OPUSCULES

DE

SAINT THOMAS D'AQUIN.

Vu les traités internationaux relatifs à la propriété littéraire, on ne peut réimprimer cet Ouvrage sans l'autorisation des Auteurs ou de l'Editeur.

BESANÇON, TYPOGRAPHIE D'OI'THENIN-CHALANDRE Fil *.

OPUSCULES

DE

SAINT THOMAS D'AOUIN

TRADUITS

I. VÉDRINE, Cirkd'Arsac-la-Poste.

I. BANDEL, Ciré de Saint-Sulpice-Ies-Feuilles,

M. F011RNET, (iI-rk dk IHaimiat.

TOME CINQUIEME.

EX U5*!* ST, BAS! L'a ^uiIUlaSIICi

PARIS,"*

^=i&*l T~*a

LIBRAIRIE DE LOUIS VIVES, ÉDITEUR,

RUE CASSETTE, 23.

1858.

SFP 15 toft

r v

OPUSCULES

DE

SAINT THOMAS D'AOUIN.

OPUSCULE XLII.

DU MÊME DOCTEUR, SUR LES PUISSANCES DE i/AME.

CHAPITRE PREMIER.

Combien il y a cl' âmes , combien de degrés d'êtres vivants, combien de genres de puissances de l'ame , et d'abord de l'ame végétative.

Pour mieux voir le secours accordé à l'homme et le progrès du péché, nous allons faire quelques considérations sur l'ame et ses puissances. Avant tout, il faut supposer avec Aristote, dans le livre II de l'Ame, que l'ame est le premier principe de vie dans les choses inférieures. Car nous appelons vives les choses animées, et non-vives les choses inanimées. Cette vie, en effet, se manifeste par une double opération, savoir par la connoissance et le mouvement. C'est pour- quoi les philosophes ont recherché la nature de l'ame à l'aide de ces deux choses. Mais je ne l'appelle le premier principe de la vie que parce que , bien que un corps puisse être le principe d'une opération vitale, comme l'œil de la vision, et le cœur d'une opération vitale, il

OPUSCULUM XLII.

EJUSDEM DOCTORIS, DE POTENTHS ANIMiE.

CAPUT PR1MUM.

Quoi sunt animœ , quot gradus vitentiujn, quot gênera polentiarum animœ. Et primo déterminai de vegelativa.

Ut adjutorium homini collatum et pro- gressum peccati plenius videamus, de ani- ma et ejus potentias aliquid consideremus. In primis ergo oportet supponere eu m Phi- losophe^ in II. De anima, quod anima est

V.

primum principium vitse in istis rébus in- ferioribus. Animata enim viva dicimus , inanimata vero non viva. Ista enim vita duplici operatione manifestatur, cognitione scilicet et motu. Unde et Philosophus, ut patet I. De anima, per ista duo animae na- turam investigaverunt. Pro tanto autem dico primum principium vitœ , quia licel aliquod corpus possit esse principium vi- talis operationis, ut oculus visionis et cor

2 OPUSCULE XLII, CHAPITRE \.

n'en est pas néanmoins le premier, parce que cela ne leur convient pas en tant que corps, mais en tant que corps (Tune certaine façon, c'est-à-dire corps vivants, qualité qu'ils tiennent del'ame, parce ce que C^_qui est tel en acte tient cette qualité de quelque principe qui est son acte. Donc l'ame qui est le premier principe de la vie, n'est pas un corps, mais un acte du corps et quelque chose de plus élevé que le corps. Or, il en est ainsi maintenant, suivant Aristote, dans le second livre du Ciel et du Monde , que les choses infîmes dans les êtres ne peuvent pas acquérir une bonté parfaite, mais elles en acquièrent une imparfaite par un petit nombre de mouvements, tandis que les choses supérieures acquièrent une bonté plus parfaite par un grand nombre de mouvements; les choses encore supérieures acquièrent la bonté parfaite par un petit nombre de mouvements. Enfin , la souveraine perfection se trouve en ce qui possède parfaitement la bonté sans au- cun mouvement. Comme donc la nature humaine est placée entre la nature corporelle et la nature angélique , elle est ordonnée pour un plus grand bien que la nature corporelle qui est ordonnée pour un bien particulier quelconque, parce qu'elle est faite pour le même bien que les anges, savoir le bonheur ; en conséquence elle a un plus grand nombre de vertus et d'opérations que les êtres corporels qui sont or- donnés pour un bien particulier, et que les anges qui l'excèdent dans les choses naturelles. Il y a donc dans l'ame plusieurs puissances qui lui ont été données pour acquérir la béatitude pour laquelle elle est finalement ordonnée. Or, ces puissances sont distinguées parles puis- sances et les objets, comme il est dit dans le second livre de l'Ame. Car la puissance, en tant qu'elle est puissance, est ordonnée pour l'acte, c'est pourquoi elle doit tirer le caractère de puissance de l'acte pour lequel elle est ordonnée. D'où il résulte que lorsque le caractère

vitalis operationis, non tamen est primum, j bonitatem. Quia ergo natura humana est quia hoc non convemt eis in quantum inter corporalem et angelicam naturam sunt corpora, sed in quantum sunt talia constituta, ad majus bonum est ordinata, corpora , scilicet viva , quod habent per quam natura corporalis, quse ordinatur ad animam, quia quod est actu taie, hoc ha- aliquod particulare bonum, quia ad œquale bet ab aliquo principio, quod est actus ! cum angelis, scilicet ad beatitudinem, ejus. Anima ergo qua? est primum princi- j idcirco plures habet virtutes et operationes pium vitae, non est corpus, sed actus cor- j quam corporalia quee ordinantur ad bonum poris, et aliquid corpore altius. Nunc au- particulare, et quam angeli qui jam in na- tem sic est secundum Philosophum, in II. ' turalibus excedunt. Sunt ergo in anima Cœli et Muncli , quod ea quee sunt infîma < humana plures potentiae ad hoc ut conse- in entibus, non possunt consequi perfectam qui possit beatitudinem, ad quam finaliter bonitatern, sed aliquam imperfectam con- ! ordinatur. IsUe autem potentiae per actus sequuntur paucis motibus. His vero supe- ! et objecta distinguuntur, ut dicitur II. De riora consequuntur perfectiorem bonita- \ anima. Potentia enim secundum id quod tem motibus multis, superiora vero bis ! est potentia , ordinatur ad actum , unde perfectam adipiscuntur bonitatem motibus '' oportet rationem potentiœ accipere ex paucis. Summa vero perfectio invenitur in ' actu ad quem ordinatur : unde ubi diver- eo, qui absque allô motu perfecte possidet sificatur ratio actus, oportet quod diveisi-

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 3

de l'acte est diversifié, le caractère de la puissance doit l'être. Or, le caractère de l'acte est diversifié suivant le caractère de l'objet, comme il est dit au même endroit. En effet , l'acte de la puissance active est comparé à l'objet comme à son terme et à sa fin , comme étant la fin de l'action augmentative et le terme tout entier. L'acte, au con- traire, de la puissance passive est comparé à l'objet comme au prin- cipe des actes, comme la vue à la couleur; or, tout acte tire son espèce du principe et de la fin. Il est donc évident que les puissances de l'ame se distinguent par les actes et les objets. Comme donc vé- géter, sentir et comprendre sont des actes différents par rapport aux différents objets, parce que végéter est quantité par rapport à l'objet, sensibilité qualité, et^ntelligence quiddité de la chose, il est clair que l'ame possède trois genres de puissances en général , savoir la puis- sance végétative, la puissance sensitive , et la puissance intellective. Et qu'on ne cherche pas à savoir , pour le présent, si elles existent dans uke seule espèce de l'ame ou dans plusieurs, parce que de quel- que manière qu'on le dise, elles sont toujours dites d'une manière quelconque puissances de l'ame humaine, parce que, quoique trois substances, elles ne sont cependant pas trois âmes. Mais Aristote semble être d'un sentiment différent, dans le livre II de l'Ame, il dit : « Nous appelons les puissances de l'ame puissances végétative, sensitive, appétitive, motive quant au lieu , et intellective. » Mais il ne faut pas s'en inquiéter, car, à proprement parler il y a trois âmes, quatre modes de vivre et cinq genres de puissances de l'ame. En effet, la diversité des âmes se lire de ce que l'opération de l'ame surpasse l'opération de la nature corporelle. Car on juge que j'ame est plus ou moins noble et plus ou moins pjirfaite, suivant que l'opération de l'ajne-^st-pIûrs_oujnc>ins a^ejidâûteudu^corpj^ Or, l'ame raisonnable

ficetur ratio potentiœ, ratio autem actus secundura diversam rationem objecti di- versificatur , ut dicitur in eodem. Actus enim potentise activre comparatur ad ob- jecturn ut ad terrninum et finem ejus, ut actionis augmentativae est finis, et termi- nus est ipsum quantum. Actus autem po- tentiee passives comparatur ad objectum , ut ad principium activum, ut visus ad co- lorem; ex principio autem et fine omnis actus recipit speciem. Patet ergo quod po- tentiae animes distinguuntur per actus et objecta. Quia ergo vegetare, sentire et in- telligere sunt diversi actus respectu diver- sorum objectorum , quia vegetare est quanti ut objecti, et sensus qualis, iutel- lectus autem quidditas rei , patet quod anima habet tria gênera potentiarum in generali, scilicet vegetativum , sensitivum et inteUectivum. Nec ad pressens fiât vis,

utrum sint in una essentia animae , vel in diversis , quia qualitercumque dicatur , semper aliquo modo dicuntur potentias animas humanae, quia etsi sint très sub- stantiae, non tamén très animse. Sed contra hoc videtur esse Philosophus, II. De anima, ubi dicit, potentias autem animse dicimus vegetativum, sensitivum, appetitivum, mo- tivum secundum locum et inteUectivum. Sed istud non moveat nos, quia si volutnus proprie loqui, très sunt animas et quatuor modi vivendi , et qumque gênera poten- tiarum animée. Diversitas enim animarum accipitur secundum quod operatio animas supergreditur operationem natures corpo- ralis. Secundum enim quod operatio ipsius animas magis aut minus dependet a cor- pore , secundum hoc nobilior aut imper- fectior anima judicatur. Anima autem ra- tionalis in tantum excedit naturam corpo-

4 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 1.

excède la nature corporelle, par cela qu'elle exerce son opération propre sans organe corporel. Mais l'ame sensible dépend davantage de la matière corporelle, parce qu'elle ne peut exercer son opération sans organe corporel ; néanmoins elle n'exerce pas cette opération au moyen d'une qualité corporelle, d'où il suit que les sens n'exercent pas leur action au moyen du chaud , de l'humide, du froid et du sec, quoique ces qualités soient requises pour la composition ou la dispo- sition de l'organe par le moyen duquel s'exerce l'opération. Quant à l'ame végétative, elle est tellement plongée dans la matière qu'elle exerce son opération corporelle par un organe et une qualité corpo- relle. Elle excède néanmoins la nature corporelle en ce que elle est le principe intrinsèque des opérations des êtres vivants, tandis que les opérations des corps inanimés procèdent d'un principe intrinsèque. Que l'opération de l'ame végétative s'opère par une qualité corporelle, c'est ce que l'on voit, en propres termes, dans le livre second de l'Ame, il est dit, que la digestion et toutes les suites de la diges- tion s'opèrent par le moyen de la chaleur régularisée par l'ame; c'est donc par cette considération que les âmes sont distinguées. Pour les modes de vivre, ils sont distingués suivant les divers degrés des êtres vivants. En effet, il y a certaines choses qui n'ont que la vertu végé- tative , comme les plantes ; il en est d'autres dans lesquelles avec la force végétative se trouve la puissance sensitive sans mouvement, comme les animaux imparfaits, les eoquillages et autres choses de cette nature. Il en est d'autres qui à ces qualités ajoutent le mouve- ment local , comme les animaux parfaits, tels que le cheval et autres de ce genre. Il en est d'autres en qui se trouve l'intelligence , comme dans les hommes, et par cette considération l'appétitif ne constitue pas un degré d'êtres vivants, parce qu'il se trouve partout se trouve

ralern, quod propriam operationem suam exercet sine organo corporali. Anima au- tem sensibilis dépendit a raateria corporali plus, quia suam operationem exercere non potest sine organo corporali , sed tamen istam operationem non exercet , mediante qualitate corporea, unde sensus suam ope- rationem non exercet mediante calido, hu- mido, frigido et sicco, licet istœ qualitates requirantur ad compositionem, seu dispo- sitionem organi, per quod operationem suam exercet. Anima vero vegetabilis ita est immersa materiœ , quod per organum corporale et per qualitatem corpoream suam operationem exercet. In hoc tamen excedit naturam corporalem, quia est prin- cipium intrinsecum operationum vivorum, operationes vero corporum inanimatorum sunt a principio extrinseco. Quod autem

operatio animée vegetativee fiât per quali- tatem corpoream, aperte habetur II. De anima, ut dicitur, quod digestio et omnia quae digestionem consequuntur , fiunt vir- tute caloris ab anima regulati; per hanc ergo considerationem animae distinguuntur. Modi vero vivendi distinguuntur secundum gradus diversos viventium. Sunt enim qusedam quae solum habent vegetativum, ut planta) ; qusedam, in quibus cum vege- tativo invenitur sensitivum tantum sine motu, ut animalia imperfecta immobilia, ut conchilia et hujusmodi. Alia sunt, quae cum istis habent motum localem , ut animalia perfecta , ut equus et hu- jusmodi. Alia sunt, in quibus invenitur intellectus, ut in hominibus, et per istam considerationem appetitivum non consti- tuit aliquem gradum viventium , quia in

SUR LES PUISSANCES DE l'aaIE. 5

le sensitif, comme on voit dans le livre second de l'Ame. Mais si nous considérons les genres des puissances , elles se trouvent distinguées par la diversité des objets. En effet , moins la puissance a rapport à un objet universel, plus elle est inférieure. C'est pourquoi le végétatif se rapporte au corps uni, parce qu'il ne circule que par ce corps. Le sensitif, au contraire , ne se rapporte pas seulement au corps uni, mais à un corps sensible uni ou non. Pour l'intellectif, il se rapporte généralement à tout être, par cela que tout être est intelligible. C'est pourquoi la puissance végétative est inférieure, la puissance sensitive supérieure, mais la puissance intellective suprême, et nous avons ainsi trois puissances de l'ame prises suivant les rapports de l'union des choses avec l'ame. Au contraire, suivant que l'ame est unie aux choses, nous avons deux puissances, parce que suivant que l'ame est inclinée à une chose extrinsèque , comme à sa fin, qui est le principe dans l'intention '", ou trouve l'appétitif; le mobile, quant au lieu, se reconnoît lorsque l'ame est inclinée vers une chose extérieurej comme au terme de son opération et du mouvement. Nous allons parler d'abord de l'ame et de la puissance végétative.

CHAPITRE II.

De l'ame végétative et de ses puissances.

Il faut d'abord remarquer que l'ame végétative est ainsi appelée de^ége'ier_.oil^vivifœr. En effet, vivre se prend de deux manières, comme il est dit dans le second livre de l'Ame. Premièrement, vivre est l'acte premier de l'être vivant , et dans ce sens vryre^asi la même chose que avoir la vie, ou être vivant, et ainsi vivre pour les vivants c'est être, comme il est dit au second livre de l'Ame. Dans un autre

quibuscumque invenitur sensitivum, inve- nitur appetitivum, ut patet in II. De ani' ma. Si vero consideremus gênera potentia- rum, sic distinguuntur secundum diversi- tatem objectorum. Quanto enim potentia respicit minus universale objectum , tanto est inferior : unde vegetativum est respec- tu corporis uniti, quia non currit, nisi corpus sibi unitum. Sensitivum autem non solum corpus sibi unitum, sed corpus sen- sibile respicit sivc unitum , sive non. In- tellectivum autem respicit omne ens gene- raliter, eo quod omne ens est intelligibile ; ideo inferior est potentia vegetativa , su- perior sensitiva, sed suprema intellectiva , et sic habemus très potentias animœ ac- ceptas secundum quod res eonjungitur ipsi animte. Secundum vero quod e contrario anima eonjungitur ipsis rébus , habemus

duas potentias , quia secundum quod ani- ma inclinatur ad rem extrinsecam , ut ad finem, qui est principium in intentione, ac- cipitur appetitivum. Secundum vero, quod inclinatur ad rem extra, ut in terminum suae operationis et motus , accipitur moti- vum secundum locum. De vegetativa ani- ma et potentia prius considerandum est.

CAPUT II.

De anima vegetativa et ejus potentiis. Advertendum tamen prius, quod dicitur anima vegetabilis a vegetando sive vivili- cando. Vivere enim , ut II. De anima ha- betur , dupliciter accipitur. Uno modo, vivere est actus primus ipsius viventis, et secundum hoc vivere idem est quod ha- bere vitam, vel vivum esse , et sic vivere viventibus est esse, ut dicitur II. De anima.

6 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 2.

sens vivre signifie user de la vie, ou exercer les œuvres de la vie. Vivre, dans le premier sens, provient de l'ame végétative en tant qu'elle est une forme substantielle et un acte du corps ; mais dans le second sens , elle provient du végétatif en tant que puissance. En conséquence, en parlant du végétatif comme puissance, Aristote dit, dans le second livre de l'Ame, que §es_orjérations sont la génération, l'usage des aliments et l'accroissement. Car, ainsi qu'on l'a dit, la puissance végétative a pour objet le corps elle est, auquel corps trois choses sont nécessaires. La première, qu'il possède l'être, et c'est à quoi est ordonnée la puissance génératrice ; la seconde qu'il possède l'être parfait, c'est à cela qu'est ordonnée la puissance d'accroisse- ment; ta troisième, qu'il soit conservé dans l'état convenable, et c'est à quoi èsf coordonnée la puissance nutritive. Or entre ces puissances la puissance génératrice est la plus noble, comme il est dit dans le second livre de l'Ame, parce que les puissances nutritive et augmen- tative servent à la puissance générative, et la puissance nutritive à. l'augmentative. De même, parce que la puissance génératrice exerce en quelque sorte son opération sur le corps cTune manière extérieure, puisque elle n'engendre pas le corps dans lequel elle se trouve , mais un autre, ellese rapproche davantage de la génération de l'ame sen- sitive, qui a son opération dans les choses extérieures. La puissance nutritive, <\\ù esl L' principe de la conservation «les êtres vivants en réparant les déperditions, possède quatre forces qui sont appelées naturelles, savoir, la force d'attraction qui attire l'aliment nutritif du corps; la force de rétention qui le retient jusqu'à ce que il soit di- géré; la force de, digestion qui digère ce que la puissance attractive a attiré, et la puissance de rétention a retenu; la force de répulsion qui expulse le résidu inutile des aliments. Ces forces opèrent par le

Alio modo, dicitur vivere uti vita , vel exercere opéra vitae. Vivere primo modo dictum est ab anima vegetativa prout est forma substantialis et actus corporis , sed secundo modo acceptum est a vegetativo , prout est potentia. Loquendo ergo de ve- getativo ut est potentia, dicit Philosophus, II. De anima, quod ejus operationes sunt generare, alimento uti , et augmentum. Sicut enim dictum est, potentia vegetativa habet pro objecto corpus in quo est , ad quod corpus tria sunt necessaria. Unum est quod habet esse , et ad hoc ordinatur generativa. Aliud est , quod habeat esse perfectum ; et ad hoc ordinatur aug- mentativa. Aliud est, quod in statu de- bito conservetur, et ad hoc ordinatur nu- tritiva. Inter istas autem potentias genera- tiva est nobilior, ut dicitur II. De anima,

quia nutritiva et augmentativa deserviunt generativae , nutritiva vero augmentativae. Item , quia generativa exercet suam ope- rationem quodammodo in corpus exterius, quia non générât corpus in quo est, sed aliud magis accedit ad generationem anima? sensitivae, quae habet operationem suam in res exteriores. Nutritiva , quae est princi- pium conservation is viventium per restau- rationem deperditi, habet quatuor vires, quae naturales appellantur, scilicet attrac- tivam, quae attrahit aiimentum nutritivum corporis; retenti vam, quae illud retinet do- nec digeratur ; digestivam , quae illud di- gerit quod attractiva attraxit et retentiva retinuit ; expulsivam , quae residuum ex nutrimento superfluum expellit. Hee per quatuor qualitates primas operantur. At- tractiva enim operatur per calidum et

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 7

moyen de quatre qualités premières. La force d'attraction opère par le chaud et le suc , la force de rétention par le froid et le sec ; la force de digestion par le chaud et l'humide, et la force d'expulsion par le froid et l'humide. La force augmentative est le principe de l'accrois- sement du corps et de la perfection de la quantité voulue. La force génératrice est le principe de la production de son semblable tel que l'on est, comme l'homme de l'homme , la plante de la plante. Cette puissance génératrice possède trois forces suivant Avicenne. La pre- mière est la force jéminale qui produit la semence dans les mâles et les femelles ; la seconde est la force translormairice ^ui produit le mélange des qualités qui existent dans les semences en les appro- priant à la complexion de chaque membre du corps à former ; la troi- sième est la force formatrice qui , de ces semences ainsi mélangées, forme des membres et leur donne leur configuration respective.

CHAPITRE III. De la puissance sensitive et des cinq sens extérieurs.

Après avoir parlé de la puissance végétative, nous allons passer à la puissance sensitive. Or cette puissance sensitive se divise en force appréhensive et force motrice.' La force sensitive appréhensive se di- vise en appréhensivé extérieurement et appréhensive intérieurement. L'appréRensive extérieurement se divise en cinq sens extérieurs. La distinction 'des sens, suivant Aristote, doit se tirer de ce qui ap- partient par soi au sens. Or, ce qui appartient par soi au sens est l'objet extérieur ou sensible par lequel le sens est destiné à être changé. C'estpourquoi ces cinq sens sont déterminés par la diversité des transformations du sens par l'objet sensible. Il y a Qjeux transforma-

sjccum. Retentiva per frigidum et siccum. Digestiva per calidum et humidum. Ex- pulsiva per frigidum et humidum. Vis vero augmentativa est principium cre- menti corporis et perfectionis debitae quantitatis. Vis autem generativa est principium producendi de se taie quale ipsum est, ut ex homine hominem , plan- tain ex planta. Heec vis generativa habet très vires secundum Avicennam. Prima est seminativa, quae in masculis et fœminis semen générât. Secunda est immutativa, quae virtutes quae sunt in seminibus per- miscet , contemperando secundum quod complexioni cujuslibet membri corporis formandi convenit. Tertia est formativa, quae ex sic permixtis seminibus membra format et configurât.

CAPUT III.

De polenlia sensiliva, et quinque sensibus ex- terioribus.

Viso de potentia vegetabili, videamus de sensibili potentia. Hœc autem potentia sen- sibilis dividitur, quoniam quaedam est ap- prehensiva, et quaedam motiva. Appreben- siva autem sensibilis dividitur in appre- hensivam deforis et in apprehensivam deintus. Apprehensiva deforis dividitur in quinque sensus exteriores. Horum autem distinctio secundum Philosophum acci- pienda est secundum illud, quod per se ad sensum pertiuet. Illud autem quod per se ad sensum pertinet, est objectum exterius, scilicet sensibile , a quo sensus natus est immutari. Unde secundum diversitatem immutationum sensus ab exteriori sensi-

OPUSCULE XLII, CHAPITRE 3.

tions : l'une, en tant que forme AHmmutation ou similitude de forme, est reçue dans la chose transformée suivant l'être naturel , comme la chaleur dans l'objet réchauffé. L'autre est une immutation spirituelle, comme, par exemple, lorsque la similitude de l'être transformant est reçue dans l'objet transformé suivant l'être spirituel, comme la res- semblance de la couleur dans la prunelle qui n'en est pas colorée. Or, l'im mutation spirituelle est essentielle au sens, parce que sans cela il n'y a point de sens; c'est pour cela que les corps spirituels ne sentent pas, quoiqu'ils soient transmués naturellement , et parce qu'ils ne le sont pas spirituellement. Il y a donc des sens dans lesquels on trouve l'immutation purement spirituelle, comme dans la vue. Dans d'autres, au contraire, avec l'immutation spirituelle on trouve aussi l'immuta- tion naturelle. Or cela peut arriver ou du côté de l'organe ou du côté de l'objet. Du côté de l'objet l'immutation naturelle peut se faire de deux manières, ou relativement au son, comme on le voit dans l'ouïe, dont l'objet est le son qui est produit par la percussion et l'ébranle- ment de l'air. L'immutation du côté de l'objet peut arriver d'une autre manière par l'altération , comme on le voit dans l'odorat, dont l'objet est l'odeur qui est produite en lui, parce que la chaleur altère un corps spécial qui exhale une odeur dont il est le signe, parce que l'odeur se fait sentir davantage dans l'été. L'immutation naturelle peut se faire d'une autre manière du côté de l'organe , et c'est ce qui arrive dans le tact et legoùt. Car la main qui touche un objet chaud devient chaude elle-même, et la langue s'humecte par l'humidité de la saveur.

Or la distinction de ces deux sens se tire de ce que, quoique le sens du goût suive le sens du tact dans la langue, il ne le fait pas néan- moins toujours et partout. Ou bien nous pouvons dire que l'organe

bili, accipiuntur isti quinque sensus. Est autem duplex immutatio. Una , in quan- tum forma irnmutationis , vel similitudo forma? accipitur in immutato secundum esse naturale, ut calor in calefacto. Alia est spiritualis immutatio , scilicet quando similitudo immutantis recipitur in immu- tato secundum esse spirituale , ut simili- tudo coloris in pupilla , quae non sit per heec colorata. Spiritualis autem immutatio essentialis est sensui, quia sine illa non est sensus, propter quod naturalia corpora non sentiunt , licet immutentur naturaliter, quia non immutantur spiritualiter. Est ergo aliquis sensus, in quo invenitur im- mutatio spiritualis solum ut in visu. In quibusdam autem cum immutatione spiri- tuali invenitur immutatio naturalis; hoc autem potest esse vel ex parte organi vel ex parte objecti. Ex parte objecti potest

esse immutatio naturalis dupliciter , vel secundum sonum, ut patet in auditu, cujus objectum est sonus , qui causatur ex per- cussione et aeris commotione. Alio modo potest contingere immutatio ex parte ob- jecti secundum alterationem , ut patet in olfactu, cujus objectum est odor, qui cau- satur ex eo , quod calidum altérât corpus ad hoc, quod spiret odorem, cujus signum est, quod odor magis sentitur in sestate. Alio modo potest esse immutatio naturalis ex parte organi, et hoc contingit in tactu et gustu. Manus enim tangens calidum ca- lefit , et lingua humectatur per humidita- tem saporis.

Horum autem duorum sensuum distinc- tio ex hoc sumitur , quod licet sensus gus- tus comitetur sensum tactus in lingua, non tamen ubique. Vel possumus dicere, quod organum tactus immutatur primo et

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 9

du tact est immué d'abord et par soi par la qualité qui lui est ob- jectée proprement, tandis que l'organe du goût ne l'est que par celle qui lui est préliminaire, ce qui fait que la langue ne devient pas douce ou amère, mais numide ou sèche. La vue est ainsi définie par Damascène, livre II , chap. 18 : « La vue est le premier sens, dont les organes sont les nerfs et les yeux, parce qu'ils procèdent du cerveau; il sent suivant la première raison de la couleur , mais il distingue le corps coloré de la couleur. » Or, il est dit le premier sens, non par rapport à la constitution de l'animal , car dans ce sens le tact est le premier sens, comme il est dit dans le second livre de l'Ame, mais par rapport h l'appréhension , et aussi parce qu'il est le premier en dignité. D'où il est évident que les yeux sont l'organe le plus pro- chain e l intrinsèque de la vue; mais les nerfs visuels sont l'organe intrinsèque et premier, et son objet est la couleur. L'ouïe est la force ordonnée dans les nerfs tendres procédant du cerveau , pour saisir le son produit par la commotion de l'air interposé entre la cause et l'objet de la percussion. Or l'objet de l'ouïe est le son , qui doit im- muer l'ouïe par cela qu'il doit toucher l'air à l'état de repos' dans la cavité du nerf auditif. L'odorat est la force ordonnée dans la partie antérieure du cerveau, dont les organes sont les narines, et deux par- ties molles semblables à des mamelons J par le moyen desquelles il renvoie au cerveau l'odeur qui lui a été transmise par l'air, auquel cette odeur vient se mêler. Le goût est la force ordonnée dans le nerf qui tapisse toute la surface de la langue pour saisir les différentes saveurs qui émanent des corps en contact avec elle. Le tact est la force disséminée dans les os, la chair et la peau. C'est par lui que l'on éprouve la chaleur, le froid, l'humidité, la sécheresse, la dureté, le moelleux, l'aspérité, la finesse. Aristote dit, dans le second livre de

per se a qualitate, quas objicitur sibi pro- prie, sed organum gustus ab illa quœ pne- ambula est illi. Unde lingua non fit dulcis, vel amara, sed humectosa vel sicca. Visus sicdiffinitura Damasceno, lib. Il, cap. xvni: « Visus est prim us sensus, cujus organasunt, quia ex cerebro progrediuntur nervi et oculi , et sentit secundum rationem pri- mant coloris, dignoscit autem et cum co- lore coloraturn corpus. » Dicitur autem pri- mus sensus , non in constituendo animal, quia sic tactus est primus sensus, ut dici- tur II. De anima, sed in apprehendendo, et etiam quia prior est dignitate. Unde patet quod organum proximum et extrin- secum visus sunt oculi ; primum autem et intrinsecum sunt nervi visuales, istius au- tem objectum est color. Auditus est vis ordinata in nervis mollibus a cerebro pro-

cedentibus ad apprehendendum sonum cau- satum ex aeris commotione constricti inter percutiens et percussum. Objectum autem auditus est sonus, qui habet immutare auditum per hoc quod habet tangere ae- rem quietum collectum in concavitate nervi auditus. Olfactus est vis ordinata in anteriori parte cerebri , cujus organi sunt nares et dua? mollities similes capitibus mamillarum , per quas remittit ad cere- brum odorem sibi oblatum ab aère, cui hujusmodi odor permiscetur. Gustus est vis ordinata in nervo expanso supra cor- pus linguae , ad apprehendendum diversos sapores resolutos ex corporibus contingen- tibus ipsum. Tactus est vis diffusa per ossa, carnem et cutem, per quem apprehenditur calor, frigus, humiditas , siccitas, durities et mollities, asperitas et lenitas. De uni-

10 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 4.

l'Ame, relativement à l'unité du tact, qu'il est un dans le genre, mais qu'il est divisé en plusieurs, suivant l'espèce, et qu'il renferme par conséquent plusieurs contrariétés. Il peutnéamoins être dit ud, parce que, bien qu'il renferme plusieurs contrariétés, elles sont toutes con- tenues dans une contrariété qui nous est inconnue et innommée. Comme il arrive dans la vue qui a un organe unique, apparent à l'ex- térieur, savoir la prunelle , et un autre à l'intérieur se forme le jugement, ainsi que le veut Aristote dans le livre De Sensu etsensato, il en est de même dans le tact, parce que l'organe se fait la per- ception est la chair, et toute partie d'un égal mélange. Mais ce en quoi se fait le jugement en dernière analyse , c'est le nerf intérieur et le cerveau, lequel tout sensible qu'il est par soi, est néanmoins pour le nerf lui-même le principe de la sensation. La chair dans le tact est l'organe et le moyen, mais pour des raisons différentes, parce que elle est organe à raison de l'égalité de la commixtion qui est en puis- sance par rapport à toute excellence des qualités; mais elle est moyen à raison de l'égalité d'une commixtion semblable existant en elle, dont elle est le véhicule.

CHAPITRE JY,.

Des quatre puissances sensitives intérieures suivant leurs natures.

Après avoir parlé de la vertu sensitive appréhensive extérieure- ment, il faut parler de llappréhensive à l'intérieur. La nature n'étant pas défectueuse dans les choses nécessaires, comme il est dit dans le troisième livre de l'Ame, il doit y avoir dans l'animal autant de puis- sances et d'opérations qu'il en faut pour la vie de l'animal parfait. Or , il est nécessaire pour la vie de l'animal parfait qu'il saisisse la

tate tactus dicit Philosophus, II. De anima, quod est unus in génère , et dividitur in multos secundum speciem, et ideo plurium contrarietatum est.Tamen potest dici unus, quia , etsi sit plurium contrarietatum, omnes tamen continentur sub una contra- rietate nobis ignota et innominata. Sicut autem est in visu, quod unum habet orga- num publicum extra , scilicet pupillam, aliud intra, in quo fit judicium, sicut vult Philosophus , in lib. De sensu et sensato,

rum, quia ratione œqualitatis commixtio- nis, quae est in potentia respectu cujuslibet excelîentiae quatitatum , est organum ; ra- tionem vero aequalitatis commixtionis consimilis existentis in ea , est médium illud deferens.

CAPUT IV.

De quatuor potentiis sensitivis inlerioribus, secundum earumnaturas.

Viso de virtute sensitiva apprehensiva

ita est et in lactu , quia organum in quo i deforis, videndum est de apprehensiva dé- fit apprehensio , est caro et quaelibet pars intus. Cum enim natura non deficiat in secundum aequalitatem mixta. Illud autem ! necessariis , ut dicitur in III. De anima, n quo ultimo fit judicium, est nervus in- ' tôt potentias et operationes oportet esse terior, et cerebrum , quod licet sit de se in animali, quot requiruntur ad vitaux insensibile , est tamen principium sentiendi animalis perfecti. Requiritur autem ad vi- ipsi nervo. Est autem caro in tactu, et or- ' tam animalis perfecti , ut non solum ap- ganum, et médium , sed ratione diverso- : prehendat rem cum actu est preesens, sed

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 11

chose non-seulement lorsqu'elle est présente en acte , mais encore lorsqu'elle est absente en acte; parce que n'ayant pas unies à lui toutes les choses nécessaires , il a besoin d'être vers la distance. Mais comme il est par l'appréhension, il ne pourroit être vers une chose distante et absente, s'il ne saisissoit la chose absente. Puis- qu'il saisit cette chose par les sens extérieurs, seulement quant à sa présence, il a nécessairement avoir la vertu sensitive par le moyen de laquelle il saisiroit la chose absente, et retiendroit son espèce. Donc, comme les sens propres et le sens commun sont ordonnés pour l'appréhension des formes sensibles dans la présence de la chose, il en est de même des autres forces dans l'absence de la chose. Or, ces forces appréhensives sont les- cinq sens suivant Avicenne, mais quatre suivant Averrhoès, La première est le sens commun, la seconde est la fantasia, la troisième force est imaginative , la quatrième estimative ou cogitative, la cinquième mémorative. Mais suivant Averrhoès, la fantasia et l'imaginative sont la même puissance. Néanmoins, il est plus vrai de dire qu'elles sont au nombre de quatre. Le sens com- mun, suivant Avicenne, est une vertu à laquelle se rapportent toutes les choses sensées. C'est donc le sens commun d'où dérivent les sens propres, c'est à lui que toutes leurs impressions vont aboutir, c'est en lui que toutes se réunissent. Son organe est la première concavité du cerveau, naissent les nerfs des sens particuliers; et c'est la raison pour laquelle, relativement à la distinction de l'esprit animal, les sens propres dérivent du commun ; pour ce qui est de l'appréhen- sion et de la renonciation du sens commun, elle se fait en acte par les sens propres , parce que elle ne saisiroit rien si les sens propres ne revenoient à lui avec leurs profits, comme dit Avicenne. Or, cette puissance est nécessaire à l'animal , pour trois opérations que doit

etiara cum actu est absens, quia cum non habeat omnia necessaria sibi conjuncta, oportet quod moveatur ad distantiam. Cum autem moveatur per apprehensionem, non posset moveri ad rem distantem et absen- tem , nisi rem absentem apprehenderet. Cum ergo per sensus exteriores appréhen- dât rem , solum quantum ad sui praesen- tiam, necesse habuit habere virtutem sen- sitivam , per quam rem absentem appre- henderet, et ejus speciem retineret. Sicut ergo sensus proprii et sensus com munis ordinantur ad apprehensionem formarum sensibilium in rei prœsentia , sic et alise vires in rei absentia. Istee autem vires ap- prehensivœ sunt quinque sensus secundum Avicennam , sed quatuor secundum Aver- rhoem. Prima est sensus communis, se- cunda est phantasia , tertia imaginativa, quarta œstimativa seu cogitativa , quinta

memorativa. Secundum autem Averrhoem phantasia et imaginativa sunt eadem po- tentia. Verius tamen dicitur quod sunt quatuor : sensus communis secundum Avi- cennam est virtus cui redduntur omnia sensata. Est ergo sensus communis a quo omnes sensus proprii derivantur, et ad quem omnis impressio eorum renuntiatur et in quo omnes conjunguntur. Ejus enim organum est prima concavitas cerebri , a quo nervi sensuum particularium oriuntur, et hinc est quod quantum ad distinctionem spiritus animalis, sensus proprii derivantur a communi ; quantum vero ad apprehen- sionem et renuntiationem sensus commu- nis, fit in actu per proprios, quia nihil apprehenderet, nisi per hoc, qu.od sensus proprii redeunt ad ipsum cum suis lucris, ut dicit Avicenna. Ista autem potentia est animali necessaria propter tria, quœ habet

12 OPUSCULE XLH, CHAPITRE 4.

faire le sens commun. La première c'est de percevoir toutes les sen- sations communes que ne saisit pas le sens propre ; car le sens propre ne perçoit pas de première main et par soi la figure ou le mouvement, mais bien comme par accident. Mais le sens commun perçoit par soi les choses sensibles communes qui sont au nombre de cinq , suivant Aristote, dans le second livre de l'Ame, savoir : le mouvement, le repps, la grandeur, la figure, le nombre. Car, dit ce "Philosophe au même endroit, le sensible est de trois espèces. L'un est propre et n'est point senti par un ajitre sens et il ne se produit pas d'erreur dans le sens propre par rapport à lui, comme la vue par rapport à la couleur, l'ouïe par rapport au son. Un autre est commun et se divise en cinq branches qui répondent au sens commun, ainsi que nous l'avons dit. Le troisième est dit sensible par accident. Le second acte du sens commun est de percevoir plusieurs sensibles propres , ce que ne peut pas un sens propre quelconque. En effet, un animal ne peut pas juger que le blanc est doux ou nel'estpas, ou établir une différence entre les sensations propres, sans qu'il y ait un sens qui-connoisse toutes les sensations propres, et c'est le sens commun. Le troisième acte est de sentir les actes des sens propres , comme lorsque je sens que je vois ; car le sens propre n'a pas cette aptitude, comme on le prouve dans le lirre II de l'Ame, parce que l'objet d'un sens propre est un objet unique. C'est pourquoi l'acte et l'objet de la vue, savoir la couleur, étant deux objets de cognition, lejugement de l'un et de l'autre n'appartient pas à un seul sens propre. La seconde force inté- rieure estlajantasia, qui est un mouvement produit par le sens sui- vant l'acte, comme il est dit dans le troisième livre de l'Ame, parce que la fantasia est une puissance mue par une espèce sensible , par

facere sensus communis. Primum est quod habet apprehendere omiiia sensata com- munia , quae sensus proprius non appre- hendit. Non enim sensus proprius primo et per seapprehendit figuram vel motum, sed quasi per accidens ; sensus autem com- munis per se apprehendit sensibilia com- munia., quae sunt quinque secundum Phi- losophum, II. De anima, scilicet motus, quies, magnitudo, figura, numerus. Est enim triplex sensibile, ut ibidem dicit Phi- losophus. Unum est proprium , quod scili- cet non contingit alio sensu sentîri , et circa quod non contingit sensum proprium errare , ut visas circa colorem , auditus circa sonum. Aliud est commune, quod dividitur in quinque, ut dictum est, quae per se respondent sensui communi. Ter- tium dicitur sensibile per accidens, ut al- bum, quod est Darii filius, quia album sentitur per se , cui accidit Darii filium

esse. Secundus actus sensus communis est apprehendere plura sensibilia propria , quod non potest aliquis sensus proprius. Non enim potest animal judicare album esse dulce vel non esse , vel ponere diver- sitatem inter sensata propria , nisi sit ali- quis sensus qui cognoscat omnia sensata propria, et hic est sensus communis. Ter- tius vero actus est sentire actus proprio- rum sensuum , ut cum sentie me videre. Non enim potest hoc sensus proprius , ut probatur II. De anima, quia unius sensus proprii unum est objectum. Unde cum actus et objectum visus, scilicet color, sint duo cognoscibilia, judicium utriusque non pertinet ad unum seusum proprfum. Se- cunda vis interior est phantasia , quse est motus factus a sensu secundum actum, ut dicitur III. De anima , quia phantasia est potentia mota a specie sensibili, per quam et sensus proprius et sensus communis fit

SUR LES PUISSANCES DE i/AME. 13

le moyen de laquelle le sens commun et le sens propre sont mis en acte.. Mais elle n'est pas seulement mue par cette espèce, eUe__la retient encore dans l'absence de la chose que reçoit le sens commun. Or recevoir et retenir dans les corps, c'est deux opérations qui se rat- tachent à des principes différents. Car l'humide reçoit bien et retient mal. Le sec, au contraire , retient bien et reçoit mal. Donc la puis- sance sensitive étant un acte d'un organe corporel, il faut qu'il y ait une autre puissance qui reçoit les espèces des sensibles et les con- serve, et cet organe se trouve derrière l'organe du sens commun dans la partie du cerveau qui ne contient pas autant d'humidité que sa partie antérieure est situé l'organe du sens commun, et elle peut conséquëmment mieux retenir les formes sensibles en l'absence de la chose. La troisième force sensitive est esiimativû, et sa nécessité est aussi évidente. En effet, l'animal est non-seulement impressionné par ce qui peut lui occasionner du plaisir ou de la peine suivant les sens, parce qu'ainsi il ne seroit pas nécesaire de supposer en lui autre chose, si ce n'est l'appréhension et la rétention des formes dans les- quelles les sens trouvent du plaisir ou de la répulsion; mais il en est qui évitent ou recherchent certaines choses à cause des diverses autres commodités, ou utilités et dangers, comme la brebis fuit le loup, non à cause de sa couleur et de sa figure qui ne lui conviennent pas, mais comme un ennemi de sa nature. De même , l'oiseau ramasse des pailles, non parce qu'elles lui plaisent, mais parce qu'elles lui sont utiles pour construire son nid. Il faut donc placer dans l'animal quel- que principe de perception des intentions de ce genre, différent de la fantaisie, dont l'immutation se fait par la forme sensible et non la perception de cette sorte d'intentions, et cette vertu est estimative en même temps qu'appréhensive des intentions qui ne sont pas reçues

in actu. Non solura autem movetur ab illa specie, sed etiam ipsani in absentia rei re- tinet, quam sensus communis recipit. Re- cipere autem et retinere in corporibus re- ducuntur ad diversa principia. Nam humi- dum bene recipit et maie retinet. Siccum vero e contrario bene retinet et rnale reci- pit. Cum ergo potentia sensitiva sit actus organi corporalis , oportet esse aliam po- tentiam quœ recipit species sensibilium et quœ conservât, et hujus organum est post organum sensus communis in parte cere- bri, quae sic non abundat humido , sicut prima pars cerebri, in qua situm est orga- num sensus communis, et ideo melius po- test retinere formas sensibiles re absente. Tertia vis sensitiva est œstimativa et bujus nécessitas sic patet. Animal enim non so- lum movetur propter delectabile et con-

tristabile secundum sensum , quia sic non esset necesse ponere in eo, nisi per appre- hensionem et retentionem formarum , in quibus sensus delectatur vel horret; sed aliquando fugit vel quœrit aliqua propter diversas alias commoditates, vel militâtes, et nocumenta, sicut ovis fugit lupum non propter indecentiam coloris vel figurée, sed quasi inimicum suae naturœ. Similiter avis colligit paleam, non quia delectat sensum, sed quia utilis est ad nidificandum. Opor- tet ergo ponere in animali aliquod princi- pium perceptionis hujusmodi intentionum ahud quam phantasiam , cujus immutatio est a forma sensibili, non autem perceptio hujusmodi intentionum. Et hujusmodi vir- tus est œstimativa , quœ est apprehensiva intentionum quœ per sensum non acci- piuntur. Unde Algazel dicit : « iEstimativa

14 OPUSCULE XLI1, CHAPITRE 4.

par les sens. C'est ce qui fait dire à Àlgazel : « Cette vertu est estima- tive qui perçoit d'un objet sujet à sênSatiori ce qui n'est pas suscep- tible de sensation , comme la brebis pour l'hostilité du loup. » En effet, elle ne le fait pas par le moyen de la vue, mais par une autre vertu qui est dans les brutes, et qui est l'intelligence dans les hommes. De même que l'on connoît par l'intelligence ce que l'on ne connoît pas par les sens, quoique cette connoissance ne s'opère qu'au moyen des sens, cette action est estimative quoique d'une manière infé- rieure. Or l'organe de cette puissance dans les brutes est placé dans l'hémisphère postérieur du cerveau. Dans les hommes , au contraire, il est placé dansja^ cellule_jniéiliane du cerveau, appelée syllogisti- que. D'où il arrive que, bien que quant aux formes sensibles , il n'y ait pas de différence entre l'homme et les autres animaux, parce qu'elles s'opèrent par infusion provenant des choses sensibles exté- rieures, il y a néanmoins une différence quant aux intentions, comme certains animaux perçoivent des intentions particulières à l'homme par le seul instinct naturel, tel que ce qui est bon, convenable, nui- sible. Mais l'homme, en outre de cela, est favorisé d'une certaine collation, aussi cette force, qui dans les animaux est appelée estima- tive naturelle , s'appelle cogitatiye dans l'jiomine , en lui procurant des intentions par une certaine collation ; elle est aussi appelée raison particulière, parce qu'elle confère les intentions individuelles, comme la raison universelle confère les intentions universelles. Àvicenne a placé une autre puissance entre l'estimative et la fantaisie , dont le rôle est d'opérer la composition et la division entre les formes ima- ginées , comme lorsque de la forme de l'or et de la forme de mon- tagne que nous avons dans l'imagination, nous composons une autre forme de montagne d'or que nous n'avons jamais vue. Mais comme nous n'avons vu cette opération que dans les hommes, nous ne devons

est virtus apprehendens de sensato quod non est sensatum, sicut ovis inimicitias lupi. » Hoc enim non facit per oculum, sed per aliam virtutem quœ est in brutis , hoc quod est intellectus in hominibus ; sicut enim aliquis cognoscit per intelleetum, quod non cognoscit per sensum , licet non cognoscat nisi accipiendo a sensu, ita œsti- mativa, licet modo inferiori. Organumau- tem hujus potentiœ ponitur in brutis in posteriori parte mediœ partis cerebri. In hominibus autem ejus organum ponitur média cellula cerebri, quœ syllogistica ap- pellatur. Unde licet quantum ad formassen- sibiles , non lit differentia inter hominem et alia animalia, eo quod fiunt per infusionem a sensibilibus exterioribus , tamen quan- tum ad inlentiones est differentia aliqua: si-

cut aliqua animalia percipiunthujusmodiin- tentiones, quœ sunt bonum, et conveniens, et nocivum solo instinctu naturali. Homo au- tem ultra hoc per quamdam collationem, et ideo quœ in aliis animalibus dicitur œstimativa naturalis, in homine dicitur co- gitativa , quœ per quamdam collationem hujusmodi intentiones adinvenit , quœ etiam ratio particularis dicitur, quia scili- cet est collativa intentionum individua- lium, sicut ratio universalis intentionum universalium . Avicenna vero posuit imam potentiam inter œstimativam et phanta- siain, cujus sit componere et dividere in- ter formas imaginatas, sicut cum ex forma auri imaginati et montis , componimus unam formam montis aurei, quam nun- quam vidimus. Sed quia hanc operationem

SUR LES PUISSANCES DE l'âME. 15

pas pour cela supposer une nouvelle puissance sensitive. îl suffit pour cela dans l'homme de la force imaginative ou fantaisie, comme dit Averrhoès, dans son livre De Sensu et sensato. La quatrième force sensitive intérieure est la mémorative ou mérn.oire. Suivant AlgazeL la mémoire est la force conservatrice des intentions que perçoit l'es- timative, et par conséquent elle est le réservoir dès intentions ; de môme que la fantaisie ou imagination est la conservatrice des formes et leur réservoir , et ces intentions ne sont pas sensées, mais prove- nant des sens. Or l'organe de cette puissance se trouve dans la con- cavité postérieure du cerveau. C'est pourquoi Avicenne dit dans le livre YI, De naturalibus : « La force mémoriale est celle qui est placée dans la concavité pnatérjejirejdii^erveau_contenant ce qui est perçu par la force d'estimation, relativement aux intentions non sensées des choses singulières et sensibles.» 11 en est autrement dans les hommes que dans les brutes, parce que dans les brutes il n'y a que la mé- moire d'une manière propre, et la réminiscence plus improprement. Suivant Avicenne et Algazel , dans les brutes l'instinct de la nature tient lieu de l'inquisition, de sorte que par l'intention propre il passe à la propre forme sensible , et de la forme sensible et de la propre imagination à la chose qui l'a reçue dans le passé , et c'est ainsi que les brutes épient le moment de se venger, se souviennent des injures et des bienfaits, et cette réminiscence est subite. Dans les hommes, au contraire , non-seulement il y a mémoire , mais même réminis- cence qui s'opère par une certaine collation des intentions indivi- duelles préliminaires aux formes, en discourant syllogistiquement jusqu'au dernier objet cherché.jOr, la puissance estimative et la puis- sance mémorative n'ont pas celte excellence dans l'homme par ce qui est propre à la partie sensitive , mais par affinité et proximité de la

non vidimus nisi in hominibus, non debe- mus propter hoc ponere novam potentiam sensitivam. Ad hoc enim sufïicit in homine virtus imaginativa vcl phantasia, ut dicit Âverrhoes in libro suo De sensu et sensato. Quarta vis sensitiva interior est memora- tiva vel mcmoria. Est autem memoria, secundum Aigazelem, vis conservativa ha- rum intentionum , quas apprehendit œsti- mativa, et ideo est arca intentionum ; sicut phantasia vel imaginativa est con- servatrix formarum et arca illarum, et istae intentiones non sunt sensatae , sed a sensi- bus elicitœ. Organum autem hujus poten- tiae est in posteriori concavitate cerebri. Unde Avicenna, , VI. De naturalibus , vis memoralis est quas est ordinata in poste- riori concavitate cerebri , continens quod apprehendit vis œstimationis de intentio- nibus non sensatis singularium et sensibi-

lium. Differenter est autem in hominibus et in brutis, quia in brutis memoria sola proprie ; reminiscentia autem minus pro- prie , quia secundum Avicennam et Alga- calem, in brutis instinctus naturae est loco inquisitionis, ut per propriam intentionem veniat in propriam illius formam sensibi- lem, et ex forma sensibili et propria ima- ginatione in rem , a qua est accepta in praeterito , et sic bruta observant tempus vindictae et memorantur injuriarum et be- neficiorum, et illa recordatio subita est. In hominibus vero non solum est memoria, sed etiam reminiscentia, quœ fit per quam- dam collationem intentionum individua- lium pracviarum ad formas syllogistice discurrendo usque ad ultimo quaesiturn. Istam autem excellentiam non habent in homine festimativa et memorativa per id quod est proprium parti sensitivœ, sed per

1G OPUSCULE XLII, CHAPITRE 5.

raison universelle par une certaine influence. Car, la vertu inférieure est toujours fortifiée par son union avec une vertu supérieure , parce que ce qu'il y a de plus élevé dans la nature inférieure atteint ce qu'il y a de plus bas dans la nature inférieure, comme dit Denis. D'après cela on voit l'excellence qui se trouve dans les puissances de l'ame sensitive. Carie sens propre ne peut pas saisir tout d'abord et par soi les choses sensées communes, mais bien par accident, tandis que le sens commun le fait. Le sens propre ne peut saisir qu'une seule chose sensée, tandis que le sens commun peut en saisir plusieurs. Le sens propre ne peut connoître un acte propre, ce que fait le sens commun. De son côté le sens commun ne peut saisir une chose sans la présence extérieure de la chose, tandis que la fantasia retient la forme d'une chose en l'absence de cette même chose. La fantasia ne peut saisir et retenir que les formes tirées des choses sensibles ; tandis que la puis- sance estimative peut saisir les intentions relatives à ces formes. Mais quoique la puissance estimative puisse saisir ces sortes d'intentions, elle ne peut pas cependant les retenir, comme le fait la puissance mé- morative , et outre cela la puissance sensitive ne peut pas saisir la forme de la chose et l'abstraire des conditions matérielles, c'est pour- quoi la forme saisie par le sens extérieur sans l'intérieur est toujours particulière.

CHAPITRE V.

De la vertu motive sensitive de l'animal.

Nous allons parler maintenant de la vertu sensitive motive. La vertu sensitive motive se divise eh naturelle et animale. La naturelle est celle qui ne subsiste pas par l'appréhension, et n'est pas soumise

affinitatem et propinquitatem ad rationem universalem per quamdam influentiam. Semper enim virtus inferior fortificatur ex conjunctione sui cum virtute superiori, eo quod supremum naturae inferioris attin- git infimum naturae superioris, ut dicit Dionysius. His visis, patet quomodo est excellentia in poteutiis anima? sensitivse. Sensus enim proprius non potest appré- hendera sensata communia primo et per se, sed quasi per accidens ; sensus autem communis potest. Item , sensus proprius non potest apprehendere nisi unum sensa- tum ; sensus vero communis plura. Item, sensus proprius non potest actum pro- prium cognoscere, quod facit sensus com- munis. Item sensus communis non potest aliquid apprehendere , nisi ad prœsentiam rei extra. Phantasia autem formam rei re- tinet, re absente. Item, phantasia non po-

test apprehendere nec retinere, nisi formas a sensibilibus acceptas'. iEstimativa autem potest intentiones circa hujusmodi formas apprehendere. ^Estimativa vero, licet pos- sit hujusmodi intentiones apprehendere, non tamen retinere , quod habet memora- tiva, et ultra hoc non potest virtus sensi- tiva formam rei apprehendere et abstra- here a conditionibus mateiïalibus, ideo semper forma apprehensa a sensu exteriori sine interiori, est particularis.

CAPUT V.

De virtute animait? J motiva sensilira.

Viso de virtute sensitiva apprehensiva, videndum est de virtute motiva. Motiva autem sensitiva dividitur , quia quaedam est naturalis , quaedam animalis. Naturalis est, quae non manet per apprehensionein, nec est subjecta imperio rationis, et talis

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 17

à l'empire de la raison ; telle est la force vitale et pulsative qui fait battre les artères et le cœur par le moyen de la dilatation et de la constrietion , et cette puissance est dans le cœur comme dans son or- gane propre; c'est pour cela qu'elle n'a l'être que dans les animaux parfaits qui ont les poumons et le cœur. Cette force, par le moyen de l'aspiration et de la respiration , tempère convenablement la .chaleur du cœur et du corps. La force motive animale est celle qui meut par appréhension, qui subit une division ; une meut par manière dejcUreç- tion_, une autre par manière de commandement, une troisième par manièr^d,exécatioiTJEâ~forcë" motive par manière de direction c'est la fantasia et l'estimative , en tant qu'elles montrent à l'appétit, la formeou^'iBt^SîiL convenable ou non convenable. En effet, la fan- tasia meut en montrant les formes sensibles, l'estimative en mon- trant les intentions, et lés motives en commandant ou produisant le mouvement, comme le concupiscible, l'irascible qui sont des parties de l'appétit sensitif. Le concupiscible, en effet, est la force qui com- mande le mouvement pour produire le rapprochement des choses qui sont jugées nécessaires ou utiles, et cela par l'attrait du plaisir. 1/i- rascihl&est la force commandant le mouvement pour repousser ce qui est jugé nuisible ou dangereux, et cela par l'ardeur de la vengeance ou du triomphe. La force qui exécute ce mouvement est une force extérieure répandue dans les muscles, les bras et ïes nerfs des membres. Il faut néanmoins remarquer qu'il y a de la différence entre la sensibilité et la sensualité, parce que la sensibilité comprend toutes les forces sensitives, tant apprébensives'qu'appétitives; tandis que la sensualité ne signifie proprement que la partie de l'âme sensible qui produit le mouvement pour rechercher ou fuir ce qui paroît propre ou non à la volupté de l'animal, et c'est suivant l'ordre au comman-

est virtusvitalis et pulsativa quae movet arte- rias et cor secundum dilatationem et con- strictionem. Et hujusmodi est in corde sicut in proprio organo ; unde solum habet esse in animalibus perfectis pu'monem et cor haben- tibus. Et haec vis per spirationem et respira- tionem est principium contemperandi calo- rem cordis et corporis. Motiva animalis est quae movet per apprehensionem, et haeedivi- ditur, quia quaedam movet per modum dirigentis, quaedam per modum imperantis, quaedam per modum exequentis. Motivae per modum dirigentis sunt phantasia et aestimativa, in quantum appetitivi osten- dunt formam vel intentionem convenien- tem vel disconvenientem. Phantasia enim movet ostendendo formas sensibiles, aesti- mativa ostendendo intentiones ; motivae autem imperantes et facientes motum, sicut concupiscibilis et irascibilis , quae sunt

partes appetitus sensitivi. Concupiscibilis enim est vis imperans motum , ut appro- pinquetur ad ea quss putantur necessaria, vel utilia, et hoc appetitu delectandi. Iras- cibilis est vis imperans motum ad repel- lendum id quod putatur nocivum vel cor- rumpens, et hoc appetitu vindicandi aut vincendi. Vis exequens motum istum est vis exterior, quae diffusa est in musculis, et lacertis, et nervis membrorum. Adver- tendum tamen est quod sensibilitas et sen- sualitas différant, quia sensibilitas eom- prehendit omnes vires sensitivas tam ap- prehensivas quam appetitivas ; sensualitas autem dicit proprie partent animae sensi- bilis, per quam est motus ad prosequen- dum vel fugiendum, quod apparet con- sentaneum vel dissentaneum voluptati ani- malis , et hoc est secundum ordinem ad imperium rationis. Unde sensualitas licet

2

18 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 6.

dément de la raison. C'est pourquoi , quoique la sensualité exige préalablement les forces sensitives appréhensives comme prélimi- naires , elles n'appartiennent cependant pas à son essence , il n'y a que l'appétit sensitif. L'estimative même est très-voisine de la sen- sualité, laquelle confine avec elle, parce que la sensualité dit un cer- tain ordre à la raison. On voit par que dans les brutes il n'y a pas de sensualité portant au péché ; cela n'a lieu que dans les hommes en qui, à cause de son ordre par rapport à la raison , elle est la porte de la corruption et de la culpabilité.

CHAPITRE VI.

De la puissance intellective.

Après avoir parlé de la puissance végétative et de la puissance sen- sitive , nous allons traiter de l'intellect. Or cette puissance dans sa première division se partage en appréhensive et motive ou appétitive. Ces deux puissances ne se trouvent que dans les substances spirituelles et intellectuelles, comme le dit le commentateur sur le livre II de la Métaphysique. La raison de cette division est que toute forme est sui- vie par quelque inclination différente. De même donc que l'inclina- tion ou l'appétit naturel suit la forme naturelle et l'appétit sensitif la forme sensible, de même aussi l'appétit intellectuel suit la forme uni- verselle et intellectuelle appréhendée ; et comme l'appétit intellectuel suit l'appréhension, nous devons parler des appréhensives avant de parler des appétitives. Deux principes sont nécessaires pour l'appré- hension intellectuelle, savoir l'intellect par lequel on a tout à faire, c'est-à-dire ^intellect actif, et l'intellect par lequel tout doit être fait, c'est-à-dire l'intellect possible, comme il est dit dans le troisième livre de l'Ame. Car, comme dans chaque nature il y a des principes suffi-

prœexigat vires sensitivas apprehensivas quasi praeambulas , tamen ad essentiam ejus non pertinent, sed appetitus sensitivus. Jistimativa etiam valde propinqua est sen- sualitati, quia sibi confinis est , quia sen- sualitas dicit ordinem quemdam ad ratio- nem. Ex quo patet quod in brutis non est sensualitas vocans ad peccatum ; sed in solis hominibus in quibus propter ordinem ejus ad rationem, est porta corruptionis et janua culpœ.

CAPUT VI. De potentia inlellcctiva.

Viso de potentia vegetativa et sensitiva, dicendum est de intellectu. Potentia autem hsec prima sui divisione dividitur in ap- prehensivam et motivam vel appetitivam.

Hee duae potentia? solum inveniuntur in substantiis spiritualibus et intellectualibus, ut dicit Commentator super II. Metapkys. Ratio hujus divisionis est quia quarnlibet formam sequitur aliqua varia inclinatio. Sicut ergo formam naturalem sequitur in- clinatio vel appetitus naturalis, et formam sensibilem sequitur appetitus sensitivus, ita formam universalern vel intellectualem apprehensam sequitur appetitus intellec- tualis ; et quia appetitus intellectualis se- quitur apprehensionem , ideo prius dicen- dum est de apprehensivis, quam de appeti- tivis. Ad apprehensionem intellectualem duo principia sunt necessaria , scilicet in- tellectus quo est omnia facere, id est intel- lectus agens, et intellectus quo est onmia fieri, id est intellectus possibilis, ut dicitur

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 19

sants pour la génération propre ou l'opération , il en est aussi de même dans Famé. Mais l'acte de l'intellection ne peut s'accomplir par une seule et même puissance, parce que l'ame ne comprend rien sans informer l'espèce à l'égard de laquelle elle est en puissance , comme la prunelle par rapport aux couleurs. Mais elle ne peut pas être mise en acte par cette puissance, il faut qu'elle le soit par une autre chose qui est en acte, et par rapport à l'intellect possible , et par rapport à l'espèce intelligible. Mais comme l'espèce n'estpas reçue dans l'intellect possible avant d'avoir été dégagée des sensibles matériels, et que cela ne peut se faire que par ce qui est immatériel en acte , il est évident que outre l'intellect possible il faut placer dans l'ame un intellect ac- tif , de sorte que l'ame est en puissance par une force et en acte par une autre par rapport aux espèces intelligibles, comme, par exemple, le feu, quand il agit sur l'eau, il agit par le moyen de la chaleur qu'il a en acte, et subit l'action de l'eau par le froid qu'il a en puissance, tandis que l'eau l'a en acte ; de même l'ame étant immatérielle en acte, est en acte par rapport à une espèce immatérielle et en puis- sance par rapport à une espèce matérielle qu'elle peut mettre en acte quand elle veut, et cela par l'intellect actif.1 Or, il est en puissance par rapport à l'espèce , en tant qu'il ne l'a pas en acte , et qu'il peut en recevoir la passion. On voit par quelle est l'opération de l'intellect actif , d'abstraire les espèces de la matière et des sensibles matériels. Mais il ne faut pas concevoir cette abstraction suivant la chose mais suivant la raison. Car ainsi que nous voyons dans les puissances sen- sitives, que quoique certaines choses soient unies suivant la réalité , la vue ou tout autre sens de ces êtres, ainsi conjoints, peut saisir une chose sans saisir l'autre , comme la vue perçoit la couleur du fruit

III. De anima. Sicut enim in qualibet na- tura sunt principia suffîcientia ad genera- tionem propriam vel operationem , ita in anima. Per unam autem et éamdem po- tentiam non potest actus intelligendi ex- pleri, quia anima nihil intelligit msi infor- metur spem, ad quam est in potentia, si- cut pupilla ad colores. Per illam potentiam autem per unam recipit, non potest educiin actum, sed oportet quod educatur in ac- tum per aliud, quod est in actu, et respectu intellectus possibilis et respectu speciei intelligibilis. Gurn autem species non re- cipiatur in intellectu possibili nisi depure- tur a sensibilibus materialibus, et hoc non possit fieri nisi per id quod est actu im- materiale, patet quod oportet ponere ultra intellectum possibilem , intellectum agen- tem in anima , ita quod anima per aliam potentiam est in potentia et per aliam est in actu respectu specierum imelligibilium,

sicut videmus quod ignis quando agit in aquam, agit in eam per caliditatem quam habet actu, et patitur ab aqua per frigidi- tatem quam habet in potentia , et aqua habet eam actu ; ita anima quia actu est immaterialis, est in actu respectu speciei immaterialis, et in potentia respectu spe- ciei materialis , et cum vult potest eam actu facere , et hoc per intellectum agen- tem. Est autem in potentia respectu speciei in quantum non habet eam actu , et in tantum potest ab ea pati; ex quo patet quae sit operatio intellectus agentis, quia abstrahere species a materia et a sensibi- libus materialibus. Ista autem abstractio non est intelligenda secundum rem, sed secundum rationem. Sicut enim videmus in potentiis sensitivis , quod licet aliqua sint conjuncta secundum rem , tamen illo- rum sic conjunctorum visus vel abus sen- sus, potest unum apprehendere altero non

20 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 6.

sans en percevoir la saveur unie à la couleur, il peut en être de même à bien plus forte raison dansla puissance intellective; parce que, bien que les principes de l'espèce ou du genre ne soient que dans les individus, un peut être saisi sans que l'autre le soit, ce qui fait que l'animal peut être perçu sans l'homme, l'âne et les autres espèces, et que l'homme peut être perçu sans Sortes ou Platon, et aussi la chair, les osetl'ame sans percevoir telles chairs, tels os en particulier , et de cette manière l'intellect perçoit les formes abstraites, c'est-à-dire les supérieurs sans les inférieurs. Néanmoins l'action de l'intellect n'est pas fausse, parce qu'il ne juge pas que telle chose existe sans telle autre , mais il saisit une chose et en juge sans porter un jugement sur l'autre. Or, l'objet qui est requis pour l'intellection est l'image et la similitude d'une chose particulière, qui est dans l'organe de l'imagination. C'est pour- quoi, de même que la vision corporelle se complète par trois choses, savoir , par la couleur exposée à la vue, par la vue qui reçoit la simi- litude de la couleur , par l'action de la lumière qui se projette sur la couleur et change ce qui est visible en puissance en visible en acte ; de même l'intellection s'opère par l'intellect possible , comme rece- vant la ressemblance de l'image, et par l'opération de l'intellect actif abstrayant l'espèce immatérielle de l'image , et par l'image même imprimant sa ressemblance dans l'intellect possible. Il faut cependant observer que l'image ne se perçoit pas comme la couleur se voit, mais qu'il est dit seulement objet de l'intellect, parce que celui-ci n'exerce pas son opération sans l'image. Or, l'objet propre de l'intellect possible est ce qui est quelque chose, c'est-à-dire la quiddité de la chose même, comme il est dit dans le livre III de l'Ame. Car, comme il y a des degrés dans les puissances , il y en a aussi dans les objets ; parce

apprehenso, ut visus apprehendit colorem pomi, qui tamen saporem colori conjunc- tum non apprehendit ; sic multo fortius potest esse in potentia intellectiva, quia licet principia speciei vel generis nun- quam sint nisi in individuis, tamen potest apprehendi unum , non apprehenso altero, unde potest apprehendi animal sine ho- mine, asino et aliis speciebus, et potest ap- prehendi homo non apprehenso Sorte vel Platone ; et caro, et ossa, et anima non ap- prehensis his camibus et ossibus, et sic semper intellectus formas abstractas, id est superiora sine inferioribus intelligit. Nec tamen falso intelligit intellectus, quia non judicat hoc esse sine hoc , sed apprehendit et judicat de uno, non judicando de altero. Objectum autem quod requiritur ad intel- ligendum, est phantasma et similitudo rei particularis, quod est in organo phantasiœ. Unde sicut visio corporalis complet ur per

tria, scilicet per colorem visui objectum , per visum recipientem similitudinem co- loris, per actum lucis super colorem irra- diantis, et de potentia visibili actu visibile facientis ; ita intelligere fit per intellectum possibilem, ut recipientem similitudinem phantasmatis et per operationem intellec- tus agentis speciem immaterialem a phan- tasmate abstrahentis, et per ipsum phan- tasma suam similitudinem in intellectum possibilem imprimentis. Advertendum ta- men quod phantasma non intelligitur sicut color videtur, sed pro tanto dicitur objec- tum intellectus, quia suam operationem non exercet sine phantasmate. Proprium autom objectum ipsius intellectus possi- bilis, est quod quid est , id est quidditas ipsius rei, ut dicitur III. de Anima. Sicut enim est gradus in potentiis, ita in objec- tis , quia sicut sensus exterior non tantum potest, quantum sensus interior, nec inte-

SUR LES PUISSANCES DE l'àME. 21

que comme le sens extérieur ne peut pas autant que le sens inté- rieur, et le sens intérieur que l'intellect, de même l'objet du sens extérieur qui est les qualités de la troisième espèce de qualités, sa- voir les qualités passibles, n'est pas aussi élevé que l'objet propre du sens intérieur, savoir le sens commun de la fantaisie et de l'imagina- tion, ce qui est la quantité immédiatement adhérente à la substance. Mais la substance de la chose surpasse tout cela, parce que de même que la qualité ne peut pas être sans la quantité, de même aussi l'une et l'autre ne peut être sans la substance. Donc la substance de la chose est ce que l'intellect perçoit. La ressemblance de cette chose qui est dans l'âme est ce par quoi l'intellect perçoit formellement la chose extérieurement. L'image est ce par quoi l'intellection s'opère comme effectivement en acquérant la science. L'intellect actif est celui qui produit et fait toutes ces choses en acte. L'intellect possible, au con- traire, est celui qui reçoit l'espèce et excite l'acte de l'intellection, et ainsi celui-là est seul intellect possible qui est le sujet d'une grande science acquise. L'intellect actif est celui qui ne reçoit rien, mais qui est la puissance de l'ame, par lequel celle-ci rend intelligibles en acte les choses qui par leur nature ne sont intelligibles qu'en puissance, ayant une matière qui fait obstacle à l'intellect, parce que chaque chose est perçue en tant qu'elle possède l'être immatériel.] Or, l'in- tellect possible auquel seul il appartient de recevoir l'espèce intelli- gible , peut être considéré sous quatre rapports. Le premier suivant

!• qu'il est tout-à-fait en puissance relativement à la science, et ainsi il précède l'intellection , et dans ce sens il est appelé , par les philo- sophes, matériel, c'est-à-dire potentiel , comme n'étant en acte d'au-

-^•cune manière. En second lieu il peut" être considéré, selon qu'il a quelque disposition à la science, mais incomplète, comme lorsqu'il a

rior, sicut intellectus , ita objectum sensus exterioris, quae sunt qualitates, de tertia specie qualitatis , scilicet passibiles quali- tates, non est ita altura sicut proprium ob- jectum sensus interioris , scilicet sensus communis phantasiae et imaginativae, quod est quantitas quœ immédiate adhaeret sub- stantif. Omnia autem ista excellit sub- stantia rei, quia sicut qualitas non potest esse sine quantitale , ita nec utraque sine substantia. Substantia ergo rei est id quod intellectus intelligit. Similitudo autem illius rei, quae est in anima, est illud quo formaliter intellectus rem extra intelligit. Phantasma autem est illud quo quasi effec- tive intelligit in acquirendo scientiam. Intellectus autem agens est, qui omnia illa actu agit et facit. Intellectus vero possibilis est , qui speciem recipit et actum intelli-

gendi elicit , et sic solus intellectus possi- bilis est, qui est subjectum scientiae maxi- me acquisitae. Intellectus autem agens est, qui nihil recipit , sed est potentia animée, quo omnia facit actu intelligibilia , quae per naturam suam sunt potentia solum in- telligibilia, cum habeant materiam quae intellectum impedit , quia unumquodque intelligitur, in quantum habet esse imma- teriale. Intellectus autem possibilis, cujus solius est recipere speciem intelligibilem , quadrupliciter potest considerari. Uno modo, secundum quod est omnino in po- tentia ad scientiam, et sic est ante intelli- gere , et hoc modo appellatur a Philosophis materialis , id est potentialis quasi nullo modo actu. Secundo modo potest conside- rari , ut habet aliquam dispositionem ad scientiam, sed incompletam, ut cum habet

22 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 6.

des principes connus par soi de quelque science , et en ce sens il est appelé intellect disposé. Il peut être considéré, en troisième lieu, selon qu'il a l'habitude de la science , sans user néanmoins de cette habi- tude, et dans ce sens il est appelé intellect parfait en habitude. En quatrième lieu suivant qu'il considère en acte selon l'habitude , et dans ce sens il est appelé acquis en acte , et c'est de cet intellect que certains veulent entendre ces mots d'Aristote, dans le livre III de l'Ame, que l'intellect exerce l'intellection en certains cas , pas dans d'autres, mais toujours. Quoique cet intellect impossible reçoive dif- férents noms, suivant ses différentes perfections et opérations, il ne peut néanmoins en aucune manière être multiplié suivant la sub- stance de la puissance; la raison en est, comme il a été dit, que la puissance ne se diversifie que suivant la raison de l'objet. Or, voilà ce qui se fait , lorsqu'une puissance quelconque est ordonnée à quel- que objet sous la raison d'un objet universel, cette puissance n'est pas diversifiée suivant la diversité des différences particulières de l'objet. C'est pourquoi la vue , en percevant la couleur sous la raison universelle de la couleur, n'est pas diversifiée suivant la différence du blanc et du noir, parce qu'elle ne considère le blanc et le noir qu'en tant que coloré. Or, comme c'est par l'intellect possible que tout doit être fait, comme il est dit dans le livre III de l'ame, il considère l'objet sous la raison commune de l'être, et par conséquent la puissance in- tellective appréhensive ne peut être diversifiée suivant aucune diffé- rence de l'être. Néanmoins l'intellect actif et l'intellect possible sont diversifiés à l'égard de cet objet, parce qu'il doit y avoir par rapport au même objet une puissance active et une autre passive, comme il a été dit. On voit par là. que l'intellect spéculatif et l'intellect pratique sont la même chose ; la raison en est que ce qui a trait accidentelle-

principia per se nota alicujus scientiae , et sic appellatur intellectus dispositus. Tertio modo potest considerari , prout habet ha- bitum scientiee, non tamen utitur habitu, et sic appellatur intellectus perfectus in habitu. Quarto modo , secundum quod actu, considérât secundum habitum, et sic dicitur intellectus adeptus in actu , et de isto intellectu volunt quidam intelligi illud verbum Philosophi in III. De anima, quod intellectus quandoque intelligit , quando- que non, sed semper. Iste autem intellec- tus impossibilis licet secundum diversas ejus perfectiones et operationes diversi- mode nominetur, non tamen potest aliquo modo multiplicari secundum substantiam potentia1, cujus ratio est quia, ut dictum est, potentia non diversificatur nisi secun- dum diversam rationem objecti. Nunc au- tem sic est quod quando potentia aliqua

ordinatur ad aliquod objectum sub ratione universali objecti, non diversificatur po- tentia illa secundum diversitatem particu- larium differentiarum objecti. Unde visus quia respicit colorem sub universali ra- tione coloris, non diversificatur secundum diversitatem albi et nigri, quia nec album nec nigrum considérât , nisi in quantum coloratum. Cum autem intellectus possi- bilis sit, quo est omnia iieri, ut dicitur III. De anima , respicit objectum sub ratione communi entis , et ideo secundum nullam differentiam entis potest diversificari po- tentia intellectiva apprehensiva. Respectu tamen istius objecti diversificatur intellec- tus agens et intellectus possibilis , quia respectu objecti ejusdem oportet esse aliam potentiam activam et aliam passivam , ut dictum est. Ex hoc patet quod idem sit intellectus speculativus et practicus, cujus

SUR LES PUISSANCES DE L'AME. 23

ment à la raison de l'objet que regarde une puissance quelconque, ne diversifie pas cette puissance. En effet, parce qu'il arrive à un objet coloré d'être grand ou petit, homme ou âne , tous ces accidents n'en sont pas moins perçus par la même puissance visuelle. Or, il est constant que c'est un accident d'une chose perçue par l'intellect d'être ordonnée ou non à une œuvre; c'est pourquoi l'intellect spéculatif et l'intellect pratique diffèrent, en ce que la fin de l'intellect spéculatif est la vérité seule, et l'œuvre celle de l'intellect pratique, comme il est dit dans le livre II de la Métaphysique. Il est évident qu'ils ne sont qu'une même puissance , ce que prétend ouvertement Aristote , dans le troisième livre de l'Ame , il dit : « Que l'intellect spéculatif devient pratique par l'extension de la chose perçue à l'œuvre, ce qui montre qu'ils diffèrent par la fin seule. » On voit aussi par que l'intellect et l'intelligence ne sont pas des puissances différentes, mais diffèrent dans le sens adopté par Aristote, non pas à la vérité comme la puissance de la puissance, mais comme l'acte de la puissance. Car l'intellection est l'acte de l'intellect , qui est intelligence, suivant ce que dit Aristote, dans le livre III de l'Ame. L'intelligence appar- tient aux indivisibles en qui le faux ne se trouve pas. Cependant in- telligence est prise quelquefois, par certains philosophes, pour nature ou substance séparée , qui est dite intelligence , parce qu'elle com- prend toujours. Mais l'intellect ne peut différer de la raison , ce qui est évident, si l'on considère leurs actes avec soin. Comprendre, c'est considérer la vérité par une simple intuition. Mais raisonner, c'est passer d'une chose comprise à une autre, pour connoître la vérité in- telligible , ce qui fait que la raison commence toujours par l'intellect et se termine à lui. C'est pourquoi il est clair que raisonner et com- prendre diffèrent comme être en mouvement et être en repos. Or ,

secundum quod intelligentia accipitur a Philosophe, non quidem sicut potentia a potentia, sed sicut actus a potentia. Intel- ligentia euim est actus ipsius intellectus, qui est intelligentia , juxta illud Philoso- phi, III. De anima. Indivisibilium intelli- gentia est, in quibus non est falsum. In- telligentia tamen aliquando a Philosophis accipitur pro natura vel substantia sepa- rata, quae intelligentia dicitur , quia sem- per intelligit. Intellectus autem a ratione differre non potest , quod patet, si eorum actus diligenter consideretur. Intelligere est veritatem simplici intuitu considerare. Ratiocinari autem est de uno intellectu ad aliud procedere , ad veritatem intelligibi- lem cognoscendam , unde ratio incipit semper ab intellectu et ad intellectum ter- minatur. Unde patet quod ratiocinari et intelligere differunt, sicut moveri et quies-

ratio est, quia illud quod accidentaliter habet se ad rationem objecti, quam respicit aliqua potentia , non diversificat potentiam, quia enim accidit colorato , quod sit ma- gnum aut parvum, homo vel asinus, ideo omnia ista per unam potentiam visivam apprehenduntur. Constat autem quod acci- dit apprehenso per intellectum, quod ordi- netur ad opus vel non ordinetur : unde cum secundum hoc différant intellectus speculativus et practicus, quia finis specu- lativi est sola veritas, practici vero opus, ut dicitur II. Metaph., manifestum est, quod sunt una potentia , quod aperte vult Philosophus, III. De anima, ubi dicit quod intellectus speculativus extensione, scilicet apprehensi ad opus fit practicus, ex quo patet quod solo fine differunt. Ex hoc etiam apparet quod intellectus et intelligentia non sunt diversae potentiœ, sed differunt

24 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 6.

d'après Aristote , dans le deuxième livre du Ciel et du monde, il est constant, dans les choses corporelles, qu'une chose se meut vers un lieu ou repose dans un lieu par la même puissance. Donc à plus forte raison, dans les choses spirituelles, c'est par la même puis- sance que nous raisonnons et que nous comprenons , que nous cher- chons la vérité, et que nous la concevons après l'avoir trouvée. Il ne peut pas même y avoir une raison supérieure et inférieure d'une puissance diverse, parce que la raison inférieure est dite ainsi à cause qu'elle a trait aux choses inférieures , et la raison supérieure aux choses supérieures. Or, il y a deux manières d'avoir trait aux choses supérieures, la première en les considérant en elles-mêmes, la se- conde en prenant d'elles des règles pour faire les choses inférieures. Mais ces deux objets, savoir les choses temporelles et les choses éter- nelles, sont comparés de deux manières à notre connoissance. La première suivant la voie de l'invention, et ainsi les choses temporelles sont pour nous le chemin qui mène aux choses éternelles , suivant ce passage de la première Epître aux Romains : «Xes choses invisibles de Dieu sont comprises et connues par le moyen des choses créées.» La seconde par voie de résolution et de jugement, et ainsi nous dispo- sons des choses temporelles par le moyen des choses éternelles. 11 en est ainsi maintenant que, bien que le moyen et ce à quoi l'on arrive par le moyen puissent appartenir à différentes habitudes, ils n'appar- tiennent jamais à des puissances différentes, mais à la même. D'où il suit que quoique les principes et les conclusions appartiennent à des habitudes différentes , parce que les principes regardent l'habitude des principes de l'intellect, et les conclusions l'habitude des conclu- sions de la science, les uns et les autres néanmoins appartiennent à la même puissance! Donc la considération des choses éternelles, quoique appartenant à une habitude autre que la considération des choses

cere. Constat autem secundum Philoso- phum, II. Cœli et mundi, quod per eam- dem potentiam movetur aliquid ad locum et quiescit in loco in corporalibus. Ergo multo fortius in spiritualibus per unam et eamdcm potentiam ratiocinamur et intel- ligimus, veritatem inquirimus et inventam intelligimus. Ratio etiam superior et in- ferior diversae potentiae esse non possunt, quia ratio inferior ex hoc dicitur , quod rébus inferioribus intendit, ratio superior, quia superioribus. Superioribus autem in- tendere potest dupliciter : uno modo spe- culando ea in seipsis ; alio modo accipiendo ex ipsis régulas inferiorum agendorum. Ista autem duo objecta, scilicet temporalia et œterna, comparantur ad cognitionem nostram dupliciter. Uno modo , secundum

viam inventionis, et sic temporales sunt nobis via deveniendi in aeterna, juxta illud Rom., I : «Invisibilia Dei per ea quœ facta sunt intellecta conspiciuntur. » Alio modo per viam resolutionis et judicii, et sic per rationes œternorum , temporalia disponi- mus. Nunc autem sic est quod licet mé- dium, et illud ad quod per médium deve- nitur, possint ad diversos babitus pertinere, nunquam tamen ad diversas potentias, sed ad eamdem : onde licet principia et con- clusiones pertineant ad diversos habitus, quia principia ad habitum intellectus prin- cipiorum, conclusiones ad habitum scientiae conclusionum , tamen utraque pertinet ad eamdem potentiam. Ergo consideratio ae- ternorum, licet ad alium habitum perti- neat quam consideratio ternporalium, quia

SUR LES PUISSANCES DE l'âME. 25

temporelles, parce que celle-ci regarde la sagesse qui a rapport aux choses éternelles, et celle-ci la science qui a rapport aux choses tem- porelles, néanmoins il faut que la considération des unes et des autres appartienne à la même puissance. On dit cependant partie supérieure et partie inférieure, parce que partie "vient de partage, et là, quoiqu'il n'y ait point partage de puissance, il y a néanmoins partage d'habi- tudes et d'offices, aussi saint Augustin les appelle- t-il deux parties.

CHAPITRE VII. De la volonté et du libre arbitre qui sont une même chose.

Après avoir parlé de la- puissance appréhensive intellective, nous allons parler de la puissance motive ou appétitive qui est appelée vo- lonté. Or la volonté est double; l'une naturelle , l'autre délibérative. En effet, la volonté peut être mue par un mouvement naturel comme les autres puissances , et cela pour le salut de la nature, et ainsi elle est appelée volonté naturelle. Elle peut, d'une autre manière, être mue vers quelque chose suivant qu'elle abonde plus que les autres en li- berté en suivant son moteur qui est ljintellect , ou la fantasia , et dans ce sens elle est indéterminée par rapport aux intelligibles , ce qui fait que dans ce sens elle est délibérative. 11 n'y a pas cependant diffé- rentes volontés, mais une seule volonté diversement mue ou se mou- vant elle-même. Mais cette volonté ne se divise pas par l'irascible et le concupiscible, comme l'appétit sensitif , parce qu'elle considère le bien sous la raison particulière du bien, comme le sens saisit la raison particulière du bien, en raison de quoi les appétits sensitifs sont di- versifiés suivant les raisons particulières des biens. Car le concupis- cible regarde la raison propre du bien en tant qu'il est délectable sui- vant les sens, et convenable à la nature. Virascible, au contraire,

illa ad sapientiam quee est de seternis, ista ad scientiam qua; est de temporalibus, ta- men oportet quod ad eamdcm potentiam pertineat utrorumque consideratio. Dicitur tamen pars superior et inferior , quia pars a partitione dicitur; ibi aulem, licet non sit partitio potentiarum , tamen partitio habituum et officiorum est ibi, et ideo di- cuntur ab Augustino duœ partes.

CAPUT VII.

De voluntate et libero arbilrio , quod sunt idem.

Viso de apprehensiva intellectiva, videa- mus de motiva vel appetitiva, qua? dicitur voluntas. Voluntas autem est duplex. Una naturalis, alia deliberativa. Potest enim voluntas moveri motu naturali sicut aliae

potentise, et hoc ad salvationem naturse, et sic dicitur voluntas naturalis. Alio modo potest moveri ad aliquid, secundum quod abundat ab aliis in libertate , sequendo suum motorem qui est intellectus vel phaii- tasia, et sic est indeterminata , respectu intelligibilium , unde sic est deliberativa. Nec tamen sunt divers® voluntates , sed una diversimode mota vel movens seipsam. Ista autem voluntas per irascibilem et con- cupiscibilem non dividitur, sicut appetitus sensitivus , quia respicit bonum sub parti- culari ratione boni , sicut et sensus parti- cularem rationem boni apprehendit ; ideo secundum particulares rationes bonorum diversificantur appetitus sensitivi. Concu- piscibilis enim respicit propriam rationem boni, in quantum est delectabile secundum

26 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 7.

regarde la raison particulière du bieu , en tant qu'il le repousse et le combat, ce qui occasionne un préjudice. Or, la volonté considère le bien sous la raison universelle du bien , aussi les puissances ne sont pas diversifiées en elle suivant les raisons diverses des biens particu- liers, suivant le concupiscible et l'irascible. La volonté délibérative et le libre arbitre ne sont qu'une même chose. Elle ne peut pas, en effet, être une habitude, comme certains l'ont dit, car par les habitudes nous nous portons vers les passions d'une manière déterminée en bien ou en mal, comme il a été dit dans le second livre des Ethiques; tandis que le libre arbitre se porte indifféremment à bien ou mal agir, c'est ce qui fait dire qu'il est une même puissance avec la volonté. Néanmoins il ne dénomme pas la volonté d'une manière absolue, mais bien par comparaison à la raison, en tant que, par exemple , la vertu de la raison délibérante demeure en elle ; c'est pourquoi , comme vouloir est de la volonté, d'une manière absolue, de même choisir est du libre arbitre , en tant que la force de la raison demeure en elle. Mais, bien qu'elle soit une puissance, elle est quelquefois dénommée par son acte, ce qui fait qu'elle est appelée libre arbitre, comme libre jugement de la raison. Elle est aussi appelée faculté, parce que c'est une puissance disposée à l'opération. Elle est également appelée ha- bitude, par saint Bernard, non pas en tant que l'habitude est séparée de la puissance , mais en tant qu'il signifie une habitude quelcon- que, par laquelle on se porte à l'acte de la même manière ; c'est pour- quoi le libre arbitre est brièvement comparé à la volonté de la même manière que la raison à l'intellect ; parce que de même que la raison acquiert des connoissances en discourant d'une chose à une autre, ce que l'intellect fait simplement et d'une manière absolue , de même aussi le libre arbitre est un appétit pour acquérir quelque chose, c'est

serisum et conveniens naturee. Irascibilis autem respicit particularem rationem boni secundum quod est repulsivura et pugna- tivum ejus, quod infert nocumentum. Vo- luntas autem respicit bonum sub univer- sali ratione boni, et ideo non diversifi- cantur in ea potentiœ secundum diversas particularium bonorum rationes , secun- dum concupiscibilem et irascibilem. Vo- luntas autem deliberativa et liberum. ar- bitrium idem sunt. Non enim potest esse habitus, ut quidam dixerunt, quia per ha- bitus nos habemus determinate ad passio- nes et actus bene vel maie , ut dicitur II. Ethù:. Liberum autem arbitrium indiffe- renter se habet ad bene agendum vel maie, unde oportet dicere quod sit poten- tia eadem scilicet cum voluntate. Non ta- men nominat voluntatem absolute, sed per comparationem ad rationem, in quantum

scilicet manet in ea virtus rationis délibé- rante : unde sicut velle est voluntatis, ab- solute, ita eligere est liberi arbitra, in quantum in ea manet virtus rationis. Licet autem sit potentia, tamen per actum suum aliquando nominatur, unde dicitur liberum arbitrium , quasi liberum de ratione judi- cium. Facultas etiam dicitur, quia poten- tia est expedita ad operandum. Dicitur etiam habitus a Bernardo, non prout ha- bitus dividitur contra potentiam, sed prout dicit aliquam habitudinem, per quam ali- quis eodem modo se habet ad actum, unde breviter eodem modo comparatur liberum arbitrium ad voluntatem, sicut ratio ad intellectum , quia sicut ratio per discur- sum unius ad alterum cognoscit, quod in- tellectus simpliciter et absolute facit , sic liberum arbitrium est appetitus alicujus ad aliquid consequendum , unde est eorum

SUR LES PUISSANCES DE l'àME. 27

pour cela qu'il est des choses qui regardent la fin. Mais la volonté est rapjpétit de la chose d'une manière absolue ; c'est pourquoi elle est dite être de la fin qui estappétée pour elle-même.

CHAPITRE VIII.

Dans quelles puissances de l'ame se trouve le péché, et quelles sont celles

il n'est pas.

Après avoir parlé des puissances de l'ame , il faut examiner dans lesquelles le péché peut être ou n'être pas. Il faut donc dire , suivant saint Grégoire, que toute créature est comprise nominativement sous le nom d'homme , parce que celui-ci a quelque chose de commun avec toutes les créatures. Il a, en effet, l'être avec les pierres, la vie avec les arbres, la sensibilité avec les bêtes, l'intelligence avec les anges. Mais le mouvement ne lui convient pas par la raison par la- quelle il a l'être, parce qu'alors le mouvement conviendroit à tous les êtres. Mais en vertu de la raison par laquelle il vit, sent et conçoit, un triple mouvement lui convient , savoir le mouvement naturel, le mouvement animal et le mouvement rationnel. Or, le mouvement na- turel existe suivant une inclination nécessaire en dehors de l'appré- hension de quelque chose de délectable, et comme lorsqu'il y a incli- nation nécessaire , il n'y a ni soumission, ni obéissance à la raison ; en conséquence le mouvement naturel dans l'homme, tel que le mou- vement de nutrition, d'accroissement, de génération, en tant que ces mouvements suivent la nécessité de la nature et précèdent l'appré- hension, ils ne peuvent être sujets du péché, parla raison que le péché est volontaire en quelque manière et sujet à la raison , c'est pourquoi il ne peut pas y avoir de péché dans les actes de la partie végétative. Le mouvement animal suit l'appréhension du délectable et a l'être

quae sunt ad finem. Voluntas autem est appetitus rei absolute : unde dicitur esse ipsius finis, qui propter se appetitur.

CAPUT VIII.

In quibus potenliis animœ est peccalum , et in quibus non.

Viso de potentiis animœ, videndura est in quibus potest esse peccatum, et in qui- bus non. Dicendum est ergo secundum Gregorium, quod omnis creatura, nomine homo intelligitur, quia cum omni creatura habet aliquid commune. Habet enim esse cum lapidibus, vivere cum arboribus, sen- tire cum bestiis , intelligere cum angelis. Ratione vero qua homo habet esse, non convenit ei aliquis motus, quia sic motus conveniret omnibus entibus. Ratione vero qua vivit , sentit et intelligit, convenit ei

aliquis motus , quia sic motus conveniret omnibus entibus. Ratione vero qua vivit, sentit et intelligit, convenit ei triplex mo- tus, scilicet naturalis,animalis et rationalis. Motus autem naturalis est secundum ne- cessariam inclinationem prseter alicujus delectabilis apprehensionem , et quia ubi necessaria est inclinatio , ibi nulla subjec- tio vel obedientia ad rationem ; ideo motus naturalis in homine sicut est motus nutri- tive , augmentativœ , generativee , secun- dum quod sequuntur riaturae necessitatem et antecedunt apprehensionem , non pos- sunt esse subjectum peccati, eo quod pec- catum aliquo modo est voluntarium et rationi subjectum , unde in actibus partis végétative , non potest esse peccatum. Motus vero animalis sequitur delectabilis apprehensionem et habet esse in appetitu

28 OPUSCULE XLII, CHAPITRE 8.

dans l'appétit sensitif qui est rationnel par participation, ce qui fait dire à Aristote, sur la fin du premier livre de YEthique, qu'il est en quelque sorte soumis à la raison , quoi qu'il ne le soit pas simpliciter à cause de la corruption et de l'infection. D'où il suit que le péché, étant un acte moral et ordonné, peut se trouver dans la puissance qui est soumise d'une certaine façon au principe moral, c'est-à-dire à la volonté. Néanmoins, comme ces actes ou mouvements animaux ne sont pas entièrement soumis à l'empire de la volonté , parce qu'ils ne sont ni produits , ni commandés par la volonté , comme les mouve- ments qui comportent la délibération, mais sont seulement permis par la raison et la volonté , quoiqu'ils aient le caractère de péché, ce n'est que de péché incomplet , cependant, qui est le péché véniel, mais non complet, ce qui est le péché mortel. Donc, parce que le péché est attribué comme au sujet de la puissance qui le commet ou qui est son principe, conséquemment dans la sensualité qui dénomme l'appétit sensitif dans l'homme, comme il a été dit dans la distinction des puissances de l'ame, il peut y avoir péché véniel comme dans le sujet, mais non péché mortel. Le mouvement rationnel est celui qui est libre suivant la raison par laquelle un acte doit être ordonné vers sa fin légitime. C'est pourquoi, s'il est détourné de sa fin légitime, l'acte a le caractère de péché, parce que c'est le propre de la raison d'ordonner ses actes. Or la raison a un double acte, un selon soi, par comparaison à son objet qui est de connoître quelque vérité propre; il est désordonné quand la raison ne fait pas convenablement son of- fice comme elle le doit, et ainsi le désordre est occasionné par l'igno- rance.1 La raison a un autre acte comme directrice des actes humains, et cet acte consiste à domirer et à réprimer les forces inférieures, et elle pèche par cet acte , quand elle commande ce qu'elle ne doit pas

sensitivo , qui-est rationalis per participa- tionem, unde dicit Philosophus, I. Ethic, in fine. Est itaque aliquo modo obedibile rationi , et si non simpliciter propter cor- ruptionem et infectionem. Unde, quia pec- catum est actus rnoralis et ordinalus , po- test esse in illa potentia quae subjacet ali- quo modo principio morali, id est voluntati. Quia tamen actus isti vel motus animales non omniuo subsnnt imperio voluntatis, quia non eliciuntur, nec imperantur a vo- luntate , sicut motus deliberationem su- mentes, sed solum perniittuntur a ratione et volunjate ; ideo licet habeant rationem peccati, tamen incompleti , quod est pec- catum veniale, non autem completi, quod est mortale. Quia ergo peceatum attribui- tur ut subjecto potentiae, quae ipsum elicit vel est principium ejus; ideo in sensuali- tate quae nominat appétit um sensitivum

in homine, ut dictum est in distinctione potentiarum animae, potest esse peceatum veniale, tanquam in subjecto, non autem peceatum mortale. Motus autem rationalis est qui est secundum rationem liber um, per quam débet actus ordinari in debitum finem. Unde si deordinetur a debito fine, habet actus rationem peccati, cum rationi sit actum suum ordinare. Ratio autem ha- bet duplicem actum. Unum secundum se , per comparationem ad objeclum suum, quod est cognoscere aliquod propriuni ve- rum, qui est tune inordinatus, quando ra- tio non recte se habet circa ea ad quae te- netur et débet, et sic inordinatio causatur ex ignorantia. Alium actum habet ratio, in quantum est directiva humanorum ac- tuum, et iste actus est imperare vel coer- cere vires inferiores, et per istum actum peccat, quando imperat quod non débet

SUR LES PUISSANCES DE l'aME. 29

commander, ou ne réprime pas ce qu'elle doit réprimer. Il n'est pas contraire à cette doctrine de dire que le péché est dans la volonté ; car la raison précède la volonté d'une certaine façon, et de même celle-ci la raison, parce que la raison dirige la volonté, et la volonté meut la raison,' et par conséquent le mouvement de la volonté est appelé ra- tionnel, et le mouvement de la raison volontaire. Dans la raison même supérieure il peut y avoir péché tant mortel que véniel. Car la raison supérieure doit se montrer dans l'objet propre et dans les objets des forces inférieures. Elle ne_^enorte dans les objets des forces infé- rieures qu'en consultant sur eux les lois éternelles, c'est pourquoi elle se porte en eux par mode de délibération , d'où il arrive que si l'objet des forces inférieures est de sa nature péché mortel , l'acte de la raison supérieure est aussi mortel. Si, au contraire, cet objet est de la nature du péché véniel , il sera véniel , comme on voit lorsque l'on consent aune parole oiseuse. Quant à l'olnjeJjDropxe, la raison su- périeure a un double mouvement, l'un qui est une simple intuition de son objet, et ce mouvement peut être subit dans les choses divines et désordonné, et parce que un désordre, subit sans délibération, n'est pas péché mortel, un tel acte est par conséquent péché véniel, comme un mouvement subit d'infidélité, quoique l'infidélité soit péché mortel. Il y a un autre acte de, la raison supérieure relativement à l'objet propre par délibération , comme lorsqu'il arrive un mouvement de doute touchant la résurrection des morts et qu'on se rappelle en même temps que la résurrection des morts est révélée par la loi de Dieu. Si après le souvenir connu de la loi de Dieu on a un mouvement de doute , alors ce mouvement est délibéré , et c'est un péché d'in- fidélité complet et mortel.! Il est ainsi évident que la raison inférieure peut pécher véniellement et mortellement , mais non sans le consen-

imperare , vel non coercet quod débet coercere. Nec contra istud est, quod pecca- tum dicitur esse in voluntate. Ratio enim quodammodo prœcedit voluntatem , quo- dammodo voluntas rationem, quia ratio dirigit voluntatem , et voluntas raovet ra- tionem, et ideo motus voluntatis dicitur rationalis, et motus rationis voluntarius. In ratione etiam superiori potest esse pec- catum tam mortale quam veniale. Ratio enim superior habet fieri in objectum pro- prium et in objecta virium inferiorum. In objecta virium inferiorum non fertur, nisi in consulendo eis leges aeternas, et ideo in ea fertur per modum deliberatio- nis , unde si objectum virium inferiorum est de génère suo mortale peccatum, actus etiam motus superioris rationis est mor- tale peccatum. Si autem sit in génère pec- cati venialis, erit veniale , ut patet cum

quis consentit in verbum otiosum. Girca proprium autem objectum habet ratio su- perior duplicem motum , unum scilicet simplicem intuitum sui objecti, et iste motus potest esse subitus circa divina et inordinatus , et quia inordinatio subita, sine deliberatione, non est peccatum mor- tale, ideo talis actus est peccatum veniale, ut subitus motus infidelitatis, quamvis in- fidelitas sit peccatum mortale. Alius est actus superioris rationis circa objectum proprium per deliberationem, ut cum oc- currit motus infidelitatis de resurrectione mortuorum , et statim occurrat resurrec- tionem mortuorum a lege Dei traditam , si post conscientiam legis habeat motum in- fidelitatis, tune ille motus deliberatus est, et est peccatum. infidelitatis completum et mortale. Et sic patet quod ratio inferior potest peccare venialiter et mortaliter, sed

30 OPUSCULE XLII, CHAP. 8, SUR LES PUISSANCES DE L'AME.

tement ou la négligence de la raison supérieure. La raison supérieure de son côté peut pécher quelquefois véniellement , d'autres fois mor- tellement et dans la comparaison avec les objets des forces inférieures, et dans la comparaison avec l'objet propre. Or la volonté a son être principalement sujet du péché , parce qu'aucun acte n'est péché, sans être volontaire en quelque manière, comme un acte de la volonté de son ame, puisqu'il n'y a point d'acte proprement bon ou mauvais d'une bonté ou d'une malice morale , comme l'acte de la volonté, et parce que l'acte de la volonté ne passe pas dans la matière extérieure, mais demeure dans l'agent dont il est le plus parfait , un tel acte est par conséquent dans la volonté comme dans le sujet. C'est pourquoi c'est dans la volonté que se trouve le plus complètement le péché , et dans les autres puissances en raison de leur soumission à la volonté, ainsi qu'on a pu le voir.

Fin du quarante-deuxième opuscule de saint Thomas d'Aquin sur les puissances de Vame.

L'Abbé VÉDRINE.

non sine consensu vel negligentia superio- ris. Ratio vero superior, quandoque venia- liter, quandoque mortaliter et in compa- ratione ad objecta viriura inferiorum, et in comparatione ad objectum' proprium. Ipsa autein voluntas maxime subjectum peccati habet esse , quia nullus actus est peccatum, nisi aliquo modo sit voluntarius, gicut actus animae ipsius voluntatis, cum nullus actus sit ita proprie bonus vel ma- lus bonitate vel malitia morali, si eut actus

voluntatis. Et quia actus voluntatis non transit in exteriorem materiam, sed manet in agente, cujus est perfectior, ideo talis actus est in voluntate sicut in subjecto. Unde et in voluntate completissime habet esse peccatum , et in aliis potentiis secun- dum quod voluntati subduntur , ut visum est.

Explicit Opusculum qmdragesimum se- cundum divi Thomœ Aquinatis, de potentat

OPUSCULE XLIII, SUR LE TEMPS. 31

OPUSCULE XLIII.

DU MÊME DOCTEUR, SUR LE TEMPS.

CHAPITRE PREMIER.

Le temps a l'être en dehors de la matière.

Au sentiment d'Aristote, au deuzième livre de la Métaphysique, la difficulté dans la connoissance de la vérité a deux causes, dont l'une vient de nous et l'autre des choses qui sont l'objet de la cognition. Car toute chose étant connue suivant ce qu'elle est en acte , les choses qui sont le plus en acte en elles-mêmes, sont celles qui sont le plus sus- ceptibles d'être connues. C'est pourquoi, sinotreintellectnepeut parve- nir aies atteindre, cela vient de nous et non pas d'elles. Celles, au con- traire, qui ont la plus petite entité en elles-mêmes, sont celles qui sont le moins susceptibles d'être connues. Si nous les ignorons, cela vient non-seulement de nous, mais aussi d'elles. Or, de telles choses sont matière première laquelle n'est pas en soi être en acte; ce sont des choses successives qui n'ont pas une existence complète par soi , mais une existence par quelque chose indivisible de soi ; du nombre de ces choses est le temps. Il suit de qu'il est dificile de savoir ce que c'est que le temps. Néanmoins, pour connoître ce qu'il est, il faut connoître s'il est, parce qu'il est impossible de connoître ce qu'est une chose, si on ignore si elle est. On doute donc d'abord si le temps existe, et il

OPUSCULUM XLIII.

Ejusdem doctoris, de tempore.

CAPUT PRIMUM.

Quod tempus habet esse extra materiam. Sicut vult Philosophus, II. Metaph., dif- ficultas in cognoscendo veritatem , causa- tur ex duobus , quia causatur quandoque ex parte nostra, quandoque ex parte rerum cognoscibilium. Cum enim unumquodque cognoscatur secundum quod est in actu, quse secundum se sunt maxime actu , se- cundum se sunt maxime cognoscibilia. Unde quod intellectus noster ad eorum co- gnitionem non attingat , hoc non est ex

se, sunt minime cognoscibilia. Unde quod ea ignoremus, hoc non solum est ex parte nostra , sed etiam ex parte eorum. Talia autem sunt materia prima, quœ secundum se non est eus in actu, et omnia successiva, quae secundum se tota non extant, sed se- cundum aliquid indivisibile sui , de nu- méro quorum est tempus. Ex quo sequi- tur quod difficile est cognoscere quid sit tempus. Ad cognoscendum tamen quid sit, oportet cognoscere an sit, quia impossibile est cognoscere de aliquo quid sit, ignorato an sit. Dubitatur ergo primo an tempus sit,

parte eorum, sed ex parte nostra. 111a vero et videtur quod non, quia illud quod com- quee minimarn entitatem habent secundum I ponitur ex partibus quœ non sunt , vide-

32 OPUSCULE XLI1I, CHAPITRE 1.

paroît que non, parce que ce qui se compose de parties qui n'existent pas semble n'avoir pas d'existence. Car l'entité d'un tout semble ré- sulter de l'entité des parties; or le temps se compose du passé et de l'a- venir qui n'existent pas, le passé a existé et n'existe plus, et l'avenir n'existe pas encore; il semble donc que le temps ne possède pas l'être. Et on ne peut pas dire qu'une partie du temps existe maintenant en soi, parce qu'il n'y a pas dans le moment présent une partie du temps. Car toute partie prise une fois sert à mesurer le tout, ou du moins toute partie tombe dans la composition du tout. Mais ce qui est pris présentement en plusieurs fois ne sert pas à mesurer le temps, et le temps n'en est pas composé non plus, comme on le prouve dansée livre YI de la Physique, par la raison qu'une chose continue ne peut être composée d'indivisibles. D'où il est évident que le moment pré- sent n'est pas une partie du temps. Il n'y a donc rien du temps qui soit partie du temps. Je réponds qu'il faut dire que l'existence du temps est nécessaire , ce qui est évident puisque toutes les choses gé- nérables et corruptibles s<»nt mesurées par le temps, car elles tirent du temps le principe et la fin de leur être, ainsi que le veut Aristote, livre IV delà Physique. Si donc le temps n'existoit pas, il n'y auroit rien degénérable ou d'incorruptible, ce qui ne peut se dire. Il s'est cependant trouvé des philosophes qui , pour les raisons alléguées ci- dessus , ont affirmé que le temps n'existoit que dans l'ame , et ils donnent deux raisons pour prouver leur assertion. La première, c'est que le temps étant un nombre mû, ou il existe dans la matière numé- rable, ou dans l'ame qui nombre; la première supposition ne peut pas se faire, parce que la matière numérable du temps n'est autre chose que la priorité ou la postériorité dans le mouvement, en quoi il ne peut pas être, puisque ce sont des non-êtres. Il s'ensuit donc que

tur non esse. Entitas enim totius videtur consurgere ex entitate partium ; tempus autem componitur ex prœterito et futuro, quœ non sunt , prœteritum enim fuit et non est, futurum autem nondum est, vi- detur ergo tempus non esse. Nec potest dici, quod aliqua pars temporis sit, scilicet ipsum nunc, quia nunc pars temporis non est. Omnis enim pars aliquoties accepta mensurat totum, aut saltem omnis pars cadit in compositione totius. Nunc autem multoties acceptum , non mensurat totum tempus , nec iterum ex ipsis non compo- nitur tempus, ut probatur VI. Phys., eo quod ex indivisibilibusnon potest componi aliquod continuum. Unde manifestum est quod nunc non est pars temporis. Nihil ergo quod sit pars temporis , de tempore existit. Respondeo dieendum, quod neces-

sarium est tempus esse ; quod patet quia omnia generabilia et corruptibilia tempore mensurantur. Accipiunt enim principium et finem sui esse in tempore, ut vult Phi- losophus, IV. Phys. Si ergo tempus non esset, nihil esset generabile vel corrupti- ble, quod est inconveniens , tempus ergo est. Fuerunt tamen quidam , qui propter rationem superius inductam , dixerunt tempus non esse nisi in anima, qui ad con- firmandam suam positionem adducunt duas rationes. Prima est, quia cura tempus sit numerus motus, aut erit in materia nume- rabili, aut in anima numerante ; non pri- mum, quia materia numerabilis temporis non est nisi prius et posterius in motu, in quibus nihil potest esse, cum ipsa sint non entia. Sequitur ergo quod tempus solum sit in anima numerante. Secunda est ratio,

SUR LE TEMPS. . 33

le temps existe seulement dans l'ame numératrice. La seconde raison est que si le temps existoit dans une chose ab extra, comme le nombre d'un mouvement extérieur , il s'ensuivroit alors que celui qui ne saisiroit pas le mouvement extérieur, ne saisiroit pas non plus le temps, ce qui est contraire au sentiment d'Aristote , qui dit au qua- trième livre de la Physique, que si étant dans les ténèbres nous n'é- prouvons rien par la vue des choses extérieures visibles, et nous ne sentons pas quelque mouvement des corps extérieurs, pourvu néan- moins qu'il se fasse quelque mouvement dans l'ame par la succession des pensées et des imaginations, nous avons toujours le sentiment du temps. Il suit de que le temps suit toujours le mouvement qui est dans l'ame, et qu'il n'existe que dans l'ame. C'étoit l'opinion deGalé- nus admise aussi en partie par Averrhoès, lorsqu'il a dit que le temps étoit hors de l'ame sous un certain rapport, mais seulement dans l'ame quant à son complément. Cela ne peut être vrai , parce que le temps étant un nombre et un nombre nombre, il est ainsi nécessaire que le temps existe comme existe le mouvement. Or, il est constant que le mouvement est dans la chose ab extra , donc le temps existe ab extra dans la chose. De même une quantité continue est une vraie chose hors de l'ame; or le temps est une vraie quantité continue, donc il est impossible qu'il soit dans l'ame ; il faut donc dire par conséquent que le temps est dans la chose ab extra. Pour comprendre cela il faut considérer que le nombre étant dans les choses nombrées, comme l'être des choses nombrées dépend de l'intellect numérateur, il en est de même du nombre , tandis que l'être des choses nombrées ne dépend pas de notre intellect, mais bien de l'intellect qui est la cause des choses, comme l'intellect divin. Donc le nombre des choses ne dépend pas non plus de notre intellect. Or, le temps est* un nombre

quia si tempus esset in re extra , tanquam numerus alicujus motus exterioris, tune sequitur quod qui non apprehenderet mo- tum exteriorem , non apprehenderet tem- pus, cujus oppositum vult Philosophus, IV. Phys., qui dicit, quod sisumus in te- nebris et nihil patiamur per visum ab exte- rioribus visibilibus, nec sentiamus aliquem motum exteriorum corporum, dum tamen fiât aliquis motus in anima per successio- nem cogitationum vel imaginationum , semper sentimus tempus. Ex quo sequitur quod tempus semper sequatur motum qui est in anima, et quod solum sit in anima. Hujus opinionis fuit Galenus, cui etiam in tantum consensit Averrhoès, quod dixit, tempus secundum quid esse extra animam, secundum vero complementum sui, esse solum in anima. Tstud non potest habere

veritatem , quia cum tempus sit numerus motus et sit numerus numeratus, sic est necesse esse tempus, sicut et motus. Con- stat autem quod motus est in re extra. Ergo et tempus est in re extra. Item, quan- titas continua est vera res extra animam, tempus autem est vera quantitas continua, ergo impossibile est quod sit in anima. Et ideo dicendum, quod tempus sit in re ex- tra. Ad cujus intellectum considerandum est, quod cum numerus sit in rébus nume- ratis, sicut dependet esse rerum numera- tarum ab intellectu numeraute, ita et nu- merus. Esse autem rerum numeratarum non dependet ab intellectu nostro, sed ab intellectu qui est causa rerum , sicut est intellectus divinus. Ergo nec numerus re- rum dependet ab intellectu nostro. Tem- pus autem numerus motus est, et ideo sicut

V.

34 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 1.

mû, et conséquemment comme le mouvement ne dépend pas de notre intellect, il en est de même du temps, lly en a cependant qui disent que le mouvement dépend aussi de Famé , parce que le mouvement étant quelque chose de successif, ses parties qui sont l'antériorité et la pos- tériorité, n'ont pas l'être ab extra dans la chose, mais seulement dans l'ame comparant la première disposition du mohile à la disposition suivante, et par conséquent il n'a l'être dans l'ame que simpliciter et quant à son être parfait. Mais dans la chose ab extra il n'a l'être que suivant quelque chose d'indivisible de soi, et cet être est un être im- parfait secundum quid; ils en disent de même du temps. Cette asser- tion ne peut tenir, parce que ce en quoi le mouvemrnt existe suivant son être complet et parfait, se meut d'une manière nécessaire. Donc, si le mouvement existoit dans l'ame suivant son être complet, l'ame auroit un mouvement nécessaire, ce qui ne peut pas être. C'est pour- quoi il faut comprendre que tout être vient de l'acte. Or, l'acte est divisible, comme le veut Aristote, livre IX de la Métaphysique. Car il y a un acte existant tout entier et simultanément, comme l'ame ou la blancheur. Il y a un autre acte successif, comme le jour, l'agonie, l'infini, le vide, au nombre desquels sont le mouvement et le temps. Donc, comme l'être suit l'acte, le mode d'être suivra le mode d'acte. Donc l'être qui vient de l'acte premier est d'être simultanément , et un tel être est l'être complet qui est à une chose perfectionnée par l'acte premier. Au contraire, l'être qui vient de l'acte second, c'est-à- dire de l'acte successif, est un être successif. Et tel est l'être parfait qui est à un tel acte ou à une chose perfectionnée par un tel acte ; par conséquent l'être parfait du mouvement et du temps , qui est à l'un et à l'autre suivant la raison de sa propre espèce , n'est pas un être simultanément existant, comme ils disent, maisbien un être ensuc-

motus non dependet ab intellectu nostro, ita nec tempus. Sunt tamen quidam, qui dicunt etiam motus dependere ab anima, quia cum motus sit aliquod successivum , partes ejus quae sunt prius et posterius, non habent esse in re extra , sed solum in anima comparante priorem dispositionem mobilis ad posteriorem , et ideo solum ha- bet esse in anima simpliciter , et quantum ad esse suum perfectum. In re autem extra habet esse solum secundum aliquod indi- visible sui, et istud esse est imperfectum esse et secundum quid, et idem dicunt ipsi de tempore. Istud non potest stare , quia illud in quo motus est secundum esse suum completum et perfectum , necessario mo- vetur. Si ergo motus secundum esse suum completum esset in anima , anima neces- sario moveretur, quod est inconveniens, et ideo intelligendum est quod omne esse ab

actu est. Actus autem est divisibilis , ut vult Philosophus, IX. Metaph. Est enim actus quidam totus simul existens , sicut anima aut albedo. Et est alius actus suc- cessivus, ut dies et agon, infinitum et va- cuum, de numéro quorum sunt et motus et tempus. Cum ergo esse sequatur actum et modus essendi sequetur modum actus , esse igitur quod est ab actu primo, est esse simul, et taie est esse completum quod de- betur rei perfectae per primum actum. Esse vero quod est ab actu secundo , scilicet ab actu successivo , est esse successivum. Et taie est esse perfectum , quod debetur tali actui vel rei perfectae per talem actum , et ideo esse perfectum ipsius motus et tem- poris, quod debetur utrique secundum ra- tionem propriae speciei, non est esse simul existens , sicut ipsi dicunt , sed est esse in successione , quod est secundum aliquid in-

SUR LE TEMPS. 35

eession, ce qui est suivant quelque chose d'indivisible de soi. La solu- tion estévidenteponr les raisonsopposées. A la première assertion il faut dire, que le passé et le futur ne sont pas pour exister simultanément, et celan'estpasrequispour l'être du temps, puisqu'il est successif, comme on l'a dit. Il a néanmoins l'être par quelque chose d'indivisible de soi qui les continue présentement. Aux autres raisons qui prouvent que le temps existe dans l'ame il faut répondre : lorsqu'on dit, le temps étant nombre possède l'être dans la matière numérable qui est l'antériorité et la postériorité, il faut dire que le temps a l'être dans l'antériorité et la postériorité du mouvement. Et lorsque vous dites que ces choses n'existent pas, c'est vrai sous l'être permanent , elles ont néanmoins l'être successif, comme il a été dit. A l'autre assertion il faut répondre que le temps suit un mouvement extérieur, savoir le premier mouve- ment ; il n'y a pas d'empêchment à cela dans ce que en saisissant tout mouvement, le mouvement premier est aussi compris au moins virtuellement, parce qu'il est la cause de toute transmutation. Mais parce qu'on a dit que le temps étant successif ne possède l'être tjue par le moyen de quelque chose indivisible de soi qui est le présent, ce n'est pas sans raison que l'on doute si le moment présent est le même dans le même temps, ou s'ilest successivementdifferent.il semble qu'il est absolument le même,' car de même qu'il est impossible que deux parties de temps existent ensemble à moins qu'une ne contienne l'autre, comme l'année contient le mois, le mois la semaine, la se- maine le jour; de même aussi il est impossible que deux instants pré- sents existent en même temps dans le temps, puisque l'un ne renferme pas l'autre; si donc le premier moment présent ne peut pas être en même temps que le suivant, il faut nécessairement que le premier soit anéanti. Or, tout ce qui est altéré l'est dans quelque instant pré-

divisibile ipsoruin. Ad rationes in opposi- tum patet solutio. Ad primum dicendum , quod prateritum et futurum non sunt sic, ut simul sint , nec hoc requiritur ad esse temporis , eu m sit successivum , ut decla- ratum est ; habet tamen esse per aliquid indivisibile sui, quod continuât ea, scilicet per ipsum nunc. Ad alias rationes proban- tes tempus esse in anima dicendum est. Cum arguitur , tempus cum sit numerus, aut habet esse in materia numerabili quse sunt prius et posterais, dicendum quod tempus habet esse in priori et posteriori motus. Et cum dicis, quod hœc non sunt, ve- rum est sub esse permanenti, habent tamen esse successivum , ut dictum est. Ad aliud dicendum, quod tempus sequitur motum exteriorem aliquem , scilicet primum mo- tum ; nec obstat hoc, quia apprehenso quo-

cumque motu, comprehenditur motus pri- mus saltem virtualiter , eo quod ipse est causa omnis transmutationis. Quia vero dictum est, quod tempus cum sit successi- vum, habet esse solum per aliquod indivi- sibile sui, quod est nunc, non irrationabi- liter dubitatur, utrum sit unum et idem nunc in eodem tempore, an aliud et aliud. Videtur enim, quod sit unum et idem, quia sicut impossibile est duas partes temporis simul esse, nisi una contineat aliam , sicut annus mensem, mensis seplimanam, septi- mana diem ; ita impossibile est duo nunc in tempore simul esse, cum unum non con- tineat alterum; si ergo primum nunc non potest simul esse cum posteriori, necesse est primum esse corruptum. Omne autem quod est corruptum , corruptum est in aliquo nunc. Nunc ergo quod est corrup-

36 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 1.

sent. Donc le présent qui est altéré, ou est altéré en lui-même ou dans quelque instant présent postérieur, parce que cela seroit ou dans le présent médiat ou dans le présent immédiat ; ce n'est pas dans le présent immédiat, parce que l'instant présent n'est pas la continuation d'un autre instant présent , de même que un point ne continue pas un autre point, comme on le prouve dans le sixième livre de la Phy- sique. Il ne peut pas non plus être corrompu dans le moment présent médiat, parce qu'il y a un temps moyen entre deux présents, de même qu'il y a une ligne médiane entre deux points. Or, dans tout temps il y a une infinité de moments présents. Si donc le présent antérieur é toit altéré dans le présent postérieur médiat, il s'ensui- vroit qu'il auroit l'être avec une infinité de présents moyens , ce qui est impossible. Il est donc impossible qu'il y ait dans le temps deux moments présents. Il y a à cela une double objection. D'abord, parce que chaque continu fini a au moins deux termes. Or, le présent est le terme du temps, et pour déterminer un temps limité. Donc il y a au moins deux présents dans le temps. La seconde c'est qu'on dit que des choses existent ensemble lorsqu'elles existent dans le même temps présent. Si donc il n'y avoit pas plusieurs présents dans le temps, mais bien un seul , il s'ensuivroit que les choses qui se feront dans mille ans existeroient en même temps que les choses qui existent au- jourd'hui. Or c'est impossible. Il faut remarquer qu'ainsi qu'il a été dit, l'existence des choses successives consiste en ce qu'elles existent suivant quelque chose d'indivisible de soi qui peut être mani- festé , parce que chaque partie d'une chose successive est divisible en différentes parties. Si donc il existoit quelque chose de successif, non-seulement suivant quelque chose d'indivisible de soi , mais sui- vant quelque partie de soi , il s'ensuivroit qu'un grand nombre de parties d'une chose successive existeroient en même temps, ce qui est

tum, aut est corruptum in seipso aut in aliquo posteriori ; non in seipso, quia nunc est, nec in aliquo posteriori , quia aut hoc esset in nunc mediato, aut in nunc imme- diato : non in nunc immediato, quia unum nunc , non est continuura alii nunc, sicut nec punctus puncto, ut probatur VI. Phys. Nec potest corrurnpi in nunc mediato , quia inter quaelibet duo nunc, est tempus médium, sicut inter quaîlibet duo puncta, est linea média. In quolibet autem tem- pore sunt infinita nunc. Si ergo nunc prius, corrumperetur in nunc posteriori mediato, sequitur quod haberet esse cum infinitis nunc mediis, quod est impossibile. Impos- sible est ergo, duo nunc esse in tempore. Oppositum hujus videtur dupliciter. Primo quia cujuslibet continui finiti sunt duo ter-

mini ad minus ; nunc autem terminus tem- poris est , et est accipere tempus finitum, ergo ad minus sunt duo nunc in tempore. Secundo, quia illa dicuntur simul esse, quae sunt in eodem nunc temporis. Si ergo non essent plura nunc in tempore , sed unum tantum, sequitur quod ea quœ fient post millesimum annum , simul essent cum his quas sunt hodie ; hoc autem est impossi- bile. Intelligendum quod, sicut dictum est, esse successivorum consistit in hoc quod existant secundum aliquid indivisibile sui, quod manifestari potest , quia quœlibet pars cujuslibet successivi divisibilis est in diversas partes. Si ergo aliquod successi- vum existeret non solum secundum aliquid indivisibile sui, sed secundum aliquam sui partem , sequitur quod multa? partes ali-

SUR LE TEMPS. 37

contraire à la condition des choses successives. Nous pouvons prouver cela plus particulièrement à l'égard du temps, parce que chaque par- tie du temps est temps. Si donc il existoit quelque partie du temps, il s'ensuivroit que le temps existerait en soi, ce qui est faux. Donc le temps existe en quelque chose de divisible de soi, qui est le moment présent. Cela supposé, il faut dire que le seul et même présent se trouve dans tout le temps selon la substance , différent quant à l'être et la. raison. La raison de cela est que au moment présent qui est dans le temps succède ou un autre présent ou quelque partie, et non un autre présent; parce que un moment présent ne peut pas être continué par un autre ; ce n'est pas non plus quelque partie de temps , parce que nulle partie de temps ne peut exister en soi, comme il a été prouvé. Donc il est impossible qu'un présent succède à un autre présent dans le temps. En outre, il en est du présent, relativement au temps, comme de ce qui est porté au mouvement, de même que nous connoissons le mouvement par ce qui y est porté , aussi bien que l'antériorité et la postériorité dans le mouvement en voyant les différentes positions de ce qui est , ainsi sont déterminées par le présent dans le temps l'antériorité et la postériorité. Mais ce qui est porté au mouvement est identiquement le même dans tout le mouvement, mais différent quant à l'être, en raison du changement de position. Donc, le présent est identiquement le même dans tout le temps suivant la substance et différent quant à l'être selon qu'il est considéré dans les différentes successions de temps. Et les raisons alléguées d'abord ne valent rien. Car lorsqu'on dit que chaque fini a au moins deux termes, il faut dire que chaque fini continu permanent a deux termes différents quant à la chose , mais pour le continu fini successif il n'est pas nécessaire

cujus successivi simul essent, quod est contra rationem successivorum. Specialius autem possumus hoc probare de tempore, quia quœlibet pars temporis est tempus. Si ergo aliqua pars temporis existeret, sequi- tur quod tempus secundum se existeret , quod est falsum. Existit ergo tempus se- cundum aliquid sui indivisibite , illud au- tem est nunc. Hoc supposito dicendum est quod unum et idem nunc est in toto tem- pore secundum substantiam, différais se- cundum esse et rationem. Cujus ratio est, quia ipsi nunc , quod est in tempore , aut succedit aliud nunc , aut aliqua pars tem- poris, non aliud nunc; quia unum nunc non potest continuari alii nunc ; non ali- qua pars temporis , quia nulla pars tem- poris secundum se existere potest , ut pro- batum est. Ergo impossibile est quod unum nunc succédât alii nunc in tempore. Pra> terea , sicut se habet illud quod fertur ad

motum , ita nunc ad tempus , quia sicut per illud quod fertur, cognoscimus motum et prius et posterius in motu, in quantum videmus illud quod movetur, aliter et ali- ter se habere , ita per nunc cleterminatur prius et posterius in tempore. Sed quod fertur unum est et idem secundum sub- stantiam in toto motu , aliud et aliud se- cundum esse in quantum est alibi et alibi. Ergo et ipsum nunc unum et idem est in toto tempore secundum substantiam, aliud et aliud secundum esse , in quantum scili- cet consideratur in alio et alio successu temporis. Nec valent rationes prius ad- ducta?. Cum enim dicitur quod cujuslibet finiti sunt duo termini ad minus , dicen- dum quod cujuslibet continui finiti per- manentis, sunt duo termini différentes se- cundum rem, continui vero finiti successivi non oportet quod sint duo termini secun- dum subjectum, sed solum secundum ra-

38 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 2.

qu'il y ait deux termes suivant le sujet, mais bien suivant la raison. C'est pourquoi il est faux de supposer qu'il y a un temps limité . En effet, il ne faut pas prendre un temps fini en acte et limité par le pré- sent , si ce n'est clans notre imagination , ou par rapport à quelque mouvement qui est limité dans le temps. Car tout le temps est continu en soi et il n'y a actuellement nulle partie séparée de l'autre. À l'autre objection, il faut répondre que l'on ne dit pas exister simultanément suivant le temps les choses qui sont dans le même présent quant à la substance, mais bien celles qui sont dans le même présent quant à l'être et à la raison. Mais les choses qui arriveront dans mille ans et celles qui existent aujourd'hui, quoiqu'elles soient dans le même pré- sent quant à la substance , elles n'y sont pas quant à l'être , on ne doit donc pas dire qu'elles existent simultanément.

CHAPITRE II.

Le temps n'est pas un mouvement, mais quelque chose du mouvement.

Après avoir reconnu que le temps existe, il faut rechercher ce qu'il est. Or, il faut considérer que le temps n'est pas un mouvement comme certains ont cru que le temps étoit un mouvement du ciel ap- pelé circulation, parce que toute partie du temps est temps. Si donc le temps étoit une circulation, il s'ensuivroit que toute partie de la cir- culation seroit circulation, ce qui est cependant faux. De même, tout mouvement est prompt ou lent, or le temps n'est ni rapide ni lent, donc le temps n'est pas un mouvement. La mineure est évidente, car la rapidité et la lenteur sont déterminées par le temps, mais le temps n'est pas déterminé par le temps, ni quant à la quantité, ni quant à la qualité. Secondement, il faut considérer que quoique le temps ne soit

tionem. Et praeterea falsum supponit ratio in hoc quod ponit quod est dare tempus finitura. Non enim e§t accipere aliquod tempus actu finitum et terminatum per nunc, nisi secundum imaginationem nos- tram, vel per relationem ad aliquem mo- tum, qui in tempore terminatur. Totum enim tempus secundum se continuum est, nec est actualiter una pars divisa ab alia. Ad aliud dicendum, quod non dicuntur esse simul secundum tempus, quaecumque sunt in nunc eodem secundum substantiam, sed quae sunt in eodem nunc secundum esse et secundum rationem. Illa autem quae fient post millesimum annum et quae sunt ho- die, licet sint in eodem nunc secundum substantiam, non tamen sunt in eodem se- cundum esse, et ideo non oportet quod di- catur esse simul.

CAPUT II.

Quod lempus non est motus, sed aliquid ejus.

