aigus et consonnants. ( On peut voir au mot Système que des dissonances les donnent aussi. ) « Ce qu'il y a <t de bien certain, continue M. Serre, c'est que ces bat- « tements, ces vibrations coïncidentes qui se suivent « avec plus ou moins de rapidité , sont exactement iso- « chrones aux vibrations que feroit réellement le son XIV. 6

82 BAT

« fondamental, si, par le moyen d'un troisième corps « sonore, on le faisoit actuellement résonner. »

Cette explication très spécieuse n'est peut-être pas sans difficulté ; car le rapport de deux sons n'est jamais plus composé que quand il approche de la sim- plicitéquien fait une consonnance, et jamais les vibra- tions ne doivent coïncider plus rarement que quand elles touchent presque à lisochronisme. D'où il sui- vroit, ce me semble, que les battements devroient se ralentir à mesure qu'ils s'accélèrent, puis se réunir tout d'un coup à l'instant que l'acfcord est juste.

L'observation des battements est une bonne régie à consulter sur le meilleur système de tempérament. (Voyez Tempérament.) Car il est clair que de tous les tempéraments possibles celui qui laisse le moins de battements dans l'orgue est celui que l'oreille et la na- ture préfèrent. Or c'est une expérience constante et reconnue de tous les facteurs, que les altérations des tierces majçjires produisent des battements plus sensi- bles et plusxlésagréables qu«e celles des quintes. Ainsi la nature elle-même a choisi.

Batterie, s, f. Manière de frapper et répéter suc- cessivenient sur diverses cordes d'un instrument les divers sons qui composent un accord, et de passer ainsi d'accord en accord par un même mouvement de notes. La batterie n'est qu'un arpège continué, mais dont toutes les notes sont détachées au lieu d être liées comme dans 1 arpège.

Batteur de mesure. Celui qui bat la mesure dans un conc<3rt. (Voyez larticle suivant.)

Battre la mesure. C'est en marquer les temps par

BAT 83

des mouvements de la main ou du pied , qui en règlent la durée, et par lesquels toutes les mesures sembla- bles sont rendues parfaitement égales en valeur chro- nique, ou en temps dans l'exécution.

Il y a des mesures qui ne se battent qu'à un temps , d'autres à deux, à trois ou à quatre; ce qui est le plus grand nombre de temps marqués que puisse renfermer une mesure; encore une mesure à quatre temps peut- elle tonjours se résoudre en deux mesures à deux temps. Dans toutes ces différentes mesures le temps frappé est toujours sur la note qui suit la barre immé- diatement; le temps levé est toujours celui qui la pré- cède, à moins que la mesure ne soit à un seul temps; et même alors il faut toujours supposer le temps foible, puisqu'on ne sauroit frapper sans avoir levé.

Le degré de lenteur ou de vitesse qu'on donne à la mesure dépend de plusieurs choses : i/^ de la va- leur des notes qui composent la mesure. On voit bien qu'une mesure qui contient une ronde doit se battre plus posément et durer davantage que celle qui ne contient qu'une noire; i^ du mouvement indiqué par le mot françois ou italien qu'on trouve ordinairement à la tête de l'air, gai, vite, lent, etc.; tous ces mots indiquent autant de modifications dans le mouvement d'une même sorte de mesure; eafin du caractère de l'air même, qui, s'il est bien fait, en fera néces- sairement sentir le vrai mouvement.

Les musiciens françois ne battent pas la ??ieçM7^e comme les italiens. Ceux-ci ^ dans la mesure à quatre temps, frappent successivement les deux premiers temps, et lèvent les deux autres; ils frappent aussi les

fi.

84 «AT

deux premiers dans la mesure à trois temps, et lèvent

rie troisième. T<es François ne frappent jamais que le premier temps, et marquent les autres par différents mouvements de la main à droite et à gauche. Cepen- dant la musique françoise auroit beaucoup plus besoi n que Titalienne d'une mesure bien marquée; car elle ne porte point sa évidence en elle-même; ses mouve- ments n'ont aucune précision naturelle ; on presse, on ralentit la mesure au gré du chanteur. Combien les oreilles ne sont-elles pas choquées à l'Opéra de Paris du bruit désagréable et continuel que fait avec son bâton celui qui bat la mesure, et que le Petit Prophète compare plaisamment à un bûcheron qui coupe du bois! Mais c'est un mal inévitable : sans ce bruit on ne pourroit sentir la mesure; la musique par elle-même ne la marque pas : aussi les étrangers n'aperçoivent-ils point le mouvement de nos airs. Si l'on y fait atten- tion, l'on trouvera que c'est ici l'une des différences spécifiques de la musique françoise à l'italienne. En Italie la mesure est lame de la musique; c'est la mesure bien sentie qui lui donne cet accent qui la rend si charmante; c'est la mesure aussi qui gouverne le musicien dans l'exécution. En France, au contraire, c'est le musicien qui gouverne la mesure ; il Ténerve et la défigure sdns scrupule. Que dis-je? le bon goût même consiste à ne la pas laisser sentir; précaution dont au reste elle n'a pas grand besoin. L'Opéra de Paris est le seul théâtre de l'Europe l'on batte la mesure sans la suivre, partout ailleurs on la suit sans la battre.

Tl régne là-dessus une erreur populaire qu'un peu

BAT 85

de réflexion détruit aisément. On s'imagine qu'un auditeur ne bat par instinct la mesure d'un air qu'il entend que parcequll la sent vivement; et c'est, au contraire, parcequ elle n'est pas assez sensible ou qu'il ne la sent pas assez, qu'il tâche, à force de mou- vements des mains et des pieds, de suppléer ce qui manque en ce paint à son oreille. Pour peu qij'une musique donne prise à la cadence, on voit la plupart des François qui lécoutent faire mille contorsions et un bruit terrible, pour aider la mesure à marcher ou leur oreille à la sentir. Substituez des Italiens ou des Allemands, vous n'entendrez pas le moindre bruit, et ne verrez pas le moindre geste qui s'accorde avec la mesure. Seroit-ce peut-être que les Allemands, les Italiens, sont moins sensibles à la mesure que les François ? Il y a tel de mes lecteurs qui ne se feroit guère presser pour le dire ; mais dira-t-il aussi que les musiciens les plus habiles sont ceux qui sentent le moins la mesure ? il est incontestable que ce sont ceux qui la battent le moins ; et quand, à force d'exercice, ils ont acquis l'habitude de la sentir continuellement, ils ne la battent plus du tout : c'est un fait d'expérience qui est sous les yeux de tout le monde. L'on pourra dire encore que les mêmes gens à qui je reproche de ne battre la mesure que parcequ'ils ne la sentent pas assez, ne la battent plus dans les airs oii elle n'est point sensible ; et je répondrai que c'est parcequ'alors ils ne la sentent point du tout. H faut que l'oreille soit frappée au moins d'un foible sentiment de mesure pour que l'instinct cherche à le renforcer.

Les anciens, dit M. Burette, battaient la mesure en

S6 BAT

plusieurs façons : la plus ordinaire consistoit dans le mouvement du pied qui s'élevoit de terre et la frap- poit alternativement selon la mesure des deux temps égaux ou inégaux. (Voyez Rhythme.) C'étoit ordinai- rement la fonction du maître de musique appelé co- ryphée, yopuijiatoç, parcequ'il étoit placé au milieu du chœvir des musiciens, et dans un^ situation élevée pour être plus facilement vu et entendu de toute la troupe. Ces batteurs de mesure se nommoient en grec 7ro(Jo'xTU7rot et 7ro(Jo-J/o(pot , à causc du bruit de leurs pieds , (TuvTovàpiot , à cause de l'uniformité du geste, et, si Ton peut parler ainsi , de la monotonie du rhythme, qu'ils battoient toujours à deux temps. Ils s'appeloient en Xdiûu pedarii , podarii ^ pedicularii. Ils garnissoient ordinairement leurs pieds de certaines chaussures ou sandales de bois ou de fer, destinées à rendre per- cussion rhythmique plus éclatante , nommées en grec rpojTréj^ta, ypoz>7ra>a, ypouTTs^a, et en latin, pediciila ^ sca- hella ou scabilla^'k cause qu'elles ressembloient à de

f V petits marche-pieds ou de petites escabelles.

\^ Ils battoient la mesure , non seulement du pied , mais

aussi de la main droite, dont ils réunissoient tous les doigts pour frapper dans le creux de la main gauche , et celui qui marquoit ainsi le rhythme s'appeloit ma- y-^\ C""^ nuductor. Outre ce claquement de mains et le bruit / j des sandales, les anciens avoient encore, pour ^«^fre la mesure^ celui des coquilles, des écailles d'huîtres, et des ossements d'animaux qu'on frappoit l'un contre l'autre, comme on fait aujourd hui les castagnettes, îe triangle, et autres pareils instruments.

Tout ce bruit, si désagréable et si superflu parmi

BÉM 87

nous à cause de Tégalité constante de la mesure, ne 1 étoit pas de même chez eux, les fréquents clian- jjements de pieds et de rhythmes exigeoient un accord plus difficile, et donnoient au bruit même une variété plus harmonieuse et plus piquante. Encore peut-on dire que Tusage de battre ainsi ne s'introduisit qu'à mesure que la mélodie devint plus languissante, et perdit de son accent et de son énergie. Plus on re- monte, moins on trouve d'exemples de ces batteurs de mesure, et dans la musique de la plus haute anti- quité Ton n'en trouve plus du tout.

Bémol ou B mol, s. m. Caractère de musique auquel on donne à peu près la figure d'un b, et qui fait abais' ser d'uji semi-ton mineur la note à laquelle il est joint. ( Voyez Semi-ton. )

Gui d'Arezzo ayant autrefois donné des nom§ à six des notes de l'octave, desquelles il fît son célèbre hexacorde , laissa la septième sans autre nom que celui de la.lettre b, qui lui est propre, comme le c à l'wf, le d Siu re, etc. Or, ce ^ se chantoit de deux ma- nières ; savoir, à un ton au-dessus du /«, selon Tordre naturel de la gamme, ou seulement à un semi-ton du même /a, lorsqu'on vouloit conjoindre les tétra- -cordes; cariln'étoit pas encore question de nosmodes ou tons mpdernes. Dans le premier cas, le si sonnant assez durement à cause des trois tons consécutifs, on jugea qu'il faisoit à l'oreille un effet semblable à celui que les corps anguleux et durs font à la main ; c'est pourquoi on l'appela b dur ou b carre, en italien b (juadro. Dans le second cas, au contraire, on trouva que le si étoit extrêmement doux ; c'est pourquoi ou

88 BÉM

l'appela b mol; par la même analogie, on auroit pu l'appeler aussi b rond, et en effet les Italiens le nom- ment quelquefois b tondo.

Il y a deux manières d'employer le bémol ; l'une accidentelle, quand dans le cours du chant on le place à la gauche d une note. Cette note est presque tou- jours la note sensible dans les tons majeurs, et quel- quefois la sixième note dans les tons mineurs, quand la clef n'est pas correctement armée. Le bémol acci^ dentel n'altère que la note qu'il touche et celles qui la rebattent immédiatement, ou tout au plus celles qui, dans la même mesure, se trouvent sur le même degré sans aucun signe contraire.

L'autre manière est d'employer le bémol à la clef, et alors il la modifie, il agit dans toute la suite de l'air et sur toutes les notes placées sur le même degré, à moins que ce bémol ne soit détruit accidentellement par quelque dièse ou bécarre, ou que la clef ne vienne à changer.

La position des bémols à la clef n'est pas arbitraire : en voici la raison; ils sont destinés à changer le lieu des semi-tons de l'échelle ; or , ces deux semi-tons doi- vent toujours garder entre eux des intervalles pres- crits; savoir, celui d'une quarte d'un côté, et celui d'une quinte de l'autre. Ainsi la note mi, inférieure de son semi-ton , fait au grave la quinte du si, qui est son homologue dans l'autre semi-ton; et à l'aigu la quarte du même si; et réciproquement la note si fait au grave la quarte du mi, et à l'aigu la quinte du même mi.

Si donc laissant, par exemple, le si naturel, on don- noit un bémol au mi y le semi-ton changeroit de lieu , et

BÉM 89

se trouveroit descendu d'un degré entre le re et le mi bémol. Or, dans cette position , l'on voit que les deux semi-tons ne garderoient plus entre eux la distance prescrite , car le re, qui seroit la note inférieure de Tun, feroit au grave la sixte du si, son homologue dans l'autre, et à l'aigu, la tierce du même 5i, et ce si feroit au grave la tierce du j-e, et à l'aigu , la sixte du même re. Ainsi les deux semi-tons seroient trop voi- sins d'un côté, et trop éloignés de l'autre.

L'ordre des bémols ne doit donc pas commencer par 7?ii, ni par aucune autre note de l'octave que par si, la seule qui n'a pas le même inconvénient ; car bien que le semi-ton y change de place , et , cessant d'être entre le si et Y ut, descende entre le si bémol et le la, toutefois Tordre prescrit n'est point détruit; le la, dans ce nou- vel arrangement, se trouvant d'un côté à la quarte, et de l'autre à la quinte du nii , son homologue , et réci- proquement.

La même raison qui fait placer le premier bémol sur le si fait mettre le second sur le tni, et ainsi de suite, en montant de quarte ou descendant quinte jus- qu'au 50/, auquel on s'arrête ordinairement , parceque le bémol deViit, qu'on trouveroit ensuite, ne diffère point du si dans la pratique. Cela- fait donc une suite de cinq bémols dans cet ordre :

12 3 4'^ Si Mi La Re Sol.

Toujours, par la même raison, l'on ne sauroit em- ployer les derniers bémols k\îi clef sans employer aussi ceux qui les précédent : ainsi le bémol du mi ne se pose

<)0 BÉQ

qu'avec celui du si, celui du la qu'avec les deux précé- dents , et chacun des suivants qu'avec tous ceux qui le précédent.

On trouvera dans larticle Clef une formule pour sa\ioir tout d'un coup si un ton ou un m»de donné doit porter des bémols a la clef, et combien.

Bémolisër, V. a. Marquer une note d'un bémol, ou armer la clef par hémoL Bémolisez ce mi. Il faut bémoli' .séria clef pour le ton de fa,

Béquarre ou B quarre *, 5. m. Caractère de musique qui s'écrit ainsi t| , et qui, placé à la gauche d'une fiote , marque que cette note ayant été précédemment haussée par un dièse ou baissée par un bémol, doit être remise à son élévation naturelle ou diatonique.

Le bécarre fut inventé par Gui d'Arezzo. Cet au- teur, qui donna des noms aux six premières notes de 1 octave, n'en laissa point d'autre que la lettre b pour exprimer le si naturel : car chaque note avoit dès-lors sa lettre correspondante; et comme le chant diatoni- que de ce si est dur quand on y monte depuis \efa , il l'appela simplement b dur, , b cajTé, ou b carre, par une allusion dont j'ai parlé dans l'article précédent.

Le bécatTe servit dans la suite à détruire l'effet du bémol antérieur sur la note qui sm\oit\e bécarre ; c'est que le bémol se plaçant ordinairement sur le si, le bé- i:arre, qui venoit ensuite, ne produisoit , en détruisant ce bémol , que son effet naturel , qui étoit de représen- ter la note si sans altération. A la fin on s'en servit par extension , et, faute d'auti^ signe, pour détruire aussi

* On écrit actuellement Bécarre.

BÉQ gi

l'effet du dièse ; et c'est ainsi qu'il s'emploie encore aujourd'hui. Le bécarre efface également le dièse ou le bémol qui l'ont précédé.

11 y a cependant une distinction à faire. Si le dièse ou le bémol étoient accidentels, ils sont détruits sans retour par le bécarre dans toutes les notes qui le sui- vent médiatement ou immédiatement sur le même de- gré, jusqu'à ce qu'il s'y présente un nouveau bémol ou un nouveau dièse. Mais si le bémol ou le dièse sont à la clef, le bécarre ne les efface que pour la note qu'il précède immédiatement, ou tout au plus pour toutes celles qui suivent dans la même mesure et sur le même degré ; et à chaque note altérée à la clef dont on veut détruire l'altération , il faut autant de nouveaux bé- carres. Tout cela est assez mal entendu ; mais tel est l'usage.

Quelques uns donnoient un autre sens au bécarre, et , lui accordant seulement le droit d'effacer les dièses ou bémols accidentels, lui ôtoient celui de rien chan- ger à l'état de la clef; de sorte qu'en ce sens sur un fa diésé , ou sur un si bémolisé à la clef, X^bécarre ne ser- viroit qu'à détruire un dièse accidentel sur ce si, ou un bémol sur ce/a, et signifieroit toujours \efa dièse ou le si bémol tel qu'il est à la clef.

D'autres enfin se servoient bien du bécaiTc pour ef- facer le bémol, même celui de la clef, mais jamais pour effacer le dièse; c'est le bémol seulement qu'ils employoient dans ce dernier cas.

Le premier uaage a tout-à-fait prévalu ; ceux-ci de- viennent plus rares et s'abolissent de jour en jour: mais

i)'2 BOU

il est bon d'y faire attention en lisant d'anciennes mu- siques , sans quoi Ton se troniperoit souvent.

Bi. Syllabe dont quelques musiciens étrangers se servoient autrefois pour prononcer le son de la gamme que les François appellent si. ( Voyez Si. )

BiscROME, s.f. Mot italien qui signifie triples-croches. Quand ce mot est écrit sous une suite de notes égales et de plus grande valeur que des triples-croches , il marque qu'il faut diviser en triples-croches les valeurs de toutes ces notes, selon la division réelle qui se trouve ordinairement faite au premier temps. C'est une invention des auteurs adoptée par les copistes , surtout dans les partitions , pour épargner le papier et la peine. ( Voyez Crochet. )

Blanche, s.f. C'est le nom d'une note qui vaut deux noires , ou la moitié d'une ronde. ( Voyez l'arti- cle Notes ; et la valeur de la blanche , Planche D , figure 9. )

Bourdon. Basse-continue qui résonne toujours sur le même ton , comme sont communément celles des airs appelés musettes. ( Voyez Point d'orgue. )

Bourrée, s.f. Sorte d'air propre à une danse de même nom , que l'on croit venir d'Auvergne , et qui est encore en usage dans cette province. La bourrée est à deux temps gais , et commence par une noire avant le frappé. Elle doit avoir, comme la plupart des au- tres danses , deux parties et quatre mesures , ou un multiple de quatre à chacune. Dans ce caractère d'air on lie assez fréquemment la seconde moitié du pre- mier temps et la première du second par une blanche syncopée.

BRÈ 93

Boutade, s.f. Ancienne sorte de petit ballet qu'on exécutoit ou qu'on paroissoit exécuter impromptu. Les musiciens ont aussi quelquefois donné ce nom aux pièces ou idées qu'ils exécutoient de même sur leurs instruments , et qu'on appeloit autrement Ca- price, Fantaisie. ( Voyez ces mots. )

Brailler, v. n. C'est excéder le volume de sa voix et chanter tant qu'on a de force, comme font au lutrin les marguilliers de village , et certains musiciens ailleurs.

Branle, s. m. Sorte de danse fort gaie, qui se danse en rond sur un air court et en rondeau , c'est-à-dire avec un même refrain à la fin de chaque couplet.

Bref. Adverbe qu'on trouve quelquefois écrit dans d'anciennes musiques au-dessus de la note qui finit une phrase ou un air , pour marquer que cette finale doit être coupée par un son bref et sec , au lieu de du- rer toute sa valeur. ( Voyez Couper. ) Ce mot est maiii- tenant inutile depuis qu'on a un signe pour l'ex- primer.

Brève, s.f. Note qui passe deux fois plus vite que celle qui la précède : ainsi la noire est brève après une blanche pointée , la croche après une noire pointée. On ne pourroit pas de même appeler brève une note qui vaudroit la moitié de. la précédente : ainsi la noire n'est pas une brève après la blanche simple , ni la cro- che après la noire , à moins qu'il ne soit question de syncope.

C'est autre chose dans le plain-chant. Pour répon- dre exactement à la quantité des syllabes , la brève v

94 BRO

vaut la moitié de la longue; de plus, la longue a quel- quefois une queue pour la distinguer de la brève qui n'en a jamais, ce qui est précisément Topposé de la musique, la ronde, qui n'a point de queue, est double de la blanche qui en aune. (Voyez Mesure, Valeur DES NOTES.)

Brève est aussi le nom que donnoient nos anciens musiciens , et que donnent encore aujourd'hui les Italiens à cette vieille figure de note que nous appe- lons carrée. Il y avoit deux sortes de brèves : savoir, la droite ou parfaite, qui se divise en trois parties égales et vaut trois rondes ou semi-brèves dans la mesure triple, et \dibrève altérée ou imparfaite, qui se divise en deux parties égales, et ne vaut que deux semi- brèves dans la mesure double. Cette dernière sorte de brève est celle qui s'indique par le signe du C barré; et les Italiens nomment encore alla brève la mesure à deux temps fort vites, dont ils se servent dans les musiques da capella. (Voyez Alla brève.)

Broderies, Doubles, Fleurtis. Tout cela se dit en musique de plusieurs notes de goût que le musicien ajoute à sa partie dans l'exécution, pour varier un chant souvent répété, pour orner des passages trop simples , ou pour faire briller la légèreté de son gosier ou de ses doigts. Rien ne montra mieux le bon ou le mauvais- goût d'un musicien que le choix et l'usage qu'il fait de ces ornements. La vocale françoise est fort letenue sur les broderies \ elle le devient même davantage de jour en jour, et, si Ion excepte le cé- lèbre Jélyotte et mademoiselle Fel , aucun acteur fran- çois ne se hasarde plus au théâtre à faire des doubles ;

BRU gS

car le chant fraiiçois , ayant pris un ton plus traînant et plus lamentable encore depuis quelques années, ne les comporte plus. Les Italiens s'y donnent car- rière : c'est chez eux à qui en fera davantage , ému- lation qui mène toujours à en faire trop. Cependant l'accent de leur mélodie étant très sensible, ils n'ont pas à craindre que le vrai chant disparoisse sous ces ornements que l'auteur même y a souvent supposés.

A l'égard des instruments, on fait ce qu'on veut dans un solo, mais jamais symphoniste qui brode ne fut souffert dans un bon orchestre.

Bruit, s. m. C'est en général toute émotion de l'air qui se rend sensible à l'organe auditif. Mais, en mu- sique, le mot bruit est opposé au mot son, et s'entend de toute sensation de l'ouïe qui n'est pas sonoie et appréciable. On peut supposer, pour expliquer la dif- férence qui se trouve à cet égard entre le bruit et le son, que ce dernier n'est appréciable que par le con- cours de ses harmoniques, et que le bruit ne l'est point parcequ'il en est dépourvu. Mais outre que cette ma- nière d'appréciation n'est pas facile à concevoir si l'émotion de l'air, causée par le son, fait vibrer avec une corde les aliquotes de cette corde , on ne voit pas pourquoi l'émotion cie l'air , causée par le ^/«iY, ébran- lant cette même corde , n'ébranleroit pas de même ses aliquotes. Je ne sache pas qu'on ait observé aucune propriété de l'air qui puisse faire soupçonner que l'agitation qui produit le son, et celle qui produit le bruit prolongé ne soient pas de même nature, et que l'action et réaction de l'air et du corps sonore , ou de

q6 bru

Tair et du corps bruyant, se fassent par des lois dif- férentes dans Fun et dans Tautre effet.

î^e pourroit'On pas conjecturer que le bruit nest 'point d'une autre natuve que le son; qu'il n'est lui- même que la somme d'une rijukitude confuse de sons divers, qui se font entendre à-la-fois, et contrarient en quelque sorte mutuellement leurs ondulations? Tous les corps élastiques semblent être plus sonores à mesure que leur matière est plus liomogène, que le degré de cohésion est plus égal partout, et que le corps n'est pas , pour ainsi dire, partagé en une mul- titude de petites masses. qui, ayant des solidités dif- férentes , résonnent conséquemment à différents tons.

Pourquoi le bruit ne seroit-il pas du son, puisqu'il en excite? car tout bruit fait résonner les cordes d'un clavecin, non quelques unes , comme fait un son, mais toutes ensemble , parcequ'il n'y en a pas une qui ne trouve son unisson ou ses harmoniques. Pourquoi \q, bruit ne seroit-il pas du son, puisque avec des sons on fait du bruit? Touchez à-la-fois toutes les touches d'un clavier , vous produirez une sensation totale qui ne sera que du bi^uit, et qui ne prolongera son effet par la résonnance des cordes que comme tout autre bruit qui feroit résonner les mêmes cordes. Pourquoi le bruit ne seroit-il pas du son, puisqu'un son trop fort n'est plus qu'un véritable bruit ^ comme une voix qui crie à pleine tête, et surtout comme le son d'une grosse cloche qu'on entend dans le clocher même? car il est impossible de l'apprécier, si, sortant du clo- cher, on n'adoucit le son par l'éloignement.

Mais, me dira-t-on , d'où vient ce changement d'un

lîiTC 9*7

son excessif en bruit? c'est que la violence des vibra- tions rend sensible la résonnance d\in si grand nombre d aliquotes , que le mélange de tant de sons divers fait alors son effet ordinaire et n'est plus que du bruit. Ainsi les aliquotes qui résonnent ne sont pas seulement la moitié, le tiers , le quart, et toutes les consonnances , mais la septième partie, la neuvième, la centième, et plus encore; tout cela fait ensemble un effet semblable à celui de toutes les touches d'un clavecin frappées à- la-fois : et voilà comment le son devient bruit.

On donne aussi, par mépris, le nom de bruit à une musique étourdissante et confuse, Ton entend plus de fracas que d'harmonie , et plus de clameurs que de chant : Ce nest que du bruit -^ cet opéra fait beaucoup de bruit et peu d'effet.

BucoLiASME. Ancienne chanson des berges. (Voyez Chanson.)

C.

C. Cette lettre étoit, dans nos anciennes musiques , le signe de la prolation mineure imparfaite; d'où la même lettre est restée parmi nous celui de la mesure à quatre temps, laquelle renferme exactement les mêmes valeurs de notes. (Voyez mode, Prolation. )

C BARRÉ. Signe de la mesure à quatre temps vites , ou à deux temps posés : il se marque en traversant le C de haut en bas par une ligne perpendiculaire à la portée.

C sol ut, C sol fa ut, ou simplement C. Caractère ou terme de musique qui indique la première note de la gamme, que nous appelons ut. (Voyez Gamme.) C'est

XIV. rj

98 CAD

aussi rancien signe d'une des trois clefs de la musique. (Voyez Clef.)

Cacophonie, s. f. Union discordante de plusieurs sons mal choisis ou mal accordés. Ce mot vient de -/a/oç , mauvais, et de (pwv>7, son. Ainsi, c'est mal à propos que la plupart des musiciens prononcent caca- phonie. Peut-être feront-ils à la fin passer cette pro- nonciation comme ils ont déjà fait passer celle de colophane.

Cadence, s. f. Terminaison d'une phrase harmo- nique sur un repos ou sur un accord parfait, ou, pour parler plus généralement, c'est tout passage d'un ac- cord dissonant à un accord quelconque; car on ne peut jamais sortir d'un accord dissonant que par un acte de cadence. Or, comme toute phrase harmonique est nécessairement liée par des dissonances exprimées ou sous-entendues, il s'ensuit que toute l'harmonie n'est proprement qu'une suite de cadences.

Ce qu'on appelle acte de cadence résulte toujours de deux sons fondamentaux, dont Tun annonce la ca- dence ^ et l'autre la termine.

Comme il n'y a point de dissonance sans cadence , il n'y a point non plus de cadence sans dissonance , exprimée ou sous-entendue ; car, pour faire sentir le repos, il faut que quelque chose d'antérieur le sus- pende, et ce quelque chose ne peut être que la disso- nance ou le sentiment implicite de la dissonance: au- trement les deux accords étant également parfaits , on pourroit se reposer sur le premier; le second ne s'an- nonceroit point et ne seroit pas nécessaire. L'accord formé sur le premier son d'une cadence doit donc

CAD 99

toujours être dissonant, c'est-à-dire porter ou sup- poser une dissonance.

A regard du second, il peut être consonnant ou dis- sonant, selon qu'on veut établir ou éluder le repos. S'il est consonnant, la cadence est pleine; s'il est dis- sonant, la cadence est évitée ou imitée.

On compte ordinairement quatre espèces de ca- dences: savoir, cadence parfaite, cadence imparfaite oti irrégulière, cadence interrompue, et cadence rompue: ce sont les dénominations que leur a données M. Ra- meau, et dont on verra ci-après les raisons.

I. Toutes les fois qu'après un accord de septième la basse-fondamentale descend de quinte sur un ac- cord parfait, c'est une c^cfence^<7r/àiYe pleine, qui pro- cède toujours d'une dominante tonique à la tonique; mais si la cadence parfaite est évitée par une disso- nance ajoutée à la seconde note, on peut commencer une seconde cadence en évitant la première sur cette seconde note, éviter derechef cette seconde cadence, et en commencer une troisième sur la troisième note, enfin continuer ainsi tant qu'on veut, en montant de quarte ou descendant de quinte sur toutes les cordes du ton , et cela forme une succession de cadences parfaites évitées. Dans cette succession, qui est sans contredit la plus harmonique, deux parties, savoir, celles qui font la septième et la quinte, descendent sur la tierce et l'octave de l'accord suivant, tandis que deux autres parties , savoir , celles qui font la tierce et l'octave, restent pour faire à leur tour la septième et la quinte , et descendent ensuite alternati- vement avec les deux autres. Ainsi une telle succes-

7

Univers ifas

r>inii/->-riir/— A 1

100 CAN

sion donne une harmonie descendante, elle ne doit jamais s'arrêter qu'à une dominante tonique pour tomber ensuite sur la tonique par une cadence pleine. {Pl.A,fg.i.)

II. Si la basse-fondamentale, au lieu de descendre de quinte après un accord de septième, descend seule- ment de tierce, la cadence s'appelle interrompue : celle- ci^ne peut jamais être pleine; mais il faut nécessaire- ment que la seconde note de cette cadence porte un autre accord dissonant. On peut de même continuer à descendre de tierce ou monter de sixte par des ac- cords de septième ; ce qui fait une deuxième succession de cadences évitées , mais bien moins parfaite que la précédente : car la septième , qui se sauve sur la tierce dans ]3i cadence parfaite j se sauve ici sur l'octave, ce qui rend moins d'harmonie, et fait même sous-en- tendre deux octaves; de sorte que, pour les éviter, il faut retrancher la dissonance ou renverser l'har- monie.

Puisque la cadence interrompue ne peut jamais être pleine, il s'ensuit qu'une phrase ne peut finir par elle ; mais il faut recourir à la cadence parfaite pour faire entendre l'accord dominant. (Fi^z/re i.)

La cadence interroinpue forme encore, par sa suc- cession, une harmonie descendante; mais il n'y a qu'un seul son qui descende. Les trois autres restent en place pour descendre, chacun à son tour, dans une marche semblable. (Même figure.)

Quelques uns prennent mal à propos pour une ca-

deiice interrompue un renversement de la cadence par-

faite, la basse, après un accord de septième, des-

CAD lOI

cend de tierce portant un accord de sixte : mais chacun voit qu'une telle marche, n étant point fondamentale , ne peut constituer une cadence particulière.

III. Cadence rompue est celle la basse-fonda- mentale, au lieu de monter de ([uarte après un ac- cord de septième, comme dans la cadence parfaite^ monte seulement d'un degré. Cette cadence s'évite le plus souvent par une septième sur la seconde note. Il est certain qu'on ne peut la faire pleine que par licence , car alors il y a nécessairement défaut de liaison . (Voyez

figure?,.)

Une succession de cadences rompues évitées est encore descendante; trois sons y descendent, et l'oc- tave reste seule pour préparer la dissonance ; mais une telle succession est dure, mal modulée, et se pra- tique rarement.

IV. Quand la basse descend, par un intervalle de quinte, de la dominante sur la tonique, c'est, comme je l'ai dit, un acte de cadence parfaite.

Si au contraire la basse monte par quinte de la toni- que à la dominante, c'est un acte de cadence irrégulière ou imparfaite. Pour l'annoncer, on ajoute une sixte majeure à l'accord de tonique; d'où cet accord prend le nom de sixte-ajoutée. ( Voyez Accord. ) Cette sixte, qui fait dissonance sur la quinte, est aussi traitée comme dissonance sur la basse-fondamentale , et , comme telle, obligée de se sauver en montant diato- niquement sur la tierce de l'accord suivant.

La cadence imparfaite forme une opposition presque entière à la cadence parfaite. Dans le premier accord de l'une et de l'autre, on divise la quarte qui se trouve

ÏOÎt CAD

entre la quinte et l'octave par une dissonance qui y

produit une nouvelle tierce, et cette dissonance doit

aller se résoudre sur Faccord suivant par une marche

fondamentale de quinte. Voilà ce que ces deux cadences

ont de commun : voici maintenant ce qu'elles ont

d'opposé.

Dans la cadence parfaite ^ le son ajouté se prend au haut de l'intervalle de quarte, auprès de l'octave for- mant tierce avec la quinte, et produit une dissonance mineure qui se sauve en descendant, tandis que la basse-fondamentale monte de quarte ou descend de quinte de la dominante à la tonique, pour établir un repos parfait. Dans la cadence imparfaite, le son ajouté se prend au bas de l'intervalle de quarte auprès de la quinte, et, formant tierce avec l'octave, il produit une dissonance majeure qui se sauve en montant, tandis que la basse-fondamentale descend de quarte ou monte de quinte de la tonique à la dominante pour établir un repos imparfait.

M. Rameau , qui a le premier parlé de cette cadence , et qui en admet plusieurs renversements, nous dé- fend, dans son Traité de l'Harmonie y page 117, d'ad- mettre celui le son ajouté est au grave portant un accord de septième, et cela par une raison peu solide dont j'ai parlé au mot Accord. Il a pris cet accord de septième pour fondamental ; de sorte qu'il Fait sauver une septième par une autre septième, une dissonance par une dissonance pareille , par un mouvement sem- blable sur la basse-fondamentale. Si une telle manière de traiter les dissonances pouvoit se tolérer , il fau- droit se boucher les oreilles et jeter les régies au feu.

CAD , 1(33

Mais rharmonie, sous laquelle cet auteur a mis une si étrange basse-Fondamentale, est visiblement ren- versée d'une cadence imparfaite^ évitée par une sep- tième ajoutée sur la seconde note. (Voyez Planche A, fi(j. 4.) Et cela est si vrai, que la basse-continue qui frappe la dissonance est nécessairement obligée de monter diatoniquement pour la sauver, sans quoi le passage ne vaudroit rien. J'avoue que dans le même ouvrage, ^«r/e 27?-, M. Rameau donne un exemple semblable avec la vraie basse-fondamentale ; mais puis- qu'il improuve en termes formels le renversement qui résulte de cette basse, un tel passage ne sert qu'à montrer dans son livre une contradiction de plus; et bien que dans un ouvrage postéiieur [Génér. Harmon. , page id)6) le même auteur semble reconnoître le vrai fondement de ce passage, il en parle si obscurément , et dit encore si nettement que la septième est sauvée par une autre, qu'on voit bien qu'il ne fait ici qu'entre- voir, et qu'au fond il n'a pas cliangé d opinion : de sorte qu'on est en droit de rétorquer contre lui le reproche qu'il fait à Masson de n'avoir pas su voir la cadence imparfaite dans un de ses renversements.

La même cadence imparfaite se prend encore de la sous-dominante à la tonique. On peut aussi l'éviter, et lui donner de cette manière une succession de plu- sieurs notes , dont les accords formeront une har- monie ascendante , dans laquelle la sixte et l'octave montent sur la tierce et la quinte de l'accord , tandi-> que la tierce et la quinte restent pour faire l'octave et préparer la sixte.

Nul auteur, que je sache, n'a parlé , jusqu'à M. Ra-

io4 t;AD

meau, de cette ascension harmonique; lui-même ne la fait qu'entrevoir , et il est vrai qu'on ne pourroit ni pratiquer une longue suite de pareilles cadences, à cause des sixtes majeures qui éloigneroient la modu- lation, ni même en remplir, sans précaution, toute l'harmonie.

Après avoir exposé les régies et la constitution des diverses cadences, passons aux raisons que M. d'Alem- bert donne, d'après M, Rameau, de leurs dénomi- nations.

La cadence parfaite consiste dans une marche de quinte en descendant; et, au contraire, Y imparfaite consiste dans une marche de quinte en montant : en voici la raison; quand je dis, ut sol, sol est déjà ren- fermé dans Yut , puisque tout son , comme ut, porte avec lui sa douzième, dont sa quinte 50/ est l'octave; ainsi, quand on va ô^utk sol, c'est le son générateur qui passe à son produit, de manière pourtant que l'oreille désire toujours de revenir à ce premier géné- rateur ; au contraire , quand on dit sol ut, c'^st le pro- duit qui retourne au générateur ; l'oreille est satisfaite et ne désire plus rien. De plus, dans cette marche 50/ ut, le sol se fait encore entendre dans ut ; ainsi l'oreille entend à-la-fois le générateur et son produit : au lieu que dans la marche ut sol, l'oreille qui, dans le premier son , avoit entendu ut et sol , n'entend plus, dans le second, que sol sans ut. Ainsi le repos ou la cadence de sol à ut, a plus de perfection que la cadence ou le repos dut à sol. *

Il semble, continue M. d'Alembeit, que dans les principes de M. Rameau on peut encore expliquer

CAt) io5

rcffet de la cadence rompue et de la cadence interrompue. Imaginons , pour cet effet , qu'après un accord de septième, sol sire fa, on monte diaioniquement par une cadence rompue à Taccord la ut mi sol; il est visible que cet accord est renversé de l'accord de sous-domi- nante ut mi sol la : ainsi la marche de cadence rompue équivaut à cette succession sol si re fa, ut mi sol la, qui n'est autre chose qu'une cadence parfaite, dans laquelle ut, au lieu d'être traitée comme tonique, est rendue sous-dominante. Or, toute tonique, dit M. d'Alembert, peut toujours être rendue sous-do- minante, en changeant de mode : j'ajouterai qu'elle peut même porter l'accord de sixte-ajoutée, sans en changer.

A l'égard de la cadence interrompue, qui consiste à descendre d une dominante sur une autre par l'inter- valle de tierce en cette sorte sol sire fa, mi sol si re, il semble qu'on peut encore l'expliquer. En effet, le se- cond accord mi sol si re, est renversé de l'accord de sous-dominante sol si re mi : ainsi la cadence inler- rompue équivaut a cette succession, sol si re ja, sol si re mi, la note sol, après avoir été traitée comme dominante , est rendue sous-dominante en chan- geant de mode ; ce qui est permis et dépend du com- positeur.

Ces explications sont ingénieuses, et montrent quel usage on peut faire du double emploi dans les pas- sages qui semblent s'y rapporter le moins. Cependant l'intention de M. d'Alembert n'est sûrement pas qu'on s'en serve réellement dans ceux-ci pour la pratique, mais seulement pour l'intelligence du renversement.

JOG CAD

Par exemple, le double emploi de la cadence inter- rompue sauveroit la dissonance fa par la dissonance mi, ce qui est contraire aux régies , à Tesprit des ré- gies, et surtout au jugement de l'oreille ; car dan^ la sensation du second accord , 50/51 re mi, à la suite du premier, sol si refa , Toreille s'obstine plutôt à rejeter le re du nombre des consonnances, que d'admettre le mi pour dissonant. En général les commençants doivent savoir que le double emploi peut être admis sur un accord de septième à la suite d'un accord con- sonnant , mais que sitôt qu'un accord de septième en suit un semblable, le double emploi ne peut avoir lieu. Il est bon qu'ils sachent encore qu'on ne doit changer de ton par nul autre accord dissonant que le sensible; d^où il suit que dans la cadence rompue on ne peut sup- poser aucun changement de ton.

Il y a une autre espèce de cadence^ que les musi- ciens ne regardent point comme telle, et qui, selon la définition , en est pourtant une véritable ; c'est le passage de l'accord de septième diminuée sur la note sensible à l'accord de la tonique. Dans ce passage il ne se trouve aucune liaison harmonique ^- et c'est le second exemple de ce défaut dans ce qu'on appelle cadence. On pourroit regarder les transitions enhar- moniques comme des manières d'éviter cette même cadence ^ de même qu'on évite la cadence parfaite d une dominante à sa tonique par une transition chromati- que : mais je me borne à expliquer ici les dénomina- tions établies.

Cadence est , en terme de chant , ce battement de gosier que les Italiens appellent trillo^ que nous appe-

CAD ÎO7

Ions aiUrcnient tremblement , et qui se fait oiclinaire- mentsur la pénultième note dune phrase musicale, d'où sans doute il a pris le nom de cadence. On dit, Cette actrice a une belle cadence ; ce chanteur bat mal la cadence , etc.

Il V a deux sortes de cadences : Tune est la cadence pleine; elle consiste à ne commencer le battement de voix qu'après en avoir appuyé la note supérieure : l'autre s'appelle cadence brisée , et Ton y fait le batte- ment de voix sans aucune préparation. (Voyez l'exem- ple de l'une et de l'autre , P/. B , figure 1 3. )

Cadence (la) est une qualité de la bonne musique, qui donne à ceux qui l'exécutent ou qui l'écoutent uii sentiment vif de la mesure, en sorte qu'ils la mar- quent et la sentent tomber à propos, sans qu'ils y pensent et comme par instinct. Cette qualité est sur-^ tout requise dans les airs à danser : Ce menuet marque bien la cadence; cette chaconne manque de cadence. La cadence y en ce sens étant une qualité, porte ordinai- rement l'article défini la; au lieu que la cadence har- monique porte , comme individuelle , l'article numéri- que: Une c^àdence parfaite ; trois Ccidences évitées , etc.

Cadence signifie encore la conformité des pas du danseur avec la mesure marquée par l'instrument : // sort de cadence ; il est bien en cadence. Mais il faut observer que la cadence ne se marque pas toujours comme se bat la mesure. Ainsi le maître de musique marque le mouvement du menuet en frappant au commencement de chaque mesure; au lieu que le maître à danser ne bat que de deux en deux mesures,

i08 CAD

parcequ'il en faut autant pour former les quatre -pas du menuet.

Cadencé, aclj. Une musique bien cadencée est celle la cadence est sensible, le rbythme et fhar- monie concourent le plus parfaitement qu il est pos- sible à faire sentir le mouvement : car le choix des accords n'est pas indifférent pour marquer les temps de la mesure, et Ton ne doit pas pratiquer indifférem- ment la même harmonie sur le frappé et sur le levé. Oe même il ne suffit pas de partager les mesures en valeurs égales pour en faire sentir les retours égaux : mais le rhythme ne dépend pas moins de Faccent qu on donne à la mélodie que des valeurs qu'on donne aux notes ; car on peut avoir des temps très égaux en valeurs , et toutefois très mal cadencés : ce n'est pas assez que l'égalité y soit , il faut encore qu'on la sente.

Cadenza, 5. /. Mot italien, par lequel on indique un point d'orgue non écrit, et que l'auteur laisse à la volonté de celui qui exécute la partie principale , afin qu'il y fasse, relativement au caractère de l'air, les passages les plus convenables à sa voix , à son in- strument, ou à son goût.

Ce point d'orgue s'appelle cadenza parcequ'il se fait ordinairement sur la première note d'une cadence finale , et il s'appelle aussi arbitrio à cause de la liberté qu'on y laisse à l'exécutant de se livrer à ses idées et de suivre son propre goût. La musique françoise, surtout la vocale, qui est extrêmement servile, ne laisse au chanteur aucune pareille liberté , dont même il seroit fort embarrassé de faire usage.

Canarder, v. n. C'est, en jouant du hautbois, tirer

CAN 109

mi son nasillard et rauque, approchant du cri du ca- nard; c'est ce qui arrive aux commençants, et surtout dans le bas , pour ne pas serrer assez Tanche des lèvres. Il est aussi très ordinaire à ceux qui chantent la haute-contre de canarder; parceque la haute-contre est une voix factice et forcée qui se sent toujours de la contrainte avec laquelle elle sort.

Canarie, s. f. Espèce de gigue dont lair est d'un mouvement encore plus vif que celui de la gigue ordinaire : c'est pourquoi Ton le marque quelquefois par : cette danse n'est plus en usage aujourd'hui. (Voyez Gigue.)

Canevas, s. m. C'est ainsi qu'on appelle à l'Opéra de Paris des paroles que le musicien ajuste aux notes d'un air à parodier. Sur ces paroles, qui ne signifient rien, le poète en ajuste d'autres qui ne signifient pas grand'chose, l'on ne trouve pour l'ordinaire pas plus d'esprit que de sens, la prosodie françoise est ridiculement estropiée , et qu'on appelle encore avec grande raison des canevas.

Canon, s. m. C'étoit dans la musique ancienne une règle ou méthode pour déterminer les rapports des intervalles. L'on donnoit aussi le nom de canon à l'in- strument par lequel on trouvoit ces rapports, et Pto- lomée a donné le même nom au livre que nous avons de lui sur les rapports de tous les intervalles harmo- niques. En général , on appeloit sectio canonis la divi- sion du monocorde par tous ces intervalles, et canon universalis le monocorde ainsi divisé, ou la table qui le représentoit. (Voyez Monocorde.)

Canon, en musique moderne, est une sorte de

iro CAN

fugue qu'on sippelle perpétuelle, parceque les parties , partant Tune après l'autre , répètent sans cesse le même chant.

Autrefois , dit Zarlin, on mettoit à la tête des fugues perpétuelles , qu'il appelle fucjlie in conseguenza , cer- tains avertissements qui marquoient comment il fal- îoit chanter ces sortes de fugues ; et ces avertisse- ments , étant proprement les régies de ces fugues , s'intituloient canoni, régies, canons. De , prenant le titre pour la chose, on a, par métonymie, nommé canon cette espèce de fugue.

Les canons les plus aisés à faire et les plus communs se prennent à Tunisson ou à Toctave , c'est-à-dire que chaque partie répète sur le même ton le chant de celle qui la précède. Pour composer cette espèce de canon , il ne faut qu'imaginer un chant à son gré, y ajouter en partition autant de parties qu'on veut, à voix égales , puis , de toutes ces parties chantées successive- ment, former un seul air; tâchant que cette succession produise un tout agréable, soit dans l'harmonie, soit dans le chant.

Pour exécuter un tel canon, celui qui doit chanter le premier part seul, chantant de suite l'air entier, et le recommençant aussitôt sans interrompre la mesure. Dès que celui-ci a fini le premier couplet, qui doit servir de sujet perpétuel , et sur lequel le canon entier a été composé , le second entre, et commence ce même premier couplet, tandis que le premier entré poursuit le second : les autres partent de même successive- ment, dès que celui qui les précède est à la fin du même premier couplet; en recommençant ainsi sans

CAN m

cesse, on ne trouve jamais de fin générale, et Ton poursuit le canon aussi long-temps qu'on veut.

L'on peut encore prendre une fugue perpétuelle à la quinte ou à la quarte , c'est-à-dire que chacpie partie répétera le chant de la précédente une quinte ou une quarte plus haut ou plus bas. Il faut alois que le canon soit imaginé tout entier, di prima intenzione^ comme disent les Italiens, et que l'on ajoute des bémols ou des dièses aux notes dont les degrés naturels ne ren- droient pas exactement, à la quinte ou à la quarte, le chant de la partie précédente. On ne doit avoir égard ici à aucune modulation , mais seulement à l'identité du chant : ce qui rend la composition du canon plus dif- ficile; car à chaque fois qu'une partie reprend la fugue elle entre dans un nouveau ton; elle en change pres- que à chaque note, et, qui pis est, nulle partie ne se trouve à-la-fois dans le même ton qu'une autre; ce qui fait que ces sortes de canons, d'ailleurs peu faciles à suivre, ne font jamais un effet agréable, quelque bonne qu'en soit l'harmonie, et quelque bien chantés qu'ils soient.

Il y a une troisième sorte de canons, très rares, tant à cause de l'excessive difficulté, que parceque ordinairement dénués d'agréments , ils n'ont d'autre mérite que d'avoir coûté beaucoup de peine à faire ; c'est ce qu'on pourroit appeler double canon renversé^ tant par l'inversion qu'on y met dans le chant des parties , que par celle qui se trouve entre les parties mêmes en les chantant. Il y a un tel artifice dans cette espèce de canons, que, soit qu'on chante les parties dans l'ordre naturel, soit qu'on renverse le papier

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pour les chanter dans un ordre rétrograde, en sorte que Ton commence par la fin , et que la basse devienne le dessus, on a toujours une bonne harmonie et un canon régulier. Voyez ( Planche D , fig. 1 1 . ) deux exemples de cette espèce de canons tirés de Bontempi, lequel donne aussi des régies pour les composer. Mais on trouvera le vrai, principe de* ces régies au mot Système, dans l'exposition de celui de M. Tartini.

Pour faire un canon dont Tharmonie soit un peu variée, il faut que les parties ne se suivent pas trop promptement, que Tune n'entre que long-temps après l'autre. Quand elles se suivent si rapidement, comme à la pause ou demi-pause, on n'a pas le temps d'y faire passer plusieurs accords , et le canon ne peut manquer d'être monotone; mais c'est un moyen de faire sans beaucoup de peine des canons à tant de parties qu'on veut; car un canon de quatre mesures seulement sera déjà à huit parties , si elles se suivent à la demi-pause; et, à chaque mesure qu'on ajoutera. Ton gagnera encore deux parties.

L'empereur Charles VI , qui étoit grand musicien et composoit très bien , se plaisoit beaucoup à faire et chanter des canons. L'Itahe est encore pleine de fort beaux canons qui ont été faits pour ce prince par les^ meilleurs maîtres de ce pays-là.

Cantabile. Adjectif italien, qui signifie chantable, commode à chanter. Il se dit de tous les chants dont, en quelque mesure que ce soit, les intervalles ne sont pas trop grands ni les notes trop précipitées, de sorte qu'on peut les chanter aisément sans (brcer ni gêner Ja voix. Le mot cantabile passe aussi peu-à-peu dans

I

CAN Il3

Fusa^je François. On dit, Parlez^moi du cantabile; un beau cantabile me plaît plus que tous vos airs d'exé^ eut ion.

Cantate, s. f. Sorte de petit poème lyrique, qui se chante avec des accompagnements, et qui, bien que fait pour la chambre , doit recevoir du musicien la chaleur et les grâces de la musique imitative et théâtrale. Les cantates sont ordinairement composées de trois récitatifs et d'autant d'airs. Celles qui sont en récits, et les airs en maximes, sont toujours froides et mauvaises ; le musicien doit les rebuter. Les meil- leures sont celles où, dans une situation vive et tou- chante, le principal personnage parle lui-même; car nos cantates sont communément à voix seule. Il y en a pourtant quelques unes à deux voix en forme de dialogue, et celles-là sont encore agréables quand on y sait introduire de Tintérét. Mais comme il faut tou- jours un peu d'échafaudage pour faire une sorte d'ex- position et mettre l'auditeur au fait, ce n'est pas sans raison que les cantates ont passé de mode, et qu'on leur a substitué, même dans les concerts, des scènes d'opéra.

La mode des cantates nous est venue d'Italie, comme on le voit par leur nom , qui est italien ; et c'est l'Italie aussi qui les a proscrites la première. Les cantates qu'on y fait aujourd'hui sont de véritables pièces dra- matiques à plusieurs acteurs, qui ne diffèrent des opéra qu'en ce que ceux-ci se représentent au théâtre, et que les cantates ne s'exécutent qu'en concert : de sorte que la cantate est sur un sujet profane ce qu'est l'oratorio sur un sujet sacré.

XIV, 8

Il4 CAiN

Cantatille, s.f. diminutif de cantate, n'est en effet qu'une cantate fort courte, dont le sujet est lié par quelques vers de récitatif, en deux ou trois airs en rondeau pour l'ordinaire avec des accompagnements de symphonie. Le genre de la cantatille xaut moins encore que celui de la cantate, auquel on l'a substitué parmi nous. Mais, comme on n'y peut développer ni passions ni tableaux, et qu'elle n est susceptible que de gentillesse, c'est une ressource pour les petits fai~ seurs de vers et pour les musiciens sans génie.

Cantique, s. m. Hymne que l'on chante en l'hon- neur de la Divinité.

Les premiers et les plus anciens cantiques furent composés à l'occasion de quelque événement mémo- rable , et doivent être comptés entre les plus anciens monuments historiques.

Ces cantiques étoient chantés par des chœurs de musique et souvent accompagnés de danses, comme il paroît par l'Ecriture. La plus grande pièce qu'elle nous offre en ce genre, est le Cantique des Cantiques^ ouvrage attribué à Salomon, et que quelques auteurs prétendent n'être que l'épithalame de son mariage avec la fille du roi d'Egypte. Mais les théologiens mon- trent sous cet emblème l'union de Jésus-Christ et de l'Église. Le sieur de Caliusac ne voyoit dans le Can- tique des Cantiques qu'un opéra très bien fait: les scènes, les récits, les duo , les chœurs, rien n'y man- quoit selon lui, et il ne doutoitpas même que cet opéra n'eût été représenté.

Je ne sache pas qu'on ait conservé le nom de canti- que à aucun des chants de l'Église romaine : si ce n'est

CIAR ll5

le Cantique de Siméon , celui de Zacharie , et le Magnificat^ appelé le Cantique de la Vierge. Mais parmi nous on appelle cantique tout ce qui se chante dans nos temples , excepté les psaumes qui , conser- vent leur nom.

Les Grecs ddnnoient encore le nom de cantiques à certains monologues passionnés de leurs tragédies, qu'on chantoit sur le mode hypodorien, ou sur Thy- pophrygien, comme nous Fapprend Aristote au dix- neuvième de ses problèmes.

Canto. Ce mot italien , écrit dans une partition sur la portée vide du premier violon, marque qu'il doit jouer à Tunisson sur la partie chantante.

Caprice, s. m. Sorte de pièce de musique libre, dans laquelle Fauteur, sans s'assujettir à aucun sujet, donne carrière à son génie et se livre à tout le feu de la composition. Le caprice de Rebel étoit estimé dans son temps. Aujourd'hui les caprices de Locatelli don- nent de l'exercice à nos violons.

Caractères de musique. Ce sont les divers signes qu'on emploie pour représenter tous les sons de la mélodie, et toutes les valeurs des tepips et de la me- sure; de sorte qu'à l'aide de ces caractères on puisse lire et exécuter la musique exactement comme elle a été composée, et cette manière d'écrire s'appelle noter. (Voyez Notes.) ,

Il n'y a que les nations de l'Europe qui sachent écrire leur musique. Quoique dans les autres parties du monde chaque peuple ait aussi la sienne-, il ne paroit pas qu'aucun d'eux ait poussé ses recherches jusqu'à des caractères poui^ la noter. Au moins est-il

8.

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sûr que les Arabes ni les Chinois, les deux peuples étrangers qui ont le plus cultivé les lettres, n'ont ni Tun ni l'autre de pareils caractères. A la vérité les Per- sans donnent des noms de villes de leur pays ou des parties du corps humain aux quarante-huit sons de leur musique: ils disent, par exemple, pour donner l'intonation d'un air, Allez de cette ville à celle-là^ ou allez du doigt au coude; mais ils n'ont aucun signe pro- pre pour exprimer sur le papier ces mêmes sons : et, quant aux Chinois, on trouve dans le P. du Halde qu'ils furent étrangement surpris de voir les jésuites noter et lire sur cette même note tous les airs chinois qu'on leur faisoit entendre.

Les anciens Grecs se servoient pour caractères dans leur musique, ainsi que dans- leur arithmétique, des lettres de leur alphabet; mais au lieu de leur donner dans la musique une valeur numéraire qui marquât les intervalles, ils se contentoient de les employer comme signes, les combinant en diverses manières, les mutilant, les accouplant, les couchant, les retour- nant différemment, selon les genres et les modes; comme on peut voir dans le recueil d'Alypiiis. Les Latins les imitèrent en se servant, à leur exemple, des lettres de l'alphabet; et il nous en reste encore la lettre jointe au nom de chaque note de notre échelle diatonique et naturelle.

Gui Arétin imagina les lignes , les portées , les signes particuliers, qui nous sont demeurés sous le nom de notes, et qui sont aujourd'hui la langue mu- sicale et universelle de toute l'Europe. Comme ces derniers signes, quoique admis unanimement et pcr-

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fectionnés depuis l'Arétin , ont encore de grands dé- fauts , plusieurs ont tenté de leur substituer d'autres notes: de ce nombre ont été Parran, Souhaitti, Sau- veur, Dumas, et moi-même. Mais comme, au fond, tous ces systèmes , en corrigeant d'anciens défauts auxquels on est tout accoutumé, ne faisoient qu'en substituer d'autres dont l'habitude est encore à pren- dre, je pense que le public a très sagement fait de laisser les choses comme elles sont , et de nous ren- voyer, nous et nos systèmes, au pays des vaines spé- culations.

Carillon. Sorte d'air fait pour être exécuté par plusieurs cloches accordées à différents tons. Comme on fait plutôt le carillon pour les cloches que les clo- ches pour le carillon, Y on n'y fait entrer qu'autant de sons divers qu'il y a de cloches. Il faut observer, de plus, que tous leurs sons ayant quelque permanence, chacun de ceux qu'on frappe doit faire harmonie avec celui qui le précède et avec celui qui le suit ; assu- jettissement qui, dans un mouvement gai, doit s'éten- dre à toute une mesure et même au-delà, afin que les sons qui durent ensemble ne dissonent point à l'oreille. Il y a beaucoup d'autres observations à faire pour composer un bon carillon^ et qui rendent ce travail plus pénible que satisfaisant; car c'est toujours une sotte musique que celle des cloches, quand même tous les sons en seroient e-xactement justes; ce qui n'arrive jamais. On trouvera {Planche J , fig. 14) l'exemple d'un carillon consonnant, composé pour être exécuté sur une pendule à neuf timbres, faite par M. Romilly, célèbre horloger. On conçoit que l'ex-

Il8 CAS

trême gêne, à laquelle assujettissent le concours har- monique des sons voisins et le petit nombre des tim- bres, ne permet guère de mettre du chant dans un semblable air.

Cartelles. Grandes feuilles de peau d'âne prépa- rées, sur lesquelles on entaille les traits des portées, pour pouvoir y noter tout ce qu'on veut en compo- sant, et l'effacer ensuite avec une éponge; l'autre côté qui n'a point de portées, peut servir à écrire et barbouiller, et s'efface de même, pourvu qu'on n'y laisse pas trop vieillir l'encre. Avec une cartelle un compositeur soigneux en a pour sa vie, et épargne bien des rames de papier réglé ; mais il y a ceci d'in- commode, que la plume passant continuellement sur les lignes entaillées, gratte et s'émousse facilement. Les cartelles viennent toutes de Rome ou de Napl^s.

Castrato, s. m. Musicien qu'on a privé dans son enfance des organes de la génération, pour lui con- server la voix aiguë qui chante la partie appelée dessus ou soprano. Quelque peu de rapport qu'on aper- çoive entre deux organes si différents, il est cejtain que la mutilation de l'un prévient et empêche dans Fauti e cette mutation qui survient aux hommes à l'âge nubile, et qui baisse tout-à-coup leur voix d'une octave. B se trouve en Italie des pères barbares qui, sacrifiant la nature à la fonune , livrent leurs enfants à cette opération , pour le plaisir des gens voluptueux et cruel«^i qui osent rechercher le chant de ces malheu- reux. Laissons aux honnêtes femmes des grandes villes les ris modestes, l'air dédaigneux et les propos plai- sants dont ils sont l'éternel objet: mais faisons enten-

CAT 119

drc, s'il se peut, la voix de la pudeur el de riiumanité qui crie et s'élève contre cet infâme usage; et que les princes qui Tencouragent par leurs recherches, rou- gissent luie fois de nuire en tant de façons à la conser- vation de l'espèce humaine.

Au reste, l'avantage de la voix se compense dans les castrat i par beaucoup d'autres pertes. Ces hommes qui chantent si bien , mais sans chaleur et sans passion , sont sur le théâtre les plus maussades acteurs du monde; ils perdent leur voix de très bonne heure, et prennent un embonpoint dégoûtant; ils parlent et prononcent plus mal que les vrais hommes, et il y a même des lettres, telles que l'r, qu'ils ne peuvent point prononcer du tout.

Quoique .le mot castrato ne puisse offenser les plus délicates oreilles , il n'en est pas de même de son sy- nonyme françois ; preuve évidente que ce qui rend les mots indécents oudéshonnêtes dépend moins des idées qu'on leur attache, que de l'usage de la bonne com- pagnie, qui les tolère ou les proscrit à son gré.

On pourroit dire cependant que le mot italien s'admet comme représentant une profession , au lieu que le mot françois ne représente que la privation qui y est jointe.

Gatabaucalèse. Chanson des nourrices chez les anciens. (Voyez Chanson.)

Catacoustique , s.f. Science qui a pour objet les sons réfléchis, ou cette partie de l'acoustique qui considère les propriétés des échos. Ainsi la catacous- tique est à l'acoustique ce que la catoptrique est à l'optique.

%

120 OH A

Cataphonïque , 5. /. Science des sons réflécliib . qu'on appelle aussi catacoustique. ( Voyez iarticle précédent. )

Cavatine, s. f. Sorte d'air pour l'ordinaire assez court, qui n'a ni reprise, ni seconde partie, et qui s^ trouve souvent dans des récitatifs obligés. Ce change- ment subit du récitatif au chant mesuré , et le retour inattendu du chant mesuré au récitatif, produisent un effet admirable dans les grandes expressions , comme sont toujours celles du récitatif obligé.

Le mot cavatina est italien ; et quoique je ne veuille pas, comme Brossard, expliquer dans un diction- naire françois tous les mots techniques italiens , sur- tout lorsque ces mots ont des synonymes dans notre langue, je me crois pourtant obligé d'expliquer ceux de ces mêmes mots qu'on emploie dans la musique notée, parcequ'en exécutant cette musique, il con- vient d'entendre les termes qui s'y trouvent , et que l'auteur n'y a pas mis pour rien.

Centonisër, V. n. Terme de plain-chant. C'est com- poser un chant de traits recueillis et arrangés pour la mélodie qu'on a en vue. Cette manière de composer n'est pas de l'invention des symphoniastes modernes , puisque, selon l'abbé Le Bœuf, saint Grégoire lui- même a centonisé.

Chaconne, 5. /. Sorte de pièce de musique faite pour la danse, dont la mesure est bien marquée et le mouvement modéré. Autrefois il y avoit des chaconnes à deux temps et à trois ; mais on n'en fait plus qu'à trois. Ce sont pour l'ordinaire des chants qu'on ap- pelle couplets , composés et variés en diverses ma-

CHA 121

iiières sur une basse contrainte de quatre en quatre mesures, commençant presque toujours par le second temps pour prévenir Tinterruption. On s'est affranchi peu-à-peu de cette contrainte de la basse , et Ton n'y a presque plus aucun égard.

La beauté de la chaconne consiste à trouver des chants qui marquent bien le mouvement, et, comme elle est souvent fort longue, à varier tellement les couplets qu'ils contrastent bien ensemble , et qu'ils réveillent sans cesse l'attention de l'auditeur. Pour cela , on passe et repasse à volonté du majeur au mi- neur, sans quitter pourtant beaucoup le ton prin- cipal ; et du grave au gai , ou du tendre au vif, sans presser ni ralentir jamais la mesure.

La chaconne est née en Italie , et elle y étoit au- trefois fort en usage , de même qu'en Espagne. On ne la connoît plus aujourd'hui qu'en France dans nos opéra.

Chanson. Espèce de petit poème lyrique fort court, qui roule ordinairement sur des sujets agréables, au- quel on ajoute un air pour être chanté dans des occa- sions familières, comme à table, avec ses amis, avec sa maîtresse, et même seul, pour éloigner quelques instants l'ennui, si l'on est riche, et pour supporter plus doucement la misère et le travail , si l'on est pauvre.

L'usage des chansons semble être une suite natu- relle de celui de la parole, et n'est en effet pas moins général ; car partout l'on parle , on chante. Il n'a fallu pour les imaginer que déployer ses organes , donner un tour agréable aux idées dont on aimoit à

112 CHA

is'occuper, et fortifier par Texpression dont la voix est capable le sentiment qu'on vouloit rendre, ou Timage qu'on vouloit peindre. Aussi les anciens n'avoient-ils point encore Fart d'écrire, qu'ils avoient déjà des chansons. Leurs lois et leurs histoire«s, les louanges des dieux et des héros, furent chantées avant d'être écrites. Et de vient, selon Aristote, que le même nom grec fut donné aux lois et aux chansons.

Toute la poésie lyrique n'étoit proprement que des chansons : mais je dois me borner ici à parler de celle qui portoit plus particulièrement ce nom , et qui en avoit mieux le caractère selon nos idées.

Commençons par les airs de table. Dans les pre- miers temps, dit M. de La Nauze, tous les convives, au rapport de Dicéarque, de Plutarque et d'Artémon , chantoient ensemble et d'une seule voix les louanges de la Divinité. Ainsi ces chansons étoient de véritables péans ou cantiques sacrés. Les dieux n'étoient point pour eux des trouble-fêtes , et ils ne déjlaignoient pas de les admettre dans leurs plaisirs.

Dans la suite, les convives chantoient successive- ment, chacun à son tour, tenant une branche de înyrte, qui passoit de la main de celui qui venoit de chanter à celui qui cliantoit après lui. Enfin, quand la muaique se perfectionna dans la Grèce , et qu'on employa la lyre dans les festins , il n'y eut plus , disent les auteurs déjà cités, que les habiles gens qui fussent en état de chanter à table, du moins en s'accompa- gnant de la lyre. Les autres, contraints de s'en tenir à la branche de myrte, donnèrent lieu à un proverbe

cil A 123

^'rec, par lequel on disoit qu'un homme chantoit au myrte , quand on vouloit le taxer d ignorance.

Ces chansons accompagnées de la lyre , et dont Terpandre fut Tinventeur , s appellent scolies, mot qui signifie oblique ou toi^tueux ^ pour marquer, selon Plu- tarque, la difficulté de la chanson^ ou, comme le veut Artémon, la situation irrégulière de ceux qui cban- tpient; car comme il falloit être habile pour chanter ainsi, chacun ne chantoit pas à son rang, mais seule- ment ceux qui savoient la musique, lesquels se trou^ voient dispersés çà et et placés obliquement Tun par rapport à l'autre.

Les sujets des scolies se tiroient non seulement de Famour et du vin, ou du plaisir en général , comme aujourd'hui, mais encore de Fliistoire, de la guerre , et même de la morale. Telle est la chanson d'Aristote sur Ig mort d'Hermias son ami et son alhé, laquelle fit accuser son auteur d'impiété.

« O vertu l qui, malgré les difficultés que vous pré- «sentez aux foibles mortels, êtes l'objet charmant « de leurs' recherches 1 vertu pure et aimable! ce fut « toujours aux Grecs un destin digned'envie de mou- « rir pour vous, et de souffrir avec constance les « maux les plus affreux. Telles sont les semences « d'immortalité que vous répandez dans tous les « cœurs. Les fruits en sont plus précieux que l'or, «que l'amitié des parents, que le sommeil le plus « tranquille. Pour vous le divin Hercule et les fils de « Léda supportèrent mille travaux, et le succès de u leurs exploits annonça votre puissance. C'est par « amour pour vous qu'Achille et Ajax descendirent

1^4 eu A

«dans Tempire de Pluton, et cest en vue de votre « céleste beauté que le prince d'Atarne s'est aussi «privé de la lumière du soleil. Prince à jamais célé- « bre par ses actions , les filles de mémoire chanteront f' sa gloire toutes les fois qu'elles chanteront le culte « de Jupiter hospitalier, et le prix d une amitié du- « rable et sincère. »

Toutes leurs chansons morales n'étoient pas si graves que celles-là. En voici une d'un goût différent , tirée d'Athénée :

« Le premier de tous les biens est la santé : le se- « cond, la beauté; le troisième, les richesses amassées « sans fraude; et le quatrième, la jeunesse qu'on passe « avec ses amis. »

Quant aux scolies qui roulent sur l'amour et le vin , on en peut juger par les soixante-dix odes d'iVnacréon qui nous restent: mais, dans ces sortes de chansons mêmes, on voyoit encore briller cet amour de la pa- trie et de la liberté dont tous les Grecs étoient trans- portés.

«Du vin et de la santé, dit une de ces chansons^ « pour ma Clitagora et pour moi , avec le secours des « Thessaliens. » C'est qu'outre que Clitagora étoit Thessalienne, les Athéniens avoient autrefois reçu du secours des Thessaliens contre la tyrannie des Pisis- tratides.

Ils avoient aussi des chansons pour les diverses professions : telles étoient les chansons des bergers, dont une espèce, appelée hucoliasme^ étoit le véri- table chant de ceux qui conduisoient le bétail ; et l'autre , qui est proprement la pastorale , en étoit

CITA 125

Tagrcable imitation : la chanson des moissonneurs, appelée le Iftierse, du nom d'un fils de Midas, qui s'occupoit par goût à faire la moisson : la chanson des meuniers, appelée hyniée ou épiaulie\ comme celle-ci tirée de Plutarque, Moulez^ meule ^ moulez, car Fit- tacuSy oui règne dans l'auguste Mitylène^ aimeàmoudre; parceque Pittacus étoit grand mangeur : la chanson des tisserands, qui s'appeloit éline: la chanson yule des ouvriers en laine : celle des nourrices, qui s'ap- peloit catabaucalèse ou nunnie : la chanson des amants, appelée nomion : celle des femmes, appelée cafyce; harpalice, celle des filles. Ces deux dernières, attendu le sexe, étoient aussi des chansons d'amour.

Pour des occasions particulières, ils avoient la chanson des noces, qui s'appeloient hyménée, épitha- lame Aa chanson de Datis , pour des occasions joyeuses : les lamentations, ïiale?n, et le linoSj pour des occa- sions funèbres et tristes. Ce linos se cliantoit aussi chez les Égyptiens, et s'appeloit par eux tnaneros, du nom d'un de leurs princes, au deuil duquel il avoit été chanté. Par un passage d'Euripide, cité par Athé- née , on voit que le linos pouvoit aussi marquer la joie.

Enfin il y avoit encore des hymnes ou chansons en l'honneur des dieux et des héros; telles étoient les iules de Cérès et Proserpine , la philelie d'Apollon , les upinges de Diane , etc.

Ce genre passa des Grecs aux Latins , et plusieurs odes d'Horace sont des chansons galantes ou bachi- ques. Mais cette nation, plus guerrière que sensuelle , fit, durant très long-temps, un médiocre usage de la musique et des chansons , et n'a jamais approché , sur

126 CHA

ce point, des grâces de la volupté grecque. Il paroit que le chant resta toujours rude et grossier chez les Romains : ce qu'ils chantoient aux noces étoit plutôt des clameurs que des chansons^ et il n'est guère à pré- sumer que les chansons satiriques des soldats aux triomphes de leurs généraux eussent une mélodie fort agréable.

Les modernes ont aussi leurs chansons de diffé- rentes espèces, selon le génie et le goût de chaque nation. Mais les François remportent sur toute l'Eu- rope duns l'art de les composer , sinon pour le tour et la mélodie des airs , au moins pour le sel , la grâce et la finesse des paroles; quoique, pour l'ordinaire, l'esprit et la satire s'y montrent bien mieux encore que le sentiment et la volupté. Ils se sont plus à cet amusement, et y ont excellé dans tous les temps, témoin les anciens troubadours. Cet heureux peuple est toujours gai, tournant tout en plaisanterie: les {^mmes y sont fort galantes , leg hommes fort dissipés ; et le pays produit d'excellent vin : le moyen de n'y pas chanter sans cesse? Nous avons encore d'an- ciennes cA«/i50/i.ç de Thibault, comte de Champagne, i'homme le plus galant de son siècle, mises en mu- sique par Guillaume de Machault. Marot en fit beau- coup qui nous restent; et, grâce aux airs d'Orlande et de Claudin , nous en avons aussi plusieurs de la Pléiade de Charles ix. Je ne parler, i point des chansons plus modernes, par lesquelles les musiciens Lambert, Du Bousset, La Garde, et autres, ont acquis un nom, et dont on trouve autant de poètes qu'il y a de gens de plaisir parmi le peuple du monde qui s'y

cil A 11^7

livre le plus, quoique non pas tous aussi célèbres que le comte de Coulanges et Tabbé de l'Attei^jfnant. La Provence et le Languedoc n'ont point non plus dégé- néré de leur premier talent; on voit toujours régner dans ces provinces un air de gaieté qui porte sans cesse leurs habitants au chant et à la danse. Un Pro- vençal menace, dit-on, son ennemi d'une chanson^ comme un Italien menaceroit le sien d'un coup de stylet : chacun a ses armes. Les autres pays ont aussi leurs provinces chansonnières: en Angleterre, c'est l'Ecosse ; en Itahe , c'est Venise. { Voyez Barca -

ROLLES.)