Viso ergo quod tempus sit, inquiren- dum est quid sit. Est autem consideran- dum , quod tempus non est motus , sicut quidam opinati sunt tempus esse motum cœli, qui circulatio dicitur , quia quaelibet pars temporis est tempus. Si ergo tempus esset circulatio, sequeretur quod quaelibet pars circulationis esset circulatio, quod ta- men falsum est. Item omnis motus est ve- lox vel tardus , tempus autem nec tardum est, nec velox. Ergo tempus non est motus. Minor patet, quia velox et tardum deter- minantur tempore, tempus autem non de- terminatur tempore , nec quantum ad qualitatem. Secundo considerandum, quod

SLR LE TEMPS. 39

pas un mouvement, il n'est pas cependant sans mouvement. En effet, comme nous ne nous transformons pas dans notre cognition par la succession des choses susceptibles de cognition, nous ne saisissons pas alors le temps, parce que nous ne saisissons pas le mouvement, comme il arriva aux dormeurs de Sardes de la fable. Là, par le moyen de certains enchantements, on rendoit insensibles des hommes qui, à leur réveil , disoient avoir vu des merveilles. Ces personnes en s'éveillant ne tenoient pas compte du temps qui s'étoit écoulé, parce qu elles joignoient l'instant présent elles s'étoient endormies à l'ins- tant présent elles s'étoient réveillées, comme s'il n'y avoit pas eu de temps intermédiaire. De même donc que s'il n'y avoit rien eu d'in- termédiaire entre ces deux instants présents , il n'y auroit pas eu de temps, ainsi elles ne percevoient pas le temps, parce qu'elles ne perce- voient pas l'intermédiaire ; donc de même , nous ne percevons pas le temps, parce que nous ne percevons pas le mouvement. Mais lorsque nous percevons le mouvement et que nous déterminons en lui l'anté- riorité et la postériorité, alors nous percevons le temps. Il reste donc à dire que quoique le temps ne soit pas un mouvement , il n'est pas néanmoins sans mouvement. Donc comme nous connoissons en " même temps le mouvement et le temps, il est évident que le temps est quelque chose du mouvement lui-même. Or, le mouvement suit la grandeur sous deux rapports, quant à la continuité et quant à l'anté- riorité et à la postériorité, et il en est de même du temps à l'égard du mouvement. Mais la priorité et la postériorité du mouvement, quoi- qu'elles soient subjectivement la même chose avec le mouvement, en diffèrent néanmoins en raison, par la raison que dans la définition du mouvement elles sont déterminées dans le liv. IV de la Physique. Consé- quemment il reste à chercher en raison de quoi le temps suit le mou- vement, si c'est absolument en raison du mouvement ou de l'antério-

licet tempus non sit motus, non tamen est sine motu. Cum enim nos non transmuta- mur secundum cognitionem nostram per successionem cognoscibibum, tune non ap- prehendimus tempus, quia nec apprehen- dimus motum, sicut accidit his quos fa- bulantur dormisse in Sardo apud Heroes. Ibi enim reddebantur aliqui insensibiles propter quasdam incantationes, quod exci- tati dicebant se vidisse quaedam mirabilia. Taies autem qui excitabantur , non perci- piebant tempus quod fiuxerat, eo quod co- pulabant primum nunc in quo dormire cœperant, posteriori nuuc, in quo excitati fuerant, ac si non fuisset tempus médium. Sicut ergo si nihil fuisset médium inter illa duo nunc, non fuisset tempus, ita quia non percipiebant médium, non percipie-

bant tempus , sic ergo non percipimus tempus, quia non percipimus motum. Cum autem percipimus motum et determina- mus prius et posterius in ipso , tune perci- pimus tempus. Relinquitur ergo, quod licet tempus non sit motus, non tamen est sine motu. Quia ergo simul cognoscimus mo- tum et tempus, manifestum est quod tem- pus est aliquid ipsius motus. Motus autem sequitur magnitudinem quantum ad duo , scilicet quantum ad continuitatem et quan- tum ad prius et posterius, et similiter tempus motum. Prius autem et posterius motus, licet sint idem subjecto cum motu, differunt tamen ratione , eo quod in diffi- nitione motus assignantur in IV. Physic. Et ideo restât inquirere, ratione cujus tempus sequitur motum, utrum scilicet ra-

40 OPUSCULE XLIH, CHAPITRE 2.

rite et Je la postériorité. Il faut dire que c'est à raison de l'antériorité et de la postériorité, parce que c'est par que le temps se reconnoît. Donc le temps suit le mouvement à raison de la priorité et de l'anté- riorité, sur quoi il faut comprendre que l'antériorité et la postériorité dans le mouvement peuvent être considérées sous un double point de vue. Le premier suivant qu'elles sont sous la forme de continu d'une manière absolue, et de cette manière en coimoissant l'antériorité et la postériorité, nous connoissons en même temps le mouvement. Le se- cond, suivant qu'elles sont sous une forme discrète, en tant que, par exemple, l'ame dit que la postériorité est différente de l'antériorité , que ce sont deux choses diverses, et une seule chose, et ainsi le temps n'est pas absolument le mouvement, ni absolument non plus l'antério- rité et la postériorité du mouvement, mais c'est l'antériorité et la pos- tériorité du mouvement dénombrées , comme il a été dit. Nous pou- vons tirer de une définition du temps, que le temps est le nombre suivant l'antériorité et la postériorité. Que le temps soit un nombre, c'est évident. C'est par le nombre en effet que nous jugeons du plus ou du moins d'une chose, et c'est par le temps que nous jugeons du plus ou du moins dans le mouvement; donc le temps est un nombre. Or, il y a deux sortes de nombres, le nombre absolu qui sert à la nu- mération, comme un, deux, trois, et le nombre nombre, comme le nombre dix hommes. Le temps, en effet, n'est pas un nombre servant à la numération, mais un nombre nombre, c'est l'antériorité et la pos- tériorité en tant que nombrées dans le mouvement. Et quoique le nombre servant àla numération soit quelque chose de discret, le temps est cependant quelque chose de continu , comme dix aunes de drap sont continues, quoique le nombre dix soit quelque chose de discret. Le temps étant donc quelque chose de discret et quelque chose decon-

tione motus absolute aut ratione prioris et posterions. Dicendum , quod hoc est ra- tione prioris et posterions, quia ex priori et posteriori in motu cognoscitur tempus. Ergo tempus sequitur motum ratione prioris et posterioris, juxta quod intelli- gendum est, quod prius et posterius in motu possunt considerari dupliciter. Uno modo, prout sunt sub forma continui ab- solute , et sic cognoscendo prius et poste- rius , simul cognoscimus motum. Alio modo , ut sunt sub forma discreta , in quantum scilicet anima dicit posterius esse aliud a priori , et ipsa esse duo et unum , et sic tempus non est motus absolute, nec prius ac posterius motus absolute , sed est prius et posterius motus ut nuinerata sunt. Ex quo possumus concludere diffinitionem temporis, quod tempus est numerus motus

secundum prius et posterius. Quod autem tempus sit numerus patet. Numéro enim judicamus aliquid plus vel minus, tempore autem judicamus motus esse minorem et majorem. Ergo tempus est numerus. Nu- merus autem est duplex. Est enim nume- rus absolute quo numeramus , ut unum , duo, tria, etc. Et numerus numeratus , ut numerus decem hominum. Tempus enim non est numerus quo numeramus, sed nu- merus numeratus; est enim prius et poste- rius , ut numerata sunt in motu. Et licet numerus quo numeramus , sit aliquid dis- cretum, tamen tempus est aliquid conti- nuum, sicut decem ulna? panni sunt con- tinua?, licet numerus denarius sit aliquid discretum. Quia ergo tempus et est aliquid discretum et aliquid continuum, relinqui- tur quod in tempore est dare aliquo modo

SUR LE TEMPS. 41

tinu, il reste à reconnoître dans le temps un nombre minime dans un sens et non dans un autre. Car dans un nombre on peut simplement prendre le plus petit comme l'unité, ou un des plus petits comme le nombre deux, qui a la raison de nombre. Mais dans le nombre nombre, comme dans la multitude des lignes, il faut prendre le moindre suivant la multitude, comme une ou deux lignes. Mais suivant la grandeur il ne faut pas prendre la plus petite ligne, parce que toute ligne est divi- sible en d'autres lignes. Comme aussi dans le temps il faut prendre le plus petit temps suivant la multitude, comme par exemple un jour ou deux jours dans le genre des jours ; mais il ne faut pas prendre le plus petit suivant la grandeur, parce que tout temps est divisible à l'infini, ainsi que tout continu. Or, parce que le temps est nombre et qu'il est aussi continu, voilà pourquoi on dit qu'il est abondant et rare, long et court, mais non rapide ou lent. L'abondance et la rareté sont des pas- sions du nombre, et c'est pour cela que le temps étant nombre est dit abondant ou rare. Long ou court sont des passions du continu, c'est pour cela que l'on dit de la ligne qu'elle est longue ou courte, et c'est pour cela qu'étant continu le temps est dit long ou court. Il n'est pas dit rapide ou lent, parce qu'étant un nombre mû, si le temps étoit dit rapide ou lent, ce seroit à raison ou du nombre ou du mouvement. Ce ne seroit pas à raison du nombre, parce que le nombre n'est dit ni ra- pide ni lent, ce ne seroit pas à raison du mouvement, parce que, quoique le temps soit quelque chose du mouvement, on ne peut pas dire que le temps soitle mouvement. C'est pourquoi il ne faut pas attribuer au temps les passions du mouvement qui sont rapide et lent, parce que rapide et lent sont déterminés par le temps , et c'est pour cela que le temps n'est dit ni rapide ni lent. Mais la continuité dans le temps vient de la continuité du mouvement, non de toute espèce de mouvement,

numerum minimum, et aliquo modo non. In numéro enim simpliciter est dare mini- mum, sicut unitatem, vel minimum quod habet rationem numeri, sicut est binarius. In numéro autem numerato, sicut in mul- titudine linearum est dare minimum se- cundum multitudinem, sicut unam lineam aut duas ; secundum magnitudinem autem non est dare minimam lineam, eo quod omnis linea divisibilis est in alias lineas. Sicut etiam in tempore est dare minimum tempus secundum multitudinem : puta, unam diem vel duos dies in génère die- rum ; minimum autem tempus secundum magnitudinem non est dare, eo quod omne tempus divisibile est in infinitum, sicut et quodlibet continuum. Quia autem tempus et est numerus et est continuum, inde est quod dicitur multum et paucum, brève et longum, non autem velox vel tardum.

Multum enim et paucum sunt passiones numeri et ideo tempus , quia est numerus, dicitur multum et paucum. Longum autem et brève sunt passiones continui, unde linea dicitur longa vel brevis , et quia tempus est continuum, ideo dicitur longum vel brève. Velox autem aut tardum non dici- tur, quia cum tempus sit numerus motus, si diceretur velox aut tardum , aut hoc es- set ratione numeri aut motus ; non ratione numeri, quia numerus neque velox neque tardus dicitur ; neque ratione motus, quia licet tempus sit aliquid motus, non est ta- men dicere quod tempus sit motus. Et ideo non oportet passiones motus , quae sunt velox et tardum, dici de tempore, quia velox et tardum determinantur tem- pore, et ideo tempus non dicitur velox nec tardum. Continuitas autem in tempore est ex continuitate motus, non cujuscumque,

42 OPUSCULE XLIII , CHAPITRE 2.

mais du premier ; et en conséquence parce que le premier mouve- ment est un, le temps est quelque chose de un mesurant tous les mou- vements faits en même temps. Or l'antériorité et la postériorité du temps sont diverses comme dans le mouvement. D'où il arrive que de même que la même circulation est réitérée suivant l'espèce, mais non suivant le nombre, ainsi le temps se réitère suivant l'espèce, mais non suivant le nombre. Or, nous mesurons le mouvement par le temps et le temps par le mouvement, entant que nous déterminons la quantité de l'un par la quantité de l'autre. En effet, nous mesurons le mouve- ment par le temps, parce que le temps, suivant ce qu'il est, est un nombre ; nous mesurons aussi le temps en tant que nous détermi- nons sa quantité par la quantité du mouvement qui nous est connue. Nous disons, en effet, que le temps est abondant, parce que le mouve- ment qui s'est fait dans le temps est considérable, et cela se fait rationnellement. Car le mouvement suit la grandeur quant à la conti- nuité et à l'antériorité et à la postériorité, et le temps suit de même le mouvement. Or, nous mesurons le mouvement par la grandeur et vwe versa. Nous disons, en effet, que le mouvement est considérable, parce que la grandeur sur laquelle s'effectue le mouvement est consi- dérable; et de même nous disons que la grandeur est considérable, parce que un grand mouvement s'est opéré sur la grandeur. C'est pour cette raison et de la même manière que nous déterminons la quan- tité du temps par le mouvement, et la quantité du mouvement par le temps.

sed primi ; et ideo quia motus primus unus est , tempus est unum mensurans omnes motus simul factos. Prius autem et posterius temporis altéra sunt , sicut prius et posterius motus. Unde sicut reiteratur eadem circulatio secundum speciem et non secundum numerum , ita tempus reiteratur idem secundum speciem et non secundum numerum. Mensuramus autem motum tem- pore, et tempus motu, in quantum deter- minamus quantitatem unius per quantita- tem alterius. Motum enim mensuramus tempore , quia tempus secundum id quod est, est numerus motus; tempus etiam mensuramus , in quantum scilicet per quantitatem motus nobis notam determi-

namus quantitatem temporis. Dicimus enim quod tempus est multum, quia mo- tus qui t'actus est in tempore est multus, et hoc rationabiliter accidit. Motus enim sequitur magnitudinem quantum ad conti- nuitatem et prius et posterius , et tempus similiter motum. Per magnitudinem au- tem mensuramus motum , et e converse Dicimus enim quod motus est multus, quia magnitudo supra quam est motus , est multa, et similiter dicimus, quod magni- tudo est multa , quia motus supra magni- tudinem factus est multus. Quare et simi- liter determinamus quantitatem temporis per motum et quantitatem motus per tempus.

SUR LE TEMrS.

43

CHAPITRE III.

Quelles sont les choses qui sont mesurées par le temps et celles gui ne le

sont pas.

Après avoir déterminé ce qui est relativement au temps en soi , il faut considérer ce qui en est dans les rapports aux choses qui sont me- surées par le temps. Or, il faut considérer que le temps est comparé d'une manière différente avec le mouvement et avec les autres choses. En effet, le mouvement étant essentiellement continu et successif, il n'est pas seulement mesuré par le temps quant à son être et sa succes- sion ou durée, mais encore quant à ce qu'il est, parce que son essence consiste dans la succession. Mais les choses mobiles ne sont pas mesu- rées par le temps, par rapport à ce quelles sont, comme l'homme ou la pierre, parce que leur essence est dans chaque instant présent du temps et n'a ni antériorité, ni postériorité ou succession, c'est pour- quoi c'est l'instant présent du temps et non le temps qui leur corres- pond. Mais elles sont mesurées par le temps quant à leur être et à leur succession ou durée, parce que leur durée n'existe pas toute en même temps. De même donc que pour le mouvement être dans le temps , c'est être mesuré par le temps quant à ce qu'il est et quant à sa durée -y ainsi pour les autres choses être dans le temps c'est être mesurées par le temps, non quanta ce qu'elles sont, mais quant à leur durée; et la vérité de cela saute aux yeux. En effet, être dans le temps, ou c'est être pendant que le temps dure, ou être comme dans un nombre; or être dans le temps, n'est pas être quand le temps dure , de même que être dans un lieu n'est pas être pendant la durée du lieu; car il s'en- suivroit que toutes choses serpient dans le même lieu, tandis que tout est quand un seul lieu est; comme il s'ensuivroit aussi que le ciel se-

CAPUT III.

Quœ sunt Ma quœ mensurantur lempore et quœ non.

Determinatio de tempore, secundum se considerandum est de ipso secundum rela- tionem ad ea quae tempore mensurantur. Est autem considerandum , quod aliter comparatur tempus ad motjum et ad alias res. Cum enim motus sk continuus et suc- cessivus essentialiter, ideo non solum men- suratur tempore quantum ad suum esse, et suam successionem vel durationem; sed etiam quantum ad id quod est, quia ejus essentia in successione consistit. Mo- bilia vero quantum ad id quod sunt, sicut homo aut lapis non mensurantur tempore, quia essentia eorum est in quolibet nunc temporis, nec habet prius nec posterius,

sive successionem, unde his respondet nunc temporis et non tempus. Mensuran- tur autem tempore quantum ad suum esse et suam successionem vel durationem , quia duratio eorum non est tota simul. Sicut ergo motum esse in tempore, est ipsum mensurari tempore quantum ad id quod est et quantum ad suam durationem, ita alias res esse in tempore, est ipsas men- surari tempore non quantum ad id quod sint, sed quantum ad suam durationem, et quod hoc sit verum patet. Esse enim in tempore , aut est esse dum tempus est, aut est esse sicut in numéro ; esse autem in tempore non est esse quando tempus est, sicut nec esse in loco est esse quando locus est. Sic enim sequeretur, quod om- nia essent in eodem loco , cum omnia sint quando unus locus est ; sicut etiam seque-

44 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 3.

roit dans un grain de mil; parce que le ciel existe en même temps que le grain de mil. Mais être dans le temps c'est être mesuré et renfermé par le temps, de même que être dans un lieu c'est être mesuré et ren- fermé dans ce lieu. C'est pourquoi il s'ensuit que être dans le temps, c'est être comme dans un nombre. Or, une chose est de deux manières dans un nombre , ou elle est quelque chose de ce nombre , comme l'unité, pair ou impair, ou parce qu'elle est son nombre, comme d'une chose nombrée. Ainsi donc le temps étant un nombre, on dit que des choses sont dans le temps , parce qu'elles sont quelque chose de ce temps, comme le présent, le passé, l'avenir. D'autres choses sont dans le temps, non parce qu'elles sont quelque chose du temps, mais parce qu'elles sont mesurées par le temps et sont renfermées dans le temps, comme les choses qui sont dans un nombre sont renfermées dans ce nombre. Donc, puisque être dans le temps c'est être comme dans un nombre et donner un plus grand nombre à tout ce qui est dans le nombre , il s'ensuit que c'est donner un temps plus grand à tout ce qui est dans le temps. C'est donc la première condition de toutes les choses qui sont mesurées par le temps. Leur seconde condition, c'est que toutes les choses qui sont dans le temps souffrent dans le temps, comme nous avons coutume de dire que le temps flétrit et corrompt les choses qui sont dans le temps et que le temps engendre Poubli. 11 y a deux causes de cela. La première, c'est que nous voyons certaines choses se corrompre dans le temps sans qu'il apparoisse aucun agent extérieur de corruption, comme il arrive dans la corruption qui pro- vient de la vieillesse que nous attribuons surtout au temps. Or rien ne se fait dans le temps sans qu'il paroisse quelque agent extérieur, c'est pour cela que nous ne disons pas que le temps est cause de la génération , comme de la corruption , ou que le temps est cause de la

retur , quod cœlum esset in grano milii, quia cœlum est quando granum milii est; sed esse in tempore est mensurari et con- tineri a tempore , sicut esse in loco est mensurari et contineri loco. Propter quod sequitur quod esse in tempore est esse si- cut in numéro. In numéro autem aliquid est dupliciter , aut enim est aliquid ipsius numeri, sicut unitas, par vel impar; aut quia numerus est ejus, sicut rei nume- ratae. Sic ergo cum tempus sit numerus, aliqua dicuntur esse in tempore, quia sunt aliquid ipsius temporis , ut nunc, prius et posterius. Aliqua autem sunt in tempore , non quia sunt aliquid ejus, sed quia men- surantur tempore et continentur sub tem- pore , sicut ea quae sunt in numéro conti- nentur sub numéro ; quia ergo esse in tem- pore est sicut in numéro , omni autem eo

quod est in numéro est dare majorem nu- merum, inde est quod est dare tempus ma- jus omni eo quod est in tempore. Hsec est ergo prima conditio omnium eorum quae tempore mensurantur. Secunda conditio eorum est, quod quaecumque sunt in tem- pore patiuntur sub tempore, sicut consue- vimus dicere quod tempus tabefacit et corrumpit ea quae sunt in tempore et quod oblivio fit propter tempus. Hujus autem causa est duplex. Prima est, quiavidemus aliqua corrumpi jn tempore, dato quod non appareat nobis aliquod exterius cor- rumpens, sicut est in corruptione quae fit ex senio, quam maxime attribuimus tem- pori. Nihil autem fit in tempore nisi ap- pareat aliquid exterius faciens, propter quod non dicimus quod tempus sit causa generationis, sicut corruptionis , aut quod

SUR LE TEMPS. 4o

science, comme il est cause de l'oubli, parce que personne ne devient savant par la raison qu'il vit longtemps. La seconde cause est que le temps est un nombre mû; or le mouvement produit l'éloignement de ce qui est mobile de la position il étoit d'abord et est une cause de plus de la corruption et de la génération, à quoi on assigne une triple cause. La première, c'est que le mouvement éloigne ce qui est de sa première position, comme il a été dit. Or cette distance est déterminée par rapport au terme qui est corrompu dans le mouve- ment, et par conséquent le mouvement est par soi une cause de cor- ruption. Mais que le mouvement produise quelque terme ad quem, ce n'est pas absolument de l'essence du mouvement , mais cela lui convient en tant qu'il est limité. Or, il a le caractère de fini, d'après l'intention déterminée du moteur , dont le rôle est de mouvoir à un but déterminé. C'est ce qui fait que la génération d'un terme ad quem doit être plutôt attribuée à la forme du moteur lui-même, à raison du- quel le moteur imprime le mouvement, qu'au mouvement lui-même. La seconde raison, c'est que la chose qui est mue n'est en aucune ma- nière pendant le mouvement ni dans le terme a quo, ni dans le terme ad quem, mais est étrangère à l'un et à l'autre. Et par conséquent le mouvement est de soi la cause pourquoi ce qui est est privé du terme a quo et du terme ad quem. Or , lorsque ce qui est mobile est constitué sous le terme ad quem, il n'y a plus alors de mouvement, et par conséquent le mouvement est plus la cause de la corruption de chaque terme , pendant qu'il existe , que de la génération du terme ad quem, parce que lorsque le terme ad quem est produit, il n'y a plus alors de mouvement. La troisième raison , c'est que , ainsi qu'on le voit dans le troisième livre de la Physique, le mouvement est conduit à la condition d'acte, suivant qu'il est considéré ut ab hoc, et à la con-

tempus sit causa disciplinas, sicut est causa oblivionis , quia ex hoc solo quod aliquis diu vivit, non efficitur sciens. Secunda causa est , quod tempns est numerus mo- tus , motus autem facit distare mobile a dispositione in qua prius erat, et est magis causa corruptionis et generationis , cujus ratio signatur triplex. Prima ratio est, quia motus facit id quod movetur distare a prima dispositione sua, ut dictum est. Ha;c autem distantia attenditur respectu termini a quo, qui corrumpitur in motu, et ideo motus per se est causa corruptionis. Quod autem per motum generetur aliquis terminus ad quem, hoc non est de ratione motus absolute, sed convenit ci ut linitus est. Rationem autem finiti habet ex deter- minata intentione moventis, cujus est mo- vere ad aliquem determinatum terminum.

Unde generatio termini ad quem magis est attribuenda formae ipsius moventis, ra- tione cujus movens movet, quam ipsi mo- tui. Secunda ratio est, quia illud quod mo- vetur, dum movetur, neque est omnino in termino a quo, neque in termiuo ad quem, sed déficit ab utroque ; et ideo motus de se est causa quare mobile sit sub priva- tione termini a quo et termini ad quem. Cum autem mobile factum est sub ter- mino ad quem , tune non est motus , et ideo motus magis est causa corruptionis utrisque termini dum est , quam genera- tionis termini ad quem , quia cum termi- nus ad quem generatus est, tune motus non est. Tertia ratio est, quia ut patet ex III. Pays., motus trahitur ad rationem ac- tionis, secundum quod consideratur ut ab hoc, ad rationem autem passionis trahitur,

46 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 3.

dition de passion, selon qu'il est considéré ut in hoc. Or, il est cons- tant que tout accident a une relation plus vraie au sujet qu'à la cause agissante, c'est pourquoi la considération du mouvement sous la raison de passion est plus vraie que sous la raison d'action. Or, la pas- sion est par soi une cause de corruption. Car il est de son essence de perdre de la substance à proportion du développement qu'elle prend. Or, la production est plutôt attribuée à l'action. Et parce que, comme il a été dit, le mouvement est considéré d'une manière plus vraie sous le caractère de passion que sous celui d'action, il s'ensuit que le mouve- ment est plus une cause de corruption que de génération. Or, comme il a été dit, le temps est la mesure du mouvement , et il est par con- séquent plutôt cause de corruption que de génération , ainsi que le mouvement. Néanmoins il n'est cause par soi ni de l'une ni de l'autre. De ces deux conditions qui paroissent dans les choses qui sont dans le temps, nous pouvons conclure que les choses qui existent toujours ne sont pas dans le temps. D'abord, parce que, comme le dit la pre- mière condition, c'est la destinée de tout ce qui est dans le temps de recevoir un temps plus grand ; mais pour les choses sempiternelles il n'y a pas à recevoir un temps plus grand, puisqu'elles existent toujours; donc les choses qui existent toujours ne sont pas dans le temps. En outre , comme porte la seconde condition , les choses qui sont dans le temps sont passives dans le temps, sont corrom- pues dans le temps ; mais les choses qui existent toujours ne sont pas passives dans le temps , elles ne se corrompent ni ne vieillis- sent; c'est pourquoi il est clair qu'elles ne sont pas dans le temps. On pourroit croire, d'après tout ce qui a été dit, que les choses qui sont dans le repos conservant toujours la même physionomie pen- dant leur repos , comme les choses sempiternelles, ne sont pas me-

ut consideratur ut in hoc. Constat autem quod omne accidens veriorem habet com- parationem ad subjectum, quara ad cau- sant agentem, ideo verior est consideratio motus sub ratione passionis, quam sub ratione actionis. Passio autem est causa corruptionis per se. De ratione enim ejus est , quod ipsa magis facta plus , et plus abjiciat a substantia ; factio autem magis attribuitur actioni. Et quia sicut dictum est, verius consideratur motus sub ratione passionis, quam sub ratione actionis, inde est quod motus magis est causa corruptio- nis quam generationis. Tempus autem , ut dictum est , est mensura motus , et ideo magis est causa corruptionis quam genera- tionis, sicut et motus ; neutrius tamen est causa per se. Ex his duabus conditionibus quœ apparent in rébus quœ sunt in tem-

pore, possumus concludere, quod ea quœ sunt semper, non sunt in tempore. Primo, quia sicut dicit prima conditio, omni eo quod est in tempore, est accipere tempus majus ; sempiternis autem non est aliquid majus tempus accipere , cum ipsa semper sint ; ergo ea quœ semper sunt, non sunt in tempore. Prœterea, sicut dicit secunda conditio, ea quœ sunt in tempore patiun- tur in tempore , corrumpuntur in tempore, ea autem quœ semper sunt, non patiuntur a tempore , nec corrumpuntur , neque ?e- nescunt, quare manifestum est quod non sunt in tempore. Ex his autem quae dicta sunt, posset aliquis credere, quod ea quœ quiescunt, cum semper dum quiescunt si- militer se habeant sicut sempiterna, quod non mensurarentur tempore : hoc autem est falsum. Et ideo dicendum est , quod

SUR LE TEMPS. 47

surées par le temps ; or cela est faux. Et par conséquent il faut dire que, de même que le temps est la mesure par soi du mouvement, il est aussi la mesure par accident du repos. Car, en effet, il ne faut pas que tout ce qui est dans le temps soit actu, comme il est nécessaire que tout ce qui est en mouvement soit actuellement, parce que le temps n'est pas le mouvement, quoiqu'il soit un nombre mû. Or, il convient que dans le nombre du mouvement il y ait non-seulement ce qui est mû, mais aussi ce qui est en repos ; car on ne dit pas en repos tout ce qui n'est pas en mouvement, mais bien tout ce qui n'est pas en mouvement malgré l'aptitude native à recevoir le mouvement, et toute chose semblable est mobile. Donc l'être d'une chose en repos est l'être d'une chose mobile ; or l'être d'une chose mobile est me- suré par le temps, donc il en est de même de l'être d'une chose en repos. Mais ce qui est en repos et ce qui est en mouvement se mesure quant à la quantité du repos ou du mouvement, le mouvement par soi, mais le repos par accident. Nous disons, en effet, qu'une chose a été en repos pendant un jour , parce qu'elle a été privée de mouve- ment pendant un jour. D'après cela il faut comprendre que ce qui est mobile peut être considéré de deux manières , ou selon sa substance ou son essence , ou selon son être. Si on le considère dans sa sub- stance, ce n'est point mesuré par le temps, par la raison qu'une sub- stance mobile existe dans tout instant présent du temps et n'a point de succession ni d'antériorité et de postériorité. Si, au contraire , on le considère sous le rapport de son être, on peut le faire de deux ma- nières, ou quant à l'être substantiel, ou quant à l'être qu'il a dans le mouvement qui est son aptitude au mouvement. Si on le considère de la première manière, ce n'est pas mesuré par le temps, tandis qu'il en est ainsi de la seconde manière. Car le mouvement n'est pas un tout

sicut tempus est mensura motus per se , ita est mensura quietis per accidens. Non enim oportet quod omne quod est in tempore, actu moveatur , sicut omne quod est in motu necesse est actualiter moveri, quia tempus non est motus , hcet sit numerus motus. In numéro autem motus convenit esse non solum illud quod movetur, sed etiam illud quod quiescit. Quiescens enim non dicitur quodcumque quod non move- tur , sed quod non movetur aptum tamen natum moveri , et omne taie est mobile. Esse ergo rei quiescentis est esse rei mo- bilis; esse autem rei mobilis mensuratur tempore, ergo et esse rei quiescentis. Men- suratur autem id quod quiescit et id quod movetur quantum ad quantitatem quietis vel motus ; motus tamen per se, quies au- tem per accidens. Dicimus enim quod ali-

quid quievit uno die, quia cessa vit a motu una die. Juxta quod intelligendum est quod mobile potest considerari dupliciter, vel quantum ad suam substantiam seu es- sentiam , vel quantum ad suum esse. Si consideratur quantum ad suam substan- tiam, sic non mensuratur tempore, eo quod substantia mobilis in quolibet nunc tem- poris est, nec habet successionem, nec prius nec posterius. Si autem consideretur quan- tum ad suum esse, hoc potest esse duplici- ter, quia aut considerari potest quantum ad suum esse substantiale aut quantum ad suum esse, quod habet in motu, quod est suum moveri. Si consideretur primo modo, sic non mensuratur tempore, secundo au- tem modo mensuratur tempore. Msveri enim mobilis non est totum simul , sed successivum. Viso ergo quod non omnia

48 OPUSCULE XLIII , CHAPITRE 4.

simultané, mais successif de ce qui est mobile. Reconnoissant donc que tous les êtres ne sont pas dans le temps, et que tous les non-êtres n'y sont pas non plus, et comprenant cela en peu de mots, il faut dire que tous les non-êtres qui sont dans l'impossibilité de passer à l'être, ne sont pas mesurés par le temps. Et la raison en est que, comme nous l'avons dit, tout ce qui est dans le temps est destiné à prendre un temps plus grand. Or il est constant que l'entité des choses qui ne peuvent passer à l'être n'a pas à prendre un temps plus grand, et par conséquent de tels non-êtres ne sont pas dans le temps. Quant aux choses qui peuvent être et ne pas être, elles sont dans le temps, parce que leur entité et leur non-entité sont susceptibles de recevoir un temps plus grand.

CHAPITRE IV.

De la différence de l'éternité, de /'œvum et du temps ; ce que c'est que chacune de ces choses.

Après avoir parlé du temps en lui-même et par résolution à l'égard des choses temporelles , il faut le considérer dans ses rapports avec les autres mesures qui sont l'éternité et Y œvum. Il faut voir d'abord si l'éternité existe et ce qu'elle est. Il y en a qui doutent si l'éternité existe , et ils prouvent la négative , par la raison que l'infini en tant qu'infini n'a pas de mesure; mais la cause première est infinie et a l'éternité pour mesure. Donc il semble que l'éternité ne peut exister dans le genre de mesure ; donc l'éternité n'est rien. De même toute mesure accuse une quantité quelconque ; or la cause première n'a au- cune quantité, donc l'éternité ne peut pas être la mesure de la cause première, ni par conséquent être quelque chose , puisqu'on ne sup- pose l'être que dans le geme démesure. Autre raison : Rien de ce qui conserve la même condition ne peut servir de mesure ; or, l'éternité

entia sunt in tempore, et quod non omnia non entia sunt in tempore, et hoc breviter comprehehdamus , dicendum est quod illa non entia quœ impossibile est esse, non mensurantur tempore. Et ratio hujus est , quia sicut dictum est, omni eo quod est in tempore est accipere majus tempus. Constat autem quod non est accipere majus tem- pus entitate eorum quœ impossibile est esse , et ideo non entia talia non sunt in tempore. Ea autem quœ possunt esse et non esse , sunt in tempore , quia est dare tempus majus entitate eorum et non en- titate.

CAPUT IV.

Ve differ entia œternitatis œvi et tempori$, et quid sit unumquodque eorum.

Viso ergo de tempore secundum se et per

resolutionem ad temporalia , consideran- dum est per relationem ad alias mensuras, quae sunt œternitas et œvum. Primo ergo videndum an œternitas sit et quid sit. Du- bitant enim aliqui an œternitas sit, et pro- bant ipsi quod non, quia infiniti in quan- tum infinitum est, non est mensura : causa autem prima infinita est , cujus mensura ponitur œternitas. Ergo videtur quod œter- nitas non possit esse in génère mensurœ. Ergo œternitas nihil est. Item omnis men- sura certificat aliquam quantitatem : causa autem prima nullam quantitatem habet. Ergo œternitas non potest esse mensura causœ primœ , nec per consequens aliquid esse, cum non ponatur esse nisi in génère mensurœ. Item, nihil uno modo se habens, potest mensurare; œternitas autem est uno modo se habens , ergo non potest ha-

SUR LE TEMPS. 49

est toujours la même, donc elle ne peut avoir le caractère de mesure. Or l'éternité n'est établie que comme une sorte de mesure; donc l'é- ternité n'existe pas. Il faut remarquer que l'éternité se prend en trois sens. Dans le premier sens l'éternité est dite la mesure de la durée d'une chose qui conserve toujours la même condition, sans acquérir rien pour l'avenir, et sans rien perdre dans le passé, et l'éternité est ainsi prise dans le sens le plus strict. Dans le second sens l'éternité est dite la mesure de la durée d'une chose qui a un être fixe et stable, mais qui admet néanmoins des vicissitudes dans ses opérations , et dans ce sens l'éternité s'appelle proprement œvum. Ucwum est la me- sure des choses dont l'être est stable, qui ont néanmoins une succes- sion dans leurs œuvres, comme les intelligences. Dans le troisième sens l'éternité est dite la mesure de la durée successive ayant une antériorité et une postériorité, mais sans principe ou sans fin, ou sans fin mais avec un commencement, et de ces deux manières on suppose un monde éternel, quoique dans la réalité il soit temporel, et dans ce sens c'est d'une manière tout à fait impropre qu'on l'appelle éternité, car l'antériorité et la postériorité répugnent au caractère de l'éternité. Mais dans l'un et l'autre cas l'éternité a une entité très-réelle, et il ne signifie rien de dire que l'infini en tant qu'infini n'a pas de mesure ; parce que, bien que la cause première soit infinie par la raison qu'elle n'a ni commencement ni fin, elle est néanmoins très-finie par la rai- son que subsistant en elle-même, elle n'a rien de soi en dehors d'elle. Quant à ce que l'on objecte que toute mesure constate une quantité quelconque, il faut répondre que ce n'est pas universellement vrai, à moins de prendre la quantité dans un sens très-large pour la quantité de force et de grandeur. Or, quoique la première cause n'ait pas la quantité de grandeur , elle a néanmoins la quantité de vertu , et cela

bere rationem mensurœ , non ponitur au- tem esse œternitas, nisi ut mensura quœ- dam ; ergo œternitas non est. Intelligen- dum, quod œternitas tripliciter accipitur. Uno modo dicitur œternitas mensura du- rationis rei semper similiter se habentis , nihil acquirentis in futuro et nihil admit- tentis in prœterito, et sic propriissime su- mitur œternitas. Secundo modo dicitur aeternitas mensura durationis rei habentis esse fixum et stabile , recipientis tamen vices in operationibus suis, et œternitas sic accepta proprie dicitur œvum. iEvum enim est mensura eorum quorum esse est stabile , quœ tamen habent successionem in operibus suis, sicut intelligentiœ. Tertio modo dicitur œternitas mensura durationis successivœ habentis prius et posterius, ca- rentis tamen principio et fine, vel carentis fine et tamen habentis principium, et ulro-

que modo ponitur mundus œternus, licet secundum veritatem sit temporalis, et ist'o modo impropriissime dicitur œternitas, rationi enim œternitatis répugnât prius et posterius. Utroque autem istorum modo- rum dicta œternitas verissimam entitatem habet. Nec valet illud quod arguitur, quod infiniti in quantum infinitum est, non est mensura ; quia licet causa prima infinita sit, eo quod careat principio et fine, tamen finitissirna est, eo quod in se ipsa manens nihil sui habet extra se. Ad aliud cum di- citur quod omnis mensura certificat ali- quam quantitatem , dicendum quod non est universaliter vcrum,* nisi accipiatur quantités valde large pro quantitate vir- tutis et magnitudinis. Licet autem prima causa non habeat quantitatem magnitu- dinis , habet tamen quantitatem virtutis , et hoc sufïicit. Ad aliud, cum dicitur, illud

50 OPUSCULE XLIII, CHAPITRE 4.

suffît. A ce que l'on objecte que ce qui conserve toujours la même physionomie ne sert pas de mesure, il faut répondre qu'il est vrai que cela ne sert pas de mesure comme nombre , mais comme unité , c'est pour cela que l'éternité doit plutôt être dite unité d'une chose éter- nelle que nombre. Maintenant il faut examiner ce que c'est que l'é- ternité. Pour cela il faut considérer que l'éternité signifie une cer- taine interminoMlité. On dit éternel comme existant sans limites. Or, ainsi que le dit Aristote dans le huitième livre de la Physique , dans tout mouvement il y a quelque génération et quelque altération en tant que le mobile cesse d'être dans le terme a quo et commence d'être dans le terme ad quem. Il est évident, d'après cela, que toute mutabilité répugne à l'éternité. Donc l'éternité renferme non-seule- ment Yiiiîerminabilité d'être, mais encore l'immobilité or c'est par le mouvement que se produisent l'antériorité et la postériorité dans le temps, et, par conséquent, le mouvement répugnant à l'éternité, par suite il lui répugne d'avoir l'antériorité et la postériorité. C'est pour- quoi Boëce définit ainsi l'éternité : l'éternité est la possession simul- tanée entière et parfaite d'une vie interminable; Donc toutes les choses qui, avec l'indéfectibilité de l'être, possèdent l'immobilité et sont sans succession temporelle , sont dites exister éternellement et sont me- surées par l'éternité. C'est pourquoi il en est qui définissent l'éternité comme le retard elle non-retard du temps, mais elle est dite le retard de l'être, c'est-à-dire l'indéfectibilité. Au contraire l'espace est tout ce qui environne tout l'être indéfectible. Mais le continu est appelé ainsi, non parce qu'il a des parties, mais parce qu'il ne manque ja- mais, n'a jamais manqué, ne manquera jamais; il est appelé aussi non-entrefait, parce qu'il n'a point de parties qui passent de la puis- sance à l'acte, comme le temps dont la partie antérieure est passée,

quod uno modo se habet, non mensurat, dicendum quod verum est. quod non men- surat ut numerus, sed ut unitas, unde aeter- nitas magis dicenda est unitas rei œternee, quara numerus. Nunc ergo considerandum est quid sit seternitas. Ad quod sciendum, considerandum est, quod eeternitas dicit interminabilitatem quamdam. Dicitur enim aHernum quasi extra terminos exis- tens. Sicut autem dicit Philosophus, VIII. Phys., in omni motu est aliqua generatio et aliqua corruptio , in quantum mobile définit esse in termino a quo incipit esse in termino ad quem; ex boc patet, quod omnis mutabilitas répugnât aeternitati. In- cluait ergo seternitas non solum intermi- nabilitatem essendi , sed etiam immobili- tatem; ex motu autem causatur prius et posterius in tempore. Et ideo cum motus

repugnet a'ternitati, ex consequenti répu- gnai ei habere prius et posterius. Propter quod Boetius diffinit œternitatem, dicens : « iEternitas est interminabilis vitœ tota simul et perfecta possessio. » Quœcumque ergo cum indeficientia essendi habent im- mobilitatem et sunt absque successione temporali , ipsa dicuntur esse œternaliter et mensurantur aeternitate. Unde a qui- busdam difïinitur aternitas., quod est mora et non mora temporis , sed dicitur mora essendi, id est indeficientia. Spatium vero dicitur eo quod arnbit totum esse indefi- ciens. Continuum vero dicitur, non eo quod habeat partes , sed quia nunquam deest , nunquam defuit , nunquam deerit; non interf ectum vero dicitur , quia non habet partes quae exeant de potentia ad actum, sicut tempus, cujus pars prior prœ-

SUR LE TEMPS. 51

et la partie postérieure arrivera. C'est pourquoi Boëce dit que l'éter- nité est produite par ce qui est présentement stable et ne s'écoule pas. A cette occasion il y en a qui ne savent comment les locutions de temps passé et d'avenir se vérifient à l'égard de Dieu. A cela il faut répondre que l'éternité est la mesure d'une chose indéfectible, comme on l'a dit. Il arrive cependant que l'éternité est comparée au passé ou au futur, et c'est à cette comparaison ou concomitance , produite par son indéfectibilité, que se rapportent les termes de temps passé ou futur. C'est pourquoi la cause première est dite avoir été dans le passé parce qu'elle n'a jamais manqué dans tout le temps passé; elle est dite devoir être dans l'avenir, parce qu'elle ne manquera jamais. D'après ce qui a été dit on peut assigner la différence qui existe entre l'éternité, Yœvum et le temps; l'éternité est la mesure d'une chose in- commutable n'admettant point de changement dans son opération. L'œvum est la mesure d'une chose dont l'être est incommutable, mais qui admet néanmoins des changements dans ses opérations; le temps est la mesure d'une chose muable et successive en toute manière. Or, il est constant que l'éternel qui est immuable est la cause de Yœvum éternel , qui est immuable quant à l'être , mais admet des change- ments dans ses opérations, et de même Yœvum éternel est la cause du temporel. Et il est dans leurs instruments comme là, parce que l'éternité est la cause exemplaire de Yœvum lui-même. Car Yœvum imite l'éternité tant qu'il peut, mais il est défectueux à l'égard de l'éternité. Vœvum à son tour est la cause exemplaire du temps, par la raison que le temps imite Yœvum tant qu'il peut , mais est défec- tueux aussi de ce côté. C'est pourquoi il n'est pas douteux que comme le temps est d'abord la mesure d'une chose, savoir le premier mo- bile, qui est le plus rapide, et l'éternité est en premier lieu la mesure

teriit, et pars posterior futura est. Propter quod dicit Boetius, quod nunc stans et non fluens causât œternitatem. Occasione hujus dubitant aliqui , quomodo verba prœteriti temporis et futuri verificantur de Deo. Ad quod dicendum est , quod aeternitas est mensura rei indeficientis, sicut dictum est. Huic tamen accidit , quod comparetur ad praeteritum vel futurum, et hanc compa- rationem vel concomilantiam ex indefi- cientia ejus causatam, dicunt verba prœ- teriti et futuri temporis. Unde prima causa dicitur fuisse in prseterito , quia iu toto tempore praeterito nunquam defuit , et dicîtur fore in futuro , quia nunquam deerit. Ex bis quœ dicta sunt , potest assi- gnait differentia inter œternitatem, œvum et tempus, quia aeternitas est mensura rei incommutabilis j non recipientis vices in operatione ; ;evum autem est mensura

rei cujus esse est incommutabile, quod ta- men recipit vices in suis operationibus ; tempus vero est mensura rei secundum omnem modum mutabilis et successives. Constat autem quod œternum quod immu- tabiliter se habet, causa est seviterni, quod incommutabiliter se habet quantum ad esse, recipit tamen vices in suis operatio- nibus, et similiter œviternum causa est temporalis. Et sicut est in his, sic et in instruments eorum, quia œternitas causa est exemplaris ipsius aevi. iEvum enim imitatur aîternitatem quantum potest, dé- ficit tamen ab feternitate. JSvum autem est causa exemplaris ipsius temporis, eo quod tempus imitatur œvum quantum potest, déficit tamen ab sevo. Unde non est dubium , quod sicut tempus est primo mensura unius, scilicet primi mobilis, qui est velocissimus ; et aaternitas primo est

52 OPUSCULE XLII1, CHAPITRE 4.

du premier être , qui est de l'essence la plus simple, de même Vœ- vum est en premier lieu la mesure de quelque chose d'un, qui, tout en admettant des vicissitudes dans ses opérations, est néanmoins très- proche du premier acte. Et conséquemm'ent, quoi qu'on dise, comme il n'y a qu'un temps et une éternité , il n'y a aussi qu'un œvum. Par se trouve réfutée l'erreur de ceux qui disent que le présent de l'é- ternité et celui du temps sont le même, erreur qu'ils s'efforcent de prouver en disant que ce qui est stable et ce qui est mobile ne semblent pas différer quant à la substance, mais quanta la raison. Or, le présent de l'éternité est stable, et le présent du temps s'écoule, c'est pourquoi ils ne semblent différer que parla raison seule. Cela ne peut être vrai en vertu de ce qui a été établi. Nous avous vu, en effet, que l'éternité et le temps diffèrent essentiellement , parce que le présent de l'éter- nité et celui du temps sont essentiellement différents. Autre raison : Les choses qui se produisent comme cause et effet sont essentiellement différentes. Or, le présent de l'éternité ne diffère de l'éternité que par la seule raison qu'il est la cause du temps et son présent, comme il a été dit. C'est pourquoi le présent du temps et celui de l'éternité sont essentiellement différents. Outre cela, le présent du temps et celui de l'éternité sont essentiellement différents, parce que le présent du temps est la continuation du passé dans l'avenir , comme on le voit dans le quatrième livre de la Physique. Mais le présent de l'éternité n'est pas la continuation du passé dans l'avenir, parce que dans l'é- ternité il n'y a ni antériorité, ni postériorité, ni passé, ni futur, mais l'éternité existe simultanément tout entière. Il n'y a non plus aucune valeur dans la raison qui allègue que ce qui est stable et ce qui est passager ne diffère pas par essence. La vérité est qu'il y a une diffé- rence par essence dans tout ce qui est stable et. ce qui est passager,

mensura primi esse , quod est essentiœ simplicissimœ , ita œvum est primo men- sura alicujus unius , quod licet recipiat vices in operationibus suis, est tamen pro- pinquissimum primo actui. Et ideo quid- quid dicatur , sicut est unum tempus et una œternitas, ita et unum aevum. Ex hoc confutatur error quorumdam dicentium ., quod est idem nunc œternitatis et tem- poris quod nituntur probare quia stans et movens se non videtur differre secundum substantiam , sed solum secundum ratio- nem ; nunc autem œternitatis est stans, et nunc temporis fluens, quare non videtur differre nisi ratione sola. Istud non potest habere veritatem, secundum ea quœ deter- minata sunt. Visum est enim quod œter- nitas et tempus essentialiter différant, quia nunc œternitatis et nunc temporis es-

sentialiter différant. Item, quœcumque se habent ut causa et causatum essentialiter différant ; nunc autem œternitatis cum non différât ab œternitate nisi sola ratione causa est temporis et nunc ipsius , ut dic- tum est. Quare nunc temporis et nunc œ- ternitatis essentialiter différant. Prœterea, nunc temporis et nunc œternitatis essen- tialiter différant, quia nunc temporis est continuativum prœteriti cum futuro , ut patet IV. Physic. Nunc autem œternitatis non est continuum prœteriti cum futuro, quia in œternitate non est prius , nec pos- terais, nec prœteritum, nec futurum, sed tota œternitas est tota simul. Neque valet ratio in oppositum , cum dicitur quod stans et fluens non différant per essentiam. Verum est in omni ,eo quod contingit et stare et fluens esse, tamen stans quod

SUR LE TEMPS. 53

qui ne s'écoule en aucune manière en restant stable, et ne devient en aucune manière stable en s'écoulant; c'est le présent de l'éternité et celui du temps. Et en outre, si le présent du temps et celui de l'é- ternité étoient la mesure d'une seule et même chose, qui est stable et devient passagère, ils différeroient néanmoins d'une manière essen- tielle, parce qu'une seule et même chose peut être mesurée sous diffé- rents rapports par des mesures différentes, parce que nous voyons, au contraire, que diverses choses mesurables, qui ont la même con- dition, peuvent être mesurées avec la même mesure, comme le chan- gement de lieu et l'altération qui sont mesurés par le temps en tant qu'ils s'accordent dans le caractère de succession , ayant une antério- rité et une postériorité. C'est pourquoi il est évident que les choses mesurables qui diffèrent en tant que mesurables, diffèrent en elles- mêmes ; or, ce qui est passager et ce qui est stable , quoique pouvant être une seule et même chose quant à la substance , parce qu'ils ne diffèrent qu'en ce que être stable est autre qu'être passager, et ce qui est passager, en ce que être passager est différent d'être stable , par cette raison ils sont mesurés avec une mesure différente en tant que stable et passager. Conséquemment le présent de l'éternité qui est la mesure d'une chose comme stable, et le présent du temps qui est la mesure d'une chose comme passagère, sont nécessairement différents l'un de l'autre.

Fin du quarante -troisième opuscule de saint Thomas d'Aquin, sur la mesure du temps.

L'abbé VÉDRINE.

nullo modo contingit fluere, et fluens qùod nullo modo contingit stare , differunt per essentiam, talia autem sunt mine seterni- tatis et nunc temporis. Et praeterea , si nunc temporis et nunc aeternitatis essent mensura unius et ejusdem rei quae con- tingit stare et fluere , tamen adhuc differ- rent essentialiter, eo quod unum et idem secundum aliam et aliam rationem men- surari potest alia et alia mensura, quia nos videmus in opposito, quod diversa mensu- rabilia quae tamen participant unam ra- tionem, possunt mensurari eadem men- sura , sicut loci rnutatio et alteratio quae mensurantur tempore , in quantum con- veniunt in ratione successivi , habentes

prius et posterius. Unde manifestum est , quod quorum mensurabilia differunt in quantum mensurabilia sunt et ipsa diffe- runt ; fluens autem et stans , licet possint esse unum et idem secundum substantiam, quia non differunt nisi in eo quod stans est aliud a fluente , et fluens in eo quod fluens, est aliud a stante, ideo mensuran- tur alia et alia mensura, in eo quod stans et fluens. Et ideo nunc eeternitatis quod est mensura rei ut stans, et nunc temporis quod est mensura rei ut fluens, de necessi- tate differunt ab invicem.

Explicit Opusculum quadragesimum tertium beati Thomœ de Aquino , de na- tura temporis.

54

OPUSCULE XLIV.

OPUSCULE XLIV.

DU MÊME DOCTEUR, SUR LA PLURALITÉ DES FORMES.

Comme c'est une sainte pratique d'honorer la vérité plus que ses amis, ainsi que le dit Aristote, dans le premier livre des Ethiques, les hommes vertueux ne craignent pas de déplaire à leurs amis en faveur de la vérité, en reprouvant les choses qu'ils jugent contraires à la vé- rité; mais la plupart du temps ne distinguant pas bien le vrai du faux, parce qu'il y a certaines choses fausses qui sont plus probables que d'autres qui sont vraies, ils estiment quelquefois vrai ce qui est faux, à raison d'une certaine ressemblance au vrai, aussi en pensant s'é- loigner du faux, ils s'y attachent comme à un ami et repoussent la vérité. Puisque, en effet, entre les vérités sur les principes de la na- ture, sur l'unité de forme dans un seul individu, elle s'étend à plu- sieurs autres vérités, il en est qui la reconnoissent, mais la regardant comme une fausseté, ils la traitent sans respect et finissent par la répudier tout-à-fait. Comme de sa connoissance découle une foule de conséquences, il semble expédient de la faire connoître aux amateurs de la vérité, afin qu'étant connue par eux, elle ne soit plus combattue, mais honorée comme le plus précieux des amis, et afin qu'eux- mêmes puissent s'aider de sa lumière pour découvrir d'autres vérités. Il n'est cependant pas nécessaire d'apporter des raisons nouvelles pour la manifester ; il doit suffire pour le moment de mettre en avant certaines raisons communes, employées par les écrivains, de les

OPïïSCULUM XLIV.

EJUSDEM DOCTORIS, DE PLURALITATE FORMARUM.

Quoniam sanctum est honorare verita- tem prae cseteris amicis , ut dicit Philoso- phus in I. Ethic. , ideo virtuosi homines non dimittunt propter veritatern amicis displicere, ea quae contraria reputant veri- tati reprobando. Sed plerumque verum a falso non recte discernentes, eo quod quse- dam falsa probabiliora sunt quibusdam veris , falsum quandoque judicant verum propter apparentiam veri, ac per hoc dum putant falsum prosequi , ipsum tanquam amicum prosequuntur et répugnant veri- tati. Inter veritates siquidem de principiis naturœ, de unitate formée in uno individuo

ad plurimas se extendit veritates , quam agnoscunt aliqui, sed ipsam esse falsitatem putantes, tractaverunt irreverenter et pe- nittis repudiaverunt. Quod vero ex ejus cognitione multa dépendent consequentia, expediens videtur ipsam manifestare ama- toribus veritatis, ut ab eis agnita non am- plius impugnetur , sed potius tanquam praecipua arnica honoretur, ipsi autem per ejus cognitionem ad videndurn multas ve- ritates illustrentur. Nec tamen oportet novas adducere rationes ad sui manifesta- tionem, sed sufficiat ad prœsens quasdam rationes communes in scriptis adductas,

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 55

mettre à l'abri de la plaisanterie, de les étayer de l'autorité d'Aristote et de son commentateur, et enfin de détruire les raisons qui enchaînent certaines intelligences et les empêchent d'apercevoir cette même vérité. Je me propose donc de renfermer mon présent travail en trois points. Le premier traite de la distinction des formes entre elles; le second de la raison de l'entité; le troisième de la raison de l'unité. On s'accorde communément sur le premier point, parce que les formes des choses sont comme les nombres et les figures, en ce qu'une forme ajoute une perfection à une autre , de même qu'un nombre ajoute à un autre, et une figure à une autre figure et la contient virtuellement, et par conséquent la forme plus parfaite contient virtuellement la forme moins parfaite. Donc la forme plus parfaite établie, il est inu- tile d'en produire une moins parfaite ; donc, comme il n'y a rien d'inutile dans la nature, la nature ne permet pas qu'il y ait dans le composé deux formes dont une soit plus parfaite que l'autre. Pour mettre cela en évidence il faut considérer que les formes substantielles ne sont pas distinguées entre elle, comme la couleur et la saveur qui appartiennent à des genres divers physiquement parlant. Mais toutes les formes matérielles sont distinguées comme les figures qui sont du même genre physique. Il faut donc établir ainsi la principale raison : Il est impossible que deux formes du même genre physique con- courent simultanément à parfaire un même sujet; mais toutes les formes substantielles sont du même genre physique , donc il est im- possible que deux formes substantielles concourent simultanément à. parfaire la même matière. Il faut d'abord poser la seconde proposi- tion de cette raison , parce que c'est nécessaire pour démontrer la première. Or, on la prouve de trois manières. D'abord, par la transmu- tation des formes entre elles. En effet, ces formes sont du même genre

dem composito sint dues formée , quarura una sit perfectior alia. Ad hujus rationis evidentiam considerandum est quod formes substantialesnon distinguuntur ab invicem, sicut distinguuntur calor et sapor, quas sunt di versorum generum physice loquendo, sed omnes forma! materiales distinguuntur sicut figuras quas sunt ejusdem generis physici. Formetur ergo principalis ratio sic. Impossibile est duas formas ejusdem generis physici simul perficere idem sub- jectum; sed omnes formas substantiales sunt ejusdem generis physici. Ergo impos- sibile est duas formas substantiales simul perficere eamdem materiam. Hujus ratio- nis primo declaranda est secunda propo- sitio , quia ejus declaratio utilis est ad os- tensionem primas. Probatur autem tripli- citer. Primo quidem per transmutationem formarum ab invicem. III33 enim formas

contra cavillationes fortificare , authorita- tibus scilicet Philosophi et sui Commenta- toris, eas confirmare, et tandem rationes dissolvere, quas mentes aliquorum ligant, ne dictam videant veritatem. Ostenditur autem propositum tribus viis ad preesens. Prima sumitur ex distinctione formarum a se invicem. Secunda, ex ratione entitatis. Tertia, ex ratione unitatis. Secundum pri- mam viam arguitur communiter, quia for- mas rerum sunt sicut numeri et figuras quantum ad hoc quod una forma addit perfecticnem super aliam, sicut unus nu- merus addit super alium , et sicut una fi- gura super aliam , et virtute continet ip- sam, forma ergo perfectior virtute continet formam imperfectiorem ; posita ergo forma perfection , superfluit ponere imperfectio- rem. Cum ergo in natura nihil sit super- flimm, non permittit natura quod in eo-

56 OPUSCULE XLIV.

physique entre lesquelles il y a transmutation par soi , de telle ma- nière, par exemple, que l'une soit terme a quo par soi et non par ac- cident, à savoir par son adjonction avec le terme a quo , et l'autre un terme ad quem par soi et non par accident, par la raison qu'il est ad- joint à quelque autre chose. Par exemple : Quand le blanc se change en noir, s'il se change en même temps en doux , il y a transmutation de blanc en doux par accident, mais de blanc en noir par soi, et cela par la raison que blanc et noir sont dans le même genre. C'est ce qui fait dire à Aristote , dans le deuxième livre de la Métaphysique, que les choses qui sont diverses en genre n'ont pas de voie , c'est-à-dire de transmutation de l'une à l'autre; tandis qu'il y a transmutation par soi entre les formes substantielles. Et cela est évident à l'égard des formes, que tout le monde s'accorde à reconnoître comme spéci- fiques. Car il est évident ici qu'une forme est dépouillée quand l'autre est revêtue, et cela n'est pas par accident à l'égard du dépouillement ou du revêtement d'autres formes qui sont les termes de la transmu- tation par soi, comme par soi il se fait du feu de l'eau, ou réciproque- ment, ou de la pluie de la vapeur. En effet, la génération qui est dans la substance ne vient pas par soi de quelque accident , comme du blanc, et même celle qui est par soi ne se termine pas à quelque acci- dent, comme au noir.

Il ne reste donc plus que d'être par soi entre deux formes substan- tielles, dont l'une est dépouillée et l'autre revêtue. Donc toutes les formes substantielles sont du même genre. Mais , si l'on reconnoit quelques formes qui ne soient pas spécifiques, ainsi que certains re- connoissent dans l'homme une forme de corps différente de l'ame, il faudra encore, par cette maison, admettre qu'une telle forme est du même genre que les autres qui sont spécifiques, parce qu'il y a trans-

sunt ejusdem generis physici, inter quas est transmutatio per se , ita scilicet quod una sit terminus a quo per se , non autem per accidens, scilicet cum adjunctione sui cum termino a quo , et alia sit terminus ad quem per se non per accidens , ex hoc quod adjungitur alicui alteri. Yerbi gratia: Quando album mutatur in nigrum, si illud etiam mutetur in dulce , est transmutatio albi in dulce per accidens , sed albi in ni- grum per se , et hoc ideo , quia album et nigrum sunt in eodem génère. Unde dicit Philosophus, X. Metaph,, quod ea quae sunt diversa génère, non habent viam , id est transmutationem ad invicem, nunc au- tem inter formas substantiales per se est transmutatio. Et hoc manifestum est de formis quas omnes concedunt esse speci- ficas. In talibus enim manifestum est, quod una abjicitur in inductione alterius, et hoc

non est per accidens ad inductionem et abjectionem aliarum quae sunt termini transmutationis per se , sicut per se sit ignis ex aqua vel e converso, vel pluvia ex vapore. Non enim generatio quae est in substantia est*per se ex aliquo accidente ut ex albo, vel etiam quae est per se , terrni- natur ad aliquod accidens , puta ad ni- grum.

Relinquitur ergo quod sit per se inter duas formas substantiales , quarum una abjicitur et alia inducitur. Omnes ergo formas substantiales sunt ejusdem generis. Si vero ponantur aliquae forma? quai non sint spécifie» , sicut aliqui ponant in ho- mine formata corporis aliam ab anima, adhuc oportebit per illam rationem ponere talem esse ejusdem generis cum aliis quae sunt specificae , eo quod inter illas formas et formas specificas est per se transmutatio.

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 57

mutation par soi entre ces formes et les formes spécifiques. Car le corps de l'homme qui tombe en putréfaction après la mort se résout dans les éléments , parce que le corps est produit par la semence, la semence par les aliments et les aliments par les éléments. Car c'est par eux que nous sommes nourris et que nous existons. Donc la forme du corps est du même genre que les formes des éléments, et les formes des éléments du même genre que les autres formes spécifiques. Donc la forme du corps dans l'animal est aussi du même genre uni- versellement que les autres formes spécifiques. Outre cela , qu'il n'y ait pas de persistance dans une forme matérielle quelconque, quant à cela, on le démontre par cette raison , que dans les substances la gé- nération d'une chose est toujours la corruption d'une autre, et réci- proquement , comme le dit Aristote, dans le livre sur la Génération et la corruption, il traite de la génération et de la corruption en général. Généralement donc il y a transmutation entre les formes sub- stantielles, de manière que dans le revêtement de l'une il y a dé- pouillement de l'autre, et vice versa; or ce revêtement et ce dépouil- lement ne peuvent être par accident, relativement au revêtement et au dépouillement des autres choses qui sont par soi des termes de génération et de corruption , parce que dans la génération et la cor- ruption d'une substance il n'y a qu'une forme substantielle qui puisse être terme par soi. Il y a donc transmutation entre certaines formes d'une manière générale. Il faut donc dire généralement qu'elles sont toutes du même genre, et c'est la première preuve de la proposi- tion. La seconde se tire de la définition. Le philosophe Aristote dit dans le livre Y de la Métaph., que les choses qui n'ont pas le même susceptif sont diverses en genre. Donc tous les actes qui ont le même susceptif sont de même genre. C'est évident, tant à l'égard des acci-

Corpus enim hominis quod post mortem putrescit, resolvitur in elementa; fit enim corpus taie ex semine , et semen ex ali- mente, et alimentum ex alimentis. Ex eis- dem enim nutrimur et sumus. Forma ergo corporis est ejusdem generis cum formis elementorum ; formae autem ele- mentorum sunt ejusdem generis cum aliis formis specificis. Ergo et forma corporis in animali est ejusdem generis universa- liter cum aliis formis specificis. Pratcrea, quod non sit instantia in aliqua forma ma- teriali, quantum ad hoc, ostenditur per hoc quod in substantiis semper generatio umus est corruptio alterius, et e converso, ut dicit Philosophus in libro De générât, et corrupt. , ubi déterminât de generatione et corruptione in universali. Universaliter ergo inter formas substantiales est trans-

mutatio, sic quod in inductione unius est abjectio alterius, et e converso. Talis au- tem inductio et abjectio non potest esse per accidens ad inductionem et abjectio- nem aliorum quee sunt per se termini ge- uerationis et corruptionis , quia in gene- ratione substantiae vel corruptione nihil potest per se esse terminus, nisi forma substautialis. Est ergo transmutatio inter quascumque formas universaliter. Oportet ergo dicere universaliter , qucd omnes sunt ejusdem generis , et hœc est prima probatio propositionis. Secundo probatur per locum a diffinitione. Dicit enim Philo- sophus, V. Metaph., quod diversa gênera sunt quae non habent idem susceptivum. Omnes ergo actus qui habent idem suscep- tivum sunt ejusdem generis. Hoc est ma- nifestum tam de accidentibus transeunti-

58 OPUSCULE XLIV.

dents passagers, qui sont les opérations, qu'à l'égard des formes per- manentes,. En effet, la vue du blanc et la vue du rouge sont des actes de même genre, puisqu'elle sont le même susceptif prochain , à savoir la puissance visuelle. De même la blancheur et la rougeur sont des formes du même genre , puisqu'elles se trouvent dans le même susceptif y c'est-à-dire dans la superficie d'un corps limité. La raison en est que les puissances sont distinguées par les actes, de façon que les actes de divers genres ont des puissances diverses. Or le susceptif prochain de tout acte est la puissance destinée à être perfectionnée par cet acte; d'où il suit que tous les actes , qui ont le même susceptif prochain, sont nécessairement du même genre. Or toutes les formes substan- tielles ont le même susceptif, parce qu'elles sont des perfections de la même puissance. En effet, la matière est ce qui est une certaine puis- sance ordonnée pour toutes les formes matérielles , comme pour ses perfections , elle est susceptible de toutes les formes matérielles , comme le bois est susceptible de toutes les formes artificielles , comme il est dit dans le Ier livre de Phys. Donc toutes les formes ma- térielles sont du même genre. Mais on peut opposer à cette preuve le fait de l'ame , qui est l'acte d'un corps physique organique. Car elle ne paroît pas être un acte de la matière première comme d'une puis- sance immédiatement ou prochainement, mais seulement comme d'une manière éloignée, tandis qu'elle semble être un acte du corps, comme immédiatement. C'est ce qui fait dire à Aristote, dans le livre II de l'Ame , que du corps et de l'ame il se fait une chose unique comme de la puissance et de l'acte, et il semble ainsi que le susceptif immédiat de ce composé est différent du susceptif des autres formes, quoique le sus- ceptif éloigné soit le même. Et de semble suivre ce que nous avons dit que l'ame n'est pas du même genre que les formes matérielles,

bus, quae sunt opérât iones, quam de formis permanentibus. Visio enim albi et visio rubri sunt actus ejusdem generis, cum ha- beant idem proximum susceptivum, scili— cet potentiam visivam. Similiter albedo et rubedo sunt formae ejusdem generis, cum sint in eodem susceplivo, scilicet in super- ficie corporis terminati. Et hujus ratio est, quia potentiae distinguuntur per actus, ita quod actus diversorum generum habent diversas potentias. Proximum autem sus- ceptivum cujuslibet actus est potentia nata perfici per illum actum : unde oportet quod omnes actus qui habent idem sus- ceptivum proximum, sint ejusdem generis: nunc autem omnes formae substantiales habent idem susceptivum , quia sunt per- fectiones ejusdem potentiae. Materia enim est illud* quod est potentia quœdam-ordi- nata ad formas omnes materiales tanquam

ad suos actus, sive perfectiones, et est sus- ceptiva omnium formarum materialium, sicut lignum est susceptivum omnium for- marum artificialium , ut dicitur I. Physic. Omnes ergo formas materiales sunt ejus- dem generis. Sed huic probationi potest obviari de anima, quae est actus corporis physici organici. Non enim videtur esse actus primae materiœ tanquam potentiae immédiate vel proxime, sed solum tan- quam remote : videtur autem esse actus corporis tanquam immédiate. Unde Philo- sophus dicit in II. De anima,, quod ex cor- pore et anima sit unum tanquam ex po- tentia et actu, et sic videtur quod ejus sus- ceptivum immediatum sit alterum a sus- ceptivo aliarum formarum , licet idem habeant susceptivum remotum.

Et ex hoc videtur sequi praedictum , quod anima non sit ejusdem generis cum

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 59

puisque les choses qui n'ont pas le même susceptif prochain sont di- verses en genre. Il ne faut pas, en effet, que les choses qui ont le même susceptif éloigné soient de même genre ; car dans ce cas la, couleur et la saveur seroient de même genre puisqu'elles sont dans la même substance. Or la puissance n'est pas tout principe de l'acte, mais son principe immédiat. Donc de ce que la matière est puissance ou susceptif des autres formes, il ne s'ensuit pas qu'elle l'est de l'ame; il s'ensuit donc, comme on voit, que l'ame est d'un autre genre que les autres formes. Il faut répondre à cela qu'il est nécessaire que l'ame ait le même susceptif que les autres formes. Si, en effet, nous pre- .nons le corps en acte par une autre forme que l'ame, et ce corps, suivant quelques-uns , subsistant après la mort , un tel corps ne peut être, puissance par rapport à l'ame, parce que s'il en étoit ainsi, il pourroit recevoir l'ame après la mort, par la raison que tant que la puissance subsiste elle peut être naturellement amenée à l'acte par un agent, de même, tant que la puissance visuelle subsiste dans l'œil, elle peut être amenée à l'acte de la vision. Or, présentement le corps mort ne peut recevoir l'ame parle moyen d'aucun agent naturel, mais seu- lement par un agent surnaturel qui est Dieu. En effet, un mort ne revient naturellement à la vie que par résolution à la matière pre- mière. Or un corps mort n'a jamais été avec l'identité numérique puissance par rapport à l'ame. On peut argumenter de la même ma- nière à l'égard de toute chose composée reçue dans un corps mort, car il ne peut être reçu rien de semblable qui puisse devenir vivant sans corruption. Caria résolution du corps mort se fait jusqu'à la ma- tière première avant que quelque chose de vivant soit engendré de lui, il ne reste donc plus qu'à dire que la matière première est puis- sance immédiate par rapport à l'ame , en prenant l'ame suivant son

formis materialibus , cum illa sint diversa génère, quœ non habent idem susceptivum proximum. Non enim oporlet quod illa quae habent idem susceptivum remotum, sint ejusdem generis ; sic enim color et sapor essent ejusdem generis, cum sint in eadem substantia. Potentia autem dicitur non quodeumque principium actus, sed principium immediatum ipsius. Materia ergo si sit potentia, sive susceptivum alia- rum formarum, non sequitur quod sit ani- mai, sequitur ergo ut videtur, quod anima sit alterius generis ab aliis formis. Ad hoc dicendum , quod necesse est idem suscep- tivum esse animée et aliarum formarum. Si enim accipiamus corpus in actu per aliam formam quam sit anima, quod qui- dem corpus maneat post mortem secun- dum aliquos, taie corpus non potest esse potentia respectu anima?, quia si sic, pos-

set post mortem suscipere animam, quia quamdiu manet potentia , tamdiu potest per agens duci ad actum naturaliter, sicut quamdiu in oculo manet potentia visiva , potest duci ad actum videndi ; nunc autem corpus mortuum per nullum agens natu- rale potest animam suscipere, sed tantum per agens supernaturale , quod est Deus. Ex mortuo enim non fit vivum naturaliter nisi per resolutionem ad primam mate- riam; corpus autem mortuum nunquam fuit idem numéro potentia respectu ani- ma?. Eodem modo etiam potest argui de quoeumque accepto in corpore mortuo, quod sit compositum; nihil enim taie po- test accipi, quod possit fieri vivum sine corruptione. Fit enim resolutio corporis mortui usque ad primam materiam, ante- quam ex ipso generetur vivum, et ita re- linquitur quod materia prima sit potentia

60 OPUSCULE XLIV.

caractère propre, de même qu'elle est puissance immédiate par rap- port aux autres formes. .Néanmoins , si nous considérons le corps en acte par le moyen de l'ame même, alors le corps ainsi considéré est puissance par rapport à l'ame, en tant qu'elle communique la qualité de "vivant, de sensible et ainsi de suite.

Aristote, dans le second livre de l'Ame , parle dans ce sens, lors- qu'il dit que du corps et de l'ame il se fait quelque chose d'unique , comme de la puissance et de l'acte. De même , lorsqu'il dit au même endroit que l'ame est un acte du corps , il s'exprime ainsi, parce que dans la définition de la forme, il faut mettre la matière en tant qu'elle est appropriée à cette forme , et non en tant qu'elle lui est commune avec les autres. C'est aussi dans le même sens que l'on dit : L'ame est un acte du corps , comme si l'on disoit , la chaleur est un acte de l'objet échauffé, et ce dont la chaleur est l'acte n'est pas qualifié par une autre qualité antérieure à la chaleur, parce que la chaleur appar- tient aux quatre premières qualités, mais on entend que c'est qualifié par la première chaleur, qui est son acte. Et on ne peut pas dire que la disposition du susceptif, par laquelle la puissance est appropriée à l'acte , donne le caractère de puissance au susceptif lui- même , de manière , par exemple , qu'après la destruction de cette disposition , elle ne soit plus puissance par rapport à une telle forme ; comme si l'on disoit que l'harmonie propre fait que le corps est puis- sance par rapport à l'ame, et que par conséquent, après la destruction ou la résolution de cette harmonie, elle n'est plus puissance, c'est- à-dire susceptif à son égard. Si , en eifet , cela étoit vrai , il y auroit autant de puissances que d'actes, et une seule puissance nerépondroit pas aux divers actes du même genre, parce que les différents actes demandent des dispositions diverses dans la puissance susceptive.

imrnediata respectu animée, si accipiamus animam seeundum suam propriam ratio- nem, sicut est potentia imrnediata respectu aliarum formarum. Tamensi consideremus corpus in actu per ipsam animam , tune ipsum corpus sic consideratum, est poten- tia respectu animée, et seeundum quod ipsa dat esse vivum et sensitivum , et sic dein- ceps ; et sic loquitur Philosophus in II. De anima, cum dicit, quod ex corpore et ani- ma fit unum sicut ex potentia et actu, et similiter quando dicit ibi quod anima est actus corporis , ideo autem sic loquitur, quia in difiinitione formée débet poni ma- teria prout appropriata est illi formée, non autem seeundum quod communis est sibi et aliis; similis est modus loquendi curn dicitur : Anima est actus corporis , ac si diceretur , calor est actus calefacti , non

autem id cujus calor est actus , est quali- ficatum alia qualitate priori quam sit ca- lor, quia calor est de primis quatuor qua- litatibus, sed intelligitur quod sit qualifi- catum primo calore , qui est actus ejus. Nec potest dici, quod dispositio susceptivi, per quam appropriatur potentia actui , det ipsi susceptivo rationem potentiee , ita sci- licet quod illa dispositione destructa, non sit amplius potentia respectu talis formée : sicut si diceretur quod propria harmonia facit, quod corpus est potentia respectu animée, et ideo ipsa harmonia destructa vel soluta jam non est potentia , scilicet susceptiva respectu ipsius. Si enim hoc es- set verum, tôt essent potentiœ quot actus, et non responderet una potentia diversis actibus ejusdem generis, quia diversi actus requirunt diversas dispositiones in potentia

SUR LA. PLURALILÉ DES FORMES. 61

Nous voyons, en effet, que les actes des actifs se trouvent dans le patient et le disposé , comme il est dit' au livre second de l'Ame. C'est ce qui fait aussi que les formes des éléments qui ont évidemment le même susceptif prochain , demandent dans leur susceptif des dispo- sitions contraires , savoir, la forme du feu la chaleur, la forme de l'eau la fraîcheur. Peu importe de dire que cela se fait à raison du défaut de l'agent naturel , parce que cette puissance passive , qui est un corps mort, ne peut être amenée à l'acte de la vie, par la raison que à toute puissance passive répond une puissance active quelconque qui puisse l'amener à l'acte, autrement cette puissance passive seroit oisive. C'est pourquoi , de ce qu'il n'y a point de puissance naturelle qui puisse disposer un corps mort à l'acte de la vie , il s'ensuit qu'il n'est pas puissance par rapport à un tel acte , et par conséquent aussi le corps mort n'est pas le même qu'il étoit vivant , quant à la forme. En effet, ce corps vivant étoit puissance par rapport à l'ame , mais l'ame communique la qualité de vivant avec les perfections ulté- rieures, quoique la matière soit la puissance, en tant qu'elle constitue l'être substantiel et l'être corporel , comme il a été dit. Il faut donc ainsi que toutes les formes matérielles soient du même genre , parce qu'elles ont toutes le même susceptif prochain, c'est-à-dire la matière première : voilà la preuve de la seconde proposition. On démontre également cela d'après l'habitude des formes entre elles, quant à leurs essences. Pour mettre cela en évidence , il faut considérer que les formes des différents genres sont telles , que l'une n'a rien dans sa nature de la vertu* de l'autre , mais qu'elles sont tout-à-fait d'une nature différente, n'étant pas contenues l'une dans l'autre : par exemple la couleur et la saveur, dont aucune n'est en vertu dans l'autre , et qui sont par diverses, quant au genre. Mais les formes

susceptiva. Videmus enim actus activorum esse in patiente et disposito, ut dieitur II. De anima. Unde etiam formae elementorum, de quibus raanifestum est quod habent idem susceptivum proximum, requirunt in suo susceptivo dispositiones contrarias : puta , forma ignis calorem, forma aquae frigiditatem. Nec valet si dicatur, quod hoc fit propter defectum agentis naturalis, quia illa potentia passiva quae est corpus mor- tuum, non potest duci ad actum vitse, quia cuilibet potentiœ passiva; respondet aliqua potentia activa, quae possit eam ducere ad actum ; alioquin illa potentia passiva esset otiosa. Unde ex hoc quod non est aliqua potentia naturalis , quae possit disponere corpus mortuum ad actum vitœ , sequitur quod ipsum non est potentia respectu talis actus, et per consequens etiam non est idem corpus secundum formam, quod fuit

vivum. IUud enim corpus vivum erat po- tentia respectu animae, sed anima dat esse vivum et ulteriores perfectiones, licet ma- teria sit ejus potentia, secundum quod con- stituit esse substantiale et esse corporeum, sicut dictum est. Sic ergo oportet quod omnes formae materiales sint ejusdem ge- neris, eo quod omnes habent idem suscep- tivum proximum, scilicet materiam.pri- mam, et hoc est secundae propositionis pro- batio. Ostenditur hoc idem ex habitudine formarum ad se invicem quantum ad suas essentias. Ad cujus evidentiam consideran- dum est, quod formae diversorum geue- rum sic se habent , quod una nihil habet in sui natura de virtute alterius , sed sunt penitus diversœ naturae, quarum nulla con- tinetur in alia ; puta, color et sapor, quo- rum neutrum est virtute in altero , et ex hoc sunt diversa secundum genus; sed

62 OPUSCULE XLIV.

du même genre sont telles , que l'une contient toujours l'autre en vertu , savoir, celle qui est plus parfaite contient en elle celle qui l'est moins avec une addition , de même que nous voyons qu'une figure en contient une autre avec quelque chose de plus. En effet, le tétragone renferme le trigone, avec un angle de plus; le pentagone renferme le tétragone, avec un angle en sus, et ainsi des autres; et il en est des autres genres comme du genre des figures rectilignes. Comme , en effet , en tout genre il y a quelque chose de premier, qui est la mesure de toutes les choses qui sont dans ce genre, il faut nécessairement que les diverses formes du même genre soient dis- tinctes entre elles , en s'éloignant de ce qui est premier dans leur genre , et que par-là même elles soient multipliées en s'éloignant les unes plus , les autres moins , de façon qu'il y ait autant de formes que de modes d'éloignement. Par exemple , dans le genre de couleur il y a autant d'espèces qu'il y a de modes d'éloignement dans le genre de la couleur de ce qu'il y a de premier dans ce même genre , et de la mesure qui renferme toute la perfection du genre. C'est pourquoi Aristote dit dans le dixième livre de la Métaphysique , que le noir, qui s'éloigne le plus du blanc, est la privation du blanc, par la raison qu'il manque totalement de la perfection du blanc , et il en est ainsi à l'égard des autres contraires. En effet, tous les contraires sont dans le même genre , d'où il résulte qu'un des contraires est toujours pri- vation par rapport ta un autre qui est habitude , parce qu'il contient toute la perfecfion ue son genre. On peut conclure de que toutes les formes qui sont telles , à l'égard les unes des' autres, que la plus parfaite contient en ella celle qui l'est moins , en y ajoutant quelque chose , sont du même gerre. Il en est ainsi de toutes les formes sub- stantielles, dans ce cas elles sont comme les nombres dont les espèces

forma? ejusdem generis sic se habent, quod semper una virtute continet aliam, illa scilicet qua? est perfectior in se conti- net imperfectiorem cum alio addito, sicut videmus quod una figura continet aliam et aliquid amplius. Tetragonum enim con- tinet trigonum et addit unum angulum; pentagonum continet tetragonum et addit unum angulum , et ita de ca?teris, et sicut est in génère rectilinearum figurarum, ila est in aliis generibus. Cum enim in omni génère sit unum primum quod est men- sura omnium , quae sunt in illo génère, oportct quod diverse forma; ejusdem ge- neris, sint ab invicem distincts per reces- sum a primo sui generis, et quod multipli- centur secundum quod multum recedunt al) illo primo, qusedam minus et qua?dam magis, ut scilicet tôt sint forma? , quot mo-

dis sit recessus ab illo primo : puta , in gé- nère coloris tôt sunt species , quot modis sit recessus ab illo primo in génère coloris et mensura totarn perfectionem sui gene- ris comprebendente. Onde et Philosophus, X. Méfaph.j nigrum , quod maxime distat ab albo, dicit esse privationem albi, eo quod minime habet perfectionem coloris albi , et ita est in abis contrariis. Omnia enim contraria sunt in eodem génère, unde unum contrariorum semper est privatio respectu alterius quod est habitus, eo quod continet totam perfectionem sui generis. Ex his concludi potest, qua?cumque forma? sic se habent ad invicem, quod semper perfectior continet in se imperfectiorem et super eam addit aliquid , sunt ejusdem generis. Sic se habent omnes forma? sub- stantiales, tune enim forma? sunt ut nu-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 63

résultent de ce que le plus grand ajoute une unité au plus petit , comme il est dit aux VIIIe et IXe livres de la Métaphysique. Donc, toutes les formes substantielles matérielles sont du même genre. De même, en effet, que les différents nombres se forment en progressant naturellement de l'unité , de manière que le premier nombre ajoute une unité à l'unité, et ainsi de suite, de même les formes maté- rielles se prennent en raison d'un certain éloignemént de la matière relatif au plus ou moins de perfection. Les formes des éléments sont très-proches de la matière première , et par-là même très-imparfaites, suivant le Commentateur, et comme s' éloignant peu de la matière. C'est ce qui fait que les corps élémentaires sont appelés premiers corps, comme constitués par les premières formes et la matière pre- mière. Ces formes, à cause de leur proximité de la matière, ne sont suivies d'aucune opération excédant les qualités actives et passives. Et par conséquent elles s'éloignent davantage de l'imperfection et de la potentialité de la matière première de la forme des corps mixtes , comme ayant en elles quelque chose de la forme des éléments et quelque chose en sus , ce qui fait qu'elles déterminent des opérations excédant les qualités actives et passives des éléments. Par exemple , l'aimant attire le fer, le jaspe arrête le sang, et ainsi des autres ; et dans ces métaux il y a encore plusieurs degrés. On peut également comparer les plantes aux êtres inanimés, parce que les formes des plantes excèdent la forme de toutes les choses inanimées , à raison de quoi elles ont en elles-mêmes le principe actif de leur mouvement , savoir de la nutrition, de l'accroissement , ce qui ne convient à aucun être inanimé. De même les formes des animaux excèdent les formes des plantes, et s'éloignent davantage de la terrestréité de la matière , parce qu'elles ont en elles le principe de leur mouvement, et en outre

meri, quorum species résultant , per hoc quod major acklit unitatem supra mino- rerai , sicut dicitur VIN. Metaph. et IX. Omnes ergo forma? substantiales materiales sunt ejusdem generis. Sicut enim numeri diversi résultant secundum progressionem naturalem ab unitate, ita quod primus nu- merus super unitatem addit unitatem , et sic deinceps , ita forma? materiales acci- piuntur secundum quemdam a materia re- cessum secundum perfectius et imperfec- tius. Forma; siquidem elementorum sunt propinquissima? materia? prima;, et sic im- periectissima? secundum Commentatorem, et quasi parum a materia recedentes. Unde corpora elementaria dicuntur prima corpora tanquam a primis formis et ma- teria prima constituta. Istas autem formas propter sui propinquitatem ad materiam non sequitur aliqua operatio excédons qua

litates activas et passivas. Consequenter autem magis recedunt ab imperfectione et potentialitate materiae prima? forma? mix- torum, utpote habentes in se quidquid ha- bent forma? elementorum , et adhuc am- plius, unde et ipsas consequuntur opera- tiones, excedentes qualitates activas et passivas elementorum, puta, adamas trahit ferrum, jaspis restringit sanguinem, et sic de aliis , et in istis etiam sunt multi gra- dus. Similis est etiam comparatio planta> rum ad inanimata, quod scilicet forma? plantarum excedunt omnium inanimato- rum formam , ex quo quidem excessu ha- bent in seipsis principium sui motus acti- vum, puta, nutritionis et augmentationis, quod nulli inanimato competit. Similiter etiam forma? animalium excedunt formas plantarum, et plus elongantur a terrestrei- tate materia?, propter quod habent in se

64 OPUSCULE XLIV.

les connoissances des autres choses. Mais l'ame humaine est la plus parfaite de toutes les formes reçues dans la matière. C'est pourquoi elle est non-seulement un principe de cognition s'opérantpar l'organe corporel, mais parce qu'elle est élevée au-dessus de la matière, elle a naturellement une cognition et une intelligence séparée de la matière, ce qui fait qu'elle doit être immortelle , comme l'insinue Aristote au chap. XII de la Métaph., parce que, entre toutes les formes, elle sub- siste seule après la corruption du corps. Ainsi donc , comme elle est la plus parfaite entre toutes les formes matérielles, et qu'elle contient virtuellement la forme végétative de la plante et la forme scnsitive de la brute , elle doit nécessairement contenir virtuellement toutes les autres formes matérielles, et ainsi quant à ce qu'elle est une perfection du corps , elle est du même genre que les autres formes corporelles ou matérielles; et ainsi on peut remarquer que la forme substantielle, qui est plus parfaite , renferme en elle la moins parfaite et quelque chose de plus, il faut donc admettre qu'elles sont toutes du même genre : c'est la troisième et dernière preuve de la proposition. La première proposition de la même question se prouve par ce qui a été dit. Et d'abord par la transmutation des formes entre elles.

En effet, si deux formes quelconques concourent ensemble à par- faire le même sujet, elles sont contingentes et ne présentent aucune répugnance. Or la transmutation par soi ne se produit pas entre des formes contingentes ; car le contingent ne provient du contingent que par accident , et par conséquent ne se résout en contingent que par accident, comme il est dit au livre Ier de la Phys. Or, si la transmu- tation par soi ne se produit pas entre les formes qui existent simul- tanément dans un sujet, il s'ensuit qu'elles ne sont pas du même genre , parce que la transmutation par soi se produit entre les formes

principium sui motus, sed et cognitiones aliarum rerum. Anima vero humana inter omnes formas receptas in materia perfec- tissima est. Unde non solum est princi- pium cognitionis, quœ est per organum corporale, sed quia elevata est super ma- teriam , naturaliter habet cognitionem et intelligentiam separatam a materia . unde oportet quod sit perpétua , sicut innuit Philosophus, XII. Metaph.j quod inter om- nes formas ipsa sola manet post corporis corruptionem. Sic ergo cum sit perfectis- sima inter omnes formas materiales , et contineat virtualiter vegetativam plantse et sensitivam bruli, oportet quod contineat virtute omnes alias formas materiales , et ita quantum ad hoc quod est perfectio corporis , est ejusdem generis cum aliis formis corporalibus vel materialibus , et sic considerari potest quod semper forma

substantialis quse est perfectior, continet in se imperfectiorem et amplius, et ita re- linquitur, quod omnes sunt ejusdem gene- ris, et haec est tertia et ultima probatio propositionis. Prima vero propositio ejus- dem rationis probatur ex his quae dicta sunt. Primo quidem per transmutationem formarum ad invicem. Si enim aliquae duae formae perficiunt simul idem subjectum, illee sunt contingentes nullam repugnan- tiam habentes. Inter formas autem con- tingentes non cadit trausmutatio per se. Contingens enim non fit ex contingenti nisi per accidens, nec per consequens cor- rumpitur in contingens nisi per accidens, sicut dicitur I. Phys. Si autem inter for- mas quœ simul sunt in subjecto , non ca- dit trausmutatio per se, sequitur quud non sint ejusdem generis , quia inter formas ejusdem generis cadit transmutatio per se,

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 65

du même genre , comme on Ta démontré. Il est donc impossible que deux formes du même genre concourent ensemble à parfaire un même sujet. La seconde preuve se tire de ce que les formes du même genre ont le même susceptif immédiat. Or, il n'est pas possible que deux formes aient à la fois numériquement le même susceptif immédiat , parce qu'il doit y avoir un ordre naturel entre les formes , et deux formes pareilles ne sont mises dans le même sujet qu'en tant que l'une est coordonnée à l'autre ; et encore nulle d'elles ne sera perfec- tionnée par l'autre, parce que ce qui est perfectible précède la per- fection. Si donc l'on dit que de deux formes l'une perfectionne le sus- ceptif par le moyen de l'autre , il s'ensuit qu'elles n'ont pas le même susceptif immédiat , et par conséquent qu'elles ne sont pas du même genre. Donc il est impossible que deux formes perfectionnent d'une manière quelconque le même susceptif. Peu importe de dire qu'une forme est la disposition au susceptif , et l'autre en est l'acte , parce que les diverses formes du même genre demandent différentes dispo- sitions par le moyen desquelles le réceptif leur soit approprié ; et quoique , dans l'ordre de la génération , l'une dispose à l'induction de l'autre, néanmoins, dans l'ordre de l'être, la disposition propre de l'une répugne à l'autre. Car si la disposition de l'une subsistoit avec la disposition de l'autre, cette disposition seroit commune, et ne seroit propre à aucune. Or il n'y a point de forme dans la matière , sans qu'elle soit disposée et propre. S'il y avoit simultanément deux formes dans la matière, aucune d'elles n'auroit une disposition propre; car toute la disposition de la matière seroit commune à l'une et à l'autre, par cela que l'une et l'autre forme subsiste avec cette dispo- sition. Donc il est non-seulement vrai qu'une forme n'appartient pas à la disposition propre de l'autre , mais encore qu'elle n'en souffre

ut prius ostensum est. Impossibile est ergo duas formas ejusdem generis simnl perfi- cere idem subjectum. Secundo ostenditur idem per hoc quod forma? ejusdem generis habent idem susceptivum immediatum. Non est autem possibile, quod dua? forma? habeant idem susceptivum numéro imme- diatum simul , quia oportet esse ordinem naturalem inter formas, nec etiam ponun- tur duae forma? taies in eodem subjecto, nisi in quantum una est ordinata ad aliam ; neulra etiam perticietur per aliam, eo quod perfectibile prœsupponitur per- fectioni. Si ergo dicatur quod duarum formarum una perficit susceptivum rae- diante alia , sequïtur quod non habent idem susceptivum immediatum, et per con- sequens quod non sint ejusdem generis. Impossibile est ergo duas formas aliquo modo perficere idem susceptivum. Nec

etiam valet si dicatur, quod una forma est dispositio ad susceptivum , et alia est actus ejusdem , quia diversa? forma? ejus- dem generis requirunt diversas disposi- tiones, per quas receptivum eis approprie- tur, et licet in via generationis una dispo- nat ad inductionem alterius, tamen in via essendi dispositio propria unius répugnât alteri. Si enim dispositio unius staretcum dispositione alterius, jam esset communis dispositio et nullius propria. Forma autem non est in materia, nisi sit disposita et propria.

Si essent dua? forma? in materia simul, neutra haberet propriam dispositionem : tota enim dispositio materia? esset commu- nis utrique, ex quo utraque forma stat cum illa dispositione. Non solum ergo verum est quod una forma non pertinet ad dis- positionem alterius propriam , sed nec

66 OPUSCULE XLIV.

pas d'autre avec elle dans le même sujet. Et on peut trouver la troisième preuve tirée de l'impossibilité de la coexistence des dispo- sitions. En quatrième lieu , on peut établir ainsi la preuve. La forme la plus parfaite renferme toujours la plus imparfaite , comme dans les nombres et les figures , le nombre cinq renferme le nombre quatre, et le pentagone le tétragone , ainsi que nous l'avons fait voir. Donc la forme plus parfaite existant dans la matière , ce seroit inuti- lement que s'y trouveroit la forme moins parfaite , puisqu'elle est contenue dans la forme plus parfaite , et qu'elle est avec elle du même genre dans le même sujet. La cinquième preuve se tire de ce qui paroîtànos sens. Nous remarquons dans les formes sensibles qui sont du même genre , qu'elles ne se souffrent pas mutuellement dans le même sujet. Un corps, en effet, n'est pas, dans la même partie, rouge et blanc, pas plus que froid et chaud, et nous remarquons cela non-seulement dans les choses il y a contrariété, mais encore dans les autres. Un corps ne peut effectivement être tout à la fois triangu- laire et quadrangulaire. Donc, puisque nous nous élevons par le moyen des sensibles à la connoissance des intelligibles, il est impos- sible que les formes du même genre, qui ne sont pas sensibles, telles que sont les formes substantielles , puissent compatir entre elles dans le même sujet. On peut encore établir ainsi une autre preuve. Dans les formes l'on trouve la contrariété, par exemple dans les couleurs et les saveurs , il y a deux choses à remarquer, savoir, qu'elles va- rient d'intensité , et qu'elles sont du même genre. Or il est évident que dans de telles choses deux formes sont simultanément et relative- ment impossibles. Donc ou elles sont impossibles ainsi à raison de leur augmentation ou diminution d'intensité , ou parce qu'elles sont du même genre. On ne voit pas d'autre cause de cette incompossibilité.

etiam compatitur secum aliam ia eodem subjecto. Et hœc potest esse tertia pro- batio sumpta ex incompossibilitate dispo- sitioxium. Quarto, ostenditur idem sic. Semper forma perfectior continet imper- fectiorem, sicut est in numeris et figuris, quod quinarius continet quaternarium, et pentagonus tetragonum, ut prius ostensum est. Forma ergo perfectiore existente in materia, frustra esset in ea forma imper- fection ex quo continetur in forma per-- fectiore , et sit cum forma imperfectiore ejusdem generis in eodem subjecto. Quinto persuadetur sic per ea quae apparent sen- sui. Videmus enim in formis sensibilibus, quœ sunt ejusdem generis, quod non com- patiuntur se in eodem subjecto. Non enim idem corpus in eadem sui parte est album et rubeum , nec etiam calidum et frigi-

dum, et sic etiam videmus non solum ia illis ubi est contrarie tas, sed etiam in aliis. Non enim aliquod corpus potest esse simul triangulare et quadrangulare. Cum ergo per sensibilia elevemur ad cognitionem intelligibilium, impossibile est quod formae ejusdem generis quee non sunt sensibiles, cujusmodi sunt formée substantiales, com- patiantur se in eodem subjecto. Sexto, probatur idem sic. In formis ubi inveni- tur contrarietas, puta, in coloribus et sa- poribus, duo est considerare, scilicet quod intenduntur et remittuntur, et quod sunt ejusdem generis. Manifestum est autem quod in talibus duœ formae sunt incompos- sibiles ad invicem. Aut ergo sunt incom- possibiles , quia intenduntur et remittun- tur, aut quia sunt ejusdem generis; nec apparet aliqua alia causa incompossibili-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 67

Mais on ne peut pas dire qu'elles sont incompossibles à raison de l'augmentation ou de la diminution d'intensité, parce que, par Vin- tension ou la remission de la forme dans le sujet, il se fait en quelque sorte une transition à une autre forme du même genre, ou plus par- faite , ou moins parfaite , et par ce moyen disparoît quelque chose de l'impossibilité de l'une à l'égard de l'autre. Il ne reste donc plus qu'à dire qu'elles sont incompossibles par cette raison qu'elles sont du même genre. Donc, puisqu'en posant la cause on admet l'effet, il faut en général que toutes les formes qui sont du même genre soient incompossibles par cette raison. La septième preuve se déduit ainsi. La forme moins parfaite d'un genre quelconque se distingue de celle qui est plus parfaite, non à raison de quelque chose de positif existant en elle, et n'existant pas dans celle qui est plus parfaite, parce que , ainsi qu'il a été dit, la plus parfaite contient totalement celle qui l'est moins , et quelque chose de plus. Elle en est donc distinguée par cela que la forme plus parfaite introduit dans le sujet quelque chose dont la moins parfaite produit la négation. Donc , comme il est impossible qu'un sujet possède et soit privé en même temps de quelque chose de positif, il est impossible qu'une forme plus parfaite et une forme moins parfaite existent en même temps dans le même sujet. Huitième preuve. Un acte quelconque, tant qu'il perfectionne sa puissance , la perfectionne, l'occupe et la contient totalement. Car il est de l'essence de4'acte de parfaire, de limiter et de compléter sa puissance. Mais un susceptif occupé et complet n'admet rien de plus avant d'avoir subi une évacuation. Donc les formes de même genre ayant le même susceptif, il est impossible à celui-ci de recevoir une forme après l'autre, sans être débarrassé de la première. Neuvième et dernière preuve. Toute transmutation par soi se fait de l'opposé à l'opposé , car on fait le

tatis , nisi alterum istorum. Sed non po- test dici quod sunt incompossibiles , quia intenduntur et remittuntur , quia per in- tentionem et remissionem formée in sub- jecto fit quodarnmodo accessus ad aliam formam ejusdem generis, vel perfcctiorem vel imperfectiorem, et sic per hoc tollitur aliquid impossibilitatis unius ad alteram. Relinquitur ergo quod sint incompossibiles propter hoc, quia sunt ejusdem generis. Cum ergo posita causa, ponatur effectus , oportet universaliter quod omnes formée quae sunt ejusdem generis, sint ex hoc in- compossibiles. Scptimo, arguitur sic. For- ma imperfectior alicujus generis distin- guitur a perfectiore non secundum aliquid positivum quod sit in ea et non in perfec- tiore, quia sicut dictum est, perfectior con- tinet imperfectiorem totaliter et adhuc amplius.'Per hoc ergo distinguitur ab ea ,

quod forma perfectior aliquid point in subjecto , cujus privationem ponit imper- fectior. Cum ergo impossibile sit aliquod subjectum simul habere in se aliquod posi- tivum , et privationem ejusdem , impossi- bile est ergo quod forma perfectior et im- perfectior ejusdem generis simul sint in eodem subjecto. Octavo , arguitur. Omnis actus quamdiu suam potentiam perficit, totaliter eam perficit, et occupat,et continet. De ratione enim actus est periicere , ter- minare et complere suam potentiam ; sed susceptivum occupatum et completum , nihil suscipit quousque evacuetur. Ergo cum forma? ejusdem generis habeant idem susceptivum, impossibile est quod recipiat unam formam post uliam , nisi priore ab- jecta. Nono et ultimo arguitur. Omnis transmutatio per se est de opposito in op- positum, de non albo enim fit album , et

68 OPUSCULE XLIV.

blanc de ce qui n'est pas blanc , le feu de ce qui n'est pas du feu ; mais il y a transmutation par soi entre deux formes de même genre, comme on l'a dit. Donc une forme produit une dénomination diffé- rente de celle qui accompagnoit une autre forme de même genre, et c'est ce qui se voit dans les formes sensibles. En effet, un corps rouge est non blanc , et non noir, et non vert ; pareillement le blanc est non rouge et non vert, et ainsi des autres. Si donc deux formes de même genre concouroient ensemble à perfectionner le même sujet, il se trouveroit simultanément dans le même sujet des choses opposées. Par exemple , si dans le même sujet il y avoit blancheur et rougeur, le même sujet seroit qualifié non blanc par la rougeur, et blanc par la blancheur, et ainsi il seroit blanc et non blanc. Or c'est l'opposé du premier principe, et on a ainsi suffisamment montré que diffé- rentes formes du même genre ne peuvent concourir simultanément à parfaire le même sujet ; d'un autre côté, on a prouvé précédemment que toutes les formes substantielles sont du même genre ; il ne reste donc plus qu'à conclure qu'un sujet ne peut être perfectionné simul- tanément par divers modes substantiels , mais par un seul. Cette mé- thode est prise dans l'opinion d'Aristote formulée en divers endroits , et surtout dans le livre X de la Métaph., il dit que comme dans les couleurs il y a quelque chose de premier qui est la mesure de toutes les couleurs , savoir la couleur blanche, dans les tons il y a quelque chose de premier, savoir le dièse , dans les figures rectilignes il y a aussi quelque chose de premier, savoir le trigone. Il en est de même dans les autres genres, et, cela étant , il doit en être de même dans les passions , les qualités et les substances. Car la même chose a lieu en tout.

Ces paroles du Philosophe expriment formellement que toutes les

de non igné ignis ; sed inter duas formas ejusdem generis est per se transmutatio, sicut dictum est. Ergo una forma denomi- nat ipsum opposita denominatione a prima qua denominat ipsnm alia forma ejusdem generis , et hoc apparet in formis sensibi- lités. Corpus enim quod est rubeum , est non album, et est non nigrum, et non vi- ride ; eodem etiam modo album est non vubeum et non viride , et sic de aliis. Si ergo duee formée ejusdem generis simul perficerent idem subjectum, opposita simul inessent eidem subjecto : puta , si in eo- dem subjecto esset albedo et«rubedo , de- nominaretur idem subjectum per rubedi- nern non album et per albedinem album, et ita esse album et non album : hoc au- tein est oppositHm primi principii, et ita suflicienter ostensum est, quod diversee

formes ejusdem generis non possunt simul perficere idem subjectum ; prius autem probatum est , omnes formas substantiales esse ejusdem generis. Relinquitur ergo quod non est possibile aliquod subjectum simul perfici diversis modis substantialibus, sed una sola. Sumpta est autem heec via ex sententia Philosophi in diversis locis, et preecipue ex X. Metaph., ubi dicit quod sicut in coloribus est unum primum, quod est mensura omnium colorum, scilicet co- lor albus, et in vocibus est unum primum illius generis , scilicet diesis, et in figuris rectilineis est unum primum , scilicet tri- gonum ; ita est in aliis generibus, et si ita sit, in passionibus, et qualitatibus, et sub- stanths, necesse est similiter se habere . Si- militer enim se habet in omnibus. Ex istis verbis Philosophi habetur ex-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 69

substances dont il parle ici appartiennent à un seul genre physique. Or il parle des substances matérielles, parce qu'il n'est pas encore ar- rivé à traiter des substances immatérielles. Il dit aussi au même en- droit, que la privation est un principe de contrariété, et qu'un des contraires est la privation à l'égard d'un autre. Le commentateur dit également , sur le même passage , que toutes les choses contraires sont opposées à raison de la privation et de l'habitude. Car il arrive que l'un des contraires est la privation de perfection , parce que l'un des contraires est l'habitude parfaite, et l'autre diminuée. Or, la rai- son de ces deux auteurs , Aristote et son commentateur , est que les contraires sont dans le même genre et qu'ils sont par conséquent dis- tingués par la privation et l'habitude de leur genre , comme on l'a exposé plus haut. La conséquence est donc que les formes de même genre, lorsqu'il n'y a pas de contrariété, sont distinguées de la même manière, comme dans les figures ^t les substances, de manière que l'une perfectionne toujours le sujet avec la privation de l'autre. Mais un des contraires est comme la privation , à cause de sa grande dis- tance à son contraire , qui est l'habitude la plus parfaite du même genre, de même les milieux entre deux contraires venant des con- traires eux-mêmes , ont quelque chose de la privation, et quelque chose de l'habitude à raison du plus et du moins, c'est pourquoi cha- cun d'eux est incompossible avec l'autre dans le même sujet. Donc la même cause se trouvant dans les composés et dans les autres genres il n'y a pas de contrariétés, deux formes du même genre ne pourront pas concourir ensemble à perfectionner le même sujet. Aristote dit aussi dans le même livre, qu'il n'y a point de transmuta- tion d'un genre en un autre, si ce n'est par accident, et plus cet autre genre est plus parfait , plus il est simple et moins composé , comme

presse, quod substantise omnes , de quibus hic loquitur , surit un'ms generis physici, loquitur autem de substantiis materialibus, quia nondum pervenit ad determinandum de substantiis ircimaterialibus. Dicit etiam in eodem , quod privatio est principium contrarietatis, et quod unum contrariorum est privatio respectu alterius. Ubi etiam dicit Commentator, quod omnia contraria opponuntur secundum privationem et ha- bitum. Uni enim contrariorum accidit ut sit privatio perfectionis, quia alterum con- trariorum est perfectus habitus, et alte- rum diminutus. Ratio autem istorum dic- torum Philosophi et sui Gommentatoris est, quia contraria sunt in eodem génère , et ideo distinguuntur secundum privatio- nem et habitum sui generis , ut supra ex- positum est. Consequens ergo est, quod eodem modo distinguantnr formœ ejusdem

generis , ubi non est contrarietas , utpote in figuris et in substantiis, ut semper una perficiat subjectum cum privatione alte- rius; sed unum contrariorum est ut pri- vatio , propter sui maximam distantiam a suo contrario, quod est habitus perfectissi- mus ejusdem generis , ita et média inter duo contraria cum sint ex ipsis contrariis, aliquid habent de privatione , et aliquid de habitu secundum magis et minus, propter quod quodlibet eorum est incompossibile alteri in eodem subjecto. Cum ergo eadem causa in compositis reperiatur et in aliis generibus, ubi non est contrarietas, non po- terunt duse formse ejusdem generis simul pertîcere idem subjectum. Dicit etiam Phi- losophus in eodem libro, quod non est per- mutatio ex uno génère in aliud genus, nisi per accidens ; et quanto aliud est perfec- tius, tanto est simplicius et minus compo-

70 OPUSCULE XLIV.

on le voit dans les formes accidentelles du même genre. En effet , la blancheur qui est la couleur la plus parfaite est plus simple , et les autres couleurs sont plus ou moins composées et plus ou moins simples , selon qu'elles s'en éloignent ou s'en approchent. Outre cela, dans les formes du même genre l'une contient l'autre virtuelle- ment, la plus parfaite la moins parfaite, et si la moins parfaite étoit unie à la plus parfaite, elle ne lui apporteroit aucune perfection, et cette union seroit inutile. Mais il n'y a rien d'inutile dans la na- ture; il ne sera donc pas possible de faire dans les espèces aucune addition de manière à ce qu'une forme préexistante subsiste avec une seconde qui sera survenue. Il faut donc entendre la comparaison sus- dite en ce sens que la forme préexistente s'altère lorsqu'il en survient une plus parfaite, de sorte que dans un composé il ne reste qu'une seule forme, laquelle néanmoins contient celle qui est moins parfaite et quelque chose de plus, et par conséquent lui ajoute quelque chose. De sorte que, ainsi que le nombre plus grand contient en soi le nombre moindre séparé de lui, et y ajoute quelque chose , comme le nombre quatre renferme virtuellement le nombre trois entièrement distinct et y ajoute l'unité ; de même la forme plus parfaite ajoute quelque perfection à la forme moins parfaite qu'elle contient virtuel- lement. Donc quoique dans les nombres on puisse ajouter au nombre trois une nouvelle unité laquelle, avec les trois autres unités , forme le nombre quatre, qui est le nombre plus grand, néanmoins ce mode n'est pas possible dans les formes, et la forme survenant ne peut cons- tituer une forme plus parfaite avec celle qui préexiste dans la ma- tière. Il y a deux raisons de cette différence , la première, c'est que l'addition d'un nombre à un autre nombre se fait suivant les parties intégrales ou quantitatives, en tant qu'un nombre en excède un autre.

situm, ut patet in formis accidentalibus ejusdem generis. Albedo enim quœ est co- lor perfectissimus est simplicior ; et alii colores in quantum ab eo distant vel ei appropinquant sunt compositiores vel sim- pliciores. Et prœterea, formarum ejusdem generis una continet aliam virtualiter, sci- licet perfectior imperfectiorem , et imper- fectior si conjungeretur cum perfectiore, nullam perfectionem daret, sed esset frus- tra. In natura autem nihil est frustra, non ergo sic poterit fieri additio in speciebus, ut forma prseexistens maneat cum alia su- perveniente. Oportet ergo similitudinem prœdictam sic intelligere, ut forma perfec- tiore adveniente, corrumpatur preeexistens, ut semper in composite maneat una forma tantum , continens tamen imperfectiorem et amplius, et per consequens addens super ipsam ; ut sicut numerus major continet in

se numerum minorem seorsum ab eo exis- tentem, et addit super ipsum, ut quater- narius continet in se virtualiter quantita- tive seorsum ab eo existentem ternarium et addit unitatem ; ita forma perfectior super formam imperfectiorem , quasi vir- tualiter continet , addit aliquam perfectio- nem. Iicet ergo in numeris sit quod mi- nori numéro; puta ternario potest fieri additio unitatis novae , quse cum tribus unitatibus constituât quaternarium , qui est numerus major , tamen ille rnodus in formis non est possibilis, ut forma adve- niens cum forma preeexistente in materia constituât perfectiorem formam. Et hujus diversitatis ratio est duplex , quia additio numeri super numerum est secundum partes intégrales vel quantitatives _, in quantum unus numerus excedit alium. Ad talem autem excessum habendum nihil re-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 71

Mais pour avoir cet excédant, peu importe qu'en prenant le nombre moindre on y ajoute quelque chose en faisant de ce nombre une partie du plus grand, ou qu'on prenne le plus grand nombre tout à fait en dehors de toutes les unités. Des deux manières un nombre surpasse l'autre en quantité. Mais l'addition d'une forme à une autre forme du même genre se fait par rapport à la perfection. Or toute la perfection qui est dans la forme est moins parfaite dans la forme plus parfaite par soi, il n'y auroit donc pas acccroissement de perfection par l'u- nion de la forme moins parfaite avec celle qui est plus parfaite, et par conséquent toute forme est simple, et il n'en est aucune composée de formes, et la forme est d'autant plus simple qu'elle est plus grande et plus parfaite, quoiqu'il en soit tout le contraire dans les nombres, parce que plus un nombre est grand plus il est composé, et consé- quemment il ne peut se faire d'addition à la forme existante , comme dans les nombres on ajoute à un nombre préexistant. La seconde rai- son de cette différence c'est que le nombre n'est pas quelque chose de simplement un , mais c'est quelque chose d'un par l'aggrégation des unités. Par conséquent il peut convenablement avoir plusieurs parties dont chacune est en acte, et conséquemment, de quelque manière que se fasse l'addition d'une partie à une autre partie , il en résulte un nombre plus grand ; mais la substance matérielle est quelque chose d'un simplement, ce qui fait qu'il ne peut pas y avoir en elle plu- sieurs actualités, comme on le dira plus bas; en conséquence, lorsqu'il survient une forme substantielle, Fautre doit nécessairement céder la place. Pour cette raison il vaut mieux comparer les formes aux figures qu'aux nombres, parce que la figure suit la forme du continu; Aristote établit cette comparaison, dans le livre II de l'Ame, lorsqu'il dit : « Il en est de même pour ce qui est des figures lesquelles sont en

fert utrum accepto minore numéro adda- mus aliquid faciendo ipsum minorem nu- meruin partem majoris, vel quod accipia- mus majorem numerum seorsum omnino ex omnibus unitatibus. Utroque enim modo unus numerus excedit alium secundum quanlitatem. Sed additio formée super formam ejusdem generis est secundum perfectionem ; tota autem perfectio quae est in forma, imperfectior est in forma perfectiore per se , et ita nulla perfectio cresceret ei ex forma imperfectiore , si po- neretur cum perfectiore, et ideo omnis forma est simplex , et nulla est composta ex formis, et tanto forma est simplicior, quanto major est et perfectior, licet in nu- meris sit e contrario , quia quanto numerus est major, tanto est compositior , et ideo non potest fieri additio formée existenti,

sicut fit in numeris additio numéro prae- existenti. Alia ratio hujus diversitatis est, quia numerus non est quid unum simpli- citer , sed unum aggregatione unitatum. Et ideo sibi competit habere plures partes, quarum quœlibet est inactu, et ideo quo- cumque modo fiât additio partis ad partem, résultat numerus major, sed substantia materialis est unum quid simpliciter, et ideo non possunt in ea esse plures actua- litates , ut infra dicetur ; et ideo adve- niente una forma substantiali , necesse est aliam cedere. Et secundum hoc convenien- tior est similitudo formarum ad figuras , quam ad numéros , eo quod figura sequi- tur formam continui, quam similitudinem ponit Philosophus, in II. De anima, sic in- quiens : « Similiter se habent ei quod de figuris est et quœ secundum animam

72 OPUSCULE XLIV.

rapport avec l'ame. » En effet , il y a toujours dans ce qui est d'une manière conséquente une puissance qui est antérieurement dans les figures et daus les choses animées , comme le trigone dans le tétra- gone , le végétatif dans le sensitif. Or, dans les figures il est évident que pour avoir une espèce plus grande dans le trigone, il ne faut pas lui ajouter une ligne quelconque pour avoir le tétragone, parce que de quelque manière que l'on ajoute cette ligne il n'y auroit pas une figure plus grande, parce qu'elle ne sera pas fermée d'une manière différente. On ne peut pas non plus ajouter à un trigone préexistant un nouveau quaternaire pour former avec lui une figure plus grande, parce que deux figures du même genre ne peuvent coexister numéri- quement dans le même sujet ou corps, mais il faut, pour que le corps trigone devienne tétragone, opérer une section dans le corps pour détruire la figure triangulaire , il devient ou flexible ou ductile , et il y a une autre opération à faire pour avoir quatre angles en détruisant les premiers angles qui se trou voient dans la figure triangulaire. Ainsi donc il est nécessaire qu'il se fasse une addition ou une sous- traction daus les substances des choses de telle sorte que la figure qui préexistoit s'altère lorsqu'il en survient une nouvelle, comme on le voit dans les figures, et de même dans les nombres dont l'un est pris après l'autre en dehors de toutes les autres unités, un nombre conte- nant plus d'unités que l'autre et le surmontant ainsi. Il est aussi évi- dent que cet ordre procède suivant l'opinion d'Aristote, parce que les propositions dont nous avons étayé nos assertions, viennent de lui, et sont prises dans son sens. Mais il reste un doute à éclaircir, considé- rant comme prouvé qu'il n'y a pas plusieurs formes substantielles dans l'homme, parce que l'ame raisonnable étant incorruptible ne paroît pas être du même genre que les choses matérielles qui sont

sunt. » Semper enim in eo quod est conse- quenter, est potentia quod prius est in fi- guris et in animatis f ut in tetragono qui- dem trigonum, in sensitivo autem vegeta- tivuni. Manifestum est autem in figuris , quod ad habendum speciem majorera tri- gono manenti , non est illi addenda aliqua liuea ut habeatur tetragonus , quia quali- tereumque addatur illa linea non esset fi- gura major, quia non esset alia clausio quam prius. Nec etiam trigono prœexis- tenti potest addi novum quaternarium, ad constituendum cum ipso majorem figuram, quia non compatiuntur se in eodem sub- jecto sive corpore secundum numerum duae figura? ejusdem generis, sed oportet ad hoc quod corpus trigonum fiât tetrago- num, amovere per decisiouem de corpore, ut destruatur iigura triangularis , vel sit flexibilis vel ductibilis oportet in ipso

aliam curationem facere, ut habeantur quatuor anguli destructis primis angulis qui fuerunt in figura triaugulaiï. Sic ergo necesse est additionem vel subtractionem in substantiis rerum fieri , ut adveniente nova forma corrumpatur illa quee praeexis- tebat, sicut in figuris patet et sicut in nu- meris quorum unus accipitur post alium seorsum ex aliis unitatibus omnibus, cum unus plures unitates contineat quam alter, et sic cadit super ipsum. Patet etiam quod tota illa via procedit secundum sentent ia m Philosophi , quia propositiones ex quibus ostensum est propositum, ab eo sumptee sunt et secundum sensum quem intellexit. Sed unum dubium restât videre , quia vi- detur esse probatum, quod inhomine non sint plures formœ substantiales, quia anima rationalis cum sit incorruptibilis , non vide- tur esse ejusdem generis cum aliis mate-

SUR PLURALITÉ DES F0RA1ES. 73

corruptibles , puisque le corruptible et l'incorruptible diffèrent en genre, comme il est dit au livre X de la Métaph., et ainsi l'ame rai- sonnable admet avec soi certaines formes corporelles dans l'homme, de façon qu'il y ait deux formes dans l'homme, savoir , l'ame raison- nable et la forme du corps. A cela il faut dire que c'est à cause de cela que l'ame a été constituée sur les limites des substances séparées qui sont incorporelles, et des formes matérielles qui sont corporelles. Car elle est la plus basse des formes incorruptibles et la plus élevée des formes corruptibles; c'est pour cela qu'elle est en partie séparée de la matière et en partie dans la matière; suivant l'intellect et la vo- lonté, elle est séparée et incorruptible, et sous ce rapport, elle appar- tient au genre des substances séparées , mais suivant les autres puis- sances elle estun acte de la matière, et sous ce rapport elle est corruptible et appartient ainsi au genre des formes matérielles qui sont corrup- tibles. Tout cela est évident par la raison que par ces puissances, sa- voir la puissance sensitive et la puissance végétative, elle contient la perfection qui se trouve dans les formes des brutes, mais dans un degré plus éminent. C'est pourquoi il est impossible qu'elle puisse coexister avec une autre dans le même sujet, étant du même genre que chacune des autres, de la même manière que toutes les autres formes sont incompossibles par la raison qu'elles sont du même genre, comme on l'a prouvé.

Nous allons passer au second moyen de démonstration qui se tire de la puissance essentielle de la forme substantielle , à savoir de ce que chaque forme substantielle constitue un être simplement; et pour écarter toute dispute de mots, j'appelle être simplement ce qui est une chose déterminée et subsistante. En effet, une chose déterminée sub- sistante ne dépend de rien dans l'existence; ce qui est dépendant, c'est

rialibus quee sunt corruptibiles , quia cor- ruptibile et incorruptibile differunt secun- dum genus , ut dicitur X. Metaph., et ita anima rationalis compatitur secum quas- dam formas corporales in homine, ut sint dus; formée in homine , scilicet anima ra- tionalis et forma corporis. Ad hoc dicen- dum est quod propter hoc anima consti- tuta est in confinio substantiarum separa- tarum quae sunt incorporales, et formarum materialium quœ sunt corporales. Est enim iniima formarum incorruptibilium et su- prema formarum corruptibilium ; et prop- ter hoc est partim separata a materia, et partim in materia , secundum intellectum namque et voluntatem separata et incor- ruptibilis est, et quantum ad hoc pertinet ad genus substantiarum separatarum , sed secundum alias potentias est actus mate- riee,, et secundum illas est eorruptibilis, et

sic pertinet ad genus formarum materia- lium quae sunt corruptibiles. Quod patet ex hoc quod per potentias illas , scilicet sensitivam et vegetativam , continet per- fectionem quee reperitur in formis bruto- rum, sed eminentius. Unde impossibile est quod compatiatur secundum aliam in eo- dem subjecto, cum sit ejusdem generis cum unaquaque, sicut et omnes formée aliee sunt incompossibiles propter hoc , quod sunt ejusdem generis, ut ostensum est.

Sequitur de secunda via ostendendi pro- positum , quae sumitur ex potestate essen- tiali formée subslantialis , ex hoc scilicet quod queelibet forma substantialis consti- tua ens simpliciter ; et ne liât disceptatio de vocabulo , voco ens simpliciter illud, quod est hoc aliquid et subsistens. Hoc aliquid enim subsistens a nullo dependet

74 OPUSCULE XLIV.

un être secundum quid ; c'est pourquoi Aristote appelle accidents les êtres secundum quid, et substance les êtres simplement. Il appelle de même la génération des accidents genre secundum quid, et le genre des substances genre simplement. Que toute forme substantielle cons- titue un être subsistant, on pourroit le prouver par le premier moyen en supposant l'incompossibilité des formes. Il s'ensuit , en effet, tout d'abord, que tout subsistant matériel étant un sujet, n'ayant qu'une matière, il n'y a pour chacun qu'une forme qui le rend subsistant. Néanmoins, pour montrer que ce moyen est suffisant en soi, nous allons procéder par les ressources propres qu'il fournit. Il faut d'abord mettre en principe que toute forme naturelle est le principe de quelque mouvement naturel et de repos. Donc toute forme naturelle qui se pro- duit dans la matière se constitue un corps naturellement apte à recevoir un mouvement naturel; or tel est un corps mesurable pesant ou léger, dur ou mou. Donc toute forme qui se produit d'abord dans la matière est suivie de quelques accidents qui sont nécessaires au mouvement ; mais de pareils accidents sont nécessairement fondés sur quelque substance subsistante ; donc toute forme matérielle substantielle , qui est immédiatement unie à la matière , constitue un être subsistant. Outre cela, tout ce qui se meut par soi, est un être par soi, et subsis- tant par soi. Chaque chose, en effet, opère en raison de ce qu'elle est, mais toute forme qui se produit d'abord dans la matière constitue un être qui se meut par soi, savoir un corps physique. Donc c'est un être subsistant par soi , et il faut surtout remarquer cela à l'égard de la forme du corps humain , que certains supposent être différente de l'ame. Car , comme suivant l'opinion commune , cette forme du corps subsiste dans la matière après la mort, il semble, d'après le sens

in essendo ; quod autem dependet est ens secundum quid , unde Philosophais acci- dentia vocat entia secundum quid, sub- stantias autem entia simpliciter ; similiter generationem accidentium vocat genus se- cundum quid, genus substantiarurn genus simpliciter. Quod autem quselibet forma substantialis constituât ens subsistons, pos- set probari ex prima via supposita incom- possibilitate formarum. Ex hoc enim sta- tim sequitur, quod omne subsistens mate- riale, cura sit unum subjectum , unam tantum habens materiam quod tantum sit una forma cujuslibet, quse faciat eum esse subsistons ; sed tamen ut appareat , quod ista via in se sit sufiiciens, ideo ex propriis hujus vise est procedendum. Pro principio autem hujus via} sumendum est, quod om- nis forma naturalis est principium alicu- jus motus naturalis et quietis. Omnis ergo forma naturalis quse primo advenit mate-

riae , constituit aliquod corpus aptum na- tum moveri aliquo motu naturali ; taie au- tem est corpus dimensionatum grave vel levé, durum vel molle. Ergo ad quam- cumque formam primo advenientem raa- terisesequuntur aliqua accidentia quse sunt necessaria ad motum ; sed talia accidentia nocessario fundantur in aliqua substantia subsistente. Ergo omnis forma naturalis substaitialis quse immédiate unitur mate- rise , constituit ens subsistens. Prseterea, omne quod per se movetur, est per se ens et per se subsistens. Unumquodque enim sicut est, ita operatur; sed omnis forma primo adveniens materise constituit ens quod pei se movetur, scilicet corpus phy- sicum. Ergo est ens per se subsistens, et hoc specialiter considerandum est de forma corporis humani, quam quidam ponunt esse aliam ab anima. Cum enim secundum omnes forma illa corporis maneat in ma-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 75

commun, qu'un tel corps est quelque chose de subsistant; il s'ensuit un être subsistant par soi. En outre , on le démontre ainsi de toute forme substantielle. Comme la forme substantielle , par cela qu'elle est forme ou acte, constitue quelque chose en acte, de même, par cela qu'elle est substantielle, elle doit constituer une substance ; donc par la raison qu'elle est forme substantielle elle doit constituer une sub- stance en acte et par conséquent donner l'être subsistant; mais l'être de la substance est de subsister, comme l'être de l'accident c'est d'exister dans un être. Donc toute forme substantielle constitue une substance subsistante. Outre cela, on le prouve par un exemple. Nous voyons les formes imparfaites, telles que les formes des éléments, suivant les philosophes, de même la forme de la vapeur, de la pluie , de la grêle et d'autres choses imparfaites de ce genre , constituer quelque chose de subsistant. Or, plus la forme est parfaite, plus l'être qu'elle donne est parfait, et l'être subsistant est plus parfait que l'être par lequel une chose ne subsiste pas. Il est donc contraire à la raison de dire que les formes plus parfaites, telles que les formes des êtres mixtes, ne doivent pas être subsistantes. Nous avons donc démontré ainsi que toutes les formes substantielles rendent une chose subsistante. Il faut considérer de plus que tout ce qui survient dans une chose subsistante doit être accident, et on le prouve par ce que nous avons dit. Et d'a- bord, si toute forme substantielle constitue un être subsistant, aucune forme substantielle ne pourra se produire dans un subsistant préexis- tant. Mais elle constitue nécessairement quelque chose de subsistant, et par conséquent quelque suppôt, et ainsi elle ne se produit pas dans un suppôt préexistant. Donc tout ce qui survient dans une chose sub- sistante, comme l'informant, est accident. Outre cela, tout ce qui

teria post mortem , apparet autem sensui, quod taie corpus est quoddam subsistons, sequitur quod ipsa eonstituit ens per se sub- sistens. Praeterea, hoc ostenditur universa- liter de omni forma substantiali sic. Forma substantialis, sicut ex hoc quod est forma vel actus, aliquid in actu eonstituit, ita ex hoc quod substantialis est , substantiam débet constituere. Ex hoc ergo quod est forma substantialis débet constituere sub- stantiam in actu, et per consequens dare esse subsistens ; sed esse substantiae est subsistere , sicut esse accidentis alteri in- esse. Omnis ergo forma substantialis eon- stituit substantiam subsistentem. Pra;te- rea hoc persuade tur per signum. Videmus enim formas imperfectas, cujusmodi sunt formas elementorum secundum Philosophes, similiter formam vaporis , phiviee, grandi- nis et hujusmotli imperî'ectorum consti- tuere hoc aliquid subsistens; quanto au-

tem forma est perfectior , tanto dat esse perfectius , perfectius autem est esse sub- sistens, quam esse quo aliquid non subsis- tit. Irrationale ergo est dicere, quod formée perfectiores, cujusmodi sunt formas mix- torum, non debeant esse subsisterites. Sic ergo ostensum est, quod omnes formas substantiales faciunt rem subsistere. Ulte- rius considerandum est , quod omne quod advenit rei subsistenti oportet esse acci- dens, et hoc probatur per praemissa. Primo si enim omnis forma substantialis eonsti- tuit ens subsistens , nulla forma substan- tialis poterit advenire subsistenti praeexis- tenti ; sed necessario eonstituit aliquod subsistens et per consequens aliquod sup- positum, et sic non advenit supposito pree- existenti. Omne ergo quod advenit rei subsistenti, tanquam ipsam informans ac- cidens est. Piasterea, omne quod advenit rei subsistenti, et consequitur esse substan-

76 OPUSCULE XLIV.

survient dans une chose subsistante et suit l'être substantiel , ne peut pas être de l'essence de la chose, parce que toute l'essence de la chose se conçoit comme le principe de l'être susceptif de l'être même ; car l'essence est comparée à l'être comme la puissance à l'acte. Donc toute l'essence de la chose, ou la substance est préconçue avant l'être même. Donc ce qui survient dans la chose subsistante n'est pas de l'essence de la chose, ce sera donc par accident. Il y en a qui s'imaginent à tort détruire ces raisons en disant qu'il y a quelque chose de subsistant complet dans l'être spécifique, et tout ce qui lui survient, puisqu'il a l'être complet, est en dehors de sa substance , et en est l'accident. Il y a aussi quelque chose de subsistant incomplet, n'ayant point par soi l'être spécifique; par conséquent il se produit en cela une forme substantielle complétant son existence et son essence. Mais cela a été suffisamment exclu par ce qui a été dit. En effet , tout subsistant, quelque incomplet qu'il soit, est séparé quant à l'être de tout autre subsistant. Donc comme deux formes substantielles constituent deux subsistants, ainsi qu'on l'a montré, il s'ensuit qu'aucune des deux ne s'ajoute à l'autre dans le même individu , mais qu'elles constituent deux individus séparés quant à l'être. Car deux subsistants, quelque incomplets qu'ils soient, sont deux individus distincts. Outre cela, les genres ne subsistent que clans leurs espèces. Donc l'être subsistant, quelque incomplet qu'il soit, possède l'être spécifié, et par conséquent l'essence complète , autant qu'il est possible suivant son degré. Pour cette raison, certains imaginent une autre plaisanterie et disent, que la forme substantielle complète parfaite survenant dans une chose subsistante lui donne un nouvel être de subsistance , mais l'être qui existoit d'abord n'existe plus , parce qu'il y auroit ainsi deux sub- sistances , et ils disent en conséquence que le premier être s'altère

tiale, non potest esse de essentia rei , quia tota essentia rei intelligitur ut principium susceptivum ipsius esse, comparatur enim essentia ad esse, sicut potentia ad actum. Tota ergo essentia rei sive substantia prœ- intelligitur ipsi esse. Non ergo quod adve- nit rei subsistenti est de essentia rei, erit ergo per accidens. Istas autem rationes putant quidam fallaciter infringere di- cendo, quod aliquid est subsistens comple- tum in esse specifico, et omne quod ad- venit tali cum habeat esse completum, est extra ejus substantiam, et est accidens ip- sius. Aliquid autem est subsistens incom- pletum non habens secundum se esse spe- cificum; et ideo sibi advenit forma sub- stantialis complens ejus existentiam et ejus essentiam. Sed istud sufficienter ex- clusum est per prœdicta. Omne enim sub- sistens quantumcumque incompletum Bit ,

separatur secundum esse ab alio subsis- tente. Cum ergo dua? formae substantiales constituant duo subsistentia , ut ostensum est , sequitur quod neutra alteri advenit in eodem individuo, sed constituunt duo individua separata secundum esse. Duo enim subsistentia quantumcumque incom- pleta sint, sunt duo distincta individua. Et prœterea, gênera non subsistunt, nisi in suis speciebus. Esse ergo subsistens quantumcumque incompletum sit , habet esse specificatum et per consequens essen- tiam completam , quantum possibile est se- cundum gradum suum. Propter hoc qui- dam adinveniunt aliam cavillationem , di- cendo quod forma substantialis compléta perfecta adveniens rei subsistenti , dat ei novum esse subsistentia? , sed non manet esse quod prafuit, quia sic essent duee sub- sistentia?, -et ideo dicunt , quod primum

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 77

dans la production de la seconde forme, et que par conséquent il n'y a qu'un seul subsistant. Mais c'est encore plus contraire à la raison parce que l'être par soi suit la forme plus immédiatement même que la première passion ne suit son objet propre, car l'être est l'actualité de la forme. Or, ce qui par soi suit quelque chose ne peut être enlevé par la nature tant qu'il y a subsistance. D'où il suit que la passion propre ne peut être séparée par la nature de son sujet, tant que le sujet persiste , quoique peut-être cela puisse arriver par miracle , ce qui n'entre pas dans notre sujet. Donc toute forme qui est suivie de l'être ne peut le perdre sans subir une destruction radicale. Outre cela ac- quérir l'être n'est pas autre chose pour une forme que de passer à l'acte ou être engendrée, d'où il suit qu'être engendré est non-seule- ment la voie qui mène à l'être , mais encore à la forme. Car la forme est le terme de la génération. Donc la corruption étant opposée à la génération, acquérir l'être pour une forme n'est autre chose qu'être détruite ou corrompue. Cela étant bien compris , il est évident que l'existence de deux formes substantielles dans un individu est impos- sible. On pourroit déplus en déduire les inconvénients évidents qui en résulteroient. En effet, il s'ensuit d'abord que la forme que l'on sup- pose se produire dans un subsistant et être substantielle, est substan- tielle, d'après l'hypothèse, et n'est pas substantielle, mais acciden- telle, comme on l'a montré ; et ainsi on affirmeroit d'elle deux choses contradictoires, car elle sera accident et non accident, substance et non substance; il suit qu'elle est accident, puisqu'on suppose qu'elle survient dans un corps constitué dans l'être par une autre forme. De plus encore, si la forme substantielle est accident, si d'un autre côté l'induction de la forme substantielle est simplement une génération

esse corrumpitur iu adventu formai se- cundee, et ideo est tantum unum subsistens. Sed illud est magis irrationale , quia esse per se consequitur formam immediatius etiaiu quam prima passio suum subjectum proprium : esse enim est actualitas formée, quod autem per se consequitur aliquid , non potest auferri per naturam ipso ma- nente. Unde nec propria passio potest sé- parait per naturam a suo subjecto , dum subjectum manet , licet forte per miracu- lum hoc possit fieri , quod non est ad pro- poQitum. Non ergo forma aliqua, ad quam sequitur esse, potest illud esse amittere absque sui fundamenti destructione. Prae- terea, nihil aliud -est formam acquirere esse, quam ipsam ad actum produci vel generari, unde generari non solum est via ad esse, sed etiam ad formam. Forma enim

Iest terminus generationis. Ergo cum cor- ruptio opponatur generationi , nihil aliud

est formam acquirere esse , quam ipsam destrui vel corrumpi. Istis ergo sufficienter intellectis manifestum est, quod impossi- bile est in uno individuo esse duas formas substantiales. Ulterius etiam possunt con- cludi manifestissima inconvenientia ex istis. Statim enim sequitur quod forma quse ponitur advenire subsistenti , et esse substantialis, est substantialis ex hypothesi et non substantialis , sed accidentalis , ut ostensum est ; et ita de ipsa dicentur duo contradictoria. Erit enim accidens et non accidens , substantia et non substantia ; et praesertim de anima, quee ponitur ab om- nibus esse substantia ; sequitur quod sit accidens , cum ponatur advenire corpori constituto in esse per aliam (ormam. Ulte- rius etiam si forma substantialis sit acci- dens, inductio autem forma? substantialis sit generatio simpliciter , inductio vero acidentis sit alteratio , sequitur quod gène-

78 OPUSCULE XLIV.

et l'induction de l'accident une altération, il s'ensuit que la généra- tion simplement devient altération en étendant le nom d'altération à la production de tout accident par lequel peut s'opérer un chan- gement d'individu dans une chose , comme on dit que Sortes sur la place publique est différent de Sortes sur le théâtre. Néanmoins ce n'est proprement qu'une altération quant à la qualité. Ce genre de preuves est tiré du sentiment d'Aristote et de son commentateur dans la plupart de ses écrits, et dans différents passages suivant les di- verses questions qui en ont été extraites et prouvées. Quant à ce qui a été prouvé d'abord que toute forme substantielle constitue une chose réelle , c'est tiré du livre II de l'Ame, aux premières pages ce Phi- losophe divise la substance en trois choses, savoir : la matière, la forme et le composé; la matière qui par soi n'est pas quelque chose de con- stitué, la forme par laquelle elle acquiert cette qualité, et la troisième chose qui provient des deux autres, savoir un être constitué. C'est ce qui fait dire au commentateur , que toutes les choses desquelles se dit la substance se présentent sous trois modes, dont l'un est qu'il y ait la matière première , qui n'est point formée par elle-même , ni quelque chose par soi en acte. Le second est la forme par laquelle se constitue tel individu ; le troisième est ce qui résulte des deux autres. Le commentateur pense donc que la substance ne se dit que de la forme par le moyen de laquelle une chose est un individu , laquelle chose est dite formée des deux autres, savoir de telle forme et de telle matière, mais non de ces deux choses et d'une antre forme quelcon- que. Car cette division d'Aristote à l'égard de la substance seroit in- suffisante surtout pour ses conclusions relativement àl'ame, s'il y avoit une forme qui constitueroit un individu et une autre qui ne le constitueroit point, à moins qu'il ne l'eût mis dans sa division. Par

ratio simpliciter fit alteratio extendendo nomen alterationis ad productionem cu- juslibet accidentis , pênes quod potest at- tendi aliqua alteritas in re, sicut Sortes in foro dicitur alter a seipso intheatro; pro- prie tamen alteratio est secundum quali- tatem. Sumpta est autem ista via probandi propositum a sententia Philosophi et sui commentarios in plerisque locis et diversis quantum ad diversa quee assumpta sunt et prubata. Quod enim^primo probatum est, quod omnis forma substantialis con- stituit hoc aliquid , hoc acceptum est a principio II. De anima, ubi dividit Philo- sophus substantiam in tria, scilicet mate- riam, formam et compositum. In mate- riam quidem , quae secundum se non est hoc aliquid ; et formam secundum quam jarn est hoc aliquid , et tertimn quod est ex his, scilicet hoc aliquid. Unde dicit

Commentator, quod omnia de quibus di- citur substantia , sunt tribus modis , quo- rum unus est , ut sit materia prima , quœ per se non est formata , nec aliquid per se in actu. Secundum autem est forma per quam habet esse hoc individuum. Tertium autem est, quod fit ex istis ambobus. Yult ergo Commentator , quod substantia non dicitur de aliqua forma , nisi de illa per quam individuum est hoc aliquid , quod quidem hoc aliquid dicitur fieri ex istis ambobus, scilicet forma et materia tali, et non dicitur ipsum fieri ex istis ambobus et aliqua alia forma. Insufliciens enim esset haec divisio Philosophi de substantia , ma- xime ad propositum suum concludendum de anima, si esset aliqua forma quœ con- stitueret hoc aliquid, et aliqu;e quœ non constitueret hoc aliquid , nisi hoc poneret in sua divisione. Gonsequenter Commen-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 79

conséquent le commentateur le met expressément dans le même en- droit. Car pour montrer que l'ame est une substance qui est une forme, il se sert, pour le prouver, de ce que la forme substantielle diffère de l'accident en cela que le sujet de l'accident est composé de matière et de forme, et est quelque chose d'existant en acte qui n'a pas besoin d'accident dans son être; tandis que le sujet de la forme substantielle n'a l'être en acte que par cette forme, et a besoin de forme pour être en acte; et ensuite dans quelques intercallations, il dit que les formes naturelles sont des substances, parce que par leur ablation se perd aussi le nom qui détermine l'être, en tant qu'il est un individu de substance , et par la même la définition qui se fait suivant ce nom, parce que le genre et la différence sont ôtés, et il ne reste rien qui soit un individu, et cela est évident au dernier point, comme il le dit dans les formes des choses simples, puisque la forme enlevée il ne reste plus rien. Il faut remarquer sur ces paroles du commentateur que, quoiqu'il ne soit pas aussi évident pour l'ame que pour les autres formes que son sujet n'est quelque chose en acte que par Famé, et que l'ame étant enlevée il ne reste plus rien dans la matière, il fait néanmoins servir tout cela à opérer une connoissance spéciale de l'ame, comme on le voit clairement par son procédé. Il admet que l'ame est la première perfection du corps , comme il le dit lui-même en définissant l'ame, et il suit de qu'il n'y point de forme antérieure constitutive du corps. Car s'il y avoit un acte antérieur, le sujet de l'ame seroit composé de matière et de forme et ainsi l'ame seroit un accident, suivant la différence qu'il a assignée précédemment entre la substance et l'accident, et le corps n'auroitpas l'être par le moyen de l'ame. Cela étant impossible , il ne reste plus qu'à dire qu'elle est la première perfection du corps, de telle sorte qu'il n'y en a point d'an-

tator in eodem loco hoc ponit expressius. Volens enim ostendere quod anima sit sub- stantia quœ est forma, accipit ad ejus pro- bationem quod forma substantialis in hoc differt ab accidente , quod subjectum ac- cidentis est compositum ex materia et for- ma, et est aliquid existens in actu , quod non indiget in suo esse accidente ; subjec- tum autern formée substantialis non habet esse actu nisi per illam formam, et indiget forma ut sit actu, et postea in quibusdam interpositis dicit , quod forma? naturales sunt substantiae, quia cum fuerint ablatae, aufertur nomen quod demonstrat ens se- cundum quod est individuum substantiae, et similiter diffinitio, quae fit secundum illud nomen, quia auferuntur genus et differentia , et nihil remanet quod sit ali- quod individuum , et hoc valde manifes- tatur, ut dicit in formis rerum simpli-

cium, quoniam cum forma fuerit ablata, nihil remanet. Circa ista verba Commen- tatoris considerandum est, quod quamvis non sit ita manifestum de anima, sicut de aliis formis, quod subjectum ejus non sit aliquid actu nisi per animam, et quod ipsa ablata nihil remaneat in materia , tamen omnia ista adducit ad habendum cogni- tionem de anima specialiter, ut patet ex processu suo. Accipit enim quod anima est prima perfectio corporis , sicut ipse dicit in diffiniendo* animam, et ex hoc sequitur, quod non sit aliqua forma prior, per quam sit corpus. Si enim esset aliquis actus prior, subjectum animœ esset compositum ex materia et forma , et ita anima esset accidens secundum differentiam quam prius assignavit inter substantiam et accidens, nec habcret corpus esse per animam ; quod cum sit impossihile , relinquitur quod sit

80 OPUSCULE XLIV.

térieure dans le corps et que son sujet n'a d'être que par elle et a besoin de l'ame pour être en acte. Le même commentateur le dit en- core plus expressément sur la fin du livre VIII de la Métaph., que le corps et l'ame ne sont pas deux choses diverses, et que le corps n'existe pas sans l'ame. Le commentateur prétend donc que, en gé- néral , le sujet de toute forme substantielle ne devient en acte, sous tous les rapports, que par le moyen de cette forme, et il prouve spé- cialement cela pour la substance de l'ame , et il faut bien le remar- quer, parce qu'il y en a qui le nient formellement du sujet de l'ame. Quant à ce que nous avons conclu plus haut que tout ce qui survient à une chose à la suite d'une forme substantielle est accident, le com- mentateur le dit assez. En effet, il dit dans le livre Ier de la Physique, que si la matière avoit une forme substantielle qui lui fût propre, elle n'en pourroit recevoir une autre tant que la première subsisteroit, mais se corromproit aussitôt qu'une autre seroit produite , et peu après il dit, que si elle avoit une autre forme , ou ce seroit des acci- dents de la forme, ou une forme de la forme. Toutes ces choses ne s'en- suivroient pas s'il y avoit quelque forme qui pût recevoir immédiate- ment une autre. Si, en effet, il y avoit une telle matière propre, se- roit-elle même de la substance de la matière, elle ne devroit pas se corrompre par l'apparition d'une autre forme, mais elle en seroit plutôt perfectionnée, et la forme qui surviendroit ne devroit pas non plus être un accident. Or, pour que ces paroles soient vraies , il faut qu'il n'y ait point de forme qui ne constitue pas un individu, de sorte que toute forme qui survient soit accident. C'est pour cela que les an- ciens, supposant que le principe matériel est un corps , le feu, par exemple, ou l'air, ont dit qu'il falloit admettre comme une consé- quence nécessaire, que toutes les formes étoient des accidents. C'est

quence

prima perfectio corporis, ita quod nulla sit prior in corpore , et quod subjectum ejus nullum esse habeat nisi per ipsam, sed indigeat anima, ut sit in actu ; et hoc magis expresse dicit idem Commentator in V11I. Metoph., in fine , quod corpus et ani- ma non est duo diversa et corpus non exis- tit sine anima. Vult ergo Commentator, quod universaliter subjectum cujuslibet formée substantialis , nihil sit in actu nisi per illam formam , et speciaiiter hoc pro- bat de substantia animée, et hoc bene con- siderandum est, quia hoc de subjecto ani- mée ab aliquibus preecipue negatur. Quod autem conclusum est superius, quod omne quod rai advenit post quamcumque for- mam substantialem, sit accidens hoc satis dicit Commentator. Dicit enim I. Phjsic, quod si materia haberet aliquarn formam substantialem sibi propriam, nullam aliarn

reciperet ipsa pressente , sed statim cor- rumperetur, quam cito alia generaretur. Et paulo post dicit , quod si haberet ali- quarn formam vel formée essent accidentia vel formée esset forma; ista autem non sequerentur, si esset aliqua forma quee pos- set aliam formam immédiate super se re- cipere. Si enim esset aliqua talis propria materia, etiamsi esset de substantia mate- rias , non oporteret eam corrunipi in ad- ventu alterius formée , sed potius periîce- retur ; nec etiam oporteret formam super- venientem esse accidens. Ad hoc autem, ut dictum suum habeat veritatem, oportet quod nulla forma sit quee non constituât hoc aliquid , ita quod omnis forma adve- niens sit accidens. Et propter hoc antiqui ponentes principium materiale esse corpus aliquod, puta ignem aut aerem , dixerunt tanquam necessarium suum consequens

SLR LA PLURALITÉ DES FORMES. 81

ce qui fait dire au commentateur, dans le livre III de la Plrys., que si les formes des éléments restoient en acte différentes des autres formes , il faudroit nécessairement qu'aucun être ne fût produit par elles avec une diversité dans la forme substantielle , mais seulement dans les accidents. Pour ce qui est de la conclusion qu'on a tirée plus haut relativement à l'ame qu'elle seroit un accident si elle s'ajoutoit à une autre forme, cela se déduit assez des paroles du commentateur déjà citées au livre II de l'Ame. Quant à la conclusion ultérieure, que la génération seroit une altération, on peut le tirer assez au long des paroles d'Aristote. Il dit , en effet, dans le Ie* livre de la Génération, donnant son opinion, qu'il faut généralement traiter de la génération, de la corruption , de l'altération et des autres transmutations. Et il faut noter qu'il le dit d'une manière générale, pour qu'on ne dise pas que les choses qui suivent ne s'étendent pas à toutes les choses géné- râmes, mais bien à quelques-unes; et il ajoute immédiatement après que tous ceux qui ont pensé que tout provient d'un principe matériel, qui est un corps, comme l'air ou le feu , doivent nécessairement ad- mettre que la génération est une altération et que ce qui est généré d'abord n'est ensuite qu'altéré , et il en donne ensuite la cause en di- sant : « suivant eux, en effet, il reste toujours un et même sujet en acte, et nous disons qu'un tel sujet s'altère. » D'où se montrant consé- quents avec leurs principes ils disoient que la génération n'est autre chose que l'altération, comme il est dit au même endroit. Aristote estime donc que dans toute transmutation il reste un sujet en acte, cette transmutation est une altération, et si l'on prétend que cette transmutation est une génération , la génération est appelée altéra- tion. C'est encore rendu évident par le procédé suivant d'une manière plus expresse , parce qu'il suit de qu'il s'agit généralement de la

poni , quod omnes formse essent acciden- tia. Unde Commentator in III. Phys. dixit, quod si formae elemeutorum remarièrent in actu différentes ab aliis formis, necesse esset ut nullum ens generaretur ab eis di- versum in forma substantiali, sed tantum in accidentibus. Quod autem conclusum est superius de anima, quod ipsa esset ae- cidens si adveniret alieui formae, hoc satis habetur ex verbis Commentatoris jam dictis, II. De Anima. Quod autem ulterius concludebatur , quod generatio esset alte- ratio, satis diffuse diffamari potest ex ver- bis Pbilosophi. Dicit enim I. De générât., dans intentionem suam, quod universaliter determinandum est de generatioue, et cor- ruptione, et alteratione , et caeteris trans- mutationibus. Ubi notandum quod hoc di- cit universaliter, ne quis dicat quod quœ sequuntur non se extendant ad omnia ge-

V.

nerabilia, sed ad quœdam; et cito post subjungit, quod quicumque putaverunt omnia ex uno aliquo principio materiali, quod sit corpus, puta ignis vel aer, necesse habebant ponere generationem alteratio- nem esse , et quod prius generatur solum alterari, cujus causam assignat postea di- cens : « Semper enim manet secundum eos, unum et idem subjectum in actu, taie autem alterari dicimus. » Unde ipsi ponentes consequenter suis principiis ge- nerationem nil aliud esse dicebant , quam alterationem, ut ibidem dicitur. Vult ergo Philosophus, quod in quacumque trans- mutatione manet subjectum aliquod in actu, illa transmutatio est alteratio ; et si ponatur quod illa transmutatio est gene- ratio, generatio dicitur alteratio. Istud pa- tet etiam ex processu sequenti magis ex- presse, quia sequitur ibi universaliter ergo

6

§2 OPUSCULE XLIV.

génération et de la corruption de ce qui est simple. Il donne , en effet la raison pourquoi on a parlé en général de toute génération, en disant que Platon n'a pas traité la question d'une manière suffisante ; car il n'a point étendu ses recherches à toute génération et corrup- tion mais seulement à celle des éléments. Les paroles d'Aristote montrent donc clairement que ce qu'il a dit de la génération appar- tient généralement à la génération de toute substance. D'un autre côté il a expliqué dans le même endroit d'une manière évidente son sentiment personnel, que ce d'où proviennent la génération ou la corruption n'est qu'une substance en puissance, sans rien être ni en quiddité, ni en quantité, ni en qualité, et ainsi du reste. Or, une telle chose n'est que la matière conçue sans aucune forme, et il faut par conséquent, dans l'opinion de ce Philosophe, qu'il ne reste dans ce qui produit la génération aucune forme dans la génération, ni sub- stantielle, ni accidentelle. Car ce qui reste est ce qui produit la géné- ration. C'est pourquoi il enseigne que ce qui produit la génération est un non-être , et que ce n'est pas un des contraires , mais la ma- tière, et par suite, dans les substances la génération d'une chose est la corruption de l'autre et réciproquement. C'est ce qui lui fait dire que rien dans la génération ne demeure en acte , ce qui est évident d'après les conséquents , car en assignant logiquement la différence entre la génération et l'altération , il dit que l'altération se produit lorsque, la substance sensible persistant , il se fait une transmutation dans les passions, comme par exemple , quand un corps sain devient quelque chose de languissant en restant le même, quand, au con- traire , il s'opère une transmutation du tout , sans qu'il reste rien de sensible dans le même sujet, comme toute la semence est employée à la formation de l'animal , comme l'air se forme de l'eau , c'est alors

de generatione et corruptione simplicis. Assignat enim causam, quare universaliter sit dictum de generatione omni , dicens quod Plato insufficienter determinavit de eis. Non enim scrutatus est de omni gene- ratione et corruptione , sed de ea quae est elementorum. Ex vertus ergo Philosopha patet, quod ea quae ibi determinavit de generatione, sunt universaliter ad genera- tionem cujuslibet substantiœ pertinentia. Ibi autem secundum sententiam propriam determinavit manifeste, quod id ex quo est generatio , et id ex quo est corruptio , est substantia in potentia tantum , nec est actu quid, nec quantum, nec quale , et sic de aliis. Taie autem non est aliquid, nisi materia intellecta sine forma omni, et ideo oportet per inventionem Philosophi , quod in illo ex quo generatio est , nulla forma

remanet apud generationem , nec substan- tialis , nec accidentalis. Illud enim quod manet est illud ex quo est generatio. Unde vult, quod illud ex quo est generatio , est non ens, et quod illud non est alterum con- trariorum, sed mnteria, et ideo semper in substantiis , nnius generatio est alterius corruptio, et e contrario. Unde dicit, quod nihil actu manet apud generationem et quod patet ex consequentibus , quia con- sequenler assignans differeutiam inter ge- nerationem et alterationem, dicit quod al- leratio est quando manente substantia sen- sibili, fit transmutatio in passionibus, puta quando corpus sanum fit languidum unum et idem manens; quando autem totum transmutatur non manente aliquo sensibili in eodem subjecto, sicut ex semine toto fit animal, et ex aqua acr , tune est ejus ge-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 83

une génération d'une chose et la corruption d'une autre, et il ajoute en propres termes : quand il ne reste rien dont l'autre chose soit la pas- sion , ou l'accident , ou la génération et la corruption , c'est propre- ment la matière et surtout un sujet susceptible de génération et de corruption. On voit d'après ce procédé, et surtout suivant le sentiment d'Aristote, que jamais dans une génération quelconque une forme ne se produit dans un sujet existant en acte par le moyen de la première forme qui subsiste, mais qu'il faut qu'une forme soit dépouillée quand l'autre est revêtue, et que la matière seule soit sujet, autrement la génération seroit une corruption. Or, on peut montrer que c'est bien le sentiment d'Aristote, en considérant comment , au livre V de la Phys., il établit que la génération n'est pas un mouvement parla raison que ce qui n'est pas généré n'est pas un être. Il distingue , en effet, d'abord le non-être en disant, que tout changement se fait de sujet à sujet, ou de sujet à non-sujet, ou de non-sujet à sujet, et que le non-sujet ou le non-être se dit de deux manières, Y une simpliciter, l'autre secundum quid, afin que l'on voie mieux de quel être il parle, ou lequel il a en vue, et parmi les autres modes il met le non-être pour ce qui n'est pas en acte. D'où il est évident qu'il ne peut pas être mû, et il raisonne ainsi : ce qui n'est pas quelque chose en acte, mais simplement un non-être , ne reçoit pas le mouvement. Or, ce qui est généré est simplement un non-être , donc ce qui est généré ne reçoit pas de mouvement, et par conséquent la génération n'est pas un mou- vement. Pour que cette raison soit bonne il faut que ce qui estgénéré soit simplement un non-être de manière qu'il ne soit pas mobile. Mais s'il étoit un être par quelque forme quelque imparfaite qu'elle fût, qui constituerait un corps, ce seroit en quelque manière un être qui pourrait recevoir le mouvement, quoique n'étant pas dans une espèce

neratio et alterius corruptio, et addit ex- presse postea sic. Quando nihil manet, cu- jus alterum sit passio, vel accidens , vel ge- neratio , et corruptio est mateiïa proprie, et maxime subjectum generationis et cor- ruptionis susceptibile. Ex isto processu ha- betur maxime secundum sententiam Phi- losophi , quod nunquam in generatione aliqua una forma advenit alicui subjecto existenti in actu per priorem formam quœ remanet, sed oportet cum inductione unius esse abjectionem alterius , et solam mate- riam esse subjectum , alioquin generatio esset alteratio. Istud autem potest ostendi esse de mente Philosophi , si consideremus quomodo V. Phys., ostendit generationem non esse motum propter hoc quod illud quod generatur non est ens. Distinguit enim primo non ens : dicens , quod omnis mutatio est de subjecto in subjecum , vel

de subjecto in non subjectum, vel de non subjecto in subjectum , et quod non sub- jectum sive non ens dicitur dupliciter, uno modo simpliciter, alio modo secun- dum quid, ut apparet magis de quo ente dicat vel intendat, et inter alios modos ac- cipit non ens, quod nihil est in actu. Unde manifestum est quod non potest moveri , et ex hoc sic arguit. Illud quod non est aliquid in actu , sed simpliciter non ens , non movetur ; quod autem generatur est non ens simpliciter. Ergo quod generatur non movetur , et per consequens generatio non est motus. Ad hoc autem quod illa ratio valeat oportet quod illud quod gene- ratur sit non ens simpliciter sic ut non sit mobile. Si autem esset ens per aliquam formam quantumcumque imperfectam, quae constitueret corpus, jam esset aliquo modo ens, sic ut moveri posset , licet non esset

84 OPUSCULE XLIV.

complète. Il faut donc que ce qui est généré n'ait pas de forme dans la matière, de façon qu'il soit simplement un non-être, et il ne restera ainsi que de la matière dans la génération sans aucune forme de ce qui est généré; et pour mettre cela dans un plus grand jour, j'écar- terai la futilité qui, suivant quelques philosophes, semble mettre obs- tacle à cet ordre de choses. Il y en a qui disent qu'Aristote n'entend pas dire que ce qui persiste dans la génération est simplement un non-être ; mais que ce qui est ainsi généré est simplement un non-être en acte. Quoique parfois un corps persistant soit préexistant à la gé- nération et soit perfectionné par elle ; néanmoins ce corps préexistant n'est pas le corps qui est généré, sinon en puissance , mais étant gé- néré il est en acte par le moyen du composé provenant du sujet préexistant, et la forme se produit par la génération. Tout cela n'est rien; parce qu'à le bien considérer, il n'y a pas de différence pour notre proposition, à dire dans le sens d'Aristote, que le sujet de la génération est simplement un non-être, ou à s'exprimer de la troisième manière , ou à énoncer que le susceptif de la forme qui persiste dans la génération est simplement un non-être, parce que, quoi que l'on dise, la raison que l'on donne, pour être bonne , doit procéder de la non-entité de ce qui persiste. Car la raison ne peut point procéder du non-être généré suivant cette forme seule qui est revêtue par la gé- nération , de façon à être conçu non-être par la seule raison qu'il en est privé, et qu'il soit un être par une autre forme. Il en est ainsi, en effet, dans tout mouvement, que tout ce qui est produit , ne l'est pas encore par la forme , qui est le terme du mouvement. Par exemple, lorsqu'un homme devient sain, il n'est pas sain tant que s'opère le mouvement qui le porte à la santé, parce que la sauté, qui est le terme du mouvement, fait défaut; mais néanmoins cette non-entité ne suffit

in specie compléta. Oportet ergo , quod ipsius quod generatur , nulla sit forma in materia, ut sic sit simpliciter non ens , et ite sola materia remanebit apud genera- tionem, et nulla forma ejus quod genera- tur. Et ut istud manifestius appareat, ex- cludam cavillationem quae istum proces- sum impedire videtur secundum quosdam. Dicunt enim aliqui, quod ratio Philosophi non accipit , quod illud quod remanet in generatione , sit simpliciter non ens, sed quod illud quod generatur sic , sit simpli- citer non eus actu. Licet autem praeexistat generationi quandoque quoddam corpus quod manet et per generationem perfici- tur ; tamen illud corpus prseexistens non est illud corpus quod generatur , nisi po- tentia tantum ; generatum autem actu est per ipsum compositum ex praeexistente subjecto, et forma per generationem. Sed

ista verba vana sunt , quia si recte consi- deremus, non differt quantum ad proposi- tum , utrum accipiatur in ratione Philo- sophi, quod subjectum generationis sit non ens simpliciter, vel tertio modo, vel quod illud susceptivum forma? , quod manet apud generationem, sit non ens simpliciter quia quodcumque dicatur , oportet quod ratio ad hoc quod valeat, procédât ex non entitate ejus quod manet. Non enim po- test ratio procedere ex non ente generato , secundum illam formam solam , quae in- ducitur per generationem , ut intelligatur non ens solum propter carentiam illius, ita quod sit ens per aliam formam. Sic enim est in omni motu, quod id quod produci- tur , nondum est per formam , quae est terminus motus. Puta cum. sit homo sanus, dum movetur ad sanitatem, non est sanus, quia déficit sanitas quae est terminus mo-

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 85

pas pour montrer que la guérison n'est pas un mouvement , par la raison que le susceptif de la santé , qui persiste dans la guérison , est un être susceptible de mouvement , puisque c'est un homme. Donc une telle non-entité ne fait pas que la transmutation, qui lui esf con- tingente, ne soit pas un mouvement. La raison d'Aristote est donc tirée de l'être généré simplement lequel n'a rien en acte qui persiste dans la génération , c'est ce qui résulte du texte même de ce Philo- sophe ; car il dit qu'il y a quelque chose non-être , ou non-blanc ou non-sain à qui il arrive de se mouvoir par accident , l'homme par exemple. Pour ce qui est simplement un non-être en acte , ou non quelque chose, ce n'est jamais dans le cas de recevoir le mouvement. Or il dit cela pour montrer que sa raison ne procède pas d'un non- être tel qu'il est sous un rapport quelque chose en acte, quoique sous un autre rapport il soit un non-être , autrement sa raison seroit de nulle valeur. Si, en effet, il restoit quelque corps dans la génération, ce seroit un être dans une disposition passive au mouvement. Quant à la considération rationnelle que ce qui est engendré n'est pas dans une espèce complète avant sa génération, mais encore que son acte n'est en aucune manière ce qui persiste dans la génération , cela est vrai, et cela n'est rien en acte , mais doit être soumis à la génération par la seule matière. Et c'est ce que le commentateur dit au même endroit, que l'être de la matière n'étant pas adjoint en acte par un mélange , il est impossible qu'il reçoive le mouvement. Et il ajoute un peu plus loin , que la génération dans la substance n'est pas le mouvement, parce que ce qui est généré en elle est simplement un non-être, et un être en puissance, parce qu'il est transformé et qu'il passe de la puissance à l'acte. Il n'en est pas de même de la généra- tion de l'accident, car ce qui est transformé en elle est être en acte,

tus ; sed tamen illa non entitas non sufïi- cit ad ostendendum , quod sanatio non est motus, eo quod îllud susceptivum sanita- tis quod rnanet in sanatione, sit ens quod moveri possit, cum sit homo. Talis ergo non entitas non excluait transrautationem sibi contingentem non esse niotum . Proce- dit ergo ratio Philosopha ex non entitate gcnerati simpliciter , ut scilicet nihil ejus sit in actu quod maneat in generatione, et hoc patet ex littera Pbilosophi ibidem. Dicit enim quod aliquid est non ens, aut non album , aut non sanum , quod tamen contingit moveri per accidens , est enim homo. Quod autem simpliciter est non ens actu, vel non aliquid , hoc nullo modo contingit moveri. Hoc autem ideo dicit ut appareat, quod ratio sua non procedit de non ente tali , quod uno modo est aliquid

actu, licet alio modo sit non ens, alias ra- tio sua nulbus esset vigoris. Si enim ma- neret aliquod corpus apud generationem, illud esset ens ad motum se habens passi- ve. Quod autem accipitur in ratione, quod id quod generatur, ante generationem suam non sit in specie compléta, sed etiam quod nullo modo actus ejus sit quod maneat apud generationem , verum est , et hoc est nihil in actu, sed per solam materiam sub- jici generationi oportet. Et hoc est quod Commentator dicit ibidem, quod cum esse materiee primée non admisceatur actibus , impossibile est quod moveatur. Et paulo post addit , quod generatio in substantia non est motus, quoniam quod generatur in ea est non ens simpliciter, et ens in poten- tia, quoniam transmutatur et exit de po- tentia inactum. Et non est ita de gênera-

86 OPUSCULE XLIV.

quoiqu'il soit transformé suivant ce qu'il est en puissance. Yoilà que, suivant le commentateur , le raisonnement d'Aristote procède par la cause, etconséquemment par raison démonstrative la génération n'est pas mouvement, comme il le dit au même endroit. Donc celui qui accorde que la génération n'est pas mouvement et que cependant il reste dans la génération quelque chose en acte, celui-là accorde l'effet et en nie la cause. D'autres font une argutie en disant que la propo- sition d'Aristote, savoir , que ce qui est généré est non-être, est sim- plement vraie dans les choses animées, mais non dans les choses ina- nimées quant à la génération, qui est l'induction de la forme dernière. Mais cela est impossible, soit parce que la science du livre des choses physiques traite des universaux de la nature, et s'étend ainsi tant aux choses animées qu'aux inanimées , soit même parce que c'est la conclusion évidente qu'il faut tirer de son texte. En effet, après avoir montré que la génération et la corruption ne sont pas mouvement, mais des changements par contradiction, il en conclut qu'il est seu- lement nécessaire que ce changement soit un mouvement qui va d'un sujet à un autre sujet. Or, il dit qu'un tel mouvement se fait seule- ment entre des contraires, ou des médianes, et ainsi, comme dans les substances il n'y a jamais contrariété , il s'ensuit qu'en général on peut appliquer à toutes les substances la preuve qui établit que leur génération n'est pas mouvement. Outre cela, le texte du Philosophe a déjà détruit cette argutie en disant la même chose au sujet de la gé- nération. Il est donc évident , d'après Aristote , qu'il faut dire que nulle forme ne persiste dans la génération, pour éviter l'inconvénient de dire que la génération est nne altération. En effet, le commentateur dit en plusieurs endroits, dans le sens du Philosophe, au livre Ier des choses physiques, que si la matière première avoit quelque forme qui

tione accidentis, transmutatum enim in ea est ens in actu, licet transmutetur secun- dum quod est in potentia. Ecce secnndum Commentatorem , quod ratio Philosophi procedit per causam , et per consequens démonstrative generatio non est motus, ut ibidem dicit. Qui ergo concedit, quod ge- neratio non est motus , et tamen apud ge- nerationem manet aliquid in actu , ipse concedit effectum et negat causam ipsius. Aliam cavillationem alii ponunt , dicentes propositionem Philosophi, scilicet. Quod generatur est non ens, simpliciter veram esse in rébus animatis, non autem in ré- bus inanimatis, quantum ad generationem quae est inductio ultimae formée. Sed illud est impossibile , tum quia scientia libri Physicorum est de universalibus naturae, et ita se extendit tam ad animata quam ad inanima ta ; tum etiam quod littera sua

hoc manifeste concludit. Postquam enim ostendit quod generatio et corruptio non sunt motus, sed rnutationes per contradic- tionem , concludit ex hoc quod tantum necesse est illam mutationem esse motum, qui est ex subjecto in subjectum ; talem autem dicit solum esse inter contraria vel média, et ita cum in substantiis nunquam sit contrarietas , sequitur quod universali- ter probatum sit de omnibus substantiis, quod generatio earum non est motus. Et prœterea, illa cavillatio prius expulsa est per litteram Philosophi, 1. De generatione, ubi dicit hoc idem. Patet ergo secundum Philosophum , quod oportet dicere quod nulla forma maneat in generatione, ut vi- temus hoc inconveniens , scilicet genera- tionem esse alterationem. Commentator enim in multis locis ad intentionem Phi- losophi dicit I. Phys., quod si materia

SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. 87

lui fut proportionnée, alors la génération dans la substance seroit une altération. Car il dit dans le livre de la substance de l'univers, que la génération et l'altération diffèrent en ce qu' Aristote appelle la trans- mutation des individus dans leurs substances, contraignant leur sujet à n'être pas être en acte, et à n'avoir pas de forme sous ajoutée; parce que s'il avoit une forme , il n'en recevroit une autre qu'après la des- truction de la première. 'Car il est impossible qu'un sujet ait plus d'une forme. Le commentateur en donne pour raison que la matière ayant une forme, ne peut pas en recevoir une autre , parce qu'il est impossible qu'un sujet ait plus d'une forme; cette raison a été déve- loppée précédemment, parce que l'une renferme la privation de l'autre dans la matière. Dans son livre de la Génération il s'étend lon- guement sur cette question, comme aussi dans le livre des choses physiques. Mais comme il est du même sentiment- que les auteurs cités plus haut, je n'en parlerai pas, pour ne pas ennuyer le lecteur par la*multitude des autorités.

Fin du quarante-quatrième opuscule de saint Thomas d'Aquin, sur la pluralité des formes.

L'abbé VÉDRINE,

prima haberet aliquam formam sibi pro- portionatam , tune gèneratio in substantia esset alteratio. Dicit enim in libro De sub- stantia orbis, quod gèneratio et alteratio différant in hoc quod Aristoteles vocat transmutationem individuorum in suis sub- stantiis cogère suum subjectum non esse ens actu et non habere formam quae sub- jiciatur. Si enim haberet formam, nullam aliam reciperet, nisi illa destructa. Unum enim subjectum habere nisi unam formam impossibile est. Ecce quod Commentator assignat causam, quia materia dum habet unam formam, non potest recipere aliam ,

quia impossibile est , quod unum subjec- tum habeat nisi unam formam ; et hujus ratio supradicta est , quia scilicet una in- cluait privationem alterius in materia. In libro autem suo De generatione , multa dicit ad istam quœstionem, et similiter in lib. Phys. Sed quia eadem est sententia cum supradictis, ideo pertranseo ne prop- ter multitudinem authoritatum , lectori fastidium generetur.

Explicit Opusculum quadragesimum quartum S. Thomœ de Aquino, de plurali- tate formarum.

88

OPUSCULE XLVI.

OPUSCULE XLV.

De saint Thomas, commençant par ces mots, postquam de principiis.

Ce traité est le même que l'Opuscule XXXI qui se trouve plus haut, et qui est intitulé: De la nature de la matière et des dimensions illimitées ; voyez-le. Comme maître Pierre de Bergame partage cet Opuscule en deux chapitres distincts intitulés , Vun de la nature de la matière, et l'autre des dimensions illimitées, nous avons mis ici ce titre pour observer le même ordre et garder le même numéro.

OPUSCULE XLVI.

DU MÊME DOCTEUR , SUR LA NATURE DiES SYLLOGISMES.

Savoir, c'est comioître la cause d'une chose; or les causes de tout être sont au nombre de quatre , savoir, la cause efficiente , matérielle, formelle et finale. Pour avoir la connoissance parfaite de chaque chose, il faut connoître ces quatre causes. Il y a donc une cause effi- ciente du syllogisme, gt une autre rationnelle qui le constitue. Car le syllogisme est un acte de raison. La matière du syllogisme est trois

OPUSCULUM XLV.

S. THOM.E, DE DIMENSIONIBCS INTERMINATIS, QUOD INCIP1T, POSTQUAM DE PRINCIPIIS.

Hic tractatus est idem cnm opu-sculo xxxi superius posito, qui de natura materiœ et dimensionibus interminatis intitulatur, re- quire ibidem. Et quia magister Petrus de Bergamo in tabula sua hoc opusculum di-

vidit in duos distinctos titulos, scilicet de natura materiœ seorsum et de dimensio- nibus interminatis seorsum, ideo ad ejus ordinem et numerum observandum , hune titulum hinc interscruimus.

OPUSCULUM XLVI.

EjUSDEH DOCTORIS , DE NATURA SYLLOGISMORUM.

Quoniam scire est causam rei cognos- cere, causae autem cujuslibet entis per se sunt quatuor, scilicet efficiens, materialis, f'ormalis et finalis , ad perfecte cognoscen-

dum unumquodque oportet has quatuor causas cognoscere. Est ergo causa efïiciens syllogismi anima rationalis fonoans ipsum ; unde syllogismus est actus rationis. Mate-

SUR LA NATURE DES SYLLOGISMES. . 89

termes, comme matière éloignée , et deux propositions, comme ma- tière prochaine. Elle est dans les syllogismes comme dans les autres choses composées de matière et de forme , l'on peut trouver la double matière dont on vient de parler. Sa fin est de convaincre ou de faire connoître une conclusion inconnue. Sa forme est la vertu ou puissance de déduire une conclusion des prémisses; elle se trouve dans la définition du syllogisme. Cette forme se revêt de la figure et du mode. La figure est la disposition du moyen terme , suivant la subjection et l'attribution ; cette disposition se fait de trois diverses manières , parce que le moyen terme est ou sous-ajouté ou attribué une fois dans les prémisses, et alors c'est la première figure. Or celte disposition est appelée première figure , parce que le moyen terme a le caractère plus parfait de moyen , en ce qu'il participe de la nature des extrêmes dans la subjonction du petit extrême et du grand dans la prédication. Ou il est attribué deux fois, et alors il est seconde figure, appelée seconde parce qu'elle perd la perfection du moyen. Car dans la première figure , le moyen est moyen suivant la raison et suivant la position ; tandis que dans la seconde il est premier par position , puisqu'il est avant les extrêmes. Ou il est sous-ajouté deux fois, et alors il est la troisième figure , appelée troisième parce que le moyen est troisième par position , étant après les extrêmes. Or il faut savoir que la figure se trouve proprement et en réalité dans les mathéma- tiques, tandis qu'elle n'est dans le syllogisme que par transsomption, par analogie avec le triangle. Car, comme le triangle est la conclusion de trois lignes dans trois angles, de même le syllogisme est le concours de trois propositions, majeure, mineure, conclusion dans trois termes. Le mode est la qualité et la quantité déterminée des propositions pré-

ria vero ejus sunt très termini ut materia remota , et duae propositions ut propin- qua. Et haec similiter est in syllogismo, sicut in aliis rébus constantibus ex mate- ria et forma, quod scilicet est in eis repe- rire duplicem materiarn , quae dicta est. Finis autem ejus est facere fidem seu noti- tiam ignolae conclusionis. Forma vero ejus est virtus seu potestas inferendi con- clusionem ex prœmissis ; et haec tangitur per difïinitionem syllogismï. Hanc autem formam circumloquuntur figura et modus. Figura enim est dispositio medii secundum subjectionem et praedicationem , quae sci- licet dispositio tripliciter variatur, quia aut médius terminus subjicitur et preedi- catur semel in praemissis, et sic est prima figura. Dicitur autem haec dispositio prima figura , quia médium habet perfectiorem rationem medii, quod participât naturam extremorum in subjiciendo minoris extre-

mitatis et majoris in praedicando. Aut prae- dicatur bis, et sic est secunda figura, quae secunda dicitur, quia déficit a perfectione medii. In prima enim figura médium est médium secundum rationem et secundum positionem ; in secunda autem est pri- mum secundum positionem, cum sit supra extremitates. Aut subjicitur bis, et sic est tertia figura, quae dicitur tertia, quia mé- dium est tertium secundum positionem, cum sit infra extremitates. Sciendum au- tem, quod figura proprie reperitur in ma- thematicis, transumptive autem in syllo- gismo , et hoc ad similitudinem figurai tiïangularis. Nam sicut triangulus est clausio trium linearum in tribus angulis, ita syllogismus est concursus trium positio- num, scilicet majoris , minoris et conclu- sionis in tribus terminis. Modus autem est determinata qualitas et quantitas propo- sitionum prœmissarum ad hoc , ut ex eis

90 OPUSCULE XLVI.

misses pour qu'il en résulte une conclusion, laquelle est tirée d'après certaines règles établies par Aristote, et dont quelques-unes sont communes aux trois figures, quelques-unes spéciales. Les communes sont au nombre de deux. La première, c'est que de pures particu- lières , ou indéfinies , ou singulières , on ne conclue rien dans une figure, en comprenant sous le nom de particulière tant l'indéfinie qui , dans la matière contingente , équivaut à la particulière , comme le dit Aristote, que la singulière. Il faut donc, comme il le dit, que l'autre soit universelle. La raison de cette règle est qu'il ne s'ensuit pas de ce que deux choses participent particulièrement à quelque moyen terme, qu'elles soient les mêmes entre elles. Par exemple : Blanc et grammairien participent au même moyen qui est homme, puisqu'il y a des hommes blancs et grammairiens; mais il ne s'ensuit pas de que blanc et grammairien soient simplement la même chose. C'est pourquoi le raisonnement suivant ne vaut rien. Un certain homme est grammairien, or un certain blanc est homme, donc un certain blanc est grammairien , la conséquence est même fausse secundum quid et simpliciter. Il y a une autre raison alléguée par Aristote, c'est que, ou il n'y aura pas de syllogisme, et cela parce qu'il y aura pétition de principe, ou elle n'ira pas au but. De même si l'on vouloit prouver cette proposition, la musique est attrayante, et prendre ces prémisses, quelque volupté est attrayante. Or la mu- sique est une volupté, donc, etc.. La majeure étant particulière, elle se prendra pour cette volupté particulière , qui est la musique , et alors il y a pétition dans la proposition à prouver; ou elle se prendra pour quelque autre volupté, et alors il y aura bien un syllogisme, mais qui n'aboutira pas à la conclusion que l'on vouloit tirer. Ainsi donc il faut que l'une des prémisses soit prise universellement pour

sequatur conclusio, quae quidem ex certis regulis traditis a Philosophe» in I. Priorum colligitur, quarum quaedam sunt commu- nes tribus figuris, quœdam spéciales. Com- munes sunt duse. Primo , quod ex puris particularibus vel indefinitis vel singulari- bus nihil sequitur in aliqua figura, sub particulari intelligendo tam indefinitam, quae in materia contingenti aequipollet particulari , ut Philosophus dicit , quam singularem. Oportet ergo ut dicit alteram esse universalem. Ratio hujus regulae est, quia non sequitur, quod si aliqua duo participant aliquod médium particulariter, quod propter hoc illa duo sint eadem. Verbi gratia : Album et grammaticum participant idem médium quod est homo, cum quidam homo sit albus et gramma- tieus, sed ex hoc non sequitur, quod al- bum et grammaticum sint eadem simpli- !

citer. Unde non valet haec argumentatio : Quidam homo est grammaticus; quidam albus est homo ; ergo quoddam album est grammaticum, immo est fallacia conse- quentis vel secundum quid et simpliciter. Alia ratio potest esse quam Philosophus inducit, quia aut non erit syllogismus , et hoc quia petetur principium , aut non erit ad propositum. Ut sit haec conclusio probanda : Musica est studiosa , et assu- mantur haï preemissae. Quaedam voluptas est studiosa ; musica est voluptas; ergo, etc. Major cum sit particularis , aut stabit pro illa voluptate particulari, quœ est musica, et tune petitur conclusio probanda ; aut stabit pro aliqua alia , et tune syllogismus erit quidem, sed non ad conclusionem in- tentam. Sic ergo oportet quod altéra prae- missarum capiatur universaliter, ut sit syl- logismus. Sed contra dictam [regulam vi-

SUR LA NATURE DES SYLLOGISMES. 91

qu'il y ait un syllogisme. Mais Aristote semble être contraire à cette règle, en donnant la manière d'argumenter d'après de pures parti- culières , par le moyen du syllogisme expositoire dans la troisième figure. Il faut dire à cela que lorsqu'on dit qu'on ne fait pas de syllo- gisme d'après de pures particulières , on entend dans la réalité et simplement le syllogisme qui a le parfait caractère de syllogisme. En effet , le syllogisme expositoire n'est pas un vrai syllogisme , mais bien plutôt une certaine démonstration sensible, ou une certaine résolution faite au sens, à cette fin que la conséquence, qui étoit vraie suivant la connoissance intellectuelle, soit déclarée dans le sensible. La seconde règle, c'est que de deux pures négatives, il ne s'ensuit rien, et il n'y a pas de syllogisme. La raison de cela peut être que tout syllogisme ou affirme une chose d'une autre, et il est affirmatif, ou nie une chose d'une autre, et il est négatif. S'il affirme une chose d'une autre dans la conclusion , que ce soit par quelque chose de convenable, laquelle chose sera un moyen terme, et par conséquent, l'une et l'autre des prémisses sera nécessairement affir- mative. Mais s'il écarte une chose d'une autre , il faut que ce soit par quelque chose de tertiaire convenant à l'une de ces choses et répu- gnant à l'autre, laquelle chose sera ainsi moyen terme. Il est clair d'après cela que, dans le syllogisme négatif, il faut que l'une des prémisses soit affirmative. Il y en a qui rectifient la première figure et établissent deux règles; d'autres la seconde et établissent aussi deux règles ; il en est d'autres qui rectifient la troisième et n'établissent qu'une règle. Dans la première figure, la première règle est que la majeure doit être universelle, autrement il n'y auroil pas de syllo- gisme. La raison en est que, la majeure étant particulière, il arrive- roit que le moyen duquel, pris particulièrement , le grand extrême

detur esse Philosophus , qui docet syllogi- zare ex puris particularibus per syllogis- mum expositorium in tertia figura. Ad hoc dicendum, quod cum dicitur ex puris par- ticularibus non fieri syllogismum^ intelli- gitur vere et simpliciter syllogismum, qui habet perfectam rationem syllogismi. Syl- logismus enim expositorius non est vere syllogismus , sed magis quaedam sensibilis demonstratio, seu quaedam resolutio facta ad sensum , ad hoc ut consequentia , quœ vera erat secundum intellectualem cogni- tionem , declaretur in sensibili. Secunda régula est , quod ex puris negativis nihil sequitur nec fit syllogismus. Hujus autem ratio potest esse , quia omnis syllogismus aut affirmât aliquid de aliquo, et est affir- matives; aut negat aliquid ab aliquo, et est negativus. Si affirmât aliquid de aliquo

in conclusione, oportet quod hoc fit per aliquid conveniens, quod quidem erit mé- dium , et ideo utraque prœmissarum ne- cessario erit afïîrmativa. Si autem remo- veat aliquid ab aliquo, oportet quod hoc sit per aliquod tertium conveniens uni illorum et repugnans alteri, quod sic qui- dem erit médium. Et sic patet quod in syllogismo negativo oportet alteram esse affirmativam. Sunt autem quaedam quae rectificant primam tîguram , et sunt duae régulas ; quaedam secundam, et sunt etiam duae ; quaedam tertiam, et est una. In prima figura régula prima est , quod ma- jor débet esse universalis , alias non fieret syllogismus. Cujus ratio est , quia majori existente particulari, contingeret médium esse communius extremis , de quo parti- culariter sumpto , posset praedicari major

«*2 OPUSCULE XL VI.

pouvant se dire affirmativement ou négativement, seroit plus étendu que les extrêmes. Si c'étoit affirmativement , il arriveroit qu'il com- prendroit des extrêmes répugnant au moyen terme , et alors il s'en- suivroit une vraie conclusion affirmative, comme par exemple, si l'on disoit, quelque animal est âne, tout homme est animal, on devroit tirer cette conclusion , donc quelque homme est âne , laquelle seroit fausse, malgré les vérités des prémisses. D'un autre côté, si on les prend négativement et particulièrement, il arriveroit qu'ils seroient susceptibles de conversion, comme ci-dessus ou ci-après, et alors ce seroit faussement qu'une chose seroit niée de l'autre dans la conclu- sion , quand néanmoins une conclusion négative devroit être tirée de la qualité des prémisses , par exemple un certain animal n'est pas homme; tout lisible est animal, on devroit tirer cette conclusion, donc quelque risible n'est pas homme, laquelle seroit bien fausse, quoique les prémisses soient vraies. Il est donc évident que lorsque , avec une telle disposition, il résultera une conclusion fausse, malgré des prémisses vraies, ce ne sera pas suivant la forme du syllogisme. En effet , toute disposition faite suivant les règles des syllogismes , déduit toujours la même conclusion dans toute matière , si les pré- misses sont vraies. La seconde règle est que, dans la première figure, la mineure ne doit pas être négative, la raison en est que s'il se faisoit autrement, il en résulteroit la fausseté du conséquent, à savoir en niant le moyen du petit extrême , qui est inférieur pour en venir à la négation du grand extrême, qui est supérieur au moyen ; par exemple, tout homme est animal , aucun âne n'est homme , il ne s'ensuivroit pas, donc aucun âne n'est animal. On pourroit assigner une autre raison à ces deux règles , savoir, que les syllogismes de la pf emière figure sont parfaits par l'affirmation du tout et par l'affirmation du

extremitas affirmative vcl négative. Si af- firmative, contingeret capere extrema cum medio repugnantia, et tune non sequere- tur vera conclusio affirmativa , ut si fieret sic : Quoddam animal est asinus ; omnis homo est animal, deberet sequi haec con- clusio, ergo quidam homo est asinus, quœ esset falsa praemissis existentibus veris. Rursus, si eapiantur négative et particula- riter, eontinget esse convertibilia , vel ut superius et inferius, et tune falso negare- tur unum de altero in conclusione, cum tamen ex qualitate praemissarum deberet sequi conclusio negativa , ut si fiât sic : Qaoddam animal non est homo; omne »i- sibile est animal, ex lus deberet sequi haec conclusio : ergo quoddam risibile non est homo, quae quidem esset falsa , prsemissae tamen ver». Patet ergo , ex quo cum tali dispositione aliquando cum praemissis veris

stabit conclusio falsa, quod non est secun- dum formam syllogismi. Omnis quidem dispositio facta secundum régulas syllogis- morum semper eamdem conclusionem syllogizat in omni materia , si praemissee sint verœ. Secunda régula est , quod in prima figura minor non débet esse nega- tiva, cujus ratio est, quia si aliter fieret , accideret fallacia consequentis, procedendo scilicet cum negatione medii de minort extremitate, quod quidem est inferius, ad negationem majoris extremitatis , quai est superior ad médium, ut si fiât sic : Omnis homo est animal ; nullus asinus est homo, non sequeretur, ergo nullus asinus est ani- mal. Posset autem utriusque reguke alia communis ratio assignari , quia scilicet syllogismi primae figuras perfieiuntur per dici de omni et dici de nullo ; his autem praemissis répugnât majorem esse particu-

SUR LA NATURE DES SYLLOGISMES. 93

rien. Or il répugne à ces prémisses que la majeure soit particulière, ou la mineure négative , comme on le voit clairement en considérant les raisons des principes sus-énoncés. Dans la seconde figure , la pre- mière règle est que la majeure doit être universelle. La raison en est que les syllogismes de cette figure viennent des syllogismes de la pre- mière figure, par la conversion de la majeure dans les termes, et, par conséquent, comme la majeure doit être ici universelle , elle doit aussi l'être là. On peut même démontrer la nécessité de cette règle par l'instance dans les termes, comme on l'a dit plus haut. Car si la majeure est prise particulièrement, il arrivera que le grand extrême l'emportera sur le moyen et sur le petit extrême. En effet , rien n'em- pêche que ce qui est inférieur se dise de ce qui est supérieur, pris par- ticulièrement , et ainsi le moyen pourrait se dire particulièrement du grand extrême , et il arriverait que les extrêmes seraient convertibles ou auraient les rapports de supériorité et d'infériorité , et alors il n'en résulte pas une conclusion négative vraie. Il ne peut pas non plus s'ensuivre une conclusion affirmative , parce que dans cette figure on conclut toujours négativement, par exemple, quelque animal n'est pas homme, tQut ce qui est raisonnable est homme, il ne s'ensuit pas que rien de ce qui est raisonnable ne soit homme. La seconde règle est qu'il faut que l'une ou l'autre des prémisses soit négative , parce que de deux affirmatives il ne s'ensuit rien dans la seconde figure. La raison de cela, c'est que si les deux prémisses sont affirmatives, le moyen sera supérieur alors aux extrêmes disparates , dont aucun ne se dit de l'autre dans la conclusion. Car, de ce qu'une chose convient à deux , il ne s'ensuit pas qu'elle convienne à une troisième. Une chose supérieure pourrait même être affirmée de deux choses inférieures, dont l'une serait subordonnée à l'autre , et , dans ce cas , une chose

larem vel minorem negativam, ut patet in- tuenti rationes dictorum principiorum. In secunda figura prima régula est , quod major débet esse universalis ; cujus ratio est quia ejus syllogismi descendunt a syl- logismis primae figurœ , per conversionem majoris in terminas, et ideo sicut ibi opor- tet majorem esse univcrsalem , ita et hic. Vel potest ostendi nécessitas hujus régulée per instantiam in terminis , ut dictum est supra. Nam si major capiatur particulari- ter, continget majorem extremitatem esse supra médium et supra minorem extremi- tatem. Nihil enim prohibet inferius prœ- dicari de superiori particulariter sumpto , et ita médium posset praedicari de majoui extremitate particulariter , et contingeret extrema esse convertibilia , vel se habere, ut superius et inferius, et tune non sequi-

tur conclusio negativa vera. Affirmativa autem non potest sequi, quia in hac figura semper concluditur négative, ut si fiât sic : Quoddam animal non est homo ; omne ra- tionale est homo, non sequitur quod nul- lum rationale sit animal. Secunda régula est, quod oportet alteram prœmissarum esse negativam., quia ex utrisque affirma- tivis in secunda figura nihil sequitur. Cu- jus ratio est , quia si utraque sit affirma- tiva, tune médium erit superius ad ex- trema disparata , quorum neutrum de al- tero preedicatur in conclusione. Non enim sequitur. Si aliquod unum inest duobus, quod propter hoc unum insit alteri. Posset etiam unum superius affirmari de duobus inferioribus , quorum unum esset sub al- tero, et ita non posset unum de altero ne- gari, et ita non sequitur conclusio affir-

94 oprscuLE xlvi.

ne pourroit être niée de l'autre, et ainsi il ne peut donc pas y avoir de conclusion affirmative ou négative , lorsque les deux prémisses sont affirmatives. Mais on demande alors s'il faut que l'une soit négative, pourquoi n'est-ce pas positivement la majeure ou la mineure, mais indifféremment l'une ou l'autre. On répond que c'est parce que, sans rien déterminer, le moyen se rapporte également aux deux extrêmes, comme lui étant subordonnés , et pour cette raison , quant au syllo- gisme, peu importe à quoi se réfère l'affirmation ou la négation. Car le syllogisme est bon des deux manières, quoique diverses. Dans la troisième figure il n'y a qu'une règle , savoir, que la mineure est toujours affirmative, la raison en est que de ce qu'une chose infé- rieure répugne à une troisième, il ne s'ensuit pas que ce qui est supé- rieur répugne aussi, ce qui devroit avoir lieu ici, si la mineure étoit négative, comme on le voit. En effet, le moyen est subordonné aux extrêmes : or la majeure est au-dessus du moyen et du petit extrême, et, par conséquent, il n'est pas nécessaire que la majeure lui répugne dans la conclusion, par exemple, tout homme est animal, aucun homme n'est àne , on ne peut pas conclure , donc quelque âne n'est pas animal , et ainsi il ne s'ensuit pas une conclusion négative vraie. Il en est de même pour une affirmative , car il peut se faire que les extrêmes se répugnent, comme cela est évident, si l'on prend ces termes animal, pierre , homme. La raison de cela peut être aussi que la troisième figure vient de la première par la conversion de la mi- neure; et, par conséquent, comme la mineure devroit être ici affir- mative , elle doit l'être aussi. Mais il ne faut pas se dissimuler qu'il arrive parfois que le syllogisme conclut légitimement en opposition à ces règles ; mais ce n'est pas par une nécessité de la forme syllogis- tique, mais bien par une nécessité de la matière, parce que, par

mativa nec negativa, ubi utraque.praemis- sarum sit affirmativa. Sed tune quœritur, si oportet alteram esse negativam , quare non determinate major vel minor, sed in- differenter alteram? Dicitur quod hujus ratio est , quia et non determinato altero, médium œqualiter respicit extrema lan- quam sub se posita , et ideo quantum ad syllogismum non refert de quo affirmetur vel negetur. Utroque enim modo fit syllo- gismus, licet diversimode. In tertia figura est una régula, scilicet quod minor semper est affirmativa, cujus ratio est, quia non sequitur , quod si aliquod inferius sit re- puguans alicui tertio, quod propter hoc et superius, quod oporteret fieri hic, si minor esset negativa , quod sic patet. Médium enim est sub extremitatibus; major autem est supra médium et minorem extremita-

tem, et ideo non oportet quod eidem re- pugnet major in conclusione, ut si fiât sic. Omnis homo est animal ; nullus homo est asinus , non sequitur, ergo quidam asinus non est animal , et sic non sequitur con- clusio negativa vera. Item nec aflirmativa quia potest esse quod extrema sibi répu- gnent, ut patet si capiantur hi termini, animal, lapis, homo. Vel potest esse hujus ratio, quia tertia figura descendit a prima per conversionem minoris; et ideo sicut oportebat ibi minorem esse affirmativam, ita et hic. Non autem lateat nos, quod ali- quando contingit syllogismum contra prœ- dictas régulas concludere veram conclusio- nem ; sed hoc non erit exnecessitate formas syllogistica? , sed ex necessitate materiae, quia scilicet vel termini sunt convertihiles , ut quando concludetur conclusio affirma-

SUR LA NATURE DES SYLLOGISMES. 95

exemple , ou les termes sont convertibles, comme dans la conclusion affirmative, ou ils se répugnent , comme dans la conclusion négative. Nous allons ajouter à ces règles quelques autres qui regardent plutôt la conclusion que les prémisses , et dont les unes sont communes , et les autres propres. Les communes sont au nombre de deux. La pre- mière est pour toute figure. Si une des prémisses est particulière, la conclusion doit être particulière , la raison peut en être que lors- qu'une des prémisses est particulière, le moyen convient à l'autre extrême, particulièrement dans cette prémisse; et comme il n'y a de convenance entre les autres extrêmes que par la nature du moyen , un des extrêmes n'aura pas plus de convenance avec l'extrême particulier, que l'autre extrême avec le moyen. C'est pourquoi, dans la conclu- sion , un extrême doit s'accorder avec l'autre extrême particulière- ment, ainsi que, dans la prémisse, le moyen s'accordoit particuliè- rement avec l'autre extrême. Il en est de même si c'est une particulière négative , parce qu'un extrême s'écarte de l'autre extrême particuliè- rement clans la conclusion , de même que le moyen s'écarte de l'ex- trême dans la prémisse. Voici la seconde règle. Si l'une des prémisses est négative, la conclusion doit être négative, la raison en est que les choses qui sont en désaccord avec une troisième doivent nécessaire- ment l'être entre elles. Donc les extrêmes se trouvant en désaccord dans le moyen , parce que ce qui convient à l'un répugne à l'autre , ils sont nécessairement en désaccord entre eux. C'est pourquoi , comme la conclusion provient des extrêmes, il faut les séparer l'un de l'autre , et ainsi la conclusion sera négative , l'une des prémisses étant néga- tive. Mais quelques-unes des prémisses ont trait à la première figure, d'autres à la seconde, et d'autres à la troisième. Il y en a deux pour la première. La première, c'est que la conclusion est toujours assi-

liva ; vel répugnantes , ut quando conclu- detur negativa. Addantur autem dictis re- gulis quaedam alise respicientes magis con- clusionem quam praemissas, quarum quae- dam sunt communes , quaedam propriœ. Communes sunt duae. Prima in omni figura. Si aliqua praemissa est particularisa oportet conclusionem esse particularem , cujus ratio esse potest, quia si altéra prae- missarum est particularis, médium con- venit alteri extremitati particulariter in illa praemissa. Et quia non est convenientia inter extremitates, nisi per naturam medii, non plus conveniet extremitas cum extre- mitate particulari, quam altéra extremitas cum medio. Unde in conclusione oportet extremitatem extremitati convenire parti- culariter, sicut in praemissa médium con- veniebat particulariter alteri extrernita-

tum. Idem est, si sit particularis negativa, quia extremitas disconvenit ab extremitate particulariter in conclusione, sicut médium ab extremitate in praemissa. Secunda ré- gula est. Si altéra preemissarum est ne- gativa, oportet conclusionem esse negati- vam , cujus ratio est , quia quae disconve- nant in tertio , oportet quod inter se dis- convenant. Cum ergo extremitates dis- conveniant in medio, quia quod uni con- venit alteri répugnât , necessario inter se disconveniunt, quare cum conclusio sit ex extremitatibus , oportet unam ab alia re- movere , et sic conclusio erit negativa, altéra preemissarum existente negativa. Sed praemissarum quœdam spectant ad primam figuram, quaedam ad secundam, et quaedam ad tertiam. Pro prima sunt duae. Prima est quod conclusio semper as-

90 OPUSCULE XLV1.

milée à la majeure clans la qualité , et à la mineure dans la quantité. La raison en est que la conclusion est une partie de la majeure quant au prédicat , car elle a le même prédicat que la majeure , et elle fait partie de la mineure quant au sujet; or la qualité est la disposition du prédicat comme de la forme , et la quantité est la disposition du sujet comme de la matière. C'est pourquoi la conclusion participant au prédicat par la majeure et au sujet par la mineure , est assimilée à la majeure dans la disposition du prédicat, et à la mineure dans la dis- position du sujet. La seconde règle est que tous les problèmes con- cluent par la première figure , et cela tant sous le rapport universel que particulier, tant affirmatif que négatif/Dans la seconde figure il n'y a qu'une règle , savoir, qu'il n'y a en elle que des conclusions négatives. La raison de cela, c'est qu'il faut qu'une des prémisses soit négative, comme on l'a montré, et lorsqu'il en est ainsi, la conclusion doit nécessairement être négative. Dans la troisième figure il n'y a non plus qu'une règle, savoir, que toute conclusion est particulière et jamais universelle; la raison en est que, bien que deux choses s'ac- cordent en une troisième , et que même cette troisième chose leur convienne universellement, il ne s'ensuit pas nécessairement que ces deux choses doivent totalement s'accorder ou être la même chose. Il en est ainsi , parce qu'il arrive que le grand extrême est moindre que la mineure. C'est pourquoi , dans la conclusion , la majeure ne sera pas appliquée à la mineure universellement. Par exemple, tout homme est risible, tout homme est animal; il ne s'ensuit pas que tout animal est risible, mais bien que quelque animal est risible.

Après avoir tracé les règles qui apprennent à bien construire les syllogismes relativement à l'in-ètre avec leurs raisons , il reste à exposer sommairement celles qui concernent leur valeur par rapport

similatur majori in qualitate et minori in quantitate; cujus ratio est quia conclusio est pars majoris quantum ad praedicatum, habetenim idem praedicatum cum majori, et minoris quantum adsubjectum , qualitas autem est dispositio prœdicati, quasi for- mée , quantitas autem est dispositio sub- jecti, quasi n\ateriae. Unde cum conclusio participet praedicatum a majori et subjec- tutn a minori , assimilatur majori in dis- position prsedicati et minori in disposi- tione subjecti. Secunda régula est , quod omnia problemata concluduntur per pri- mam figuram, hoc est tam universale quam parliculare, tam aflirniativum quam negativum. In secunda figura est una ré- gula, scilicet quod in ea non concluditur nisi négative; cujus ratio est, quia oportet alteram praemissarum esse negativam , ut

ostensuni est , et quando ita est , necesse est conclusionem esse negativam. In tertia est una similiter, scilicet quod omnis con- clusio est particularis et nunquatn univer- salis ; cujus ratio est , quia licet duo con- venant in uno tertio , etiam quod univer- saliter tertium illis conveniat , non ideo oportet £ uod illa duo inter se totaliter con- veniant, vcl sint idem ; quod ideo est quia contingit majorem extremitatem in minus esse, quam minorem. Unde in conclusione major non praedicabitur de minori univer- salités Ut, omnis homo est risibilis ; omnis homo est animal, non sequitur, ergo omne animal est risibile , sed bene , ergo quod- ilam animal est risibile.

Haliitis ergo regulis cum suis rationibus, quee rectificant syllogismos de inesse, restât breviter tangere régulas rectificantes syllo-

SUR LA NATURE DES SYLLOGISMES. 97

au mode. Pour mettre ceci en lumière , il faut savoir qu'il y a trois espèces de syllogismes. L'un est formé de propositions de simple inhérence, c'est celui dont nous avons parlé, un autre est formé de deux prémisses de modo, un troisième d'une prémisse de modo , et de l'autre de inesse, et s'appelle syllogisme mixte. S'il est constitué avec deux prémisses modales , ou elles seront toutes deux de necessario, ou toutes deux de contingenti. Or on entend par de necessario l'impos- sible pris en sens contraire , c'est-à-dire avec une négation adjointe au mot. Il est nécessaire qu'il soit, ou il est impossible qu'il ne soit pas, est tout-à-fait la même chose; car c'est le même jugement de part et d'autre. Il faut aussi savoir qu'ici , tant dans les prémisses que dans la conclusion, on prend toujours un contingent non nécessaire qui est dit dans le contingent et indéfini , c'est-à-dire indifférent. Si donc le syllogisme est forme de deux prémisses de necessario, sauf les règles exposées pour chaque figure , il peut être un bon syllogisme en concluant de necessario , et par conséquent de inesse. Si au con- traire il est composé de deux prémisses de contingenti, c'est toujours dans la première , soit qu'elles soient toutes deux affirmatives , ou toutes deux négatives, ou l'une ou l'autre seulement, en exceptant seulement que si la majeure est universelle, la conclusion sera de contingenti , et non de inesse. Mais si les deux prémisses sont néga- tives , en changeant la mineure ou l'une et l'autre en affirmative , il y aura un syllogisme. Or, il faut savoir que toutes les propositions de contingenti n'ont pas nécessairement une figure affirmative et se convertissent réciproquement, les affirmatives en négatives, et vice versa, comme le démontre Aristote. Dans la seconde figure , il ne se fait pas de syllogisme avec deux prémisses de contingenti , la raison en est tirée de ce qui a été dit plus haut, savoir, que de pures affir-

gismos de modo. Ad cujus evidentiam sciendum est , quod triplex est syllogis- mus. Quidam constat ex propositionibus simplicis inheerentiœ, de quo dictum est ; quidam constat ex utraque prœmissa de modo ; quidam ex altéra de modo et altéra de inesse, et dicitur syllogismus mixtus. Si ex utraque modali, aut erit ex utraque de necessario, aut ex utraque de contingenti. Sub necessario autem intelligitur, et im- possibile contrarie sumptum , id est cum negatione apposita verbo. Unde idem est, necesse est esse, et impossibile est non esse, idem enim est judicium utriusque. Scien- dum etiam, quod hic tam in prœmissis, quam in couclusione semper accipitur con- tingens non necessarium , quod dicitur in contingenti nato et indeflnito , seu ad utrumlibet. Si ergo lit syllogismus ex utraque de necessario, salvatis regulis prae-

V.

habitis in omni figura , potest fieri bonus syllogismus concludens de necessario et per consequens de inesse. Si vero fiât ex utraque de contingenti, semper fit in prima, seu ambœ sint affirmativae seu négatives , seu altéra tantum , hoc solo excepto quod si major sit universalis , conclusio erit de. contingenti et non de inesse. Si autem fue- rint ex utraque negativa, conversa mi- nori, vel utraque in affîrmativam erit syl- logismus. Est autem sciendum , quod om- nes propositiones de contingenti non ne- cessario habent affîrmativam figuram et convertuntur ad se invicem affirmativae negativis, et e contra, ut probat Philoso- phus , I. Priorum. In secunda autem figura, ex utrisque de contingenti non fit syllo- gismus, cujus ratio ex superioribus patet, quia scilicet ex puris affirrnativis in se- cunda figura non est syllogismus. Proposi-

98 OPUSCULE XLVI.

mauves il ne résulte pas de syllogisme dans la seconde figure. Or les propositions de eontingenti , comme on l'a dit, sont toutes affirmatives dans la seconde figure. Dans la troisième figure, on ne fait pas de syllogisme avec deux propositions de eontingenti, à moins que l'une et l'autre soit particulière. Mais s'il se fait un syllogisme mixte, ou c'est avec une de inesse , et l'autre de necessario , ou avec une de eontingenti, et l'autre de inesse, ou avec une de necessario, et l'autre de eontingenti. Car la mixtion ne se fait pas de plusieurs manières. Il faut donc savoir que dans toute mixtion semblable , c'est-à-dire de Y inesse et de eontingenti , de inesse doit toujours se prendre simplement, et non de inesse, comme présentement. On appelle proposition de inesse simplement celle dans laquelle le pré- dicat est inhérent au sujet , qu'il soit de sa quiddité , quant au premier mode par soi , ou non , mais qu'il découle de ses principes , comme lorsque la passion propre se dit du sujet , quant au second mode. Elle se dit aussi de inesse simplement , quand on attribue quelque accident commun qui suit toute l'espèce , suivant tout le temps, comme la noirceur se trouve dans le corbeau et dans l'Ethio- pien. Mais quand une chose ne se dit du sujet d'aucune de ces manières, la proposition est de inesse ut nune , comme celle-ci , tout homme court. Si donc il y a mixtion de inesse et de necessario dans la pre- mière figure , voici la règle. Lorsque la majeure est de necessario et la mineure de inesse simplement , et non ut nune , il s'ensuit une conclusion de necessario. Si c'est le contraire qui a lieu , savoir, si la majeure est de inesse, et la mineure de necessario , la conclusion est de inesse , et non de necessario ; la raison de cela c'est que la con- clusion participant avec la majeure dans le prédicat , comme on l'a dit , et le mode de nécessité et de contingence étant la disposition du prédicat dans la comparaison au sujet , la conclusion participera de

tiones autem de eontingenti, ut dictum est, affirmativae sunt omnes in secunda fi- gura. In tertia vero figura, ex utrisque de eontingenti non fit syllogismus, nisi utra- que sit particularis. Si vero fiât syllogis- mus mixtus , aut est ex una de inesse et altéra de necessario , aut ex una de eon- tingenti et altéra de inesse , aut ex una de necessario et altéra de eontingenti. Pluri- lms enim modis non fit mixtio. Sciendum ergo, quod in omni tali mixtione, scilicet de inesse et eontingenti, semper de inesse débet accipi simpliciter , et non de inesse ut nune. Dicitur autem propositio de inesse simpliciter, in qua prœdicatum per se inest subjecto, seu sit de quidditate ejus quantum ad primum modum per se, seu non, sed fluat ex principiis ejus , ut cum propria passio dicitur de subjecto , quan-

tum ad secundum modum. Dicitur etiam de inesse simpliciter, quando prsedicatur aliquod accidens commune , quod sequitur totam speciem secundum omne tempus, sicut nigredo inest corvo et ^Ethiopi. Quando autem nullo istorum modorum prœdicatur aliquid de subjecto, est de in- esse ut nune, ut haec : Omnis homo currit. Si ergo sit mixtio de inesse, et necessarii in prima figura , est talis régula. Majore existente de necessario , et minori de inesse simpliciter, et non ut nune, sequitur con- clusio de necessario. Si autem e converso fiât , scilicet majore de inesse , et minore de necessario, sequitur conclusio de inesse et non de necessario , quorum ratio est quia cum conclusio participet cum majore in praedicato, ut dictum est, modus autem necessitatis et contingentée sit dispositio

SUR NATURE DES SYLLOGISMES. 99

la même manière , ce qui ne peut se faire quand la mineure est de necessario et la majeure de inesse , mais néanmoins il s'ensuit bien alors une conclusion de inesse. Car il y a plus dans inesse simplement que nécessairement. Car les choses qui sont inhérentes nécessairement le sont simplement, mais non pas réciproquement. Voici la règle dans la seconde figure. Lorsque l'universelle négative est de necessario, et l'autre de inesse , la conclusion est de necessario. S'il en est autre- ment, la conclusion n'est pas de necessario, parce que si l'affirmative est de necessario et la négative de inesse , il s'ensuit une conclusion de inesse. La raison de cela est que la seconde figure , dans tous ses modes , provient du mode de la première figure dans lequel la ma- jeure est universelle négative , et revient à lui , comme on voit. Et , par conséquent , comme il falloit pour une telle conclusion que l'uni- verselle négative , qui est la majeure , fût de necessario , de même dans cette figure il faut qu'une pareille négative soit majeure , après la réduction de la première. On voit par que dans le quatrième mode de la seconde figure il ne peut pas se faire une mixtion universelle quant à la conclusion de necessario , puisqu'il n'y a pas d'universelle négative. Dans la troisième figure , voici la règle sur le mode d'affir- mation et de négation. Lorsque l'universelle affirmative ou négative est de necessario, il en résulte une pareille conclusion, autrement non. On peut donner de cela la même raison que dessus , que , après la réduction à la première figure, l'universelle deviendra majeure, laquelle doit être de necessario dans la première. On voit par que dans le premier et le second mode de la troisième figure on fait quatre syllogismes universellement mixtes , en prenant de part et d'autre de necessario. Voici la suite de la seconde mixtion, savoir, de inesse et de contingenti. Pour élucider cela, il faut savoir que, comme le dit

prœdicati in comparatione ad subjectum, conclusio participabit eodem modo quod non potest fieri quando minor est de ne- cessario et major de inesse, bene tamen tune sequitur conclusio de inesse. In plus enim est inesse simpliciter quamnecessario. Quœ enim necessario insunt, insunt simpli- citer, et non e contra. In secunda vero fi- gura est talis régula. Universali negativa de necessario existente , et altéra de inesse, sequitur conclusio de necessario. Si vero aliter fiât, non sequitur de necessario, quia si affirmativa fuerit de necessario , et ne- gativa de inesse , sequitur conclusio de inesse ; cujus ratio est, quia secunda figura quantum ad omnes suos modos descendit a secundo modo primée figurae , in quo major est universalis negativa, et in ipsum reducitur, ut supra patet. Et ideo , sicut ibi oportebat universalem negativam, quee

est major esse de necessario, ut sequeretur talis conclusio , ita in hac figura oportet quod talis negativa post reductionem in prima sit major. Ex quo patet quod in quarto secundae figurae non potest fieri universalis mixtio , quantum ad conclu- sionem de necessario, cum non habeat ali- quam universalem negativam. In tertia figura est talis régula in modum affirma- tionis et negationis. Universali affirmativa vel negativa existente de necessario , se- quitur conclusio talis, aliter non, cujus potest reddi eadem causa quœ et supra, quia post reductionem ad primam figuram universalis fiet major , quam oportet in prima esse de necessario. Per quod patet, quod circa primum et secundum tertiœ fîunt quatuor syllogismi universaliter mixti, accipiendo utrobique de necessario. Sequitur de secunda mixtione scilicet de

JOO OPUSCULE XLVI.

Aristote , le contingent se prend d'une manière , de telle façon que même le nécessaire est dit contingent, c'est-à-dire non impossible, et d'une autre manière , comme aussi non nécessaire. Or le contingent se dit de ces deux manières équivoquement , comme de deux signes signifiés. Il se prend d'une autre manière comme persistant dans sa communauté sans regarder telle ou telle chose , mais dans un état indifférent, non qu'il soit cependant la troisième chose signifiée. Pris dans ce sens , il est dit contingent possible , ou suivant la raison de sa communauté , de même que , en parlant plus clairement , animal peut se prendre de trois manières. L'une comme raisonnable , l'autre comme irraisonnable, ces deux manières sont ses différences. La troi- sième manière, c'est de le considérer non sous tel ou tel rapport, mais seulement suivant sa forme universelle, uniquement en tant qu'animal. Que le nécessaire soit contingent , c'est ce qu' Aristote prouve dans le livre Périherménias. Comment cela se fait-il? On peut l'expliquer ainsi. Par rapport au contingent , ce qui est dit du néces- saire et du non nécessaire, c'est seulement qu'il a la potentialité à l'être sans autre différence , comme il dit du genre. Or dans l'un et l'autre des deux cas que nous avons exposés , il y a cette potentialité , quoique d'une manière équivoque, parce que le nécessaire a toujours - la potentialité jointe à l'acte , et l'autre séparée de l'acte; c'est pour- quoi l'un et l'autre est appelé contingent. Or ce nécessaire a deux espèces. L'une est le contingent-né qui a une cause pour laquelle il peut être ; mais comme cette cause rencontre quelquefois des obstacles, il est non nécessaire , comme blanchir dans la vieillesse. L'autre est le contingent infini , c'est-à-dire indéterminé , ou incertain , ou in- différent. 11 est ainsi appelé , parce qu'il n'a pas de raison pour se

inesse et contingenti. Ad cujus evidentiam sciendum, quod ut dicit Philosophus , I. Priorum, contingens capitur uno modo, ut etiam necessarium dicitur contingens, id est non impossibile , alio modo ut etiam non necessarium. De his autem duobus modis dicitur contingens œquivoce , sicut de duohus signis signiticatis ; alio modo capitur ut stat in sua communitate , non respiciens hoc vel aliud tantum, sed indif- ferenter utrumque , non tamen quod sit tertium significatum. Et hoc modo captum dicitur contingens possibile, seu secundum rationem suée communitatis, sicut clarius loquendo, animal potest capi tribus modis. Uno modo pro rationali, et alio modo pro irrationali, isti duo modi sunt ejus diffe- rcnti;r:. Tertio modo potest considerari, non pro hoc aut pro illo tantum , sed pro sua forma universali , in quantum scilicet est animal solum. Quod autem necessarium sit

contingens , probat Philosophus in libro Périherménias. Quomodo autem hoc fit, sic potest ostendi. De ratione contingentis quod dicitur de necessario et non neces- sario, est solum quod habeat potentialita- tem ad esse sine positione alterius diffe- rentiee, sicut dicitur de génère. Utrumque autem dictorum habet hanc potentialita- tem, licet eequivoce, quia necessarium ha- bet possibilitatem semper actui conjunc- tam , aliud vero distantçm ab actu , ideo utrumque dicitur contingens. Hoc autem necessarium duas habet species. Una est contingens natum, quod quidem habet causam quare possit esse ; sed quia talis causa aliquando impeditur, est non neces- sarium, sicut canescere in senectute. Alia est contingens infinitum, id est indeter- minatum vel ineertum, sive ad utrumlibet. Dicitur autem sic, quia nullam causam habet, quare magis se habeat ad unam

OPUSCULE XLVII, SUR LA LOGIQUE d' ARISTOTE. 101

porter vers une partie plutôt que vers l'autre , comme le contingent de la nature , comme il peut être et n'être pas. Aristote dit qu'il ne tend pas au nécessaire.

Fin de l'Opuscule de la nature des syllogismes.

L'Abbé U D RI NE.

OPUSCULE XLVIL

Sur la somme de toute la logique d' Aristote.

Tous les hommes sont naturellement désireux de savoir. Or savoir est le résultat de la démonstration , car la démonstration est le syllo- gisme qui produit le savoir. Pour satisfaire ce désir naturel dans l'homme , la démonstration devient nécessaire ; car l'effet , comme tel, ne peut pas exister sans la cause. Et comme, ainsi que nous l'a- vons dit, la démonstration est le syllogisme, pour la connoître il faut préalablement connoître le syllogisme. Or, le syllogisme étant un certain tout formé de parties, on ne pourra le connoître, si l'on ne connoît pas les parties. Donc, pour connoître le syllogisme, il faut d'abord connoître ses parties. Or des parties du syllogisme quelques- unes sont prochaines, comme les propositions et la conclusion, qui toutes sont appelées énonciations. D'autres sont éloignées, comme les termes qui sont les parties de renonciation. Il faut donc traiter de ces choses, savoir de renonciation et des termes, avant de parler du syl- logisme. Or tout terme qui se dit sans complexion signifie la substance,

partem, quam ad aliam, sicut habet con- 1 Veriher., quod non sequitur ad necessarium. tingens naturae ; qualiter enim potest esse et I Explicit Opusculum B. Thomœ Aquina- non esse. Et de isto dicit Aristoteles in libro | Us, de natura syllogismorum.

OPUSCULUM XLVIL

EJUSDEM DOCTORIS , DE TOTIUS LOGIC* ArISTOTEMS SUMMA.

Omnes homines natura scire desiderant. Scire autem est effectus demonstrationis ; «st enim demonstratio syllogismus, Apo- dicon, 1, faciens scire. Ad hoc autem quod taie desiderium naturale compleatur in homine , necessaria est demonstratio ; non enim potest esse effectus in quantum hu- jus sine causa. Et quia ut dictum est, de- monstratio est syllogismus ad cognoscen- dum eam , necesse est praecognoscere syl- logismum. Syllogismus autem , cum sit quoddam totum aggregatum ex partibus,

cognosci non poterit partibus ignoratis. Ad cognoscendum ergo syllogismum opor- tet primo cognoscere partes ejus ; partium autem syllogismi quaedam sunt propinquae, ut propositiones , et conclusio quae omnes enuntiationes dicuntur. Quaedam vero sunt remotae ut termini qui sunt partes enun- tiationis, ideo ista oportet tractare, scilicet de enuntiatione et de terminis, antequam de syllogismo tracte tur. Quilibet autem terminus , qui sine complexione dicitur , signiflcat substantiam aut quantitatem aut

102 OPUSCULE XLYII, CHAPITRE 1.

ou la quantité , ou la qualité , ou quelque chose des autres prédica- ments; c'est pourquoi, avant de traiter de renonciation, il faut s'occuper des prédicaments. Et parce que le prédicament , dans le sens que nous entendons ici , n'est autre chose que la disposition des choses prédicables dans l'ordre prédicamental , pour connoître les prédicaments , il faut d'abord connoître les choses prédicables. Donc, pour parvenir à la science qui est l'objet des désirs de tous , tel doit être l'ordre que nous garderons avec le secours de Dieu; nous traite- rons d'abord des cinq choses prédicables, secondement des dix pré- dicaments, troisièmement de renonciation, quatrièmement du syllo- gisme simpliciter, cinquièmement du syllogisme appliqué à la matière démonstrative ou de la démonstration. Quant au syllogisme appliqué à la matière probable , lequel appartient à la partie de la logique appelée dialectique , dont il est question dans le livre des Topiques , et au syllogisme appliqué à la matière sophistique , qui est opposé au syllogisme dialectique dont on parle dans le livre Elenchorum, je n'ai pas intention de m'en occuper pour le moment.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que l'universel et d'où il tire son origine.

Pour connoître les cinq universaux ou prédicables qu'établit Por- phyre , il faut savoir que , notre intellect étant séparé de la matière (car ce n'est pas une puissance attachée à un organe corporel ou ma- tériel , et tout ce qui est reçu en une chose y est reçu par le mode de récipient), il faut en conséquence que ce qui est représenté objective- ment à l'intellect par un acte droit soit dégagé de la matière et des conditions de la matière qui existent présentement. Et quand je dis

Topic.j et de syllogisino applicato ad ma- teriam sophisticam , qui opponitur syllo- erismo dialectico. de auo tractatur in libro

qualitatem, aut aliquid aliorum praedica- mentorum, et ideo antequam de enuntia- tione tractetur, oportet determinare de prœdicamentis. Et quia praedicamentum ut hic sumitur , nihil aliud est quam or- dinatio preedicabilium in ordine praedica- mentali , ideo ad cognoscendum praedica- menta , oportet prœcognoscere praedica- bilia. Ad hocergo ut perveniamus ad ipsum scire ab omnibus naturaliter desideratum, iste débet esse ordo quem cum auxilio Dei tenebimus, ut primo tractetur de quinque praedicabilibus ; secundo, de deeem prœdi- camentis; tertio, de enuntiatione ; quarto, de syllogismo simpliciter; quinto, de syl- logismo applicato ad materiam demonstra- tivam , seu de demonstratione. De svllo- gismo vero applicato ad materiam proba- bilem, qui pertinet ad partem logicae quae dialectica dicitur , de quo tractatur in lib.

gismo dialectico, de quo tractatur in iinro Elench., nonintendo me ad praesens intro- mit.tfirfi.

ici laiii su^uioii^aui , *|ui uppumiu

gismo dialectico, de quo tractatur in ïibro

Elench.j ""

mittere.

CAPUT PRIMUM.

Quid sit universale, et quomodo originelur.

Ad cognoscendum quinque universalia seu praedicabilia , quœ Porphyrius ponit , sciendum est, quod quia intellectus noster est separatus a materia ( non enim est po- tentia affixa organo corporali seu materiali, et omne quod recipitur in aliquo recipitur per modum recipientis ) , ideo illud quod objective in actu recto intellectui reprae- sentatur, oportet esse denudatum a mate- ria et a conditionibus materiae , quae sunt hic et nunc. Et dico hic denudatum a ma- teria , non simpliciter ab omni materia ,

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 103

dégagé de la matière, ce n'est pas simplement de toute matière, mais de la matière spécialisée. En effet, les choses naturelles sont conçues avec la matière , c'est pour cela qu'on dit que cet objet doit être dégagé des conditions de la matière; par exemple, dans notre imagination il y a la fantasia ou forme représentant tel homme , sui- vant ce qu'il a été extérieurement , laquelle forme , par la vertu de l'intellect actif , agit sur l'intellect possible , comme les couleurs , en vertu de la lumière , agissent sur la puissance visuelle , et alors il se produit dans l'intellect possible une certaine forme , qui est appelée espèce intelligible , ou suivant les autres actes d'intellection , ou la parole, et cette forme représente l'homme, non cependant tel qu'il est présentement, mais abstrait de telles conditions, c'est ce qu'on appelle être universel. C'est pourquoi il y a deux choses à con- sidérer dans l'homme ainsi conçu , savoir, la nature humaine elle- même ou ce qui la possède , et l'universalité ou abstraction des susdites conditions de la matière. Quant au premier rapport, homme dit la chose , à l'égard du second , il dit l'intention. Car dans la réa- lité , il ne se trouve pas d'homme qui ne soit pas hic et nunc , et la nature dans ce sens est dite être la première intention. Mais comme l'intellect se réfléchit sur lui-même et sur les choses qui sont en lui soit subjectivement, soit objectivement, il considère encore l'homme ainsi conçu par lui en dehors des conditions de la matière , et voit que cette nature conçue avec une telle universalité ou abstraction , peut être attribuée à tel ou tel individu, et qu'elle est réellement dans tel ou tel individu , il forme en conséquence une seconde intention sur une telle nature , et il l'appelle universelle ou prédicable , ou quelque chose de semblable. Donc , suivant ce que nous venons de dire , une chose en tant que conçue est dite universelle , mais en tant

sed a materia signata. Res enirn naturales intelliguntur cum materia, et propter hoc dictum est , quod débet esse denudatum a conditionibus materiee , verbi gratia. In nostra phantasia est phantasia, seu forma repraesentans hune hominem, secundum quod fuit in aliquo sensu exteriori, quse forma virtute intellectus agentis agit in intellectum possibilem , sicut colores vir- tute luminis agunt in potentiam visivam, et causatur tune in intellectu possibili quaedam forma, quoa dicitur species intel- ligibilis, vel secundum alios actus intelli- gendi, vel verbum, quae forma reprsesentat hominem, non tamen ut hic et nunc , sed abstractum a talibus conditionibus, et hoc dicitur esse universale. Unde in homine sic intellecto, est duo considerare , scilicet ip- sam naturam humanam, seu habens eam,

et ipsam umversalitatem seu abstractionem a dictis conditionibus materiae. Quantum ad primum , homo dicit rem , quantum vero ad secundum dicit intentionem. Non enim in re invenitur homo qui non fit hic, et nunc, et ipsa natura, ut sic dicitur esse prima intentio. Sed quia intellectus reflec- titur supra seipsum et supra ea quae in eo sunt sive subjective sive objective, consi- dérât iterum hominem sic a se intellectum sine conditionibus materiae, et videt quod talis natura cum tali universalitate seu abstractione intellecta potest attribui huic et illi individuo, et quod realiter est in hoc et illo individuo , ideo format secundam intentionem de tali natura, et hanc vocat universale seu praedicabile, vel hujusmodi. Secundum ergo praedicta res ut est intel- lecta dicitur universalis, secundum autem

104 OPUSCULE XLYII, CHAPITRE 2.

que l'intellect considère cette universalité en quoi il s'attribue quelque chose suivant l'être en plusieurs , ou l'attribution à plusieurs, et ainsi elle est dite seconde intention. Nous allons parler maintenant de ces secondes intentions, ou des cinq universaux ou prédicables qui sont appelés universaux en tant que l'intellect leur attribue l'être en plu- sieurs; ils sont appelés prédicables, à raison de ce que l'intellect les fait appliquer à plusieurs. Ce sont le genre, la différence, l'espèce, le propre et l'accident.

CHAPITRE II.

Ce que c'est que le genre et d'où il tire son origine.

Le genre , tel que nous l'entendons ici , est ce qui est affirmé de plusieurs choses différentes en espèces in eo quod quid. Or, pour comprendre les divers points de cette description , il faut savoir que le genre se dit de plusieurs espèces, ou se divise en plusieurs espèces. Mais comme il n'est pas un être en réalité , mais seulement suivant la raison, sa division ne s'opère pas en réalité. Et comme encore le genre n'est pas quelque chose de réel , les par- ties subjectives ou les espèces en lesquelles il se divise , sont réel- lement diverses et distinctes entre elles, il faut en conséquence qu'elles aient en elles quelque chose de réel , par quoi l'une est différente de l'autre. Il faut remarquer ici qu'une même chose a, par son essence avec l'essence d'une autre chose , quelque conformité ou convenance et quelque difformité réelle , laquelle conformité ou difformité peut être plus grande ou plus petite par comparaison à diverses choses , par exemple : Sortes, par son essence qui est de telle ame et de tel corps , est conforme à Platon , à ce cheval et à cette plante. 'En effet , Sortes par son essence est raisonnable , sensible et

quod intellectus talem universalitatem considérât , secundum hoc attribuit sibi aliquid secundura esse in pluribus, vel dici de pluribus, et sic dicitur secunda intentio. De quibus secundis intentionibus nunc di- cemus , scilicet de quinque universalibus seu praedicabilibus , quae universalia di- cuntur prout intellectus attribuit eis in pluribus; prœdicabilia vero dicuntur prout intellectus attribuit eis dici de pluribus. Sunt autem hœc, genus, species, differen- tia, propriura et accidenjs.

CAPUT II.

Quid sit genus et unde originem habeal.

Genus ut hic sumitur, est quod prœdi- catur de pluribus differentibus specie in eo quod quid. Ad videndum autem part iculas hujus descriptionis , sciendum est , quod genus dicitur pnedicari de pluribus specie-

bus, seu dividitur in plures species. Et cum non sit unum re, sed solum secun- dura rationera , ideo non dividitur secun- dum rera. Et quia genus non est unum re, ideo partessubjectivaeseu species in quas di- viditur , sunt realiter diversae et distinctes inter se , ideo oportet quod aliquod reale habeant in se, per quod reale una sit di- versa ab alia. Uni nota , quod una et ea- dem res per suam essentiam cum essentia alterius rei habet aliquam conformitatem seu convenientiam, et aliquam difïbrmita- tem realem , quae conformitas vel diffor- mitas potest esse major vel minor per comparationem ad diversas res , verbi gratia. Sortes per essentiam suam quae est ex hac anima et hoc corpore, conformatur Platoni , et huic equo, et huic plantœ. Sortes enim per suam essentiam est ratio- nalis, sensibilis et vivus; in omnibus his

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 105

vivant; dans ces trois choses il est conforme à Platon. Il est conforme à ce cheval en deux choses , savoir dans le sensible et dans le vivant, et il est difforme en une chose , parce qu'il est réellement raisonnable, ce qui n'est pas dans le cheval; il est conforme à la plante , savoir dans le vivant. Mais comme notre intellect peut distinguer les choses qui sont unies en réalité, quand une de ces choses ne tombe pas sous la raison de l'autre , et lorsque le raisonnable, considéré en soi, n'est point de la raison du sensible , et le sensible de la raison du vivant , c'est pour cela qu'il prend ces choses séparément dans Sortes , sous différents rapports , comme nous l'avons dit. Donc , quand l'intellect considère en réalité ce en quoi une chose convient à d'autres choses, il attribue à cette chose conçue une intention d'universalité. Et comme dans chaque chose singulière il faut considérer quelque chose , qui est le propre de cette chose, en tant qu'elle est cette chose , de même que dans Sortes il faut considérer quelque chose qui est tellement le propre de Sortes , en tant qu'il est tel homme, qu'il ne convient à nul autre. Donc l'intellect attribue à une chose ainsi conçue une intention de singularité , et il appelle cela singulier ou individuel , et ces se- condes intentions sont l'universalité et la singularité. Aussi , bien qu'on ait dit plus haut que les intentions sont le produit de l'intellect, il faut néanmoins qu'elles aient quelque fondement dans les choses extérieures. Car il répond à l'intention de singularité en dehors de ce qui est le propre de Sortes , en tant qu'il est tel homme , et à l'inten- tion d'universalité extérieurement, comme le fondement dans lequel Sortes est conforme aux autres choses. Donc , comme les choses qui sont conformes en une chose sont difformes en une autre , pourvu qu'une telle difformité soit selon la forme et non selon la matière caractérisée, ou selon ce qui est propre à tel individu, en tant que tel,

tribus est conformis Platoni. Huic autem equo est conformis in duobus , scilicet in sensibili et in vivo , et in uuo est diffor- mis, quia in eo est realiter rationale, quod non est in hoc equo ; huic vero plantœ con- formis est in uno, scilicet in vivo. Quia vero intellectus noster ea quse in re sunt conjuncta , potest distinguere , quando unum eorum non cadit in ratione alterius , et cum rationale in se consideratum non sit de ratione sensibili, nec sensibile de ratione vivi. ideo ea in Sorte separatim ac- cipit , ut dictum est per respectum ad di- versa. Quando ergo intellectus considérât in re illud in quo convenit cum aliis rébus , illi rei concepts attribuit intentionem uni- versalitatis. Et quia in qualibet re singu- lari est considerare aliquid , quod est pro- prium illius rei, in quantum est haec res, sicut in Sorte est considerare aliquid quod

est ita proprium Sortis in quantum est hic homo , quod nulli alii convenit. Rei ergo sic conceptse attribuit intellectus in- tentionem singularitatis, et vocat illud sin- gulare vel individuum, et hse secunda? in- tentiones sunt , scilicet universalitas et singularitas. Unde licet supra dictum fuerit quod intentiones fiunt ab intellectu , ta- men oportet quod aliquod fundamentum habeant in re extra. Nam intentioni sin- gularitatis respondet , extra illud quod est proprium Sortis, in quantum est hic homo ; intentioni vero universalitatis res- pondet extra , ut fundamentum illud in quo Sortes est conformis cum aliis rébus. Cum igitur ea quœ in uno conformantur , et in alio sunt difformia , dummodo talis difformitas sit secundum formam et non secundum materiam signatam, vel secun- dum illud quod est proprium huic indivi-

106 OPUSCULE XL VII, CHAPITRE 2.

l'intellect attribue l'intention de genre à ce en quoi ces choses s'ac- cordent , et l'appelle genre. Il faut remarquer ici , suivant Avicenne , qu'il y a deux formes; l'une qui est partie du composé, comme l'ame est la forme de l'homme, car l'homme se compose de corps et d'ame. Pour l'autre , elle suit tout le composé , comme l'humanité , qui est aussi la forme de l'homme , et prise dans ce sens la forme s'appelle quiddité, et elle est ce que l'intellect conçoit de la chose. Donc , quand l'intellect conçoit la forme susdite ou la quiddité , comme celle-ci est déterminée à cette matière , savoir l'humanité , comme elle se trouve dans cette matière spéciale , dans celte chair, dans ces ossements , et autre chose de ce genre , alors en produisant le concret , savoir un tel homme , il conçoit le singulier et lui attribue une intention de singularité. Mais s'il conçoit cette forme non comme déterminée à telle matière , parce que toute forme pareille est de soi ylurificable à telle ou telle matière , l'intellect attribue à ce qui a une telle forme une intention d'universalité , par laquelle l'homme est un universel. Et si les choses qui s'accordent dans cette forme n'ont pas entre elles la difformité qui regarde la susdite forme, mais si elles sont seule- ment difformes par la matière spéciale de telle ou telle chose , dans laquelle ladite forme déterminée est dans telle ou telle chose , suivant le mode dont il sera parlé dans le traité sur l'espèce , ces choses sont dites ne différer que numériquement, et le substantif concret de cette forme reçue , en tant qu'il peut être plurifié , par exemple , l'homme est appelé une espèce très-spéciale. Mais si les choses qui s'accordent dans quelque forme flurifieable ; comme on a dit, sont difformes entre elles , non-seulement quant à la matière caractérisée , comme on l'a dit, mais quant à la difformité spécifique, par exemple, parce

duo, in quantum hujusmodi illi uni in quo talia conveniunt, attribuit intellectus intentionem generis , et vocat genus. Ubi nota secundum Avicennam , quod duplex est forma. Queedam est, quee est pars com- positi, sicut anima est forma hominis. Ex anima enim et corpore componitur homo. Quaedam autem sequitur totum composi- tum, ut humanitas, quae et est forma ho- minis, et isto modo sumpta forma dicitur quidditas, et est illud quod intellectus in- telligit de re. Quando ergo intellectus in- telligit praedictam formam seu quiddita- tem, ut est determinata ad hanc materiam, puta humanitatem , ut est in hac materia signata scilicet in his carnibus et in his os- sibus, et hujusmodi, tune faciendo concre- tum. puta hune hominem , intelligit sin- gulare , et huic attribuit intentionem sin- gularitatis. Si vero dictam formam intel- ligit, non ut est determinata ad hanc ma-

teriam, quia omnis talis forma de se plu- rificabilis est ad hanc et ad illam materiam, habenti talem formam intellectus, attri- buit intentionem universalitatis , unde homo est universale. Et si ea quœ in hac forma conveniunt , non habent inter se difformitatem pertinentem ad dictam for- mam, sed solum sunt difformia per mate- riam signatam istius vel illius, in qua dicta forma determinata est in isto vel in illo se- cundum modum , qui dicetur in tractatu de specie, illa dicuntur solum differre nu- méro, et concretum substantivum, hujus- modi formœ acceptée, ut plurificari potest, puta, homo dicitur species specialissima. Si vero ea quae conveniunt in aliqua forma pluriheabili , ut dictum est, sunt inter se difformia non solum quantum ad mate- riam signatam , ut dictum est , sed quan- tum ad difformitatem specificam , puta, quod talis forma est animalitas, in qua

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 107

qu'une telle forme est l'animalité en laquelle s'accordent Sortes et tel cheval, qui sont difformes entre eux, non-seulement quant à la chair et les os , mais en ce que cet homme a la forme d'humanité , et ce cheval celle d'équinité ; de telles choses sont dites différer en espèce , et telle forme en laquelle elle s'accorde est prise en concret, par exemple animal et genre ; et parce que, ainsi que nous l'avons dit , une telle nature , prise en concret , peut se dire de plusieurs choses formellement différentes qui sont dans diverses espèces , il s'ensuit qu'une intention de genre peut être attribuée à une telle nature. C'est pour cela qu'on dit que le genre s'affirme , c'est-à-dire est prédicable de plusieurs choses différentes d'espèce , ou qu'il se divise en plu- sieurs espèces. Et ce que nous venons de dire, pris au concret, ne s'entend que dans le prédicament de la substance ; dans les autres prédicaments , et surtout dans les absolus , le genre et l'espèce se prennent abstractivement. Or le genre s'affirme substantivement, suivant les grammairiens, en ce qui constitue une chose, comme animal, qui se dit de l'homme et du cheval, est substantif et non adjectif. Car le sensible qui se dit de l'animal , quoique étant de l'es- sence de l'animal , ne se dit pas sous le rapport de la quiddité , mais de la qualité , et c'est la raison pour laquelle il est adjectif. Or il faut savoir que les choses qui se disent sous le rapport de la quiddité sont de l'essence ou de la quiddité des choses desquelles elles sont affir- mées , par conséquent s'affirmer sous le rapport de la quiddité , non- seulement peut s'appeler mode de signification , comme on l'a dit , mais il désigne encore la quiddité de l'objet de l'affirmation , et il est évident que c'est le genre.

conveniunt Sortes et hic equus, qui inter se non solum surit difformes quantum ad has carnes et hœc ossa ; sed in hoc , quia hic homo habet formam humanitatis et 511e equinitatis , talia dicuntur differre specie, et talis forma in qua conveniunt in concreto sumpta , puta animal, est genus, et quia ut dictum est talis natura sumpta in concreto de pluribus formaliter diffe- rentibus, quse sunt in diversis speciebus, dici potest ; hinc est quod tali naturse in- tentio generis potest attribui; ideo dicitur quod genus praedicatur, id est, prœdicabile est- de pluribus differentibus specie, seu dicitur dividi in plures species. Et hoc quod dictum est in concreto sumptum, in- telligitur solum in praedicamento substan- tiœ ; in aliis vero praedicamentis et maxi-

me in absolutis , sumitur genus et species in abstracto. Dicitur autem genus praedi- cari in eo, quod quid est, id est, substan- tive secundum grammaticos , ut animal , quod de homine et de equo praedicatur, est substantivum et non adjectivum. Sen- sibile enim quod de animali praedicatur, quamvis sit de essentia ainm.ilis , non tamen dicitur praedicari in quid , sed in quale, et causa est , quia est adjectivum. Sciendum est autem, quod quia ea ques in quid prœdicantur, sunt de essentia, seu quidditate eorum de quibus praedicantur, ideo praedicari in' quid non solum potest dicere modum significandi, ut dictum est, sed etiam dicit quidditatem ipsius de quo praedicatur, et patet quid sit genus.

108 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 3.

CHAPITRE III.

Ce que c'est que l'espèce et d'où elle tire son origine.

L'espèce est ce qui se dit de plusieurs choses différentes numéri- quement in eo quod quid. Quoique cette définition de l'espèce puisse être conçue d'après ce que nous avons dit, néanmoins pour plus de développement il faut savoir que , bien que le principe d'individua- tion propre provienne de la matière spécifiée, il ne faut pourtant pas entendre qu'il ne vient pas de la forme sous quelque rapport. Remar- quez que la distinction d'une chose d'une autre par la forme peut se faire de deux manières. Premièrement, quand une telle distinction se fait par la forme à raison de la forme, suivant qu'il y a différents de- grés dans les formes, et les choses qui sont distinguées de cette ma- nière doivent nécessairement différer d'espèce , comme il a été dit. Secondement, une chose peut être distinguée d'une autre par la forme, non suivant la raison absolue de la forme, mais suivant qu'elle est telle forme, et c'est ainsi que diffèrent en nombre deux quantités sé- parées, soit qu'elles soient séparées par l'intellect, comme en mathé- matique, soit qu'elles soient séparées de la matière quant à la chose par la puissance. divine, comme la quantité de deux hosties consa- crées. Car la quantité est une certaine forme; et c'est encore ainsi que diffèrent les âmes séparées numériquement. En effet, elles ne diffèrent pas. par la matière qu'elles n'ont pas et à laquelle elles ne sont pas unies , ni par relation à la matière à laquelle elles sont susceptibles d'être unies, puisque la relation est postérieure à son objet. Remar- quez que toute forme qui renferme plusieurs choses en soi, c'est-à- dire qui est prise universellement, a une certaine latitude ; car elle se trouve en plusieurs, et se dit de plusieurs. Or, il peut y avoir dans

caput m.

Quid sit species , et unde sumal originem.

Species est, quue praedicatur de pluribus differentibus numéro in eo quod quid. Licet autem haec praedicta descripto speciei ex dictis possit intelligi ; tamen ad majo- rera declarationem aliquorum quee supra dicta sunt , sciendum est quod licet prin- cipium individuationis proprium sit a ma- teria siguata, ut supra dictum est, non ta- men est intelligendum , quod aliqualiter non sit a forma. Ubi nota , quod aliquid distingui ab aliquo per formam, dupliciter potest esse. Uno modo quod talis distinctio sit per formam ratione forma;, secundum quod in formis diversi gradus inveniuntur, et quae sic distinguuntur necesse est ut différant specie, ut supra dictum est. Alio

modo, potest aliquid distingui ab alio per formam , non secundum .absolutam ratio- nem forma?, sed secundum quod est haec forma, et sic differunt numéro duae quan- titates separatae, sive sint separatae per in- tellectum , ut in mathematicis ; sive sint separatae a materia secundum rem virtute divina, utquantitasduarum hostiarum con- secratarum. Quantitas enim quœdam forma est ; et sic etiam differunt anima? separatae numéro. Non enim differunt per materiam quam non habent , nec ei conjunguntur, nec per relationem ad materiam cui con- jungibiles sunt , cum relatio sit posterior ipsi relato. Ubi nota , quod omnis forma sub se habens multa, id est, quae universa- liter sumitur, habet quamdam latitudincm. Nam invenitur m pluribus et dicitur de pluribus. Duplex autem potest esse lati-

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 109

les formes une double latitude. L'une suivant les degrés formels, dont l'un est en soi plus noble et plus parfait que l'autre, et cette latitude est, comme nous l'avons dit , une latitude de genre sous lequel il y a différents degrés formels spécifiquement différents. Il y a une autre latitude suivant la plurification numérale dans le même degré ; et parce que cette latitude n'est pas suivant la raison absolue de la forme, il faut que la forme en laquelle est une telle latitude importe dans sa raison quelque chose par quoi une telle latitude lui convienne et qui soit différent de la raison absolue de la forme. Et si nous par- lons de cette forme qui est une partie du composé , par exemple , de l'ame raisonnable, ce par quoi une telle latitude lui convient, est une certaine imperfection , en raison de ce qu'elle est destinée à avoir le caractère de partie d'un tout quelconque, non-seulement comme par- tie suivant la raison, parce que les formes spécifiques elles-mêmes sont parties suivant la raison , mais comme partie suivant la chose. Car l'ame raisonnable est une partie réelle de l'homme , et la blan- cheur est une partie réelle de l'homme blanc. C'est pourquoi, afin que de telles formes se multiplient sous l'espèce , il faut qu'elles aient cette potentialité qui fait des parties réelles, et à raison de cela cette potentialité, par le moyen de laquelle l'ame raisonnable est destinée par son essence à faire partie d'un composé, lui confère une certaine latitude de multiplicatiou suivant le même degré, quoiqu'elle soit sé- parée, et qu'elle n'informe pas en acte la matière. Et parce qu'une telle potentialité ne convient pas à l'essence des anges, les anges pour cette raison ne diffèrent pas numériquement entre eux , mais chaque ange fait une espèce par lui-même. Car la nature ou l'essence de l'ange n'a pas une aptitude naturelle à faire partie d'un composé, qui lui donne l'espèce , comme l'ame humaine. Donc la potentialité de

tudo in formis. Una secundum gradus for- mates, quorum unus secundum se nobilior et perfectior est altero, et haec, ut dictum est, latitudo generis est , sub quo sunt di- versi gradus formates spécifiée différentes. Alia latitudo est secundum plurifïcationem numeralem iri eodem gradu ; et quia ista latitudo non est secundum absolutam ra- tionem formae, oportet quod forma, in qua est talis latitudo, importet in sua retione aliquid per quod conveniat sibi talis lati- tudo, quod sit aliud ab absoluta ratione formse. Et si loquamur de illa forma, quse est pars compositi , puta de anima ratio- nali, illud propter quod sibi talis latitudo convenit, est imperfectio qusedam, secun- dum scilicet quod nata est habere ratio- nem partis alicujus totius, non solum quod sit pars secundum rationem, quia etiam formas specifleee sunt partes secundum ra-

tionem , sed quod sit pars secundum rem. Nam anima rationalis est pars realis homi- nis, et albedo est pars realis hominis albi. Unde ad hoc quod taies formse multipli- centur sub specie , oportet quod habeant illam potentialitatem quse facit partes reaies , et secundum hoc illa potentialitas per quain anima rationalis per essentiam suam nata est esse pars compositi , dat ei quamdam latitudinem mulliplicationis secundum eumdem gradum, non obstante quod sit separata , et actu non informet materiam. Et quia talis potentialitas non competit essentise angelorum , ideo angeli non différant inter se numéro, sed quilibet angélus facit speciem per se. Non enim est apta nata natura seu essentia angeli esse pars compositi, ex qua compositione con- sequatur speciem , sicut anima humana. Potentialitas ergo formae quam forma ha-

110 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 4.

forme que possède la forme pour se joindre à la matière, produit en elle la multiplication des individus , et c'est ainsi que l'on doit en- tendre ce qui a été dit plus haut, que l'humanité qui est la forme qui suit un tout composé , si on la considère sous le rapport de sa déter- mination à telle matière spécifiée, produit le singulier. Car humanité, comme on l'a dit , dit ame et corps , d'où il suit qu'en disant tel corps, telle ame, elle énonce un singulier. Et parce que l'ame existant dans le même degré ne peut être divisée en plusieurs, comme il a été dit, si ce n'est à raison de la potentialité qu'elle possède pour l'union à une matière spécifiée, il faut dire par conséquent que la matière spécifiée est un principe d'individuation , tandis que la forme ne l'est que par la matière pour laquelle elle a une puissance naturelle d'u- nion, et l'on voit ainsi ce que c'est que l'espèce. Il faut savoir néan- moins que, bien que la forme spécifique, comme on l'a dit , soit plu- rificable de soi à cause de la potentialité qu'elle a pour s'unir à la matière, cette plurification est cependant empêchée quelquefois acci- dentellement , par exemple si tous les hommes venoient à mourir et qu'il n'en restât qu'un seul , l'humanité alors n'existeroit pas dans plusieurs matières. Elle peut aussi être empêchée par la condition de la matière, comme il n'y a présentement qu'un seul soleil, non qu'il répugne à la nature solaire de se trouver dans plusieurs sous le rap- port de la forme, mais parce qu'il y a une autre matière qui n'est pas susceptible d'une telle forme. C'est pourquoi le soleil est une espèce en un seul individu.

CHAPITRE IV.

De l'origine de la différence et ce que c'est' suivant la chose et l'intention.

La différence , dans le sens elle est prise ici , se définit de deux manières, dont voici la première. La différence est celle qui se dit de

bet, scilicet ut jungatur materiae, facit sub ea multiplicari individua, et sic débet in- telligi quod supra dictum est, quod scilicet humanitas quae est forma sequens totum compositum, si consideretur ut est deter- miuata ad'hanc materiam signatam facit singulare. Humanitas enim . ut dictum est, dicit animam et corpus ; unde dicendo, hoc corpus , et hanc animam, dicit singulare. Et quia anima in eodem gradu existens nouposset dividi in plura, ut dictum est, nisi propter potentialitatem quam habet ut uniatur materiae signatœ , ideo dicendum est , quod materia signata est principium individuationis, forma autem non nisi per materiam , ad quam habet naturalem po- tentiam ut sibi uniatur , et sic patet quid est species. Sciendum tamen est, quod licet forma specifica, ut dictum est , de se plu-

rificabilis fit propter potentialitatem quam habet ut materiae uniatur, tamen aliquan- do talis plurificatio accidentaliter impedi- tur , puta , si omnes homines morerentur, ut unus solus remaneret , tune humanitas non esset in pluribus materiis. Vel potest impediri propter conditionem materiae, si- cut modo est unus tantum Sol, non quod repugnet naturœ solari esse in pluribus se- cundum considerationem formae, sed quia est alia materia non susceptiva talis formae ; unde Sol est species in uno individuo.

CAPUT IV.

De origine différentiel, et quid ipsa sit se- cundum rem et intenlionem.

Differentia , ut hic sumilur , dupliciter describitur. Primo sic : Differentia est quae prœdicatur de pluribus differentibus specie

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. lîl

plusieurs choses différentes en espèce m eo quod quale. La seconde est la différence qui abonde du genre. Pour comprendre la première dis- position il faut savoir que, comme il a été dit plus haut, dans quelques formes il peut y avoir une latitude dans les mêmes formes suivant les degrés formels dont l'un en soi est plus noble et plus parfait qu'un autre, et c'est de cette forme que se tire le genre. Remarquez que dans les êtres il y a différents degrés d'existence , soit que ce soit des degrés substantiels ou accidentels. Quoique ces degrés soient disper- sés dans quelques êtres, il se trouve néanmoins quelquefois quelque chose d'un qui renferme plusieurs degrés de perfection substantiels ou accidentels, par exemple : végétative, sensible, raisonnable, sont des degrés substantiels d'êtres. Car une plante est substantiellement végétative, un chien substantiellement sensible , et l'homme substan- tiellement raisonnable, et ces degrés dispersés dans plusieurs se trouvent quelquefois dans un seul, par exemple , dans l'homme. Car l'homme, par sa forme substantielle qui est dans une , possède ces trois perfections, il est végétatif, sensible et raisonnable. C'est pour- quoi Sortes, par son essence, est conforme à la plante, au chien et à Platon, comme il a été dit. Or cette conformité de Sortes avec la plante peut être une des deux. Comme en effet la similitude de deux choses noires est une des deux, de l'une comme sujet, de l'autre comme terme, de même aussi est la conformité de Sortes comme sujet, et de la plante comme terme. Je ne dis pas pour cela qu'une telle conformité soit une relation suivant l'être , mais elle est une relation suivant l'application comme fondement de la relation suivant l'être. Or une telle conformité, qui est réellement une, comme il a été dit, meut notre intellect à une idée, vivant, par exemple, de laquelle idée

in eo quod quale. Secundo sic : Differentia est qua species abundat a génère. Ad vi- dendum autem primam descriptionem , sciendum est quod , ut supra dictum est, in aliquibus formis potest esse latitudo in eadem forma secundum gradus formates, quorum unus secundum se est nobilior et perfectior alio , et ab hac forma sumitur genus. Ubi nota , quod in entibus sunt di- versi gradus essendi, sive sint gradus sub- stantiales , sive accidentâtes , qui gradus licet in aliquibus entibus sint dispersi, ta- men aliquando invenitur aliquod unum plures gradus perfectionis substantiales vel accidentâtes comprebendens. Verbi gratia : Vegetabile , sensibile , rationale, sunt gra- dus entium substantiales. Planta enim sub- stantialiter est vegetabilis ; canis vero sub- stantialiter est sensibilis, et homo substan- tialiter est rationalis, et isti gradus dispersi in multis , aliquando inveniantur in uno

solo , puta in homine. Homo namque per suam formam substantialem quee est in una habet omnes istas très perfectiones, nam est vegetabilis, et est sensibilis, et est rationabilis. Unde Sortes per unam suam essentiam conformatur plauUe , et cani, et Platoni, ut supra dictum est. Hœc autem conformitas, quse est Sortis ad plantam, potest esse una duorum. Sicut enim simili- tudo duorum nigrorum est una amborum, quia unius ut subjecti, et alterius ut ter- mini ; sic talis conformitas est Sortis ut subjecti , et illius plantse ut termini. Nec propter hoc dico quod talis conformitas sit relatio secundum esse , sed est relatio secundum dici, ut fundamentum relationis secundum esse. Talis autem conformitas quse realiter una est, ut dictum est, movet intellectum nostrum ad unam conceptum, puta vivum , a quo conceptu sumitur ge- nus vel aliquando species, ut ex supra die-

1J2 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 4.

se tire le genre, ou quelquefois l'espèce, comme on peut l'induire de ce quia été dit plus haut; c'est pourquoi cette conformité se rapporte au genre comme fondement éloigné. Mais l'idée de vivant à laquelle une telle conformité porte l'intellect, se rapporte au genre comme fondement prochain, et ainsi, quoique l'unité de genre soit l'unité de raison, néanmoins elle doit se fonder en quelque manière sur une chose suivant la réalité. Quant à la difformité qui existe entre Sortes et la plante, elle consiste en ce que Sortes a le sentiment et non la plante, et de cette difformité se tire la différence qui sépare la chose qui est commune à l'homme et à la plante. D'où l'on voit par cette différence que la qualité de vivant se trouve dans un sujet qui pos- sède quelque autre perfection qui n'est pas dans la plante. Et parce que dans cette perfection , savoir la sensibilité , Sortes est en conve- nance avec le chien , il y a de même entre eux une conformité qui porte à une idée de laquelle , si on la prend au concret substantive- ment, de telle sorte que ce concret dise explicitement de ce qu'il si- gnifie et vivant et sensible, se tire un autre genre, savoir animal. Si, au contraire, elle est est prise au concret adjectivement, de telle sorte qu'elle dise explicitement de la chose qu'elle signifie cette seule per- fection, savoir sensible, il s'en tire la différence, savoir, en tant qu'elle est dite sensible , et ainsi des autres jusqu'à la dernière différence spécifique, au-dessous de laquelle il n'y a point de perfection for- melle. Donc, comme on peut dire sensible tout ce qui est dit animal, et que animal, qui est le genre, se dit de plusieurs choses différentes en espèce, de même sensible, qui est la différence, se dit de plusieurs choses différentes dans l'espèce. Il faut remarquer que la forme sub- stantielle a un double être; l'un objectivement dans l'intellect , et en raison de cet être l'intellect s'attribue un nom abstrait. Car l'intellect

tis haberi potest, unde talis conformitas se \ substantive , ita quod taie concretum de habet ad genus, utfundamentumremotum. suo siguificato dicat explicite et vivum, et Conceptus vero vivi , ad quetn talis con- sensibile, sumitur aliud genus, scilicet ani- forrnitas movet intellectum , se habet ad mal. Si vero suraatur in concreto adjec- genus, ut fundamentum propinquum, et tive , ita quod de suo significato dicat so- sie licet unitas generis sit unitas rationis, lam illam perfectionem explicite, scilicet tamen aliquo modo habet fundari in uno sensibile , sumitur differentia , puta in secundum rem. Difïbrmitas vero quae est quantum dicatur sensibile , et sic de aliis inter Sortem et plantam , est quia Sortes : usque ad ultimam differentiarn specifieam, sentit, non autem planta, a qua difformi- j infra quam non est perfectio formalis. tate sumitur differentia, quae dividit unum j Cum ergo de tôt possit dici sensibile , de quod commune est homini et plantas. Unde i quot dicitur animal , sed animal quod est per hanc differentiarn ostenditur, quod vi- ; genus, prœdicatur de pluribus differentibus vum inveuitur in habentem aliquam aliam specie, similiter et sensibile quod est diffe- perfectionem , qu;e non est in planta. Et rentia, praedicatur de pluribus differentibus quia in tali perfectione , puta sensibihy specie. Notandum quod forma substantia- convenit Sortes cum cane , similiter inter lis habet duplex esse. Unum est objective eos est una conformitas movens ad unum in intellectu, et secundum hoc esse intel- conceptum , a quo si sumatur in concreto lectus attribuit sibi nomen abstractum.

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 113

la considère, non pas en observant la matière elle se trouve , et à cause de cela il se donne un nom abstrait, comme humanité. Elle a un autre être dans la matière, pour laquelle elle a une double habi- tude. La première c'est qu'elle lui adhère comme sauvée en ellefet ainsi elle a, en quelque sorte, le mode d'accident, et ainsi l'intellect lui donne un nom concret adjectif, tel qu'un nom d'accident, comme humain. La seconde est la comparaison qu'elle a avec la matière, comme la complétant et la perfectionnant, et ainsi elle n'a pas le mode d'accident, mais bien le mode de substance, et ainsi l'intel- lect lui donne un nom concret substantif, comme homme. Il faut noter que animal diffère de sensible, parce que animal provient d'ame sensible, et sensible se dit à raison de la sensibilité. Et parce que l'ame par rapport à la sensibilité est comme la puissance à l'acte, conséquemment la différence est plus actuelle que ce dont elle est la différence, quoique se trouvant dans le même cercle l'un et l'autre. Or on dit que la différence s'applique à la qualité , c'est-à-dire adjective- ment. En voici la raison : Comme on l'a dit, en effet, la différence di- visive de quelque genre se tire de la perfection que n'ont pas toutes les choses qui sont sous le genre, laquelle perfection , comparée à ce d'où se tire le genre , se montre comme quelque chose de parfait, et par conséquent comme formel , et parce que les adjectifs se tirent communément des formes , obligés qu'ils sont de s'adjoindre à la forme; conséquemment pour désigner que la différence se tire du seul formel, et ne dit explicitement que cela seul, la différence est parfaite parle mode adjectif dans son attribution. Pour connoître de même la seconde définition de la différence, il faut savoir qu'il est impossible que la partie se dise du tout , mais que ce qui se dit en toute vérité d'une autre chose doit dire le tout. Lorsqu'on dit de Sortes qu'il est

Considérât enim eam intellectus non con- siderando materiam in qua est, et propterea dat sibi nomen abstractum, ut humanitas. Aliud esse habet in materia, ad quam habet duplicem habitudinem. Una est, quia in- hœret ei tanquam salvata in ipsa, et sic aliquo modo habet modum accidentis , et sic dat ei intellectus nomen concretum adjectivum, quale est nomen accidentis, ut humanum. Secunda comparatio quam habet ad materiam, ut complens et perfi- ciens ipsam, et sic non habet modum acci- dentis, sed modum substantise , et sic dat ei intellectus nomen concretum snbstanti- vum, ut homo. Notandum quod animal differt a sensibili, quia animal dicitur ab anima sensibili ; sensibile autem dicitur a sensibilitate. Et quia anima a sensibilitate se habet , sicut potentia ad actum ; ideo differentia magis est actualis, quam id cu-

jus est differentia, licet tantum ambiant ambo. Dicitur autem differentia prœdicari in qualè, id est adjective ; hujns ratio est. Ut enim dictum est , differentia divisiva alicujus generis sumitur a perfectione , quam non habent omnia quae sunt sub gé- nère , quse perfectio comparata ad illud , unde sumitur genus, se habet ut quoddam perfectum et per consequens ut formate , et quia adjectiva communiter a formis su- muntur, quse forma) habent adjacere, ideo ad designandum quod differentia sumitur a solo formali , et illud solum dicit ex- plicite, perfecta est differentia per modum adjectivum in sui prœdicatione. Ad viden- dum autem secundam difïinitionem diffe- rentia? , sciendum quod impossibile est partem de toto prœdicari, sed quidquid de alio. vere prœdicatur , oportet quod dicat totum. Cum autem de Sorte praedicetur

H4 OPUSCULE XL VII, CHAPITRE 4.

homme, et animal , et raisonnable , homme doit dire le tout formel qui est dans Pierre; je dis formel, parlant de la forme qui suit le tout composé. Il faut de même qu'animal dise le tout formel, de même auSsi raisonnable le tout formel , mais de différentes manières. Car raisonnable dit tout ce que dit homme, non pas cependant explicite- ment, mais implicitement. Raisonnable dit, en effet, ayant la raison ; c'est pourquoi il dit seulement raison de la chose principale qu'il si- gnifie ; mais parce qu'il dit ayant la raison, en disant ayant, on com- prend implicitement l'homme quel qu'il soit, et il dit ainsi tout ce que dit homme, quelque chose cependant explicitement, et quelque chose implicitement. De même aussi animal dit tout ce que dit homme, non pas cependant explicitement, car animal dit ayant la vie et la sen- sibilité : c'est pourquoi il ne dit du principal objet qu'il signifie que la vie et la sensibilité, mais dans ce qu'il dit on entend implicitement l'homme. Homme, au contraire, dit explicitement le tout formel qui est dans Sortes; car il dit ayant l'humanité, laquelle humanité dit explicitement le mouvement et la sensibilité que dit animal, et laraison que dit raisonnable , ce qui fait que homme dit de l'objet principal qu'il signifie animal raisonnable ; car en comparant les objets qu'ils signifient explicitement, le genre et la différence ne signifiant qu'une partie de chacun d'eux, et l'espèce signifiant explicitement ce qu'elle signifie , il s'ensuit que les deux choses signifiées explicitement par l'espèce excèdent l'objet signifié explicitement du genre dans l'objet si- gnifié explicitement de la différence. Il excède de même l'objet signifié de la différence dans l'objet signifié du genre. C'est donc à bon droit que l'on dit dans la susdite définition que la différence est ce par quoi l'espèce surabonde du genre, parce que l'espèce abonde, c'est-à-dire excède dans l'objet qu'elle signifie, même ce que l'espérance signifie

homo , et animal , et rationale, oportet quod homo dicat totum formale, quod est in Petro , et dico formale , loquendo de forma quœ sequitur totum compositum. Similiter oportet quod animal dicat totum formale, et similiter rationale dicat totum formale, sed diversimode. Nam rationale dicit totum illud quod dicit homo, non tamen explicite , sed implicite. Rationale enim dicit habens rationem. Unde de suo principali significato dicit solum rationem, sed quia dicit habens rationem, in hoc quod dicit, habens, intelligitur implicite homo quicumque sit ille, et sic dicit totum quod dicit homo, aliquid tamen explicite et ali- quid implicite. Similiter etiam animal dicit totum quod dicit homo, non tamen expli- cite, dicit enim animal habens vitam et sensu m : unde de suo principali significato solum dicit vitam et sensum , sed in hoc

quod dicit , habens implicite , intelligitur homo. Homo vero dicit explicite totum formale quod est in Sorte. Nam dicit ha- bens humanitatem , quae humanitas dicit explicite motum et sensum , quod dicit animal, et rationem quam dicit rationale, unde homo de suo principali significato dicit animal rationale ; comparando enim significata istorum explicite, cum genus et differentia , ut dictum est, non significent quodlibet eorum nisi partem, species vero explicite significet illud quod significat ; utrumque ergo significatum explicitum speciei , excedit significatum explicitum generis in significato explicito differentise. Similiter etiam excedit significatum diffe- rentiae in significato generis. Bene ergo dicitur in prœdicta descriptione, quod dif- ferentia est, qua species abundat a génère, quia species abundat, id est, excedit in suo

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 115

explicitement , et l'on voit ainsi ce que c'est que la différence dans son caractère propre.