Nos chansons sont de plusieurs sortes; mais en général elles roulent ou sur l'amour, ou sur le vin, ou sur la satire. Les chansons d'amour sont, les airs ten- dres qu'on appelle encore airs sérieux ; les romances, dont le caractère est d'émouvoir lame insensiblement par le récit tendre et naïf de quelque histoire amou- reuse et tragique; les chansons pastorales et rustiques, dont plusieurs sont faites- pour danser, comme les musettes, les gavottes, les branles, etc.

Les chansons à boire sont assez communément des airs de basse ou des rondes de table : c'est avec beau- coup de raison qu'on en fait peu pour les dessus ; car il n'y a pas une idée de débauche plus crapuleuse et plus vile que celle d'une femme ivre.

A l'égard des chansons satiriques, elles sont com- prises sous le nom de vaudevilles, et lancent indiffé- remment leurs traits sur le vice et sur la vertu, en les rendant également ridicules ; ce qui doit proscrire le vaudeville de la bouche des gens de bien.

128 CHA

Nous avons encore une espèce de chanson qu'on ap- pc'lle parodie : ce sont des paroles qu'on ajuste comme on peut sur des airs de violon ou d'autres instru- ments, et qu'on fait rimer tant bien que mal, sans avoir é^^ard à la mesure des vers, ni au caractère de Fair, ni au sens des paroles, ni le plus souvent à 1 hon- nêteté. (Voyez Parodie.)

Chant, 5. m. Sorte de modification de la voix hu- maine, par laquelle, on forme des sons variés et ap- préciables. Observons que pour donner à cette défi- nition toute l'universalité qu'elle doit avoir, il ne faut pas seulement entendre par sons appréciables ceux qu'on peut assigner par les notes de notre musique, et rendre par les touches de notre clavier, mais tous ceux dont on peut trouver ou sentir l'unisson , et cal- culer les intervalles de quelque manière que ce soit.

Il est très difficile de déteiminer en quoi la voix qui forme la parole diffère de la voix qui forme le chant. Cette différence est sensible, mais on ne voit pas bien clairement en quoi elle consiste; et, quand on veut le chercher, on ne le trouve pas. M. Dodard a fait des observations anatomiques, à la faveur des- quelles il croit , à la vérité , trouver dans les diffé* rentes situations du larynx la cause de ces deux sortes de voix; mais je ne sais si ces observations, ou les conséquences qu'il en tire, sont bien certaines. (Voyez Voix.) Il semble ne manquer aux sons qui forment la parole que la permanence pour former un véritable chant; il paroît aussi que les diverses inflexions qu'on donne à la voix en parlant forment des intervalles qui ne sont point harmoniques, qui ne font pas partie de

CHA 129

nos systèmes de musique, et qui, par conséquent, ne pouvant être exprimés en note , ne sont pas propre- ment du chant pour nous.

Le chant ne semble pas naturel à l'homme. Quoique les sauvages de l'Amérique chantent, pai cequ ils par- lent, le vrai sauva^^e ne chauta jamais. Les muets ne chantent point; ils ne forment que des voix sans per- manence, des mugissements sourds que le besoin leur arrache; je douterois que le sieur Pereyre, avec tout son talent, pût jamais tirer d eux aucun chant musical. Les enfants crient, pleurent, et ne chantent point. Les premières expressions de la nature n'ont rien en eux de mélodieux ni de sonore, et ils apprennent à chanter, comme à parler , à notre exemple. J^q chant mélodieux et appréciable n'est qu'une imitation paisi- ble et artificielle des accents de la voix parlante ou passionnée : on crie et;^4'on se plaint sans chanter ; mais on imite en cha^itant les cris et les plaintes; et comme de toutes les imitations la plus intéressante est celle des passions humaines , de toutes les ma- nières d'imiter, la plus agréable est le chant.

Chant ^ appliqué plus particulièrement à notre mu- sique, en est la partie mélodieuse; celle qui résulte de la durée et de la succession des sons; celle d'où dé- pend toute l'expression , et à laquelle tout le reste est subordonné. (Voyez Musique, Mélodie.) Les chants agréables frappent d'abord, ils se gravent facilement dans la mémoire; mais ils sont souvent l'écueil des compositeurs , parcequ'il ne faut que du savoir pour entasser des accords, et qu'il faut du talent pour ima- giner des chants gracieux. Il y a dans chaque nation

XIV. 9

i3o CïiA

des tours de chant triviaux et usés, dans lesquels les mauvais musiciens retombent sans cesse ; il y en a de baroques, qu'on n'use jamais, parceque le public les rebute toujours. Inventer des chants nouveaux appar- tient à l'homme de génie; trouver de beaux chants ap- partient à Ibomme de goût.

Enfin, dans son sens le plus resserré, chant se dit seulement de la musique vocale; et, dans celle qui est mêlée de symphonie, on appelle parties de chant, celles qui sont destinées pour les voix.

Chant ambrosien. Sorte de plain-chant dont l'in- vention est attribuée à saint Ambroise, archevêque de Milan. (Voyez Plain-chant. )

Chant grégorien. Sorte de plain-chant dont l'inven- tion est attribuée à saint Grégoire, pape, et qui a été substitué ou préféré dans la plupart des églises au chant ambrosien. (Voyez Plain-chant.)

Chant en ison , ou Chant égal. On appelle ainsi un chant ou une psalmodie qui ne roule que sur deux sons, et ne forme par conséquent qu'un seul inter- valle. Quelques ordres religieux n'ont dans leurs églises d'autre chant que le chant en ison.

Chant sur le livre. Plain-chant ou contre-point à quatre parties, que les musiciens composent et chan- tent impromptu sur une seule: savoir, le livre de chœur qui est au lutrin ; en sorte qu'excepté la par- tie notée , qu'on met ordinairement à la taille , les musiciens affectés aux trois autres parties n'ont que celle-là pour guide, et composent chacun la leur en chantant.

Le chant sur le livre demande beaucoup de science ,

CHA l3î

d'habitude et d'oreille dans ceux qui Texécutent , d'autant plus qu'il n'est pas toujours aisé de rapporter les tons du plain-ohant à ceux de notre musique. Cependant il y a des musiciens d'église si versés dans cette sorte de chant, qu'ils y commencent et pour- suivent même des fugues , quand le sujet en peut comporter, sans confondre et croiser les parties, ni faire de faute dans l'harmonie.

Chanter, v. n. C'est, dans l'acception la plus géné- rale, former avec la voix des sons variés et appré- ciables (Voyez Chant); mais c'est plus communé- ment faire diverses inflexions de voix, sonores, agréa- bles à l'oreille , par des intervalles admis dans la musique, et dans les régies de la modulation.

On chante plus ou moins agréablement, à propor- tion qu'on a la voix plus ou moins agréable et sonore , l'oreille plus ou moins juste, l'organe plus ou moins flexible, le goût plus ou moins formé, et plus ou moins de pratique de l'art du chant. A quoi l'on doit ajouter, dans la musique imitative et théâtrale, le degré de sensibilité qui nous affecte plus ou moins des sentiments que nous avons à rendre. On a aussi plus ou moins de disposition à chanter selon le climat sous lequel on est né, et selon le plus ou moins d'ac- cent de sa langue naturelle; car plus la langue est ac- centuée, et par conséquent mélodieuse et chantante, plus aussi ceux qui la parlent ont naturellement de facilité à chanter.

On a fait un art du chant -^ c'est-à-dire que, des ob- servations sur les voix qui chantaient le mieux, on a composé des régies pour faciliter et perfectionner

9-

l32 CHA

Tusage de ce don naturel. (Voyez Maître a chanter. Mais il reste bien des découvertes à faire sur la manière la plus facile, la plus courte et la plus sure d'acquérir cet art.

Chanterelle, 5./ Celle des cordes du violon et des instruments semblables quia le son le plus aigu. On dit d'une symphonie qu'elle ne quitte pas la chan- terelle, lorsqu'elle ne roule qu'entre les sons de cette corde et ceux qui lui sont les plus voisins, comme sont presque toutes les parties de violon des opéra de Lulli et des symphonies de son temps.

Chanteur, musicien qui chante dans un concert. Chantre, s. m. Ceux qui chantent au chœur dans les églises catholiques s'appellent chantres. On ne dit point chanteur à l'église, ni chantre dans un concert.

Chez les réformés on appelle chantre celui qui en- tonne et soutient le chant des psaumes dans le temple ; il est assis au-dessous de la chaire du ministre sur le devant; sa fonction exige une voix très forte, capable de dominer sur celle de tout le peuple , et de se faire entendre jusqu'aux extrémités du temple. Quoiqu'il n'y ait ni prosodie ni mesure dans notre manière de chanter les psaumes, et que le chant en soit si lent qu'il est facile à chacun de le suivre, il me semble qu'il seroit nécessaire que le chantre marquât une sorte de mesure. La raison en est que le chantre se trouvant fort éloigné de certaines parties de l'église , et le son parcourant assez lentement ces grands inter- valles , sa voix se fait à peine entendre aux extrémités , qu'il a déjà pris un autre ton et commencé d'autres notes i ce qui devient d'autant plus sensible en certain»

CHA j33

lieux, que le son arrivant encore beaucoup plus len- tement d'une extrémité à Tautre que du milieu est le chantre, la masse d'air qui remplit le temple se trouve parta(T;ée à-la-fois en divers sons fort discor- dants , qui enjambent sans cesse les uns sur les autres et choquent fortement une oreille exercée; défaut que Torgue même ne fait qu'augmenter, parcequ'au lieu d'être au milieu de l'édifice comme le chantre^ il ne donne le ton que d'une extrémité.

Or, le remède à cet inconvénient me paroît très simple; car comme les rayons visuels se communi- quent à l'instant de l'objet à l'œil, ou du moins avec une vitesse incomparablement plus grande que celle avec laquelle le son se transmet du corps sonore à l'oreille , il suffit de substituer l'un à l'autre pour avoir dans toute l'étendue du temple un chant bien simul- tané et parfaitement d'accord : il ne faut pour cela que placer le chantre, ou quelqu'un chargé de cette partie de sa fonction, de manière qu'il soit à la vue de tout le monde , et qu'il se serve d'un bâton de mesure dont le mouvement s'aperçoive aisément de loin, comme , par exemple , un rouleau de papier ; car alors , avec la précaution de prolonger assez la première note pour que l'intonation en soit partout entendue avant qu'on poursuive, tout le reste du chant mar- chera bien ensemble , et la discordance dont je parle disparoîtra infailliblement. On pourroit même, au lieu d'un homme, employer un chronomètre dont le mouvement seroit encore plus égal dans une mesure si lente.

Il résulteroit de deux autres avantages : Fun que^

l34 CHI

sans presque altérer le chant des psaumes, il seroit aisé d'y introduire un peu de prosodie, et d'y observer du moins les longues et les brèves les plus sensibles; l'autre, que ce qu'il y a de monotonie et de langueur dans ce chant pourroit, selon la première intention de l'auteur, être effacé par la basse et les autres parties, dont riiarmonie est certainement la plus majestueuse et la plus sonore qu'il soit possible d'entendre.

Chapeau, s. m. Trait demi-circulaire, dont on cou- vre deux ou plusieurs notes, et qu'on appelle plus communément liaison. (Voyez Liaison.)

Chasse, s, f. On donne ce nom à certains airs ou à certaines fanfares de cors ou d'autres instruments, qui réveillent, à ce qu'on dit, lidée des tons que ces mêmes cors donnent à la chasse.

Chevrotter , V. n. C'est, au lieu de battre nettement et alternativement du gosier les deux sons qui for- ment la cadence ou le trille (voyez ces mots), en battre un seul à coups précipités, comme plusieurs doubles- croches détachées et à l'unisson, ce qui se fait en for- çant du poumon Tair contre la glotte fermée, qui sert alors de soupape, en sorte qu'elle s'ouvre par se- cousses pour livrer passage à cet air, et se referme à chaque instant par une mécanique semblable à celle du tremblant de l'orgue. Le chevrottement est la désa- gréable ressource de ceux qui, n'ayant aucun trille, en cherchent l'imitation grossière; mais l'oreille ne peut supporter cette substitution, et un seul chevrotte- ment au milieu du plus beau chant du monde suffit pour le rendre insupportable et ridicule.

Chiffrer. C'est écrire sur les notes de la basse des

CHi i35

cliiffres ou autres caraclères indiquant les accords que ces notes doivent porter, pour servir de guide à Tac- compagnateur. (Voyez chiffres, Accord.)

Chiffres. Caractères qu'on place au-dessus ou au- dessous des notes de la basse, pour indiquer les ac- cords qu'elles doivent porter. Quoique parmi ces caractères il y en ait plusieurs qui ne sont pas des chiffres, on leur en a généralement donné le nom, j5ar- ceque c'est la sorte de signes qui s'y présente le plus fréquemment.

Comme chaque accord est composé de plusieurs sons, s'il a voit fallu exprimer chacun de ces sons par un chiffre , on auroit tellement multiplié et embrouillé les chiffres, que l'accompagnateur n'auroit jamais eu le temps de les lire au moment de l'exécution. On s'est donc appliqué , autant qu'on a pu , à caractériser chaque accord par un seul chiffre; de sorte que ce chiffre peut suffire pour indiquer, relativement à la basse, l'espèce de l'accord, et par conséquent tous les sons qui doivent le composer. Il y a même un accord qui se trouve chiffré en ne le chiffrant point; car, selon la précision des chiffes, toute note qui n'est point chiffrée , ou ne porte aucun accord, ou porte l'accord parfait.

Le chiffre qui indique chaque accord est ordinaire- ment celui qui répond au nom de l'accord : ainsi l'ac- cord de seconde se chiffre 2; celui de septième, 7. celui de sixte, 6, etc. Il y a des accords qui portent un double nom , et qu'on exprime aussi par un dou- ble chiffre: tels sont les accords de sixte-quarte, de sixte-quinte, de septième et sixte, etc. Quelquefois

i36 ciii

même on en met trois, ce qui rentre dans l'inconvé- nient qu'on vouloit éviter : mais comme la composi- tion des chiffres est vernie du temps et du hasard , plutôt que d'une étude réfléchie , il n'est pas étonnant qu'il s'y trouve des fautes et des contradictions.

Voici une table de tous les chiffres pratiqués dans l'accompagnement ; sur quoi l'on observera qu'il y a plusieurs accords qui se chiffrent diversement en différents pays, ou dans le même pays par différents auteurs, ou quelquefois parle même. Nous donnons toutes ces manières, afin que chacun, pour chiffrer, puisse choisir celle qui lui paroîtra la plus claire, et pour accompagner, rapporter chaque chiffre à l'ac- cord qui lui convient , selon la manière de chiffrer de Tauteur,

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TABLE GENERALE

DE TOUS LES CHIFFRES DE L'ACCOMPAGNEMENT.

idem.

Nota. On a ajouté une étoile à ceux qui sont plus usités en France

aujourd'hui.

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.

Accord parfait,

8 Idem.

5 Idem.

J Idem.

3 P Accord parfait, tierce mineme.

b3 Idem.

b Idem.

. > Idem.

3fl" Accord parfait, tierce majeure.

#3 Idem.

# Idem.

5

jf f Idem.

3 k Accord parfait, tierce naturelle.

H 3 Idem.

H Idem.

Idem.

S

ÇA /► Accord de sixte.

38 cHi

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.

* 6 Accord de sixte.

Les différentes sixtes, clans cet accord , se mar- quent par un accident au chiffre, comme les tierce^ dans l'accord parfait.

*6

l\ Accord de sixte-quarte.

6 Idem.

A

!> > Accord de septième.

3

i\

/ 5- Idem.

A > Idem.

7 idem.

*

jL\ Septième avec tierce majeme.

i\

i\

ni

Avec tierce mineure.

Avec tierce naturelle

7 "^ Accord de septième mineure.

* ^7 Idem.

n+f Accord de septième majeure.

^ ffn Idem.

T fcj De septième naturelle.

^'' kl Idem.

7i

i

Septième avec la quinte fausse.

h\

r i. ^ Idem.

D

^ "j Septième diminuée.

'-b Idem.

b»? Idem.

CHIFFRES.

7^

b

i!

"7 b5

5b

3

CHI

NOMS DES ACCORDS.

Septième diminuée. Idem, Idem. Idem.

Idem.

l39

etc.

Id

em.

' itl Septième superflue.

nf Idem.

■^ Idem.

i\

4

2

#7 5

4

2

Id

em.

Idem.

etc.

7*i 6bJ

'X7) b6J

X7' 6b

Septième superflue avec sixte mineure. Idem.

Idem.

1

1 4o C II î

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS-

b 6 r Septième superflue avec sixte mineure.

etc.

'V Septième et seconde.

r> Grande sixte.

6 Idem.

^5 Fausse-quinte.

5 b Idem.

b5 Idem.

6

b5 6 5 6

*X6

> Idem.

? Idem.

V Fausse-quinte et sixte majeure.

1

r ^ Idem.

> Idem.

Idem. 5

X6 b 5

5b ^

^r

6"

4

3

*^ Idem.

6 Idem.

^j^ Idem majeure.

Petite sixte.

Idem.

CHI

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.

X6]

4 > Petite sixte majeure.

etc. *X^ Petite sixte superflue.

X6)

4 / Idem.

3)

#6 Idem.

X6'

> Idem , avec la quinte.

i4i

3

X6 5

Idem.

6

4

3

6'

X4

H

X4j X4i

* Petite sixte, avec la quarte superflue.

Idem.

Idem,

Idem.

2 Accord de seconde.

4

6

^i

^5

2

Idem. Idem. Seconde et quinte.

l42

CHI

NOMS DES ACCORDS.

CHIFFRES.

Vr-

^ l

X4!

6 4 6

■4

2

f! ''Il-

y^X Idem.

^X4 Wem.

2}: Idem.

4X)

H b

6

4

3 b * X 2 Seconde superflue

X4) X2)

Triton.

Idem.

Idem.

Idem.

Idem.

Idem.

Idem.

Idem.

!

Triton avec tierce mineure. Idem.

Idem.

Idem. Seconc Idem.

cm 143

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.

\ Seconde superflue.

4 V Idem.

2:)

etc. ''^Q Accord de neuvième.

^ > Idem.

y > Idem.

*

^ } Neuvième avec la septième.

9,

n} Idem.

*

/ Quarte ou onzième.

5

} Quarte et neuvième.

9

\ Idem.

41

^ > Ouarte et

9)

Septième et quarte.

*^

X5, ..

Idem.

X 5 Quinte superflue.

5X Idem.

Q > Idem.

Quinte superflue et quarte.

*X^^

M

i44 cHi

CHIFFRES. NOMS DES ACCORDS.

. ^, > Quinte superflue et quarte.

6

*

^ l Septième et sixte.

4> Neuvième et sixte.

6)

FIN DE LA TABLE DES CHIFFRES.

Quelques auteurs avoient introduit Fusage de cou- vrir d'un trait toutes les notes de la basse qui passoient sous un même accord ; c'est ainsi que les jolies can- tates de M. Clérambault sont chiffrées : mais cette in- vention étoit trop commode pour durer ; elle montroit aussi trop clairement à l'œil toutes les syncopes d'har- monie. Aujourd'hui , quand on soutien t le même accord sous quatre différentes notes de basse, ce sont quatre chiffres différents qu'on leur fait porter, de sorte que l'accompagnateur, induit en erreur, se hâte de cher- cher l'accord même qu'il a sous la main. Mais c'est la mode en France de charger les basses d'une confusion de chiffres inutiles : on chiffre tout, jusqu'aux accords les plus évidents , et celui qui met le plus de chiffres croit être le plus savant. Une basse ainsi hérissée de chiffres triviaux rebute l'accompagnateur, et lui fait souvent négliger les chiffres nécessaires. L'auteur doit supposer, ce me semble, que l'accompagnateur sait

les éléments de l'accompagnement, qu'il sait placer une sixte sur une médiante, une fausse quinte sur une note sensible, une septième sur une dominante, etc. Il ne doit donc pas chiffrer des accords de cette évi- dence, à moins qu'il ne faille annoncer un changement de ton. Les chiffres ne sont faits que pour déterminer le choix de Tliarmonie dans les cas douteux, oli le choix des sons dans les accords qu'on ne doit pas rem- plir : du reste, c'est très bien fait d avoir des basses chiffrées exprès pour les écoliers. Il faut que les chif- fres montrent à ceux-ci l'application des règles : pour les maîtres, il suffit d'indiquer. les exceptions.

M. Rameau, dans sa Dissertation sur les différentes méthodes d'accompagnement, a trouvé un grand nom- bre de défauts dans les chiffres établis. Il a fait voir (ju'ils sont trop nombreux et pourtant insuffisants, obscurs, équivoques; qu'ils multiplient inutilement les accords, et qu'ils n en montrent en aucune manière la liaison.

Tous ces. défauts viennent d'avoir voulu rapporter les chiffres aux notes arbitraires de la basse-continue, au lieu de les rapporter immédiatement à l'harmonie fondamentale. La basse-continue fait sans doute une partie de l'harmonie, mais elle n'en fait pas le fonde- ment; cette harmonie est indépendante des notes de cette basse, et elle a son progrès déterminé, auquel la basse même doit assujettir sa marche. En faisant dé- pendre les accords et les chiffres qui les annoncent des notes de la basse et de leurs différentes marches , on ne montre que des combinaisons de l'harmonie ; au lieu d'en montrer la basse, on multiplie à l'infini le

XIV. , o

i46 cm

petit nombre des accords fondamentaux , et Ton force en quelque sorte l'accompagnateur de perdre de vue à chaque instant la véritable succession harmonique.

Après avoir fait de très bonnes observations sur la mécanique des doigts dans la pratique de l'accompa- gnement, M. Rameau propose de substituer à nos chifft'es d'autres chiffres beaucoup plus simples, qui rendent cet accompagnement tout-à-fait indépendant de la basse-continue; de sorte que, sans égard à cette basse et même sans la voir, on accompagneroit sur les chiffres seuls avec plus de précision qu'on ne peut faire par la méthode établie avec le concours la basse et des chiffres.

Les chiffres inventés par M. Rameau indiquent deux choses : i<* l'harmonie fondamentale dans les accords parfaits , qui n'ont aucune succession nécessaire, mais qui constatent toujours le ton ; la succession har- monique déterminée par la marche régulière des doigts dans les accords dissonants.

Tout cela se fait au moyen de sept chiffres seulement, I. Une lettre de la gamme indique le ton , la tonique et. son accord : si l'on passe d'un accord parfait à un au- tre, on change de ton; c'est l'affaire d'une nouvelle lettre. II. Pour passer de la tonique à un accord dis- sonant, M. Rameau n'admet que six manières, à cha- cune desquelles il assigne un caractère particulier; savoir :

1 . Un X pour l'accord sensible ; pour la septième diminuée , il suffit d'ajouter un bémol sous cet X.

2. Un 2 pour l'accord de seconde sur la tonique.

3. Un 7 pour son accord de septième.

cm i47

4. Cette abréviation aj. pour sa sixte ajoutée.

5. Ces deux chiffres ^ relatifs à cette tonique pour raccord qu'il appelle de tierce-quarte , et qui revient à Faccord de neuvième sur la seconde note.

6. Enfin ce chiffre 4 pour Taccord de quarte et quinte sur la dominante.

III. Un accord dissonant est suivi d'un accord par- fait ou d'un autre accord dissonant : dans le premier cas, l'accord s'indique par une lettre ; le second se rap- porte à la mécanique des doigts. ( Voyez Doigter. ) C'est un doigt qui doit descendre diatoniquement , ou deux, ou trois. On indique cela par autant de points l'un sur l'autre, qu'il faut descendre de doigts. Les doigts qui doivent descendre par préférence sont in- diqués par la mécanique ; les dièses ou bémols qu'ils doivent faire sont connus par le ton ou substitués dans les chiffres aux points correspondants \ ou bien , dans le chromatique et l'enharmonique , on marque une petite ligne inclinée en descendant ou en montant de- puis la ligne d'une note connue , pour marquer qu'elle doit descendre ou monter d'un semi-ton. Ainsi tout est prévu, et ce petit nombre de signes suffît pour expri- mer toute bonne harmonie possible. . On sent bien qu'il faut supposer ici que toute disso- nance se sauve en descendant; car s'il y en avoit qui se dussent sauver en montant, s'il y avoit des marches de doigts ascendantes dans des accords dissonants , les points de M. Rameau seroient insuffisants pour exprimer cela.

Quelque simple que soit cette méthode , quelque fa- vorable qu'elle paroisse pour la pratique, elle n'a point

10.

]i4B ciio

eu de cours : peut-être a-t-on cru que les chiffres cle M. Rameau ne corrigeoient un défaut que pour en substituer un autre; car s'il simplifie les signes, s'il diminue le nombre des accords , non seulement il n'ex- prime point encore la véritable harmonie fondamen- tale , mais il rend de plus ces signes tellement dépen- ^ dants les uns des autres , que si i on vient a s égarer ou à se'distraire un instant , à prendre un doigt pour un autre, on est perdu sans ressource, les points ne signifient plus rien , plus de moyen de se remettre jus- qu'à un nouvel accord parfait. Mais avec tant de raisons de préférence , n'a-t-il point fallu d'autres objections encore pour faire rejeter la méthode de M. Rameau? Elle étoit nouvelle ; elle étoit proposée par un homme supérieur en génie à tous ses rivaux : voilà sa con- damnation.

Choeur, 5. m. Morceau d'harmonie complète à quatre parties bu plus , chanté à-la-fois par toutes les voix et joué par tout l'orchestre. On cherche dans les chœur$ un bruit agréable et harmonieux , qui charme et rem- plisse l'oreille. Un beau chœur e?>t\e chef-d'œuvre d'un commençant, et c'est par ce genre d'ouvrage qu'il se montre suffisamment instruit de toutes les régies de riiarmonie. Les François passent en France pour réus- sir mieux dans cette partie qu'aucune autre nation de l'Europe.

Le c/Wwr, dans la musique françoise, s'appelle quel- quefois grand-chœw , par opposition ^u petit-chœur ^ qui || est seulement composé de trois parties ; savoir, deux dessus , et la haute-contre qui leur sert de basse. On fait de temps en temps entendre séparément ce petit-

CHR l49

chœur ^ dont la douceur contraste agréablement avec la bruyante liarmonie du grand.

On appelle encore petit-chœw\ à l'opéra de Paris , un certain nombre des meilleurs instruments de chaque genre , qui forment comme un petit orchestre particu- lier autour du clavecin et de celui qui bat la mesure. Ce petit-chœur est destiné pour les accompagnements qui demandent le plus de déHcatesse et de précision.

Il y a des musiques à deux ou plusieurs chœurs qui se répondent et chantent quelquefois tous ensemble : on en peut voir un exemple dans fopéra de Jephié. IMais cette pluralité de chœurs simultanés, qui se pra- tique assez souvent en Italie , est peu usitée en France : on ti'ouve qu'elle ne fait pas un bien grand effet, que la composition n'en est pas fort facile , et qu'il faut un trop grand nombre de musiciens pour l'exécuter.

Chorion. Nome de la musique grecque, qui se chan- toit en l'honneur de la mère des dieux , et qui , dit-on , fut inventé par Olympe Phrygien.

Choriste, s. m. Chanteur non récitant, et qui ne chante que dans les chœurs.

On appelle aussi choristes les chantres d'église qui chantent au chœur : Une antienne à deux choristes.

Quelques musiciens étrangers donnent encore le nom de choriste à un petit instrument destiné à donner le ton pour accorder les autres. ( Voyez Ton. )

Chorus. Faire chorus , c'est répéter en chœur à l'u- nisson ce qui vient d'être chanté à voix seule.

Chreses ou Chresis. Uile des parties de l'ancienne mélopée qui apprend au compositeur à mettre un tel arrangement dans la suite diatonique des sons . qu'il

l5o CHR

en résulte une bonne modulation et une mélodie agréa- ble. Cette partie s'applique à différentes successions de sons, appelées par les anciens cigoge, euthia^ ana- camptos. ( Voyez Tirade. )

Chromatique , adj. pris quelquefois substantivement. Genre de musique qui procède par plusieurs semi-tons consécutifs. Ce mot vient du grec xpw^aa, qui signifie couleur^ soit parceque les Grecs marquoient ce genre par des caractères rouges ou diversement colorés; soit, disent les auteurs, parceque genre chromatique est moyen entre les deux autres , comme la couleur est moyenne entre le blanc et le noir; ou, selon d'autres, parceque ce genre varie et embellit le diatonique par ses semi-tons, qui font dans la musique le même effet que la variété des couleurs fait dans la peinture.

Boëce attribue à Timothée de Milet l'invention du (^enre chromatique ; mais Athénée la donne§Épigonus.

Aristoxène divise ce genre en trois espèces", qu'il appelle molle , héîniolion et tonicum ^ dont on trouvera les rapports {PL M\f.g. 5, A), le tétracorde étant supposé divisé en 60 parties égales.

Ptolomée ne divise ce même genre qu'en deux es- pèces , molle ou anticwn, qui procède par de plus pe- tits intervalles, et intensum^ dont les intervalles sont plus grands. (Même figure, B.)

Aujourd'hui le genre chromatique consiste à don- ner une telle marche à la basse-fondamentale, que les parties de l'harmonie, ou du moins quelques unes, puissent procéder par semi-tons tant en montant qu'en descendant; ce qui se trouve plus fréquemment dans le mode mineur, à cause des altérations aux-

CHR l5l

quelles la sixième et la septième notes y sont sujettes par la nature même du mode.

Les semi-tons successifs pratiqués dans le chroma- tique ne sont pas tous du même genre, mais presque alternativement mineurs et majeurs , c'est-à-dire chro- tnaticjues et diatoniques : car l'intervalle d'un ton mineur contient un semi-ton mineur ou chromatique ^ et un semi-ton majeur ou diatonique, mesure que le tempé- jament rend commune à tous les tons, de sorte qu'on ne peut procéder par deux semi-tons mineurs con- joints et successifs sans entrer dans l'enharmonique; mais deux semi-tons majeurs se suivent deux fois dans J ordre chromatique de la gamme.

La route élémentaire de la basse-fondamentale pour engendrer le chromatique ascendant est de descendre de tierce , et remonter de quarte alternativement, tous les accords portant la tierce majeure. Si la basse-fon- damentale procède de dominante en dominante par des cadences parfaites évitées, elle engendre le cAro- maiique descendant. Pour produire à-la-fois l'un et l'autre, on entrelace la cadence parfaite et l'interrom- pue , en les évitant.

Comme à chaque note on change de ton dans le chromatique ^ il faut borner et régler ces successions de peur de s'égarer. On se souviendra pour cela que l'es- pace le plus convenable pour les mouvements chroma- tiques est entre la dominante et la tonique en montant, et entre la tonique et la dominante en descendant. Dans le mode majeur on peut encore descendre chro- matiquement de la dominante sur la seconde note*^ Ce passage est fort commun en Italie, et, malgré sa

l52 CHR

beauté, commencée l'être un peu trop parmi nous.

Le (^enre chromatique est admirable pour expri- mer la douleur et l'affliction ; ses sons renforcés en montant arrachent lame. Il n'est pas moins énergi- que en descendant; on croit alors entendre de vrais gémissements. Chargé de son harmonie, ce même genre devient propre à tout, mais son remplissage, en étouffant le chant, lui ôte une partie de son expres- sion ; et c'est alors au caractère du mouvement à lui rendre ce dont le prive la plénitude de son harmonie. Au reste, plus ce genre a d'énergie, moins il doit être prodigué : semblable à ces mets délicats dont l'abon- dance dégoûte bientôt, autant il charme sobrement ménagé, autant devient-il rebutant quand on le pro- digue.

CufiONOMÉTRE , 5. m. ÎSom générique des instruments qui servent à mesurer le temps. Ce mot est composé de XP^^^'^^y temps y et àeyérpov^ mesure.

On dit, en ce sens, que les montres, les horloges, sont des chronomètres.

Il y a néanmoins quelques instruments qu'on a ap- pelés, en particulier chronomètres., et nommément un que M. Sauveur décrit dans ses Principes d'acoustique : c'étoit un pendule particulier qu'il destinoit à déter- miner exactement les mouvements en musique. L'Af- filard, dans ses Principes dédiés aux dames religieuses, avoit mis à la tète de tous les airs des chiffres qui ex- primoient le nombre des vibrations de ce pendule pen- dant la durée de chaque mesure.

11 y a une trentaine d'années qu'on vit paroître le projet d'un instrument semblable, sous le nom de mé-

CHU i53

tromètre, qui battoit la mesure tout seul ; mais il n'a réussi ni dans un temps ni dans l'autre. Plusieurs pré- tendent cependant qu'il seroit fort à souhaiter qu'on eût un tel instrument pour fixer avec précision le temps de chaque mesure dans une pièce de musique : on conserveroit par ce moyen plus facilement le vrai mouvement des airs, sans lequel ils perdent leur ca- ractère, et qu'on ne peut connoître après la mort des auteurs que par une espèce de tradition , fort sujette à s'éteindre ou à s'altérer. On se plaint déjà que nous avons oublié les mouvements d'un grand nombre d'airs , et il est à croire qu'on les a ralentis tous. Si Ton eût pris la précaution dont je parle, et à laquelle on ne voit pas d'inconvénient, on auroit aujourd'hui le plaisir d'entendre ces mêmes airs tels que l'auteur les faisoit exécuter.

A cela les connoisseurs en musique ne demeurent pas sans réponse. Ils objecteront, dit M. Diderot [Mémoires sur différents sujets de mathématiques) , contre tout chronomètre en général , qu'il n'y a peut-être pas dans un air deux mesures qui soient exactement de la même durée, deux choses contribuant nécessaire- ment à ralentir les unes et à précipiter les autres , le goût et l'harmonie dans les pièces à plusieurs parties , le goût et le pressentiment de l'harmonie dans les solo. Un musicien qui sait son art n'a pas joué quatre me- sures d'un air qu'il en saisit le caractère, et qu'il s'y abandonne; il n'y a que le plaisir de l'harmonie qui le suspende. Il veut ici que les accords soient frappés , qu'ils soient dérobés; c'est-à-dire qu'il chante ou joue plus ou moins lenteujcnt d'une mesure à l'autre ,

t54 CHR

et racme d'un temps et d'un quart de temps à celui qui le suit.

A la vérité cette objection, qui est d'une grande force pour la musique f'rançoise, n'en auroit aucune pour l'italienne, soumise irrémissiblement à la plus exacte mesure : rien même ne montre mieux l'oppo- sition parfaite de ces deux musiques, puisque ce qui est beauté dans l'une seroit dans l'autre le plus grand: défaut. Si la musique italienne tire son énergie de cet asservissement à la rigueur de la mesure, la françoise cherche la sienne à maîtriser à son gré cette même mesure, à la presser, à la ralentir, selon que l'exige le gotit du chant ou le degré de flexibilité des- organes du chanteur.

Mais, quand on admettroit Futilité d'un chronomè- frCj il faut toujours, continue M. Diderot, commen- cer par rejeter tous ceux qu'on a proposés jusqu'à présent, parcequ'on y a fait du musicien et du chrono- mettre deux machines distinctes, dont l'une ne peut jamais bien assujettir l'autre : cela n'a presque pas besoin d'être prouvé; il n'est pas possible que le mu- sicien ait pendant toute sa pièce l'œil au mouvement, et l'oreille au bruit du pendule ; et, s'il s'oublie un ins- tant , adieu le frein qu'on a prétendu lui donner.

J'ajouterai que , quelque instrument qu'on pût trouver pour régler la durée de la mesure , il seroit impossible , quand même l'exécution en seroit de la dernière facilité , qu'il eût jamais lieu dans la pra- tique. Les musiciens , gens confiants , et faisant , comme bien d'autres , de leur propre goût la régie du bon, ne l'adopteroient jamais; ils laisseroient le chro-

CLA i55

nomètîv, et ne s'en rapporteroient qu'à eux du vrai caractère et du vrai mouvement des airs. Ainsi le seul bon chîonotnètre que Ton puisse avoir, c'est un habile musicien qui ait du goût , qui ait bien lu la musique qu'il doit faire exécuter , et qui sache en battre la me- sure. Machine pour machine , il vaut mieux s'en tenir à celle-ci.

Circonvolution, 5. /. Terme de plain-chant. C'est une sorte de périélèse qui se fait en insérant entre la pénultième et la dernière note de l'intonation d'une pièce de chant trois autres notes ; savoir , une au-des- sus, et deux au-dessous delà dernière note, lesquelles se lient avec elle, et forment un contour de tierce avant que d'y arriver; comme si vous avez ces trois^ notes , mi, fa , mi, pour terminer l'intonation , vous y interpolerez par circonvolution ces trois autres , fa , re,re, et vous aurez alors votre intonation terminée de cette sorte, mi, fa, fa, re, re , mi, etc. (Voyez Pé- riélèse.)

CiTHARiSTiQUE , S. f. Genre de musique et de poésie approprié à l'accompagnement de la cithare. Ce genre, dont Amphion, fils de Jupiter et d'Antiope, fut Tin- venteur, prit depuis le nom de lyrique.

Clavier, s. m. Portée générale, ou somme des sons de tout le système qui résulte de la position relative des trois clefs. Cette position donne une étendue de douze lignes , et par conséquent de vingt-quatre de- grés , ou de trois octaves et une quarte. Tout ce qui excède en haut ou en bas cet espace ne peut se noter qu'à l'aide d'une ou plusieurs lignes postiches ou ac- cidentelles , ajoutées aux cinq qui composent la portée-

iOb CLE

d une clef. Voyez ( PL A ^fig. 5. ) retendue générale du clavier.

Les notes ou touches diatoniques du clavier., les- quelles sont toujours constantes, s'expriment par des lettres de Falphabet, à la différence des notes de la (jamme , qui , étant mobiles et relatives à la modula- tion , portent des noms qui expriment ces rapports. ( Voyez Gamme et Solfier. )

Chaque octave du clavier comprend treize sons ; sept diatoniques et cinq chromatiques , représentés sur le clavier instrumental par autant de touches. (Voyez PL I .,fig. I . ) Autrefois ces treize touches répondoient à quinze cordes ; savoir, une de plus>entre le re dièse et le mi naturel , Tautre entre le sol dièse et le ; et ces deux cordes qui formoient des intervalles enharmoni- ques , et qu'on faisoit sonner à volonté au moyen de deux touches brisées, furent regardées alors comme la perfection du système ; mais , en vertu de nos régies de miodulation , ces deux ont été retranchées , parce- qu'il en auroit fallu mettre partout. (Voyez Clef, Portée. )

Clef , s. f. Caractère de musique qui se met au commencement d'une portée , pour déterminer le de- gré d'élévation de cette portée dans le clavier général , et indiquer les noms de toutes les notes qu'elle contient dans la ligne de cette clef.

Anciennement on appeloit clefs les lettres par les- quelles on désignpit les sons de la gamme. Ainsi la lettre A étoit la clef de la note la; Gy la clef à^ ut ; E , la clef de mi y etc. A mesure que le système s'étendit, on sentit l'embarras et l'inutilité de cette multitude de

CLE 157

défi. Gui d'Arezzo, qui les avoit inventées , maïquolt une lettre ou clef an commencement de chacune des lignes de la portée ; car il ne plaçoit point encore de notes dans les espaces. Dans la suite on ne marqua plus qu'une des sept clefi au commencement d'une des lignes seulement, celle-là suffisant pour fixer la position de toutes les autres selon Tordre nature). Enfin, de ces sept lignes ou clefs , on en choisit quatre qu'on nomma claves signatœ ou clefs manjuées), parce- qu'on se contentoit d'en marquer une sur une des li- gnes , pour donner l'intelligence de toutes les autres; encore en retrancha-t-on bientôt une des quatre, sa- voir, le gamma dont on s'étoit servi pour désigner le 50/ d'en bas, c'est-à-dire l'hipoproslambanoméne ajou- tée au système des Grecs.

En effet Kircher prétend que si Ton est au fait des anciennes écritures , et qu'on examine bien la figure de nos clefs , on trouvera qu'elles se rapportent chacune à la lettre un peu défigurée de la note qu'elle repré- sente. Ainsi la clef de sol étoit originairement un G , la clef d'ut un G, et la clef de fa une F.

Nous avons donc trois clefs à la quinte l'une de l'autre : la clef d'F utfa^ ou de fa, qui est la plus basse ; la clef d'ut ou de G sol ut, qui est une quinte au-dessus de la première ; et la clef de sol ou de G re sol, qui est une quinte au-dessus de celle d'ut , dans l'ordre mar- qué PL k, fig. 5. Sur quoi l'on doit remarquer que, par un reste de l'ancien usage , la clef se pose toujours sur une ligne et jamais dans un espace. On doit savoir aussi que la clef de fa se fait de trois manières diffé- rentes : l'une dans la musique imprimée; une autre

l58 CLE

dans la musique écrite ou gravée ; et la dernière dans le plain-chant. Voyez ces trois figures. [Planche M, JigweS.)

En ajoutant quatre lignes au-dessus de la clef de sol, et trois lignes au-dessous de la clef àe fa , ce qui donne de part et d'autre la plus grande étendue de lignes sta- bles, on voit que le système total des notes, qu'on peut placer sur les degrés relatifs à ces clefs , se monte à vingt-quatre , c'est-à-dire trois octaves et une quarte, depuis \efa qui se trouve au-dessous de la première ligne, jusqu'au si qui se trouve au-dessus de la der- nière , et tout cela forme ensemble ce qu'on appelle le clavier général ; par l'on peut juger que cette éten- due a fait long-temps celle du système. Aujourd'hui qu'il acquiert sans cesse de nouveaux degrés , tant à l'aigu qu'au grave , on marque ces degrés sur des li- gnes postiches , qu'on ajoute en haut ou en bas selon le besoin.

Au lieu de joindre ensemble toutes les lignes , comme j'ai fait ( PL A.,fg. 5. ) pour marquer le rapport des clefs , on les sépare de cinq en cinq, parceque c'est à peu près aux degrés compris dans cet espace qu'est bornée l'étendue d'une voix commune. Cette collec- tion de cinq lignes s'appelle portée, et l'on y met une c/<?/'pour déterminer le nom des notes, le lieu des semi- tons , et montrer quelle place la portée occupe dans le clavier.

De quelque manière qu'on prenne dans le clavier cinq lignes consécutives , on y trouve une clef com- prise , et quelquefois deux ; auquel cas on en retranche une comme inutile,. L'usage a même prescrit celle des

CLE l59

deux qu'il faut retrancher, et celle qu'il faut poser ; ce qui a fixé aussi le nombre des positions assignées à chaque clef.

Si je fais une portée des cinq premières lignes du clavier, en commençant par le bas, j'y trouve la clej àefa sur la quatrième ligne : voilà donc une position de clef^ et cette position appartient évidemment aux notes les plus graves ; aussi est-elle celle de la clef de basse.

Si je veux gagner une tierce dans le haut , il faut ajouter une ligne au-dessus ; il en faut donc retrancher une au-dessous , autrement la portée auroit plus de cinq lignes. Alors la clef àe fa se trouve transportée de la quatrième ligne à la troisième, et la c/e/d'w/ se trouve aussi sur la cinquième ; mais comme deux clefs sont inutiles, on retranche ici celle à'ut. On voit que la portée de cette clef est d'une tierce plus élevée que la précédente.

En abandonnant encore une ligne en bas pour en gagner une en haut, on a une troisième portée la clef Ae fa se trouveroit sur la deuxième ligne , et celle A\it sur la quatrième. Ici l'on abandonne la clef àefa^ et Ton prend celle à'ut. On a encore gagné une tierce à l'aigu, et on l'a perdue au grave.

En continuant ainsi de ligne en ligne, on passe suc- cessivement par quatre positions différentes de la clef ^ut. Arrivant à celle de sol, on la trouve posée sur la deuxième ligne, et puis sur la première; cette posi- tion embrasse les cinq plus hautes lignes, et donne le diapason le plus aigu que l'on puisse établir par les clefs. »

l6o CLË

On peut voir (PL A^ fig. 6.) cette succession des clefs du grave à l'aigu ; ce qui fait en tout huit portées , clefs ou positions de clefs différentes.

De quelque caractère que puisse être une voix ou un instrument, pourvu que son étendue n'excède pas à Taigu ou au grave celle du clavier général, on peut dans ce nombre lui trouver une portée et une c/e/* con- venables, et il y en a en effet de déterminées pour toutes les parties de la musique. ( Voyez Parties. ) Si Tcteadue d'une partie est fort grande, que le nombre de lignes qu'il faudroit ajouter au-dessus ou au-des- sous devienne incommode, alors on change la clef dans le courant de Tair. On voit clairement par la figure quelle clef il faudroit prendre pour élever ou baisser la portée, de quelque c/e/' qu'elle soit armée actuellement.

On voit aussi que pour rapporter une clefk l'autre il faut les rapporter toutes deux sur le clavier général, au moyen duquel on voit ce que chaque note.de l une des clefs est à l'égard de l'autre. C'est par cet exercice réitéré qu'on prend l'habitude de lire aisément les partitions.

Il suit de cette mécanique qu'on peut placer telle note qu'on voudra de la gamme sur une hgne ou sur un espace quelconque de la portée, puisqu'on a le choix de huit différentes positions, nombre des notes de l'octave. Ainsi l'on pourroit noter un air entier sur la même ligne, en changeant Va clef k chaque degré. La figure 7 montre par la suite des clefs la suite des notes re.fa, la, ut, mi, sol, si, re, montant de tierce en tierce, et toutes placées sur la même ligne. La

CLE l6l

ii^^iiro. suivante 8 représente sur la suite des mêmes clefs la note iit^ qui paroît descendre de tierce en tierce sur toutes les lignes de la portée et au-delà, et qui cependant, au moyen des changements de clef, garde toujours l'unisson. C'est sur des exemples semblables qu'on doit s'exercer pour connoître au p'remier coup d'œil le jeu de toutes les clefs.

Il y a deux de leurs positions , savoir, la c/efde sol sur la première ligne, et la clef àe fa sur la troisième, dont Fusage paroît s'abolir de jour en jour. La pre- mière peut sembler moins nécessaire , puisqu'elle ne rend qu'une position toute semblable à celle dey^ sur la quatrième ligne , dont elle diffère pourtant de deux octaves. Pour la clef de fa, il est évident qu'en l'ôtant tout-à-fait de la troisième ligne, on n'aura plus de position équivalente, et que la composition du cla- vier, qui est complète aujourd'hui, deviendra parla défectueuse.

Clef transposée. On appelle ainsi toute clef armée de dièses ou de bémols. Ces signes y servent à chan- ger le lieu des deux semi-tons de l'octave , comme je l'ai expliqué au mot bémol, et à établir l'ordre naturel de la gamme sur quelque degré de l'échelle qu'on veuille choisir.

La nécessité de ces altérations naît de la similitude des modes dans tous les tons ; car comme il n'y a qu'une formule pour le mode majeur, il faut que tous les degrés de ce mode se trouvent ordonnés de la même façon sur leur tonique; ce qui ne peut se faire qu'à l'aide des dièses ou des bémols. Il eu est

X!V. I (

102 CLE

de même du mode mineur; mais, comme la même combinaison qui donne la formule pour un ton ma- jeur la donne aussi pour un ton mineur sur une autre tonique (voyez Mode), il s'ensuit que pour les vingt- quatre modes il suffit de douze combinaisons ; or , si avec la gamme naturelle on compte six modifications par dièses , et cinq par bémols , ou six par bémols, et cinq par dièses, on trouvera ces douze combinaisons auxquelles se bornent toutes les variétés possibles de tons et de modes dans le système établi.

J'explique aux mots dièse et bémol Tordre selon lequel ils doivent être placés à la clef. Mais pour trans- poser tout d\m coup la c/^' convenablement à un ton ou mode quelconque , voici une formule générale , trouvée par M. de Boisgelou, conseiller au Grand- Conseil, et qu il a bien voulu me communiquer.

Prenant Vut naturel pour terme de comparaison , nous appellerons intervalles, mineurs la quarte utfa^ et tous les intervalles du même utkuine note bémolisée quelconque; tout autre intervalle est majeur. Remar- quez qu'on ne doit pas prendre par dièse la note su- périeure d'un intervalle majeur, parcequ'alors on feroit un intervalle superflu : mais il faut chercher la même chose par bémol , ce qui donnera un intervalle mineur. Ainsi l'on ne composera pas en la dièse, parceque la sixte ut la, étant majeure naturellement, deviendroit superflue par ce dièse; mais on prendra la note si bémol , qui donne la même touche par un intervalle mineur; ce qui rentre dans la régie.

On trouvera {PL ^,fig. 5.) une table des douze sons de l'octave divisée par intervalles majeurs et

CLE l63

mineurs, sur laquelle on transposera la clef de la ma- nière ^suivante, selon le ton et le mode Ton veut composer.

Ayant pris une de ces douze notes pour tonique ou fondamentale, il faut voir d'abord si Fintervalle qu'elle fait avec ut est majeur ou mineur : s'il est ma- jeur, il faut des dièses; s il est mineur, il faut des bémols. Si cette note est Vut lui-même, l'intervalle est nul, et il ne faut ni bémol ni dièse.

Pour déterminer à présent combien il faut de dièses ou de bémols , soit a le nombre qui exprime l'inter- valle d'ut à la note en question. La formule par dièse

sera a i x ^ , qi Jg reste donnera le nombre des

7 dièses qu'il faut mettre à la clef. La formule par bé- mols sera a » x 5, et le reste sera le nombre des

7 bémols qu'il faut mettre à la clef

Je veux, par exemple, composer en la, mode ma- jeur. Je vois d'abord qu'il faut des dièses, parceque la fait un intervalle majeur avec ut. L'intervalle est une sixte dont le nombre est 6; j'en retranche i ; je multiplie le reste 5 par 2 , et du produit lo rejetant 7 autant de fois qu'il se peut, j'ai le reste 3 , qui marque le nombre de dièses dont il faut armer la clef pour le ton majeur de la.

Que si je veux prendre/^, mode majeur, je vois, parla table, que l'intervalle est mineur, et qu'il faut par conséquent des bémols. Je retranché donc i du nombre 4 de l'intervalle; je multiplie par 5 le reste 3, et du produit 1 5 rejetant 7 autant de fois qu il se

1 1.

l64 ^OM

peut, j'ai I d<3 reste : c'est un bémol qu'il faut mettre

à la clef.

On voit par que le nombre des dièses ou des bé- mols delà clef ne peut jamais passer six, puisqu'ils doivent être le reste d'une division par sept.

Pour les tons mineurs il faut appliquer la même formule des tons majeurs, non sur la tonique, mais sur la note qui est une tierce mineure au-dessus de cette même tonique sur sa médiante.

Ainsi, pour composer en 5^, mode mineur, je trans- poserai la c/e/' comme pour le ton majeur de 7^e. Pour fa dièse mineur, je la transposerai comme pour la riiajeur, etc.

Les musiciens ne déterminent les transpositions qu'à force de pratique, ou en tâtonnant; mais la règle que je donne est démontrée générale et sans excep- tion.

CoMARCHios. Sorte de nome pour les flûtes dans l'ancienne musique des Grecs.

CoxMMA, s. m. Petit intervalle qui se trouve dans quelques cas entre deux sons produits sous le même nom par des progressions différentes.

On distingue trois espèces de comma. i » Le mineur, dont la raison est de 2026 à 2048; ce qui est la quan- tité dont le si dièse, quatrième quinte de sol dièse, pris comme tierce majeure de mî, est surpassé par X ut naturel qui lui correspond. Ce comma est la diffé- rence du semi-ton majeur au semi-ton moyen.

1^ Le comma majeur est celui qui se trouve entre le mi produit par la progression triple comme quatrième ({uinte, en commençant par ?if , et le même mi., ou sa

COM i65

réplique, considéré comme tierce majeure de ce même ut. La raison en est de 80 à 81. C'est le comma ordinaire, et il est la différence du ton majeur au ton mineur.

3^ Enfin le comma maxime, qu'on appelle comma de Pythagore, a son rapport de524288à53i44i> et il est l'excès du si dièse, produit par la progression triple comme douzième quinte de Yut sur le même ut élevé par ses octaves au degré correspondant.

Les musiciens entendent par comma la huitième ou la neuvième partie d'un ton, la moitié de ce qu'ils ap- pellent un quart de ton. Mais on peut assurer qu'ils ne savent ce qu ils veulent dire en s'exprimant ainsi, puisque, pour des oreilles comme les nôtres, un si petit intervalle n'est appréciable que par le calcul. (Voyez Intervalle.)

CoMPAiR, adj. corrélatif de lui-même. Lestons com- pairs ^ dans le plain-chant, sont l'authente, et le plagal qui lui correspond. Ainsi le premier ton est compair avec le second, le troisième avec le quatrième, et ainsi de suite : chaque ton pair est compair avec l'im- pair qui le précède. (Voyez Tons de l'église.)

Complément d'un intervalle est la quantité qui lui manque pour arriver à l'octave : ainsi la seconde et la septième, la tierce et la sixte, la quarte et la quinte, sont compléments l'une de Tautre. Quand il n'est ques- tion que d un intervalle , complément et renversement sont la même chose. Quant aux espèces, le juste est complément du juste, le majeur du mineur, le super- flu du diminué, et réciproquement. (Voyez Inter- valle. ^

i66 . coM

Composé, adj. Ce mot a trois sens en musique; deux par rapport aux intervalles, et un par rapport à la mesure.

I. Tout intervalle qui passe Fétendue de l'octave est un intervalle composé^ parcequ'en retranchant Toc- tave on simplifie l'intervalle sans le changer. Ainsi la neuvième, la dixième, la douzième, sont des inter- valles composés: le premier, de la seconde et de l'oc- tave; le deuxième, de la tierce et de l'octave ; le troi^ sième, delà quinte et de l'octave, etc.

II. Tout intervalle qu'on peut diviser musicalement en deux intervalles peut encore être considéré comme composé. Ainsi la quinte est composée de deux tierces , la tierce de deux secondes, la seconde majeure de deux semi-tons; mais le semi-ton n'est point composé , parcequ'on ne peut plus le diviser ni sur le clavier ni par notes. C'est le sens du discours qui, des deux pré- cédentes acceptions, doit déterminer celle selon la- quelle un intervalle est dit composé.

III. On appelle mesures composées toutes celles qui sont désignées par deux chiffres. (Voyez Mesure.)

Composer, v. a. Inventer de la musique nouvelle, selon les régies de l'art.

Compositeur, s. m. Celui qui compos'e delà musi- que ou qui sait les régies de la composition. Voyez au mot Composition l'exposé des connoissances néces- saires pour savoir composer. Ce n'est pas encore assez pour former un vrai compositeur : toute la science possible ne suffit point sans le génie qui la met. en œuvre. Quelque effort que l'on puisse foire, quelque acquis que l'on puisse avoir, il faut être pour eut

COM 167

art; autrement on n'y fera jamais rien que de mé- diocre. Il en est du compositeur comme du poète : si la nature en naissant ne Ta formé tel;

S'il n'a reçu du oie! l'influence secrète,

Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rëtif.

Ce que j'entends par génie n'est point ce goût bizarre et capricieux qui sème partout le baroque et le diffi- cile, qui ne sait orner Iharmonie qu'à force de disso- nances, de contraste et de bruit; c'est ce feu intérieur qui brûle, qui tourmente le compositeur malgré lui, qui lui inspire incessamment des chants nouveaux et toujours agréables, des expressions vives, naturelles, et qui vont au cœur; une harmonie pure, touchante, majestueuse, qui renforce et pare le chant sans l'étouf- fer. C'est ce divin guide qui a conduit Corelli, Vinci, Ferez, Rinaldo, Jomelli, Durante, plus savant qu'eux tous, dans le sanctuaire de l'harmonie; Léo, Pergo- lèse, Hasse, Terradéglias, Galuppi, dans celui du boa goût et de l'expression.

CoMPOSiTiON, s. f. C'est l'art d'inventer et d'écrire des chants, de les accompagner d'une harmonie con- venable, de faire, en un mot, une pièce complète de musique avec toutes ses parties.

La connoissance de l'harmonie et de ses règles est le fondement de la composition. Sans doute, il faut savoir remplir des accords, préparer, sauver des dis- sonances, trouver des basses-fondamentales, et pos- séder toutes les autres petites connoissances élémen- taires; mais avec les seules règles de l'harmonie, on n'est pas plus près de savoir la composition qu'on ne

i68 coM

l'est d'être un orateur avec celles de la grammaire. Je ne dirai point qu'il faut, outre cela, bien connoître la portée et le caractère des voix et des instruments, les chants qui sont de facile ou difficile exécution, ce qui fait de l'effet et ce qui n'en fait pas; sentir le ca- ractère des différentes mesures, celui des différentes modulations, pour appliquer toujours l'une et l'autre à propos; savoir toutes les règles particulières établies par convention , par goût, par caprice, ou par pédan- terie, comme les fugues, les imitations, les sujets contraints , etc. Toutes ces choses ne sont encore que des préparatifs à la composition: mais il faut trouver en soi-même la source des beaux chants, de la grande harmonie, les tableaux, l'expression; être enfin capa- ble de saisir ou de former l'ordonnance de tout un ouvrage, d'en suivre les convenances de toute espèce, et de se remplir de l'esprit du poète, sans s'amuser à courir après les mots. C'est avec raison que nos mu- siciens ont donné le nom de paroles aux poèmes qu'ils mettent en chant. On voit bien, par leur manière de les rendre , que ce ne sont en effet pour eux que des paroles. Il semble, surtout depuis quelques années, que les régies des accords aient fait oublier ou négliger toutes les autres, et que Fliarmonie n'ait acquis plus de facilité qu'aux dépens de l'art en général. Tous nos artistes savent le remplissage, à peine en avons- nous qui sachent la composition.

Au reste , quoique les règles fondamentales du contre-point soient toujours les mêmes, elles ont plus 1

ou moins de rigueur selon le nombre des parties ; car \

à mesure qu'il y a plus de parties , la composition de-

COM 169

vient plus difficile, et les régies sont moins sévères. La composition à deux parties s'appelle duo^ quand les deux parties chantent égalemeut, c'est-à-dire quand le sujet se trouve partagé entre elles : que si le sujet est dans une partie seulement, et que Tautre ne fasse qu'accompagner, on appelle alors la première récit ou 50/0; et l'autre, accompagnement^ on basse-continue , si c'est une basse. Il en est de même du trio ou de la com- position à trois parties, du quatuor^ du quincjue^ etc. (Voyez ces mots.)

On donne aussi le nom de compositions aux pièces mêmes de musique faites dans les régies de la compo- sition: c'est pourquoi les duo, trio, quatuor, dont je viens de parler, s'appellent des compositions.

On compose ou pour les voix seulement, ou pour les instruments, ou pour les instruments et les voix. Le plain-chant et les chansons sont les seules compo- sitions qui ne soient que pour les voix, encore y joint- on souvent quelque instrument pour les soutenir. Les compositions instrumentales sont pour un chœur d'or- chestre, et alors elles s'appellent symphonies , concerts ; ou pour quelque espèce particulière d'instrument, et elles s'appellent yt>iece5, sonates. (Voyez ces mots.)

Quant aux compositions destinées pour les voix et pour les instruments, elles se divisent communément en deux espèces principales; savoir, musique latine ou musique d église, et musique françoise. Les musi- ques destinées pour l'église, soit psaumes, hymnes, antiennes , répons , portent en général le nom de motets. (Voyez Motet.) La musique françoise se divise encore en musique de théâtre, comme nos opéra, et en mu-

sique de chambre, comme nos cantates ou cantatillcs. ( Voyez Cantate, Opéra. )

Généralement la composition latine passe pour de- mander plus de science et de ré(jles, et la françoise plus de génie et de goût.

Dans une composition Fauteur a pour sujet le son physiquement considéré, et pour objet le seul plaisir de Toreille ; ou bien il s'élève à la musique imitative, et cherche à émouvoir ses auditeurs par des effets moraux. Au premier égard, il suffit qu'il cherche de beaux sons et des accords agréables ; mais au second il doit considérer la musique par ses rapports aux accents de la voix humaine, et par les conformités possibles entre les sons harmoniquement combinés et les objets imitables. On trouvera dans Tarticle opéra quelques idées sur les moyens d'élever et d'ennoblir Fart , en faisant de la musique une langue plus élo- quente que le discours même.

Concert, s. m. Assemblée de musiciens qui exécu- tent des pièces de musiq-ue vocale et instrumentale. Oji ne se sert guère du mot de concert que pour une assemblée d'au moins sept ou huit musiciens, et pour une musique à plusieurs parties. Quant aux anciens , comme ils ne connoissoient pas le contre-point, leurs concerts ne s'exécutoient qu'à Funisson ou à l'octave ; et ils en avoient rarement ailleurs qu'aux théâtres et dans les temples.

Concert spirituel. Concert qui tient lieu de spec- tacle public à Paris durant les temps les autres spectacles sont fermés. Il est établi au château des Tuileries ; les concertants y sont très nombreux ,

C O N I y i

et la salle est fort bien décorée : on y exécute des

motets, des symphonies, et Ton se donne aussi le

plaisir d'y défigurer de temps en temps quelcpies airs

italiens.

Concertant, adj. Parties concertantes sont, selon

Tabbé Brossard , celles qui ont quelque chose à réciter

dans une pièce ou dans un concert; et ce mot sert à

les distinguer des parties qui ne sont que de chœur.

Il est vieilli dans ce sens, s'il Ta jamais eu. L'on dit aujourd'hui parties récitantes , mais on se sert de celui de concertant en parlant du nombre de musiciens qui exécutent dans un concert, et l'on dira : Nous étions vingt-cinq concertants ; une assemblée de huit à dix con- ^ certants.

Concerto, s. m. Mot italien francisé, qui signifie généralement une symphonie feite pour être exécutée par tout un orchestre ; mais on appelle plus particu- lièrement concerto une pièce faite pour quelque in- strument particulier, qui joue seul de temps en temps avec un simple accompagnement, après un commen- cement en grand orchestre ; et la pièce continue ainsi toujours alternativement entre le même instrument récitant et l'orchestre en chœur. Quant aux concerto tout se joue en rippieno, et nul instrument ne récite, les François les appellent quelquefois trio, et les Italiens sinfonie.

Concordant, ou basse-taille , ou baryton; celle des parties de la musique qui tient le milieu entre la taille

et la basse. Le nom de concordant n est fïuère en usa

u

ige

que dans les musiques d'église , non plus que la partie qu'il désigne ^ partout ailleurs cette partie s'appelle

172 CON

basse-taille et se confond avec la basse. Le concordant est proprement la partie qu'en Italie on appelle tejior. (Voyez Parties.)

Concours, s. m. Assemblée de musiciens et de con- noisseurs autorisés , dans laquelle une place vacante de maître de musique ou d'organiste est emportée, à la pluralité des suffrages, par celui qui a fait le meil- leur motet, ou qui s'est distingué par la meilleure exécution.

Le concours étoit en usage autrefois dans la plupart des cathédrales ; mais, dans ces temps malheureux l'esprit d'intrigue s'est emparé de tous les états, il est naturel que le concours s'abolisse insensiblement, et qu'on lui substitue des moyens plus aisés de donner à la faveur ou à l'intérêt le prix qu'on doit au talent et au mérite.

Conjoint, adj. Tétracorde co^yomf est , dans l'an- cienne musique, celui dont la corde la plus grave est à l'unisson de la corde la plus aiguë du tétracorde qui est immédiatement au-dessous de lui. ou dont la corde la plus aiguë est à l'unisson de la plus grave du tétra- corde qui est immédiatement au-dessus de lui. Ainsi, dans le système des Grecs, tous les cinq tétracordes sont conjomts par quelque côté : savoir, i^ le tétra- corde méson conjoint au tétracorde hypaton ; le té- tracorde synnéménon conjoint au tétracorde méson ; le tétracorde hyperboléon conjoint au tétracorde diézeugménon : et comme le tétracorde auquel un autre étoit conjoint lui étoit conjoint réciproquement, cela eût fait en tout six tétracordes, c'est-à-dire plus qu'il n'y en avoit dans le système, si le tétracorde

CON 17.;

niéson, ciïini conjoint par ses deux extrémités, n'eiii été pris deux fois pour une.

Painii nous, conjoint se dit d'un intervalle ou degré. On appelle degrés conjoints ceux qui sont tellement disposés entre eux que le son le plus aigu du degré inférieur se trouve à Tunisson du son le plus grave du degré supérieur. Il faut de plus qu'aucun des degrés conjoints ne puisse être partagé en d'autres degrés plus petits, mais qu'ils soient eux-mêmes les plus petits qu'il soit possible , savoir ceux d'une seconde. * Ainsi ces deux intervalles, ut ?e, et re nii^ sont con- joints; mais ut re et fa sol ne le sont pas, faute de la première condition ; ut mi et mi sol ne le sont pas non plus, faute de la seconde.

Marche par degrés conjoints signifie la même chose que marche diatonique. (Voyez Degré diato-

MQUE. )

Conjointes, s.f. Tétracorde des conjointes. (Voyez Synnéiménon.)

Connexe, adj. Terme de plain-chant. (Voy. Mixte.)

CoNSONNANCE, 5./. C'est, selon l'étymologie du mot, l'effet de deux ou plusieurs sons entendus à-la-fois; mais on restreint communément la signification de ce terme aux intervalles, formés par deux sons dont l'ac- cord plaît à l'oreille, et c'est en ce sens que j'en par- lerai dans cet article.

De cette infinité d'intervalles qui peuvent diviser les sons , il n'y en a qu'un très petit nombre qui fassent i\e% consonnances ; tous les autres choquent l'oreille, et sont appelés pour cela dissonances. Ce n'est pas que plusieurs de celles-ci ne soient employées dans l'har-

174 COIS

monie ; mais elles ne le sont qu'avec des précautions, dont les consonnœnces ^ toujours agréables par elles- mêmes, n'ont pas également besoin.

Les Grecs n'admettoient que cinq consonnances ; sa- voir, Foctave, la quinte, la douzième, qui est la ré- plique de la quinte , la quarte , et l'onzième , qui est sa réplique. Nous y ajoutons les tierces et les sixtes majeures et mineures , les octaves doubles et triples , et, en un mot, les diverses répliques de tout cela sans exception , selon toute l'étendue du système.

On distingue les consonnances en parfaites ou justes, dont l'intervalle ne varie point, et en imparfaites, qui peuvent être majeures ou mineures. Les consonnances parfaites sont l'octave , la quinte et la quarte; les im- parfaites sont les tierces et les sixtes.

Les consonnances se divisent encore en simples et composées. Il n'y a de consonnances simples que la tierce et la quarte: car la quinte, par exemple, est composée de deux tierces ; la sixte est composée de tierce et de quarte, etc.

Le caractère physique des consonnances se tire de leur production dans un même son , ou, si Ton veut, du frémissement des cordes. De deux cordes bien d'accord formant entre elles un intervalle d'octave, ou de douzième qui est l'octave de la quinte, ou de dix- septième majeure qui est la double octave de la tierce majeure, si l'on fait sonner la plus grave, l'autre fré- mit et résonne. A l'égard de la sixte majeure et mi- neure, de la tierce mineure , de la quinte et de la tierce majeure simples, qui toutes s.ont des combinaisons et des renversements des précédentes consonnances , elles

GON 175

se trouvent non directement, mais entre les diverses cordes qui frémissent au même son.

Si je touche la corde wf , les cordes montées à son octave ut, à la quinte 50/ de cette octave, à la tierce mi de la double octave, môme aux octaves de tout cela , iiémiront toutes et résonneront à-la-fois ; et quand la première corde seroit seule, on distingue- roit encore tous ces sons dans sa résonnance. Voilà donc Toctave, la tierce majeure et la quinte directes. Les autres çonsonnances se trouvent aussi par combi- naisons : savoir la tierce mineure, de rni au sol; la sixte mineure, du même mi à \ut d'en haut; la quarte , du sol à ce même ut; et la sixte majeure, du même sol au mi qui est au-dessus de lui*.

Telle est la vénération de toutes les çonsonnances. Il s'agiroit de rendre raison des phénomènes.

Premièrement , le frémissement des cordes s'ex- plique par Faction de l'air et le concours des vibra- tions. (Voyez Unisson.) 1^ Que le son d'une corde soit toujours accompagné de ses harmoniques (voyez ce mot), cela paroît une propriété du son qui dépend de sa nature, qui en est inséparable, et au'on ne sau- roit expliquer qu'avec des hypothèses qui ne sont pas sans difficulté. La plus ingénieuse qu'on ait jusqu'à présent imaginée sur cette matière est sans contredit celle de M. de Mairan , dont M. Rameau dit avoir fait son profit.

3<* A l'égard du plaisir que. les çonsonnances font à l'oreille à l'exclusion de tout autre intervalle, on en voit clairement la source dans leur génération. Les çonsonnances naissent toutes de l'accord parfait, pro-

i']6 COIN

duit par un son unique, et réciproquement l'accord parfait se forme par l'assemblage des consonnances . Il est donc naturel que Tharmonie de cet accord se com- munique à ses parties , que chacune d'elles y parti- cipe , et que tout autre intervalle qui ne fait pas partie de cet accord n'y participe pas. Or, la nature, qui a doué les objets de chaque sens de qualités propres à le flatter, a voulu qu'un son quelconque fût toujours accompagné d'autres sons agréables, comme elle a voulu qu'un rayon de lumière fût toujours formé des plus belles couleurs. Que si l'on presse la question , et qu'on demande encore d'où naît le plaisir que cause l'accord parfait à l'oreille , tandis qu'elle est choquée du concours de tout autre son, que pourroit-on ré- pondre à cela, sinon de demander à son tour pour- quoi le vert plutôt que le gris réjouit la vue , et pour- quoi le parfum de la rose enchante , tandis que l'odeur du pavot déplaît?

C-e n'est pas que les physiciens n'aient expliqué tout cela ; et que n'expliquent-ils point? Mais que toutes ces explications sont conjecturales , et qu'on leur trouve peu de solidité quand on les examine de près î Le lecteur en jugera par l'exposé* des principales, que je vais tâcher de faire en peu de mots.

Ils disent donc que la sensation du son étant pro- duite par les vibrations du corps sonore propagées jusqu'au tympan par celles que l'air reçoit de ce même corps, lorsque deux sons se font entendre en- semble, l'oreille est affectée à-la-fois de leurs diverses vibrations. Si ces vibrations sont isochrones, c'est-à- dire qu'elles s'accordent à commencer et finir en même

coN J7'7

temps, ce concours forme runisson; et Toreille, qui saisit Faccord de ces retours égaux et bien concor- dants, en est agréablement aiTectée. Si les vibrations d'un des deux sons sont doubles en durée de celles de l'autre, durant chaque vibration du plus grave, l'aigu en fera précisément deux; et à la troisième ils parti- ront ensemble. Ainsi, de deux en deux, chaque vibra- tion impaire de l'aigu concourra avec chaque vibration du grave ; et cette fréquente concordance qui con- stitue l'octave, selon eux moins douce que l'unisson , le sera plus qu'aucune autre consonnance. Après vient la quinte, dont l'un des sons fait deux vibrations, tandis que l'autre en fait trois ; de sorte qu'ils ne s'ac- cordent qu'à chaque troisième vibration de l'aigu; en- suite la double octave, dont l'un des sons fait quatre vibrations pendant que l'autre n'en fait qu'une, s'ac- cordant seulement à chaque quatrième vibration de l'aigu. Pour la quarte, les vibrations se répondent de quatre en quatre à l'aigu, et de trois en trois au grave : celles de la tierce majeure sont comme 4 et 5 ; de la sixte majeure, comme 3 et 5; de la tierce mineure, comme 5 et 6 ; et de la sixte mineure, comme 5 et 8. au-delà de ces nombres il n'y a plus que leurs multi- ples qui produisent des consonnances , c'est-à-dire des octaves de celles-ci ; tout le reste est dissonant.

D'autres, trouvant l'octave plus agréable que l'u- nisson, et la quinte plus agréable que l'octave, en donnent pour raison que les retours égaux des vibra- tions dans l'unisson, et leur concours trop fréquent dans l'octave, confondent, identifient les sons, et em- pêchent l'oreille d'en apercevoir la diversité. Pour

2-78 CON

qu'elle puisse avec plaisir comparer les sons , il faut bien, disent-ils, que les vibrations s'accordent par in- tervalles, mais non pas qu'elles se confondent trop souvent; autrement, au lieu de deux sons, on croiroit n'en entendre qu'un , et l'oreille perdroit le plaisir de la comparaison. C'est ainsi que du même principe ou déduit à son gré le pour et le contre, selon qu'on juge que les expériences l'exigent.