CHAPITRE V.

Du genre le plus général et du genre subalterne; un être ne peut pas être

genre.

Le genre se divise en genre très-général et genre subalterne. Le genre le plus général est celui en qui ne survient pas un autre genre; ce qui doit être entendu de cette manière. Ainsi que nous l'a- vons dit, en effet, le genre se tire de l'idée de conformité de certaines choses qui sont difformes dans certaines autres perfections formelles, desquelles se tirent les différences. Comme animal est genre, parce qu'il dit mouvement et sensibilité , en quoi l'homme et le cheval sont conformes , tout en étant difformes dans d'autres perfections , par la raison , par exemple , qu'il y a dans l'homme la raison qui n'est pas dans le cheval, d'où se tire la différence, savoir le raisonnable. L'homme est aussi conforme à la plante dans le vivant; de cette con- formité se tire un autre genre, savoir le corps animé, et cette confor- mité est moindre que la première , parce que corps animé s'étend à plus de choses qu'animal, aussi c'est un genre supérieur. Il est encore conforme à la pierre dans la corporéité , d'où se tire un autre genre supérieur, savoir le cor'ps. Il est conforme à l'ange dans la substance , qui est une conformité plus éloignée , d'où se tire encore un autre genre, savoir la substance. Si l'homme étoit difforme vis-à-vis d'une chose en substance , il ne resteroit entre eux d'autre conformité que l'entité. Or l'être ne pouvant pas être genre , comme on le dira , la substance doit être le genre le plus général. Quant aux autres genres que nous avons dit être sous la substance, savoir corps , corps animé

significato etiam illud, quod explicite si- gnificat differentia , et sic patet quid est differentia secundum sui rationem.

CAPUT V.

De génère generalissimo , et subalterno , et quod ens non potest esse genus.

Dividitur autem geuus in genus genera- lissimum et genus subalternum. Genus ge- neralissimum est illud, supra quod non est aliud superveniens genus ; quod sic débet intelligi. Ut enim dictum est , genus sumi- tur a conceptu conformitatis aliquorum , qua) in aliquibus aliis perfectionibus for- malibus sunt difformia , a quibus perfec- tionibus forrnalibus sumuntur differentiae. Sicut animal est genus , quia dicit motum et sensum , in quibus homo et equus con- formantur, qui tamen sunt difformes in aliquibus aliis perfectionibus, puta, quia in

homine est ratio quœ non est in equo, a qua sumitur differentia , scilicet rationale. Conformatur etiam homo cum planta in vivo, ex qua conformitate sumitur aliud genus , scilicet animatum corpus , et hœc est minor conformitas quam prima, et quia ad plura se extendit animatum corpus quam animal, ideo hoc est superius genus Cum lapide vero conformatur in corporei- tate, a qua sumitur aliud genus superius , scilicet corpus. Cum angelo vero confor- matur in substantia, quce adhuc est remo- tior conformitas , a quo sumitur aliud ge- nus, scilicet substantia. Si vero esset homo difformis alicui rei in substantia, nulla eis conformitas remaneret, nisi entitas. Cum autem ens non possit esse genus, ut dice- tur, restât quod substantia sit genus gène- ralissimum; reliqua vero gênera quae sub substantia diximus , scilicet corpus , ani-

H6 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 5.

et animal, sont des genres subalternes qui quelquefois sont regardés comme genres, d'autres fois comme espèces. Chacun d'eux, en effet, est espèce relativement au genre supérieur , et genre relativement à l'es- pèce inférieure. On peut voir par comment une seule et même dif- férence est divisive et constitutive. Si, en effet, animé qui est diffé- rence est ajouté à corps, comme ce qui signifie corps se trouve dans les choses qui n'ont pas cette perfection qui est animé, cette diffé- rence divise corps qui toutefois est genre et constitue une espèce, qui n'ont pas cette perfection qui est animé. D'où il arrive que cette différence animé est tantôt divisive du genre et tantôt consti- tutive de l'espèce , et c'est aussi ce qui doit se faire dans les autres genres jusqu'aux espèces les plus spéciales, dont il n'y a pas de diffé- rences divisives. Mais quelles sont les espèces les plus spéciales , on peut le connoître d'après ce qui a été dit. Qu'un être ne puisse pas être genre, le voici; en effet, ainsi qu'on l'a dit , cela est genre qui est dans cette condition par rapport à sa différence divisive , que la différence signifie quelque chose explicitement que ne signifie pas le genre lui-même, quoique implicitement les deux disent le tout, c'est pourquoi le genre se trouve en dehors de l'intellect des différences; en voici un exemple dans les choses composées de matière et de forme. Le feu et l'eau sont en convenance dans la matière première, mais diffèrent dans la forme, parce que la forme substantielle du feu est différente de celle de l'eau; d'où il suit que le feu et l'eau sont en convenance dans la matière , parce que la matière est leur partie es- sentielle , mais la forme du feu et l'eau s'accordent dans la matière, comme dans quelque chose différent de leur essence , mais détermi- nable par elles. C'est ainsi crue les espèces ont dans le genre un mode de convenance que n'ont pas les différences. Car les espèces s'ac-

matum corpus et animal, sunt gênera sub- alterna, quœ aliquando ponuntur esse gê- nera, et aliquando species. Quodlibet enim eorum est species, respectu superioris ge- neris, et est genus respectu inferioris spe- ciei. Ex his potest patere quomodo una et eadem differentia est divisiva et constitu- tiva. Si enim animatum quod est diffe- rentia addatur corpori, cum illud quod si- gnificat corpus , inveniatur in non haben- tibus hanc perfectionem quœ est animatum, haec differentia dividit corpus, quod modo est genus, et constituit unam speciem, sci- licet animatum corpus. Unde haec diffe- rentia, animatum, modo est divisiva gene- ris et constitutiva speciei , et sic est acci- perc in aliis generibus , usque ad species specialissimas, quarum non sunt differen- isivae. Qua3 autem sint species spe- t ialisMince , ex dictis haberi potest. Quod

autem ens non possit esse genus, sic patet, ut enim dictum est, illud est genus, quod ita se habet ad suam differentiam divisi- vam, quod differentia significat aliquid explicite, quod non significat ipsum genus, licet implicite ambo totum dicant, unde genus est extra intellectum differentiarum ; et datur exemplum in rébus compositis ex materia et forma. Ignis enim et aqua conveniunt in materia prima, differunt autem in forma, quia alia est forma sub- tantialis ignis , et alla aquae : unde ignis et aqua sic conveniunt in materia, quod materia est pars essentialis eorum , forma vero ignis et aqua conveniunt in materia, sicut in quodam diverso ab essentia eorum, determinabili tamen per ipsas. Sic suo modo species aliter conveniunt in génère, quam differentiœ. Nam species conveniunt in génère, sicut in eo quod includit in ra-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 117

cordent dans le genre comme dans ce qui est contenant dans leur condition et dans leur principal objet signifié, car dans la raison de l'homme et dans son principal objet signifié, se trouve renfermé ani- mal. Les différences, au contraire, s'accordent dans le genre comme dans quelque chose de déterminable par elles rationnellement , qui est en dehors de leur intellect, comme raisonnable et irraisonnable s'accordent dans animal. Donc comme il ne peut rien se trouver en dehors de l'intellect de quoi il y ait être, rien ne pourra être la diffé- rence de l'être, et par conséquent l'être ne pourra pas non plus être genre. On donne aussi une autre raison pourquoi l'être n'est pas genre, c'est parce qu'il ne peut pas être univoque à l'égard de la sub- stance et de l'accident. Il faut remarquer que dans l'exemple proposé ci-dessus la matière est prise dans un autre sens qu'on la prenoit d'abord, quand on a dit (jue les individus sont distingués par la ma- tière, et que la matière est un principe d'individuation. Il y a, en effet , la matière première et la matière spécifique , savoir celle qui est caractérisée par la quantité et par les autres accidents qui opèrent l'individuation. Or, on appelle matière première ce qui est» en puis- sance à l'égard de toutes les formes substantielles, et qui n'est consi- dérée que dans sa pure potentialité, qui est appelée une par l'éloigne- ment de toutes les formes en tant qu'on considère une nature poten- tielle perfectible par les formes , abstraction faite de ce qu'elle est parfaite par l'acte, et c'est de cette matière que nous parlions dans l'exemple mentionné plus haut. Quant à la matière spécifique , elle est ainsi appelée, suivant qu'elle a l'être avec telle quantité, telle qua- lité, et avec tels accidents, et sous ce rapport elle n'est pas une pour tout, mais elle est divisée par des individus quelconques, comme sont divisés les accidents susdits de chaque individu. Et parce que tous les individus et chacun a une partie de la matière première, en considé-

tione ipsarum et in earum principali signi- ficato, in ratione enim hominis, et in ejus principali significato includitur animal. Sed differentiœ conveniunt in génère , sicut in •quoddam determinabili secundum ratio- nem per eas , quod est extra intellectum earum , sicut rationale et irrationale con- veniunt in animali. Cum ergo nihil possit inveniri extra , cujus intellectum sit ens, nihil poterit esse differentia entis, nec per consequens ens poterit esse genus. Assi- gnatur etiam alia ratio, quare ens non sit genus , quia non potest esse univocum ad substantiam et accidens. Notandum, quod in preedicto exemplo aliter sumitur ma- teria quam sumebatur primo , quando dic- tum est, quod individua distinguuntur per materiam, et quod materia est principium individuationis. Est enim materia prima

et materia signata, seu hœc quse videlicet quantitate signatur et aliis accidentibus individuantibus. Dicitur autem materia prima illud quod est in potentia ad omnes formas substantiales quse consideratur so- lum in sua nuda potentialitate, quœ dici- tur una per remotionem omnium forma- rum, in quantum consideratur una quidem natura potentialis perfectibilis per formas absque hoc , quod actu perfecta sit , et de ista materia loquebamur in exemplo supra- posito. Materia vero signata seu haec dici- tur prout habet esse cum hac quantitate et hac qualitate, et in aliis accidentibus ; et sic considerata non est una omnium , sed per quœlibet individua est divisa, sicut di- visa sont prœdicta accidentia uniuscujus- que individui. Et quia omnia individua et quodlibet eorum habet partem primae

118 OPUSCULE XL VII, CHAPITRE 6.

rant cette partie , non en tant que caractérisée par tels ou tels acci- dents, on dit que l'eau et le feu s'accordent dans une matière, comme dans l'exemple ci-dessus. Il est donc évident à l'égard des trois pré- dicables essentiels qui concourent à ordonner un prédicament, sa- voir : le genre, l'espèce et la différence qui sont appelés essentiels, qu'ils sont de l'essence des choses auxquelles ils sont appliqués.

CHAPITRE VI.

De l'origine du propre, et comment il se trouve dans tout individu de l'espèce et toujours.

Nous allons parler maintenant des deux prédicables "accidentels , savoir du propre et de l'accident. Ils sont appelés accidents, parce qu'ils ne sont pas de la substance ou de l'essence des sujets auxquels ils sont appliqués. Il faut observer que l'être réel se divise en sub- stance et accident, c'est pourquoi en prenant ainsi l'accident en tant qu'il se divise d'avec la substance, le propre est accident, et se compte parmi Iqs accidents ; car il n'est pas de la substance de ce dont il est le propre, et ne peut pas se trouver dans le prédicament de la sub- stance. L'accident est pris dans un autre sens, non en tant qu'il se divise d'avec la substance, mais comme étant l'un des cinq prédi- cables, et dans ce sens le propre n'est pas accident , bien plus il en est séparé. Or, le propre se définit ainsi : le propre est ce qui se trouve dans une seule chose, et toujours, et se dit réciproquement de la chose. Or pour bien connoître les points de cette définition, parce qu'il nous est grandement nécessaire de connoître le propre, qu'Aris- tote appelle une passion propre, parce que dans une démonstration on ne conclut rien autre chose du sujet que la propre passion, il faut

dicitur ignis et aqua convenire in una materia , ut in dicto exemplo dictum est. Patet ergo de tribus prœdicabilibus essen- tialibus, quae concurrunt ad ordinandum praedicamentum , scilicet de génère , et specie, et differentia, quae dicuntur essen- tialia , quia sunt de essentia eorum , de quibus praedicantur, etc.

GAPUT VI.

De origine proprii, et quomodo inest omni individuo speciei , et temper.

Nunc dicendum est de duobus praedica- bilibus accidentalibus, scilicet de proprio et accidente. Dicuntur autem accidentàlia, quia non sunt de substantia , sive de es- sentia subjectorum de quibus prasdicantur. Notandum, quod ens reale dividitur in materia , considerando illam partem non ut est signata ex bis vel his accidentibus,

substantiam et accidens, unde sic sumendo accidens prout dividitur contra substan- tiam, proprium est accidens, et inter acci- dentia computatur ; non enim est de sub- stantia ejus, cujus est proprium, nec potest esse in preedicamento substantia?. Alio modo sumitur accidens , non ut dividitur contra substantiam , sed ut est unum de quinque praedicabilibus , et sic proprium non est accidens , immo contra illud divi- ditur ; describitur autem proprium sic : Proprium est quod inest uni, soli, et sem- per, et conversim praedicatur de re. Ad vi- dendum autem particulas hujus dilïini- tionis , quia valde est nobis necessarium scire proprium, quod Philosophuspropriam passionem vocat, quia in demonstratione nibil aliud concluditur, nisi propria passio de subjecto. Sciendum , quod aliquid de aliquo dici seu prœdicaiï contingit dupli-

SUE LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 119

savoir qu'il arrive qu'une chose est dite d'une autre ou appliquée à une autre de deux manières, savoir, par soi et par accident. La prédi- cation par accident peut se faire de trois manières; la première quand l'accident se dit du'sujet, comme l'homme est blanc; la seconde quand le sujet se dit de l'accident, comme le blanc est homme; la troisième, quand l'accident se dit de l'accident, comme le blanc est harmonieux. Par soi la prédication se fait de plusieurs manières, ainsi qu'on le verra dans le traité de la démonstration. Le second de ces modes de prédication par soi a lieu quand le propre se dit de ce dont il est propre, comme l'homme est risible. Donc comme le propre se dit du sujet, parce que ce n'est pas par accident, comme on l'a dit des accidents à l'égard de leurs sujets , il a par soi vis-à-vis de son sujet une autre habitude que n'ont pas les accidents communs. Car ceux-ci n'ont d'habitude à l'égard de leurs sujets que comme à la cause matérielle, en prenant cette matière pour sujet, qui est en puis- sance par rapport aux accidents , comme à certains actes qui lui sont inhérents. D'où il suit que si le propre n'avoit que cette habitude à l'égard du sujet, savoir que le sujet fût seulement passif et son ré- ceptif, dans ce cas, comme ce qui n'est que le réceptif d'une chose, n'impose pas la nécessité d'être à la chose vis-à-vis de laquelle il est dans un tel rapport, il s'ensuit que le propre ne suit pas nécessaire- ment le sujet, et que par conséquent par soi il ne pourroit être appli- qué, et cependant nous avons vu le contraire. Nous voyons, en effet, dans les choses naturelles certaines opérations qui conviennent tou- jours à toutes les choses qui sont de la même espèce , comme attirer le fer convient toujours à l'aimant quel qu'il soit, c'est pourquoi il faut que ces opérations suivent quelque principe intrinsèque permanent dans ces corps. Néanmoins ce principe est appelé puissance en vertu,

citer, scilicet per se et per accidens. Pree- dicatio per accidens potest lîeri tripliciter. Uno modo, quando accidens preedicatur de subjecto, ut homo est albus. Alio modo, quando subjectura pradicatur de acci- dente, ut album est homo. Tertio modo , quando accidens preedicatur de accidente, ut album est rnusicum. Praerlicatio vero per se sit multipliciter, ut patebit in trac- tatu de demonstratione. Quorum secundus modus dicendi per se est, quando proprium prœdicatur de eo cujus est proprium , ut homo est risibilis. Cuin ergo proprium pnedieatur de subjecto , quia non praedi- catur per accidens, sicut dictuin est de ac- cidentibus respectu suorum subjectorum, sed per se aliam habitudiuem habet ad subjectum suum quam habeant accidentia communia. Ma namque nullam habitudi- uem habent ad sua subjecta , nisi ut ad

causam materialem, sumendo hic materiam pro subjecto, quod est in potentia ad acci- dentia, sicut ad quosdam actus sibi inhé- rentes. Unde si proprium solam hanc ha- bitudinem haberet ad subjectum , ut sci- licet subjectum solummodo esset passivum et receptivum ejus, tune cum illud , quod est receptivum tantum alicujus, non im- ponat necessitatem esseudi ei, respectu cu- jus est taie , sequitur quod proprium non de necessitate sequatur subjectum, nec per consequens per se posset prœdicari, et ta- men vidimus oppositum. Nam in rébus na- turalibus videmus quasdam operationes, quae conveniunt semper omnibus quse sunt ejusdem speciei, sicut attrahere ferrum semper convenit omni magneti : unde oportet quod taies operationes sequantur aliquod principium intrinsecum permanens in illis corporibus. Hoc tamen principium

120 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 6.

parce que la vertu est la puissance qui est portée à la dernière chose qui peut se faire. Donc un tel principe tient la puissance d'être de la forme spécifique de cette chose. Et on ne peut pas dire que le sujet n'impose pas à une pareille vertu la nécessité d'être, mais un généra- teur, parce que si le sujet n'a aucune habitude nécessaire à un tel propre, quelque grand générateur que le sujet produise avec cette passion , cette passion propre cependant seroit par accident par rap- port au sujet, et non par soi, et de cette manière elle ne pourroit être démontrée, le contraire se verra plus bas. Il reste donc maintenant que le sujet ait à l'égard de son propre l'habitude de cause efficiente, ce que l'on peut établir ainsi. En effet, les qualités propres agissent comme instruments de formes substantielles, car elles agissent pour produire les formes substantielles, comme la chaleur du feu agit sur le bois pour produire le feu , ce qu'elle ne pourroit pas faire , si elle n'étoit l'instrument de la forme substantielle de cet agent. Il en est ainsi , parce qu'elles reçoivent des formes substantielles la vertu de produire un tel effet, et ces qualités ne reçoivent pas des formes sub- stantielles une vertu quelconque différente d'elles; elles ne reçoivent donc rien de plus qu'elles-mêmes ; donc les formes substantielles des sujets sont la cause effective de leurs propres. Mais il s'élève à cet égard un grand doute , car il s'ensuit que le même sujet est sous le même rap- port agent et patient et cause d'action et de passion , au moins dans les substances séparées, qui n'ont pas une partie en dehors de la partie ; c'est pourquoi la même substance de l'ange, comme indivisible, seroit sous le même rapport effective de la passion propre , et réceptive en même temps', ce qui ne paroît pas convenable. Pour l'intelligence de cela il faut savoir qu'une chose se produit à sa manière dans l'action ainsi

dicitur potentia sive virtus, quia virtus est potentia quae fertur ad ultinmm , quod fieri potest. Taie ergo principium necessi- tatem essendi habet a forma specifica illius rei. Nec potest dici quod tali virtuti sub- jectum non imponat necessitatem essendi, sed generans , quia si subjectum nullam habeat necessariam habitudinem ad taie proprium, qmntumcumque generans sem- per generet subjectum cum tali passione, tamen talis propria passio per respectum ad subjectum esset per accidens et non per se, et sic non posset demonstrari, cujus oppositum infra patebit. Restât ergo quod subjectum habeat ad suum proprium ha- bitudinem causae efficientis, quod sic po- test patere. Nam propriœ qualitates agunt ut instrumenta fonnarum substantialium, agunt enim ad productionem formarum substantialium , sicut calor ignis agit in ligna ad generandum ignem , quod non

posset facere , nisi esset instrumentum forma? substantialis hujus agentis ; hoc ergo est, quia recipiunt virtutem a formis substantialibus agendi hoc , nec recipiunt taies qualitates, a formis substantialibus aliquam virtutem differentem ab eis, nibil ergo aliud recipiunt , nisi seipsas , formae ergo substantiales subjectorum sunt causa effectiva suorum priorum. Verum circa hoc videtur magnum dubium, nam sequi- tur quod idem subjectum sit secundum idem agens et patiens , et quod idem sit causa agendi et patiendi respectu ejusdem, ad minus in substantiis separatis, quœ non habent partem extra partem : unde ea- dem substantia angeli secundum idem , quia indivisibilis est , esset causa effectiva propriee passionis , et receptiva , quod vi- detur inconveniens; ad quod intelligendum sciendum est , quod sicut se habet res iu patiendo, sic suo modo se habet in agendo;

SUR LA LOGIQUE d'arISTOTE. 121

que dans la passion ; or, dans la passion on appelle passif non-seule- ment ce qui reçoit, mais encore ce qui dispose à recevoir, par exemple : la cire qui reçoit la figure est appelée passive à l'égard de la figure, et non-seulement la cire est dans un état passif par rapport à la figure, mais aussi la mollesse qui dispose la cire à recevoir une semblable impression est également dans un état passif par rapport à la figure ; car , quoique ce ne soit point la mollesse qui reçoive la figure comme étant la condition réceptive, cette disposition est néanmoins en quel- que façon une condition susceptive , et encore à sa manière un prin- cipe donnant naissance à quelque chose dans un certain ordre, et par une certaine connexion nécessaire par le moyen de quelque autre chose, produit quelque chose , et ce qui est produit est dans un état actif par rapport au principe producteur. Comme un clou enfoncé dans une poutre, si le mouvement étoit toujours imprimé à la poutre au moyen du clou, quoique tout le mouvement vînt effectivement de l'homme vivant qui imprimeroit le mouvement, savoir à la poutre et au clou, cependant le clou seroit dans une disposition active au mou- vement par rapport à la poutre , il se montre de même à l'égard du sujet par rapport à sa propre passion. Car le sujet est comme le clou, la passion comme la poutre , produisant et faisant mouvoir l'un et l'autre, et donnant l'être à l'un et à l'autre, savoir au sujet et à la pas- sion, comme le mouvement est imprimé par le moteur dans le clou et dans la poutre. De cette manière les deux opinions sont sauvegar- dées, et tout doute est résolu. Ce que nous venons de dire peut donc établir deux points de la définition du propre. Savoir que le propre se trouve dans tout et toujours. En effet, si le propre a une connexion nécessaire et naturelle avec la forme spécifique , comme il a été dit, il doit se trouver nécessairement dans toutes les choses qui ont une

in patiendo autera non solum dicitur pas- sive se habere illud quod recipit aliud, sed etiam illud quod illud disponit ad hoc re- cipiendum . Verbi gratia : Cera quse recipit figuram, dicitur passive se habere ad figu- ram, et non solum ipsa cera passive se ha- bet respectu figurée , sed etiam mollities disponens ceram ad talem, receptionem, passive se habet respectu figurae ; licet enirn mollities non sit in quo recipiatur figura, sicut in eo quod est ratio recipien- di, est tamen aliquo modo dispositio ratio suscipiendi, sic etiam suo modo principium originans aliquid quodam ordine et quadam necesL-aria connexione , mediante aliquo alio, aliquid producit , etiam illud quod producit respectu illius quod producitur, se habet active ; sicut clavus infixus trabi, si semper motus daretur trahi mediante

clavo, quamvis totus motus effective esset ab homine movente utrumque , scilicet trabem et clavum, tamen clavus ad motum se haberet active, respectu trabis, sic suo modo se habet de subjecto , respectu suse propriae passionis. Nam subjectum est sicut clavus, passio sicut trabs , generans sicut movens utrumque , et dans esse utrique , scilicet subjecto et passioni, sicut motus in clavo et trabe causatur a movente, et sic salvatur utraque opinio et omne dubium removetur. Ex dictis ergo possunt patere duee particulae diffinitionis proprii, scilicet quod proprium inest omni et semper. Si enim proprium necessariam et naturalem connexionem habet ad formam specificam, ut dictum est, oportet quod inveniatur in omnibus in quibus est forma specifica, sed forma specifica invenitur in omnibus indi-

122 OPUSCULE XL VII, CHAPITRE 7.

forme spécifique, mais la forme spécifique se trouve dans tous les in- dividus de la même espèce; donc le propre convient à tout ce qui est contenu dans l'espèce , et il se convient toujours, tant qu'il'participe à la forme spécifique ; ainsi se trouvent établis deux points de la défi- nition du propre , etc.

CHAPITRE VII. Le propre est inMrent à la seule espèce , et se dit d'elle réciproquement.

Pour concevoir un autre point de la définition du propre, savoir comment il convient à une seule espèce, il faut savoir, ainsi que nous l'avons dit , qu'il y a différents degrés de perfection dans les êtres qu'Aristote compare aux nombres , dans le livre VIII de la Métaph. C'est ce qui lui fait dire que les espèces des choses sont comme les nombres, et en conséquence comme les nombres par rapport à l'u- nité ont divers degrés formels , comme le degré du quaternaire est différent de celui du quinaire et ainsi des autres : de même les degrés formels des espèces des choses sont différents par rapport à tout pre- mier principe incomposé, et on ne peut pas trouver deux espèces dans le même degré pas plus que deux nombres d'espèce différente. Donc dans toute espèce il y a une forme spécifique n'existant en aucune manière dans le degré d'être ou d'opération de la forme spécifique, d'une autre espèce. Or, ainsi que nous l'avons dit, le propre , sui- vant les principes propres de l'espèce , ne peut être que dans une espèce , c'est pour cela qu'on dit dans la définition qu'il est inhérent à une seule chose. Mais il faut savoir que le propre pris dans le sens le plus étroit , bien qu'il ne convienne qu'à une espèce très- spéciale, néanmoins rien n'empêche, dans un sens plus large, que le propre convienne aussi à une espèce subalterne , qui peut être un genre, par exemple. Nous disons, en effet, que le propre du triangle

viduis ejusdem speciei ; ergo proprium competit omni contento sub specie, et sem- per sibi convertit , quamdiu formam illam specificara participait, et sic patent duœ particulœ diflhiitioms proprii , etc.

CAPUT VII.

Quod proprium inesl soli speciei^ et conver- tim de ipsa prœdicatur.

Ad videndum autem aliam particulam diflinitionis proprii, scilicel quomodo con- venu uni soli speciei , sciendum quod , ut supra dictum est, diversi sunt gradus per- fectionis in entibus, quos Philosophus, VIII. Metuph., comparât numeris. Unde dicit, quod species rerum sunt sicut nurneri, et ideo sicut numeri, respectu unitatis ,'di- versos habent gradus formates, sicut alius est gradus quateruarii, quam quinarii , et

sic de aliis; ita diversi sunt gradus for- males specierum rerum per respectum ad quodcumque primum principium incoin- positum ; nec est invenire duas species in eodem gradu, sicut nec duos numéros spe- cie différentes, in qualibet ergo specie est una forma specifica , nullo modo existens in gradu essendi vel operandi forma? spe- cificae alterius speciei. Cum autem, ut dic- tum est , proprium sequatur propria prin- cipia speciei , nec potest esse nisi in una specie , propter hoc in difhnitione dicitur quod inest uni. Sciendum est autem, quod licet proprium stricto modo sumptum, so- lum conveniat uni speciei specialissimœ, tamen largo modo nihil prohibet proprium etiarn convenire speciei subalterna; , quae videlicet potest esse genus. Dicimus euim quod proprium trianguli est habere très

SLR LA L0G1QLE D'aRISTOTE. 123

est d'avoir trois angles égaux à deux droits, et cependant le triangle renferme en soi plusieurs espèces. On comprend par ce que dit Porphyre, que le propre convient d'abord à l'espèce et ensuite aux individus, ce qui est le contraire dans l'accident commun. Car si le propre regarde les individus, en tant qu'ils participent à la forme spé- cifique , il se vérifie donc relativement à l'espèce qu'il regarde d'a- bord antérieurement aux individus, et par conséquent il convient aux individus parce qu'il convient à l'espèce; l'accident , au contraire, ne regardant le sujet qu'à raison de l'inhérence, doit, selon les conve- nances , se manifester dans les individus avant de le faire dans les secondes substances, comme on le dira plus bas ; donc l'accident con- vient à l'espèce à raison de l'individu. Ensuite , dans la définition du propre on met cette particularité, savoir , qu'il se dit de la chose par mode de conversion. Remarquez bien , comme nous le dirons plus bas, qu'il y a une certaine différence entre la prédication par soi et la prédication de prime abord. La prédication par soi s'effectue à l'égard des choses qui ont une connexion nécessaire avec les SLijets dont elles sont affirmées, tandisque la prédication première se fait à l'égard des choses qui sont l'objet de la prédication dont nous avons parlé , et le prédicat a la même étendue que le sujet. C'est pourquoi , quoique risible se dise par soi de Sortes , ce n'est pas néanmoins de prime abord,* parce que le propre, comme il a été dit, regarde l'espèce avant l'individu ; et le propre ayant la même étendue que les espèces est dit s'affirmant d'abord ou par mode de conversion de l'espèce. Il est à remarquer que, quoique le propre convienne à une espèce, rien n'em- pêche néanmoins que le propre d'une espèce par participation convienne à plusieurs autres espèces, comme il est propre au feu d'être chaud, et néanmoins cette qualité convient à beaucoup d'autres espèces , en

angulos aequales duobus rectis , et tamen triangulus multas continet sub se species. Ex dictis patet illud quod dicit Porphyrius, quod proprium prius convenit speciei et posterius individuis , quod oppositura au- tem est de accidente communi. Si enim proprium respicit individua, in quantum participant formant specificam , per prius ergo verificatur de specie , quam primo respicit, quam de individuis, et per conse- quens individuis convenit , quia convenit speciei ; accidens autem cum non respiciat subjectum, nisi ratione inhaerentiœ, et per prius convenit substare individuis, quam secundis substantiis, ut infra dicetur, ac- cidens ergo convenit speciei ratione indi- \idui. Deinde in diffinitione proprii po- nitur ista particula, quod scilicet conver- sim prœdicatur de re. Uni nota, quod u"t

infra dicetur , differt aliquo modo praedi- cari per se et preedicari primo. Ea enim per se praedicantur , quœ necessariam ha- bent connexionem ad subjecta de quibus praedicantur, sed ea praedicantur primo, quae praedicantur dicto modo , et tantum ambit praedicatum quantum subjectum. Unde licet risibile per se praedicetur de Sorte, non tamen primo , quia proprium , ut dictum est , per prius respicit speciem quam individua ; et cum tanti ambitus sit proprium quanti sunt species, ideo dicitur praedicari primo, seu conversim de specie. Notandum quod licet proprium uni speciei conveniat, tamen nihil prohibet proprium unius speciei participatione , multis aliis speciebus convenire , sicut proprium est igni, quod sit calidus , et tamen multis aliis speciebus hoc convenit , in quantum

124 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 8.

tant qu'elles tirent du feu la participation à cette qualité. Il faut aussi savoir , que le propre d'une espèce quelconque se prend quelquefois sous un seul nom et dans un seul objet signifié , comme risible est le propre de l'homme; quelquefois, au contraire, sous deux opposés avec disjonction, comme c'est le propre du nombre d'être pair ou impair, il en est évidemment de même du propre, etc.

CHAPITRE VIII.

De l'origine de l'accident et exposition de sa cause.

C'est un accident qu'il arrive d'être et de ne pas être dans la même chose sans la corruption du sujet. Pour l'intelligence de cela il faut savoir qu'une chose peut dépendre de l'autre de deux manières; la première c'est d'en dépendre comme d'une chose qui lui est anté- rieure au moins en nature , et dans ce sens une chose dépend de l'autre de quatre manières encore , et sous ce rapport il y a quatre causes. Dans l'homme le corps dépend de l'ame comme de la forme, et l'ame du corps comme de la matière, et l'homme de Dieu comme de la cause efficiente, et de la béatitude comme de |a cause finale. Se- condement, une chose peut dépendre d'une autre comme de ce qui se rapporte à elle consécutivement, comme le corps dépend de la figure, et la ligne de la rectitude ou de la courbure. Car on ne peut pas trouver de corps il n'y ait pas de figure, ni une ligne il n'y ait pas de rectitude ou de courbure, et dans ce sens tout sujet dépend de sa propre passion. C'est pourquoi quelque dépendance qu'il y ait dans les choses, soit causale, soit consécutive, et une chose dépend d'une autre de telle manière que son être ne peut se conserver ni en acte, ni en aptitude sans une telle chose , il est certain que cette chose sans cette autre dont elle dépend ainsi ne peut être conçue existante;.

hoc participant ab igné. Sciendum est etiam quod proprium alicujus speciei ali- quando sumitur sub uno nomine et in uno significato, ut risibile est proprium homi- nis. Aliquando vero sub duobus oppositis cura disjunctione, ut proprium est numeri, quod sit par vel impar , et sic patet de proprio, etc.

CAPUT VIII.

De origine accidenlis , et dictione ipsius.

Accidentis vero est , quod contingit ei- dem inesse et non inesse praeter subjecti corruptionem. Ad quod intelligendum , sciendum est , quod unum potest depen- dere ab alio dupliciter. Uno modo , sicut ab eo quod est prias eo ad minus natura et isto modo una res dependet ab alia quatuor modis , secundum quod quatuor

surit causée. Dependet enim in homine corpus ab anima sicut a forma, et anima a corpore sicut a materia , et homo a Deo sicut a causa efficiente , et a beatitudine sicut a causa finali. Alio modo potest esse dependentia alicujus rei ab alia sicut ab eo, quod se habet ad ipsam consécutive. Sicut corpus dependet a figura, et linea a rectitudine vel curvitate. Non enim potest inveniri corpus , in quo non sit figura vel linea in qua non sit rectitudo vel curvitas, et isto modo dependet omne subjectum a propria passione. Unde quêecumque de- pendentia sit in rébus , sive causalis , sive consecutiva, et una res ita dependet ab al- téra, quod esse suum nec actu nec aptitu- dine sine tali re possit conservari , certum est quod illa sine illa a qua sic dependet, non potest intelligi esse ; non enim posset

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 125

car on ne pourroit pas concevoir que la matière existât sans la forme. Il faut remarquer à ce sujet qu'il peut arriver de deux manières que l'on conçoit une chose sans une autre ; premièrement, dans la première opération de l'intellect dans laquelle l'intellect conçoit l'objet signifié du terme; secondement, dans la seconde opération de l'intellect dans laquelle il conçoit en composant ou en divisant par l'être et par le non- être, comme lorsque je conçois que pierre est ou n'est pas blanc. Or, dans la première intellection je puis concevoir un corps sans figure, et tout sujet sans sa passion propre, car la figure n'est pas de l'essence du corps, puisque le corps est dans le genre de la quantité, et la figure dans le genre de la qualité ; c'est pourquoi l'intellect peut con- cevoir un corps sans concevoir la figure. Il ne pourroit pas néanmoins concevoir un corps de cette manière sans concevoir le continu, parce que le continu est de l'essence du corps. Mais dans la seconde opéra- tion de l'intellect je ne puis pas concevoir qu'un corps soit sans figure, parce qu'un corps ne peut jamais être sans figure, ni un sujet sans sa passion propre, comme il a été dit. Or, le sujet n'a pas une pareille dépendance de l'accident commun ; car il ne suit pas nécessairement le sujet comme la figure suit les principes essentiels du corps, car s'il est corps il a nécessairement une position des parties dans le tout , comme on le dira plus loin , parce que la position est la différence de la quantité. Or, celle-ci entraîne nécessairement la figure, ce qui n'ar- rive pas à l'égard de l'accident commun , par rapport à son objet. Donc le sujet peut être conçu sans concevoir l'accident commun , et il peut être conçu existant sans concevoir l'accident commun. Mais il ne peut pas être conçu existant sans l'accident propre, puisqu'il ne peut exister sans l'accident propre , car si on enlève la figure il n'y a plus de situation de parties, et par conséquent plus de corps; donc il ne

intelligi materia esse sine forma. Ubi nota, quod intelligere aliqûam rem sine alia po- test dupliciter contingere. Uno modo in prima operatione intellectus, in qua scilicet intellectus intelligit solum signiiicatum termini. Alio modo in secunda operatione intellectus , in qua intelligit componendo vel dividendo per esse vel non per esse, si- cut cum intelligo Petrum esse vel non esse album. In prima autem intellectione pos- suni intelligere corpus sine figura, et omne subjectum sine propria passione ; non enim figura est de essentia corporis, cum corpus sit in génère quantitatis , figura vero in génère qualitatis ; et ideo intellectus po- test intelligere corpus., non intellecta fi- gura. Non tamen posset intelligere corpus isto modo non intellecto continuo , quia continuum est de essentia corporis ; in se- cunda vero operatione intellectus, non pos-

sum intelligere corpus esse sine figura, quia corpus nunquam potest esse sine fi- gura, nec subjectum sine propria passione, ut dictum est. Cum autem subjectum non habeat talem dependentiam ab accidente communi ; non enim necessario sequitur subjectum, sicut figura sequitur principia essentialia corporis, nam si corpus est, ne- cessario habet positionem partium in toto, ut infra dicetur . quia positio est diffe- rentia quantitatis ; ad hanc autem neces- sario sequitur figura , quod non contingit de accidente communi, respectu sui ob- jecti. Ergo subjectum potest intelligi non intellecto accidente communi, et potest in- tellligi esse non intellecto accidente com- muni. Sine accidente vero proprio , non potest intelligi esse , cum sine accidente proprio esse non possit; nam ablata figura, non erit situatio partium , et per conse-

126 OPUSCULE XLVII, CHAPITRE 8.

pourra donc pas être conçu sans lui existant. Donc l'accident peut s'y trouver et ne pas s'y trouver en dehors de la corruption du sujet, parce que l'être du sujet ne dépend pas en quelque manière de son être ainsi qu'il a été dit. Ainsi se trouve expliquée la susdite descrip- tion du sujet. Il faut néanmoins savoir qu'il peut se trouver quelque accident commun qui est dans un tel rapport avec ce sujet singulier qu'il provient de ses principes essentiels , comme , par exemple , la noirceur du corbeau , qui est nécessairement produite par cette ma- tière caractérisée du corbeau. En parlant donc d'un semblable acci- dent, je dis que l'on ne pourroit pas concevoir que ce sujet existât sans lui, et c'est ce qu'on appelé un accident inséparable qui est au principe singulier comme l'aecident propre au principe de l'espèce. Et comme la matière caractérisée est en dehors de l'intellect de l'es- pèce, car cela est de l'intellect de l'homme qu'il a l'humanité, et pas davantage. Mais qu'une pareille chose soit telle ou telle chose carac- térisée, cela n'est pas de l'intellect explicite de l'homme , comme les différences sont en dehors de l'intellect du genre, ainsi qu'il a été dit plus haut , c'est pour cela qu'on peut concevoir que le corbeau ou l'espèce du corbeau soit sans noirceur , et même avec la blancheur; c'est pourquoi l'accident inséparable est classé avec l'accident com- mun et non avec le propre, quoique dans un sens il convienne à l'un et à l'autre, comme nous l'avons dit. Ainsi donc il y a des accidents inséparables et des accidents séparables. A l'accident inséparable convient la susdite définition de l'accident, savoir que le sujet peut être conçu existant sans lui, s'il est pris pour l'espèce, et non pour le singulier. Or, il faut savoir que quoique le sujet puisse être séparé d'un autre accident, comme il a été dit, l'accident néanmoins ne peut pas être séparé du sujet en acte ou en aptitude, je dis en aptitude, car

quens non erit corpus. Ergo non poterit intelligi esse sine eo. Potest ergo accidens inesse et non inesse praeter subjecti cor- ruptionem , cura esse subjecti non depen- deat aliquo modo ab esse suo, ut dictum est; et sic patet prœdicta descriptio acci- dentis. Sciendum tamen est , quod aliquod accidens commune potest inveniri , quod respectu hujus subjecti siugularis ita se habet, quod causatur ex principiis essentia- libus ejus, puta nigredo corvi, quae cau- satur ab hac, sive ex hac materia signata corvi necessario. Loquendo igitur de tali accidente , dico , quod non posset intelligi hoc subjectum esse sine eo, et hoc dicitur accidens inseparabile, quod ita se habet ad principium singulare , sicut accidens pro- prium ad principium speciei. Et quia ma- teria signata est extra intellectum speciei (de intellectu enim hominis est habens hu-

manitatem, et non plus. Utrum autein taie habens sit hoc signatum vel illud, non est de intellectu explicito hominis, sicut diffe- rentiae sunt extra intellectum generis , ut supra dictum est , ideo potest intelligi corvus sive species corvi esse sine nigre- dine vel etiam cum albedine , et propter hoc accidens inseparabile collocatur cum accidente communi et non cum proprio, licet aliquo modo conveniat cum utroque, ut dictum est. Sic ergo accidens quoddam est inseparabile et quoddam est separabile. Accidenti inseparabili convenit praxlicia dillinitio accidentis, scilicet quod subjec- tum potest intelligi esse sine eo , si suma- tur subjectum pro specie et non pro sta- gulari. Sciendum est autem , quod licet subjectum possit separari ab alio accidente, ut dictum est , non tamen accidens potest separari a subjecto actu vel aptitudine, et

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 127

quoique Dieu puisse séparer un accident du sujet , comme on l'en- seigne communément des accidents de l'hostie consacrée, il est néan- moins impossible que ces accidents n'aient pas une aptitude au sujet. Car ce qui appartient à la raison propre d'une chose ne peut pas en être séparé, mais être en acte ou en aptitude dans le sujet, est de la raison propre de l'accident, car l'être de l'accident est Y inêtre, donc il ne peut pas en être séparé. Tout cela peut recevoir un nouveau jour de cequi a été dit relativement à l'espèce. En effet, les accidents et toutes les formes substantielles n'étant pas un acte pur, lequel de soi n'est pas plurificable , s'ils sont plurifiés numériquement , c'est à raison de la potentialité qu'ils possèdent essentiellement de manière à être une partie réelle d'un composé substantiel ou accidentel. D'où il résulte que , comme la matière et la forme sont des parties substan- tielles de la chose , de même les accidents sont des parties acciden- telles de la chose, comme la blancheur qui est une partie de ce com- posé qui est un homme blanc. Or, tous les accidents étant tels, il faut nécessairement qu'ils adhèrent au sujet en acte ou en aptitude. Voilà ce qui concerne l'accident et les cinq prédicables, etc.

Fin du premier traité des cinq universaux relativement à la chose et à V intention logique.

dico aptitudine. Nam licet Deus possit ali- quod accidens separare a subjecto, ut com- muniter tenetur de accidentibus hostiae consecratse, tamen quod illa accidentia non habeant aptitudinera ad subjectum , hoc est impossibile. Quod enim est de ratione propria alicujus, ab eo separari non potest, sed inesse actu vel aptitudine subjecto est de ratione propria accidentis, quia acci- dentis esse est inesse. Ergo ab eo separari non potest. Hoc autem potest patere ex his quae supra dicta sunt de specie. Cum enim accidentia et omnes forma; substantiales non sint actus purus , qui de se plurifica- bilis non est, si ipsa plurificentur numéro,

hoc est propter potentialitatem quam ha- bent essentialiter, ut scilicet sint pars rea- lis alicujus compositi sive substantialis sive accidentalis. Unde sicut materia et forma sunt partes rei substantiales, ita accidentia sunt partes rei accidentales , sicut albedo, quae est pars hujus compositi, quod est homo albus ; cum autem omnia accidentia sint talia. Ergo necessario oportet quod insint subjecto actu vel aptitudine ; et sic patet de accidente et de quinque praedica- bilibus, etc.

Explicit Tractatus primus de quinque universalibus secundum rem et secundum intentionem logicam.

128

OPUSCULE XLVI1, TRAITÉ 2, CHAPITRE i

TKAITE II.

Dl! MÊME DOCTEUR, DES PRÉDJCAMEXTS.

CHAPITRE PREMIER. Des divers modes de prédication.

Nous allons nous occuper maintenant des prédicaments ; comme le prédicament s'entend de quelques prédicables disposés dans un ordre prédicamentel, il faut examiner de combien de manières s'opère la prédication. Notez qu'une chose se dit d'une autre de trois façons, univoquement , équivoquement et dénominativement. On dit que la prédication se fait d'une manière univoque pour les choses qui con- viennent à celles dont elles se disent non-seulement quant au nom , mais encore quant à la raison des essences; et j'appelle ici raison ce qui est dit par la définition ou est signifié par elle , ou par quelque chose pris à la place de la définition , comme animal se dit de l'homme et du bœuf. D'où il résulte que non-seulement ce mot animal convient à l'homme et au bœuf , mais encore sa définition essentielle , qui est corps animé sensible. En effet , non-seulement il est vrai de dire que l'homme est animal , mais encore que l'homme est un corps animé , sensible , et il en est de même du bœuf. On dit , au contraire, que la prédication se fait d'une manière équivoque pour les choses qui se disent de plusieurs , quant au même mot , mais non cependant sous la même raison, et de cette manière le chien se dit de celui qui aboie et de celui qui est. marin. Quoique, en effet, le chien se dise de l'un et de l'autre sous le rapport du même mot, c'est néanmoins pour une raison qu'il convient au chien aboyant et au marin. Car la raison du

TRACTATHS II.

Ejlsdem doctoris, de PR^DICAMEXTIS.

CAPUT PRIMUM. De diversis modis prœdicandi.

Nunc dicendura est de praedicamentis : quia praedieamentum dicit quaedam prae- dicabilia ordinata in ordine praedicamen- tali , videndum est quot modis fit praedi- catio. Ubi nota quod aliquid de aliquo dicitur praedicari tripliciter, id est uni voce, aequivoce et denominative. Univoce dicun- tur praedicari, quae non solum con veniunt his de quibus praedicantur quantum ad nomen, sed etiam quantum ad rationem essentia- rum ; et dico hic rationem illud quod per difiinitionem dicitur, seu signifkatur, vel per aliquid quod sumatur loco diflfinitionis,

sicut animal praedicatur de homine et de bove. (Jnde non solum hoc nomen animal convenit homini et bovi, sed etiam difli- nitio ejus essentialis, quae est corpus ani- matum sensibile. Non solum enim vere dicimus quod homo est animal , sed etiam quod homo est corpus animatum sensibile, et similiter est de bove. ^Equivoce vero dicuntur prœdicari, quae de pluribus prœ- dicantur secundum idem nomen, non ta- men secundum eamdem rationem , et isto modo praedicatur canis de latrabili et de raarino. Licet enim secundum idem nomen canis de utroque praedicetur, tamen alia ratione convenit cani latrabili, quam ma- rino. Ratio enim latrabilis est, quod est

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 129

chien aboyant, qui est d'être un animal à quatre pieds marchant, ne convient pas au marin. Or, il est bon de savoir que les analogues sont compris sous la désignation des équivoques. Effectivement les analogues se disent de plusieurs , en tant qu'ils se rapportent à un , comme sain se dit de l'animal primairement et proprement. Car le sain est adéquate dans les humeurs, ce qui ne peut être que dans l'a- nimal. Sain se dit néanmoins de l'urine et de la médecine. Nous disons effectivement , cette urine est saine , parce qu'elle est le signe de la sanité qui est dans l'animal; on dit aussi, cette médecine est saine, parce qu'elle est la cause de la santé qui est dans l'animal. D'où il suit que, bien que ce mot sain se dise de l'animal et de l'urine, néanmoins la raison de sain ne peut se dire de l'urine. Car l'urine n'est pas adéquate dans les humeurs, mais elle est un signe de cette adéquation , et de cette manière la prédication analogue s'accorde avec l'équivoque , comme on l'a dit , en quelque façon , et de même avec l'univoque. En effet , quoique sain, qui se dit de l'urine , n'ex- prime pas sa raison suivant l'adéquation des humeurs dans l'urine, il n'en exprime pas cependant une autre , mais il exprime la même adéquation des humeurs dont l'urine est le signe. On dit enfin que la prédication s'opère dénominativement pour les choses qui sont con- crètes adjectivement, et reçoivent leur dénomination de certains accidents abstraits ou en dérivent , comme blanc se dit dénominati- vement de l'homme et du cheval ; parce que blanc dérive de cette chose abstraite, qui est la blancheur, laquelle est dans l'homme , et qui, prise ainsi abstractivement, ne pourroitpas se dire de l'homme. Car, ainsi que nous l'avons dit , nulle partie ne peut se dire du tout. Et la blancheur est une certaine partie accidentelle de l'homme blanc qui, pour cette raison , ne pourroit se dire de lui. Or elle devient con-

animal gressibile quadrupes, quœ non con- j cum univoca. Licet enim sanum , quod de venit marino. Sciendum est autem quod ; urina dicitur, non dicat suam rationem, sub sequivocis comprehenduntur analoga. scilicet adœquationem humorum in urina, Praedicantur enim analoga de pluribus, in ; non tamen dicit aliam rationem, sed eam- quantum dicuntur ad unum, ut sanum di- j dem adaequationem humorum dicit, cujus citur de animali primo et proprie. Est enim ; urina est signum. Denominative vero di- sanum adasquatum in humoribus, quod \ cuntur praedicari, qua? concreta sunt adjec-

tive, et ab aliquibus accidentibus abstractis denominantur , seu derivantur, ut album de homine prœdicatur, et de equo deno- minative : quia album derivatur ab hoc abstracto , quœ est albedo quae est in ho- mine , quse sic in abstracto sumpta de ho- mine praedicari non posset. Nulla enim pars, ut supra dictum est, potest de toto prœdi- cari. Albedo enim est quaedam pars acci- dentalis hominis albi, et sic de eo pnedieari non posset. Concernitur autem, et dicitur album , quod idem est quod habens albe-

non potest esse nisi in animali. Dicitur ta- men sanum de urina et medicina. Nam dicimus , haec urina est sana , quia est si- gnum sani quod est in animali ; et haec medicina est sana, quia est causa sani quod est in animali. Unde licet hoc nomen sanum de animali et de urina dicatur, tamen ratio sani non potest dici de urina. Non enim urina est adeequata in humoribus, sed est signum talis adaequationis, et sic prœdica- tio analoga aliquo modo convenit cum aequivoca, ut dictum est, et aliquo modo

] 30 OPUSCULE XLVII , TRAITÉ 2 , CHAPITRE 1 .

crête , et elle est appelée blanc , ce qui est la même chose qu'ayant la blancheur, et ainsi elle peut se dire de l'homme. Pour concevoir les prédicaments , il faut savoir que le prédicament , ou le genre le plus général , peut se prendre de deux manières. La première pour l'in- tention prédicamen telle elle-même ou d'universalité; la seconde, pour la chose elle-même sur laquelle une telle intention se fonde , comme il a été dit. Dans le premier cas, le prédicament est un être de raison ; dans le second , c'est un être réel. Or, pour mieux com- prendre cela , il est bon de savoir que l'être , dans la plus grande universalité, se divise en métaphysique, en être par accident, et en être par soi. L'être par accident se divise d'autant de manières qu'une chose se dit d'une autre par accident, comme nous avons dit plus haut. L'être par soi se divise aussi , parce qu'il y a quelque chose dans l'ame et hors de l'ame. Pour savoir ce que c'est que l'être dans l'ame , il faut remarquer qu'une chose peut être dans l'ame de trois manières; la première effectivement, comme nous disons que l'édifice est dans l'esprit de l'architecte avant qu'il soit fait; la seconde subjectivement, comme nous disons que la science est dans l'ame , ou l'acte de l'intellection, ou le verbe qui sont dans l'ame, comme l'accident dans le sujet. Troisièmement , on dit qu'une chose est objectivement dans l'ame, comme le bois, objet de l'in- tellect, est dit être dans l'ame objectivement. Dans les deux premiers cas, l'être dans l'ame est un être réel , et je dis réel non en tant que le mot res vient de reor, reris , mais bien de ratits , rata , ratum , c'est-à-dire positif. Dans l'être pris de la troisième manière , c'est- à-dire comme étant objectivement dans l'ame , nous pouvons consi- dérer deux choses, savoir, ce qui est objectivement dans l'iniellect , comme le bois , et cela est encore une chose , ou ce qui convient seu- lement au bois, comme étant objectivement dans l'intellect, et ne

dinem, et taie potest de homine preedicari. i quid sit ens in anima, nota quod tripliciter Ad videndum praedicamenta, sciendum est I aliquid potest esse in anima. Uno modo quod pra:dicamentum, seu genus gênera- i effective, sicut dicimus quod arca est in lissimum dupliciter potest accipi. Uno modo, mente artificis antequam fiât. Alio modo pro ipsa intentione prœdicamentali , seu l subjective, sicut dicimus quod scientia est universalitatis. Alio modo, pro ipsa re, in j in anima, vel actus intelligendi , vel ver-

qua talis intentio fundatur , ut dictum est. Primo modo , prœdicamentum est ens ra- tionis ; secundo modo , est ens reale. Ad majorem autem notificationem horum sciendum est, quod ens in sua maxima universalitate dividitur, V. Jdetaphys., m ens per accidens, et in ens per se. Eus au- tem per accidens tôt modis dividitur, quot modis aliquid preedicatur per accidens, de quibus supra dictum est. Ens per se divi- ditur. quia quoddam est in anima, et quod- dam extra animam. Ad sciendum autem

bum, quœ sunt in anima sicut accidens in subjecto. Tertio modo aliquid dicitur esse in anima objective , sicut lignum intellec- tus dicitur esse in anima objective. Duobus primis modis ens in anima est ens reale ; et dico reale, non ut hoc nomen res dicitur a reor reris, sed ut dicitur a ratus rata ratum, id est firmum. Tertio modo sumpto ente, scilicet ut est objective in anima, in eo possumus duo considerare , scilicet id quod est objective in intellectu, puta li- gnum, et istud adhuc est res; vel illud

SUR LA LOGIQUE d'aMSTOTE. 131

lui convient pas suivant l'être réel, savoir l'être abstrait de tel ou tel bois, et , dans ce cas, l'être dans l'ame n'est pas une chose, mais une intention à laquelle, en dehors de l'ame , rien ne correspond -, si ce n'est pour le fondement éloigné, et c'est ainsi que l'être est attribué au non-être. Car nous disons que la cécité est dans l'œil. Or la cécité étant un non-être, comment a-t-elle l'être qui nous fait dire, c'est la cécité ? Il est certain que ce n'est que l'être d'intention qui n'a rien à faire avec l'être réel , mais est en opposition manifeste avec lui. Et si on demande se trouve subjectivement un tel être, on répond qu'il n'est nulle part. Si, en effet, il étoit en quelque chose subjectivement, ce seroit un accident , et par conséquent un être réel , mais il n'a l'être qu'objectivement. L'être réel se divise en dix prédicaments , qui sont les dix genres des choses. Et comme une chose est le fonde- ment éloigné de l'intention , les prédicaments peuvent néanmoins être pris de deux manières , suivant cette double division. Mais pour bien connoître les prédicaments, il faut diviser l'être réel. Il faut observer ici que, quoique l'être ne puisse pas être genre, parce qu'il ne se trouve pas de différence contractive , il est néanmoins contracté par les modes d'être. Or, le mode d'être d'une chose peut se prendre de deux manières. Premièrement , en tant qu'il est la propriété réelle de quelque chose différente de lui, comme nous disons de quelqu'un, cet homme a un bon caractère, parce qu'il est doux et conciliant. Or, il est constant que la douceur et la concorde , que nous appelons des modes, sont des choses différentes de celui auquel elles appartiennent. Secondement, le mode est dit la chose conçue, en tant qu'elle est conçue sous un rapport relativement à elle-même, et dans un autre sens que les divers modes à considérer ne se prennent pas dans les modifications diverses qui se trouvent dans une chose , mais de l'ha-

quod convenit ligno solum, ut est objective in iutellectu, et non convenit sibi secun- dum esse reale, scilicet esse abstractum ab hoc ligno et ab illo , et hoc modo ens in anima non est res , sed intentio ; cui ei nihil extra auiniam respondet nisi pro fun- damento remoto, et sic attribuitur esse non enti. Dicimus enim quod caecitas est in oculo. Cum autem ceecitas sit non ens, quomodo ergo habet esse, quia dicimus cœcitas est? certe solum esse intentionis, quod nihil habet facere cum ente reali, sed opposito ab eo dividitur. Et si quaera- tur de tali ente ubi sit subjective , dicitur quod est nusquam. Si enim esset in aliquo subjective, esset accidens, et per consequens ens reale , sed solum habet esse objective. Ens autem reale dividitur in decem prae- dicamenta, quee sunt decem gênera rerum.

Et quia res est fundamentum intentionis remotum, tamen secundum istam duplicem divisionem possunt dupliciter accipi pree- dicamenta. Ad sciendum autem prœdica- menta, oportet dividere ens reale. Ubi nota quod licet ens non possit esse genus, quia non invenitur difïerentia contrahens, illud tamen contrahitur per modos essendi. Modus autem essendi alicujus rei potest accipi dupliciter. Uno modo, ut est pro- prietas realis alicujus realiter differens ab eo, sicut dicimus de aliquo : Iste habet bonum modum, quia est mansuetus vel concors. Constat autem quod mansuetudo et concordia, quas diximus modos, res sunt différentes ab eo cujus sunt. Secundo modo dicitur modus res concepta : uno modo respectu sui ipsius, ut est concepta; alio modo, qui quidem diversi modi conside-

132 OPUSCULE XLVH, TRAITÉ 1, CHAPITRE 1.

bitude à diverses choses sous laquelle la chose est comprise. Par exemple la substance, en tant qu'elle est le sujet des accidents, est signifiée par le mode de substance , parce que substance vient de substare; mais en tant qu'elle ne dépend de rien d'antécédent sur quoi elle s'appuie, elle se comprend comme un être par soi , et ces modes sont ce qu'est la substance ne différant que parla seule raison de l'ame qui la conçoit suivant les diverses habitudes ; cette raison n'est pas fictive , mais elle est prise de la chose, car elle est ainsi dans la chose. La substance , en effet , est supposée aux accidents et ne s'appuie sur aucun , néanmoins ce ne sont pas deux choses distinctes, il n'y a qu'une distinction de raison. C'est ce qui fait que ces modes sont un être réel , savoir la substance , laquelle est supposée aux accidents sans s'appuyer sur aucun, la distinction néanmoins est toute de raison. D'un autre côté , l'être se contracte par les modes , non que le mode soit quelque différence qui le contracte , mais parce que dans l'être réel , pris communément , se trouvent quelques êtres ayant entre eux divers modes d'être auxquels ne répond pas une seule et même chose, si ce n'est peut-être l'être en général. Or, les premiers modes par les- quels l'être est contracté sont, être par soi et être dans un autre. Etre par soi est le mode de prédicament de la substance , et être dans un autre est le mode des neuf autres prédicaments. L'être se contracte encore d'une autre manière par deux modes , dont l'un est d'être pour être , et ce mode comprend les trois prédicaments absolus , savoir la substance , la quantité et la qualité. Le second est d'être pour autre chose, et ce mode comprend les sept prédicaments respec- tifs, savoir, la relation, l'action, la passion, l'époque, le lieu, la situation et la possession, toutes choses dont nous déterminerons plus bas les différences. Or, il faut observer que la division de l'être

randi non sumuntur ex diversis in re exis- tentibus, sed ex habitudine ad diversa, sub qua habitudine res intelligitur. Verbi gratia , substantia secundum quod est sub- jectum accidentium , signilicatur per mo- dum substantiae, quia substantia dicitur a substando; secundum autera quod a nullo priori dependet cui innitatur, significatur ut ens per se ; et isti modi sunt idipsum quod substantia, différentes sola ratione animae concipientis ipsara secundum diver- sas habitudines; quae ratio non est ficta, sed accipitur a re, ita enim in re est. Nam et substantia substat accidentibus, et nulli innititur; tamen ista? non sunt duae res distinctae , sed distinctio inter ista solum est ex ratione. Unde taies modi sunt ens reale, scilicet substantia, quae et substat accidentibus , et nulli innititur, distinctio tamen totum est a ratione.* Gontrahitur

autem ens per modos, non quod modus sit aliqua differentia contrahens ipsum, sed quia in ente reali communiter sumpto in- veniuntur aliqua entia habentia inter se diversos modos essendi , quibus non res- pondet una et eadem res, nisi forte ipsum ens in universali. Primi autem modi quibus contrahitur ens, sunt esse per se, et esse in alio. Esse autem per se est modus praedi- camenti substantia; ; esse vero in alio est modus aliorum novem praedicamentorum. Alio modo adhuc contrahitur ens per duos modos , quorum unus est esse ad esse ; et iste modus comprehendit tria praedicamenta absoluta, scilicet substantiam, quantitatem et qua'.itatem. Secundus est esse ad aliud, et iste modus comprehendit septem praedi- camenta respectiva, scilicet relationem, actionem, passionem, quando, ubi, situm et habere : quae omnia qualiter inter se

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 133

en dix prédicaments n'est pas une division d'univoque , mais d'ana- logie. En effet, l'être se dit analogiquement de ceux-ci, car il se dit per prius de la substance qui sauvegarde surtout sa réalité , tandis qu'il ne se dit des autres qu'en tant qu'ils sont quelque chose de la substance même ; la quantité est effectivement la matière étendue ou l'extension de la substance, et la qualité en est l'affection, c'est-à-dire la disposition, et ainsi des autres. C'est pourquoi l'être se dit d'eux , comme sain se dit de l'animal , de l'urine , de la médecine. L'être se divise donc en dix prédicaments , qui sont la substance , la quantité , la qualité, la relation, l'action, la passion, l'époque, le lieu, la situation et l'habitude , dont nous allons parler succinctement. Nous commencerons par la substance.

, CHAPITRE II.

Ce que c'est que la substance suivant l'intention logique.

La substance est un être existant par soi. Pour concevoir ce qu'il y a de spécial dans cette définition, il est bon de savoir que, malgré tout ce qui a été dit de l'être, c'est néanmoins ce qui se présente tout d'abord à notre intelligence. Car nous sommes raisonnables, c'est- à-dire discoureurs, et c'est presque toujours par le mode discursif que se forment les conceptions dans notre intellect. Ce sont d'abord des choses confuses qui se présentent à notre intelligence. En effet, nous sommes conduits de la puissance à l'acte par un moyen , c'est- à-dire par un acte imparfait , par lequel l'intellect ne conçoit pas une chose déterminée et se détermine en discourant à la perfection, comme il est possible qu'une chose soit comprise ; Aristote tire à ce sujet un exemple des choses sensibles dans le livre I de la Phys. En

différant, dicetur infra. Notandum est au- tem quod divisio entis in decem praedica- menta non est divisio univoci, sed analogi. Ens enim analogice dicitur de eis, per prius enim dicitur de substantia in qua maxime salvatur sua realitas ; de ahis vero dicitur in quantum sunt aliquid ipsius substantiae. Quantitas enim est materia extensa, vel extensio substantiae. Qualitas vero est ejus affectio, id est dispositio, et sic de aliis. Unde de eis prœdicatur ens, sicut sanum praedicatur de animali urina et medicina. Dividitur ergo ens in decem praedicamenta, quœ sunt substantia, quantitas, qualitas, relatio, actio, passio, quando, ubi, si tus et habere seu habitus, de quibus sigillatim dicendum est, et primo de substantia.

CAPUT II.

Quid sil substantia secundum inlenlionem logicam.

Est autem substantia ens perse existens. Ad videndum particulam hujus descrip- tionis, sciendum quod licet de ente plura dicta sint, tamen ens est quod primo oc- currit nos*tro intellectui. Nos enim sumus rationales, id est discursivi ; quicquid enim intelligimus , fere eu m discursu intelligi- mus. Occurrunt autem intellectui noslro primo magis confusa. De potentia enim reducimur ad actum per médium, scilicet per actum imperfectum , quo intellectus non intelligit determinatam rem , et dis- currendo déterminât se ad perfectionem sicut possibile est intelligi rem , ut ponit Philosophus, I. Physic, exemplum in sen-

134 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 2, CHAPITRE 2.

apercevant quelque chose à une grande distance , je reconnois d'a- bord que c'est un corps , ensuite , en approchant je vois que c'est autre chose , je reconnois plus tard que c'est un homme , enfin que c'est Pierre. 'C'est ainsi que discourt notre intellect dans l'opération intellective. D'abord il conçoit que la chose est un être, ensuite qu'elle «st une substance , plus tard qu'elle est un corps , et ainsi jus- qu'à l'espèce la plus spéciale ; mais ce qui est conçu le plus confusé- ment, c'est l'être. Donc l'être est ce qui s'offre de prime-abord à notre intelligence. Et l'on voit ainsi de quelle manière se prend l'être dans la définition susdite de la substance. Mais comme on a dit que la sub- stance est un être par soi , il faut observer qu'elle se divise au con- traire par accident , comme nous disons que l'homme est animal par .soi ; or il est blanc par accident, et de cette matière il est pris présen- tement par soi; car la quantité et la qualité ne sont pas des êtres par accident , mais par soi , comme il a été dit , parce que l'être par soi se divise en dix prédicaments , l'être par soi se divise d'une autre manière par opposition à l'être dans un autre. Ce n'est que de cette seconde manière que l'être par soi convient à la substance , et c'est son mode propre. Encore on peut dire que la substance est un être existant par soi , parce qu'il lui convient proprement d'exister, tandis qu'il convient aux autres accidents d'exister par elle. Comme le feu est chaud par soi, parce que toutes choses deviennent chaudes par lui , car sa propriété est d'être chaud. Mais il faut savoir que la substance se divise en matière, forme et composé. On ne dit pas pro- prement de la matière qu'elle est par elle-même , puisqu'elle n'a l'être que par la forme. De même on ne dit pas de la forme qu'elle est par soi , puisqu'elle n'a l'être que dans la matière. On dit au contraire du composé qu'il est par soi , je dis le composé avec toutes ses parties ,

sibilibus. Videndo enim in magna distantia aliquid, primo percipio quod sit corpus, deinde accedendo video quod sit aliud, deinde cognosco quod sit homo, deinde quod sit Petrus. Sic intelligendo discurrit intellectus noster. Primo enim de re con- cipit quod sit ens, deinde quod sit substan- tia, deinde quod sit corpus, et sic usque ad speciem specialissimam. Gonfusius autem quod intelligipotest, est ens. Ens ergo est illud quod primo occurrit intellectui nostro. Et sic patet qualiter in praedicta notifica- tione substantiae sumitur ens. Sed quia' dictum est quod substantia est ens per se, notandum quod per se dividitur contra per accidens, sicut dicimus quod homo est animal per se , est autem al bus per acci- dens, et hoc modo nunc sumitur hic per s?. Nam quantitas et qualitas non sunt entia per accidens, sed per se, ut dictum

est, quia ens per se dividitur in decem prsedicamenta. Alio modo esse per se divi- ditur contra esse in alio. Secundo modo solum substantiae convenit esse perse, et iste est modus proprius ejus. Vel potest dici quod substantia est ens per se existens, eo quod sibi proprie convenit existere ; aliis vero accidentibus convenit existere per eam. Sicut ignis per se est calidus, quia oninia sunt calida per eum, est enim ejus pro- prietas esse calidum. Sciendum tamen est quod substantia dividitur in mateiïam , formam et compositum. Materia enim non dicitur proprie esse per se, cum non habeat esse nisi per formam. Similiter etiam forma non dicitur esse per se, cum solum habeat esse in materia. Compositum autem proprie dicitur esse per se, et dico compo- situm, scilicet integratum ex suis partibus; licet enim partes intégrales sint composites,

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. . 135

car, quoique les parties intégrales soient composées, on ne dit pas néanmoins qu'elles sont par soi. Le composé est directement dans le prédicament , comme le dit Boëce dans le commentaire des prédica- ments , malgré même qu'on puisse dire que la forme , la matière et les parties intégrales sont par soi , parce qu'elles ne sont pas dans un autre , comme l'accident dans un sujet. Il faut observer que quoique on décrive ici la substance composée , la substance peut cependant être composée de deux manières , savoir, la nature et le suppôt. Or, j'appelle cela nature, comme l'humanité, quant au suppôt, je ne le prends pas ici pour le singulier dans le genre de la substance , mais pour le concret de la nature, comme est l'homme. L'humanité, quoiqu'elle soit appelée forme, est cependant composée de matière et de forme , comme il a été dit plus haut; car l'humanité dit corps et ame. Cependant l'humanité ou une nature quelconque dit forme sub- stantielle et matière , de sorte que , relativement à l'objet principal qu'elle signifie, elle écarte toute autre chose de la forme susdite et de la matière ; mais il n'en est pas de même du suppôt qui est homme. L'homme , en effet , relativement à l'objet principal qu'il signifie , dit ayant l'humanité, ou ayant une telle forme et une telle matière que signifie l'humanité. Et comme ce qui a l'humanité peut être un suppôt non humain, comme on le voit de l'humanité du Christ, qui est fondée sur le suppôt divin, ou avoir d'autres choses, par exemple des accidents que l'humanité sépare complètement; c'est pourquoi le suppôt et la nature sont différents dans les créatures. Et comme la nature , par exemple l'humanité , est quelque chose de spécial exis- tant dans celui qui l'a, quoiqu'elle soit composée , il ne lui convient pas cependant d'être par soi. C'est donc proprement qu'est dite être par soi la substance composée qui est suppôt , et celle-là est la cause

non tamen dicuntur proprie esse per se. Compositum enim directe est in praedica- mento, ut Boetius in Commentario Prœ- dicamentorum dicit , licet etiam possit dici quod forma, et materia et partes intégrales sint per se , quia non sunt in alio , sicut accidens in subjecto. Notanduro quod licet hic describatur substantia composita, tamen dupliciter potest esse substantia composita, scilicet natura et suppositum. Dico autem hoc naturam, ut est humanitas, suppositum autem non sumo hic pro singulaiï in génère substantiae, sed pro concreto naturae, ut homo. Humanitas enim licet forma dicatur, est tamen composita ex materia et forma, ut supra dictum est ; dicit enim humanitas animam et corpus. Ita tamen humanitas, sive quaecumque natura dicit formam sub- stanlialem et materiam, quod de suo prin-

cipali significato preescindit omne aliud a praedicta forma et materia ; non autem sic est de supposito quod est homo. Homo enim de suo principali significato dicit ha- bens humanitatem > seu habens talem for- mam et materiam, quam dicit humanitas. Et quia habens humanitatem potest esse suppositum non humanum , ut patet de humanitate Ghristi, quae suppositatur sup- posito divino, vel potest habere aliqua alia, puta accidentia , quae humanitas omnino preescindit, ideo in creaturis differunt sup- positum et natura. Et quia natura , puta humanitas , est quid habitum existens in habente, licet sit composita, tamen sibi non proprie convenit esse per se. Proprie ergo ens per se dicitur substantia compo- sita, quae est suppositum, et haec est causa quare gênera et species substantiae sumun-

136 . OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 2, CHAPITRE 2.

pourquoi les genres et les espèces de la substance sont pris au con- cret et non abstractivement , tandis qu'il n'en est pas de même des autres prédicaments. Mais la forme substantielle, qui est une partie du composé , ne soutient pas de soi les accidents , mais bien le com- posé; au contraire la forme , qui est nature, essence et humanité, quoiqu'elle soit composée de matière et de forme , se suppose cepen- dant aux accidents dans l'objet qu'elle caractérise. Les autres acci- dents sont tels que leurs genres et leurs espèces sont des formes , quoiqu'elles ne forment pas avec le sujet une unité par soi. C'est dit ensuite quelque chose d'existant. Il faut observer ici que , dans les créatures, l'être de l'essence et l'être de l'existence actuelle diffèrent réellement, comme deux choses diverses. En voici la preuve : ce qui est en dehors de l'essence d'une chose en diffère réellement; or l'être de l'existence actuelle est en dehors de l'existence de la chose, car la définition indique toute l'essence de la chose; or l'être de l'existence actuelle est en dehors de la définition , car dans la définition on ne met que le genre et la doctrine, et l'on ne dit nullement si la chose définie existe ou n'existe pas. La chose devient encore plus évidente. Il est impossible de concevoir quelque chose sans concevoir les choses qui sont de son essence. Cependant il est constant que je conçois une rose sans concevoir si elle est ou non actuellement. Donc être en acte ou l'être de l'existence actuelle diffère réellement de l'essence. C'est pourquoi , sous le premier rapport, il y a une composition de l'être et de l'essence, qui n'est pas la composition de la matière et de la forme , mais bien la composition de deux principes du suppôt dont l'essence est la puissance, et l'être l'acte , d'où l'être, par rapport à l'essence , est dit accident , parce qu'il est en dehors de l'essence de la chose , et est appelé substance , parce qu'il est dans le genre de la

tur in concreto , et non in abstracto , non autem aliorum praedicamentorum. Forma autem substantialis , quae est pars compo- sai, de se non substat accidentibus, sed compositum ; forma vero quae est natura seu essentia, et humanitas, quamvis sit composita ex materia et forma , tamen in suo significato praescindit substare acciden- tibus. Alia vero accidentia ita se habent, quod eorum gênera et species sunt formae, cum tamen ex eis cum subjecto non sit unum per se. Dicitur autem postea quid existens. Ubi nota quod in creaturis esse essentiae et esse actualis existentiae différant realiter, ut duœ diversae res. Quod sic pa- tet : illud enim quod est extra essentiam alicui, differt realiter ab ea; esse autem actualis existentiae est extra essentiam rei, narn difïinitio indicat totam essentiam rei ;

esse autem actualis existentiae est extra dif- finitionem, quia in diffinitione ponitur so- lum genus et doctrina, et nulla fit mentio , utrum res diffinita existât vel non existât. Apparet etiam hoc manifeste. Nam impos- sible est possq intelligere aliquam rem, non intelligendo ea quae sunt de essentia ejus; tamen constat quod ego intelligo rosam non intelligendo utrum actu sit vel non. Ergo actu esse, vel esse actualis exis- tentiae differt realiter ab essentia. Unde circa primum in quacumque substantia creata est compositio esse et essentia, quae non est compositio materiae et formae, sed est compositio duorum principiorum sup- posai, quorum essentia est potentia, et esse est actus; unde esse respectu essentiae dici- tur accidens, quia est extra essentiam rei, et dicitur substantia, quia est in génère

SUR LOGIQUE d'aRISTOTE. 137

substance, comme principe du suppôt, et il est simplement acte, parce que, dans le genre de la substance, quoiqu'il ne soit point forme, laquelle est acte de la matière et* un acte secundum quid, parce que l'essence en laquelle il survient n'est pas une pure puissance comme est la pure matière. Néanmoins il est bon de savoir que l'être de l'essence convient à priori aux espèces, parce que , comme il a été dit, la seule espèce est définie , et la définition signifie l'être de l'es- sence , et se dit à posteriori de l'individu, ou autrement lui convient. Or l'être de l'existence convient à priori aux individus. En effet, si l'on enlève l'être des individus, il est impossible qu'il reste autre chose , comme le dit Aristote dans le livre des Prédicaments ; il con- vient à posteriori aux espèces elles-mêmes. C'est pourquoi exister se dit du genre et de l'espèce, comme des accidents communs. De même, en effet, qu'on dit, l'homme existe, parce que Pierre existe, de même aussi l'homme court , parce que Pierre court.

CHAPITRE III.

De la première et de la seconde substance; ce que c'est; de l'ordre de la substance.

La substance se divise en première et seconde. La substance pre- mière est celle qui est dite subsister proprement , principalement et dans la plus grande compréhension , qui n'est pas dans le sujet et ne se dit pas de lui. Pour comprendre cette définition , il faut savoir que subsister se dit en deux sens , savoir, subsister sous les accidents , ainsi que nous le disons , parce que la substance subsiste sous les accidents , et subsister sous les universaux , comme nous disons que ce qui est moins universel subsiste sous ce qui est plus universel ; car cette subsistance est dans l'ordre prédicamentel. Si l'on prend le mot subsister dans le premier sens , la substance première subsiste

substantiœ sicut principium suppositi, et est actus simpliciter, quia in génère sub- stantiœ; licet non sit forma, quœ est actus materiœ, et est actus secundum quid, quia essentia cui advenit, non est pura potentia, sicut est pura materia. Sciendum tamen est quod esse essentiae per prius convenit spe- ciebus, quia ut supra dictum est, sola spe- cies diffînitur, et diffinitio significat esse essentiae, et per posterius dicitur de indivi- duo, seu convenit ei. Esse autem existentiae per prius convenit individuis. Ablato enim esse individuorum , impossibile est aliquid aliud remanere, ut Philosophus dicit in Hb. Prœdicamentorum ; posterius autem convenit ipsis speciebus. Unde existere sic de génère et specie dicitur, sicut accidentia communia. Sicut enim dicitur, homo exis-

tit, quia Petrus existit ; sicut homo currit, quia Petrus currit.

GAPUT III.

De prima et secunda substanlia ., quid sini > et de ordine substantiœ.

Dividitur autem substantia in primam et secundarn. Est autem prima substantia, quœ proprie, principaliter et maxima dici- tur substare , quœ nec in subjecto , nec de subjecto dicitur. Ad videndum autem prœ- dictam descriptionem , sciendum est quod substare dicitur dupliciter, scilicet pro sub- stare accidentibus, sicut dicimus quod sub- stantia substat accidentibus ; et pro substare universalibus , sicut dicimus quod minus universale substat magis universali, stat enim sub eo in ordine prœdicamentali.

138 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 2, CHAPITRE 3.

proprement. En effet, ainsi que nous l'avons dit plus haut, une chose est proprement inhérente à une autre qui lui est inhérente par soi, et non par une autre , comme la chaleur est proprement inhé- rente au feu , de même il est inhérent à la substance première de subsister sous les accidents. Car, quoique la superficie subsiste sous la couleur, la ligne sous la courbure , elle n'a point une telle manière de subsister par soi, mais bien par une autre, savoir la substance pre- mière. En enlevant, en effet, à la superficie et à la ligne l'inhérence qu'elle a relativement à la substance en acte et en aptitude, il n'y aura plus ni superficie , ni ligne. Elles subsistent donc sous les accidents , parce que la substance première leur est subsistante. Donc le propre de la substance première est de subsister sous les accidents. D'où il suit que subsister sous les accidents est une qualité qui convient prin- cipalement et avant tout à la substance première. En effet , une chose convient avant tout à une autre qui lui convient à elle-même et non par une autre. Car il ne convient pas primairement à Pierre d'être risible , parce que cela lui convient par autre chose , c'est-à-dire par homme , d'où il convient à l'homme primairement d'avoir la faculté de rire. Ainsi, quoique subsister sous les accidents convienne à la substance première et à la seconde , cela néanmoins ne convient que secondairement aux substances secondes, savoir aux genres et aux espèces, parce que cela leur convient par des individus, qui sont les substances premières. En effet, l'homme ne court que parce que Pierre ou Sortes court, et l'on voit par de quelle manière la substance pre- mière subsiste proprement et principalement. Mais on dit qu'elle sub- siste surtout , et l'on prend subsister dans le second sens , c'est-à-dire pour être sous une autre , comme ce qui est moins universel sous ce qui est plus universel. Or, comme les substances premières sont sou-

Unde majus universale de minus universali praedicatur. Si substare sumatur primo modo, sic prima substantia proprie substat. Sicut enim supra dictum est, illud inest alicui proprie, quod inest per se ei, et non per aliud, sicut calor proprie inest igni, sic eodem modo inest primas substantia? substare accidentibus. Licet enim superfi- cies substet colori, et linea curviiati, taie substare habet non per se, sed per aliud, scilicet per substantiam primam. Remota enim inhaerentia superficiel et lineae, quam habet ad primam substantiam actu et ap- titudine, non erit superficies nec linea. Substant igitur accidentibus, quia substan- tia prima substat eis. Proprium ergo prima? substantiam est substare accidentibus. Ex quo sequitur quod substare accidentibus insit principaliter et primo substantia?

primae. Illud enim primo convenit alicui , quod convenit sibi, et non per aliud. Petro enim non convenit primo esse risibile, quia sibi per aliud, scilicet per hominem, unde homini convenit primo esse risibile. Sic licet substare accidentibus conveiùat sub- stantia?. prima? et secundae, tamen secundis substantiis, scilicet generibus et speciebus, convenit secundario, quia convenit eis per individua, qua? sunt prima? substantia?. Non enim homo currit, nisi quia Petrus vel Sortes currit, et sic patet qualiter prima substantia substat proprie et prin- cipaliter. Sed dicitur quod substat maxime, et sumitur substare secundo modo, scilicet pro esse sub alio , sicut minus universale sub magis universali. Cum autem prima? substantia? subjiciantur omnibus speciebus et generibus qua? sunt supra se , species

SUR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 139

mises à toutes les espèces et à tous les genres qui sont au-dessus d'elles , et comme les espèces et les genres ne subissent pas une sub- jection égale, il s'ensuit que les substances premières sont dites dans ce sens subsister, surtout par rapport aux substances secondes. On dit ensuite qu'elles ne se disent pas du sujet , parce qu'elles ne sont pas prédicables des autres , comme les espèces et les genres , et ne sont pas dans le sujet , parce qu'elles ne sont pas des accidents. Car les accidents seuls sont dans le sujet, dans le sens que l'on prend être dans le sujet, et c'est ainsi que s'explique la définition de la substance première ou de l'individu. On appelle substances secondes les espèces et les genres qui sont dans le prédicament de la substance. Quant aux différences qui tombent de côté , on ne les nomme pas proprement des substances, parce qu'elles ne sont pas proprement dites existant dans le prédicament , si ce n'est peut-être d'une façon réductive. Elles sont appelées substances secondes, parce qu'elles subsistent secondairement sous les accidents , comme il a été dit. Or, parmi les substances secondes , les espèces sont regardées comme possédant la qualité de substance plus que les genres, non que la substance reçoive plus et moins , comme il sera dit plus loin , mais bien parce que les espèces sont plus subsistantes que les genres dansl'ua et l'autre mode de subsistance , comme on peut le déduire de ce qui a été dit. Pour les espèces les plus spéciales, elles sont également dites substances , parce qu'elles ont une subsistance égale pour tout; tel est l'ensei- gnement relativement aux premières et aux secondes substances. Quant à l'ordre qui existe dans le prédicament de la substance , on peut le voir dans l'arbre de Porphyre que nous plaçons ici, quoique nous ne l'estimions pas d'une vérité complète, car animal raisonnable n'est pas genre, comme il le suppose, et les dieux ne sont pas raison- nables , ainsi qu'il le dit.

vero et gênera non subsunt tôt. Ergo prima? substantiae respectu secundarum isto modo maxime dicuntur substare. Dicitur postea quod non dicuntur de subjecto, quia non surit prsedicabilia de aliis , sicut species et gênera, et non sunt in subjecto , quia non sunt accidentia. Sola enim accidentia sunt in subjecto , ut hic sumitur esse in sub- jecto , et sic patet descriptio primse sub- stantiae seu individui. Secundœ vero sub- stantiae dicuntur species et gênera, quae sunt in praedicamento substantiae. Differen- tiae vero, quae cadunt ex latere, non proprie dicuntur substantiae, quia non proprie di- cuntur esse in praedicamento, nisi forte ré- ductive. Dicuntur autem secundae substan- tiae, quia secundo, ut dictumest, substant

accidentibus. Inter secundas autem sub- stantias dicuntur magis substantiae species quam gênera, non quod substantia suscipiat magis et minus, ut infra dicetur, sed quia utroque modo substandi magis substant species quam gênera, ut ex dictis haberi potest. Species vero specialissimœ dicuntur aequaliter substantiae , quia aequaliter om- nibus substant , et sic patet de primis et secundis substantiis. Qualiter autem prae- dicamentum substantiae sit ordinatum , patet in arbore Porphyrii, quam gratia exempli ponimus, licet non in toto repe- riarri eam veram. Nam rationale animal non est genus, ut ipse ponit, nec dii sunt rationales, ut ipse dicit.

140 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 2, CHAPITRE 4.

Genns

differen- tia

species suoalter-

t:. na

differen- tia

species subalter-

CHAPITRE IV.

La substance ne reçoit point la contrariété , ni le plus et le moins, quoi- qu'elle soit sujet de l'un et de l'autre par le changement qui s'opère en elle.

Il reste maintenant à parler des communautés et des propriétés de la substance. La substance a deux choses communes avec quelques ac-

CAPUT IV.

Quod substantia non suseipit conlrarielalem, née magis et minut , Hcet sit subjectum utriusque per sui mutationem.

Restât nunc dicere de communitatibus

et proprietatibus substantiae. Habet autem substantia duo communia cum aliquibus accidentibus, scilicet quod non suseipit contrarietatem, et quod non suseipit magis et minus. Ad quae intelligenda sciendum est, quod quaedam formfe habent in se la-

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 141

cidents, elle ne prend pas de contrariété, ni le plus et le moins. Pour comprendre cela il faut savoir que certaines formes ont en soi de la latitude, tandis qu'il en est d'autres qui n'en ont pas , et ces formes qui ont de la latitude ont par même la contrariété , quoique cela ne soit pas toujours vrai en toutes. Pour connoître cette latitude, il faut remarquer que dans les choses spirituelles l'augment se transfère de la quantité corporelle ; or on appelle grand dans la quantité corporelle ce qui conduit à la perfection normale de la quantité. C'est pour cela qu'une quantité est réputée grande dans l'homme , tandis qu'elle ne l'est pas dans l'éléphant. De même dans les formes on appelle une chose grande en raison de la perfection. Or, on peut considérer de deux manières la perfection d'une forme, ou par rapport à la forme elle-même, ou par rapport à la participation du sujet. Sous le premier rapport, la forme est dite petite ou grande, comme une petite blan- cheur. Sous le second rapport elle est dite plus ou moins, comme plus ou moins blanc. Donc les formes qui sont d'elles-mêmes indéter- minées, comme étant plus ou moins, plus parfaitement ou moins par- faitement dans le sujet , ces formes sont dites avoir la latitude dont nous avons parlé, et les degrés d'intention ou de rémission que nous avons dit. Pour savoir quelles sont ces formes, remarquez bien qu'on peut considérer trois choses dans une forme; d'abord, si l'agent peut avoir différents rapports avec elle; secondement, si le sujet qui la reçoit a parfois plus ou moins de dispositions pour elle; troisième- ment, la manière dontcette forme participe au sujet. C'est pourquoi les formes dans lesquelles l'agentn'apas divers rapports, et dans lesquelles le sujet est quelquefois plus, d'autres fois moins disposé, ces formes, dis-je, n'ont point la latitude susdite; mais elles sont toujours reçues dans le sujet dans la dernière perfection de leur espèce, par exemple :

titudinem, quasdam vero non, et quia queedam formée habent preedictam latitu- dinem, ideo habent contrarietatenl , licet non seraper sit rerum in omnibus. Ad sciendum autem preedictam latitudinem, nota quod in rébus spiritualibus augmen- tum tranfertur a quantitate corporali, di- citur autem in quantitate corporali aliquid magnum, secundum quod ad debitam per- fectionem quantitatis perducitur. Unde aliqua quantitas reputatur magna in ho- mme , quee non reputatur magna in ele- phante. Sic etiam in formis dicitur aliquid magnum ex hoc quod est perfectum ; per- fectio autem formas dupliciter potest con- siderari, vel secundum ipsam formam, vel secundum participationem subjecti. Primo modo, dicitur ipsa forma parva vel magna, ut parva albedo. Secundo modo dicitur

magis vel minus, ut magis vel minus al- bum. Formée ergo qnee de se indeterminatee sunt, ut magis vel minus, seu perfectius et imperfectius sint in subjecto, illee formée dicuntur preedictam habere latitudinem, et preedictos gradus intensionis et remis- sionis; ad sciendum autem quee sint illee formée, nota quod in forma tria possumus considerare. Primo, si agens potest se di- versimode habere ad eam. Secundo, si sub- jectum eam recipiens, aliquando sit magis vel minus dispositum ad ipsam. Tertio, qualiter ipsa forma participatur a subjecto. Unde in illis formis in quibus agens non se habet diversimode, nec aliquando sub- jectum est magis, et aliquando minus dis- positum : illee formée non habebunt pree- dictam latitudinem , sed in ultima perfec- tione suce speciei, semper recipiuntur in

142 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 2, CHAPITRE 4.

si l'air étoit toujours disposé de la même manière à recevoir la lu- mière et si l'agent qui illumine l'air étoit toujours dans le môme état, l'air ne recevroit jamais plus ou moins de lumière et ne seroit jamais plus ou moins illuminé ; mais comme il y a des variations dans ces deux choses, il y en a aussi dans la lumière. Or, comme dans les formes substantielles l'agent est toujours dans le même état, et le sujet qui est la matière première dans des dispositons identiques, la forme substantielle n'a point la latitude susdite. Il n'est pas nécessaire de prouver que la matière première est toujours également disposée, parce que c'est évident. C'est également évident pour l'agent ou pro- ducteur de la forme substantielle. En effet, quoique cet agent se pro- duise sous différents rapports en écartant les dispositions contraires de la matière elle-même , et qu'il le fasse en vertu des formes acciden- telles ou qualités , il introduit néanmoins la forme substantielle en vertu de sa forme substantielle qui est toujours uniforme dans toutes les choses générales de la même espèce. On peut déduire la même chose et de la même manière relativement aux passions propres qui se produisent toujours avec le sujet; et à leur égard le sujet revêt une certaine activité, comme il a été dit plus haut. Telles sont donc les formes tant substantielles que les propres passions, parce que l'agent ne change pas d'état pour les produire , et parce que le sujet qui les reçoit est toujours disposé de la même manière relativement à la forme, quand même l'agent seroit dans des rapports différents, il faut considérer la troisième chose qui a été dite, savoir quelle est la par- ticipation de la forme avec le sujet. Car si la participation s'opère sous le rapport de l'indivisibilité , cette forme ne recevra ni le plus ni le moins, comme il est évident à l'égard des espèces du nombre qui consistent dans une indivisible unité, et à l'égard des espèces de la

subjecto. Verbi gratia, si enim aer esset semper eodern modo dispositus ad recipien- dum lucera , et illuminans aerem eodem modo semper sehaberet, nunquam lumen in aère reciperetur magis nec minus, nec aer esset magis vel minus illuminatus; sed quia aliquod istorum variatur, ideo aliter se habet de lumine. Cum autem in formis substantialibus semper eodem modo se ha- beat agens, et subjectum, quod est materia prima, sit semper aeque dispositum, forma ergo substantialis non habebit latitudinem praedictam. Quod ipsa materia prima sit semper aeque disposita , non oportet pro- bare quia clarum est. De agente vero seu producente formam substantialem patet. Licet enim taie agens diversimode se ha- beat abjiciendo disponens contrarias ab ipsa materia, et hoc faciat virtute forma- rum accidentalium seu qualitatum, tamen

formam substantialem introducit virtute suae formaî substantialis quae uniformiter se habet in omnibus generalibus ejusdem speciei. Et idem et eodem modo potest concludi de propriis passionibus , quae si- mul cum subjecto producuntur, etsubjee- tum respectu earum aliquo modo se habet active , ut supra dictum est. Taies igitur formae, tam substantiales quam proprie passiones, quia agens ad eas producendas non se habet diversimode, et quia subjec- tum eas recipiens semper eodem modo dispositum, ad formam vel agens adhuc diversimode se haberet, oportet cons.derare tertium quod dictum est, scilicet qualiter ipsa forma participatur a subjecto. Nam si participatur secundum rationem indivi- sibilitatis, talis forma nan suscipiet inagis nec minus, sicut patet de speciebus numeri, quae consistunt in indivisibili unitate. Et

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 143

quantité suivant les nombres, comme la double, la triple coudée, de quelques relations, comme le double , la moitié , des figures, comme le trigone, le tétragoné ; et comme toutes les quantités et figures sont reçues de cette manière dans le sujet, il s'ensuit que la quantité, les figures et ces relations ne reçoivent ni le plus, ni le moins. Et ce n'est pas seulement des quantités ainsi considérées , mais tout simplement de la quantité, comme la ligne, la surface et le corps qu'il est vrai de dire qu'elle ne reçoit ni le plus, ni le moins. La raison en est que la perfection et l'imperfection de la quantité se prend suivant l'exten- sion plus ou moins grande , en vertu de laquelle une chose est dite plus ou moins; or, le plus ou le moins de grandeur de l'extension ne suffit pas pour faire dire qu'une chose est plus ou moins, parce qu'on ne le dit pas suivant l'extension , ainsi qu'on le voit dans les autres formes dans lesquelles il y a extension et non intention , comme dans les formes des êtres inanimés et des brutes dont les formes ont de l'extension, et ne se disent pas suivant le plus et le moins. On voit donc quelles sont les formes qui reçoivent le plus et le moins et celles qui ne le reçoivent pas, parce que ce sont celles qui, ayant la latitude sus- dite, reçoivent le plus et le moins. On connoît de suite par quelles sont les formes qui reçoivent la contrariété et celles qui ne la reçoivent pas, car nulle forme ne reçoit la contrariété si elle ne reçoit le plus et le moins. Sur quoi il faut remarquer que parmi les formes qui ont la latitude susdite, quelques-unes ne l'ont qu'en conservant la même espèce, et d'autres dans le genre et l'espèce. Car les degrés de latitude sont tels jusqu'au dernier la forme se conserve ; si la forme dépasse ce degré elle changera l'espèce, et le genre restera le même; dans cette espèce aussi elle a un degré, jusqu'à ce qu'elle arrive au dernier , et si elle venoit à le dépasser , elle ne seroit plus dans la

de speciebus quantitatis continua?, secun- dum numéros, ut bicubitum, tricubitum , et de aliquibus relatiotdbus, ut duplum et dimidium, et de jiguris, ut trigonum et tetragonum ; et quia omnes quantitates et figura? sic recipiuntur in subjectis, ideo quantitas et figurae et hae relationes non suscipiunt magis nec minus. Non solum autem de quantitatibus sic consideratis , sed simpliciter loquendo de quantitate, ut linea, superficies et corpus, verum est quod non suscipit magis nec minus. Gujus ratio est , quia pert'ectio et imperfectio quanti- tatis est secundum majorem vel minorem extensionem, secundum quam aliquid di- citur magis aut minus, non autem major "vel minor extensio est causa sulïiciens quod aliquid dicatur magis vel minus, quia non dicitur esse secundum extensionem, ut pa- tet in aliis formis, in quibus est extensio,

et non intensio , sicut in formis inanima- torum et brutorum , quorum formae sunt extensœ, et non dicuntur secundum magis et minus. Patet ergo quœ formse suscipiunt magis et minus, et quae non, quia videlicet habentes praedictam latitudinem suscipiunt magis et minus. Ex bis scitur statim quas formée recipiunt contrarietatem , et quae non , nulla enim forma quae non recipit magis et minus, recipit contrarietatem. Ubi nota quod formarum , quae habent la- titudinem praedictam, quaedam habent eam solam servando eamdem speciem, quaedam vero in génère et in specie. Nam taies gradus latitudinis sunt usque ad ultimum, in quo salvatur species illa, quem gradum si transeat forma variabit speciem , et re- manebit sibi idem genus, et in ista secunda specie habet etiam gradum, quamdiu per- veniat ad ultimum, quem si transcenderet,

144 OPUSCULE XL VII, TRAITR 2, CHAPITRE 4.

même espèce. Par exemple, il y a des degrés dans lacouleur jaune, qui peut devenir de plus en plus jaune jusqu'à ce qu'elle arrive au rouge, et quoique le rouge soit d'une espèce différente du jaune, ces deux couleurs sont néanmoins du même genre. Elles s'accordent en ce qu'elles participent de la lumière incorporée, et du rouge on passe au noir jusqu'au dernier degré de noir , lequel ne peut être dépassé dans le même genre. Si l'on affoiblit la couleur jaune, elle devient pâle, puis blanche, et ces formes de ces deux degrés, savoir la blan- cheur et la noirceur, sont contraires. Remarquez que plusieurs mo- dernes pensent que deux degrés font une contrariété-, comme la blan- cheur et la rougeur, le blanc et le plus blanc. Suivant eux il y a deux sortes de contrariété, savoir la complète et l'incomplète. La première existe entre les extrêmes les plus éloignés, savoir la plus grande blan- cheur et la plus grande noirceur ; la seconde se trouve entre les degrés mitoyens, parce que deux degrés numériquement distincts, ne sont pas compatibles ensemble et dénominativement dans la même partie du sujet, comme les degrés de dualité et les degrés de trinité, et ainsi de chacun des autres. C'est pourquoi cette latitude , qui consiste à participer au sujet plus ou moins parfaitement, suit les formes ou à raison de la forme , ou à raison du sujet. A raison de la forme, ainsi qu'on le voit dans les couleurs, car la lumière incorporée produit les espèces contraires par le plus ou le moins de participation. Car l'espèce qui participe le plus à cette lu- mière, comme la blancheur, est contraire à l'espèce qui y participe plus imparfaitement, comme la noirceur, et ici il y a contrariété. Quand elle ne participe pas dans cette latitude à raison de la forme , mais seulement à raison du sujet , comme on le voit dans ce qui est plus ou moins illuminé , une telle forme alors , quoique recevant le

non esset in eadem specie. Verbi gratia, croceum habet gradus , et fit magis cro- ceum quamdiu veniat et fiât rubeum , et licet rubedo sit alia species quam croceitas, sunt tamen ejusdem generis. Conveniunt enim in hoc quod est participare lucem in- corporatam, et de rubeo venitur ad nigrum usque ad ultimum gradum nigri , qui in eodem génère transcendi non potest. Si etiam croceitas remittatur, fit palliditas, et postea albedo, et istae formae istorum duorum graduum, scilicet albedo et ni- gredo, sunt contrariée. Nota quod multi moderni tenent quod duo gradus faciunt unam contrarietatem , sicut albedo et ru- bedo, albus et magis albus. Et apud ipsos duplex est contrarietas, scilicet compléta et incompleta. Prima est inter extrema maxime distantia, scilicet inter albedinem siimmam etnigredinem summam. Secunda

est inter gradus medios, qnia duo gradus distincti numéro non compatiuntur se ad invicem et denominative in eadem parte subjecti, sicut gradus ut duo et gradus ut tria, et sic de singulis. Dnde talis latitude, scilicet perfectius et imperfectius, partici- pai a subjecto sequitur formas aut ratione formae, aut ratione subjecti. Ratione formée, ut patet in coloribus, nain lux incorporata magis vel minus participata causât species contrarias. Nam species, quœ perfectius participât de tali luce , puta albedo , est contraria speciei , quœ imperfectius talem lucem participât, puta nigredo, et in tali- bus invenitur contrarietas. Quando vero taU latitudine non participât ratione formae, sed solum ratione subjecti, ut patet de ma- gis vel minus illuminato, tune talis formai licet recipiat magis vel minus, tamen non habet contrarium , lumini enim nihil est

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. i 45

plus et le moins, n'a néanmoins rien de contraire, parce que rien n'est contraire à la lumière, et pourtant il est constant que l'air est parfois plus et parfois moins illuminé. Car partout il y a contrariété, il y a plus et moins , avec la latitude susdite dans les formes. Partout cette latitude ne se trouve pas, il n'y a pas de vraie contrariété ; je dis de vraie contrariété , parce qu'on appelle contraires certaines choses qui sont opposées suivant l'état et la privation, comme raisonnable et irraisonnable, pair et impair, ainsi que nous l'avons dit, et dans cha- que genre il y a une première contrariété, qui n'est pas vraiment une contrariété, mais bien plutôt habitude et privation; ce que je dis r je le dis aussi de tous les contraires immédiats, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une opposition de contrariété, quoiqu'ils soient l'habitude et la privation . C'est de cette manière que la santé et la maladie sont opposées , car si la santé est l'équilibre des humeurs, et la maladie l'absence de cet équilibre, comme il y a opposition de privation entre ce qui est égal et ce qui est inégal , il seroit plus juste de dire que la santé et la maladie sont opposées par manière d'état et de privation que par contrariété; c'est pour cela qu'on ne leur reconnoît pas de moyen terme.

Il est bon de savoir que bien que, comme il a été dit, on trouve en quelques choses la latitude et le degré, il ne faut pas néanmoins com- prendre que lorsqu'une forme prend de l'intensité, cet accroissement se fait par l'addition d'un degré à un autre, de manière qu'il y ait deux degrés distincts, dont l'un est ajouté à l'autre et pourroit être distinctement désigné, tandis que cet accroissement s'opère dans ce sens qu'une forme imparfaite devient parfaite , de sorte que cette forme parfaite a quelque chose de plus qu'avant, non quant aux par- ties susceptibles de désignations distinctes, mais virtuellement, de ma- nière que le premier degré est contenu dans le second virtuellement,

contrarium ; et tamen constat quod aer est aliquando magis illuminatus et aliquando minus. Ubicumque enira est contraietas, ibi est magis et minus, et latitudo praedicta in formis. Ubicumque vero talis latitudo non est, ibi non est vera contrarietas. Et dico vera contraietas, quia qusedam dicun- tur contraria, quae opponuntur secuudum habitum et privationem, sicut rationale et irrationale,par et impar, sicut dicimus, et in unoquoque génère est una prima con- trarietas, quae non est vere contrarietas, sed magis est habitus et privatio , et hoc idem dico de omnibus contrariis immedia- tis, scilicet quod non opponuntur vere con- trarie, licet sint habitus et privatio. Sanitas enim et segritudo sic opponuntur; nam, si sanitas est humorum aequalitas, et aegri-

tudo inœqualitas, et quia aequale et inse- quale opponuntur privative , melius dice- retur quod sanitas et œgritudo opponuntur per modum habitus et privationis quam contrarie , et hgec est causa quare non di- cuntur habere médium.

Sciendum est autem, licet, ut dictum est , in aliquibus inveniatur latitudo et gradus, non tamen est intelhgendum, quod cum una forma intenditur , augeatur per additionem gradus ad gradum, ita quod sint ibi duo gradus distincti quorum unus addatur alteri , et posset ab eo distincte signari , sed fit taie augmentum in quan- tum forma imperfecta sit perfecta, ita quod ipsa perfecta habet plusquam prius non secundum partes signabiles diversas, sed virtute, ita quod primus gradus conti-

10

146 OPUSCULE XLVÎI, TRAITÉ 2, CHAPITRE 4.

comme l'imparfait est contenu dans le degré parfait. On voit par que, comme la substance ne reçoit pas le plus ou le moins, ainsi qu'il a été dit, il n'y a rien de contraire à la substance. Ainsi se connoissent les communautés de la substance. Le propre de la substance est d'être susceptible des contraires suivant son changement. Or , on dit que c'est le propre de la substance parce que cela ne convient qu'à elle seule par soi. Car s'il est certaines choses auxquelles on attribue cette qualité de recevoir les contraires , comme la ligne est appelée droite ou courbe, néanmoins la ligne ne reçoit ces modifications qu'à raison de la substance. On allègue encore le langage et l'opinion qui sont vrais quelquefois et d'autres fois faux. A cela Aristote répond que cela n'arrive pas à raison du changement du langage ou de l'opinion, parce que le laugage et l'opinion ne changent pas, si Socrate étant assis, vient à se lever, mais bien la chose, car ce n'est pas par un chan- gement opéré en elle que la substance est dite susceptible des con- traires , mais par un changement de la chose significative. Une sem- blable propriété ne convient donc qu'à la substance, et si elle convient à d'autres choses, c'est à raison de la substance dans laquelle elles ont leur être , comme on le voit par rapport à la superficie qui est susceptible de blancheur et de noirceur , à l'essence de laquelle il appartient d'être dans la substance en acte ou en aptitude, ainsi qu'on l'a dit plus haut ; tel est le prédicament de la substance.

netur in secundo virtute , sicut imperfec- tum continetur in secundo virtute , sicut imperfectum continetur in gradu perfecto. Ex istis patet quod, quia substantia non suscipit magis vel minus , ut dictum est , quod substantia nihil est contrarium. Et sic patent communitates substantise. Pro- prium autem substantiae est, quod secun- dum sui rautationera sit susceptibilis con- trariorura. Dicitur autem hoc esse pro- prium substantise, quia sibi soli per se convenit. Nam si aliqua dicuntur suscipere contraria, sicut linea dicitur recta vel curva, tamen linea non suscipit ista hisi ratione substantise. Datur enim instantia de ora- tione et opinione, quae eadem manens, ali-

quando est vera , aliquando est falsa. Ad quam respondet Philosophus, quod hoc non fit secundum mutationem orationis vel opinionis, non enim mutatur oratio vel opinio , /lum Socrates sedet eo surgente , sed mutatur res , non enim per sui muta- tionem oratio vel opinio dicitur esse sus- ceptibilis contrariorum , sed per mutatio- nem rei significativae. Soli ergo substantiee hujusmodi convenit , et si aliis convenit , hujusmodi est ratione substantiae , in qua habent esse, ut patet de superficie, quae est susceptibilis albedinis et nigredinis, de cujus essentia est actu vel aptitudine esse in substantia, ut supra dictum est, et sic patet de praedicamento substantiae, etc.

SLR LA. LOGIQUE D ARISTOTE.

147

TRAITÉ III.

DU PRÉDICAMENT DE LA QUANTITÉ.

CHAPITRE PREMIER.

Du nombre qui est une quantité discrète.

La quantité se divise en continue et en discrète. On appelle discrète la quantité dont les parties sont séparées et ne sont pas unies pour un but commun. En effet , les parties du nombre dix ne sont unies pour aucun but commun. Car dans le nombre dix il ne se trouve au- cune particule en vue de laquelle les autres soient unies, puisqu'elles sont toutes séparées l'une de l'autre. On appelle , au contraire, con- tinue la quantité dont les parties sont unies pour un but commun, parce qu'elles sont toutes unies entre elles , et ne sont pas actuelle- ment séparées, mais sont susceptibles de l'être, comme on le dira plus bas. La quantité discrète se divise en nombre et langage , or le nombre est la réunion de plusieurs unités. Le nombre se définit en- core d'une autre manière : le nombre est une collection mesurée par l'unité. Pour comprendre ces définitions il faut savoir que l'u- nité se prend pour l'être , et l'unité est le principe du nombre. Or l'unité prise dans la première acception n'est autre chose que l'être indivis. L'unité ajoute à l'être la négation ou la privation de division, et comme tout être est une unité dans ce sens, l'unité en conséquence prise dans ce sens, est non-seulement dans le genre de la quantité, mais aussi dans tous les genres comme l'être , c'est pourquoi l'unité se rapporte aux transcendants , comme la collection produite par l'u-

TRACTATUS 111.

De pr^dicamento quantitatis.

CAPUT PR1MUM.

De numéro , qui est quantitas discrela.

Quantitas dividitur in continuam et dis- cretam. Dicitur autem discreta quantitas, cujus partes inter se ita se habent, quod sunt separatœ , et ad unum communem terminum non copulantur. Partes enim hujus numeri, qui est decem ad nullum communem terminum copulantur. Non enim in numéro, qui est decem, invenitur aliqua particuîa ad quam copulentur alise particulae , cum omnes particulee ejus sint separatœ una ab alia .Continua vero quantitas dicitur, cujus partes ad unum communem terminum copulantur, quia omnes sunt conjunctœ, et non sunt actu separatre, sed

sunt separabiles, ut infra dicetur. Dividi- tur autem quantitas discreta in numerum et orationem , est autem nurnerus multi- tudo ex unitatibus aggregata. Aliter autem diffinitur numerus sic : Nurnerus est mul- titudo mensurata per unum . Ad videndum autem praedictas diffinitiones, sciendum est, quod unum convertitur cum ente , et unum est principium numeri. Unum au- tem primo modo sumptum nihil aliud est quam eus indivisum. Addit autem unum supra ens negationem seu privationem di- visionis, et quia omne ens est unum isto modo sumptum, ideo unum sic sumptum non solum est in génère quantitatis, sed in omnibus generibus sicut et ens, ideo unum est de transcendentibus, et multitudo eau-

148 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 3, CHAPITRE 1.

nité dans ce sens n'est pas le nombre qui est une espèce de quan- tité, mais se rapporte aux transcendants. Nous disons , en effet , qu'il y a quatre anges ou trois personnes en Dieu, et cependant il n'y a de quantité ni dans les anges, ni en Dieu. L'unité, qui est le prin- cipe du nombre, ajoute à l'unité qui se prend pour l'être non par une chose quelconque, mais elle l'affecte en lui ajoutant deux rapports, parce qu'elle exprime non toute indivision, c'est-à-dire qu'elle n'ex- prime pas tout être en tant qu'indivis , mais bien l'être indivis de la quantité continue ; elle exprime aussi le rapport de la mesure discrète. Comme le nombre qui est une espèce de la quantité , est produit par la diction du continu, supposons une ligne divisée en plusieurs par- ties, chaque partie de la ligne ainsi divisée étant indivise, la ligne ainsi considérée est une unité; c'est pourquoi la ligne n'est autre chose que le continu indivis. Donc l'unité qui est convertie avec l'être , si- gnifie un être indivis quel qu'il soit. Or, l'unité qui est le principe du nombre, dit un être continu indivis, et le nombre se compose de sem- blables unités , lorsqu'il y a plusieurs continus séparés entre eux et indivis en eux-mêmes. Le second rapport qu'ajoute l'unité, principe du nombre, à l'unité qui admet la conversion avec l'être , est le rap- port de mesure discrète, en quoi il faut remarquer que la mensuration discrète peut se prendre de deux manières. La première c'est la même chose que de s'assurer intellectuellement du nombre de certaines choses, connoissance qui s'acquiert en redoublant une unité un cer- tain nombre de fois, et prise dans ce sens la mesure est une propriété accidentelle du nombre lui-même, et elle convient aussi à l'unité qui se convertit avec l'être. De la seconde manière mesurer se prend pour produire formellement tant de choses , comme la blancheur produit

sata per unum , isto modo sumptum non est numerus, qui est species quantitatis, sed est de transcendentibus. Dicimus enim esse quatuor angelos vel très personas in divinis, et tamen nec in angelis nec in Deo est quanti tas. Unum autem quod est prin- cipium numeri, addit super unum quod convertitur cum ente non rem aliquam, sed concernit illud addendo sibi duas ra- tiones, scilicet quia dicit non omnem indi- visionem , id est , non dicit omne ens in quantum est indivisum, sed dicit ens indi- visum quantitatis continuae , et dicit ra- tionem mensune discrets. Quia enim nu- merus, qui est species quantitatis, causatur ex dictione continui, supponatur quod vi- deremus unam lineam in multas partes, cum quaelibet pars lineae, quae sic dividitur sit indivisa, et linea sic considerata est unum : unde unum nihil aliud est quam continuum indivisum. Unum ergo quod

convertitur cum ente, dicit ens indivisum, quodcumque sit illud. Unum autem quod est principium numeri , dicit ens conti- nuum indivisum , et numerus ex talibus unitatibus aggregatur, ubi sunt multa con- tinua divisa ab invicem et in se indivisa. Secunda ratio quam addit unum, quod est principium numeri, supra unum quod con- vertitur cum ente, est ratio mensurœ dis- cretae , ubi nota quod mensurari discreto potest sumi dupliciter. Uno modo, ut idem sit quod certificari apud intellectum, quot sunt aliquse res in quantum aliquis per unum aliquotiens replicatum certificat ur de numéro illorum quae numerat , et isto modo sumpta, mensura est proprietas acci- dentalis ipsius numeri et convenit etiam uni quod convertitur cum ente. Alio modo, sumitur mensurare pro eo quod est facere tôt res formaliter, sicut albedo formaliter facit album, el talis mensura est de ratione

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 149

formellement le blanc , et cette mesure appartient au rapport de l'u- nité ou du nombre. Nous savons donc ce que c'est que l'unité dont l'assemblage forme le nombre, et ce qu'est la mesure essentiellement et accidentellement. Pour comprendre ce qu'est la multitude il faut savoir, ainsi que nous l'avons dit plus haut, que ce que notre intellect conçoit d'abord c'est l'être , et secondairement la négation de l'être, lorsqu'on comprend qu'une chose n'est pas tel être. On conçoit tout de suite d'après cela une division , d'où il résulte que la division est la distinction par l'être et le non-être. En troisième lieu, on conçoit une unité qui ne comporte pas la division. Il y a, en effet, un être en qui ne se rencontre pas la division susdite , et ainsi l'idée de l'unité est postérieure à celle de la division, comme l'idée de la privation est postérieure à celle de l'habitude qui subit la privation. Quatrième- ment, on conçoit la multitude , qui dit deux négations, dont l'une consiste en ce que telle chose n'est pas telle autre, et l'autre en ce que chacune de ces choses n'est pas divisée ; c'est pourquoi la multitude se définit par l'unité, parce qu'il n'y a jamais multitude, sans que chacune des choses qui composent cette multitude ne soit une unité ou un être indivis. Et il faut prendre dans la quantité comme nous avons pris dans les transcendants, l'être, la division, l'unité et la mul- titude, de sorte que nous prenions le continu de la même manière que nous prenions l'être, quoiqu'il y ait entre eux quelque différence, comme nous l'avons dit. Il faut savoir que cette multitude , qui est dans la quantité, est l'assemblage de plusieurs continus , dont l'un n'est pas l'autre et dont chacun est indivis en soi ou un, ce qui est la même chose, et ainsi s'explique la première définition du nombre, le nombre est un assemblage de plusieurs unités, aussi bien que la seconde, le 'nombre est une multitude mesurée par l'unité , parce

unius vel nuraeri. Habemus ergo quid est unum, ex cujus aggregatione fit numerus, et qualiter sit mensura essentialiter et ac- cidentaliter. Ad videndum autera quid sit multitudo, sciendum quod , ut supra dic- tum est , primum quod intellectus noster intelligit , est ens , secundo vero intelligit negationem entis, prout intelligitur aliud non esse hoc ens. Ex his duobus statirn in- telligit divisionem , unde divisio est dis- tinctio per ens et non ens. Tertio intelligit unum, quod privât divisionem. Est enim unum ens in quo non est prœdicta divisio, et sic intellectus unius posterior est intel- lectu divisionis , sieufr intellectus privatio- nis posterior est intellectu habitus quem privât. Quarto intelligit multitudinem , quae dicit duas negationes , quarum una est , quod hoc non sit illud : et altéra est,

quod quodlibet eorum non sit divisum et per cousequens sit unum, et propterea multitudo difïinitur per unum ; quia nun- quam dicuntur multa, nisi quodlibet eorum sit unum seu ens indivisum. Et sicut modo sumpsimus ens , et divisionem , et unum , et multitudinem in transcendentibus , sic sumatur in quantitate , ita quod sicut su- mebatur ens , ita hic sumatur continuum, licet aliqua differentia sit inter ea , ut su- pra dictum est. Sciendum, quod heec mul- titudo quœ est in quantitate , est multa continua, quorum unum non est aliud , et quodlibet eorum est indivisum in se , sive unum, quod idem est, et sic patet prima diffinitio numeri , scilicet : Numerus est multitudo ex unitatibus aggregata. Patet etiam secunda diffinitio, scilicet : Numerus est multitudo mensurata per unum. Nain

150 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 3, CHAPITRE 2.

que l'unité plusieurs fois redoublée, produit la multitude, et nous

constatons par la grandeur discrète de la multitude , c'est ainsi

que l'unité est la mesure de la multitude , c'est évident pour le

nombre, etc.

CHAPITRE II.

De la seconde espèce de la quantité discrète, c'est-à-dire du langage.

Le discours est un mot formé de syllabes distinctes qui le mesurent et qui n'a point de permanence dans ses parties. Pour comprendre celte définition , il faut savoir que mot n'est pas pris ici pour la qua- lité, car le mot est dans la troisième espèce de la qualité , comme on le verra par la suite, mais pour quelque chose qui a été dans le mot, parce que dans tel mot il y a plusieurs dictions et syllabes, qui, quoi- que indivisibles, sont néanmoins successives, car l'une succède à l'autre ; c'est pourquoi il y a deux choses à considérer dans ces syl- labes, savoir leur indivisibilité et leur succession. Cette indivisibilité n'est pas une indivisibilité d'unité , autrement le discours seroit un nombre, mais une indivisibilité qui mesure la durée, suivant que plu- sieurs syllabes indivisibles durent plus qu'une ; c'est pourquoi si dans le discours nous considérons l'indivisibilité des syllabes nous trouvons que par il y a convenance avec le nombre. D'un autre côté , si nous considérons la mesure de la durée , qui cependant n'est pas perma- nente, mais successive, nous voyons qu'en cela elle s'accorde avec le temps qui est une mesure successive, aussi bien que des choses suc- cessives, comme il sera démontré plus loin. Néanmoins le discours n'est pas un nombre simplement, mais un nombre appartenant à la mesure de la durée ; ce n'est pas non plus un temps continu , lequel n'est autre chose qu'une succession continue, toujours divisible, mais

quia unum multotiens replicatum causât multitudinem , per hoc certificamur de multitudine quanta sit discrète, et sic unum est mensura multitudinis , et patet de nu- méro, etc.

CAPUT II.

De secunda specie quanlilalit discrelœ , sci- licet de oralione.

Oratio est vox aggregata ex distinctis syllabis eam mensurantibus et in partibus suis non habens permanentiam. Ad intelli- gendum autem praedictam difiinitionem , sciendum , quod vox non ponitur hic pro qualitate. Est enim \ox in tertia specie qualitatis, ut infra patebit, sed pro aliquo, quod fuit in voce ; quia in tali voce sunt mu lue dictiones et syllabaj , quae licet in- divisibles sint , tamen successive. Nain una succcdit altcri : unde in tablais svl-

labis est duo considerare , scilicet indivisi- bilitatem earum et successionem. Talis au- tem indivisibilitas non est indivisibilitas unitatis, alioquin oratio esset numerus ; sed est indivisibilitas mensurans duratio- nem, secundum quod taies plures syllabaj indivisibiles plus durant quam una ; unde si in oratione consideramus indivisibili- tatem syllabarum , per hoc convenit cum numéro. Si vero ubi consideratur mensura durabilitatis , quae tamen non est semper stans, sed est successiva, in hoc convenit cum tempore , quod est mensura successiva et successivorum, ut infra patebit. Non ta- men oratio est numerus simpliciter, sed est numerus pertinens àd mensuram duratio- nis; nec est tempus continuurn, quod ni- hil aliud est quam successio continuata semper divisibilis, sed etiam successio ali- quorum indivisibiliam . puta syllabarum.

SUR LA LOGIQUE d'AIUSTOTE. 151

c'est encore la succession de quelques indivisibles, des syllabes. Or, il faut savoir qu'Aristote, dans son livre des Prédicaments , dit , Que le discours se mesure par la syllabe brève et la syllabe longue. Un autre texte porte que la syllabe brève et la syllabe longue se mesurent par le discours. Or, le discours se mesure par la syllabe de la même ma- nière, comme nous l'avons dit, que le nombre est mesuré par l'unité, qui comme telle est indivisible. Quand on dit qu'une telle syllabe est brève ouloogue, il ne faut pas regarder cette brièveté ou cette longueur comme appartenant au temps continu , de telle sorte que le discours soit un assemblage de temps continus, autrement ce ne seroit pas une espèce différente du temps; car les parties du temps produisent une espèce différente du temps ; mais le temps continu coexiste quelque- fois avec la durée indivisible d'une syllabe, c'est-à-dire qu'il y a exis- tence simultanée, parce que le temps est quelquefois court et d'autres fois long ; c'est pourquoi le temps continu est la mesure des succes- sifs dans le mouvement. Mais les syllabes existent dans quelque chose d'indivisible et sans mouvement , quoiqu'elles admettent le change- ment et la succession, dans une certaine mesure toutefois, comme il a été dit. D'où il suit que la mesure qui est le temps et la mesure de la syllabe , quoique des mesures diverses de la durée ou des choses durables, peuvent néanmoins coexister , et ainsi la syllabe sera dite brève ou longue, non d'une longueur ou d'une brièveté continue existant en elle, puisqu'elle est indivisible , mais de la longueur ou de la brièveté du temps continu, qui lui est coexistant. Néanmoins il en est qui disent que les syllabes, sans être le mouvement, s'opèrent par le mouvement, et comme tout mouvement se mesure par le temps continu , c'est pour cela que les syllabes sont appelées longues ou brèves, de la longueur ou de la brièveté du temps continu mesurant

Sciendum est autem , quod Philosophus , lib. Prœdicament., dicit, quod oratio men- suratur syllaba brevi et longa. Aliustextus habet, quod syllaba brevis et longa men- suratur oratione. Mensuratur autem oratio syllaba eo modo sicut dictum est , quod numerus mensuratur unitate qua) indivi- sibilis est , in quantum bujusmodi. Sinii- liter etiam oratio mensuratur syllaba, qua) ut dictum est, indivisibilis est. In hoc au- tem, quod dicitur talis syllaba brevis est vel longa, non est intelligendum, quod ta- lis brevitas vel longitudo pertineat ad tempus continuum, ita videlicet quod ora- tio sit aggregata ex multis temporibus continuis, alioquin non esset alia species a tempore. Partes enim temporis faciunt aliam speciem a lempore , sed indivisibili durationi syllaba) aliquando coexistit tempus contiinmm, seu simul cum eo exis-

tit, quod tempus aliquando est brève et aliquando longum : unde tempus conti- nuum est mensura successivorum , quae sunt in motu. Syllabae vero existunt in quodam indivisibili et sine motu, licet sint cum mutatione et successione , sub aliqua tamen mensura , ut dictum est. Unde mensura, quae est tempus, et mensura, quœ est ipsius syllaba) , licet sint divers» mensura) durationum seu durabilium , ta> men possunt simul existere , et sic syllaba dicetur brevis vel longa, non ex longitu- diiïe vel brevitate continua, quae sit in ea, cum ipsa sit indivisibilis ; sed ex longitu- dine et brevitate temporis continui, quod ei coexistit. Aliqui tamen dicunt , quod licet syllabae non sinf motus , tamen fiunt per inotuin ; cum autem omnis motus mensuretur tempore continua proptcr hoc syllabae dicuntur longer , vel brèves ex

152 OPUSCULE XLV1I, TRAITÉ 3, CHAPITRE 3.

les mouvements qui les produisent. D'autres tiennent un langage dif- férent. Suivant eux , le nombre étant produit par la division du con- tinu, et n'ajoutant au continu rien autre chose que la division en la- quelle chaque chose est indivise, il est néanmoins une espèce de la quantité différente de la continue ; il en est de même du discours re- lativement au temps. Car le discours est l'assemblage de plusieurs temps divisés, dont chacun est indivis, et néanmoins c'est une espèce différente du temps, telle est la quantité discrète, etc.

CHAPITRE III.

De la quantité continue en commun suivant l'intention logique.

La quantité continue est celle dont les parties sont liées pour un but commun. Il faut observer qu'il en est qui conçoivent la chose dans ce sens que les parties du continu sont bées pour un but commun. Car les parties de la ligne se terminent au point qui la limite en acte, et non au point en puissance; de même les parties de la surface sont liées pour former la ligne qui la termine en acte , et les parties du corps pour la superficie qui le limite. Pour comprendre ceci, il faut savoir que nous devons imaginer un point indivisible dans la ligne comme étant en mouvement, lequel produit la ligne par son mouve- ment, que la ligne soumise au mouvement produit la surface , que la surface soumise au mouvement produit le corps, et que le mouvement ensuite produit le temps. Par cette supposition de causes agissant de cette manière, quoiqu'il n'en soit pas réellement ainsi, nous com- prendrons cette définition. En effet, si le point soumis au mouvement produit la Ligne, toutes les parties de la ligne sont liées par le point , et comme dans toute partie de la ligne, comme nous venons de le dire, il faut imaginer un point auquel se rapporte une autre particule sans

longitudine vel brevitate temporis conti- nui mensurantis motus per quos syllabae fiunt. Alii dicunt aliter de oratione. Se- cundum enim eos cum numërus causetur ex divisione continui et nihil addat supra continuum nisi divisionem in qua quod- libet est indivisum, et tamen est alia spe- cies quantitatis quam continua, ita accidit de oratione respectu temporis. Nam oratio est multa tempora divisa , quorum quod- libet est indivisum , et tamen est alia spe- cies a tempore , et sic patet de quantitate discreta, etc.

CAPUT III.

De quantitate continua in communi secun-

dum logicam intenlionem.

Continua vero quantitas est cujus partes ad murai communem terminum copulan- ttir. Notandmn, qnod aliqui sic intelligunt

hoc, scilicet quod partes continui copu- lentur ad unum terminum communem. Nam partes lineœ terminantur ad unum punctum , quae actu eam terminât non ad punctum in potentia ; similiter superficiei partes copulantur ad lineam , quse actu eam terminât, et partes corporis ad su- perficiem terminantem illud. Ad quod in- telligendum , sciendum est , quod nos de- bemus imaginari punctum , quod est indi- visible in linea moveri, et motu suo cau- sare lineam, et lineam motam causare superficiem, et superficiem motam causare corpus , et nunc motum causare tempus. Quibus sic causatis et imaginatis, licet non ita sit reabter, intelligemus prœdictam difhnitionem. Si enim punctus motus cau- sât lineam , onmes partes lineœ per punc- tum copulantur ; et quia in qualibet parte liniv est imaginari Becundum istara viani.

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. , 153

autre déviation , il résulte que la ligne est dite continue. Il en est de même de la superficie par rapport à la ligne que nous supposons la produire par le mouvement qu'elle subit. Il en est aussi de même du corps pai» rapport à la surface, et comme le lieu est une espèce de surface, il a un terme commun pour ses particules de la même ma- nière que la superficie. Il est bon pourtant de savoir qu'Aristote dit, dans ses Prédicarnents, que les parties du lieu sont liées par le même terme qui est le but de la liaison des parties du corps , ce qui ne se comprend pas très-bien , si le lieu est une surface d'un corps de ca- pacité. En effet, la superficie étant le terme commun des parties d'un corps, il s'ensuit que le terme d'un lieu est la superficie , et ainsi le terme de la superficie sera le terme de la superficie. En quoi il faut observer que le lieu peut se considérer de deux manières;' première- ment, pour la surface du corps contenant, et alors le terme de ses parties est appelé ligné, ainsi qu'il a été dit ; secondement, le lieu se prend pour tout le corps locatif , comme l'air est dit le lieu de l'eau, et le feu le lieu de l'air, et c'est dans ce sens qu'Aristote dit que les parties d'un lieu sont liées en vue du même terme que les parties du corps. Or, les parties du temps sont liées pour le moment présent, telle est l'explication de la quantité continue.

CHAPITRE IY.

De la quantité qui a une position , et de ce qui est requis par rapport à

cette position.

La quantité continue a une position, quoiqu'il s'en trouve qui n'en ont pas. Il faut observer que la position est la même chose que l'ordre des parties dans un lieu, et c'est un des dix prédicarnents qui est aussi appelé situation ; il en sera question plus loin. On dit aussi que

punctum aliquem ad quem se continue habet alia particula sine alia decisione , ideo dicitur linea esse continua. Eodem modo se habet de superficie respectu lineae a qua mota , ut dictum est , imaginamur eam causari. Nam partes ejus per lineam et ad lineam continuantur. Similiter etiam se habet de corpore respectu superficiel, et quia locus superficies queedara est, eodem modo habet terminum communem suarum particularum , sicut superficies. Sciendum tamen est, quodPhilosophus, lib. Prœdic, dicit , quod partes loci copulantur ad eumdem terminum , ad quem copulantur partes corporis. Quod non bene intelligitur si locus est superficies corporis continentis. Cum enim terminus communis partium corporis sit superficies, sequitur quod ter- minus loci sit superficies, et sic superficies erit terminus superficiel. Ubi nota quod

locus potest dupliciter considerari. Uno modo, pro superficie corporis continentis, et tune terminus partium ejus dicitur linea, ut dictum est. Alio modo sumitur locus pro toto corpore locante, sicut aer dicitur esse locus aquse , et ignis locus aeris , et isto modo dicit Philosophus quod partes loci copulantur ad eumdem terminum, ad quem copulantur partes corporis. Partes autem temporis copulantur ad nunc, et sic patet de diffinitione quantitatis continuée.

CAPUT IV.

De quantitale habenle positionem , et de re- quisilis ad ipsam.