Mais premièrement toute cette explication n'est, comme on voit, fondée que sur le plaisir qu'on pré- tend que reçoit l'ame par l'organe de l'ouïe du con- cours des vibrations; ce qui, dans le fond, n'est déjà qu'une pure supposition. De plus il faut supposer encore, pour autoriser ce système, que la première vibration de chacun des deux corps sonores com- mence exactement aveq celle de l'autre; car de quel- que peu que l'une précédât, elles ne concourroient plus dans le rapport déterminé, peut-être même ne concourroient-elles jamais, et par conséquent Tinter- valle sensible devroit changer, la cotisomiance nexisle- roit plus, ou ne seroit plus la même. Enfin il faut supposer que les diverses vibrations des deux sons d'une consonnance frappent l'organe sans confusion , et transmettent au cerveau la sensation de Taccord sans se nuire mutuellement : chose difficile à conce- voir et dont j'aurai occasion de parler aiHeurs.

Mais , sans disputer sur tant de suppositions, voyons ce qui doit s'ensuivre de ce système. Les vibrations ou les sons de la dernière consonnance^ qui est la tierce mineure , sont comme 5 et 6 , et l'accord en est fort agréable. Que doit-il naturellement résulter de

CON l'jfj

deux autres sons dont les vibrations seroient entre elles comme 6 et 7 ? une consonnance un peu moins harmonieuse, à la vérité, mais encore assez agréable, à cause de la petite différence des raisons; car elles ne diffèrent que d'un trente-sixième. Mais qu'on me dise comment il se peut faire que deux sons, dont Tun fait cinq vibrations pendant que l'autre en fait six, pro- duisent une consonnance agréable, et que deux sons, dont l'un fait six vibrations pendant que l'autre en fait sept , produisent une dissonance aussi dure. Quoi ! dans l'un de ces rapports les vibrations s'accordent de six en six, et mon oreille est charmée; dans l'autre elles s'accordent de sept en sept, et mon oreille est écorchée ! Je demande encore comment il se fait qu'a- près cette première dissonance la dureté des autres n'augmente pas en raison de la composition des rap- ports : pourquoi , par exemple , la dissonance qui résulte du rapport de 89 à 90 n'est pas beaucoup plus choquante que celle qui résulte du rapport de 1 2 à 1 3. Si le retour plus ou moins fréquent du concours des vibrations étoit la cause du degré de plaisir ou de peine que me font les accords, 1 effet seroit propor- tionné à cette cause , et je n'y trouve aucune propor- tion. Donc ce plaisir et cette peine ne viennent point de là.

Il reste encore à faire attention aux altérations dont une consonnance est susceptible sans cesser d'être agréable à l'oreille , quoique ces altérations dé- rangent entièrement le concours périodique des vi- brations, et que ce concours même devienne plus rare à mesure que l'altération est moindre. ïl reste

12.

l8o CON

à considérer que Taccord de Torgue ou du clavecin ne devroit offrir à Foreillc cp'une cacophonie d'au- tant plus horrible que ces instruments seroient ac- cordés avec plus de soin; puisque, excepté Toctave, il ne s'y trouve aucune consonnance dans son rapport exact.

Dira-t-on qu'un rapport approché est supposé tout- à-fait exact, qu'il est reçu pour tel par l'oreille, et qu'elle supplée par instinct ce qui manque à la jus- tesse de l'accord? je demande alors pourquoi cette inégalité de jugement et d'appréciation par laquelle elle admet des rapports plus ou moins rapprochés, et en rejette d'autres selon la diverse nature des con- sonnances. Dans l'unisson, par exemple, l'oreille ne supplée rien; il est juste ou faux, point de milieu. De même encore dans l'octave, si l'intervalle n'est exact, l'oreille est choquée; elle n'admet point d'ap- proximation. Pourquoi en admet-elle plus dans la quinte, et moins dans la tierce majeure? Une expjli- cation vague, sans preuve, et contraire au principe qu'on veut établir, ne rend point raison de ces diffé- rences.

Le philosophe qui nous a donné des principes d'a- coustique laissant à part tous ces concours de vibra- tions , et renouvelant sur ce point le système de Des- cartes, rend raison du plaisir que les consonnances font à l'oreille par la simplicité des rapports qui sont entre les sons qui les forment. Selon cet auteur et se- lon Descartes, le plaisir diminue à mesure que ces rapports deviennent plus composes; et quand l'esprit ne les saisit plus ce sont de véritables dissonances :

CON i8r

ainsi c'est une opération de Tespiit qu'ils prennent pour le principe du sentiment de l'harmonie. D'ail- leurs , c|uoi(jue cette hypothèse s'accorde avec le résultat des premières divisions harmoniques, et qu'elle s'étende même à d'autres phénomènes qu'on remarque dans les beaux-arts, comme elle est sujette aux mêmes objections que la précédente, il n'est pas possible à la raison de s'en coiitenter.

Celle de toutes qui paroît la plus satisfaisante a pour auteur M. Estéve, de la Société royale de Montpellier. Voici là-dessus comment il raisonne.

Le sentiment du son est inséparable de celui de ses harmoniques ; et puisque tout son porte avec soi ses harmoniques ou pèutôt son accompagnement, ce même accompagnement est dans l'ordre de nos organes. Il y a dans le son le plus simple une gradation de sons qui sont et plus foibles et plus aigus, qui adoucissent par nuances le son principal , et le font perdre dans la grande vitesse des sons les plus hauts. Voilà ce que c'est qu'un son, l'accompagnement lui est essentiel, en fait la douceur et la mélodie. Ainsi toutes les fois que cet adoucissement, cet accompagnement, ces harmoniques , seront renforcés et mieux développés , les sons seront plus mélodieux, les nuances mieux soutenues. C'est une perfection, et lame y doit être sensible.

Or les consonnances ont cette propriété que les har- moniques de chacun des deux sons concourant avec les harmoniques de l'autre, ces harmoniques se sou- tiennent mutuellement, deviennent plus sensibles ,,

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durent plus long-temps, et rendent ainsi plus agréable

Faccord des sons qui les donnent.

Pour rendre plus claire Tappiication de ce principe, M. Estéve a dressé deux tables, Tune des consonnan- ces, et l'autre des dissonances qui sont dans Tordre de la gamme ; et ces tables sont tellement disposées , qu'on voit dans chacune le concours ou l'opposition des har- moniques de deux sons qui forment chaque inter- valle.

Parla table des consonnances , on voit que l'accord de l'octave conserve presque tous ses harmoniques , et c'est la raison de l'identité qu'on suppose dans la pratique de Tharmonie entre les deux sons de l'octave ; on voit que l'accord de la quinte n (Conserve que trois harmoniques , que la quarte n'en conserve que deux , qu enfin les consonnances imparfaites n'en conservent qu'un, excepté la sixte majeure qui en porte deux.

Par la table des dissonances, on voit qu'elles ne se conservent aucun harmonique , excepté la seule sep- tième mineure qui conserve son quatrième harmoni- que , savoir la tierce majeure de la troisième octave du son aigu.

De ces observations l'auteur conclut que plus entre deux sons il y aura d'harmoniques concourants , plus l'accord en sera agréable ; et voilà les consonnances parfaites : plus il y aura d'harmoniques détruits , moins î'ame sera satisfaite de ces accords ; voilà les conson- nances imparfaites : que s'il arrive qu'aucun harmoni- que ne soit conservé, les sons seront privés de leur douceur et de leur mélodie \ ils seront aigres et comme décharnés , lame s'v refusera ; et au lieu de l'adoucis-

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sèment qirelle éprouvoit dans les consonnances , ne tiouvant partout qu'une rudesse soutenue , elle éprou- vera un sentiment d'inquiétude désagréable qui est l'effet de la dissonance.

Cette hypothèse est sans contredit la plus simple .. la plus naturelle , la plus heureuse de toutes : mais elle laisse pourtant encore quelque chose à désirer poiu^ le contentement de l'esprit, puisque les causes qu'elle assigne ne sont pas toujours proportionnelles aux dif- férences des effets ; que , par exemple , elle confond dans la même catégorie la tierce mineure et la sep- tième mineure, comme réduites également à un seul harmonique, quoique l'une soit consonnante, l'autre dissonante , et que l'effet à l'oreille en soit très diffé- rent.

A l'égard du principe d'harmonie imaginé par M. Sauveur, et qu'il faisoit consister dans les battements, comme il n'est en nulle façon soutenable , et qu il n a été adopté de personne , je ne m'y arrêterai pas ici , et il suffira de renvoyer le lecteur à ce que j'en ai dit au mot Battement.

CoNSONNANT, adj. Un intervalle consonnant est celui qui donne une consonnance ou qui en produit l'effet , ce qui arrive en certains cas aux dissonarK;es par la force de la modulation. Un accord consonnant est celui qui n'est composé que de consonnances.

Contra , s:m. Nom qu'on donnoit autrefois à la partie qu'on appeloit plus communément allas, et qu'aujour- d'hui nous nommons haute-contre. ( Voyez Haute- ConcTRE. )

Contraint , adj. Ce mot s'applique , soit à Tharmo-

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nie, soit au chant, soit à la valeur des notes, quand par la nature du dessein on s'est assujetti à une loi d'uniformité dans quelqu'une de ces trois parties. ( Voyez Basse-Contrainte. )

Contraste, s. m. Opposition de caractères. Il y a contraste dans une pièce de musique lorsque le mou- vement passe du lent au vite , ou du vite au lent ; lors- que le diapason de la mélodie passe du grave à l'aigu, ou de l'aigu au grave ; lorsque le chant passe du doux au fort, ou du fort au doux; lorsque Taccompagne- ment passe du simple au figuré, ou du figuré au sim- ple ; enfin , lorsque l'harmonie a des jours et des pleins alternatifs : et le contraste le plus parfait est celui qui réunit à-la-fois toutes ces oppositions.

Il est très ordinaire aux compositeurs qui manquent d'invention d'abuser du co/ifr«5fe, et d'y chercher, pour nourrir l'attention, les ressources que leur génie ne leur fournit pas. Mais le contraste^ employé à propos et sobrement ménagé, produit des effets admirables.

Contra-tenor. Nom donné dans les commencements du contre-point , à la partie qu'on a depuis nommée ténor ou taille. ( Voyez Taille. )

Contre-chant, s. m. Nom donné par Gerson et par d'autres à ce qu'on appeloit alors plus communément déchant on contre-point. (Voyez ces mots- )

Contre-danse. Air d'une sorte de danse de même oom , qui s'exécute à quatre , à six et à huit personnes , et qu'on danse ordinairement dans les bals après les menuets , comme étant plus gaie et occupant plus de monde. Les airs des contre-danses sont le plus souvent h deux temps : ils doivent être bien cadencés , brillants

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et gais, et avoir cependant beaucoup de simplicité; car, comme on les reprend très souvent, ils devien- droient insupportables s'ils éto-ient charges. En tout genre les choses les plus simples sont celles dont on se lasse le moins.

C0ΫJTRE-FUGUE OU FuGUE-RENVERSÉE , S. f. SortC dc

fugue dont la marche est contraire à celle d'une autre fugue qu'on a établie auparavant dans le même mor- ceau. Ainsi , quand la fugue s'est fait entendre en mon- tant de la tonique à la dominante, ou de la dominante à la tonique, la contre-fugue doit se faire entendre en descendant de la dominante à la tonique, ou de la to- nique à la dominante , et vice versa : du reste , ses ré- gies sont entièrement semblables à celles de la fugue. (Voyez Fugue. )

Contre-harmonique, aclj. Nom d'une sorte de pro- portion. ( Voyez l^ROPORTiON. )

Contre-partie, s.f. Ce terme ne s'emploie en musi- que que pour signifier une des deux parties d'un duo considérée relativement à l'autre.

Contre-point , 5. m. C'est à peu près la même chose que composition; si ce n'est que composition peut se dire des chants, et d'une seule partie, et que contre- point ne se dit que de l'harmonie , et d'une composition à deux ou plusieurs parties différentes.

Ce mot de contre-point vient de ce qu'anciennement les notes ou signes des sons étoient de simples points , et qu'en composant à plusieurs parties, on plaçoit ainsi ces points Fun sur l'autre , ou l'un contre l'autre.

Aujourd hui le nom de confj^e-point s'applique spé- cialement aux parties ajoutées sur un sujet donné,

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pris ordinairement du plain-chant. Le sujet peut être à la taille ou à quelque autre partie supérieure; et Ton dit alors que le contre-point est sous le sujet : mais il est ordinairement à la basse, ce qui met le sujet sous le contre-point. Quand le contre-point est syllabique ou note sur note, on l'appelle contre-point simple ; contre- point figuré^ quand il s'y trouve différentes figures ou valeurs de notes , et qu'on y fait des desseins , des fu- fjues , des imitations : on sent bien que tout cela ne peut se faire qu'à l'aide de la mesure , et que ce plain- cbant devient alors de véritable musique. Une com- position faite et exécutée ainsi sur-le-cbamp , et sans préparation sur un sujet donné , s'appelle chant sur le livre ^ parcequ'alors chacun compose impromptu sa partie ou son chant sur le livre du chœur. (Voyez Chant

SUR LE LIVRE. )

On a long-temps disputé si les anciens avoient connu le contre-point : mais par toui ce qui nous reste de leur musique et de leurs écrits, principalement par les régies de pratique d'Aristoxène, livre troisième, on voit clairement qu'ils n'en eurent jamais la moindre notion.

Contre-sens, s. m. Vice dans lequel tombe le musi- cien, quand il rend une autre pensée que celle qu'il doit rendre. La musique, dit M. d'Alembert, n'étant et ne devant être qu'une traduction des paroles qu'on met en chant, il est visible qu'on y peut tomber dans lîes contre-sens ; et ils n'y sont guère plus faciles à éviter que dans une véritable traduction. Contre-sens dans lexpression, quand la musique est triste au lieu d'être gaie, gaie au lieu d'être triste, légère au Hou

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d'être grave, grave au lieu d'être légère, etc. Contre^ se?is dans la prosodie, lorsqu'on est bref sur des syl- labes longues, long sur des syllabes brèves, qu'on n'observe pas l'accent de la langue, etc. Contresens dans la déclamation, lorsqu'on y exprime par les mêmes modulations des sentiments opposés ou diffé- rents, lorsqu'on y rend moins les sentiments que les mots, lorsqu'on s'y appesantit sur des détails sur les- quels on doit glisser, lorsque les répétitions sont en- tassées hors de propos. Contre-sens dans la ponctua- tion, lorsque la phrase de musique se termine par une cadence parfaite dans les endroits le sens est suspendu, ou forme un repos imparfait quand le sens est achevé. Je parle ici des contre-sens pris dans la ri- gueur du mot; mais le manque d'expression est peut- être le plus énorme de tous. J'aime encore mieux que la musique dise autre chose que ce qu'elle doit dire, que de parler et ne rien dire du tout.

Co^TRE-TËMPS , s. m. Mesure à contre-temps est celle l'on pause sur le temps (bible, l'on glisse sur le temps fort, et le chant semble être en contre-sens avec la mesure (Voyez Syncope.)

Copiste, 5. m. Celui qui fait profession de copier de la musique.

Quelque progrès qu'ait fait l'art typographique , on n'a jamais pu l'appliquer à la musique avec autant de succès qu'à l'écriture , soit parceque les goûts de l'esprit étant plus constants que ceux de l'oreille, on s'ennuie moins vite des mêmes livres que des mêmes chansons; soit par les difficultés pailiculières que la combinaison des notes et des lignes ajoute à l'imprcs-

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sion de la musique : car si Ton imprime premièrement les portées et ensuite les notçs, il est impossible de donner à leurs positions relatives la justesse néces- saire; et si le caractère de chaque note tient à une portion de la portée, comme dans notre musique im- primée, les lignes s'ajustent si mal entre elles, il faut une si prodigieuse quantité de caractères, et le tout tait un si vilain effet à l'œil, qu'on a quitté cette ma- nière avec raison pour lui substituer la gravure. Mais , outre que la gravure elle-même n'est pas exempte d'inconvénients, elle a toujours celui de multiplier trop ou trop peu les exemplaires ou les parties, de mettre en partition ce que les uns voudroient*en par- lies séparées , ou en parties séparées ce que d'autres voudroient en partition, et de n'offrir guère aux cu- rieux que de la musique déjà vieille qui court dans les mains de tout le monde. Enfin il est sûr qu'en Italie, le pays de la terre l'on fait le plus de musique, on a proscrit depuis long-temps la note imprimée sans que l'usage de la gravure ait pu s'y établir : d'où je conclus qu'au jugement des experts celui de la simple copie est le plus commode.

Il est plus important que la musique soit nette- ment et correctement copiée que la simple écriture , parceque celui qui lit et médite dans son cabinet aper- çoit, corrige aisément les fautes qui sont dans son livre, et que rien ne l'empêche de suspendre sa lec- ture ou de la recommencer: mais, dans un concert, chacun ne voit que sa partie , et la rapidité et la continuité de l'exécution ne laissent le temps de re- venir sur aucune faute, elles sont toutes irréparables :

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souvent un morceau sublime est estropié, l'exécu- tion est interrompue ou même arrêtée, tout va de tra- vers, partout manque l'ensemble et Teffet, Tauditeur est rebuté, et Fauteur déshonoré, par la seule faute du copiste.

Déplus, Fintelli^ence d'une musique difficile dé- pend beaucoup de la manière dont elle est copiée; car, outre la netteté de la note, il y a divers moyens de présenter plus clairement au lecteur les idées qu'on veut lui peindre et qu'il doit rendre. On trouve sou- vent la copie d'un homme plus lisible que celle d'un autre, qui pourtant note plus ajjréablement; c'est que l'un ne veut que plaire aux yeux, et que l'autre est plus attentif aux soins utiles. Le plus habile copiste est celui dont la musique s'exécute avec le plus de facilité, sans que le musicien même devine pourquoi. Tout cela m'a persuadé que ce n'étoit pas faire un ar- ticle inutile que d'exposer un peu en détail le devoir et les soins d'un bon copiste: tout ce qui tend à faci- liter l'exécution n'est point indifférent à la perfection d'un art dont elle est toujours le plus grand écueil. Je sens combien je vais me nuire à moi-même, si l'on compare mon travail à mes régies; mais je n'ignore pas que celui qui cherche l'utilité publique doit avoir oublié la sienne. Homme de lettres, j'ai dit de mon état tout le mal que j'en pense; je n'ai fait que de la musique françoise, et n'aime que l'italienne; j'ai mon- tré toutes les misères de la société, quand j'étois heu- reux par elle : mauvais copiste^ j'expose ici ce que font les bons, O vérité ! mon intérêt ne fut jamais rien devant

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toi; qu'il ne souille en rien le culte que je t'ai voué.

Je suppose d'abord que le copiste est pourvu de toutes les connoissances nécessaires à sa profession. Je lui suppose de plus les talents qu'elle exige pour être exercée supérieurement. Quels sont ces talents ,. et quelles sont ces connoissances? Sans en parler ex- pressément, c'est de quoi cet article pourra donner une suffisante idée. Tout ce que j'oserai dire ici, c'est que tel compositeur qui se croit un fort habile homme, est bien loin d en savoir assez pour copier correcte- ment la composition d autrui.

Comme la musique écrite , surtout en partition , est faite pour être lue de loin par les concertants, la première chose que doit faire le copiste est d'employer les matériaux les plus convenables pour rendre sa note bien lisible et bien nette. Ainsi il doit choisir de beau papier fort, blanc, médiocrement fin, et qui ne perce point : on préfère celui qui n'a pas besoin de laver, parceque le lavage avec lalun lui ôte un peu de? sa blancheur. L'encre doit être très noire sans être luisante ni gommée; la réglure fine, égale, et bien mar- quée, mais non pas noire comme la note; il faut, au contraire, que les lignes soient un peu pâles, afin que les croches, doubles-croches, les soupirs demi-sou- pirs, et autres petits signes, ne se confondent pas avec elles, et que la note sorte mieux. Loin que la pâleur des lignes empêche de lire la musique à une certaine distance, elle aide au contraire à la netteté; et quand même la ligne échapperoit un moment à la vue, la position des notes l'indique assez le plus souvent. Lci

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régleurs ne rendent que du travail mal fait; si le co- piste veut se faire honneur, il doit régler son papier lui-même.

Il y a deux formats de papier réglé : Tun pour la musique françoise , dont la longueur est de bas en haut; Tautre pour la musique italienne, dont la lon- gueur est dans le sens des lignes. On peut employer pour les deux le même papier en le coupant et réglant en sens contraire; mais, quand on Tacheté réglé, il faut renverser les noms chez les papetiers de Paris, demander du papier à Titalienne quand on le veut à la françoise, et à la françoise quand on le veut à Titahenne : ce ^«zy^ro^wo importe peu dès qu'on en est prévenu.

Pour copier une partition, il faut compter les por- tées qu'enferme Taccolade, et choisir du papier qui ait, par page, le même nombre de portées, ou un mul- dple de ce nombre, afin de ne perdre aucune portée , ou d'en perdre le moins qu'il est possible, quand le multiple n'est pas exact.

Le papier à litalienne est ordinairement à dix por- tées, ce qui divise chaque page en deux accolades de cinq portées chacune pour les airs ordinaires; savoir, deux portées pour les deux dessus de violon, une pour la quinte, une pour le chant, et une pour la basse. Quand on a des duo ou des parties de flûtes, de hautbois, de cors, de trompettes, alors, à ce nom- bre de portées on ne peut plus mettre qu'une ac- colade par page, à moins qu'on ne trouve le moyen de supprimer quelque portée inutile, comme celle

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de la quinte, quand elle marche sans cesse avec la

basse.

Voici maintenant les observations qu'on doit faire pour bien distribuer la partition, i ^ Quelque nom- bre de parties de symphonie qu'on puisse avoir, il faut toujours que les parties de violon, comme princi- pales, occupent le haut de l'accolade les yeux se portent plus aisément; ceux qui les mettent au-des- sous de toutes les autres et immédiatement sur la quinte pour la commodité de l'accompagnateur, se trompent; sans compter qu'il est ridicule de voir dans une partition les parties de violon au-dessous, par exemple, de celles des cors qui sont beaucoup plus basses. 2^ Dans toute la longueur de chaque morceau, l'on ne doit jamais rien changer au nombre des por- tées , afin que chaque partie ait toujours la sienne au même lieu : il vaut mieux laisser des portées vides , ou, s'il le faut absolument, en charger quelqu'une de deux parties, que d'étendre ou resserrer l'accolade inégalement. Cette régie n'est que pour la musique italienne; car l'usage de la gravure a rendu les com- positeurs françois plus attentifs à l'économie de Fes- pace qu'à la commodité de l'exécution. 3^ Ce n'est qu'à toute extrémité qu'on doit mettre deux parties sur une même portée; c'est surtout ce qu'on doit éviter pour les parties de violon; car, outre que la confusion y seroit à craindre, il y auroit équivoque avec la double-corde; il faut aussi regarder si jamais ies parties ne se croisent, ce qu'on ne pourroit guère écrire sur la même portée d'une manière nette et lisi- h\n. /\^ Les clefs une fois écrites et correctement ar-

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niées ne doivent plus se répéter non plus que le si^mb de la mesure, si ce n'est- dans la musique lîançoise, quand, les accolades étant inégales , chacun ne pour- roit plus reconnoître sa partie; mais, dans les parties séparées , on doit répéter la clef au commencement de chaque portée, ne fût-ce que pour marquer le com- mencement de la ligne au défaut de Faccolade.

Le nombre des portées ainsi fixé, il faut faire la di- vision des mesures , et ces mesures doivent être toutes égales en espace comme en durée, pour mesurer en quelque sorte le temps au compas et guider la voix par les yeux. Cet espace doit être assez étendu dans chaque mesure pour recevoir toutes les notes qui peu- vent y entrer, selon sa plus grande subdivision. On ne sauroit croire combien ce soin jette de clarté sur une partition , et dans quel embarras on se jette en le négli- geant. Si Ton serre une mesure sur uile ronde, com- ment placer les seize doubles-croches que contient peut-être une autre partie dans la même mesure? Si Ion ss régie sur la partie vocale , comment fixer l'es- pace des ritournelles? en un mot, si l'on ne regarde qu'aux divisions d'une des parties, comment y rap- porter les divisions souvent contraires des autres parties ?

Ce n'est pas assez de diviser l'air en mesures égales, il faut aussi diviser les mesures en temps égaux. Si dans chaque partie on proportionne ainsi l'espace à la durée, toutes Jes parties et toutes les notes simul- tanées de chaque partie se correspondront avec une justesse qui fera plaisir aux yeux, et facilitera beau- coup la lecture d'une partition. Si, par exemple, o».

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partage une mesure à quatre temps en quatre espaces bien égaux entre eux et dans chaque partie, qu'on étende les noires , qu'on rapproche les croches , qu on resserre les doubles-croches à proportion et chacune dans son espace, sans qu'on ait besoin de regarder une partie en copiant 1 autre, toutes les notes corres- pondantes se trouveront plus exactement perpendi- culaires, que si on les eût confrontées en les écrivant; et Fou remarquera dans le tout la plus exacte pro- portion; soit entre les diverses mesures d'une même partie, soit entre les diverses parties d'une même mesure.

A l'exactitude des rapports il faut joindre, autant qu'il se peut, la netteté des signes. Par exemple on n'écrira jamais de notes inutiles, mais sitôt qu'on s'aperçoit que deux parties se réunissent et marchent à l'unisson , l'on doit renvoyer de Tune à l'autre lors- qu'elles sont voisines et sur la même clef. A l'égard de la quinte, sitôt qu'elle marche à l'octave de la basse , il faut aussi l'y renvoyer. La même attention de ne pas inutilement multiplier les signes , doit em- pêcher d'écrire pour la symphonie les piano aux en- trées du chant , et les forte quand il cesse ; partout ailleurs il les faut écrire exactement sous le premier violon et sous la basse, et cela suffit dans une parti- tion , toutes les parties peuvent et doivent se régler sur ces deux-là.

Enfin le devoir du copiste écrivant une partition est de corriger toutes les fausses notes qui peuvent se trouver dans son original. Je n'entends pas par fausses notes les fautes de l'ouvrage, mais celles de la copie

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qui lui sert d'oii{jinal. La perfection de Ja sienne est de rendre fidèlement les idées de l'auteur : bonnes ou mauvaises, ce n'est pas son affaire; car jl n'est pas auteur ni correcteur, mais copiste. Il est bien vrai que si l'auteur a mis par mégarde une note pour une autre , il doit la corriger; mais si ce même auteur a fait par ignorance une faute de composition, il la doit laisser.. Qu'il compose mieux lui-même, s'il veut ou s'il peut, à la bonne heure; mais sitôt qu'il copie, il doit res- pecter son original. On voit par qu'il ne suffit pas au copiste d'être bon harmoniste et de bien savoir la composition , mais qu'il doit de plus être exercé dans les divers styles , reconnoître un auteur par sa ma- nière , et savoir bien distinguer ce qu'il a fait de ce qu'il n'a pas fait. Il y a de plus une sorte de critique propre à restituer un passage par la comparaison d'un autre , à remettre un fort ou un doux il a été oublié, à détacher des phrases fiées mal à propos , à restituer même des mesures omises ; ce qui n'est pas sans exemple, même dans des partitions. Sans doute, il faut du savoir et du goût pour rétablir un texte dans toute sa pureté : l'on me dira que peu de copistes le font; je répondrai que tous le devroient faire.

Avant de finir ce qui regarde les partitions, je dois dire comment on y rassemble des parties séparées; travail embarrassant pour bien des copistes^ mais fa- cile et simple quand on s'y prend avec méthode.

Pour cela, il faut d'abord compter avec soin les mesures dans toutes les parties , pour s'assurer qu'elles sont correctes ; ensuite on pose toutes les parties Tune sur l'autre, en commençant par la basse ;

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et la couvrant successivement des autres parties dauft le même ordre qu elles doivent avoir sur la partition.. On fait Faccolade d'autant de portées qu'on a de par- ties ; on la divise en mesures égales, puis mettant toutes ces parties ainsi rangées devant soi et à sa gauche , on copie d'abord la première ligne de la pre- mière partie, que je suppose être le premier violon ; on y fait une légère marque en crayon à l'endroit l'on s'arrête; puis on la transporte renversée à sa droite. On copie de même la première ligne du second violon, renvoyant au premier partout ils marchent à l'unisson, puis, faisant une marque comme ci-de- vant, on renverse la partie sur la précédente à sa droite; et ainsi de toutes les parties l'une après l'autre. Quand on est à la basse, on parcourt des yeux toute l'accolade pour vérifier si l'harmonie est bonne, si le tout est bien d'accord , et si l'on ne s'est point trompé. Cette première ligne faite, on prend ensemble toutes les parties qu'on a renversées l'une sur l'autre à sa droite, on les renverse derechef à sa gauche , et elles se retrouvent ainsi dans le même ordre et dans la même situation elles étoient quand on a commencé : on recommence la seconde accolade à la petite marque en crayon , Ton fait une autre marque à la fin de la se- conde ligne, et l'on poursuit comme ci-devant, jus- qu'à ce que le tout soit fait.

J'aurai peu de choses à dire sur la manière de tirer une partition en parties séparées ; car c'est l'opération la plus simple de l'art, et il suffira d'y faire les obser- « vations suivantes. Il faut tellement comparer la I longueur des morceaux à ce que peut contenir une "

page, qu'on ne soit jamais obligé de tourner sur un même morceau dans les parties instrumentales , à moins qu'il n'y ait beaucoup de mesures à compter qui en laissent le temps. Cette régie oblige de com- mencer à la page f 67.50 tous les morceaux qui rem- plissent plus d'une page ; et il n'y en a guère qui en remplissent plits de deux. 2^ hes doux et les Jbrt doi- vent être écrits avec la plus grande exactitude sur toutes les parties, même ceux rentre et cesse^le chant, qui ne sont pas pour l'ordinaire écrits sur la partition. On ne doit point couper une mesure d\ine ligne à l'autre , mais tâcher qu'il y ait toujours une barre à la fin de chaque portée. 4*^ Toutes les lignes postiches qui excédent, en haut ou en bas, les cinq de la portée, ne doivent point être continues , mais séparées a chaque note, de peur que le musi- cien, venant à les confondre avec celles de la portée, rie se trompe de note et ne sache plus il est. Cette régie n'est pas moins nécessaire dans les partitions , et n'est suivie par aucun copiste François. Les parties de hautbois, qu'on tire sur les parties de violon pour un grand orchestre, ne doivent pas être exactement copiées comme elles sont dans l'original; mais, outre l'étendue que cet instrument a de moins que le violon , outre les doux , qu'il ne peut faire de même, outre Tagilité qui lui nianqu?, ou qui lui va mal dans cer- taines vitesses , la force du hautbois doit être mé- nagée, pour marquer mieux les notes principales, et donner plus d'accent à la musique.. Si j'avois à juger du goût d'un svmphoniste sans l'entendre, je lui don- nerois à tirer sur la partie de violon la partie de hayt-

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bois : tout copiste doit savoir le faire. 6" Quelquefois les parties de cors et de trompettes ne sont pas notées sur le même ton que le reste de Tair ; il faut les trans- poser au ton , ou bien , si on les copie telles qu elles sont, il faut écrire au baut le nom de la véritable to- nique. Corni in D sol re, conii in E la fa, etc. Il ne faut point bigarrer la partie de quinte />u de viola de la clef cR basse et de la sienne, mais transporter à la clef de viola tous les endroits elle marche avec la basse ; et il y a là-dessus encore une autre attention à faire, c'est de ne jamais laisser monter la viola au- dessus des parties de violon ; de sorte que , quand la basse monte trop baut, il n'en faut pas prendre Foc- tave, mais l'unisson, afin que la viola ne sorte jamais du médium qui lui convient. La partie vocale ne se doit copier qu'en partition avec la basse, afin que le chanteur se puisse accompagner lui-même , et n'ait pas la peine ni de tenir sa partie à la main, ni de compter ses pauses : dans les duo ou trio , chaque partie de chant doit contenir, outre la basse, sa contre-partie ; et quand on copie un récitatif obligé, il faut pour cha- que partie d'instrument ajouter la partie du chant à la sienne, pour le guider au défaut de la mesure. 9" Enfin, dans les parties vocales, il faut avoir soin délier ou détacher les croches, afin que le chanteur voie clairement celles qui appartiennent à chaque syllabe. Les partitions qui sortent des mains des com- positeurs sont sur ce point très équivoques, et le chan- teur ne sait la plupart du temps comment distribuer la note sur la parole. Le copiste versé dans la prosodie , et qui connoît également l'accent du discours et celui

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du chant, détermine le partage des notes et prévient l'indécision du chanteur. Les paroles doivent être écrites hien exactement sous les notes, et correctes quant aux accents et à l'orthographe; mais on n'y doit mettre ni points ni virgules , les répétitions fré- quentes et irrégulières rendant la ponctuation gram* maticale impossible; c'est à la musique à ponctuer les paroles : le copiste ne doit pas s'en mêler ; car ce seroit ajouter des signes que le compositeur s'est chargé de rendre inutiles.

Je m'arrête pour ne pas étendre à l'excès cet article : j'en ai dit trop pour tout copiste instruit qui a une bonne main et le goût de son métier; je n'en dirois jamais assez pour les autres. J'ajouterai seulement un mot en finissant : il y a bien des intermédiaires entre ce que le compositeur imagine et ce qu'entendent les auditeurs. C est au copiste de rapprocher ces deux termes le plus qu'il est possible , d'indiquer avec clarté tout ce qu'on doit faire pour que la musique exécutée rende exactement à l'oreille du compositeur ce qui s'est peint dans sa tête en la composant.

Corde sonore. Toute corde tendue dont on peut tirer du son. De peur de m'égarer dans cet article, j'y transcrirai en partie celui de M. d'Alembert , et n'y ajouterai du mien que ce qui lui donne un rapport plus immédiat au son et à la musique.

« Si une corde tendue est frappée en quelqu'un de « ses points par une puissance quelconque, elle s'éloi- <f gnera jusqu'à une certaine distance de la situation «qu'elle avoit étant en repos, reviendra ensuite et « fera des vibrations en vertu de l'élasticité que sa

200 COR

« tension lui donne, comme en fait un pendule qu'on « tire de son aplomb. Que si, de plus, la matière de «cette corde est elle-même assez élastique ou assez « homojifène pour que le même mouvement se com- te muniquc à toutes ses parties, en frémissant elle « rendra du sonnet sa résonnance accoiupagnera tou- « jours ses vibrations. Les géomètres ont trouvé les «lois de ces vibrations, et les musiciens celles des H sons qui en résultent.

« On savoit depuis long-temps, par l'expérience et

fi par des raisonnements assez vagues, que, toutes

« choses d'ailleurs égales, plus une co7^de étoit tendue,

«* plus ses vibrations étoient promptes ; qu'à tension

< égale, les, cordes faisoient leurs vibrations plus ou

a moins proraptement en même raison qu'elles étoient

« moins ou plus longues , c'est-à-dire que la raison des

j longueurs étoit toujours inverse de celle du nom-

« bre des vibrations. M. Taylor, célèbre géomètre an-

.< glois, est le premier qui ait démontré les lois des vi-

5 brations des cordes avec quelque exactitude , dans

«son savant ouvrage intitulé, Methodus increniento-

« rum directa et inversa^ i 7 ^ ^ ? Gt ces mêmes lois ont

« été démontrées encore depuis par M. Jean Bernoulli,

« dans le second tome àes Mémoires de V académie im-

« périale de, Pçtershourg . j? De la formule qui résulte de

ces lois, et qu'on peut trouver dans FEncyclopédie ,

article Cor Je, je tire les trois corollaires suivants, qui

servent de principes à la théorie de la musique»

I. Si deux cordes àe. même matière sont égales en

j longueur et en grosseur , les nombres de leurs vibra-

j tions en temps é|jaux seront comme, les racine^ dçs

COR 201

nombres qui expriment ]e rapport des tensions des cordes.

II. Si les tensions et les longueurs sont égales , les nombres des vibrations en temps égaux seront en raison inverse de la grosseur ou du diamètre des cordes.

III. Si les tensions et les grosseurs sont égales, les nombres des vibrations en temps égaux seront en raison inverse des longueurs.

Pour Fintelligence de ces théorèmes je crois devoir averti, que la tension des cordes ne se représente pas par les poids tendants , mais par les racines de ces mêmes poids ; ainsi les vibrations étant entre elles comme les racines carrées des tensions, les poids tendants sont entre eux comme les cubes des vibra- tions, etc.

Des lois des vibrations des cordes se déduisent celles des sons qui résultent de ces mêmes vibrations dans la corde sonore. Plus une corde l'ait de vibrations dans un temps donné, plus le son qu'elle rend est aigu; moins elle fait de vibrations , plus le son est grave ; en sorta que les sons suivant entre eux les rapports des vibrations , leurs intervalles s'expriment par les mêmes rapports : ce qui soumet toute la musique au calcul.

On voit par les théorèmes précédents qu'il y a trois moyens de changer le son d'une corde; savoir, en changeant le diamètre, c'est-à-dire la grosseur de la corde ^ ou sa longueur, ou sa tension. Ce que ces altéra- tions produisent successivement sur une même corde, on peut le produire à-la-fois sur diverses cordes., eu

202 cor»

leur donnant différents degrés de grosseur, de lon- gueur, ou de tension. Cette méthode combinée est celle qu'on met en usage dans la fabrique, l'accord et le jeu du clavecin, du violon, de la basse, de la gui- tare, et autres pareils instruments composés de cordes de différentes grosseurs et différemment tendues , les- quelles ont par conséquent des sons différents. De plus , dans les uns , comme le clavecin , ces cordes ont différentes longueurs fixes par lesquelles les sons se varient encore; et dans les autres, comme le violon, les cordes^ quoique égales en longueur fixe, se rac- courcissent ou s'alongent à volonté sous les doigts du joueur, et ces doigts avancés ou reculés sur le manche font alors la fonction de chevalets mobiles, qui don- nent à la corde ébranlée par Tarchet autant de sons divers que de diverses longueurs. A Tégard des rap- ports des sons et de leurs intervalles relativement aux longueurs des cordes et à leurs vibrations, voyez Son, Intervalle, Consoi^^nance.

La corde sonore^ outre le son principal qui résulte de toute sa longueur, rend d'autres sons accessoires moins sensibles, et ces sons semblent prouver que cette corde ne vibre pas seulement dans toute sa lon- gueur, mais fait vibrer aussi ses aliquotes chacune en particulier selon la loi de leurs dimensions. A quoi je dois ajouter que cette propriété qui sert ou doit servir de fondement à toute l'harmonie , et que plusieurs attribuent, non à la corde sonore^ mais à l'air frappé du son, n'est pas particulière aux cordes seulement, mais se trouve dans tous les corps sonores. (Voyez Corps sonore, Harmonique. )

COR 2o3

TJiie autre propriété non moins surprenante de la corde sonore^ et qui tient à la précédente, est que si le chevalet qui la divise n'appuie que légèrement et laisse un peu de communication aux vibrations d'une partie à Tautre, alors, au lieu du son total de chaque partie ou de Tune des deux, on n entendra que le son de la plus grande aliquote commune aux deux parties. (Voyez Sons harmoniques. )

Le mot de corde se prend figurément en composition pour les sons fondamentaux du mode, et l'on appelle souvent corde d harmonie les notes de basse qui, à la faveur de certaines dissonances , prolongent la phrase , varient , et entrelacent la modulation.

CORDE-A-JOUEh ou CORDE-A-VIDE. (VoyeZ ViDE.)

Cordes morîles. (Voyez Mobile.)

Cordes stables. (Voyez Stable.)

Corps-dI'.-voix , s. ni. Les voix ont divers degrés de force ainsi que d'étendue. Le nombre de ces degrés que chacune embrasse porte le nom de corps-de-voix ^ quand il s'agit de force, et de volume y quand il s'agit d étendue. (Voyez Volume.) Ainsi de deux voix sem- blables formant le même son, celle qui remplit le mieux l'oreille et se fait entendre de plus loin est dite avoir plus de corps. En Italie , les premières qualités qu'on recherche dans les voix sont la justesse et la flexibilité; mais en France on exige surtout un bon corps-de-voix .

CoRPS-soNORE , s. m. On appelle ainsi tout corps qui rend ou peut rendre immédiatement du son. Il ne suit pas de cette définition que tout instrument de musique soit un corps sonore; on ne doit donner ce nom qu'à la

2o4 cou

partie de l'iAstrument qui sonne elle-même, et sans laquelle il n'y auroit point de son. Ainsi, dans un vio- loncelle ou dans un violon , chaque corde est un corps sonore: mais la caisse de 1 instrument, qui ne fait que répercuter et réfléchir le son, n'est point le corps so- nore et n'en fait point partie. On doit avoir cet article présent à Fesprit toutes les fois qu'il sera paiié du co*ys sonore dans cet ouvrage.

CoiiiPHÉE , s. m. Celui qui conduisoit le chœur dans les spectacles des Grecs et battoit la mesure dans leur musique. (Voyez Battre la mesure.)

Coulé , participe pris substantivement. Le coulé se fait lorsqu'au lieu de marquer en chantant chaque note d'un coup de gosier, ou d'un coup d'archet sur les instruments à corde, ou d'un coup de langue sur les instruments à vent, on p.isse deux ou plusieurs notes sous la même articulation en prolongeant la même inspiration; ou en continuant de tirer ou de pousser le même coup d'archet sur toutes les notes couvertes d'un cow/e. Il y a des instruments , tels que le clavecin , le tympanon, etc. , sur lesquels le coulé paroît presque impossible à pratiquer ; et cependant on vient à bout de l'y faire sentir par un toucher doux et lié, très dif- ficile à décrire, et que l'écolier apprend plus aisément de l'exemple du maître que de ses discours. Le coulé se marque par une liaison qui couvre toutes les notes qu'il doit embrasser.

Couper, v. a. On coupe une note lorsqu'au lieu de la soutenir durant toute sa valeur, on se contente de k frapper au moment qu'elle commence, passant en silence le reste de sa durée. Ce mot ne s'emploie que

cou 2o5

pour les notes qui ont une certaine lon^jueur; on se sert du mot détacher pour celles qui passent plus vite.

Couplet. Nom qu'on donne dans les vaudevilles et autres chansons à cette partie du poème qu'on appelle strop.'ic dans les odes. Comme tous les couplets sont composés sur la même mesure de vers, on les chante aussir sur le même air : ce qui fait estropier souvent l'accent et la prosodie, parceque deux vers françois n'en sont pas moins dans la même mesure, quoique les longues et brèves n'y soient pas dans les mêmes endroits.

Couplet se dit aussi des doubles et variations qu'on fait sur un même air, en le reprenant plusieurs fois avec de nouveaux changements, jnais toujours sans défigurer le fond de l'air; comme dans les Folies d'Es- pagne et dans de vieilles chaçonnes. Chaque fois qu'on reprend ainsi l'air en le variant différemment, on fait un nouveau couplet. (Voyez Variations.)

Courante, s. f. Air propre à une espèce de danse , ainsi nommée à cause des allées et des venues dont elle est remplie plus qu'aucune autre. Cet air est ordi- nairement d'une mesure à trois temps graves , et se note en triple de blanches avec deux reprises. Il n'est plus en usage, non plus que la danse dont il porte le nom.

Couronne , s.f. Espèce de C renversé avec un point dans le milieu , qui se fait ainsi : F[

Quand la couronne ^ qu'on appelie aussi point de re- pos, est à-la-fois dans toutes les parties sur la note correspondante , c'est le signe d'un repos général ; on doit y suspiendre la mesure , et souvent même on peut

206 CKO

finir par cette note. Ordinairement la partie principale y fait à sa volonté quelque passage, que les Italiens appellent cadenza, pendant que toutes les autres pro- longent et soutiennent le son qui leur est marqué, ou même s'arrêtent tout-à-fait. Mais si la couronne est sur la note finale d'une seule partie, alors on l'appelle en françois point d'orgue^ et elle marque qu'il faut Conti- nuer le son de cette note jusqu'à ce que les autres parties arrivent à leur conclusion naturelle. On s'en sert aussi dans les canons pour marquer l'endroit toutes les parties peuvent s'arrêter quand on veut finir. (Voyez Repos , Canon , Point d'orgue.)

Crier. C'est forcer tellement la voix en chantant que les sons n'en soient plus appréciables , et ressem- blent plus à des cris qu'à du chant. La musique fran- çoise veut être criée : c'est en cela que consiste sa plus grande expression.

Croche, s.f. Note de musique qui ne vaut en durée que le quart d'une blanche ou la moitié d'une noire. H faut par conséquent huit croches pour une ronde ou pour une mesure à quatre temps. (Voyez Mesure, Valeur des notes.)

On peut voir [Planche D, figure 9) comment se fait la croche, soit seule ou chantée seule sur une syllabe, soit liée avec d'autres croches quand on en passe plu- sieurs dans un même temps en jouant, ou sur une même syllabe en chantant. Elles se lient ordinaire- ment de quatre en quatre dans les mesures à quatre temps et à deux , de trois en trois dans la mesure à six- huit , selon la division des temps , et de six en six dans la mesure à trois temps , selon la division des mesures.

à

CRO 207

Le nom de croche a été donné à cette espèce de note à cause de Tespèce de crochet qui la distingue.

Crochet. Signe d'abréviation dans la note. C'est un petit trait en travers sur la queue d'une blanche ou d'une noire , pour marquer sa division en croches , ga- gner de la place, et prévenir la confusion. Ce crochet désigne par conséquent quatre croches au lieu d'une blanche , ou deux au lieu d'une noire , comme on \oït planche D , à l'exemple A de \^ figure i o , les trois portées accolées signifient exactement la même chose. La ronde , n'ayant point de queue , ne peut porter de crochet ; mais on en peut cependant faire aussi huit croches par abréviation , en la divisant en deux blan- ches ou quatre noires , auxquelles on ajoute des c?^o- chets. Le copistedoit soigneusement distinguera figure du crochet^ qui n'est qu'une abréviation, de celle de la croche , qui marque une valeur réelle.

Crome, 5./. Ce pluriel italien signifie croches. Quand ce mot se trouve écrit sous des notes noires , blanches , ou rondes, il signifie la même chose que signifieroit le crochet , et marque qu'il faut diviser chaque note en croches , selon sa valeur. ( Voyez Crochet. )

Croque-note o u Croque-sol ^s.ju. Nom qu'on donne par dérision à ces musiciens ineptes , qui , versés dans la combinaison des notes , et en état de rendre à livre ouvert les compositions les plus difficiles , exécutent au surplus sans sentiment, sans expression , sans goût. Un croque-sol^ rendant plutôt les sons que les phrases, lit la musique la plus énergique sans y rien compren- dre, comme un maître d école pourroit lire un chef-

2o8 DAG

d'œuvre d'éloquence écrit avec les caractères de s< langue dans une langue qu'il nentendroit pas.

D.

D. Cette lettre signifie la même chose dans la musi* que françoise que P dans l'italienne , c'est-à-dire doux. les Italiens l'emploient aussi quelquefois de même pour le mot dolce , et ce mot dolce n'est pas seulement opposé kfort^ mais à rude.

D. C. (Voyez Da capo. )

D la re, D solre^ ou simplement D. Deuxième note de la gamme naturelle ou diatonique, laquelle s'ap- pelle autrement re. ( Voyez Gamme. )

Da capo. Ces deux mots italiens se trouvent fré- quemment écrits à la fin des airs en rondeau, quel- quefois tout au long, et souvent en abrégé par ces deux lettres, D. C. Ils marquent qu'ayant fini la se- conde partie de l'air, il en faut reprendre le commen- cement jusqu'au point final. Quelquefois il ne faut pas reprendre tout-à-fait au commencement, mais à un lieu marqué d'un renvoi. Alors, au lieu de ces mots da capo, on trouve écrits ceux-ci , ^^/ segno.

Dactylique, adj. Nom qu'on donnoit, dans l'an- cienne musique, à cette espèce de rhytLme dont la mesure se partageoit en deux temps égaux. ( Voyez Rhythme. )

On appeloit aussi dactylique une sorte de nome ce rhythme étoit fiéquemment employé , tel que le îiome harmatlîias et le nome orthien.

Juîius Polluï révoque en doute si le dactylicjue étoit

\

DEC 209

une sorte d'instrument ou une forme de chant, doute qui se confirme par ce qu'en dit Aristide Quintilieu dans son second livre, et qu'on ne peut résoudre qu'en supposant que le mot dactylique signifioit à-Ia-fois un instrument et un air, comme parmi nous les mots musette et tambourin.

Débit, s. m. Récitation précipitée. (Voyez l'article suivant. )

Débiter, v. a. pris en sens neutre. C'est presser à des- sein le mouvement du chant, et le rendre d'une ma- nière approchante de la rapidité delà parole; sens qui n'a lieu, non plus que le mot, que dans la musi- que françoise. On défigure toujours les airs en les débi- tant., parceque la mélodie , l'expression , la grâce , y dépendent toujours de la précision du mouvement , et que presser le mouvement c'est le détruire. (3n défi- gure encore le récitatif François en le débitant ^ parce- qu alors il en devient plus rude, et fait mieux sentir l'opposition choquante qu'il y a parmi nous entre l'ac- cent musical et celui du discours. A l'égard du récitatif italien , qui n'est qu'un parler harmonieux , vouloir le débiter., ce seroit vouloir parler plus vite que ia parole , et par conséquent bredouiller ; de sorte qu'en quelque sens que ce soit , le mot débit ne signifie qu'une chose barbare, qui doit être proscrite delà musique.

Décaméride , s.f. C'est le nom de Tun des éléments du système de M. Sauveur, qu'on peut voir dans les Mémoires de l'académie des sciences , année 1 70 1 .

Pour former un système général qui fournisse le meilleur tempérament, et qu'on puisse ajuster à tous XIV. ,4

2IO DEG

les systèmes, cet auteur, après avoir divisé Foctave en 43 parties, qu'il appelle mérides^ et subdivisé cha- que méride en 7 parties , qu'il appelle eptamérides^ di- vise encore chaque eptaméride en i o autres parties , auxquelles il donne le nom de décamérides. L'octave se trouve ainsi divisée en 3oio parties égales, par les- quelles on peut exprimer sans erreur sensible les rap- ports de tous les intervalles de la musique.

Ce mot est formé de (îi-/a, dix, et de ppiç, partie.

Déchant ou Discant , s. m. Terme ancien par lequel* on désignoit ce qu'on a depuis appelé contre-point. ( Voyez Contre-point. )

Déclamation, s.f. C'est, en musique, l'art de ren- dre par les inflexions et le nombre de la mélodie , l'ac- cent grammatical et l'accent oratoire. ( Voyez Accent, Récitatif. )

Déduction , s.f. Suite de notes montant diatonique- ment ou par degrés conjoints. Ce terme n'est guère en usage que dans le plain-chant.

Degré, s. m. Différence de position ou d'élévation qui se trouve entre deux notes placées dans une même portée. Sur la même hgne ou dans le même espace, elles sont au même degré:, et elles y seroient encore, quand même l'une des deux seroit haussée ou baissée d'un semi-ton par un dièse ou par un bémol : au con- traire elles pourroient être à l'unisson , quoique posées sur difiérents degrés , comme Y ut bémol et le si naturel, le fa dièse et le sol bémol , etc.

Si deux notes se suivent diatoniquement , de sorte que Tune étant sur une ligne , l'autre soit dans l'epace voisin , l'intervalle est d'un degî'é; de deux , si elles sont

DEM :21I

à la tierce ; de trois , si elles sont à la quarte ; de sept , si elles sont à l'octave , etc.

Ainsi, en ôtant i du nombre exprimé par le nom de Tintervalle, on a toujours le nombre des degrés dia- toniques qui séparent les deux notes.

Ces degrés diatoniques ou simplement degrés, sont encore appelés degrés conjoints , par opposition aux degrés disjoints y qui sont composés de plusieurs degrés conjoints. Par exemple, Tintervalle de seconde est un c/e^re conjoint, mais celui de tierce est un degré iW^omt , composé de deux degrés conjoints , et ainsi des autres. ( Voyez Conjoint, Disjoint, Intervalle.)

Démancher, v. n. C'est sur les instruments à man- che, tels que le violoncelle, le violon, etc., ôter la main gauche de sa position naturelle pour Tavancer sur une opposition plus haute ou plus à l'aigu. ( Voyez; Position.) Le compositeur doit connoître l'étendue qu'a l'instrument sans démancher, afin que quand il passe cette étendue et qu'il démanche^ cela se fasse d'une manière praticable.

Demi-jeu, A demi-jeu , ou simplement a demi. Terme de musique instrumentale qui répond à litalien sotto voce , ou mezza voce , ou. mezzo forte , et qui indique une manière de jouer qui tienne le milieu entre le fort et le doux.

Demi-mesure , s.f Espace de temps qui dure la moi- tié d'une mesure. Il n'y a proprement de demi-mesure que dans les mesures dont les temps sont en nombre pair; car dans la mesare à trois temps, la première demi-mesure commence avec le temps fort, et la seconde à contre-temps , ce qui les rend inégales.

i4.

:212 DES

Demi-pause, s.f. Caractère de musique qui se fait comme il est marqué dans \di figure 9 de la Planche D, et qui marque un silence , dont la durée doit être égale à celle d'une demi-mesure à quatre temps, ou d'une blanche. Comme il y a des mesures de différentes va- leurs , et que celle de la demi-pause ne varie point, elle n'équivaut à la moitié d'une mesure que quand la me- sure entière vaut une ronde; à la différence de la pause entière, qui vaut toujours exactement une mesure grande ou petite. ( Voyez Pause. )

Demi -SOUPIR. Caractère de musique qui se fait comme il ^st marqué dans \^fig- 9 de la Planche D, et qai marque un silence, dont la durée est égale à celle d'une croche ou de la moitié d'un soupir. (Voyez Soupir.)

Demi-temps. Valeur qui dure exactement la moitié d'un temps. Il faut appliquer au demi-temps par rap- port au temps ce que j'ai dit ci-devant de la demi-me- sure par rapport à la mesure.

Demi-ton. Intervalle de musique valant à peu près la moitié d'un ton, et qu'on appelle plus communé- ment semi-ton. (Voyez Semi-ton. )

Descendre, v. n. C'est baisser la voix, vocem remit- tere; c'est faire succéder les sons de l'aigu au grave, ou du haut au bas. Cela se présente à l'œil par notre manière de noter.

Dessein, s. m. C'est l'invention et la conduite du sujet, la disposition de chaque partie, et l'ordonnance générale du tout.

Ce n'est pas assez de faire de beaux chants et une bonne harmonie, il faut lier tout cela par un sujet

DES 2 1 J

principal, auquel se rnj)portent toutes les parties de rouvra(|e, et par lequel il soit un. Cette unité doit ré- gner dans le chant, dans le mouvement, dans le ca- ractère, dans riiarmonie, dans la modulation : il faut que tout cela se rapporte à une idée commune qui le réunisse. La difficulté est d'associer ces préceptes avec une élégante variété, sans laquelle tout devient ennuyeux. Sans doute le musicien , aussi bien que le poète et le peintre, peut tout oser en faveur de cette variété charmante, pourvu que, sous prétexte de con- traster, on ne nous donne pas pour des ouvrages bien dessinés des musiques toutes hachées, compo- sées de petits morceaux étranglés, et de caractères si opposés, que Tassemblage en fasse un tout mons- trueux :

Non ut placidis coeant immitia, non ut Serpentes avibus geminentur, tigribus agni.

C'est donc dans une distribution bien entendue , dans une juste proportion entre toutes les parties, que con- siste la perfection du dessein, et c'est surtout en ce point que l'immortel Pergolèse a montré son jugement , son goût, et a laissé si loin derrière lui tous ses rivaux. Son Stabat Mater ^ son Oifco^ sa Serva Padrona , sont, dans trois genres différents, trois chefs-d'œuvre de dessein également parfaits.

Cette idée du dessein général d'un ouvrage s'appli- que aussi en particulier à chaque morceau qui le com- pose. Ainsi Ton dessine un air, un duo, un chœur, etc. Pour cela, après avoir imaginé son sujet, on le disu-ibue, selon les régies d'une bonne modulation,

:^i4 DES

dans toutes les parties il doit être entendu, avec une telle proportion qu'il ne s'efface point de Tesprit des auditeurs, et qu'il ne se représente pourtant jamais à leur oreille qu'avec les grâces de la nou- veauté. C'est une faute de dessein de laisser oublier son sujet; c'en est une plus grande de le poursuivre jusqu'à l'ennui.

Dessiner, v a. Faire le dessein d'une pièce ou d'un morceau de musique. (Voyez Dessein.) Ce compositeur dessine bien ses ouvrages ; voilà un chœur fort mal dessiné.

Dessus, s, m. La plus aiguë des parties de la musi- que, celle qui régne au-dessus de toutes les autres. C'est dans ce sens qu'on dit, dans la musique instru- mentale , dessus de violon, dessus de flûte ou de haut- bois, et en général dessus de symphonie.

Dans la musique vocale, le dessus s'exécute par des voix de femmes, d'enfants, et encore par des castrati, dont la voix, par des rapports difficiles à concevoir, gagne une octave en haut, et en perd une en bas, au moyen de cette mutilation.

Le dessus se divise ordinairement en premier et second, et quelquefois même en trois. La partie vo- cale qui exécute le second dessus s'appelle bas-dessus , et Ton fait aussi des récits à voix seule pour cette par- tie. Un beau bas-dessus ^\e\\\ et sonore n'est pas moins estimé en Italie que les voix claires et aiguës; mais on n'en fait aucun cas en France. Cependant, par un caprice de la mode , j'ai vu fort applaudir à l'Opéra de Paris une mademoiselle Gondré, qui en effet avoit un fort beau bas-dessus.

l) I A 2 I 5

Détaché , participe pris substantivement. Genre d'exé- cution par lequel , au lieu de soutenir des notes durant toute leur valeur, on les sépare par des silences pris sur cette même valeur, hc détaché ^ tout-à-fait bref et sec, se marque sur les notes par des points alongcs.

Détonner, v. n. C'est sortir de Fintonation, c'est altérer mal à propos la justesse des intervalles, et par conséquent chanter faux. H y a des musiciens dont l'oreille est si juste qu'ils ne détonnent j^xmais., mais ceux-là sont rares. Beiiucoup d'autres ne détonnent point par une raison contraire; car pour sortir du ton il faudroit y être entré. Chanter sans clavecin, crier, forcer sa voix en haut ou en bas, et avoir plus d é^^ard au volume qu'à la justesse, sont des moyens presque sûrs de se gâter l'oreille et de détonner.

DiACOMMATiQUE, adj. Nom donné par M. Serre à une espèce de quatrième genre, qui consiste en cer- taines transitions harmoniques , par lesquelles la même note restant en apparence sur le même degré , monte ou descend d'un comma , en passant d'un ac- cord à un autre avec lequel elle paroît faire liaison.

Par exemple, sur ce passage de basse fa re dans le

mode majeur d'wf, le la, tierce majeure de la pre- mière note, reste pour devenir quinte de re; or la

2j 54 80 81

quinte juste de re ou de re , n'est pas la , mais la ; ainsi le musicien qui entonne le la doit naturellement lui

80 8i

donner les deux intonations consécutives la la, les- quelles diffèrent d'un comma.

De même dans la Folie d'Espagne, au troisième

2 1 6 D I A

temps de la troisième mesure : on peut y concevoir

80 que la tonique re monte d'un comma pour former la

81 seconde re du mode majeur d'i*^, lequel se déclare

dans la mesure suivante et se trouve ainsi subitement amené par ce paralogisme musical, par ce double em- ploi du re.

Lors encore que, pour passer brusquement du mode mineur de la en celui à\it majeur, on change l'accord de septième diminuée 50/ dièse, si y re^fa^ en accord de simple septième 50/, 5/, re^fa^ le mouve- ment chromatique du 50/ dièse au sol naturel est bien le plus sensible, mais il n'est pas le seul; 1ère monte

80

aussi d'un mouvement diacommatique de re à re ^ quoique la note le suppose permanent sur le même degré.

On trouvera quantité d'exemples de ce genre dia- commatique, particulièrement lorsque la modulation passe subitement du majeur au mineur, ou du mi- neur au majeur. C'est surtout dans l'adagio, ajoute M. Serre, que les grands maîtres, quoique guidés uniquement par le sentiment , font usage de ce genre de transitions, si propre à donner à la modulation une apparence d'indécision, dont l'oreille et le sen- timent éprouvent souvent des effets qui ne sont point équivoques.

DiACOUSTiQUE , s. f. C'cst la recherche des pro- priétés du son réfracté en passant à travers différents milieux, c'est-à-dire d'un plus dense dans un plus rare, et au contraire. Comme les rayons visuels se

1) I A 217

diri(^^ent plus aisément que les so!is par des lignes sur certains points, aussi les expériences de la diacousli- que sont-elles infiniment plus dilliciles que celles de la dioptrique. ( Voyez Son. )

Ce mot est formé du grec ^tà, par^ et d'àzojw, f en- tends.

Diagramme, s. m. C'étoit, dans la musique an- cienne, la table ou le modèle qui présentoit à Toeil rétendue générale de tous les sons d'un système, ou ce que nous appelons aujourd'hui échelle ^ gamme ^ clavier. ( Voyez ces mots. )

Dialogue, 5. m. Composition à deux voix ou deux instruments qui se répondent Tun à l'autre, et qui souvent se réunissent. La plupart des scènes d'opéra sont, en ce sens, des dialogues, et les duo italiens en sont toujours : mais ce mot s'applique plus précisé- ment à l'orgue; c'est sur cet instrument qu'un orga- niste joue des dialogues, en se répondant avec diffé- rents jeux ou sur différents claviers.

Diapason, s. m. Terme de l'ancienne musique par lequel les Grecs exprimoient l'intervalle ou la conson- nance de l'octave. (Voyez Octave.)

Les facteurs d'instruments de musique nomment aujourd'hui diapasons certaines tables sont mar- quées les mesures de ces instruments et de toutes leurs parties.

On appelle encore diapason l'étendue convenable à une voix ou à un instrument. Ainsi, quand une voix se force, on dit qu'elle sort du diapason, et l'on dit la même chose d'un instrument dont les cordes sont trop lâches ou trop tenchies , qui ne rend que peu de

2] 8 BIA

son, ou qui rend un son désagréable, parceque le tOM en est trop haut ou trop bas.

Ce mot est formé de àà. , par , et Trao-wv , toutes ; par- ceque l'octave embrasse toutes les notes du système parfait.

DiAPENTE, s.f. Nom donné par les Grecs à l'inter- valle que nous appelons quinte, et qui est la seconde des consonnances. (Voyez Gonsonnance, Intervalle, Quinte. )

Ge mot est formé de 6tà. , par, et de ttsvts , cinq, par- cequ'en parcourant cet intervalle diatoniquement on prononce cinq différents sons.

Diapenter, en latin Diapentissare , v. n. Mot bar- bare employé par Mûris et par nos anciens musiciens. (Voyez QuiNTER. )

Diaphonie, s.f. Nom donné parles Grecs à tout in- tervalle ou accord dissonant, parceque les deux sons, se choquant mutuellement, se divisent, pour ainsi dire , et font sentir désagréablement leur différence. Gui Arétin donne aussi le nom de diaphonie à ce qu'on a depuis appelé discant, à cause des deux parties qu'on y distingue.

Diaptose, intercidence ou petite chute, 5./. C'est, dans le plain-chant, une sorte de périélèse ou de pas- sage qui se fait sur la dernière note d'un chant, ordi- nairement après un grand intervalle en montant. Alors, pour assurer la justesse de cette finale, on la marque deux fois, en séparant cette répétition par une tioisième note, que l'on baisse d'un degré en manière de note sensible, comme ut si ut, ou mi re mi.

DiASCHisMA, s. m. C'est, dans la musique ancienne,

DIA 219

mk intervalle faisant la moitié du semi-ton mineur.

Le rapport en est de 24 à y/ 600, et par conséquent irrationnel.

DiASTÈME, 5. m. Ce mot, dans la musique ancienne, signifie proprement intervalle, et c'est le nom que donnoient les Grecs à Tintervalle simple, par oppo- sition à Tintervalle composé, qu'ils appeloient^j .sfème.

( Voyez INTERVALLE , SYSTÈME. )

DiATESSARON. Nom que donnoient les Grecs à l'in- tervalle que nous appelons quarte , et qîii est la troi- sième des consonnances. (Voyez Consonmance, Inter- valle, Quarte.)

Ce mot est composé de ^là, par , et du génitif de rsaaupsti, quatre; parcequ'en parcourant diatonique- ment cet intervalle , on prononce quatre différents sons.

Diatesseroner , en latin Diatesseronare , v. n. Mot barbare employé par Mûris et par nos anciens musi- ciens. (Voyez Quarter. )

Diatonique, adj. Le genre diatonique est celui des trois qui procède par tons et semi-tons majeurs, selon la division naturelle de la gamme, c'est-à-dire celui dont le moindre intervalle est d'un degré conjoint; ce qui n'empêclie pas que les parties ne puissent pro- céder par de plus grands intervalles, pourvu qu'ils soient tous pris sur des degrés diatoniques.

Ce mot vient du grec Stà , par , et de rôvoç , ton , c'est- à-dire passant d'un ton à un autre.

Le genre diatonique des Grecs résultoit de Tune des trois régies principales qu'ils avoient établies pour l'accord des tétracordes. Ce genre se divisoit en plu-

2 20 DIX

sieurs espèces, selon les divers rapports dans îesquel* se pou voit diviser Tintervalle qui le déterminoit; car cet intervalle ne pouvoit se resserrer au-delà d'un certain point sans changer de genre. Ces diverses es- pèces du même genre sont appelées ;^poaç, couleurs, par Ptolémée, qui en distingue six; mais la seule en usage dans la pratique étoit celle qu'il appelle diato- iiique-ditonique, dont le tétracorde étoit composé d'un semi-ton foible et de deux tons majeurs. Aristoxène divise ce même genre en deux espèces seulement ; savoir, le diatonique tendre ou mol, et le syntonique ou dur. Ce dernier revient au diatonique de Ptolémée. ( Voyez les rapports de l'un et de l'autre, Flanche M , figure 5. )

Le genre diatonique moderne résulte de la marche consonnante de la basse sur les cordes d'un même mode , comme on peut le voir par la figure 7 de la planche K. Les rapports en ont été fixés par l'usage des mêmes cordes en divers tons ; de sorte que si l'har^ monie a d'abord engendré l'échelle diatonique , c'est la modulation qui l'a modifiée; et cette échelle, telle que nous l'avons aujourd'hui , n'est exacte ni quant au chant ni quant à l'harmonie, mais seulement quant au .moyen d'employer les mêmes sons à divers usages^

Le genre diatonique est sans contredit le plus na- turel des trois , puisqu'il est le seul qu'on peut em- ployer sans changer de ton ; aussi l'intonation en est- elle incomparablement plus aisée que celle des deux autres, et l'on ne peut guère douter que les premiers chants n'aient été trouvés dans ce genre : mais il faut remarquer que, selon les lois de la modulation, qui

DIA 22 1

permet et qui prescrit même le passage d'un ton et d'un mode à l'autre , nous n'avons presque point, dans notre musique, de diatonique bien pur. Chaque ton particulier est bien , si Ton veut , dans le genre diato- nique; mais on ne sauroit passer de l'un à Tautre sans quelque transition chromatique, au moins sous-en- tendue dans l'harmonie. Le diatonique i^uY ^ dans le- quel aucun des sons n'est altéré ni par la clef ni acci- dentellement, est appelé par Zarlin diatono-diatonique , et il en donne pour exemple le plain-chant de l'église. Si la clef est armée d'un bémol , pour lors c'est, selon lui, le diatonique mol ^ qu'il ne faut pas confondre avec celui d'Aristoxène. (Voyez Mol. ) A l'égard de la trans- position par dièse, cet auteur n'en parle point, et l'on ne la pratiquoit pas encore de son temps. Sans doute il lui auroit donné le nom de diatonique dur, quand même il en auroit résulté un mode mineur, comme celui d'£ la mi : car dans ces temps oii l'on n'avoit point encore les notions harmoniques de ce que nous appelons tons et modes, et l'on avoit déjà perdu les autres notions que les anciens attachoient aux mêmes mots, on regardoit plus aux altérations parti- culières des notes qu'aux rapports généraux qui en résultoient. (Voyez Transposition. )

Sons ou Cordes diatoniques. Euclide distingue sous ce nom , parmi les sons mobiles , ceux qui ne partici- pent point du genre épais , même dans le chromatique et l'enharmonique. Ces sons , dans chaque genre, sont au nombre de cinq; savoir, le troisième de chaque té- tracorde ; et ce sont les mêmes que d'autres auteurs appellent apycni . Voy. Apycni, Genre, Tétracorde. ^,

222 DIE

DiAZEUXis, s.f. Mot grec qui signifie division, sépa- ration, disjonction. C'est ainsi qu'on appeioit, dans l'ancienne musique , le ton qui séparoit deux tétracor- des disjoints, et qui, ajouté à l'un des deux, en for- moit la diapente. C'est notre ton majeur, dont le rap- port est de 8 à 9, et qui est en effet la différence de la quinte à la quarte.

La diazeuxis se trouvoit, dans leur musique, entre la mèse et la parainèse , c'est-à-dire entre le son le plus aigu du second tétracorde et le plus grave du troisième, ou bien entre le néte synnéménon et la paramèse hy- perboléon , c'est-à-dire entre le troisième et le qua- trième tétracorde, sdon que la disjonction se faisoit dans l'un ou dans l'autre lieu; car elle ne pouvoit se pratiquer à-la-fois dans tous les deux.

Les cordes homologues des deux tétracordes entre lesquels il y avoit diazeuxis sonnoient la quinte, au lieu qu'elles sonnoient la quarte quand ils étoient con- joints.

DiÉSER, V. a. C'est armer la clef de dièses, pour changer l'ordre et le lieu des semi-tons majeurs ; ou donner à quelque note un dièse accidentel , soit pour le chant, soit pour la modulation. ( Voyez Dièse. )

DfESis, s. m. C'est, selon le vieux Bacchius , le plus petit intervalle de l'ancienne musique. Zarlin dit que Philolaiis, pythagoricien, donna le nom de diesis au limma : mais il ajoute peu après que le diesis de Pytha- gore est la différence du limma et de l'apotome. Pour Aristoxène , il divisoit sans beaucoup de façons le ton en deux parties égales , ou en trois , ou en quatre. De cette dernière division résultoit le dièse enharmonique

DIÈ 223

mineur ou quart-de-ton; de la seconde, le dihe mi- neur chromatique ou le tiers d'un ton ; et de la troi- sième , le dièse majeur qui faisoit juste un demi-ton.

Dièse ou DiÉsis chez les modernes n'est pas propre- ment , comme chez les anciens , un intervalle de mu- sique, mais un signe de cet intervalle, qui marque qu'il faut élever le son de la note devant laque lie il se trouve au-dessus de celui qu'elle devroit avoir natu- rellement, sans cependant la faire changer de degré ni même de nom. Or, comme cette élévation se peut faire du moins de trois manières dans les genres éta- blis , il y a trois sortes de dièses ; savoir :

Le dièse enharmonique mineur ou simple c^ze^e, qui se figure par une croix de saint André, ainsi ^. Selon tous nos musiciens qui suivent la pratique d'A- ristoxène, il élève la note d'un quart de ton; mais il n'est proprement que l'excès du semi-ton majeur sur le semi-ton mineur. Ainsi du mi naturel diU fa bémol il y a un dièse enharmonique, dont le rapport est de 125 à 128.

20 Le dièse chromatique, double dièse ou dièse ordi- naire , marqué par une double croix ^ , élève la note d'un semi-ton mineur. Cet intervalle est égal à celui du bémol , c'est-à-dire la différence du semi-ton ma- jeur au ton mineur; ainsi, pour monter d'un ton de- puis le mi naturel , il faut passer diu/a dièse. Le rapport de ce dièse est de 24 a 26. (Voyez sur cet article une remarque essentielle au mot Semi-ton. )

Le dièse enharmonique majeur ou triple dièse , marqué par une croix triple ^ , élève, selon les aris- toxéniens, la note d'environ trois quarts de ton. Zar

224 ^^^

lin dit qu'il Téléve d'un semi-ton mineur; ce qui ne sauroit s'entendre de notre semi-ton, puisque alors ce dièse ne diffèreroit en rien de notre dièse chroma- tique.

De ces trois dièses , dont les intervalles étoient tous pratiqués dans la musique ancienne, il n'y a plus que le chromatique qui soit en usage dans la nôtre , l'in- tonation des dièses enharmoniques étant pour nous d'une difficulté presque insurmontable, et leur usage étant d'ailleurs aboli par notre système tempéré.

Le dièse, de même que le bémol , se place toujours à ffauche devant la note qui le doit porter; et devant ou après le chiilre , \\ signifie la même chose que de- vant une note. ( Voyez Chiffres. ) Les dièses qu'on mêle parmi les chiffres de la basse-continue ne sont souvent que de simples croix , comme le dièse enhar- monique; mais cela ne sauroit causer d'équivoque^ puisque celui-ci n'est plus en usage.

Il y a deux manières d'employer le dièse ; l'une acci- dentelle, quand, dans le cours du chant, on le place à la gauche d'une note. Cette note , dans les modes ma- jeurs , se trouve le plus communément la quatrième du ton ; dans les modes mineurs , il faut le plus sou- vent deux dièses accidentels , surtout en montant , savoir, un sur la sixième note , et un autre sur la sep- tième. Le dièse accidentel n'altère que la note qui le suit immédiatement, ou tout au plus celles qui , dans la même mesure, se trouvent sur le même degré, et quelquefois à l'octave, sans aucun signe contraire.

L'autre manière est d'employer le dièse à la clef, et alors il agit dans toute la suite de l'air, et sur toutes

DlÈ 22:)

les notes qui sont placées sur le même degré est le dièse , à moins qu'il ne soit contrarié par quelque bémol ou bécarre, ou bien que la clef ne change.

La position des dièses à la clef n'est pas arbitraire, non plus que celle des bémols; autrement les deux semi-tons de l'octave seroient sujets à se trouver entre eux hors des intervalles prescrits. Il faut donc appli- quer aux dièses un raisonnement semblable à celui que nous avons fait au bémol ; et l'on trouvera que l'ordre des dièses g^i convient à Igi clef est celui des notes suivantes, en commençant par^ et montant successivement de quinte, ou descendant de quarte jusqu'au /à, auquel on s'arrête ordinairement, parce- que le dièse du mi , qui le suivroit , ne diffère point du fa sur nos claviers.

ORDRE DES DIÈSES A LA CLEF, Fa, ut, sol, re, la, etc.

Il faut remarquer qu'on ne sauroit employer un dièse à la clef sans employer aussi ceux qui le précé- dent : ainsi le dièse de ïut ne^e pose qu'avec celui du fa, celui du sol qu'avec les deux précédents , etc.

J'ai donrié au mot Clef transposée une formule pour trouver tout d'un coup si un ton ou mode doit porter des dièses à la clef, et combien.

Voilà l'acception du mot dièse, et son usage dans la pratique. Le plus ancien manuscrit j en aie vu le signe employé est celui de Jean de Mûris ; ce qui me fait croire qu'il pourroit bien être de son invention : mais il ne paroît avoir, dans ses exemples, que l'effet XIV. f5

226 DIM

du bécarre ; aussi cet auteur donne-t-il toujours le nom de dièsis au semi-ton majeur.

On appelle dièses , dans les calculs harmoniques , certains intervalles plus grands qu'un comma , et moindres qu un semi-ton , qui font la différence d'au- tres intervalles engendrés par les progressions et rap- ports des consonnances. Il y a trois de ces dièses : i " le dièse majeur, qui est la différence du semi-ton majeur au semi-ton mineur, et dont le rapport est de 126 à 128 ; 1^ le dièse mineur, qui«st la différence du semi- ton mineur au dièse majeur, et en rapport de 8072 à 3 125 ; 3** et le dièse maxime , en rapport de 2 43 à 2 5o , qui est la différence du ton mineur au semi-ton maxime. (Voyez Semi-ton. )

Il faut avouer que tant d'acceptions diverses du même mot dans le même art ne sont guère propres qu'à causer de fréquentes équivoques , et à produire un embrouillement continuel.

DiEZEUGMÉNON, génit.fémin. plur.TétV3iCorde diezeug- ménpn ou des séparées, est le nom que donnoient les Grecs à leur troisième tétracorde quand il étoit dis- joint d'avec le second. (Toyez Tétracorde. )

Diminué , adj. Intervalle diminué est tout intervalle mineurdonton retranche un semi-ton par un dièse à la note inférieure, ou par un bémol à la supérieure. A l'égard des intervalles justes que forment les conson- nances parfaites, lorsqu'on les diminue d'un semi-ton, l'on ne doit, point les appeler diininués, ra^às faux quoiqu'on dise quelquefois mal à propos cjuarie dimi nuée, au lieu de dire fausse-quarte , et octave diminuée ^ au lieu de dire fausse- octave.

li-

DIS 227

Diminution , 5./ Vieux mot qui signifioit la division d'une note longue , comme une ronde ou une blanche , en plusieurs autres notes de moindre valeur. On en- tendoit encore par ce mot tous les fredons et autres passages qu'on a depuis appelés roulements ou rou- lades. ( Voyez ces mots. )

DroxiE, s.j\ C'est, au rapport de Nicomaque, un nom que les anciens donnoient quelquefois à la con- sonnance de la quinte , qu'ils appeloient plus commu- nément J/^^ente. (Voyez Diapente, )

Direct, adj. Un intervalle direct est celui qui fait un harmonique quelconque sui- le son fondamental qui le produit : ainsi la quinte , la tierce majeure, l'octave , et leurs répliques, sont rigoureusement les seuls inter- valles directs. Mais, par extension , l'on appelle encore intervalles directs tous les autres , tant consonnants que dissonants, que fait chaque partie avec le son fonda- mental pratique , qui est ou doit être au-dessous d'elle : ainsi la tierce mineure est un intervalle direct sur un accord en tierce mineure , et de même la septième ou la sixte ajoutée sur les accords qui portent leur nom.

Jccord direct est celui qui a le son fondamental au grave, et dont les parties sont distribuées, non pas selon leur ordre le plus naturel , mais selon leur ordre le plus rapproché. Ainsi l'accord parfait c/iVec^ n'est pas octave , quinte , et tierce ; mais tierce , quinte , et octave.

DiscANT ou Déchant , s. m. C'étoit , dans nos ancien- nes musiques , cette espèce de contre-point que com- posoient sur-le-champ les parties supérieures en chan- tant impromptu sur le ténor ou la basse; ce qui fait juger de la lenteur avec laquelle devoit marcher la

i5.

228 DIS

musique pour pouvoir être exécutée de cette manière par des musiciens aussi peu habiles que ceux de ce temps-là. Discantat, dit Jean de Mûris, qui simul cum uno vel pluribus dulciter cantat , ut ex distinctis sonis so- nus unusfiat, non unilate sùnplicitatis , sed dulcis con- cordisque mixiionis unione. Après avoir expliqué ce qu'il entend par consonnances et le choix qu'il convient de faire entre elles, il reprend aigrement les chan- teurs de son temps qui les pratiquoient presque indif- remment. « De quel front , dit-il , si nos régies sont « bonnes , osent déchanter ou. composer le discant ceux « qui n'entendent rien au choix des accords , qui ne « se doutent pas même de ceux qui sont plus ou moins « concordants , qui ne savent ni desquels il faut s'abs- « tenir, ni desquels on doit user le plus fréquemment, « ni dans quels lieux il les faut employer, ni rien de « ce qu'exige la pratique de l'art bien entendu? S'ils « rencontrent , c'est par hasard : leurs voix errent sans « régie sur le ténor: qu'elles s'accordent, si Dieu le « veut; ils jettent leurs sons à l'aventure, comme la « pierre que lance au but une main maladroite , et qui « de cent fois le touche à peine une. « Le bon magister Mûris apostrophe ensuite ces corrupteurs de la pure et simple harmonie, dont son siècle abondoit ainsi que le nôtre. Heu! proli dolor! His temporibus aliqui suurn defectwn inepto proverbio colorare rnoliuntur. Iste est ^ fjm innuiunty novus discantandi modus , novis scilicet iiti consonantiis . Offendunt ii inteUectwn eoi'um qui taies defectus agnoscunt , offendunt sens uni ; nani inducere ciim deberent delectationeni y adducunt tristitiani. O incon- aruiwi j}iwe7'bium ! o niala coloratio ! irrationabilis ex-

eusatio! o magnus abusus, magna riiditas, magna bestia- Utas , ut asinus sumatur pro homine, capra pro leonc , ovis pro pisce , serpens pro salmone ! Sic enim concordiù:: confundiintur ciim discordiis ^ ut nullateniis una dis tin- guatur ab aliâ. 0 ! si antiqui periti musicœ doctores taies audissent discantatores , guid dixissent? quid fecissent ? Sic discantantem increparent , et dicerent : Non hune dis- cantum quo uteris de me sumis. Non tuum cantum unum et concordantem cum me facis. De quo te intromittis ? Mihi non congruis^ mihi adversarius , scandalwntu milii es ; 6 utinam taceres ! Non concordas , sed déliras et dis- cordas.

Discordant, adj. On appelle ainsi tout instrument dont on joue et qui n'est pas d'accord, toute voix qui chante faux , toute partie qui ne s'accorde pas avec les autres. Une intonation qui n'est pas juste fait un ton faux. Une suite de tons faux fait un chant discordant : c'est la différence de ces deux mots.

Disdiapason, s. m. Nom que donnoient les Grecs à l'intervalle que nous appelons double octave.

Le disdiapason est à peu près la plus grande étendue que puissent parcourir les voix humaines sans se for- cer : il y en a même assez peu qui l'entonnent hien pleinement. C'est pourquoi les Grecs avoient borné chacun de leurs modes à cette étendue, et lui don- noient le nom de système parfait. ( Voyez Mode , Genre, Système.)

Disjoint, adj. Les Grecs donnoient le nom relatif- de disjoints à deux tétracordes qui se su i voient inmié- diatement, lorsque la corde la plus grave de l'aigu étoit wnton au-dessus de la plus aiguë du grave, au

23o DIS

lieu d'être la même. Ainsi les deux tétracordes hypa- ton et diezeugménon étoient disjoints^ et les deux té- tracordes syunéménon et hyperboléon Tétoient aussi, (Voyez Tétracorde. )

On donne parmi nous le nom de disjoints aux -inter- valles qui ne se suivent pas immédiatement , mais sont séparés par un autre intervalle. Ainsi ces deux intervalles ut mi et sol si sont disjoints. Les degrés qui ne sont pas conjoints , mais qui sont composés de deux ou plusieurs degrés conjoints, s'appellent aussi degrés disjoints. Ainsi chacun des deux intervalles dont je viens de parler forme un degré disjoint.

Disjonction. C'étoit, dans Fancienne musique, Tes- pace qui séparoit la mèse de la paramèse, ou en gé- néral un tétracorde du tétracorde voisin , lorsqu'ils n'étoient pas conjoints. Cet espace étoit d'un ton^ et s'appeloil en grec «/«VïzeMJTw.

Dissonance, 5./ Tout son qui forme avec un autre un accord désagréable à l'oreille, ou mieux tout in- tervalle qui n'est pas consonnant. Or, comme il n'y a point d'autres consonnances que celles que forment entre eux et avec le fondamental les sons de l'accord parfait, il s'ensuit que tout autre intervalle est une véritable dissonance ; même les anciens comptoient pour telles les tierces et les sixtes qu'ils retranchoicnt des accords consonnants.

Le terme de dissonance vient de deux mots , l'un grec, l'autre latin, qui signifient sonner à double. En effet, ce qui rend la dissonance désagréable est que les sons qui la forment, loin de s'unira l'oreille, se re- poussent, pour ainsi dire, et sont entendus par elle

DIS 2.'^.r

romme deux sons distincts, quoique frappés à-la-fois.

On donne le nom de dissonance tantôt à l'intervalle et tantôt à chacun des deux Sons qui le forment. Mais quoique deux sons dissonnent entre eux, le nom de dissonance se donne plus spécialement à celui des deux qui est étranger à Taccord.

Il y a une infinité de dissonances possibles; mais comme, dans la musique, on exclut tous les inter- valles que le système reçu ne fournit pas, elles se ré- duisent à un petit nombre; encore pour la pratique ne doit-on choisir parmi celles-là que celles qui con- viennent au genre et au mode, et enfin exclure même de ces dernières celles qui ne peuvent s'employer se- lon les régies pr*escrites. Quelles sont ces régies? ont- elles quelque fondement naturel, ou sont-elles pure- ment arbitraires? Voilà ce que je me propose d'exa- miner dans cet article.

Le principe physique de l'harmonie se tire de la production de l'accord parfait par la résonnance d'un son quelconque ; toutes les consonnances en naissent , et c'est la nature même qui les fournit. Il n'en va pas ainsi de la dissonance , du moins telle que nous la pra- ' tiquons. Nous trouvons bien, si l'on veut, sa généra- tion dans les progressions des intervalles consonnants et dans leurs différences, mais nous n'apercevons pa'x de raison physique qui nous autorise à l'introduire dans le corps même de l'harmonie. Le P. Mersenne se contente de montrer la génération par le calcul et les divers rapports des dissonances , tant de celles qui sont rejetées , que de celles qui sont admises; mais il ne dit rien du droit de les employer. M. Bameau dit

232 DIS

en termes formels que la dissonance n'est pas naturelle à l'harmonie, et qu'elle n y peut être employée que par le secours de Fart; cependant, dans un autre ou- vrage, il essaie d'en trouver le principe dans les rap- ports des nombres et les proportions, harmonique et arithmétique , comme s'il y avoit quelque identité en- tre les propriétés de la quantité abstraite et les sensa- tions de Fouïe : mais après avoir bien épuisé des ana- logies , après bien des métamorphoses de ces diverses proportions les unes dans les autres , après bien des opérations et d'inutiles calculs , il finit par établir , sur de légères convenances, la dissonance qu'il s'est tant donné de peine à chercher. Ainsi , parceque dans l'or- dre des sons harmoniques la proportion arithmétique lui donne, par les longueurs des cordes, une tierce mineure au grave (remarquez qu'elle la donne à l'aigu par le calcul des vibrations), il ajoute au grave de la sous-dominante une nouvelle tierce mineure. La pro- portion harmonique lui donne une tierce mineure à 1 aigu (elle la donneroit au grave par les vibrations) , et il ajoute à Faigu de la dominante une nouvelle tierce mineure. Ces tierces ainsi ajoutées ne font point, il est vrai, de proportion avec les rapports précédents ; les rapports mêmes qu'elles devroient avoir se trouvent altérés : mais n'importe ; M. Rameau fait tc^ut valoir pour le mieux; la proportion lui sert pour introduire la dissonance, et le défaut de propor- tion pour la faire sentir.

L'illustre géomètre qui a daigné inteipréter au public le système de M. Rameau ayant supprimé tous ces vains calculs, je suivrai son exemple^ ou plutôt

DIS 233

je transcrirai ce qu'il dit de la dissonance : et M. Ra- meau me devra des remerciements d'avoir tiré cette explication des Eléments de musique, plutôt que de ses propres écrits.

Supposant qu'on connoisse les cordes essentielles du ton selon le système de M. Rameau, savoir, dans le ton d'w^, la tonique m^, la'dominante sol, et la sous- dominante y^, on doit savoir aussi que ce même ton à' ut a les deux cordes ut et sol communes avec le ton de sol, et les deux cordes ut et fa communes avec le ton de fa. Par conséquent cette marche de basse ut 5o/peut appartenir au ton à'ut ou au ton de sol, comme la marche de basse yî? ut ou ut fa peut appartenir au ton d'ut ou au ton de fa. Donc quand on passe d\it à fa ou à sol dans une basse fondamentale, on ignore encore jusque-là dans quel ton Fou est; il seroit pour- tant avantageux de le savoir, et de pouvoir par quel- que moyen distinguer le générateur de ses quintes.

On obtiendra cet avantage en joignant ensemble les sons sol et fa dans une même harmonie, c'est-à-dire en joignant à Tharmonie sol si re de la quinte sol l'autre quinte fa, en cette manière, 50/ 5i re fa; ce fa ajouté étant la septième de sol fait dissonance ; c'est pour cette raison que l'accord sol si refa est appelé accord dis- sonant ou accord de septième : il sert à distinguer la quinte 50/ du générateur ut , qui porte toujours sans mélange et sans altération l'accord parfait ut mi sol ut, donné par la nature même. (Voyez Accord, Conson- NANGE, Harmonie.) Parla on voit que quand on passe diut à sol, on passe en même temps d'wf h fa , parceque \g fa se trouve compris dans l'accord de 50/, et le ton

234 I^ÎS

d'ut se trouve par ce moyen entièrement déterminé, parcequ'il n'y a que ce ton seul auquel les sons^à et sol appartiennent à-la-fois.

Voyons maintenant, continue M. d'Alembert, ce que nous ajouterons à l'harmonie^ la ut de la quinte fa au-dessous du générateur, pour distinguer cette harmonie de celle de ce même générateur. Il semble d'abord que Ton doive y ajouter Tautre quinte sol, afin que le générateur ut passant h fa passe en même temps à sol y et que le ton soit déterminé par là, mais cette introduction de sol dans ïaccorô fa la ut donne- roit deux secondes de suite, ^w^ sol, sol la, c'est-à-dire deux dissonances dont l'union seroit trop désagréable à l'oreille: inconvénient qu'il faut éviter; car si, pour distinguer le ton, nous altérons l'harmonie de cette quinte fa, il ne faut l'altérer que le moins qu'il est possible.

C'est pourquoi, au lieu de 50/, nous prendrons sa quinte re, qui est le son qui en approche le plus ; et nous aurons pour la sous-dominante^a l'accordy^f la utre, qu'on appelle accord de grande-sixte ou sixte-ajoutée.

On peut remarquer ici l'analogie qui s'observe entre l'accord de la dominante 50/ et celui de la sous- dominante y«.

La dominante sol, en montant au-dessus du gé- nérateur, a un accord tout composé de tierces en montant depuis 50/; sol si rey«. Or la sous-dominante fa étant au-dessous du générateur ut, on trouvera , en descendant à' ut \ ers fa par tierces, ut la fa. re , qui contient les mêmes sons que l'accord la ut re donne y la sous-dominantey?>.

DIS 235

On voit de plus que raltération de Tharmonie de^ deux quintes ne consiste que dans la tierce mineure refa ou fa re , ajoutée de part et d'autre à Tharmonie de ces deux quintes.

Cette explication est d'autant plus ingénieuse qu'elle montre à-la-fois l'origine, l'usage, la marche de la dissonance , son rapport intime avec le ton, et le moyen de déterminer réciproquement l'un par l'autre. Le défaut que j'y trouve, mais défaut essentiel qui fait tout crouler, c'est l'emploi d'une corde étrangère au ton, comme corde essentielle du ton, et cela par une fausse analogie qui, servant de base au système M. Rameau, le détruit en s'évanouissant.

Je parle de cette quinte au-dessous de la tonique, de cette sous-dominante, entre laquelle et la tonique on n'aperçoit pas la moindre liaison qui puisse auto- riser l'emploi de cette sous-dominante,' non seule- ment comme corde essentielle du ton, mais même en quelque qualité que ce puisse être. En effet qu'y a-t-il de commun entre la résonnance, le frémissement des imissons à' ut, et le son tie sa quinte en-dessous? Ce n'est point parceque la corde entière est un fa que ses aliquoîes résonnent au son d'ut, mais parcequ'elle est un multiple de la corde ut; et il n'y a aucun des multiples de ce même ut qui ne donne un semblable phénomène. Prenez le septuple, il frémira et réson- nera dans ses parties ainsi que le triple : est-ce à dire que le son de ce septuple ou ses octaves soient des cordes essentielles du ton? tant s'en faut, puisqu'il ne forme pas même avec la tonique un rapport com- mensurable en notes.

236 DIS

Je sais que M. Rameau a prétendu qu'au son d'une corde quelconque une autre corde à sa douzième en- dessous frémissoit sans résonner; mais outre que c'est un étrange phénomène en acoustique qu une corde sonore qui vibre et ne résonne pas, il est maintenant reconnu que cette prétendue expérience est une er- reur, que la corde grave frémit parcequ'elle se par- tage, et qu'elle paroît ne pas résonner parcequ'elle ne rend dans ses parties que l'unisson de l'aigu , qui ne se distingue pas aisément.

Que M. Rameau nous dise donc qu'il prend la quinte en-dessous , parcequ'il trouve la quinte en- dessus, et que ce jeu des quintes lui paroît commode pour établir son système, on pourra le féliciter d'une ingénieuse invention; mais qu'il ne l'autorise point (l'une expérience chimérique, qu'il ne se tourmente ])oint à chercher dans les renversements des propor- tions harmonique et arithmétique les fondements de l'harmonie, ni à prendre les propriétés des nombres pour celles des sons.

Remarquez encore que si la contre-génération qu'il suppose pouvoit avoir lieu, l'accord de la sous-domi- nante fa ne devroit point porter une tierce majeure , mais mineure, parceque le /«bémol est 1 harmoni- que véritable qui lui est assigné pïir ce renversement

T I

1 3" T

lit fa la b. De sorte qu'à ce compte la gamme du mode majeur devroit avoir naturellement la sixte jnineure; mais elle Fa majeure, comme quatrième quinte ou comme quinte de la seconde note: ainsi voilà encore une contradiction. \

DIS 237

Kiiliii remarquez que la quatrième note donnée par la série des aliquotes , d'où naît le vrai diatonique na- turel, n'est point l'octave de la prétendue sous-domi- nante dans le rapport de 4 à 3, mais une autre qua- trième note toute différente dans le rapport de 11 à 8 , ainsi que tout théoricien doit l'apercevoir au premier coup d'œil.

J'en appelle maintenant à l'expérience et à l'oreille des musiciens. Qu'on écoute combien la cadence im- parfaite de la sous-dominante à la tonique est dure et sauvage en comparaison de cette même cadence dans sa place naturelle , qui est de la tonique à la domi- nante. Dans le premier cas peut-on dire que l'oreille ne désire plus rien après l'accord de la tonique? n'at- tend-on pas , malgré qu'on en ait , une suite ou une fin? or qu'est-ce qu'une tonique après laquelle l'oreille désire quelque chose ? peut-on la regarder comrhe une véritable tonique, et n'est-on pas alors réellement dans le ton de fa, tandis qu'on pense être dans celui lYut? Qu'on observe combien l'intonation diatonique et successive de la quatrième note et de la note sen- sible, tant en montant qu'en descendant, paroît étran- gère au mode et même pénible à la voix. Si la longue habitude y accoutume l'oreille et la voix du musicien , la difficulté des commençants à entonner cette note doit lui montrer assez combien elle est peu naturelle. On attribue cette difficulté aux trois tons consécutifs ; ne devroit-on pas voir que ces trois tons consécutifs, de même que la note qui les introduit donnent une modulation barbare qui n'a nul fondement dans la na- ture? Elle avoit assurément mieux guidé les Grecs

238 DIS

lorsqu'elle leur fit arrêter leur tétra corde précisément au de notre échelle, c'est-à-dire à la note qui pré- cède cette quatrième : ils aimèrent mieux prendre cette quatrième en dessous, et ils trouvèrent ainsi avec leur seule oreille ce que toute notre théorie har- monique n'a pu encore nous faire apercevoir.

Si le témoignage de l'oreille et celui de la raison se réunissent, au moins dans le système donné, pour rejeter la prétendue sous-dominante non seulement du nombre des cordes essentielles du ton, mais du nombre des sons qui peuvent entrer dans l'échelle du mode, que devient toute cette théorie des dissonances? que devient l'explication du mode mineur ? que de- vient tout le système de M. Rameau?

N'apercevant donc ni dans la physique ni dans le calcul la véritable génération de la dissonance , je lui clierchois une origine purement mécanique ; et c'est de la manière suivante que je tâchois de l'expliquer dans l'Encyclopédie , sans m'écarter du système pra- tique de M. Rameau.

Je suppose'la nécessité de la dissonance reconnue. ( Voyez Harmonie et Cadence. ) Il s'agit de voir l'on doit prendre cette dissonance et comment il faut l'em- ployer.

Si Ion compare successivement tous les sons de l'échelle diatonique avec le son fondamental dans cha- cun des deux modes, on n'y trouvera pour toute disso- nance que la seconde et la septième, qui n'est qu'une seconde renversée, et qui fait réellement seconde avec l'octave. Que la septième soit renversée de la seconde, et non la seconde de la septième, c'est ce qui est

DIS o3(^

évident par Texpression des rapports ; car celui de la seconde 8, 9, étant plus simple que celui de la sep- tième 9,16, Tintervalle qu'il représente n'est pas par conséquent lengendré, mais le générateur.

Je sais bien que d'autres intervalles altérés peuvent devenir dissonants; mais si la seconde ne s'y trouve pas exprimée ou sous-entendue , ce sont seulement des accidents de modulation auxquels l'harmonie n'a aucun égard, et ces dissonances ne sont point alors traitées comme telles. Ainsi c'est une chose certaine qu'où il n'y a point de seconde il n'y a point de disso- nance; et la seconde est proprement la seule dissonance qu on puisse employer.

Pour réduire toutes les consonnances à leur moin- dre espace ne sortons point des bornes de 1 octave, elles y sont toutes contenues dans l'accord parfait. Prenons donc cet accord parfait, sol sire sol, et voyons en quel lieu de cet accord, que je ne suppose encore dans aucun ton, nous pourrions placer une disso- nance, c'est-à-dire une seconde, pour la rendre le moins choquante à l'oreille qu'il est possible. Sur le la entre le sol et le si elle feroit une seconde avec l'un et avec l'autre, et par conséquent dissoneroit double- ment. Il en seroit de même entre le si et le re, comme entre tout intervalle de tierce : reste l'intervalle de quarte entre le re et le sol. Ici Ton peut introduire un son de deux manières : l '^ on peut ajouter la note fa, qui fera seconde avec le sol et tierce avec le re; 2^ ou la note ?7u*, qui fera seconde avec le re et tierce avec le sol. Il est évident qu'on aura de chacune de ces deux manières la dissonance la moins dure qu'on

24o DIS

puisse trouver j car elle ne dissonnera qu'avec un seul son, et elle engendrera une nouvelle tierce, qui, aussi bien que les deux précédentes, contribuera à la dou- ceur de Taccord total. D'un côté nous aurons l'accord de septième, et de l'autre celui de sixte ajoutée, les deux seuls accords dissonants admis dans le système de la basse fondamentale.

Il ne suffit pas de faire entendre la dissonance ^ il faut la résoudrç : vous ne choquez d'abord Foreille que pour la flatter ensuite plus agréablement. Voilà deux sons joints : d'un côté la quinte et la sixte, de l'autre la septième et l'octave : tant qu'ils feront ainsi la seconde , ils resteront dissonants ; mais que les par- ties qui les font entendre s'éloignent d'un degré, que lune monte ou que l'autre descende diatoniquement, votre seconde de part et d'autre sera devenue une tierce; c'est-à-dire une des plus agréables consour nances. Ainsi après sol fa vous aurez sol mi ou fa la; et après 7^e ?niy mi ut ou î^efa : c'est ce qu'on appelle sauver la dissonance.

Reste à déterminer lequel des deux sons joints doit monter ou descendre , et lequel doit rester en place : mais le motif de détermination saute aux yeux. Que la quinte ou l'octave restent comme cordes principales , que la sixte monte et que la septième descende , comme sons accessoires, comme dissonances. De plus, si, des deux sons joints , c'est à celui qui a le moins de chemin à faire de marcher par préférence , le^a descendra en- core sur le ?ni après la septième, et le mi de l'accord de sixte ajoutée montera sur \efa; car il n'y a point d'autre marche plus courte pour sauver la dissonance.

DIS 241

Voyons maintenant quelle marche doit faire le sou fondamental relativement au mouvement assigné à la dissonance. Puisque Tiui des deux sons joints reste en place, il doit faire liaison dans Faccord suivant. L'in- tervalle que doit former la basse -fondamentale en quittant Taccord, doit donc être déterminé sur ces deux conditions : que Toctave du son fondamental précédent puisse rester en place après l'accord de septième, la quinte après l'accord de sixte-ajoutée ; 1^ que le son sur lequel se résout la dissonance soit un des harmoniques de celui auquel passe la basse-fonda- mentale. Or le meilleur mouvement de la basse étant par intervalle de quinte , si elle descend de quinte dans le premier cas, ou qu'elle monte de quinte dans le se- cond, toutes les conditions seront parfaitement rem- plies, comme il est évident par la seule inspection de l'exemple, Planche k^ figure 9.

De on tire un moyen de connoître à quelle corde du ton chacun de ces deux accords convient le mieux. Quelles sont dans chaque ton les deux cordes les plus essentielles? c'est la tonique et la dominante. Com- ment la basse peut-elle marcher en descendant de quinte sur deux cordes essentielles du ton? c est en passant de la dominante à la tonique : donc la domi- nante est la corde à laquelle convient le mieux l'ac- cord de septième. Comment la basse en montant de quinte peut-elle marcher sur deux cordes essentielles du ton? c'est en passant de la tonique à la dominante : donc la tonique est la corde à laquelle convient Fac- cord de sixte-ajoutée. Voilà pourquoi, dans l'exem- ple, j'ai donné un dièse au/a de l'accord qui suit ce- XIV. i6

242 DIS

liii-là; carie re étant dominante tonique, doit porter la tierce majeure. La basse peut avoir d'autres mar- ches; mais ce sont les plus parfaites, et les deux principales cadences. (Voyez Cadence.)

Si Ton compare ces deux dissonances avec le son fondamental, on trouve que celle qui descend est une septième mineure, et celle qui monte une sixte ma- jeure , d'où l'on tire cette nouvelle règle que les disso- nances majeures doivent monter et les mineures des- cendre; car en général un intervalle majeur a moins de chemin à faire en montant, et un intervalle mineur en descendant; et en général aussi, dans les marches diatoniques, les moindres intervalles sont à préférer.

Quand l'accord de septième porte tierce majeure, cette tierce fait avec la septième une autre dissonance , qui est la fausse quinte, ou, par renversement, le triton. Cette tierce vis-à-vis de la septième s'appelle encore dissonance majeure, et il lui est prescrit de monter, mais c'est en qualité de note sensible; et sans la seconde, cette prétendue dissonance n'existe- roit point ou ne seroit point traitée comme telle.

Une observation qu'il ne faut pas oublier est que les deux seules notes de l'échelle qui ne se trouvent point dans les harmoniques des deux cordes princi- pales ut et sol, sont principalement celles qui s'y trou- vent introduites par la dissonance ^ et achèvent par ce moyen la gamme diatonique, qui sans cela seroit im- parfaite : ce qui explique comment le^a et le /«, quoi- que étrangers au mode, se trouvent dans son échelle, et pourquoi leur intonation , toiqours rude malgré l'habitude, éloigne l'idée du ton principal.

DIS 243

Il faut remarquer encore que ces deux dts!?onances ^ savoir, la sixte majeure et la septième mineure, ne dillèrent que d'un semi-ton , et dilfèreroient encore moins si les intervalles étoient bien justes. A Faide de cette observation Ton peut tirer du principe de la ré- sonnance une ori(>ine très approchée de Tune et de 1 autre, comme je vais le montrer.

Les harmoniques qui accompagnent un son quel- conque ne se bornent pas à ceux qui composent l'ac- cord paifait : il y en a une infinité d'autres moins sen- sibles à mesure qu'ils deviennent plus aigus et leurs rapports plus composés, et ces rapports sont expri- més par la série naturelle des ahquotes -4-'-L-L, etc Les six premiers teimes de cette série donnent les sons qui composent l'accord parfait et ses rrphques ; le septième en est exclus : cependant ce septième terme entre comme eux dans la résonnance totale du son générateur, quoique moins sensiblement; mais il n'y entre point comme consonnance; il y entre donc comme dissonance , et cette dissonance est donnée par la nature. Reste à voir son rapport avec celles dont je viens de parler.

Or, ce rapport est intermédiaire entre l'un et l'au- tre , et fort rapproché de tous deux ; car le rapport de la sixte majeure est , , et celui de la septième mi- neure Ti' Ces deux rapports réduits aux mêmes

termes sont p et ^.

80 80

Le rapport de l'aliquote y rapproché au simple par ses octaves est| , et ce rapport réduit au même terme avec les précédents, se trouve intermédiaire entre les deux de cette manière 5^4 f*^ jil , l'on voit que

16.

^44 . i^is

ce rapport moyen ne diffère de la sixte majeure que d'un 3V ou à peu près deux comma, et de la septième mineure que d'un 7^, qui est beaucoup moins qu'un comma. Pour employer les mêmes sons dans le genre diatonique et dans divers modes, il a fallu les altérer ; mais cette altération n'est pas assez grande pour nous faire perdre la trace de leur origine.

J'ai fait voir, au mot Cadence, comment l'intro- duction de ces deux principales dissonances , la sep- tième et la sixte-ajoutée, donne le moyen de lier une suite d'harmonie en la faisant monter ou descendre à volonté par l'entrelacement des dissonances.

Je ne parle point ici de la préparation de la disso- nance, moins parcequ'elle a trop d'exceptions pour en faire une régie générale, que parceque ce n'en est pas ici le lieu. (Voyez Préparer. ) A l'égard des dissonances par supposition ou par suspension, voyez aussi ces deux mots. Enfin je ne dis rien non plus de la sep- tième diminuée , accord singulier dont j'aurai occa- sion de parler au mot Enharmonique.

Quoique cette manière de concevoir la dissonance en donne une idée assez nette, comme cette idée n'est point tirée du fond de l'harmonie, mais de certaines convenances entre les parties, je suis bien éloigné d'en faire plus de cas qu'elle ne mérite, et je ne l'ai jamais donnée que pour ce qu'elle valoit; mais on a voit jusqu'ici raisonné si mal sur la dissonance, que je ne crois pas avoir fait en cela pis que les autres. M. Tartini est le premier, et jusqu'à présent le seul qui ait déduit une théorie des dissonances des vrais principes de l'harmonie . Pour éviter d inutiles répé-

DIS 245

titions, je renvoie là-dessus au mot Système, j'ai iaitTexposition du sien. Je m'abstiendrai de juger s'il a trouvé ou non celui de la nature ; mais je dois re- marquer au moins que les principes de cet auteur paroissent avoir dans leurs conséquences cette uni- versalité et cette connexion qu'on ne trouve guère que dans ceux qui mènent à la vérité.

Encore une observation avant de finir cet article. Tout intervalle commensurable est réellement con- sonnant; il n'y a de vraiment dissonants que ceux dont les rapports sont irrationnels, car il n'y a que ceux-là auxquels on ne puisse assigner aucun son fondamen- tal commun. Mais passé le point les harmoniques naturels sont encore sensibles, cette consonnance des intervalles commensurables ne s'admet plus que par induction. Alors ces intervalles font bien partie du système harmonique , puisqu'ils sont dans l'ordre de sa génération naturelle et se rapportent au son fon- damental commun ; mais ils ne peuvent être admis comme consonnants par l'oreille , parcequ'elle ne les aperçoit point dans l'harmonie naturelle du corps so- nore. D'ailleurs plus l'intervalle se compose, plus il s'élève à l'aigu du son fondamental : ce qui se prouve par la génération réciproque du son fondamental et des intervalles supérieurs. ( Voyez le système de M. Tartini. ) Or, quand la distance du son fondamental au plus aigu de l'intervalle générateur ou engendré excède l'étendue du système musical ou appréciable , tout ce qui est au-delà de cette étendue devant être censé nul, un tel intervalle n'a point de fondement sensible, et doit être rejeté de la pratique, ou seule-

246 DIT

meut admis comme dissonant. Voilà, non le système de M. Rameau , ni celui de M. Tartini , ni le mien , mais le texte de la nature , qu'au reste je n'entreprends pas d'expliquer.

Dissonance majeure est celle qui se sauve en mon- tant. Cette dissonance n'est telle que relativement à la dissonance mineure ; car elle fait tierce ou sixte majeure sur le vrai son fondamental , et n'est autre que la note sensible dans un accord dominant, ou la sixte-ajoutée dans son accord.

Dissonance mineure est celle qui se sauve en des- cendant : c'est toujours la dissonance proprement dite, c est-à-dire la septième du vrai son fondamental.

La dissonance majeure est aussi celle qui se forme par un intervalle superflu, et la dissonance mineure est celle qui se forme par un intervalle diminué. Ces diverses acceptions viennent de ce que le mot même de disso- nance est équivoque , et signifie quelquefois un inter- valle et quelquefois un simple son.

Dissonnant, partie. ( Voyez Dissonner. )

DissONNER, V. n. Il n'y a que les sons qui dissonnent , et nnson dis sonne c^\\?inà'\\ formedissonanceavec un autre son. On ne dit pas qu'un intervalle dissonne, on dit qu'il est dissonant.

Dithyrambe, 5, m. Sorte de chanson grecque en l'honneur de Bacchus, laquelle se chantoit sur le mode phrygien, et sesentoit du feu et de la gaieté qu'inspire le dieu auquel elle étoit consacrée. lUie faut pas de- mander si nos littérateurs modernes , toujours sages et compassés, se sont récriés sur la fougue et le désor- dre des dithyrambes. C'est fort mal fait sans doute de

DIX 247

s'enivrer, surtout en Thoniieur de la divinité; mais j'ainierois mieux encore être ivre moi-même que de n'avoir que ce sot bon sens qui mesure sur la froide raison tous les discours d'un homme échauffé par le vin.

DiTON, s. m. C'est, dans la musique grecque, un intervalle composé de deux tons , c'est-à-dire une tierce majeure. ( Voyez Intervalle, Tierce. )

Divertissement , s. m. C'est le nom qu'on donne à certains recueils de danses et de chansons qu'il est de régie à Paris d'insérer dans chaque acte d un opéra , soit ballet , soit tragédie ; divertissement importun dont Tautcur a soin de couper l'action dans quelque moment intéressant , et que les acteurs assis et les spectateurs debout ont la patience de voir et d'entendre.

Dix-huitième, s.f. Intervalle qui comprend dix-sept degrés conjoints , et par conséquent dix-huit sons dia- toniques, en comptmt les deux extrêmes. C'est la tlouble-octave de la quarte. ( Voyez Quarte. )

Dixième, 5. y. Intervalle qui comprend neuf degrés conjoints , et par conséquent dix sons diatoniques, en comptant les deux qui le forment. C'est l'octave de la tierce ou la tierce de l'octave ; et la dixième est majeure ou mineure , comme l'intervalle simple dont elle est la réplique. ( Voyez Tierce. )

Dix-neuvième, s.f. Intervalle qui comprend dix- huit degrés conjoints, et par conséquent dix-neuf sons diatoniques , en comptant les deux extrêmes. C'est la double-octave de la quinte. ( Voyez Quinte. )

Dix-septième , 5. /. Intervalle qui comprend seize degrés conjoints , et par conséquent dix-sept sons dia-

^4^ JDOI

toniques , en comptant les deux extrêmes. C'est la double-octave de la tierce; et la dix-septième est ma- jeure ou mineure comme elle.

Toute corde sonore rend avec le son principal celui de sa dix-septième majeure , plutôt que celui de sa tierce simple ou de sa dixième , parceque cette dix-septième est produite par une aliquote de la corde entière, sa- voir, la cinquième partie ; au lieu que les y que donne- roit la tierce , ni les \ que donneroit la dixième , ne sont pas une aliquote de cette même corde. ( Voyez Son , Intervalle , Harmonie. )

Do. Syllabe que les Italiens substituent en solfiant è celle d'z/f , dont ils trouvent le son trop sourd. Le même motif a fait entreprendre à plusieurs personnes , et entre autres à M. Sauveur, de changer les noms de toutes les syllabes de notre gamme; mais l'ancien usage a toujours prévalu parmi nous. C'est peut-être un avantage ; il est bon de s'accoutumer à solfier par des syllabes sourdes , quand on n'en a guère de plus sonores à leur substituer dans le chant.

Dodécacorde. C'est le titre donné par Henri Glaréan à un gros livre de sa composition , dans lequel , ajou- tant quatre nouveaux tons aux huit usités de son temps , et qui restent encore aujourd'hui dans le chant ecclésiastique romain, il pense avoir rétabli dans leur j)ureté les douze modes d'Aristoxène , qui cependant en avoit treize ; mais cette prétention a été réfutée par J. B. Doni , dans son Traité des Genres et des Modes.

Doigter, v. n. C'est faire marcher d'une manière convenable et régulière les doigts sur quelque instru- ment , et principalement sur l'orgue ou le clavecin ,

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pour en jouer le plus facilement et le plus nettement qu'il est possible.

Sur les instruments à manche, tels que le violon et le violoncelle , la plus grande régie du doigter con- siste dans les diverses positions de la main gauche sur le manche; c'est par que les mêmes passages peu- vent devenir faciles ou difficiles , selon les positions et selon les cordes sur lesquelles on peut prendre ces passages ; c'est quand un symphoniste est parvenu à passer rapidement, avec justesse et précision, par toutes ces différentes positions , qu'on dit qu'il possède bien son manche. (Voyez Position. )

Sur l'orgue ou le clavecin, le doigter est autre chose. Il y a deux manières de jouer sur ces instruments ; sa- voir, l'accompagnement et les pièces. Pour jouer des pièces, on a égard à la facilité de l'exécution et à la bonne grâce de la main. Comme il y a un nombre ex- cessif de passages possibles dont la plupart demandent une manière particulière de faire marcher les doigts , et que d ailleurs chaque pays et chaque maître a sa règle, il faudroit sur cette partie des détails que cet ouvrage ne comporte pas, et sur lesquels l'habitude et la commodité tiennent lieu de régies , quand une fois on a la main bien posée. Les préceptes généraux qu'on peut donner sont, i^ de placer les deux mains sur le clavier, de manière qu'on n'ait rien de gêné dans l'attitude : ce qui oblige d'exclure communément le pouce de la main droite , parceque les deux pouces posés sur le clavier, et principalement sur les touches blanches, donneroient aux bras une situation con- trainte et de mauvaise grâce. Il faut observer aussi

230 DOI

que les coudes soient un peu plus élevés que le niveau du clavier , afin que la main tombe comme delle-même sur les touches : ce qui dépend de la hauteur du siège ; 20 de tenir le poignet à peu près à la hauteur du cla- vier, c'est-à-dire au niveau du coude ; les doigts écar- tés de la largeur des touches , et un peu recourbés sur elles, pour être prêts à tomber sur des touches diffé- rentes ; 3 '^ de ne point porter successivement le même «loigt sur deux touches consécutives , mais d'employer tous les doigts de chaque main. Ajoutez à ces observa- tions les régies suivantes , que je donne avec con- fiance, parceque je les tiens de M. Duphli, excellent maître de clavecin, et qui possède sur-tout la perfec- tion du doigter.

Cette perfection consiste en général dans un mou- vement doux, léger , et régulier.

Le mouvement des doigts se prend à leur racine , c'est-à-dire à la jointure qui les attache à la main.

Il faut que Jes doigts soient courbés naturellement, et que chaque doigt ait son mouvement propre indé- pendant des autres doigts. Il faut que les doigts tom- bent sur les touches et non qu'ils les frappent , et de plus , qu'ils coulent de l'une à l'autre en se succédant, c'est-à-dire qu'il ne faut quitter une touche qu'après en avoir pris une autre. Ceci regarde particulièrement ie jeu françois.

Pour continuer un roulement, il faut s'accoutumer à passer le pouce par-dessous tel doigt que ce soit, et à passer tel autre doigt par-dessus le pouce. Cette ma- nière est excellente , surtout quand il se rencontre des dièses ou des bémols ; alors faites en sorte que le pouce

D O I 2 5 l

se trouve sur la touche qui précède le dièse ou le bémol , ou placez-le immédiatement après : par ce moyen vous vous procurerez autant de doigts de suite que vous aurez de notes à faire.

Évitez autant qu'il se pourra de toucher du pouce ou du cinquième doi(jt une touche blanche , surtout dans les roulements de vitesse.

Souvent on exécute un même roulement avec les deux mains , dont les doigts se succèdent pour lors consécutivement. Dans ces roulements les mains pas- sent Tune sur l'autre ; mais il faut observer que le son de la preuiière touche sr=r laquelle passe une des mains soit aussi lié au son précédent que s ils étoient touchés de la même main.

Dans le genre de musique harmonieux et lié , il est bon de s'accoutumer à substituer un doigt à la place d'un autre sans relever la touche : cette manière donne des facilité*: pour l'exécution et prolonge la durée des sons.

Pour l'accompagnement , le doigter de la main gau- che est le même que pour les pièces , parcequ'il faut toujours que celte main joue les basses qu'on doit ac- compagner : ainsi les règles de M. Duphli y servent également pour cette partie, excepté dans les occa- sions l'on veut augmenter le bruit au moyen de l'octave, qu'on embrasse du pouce et du petit doigt; car alors, au lieu de doigter, la main entière se trans- porte d une touche à l'autre. Quant à la main droite ^ son doigter consiste dans l'arrangement des doigts , et dans les marches qu'on leur donne pour faire entendre les accords et leur succession : de sorte que quiconque

:>b2 DOI

entend bien la mécanique des doigts en cette partie , possède Fart de l'accompagnement. M. Rameau a fort Lien expliqué cette mécanique dans sa Dissertation sur l accompagnement ; et je crois ne pouvoir mieux faire que de donner ici un précis de la partie de cette dis- sertation qui regarde le doigter.

Tout accord peut s'arranger par tierces. L'accord parfait, c'est-à-dire l'accord d'une tonique ainsi ar- rangé sur le clavier, est formé par trois touches qui doivent être frappées du second, du quatrième et du cinquième doigt. Dans cette situation c'est le doigt le plus bas, c'est-à-dire le second qui touche la tonique ; dans les deux autres faces, il se tixDuve toujours un doigt au moins au-dessous de cett^ même tonique : il faut le placer à la quarte. Quant au troisième doigt, qui se trouve au-dessus ou au-dessous des deux au- tres, il faut le placer à la tierce de son voisin.

Une régie générale pour la succession des accords est qu'il doit y avoir liaison entre eux, c'est-à-dire que quelqu'un des sons de l'accord précédent doit être prolongé sur l'accord suivant et entrer dans son har- monie. C'est de cette règle que se tire toute la méca- nique du doigter.

Puisque pour passer régulièrement d'un accord à un autre il faut que quelque doigt reste en place, il est évident qu'il n'y a que quatre manières de suc- cession régulière entre deux accords parfaits; savoir, la basse-fondamentale montant ou descendant de tierce ou de quinte.

Quand la basse procède par tierces, deux doigts restent en place; en montant, ceux qui formoient la

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tierce et la quinte restent pour former Toctave et la tierce , tandis que celui qui ibrmoit l'octave descend sur la quinte; en descendant, les doigts qui formoient Toctave et la tierce restent pour former la tierce et la quinte , tandis que celui qui faisoit la quinte monte sur Toctave.

Quand la basse procède par quintes , un doigt seul reste en place et les deux autres marchent; en mon- tant, c'est la quinte qui reste pour faire Toctave , tan- dis que l'octave et la tierce descendent sur la tierce et sur la quinte; en descendant, l'octave reste pour faire la quinte, tandis que la tierce et la quinte montent sur l'octave et sur la tierce. Dans toutes ces succes- sions les deux mains ont toujours un mouvement contraire.

En s'exercant ainsi sur divers endroits du clavier , on se familiarise bientôt au jeu des doigts sur cha- cune de ces marches, et les suites d'accords parfaits ne peuvent plus embarrasser.

Pour les dissonances, il faut d'abord remarquer que tout accord dissonant complet occupe les quatre doigts, lesquels peuvent être arrangés tous par tier- ces, ou trois par tierces, et l'autre joint à quelqu'un des premiers faisant avec lui un intervalle de seconde. Dans le premier cas, c'est le plus bas des doigts, c'est- à-dire l'index, qui sonne le son fondamental de l'ac- cord; dans le second cas, c'est le supérieur des deux doigts joints. Sur cette observation l'on connoît aisé- ment le doigt qui fait la dissonance, et qui par consé- quent doit descendre pour la sauver.

Selon les différents accords consonnants ou disse-

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nants qui suivent un accord dissonant, il faut faire descendre un doigt seul , ou deux , ou trois. A la suite d'un accord dissonant, Faccord parfait qui le sauve se trouve aisément sous les doigts. Dans une suite d'accords dissonants, quand un doigt seul descend, comme dans la cadence interrompue, c'est toujours celui qui a fait la dissonance, c'est-à dire l'inférieur des deux joints, ou le supérieur de tous, s'ils sont ar- rangés par tierces. Faut-il faire descendre deux doigts, comme dans la cadence parfaite, ajoutez à celui dont je viens de parler son voisin au-dessous, et, s'il n'en a point, le supérieur de tous : ce sont les deux doigts qui doivent descendre. Faut-il en faire descendre trois, comme dans la cadence rompue , conservez le fonda- mental sur sa touche , et faites descendre les trois autres.

La suite de toutes ces différentes successions bien étudiée vous montre le jeu des doigts dans toutes les phrases possibles ; et comme c'est des cadences par- faites que se tire la succession la plus commune des phrases harmoniques , c'est aussi à celles-là qu'il faut s'exercer davantage ; on y trouvera toujours deux doi«ts marchant et s'arrêtant alternativement. Si les deux doigts d'en haut descendent sur un accord les deux inférieurs restent en place , dans l'accord suivant les deux supérieurs restent , et les deux inférieurs des- cendent à leur tour; ou bien ce sont les deux doigts extrêmes qui font le même jeu avec les deux moyens.

On peut trouver encore une succession harmonique ascendante par dissonances , à la faveur de la sixte- ajoutée : mais cette succession , moins commune que

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celle dont je viens de parler, est plus difficile à ména- ger, moins prolongée, et les accords se remplissent rarement de tous leurs sons. Toutefois la marche des doigts auroit encore ici ses régies; et en supposant un entrelacement de cadences imparfaites, on y trouve- roit toujours, ou les quatre doigts par tierces ou deux doigts joints : dans le premier cas, ce seroit aux deux inférieurs à monter, et ensuite aux deux supérieurs alternativement; dans le second, le supérieur des deux doigts joints doit monter avec celui qui est au-dessus de lui, et, s'il n'y en a point, avec le plus bas de tous, etc.

On n'imagine pas jusqu'à quel point l'étude du doigter y prise de cette manière, peut faciliter la pra- tique de l'accompagnement. Après un peu d'exercice, les doigts prennent insensiblement l'habitude de mar- cher comme d'eux-mêmes; ils préviennent l'esprit et accompagnent avec une facilité qui a de quoi sur- prendre. Mais il faut convenir que l'avantage de cette méthode n'est pas sans inconvénient, car, sans parler des octaves et des quintes de suite qu'on y rencontre à tout moment, il résulte de tout ce remplissage une harmonie brute et dure dont l'oreille est étrangement choquée, surtout dans les accords par supposition.

Les maîtres enseignent d'autres manières de doig- ter, fondées sur les mêmes principes, sujettes, il est vrai, à plus, d'exceptions, mais par lesquelles, retran- chant des sons, on gêne moins la main par trop d'ex- tension, Ton évite les octaves et les quintes de suite, et l'on rend une harmonie, non pas aussi pleine, mais plus pure et plus agréable.

256 noR

DoLCE. ( Voyez D. )

DoMiiNANT, adj. Accord dominant ou sensible est celai qui se pratique sur la dominante du ton, et qui annonce la cadence parfaite. Tout accord parfait ma- jeur devient dominant sitôt qu'on lui ajoute la sep- tième mineure.

Dominante, s. f. C'est des trois notes essentielles du ton celle qui est une quinte au-dessus de la toni- que. La tonique et la dominante déterminent le ton; elles y sont chacune la fondamentale d'un accord par- ticulier; au lieu que la médiante, qui constitue le mode, n'a point d'accord à elle, et fait seulement par- tie de celui de la tonique.

M. Rameau donne généralement le nom de domi- nante à toute note qui porte un accord de septième ^ et distingue celle qui porte l'accord sensible par le nom de dominante-tonique; mais, à cause de la lon- gueur du mot, cette addition n'est pas adoptée des artistes; ils continuent d'appeler simplement domi- nante la quinte de la tonique, et ils n'appellent pas dominantes, maiïs fondamentales , les autres notes por- tant accord de septième ; ce qui suffit pour s'expliquer, et prévient la confusion.

Dominante, dans le plain-chant est la note que l'on rebat le plus souvent , à quelque degré que l'on soit de la tonique, il y a dans le plain-chant dominante et tonique, mais point de médiante.

DoKiEN, adj. Le mode dorien étoit un des plus anciens de la musique des Grecs, et c'étoit le pius grave ou le plus bas de ceux qu'on a depuis appelés authentiques.

DOU 2:37

Le caractère de ce mode ctoit sérieux et grave ^ mais d'une gravité tempérée; ce qui le reiidoit propre pour la guerre et pour les sujets de religion.

Platon regarde la majesté du mode dorien comme très propre à conserver les bonnes mœurs; et c'est pour cela qu'il en permet Tusage dans sa République.

Il s'appeloit dorien parceque c'étoit cliez les peuples de ce nom qu'il avoit été d'abord en usage. On attribue l'invention de ce mode à Thamiris de Thrace, qui, ayant eu le malheur de défier les muses et d'être vaincu, fut privé par elles de la lyre et des yeux.

Double, adj. Intervalles doubles ou redoublés sont tous ceux qui excédent l'étendue de l'octave. En ce sens , la dixième est double de la tierce , et la douzième , double de la quinte. Quelques uns donnent aussi le nom d'intervalles doubles à ceux qui sont composés de deux intervalles égaux, comme la fausse-quinte qui est composée de deux tierces mineures.

Double, s. m. On appelle doubles des airs d'un chant simple en lui-même, qu'on figure et qu'on dou- ble par l'addition de plusieurs notes qui varient et or- nent te chant sans le gâter : c'est ce que les Italiens appellent variàzioni. (Voyez Variations.)

Il y a cette différence des doubles aux broderies ou fleurtis, que ceux-ci sont à la bberté du musicien, qu'il peut les faire ou les quitter quand il lui plaît pour reprendre le simple. Mais le double ne se quitte point, et sitôt qu'on l'a commencé, il faut le pour^ suivre jusqu'à la fin de Fair.

Double est encore un mot employé à l'Opéra de Paris pour désigner les acteurs en sous-ordre qui rem-

XIV. I y

^58 Dou

placent les premiers acteurs dans les rôles que ceux- ci quittent par maladie ou par air, ou lorsqu'un opéra est sur ses fins et qu'on en prépare un autre. Il faut avoir entendu un opéra en doubles pour concevoir ce que c'est qu'un tel spectacle , et quelle doit être la patience de ceux qui veulent bien le fréquenter en cet état. Tout le zèle des bons citoyens françois bien pourvus d'oreilles à l'épreuve suffit à peine pour tenir à ce détestable charivari.

Doubler, v. a. Doubler un air, c'est y faire des dou- bles; doubler- un rôle, c'est y remplacer l'acteur priur cipal. (Voyez Double.)

Double-corde, s. f. Manière de jeu sur le violon, laquelle consiste à toucher deux cordes à-la-fois fai- sant deux parties différentes. La àouble-covàe fait sou- vent beaucoup d effet. Il est difficile déjouer très juste sur la double-corde.

Double-croche, s. f Note de musique qui ne vaut que le quart d'une noire, ou la moitié d'une croche. Il faut par conséquent seize doubles-croches pour une ronde ou pour une mesure à quatre temps. (Voyez Mesure, Valeur des notes.)

On peut voir la figure de la double-croche liée ou dé- tachée dans la figure 9 de la Planche D. Elle s'appelle double-croche à cause du double-crochet qu elle porte à sa queue, et qu'il faut pourtant bien distinguer du double-crochet proprement dit, qui fait le sujet de l'article suivant.

Double-crochet, s. m. Signe d'abréviation qui mar- que la division des notes en doubles-croches, comme le simple erochet marque leur division en croches sim-

DOU 259

pies. (Voyez Crochet.) Voyez aussi la figure et Feffet du double-crochet, figure 10 de la Planche D, à Texeniple R

Double-emploi, 5. m. Ncwn donné par M. Rameau aux deux différentes mailières dont on peut consi- dérer et traiter l'accord de sous-dominante; savoir, comme accord fondamental de sixte-ajoutée , ou comme accord de grande-sixte , renversé d'un accord fondamental de septième. En effet, ces deux accords portent exactement les mêmes notes , se chiffrent de même, s'emploient sur les mêmes cordes du ton; de sorte que souvent on ne peut discerner celui que Tauteur a voulu employer qu'à 1 aide de Faccord sui- vant qui le sauve, et qui est différent dans Tun et dans Tautre cas.

Pour faire ce discernement, on considère le pro- grès diatonique des deux notes qui font la quinte et la sixte, et qui, formant entre elles un intervalle de seconde, sont l'une ou l'autre la dissonance de l'ac- cord. Or ce progrès est déterminé par le mouvement de la basse. Si donc de ces deux notes la supérieure est dissonante, elle montera d'un degré dans l'accord suivant; l'inférieure restera en place, et l'accord sera une sixte-ajoutée. Si c'est Fiiiférieure qui est disso- nante, elle descendra dans l'accord suivant; la supé- rieure restera en place , et l'accord sera celui de grande- sixte. Voyez les deux cas du double-emploi ^ Planche D, figure 12.

A l'égard du compositeur, Fusage qu'il peut faire du double-emploi est de considérer Faccord qui le comporte sous une face pour y entrer, et sous Fautre

^1-

2Go hov

pouî- en sortir ; de sorte qu'y étant arrivé comme à un accord de sixte-ajoutée, il le sauve comme un accord de grande-sixte, et réciproquement.

M. d'Alembert a fait voir qu uu des principaux usages du double-emploi est de pouvoir porter la suc- cession diatonique de la gamme jusqu'à l'octave sans changer de mode , du moins en montant ; car en des- cendant on en change. On trouvera {PL D^fig. ï3) l'exemple de cette gamme et de sa basse-fondamen- tale. Il est évident, selon le système de M. Rameau, que toute la succession harmonique qui en résulte est dans le même ton; car on n'y emploie à la rigueur que les trois accords, de la tonique, de la dominante, et de la sous-dominante : ce dernier donnant par le double-emploi celui de septième de la seconde note , qui s'emploie sur la sixième.

A l'égard de ce qu'ajoute M. d^Alembert dans ses Eléments de musique^ P^ge 80, et qu'il répète dans l'Encyclopédie y article Double-emploi ; savoir que l'ac- cord de Septième refa la ut, quand même on le regar- deroit <3omme renversé de fa la ut ?e, ne peut être suivi de l'accord ut mi sol ut, je ne puis être de son avis sur ce point.

La preuve qu'il en donne est que la dissonance ut du premier accord iie peut être sauvée dans le se- cond; et cela est vrai, puisqu'elle reste en place : mais dans cet accord de septième i^efa la ut renversé de cet accord la ut re de sixte-ajoutée, ce n'est point ut, mais re qui est la dissonance; laquelle par conséquent doit être sauvée en montant sur mi, comme elle fait î éeilement dans l'accord suivant; tellement que cette

DOU 2C)[

marche est forcée dans la basse même, qui de re ne pourroit sans faute retourner à ut, mais doit monter à m/ pour sauver la dissonance.

M. d'Alembert fait voir ensuite que cet accord rejù In ut, précédé et suivi de celui de la tonique, ne peut s'autoriser par le double-emploi ; et cela est encore très vrai, puisque cet accord, quoique chiffré d'un 7 , n'est traité comme accord de septième ni quand on y entre ni quand on en sort, ou du moins qu'il n'est point nécessaire de le traiter comme tel, mais simple- ment comme un renversement de la sixte-ajoutée, dont la dissonance est à la basse : sur quoi Ton ne doit pas oublier que cette dissonance ne se prépare jamais. Ainsi, quoique dans un tel passage il ne soit pas ques- tion du double-emploi , que l'accord de septième n'y soit qu'apparent et impossible à sauver dans les régies , cela n'empêche pas que le passage ne soit bon et ré- gulier, comme je viens de le prouver aux théoriciens, et comme je vais le prouver aux artistes par un exemple de ce passage, qui sûrement ne sera con- damné d'aucun d'eux, ni justifié par aucune autre basse-fondamentale que la mienne. (Voyez Planche D, figure 14.)

J'avoue que ce renversement de l'accord de sixte- ajoutée , qui transporte la dissonance à la basse , a été blâmé par M. Rameau ; cet auteur, prenant pour fon- damental l'accord de septième qui en résulte , a mieux aimé faire descendre diatoniquement la basse-fonda- mentale, et sauver une septième par une autre sep- tième, que d'expliquer cette septième par un renver- sement. J'avois relevé cette erreuret beaucoup d autres

262 DOlî

dans des papiers qui depuis long-temps avoient passé dans les mains de M. d'Alembert, quand il fit ses Eléments de Musique; de sorte que ce n'est pas soA sen- timent que j'attaque , c'est le mien que je défends.

Au reste , on lïe sauroit user avec trop de réserve du double-emploi ; et les plus grands maîtres sont les plus sobres à s'en servir.

Double-fugue, s.f. On ïdàt une double-fugue , lors- qu'à la suite d'une fugue déjà annoncée on annonce tine autre fugue d'un dessein tout différent, et il faut que cette seconde fugue ait sa réponse et ses rentrées ainsi que la première , ce qui ne peut guère se prati- quer qu'à quatre parties. (Voyez Fugue.) On peut avec plus de parties faire entendre à-la-fois un plus grand nombre encore de difféientes fugues ; mais la confu- sion est toujours à craindre, et c'est alors le chef- d'œuvre de l'art de les bien traiter. Pour cela il faut , dit M. Rameau , observer autant qu'il est possible de ne les faire entrer que l'une après l'autre ; surtout la première fois , que leur progression soit renversée , qu'elles soient caractérisées différemment, et que, si elles ne peuvent être entendues ensemble, au moins ' une portion de l'une s'entende avec une portion de l'autre. Maïs ces exercices pénibles sont plus faits pour les écohers que pour les maîtres : ce sont les semelles de plomb qu'on attache aux pieds des jeunes coureurs , pour les faire courir plus légèrement quand ils en sont délivrés.

Double-octave, s. f. Intervalle composé de deux octaves, qu'on appelle autrement quinzième, et que les Grecs appeloienî disdiapason.

Dou 263

ha double-oc lave est en raison doublée de i octave «impie, et c'est le seul intervalle qui ne change pas de nom en se composant avec lui-même.

Double-triple. Ancien nom de la triple de blanches ou de la mesure à trois pour deux , laquelle se bat à trois temps , et contient une blanche pour chaque temps. Cette mesure n'est plus en usage qu'en France, même elle commence à s'abolir.

Doux , adj. pris adverbialement. Ce mot en musique est opposé h fort , et s'écrit au-dessus des portées pour la musique Françoise , et au-dessous pour Fitalienne , dans les endroits Ton veut faire diminuer le bruit , tempérer et radoucir J'éclat et la véhémence du son , comme dans les échos et dans les parties d'accompa- gnement. Les Italiens écrivent dolce , et plus commu- nément/:'/<3'no dans le même sens ; mais leurs puristes en musique soutiennent que ces deux mots ne sont pas synonymes , et que c'est par abus que plusieurs auteurs les emploient comme tels. Ils disent que piano signifie simplement une modération de son, une di- minution de bruit ; mais que dolce indique , outre cela , une manière de jouer ^?m soave , plus douce, plus liée, et répondant à peu près au mot lourd des François.

Le doux a" trois nuances qu'il faut bien distinguer ; ssi\oir , le de7ni-jeu, le doux ^ et le très doux. Quelque voisines que paroissent être ces trois nuances , un or- chestre entendu les rend très sensibles ettrès distinctes.

Douzième, s.f. Intervalle composé de onze degrés conjoints , c'est-à-dire de douze sons diatoniques en comptant les deux extrêmes : c'est l'octave de la quinte ( Yovez Quinte.)

204 -DUO

Toute corde sonore rend avec le son principale ce- lui de la douzième^ plutôt que celui de la quinte, parce- que cette douzième est produite par une aliquote de la corde entière qui est le tiers; au lieu que les deux tiers , qui donneroient la quinte , ne sont pas une ali- quote de cette même corde.

Dramatique , adj. Cette épithéte se donne à la mu- sique imitative , propre aux pièces de théâtre qui se chantent, comme les opéra. On l'appelle aussi musi- que lyrique. ( Voyez Imitatiois. )

Duo, 5. m. Ce nom se donne en général à toute musique à deux parties ; mais on en restreint aujour- d'hui le sens à deux parties récitantes, vocales ou in- strumentales , à Texclusion des simples accompagne- ments qui ne sont comptés pour rien. Ainsi Ton ap- pelle cfwo une musique à deux voix, quoiqu'il y ait une troisième partie pour la basse-continue , et d'au- tres pour la symphonie. En un mot, pour constituer un duo il faut deux parties principales , entre lesquelles le chant soit également distribué.

Les régies du duo , et en général de la musique à deux parties , sont les plus rigoureuses pour l'har- monie : on y défend plusieurs passages, plusieurs mouvements qui seroient permis à un plus grand nombre de parties ; car tel passage ou tel accord, qui piait à la faveur d'un troisième ou d'un quatrième son, san^ eux choqueroit l'oreille. D'ailleurs on ne seroit pas pardonnable de mal choisir, n'ayant que deux sons à prendre dans chaque accord. Ces régies éloient encore bien plus sévères autrefois ; mais on

DUO 2G5

s'est relâché sur tout cela dans ces derniers temps tout le inonde s'est mis à composer.

On peut envisaj^er le duo sous deux aspects; savoir, simplement comme un chant à deux parties , tel , par exemple, que le premier verset du Stahat de Pergo- lèse, duo\Q plus parfait et le plus touchant qui soit sorti de la plume d'aucun musicien ; ou comme partie de la musique imitative et théâtrale, tels que sont les duo des scènes d'opéra. Dans Fun et dans l'autre cas , le duo est de toutes les sortes de musique celle qui demande le plus de goût, de choix, et la plus difficile à traiter sans sortir de l'unité de mélodie. On me permettra de faire ici quelques observations sur le duo dramatique, dont les difficultés particu- lières se joignent à celles qui sont communes à tous les duo.

L'auteur de la Lettre sur l'opéra d'Omphale a sen- sément remarqué que les duo sont hors de la nature dans la musique imitative ; car rien n'est moips na- turel que de voir deux personnes se parler à-la-fois du- rant un certain temps, soit pour dire la même chose, soit pour se contredire , sans jamais s'écouter ni se répondre;, et quand cette supposition pourroit s'ad- mettre en certains cas , cène seroit pas du moins dans la tragédie , cette indécence n'est convenable ni à la dignité des personnages qu'on y fait parler , ni à l'éducation qu'on leur suppose. Il n'y a donc que les transports d'une passion violente qui puissent porter deux interlocuteurs héroïques à s'interrompre l'un l'autre, à parler tous deux à-la-fois; et même, en pa- reil cas , il est très ridicule que ces discours simul-

.766 DUO

tanés soient prolongés de manière à faire une suite chacun de leur côté.

Le premier moyen de sauver cette absurdité est donc de ne placer les duo que dans des situations vives et touchantes, Fagitation des interlocuteurs les jette dans une sorte de délire capable de faire oublier aux spectateurs et à eux-mêmes ces bienséances théâ- trales , qui renforcentlUlusion dans les scènes froides, et la détruisent dans la chaleur des passions. Le se- cond moyen est de traiter le plus qu'il est possible le duo en dialogue. Ce dialogue ne doit pas être phrasé , et divisé en grandes périodes comme celui du réci- tatif, mais formé d'interrogations, de réponses, d'ex- clamations vives et courtes , qui donnent occasion à la mélodie de passer alternativement et rapidement d'une partie à l'autre , sans cesser de former une suite quô l'oreille puisse saisir. Une troisième attention est de ne pas prendre indifféremment pour sujets toutes les passions violentes , mais seulement celles qui sont susceptibles delà mélodie douce et un peu contrastée, convenable au duo, pour en rendre le chant accentué et l'harmonie agréable. La fureur, l'emportement, marchent trop vite ; on ne distingue rien , on n'entend qu'un aboiement confus , et le duo ne fait point d'effet. D'ailleuis ce retour perpétuel d'iiijures, d'insultes, conviendroit mieux à deB bouviers qu'à des héros, et cela ressemble tout-à-fait aux fanfaronnades de gens qui veulent se fiiire plus de peur que de mal. Bien moins encore faut-il employer ces propos doucereux d'appas, de chaînes, àe flammes , jargon plat et froid que la passion no connut jamais, et dont la bonne

DUO 267

musique n'a pas plus besoin que la bonne poésie. Ij'inslant d'une séparation, celui l'un des deux amants va à la mort ou dans les bras d'un autre , le retour sincère d'un infidèle, le touchant combat d'une mère et d'un fils voulant mourir l'un pour l'autre; tous ces moments d'affliction Fon'ne laisse pas de verser des larmes délicieuses : voilà les vrais sujets qu'il faut traiter en duo avec cette simplicité de pa- roles qui convient au langage du cœur. Tous ceux qui ont fréquenté les théâtres lyriques savent combien ce seul mot addio peut exciter d'attendrissement et d'émotion dans tout un spectacle. Mais sitôt qu'un trait d'esprit ou un tour phrasé se laisse apercevoir, à l'instant le charme est détruit , et il faut s'ennuyer ou rire.

Voilà quelques unes des observations qui regardent le poète. A l'égard du musicien, c'est à lui de trouver un chant convenable au sujet, et distribué de telle sorte que, chacun des interlocuteurs parlant à son tour , toute la suite du dialogue ne forme qu'une mé- lodie, qui , sans changer de sujet, ou du moins sans altérer le mouvement , passe dans son progrès d'une partie à l'autre, sans cesser d'être une et sans en- jamber. Les <iwo qui font le plus d'effet sont ceux des voix égales , parceque fliarmonie en est plus rappio- chée ; et entre les voix égales celles qui font le plus d'effet sont les dessus, parceque leur diapason plus aigu se rend plus distinct, et que le son en est plus touchant. Aussi les duo de cette espèce sont-ils les seuls employés par les Italiens dans leurs tragédi-es : et je ne doute pas que l'usage des castrati dans les

2G8 DUO

rôles d'hommes ne soit en partie à cette observa- tion. Mais quoiqu'il doive y avoir égalité entre les voix , et unité dans la mélodie , ce n'est pas à dire que les deux parties doivent être exactement semblables dans leur tour de chant; car, outre la diversité des styles qui leur convient, il est très rare que la situation des deux acteurs soit si parfaitement la même qu'ils doivent exprimer leurs sentiments de la même ma- nière : ainsi le musicien doit varier leur accent, et donner à chacun des deux le caractère qui peint le mieux l'état de son ame, surtout dans le récit alter- natif.

Quand on joint ensemble les deux parties ( ce qui doit se faire rarement et durer peu ), il faut trouver un chant susceptible d'une marche par tierces ou par sixtes, dans lequel la seconde partie fasse son effet sans distraire de la première. (Voyez Unité de mé- lodie.) Il faut garder la dureté des dissonances, les sons perçants et renforcés , \e fortissimo de l'orchestre pour des instants de désordre et de transports les acteurs, semblant s'oublier eux-mêmes, portent leur égarement dans l'ame de tout spectateur sensible, et lui font éprouver le pouvoir de l'harmonie sobrement ménagée : mais ces instants doivent être rares, courts , et amenés avec art. Il faut, par une musique douce et affectueuse, avoir déjà disposé l'oreille et le cœur à l'émotion, pour que l'une et l'autre se prêtent à ces ébranlements violents , et il faut qu'ils passent avec la rapidité qui convient à notre Toiblesse : car quand l'agitation est trop forte , elle ne peut durer, et tout ce qui est au-delà de la nature ne touche plus.

DUO 269

Comme je ne me flatte pas d avoir pu me faire en- tendre partout assez clairement dans cet article, je crois devoir y joindre un exemple sur lequel le lecteur comparant mes idées pourra les concevoir plus aisé- ment : il est tiré de lOlympiade de M. Metastasio : les curieux feront bien de chercher dans la musique du mêuie opéra, par Pergolèse, comment ce premier mu- sicien de son temps et du nôtre a traité ce duo dont voici le sujet.

Mégaclès s'etant engagé à combattre pour son ami dans des jeux le prix du vainqueur doit être la belle Aristée, retrouve dans cette même Aristée la maî- tresse qu'il adore. Charmée du combat qu'il va sou- tenir Qt qu'elle attribue à son amour pour elle, Aristée lui dit à ce sujet les choses les plus tendres , auxquelles il répond non moins tendrement, mais avec le déses- poir secret de ne pouvoir retirer sa parole, ni se dis- penser de faire, aux dépens de tout son bonheur, celui d'un ami auquel il doit la vie. Aristée, alarmée de la douleur qu'elle lit dans ses yeux , et que confir- ment ses discours équivoques et interrompus , lui té- moigne son inquiétude; et Mégaclès, ne pouvant plus supporter à-la-fois son désespoir et le trouble de sa maîtresse, part sans s'expliquer, et la laisse en proie aux plus vives craintes. C'est dans cette situation qu'ils chantent le duo suivant :

MÉGACLÈS.

Mia vita addio.

]Jj[e' giorni tuoi felici. Ricordati di me.

270 DUO

ARISTÉE.

Perché cosi mi dici , Anima mia, peiçhè ?

M EGA CLÉS.