Habet autem quantitas continua posi- tionem, licet non omnis. Notandum, quod positio idem est quod ordo partium in loco et haec est unum de decem preedicamentis quac etiam dicitur situs, de quo infra di-

154 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 3, CHAPITRE 5.

la position est l'ordre des parties dans le tout, et dans ce sens la po- sition est la différence de la quantité. Pour que la quantité ait une position, trois choses sont requises. Il faut d'abord qu'elle ait ses par- ties continues marquées et non marquées ; secondement, quien vertu de cette désignation, elle ait ses parties coordonnées entre elles, c'est- à-dire l'une après l'autre ; troisièmement, que ces parties possèdent la permanence. Relativement à la première qualité , le nombre dont les parties ne sont pas signables mais désignées , quel que soit leur ordre, comme deux après un , trois après deux et ainsi de suite, n'a pas déposition. Relativement à la troisième qualité, quoique le temps ait des parties signables et non marquées et ordonnées, comme néan- moins elles n'ont pas de permanence, elles n'ont pas pour cette raison de position entre elles. Le discours, d'autre part, dont les parties ne sont ni continues, ni permanentes, comme il a été dit, n'a pas à cause de cela de position dans ses parties. Donc les espèces de la quantité qui ont une position sont la ligne , la surface , le corps , le lieu; et quoique le point ne soit pas une quantité , parce qu'il est quelque chose d'indivisible et le principe de la quantité, parce qu'il est le prin- cipe de la ligne et qu'il est ordonné pour les parties de la ligne, il est dit avoir une position. Car, comme on dit communément, le point est quelque chose d'indivisible ayant une position , puisqu'il est la fin de la première partie et le commencement de la seconde, tandis que l'u- nité est quelque chose d'indivisible et n'a pas de position , on voit ainsi quelles sont les quantités qui ont une position et celles qui n'en ont pas.

CHAPITRE V.

Des espèces de la quantité continue , et d'abord de la ligne. Nous allons parler maintenant de ces espèces de la quantité conti-

cetur. Alio modo dicitur positio ordo par- tium in toto , et sic positio est differentia quantitatis ; ad hoc autem quod quantitas habeat positionem requiruntur tria. Primo, quod habeat partes suas continuas signatas et non signatas. Secundo, quod secundum hanc signabilitatem habeat partes in ter se ordinatas , unam videlicet post aliam. Tertio, quod partes illse habeant perma- nentiam. Ratione primi, numerus qui ha- bet partes suas non signabiles sed signatas, quantumcumque habeat eas ordinatas , pu ta duo post unum et tria post duo , et sic de aliis, non habet positionem. Ratione tertii, licet tempus habeat partes continuas signabiles, et non signatas , et ordinatas , quia tamen non habet eas permanentes, ideo non habent inter se positionem. Ora- tio vero partes suas neque continuas lia! et

nec etiam permanentes, ut dictum est : ideo non habet positionem in partibus suis. Species ergo quantitatis habentes positio- nem, sunt linea, superficies, corpus, locus-, et licet punctus non sit quantitas, quia est quid indivisibile et principium quantitatis, quia est principium lineae, quia tamen ha- bet ordinem ad partes lineae , dicitur ha- bere positionem. Nam ut cominuniter di- citur, punctus est indivisibile habens po- sitionem, cum sit liais piloris partis et initium posterions. L'nitas vero est indivi- sibile, non habens positionem, et sic patet quae quantitas habet positionem , et quœ non.

CAPCT V. De speciebus quantilalis continuWj cl primn de linea. Nonc dicendum est de pncdiclis spede-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 155

nue, et d'abord de la ligne. Or la ligne est une longueur sans largeur ni profondeur terminée par deux points. Pour comprendre cela, il faut savoir que la quantité étant une mesure, ou extension de la sub- stance , comme il a été dit, une substance corporelle , comme telle, peut être mesurée ou étendue de trois manières sans plus , suivant la façon dont s'opère l'interjection des diamètres dans les angles droits. Car si l'un doit couper l'autre à angles droits, ce doit être en forme de croix , suivant la figure suivante , dans laquelle se trouvent deux angles droits dans la partie supérieure et deux dans la partie infé- rieure.

On appelle angle droit celui qui se forme en tirant une ligne perpendiculaire sur une ligne droite , de sorte que si cette ligne tombe sur le milieu, elle forme deux angles droits, comme il a été dit. Nous avons donc deux diamètres qui se coupent à angles droits dans la forme de la croix. Pour qu'un troisième diamètre coupe les deux pre- miers à angles droits , il faut qu'il passe par le point se réunissent les quatre angles droits. Un quatrième diamètre ne peut couper les trois autres sans former un angle droit. L'un de ces diamètres s'appelle longueur, le second largeur, le troisième profondeur , que l'on nomme les trois dimensions. De sorte qu'en considérant la lon- gueur sans les autres deux dimensions , elle s'ap- pelle ligne. Les extrémités de la ligne , si elle en a, ce que je dis à cause de la ligne circulaire qui n'en a pas, sont deux points , car ils terminent la ligne jusqu'à l'indivisibilité suivant cette dimension. En effet, si la division étoit

bus et primo de linea. Est autem linea longitudo sine latitudine et profunditate, cujus extrema sunt. duo puncta. Ad quod intelligendum , sciendum est quod cum quantitas sit raensura sive extensio sub- stantif , ut supra dictum est , substantia corporea , in quantum hujus tripliciter mensurari seu extendi potest , secundum quod tripliciter diametri in angulis rectis possunt se intersecare , et non pluries. Si euim unus diameter débet intersecare alium in angulis rectis, oportet quod sit ad rao- dum crucis sic.

Ubi sunt duo anguli recti ex parte su- periori , et duo ex parte inferiori. Dicitur autem angulus rectus, qui causatur ex ductu linesc perpendiculariter cadentis su- per lincam rectam sic. Undc si talis linea cadit in medio, causât duos angulos rectos,

ut dictum est. Habemus ergo duos dia- metros, se in angulis rectis in cruce suppo- sita intersecantes. Si vero tertius diameter débet prsedictos duos diametros intersecare in angulis rectis, oportet quod transeat per punctum , ubi quatuor anguli recti jun- guntur. Nec potest quartus diameter pra±- dictos très diarnetros intersecare , quin causet angulum rectum. Unus ergo diame- ter dictarum trium dicitur longitudo, se- cundus latitudo , tertius vero profunditas, quee dicuntur très dimensiones : unde si consideretur longitudo sine aliis duabus dimensionibus dicitur linea. Extrema vero linea, si habet extrema, quod dico propter lineam circularem, quœ non babet extre- ma, sunt duo puncta ; terminant enim li- neam ad indivisibile secundum illam di- mensionem . Si enim semper esset darc cfi-

156 OPUSCULE XLVII , TRAITÉ 3, CHAPITRE 5.

toujours possible dans cette dimension, cette dimension étant une ligne, dans ce cas la ligne seroit sans limites. La surface contient deux des susdites dimensions , savoir la longueur et la largeur, dont les extrémités sont deux lignes, ou une, je dis cela à cause de la sur- face circulaire qui est limitée par une seule ligne. En effet, ainsi que nous l'avons dit, pour borner une ligne il faut que la limite atteigne l'indivisibilité dans cette dimension, de sorte que la limite de la surface doit aller à l'indivisibilité en largeur, ce qui est la ligne. Un corps renferme les trois dimensions ci-dessus , ou en d'autres termes , un corps est une triple dimension , comme la surface est une double di- mension, et la ligne une seule. Or, le corps se termine à la surface qui est indivisible en profondeur, ou à la ligne qui l'est en largeur. Il faut observer que quoique le corps soit une triple dimension, savoir, longueur, largeur et profondeur, le corps ne tient son caractère de perfection que de la profondeur. De même , quoique la surface con- tienne deux dimensions , la longueur et la largeur , néanmoins sa raison spécifique n'est complétée que par la largeur, comme la rai- son spécifique de l'homme n'est complétée que par la rationalité, quoiqu'il soit doué de la sensibilité et de la vie. La raison spécifique de la brute est complétée par la sensibilité, quoiqu'elle jouisse aussi de la vie. Quant à la ligne, c'est la longueur qui fait la perfection spé- cifique. Et comme la quantité continue a la propriété d'être toujours divisible, si le corps, tant que corps, doit se terminer à l'indivi- sible , ce sera à la surface , laquelle, quoique divisible, ne l'est pas cependant en profondeur en quoi consiste la raison spécifique du corps, comme il a été dit, il en est de même de la surface par rapport à la ligne. Telles sont les trois espèces de la quantité continue.

visibile secundum illam dimensionem, cum hujusmodi dimensio sit iinea , ut dictum est, tune linea nunquam terminaretur. Superficies vero continet duas dimensiones de praedictis, scilicet longitudinem et lati- tudinem , cujus extrema sunt duae lineae vel una; quod dico propter superficiem circularem , quae una linea terminatur. Sicut enim dictum est , ad hoc quod linea terminetur , oportet quod terminetur ad iudivisibile secundum illam dimensionem , sic oportet quod superficies terminetur ad indivisibile secundum latitudinem, et hsec est linea. Corpus autem continet omnes praedictas très dimensiones, seu ipsum cor- pus est ipsa trina dimensio , sicut superfi- cies est duplex dimensio, et linea una. Terminatur autem corpus ad superficiem, quae indivisibilis est secundum profundi- tatem vel ad lineam, quae indivisibilis est scciiiiiluin latitudinem. Notaudum, quod

licet corpus sit trina dimensio, scilicet longitudo , latitudo et profunditas, tamen ratio corporis perficitur ex sola profundi- tate. Similiter etiam licet superticies con- tineat duas dimensiones, scilicet longitu- dinem et latitudinem , tamen ratio ejus specifica completur ex sola lalitudine., sicut ratio specifica hominis completur ex ratio- nali; quamvis homo sit sensibilis et vivus. Ratio vero bruti ex sensibili completur, licet etiam cum hoc sit vivum. Lineae vero ratio specifica perficitur ex sola longitu- dine. Et quia quanti tas continua boc ha- bet, quod semper sit divisibilis , si corpus in quantum corpus terminan débet ad in- divisibile , terminabitur ad superficiem , quae licet sit divisibilis, non tamen secun- dum profunditatem in qua consistit ratio specifica corporis, ut dictum est, et similiter de superficie respectu lineae. Et sic patet de tribus speciebus quantitatis continus?.

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

157

CHAPITRE Vf.

Du lieu gui est une espèce de la quantité continue.

Nous passo?is au lieu. Le lieu est la surface d'un corps contenant im- mobile. En effet, quoique le lieu soit une surface, il ne s'ensuit pas qu'il soit dans le genre de la surface, mais c'est un autre genre de quantité à raison d'une autre différence spécifique surajoutée qui ne convient pas à la surface , en tant que surface , et n'est pas disparate à son égard, quoiqu'il soit immobile. 11 faut savoir que , comme il n'y a point de vide dans la nature , il faut qu'un corps soit enveloppé d'un autre corps. Laissons pour le moment la dernière sphère. C'est pour- quoi la surface du corps, qui enveloppe celle qui est contiguë au corps enveloppé, est appelée lieu. Néanmoins cette surface n'est pas appelée lieu par la raison qu'elle enveloppe, autrement le vaisseau qui suit le cours du fleuve étant toujours entouré de la surface de la même eau, parce qu'il suit le courant de l'eau, pourroit être regardé comme restant dans le même lieu, ce qui est faux. De même aussi le vaisseau amarré au bord du fleuve , changeant continuellement de surface par le flux de l'eau, changeroit à chaque instant de lieu dans ce cas, ce qui est également faux. Donc la nature du Heu n'est pas celle de la surface, ni réciproquement; la nature du lieu consiste en ce qu'il est immobile par rapport à l'univers; c'est pourquoi, en sup- posant que le monde fût vide , qu'il n'y eût que le ciel pour contenir le vide et qu'une pierre fût au centre, quand bien même elle ne seroit pas enveloppée par la surface d'un corps contenant, elle seroit malgré cela dans un lieu, parce qu'elle seroit dans une place qui, par rapport à l'univers ou le ciel, seroit immobile. Ainsi s'explique le lieu.

CAPUT VL De loco qui est species quantitatis continues.

Sequitur de loco. Est autem locus super- ficies corporis continentis immobilis. Licet enim locus sit superficies , non tamen se- quitur quod locus sit in génère superficiel, sed estaliud genus quanti tatis propter aliam differentiam specificam superadditam , quae non convenit superficiel in quantum superficies est, nec sibi disconvenit, scilicet immobilis. Sciendum , quod cum non sit dare vacuum in natura, oportet omne cor- pus alio corpore circumdari. Dimittamus modo de ultima sphsera. Unde superficies corporis circumdantis illam, quse contigua est corpori circumdato , dicitur esse locus. Nec propter hoc talis superficies dicitur locus, quia circumdat, alioquin navis, quœ

vadit cum flumine , cum semper sit cir- cumdata superficie ejusdem aquœ, eo quod ipsa semper descendit sicut aqua descendit, diceretur esse in eodem loco, quod tamen falsum est. Similitef etiam navis ligata ad ripam fluminis, cum propter fluxum aquae semper mutet superficiem, tune semper mutaret locum, quod etiam falsum est. Non ergo ratio loci est ratio superficiei, nec e converso , sed ratio loci consistit in hoc quod est immobilis, scilicet secundum situm universi : unde dato, quod mundus esset vacuus, et esset solum cœlum conti- nens vacuum, et unus lapis esset in centro quantumeumque non circumdaretur su- perficie corporis continentis, tamen adhuc esset in loco, quia esset in parte, quœ per respectum ad situm universi seu cœli esset immobilis, et sic patet de loco.

458

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 3, CHAPITRE 7.

CHAPITRE VIL Du temps, comment c'est une quantité successive.

Le temps est le nombre du mouvement du premier mobile suivant Ja priorité et la postériorité. Pour comprendre cette définition, il faut savoir qu'il y a deux sortes de nombres, l'un qui sert à la numéra- tion, comme deux, trois et ainsi de suite , et c'est la première es- pèce de la quantité discrète dont nous avons parlé. La seconde espèce est ce qu'on appelle nombre nombre , ce sont les choses auxquelles nous appliquons ce nombre dans la numération, comme deux chiens, trois lignes, et c'est dans ce sens que nous prenons ici le nombre. Il faut savoir aussi que dans tout mouvement il y a une quantité suc- cessive qui le produit formellement, sous le rapport de quantité suc- cessive, laquelle quantité successive n'est pas le mouvement, mais un de ces accidents. Or, le mouvement du premier mobile, savoir du dernier ciel, étant le plus régulier et le plus simple de tous les mou- vements, il s'ensuit que sa quantité successive est la plus régulière et la plus simple de toutes les autres quantités successives ; c'est pour- quoi, en l'appliquant à tous les autres mouvements, lesquels, comme on l'a dit, sont successifs, nous nous assurons de leur durée, c'est ce que nous avons appelé mesurer. Mais comme l'ame , dans cette suc- cession du mouvement du premier mobile, considère la priorité et la postériorité, cette succession ainsi nombrée ou mesurée par l'ame par le moyen de l'antériorité et de la postériorité, est ce qu'on appelle le temps. De même que nous appelous jour la succession d'une partie du mouvement du premier mobile, en tant que ses parties se meuvent d'Orient en Occident. C'est pourquoi cette antériorité dans la succes- sion suivant qu'une partie du premier mobile avoit son mouvement

CAPOT VII.

De lempore, quotnodo est quanlilas succès- si va.

Tempus autem est numerus motus primi mobilis secundum prius et posterius. Ad intelligendum autem praedictam diffinilio- nem , scieudum quod duplex est numerus scilicet quo numeramus , ut duo , tria et hujusmodi, et ista est prima species quan- titatis discretœ , de qua dictum est. Alius est numerus numeratus , scilicet istae res , quibus nos istum numerum applicamus in quantum numerantur, ut duo canes vel très lineœ, et isto modo sumitur hic nu- merus. Sciendum quod in omni motu est quantitas successiva, faciens ipsum forma- liter quantum quantitate successiva , quse quantitas successiva non est motus, sed ac-

cidens ejus. Motus autem primi mobilis, scilicet ultimi cœli, quia est regularissimus et simplicissimus omnium motuum , ideo quantitas ejus successiva est regularissima et simplicissima omnium aliarum quanti- tatum successivarum ; et ideo applicando illam ad omnes alios motus , qui', ut dic- tum est, successivi sunt , certificamur de duratione ipsorum , et hoc est mensurari, ut supra dictum est. Quia vero anima in illa successione motus primi mobilis con- sidérât prius et posterius, illa successio sic numerata vel mensurata ab anima per prius et posterius , dicitur esse tempus. Sicut diem vocamus successionem unius partis motus primi mobilis , prout scilicet partes ejus moventur ab Oriente in Occi- dente. Unde taie prius in successione, prout scilicet pars primi mobilis movcbatur in

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 159

vers l'Orient, et cette postériorité selon que cette partie étoit en mou- vement vers l'Occident , considérées par l'ame , produisent le temps ci-dessus, savoir le jour , et ainsi des autres. Et en appliquant ce temps, comme nous l'avons dit , à toutes les choses successives, nous constatons leur durée dans cette succession. On voit donc de quelle manière le temps est le nombre du mouvement suivant l'antériorité et la postériorité. Il faut observer, qu'ainsi que nous l'avons dit, comme le temps est subjectivement dans le mouvement du premier mobile, de même que la passion dans son sujet, nous disons de cer- taines choses qu'elles sont dans le temps suivant qu'elles sont dans ce mouvement. C'est pourquoi il faut considérer dans le mouvement le mobile et l'indivisible du mouvement , qui s'appelle changement , et qui est au mouvement comme le point est à la ligne ; et comme dans toute partie de la ligne il faut imaginer un point, de même dans chaque partie du mouvement il faut considérer une mutation ; car tout mouvement terminable se termine à la mutation , comme à un terme intérieur, comme la ligne au point. D'où il résulte que le temps répond à ce mouvement de deux manières, comme sa pas- sion , puisqu'il en est la succession, et comme sa mesure. Car le temps ne mesure pas seulement les autres mouvements , il mesure encore les parties du mouvement du premier mobile. Nous di- sons, en effet, qu'une révolution s'est opérée en un jour. Quant à la mutation d'être qui est l'indivisible dans le mouvement, ce qui lui répond c'est dans le temps le présent qui est l'indivisible du temps, ou le même en réalité, quoiqu'il pût y avoir une différence déraison, et dans tout temps il faut noter le présent, et si le temps avoit un terme, il se termineroit au présent. Voilà ce qui regarde le temps.

Oriente, et taie posterius prout scilicet pars movebalur in Occidente , considerata ab anima faciunt dictum tempus, puta diem, et sic de aliis; et hoc tempus, ut dictum est, applicando ad omnia successiva, de eis certificamur quantum ad ipsorum dura- tionem intali successione. Patet ergo qua- liter tempus est numerus motus secun- dum prius et posterius. Notandum quod quia ut dictum est, tempus est subjective in motu primi mobilis , sicut est passio in suo subjecto , secundum ea quee sunt in illo motu, dicimus aliqua esse in tempore, Unde in motu est considerare mobile et indivisibile ipsius motus, quod dicitur mu- tatum esse, quod se habet ad motum , si- cut punctus ad lineam , et sicut in qualibet parte lineœ est imaginari punctum, sic in qualibet parte motus est considerare mu-

tatum esse, omnis enim motus si termina- bilis est, terminatur ad mutatum esse , si- cut ad terminum intraneum, sicut linea ad punctum. Unde illi motui respondet tem- pus dupliciter , quia et sicut ejus passio , quia est successio ejus , ut dictum est , et sicut ejus mensura. Non enim tempus so— lum mensurat alios motus, sed etiam partes motus primi mobilis ; dicimus enim quod una circulatio facta est in una die. Ipsi vero mutato esse, quod est indivisibile in motu , respondet in tempore nunc , quod est indivisibile temporis vel est idem re, licet posset ratione differre, et in omni tempore est signare nunc , sicut in linea punctum, et si tempus terminaretur, utique ad nunc terminaretur. Patet ergo de tem- pore.

160

OPUSCULE XL VII , TRAITÉ 3 , CHAPITRE 8.

CHAPITRE VIII.

Que la quantité ne reçoit ni le plus, ni le moins, et n'a pas de contra- riété , mais une chose est dite égale ou inégale à une autre suivant l'être.

Toutes les quantités ont cela de commun qu'elles ne reçoivent pas le plus et le moins , pas plus que la contrariété. Nous avons dit com- ment il faut l'entendre en parlant du prédicament de la substance. Or il faut savoir qu' Aristote, dans son livre des Prédicaments, fait une objection relativement à la grandeur et à la petitesse qui semblent être dans la quantité, et qui paroissent être contraires. Il répond d'a- bord que la grandeur et la petitesse ne sont pas dans le genre de la quantité, bien qu'elles en soient des passions, mais dans le genre de la relation. Car une chose n'est pas appelée grande d'une manière abso- lue, autrement on ne diroit pas un grand arbre et une petite montagne, si ce n'est par rapport à un autre arbre ou à une grande montagne. Il répond en second lieu qu'en accordant que le grand et le petit sont dans le genre de la quantité, ils ne seroient pas néanmoins contraires. Car la même chose ne pourroit pas être contraire à soi- même , et cependant une seule et même quantité est dite grande par rapport à une plus petite, et petite par rapport à une plus grande. Or le propre de la quantité est qu'une chose soit dite égale ou inégale par rapport à elle. Pour comprendre cela, il faut savoir qu'une quantité peut se prendre de deux manières; d'abord pour la grandeur de la masse , en second lieu pour la grandeur de la per- fection. Dans le premier sens elle appartient à ce prédicament, car c'est la première et la plus connue acception de la quantité. Dans le second sens la quantité appartient aux transcendants, car elle se trouve

CAPUT VIII.

Quod quantitas non suscipit magis nec mi- nus, nec habet conlrarielalem, sed secun- dum esse aliquid dicitur œquale vel inœ- quale al ter i.

Commune est autem omni quantitati non suscipere magis et minus, nec susci- pere contrarietatem. Quod qualiter intelli- gatur, supra de prsedicamento substantiae dictum est. Sciendum autem quod a Phi- losopho, lib. Prœdicam., ponitur instantia de magno et parvo , quae videntur esse in quantitate et videntur esse contraria. Et respondet primo, quod maguum'et parvum non sunt in génère quantitatis , licet sint passiones ipsius quantitatis, sed sunt in génère relationis. Non enim magnum di- citur aliquid absolnte, alinquin non dice-

retur milium magnum et mons parvus, nisi per respectum ad aliud milium vel per res- pectum ad montem magnum. Secundo res- pondet quod dato quod magnum et parvum essent in génère quantitatis, non tamen essent contraria. Idem enim non potest esse contrarium sibiipsi , et tamen una et ea- dem quantitas dicitur magna per respec- tum ad minorem et parva per respectum ad majorem. Proprium autem quantitatis est secundum eam œquale vel inœquale dici. Ad quod intelligendum, sciendum est quod quantitas dupliciter potest sumi. Uno modo pro magnitudine molis , alio modo pro magnitudine perfectionis. Primo modo quantitas pertinet ad hoc praedicamentum, quia ista est prior et notior acceptio quan- titatis. Secundo modo , quantitas est de transcendentibus, quia in multis generibus

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 161

dans plusieurs genres , comme le parfait. Nous disons , en effet, cet homme est un grand médecin , c'est-à-dire un médecin parfait , et c'est une grande similitude; une chose est dite aussi égale ou iné- gale suivant la quantité prise dans les deux sens. Nous disons , en effet, que deux lignes sont égales et deux blancheurs aussi , et parce que la quantité dans le premier sens est plus connue et plus propre. Dans le second sens elle est dite transumptivement, et c'est pourquoi l'égalité ou l'inégalité se disent proprement de la quantité dans le premier sens. Il faut observer que l'unité se convertit avec l'être, et ainsi tout ce qui est être est un. Or la substance, la quantité, la qua- lité étant des êtres, il faut que chacun d'eux soit un ; et comme dans la substance, la quantité et la qualité, il peut y avoir plusieurs êtres, il peut donc y avoir en elles plusieurs choses, dont chacune est une, et qui présentent la multiplicité. Donc dans chacun de ces prédica- ments il y a unité et multiplicité. Dans la substance c'est sur l'unité qu'est fondée la relation qui s'appelle identité, dans la quantité c'est la relation qui est appelée similitude , mais néanmoins d'une façon différente. Car l'unité se prend en trois sens différents, l'unité numé- rique, comme Socrate, Platon, chacun est effectivement numérique- ment un. L'unité d'espèce , comme Socrate et Platon sont un dans l'homme. L'unité de genre , comme l'homme et le cheval sont un dans l'animal. Or, l'identité qui est fondée sur l'unité dans la sub- stance, n'est pas fondée sur l'unité dans le genre, ni dans l'espèce, mais bien dans le nombre, comme s'il y avoit deux substances. Ce qui est un numériquement est identique à soi-même , dans le sens nous prenons ici l'identité, quoiqu'on puisse le dire identique dans la substance et dans le genre; ce n'est pas néanmoins dans ce sens que nous venons de prendre l'identité. C'est pourquoi une semblable

invenitur, sicut et perfectum. Dicimus enim iste est magnus medicus, id est per- fectus, et ista est magna similitude-, et se- cundum quantitatem utroque modo sump- tam dicitur aequale et inaequale. Dicimus enim duas lineas esse sequales et duas al- bedines similiter, et quia quantitas primo modo est notior et magis propria. Secundo autem modo dicitur transumptive ab illa, ideo aequale vel inaequale dicitur proprie secundum quantitatem primo modo sump- tam. Notandum quod unum convertitur cum ente, et sic quidquid est ens, est unum ; cum autem substantia, quantitas, qualitas sint entia, oportet quodlibet eo- rum esse unurn , et cum in substantia, quantitate et qualitate possunt esse plura entia, ergo in eis possunt esse plura, quo- rum quodiibet est unum, quae sunt multa,

V.

in quolibet ergo istorumpraedicamentorum est unum, et multa. In uno autem in sub- stantia fundatur relatio, quae dicitur iden- titas. In uno vero in quantitate fundatur relatio, quae dicitur similitudo, diversimode tamen. Nam unum dicitur tripliciter , sci- licet unum numéro , ut Sortes vel Plato. Quilibet enim per se est unus numéro. Aliud est unum specie, ut Sortes et Plato sunt unum in homine. Aliud est unum gé- nère , ut homo et equus sunt unum in animali. Identitas autem quœ fundatur in uno in substantia, non fundatur in uno in génère, nec in uno in specie , sed in uno in numéro, ac si essent duae substantiœ. Unum vero numéro est idem sibiipsi, prout nunc sumitur idem , licet etiam in sub- stantia possit dici idem specie et idem gé- nère, tamen non sic modo sumitur iden-

11

162 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 3, CHAPITRE 8.

identité n'est pas une relation réelle , mais Bien une relation de rai- son , comme on le dira plus loin. L'égalité et la similitude ne se fondent pas sur l'unité suivant le nombre, parce que rien n'est égal ou semblable à soi-même , mais elles se fondent sur l'unité suivant l'espèce, parce que nous disons que deux lignes sont égales , et deux blancheurs semblables. Il faut observer que l'égalité et la similitude se prennent communément pour les deux fondements de l'égalité comme pour ses deux termes. En effet , l'égalité se rapporte à deux choses, à l'une fondamentalement , à l'autre comme terme , et vice versa; pour la similitude, elle est multiple dans les termes. Car il suffît à la similitude de la participation de la qualité suivant la même espèce. En effet, les choses qui sont blanches sont semblables, et celles qui participent à diverses qualités quant à l'espèce sont dissem- blables, comme le blanc et le noir; il n'en est pas de même de l'éga- lité. Il ne suffit pas, en effet, pour l'égalité, qu'il y ait deux quantités de même espèce, autrement toutes les lignes, qui sont de même es- pèce, seroient égales, ce qui est néanmoins faux; il faut, au contraire, qu'il y ait deux quantités de même espèce avec l'exclusion d'une plus grande ou d'une plus petite, de telle sorte que l'une ne soit en aucune manière ni plus grande ni plus petite que l'autre. Mais l'inégalité ne se prend pas suivant les diverses espèces de quantités , comme on l'a dit de la similitude en quantité , mais bien dans les choses qui sont de la même espèce sans l'exclusion d'une plus grande ou d'une plus petite. On voit de cette manière ce que c'est que l'identité , l'égalité et la similitude. Il faut savoir que. bien que la substance soit le fonde- ment de l'identité, comme il a été dit, elle peut néanmoins se dire des autres prédrcaments et se fonder sur eux. Nous disons, en effet, que cette blancheur est identique à elle-même, cette ligne identique à elle-

titas. Unde talis ictentitas non est relatio realis, sed rationis, utinfradicetur. iEquale vero et simile, non fundatur in uno secun- dum numerum, quia nihil est sequale vel simile sibiipsi, sed fundatur in uno secun- dum speciem; nain duas lineas dicimus œquales, et duas albedines similes. Notan- dum quod œquale et simile sumuntur communiter , scilicet pro utroque funda- mento aequalitatis et utroque ejus termino. JEqualitas enim est duorum, unius funda- mentaliter et alterius ut termini, et e con- verso ; similitudo autem est multa termi- nis. Nam ad similitudinem sufficit parti- cipatio qualitatis secundum eamdem spe- ciem. Quœ enim sunt alba , sunt similia , et quee participant diversas qualitates quantum ad speciem, sunt dissimilia, ut album et nigrum, non est autem sic de

aequalitate. Non enim sufficit ad aequali- tatem, quod sint duee quantitates ejusdem speciei, alioquin omnes lineae, quœ sunt ejusdem speciei, essent œquales , quod ta- men falsum est ; sed reqniritur quod sint duse quantitates ejusdem speciei cum pri- vatione majoris et minoris, ut scilicet una omnino non sit major nec minor altéra. Insequale vero non sumitur secundum di- versas species quantitatis, ut dictum est de simili in quantitate , sed in eis , quai sunt ejusdem speciei sine privatione ma- joris et minoris, et sic patet quid sit idem, quid «quale, quid simile. Sciendum quod licet fundamentum ideatitatis sit substan- tia , ut dictum est , tamen potest dici de aliis prœdicamentis , et in eis fundari. Di- cimus enim quod naec albedo est eadem sibiipsi et hsec linea est eadem sibiipsi, et

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 163

même, c'est pourquoi ce n'est pas le propre de la substance que l'i- dentité et la diversité se disent d'elle, puisque ces qualités conviennent aux autres prédicaments , quoiqu'ils conviennent principalement à la substance. La première propriété de la quantité est donc que l'égalité ou l'inégalité se disent d'elle , car on n'appelle égal ou inégal que ce qui est suivant elle; le propre, au contraire , de la qualité est que la similitude ou la dissemblance se disent suivant elle. Tel est le prédi- cament de la quantité.

TRAITÉ IV.

Du PRÉDICAMENT DE LA QUALITÉ.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que 'la qualité en général.

Nous allons parler maintenant du prédicament delà qualité. On dé- finit ainsi la qualité : la qualité est ce qui sert à qualifier. Il faut sa- voir que les prédicaments ne peuvent pas être définis. En effet, comme on met dans la définition le genre et la différence de la chose définie, et que les genres les plus généraux, tels que la substance, la quantité, la qualité , n'ont pas de genre au-dessus d'eux, comme on l'a dit, il s'ensuit qu'ils ne peuvent pas être définis. Ils peuvent néanmoins être décrits et expliqués par le moyen de certaines choses qui nous sont plus connues. Il faut observer, ainsi qu'on peut le déduire de ce qui a été dit, que notre intelligence abstrait non-seulement l'universel du particulier, mais encore la forme du sujet de cette forme. Car il con- çoit l'humanité sans concevoir précisément l'être revêtu de l'huma-

ideo non est proprium substantise secun- dum eam dici idem vel diversum, cum conveniant aliis prœdicamentis , licet con- venant substantiœ principaliter. Primum autem quantitatis est secundum eam dici

aequale vel inœquale, quia nihil dicitur œquale vel inœquale, nisi secundum quan- titatem. Proprium vero qualitatis est se- cundum eam dici simile vel dissimile , et sic patet de prœdicamento quantitatis.

TIUCTATliS IV.

De pr^edicamento qualitatis.

CAPUT PRIMUM. Quid sit qualitas in génère. Nunc dicendum est de prœdicamento qualitatis. Describitur autem qualitas sic. Qualitas est secundum quam quales dici- mur. Sciendum, quod prœdicamenta difii- niri non possunt. Cum enim in diffinitione ponatur genus et differentia diffiniti ; gê- nera autem generalissima, cujusmodi sunt

substantia, quantitas , qualitas et hujus- modi non habeant genus supra se, ut su- pra dictum est. Ergo difïiniri non possunt. Possunt autem per aliqua nobis magis nota describi seu notificari. Notandum quod , ut ex supradictis colligi potest , intellectus noster non solum abstrahit universale a particularibus , sed etiam formam ab ha- bente talem formam. Intelligit enim huma- nitatem précise non intelligendo cum ea

164 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 4, CHAPITRE 2.

nité, c'est-à-dire l'homme, en qui se trouve non-seulement l'humanité, mais encore plusieurs autres êtres, tels que la blancheur et autres. II conçoit de la même manière la blancheur en l'abstrayant de son sujet que nous appelons blanc. C'est pourquoi, bien que la blancheur ne se rencontre pas sans sujet , l'intellect la conçoit néanmoins en l'abs- travant du sujet, qui reste en dehors de la conception, et c'est pour cela qu'elle appartient plutôt à l'intellect agissant dans l'abstrait que dans le concret, et comme nos connoissances nous viennent des sens, les choses les moins sensibles nous sont aussi les moins connues. Or, les choses abstraites, comme on l'a dit, sont moins sensibles, c'est donc avec convenance que nous arrivons à en acquérir la connoissance par les choses concrètes comme étant connues antérieurement. On a donc bien donné la notion de la qualité qui est abstraite par l'être qualifié, en disant : la qualité est ce quii sert à qualifier. Il faut savoir qu'il existe une différence entre la qualité et les autres accidents, car le concret s'y dit de l'abstrait. En effet, nous disons : cette ligne est grande, ce qui n'arrive pas dans les autres prédicaments des acci- dents ; car on ne peut pas dire cette blancheur a telle qualité, c'est pour cela que la quantité dans l'abstrait n'est pas définie , mais dé- crite par le concret. Car si une chose se dit de l'autre et réciproque- ment, il y aura une chose mal connue comme le reste. Telle est la description de la qualité.

CHAPITRE II.

De la première espèce de qualité, qui est l'habitude et la disposition.

Il y a quatre espèces de qualités qui sont les genres subalternes. La première est l'habitude ou la disposition. Sur quoi il faut savoir que la disposition est le genre par rapport à l'habitude. Car toute

habentemhumanitatem, scilicet hominem, in quo non solum est humanitas, sed etiam multa alia entia , scilicet albedo et hujus- raodi. Eodem modo intelligit albedinem abstrahendo ab babente ipsam , quod vo- camus album. Unde licet albedo non in- "veniatur sine subjecto , tamen intellectus eam intelligit abstrahendo a subjecto , eo ■videlicet non intellecto, et secundum hoc magis pertinet ad intellectum accidens in abstracto , quam in concreto. Et quia co- gnitio nostra ortum habet a sensu , minus sensibilia sunt nobis minus nota ; abstracta autem , ut dictuin est , sunt minus sensi- bilia. Ergo convenienter notiticantur per concreta, sicut per prius nota. Bene ergo data fuit notificatio qualitatis, qune est abs- tracta per quale quod est concretum , di- ceudo : Qualitas est secundum quam qua-

les dicimur. Sciendum est quod est diffe- rentia inter quantitatem et alia acciden- tia ; nam in ea prœdicatur concretum de abstracto. Dicimus enim : Hœc linea est quanta , quod non contingit in aliis prae- dicamentis accidentium. Non enim potest dici, quod hœc albedo est qualis , et inde est , quod quantitas in abstracto non diffi- nitur seu describitur per concretum. Si enim unum de alio preedicatur conversim, ita erit maie notum unum, sicut reliquum, et sic patet de descriptione qualitatis.

CAPUT II.

De prima specie qualitatis, quœ est habitut et disposilio.

Sunt autem quatuor species qualitatis, quse sunt gênera subalterna. Prima est ha- bitus seu dispositio. Ubi sciendum est quod

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 165

habitude est disposition , mais toute disposition n'est pas habitude, parce que la qualité facilement mobile est disposition , et non pour- tant habitude. C'est pourquoi si l'on prend la disposition pour la qua- lité qui est facilement mobile , elle est alors une espèce de qualité condivise avec l'habitude. Si, au contraire, la disposition est prise en tant qu'elle se dit soit de la qualité facilement mobile ou de celle qui est difficilement mobile , alors elle est genre relativement à l'habi- tude et à la disposition qui se divise avec l'habitude. Or, l'habitude se définit ainsi , V Métaph. : « L'habitude est une disposition par la- quelle on est disposé bien ou mal, soit par rapport à soi, soit par rapport à autre chose. » Pour comprendre cette définition , il faut sa- voir que la disposition est Tordre d'une chose qui a des parties non-seulement quantitatives, mais encore essentielles ou potentielles. C'est pourquoi l'ordre de ces parties entre elles, ou relativement à autre chose, s'appelle disposition. Plusieurs choses sont requises pour l'habitude, soit que ce soit des parties, des puissances ou des actes qui sont respectivement commensurables de diverses manières , de sorte qu'on puisse trouver en elles un certain moyen de commensuration mitoyen, et un tel moyen s'appelle habitude. Par exemple, la santé est la mesure des humeurs respectivement et diversement commen- surables , lesquelles néanmoins sont ramenées à la santé comme à un moyen déterminé de commensuration, et c'est pour cela que la santé est une habitude. Car comme les qualités élémentatives se mesurent dans les éléments suivant un seul mode et non suivant plusieurs, il n'y a pas pour cette raison en eux habitude. C'est donc avec raison que l'on dit que l'habitude est une disposition ou un ordre des parties diversement commensurables bien ou mal , c'est-à-dire suivant un mode mitoyen déterminé. Mais, comme on dit par rapport à soi ou à

dispositif) est genus ad habitum. Omnis enim habitus est dispositio , non tamen omnis dispositio est habitus; nam qualitas facile mobilis est dispositio, non tamen est habitus. Unde si sumatur dispositio pro qualitate, quae est facile mobilis , tune est una species qualitatis condivisa habitui. Si vero sumatur dispositio, prout dicitiir tam de qualitate facile mobili, quam de difficile mobili, tune est genus ad habitum et dispositionem , quae habitui condividi- tur. Diffinitur autem habitus, V. Metaph., sic : « Habitus est dispositio qua aliquis disponitur bene vel maie , sive secundum se, sive ad aliud. » Ad quam difhnitionem intelligendam sciendum est, quod disposi- tio est ordo rei habentis partes non solum partes quantitativas , sed etiam essentiales vel potentiales. Unde ordo istarum partium inter se vel ad aliquid aliud, dicitur dispo-

tio. Ad rationem quidem habitus requi- ritur plura sive sint partes , sive potentiae , vel actus , quae sunt ad invicem commen- surabilia diversis modis, ita quod in eis possit inveniri aliquis modus médius com- mensurationis et talis modus dicitur ha- bitus. Verbi gratia : Sanitas est débita commensuratio humorum diversimode ad- invicem commensurabilium , quae tamen reducuntur ad sanitatem , sicut ad deter- minatum modum commensurationis , et ideo sanitas est habitus. Nam quia quali- tates elementales in ipsis elementatis se- cundum unum modum mensurantur, et non diversimode, ideo in eis non est ha- bitus. Bene ergo dicitur, quod habitus est dispositio seu ordo partium diversimode commensurabilium bene vel maie, id est, secundum modum médium determinatum. Sed quia dicitur sive secundum se , sive

166 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 4, CHAPITRE 3.

quelque autre chose , il faut savoir qu'il y a une double habitude ; l'une , qui est la disposition de la chose suivant le mode et la nature de la chose intrinsèquement, suivant que les parties naturelles se me- surent respectivement suivant un mode mitoyen, comme on l'a dit de la santé, qui est la mesure légitime dans quatre humeurs. De même la beauté qui est la légitime commensuration des membres, et c'est ce qui est appelé dans la définition, habitude par rapporta soi. Le se- cond mode d'habitude est la disposition de la chose relativement à la fin ; et comme la fin des puissances se trouve être les opérations, le mode mitoyen se détermine suivant qu'elles sont bien ou mal ordon- nées à l'égard de leurs opérations, comme sont les vertus et les vices; et c'est pour cela que dans la définition de l'habitude on dit , soit par rapport à autre chose , c'est-à-dire , la fin , et ces habitudes sont diffi- cilement mobiles. En effet, une habitude vertueuse qui se contracte par la répétition des actes, n'est pas pour cette raison facilement mo- bile, tandis que celui qui n'auroit contracté que par un petit nombre d'actes un commencement de disposition ou d'habitude pour la vertu, seroit dit avoir une disposition facilement mobile en parlant de la dis- position non en tant qu'elle est genre par rapport à l'habitude , mais suivant qu'elle est une espèce condivise à elle-même; c'est la pre- mière espèce de la qualité, etc.

CHAPITRE III.

De la seconde espèce de la qualité qui est la puissance ou l'impuissance

naturelle.

La seconde espèce de la qualité est la puissance ou l'impuissance naturelle de faire ou de souffrir facilement quelque chose. Pour con- cevoir cette espèce de la qualité , il faut savoir que la puissance peut se prendre de deux manières. La première comme étant des transcen-

ad aliquid aliud , sciendum quod duplex habitus invenitur. Unus dispositio rei se- «undum modum et naturam rei intra, prout partes naturales ad invicem secun- dum unum modum médium commensu- rantur, ut dictum est de sanitate, quae est débita commensura in quatuor humorum. Similiter pulchritudo, quœ est débita com- mensuratio membrorum , et hoc quod di- citur in diflinitione habitus , scilicet se- cundum se. Alius modus habitus est, qui est dispositio rei in ordine ad finem ; et quia finis potentiarum sunt operationes , médius modus determinatur secundum quod ad suas operationes bene vel maie ordinantur, sicut sunt virtutes et vitia, et propter hoc in diflinitione habitus dicitur sive ad aliud , scilicet ad finem , et taies

habitus sunt difficile mobiles. Quia enim habitus virtuosus ex multis actibus iteratis generatur , ideo non est ita de facili mo- bilis; qui vero ex paucis actibus inciperet vel disponi vel habituari ad virtutem, ille diceretur habere dispositionem quae facile» mobilis est loquendo de dispositione , non prout est genus ad habitum , sed ut est species sibi condivisa , et sic patet de pri- ma specie qualitatis, etc.

CAPUT III.

De secunda specie qualitatis, quœ est nalu- ralis polenlia vel impolentia.

Secunda species qualitatis est naturalis potentia vel impotentia aliquid facile fa- ciendi vel patiendi. Ad intelligendum au- tem hanc speciem qualitatis , sciendum

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 167

dants. En effet, la puissance et l'acte se partagent tout l'être , comme on le voit, V de la Métaph., et dans le genre il y a acte il y a aussi puissance. Car si la ligne en acte est dans le genre de la quantité, elle est aussi en puissance dans ce même genre. Ce n'est pas de cette puis- sance que nous voulons parler pour le moment. La puissance se prend dans un autre sens suivant qu'elle est le principe de transmutation d'une chose comme telle , ou le principe de transmutation d'un état en un autre. Il faut remarquer que de même qu'un agent artificiel a besoin d'un instrument pour agir , et ne peut à raison des bornes de sa force avoir en même temps ce qui en lui et dans l'instrument est nécessaire pour agir, ainsi nulle substance créée ne peut être par soi un principe suffisant d'action et d'être; c'est pourquoi il faut en elle un autre principe qui ait immédiatement trait à l'opération, et c'est ce principe que nous appelons puissance. S'il est actif comme sont les puissances nutritives dans l'être animé, il est appelé puissance ac- tive, laquelle est le principe de transmutation d'une chose en tant que telle. Et je dis en tant que telle , car rien ne peut être en même temps actif et passif à l'égard d'une même chose. Si, au con- traire , ce principe est passif , comme sont les puissances sensi- tives dans l'animal, il est alors le principe de transmutation d'une chose en tant qu'elle est autre chose; à cette espèce de la qualité appartiennent le dur, le mou, l'athlète , le coureur et autres choses semblables. De sorte que l'athlète n'est pas pris de l'art du pu- gilat, parce que alors il seroit dans la première espèce de la qualité, mais bien pour la puissance naturelle ; telle est la seconde espèce de la qualité.

quod potentia potest sumi dupliciter. Uno modo, ut est de transcendentibus. Potentia erùm et actus dividunt omne ens, ut patet V. Metaph., et in eo génère in quo est ac- tus , est etiam potentia ; nam si linea in actu est in génère quantitatis, et sic linea in potentia est in eodem génère ; de tali autem potentia non loquimur modo. Alio modo sumitur potentia , prout est princi- pium transmutandi aliud in quantum aliud, vel quod est principiu m transmu- tandi ab alio , in quantum cliud. Notan- dum, quod sicut agens artificiale requirit instrumentum per quod agat , et propter lirnitationem suae virtutis non potest ha- bere simul illud quod est in ipso , et in instrumento necessarium ad agendum, ita et nulla substantia creata potest esse per se suiïiciens principium ad agendum et es- sendum : unde requiritur aliud principium in ea, quod immédiate se habeat ad ope-

rationem , et hoc principium dicimus po- tentiam ; quod quidem si activum est, si- cut sunt potentia? nutritivse in animato , dicitur potentia activa, quee est princi- pium transmutandi aliud, in quantum est aliud ; et dico, in quantum aliud, quia ni- hil simul potest esse activum et passivum respectu ejusdem. Unde si potentia activa est principium transmutandi , non erit principium transmutandi se, sed aliud in quantum aliud. Si vero taie principium sit passivum, ut sunt potentiae sensitivse in animali, tune est principium transmutandi ab alio in quantum est aliud , et ad hanc speciem qualitatis pertinet durum et molle, pugillator et cursor, et hujusmodi. Ita quod non sumitur pugillator ab arte pu- gillandi, quia sic esset in prima specie qua- litatis, sed pro potentia naturali , et sic patet de secunda specie qualitatis.

168

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 4, CHAPITRE 4.

CHAPITRE IV.

De la troisième espèce de la qualité, qui est la passion ou la qualité

passible.

La troisième espèce Je la qualité s'appelle passion , ou qualité pas- sible. Il faut observer que la passion , étant dans le mouvement, est un des dix prédicaments, et de cette manière elle n'est pas prise pour une passion, mais elle est appelée passion ou qualité passible, parce qu'elle est occasionnée par quelque passion prise dans le premier sens, ou parce qu'elle en produit quelqu'une. Par exemple, lacbaleur et le froid sont appelés des qualités passibles, parce qu'ils produisent dans le sens du tact une certaine passion. Mais la blancheur et la noirceur sont appelées qualités passibles, parce qu'elles sont produites par quelques passions accidentelles. En effet, les Ethiopiens sont noirs à cause de l'intensité de la chaleur qui agit sur leurs corps, et les Ger- mains sont blancs à raison du froid, quoiqu'on puisse appeler qualités passibles la blancheur et la noirceur, parce qu'elles produisent une passion dans le sens de la vue, car voir c'est supporter quelque chose. Sur quoi il faut observer que , bien que certains êtres ne soient pas constitués quant à l'espèce par quelque chose d'extrinsèque , ce n'est pas de leur essence et ils sont distingués par eux-mêmes, comme on le voit dans les choses simples. La blancheur, en effet, se distingue réellement par elle-même de la noirceur ou de toute autre partie in- trinsèque à elle-même , comme l'homme se distingue du cheval et réciproquement parleurs formes ; car rien d'extrinsèque, qui soit un caractère de l'essence de la chose, ne constitue ou ne distingue spéci- fiquement une chose d'une autre. Rien néanmoins n'empêche que quel- quefois certaines choses soient distinguées par des causes extrinsè-

GAPUT IV.

De tertia specie qualitatis quœ est passio vel passibilis qualitas.

Tertia vero species qualitatis dicitur passio vel passibilis qualitas. Notandum, quod passio, ut est in motu , est unum de decem prœdicamentis, et sic non sumitur hic passio, sed dicitur passio, vel passibilis qualitas, quia infertur per aliquam passio- nem primo modo sumptam , vel quia in- fert aliquam passionem. Verbi gratia : Calor et frigus dicuntur passibiles qualita- tes, eo quod inferunt sensui tactus ali- quam passionem; sed albedo et nigredo dicuntur passibiles qualitates , quia gene- rantur ex aliquibus passionibus illatis. Propter enim magnum sestum agentem in

corpora Jïthiopum , ^Ethiopes sunt nigri, Germani sunt albi propter frigus , licet etiam albedo et nigredo possint dici pas- sibiles qualitates, eo quod inferunt passio- nem sensui visus : videre enim est quod- dam pati. Ubi nota , quod bcet quaedam entia absoluta non hàbeant speciem ab ali- quo extrinseco , quod non est de essentia eorum, et quod distinguantur se ipsis , ut patet in simplicibus. ( Albedo enim se ipsa distinguitur realiter a nigredine, vel ab aliqua parte intrinseca sui, sicut homo dis- tinguitur ab equo, et e contrario per for- mas eorum. Nihil enim extrinsecum quod nota est de essentia rei, constituit vel dis- tinguit aliud ab alio spécifiée) tamen nihil prohibet, quin aliquando aliqua distin- guantur causis extrinsecis, scilicet finali et

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. # 169

ques, savoir par la cause finale ou efficiente. Comme nous disons que les puissances sont distinguées par les actes comme par des fins, et les actes par les objets, comme par les causes efficientes , et quoique de cette manière les choses extrinsèques qui opèrent la distinction ne soient pas de l'essence des choses distinguées, néanmoins leur raison spécifique se connoît par ces distinctions. En effet, la puissance est définie par les actes , parce qu'elle est un principe de transmutation, ainsi qu'il a été dit, comme par la manifestation de sa raison spécifi- que, et les actes sont définis par les objets, ainsi que nous le disons, parce que voir c'est avoir la vue mue par la couleur. Il en est ainsi dans l'exemple proposé. Quoique , en effet, la passion et la qualité passible, comme formes simples , soient par elles-mêmes dans l'être spécifique, certaines néanmoins sont définies par les actes comme par des fins, parce qu'elles doivent produire la passion dans le sens, quel-* quefois, il est vrai, par les causes efficientes, parce qu'elles doivent être produites par les passions. Or la passion et la qualité passible dif- fèrent en ce que la passion passe vite ; comme la rougeur produite par la pudeur, et la pâleur qui provient de la crainte sont appelées pas- sions, parce qu'elles passent vite ; on n'appelle pas rouge ou pâle dans la langue grecque a raison de cette rougeur ou de cette pâleur, quoi- que peut-être il n'en soit pas ainsi dans la nôtre, mais dans le moment présent on appelle rouge celui qui est sous l'impression de la honte, et pâle celui qui éprouve de la crainte ; et comme la colère , l'amour, la haine et autres sentiments semblables, qu'Aristote appelle des pas- sions, se produisent avec quelque passion et une certaine transmuta- tion du corps et durent peu , elles sont classées dans cette catégorie de passions. On appelle , au contraire , qualité passible celle qui ne passe pas rapidement, comme il a été dit du froid et de la chaleur. Mais si la colère, l'amour, la haine et tout ce qu'Aristote appelle pas-

efliciente. Sicut dicimus quod potentiae distinguuntur per actus tanquam per fines et actus distinguuntur per objecta tanquam per causas efficientes, et licet hoc modo ex- trinseca distinguentia non sint de essentia distinctorum, tamen per taies distmetiones cognoscitur ratio specifica eorum ; per ac- tus enim diffinitur potentia, quia est prin- cipium transmutandi, ut dictum est, sicut per manifestationem suse rationis specificae, et per objecta diffiniuntur actus, sicut di- cimus, quod videre est visum moveri a co- lore ; sic est in proposito. Licet enim passio et passibilis qualitas, ut formae sim- plices, se ipsis sint in esse specifico , tamen quaedam diffiniuntur per actus sicut per fines, quia scilicet habent causare passio- nem in sensu, quandoque vero per causas

efficientes, quia scilicet habent causari ex passionibus. Differunt autem passio et pas- sibilis qualitas , quia passio cito transit, sicut rubedo, quae fit ex verecundia, et palliditas, quae fit ex timoré, dicuntur pas- siones, quia cito transe unt, nec per talem rubedinem vel palliditatem in lingua graeca denominantur rubei vel pallidi, licet forte non sic in lingua nostra, sed pro nunc de- nominatur verecundans rubeus et timens pallidus, et quia ita amor, et odiura, et hujusmodi, quae omnia Philosophus, II. Ethic, passiones vocat , fiunt cum aliqua passione et transmutatione corporis et pa- rum durant , sub istis passionibus compu- tantur. Passibilis vero qualitas dicitur, quae non cito transit , sicut dictum est de fri- gore et calore. Si vero ira, amor, odium

170 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 4, CHAPITRE 5.

sions relativement à l'ame , duraient longtemps , on les nommerait qualités passibles.

CHAPITRE Y.

De la quatrième espèce de la qualité , qui est la forme , ou la figure constante dans une chose.

La quatrième espèce de la qualité est la forme ou figure constante d'une chose. Il faut savoir que la forme peut se prendre de deux ma- nières. La première comme un acte, et ainsi elle appartient aux transcendants, parce qu'elle se trouve dans plusieurs prédicaments. La forme est encore des transcendants, parce qu'elle se trouve dans le prédicament de la substance, de la quantité et de la qualité et autres, et ce n'est pas dans ce sens qu'elle se prend ici. Pour comprendre ce qui provient ici de la forme, occupons-nous d'abord de la figure qui nous est plus connue. Sur ce il faut savoir , qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le propre de tout le prédicament de la quantité est l'affir- mation de l'égalité ou de l'inégalité à son égard. D'où elle-même * d'abord , et secondairement toute chose est affectée de grandeur. La raison de cela c'est que l'on appelle le propre d'une chose ce qui est produit immédiatement par les principes de son essence; mais comme, en supposant deux quantités de même espèce , il s'ensuit immédiate- ment qu'elles sont éaales ou inégales, cette conséquence se manifeste comme l'effet immédiat des principes essentiels. Donc l'égalité ou l'inégalité de la quantité, à quelque degré qu'elles se produisent dans le genre de la relation, sont néanmoins le propre de la quantité. Il en est donc ainsi de la figure par rapport à la quantité continue ayant une position, telles que la ligne, la surface, le corps et le lieu. Car il est de la ligne d'être droite, courbe; de la surface d'être triangulaire, quadrangulaire , ainsi de suite; du corps d'être pyramidal, cubique

et hœc quee hic Philosophus passiones se- cundum animam vocat, diu durarent, pas- sibiles qualitates dicerentur.

CAPUT V.

De quarla specie qualitatis , quœ est forma, vel circa aliquid constans figura.

Quarta vero species qualitatis est forma vel circa aliquid constans figura. Sciendum quod forma potest sumi dupliciter. Uno modo, ut est actus quidam , et sic est de transcendentibus , quia in pluribus praedi- camentis invenitur ; ideo etiam forma est de transcendentibus , quia invenitur in prœdicamento substantiae , quantitatis et qualitatis, et hujusmodi, et isto modo non sumitur forma hic. Ad videndum quid im- portatur hic per formam, primo videamus de figura, qua: est nobis magis nota. Unde sciendum, quod ut supra diclum est, pro-

prium totius prajdicamenti quantitatis est secundum eam œquale vel inéequale dici : unde ipsa primo vel secundario omnis res quanta est. Ratio est , quia illud dicitur esse proprium alicujas, quod immédiate causa Sur a principiis suse essentise ; sed quia positis duabus quantitabus ejusdem speciei, statim sequitur, quod sunt œquales vel inœquales, hoc statim sequitur tan- quam immédiate causatum ex principiis essentialibus ; quantitatis ergo œquale et inaequale quantumcumque sint in génère relationis, tamen sunt proprium quanti- tatis. Sic ergo se habet figura respectu quantitatis continuée habentis positionem , cujusmodi sunt linea , superficies , et cor- pus, et locus. Nam ad lineam sequitur rectum vel curvum. Ad superficiem se- quitur triangulare et quadrangulare, et hu- jusmodi. Ad corpus sequitur pyramidale,

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. , 171

et ainsi de suite; pour le lieu pris matériellement, sa figure change suivant ce qu'il contient. Or, toutes ces choses sont des figures qui appartiennent à la quatrième espèce de la qualité. Car la figure n'est pas une quantité, mais une qualité produite immédiatement par les espèces ci-dessus de la quantité. C'est pour cela que la figure nous fait mieux connoître la substance tant individuelle que spécifique, que tout autre accident. Or, la quantité , quoique le fondement des autres accidents, suit néanmoins la matière, et comme la matière par elle-même n'est pas une cause de cognition, mais bien la seule forme, il s'ensuit que la quantité ne nous fait pas bien connoître la substance elle se trouve. Mais comme la figure est quelque chose de formel, et comme la forme a trait d'une manière absolue et immédiate à la quantité qui ne peut être complétée par elle-même , ainsi qu'il a été dit, ce qui n'a pas lieu pour les autres espèces de la quantité , il en résulte que la figure nous fait plus parfaitement connoître la sub- stance, comme on le voit clairement dans les figures sculptées des hommes et des animaux ; tel est ce qui concerne la figure ; pour ce qui est de la forme dans le sens elle est prise ici, elle diffère de la figure, quoiqu'elles appartiennent l'une et l'autre au même genre. Car, ainsi que nous l'avons dit, la figure suit la quantité continue ayant une position , tandis que la forme suit l'ame dans certains sa- cremens. En effet, il y a un caractère imprimé dans l'essence de l'ame par la réception de certains sacrements, lequel sert à distinguer ceux qui ont reçu et ceux qui n'ont pas reçu ce sacrement; ainsi la forme qui est dans la quatrième espèce de la qualité, ne pourroit pas être appelée figure, parce qu'il n'y a pas de quantité continue. Il en est néanmoins qui disent que toute figure peut être appelée forme, et que ces deux choses sont comme synonymes.

cubicum et hujusmodi. Ad locum materia- liter sumptum sequitur variatio figurae se- cundurn variationem contenti ; omnia au- tem praedicta figurae sunt , quae sunt in quarta specie qualitatis. Non enim figura est quantitas, sed qualitas immédiate cau- sata a preedictis speciebus quantitatis ; et inde est quod figura magis ducit nos in cognitionem substantiae tam individualis quam specificae, quam aliquod aliud acci- dens. Quantitas autem licet sit fundamen- tum aliorum accidentium, tamen sequitur materiam, et quia materia de se non est causa cognitionis , sed sola forma ; ideo quantitas non bene 'ducit nos in cognitio- nem substantiae in qua est. Sed quia figura est tanquam quid formale , et forma ab- solute se habet immédiate ad quantitatem, a qua non potest absolvi quantitas, ut dic- tum est, quod non est sic de aliis speciebus

quantitatis ; ideo figura perfectius ducit in cognitionem substantiae , ut clare patet de figuris animalium vel hominum sculptis, et sic patet de figura- forma autem, ut hic sumitur, differt a figura, licet ad idem genus reducantur. Figura enim, ut dictum est , sequitur quantitatem continuam ha- bentem positionem , forma vero sequitur animam habentem aliqua sacramenta. Character enim impressus est in essentia animae ex receptione aliquorum sacramen- torum, quod est signum distinctionum in- ter habentes illud sacramentum et non habentes; sic forma quae est in quarta specie qualitatis , non posset dici figura , quia ibi non est quantitas continua. Licet aliqui dicant, quod omnis figura etiam forma dici possit , et quod sint sicut syno- nyma.

172

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 4, CHAPITRE 6.

CHAPITRE VI.

De la qualité et de ses conditions d'après ses trois modes.

Quel vient de qualité. Pour comprendre ceci il faut savoir que dans tous les prédicaments il y a deux modes d'intellection et de significa- tion , l'un abstrait et l'autre concret. Car tout ce que nous concevons ou connoissons ut quo est, est habitude , ou, ut quod est , est l'être qui en est revêtu. En effet, l'humanité se comprend comme une chose par quoi est quelque chose, c'est par l'humanité que l'homme est homme. Il en est de même de la blancheur; en effet, c'est par la blancheur qu'une chose est blanche , et l'homme et la blancheur se conçoivent ut quod est, et comme ayant l'humanité et comme ayant la blancheur. Le quale s'explique ainsi : le quale est ce qui est dénommé suivant la qualité. Il faut savoir que logiquement blanc est dénommé par la blancheur, mais non vice versa, car les choses vraiment déno- minatives doivent avoir trois propriétés , la première c'est de s'ac- corder dans les termes avec la chose qui les dénomme , comme dans le principe, la seconde de différer dans la fin, la troisième de signifier la même chose , l'une cependant ut quo aliquid est , l'autre ut quod est, et comme possédant, ainsi qu'il y a lieu pour la blancheur. En effet, blancheur et blanc s'accordent dans le principe quant au terme, et diffèrent à la fin , et signifient la même chose , quoique de diffé- rentes manières. Il faut savoir que certaines choses qualia possèdent parfaitement ces trois propriétés , comme blanc , et d'autres qui dif- fèrent des choses qui les dénomment dans la signification , comme coureur, athlète, en tant qu'elles sont dans la seconde espèce de la qualité. En effet, le coureur et l'athlète sont dénommés par la course et le pugilat et non par la puissance, car une telle puissance n'a pas

CAPUT VI.

De qualitale et conditionibus ejusdem ex tribus modis ejus.

Quale autem sumitur a qualitate. Ad quod intelligendum scieudum est, quod omnium praedicamentorum duplex est modus intelligendi vel siguificandi , scilicet abstractus et concretus. Omne euim quod intelligimus vel cognoscimus , ut quo est, est habitum ; vel ut quod est , est habens. Humanitas enim intelligitur ut quo est ali- quid; humanitate enim homo est homo. Similiter se habet de albedine ; albedine enim aliquid est album , homo vero , et album intelligitur ut quod est , et ut ha- bens humanitatem et ut habens albediuem. De scribitur autem quale sic. Quale est, quod secundum qualîtatem denominatur.

Sciendum enim logicum album denomi- natur ab albedine et non e converso ; nam vere denominativa tria debent habere. Primo, quod conveniant in voce cum eo a quo denominantur , scilicet in principio. Secundo , quod différant in fine. Tertio , quod idem significent, unum tamen ut quo aliquid est et alterum ut quod est et ut habens, sicut se habet de albedine et albo. Conveniunt enim albedo et album in prin- cipio quantum ad vocem , et differunt in fine vociSj et significant idem , licet diver- sis modis. Sciendum , quod qusedam sunt qualia quse omnia ista tria perfecte habent, ut album ; quœdam vero sunt qualia quae differunt ab his, a quibus denominantur in significatione , sicut cursor et pugilator, prout sunt in secunda specie qualitatis. Cursor enim et pugilator denominantur

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 173

de nom, ou ils sont dénommés par la course et le combat qui ne sont pas dans la seconde espèce de la qualité, c'est pour cela qu'ils ne s'ac- cordent pas dans la signification avec les choses qui servent à les dé- nommer. Il est d'autres qualia qui sont appelés dénominatifs, lesquels ne s'accordent avec les choses qui les dénomment, ni dans le terme, ni dans le principe , ni dans la fin, ni dans la signification , comme quand on dit studieux à raison de la vertu. Ainsi ces deux derniers modes du qualis sont appelés diminutifs, parce qu'ils ne se disent pas dénominativement d'une manière parfaite ; voilà ce qui regarde la qualité.

CHAPITRE VII.

Des communautés et des propriétés de la qualité.

Il y a contrariété dans la qualité, mais non dans toute. Nous avons dit dans le prédicament de la substance comment il faut entendre ceci. Or, Aristote dit que l'on doute si la qualité prend le plus et le moins, mais il n'en est pas de même du qualis, car on doute si la justice est quelque chose de plus ou de moins , mais on n'a pas ce doute sur le juste, qui est appelé justior ou plus juste. Nous avons dit au même endroit comment il faut l'entendre. Le propre de la qua- lité consiste à être dit par rapport à elle semblable ou dissemblable, ce que nous avons expliqué dans le prédicament de la quantité, etc.

ab arte currendi et pugilandi , et non a po- tentia, quia non est nonien impositum tali potentiœ. Vel dicuntur denominative a cursu et pugna , quse non sunt in secunda specie qualitatis, et ideo non conveniunt in signiflcatione cum his a quibus deno- minantur. Aliqua vero qualia dicuntur de- nominativa, quœ cura his a quibus deno- minantur , nullo modo conveniunt nec in voce, nec in principio, nec in fine, nec in signiflcatione , ut a -virtute dicitur studio- sus. Et sic praedicti duo ultimi modi qua- lis, diminute dicuntur , quia non dicuntur perfecte denominative , et sic patet de quautate.

CAPUT VII.

De comunilalibus el proprielalibus qua- litatif.

Inest autem qualitati contrarietas , licet non omni, quod qualiter intelligatur, dic- tum est in prsedicamento substantiae. Dicit autem Philosophus, quod dubitatur, utrum qualitas suscipiat magis, et minus, non au- tem dubitatur de quali, nam dubitatur utrum justitia sit magis, vel minus, non autem utrum justus , quia dicitur justior, seu magis justus, quod qualiter intelligatur, ibidem dictum est. Proprium vero quali- tatisest secundum eam simile, veldissimile dici, quod in prœdicamento quantitatis de- claratum est, et sic patet, etc.

174 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRR 1.

TRAITÉ V.

DU PRÉDICAMENT AD ALIQUID.

CHAPITRE PREMIER. Ce qu'est ad aliquid, suivant V intention logique.

Après avoir traité des prédicaments absolus, il faut parler des pré- dicaments relatifs , et d'abord de la relation. Il faut observer que, comme la relation a peu de chose de l'entité, Aristote ne s'en occupe pas, mais seulement des relatifs qui, à raison de leur concrétion, sont susceptibles d'être mieux connus de nous, car il les appelle relatifs à quelque chose et les définit ainsi : Ad aliquid talia dicuntur, quœ- cumque hoc ipswn quod sunt , aliorum dicuntur, vel quomodoiïbet aliter ad aliud. Pour comprendre cette définition il faut savoir qu'il y a certaines choses relatives suivant l'attribution , d'autres suivant l'être; d'autres sont relatives réellement , d'autres suivant la raison. On appelle relative suivant l'attribution les choses qui disent de l'objet principal qu'elles signifient ce qui concerne un autre prédicament, et secondairement la relation ou le rapport. Comme la science dit l'ha- bitude de l'ame du principal sujet qu'elle désigne , et elle se trouve ainsi dans la première espèce de la qualité; secondairement, elle dit le rapport à ce qui est susceptible d'être appris, et les sens relative- ment au sensible, c'est une certaine puissance dans la seconde espèce de la qualité , tels sont les relatifs suivant la signification. Les relatifs suivant l'être sont ceux qui à l'égard de l'objet principal qu'elles dé- signent signifient le rapport à un autre. Les relatifs réels sont ceux qui doivent réellement être rapportés par tout acte circonscrit de

TRACTATIS Y.

DE PR.EDICAMENTO AD ALIQUID.

CAPUT I.

Quid sit ad aliquid secundum intentionem logicam.

Dicto de praedicamentis absolutis, dicen- dum est de respectivis. Et primo de rela- tioDe. Notandum, quod quia relatio parum habet de entitate, ideo de ipsa non tractât Philosophus, sed solura de relativis, quae propter concretionem magis a nobis pos- sunt cognosci , vocat enim relativa ad ali- quid, et diffînit ea sic. Ad aliquid talia di- cuntur, quaeeumque hoc ipsum quod sunt, aliorum dicuntur, -vel quomodolibet aliter ad aliud. Ad intelligentiam hujusdilîinitionis sciendum, quod qusedam sunt relativa secun-

dum dici, quœdam secundum esse, quœdam sunt relativa realia, quœdam veru secun- dum rationem. Relativa secundum dici ea dicuntur, quae de suo principali siguificato dicunt rem alterius prœdicamenti , secun- dario autem dicunt relationem, seu dicunt respectum, sicut scientia de suo principali signato dicit habitum animœ, et sic est in prima specie qualitatis , secundario autem dicit respectum ad scibile, et sensus ad sensibile, quae est quœdam potentia in se- cunda specie qualitatis , et talia sunt rela- tiva secundum dici. Relati va vero secundum esse sunt qu;e de suo principali siguificato significant respectum ad alium. Relativa realia sunt, quae habent referri realiter cir-

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 175

l'intelligence, comme le père, le fils. En effet, le père est rapporté au fils, et le fils au père par tout acte circonscrit de l'intelligence , parce que le père a réellement engendré le fils , et le fils a réellement été engendré par le père. Il faut observer que, pour que la relation soit réelle, cinq choses sont requises, deux du côté du sujet, deux du côté du terme, et une du côté des choses qui sont l'objet de la relation. Et d'abord du côté du sujet, il faut que la relation suppose quelque fon- dement réel en ce qui lui appartient comme sujet. Ainsi le non-être ne peut pas avoir de relation réelle. La seconde chose du côté du sujet, c'est qu'il y ait en lui une raison fondamentale , cause et motif de la relation, de sorte que l'objet de la relation renferme quelque chose de réel, comme le moteur dans ce qu'il fait mouvoir renferme une puissance active en vertu de laquelle il peut agir. D'où il suit qu'à raison du défaut de cette condition la chose comprise n'est pas rap- portée réellement à celui qui comprend, parce que la chose comprise en ce qui le concerne est dénommée par l'acte de l'intellection qui ne met réellement rien dans la chose comprise, mais bien dans celui qui comprend. La troisième chose requise, la première du côté du terme, c'est que le terme qui est l'objet de la relation soit une chose quelcon- que. La quatrième, c'est que le terme soit réellement différent d'un autre corrélatif, car il n'y a pas de relation réelle d'une chose à' elle- même. La cinquième , qui regarde les corrélatifs , c'est qu'ils soient du même ordre, c'est-à-dire qu'ils soient tous deux limités au genr^ et à l'espèce, ou qu'ils soient l'un et l'autre hors du genre, de sorte que la raison du genre et de l'espèce réponde également à tous deux. Quelle que soit celle de ces conditions qui manque dans tout relatif, il n'y aura pas de relatif réel , mais seulement un relatif de raison. C'est pourquoi il n'y a pas de relation réelle de Dieu à la créature,

cumscripto omni actu intellectus, ut pater, et filius. Circumscripto enim omni actu in- tellectus, pater refertur ad filium, et filius ad patrem, quia realiter pater genuit filium, et filius a pâtre fuit genitus. Notandum, quod ad hoc ut relatio sit realis, quinque requiruntur, duo ex parte suhjecti, duo ex parte termini, et unum ex parte relatorum. Primum ex parte subjecti est, quod relatio supponat aliquod fundamentum reale in eo , cujus est ut subjecti , unde non entis non potest esse relatio realis. Secundum ex parte subjecti est, quod in eo sit ratio fun- damentalis quare referatur, ut videlicet illud secundi quod dicitur referri , inclu- dat aliquod reale, sicut movens in eo quod movet, includit potentiam activam secun- dum quam potest agere, unde propter de- fectum hujus conditionis res intellecta non

refertur realiter ad intelligentem, quia res intellecta in eo, quod hujus , denominatur ab açtu intelligendi , qui nihil secundum rem ponit in re intellecta, sed solum in in- telligente. Tertium quod requiritur, est primum ex parte termini, est, quod termi- nus ad quem est relatio; sit res qu*edam. Quartum est, quod terminus sit diversus realiter ab alio correlativo, quia ejusdem ad se ipsum non est relatio realis. Quintum autem, quod ratio ex parte correlativorum est, quod sint ejusdem ordinis, ita videlicet quod ambo sint limitata ad genus, et spe- ciem, vel ambo sint extra genus, ita quod ex œquo respondeat eis ratio generis , aut speciei. Quacunque autem harum conditio- num non existente in quocunque relativo, non erit relativum reale, sed secundum rationem, unde Dei ad creaturam non est

176 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 2.

parce que tout ce qui est en Dieu n'est pas dans le genre de relation. D'où il résulte que, bien que Dieu soit réellement le maître de toutes les créatures, et les créatures ses sujettes, néanmoins le maître n'est pas en Dieu un relatif réel , parce que ce domaine n'est pas dans le genre de la relation ex œquo comme l'espèce opposée correspondante à la servitude de la créature. Il a été traité fort au long des autres quatre conditions. Il faut remarquer que le domaine du côté de Dieu est quelque chose d'infini, à quoi ne peut pas correspondre d'une ma- nière adéquate la servitude de la créature qui est bornée. Or, l'infini ne correspond pas au fini, parce qu'il est plus étendu. Donc le do- maine de Dieu est une relation de raison , tandis que la servitude de la créature est bien une relation réelle; ainsi s'explique ce qui re- garde les corrélatifs mentionnés plus haut. En effet, la formule ren- ferme tous les relatifs, tant les relatifs suivant l'attribution , que les relatifs suivant l'être, les relatifs réels comme les relatifs de raison. Car ils sont tous dits ad alia , c'est-à-dire aux corrélatifs , soit dans l'habitude du cas appelé génitif, comme le père est père du fils, soit de toute autre manière, c'est-à-dire dans l'habitude de toute espèce de cas, comme le semblable est semblable au semblable, soit du géni- tif, comme une grande montagne relativement à une petite , soit de l'ablatif , comme le supérieur est plus grand que le supérieur. Telle est la première définition.

CHAPITRE II.

De la seconde définition des relatifs qui convient aux relatifs suivant l'être, et aux relatifs réels.

Voici secondement la définition de ad aliquid. On appelle ad ali- quid les choses dont l'être est de se rapporter en quelque manière à une autre chose. Cette définition ne convient qu'aux relatifs suivant

relatio realis, quia quicquid est in Deo, non est in génère relationis. Unde licet Dens realiter sit dominus creaturae; et creatura realiter serva, tamen dominus non est in Deo relativum reale, quia illud dominium non *st in génère relationis ex œquo ut opposita species servituti creaturae corres- pondons. De aliis quatuor conditionibus jam examplificatum est. Notandum , quod dominium ex parte Dei est quid infmitum, cui non adaequatur ut possit correspondere servitus craturae , quœ est Imita, infmitum autem non correspondet finito , quia plus habet. Dominium ergo Dei est relatio ra- tionis, servitus vero creaturae est relatio realis , ex his patet descriptio relativorum supra posita. Nam ipsa comprehendit om- nia relativa tam secundum dici quam se-

cundum esse, tam relativa realia, quam re- lativa rationis. Omnia namque dicuntur ad alia, scilicet ad correlativa , vel in habitu- dine casus genitivi , propter quod dicit , aliorum dicuntur, ut pater filii pater, sive quomodolibet aliter, id est , in habitudine cujuscunque casus, sive dicti, ut similis si- mili similis , sive accusativi , ut mons ma- gnusad parvum montem, sive ablativi, ut majus majore majus, et sic patet prima diffinitio.

GAPUT II. De secunda diffinilione relativorum , quœ

convenil relalivis secundum esse , et rea-

libus.

Diflinitur secundo. Ad aliquid sic. Ad aliquid sunt, quibus hoc ipsum est esse, ad aliud quodammodo se hahere, hœc diiïini-

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 177

l'être, et aux relatifs réels. Car leur être consiste à se rapporter à une autre chose. Il faut remarquer que pour constituer une relation deux choses sont requises, l'une comme fondement, l'autre comme terme, sans lesquelles la relation non-seulement ne pourroitpas exister, mais ne pourroit pas même être conçue. Par exemple : La similitude de- mande deux objets blancs réels , dont l'un est fondement et l'autre terme. En effet, la ressemblance de Socrate blanc avec Platon blanc est dans la.blancheur de Socrate en fondement, et comme en terme dans la blancheur de Platon. Il en est réciproquement de même de la ressemblance de Platon avec Socrate , car dans deux choses sem- blables il y a deux ressemblances, l'une comme le fondement de l'autre, et comme terme de l'autre, il en est ainsi réciproquement de la seconde. Or, quand je dis que la ressemblance de Socrate a sa blan- cheur comme fondement, il ne faut pas entendre que la ressemblance de Socrate soit en lui quelque chose de différent de la blancheur elle- même ; ce n'est que la blancheur en tant qu'elle se rapporte à la blan- cheur de Platon comme au terme. Si, en effet, la similitude ajoutoit quelque chose à la blancheur de Socrate, personne ne pourroit res- sembler à un autre sans subir un changement dans sa personne; or on peut ressembler à un autre sans subir aucun changement, la chose est évidente, car si un Indien devenoit blanc, il deviendroit semblable à moi, et moi à lui, sans éprouver aucun changement. En effet, la similitude n'ajoute en moi à la blancheur rien qui y soit réellement, comme on le voit évidemment.

tio eonvenit solum relativis secundum esse, et realihus, eorum namque esse est ad aliud se habere. Notandum, quod ad constitutio- nem relationis duo requiruntur. Unum ut fundamentum, aliud ut terminus, sive qui- bus relatio non solum non posset esse, sed etiam non posset intelligi. Verbi gratia. Similitudo requirit duo alba realia, quo- rum unum est fundamentum, alterum ter- minus. Similitudo enim Sortis albi ad Pla- tonem album, in albedine Sortis est ut in fudamento, in albedine vero Platonis est ut in termino. E conversose habet de similitu- dine Platonis ad Sortem, semper enim in duobus similibus sunt duœ similitudines. Una uuius ut fundamentum, et alterius ut

terminus, et alia est e converso : cum autem dico, quod similitudo Sortis habet albedi- nem ejus ut fundamentum, non est intel- ligendum, quod similitudo Sortis sit aliqua res in Sorte alia ab ipsa albedine, sed so- lum est ipsa albedo, ut se habet ad albe- dinem Platonis ut ad terminum. Si enim similitudo adderet supra albedinem Sortis aliquam rem, nullo modo posset aliquis alicui tieri similis sine sui mutatione; fit autem homo similis alicui sine sui muta- tione, ut patet ; nam si quis in India iieret modo albus, fieret similis mihi, çt ego sibi, nulla in me facta mutatione. Similitudo enim in me nullam rem addit supra albe- dinem, qua) realiter sit in me, ut patet.

12

178

OPUSCULE XL VU, TRAITÉ 5, CHAPITRE 3.

CHAPITRE III.

Que la relation ne diffère de son fondement que par la réalité extrinsèque.

Il ge produit ici un cloute. En effet, les dix prédicaments étant dix genres de choses réellement différents entre eux, si la relation n'a- joute rien au fondement, il s'ensuivra qu'elle n'est pas différente du fondement, et de cette manière la similitude et la blancheur ne seront pas dans un fondement différent, ce qui est complètement faux. Il faut dire que la division de l'être en dix prédicaments est une division en dix choses différentes réellement, ou quant à ce qu'ils signifient différentes choses intrinsèqument et réellement, comme la substance, la quantité, la qualité qui se comparent entre elles comme choses dif- férentes, ou quant à ce qu'ils signifient diverses choses extrinsèque- ment, parce que l'un importe une chose différente qui est étrangère au reste , et ainsi la relation diffère de son fondement parce qu'elle importe une opposition de relatif. En effet, de même que nous disons que le tout est différent de sa partie, non pas comme une chose d'une autre, mais comme quelque chose qui importe plus que la partie, car l'homme diffère de l'ame, parce qu'il importe la matière , ce que ne fait pas l'ame, ainsi la relation diffère de son fondement, parcequ'elle signifie une chose de fondement , et un terme opposé que n'exprime pas le fondement. Tel est l'exposé de la seconde définition des relatifs. Si, en effet, le véritable être des relatifs consiste en cela qu'ils im- portent quelque chose comme fondement et quelque chose de plus, savoir un terme , il s'ensuit que leur être consiste dans des rapports ad aliud.

caput m.

Quod relatio differt a suo fundamenlo rea- litate extrinseca solum.

Sed hic oritur dubium. Cum enim de- cem prœdicamenta sint decem gênera re- rum inter se realiter differentia, si relatio nullam rem addit supra fundamentum, ergo non erit alia res a fundamento, et sic non erit in alio génère similitude, quam albedo quod, omnino falsum est. Dicendum, quod divisio entis in decem prœdicamenta est divisio in decem diversa secundum rem, vel quantum ad hoc, quod dicunt diversas res intrinsece, et realiter, sicut substantia, quantitas,et qualitas, quœ comparata ad in- vicern, sicut diversœ res; vel in quantum dicunt diversas res extrinsece, quia unum

importât aliquam rem diversam, quam non importât reliquum, et sic relatio differt a suo fundamento, quia importât oppositum relativi. Sicut enim dicimus, quod totum differt a sua parte, non sicut res a re, sed sicut illud quod importât plus quam pars (homo enim differt ab anima, quia impor- tât materiam, quam non importât anima), sic relatio differt a suo fundamento , quia relatio dicit rem fundamenti , et opposi- tum terminum quam non dicit fundamen- tum. Ex his patet secunda diffinitio relati- vorum. Si enim verum esse relativorum in hoc consistit, scilicet quod importât ali- quid ut fundamentum, et aliquid ultra, scilicet terminum, esse ergo eorum est ad aliud se habere.

SUR LA LOGIQUE D ÀRISTOTE.

179

CHAPITRE IY.

Que l'entité des relatifs se tire des fondements.

Et comme l'entité des relatifs vient en quelque sorte toute des fon- dements, il faut donc examiner en quoi la relation peut se fonder. Il faut observer , ainsi qu'on le dit communément, que les relatifs se fondent sur trois choses, savoir, l'action et la passion, la mesure et l'objet mesuré, et l'unité ; rien néanmoins n'empêche que la relation ne puisse se fonder immédiatement sur la substance, puisque la ma- tière selon son essence et non pas quelque chose qui lui soit ajouté se rapporte à la forme, et de même la créature au Créateur; mais com- munément la relation est fondée sur les trois choses que nous venons de dire. En effet , le fondement de la paternité est une action, c'est-à- dire la génération par laquelle un homme engendre un fils; et le fondement de la filiation est une passion ou une génération passive, par laquelle un être est engendré. Il en est de même du maître et du serviteur. D'autre part le double, la moitié , le triple , le quadruple, ainsi de suite sont fondés sur la mesure et sur l'objet mesuré. Il en est de même de la relation qui existe entre le sens et le sensible , la science et son objet, laquelle est fondée sur la mesure et l'objet me- suré. En effet, l'objet de la science se rapporte à la science, ce qui est sensible au sens comme la mesure à l'objet mesuré. Dans la sub- stance c'est sur l'unité qu'est fondée l'identité , de même que l'égalité dans la quantité, et la similitude dans la qualité, ainsi qu'il a été dit, c'est pourquoi on peut établir diverses espèces de relatifs suivant ces divers fondements. On peut aussi assigner différemment leurs espèces, sur la position, par exemple, comme le père et le maître, sur la sup- position, comme le fils et le serviteur, sur l'équivalant, comme égal et semblable, etc.

CAPUT IV.

Quod enlitas relativorum sumilur a funda- mentis.

Et quia entitas relativorum quasi tota est a fundamentis, ideo videndum est in quibus possit relatio fundari. Notandum quod ut communiter dicitur, relativa fun- dantur in tribus, scilicet in actione et pas- sione, in mensura et mensurato, et in uno, nihil tamen obstat quin relatio non possit fundari immédiate in substantia, cum ma- teria secundum suam essentiam non per aliquid sibi additum referatur ad formam, et creatura similiter ad creatorem , sed communiter relatio in tribus praedictis fun- datur. Fundamentum enim paternitatis est actio , scilicet generatio qua quis genuit iîlium, et fundamentum filiationis est pas-

sio, scilicet generatio passiva, qua quis ge- nitus est, et similiter se habet de domino, et servo. Duplum vero , et dimidium, et triplum, et subtriplum, et hujusmodi fun- dantur in mensura, et mensurato, similiter et relatio quae est inter sensum et sensi- bile, et scientiam , et scibile, fundatur su- per mensura , et mensurato. Scibile enim ad scientiam , et sensibile ad sensum , se habent ut mensura et mensuratum. In uno vero in substantia , fundatur identitas , in uno in quantitate, «qualitas, in uno in qua- litate, similitude ut supra dictum est. Unde secundum illa diversa fundamenta possnnt sumi divers* species relativorum, possunt et assignari aliter eorum species, scilicet super positionem ut pater et do- minus; suppositionem, ut filius etservus,et sequiparantiam, ut œqualis, et similis, etc.

180

OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 5.

CHAPITRE Y.

Des communautés et des propriétés des relatifs.

Pour ce qui est des relatifs qui reçoivent le plus et le moins et la contrariété , et ceux qui ne reçoivent rien de tout cela , il faut savoir que les relatifs reçoivent le plus et le moins et la contrariété quand leurs fondements et leurs termes le reçoivent , et que ceux dont les fondements et les termes ne reçoivent rien de cela, n'en reçoivent pas non plus. Il faut observer que certains relatifs qui sont fondés sur l'unité reçoivent le plus et le moins, comme plus inégal, ainsi qu'il a été dit , à quelque degré que leurs fondements se refusent à le rece- voir, et ils sont ainsi fondés sur l'unité quant à l'espèce , et cela s'a- joutant avec la privation de plus grand ou de plus petit, et cette pri- vation ne consistant pas dans le divisible et pouvant recevoir intention ou rémission , il s'ensuit que égal reçoit plus ou moins et ainsi des autres. Tous les relatifs se disent en conversion, comme le père père du fils, le fils fils du père, et cela convient à tous les relatifs, et il n'est pas nécessaire que la conversion se fasse toujours dans tous les cas semblables. En effet, la science est dite scibilis scientia, et scibile scientia scibile, et non scientiœ. Pour cette conversion , il faut qu'elle se fasse ad aliud et suivant le nom à raison duquel elle est dite ad aliud, car la tête ne se dit pas par conversion par rapport à l'animal. En effet , si la tête de l'animal est dite tête, l'animal ne peut pas néan- moins être dit l'animal de la tête, parce que la tête ne se rapporte pas à l'animal suivant le nom qui est animal, mais suivant un autre qui est muni de tète. C'est pourquoi on dit pour la conversion, caput ca-

caput v.

De communitatibus et proprielatibus relali- vorum.

Quse autem relativa suscipiunt magis, et minus, et contrarietatem, et quae non, sciendum quod cum relativa quorum fun- damenta , et termini suscipiunt magis,, et minus, et contrarietatem, ipsa etiam susci- piunt magis, et minus, et contrarietatem, quorum vero fundamenta, et termini non suscipiunt magis, et minus, nec contrarie- tatem, nec et ipsa suscipiunt. Notandum, quod queedam relativa, quœ fundantur in uno, quantumcumque non suscipiant ipso- rum fundamenta magis , nec minus , ipsa tamen suscipiunt magis, vel minus, ut inae- qualior , ut dictum est , et ita fundantur in uno secundum speciem, et cum hoc ad- datur cum privatione majoris, ut minoris, et quia talis privatio non consistit in divi-

sibili, sed potest intendi et remitti, inde est quod aequale suscipit magis , et minus , et sic de aliis. Dicuntur autem omnia relativa ad convertentiam , ut pater filii pater, et fdius patris filius, et hoc convenit omnibus relativis , nec oportet , quod convertentia fiât semper in omnibus casibus similibus. Dicitur enim scientia scibilis seientia , et scibile scientia scibile, et non dicitur scien- tiee. Ad hoc autem quod talis convertentia liât, oportet quod fiât ad aliud , et secun- dum id nomen , secundum quod ad aliud dicitur, non enim dicitur secundum con- vertentiam caput ad animal. Sic enim dici- tur caput aniinalis caput , non tamen po- test dici animal capitis animal , quia non refertur caput ad animal , secundum hoc nomen quod est animal, secundum aliud nomen, scilicet capitatum. Unde hœc di- cuntur ad convertentiam , caput capitati caput , et capitatum capite capitatum , et

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 181

pitati caput, etcapitatum capite capitatum. Aussi quand on ne trouve pas de terme semblable , il est permis de le forger , comme remus ne se dit pas navis remus , bien inventons un mot et nous dirons remus rei remitœ remus, et c'est ainsi que se traitent tous les relatifs pour la conversion. Or tous les relatifs sont vrais de leur nature ; en effet, si l'être du relatif est de se rapporter ad aliud, comme il a été dit, en établissant un relatif on établit immédiatement son corrélatif, et par conséquent posita se ponunt, et perempta se perimunt. Le propre des relatifs est qu'en connoissant définitivement une chose, on sache définitivement le reste. Car si la définition est un discours ex- pliquant ce qu'est l'être de la chose, et il faut nécessairement un cor- rélatif à l'être d'un relatif, celui qui connoît l'être d'un relatif, doit nécessairement connoître l'être de son corrélatif. Tel est le prédica- ment ad aliquid.

CHAPITRE VI.

Des six autnes prédicaments et de leur prédication en commun.

Nous allons nous occuper maintenant des six autres prédicaments qui sont appelés principes. Il est à remarquer que comme les prédica- ments sont les ordonnances des prédicables, ainsi qu'il a été dit, ils sont conséquemment connus par la prédication ou dénomination; or, une chose peut se dire d'une autre de deux manières dénominative- ment, ou la dénommer. La première manière, c'est que cette prédica- tion ou dénomination se fasse par quelque chose qui soit intrinsèque à ce qui est l'objet de cette prédication ou dénomination, c'est-à-dire qui le complète soit par identité , soit par inhérence , et cela encore arrive de deux façons. Premièrement , lorsque cette dénomination se fait d'une manière absolue et en elle-même , et c'est ainsi que dé-

ideo si aliquando taie nomen non invenitur, licet illud fingere , ut remus non dicitur navis remus, sed fingamus nomen, et dica- mus remus rei remit* remus, et sic om- nia relativa dicentur ad couver tentiam. Sunt autem omnia vera relativa simul na- tura , si enim esse relativi est ad aliud se habere, ut dictum est, posito uno rela- tivo, statim ponitur suum correlativum , et ideo posita se ponunt , et perempta se perimunt. Proprium autem relativorum est, ut qui diffiniti novit unum, diflinite noscat et reliquum. Si enim difïinitio est oratio quid est esse rei significans, ad esse autem unius relativi requiritur necessario correlativum, qui ergo cognoscit esse unius relativi, oportet quod cognoscat esse sui correlativi , et sic patet de praedicamento ad aliquid, etc.

CAPUT VI.

De sex prwdicamentis,et eorum prœdicalione in communi.

Nunc dicendum est de aliis sex prœdica- mentis, quae sex principia dicuntur. No- tandum, quod quia prœdicamenta sunt or- dinationes prœdicabilium, ut supra dictum est, ideo per prsedicari , seu denominare cognoscuntur, dupliciter autem potest ali- quid de alio prœdicari denominative , sive illud denominare. Uno modo, quod talis praedicatio, seu denominatio fiât ab aliquo quod sit intrinsecum et de quo fit talis praedicatio, seu denominatio, quod videli- cet ipsum perficiat sive per identitatem, sive per inhœrentiam , et hoc adhuc con- tingit dupliciter. Uno modo, quod talis de nominatio fiât absolute, et in se, et sic de

182 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 6.

nomment les trois prédicaments absolus, savoir, la substance, la quantité et la qualité. C'est pourquoi nous disons Socrate est une sub- stance par identité , ou il est quantus et qualis par inhérence ; secon- dement , quand cette dénomination est ab intrinseco, en important néanmoins quelque chose d'extrinsèque , comme le terme auquel se rapporte ce qui est dénommé, c'est de cette manière que dénomme la relation ; comme lorsque nous disons Socrate est égal ou semblable à Platon. La seconde manière, lorsque la dénomination se fait ab ex- trinseco, c'est-à-dire par ce qui n'est pas dans le dénommé formel, mais qui est quelque chose d'absolu extrinsèque par quoi la dénomi- nation se fait; comme lorsqu'on dit Socrate est agent, cette dénomi- nation vient de la forme fluente qui est acquise dans l'être passif; car la chaleur produite dans l'être passif a l'effet de dénommer quelque chose de chaud, laquelle dénomination est extrinsèque, ne demande rien autre chose pour en être dénommée que le sujet lui-même en qui elle existe. Mais pour la dénomination de telle chose,.comme celui qui se chauffe, une autre chose est requise du sujet de toute nécessité, savoir la cause effective de la chaleur, parce qu'il faut aussi l'être passif en qui se fait réchauffement. Il en est aussi de même du lieu qui est une superficie, une superficie en effet pour dénommer ce dont elle est la superficie ne demande que le sujet en qui elle existe , savoir un corps contenant, mais pour dénommer quelque chose, comme le heu locaîum, elle demande autre chose différent du sujet de la surface. C'est de cette manière que dénomment les six prédica- ments dont nous nous occupons, et ces prédicaments qui dénomment d'une dénomination extrinsèque importent une réalité différente de la chose dénommée, que n'importent pas les autres prédicaments qui dénomment extrinsèquement, quoique les choses d'où se tire cette

nommant tria praedicamenta absoluta, sci- licet substantia, quantitas et qualitas. Unde dicimus Sortes est substantia per identita- tem, vel est quantus , et qualis per inhae- rentiam. Alio modo, quod talis denomina- tio sit ab intrinseco, importando tamen aliquid extrinsecum ut terminum, ad quem se habet illud quod denominatur , et ,isto modo dénommât relatio, ut cum dicimus: Sortes est aequalis, vel similis Platoni. Se- cundo modo fit denominatio ab extrinseco, scilicet ab eo quod non est in denominato formali, sed est aliquod absolutum extrin- secum , a quo fit talis denominatio , ut cum dicitur , Sortes est agens , talis deno- minatio est ab ipsa forma fluente, quae in passo acquiritur, calor namque causatus in passo ad hoc, quod denominet aliquid cali- dum, quae denominatio est intrinseca, nihil aliud requirit ut sic denominetur per ipsum,

nisi subjectum in quo est. Sed ad hoc ut denominetur taie aliquid, puta calefaciens, de necessitate requirit aliarn rem a sub- jecto, scilicet causam effectivam caloiis, quia requirit passum in quo est talis cale- factio. Similiter est etiam de loco qui est superficies quaedam; superficies enim ad hoc ut denominet illud cujus est superfi- cies, non requirit nisi subjectum in quo est, scilicet corpus continens, sed ad hoc ut de- nominet aliquid , sicut loeus locatum, re- quirit aliud a subjecto superficiel. Et isto modo denominant illa sex praedicamenta , et talia sic denominantia denominatione extrinseca important aliam realitatem, quam rem denominatam, quam non impor- tant alia praedicamenta quœ extrinsece de- nominant, licet ipsee res a quibus accipitur talis denominatio sint eaedem , et talis di- versitas sulïicit ad distinguendum praedica-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 183

dénomination soient les mêmes , et cette différence suffit pour dis- tinguer les prédicaments ; c'est aussi de cette manière que ces six prédicaments sont distingués des quatre premiers, c'est-à-dire par les choses extrinsèques qu'ils dénomment, ce que ne font pas les quatre premiers. Or, il faut savoir que la dénomination ab extrinseco, demande quelque rapport par soi entre l'extrinsèque dénommant et l'être dénommé par lui , parce qu'il est nécessaire que par soi et par la condition des choses, ce mode de dénomination atteigne les choses, c'est pour cela qu'il faut que ce qui opère cette dénomination soit par soi le fondement de quelque habitude. Et comme l'habitude des choses n'est point par soi le fondement d'une habitude, autrement on iroit jusqu'à l'infini, aussi cette dénomination ne se fait point par le rapport. Car avoir quelque chose de produit par soi qui appartient à l'action, signifie un certain rapport, et avoir un lieu, et ainsi de suite. Cependant ces prédicaments ne disent pas ces rapports, parce que ce rapport appartient au genre de la relation. Mais les prédicaments sus- dits ne disent que l'absolu, comme ce qui dénomme extrinsèquement. En effet, réchauffement qui est une action dit la chaleur, qui est la forme absolue et dénomme la cause efficiente', savoir celui qui se chauffe et ainsi de suite. Il en est qui sont d'un autre avis. Car, suivant eux, le rapport est des transcendants, et tout rapport n'est pas dans le genre de la relation, mais le rapport se dit de sept prédicaments, sa- voir de la relation et des six principes. C'est la différence qui existe entre le rapport qui est dans les relatifs et celui qui est dans les six principes. Car dans les relatifs tout rapport exige en même temps dans le terme ad quem un autre rapport qui lui corresponde, je dis dans les vrais relatifs, tandis que dans les six principes le rapport ne demande pas dans le terme ad quem un rapport quelconque qui lui

menta, et isto modo ista sex praedicamenta a primis quatuor distinguuntur , scilicet per res extrinsecas, quas dénommant, quod non faciunt illa quatuor. Sciendum est autem, quod denominatio ab extrinseco requirit aliquem per se respectum mter ex- trinsecHm denominans , et denominatum ab eo, quia oportet quod per se et ex con- ditione rerum talis modus denominandi consequatur res, et ideo oportet, quod illud a quo fit talis denominatio, sit fundarnen- tum per se alicujus habitudinis, et quia ha- bitudo rerum non est per se fundamentum habitudinis, alioquin iretur in infinitum, ideo talis denominatio non fit a respectu. Habere enim aliquid a se productum, quod pertinet ad actionem , dicit quemdam res- pectum , et habere locum , et sic de aliis. Ista tamen praedicamenta non dicunt hos respectus, quia iste respectus pertinet ad

genus relationis,sedpraedicta praedicamenta solum dicunt absolutum , ut denominans extrincese. Calefactio enim quae est actio, dicit calorem qui est forma absoluta, et denominat causam efficientem scilicet ca- lefacientem, et sic de aliis. Alii vero aliter dicunt. Secundum enim eos respectus est de transcendentibus, et non omnis respec- tus est in génère relatioins, sed dicitur res- pectus de septem praedicamentis scilicet de relatione, et de sex principiis. Haec est au- tem differentia inter respectum qui est in relativis, et in sex principiis. Nam in rela- tivis omnis respectus coexigit in termino ad quem alium respectum sibi correspon- dentem , et dico in veris relativis, sed in sex principiis respectus non requirit in ter- mino ad quem aliquem respectum sibi correspondentem. Actio enim prout est unum de sex principiis, dicit respectum

184 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 7.

corresponde. En effet, l'action, comme un des six principes, dit le rapport dans le mouvement relativement à l'agent. C'est pourquoi ce qui s'effectue entre l'agent et le patient , c'est-à-dire le mouvement s'appelle raison à l'égard de l'agent, et passion à l'égard du patient; néanmoins ce n'est ni dans l'agent ni dans le patient un rapport au mouvement susdit , quoique ce soit un rapport de l'agent au patient, et réciproquement, ces rapports ne sont pas action et passion , mais bien deux relations, c'est-à-dire deux passifs et actifs. Il en est de même dans le rapport du temps à la chose temporelle, et ainsi de suite.

CHAPITRE VII.

Ce que c'est que l'action suivant la raison prédicamentale dans les deux

opinions.

L'action est la forme suivant laquelle nous sommes dits agir dans ce qui nous est soumis. Pour comprendre cela il faut savoir qu'il y a deux actions. L'une qui est appelée action immanente, comme être chaud. L'autre qui est appelée transitoire, comme échauffer. L'action immanente n'est pas la cause effective d'une chose qui la mette en acte, mais c'est la même chose qu'être en acte. En effet, être chaud c'est la même chose qu'être dans l'acte de la chaleur , et en vertu de cette action il est dit que l'on fait quelque chose qui est formellement tel , comme la chaleur fait ou rend formellement chaud ce en quoi elle se trouve. Car être chaud se compare à la chaleur comme l'acte second au premier. Il est bon de remarquer que l'on peut prendre de trois manières l'acte second et l'acte premier. La première manière c'est que l'acte premier est une forme quelconque et l'acte second l'action transitoire qui en diffère réellement , dans le même rapport que la chaleur du feu et réchauffement qu'elle produit ; et dans ce sens être chaud n'est pas l'acte second de la chaleur. Dans le second

in motu ad agens. Unde illud quod fit inter agens , et patiens , scilicet motus respectu agentis dicitur ratio, respectu vero patien- tis dicitur passio,tamen nec in agente, nec in patiente est respectus ad motum prae- dictum , licet sit respectus agentis ad pa- tiens, et e converso, qui respectus non sunt actio, et p&ssio, sed duse relationes scilicet activi, et passivi. Similiter etiam quando dicit respectum temporis ad rem tempora- lem, et sic de aliis, ut patet.

CAPUT VII.

Quid sit actio secundum rationem prœdica- mentalem, juxta ulramqne opinionem.

Actio est forma secundum quam in id quod subjicitur, agere dicimur. Ad quod intelligendum sciendum , quod duplex est

actio. Una quae vocatur actio immanens, ut calere. Alia quae dicitur transiens, ut calefacere. Actio immanens non est causa effectiva rei, ut sit in actu, sed est idem quod esse in actu. Calere enim idem est, quod esse in actu caloris, et secundum ta- lem actionem dicitur agere aliquid quod est formaliter taie, sicut calor facit, seu agit formaliter calidum illud in quo est. Calere enim comparatur ad calorem , sicut actus secundus ad primum. Notandum , quod actus primus, et secundus potest dici tripliciter. Uno modo sic, quod actus pri- mus sit forma aliqua, et actus secundus sit actio transiens, differens realiter ab ea, si- cut se habet calor ignis, et ejus calefactio, et isto modo calere non est actus secundus caloris. Secundo modo dicitur actus pri-

SUR LA LOGIQUE d'âIUSTOTE. 185

sens l'acte premier est dit la forme qui est subordonnée, et acte second l'acte qui lui est inhérent , comme sont la surface et la cha- leur; dans ce sens être chaud n'est pas non plus l'acte second de la chaleur. Dans le troisième sens l'acte premier et second sont pris sui- vant qu'un seul et même acte peut être pris diversement selon qu'il est considéré en lui-même ou dans quelqu'un il existe actuellement, comme l'on considère la chaleur suivant qu'elle est une certaine forme en elle-même ; mais être chaud importe la même forme dans l'habitude relativement à quelque chose qui en est affecté , parce que être chaud c'est avoir la chaleur, ou être dans la chaleur. Pareillement, concevoir et sentir sont des actions immanentes, parce qu'elles ex- priment l'acte de la conception ou de la sensation, l'être en acte dans celui qui conçoit ou qui sent. Or cette action immanente n'est pas directement dans le prédicament de l'action, c'est pourquoi nous nous en tiendrons pour ce qui la concerne. La seconde action qui est appelée transitoire constitue le prédicament de l'action. Il faut re- marquer qu'ainsi qu'il est dit dans le livre III de la Phy s., l'action, la passion et le mouvement sont une seule et même chose. C'est pour- quoi réchauffement n'est autre chose que la chaleur en écoulement, c'est-à-dire en tant qu'elle est un acte de ce qui existe en puissance, ce qui est la même chose que le mouvement. Par exemple : supposons de l'eau réchauffée par le feu, il est certain qu'il y a en elle une cha- leur produite par la chaleur du feu , laquelle chaleur considérée sui- vant son être est une forme, qui est la qualité dans la troisième espèce de la qualité. Suivant qu'elle est en écoulement elle est appelée mou- vement parce qu'elle entre de plus en plus en participation avec l'eau. Elle est appelée action en tant qu'elle dénomme le feu qui réchauffe. Car le feu à raison de la chaleur est dit réchauffant dans la première

mus forma quee subditur , et actus ei in- hserens dicitur actus secundus ut sunt su- perficies et calor, nec etiam isto modo calere est actus secundus caloris. Tertio modo, dicitur actus primus, et secundus, secundum quod unus et idem actu potest accipi ut consideratur in se, et prout con- sideratur ut alicujus habentis ipsum actua- liter. Sicut consideratur calor ut est quœ- dam forma in se , calere vero importât eamdem formam in habitudine ad aliquod habens, quia calere est habere calorem, vel esse in actu caloris. Similiter intelligere , et sentire sunt actiones immanentes, quia dicunt actum intelligenti , vel sentiendi , esse actu in intelligente, vel sentiente. H;i'c autem actio immanens non est directe in pradicamento actionis, ideo de ipsa satis dictum sit. Secunda vero actio, quje dici-

tur transiens facit prsedicamentum actio- nis. Notandum, quod ut habetur, III Physic, actio et passio, et motus sunt una et eadem res. Unde calefactio nihil aliud est quam calor ut est in fluxu , prout scilicet est ac- tus existentis in potentia, quod idem est quod motus. Verbi gratia. Dato quod aqua calefieret ab igné, certum est , quod in ea esset aliquis calor causatus a calore ignis, qui calor quantum ad esse suum conside- ratus, est forma, quae est qualitas in tertia specie qualitatis. Secundum autem quod est in fluxu, scilicet quia magis, et magis participatur in aquam, dicitur motus. Se- cundum autem quod denominat ignem calefacientem, dicitur actio. Nam ignis se- cundum eum dicitur calefaciens juxta pri- mam opinionem, et secundum quod habet respectum ad ignem ut ad causam efli-

186 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 7.

opinion, et en tant qu'elle a un rapport avec le feu, comme à la cause efficiente , c'est une action suivant la seconde opinion, et réchauffe- ment est dit action. Mais réchauffement est dit passion en tant qu'il dénomme ou importe un rapport à quelque chose qui reçoit en com- paraison avec ce dont elle reçoit. C'est pourquoi la raison de l'action, comme prédicament , consiste en ce que action dit forme en mouve- ment , ou un changement, ainsi qu'il y a lieu par la cause efficiente. Aussi la cause efficiente qu'elle dénomme ou à laquelle elle se rap- porte est de la nature de l'action. Il s'ensuit de que l'action, quoi- que la même fondamentalement que la chaleur , étant dans le même prédicament avec réchauffement , comme elle est une passion , ainsi qu'il a été dit plus haut dans le prédicament de la relation , quoique la similitude soit la même chose que la blancheur, néanmoins comme la similitude importe quelque chose que n'importe pas la blancheur, savoir un terme ad quem, elle se trouve dans un autre prédicament que la blancheur; de même dans le cas proposé, quoique échauffe- ment comme action dise chaleur en mouvement , parce qu'elle se dit action en tant qu'elle dénomme l'agent dans la première opinion, ou exprime le rapporta l'agent, suivant la seconde opinion, auquel n'ont aucun rapport la chaleur ni réchauffement comme passion , il s'ensuit que réchauffement action se trouve dans un autre prédica- ment que la chaleur ou réchauffement passion. Ainsi s'explique cette description de l'action ; l'action est la forme suivant laquelle nous sommes dits faire ce qui est soumis. C'est, en effet, la forme, qui est en mouvement ou en mutation , suivant laquelle nous sommes dési- gnés ou dénommés comme agents dans la première opinion, ou qui a un rapport avec nous qui agissons comme à la cause efficiente, par la raison que nous agissons sur la chose qui nous est soumise , c'est-à-

cientem, est actio juxta secundam opinionem et dicitur calefactio actio. Galefactio vero passio dicitur, ut denominat , vel importât respectum ad aliquod recipiens in compa- ratione ad id, a quo recipit. Unde ratio ac- tionis prout est praedicamentum , consistit in hoc quod actio dicit formam in motu, vel mutatione ut est a causa efficiente. Unde causa efficiens quam denominat, vel ad quam habet respectum , est de ratione ac- tionis, propter hoc sequitur, quod actio quamvis sit eadem fundamentaliter cum calore, quod sit in eodem praedicamento cum calefactione, ut est passio, sicut etiam supradictum est in praedicamento relatio- nis, licet similitude sit eadem res cum al- bedine, tamen quia similitudo importât aliquid aliud quod non importât albedo, scilicet terminum ad quem, est in alio praa-

dicamento qjsam sit albedo. Sic in propo- sito, licet calefactio ut est actio, dicat ca- lorem in motu , quia tamen dicitur actio ut denominat agens, juxta primam opinio- nem, vel dicit respectum ad agens , juxta secundam opinionem, ad quod habet res- pectum calor, nec calefaction ut est passio, ideo calefactio actio est in alio praedica- mento, quam calor , vel calefactio passio. Ex his patet descriptio actionis supraposita, scilicet. Actio est forma secundum quam idquod subjicitur, agere dicimur. Est enim forma, quae est in motu, seu in mutatione, secundum quam dicimur seu denomina- mur agentes juxta primam opinionem, vel quae habet respectum ad nos, qui agimus, sicut ad causam efficientem , scilicet quia agimus in rem, quae subjicitur, idest in rem quae patitur, juxta secundam opinionem,

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 187

dire sur la chose qui subit la passion suivant la seconde opinion ; on voit ainsi ce que c'est que l'action. Il faut savoir que l'auteur des six principes dit quelque chose de l'action corporelle ou incorporelle que je regarde purement et simplement comme faux, ou demandant quel- que explication à raison de son ambiguïté. Il dit, en effet, que l'ac- tion corporelle se trouve nécessairement avec le mouvement de l'a- gent, ce que je ne crois pas vrai dans toutes les actions des corps, car l'aimant, sans avoir aucune espèce de mouvement, attire le fer ; on pourroit observer la même chose à l'égard d'une multitude d'autres agents, c'est pourquoi je ne dirai rien des autres raisons de même va- leur qui sont alléguées.

CHAPITRE VIII.

Quelle est l'action qui reçoit le plus et le moins avec la contrariété, quelle est celle qui ne reçoit rien de cela.

L'action reçoit le plus et le moins avec la contrariété , mais il n'en est pas ainsi de toute action. Il faut observer que ou l'action exprime la forme qui est en mouvement, comme réchauffement, qui ne signifie que la chaleur en mouvement, comme dénommant l'agent ou pré- sentant un rapport ad aliud; ou elle exprime la forme qui est en mu- tation et non en mouvement , comme la génération de la substance, et la création. Et comme, ainsi qu'il a été dit, l'action n'ajoute rien à la forme qu'elle exprime, et ne fait que dénommer, suivant la pre- mière opinion, ou exprimer le rapport à l'agent suivant la seconde , si la forme qu'elle exprime est en mouvement, on dit que l'action reçoit plus ou moins, ou l'agent qui est concret, comme on a dit dans le prédicament de la qualité que les choses abstraites ne reçoivent pas le plus et le moins , mais bien les concrètes ; on dit de même dans celui-ci que quelque chose , c'est-à-dire la caléfaction reçoit le plus

et sic patet quid est actio. Sciendum, quod author sex principiorum quœdam dicit de actione corporea, vel incorporea, quœ vel simpliciter reputo falsa, vel extorta indi- gent expositione. iDicit enim quod actio corporea necessario est cum motu agentis, quod non reputo verum in omnibus actio- nibus corporum. Magnes enim non mota ullo génère motus, attrahit ferrum, et de multis aliis agentibus posset hoc inveniri, ideo omnia talia, quse ille ibi ponit preeter- mitto.

GAPUT VIII.

Quœ aclio suscipit magis et minus, et con- trarietatem et quœ non.

Recipit autem actio magis, et minus, et contrarietatem, non tamen omnis. Notan-

dum, quod actio vel dicit formam, quœ est in motu , ut calefactio , quœ solum dicit calorem in motu, ut denominat agens , vel ut habet respectum ad aliud, vel dicit for- mam , quœ est in mutatione, et non in motu, ut generatio substantiœ , et creatio. Et quia ut dictum est, actio supra formam quam dicit, nihil addit nisi quia denomi- nat, juxta primam opinionem, vel dicit respectum ad agens , juxta secundam opi- nionem, si forma quam dicit, est in motu, dicitur actio suscipere magis vel minus, vel ipsum agens quod est concretum, sicut in prœdicamento qualitatis dictum est, quod abstracta non suscipiunt magis, et mi- nus, sed concretà, ita in isto dicitur ali- quid, scilicet calefacere, suscipere magis vel minus, quia est magis, vel minus cale-

188 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ O, CHAPITRE 9, 4.

ou le moins, parce qu'elle échauffe plus ou moins. Si, au contraire, la forme qu'exprime l'action n'est pas en mouvement mais seulement en mutation, une telle forme n'étant pas propre à recevoir le plus ou le moins, ni par conséquent la contrariété , en prenant la contrariété dans un sens propre, cette action ne reçoit pas non plus le plus et le moins , ni par conséquent la contrariété , en la prenant dans le sens propre. C'est pourquoi celui qui engendre ou qui crée n'est pas dit engendrant ou créant plus ou moins, ainsi s'explique, etc.

CHAPITRE IX.

Le propre de l'action est de produire la passion par soi.

C'est le propre de l'action de produire d'elle-même la passion. Il faut observer que, bien que l'action et la passion et les formes, cause du mouvement d'une chose , soient une seule chose, elles sont néan- moins des prédicaments différents à raison de la dénomination diverse ou à cause du divers rapport importé. Voici l'ordre qui existe entre l'action et la passion , car la passion suit l'action qui se produit au- dehors. En effet, si agir n'est autre chose qu'occasionner dans le sujet passif la forme avec le mouvement, et éprouver la passion rien autre chose que recevoir une telle forme , il en résulte nécessairement que toute action est suivie de la passion et que agir est suivi de sentir la passion. On a donc eu raison de dire que le propre de l'action est de produire la passion dans le sujet passif. Voilà ce qui concerne l'action.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que la passion formellement, comme prédicament.

La passion est l'effet et le produit de l'action. Il faut remarquer que l'action et la passion sont une seule et même chose , savoir la forme

faciens. Si vero forma quam dicit actio, non sit in motu , sed in sola mutatione, cum talis forma non sit apta suscipere ma- gis, vel minus, nec per consequens, con- trarietatem, sumendo contrarietatem pro- prie, nec etiam talis actio suscipit magis, vel minus, nec per consequens contrarieta- tem, sumendo contrarietatem proprie. Unde generans, vel creans non dicitur magis, vel minus generans, vel creans , et sic pa- tet, etc.

CAPUT IX.

Quod proprium aclionis est ex te inferre passionem.

Est autem proprium actionis ex se in- ferre passionem. Notandum, quod licet ac- tio, et passio, et forma qua aliquid move- tur , sint una res, tamen propter diversam denomiuationem quam importât, vel prop-

ter diversuin respectum importatum, sunt diversa prœdicamenta. Habent antem se actio', et passio in hoc ordine , nam ad omnem ac'tionem egredientem ad extra, sequitur passio. Si enim agere nihil aliud est , quam causare formam in passo cum motu, et pati nihil aliud est quam talcm formam recipere, necessario sequitur, quod ad omnem actionem sequitur passio, ad omne agere sequitur pati. Bene ergo dic- tum est, quod proprium est actionis cau- sare passionem in passio , et sic patet de actione.

CAPUT I. Quid sit passio formaliler , ut est prœdicar-

mentum. . Passio est effectus, illatioque actionis. Notandum, quod actio, et passio sunt una res, et eadem, scilicet forma, quae est in

SUR LOGIQUE d'arISTOTE. 189

qui est en flux ou in fieri , c'est pourquoi on ne voit pas que la pas- sion soit un effet de l'action. En effet, si on les considère comme étant une forme, dans ce cas comme la même chose ne peut être cause et effet d'elle-même, la passion ne sera pas l'effet de l'action. Si au con- traire on les considère comme deux choses, parce que l'action dé- nomme l'agent et la passion le patient, il ne s'en suit pas encore que la passion soit un effet de l'agent. Donc la passion n'est pas l'effet de l'action même. Il faut savoir qu'une chose peut être dite effet d'une autre de deux manières, la première proprement , en tant qu'elle est ou a été produite par elle , et dans ce sens la passion n'est pas l'effet de l'action. La seconde manière c'est quand ces deux choses se font, elles se produisent simultanément de telle sorte que l'on comprenne par une connexion nécessaire que l'une vient après l'autre. D'où il résulte que la première est dite en quelque façon cause efficiente à l'égard de la seconde, comme dans le traité du propre on a dit du clou et du bois dans lequel il est enfoncé quel est leur rapport avec le mouvement, il en est ainsi dans son espèce de la passion par rapport à l'action. Car l'action et la passion sont constituées par l'agent dans un certain ordre nécessaire. Car on conçoit l'agent agissant avant de concevoir ce qu'il fait subir, et ainsi la passion est dite effet de l'action.

CHAPITRE II.

Que la dénomination de la passion se fait formellement ab extrinseco.

Il s'élève un doute au sujet de ce qui a été dit, savoir que ces six principes dénomment extrinsèquement la substance. Nous avons dit, en effet, que l'action, qui est subjectivement dans le patient, dé- nomme l'agent ; cela ne semble pas vrai à l'égard de la passion, car elle dénomme le sujet passif en qui elle est formellement et subjecti-

fluxu , vel fieri , unde non videtur , quod passio sit effectus actionis. Si enini conside- rantur in quantum sunt una forma, tune cum idem non possit esse causa, et effectus suiipsius, passio non erit effectus actionis. Si vero considerentur in quantum sunt duo, quia actio denominat agens, et passio pa- tiens, nec adhuc sequitur , quod passio sit effectus ipsius agentis, non ergo passio, est effectus ipsius actionis. Sciendum , quod aliquid potest dici effectus alicujus dupli- citer, uno modo proprie, prout scilicet cau- satur, vel causatum est ab eo, et isto modo passio non est effectus actionis. Alio modo, quia quando utrumque fit, ita fiunt simul, quod unum necessaria connexione intelli- gitur esse post aliud. Unde primum dici- tur esse quodam modo causa efficiens res- pectu secundi , quemadmodum in tractatu

de proprio dictum est de clavo, et ligno cui insigitur , qualiter se habeant ad motum, sic suo modo se habet de passione respectu actionis. Nam actio, et passio sunt ab ipso agente ordine quodam necessario. Prius enim intelligitur agens agere, quam aliquid a se pati , et sic passio dicitur effectus ac- tionis.

CAPUT II.

Quod denominatio passionis est formaliler ab extrinseco. Dubium autem oritur contra ea quse dicta sunt, videlicet quod ista sex principia denominant substantiam extrinsece. Dic- tum est enim quod actio , quee subjective est in patiente, denominat agens, hoc enim non videtur esse verum de passione, nam ipsa denominat passum in quo est forma- liter et subjective. Dicendum, quod forma

190 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ O, CHAPITRE 1.

vement. Il faut dire que la forme en flux , qui est le mouvement lui- même, prise en elle-même, est dans le prédicament absolu , la cha- leur, par exemple, qui se produit dans l'eau comme étant en flux, se trouve dans le prédicament de la qualité, parce que le mouvement est dans le prédicament de son terme ad quem et il est dit mouvement comme étant en flux. Mais en tant qu'il a telle chaleur , c'est-à-dire que l'eau qui se réchauffe est transmuée par le feu, cette dénomina- tion appartient à la passion comme prédicament. On ne dit pas, en effet, que l'eau devient chaude, parce qu'il y a de la chaleur en elle, mais parce que cette chaleur lui vient de l'agent qui l'échauffé. C'est pourquoi s'il n'y avoit pas d'agent échauffant , quelque chaleur qu'il y eût dans l'eau, on ne diroit pas pour cela qu'elle devient chaude, ou subit une passion , mais on dit qu'elle s'échauffe et subit une pas- sion, en tant que cette chaleur est produite par un agent échauffant. Donc cette dénomination ou rapport du sujet passif vient formelle- ment ab extrinseco , par la raison qu'elle importe un agent qui est extrinsèque. Ainsi donc la passion dénomme extrinsèquement le sujet, ou exprime un rapport ab extrinseco. Or la passion reçoit le plus et le moins avec la contrariété de la même manière que nous avons dite de l'action. Ce qu'il faut comprendre suivant ce qui a été exposé plus haut de l'action ; tel est le prédicament de la passion, etc.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'eut que le prédicament quando , c'est le temps en tant qu'il dénomme une chose temporelle , ou le rapport du temps aux choses temporelles qu'il mesure.

Quando est ce qui reste de l'adjacence du temps. Or on appelle ici adjacence du temps sa mesure , suivant que le temps est la mesure des choses temporelles. Pour comprendre les termes de cette défini-

in fluxu, quae est ipse motus, secundum se accepta, est in prsedicamento absoluto, puta calor, qui causatur in aqua prout est in fluxu, est in praedicamento qualitatis, quia motus est in prsedicamento termini ad quem est, pout autem est in fluxu di- catur motus , prout vero habens talem ca- lorem, scilicet aqua quse calent, transmu- tatur ab igné calefaciente., talis denominatio pertinet ad passionem prout est praedica- mentum. Non enim aqua dicitur calefieri, quia in ea est calor, sed quia talis calor est a calefaciente. Unde si non esset calefa- ciens, quantumcumque calor esset in aqua non propter hoc diceretur calefieri , vel pati, sed dicitur calefieri, et pati in quan- tum talis calor est a calefaciente. Talis ergo denominatio , vel respectus passi est for-

maliter ab extrinseco, ex quo importât agens quod est extrinsecum. Sic ergo pas- sio extrinsece denominant subjectum , vel dicit respectum ab extrinseco. Recipit au- tem passio imagis, vel minus, et contrarie- tatem eodem modo quo dictum est de actione; quod intelligitur sicut supra de actione expositum est, et sic patet de prae- dicamento passionis, etc.

CAPUT I.

De prœdicamento quando quid sit, quia est tempus, ul denominat temporale, seu res- pectus temporis ad lemporalia, qua men- surat.

Quando est quod ex adjacentia temporis relinquitur. Vocatur autem hic adjacentia temporis mensura ejus, prout scilicet ip-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 191

tion et ce que c'est que quando, il faut observer qu'il est de la nature de la mesure de donner d'une manière certaine la quantité des choses mesurées lorsqu'on l'applique à ces choses par l'opération de l'intellect, et comme il y a deux quantités, savoir l'extension et la perfection , il y a aussi une mesure pour l'une et l'autre. Nous disons, en effet, que la blancheur est la mesure de toutes les couleurs ; car la blancheur contenant plus de perfection et de participation à la lumière que les autres couleurs, en l'appliquant par l'intellect aux autres couleurs, nous acquérons d'une manière certaine la connoissance de la quan- tité de perfection qui est en eux, mais non de la quantité d'extension. De même en appliquant au drap une règle de deux coudées, nous con- noissons la quantité de son extension. D'un autre côté le temps n'é- tant autre chose qu'une quantité successive du mouvement, peut être pris à raison de cela en deux sens. Premièrement dans un sens large pour toute quantité successive du mouvement ; il y a autant de temps que de mouvements, parce que tout mouvement a une quantité suc- cessive qui le constitue formellement en extension de quantité suc- cessive, et cette quantité n'est pas un mouvement, mais un accident du mouvement qui le constitue formellement en extension , ou c'est un accident du mobile qui existe en lui par le moyen du mouvement, comme une qualité quelconque , ainsi la couleur se trouve dans la substance par le moyen de la superficie, comme il a été dit plus haut, et c'est à cause de cette succession qu'Aristote , au livre V de la Mé- taphysique, a mis le mouvement dans le genre de la quantité , c'est pourquoi le mouvement n'est dans les autres genres que par la raison du terme du mouvement, suivant ce que nous disons que l'augmen- tation et la décroissance sont dans la quantité non par la raison qu'elles sont mouvement , mais par la raison du terme auquel elles se rap-

sum tempus est mensura temporalium. Ad sciendum autem particulas prsedictte de- scriptionis, et quid est quando, notandum, quod de ratione mensura est, quod appli- cata per intellecturn ad mensurata certificet nos de ipsorum quantitate, et quia duplex est quantitas, scilicet extensionis et perfec- tionis, ideo utrobique invenitur mensura. Dicimus enim quod mensura omnium co- lorum est albedo. Quia enim albedo plus continet de perfectione, et participatione lucis, quam alii colores appHcando ipsam ad abos colores per intellecturn , certifica- mur de quantitate perfectionis ipsorum, non tamen de quantitate extensionis. Si- militer per lineam bicubitalem applicatam ad pannum, certilicamur de quantitate suae extensionis. Cum autem tempus nihil aliud sit, quam quantitas successiva ipsius motus, secundum hoc tempus potest accipi dupli-

citer. Uno modo large, scilicet pro omni quantitate successiva motus , etiam acci- piendo tempus, quot sunt motus, tôt sunt tempora, quia omnis motus habet quanti- tatem successivam facientem ipsum forma- liter, quantum quantitate sucessiva, et talis quantitas non est motus, sedaccidens ejus faciens ipsum esse quantum formaliter, vel est accidens ipsius mobilis inexistens ei me- diante motu, sicut qualitas abqua, scilicet color inest substantiee mediante superficie, ut supra dictum est, et propter hanc suc- cessionem Philosophus, V Metaph. , posuit motum iu' génère quantitatis, unde motus non est aliis generibus , nisi forte ratione termini motus, prout dicimus, quod aug- mentum et decrcmentum sunt in quanti- tate non ratione qua motus sunl , sed ra- tione termini ad quem sunt. Sed ejus suc- cessio dicitur tempus, large sumpto tem-

1 92 OPUSCULE XL VII , TRAITÉ V, CHAPITRE 1 .

portent. Mais la succession s'appelle temps dans un sens large, et par ce temps, comme une mesure intrinsèque mesure tous les mouve- ments, parce que le mouvement est tel que ses successions, elle donne la connofcsance certaine de sa quantité , et comme parfois cette suc- cession nous est plus connue , nous mesurons par son moyen la suc- cession du premier mobile, comme le dit Aristote, livre IV de la Phy- sique , nous mesurons le temps par nos actions, et notre vie s'écoule par une aussi grande voie, donc il s'est écoulé tant d'heures de temps. Le temps se prend dans un autre sens plus strict et plus propre pour la quantité successive du premier mouvement , ou pour le mou- vement du premier mobile , et cette succession est la plus uniforme et la plus simple, et par conséquent elle est apte à nous faire connoître ce qui concerne les autres quantités successives en la leur appliquant, suivant ce que nous avons dit qu'une chose a duré une heure, un jour ; et comme cette succession est une numériquement , il n'y a par conséquent , pour toutes les choses temporelles numériquement , qu'un temps par lequel sont mesurés les autres mouvements en tant que successifs, comme par une mesure extrinsèque. Il faut savoir que tous les autres mouvements sont mesurés par cette succession du pre- mier mouvement comme par une mesure extrinsèque, aussi bien que les parties du mouvement du premier rÉobile , de sorte qu'une partie de ce mouvement est mesurée par une partie du temps , par une me- sure intrinsèque, comme nous disons, cette évolution céleste s'est opérée tel jour, celle-là tel autre, et ainsi des autres mouvements qui sont mesurés dans leurs successions par une mesure intrinsèque. Il faut savoir que la mesure de chaque chose peut se considérer de deux manières. Premièrement dans un sens absolu, c'est-à-dire selon qu'elle est applicable , secondement en tant qu'elle est appliquée à la chose susceptible d'être mesurée. Or, le temps étant une certaine

pore, et tali tempore, sicut mensura intrin- seca habet omnes motus mensurari, quia tantus est motus, quantum ejus successio- nes , certificat de ejus quantitate , et quia aliquando talis successio est nobis magis nota, ideo per eam mensuramus successio- nem'primi mobilis, ut Philosophus, IV. Phys., dicit : Mensuramus enim tempus per nostras actiones, ut per tantam viam vivi- mus, ergo tôt temporis horae transierunt. Alio modo tempus stricte, et magis pro- prie dicitur quantitas successiva primi motus, seu motus primi mobilis, quae suc- cessio est uniformissima , et simplicissima, et per consequens est apta nata nos certi- ficare de aliis quantitatibus successivis ap- plicata ad eas, juxta quod dicimus, quod duravit per boram, vel per diem, et quia

talis successio est una numéro, ideo est iinum numéro tempus omnium tempora- lium. per quod mesurantur sicut mensura extrinseca, omnes alii motus , ut successivi sunt. Sciendum, quod prœdicta successione primi motus meosurantur omnes alii mo- tus, ut mensura extrinseca, et mensurantur partes motus primi mobilis, ut scilicet pars illius motus mensuretur parte temporis mensura intrinseca, sicut dicimus haec cir- culatio cœli fuit in ista die, et illa fuit in illa die , sicut est de aliis motibus , qui mensurantur suis successionibus raenson intrinseca. Sciendum, quod mensura unius- cujusque potest considérai! dupliciter. Uno modo absolute, scilicet prout applicabilis est ; alio modo , prout applicatur ad ipsum mensurabile. Cum autem tempus sit quse-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 193

mesure, pourra être considéré de deux manières, absolument, et dans ce sens il s'appelle temps, et dans le second sens, appliqué aux mou- vements successifs, soit qu'ils soient des parties du mouvement du premier mobile, soit qu'ils soient d'autres mouvements, ou aux choses mobiles en tant que mobiles. Et comme ces choses ainsi me- surées par le temps sont appelées mesurées, comme nous disons une promenade d'aujourd'hui, c'est en conséquence de cet absolu, c'est- à-dire le temps ainsi dénommant, que se tire le prédicament quando, suivant la première opinion; dans la seconde opinion, c'est lorsqu'il est le rapport du temps comme mesure à la chose temporelle, c'est pour cela que l'on dit que quando est ce qui reste de l'adjacence ou de la mesure du temps. Car le temps, en tant que mesurant une chose temporelle, la dénomme d'une dénomination extrinsèque, et c'est cela qu'il laisse, cela qui est appelé quando dans la première opinion. Dans la seconde, au contraire, quando reste de l'adjacence du temps, car il reste de la mensuration qui s'opère par le temps le rapport du temps qui mesure à la chose mesurée , lequel est appelé quando , et de même que le temps a des parties comme le présent, le passé et le futur, de même aussi quando a des parties, parce que les choses tem- porelles sont dénommées par toutes ces parties. Nous disons en effet, voilà ce que nous avons fait aujourd'hui, hier, ce que nous ferons demain. On voit ainsi ce que c'est que quando, ce n'est autre chose qu'une forme absolue, qui est le temps dénommant une chose tem- porelle. Ou bien, suivant la seconde opinion, quando n'est autre chose que le rapport absolu de la forme susdite aux choses temporelles qu'il mesure.

dam mensura, poterit his duobus modis considerari , uno modo absolu te , et sic di- citur tempus, alio modo applicata ad mo- tus successivos, sive sint partes motus pri- mi mobilis , sive sint alii motus , vel ad mobilia, in quantum mobilia sunt. Et quia talia ut sic mensurata a tempore sic mer.- suratae denominantur, sicut dicimus am- bulationem hodiemam, ideo atali absoluto, scilicet tempore sic dénommante, sumitur praedicamentum quando , juxta primam opinionem , juxta vero secundam opinio- nem, quando est respectus temporis ut mensurantis ad ipsum temporale, propterea dicitur, quod quando est quod relinquitur ex adjacentia, seu mensura temporis. Tem- pus enim ut mensurat temporale, deno- minatilluddenominationee xtrinsec<},et hoc

relinquit, et hoc dicitur, quando juxta primam opinionem. Juxta vero secundam, quando relinquitur ex adjacentia temporis, qui i ex mensuratione, qua; est a tempore , re- linquitur respectus temporis mensurantis ad mensuratum, quod dicitur quando, et sicut sunt partes ipsius temporis, scilicet pres- sens , prœteritum , et futurum , sic etiam sunt partes quando, quia ab omnibus tali- bus partibus denominantur temporalia. Dicimus enim, heec est operatio hodierna, crastina , vel hesterna. Et sic patet quid est quando, quia nihil aliud est quam for- ma absolu ta, quee est tempus prout de- nominat temporale ; vel juxta secundam opinionem, quando nihil aliud est quam respectus preedictee formas absolute ad tem- poralia, quee mensurat.

V.

13

194

OPUSCULE XLVH, TRAITÉ 0, CHAPITRE 2.

CHAPITRE II.

Que quando n'est pas le rapport de la chose mesurée au temps , mais tout le contraire.

Il faut savoir qu'il y eu a qui disent que quando n'est pas le rapport du temps qui mesure à la chose temporelle , mais , au contraire , le rapport de la chose mesurée au temps lui-même. Je ne regarde pas cela comme vrai, parce que, suivant ces philosophes, quando ne seroit pas une dénomination extrinsèque, mais intrinsèque, et de cette manière il ne seroit pas un des six principes qui dénomment extrinsèquement, comme nous l'avons dit plus haut, et il s'ensuivroit, suivant la seconde opinion , que quando seroit une relation , parce qu'il seroit un rapport ab extrinseco, ce qui est faux. Il faut savoir que la succession du premier mouvement, qui est appelé temps, peut être la mesure des parties du mouvement du premier mobile, de cette manière elle est une mesure intrinsèque , et c'est d'après une telle mesure que se fait la dénomination qui appartient au prédica- ment quando, comme quand nous disons que telle évolution s'est faite hier ou se fait aujourd'hui. De cette manière , quando se trouve en ce en quoi est le temps; parce que le temps est subjectivement dans le mouvement du premier mobile, et, par conséquent, cette dénomination est dans ses parties qui sont dénommées par les parties du mouvement, comme il a été dit , ou suivant la première opinion, le temps est dans le premier mouvement, quant au fondement du rapport qui est quando. Il y a aussi le terme du rapport lui-même, c'est-à-dire les parties mesurées du mouvement qui sont le terme de ce rapport, et c'est ce que veut dire l'auteur des six principes, quand il dit que quando se trouve dans ce en quoi est le temps. Dans un autre sens, le temps peut être la mesure extrinsèque des autres

CAPUT II.

Quod quando non est respectus rei tnensu- ratœ ad tempuSj sed e conversa.

Sciendnm , qnod aliqui dicunt , quod quando non est respectus temporis mensu- rantis ad rem temporalem, sed econ verso est respectus rei mensuratae ad ipsum tem- pus. Hoc non reputo verum , quia secun- dum istos, quando non esset denominatio extrinseca, sed intrinseca, et sic non esset unurn de sex principiis, quae extrinsece dé- nommant, ut supra dictum est. Et sequeretur juxta secundam opinionern , quod quando esset relatio, quia esset respectus ab iutrin- seco, quod falsum est. Sciendum, quod successio primi motus, quae tempus dici- tur, potest esse mensura partiurn motus

primi mobilis, et isto modo est mensura intrinseca, et ex tali mensura fit denomi- natio, quae pertinet ad praedicamentum quando, sicut dicimus quod haec circulatio est hodierna, vel fuit hesterna. Et isto modo in quo est tempus, in eo etiam quando, quia in motu primi mobilis est tempus subjective, et ideo talis denomina- tio est in partibns ejus, quae denominan- tur a partibus motus , ut dictum est , vel juxta primam opinionern in primo motu est tempus, quod ad fundamentum respec- tus, qui est quando. Etiam in eo est termi- nus ipsius respectus , partes scilicet motus mensuratae , quae sunt terminus talis res- pectus, et hoc est, quod dicit auihorsex principiorum, quod in quo est tempus, in eo est etiam quando. Alio modo tempus

SUR LA LOGIQUE d'aïUSTOTE. 1 9o

mouvements, et alors c'est d'après lui que se fait la dénomination qui appartient au prédicament quando; c'est ainsi que nous disons, cette promenade s'est faite hier, et de cette manière quando ne se trouve pas dans ce en quoi est le temps, parce que le temps est sub- jectivement dans le mouvement du premier mobile, et la dénomination qui provient de lui se trouve dans la promenade. Ou bien, suivant la seconde opinion, quando est le rapport fondé dans le temps, dont néanmoins le terme est dans la promenade, et ainsi, en quelque façon, il ne se trouve pas dans ce en quoi est le temps , etc..

CHAPITRE III.

Que quando ne reçoit ni le plus ni le moins, et n'a pas de contraire, qu'il se trouve dans tout ce qui commence d'être.

Quando ne reçoit ni le plus ni le moins, et n'a pas de contraire. Car ce prédicament se tire de la forme absolue dénominative , ou il est le rapport de cette forme , et comme le temps d'où se tire quando ne reçoit pas le plus ou le moins, et n'a pas de contraire, il en sera par conséquent de même de quando. Mais c'est le propre de quando de se trouver dans tout ce qui commence d'être. Il faut remarquer qu'une chose commence d'être de quatre manières. Il y en a qui com- mencent par le mouvement seul , comme la chaleur dans l'eau qui se réchauffe commence d'être par le mouvement de la caléfaction , bien plus le mouvement est placé dans le genre de ces choses. En effet, l'al- tération se trouve dans le genre de la qualité dans laquelle se ren- contre l'altération. D'autres commencent d'être par le changement qui suit nécessairement le mouvement, comme la forme substantielle est introduite dans la matière par la génération qui suit l'altération dont elle est le terme au moins extrinsèque. D'autres, au contraire ,

potest esse mensura aliorum motuum ex- trinseca, ex quo tune fit denominatio, quse pertinet ad prœdicamentum quando , sic dicimus, haec ambulatio fuit hesterna, et sic quando non est in eo in quo est tem- pus , quia tempus est subjective in motu primi mobilis, et denominatio facta ab eo est in ambulatione. Vel juxta secundam opinionem , quando est respectus fundatus in tempore, cujus tamen terminus est am- bulatio , et sic aliquo modo non est in ea, in quo est tempus, etc.

CAPUT III.

Quod quando non suscipit magis nec minus, noc habet contrarium, et quod quando est in omni eo quod incipil esse.

Non suscipit autem quando magis , vel minus, nec etiam ipsi quando est aliquid

contrarium. Nam hoc praedicamentum su- mitur a forma absoluta dénommante, vel est respectus talis forma? , et quia tempus a quo sumitur quando non suscipit magis, vel minus, nec habet contrarium, igitur nec quando ista suscipiet. Est autem pre— prium quando esse in omni eo quod incipit esse. Notandum quod res quadrupliciter incipit esse. Quœdam enim incipit per me— tum solum , ut calor in aqua quae calefit, incipit esse per motum calefactionis. Imo motus ponitur in génère talium. Alteratio enim est in génère qualitatis, in qua alte- ratio invenitur. Quaedam vero incipit esse permutationem sequentem motum neces- sario, sicut forma substantialis inducitur in materiam per generationem sequentem al- terationem, cujus ipsa est terminus saltem extrinsecus. Quœdam autem incipit esse

196 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 5, CHAPITRE 3.

commencent d'être par la mutation qui suit le mouvement , mais non pas de nécessité , comme le matin l'illumination de notre hémis- phère qui est précédée du mouvement local du soleil par le moyen duquel elle s'offre à nous , mais ce changement n'est pas nécessaire- ment précédé du mouvement, car dès le premier instant de la création du soleil , l'air fut illuminé par le soleil sans aucun mouvement pré- cédent de cet astre. Il y en a qui commencent d'être par une simple émanation , et non par mouvement ou par mutation , comme les choses qui sont créées. Or, il faut savoir que le temps , soit continu , soit partagé , ou Yœvum , constitue certaines mesures par lesquelles certains actes sont destinés à être mesurés , parce qu'ils doivent avoir telle ou telle durée. Or il est des actes dans lesquels , existant numé- riquement dans l'unité , se trouve une succession , et leur durée consiste à prendre une partie après l'autre ; tels sont ceux dont j'ai dit qu'ils commencent d'être par le mouvement seul , et ces actes , lorsqu'ils se font ou lorsqu'ils ont été faits, c'est-à-dire lorsqu'ils sont en repos , sont mesurés parle temps continu. Car, par rapport à eux, le fieri est le mouvement , et le factum esse est le repos. Or le mouve- ment et le repos se mesurent par le temps continu , et quando se trouve dans tout acte semblable , comme clans le temps , ainsi qu'il a été dit. Et c'est le propre de quando de se trouver dans tout acte sem- blable qui commence ainsi d'être. Car cet acte étant proprement mesuré par le temps, il en résulte que la dénomination est aussi pro- prement prise du temps , de sorte qu'on dit de la promenade qu'elle s'est faite hier ou aujourd'hui, et c'est quando, comme nous l'a- vons dit. Ou , suivant la seconde opinion , le temps , comme mesure propre , a un rapport à ces actes , et ce rapport est quando. Donc le propre de quando est de se trouver dans tout acte semblable qui com-

per mutationem sequentem motum, sed non ex necessitate , sicut illuminatio nos- tri hemisphserii de mane quam illumina- tionem praecedit motus localis solis, per quetn nobis praesens fit , talem autem mu- tationem non ex necessitate praecedit mo- tus, quia in primo instanti quando creatus est sol, nullo praecedente motu solis fuit aer illuminatus a sole. Quœdam autem incipit esse per simplicem emanationem, et non per motum, nec per mutationem. Sicut illa, quae creantur. Sciendum est autem, quod tempus sive sit continuum, sive discetum, et «vum, sunt quaedam mensurae secun- duna quas actus quidam nati sunt mensu- rari, quia scilicet habent durare, tantum vel tantum , quidam autem actus est in quo uno numéro existente est successio, et ejus duratio consistit in accipiendo partem post partem, sicut sunt ea de quibus dic-

tum est , quod incipiunt esse solum per motum, et taies actus quando fiunt, sive quando facti sunt, cum scilicet sunt in quiète , mensurantur tempore continue Eorum enim fieri est motus, et factum esse est quies. Motus autem, et quies men- surantur tempore continuo. In omni autem tali actu est quando, sicut tempore ut dic- tum est. Et hoc est proprium quando esse in omni tali actu, qui sic incipit esse , talis enim actus, quia proprie tempore mensu- ratur, proprie etiam sumitur deiiominatio a tempore , ut dicatur de ambulatione ho- dierna, vel hesterna, et hoc est quando, ut dictum est. Ve! juxta secundam opinionem, tempus ut mensurans proprie habet res- pectum ad actus taies, et hic respectus est quando. Proprium ergo quando est esse in omni tali actu, qui sic incipit esse ut in termino, ut dictum est. Aliquis vero actus

SUR LA LOGIQUE d'aïUSTOTE. 197

menée d'être ainsi comme dans un terme. Il est d'autres actes dont la durée ne consiste pas à prendre successivement une partie après l'autre, mais en ce que le même indivisible reste permanent , et cet acte est double. En effet , il y a certains actes indivisibles dans lesquels il ne se trouve aucune succession , il y a néanmoins d'autres actes destinés à leur succéder, et ces actes eux-mêmes sont destinés à succéder à d'autres , comme les formes substantielles corruptibles , les pensées et les volitions successives des anges. Chacun de ces actes est indivi- sible , et l'un succède à l'autre. Car une forme succède à l'autre dans la matière première, et néanmoins l'être de cette forme est dans l'in- divisible , et il en est ainsi des pensées et des volitions des anges dont nous venons de parler. D'où il résulte que ces actes sont mesurés par le temps discret. Car chacun de ces actes est mesuré par le moment présent du temps discret , et la succession qui existe entre ces actes est mesurée par le temps discret ; or le temps discret se trouve dans le genre de la quantité discrète l'on place le discours. Car le dis- cours n'est pas pris ici pour le son , puisque le son est une qualité , ni pour le nombre des syllabes , parce qu'ainsi il ne seroit pas une es- pèce différente du nombre , ni pour plusieurs temps continus de syllabes, parce que, de cette manière, il ne seroit pas une espèce différente du temps continu. En effet , plusieurs parties de temps ne font pas une espèce différente du temps , comme il a été dit ; mais il se prend pour la mesure de la prolation de ce son. Car ici il ne s'agit pas seulement de donner plusieurs choses, mais de produire une plus longue durée , suivant que plusieurs choses indivisibles durent plus qu'une seule; c'est pourquoi il faut établir ici un nombre apparte- nant à la mesure de durée quelconque ; or, c'est une chose discrète dans ce qui commence d'être ainsi. Et ce qui a ainsi l'être , ce n'est

est, cujus duratio non consistit in acci- piendo successive partera post partem, sed consistit in hoc, quod idem indivisibile ma- nens stat, et iste actus est duplex. Quidam enim actus indivisibilis , in quo nulla est successio, tamen natus est ei alius actus succedere et ipse natus est succedere alteri sicut formae substantiales corruptibiles, co- gitationes et volitiones successives angelo- rum. Horum enim actuum unusquisque est indivisibilis, et unus succedit alleri. Una namque forma succedit alteri in materia prima, et tamen esse talis formae in indi- visibili est, et sic est de dictis cogitationi- bus et volitionibus angelorum. Unde taies actus mensurantur tempore discrète. Unus- quisque enim talium actuum mensuratur nunc temporis discreti , et successio , quae est inter taies actus , mensuratur tempore

discreto , tempus autem discretum est in illo génère quantitatis discret» in quo po- nitur oratio. Non enim oratio ibi ponitur pro sono, cum sonus sit qualitas , nec pro numéro syllabarum, quia sic non esset alia species a numéro nec pro pluribus tempo- ribus continuis syllabarum , quia sic non esset alia species a tempore continuo. Plu- res enim partes temporis non faciunt aliam speciem tempore, ut supra dictum est, sed ponitur pro mensura prolationis illius soni. Ibi enim non solum est dare plura, sed est dare plus durare secundum quod talia plura indivisibilia plus durant quam unum, ideo oportet ibi ponere aliquem numerum per- tinentem ad mensuram alicujus durationis; hoc autem est discretum in talibus , quae sic incipiunt esse. Et quae sic habent esse, non est quando , secundum quod hic su-

198 OPUSCULE XL Vil, TRAITÉ 5, CHAPITRE 3.

pas quando en tant qu'il est pris ici comme restant de l'adjacence du temps continu , et si on y trouvoit quando de l'adjacence du présent du temps discret , il seroit d'une autre nature que quando dont il s'agit ici. Il y a d'autres actes indivisibles qui ne sont pas propres à succéder à d'autres , ni réciproquement , comme l'acte d'être des auges , de l'ame raisonnable et des corps célestes , et l'intellection de l'ange par laquelle il se comprend, laquelle n'est pas successive, la vision béatifique des anges et des âmes. Ces actes sont mesurés par Vœvum , qui est tout à la fois. D'où il suit que, bien que ces actes aient commencé d'être par une simple émanation , quando n'est pas cependant en eux , car ils ne se mesurent pas par le temps. Or, nous pouvons dire que quando se trouve dans tous ces actes par une cer- taine coexistence du temps continu avec leur durée. Nous disons , en effet, quand fut l'ange, hier ou aujourd'hui , non pas néanmoins que l'ange, quant à son être, soit mesuré par le jour d'hier ou le jour d'aujourd'hui, mais parce que le jour d'hier ou le jour d'aujourd'hui a existé en même temps que la durée de l'ange, c'est-à-dire avec son cevum , ou parce que son œvum a coexisté avec le temps d'hier ou d'aujourd'hui , et ainsi de suite. Tel est le prédicament quando.

mitur quando prout relinquitur ex adja- j non enim habent mensurari tempore. Pos- centia temporis continui , et si in eis esset ! sumus autem dicere quod in omnibus dic-

tis actibus sit quando per quamdam coexis- tentiam, quam habet tempus continuum cum durationibus eorum. Dicimus enim quando fuit angélus, et respondetur heri vel hodie ; non tamen quod angélus quan- tum ad suum esse mensureretur die hes- terno vel hodierno , sed quia dies hesterna vel hodierna simul fuit cum dicta dura- tione angeli, scilicet cum suo sevo, vel œvuum suum simul coexistit tempori hes- terno vel hodierno. Et sic de aliis, et patet de quando.

quando ex adjacentia ipsius nunc temporis discreti esset alterius rationisquam quando, de quo nunc igitur. Alius vero actus indi- visibili est, qui non est aptus natus succe- dere alteri, nec alius sibi , sicut est actus essendi angelorum, et anima? rationalis et corporum cœlestium, et intellertio angeli, qua videlicet intelligit se , quee non est successiva, et beata visio angelorum et animarum. Et taies actus mensurantur œvo, quod est totum simul. Unde licet ta- ies actus incœperit esse per simplicem ema- nationem, tamen in eis non est quando,

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

199

TKAIÏE VI.

De ubi.

CHAPITRE PREMIER.

Du préclicarnent Ubi, ce que c'est formellement , et en quoi il se trouve

subjectivement.

Ubi est la circonscription d'un corps provenant de la circonscrip- tion de lieu. Pour comprendre cette définition et ce que c'est que ubi, il faut savoir que le lieu est la surface d'un corps contenant immo- bile ; or une chose peut être dans un lieu de deux manières , savoir, définitivement et descriptivement. Des choses sont définitivement dans un lieu quand , sans être douées de vastes dimensions , ni par elles- mêmes, ni par accident, elles ne se trouvent pas néanmoins partout, mais sont dans une partie du monde , de telle sorte qu'elles ne sont pas dans une autre , comme les anges et les âmes séparées, d'où l'on dit qu'elles sont dans un lieu définitivement, c'est-à-dire détermina- tivement, parce qu'elles ont une position tellement déterminée dans une partie du monde, qu'elles ne sont pas alors dans une autre partie, et par rapport à elles on ne peut pas dire proprement de ubi qu'il est in, parce que les choses qui sont en ubi sont contenues dans un lieu. Mais ces choses contiennent bien plutôt le lieu qu'elles ne sont conte- nues dans le lieu, elles ne sont donc pas proprement dans ubi. On dit de toutes les choses qui ont une dimension qu'elles sont circonscrip- tivement dans un lieu. Ne disons rien pour le moment de la manière dont la dernière sphère est dans le lieu. Il résulte de laque la quantité qui rend formellement subjective la matière étendue , la constitue en un lieu comme cause efficiente; c'est pourquoi un corps localisé par

TIUCTATIS YI.

De ubi.

CAPUT PRIMUM.

De prœdicamento Ubi quid sit formaliter et in quo sit subjective.

Ubi est circumscriptio corporis a loci circumseriptione proveniens. Ad intelli- gendatn prœdictam descriptionem, et quid est, ubi sciendum , quod locus est superfi- cies corporis coutinenlis immobilis, dupli- citer autem potest aliquid esse in loco , scilicet diffniitive et descriptive. Difïini- tive sunt in loco ea, quse licet quanta non sint, nec per se nec per accidens, tamen non sunt ubique, sed ita sunt in una parte mundi , quod non sunt in alia, sicut sunt

angeli et anima? separatœ. Unde dicuntur esse in loco diffinitive, id est determina- tive, quia ita determinatse sunt in una parte mundi, quod tune non sunt in alia, et de talibus non potest proprie dici ubi esse in. Nam ea quee in ubi continentur in loco. Sed hujusmodi magis continent lo- cum, quam contineantur a loco ; non ergo proprie sunt in ubi. Circumscriptive vero dicuntur esse in loco omnia quanta. Di- mittamus modo de ultima sphaera qualiter sit in loco. Unde quantitas, quse formaliter facit subjectam materiam quantam, effi- cienter facit eam esse in loco. Unde cor- pus locatum per suam superficiem tangit

200 OPl'SCULE XL VII , TRAITÉ 6 , CHAPITRE 1 .

sa surface touche la surface du corps qui contient , et comme la sur- face du corps localisé est déterminée, il en est de même de la surface du lieu contenant. Or on peut considérer sous deux rapports la sur- face du corps qui renferme; premièrement, comme étant dans le corps contenant et le dénommant, telle la quantité; secondement, comme dénommant le corps localisé , et elle constitue ainsi le prédi- cament ubi qui n'est réellement autre chose que le lieu en tant qu'af- fectant la chose localisée d'une dénomination extrinsèque, comme on dit citoyen de cité , Praguéen de Prague. Ou suivant la seconde opi- nion, le prédicament ubi est un rapport du lieu qui circonscrit la chose localisée. On voit par ce qui précède que le mouvement local n'est pas dans un lieu comme tel, mais il est dans le prédicament ubi; or le mouvement se trouve subjectivement dans ce qui est mû, c'est- à-dire dans ce qui est mobile. On dit que le mouvement est dans le genre de la forme qui s'acquiert par le mouvement, laquelle est le terme du mouvement ; mais le lieu ne se meut pas, puisqu'il est le terme du contenant immobile, tandis que la chose localisée se meut. Or le lieu comme tel n'est pas la forme qui s'acquiert dans la chose localisée , mais bien la forme du contenant. Rien ne s'acquiert donc dans la chose mobile, si ce n'est ubi, qui est le rapport du lieu à la chose localisée , comme la circonscrivant. Ou bien c'est la domination sup- posant le susdit rapport dans la première opinion. Or ce rapport se trouve terminativement dans la chose localisée , suivant l'extension du lieu dont il est le rapport, de même que le fondement s'acquiert dans la chose tendant vers des ubi successifs, jusqu'au terme du mouvement. On voit par que dans les autres espèces du mouvement dans le mobile lui-même, il s'acquiert une forme intrinsèque. Car dans l'altération qui se fait du froid à la chaleur, la chaleur, qui est la

superficiem corporis locantis. Et sicut est signata superficies corporis locati , ita et superficies locantis. Superficies autem cor- poris locantis potest dupliciter considerari. rjno modo ut est in corpore locante, et denominat illud , et sic est quantitas. Alio modo, nt denominat corpus locatum, et sic facit preedicamentum Ubi , quod' nihil aliud est secundum rem quam locus, ut denominat locatum denominatione extrin- seca, sicut dicitur civis a civitate , et Pra- gensis a Praga. Vel juxta secundam opi- nionem praedicamentum ubi est respectus loci circumscribentis locatum. Ex praedictis patet , quod motus localis non est in loco in quantum hujusmodi, sed est in praedica- mento ubi, motus autem subjective est in eo quod movetur, seu in mobili. Dicitur autem motus esse in génère forma? , quae

acquiritur per motum , quae est terminus motus, non autem movetur locus cum sit terminus continentis immobilis : movetur autem locatum , locus autem in quantum hujusmodi non est forma quae acquiratur in locato, sed est forma locantis. Nihil er- go acquiritur in re mobili nisi ubi quod est respectus loci ad locatum , ut circum- scribit illud. Vel est dominatio supponens prasdictum respectum juxta primam «pi- nionem. Hic autem respectus terminative est in ipso locato , et secundum extensio- nem loci, cujus est talis respectus, ut fun- damentum acquiritur in re , quae movetur ad aliud , et aliud ubi usque ad terminum motus. Ex his patet, quod in aliis specie- bus motus in ipso mobili acquiritur forma intrinseca. Nain in alteratioue , quae lit de frigore ad calorem acquiritur calor qui est

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 201

forme intrinsèque inhérente à l'objet échauffé , se trouve acquise. Dans l'augmentation et la décroissance, il s'acquiert une certaine quantité qui est aussi la forme intrinsèque inhérente; mais dans le mouvement local , ce qui s'acquiert , c'est ubi qui dénomme extrinsè- quement. Ou bien, suivant la seconde opinion, c'est un rapport ex- trinsèque fondé sur le contenant et terminé dans la chose localisée , comme il a été dit. On comprend donc la définition de ubi, c'est- à-dire que c'est la circonscription d'un corps , ou la dénomination d'un corps localisé circonscrit , provenant de la circonscription du lieu, c'est-à-dire du lieu qui circonscrit. Ou suivant la seconde opi- nion, c'est la circonscription d'un corps localisé, c'est-à-dire le rap- port terminé dans un corps circonscrit , provenant de la circonscrip- tion du lieu, on fondé dans le lieu, comme circonscrivant la chose localisée.

CHAPITRE II.

Ubi ne reçoit ni le plus ni le moins , il n'a pas la contrariété , et se trouve dans le corps terminé par une surface.

Ubi ne reçoit ni le plus, ni le moins, ni la contrariété. Car, ainsi que nous l'avons dit, ubi n'est autre chose que le lieu comme dénom- mant la chose localisée qu'il circonscrit. Ou bien , sur, ant la seconde opinion, c'est un rapport extrinsèque fondé dans le lieu qui circon- scrit, et terminé dans la chose localisée. Ce rapport n'ajoute rien de réel au fondement , si ce n'est le terme ad quem , comme il a été dit plus haut au sujet de la relation. C'est pourquoi il ne signifie rien de différent du lieu. Mais le lieu ne reçoit ni le plus, ni le moins, et il n'y a rien de contraire au lieu , comme on l'a dit. Donc ubi ne reçoit ni le plus, ni le moins, ni la contrariété. Or le propre de ubi, c'est

forma intrinseca inhaerens ipsi calefacto. Et in augmente» et décrémente acquiritur certa quantitas, quee etiam est forma inhaerens intrinsece. Sed in motu locali acquiritur ubi, quod denominat extrinsece. Vel juxta secundam opinionem est respectus extrin- secus fundatus in locante et terminatus in locato , ut dictum est. Patet ergo descrip- tio ipsius ubi, scilicet quod est circum- scriptio corporis, id est, denominatio cor- poris locati circumscripti proveniens a cir- cumscriptione loci , id est, ab ipso loco circumscribenle. Vel juxta secundam opi- nionem est circnmscriptio corporis locati , id est, respectus terminatus in corpore cir- cumscripto, proveniens a circumscriptione loci, id est fundatus in loco prout circum- scribit locatum.

CAPUT II.

Quod Vbi non suscipit magis nec minus, nec habst contrarietatem , et quod est in cor- pore terminalo superficie.

Ubi vero non suscipit magis nec minus et non suscipit contrarietatem. Ut enim dictum est, ubi nihil aliud est quam locus ut denominans rem locatam , quam cir- cumscribit. Vel juxta secundam opinio- nem est respectus extrinsecus fundatus in loco circumscribente , et terminatus in re locata ; qui respectus nihil reale addit su- pra fundamentum, nisi terminum ad quem, ut supra de relatione dictum est. Unde nullam rem dicit diversam a loco. Sed lo- cus non recipit magis vel minus, nec loco aliquid est contrarium , ut supra dictum est, ergo nec ubi suscipit magis vel rmnu nec contrarietatem. Proprium autem ub

202 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 6, CHAPITRE 2.

d'être dans tout corps terminé ou dénominativement, ou dans la seconde opinion terminativement , bien qu'il y ait dans un corps cer- tains autres accidents, comme la chaleur, la douceur, etc., et que cer- tains rapports se terminent au corps, comme l'égalité et l'inégalité , néanmoins ils ne conviennent pas au corps aus;si proprement qu'à ubi ; car le corps est ce qui est limité par une surface ou par des sur- faces, et c'est la nature du corps en tant que corps. Mais comme la nature a horreur du vide , il faut nécessairement qu'elle s'adjoigne immédiatement une autre superficie qui , comme immobile, est ap- pelée lieu et le circonscrit, c'est ubi. C'est pourquoi ubi est propre- ment dans le corps , parce qu'il suit immédiatement le corps comme tel. Je dis que le propre de ubi est d'être dans tout corps, ajoutez et non dans une autre chose , parce qu'il n'est pas de lieu à l'indivi- sible comme tel. Si , en effet, le lieu est une quantité continue, il doit être indivisible. Or la chose localisée et le lieu sont dans un rapport adéquat , d'où il résulte que si quelque indivisible étoit lieu, il s'en- suivroit que ce lieu seroit indivisible. Remarquez qu'on peut prendre l'indivisible sous deux rapports. D'abord mathématiquement , et sous ce rapport le point seul est indivisible, et, comme il a été dit, il ne lui est pas proprement de heu. En second lieu, l'indivisible se prend naturellement , car on peut arriver à la plus petite parcelle de chair, laquelle étant divisée, il n'y aura plus de chair. Néanmoins cet indivisible est étendu , tandis que le point ne l'est pas , et rien n'em- pêche que cette sorte d'indivisible soit dans un heu ; il admet donc ubi. Je dis aussi que ubi est dans un corps terminé; si, en effet, il y avoit un corps infini, comme les anciens philosophes supposoient qu'il y en avoit un hors du ciel, ce corps ne seroit pas dans ubi. Tel est ce qui concerne ubi.

est esse in omni corpore terminato vel de- j eus est quantitas continua , oportet quod nominative, veljuxta secundam opinionem j sit indivisibilis. Locatum autem et locus terminative , licet euim qusedam alia ac- i adaequantur. Uude si alicujus indivisibilis cidentia sint in corpore, ut calor, dulcedo | esset locus, sequeretur quod locus ille esset et hujusmodi , et quidam etiam respectus J indivisibilis. Notandum quod indivisibile terminentur ad corpus, ut œqualitas et in- j dupliciter potest sumi. Uno modo mathe- œqualitas , tamen non ita proprie conve- matice, et sic solus punctus est indivisi- niunt corpori , sicut ubi. Corpus enim est j bilis , et cui , ut dictum est , non debetur quod superficie vel superficiebusterminatur, proprie locus. Alio modo sumitur indivisi- et hoc est de ratione corporis in quantum ; bile naturaliter, est enim devenire ad mi- est corpus. Sed quia natura non sustinet j nimam carnem, quae si dividatur, non erit vacuum, oportet quod statim sibi conjun- I amplius caro. Hoc tamen indivisibile est gatur alia superficies, quae ut immobilis est, quantum, et non punctus, et nullus prohi- locus dicitur et circumscribit illud, et hoc bet taie indivisibile esse in loco : igitur in est ubi. Unde proprie ubi est in corpore eo est ubi. Dico etiam quod ubi est in cor- quia immédiate sequitur ipsum corpus in | pore terminato. Si enim esset corpus infi- quantum hujusmodi. Et dico , quod pro- j nitum, ut ponebant primi Philosophi esse prium est ubi esse in omni corpore, supple, extra cœlum, taie corpus non esset in ubi , et non in alio , quia indivisibili in quantum et sic patet de ubi, etc. hujusmodi non debetur locus. Si enim lo- !

SUR LA LOGIOUE D ARISTOTE.

203

TRAITE VIL

De la position.

CHAPITRE PREMIER.

Du prédicament de position ; est-il quelque chose suivant la raison

formelle ?

La position est l'ordre ou la disposition des parties dans le lieu. Pour comprendre cela , il faut savoir que la partie est prise comme le tout d'une manière multiple. En effet, il y a un triple tout, le tout universel, potentiel et intégral, et lorsqu'on parle d'un autre tout, comme le tout dans la quantité, le tout dans le temps , le tout dans le lieu , ils se rapportent à ces trois premiers. Or on appelle tout uni- versel un genre dont les parties subjectives sont des espèces; le tout potentiel est quelque chose il y a des puissances qui ne peuvent être appelées ni parties intégrales, ni parties subjectives, comme l'ame est un tout potentiel par rapport à ses puissances, et chacune de ses puissances est appelée force potentielle. Le tout intégral est de deux sortes. L'un qui est constitué par les parties intégrantes de l'es- sence de la chose composée. Chacune de ces parties, prise en elle- même , n'est pas destinée à exister naturellement sans l'autre, comme la forme et la matière. Il y a un autre tout intégral dont les parties séparées du tout peuvent naturellement exister par elles-mêmes, comme un morceau de bois étant divisé en deux fragments, chacune des parts peut exister par elle-même, et c'est là, comme on dit en méta- physique , passio quanti in eo quod quantum est. Et comme ces par- ties sont divisibles, elles peuvent être déterminées par l'intellect,

TRACTATliS VII.

De situ.

GAPUT PRIMUM.

De prœdicamenlo si lus > an aliquid sil se- cundum rationem formatera.

Positio est ordo seu ordinatio partium in loco. Ad intelligendum autem prœdictam descriptionem , sciendum est , quod pars multipliciter dicitur sicut et totum. Est enim triplex totum, scilicet universale, potentiale et intégrale. Et si aliud totum dicatur, ut totum in quantitate, totum in tempore, totum in loco , ad ista tria redu- cuntur. Dicitur autem totum universale genus, cujus partes subjectivse sunt species, totum vero potentiale dicitur aliquid , in quo sunt potentiae , quee nec partes inté-

grales dici possunt, nec partes subjectivse, sicut anima respectu suarum potentiarum est totum potentiale, et qutelibet ejus po- tentia dicitur vis potentialis. Totum vero intégrale est duplex. Unum est, quod con- stituitur ex partibus integrantibus essen- tiam rei composites. Quarum partium una- quaeque per se accepta non est nata esse naturaliter sine alia , sicut sunt forma et materia. Aliud vero totum intégrale est , cujus partes sunt natae divisée a loto quœ- libet per se esse, sicut diviso ligno toto in duo ligna unaquœque partium potest per se esse, et haec est passio quanti in eo quod quantum est, ut dicitur V Metaph. Et quia taies partes sicut sunt divisibiles, ita per

204 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 7, CHAPITRE 1.

quoiqu'elles ne soient pas séparées , et parce que , considérées en elles-mêmes, elles ont un certain ordre dans le tout, l'une étant con- sidérée proprement comme étant le centre du tout, une autre comme venant ensuite, et ainsi des autres, un tel ordre est appelé puissance, laquelle est la différence de la quantité, comme il a été dit. Il ne faut pas croire cependant qu'un pareil ordre , qui est appelé puissance , soit une relation , parce que la différence de la quantité ne peut pas être dans un prédicament différent de la quantité , mais elle peut être une relation secundum dici, comme nous disons que la science est une relation ou un relativus secundum dici. Car la science est dans la première espèce de la qualité par antériorité, et secondairement elle désigne un certain rapport à ce qui est susceptible d'être connu par la science. On peut aussi considérer sous un autre point de vue les parties intégrales dont nous venons de parler dans leur comparaison avec le lieu, en tant, par exemple, qu'une partie du lieu correspond à chacune des parties ainsi coordonnées dans le tout ; et cet ordre ou disposition des parties dans le lieu s'appelle position , qui est le pré- dicament situs. Il faut remarquer que le tout localisé et tout le lieu restant les mêmes, les diverses parties de la chose localisée peuvent être appliquées aux différentes parties du lieu, il y a par conséquent quelque différence entre la comparaison du tout localisé avec le tout localisé , et la comparaison des parties avec les parties , et ainsi la puissance qui désigne l'ordre des parties de la chose localisée , relati- vement aux différentes parties du lieu, est un prédicament différent du prédicament ubi, qui signifie la circonscription de la chose loca- lisée par le lieu. Il faut observer que la superficie du corps contenant, qui est appelé lieu , et la superficie du corps contenu coexistent simul- tanément , et telle est la figure du corps contenu , telle est aussi la figure du lieu ou la superficie du corp6 contenant , et par conséquent

intellectum signari possunt , quamvis non sint divisée, et quia in se consideratae inter se habent aliquem ordinem in toto, quia una consideratur proprie esse centrum to- tius, et alia post aliam, et sic. de aliis, talis ordo dieitur potentia, quae est differentia quantitatis, ut supra dictum est. Née ta- men est credendum, quod talis ordo , qui dieitur potentia, sit relatio, quia differen- tia quantitatis non potest esse in alio prae- dicamento a quantitate, sed potest esse re- latio secundum dici, sicut dicimus, quod scientia est relatio, vel relatum secundum dici. Est enim scientia in prima specie qualitatis per prius, secundario autem dicit quemdam respectum ad scibile. Alio modo possunt considerari praedictae partes inté- grales, ut comparantur ad locum , prout,

scilicet cuilibet parti sic ordinatae in toto correspondet pars loci, et talis ordo, seu ordinatio partium in loco dieitur positio , quae est praedicamentum situs. Notandum, quod manente eodem toto locato et eodem toto loco, possunt partes diverse lecati di- versis partibus loci applicari , et ideo est aliqua diversitas inter comparationem to- tius locati ad totum locatum, et inter com- parationem partium ad partes , et sic po- tentia, quae dicit ordinem partium locati ad diversas partes loci , est aliud praedica- mentum quam praedicamentum Ubi, quod dicit circumscriptionem locati a loco. No- tandum , quod superficies corporis conti- nents , quae locus dieitur , et superficies corporis contenti sunt simul, et secundum quod est figura corporis contenti , sic est

SUR LOGIQUE d'aRISTOTE. 205

il faut que le lieu ait une habitude différente par rapport à la chose localisée, suivant la situation des parties et sa différence dans le corps localisé. C'est pourquoi du lieu contenant ainsi diversement les par- ties de la chose localisée on dénomme cette chose même à raison de ses parties. Le prédicament de situation ou de position est ainsi ap- pelé, comme on dit un homme assis, parce que les parties du lieu circonscrivent de cette manière les parties de la chose localisée. Ou , suivant la seconde opinion , le rapport fondé sur la chose localisée , à raison de ses parties, est la position ou situation. On voit donc par ce que c'est.

CHAPITRE II.

La position est la dénomination ou le rapport tiré des parties du lieu à raison des parties de la chose localisée.

Il faut savoir qu'il en est qui disent que la situation ou position n'est pas la dénomination ou le rapport tiré des parties du lieu à raison des parties de la chose localisée , mais bien plutôt un rapport tiré des parties de la chose localisée relativement aux parties du lieu. Si on leur objecte que s'il en étoit ainsi, il s'ensuivroit que cette dénomination ne seroit pas ab exlrinseco, parce que le rapport fondé sur les parties de la chose localisée, suivant la première opinion, laquelle est le prédicament de situation , ne se trouve pas en dehors du tout localisé , d'où il suivroit que la situation seroit une relation. Ils répondent à cela qu'il arrive pour la situation ce que nous avons dit plus haut pour la passion , laquelle, quoique étant subjectivement dans l'objet qui la' subit , dénomme néanmoins le patient d'une dé- nomination extrinsèque , parce qu'elle ne le dénomme qu'à raison de l'agent , qui est extérieur, et ainsi ils disent que les parties de la chose

figura loci, seu superficies continentis , et ideo secundum situationem partium et ejus diversitatem in corpore locato, neces- se est locum diversam habitudinem habere ad locatum. Unde a prœdicto loco sic di- versimode locante partes locati deno minant ipsum locatum ratione suarum partium. Dicitur prsedicamentum situs seu positio- nis, sicut dicitur homo sedens, quia partes loci sic circumscribunt partes locati. Vel juxta secundam opinionem respectus fun- datus in locato ratione suarum partium , est positio seu situs. Patet ergo quid est situs seu positio.

CAPUT II.

Quod positio est denominalio seu respectus sumptus a parlibus loci, ratione partium locati.

Sciendum est, quod quidam dicunt, quod

quidam dicunt, quod situs seu positio non est denominatio sive respectus sumptus a partibus loci ratione partium locati, sed potius est respectus sumptus a partibus lo- cati ad partes loci. Et si objiciatur eis, quod si hoc esset, sequeretur quod talis denominatio non esset ab extrinseco, quia respectus fundatus in partibus locati juxta secundam opinionem , ad quam sequitur talis denominatio juxta primam opinio- nem quae est prœdicamentum situs, non est extra totum locatum. Unde sequetur quod situs esset relatio. Ad hoc respondent quod de situ accidit sicut de passione supra dictumest, quœ licet sit subjective in passo, tamen ab ea denominatur patiens deno- minatione extrinseca, quia non denominat illud nisi ratione agentis, quod est extra, et sic dicunt, quod partes locati sic ordinataî non denominant lotum in praedicamento

206 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 7, CHAPITRE 3.

localisée ainsi coordonnées, ne dénomment le tout dans ce prédica- ment qu'à raison des parties du lieu auxquelles elles se rapportent. Et comme, ainsi que nous l'avons dit plus haut, Aristote n'a point établi ces prédicaments , et que celui qui l'a fait n'a pas une grande autorité, ni un partisan de quelque valeur, il en résulte que chacun aujourd'hui peut en penser et en dire ce qui lui plaît. Néanmoins les deux opinions pourroient se soutenir, mais la première a plutôt pour but d'établir que ce prédicament signifie la forme survenant extrinsè- quement, tandis que la seconde paroît se fonder sur la signification des locations qui importent la position. Carsessio et cubatio semblent signifier plutôt la disposition des parties de la chose localisée par rapport aux parties du lieu, que vice versa. Il en est de même de âpre et doux, car cela est âpre dont les parties se présentent égale- ment. Quelle est la plus probable de ces opinions, j'en laisse le juge- ment au lecteur.

CHAPITRE III.

La situation ne reçoit ni le plus ni le moins, et n'a pas de contrariété , ce qui lui est propre, c'est d'assister à la substanee d'une manière pro- chaine.

Le situs ou position ne reçoit ni le plus, ni le moins, soit qu'elle soit le rapport des parties du lieu aux parties de la chose localisée ou vice versa , parce que ni les parties du lieu , ni les parties de la chose localisée ne reçoivent le plus et le moins , par conséquent ni le situs non plus. De même ce situs ne reçoit pas la contrariété , comme oii peut le déduire de ce qui a été dit. C'est le propre du situs d'assister d'une manière prochaine à la substance matérielle. Pour comprendre cela, il faut savoir qu' assister, dans le sens on prend ici ce mot , c'est être en rapport. Il faut noter que la quantité affecte la chose ma-

isto, nisi ratione partium loci, ad quas ha- beîit respeclum. Et quia, ut supra dictum est, ista prœdicamenta non fecit Aristote- les, et ille qui fecit, non fuit tant* aueto- ritatis, nec habuit aliquem expositorem ali- cujus auctoritatis, ideo de eis quilibet itio- dernorum dicît, sicut sibi videtur. Utraque tamen opinio posset salvari , sed prima magis stat ad salvandum quod hoc praedi- camentum dicat formam extrinsecus ad- venientem. Secunda vero videtur magis stare cum significato dictionum , quœ im- portant positionem. Nam sessio et cubatio magis videntur dicere dispositionem par- tium locati per respectum ad partes loci , quam e converso. Et sinùliter se habet de aspero et leni , asperum enim est cujus partes œqualiter porriguntur. Quae autem istarum ophnonum sit probabilior, legen- tis judicio relinquo, etc.

CAPUT III.

Quod situs non suscipit magis nec minmt'A nec habet conlrarielatem, et quod pro- prium ejus est proxime assistere sub- stantiœ.

Situs autem, seu positio non recipit ma- gis nec minus , sive sit respectus partium loci ad partes locati, sive e converso, quia nec partes loci nec partes corporis locati suscipiunt magis vel minus; ideo nec situs suscipit magis vel minus. Similiter nec re- cipit contrarietatem , ut ex supra dictis potest patere. Est autem proprium situs proxime assistere substantif materiali. Ad quod intelligendum , sciendum est quod assistere, ut hic sumitur, est esse respecti- vum. Notandum quod quantitas afïicit rem materialem prius quam aliquod accidens. Unde primam materiam prius natura m-

SUR LOGIQUE d'aRISTOTE. 207

térielle avant aucun accident. C'est pourquoi la forme substantielle qui donne l'être informe la matière première avant la nature. Pour cette information , la quantité passe naturellement avant quelque autre accident; or, comme on l'a dit, la passion propre de la quan- tité , c'est d'être divisible en parties intégrales; c'est pourquoi , dans le chap. Y de la Métaph., Aristote en donne cette définition. Quantum est ce qui est divisible en parties toujours divisibles. Le situs, qui est un certain rapport, se termine à ses parties intégrales, quoiqu'il soit fondé sur le lieu, ou , suivant d'autres, sur les parties de la quantité, et se termine aux parties du lieu, lequel rapport est suivi de la déno- mination qui constitue le prédicament situs, suivant la première opi- nion. Donc le plus prochain rapport de la substance matérielle , soit termina tivement, soit fondamentalement, c'est le situs ou position.

TRAITE VIII.

De l'habitude.

CHAPITRE PREMIER.

De Thabitus en tant que 'prédicament , ce que c'est formellement.

Vhabitus est l'adjacence des corps et de ce qui les environne. Pour comprendre ceci, il faut savoir que avoir quelque chose signifie un certain rapport. On dit que certains sujets ont certaines choses , mais entre le sujet qui a ces choses et les choses elles-mêmes, il n'y a qu'un rapport de raison , comme quand on dit que quelque chose a une substance ou une partie de substance, le pied, la main, ou

format forma substantialis, quae dat sibi esse. Ad quam informationem prius natura sequitur quantitas, quam aliquod aliud ac- cidens: ut autem supra dictum est, propria passio quantitatis est quod sit divisibilis in partes intégrales. Et ideo V Metaph. a Phi- losopho sic describitur. Quantum est quod est divisibile in semper divisibilia. Ad quas partes intégrales terminatur situs qui

est rcspectus quidam, licet fundetur in loco vel secundum alios fundatur in par- tibus quantitatis et terminatur ad partes loci, ad quem respectum sequitur denomi- natio , quee facit prsedicamentum situs , juxta primam opinionem. Proximus ergo respectus substantise materialis sive termi- native , sive fundamentaliter est situs sive positio , etc.

TRACTATIS VIII-

De HAB1TU.

CAPUT PR1MUM.

De habilu secundum quod est prœdicameu- (um quid sit formuliter.

Habitus est corporum, et eorum quœ circa corpus sunt adjacentia. Ad intelli-

gendum autem prcedictam descriptionem , sciendum, quod habere aliquid dicit quem- dam respectum. Quaedam enim dicuntur habere aliquas rcs, sed inter habentem et res habitas est solus respectus rationis , ut cum aliquid dicitur habere substantiam,

208 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 8, CHAPITRE 1.

qu'elle a une quantité ou une qualité; et cependant entre le sujet et la chose possédée , il n'y a aucun rapport réel , mais seulement un rapport de raison. C'est pourquoi cette manière d'avoir appartient aux prédicaments absolus. Il y a d'autres sujets qui sont dits avoir certaines choses, de manière qu'entre le sujet et ces choses il existe un rapport réel et conversif , comme le père est dit avoir un fils, et le fils un père , le maître un esclave ou un domaine , et l'esclave et le domaine un maître. Or du père au fils et du fils au père, il y a un rap- port réel; il en est de même du maître et de l'esclave, et celte ma- nière d'avoir appartient au prédicament de relation. D'autres sujets sont dits avoir certaines choses ; et entre ces sujets et les choses pos- sédées, il y a un rapport réel, mais non conversif, mais bien un rapport du sujet à la chose , et c'est dans ce sens qu'on dit que le temps a les choses temporelles , le lieu l'objet localisé , les parties du lieu les parties de l'objet localisé, et le contenant le contenu; et cette manière d'avoir appartient aux prédicaments quando , ubi et situs. Car on dit que ce qui possède de cette manière a le contenu , ce qui revient au prédicament quando et la chose située , ce qui revient au prédicament situs. Le vase en effet est un lieu mobile , et le lieu est est un vase immobile , comme il est au livre IY de la Phys. D'autres sujets sont dits avoir certaines choses, et entre ces sujets et ces choses, il existe un rapport réel , non conversif, de manière qu'un tel rapport est le rapport de la chose possédée au sujet qui la possède, comme on dit que l'homme a une tunique , et le rapport est de la tunique à l'homme qui la possède , mais non réciproquement. Cette manière d'avoir appartient à ce prédicament, je veux dire Yhahilus. Remarquez, ainsi que le dit Aristote, chap. XV des Animaux, que la nature a pourvu de vêtements et d'armes les autres animaux.

vel partes substantiœ, sicut pedem vel ma- num, vel habere quantitatem vel qualita- tem, et tamen inter habens et res habitas nullus est respectus realis , sed solum ratio- iiis. Unde hoc habere pertinet ad prœdica- menta absoluta. Quœdam vero dicuntur habere aliquas res, ita quod inter haben- tem et res habitas est respectus realis et conversivus , sicut pater dicitur habere fi- lium, et filius patrem, et dominus ser- vum, vel possessionem, et servus vel pos- eessio domiuum. Patris autem ad filium, et filii ad patrem est respectus realis, et si- militer est de domino et servo, et istud habere pertinet ad prœdicamentum rela- tionis. Quœdam autem dicuntur habere aliquas res et inter habentia et res habitas est respectus realis , sed non conversivus , sed est respectus habentis ad rem habitam, et isto modo tempus dicitur habere tem-

poralia , et locus locatum , et partes loci partes locati, et continens contentum. Est istud habere pertinet ad prœdicamenta quando , et ubi , et situs. Nam continens ita dicitur habere contentum, quod redu- citur ad prœdicamentum quando, et situs situatum, quod pertinet ad prœdicamen- tum situs. Nam vas est locus mobilis , et locus est vas immobile, ut dicitur IV Phys. Quœdam autem dicuntur habere aliquas res, et inter habentia et res habitas est respectus realis, non conversivus, ita vi- delicet quod respectus talis est rei habita? ad ipsum quod habet eam, sicut homo di- citur habere tunicam, et respectus est tu- nicae ad ipsum hominem habentem, et non e converso. Et hoc habere pertinet ad is- tud prœdicamentum, scilicet habitus. No- tandum, quod ut Philosophus dicit, XV De animal., natura providit ahis aninialibus,

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 209

Quelques-uns ont pour vêtement des poils , d'autres un cuir épais , ou une carapace , ou quelque chose de ce genre. De même elle a donné à quelques-uns pour armes des dents , aux autres des cornes, aux autres des griffes et autres choses semblables ; pour l'homme , elle ne lui a rien donné de tout cela , mais en revanche elle lui a donné l'intelligence et des mains , afin que par ce moyen il pût se pourvoir de ce qui lui est nécessaire et se faire avec les choses exté- rieures des vêtements et des armes. C'est pourquoi dans les ani- maux les vêtements comme les armes sont des parties substantielles de ces mêmes animaux ; et entre les sujets qui possèdent et les objets possédés , il n'y a pas de rapport réel , mais un rapport de raison , comme il a été dit. C'est pourquoi la dénomination qui se fait par rapport à eux , à raison de leurs vêtements ou de leurs armes natu- relles, n'appartient pas à ce prédicament. Mais entre notre vêtement, nos armes et nous , il y a un rapport réel , aussi nos vêtements et nos armes , en tant qu'ils nous dénomment comme les possédant, sont le prédicament habitus. Ou bien , suivant la seconde opinion, leur rap- port à nous est le prédicament habitus. C'est pour cela que ce prédi- cament ne convient qu'aux hommes. Jl est vrai aussi que nous revê- tons et armons certains animaux avec des vêtements et des armes qui leur sont étrangers ; en effet , nous habillons les singes et nous har- nachons un cheval , et sous ce rapport ce prédicament peut leur ap- partenir. Tel est ce prédicament,

CHAPITRE II.

Z'habitus^ew^ se fonder immédiatement dans la substance.

On n'est pas certain si ce prédicament est la dénomination qui suit le rapport, ou dans la seconde opinion le rapport lui-même, comment

de vestirnentis et de armis. Unde quœdam pro vestimento habent pilos, quœdam vero corium grossum, vel corticem, vel aliquid hujusmodi. Similiter etiam aliquibus pro armis dentés dédit, aliis cornua, aliis vero ungues, et hujusmodi, homini autem nihil horum dédit , sed dédit ci intellectum et manus, ut per eas posset sibi providere, et de rébus exterioribus faeeret sibi vesti- menta et arma. Unde in aliis animalibus tam vestimenta quam etiam arma sunt partes substantiales eorum, et interhabentia et habita non est aliquis respeclus realis, sed solum rationis, ut dictum est. Unde denominatio, quae fit in eis vel a vesti- rnentis, vel ab armis eorum naturalibus non pertinet ad hoc prœdicamentum. Sed rnter vestimenta et arma nostra et nos est

V.

respectus realis, et ideo vestimenta et arma prout denominant nos habentes ea sunt prœdicamentum habitus. Vel juxta seeun- dam opinionem respectus eorum ad nos est prœdicamentum habitus. Unde hoc prse- dicamentum solum convenit hominibus. Verum est autem, quod etiam quœdam animalia vestimus et armamus vestirnentis et armis exterioribus. Vestimus enim simias et falleramus equos : et isto modo hoc praedicamentum potest ad ea pertinere. Et sic patet, etc.

GAPUT II.

Quod habitus polest immédiate fundari in subslantia.

Videtur autem esse dubium, sive hoc prœdicamentum sit denominatio sequens

14

210 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 8, CHAPITRE 2.

il peut appartenir aux genres des accidents. Il est en effet constant que les vêtements comme les armes sont dans le genre de la substance. Or la dénomination prise de la substance ne se met pas dans un genre différent de la substance, ou, suivant la seconde opinion, comment le rapport sera-t-i] fondé daus la substance immédiatement, puisqu'il n'ajoute rien de réel au fondement, comme il a été dit; il s'ensuit donc ou que la substance sera accident, ou que Y habitus ne sera pas acci- dent. 11 faut dire, ce qui ne répugne pas, que le rapport réel est fondé dans la substance. En effet, la substance créée comme telle se rap- porte réellement au créateur, et ce rapport est immédiatement fondé en elle, et la substance n'est pas pour cela rapport ou accident. Notez que l'accidentalité de la quantité et de la qualité, qui sont des accidents absolus, est différente de l'accidentalité des sept autres prédicaments. Car l'accidentalité des absolus consiste en ce qu'ils surviennent dans l'être en acte par inhérence, et de cette manière la substance ne peut pas être accident, au contraire, l'accidentalité des sept autres prédica- ments consiste en ce qu'il arrive à la forme ou au sujet de la forme d'avoir un terme ad quem. Et comme une forme substantielle, ou une substance composée peut avoir un semblable terme, rien n'empêche que de cette manière elle soit un accident, de sorte qu'elle se produise accidentellement dans un sujet, d'où il arrive au vêtement de devenir adjacent au corps et d'avoir un tel rapport avec lui : Et de cette ma- nière, soit que le vêtement soit pris comme dénommant, il lui arrive de dénommer ainsi, et il est accident : ou dans la seconde opinion il arrive au vêtement d'avoir le corps pour terme auquel il se rapporte comme adjacent. Ou on peut dire qu'on ne fait pas indifféremment des

respectum, sive juxta secundam opinionem sit ipse respectus , quomodo hoc prœdica- mentum pertinebit ad gênera accidentium. Constat enim quod vestimenta sive arma sunt in génère substantiae. Denominatio au- tem sumpta a substantia non ponitur in alio génère a substantia, sive juxta secun- dam opinionem quomodo fundabitur res- pectus immédiate in substantia, eum res- pectus nihil reale addat supra fundamen- tum , ut supra dictum est ; ideo sequitur, quod substantia vel erit accidens, vel quod habitus non erit accidens. Ad quod dicen- durn, quod non est inconveuiens , quod respectus realis in substantia fundetur. Substantia enim creata in quantum hujus realiter refertur ad creatorem, et talis res- pectus immédiate in ea fundatur , nec propter hoc substantia est respectus vel accidens. Notandum, quod differt acciden- talitas quantitatis et qualitatis qua? sunt accidentia absoluta , ab accidentalitate

aliorum septem preedicamentorum. Nain accidentalitas absolutorum consistit in hoc quod adveniunt enti in actu per inha?ren- tiam , et isto modo substantia non potest esse accidens. Accidentalitas autem aliorum septem preedicamentorum consistit in hoc, quod accidit formée seu subjecto formas habere terminum ad quem. Et quia forma substantialis seu substantia composita po- test habere talem terminum , isto modo non est inconveniens quod sit accidens, id est ut accidenlaliter alteri adveniat , unde accidit vestimento ut adjacent çorpori , et ut talem respectum habeat ad ipsum; et sic sive sumatur vestimentum, ut denomi- nans, accidit sibi sic denominare, et sic est prœdicamentum habitus juxta primam opinionem , et est accidens : vel juxta se- cundam opinionem accidit vestimento habere corpus pro termino, ad quem ut adjacens habet respectum. Vel potest dici, quod non ex omni substantia iudifforenter

SLR LA LOGIQUE d'aMSTOTE. 211

vêtements et des armes de toute espèce de substance , mais que pour faire des armes on prend une substance qui a une certaine qualité , comme la dureté. De même, on ne fait pas indifféremment des vête- ments avec toute espèce de substance , mais on prend une substance qui a telle qualité, comme la mollesse, la facilité de se plier, etc., et le rapport qui est YhaMtus se fonde sur ces quantités, ou à raison de ces SLibstances, en tant qu'elles ont ces qualités. Donc Vhabitus est l'adja- cence des corps et des choses qui les environnent, ce qui se conçoit ainsi : Vhabitus est l'adjacence, c'est-à-dire la dénomination des corps comme choses qui sont dénommées, et des choses qui environnent le corps, c'est-à-dire des choses qui opèrent une semblable dénomina- tion, comme l'homme vêtu est désigné et dénommé par les vêtements qui l'enveloppent. Ou bien, suivant la seconde opinion , Vhabitus est l'adjacence ou le rapport des corps terminativement. Car ce rapport, c'est-à-dire le rapport du vêtement se termine au corps vêtu, et il ap- partient aux choses qui sont fondamentalement autour du corps. En effet, le fondement de ce rapport est le vêtement lui-même, comme on l'a dit ; ainsi s'explique Vhabitus. Il faut observer que, quoique cette dénomination appartienne au tout de ce qui a cet habitus , car on dit que l'homme est vêtu et chaussé, néanmoins elle convient à elle- même à raison de Vhabitus qui est adjacent à la partie. Car, quoique l'homme soit dit chaussé, c'est néanmoins à raison de la chaussure qui est adjacente au pied, lequel est une partie intégrante de l'homme, puisque tout le corps n'est pas vêtu , c'est à raison de la partie à laquelle le vêtement est adjacent, voilà ce qui concerne Vhabitus.

fiunt arma, et vestimenta, sed arma finnt ex substantia habente aliquam qualitatem, puta durïtiem et hujusmodi. Similiter ves- timenta fiunt non ex qualibet substantia indifferenter, sed ex habente talem quali- tatem , puta mollitiem et plicabilitatem, vel hujusmodi , et super his quantitatibus fundatur respectus, qui est habitus , vel a dictis substantiis, in quantum babent taies qualitates. Est ergo habitus adjacentia cor- porum , et eorum quae eirca corpus sunt, quod sic intelligitur. Habitus est adjacen- ia, id est denominatio corporum , sicut eorum quœ denominantur , et eorum mise sunt circa corpus, id est eorum a quitus fit talis denominatio , sicut a vestimentis , quœ sunt circa corpus, dicitur et denomi- natur homo vestitus. Vel jtvxta secundam

opinionem , habitus est adjacentia , id est respectus corporum terminative. Talis enim respectus , scilicet vestimenti , terminatur ad corpus vestitum, et est eorum quae sunt circa corpus fundamentaliter. Nam funda- mentum talis respectus est ipsum vesti- mentum, ut dictum est, et sic patet des- criptio habitus. Notandum, quod licet talis denominatio sit totius habentis talem ha- bitum, nam homo dicitur vestitus et cal- ciatus, tamen convenit sibi ratione habitus qui adjacet parti. Licet enim homo dicatur calciatus, tamen dicitur ratione calcia- menti, quod adjacet pedi, qui est pars in- tegralis hominis , cum totum corpus non sit vestitum, sed ratione illius partis cui adjacet vestimentum. Patet ergo de ha- bitu. etc.

212

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 8, CHAPITRE 3.

CHAPITRE III.

Z/habitus reçoit le plus et le moins , mais non tout habitus , il n'a pas la

contrariété.

L'habitus reçoit le plus et le moins, mais il y a des exceptions. Mais on ne sait pas parfaitement quel est celui qui reçoit le plus et le moins. En effet , si les rapports reçoivent le plus et le moins dans la même proportion que les fondements reçoivent l'intension et la rémission, et suivant ces rapports les termes sont appelés rapports plus ou moins. Comme on dit qu'une chose échauffe plus ou moins selon la chaleur plus ou moins grande qu'elle produit. Mais le fondement de Yhabitus étant la substance, comme on l'a dit, laquelle ne reçoit ni le plus, ni le moins, il s'ensuit que Yhabitus ne reçoit ni le plus, ni le moins. Pour comprendre cela il faut savoir que , comme il a été dit , ces six préilicamentsne désignent que l'absolu en tant qu'il dénomme quelque chose d'extrinsèque, laquelle dénomination suit quelque rapport réel qui existe entre la chose qui dénomme et la chose dénommée et qui est cependant un rapport dans le genre de la relation. Ou l'on désigne ce rapport suivant la seconde opinion, et il est commun aux six prin- cipes susdits. C'est pourquoi telle chose dénommée est dite plus ou moins d'après l'intension ou la rémission de l'absolu qui dénomme, ainsi qu'on l'a dit. Quelquefois la dénomination plus ou moins ne se fait pas d'après l'intension ou la rémission du sujet dénominateur, mais par la présence de plusieurs dénominateurs de même nature par lesquels l'objet dénommé se trouve l'être par ce qui est respectif à chacun; comme nous disons que le feu qui échauffe trois morceaux de bois les échauffe plus que s il n'en échauffoit que deux du même de-

gaput m.

Quod habitus suscipit magis et minus * licel non omnis , el quod habitus non habet contrarietatem .

Recipit autem habitus magis et minus, licet non omnis. Qualiter autem habitus recipit magis et minus , videtur esse du- bium. Si enim respectus in tantum reci- piunt magis et minus, in quantum funda- menta recipiunt intensionem , et remissio- nem, et secundum istos respectus denomi- nantur termini respectus magis vel minus. Sicut dicitur magis, vel minus calefaciens a majori, vel minori calore quem efiicit. Sed cum fundamentum habitus sit sub- stantia, ut dictum est, quae non suscipit magis vel minus : ergo nec habitus suscipit magis vel minus. Ad quod intelligendum, sciendum est, quod ut dictum est, ista sex

prsedicamenta nihil aliud dicunt nisi abso- lutum, ut dénommai aliquid extrinsecum, quœ denominatio sequitur aliquem respec- tum realem , qui est inter denominaus et denominatum, qui tamen respectus est in génère relationis. Vel juxta secundam opinionem dicunt prsedictum respectum, et talis respectus est communis dictis sex principiis. Unde taie denominatum dicitur magis vel minus ab intensione vel remis- sions illius absoluti denominantis, ut dic- tum est. Aliquando vero denominatur ma- gis, vel minus, non ab intensione vel re- missione denominantis, sed si plura fuerunt denominativa ejusdem rationis, a quibus denominatum secundum unuinquodque quod est , eo denominatur , sicut dicimus , quod ignis calefaciens tria ligna magis ca- lefacit, quam si calefaceret duo eodem gradu caloris. Constat enim quod omnes

SLR LOGIQUE d'aRISTOTE. 213

gré de chaleur. Il est sûr, en effet, que ces trois caléfactions sont de même nature et que le feu agit sur elles suivant une seule puissance caléfactive , et de cette manière la caléfaction peut se dire plus ou moins, quoique dans les caléfactions comme dans quelques autres ac- tions que ce soit on n'ait pas l'habitude de dire plus ou moins dans ce sens; il en est de même dans la seconde opinion, car si plusieurs rapports de môme nature auxquels répond un seul terme dénomment le terme plus, tandis qu'un plus petit nombre le dénomment moins, Yhabitus ne reçoit point le plus ou le moins de la première manière. En effet, on ne dira jamais que quelqu'un est plus ou moins vêtu ou plus ou moins chaussé à raison d'une seule chaussure ou d'un seul vêtement, et on conçoit par que tout habitus ne reçoit pas le plus ou le moins, parce que le vêtement, ni la chaussure ne reçoivent ni in- tension, ni rémission. Mais Yhabitus reçoit le plus et le moins de la seconde manière , car on peut dire d'un homme qu'il est plus vêtu , s'il a plusieurs vêtements, et moins vêtu, s'il en a moins, et ainsi de suite. Cela ne convient pasauprédicament quantum, puisque le temps qui dénomme est l'unique parmi les choses temporelles. Cela ne con- vient pas non plus au prédicament wôi, puisqu'il n'y a qu'un lieu pour un corps , pas plus qu'au prédicament situs , puisqu'il n'y a qu'une partie du lieu qui réponde à chaque partie de la chose localisée. Mais cette manière de désigner le plus ou le moins pourroit convenir à quelque relatif, ou a quelque agent, ou à quelque patient; on voit par comment Yhabitus reçoit ou ne reçoit pas le plus ou le moins , ou bien il faut dire que le rapport habitus n'est pas fondé immédiatement dans la substance, comme il a été dit, que par le moyen de quelque qualité, comme la dureté , la mollesse et autres pareilles , lesquelles qualités sont le fondement de ce rapport. Or, comme les susdites qua-

istae très calefactiones simt ejusdem ratio- nis, quibus respondet ignis secundum unam potentiam calefactivam , et isto modo ca- lefaciens potest dici magis vel minus, licet in calefactionibus vel in quibuscumque ac- tionibus non sit consuetum dicere isto modo magis vel minus, et simile est si su- matur hic juxta secundam opinionem, quia si plures respectus unius rationis, quibus unus respondet terminus, dénommant ter- minum magis, pauciores vero minus, ha- bitus primo modo non suscipit magis vel minus. Ab uno enim vestimento vel cal- ciamento scilicet uno numéro nunquain aliquis dicetur magis , vel minus vestitus, vel calciatus, et sic intelligitur, quod non omnis habitus suscipit magis vel minus, quia nec vestimentum , nec calciamentuin suscipit intensionem vel remissionein. Se- cundo vero modo habitus suscipit magis,

vel minus, quia unus et idem homo a plu- ribus vestimentis potest denominari magis vestitus, et a paucioribus minus vestitus, et sic de aliis. Hoc autem non convenit prœdicamento quando, cum tempus deno- minans sit unum omnium temporalium. Nec autem convenit prœdicamento ubi, cum unius corporis unus tanturn sit locus. Nec prseilicamento situs, cum cuilibet uni parti locati una respondeat pars loci. Potest au- tem convenire iste modus dicendi magis vel minus alicui relativo et alicui agenti, vel patienti , et sic patet qualiter habitus sus- cipit magis, vel minus, et qualiter non. Vel dicendum, quod respectus habitus non im- médiate fundatur in substantia, ut supra dictum est, nisi mediante aliqua qualitate, puta duritie vel mollilie, et hujusmodi, quie qualitates sunt fundamentum talis res- pectus, cum autem dictée qualitates susci-

214 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 8, CHAPITRE 4.

lités reçoivent le plus et le moins, il en est par conséquent de même de Vhabitus. 11 ne reçoit pas néanmoins la contrariété. En effet , c'est par la réception du plus et du moins que s'effectue la contrariété quand le plus et. le moins se trouve suivant un certain degré d'intension et de rémission dans les espèces d'un genre, comme on le voit pour le blanc elle noir , or cette intension ne se trouve pas dans Vhabitus, comme nous l'avons dit. Donc il n'y a pas de contrariété dans Vhabitus.

CHAPITRE IV.

Le propre de /'habitus est d'exister tant dans le corps que dans ce qui en- veloppe le corps suivant la division des parties.

Il faut savoir que le propre de Vhabitus est d'exister tant dans le corps que dans les clioses qui enveloppent le corps en plusieurs suivant la division des parties. Nous avons dit de quelle manière il faut l'en- tendre. Une chose est dénommée par Vhabitus par cela que Vhabitus est adjacent à quelque partie intégrale déterminée , comme l'homme est dit chaussé par les pieds, coiffé par la tête et ainsi de suite ; or cela ne convient à aucun autre des prédicaments. En effet, quoique dans le prédicament de situs la dénomination du tout se fasse à raison des parties auxquelles sont adjacentes les parties du lieu , non pas néan- moins à raison de quelque partie déterminée, mais bien à raison de toutes auxquelles sont adjacentes les parties du lieu, tantôt d'une ma- nière, tantôt d'une autre. Mais dans le prédicament habitus la déno- mination du tout se fait par une partie déterminée à laquelle est adja- cent un habitus particulier. Et parce que, comme l'on considère dans ce prédicament le corps ayant un habitus relativement à ses parties organiques déterminées, de même les habitus des parties déterminées sont différents et séparés, car dans Vhabitus d'un homme la partie du

piant magis et minus ; ergo et habitus , non tamen recipit habitus contrarietatem. Ut enim supradictum est ex receptione magis et minus, causatur contrarietas , quando magis et minus est secundum gradurn in- tensionis et remissionis in speciebus unius generis, ut patet de albo et nigro, talis autem intensio non est in habitu , ut dio tum est. Ergo in habitu non est contra- rietas.

CAPUT IV.

Quod proprium habitus est existere tam in corpore, quam in his, quœ circa corpus sunt secundum divisionem partium.

Est autem sciendum, quod proprium ha- bitus est existere tam in corpore , quam in his quae circa corpus sunt in pluribus secundum divisionem partium. Hoc autem

qualiter intelligatur , dictum est. Denorni- natur enim aliquid ab habitu secundum quod habitus adjacet alicui parti integrali signatae, sicut dicitur homo calceatus a pe- dibus, et galeatus a capite , et sic de aliis, hoc autem nulli aliorum prsedicamentorum convenit. Licet enim in preedicamento situs fiât denominatio totius ratione partium quibus adjacent partes loci, non tamen ra- tione alicujus partis signata?, sed ratione omnium, quibus adjacent partes loci ali- quando uno modo, et aliquando aH». Sed in prœdicamento habitus fit denominatio totius ab una parte signata , cui adjacet singularis babitus. Et quia sicut conside- ratur in hoc pradicamento corpus habens habitum quantum ad suas partes organicas signata?, sic habitus partium signatarum sunt diverti et divisi. Nain m habitu unius

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 215

vêtement est différente de la chaussure, et ainsi de chacun. C'est pour- quoi on dit que le propre de Yhahitus est d'exister suivant la division des parties du corps qui en est revêtu, et suivant la division des choses qui enveloppent le corps relativement à la division de Yhahitus : tel est ce prédicament , comme les autres également. Notez que les prédi- caments appartiennent ta la première opération de l'intellect , dans la- quelle il île se fait aucune composition par l'être, ni aucune division par le non-être. Or on peut considérer de deux manières les choses qui appartiennent à cette opération première. D'abord, relativement aux choses conçues, et nous en avons déjà parlé. Toutes les choses qui appartiennent à cette opération première sont signifiées par les dix prédicaments, comme on le voit par ce qui a été dit. La seconde ma- nière dont on peut les considérer , est relative au mouvement de si- gnification, en tant qu'elle est signifiée par les noms, par les paroles et par les autres parties du discours, nous allons nous en occuper tout à l'heure. C'est pourquoi la logique n'est pas seulement une science rationnelle , comme lorsqu'il s'agit du syllogisme qui appartient au discours delà raison, mais c'est aussi une science argumenta tive. Elle traite en effet du syllogisme et de ses parties , relativement au mode de signification, en établissant ce -que c'est que le nom , ce que c'est que la parole, et en établissant les signes universels- et particuliers, qui appartiennent tous au mode de signification, dont nous allons par- ler bientôt.

Heureuse fin du traité des dix prédicaments qui sont appelés les genres des choses.

hominis diversa est pars vestimenti a cal- ciamento , et sic de singulis : ideo dicitur esse proprium habitus existere secundum divisionem partium corporis, scilicet ha- bentis, et secundum divisionem eorum, quai sunt circa corpus secundum divisio- nem habitus, et sic patet de praedicamento habitus, et de omnibus praedicamentis hoc modo. Notandum, quod prsedicamenta per- tinent ad primam operationem intellectus, in qua nulla sit compositio per esse , nec divisio per non esse. Quae autem pertinent ad talem primam operationem, possunt du- pliciter considerari. Uno modo, quantum ad res intellectas, et sic de eis jam dietum est. Omnia enim quae sic pertinent ad talem primam operationem, per decem prœdica-

menta significantur, ut ex dictis patet. Alio modo possunt considerari quantum ad mo- tum significandi , in quantum scilicet si- gnificatur per nomina, et per verba, et per alias partes orationis, et de lus dicetur im- médiate : propterea logica non solum est scientia rationalis, ut puta de syllogismo qui pertinet ad discursum rationis, sed est etiam scientia sermocinalis. Tractât enim de syllogismo, et partibus ejus quantum ad mortum significandi, ponendo quid est no- men, et quid est vcrbum, et ponendo signa universalia et particularia, quae omnia ad rnodum significandi pertinent , de quibus omnibus infra dicetur.

De decem praedicamentis , quœ gênera rerum dicimtur, tractatus féliciter finis.

210

OPUSCULE XLVTI , TRAITÉ 9, CHAPITRE 1

TRAITE IX.

De l'interprétation' ou énoxciation.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que le nom suivant l'intention logique..

Après avoir parlé des choses qui, quant à l'objet de la signification, appartiennent à l'opération première de l'intellect, laquelle est l'intel- ligence des choses indivisibles, comme il est dit dans le liv. III de l'Ame : « Parce qu'une chose est connue par sa quiddité ; » nous al- lons traiter maintenant des choses qui appartiennent à la seconde opé- ration de l'intellect, laquelle est appelée ici composition ou division, et par le moyen de laquelle notre intellect compose une chose avec une autre, ou la sépare d'une autre par l'être ou le non-être. Ce traité est appelé de renonciation ou de la proposition prise dans un sens large; car si elle étoit prise dans un sens strict, renonciation seroit son genre. En effet, la proposition ne se dit que des prémisses du syllo- gisme, tandis que l'énonciation se dit tant des prémisses que de la pré- conclusion. Pour connoître ce que- c'est que renonciation il faut parler d'abord avec Aristote de ses parties, savoir du nom, du verbe et de son genre, qui est le discours. Le nom est une voix intentionnellement significative sans mesure de temps , dont aucune partie ne signifie des choses séparées, limitées et droites. Dans cette définition du nom le mot voix est mis pour le genre. Il faut observer, ainsi qu'il est dit dans le liv. II de la Métaphysique, que c'est la différence qui existe entre la définition des suppôts et la définition des formes soit substan-

TRACTATIS IX.

DE INTEnPR.ETATIONE , 6ED ENINTIATIONE.

CAPUT PRÏMUM.

De nomine quid sil secundum inlcntionem logicam.

Dicto de his, quae quantum ad rem si- gnificatam pertinent ad primam operatio- nem intellectus, quae est mdivisibilium in- telligentia, ut in III De anima dicitur, quia videlicet res cognoseitur quantum ad suam quidditatem : nunc diecndum est de Iiis , quae pertinent ad secundam operationem intellectus , quae ibi compositio vel divisio nominatur, qua scilicet intellectus noster unam rem eum alia componit, vel an alia eaiu divktit, per esse scilicet et non esse. Et dicitur tractatus iste de enuntiatione.

seu propositione, large sumpta proposition1. Si enim stricte sumeretur, tune enuatiatio esset genus ejus. Propositio enim solum di- citur de prœmissis ipsius syllogismi , sed enuntiatio dicitur tam de prœmissis quam de piœconclusione. Ad cognoscendum au- tem dictam enuntiationem , dicendum est primo cum Aristotele de partibus suis, sci- licet de nomine, et verbo, et de ejus gé- nère, quod est oratio. Nomen est vox signi- fioativa ad placitum sine tempore , cujus nulla pars significat separata , imita, et recta. In isla nomiuis diflinitione ponitur vox pro génère. Notandum, quod nt habe- tur II M et a j, h., hœc est differentia inter difïinitionem suppositorum , et difïinitio-

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 217

tielles, soit accidentelles. Car dans la définition des suppôts on ne met rien qui soit en dehors de l'essence du défini , et toutes les particules de la définition sont de l'essence de la chose définie. Les formes ne pouvant exister par elles-mêmes, mais bien dans un sujet ou dans la matière, demandent dans leur définition un sujet ou de la matière, lesquels néanmoins ne sont pas de l'essence des choses, aussi leurs dé- finitions sont dites faites par additamenta , c'est pourquoi les formes accidentelles veulent un sujet dans leurs définitions, c'est la diffé- rence qui se trouve dans leurs définitions. Car les formes abstraites demandent un sujet dans leurs définitions d'une autre manière que les formes prises au concret, les formes abstraites veulent un sujet à la place de la différence , comme lorsque nous disons : La crépitude est la contraction des cheveux, définition les cheveux, qui sont le sujet delà crépitude, sont misa la place de la différence; au concret, au contraire, elles veulent le sujet à la place du genre, comme lorsque nous disons, crépu, c'est le cheveu contracté. Cela posé, il faut savoir que le nom, le verbe et le discours sont des choses artificielles, et par conséquent des accidents ; leur sujet est la voix qui est quelque chose de naturel. En effet, l'art dans la voix comme dans un sujet forme les noms, les verbes et les discours, c'est pourquoi dans leurs définitions on doit mettre la voix comme sujet; et comme ce sont des êtres con- crets on doit mettre la voix pour le genre. Or la voix est dite significa- tive pour la distinguer des voix non significatives, quelles qu'elles soient, qui sont proférées pour rien. On dit intentionnellement, à ren- contre des voix significatives naturellement, comme sont les aboie- ments des chiens, qui signifient la colère, d'après l'impulsion de la nature, parce qu'ils ne sont pas significatifs par institution humaine.

nem furmarum sive substantialium , sive accidentalium. Nam in difïinitione suppo- sitorum nihil poaitur , quotl sit extra es- sentiam diffiniti, sed omnes particulae dif— finitionis sunt de essentia diffiniti. Formas vero, quia non possnnt per se esse, sed in alio, scilicet in subjecto, vel in materia in sui difïinitione requirunt subjectum , vel materiam, qiue tamen non sunt de essentia earum , et ideo ipsarum difïinitiones di- cuntur esse per additamenta, unde formée accidentales in sui difïinitione requirunt subjectum. Heec est autem ditYerentia inter eas difïiniendo. Nam formée abstractae ali- ter requirunt subjectum in earum difïini- tionibus , quam formas sumptae in eon- creto, formée abstractae requirunt subjec- tum loco differentiee , ut cum dicimus : crispitiido est contractio capillorum , ubi capilli , qui sunt subjectum crispitudinis, ponuntur loco diflerentiœ. In concreto vero

requirunt subjectum loco generis, ut cum dicimus crispum est capillus contractus. Hoc habito sciendum est , quod nomen, verbum, et oratio sunt queedam artificialia, et per consequens accidentia , eorum au- tem subjectum est vox, quae est quid na- turale. Ars enim in voce , ut in subjecto format nomina, verba et orationes, et ideo in eorum difïinilionibus débet poni vox ut subjectum. Et quia concreta sunt, ideo in eorum difiinitionibus ponitur vox pro gé- nère. Dicitur autem vox significàtiva, ad differentiam vocum non signilîcativarum quœcumque sint illee , quae videlicet pro nihilo proferuntur. Ad placitum autem dicitur, ad doctrinam vocum signilîcativa- rum naturaliter , ut sunt latratus canum, qui significant iram, prout natura dictavit eis, quoniam non significat secundum in- stitutionem humanam. Sine tempore vero dicitur ad doctrinam verbi et participa.

218 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 1.

On dit sans mesure de temps pour faire connoîlre le verbe et le parti- cipe. Remarquez ici, comme nous l'avons dit dans un autre traité, que l'action, la passion et le mouvement sont une seule chose; or le verbe signifie par manière d'action ou de passion , et par conséquent par manière de mutation. Or la première chose à mesurer par le temps c'est le mouvement, mais le verbe signifie avec mesure de temps. Il faut savoir que l'action et la passion peuvent être signifiées de deux manières, ou par un mode abstrait, comme sont certaines choses , et alors elles ne signifient pas avec mesure de temps, car elles signifient par mode (Yhabitus, de repos , c'est-à-dire sans mouvement , et ainsi elles sont signifiées par le nom. Elles sont signifiées d'une autre ma- nière par mode d'action en tant qu'elles sortent du sujet, et elles sont signifiées comme mouvements ou mutations et par conséquent comme étant mesurées par le temps, et elles le sont par les verbes pris formel- lement et non matériellement et même par les participes, mais non par le nom; donc le nom signifie sans mesure de temps. On dit ensuite qu'aucune partie du nom n'est significative séparément pour faire con- naître le discours dont les parties sont significatives séparément. Re- marquez que la signification est au nom comme sa forme, tandis que la lettre ou les syllabes en sont la matière ou les parties intégrales. Mais comme il n'y a dans le tout aucune partie qui ait la forme du tout, aussi nulle partie séparée n'aura d'autre signification par elle-même que celle du tout. C'est pourquoi dans les noms composés , comme terre-neuve, castrum-Joannis , si la chose signifiée étoit divisée , si par exemple on entendoit de la terre qu'elle est neuve , ce ne seroit plus alors un nom, mais un discours; mais si la chose signifiée étoit une seule chose, comme une villa ou autre chose semblable, alors ce sera des noms. On dit ensuite limitée, à la différence des noms infinis ,

Ubi nota , quod ut supra in alio tractatu dictum est, actio, passio et motus sunt una res, verbum autem significat per modum actionis, vel passionis, et per consequens per modum motus, seu mutationis. Primum autem, quod habet mensuraiï tempore, est motus , verbum vero significat cum tem- pore. Sciendum, quod actio et passio du- pliciter possunt significari, vel per modum abstractum, ut sunt quaedam res, et tune non significant cum tempore, significant enim per modum habitus et quietis, scili- cet sine motu, et sic significantur a no- mine. Alio modo significantur per modum actionis prout sunt egredientes a sulijecto, et sic significantur ut motus vel mutatio- nes, et per consequens, ut mensurantur tempore, et sic significantur a vertus for- maliter et non materialiter sumptis ; et

etiam a participas , non a nomine , nomen ergo significat sine tempore. Deinde dicitur quod nominis nulla pars significat separata, ad doctrinam orationis, cujus parte- ficant separatae. Ubi nota, quod signitîcatio se habet ad nomen, ut forma ejus, littera vero, et syllabse sunt ut materia ejn ut partes intégrales. Cum autem nulla pars sit quae non habeat formarn totius in toto, ideo nulla pars separata habebit per gnificationem , nisi solum illam quaui ha- bet totum. Undfi in nominibus compositis, ut sunt terranova, castrumjoannis, si signi- ficatum esset divisum, puta quod intellige- retur pro terra quse esset nova , tune non esset nomen, sed oratio, si vero significa- tum suum esset una res , puta villa vel hujusmodi; lune erunt nomina. Deinde di- citur fînita , ad difierentiam nominum in-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 219

comme le nom homme. Sur quoi il faut observer que tout nom , en prenant même le pronom pour le nom , ou signifie une nature déter- minée , comme l'homme, ou une personne déterminée, comme vous et moi, ou une nature déterminée et une personne, comme Socrate, Platon. Or comme le nom infini ne signifie rien de tout cela, il ne pourra pas vraiment être appelé nom. Qu'il ne signifie rien de tout cela, c'est évident, car le nom qui est imposé par la privation demande au moins un sujet existant, car aveugle ne se dit pas du nom d'animal, mais suppose que ce qui est aveugle possède l'aptitude à avoir des yeux. Mais le nom infini étant imposé par la négation , ne suppose rien, car il peut se dire de l'être comme du non-être. Nous disons que la chimère est un non homme, comme le cheval est un non homme; d'où il résulte que ces choses ne signifient que par mode de nom, parce que c'est au moins un suppôt en compréhension. On dit ensuite droite à la différence des cas obliques qui viennent du droit ou nominatif par une certaine origine de déclinaison. Car le nominatif seul est ap- pelé nom principalement, parce que c'est par lui que s'est faite l'im- position du nom pour une autre signification. Or les cas obliques n'appartiennent pas directement à la logique qui s'occupe du vrai et du faux, parce que ces cas avec le verbe je suis, tu es, il est, dans lequel tous les autres se confondent, ne disent pas le vrai et le faux. Rien n'empêche cependant de les joindre avec quelques autres verbes im- personnels et ils signifieront alors ou la vérité ou la fausseté, comme je m'ennuie de la lecture; telle est l'explication du nom, etc.

finitorum , sicut est non homo. Ubi nota, quod orane nomen accipiendo etiam pro- nomen pro nomine, aut significat determi- natam naturam, ut homo, aut determina- tam personara , ut ego et tu, aut determi- natam naturam et personam, ut Sortes, Plato : cum autem nomen infinitum nihil horum signifîcet, non vere poterit dici no- men. Quod autem nihil horum signifîcet , patet. Nam nornen, quod imponitur a pri- vatione ad minus requirit suhjectum exis- tens , non enim ciecum dicitur nomine animalis, sed supponit, quod illud quod est caecum, sit aptuvn natum hahere oculos. Nomen autem infinitum cum a negatione imponatur , nihil supponit , potest enim dici de ente, sicut de non ente. Dicimus enim quod chimera est non homo , ut

equus est non homo, unde talia significant solum per modum hominis, quia ad minus est suppcsitum in comprehensione. Deinde dicitur recta, ad differentiam casuum obli- quorum, qui cadunt a recto seu nomina- tivo per quamdam originem declinationis. Solus enim nominativus 'dicitur nomen principaliter, quia per ipsum facta est im- positio nominis ad aliud significandum. Non autem pertinent obliqui directe ad lo- gicum, qui versatur circa verum et falsum, quia taies casus, scilicet obliqui, cum hoc verbo : sum, es, est, in quod omnia verba resolvuntur, non dicunt verum vel falsum. Nihil tamen prohibet eos , cum aliquibus verbis impersonalibus jungi , et significare verum vel falsum, ut taedet raelectionis, et sic patet de nomine, etc.

220

OPUSCULE XLV1I, TRAITÉ 9, CHAPITRE 2.

CHAPITRE II.

Ce que c'est formellement que le verbe suivant la description logique.

Le verbe est une voix significative intentionnellement, dont aucune partie ne signifie des choses séparées, limitées et droites; il est toujours significatif des choses affirmées d'autres choses. La première partie de cette définition est entendue dans le même sens que pour le nom. Elle est appelée limitée à la différence des verbes infinis, comme sont, il ne court pas, il n'aime pas, qui ne sont pas proprement des verbes. Sur quoi il faut observer que c'est le propre du verbe de signifier quelque chose par manière d'action et de passion, comme il a été dit. Or les locutions susdites ne le sont pas , bien plus elles écartent l'ac- tion ou la passion, plutôt qu'elles signifient quelque action ou passion déterminée; donc ce ne sont pas proprement des verbes. Il faut savoir que bien que ce ne soit pas proprement des verbes , cependant il y a quelque chose dans la définition du verbe qui leur convient, d'abord parce qu'elles signifient avec mesure de temps. Comme agir et souffrir sont dans le temps, il en est de même de la privation de l'action et de la passion, d'où il résulte que le repos est mesuré par le temps ; or ces locutions signifient la privation d'action et de passion , comme on l'a dit. Secondement , parce qu'il y a dans la définition du verbe ce qui se trouve toujours du côté du prédicat, d'être significatif des choses qui s'affirment d'autres choses, ce qui s'entend ainsi. Comme, en ef- fet, le sujet de renonciation est signifié, comme une chose à laquelle une autre chose est inhérente, et que le verbe signifie l'action par ma- nière d'action dont la nature est d'être inhérente ; il s'ensuit qu'on le trouve toujours du côté du prédicat, parce que même il faut qu'il y

CAPUT II.

De verbo quid sit formaliler secundum in- tenlioncm logicam.

Verbum est vox significativa ad placi- tum, cujus nulla pars significat separala, iinita et recta, et semper est sigaificativuin eorum, quee de altero prœdicanlur. In ista diflinitionc, vox significativa ad placituin, cujus nulla pars significat separata, intelli- guntur eodem modo quo in nornine dicta sunt. Dicitur autem iinita ad diflerentiam verborum infinitorum, ut sunt : non currit, non amat , quae non proprie sunt verba. Ubi nota, quod proprium est verbi sighifi- care aliquid per modum actionis et passio- nis, ut supra dictuin est. Pranlicta; autem dictiones hoc non faciunt, irnmo reinovent actioneni vel passionem potius quarn ali— quam determinatam actionem vel passio-

nem significent : non ergo proprie sunt verba. Sciendum, quod licet haec proprie non sint verba, tamen aliqua posita in dif- linitione verbi eis conveniunt, primo quia significant cum tempore. Sicut enim agere et pati sunt in teinpore, ità etiam privatio eorum, unde et quies tempore mensuratur, dictiones autem prœdictœ significant priva- tionem actionis et passionis, ut dictum est. Secundum est, quia ponitur in diflinitionc verbi, quod semper ponitur ex parte prae- dicati, quia est significativum eorum, quae de altero prœdicantur , quod sic intelligi- tur. Quia enim subjectum enuntiationis si- gnificatur, ut id cui aliquid ioheeret , ver- bum autem significat actionem per modum actionis, ut dictum est, de cujus ralione est, quod inhaereat : ideo semper ponitur ex parte prœdicati , etiam quia in onmi prœdicatione oportet , quod sit verbum,

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 221

ait un verbe dans toute prédication, puisque le verbe emporte la com- position au moyen de laquelle le prédicat se combine avec le sujet. C'est pourquoi, comme les verbes en signifiant l'action ou la passion , signifient quelque chose comme existant dans une autre, en raison de quoi ils sont toujours placés du côté du prédicat, de même aussi les susdits verbes indéfinis , signifiant exclusion d'action ou de passion, sont toujours mis du côté du prédicat. Car la négation se ramène au genre d'affirmation. Il faut savoir que les verbes du mode infinitif sont quelquefois mis du côté du sujet, comme lorsque nous disons : courir c'est se mouvoir, et la raison de cela c'est qu'ils ont la force d'un nom. C'est pourquoi les Grecs leur adjoignent des articles comme aux noms , ce que nous faisons nous aussi dans la logique vulgaire. Car nous disons, el corere mio ou el est article pour ly. En effet, notre intelligence saisit la manifestation de l'action ou de la passion ou son inhérence dans le sujet, et elle la produit comme étant une chose quel- conque, ce qui lui donne la force d'un nom. Mais si les verbes des autres modes sont mis quelquefois du côté du sujet, comme lorsque nous disons, je cours , est un verbe , le verbe alors n'est pas pris for- mellement, mais matériellement en tant qu'il signifie la voix elle- même qui est prise comme une certaine chose ; c'est pourquoi les verbes , le discours et toutes les parties du discours , ainsi posés ma- tériellement, se prennent dans la force du nom. On dit ensuite dans la définition droite, à cause de la différence des verbes obliques, c'est-à- dire, du prétérit et du futur , qui ne sont pas simplement des verbes. En effet, les verbes proprement dits, signifiant l'action ou la passion, il n'y aura proprement de verbe que ce qui signifie l'action ou la pas- sion en acte, ce qui est agir ou souffrir simplement; c'est la signifi- cation des verbes du temps présent, tandis que agir ou souffrir dans le

cum verbum importet compositionem qua prsedicatum componitur subjecto. Unde si- cut verba significando actionem , vel pas- sione significant aliquid ut in alio existens, propter quod semper ponuntur ex parte prœdicati , ita etiam prœdicta verba infi- nita, quia significant remotionem actionis vel'passionis, semper ponuntur ex parte prsedicati. Negatio enim reducitur ad genus aflirmalionis. Seiendum , quod verba inti— nitivi modi aliquando ponuntur ex parte subjectif ut cum dicimus currere est mo- veri , et hoc est , quia habent vim nomi- nis. Unde Grœci addunt eis articulos , sicut nominibus, hoc idem facimus nos in logica vulgari. Nam dicimus, el corere mio , ubi ly, el, est articulus. lntellectus enim noster processum actionis vel passionis, seu inhœ- rentiam ejus in subjecto apprehendit et

significat, ut est res quœdam, et sic habet vim nominis. Si autem verba aliorum mo- dorum aliquando ponuntur ex parte sub- jecti , ut cum dicimus curro est verbum , tune non sumitur verbum formaliter , sed materialiter, secundum quod significat ip- sam vocem, quae accipitur ut res queedam, unde verba, et orationes, et omnes partes orationis, quando sic ponuntur materialiter, sumuntur in vi nominis. Deinde ponitur in difïinitione recta, ad differentiam veibo- rum obliquorum , scilicet preeteriti et fu turi temporis, quae non sunt simpliciter verba. Cum enim verba proprie dicta signi- îicent agere vel pati, hoc erit proprie ver- bum, quod significat agere vel pati in actu, quod est agere vel pati simpliciter, hic autem significant verba prœsentis temporis, agere autem vel pati in prœterito vel iu

222 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 3.

passé ou dans le futur ce n'est que secundum quid, aussi les verbes du passé ou du futur ne sont pas simplement des verbes, mais bien secun- dum quid. Mais ils sont dits des cas du verbe du présent, parce qu'ils signifient en quelque manière le temps présent. Car on dit le prétérit elle futur par rapport au présent, car le passé est ce qui a été présent et le futur ce qui sera présent, et de même les verbes des autres modes, tout en étant des verbes du mode indicatif, sont appelés les cas du verbe, parce que leur variation regarde l'action ou la passion, comme la différence des temps ; et comme la variation des verbes dans le nombre et la personne ne regarde ni l'action , ni la passion, mais seulement le sujet auquel est inhérente l'action ou la passion, c'est pour cela qu'ils ne font pas des cas du verbe, etc.

CHAPITRE III.

Ce que c'est que le discours, et quelles sont ses espèces.

Le discours est une voix intentionnellement significative dont les parties sont significatives séparément. Nous avons dit dans la défini- tion du nom comment il faut entendre les parties de cette définition. Le discours se divise en parfait et imparfait. On appelle discours im- parfait celui qui ne produit qu'un sens imparfait dans l'esprit de l'au- diteur , sur quoi il faut remarquer, comme il est dit de la Métaphy- sique : « Cela est parfait à quoi il ne manque rien dans son genre. » Or, il manque quelque chose au sens que le discours imparfait pro- duit dans l'esprit de l'auditeur, la composition ou la division. En effet, si je dis, l'homme blanc, ce qui est un discours imparfait, je ne dis pas qu'il a ou qu'il n'a pas quelque chose, et par conséquent le sens de ce discours tient l'esprit en suspens, parce qu'il lui manque quelque

futuro est secundum quid, et ideo verba praeteriti et futuri temporis non sunt sim- pliciter verba, sed secundum quid. Dicun- tur autem casus verbi praesentis temporis, quia aliquo modo significant tempus prœ- sens. Prœteritum enim et futurum tempus dicuntur per respectum ad preesens. Est enim prœteritum tempus, quod fuit prae- sens : et futurum, quod erit praesens, et similiter verba aliorum modorum, quam sit verbum indicativi modi , casus verbi dicuntur, quia earum variatio respicit ip- sam actionem , vel passionem, sicut et va- riatio temporum : et quia variatio verbo- rum in numéro, et persona non respicit ij.saiu actionem, vel passionem, sed solum subjeclum, cui actio vel passio inhaeret, ideo non faciunt casus verbi etc.

CAPUT III.

De oratione quid sit, et de speciebus ejus. Oratio est vox significativa ad placitum, cujus partes significant separatae. Qualiter autem hujus diffinitionis particule sint intelligendae, dictum est in diffînitione no- minis. Dividitur autem oratio in imperfec- tam, et perfectam. Oratio imperfecta dici- tur, quae imperfectum sensum générât in animo auditoris, ubi nota, quod ut dicitur V. Metaphysicœ ; « Perfectum est cui nihil deestin génère suo : » sensui autem quem générât oratio imperfecta in animo audito- ris aliquid deest, quia deesl sibi composi- tio, vel divisio. Si enim dico, homo albus, quee est oratio imperfecta, nihil dico sibi inesse, vel non inesse , et per consequens I sensus hujus orationis facit stare animum

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 223

chose, c'est pour cela qu'il est imparfait. Il faut savoir cependant que ce n'est pas sans raison qu'on détermine la perfection ou l'imperfec- tion du discours par la production d'un sens. Sur quoi il faut observer que , bien que le discours et chacune de ses parties soient des choses artificielles et non quelque chose de naturel , ils ne sont pas non plus des instruments de la vertu interprétative, comme disoit Platon. Car les instruments naturels de cette vertu sont le poumon , le gosier , le palais, la langue, les dents et les lèvres, ce sont cependant les instru- ments de l'intellect lui-môme, qui n'est pas une force matérielle , mais bien au-dessus de toute nature corporelle. Or l'instrument se définit par sa fin, laquelle est l'usage, et l'usage de la voix significative est de faire connoître à celui qui écoute les conceptions de l'intelligence de celui qui parle. C'est donc à bon droit qu'on définit le discours par- fait et le discours imparfait par la production d'un sens ou par la si- gnification. C'est pourquoi on appelle parfait le discours qui produit un sens parfait dans l'esprit de l'auditeur à cause de la complexion qu'il exprime. Or, il y a cinq espèces de discours parfaits, savoir l'es- pèce énonciative, la vocative, l'interrogative, l'impérative et la dépré- cative. Il faut savoir que non-seulement la raison conçoit les choses elles-mêmes , mais qu'elle dirige et ordonne autre chose par sa con- ception ; en concevant les choses en elles-mêmes elle forme le discours indicatif ou énonciatif, en ordonnant les autres choses, elle forme les autres discours. On est dirigé et coordonné par quelqu'un à trois choses . d'abord à appliquer son esprit, et à cela appartient le discours vocatif; secondement, à répondre de la voix, et à cela appartient le discours interrogatif ; troisièmement, à faire une œuvre, et à cela ap- partient, pour les inférieurs, le discours impératif, et pour les supé- rieurs le discours déprécatif , auquel se rapporte le discours optatif,

suspensum, quia sibi aliquid deest, ideo est imperfectus. Sciendum tamen, quod non sine causa oratio perfecta et imperfecta dif- finitur per generare sensum. Ubi nota : quod licet oratio, et quœlibet ejus parssint quœdam res artificiales , et non naturales , nec etiam sint instrumenta naturalia virtu- tis interprétative , ut Plato dicebat. Ejus namque virtutis instrumenta naturalia sunt pulmo, guttur, palatum, lingua, dentés, et labia, sunt tamen instrumenta ipsius intel- lectus, qui non est -virius materiahs, sed supra omnem naturam corpoream : instru- mentum autem diffinitur ex fine , qui est usus ejus, usus autem vocis signififcativae est signifîcare audienti conceptum intellec- tus dicentis. Bene ergo diffinitur oratio per- fecta et imperfecta per generare sensum, seu significare. Unde oratio perfecta dici-

tur, qua3 perfectum sensum générât in animo auditoris propter complexionem, quam dicit. Orationum autem perfectarum quinque suntspecies, scilicet enuntiativa, vocativa, interrogativa, imperativa, et de- precativa. Sciendum quod ratio non solum concipit ipsas res : sed etiam per suum conceptum alia dirigit, et ordinat, conci- piendo autem res in se format orationem indicativam, seu enuntiativam : ordinando autem alia, format alias orationes. Dirigi- tur autem et ordinatur aliquisabaliquoad tria. Primo ad mente attendendum, et ad hoc pertinet oratio vocativa. Secundo , ad voce respondendum , et ad hoc per- tinet oratio interrogativa. Tetrio, ad opus exequendum , et ad hoc pertinet quantum ad inferiores oratio imperativa, quantum vero ad superiores oratio deprecativa, ad

224 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 4.

car l'homme n'a point de force naturelle vis-à-vis de son supérieur, si ce n'est par l'expression de son désir : le discours suppositif , c'est-à- dire conditionnel, et ie dubitatif rentrent dans l'interrogatif. Et comme ces quatre espèces de discours ne signifient pas le vrai et le faux mais un certain ordre qui y tend , elles n'appartiennent point par conséquent au sujet présent qui a un rapport direct avec la science démonstrative, dans laquelle l'oreille de l'homme est amenée à considérer le vrai d'après ce qui est propre à la chose. Klles appar- tiennent plutôt à la rhétorique ou à la poétique qui produisent l'as- sentiment par la disposition de l'auditeur. Il n'y a que le discours énonciatif qui signifie le vrai ou le faux, qui appartienne à l'objet qui nous occupe, aussi bien que les autres discours qui peuvent s'y

rattacher.

CHAPITRE IY.

Ce que c'est que renonciation, ce que c'est que le vrai et le faux.

L'énonciation est un discours qui signifie le vrai et le faux. Pour comprendre cette définition il faut d'abord considérer ce que c'est que le vrai et le faux , en second lieu pourquoi il ne convient qu'à renon- ciation de signifier le vrai et le faux. Relativement au premier point, il faut savoir que, comme l'on dit communément, la vérité est l' adé- quation de la chose à l'intellect, suivant Isaac, le vrai est dit adœquat, et le faux inadœquat. Or cette adœquation, ou conformité, ne peut pas être une relation réelle , autrement le vrai ne pourroit se convertir avec l'être. Car ce qui n'est que dans un prédicament n'appartient pas aux transcendentaux. C'est donc une relation de raison, et ainsi le vrai est relatif suivant la raison, ce qui n'empêche pas qu'il soit dans

quam reducitur oratio optativa, quia res- pecta superioris homo nonhabet vim inna- tam , nisi per expressionem sui desiderii : suppositiva vero, id est conditionalis, et dubitativa reducuntur ad interrogativara. Et quia istae quatuor species orationis non signifîcant verum, vel falsum, sed quemdam ordinem ad ista consequentem , ideo non pertinet ad prœsens negotium, quod directe ordinatur in scientiamdemonstiativam, in qua auris hoininis per rationem adducitur ad considerandum veruni ex his qure sunt propria rei : sed magis pertinent ad rheto- ricam, vel poeticum , qiue inducunt ad as- sentiendum per disposilionem audientis. Sola autem enunthitiva , qua3 signiiieat verum vel falsum , ad hoc negotium spec- tat, et si quœ alite orationes ad eam reduci possunt.

GAPUT IV.

De enuniialione quid sit et quid est verum, et falsum.

Enuntiatio est oratio verum vel falsum significans. Ad intelligendum autem hanc diffinitionem, primo videndum est quid sit verum vel falsum : secundo videndum est quare soli enuntiationi convenit signilieare verum vel falsum. Quantum ad piïinum seiendum, quod ut communiter dicitur, veritas est adaequatio rei ad intellectum, secundum Isaac, verumdicitur adaequatum, falsum vero non adœquatum. Haee autern adœqualio, seu conformitas non potest esse relatio realis : alioquin verum non conver- teretur cum ente. Quod enim est in uno prœdicamento tantum , non potest esse de transcendentibus, est ergo relatio rationis, et sic verum est relativum secundum ra- tionem, quod nihil prohibet ipsum esse in

SUR LA LOGIQUE d'arISTOTE. 225

plusieurs prédicaments et même daus tous, pour ce qui est de cette conformité, je dis que certaines choses sont subjectivement, dans l'in- tellect, comme les actes de l'intellection et autres de ce genre; d'autres choses y sont objectivement, comme celles que conçoit l'in- tellect. Donc, quand la chose qui se trouve objectivement dans l'intel- lect est conforme à elle-même , suivant ce qu'elle est dans la nature des choses, alors cette conformité s'appelle vérité. C'est pourquoi la vérité consiste en ce qu'une chose est perçue par l'intellect telle qu'elle est dans la nature des choses, et au contraire la fausseté consiste dans la non conformité de la chose telle qu'elle est conçue par l'intellect dans sa nature, et c'est pour cela qu'Aristote dit dans le liv. IV de la Métaphysique , « que le vrai consiste à être ce qu'il est et à ne pas- être ce qu'il n'est pas, le faux à être ce qu'il n'est pas et à ne pas être ce qu'il est. Aussi quand l'intellect comprend qu'une chose est ce qu'elle est réellement dans la nature des choses , ou qu'elle n'est pas ce qu'elle n'est réellement pas, cette conformité c'est la vérité. Quand au contraire , l'intellect conçoit qu'une chose est ce qu'elle n'est pas ou n'est pas ce qu'elle est, c'est la fausseté. Il faut savoir que dans cette conformité qui s'appelle vérité , il y a quatre choses à considé- rer, la chose telle qu'elle est conçue ou telle qu'elle est objectivement dans l'intellect, et l'intellect qui la conçoit et l'acte de l'intellection qui est subjectivement dans l'intellect et la chose telle qu'elle est dans sa nature. Or la vérité se trouve dans la chose telle qu'elle est conçue ou telle qu'elle est objectivement dans l'intellect avant d'être dans l'intellect, ou dans l'acte de l'intellection ou dans la chose telle qu'elle est dans sa nature. Car l'intellect et l'acte de l'intellection ne sont dits vrais qu'en tant qu'ils s'appliquent à un objet vrai. En effet, l'intel- lect est appelé vrai, parce qu'il saisit le vrai, et l'acte de l'intellection

pluribus prsedicamentis , vel in omnibus. Quae autem sit hsec conformitas, dico quod in intellectu queedam sunt subjective, ut species intelligibles, actus intelligendi , et hujusmodi : qusedam sunt objective, ut ea quse intellectus intelligit. Quando ergo res quee est in intellectu objective, est confor- mis sibi ipsi, ut est in rerum natura, tune talis conformitas dicitur veritas. Unde in hoc consistit veritas, quod res sic apprehen- ditur ab intellectu sicut est in rerum na- tura, et per oppositum falsitas est in dif- formitate rei,ut apprehensa est ab intellectu ad se ipsurn , ut est in natura sua, et prop- ter hoc Philos. IV. Metaph. dicit, quod ve- rum est esse quod est, et non esse quod non est : falsum vero est esse quod non est, et non esse quod est. Unde quando in-

rerum natura, vel non esse sicut non est , talis conformitas dicitur veritas. Quando vero apprehendit tem esse ut non est , vel non esse ut est, tune falsitas. Scienduin, quod in tali conformitate quae veritas dici- tur, est considerare quatuor, scilicet rem ut est intellecta ; seu ut est in intellectu objective, et ipsum intellectum eam intel- ligentem, et actum intellligendi , qui est subjective in intellectu, et rem ut est in natura sua. In re autem ut est intellecta, seu ut est objective in intellectu est perprius veritas , quam sit in intellectu , vel quam sit in actu intelligendi, vel quam sit in re; ut est in sua natura. Intellectus enim, et ac- tus intelligendi, non dicuntur veri, nisi quia sunt de vero objecto. Intellectus enim dici- tur verus,quia apprehendit verum, et actus

tellectus intelligit rem sic esse sicut est in intelligendi dicitur verus, quia est appre- v. 15

22G OPUSCULE XLVII , TRAITÉ 9, CïïAPlTRE 5.

est appelé vrai, parce qu'il est la conception de quelque vérité, et une chose dans sa nature est appelée vraie, parce qu'elle est propre à dé- terminer dans l'intellect une conception conforme à son entité. Re- marquez que cette conformité d'une chose en tant que conçue relati- vement à elle-même et telle qu'elle est dans sa nature, peut se trouver ou dans un intellect pratique ou dans un intellect spéculatif. Dans un intellect pratique, quand la chose est réellement par sa forme telle que l'artisan l'a conçue dans son art. Or, comme toutes les choses natu- relles sont par leurs formes conformes à elles-mêmes et qu'elles ont été conçues par l'art divin, en conséquence chaque chose est appelée vraie , suivant qu'elle a sa forme propre, et c'est ainsi que le vrai et l'être se convertissent réciproquement. Cette conformité se trouve dans l'intellect spéculatif, parce que l'intellect conçoit la chose telle qu'elle est. Car l'intellect ne conçoit pas la chose comme elle est dans l'intel- lect pratique , mais il la conçoit telle qu'elle est réellement ; c'est pourquoi l'intellect pratique se compare aux choses artificielles, comme la mesure à la chose mesurée : au contraire l'intellect spéculatif se compare aux choses qu'il conçoit comme la chose mesurée à la me- sure. Il faut observer qu'il y en a qui pensent que la vérité est la con- formité de la chose avec l'intellect informé par la similitude de la chose; la fausseté au contraire est la non conformité de l'intellect ainsi informé avec la chose. Cette opinion est probable. Voilà ce que c'est que la vérité et la fausseté.

CHAPITRE V.

La vérité et la fausseté ne sont que dans renonciation, et pourquoi?

Pour ce qui est du second point , c'est-à-dire, pourquoi la vérité et la fausseté ne sont que dans renonciation , il faut savoir que la vérité

hensio alicujus veril, et res in natura sua dicitur vera, quia nata est apud intellectum causare apprehensionem eonformem enti- tati suœ. Notandum quod talis conformitas rei, ut intellecta est ad seipsam, ut est in natura sua , potest esse vel in intellectu practico , vel in intellectu spéculative In intellectu quidem practico quando scilicet sic est res per suam formam, sicut appre- hendit eam artifex per artem suam. Cum autem omnesres naturales per formam suam sint conformes sibi ipsis, ut apprehensee sunt ab artedivina, ideo quaelibet res se- cundum quod habet propriam formam di- citur vera , et sic verum et ens convertun- tur. In intellectu vero speculativo est talis conformitas, quia intellectus intelligit rem sicut est. Non enim intellectus sic intelli- git_, sicut res in intellectu practico, sed quia

sicut res est, ita eam intelligit intellectus : et ideo intellectus practicus comparatur ad artificialia, ut mensura ad mensuratum, econverso autem intellectus speculativus comparatur ad ea quee intelligit ut mensu- ratum ad mensuram. Notandum quod ali- qui tenent, quod veritas est conformitas rei ad intellectum informatum similitudine rei : falsitas vero est diffurmitas intellectus sic informati ad rem. Et hœc opinio pro- babiliter potest teneri. Sic ergo patet quid est veritas et falsitas etc.

CAPUT V.

Quod verilas et falsitas sunt tantum in enun- tialione,et quare.

Quantum ad secundurn, scilicet quare ve- ritas et falsitas sunt in enuntiatione tan-

. SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 227

n'est dans une voix significative, soit que ce soit un nom , un verbe ou un discours , que comme dans un signe ; or il y a de ces signes des conceptions de l'intellect. Donc , suivant que le vrai ou le faux se trouveront dans les conceptions de l'intellect, on dira qu'ils sont dans les signes eux-mêmes. Il faut savoir, comme on le dit en troisième lieu de l'ame , qu'il y a deux opérations de l'intellect , savoir l'intel- ligence des indivisibles , quand l'intellect conçoit la quiddité d'une chose en elle-même , et la composition et la division , c'est-à-dire quand il compose par l'être une chose conçue , ou la division quand il la divise par le non-être , et la vérité se trouve dans l'une et l'autre de ces opérations de l'intellect. Sur quoi il faut remarquer, ainsi qu'il a été dit , que la vérité est une relation de raison ; or les êtres de raison ne se trouvent jamais subjectivement, si ce n'est dans un sens large , suivant ce à quoi la raison attribue ce rapport de raison ; donc la vérité n'a l'être qu'objectivement , j'en dis autant de la fausseté. Donc si nous considérons ce qui est vrai en premier lieu , c'est-à-dire la chose telle qu'elle est conçue, et que nous l'appelions vrai , je dis que ce vrai peut se trouver dans la première opération de l'intellect. Car l'intellect conçoit la chose même telle qu'elle est en soi , et il conçoit ainsi le vrai : or l'intellect ne conçoit point le vrai dans son opération première , parce que , ou il atteint la nature de la chose , et alors il conçoit le vrai , ou il ne l'atteint pas, et alors il l'ignore , et il n'y a pas proprement une non conformité de la chose conçue avec sa nature , parce que cette chose n'a pas été conçue , mais bien quelque autre; c'est pourquoi il n'y a point la fausseté qui emporte proprement la déception et non pas l'ignorance seule. C'est la raison pour laquelle Aristote dit dans le livre III de l'Ame, que l'intellect qui comprend la quiddité d'une chose est toujours vrai. Or ce n'est pas comprendre parfaitement la vérité qui est la conformité de

tum, sciendum quod veritas non est in voce significativa, sive sit nomen, vel ver- bum , vel oratio , nisi sicut in signo : sunt autem hujusmodi signa conceptionum in- tellectus. Secundum ergo, quod in concep- tionibus intellectus erit verum, vel falsum, sic dicetur esse in ipsis signis. Sciendum quod ut dicitur III de Anima, duplex est operatio intellectus , scilicet indivisibilium intelligentia ; quando scilicet intellectus m- telligit quidditatem rei in se : et composi- tio et divisio , scilicet quando unam rem conceptam componit per esse ; vel divisio quando dividit per non esse , et in utraque operatione intellectus invenitur veritas. Ubi nota, quod sicut dictum est, veritas est relatio rationis , entia autem rationis nus- quam sunt subjective, nisi largo modo in- telligatur, secundum illud cui ratio attri-

buit talem respectum rationis , habet ergo vérité^ solum esse objective , et similiter dico de falsitate. Unde si consideramus illud quod primo verum est, scilicet rem ut est intellecta et vocemus verum, dico quod taie verum potest esse in prima operatione in- tellectus. Nam intellectus intelligit ipsam rem, ut est in se , et sic intelligit verum : falsum autem non intelligit intellectus in prima operatione sua, quia vel attingit na- turam rei, et tune intelligit verum, aut non attingit , et tune ignorât ; et non est ibi proprie difformitas rei intellects ad natu- ram ejus, quia nec talis res est intellecta : sed aliqua alia, et ideo non est ibi falsitas, quse proprie importât deceptionem, et non ignorantiam solam : et inde est quod Phi- losophus III de Anima dicit, quod intellec- tus comprehendens quod quid est , semper

228 OPUSCULE XL VII , TRAITÉ 9, CHAPITRE 5.

l'une et l'autre chose , savoir, de la chose telle qu'elle a été conçue et de la chose dans sa nature , mais c'est connoître une chose conforme ou vraie. Mais objectivement la vérité se trouve parfaitement et com- plétivement dans la seconde opération de l'intellect. Car saisir la vérité , c'est saisir la conformité de la chose conçue avec elle-même , suivant sa nature , comme on l'a dit. Or cela se fait en comparant une chose à l'autre , ou la même chose à elle-même , suivant une autre chose et un autre être , ce qui ne peut se faire que par la seconde opération de l'intellect. Donc la vérité ne se trouve parfaitement que dans l'intellect composant ou divisant, j'en dis autant de la fausseté. Mais les choses seront plus claires en suivant la seconde opinion dont nous avons parlé. Car si la vérité est la conformité de la chose avec l'intellect informé par la similitude de cette chose, le vrai se trouvera dans la première opération de l'intellect, parce qu'il s'y trouvera cette conformité, mais alors le vrai ne sera pas dans l'intellect comme dans un sujet connoissant le vrai. En effet l'intellect ne connoît le vrai qu'en composant ou en divisant, suivant son jugement, et si ce juge- ment est d'accord avec les choses, il sera vrai, c'est-à-dire , lorsque l'intellect juge qu'il est informé par la similitude de la chose telle quVlle est. C'est tout le contraire par rapport au faux , et tout cela appartient à la seconde opération de l'intellect , et non à la première. D'après ce que nous venons de dire , on peut voir clairement que la vérité ou la fausseté ne se trouvent que dans renonciation , comme dans un signe. En effet , si la seule énonciation est le signe des choses qui sont objectivement dans la seconde opération de l'intellect , et si le vrai et le faux ne sont que , le vrai ou le faux ne se trouveront que dans renonciation , et non dans toute autre voix , soit locution , soit discours. Telle est renonciation.

est verus. Hoc autem non est perfecte com- prehendere veritatem, quae est conformitas utriusque, scilicet rei, ut intellecta est , et rei in sua natura, sed est cognoscere unum conforme, seu verum. In secunda vero ope- ratione intellectus est perfecte, et complé- tive veritas objective. Nam apprehendere veritatem, est apprehendere conformitatem rei intellects ad se ipsam secundum suam naturam, ut dictum est : hoc autem fit comparando unum alteri, vel idem ad seip- sum secundum aliud, et aliudesse, quod non potest fieri nisi per secundam opéra - tionem intellectus. Ergo perfecte veritas non est, nisi in intellectu componente, vel di- vidente , et similiter dico de falsitate. Te- nendo vero secundam opinionem pradic- tam, erunt clariora. Nam si veritas est conformitas rei ad intellectum informatum similitudine rei, in prima operatione in-

tellectus erit verum, quia erit ibi talis con- formitas, non tamen erit verum tune in intellectu, ut in cognoscente verum. Non enim intellectus aliter cognoscit verum, nisi componendo, vel dividendo secundum suum judicium , quod judicium si conso- net rébus, erit verum, putacum intellectus indicat se esse informatum similitudine rei, ut res est. Et oppositum est de falso, et hoc totum pertinet ad secundam operationem intellectus, et non ad primain. Ex dictis potest patere, quod in sola cnuntiatione sit veritas, vel falsitas, ut in signo. Si enim sola enuntiatio est signum eorum quae sunt objective in secunda operatione intellectus, et solum in illum est verum et falsuin, in enuntiatione erit verum , vel falsum , et non in aliqua alia voce, sive sit dictio, sine oratio : et sic patet quid est enun- tiatio.

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

229

CHAPITRE VI.

De renonciation catégorique , hypothétique, affirmative et négative.

Aristote divise renonciation de trois manières, d'abord comme l'a- nalogue dans son analogue. Car il dit qu'il y a une énonciation sim- plement une, et une autre une par conjonction. L'énonciation simple- ment une est renonciation catégorique ou prédicative. L'énonciation catégorique est celle qui a un sujet et un prédicat comme principales parties d'elle-même, comme l'homme est un animal, homme est sujet, animal est prédicat ,, comme le troisième adjacent est affirmé, ce verbe est appelé conjonction ou copule verbale. L'énonciation hypothétique ou suppositive est appelée une par conjonction , comme si l'homme est il est animal. Cette division de l'énonciation se fait aussi de l'ana- logue en son analogue, dont il est dit par priorité ou par postériorité, car une chose est simplement antérieure à une autre par conjonction. Secondement il divise l'énonciation comme un genre en ses espèces ; car il la divise en affirmation et négation , qui sont des espèces de l'énonciation. En effet, quoique l'affirmation soit antérieure à la né- gation , ce n'est pas néanmoins pour cela que l'énonciation se dit d'elles analogiquement, comme il a été dit qu'elle s'affirme d'une chose simplement une , et d'une chose une par conjonction. Il faut observer qu'une des choses qui divisent quelque chose de commun peut être antérieure à l'autre de'deux manières. La première , suivant les caractères ou natures propres des diviseurs , la seconde suivant la majeure partie de l'objet commun qui est divisé en elle. Or la pre- mière n'enlève pas l'univocation de genre , comme c'est évident dans les nombres dans lesquels le nombre deux est naturellement , suivant

CAPDT VI.

De enunliatione categorica, et hypothelica, afftrmativa, et negativa.

Dividitur autem ab Aristotele enuntiatio Iripliciter, et primo, ut analogum in sua analogata. Dicit enim quod enuntiationum qusedam estuna simpliciter, quaedam con- junctione una. Enuntiatio una simpliciter est enuntiatio categorica, seu praedicativa. Est autem enuntiatio categorica quae ha- bet subjectum et prsedicatum principales partes sui , ut homo est animal, homo est subjectum, animal est prsedicatum, hoc ver- bum est, quia prœdicatur tertium adja- cens, dicit ur conjunctio, seu copula verba- lis. Conjunctione vero una dicitur enuntia- tio hypothetica, seu suppositiva, ut si homo est, animal est.Hœc etiam divisio enuntia-

tionisest analogi in sua analogata, de qui- bus per prius et posterius dicitur, nam unum simpliciter est prius uno conjunc- tione. Secundo dividit enuntiationem, ut genus in suas species : dividit enim eam in aftirmationem et negationem, quœ sunt species enuntiationis. Licet enim affirmatio sit prior negatione, non tamen propter hoc enuntiatio de eis analogice prœdicatur, si- cut dictum est, quod praedicatur de sim- pliciter una , et conjunctione una. Notan- dum quod unum dividentium aliquod commune, potest esse prius altero duplici- ter. Uno modo, secundum proprias rationes, aut naturas dividentium. Alio modo, se- cundum majorem participationem rationis illius communis, quod in ea dividitur. Primum autem non tollit univocationem generis, ut manifestum est in numeris, in

230 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 6.

sa propre nature , antérieur au nombre trois , néanmoins ils partici- pent également à la nature commune, c'est-à-dire à la nature du nombre. Car ainsi le nombre trois comme le nombre deux, c'est la multiplicité mesurée par l'unité. Or la seconde priorité empêche l'u- nivocation de genre, et à cause de cela l'être ne peut pas être le genre de la substance ni de l'accident , car la substance qui est l'être par soi a , dans la nature de l'être , l'existence avant l'accident qui est l'être dans un autre ou dans une autre chose. De même dans la proposition ; quoique l'affirmation de la première manière , c'est-à-dire suivant sa nature , soit antérieure à la négation , il n'en est pas de même de la seconde manière, bien plus, elles participent également à la nature de renonciation, car l'une et l'autre est un discours signifiant le vrai ou le faux. Or, suivant sa nature , l'affirmation est antérieure à la négation. Car l'affirmation est renonciation d'une chose à l'égard d'une autre , comme l'homme est un animal ; et la négation est re- nonciation d'une chose par une autre, comme l'homme n'est pas une pierre. Or renonciation, ainsi qu'il a été dit , étant une voix signifi- cative , ne signifie pas une chose immédiatement , mais au moyen de la conception de l'intelligence. C'est pourquoi il faut considérer trois choses dans toute énonciation , savoir, la voix elle-même , qui est le signe de la conception de l'intelligence , et la conception elle-même de l'intelligence , qui est la similitude de la chose, et enfin la chose même. Relativement à la voix, l'affirmation est antérieure à la néga- tion, parce qu'elle a moins de la composition que la négation; car il y a plus de mots dans Socrate ne court pas, que dans Socrate court , et, par conséquent, elle est plus composée. Du côté de l'intellect, l'affirmation qui signifie composition est antérieure à la négation qui signifie division. Car la division est postérieure à la composition ,

quibus binarius secundum propriam ratio- nem naturaliter est prior ternario , sed ta- men aequaliter participant rationem com- munis, scilicet numeri. Nanti ita ternarius sicut et binarius est multitudo mensurata per unum. Secunda autem prioritas impe- dit univocationem generis, et propter hoc ens non potest esse genus substantif, et ac- cidentis, quia in ratione entis prius habet esse substantia, quae est ens per se , quam accidens, quod est ens in alio , vel in aliud. Sic in proposito. Licet afiirmatio primo modo , scilicet secundum suam naturam , sit prior negatione, non tamen secundo modo, immo aequaliter participant ratio- nem enuntiationis , utraque enim est ora- tio, verum vel falsum significans. Est au- tem secundum suam naturam afiirmatio prior negatione. Nam affirmatio est enun-

tiatio alicujus dealiquo, ut bomo est ani- mal : negalio vero est enuntiatio alicujus ab aliquo, ut homo non est lapis. Ciftn au- tem enuntiatio , ut dictum est , sit vox si- gnificativa, non immédiate signiflcat rem, sed mediante conceptu intellectus. Unde in omni enuntiatione est tria considerare, scilicet ipsam vocem, quae est signum con- ceptus intellectus, etipsum conceptum in- tellectus, qui est ipsa similitudo rei, et ip- sam rem. Quantum ad vocem, prior est affirmatio negatione, quia minus habet de compositione, quam negatio, plures enim dictiones sunt, Sortes non currit quam Sor- tes currit, et per consequens est magis com- posita. Ex parte intellectus prior est affir- matio, quœ significat compositionem, quam negatio, quœ significat divisionem. Poste- rior enim est divisio compositione, sicut

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 231

comme il n'y a de corruption que dans les êtres engendrés , il n'y a de division que dans les êtres composés. Du côté même de la chose, l'af- firmation qui signifie l'être est antérieure à la négation qui signifie le non-être, comme Yhabitits est naturellement antérieur à la négation. La troisième division de renonciation se fait en universelle , particu- lière , indéfinie et singulière. Or la suffisance de ces divisions peut être prise ainsi. En effet, dans renonciation il faut considérer toute son entité qui vient du sujet et du prédicat avec leur conjonction. Et comme tout ce qui est existe, parce que c'est un numériquement, c'est pour cela que l'on considère si elle est simplement une , ou une par conjonction, et on dit que cette division appartient à la substance de renonciation. Secondement , il faut considérer en elle le pré- dicat , en tant qu'il est combiné avec le sujet sans négation ou avec négation ; et comme le prédicat est la partie formelle de renon- ciation, c'est pour cela qu'on dit que cette' division appartient à la qualité de renonciation , qualité essentielle , suivant que la diffé- rence signifie quale quid , comme il a été dit. En troisième lieu , il faut considérer en elle le sujet lui-même, en tant que prédicable de plusieurs choses ou d'une, et ainsi se fait la troisième division, que l'on dit appartenir à la quantité de renonciation, car la quantité suit la matière. D'où le vers :

Quae , ca. vel hyp. qualis, ne. vel aff. u. quanta par. in sin.

Ce vers s'explique ainsi. Il y a trois noms interrogatifs , savoir, quœ , qui questionne sur la substance , qualis , qui le fait de la qualité , et quanta, qui interroge sur la quantité. C'est pourquoi quand l'inter- rogation se fait par quœ , en s'informant de la substance de renon- ciation, on répond par la catégorique ou l'hypothétique. Quand

non est corruptio nisi generatorum, sic non est divisio nisi compositorum. Ex parte etiam rei affirmatio, quae significat esse, prior est negatione quœ significat non esse, sicut habitus naturaliter prior est nega- tione. Tertia vero divisio ipsius enuntiationis est in universaleni, particularem, indefini- tam, et singularem. Sufïicientia autem dic- tarum divisionum , potest sic sumi. In ipsa enim enuntiatione est considerare totam suam entitatem quœ est ex subjecto, et prœdicato , et ipsorum conjunctionem. Et quia orane quod est, ideo est quia unum numéro est, ideo considéra tur utrum sit una simpliciter, vel una conjunctione, et ista divisio dicitur pertinere ad substan- tiam enuntiationis. Secundo est in ea con- siderare ipsum prœdicatum, ut coraponitur subjecto ,sine negatione, vel cura nega- tione : et quia prœdicatum est pars forma-

lis enuntiationis , ideo heec divisio dicitur pertinere ad qualitatem enuntiationis, qua- litatemscilicet essentialem, secundum quod differentia significat quale quid, ut supra dictum est. Tertio est in ea considerare ip- sum subjectum, prout scilicet est prœdica- bile de pluribus, vel de uno, et sic sit ter- tîa divisio, et hœc dicitur pertinere ad quantitatem enuntiationis, nam quantitas sequitur materiam. Unde versus :

Ouse, ca. vel hyp. qualis, ne. Tel alT. u quanta par. in sin.

Hic autem versus sic intelligitur. In eo nam- que sunt tria nomma interrogativa, scili- cet. Quœ, quod quœrit de substantia. Qua- lis, quod quœrit de qualitate. Et quanta, quod quœrit de quantitate. Unde quando fit interrogatio per quœ , quœrendo, scilicet de substantia enuntiationis, respondetur

232 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 7.

l'interrogation se fait par qualis , la réponse est négative ou affirma- tive; quand elle se fait par quanta, la réponse est universelle , parti- culière, indéfinie ou singulière. Nous parlerons de la première division de renonciation dans le traité des énonciations hypothétiques. Nous avons assez parlé de sa seconde division.

CHAPITRE VII.

De la quantité des propositions catégoriques sur Z'inesse , savoir de l'u- niverselle, de la particulière , de l'indéfinie et de la singulière.