Taci, beir idol mio.

ARISTÉE.

Parla , mio doloe amor

ENSEMBLE.

iMÉGACLÈs. Ah ! che AiîiSTÉE. Ah ! che

parîando, ) , ^. ^ ' } oh Dio !

tacenclo, j

Tu mi traffigi il cor !

ARISTÉE , à part.

Veggio languir chi adoro , Ne intendo il suo languir!

MÉGACLÈS, à part.

Di gelosia mi moro, E non lo posso dir !

ENSEMBLE.

Chi mai provo di questo Affanno più fûnesto , Più barbaro dolor ?

Bien que tout ce dialogue semble n'être qu'une suite de la scène, ce qui le rassemble en un seul duo, c'est Tunité de dessein par laquelle le musicien en réunit toutes les parties, selon l'intention du poète.

A l'égard des duo bouffons qu'on emploie dans les intermèdes et autres opéra-comiques, ils ne sont pas communément à voix égales, mais entre basse et dessus. S'ils n'ont pas le pathétique des duo tragi- ques, en revanche ils sont susceptibles d'une variété plus piquante , d'accents plus différents et de carac- tères plus marqués. Toute la gentillesse de la coquet-

DUR 271

terie , toute la charge des rôles à manteaux , tout le contraste des sottises de notre sexe et la ruse de Taiitre, enfin toutes les idées accessoires dont le sujet est susceptible ; ces choses peuvent concourir toutes à jeter de ragrément et de l'intérêt dans ces duo, dont les régies sont d'ailleurs les mêmes que des précédents en ce qui regarde le dialogue et Funité de mélodie. Pour trouver un duo comique parfait à mon gré dans toutes ses parties, je ne quitterai point Fau- teur immortel qui ma fourni les deux autres exem- ples j mais je citerai le premier duo de la Serva Pa- drona; Lo conosco a quegf occhietti, etc. , et je le citerai hardiment comme un modèle de chant apréable , d'unité de mélodie, dliarmonie simple, brillante et pure, d'accent, de dialogue et de goût, auquel rien ne peut manquer, quand il sera bien rendu , que des auditeurs qui sachent l'entendre et l'estimer ce qu'il vaut.

Duplication, s.f. Terme de plain-chant. L'intona- tion par duplication se fait par une sorte de périélèse, en doublant la pénultième note du mot qui termine l'intonation : ce qui n'a lieu que lorsque cette pénul- tième note est mimédiatement au-dessous de la der- nière. Alors la duplication sert à la marquer davantage ^ en manière de note sensible.

Dur , adj. On appelle ainsi tout ce qui blesse Foreille par son âpreté. Il y a des voix dures et glapissantes^, des instruments aigres et durs, des compositions dures. La dureté du bécarre lui fît donner autrefois le nom de B dur. Il y a des intervalles durs dans la mélodie ; tel est le progrès diatonique des trois tons, soit en

272 ÉCH

montant, soit en descendant, et telles sont en g^énéral toutes les fausses relations. Il y a dans Fhai nionie des accords cha^s ; tels que sont le triton, la quinte su- perflue, et en général toutes les dissonances majeures. La dureté prodiguée révolte l'oreille et rend une mu- sique désagréable; mais, ménagée avec art, elle sert au clair-obscur, et ajoute à l'expression,

E, . -

E si mi, E la mi, ou simplement E. Troisième son delà gamme de FArétin, que Ton appelle autrement mi. ( Voyez Gamme. )

EcBOLÉ, ou élévation. G'étoit , dans les plus an- ciennes musiques grecques, une altération du genre enharmonique, lorsqu'une corde étoit accidentelle- ment élevée de cinq dièses au-dessus de son accord ordinaire.

Échelle, s. f. C'est le nom qu'on a donné à la suc- cession diatonique des sept notes, utre mi fa sol la si delà gamme notée, parceque ces notes se trouvent rangées en manière d'échelons sur les portées de notre musique.

Cette énumération de tous les sons diatoniques de notre système, rangés par ordre, que nous appelons échelle, les Grecs, dans le leur, l'appeloient tétracorde, parcequ'en effet leur échelle n étoit composée que de quatre sons qu'ils répétoient de tétracorde en tétra- corde , comme nous faisons d'octave en octave. ( Voyez Tétracorde. )

Saint Grégoire fut, dit-on, le premier qui changea les tétracordes des anciens en uneptacorde ou système

ÉCIÏ 273

de sept notes, au bout desquelles commençant une autre octave, on trouve des sons semblables répétés dans le même ordre. Cette découverte est très belle; et il semblera singulier que les Grecs, qui voyoient fort bien les propriétés de Toctave, aient cru, malgré cela, devoir rester attachés à leurs tétraconles. Gré- goire exprima ces sept notes avec les sept premières lettres de Talphabet latin. Gui Arétin donna des noms aux six premières; mais il négligea d'en donner un à la septième, qu'en France on a depuis appelée si, et qui n'a point encore d'autre nom que B mi chez la plupart des peuples de l'Europe.

Il ne faut pas croire que les rapports des tons et semi-tons dont \ échelle est composée soient des choses purement arbitraires, et qu'on eût pu par d'autres divisions tout aussi bonnes donner aux sons de cette échelle un ordre et des rapports différents. Notre système diatonique est le meilleur à certains égards , parcequ'il est engendré par les consonnances et par les différences qui sont entre elles. « Que l'on ait en- « tendu plusieurs fois, dit M. Sauveur, l'accord de la « quinte et celui de la quarte, on est porté naturelle- « ment à imaginer la différence qui est entre eux; elle « s'unit et se lie avec eux dans notre esprit, et parti- « cipe à leur agrément: voilà le ton majeur. Il en va « de même du ton mineur, qui est la différence de la ft tierce mineure à la quarte; et du semi-ton majeur, «< qui est celle de la même quarte à la tierce majeure. » Or, le ton majeur, le ton mineur, et le semi-ton ma- jeur; voilà les degrés diatoniques dont noire échelle est composée selon les rapports suivants. XIV. 18

,274 ÉCH

sZ M b ^ î^

3 ^ Cl . ^ =* Se

s s -s-h s s s -i-i,

H H H H H

ut re mi 50/ /a si ut.

Pour faire la preuve de ce calcul , il faut composer tous les rapports compris entre deux termes conson- nants , et 1 on trouvera que leur produit donne exac- tement le rapport de la consonnance ; et si Ton réunit tous les termes de Yéchelle, on trouvera le rapport total en raison sous-double, c'est-à-dire comme i est à 2 ; ce qui est en effet le rapport exact des deux termes extrêmes , c'est-à-dire de Yut à son octave.

Uéchelle qu'on vient de voir est celle qu'on nomme naturelle ou diatonique ; mais les modernes, divisant ses degrés en d'autres intervalles plus petits, en ont tiré une autre échelle , qu'ils ont appelée échelle semi- tonique ou chromatique, parcequ'elle procède par semi-tons.

Pour former cette échelle on n'a fait que partager en deux intervalles égaux, ou supposés tels, chacun des cinq tons entiers de l'octave, sans distinguer le ton majeur du ton mineur; ce qui, avec les deux semi- tons majeurs qui s'y trouvoient déjà, fait une succes- sion de douze semi-tons sur treize sons consécutifs d'une octave à l'autre. ^

L'usage de cette échelle est de donner les moyens de moduler sur telle note qu'on veut choisir pour fonda- mentale, et de pouvoir, non seulement faire sur cette

ÉCH 275

note un intervalle quelconque, mais y établir une échelle diatonique semblable à Véchelle diatonique de \ut. Tant qu'on s'est contenté d'avoir pour tonique une note de la gamme prise à volonté, sans s'embar- rasser si les sons par lesquels devoit pa -ser la modu- lation étoient avec cette note et entre eux dans les rapports convenables , Véchelle semi-tonique étoit peu nécessaire; quelquey« dièse, quelque 5i bémol, com- posoient ce qu'on appeloit les feintes de la musique : c'étoient seulement deux touches à ajouter au clavier diatonique. Mais , depuis qu'on a cru sentir la nécessité d'établir entre les divers tons une similitude parfaite, il a fallu trouver des moyens de transporter les mêmes chants et les mêmes intervalles plus haut ou plus bas, selon le ton que l'on choisissoit. Il échelle chromatique est donc devenue d'une nécessité indispensable; et c'est par son moyen qu'on porte un chant sur tel degré du clavier que l'on veut choisir, et qu'on le rend exac- tement sur cette nouvelle position, tel qu'il peut avoir été imaginé pour un autre.

Ces cinq sons ajoutés ne forment pas dans la musi- que de nouveaux degrés , mais ils se marquent tous*" sur le degré le plus voisin par un bémol, si le degré est plus haut; par une dièse, s'il est plus bas : et la note prend toujours le nom du degré sur lequel elle est placée. (Voyez Bémol et Dièse. )

Pour assigner maintenant les rapports de ces nou- veaux intervalles , il faut savoir que les deux parties , ou semi-tons qui composent le ton majeur, sont dans les rapports de i5 à 16 et de 128 à i35, et que les deux qui composent aussi le ton mineur sont dans les

18.

2']6 ÉCIÎ

rapports de i5 à i6, et de 24 à 25 : de sorte qu'eA divisant toute Toctave selon \ échelle semi-tonique, on en a tous les termes dans les rapports exprimés dans la Planche Yi, figure i.

Mais il faut remarquer que cette division , tirée de M. Malcolm, paroît à bien des égards manquer de justesse. Premièrement, les semi-tons, qui doivent être mineurs, y sont majeurs, et celui du sol dièse au /a, qui doit être majeur, y est mineur. En second lieu, plusieurs tierces majeures, comme celle du la à \ut dièse et du mi au sol dièse, y sont trop fortes d'un comma; ce qui doit les rendre insupportables: enfin le semi-ton moyen y étant substitué au semi-ton maxime, donne des intervalles faux partout il est employé. Sur quoi Ton ne doit pas oublier que ce semi-ton moyen est plus grand que le majeur même, c'est-à-dire moyen entre le maxime et le majeur. (Voyez Semi-ton.)

Une division meilleure et plus naturelle seroit donc de partager le ton majeur en deux semi-tons, l'un mi- neur de 24 à 25, et l'autre maxime de 25 à 27, lais- santMe ton mineur divisé en deux semi-tons, l'un majeur et l'autre mineur, comme dans la table ci- dessus.

Il y a encore deux autres échelles semi-toniques, qui viennent de deux autres manières de diviser l'oc- tave par semi-tons.

La première se fait en prenant une moyenne har- monique ou arithmétique entre les deux termes du ton majeur, et une autre entre ceux du ton mineur, qui divise Tun et l'autre ton en deux semi-tons près-

ÉCH 277

que égaux : ainsi le ton majeur f est divisé en ~ et ^ aiitlimétiquement, les nombres représentant les lon- gueurs (les cordes ; mais quand ils représentent les vi- brations, les longueurs des coidcs sont réciproques et en proportion harmonique comme i --y |; ce qui met le plus grand semi-ton au grave.

De la même manière le ton mineur yz se divise arithmétiquement en deux semi-tons ~ et 77» ou réci- proquement I TT :ït ïn<iis cette dernière division n est pas harmonique.

Toute Toctave ainsi calculée donne les rapports exprimés dans la Flanche h, figure 1.

M. Salmon rapporte, dans les Transactions -philoso- phiqiies^ qu'il a fait devant la Société royale une expé- rience de cette échelle sur des cordes divisées exacte- ment selon ces proportions , et qu'elles furent parfaite- ment d'accord avec d'autres instruments touchés par les meilleures mains. M. Malcolm ajoute qu'ayant cal- culé et comparé ces rapports , il en trouva un plus grand nombre de faux dans cette échelle que dans la précédente; mais que les erreurs étoient considéra- blement moindres; ce qui fait compensation.

Enfin l'autre échelle semi-tonique est celle des aris- toxéniens, dont le P. Mersenne a traité fort au long, et que M. Rameau a tenté de renouveler dans ces der- niers temps. Elle consiste à diviser géométriquement l'octave par onze moyennes proportionnelles en douze semi-tons parfaitement égaux. Comme les rapports n'en sont pas rationnels, je ne donnerai point ici ces rapports, qu'on ne peut exprimer que par la formule même , ou par les logarithme^ des termes de la pro-

278 ÉCH

gression entre les extrêmes i et 2. (Voyez Tempé- rament.)

Comme au genre diatonique et au chromatique les harmonistes en ajoutent un troisième, savoir l'enhar- monique, ce troisième genre doit avoir aussi son échelle^ du moins par supposition; car, quoique les intervalles vraiment enharmoniques n'existent point dans notre clavier, il est certain que tout passage en- harmonique les suppose, et que l'esprit, corrigeant sur ce point la sensation de l'oreille, ne passe alors d'une idée à l'autre qu'à la faveur de cet intervalle sous-entendu. Si chaque ton étoit exactement com- posé de deux semi'tons mineurs , tout intervalle enhar- monique seroit nul, et ce genre n'existeroit pas; mais comme un ton naineur même contient plus de deux semi-tons mineurs, le complément de la somme de ces deux semi-tons au ton , c'est-à-dire l'espace qui reste entre le dièse de la note inférieure et le hémol de la supérieure, est précisément l'intervalle enhar- monique, appelé communément quart-de-ton. Ce quart-de-ton est de deux espèces; savoir, l'enharmo- nique majeur et l'enharmonique mineur, dont on trouvera les rapports au mot Quart-de-ton.

Cette explication doit suffire à tout lecteur, pour

concevoir aisément Yéchelle enharmonique que j'ai

calculée et insérée dans la Planche 1j ^fig. 3. Ceux qui

chercheront de plus grands éclaircissements sur ce

point pourront lire le mot Enharmonique.

Écho, s. m. Son renvoyé ou réfléchi par un corps solide, et qui par se répète et se renouvelle à Fo- reille. Ce mot vient du grec ^x^ç j son.

ÉCH 279

On appelle aussi écho le lieu la répétition se fait entendre.

On distin(5ue les échos pris en ce sens en deux es- pèces ; savoir :

'L'écho simple qui ne répète la voix qu'une fois, et 2" Vécho double ou multiple qui répète les mêmes sons deux ou plusieurs fois.

Dans les échos simples, il y en a de toniques, c'est- à-dire qui ne répètent que le son musical et soutenu; et d'autres syllabiques, qui répètent aussi la voix par- lante.

On peut tirer parti des échos multiples pour for- mer des accords et de l'harmonie avec une seule voix, en faisant entre la voix et Yécho une espèce de canon dont la mesure doit être réglée sur le temps qui s'é- coule entre les sons prononcés et les mêmes sons ré- pétés. Cette manière de faire un concert à soi tout seul devroit, si le chanteur étoit habile et Vécho vigoureux, paroître étonnante et presque magique aux auditeurs non prévenus.

Le nom d'écho se transporte en musique à ces sortes d'airs ou de pièces dans lesquelles, à l'imitation de Vécho , l'on répète de temps en temps et fort doux un certain nombre de notes. C'est sur l'orgue qu'on emploie le plus communément cettemanière déjouer, à cause de la facilité qu'on a de faire des échos sur le positif; on peut faire aussi des échos sur le clavecin au moyen du petit clavier.

li'abbé Brossard dit qu'on se sert quelquefois du mot écho en la place de celui de doux ou piano ^ pour marquer qu'il faut adoucir la voix ou le son de lin-

28o EFF

strument, comme pour faire un écho. Cet usage ne subsiste plus.

Éghomètre , s. m. Espèce d'échelle graduée , ou de régie divisée en plusieurs parties , dont on se sert pour mesurer la durée ou longueur des sons , pour déter- miner leurs valeurs diverses, et même les rapports de leurs intervalles.

Ce mot vient du grec ^^o? , son , et de p^s-rpov , mesure.

Je n'entreprendrai pas la description de cette ma- chine, parcequ'on n'en fera jamais aucun usage, et qu'il n'y a de bon échomètre qu'une oreille sensible et une longue habitude de la musique. Ceux qui vou- dront en savoir là-dessus davantage peuvent consul- ter le Mémoire de M. Sauveur, inséré dans ceux de l'académie des sciences, année 1701 : ils y trouve- ront deux échelles de cette espèce, l'une de M. Sau- veur, et l'autrç de M. Loulié. (Voyez aussi l'article Chronomètre.)

ÉcLYSE, s.f. Abaissement. C'étoit, dans les plus an- ciennes musiques grecques, une altération dans le genre enharmonique, lorsqu'une corde étoit acciden- tellement abaissée de trois dièses au-dessous de son accord ordinaire. Ainsi Yéclyse étoit le contraire du spondéasnie .

EcMÈLE, adj. Les sons ecmèles étoient, chez les Grecs , ceux de la voix inappréciable ou parlante, qui ne peut fournir de mélodie, par opposition aux sons emmêles ou musicaux.

Effet, s. m. Impression agréable et forte que pro- duit une excellente musique sur l'oreille et l'esprit des écoutants : ainsi le seul mot effet signifie en musique

EGA 281

un grand et bel effet: et non seulement on (lira d'un ouvrage qu'il lait de i'ejfit, inais on y distinguera sous le Dom de ciioses d\;jj-el^ toutes celles la sensation produite paroît supérieure aux moyens employés pour l'exciter.

Une longue pratique peut apprendre à connoître sur le papier les choses à' effet; mais il n'y a que le génie qui les trouve. C'est le défaut des mauvais com- positeurs et de tons les commençants d'entasser par- ties sur par des, instruments sur instruments, pour trouver Veffet qui les fuit, et d'ouvrir, comme disoit un ancien, une grande bouche pour souffler dans une petite flûte. Vous diriez, à voir leurs parti- tions si chargées, si hérissées, qu'ils vont vous sur- prendre par des effets prodigieux ; et si vous êtes surpris en écoutant tout cela , c'est d'entendre une petite musique maigre, chétive, confuse, sans effet^ et plus propre à étourdir les oreilles qu'à les remplir. Au contraire , l'œil cherche sur les partitions des^ grands maîtres ces effets sublimes et ravissants que produit leur musique exécutée. C'est que les menus détails sont ignorés ou dédaignés du vrai génie, qu'il ne vous amuse point par des foules d objets petits et puérils, mais qu'il vous émeut par de grands effets^ et que la force et la simplicité réunies forment toujours son caractère.

Égal, adj. Nom donné par les Grecs au système d'Aristoxène, parceque cet auteur divisoit générale- ment chacun de ses tétracordes en trente parties éga- les, dont il assignoit ensuite un certain nombre à cha- cune des trois divisions du tétracorde, selon le genre

.S-2 EN H

et l'espèce du genre qu'il vouloit établir. ( Voyez Genre , Système. )

Élégie, sorte de nome pour les flûtes, inventé, dit-on, par Sacadas, Argien.

Élévation, s.f. Arsis. U élévation de la main ou du pied, en battant la mesure, sert à marquer le temps loible , et s'appelle proprement levé: c'étoitle contraire chez les anciens. V élévation de la voix en chantant, c'est le mouvement par lequel on la porte à l'aigu.

Éline. Nom donné par les Grecs à la chanson des tisserands. (Voyez Chanson. )

Emmêle , adj. Les sons emmêles étoient chez les Grecs ceux de la voix distincte, chantante et appré- ciable, qui peuvent donner une mélodie.

Endematie, 5./. C'étoit l'air d'une sorte de danse particulière aux Argiens.

Enharmonique , adj. pris subst. Un des trois genres de la musique des Grecs , appelé aussi très fréquem- ment harmonie par Aristoxène et ses sectateurs.

Ce genre résultoit d'une division particulière du létracorde, selon laquelle l'intervalle qui se trouve entre le liclianos ou la troisième corde, et la mèse ou la quatrième, étant d'un diton ou d'une tierce ma- jeure, il ne restoit , pour achever le tétracorde au grave, qu'un semi-ton à partager en deux intervalles, savoir, de l'hypate à la parhypate, et de la parhypate au li- chanos. Nous expliquerons au mot genre comment se iaisoit cette division.

Le genre enharmonique étoit le plus doux des trois , au rapport d'Aristide Quintilien : il passoit pour très ancien , et la plupart des auteurs en attribuoient Tin-

ENH 283

vention à Olympe, Phrygien. Mais son tétracorde, ou plutôt son diatessaron de ce genre, ne contenoit que trois cordes, qui formoient entre elles deux intervalles incomposés : le premier d'un semi-ton , et l'autre d'une tierce majeure ; et de ces deux seuls intervalles , répétés de tétracorde en tétracorde, résultoit alors tout le genre enharmonique. Ce ne fut qu'après Olympe qu'on s'avisa d'insérer, à l'imitation des autres gen- res, une quatrième corde entre les deux premières, pour faire la division dont je viens de parler. On en trouvera les rapports selon les systèmes de Ptolémée et d'Aristoxène ( PL M. ^figure 5. )

Ce genre si merveilleux, si admiré des anciens, et, selon quelques uns , le premier trouvé des trois , ne demeura pas long-temps en vigueur : son extrême dif- ficulté le fit bientôt abandonner à mesure que l'art gagnoit des combinaisons en perdant de l'énergie, et qu'on suppléoit à la finesse de l'oreille par l'agilité des doigts. Aussi Plutarque reprend-il vivement les musi- ciens de son temps d'avoir perdu le plus beau des trois genres , et d'oser dire que les intervalles n'en sont pas sensibles ; comme si tout ce qui échappe à leurs sens grossiers, ajoute ce philosophe, devoit être hors de la nature.

Nous avons aujourd'hui une sorte de genre enhar- monique entièrement différent de celui des Grecs : il consiste, comme les deux autres, dans une progrès-* f ion particulière de l'harmonie , qui engendre dans la marche des parties des intervalles enharmoniques , en employant à-la-fois ou successivement entre deux notes qui sont à un ton l'une de l'autre le bémol do

284 EN H

supérieure et le dièse de J'inférieure. Mais quoique, selon la rigueur des rapports , ce dièse et ce bémol dussent former un intervalle entre eux ( voyez Échelle et QuARr-DE-TON),cetintervalle se trouve nul au moyen du tempérament, qui, dans le système établi, fait ser- vir le même son à deux usages ; ce qui n'empêche pas qu'un tel passage ne produise, par la force de la mo- dulation et de Tharmonie, une partie de l'effet qu'on cherche dans les transitions enharmoniques.

Comme ce genre est assez peu connu , et que nos auteurs se sont contentés d'en donner quelques no- tions trop succinctes, je crois devoir l'expliquer ici un peu plus au long.

Il faut remarquer d'abord que l'accord de septième diminuée est le seul sur lequel on puisse pratiquer des passages vraiment enharmoniques ^ et cela en vertu de cette propriété singulière qu'il a de diviser l'octave entière en quatre intervalles égaux. Qu'on prenne dans les quatre sons qui composent cet accord celui qu'on voudra pour fondamental , on trouvera toujours également que les trois autres sons forment sur ce- lui-ci un accord de septième diminuée. Or le son fon- damental de l'accord de septième diminuée est tou- jours une note sensible, de sorte que, sans rien chan- ger à cet accord, on peut, par une manière de double ou de quadruple emploi, le faire servir successivement sur quatre différentes fondamentales , c'est-à-dire sur quatre difféi*entes notes sensibles.

Il suit de que ce même accord , sans rien chan- ger ni à l'accompagnement ni à la basse , peut porter quatre noms différents , et par conséquent se cliif-

eNh 2,85

fi^èrde (Quatre différentes manières; savoir, d\in 7 b

sous le nom de septième diminuée ; d'un ^ ^ sous

X 4 le nom de sixte majeure et fausse-quinte; d'un ^

sous le nom de tierce mineure et triton ; et enfin d'un X 2 sous le nom de seconde superflue. Bien en* tendu que la clef doit être censée armée différem- ment, selon les tons Ton est supposé être.

Voilà donc quatre manières de sortir d'un accord de septième diminuée , en se supposant successive- ment dans quatre accords différents ; car la marche fondamentale et naturelle du son qui porte un accord de septième diminuée, est de se résoudre sur la toni- que du mode mineur ^ dont il est la note sensible*

Imaginons maintenant Taccord de septième dimi- nuée sur ut dièse note sensible, si je prends la tierce mi pour fondamentale, elle deviendra note^sensible à son tour, et annoncera par conséquent le mode mi- neur de fa ; or cet ut dièse reste bien dans l'accord de mi note sensible , mais c'est en qualité de re bémol , c'est-à-dire de sixième note du ton , et de septième di- minuée de la note sensible : ainsi cet ut dièse qui , comme note sensible, étoit obligé de monter dans le ton de fe^ devenu re bémol dans le ton dejh, est obligé de descendre comme septième diminuée : voilà une transition enharmonique. Si au lieu de la tierce, on prend, dans le même accord à' ut dièse, la fausse quinte sol pour nouvelle note sensible, Vut dièse de- viendra encore re bémol, en qualité de quatrième note: autre passage en/i^rmo/ii^we. Enfin, si l'on prend pour note sensible la septième diminuée elle-même ,

286 ENI-I

au lieu de si bémol , il faudra nécessairement la consi- dérer comme la dièse ; ce qui fait un troisième passage enharmonique sur le même accord.

A la faveur de ces quatre différentes manières d'en- visager successivement le même accord, on passe d'un ton à un autre qui en paroît fort éloigné ; on donne aux parties des progrès différents de celui qu'elles auroient avoir en premier lieu, et ces pas- sages ménagés à propos sont capables , non seulement de surprendre, mais de ravir l'auditeur, quand ils sont bien rendus.

Une autre source de variété dans le même genre se tire des différentes manières dont on peut résoudre l'accord qui l'annonce; car, quoique la modulation la plus naturelle soit de passer de l'accord de septième diminuée sur la note sensible à celui de la tonique en mode mineur, on peut, en substituant la tierce ma- jeure à la mineure , rendre le mode majeur, et même y ajouter la septième pour cbanger cette tonique en dominante, et passer ainsi dans un autre ton. A la fa- veur de ces diverses combinaisons réunies , on peut sortir de l'accord en douze manières; mais de ces douze, il n'y en a que neuf qui, donnant la conver- sion du dièse en bémol ou réciproquement, soient vé- ritablement enharmoniques^ parceque dans les trois autres on ne change point de note sensible; encore dans ces neuf diverses modulations n'y a-t-il que trois diverses notes sensibles, chacune desquelles se résout par trois passages différents ; de sorte qu'à bien pren- dre la chose, on ne trouve sur chaque note sensible que trois vrais passages enharmoniques possibles , tous

EN H 287

les autres n'étant point réellement enharmoniques , ou se rapportant à (juelqu'un des trois premiers. (Voyez PL h, figure 4, un exemple de tous ces passajjes. )

A Timitation des modulations du genre diatonique ^ on a plusieurs fois essayé de faire des morceaux en- tiers dans le genre enharmonique^ et , pour donner une sorte de régie aux marches fondamentales de ce genre, on Ta divisé en diatonique-enharmonique ^ qui procède par une succession de semi-tons majeurs, et en chro- matique-enharmonique, qui procède par une succession de semi-tons mineurs.

Le chant de la première espèce est diatonique, parceque les semi-tons y sont majeurs ; et il est enhar- monique ^ p^rceque deux semi-tons majeurs de suite forment un ton trop fort d'un intervalle enharmonique. Pour former cette espèce de chant, il faut faire une basse qui descende de quarte et monte de tierce ma- jeure alternativement. Une partie du trio des Parques de Fopéra à' Hippofyte est dans ce genre ; mais il n'a jamais pu être exécuté à TOpéra de Paris, quoique M. Rameau assure qu'il Favoit été ailleurs par des mu- siciens de bonne volonté, et que l'effet en fut sur- prenant.

Le chant de la seconde espèce est chromatique , parcequ'il procède par semi-tons mineurs ; il est en^ harmonique , parceque les deux semi-tons mineurs consécutifs forment un ton trop foible d'un intervalle enharmonique. Pour former cette espèce de chant , il faut faire une basse-fondamentale qui descende de tierce mineure et monte de tierce majeure alternative- ment. M. Rameau nous apprend qu'il avoit fait dans

288 ENH

ce genre de musique un tremblement de terre dans Topera des Inder, galantes; mais qu'il fut si mal servi qu'il lut obligé de le changer en une musique com- mune. ( Voyez les Eléments de Musique de M. d'Alem- bert , pages 91 , 92 , 98 , et 166.)

Malgié les exemples cités et Fautorité de M. Ra- meau, je crois devoir avertir les jeunes artistes que \ enliarnionùj ue-diatoniciue et ï enhannoniq ue-cliromati^ que me paroissenl tous deux à rejeter comme genres; et je ne puis croire qu une musique modulée de cette manière, même avec la plus parfaite exécution , puisse jamais rien valoir. Mes raisons sont que les passages brusques d une idée à une autre idée extrêmement éloignée y sont si fréquents , qu'il n'est pas possible à l'esprit de suivre ces transitions avec autant de rapi- dité que la musique les présente ; que l'oreille n'a pas Je temps d'apercevoir le rapport très secret et très composé des modulations, ni de sous-entendre les in- tervalles supposés; qu'on ne trouve plus dans de pa- reilles successions ombre de ton ni de mode ; qu'il est également impossible de retenir celui d'où l'on sort, ni de prévoir celui l'on va; et qu'au milieu de tout cela l'on ne sait plus du tout l'on est, \J enharmoni- que n'est qu'un passage inattendu dont l'étonnante impression se fait fortement et dure long-temps; pas- sage que par conséquent on ne doit pas trop brusque- ment ni trop souvent répéter , de peur que 1 idée de la modulation ne se trouble et ne se perde entièrement ; car sitôt qu'on n'entend que des accords isolés qui n'ont plus de rapport sensible et de fondement com- mun , l'harmonie n'a plus aussi d'union ni de suite

ENH 289

apparente, et l'effet qui en résulte n'est qu'un vain bruit sans liaison et sans agrément. Si M. Rameau, moins occupé de calculs inutiles, eût mieux étudié la métaphysique de son art, il est à croire que le feu na- turel de ce savant artiste eût produit des prodiges, dont le germe étoit dans son génie , mais que ses pré- jugés ont toujours étouffé.

Je ne crois pas même que les simples transitions enharmoniques puissent jamais bien réussir ni dans les chœurs ni dans les airs, parceque chacun de ces mor- ceaux forme un tout doit régner l'unité, et dont les parties doivent avoir entre elles une liaison plus sensible que ce genre ne peut la marquer.

Quel est donc le vrai lieu de V enharmonique? c'est, selon moi, le récitatif obligé. C'est dans une scène su- blime et pathétique la voix doit multiplier et varier les inflexions musicales à Timitation de Faccent gram- matical, oratoire, et souvent inappréciable; c'est, dis- je, dans une telle scène que les transitions enharmo- niques sont bien placées, quand on sait les ména^tj^er pour les grandes expressions, et les affermir, pour ainsi dire , par des traits de symphonie qui suspendent la parole et renforcent l'expression. Les Italiens, qui font un usage admirable de ce genre, ne l'emploient que de cette manière. On peut voir dans le premier récitatif de \ Orphée de Pergolèse un exemple frappant «t simple des effets que ce grand musicien sut tirer de Y enharmonique ^ et comment, loin de faire une modu- lation dure, ces transitions, devenues naturelles et faciles à entonner, aonnent une douceur énergique à toute la déclamation,

>:tv If)

290 ENS

J'ai déjà dit que notre genre enharmoniqiœ est en^ tièrement différent de celui des anciens; j'ajouterai que, quoique nous n'ayons point comme eux d'in- tervalles enharmoniques à entonner, cela n'empêche pas que Xenharmonique moderne ne soit d'une exécu- tion plus difficile que le leur. Chez les Grecs les inter- valles enharmoniques , purement mélodieux , ne de- mandoient ni dans le chanteur ni dans l'écoutant au- cun changement d'idées, mais seulement une grande délicatesse d'organe; au lieu qu'à cette même délica- tesse il faut joindre encore, dans notre musique, une connoissance exacte et un sentiment exquis des mé- tamorphoses harmoniques les plus brusques et les moins naturelles : car si l'on n'entend pas la phrase, on ne sauroit donner aux mots le ton qui leur con- vient, ni chanter juste dans un système harmonieux, si l'on ne sent l'harmonie.

Ensemble, adv. souvent pris substantivement. Je ne m'arrêterai pas à l'explication de ce mot pris pour le rapport convenable de toutes les parties d'un ouvrage entre elles et avec le tout, parccque c'est un sens qu'on lui donne rarement en musique. Ce n'est guère qu'à l'exécution que ce terme s'applique , lorsque les concertants sont si parfaitement d'accord, soit pour l'intonation , soit pour la mesure , qu'ils semblent être tous animés d'un même esprit, et que l'exécution rend fidèlement à l'oreille tout ce que l'œil voit sur la partition.

h'ensemble ne dépend pas seulement de l'habileté avec laquelle chacun lit sa partie, mais de l'intelli- gence avec laquelle il en sent le caractère particulier

ENS 29r

et la liaison avec le tout; soit pour phraser avec exac- titude , soit pour suivre la précision des mouvements, soit pour saisir le moment et les nuances des^ôr^ et des doux, soit enfin pour ajouter aux ornements mar- qués ceux qui sont si nécessairement supposés par Tauteur, qu il n'est permis à personne de les omettre. Les musiciens ont beau être haiiiles, il n'y a d'en- semble qu'autant qu'ils ont l'intelligence de la musique qu'ils exécutent, et qu'ils s'entendent entre eux: car il seroit impossible de mettre un parfait ensemble dans un concert de sourds, ni dans une musique dont le style seroit parfaitement étranger à ceux qui l'exécu- tent. Ce sont surtout les maîtres de musique, conduc- teurs et chefs d'orchestre , qui doivent guider , ou re- tenir, ou presser les musiciens pour mettre partout Yensemble; et c'est ce que fait toujours un bon premier violon par une certaine charge d'exécution qui en im- prime fortement le caractère dans toutes les oreilles. La voix récitante est assujettie à la basse et à la me- sure ; le premier violon doit écouter et suivre la voix; la symphonie doit écouter et suivre le premier violon : enfin le clavecin, qu'on suppose tenu par le com- positeur , doit être le véritable et premier guide de tout.

En général, plus le style , les périodes , les phrases , la mélodie et l'harmonie ont de caractère, plus Yen- semble est facile à saisir, parceque la même idée im- primée vivement dans tous les esprits préside à toute l'exécution. Au contraire, quand la musique ne dit rien , et qu'on n'y sent qu'une suite de notes sans liai- son, il n'y a point de tout auquel chacun rapporte sa

'9-

2i)2 ENT

partie , et Texécution va toujours mal. Voilà pourquoi la musique Françoise n'est jamais ensemble.

Entonner, v. a. C'est, dans l'exécution d'un chant, former avec justesse les sons et les intervalles qui sont marqués ; ce qui ne peut guère se faire qu'à l'aide d'une idée commune à laquelle doK'ent se rapporter ces sons et ces intervalles ; savoir, celle du ton et du mode ils sont employés ; d'où vient peut-être le mot entonner: on peut aussi l'attribuer à la marche diatonique ; marche qui paroît la plus commode et la plus naturelle à la voix. Il y a plus de difficulté à en- tonner des intervalles plus grands ou plus petits, par- cequ'alors la glotte se modifie par des rapports trop grands dans le premier cas , ou trop composés dans le second.

Entonner est encore commencer le chant d'une hymne, d'un psaume, d'une antienne, pour donner le ton à tout le chœur. Dans l'Eglise catholique, c'est par exemple, l'officiant qui entonne le Te Deuni; dans nos temples, c'est le chantre qui entonne les psaumes.

Entr'acte, s. m. Espace de temps qui s'écoule entre la fin d'un acte d'opéra et le commencement de lacté suivant, et durant lequel la représentation est sus- pendue, tandis que faction est supposée se continuer ailleurs. L'orchestre remplit cet espace en France par l'exécution d'une symphonie qui porte aussi le nom ô^entracte.

Il ne paroît pas que les Grecs aient jamais divisé leurs drames par actes , ni par conséquent connu les entractes.

La représentation n étoit point suspendue sur leurs

ENT 293

diéàtres depuis le comniencement de la pièce jusqu'à la fin. Ce lurent les Romains qui, moins épris du spec- tacle, commencèrent les premiers à le partager en plusieurs parties, dont les intervalles offroient du re- lâche à l'attention des spectateurs; et cet usage s'est continué parmi nous.

Puisque Yentracte est fait pour suspendre l'atten- tion et reposer l'esprifdu spectateur, le théâtre doit rester vide, et les intermèdes dont on le remplissoit autrefois formoient une interruption de très mauvais goût, qui ne pou voit manquer de nuire à la pièce en faisant perdre le fil de l'action. Cependant Molière lui- même ne vit point cette vérité si simple, et les en- tractes de sa dernière pièce étoient remplis par des in- termèdes. Les François, dont les spectacles ont plus de raison que de chaleur, et qui n'aiment pas qu'on les tienne long-temps en silence, ont depuis lors ré- duit les entractes à la simplicité qu'ils doivent avoir, et il est à désirer, pour la peifection des théâtres, qu'en cela leur exemple soit suivi partout.

Les Italiens, qu'un sentiment exquis guide souvent mieux que le raisonnement, ont proscrit la danse de l'action dramatique (Voyez Opéra); mais, par une inconséquence qui nait de la trop grande durée qu'ils veulent donner au spectacle, ils remplissent leurs en- tractes des ballets qu'ils bannissent de la pièce; et s'ils évitent l'absurdité de la double imitation, ils donnent dans celle de la transposition de scène, et promenant ainsi le spectateur d'objet en objet, lui font oublier faction principale, perdre Fintérêt, et, pour lui don- ner le plaisir des yeux, lui ôtent celui du cœur, ils

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commencent pourtant à sentir le défaut de ce mons trueux assemblage, et après avoir déjà presque chassé les intermèdes des entractes, sans doute ils ne tarde- ront pas d'en chasser encore la danse, et de la ré- server, comme il convient, pour en faire un spectacle brillant et isolé à la fin de la grande pièce.

Mais quoique le théâtre reste vide dans \ entracte^ ce n'est pas à dire que la md'sique doive être inter- rompue; car à rOpéra, elle fait une partie de Fexis- tence des choses, le sens de Touïe doit avoir une telle liaison avec celui de la vue , que tant qu'on voit le lieu de la scène on entende l'harmonie qui en est supposée inséparable, afin que son concours ne paroisse ensuite étranger ni nouveau sous le chant des acteurs.

La difficulté qui se présente à ce sujet est de sa- voir ce que le musicien doit dicter a l'orchestre quand il ne se passe plus rien sur la scène : car si la sym- phonie, ainsi que toute la musique dramatique, n est qu'une imitation continuelle, que doit-elle dire, quand personne ne parle? que doit-elle faire, quand il n'y a plus d'action? Je réponds à cela que quoique le théâtre soit vide, le cœur des spectateurs ne l'est pas; il a leur rester une forte impression de ce qu'ils viennent de voir et d'entendre. C'est à l'orchestre à nourrir et soutenir cette impression durant Yentracte, afin que le spectateur ne se trouve pas au début de l'acte sui- vant aussi froid qu'il l étoit au commencement de la pièce, et que l'intérêt soit, pour ainsi dire, lié^dans son ame comme les événements le sont dans l'action représentée. Voilà comment le musicien ne cesse jamais d'avoir un objet d'imitation ou dans la situation

EiST 296

des personnages, ou dans celle des spectateurs. Ceux- ci, n'entendant jamais sortir de l'orchestre que Tex- pression des sentiments qu'ils éprouvent, s'identi- fient, pour ainsi dire, avec ce qu'ils entendent; et leur état est d'autant plus délicieux qu'il régne un accord plus parfait entre ce qui frappe leurs sens et ce qui touche leur cœur.

L'hahile musicien tire encore de son orchestre un autre avantage pour donner à la représentation tout l'effet qu'elle peut avoir, en amenant par degrés le spectateur oisif à la situation dame la plus favorable à l'effet des scènes qu'il va voir dans l'acte suivant.

La durée de ïentractena pas de mesure fixe, mais elle est supposée plus ou moins grande à proportion du temps qu'exige la partie de l'action qui se passe derrière le théâtre. Cependant cette durée doit avoir des bornes de supposition relativement à la durée hypothétique de l'action totale, et des bornes réelieg relatives à la durée de la représentation.

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si la régie des vingt-quatre heures a un fondement suffisant, et s'il n'est jamais permis de l'enfreindre; mais si l'on veut donner à la durée supposée d'un entracte des bornes tirées de la nature des choses, je ne vois point qu'on en puisse trouver d'autres que celles du temps durant lequel il ne se fait aucun changement sensible et ré- gulier dans la nature, comme il ne s'en fait point d'apparent sur la scène durant Venir acte ; or, ce temps est, dans sa plus grande étendue, à peu près de douze heures, qui font la durée moyenne d'un iour ou d'une nuit : passé cet espace, il nV a plus

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possibilité ni d'illusion dans la durée supposée de Yentracte.

Quant à la durée réelle, elle doit être, comme je lai dit, proportionnée et à la durée totale de la repré- sentation, et à la durée partielle et relative de ce qui se passe derrière le théâtre. Mais il y a d'autres bornes tirées de la fin générale qu'on se propose, savoir la mesure de l'attention : car on doit bien se garder de faire durer Yentr acte jusqu'à. laisser le spectateur tom- ber dans l'engourdissement et approcher de l'ennui. Cette mesure n'a pas , au reste, une telle précision par elle-même , que le musicien qui a du feu , du génie et de l'ame, ne puisse, à l'aide de son orchestre, l'éten- dre beaucoup plus qu'un autre.

Je ne doute pas même qu'il n'y ait des moyens d'abuser le spectateur sur la durée effective de ïen- tracte^ en la lui faisant estimer plus ou moins grande par la manière d'entrelacer les caractères de la sym- phonie. Mais il est temps de finir cet article qui n'est déjà que trop long.

Entrée, s. f. Air de symphonie par lequel débute un ballet.

Entrée se dit encore à l'Opéra d un acte entier dans les opéra-ballets dont chaque acte forme un sujet séparé; Ventrée de Vertume dans les Eléments; Y entrée des Incas dans les Indes galantes.

Enfin entrée se dit aussi du moment chaque partie qui en suit une autre commence à se faire en- tendre.

ÉoLiEN, adj. Le ton ou mode éolien étoit un des cinq modes moyens ou principaux de la musique grecque,

ÉPI 297

et sa corde fondameniale étoit immédiatement au- dessus de celle du mode phry^j^ien. ( Voyez Mode. )

Le mode éolien étoit grave, au rapport de Lasus. Je chante.^ dit-il, Cérès et sa fille Mélibc'e, épouse de Pluton , sur le mode éolieu, rempli de gravité.

Le nom (ïéolien que portoit ce mode ne lui verioit pas des îles Éoliennes, mais de TÉolie, contrée de l'Asie Mineure, il fut premièrement en usage.

Epais, adj. Genre épais, dense, ou serj^é, ttu/voç, est, selon la définition d'Aristoxène, celui dans chaque tétracorde, la somme des deux premiers intervalles est moindre que le troisième. Ainsi le genre enharmo- nique est épais, parceque les deux premiers inter- valles , qui sont chacun d'un quart de ton , ne forment ensemble qu'un semi-ton; somme beaucoup moindre que le troisième intervalle, qui est une tierce majeure. Le chromatique est aussi un genre épais; car ces deux premiers intervalles ne forment qu'un ton moindre encore que la tierce mineure qui suit. Mais le genre diatonique n'est point épais, puisque ses deux pre- miers intervalles forment un ton et demi, somme plus grande que le ton qui suit. (Voyez Genre, Tétra- corde.)

De ce mot ttuxvoç , comme radical, sont composés les termes apycni, baripycyii, mesopycni, oxipycni, dont on trouvera les articles chacun à sa place.

Cette dénomination n'est point en usage dans la musique moderne.

Épiaulie. Nom que donnoient les Grecs à la chan- son des meuniers, appelée autrement Hymée. (Voyez Chanson.)

Le mot burlesque piauler ue tii^eroit-il point d'ici son étymologie! Le piaulement d'une femme ou d'un enfant, qui pleure et se lamente lon^j-temps sur le même ton, ressemble assez à la chanson d'un moulin, et, par métaphore, à celle d'un meunier.

Êpilène. Chanson des vendangeurs, laquelle s'ac- compagnoit de la flûte. (Voyez Athénée, livre V.)

Épinicion. Chant de victoire, par lequel on célé- broit chez les Grecs le triomphe des vainqueurs.

Épisynaphe, s, f. C'est, au rapport de Bacchius la conjonction des trois tétracordes consécutifs, comme sont les tétracordes hypaton, méson, et synnéménon. ( Voyez Système , Tétracorde. )

Epithalame, s. m. Chant nuptial qui se chantoit autrefois à la porte des nouveaux époux, pour leur souhaiter une heureuse union. De telles chansons ne sont guère en usage parmi nous; car on sait bien que c'est peine perdue. Quand on en fait pour ses amis et familiers, on substitue ordinairement à ces vœux hon- nêtes et simples quelques pensées équivoques et obscènes, plus conformes au goût du siècle.

Épitrite. Nom d'un des rhythmes de la musique grecque, duquel les temps étoient en raison sesqui- tierce, ou de 3 à 4- Ce rhythme étoit représenté par le pied que les poètes et grammairiens appellent aussi épitnte; pied composé de quatre syllabes dont les deux premières sont en effet aux deux dernières dans la raison de 3 à 4- (Voyez Rhythme. )

ÉPOBEyS.f. Chant du troisième couplet, qui, dans les odes , terminoit ce que les Grecs appeloient la pé- riode, laquelle étoit composée de trois couplets ; savoir ,

ÉQU 299

la strophe, Vantistrophe, et Vépode. On attribue à Archi- locjne rinvcntion de 1 e/;oJe.

Eptacorde, s. m. Lyre ou cithare à sept cordes, comme, au dire de plusieurs, étoit celle de Mercure.

Les Grecs doimoient aussi le nom d'eptacorde à un système de musique formé de sept sons, tel qu'est au- jourd'hui notre gamme. \i eptacorde synnéménon , qu'on appeloit autrement lyre de Terpandre, étoit com- posé des sons exprimés par ces lettres de la gamme, E, F, G, a, b, c, d. Veptacordede Philolaûs substituoit le bécarre au bémol, et peut s'exprimer ainsi, E, F,

G,a,~ :^'' c, d. l\ en rapportoit chaque corde à une

des planètes , l'hypate à Saturne , la parhypate à Ju- piter, et ainsi de suite.

Eptamérides, s. f. Nom donné par M. Sauveur à l'un des intervalles de son système exposé dans les Mémoires de l'académie, année 1701.

Cet auteur divise d'abord l'octave en 43 parties ou mérides; puis chacune de celles-ci en 7 eptamérides , de sorte que l'octave entière comprend 3oi eptamé- rides, qu'il subdivise encore. (Voyez Décaméride.)

Ce mot est formé de èTTrà, sept, et de pep'ç, partie.

Eptaphone , s. m. Nom d'un portique de la ville d'Olympie, dans lequel on avoit ménagé un écho qui répétoit la voix sept fois de suite. Il y a grande appa- rence que l'écho se trouva par hasard, et qu'ensuite les Grecs, grands charlatans, en firent honneur à l'art de l'architecte.

Equisonnance, s.f. Nom par lequel les anciens dis- tinguoient des autres consonnances celles de l'octave

3oo ÉTÉ

et de la double octave , les seules qui fassent para- phonie. Comme on a aussi quelquefois besoin de la même distinction dans la musique moderne, on peut l'employer avec d'autant moins de scrupule , que la sensation de Toctave se confond très souvent à Toreille avec celle de Funisson.

Espace, s. m. Intervalle blanc, ou distance qui se trouve dans la portée entre une ligne et celle qui la suit immédiatement au-dessus ou au-dessous. Il y a quatre espaces dans les cinq lignes, et il y a de plus deux espaces, Tun au-dessus, l'autre au-dessous delà portée entière : Ton borne, quand il le faut, ces (Jeux espaces indéfinis par des lignes postiches ajoutées en haut ou en bas , lesquelles augmentent l'étendue de la portée et fournissent de nouveaux espaces. Chacun de ces espaces divise l'intervalle des deux lignes qui le terminent en deux degrés diatoniques; savoir, un de la ligne inférieure à Y espace, et l'autre de ï espace à la ligne supérieure. (Voyez Portée.)

Etendue, s.f. Différence de deux sons donnés qui en ont d'intermédiaires, ou somme de tous les inter- valles compris entre les deux extrêmes. Ainsi, la plus grande étendue possible, ou celle qui comprend toutes les autres, est celle du plus grave au plus aigu de tous les sons sensibles ou appréciables. Selon les expé- riences de M. Euler, toute cette étendue forme un in- tervalle d'environ huit octaves, entre un son qui fait 3o vibrations par seconde, et un autre qui en fait 7 55 2 dans le même temps.

Il n'y a point d'étendue en musique entre les deux termes de laquelle on ne puisse insérer une infinité

EXÉ 3oi

de sons intermédiaires qui le partagent en une infi- nité d'intervalles; d'où il suit que \ étendue sonore ou musicale est divisible à l'infini, comme celle du temps et du lieu. (Voyez Intervalle. )

EuDROMÉ. Nom de l'air que jouoient les hautbois aux jeux Sthéniens, institués dans Argos en l'hon- neur de Jupiter. Hiérax, Argien, étoit l'inventeur de cet air.

Éviter, v. a. Eviter une cadence, c'est ajouter une dissonance à l'accord final, pour changer le mode ou prolonger la phrase. ( Voyez Cadence. )

Évité , />a?'f. Cadence évitée. (Voyez Cadence.)

ÉvovAÉ, s. m. Mot barbare formé des six voyelles qui marquent les syllabes des deux mots , secw/on/w amen, et qui n'est d'usage que dans le plain-chant. C^est sur les lettres de ce mot qu'on trouve indiquées dans les psautiers et antiphonaires des églises catholiques les notes par lesquelles, dans chaque ton et dans les di- verses modifications du ton , il faut terminer les versets des psaumes ou des cantiques.

L'E'i'Ofâfe commence toujours par la dominante du. ton de l'antienne qui le précède, et finit toujours par la finale.

Euthia, s.f. Terme de la musique grecque, qui si- gnifie une suite de notes procédant du grave à l'aigu, lu euthia étoit une des parties de l'ancienne mélopée.

Exacorde, s. m. Instrument à six cordes, ou sys- tème composé de six sons , tel que ï exacorde de Gui d'Arezzo.

Exécutant, part, pris subst. Musicien qui exécute sa partie dans un concert; c'est la même chose que

3o2 EXÉ

concertant. (Voyez Concertant.) Voyez aussi los deux mots qui suivent.

Exécuter, v. a. Exécuter une pièce de musique, c'est chanter et jouer toutes les parties qu'elle con- tient, tant vocales qu'instrumentales, dans rensemhl» cju'elles doivent avoir, et la rendre telle qu'elle est notée sur la partition.

Comme la musique est faite pour être entendue, on n'en peut bien juger que par Texécution. Telle partition paroît admirable sur le papier, qu'on ne peut entendre exécuter sans dégoût ; et telle autre n'offre aux yeux <qu'une apparence simple et com- mune, dont l'exécution ravit par des effets inatten- dus. Les petits compositeurs, attentifs à donner de la symétrie et du jeu à toutes leurs parties, paroissent ordinairement les plus habiles gens du monde, tant qu'on ne juge de leurs ouvrages que par les yeux. Aussi ont-ils souvent l'adresse de mettre tant d'instiu- ments divers , tant de parties dans l(;ur musique, qu'on ne puisse rassembler que très difficilement tous les sujets nécessaires pour ïexécuter.

Exécmtion. s. f. L'action d'exécuter une pièce musique.

Comme la musique est ordinairement composée de plusieurs parties dont le rapport exact, soit pour l'in- tonation, soit pour la mesure, est extrêmement diffi- cile à observer, et dont l'esprit dépend plus du goût que des signes, rien n'est si rare qu'une bonne exécu- cution. C'est peu de lire la musique exactement sur la note , il faut entrer dans toutes les idées du composi- reur. sentir et rendre le li'u de l'expression , avoir sûr-

ï

EXÉ 3o3

tout Toreille juste et toujours attentive pour écouter et suivre Teuseuible. Il faut, en particulier dans la musique Irançoise , que la partie principale sache presser ou ralentir le mouvement selon que l'exigent le goût (lu chant, le volume de.voix, et le développe- ment des bras du chanteur, il faut, par conséquent, que toutes les autres parties soient , sans relâche, atten- tives à bien suivre celle-là. Aussi l'ensemble de l'Opéra de Paris, la musique n'a point d'autre mesure que celle du geste, seroit-il, à mon avis , ce qu'il y a de plus admirable en fait d'exécution.

« Si les François, dit Saint-Evremont, par leur com- « merce avec les Italiens, sont parvenus à composer « plus hardiment, les Italiens ont aussi gagné au com- « merce des François, en ce qu'ils ont appris d'eux à « rendre leur exécution plus agréable, plus touchante, « et plus parfaite. « Le lecteur se passera bien, je crois, de mon commentaire sur ce passage. Je dirai seule- ment que les François croient toute la terre occupée de leur musique, et qu'au contraire, dans les trois quarts de l'Italie, les musiciens ne savent pas même qu'il existe une musique françoise différente de la leur.

On appelle encore exécution la facilité de lire et d exécuter une partie instrumentale, et l'on dit, par exemple, d'un symphoniste, qu'il a beaucoup d'exé- cution, lorsqu'il exécute correctement, sans hésiter, et à la première vue, les choses les plus difficiles: Yexécution prise en ce sens dépend surtout de deux choses : premièrement, d'une habitude parfaite de la touche et du doigter de son instrument; en second

i

3o4 EXP

lieu, d'une grande habitude de lire la musique et de phraser en la regardant : car tant qu'on ne voit que des notes isolées, on hésite toujours à les prononcer : on n'acquiert la grande facihté de \ exécution qu'en les unissant par le sens commun qu'elles doivent former, et en mettant la chose à la place du signe. C'est ainsi que la mémoire du lecteur ne Taide pas moins que ses yeux, et qu'il liroit avec peine une langue inconnue, quoique écrite avec les mêmes caractères, et com- posée des mêmes mots qu'il lit couramment dans la sienne.

Expression, s. f. Qualité par laqueller le musicien sent vivement et rend avec énergie toutes les idées qu'il doit rendre, et tous les sentiments qu'il doit ex- primer. Il y a une expression de composition et une d'exécution , et c'est de leur concours que résulte l'effet musical le plus puissant et le plus agréable.

Pour donner de Y expression à ses ouvrages , le com- positeur doit saisir et comparer tous les rapports qui peuvent se trouver entre les traits de son objet et les productions de son art; il doit connoître ou sentir l'effet de tous les caractères, afin déporter exactement celui qu'il choisit au degré qui lui convient ; car , comme un bon peintre ne donne pas la même lumière à tous ses objets, l'habile musicien ne donnera pas non plus la même énergie à tous ses sentiments, ni la même force à tous ses tableaux, et placera chaque partie au lieu qui convient, moins pour la faire valoir seule que pour donner un plus grand effet au tout.

Après avoir bien vu ce qu'il doit dire il cherche

EXP 3o5

comment il le dira; et voici commence l'applica- tion des préceptes de Tart, qui est comme la langue particulière dans laquelle le musicien veut se faire entendre.

La mélodie, Tharmonie, le mouvement, le choix des instruments et des voix sont les éléments du lan- gage musical ; et la mélodie , par son rapport immé- diat avec Taccent grammatical et oratoire, est celui qui donne le caractère à tous les autres. Ainsi c'est toujours du chant que se doit tirer la principale ex- pression^ tant dans la musique instrumentale que dans la vocale.

Ce qu'on cherche donc à rendre par la mélodie, c'est le ton dont s'expriment les sentiments qu'on veut représenter; et l'on doit bien se garder d'imiter en cela la déclamation théâtrale, qui n'est elle-même qu'une imitation , mais la voix de la nature parlant sans affectation et sans art. Ainsi le musicien cher- chera d'abord un genre de mélodie qui lui fournisse les inflexions musicales les plus convenables au sens des paroles , en subordonnant toujours Y expression des mots à celle de la pensée, et celle-ci même à la situa- tion de lame de l'interlocuteur : car , quand on est fortement affecté, tous les discours que l'on tient prennent, pour ainsi dire, la teinTe du sentiment gé- néral qui domine en nous, et l'on ne querelle point ce qu'on aime du ton dont on querelle un indifférent.

La parole est diversement accentuée selon les di- verses passions qui l'inspirent , tantôt aiguë et véhé- mente, tantôt rémisse et lâche, tantôt variée et impé- tueuse, tantôt égale et tranquille dans ses inflexions,

XÏV. 20

3o6 £XP

De le musicien tire les différences des modes do chant qu'il emploie et des lieux divers dans lesquels il maintient la voix, la faisant procéder dans le bas par de petits intervalles pour exprimer les langueurs de la tristesse et de rabattement, lui arrachant dans le haut les sons aigus de l'emportement et de la dou- leur, et Fentraînant rapidement, partons les inter- valles de son diapason, dans l'agitation du désespoir ou l'égarement des passions contrastées. Surtout il faut bien observer que le charme de la musique ne consiste pas seulement dans l'imitation , mais dans une imitation agréable ; et que la déclamation même, pour faire un si grand effet, doit être subordonnée à la mélodie ; de sorte qu'on ne peut peindre le senti- ment sans lui donner ce charme secret qui en est in- séparable, ni toucher le cœur si l'on ne plaît à l'oreille. Et ceci est encore très conforme à la nature, qui donne au ton des personnes sensibles je ne sais quelles in- flexions touchantes et délicieuses que n'eut jamais celui des gens qui ne sentent rien. IN 'allez donc pas prendre le baroque pour l'expressif, ni la dureté pour de l'énergie , ni donner un tableau hideux des pas- sions que vous voulez rendre , ni faire , en un mot , comme à l'Opéra françois, le ton passionné res- semble aux cris de la colique , bien plus qu'aux trans- ports de l'amour.

Le plaisir physique qui résulte de l'harmonie aug- mente à son tour le plaisir moral de l'imitation , en joignant les sensations agréables des accords à Vex- pression de la mélodie par le même principe dont je viens de parier. Mais l'harmonie fait plus encore ;

Exp 3o7

elle renforce V expression même, en donnant plus de justesse et de précision aux intervalles mélodieux; elle anime leur caractère, et, marquant exactement Icvu' place dans Tordre de la modulation, elle rappelle ce qui précède , annonce ce qui doit suivre , et lie ainsi les phrases dans le chant, comme les idées se lient dans le discours. L'harmonie, envisagée de cette manière, fournit au compositeur de grande moyens d'expression, qui lui échappent quand il ne cherche Yexpi^essionque dans la seule harmonie ; car alors, au lieu d'animer l'accent, il l'étouffé par ses accords , et tous les intervalles , confondus dans un continuel remplissage , n'offrent à l'oreille qu'une suite de sons fondamentaux qui n'ont rien de touchant ni d'agréa- ble , et dont l'effet s arrête au cerveau.

Que fera donc 1 harmoniste pour concourir à Vex- pression de la mélodie et lui donner plus d'effet? il évitera soigneusement de couvrir le son principal dans la combinaison des accords; il subordonnera tous ses accompagnements à la partie chantante; il en aiguisera l'énergie par le concours des autres par- ties ; il renforcera l'effet de certains passages par des accords sensibles ; il en dérobera d'autres par suppo- sition ou par suspension, en les comptant pour rien sur la basse ; il fera sortir les expressions fortes par des dissonances majeures; il réservera les mineures pour des sentiments plus doux ; tantôt il liera toutes ces parties par des sons continus et coulés ; tantôt il les fera contraster sur le chant par des notes piquées; tantôt il frappera l'oreille par des accords pleins ; tantôt il renforcera l'accent par le choix d'un seul in-

20,

3o3 i:XP

tervalle : partout il rendra présent et sensible lenchaî- nement des modulations , et fera servir la basse et son harmonie à déterminer le lieu de chaque passage dans le mode, afin qu'on n entende jamais un inter- valle ou un trait de chant sans sentir en même temps son rapport avec le tout.

A regard du rhytlime , jadis si puissant pour don- ner de la force , de la variété , de Fagrément à Thar- ,monie poétique ; si nos langues, moins accentuées et moins prosodiques , ont perdu le charme qui en ré- sukoit, notre musique en substitue un autre plus in- dépendant du discours dans Tégalité de la mesure, et dans les diverses combinaisons de ses temps, soit à-la- fois dans le tout, soit séparément dans chaque partie. Les quantités de la langue sont presque perdues sous celles des notes ; et la musique, au lieu de parler avec la parole-, emprunte en quelque sorte de la mesure un langage à part. La force de l'expression consiste , en cette partie , à réunir ces deux langages le plus qu'il est possible , et à faire que , si la mesure et le rhy thme ne parlent pas de la même manière , ils disent au moins les mêmes choses.

La gaieté qui donne de la vivacité à tous nos mou- vements en doit donner de même à la mesure; la tristesse resserre le cœur, ralentit les mouvements, et la même langueur se fait sentir dans les chants qu'elle inspire ; mais quand la douleur est vive ou qu'il se passe dans lame de grands combats , la parole est inégale; elle marche alternativement avec la lenteur du spondée et avec la rapidité du pyrrhique, et sou- vent s'arrête tout court comme dans le récitatif obligé:

1-: X p ^

c'est pour cela que les musiques les plus expressives , ou du moins les plus passionnées, sont communé- ment celles les temps , quoique égaux efltre eux , sont le plus inéfjalement divisés ; au lieu que l'image du sommeil, du repos, de la paix de Tame, se peint volontiers avec des notes égales , qui ne marchent ni vite, ni lentement.

Une observation que le compositeur ne doit pas négliger, c'est que, plus Tharmonie est recherchée, moins le mouvement doit être vif, afin que Fesprit ait le temps de saisir la marche des dissonances et le rapide enchaînement des modulations ; il n'y a que le dernier emportement des passions qui permette d'allier la rapidité de la mesure et la dureté des ac- cords. Alors, quand la tête est perdue , et qu'à force d'agitation l'acteur semble ne savoir plus ce qu'il dit , ce désordre énergique et terrible peut se porter ainsi jusqu'à l'ame du spectateur , et le mettre de même hors de lui. Mais si vous n'êtes bouillant et sublime , vous ne serez que baroque et froid; jetez vos audi- teurs dans le délire, ou gardez-vous d'y tomber : car celui qui perd la raison n'est jamais qu'un insensé aux yeux de ceux qui la conservent, et les fous n'in- téressent plus.

Quoique la plus grande force de Vexpression se tire de la combinaison des sons , la qualité de leur timbre n'est pas indifférente pour le même effet. H y a des voix fortes et sonores qui en imposent par leur étoffe; d'autres légères et flexibles , bonnes pour les choses d'exécution; d'autres sensibles et délicates, qui vont au cœur par des chants doux et pathétiques. En gé-

3lO EXP

néral les dessus et toutes les voix aiguës sont plus propres pour exprimer la tendresse et la douceur , les basses et*concordants pour Temportement et la co- lère : mais les Italiens ont banni les basses de leurs tragédies, comme une partie dont le chant est trop rude pour le genre héroïque , et leur ont substitué les tailles ou ténor, dont le chant a le même caractère avec un effet plus agréable. Ils emploient ces mêmes basses plus convenablement dans le comique pour les rôles à manteaux, et généralement pour tous les caractères de charge.

IjCS instruments ont aussi des expressions très diffé- rentes selon que le son en est fort ou foible, que le timbre en est aigre ou doux, que le diapason en est grave ou aigu, et qu'on en peut tirer des sons en plus grande ou moindre quantité. La flûte est tendre, le hautbois gai, la trompette guerrière, le cor sonore, majestueux, propre slux grandes expressions . Mais il n'y a point d'instrument dont on tire une expression plus variée et plus universelle que du violon. Cet in- strument admirable fait le fond de tous les orchestres , et suffit au grand compositeur pour en tirer tous les effets que les mauvais musiciens cherchent inutile- ment dans l'alliage d'une multitude d instruments divers. Le compositeur doit connoître le manche du violon pour doigter ses airs, pour disposer ses arpè- ges, pour savoir l'effet des cordes à vide, et pour em- ployer et choisir ses tons selon les divers caractères qu'ils ont sur cet instrument.

Vainement le compositeur saura-t-il animer son ouvrage , si la chaleur qui doit y régner ne passe à

EXP 3ir

ceux qui Texccutent. Le chanteur qui ne voit que des notes dans sa partie n'est point en état de saisir IW- pression du compositeur, ni d'en donner une ù ce qu'il chante, s il n en a bien saisi le sens. Il faut en- tendre ce qu'on lit pour le faire entendre aux autres, et il ne suffit pas d'être sensible en général , si l'on ne Test en particulier à lénergie de la langue qu'on parle. Commencez donc par bien connoître le caractère du chant que vous avez à rendre , sou rapport au sens des paroles, la distinction de ses phrases, l'accent qu'il a par lui-même , celui qu'il suppose dans la voix de l'exécutant, 1 énergie que le compositeur a donnée au poète, et celle que vous pouvez donner à votre tour au compositeur; alors livrez vos organes à toute la chaleur que ces considérations vous auront inspi- rée ; faites ce que vous feriez si vous étiez à-la-fois le poète, le compositeur, Facteur, et le chanteur; et vous aurez toute ^expression qu'il vous est possible de donner à l'ouvrage que vous avez à rendre. De cette manière il arrivera naturellement que vous mettrez de la délicatesse et des ornements dans les chants qui ne sont qu'élégants et gracieux , du piquant et du feu dans ceux qui sont animés et gais , des gémissements et des plaintes dans ceux qui sont tendres et pathéti- ques, et toute l'agitation au forte-piano dans l'empor- tement des passions violentes. Partout l'on réunira fortement l'acCent musical à l'accent oratoire, par- tout où la mesure se fera vivement sentir et servira de guide aux accents du chant , partout l'accom- pagnement et la voix sauront tellement accorder et unir leurs effets , qu'il n'en résulte qu'une mélodie j et

Ji2 FAC

que lauditeur trompé attribue à la voix les passages dont rorchestie Tembellit; enfin partout les orne- ments, sobrement ménagés, porteront témoignage de la facilité du chanteur, sans couvrir et défigurer léchant, Y expression sera douce, agréable, et forte; Toreille sera charmée , et le cœur ému ; le physique et le moral concourront à-la-fois au plaisir des écoutants, et il régnera un tel accord entre la parole et le chant, que le tout semblera n'être qu'une langue délicieuse qui sait tout dire et plaît toujours.

Extension, 5./., est, selon Aristoxène, une des quatre parties de la mélopée, qui consiste à soutenir long-temps certains sons , et au-delà même de leur quantité grammaticale. Nous appelons aujourd'hui tenues les sons ainsi soutenus. (Voyez Tenue. )

F.

F utfa^ Vfa ut^ ou simplement F. Quatrième son de la gamme diatonique et naturelle, lequel s'appelle autrement^». ( Voyez Gamme. )

C'est aussi le nom de la plus basse des trois clefs de la musique. (Voyez Clef.)

Face, s.f. Combinaison, ou des sons d'un accord, en commençant par un de ces sons et prenant les autres selon leur suite naturelle, ou des touches du clavier qui forment le même accord. D'où il suit qu'un accord peut avoir autant de faces qu'il y a de sons qui le composent; car chacun peut être le premier à son tour.

L'accord parfait ut mi sol a trois faces. Par la pre-

F A N 3 I 3

iiiièie, tous les doijjts sont rangés par tierces, et la tonique est sous Tindex ; par la seconde , mi sol ut,i[j a une quarte entre les deux derniers doigts , et la toni- que est sous le dernier; par la troisième, sol ut mi, la quarte est entre Findcx et le quatrième, et la tonique est sous celui-ci. ( Voyez Renversement. )

Comme les accords dissonants ont ordinairement quatre sons, ils ont aussi qimtve faces, qu'on peut trouver avec la même facilité. (Voyez Doigter. )

Facteur, s. m. Ouvrier qui fait des orgues ou des clavecins.

Fanfare, s.f. Sorte d air militaire, pour l'ordinaire court et brillant, qui s'exécute par des trompettes, et qu'on imite sur d'autres instruments. La fanfare est communément à deux dessus de trompettes accom- pagnées de tymbales; et bien exécutée, elle a quel- que chose de martial et de g^i qui convient fort à "son usage. De toutes les troupes de l'Europe, les alle- mandes sont celles qui ont les meilleurs instruments militaires: aussi leurs marches et fanfar^es font-elles un effet admirable. C'est une chose à remarquer que dans tout le royaume de France il n'y a pas un seul trompette qui sonne juste, et la nation la plus guer- rière de l'Europe a les instruments militaires les plus discordants; ce qui n'est pas sans inconvénient. Durant les dernières guerres, les paysans de Bohème, d'Autriche, et de Bavière, tous musiciens nés, ne pou- vant croire que les troupes réglées eussent des instru- ments si faux et si détestables, prirent tous ces vieux corps pour de nouvelles levées qu'ils commencèrent à mépriser; et Ton ne sauroit dire à combien de braves

3 1 Z^ FA U

gens des tons faux ont coûté la vie : tant il est vrai qu^ , clans Tappareil de la guerre, il ne faut rien néglip^er de ce qui frappe les sens !

Fantaisie, s. f. Pièce de musique instrumentale qu'on exécute en la composant. Il y a cette différence du caprice à la fantaisie , que le caprice est un recueil d'idées singulières et disparates que rassemble une imagination échauffée, et qu'on peut même com- poser à loisir; au lieu que \^ fantaisie peut être une pièce très régulière, qui ne diffère des autres qu'en ce qu'on l'invente en l'exécutant, et qu'elle n'existe plus sitôt qu'elle est achevée. Ainsi le caprice est dans l'espèce et l'assortiment des idées, et \si fantaisie dans leur promptitude à se présenter. Il suit de qu'un caprice peut fort bien s'écrire, mais jamais une fan- taisie; car sitôt qu'elle est écrite ou répétée, ce n'est plus une fantaisie, c'est une pièce ordinaire.

Faucet. (Voyez Fausset.)

Fausse-quarte. (Voyez Quarte.)

Fausse-quinte, s. f Intervalle dissonant, appelé par les Grecs hemi-diapente , dont les deux termes sont distants de quatre degrés diatoniques , ainsi que ceux de la quinte juste, mais dont l'intervalle est moindre d'un semi-ton; celui de la quinte étant de deux tons majeurs, d'un ton mineur, et d'un semi- ton majeur, et celui de la fausse-quinte seulement d'un ton majeur, d'un ton mineur, et de deux semi-tons majeurs. Si, sur nos claviers ordinaires, on divise Foctave en deux parties égales, on aura d'un côté la fausse-quinte, conime si fa, et cj^ l'autre le triton, comme/a si: mais ces deux intervalles, égaux en ce

fAU 2 l'y

sens , ne le sont ni quant au nombre des degrés, puis- que le triton n'en a que trois, ni dans la précision des rapports, celui de \di fausse-quinte étant de 4^ ^^^-t et celui du triton de 32 à 45.

L'accord de fausse-quinte est renversé de l'accord dominant, en mettant la note sensible au grave. Voyez au mot Accord comment celui-là s'accom- pagne.

Il faut bien distinguer la yww55e-<yMm^e dissonance, delà quintefausse réputée consonnance, et qui n'est altérée que par accident. (Voyez Quinte.)

Fausse-relation, 5. f Intervalle diminué ou su- perflu. (Voyez Relation.)

Fausset , s. m. C'est cette espèce de voix par la- quelle un homme, sortant à l'aigu du diapason de sa voix naturelle, imite celle de la femme. Un homme fait à peu près, quand il chante le fausset , ce que fait un tuyau d'orgue quand il octavie. (Voyez Octavier.)

Si ce mot vient du françois faux opposé ajuste, il faut l'écrire comme je fais ici, en suivant l'ortho- graphe de l'Encyclopédie : mais s'il vient, comme je le crois, du latin faux, faucis, la gorge, il falioit, au lieu des deux ss qu'on a substituées , laisser le c que j'y avois mis ifaucet. '

Faux, adj. et adv. Ce mot est opposé ajuste.

On chante faux, quand on n'entonne pas les inter- valles dans leur justesse, qu'on forme des sons trop hauts ou trop bas.

Il y a des \o\\ fausses, des cordes fausses, des in- struments y«MX. Quant aux voix, on prétend que le défaut est dans l'oreille et non dans la glotte : cepen-

3l6 FKI

dant j'ai vu des gens qui cliaiitoienl très faux, et qui accordoient un instrument très juste. La fausseté de leur voix n'avoit donc pas sa cause dans leur oreille. Pour les instruments, quand les tons en sont faux, c'est que Finstrument est mal construit, que les tuyaux en sont mal proportionnés , ou les cordes fausses, ou qu elles ne sont pas d'accord ; que celui qui en joue touche faux , ou qu'il modifie mal le vent ou les lèvres.