Il nous reste à parler de la troisième division qui est suivant la quantité. Remarquez bien que parmi les énonciations catégoriques, il y en a qui sont de inesse , et d'autres modales. L'énonciation est dite de inesse , lorsqu'elle offre une simple inhérence du prédicat au sujet ; comme l'homme est un animal. L'énonciation modale est celle dans laquelle l'inhérence du prédicat au sujet est modifiée, comme , il est possible que Socrate coure, l'homme est nécessairement un animal. C'est pourquoi nous allons parler d'abord de la quantité , des équipollences , des oppositions qui suivent la quantité dans les énonciations de inesse, et secondement dans les énonciations modales. Pour connoître la quantité de ces énonciations de inesse, il faut savoir que dans les choses que l'intellect conçoit, il en est d'universelles , c'est-à-dire, qui sont propres à se trouver dans plusieurs, d'autres singulières , qui ne peuvent se trouver que dans une seule chose. Or on peut considérer ce qui est universel de deux manières ; première- ment, comme séparé des choses singulières, c'est-à-dire, suivant l'être qu'il a objectivement dans l'intellect, secondement, suivant

categorica , vel hypothetica. Quando sit înterrogatio per qualis, respondetur nega- tiva, vel affirmativa. Quando vero sit inter- rogatio per quanta , respondetur universa- lis, particularis, indéfini ta, vel singularis. De prima divisione enuntiationis dicetur in tractatu de enuntiationibus hjpotheticis. De secunda vero ejus divisione, satis diclum est.

CAPUT VIL

De quanlitale propositionum calegoricarum de inesse, scilicel de universali, parlicu- lari, indefinila, et singulari.

Restât dicere de tertia divisione, quae est secundum quantitatem. IJbi nota, quod enuntiationum eathegoricarum , quaedam sunt de inesse, quaedam vero modales. Di- citur autem enuntiatio de inesse , quae est de simplici inhœrentia praedicati ad subjec-

tum, ut homo est animal. Modalis vero in qua inhserentia praedicati ad suhjectum modificatur , ut Sortem currere est possi- bile, vel homo est animal necessario. Unde primo dicendum est de quanlitate , œqui- pollentiis, oppositionibus , quae quantita- tem sequuntur in enuntiationibus de inesse, secundo de eis in enuntiationibus modali- bus. Ad videndum autem quantitatem ipsarum enuntiationum de inesse, scien- dum quod ea quae intellectus apprehendit, quaedam sunt universalia, videlicet, quae apta nata sunt in pluribus inveniri : quae- dam sunt singularia, videlicet quœ non sunt apta inveniri nisi in uno. Universale autem potest dupliciter considerari. Uno modo quasi separatum a singularibus, scili- cet secundum esse quod habet in intellectu objective : alio modo secundum esse quod habet in singularibus. Primo modo consi-

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 233

l'être qu'il a dans les choses singulières. L'universel étant considéré sous le premier point de vue , une chose peut être énoncée de lui de deux manières encore ; la première , quand on lui attribue quelque chose qui n'appartient qu'à l'action de l'intellect , comme lorsque nous disons, l'homme est prédicable de plusieurs, ou l'homme est universel , ou l'homme est une espèce. Car l'intellect forme ces sortes d'intentions et les attribue à la nature conçue , comme à l'homme , suivant qu'il la compare aux choses qui sont hors de l'ame. En second lieu , on énonce quelque chose de l'universel ainsi pris , quand on lui attribue quelque chose , selon que la nature conçue est saisie par l'intellect comme une unité, néanmoins ce qui lui est attribué n'ap- partient pas à l'acte de l'intellect, mais à l'être qu'a la nature conçue elle-même dans les choses qui sont hors de l'ame , comme si l'on disoit , l'homme est la plus digne des créatures , car cela convient à la nature humaine en tant qu'elle se trouve dans les singuliers. Chaque homme en particulier est en effet plus digne que les autres créatures privées de raison : néanmoins tous les hommes en particu- lier ne sont pas un homme hors de l'ame , comme il est dit dans la précédente énonciation , l'homme est la plus digne des créatures , dans laquelle homme est pris pour chacun en particulier ; mais il n'est qu'un dans l'acception de l'intellect. Et comme on ne comprend pas communément que les universels subsistent hors des singuliers , le langage commun n'a pas de terme ou de signe pour l'ajouter à l'universel , suivant les différents modes par lesquels une chose est affirmée de lui. Mais Platon qui a enseigné que les universels subsis- toient hors des singuliers , imagine certains termes qu'il appliquoit aux universels dans ces modes de prédication. Car il disait, par soi l'homme est une espèce , ou l'homme prédicable est une espèce. Se-

derato universali, aliquid de eo potest du- pliciter enuntiari. Uno modo , quando ei attribuitur aliquid , quod pertinet ad so- lam actionem intellectus, ut cum dici- mns : homo est praedicabilis de rnultis, vel homo est universale, vel homo est species. Hujusmodi enim intentiones format intel- lectus, et attribuit eas natura intellectse, puta homini secundum quod comparât ip- sam ad res quse sunt extra animam. Alio modo, enuntiatur aliquid de universali sic sumpto, quando attribuituc. sibi aliquid prout ipsa natura intellecta apprehenditur ab intellectu ut unum, illud tamen quod ei attribuitur, non pertinet ad actum intellec- tus , sed ad esse quod habet : ipsa natura intellecta in rébus quae sunt extra ani- mam, puta si dicatur, homo est dignissima creaturarum, hoc enim convenit naturae

humanee, secundum quod est in singulari- bus. Nam quilibet homo singularis est di- gnior aliis creaturis irrationalibus : sed tamen omnes homines singulares non sunt unus homo extra animam, ut dicitur in praedicta enuntiatione, homo est dignissima creaturarum , ubi ly homo, stet pro omni- bus singularibus, sed solum in acceptione intellectus est unus. Et quia communiter non est apprehensum quod universalia extra singularia subsistant, ideo communis usus loquendi non habet aliquam dictionem, seu aliquod signum , quod addatur universali, secundum dictos modos,quibus aliquid de eo prœdicatur. Sed Plato qui posuit univer- salia subsistere extra singularia, invenitur quasdam dictiones, quas addebat universa- libus in talibus modis praedicandi. Dicebat enim per se homo est species, vel homo

234 OPUSCULE XLVII , TRAITÉ 9, CHAPITRE 7.

condernent , une chose est énoncée de l'universel , suivant qu'il se trouve dans les singuliers , et cela de deux façons ; la première , quand on lui attribue quelque chose à raison de l'universel lui-même, laquelle chose appartient à son essence , ou suit ses principes essen- tiels , comme lorsqu'on dit, l'homme est un auimal, ou l'homme est risible ; la seconde manière , c'est quand on lui attribue quelque chose à raison du singulier il se trouve , c'est-à-dire quand on lui attribue quelque accident individuel , comme lorsqu'on dit , il ne se promène pas. Et comme cette manière d'énoncer quelque chose de l'universel est à la portée de l'intelligence de tous les hommes , on a imaginé certains termes pour désigner la manière d'attribuer quelque chose à l'universel ainsi pris. C'est pourquoi si on lui attribue quelque chose de la première manière , c'est-à-dire à raison de lui-même en tant qu'universel , parce que c'est lui attribuer quelque chose univer- sellement , on a trouvé ce signe tout , qui exprime que le .prédicat est attribué universellement au sujet, suivant tout ce qui est contenu dans le sujet. Dans les prédications négatives , on a inventé pour la même fin ce terme nul , qui signifie que le prédicat est exclu du sujet universellement , suivant tout ce qui est contenu en lui. Si , au con- traire, on lui attribue quelque chose de la seconde manière, c'est- à-dire à raison du singulier, pour le désigner dans les affirmatives , on a trouvé un signe particulier, savoir, quelque , qui désigne que le prédicat est attribué universellement au sujet, à raison du particulier. Mais comme il désigne d'une manière indéterminée la forme d'un sin- gulier, il désigne de même l'universel avec une sorte d'indétermina- tion. Aussi s'appelle-t-il un individu vague. Pour les négations , on n'a pas trouvé d'autre terme ou d'autre signe , mais nous disons ,

prsedicabilis est species. Secundo modo enuntiatur aliquid de universali, secundum quod est in ipsis singularibus, et hoc du- piieiter. Uno modo cum attribuitur sibi aliquid ratione ipsius universalis, quod vi- delicet ad essentiam ipsius pertinet, vel consequitur principia essentialia ipsius, ut cum dicitur : homo est animal , vel homo est risibilis. Alio modo, quando attribuitur ei aliquid ratione singularis, in quo inve- nitur scilicet quando attribuitur sibi ali- quod accidens individuale, ut cum diçitur : non ambulat. Et quia iste modus enun- tiandi aliquid de universali, cadit in com- muai apprehensione hominum , ideo in- ventai sunt queedam dictiones ad designan- dum modum aUribuendi aliquid universali sic accepto. Unde si attribuitur sibi aliquid primo modo, scilicet ratione ipsius, ut uni- versale est, quia hoc est universaliter de eo aliquid praedicari, ideo adinventum est

hoc signum , omnis , quod désignât, quod preedicatum attribuitur subjecto universa- liter quantum ad totum illud quod sub- jecto continetur. In negativis vero preedi- cationibus ad idem inventa est hœc dictio, nullus, per quam significatur quod praedi- catura removetur subjecto universaliter secundum totum quod continetur sub eo. Si vero attribuitur ei aliquid secundo modo, scilicet ratione singularis, ad hoc designandum in affirmativis, inventum est signum particulare, scilicet haec dictio, quidam, vel aliquis, per quam designatur, quod praedicatum attribuitur universali subjecto ratione ipsius particularis. Sed quia indeterminate formam alicujus sin- gularis significat , ideo désignât universale sub quadam indeterminatione. Unde et di- citur individuum vagum. In negativis vero non est inventa aliqua dictio seu aliquod aliud signum, sed dicimus , quidam homo

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 235

quelque homme ne court pas. Ainsi donc , il y a trois genres d'affir- mations dans lesquelles une chose se dit de l'universel; l'une par laquelle une chose se dit universellement de l'universel, comme tout homme est animal ; la seconde par laquelle une chose se dit en parti- culier de l'universel , comme quelque homme est hlanc. La troisième par laquelle quelque chose se dit de l'universel sans détermination universelle ou particulière , comme l'homme est animal. La première énonciation s'appelle universelle, la seconde particulière, la troisième indéfinie; si à ces trois on ajoute la singulière, par laquelle une chose se dit d'un singulier, comme Socrate court, il y aura quatre modes dénonciations , susceptibles d'être négatives comme elles sont affir- matives. Tel est, etc..

CHAPITRE VIII.

De l'opposition des propositions catégoriques existant en figure , relati- vement aux énonciations de inesse.

Nous allons dire maintenant quelle est l'opposition de ces énon- ciations , universelles , particulières et indéfinies. Remarquez qu'une chose peut être opposée à une autre de quatre manières , relative- ment, comme le père et le fils; 2°contradictoirement, comme Socrate court , Socrate ne court pas ; privativement , comme la vue et la cécité; contrairement, comme la blancheur et la noirceur. Nous avons parlé des oppositions relatives dans le prédicament de relation. La contradiction est une opposition qui n'admet par elle-même aucun milieu. Pour qu'il y ait contradiction entre certaines choses , sept conditions sont requises. D'abord il faut deux propositions opposées,

noncurrit, vel nonnullus homo currit. Sic ergo sunt tria gênera afïirmationum in qui- bus de universali aliquid praedicatur. Una, in qua de universali aliquid praedicatur universaliter, ut omnis homo est animal. Secunda in qua de universali aliquid prae- dicatur particulariter, ut quidam homo est albus. Tertia, in qua aliquid de universali praedicatur absque determinatione univer- sali vel particulari , ut homo est animal. Prima enuntiatio dicitur universalis ; se- cunda particularis; tertia indefinita , qui- bus si addatur singularis, in qua aliquid de singulari praedicatur , ut Sortes currit , erunt quatuor modi enuntiationum , quee possunt esse negativae, sicut sunt affirma- tivee. Et sic patet, etc.

CAPUT VIII.

De oppositione proposilidhum calhegorica- rum existentium in figura quantum ad enuntialiones de inesse.

Nunc dicendum est qualiter praedictae enuntiationes universales, particulares et indefinitae opponantur. Notandum, quod aliquid alicui quatuor modis potest opponi. Uno modo, relative, ut pater et filius ; alio modo contradictorie, ut Sortes currit, Sor- tes non currit ; tertio modo, privative, ut visus et caecitas ; quarto modo contrarie , ut albedo et nigredo. De oppositis relative dictum est inpraedicamentorelationis. Con- tradictio vero est oppositio cujus secundum se non est médium. Inter esse enim et non esse non est médium. Ad hoc autem quod sit contradictio inter aliqua , requiruntur septem. Primo, quod opponantur duae pro- positiones, quarum una sit aflirmativa, et

236 OPUSCULE XLVII , TRAITÉ 9, CHAPITRE 8.

dont l'une affirmative et l'autre négative ; que ces énonciations regardent le même sujet; qu'elles se rapportent au même prédica- ment ; que la prédication ne se fasse pas par rapport à diverses parties du sujet , comme quand on dit , Socrate a les dents blanches , et Socrate n'a pas la main blanche ; qu'il n'y ait pas une manière différente du côté du prédicat, comme lorsqu'on dit, Socrate court lentement et Socrate ne court pas rapidement ; qu'il n'y ait pas de différence du côté de la mesure du lieu et du temps; qu'il n'y ait pas de diversité dans Yhabitus, relativement à quelque chose d'extrin- sèque, comme lorsqu'on dit, dix hommes font un grand nombre dans une maison , et ne font pas un grand nombre dans un théâtre. La privation est négative dans un sujet doué d'une aptitude propre. En effet, quoique la cécité exclue la vision, elle ne le fait pas simplement, mais bien dans un sujet susceptible naturellement de voir. Car on dit bien un animal aveugle, mais non pas une pierre aveugle. Il y a con- trariété d'opposition dans les choses qui, placées dans le même genre, sont très-éloignées les unes des autres , et se trouvent tour-à-tour dans le même sujet. Car la blancheur n'est pas opposée à la blancheur, mais bien la noirceur, choses qui sont très-distantes l'une de l'autre. Il faut savoir que l'opposition ne se dit pas des susdites oppositions, comme le genre de ses espèces , mais bien comme l'analogue de son analogue. La vraie opposition , en effet , est l'opposition simpliciter, qui s'appelle contradiction. Les autres oppositions sont des opposi- tions secundum quid, et ne sont des oppositions qu'en tant qu'elles expriment en quelque sorte contradiction, savoir, l'être et le non- être. Il faut savoir aussi que dans la contradiction la négation est opposée à l'affirmation, de telle sorte qu'elle ne suppose rien. Mais dans la privation , la privation est opposée à Yhabitus , de manière à

altéra negativa. Sfecundo, quod taies enun- tiationes sint ejusdem subjecti. Tertio, quod sint ejusdem praidicamenti. Quarto, quod non fiât praedicatio secundum diversas partes subjecti , sicut cum dicitur , Sortes est albus dentés, et Sortes non est albus manum. Quinto , quod non sit diversus modus ex parte prœdicati, sicut cum dici- tur : Sortes currit tarde , et Sortes non currit velociter. Sexto, quod non sit diver- sitas ex parte mensuras loci et temporis. Septimo , quod non sit diversitas ex habi- tudine ad aliquid extrinsecum, sicut cum dicitur, decem hommes sunt multi in do- mo, et non sunt multi in theatro. Privatio vero est negatio in subjecto apto nato. Licet enim cœcitas neget visurn, non tamen sim- pliciter , sed in subjecto nato apto videre. Bene enim dicitur animal caecum, sed non

lapis caecus. Contrarie autem opponuntur, quae in eodem génère posita maxime a se distant, et vicissim eidem subjecto insunt. Non enim albedini opponitur albedo, sed nigredo, quae a se maxime distant. Scien- dum, quod oppositio non praedicatur de dictis oppositionibus sicut genus de suis speciebus, sed ut analogum de suis analo- gatis. Vera namque oppositio est oppositio simpliciter, quœ dicitur contradictio. Alla? vero dicuntur oppositiones secundum quid, et in tantum sunt oppositiones in quantum aliquo modo dicunt contradictionem , sci- licet esse et non esse. Sciendum etiam est, quod in contradictione ita opponitur ne- gatio afïirmationi, quod nihil ponit. In privatione autem ita opponitur privatio habitui, quod supponit subjectum. In con- trarietate vero ita est oppositio, quod sup-

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 237

supposer le sujet. Dans la contrariété , l'opposition est telle qu'il y a supposition du sujet et de quelque fosme ; en effet , la blancheur est opposée à la noirceur, de telle manière qu'elle suppose quelque sujet à raison de quoi l'on dit qu'elles se succèdent tour à tour, et la blan- cheur produit une forme que ne constituent ni la négation, ni la privation. Il faut savoir que l'universelle affirmative est opposée à l'universelle négative du même sujet et prédicat contrairement. C'est pourquoi, tout homme est blanc et nul homme n'est blanc, sont des propositions contraires. La raison en est en ce que les choses très-dis- tantes entre elles ont une opposition contraire. Car on n'appelle pas une chose noire par cela seul qu'elle n'est pas blanche , mais parce qu'à la privation de blancheur qui exprime l'exclusion du blanc , elle ajoute le noir, suprême exclusion du blanc. Donc ce qui est affirmé par cette énonciation , tout homme court, doit être exclu par cette négation, tout homme ne court pas; car il faut que la négation écarte le mode dont le prédicat se dit du sujet désigné par ce signe tout; mais à cette exclusion cette proposition, nul homme ne court, ajoute l'exclusion la plus extrême. C'est donc à bon droit qu'on appelle con- traires ces propositions , tout homme court , nul homme ne court. La particulière affirmative et la particulière négative ne sont nullement opposées contrairement , c'est-à-dire d'une opposition contraire. Car les choses contraires sont séparées par une grande distance, et la par- ticulière affirmative et la particulière négative se trouvent être des milieux entre les contraires; or les milieux ne sont pas contraires , et n'offrent même pas une opposition contradictoire. En effet, ainsi qu'il a été dit , ce signe quelque, qui constitue une proposition parti- culière , désigne l'universel ou le terme commun d'une manière in- déterminée ; c'est pourquoi il ne le détermine pas à telle ou telle

ponitur subjectum et aliqua forma , ita enim albedo opponitur nigredini , quod supponit aliquod subjectum, propter quod dicitur, vicissim insunt, et albedo etiam ponit aliquam formam, quod non facit negatio nec privatio. Sciendum, quod uni- "versalis affirmativa opponitur universali negativee ejusdem subjecti et prœdicati contrarie. Unde omnis homo est albus , et nullus homo est albus, gunt contraria. Ratio est , quia ut dictum est , contrarie oppo- nuntur,'quse maxime a se distant. Non enim nigrum dicitur aliquid ex hoc solo, quod non est album , sed super hoc , quod est non esse album , quod significat remo- tionem albi. addit nigrum extremam re- motionem ab albo. Sic ergcvid quod affir- matur per hanc enuntiationem, omnis ho- mo currit , oportet quod removeatur per hanc negationem, non omnis homo currit,

oportet enim quod negatio removet mo- dum quo prsedicatum dicitur de subjecto, quem désignât hoc signum, omnis ; sed su- per hanc remotionem addit hœc enuntia- tio, nullus homo currit, totalem remotio- nem quae est in extrema distantia. Merito ergo dicuntur contraria, omnis homo currit et nullus homo currit. Particularis autem affirmativa, et particularis negativa nullo modo opponuntur contrarie , id est , con- traria oppositione. Contrarie namque dif- férant extrema distantia , particularis au- tem affirmativa, et particularis negativa, se habent sicut média inter contraria ; média autem non sunt contraria, nec etiam op- ponuntur contradictoriœ. Ut enim dictum est, hoc signum, quidam , quod facit pro- positionem esse particularem, désignât uni- versale, seu terminum communem inde- terminatc , unde non déterminât illud ad

238 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 9.

chose singulière. Et pour cette raison l'affirmation et la négation ne se trouveront pas dans le même sujet singulier, ce qui est requis, comme on l'a dit plus haut; aussi il n'y aucune opposition. Elles s'appellent cependant sous-contraires , parce qu'elles sont renfermées sous des contraires. L'universelle affirmative et la particulière néga- tive, l'universelle négative et la particulière affirmative8 sont opposées contradictoirement. La raison en est que la contradiction consiste dans la seule exclusion de l'affirmation par la négation ; or l'univer- selle affirmative est exclue par la seule négation particulière , et il ne faut rien de plus. Comme par cette proposition , quelque, homme ne court pas, est exclue celle-ci, tout homme court. Mais la particulière affirmative ne peut être exclue par la particulière négative , parce qu'elle ne lui est pas opposée, comme il a été dit; il faut donc qu'elle le soit par l'universelle négative. Ainsi donc ces propositions , tout homme court, quelque homme ne court pas, et nul homme ne court, quelque homme court, sont contradictoires. Toute particulière est subalterne de son universelle. Telles sont les oppositions des pro- positions , se trouvent des signes et des singulières. Les indéfinies suivent la règle des particulières.

CHAPITRE IX.

Des éguipollences des énonciations catégoriques de inesse.

Il nous reste maintenant à parler des équipollences de ces énoncia- tions, en quoi il faut observer que la négation mise avant le signe et par conséquent avant toute renonciation, est équivalente à sa contra- dictoire , placée au contraire après le signe dans la composition de

hoc singulare, vel ad id est. Et propter hoc aflirmatio et negatio non erunt in eo- dem subjecto singulari, quod requiritur in contradictione, ut supra dictum est, ideo nullo modo sibi opponitur. Dicuntur ta- men subcontrariae, quia sub contrariis con- tinentur. Universalis autem ailirmativa et particularis negativa, universalis negativa et particularis affirmativa opponuntur contradictorie. Gujus ratio est, quia con- tradictio consistit in sola rernotione affir- mationis per negationem, universalis autem affirmativa removetur per solam negatio- nem particularem, nec aliquid aliud ex ne- cessitate exigitur. Sicut per hanc, quidam homo non currit, removetur hœc omnis homo currit. Particularis autem affirma- tiva non potest removeri per particularem negativam , quia sibi non opponitur , ut dictum est ; oportet ergo, quod removea-

tur per universalem negativam. Sic ergo istae, scilicet omnis homo currit, quidam homo non currit, et nullus homo currit, quidam homo currit, sunt contradictorise. Quselibet autem particularis dicitur subal- terna suae universalis. Et patet de opposi- tionibus propositionum , in quibus sunt signa, et singularium. Indefinitœ autem se- quuntur regulam particularium.

CAPUT IX.

De œquipollentiis enuntiationum categori- carum de inesse.

Restât nunc dicere de œquipollentiis dic- tarum enuntiationum , ubi nota quod ne- gatio prseposita ante signum, et per conse- quens ante totam enuntiationem , ;equi- pollet sua? contradictorise. Posita vero post signum in cornpositione , scilicet enuntia- tionis, f'aeit eam aequipollere suae contrarias,

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 239

renonciation , elle la rend équivalente à sa contraire , avant et après elle la rend équivalente à sa subalterne ; voici la cause de ces équi- pollences. En effet, dans les énonciations il faut considérer la quan- tité, c'est-à-dire, l'universalité , la particularité et la qualité , c'est-à- dire, la négation et l'affirmation; il est de la nature de la négation de nier et d'exclure tout ce qui se trouve après elle. Ainsi donc cette énonciation , tout homme court , est universelle et affirmative , si on la fait précéder par la négation , c'est-à-dire, tout homme ne court pas, cette négation détruit l'universalité et ainsi elle reste particulière ou indéfinie, c'est-à-dire sans signe, elle équivaut à la particulière, elle enlève l'affirmation et par conséquent reste négative. Elle est donc équivalente à celle-ci, quelque homme ne court pas, qui étoit sa con- tradictoire. De même soit cette énonciation, nul homme ne court, il est certain que si à cette proposition universelle et négative on ajoute la négation et on dit, quelque homme court, la négation détruit l'uni- versalité ; ce sera donc une particulière : elle détruit aussi la négation et elle sera ainsi affirmative , quelque homme court , ce qui étoit sa contradictoire , il en sera de même des particulières. En effet , cette proposition, non quidam homo currit, équivaut à celle-ci, nullus homo currit, et pour la même raison celle-ci, non quidam homo non currit, équivaut à celle-ci , quilibet homo currit. De même en prenant cette énonciation, omnis homo currit, et mettant la négation après le signe universel de cette manière, omnis homo non currit , la négation ne trouvant pasle signe après elle, ne le nie pas, et par conséquent renon- ciation reste universelle : mais la négation détruit l'affirmation et de cette façon renonciation devient négative et universelle, elle équivaut donc à sa contraire, c'est-à-dire à celle-ci, nullus homo currit. De

Prœposita vero et postposita -facit eam œquipollere suae subalternes. Causa autem istarum aequipollentiarum est. Nam in enuntiationibus pradictis est considerare quantitatem , videlicet universali tatem, particularitatem et qualitatem, scilicet ne- gationem et affirmationem, hoc est a na- tura negationis, ut neget , et tollat totum quod invenit post se. Sic ergo ista enun- tiatio, omnis homo currit, est universalis et affirmativa, cui si praeponatur negatio, sci- licet non omnis homo currit , ista negatio tollit universalitatem, et sic remanet parti- cularis vel indefinita , scilicet sine signo , quee aequipollet particulari , et tollit affir- mationem, et per consequens remanet ne- gativa. iÉquipollet ergo huic , scilicet quidam homo non currit , quse erat sua contradictoria. Similiter sit hœc enuntiatio, nullus homo currit , certum est quod hoc est, cui scilicet universali et negativee pree-

ponatur sibi negatio, et dicatur, nonnullus homo currit, negatio tollit universali tatem. Ergo erit particularis. Tollit etiam nega- tionem, et sic erit affirmativa, haec scilicet, quidam homo currit, quae erat sua contra- dictoria. Et idem erit de particularibus. Nam haec, non quidam liomo currit, aequi- pollet huic, nullus homo currit, et propter hanc causam hœc, non quidam homo non currit, eequipollet huic , scilicet quilibet homo currit. Similiter etiam si sumatur haec enuntiatio , omnis homo currit , et postponatur negatio signo universali , et ponatur ad compositionem sic, omnis homo non currit , quia negatio non invenit post se signum, non negat illud, et per conse- quensremanet universalis enuntiatio, aufert autem negatio affirmationem, et sic facta est enuntiatio negativa et universalis, aequi- pollet ergo suée contrariée , scilicet huic, nullus horno currit. Similiter heec, nullus

240 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 9.

même celle-ci, nullus homo currit, est universelle et négative, car le signe négatif nie la composition de renonciation.

Que l'on mette donc après la négation et qu'on dise , nullus homo non currit, la négation n'ayant pas de signe après elle reste une énon- ciation universelle, et comme elle étoit négative dans la composition, elle détruit la négation et reste affirmative, omnis homo currit, ce qui étoit sa contraire. Qu'on prenne également celle-ci, omnishomo currit, qui est universelle et affirmative, qu'on la fasse précéder et suivre de la négation, de cette manière , non omnis homo non currit, il est cer- tain que la seconde négation nie sa composition. C'est pourquoi en supposant qu'elle fût négative, omnishomo non currit, il s'ensuit que la négation précédente trouve après elle l'universalité qu'elle détruit et la rend ainsi particulière, elle trouve également la négation qu'elle détruit et la rend affirmative , et elle devient celle-ci, quidam homo currit, qui étoit sa subalterne. Il en est de même de toutes les autres en les faisant précéder et suivre de la négation, parce qu'elles équiva- lent à leur subalterne qu'il soit universel ou particulier. Il faut obser- ver qu'il arrive quelquefois qu'il se rencontre dans la même énoncia- tion deux signes universels négatifs, l'un dans le sujet et l'autre dans le prédicat, comme dans celle-ci, nullus homo nullum animal est, je dis que cette proposition équivaut à cette autre , omnis homo aliquod animal est. La raison en est que chacun de ces signes est universel et renferme en soi la négation ; et comme la négation ne précède pas le premier signe, renonciation reste universelle. Donc la négation ren- fermée dans le premier signe qui est un signe universel et négatif précède la négation ou le second signe qui est un signe universel et un signe négatif; et comme elle trouve l'universalité , il s'ensuit qu'elle

homo currit , est universalis et negativa ; nam signura negativum negat compositio- nem euuntiationis.

Postponatur ergo ei negatio, et dicatur, nullus homo non currit, quia negatio non habet signum post se , remanet enuntiatio universalis, et quia erat negativa quantum ad compositionem, aufert negationem , et remanet afflrmativa hœc, scilicet omnis homo currit, quœ eratsua contraria. Si- niiliter etiam sumatur ista , omnis homo currit, quœ est universalis et affirmativa, et praeponatur sibi, et postponatur negatio sic, non omnis homo non currit, certum est, quod secunda negatio negat ejus com- positionem. Onde dato quod illa esset ne- gativa , hœc scilicet, omnis homo non currit, prœposita ergo negatio invenit post se universalitatem quam tollit, et sic J'acit eam particularem ; invenit et negationem quam tollit, et l'acit eam afïirmativain , et

erit hœc, scilicet quidam homo currit, quee erat sua subalterna. Et sic est de omnibus aliis si praeponatur , et postponatur in eis negatio ; quia eequipollent suo subalterno sive sit universalis , sive particulâris. No- tandum quod aliquando coutingit, quod in eadem enuntiatione sunt duo signa uni- versalia negativa, unum videlicet in suh- jecto, et alterumin prœdicato, sicut in hac, nullus homo nullum animal est, dico, quod ista cequipollet huic , omnis homo aliquod animal est. Ratio est , quia quodlibet dic- torum signorum et est uuiversale et habet in se negationem et quia non prœponitur negatio primo signo, remanet enuntiatio universalis. Ergo negatio inclusa in primo signo, quod est signum universale, et ne- gativum prœponitur negationi, seu secundo signo, quod est signum universale , et si- gnum negativum ; et quia invenit universa- litatem, destruit ergo universalitatem, et

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 241

détruit cette universalité et reste particulière; elle détruit aussi la né- gation et de cette manière elle reste une énonciation affirmative, omnis homo aliquod animal est. Que l'on dise , comme on le fait communé- ment, que nullus non équivaut à omnis, et je dis que non est la néga-r tion renfermée dans le second signe, tandis que non nullus équivaut à quodclam, et je prends nullus non pour la négation qui est dans le premier signe, et il reste ainsi cette proposition , omnis homo aliquod animal est. On fait de toutes ces équipollences le vers suivant :

Prae contradic post contra, pree postque subalter.

lequel s'explique ainsi ; prœ, c'est-à- dire la négation précédente, le con- tradic., fait équivaloir à son contradictoire; post , la négation mise après fait équivaloir à son contraire, prœ postque, la négation qui précède et qui suit fait équivaloir à son subalterne. Telles sont les équi- pollences des énonciations catégoriques.

CHAPITRE X.

Comment les énonciations catégoriques de. inesse se rapportent à la vérité

et à la fausseté.

Nous allons dire maintenant quels sont les rapports de ces énoncia- tions à la vérité et à la fausseté. Remarquez bien, ainsi qu'il a été dit, qu'une chose peut-être énoncée de l'universel en tant qu'il se trouve dans les singuliers de deux manières, affirmativement, et être écartée né- gativement, la première quand on lui attribue quelque chose à raison de l'universel même, soit que cela appartienne à son essence ou suive ses principes essentiels , comme lorsqu'on dit : homo est animal risi-

remanet particulare, destruit negationem, et sic remanet enuntiatio affirmativa, haec scilicet, omnis homo aliquod animal est. Vel dicatur, sicut communiter dicitur, quod nullus non , œquipollet ei, quod est omnis, et dico non scilicet negationem quae continetur in secundo signo, non nullus vero aequipollet ei quod est quoddam, et nullus non , sumo pro negatione ; quae est in primo signo, et sic remanet, omnis ho- mo aliquod animal est. De omnibus his œquipollentiis datur versus :

Prœ contradic. post contra, pra' postque subalter.

Qui sic intelligitur pree, id est negatio pra> posita; contradic. id est facit œquipollerc suo contradictorio ; post, id est negatio post- posita, facit aequipollere suo contra id est contrario. Prœ postque id est negatio quae

praeponitur et postponitur facit aequipollere suo subalterno. Et sic palet de aequipol- lentiis categoricarum.

CAPUT X.

Quomodo enunliaiiones categoricœ de inesse sita in figura , se habet ad veritatem et fahilalem.

Modo dicendum est quomodo se habent praedictae enuntiationes quantum ad verum et falsum. Ubi nota, quod sicut supra dic- tum est, de universali secundum quod est in ipsis singularibus, dupliciter potest ali- quid enuntiari, scilicet affirmative , et re- moveri négative. Uno modo quando attri- buitur sibi aliquid ratione ipsius universa- lis, vel quod pertineat ad ejus essentiam , vel quod sequatur principiaejus essentialia, ut cum dicitur , homo est animal risibile,

16

242 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 10.

bile, et c'est ce qu'on appelle la matière naturelle ou nécessaire. Ce qui est exclu de l'universel cle cette manière à raison de la nature même, c'est-à-dire de l'universel , est appelé matière éloignée ou im- possible, comme homo est asinus. En second lieu, quand on lui attri- bue quelque chose à raison de quelque singulier se trouve cette nature de l'universel, comme lorsqu'on dit», homo currit , et c'est ce qu'on appelle matière contingente. Il faut savoir que dans la matière naturelle et dans la matière éloignée, si une des contraires est vraie , l'autre est fausse et réciproquement. La raison en est que si la matière qui se trouve en rapport avec la nature de l'universel est appelée ma- tière naturelle, il s'ensuit qu'elle convient à tout ce qui est contenu en lui, de telle façon que l'universelle affirmative sera vraie, et l'uni- verselle négative qui exclut cette matière de tout ce qui est contenu en lui, sera nécessairement fausse. Car elle dit que ce qui est n'est pas, et c'est la fausseté, dire que ce qui est n'est pas ou que ce qui n'est pas est. De même dans la matière éloignée l'universelle négative est vraie, parce qu'elle écarte tel prédicat de tout ce qui est contenu sous tel universel. Donc l'universelle affirmative sera aussi alors dite fausse, parce qu'elle dit que ce qui n'est pas est, et il en sera de même par rapport à elle pour ses subalternes particulières. Comme en effet, la matière naturelle convient à tout ce qui est contenu sous l'univer- sel, il en résulte que dans cette matière la particulière affirmative sera vraie, et la négative fausse : le contraire aura lieu dans la matière éloignée, au contraire dans la matière contingente les deux contraires peuvent être fausses; on peut en trouver la raison dans ce que nous avons dit. Si, en effet, dans cette matière on n'attribue quelque chose à l'universel qu'à raison de quelque particulier contenu en lui, il est

et hsec vocatur materia naturalis seu ne- cessaria. Quod autem isto modo ab univer- sali removetur ratione ipsius naturse , sci- licet universalis , dicitur materia remota , seu impossibilis, ut homo est asinus. Se- cundo modo, quando attribuitur sibi ali- quid ratione alicujus singularis, in quo haec natura universalis invenitur , ut cum dici- tur, homo currit, et heec dicitur materia contingens. Seiendum, quod in materia naturali et in materia remota, si una con- trariarum est vera , reliqua est falsa , et e converso. Et causa haec est, quia si illa di- citur materia naturalis , qua; provenit se- cundum naturam universalis, ipsa ergo convenit omni contento sub eo , sic quod universalis affirmativa erit vera , univer- salis autem negativa , qua; removet hanc materiam ab omni contento sub eo, neces- sario erit falsa dicit enim non esse quod

est , quod est falsum , scilicet dicere non esse quod est, vel esse quod non est. Simi- liter etiam in materia remota, universalis negativa est vera , quia removet taie prse- dicatum ab omni contento sub tali univer- sali. Universalis ergo affirmativa , tune etiam dicetur falsa, quia dicit esse quod non est ; et simili modo se habebit de suis particularibus sibi subalternis. Materia enim naturalis, quia omnibus contentis sub universali convenit, ideo in tali ma- teria particularis affirmativa erit vera, ne- gativa vero falsa ; contra se habebit in materia remota. In materia vero contin- genti, ambse contraria? possunt esse falsae, et causa potest haberi ex dictis. Si enim in tali materia non attribuitur universali aliquid nisi ratione particularis alicujus contenti sub eo , affirmare iilud de omni- bus particularibus falsum est, quia dicitur

SUR LA LOGIQUE d'aHISTOTE. 243

faux de l'affirmer de tous les particuliers, parce qu'on dit être ce qui n'est pas ; il est également faux de le nier de tous les particuliers ou singuliers, parce qu'on dit que ce qui est n'est pas. Elles sont donc toutes deux fausses, les particulières, au contraire, sont toutes deux vraies , parce que chacune peut se conserver dans une singulière. Aristote en donne une autre raison : Les contraires, dit-il, s'excluent mutuellement. Ces deux contraires ne pourront donc pas subsister ensemble , ce qui est vrai, néanmoins rien n'empêche que leurs exclu- sions s.ubsistent ensemble ; de même que le blanc et le noir ne peu- vent subsister ensemble , cependant rien n'empêche que leurs exclu- sions subsistent ensemble, car le faux est l'exclusion des deux qualités. Dans toute matière soit naturelle , soit éloignée , soit contingente , si une des contradictoires est vraie, l'autre est fausse et réciproquement. En effet, ou les énonciations contradictoires sont singulières, comme il a été dit, ou l'une est universelle et l'autre particulière et sont telles que l'une exclue l'autre. C'est pourquoi si l'une est négative , l'autre est affirmative , et si l'affirmative est vraie, elle dit que ce qui est est réellement, ce qui est le vrai, comme il est dit au liv. IV de la Méta- physique : Car le vrai est que ce qui est soit réellement , et que ce qui n'est pas ne soit réellement pas. Le faux, au contraire, est que ce qui est ne soit pas, et que ce qui n'est pas soit. La négative contra- dictoire sera fausse parce qu'elle dit que ce qui est n'est pas, pareille- ment si la négative est vraie, elle dit que ce qui est n'est pas, et l'affir- mative dit alors que ce qui n'est pas est réellement, ce qui est faux. Et comme il n'y a pas de milieu entre être et ne pas être et que l'un exclut l'autre, parce qu'on ne peut dire du même sujet des choses im- possibles et que l'être et le non-être ne peuvent être vrais en même temps, il en est de même des contradictoires, parce que l'une attribue l'être et l'autre le non-être au même sujet; c'est pour cela que l'une

quod non est esse; similiter etiam illud negare ab omnibus particularibus seu sin- gularibus falsum est , quia dicitur , quod est non esse. Ambae ergo sunt falsae. Par- ticu lares vero, quia quaelibet potest salvari in una singulari, amba? surit verae. Aliam rationem assignat Aristoteles. Nam ut dicit, contraria mutuo se expellunt , ambœ istae contrariai non poterunt simul esse, quod est verum, remotiones tamen earum nihil pro- hibet simul esse sicut album et nigrum non possunt esse ^imul , remotiones tamen amborum nihil prohibet esse simul, falsum enim est remotio amborum. In omni ma- teria sive naturali sive remota , seu con- tingent^ si una contradictoriarum est vera, reliqua est falsa et e converso. Contradic- toriae enim enuntiationes , vel sunt singu-

lares, ut dictum est, vel una est universalis et altéra particularis, et hoc habent, quia una removet aliam. Unde si una est nega- tiva, altéra est aflirmativa, et si affirmativa erit vera, dicit esse quod est , et hoc est verum, ut dicitur IV Meiaph., verum enim est esse quod est, et non esse quod non est. Falsum autem est non esse quod est , et esse quod non' est. Negativa vero sibi con- tradictoria, quia dicit non esse, quod est, erit falsa. Similiter si negativa est vera, dicit non esse quod non est , et affirmativa tune dicit esse quod non est, quod est fal- sum. Et sicut inter esse et non esse non est médium, et unum removet alterum, quia impossibilia est dici de eodem, et verificari | simul esse et non esse , sic etiam contra- I dictoriœ, quia una ponit de eodem esse, et

244 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE H.

exclut toujours l'autre. Comme le vrai et le faux* consistent dans cet être et ce non-être, comme il a été dit , il n'y a donc pas de milieu , si l'une est -vraie, l'autre est fausse et réciproquement. Voilà en quoi con- siste la vérité ou la fausseté des propositions de inesse, etc.

CHAPITRE XI.

Ce que c'est que la proposition modale, et de sa quantité.

Nous allons parler maintenant des propositions modales. Le mode, dans le sens il est pris ici, est une détermination adjacente la chose, c'est-à-dire une détermination faite par un adjectif. Or il y a deux sortes d'adjectif, l'adjectif de nom, comme blanc et noir, et l'ad- jectif de verbe, tels que les adverbes. Comme l'adverbe est joint au verbe et s'appuie toujours sur lui, il s'appelle pour cette raison adjec- tif du verbe. Il y aura donc ainsi deux modes, le mode nominal, comme lorsqu'on dit une course rapide ; et le mode adverbial, comme lorsqu'on dit il court rapidement. Il faut observer que les adverbes peuvent déterminer les verbes de plusieurs manières : quelques-uns les déterminent à raison de l'action ou de la passion qui signifie le verbe, comme je cours rapidement, ou j'agis courageusement, et c'est ce que font les adverbes qualificatifs. Quelques-uns à raison du temps, comme les adverbes temporaux; d'autres à raison du mode , comme les adverbes vocatifs ou optatifs. D'autres déterminent le verbe à raison de la composition qu'il opère dans le discours, et ceux-ci sont au nombre de six , savoir : necessario , impossibilité)' , jtossibiliter , contingenter, vero et falso. En effet, lorsqu'on dit : So- crate court rapidement , on exprime que sa course est rapide ; mais

altéra de eodem non esse, ideo una semper removet alterara. Et quia in tali esse , vel non esse consistit verum vel falsum , ut dictum est. Ergo sine medio si una est vera, reliqua est falsa, et e converso. Et sic patet de veritate et falsitate dictarum propositionum de inesse, etc.

GAPUT XI.

Quid si: proposilio modalis, et de ejus quan-

litale.

Nunc restât ponere vel dicere de propo- sitionibus modalibus. Modus autem, ut hic sumitur, est adjacens rei determinatio , id est determinatio facta per adjectivum. Est autem adjectivum duplex, scilicet nominis, ut album et nigrum, et verbi, cujusmodi suut adverbia : quia enim advcrbium stat juxta verbum, et semper nititur verbo,

ideo dicitnr esse adjectivum verbi. Et sic modus erit duplex, scilicet nominalis , ut cum dicitur, cursus velox, et adverbialis, ut cum dicitur , currit velociter. Notan- dum, quod adverbia multipliciter possunt determinare verba. Quœdam déterminant ipsum rationes actionis vel passionis, quam verbum significat, ut curro velociter , vel ago fortiter , et hoc faciunt adverbia qua- litativa. Quœdam vero ratione temporis, ut adverbia temporalia. Alia vero ratione modi . ut adverbia vocandi et optandi. Quaedam vero déterminant verbum ratione compositionis quam facit in oratione , et ista sunt sex, scilicet necessario , impossi- bilité^ possibilités contingenter, vero et falso. Cum enim dicitur, Sortes currit ve- lociter, ^ignatur quod cursus ejus sit velox; sed cum dicitur , necessario Sortes currit,

SUR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 245

lorsqu'on dit : Socrate court nécessairement, on ne veut pas dire que sa course soit nécessaire , mais bien que cette composition , Socrate court, est nécessaire, et de même des cinq autres adverbes précités. Il faut savoir que ces six adverbes sont de vraies énonciations modales, parce qu'ils peuvent faire des propositions modales pris adverbiale- ment, comme lorsqu'on dit : Socrate court nécessairement, et nomi- nalement, comme lorsqu'on dit qu'il est nécessaire que Socrate coure, et ainsi des autres. Il est vrai que deux de ces modes, savoir : vero et faisane diversifient pas renonciation relativement aux oppositions, aux équipollences et autres choses de ce genre, mais ils ont les mêmes rapports ou sont pris ici comme dans les catégoriques de inesse , aussi nous n'en dirons rien. Mais nous allons parler des quatre autres ad- verbes, savoir : possibiliter, impossibiliter, necessario, contingenter, parce qu'ils diversifient les susdites énonciations. Nous nous occupe- rons pour le moment de quatre choses à ce sujet, de la quantité, de la qualité, des oppositions et équipollences, parce qu'il sera question de leur conversion dans le traité des syllogismes l'on parlera égale- ment de la conversion des énonciations de inesse. Or , pour connoître leur quantité, il faut observer qu'il y a des propositions modales de dic- tion, comme Sortent currere est necesse, dans lesquelles la diction est sousajoutée et le mode énoncé : et celles-ci sont vraiment modales, parce qu'ici le mode détermine le verbe à raison de la composition , comme il a été dit plus haut. Il en est d'autres qui sont modales de re, dans lesquelles le mode est interposé à la diction , comme Sortem ne- cesse est currere. En effet, le sens n'est pas que cette diction est né- cessaire, je veux dire sortem currere, mais le sens est qu'il y dans Socrate la nécessité de courir. La chose est plus claire dans le pos-

non significatur quod cursus ejus sit ne- cessaiius, sed quod ista compositio, scilicet Sortes currit , sit necessaria, et sic de aliis quinque adverbiis jam dictis. Sciendum, quod prœdicta sex adverbia faciunt veras* enuntiationes modales : quia possunt facere propositions modales adverbialitersumpta, ut cum dicitur Sortes currit necessario ; et nominaliter, ut cum dicitur, Sortem cur- rere est necesse, et sic de aliis. Verum est autem, quod duo istorum modorum, scili- cet vero et falso , non variant enuntiatio- nem quantum ad oppositiones , aequipol- lentias, et hujusmodi, sed eodem modo se habent, seu eodem modo sumuntur in eis, sicut in catégoriels de inesse , ideo de eis praetermittamus. Sed quia alia quatuor ad- verbia, scilicet possibiliter , impossibilité^ necessario, contingenter , prœdictas enun- tiationes variant , ideo de ipsis dicamus.

De his autem ad prœsens videbimus qua- tuor, scilicet quantitatem, qualitatem, op- positiones et eequipollentias , quia de con- versione ipsarum dicetur in tractatu de syllogismis, ubi etiam dicetur de conver- sione enuntiationum de inesse. Ad sciendum autem earum quantitatem, notandum qued quœdam sunt propositiones modales de dicto, ut Sortem currere est necesse, in quibus sedicet dictum subjicitur et modus preedicatur ; et ista} sunt vere modales, quia modus hic déterminât verbum ratione compositionis, ut supra dictum est. Quae- dam autem sunt modales de re, in quibus videlicet modus interponitur dicto , ut Sortem necesse est currere, non enim modo est sensus , quod hoc dictum sit necessa- rium, scilicet Sortem currere, sed hujus sensus est, quod in Sorte sit nécessitas ad currendum. Et clarius apparet de possibili.

246 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 11.

sible, car lorsqu'on dit Sortent currere est possihile, le sens est que cette diction Sortent currere est possible ; mais lorsqu'on dit Sortent possibile est currere, le sens est qu'il y a dans Socrate la possibilité de courir. 11 y a encore d'autres énonciations qui paroissent modales et qui ne le sont pas, quand le mode est sousajouté et la diction énoncée, comme possibile est Sortent currere. La raison en est que la dénomina- tion doit se tirer de la forme; or dans renonciation le formel est le prédicat et doit par conséquent être dénommé par le prédicat : donc, quand dans renonciation la prédication tombe sur le mode , elle est modale, quand c'est sur la diction, elle ne l'est pas. Il faut savoir que toutes les énonciations modales de clicto sont singulières, quel que soit en elles le signe universel. C'est pourquoi celle-ci, onmem hominem currere , est singulière, et ainsi de toutes les autres. La raison, c'est que, comme il a été dit, renonciation est appelée singulière, parce qu'il y a en elle un singulier, ou un terme singulier comme Socrate court. Mais dans ces énonciations on insère cette diction déterminée , omnem hominem currere, qui est prise tout entière pour un terme dé- terminé. Donc touts ces énonciations sont singulières. Mais dans les modales re et dans celles qui paroissent modales sans l'être, la quantité est prise suivant qu'il y a dans la diction des termes et des signes. C'est pourquoi celle-ci, possihile est omnem hominem currere, est universelle ; et celle-ci, possibile est aliquem hominem currere, est particulière; ainsi en est-il des modales de re. Telle est leur quantité.

Cum enim dicitur, Sortem currere est possibile, sensus est, quod hoc diotum, sci- licet Sortem currere est possibile. Sed cum dicitur Sortem possibile est currere , sensus est quod in Sorte sit possibilitas currendi. Sunt autem et alise enuntiationes, quse vi- dentur modales et non sunt, quando vide- licet modus subjicitur et dictum prœdica- tur, ut possibile est Sortem currere. Ratio hujus est, quia denominatio débet sumi a forma, formale autem in enuntiatione est prœdicatum , et ideo a praedicato débet de- nominari. Cum ergo in enuntiatione prse- dicatur modus, erit modalis; cum vero praedicatur dictum , non erit modalis. Sciendum quod omnes enuntiationes mo- dales de dicto sunt singulares, quantum- cumque sit in eis signum universale. Inde

haec , omnem hominem currere est possi- bile, est singularis, et sic de omnibus aliis. Ratio hujus est. Nam ut supra dictum est, enuntiatio dicitur singularis quia in ea sub- jicitur singulare , seu terminus singularis ut Sortes currit. Sed in talibus enuntiatio- nibus subjicitur hoc dictum signatum, soili- cet omnem hominem currere, quod totum accipitur pro uno termino signato, omnes ergo taies enuntiationes sunt singulares. In modalibus vero de re, et in his quee viden- tur modales, et non sunt, sumitur quanti- tas secundum quod in dicto sunt termini, et signa. Onde heec , possibile est omnem hominem currere, est universalis : et ha?c, possibile est aliquem hominem currere, est particularis, et sic se habet de modalibus de re. Patet ergo de earum quantitate.

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

247

CHAPITRE XII.

De la qualité des propositions modales quant à l'affirmation et. à la

négation.

Quant à leur qualité , il faut noter que dans les énonciations de inesse , il y a trois choses à considérer, savoir, le sujet , le prédicat et la combinaison de l'un et de l'autre , qui quelquefois ont des rap- ports , comme dans les choses naturelles. Dans l'homme il faut consi- dérer le corps, l'ame et l'humanité. Le corps est la matière, l'ame est la forme qui est une partie du composé , c'est pourquoi elle est forme par rapport au corps , et l'humanité est forme par rapport à l'un et à l'autre, c'est-à-dire au corps et à l'ame. Ainsi, dans la proposition ci-dessus , dans renonciation , le sujet est comme la matière , le pré- dicat comme la forme qui est une partie du composé. C'est pourquoi il est comme forme à l'égard du sujet , tandis que la composition est forme à l'égard de l'un et de l'autre. Aussi l'affirmation et la négation y sont-elles prises suivant la composition ou la division , lorsqu'il y a négation. C'est pourquoi lorsqu'il n'y apas de négation dans la com- position , renonciation est affirmative, mais s'il y a négation , renon- ciation est négative. Le mode est pour les modales ce qu'est le prédicat pour celles de inesse, parce qu'il est comme la forme par rapport à la diction; aussi, si le mode se combine avec la phrase d'une manière affirmative, la modale sera affirmative, si c'est négativement, la pro- position sera négative. Celle-ci, en effet, Sortem non currere est pos- sibile, est affirmative, parce que la combinaison est quelque peu affir- mée par la phrase. Mais cette autre , Sortem currere non est possibile, est négative , parce que cette composition est niée. On le voit claire-

GAPUT XII.

De qualilale proposilionum modal iu m qua- nd affirtnationem et negationem.

Sequitur de ipsarum qualitate. Ubi nota, quod in euuntiationibus de inesse, est tria considerare , scilicet subjectum , prsedica- tum, et compositionem utriusque, quœ ita se habent quodammodo , sicut in naturali- bus. In homine eniin est considerare cor- pus, et animant , et humanitatem. Corpus est materia : anima est forma, quae est pars compositi, unde forma est respectu corporis, humanitas vero est forma respectu utriusque, scilicet respectu corporis, et ani- ma?. Sic in proposito, in enuntiatione sub- jectum est sicut materia : praedicatum vero sicut forma, qaae est pars compositi. Unde

est quasi forma respectu subjecti , composi- tio vero est forma utriusque. Unde in eis affirmatio , et negatio sumitur secundum compositionem, vel divisionem: ubi est ne- gatio. Unde quando in compositione non est negatio, erit enuntiatio affirmativa : si vero in ea est negatio, est enuntiatio nega- tiva. In modalibus autem sicut se habet in illis de inesse praedicatum, sic se habet mo- dus, quia est, ut forma respectu dicti : et ideo si modus componitur cum dicto affir- mative , modalis erit affirmativa : si vero négative, propositio erit negativa. Hœc enim, Sortem non currere est possibile : est affirmativa, quia compositio modicum dicto affirmatur. Hœc autem, Sortem currere non est possibile , est negativa, quia talis compositio negatur. Et hoc clare apparet in

248 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 13.

ment dans leur vérité et leur fausseté. En effet , l'affirmation sur le même singulier est opposée contradictoirement à la négation, et par conséquent , si l'une est vraie, l'autre est fausse. Mais celles-ci, Sor- tem currere est possibile , Sortent non currere est possibile, sont toutes deux vraies , parce que Socrate peut courir et peut ne pas courir, et la possibilité est vraie à l'égard de l'une et l'autre phrase. Donc l'une n'est pas affirmative et l'autre négative. Il faut savoir que , bien que renonciation modale soit dite affirmative ou négative du mode affirmé et nié , chacuDe peut néanmoins se diversifier de quatre manières , parce qu'elle aura et la diction affirmée, comme, Sortem currere est possibile, ou l'un et l'autre nié, comme , Sortem non currere non est possibile, ou la diction niée et le mode affirmé, comme, Sortem non currere est possibile , ou la diction affirmée et le mode nié , comme , Sortem currere non est possibile. Telle est la qualité.

CHAPITRE XIII.

De l'opposition et de l'équipollence des cnonciations modales.

Nous allons parler maintenant de leur opposition. Notez bien que les modales de cette espèce sont différentes suivant l'affirmation et la négation dans la diction et dans le mode , comme on vient de le dire , et c'est ainsi qu'elles produisent des oppositions entre elles. Mais comme les différents modes sont opposés les uns aux autres , nous allons d'abord nous occuper des oppositions des modales suivant les différents modes , ensuite nous ramènerons un mode à un autre , et l'on verra ainsi clairement les oppositions. Il faut observer que le possible peut se prendre de deux manières ; ou dans son tout signifié , et alors il comprend le nécessaire et le contingent , et ainsi ce qui a la

veritate, et falsitate earum. Affirmatio enim de eodem singulari opponitur con- tradictorie negationi, et per consequens si una est vera , reliqua est falsa : sed ista : Sortem currere est possibile. Sortem non currere est possibile, ambae sunt verae, quia Sortes potest currere, et potest non cur- rere, et de utroque dicto verificatur possi- bilités : non ergo est una affirmativa , et alia negativa. Sciendum, quod licet enun- tiatio modalis dicatur affirmativa et nega- tiva a modo affirmato , et negato , tamen quaelibet potest quadrupliciter variari : quia, vel habebit utrumque, scilicet dic- tum , et modum affirmatum . ut Sortem currere est possibile. Vel utrumque nega- tum, ut Sortem non currere non est possi- bile, vel dictum negatum, et modum affirmatum, ut Sortem non currere est possibile. Vel dictum affirmatum, et modum

negatum, ut Sortem currere non est pos- sibile. Et sic patet de ejus qualitate.

GAPUT XIII.

De oppositione et œquipollentia enuntiatio- num modalium.

Nunc videndum est de earum opposi- tione. Ubi nota , quod modales hujusmodi variantur secundum affirmationem et ne- gationem in dicto, et in modo sicut immé- diate dictum est , et sic faciunt inter se oppositiones. Sed quia diversi modi sibi invicem opponuntur, ideo primo dicendum est de oppositionibus modalium secundum diversos modos : postea reducemus unum modum ad alium per aequipollentias, et sic patebunt omnium oppositiones. Notandum, quod possibile dupliciter potest gumi, vel in toto suo significato, et tune comprehen- dit necessarium, et contingens, et sic, quod

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 249

nécessité d'être a la possibilité d'être , et ce "qui est contingent dans l'être a la possibilité d'être. De la seconde manière il n'est pris que pour le contingent , et c'est ainsi qu'il est pris dans ces oppositions. C'est pourquoi, quoiqu'il y ait quatre énonciations modales, il n'y en a que trois qui opèrent une diversité dans les oppositions et les équi- pollences, parce qu'on prend pour la même une chose du contingent, et une autre chose du possible. Disons donc quelque chose de ces trois modes, savoir, le nécessaire, le possible, i'impossi))le. Et quoique, quand la prédication se fait substantiellement de la diction et du mode , renonciation ne soit point modale , elle est néanmoins ramenée promptement à la modale , et c'est ainsi que nous nous ser- virons bientôt de ces énonciations. Il faut savoir que, comme on l'a dit dans les énonciations de inesse, ce signe tout signifie que le prédicat de renonciation est attribué au sujet , suivant tout ce qui est contenu en lui. Au contraire , ce signe nul exclut du sujet tout ce qui est con- tenu en lui, et c'est pour cela que l'universelle affirmative et l'uni- verselle négative sont contraires. De même, dans ces énonciations modales , ce mode necesse fait signifier toute l'inhérence du sujet au prédicat , parce que ce qui est nécessairement inhérent est inhérent à telle chose tout entière , et tient par conséquent la même place , c'est-à-dire la modale affirmative de necessario, et l'universelle affir- mative de inesse. Et comme aucun n'exclut le tout, il en est de même de l'impossible, parce que ce qui inest impossibiliter , nulli tali inest, et par conséquent la proposition de l'impossible tient lieu de l'univer- selle négative. Et comme en affirmant on ne met pas toute l'inhérence, de même en niant on n'exclut pas tout ce qui est contenu sous le sujet; ainsi ce mode possibile, parce que ce qui possibiliter inest, n'est pas inhérent à tout , et ce qui possibiliter non inest , non inest

necesse est esse, possibile est esse, et quod contingens est esse, possibile est esse. Alio modo sumitur solum pro contingenti, et sic sumitur in istis oppositionibus. Unde licet quatuor sint enuntiationes modales, très tamen earum faciunt diversitatem in op- positionibus et aequipollentiis,' quia illa de contingenti , et illa de possibili pro eadem sumuntur. De istis ergo tribus modis dica- mus, scilicet necesse, impossibile, possibile. Et licet ut dictum est, quando modus substantialiter, et dictum prœdicatur, enun- tiatio non sit modalis, tamen cito reduci- tur ad modalem, et sic modo enuntiationi- bus illis utemur. Sciendum, quod sicut dictum est in enuntiationibus de inesse, hoc signum omnis désignât , quod prsedi- catum enuntiationis attribuitur subjecto quantum ad totum illud, quod sub eo con-

tinetur : hoc vero signum nullus removet a subjecto totum quod sub eo continetur , et propter hoc universalis affirmativa, et universalis negativa, sunt contrarise. Sic in istis enuntiationibus modalibus iste modus necesse, facit significare totaminhaerentiam subjecti ad preedicatum, quia quod neces- sario inest, omni tali inest, et ideo tenet eumdemlocum, scilicet modalis affirmativa de necessario, et universalis affirmativa de inesse. Et sicut nullus totum removet, ita etiam impossibile, quia quod impossibili- ter inest, nulli tali inest, et ideo proposi- tio de impossibili tenet locum universalis negativœ. Et sicut quidam affirmando non totam inhaerentiam ponit , similiter etiam negando non totum, quod sub subjecto continetur, removet , sic iste modus possi- bile, quia quod possibiliter inest, non inest

250 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 13.

nulli , aussi le possible en affirmant tient la place de la particulière affirmative , et le possible en niant tient lieu de la particulière néga- tive. Donc , suivant ce que nous venons de dire, ces énonciations , il est nécessaire d'être , et il est impossible d'être sont contraires ; il est nécessaire d'être et il est possible de ne pas être sont contradic- toires; — il est impossible d'être et il est possible d'être sont contra- dictoires; — il est possible d'être et il est possible de ne pas être sont sous-contraires; il est nécessaire d'être et il est possible d'être sont subalternes ; il est impossible d'être et il est possible de ne pas être sont subalternes , comme on le voit dans la figure suivante :

Possibile \„ L . . /Possioile

. dubcontranae , est esse L \es!: non esse/

En voyant cette figure on comprend de suite ce que sont les équi- pollences et les oppositions des propositions, quand elles sont diffé-

omni , et quod possibiliter non inest , non inest nulli, et icleo possibile aftirmando te- net locum particularis affirmativae, et pos- sibile negando tenet locum particularis negativae. Secundum ergo praedicta, istae enuntiationes : Necesse est esse , et impos- sible est esse, sunt contrariai. Necesse est esse, et possibile est non esse, surit contra- dictoriae. Impossibile est esse, et possibile

est esse, sunt contradictoriae. Possibile est esse, et possibile est non esse, sunt subcon- trariae. Necesse est esse, et possibile est esse, sunt subalternae. Impossibile est esse, et possibile est non esse, sunt subalternae , ut patet in figura sequenti.

His visis statim patebit de sequipollentiis earum, et de oppositionibus ipsarum : quando variantur per negationes positas in

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 251

ren liées par les négations placées dans la diction ou dans le mode. Car les équipollences des modales s'opèrent de la même manière que dans les énonciations de inesse , suivant ce vers :

Prœ contradic. posl contra, prœ postque subalter.

En effet la négation préposée au mode le rend équipollent à son contradictoire , d'où cette proposition , non necesse est esse , est équi- valente à celle-ci , possibile est non esse, et cette autre , non impossi- bile est esse, est équivalente à celle-ci, possibile est esse. Mais la néga- tion placée après le mode le rend équipollent à son contraire, d'où cette proposition necesse est non esse , équivant à celle-ci , impossibile est esse; et cette autre , impossibile est non esse , équivant à celle-ci , ne- cesse est esse, prœ postque subalter, c'est-à-dire, la négation placée avant et après le mode le rend équipollent à son subalterne. D'où cette proposition , non necesse est non esse , équivant à celle-ci , possibile est esse , et de même cette autre , non impossibile est non esse , équi- vant à celle-ci, possibile est non esse. D'après ce que l'on vient de dire on peut voir de quelle manière les oppositions des propositions de même mode sont variées par les négations. Par exemple dans les énon- ciations de necessario , celle-ci , necesse est esse , et cette autre , non necesse est esse, sont contradictoires : et celle-ci, non necesse est non esse, et, necesse est esse, sont subalternes, et il en est de même de chacune des autres énonciations modales , par ce vers :

Amabimus edentuli : illiace, purpurea.

dicto, velinmodo. iEquipollentiae namque modalium, eodem modo fiunt sicut in enuntiationibus de inesse, secundum vide- licet versum illum :

Prie contradic. post contra, prœ postque subalter.

Negatio enim praeposita modo, facit aequi- pollere suo contradictorio , unde haec non necesse est esse , aequipollet huic, possibile est non esse. Et haec, non impossibile est esse, aequipollet huic, possibile est esse. Negatio vero postposita, scilicet modo, fa- cil aequipollere suo contrario, unde haec, necesse est non esse, sequipollet huic, im- possibile est esse. Et haec, impossibile est non esse, aequipollet huic, necesse est esse. Prae postque subalter, idest, negatio prae-

posita, et postposita modo facit aequipol- lere suo subalterno : unde haec, non necesse est non esse, sequipollet huic, pos- sibile est esse : et similiter haec , non im- possibile est non esse, aequipollet huic, possibile est non esse. Ex dictis potest pa- tere qualiter oppositiones propositionum ejusdem modi variantur per negationes. Verbi gratia, de enuntiationibus de neces- sario, ista, necesse est esse, et haec, non necesse est esse, sunt contradic toriae : et istae, scilicet non necesse est non esse , et necesse est esse, sunt subalternae, et sic se habet de singulis aliis enuntiationibus mo- dalium , per hune versum ut satis patet

Amabimus edentuli : illiace, purpurea.

252

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 14.

CHAPITRE XIV.

De renonciation hijpolhétique et de ses trois espèces.

Il nous reste maintenant à parler des énonciations hypothétiques ou suppositives, ce qui est la même chose. L'énonciation hypothé- tique se définit ainsi : L'énonciation hypothétique est celle qui a deux de ses parties principales catégoriques comme, si l'homme court, l'homme se meut; il est évident que celle-ci, l'homme court, est une énonciation catégorique, et celle-là, l'homme se meut, en est une autre. Je dis parties principales , parce que les termes sont les. parties principales de la proposition catégorique , et ne sont pas cependant les parties principales de la proposition hypothétique, mais des parties éloignées , comme les pierres sont les parties éloi- gnées de la maison , et c'est en quoi renonciation hypothétique diffère de l'énonciation catégorique. Car les parties principales de re- nonciation catégorique sont les termes , et les parties principales de l'hypothétique sont les deux catégoriques. Il y a aussi une autre dif- férence entre les propositions catégoriques et les propositions hypothé- tiques. Car dans la proposition catégorique le sujet prend le nom de , prédicat. En effet lorsqu'on dit , l'homme est un animal, l'homme reçoit le nom d'animal, puisque on dit que l'homme est un animal. Il n'en est pas de même dans les hypothétiques , parce que l'un ne se dit pas de l'autre, on dit seulement qu'une chose est si une autre chose est également. Par exemple, lorsqu'on dit, si elle a enfanté, elle a eu des relations avec un homme ; le sens n'est pas que, enfanter c'est avoir des relations avec un homme, mais bien que l'enfantement n'auroitpu avoir lien, s'il n'y avoit pas eu de relations avec un homme.

GAPUT XIV.

De enunliatione hypothetica et de tribus spe- ciebus ejus.

Restât nunc dicere de enuntiationibus hypotheticis, seu suppositivis, quod idem est. Diflinitur autem enuntiatio hypothetica sic. Enuntiatio hypothetica est quee habet duas categoricas principales partes sui, ut Si homo currit, homo movetur : patet quod haec, homo currit, est una enuntiatio categorica, et illa, homo movetur, est al- téra. Et dico principales partes, quia ter- mini sunt principales partes propositionis categoricae, non tamen sunt principales partes propositionis hypotheticae, sed re- motae, sicut lapides sunt partes domus re- motae, et in hoc differt enuntiatio hypo-

thetica ab enuntiatione categorica. Nam principales partes categoricae sunt ter- mini : principales autem partes hypothe- ticae sunt duae categoricae. Alia etiam differentia est inter propositiones catego- ricas et hypotheticas. Nam in categorica subjectum suscipit nomen prœdicati. Cum emm dicitur homo est animal, homo reci- pit nomen animalis, cum homo dicatur esse animal. Non autem sic in hypotheticis : quia unum de altero non praedicatur : sed tantum aliquid dicitur esse, si alterum fue- rit. Verbi gratia. Cum dicitur si peperit, cum viro concubuit : non est sensus, quod parère sit cum viro concubere : sed est sensus, quod partus esse non potuisset, nisi cum viro concubuisset. Similiter etiam cum dicimus, si homo est, animal est : non

SUR LA LOGIQUE d'aIUSTOTE. 253

De même lorsque nous disons, s'il est homme , il est animal , le sens n'est pas que l'homme est animal, mais bien que si une chose est homme , il est nécessaire que cette chose soit animal . Or la proposition hypothétique se divise en trois espèces , l'une conditionnelle , l'autre disjonctive et la troisième copulative. La conditionnelle est celle dans laquelle deux propositions catégoriques sont unies par .cette conjonc- tion si, comme, s'il est homme, il est animal; or cette conditionnelle peut s'opérer tant du côté- du sujet que du côté du prédicat. Du côté du sujet, comme si l'on dit, si l'homme ne court pas , et du côté du prédicat, comme si l'on dit, si l'homme court, l'homme se meut. La première proposition ou énonciation catégorique qui se trouve dans ces énonciations hypothétiques, s'appelle antécédent ; la seconde con- séquent, et pour cette raison, conséquence. Les rationnelles sont ame- nées à la conditionnelle, comme, Socrate est homme, donc Socrate est animal. Il en est de même delà causale, comme, parce que Socrate est homme, Socrate est animal ; de toute proposition temporelle, comme, quand Socrate est homme, Socrate est animal, et toutes les autres de ce genre. Il faut observer que Hamonius établit une double hypothèse, l'une quand on suppose quelque chose d'impossible, laquelle entraîne nécessairement quelque autre chose impossible. Par exemple, supposé que quatre soit trois, le nombre quatre sera un nombre impair. Il est constant, en effet, que l'hypothèse suppose l'impossible, et amène l'impossible , et l'impossible est une conséquence nécessaire pendant la durée de l'hypothèse. On peut comprendre parla que la condition- nelle peut êlre vraie et ses deux parties fausses néanmoins. C'est pour- quoi cette proposition est vraie, si l'homme est un âne, l'homme est susceptible de braire, cependant chacune des catégoriques est fausse. La seconde hypothèse a lieu quand on dit qu'une chose est ou n'est

est sensus quod homo sit animal, sed est sensus : quod si aliqua res est homo, ne- cesse est quod aliqua res sit animal : Divi- dilur autem propositio hypothetica in très species : quia qusedam est conditionalis, quaedam disjunctiva, et quaedam copula- tiva. Conditionalis est illa in qua conjun- guntur duae propositiones catégories per hanc conjunctionem si, ut si homo est, animal est, haec autem conditionalis potest fieri tam ex parte subjecti qnam ex parte prœdicati. Ex parte subjecti, ut si dicatur, si homo non currit , ex parte vero praedi- cati, ut si dicatur : si homo currit , homo movetur. Prima autem propositio, sive enuntiatio categorica quae est in his enun- tiationibus hypotheticis, dicitur antece- dens. Secunda vero dicitur consequens, et propter hoc dicitur consequentia. Ad con- ditionalem autem reducuntur rationales,

ut Sortes est homo, ergo Sortes est ani- mal. Et omnis causalis : ut quia Sortes est homo, Sortes est animal : et temporalis, ut quando Sortes est homo, Sortes est ani- mal, etomneshujusmodi. Notandum, quod Hamonius ponit duplicem hypothesin, una est quando supponitur aliquod impossibile, ad quod tamen necessario sequitur aliud impossibile. Verbi gratia. Supposito quod quatuor sint tria : quaternarius numerus erit impar. Constat enim quod hypothesis supponit impossibile, et impossibile subin- fert : tamen stanle hypothesi necessario infertur. Ex quo potest intelligi , quod si conditionalis potest esse vera, et tamen ambœ ejus partes sunt falsae. Unde ista est vera, si homo est asinus : homo est rudibi- lis, tamen utraque categoricarum est falsa. Secunda vero hypothesis est quod quandoque aliquid dicitur esse, vel non

254 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 9, CHAPITRE 14.

pas , si une autre chose a été ou n'a pas été rcomme s'il est homme , il est animal, ou s'il est homme, il n'est pas une pierre. On peut com- prendre par ce que nous venons de dire que la vérité de renonciation hypothétique se trouve dans la conséquence des termes qui sont dans le conséquent , relativement aux termes qui sont dans l'antécédent, parce que en effet animal suit nécessairement de l'homme : il est cer- tain que tout ce qui sera homme sera animal. Et si se mouvoir est une suite de courir, il s'ensuit que tout ce qui court se meut. Si donc il est homme, il est animal, et s'il court, il se meut. Donc le mouve- ment sera attribué à tout ce à quoi on attribuera la course avec vérité ou avec fausseté. C'est pourquoi cette proposition est vraie, si l'im- mobile court , l'immobile se meut. C'est pour cela que l'on dit que pour qu'elle soit vraie il faut que l'antécédent ne puisse être vrai sans le conséquent, parce qu'il y a des rapports tellement nécessaires entre l'antécédent et le conséquent , qu'il en est du conséquent comme de l'antécédent. S'il en étoit autrement, si par exemple l'antécédent étoit vrai et le conséquent faux , la, conséquence seroit fausse , parce que le terme placé dans le conséquent n'auroit pas une liaison nécessaire avec le terme placé dans l'antécédent, comme ici, si l'homme est blanc, l'homme est musicien, il est certain que cette proposition est fausse, car la qualité de musicien ne suit pas de la qualité de blanc. Il s'en- suit de que toute conditionnelle vraie est nécessaire, et que toute conditionnelle fausse est impossible , parce que , comme il a été dit , le terme du conséquent suit nécessairement le terme de l'antécédent. Nous dirons de quelle manière la conditionnelle est diversifiée par l'affirmation et la négation, lorsque nous traiterons des syllogismes hypothétiques. La distinct' ve est celle dans laquelle deux énonciations catégoriques sont unies par les conjonctions de l'espèce distinctive,

esse , si quid fuerit , vel non fuerit, ut si I antecedens : quod sicut se habet antece- homo est, animal est, vel si homo est, | dens, itase habet consequeus. Si vero aliter lapis non est. Ex dictis potest patere, quae se haberet scilicet quod antecedens esset veritas enuntiationis hypotheticae est in | verum, et consequens falsum : falsa esset consequentia terminorum qui sunt in con- consequentia , quia terminus in conse- sequente : ad terminos qui sunt in antece- quente positus non necessariam haberet dente, quia enim animal necessario sequi- ] connexionem cum termino posito in ante- tur ad hominem : certum est quod quic- i cedente, ut hic : si homo est albus : homo quid fuerit homo, erit animal : et si ad est musicus, certum est quod hsec falsa currere sequitur moveri, sequitur ergo est, non enim necessario ad album sequitur

quod quicquid currit movetur. Si ergo est homo, est animal , et si currit movetur. Cuicumque ergo vere, vel false attribuetur currere, attribuetur et moveri. Unde ista est vera : si immobile currit immobile movetur. Et propter hoc dicitur, quod ad veritatem ejus requiritur quod antecedens non possit esso verum sine conséquente , quia tanta est nécessitas consequentis ad

musicum. Et inde est quod omnis condi- tionalis vera est necessaria, et omnis falsa est impossibilis, quia ut dictum est, ter- minus consequentis necessario sequitur ter- minum antecedentis. Qualiter autem con- ditionalis varietur per affirmationem , et negationem, dicetur, cum de syllogismis hypotheticis agetur. Disjunctiva vero est illa in qua conjunguntur duœ enuntiatio-

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 255

comme ici , l'animal ou est sain, ou il est malade. La vérité de cette énonciation consiste en ce que si on met une chose il faut exclure l'autre , et que si l'on exclut une chose on prenne l'autre. D'où l'on voit que cette proposition, ou il est malade, a la même valeur que cette conditionnelle , s'il n'est pas sain il est malade. Et quoique ce soit vrai dans la matière précédente, ces deux propositions ne sont pas également vraies dans toute matière, car la conditionnelle niée d'une part et affirmée de l'autre se trouve sauve dans les contradictoires , les contraires et les disparates, et elle sera toujours vraie. En eflet, celle-ci est vraie , s'il est blanc , il n'est pas noir , néanmoins celle-ci est fausse , ou il est blanc ou il est noir , car il pourroit y avoir quel- que chose qui ne seroit ni blanc ni noir. Il en est de même des propo- sitions disparates. En effet la disjonctive diffère de telle conditionnelle ; c'est pourquoi afin que la disjonctive soit vraie, il faut qu'elle soit de telle matière dans laquelle une chose est posée d'une manière absolue et une autre exclue de la même manière, ou vice versa, c'est pour cela qu'il est nécessaire pour qu'elle soit vraie que son autre partie soit vraie. Et si l'une et l'autre de ces deux parties étoit vraie , ou fausse , renonciation disjonctive seroit fausse. L'énonciation copula- tive est celle dans laquelle deux énonciations. catégoriques sont unies par la conjonction copulative, comme Socrate court et se meut; dans cette énonciation il n'est mis aucune condition, mais seulement une conjonction de renonciation ; et comme une conjonction copulative doit toujours unir des choses semblables , si l'antécédent est vrai , il faut nécessairement que le conséquent le soit , et réciproquement. On voit ainsi quels sont les rapports des énonciations hypothétiques à la vérité. Caria conditionnelle peut être vraie quoique ses deux parties soient fausses. La disjonctive est vraie quoique une de ses parties soit

nés catégories , per coujunctiones speciei disjunctivee, ut hic, animal aut est sanum aut est aegrum. Veritas autem praedictae enuntiationis est , quod si unum ponitur , alterum removetur, et si unum removea- tur, alterum sumatur. Unde videtur quod tantum valeat ista, aut est aegrum : quan- tum ista conditionalis, Si non est sanum est aegrum. Et licet in prœdicta materia verum sit, tamen non semper in omni ma- teria istae duœ sibi asquipollent in veritate. Nam conditionalis ex una parte negata, et ex altéra affirmata salvatur in contradicto- riis, contrariis, et disparatis, et erit sem- per vera. Vera enim est ista, si est album non est nigrum , ista tamen est f alsa , aut est album aut est nigrum, posset enim ali- quid esse quod nec album esset, nec nigrum : et sic etiam est de disparatis. Differt enim disjunctiva a tali conditionali. Unde ad ve-

ritatem disjunctive requiritur quod de tali materia sit, in qua unum omnino ponatur, et alterum removeatur : vel econverso, et propter hoc ad ejus veritatem requiritur quod altéra ejus pars sit vera. Et si utra- que pars ejus erat vera, vel falsa , ipsa enuntiatio disjunctiva erit falsa. Copulativa vero enuntiatio est illa in qua conjungun- tur dure enuntiationes catégories per conjunctionem copulativam, ut Sortes cur- rit, et movetur; in ista enuntiatione nulla ponitur conditio , sed solum conjunctio enuntiationis. Et quia copulati\a conjunc- tio semper débet similia copulare, siante- cedens erit verum, etiam consequens ne- cesse est quod sit verum et econverso. Et sic patet qualiter dictas enuntiationes hy- pothetiese se habent ad veritatem. Nam conditionalis potest esse vera : utraque ejus parte existente falsa. Disjunctiva est vera

256 OPUSCULE Y.LVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 1.

fausse. Quant à la copulative , par cela même qu'elle est vraie , ses deux parties doivent l'être nécessairement; tel est ce qui regarde les énonciations hypothétiques. On parlera en traitant des syllogismes hypothétiques de ce qui aura été omis à leur sujet.

Fin du traité de renonciation.

TRAITE X.

DU SYLLOGISME SIMPLICITER.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que le syllogisme , ce qui doit entrer dans sa constitution.

Nous allons parler maintenant de la troisième partie , c'est-à-dire des choses qui appartiennent à la troisième opération de l'intellect. Quoique en effet , comme l'a dit Socrate , on suppose deux opérations de l'intellect, savoir, l'intelligence des choses simples et l'opposition ou division , on en ajoute néanmoins une troisième qui est le discours d'une chose composée ou divisée à une autre , ce qui se fait par l'ar- gumentation. Or l'argumentation est l'expression significative de l'o- pération discursive de la raison allant du connu à l'inconnu , ou du plus connu au moins connu. Il y a quatre espèces d'argumentation, savoir, le syllogisme, l'euthymème, l'induction et l'exemple. Peu im- porte que cette division soit du genre en ses espèces, ou de l'analogue

una ejus parte existente falsa. Gopulativa vero ad hoc quod sit vera : utraque ejus pars necessario débet esse vera, et sic pa- tet de enuntiationibus bypotheticis. Siqui-

dem autem hoc de ipsis omissum est, dicetur cum de syllogismis hypotheticis agetur, etc. De enuntiatione tractatus féliciter finis.

TRACTATIS X.

De syllogismo simpliciter.

CAPUT I.

Quid sil syllogismus , et quœ ad ipsum re- quirunlur conslituendum.

Modo dicendum est de tertia parte, vi- delicet de his quae pertinent ad tertiam operationem inteîlectus, licet enim, ut dic- tum est à Philosopho, ponantur duse ( ope- rationes inteîlectus, scilicet simplicium in- telligentia, et oppositio, vel divisio, tamen

additur tertia operatio quœ est discursus ab uno composito, vel diviso ad aliud : hoc autem sit per argumentationem. Est autem argumentatio oratio signifîcativa discursus rationis ab uno cognito ad aliud incognitum, vel a magis incognito ad mi- nus cognitum. Sunt autem argunientatio- nis quatuor species, scilicet syllogismus, entbimema, inductio, et exeinplum. Sive haec divisio sit generis in suas speeies, vel

SLR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 257

en ses analogues. Et comme la plus parfaite est le syllogisme auquel se ramènent les autres espèces d'argumentation, c'est de lui que nous allons parler. Voici la définition du syllogisme. Le syllogisme est un discours dans lequel certains principes étant posés et accordés, il doit suivre un résultat par ce qui a été posé et accordé. Discours ici est le genre du syllogisme , car, comme il a été dit dans le traité de renon- ciation , rien n'empêche qu'il y ait pluralité dans le discours et unité comme dans le syllogisme. En disant , certains principes posés , elle touche les propositions du syllogisme lui-même ; en disant qu'î7 doit nécessairement s'ensuivre un résultat , elle touche la conclusion. C'est pourquoi il faut savoir ce que c'est que la proposition. La proposition, dans le sens elle se prend ici, est une énonciation qui, étant posée, en entraîne une autre. Car toute énonciation n'est pas une proposition, il n'y a de telle que celle qui est posée dans quelque espèce d'argu- mentation , de laquelle dérive une conclusion. Par exemple, lorsqu'on dit , tout homme est animal , tout ce qui est susceptible de rire est homme, donc tout ce qui est susceptible de rire est animal. Ces mots, tout homme est animal , sont une proposition , de même ceux-ci , tout ce qui est susceptible de rire est homme ; elles sont posées pour en déduire celle-ci , tout ce qui est susceptible de rire est animal. Celle- ci, tout ce qui est susceptible de rire est animal, quoiqu'elle soit une énonciation , puisqu'elle a des termes , n'est cependant pas une pro- position. Or le terme est ce en quoi se résout la proposition , comme le sujet et le prédicat. En effet, lorsque je dis , l'homme est animal , homme est le terme qui est appelé sujet , animal est le terme qui est appelé prédicat. Il est bon de savoir que , bien que la proposition soit- composée de termes en lesquels elle se résout, ce n'est pas néanmoins

analogi in sua analogata, nihil ad proposi- tion. Et quia syllogismus perfectior est omnibus aliis, ad quem alise species argu- mentations reducuntur, sicut imperfectum ad perfectum, ideo de ipso dicendum est. Diflinitur autem syllogismus sic. Syllogis- mus est oratio in qua quibusdam positis, et concessis necesse est aliud evenire per ea quae posita sunt, et eoncessa. Oratio hic est genus syllogismi , ut enim in tractatu de enuntiatione dictum est, nihii prohibet orationem esse plures, et unam cujusmodi est ia syllogismo. In hoc autem quod dicit quibusdam positis, tangit propositiones ip- sius syllogismi. Per hoc quod dicit, necesse est aliud evenire, tangit conclusionem. Unde oportet scire quid est propositio. Est autem propositio, ut hic sumitur enuntia- tio, qua posita ad eam aliquid sequitur. Non enim omnisenuntiatio, est propositio :

T.

sed solum illa quee pouitur in aliqua specie argumentationis, ad quam sequitur con- clusio. Verbi gratia. Cum dicitur omnis homo est animal, omne risibile est homo, ergo omne risibile est animal, ista omnis homo est animal : est propositio, et simi- li ter illa omne risibile est homo : propo- nuntur enim ut ad eas sequatur illa, omne risibile est animal. Ha?c autem omne risi- bile est animal , licet sit enuntiatio , con- stat enim ex terminis, non tamen est pro- positio. Est autem terminus in quem resolvitur propositio, utsubjectum, et prae- dicatum. Cum enim dico, homo est ani- mal, homo est terminus qui dicitur subjec- tum, animal est terminus qui dicitur praedicaturn. Sciendum quod licet proposi- tio ex terminis componatur, et in eis resol- vatur, non tamen in diffinitione termini pouitur compositio propositions, sed reso-

17

258 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 1.

dans la définition du terme que se place la composition de la propo- sition, mais bien la résolution dont elle est cause. Car, comme le dit Boëce dans sa Topique, la logique a deux parties, savoir, la partie inventive et la partie judicative. L'invention est l'imagination des choses vraies ou vraisemblables, qui rendent probable l'autre partie de la contradiction. Le probable est ce qui est regardé comme tel par tous les hommes , ou par un grand nombre , ou par les sages , et sur- tout par ceux qui sont les plus connus. Cette partie de la logique a deux livres , savoir, Topicorum et Elenchorum. Le jugement, dans le sens il est pris ici , est la juste détermination de la raison dans les choses auxquelles se rapporte le jugement. Or la raison opère une détermination juste , quand elle résout les principes en principiata , et par conséquent la science, qui est la juste détermination des choses susceptibles d'être sues , s'effectue par les causes , c'est-à-dire lorsque la raison résout causata in causas; aussi cette partie de la logique , c'est-à-dire la partie judicative , est appelée analytique ou résolutive, parce qu'elle résout principiata in principia. Cette partie de la logique a aussi deux livres , savoir, priorum et posteriorum. Et parce que nous avons en vue ici la matière du livre priorum , nous définissons le terme par la résolution de la proposition. Or le sujet est ce dont on affirme quelque chose. Le prédicat est ce qui est affirmé d'une autre chose , soit que ce soit une affirmation de l'esprit , de la raison , de la bouche ou de la voix. Le terme est ainsi appelé , parce qu'il termine la proposition de telle sorte qu'elle ne va pas plus loin. Nous ne parlerons dans ce traité que du syllogisme simpliciter. Or le syllogisme simpliciter est celui dans lequel on ne considère pas la matière dans laquelle s'effectue tel ou tel syllogisme , c'est-à-dire si telle matière est probable ou nécessaire , mais l'on considère seu-

lutio hujus causa est. Nanti logica, ut Boe- tius in sua Topica dicit, duas hahet partes, scilicet inventivam, et judicativam. Estau- tem inventio excogitatio rerurn verarum , aut verisimilium , quae alteram partem contradictionis probabilem redduat. Proba- ble autem est quod videtur omnibus aut pluribus aut sapientibus, et his scilicet sa- pientibus, dut omnibus aut pluribus ma- xime notis. Huic autem parti logicae de- serviunt duo libri : scilicet Topicorum, et Elenchorum. Indicium autem ut hicsumi- tur, est recta determinatio rationis, in his quorum est judicium. Recte autem déter- minât ratio quando principiata resolvit in principia. Et ideo scientia quse est recta determinatio scibilium est per eau licet cum ratio resolvit causotain causas : et propterea haec pars logica?, scilicet judi-

cativa dicitur analytica, seu resolutoria, quia resolvit principiata in principia. Huic autem parti logicae deserviunt duo libri, scilicet Priorum,, et Posteriontm. Et quia de inateria libri priorum hjc intendimus, ideo hic diffînitur terminus per resolutio- nem propositions. Est autem subjeetum de quo aliquid dicitur. Preedicatum vero quod de altero dicitur, seu sit dicere men- tis, vel rationis, seu sit oris, vel vocis. Di- citur autem terminus eo quod sic per ip- snm terminatur propositio, quod non ultra progreuitur. In hoc autem tractatu di- cemus de syllogismo simpliciter. Est autem syllogismus simpliciter, in quo non consi- deratur materia in qua talis vel talis syllo- gismus sit . id est non consideratur utrum talis materia sit probabilis, vel necessaria, sed soluiii consideratur svllr^ismus ad

.Y

SLR LA LOGIQUE D'iRlSTOTE. 259

lement le syllogisme relativement à son ordination ; or dans toiite matière, quand les prémisses sont vraies ou probables, la conclusion est toujours vraie ou probable. Que cet ordre soit bon , on le prouve par deux principes connus par eux-mêmes. J'appelle principes ici des propositions connues par elles-mêmes. Or ces principes sont dici de omni et dici de nullo. Dici de omni , c'est ne rien prendre clans le SLijet qui ne reçoive l'affirmation du prédicat ; dici de nullo , c'est ne rien prendre dans le sujet qui n'exclue le prédicat ; mais nous en par- lerons plus tard plus au long. Il faut savoir que , comme les syllo- gismes sont variés par diverses figures , ainsi qu'on le dira plus bas , il s'ensuit que quelques syllogismes ne peuvent pas se prouver immé- diatement par les deux principes susdits , et en conséquence ces syllogismes ont besoin d'un autre principe par lequel ils puissent être ramenés à dici de omni , ou à dici de nullo. Voici ce principe. Quand de l'opposé du conséquent on déduit l'opposé de l'antécédent de la première conclusion, alors la première conséquence a été bonne. C'est pourquoi tous les syllogismes l'on ne peut pas exactement conserver dici de omni ou dici de nullo, sont ramenés par ce troisième principe à la forme dans laquelle se conserve dici de omni ou dici de nullo. Cette réduction est appelée par quelques philosophes par l'im- possible ; Aristote la désigne par le syllogisme conversif. Ces syllo- gismes, sont aussi ramenés aux deux principes dont nous avons parlé par la conversion des propositions. Mais comme on ne peut prouver la bonté de ces conversions que par le- troisième principe, il faut donc dire que ces syllogismes ne sont ramenés aux deux principes qu'en vertu du troisième principe. Nous allons dire comment se font ces conversions , et comment leur bonté se prouve par le troisième prin-

suamordinationem, in omni autem mate- ria existentibus veris, vel probabilibus pra> missis semper sequitur conclusio vera vel probabilis. Quod autem talis ordinatio sit bona , probatur per duo principia per se nota. Dico autem principia hic primas pro- positions per se notas. Heec autem princi- pia sunt dici de omni et dici de nullo. Est autem dici de omni , quando nihil est su- mere sub subjecto , de quo non dicatur prœdicatum. Dici vero de nullo est, quan- do nihil est sumere sub subjecto, a quo non removeatur preedieatum, de his autem ini'erius melius dicetur. Sciendum , quod quia syllogismi variantur per diversas fi- guras, ut infra dicetur, ideo aliqui syllo- gisir.i non possunt immédiate probari per dicta duo principia, et propterea taies syl- logismi indigent uno alio principio, per quod possunt reduci ad dici de omni vel

ad dici de nullo. Hoc autem principium est. Quando ex opposito consequentis in- fertur oppositum antecedentis primai con- clusionis, tune prima consequentia fuit bona. Unde omnesilli syllogismi, in quibus non potest recte salvari dici de omni vel dici de nullo, cum dicto tertio principio reducuntur ad formam in qua salvatur dici de omni vel dici de nullo ; et hœc re- ductio vocatur ab aliquibus per impossi- ble, a Philosopho vero per syllogismum conversivum. Similiter etiam reducuntur praedicti talis syllogismi ad praedicta duo principia per conversionem propositionurn. Sed quia conversiones non pronantur esse bona;, nisi per tertium principium, ideo dicendum est , qui syllogismi reducuntur ad illa duo principia solum in virtute tertii principii. Qualiter autem liant con- vei-siones, et per dictum tertium princi-

200 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 2.

cipe : nous nous occuperons d'abord des propositions de inesse , et ensuite des propositions modales.

CHAPITRE II.

De la conversion des propositions de inesse, et de ses espèces.

La conversion des propositions , comme on l'entend ici, consiste à faire du sujet le prédicat , et du prédicat le sujet , de telle sorte que la proposition convertie étant vraie, celle en laquelle elle a été convertie se trouve également vraie. Par exemple, cette proposition, tout homme est animal , si on la convertit en cette autre , tout animal est homme , on fait bien du prédicat le sujet, et du sujet le prédicat, néanmoins la première proposition est vraie et la seconde fausse , par conséquent cette conversion n'est pas bonne. Or il y a dans les propo- sitions des termes finis dont nous nous occupons ici une double con- version, savoir, une conversion simple et une conversion per accidens. On appelle conversion simple celle dans laquelle on fait du prédicat le sujet, et du sujet le prédicat , la seconde proposition restant dans la même qualité et quantité que la première. 11 y a conversion par accident quand du sujet on fait le prédicat et, réciproquement, la qualité de la proposition restant la même , tandis que la quantité est changée. C'est de la première manière que se convertissent les propo- sitions universelle négative et particulière affirmative. L'universelle affirmative et , suivant quelques philosophes , l'universelle négative se convertissent de la seconde manière , il n'est pas néanmoins néces- saire de l'établir. Si en effet de cette proposition , nul homme n'est pierre , découle cette autre , nulle pierre n'est homme , et qu'elle soit vraie , il s'ensuit nécessairement que celle-ci , quelque pierre n'est

pium probentur, dicamus; et primo in propositionibus de inesse, deinde in propo- sitionibus modalibus.

CAPUT II.

De conversione propositionum de inesse et de speciebus ejus.

Gonversio autern propositionum , ut hic sumitur , est facere de subjecto praedica- tum, et de praedicato subjectum , ita quod existente conversa vera, etiam ea in quam oonvertitur, sit vera. Verbi gratia , ista propositio : Omnis homo est animal , sic convertitur in istam : Omne animal est homo, bene sit de praedicato subjectum et de subjecto praedicatum ; tamen prima propositio est vera , secunda vero falsa, ideo talis conversio non est bona. Est au-

tern in propositionibus terminorum fini— torum, de quibus hic intendimus , duplex conversio, scilicet simplex, et per accidens. Dicitur autem conversio simplex . quando de praedicato lit subjectum et de subjecto praedicatum, manente secunda propositione in eadem qualitate etquantitate cum prima. Per accidens vero dicitur, quando de sub- jecto fit prsedicatum , et e con verso, ma- nente eadem qualitate propositionis , sed mutata quantitate. Primo modo conver- tuntur propositiones , universalis negativa et particularis afïirmativa. Secundo modo, convertuntur universalis affirmativa, et ut aliqui dicunt, universalis negativa, tamen non est necessarium hoc ponere. Si enini ad banc : Nullus homo est lapis, sequitur, imitas lapis est homo, et ista est vera, ne-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 261

pas homme , est vraie également. Car, comme nous l'avons dit plus haut , les universelles étant vraies , les particulières sont toujours vraies, mais non vice versa. Commençons par la conversion simpliciter des universelles d'abord. Comme, ainsi que nous l'avons dit, pour ces sortes de syllogismes et leurs propositions , on ne s'occupe pas de la matière , nous nous servirons de termes transcendants , à la place desquels on peut mettre quelques termes que ce soit. Soit à convertir cette proposition : aucun B n'est A. Il faut toujours supposer que pour B et A on prend des termes significatifs , de manière à varier la proposition , comme si pour B on prend homme et pierre pour A ; je dis donc que cette proposition se convertit en cette autre : aucun A n'est B, ce que je prouve ainsi par le troisième principe. Quand de l'opposé du conséquent se déduit l'opposé de l'antécédent, la première consé- quence a été bonne, mais il en est amsi dans l'exemple proposé. Donc etc.... Lors donc que je dis, aucun B n'est A, donc aucun A n'est B, je tire une conséquence dont l'antécédent est aucun B n'est A, et le conséquent aucun A n'est B. Voyons maintenant si de l'opposé du conséquent se déduit vraiment l'opposé de l'antécédent. Cette pro- position , nul A n'est B qui est conséquent , peut avoir un double opposé , savoir le contraire et le contradictoire. Prenons donc son contradictoire , c'est-à-dire quelque A est B , car la particulière affir- mative et l'universelle négative sont contradictoires : or cette propo- sition , quelque A est B , est suivie de celle-ci , quelque B est A , ainsi que je le prouverai. Mais cette proposition, quelque B est A, et celle qui étoit antécédent , savoir aucun B n'est A , sont opposées contra- dictoires. Donc de l'opposé du conséquent suit l'opposé de l'antécé- dent. Donc la conséquence que nous appelons conversion étoit bonne.

cessario sequitur hanc esse veram, quidam lapis non est homo. Ut enim supradictum est, existentibus universalibus veris, sem- per particu lares sunt verae, licet non e con- verso. Primo probemus conversionem sim- pliciter , et primo universaliuin. Et quia, ut dictum est, in talibus syllogismis et eo- rum propositionibus non curatur in qua materia sint, ideo utemur terminas trans- cendentibus , loco quorum possunt poni termini quicumque. Sit ergo propositio convertenda ista. Nullum b. est a. Et sem- per supponatur quod pro b. et pro a. su- mantur taies termini significativi qui fa- ciant propositionem variam : sicut si pro b. sumatur homo, et pro a. lapis, dico ergo quod prœdicta propositio convertitur in islam : Nullum a. est b., quod probo per dictum tertium priueipium sic. Quando ex opposito consequentis infertur oppositum antecedentis, prima consequentia fuitbona,

sed sic est in proposito. Ergo , etc. Cum ergo dico, nullum b. est a., ergo nullum a. est b., facio consequentiam, cujus antece- dens est, nullum b. est a., consequens vero est , nullum a. est b., modo videamus si ex opposito consequentis infertur opposi- tum antecedentis vere. Huic autem propo- sition!, scilicet nullum a. est b. , quœ est consequens, potest esse duplex oppositum, scilicet contrarium et contradictorium, su- mamus ergo contradictorium ejus, scilicet quoddam a. est b., parlicularis enim affîr- mativa et universalis negativa sunt contra- dictoriae, ad istam autem , scilicet quod- dam a. est b., sequitur ista, scilicet quod- dam b. est a., ut probabo ; sed hœc quod- dam b. est a., et illaquœ fuit antecedens, scilicet nullum b. est a., sunt opposite contradictoriœ. Ergo ex opposito conse- quentis sequitur oppositum antecedentis; prima ergo consequentia quam vocamus

262 OPUSCULE XLMI, TRAITÉ 10, CHAPITRE 2.

Maintenant il faut prouver comment cette proposition , quelque A est B, est suivie de cette autre , quelque B est A , et on le prouve par le syllogisme expositoire. Mettons donc les propositions dont nous venons de parler en termes significatifs ; et comme nous disons quelque A est B, disons quelque homme est animal, et comme nous disons quelque B est A, disons quelque animal est homme. Prenons la première, savoir quelque homme est animal. Désignons cet homme et cet ani- mal, car si celle-ci , quelque homme est animal , est vraie , elle doit être nécessairement vraie dans un homme désigné , comme Socrate , Platon , et si elle n'est vraie dans aucun homme désigné, elle ne sera vraie en aucune manière. Désignons donc la chose qui renferme l'a- nimalité et l'humanité , et appelons-la Socrate , et étahlissons ainsi le syllogisme expositoire : Socrate est cet homme , Socrate est cet animal, donc cet animal est cet homme, et par conséquent quelque animal est homme, donc cette proposition quelque animal est homme, qui remplaçoit celle-ci, quelque B est A , est suivie de celle-ci, quelque A est B , donc la proposition quelque A est B est suivie de celle-ci, quelque B est A, et c'est précisément ce que nous voulions dire. On voit ainsi comment se fait la conversion de l'universelle né- gative. La particulière affirmative se convertit simplement , comme quelque B est A, donc quelque A est B , et se prouve par le même principe. Donc de l'opposé du conséquent se déduit l'opposé de l'an- técédent. Donc la première conséquence ou la conversion a été bonne. Cette conversion peut se prouver par le syllogisme expositoire, comme on l'a (Ut. L'universelle affirmative se convertit per accidens, de cette manière : tout B est A , quelque A est B , et se prouve de la même manière. En effet , l'opposé de cette proposition quelque A est B est celui-ci, aucun A n'est B , qui se convertit en cette autre , aucun B

conversionem, fuit bona. Nunc oportet probare quomodo ad illam, quoddam a. est b., sequitur illa , quoddam b. est a., hoc autem probatur per syllogismum exposito- rium. Ponam ergo propositions primas in terminis significativis , et sicut dicimus, quoddam a. est b. , dicamus, quidam homo est animal, et sicut dicimus , quoddam b. est a., dicamus , quoddam animal est homo. Accipiamus primam, scilicet quidam homo est animal, signetur iste homo , et hoc animal. Si enim ista est vera, quidam homo est animal, oportet quod ipsa sit vera in aliquo homine signato, puta Sorte vel Platone, et si in nullo homine signato erit vera, nullo modo erit vera. Signetur ergo illa res in qua animalitas et humanitas signatur, et vocetur Sortes, modo fiât syl- logismus expositorius sic : Sortes est hic homo, Sortes est hoc animal , ergo hoc ani-

mal est hic homo, et per consequens, quoddam animal est homo. Ergo ad hanc, quidam homo est animal, quse sumebatur loco hujus, quoddam b. est a., sequitur, quoddam a. est b. Ergo ad hanc, quoddam a. est b., sequitur , quoddam b. est a., et hoc est quod volebamus dicere. Et sic pa- tet de conversione universalis negativae. Particularis afïirmativa convertitur simpli- citer, sicut quoddam b. est a. Ergo quod- dam a. est b., et probatur per idem prin- cipium. Ex opposito ergo consequentis infertur oppositum antecedentis. Prima ergo consequentia seu conversio fuit bona. Potest autem probari h;ec conversio per syllogismum expositorium, ut dictum est. Universalis autem afïirmativa convertit!* per accidens sic : Omne b. est a., quoddam a. est b. Et probatur eodem modo. Oppo- situm enim hujus, quoddam a, est b., est

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. . 263

n'est A ; or celte dernière est contraire à la première, qui étoit tout B est A ; donc de l'opposé du conséquent se déduit l'opposé de l'anté- cédent , donc la première conséquence ou la conversion étoit bonne. La particulière négative ne se convertit pas, parce que l'opposé de l'antécédent ne se déduit pas de l'opposé du conséquent. Par exemple, soit cette proposition à convertir, quelque B n'est pas A , qu'on la convertisse donc ; il faut qu'elle le soit ou en universelle négative, ou en particulière négative. En universelle négative, de cette manière, quelque B n'est.pas A, donc aucun A n'est B : son opposé est ou tout A est B , ou quelque A est B , mais l'une et l'autre de ces deux pro- positions , savoir, tout A est B ou quelque A est B se convertit en cette autre, quelque B est A, laquelle n'est pas l'opposé de l'antécédent qui étoit quelque B n'est pas A , parce que la sous-contrariété n'est pas une opposition, comme on l'a vu plus haut, donc cette conversion ne vaut rien. La même chose arrivera si on la convertit en particu- lière , savoir en celle-ci , quelque A n'est pas B , dont l'opposé est tout A est B, laquelle se convertit en cette autre, quelque B est A, qui n'est pas proprement opposée, comme on l'a dit. Or il est évident que cette conversion ne vaut rien, car elle n'embrasse pas toute la matière, et peut être exposée en termes significatifs. En effet, quoiqu'il suive quelque pierre n'est pas homme, donc quelque homme n'est pas pierre, néanmoins il ne s'ensuit pas quelque animal n'est pas homme, donc quelque homme n'est pas animal , bien plus , tout homme est animal. On a fait le vers suivant au sujet de ces conversions :

Fcci simpliciter convertitur, eva per accid.

par A on entend ici l'universelle affirmative , par E l'universelle né-

hoc, nullum a. est b., quse convertitur in illam, nullum b. est a. Hœc autem est con- traria primée, qude erat, omne b. est a. ex opposite Ergo consequentis infertur op- positum antecedentis. Prima ergo conse- quentia seu conversio fuit bona. Particu- laris vero negativa non convertitur , quia ex opposito consequentis non infertur op- positum antecedentis. Verbi gratia. Sit propositio convertenda ista, quoddam b. non est a. , convertatur ergo ; quia vel converteretur in universalem negativam , vel in particularem negativam. In univer- salem negativam sic, quoddam b. non est a. Ergo nullum a. est b., hujus oppositum est, vel omne a. est b., vel quoddam a. est b., sed utraque istarum propositionum , scilicet omne a. est b. vel quoddam a. est b., convertuntur in istam, quoddam b. est a. quae non est oppositum antecedentis, quod erat, quoddam b. non est a., quia

subcontrarietas non est oppositio, ut supra patuit, ergo non valet ista conversio. Idem etiam sequitur si converteretur in parti- cularem, scilicet in illam, quoddam a. non est b., cujus oppositum est , omne a. est b., quœ convertitur in hanc, quoddam b. est a., quae proprie non est opposita , ut dictum est. Quod etiam talis conversio non valeat, patet, quia non tenet in omni ma- teria, et potest ostendi in terminis signifi- cativis. Licet enim istud sequatur, quidam lapis non est homo . ergo quidam homo non est lapis, tamen istud non sequitur, quoddam animal non est homo ; ergo qui- dam homo non est animal , imo omnis ho- mo est animal. Fit autem de pr&dictis conversionibus quidam versus sic :

Feci simpliciter coiiTcrtitur, eva pir accid.

Per s. enim hic sumitur universalis afïir— mativa, per e. universalis negativa , per i,

*

264 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 3.

gative, par I la particulière affirmative, par 0 la particulière négative. Le vers se construit ainsi : ffi, c'est-à-dire l'universelle négative, cl, c'est-à-dire la particulière affirmative, se convertissent simplicité)'. E , c'est-à-dire l'universelle négative , vA , c'est-à-dire l'universelle affirmative , se convertissent per accidens. Telle est la conversion des propositions de inesse.

CHAPITRE III.

Des conversions des propositions modales et de leur différent mode.

Nous allons parler maintenant des conversions des propositions modales. Il faut savoir qne les propositions de necessario et impossi- bili se convertissent de la même manière que les propositions de inesse, et se prouvent de la même manière par le même principe. Au contraire , les propositions de possibili et contingenti ne se conver- tissent pas de la même manière. Mais comme les oppositions ne se prennent pas dans les propositions modales de la même manière que dans les propositions de inesse, il est bon conséquemment de faire cor.noître les preuves de ces propositions ; et ce que nous avons fait pour les propositions de necessario , nous le ferons pour les proposi- tions de impossibili. Soit donc à convertir cette proposition : il est nécessaire que nul B ne soit A qui se convertit en cette autre , il est nécessaire que nul A ne soit B , parce que de l'opposé de la seconde proposition se déduit l'opposé de la précédente ; en effet , l'opposé de celle-ci, il est nécessaire que nul A ne soit B , est celui-là, il n'est pas nécessaire que nul A ne soit B ; mais cette proposition équivaut à celle-ci , il est possible que quelque A soit B. Car n'être pas néces- saire de ne pas être équivaut à , il est possible d'être, parce que nim-

particularis affirmativa, per o. particularis negativa. Construitur autem versus sic. Fe., id est universalis negativa, ci, id est, particularis affirmativa convertuntur sim- pliciter. E., id est universalis negativa, va., id est universalis affirmativa , cunvertun- tur per accidens. Et sic patet de conver- sione propositionum de inesse.

CAPOT III.

De conversionibus propositionum modalium et differenli modo earum.

N'unc dicendum est de conversionibus propositionum modalium. Sciendum quod propositiones de necessario et impossibili eodem modo convertuntur, sicut proposi- tiones de inesse , et per idem principium probantur. Propositiones vero de possibili

et contingenti non eodem modo conver- tuntur. Sed quia oppositiones non eodem raodo sumuutur in propositionibus moda- libus , sicut in propositionibus de inesse, ideo oportet manifestare probationes prœ- dictarum propositionum; et sicut ostendi- mus de propositionibus de necessario , sic erit de propositionibus de impossibili. Sit ergo propositio ista convertenda. Necesse est nulium b. esse a., quae convertitur in hanc, necesse est nulium a. esse b., quia ex opposito secundae propositionis infertur oppositam prœcedentis , opposituin enim istius. Necesse est nulium a. esse b. est is- tud, non necesse est nulium a. esse b., sed ista œquipollet huic , possibile est aliquod b. Nara non necesse non osse aequi- pollet huic quod est possibile esse ; quia

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 265

nullus équivaut à aliquis. Donc cette proposition , il n'est pas néces- saire que nul A ne soit B, est équivalente à celle-ci , il est possible que quelque A soit B. Cette dernière proposition est suivie de cetie autre , il est possible que quelque B soit A , qui peut se prouver par le syllogisme expositoire, comme on l'a dit plus haut de la particulière affirmative. Mais celle-ci, il est possible que quelque B soit A , est la contradictoire de la précédente qui étoit , il est nécessaire que nul B ne soit A ; donc de l'opposé du conséquent se déduit l'opposé de l'an- técédent, donc la première conséquence ou la conversion a été bonne. La particulière affirmative se convertit de la même manière et se prouve par le même principe , de cette façon. Il est nécessaire que quelque B soit A , donc il est nécessaire que quelque A soit B , dont l'opposé est, il n'est pas nécessaire que quelque A soit B, ce qui équivaut à cette proposition , il est possible que nul A ne soit B. Car possible ne se prend pas ici comme étant la même chose que contin- gent , parce qu'il ne se convertit pas, ainsi qu'on le verra plus bas ; mais possible se prend dans tout ce qu'il signifie, comme comprenant le nécessaire et le contingent, ainsi qu'on l'a dit dans un autre traité. Or cette proposition, il est possible que nul B ne soit A, est la contra- dictoire de celle-ci, il est nécessaire que quelque B soit A, laquelle étoit l'antécédent. C'est tout comme la première conversion de l'uni- verselle affirmative per accidens , c'est-à-dire par conversion faite per accidens. Bemarquez que c'est la différence qui existe entre les con- crets accidentels affirmés, et les substantiels ou leurs sujets, car du côté du prédicat ils disent la forme, et du côté du sujet ils disent ce qui a cette forme. En effet , lorsque je dis Socrate est blanc , blanc dit la forme seule de blancheur; mais lorsque je dis , quelque blanc

nonnullus sequipollet huic quod est aliquis. Ergo ista, non necesse est nullum a. esse b. œquipollet huic possibile est aliquod a. esse b. Ad hanc autem sequitur, possibile est aliquod b, esse a. quod potest probari per syllogismum expositorium, ut supra dictum est de particulari affirmativa; sed ista, possibile est aliquod b. esse a. est contradictoria antecedentis, quae erat, ne- cesse est nullum b. esse a. Et opposito ergo consequentis infertur'oppositum an- tecedentis. Prima ergo consequentia seu conversio fuit bona. Particularis affirma- tiva cnnvertitur eodem modo, et probatur per idem principium sic. Necesse est quod- dam b. esse a., ergo necesse est quoddam a. esse b. Cujus oppositum est, non necesse est aliquod a. esse b., qvav œquipollet huic, possibile est nullum a. esse b., quae con- vertitur in istatn , possibile est nullum b.

esse a. Non enim sumitur hic, possibile, prout idem est quod contingens, quia non convertitur, sicut infra patebit ; sed sumi- tur modo possibile in suo toto significato , ut comprehendit necessarium , et contin- gens ut supra in alio tractatu dictum est. Ha?c autem, possibile est nullum b. esse a. est contradictoria huic, necesse. est quod- dam b. esse a., quae erat antecedens. Eo- dem etiam modo prior conversio univer- salis affirmatives per accidens , scilicet per conversionein per accidens factam. Ne— tandum quod haec est differentia inter con- creta accidentalia prœdicata et substantia- lia, seu ipsorum subjecta. Nam ex parte praedicati dicunt formam , ex parte vero subjecti dicunt illud quod habet illam for- main . Cum enim dico, Sortes est albus, ly albus dicit solam formam albedinis ; sed cum dico : Quoddam album est Sortes, ly

266 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 3.

est Socrate , blanc dit ce qui a la blancheur. Donc dans cette matière la conversion des propositions modales est défectueuse ; car cette pro position , il est nécessaire que quelque blanc soit corps , et néanmoins celle-ci est fausse , il est nécessaire que quelque corps soit blanc , parce qu'elle est contingente. Telles sont les propositions de necessa- rio. C'est le même mode pour celles de impossibili , dans leur tout signifié. Les conversions des propositions de contingenti et depossibili, en tant que la même chose que le contingent , se font dans les termes, comme par exemple , il est contingent que nul B n'est A , cette pro- position se convertit en cette autre, il est contingent que toutB est A, d'où ces conversions se rapportent d'une manière différente et opposée aux conversions des propositions de inesse et des propositions mo- dales dont nous avons parlé ; car dans ces propositions le prédicat se fait toujours du sujet, et vice versa, et la même qualité se conserve toujours, quoiqu'il n'en soit pas de même de la quantité. Mais dans celles-ci , ce qui a été sujet ou prédicat reste le même, et la qualité est changée. La raison de cela, c'est que, comme il a été dit , cette conversion est bonne dans laquelle la vérité , qui étoit dans la propo- sition convertie, se retrouve dans celle en laquelle elle est convertie. Mais si la proposilion de contingenti se convertissoit de telle sorte que du sujet l'on fît le prédicat , et du prédicat le sujet, elle ne se trou- veroit pas .vraie en toute matière, mais dans certaine matière l'anté- cédent seroit vrai et le conséquent faux, donc la conversion seroit mauvaise. Par exemple : En termes significatifs , il arrive que nul homme n'est blanc, celte proposition est vraie, parce que cela pourroit arriver ; si elle est convertie de cette manière, il arrive que nul blanc n'est homme, elle est fausse. Supposons donc maintenant que Socrate soit blanc , parce qu'il est blanc il ne pourra jamais arriver que

album dicit habens albedinera. In tali ergo materia déficit conversio môdalium aîïir- mativarum. Nam haec est vera, necesse est quoddam album esse corpus, et tamen haec est falsa, necesse est quoddam corpus esse album, quia heec est contingens. Et sic pa- tet de couversionibus propositionum de ne- cessario. Eodem modo fiunt illa; de impos- sibili in suo toto significato. Gonversiones autem propositionum de contingenti et de possibili, ut est idem quod contingens, fiunt in terminis, scilicet ut, contingit nullum b. esse a. convertitur in hanc, con- tingit ornne b. esse a. Unde istee conver- siones alio modo et opposito se habent ad conversiones propositionum de inesse et môdalium dictarum. Nam in illis semper de subjecto fit praedicatum , et e converso, et semper in eis servatur eadem qualitas,

licet non semper eadem quantitas. In istis vero , quod fuit subjectum , \el praedica- tum, eodem modo remanet et mutatur qualitas. Ratio horum est : quia ut dictum est, illa est bona conversio , in qua sicut est veritas in propositione conversa, ita est in illa in quam convertitur. Si autem pro- positio de contingenti converteretur sic, quod de subjecto fieret praedicatuni et e converso, non inveniretur in omni ma- teria vera, sed in aliqua materia esset an- tecedens verum , et consequens falsum. Ergo mala esset conversio. Verbi gratia : In terminis signiiicativis contingit nullum hominem esse album , haec est vera , quia contingere hoc posset , si convertatur sic, contingit nullum album esse hominem, haec est falsa. Ponatur ergo modo quod Sortes esset albus. quia est albus, nunquam pote-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 267

Socrate ne soit pas homme. Or cette conversion se fait dans une qua- lité différente. Il y a un triple contingent, ad utrumlihet , comme il est contingent que l'homme ait deux yeux , ut in plurihus , comme il est contingent que l'homme ait deux yeux, ut in paucioribus, comme il est contingent que l'homme n'ait qu'un œil. Le contingent ad utrum- lihet s'appelle ainsi , parce que tout ce qui peut se trouver présent peut aussi être exclu , donc les affirmatives et les négatives sont simul- tanément vraies. Le contingent ut in plurihus ne se convertit pas en contingent ut in plurihus, mais bien en contingent ut in paucioribus. C'est pourquoi cette proposition , il est contingent que nul homme n'est aveugle, se convertit en celle-ci, il est contingent que tout homme est aveugle. La première , en eiret, est un contingent ut in plurihus, la seconde ut in paucioribus. Le contingent ut in paucio- ribus se convertit comme le contingent ut in plurihus, et leur con- version se prend, comme nous l'avons dit, des contingents ad utrum- lihet. Car s'il y a contingence in plurihus , il y a défection in paucio- ribus , et s'il y a contingence in paucioribus , il y a défection in plu- rihus ; telles sont les conversions des modales. Il faut observer qu'il se rencontre des propositions qui manquent de conversion , puis- qu'elles ne font rien pour le but proposé , aucunes d'elles ne pouvant se placer dans quelqu'un des syllogismes qui doivent être réduits, de telle manière qu'elles aient besoin de conversion, et ainsi il est inutile d'en parler.

rit contingere Sortem non esse hominem. Fit autem ista conversio in diversa quali- tate. Nam triplex est contingens, vel ad utrumlibet , ut contingit hominem lubere duos oculos ; vel ut in pluribus, ut contin- git hominem habere duos oculos ; vel ut in paucioribus, ut contingit hominem esse monoculum. Contingens autem ad utrum- libet dicitur ; quia quot possunt inesse, tôt possunt removeri. Ergc negativa et affir-

ribus, secunda \ero ut in paucioribus. Eodem modo convertitur contingens ut in paucioribus , sicut contingens ut in pluri- hus, et eodem modo sumitur eorum con- versio, sicut dictum est de contingentibus ad utrumlibet. Nam si contingit in pluri- hus, déficit in paucioribus, et si contingit in paucioribus, déficit in pluribus , et sic patet de conversionibus modalium. No- taudum quod aliquœ propositions ponun-

mativa sunt simul vera. Contingens autem ] tur, quae carent conversione, cum nihil ut in pluribus, non convertitur in contin- j i'aciant ad propositum , quia nulla earum. gens ut in pluribus, sed in contingens ut posset poni in aliquo syllogismorum qui in paucioribus. Unde illa, contingit nullum reducendi sunt, ita videlicet quod illae in- hominem esse caecum , convertitur in is- digeant conversione , et sic de dictis trac- tam, contingit omnem hominem esse cse- tare est superfluum. cum. Prima enim est contingens ut in plu- '

268

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 4.

CHAPITRE IV.

Des syllogismes ostensifs de inesse relativement au mode et au signe.

Cela posé, nous allons parler maintenant des syllogismes, et d'abord des syllogismes de inesse , secondement de modalibus, troisièmement des hypothétiques. Parmi les syllogismes de inesse quelques uns sont ostensifs, quelques autres ad impossibile , c'est pourquoi nous allons parler d'abord des syllogismes ostensifs. Il faut savoir que tout syllo- gisme ostensif se compose de trois parties dont deux sont appelées propositions ou prémisses , et la dernière conclusion. Par exemple : Tout animal est une substance , tout homme est animai, donc tout homme est substance. Ces deux , tout animal est une substance , et tout homme est animal , sont deux propositions dont la première, c'est-à-dire, tout animal est une substance, s'appelle majeure, la seconde s'appelle mineure ou assumpta , la troisième , c'est-à-dire , tout homme est substance, s'appelle conclusion. Quoique ces trois phrases soient parfaites, ayant un sujet et un prédicat, -elles n'ont cependant que trois termes qui sont homme, animal^ et substance. La cause en est que tous ces termes sont pris deux fois , d'où le terme pris deux fois dans les prémisses s'appelle moyen. Le terme pris dans la proposition majeure avec le moyen s'appelle grand extrême ; le terme pris dans la proposition mineure avec le moyen s'appelle petit extrême. Dans la conclusion le grand extrême est pris de nouveau avec le petit extrême, de manière que si la conclusion est directe, le grand extrême se dit du petit; c'est le contraire si elle est indirecte. Aussi le moyen terme ne se trouve jamais dans la conclusion. PoUrconnoître

capui iv.

De syllogismis ostensivis de ineste quoad modum et signum.

His habitis, modo dicendum est de syl- logismis, et primo de syllogismis de inesse, secundo de modalibus, tertio de hypothe- ticis. Syllogismorum autem de inesse quidam sunt ostensivi , quidam vero ad impossibile, unde primo dicendum est de syllogismis ostensivis. Sciendum , quod omnis syllogismus ostensivus constat ex tribus orationibus , quarum duae vocantur propositiones seu praemissae, ultima vero dicitur conclusio. Verbi gratia : Omne animal est substantia , omnis homo est ani- mal, ergo omnis homo est substantia. Istae duae, scilicet omne animal est substantia, et omnis homo est animal , sunt dues pro- pusitiones , quarum prima , scilicet omne

animal est substantia, dicitur major; se- cunda vero dicitur minor seu assumpta ; tertia vero oratio, scilicet omnis homo est substantia, dicitur conclusio. Et licet prœ- dietae très orationes sint perfectae constantes ex subjecto et praedicato, non tamen ha- bent nisi très terminos, qui sunt, homo, animal, et substantia. Et causa est , quia omnesisti termina sumuntur bis, unde ter- minus bis sumptus in praemissis , dicitur médium. Terminus in majori proposait me sumptus cum medio, dicitur major extre- mitas. Terminus vero sumptus in minori propositione cum medio, dicitur minor extremitas. In conclusione vero iterum su- mitur major extremitas cum minori , ita scilicet quod conclusio est directa , major extremitas preedicatur de minori. Si vero indirecta, fit e converso. Unde médium nunquam ponitur in conclusione. Ad scien-

SUR LOGIQUE D'ARISTOTE. 269

la raison de ces termes, il faut savoir que l'homme est raisonnable. Il est appelé raisonnable et non intellectuel parce que l'intellect saisit sans discourir tout ce qui tombe sous son action. Au contraire la raison, quoiqu'elle ne soit pas une puissance différente de l'intellect , est né- anmoins appelée raison, parce que ce n'est qu'en discourant qu'elle s'approprie ce qu'elle saisit. Aussi ne parvient-elle à posséder par- faitement la connoissance d'une chose qu'en allant du plus connu au moins connu. Par exemple, pour connoître parfaitement ce que c'est que l'homme , nous concevons d'abord ce que c'est que l'être, ensuite ce que c'est que la substance , puis ce que c'est que le corps , ensuite ce que c'est que le corps animé, ensuite ce que c'est que l'ame, ce que c'est que raisonnable , et nous arrivons ainsi en discourant à la con- noissance de l'homme. Or si cette discursion se fait, sans complexion, c'est-à-dire en concevant l'être substance corps, en n'ajoutant pas le mot est , comme si l'on ne dit pas cela est homme , ou si elle se fait avec complexion , peu importe , il suffit que l'on conçoive en dis- courant, et cette discursion se fait du plus connu au moins connu. Or ce qui nous est plus connu est plus universel , comme on dit dans le premier livre de la Physique, parce que c'est plus confus ; en con- séquence notre action discursive dans notre cognition va donc des plus universels aux moins universels. C'est pourquoi nous conrioissons mieux et plutôt l'être que la substance , la substance mieux que le corps , le corps mieux que le corps animé , le corps animé mieux que l'animal et l'animal mieux que l'homme. C'est sur celte discursion que roule le syllogisme qui n'est autre chose qu'un discours ou un as- semblage de discours , comme dit Boëce , sur lesquelles s'effectue la discursion. Bien que dans cette discursion il puisse se trouver plu- sieurs moyens et plusieurs prémisses tendant à la même conclusion ,

dum autem causas dictorum nominum, sciendum quod homo est rationalis. Dici- tur autem rationalis et non inlellectualis , quia intellectus apprehendit quidquid ap- prehendit sine discursu, ratio vero licet non sit alia potentia quam intellectus, ta- men dicitur ratio ; quia quicquid appre- hendit , apprehendit cum discursu , non ergo venit ad perfectam apprehensionem alicujus rei, nisi discurrat a inagis nota ad minus notum. Verbi gratia, ad cognoscen- dum perfecte quid sit homo, primo intelli- gimus quod sit ens, deinde quod sit sub- stantia, deinde quod sit corpus , deinde quod sit animatum corpus , deinde anima, deinde rationalis, et sic veniemus in cogni- tionem hominis discurrendo. Si autem talis discursus fiât sine complexione , scilicet intelligendo ens substantiam corpus , non

ponendo ibi est , ut scilicet non dicamus hoc est homo ; vel fiât cum complexione, nihil ad propositum , sufiicit quod discur- rendo intelligimus, et talis discursus est a magis noto nobis ad minus notum. Magis autem nota nobis surit magis universalia, ut I Physic. dicitur, quia sunt magis con- fusa. Discursus ergo noster in nostra co- gnitione est a magis universalibus ad mi- nus universalia. Unde magis et prius co- gnoscimus ens quam substantiam , et sub- stantiam quam corpus, et corpus quam animatum corpus , et animatum corpus quam animal, et animal quam hominem. De tali autem discursu est syllogismus , qui nihil aliud est quam oratio seu congregatio orationum, ut Boetius dicit, in qua est talis discursus. Et licet in tali discursu multa possint esse média , et multce pra>

270 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 4.

par exemple , toute substance est un être , tout homme est une sub- stance, qui est le corps, lequel est animal, donc touthomme est un être, néanmoins comme le moyen est toujours moyen de deux extrêmes, nous comprenons plusieurs syllogismes dans cette discursion. Tl n'y a donc qu'un syllogisme avec un moyen et deux extrêmes. Comme dans la précédente discursion , le premier des termes qui est le plus universel et par conséquent le plus connu se présente d'abord à l'in- tellect, il est appelé grand extrême : il est appelé extrême parce qu'il se présente d aborda l'intellect, et grand parce qu'il est plus universel et plus connu. Le second terme qui se présente à l'intelligence est celui qui n'est pas aussi universel , mais qui tient néanmoins la seconde place après le premier dans l'universalité , comme le corps après la substance ; nous savons déjà que dans ce second terme se trouve le premier , et cette proposition s'appelle majeure, parce qu'elle est an- térieure dans la cognition. Mais comme nous ne savons pas encore que le second terme se trouve dans un autre moins universel , la raison continue de discourir et reconnoît que le corps se trouve dans l'animal , elle s'y arrête et c'est la mineure, et immédiatement elle reconnoît que la substance se trouve dans l'animal , et voilà la con- clusion. Certainement dans ces termes le moyen c'est le corps , et il a été la cause qui nous a amenés à connoître que la substance se trouve dans l'animal. Le dernier terme dans la discursion précédente c'est animal, la raison s'y est arrêtée, et c'est pour cela qu'il s'appelle petit extrême. Il est appelé extrême , parce que l'action discursive de la raison s'est arrêtée , et petit extrême parce qu'il est moins uni- versel et par conséquent moins connu de nous. Nous connoissons donc la cause de ces noms et les raisons des termes , des prémisses et de la conclusion. On peut comprendre d'après cela ce que dit Àristote dans

missae ad unam conclusionem. Verhi gra- tia : Omnis substantia est eus, omnis homo est. substantia , quœ est corpus , quod est animal. Ergo omnis homo est eus , tamen quia médium semper duarum extremita- tum est médium , in tali discursu multos comprehendimus syllogismos. Unus ergo est syllogismus unius medii et duarum ex- tremitatum. Et quia in praedictp discursu terminorum primus qui universalior est , et per consequens magis notus , primo in- tellectui occurrit, dicitur major extremitas ; extremitas enim dicitur, quia primo oc- currit intellectui , et major , quia univer- salior et magis nota. Secundus autem ter- minus qui intellectui occurrit, est qui non est ita universalis, tamen secundum locum tenet post primum in universalitate, ut est corpus post substantiam , huic autem se- cundo termine jam scimus inesse primum

terminum , et haec dicitur major proposi- tio , quia prior cognitione. Sed quia non- dum scimus secundum inesse alicui minus universali termino, discurrit adhuc ratio , et cognoscit corpus iuesse animali , ubi sistit, et haec est minor propositio , et sta- tim cognoscit substantiam inesse animali, et haec est conclusio. Certe in istis termi- nis médium fuit corpus, et ipsum fuit causa quod nos sciremus substantiam inesse animali ; ultimus autem terminus in prae- dicto discursu fuit animal, ubi stetit ratio, et propter hoc dicitur minor extremitas. Extremitas enim dicitur, quia ibi stetit discursus rationis ; minor vero dicitur , quia minus universalis, et per consequens miuus nota nobis. Habemus ergo causas dictorum nominum , et rationes termino- rum, e: pramissarum, et conclusionis. Ex dictis pot*'st paterc quod dicit Philosophas ,

SUR LA. LOGIQUE D'.VRISTOTE. 271

le premier livre Posteriorum que la proposition majeure se connaît d'abord par la conclusion, la nature, et le temps. Par la nature, parce que ses termes sont plus universels, comme on l'a dit; par le temps, parce que dans l'action discursive de la raison j'ai plutôt connu que la substance est dans le corps que dans l'animal. La proposition mi- neure se connaît d'abord par la nature , mais non par le temps. Par la nature, parce que la cause est antérieure à la chose causée; or les propositions sont la cause de la conclusion , et même parce que l'action discursive de la raison s'est exercée d'abord du moyen au petit extrême, elle n'est pas cependant connue d'abord par le temps. En effet en connoissant que la substance est dans le corps , j'ai connu au même instant que la substance est dans l'animal ; tel est ce quiregarde les parties du syllogisme et leurs noms.