Faux-accord. Accord discordant, soit parcequil contient des dissonances proprement dites, soitpar- ceque les consonnances n'en sont pas justes. (Voyez Accord-faux.)

Faux-bourdon, s. m. Musique à plusieurs parties , mais simple et sans mesure, dont les notes sont pres- que toutes égales , et dont l'harmonie est toujours syl- labique. C'est la psalmodie des catholiques romains chantée à plusieurs parties. Le chant de nos psaumes à quatre parties peut aussi passer pour une espèce de faux-bourdon, mais qui procède avec beaucoup de len- teur et de gravité.

Feinte, s. f Altération d'une note ou d'un inter- valle par un dièse ou par un bémol. C'est proprement le nom commun et générique du dièse et du bémol accidentels. Ce mot n'est plus en usage, maison ne lui en a point'substitué. La crainte d'employer des tours surannés énerve tous les jours notre langue ; la crainte d'employer de vieux mots l'appauvrit tous les jours : ses plus grands ennemis seront toujours les puristes.

On appcloit aussi ycm^es les touches chromatiques

FIG 3i7

du clavier, que nous appelons aujonrcVluii touches blanches, et cprautrefois on faisoit noires, parceque nos grossiers ancêtres n'avoient pas songé à l'aire le clavier noir, pour donner de Féclat à la main des femmes. On appelle encore anjourdliiiiyèmte5-coi/- pées celles de ces touches qui sont brisées pour sup- pléer au ravalement.

Fête, 5. f. Divertissement de chant et de danse qu'on introduit dans un acte d'opéra, et qui inter- rompt ou suspend toujours l'action.

Cgs fêtes ne sont amusantes qu'autant que l'opéra même est ennuyeux. Dans un drame intéressant et bien conduit, il seroit impossible de les supporter.

La différence qu'on assigne à l'Opéra entre les mots de fêle et de divertissement ^ est que le premier s'appli- que plus particulièrement aux tragédies, et le second aux ballets. ^

Fi. Syllabe avec laquelle quelques musiciens sol- fient le fa dièse, comme ils solfient par ma le mi bémol; ce qui paroît assez bien entendu. (Voyez Solfier. )

Figuré. Cet adjectif s'applique aux notes ou à Ihar- monie: aux notes, comme dans ce mot, basse-figurée ^ pour exprimer une basse dont les notes portant ac- cord sont subdivisées en plusieurs autres notes de moindre valeur (voyez Basse-figurée); à Fharmonie, quand on emploie , par supposition et dans une marche diatonique, d'autres notes que celles qui for- ment l'accord. (Voyez Harmonie-figurée et Suppo- sition.)

Figurer , v. a. C'est passer plusieurs notes pour

3l8 FIN

une ; c'est faire des doubles , des variations ; c'est ajouter des notes au chant de quelque manière que ce soit; enfin c'est donner aux sons harmonieux une figure de mélodie, en les liant par d'autres sons in- termédiaires. (Voyez Double, Fleurtis, Harmonie- figurée. )

Filer un son, c'est, en chantant, ménager sa voix, en sorte qu'on puisse le prolonger long-temps sans reprendre haleine. H y a deux manières àe filer un son : la première, en le soutenant toujours également; ce qui se fait pour l'ordinaire sur les tenues Tac- compagnement travaille: la seconde, en le renfor- çant; ce qui est plus usité dans les passages et rou- lades. La première manière demande plus de justesse, et les Italiens la préfèrent; la seconde a plus d'éclat, et plaît davantage aux François.

Fin, s. f. Ce mot se place quelquefois sur la finale de la première partie d'un rondeau, pour marquer qu'ayant repris cette première partie, c'est sur cette finale qu'on doit s'arrêter et finir. (Voyez Rondeau. }

On n'emploie plus guère ce mot à cet usage, les François lui ayant substitué le point final, à l'exemple des Italiens. (Voyez Point-final.)

Finale, s. f. Principale corde du mode qu'on ap- pelle aussi tonique, et sur laquelle l'air ou la pièce doit finir. (Voyez Mode. )

Quand on compose à plusieurs parties, et surtout des chœurs, il faut toujours que la basse tombe en finissant sur la note même de \di finale. Les autres par- ties peuvent s'arrêter sur sa tierce ou sur sa qiiinte. Autrefois c'étoit une régie de donner toujours à la fin

FON 3l9

d'une pièce la tierce majeure à finale, même en mode mineur; mais cet usage a été trouvé de mauvais goût et tout-à-fait abandonné.

Fixe, adj. Cordes ou sons fixes ou stables. (Voyez Son, Stable.)

Flatté, s. m. Agrément du chant françois, difficile à définir, mais dont on comprendra suffisamment leffet par un exemple. (Voyez 'Planche B^fgure i3, au mot. Flatté. )

Fleurtis, s. m. Sorte de contre-point figuré, lequel n'est point syllabique ou note sur note. C'est aussi lassemblage des divers agréments dont on orne un chant trop simple. Ce mot a vieilli en tout sens. ( Vov. Broderies , Doubles , Variations , Passages. )

FoiBLE, adj. Temps foible. (Voyez Temps.)

Fondamental, adj. ^on fondamental est celui qui sert de fondement à l'accord ( voyez Accord), ou au ton (Voyez Tonique). Bdisse-fondamentale est ceWe qui sert de fondement à riiarmonie. (Voyez Basse-fonda- mentale). Kccorà fondamental est celui dont la basse est fondamentale , et dont les sons sont arrangés selon l'ordre de leur génération : mais comme cet ordre écarte extrêmement les parties , on les rapproche par des combinaisons ou renversements ; et, pourvu que la basse reste la même, l'accord ne laisse pas pour cela de porter le nom àe fondamental; tel est, par exemple, cet accord ut mi sol, renfermé dans un in- tervalle de quinte : au lieu que dans Tordre de sa géné- ration ut sol mi, il comprend une dixième et même une dix-septième , puisque Vût fondamental n est pas la quinte de sol, mais l'octave de cette quinte=

320 FOR

Force, s.f. Qualité du son, appelée aussi quelque- fois intensité^ qui le rend plus sensible et le fait enten- tendre de plus loin. Les vibrations plus ou moins fréquentes du corps sonore sont ce qui rend le son aigu ou grave; leur plus grand ou moindre écart de la ligne de repos est ce qui le rend fort ou foible ; quand cet écart est trop grand et qu'on force Tinstrument ou la voix (voyez Forger), le son devient bruit, et cesse d'être appréciable.

Forcer la voix , c'est excéder en haut ou en bas son diapason , ou son volume, à force d'haleine ; c'est crier au lieu de chanter. Toute voix ç^viow force perd sa jus- tesse : cela arrive même aux instruments Ion force l'archet ou le vent; et voilà pourquoi les François chantent rarement juste.

FoRLANE , s.f. Air d'une danse de même nom , com- mune à Venise , surtout parmi les gondoliers. Sa me- sure est à f ; elle se bat gaiement , et la danse est aussi fort gaie. On Tappelleybr/ane parcequ'elle a pris nais- sance dans le Frioul, dont les habitants s'appellent Forlans.

Fort , adv. Ce mot s'écrit dans les parties pour marquer qu'il faut forcer le son avec véhémence , mais sans le hausser ; chanter à pleine voix , tirer de l'in- strument beaucoup de son : ou bien il s'emploie pour détruire l'effet du mot doux employé précédemment.

Les Italiens ont encore le su^eridiù^ fortissimo , dont on n'a guère besoin dans la musique françoise ; car on y chante ordinairement très fort.

Fort, adj. Temps^orf. ( Vpyez Temps. )

Forte-piako. Substantif italien composé, et que les

FRA 32Ï

musiciens devroient franciser, comme les peintres ont francisé celui de chiaro-scuro , en adoptant Tidée qu'il exprime. \jÇ: forte-piano est Tart d'adoucir et ren- forcer les sons dans la mélodie imitative, comme on fait dans la parole qu'elle doit imiter. Non seulement quand on parle avec chaleur on ne s'exprime point toujours sur le même ton, mais on ne parle pas tou- jours avec le même degré de force. La musique, en imitant la variété des accents et des tons, doit donc imiter aussi les degrés intenses ou rémisses de la pa- role, et parler tantôt doux , tantôt fort , tantôt à demi- voix; et voilà ce qu'indique en général le vaot forte- piano.

Fragments. On appelle ainsi à l'Opéra de Paris le choix de trois ou quatre actes de ballet , qu'on tire de divers opéra, et qu'on rassemble, quoiqu'ils n'aient aucun rapport entre eux, pour être représentés suc- cessivement le même jour, et remplir, avec leurs en- tr'actes , la durée d'un spectacle ordinaire. Il n'y a qu'un homme sans goût qui puisse imaginer un pareil ramassis, et qu'un théâtre sans intérêt oii l'on puisse le supporter.

Frappé , adj. pris suhst. C'est le temps l'on baisse la main ou le pied, et l'on frappe pour marquer la mesure. ( Voyez Thésis. ) On ne frappe ordinairement du pied que le premier temps de chaque mesure; mais ceux qui coupent en deux la mesure à quatre frap- pent aussi le troisième. En battant de la main la me- sure, les François ne frappent jamais que le premier temps, et marquent les autres par divers mouvements de main : mais les Italiens frappent les deux premiers ,xiv. 2 i

322 FUG

de la mesure à trois , et lèvent le troisième ; ils frap- pent de même les deux premiers de la mesure à qua- tre, et lèvent les deux autres. Ces mouvements sont plus simples et semblent plus commodes.

Fredon , s. m. Vieux mot qui signifie un passage ra- pide et presque toujours diatonique de plusieurs no- tes sur la même syllabe; c est à peu près ce que Ton a depuis appelé roulade, avec cette différence que la roulade dure davantage et s'écrit, au lieu que le fredon n'est qu'une courte addition de goût, ou, comme on disoit autrefois, une diminution que le chanteur fait sur quelque note.

Fredonner, v. n. et a. F2iire des f redons. Ce mot est vieux, et ne s'emploie plus qu'en dérision.

Fugue, s.f. Pièce ou morceau de musique l'on traite, selon certaines règles d'harmonie et démodu- lation, un chant appelé sujet, en le faisant passer suc^ cessivement et alternativement d'une partie à une autre.

Voici les principales régies de la fugue, dont les unes lui sont propres , et les autres communes avec l'imitation.

I. Le sujet procède de la tonique à la dominante, ou de la dominante à la tonique, en montant ou en descendant.

II. Toute fugue a sa réponse dans la partie qui suit immédiatement celle qui a commencé.

III. Cette réponse doit rendre le sujet à la quarte ou à la quinte , et par mouvement semblable, le plus exactement qu'il est possible; procédant de la domi- nante à la tonique, quand le sujet s'est annoncé de la

FUG 323

tonique à la dominante, et vice versa. Une partie peut aussi reprendre le même sujet à l'octave ou à Tunisson de la précédente; mais alors c'est répétition plutôt qu'une véritable réponse.

IV. Comme l'octave se divise en deux parties iné- gales, dont Tune comprend quatre degrés en montant de la tonique à la dominante , et l'autre seulement trois en continuant de monter de la dominante à la to- nique, cela oblige d'avoir égard à cette différence dans l'expression du sujet, et de fane quelque changement dans la réponse, pour ne pas quitter les cordes essen- tielles du mode. C'est autre chose quand on se pro- pose de changer de ton ; alors l'exactitude même de la réponse prise sur une autre corde produit les altéra- tions propres à ce changement.

V. Il faut que la fugue soit dessinée de telle sorte que la réponse puisse entrer avant la fin du premier chant, afin qu on entende en partie l'une etlautre à-la- fois, que par cette anticipation le sujet se lie pour ainsi dire à lui-même , et que l'art du compositeur se montre dans ce concours. C est se moquer que de don- ner ^ouY fugue un chant qu'on ne fait que promener d'une partie à l'autre, sans autre gêne que de l'accom- pagner ensuite à sa volonté : cela mérite tout au plus le nom d'imitation. (Voyez Imitation. )

Outre ces régies , qui sont fondamentales , pour réussir dans ce genre de composition, il y en a d'au- tres qui , pour n'être que de goût , n'en sont pas moins essentielles, hes fugues, en général, rendent la musi- que plus bruyante qu'agréable ; c'est pourquoi elles conviennent mieux dans les chœurs que partout aii-

2 1

324 FUG

leurs. Or, comme leur principal mérite est de fixer toujours Foreille sur le chant principal ou sujet , qu'on fait pour cela passer incessamment de partie en par- tie, et de modulation en modulation, le compositeur doit mettre tous ses soins à rendre toujours ce chant bien distinct, ou à empêcher qu'il ne soit étouffé ou confondu parmi les autres parties. Il y a pour cela deux moyens. L'un, dans le mouvement qu'il faut sans cesse contraster : de sorte que, si la marche de la fugue est précipitée , les autres parties procèdent po- sément par des notes longues; et, au contraire, si la fugue marche gravement, que les accompagnements travaillent davantage. Le second moyen est d'écarter l'harmonie, de peur que les autres parties, s'appro- chant trop de celle qui chante le sujet, ne se confon- dent avec elle , et ne rempôchent de se faire entendre assez nettement; en sorte que ce qui seroit un vice partout ailleurs devient ici une beauté.

Unité de mélodie; voilà la grande régie commune qu'il fout souvent pratiquer par des moyens diffé- rents. Il faut choisir les accords, les intervalles , afin qu'un certain son , et non pas un autre , fasse l'effet principal : unité de mélodie.

Il faut quelquefois mettre en jeu des instruments ou des voix d'espèce différente, afin que la partie qui doit dominer se distingue plus aisément : unité de mé- lodie. Une autre attention non moim; nécessaire est, dans les divers enchaînements de modulations qu'a- mène la marche et le progrès de la fugue, de faire que toutes ces modulations se correspondent à-la-fois dans toutes les parties, de lier le tout dans son progrès par

FUS 325

une exacte conformité de ton, de peur qu'une partie étant dans un ton et Tautre dans un autre , l'harmonie entière ne soit dans aucun , et ne présente plus d'effet simple à l'oreille, ni d'idée simple à l'esprit : unité de imlodie. En un mot, dans ioute fugue ^ la confusion de mélodie et de modulation est en même temps ce qu'il y a de plus à craindre et de plus difficile a éviter; et le plaisir que donne ce genre de musique étant toujours médiocre , on peut dire qu'une heWe fugue est l'inprat chef-d'œuvre d'un bon harmoniste.

Il y a encore plusieurs autres manières àe fugues; comme les fugues perpétuelles ^ appelées canons , les dou- bles fugues , les contre fugues , ou fugues renversées , qu'on peut voir chacune à son mot , et qui sei-vent plus à étaler l'art des compositeurs qu'à flatter l'oreille des écoutants.

Fugue, du latin fuga , fuite ; parceque les parties, partant ainsi successivement , semblent se fuir et se poursuivre l'une l'autre.

Fugue RENVERSÉE. C'est une fugue dont la réponse se fait par mouvement contraire à celui du sujet. (Voyez Contre-fugue. )

Fusée, s.f Trait rapide et continu qui monte ou descend pour joindre diatoniquement deux notes à un grand intervalle l'une de l'autre. (Voyez PL C, figure 4.) A moins que la fusée ne soit notée, il faut , pour l'exécuter , qu'une des deux notes extrêmes ait une durée sur laquelle on puisse passer la fusée sans altérer la mesure.

26 GAM

G.

G re sol, G sol re ut ^ ou simplement G. Cinquième son de la gamme diatonique, lequel s'appelle autre- ment so/. (Voyez Gamme.)

C'est aussi le nom de la plus haute des trois clefs de la musique. (Voyez Clef.)

Gai, adv. Ce mot, écrit au-dessus d'un air ou d'un morceau de musique , indique un mouvement moyen entre le vite et le modéré ; il répond au mot italien al- legro^ employé pour le même usage. (Voyez Allegro.)

Ce mot peut s'entendre aussi du caractère d'une musique, indépendamment du mouvement.

Gaillarde, s.f. Air à trois temps gais d'une danse de même nom. On la nommoit autrefois rornanesque ^ parcequ'elle nous est, dit-on, venue de Rome, ou du moins d'Italie.

Cette danse est hors d'usage depuis long-temps. Il en est resté seulement un pas appelé, pas de gaillarde.

Gamme, gamm'ut, ou gamma-ut. Table ou échelle inventée par Gui Arétin, sur laquelle on apprend à nommer et entonner juste les degrés de l'octave par les six notes de musique, ut re mi fa sol la^ suivant toutes les dispositions qu'on peut leur donner; ce qui s'appelle solfier. (Voyez ce mot.)

Ij3l gamme a aussi été nommée tnain harmonique^ parceque Gui employa d'abord la figure d'une main , sur les doigts de laquelle il rangea ses notes , pour montrer les rapports de ses hexacordes avec les cinq tétracordes des Grecs. Cette main a été en usage pour

G A iM J 2 7

apprendre à iioininer les notes jusqu'à Tinvention du si qui a aboli chez nous les muances , et par consé- quent la main harmonique qui sert à le$ expliquer.

Gui Arétin , ayant , selon Topinion commune , ajouté au diagramme des Grecs un tétracorde à Faigu , et une corde au grave, ou plutôt, selon Meibomius, ayant, par ces additions, rétabli ce diagramme dans son ancienne étendue , il appela cette corde grave hy- poproslambanoiiiénos , et la marqua par le r des Grecs ; et comme cette lettre se trouva ainsi à la tête de Téchelle, en plaçant dans le haut les sons graves, se- lon la méthode des anciens, elle a fait donner à cette échelle le nom barbare de gamme.

Cette g atnme donc, dans toute son étendue, étoit composée de vingt cordes ou notes, c'est-à-dire de deux octaves et d'une sixte majeure. Ces cordes étoient représentées par des lettres et par des syllabes. Les lettres désignoient invariablement chacune une corde déterminée de l'échelle, comme elles font encore au- jourd'hui; mais comme il n'y avoit d'abord que six lettres, enfin que sept, et qu'il falloit recommencer d'octave en octave, on distinguoit ces octaves par les figures des lettres. La première octave se marquoit par des lettres capitales de cette manière: r.A.B.,etc. ; la seconde, par des caractères courants g. a. b.; et pour la sixte surnuméraire, on employoit des lettres doubles, gg, aa. bb.^ etc.

Quant aux syllabes , elles ne représentoient que les noms qu'il falloit donner aux notes en les chantant. Or, comme il n'y avoit que six noms pour sept notes , c'étoit une nécessité qu'au moins un même nom fût

338 GAM

donné à deux différentes notes; ce qui se fit de ma- nière que ces deux notes mi fa ou lafa^ tombassent sur les semi-tons : par conséquent , dès qu'il se présen- toit un dièse ou un bémol qui amenoit un nouveau semi-ton , c'étoient encore des noms à cbanger ; ce qui faisoit donner le même nom à différentes notes , et différents noms à la même note, selon le progrès du chant ; et ces changements de noms s'appeloient muances.

On apprenoit donc ces muances par la gamme. A la gauche de chaque degré on voyoit une lettre qui indi- quoit la corde précise appartenant à ce degré; à la droite, dans les cases, on trouyoit les différents noms que cette même note devoit porter en montant ou en descendant par bécarre ou par bémol , selon le progrès .

Les difficultés de cette méthode ont fait faire en divers temps plusieurs changements à la gamme. La figure i o,P/. A, représente cette gamme telle qu'elle est actuellement usitée en Italie. C'est à peu près la mênie chose en Espagne et en Portugal , si ce n'est qu'on trouve quelquefois à la dernière place la colonne du bécarre, qui est ici la première , ou quelque autre dif- férence aussi peu importante.

Pour se servir de cette échelle, si l'on veut chanter au naturel , on applique à F de la première colonne , le long de laquelle on monte jusqu'au /a; après quoi, passant à droite dans la colonne du h naturel, on îiomme^; on monte au la de la même colonne, puis on retourne dans la précédente à m«, et ainsi de suite ; ou bien on peut commencer par ut au C de la seconde colonne; ariivé au /«, passer à /?i/ dans la première

GAM 329

colonne , pnis repasser dans l'autre colonne au fa. Vdv ce moyen Tune de ces transitions forme toujours un semi-ton, savoir lafa\ et l'autre toujours un ton , savoir, la mi. Par bémol, on peut commencera Xut en c ou/", et faire les transitions de la même ma-

nière, etc.

En descendant par bécarre on quitte \ut de la co- lonne du milieu pour passer au mi de celle par bé- carre , ou ^nfa de celle par bémol ; puis descendant j us- qu'à Y ut de cette nouvelle colonne, on en sort par^u de gauche à droite , par mi de droite à (jauche , etc.

Les Anglois n'emploient pas toutes ces syllabes , mais seulement les quatre premières, ^it re mi fa , changeant ainsi de colonne de quatre en quatre notes , ou de trois en trois par une méthode semblable à celle que je viens d'expliquer , si ce n'est qu'au lieu de la fa et de la mi., il faut muer par^w id^ et par mi ut.

Les Allemands n'ont point d'autre giamme que les lettres initiales qui marquent les sons fixes dans les autres gammes., et ils solfient même avec ces lettres de la manière qu'on pourra voir au mot Solfier.

La gamme françoise, autrement ôÀie^amme du s«, lève les embarras de toutes ces transitions. Elle con- siste en une simple échelle de six degrés sur deux co- lonnes , outre celle des lettres. (Voyez Planche A , fig. II .) La première colonne à gauche est pour chanter par bémol, c'est-à-dire avec un bémol à la clef; la se- conde, pour chanter au naturel. Voilà tout le mys- tère de la gamme françoise, qui n'a guère plus de dif- ficulté que d'utilité, attendu que toute autre altération qu'un bémol la met à l'instant hors d'usage. Les au-

33o GKN

très gammes n ont par-dessus celle-là que Tavanta^o d'avoir aussi une colonne pour le bécarre, c'est-à-dire pour un dièse à la clef; mais sitôt qu'on y met plus d'un dièse ou d'un bémol (ce qui ne se faisoit jamais autrefois), toutes ces gammes sont également inutiles. Aujourd'hui que les musiciens françois chantent tout au naturel, ils n'ont que faire de gamme. C sol ut, ut , et C , ne sont pour eux que la même chose. Mais , dans le système de (rui , ut est une chose, et C en est une autre fort différente ; et quand il a donné à chaque note une syllabe et une lettre, il n'a pas prétendu en faire des synonymes; ce qui eût été doubler inutilement les noms et les embarras.

Gavotte, s. f. Sorte de danse dont l'air est à deux temps, et se coupe en deux reprises, dont chacune commence avec le second temps et finit sur le pre- m^ier. Le mouvement de la gavotte est ordinairement gracieux, souvent gai, quelquefois aussi tendre et lent. Elle marque ses phrases et ses repos de deux en deux mesures.

Génie, s. m. Ne cherche point , jeune artiste, ce que c'est que \e*génie. En as-tu, tu le sens en toi-même. N'en as-tu pas, tu ne le connoîtras jamais. Le génie du musicien soumet l'univers entier à son ait; il peint tous les tableaux par des sons; il fait parler le silence même ; il rend les idées par des sentiments , les senti- ments par des accents ; et les passions qu'il exprime, il les excite au fond des cœurs: la volupté, par lui, prend de nouveaux charmes ; la douleur qu'il fait gé- mir aj-rache des cris; il brûle sans cesse, et ne se con- sume jamais : il exprime avec chaleur les frimas et

GEN 33l

les {places ; même en peignant les horreurs de la moit , il porte dans Tame ce sentiment de vie qui ne Taban- donne point, et qu'il communique aux cœurs faits pour le sentir : mais , hclas ! il ne sait rien dire à ceux son germe n'est pas , et ses prodiges sont peu sen- sibles à qui ne les peut imiter. Veux- tu donc savoir si quelque étincelle de ce feu dévorant faiïîme; cours , vole à Naples écouter les chefs-d'œuvre de Léo , de Durante^ de Jomelli, de Pergolèse. Si tes yeux s'emplis- sent de larmes, si tu sens ton cœur palpiter, si des tressaillements t'agitent, si l'oppression te suffoque dans tes transports, prends le Métastase et travaille; son génie échauffera le tien , tu créeras à son exemple : c'est ce que fait le génie , et d'autres yeux te ren- dront bientôt les pleurs que les maîtres t'ont fait verser. Mais si les charmes de ce grand art te laissent tranquille, si tu n'as ni délire ni ravissement, si tu ne trouves que beau ce qui transporte, oses-tu demander ce qu'est le ^e/zî'e? homme vulgaire, ne profane point ce nom sublime. Que t'importeroit de le connoître? tu ne saurois le sentir : fais de la musique françoise.

Geisre, s. m. Division et disposition du tétracorde, considéré dans'les intervalles des quatre sons qui le composent. On conçoit que cette définition, qui est celle d'Euclide , n'est applicable qu'à la musique grec- que, dont j'ai à parler en premier lieu.

La bonne constitution de l'accord du tétracorde, c'est-à-dire l'établissement d'un getire régulic^r, dé- pendoit des trois régies suivantes, que je tire d'Aris- toxène.

La première étoit que les deux cordes extrêmes, du

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tétracorde dévoient toujours rester immobiles, afiu que leur intervalle fût toujours celui d'une quarte juste ou du diatessaron. Quant aux deux cordes moyennes, elles varioient à la vérité ; mais l'intervalle du lichanos à la mèse ne devoit jamais passer deux tons, ni dimi- nuer au-delà d un ton^ de sorte qu'on a voit précisé- ment l'espace d'un ton pour varier l'accord du licha- nos : et c'est la seconde régie. La troisième étoit que l'intervalle de la parhypate , ou seconde corde à Tliy- pate, n'excédât jamais celui de la même parhypate au lichanos.

Comme en général cet accord pouvoit se diversi- fier jde trois façons, cela constituoit trois principaux genres; savoir, le diatonique, le chromatique, et l'en- harmonique. Ces deux derniers genres, les deux premiers intervalles faisoient toujours ensemble une somme moindre que le troisième intervalle , s'ap- peloient, à cause de cela , genres épais ou serrés. (Voyez Epais. )

Dans le diatonique, la modulation procédoit par un semi-ton, un ton^ et un autre ton, si ut re mi; et comme on y passoit par deux tons consécutifs, de lui venoit le nom de diatonique. Le chromatique pro- cédoit successivement par deux semi-tons et un hémi- diton ou une tierce mineure, si, ut, ut dièse, mi ; cette modulation tenoit le milieu entre celles du diatoni- que et de l'enharmonique, y faisant, pour ainsi dire, sentir diverses nuances de sons, de même qu'en- tre deux couleurs principales on introduit plusieurs jfiuances intermédiaires; et de vient qu'on appeloit Ce genre chromatique ou coloré. Dans Fenharmoni-

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que, la modulation procédoit par deux quarts de ton , en divisant, selon la doctrine d'Aristoxène, le semi- ton majeur en deux parties égales, et un diton ou une tierce majeure, comme si^ si àièse enharmonique, ut^ et mi; ou bien, selon les pythagoriciens, en divisant le semi-ton majeur en deux intervalles inégaux, qui formoient, Tun le semi-ton mineur, c'est-à-dire notre dièse ordinaire, et l autre le complément de ce même semi-ton mineur au semi-ton majeur, et ensuite le diton, comme ci-devant, si^ si dièse ordinaire, ut, mi. Dans le premier cas, les deux intervalles égaux du si à l'it^étoient tous deux enharmoniques ou d'un quart de ton; dans le second cas, il n'y avoit d'enharmoni- que que le passage du si dièse à Y ut, c'est-à-dire la dif- férence du semi-ton mineur au semi-ton majeur, la- quelle est le dièse appelé de Pythagore, et le véritable intervalle enharmonique donné par la nature.

Comme donc cette modulation, dit M. Burette, se tenoit d'abord très serrée , ne parcourant que de petits intervalles, des intervalles presque insensibles, on la nommoit enharmonique, comme qui diroit bien jointe ^ bien assemblée , probe coagmentata.

Outre ces genres principaux, il y en avoit d'autres qui résultoient tous des divers partages du tétracorde, ou de façons de l'accorder différentes de celles dont je viens de parler. Aristoxène subdivise le genre diato- nique en syntonique et diatonique mol. (Voyez Diato- nique), et le geni^e chromatique en mol, hémolien et tonique (voy«z Chromatique), dont il donne les dif- férences comme je les rapporte à leurs articles. Aris- tide Quintilien fait mention de plusieurs amtres genrefi

334 GEN

particuliers , et il en compte six qu'il donne pour très anciens; savoir, le lydien, le dorien, le phry- gien, Fionien, le myxolidien, et le syntonolydien. Ces six genres, qu il ne faut pas confondre avec les tons ou modes de mêmes noms, différoient par leurs degrés ainsi que par leur accord; les uns n'arrivoient pas à Toctave, les autres Fatteignoient, les autres la pas- soient; en sorte qu'ils participoient à-la fois du genre et du mode. On en peut voir le détail dans le Musi- cien grec.

En général le diatonique se divise en autant d'es- pèces qu'on peut assigner d'intervalles différents entre le semi-ton et le ton;

Le chromatique . en autant d'espèces qu'on peut assigner d'intervalles entre le semi-ton et le dièse en- harmonique. \

Quant à l'enharmonique, il ne se subdivise point.

Indépendamment de toutes ces subdivisions , il y avoit encore un genre commun dans lequel on n'em- ployoit que des sons stables qui appartiennent à tous les genres , et un genre mixte qui participoit du carac- tère de deux genres ou de tous les trois. Or, il faut bien remarquer que dans ce mélange àes genres , qui étoit très rare, on n'employoit pas pour cela plus de quatre cordes , mais on les tendoit ou relâchoit diversement durant une même pièce; ce qui ne paroît pas trop facile à pratiquer. Je soupçonne que peut-être un tétracorde étoit accordé dans un genre, et un autre dans un autre; mais les auteurs ne s'expliquent pas clairement là-dessus.

On lit dans Aristoxène ( Liv. i , Part. II) que, jus-

GEN 335

qu au temps d'Alexandre , le diatonique et le chroma- tique étoient négliges des anciens musiciens, et qu'ils ne s'exerçoient que dans le gem^e enharmonique, comme le seul digne de leur habileté; mais ce genre étoit entièrement abandonné du temps de Plutar- que, et le chromatique aussi fut oublié, même avant Macrobe.

L'étude des écrits des anciens , plus que le progrès de notre musique, nous a rendu ces idées perdues chez leurs successeurs. Nous avons comme eux le genre diatonique, le chromatique, et renharmonique, mais sans aucunes divisions, et nous considérons ces genres sous des idées fort différentes de celles qu'ils en avoient; c'étoient pour eux autant de manières particulières de conduire le chant surcertaines cordes prescrites : pour nous, ce sont autant de manières de conduire le corps entier de l'harmonie, qui forcent les parties à suivre les intervalles prescrits par ces genres : de sorte que le genre appartient encore plus à Iharmonie qui l'engendre, qu'à la mélodie qui le fait sentir.

Il faut encore observer que, dans notre musique, les genres sont presque toujours mixtes, c'est-à-dire que le diatonique entre pour beaucoup dans le chro- matique, et que l'un et l'autre sont nécessairement mêlés à l'enharmonique. Une pièce de musique tout entière dans un seul genre seroit très difficile à con- duire et ne seroit pas supportable; car dans le diato- nique, il seroit impossible de changer de ton; dans le chromatique, on seroit forcé de changer de ton à chaque note; et dans l'enharmonique il n'y auroit ah-

336 Gou

solument aucune sorte de liaison. Tout cela vient encore des régies de l'harmonie, qui assujettissent la succession des accords à certaines régies incompati- bles avec une continuelle succession enharmonique ou chromatique ) et aussi de celles de la mélodie, qui n en sauroit tirer de beaux chants. Il n'en étoit pas de même des genres des anciens : comme les tétracordes étoient également complets, quoique divisés diffé- remment dans chacun des trois systèmes, si dans la mélodie ordinaire un genre eût emprunté d'un autre d'autres sons que ceux qui se trouvoient nécessaire- ment communs entre eux , le tétracorde auix)it eu plus de quatre cordes, et toutes les régies de leur musique auroient été confondues.

M. Serre, de Genève, a fait la distinction d'un quatrième genre ^ duquel j'ai parlé dans son article.

(Voyez DiACOMMATIQUE. )

Gigue, s.f. Air d'une danse de même nom, dont la mesure est à six-huit et d'un mouvement assez gai. Les opéra françois contiennent beaucoup de gigues j et les gigues de Corelli ont été long-temps célèbres : mais ces airs sont entièrement passés de mode; on n'en faitphis du tout en Italie, et l'on n'en fait plus guère en France.

GouT, 5. m. De tous les dons naturels le goût est celui qui se sent le mieux et qui s'explique le moins : il ne seroit pas ce qu'il est, si l'on pouvoit le définir, car il juge des objets sur lesquels le jugement n'a plus de prise, et sert, si j'ose parler ainsi, de lunette à la raison.

Il y a, dans la mélodie, des chants plus agréables

{

GOU 337

que d'autres , quoique également bien modulés ; il y a , dans l'harmonie, des choses d'elCet et des choses sans effet , toutes également régulières 5 il y a dans Fentre- lacement des morceaux un ai^t exquis de faire valoir les uns par les autres, qui tient à quelque chose plus fm que la loi des contrastes ; il y a dans l'exécu- tion du même morceau des manières différentes de le rendre, sans jamais sortir de son caractère : de ces manières , les unes plaisent plus que les autres , et loin de les pouvoir soumettre aux régies, on ne peut pas même les déterminer. Lecteur, rendez-moi raison de ces différences, et je vous dirai ce que c'est que le goût.

Chaque homme a un goût particulier par lequel ii donne aux choses qu'il appelle belles et bonnes un ordre qui n'appartient qu'à lui. L'un est plus touché des morceaux pathétiques ; l'autre aime mieux^les airs gais : une voix douce et flexible chargera ses chants d'ornements agréables; une voix sensible et forte ani^ mera les siens des accents de la passion : l'un cher- chera la simplicité dans la mélodie ; l'autre fera cas des traits recherchés : et tous deux appelleront élégance le goût qu'ils auront préféré. Cette diversité vient , tantôt de la différente disposition des organes, dont le goût enseigne à tirer parti, tantôt du caractère parti- culier de chaque homme , qui le rend plus sensible à un plaisir ou à un défaut qu'à un autre, tantôt de la diversité d'âge ou de sexe, qui tourne les désirs vers des objets différents; dans tous ces cas, chacun» n'ayant que son goût k opposer à celui d'un autre, il est évident qu'il n'en faut point disputer. XIV. 22

338 Gou

Mais il y a aussi un goût général sur lequel tous les gens bien organisés s'accordent; et c'est celui-ci seulement auquel on peut donner absolument le nom de goût. Faites entendre un concert à des oreilles suf- fisamment exercées et à des hommes suffisamment instruits , le plus grand nombre s'accordera , pour l'ordinaire, sur le jugement des morceaux et sur Tordre de préférence qui leur convient. Demandez à chacun raison de son jugement; il y a des choses sur lesquelles ils la rendront d'un avis presque unanime : ces choses sont celles qui se trouvent soumises aux ré- gies; et ce jugement commun est alors celui de l'artiste ou duconnoisseur : mais de ces choses qu'ils s'accor- dent à trouver bonnes ou mauvaises , il y en a sur les- quelles ils ne pourront autoriser leur jugement par aucune raison solide et commune à tous ; et ce dernier jugement appartient à l'homme de goût. Que si l'una- nimité parfaite ne s'y trouve pas, c'est que tous ne sont pas également bien organisés , que tous ne sont pas gens de goût^ et que les préjugés de l'habitude ou de l'éducation changent souvent, par des conventions arbitraires, l'ordre des beautés naturelles. Quant à ce goût^ on en peut disputer, parcéqu'il n'y en a qu'un qui soit le vrai : mais je ne vois guère d'autre moyen de terminer la dispute que celui de compter les voix, quand on ne convient pas même de celle de la nature. Voilà donc ce qui doit décider de la préférence entre la musique françoise et Titalienne. Au reste, le génie crée, mais le goût choisit; et sou- vent un génie trop abondant a besoin d'un censeur sévère qui l'empêche d'abuser de ses richesses. Sans

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goût on peut faire de grandes choses ; mais c'est lui qui les rend intéressantes. C'est le goût qui fait saisir au compositeur les idées du poète ; c'est le goût qui fait saisira l'exécutant les idées du compositeur; c'est le goût qui fournit à l'un et à l'autre tout ce qui peut orner et faire valoir leur sujet ; et c'est le goût qui donne à l'auditeur le sentiment de toutes ces convenances; Cependant le goût n'est point la sensibilité : on peut avoir beaucoup de goût avec une ame froide ; et tel homme transporté des choses vraiment passionnées est peu touché des gracieuses. Il semble que le goût s'attache plus volontiers aux petites expressions, et la sensibilité aux grandes.

GouT-DU-CHAiNT. C'cst aiusi qu'on appelle en France l'art de chanter ou de jouer les notes avec les agré- ments qui leur conviennent, pour couvrir un peu la fadeur du chant françois. On trouve à Paris plusieurs maîtres de goût-de-chant ^ et ce goût a plusieurs termes qui lui sont propres ; on trouvera les principaux au mot Agréments.

Le goût-du-chant consiste aussi beaucoup à donner artificiellement à la voix du chanteur le timbre , bon ou mauvais , de quelque acteur ou actrice à la mode ; tantôt il consiste à nasillonner, tantôt à canarder, tantôt à chevrotter, tantôt à glapir : mais tout cela sont des grâces passagères qui changent sans cesse avec leurs auteurs.

Grave ou Gravement. Adverbe qui marque lenteur dans le mouvement, et de plus une certaine gravité dans l'exécution.

Grave, acj/'. est opposé à aigu. Plus les vibrations

22.

34o GUI

Gu corps sonore sont lentes, plus le son est grave. (Voyez Son, Gravité.)

Gravité, s.f. C'est cette modification du son par laquelle on le considère comme grave ou bas par rap- port à d'autres sons qu'on appelle hauts ou aigus. Il n y a point dans la langue françoise de corrélatif à ce mot ; car celui d'acuité n'a pu passer.

1j?l gravité des sons dépend de la grosseur, longueur, tension des cordes, de la longueur et du diamètre des tuyaux, et en général du volume et de la masse des corps sonores; plus ils ont de tout cela, plus leur gravité est grande : mais il n'y a point de gravité ab- solue , et nul son n est grave ou aigu que par com- paraison.

Gros-fa. Certaines vieilles musiques d'église, en notes carrées , rondes, ou blanches, s'appeloient jadis du gros-fa.

Groupe, s. m. Selon l'abbé Brossard, quatre notes égales et diatoniques, dont la première et la troisième sont sur le même degré, forment un groupe. Quand la deuxième descend et que la quatrième monte, c'est groupe ascendant; quand la deuxième monte et que la quatrième descend, c est groupe descendant: et il ajoute que ce nom a été donné à ces notes à cause de la figure qu'elles forment ensemble.

Je ne me souviens pas d'avoir jamais ouï employer ce mot, en parlant, dans le sens que lui donne l'abbé Brossard, ni même de l'avoir lu dans le même sens ailleurs que dans son dictionnaire.

Guide , s. f. C'est la partie qui entre la première dans une fugue et annonce le sujet. (Voyez Fugue. )

HAR 34 J

Ce mot, commun en Ilaiie, est peu usité en France dans le même sens.

Guidon, s. m. Petit sl.jjne de musique, lequel se met à l'extrémité de chaque portée sur le degré sera placée la note qui doit commencer la portée sui- vante : si cette première note est accompagnée acci- dentellement d'un dièse , d'un bémol , ou d'un bécarre , il convient d'en accompagner aussi le guidon.

On ne se sert plus de giiidons en Italie, surtout dans les partitions, chaque portée ayant toujoius dans l'accolade sa place fixe, on ne sauroit guère se tromper en passant de l'une à l'autre. Mais les guidons sont nécessaires dans les partitions françoises, parce- que, d'une ligne à l'autre, les accolades embrassant plus ou moins de portées , vous laissent dans une con- tinuelle incertitude de la portée correspondante à celle que vous avez quittée.

Gymnopédie, s.f. Air ou nome sur lequel dansoient à nu les jeunes Lacédémoniennes.

H.

Harmatias. Nom d'un nome dactylique de la musique grecque, inventé par le premier Olympe, phrygien.

Harmonie, s.f. Le sens que donnoient les Grecs h ce mot dans leur musique est d'autant moins facile à déterminer, qu'étant originairement un nom propre, il n'a point de racines par lesquelles on puisse le dé- composer pour en tirer l'étymologie. Dans les anciens traités qui nous restent , V harmonie ipsiroii être la partie

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qui a pour objet la succession convenable des sons, entant qu'ils sont aigus ou graves, par opposition aux deux autres parties appelées rhythmica et metrica, qui se rapportent au temps et à la mesure; ce qui laisse à cette convenance une idée vague et indéter- minée qu'on ne peut fixer que par une étude expresse de toutes les règles de l'art; et encore, "après cela,

^ Y harmonie sera-t-elle fort difficile à distinguer de la mélodie , à moins qu'on n'ajoute à cette dernière les idées de rhythme et de mesure, sans lesquelles, en effet , nulle mélodie ne peut avoir un caractère déter- miné ; au lieu que V harmonie a le sien par elle-même indépendamment de toute autre quantité. (Voyez Mélodie.)

On voit, par un passage de Nicomaque et par d'autres, qu'ils donnoient aussi quelquefois le nom d'harmonie à la consonnance de l'octave, et aux con- certs de voix et d'instruments qui s'exécutoient à î'octave, et qu'ils appeloient plus communément «:/«- tiphonies.

Harmonie, selon les modernes, est une succession d'accords selon les lois de la modulation. Long-temps cette harmonie n'eut d'autres principes que des régies presque arbitraires ou fondées uniquement sur l'ap- probation d'une oreille exercée , qui jugeoit de la bonne ou mauvaise succession des consonnances, et dont on mettoit ensuite les décisions en calcul. Mais le P. Mersenne et M. Sauveur ayant trouvé que tout

, son, bien que simple en apparence , étoit toujours accompagné d'autres sons moins sensibles qui for- moient avec lui l'accord parfait mnjeur, M. Rameau

est parti de cette expérience, et en a fait la base de son système harmonique, dont il a rempli beaucoup de livres, et qu enfin M. d'Alembert a pris la peine d'expliquer au public.

M. Tartini, partant d'une aulre expérience plus neuve, plus délicate, et non moins certaine, est par- venu à des conclusions assez semblables par un che- min tout opposé. M. Eameau fait engendrer les dessus par la basse ; M. Tartini fait engendrer la basse par les dessus : celui-ci tire \ harmonie de la mélodie , et le premier fait tout le contraire. Pour décider de la- quelle des deux écoles doivent sortir les meilleurs ou- vrages, il ne faut que savoir lequel doit être fait pour Tautre , du chant ou de Faccompagnement. On trou- vera au mot Système un court exposé de celui de M. Tartini. Je continue à parler ici dans celui de M. Rameau, cjue j'ai suivi dans tout cet ouvrage, comme le seul admis dans le pays j'écris.

Je dois pourtant déclarer que ce système, quelque ingénieux qu'il soit, n'est rien moins que fondé sur la nature, comme il le répète sans cesse; qu'il n'est éta- bli que sur des analogies et des convenances qu'un homme inventif peut renverser demain par d'autres plus naturelles ; qu'enfin des expériences dont il le déduit, l'une est reconnue fausse , et l'autre ne fournit point les conséquences qu'il en tire. En effet, quand cet auteur a voulu décorer du titre de nions Ira tion les raisonnements sur lesquels il établit sa théorie , tout le monde s'est moqué de lui; l'académie a hau- tement désapprouvé cette qualification obreptice; et M. Estéve, de la société royale de Montpellier, lui a

344 HAR

fait voir qu'à commencer par cette proposition , que , dans la loi de la nature, les octaves des sons les repré- sentent et peuvent se prendre pour eux, il n'y avoit rien du tout qui fût démontré , ni même solidement établi dans sa prétendue démonstration. Je reviens à son système.

Le principe physique de la résonnance nous offre les accords isolés et solitaires ; il n'en établit pas la succession. Une succession régulière est pourtant né- cessaire. Un dictionnaire de mots choisis n'est pas une harangue, ni un recueil de bons accords une pièce de musique : il faut un sens, il faut de la liaison dans la piusique ainsi que dans le langage ; il faut que quel- que chose de ce qui précède se transmette à ce qui suit, pour que le tout fasse un ensemble etpuisse être appelé véritablement un.

Or la sensation composée qui résulte d'un accord parfait se résout dans la sensation absolue de chacun des sons qui le composent, et dans la sensation com- parée de chacun des intervalles que ces mêmes sons forment entre eux : il n'y a rien au-delà de sensible dans cet accord; d'où il suit que ce n'est que par le rapport des sons et par l'analogie des intervalles qu'on peut établir la liaison dont il s'agit, et c'est le vrai et Funique principe d'où découlent toutes les lois de Y harmonie et de la modulation. Si donc toute \liar- vionien étoit formée que par une succession d'accords parfaits majeurs , il suffiroit d'y procéder par inter- valles semblables à ceux qui composent un tel accord ; car alors , quelque son de l'accord précédent se pro- longeant nécessairement dans le suivant, tous les ac-

IIAR 345

cords se trouveroicnt suffisamment lies, et Y harmonie seroit une au moins en ce sens.

Mais, outre que de telles successions excluroient toute mélodie en excluant le genre diatonique qui en fait la base, elles n'iroient point au vrai but de Fart; puisque la musique, étant un discours, doit avoir comme lui ses périodes, ses phrases, ses suspensions , ses repos, sa ponctuation de toute espèce, efc que l'uniformité des marches harmoniques n'offriroit rien de tout cela. Les. marches diatoniques exigeoient que les accords majeurs et mineurs fussent entremêlés , et Ton a senti la nécessité des dissonances pour mar- quer les phrases et les repos. Or, la succession liée des accords parfaits majeurs ne donne ni Taccord parfait mineur, ni la dissonance, ni aucune espèce de phrase , et la ponctuation s'y trouve tout-à-fait en défaut.

M. Rameau voulant absolument, dans son système, tirer delà nature toute notre harmonie^ a eu recours pour cet effet à une autre expérience de son invention , de laquelle j'ai parlé ci-devant, et qui est renversée de la première : il a prétendu qu'un son quelconque fournissoit dans ses multiples un accord parfait mi- neur au grave, dont il étoit la dominante ou quinte, comme il en fournit un majeur dans ses aliquotes, dont il est la tonique ou fondamentale. Il a avancé, c6tome un fait assuré , qu'une corde sonore faisoit vi- brer dans leur totalité, sans pourtant les faire réson- ner, deux autres cordes plus graves, l'une à sa dou- zième majeure, et l'autre à. sa dix-septième; et de ce fait, joint au précédent, il a déduit fort ingénieuse-

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ment, non seulement lintioduction du mode mineur et de la dissonance dans \ harmonie, mais les régies de la phrase harmonique et de toute la modulation, telles qu'on les trouve aux mots Accord, Accompagnement, Basse-fondamentale, Cadence, Dissonance, Modu- lation.

Mais premièrement l'expérience est fausse : il est reconnu que les cordes accordées au-dessous du son fondamental, ne frémissent point en entier à ce son fondamental, mais qu'elles se divisent pour en ren- dre seulement Funisson, lequel conséquemment n'a point d'harmoniques en dessous : il est reconnu de plus que la propriété qu'ont les cordes de se diviser n'est point particulière à celles qui sont accordées à la douzième et à la dix-septième en dessous du son principal, mais qu'elle est commune à tous ses mul- tiples; d'où il suit que, les intervalles de douzième et de dix-septième en dessous n'étant pas uniques en leur manière, on n'en peut rien conclure en faveur de l'accord parfait mineur qu'ils représentent.

Quand on supposeroit la vérité de cette expérience, cela ne léveroit pas à beaucoup près les difficultés. Si, comme le prétend M. Rameau, toute Y harmonie est dérivée de la résonnance du corps sonore , il n'en dérive donc point des seules vibrations du corps so- nore qui ne résonne pas. En effet, c'est une étrange théorie de tirer de ce qui ne résonne pas les principes de Yhormonie; et c'est une étrange physique de faire vibrer et non résonner le corps sonore, comme si le son lui-même étoit autre chose que l'air ébranlé par ces vibrations. D'ailleurs le corps sonore ne donne

IIAR 347

pas seulement, outre le son principal, les sons qui composent avec lui l'accord parfait, mais une infinité d'autres sons , formes par toutes les aliquotes du corps sonore, lesquels n'entrent point dans cet accord par- fait. Pourquoi les premiers sont-ils consonnants , et pourquoi les autres ne le sont-ils pas, puisqu'ils sont tous également donnés parla nature?

Tout son donne un accord vraiment parfait, puis- qu'il est formé de tous ses harmoniques, et que c'est par eux qu'il est un son : cependant ces harmoniques ne s'entendent pas, et l'on ne distingue qu'un son simple, à moins qu'il ne soit extrêmement fort; d'où il suit que la seule honne harmonie est l'unisson, et qu'aus- sitôt qu'on distingue les consonnances, la proportion naturelle étant altérée, \ harmonie a perdu sa pureté.

Cette altération se fait alors de deux manières. Premièrement, en faisant sonner certains harmoni- ques , et non pas les autres , on change le rapport de force qui doit régner entre eux tous , pour produire la sensation d'un son unique, et l'unité de la nature est détruite. On produit, en doublant ces harmoniques , un effet semblable à celui qu'on produiroit en étouffant tous les autres ; car alors il ne faut pas douter qu'avec le son générateur on n'entendît ceux des harmoniques qu'on auroit laissés ; au lieu qu'en les laissant tous , ils s'entre-détruisent , et concourent ensemble à pro- duire et renforcer la sensation unique du son princi- pal. C'est le même effet que donne le plein jeu de l'orgue , lorsqu'ôtant successivement les registres , on laisse avec le principal la doublette et la quinte ; car alors cette quinte et cette tierce, qui restoient

34S TÎAR

confondues, se distinguent séparément et désagréa- blement.

De plus , les harmoniques qu'on fait sonner ont eux- mêmes d'autres harmoniques, lesquels ne le sont pas du son fondamental : c'est par ces harmoniques ajoutés que celui qui les produit se distingue encore plus du- rement; et ces mêmes harmoniques qui font ainsi sen- tir l'accord n'entrent point dans son harmonie. Voilà pourquoi les consonnances les plus parfaites déplai- sent naturellement aux oreilles peu faites à les enten- dre, et je ne doute pas que l'octave elle-même ne déplût comme les autres , si le mélange des voix d'hommes et de femmes n'en donnoit l'habitude dès l'enfance.

C'est encore pis dans la dissonance, puisque, non seulement les harmoniques du son qui la donnent, mais ce son lui-même n entre point dans le système harmonieux du son fondametital; ce qui fait que la dis- sonance se distingue toujours d'une manière cho- quante parmi tous les autres sons.

Chaque touche d'un orgue, dans le plein-jeu, donne un accord parfait tierce majeure, qu'on ne distingue pas du son fondamental , à moins qu'on ne soit d'une attention extrême et qu'on ne tire successivement les jeux; mais ces sons harmoniques ne se confondent avec le principal qu'à la faveur du grand bruit et d'un arrangement de registres par lequel les tuyaux qui font résonner le son fondamental couvrent de leur force ceux qui donnent ses harmoniques. Or , on n'observe point et l'on ne sauroit observer cette pro- portion continuelle dans un concert, puisque , attendu

IIAR 349

le renversement de Y /larmonie , il faudroit que cette plus grande force passât à chaque instant d'une partie à une antre; ce qui n'est pas praticable, et défigure- roit toute la mélodie.

Quand on joue de l'orgue, chaque touche de la basse fait sonner Taccord parfait majeur; mais parce- que cette basse n'est pas toujours fondamentale, et qu'on module souvent en accord parfait mineur, cet accord parfait majeur est rarement celui que frappe Ifi main droite ; de sorte qu'on entend la tierce mineure avec la majeure , la quinte avec le triton , la septième superflue avec l'octave, et mille autres cacophonies, dont nos oreilles sont peu choquées , parceque l'habi- tude les rend accommodantes ; mais il n'est point à présumer qu'il en fût ainsi d'une oreille naturelle- ment juste, et qu'on mettroitpour la première fois a l'épreuve de cette harmonie'.

M. Rameau prétend que les dessus d'une certame simplicité suggèrent naturellement leur basse , et qu'un homme, ayant l'oreille juste et non exercée, entonnera naturellement cette basse. C'est un pré- jugé de musicien démenti par toute expérience. Non seulement celui qui n'aura jamais entendu ni basse ni harmonie ne trouvera de lui-même ni cette harmonie ni cette basse, mais elles lui déplairont si on les lui fait entendre , et il aimera beaucoup mieux le simple unisson.

Quand on songe que, de tous les peuples de la terre, qui tous ont une musique et un chant, les Eu- ropéens sont les seuls qui aient une hannonie, des ac- cords, et qui trouvent ce mélange agréable; quand

35o HAK

on songe que le monde a duré tant de siècles ,^ans que , de toutes les nations qui ont cultivé les beaux-arts, aucune ait connu cette harmonie; qu aucun animal, qu'aucun oiseau , qu'aucun être dans la nature ne produit d'autre accord que l'unisson, ni d'autre mu- sique que la mélodie; que les langues orientales, si sonores, si musicales; que les oreilles grecques, si dé- licates, si sensibles, exercées avec tant d'art, n'ont ja- mais guidé ces peuples voluptueux et passionnés vers notre harmonie; que sans elle leur musique avoit des effets si prodigieux; qu'avec elle la nôtre en a de si foibles ; qu'enfin il étoit réservé à des peuples du Nord, dont les organes durs et grossiers sont plus touchés de l'éclat et du bruit des voix que de la douceur des accents et de la mélodie des inflexions, de faire cette grande découverte et de la donner pour principe à toutes les régies de l'art; quand, dis-je, on fait at- tention à tout cela , il est bien difficile de ne pas soup- çonner que toute notre harmonie n'est qu'une inven- tion gothique et barbare, dont nous ne nous fussions jamais avisés si nous eussions été plus sensibles aux véritables beautés de l'art et à la musique vraiment naturelle.

M. Rameau prétend cependant que Yharmonie est la source des plus grandes beautés de la musique ; mais ce sentiment est contredit par les faits et par la raison. Par les faits, puisque tous les grands effets de la musique ont cessé, et qu'elle a perdu son éner- gie et sa force depuis l'invention du contre-point : à quoi j'ajoute que les beautés purement harmoniques sont des beautés savantes, qui ne transportent que

HAR 35l

des gens versés dans Tait; au lieu que les véritables beautés de la musique étant de la nature, sont et doi- vent être également sensibles à tous les hommes sa

vants et ignorants.

Par la raison, puisque \ harmonie ne fournit au- cun principe d'imitation par lequel la musique, for- mant des images ou exprimant des sentiments, se puisse élever au genre dramatique ou imitatif, qui est la partie de l'art la plus noble, et la seulc^ énergique, tout ce qui ne tient qu'au physique des sons étant très borné dans le plaisir qu'il nous donne, et n'ayant que très peu de pouvoir sur le cœur humain. (Voyez Mélodie. )

Harmonie. Genre de musique. Les anciens ont sou- vent donné ce nom au genre appelé plus communé- ment ^ewre enharmonique. (Voyez Enharmonique. )

Harmonie directe, est celle la basse est fonda- mentale , et les parties supérieures conservent Tordre direct entre elles et avec cette basse. HIar- MONiE renversée, cst ccllc le son générateur ou fondamental est dans quelqu'une des parties supé- rieures, et quelque autre son de l'accord est trans- porté à la basse au-dessous des autres. ( Voyez Direct, Renversé. )

Harmonie figurée , est celle l'on fait passer plusieurs notes sur un accord. On figure Vharmonie par degrés conjoints ou disjoints. Lorsqu'on figure par degrés conjoints , on emploie nécessairement d'autres notes que celles qui forment l'accord; des notes qui ne sonnent point sur la basse, et sont comp- tées pour rien dans Vharmonie : ces notes intermé-

352 HAU

diaires ne doivent pas se montrer au commencement des temps , principalement des temps forts , si ce n est comme coulés, ports-de-voix, ou lorsqu'on fait la pre- mière note du temps brève pour appuyer la seconde. Mais, quand on figure par degrés disjoints, on ne peut absolument employer que les notes qui forment Taccord, soit consonnant, soit dissonant, h'/iarmonie se figure encore par des sons suspendus ou supposés. (Voyez Supposition, Suspension.)

Harmonieux, adj. Tout ce qui fait de Teffet dans riiarmonie, et même quelquefois tout ce qui est sonore et remplit Foreille dans les voix, dans les instruments, dans la simple mélodie.

Harmonique, adj. Ce qui appartient à riiarmonie, comme les divisions harmoniques du monocorde, la proportion harmonique , le canon harmonique, etc.

Harmoniques, s. des deux genres. On appelle ainsi tous les sons concomitants ou accessoires qui , par le principe de la résonnance , accompagnent un son quelconque et le rendent appréciable : ainsi toutes les aliquotes d'une corde sonore en donnent les harmoni- ques. Ce mot s'emploie au masculin quand on sous- entend le mot son^ et au féminin quand on sous-en- tend le mot corde.

Sons harmoniques. (Voyez Son. )

Harmoniste, s. m. Musicien savant dans Tharmo- nie ; Cest un bon harmoniste ; Durante est le plus grand harmoniste de l'Italie, c est-à-dire du monde.

Harmonomètre ,s.m. Instrutnent propre à mesurer les rapports harmoniques. Si Ton pouvoit observer et suivre à Foreille et à l'œil les ventres, les nœuds , et

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toutes les divisions (Fune corde sonore en vibration , 1 on auroit un harmonomèire naturel très exact ; mais nos sens trop grossiers ne pouvant suffire à ces obser- vations , on y supplée par un monocorde que Ton divise à volonté par des chevalets mobiles ; et c'est le meilleur harmonemètre naturel que Ton ait trouvé jus- qu ici. ( Voyez Monocorde. )

Harpalice. sorte de chanson propre aux filles parmi les anciens Grecs. (Voyez Chanson.)

Haut, adj. Ce mot signifie la même chose (\\xaigu^ et ce terme est opposé à bas. C'est ainsi qu'on dira que le ton est trop haut^ qu'il faut monter l'instrument plus haut^

Haut s'emploie aussi quelquefois improprement lûouvfort: Chantez plus haut, on ne vous entend pas .

Les anciens donnoient à l'ordre des sons une déno- mination tout opposée à la nôtre; ils plaçoient en haut les sons graves, et en bas les sons aigus : ce qu'il im- porte de remarquer pour entendre plusieurs de leurs passages.

Haut est encore, dans celles des quatre parties de la musique qui se subdivisent, Tépithéte qui distingue la plus élevée ou la plus aiguë. Haute-contre, Haute- taille, Haut-dessus. (Voyez ces mots.)

Haut-dessus, s. m. C'est, quand les dessus chan- tants se subdivisent, la partie supérieure. Dans les parties instrumentales on dit toujours premier dessus et second dessus; mais dans le vocal on dit quelque- fois haut-dessus et bas-dessus.

Haute-contre, Altus ou Contra. Celle des quatre parties de musique qui appartient aux voix d'homme

XIV. 9,3

356 HYP

tique, que celui-ci se rapporte plus communément aux actions, et V hymne aux personnes. Les premiers chants de toutes les nations ont été des cantiques ou des hymnes. Orphée et Linus passoient, chez les Grecs, pour auteurs des premières hymnes; et il nous reste parmi les poésies d'Homère un recueil dliymnes en 1 honneur des dieux.

Hypate, adj. Epithéte par laquelle les Grecs distin- guoient le tétracorde le plus bas , et la plus basse corde de chacun des deux plus bas tétracordes ; ce qui pour eux étoit tout le contraire, car ils suivoient dans leurs dénominations un ordre rétrograde au nôtre, et plaçoient en haut le grave que nous pla- çons en bas. Ce choix est arbitraire, puisque les idées attachées aux mots aigu et gr^ave n'ont aucune liai- son naturelle avec les idées attachées aux mots haut et bas.

On appeloit donc tétracorde hypaton , ou des hypates , celui qui étoit le plus grave de tous et immédiatement au-dessus de la proslambanomène ou plus basse corde du modcj et la première corde du téti^acorde qui sui- voit immédiatement celle-là s'appeloit hypate-hypaton ^ c'est-à-dire, comme le traduisoit les Latins, la. princi- pale du tétracorde des principales. Le tétracorde im- médiatement suivant du grave à l'aigu s'appeloit tétra- corde-méson , ou des moyennes, et la plus grave corde s'appeloit hypate-méson, c'ést-à-dire la principale des moyennes.

Nicomaque le Géi asénien prétend que ce mot dVij- pate, principale^ élevée ou suprême^ a été donné à la plus grave des cordes du diapason par allusion à

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Saturno, qui des sept planètes est la plus éloignée de nous. On se doutera bien par que ce INicoraaque étoit pythagoricien.

Hypate-hypaton. C'étoit la plus basse corde du plus bas tétracorde des Grecs- et d'un ton plus haut que la proslambanoméne. (Voyez Farticle précédent.)

Hypate-méson. C'étoit la plus basse corde du second tétracorde, laquelle étoit aussi la plus aiguë du pre- mier, parcequeces deux tétracordesétoient conjoints. (Voyez Hypate.)

Hypatoïdes. Sons graves. ( Voyez Lepsis. )

Hyperboléten, adj. Nome ou chant de même carac- - tère que Thexarmonien. (Voyez Hexarmonien. )

Hyperboléon. Le tétracorde hyperboléon étohle plus aigu des cinq tétracordes du système des Grecs.

Ce mot est le génitif du substantif pluriel vm^^ôlat, sommets, extrémités ; les sons les plus aigus étant ^ Textrémité des autres.

Hyper-diXzeuxis. Disjonction de deux tétracordes séparés par Tintervalle d'une octave , comme étoient le tétracorde des hypates et celui des hyperbolées.

Hyper-dorien. Mode de la musique grecque, autre- ment appelé mixo-lydien , duquel la fondamentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode dorien. ( Voyez Mode. )

On attribue à Py thoclide l'invention du mode hyper dorien.

Hyper-éolien. Le pénultième à l'aigu des quinze modes de la musique des Grecs, et duquel la fonda- mentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode éolien. ( Voyez Mode.)

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tique, que celui-ci se rapporte plus communément aux actions, etVhymne aux personnes. Les premiers chants de toutes les nations ont été des cantiques ou des hymnes. Orphée et Linus passoient, chez les Grecs, pour auteurs des premières hymnes; et il nous reste parmi les poésies d'Homère un recueil d hymnes en 1 honneur des dieux.

Hypate, adj. Epithéte par laquelle les Grecs distin- guoient le tétracorde le plus bas , et la plus basse corde de chacun des deux plus bas tétracordes ; ce qui pour eux étoit tout le contraire, car ils sui voient dans leurs dénominations un ordre rétrograde au nôtre, et plaçoient en haut le grave que nous pla- çons en bas. Ce choix est arbitraire, puisque les idées attachées aux mots aigu et grave n'ont aucune liai- son naturelle avec les idées attachées aux mots haut et bas.

On appeloit donc tétracorde hypaton, ou des hypates, celui qui étoit le plus grave de tous et immédiatement au-dessus de la proslambanomène ou plus basse corde du mode^ et la première corde du tétracorde qui sui- voit immédiatement celle-là s'appeloit hypate-hypaton ^ c'est-à-dire, comme le traduisoit les Latins, \?i princi- pale du tétracorde des principales. Le tétracorde im- médiatement suivant du grave à l'aigu s'appeloit tétra- corde-méson , ou des moyennes, et la plus grave corde s'appeloit hypate-méson^ c'ést-à-dire la principale des moyennes.

Nicomaque le Géiasénien prétend que ce mot d'A/- pate^ priiicipale^ élevée ou suprême^ a été donné à la plus grave des cordes du diapason par allusion à

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Saturno, qui des sept planètes est la plus éloignée do nous. On se doutera bien par que ce INicomaque étoit pythagoricien.

Hypate-iiypaton. C'étoit la plus basse corde du plus bas tétracorde des Grecs; et d'un ton plus haut que la proslambanoméne. (Voyez Farticle précédent.)

Hypate-méson. C'étoit la plus basse corde du second tétracorde, laquelle étoit aussi la plus aiguë du pre- mier, parcequeces deux tétracordesétoient conjoints. (Voyez Hypate.)

Hypatoïdes. Sons graves. ( Voyez Lepsis. )

Hyperboléten, adj. Nome ou chant de même carac- - tère que Thexarmonien. (Voyez Hexarmonien.)

Hyperboléon. Le tétracorde hypei^boléon étohle plus aigu des cinq tétracordes du système des Grecs.

Ce mot est le génitif du substantif pluriel vm^^ôlat, sommets, extrémités ; les sons les plus aigus étant ^ Textrémité des autres.

Hyper-di'azeuxis. Disjonction de deux tétracordes séparés par Tintervalle d'une octave , comme étoient le tétracorde des hypates et celui des hyperbolées.

Hyper-dorten. Mode de la musique grecque, autre- ment appelé mixo-lydien , duquel la fondamentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode dorien. ( Voyez Mode. )

On attribue à Py thoclide l'invention du mode hyper dorien.

Hyper-éolien. Le pénultième à l'aigu des quinze modes de la musique des Grecs, et duquel la fonda- mentale ou tonique étoit une quarte au-dessus de celle du mode éolien. ( Voyez Mode.)

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Le mode hyper-éolieri, non plus que riiyper-lydien qui le suit, n'étoient pas si anciens que les autres : Aristoxène n'en fait aucune mention; et Ptolémée, qui n'en admettoit que sept, n'y comprenoit pas ces deux-là.

Hyper-iastien, ou inixo-lydien aigu. C'est le nom qu'Euclide et plusieurs anciens donnent au mode ap- pelé plus communément hyper-ionien.

Hyper-ionien. Mode de la musique grecque, appelé aussi par quelques uns liyper-iastien, ou niixo-lydiea ai^M, lequel avoit sa fondamentale une quarte au- dessus de celle du mode ionien. Le mode ionien est le douzième en ordre du grave à Faigu, selon le dénom- brement d'Alypius. (Voyez Mode.)

Hyper-lydien. Le plus aigu des quinze modes de la musique des Grecs, duquel la fondamentale étoit une quarte au-dessus de celle du mode lydien. Ce mode, non plus que son voisin Fhyper-éoîien, n'étoit pas si ancien que les treize autres; et Aristoxène, qui les nomme tous, ne fait aucune mention de ces deux-là. (Voyez Mode.)

Hyper-mixo-lydien. Un des modes de la musique grecque, autrement appelé hyper-phrygien. (Voyez ce mot.)

Hyper-phrygïen , appelé aussi par Euclidç hyper- mixo-lydien, est le plus aigu des treize modes d' Aris- toxène, faisant le diapason ou Toctave avec Ihypo- dorien, le plus grave de tous. (Voyez Mode. )

Hypo-diazeuxis est, selon le vieux Bacchius, l'in- tervalle de quinte qui se trouve entre deux tétracordes séparés par une disjonction, et de plus par un troi-

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sicme tétracordc intermédiaire. Ainsi il y a hjpo-dia- zeuxis entre les tctracordes hypatonetdiézeugménon , et entre les tétracordes synnéménon et hyperboléon. ( Voyez Téïracorde. )

Hypo-dorien. Le plus (jrave de tous les modes de Tancienne musique. Euclide dit que c'est le plus élevé; mais le vrai sens.de cette expression est expli- qué au mot hypaic.

Le mode hypo-dorien a sa fondamentale une quarte au-dessous de celle du mode dorien; il fut inventé, dit-on, par Philoxène. Ce mode est affectueux, mais (>ai, alliant la douceur à la majesté.

Hypo-éolîen. Mode de l'ancienne musique, appelé aussi par Euclide liypo-lydien cjrave. Ce mode a sa fon- damentale une qiiarte au-dessous de celle du mode éolien. (Voyez Mode. )

Hypo-iastien. (Voyez Hypo-ionien. )

IIypo-ionien. Le second des modes de l'ancienne musique, en commençant par le grave. Euclide l'ap- pelle aussi hypo-iastien et hypo-phrygien grave. Sa fon- damentale est une quarte au-dessous de celle du mode ionien. (Voyez Mode.)

IIypo-lydien. Le cinquième mode de Tancienne musique, en commençant par le grave. Euclide l'ap- pelle aussi hypo-iastien et hypo-phrygien grave. Sa fondamentale est une quarte au-dessous de celle du mode lydien. (Voyez Mode.)

Euclide distingue deux modes hypo-lydiens ; savoir, Taigu , qui est celui de cet article, et le grave, qui est le même que l'hypo-éolien.

Le mode hypo-lydien ctoit propre aux chants fu-

36o HYP

nébres, aux méditations sublimes et divines : quel- ques uns en attribuent Tinvention à Polymneste de Colophon, d'autres à Damon FAthénien.

Hypo-mixo-lydiën. Mode ajouté par Gui d'Arezzo à ceux de Fancienne musique : c'est proprement le pla- gal du mode mixo-lydien , et sa fondamentale est la même que celle du mode dorien. (Voyez IMode.)

Hypg-phrygien. Un des modes de Tancienne mu- sique dérivé du mode phrygien, dont la fondamen- tale étoit une quarte au-dessus de la sienne.

Euclide parle encore d'un autre mode liypo-phry- gienau grave de celui-ci ; c'est celui qu'on appelle plus correctement liypo-ionien. (Voyez ce mot.)

Le caractère du mode hypo-phrygien étoit calme, paisible, et propre à tempérer la véhémence du phry- gien : il fut inventé, dit-on, par Damon, l'ami de Py- thias et l'élève de Socrate.

Hypo-proslambanoménos. Nom d'une corde ajou- tée, à ce qu'on prétend, par Gui d'Arezzo un ton plus bas que la proslambanoméne des Grecs; c'est-à-dire au-dessous de tout le système. L'auteur de cette nou- velle corde l'exprima par la lettre r de l'alphabet grec , et de nous est venu le nom de la gamme.

Hyporchema. Sorte de cantique sur lequel on dan- soit aux fêtes des dieux.

Hypo-synaphe est, dans la musique des Grecs, la disjonction des deux tétracordes séparés par l'inter- position d'un troisième tétracorde conjoint avec cha- cun des deux; en sorte que les cordes homologues des deux tétracordes disjoints par hypo-synaphe ont €ntre elles cinq tons ou une septième mineure d'in-

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tervalle : tels sont les deux tctracordes hypaion et synncménon .

I.

Ialème. Sorte de chant funèbre jadis en usage parmi les Grecs, comme le linos chez le même peuple, et le manéros chez les Égyptiens. (Voyez Chanson»,)

Iambique, «<//'. Il y avoit dans la musique des an- ciens deux sortes de vers iamhûjues ^ àowl on ne faisoit que réciter les uns au son des instruments, au lieu que les autres se chantoient. On ne comprend pas bien quel effet devoit produire Taccompagnemcnt des in- struments sur une simple récitation , et tout ce qu'on en peut conclure raisonnablement, c'est que la plus simple manière de prononcer la poésie grecque, ou du moins Yiambigue, se faisoit par des sons apprécia- bles, harmoniques, et tenoit encore beaucoup de Tin- tonation du chant.

Iastien. Nom donné par Aristoxène et Alypius au mode que les autres auteurs appellent plus commu- nément ionien. (Voyez Mode.)

Jeu , s. m. L'action de jouer d'un instrument. (Voyez Jouer.) On dît plein-jeu , demi-jeu, selon la ma- nière plus forte ou plus douce de tirer les sons de l'instrument.

Imitation, s. f. La musique dramatiqiie ou théâ- trale concourt à V imitation, ainsi que la poésie et la peinture : c'est à ce principe commun que se rap- portent tous les beaux-arts, comme la montré M. Le Batteux. Mais cette imitation n'a pas pour tous la

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même étendue. Tout ce que limagiiiation peut se re- présenter est du ressort de la poésie. La peinture, qui n'offre point ses tableaux à Tima^^iuation, mais au sens et à un seul sens , ne peint que les objets soumis à la vue. La musique sembleroit avoir les mêmes bornes par rapport à Fouïe ; cependant elle peint tout, même les objets qui ne sont que visibles : par un pres- tige presque inconcevable elle semble mettre Toeil dans 1 oreille; et la plus grande merveille d'un art qui n'agit que par le mouvement, est d'en pouvoir former jusqu'à l'image du repos. La nuit , le sommeil , la soli- tude , et le silence, entrent dans le nombre des grands tableaux de la musique. On sait que le bruit peut pro- duire l'effet du silence, et le silence l'effet du bruit; comme quand on s'endort à une lecture égale et mo- notone, et qu'on s'éveille à l'instant qu'elle cesse. Mais la musique agit plus intimement sur nous en excitant, par un sens, des affections semblables à celles qu'on peut exciter par un autre; et, comme le rapport ne peut être sensible que l'impression ne soit forte, la peinture dénuée de cette force ne peut rendre à la musique les imilations que celle-ci tire d'elle. Que toute la nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas , et Fart du musicien consiste à substituer à limage insensible de l'objet celle des mouvement^ que sa présence excite dans le cœur du contempla- teur : non seulement il agitera la mer , animera la flamme d'un incendie , fera couler les ruisseaux ^ tomber la pluie et grossir les torrents; mais il peindra l'horreur d'un désert affreux, rembrunira les murs d'une prison souterraine, calmera la tempête, rendra

iMi 36.1

1 air tranquille et serein, et répandra de rorclicstre une fraîcheur nouvelle sur les bocages : il ne repré- sentera pas directement ces choses, mais il excitera dans Tame les mêmes mouvements qu'on éprouve en les voyant.

J'ai dit au mot Harmonie qu'on ne tire d'elle aucun principe qui mène à Y imitation musicale , puisqu'il n'y a aucun rapport entre des accords et les objets qu'on veut peindre , ou les passions qu'on veut exprimer. Je ferai voir au mot Mélodie quel est ce principe que rharmonie ne fournit pas, et quels traits donnés par la nature sont employés par la musique pour repré- senter ces objets et ces passions.

Imitation, dans son sens technique, est l'emploi d'un même chant, ou d'un chant semblable dans plu- sieurs parties qui le font entendre l'une après l'autre , à l'unisson , à la quinte , à la quarte , à la tierce , ou à quelque autre intervalle que ce soit, h'imitation est toujours bien prise, même en changeant plusieurs notes, pourvu que ce même chant se reconnoisse tou- jours et qu'on ne s'écarte point des lois d'une bonne modulation. Souvent , pour rendre [imitation plus sensible, on la fait précéder de silences ou dénotes longues , qui semblent laisser éteindre le chant au moment que V imitation le ranime. On traite Vimitation comme on veut; on Tabandonne, on la reprend, on en commence une autre à volonté; en un mot, les règles en sont aussi relâchées que celles de la fugue sont sévères : c'est pourquoi les grands maîtres la dé- daignent , et toute imitation trop affectée décèle pres- que toujours un écolier en composition.

364 INC

Imparfait, adj. Ce mot a plusieurs sens en musi- que. Un accord imparfait est , par opposition à Taccord parfait, celui qui porte une sixte ou une dissonance; et, par opposition à l'accord plein, c'est celui qui n'a pas tous les sons qui lui conviennent et qui doivent le rendre complet. (Voyez Accord.)

Le temps ou mode imparfait étoit , dans nos an- ciennes musiques, celui de la division double. (Voyez Mode. )

Une cadence imparfaite est celle qu'on appelle au- trement cadence irrégulière. (Voyez Cadence.)

Une consonnance imparfaite est celle qui peut être majeure ou mineure, comme la tierce ou la sixte. (Voyez Consonnance.)

On appelle, dans le plain-cliant, modes imparfaits ceux qui sont défectueux en haut ou en bas, et res- tent en-deçà d'un des deux termes qu'ils doivent atteindre.

Improviser, v. n. C'est faire et chanter impromptu des chansons , airs et paroles , qu'on accompagne communément d'une guitare ou autre pareil instru- ment. Il n'y a rien de plus commun en Italie que de voir deux masques se rencontrer, se défier, s'atta- quer , se riposter ainsi par des couplets sur le même air, avec une vivacité de dialogue, de chant, d'accom- pagnement, dont il faut avoir été témoin pour la com- prendre,

Le mot improvisar est purement italien ; mais , comme il se rapporte à la musique, j'ai été contraint de le franciser pour faire entendre ce qu il signifie.

Incomposé, adj. Un intervalle incomposé est celui

INS 3G5

qui ne peut se résoudre en intervalles plus petits, et n'a point d'autre élément que lui-même ; tel , par exem- ple, que le dièse enharmonique, le comma, même le semi-ton.

'Chez les Grecs, les intervalles incomposés étoient différents dans les trois genres, selon la manière d'ac- corder les tétracordes. Dans le diatonique le semi-ton et chacun des deux tons qui le suivent étoient des in- tervalles incomposés, La tierce mineure qui se trouve entre la troisième et la quatrième corde dans le genre chromatique, et la tierce majeure qui se trouve entre les mêmes cordes dansle genre enharmonique, étoient aussi des intervalles incomposés. En ce sens, il n'y a dans le système moderne qu'un seul intervalle incom- posé, savoir le semi-ton. (Voyez Semi-Ton.)

Inharmonique , adj. Relation inharmonicjue , est , selon M. Savérien, un terme de musique; et il ren- voie, pour l expliquer, au mot Relation, auquel il n'en parle pas. Ce terme de musique ne m'est point connu.

Instrument, 5. m. Terme générique sous lequel on comprend tous les corps artificiels qui peuvent ren- dre et varier les sons à l'imitation de la voix. Tous les corps capables d'agiter l'air par quelque choc . et d'ex- citer ensuite, par leurs vibrations, dans cet air agité, des ondulations assez fréquentes, peuvent donner du son ; et tous les corps capables d'accélérer ou retarder ces ondulations peuvent varier les sons. (Voyez Son.)

Il y a trois manières de rendre des sons sur des instruments ; savoir, par les vibrations des cordes, par celles de certains corps élastiques, et par la collision

366 irsT

de Tair enfermé dans des tuyaux. Jai •:>arlé, au mot Musique , de Finvention de ces instruments.

Ils se divisent généralement en ias'ruments à cor- des, instruments à vent, instruments de percussion. Les instruments à cordes , chez les anciens , étoient en grand nombre ; les plus connus sont les suivants : lyra^ psalterium , trigoniwn , samhuca^ cithara^ pectis, magas , barbiton, testudo , epigonium , simmicium , epan- doTvn, etc. On touchoit tous ces instruments 3i\ec les doigts, ou avec leplectrum, espèce d'archet.

Pour leurs principaux instruments à vent, ils avoient ceux appelés tibia , fistula ^ tuba., cornu ^ lituus, etc.

Les instruments de percussion étoient ceux qu'ils nommoient ty?npanum , cymbalum ^ crepitaculum ^ tin- tinnabulum, cjvtalwn, etc. Mais plusieurs de ceux-ci ne varioient point les sons.

On ne trouvera point ici des articles pour ces instru- ments ni pour ceux de la musique moderne, dont le nombre est excessif. La partie instrumentale, dont un autre s'étoit chargé , n'étant pas d'abord entrée dans le plan de mon travail pour l'Encyclopédie, m'a rebuté, par l'étendue des connoissances qu'elle exige, de la remettre dans celui-ci.

Instrumental. Qui appartient au jeu des instru- ments ; tour de chant instrumental ; musique instru- mentale.

Intense, adj. Les sons intenses sont ceux qui ont le plus de force, qui s'entendent de plus loin : ce sont aussi ceux qui, étant rendus par des cordes fort ten- dues , vibrent par même plus fortement. Ce mot est latin, ainsi que celui de rémisse qui lui est opposé :

INT 367

mais dans les écrits de musique théorique on est obli[jé de franciser Tun et l'autre.

Intercidenge, s.f. Terme de plain-chant. (Voyez

DlAPïOSE.)

Intermède, s. m. Pièce de musique et de danse qu'on insère à l'Opéra, et quelquefois à la Comédie, entre les actes d'une grande pièce, pour ép^ayer et re- poser en quelque sorte l'esprit du spectateur attristé par le tragique et tendu sur les grands intérêts.

Il y a des intermèdes qui sont de véritables drames comiques ou burlesques, lesquels, coupant ainsi l'in- térêt par un intérêt tout différent, ballottent et tirail- lent, pour aii^si dire, l'attention du spectateur en sens contraire, et d'une manière très opposée au bon goût et à la raison. Comme la danse en Italie n'entre point et ne doit point entrer dans la constitution du drame lyrique, on est forcé, pour l'admettre sur le théâtre, de remployer hors-d'œuvre et détachée de la pièce. Ce n'est pas cela que je blâme ; au contraire, je pense qu'il convient d'effacer , par un ballet agréable , les impressions tristes laissées par la représentation d'un grand opéra , et j'approuve fort que ce ballet fasse un sujet particulier qui n'appartienne point à la pièce; mais ce que je n'approuve pas , c'est qu'on coupe les actes par de semblables ballets qui , divisant ainsi l'action et détruisant l'intérêt, font, pour ainsi dire , de chaque acte une pièce nouvelle.

Intervalle, s. m. Différence d'un son à un autre entre le grave et l'aigu ; c'est tout l'espace que l'un des deux auroit à parcourir pour arriver à l'unisson de l'autre. La différence qu'il y a deV intervalle à Yétendue.

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est que Vintervalle est considéré comme indivisé, et retendue comme divisée. Dans Vintervalle^ on ne con- sidère que les deux termes; dans Tétendue, on en suppose d'intermédiaires. L'étendue forme un sys- tème; mais Vintervalle peut être incomposé.

A prendre ce mot dans son sens le plus général , il est évident qu'il y a une infinité à' intervalles; mais, comme en musique on borne le nombre des sons à ceux qui composent un certain système, on borne aussi par le nombre des intervalles à ceux que ces sons peuvent former entre eux : de sorte qu'en com- binant deux à deux tous les sons d'un système quel- conque, on aura tous les intervalles possibles dans ce même système ; sur quoi il restera à réduire sous la même espèce tous ceux qui se trouveront égaux.

Les anciens divisoient les intervalles de leur musi- que en intervalles simples ou incomposés, qu'ils appe- loient diastènies , et en intervalles composés, qu'ils appeloient systèmes. (Voyez ces mots.) l^es intervalles y dit Aristoxène , diffèrent entre eux en cinq manières : En étendue; un grand intervalle diffère ainsi d'un plus petit. 1^ En résonnance ou en accord ; c'est ainsi qu'un intervalle consonnant diffère d'un dissonant. En quantité; conlme un intervalle simple diffère d'un intervalle composé. l\^ En genre; c'est ainsi que les intervalles diatoniques, chromatiques, enharmo- niques, diffèrent entre eux. ^^ En nature de rapport; comme Vintervalle dont la raison peut s'exprimer en nond3res diffère d'un intervalle irrationnel. Disons quelques mots de toutes ces différences.

L Le moindre de tous les intervalles^ selon Bacchius

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et GauJence, est le dièse enharmonique. Le plus ^rand, à le prendre à rextrémité (jrave du mode liypo- dorien jusqu'à Textrémité aiguë de Thypo-mixo-lydien , seroit de trois octaves complètes; mais comme il y a une quinte à retrancher, ou même une sixte, selon un passage d'Adraste, cité par Meihomius, reste la quarte par-dessus le dis-diapason , c'est-à-dire la dix- huitième, pour le plus grand intervalle du diagramme des Grecs.

II. Les Grecs divisoient, comme nous, les inter- valles en consonnants et dissonants ; mais leurs divi- sions n'étoient pas les mêmes que les nôtres. (Voyez CoNSONNANCE.) Ils subdivisoieut encore les intervalles consonnants en deux espèces, sans y compter Tunis- son, qu'ils appeloient /iomoy^Aonfe, ou parité de sons , et dont rintervalle est nul. La première espèce étoit Yantiphonie, ou opposition des sons, qui se faisoit à Foctave ou à la double octave, et qui n'étoit propre- ment qu'une réplique du même son, mais pourtant avec opposition du grave à l'aigu. La seconde espèce étoit la paraphonie , ou distinction de sons , sous la- quelle on comprenoit toute consonnance autre que l'octave et ses répliques , tous les intervalles ^ ditThéon de Smyrne, qui ne sont ni dissonants ni unisson.

III. Quand les Grecs parlent de leurs diastèmes ou intervalles simples, il ne faut pas prendie ce terme à toute rigueur: car le diésis même n'étoit pas, selon eux, exempt de composition; mais il fout toujours le rapporter au genre auquel ï intervalle s'applique. Par exemple, le semi-ton est un intervalle simple dans le genre chromatique et dans le diatonique, composé

xiv. 24

370 IINT

dans Tenharmonique. Le ton est composé dans le chromatique, et simple dans le diatonique; et le diton même, ou la tierce majeure, qui est un inteiualîe composé dans le diatonique, est incomposé dans Ten- liarmonique. Ainsi ce qui est sytème dans un genre peut être diastème dans un autre, et réciproquement.

IV. Sur les genres , divisez successivement le même tétracorde selon le genre diatonique, selon le chro- matique, et selon l'enharmonique, vous aurez trois accords différents , lesquels, comparés entre eux, au lieu de trois intervalles^ vous en donneront neuf, outre les combinaisons et compositions qu'on en peut faire, et les différences de tous ces intervalles qui en produiront des multitudes d'autres. Si vous comparez, par exemple, le premier intervalle de chaque tétra- corde dans Fenharmonique et dans le chromatique mol d'iVristoxène, vous aurez d'un côté un quart ou de ton, de Fautre un tiers ou-^^, et les deux cordes aiguës feront entre elles un intervalle qui sera la dif- férence des deux précédents, ou la douzième partie d'un ton.

V. Passant maintenant aux rapports , cet article me mène à une petite digression.

Les aristoxéniens prétendoient avoir bien simplifié la musique par leurs divisions égales des intervalles ^ et se moquoient fort de tous les calculs de Pytbagore. Il me semble cependant que cette prétendue simpli- cité n'étoit guère que dans les mots, et que si les pythagoriciens avoient un peu mieux entendu leur maître et la musique, ils auroient bientôt fermé Vjl bouche à leurs adversaires.

INT 371

Pytliagorc n'a voit pas imagine le rapport des sons qu il calcula le premier; guidé par 1 expérience, il ne fit que prendre note de ses observations. Aristo- xène, incommode de tous ces calculs, bâtit dans sa tête un système tout différent , et comme s'il eût pu changer la nature à son gré, pour avoir simplifié les mots, il ciut avoir simplifié les choses, au lieu qu'il fit réellement le contraire.

Gomme les rapports des consonnances étoient sim« pies et fiiciles à exprimer, ces deux philosophes étoient d'accord là-dessus : ils Tétoient même sur les premières dissonances; car ils convenoient également que le ton étoit la différence de la quarte à la quinte : mais comment déterminer déjà cette différence autrement que par le calcul? Aristoxène partoit pourtant de pour n'en point vouloir, et sur ce ton^ dont il se vantoit d'ignorer le rapport, il bâtissoit toute sa doc- trine musicale. Qu'y avoit-il de plus aisé que de lui montrer la fausseté de ses opérations et la justesse de celles de Pythagore? mais, auroit-il dit, je prends toujours des doubles, ou des moitiés, ou des tiers; cela est plus simple et plus tôr fait que vos comma, vos hmma, vos apotomes. Je l'avoue, eût répondu Pythagore; mais dites-moi, je vous prie, comment vous les prenez , ces doubles, ces moitiés, ces tiers. L'autre eût répliqué qu'il les entonnoit naturellement, ou qu'il les prenoit sur son monocorde. Eh bien , eût ditPythagore, entonnez-moi juste le quart d'un ton. Si l'autre eût été assez charlatan pour le faire, Pythagore eût ajouté: Mais est-il bien divisé votre monocorde? montrez-moi, je vous prie, de quelle méthode vous

24,

372 liN'T

VOUS êtes servi pour y prendre le quart ou le tiers d'un ton. Je ne saurois voir, en pareil cas ce qu'Aristoxène eût pu répondre : car, de dire que Tinstrument avoit été accordé sur la voix, outre que c'eût été tomber dans le cercle , cela ne pouvoit convenir aux aristo- xéniens , puisqu'ils avouoient tous avec leur chef qu'il falloit exercer long-temps la voix sur un instrument de la dernière justesse pour venir à bout de bien en- tonner les intervalles du chromatique mol et du geme enharmonique.

Or, puisqu'il faut des calculs non moins composés, et même des opérations géométriques plus difficiles pour mesurer les tiers et les quarts de ton d'Aristoxène que pour assigner les rapports de Pythagore, c'est avec raison que Nicomaque, Boëce, et plusieurs au- tres théoriciens préféroient les rapports justes et harmoniques de leur maître aux divisions du sys- tème aristoxénien , qui n'étoient pas plus simples , et qui ne donnoient aucun intervalle dans la justesse de sa génération.

Il faut remarquer que ces raisonnements qui con- venoient à la musique des Grecs ne conviendroient pas également à la nôtre, parceque tous les sons de notre système s'accordent par des consonnances; ce qui ne pouvoit se faire dans le leur que pour le seul genre diatonique.

Il s'ensuit de tout ceci qu'x\ristoxène distinguoil avec raison les intervalles en rationnels et irrationnels ; puisque, bien qu'ils fussent tous rationnels dans le système de Pythagore, la plupart des dissonances étoient irrationnelles dans le sien.

Dans la musique moderne on considère aussi les intervalles de plusieurs manières; savoir, ou générale- ment comme Tespace ou la distance qjuelconque de deux sons donnés , ou seulement comme celles de ces distances qui peuvent se noter, ou enfin comme celles qui se marquent sur des degrés difiérents. Selon le premier sens, toute raison numérique, comme est le comma, ou sourde, comme est le dièse d'Aristoxène, peut exprimer un intervalle. Le second sens s'appli- que aux seuls intervalles reçus dans le système de notre musique, dont le moindre est le semi-ton mi- neur , exprimé sur le même degré par un dièse ou par un bémol. (Voyez Semi-ton.) La troisième accep- tion suppose quelque différence de position, c'est-à- dire un ou plusieurs degrés entre les deux sons qui forment Y intervalle. C'est à cette dernière acception que le mot est fixé dans la pratique, de sorte que deux intervalles égaux, tels que sont la fausse-quinte et le triton , portent pourtant des noms différents , si Fun a plus de degrés que l'autre.

Nous divisons, comme faisoient les anciens, les intervalles en cousonnants et dissonants. Les conson- nances sont parfaites ou imparfaites. (Voyez Gonson- NANCE.) Les dissonances sont telles par leur nature, ou le deviennent par accident. Il n'y a que deux inter- valles dissonants par leur nature; savoir, la seconde, et la septième, en y comprenant îenrs octaves ou ré- pliques : encore ces deux peuvent-ils se réduire à un seul; mais toutes les consonnances peuvent devenir dissonantes par accident. (Voyez Dissonance.)

De plus 5 tout intervalle est simple ou redoublé. L'm-

374 INT

tervalle simple est celui qui est contenu dans les bornes de l'octave : tout intervalle qui excède cette étendue est redoublé , c'est-à-dire composé d'une ou plusieurs octaves, et de Y intervalle simple dont il est la réplique.

Les intervalles simples se diviseat encore en directs et renversés. Prenez pour direct un intervalle simple quelconque, son complément à Foctave est toujours renversé de celui-là, et réciproquement.

Il n'y a que six espèces à^ intervalles simples, dont trois sont compléments des trois autres à l'octave, etpar conséquent aussi leurs renversés. Si vous prenez d'a- bord les moindres intervalles ^ vous aurez pour directs , la seconde , la tierce et la quarte; pour renversés, la septième, la sixte et la quinte : que ceux-ci soient di- rects, les autres seront renversés; tout est réciproque.

Pour trouver le nom d'un intervalle quelconque il ne faut qu'ajouter l'unité au nombre des degrés qu il contient : ainsi \ intervalle d'un degré donnera la seconde; de deux, la tierce; de trois, la quarte; de sept, l'octave; de neuf, la dixième, etc. Mais ce n'est pas assez pour bien déterminer un intervalle; car sous le même nom il peut être majeur ou mineur, juste ou faux, diminué ou superflu.

Les consonnances imparfaites et les deux disso- nances naturelles peuvent être majeures ou mineures, ce qui, sans changer le degré, fait dans Y intervalle la différence d'un semi-ton. Que si d'un intervalle mineur on ôte encore un semi-ton, cet intervalle devient dimi- nué. Si l'on augmente d'un semi-ton un intervalle majeur, il devient superflu.

Les consonnanccs parfaites sont invariables par leur nature : cpiand leur intervalle est ce qu'il doit être, elles s'appellent^M^fes; que si Ton altère cet inter- valle d'un semi-ton, la consonnance s'appelle /«î/55e , et devient dissonance ; superflue , si le semi-ton est ajouté; diminuée^ s'il est retranché. On donne mal à propos le nom de fausse-quinte à la quinte diminuée ; c'est prendre le genre pour l'espèce : la quinte super- flue est tout aussi fausse que la diminuée , et l'est même davantage à tous égards.

On trouvera [Planche G^fy. 1. ) une table de tous les intervalles simples praticables dans la musique, avec leurs noms , leurs degrés, leurs valeurs, et leurs rapports.

Il faut remarquer sur cette table que \ intervalle appelé par les harmonistes septième superflue ^ n'est qu'une septième majeure avec un accompagnement particulier ; la véritable septième superflue , telle qu'elle est marquée dans la table, n'ayant pas lieu dans l'harmonie, ou n'y ayant lieu que successivement comme transition enharmonique, jamais rigoureuse- ment dans le même accord.

On observera aussi que la plupart de ces rapports peuvent se déterminer de plusieurs manières : j'ai pré- féré la plus simple, et celle qui donne les moindres nombres.

Pour composer ou redoubler un de ces intei^valles simples , il suffit d'y ajouter Foctave autant de fois que Ton veut; et pour avoir le nom de ce nouvel intervalle^ il faut au nom de {intervalle simple ajouter autant de fois sept qu'il contient d'octaves. Réciproquement,

376 INT

pour coniioître le simple d'un intervalle redoublé dont on a le nom, il ne faut quen rejeter sept autant de fois qu'on le peut; le reste donnera le nom de Y inter- valle simple qui l'a produit. Voulez-vous une quinte redoublée, c'est-à-dire l'octave de la quinte, ou la quinte de l'octave; à 5 ajoutez 7, vous aurez 12 : la quinte redoublée est donc une douzième. Pour trou- ver le simple d'une douzième, rejetez 7 du nombre 1 1 autant de fois que vous le pourrez, le reste 5 vous in- . dique une quinte. A l'égard du rapport, il ne faut que doubler le conséquent ou prendre la moitié de l'anté- cédent de la raison simple autant de fois qu'on ajoute d'octaves, et Ton aura la raison de V intervalle redou- blé. Ainsi, 2, 3 étant la raison de la quinte, i , 3 ou 2, 6 sera celle de la douzième, etc. Sur quoi l'on ob- servera qu'en terme de musique, composer ou redou- bler un intervalle j ce n'est pas l'ajouter à lui-même, c'est y ajouter une octave; le tripler, c'est en ajouter ' deux, etc.

Je dois avertir ici que tous les intervalles exprimés dans ce dictionnaire par les noms des notes doivent toujours se compter du grave à l'aigu; en sorte que cet intervalle^ ut , si ^ n'est pas une seconde, mais une septième; et si ut n'est pas une septième, mais une seconde.

Intonation , s.f. Action d'entonner. (Voyez Enton- ner.) lu' intonation peut être juste ou fausse, trop haute ou trop basse, trop forte ou trop foible; et alors le mot intonation , accompagné d une épitliéte, s'entend de la manière d entonner.

Inverse. (Voyez Renversé.)

JUS 077

loMEN OU Ionique, adj. Le mode ionien étoit, en (♦omptant du grave à Taigu, le second des cinq modes moyens de la musique des Grecs. Ce mode s'appeloit aussi iastien , et Euclide l'appelle encore phjgien grave. (Voyez Mode.)

Jouer des instruments , c'est exécuter sur ces in- struments des airs de musique, surtout ceux qui leur sont propres, ou les chants notés pour eux. On dit jouer du violon^ de la basse., du hautbois, de la Jlxite ; toucher le clavecin .^ F orgue; sonner de la trompette; don- ner du cor'., pincer la guitare., etc. Mais Falfectation de ces termes propres tient de la pédanterie : le mot jouer devient générique, et gagne insensiblement pour toutes sortes d'instruments.

Jour. Corde à jour. (Voyez Vide.)

Irrégulietx, adj. On appelle dans le plain-chant modes irréguliers ceux dont l'étendue est trop grande , ou qui ont quelque autre irrégularité.

On nommoit autrefois cadence irrégulière celle qui ne tomboit pas sur une des cordes essentielles du ton ; mais M. Rameau a donné ce nom à une cadence par- ticulière dans laquelle la basse-fondamentale monte de quinte ou descend de quarte après un accord de sixte-ajoutée. (Voyez Cadence.)

IsoN, Chant en ison. (Voyez Chant.)

Jule, s.f. Nom d'une sorte d'hymne ou chanson parmi les Grecs en riiouneur de Cérès ou de Proser- pine. (Voyez Chanson.)

Juste, adj. Cette épidiéte se donne généralement aux intervalles dont les sons sont exactement dans le rapport qu'ils doivent avoir , et aux voix qui entonneni

378 LE "M

toujours ces intervalles dans leur justesse; mais elle s'applique spécialement aux consonnances parfaites. Les imparfaites peuvent être majeures ou mineures ; les parfaites ne sont que justes : dès qu'on les altère (Fun semi-ton elles deviennent fausses, et par consé- quent dissonances. (Voyez Intervalle.)

Juste est aussi quelquefois adverbe. Chanter juste , jouer \vL?>\.e,

L.

La. Nom de la sixième note de notre gamme in- ventée par Gui Arétin. (Voyez Gamme, Solfier.)

Large, aclj. Nom d'une sorte de note dans nos vieilles musiques , de laquelle on augmentoit la valeur en tirant plusieurs traits non seulement par les côtés , mais par le milieu de la note , ce que Mûris blâme avec force comme une horrible innovation.

Larghetto. (Voyez Largo.)

Largo, adv. Ce mot écrit à la tète d'un air, indique un mouvement plus lent que Vadagio , et le dernier de tous en lenteur. Il marque qu'il faut filer de longs sons, étendre les temps et la mesure, etc.

Le diminutif larghetto annonce un mouvement un peu moins lent que le largo ^ plus que Vandante, et très apjjrochant de Yandantino.

Légèrement, adv. Ce mot indique un mouvement encore plus vif que le gai, un mouvement moyeu entre le gai et le vite; il répond à peu près à l'italien vivace.

Lemme, s. m. Silence ou pause d'un temps bref dans le rhythme catalectique. (Voyez Rhythme.)

LIA 379

Lentement, adv. Ce mot répond à Titalien largo ^ et marque un mouvement lent; son superlatif, très lentement, marque le plus tardif de tous les mou- vements .

Lepsis. Nom grec d'une des trois parties de Tan- cienne mélopée, appelée aussi quelquefois euthia, par laquelle le compositeur discerne s il doit placer son chant dans le système des sons bas, qu'ils appellent hfpatoïdes, dans celui des sons aigus, qu'ils appel- lent ne7oiV/c,ç , ou dans celui des sons moyens, qu'ils ùppeWent inésoïdes. (Voyez Mélopée.)

Levé, adj. pris substantivement. C'est le temps de la mesure on lève la main ou le pied; c'est un temps qui suit et précède le frappé; c'est par conséquent toujours un temps foible. Les temps levés sont, à deux temps, le second; à trois , le troisième; à quatre, le second et le quatrième. (Voyez Arsis.)

IjIAISON, s.f. Il y a liaison d'harmonie et liaison de chant.

La liaison a lieu dans l'harmonie lorsque cette harmonie procède par un tel progrès de sons fonda- mentaux, que quelques uns des sons qui accompa- gnoient celui qu'on quitte, demeurent et accompa- gnent encore celui l'on passe : il y a liaison dans les accords de la tonique et de la dominante, puisque le même son fait la quinte de la première, et l'octave de la seconde : il y a liaison dans les accords de la to- nique et de la sous-dominante , attendu que le même son sert de quinte à l'une et d'octave à l'autre : enfin il y a liaison dans les accords dissonants toutes les fois que la dissonance est préparée, puisque cette prépa-

38o Lie

ration elle-même n'est autre chose que la liaison. (Voyez Préparer.)

La liaison dans le chant a lieu toutes les fois qu'on passe deux ou plusieurs notes sous un seul coup d'ar- chet ou de gosier, et se marque par un trait recourbé dont on couvre les notes qui doivent être liées en- semble.

Dans le plain-chant on appelle liaison une suite de plusieurs notes passées sur la même syllabe, parceque sur le papier elles sont ordinairement attachées ou liées ensemble.

Quelques uns nomment aussi liaison ce qu'on nomme plus proprement syncope. (Voyez Syncope.)

Licence, s. f. Liberté que prend le compositeur, et qui semble contraire aux régies, quoiqu'elle soit dans le principe des règles; car voilà ce qui distingue les licences des fautes. Par exemple, c'est une régie en composition de ne point monter de la tierce mineure ou de la sixte mineure à l'octave. Cette régie dérive de la loi de la liaison harmonique, et de celle de la préparation. Quand donc on monte de la tierce mi- neure ou de la sixte mineure à l'octave, en sorte qu'il y ait pourtant liaison entre les deux accords , ou que la dissonance y soit préparée, on prend une licence; mais s il n'y a ni liaison ni préparation, l'on fait une faute. De même c'est une régie de ne pas faire deux quintes justes de suite entre les mêmes parties, sur- tout par mouvement semblable; le principe de cette régie est dans la loi de l'unité du mode. Toutes les fois donc qu'on peut faire ces deux quintes sans faire sentir deux modes à-la-fois, il y a licence^ mais il n'y a

LIÉ 3vSf

point de faute. Cette explication étoit nécessaire par- ceque les musiciens n'ont aucune idée bien nette de ce mot de licence.

Comme la plupart des régies de l'harmonie sont fondées sur des principes arbitraires , et changent par Tusage et le goût des compositeurs, il arrive de que ces régies varient, sont sujettes à la mode, et que ce qui est licence en un temps ne Test pas dans un autre. Il y a deux ou trois siècles qu'il n étoit pas permis de faire deux tierces de suite , surtout de la même espèce ; maintenant on fait des morceaux entiers tout par tierces. Nos anciens ne permettoient pas d'entonner diatoniquement trois tons consécutifs ; aujourd'hui nous en entonnons, sans scrupule et sans peine, au- tant que la modulation le permet. Il en est de même des fausses relations , de l'harmonie syncopée , et de mille autres accidents de composition, qui d'abord furent des fautes, puis des licences ^ et n'ont plus rien d'irrégulier aujourd hui.

LiCHANOS, 5. m. C'est le nom que portoit parmi les Grecs la troisième corde de chacun de leurs deux pre- miers tétracordes, parceque cette troisième corde se touchoit de lindex , qu'ils appeloient lichanos.

La troisième corde à l'aigu du plus bas tétracorde, qui étoit celui des hypates, s'appeloit autrefois licha- nos-hypaton , quelquefois hypatondialonos , enharmo- nios, ou chromatiké , selon le genre. Celle du second tétracorde, ou du tétracorde des moyennes, s'appe- loit lichanos-niéson ^ ou mésondiatonos ^ etc.

Liées, adj. On appelle notes liées deux ou plusieurs notes qu'on passe d'un seul coup d'archet sur le vio-

3S2 LIG

Ion et le violoncelle, ou cVun seul coup de langue sur la flûte et le hautbois, en un mot toutes les notes qui sont sous une même liaison.

Ligature, s. f. C'étoit, dans nos anciennes musi- ques, Tunion par un trait de deux ou plusieurs notes passées, ou diatoniquement, ou par degrés disjoints sur une même syllabe. La figure de ces notes, qui étoit carrée, donnoit beaucoup de facilité pour les lier ainsi ; ce qu'on ne sauroit faire aujourd hui qu'au moyen du chapeau, à cause de la rondeur de nos notes.

La valeur des notes qui composoient la ligature varioit beaucoup selon qu'elles mx>ntoient ou descen- doient, selon qu'elles étoient différemment liées, selon qu'elles étoient à queue ou sans queue, selon que ces queues étoient placées à droite ou à gauche, ascen- dantes ou descendantes , enfin selon un nombre infini de repaies si parfaitement oubliées à présent, qu'il n'y a peut-être pas en Europe un seul musicien qui soit en état de déchiffrer des musiques de quelque antiquité. Ligne, s. f. Les lignes de musique sont ces traits horizontaux et parallèles qui composent la portée, et sur lesquels, ou dans les espaces qui les séparent, on place les notes selon leurs degrés. La portée du plain- chant n'est que de quatre lignes; celle de la musique a cinq lignes stables et continues , olitre les lignes pos- tiches qu'on ajoute de temps en temps au-dessus ou au-dessous de la portée pour les notes qui passent son étendue.

Les lignes^ soit dans le plain-chant, soit dans la mu- îsique , se comptent en commençant par la plus basse

Liv 383

Cette plus basse est la première ; la plus haute est la quatrième dans le plain-cliaiit , la cinquième dans la musique. (Voyez Portée.)

LiiMMA, 5. m. Intervalle de la musique grecque, le- quel est moindre d'un comma que le semi-ton majeur, et , retranché d'un ton majeur , laisse pour reste Tapotome.

Le rapport du limma est de ^43 à 256; et sa gé- nération se trouve, en commençant par ut^ à la cin- quième quinte si; car alors la quantité dont ce si est surpassé par \ut voisin est précisément dans le rap- port que je viens d'établir.

Philolaûs et tous les pythagoriciens faisoient du limma un intervalle diatonique qui répondoit à notre s'emi-ton majeur: car, mettant deux tons majeurs consécutifs, il ne leur restoit que cet intervalle pour achever la quarte juste ou le tétracorde ; en sorte que, selon eux, l'intervalle du mi au fa eût été moindre que celui du^à à son dièse. Notre échelle chromati- que donne tout le contraire.

LiNOS, s. m. Sorte de chant rustique chez les an- ciens Grecs : ils a voient aussi un chant funèbre du même nom, qui revient à ce que les Latins ont appelé nœnia. Les uns disent que le linos fut inventé en Lgypte ; d'autres en attribuoient l'invention à Linus , Eubéen.

Livre ouvert, a livre ouvert, ou a l'ouverture du LIVRE, aclv. Chanter ou jouer à livre ouvert, c'est exé- cuter toute musique qu'on vous présente en jetant les yeux dessus. Tous les musiciens se piquent d'exé- cuter à livre ouvert; mais il y en a peu qui, dans cette

384 Lou

exécution, prennent bien Fespiit de Fouvrage, et qui,

s'ils ne font pas des fautes sur la note , ne fassent pas

du moins des contre-sens dans Texpression. (Voyez

Expression.)

LoiNGUE, s.f. C'est, dans nos anciennes musiques, une note carrée avec une queue à droite, ainsi fz]. Elle vaut ordinairement quatre mesures à deux temps , c'est-à-dire deux brèves ; quelquefois elle en vaut trois, selon le mode. (Voyez Mode.)

Mûris et ses contemporains avoient des longues de trois espèces ; savoir, la parfaite, l'imparfaite, et la double. La longue pa? fa île a, du côté droit, une queue descendante, fj ou ^. Elle vaut trois temps parfaits, et s'appelle parfaite elle-même, à cause, dit Mûris, de son rapport numérique avec la Trinité. La longue imparfaite se fi(^ure comme la parfaite, et ne se dis- tingue que par le mode : on l'appelle imparfaite, par- cequ'elle ne peut marcher seule, et qu'elle doit tou- jours être précédée ou suivie d'une brève. La longue double contient deux temps égaux imparfaits ; elle se figure comme la longue simple, mais avec une double largeur, ^. Mûris cite Aristote pour prouver que cette note n'est pas du plain-chant.

Aujourd'hui le mot longue est le corrélatif du mot brève. (Voyez Brève. j Ainsi toute note qui précède une brève est une longue.

LouRE , s.f. Sorte de danse dont l'air est assez lent , et se marque ordinairement par la mesure à ^. Quand chaque temps porte trois notes , on pointe la pre- mière , et l'on fait brève celle du milieu. Loure est le nom d'un ancien instrument semblable à une mu-

LYD 385

settc , sur lequel on jouoit l'air de la danse dont il

s afjit.

LouRER, 7J. a. et ti. C'est nourrir les sons avec dou- ceur , et marquer la première note de chaque temps plus sensiblement que la seconde , quoique de môme valeur.

Luthier, s. w. Ouvrier qui fait des violons, des vio- loncelles, et autres instruments semblables. Ce nom, qui sx^f^nv^xQ facteur de luths , est demeuré par synecdo- que à cette sorte d'ouvriers, parcequ'autrefois le luth étoit Tinstrument le plus commun et dont il se faisoit le plus.

Lutrin, 5. m. Pupitre de chœur sur lequel on met les livres de chant dans les églises catholiques.

Lycha^'OS. (Voyez Lichanos. )

Lydien, adj. Nom d'un des modes de la musique des Grecs, lequel occupoit le milieu entre l'éolien et l'hyper-dorien. On l'appeloit aussi quelquefois mode barbare, parcequ'il portoit le nom d'un peuple asia- tique.

Euclide distingue deux modes lydiens; celui-ci pro- prement dit, et un autre qu'il appelle lydien grave ^ et qui est le même que le mode éolien, du moins quant à sa fondamentale. (Voyez Mode. )

Le caractère du mode lydien étoit animé, piquant, triste cependant, pathétique et propre à la mollesse ; c'est pourquoi Platon le bannit de sa République. C'est sur ce mode qu'Orphée apprivoisoit, dit-on, lesbétes mêmes, et qu'Amphion bâtit les murs de Thébes. Il fut inventé, les uns disent par cet Amphion, fils de Jupiter et d'Antiope ; d'autres , par Olympe, Mysien , XIV. 2 5

386 MAD

disciple de Marsyas ; d'autres enfai , par Melampides ; et Pindare dit qu il fut employé pour la première fois aux noces de Niobé.

Lyrique, adj. Qui appartient à la lyre. Cette cpi- thète se donnoit autrefois à la poésie faite pour être chantée et accompagnée de la lyre ou cithare par le chanteur, comme les odes et autres chansons, à la différence de la poésie dramatique ou théâtrale, qui s'accompagnoit avec des flûtes par d'autres que le chanteur; mais aujourd'hui elle s'applique au con- traire à la fade poésie de nos opéra, et, par exten- sion , à la musique dramatique et imitative du théâtre. (Voyez Lmitation.)

Lytierse, chansons des moissonneurs chez les an- ciens Grecs. (Voyez Chanson.)

M.

Ma. Syllabe avec laquelle quelques musiciens sol- fient le mi bémol comme ils solfient pary^ le /a dièse. (Voyez Solfier.)

Machicotage, s. m. C'est ainsi qu'on appelle, dans le plain-chant, certaines additions et compositions de notes qui remplissent , par une marche diatonique , les intervalles de tierces et autres. Le nom de cette manière de chant vient de celui des ecclésiastiques appelés machicotSj qui l'exécutoient autrefois après les enfants de chœur.

Madrigal. Sorte de pièce de musique travaillée et savante, qui étoit fort à la mode en Italie au seizième siècle, et même au commencement du précédent.

MAJ 387

Les madrigaux se composoieiit ordinairement, pour la vocale, à cinq ou six parties, toutes obligées, à cause des fugues et desseins dont ces pièces étoient remplies : mais les organistes composoient et exccu- toient aussi des madrigaux sur Torgue; et l'on pré- tend même que ce fut sur cet instrument que le madrigal fut inventé. Ce genre de contre-point, qui étoit assujetti à des lois très rigoureuses , portoit le nom de style mndrig aie sque. Plusieurs auteurs, pour y avoir excellé, ont immortalisé leurs noms dans les fastes de Fart : tels furent entre auties, Luca Ma-- rentioy Luigi Prenestino , Pomponio Nennay Tommaso Pecci j et surtout le fameux prince de P^enosa, dont les madrigaux , pleins de science et de goût, étoient admirés par tous les maîtres, et chantés par toutes les dames.

Magadiser, V. n. C'étoit, dans la musique grecque, chanter à Toetave, comme faisoient naturellement les voix de femmes et d'hommes mêlées ensemble; ainsi les chants magadisés étoient toujours des antiphonies. Ce mot vient de magas, chevalet d'instrument, et, par extension, instrument à cordes doubles, montées à Foctave Tune de Tautre, au moyen d'un chevalet, comme aujourd hui nos clavecins.

Magasin. Hôtel de la dépendance de l'Opéra de Paris , logent les directeurs et d'autres personnes attachées à l'Opéra, et dans lequel est un petit théâ- tre, appelé aussi magasin ou théâtre du magasin , sur lequel se font les premières répétitions. C'est ïodéwn de la musique françoise. (Voyez Odéum. )

Majeur, adj. Les intervalles susceptibles de varia-

2.5,

388 MAJ

tions sont appelés rnajeurs, quand ils sont aussi grands qu'ils peuvent l'être sans devenir faux.

Les intervalles appelés parfaits, tels que Toctavejla quinte et la quarte, ne varient point et ne sont que justes; sitôt qu'on les altère, ils sont faux. Les autres intervalles peuvent, sans changer de nom et sans cesser d'être justes, varier d'une certaine différence: quand cette différence peut être ôtée, ils sont majeurs ; mineurs^ quand elle peut être ajoutée.

Ces intervalles variables sont au nombre de cinq; savoir, le semi-ton, le ton, la tierce, la sixte et la septième. A l'égard du ton et du semi-ton , leur diffé- rence du majeur au mineur ne sauroit s'exprimer en notes, mais en nombres seulement. Le semi-ton ma- jeur est l'intervalle d une seconde mineure, connue de si à utj ou de mi à fa, et son rapport est de i5 à i(). Le ton majeur est la différence de la quarte à la quinte , et son rapport est de 8 à 9.

Les trois autres intervalles, savoir, la tierce, la sixte et la septième, diffèrent toujours d'un semi-ton du tnajeur au mineur, et ces différences peuvent se noter. Ainsi la tierce mineure a un ton et demi, et la tierce majeure deux tons.

Il y a quelques autres plus petits intervalles , comme le dièse et le comma, qu'on distingue en moindres, mineurs, moyens, majeurs^ et maximes; mais comme ces intervalles ne peuvent s'exprimer qu'en nombre, ces distinctions sont inutiles dans la pratique.

Majeur se dit aussi du mode , lorsque la tierce do la tonique est majeure, et alors souvent le mot mode ne

MAI 389

fait que se sous-cntendre. JWludcr en majeur, passer du majeur au mineur, etc. (Voyez Mode. )

Main harmonique. C'est le nom que donna TAré- tiii à la gamme qu'il inventa pour montrer le rapport de ses hexacordes , de ses six lettres et de ses six syl- labes , avec les cinq tra cordes des Grecs. Il repré- senta cette (jamme sous la figure d'une main gauche, sur les doigts de laquelle étoient marques tous les sons de la gamme, tant par les lettres correspondantes, que par les syllabes qu'il y avoit jointes, en passant, par la régie des muances, d'un tétracorde ou d'un doigt à l'autre, selon le lieu se trou voient les deux semi-tons de Toctave par le bécarre ou par le bé- mol , c'est-à-dire selon que les tétracordes étoient conjoints ou disjoints. (Voyez Gamme, Muances, Sol- fier.)

Maître a chanter. Musicien qui enseigne à lire la musique vocale et à chanter sur la note.

Les fonctions du maître à chanter se rapportent à deux objets principaux. Le premier, qui regarde la culture de la voix, est d'en tirer tout ce quelle peut donner en fait de chant, soit par l'étendue, soit par la justesse, soit par le timbre, soit par la légèreté, soit par l'art de renforcer ou radoucir les sons , et d'ap- prendre à les ménager et modifier avec tout l'art pos- sible. (Voyez Chant, Voix. )

Le second objet regarde l'étude des signes, c'est-à- dire l'art de lire la note sur le papier, et l'habitude de la déchiffrer avec tant de facilité qu'à l'ouverture du livre on soit en état de chanter toute sorte de musi- que. ( Voyez Note, Solfier.)

3 90 MAR

Une troisième partie des fonctions du maître à chanter regarde la connoissance de la langue, surtout des accents , de la quantité, et de la meilleure manière de prononcer; parceque les défauts de la pronon- ciation sont beaucoup plus sensibles dans le chant que dans la parole, et qu'une vocale bien faite ne doit être qu'une manière plus énergique et plus agréa- ble de marquer la prosodie et les accents. (Voyez Accent.)

Maître de cfiapelle. (Voyez Maître de MUsrQUE. )

Maître de musique. Musicien gagé pour composer de la musique et la faire exécuter. C'est le maître de musLc^ue qui bat la mesure et dirige les musiciens: il doit savoir la composition, quoiqu'il ne compose pas toujours la musique qu'il fait exécuter. A l'Opéra de Paris, par exemple, Femploi de battre la mesure est un office particulier; au lieu que la musique des opéra est composée par quiconque en a le talent et la volonté. En Itidie, celui qui a composé un opéra en dirige toujours l'exécution , non en battant la mesure , mais au clavecin. Ainsi l'emploi de maître de musiciue n a guère lieu que dans les églises : aussi ne dit-on- point en Italie maître de musicjue ^ mais maître de cha- pelle ; dénomination qui commence à passer aussi en France.

Marche, s.f. Air militaire qui se joue par des instru- ments de guerre, et marque le métré et la cadence des tambours, laquelle est proprement la marche.

Chardin dit i[|u'en Perse, quand on veut abattre des maisons, aplanir un terrain, ou faire quelque autre ouvrage expéditif qui demande une multi-

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tiule de bras, on assemble les habitants de tout un fjuai lier , qu'ils travaillent au son des instruments , et qu'ainsi Touvrage se fait avec beaucoup plus de zélé et de promptitude que si les instruments n'y ctoient pas.

Le maréchal de Saxe a montré dans ses Rêveries que Teffet des tambours ne se bornoit pas non plus à un vain bruit sans utilité, mais que, selon que le mou- vement en étoit plus vif ou plus lent, ils portoient naturellement le soldat à presser ou ralentir son pas : on peut dire aussi que les airs des marches doivent avoir différents caractères , selon les occasions on les emploie ; et c'est ce qu'on a sentir jusqu'à certain point quand on les a distingués et diversifiés, l'un pour la générale, l'autre pour la marche, l'autre pour la charge , etc. Mais il s'en faut bien qu'on ait mis à profit ce principe autant qu'il auroit pu î être; on s'est borné jusqu'ici à composer des airs qui fissent bien sentir le métré et la batterie des tambours : encore fort souvent les airs des marches remplissent- ils assez mal cet objet. Les troupes frauçoises ayant peu d'instruments militaires pour l'infanterie, hors les fifres et les tambours, ont aussi fort peu de mar- ches, et la plupart très mal faites : mais il y en a d'ad- mirables dans les troupes allemandes.

Pour exemple de l'accord de l'air et de la marche, je donnerai [Planche C, figure 3 ) la première partie de celle des mousquetaires du roi de France.

Il n'y a dans les troupes que l'infanterie et la ca- valerie légère qui aient des marches. Les timbales de la cavalerie n'ont point de ??irtrc/ie réglée; les trompettes

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nont qu un ton presque uniforme, et des fanfares. (Voyez Fanfare.)

Marcher, v. n. Ce terme s'emploie figurément en musique, et se dit de la succession des sons ou des accords qui se suivent dans certain ordre. La basse et le dessus marchent paj- mouvements contraires : Mar- che de basse; marcher à contre-temps.

Martellement , 5. m. Sorte d'agrément du chant françois. Lorsque descendant diatoniquement d'une note sur une autre par un trille, on appuie avec force le son de la première note sur la seconde, tombant ensuite sur cette seconde note par un seul coup de gosier , on appelle cela faire un martellement. ( Voyez Planche B, figure 1 3. )

Maxime, adj. On appelle intervalle maxime celui qui est plus grand que le majeur de la même espèce, et qui ne peut se noter; car s'il pouvoit se noter, il no s'appelleroit pas maxime , mais superflu.

Le semi-ton maxime fait la différence du semi-ton mineur au ton majeur, et son rapport est de 25 à 27. 11 y auroit entre \ut dièse et le re un semi-ton de cette espèce, si tous les semi-tons n'étolent pas rendus égaux ou supposés tels par le tempérament.

Le dièse maxime est la différence du ton mineur au semi-ton maxime, en rapport de243à25o.

Enfin le comma maxime, ou comma de Pythagore, est la quantité dont diffèrent entre eux les deux termes les plus voisins d'une progression par quintes, et d'une progression par octaves, c'est-à-dire l'excès de la douzième quinte si dièse sur la septième octave ut ; et cet excès, dans le rapport de 62 {288 à 53 1 44* ?

M KL ?)[)?)

est la différence que le tempérament fait évanouir.

Maximk, s. f. C'est une note faite en carré-lonj) horizontal avec une queue au côté droit, de cette manière d\ , laquelle vaut huit mesures à deux temps ^ c est-à-dire deux longues, et quelquefois trois, selon le mode. (Voyez Mode.) Cette sorte de note n'est plus d'usage depuis qu'on sépare les mesures par des harres , et qu'on marque avec des liaisons les tenues ou continuités des sons. (Voyez BARRt:s , Mesure. )

Médiante, s. f. C'est la corde ou la note qui partage en deux tierces Tintervalle de quinte qui se trouve entre la tonique et la dominante. L'une de ces tierces est majeure, l'autre mineur; et c'est leur position relative qui détermine le mode. Quand la tierce ma- jeure est au grave, c'est-à-dire entre la médiante et la tonique, le mode est majeur; quand la tierce majeure esta l'aigu et la mineure au grave, le mode est mi- neur. (Voyez Mode, Tonique, Dominante.)

Médiation, s. f. Partage de chaque verset d'un psaume en deux parties, l'une psalmodiée t)u chantée par un côté du chœur, et l'autre par l'autre, dans les églises catholiques.

Médium, s. m. Lieu de la voix également distant de ses deux extrémités au grave et à l'aigu. Le haut est plus éclatant, mais il est presque toujours forcé; le bas est grave et majestueux, mais il est plus sourd.

Un beau médium^ auquel on suppose une certaine latitude, donne les sons les mieux nourris, les plus mélodieux, et remplit le plus agréablement l'oreille. (Voyez son.)

Mélange, s, m. Une des parties de l'ancienne mé-

394 ^ii^ï.

lopée, appelée û'^o^/e par les Grecs, laquelle consiste à savoir entrelacer et mêler à propos les modes et les genres. (Voyez Mélopée.)

Mélodie , s. f. Succession de sons tellement or- donnés selon les lois du rhytlime et de la modulation, quelle forme un sens agréable à Foreille; la mélodie vocale s'appelle chant, et l'instrumentale , symphonie.

L'idée du rhythme entre nécessairement dans celle de la mélodie; un chant n'est un chant qu'autant qu'il est mesuré ; la même succession de sons peut recevoir autant de caractères, autant de mélodies différentes qu'on peut la scander différemment; et le seul chan- gement de valeur des notes peut défigurer cette même succession au point de la rendie méconnoissable. Ainsi la mélodie n'est rien par elle-même ; a'est la me- sure qui la détermine, et il n'y a point de chant sans le temps. On ne doit donc pas comparer la mélodie avec l'harmonie , abstraction faite de la mesure dans toutes les deux ; car elle est essentielle à l'une et non pas l'autre.

La mélodie se rapporte à deux principes différents, selon la manière dont on la considère. Prise par les rapports des sons et par les régies du mode, elle a son principe dans l'harmonie, puisque c'est une analyse harmonique qui donne les degrés de la gamme, les cordes du mode, et les lois de la modulation , uniques éléments du chant. Selon ce principe, toute la force de la mélodie se borne à flatter l'oreille par des sons agréables, comme on peut flatter la vue par d'agréa- bles accords de couleur; mais prise pour un art d'imi- tation par lequel on peut affecter l'esprit de diverses

"^ . "

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images , émouvoir le cœur de divers sentiments , exciter et calmer les passions , opérer , en un mot , des effets moraux qui passent Tempire immédiat des sens, il lui faut chercher un autre principe: car on ne voit aucune prise par laquelle la seule harmo- nie, et tout ce qui vient d'elle, puisse nous affecter ainsi.

Quel est ce second principe? il est dans la nature ainsi que le premier; mais pour Ty découvrir il faut une observation plus fine, quoique plus simple, et plus de sensibilité dans Tobservateur. Ce principe est le même qui fait varier le ton de la voix quand on parle , selon les choses qu'on dit et les mouvements qu'on éprouve en les disant. C'est l'accent des langues qui détermine la mélodie de chaque nation; c'est l'ac- cent qui fait qu'on parle en chantant, et qu'on parle avec plus ou moins d'énergie, selon que la langue a plus ou moins d'accent. Celle dont l'accent est plus mai que doit donner une mélodie plus vive et plus pas- sionnée; celle qui n'a que peu ou point d accent ne peut avoir qu'une mélodie languissante et froide, sans caractère et sans expression. Voilà les vrais principes ; taqt qu'on en sortira et qu'on voudra parler du pou- voir de la musique sur le cœur humain , on parlera sans s'entendre , on ne saura ce qu'on dira.

Si la musique ne peint que par la ?iiélodie , et tiro d'elle toute sa force, il s'ensuit que toute musique qui ne chante pas, quelque harmonieuse qu'elle puisse être, nest point une musique imitative, et, ne pou- vant ni toucher ni peindre avec ses beaux accords , lasse bientôt les oreilles, et laisse toujours le cœur

froid. Il suit encore que, malgré la diversité des par- ties que 1 harmonie a introduites, et dont on abuse tant aujourd'hui, sitôt que deux mélodies se font en- tendre à-la-fois , elles s'effacent Fune l'autre et de- meurent de nul effet, quelque belles qu'elles puissent être chacune séparément : d'où Ton peut jU(jer avec quel goût les compositeurs françois ont introduit à leur Opéra l'usage de faire servir un air d'accompa- {jnement à un chœur ou à un autre air; ce qui est comme si on s avisoit de réciter deux discours à-la- fois, pour donner plus de force à leur éloquence. (Voyez Unité de mélodie.)

Mélodieux, adj. Qui donne de la mélodie. 3Iélo- dieux, dans l'usage, se dit des sons agréables, des voix sonores, des chants doux et gracieux, etc.

Mélopée, s. f. C'étoit dans l'ancienne musique, l'usage régidier de toutes les parties harmoniques, c'est-à-dire l'art ou les régies de la composition du chant, desquelles la pratique et l'effet s'appeloit mé- lodie.

Les anciens avoient diverses régies pour la manière de conduire le chant par degrés conjoints, disjoints, ou mêlés , en montant ou en descendant. On en trouve plusieurs dans Aristoxène, lesquelles dépendent toutes de ce principe, que, dans tout système harmonique, le troisième ou le quatrième son après le fondamental en doit toujours frapper la quarte ou la quinte, selon que les tétracordes sont conjoints ou disjoints; diffé- rence cjui rend un mode authentique ou plagal au gré du compositeur. C'est le recueil de toutes ces régies qui s'appelle mélopée.

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La rnclopée est composée de trois parties: savoir, la prise, lepsis^ qui enseigne au musicien en quel lieu de la voix il doit établir son diapason ; le mélange , mi.vis, selon lequel il entrelace ou mêle à propos les genres et les modes; et r usage, chrésès, qui se subdi- vise en trois autres parties. La première, appelée eiUhia , guide la marcbe du cliant, laquelle est, ou di- recte du grave à Faigu , ou renversée de Taigu au grave, ou mixte, c'est-à-dire composée de l'une et de l'autre. La deuxième , appelée agogé, marche alterna- tivement par degrés disjoints en montant, et conjoints en descendant, ou au contraire. La troisième, appelée petteïa, par laquelle il discerne et choisit les sons qu il faut rejeter, ceux qu il faut admettre, et ceux qu'il faut employer le plus fréquemment.

Aristide Quintilien divise toute la mélopée en trois espèces qui se rapportent à autant de modes, en pre- nant ce dernier nom dans un nouveau sens. La pre- mière espèce étoit \ hypatoïde , appelée ainsi de la corde liypate , la principale ou la plus basse , parceque le chant, régnant seulement sur les sons graves, ne s'éloignoit pas de cette corde, et ce chant étoit ap- proprié au mode tragique. La seconde espèce, étoit la mésoïde, de mèse , la corde du milieu, parceque le chant régnoit sur les sons moyens, et celle-ci répon- doit au mode nomique, consacré à Apollon. La troi- sième s'appeloit nétoCde de nète, la dernière corde ou la plus haute \ son chant ne s'étendoit que sur les sons aigus, et constituoit le mode dithyrambique ou ba- chique. Ces modes en avoient d'autres qui leur étoient subordonnés, et varioient la mélopée; tels que l'éro-

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lique ou amoureux, le comique, rencômiaque, des- tiné aux louanges.

Tous ces modes, étant propres à exciter ou calmer certaines passions , influoient beaucoup sur les mœurs ; et, par rapport à cette influence, la mélopée se parta- geoit encore en trois genres : savoir, le sysialtique ^ ou celui qui inspiroit les passions tendres et affec- tueuses, les passions tristes et capables de resserrer le cœur, suivant le sens du mot grec; 1^ le diastal- ticjue^ ou celui qui étoit propre à Fépanouir, en exci- tant la joie, le courage, la magnanimité, les grands sentiments; Xeucliasticjuc^ qui tenoit le milieu entre les deux autres, qui ramenoit famé à un état tran- quille. La première espèce de mélopée convenoit aux poésies amoureuses, aux plaintes, aux regrets, et autres expressions semblables. La seconde étoit pro- pre aux tragédies, aux chants de guerre, aux sujets héroïques. La troisième aux hymnes, aux louanges, aux instructions.

Mélos, s. m. Douceur du chant. Il est difficile de distinguer dans les auteurs grecs le sens du mot mélos du sens du mot mélodie. Platon , dans son Protagoras , met le mélos dans le simple discours , et semble en- tendre par le chant de la parole. Le mélos paroît être ce par quoi la mélodie est agréable. Ce mot vient de f^-é^'' 1 miel.

Menuet, s. m. Air d'une danse de même nom, que Tabbé Brossard dit nous venir du Poitou. Selon hii cette danse est fort gaie, et son mouvement est fort vite; mais, au contraire, le caractère du menuet est une élégante et noble simplicité ; le mouvement en est.

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plus modéré que vite, et Ton peut dire que le moins (jai de tous les genres de danses usités dans nos bals est le menuet. C'est autre chose sur le théâtre.

La mesure du menuet est à trois temps légers , qu'on marque par le 3 simple, ou par le ^, ou parle f. Le nombre des mesures de Tair dans chacune de ses re- prises doit être quatre ou un multiple de quatre , par- cequ'il en faut autant pour achever le pas du menuet; et le soin du musicien doit être de faire sentir cette division par des chutes bien marquées , pour aider Toreille du danseur et le maintenir en cadence.

Mèse, s.f. Nom de la corde la plus aiguë du second tétracorde des Grecs. (Voyez Méson.)

Mèse signifie moyenne.^ et ce nom fut donné à cette corde, non, comme dit Tabbé Brossard, parcequ'elle est commune ou mitoyenne entre les deux octaves de Tancien système , car elle portoit ce nom bien avant que le système eût acquis cette étendue, mais parce- qu'elle formoit précisément le milieu entre les deux premiers tétracordes dont ce système avoit d'abord été composé.

Mésoïde, s.f. Sorte de mélopée dont les chants rou- loientsurles cordes moyennes, lesquelles s'appeloient aussi mésoïdes de la mèse ou du tétracorde méson.

Mésoïdes. Sons moyens, ou pris dans le médium du système. (Voyez Mélopée.) \

Méson. Nom donné par les Grecs à leur second té- tracorde, en commençant à compter du grave ; et c'est aussi le nom par lequel on distingue chacune de ses quatre cordes de celles qui leur correspondent dans les autres tétracordes : ainsi , dans celui dont je parlcj

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la première corde s appelle hypate-niéson; la seconde, parhypate-méson ; la troisième, lichanos-inéson ^ oumé- sofi-diatonos , et la quatrième, inèse. ( Voyez Système. )

Méson est le génitif plm'iel de mèse^ moyenne, parce- que le tétracorde méson occupe le milieu entre le pre- mier et le troisième, ou plutôt parceque la corde mcse donne son nom à ce tétracorde dont elle forme Fex- trémité aiguë. (Voyez Planche W^ figure i. )

Mésopycni, adj. Les anciens appeloient ainsi, dans les genres épais, le second son de chaque tétracorde. Ainsi les sons mésopycni étoient cinq en nombre. (Voyez Son, Système, Tétracorde.)

Mesure, s. f. Division de la durée ou du temps en plusieurs parties égales, assez longues pour que l'oreille en puisse saisir et subdiviser la quantité, et assez courtes pour que 1 idée de l'une ne s'eBace pas avant le retour de Fautre, et qu'on en sente l'égalité.

Chacune de ces parties égales s'appelle aussi me- sure: elles se subdivisent en d'autres aliquotes qu'on appelle temps, et qui se marquent par des mouve- ments égaux de la main ou du pied. (Voyez Battre la mesure. ) La durée égale de chaque temps ou de cha- que mesure est remplie par plusieurs notes qui passent plus ou moins vite en proportion de leur nombre, et auxquelles on donne diverses Figures pour marquer leurs différentes durées. (Voyez Valeur des notes.)

Plusieurs, considérant le progrès de notre miisi- (jue, pensent que la mesure est de nouvelle invention, parcequ'un temps elle a été négligée ; mais au con- traire , non seulement les anciens pratiquoient la mesure^ ils lui avoient même donné des régies très

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sévères et fondées sur des principes que la nôtre n'a plus. En effet, chanter sans mesure n'est pas chanter ; et le sentiment de la mesure n'étant pa.^ moins naturel que celui de Tintonation , Tinvention de ces deux choses n'a pu se faire séparément.

La mesure des Grecs tenoit à leur Ian^cr,je ; c'étoit la poésie qui l'avoit donnée à la musique ; les mesures de Tune répondoient aux pieds de Tciutre: on n'auroit pas pu mesurer de la prose en musique. Chez nous c'est le contraire: le peu de prosodie de nos langues fait que dans nos chants la valeur des notes détermine la quantité des syllabes ; c'est sur la méîodie qu'on est forcé de scander le discours; on n'aperçoit pas même si ce qu'on chante est vers ou prose : nos poésies n'ayant plus de pieds , nos vocales n'ont plus de me- sures ; le chant guide et la parole obéit.

La mesure tomba dans l'oubli, quoique l intonation fut toujours cultivée, lorsque après les victoires des Barbares les langues changèrent de caractère et perdi- rentleur harmonie. Il n'est pas étonnant que le métré qui servoit à exprimer la mesure de la poésie fût né- gligé dans des temps on ne la sentoit plus , et l'on chantoit moins de vers que de prose. Les peuples ne connoissoient guère "alors d'autre amusement que les cérémonies de l'égUse, ni d'autre musique que celle de l'office ; et comme cette musique n'exigeoit pas la régularité du rhythme, cette partie fut enfin tout-à-fait oubliée. Gui nota sa musique avec des points qui n'exprimoient pas des quantités différentes , et 1 invention des notes fut certainement postérieure à cet auteur.

XIV. 26

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On attribue communément cette invention des di- verses valeurs des notes à Jean de Mûris ^ vers Fan i33o; mais le P. Mersenne le nie avec raison, et il jpaut n'avoir jamais lu les écrits de ce chanoine pour soutenir une opinion qu'ils démentent si clairement. Non seulement il compare les valeurs que les notes avoient avant lui à celles qu'on leur donnoit de son temps, et dont il ne se donne point pour Fauteur, mais même il parle de la mesure^ et dit que les mo- dernes, c'est-à-dire ses contemporains, la ralentis- sent beaucoup , etnioderni nunc niorosâ multùm utuntur mensurâ : ce qui suppose évidemment que la mesure, et par conséquent les valeurs des notes, étoient connues et usitées avant lui. Ceux qui voudront rechercher plus en détail Fétat étoit cette partie de la musique du temps de cet auteur, pourront consulter son traite manuscrit intitulé, Spéculum Musicœ, qui est à la Bi- bliothèque du roi de France, numéro 7207 , pa(>. 280 et suivantes.

Les premiers qui donnèrent aux notes quelques régies de quantité s'attachèrent plus aux valeurs ou durées relatives de ces notes qu'à la mesure même ou au caractère du mouvement; de sorte qu'avant la dis- tinction des différentes mesures il y a voit des notes au moins de cinq valeurs différentes ; savoir, la maxime , la longue, la brève, Ja semi-brève, et la minime, que l'on peut voir à leurs mots. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on trouve toutes ces différentes valeurs et même davantage dans les manuscrits de Macliault , sans y trouver jamais aucun signe de mesure.

Dans la suite, les rapports en valeur d'une de ce i

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nole&à Taiitre dépendirent du temps, de la piolatioii du mode. Par Je mode on déterminoit Je rapport de la maxime à la longue, ou de la lonj>ue à la brève; par le temps, celui de la longue à la brève, ou de la brève à la semi-brève ; et par la prolation , celui de la brève à la semi-brève, ou la semi-brève à la minime. (Voyez Mode, Prolation, Temps.) En général toutes ces diffé- jentes modifications se peuvent rapporter à la mesure double ou à la mesure triple , c'est-à-dire à la division de chaque valeur entière en deux ou trois temps égaux.

Cette manière d'exprimer le temps ou la mesure des notes changea entièrement durant le cours du dernier siècle. Dès qu'on eut pris l'habitude de ren- fermer chaque mesure entre deux barres , il fallut né- cessairement proscrire toutes les espèces de notes qui renferm oient plusieurs mesures. La mesure en devint plus claire, les partitions mieux ordonnées, et l'exé- cution plus facile ; ce qui étoit fort nécessaire pour compenser les difficultés que la musique acquéroit en devenant chaque jour plus composée. J ai vu d'excel- lents musiciens fort embarrassés d'exécuter bien en mesw^e des trio d'Orlande et de Claudin , compositeurs du temps de Henri III.

Jusque-là la raison triple avoit passé pour la plus parfaite : mais la double prit enfin l'ascendant, et le C, ou la mesure à quatre temps fut prise pour la base de toutes les autres. Or, la mesure à quatre temps se résout toujours en mesure à deux temps ; ainsi c'est proprement à la mesure double qu'on fait rapporter toutes les autreâ , du moins quant aux valeurs des notes et aux signes des mesures.

2Q*

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Au lieu donc des maximes, longues, brèves, semi- brèves , etc. , on substitua les rondes , blanches , noires, croches, doubles et triples-croches, etc., qui toutes furent prises en division sous-double; de sorte que chaque espèce de note valoit précisément la moitié delà précédente. Division manifestement insuffisante, puisque ayant conservé la mesure triple aussi bien que la double ou quadruple , et chaque temps pouvant être divisé comme chaque me^wre. en raison sous-double ou sous-triple à la volonté du compositeur, il falloit assi- gner, ou plutôt conserver aux notes des divisions ré- pondantes à ces deux raisons.

Les musiciens sentirent bientôt le défaut ; mais , au lieu d'établir une nouvelle division, ils tâchèrent de suppléer à cela par quelque signe étranger : ainsi , ne pouvant diviser une blanche en trois parties égales, ils se sont contentés d'écrire trois noires, ajoutant le chiffre 3 sur celle du milieu. Ce chiffre même leur a enfin paru trop incommode , et , pour tendre des pièges plus sûrs à ceux qui ont à lire leur musique , ils pren- nent le parti de supprimer le 3 ou même le 6 ; en sorte que, pour savoir si la division est double ou triple, on n^'a d'autre parti à prendre que celui de compter les notes ou de deviner.

Quoiqu'il n'y ait dans notre musique que deux sortes de mesures^ on y a fait tant de divisions, qu'où en peut compter au moins de seize espèces, dont voici les signes^

^2666 33939 3 12 12 12

^^''m=:.4-4-8- i6- ^' 2-4-4-8-8-I6- 4- 8- iCr ( Voyez les exemples Planche B, figure i . )

MES /\()^

De toutes ces mesures il y en a tjois qu'on appelle simples , parcequ'elles n ont qu'un seul chiiïje ou sijj^ne; savoir le 2 ou ^ , le 3 , et leC, ou quatre temps. Toutes les autres, qu'on appelle doubles, tirent leur dénomination et leurs signes de cette dernière ou de la note ronde qui la remplit ; en voici la régie :

Le chiffre inférieur marque un nombre de notes de valeur égale, faisant ensemble la durée d'une ronde ou d'une mesure à quatre temps.

Le chiffre supérieur montre combien il faut de ces mêmes notes pour remplir chaque mesure de l'air fpi'on va noter.

Par cette règle on voit qu il fauttrois blanches pour remplir une ynesia^e au signt3 3 ; deux noires pour celle au signe ^; trois croches pour celle au signe g, etc. Tout cet embarras de chiffres est mal entendu ; car pourcpioi ce rapport de tant de différentes mesures à celle de quatre temps , qui leur est si peu semblable? ou pourquoi ce rapport de tant de diverses notes à une ronde, dont la durée est si peu déterminée? Si tous ces signes sont institués pour marquer autant de différentes sortes de mesures ^ il y en a beaucoup trop; et s'ils le sont pour exprimer les divers degrés de mouvement , il n'y en a pas assez , puisque indépen- „damment de l'espèce de mesure et de la division des temps, on est presque toujours contraint d'ajouîer un mot au commencement de l'air pour déterminer le temps.

Il n'y a réellement que deux sortes de mesures dans notre musique; savoij-, à deux et trois temps égaux. Mais comme chaque temps, ainsi que chafiue mesu^rej

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peut se diviser en deux ou en trois parties égales, cela fait une subdivision qui donne quatre espèces de me- sures en tout; nous n'en avons pas davantage.

On pourroit cependant en ajouter une cinquième, en combinant les deux premières en une mesure à deux temps irtîégaux, Tun composé de deux notes, et l'autre de trois. On peut trouver dans cette mesure des chants très bien eadencés , qu il seroit impossible de noter par les mesures usitées. J'en donne un exemple dans la Planche B, figure lo. Le sieur AdolTati fit à Gênes, en 1 75o, un essai de cette mesure en grand orchestre, dansfairtSe la sorte mi couda n?ia de soit-opér a d'Ariane. Ce jTiorceau fit de TeFfei et fut applaudi. Malgré cela je n'apprends pas que cet exemple ait été suivi.

Mesuré, part. Ce mot répond à fitalien a. tempo ou a batuta , et s'emploie, sortant d'un récitatif, pour marquer le lieu Ton dojt commencer à chanter en mesure.

Métrique, adj. La musique métrique, selon Aristide Quintilien, est la partie de la musique en général qui a pour objet les lettres , les syllabes , les pieds , les vers et le poème; et il y a cette différence entre la -métrique et la rhythmique ^ que la première ne s'oc- cupe que de la forme des vers , et la seconde, de celle des pieds qui les composent : ce qui peut même s'ap- pliquer à la prose. D'où il suit que les langues mo- dernes peuvent encore avoir une musique métrique^ puisqu'elles ont une poésie; mais non pas une musi- que rhythmique, puisque leur poésie n'a plus de pieds, ( Voyez Rhythme. )

Mezza-v@ce. ( Voyez Sotto-yoce. )

M IX 407

Mezzo-forte. (Voyez Sotto-yoce.)

MI. La troisième des six syllabes inventées par Gui Arctin pour nommer ou solfier les notes , lorsqu'on ne joint pas la parole au chant. (Voyez E si mi, Gamme.)

Mineur, adj. Nom que portent certains intervalles, quand ils sont aussi petits qu'ils peuvent Fêtre sans devenir faux. ( Voyez Majeur, Intervalle. )

Minew^ se dit aussi du mode, lorsque la tierce de la tonique est mineure. (Voyez Mode. )

Minime, adj. On appelle intervalle minime ou moin- dre, celui qui est plus petit que le mineur de même espèce, et qui ne peut se noter; car s'il pouvoit se noter il ne s'appelleroit pas minime^ mais diminué.

Le semi-ton minime est la différence du semi-ton nia-xime au semi-ton moyen, dans le rapport de i25 à 128. (Voyez Semi-ton. )

Minime, 5. /. par rapport à la durée ou au temps, est dans nos anciennes musiques la note qu'aujour- d'hui nous appelons blanche. (Voyez Valeur des notes.)

Mixis, s. f. mélange. Une des parties de l'ancienne mélopée par laquelle le compositeur apprend à bien combiner les intervalles et à bien distribuer les genres et les modes selon le caractère du chant qu'il s'est pro- posé de faire. ( Voyez Mélopée. )

Mixo-LYDiEN, adj. Nom d'un des modes de l'an- cienne musique, appelé autrement hyper-dorien. ( Voy. ce mot.) Le mode mixo-lydien étoit le plus aigu des sept auxquels Ptolémée avoit réduit tous ceux delà musique des Grecs. (Voyez Mode.)

4o8 MOD

Ce mode est affectueux, passionné, convenable aux grands mouvements, et par cela même à la tragédie. Aristoxène assure que Sapho en fut Finventrice; mais Plutarque dit que d'anciennes tables attribuent cette invention à Pytoclide : il dit aussi que les Argiens mirent à ramende le premier qui s'en étoit servi, et cjui avoit introduit dans la musique Tusage des sept cordes, c'est-à-dire une tonique sur la septième corde.

IMïXTE, acij. On appelle modes mixtes ou connexes dans le plain-chant, les chants dont Tétendue ex- cède leur octave et entre d'un mode dans l'autre, par- ticipant ainsi de rauîliente et du plagal. Ce mélange ne se fait que des modes compairs, comme du pre- mier ton avec le second , du troisième avec le qua- ti^.ième, en un mot du plagal avec son authente et réci- proquement.

Mobile, adj. On appeloit cordes mobiles ou sons mobiles^ dans la musique grecque, les deux cordes moyennes de chaque tétracorde, parcequ' elles s'ac- cordoient différemment selon les genres, à la diffé- rence des deux cordes extrêmes , qui , ne variant jamais, s'appeloient cordes stables. (Voyez Tétra- CQiiDE , Genre , Son . )

Mode, s. m. Disposition régulière du chant .et de Faccompagnement relativement à certains sons prin- cipaux sur lesquels une jnéce de musique est consti- tuée, et qui s'appellent les cordes essentielles du mode.

Le mode diffère du ton en ce que celui-ci n'indique que la corde ou le lieu du système qui doit servir de base au chant, et le mode détermine la tierce et mo- <liiîe toute i'écheile sur ce son fondamental.

MOD 4^9

Nos modes ne sont fondés sur aucun caractère de sentiment, comme ceux des anciens; mais unique- ment sur notre système harmonique. Les cordes essentielles au îuode sont au nombre de trois, et for- ment ensemble un accord parfait, La tonique, qui est la corde fondamentale du ton et du mode ( voyez Ton et Tonique); la dominante à la quinte de la tonique ( voyez Dominante ) ; enfin la médiante , qui constitue proprement le mode, et qui est à la tierce de cette même tonique. (Voyez Médiante.) Comme cette tierce peut être de deux espèces, il y a aussi deux modes différents. Quand la médiante fait tierce ma- jeure avec la tonique, le mode est majeur; il est mi- neur, quand la tierce est mineure.

Le mode majevn^ est engendré immédiatement par la résonnance du corps sonore qui rend la tierce majeure du son fondamental; mais le mode mineur n'est point donné par la nature, il ne se trouve que par analogie et renversement. Cela est vrai dans le système de M. Tartini, ainsi que dans celui de M. Rameau.

Ce dernier auteur, dans ses divers ouvrages suc- cessifs, a expliqué cette origine du mode mineur de différentes manières, dont aucune n'a contenté son interprète M. d'Alembert. C'est pourquoi M. d'Alem- bert fonde cette même origine sur un autre principe, que je ne puis mieux exposer qu'en transcrivant les propres termes de ce grand géomètre.

«Dans le chnnt ut mi sol, qui constitue le triode « majeur, les sons mi et sol sont tels- que le son*prin- « cipal M^es fait résonner tous deux; mais le second

4 10 -MOD

« son nii ne fait point résonner sol^ qui n*est que sa i< tierce mineure.

« Or, imaginons qu au lieu de ce son mi on place «entre les sons ut et 50/ un autre son qui ait, ainsi « que le son ut^ propriété de faire résonner sol, et « qui soit pourtant différent à\tt; ce son qu'on cherche « doit être tel qu'il ait pour dix-septième majeure le « son 50/ ou Tune des octaves de sol: par conséquent « le son cherché doit être à la dix-septième majeure « au-dessous de 50/, ou, ce qui revient au même, à la « tierce majeure au-dessous de ce même son sol. Oi-, « le son m? étant à la tierce mineure au-dessous de sol, « et la tierce majeure étant d'un semi-ton plus grande « que la tierce mineure, il s'ensuit que le son qu'on « cherche sera d'un semi-ton plus bas que le mi, et « sera par conséquent mi bémol.

«Ce nouvel arrangement ut, ??zi bémol, sol, dans f lequel les sons ut et mi bémol -font l'un et l'autre ré- « sonner sol sans que ut fasse résonner mi bémol , n'est « pas à la vérité aussi parfait que le premier arrange- « ment ut, mi, sol, parceque dans celui-ci les deux « sons mi et sol sont Tun et l'autre engendrés par le « son principal ut, au lieu que dans l'autre le son mi «bémol n'est pas engendré par le son ut: mais cet « arrangement ut, mi bémol, sol, est aussi dicté par la « nature, quoique moins immédiatement que le pre- «mier; et en effet l'expérience prouve que l'oreille « s'en accommode à peu près aussi bien.

« Dans ce chant ut^ mi bémol , sol , ut , il est évident « que la tierce ^\it à mi bémol est mineure; et telle

MOD 4 M

.< eèt Torigine du ^eiire ou mode appelé mineur. » Elé- ments de Musique , pag. 22 .

Le mode une fois déterminé , tous les sons de la jjanime prennent un nom relatif au fondamental , et propre à la place qu'ils occupent dans ce mode-\h. Voici les noms de toutes les notes relativement à leur mode, ep prenant Toctave d uf pour exemple du mode majeur, et celle de la pour exemple du mode mineur.

Majeur : Ut Re Mi Fa Soi La Si Ut. Mineur: La Si Ut Re Mi Fa Sol La.

"T!

5. o ^ s B s^ ~:

3 ? 3 = 1 :i 5C3

11 faut remarquer que quand la septième note n'est quà un semi-ton de i'octav-e, c'est-à-dire quand elle fait la tierce majeure de la dominante; comme le 5/ naturel en majeur, ouïe sol dièse en mineur, alors cette septième note s'appelle note sensible, parce- qu'elle annonce la tonique et fait sentir le ton.

Non seulement chaque degré prend le nom qui Ini convient, mais chaque intervalle est déterminé relati- vement au mode. Voici les régies établies pour cela :

La seconde note doit faire sur la tonique une seconde majeure: la quatrième et la dominante une quarte et une quinte justes, et cela également dans les deux modes.

2*^ Dans le mode majeur la médiante ou tierce, la sixte et la septième de la tonique doivent toujours

Jil2 7; J O D

dire majeures; c'est le caractère du jnode. Par la même raison , ces trois intervalles doivent être mineurs dems le mode mineur : cependant, comme il faut qu'on y aperçoive aussi la note sensible, ce qui ne peut se faire sans fausse relation , tandis que la sixième note reste mineure, cela cause des exceptions auxquelles on a égard dans le cours de Fharmonie et du chant : mais il faut toujours que la clef avec ses transpositions donne tous les intervalles déterminés par rapport à la tonique selon Fespéce du 7node. On trouvera au mot Clef une régie générale pour cela.

Comme toutes les cordes naturelles de l'octave (Vut donnent relativement à cette tonique tous les inter- valles prescrits pour le mode majeur, et qu'il en est de même de l'octave de la pour le mode mineur , l'exem- ple précédent , que je n'ai proposé que pour les noms des notes, doit servir aussi de formule pour la régie des intervalles dans chaque mode.

Cette régie n'est point , comme on pourroit le croire, établie sur des principes purement arbitraires ; elle a son fondement dans la génération harmonique, au moins jusqu'à certain point. Si vous donnez l'accord parfait majeur à la tonique, à la dominante, et à la sous-dominante , vous aurez tous les sons de Técheile diatonique pour le mode majeur : pour avoir celle du mode mineur, laissant toujours la tierce majeure à la dominante, donnez la tierce mineure aux deux autres accords; telle est l'analogie du mode.

Comme ce mélange d'accords majeurs et mineurs introduit en mode mineur une fausse relation entre la sixième note et la note sensible , on donne quelque-

MOD 4l3

fois, pour éviter cette fausse relation, la tierce ma- jeure à la quatrième note en montant , ou la tierce mi- neure à la dominante en descendant , surtout par renversement; mais ce sont alors des exceptions.

Il n'y a proprement que deux modes ^ comme on vient de le voir : mais comme il y a douze sons fonda- mentaux qui donnent autant de tons dans le système, et que chacun de ces tons est susceptible du mode ma- jeur et du mode mineur, on peut composer en vingt- quatre modes ou manières; maneries , disoient nos vieux auteurs en leur latin. Il y en a même trente- quatre possibles dans la manière de noter ; mais dans la pratique on en exclut dix , qui ne sont au fond que la répétition de dix autres , sous des relations beaucoup plus difficiles , toutes les cordes changeroient de noms , et l'oo auroit peine à se reconnoitre : tels sont les modes majeurs sur les notes diésées, et les modes mineurs sur les bémols. Ainsi , au lieu de com- poser en sol dièse tierce majeure, vous composerez en la bémol qui donne les mêmes touches , et au lieu de composer en i^e bémol mineur, vous prendrez ut dièse par la même raison; savoir, pour éviter d'un côté un F double dièse, qui deviendroit un G naturel; et de l'autre un B double bémol, qui deviendroit un A naturel.

On ne reste pas toujours dans le ton ni dans le mode par lequel on a commencé un air; mais , soit pour l'ex- pression , soit pour la variété, on change de ton et de mode, selon l'analogie harmonique, revenant pour- tant toujours à celui qu'on a fait entendre le premier; ce qui s'appelle moduler.

4l4 MOD

De naît une nouvelle distincxion du mode en principal et relatif; le principal est celui par lequel commence et finit la pièce; les relatifs sont ceux qu'on entrelace avec le principal dans le courant de la mo- dulation. (Voyez Modulation. )

Le sieur Blainville , savant musicien de Paris, pro- posa, en lySi, Fessai d'un troisième mode^ qu'il ap- pelle mode ??i7*xfe, parcequ'il participe à la modulation des deux autres , ou plutôt qu'il en est composé; mé- lange que l'auteur ne regarde point comme un incon- vénient, mais plutôt comme un avantage et une source de variété et de liberté dans les chants et dans l'harmonie.

Ce nouveau mode n'étant point donné par l'analyse de trois accords comme les deux autres, ne se déter- mine pas comme eux par des harmoniques essentiels au mode y mais par une gamme entière qui lui est pro- ])re, tant en montant qu'en descendant; en sorte que dans nos deux modes la gamme est donnée par les ac- cords , et cpie dans le mode mixte les accords sont donnés parla gamme.

La formule de cette gamme est dans la succession ascendante et descendante des notes suivantes ,

Mi Fa Sol La Si Ut Re ' Mi ,

dont la différence essentielle est, quant à la mélodie, dans la position des deux semi-tons, dont le premier se trouve entre la tonique et la seconde note, et l'au- tre entre la cinquième et la sixième ; et, quant à Thar- monie , en ce qu'il por):e sur sa tonique la tierce mi- neure en commençant , et majeure en finissant, comme

MOD 4l5

on peut le \oiv {PL l^^fg- 5 ) dans raccompagnement de cette gamme, tant en montant qu'en descendant , tel qu'il a été donné par Tauteur , et exécuté au con- cert spirituel le 3o mai i yS r .

On objecte au sieur de Blainville que son mode n'a ni accord , ni corde essentielle , ni cadence qui lui soit propre , et le distingue suffisamment des modes majeur ou mineur. Il répond à cela que la différence de son mode est moins dans l'harmonie que dans la mélodie , et moins dans le mode même que dans la modulation ; qu'il est distingué dans son commencement du mode majeur par sa tierce mineure , et dans sa fin du 7node mineur par sa cadence plagale : à quoi l'on réplique qu'une modulation qui n'est pas exclusive ne suffit pas pour établir un mode; que la sienne est inévitable dans les deux autres modes, surtout dans le mineur : et quant à sa cadence plagale, qu'elle a lieu nécessai- rement dans le même 7node mineur toutes les fois qu'on passe de 1 accord de la tonique à celui de la do- minante, comme cela se pratiquoit jadis, même sur les finales , dans les modes plagaux et dans le ton du quart; d'où l'on conclut que son ?node mixte est moins une espèce particulière qu'une dénomination nou- velle à des manières d'entrelacer et combiner les mo- des majeur et mineur , aussi anciennes que l'harmonie, pratiquées de tous les temps ; et cela paroît si vrai, que, même en commençant sa gamme, l'auteur n'ose donner ni la quinte ni la sixte à sa tonique , de peur de déterminer une tonique en mode mineur par la pre- mière, ou une médianteen/no^fe majeur par la seconde : il laisse l'équivoque en ne remplissant pas son accord'

4l6 BIOD

Mais, quelque objection qu'on puisse faire contre le mode mixte , dont on rejette plutôt le nom que la pratique, cela n'empêchera pas que la manière dont Fauteur l'établit et le traite ne le fasse connoître pour un homme d'esprit et pour un musicien très versé dans les principes de son art.

Les anciens diffèrent prodigieusement entre eux sur les définitions, les divisions et les noms de leurs tons ou modes : obscurs sur toutes les parties de leur musi- que, ils sont presque inintelligibles sur celle-ci. Tous conviennent à la vérité qu'un jnode est un certain sys- tème on une constitution de sons, et il paroit que cette constitution n'est autre chose en elle-même qu'une certaine octave remplie de tous les sons inter- médiaires, selon le genre. Euclide et Ptolémée sem- blent la faire consister dans les diverses positions des deux semi-tons de l'octave relativement à la corde principale du mode, comme on le voit encore aujour- d'hui dans les huit tons du plain-chant ; mais le plus grand nombre paroît mettre cette différence unique- ment dans le lieu qu'occupe le diapason du mode dans le système général , c'est-à-dire en ce que la base ou corde principale du mode est plus aiguë ou plus grave étant prise en divers lieux du système, toutes les cor- des de la série gardant toujours un même rapport avec la fondamentale, et par conséquent changeant d'ac- cord à chaque mode pour conserver l'analogie de ce rapport : telle est la différence des tons de notre musique.

Selon le premier sens, il n'y auroit que sept modes possibles dans le système diatonique; et, en effet,

MOD 417

Ptalémée n'en admet pas davantage : car il n'y a que sept manières de varier la position des deux semi-tons relativement au son fondamental , en gardant toujours entre ces deux semi-tons l'intervalle prescrit. Selon le second sens il y auroit autant de modes possibles que de sons, c'est-à-dire une infinité; mais si Ton se ren- ferme de même dans le système diatonique, on n'y en trouvera non plus que sept, à moins qu'on ne veuille prendre pour de nouveaux modes ceux qu'on établi- roit à l'octave des premiers.

En combinant ensemble ces deux manières , on n'a encore besoin que de sept modes ; car si l'on prend ces modes en divers lieux du système , on trouve en même temps les sons fondamentaux distingués du grave à l'aigu; et les deux semi-tons différemment situés rela- tivement au son principal.

Mais outre ces modes on en peut former plusieurs autres , en prenant dans la même série et sur le même son fondamental différents sons pour les cordes essen- tielles an mode: par exemple, quand on prend pour dominante la quinte du son principal , le mode est authentique; il est plagal si Ton choisit la quarte; et ce sont proprement deux modes différents sur la même fondamentale. Or, comme pour constituer un mode agréable, il faut, disent les Grecs, que la quarte et la quinte soient justes, ou du moins une des deux, il est évident qu'on n'a dans l'étendue de l'octave que cinq sons fondamentaux sur chacun desquels on puisse établir un mode authentiaue et un plagal. Outre ces dix modes on en trouve encore deux, l'un authentique , qui ne peut fournir de plagal , parceque sa quarte fait xiv, 27

4l8 MOD

le triton; l'autre plagal, qui ne peut fournir d authen- tique, parceque sa quinte est fausse. C'est peut-être ainsi qu'il faut entendre un passage de Piutarque la musique se plaint que Phrynis Fa corrompue en voulant tirer de cinq cordes, ou plutôt de sept, douze harmonies différentes.

Voilà donc douze modes possibles dans l'étendue d'une octave ou de deux tétracordes disjoints : que si l'on vient à conj oindre les deux téti^acordes, c'est-à- dire à donner un bémol à 1^ septième en retranchant 1 octave ; ou si l'on divise les tons entiers par les inter- valles chromatiques, pour y introduire de nouveaux modes intermédiaires ; ou si , ayant seulement égard aux différences du grave à l'aigu, on place d'autres modes à l'octave des précédents : tout cela fournira divers moyens de multiplier le nombre des mo^^e^ beau- coup au-delà de douze. Et ce sont les seules ma- nières d'expliquer les divers nombres de modes admis ou rejetés par les anciens en divers temps.

L'ancienne musique ayant d'abord été renfermée dans les bornes étroites du tétracorde, du pentacorde, de rhexacorde, de Teptacorde, et de l'octacorde. on n'y admit premièrement que trois modes dont les fon- damentales étoient à un ton de distance Tune de l'autre: le plus grave des trois s'appeloit le dorien; le phrygien tenoit le milieu; le plus aigu étoit le lydien. En partageant chacun de ces tons en deux intervalles , on fît place à deux autres modes ^ l'ionien et 1 éolien, dont le premier fut inséré entre le dorien et le phry- gien, et le second entre le phrygien et le lydien. Dans la suite le système s'élant étendu à l'aigu et

MOD 419

au grave, les musiciens établirent de part et d autre de nouveaux modes ^ qui tiroient leur dénomination des cinq premiers, en y joignant la préposition hyper ^ sur, pour ceux d'en-haut, et la préposition hypo, sous, pour ceux d'en-bas. Ainsi le mode lydion étoit suivi de riiyper-dorien, de 1 hyper-ionien, de lliyper-pliry- gien, de Tliyper-éolien, et de Thyper-lydien, en mon- tant; et après le mode dorien venoient lliypo-lydien, riiypo-éolien , l'hypo-phrygien , Thypo-ionien , et rhypo-dorien , en descendant. On trouve le dénom- brement de ces quinze modes dans Alipius, auteur grec. Voyez [Planche E) leur ordre et leurs intervalles exprimés par les noms des notes de notre musique. Mais il faut remarquer que Thypo-dorien étoit le seul mode qu'on exécutoit dans toute son étendue : à mesure que les autres s'élevoieni, on en retranchoit des sons à l'aigu pour ne pas excéder la portée de la voix. Cette observation sert à l'intelligence de quelques passages des anciens par lesquels ils semblent dire que les modes les plus graves avoient un chant plus aigu; ce qui étoit vrai en ce que ces chants s'éle voient davan- tage au-dessus de la tonique. Pour n'avoir pas connu cela le Doni s'est furieusement embarrassé dans ces apparentes contradictions.

De tous ces modes Platon en rejetoit plusieurs , comme capables d'altérer les mœurs. Aristoxène, au rapportd'Euciide, en admettoit seulement treize, sup- primant les deux plus élevés, savoir, l'hyper-éolien et Thyper-lydien; mais dans l'ouvrage qui nous reste d'Aristoxène il en nomme seulement six, sur lesquels

^7.

420 MOD

il rapporte les divers sentiments qui régnoientdéjà de son temps.

Enfin Ptolémée réduisoit le nombre de ces modes à sept, disant que les modes n'étoient pas introduits dans le dessein de varier les chants selon le grave et l'aigu, car il est évident qu'on auroit pu les multiplier fort au-delà de quinze, mais plutôt afin de faciliter le passage d'un mode à l'autre par des intervalles con- sonnants et faciles à entonner.

Il renfermoit donc tous les modes dans l'espace d'une octave dont le mode dorien faisoit comme le centre ; en sorte que le mixo-lydien étoit une quarte au-dessus, et Thypo-dorien une quarte au-dessous; le phrygien , une quinte au-dessus de l'hypo-dorien ; l'hypo-phrygien, une quarte au-dessous du phrygien; et le lydien, une quinte au-dessus de l'hypo-phrygien : d'où il paroît qu'à compter de l'hypo-dorien, qui est le mode le plus bas, il y avoit jusqu'à l'hypo-phrygien l'intervalle d'un ton; de l'hypo-phrygien à l'hypo- lydien, un autre ton; de l'hypo-lydien au dorien, un semi-to?i; de celui-ci au phrygien, un ton; du phrygien au lydien encore un ton; et du lydien au mixo-lydien un sem\-ton : ce qui fait l'étendue d'une septième, en cet ordre :

ï Fa mixo-lydien.

2 Mi lydien.

3 Re phrygien.

^ Ut dorien.

5 Si hypo-lydien.

6 La hypo-phiygien.

y Sol Tiypo-dorien.

Ptolémée retranchoit tous les autres modes, préten-

MOD /\2i

dant qu'on n'en ponvoit placer un plus grand nombre dans le système diatonique d'une octave, toutes les cordes qui !a composoient se trouvant employées. Ce sont ces sept modes de Ptolémée, qui, en y joignant riiypo-mixo-lydien, ajouté, dit-on, par TArétin , font aujourd'hui les huit tons du plain-chant. (Voyez Tons delégltse.)

Telle est la notion la plus claire qu'on peut tirer des tons ou modes de l'ancienne musique, en tant qu'on les regardoit comme ne différant entre eux que du grave à l'aigu : mais ils avoient encore d'autres différences qui les caractérisoient plus particulière- ment, quant à l'expression; elles se tiroient du genre de poésie qu'on mettoit en musique, de l'espèce d'in- strument qui devoit Taccompagner, du rhythme ou de la cadence qu'on y observoit, de l'usage étoient certains chants parmi certains peuples , et d'où sont venus originairement les noms des principaux modes ^ le dorien, le phrygien, le lydien, l'ionien, l'éolien.

Il y avoit encore d'autres sortes de modes qu'on auroit pu mieux appeler styles ou genres de composi- tion; tels étoient le mode tragique destiné pour le théâtre , le mode nomique consacré à Apollon , le dithyrambique à Bacchus, etc. (Voyez Style et Mé- lopée. )

Dans nos anciennes musiques, on appeloit aussi modes , par rapport à la mesure , ou au temps , cer- taines manières de fixer la valeur relative de toutes les notes par un signe général : le mode étoit à peu près alors ce qu'est aujourd'hui la mesure; il se mar- quoit de même après la clef, d abord par des cercles

422 MOD

OU demi-cercles ponctués ou sans points suivis des chiffres 2 ou 3 différemment combinés, à quoi Ton ajouta ou substitua dans Ja suite des lignes perpendi- culaires, différentes, selon le mode^ en nombre et en longueur; et c'est de cet antique usage que nous est resté celui du C et du C barré. (Voyez Prolation. )

Il y avoit en ce sens deux sortes de modes : le ma- jeur, qui se rapportoit à la note maxime; et le mineur , qui étoit pour la longue : Tun et Tautre se divisoit eu parfait et imparfait.

Le mode majeur parfait se marquoit avec trois lignes ou bâtons qui remplissoient chacun trois es- paces de la portée, et trois autres qui n'en remplis- soient que deux; sous ce mode la maxime valoit trois longues. (Voyez Planche B, Figure 2. )

Le mode majeur imparfait étoit marqué par deux lignes qui traversoient chacune trois espaces, et deux autres qui n'en traversoient que deux , et alors la maxime ne valoit que deux longues. {Figure 3. )

Le mode mineur parfait étoit marqué par une seule ligne qui traversoit trois espaces, et la longue valoit trois brèves. [Figure 4.)

Le mode mineur imparfait étoit marqué par une ligne qui ne traversoit que deux espaces, et la longue n'y valoit que deux brèves. {Figure^.)

L'abbé Brossard a mêlé mal à propos les cercles et demi-cercles avec les figures de ces modes. Ces signes réunis n'avoient jamais lieu dans les modes simples , mais seulement quand les mesures étoient doubles ou conjointes.

Tout cela n'est plus eyi usage depuis long-temps ;

MOD 4^3

mais il faut nécessairement entendre ces signes pour savoir déchiffrer les anciennes musiques : en quoi les plus savants musiciens sont souvent fort embar- rassés.

Modéré , adj. Ce mot indique un mouvement moyen entre le lent et le gai ; il répond à Fitalien andante. (Voyez Andante.)

Modulation , s. f. C'est proprement la manière d'établir et traiter le mode ; mais ce mot se prend plus communément aujourd'hui pour l'art de conduire l'harmonie et le chant successivement dans plusieurs modes d'une manière agréable à l'oreille et conforme aux régies.

Si le mode est produit par l'harmonie , c'est d'elle aussi que naissent les lois de la modulation. Ces lois sont simples à concevoir, mais difficiles à bien ob- server. Voici en quoi elles consistent.

Pour bien moduler dans un même ton, il faut , 1 ^ en parcourir tous les sons avec un beau chant, en rebattant plus souvent les cordes essentielles et s'y appuyant davantage, c'est-à-dire que l'accord sensi- ble et l'accord de la tonique doivent s'y remontrer fréquemment, mais sous différentes faces et par dif- férentes routes , pour prévenir la monotonie; n'éta- blir de cadences ou de repos que sur ces deux accords , ou tout au plus sur celui de la sous-dominante ; 3*^ enfin n'altérer jamais aucun des sons du mode; car on ne peut, sans le quitter, faire entendre un dièse ou un bémol qui ne lui appartienne pas , ou en retrancher quelqu'un qui lui appartienne.

Mais, pour passer d'un ton à un autre, il faut con-

424 MOD

sulter l'analogie, avoir égard au rapport des toniques

et à la quantité des cordes communes aux deux tons.

Partons d'abord du mode majeur : soit que 1 on con- sidère la quinte de la tonique comme ayant avec elle le plus simple de tous les rapports après celui de Toctave, soit qu'on la considère comme le premier des sons qui entrent dans la résonnance de cette même tonique, on trouvera toujours que cette quinte, qui est la dominante du ton, est la corde sur laquelle on peut établir la modulation la plus analogue à celle du ton principal.

Cette dominante, qui faisoit partie de l'accord par- fait de cette première tonique, fait aussi partie du sien propre, dont elle est le son fondamental. H y ^ donc liaison entre ces deux accords. De plus, cette même dominante portant, air.si que la tonique, un accord parfait majeur par le principe de la réson- nance , ces deux accords ne diffèrent entre eux que par la dissonance , qui , de la tonique passant à la do- minante , est la sixte-ajoutée, et, de la dominante repassant à la tonique, est la septième. Or ces deux accords , ainsi distingués par la dissonance qui con- vient à chacun, forment,- par les sons qui les compo- sent rangés en ordre , précisément l'octave ou échelle diatonique que nous appelons gamme, laquelle déter- mine le ton.

Cette même gamme de la tonique forme , altérée seulement par un dièse, la gamme du ton de la domi- nante : ce qui montre la grande analogie de ces deux tons, et donne la facilité de passer de l'un à l'autre au moyen d'une seule altération. Le ton de la dominante

MOT) 4^5

est donc le premier qui se présehic après celui de la tonique dans Tordre des modulations.

La même simplicité de rapport que nous trouvons entre une tonique et sa dominante se trouve aussi entre la même tonique et sa sous dominante ; car la quinte que la dominante feit à Taigu avec cette toni- que, la sous-dominante la fait au grave : mais cette sous-dominante n'est quinte de la tonique que par renversement; elle est directement quarte en plaçant cette tonique au grave , comme elle doit être ; ce qui établit la gradation des rapports : car en ce sens la quarte, dont le rapport est de 3 à 4, suit immédiate- ment la quinte, dont le rapport est de 2 à 3, Que si cette sous-dominante n'entre pas de même dans l'ac- cord de latonique, en revanche la tonique entre dans le sien. Car soit ut mi sol l'accord de la tonique, celui de la sous-dominante sera^à la ut; ainsi c'est \ut qui fait ici liaison, et les deux autres sons de ce nouvel accord sont précisément les deux dissonances des précédents. D'ailleurs il nefiiut pas altérer plus de sons pour ce nouveau ton que pour celui de la dominante ; ce sont dans Tune et dans l'autre toutes les mêmes cordes du ton principal , à un près. Donnez un bémol à la note sensible si ^ et toutes les notes du ton d'«f serviront à celui de fa. Le ton de la sous-dominante n'est donc guère moins analogue au ton principal que celui de la dominante.

On doit remarquer encore qu'après s'être servi de la première modulation pour passer d'un ton prin- cipal w^ à celui de sa dominante 5o/, on est obligé d'em- ployer la seconde pour revenir au ton principal : car

426 MOD

si sol est dominante du ton d'wf, ut est sous-domi- j nante du ton de sol; ainsi 1 une de ces modulations I

n'est pas moins nécessaire que Tautre.

Le troisième son qui entre dans l'accord de la tonique est celui de sa tierce ou médiante, et c'est aussi le plus simple des rapports après les deux pré- cédents j^ y. Voilà donc une nouvelle modulation qui se présente, et d'autant plus analogue que deux des sons de la tonique principale entrent aussi dans l'accord mineur de sa médiante ; car le premier accord étant ut mi sol, celui-ci sera mi sol si, l'on voit que mi et sol sont communs.

Mais ce qui éloigne un peu cette modulation , c'est la quantité de sons qu'il y faut altérer, même pour le mode mineur , qui convient le mieux à ce mi. J'ai donné ci-devant la formule de l'échelle pour les deux modes : or , appliquant cette formule à mi mode mi- neur , on n'y trouve à la vérité que le quatrième son fa altéré par un dièse en descendant; mais, en mon- tant, on en trouve encore deux autres , savoir, la prin- cipale tonique ut^ et sa seconde note re, qui devient ici note sensible : il est certain que l'altération de tant de sons, et surtout de la tonique, éloigne le mode et affoiblit l'analogie.

Si l'on renverse la tierce comme on a renversé la quinte , et qu'on prenne cette tierce au-dessous de la ionique sur la sixième note la , qu'on devroit appeler aussi sous-médiante ou médiante en-dessous , on for- mera sur ce la une modulation plus analogue au ton principal que n'étoit celle de mi; car l'accord parfait de cette sous-médiante étant la ut mij on y retrouve ,

comme dans celui Je la médiante, deux des sons qui entrent dans Taccoid de la tonique, savoir, ut et mi; et de plus , réchelle de ce nouveau ton étant compo- sée, du moins en descendant, des mômes sons que celle du ton principal , et n'ayant que deux sons alté- rés en montant, c'est-à-dire un de moins que Téchelle de la médiante , il s'ensuit que la modulation de la sixième noto est préférable à celle de cette médiante , d'autant plus que la tonique principale y fait une des cordes essentielles du mode, ce qui est plus propre à rapprocher l'idée de la modulation. Le mi peut venir ensuite.

Voilà donc quatre cordes , mi fa sol la , sur chacune desquelles on peut moduler en sortant du ton majeur d'ut. Restent le re et le si, les deux harmoniques delà dominante. Ce dernier , comme note sensible , ne peut devenir tonique par aucune bonne modulation., du moins immédiatement : ce seroit appliquer brusque- ment au même son des idées trop opposées et lui don- ner une harmonie trop éloignée de la principale. Pour la seconde note re, on peut encore à la faveur d'une marche consonnante delà basse-fondamentale, y mo- duler en tierce mineure, pourvu qu'on n'y reste qu'un instant, afin qu'on n'ait pas le temps d'oublier la mo- dulation de Vut , qui lui-même y est altéré; autrement il faudroit, au lieu de revenir immédiatement en ut ^ passer par d'autres tons intermédiaires , il seroit dangereux de s'égarer.

En suivant les mêmes analogies, on modulera dans l'ordre suivant, pour sortir d'un ton mineur; la mé- diante premièrement , ensuite la dominante , la sous»

4^8 MOD

dorainante et la sous-mëdiante ou sixième note. Le à mode de chacun de ces tons accessoires est déterminé 1 par sa médiante prise dans Féchelle du ton principal. Par exemple, sortant d'un ton majeur ut pour modu- ler sur sa médiante , on fait mineur le mode de cette médiante, parceque la dominante 50/ du ton principal fait tierce mineure sur cette médiante mi : au con- traire, sortant d'un ton mineur la, on module sur sa médiante ut en mode majeur, parceque la dominante ini, du ton d'où l'on sort , fait tierce majeure sur la to- nique de celui l'on entre, etc.

Ces régies renfermées dans une formule générale, sont que les modes de la dominante et de la sous-do- minante soient semblables à celui de la tonique , et que la médiante et la sixième note portent le mode opposé. Il faut remarquer cependant qu'en vertu du droit qu'on a de passer du majeur au mineur, et réci- proquement, dans un même ton , on peut aussi chan- ger l'ordre du mode d'un ton à l'autre ; mais en s éloi- gnant ainsi de la modulation naturelle il faut songer au retour : car c'est une régie générale que tout morceau de musique doit finir dans le ton par lequel il a commencé.

J'ai rassemblé dans deux exemples fort courts tous les tons dans lesquels on peut passer immédiatement 5 le premier , en sortant du mode majeur , et l'autre , en èortant du mode mineur. Chaque note indique une modulation , et la valeur des notes dans chaque exem- ple indique aussi la durée relative convenable à cha- cun de ces modes selon son rapport avec le ton prin- cipal. ( Voyez PL B ,/^. 6 et 7. )

MOD 4^9

Ces modulations immédiates fournissent les moyens tîe passer par les mêmes régies dans des tons plus éloignés, et de revenir ensuite au ton principal , qu il ne faut jamais perdre de vue. Mais il ne suffit pas de connoître les routes qu'on doit suivre , il faut savoir aussi comment y entrer. Voici le sommaire des pré- ceptes qu'on peut donner en cette partie.

Dans la mélodie , il ne faut, pour annoncer la mo- dulation qu'on a choisie , que faire entendre les alté- rations qu'elle produit dans les sons du ton d'où l'on sort, pour les rendre propres au ton l'on entre. Est- on en ut majeur , il ne faut que sonner wnfa dièse pour annoncer le ton de la dominante, ou un 5Z bémol pour annoncer le ton de la sous-dominante. Parcourez en- suite les cordes essentielles du ton vous entrez; s il est bien choisi, votre modulation sera toujours bonne et régulière.

Dans l'harmonie, il y a un peu plus de difficulté : car comme il faut que le changement de ton se fasse en même temps dans toutes les parties, on doit prendre garde à l'harmonie et au chant, pour éviter de suivre à-la-fois deux différentes modulations-. Huygens a fort bien remarqué que la proscription des deux quintes consécutives a cette régie pour principe : en effet on ne peut guère former entre deux parties plusieurs quintes justes de suite sans moduler en deux tons différents.

Pour annoncer un ton , plusieurs prétendent qu'il suffit de former l'accord parfait de sa tonique , et cela est indispensable pour donner le mode ; mais il est certain que le ton ne peut être bien déterminé que par

43o MOE

Taccord sensible ou dominant : il faut donc faire en- tendre cet accord en commençant la nouvelle modu- lation. La bonne régie seroit que la septième ou dis- sonance mineure y fût toujours préparée , au moins la première fois qu on la fait entendre ; mais cette régie n est pas praticable dans toutes les modulations per- mises ; et pourvu que la basse-fondamentale marche par intervalles consonnants , qu'on observe la liaison harmonique, Tanalogie du mode, et qu'on évite les fausses relations, la modulation est toujours bonne. Les compositeurs donnent pour une autre régie de ne changer de ton qu'après une cadence parfaite ; mais cette régie est inutile, et personne ne s'y assujettit.

Toutes les manières possibles de passer d'un ton dans un autre se réduisent à cinq pour le mode ma- jeur, et à quatre pour le mode mineur ; lesquelles on trouvera énoncées par une basse-fondamentale pour chaque modulation dans la Planche B,Jig. 8. S'il y a quelque autre modulation qui ne revienne à aucune de ces neuf, à moins que cette modulation ne soit enhar- monique, elle est mauvaise infailliblement. ( Voyez Enharmonique. )

Moduler, f. n. C'est composer ou préluder, §oit par écrit, soit sur un instrument, soit avec la voix , en sui- vant les régies delà modulation. ( Voyez Modulation. )

Moeurs , s.f. Partie considérable de la musique des Grecs , appelée par eux hermosmenon , laquelle consis- toit à connoître et choisir le bienséant en chaque genre , et ne leur permettoit pas de donner à chaque sentiment, à chaque obj^t, à chaque caractère toutes Jes formes dont il étoit susceptible, mais les obligeoit

MON 43l

de se borner à ce qui étoit convenable au sujet, àToc- casion, aux personnes, aux circonstances. Les mœurs consistoient encore à tellement accorder et propoi- tionner dans une pièce toutes les parties de la mu- sique , le mode, le temps , le rhytlime, la mélodie , et même les changements, qu'on sentît dans le tout une certaine conformité qui n'y laissât point de disparate, et le rendît parfaitement un. Cette seule partie, dont l'idée n'est pas même connue dans notre musique, montre à quel point de perfection devoit être porté uu art l'on avoit même réduit en régies ce qui est hon- nête , convenable , et bienséant. Moindre, adj. ( Voyez Minime. ) Mol, adj. Épi thé te que donne Aristoxène et Pto- lémée à une espèce du genre diatonique et à une espèce du genre chromatique dont j'ai parlé au mot Genre.

Pour la musique moderne , le mot mol n'y est em- ployé que dans la composition du mot bémol ou B moL par opposition au mot bécarre , qui jadis s'appeloit aussi B dur.

Zarlin cependant appelle diatonique mo/ une espèce du genre diatonique dont j'ai parlé ci-devant. (Voyez Diatonique. )

Monocorde, 5. m. Instrument ayant une seule corde qu'on divise à volonté par des chevalets mobiles, le^ quel sert à trouver les rapports des intervalles el toutes les divisions du canon harmonique. Comme la partie des instruments n'entre point dans mon plan, je ne parlerai pas plus long-temps de celui-ci.

MoNODiE, s. f\ Chant à voix seule, par opposition

432 MOT

à ce que les anciens appeloient chorodles^ ou musiques

exécutées par le chœur.

Monologue, s. m. Scène d'opéra Tacteur est seul et ne parle qu'avec lui-même. C'est dans les mono- logues que se déploient toutes les forces de la musique ; le musicien pouvant s'y livrer à toute l'ardeur de son génie, sans être gêné dans la longueur de ses mor- ceaux par la présence d'un interlocuteur. Ces réci- tatifs obligés, qui font un si grand effet dans les opéra italiens, n'ont lieu que dans les monologues.

Monotonie, s. f. C'est, au propre, une psalmodie ou un chant qui marche toujours sur le même ton ; mais ce mot ne s'emploie guère que dans le figuré.

Monter, v. n. C'est faire succéder les sons du bas en haut, c'est-à-dire du grave à l'aigu. Cela se pré- sente à l'œil par notre manière noter.

Motif, 5. m. Ce mot, francisé de l'italien motlvo, n'est guère employé dans le sens technique que par les compositeurs : il signifie l'idée primitive et prin- cipale sur laquelle le compositeur détermine son sujet et arrange son dessein, c'est le motif ç\\\\^ pour ainsi dire , lui met la plume à la main pour jeter sur le papier telle chose et non pas telle autre. Dans ce sens le motif principal doit être toujours présent à l'esprit du compositeur, et il doit faire en sorte qu il le soit aussi toujours à l'esprit des auditeurs. On dit qu'un auteur bat la campagne lorsqu'il perd son motif de vue , et qu'il coud des accords ou des chants qu'au- cun sens commun n'unit entre eux.

Outre ce motifs qui n'-est que l'idée principale de la pièce, il y a des motifs particuliers , qui sont les idées

MOT 433

déterminantes de la modulation, des entrelacements, des textm'es harmoniques; et sur ces idées, que Ton pressent dans Texécution, l'on juge si Fauteur a bien suivi ces motifs^ ou s'il a pris le change, comme il arrive souvent à ceux qui procèdent note après note , et qui manquent de savoir ou d'invention. C'est dans cette acception qu'on dit motif de fugue, motif de ca- dence, motif de changement de mode, etc.

MoTTKT, 5. m. Ce mot signifioit anciennement une composition fort recherchée, enrichie de toutes les beautés de Fart, et cela sur une période fort courte: d'où lui vient, selon quelques uns, le nom de mottet^ comme si ce n'étoit qu'un mot.

Aujourd'hui l'on donne le nom de mottet à toute pièce de musique faite sur des paroles latines à l'usage de rr^glise romaine, comme psaumes, hymnes, an- tiennes, répons , etc. Et tout cela s'appelle en général musique latine.

Les François réussissent mieux dans ce genre de musique que dans la françoise, la langue étant moins défavorable; mais ils y recherchent trop de travail, et, comme le leur a reproché l'abbé Dubos , ils jouent trop sur le mot. En général la musique latine n'a pas assez de gravité pour l'usage auq*iel elle est destinée ; on n'y doit point rechercher l'imitation, comme dans la musique théâtrale : les chants sacrés ne doivent point représenter le tumulte des passions humaines , mais seulement la majesté de celui à qui ils s'adres- sent, et l'égalité dame de ceux qui les prononcent. Quoi que puissent dire les paroles, toute autre expres- sion dans le chant est un contre-sens. Il faut n'avoir, XIV. 28

434 MOU

je ne dis pas aucune piété, mais je dis aucun goût

pour préférer dans les églises la musique au plain-

chant.

Les musiciens du treizième et du quatorzième siècle donnoient le nom de mottetus à la partie que nous nommons aujourd'hui haute-contre. Ce nom et d'autres aussi étranges causent souvent bien de l'em- barras à ceux qui s'appliquent à déchiffrer les anciens manuscrits de musique , laquelle ne s'écrivoit pas en partition comme à présent.

Mouvement, s. m. Degré de vitesse ou de lenteur que donne à la mesure le caractère de la pièce qu'on exécute. Chaque espèce de mesure a un mouvement qui lui est le plus propre, et qu'on désigne en italien par ces mots tempo giusto. Mais outre celui-là il y a cinq principales modifications de mouvement qui, dans l'ordre du lent au vite , s'expriment par les mots larrjo , adagio, andante, allegro , presto ; et ces mots se rendent en francois par les suivants, lent, modéré, gracieux , gai, vite. Il faut cependant observer que, le mouve- ment ayant toujours beaucoup moins de précision dans la musique françoise, les mots qui le désignent y ont un sens beaucoup plus vague que dans la mu- sique italienne.

Chacun de ces degrés se subdivise et se modifie encore en d'autres, dans lesquels il faut distinguer ceux qui n'indiquent que le degré de vitesse ou de lenteur, comme larghetto, andantino , allegretto , pres- tissimo; et ceux qui marquent de plus le caractère et l'expression de l'air, comme agitato , vivace , gustoso, cou brio , etc. Les premiers peuvent être saisis et

MUA 435

rendus par tous les musiciens, mais il n'y a que ceux qui ont du sentiment et du goût qui sentent et rendent les autres.

Quoique généralement les mouvements lents con- viennent aux passions tristes, et les mouvements ani- més aux passions gaies, il y a pourtant souvent des modifications par lesquelles une passion parle sur le ton d'une autre, il est vrai toutefois que la gaieté ne s'exprime guère avec lenteur; mais souvent les dou- leurs les plus vives ont le langage le plus emporté

Mouvement est encore la marche ou le progrès des sons du grave à Taigu , ou de Faigu au grave : ainsi quand on dit qu'il faut, autant qu'on le peut, faire marcher la basse et le dessus par mouvements con- traires, cela signifie que Tune des parties doit monter tandis que l'autre descend. Mouvement semblable ^ c'est quand les deux parties marchent en même sens. Quelques uns appellent mouvement oblique celui Tune des parties reste en place tandis que l'autre monte ou descend.

Le savant Jérôme Mei, à l'imitation d'Aristoxène, distingue généralement dans la voix humaine deux sortes de mouvement : savoir, celui de la voix parlante, qu'il appelle mouvement continu , et qui ne se fixe qu au moment qu'on se tait; et celui de la voix chantante, qui marche par intervalles déterminés, et qu'il appelle mouvement diastématique ou intervallatif.

MuANCES, s. f. On appelle ainsi les diverses ma- nières d'appliquer aux notes les syllabes de la gamme selon les diverses positions des deux semi-tons de l'octave, et selon les différentes routes pour y arriver.

28.

436 MUS

Comme TArétin n'inventa que six de ces syllabes, et qu'il y a sept notes à nommer dans une octave, il falloit nécessairement répéter le nom de quelque note ; cela fit qu'on nomma toujours mi fa on fa la les deux notes entre lesquelles se trouvoit un des semi-tons. Ces noms déterminoient en même temps ceux des notes les plus voisines , soit en montant , soit en descendant. Or, comme les deux semi-tons sont sujets à changer de place dans la modulation, et qu'il y a dans la mu- sique une multitude de manières différentes de leur appliquer les six mêmes syllabes, ces manières s'ap- peloient muances, parceque les mêmes notes y clian- geoient incessamment de noms. (Voyez Gamme. )

Dans le siècle dernier on ajouta en France la syl- labe si aux six premières de la gamme de l'Arétin. Par ce moyen la septième note de l'échelle se trouvant nommée, les muances devinrent inutiles et furent pro- scrites de la musique françoise ; mais chez toutes les autres nations, où, selon l'esprit du métier, les musi- ciens prennent toujours leur vieille routine pour la perfection de l'art, on n'a point adopté le si: et il y a apparence qu'en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Angleterre, les muances serviront long-temps encore à la désolation des commençants.

Muances, dans la musique ancienne. (Voyez Muta- tions.)

Musette, s. f Sorte d'air convenable à l'instru- ment de ce nom, dont I9 mesure est à deux ou trois temps , le caractère naïf et doux , le mouvement un peu lent, portant une basse pour 1 ordinaire en tenue ou point d'orgue, telle que la peut faire une musette.

MUS 4^7

et qu'on appelle à cause Je cela basse de musette. Sur ces airs on forme des danses d'un caractère convena- ble, et qui portent aussi le nom de musettes.

Musical, aclj. Appartenant à la musique. (Voyez Musique. )

Musicalement, adv. D'une manière musicale, dans les régies de la musique. ( Voyez Musique. )

Musicien, s. m. Ce nom se donne également à celui qui compose la musique et à celui qui 1 exé- cute. Le premier s'appelle aussi compositeur. (Voyez ce mot. )

Les anciens musiciens étoient des poètes, des phi- losophes , des orateurs du premier ordre , tels étoient Orphée, Terpandre, Stésichore, etc. Aussi Boëce ne veut-il pas honorer du nom de musicien celui qui pra- tique seulement la musique par le ministère servile des doigts et de la voix, mais celui qui possède cette science par le raisonnement et la spéculation : et il semble de plus que pour s'élever aux grandes expres- sions de la musique oratoire et imitative, il faudroit avoir fait une étude particulière des passions hu- maines et du langage de la nature. Cependant les mu- siciens de nos jours, bornés pour la plupart à la prati- que des notes et de quelques tours de chant, ne seront guère offensés, je pense, quand on ne les tiendra pas poui' de grands philosophes .

Musique, s.f. Art de combiner les sons d'une ma- nière agréable à l'oreille. Cet art devient une science, et même très profonde, quand on veut trouver les principes de ces combinaisons et les raisons des affec- tions qa'elles nous causent. Aristide Quintilien définit

438 MUS

la musique l'art du beau et de la décence dans les voix et dans les mouvements. Il n'est pas étonnant qu'avec des définitions si vagues et si générales les anciens aient donné une étendue prodigieuse à Tart qu'ils dé- finissoient ainsi,

On suppose communément que le mot de musique vient de musa, parcequ'on croit que les muses ont in- venté cet art: mais Kircher, d'après Diodore, fait venir ce nom d'un mot égyptien , prétendant que c'est en Egypte que la musique a commencé à se rétablir après le déluge, et qu'on en reçut la première idée du son que rendoient les roseaux qui croissent sur les bords du Nil quand le vent souffloit dans leurs tuyaux. Quoi qu'il en soit de l'étymologie du nom, l'origine de l'art est certainement plus près de l'homme, et si la parole n'a pas commencé par du chant, il est sûr au moins qu'on chante partout l'on parle.

La musique se divise naturellement en musique théO' rique ou spéculative ^ et en musique pratique.

La musique spéculative est, si l'on peut parler ainsi , la connoissance de la matière musicale, c'est-à-dire des différents rapports du grave à laigu, du vite au lent, de l'aigre au doux, du fort au foibie, dont les sons sont susceptibles; rapports qui, comprenant toutes les combinaisons possibles de la musique et des sons, semblent comprendre aussi toutes les causes des impressions que peut faire leur succession sur i oreille et sur l'ame.

La musique pratique est l'art d'appliquer et mettre en usage les principes de la spéculative, c'est-à-dire de conduire et disposer les sons par rapport à la con-

MUS 439

sonnance, à la durée, à la succession, de telle sorte fjue le tout produise sur Toreille Teifet qu'on s'est pro- posé; c'est cet art qu'on appelle composition. (Voyez ce mot. ) A l'égard de la production actuelle des sons par les voix ou par les instruments, qu'on appelle exécution, c'est la partie purement mécanique et opé- rative, qui , supposant seulement la faculté d'entonner juste les intervalles, de marquer juste les durées, de donner aux sons le degré prescrit dans le ton et la valeur prescrite dans le temps , ne demande en rigueur d'autre connoissance que celle des caractères de la musique, et l'habitude de les exprimer.

La musique spéculative se divise en deux parties; savoir, la connoissance du rapport des sons ou de leurs intervalles, et celle de leurs durées relatives , c'est-à-dire de la mesure et du temps.

La première est proprement celle que les anciens ont appelée musique harmonique : elle enseigne en quoi consiste la nature du chant, et marque ce qui est consonnant, dissonant, agréable ou déplaisant dans la modulation; elle fait connoître en un mot les di- verses manières dont les sons affectent l'oreille par leur timbre, par leur force, par leurs intervalles, ce qui s'applique également à leur accord et à leur suc- cession.

La seconde a été appelée rhjthmique, parcequ'elle traite des sons eu égard au temps et à la quantité : elle contient l'explication du rhytlime, du mètre, des me- sures longues et courtes , vives et lentes , des temps et des diverses parties dans lesquelles on les divise pour y appliquer la succession des sons.

44o MUS

La musique pî^atique se divise aussi en deux parties, qui répondent aux deux précédentes.

Celle qui répond à la musique harmonique^ et que les anciens appeloient mélopée^ contient les régies pour combiner et varier les intervalles consonnants et dissonants d'une manière agréable et harmonieuse. ( Voyez Mélopée . )

La seconde, qui répond à la musique rhythmique , et qu'ils appeloient r/ijfAmoyyee, contient les régies pour l'application des temps, des pieds, des mesures, en un mot, pour la pratique du rliythme. (Voyez Rhythme.)

Porphyre donne une autre division de la musique, en tant qu'elle a pour objet le mouvement muet ou sonore, et, sans. la distinguer en spéculative et pra- tique, il y trouve les six parties suivantes : la rhythmi- que, pour les mouvements de la danse; la métrique ^ pour la cadence et le nombre des vers; V organique, pour la pratique des instruments; la poétique, pour les tons et l'accent de la poésie; Xhypocritique^ pour les attitudes des pantomimes; et ï harmonique, pour le chant.

La musique se divise aujourd'hui plus simplement en mélodie et en harmonie; car la rhythmique n est plus rien pour nous , et la métrique est très peu de chose, attendu que nos vers dans le chant prennent presque uniquement leur mesure de la musique: et perdent le peu qu'ils en ont par eux-mêmes.

Par la mélodie on dirige la succession des sons de manière à produire des chants agréables, ( Voyez Mélodie , Chant , Modulation. )

MUS 44*

L'iiarmoiiie consiste à unir à chacun des sons cFune succession ré(>ulière deux ou plusieurs autres sons qui , frappant l'oreille en même temps , la flattent par leur concours. (Voyez Harmonie. )

On pourroit et Ton devroit peut-être encore diviser la musique en naturelle et imitative. La première , bor- née au seul physique des sons et n'agissant que sur le sens, ne porte point ses impressions jusqu'au cœur, et ne peut donner que des sensations plus ou moins agréables : telle est la musique des chansons , des hymnes, des cantiques, de tous les chants qui ne sont que des combinaisons de sons mélodieux, et en général toute musique qui n'est qu'harmonieuse.

La seconde , par des inflexions vives , accentuées , et pour ainsi dire parlantes , exprime toutes les pas- sions, peint tous les tableaux, rend tous les objets, soumet la nature entière à ses savantes imitations, et porte ainsi jusqu'au cœur de l'homme des sentiments propres à l'émouvoir. Cette musique vraiment lyrique et théâtrale étoit celle des anciens poèmes , et c'est de nos jours celle qu'on s'efforce d'appliquer aux drames qu'on exécute en chant sur nos théâtres. Ce n'est que dans cette musique , et non dans l'harmonique ou na- turelle , qu'on doit chercher la raison des effets prodi- gieux qu'elle a produits autrefois. Tant qu'on cher- chera des effets moraux dans le seul physique des sons , on ne les y trouvera point , et l'on raisonnera sans s'entendre.

Les anciens écrivains diffèrent beaucoup entre eux sur la nature, l'objet, l'étendue, et les parties de la musique. En général ils donnoient à ce mot un sens

44^ MUS

beaucoup plus étendu que celui qui lui reste aujour- d'hui : non seulement sous le nom de miisique ils com- prenoient, comme on vient de le voir, la danse, le geste , la poésie, mais même la collection de toutes les sciences. Hermès définit la musique la connoissance de Tordre de toutes choses ; c'étoit aussi la doctrine de lecole de Pythagore et de celle de Platon , qui ensei- gnoient que tout dans l'univers étoit musique. Selon Hésychius , les Athéniens donnoient à tous les arts le nom de musique ; et tout cela n'est plus étonnant de- puis qu'un musicien moderne a trouvé dans la musi- que le principe de tous les rapports et le fondement de toutes les sciences.

De toutes ces musiques sublimes dont nous par- lent les philosophes; musique divine, musique des hommes, musique céleste, musique terrestre, musique active, musique contemplative, musique énonciative, intellective , oratoire , etc.

C est sous ces vastes idées qu'il faut entendre plu- sieurs passages des anciens sur la musique, qui se- roient inintelligibles dans le sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot.

Il paroît que la musique a été Fun des premiers arts : on le trouve mêlé parmi les plus anciens monuments du genre humain. Il est très vraisemblable aussi que la musique vocale a été trouvée avant l'instrumentale , si même il y a jamais eu parmi les anciens une mu- sique vraiment instrumentale, c'est-à-dire faite uni- quement pour les instruments. Non seulement les hommes, avant d'avoir trouvé aucun instrument^ ont faire des observations sur les différents tons

MUS /[A3

de leur voix, mais ils ont apprendre de bonne heure, par le concert naturel des oiseaux , à modifier leur voix et leur gosier d'une manière agréable et mélodieuse ; après cela les instruments à vent ont être les pre- miers inventés. Diodore et d'autres auteurs en attri- buent Tinvention à l'observation du sifflement des vents dans les roseaux ou autres tuyaux des plantes. C'est aussi le sentiment de Lucrèce :

At liquidas avium voces imitarier ore Antè fuit multo, quàm liEvia carmina cantu Concelebrare homines possent, auresque juvare ; Et Zepliyri cava per calamorum sibila primùrn Agrestes docuere cavas inflare cicutas.

LuGRET., De Bat. rer. , Lib. v.

A l'égard des autres sortes d'instruments , les cordes sonores sont si communes que les hommes en ont observer de bonne heure les différents tons; ce qui a donné naissance aux instruments à corde. ( Vovez Corde. )

Les instruments qu'on bat pour en tirer du son , comme les tambours et les timbales , doivent leur ori- gine au bruit sourd que rendent les corps creux quand on les frappe.

Il est difficile de sortir de ces généralités pour con- stater quelque fait sur l'invention de la musique ré- duite en art. Sans remonter au-delà du déluge, plu- sieurs anciens attribuent cette invention à Mercure , aussi bien que celle de la lyre; d'autres veulent que les Grecs en soient redevables à Cadmus , qui , en se sauvant de la cour du roi de Phénicie , amena en Grèce la musicienne îlermione ou Harmonie; d'où il s'en-

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suivioit que cet art étoit connu en Pbénicie avant Cacinms. Dans un endroit du dialogue de Pluiarque sur la musicjue^ Lysias dit que c'est Amphion qui la inventée ; dans un autre , Sotérique dit que c'est Apol- lon ; dans un autre encore, il semble en faire hon- neur à Olympe : on ne s'accorde guère sur tout cela , et c'est ce qui n'importe pas beaucoup non plus. A ces premiers inventeurs succédèrent Chiron, Démodocus, Hermès , Orphée , qui , selon quelques uns , inventa la lyre ; après ceux-là vint Phœmius , puis Terpandre , contemporain de Lycurgue, et qui donna des régies à la musique : quelques personnes lui attribuent l'in- vention des premiers modes. Enfin l'on ajoute Thaïes et Thamiris qu'on dit avoir été l'inventeur de la mu- sique instrumentale.

Ces grands musiciens vivoient la plupart avant Ho- mère : d'autres plus modernes sont Lasus d'Her- mione, Melnippides, Philoxène , Timothée , Phryn- nis, Épigonius, Lysandre , Simmicus et Diodore, qui tous ont considérablement perfectionné la musique.

Lasus est, à ce qu'on prétend, le premier qui ait écrit sur cet art du temps de Darius Hystaspes. Epi- gonius inventa l'instrument de quarante cordes qui portoit son nom ; Simmicus inventa aussi un instru- ment de trente-cinq cordes , appelé simmicium.

Diodore perfectionna la flûte ety ajouta de nouveaux trous , et Timothée la lyre , en y ajoutant une nou- velle corde ; ce qui le fit mettre à l'amende par les La- cédémoniens.

Comme les anciens auteurs s'expliquent fort obscu- rément sur les inventeurs des instruments de inusi-

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que^ ils sont aussi fort obscurs sur les instruments mêmes : à peine en connoissons-nous autre chose que les noms. (Voyez Instrument. )

La musique étoit dans la plus grande estime chez divers peuples de Tantiquité, et principalement chez les Grecs , et cette estime étoit proportionnée à la puis- sance et aux effets surprenants qu'ils attribuoient à cet art. Leurs auteurs ne croient pas nous en donner une trop grande idée en nous disant qu'elle étoit en usage dans le ciel , et qu'elle faisoit l'amusement prin- cipal des dieux et des âmes des bienheureux. Platon ne craint pas de dire qu'on ne peut faire de change- ment dans la musique qui n'en soit un dans la consti- tution de Tétat, et il prétend qu'on peut assigner les sons capables de faire naître la bassesse de lame, lin- solence, et les vertus contraires. Aristote, qui semble n'avoir écrit sa politique que pour opposer ses senti- ments à ceux de Platon , est pourtant d'accord avec lui touchant la puissance de la musique sur les mœurs. Le judicieux Polybe nous dit que la musique étoit né- cessaire pour adoucir les mœurs des Arcades, qui ha- bitoient un pays l'air est triste et froid ; que ceux de Cynéte, qui négligèrent la musique, surpassèrent en cruauté tous les Grecs, et qu'il n'y a point de ville, l'on ait tant vu de crimes. Athénée nous assure qu'autrefois toutes les lois divines et humaines, les exhortations à la vertu , la connoissance de ce quicon- cernoit les dieux et les héros, les vies et les actions des hommes illustres, étoient écrites en vers et chantées publiquement par des chœurs au son des instruments : et nous voyons par nos livres sacrés que tels étoieuf ,

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dès les premiers temps, les usages des Israélites. On n'avoit point trouvé de moyen plus efficace pour gra- ver dans Fesprit des hommes les principes de la mo- rale et l'amour de la vertu; ou plutôt tout cela n'étoit point Fellet d'un moyen prémédité, mais de la gran- deur des sentiments et de lélévation des idées qui cherchoient , par des accents proportionnés, à se faire un langage digne d'elles.

La musique faisoit partie de l'étude des anciens py- thagoriciens : ils s'en servoient pour exciter le cœur à des actions louables, et pour s'enflammer de l'amour de la vertu. Selon ces philosophes, notre ame n'étoit pour ainsi dire formée que d harmonie , et ils croyoient rétablir , par le moyen de l'harmonie sensuelle , l'har- monie intellectuelle et priuiitive des facultés de lame , c'est-à-dire celle qui, selon eux , existoit en elle avant qu'elle animât nos corps , et lorsqu'elle habitoit les cieux.

La musique est déchue aujourd'hui de ce degré de puissance et de majesté au point de nous faire douter de la vérité des merveilles qu'elle opéroit autrefois, quoique attestées par les plus judicieux historiens et par les plus graves philosophes de l'antiquité. Cepen- dant on retrouve dans Ihistoire moderne quelques faits semblables. Si Timothée excitoit les fureurs d'Alexandre par le mode phrygien , et les calmoit par le mode lydien, une musique plus moderne renché- rissoit encore en excitant, dit-on, dans Eric, roi de Danemarck, une telle fureur qu'il tuoit ses meilleurs domestiques : sans doute ces malheureux étoient moins sensibles que leur prince à la musique, autre-

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ment il eût pu courir la moitié du dan^jer. D'Aubigny rapporte une autre histoire toute pareille à celle de Timothée : il dit que, sous Henri III, le musicien Claudin , jouant aux noces du duc de Joyeuse sur le mode phrygien, anima , non le roi, mais un courtisan, qui s'oublia jusqu'à mettre la main aux armes en pré- sence de son souverain ; mais le musicien se hâta de le calmer en prenant le mode hypo-plirygien : cela est dit avec autant d'assurance que si le musicien Claudin avoit pu savoir exactement en quoi consis- toit le mode phrygien et le mode hypo-phrygien.

Si notre musique a peu de pouvoir sur les affections de lame, en revanche elle est capable d'agir physi- quement sur les corps ; témoin l'histoire de la taren- tule , trop connue pour en parler ici ; témoin ce che- valier gascon dont parle Boyle, lequel , au son d une cornemuse , ne pouvoit retenir son urine ; à quoi il faut ajouter ce que raconte le même auteur de ces femmes qui fondoient en larmes lorsqu'elles enten- doient un certain ton dont le reste des auditeurs n'étoit point affecté : et je connois à Paris une femme de condition, laquelle ne peut écouter quelque musi- (jue que ce soit sans être saisie d'un rire involontaire et convulsif. On lit aussi dans \ Histoire de f académie des sciences de Paris qu'un musicien fut guéri d'une vio- lente fièvre par un concert qu'on fit dans sa chambre.

Les sons agissent même sur les corps inanimés , comme on le voit par le frémissement et la réson- nance d'un corps sonore au son d'un autre avec le- quel il est accordé dans certain rapport. Morhoff fait mention d'un certain Petter, Hollandois, qui brisoit

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lui verre au son de sa voix. Kircher parle d'une grande pierre qui frémissoit au son d'un certain tuyau d'or- gue. -Le P. Mersenne parle aussi d'une sorte de car- reau que le jeu d'orgue ébranloit comme auroit pu faire un tremblement de terre. Boy le ajoute que les stalles tremblent souvent au son des orgues ; qu il les a senties frémir sous sa main au son de l'orgue ou de la voix, et qu'on l'a assuré que celles qui étoient bien faites trembloient toutes à quelque ton déterminé. Tout le monde a ouï parler du fameux pilier d'une église de Reims, qui s'ébranle sensiblement au son d'une certaine cloche, tandis que les autres piliers restent immobiles ; mais ce qui ravit au son Ihonneur du merveilleux est que ce même pilier s'ébranle éga- lement quand on a ôté le batail de la cloche.

Tous ces exemples, dont la plupart appartiennent plus au son qu'à la musique^ et dont la physique peut donner quelque explication , ne nous rendent point plus intelligibles ni plus croyables les effets merveil- leux et presque divins que les anciens attribuent à la musique. Plusieurs auteurs se sont tourmentés pour tâcher d en rendre raison : Wallis les attribue en partie à la nouveauté de l'art, et les rejette en partie sur l'exagération des auteurs ; d'autres en font honneur seulement à la poésie; d'autres supposent que les Grecs , plus sensibles que nous par la constitution de leur climat ou par leur manière de vivre, pouvoient être émus de choses qui ne nous auroicnt nullement touchés.

M. Burette, même en adoptant tous ces faits, pré- tend qu ils ne prouvent point la perfection de la

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musique qui les a produits ; il n'y voit rien que de mauvais racleurs de village n'aient pu faire, selon lui , tout aussi bien que les premiers musiciens du monde.

La plupart de ces sentiments sont fondés sur la per- suasion où nous sommes de l'excellence de notre musique, et sur le mépris que nous avons pour celle des anciens. Mais ce mépris est-il lui-même aussi bien fondé que nous le prétendons ? c'est ce qui a été exa- miné bien des fois , et qui , vu l'obscurité de la matière et l'insuffisance des juges, auroit grand besoin de Fétre mieux. De tous ceux qui se sont mêlés jusqu'ici de cet examen, Vossius, dans son traité de Virihus cantûs et rhythmi^ paroît être celui qui a le mieux dis- cuté la question et le plus approché de la vérité. J'ai jeté là-dessus quelques idées dans un autre écrit non public encore, mes idées seront mieux placées que dans cet ouvrage, qui n'est pas fait pour arrêter le lecteur à discuter mes opinions.

On a beaucoup souhaité de voir quelques fragments de musique ancienne. Le P. Kircher et M. Burette ont travaillé là-dessus à contenter la curiosité du public : pour le mettre plus à portée de profiter de leurs soins , j ai transcrit dans la Planche C deux morceaux de mu- sique grecque, traduits en note moderne par ces au- teurs. Mais qui osera juger de l'ancienne musique sur de tels échantillons? Je les suppose fidèles , je veux même que ceux qui voudroient en juger connoissent suffisamment le génie et l'accent de la langue grecque ; qu'ils réfléchissent qu'un Italien est juge incompé- tent d'un air françois, qu'un François n'entend rien XIV. 29

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du tout à la mélodie italienne ; puis qu'il compare les

temps et les lieux , et qu'il prononce s'il l'ose.

Pour mettre le lecteur à portée déjuger des divers accents musicaux des peuples , j'ai transcrit aussi dans la Planche un air chinois tiré du P. du Halde , un air persan tiré du chevalier Chardin , et deux chansons des sauvages de l'Amérique , tirées du P. Mersenne. On trouvera dans tous ces morceaux une conformité de modulation avec notre musique, qui pourra faire admirer aux uns la bonté et l'universalité de nos ré- pies , et peut-être rendre suspecte à d'autres l'intel- ligence ou la fidélité de ceux qui nous ont transmis ces airs.

J'ai ajouté dans la même Planche le célèbre rans- des'vaches, cet air si chéri des Suisses qu'il fut dé- fendu , sous peine d^ mort , de le jouer dans leurs troupes, parcequ'il faisoit fondre en larmes, déserter ou mourir ceux qui l'entendoient , tant il excitoit en eux l'ardent désir de revoir leur pays. On chercheroit en vain dans cet air les accents énergiques capables de produire de si étonnants effets : ces effets , qui n'ont aucun lieu sur les étrangers , ne viennent que de l habitude , des souvenirs , de mille circonstances qui, retracées par cet air à ceux qui l'entendent, et leur rappelant leur pays , leurs anciens plaisirs , leur jeunesse, et toutes leurs façons de vivre, excitent en eux une douleur amère d'avoir perdu tout cela. La musique alors n'agit point précisément comme musi- ^we, mais comme signe mémoratif. Cet air, quoique toujours le même, ne produit plus aujourd'hui les mêmes effets qu'il produisoit ci-devant sur les Suisses ,

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parceque , ayant perdu le goût de leur première sim- plicité , ils ne la regrettent plus quand on la leur rap- pelle : tant il est vrai que ce n'est pas dans leur action physique qu'il faut chercher les plus grands effets des sons sur le cœur humain !

La manière dont les anciens notoient leur musique étoit établie sur un fondement très simple, qui étoit le rapport des chiffres , c'est-à-dire par les lettres de leur alphabet; mais, au lieu de se borner sur cette idée à un petit nombre de caractères faciles à retenir, ils se perdirent dans des multitudes de signes diffé- rents dont ils embrouillèrent gratuitement leur mu- sique; en sorte quils avoient autant de manières de noter que de genres et de modes. Boëce prit dans l'al- phabet latin des caractères correspondants à ceux des Grecs : le pape Grégoire perfectionna sa méthode. En 1024, Gui d'Arezzo, bénédictin, introduisit Tusage des portées (voyez Portée), sur les lignes desquelles il marqua les notes en forme de points ( voyez Notes) , désignant par leur position lélévation ou l'abaisse- ment de la voix. Kircher cependant prétend que cette invention est antérieure à Gui; et, en effet, je n'ai pas vu dans les écrits de ce moine qu il se l'attribue : mais il inventa la gamme, et appliqua aux notes de son hexacorde les noms tirés de l'hymne de saint Jean-Baptiste, qu'elles conservent encore aujourd'hui (voyez PL G,fig. 2); enfin cet homme pour la musique inventa différents instruments appelés poiy- plectra , tels que le clavecin, l'épinette, la vielle, etc. ( Voyez Gamme. )

Les caractères de la musique ont, selon l'opinion

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commune , reçu leur dernière augmentation considé- rable en i33o, temps l'on dit que Jean de Mûris, appelé mal à propos par quelques uns Jean de Meurs ou de Muriây docteur de Paris, quoique Gesner le fasse Anglois , inventa les différentes figures des notes qui désignent la durée ou la quantité , et que nous appelons aujourd'hui rondes, blanches, noires, etc. Mais ce sentiment, bien que très commun, meparoît peu fondé , à en juger par son traité de musique, in- titulé Spéculum MusiccBy que j'ai eu le courage de lire presque entier pour y constater l'invention que l'on attribue à cet auteur. Au reste, ce grand musicien a eu, comme le roi des poètes, l'honneur d'être ré- clamé par divers peuples ; car les Italiens le préten* dent aussi de leur nation, trompés apparemment par une fraude ou une erreur de Bontempi qui le dit Perugino au lieu de Parigino.

Lasus est ou paroît être, comme il est dit ci-dessus, le premier qui ait écrit sur la musique : mais son ou- vrage est perdu , aussi bien que plusieurs autres livres des Grecs et des Romains sur la même matière. Aris- toxène, disciple d'Aristote et chef de secte en musi- que^ est le plus ancien auteur qui nous reste sur cette science; après lui vient Euclide d'Alexandrie: Aris- tide Ouintilien écrivoit après Cicéron ; Alypius vient ensuite; puis Gaudentius, Nicomaque, etBacchius.

Marc Meibomius nous a donné une belle édition de ces sept auteurs grecs, avec la traduction latine et des notes.

Plutarque a écrit un dialogue sur la musique. Pto- Icmée, célèbre mathématicien, écrivit en grec les

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principes de riiarmonie vers le temps de Tempereur Antonin : cet auteur garde un milieu entre les pytha- goriciens et les aristoxéniens. Long-temps après, Manuel Bryennius écrivit aussi sur le même sujet.

Parmi les Latins , Boëce a écrit du temps de Théo- doric , et non loin du même temps , Martianus , Cas^ siodore, et saint Augustin.

Les modernes sont en grand nombre ; les plus connus sont, Zarlin , Salinas, Valgulio, Galilée, Mei, Doni, Kircher, Mersenne, Parran, Perrault , Wallis , Descartes, Holder, Mengoli , Maîcolm, Burette, Val- loti ; enfin M. Tartini , dont le livre est plein de pro- fondeur , de génie , de longueurs et d'obscurité ; et M. Rameau, dont les écrits ont ceci de singulier qu'ils ont fait une grande fortune sans avoir été lus de per* sonne. Cette lecture est d'ailleurs devenue absolu- ment superflue depuis que M. d'Alembert a pris la peine d'expliquer au public le système de la basse- fondamentale , la seule chose utile et intelligible qu on trouve dans les écrits de ce musicien.

Mutations ou Muances, peragoXau On appeloit ainsi dans la musique ancienne généralement tous les pas- sages d'un ordre ou d'un sujet de chant à un autre. Aristoxène définit la mutation une espèce de passion dans l'ordre de la mélodie ; Bacchius , un changement de sujet, ou la transposition du semblable dans un lieu dissemblable ; Aristide Quintilien , une variation dans le système proposé et dans le caractère de la voix ; Martianus Capella , une transition de la voix dans un autre ordre de sons.

Toutes ces définitions obscures et trop générales

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ont besoin d'être éclaircies par les divisions ; mais les auteurs ne s'accordent pas mieux sur ces divisions que sur la définition même. Cependant on recueille à peu près que toutes ces mutations pouvoient se ré- duire à cinq espèces principales : mutation dans le genre , lorsque le chant passoit , par exemple , du dia- tonique au chromatique ou à Tenharmonique , et ré- ciproquement ; dans le système, lorsque la modula- tion unissoit deux tétracordes disjoints ou en séparoit deux conjoints ; ce qui revient au passage du bécarre au bémol, et réciproquement; 3*^ dans le mode, quand on passoit , par exemple , du dorien au phrygien ou au lydien, et réciproquement, etc. ; 4** dans le rhythme, quand on passoit du vite au lent, ou d'une mesure à une autre ; enfin dans la mélopée , lorsqu'on inter- rompoit un chant grave, sérieux, magnifique, par un chant enjoué, gai, impétueux, etc.

FIN DU TOME QUATORZIÈME.

[JuvërsïtaT mUOTHECA

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