Les syllogismes ont des figures et des modes. On appelle figure l'ordre de trois termes suivant la subjectionetla prédication. En effet, comme les termes des lignes en mathématique placés de telle ou telle manière varient les espèces des figures, car trois points disposés en triangle et placés à une égale distance respective formeront une espèce de triangle appelé équilatéral ou hysopleure; s'il y en a deux également, distants entre eux et dont la distance respective soit plus ou moins grande relativement au troisième, c'est une espèce de triangle appelée isocèle; si tous les points se trouvent inégalement distants , c'est une espèce de triangle que l'on appelle gradué ou scalène. De même suivant la variété de ces termes dans la subjection ou la prédication , il s'opère trois figures de syllogismes, quoique d'une autre manière que dans les figures de surface dont nous avons parlé. En effet si le moyen se trouve par subjection dans une proposition et par prédication dans l'autre , on dit qu'il est dans la première figure, et avec raison : parce qu'alors

I. Posteriorum, quocl major propositio est prius nota conclusione natura et tempore. Natura quia termini ejus sunt magie uni- versales, ut dictum est. Tempore vero, quia in discursu rationis prius scivi sub- stantiam inesse corpori , quam inesse ani- mali. Minor vero propositio est prius nota natura, non tamen tempore. Natura, quia causa prior est causato ; propositiones au- tem sunt causa conclusionis , et quia etiam iste fuit prior discursus rationis, de medio, scilicet ad minorem extremitatein , non tamen est prius nota tempore. Qui enim scieham substantiam inessc corpori, in eo- dem instanti in quo scivi corpus inesse animali , scivi substantiam inesse animaji, et sic patet de partibus syllogismi et no- minibus earum. Habent autem syllogismi figuras et modos. Dicitur autem hic figura ordo trium terminorum secundum subjec-

tionem et prœdicationem, Sicut enim ter- mini linea'rum in mathematicis aliter et aliter situati , variant species figurarum (nam tria puncta qua3 faciunt triangulum, si inter se aequaliter distabunt, erit species trianguli, quae dicitur aequilaterus sive hy- sopleuros; si vero duo œqualiter distabunt a tertio, quorum distantia inter se est minor vel major distantia eorum ad ter- tium, est species trianguli, quse dicitur hy- socheles ; si vero omnes distantia? puncto- rum sint ina.'quales, est species trianguli quœ dicitur gradatus, sive scalenon) sic se- cundum diversitatem istorum trium ter- minorum in subjiciendo et piaedicando fiunt très figura syllogisinorum, licet alio modo quam in figuris superlicialibns jam dictis. Si enim médium in una proposi- ' tione subjicilur , et in altéra praedicatur, dicitur esse prima figura, et mento; quia

272 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 4.

le moyen est vraiment moyen, ayant la nature des deux extrêmes, du sujet et du prédicat : car il y a par rapport à lui prédication et sub- jection. Si au contraire le moyen est affirmé dans les deux proposi- tions, on dit que c'est la seconde figure, parce que, bien que le moyen ne soit pas véritablement un moyen ayant la nature de la subjection et de la prédication , néanmoins, comme il est plus digne de prédica- tion que de subjection , cette figure occupe la seconde place. Si le moyen est en subjection dans les deux propositions , c'est la troisième et dernière figure, parce que ici le moyen n'est pas au milieu comme dans la première et se trouve toujours en subjection , ce qui est plus indigne. Il, ne peut pas y avoir plusieurs figures, parce que dans les propositions les trois termes ne peuvent offrir plusieurs variations , d'où l'on a fait le vers suivant :

Sub prœ prima , bis prœ secunda , tertia sub bis.

Lequel s'explique ainsi; prima, c'est-à-dire dans la première ligure il se fait pour le moyen sub, subjection et prœ prédication ; secunda, c'est-à-dire dans la seconde figure, il y a deux fois prœ prédication pour le moyen daus chacune des prémisses; tertia, c'est-à-dire dans la troisième figure,, il y a deux fois subjection pour le moyen dans cha- cune des prémisses. Pour ce qui est du mode dans le sens on le prend ici, c'est l'ordre de deux propositions dans une certaine qualité et quantité, et il est appelé mode, parce que c'est une certaine déter- mination accidentelle des propositions du syllogisme, etc..

tune médium vere est médium, quia sapit naturam utriusque extremi , scilicet sub- jecti et prœdicati ; prsedicalur emm et sub- jicitur, ut dictum est. Si vero médium in utraque propositione prœdicatur, dicitur esse secunda figura , quia lic.et médium non sit vere médium sapiens naturam subjectionis et prœdicationis, tamen quia dignius est prœdicari quam subjici, ideo haec figura secundum locum tenet. Si vero médium in utraque propositione subjici- tur, dicitur tertia figura et ultima , quia in ea médium non stat in inedio , sicut in prima, et subjicitur semper quod est indi- gnius. Plures figura? non possunt esse, quia très termini in duabus propositionibus

non possunt pluries variari , unde versus :

Sub prie prima, bis prœ secunda, tertia sub bit.

Qui sic construitur. Prima, id est in prima figura médium sub, id est subjicitur, et prae id est prsedicatur. Secunda , id est in se- cunda figura médium prœ, id est pnedica- tur bis, id est in utraque prœmissarum. Tertia, id est in tertia figura médium sub, id est subjicitur bis, id est in utraque praemissarum. Modus vero ut hic sumitur, est ordinatio duarum propositionum in certa qualitate et quantitate, et dicitur modus, quia est quœdam accidentalis de- terminatio ipsarum propositionum syll gismi, etc.

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 273

CHAPITRE Y.

Des syllogismes inutiles dans toute figure.

Il reste à parler maintenant des syllogismes en eux-mêmes. Re- marquez bien, comme nous l'avons dit plus haut, que l'on s'occupe dans ce traité du syllogisme simpliciter , c'est-à-dirè de la forme du syllogisme lui-même , en tant que syllogisme, sans l'appliquer à une matière quelconque, par conséquent la vraie forme du syllogisme sera celle qui étant appliquée à toute matière aura pour résultat d'offrir une conclusion vraie si les prémisses le sont. Mais si dans quelque matière les prémisses étant vraies il s'ensuit une conclusion fausse, quoique dans quelque autre matière il s'en soit suivi une conclusion vraie, ce ne sera plus alors un vrai syllogisme , on l'appelle un en- chaînement inutile. De ces assemblages inutiles quelques uns peuvent se faire dans toutes les figures , d'autres dans deux seulement ou en une. Ceux qui se font dans toutes les figures sont au nombre de quatre. Le premier, lorsque les deux prémisses sont négatives; le second , lorsque les deux prémisses sont particulières; le troisième, lorsqu'elles sont toutes deux indéfinies; le quatrième, quand elles sont toutes deux singulières. En effet, ces syllogismes, quelle que soit la figure , peuvent avoir dans certaine matière une conclusion vraie , et en une autre une conclusion fausse , c'est pour cela qu'ils sont appelés inu- tiles. Par exemples : de deux négatives dans la même figure il résulte quelquefois une conclusion vraie de cette manière : nul homme n'est pierre , nul àne n'est homme, donc nul àne n'est pierre. D'autres fois la conclusion est fausse , de cette manière : nul homme n'est pierre, nulle perle n'est homme , donc nulle perle n'est pierre. Cette conclu-

caput v.

De syllogismis inulilibus in omni figura. Restât tune dicere de ipsis syllogismis. Ubi nota quod , ut supra dictum est , in hoc opère tractatur de syllogismo simplici- ter, scilicet de forma ipsius syllogismi , in quantum syllogismus est , non applicando ad aliquam materiam , et ideo illa erit vera forma syllogismi, quae applicata cui- cumque materise semper si preemissse erunt verse , sequetur ex eis conclusio vera. Si vero syllogismus in aliqua materia existen- tibus preemissis veris , sequitur conclusio falsa , licet in aliqua alia materia sequatur conclusio vera , talis non erit verus syllo

quasdam possunt fieri in omnibus figuris, qusedamvero in duabus vel solum in una figura. Quas fiunt in omnibus figuris sunt quatuor. Prima est si ambse prœmissae sint negativœ. Secunda , si ambœ praemissre sint pardculares. Tertia , si ambœ sint in- defmitee. Quarta , si ambœ sint singulares. Taies enim syllogismi sive conjugationes in quacumque figura fiant , iu aliqua ma- teria possunt concludere verum, et in alia falsum, et propter hoc dicuntur inutiles. Verbi gratia : De ambabus negativis in prima figura aliquando concluditur verum sic : Nullus homo est lapis ; nullus asinus est homo ; ergo nullus asinus est lapis. Aliquando concluditur falsum sic, nullus

gismus, sed dicitur inutilis conjugatio. homo est lapis ; nulla margarita est homo; Harum autem inutilium conjugationum I ergo nulla margarita est lapis ; falsa est

v. 18

27 i OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 5.

sion est fausse, parce que toute perle est pierre. La même chose peut se rencontrer dans la seconde et la troisième figure. De cet assemblage et des trois autres inutiles on déduit cette règle générale. Dans toute figure , de trois pures négatives particulières indéfinies et singulières il ne résulte aucune conséquence. Les assemblages inutiles qui parfois ne se trouvent pas dans toutes les figures , mais seulement dans quel- ques-unes , sont au nombre de deux. Il y en a un qui convient à la première et à la troisième figure , quand la mineure est négative. Le second convient à la première et à la seconde figure , quand la ma- jeure est particulière, et il s'en déduit deux règles générales savoir : dans la première eHa troisième figure, quand la mineure est négative, il n'y a aucune conséquence. Il faut observer que dans la première figure on doit entendre ici les syllogismes directement concluants. Car il y a dans cette figure deux modes de syllogismes concluants indirec- tement, dans lesquels la mineure est négative, et ce ne sont pas néan- moins des assemblages inutiles. Seconde règle. Dans la première et la seconde règle, quand la majeure est particulière, il n'y a aucune con- séquence. De même dans la première figure on entend les syllogismes directement concluants. 11 y a encore deux autres règles générales dont voici la première : si l'une des prémisses est négative , la conclusion est aussi négative. La seconde est celle-ci : si l'une des prémisses est particulière , la conclusion est aussi particulière. La raison de cela c'est que, comme il a été dit, le grand extrême se trouve dans le petit dans la conclusion en vertu du moyen , c'est-à-dire en tant qu'il se trouve dans le moyen dans la majeure et que le moyen se trouve dans le petit extrême dans la mineure , soit que l'on prenne d'une autre manière l'inhérence de ces termes , comme il se fait dans les autres figures, de telle manière que le moyen se trouve dans quelqu'un des

conclusio , quia omnis margarita est lapis, i syllogismorum indirecte concludentes, in Et sic potest fieri in secunda et tertia fi- 1 quibus minor est negativa, nec tamen sunt gura. De hac et de tribus dictis inutilibus j inutiles conjugationes. Secunda régula : conjugationibus datur una régula gênera- J In prima et secunda figura majori exis- lis, scilicet : In omnibus figuris ex puris I tente particulari, nihil sequitur. Et simi- negativis particularibus indelinitis et sin- j liter in prima intelligitur de coneluden- gularibus nihil sequitur. Inutiles vero con- J tibus directe. Dantur autem alise duee re- jugationes , quse aliquando non sunt in j gulœ générales, quarum prima est : Si al-

omnibus figuris, sed in aliquibus sunt duae Una est quee convenit primée et tertise figurée, scilicet quando minor propositio est negativa. Secundo vero convenit prima? et secundee figurée, scilicet quando major propositio est particularis, et de eis dantur régulée générales, scilicet in prima et tertia figura minori existente negativa, nihil se- quitur. Notandum quod in prima figura hic débet intelligi de syllogismis directe concludentibus. Nam sunt in ea duo modi

tera preemissarum est negativa, etiam con- clusio est negativa. Secunda est : Si altéra preemissarum fuerit particularis, conclusio erit particularis. Causa est , ut enim dic- tum est, major extremitas inest minori in conclusione in virtute medii, in quantum scilicet inest medio in majori propositione, et médium inest minori extremitati in minori propositione, sive alio modo suma- tur mhâerentia dictorum terminorum, si- cut fit in aliis figuris eo modo quo me--

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 275

extrêmes, ou vice versa , un des extrêmqs se trouvera dans l'autre. Mais si l'une des prémisses est particulière, le moyen doit se trouver dans l'extrême ou l'extrême dans le moyen d'une manière particulière. Donc la conclusion qui dit que l'extrême doit se trouver dans l'extrême, sera particulière. Cela suffit pour les syllogismes affirmatifs relative- ment à la seconde règle. Quant aux syllogismes négatifs, la conclusion se fait de la même manière en vertu du moyen. En effet, si le moyen se trouve dans un des extrêmes, et s'il est exclu de l'autre, il faut né- cessairement que l'extrême soit exclu de l'extrême, et de cette manière la conclusion sera négative : voilà pour la première règle. Dans les mêmes syllogismes, si le moyen se trouve d'une manière particulière dans un extrême ou en est exclu de la même manière, il s'ensuit né- cessairement que l'extrême est exclu de l'extrême d'une manière par- ticulière , et ainsi la conclusion sera particulière négative. Donc les règles qui ont été établies sont vraies.

CHAPITRE VI.

Des syllogismes de la première figure concluant directement , et des syllogismes de la seconde figure.

Nous allons parler maintenant des syllogismes utiles , et d'abord de ceux qui sont dans la première figure au nombre de quatre. Le premier a lieu lorsque la majeure et la mineure sont universelles af- firmatives, et qu'il suit une conclusion universelle affirmative de cette manière en nous servant de termes transcendants. Tout B est A, tout C est B , donc tout C est A. Ce syllogisme se prouve par ce principe dici de omni. Ainsi que nous l'avons dit , dici de omni a lieu quand

dium inerit alicui extremitati, tel e con- verso, una extremitas inerit alteri. Sed si aliqua prtemissarum fuerit particularis, débet médium inesse extremitati, vel ex- tremitas in medio particulariter. Ergo conclusio quae dicit extremitatem inesse extremitati, erit particularis. Et hoc in syl- logismis affirmativis sufficit quantum ad secundam regulam. In syllogismis autem negativis eodem modo virtute medii con- cluditur. Si enim médium uni extremitati inest , et e converso ab altéra removetur , necesse est extremitatem ab extremitate removeri, et sic erit conclusio negativa, et hoc quantum ad primam regulam. In eis- dem etiam syllogismis , si médium parti- culariter inerit vel e converso, vel parti- culariter removeatur ab aliqua extremitate vel e converso, necessario sequitur extre- mitatem ab extremitate particulariter re-

moveri , et sic conclusio erit particularis negativa. Verse itaque sunt regulae pra?- dictœ, etc.

GAPUT VIII.

De syllogismis primœ figures directe con- cludenlibus, et de syllogismis secundw figurœ.

Nunc dicendum est de syllogismis utili- bus. Et primo de his qui sunt in prima fi- gura, hi autem sunt quatuor. Primus est quando major et minor propositiones sunt universales affirmative, et sequitur con- clusio universalis affirmativa sic , ponendo in terminis transcendentibus. Omne B est A, omne G est B, ergo omne C est A. Probatur autem syllogismus per hoc prin- cipium quod est dici de omni : ut enim dictum est, dici de omni est, quando nihil est sumere sub subjecto , de quo non di-

276 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 8.

il n'y a rien à prendre dans le sujet dont ne se dise pas le prédicat. Or il en est ainsi dans l'exemple proposé, donc, etc.. Etablissons-le maintenant en termes significatifs, soit animal pour B, substance pour A, homme pour C, posons ainsi le syllogisme : Tout animal est substance, tout homme est animal , donc tout homme est subslance; il est certain que si cette proposition est vraie , tout animal est sub- stance , il n'y a rien à prendre dans animal dont ne se dise pas sub- stance : si donc tout homme est animal , tout homme se trouve alors dans auimal ; il doit donc être pris ainsi, comme substance se dit d'a- nimal, elle se dira de même de l'homme. Le second mode a lieu quand d'une majeure universelle négative et d'une mineure universelle af- firmative on tire une conclusion universelle affirmative , de cette ma- nière : Nul B n'est A, tout C est B , donc nul C n'est A , on le prouve par l'autre principe dici de nullo. On le met ainsi en termes signifi- catifs : soit B animal, A pierre, C homme; si en effet nul animal n'est pierre , il n'y aura rien à prendre dans animal dont pierre ne soit pas exclu. En effet comme tout qui est un signe universel affîrmatif est distributif , et distribue affirmativement pour chaque chose contenue dans ce à quoi il est joint, de même aussi nullus nul distribue néga- tivement pour chacune de ces choses. Le troisième mode c'est quand d'une majeure universelle affirmative et d'une mineure particulière affirmative on tire une conclusion particulière affirmative de cette ma- nière : tout B est A, quelque C est B, donc quelque C est A, on le prouve par efo'ci deomni. Le quatrième mode se présente quand d'une majeure universelle négative et d'une mineure particulière affirmative on tire une conclusion particulière négative, de cette manière : nul B n'est A, quelque C est B, donc quelque C n'est pas A , on le prouve par dici

catur praedicatum ; sic enim in proposito est, ergo, etc. Ponamus ergo in terminis significativis, et sit B animal, A vero sub- stantia, C autem sit homo ; fiât ergo syl- logismus sic : Omne animal est substantia, omnis homo est animal; ergoomnis homo est substantia, certum est quod si ista est vera : Omne animal est substantia, nihil erit sumere sub animali de quo non dica- tur substantia; si ergo omnis homo est animal, tune omnis homo est sub animali ; débet ergo sumi, sicut substantia praedica- tur de animali , ita praedicabitur de ho- inine. Secundus modus est, quando ex ma- jori universali negativa, et ex minori uni- versali affîrmativa, concluditur universalis negativa sic : Nullum B est A , omne C est B , ergo nullum G est A , et probatur per alterum principium quod est dici de uullo. In terminis autem significativis os-

tenditur sic : Sit B animal, A vero lapis, C autem sit homo, si enim nullum animal est lapis ; nihil erit sumere sub animali, a quo non removeatur lapis. Sicut enim om- nis quod est signum universale affirmati- vum , est distributivum , et distribuit affir- mative pro singufis contentis sub eo cui jungitur ; ita etiam nulius pro singulis ta- libus distribuit négative. Tertius modus est , quando ex majori universali affirma- tiva, et ex minori particulari affîrmativa concluditur particularis affirmativa sic : Omne B est A , quoddam C est B , ergo quoddam C est A, et probatur per dici de omni. Quartus modus est , quando ex ma- jori universali negativa , et minori parti- culari affirmativa concluditur particularis negativa sic , nullum B est A , quoddam G est B, ergo quoddam C non est A. Et probatur per dici de uullo. Sciendum,

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 277

de nullo. Il faut savoir que quoique ces deux derniers syllogismes puissent se prouver par dici de omni et par dici de nullo , comme il a été dit , néanmoins Aristote dans son livre I Priorum les ramène aux deux premiers modes se conservent plus véritablement dici de omni et dici de nullo à cause de l'universalité de leur mineure, et c'est ce que nous ferons à la fin de tous. La seconde figure a quatre modes. Le premier se forme d'une majeure universelle négative et d'une mi- neure universelle affirmative, d'où l'on tire une conclusion universelle négative , de cette manière : nul B n'est A , tout C est A , donc nul C n'est B. On ne peut montrer dans ce syllogisme dici de nullo, parce que dans B auquel est joint le signe universel nul on ne prend rien d'où le sujet puisse être exclu, et par conséquent pour qu'il soit prouvé par dici de nullo , il faut le ramener au second mode de la première figure , ce qui peut se faire de deux manières , ou par la simple con- version de la majeure en disant , nul A n'est B , tout C est A , donc nul C n'est B. Et aussi par le troisième principe dont nous avons parlé qui étoit que lorsque de l'opposé du conséquent se déduit l'opposé de l'antécédent , la première conséquence est bonne. Il faut savoir que tout syllogisme est une certaine conséquence dans laquelle les deux prémisses sont l'antécédent et la conclusion le conséquent , d'où il suit que si de l'opposition de la conclusion avec l'une des prémisses on déduit l'opposition de l'autre prémisse dans l'ordre se conserve dici de omni ou dici de nullo , la première conséquence ou le syllo- gisme seront bons. Car dans l'exemple proposé, le conséquent ou la conclusion est, nul C n'est B, il v a deux opposés , savoir le con- traire et la contradiction. Prenons son contraire, tout C est B, prenons aussi la majeure du susdit syllogisme , nul B n'est A , et que l'oppo-

quod licet isti duo ultimi syllogismi pro- bari possint per dici de omni et per dici de nullo , ut dictum est ; tamen Philoso- phas, I Prionirn, reducit eos ad duos mo- dos primos, in quibus verius salvatur dici de omni et dici de nullo , propter univer- salitatem minoris propositionis eorum , et hoc faciemus in fine omnium. Secunda figura quatuor habet modos. Primus con- stat ex majori universali negativa et mi- nori universali affirrnativa, ex quibus se- quitur conclusio universalis negativa sic : Nullum B est A ,• omne C est A , ergo nullum G est B. In isto enim syllogismo non potest ostendi dici de nullo , quia sub B cui jungitur signum universale , scilicet nullum , nihil sumitur a quo possit remo- veri subjectum , et ideo ad hoc quod pro- betur per dici de nullo , reducatUr ad se- cundum modum primée figurée, hoc autem dupliciter potest fieri, vel per conversionem

majoris simpliciter, ut dicatur sic, nullum A est B, omne G est A, ergo nullum G est B. Et propter etiam per tertium prin- cipium supradictum quod erat, quando ex opposito consequentis infertur oppositum antecedentis, prima consequentia est bona. Sciendum , quod omnis syllogismus est quaedam consequentia , in qua antecedens sunt ambae prœmissœ, consequens vero est conclusio, unde si ex opposito conclusionis cum altéra praemissaruni, infertur opposi- tum alterius prsemissae in ordinatione in qua solvatur dici de omni, vel dici de nullo, prima consequentia seu syllogismus erit bonus. Sic enim in proposito. Conse- quens enim sive conclusio est , nullum C est B, quœ duo habent opposita, *scilicet conlrarium et contradictio ; sumatur ejus contrarium, scilicet, omne G est B ; su- matur modo major praedicti syllogismi , scilicet, nullum B est A, et opposita

278 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 6.

sée contraire de la conclusion devienne la mineure de cette manière : nul B n'est A, tout C est B, donc nul C n'est A, ce syllogisme est dans le second mode de la première figure , et de l'opposé du conséquent ou de la conclusion se déduit celle-ci , nui C n'est A qui est l'opposée de l'une des prémisses, c'est-à-dipe de la mineure, parce qu'elle est contraire à la mineure du premier syllogisme qui étoit tout C est A; donc de l'opposé du conséquent avec une des prémisses se déduit l'op- posé de l'autre prémisse, donc la première conséquence ou le syllo- gisme étoit bon. Le second mode a lieu quand de la majeure univer- selle affirmative et d'une mineure universelle négative on tire une conclusion universelle négative , de cette manière : tout B est A , nul Ç n'est A , donc nul C n'est B ; ce syllogisme se ramène au second mode de la première figure par la simple conversion delà mineure et par la transposition des prémisses , de façon que celle qui étoit la ma- jeure devienne la mineure de cette manière. Nul A n'est C, tout B est A, donc nulB n'est C. La majeure de ce syllogisme est celle en la- quelle a été convertie la mineure du premier syllogisme qui étoit, nul C n'est A. Par le troisième principe, c'est-à-dire par le syllogisme conversif on peut ramener cette argumentation au premier mode de la première figure de cette manière. Prenons la proposition contraire à la conclusion qui est , tout C est B et faisons ainsi la mineure , tout B est A , tout C est B , donc tout C est A. La conclusion de se second syllogisme, tout C est A est contraire à celle-ci, nul C n'est A, qui étoit la mineure de l'opposé du conséquent. Le troisième mode se reconnoît quand d'une majeure universelle négative , et d'une mineure parti- culière affirmative on tire une conclusion particulière négative , de la manière suivante : nul B n'est A , quelque C est A , donc quelque C

contraria conclusionis fiât minor, et dica- tur sic : Nullum B est A, ornne C est B, ergo nullum G est A. Iste syllogismus est in secundo modo primée figurae , et ex opposito consequentis seu conclusionis in- fertur illa , nullum G est A, quae est op- posita unius praemissae, scilicet minoris, quia est contraria minori primi syllogismi, quae erat, omne G est A. Ergo ex opposito consequentis cum una praemissarum infer- tur oppositum alterius prsemissae; prima ergo consequentia seu syllogismus fuit bonus. Secundus modus constat ex majori universali affirmativa , et minori univer- sali negativa ex quibus sequitur conclusio universalis negativa sic : Omne B est A, nullum G est A, ergo nullum C est B. Iste syllogismus reducitur ad secundum modum primae figurœ per conversionem minoris simpliciter et per transpositionem

praemissarum, ut scilicet ista quae erat ma- jor, fiât minor sic : Nullum A est G, omne B est A, ergo nullum B est C. Major istius syllogismi fuit illa in qua conversa fuit minor primi syllogismi, quae erat, nullum C est A. Per tertium vero principium seu per syllogismum conversivum reducitur ad secundum modum primae figurae sic , su- matur propositio contraria conclusioni quae est, omne C est B, et fiât minor sic : Omne B est A , omne G est B, ergo omne G est A. Haec autem quae concluditur in isto secundo syllogismo, scilicet omne G est A, est contraria huic, nullum C est A, quae erat minor ex opposito consequentis. Tertius modus est, quando ex majori uni- versali negativa et minori particulari af- firmativa concluditur particularis negativa sic : Nullum B est A, quoddam G est A, ergo quoddam C non est B. Hic reducitur

SUR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 279

n'est pas B. Le syllogisme se ramène au quatrième mode de la pre- mière figure par la simple conversion de la majeure. Nul A n'est B, quelque C est A , donc quelque C n'est pas B. 11 se ramène par le syl- logisme conversif au second mode de la première figure. En eflet, l'opposé de la conclusion qui est , quelque C n'est pas B , et celui-ci tout C est B. On fera donc la mineure de cette manière, nul B n'est A, tout C est B, donc nul C n'est A, laquelle est l'opposée de la mineure du premier syllogisme qui étoit quelque C est A. Le quatrième mode a lieu quand d'une majeure universelle affirmative et d'une mineure particulière négative on tire une conclusion particulière négative de cette manière : tout B est A, quelque C n'est pas A, donc quelque C n'est pas B. Ce syllogisme peut être ramené par la conversion des prémisses , car la majeure , qui est universelle affirmative, ne peut se convertir qu'en une particulière affirmative , et la mineure est parti- culière. Or, comme nous l'avons dit,- il n'y a pas de conséquence de plusieurs particulières. 11 se ramène donc par le syllogisme appelé quelquefois per impossibile , comme ont été réduits les trois autres syllogismes exposés plus haut, et il se ramène au premier mode de la première figure. En effet, l'opposé de la conclusion qui étoit, quel- que C n'est pas B , est celui-ci tout C est B , qu'on fasse donc ainsi la mineure ; tout B est A , tout C est B , donc tout C est A. Or c'est l'opposée de la mineure qui étoit , quelque C n'est pas A. Tel est ce qui concerne le syllogisme de la première et de la seconde figure.

ad quartum modum primse figura per conversionem majoras simpliciter. Nullum A est B , quoddam C est A ; ergo quoddam C non est B. Reducitur autem per syllo- gismum conversivum ad secundum mo- dum primée figurae. Oppositum enim con- clusionis quod est , quoddam G non est B, est istud, omne C est B, et fiât minor sic, nullum B est A, omne G est B, ergo nullum C est A, quae est opposita minons syllo- gismi primi, quae erat, quuddam G est A. Quavtus modus est, quando ex majori uni- versali affirmativa, et ex minori particu- lari negativa concluditur particularis ne- gativa sic : Omne B est A, quoddam G non est A, ergo quoddam G non est B. Iste syllogismus potest reduci per conversionem

praemissarum, major enim quae est univer- salis affirmativa, non potest converti nisî in particularem afïirmativam, et minor est particularis. Ex pluribus autem particula- ribns. ut dictum est, nihil sequitur ; redu- citur ergo per syllogismum quod aliquando vocatur per impossibile, sicut reducti fue- runt cseteri très syllogismi supradicti , et reducitur ad primum modum prima? figu- rae. Oppositum enim conclusions, quae erat, quoddam G non est B, istud, omne G est B, quod fiât minor sic : Ornne B est A, omne G est B, ergo omne G est A. Haec au- tem est opposita minoris quae erat, quod- dam C non est A. Et sic patet de syllogis- mo primae et secundae figurae.

280

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 7.

CHAPITRE VII.

Des syllogisme* de la troisième figure , et de la réduction de tous les syl- logismes aux deux premiers modes de la première figure.

La troisième figure a six modes. Le premier a lieu lorsque d'une majeure universelle affirmative et d'une mineure universelle affirma- tive on déduit une conclusion particulière affirmative de cette manière ; Tout B est A, tout B est C , donc quelque C est A. Ce syllogisme se ramène de cette manière au troisième mode de la première figure par la conversion per accidens de la mineure : Tout B est À , quelque C est B , donc quelque C est A. On le ramène au second mode de la pre- mière figure parle syllogisme conversif. Prenons, en effet, l'opposé de la conclusion qui est , nul C n'est A, et faisons ainsi la majeure : Nul C n'est A , tout B est C , donc nul B n'est A ; or c'est la con- traire de la majeure du premier syllogisme , qui étoit , tout B est A. Il faut savoir que dans la réduction par le syllogisme conversif il y a cette différence entre les syllogismes de la seconde et de la troisième figure: dans les syllogismes de la seconde figure, de l'opposé delà conclusion on fait la mineure et on déduit l'opposé de la mineure, tan- dis que dans les syllogismes de la troisième figure , de l'opposé de la conclusion on fait la majeure et on déduit l'opposé de la majeure. Le second mode se connoît lorsque d'une majeure universelle négative e t d'une mineure universelle affirmative découle une conclusion par- ticulière négative de la manière suivante : nul B n'est A, tout B est C , donc quelque C n'est pas A. On ramène ainsi cette argumentation au quatrième mode de la première figure par la conversion per acci-

CAPUT VII.

De syllogismis terliœ figurœ, et de reduc- tione omnium syllogismorum ad duos orimos modos primœ figurœ.

Tertia vero figura sex habet modos. Pri- mus constat ex majori universali affirma- tiva, et ex minori universali affirmativa, ad quas sequitur conclusio particularis af- firmativa sic : Omne B est A, omne B est C, ergo quoddam G est A. Iste syllogismus per conversionem minoris per accidens re- ducitur ad lertium modum primœ figurai sic : Omne B est A, quoddam G est B, ergo quoddam C est A. Per syllogismum vero conversivum reducitur ad secundum mo- dum primae figurae. Sumatur enini oppo- situm conclusionis quod est , nullutn C est A, et fiât major sic : Nullum G est A,

omne B est C., ergo nullum B est A. Hœc autem est contraria majoris primi syllo- gismi, quœ erat, omne B est A. Sciendum quod in reductione per syllogismum con- versivum hœc differentia est inter syllo- gismos secundœ et tertiœ figurée. Nam in syllogismis secundœ figurée ex opposito conclusionis fit minor propositio, et infer- tur oppositum minoris propositionis , in syllogismis vero tertiœ figurœ ex opposito conclusionis fit major propositio, et infer- tur oppositum majoris propositionis. Se- cundus modus constat ex majori universali negativa, et ex minori universali affirma- tiva, ad quas sequitur conclusio particu- laris negativa sic : Nullum B est A , omne B est G, ergo quoddam C non est A. Hœc per conversionem minoris per accidens re- ducitur ad quartum modum primœ figurœ

SÏÏR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 281

dens de la mineure; nul B n'est A , quelque C est B , donc quelque G n'est pas A. Mais parle syllogisme conversif on la ramène au premier mode de la première figure en prenant l'opposé delà conclusion et en faisant ainsi la majeure : tout G est A , tout B est C , donc tout B est A. Cette conclusion est contraire à la majeure du premier syllogisme. Le troisième mode se compose d'une majeure particulière affirmative et d'une mineure universelle affirmative d'où découle une conclusion particulière affirmative , de cette manière : quelque B est A , tout B est G , donc quelque C est A. On ramène cela par conversion au troi- sième mode de la première figure en convertissant simplement la ma- jeure et en transportant les propositions de la manière suivante : tout B est C , quelque A est B , donc quelque A est C ; on le ramène ainsi au second mode de la première figure par le syllogisme conversif : nul C n'est A, tout B est C, donc nul B n'est A ; cette conclusion est la contradictoire de la majeure , qui étoit quelque B est A. Le qua- trième mode vient d'une majeure universelle affirmative et d'une mi- heure particulière affirmative suivies de cette manière d'une conclu- sion particulière affirmative : tout B est A, quelque B est C, donc quelque C est A. On ramène ainsi cette argumentation au troisième mode de la première figure par la conversion de la mineure : tout B est A , quelque C est B , donc quelque C est A. Par le syllogisme con- versif on la ramène au quatrième mode de la première figure de cette manière : nul C n'est A , quelque B est C , donc quelque B n'est pas A. Cette conclusion est la contradictoire de la majeure du premier syllogisme, qui étoit, tout B est A. Le cinquième mode provient d'une majeure particulière négative et d'une mineure universelle affirmative suivies de cette manière d'une conclusion particulière négative. Quel- que B n'est pas A , tout B est C, donc quelque C n'est pas A. Cette ar-

sic : Nullum B est A, quoddam G est B, ergo quoddam G non est A. Sed per syllo- gismum conversivum reducitur ad primum modum primée figurée si accipiatur oppo- situm conclusionis , et fiât major sic : Omne C est A, omne B est C, ergo omne B est A. Heec conclusio est contraria majori primi syllogismi. Tertius modus constat ex majori particulari affirmativa et minori universali affirmativa, ex quibus sequitur conclusio particularis affirmativa sic : Quoddam B est A, omne B est G, ergo quod- dam G est A. Heec per conversionem re- ducitur ad tertium modum primée figurée convertendo majorem simpliciter et trans- ponendo propositiones sic : Omne B est C, quoddam A est B , ergo quoddam A est G , per syllogismum vero conversivum reduci- tur ad secundum modum primée figurée sic: Nullum C est A, omne B est C, ergo nul-

lum B est A. Heec conclusio est contradic- toria majoris, quee erat, quoddam B est A. Quartus modus constat ex majori univer- sali affirmativa et minori particulari affir- mativa concludentibus particularem affir- mativam sic : Omne B est A, quoddam B est C, ergo quoddam C est A. Heec per conversionem minoris reducitur ad tertium modum primée figurée sic : Omne B est A, quoddam G est B, ergo quoddam C est A. Per syllogismum vero conversivum redu- citur ad quartum primée sic : Nullum G est A, quoddam B est C, ergo quoddam B non est A. Heec conclusio est contradictoria majoris primi syllogismi, quee erat , omne B est A. Quintus modus constat ex ma- jori particulari negativa et minori univer- sali affirmativa concludentibus particula- rem negativam sic : Quoddam B non est A, omne B est C, ergo quoddam G non est

282 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 7.

gumentation ne peut se ramener par conversion , parce que sa ma- jeure étant particulière négative ne peut se convertir, et la mineure se convertit en particulière. Or on ne peut rien conclure de simples particulières. Mais par le syllogisme conversif on la ramène ainsi au premier mode de la première figure : toutC est A, tout B estC, donc tout B est A, et c'est la contradictoire de la majeure du premier syllogisme qui étoit, quelque B n'est pas A. Le sixième mode provient d'une majeure universelle négative et d'une mineure particulière af- firmative suivies d'une conclusion particulière négative, de cette ma- nière : Nul B n'est A, quelque B est C, donc quelque C n'est pas A. Cette argumentation se ramène ainsi par la conversion de la mineure au quatrième degré de la première figure , nul B n'est A , -quelque C est B , donc quelque C n'est pas A. Elle se ramène par le syllogisme conversif au troisième mode de la première figure. Tout C est A, quel- que B est C, donc quelque B est A, et c'est la contradictoire de la majeure du premier syllogisme qui étoit nul B n'est A. Tel est l'ex- posé des syllogismes à conclusion directe dans toutes les figures et de leurs preuves. Aristote ramène tous les syllogismes à deux uni- versels de la première figure. C'est pourquoi par le syllogisme con- versif il ramène le troisième mode de la première figure au second mode de la seconde figure , et le quatrième mode de la même pre- mière figure au premier de la secondait* ceux-ci sont ramenés à deux modes universels de la première figure, comme il a été dit. Donc tous sont ramenés à deux modes universels de la première figure dans les- quels se conservent parfaitement dici de omni et dici de nullo. Que ces deux modes de la première figure soient ramenés aux universels de la seconde, comme au troisième de la première figure, on le prouve

A. Heec non potest reduci per conversio- nem, quia major ejus non potest converti cum sit particularis negativa , minor vero convertitur in particularem. Ex puris au- tem particularités nihil sequitur. Per syl- logismum vero conversivum reducitur ad primum primas sic : Omne G est A, omne B est G , ergo omne B est A , et hase est contradictio majoris primi syllogismi quas erat, quoddam B non est A. Sextus modus constat ex majori universali negativa et minori particulari affirmativa concluden- tibus particularem negativam sic : Nullum B est A, quoddam B est C, ergo quoddam C non est A. Haec per conversionem mino- ris reducitur ad quartum primée sic : nul- lum B est A, quoddam G est B, ergo quod- dam C non est A. Per syllogismum vero conversivum reducitur ad tertium primée sic : Omne C est A, quoddam B est C, ergo

quoddam B est A , quas est contradictoria majoris primi syllogismi, quas erat, nullum B est A. Et sic patet de syllogismis directe concludentibus in omnibus tiguris , et de eorum probationibus. Philosophus autem reduxit omnes syllogismos ad duos univer- sales primas figuras. Unde tertium modum primée figurée reduxit per syllogismum conversivum ad secundum modum secun- das figurée , et quartum modum ejusdem primée figuras reduxit per syllogismum conversivum ad primum secundas, illi au- tem reducuntur ad duos modos universales primée figurée, ut dictum est. Omnes ergo reducuntur ad duos modos universales primée figurée, in quibus salvatur perfecte dici de omni et dici de nullo. Quod autem reducantur praedicti duo modi primée fi- gurée ad universales secundee , puta tertio primée figurée, patet sic : Omne B est A,

SUR LA LOGIQUE d'arLSTOTE. 283

de cette manière : tout B est A, quelque C est B , donc quelque C est A. L'opposé de la conclusion est, nul C n'est A, qu'on en fasse la mi- neure , et qu'on établisse le syllogisme dans le second mode de la se- conde figure de cette manière : tout B est A, nul C n'est A, donc nul C n'est B , ce qui est l'opposée de la mineure qui étoit , quelque C est B. Le quatrième se ramène au premier; voici en effet le qua- trième mode , nul B n'est A , quelque C est B , donc quelque C n'est pas A. L'opposé de la conclusion est , tout C est A; qu'on eu fasse la mineure, et qu'on construise le syllogisme dans le premier degré de la seconde figure de cette manière, nul B n'est A, tout C est A , donc nul C n'est B. On voit donc de quelle manière tous les syllogismes se ramènent à deux modes universels de la première figure.

CHAPITRE VIII.

Des syllogismes à conclusion indirecte et de leur réduction.

Il nous reste maintenant à parler des syllogismes à conclusion in- directe. 11 y a conclusion indirecte quand le petit extrême se dit du grand dans la conclusion. Ces syllogismes sont au nombre de dix; cinq sont dans la première figure , deux dans la seconde et trois dans la troisième. Il faut savoir que tout syllogisme qui présente une con- clusion par laquelle il peut être converti , peut également en avoir une autre en laquelle il soit converti. Toutes les conclusions de ces syllogismes étant susceptibles d'être converties , à l'exception des particulières négatives , il s'ensuit que tous ces syllogismes pourront avoir une conclusion indirecte. Il y en a trois de ce genre dans la pre- mière figure , savoir, le premier, le second et le troisième mode ; il y

quoddam C est B, ergo quoddanv G est A. Oppositum conclusionis est , nullum C est A, qute liât minor , et fiât syllogismus in secundo secundse figurée sic : Omne B est A, nullum C est A, ergo nullum G est B, qua? est opposita minoris, quae erat, quod- dam G est B. Quartus vero r'educitur ad primum. Est enim quartus modus sic : Nullum B est A, quoddam C est B, ergo quoddam G non est A. Oppositum conclu- sionis est, omne G est A , quae fiât minor, et fiât syllogismus in primo secundœ figu- rée sic : Nullum- B est A , omne C est A, ergo nullum C est B. Patet ergo qualiter omnes syllogismi reducantur ad duos mo- dos universales primée figurae.

GAPUT VIII.

De jyllogismis indirecte concludentibw , et de reductione ipsorum.

Restât nunc dicere de syllogismis indi- recte concludentibus. Est autem indirecte concludere minorem extremitatem praedi- cari de majorï in conclusione. Taies autem syllogismi sunt numéro decem, quinque enim sunt in prima figura,, duo in secunda figura, et très in tertia figura. Sciendum quod omnis syllogismus concludens ali- quam conclusionem quo converti potest, etiam potest concludere illam in quam convertitur. Cum ergo omnes conclusiones dictorum syllogismorum possunt converti, exceptis particularibus negativis, omnes taies syllogismi poterunt concludere indi- recte. Taies autem in prima figura sunt très, scilicet primus modus, secundus et

284 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 8.

en a deux dans la seconde , savoir, le premier et le second; il y en a trois dans la troisième , savoir, le premier, le troisième et le qua- trième. Qu'on introduise dans la première figure deux modes, qui sont contre les deux principes ou les règles données dans la première figure. Car ils ont tous deux la mineure négative, ce qui est contraire à cette règle. Dans la première figure, quand la mineure est négative, il n'y a pas de conclusion, et l'un des deux a la majeure particulière contre l'autre règle. Or les savants modernes , entre autres Boëce, en omettant cinq, c'est-à-dire ceux de la seconde et de la troisième figure, n'ont parlé que des cinq de la première figure. Le premier est formé d'une majeure universelle affirmative et d'une mineure universelle af- firmative , suivies d'une conclusion indirecte particulière affirmative, de cette manière, tout B est A, tout C est B, donc quelque A est C. Or il se ramène au premier mode de la première figure, en convertissant la conclusion particulière en universelle. Le second est formé d'une ma- jeure universelle négative et d'une mineure universelle affirmative , suivies d'une conclusion indirecte universelle négative , de cette ma- nière : nul B n'est A, tout C est B, donc nul A n'est C. Il se ramène au second mode de la première figure par une conversion simple de la con- clusion. Le troisième mode se forme d'une majeure universelle affir- mative et d'une mineure particulière affirmative, suivies d'une con- clusion indirecte particulière affirmative, de cette manière : tout B est A, quelque C est B, donc quelque A est C ; il se ramène au troisième mode de la première figure par une simple conversion de la conclusion. Le quatrième mode se forme d'une majeure universelle affirmative et d'une mineure universelle négative , suivies d'une conclusion indirecte particulière négative, de cotte manière , tout B est A , nul C n'est B, donc quelque A n'est pas C. Il se ramène au quatrième mode de la

tertius. In secunda sunt duo , scilicet pri- mus et secundus. In tertia sunt très , sci- licet primus, et tertius, et quartus. Addu- cantur autem in prima figura duo modi , qui sunt contra duo principia sive régulas datas in prima figura. Nam ambo habent minorem negativam, quod est contra il- lam regulam : In prima figura minori exis- tente negativa*, nibil sequitur. Et alter eorum habet majorem particularem contra aliam regulam. Doctores autem modérai , scilicet Boetius, prsetermissis quinque, sci- licet secundae et tertiœ iîgurœ, de solis quinque primée figura? fecerunt mentio- nem. Quorum primus constat ex majori universali affirmativa, et minori univer- sali affirmativa concludentibus indirecte particularem affirmativam sic : Omne 13 est A, omne G est B, ergo quoddam À est C.

Reducitur autem ad primum prima? , si conclusio particularis convertatur in uni- versalem. Secundus constat ex majori uni- versali negativa, et minori universali affir- mativa, concludentibus indirecte universa- lem negativam sic : Nullum B est A, omne C est B, ergo nullum A est C. Reducitur ad secundum primae, conversa conclusione simpliciter. Tertius modus constat ex ma- jori universali affirmativa et minori parti- culari affirmativa concludentibus indirecte particularem affirmativam sic : Omne B est A, quoddam C est B, ergo quoddam A est G. Reducitur ad tertium primae , con- versa conclusione simpliciter. Quartus mo- dus constat ex majori universali affirma- tiva et minori universali negativa conclu- dentibus indirecte particularem negativam sic : Omne B est A, nullum G est B, ergo

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 285

première figure par la conversion de la mineure par accident , et de la mineure simplement , et par la transposition des propositions , de sorte que de la mineure se fasse la majeure , et vice versa de cette manière : nul B n'est C, quelque A est B , donc quelque A n'est pas C. Le cinquième mode se forme d'une majeure particulière affir- mative et d'une mineure universelle négative , suivies d'une conclu- sion indirecte particulière négative , de cette façon : quelque B est A, nul C n'est B, donc quelque A n'est pas C. Il se ramène au quatrième mode de la première figure par la conversion simple de chacune des propositions , et par leur transposition de la manière suivante : nul B n'est C , quelque A est B , donc quelque A n'est pas C. Voilà ce qui concerne les syllogismes à conclusion indirecte. Pour mieux se res- souvenir de ces- syllogismes , on a imaginé les vers suivants :

Barbara , celarent , darii , ftrio , baralipton, Celantes , dabitis , fapesmo , frisesomorum , Caesare , camestres , festino , baroco , darapti , Felapton , disamis, datisi , bocardo , ferison.

On les explique ainsi. Il y a dans ces vers dix-neuf manières de dire dix- neuf ou mots qui se rapportent à dix-neuf modes de syllogismes suivant leur ordre respectif , savoir, neuf modes de la première figure , dont quatre sont à conclusion directe et cinq à conclusion indirecte, quatre de la seconde figure, et six de la troisième figure. Tous ces mots sont des trissylabes dont la première syllabe désigne la majeure, la seconde la mineure , la troisième la conclusion. Les syllabes de plus qui se trouvent dans quelques mots ne sont pas nécessaires , elles ne sont que pour la mesure. Or, dans ces syllogismes il y a quatre voyelles, A, E , I, 0, qui signifient A l'universelle affirmative , E l'universelle négative, I la particulière affirmative, 0 la particulière négative.

quoddam A non est G. Et redueitur ad quartum primae, conversa majori per acci- dens, et minori simpliciter, et transpositis propositionibus, ut de minori fiât major et de majori minor sic : Nullum B est G, quoddam A est B, ergo quoddam A non est C. Quintus modus constat ex majori particulari af iirmativa et minori universali negatiya concludentibus indirecte particu- larem negativam sic : Quoddam B est A, nullum C est B , ergo quoddam A non est C. Et redueitur ad quartum primae per conversionem simpliciter utriusque propo- sitions, et transpositis utrisque sic : Nul- lum B est C, quoddam A est B, ergo quod- dam A non est C. Et sic patet de syllogis- mis indirecte concludentibus. Sciendum autem quod ad memoriter tenendum prae- dictos syllogismos, inventi sunt quidam versus qui taliter designantur :

Barbara, celarent, darii, ferio , baralipton, Celantes, dabitis, fapesmo, frisesomorum, Caesare, camestres, festino, baroco, darapti, Felapton, disamis, datisi, bocardo, ferison.

Quorum intellectus talis est. In his ver- sibus sunt xix dictiones quae secundum or- dinem suum deserviunt xix modus syllogis- morum , scilicet novem modis primae fi- gura? , quatuor concludentibus directe , et quinque indirecte , et quatuor secundae figuras, et sex tertiae figurée. Omnes autem hae dictiones sunt trisyllabae , quorum prima syllaba doservit majori proposition^ secunda minori, tertia conclusioni. Et si in aliqua dictione inveniuntur plures syllabae, non sunt necessariœ , sed ponuntur causa metri. In praedictis autem syllogismis sunt quatuor vocales, scilicet A, E, I, 0, quae sic significat : A significat universalem af- firmativam , E universalem negativam ,

286 OPUSCULE XLVH, TRAITÉ 10, CHAPITRE 8.

C'est pourquoi barbara, qui se rapporte au premier mode de la pre- mière figure , a un A dans toutes ses syllabes , parce que toutes ses propositions sont universelles affirmatives. Tous ces mots commencent par ces quatre consonnes B, C, D, F. Or les quatre premiers mots qui répondent aux quatre modes de la première figure à conclusion indirecte , commencent par ces quatre consonnes. C'est pourquoi si quelques autres mots commencent par quelqu'une de ces consonnes , cela veut dire que ces syllogismes doivent être ramenés au mode de la première figure , à laquelle répond le mot qui commence par cette consonne. Par exemple : Cœsare, qui répond au premier mode de la seconde figure , commence par cette consonne C , et signifie que ce mode se ramène , par la conversion de la majeure , au second mode de la première figure à laquelle répond le mot qui commence par C , c'est-à-dire celarent , et ainsi des autres. Dans ces syllogismes on ren- contre aussi quelquefois la lettre S après la voyelle , ce qui signifie que cette proposition ou conclusion à laquelle répond la syllabe doit se convertir simplement. D'autres fois on trouve P, et cela signifie que la proposition ou la conclusion à laquelle répond la syllabe , doit se convertir per accidens. Quelquefois on trouve la lettre M, et cela veut dire que les prémisses de ce syllogisme doivent être transposées de manière à faire la mineure de la majeure , et réciproquement. Quel- quefois on trouve C , ce qui veut dire que ce syllogisme ne peut être réduit par conversion, mais seulement par le syllogisme conversif, et cela n'arrive que dans deux syllogismes, savoir, baroco et bocardo, comme on l'a dit. Il faut savoir que toutes ces règles , à l'exception de celle sur la lettre C , ne s'entendent que de la réduction des syllo-

I particularera affirmativam , 0 particula- rem negativam. Unde Barbara qui deservit primo modo primae figurae , in omnibus syllabis habet A, quia omnes ejus proposi- tions sunt uuiversales affirmativae. Omnes praedictae dictiones incipiunt ab his qua- tuor consonantibus, scilicet B, C, D, F; primée autem quatuor dictiones quae de- serviunt quatuor modis primae figurae di- recte concludentihus a praedictis quatuor consonantibus incipiunt. Unde si quœ aliae dictiones incipiunt a quacumque harum consonantium , significat quod taies syllo- gismi sunt reducendi ad illum modum primae figurae, cui deservit dictio incipiens ab illa consonante. Verbi giatia : Caesare quae deservit primo modo secundœ figurae, incipit ab ista consonante C, et significat, quod talis modus per conversionem majoris reducitur ad secundum modum primae fi- gurae, cui deservit dictio incipiens a C , sci-

licet Celarent, et sic de singulis. In prae- dictis etiain syllogismis aliquando invenitur ista littera S post vocalem , et significat quod illa propositio vel conclusio, cui de- servit syllaba , débet converti simpliciter. Aliquando vero invenitur P, et significat quod illa propositio vel conclusio , cui de- servit syllaba, débet converti per accidens.. Aliquando vero invenitur AI, et significat quod praemissae illius syllogismi debent transponi, ut de majori fiât minor , et e converso. Aliquando invenitur G, et signi- ficat quod iste syllogismus non potest re- duci per conversionem, sed solum per syl- logismurn conversivum, et hoc solum acci- dit in duobus syllogismis , scilicet Baroco et Bocardo, ut dictum est. Sciendum quod prœdictœ regulae praeterquam régula de littera C,-intelliguntur solum de reductione syllogisinorum facta per conversionem , et non de ea quae facta est per syllogismum

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 287

gismes par conversion , et non de celle qui se fait par le syllogisme conversif. Tel est ce qui regarde les syllogismes conversifs de inesse.

CHAPITRE IX.

De l'invention du moyen terme pour les syllogismes de toutes les figures, tant affirmait f s que négatifs.

Cela connu, pour pouvoir plus facilement tirer une conclusion et argumenter, il est bon de savoir que toute conclusion renferme les deux extrêmes , comme il a été dit. Or tout syllogisme se compose de trois termes. Lors donc que l'on a une conclusion à tirer, pour com- pléter le syllogisme il faut un autre terme qu'on appelle moyen terme. Voyons comment on trouve ce moyen terme. Sur cela il faut re- marquer qu'Aristote , dans son livre I. Priorum , se sert de trois dénominations de termes, savoir l'antécédent, le conséquent et le neutre. On appelle antécédent le terme susceptible de subjectivité , comme homme est antécédent d'animal; on appelle conséquent le terme qui peut se dire d'une autre chose , et ainsi animal est consé- quent d'homme. Et comme les termes susceptibles de conversion peuvent échanger entre eux la subjectivité et la prédication , comme le propre qui peut se dire de l'espèce et l'espèce du propre, il en est de même de la définition et du défini , il s'ensuit que l'un , par rap- port à l'autre , est appelé antécédent et conséquent réciproque- ment. Le terme neutre est celui qui n'est susceptible à l'égard d'un autre, ni de subjectivité ni de prédication , comme homme et âne qui se trouvent réciproquement dans ce cas. Il faut savoir que les modes des syllogismes à conclusion directe, comme nous l'avons dit, sont au nombre de quatorze, savoir, quatre dans la première figure,

conversivum. Et sic patet de syllogismis de inesse conversivis.

CAPUT IX.

De invenlione medii termini syllogismis omnium figurarum tam affirmativis , quam negalivis.

Scitis syllogismis, ut facilius possimus quamcumque conclusionem ccncludere et syllogizare, sciendum quod omnis conclu- sio in se continet ambas extremitates, ut dictum est : totus autem syllogismus ex tribus terminisfit. Habita ergo quacumque oratione concludenda ad complendum syl- logismum, egemus uno termine-, scilicet medio. Qualiter autem talis médius termi- nus inveniatur, videamus. Ubi nota , quod Philosophus primo Prioiiim tribus utitur nominibus terminorum , scilicet antécé-

dente, conséquente et répugnante. Dieitur autem terminus antecedens qui potest subjici, ut homo est antecedens ad animal, consequens autem dieitur terminus, qui potest de alio praedicari , et sic animal est consequens ad hominem. Et quia termini convertibiles inter se et subjici et praedi- cari possunt, ut proprium quod potest praedicari de specie, et species de ipso , et similiter se habet de diffinitione et diffi- nito, ideo unus respectu alterius, et dieitur antecedens, et dieitur consequens. Repu- gnans vero terminus dieitur, qui alteri subjici non potest, nec de eo praedicari, ut homo et asinus, quorum neuter de alteio potest praedicari, nec sibi subjici. Sciendum quod modi syllogismorum directe conclu- dentium , ut dictum est , sunt quatuorde- « cim , scilicet quatuor in prima figura , qua-y

288 OPLSCLLE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 9.

quatre dans la seconde , et six dans la troisième, car je ne m'occupe pas ici de ceux qui sont à conclusion indirecte. Il y a donc dans la pre- mière figure deux modes affîrmatifs à conclusion directe , savoir, le premier et le troisième, et deux négatifs, savoir, le second et le quatrième. Pour trouver le moyen terme dans les modes affîrmatifs , il faut considérer un terme qui soit antécédent par rapport au prédicat, et conséquent par rapport au sujet. Par exemple, si l'on veut mettre en forme cette proposition, tout homme est substance , on a déjà le grand et le petit extrême. Le conséquent par rapport au sujet, et l'antécédent par rapport au prédicat, c'est animal. Donc il est moyen terme par ce syllogisme dans le premier mode de la première figure , de cette manière : tout animal est substance, tout homme est animal, donc tout homme est substance. Mais si la conclusion doit être celle- ci , quelque homme est substance , animal sera moyen terme dans le troisième mode de la même figure , et on fera ainsi le syllogisme : tout animal est substance , quelque homme est animal , donc quelque homme est substance. Dans les syllogismes négatifs de la même figure, on prend pour moyen terme celui qui est neutre à l'égard du pré- dicat , et qui est conséquent par rapport au sujet. Par exemple , si la conclusion doit être celle-ci , nul homme n'est pierre , ou quelque homme n'est pas pierre , on prendra animal pour moyen terme ; car il y a répugnance entre animal et pierre , tandis qu'animal peut se dire de l'homme; on fera donc le syllogisme dans le second mode de la première figure , de cette manière , nul animal n'est pierre , tout homme est animal, donc nul homme n'est pierre. Dans le quatrième, on procédera ainsi, nul animal n'est pierre, quelque homme est animal, donc quelque homme n'est pas pierre. Voilà comment se trouve le moyen terme dans la première figure. Dans la seconde figure,

tuor in secunda, et sex in tertia : quia de indirecte concludentibus hic non me intro- mitto. In prima igitur figura sunt duo modi afiïrmativi directe concludentes, sci- licet primus, et tertius : et duo negativi, scilicet seeundus, et quartus. Ad invenien- dum médium in afïirmativis, considerandus est unns terminus, qui sit antecedens ad pradicatum , et consequens ad subjectum. Verbi gratia. Si débet syllogizari heec, sci- licet omnis homo est substantia, jam habe- tur minor et major extremitas. Consequens autem ad subjectum, et antecedens ad pradicatum est animal, ergo est médius terminus per hune syllogismum in primo modo primœ figura sic. Omne animal est substantia , omnis homo est animal, ergo omnis homo est substantia; si \ero débet concludi hœc , quidam homo est substan-

tia : in tertio modo ejusdem figura est médius terminus animal , et fiet syllogis- mus sic. Omne animal est substantia, qui- dam homo est animal, ergo quidam homo est substantia. In syllogismis vero negativa ejusdem figura sumiiur pro medio repu- gnans prœdicato, et consequens ad subjec- tum. Verbi gratia. Si débet concludi h;«c : nullus homo est lapis. Vel quidam homo non est lapis . sumatur pro medio animal. Répugnât enim animal lapidi, et potest pradicari de homine : fiât ergo syllogismus in secundo modo prima? sic. Nullum ani- mal est lapis, omnis homo est animal, ergo nullus homo est lapis. In quarto vero sic, nullum animal est lapis, quidam homo est animal, ergo quidam homo non est la- pis. Et sic patet de inventione medii tor- mini in prima figura. In secunda autem

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 289

il y a quatre modes tous négatifs , dont le premier et le troisième ont la majeure négative et la mineure affirmative. C'est tout le contraire pour le second et le quatrième qui ont la majeure affirmative et la mineure négative , aussi le moyen terme se prend différemment de part et d'autre. C'est pourquoi dans le premier et le troisième on prend pour moyen le terme qui répugne au prédicat et qui est consé- quent par rapport au sujet. Par exemple, si l'on doit avoir cette con- clusion, nul homme n'est pierre, ou celle-là, quelque homme n'est pas pierre , on prendra l'un pour moyen terme , et on établira le syl- logisme dans le premier mode de la seconde figure, de cette manière : nulle pierre n'est animal, tout homme est animal , donc nul homme n'est pierre. Dans le troisième mode on fera ainsi , nulle pierre n'est animal , quelque homme est animal , donc quelque homme n'est pas pierre. Dans le second et le quatrième mode on prendra pour moyen terme le conséquent ou prédicat , et ce qui répugne au sujet. Par exemple, si on veut avoir cette conclusion, nul homme n'est pierre, ou celle-ci, quelque homme n'est pas pierre, on prendra pour moyen inanimé , qui peut se dire de la pierre et qui répugne à l'homme , et on établira ainsi le syllogisme dans le second mode , toute pierre est inanimée , nul homme n'est inanimé , donc nul homme n'est pierre. Dans le quatrième mode on fera de cette manière : toute pierre est inanimée, quelque homme n'est pas inanimé, donc quelque homme n'est pas pierre. On voit ainsi comment se prend le moyen terme dans la seconde figure. Dans la troisième figure il y a six modes tous à conclu- sion particulière, dont trois sont affirmatifs, trois négatifs. Dans les af- matifs, savoir, le premier, le troisième et le quatrième, on prend pour moyen celui qui est l'antécédent des deux autres. Par exemple, si l'on doit conclure dans le premier mode, quelque animal est substance,

figura sunt quatuor modi omnes negativi , quorum primus et tertius habent majorera propositionem negativam, minorem vero alïirmativam. Secundus autem et quartus econverso majorera habent afïirmativam , minorem vero negativam, et ideo aliter utrobique sumitur médium. Unde in primo et tertio sumitur pro medio repugnans prœ- dicato, et consequens ad subjectum. Verbi gratia. Si débet concludi ista. Nullushomo est lapis, vel illa, quidam homo non est lapis : pro medio sumatur alter, et syllo- gizetur in primo secundœ sic. Nullus lapis est animal, omnis homo est animal, ergo nullus homo est lapis. In tertio modo sic, nullus lapis est animal, quidam homo est animal, ergo quidam homo non est lapis. In secundo vero, et quarto modo sumatur pro medio consequens ad preedicatum et

V.

repugnans subjecto. Verbi gratia: Si débet concludi ista. Nullus homo est lapis, vel ista, quidam homo non est lapis, sumatur pro medio inanimatum, quod potest prae- dicari de lapide et répugnât homini , et syllogizetnr in secundo modo sic : Omnis lapis est inanimatus, nullus homo est ina- nimatus, ergo nullus homo est lapis. In quarto modo sic : Omnis lapis est inanima- tus, quidam homo non est inanimatus, ergo quidam homo non est lapis. Et sic patet de inventione medii termini in se- cunda figura. In tertia vero figura sunt sex modi omnes concludentesparticulariter, quorum très sunt affirmative, et très néga- tive. In quibus afïirmativis, scilicet primo, tertio, quarto, sumitur pro medio antece- dens ad utrumque. Verbi gratia : Si débet concludi haec in primo modo, scilicet

19

290 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 9.

on prendra pour moyen homme dont peuvent se dire animal et substance , et on raisonnera ainsi : tout homme est substance , tout homme est animal, donc quelque animal est substance; on raison- nera ainsi dans le quatrième : tout homme est substance , quelque homme est animal, donc quelque animal est substance. Dans les trois négatifs on prend pour moyen le terme qui répugne au prédicat et qui est antécédent du sujet. Par exemple, si l'on doit conclure, quelque animal n'est pas pierre , on prendra pour moyen homme qui répugne à pierre et duquel se dit animal , et on fera le syllogisme dans le second mode de cette manière : nul homme n'est pierre , tout homme est animal, donc quelque animal n'est pas pierre. Dans le cin- quième on procédera ainsi : quelque homme n'est pas pierre , tout homme est animal, donc quelque animal n'est pas pierre. On voit par comment se trouve le moyen dans la troisième figure. Remarquez que pour trouver tout d'abord l'antécédent et le conséquent , les termes convertibles peuvent être indifféremment antécédent ou consé- quent , parce que définition , description et interprétation sont des termes qui se convertissent avec défini , décrit et interprété. Prenez le terme dont vous voulez trouver l'antécédent et le conséquent , dé- finissez-le, décrivez-le ou interprétez-le , employez ensuite les règles dont nous avons parlé. Par exemple, si vous voulez avoir dans le pre- mier mode de la première figure cette conclusion , tout ce qui court se meut , dans laquelle vous devez prendre l'antécédent du prédicat , définissez , ou décrivez , ou interprétez se mouvoir de cette manière : se mouvoir, c'est changer de lieu dans le temps; mais tout ce qui court change de lieu dans le temps, donc tout ce qui court se meut.

quoddam animal est substantia , sumatur pro medio homo , de quo animal et sub- stantia prœdicari possunt, et syllogizetur sic : Omnis homo est substantia , omnis homo est animal , ergo quoddam animal est substantia; in tertio modo sic : Quidam homo est substantia, omnis homo est animal, ergo quoddam animal est substantia : in quarto vero sic : Omnis homo est substantia, quidam homo est animal, ergo quoddam ani- mal est substantia. In tribus vero negativis sumitur pro medio repUgnans praedicato, et antecedëns ad subjectum. Verbi gratia, si dé- bet concludi haec, quoddam animal non est lapis, sumatur pro medio homo quod répu- gnât lapidi, et de quo animal praedicatur, et syllogizetur etiam in secundo modo sic : Nullus homo est lapis, omnis homo est animal, ergo quoddam animal non est la- pis. In quinto vero sic : Quoddam homo non est lapis, omnis homo est animal ergo quoddam animal non est lapis. In sexto

autem sic : Nullus homo est lapis, quidam homo est animal, ergo quoddam animal non est lapis. Et sic patet de inventione medii in tertia figura. Notandum quod ad inveniendum cito antecedëns et consequens termini convertibiles possunt esse antece- dëns et consequens indifferenter, quia dif- finitio, et descriptio, et interpretatio sunt termini convertibiles cum diffinito , des- cripto et interpretato. Accipias terminum cujus vis invenire antecedëns et conse- quens, et diflinias ipsum, vel descrihas, vel interpreteris, postmodum utere regulis su- pradictis. Verbi gratia, si vis concludere in primo modo prima? figuras istam , omne currens movetnr , ubi debes sumere ante- cedëns ad praedicatum, diffinias vel descri- bas, vel interpreteris moveri quod descri- bitur sic : moveri est mutare locum in tempore, sed omne currens mutât locum in tempore, ergo omne currens movetur. Et sic potest lieri de diffinitione et inter-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 291

On pourra en faire autant à l'égard de la définition et de l'interpréta- tion. Voilà comment se trouve le moyen dans les syllogismes ostensifs de inesse.

CHAPITRE X.

De la différence qui existe entre le syllogisme ad impossibile et le syllogisme ostensij.

Après avoir parlé des syllogismes ostensifs et de la manière de trouver leur moyen terme , nous allons traiter des syllogismes ad im- possibile. Le syllogisme ad impossibile diffère de l'ostensif. Car le syl- logisme ostensif tire une conclusion vraie de deux prémisses vraies ; tandis que le syllogisme ad impossibile ne fait pas ainsi , mais d'une prémisse fausse il tire une conclusion évidemment fausse; ensuite, par la contradiction de la conclusion fausse , il tire de nouveau une conclusion contradictoire à la prémisse fausse. Par exemple : Suppo- sons qu'un adversaire émette cette proposition fausse, tout homme court, j'argumenterai contre cette proposition par le syllogisme ostensif de cette manière, en prenant deux prémisses vraies et en tirant une conclusion contradictoire à la proposition susdite : Celui qui est en repos ne court pas , quelque homme est en repos , donc quelque homme ne court pas. Cette conclusion contredit la propo- sition de l'adversaire, quiétoit, tout homme court, et comme la sienne est fausse, la mienne se trouve vraie, et vice versa. Si d'un autre côté je veux la réfuter par le syllogisme ad impossibile , je la prends avec une autre proposition vraie , et j'en fais les prémisses d'un syllogisme d'où je tire une conclusion évidemment fausse , je prends ensuite la contradictoire de cette conclusion fausse , et j'en déduis une autre conclusion contradictoire de la prémisse fausse , de cette manière : tout ce qui court se meut , tout homme court , donc

pretatione. Et sic patet de inventione me- dii in syllogismis de inesse ostensivis.

GAPUT X.

De differenlia syllogismi ad impossibile ab ostensivo.

Dicto de syllogismis ostensivis, et de in- ventione medii eorum, dicendum est de syllogismis ad impossibile. Dicitur enim syllogismus ad impossibile ab ostensivo. Nam ostensivus ex duabus preemissis veris concludit conclusionem veram. Syllogis- mus vero ad impossibile non sic facit , sed ex altéra praemissarum falsa concludit fal- sum evidenter. Deinde ex contradictioiie falsa conclusio iterum concludit contradic- tionem pewariasœ falsee. Verbi gratia , de utroque. Dato quod adversarius diceret

hanc propositionem falsam , scilicet omnis homo currit ; contra eam per syllogismum ostensivum arguo sic, quia sumo duas prae- missas veras , et concludo contradictionem propositionis prœdictae sic : Nullum quies- cens currit , quidam homo quiescit , ergo quidam homo non currit. Haec conclusio contradicit propositioni adversarii , quae erat, omnis homo currit , et quia sua est falsa, mea est vera, et e converso. Si vero volo eam reprobare per syllogismum ad impossibile, sumo eam cum altéra proposi- tione vera, et facio eas praemissas alicujus syllogismi, et concludo conclusionem fal- sam evidenter , et assumo contradictorium istius conclusionis falsœ, et ex ea concludo contradictoriarn fais* praemissœ sic : Omne currens movetur, omnis homo currit, ergo

292 OPUSCULE XLVIÏ , TRAITÉ i 0, CHAPITRE i 1 .

tout homme se meut , mais quelque homme ne se meut pas , donc quelque homme ne court pas. De cette manière, par la fausseté de cette prémisse , je démontre la vérité de ma proposition , et par la vérité de celle-ci je démontrera fausseté de l'autre. La raison pour laquelle cette dernière conclusion du syllogisme ad impossibile est vraie, c'est que dans les syllogismes ordonnés dans le mode et la figure , la conclusion n'est jamais fausse , à moins que quelqu'une des prémisses ne le soit. Or on tire d'abord ostensivement une con- clusion fausse, savoir, tout homme se meut. Donc la proposition de l'adversaire , tout homme court , est fausse , donc sa contradictoire , quelque homme ne court pas, qui est la dernière conclusion du syllo- gisme ad impossibile différent de l'ostensif , est vraie.

CHAPITRE XI.

Dans quels modes et dans quelles figures se font les syllogismes ad impossibile.

Nous allons dire maintenant dans quelles figures et dans quels modes peuvent se faire les syllogismes ad impossibile. Il faut savoir d'abord , comme on l'a dit , que la conclusion du syllogisme ad im- possibile n'est pas la conclusion fausse qui se tire d'abord par le syl- logisme ostensif, mais bien la dernière, c'est-à-dire celle qui est la contradictoire de la prémisse fausse de l'adversaire. Elle doit toujours être contradictoire et non pas contraire , parce que , comme on l'a dit plus haut dans un autre traité , la loi des contradictoires est telle que, si l'une est vraie, l'autre est fausse, mais non pas vice versa. C'est pourquoi si la prémisse citée de l'adversaire est fausse, il s'ensuit toujours qu'elle est vraie si la conclusion du syllogisme ad impossibile

omnis homo movetur ; sed quidam homo non movetur, ergo quidam homo non cur- rit. Modo ex falsitate hujus prsemissse os- tendo veritatem hujus meae propositions, et ex istius veritate ostendo falsitatem illius. Ratio enim veritatis istius ultimae conclusionis syllogismi ad impossibile est ; quia in syllogismis ordinatis in modo et in figura nunquam couclusio erit falsa , nisi aliqua prsemissarum fuerit falsa. Conclu- ditur autem primo ostensive conclusio falsa scilicet omnis homo movetur, aliqua ergo prsemissarum fuit falsa , non mea , scilicet omne currens movetur, ergo propositio ad- versarii , scilicet omnis homo currit , est falsa, ergo ejus contradictoria, scilicet qui- dam homo non currit, quse est ultima con- clusio syllogismi ad impossibile ab osten- sivo, est vera.

CAPUT XI.

De syllogismis ad impossibile , in quibus modis, et in quibus figuris fiant.

Nunc dicendum est in quibus figuris et in quibus modis syllogismi ad impossibile possunt fieri. Ubi primo sciendum, sicut dictum est, quod conclusio syllogismi ad impossibile non est illa quse per syllogis- mum ostensivum primo falsse concluditur, sed quse ultimo concluditur , scilicet con- tradictoria prsemissae adversarii falsse. Dé- bet autem semper esse contradictoria et non contraria , quia ut supra in alio trac- tatu dictum est, lex contradictoriarum talis est, quod si una est vera, reliqua est falsa, et non e converso. Unde si prsemissa as- sumpta adversarii quse est falsa semper sequitur, si conclusio syllogismi ad impos-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 293

est sa contradictoire. Mais si c'étoit le contraire , quelque fausse que fût celle-ci, il ne s'ensuivroit pas nécessairement que l'autre est "vraie. Car deux contraires peuvent être fausses en même temps. Donc suivant ce que nous avons dit , comme il n'y a dans la première figure aucun syllogisme qui ait une de ses prémisses particulière négative , il ne pourra pas y avoir dans la première figure une conclusion per impossibile, mais une conclusion universelle. Mais comme dans le premier mode de la première figure les deux prémisses sont des uni- verselles affirmatives, dont les opposées sont des particulières néga- tives , il ne peut conséquémment y avoir qu'une particulière négative, si on prend d'abord une majeure fausse, par exemple, tout homme est pierre, tout ce qui est susceptible de rire est homme , donc tout ce qui est susceptible de rire est pierre ; mais il y quelque chose susceptible de rire qui n'est pas pierre , donc quelque homme n'est pas pierre. Si l'on prend une mineure fausse, la conséquence est la même. Exemple: Tout ce qui est susceptible de rire est homme; toute pierre est suscep- tible de rire. Donc toute pierre est homme , mais quelque pierre n'est pas homme, donc quelque pierre n'est pas susceptible de rire. Au contraire dans le second mode de la première figure on peut tirer une conclusion particulière affirmative, et une particulière négative de cette manière : nul homme n'est animal , tout ce qui est susceptible de rire est homme , donc rien de ce qui est susceptible de rire n'est animal ; mais il y a quelque chose susceptible de rire qui est animal , donc quelque homme est animal. La particulière négative se tire ainsi : nul homme n'est pierre, toute perle est homme, donc nulle perle n'est pierre, mais quelque perle est pierre, donc quelque perle n'est pas homme. Dans le troisième mode de la première figure on tire per impossibile une conclusion particulière négative, et une uni-

sibile est sibi contradictoria quod sit vera. Si vero esset sibi contraria quantumcum- que illa foret falsa, non tamen necessario sequeretur istam esse veram. Duae enirn contrariée possunt sirnul esse falsae, ut su- pra dictum est. Secundum ergo dicta cum in prima figura nullus syllogismus sit qui habeat aliquam praemissarum particularem negativam , conclusio in prima figura non poterit coacludi per impossibile , sed uni- versalis. Quia vero in primo modo primes figurse ambre preemissae surit universales affirmativae, quarum oppositae sunt parti - culares negativa?, ideo in ea non potest concludi nisi particularis negativa, si su- matur primo major falsa , scilicet , Omnis homo est lapis, omne risibile est homo, ergo omne risibile est lapis; sed quoddam risibile non est lapis, ergo quidam homo

non est lapis. Si sumatur minor falsa, idem sequitur sic : Omne risibile est homo , omnis lapis est risibilis , ergo omnis lapis est homo ; sed quidam lapis non est homo, ergo quidam lapis non est risibilis. In se- cundo vero modo primée figurae potest con- cludi particularis affirmativa et particularis negativa sic, nullus homo est animal, omne risibile est homo , ergo nullum risibile est animal; sed quoddam risibile est animal, ergo quidam homo est animal; particu- laris negativa sic : Nullus homo est lapis, omnis margarita est homo, ergo nulla margarita est lapis; sed queedam marga- rita est lapis, ergo quaedam margarita non est homo. In tertio vero modo primas fi- gurée concluditur per impossibile particu- laris negativa et universalis negativa. Par- ticularis negativa sic : Omnis homo est la-

294 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 11.

verselle négative. La particulière négative se tire ainsi : tout homme est pierre, quelque chose susceptible de rire est homme, donc quel- que chose susceptible de rire est pierre; mais rien de ce qui est sus- ceptible de rire n'est pierre , donc quelque homme n'est pas pierre. L'universelle négative de cette manière : tout homme est animal, quelque pierre est homme , donc quelque pierre est animal ; mais nulle pierre n'est animal, donc nulle pierre n'est homme. Dans le quatrième mode on tire une conclusion particulière affirmative de cette manière ; nul animal n'est substance, quelque perle est animal, donc quelque perle n'est pas pierre ; mais toute perle est pierre, donc nulle perle n'est animal. Tels sont les syllogismes ad impossibile qui peuvent se faire dans la première figure. Ils peuvent se faire de la même manière dans les deux autres figures, de sorte que de l'opposé de la fausse conclusion se déduise l'opposé de la fausse prémisse , c'est-à-dire l'opposé de la prémisse fausse qui est son contradictoire. C'est pourquoi , comme dans le premier mode et le second de la se- conde figure les prémisses sont une universelle affirmative et une universelle négative , dont les opposées sont la particulière négative et la particulière affirmative, il s'ensuit que l'on y peut tirer par le syllogisme ad impossibile une conclusion particulière affirmative , et une conclusion particulière négative; une particulière affirmative, en prenant une majeure fausse; une particulière négative, en prenant une mineure fausse. Il faut faire ainsi dans tous les autres modes tant de la seconde que de la troisième figure. Il faut savoir que l'univer- selle affirmative per impossibile ne peut avoir de conclusion que dans le quatrième mode de la seconde figure et dans le cinquième de la troisième , c'est-à-dire dan^ les modes dont on a dit plus haut qu'ils

pis, quoddam risibile est homo, ergo quod- dam risibile est lapis; sed nullum risibile est lapis, ergo quidam homo non est lapis. Universalis negativa sic : Omnis homo est animal, quidam lapis est homo, ergo qui- dam lapis est animal ; sed nullus lapis est animal, ergo nullus lapis est homo. In quarto vero modo concluditur particularis afiîrmativa sic : Nullum animal est sub- stantia , quidam homo est animal , ergo quidam homo non est substantia; sed om- nis homo est substantia , ergo quoddam animal est substantia. Universalis vero ne- gativa sic : Nullum animal est lapis, quœ- dam margarita est animal , ergo quidam margarita non est lapis ; sed omnis mar- garita est lapis , ergo nu lia margarita est animal. Et sic patet de syllogismis ad im- possibile, qui possunt fieri in prima figura. Et eodem modo possunt fieri in aliis dua-

bus figuris, ut scilicet ex opposito falsae conclusionis inferatur oppositum falsae praemissae, oppositum scilicet falsae prae- missae , quod est contradictorium ejus. Unde quia in primo modo et secundo modo secundee figurae praemissae sunt uni- versalis affirmativa et universalis negativa, quarum oppositae sunt particularis negativa et particularis affirmativa; ergo in eis po- test concludi per syllogismum ad impossi- bile particularis affirmativa et particularis negativa. Particularis affirmativa, si su- matur major falsa ; negativa vero si suma- tur minor falsa. Et sic fiât in omnibus aliis modis tam secundae quam tertiae figurae. Sciendum, quod universalis affirmativa per impossibile non potest concludi, nisi in quarto modo secundae figurae et in quinto terthf , in his videlicet modis de quibus supradictum est , quod per conversiones

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 295

ne pouvoient se ramener aux modes de la première figure par les con- versions des propositions. La raison de cela c'est que ces deux modes seuls ont une prémisse particulière négative , je veux parler des syl- logismes à conclusion directe. Nous allons donner un exemple des deux manières dont on tire dans ces syllogismes une conclusion per impossibile universelle affirmative dans le quatrième mode de la se- conde figure. Tout homme est animal, quelque chose susceptible de rire n'est pas animal, donc quelque chose susceptible de rire n'est pas homme ; mais tout ce qui est susceptible de rire est homme , donc tout ce qui est susceptible de rire est animal. Pour le cinquième mode de la troisième figure. Quelque homme n'est pas animal , tout homme est susceptible de rire , donc quelque chose susceptible de rire n'est pas animal; mais tout ce qui est susceptible de rire est animal, donc tout homme est animal. Il faut remarquer qu'Aristote dans son livre secundo Priorum ne fait qu'une prémisse fausse dans tout mode de toute figure , et ne déduit dans chacun qu'une seule conclusion par le syllogisme ad impossibile, tandis que nous nous prenons dans chacun deux prémisses fausses , et nous tirons per impossibile la conclusion opposée à chacune. Notez bien qu'il est mieux de prendre une mineure fausse dans la première et la seconde figure , parce que ce qui se trouve par subjection dans l'opposé de la conclusion fausse se trouve de la même manière ensuite dans la conclusion du syllo- gisme ad impossibile. Par exemple dans la première figure : tout homme est animal, toute pierre est homme, donc toute pierre est animal, mais quelque pierre n'est pas animal, donc quelque pierre n'est pas homme; de cette manière pierre est sujet dans l'opposé de la conclusion fausse , et dans la dernière conclusion. Mais si on prend une majeure fausse, on peut la colorer, comme nous l'avons dit, et

propositionum non poterant reduci ad mo- dos prima? figurée. Et causa est , quia so- lum isti duo modi habent pramissam par- ticularem negativam , et non alii , et dico de syllogismis directe concludentibus. Po- namus exemplum de utroque modo quali- ter in eis concludatur per impossible uni- versalis affirmativa in quarto modo secun- dae figurae sic : Omnis homo est animal, quoddam risibile non est animal, ergo quoddam risibile non est homo ; sed omue risibile est homo ; ergo omne risibile est animal. In quinto modo tertiee figurée sic : Quidam homo non est animal; omnis ho- mo est risibilis, ergo quoddam risibde non est animal; sed omne risibile est animal, ergo omnis homo est animal. Notandum quod Philosophus, II Priorum, facit solum unam preemissam falsam in quolibet modo

! omnium figurarum, et concludit per syllo- gismum ad impossibile in quolibet solum unam conclusionem, et tamen nos in quo- libet modo dicimus utramque falsam , et concludemus per impossibile oppositam utriusque. Notandum quod in prima et secunda figura magis congrue ponitur mi- nor falsa, quia quod subjicitur in opposita conclusionis falsee, subjicitur postea in con- clusione syllogismi ad impossibile. Verbi gratia in prima figura sic : Omnis homo est animal, omnis lapis est homo, ergo omnis lapis est animal; sed quidam lapis non est animal; ergo quidam lapis non est homo ; modo lapis est subjectum in oppo- sita conclusionis falsee et in conclusione ultima ; si vero ponitur major falsa, colo- rari potest, ut dictum est , et communiter sic utimur. Patet ergo qui syllogismi ad

OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 12.

c'est ce qui se fait communément. On voit donc ce que c'est que les syllogismes ad impossibile, et dans quels modes et quelles figures ils se font.

CHAPITRE XII.

Comment les syllogismes ad impossibile se ramènent aux syllogismes

ostensifs.

Comme tous les syllogismes ad impossibile se ramènent aux syllo- gismes ostensifs, nous allons voir comment cela se fait. Il faut savoir que les syllogismes qui se font ad impossibile dans la première figure, sont ostensifs dans la seconde et la troisième figure. En effet si la conclusion est l'opposée de la majeure fausse , il se fait un syllogisme ostensif dans la troisième figure de cette manière ; comme par exem- ple dans le premier mode de la première figure lorsqu'on tire une conclusion qui est l'opposé de la majeure. Tout homme est pierre , tout ce qui rit est homme , donc tout ce qui rit est pierre ; mais quel- que chose qui rit n'est pas pierre, donc quelque homme n'est pas pierre. Cette conclusion, quelque homme n'est pas pierre , a été pré- cédée de quatre énonciations , dont deux étoient fausses, savoir la majeure, et la conclusion de ce syllogisme ostensif: deux étoient vraies, savoir la mineure de ce syllogisme, et l'opposée de la conclu- sion de ces deux vraies dans la troisième figure se déduit la conclusion susdite, quelque homme n'est pas pierre, de telle façon que l'op- posée de la conclusion devienne la majeure, et que la mineure du syllogisme ostensif reste mineure de cette manière : Quelque chose qui rit n'est pas pierre, tcut ce qui rit est homme, donc quelque homme n'est pas pierre ; c'est le cinquième mode de la troisième figure. Quand la conclusion est per impossibile l'opposé de la mineure,

impossibile , et in quibus modis et figuris fiant.

CAPUT XII.

De syllogismis ad tm; ossibile , qualiter re- ducanlur ad syllogismos oslensivos.

Et quia omnes syllogismi ad impossibile reducuntur ad syllogismos ostensivos, ideo videndum est qualiter id fiât. Sciendum quod syllogismi qui fiunt ad impossibile in prima figura sunt ostensivi in secunda et tertia figura. Si enim concluditur oppo- sita majoris propositionis falsae , fit syllo- gismus ostensivus in tertia figura sic. Verbi gratia, in primo modo primœ figurae quam concluditur oppositum majoris sic : Omnis homo est lapis, omne risibile est homo, ergo omne risibile est lapis; sed quoddam

risibile non est lapis, ergo quidam homo non est lapis. Hanc conclusionem , scilicet quidam homo non est lapis, quatuor enun- tiationes pracesserunt , quarum duae fue- runt laisse , scilicet major, et conclusio illius syllogismi ostensivi ; duae vero fue- runt verse, scilicet minor illius syllogismi, et opposita conclusionis. Ex bis duabus veris in tertia figura sequitur pradicta conclusio , scilicet quidam homo non est lapis ; ita quod opposita conclusionis fiât major et minor syllogismi ostensivi rema- neat minor sic : Quoddam risibile non est lapis, omne risibile est homo, ergo quidam homo non est lapis ; hic est quintus modus tertiœ figura. Quando vero per impossi- bile concluditur oppositum minoris , fit syllogismus ostensivus in secunda figura.

SIR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 297

on fait un syllogisme ostensif dans la seconde figure. Par exemple, soit ce syllogisme adimpossibile, tout homme est animal, toute pierre est homme , donc toute pierre est animal ; mais quelque pierre n'est pas animal, donc quelque pierre n'est pas homme. Retranchons les deux propositions fausses , savoir la mineure et la conclusion du syl- logisme ostensif, et construisons le syllogisme dans le quatrième mode de la seconde figure de cette manière : Tout homme est animal , quelque pierre n'est pas animal, donc quelque pierre n'est pas homme. On fait de même dans les autres modes de la première figure, de telle sorte que si dans le syllogisme ad impossibile la conclusion est l'opposé de la majeure , il se ramène à la troisième figure , l'op- posée de la conclusion étant la majeure avec une mineure vraie. Si au contraire la conclusion est l'opposée de la mineure, c'est un syllo- gisme ostensif dans la seconde figure , de manière que l'opposé de la conclusion soit la mineure, et que la majeure vraie reste majeure. Les syllogismes ad impossibile qui se font dans la seconde figure sont ostensifs dans la première et la troisième. En effet si la conclusion per impossibile est l'opposé de la majeure, c'est un syllogisme ostensif dans la troisième figure. Par exemple soit ce syllogisme ostensif : nul homme n'est animal, tout ce qui rit est animal, donc rien de ce qui rit n'est homme ; mais quelque chose qui rit est homme, donc quelque homme est animal. Retranchons les propositions fausses, et faisons un syllogisme dans le quatrième mode de la troisième figure. Tout ce qui rit est animal , quelque chose qui rit est homme , donc quelque homme est animal. Il faut savoir que quand dans la première figure le syllogisme avoit pour conclusion l'opposé de la majeure, il étoit réduit et devenoit un syllogisme ostensif dans la troisième figure, et l'opposé de la conclusion du premier syllogisme ostensif devenoit

Verbi gratia, fit syllogismus ad impossibile iete : Omnis homo est animal, omnis lapis est homo, ergo omnis lapis est animal ; sed quidam lapis non est anixnal, ergo quidam lapis non est homo. Auferantur duee falsœ, scilicet minor et conclusio syllogismi os- tensivi, et fiât syllogismus in quarto modo secundœ figurse sic : Omnis homo est ani- mal, quidam lapis non est animal, ergo qui- dam lapis non est homo. Et sic fit in aliis modis primae figurse, ut videlicet si in syl- logismo ad impossibile concluditur opposi- tum majoris, reducitur ad tertiam figuram, opposita conclusionis existente majori et cum minori vera. Si vero concluditur op- positum minoris, fit talis syllogismus osten- sivus in secunda figura, ita quod opposi- tum conclusionis fit minor propositio et major vera remaneat major. Syllogismi

vero ad impossibile quae fiunt in secunda figura, sunt ostensivi in prima figura et in tertia. Si enim concluditur per impossibile oppositum majoris, sit ostensivus in tertia figura. Verbi gratia, sit syllogismus ad im- possibile iste : Nullus homo est animal, omne risibile est animal , ergo nullum ri- sibile est homo ; sed quoddam risibile est homo, ergo quoddam homo est animal. Auferantur falsae , et fiât syllogismus in quarto modo tertiœ figurœ. Omne risibile est animal : quoddam risibile est homo, ergo quidam homo est animal. Sciendum quod quando in prima figura syllogismus ad impossibile concludebat oppositum ma- joris, reducebatur, et fiebat syllogismus os- tensivus in tertia figura, et oppositum conclusionis primi syllogismi ostensivi fie- bat major in secundo syllogisme, et minor

OPUSCULE XLVIl, TRAITÉ 10, CHAPITRE 12.

majeure clans le second syllogisme, et la mineure de ce même syllo- gisme restoit mineure dans le second syllogisme. Mais il n'en est pas de même, la mineure du premier syllogisme devient majeure dans le second. Mais si la conclusion per impossibile est l'opposé de la mi- neure, on fait un syllogisme ostensif dans la première figure de cette manière : nul homme n'est pierre, tout ce qui rit est pierre, donc rien de ce qui rit n'est homme ; mais quelque chose qui rit est homme, donc quelque chose qui rit n'est pas pierre. Retranchons toutes les fausses propositions , et faisons un syllogisme dans le quatrième mode de la première figure de cette manière : nul homme n'est pierre , quelque chose qui rit est homme , donc quelque chose qui rit n'est pas pierre. On procède de la même manière pour les syllogismes os- tensifs des autres modes de la seconde figure. C'est pourquoi si la majeure est fausse et la mineure vraie , alors la mineure devient ma- jeure, et l'opposé de la conclusion devient mineure. Si au contraire la majeure est vraie et la mineure fausse, alors la majeure reste ma- jeure, et l'opposé de la conclusion devient mineure. Les syllogismes ad impossibile , qui sont dans la troisième figure , sont ostensifs dans la première et la seconde. C'est pourquoi si la conclusion per impos- sibile est l'opposé de la majeure, il y a un syllogisme ostensif dans la première figure, de manière que l'opposé de la conclusion du pre- mier syllogisme devienne la majeure dans le second syllogisme , et la mineure qui étoit vraie reste mineure de cette manière : tout homme est pierre , tout homme rit , donc quelque chose qui rit est pierre ; mais rien de ce qui rit n'est pierre, donc quelque homme n'est pas pierre. Faisons un syllogisme ostensif dans la première figure de cette manière : rien de ce qui rit n'est pierre, tout homme rit, donc nul homme n'est pierre. L'universelle vraie est bien suivie de sa particu- lière vraie. C'est pourquoi si cette proposition est vraie , nul homme

ejusdem -syllogismi remanebat minor in secundo syllogisme-. Sed hic non fit ita, sed minor primi syllogismi fit major in secundo syllogisme Si vero concluditur per impossibile oppositum minoris, fit syl- logismus ostensivus in prima figura sic : Nullus homo est lapis, omne risibile est la- pis, ergo nullum risibile est homo, sed quoddam risibile est homo, ergo quoddam risibile non est lapis. Auferantur omnes falsae, et liât syllogismus in quarto modo primée figurée sic. Nullus homo est lapis, quoddam risibile est homo, ergo quoddam risibile non est lapis. Eodem modo syllo- gismi ostensivi aliorum modorum secundœ figurse. Unde si major est falsa, et minor vera, tune minor sit major, et oppositum conclusions fit minor. Si vero major sit

vera, et minor falsa, tune major remanet major, et oppositum conclusionis fit mi- nor. Syllogismi vero ad impossibile qui sunt in tertia figura, sunt ostensivi in prima figura, et secunda. Unde si per im- possibile concluditur opposita majoris : fit ostensivus in prima figura, ita videlicet quod oppositum conclusionis primi syllo- gismi fiât major propositio in secundo syl- logismo, et minor quae fuit vera remaneat minor sic : Omnis homo est lapis, omnis homo est risibilis, ergo quoddam risibile est lapis, sed nullum risibile est lapis, ergo quidam homo non est lapis : fiât au- tem ostensivus in prima figura sic : Nullum risibile est lapis, omnis homo est risibilis, ergo nullus homo est lapis. Ad uni ver sa- lem veram bene sequitur sua particularis

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 299

n'est pierre, laquelle est'la conclusion de ce second syllogisme, cette autre sera vraie aussi, quelque homme n'est pas pierre, laquelle étoit la conclusion du syllogisme ad impossibile. Mais si la conclusion per impossibile est l'opposée delà majeure, on fera un syllogisme ostensif dans la seconde figure, de telle sorte que l'opposée de la con- clusion du premier syllogisme devienne majeure dans le second, et la majeure du premier syllogisme mineure de cette manière : tout homme est animal, tout homme est pierre , donc quelque pierre est animal ; mais nulle pierre n'est animal , donc quelque homme n'est pas pierre ; on fera donc un syllogisme ostensif de cette manière : nulle pierre n'est animal, tout homme est animal , donc nul homme n'est pierre. Cette proposition est suivie de cette autre , quelque homme n'est pas pierre. Il faut procéder de la même manière dans les autres modes de la troisième figure. Tel est ce qui regarde les syllogismes ad impossibile. 11 faut savoir qu'Aristote dans son livre Priorum expose plusieurs autres genres de syllogismes, savoir les irré- guliers, les conversifs, ceux ex oppositis , etc.. Mais comme il n'y a en usage parmi les modernes que ces deux sortes de syllogismes de inesse, je ne m'occuperai pas des autres. Yoilà donc ce qui concerne les syllogismes de inesse.

CHAPITRE XIII.

Des syllogismes à propositions modales , relativement aux propositions

de necessario.

Nous allons parler maintenant des syllogismes modaux. Sur cela il faut savoir que les propositions de necessario et impossibili et celles de possibili et contingenti se prenant de la même manière, comme on

vera. Unde si haec est vera : nullus horao est lapis, quae est conclusio istius secundi syllogismi, erit etiam haec vera, quidam homo,, non est lapis : quae fuit conclusio syllogismi ad impossibile. Si vero per im- possibile concluditur opposita minoris, fiât syllogismus in secunda figura ostensivus : ita quod opposita conclusions primi syllo- gismi fiât major in secundo syllogismo , et major primi syllogismi fiât minorsic : Om- nis homo est animal, omnis homo est lapis : ergo quidam lapis est animal : sed nullus lapis est animal , ergo quidam homo non est lapis : fiât ergo syllogismus ostensivus sic : Nullus lapis est animal , omnis homo est animal, ergo nullus homo est lapis. Ad quam sequitur, quidam homo non est la- pis. Eodem modo fiât in aliis modis tertias

figura. Et sic patet de syllogismis ad im- possibile. Sciendum quod Philosophus in libro Priorum multa alia gênera syllogis- morum ponit, scilicet irregulares, conver- sivos, ex oppositis, et multa alia. Sed quia solum ista duo gênera syllogismorum de inesse apud modernos sunt in usu, de aliis non me intromisi. Patet ergo de syl- logismis de inesse, etc.

CAPUT XIII.

De syllogismis modalibus,qnantum ad pro- positiones de necessario.

Nunc dicendum est de syllogismis moda- libus. Ubi sciendum , quod quia eodem modo sumunlur propositiones de necessario et impossibili , et illœ de possibili et con- tingenti, ut supra in tractatu de conversio-

300 OPUSCULE XL VII , TRAITÉ 10, CHAPITRE 13.

l'a dit plus haut dans le traité des conversions, il y a deux manières différentes dont se font les syllogismes modaux. Nous parlerons d'a- bord des syllogismes de necessario auxquels peuvent se ramener ceux de impossilili : Secondement nous nous occuperons des syllogismes de contingenti auxquels se ramènent ceux de possibili pris d'une manière contingente. Il faut savoir que les syllogismes de necessario ont quel- ques-uns deux propositions nécessaires, et alors dans quelque figure ou modes qu'ils le fassent, la conclusion est toujours nécessaire. Par exemple , il est nécessaire que tout homme soit animal , il est néces- saire que tout ce qui rit soit homme, donc il est nécessaire que tout ce qui rit soit animal , et ainsi des autres. Remarquez qu'il y a né- cessaire de deux manières, le nécessaire simplement, quand une chose se trouve dans une autre simplement et non suivant un temps, un lieu et autres choses de ce genre , comme il est nécessaire que l'homme soit animal. Il y a un autre nécessaire secundum qaid, ou suivant le temps , comme nous disons que tout ce qui existe doit né- cessairement exister quand cela existe , ou suivant le lieu , ou tout autre chose de ce genre. Et ce n'est pas de cette manière que se prend la proposition nécessaire. Car quand Socrate court, il court nécessai- rement, et cependant cette proposition Socrate court, n'est pas né- cessaire mais contingente. Si les syllogismes de necessario ont une proposition nécessaire , et une autre de inesse , quoiqu'ils concluent toujours que le grand extrême se trouve dans la mineure, la conclusion n'est pas toujours nécessaire; mais bien quelquefois oui, et quel- quefois non. Sur quoi il faut observer que dans la première figure la majeure étant nécessaire et la mineure de inesse, il s'ensuivra toujours une conclusion nécessaire. Mais si la majeure est de inesse , quelque nécessaire que soit la mineure , la conclusion ne sera pas

nibus dictum est, ideo duobus modis fiunt syllogismi modales inter se différentes. Primo dicemus de syllogismis de necessario, ad quos reduci possunt illi de impossibili. Secundo de syllogismis de contingenti, ad quos reducuntur illi de possibili contingen- ter sumpto. Sciendum quod syllogismi de necessario aliqui habent ambas propositio- nes necessarias , et tune in quacunque fi- gura, vel modo fiant, semper conclusio est necessaria. Verbi gratia : Necesse est om- nem hotninem esse animal , necesse est omne risibile esse hominem , ergo necesse est omne risibile esse animal, et sic "de sin- gulis, etc. Notandum, quod duplex est ne- cessarium, scilicet necessarium simpliciter, quando aliquid inest alicui simpliciter, et non secundum aliquod tempus, vel locum, vel hujusmodi, sicut necessarium est homi- nem esse animal. Aliud est necessarium se-

cundum quid, vel secundum tempus, sicut dicimus quod omne quod est quando est, necesse est esse, vel secundum locum, vel secundum aliquod hujusmodi. Et isto modo non sumitur propositio necessaria. Sortes enim quando currit , necessario currit , et tamen haec propositio , Sortes currit , non est necessaria, sed contingens. Si vero syllogismi de necessario alteram proposi- tionem, habent necessariam, et alteram de inesse : licet semper concludant majorem extremitatem inesse minori , non tamen semper concludunt ex necessitate : sed quandoque sic, et quandoque non. Ubi nota, quod in prima figura majori proposi- tione existente necessaria, et minori de inesse : sequetur semper conclusio necessa- ria. Majori vero existente de inesse : quan- tumeumque minor sit necessaria : non ta- men conclusio erit necessaria : quia inve-

SUR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 301

nécessaire, car il se trouve des termes elle l'est et d'autres elle rie l'est pas. Par exemple : tout homme est animal , tout ce qui rit est nécessairement homme , donc tout ce qui rit est nécessairement ani- mal. Voilà des termes il en est ainsi , en -voilà d'autres ce n'est pas de même. Tout homme est hlanc , tout ce qui rit est nécessaire- ment homme, donc tout ce* qui rit est nécessairement hlanc. Cette conclusion n'est pas nécessaire simplement. Il en est ainsi des autres modes de la première figure, tant affirmatifs , que négatifs. Dans la seconde figure, dans les trois premiers modes négatifs, la majeure ou la mineure étant nécessaire, la conclusion sera nécessaire. Mais l'affirmative étant nécessaire, et la négative de inesse, il ne s'ensuit pas une conclusion nécessaire. On peut le voir fort clairement en ra- menant ces syllogismes aux modes de la première figure , car dans les syllogismes réduits , la majeure est négative. Mais dans la pre- mière figure, comme il a été dit, si la majeure est nécessaire, la conclusion l'est aussi; si elle ne l'est pas, ni la conclusion non plus. Dans le quatrième mode de la seconde figure , quelle que soit la pro- position nécessaire , soit l'affirmative , soit la négative , pourvu que l'une ou l'autre soit de inesse , il ne s'ensuit pas toujours une con- clusion nécessaire. Car si l'universelle affirmative n'est pas nécessaire, on fera un syllogisme dans les mômes termes que le second mode de la même figure, l'universelle affirmative étant nécessaire. Mais, comme il a été dit, si l'affirmative est nécessaire, il ni s'ensuit pas une con- clusion nécessaire , ce qui se voit par la réduction au second mode de la première figure; donc il n'y en a pas ici non plus. Mais si la par- ticulière négative est nécessaire , il ne s'ensuit pas toujours une con- clusion nécessaire , comme on le voit dans ces termes ; tout blanc est homme , quelque âne nécessairement n'est pas homme , on ne peut

niuntur termini ubi est sic, et ubi non est sic. Verbi gratia : Oninis homo est animal, omne risibile necessario est homo, ergo omne risibile necessario est animal. Isti autem sunt termini ubi sic. Termini vero ubi non sunt isti. Omnis homo est albus : omne risibile necessario. est homo, ergo omne risibile necessario est album. Haec autem conclusio non est necessaria simpli- citer. Et sic est de aliis modis primae figu- ras, tam aflirmativis quam negativis. In se- cunda vero iigura in tribus primis modis negativis propositione existente necessaria, sive sit major, sive sit minor, conclusio erit necessaria, ipsa existente de inesse. Aflir- mativa vero existente necessaria , et nega- tiva de inesse, non sequitur conclusio ne- cessaria. Et hoc clare potest apparere redu- cendo praedictos syllogismos ad modos primœ figurai. Nam semper in syllogismis

reductis, negativa erit major. In prima autem figura, ut dictum est, si major est necessaria, et conclusio : si vero non, nec conclusio. In quarto vero modo secundae figura? quacumque propositione necessaria sive affirmativa, sive negativa : dum modo altéra sit de inesse, non semper sequitur conclusio necessaria. Nam si universalis af- firmativa non erit necessaria in eisdem terminis, fiet syllogismus in quibus fict se- cundus modus ejusdem figurai universali, affirmativa existente necessaria : sed ut dictum est, si affirmativa est necessaria, non sequitur conclusio necessaria, quod patet per reductionem ejus ad secundum modum primae figura?, ergo nec hic sequi- tur. Si vero particularis negativa est ne- cessaria : non sequitur semper conclusio necessaria, ut patet in his terminis, scili- cet : Omne album est homo, quidam asinus

302 OPUSCULE XL Vil, TRAITÉ 10, CHAPITRE 13.

cependant pas conclure quelque àne nécessairement n'est pas blanc. Dans la troisième figure il y a des syllogismes affîrmatifs, il y en a de négatifs. Parmi les affîrmatifs quelques-uns ont leurs deux propo- sitions universelles, et d'autres n'ont que l'une ou l'autre. Ceux qui ont les deux propositions universelles, cruelle que soit celle des deux qui est universelle , majeure ou mineure , ceux-là ont une conclusion nécessaire, ce que l'on voit en les réduisant à la première figure. Ceux qui n'ont que l'une des deux universelle , celle-ci étant néces- saire, majeure ou mineure, ceux-là ont une conclusion nécessaire. Si la particulière est nécessaire, il ne résulte pas une conclusion né- cessaire , parce que en la ramenant à la première figure, la majeure se trouve être de inesse , ou , comme on l'a dit, il n'y a pas de con- clusion nécessaire. Parmi les syllogismes négatifs quelques-uns ont une proposition négative universelle , quelques autres en ont une par- ticulière. C'est pourquoi ceux qui ont une proposition négative uni- verselle , celle-ci étant nécessaire , il ne s'ensuit pas une conclusion nécessaire. Ceux qui ont une particulière négative et une universelle affirmative, quelle que soit celle des deux qui est nécessaire, il ne s'ensuit pas une conclusion nécessaire. Par exemple : quelque homme ne veille pas, tout homme nécessairement est animal, donc quelque animal nécessairement ne veille pas, et c'est avec l'affirmative né- cessaire. On procède ainsi avec la négative nécessaire : quelque blanc nécessairement n'est pas animal, tout blanc veille, il ne s'ensuit pas, donc quelque chose qui veille nécessairement n'est pas animal, puis- que tout ce qui veille est nécessairement animal. Tel est ce qui con- cerne les syllogismes modaux de necessario.

necessario non est homo, tamen non sequi- tur, ergo quidam asiuus necessario non est albus. In tertia vero figura sunt syllogismi affirmativi, et sunt negativi. Affirmativo- rum autem quidam habent ambas proposi- tiones universales ; quidam vero alteram. Qui habent ambas propositiones universa- les, quacumque earum existente necessa- ria, sivc majori, sive minori, sequitur con- clusio necessaria, quod patet per reductio- nem ejus ad primam figuram. Qui vero habent alteram universalem, ea existente necessaria sive majori, sive minori, sequi- tur conclusio necessaria. Si vero particula- ris sit necessaria , non sequitur conclusio necessaria, quia si reducitur ad primam fi- guram, major est de in esse : obi, ut dic- tum est, non sequitur conclusio necessaria. Negativorum vero quidam habent propo-

sitionem negativam universalem , quidam autem particularem. Unde qui habent pro- positionem negativam universalem , ea existeute necessaria, non sequitur conclusio necessaria. Qui vero habent negativam par- ticularem, et aiïirmativam universalem, quacumque earum existente necessaria, non sequitur conclusio necessaria. Verbi gratia sic : Quidam homo non vigilat, omnis homo necessario est animal, ergo quoddam animal necessario non vigilat, et hoc est affirmativa existente necessaria. Negativa autem existente necessaria sic : Quoddam album necessario non est animal, omne al- bum vigilat, non sequitur. Ergo quoJdam vigilans necessario non est animal, cum omne vigilans necessario sit animal : Et sic patet de syllogismis modalibus de ne- cessario.

SUR LA LOGIQUE D AR1ST0TE.

303

CHAPITRE XIV.

Des syllogismes contingents.

Nous allons traiter des syllogismes contingents. Remarquez ici qu'il y a un double contingent, savoir le contingent quod inest et le con- tingent qui peut inesse. On appelle ici contingent quod inest lorsque le prédicat, sans être de l'essence du sujet ou son propre , est néanmoins le terme qui peut être affirmé et nié du sujet, quoiqu'il soit affirmé présentement actu. Et cette proposition, quoique de matière contin- gente, est néanmoins dite du contingent quod inest. D'un autre côté , on dit qu'il y a contingent qui peut inesse , lorsque le prédicat est du contingent, comme blanc par rapport à homme, cependant dans la proposition il n'est pas dit actu inesse , mais d'une manière possible , comme lorsque je dis, il arrive que l'homme est blanc, le sens n'est pas que l'homme soit blanc, mais qu'il peut être blanc. Il faut savoir que dans la première figure, lorsque les deux propositions sont de con- tingenti, la conclusion l'est aussi, de cette manière : il arrive que tout blanc est musicien , il arrive que tout homme est blanc, donc il arrive que tout homme est musicien , et il en est ainsi des autres modes. Dans la seconde figure, si les deux propositions sont de contin- genta, soit qu'elles soient affirmatives , ou l'une négative, soit qu'elles soient universelles , ou l'une particulière , la conclusion ne sera jamais de contingenti. Par exemple : il arrive que nul homme n'est blanc, il arrive que tout ce qui rit est blanc , donc il arrive que rien de ce qui rit n'est homme ;'on ne peut pas tirer cette conclusion , parce que nécessairement tout ce qui rit est homme, et ainsi de tous les autres.

CAPUT xiv.

De syllogismis conlingentibus, Sequitur de syllogismis contingentibus. Ubi nota quod duplex est contingens, scili- cet contingens quod inest, et contingens quod potest inesse. Dicitur autem hic con- tingens quod inest, quando praedicatum li- cet non sit de essentia subjecti , vel pro- prium ejus, tamen est terminus qui potest prsedicari, et negari desubjecto, licet nunc actu de eo pradicelur. Et talis propositio licet sit de materia contingenti, tamen di- citur de contingenti quod inest. Contin- gens autem, quod potest inesse, dicitur cum pradicatum est de contingenti, sicut de albo respectu hominis, tamen in propo- sitione non dicitur actu inesse , sed possibi- lité!', ut cum dico, contingit hominem esse

album, non est sensus , quod homo sit al- bus, sed quod potest esse albus. Sciendum quod in prima figura utraque propositione existente de contingenti, etiam conclusio erit de contingenti sic : Contingit omne al- bum esse musicum , contingit omnem ho- minem esse album : ergo contingit omnem hominem esse musicum , et sic est de aliis modis. In secunda vero figura, si ambae pro- positiones sunt de contingenti, sive sint af- firmativae, srve altéra earum sit negativa, sive sint universales, sive altéra earum sit particularis, nunquam conclusio erit de contingenti. Verbi gratia : Contingit nul- lum hominem esse album : contingit omne risibile esse album, ergo contingit nullum risibile esse hominem, non sequitur, quia necesse est omne risibile esse hominem, et sic de omnibus aliis. In tertia vero figura,

304 OPUSCULE XLVIl, TRAITÉ 10, CHAPITRE 14.

Dans la troisième figure, quand les prémisses sont de contingenta , soit qu'elles soient affirmatives , ou l'une négative , soit qu'elles soient universelles ou particulières, il s'ensuit toujours une proposition de contingenti , comme il arrive que tout homme est blanc , il arrive que tout homme est musicien , donc il arrive que tout musicien est blanc, et il en est de même dans tous les autres modes. Si au con- traire une des prémisses est de contingenti et de l'autre de inesse, il ne s'ensuit pas- toujours une conclusion de contingenti. C'est pour- quoi dans la première figure, quand la majeure est de contingenti , soit qu'elle soit affirmative ou négative , et la mineure simplement de inesse, il suit toujours une conclusion de contingenti, comme, il arrive que tout homme est blanc , tout ce qui rit est homme , donc il arrive que tout ce qui rit est blanc. Mais quand la majeure est de inesse , et la mineure de contingenti , il ne suit pas toujours une con- clusion de contingenti pour que le syllogisme soit bon de cette ma- nière : tout ce qui est sain est animal, il arrive que tout cheval est animal. Il faut savoir que dans toute proposition de contingenti on peut conserver de deux manières dici de omni suivant son double sens exposé plus haut. C'est pourquoi lorsque je dis , il arrive que tout homme est blanc , je prends l'homme par rapport à tout ce dont il peut être dit ou suivant l'être du blanc lui-même , de manière que le sens soit, il arrive que tout ce qui est homme est blanc actu; ou sui- vant l'inhérence possible , de façon que le sens soit celui-ci, il arrive que tout ce qui est homme peut être blanc. La proposition de inesse n'a qu'un seul dici de omni, c'est-à-dire suivant la comparaison de sujet à ses inférieurs selon l'inhérence actuelle du prédicat, et il s'ensuit que en vertu de dici de omni , la proposition de inesse peut se prendre sous celle de contingenti , car il y a un dici de omni sous

pnemissis existentibus de contingenti sive sint affirmativas , sive altéra earum sit ne- gativa, sive universales, sive particulares, semper sequitur conelusio de eontingenti : ut contingit omnem hominem esse album : contingit omnem hominem esse musicum, ergo contingit musicum esse album, et sic est in aliis modis. Si vero altéra praemissa- rum sit de contingenti, et altéra de inesse, non semper sequitur conelusio de contin- genti. Unde in prima figura majori exis- tante de contingenti, sive sit afiirmativa, sive negativa, minori vero de inesse sim- pliciter, semper sequitur conelusio de con- tingenti. Ut contingit omnem hominem esse album : omne risibile est homo , ergo contingit omne risibile esse album. Majori vero existeate de inesse, et minori de con- tingenti, non semper sequitur conelusio de contingenti, ut perfectus sit syllogismus

sic : Omne sanum est animal : contingit omnem equum esse animal. Sciendum, quia in qualibet propositione de contin- genti potest salvari dupliciter dici de omni secundum duplicem ejus sensum supradic- tum. Unde cum dico, contingit omnem hominem esse album, computo hominem ad dici, de quibus potest prœdicari, vel secundum esse ipsius albi, ut sit sensus, omne quod est homo, contingit actu esse album. Vel secundum possibilem inhaeren- tiam , ut sit sensus, omne quod est homo, contingit posse esse album. Propositio de inesse habet solum unum dici de omni, scilicet secundum comparationem subjecti ad sua inferiora secundum actualem inhae- rentiam prœdicati, et ex his sequitur, quod virtute dici de omni illa, de inesse potest sumi sub illa de contingenti. Unum enim dici de omni sub duobus, quia ad minus in

SLR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 305

deux, parce que la conséquence est au moins en un. Mais la proposi- tion de contingenti ne peut se prendre sous celle de inesse ; car deux dici de omnine se trouvent pas contenus sous un. Et c'est la raison pourquoi, lorsque la majeure est de contingenti et la mineure de inesse, il ne s'ensuit pas une proposition de contingenti par la force syllogis- tique, quoique cela arrive à la faveur de la matière. Il faut savoir qu'il y a deux sortes de propositions de inesse , l'une de inesse ut mmc, quand le prédicat ne se trouve dans le sujet que ut nunc, comme So- crate court , et l'autre de inesse simpliciter. Aussi pour qu'il résulte une conclusion de contingenti , quand la mineure est de inesse , elle doit être de inesse simpliciter , parce que le prédicat suit toujours le sujet; il s'ensuit conséquemment que tout ce qui est contingent dans le prédicat, l'est aussi dans le sujet. Mais comme dans la proposition de inesse ut nunc le prédicat ne suit pas toujours le sujet, il ne sera pas toujours vrai que tout ce qui est contingent dans le prédicat l'est aussi dans le sujet. Il ne serviroit de rien de dire que si la mineure étoit de contingenti , laquelle auroit la même valeur que celle de inesse ut nunc , et si la majeure étoit de contingenti , il y auroit une conclusion ; car si la mineure étoit de contingenti , le prédicat est toujours contingent dans le sujet, parce que cette proposition, il arrive que l'homme court, est toujours vraie , parce qu'il est toujours contingent que l'homme court, celle-ci cependant , l'homme ne court pas, n'est pas toujours vraie; aussi il en est tout différemment de l'une et de l'autre. Dans la seconde figure, dans les trois premiers modes , lorsque la négative est de contingenti et l'affirmative de inesse, on ne fait pas de syllogisme. La raison en est que les syllogismes n'ont de conclusion qu'en tant qu'ils sont ramenés à la première figure se trouve dici de omni et dici de nullo ; or ces syllogismes ne peu-

uno est consequentia. Sed illa de contin- genti non potest sumi sub iila de inesse. Duo enim dici de omni non continetur sub uno.Etista est causa quare major existente de contingenti, minori vero de inesse non sequitur conclusio de contingenti virtute syllogistica, licet sequatur gratia materia3. Sciendum quod propositio de inesse est duplex, scilicet de inesse ut nunc, scilicet quando prœdicatum ut nunc solum inest subjecto, ut Sortes currit, et de inesse sim- pliciter. Unde ad hoc quod sequatur con- ciliai) de contingenti, minori existente de inesse , débet esse de inesse simpliciter , quia praedicatum semper sequitur subjec- tuin : ideo sequitur quod quicquid contin- git prœdicato, contingit subjecto. Sed quia in propositione de inesse ut nunc, pnedica- tum non semper sequitur subjectum, non

V.

erit semper verum quod quicquid contingit prœdicato , contingit subjecto. Nec est in- stantia quod si minor esset de contingenti, quœ tantum valet quantum illa de inesse, ut nunc, et major esset de contingenti, se- quitur conclusio. Nam si minor est de contingenti , semper prœdicatum contingit subjecto; nam haec, contingit hominem currere, semper est vera, quia semper con- tingit hominem currere, tamen ista, homo non currit, non semper est vera : ideo ali- ter se habet de utralibet. In secunda autem figura in tribus primis' modis negativa existente de contingenti, ai'firmativa vero de inesse, non sitsyllogismus. Et causa est, quia omnes syllogismi in tantum eonclu- dunt, in quantum reducuntur ad primam figurûm , ubi est dici de omni , et dici de nullo : talcs autem syllogismi non possunt

20

306 OPUSCULE XLVH, TBAITÉ 10, CHAPITRE 14.

sent se ramener à la première figure. Car on ne convertit pas F uni- verselle négative de contingenti de manière à faire du sujet le pré- dicat, et du prédicat le sujet, comme on l'a dit, mais la conversion se fait dans les termes. C'est pourquoi celle-ci, il arrive que nul homme n'est blanc, se convertit en celle-ci , il arrive que tout homme est blanc. D'où il résulte en conséquence que lorsque l'universelle négative est de contingenti dans ces trois modes , on ne fait pas de syllogisme, parce qu'on ne peut pas prouver par dici de omni. Au contraire , lorsque l'affirmative est de contingenti et la négative de inesse, on fait un syllogisme , parce que ce syllogisme peut se ramener à la première figure par la proposition négative également convertie, il n'y aura pas cependant de conclusion de contingenti , comme il a été dit. Dans le quatrième mode, on ne fait de syllogisme en aucune façon, soit que la majeure ou la mineure soient de contingenti. Ce syllogisme, en effet, ne peut se ramener à la première figure par conversion , mais par le syllogisme conversif , quelle que soit la pro- position de contingenti et celle de inesse, cette réduction ne peut se faire, il ne s'ensuit donc rien. Que cette réduction ne puisse se faire quand la majeure est de contingenti , c'est évident : soit ce syllogisme, il arrive que tout homme est blanc , quelque pierre n'est pas blanche, donc quelque pierre n'est pas homme , dont l'opposé est, toute pierre est homme. Faisons donc un syllogisme dans la première figure de cette manière : il arrive que tout homme est blanc , toute pierre est homme , donc il arrive que toute pierre est blanche. Mais celle-ci n'est pas opposée à cette autre , quelque pierre n'est pas blanche , qui étoit la mineure. Car, comme il a été dit dans la proposition de contingenti, ou conserve dici de omni suivant toute l'inhérence pos- sible ; il pourroit en effet être vrai dans l'avenir que toute pierre de-

reduci ad priuiam figuram. Non enim con- vertitur universalis negativa de contin- genti, ut de subjecto fiât prsedicatum, et de preedicato fiât subjectum , ut supradic- tum est, sed convertitur in terminis. Unde ha;c, contingit nullum hominem esse al- bum, convertitur inhanc, contingit om- nem hominem esse album. Unde secun- dum hoc universali negativa existente de contingenti in tribus, videlicet modis, non lit syllogismus , quia non potest probari per dici de omni. Affirmativa vero existente de contingenti , et negativa de inesse, lit syl- logismus, quia potest reduci talis syllogis- mus ad primam figuram, per propositio- nemnegativam similiter conversam, tamen non erit conclusio de contingenti, ut supra dictum est. In quarto autem modo, nullo modo lit syllogismus, sivc major, sive mi- ner sit de contingenti. Talis enim syllogis-

mus non potest reduci ad primam figuram per conversionem , sed per syllogismum conversivum, sed quacumque existente de contingenti , et altéra de inesse , non po- test fieri talis reductio, ergo ex eo mhil se- quitur. Quod autem majori existente de contingenti talis reductio fieri non possit, patet, sit talis syllogismus. Contingit om- nem hominem esse album, quidam lapis non est albus, ergo quidam lapis non est homo, cujus oppositum est, omnis lapis est homo, liât ergo syllogismus in prima figura sic : Contingit omnem bominem esse al- bum, omnis lapis est homo, ergo contingit omnem lipidem esse album. Sed haec non opponitur huic, quidam lapis non est albus, quae erat minor. Nam ut dictum est , in propositione de contingenti salvatur dici de omni secundum possibilem inhœrentiam : in futuro enim posset esse verum, quod

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 307

vînt blanche, comme maintenant quelque pierre n'est pas blanche, et île cette manière l'enchaînement ne vaut rien. On voit également qu'un semblable syllogisme ne vaut rien. Car de propositions vraies il suit quelquefois une conclusion fausse de cette manière : il arrive que tout homme est blanc , quelque chose qui rit n'est pas blanc , il suit , donc il arrive que quelque chose qui rit n'est pas homme , ce qui se fait simpliciter. De même, si la mineure est de contingenti , il ne s'ensuit rien et on fait le syllogisme de cette manière : tout homme est animal, il arrive que quelque chose de blanc n'est pas animal, donc il arrive que quelque chose de blanc n'est pas homme; un œuf par exemple qui est blanc, il arrive que quelquefois il sera animal et d'autres fois non, lorsque suit cette proposition de inesse , quelque blanc n'est pas homme, il n'y a rien ; car son opposée est, tout blanc est homme, donc tout blanc est animal, laquelle n'est pas opposée à celle-ci, il arrive que quelque blanc n'est pas animal, comme on l'a dit plus haut. Si au contraire on prend une conclusion de contingenti, par exemple, il arrive que quelque blanc n'est pas animal, dont l'op- posée est, il est nécessaire que tout blanc soit animal, la conclusion est la même, et on fera le syllogisme dans la première figure de cette manière : tout homme est animal , il est nécessaire que tout blanc soit homme, il suit, donc tout blanc est animal, comme on l'a dit plus haut des combinaisons du nécessaire et de inesse, laquelle n'est pas opposée à cette mineure , il arrive que quelque blanc n'est pas animal, et de cette façon cet assemblage est inutile. Dans la troisième figure, lorsque la majeure est de contingenti et la mineure de inesse , il en résulte une conclusion de contingenti ; car la mineure étant con- vertie dans les cinq modes des syllogismes , on fait la réduction à la première figure. Par exemple faisons ainsi un syllogisme : Il arrive

omnis lapis fieret albus, et quod modo qui- dam lapis non sit albus, et sic isto modo non valet conjugatio. Apparet etiam quod talis syllogismus non valet. Nam proposi- tionibus existentibus veris, aliquando se- quitur conclusio falsa sic : Contingit om- nein hominem esse album , quoddam risi- bile non est album, sequitur, ergo contin- git quoddam risibile non esse hominem, quod est simpliciter. Similiter si minor est de contingenti nihil sequitur, et fit syl- logismus sic : Omnis homo est animal, con- tingit quoddam album non esse animal, ergo contingit quoddam album non esse hominem, ut puta ovum, quod est album, contingit quod aliquando erit animal, ali- quando non erit, si sequitur hœc de inesse, scilicet quoddam album non est homo, non tenet. Opposita enim ejus est , omne album est homo, ergo omne album est ani-

mal, quai non opponitur huic, contingit quoddam album non esse animal , ut su- pradictum est. Si vero sumatur conclusio de contingenti , scilicet : Contingit quod- dam album non esse animal, cujus opposita est. Necesse est omne album esse animal , idem sequitur, et fiât syllogismus in prima figura sic : Omnis homo est animal : ne- cesse est omne album esse hominem, se- quitur, ergo omne album est animal , ut supra de mixtionibus necessarii, et de inesse dictum est, qaiv non opponitur i 111 minori, scilicet, contingit quoddam album non esse animal, et sic est inutilis conju- gatio. In tertia vero figura majori exis- tente de contingenti, minori vero de inesse , sequitur conclusio de contingenti. Nam conversa minori in quinque modis syllogismorum, fit reductio ad prinuun fi- guram. Verbi gratia, fiât syllogismus sic :

308 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 15.

que tout homme est blanc; tout homme est animal, donc il arrive que quelque animal est blanc; la mineure étant changée per accidens, le troisième mode de la troisième figure devient ceci : 11 arrive que tout homme est blanc; tout homme est animal, donc il arrive que quelque animal est blanc , et ainsi des autres quatre modes. Le cin- quième mode de la troisième figure se ramène à la première par le syllogisme conversif de cette manière : il arrive que quelque homme n'est pas blanc , tout homme est animal , donc il arrive que quelque animal n'est pas blanc , dont l'opposé est, il est nécessaire que tout animal soit blanc ; plaçous-là la mineure du premier syllogisme , c'est-à-dire , tout homme est animal , il suit , donc il est nécessaire que tout homme soit blanc, laquelle proposition est la contradictoire de la majeure du premier syllogisme. Telle est la combinaison des propositions de contingenîi et de inesse dans trois figures.

CHAPITRE XV.

De la combinaison du contingent et du nécessaire dans trois figures de syllogismes.

Nous allons parler de la combinaison du contingent et du néces- saire. Il faut observer que dans la première figure selon les modes affîrmatifs, lorsque la majeure est de contingenîi et la mineure de necessario, il y a un syllogisme parfait, et la conclusion doit être de contingenîi. Par exemple , il arrive que tout animal est blanc , il est nécessaire que tout homme soit animal, donc il arrive que tout homme est blanc. Mais si c'est le contraire, c'est-à-dire, si la majeure est de necessario et la mineure de contingenîi , il n'y aura pas de syl- logisme. La raison en est que la proposition nécessaire auroit un dici

Contingit omnem hominem esse album : omnis homo est animal, ergo contingit quoddam animal esse album, conversa mi- nori per accidens, fittertius modus primœ figurae sic : Contingit omnem hominem esse album : omne animal est homo , ergo contingit quoddam animal esse album, et sic est de aliis quatuor modis. Quintus au- tem rnodus tertiee figurae reducitur ad pri- mara per syllogismum conversivum sic : Contingit quemdam hominem non esse al- bum : omnis homo est animal, ergo con- tingit quoddam animal non es?e album. Cujus oppositurn est, necesse est omne ani- mal esse album; deinde ponatur sub ea tninor primi svllugismi, scilicet omnis homo est animal, et scquitur, ergo necesse est omnem hominem esse album, quœ est cont radie toria majoris primi syllogismi.

Et sic patet de mixtione propositionum de contingenti, et de inesse in tribus fîgu- ris etc.

CAPOT XV.

De mixtione contingentis et necessarii in tribus figuris sylfogisrnorum.

Sequitur de mixtione contingentis et ne- cessarii. Notandum quod in prima figura quantum ad modos aflirmativo? , majori existente de contingenti , minori vero de necessario, syllogismus erit perfectus, et concludet coaelusionem de contingenti. Verbi gratia. Contingit omne animai esse album : necesse est oumem hominem esse animal, ergo contingit omnem hominen esse album. Si vero sit econverso, scilicet majori existente de necessario, et minori de contingenti, nullus fiet syllogismus. Causa

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 309

de omni suivant l'inhérence actuelle du prédicat au sujet et à ce qu'il renferme ; mais celle de contingenti a un double dici de omni, comme il a été dit; celle-ci ne peut donc pas être prise en l'autre de neces- sario par la vertu du principe qui est dici de omni. Il faut savoir que dans ce syllogisme, quoique la conclusion se tire par dici de omniy on peut néanmoins tirer une conclusion de contingenti de possibile , lequel se rapporte communément au nécessaire et au contingent en vertu de cette règle , lorsqu'un sujet se trouve essentiellement dans un prédicat, tout ce qui est contingent dans ce sujet l'est aussi dans le prédicat. Mais dans les syllogismes négatifs , lorsque la proposition affirmative est nécessaire et la négative de contingenti , il en résulte une conclusion de contingenti, de cette manière : il arrive que nul homme n'est blanc , il est nécessaire que tout ce qui rit soit homme , il suit, donc il arrive que rien de ce qui rit n'est blanc. Si , au con- traire , la proposition négative est nécessaire, et l'affirmative contin- gente, il en résulte deux conclusions, quelquefois de contingenti , et d'autres fois de inesse, ce qu'il est facile de voir. Car de l'opposé de la conclusion avec une prémisse on déduit l'opposé de l'autre pré- misse. La raison pour laquelle il y a deux conclusions à une négative de necessario , c'est que non-seulement le prédicat n'est pas dit inhé- rent au sujet, mais qu'il ne peut même pas l'être. Aussi le syllogisme signifie que le sujet n'est pas dans le prédicat et ne peut y être. C'est pourquoi lorsqu'on met quelque chose d'une manière contingente en un tel sujet, cela veut dire que ce prédicat est exclu actu de tout ce qui est contingent dans le sujet, et de cette manière la conclusion sera de contingenti , parce que ce qui est exclu d'une manière contin- gente fait une énonciatioii contingente, ce qui signifie qu'il ne peut

est quia propositio necessaria haberet unum dici de omni, secundum scilicet ac- tualem inhaerentiam praedicati ad subjec- tum , et ad contenta sub eo : sed illa de contingenti habet duplex dici de omni, ut supradietum est, non ergo potest illa surni sub illa de necessario per virtutem princi- pii quod est dici de omni. Sciendum quod in praedicto syllogismo, licet concludatur per dici de omni , potest tamen concludi conclusio de contingenti de possibile, quod scilicet comuiuniter se habet ad necessa- rium, et contingcns in virtute istius regu- lae. Si aliquod subjectum sit essentialiter sub aliquo pradicato, quicquid contingit sub subjecto, contingit sub prtedicato. In syllogismis autern negativis propositione afthmativa existente necessaria, negati va vero de contingenti, sequitur conclusio de contingenti sic : Contingit nutlum homi- nem esse album : necesse esse omne risibile

esse hominem , sequitur , ergo contingit nullum risibile esse album. Si vero propo- sitio negativa sit necessaria, affirmativa vero contingens, sequuntur duœ conclusio- nes, scilicet aliquando de contingenti, ali- quando de inesse, quod potest patere. Nam ex opposito utriusque conclusionis, cum altéra prœmissarum, infertur oppositum alterius prœmissee. Ratio autem quare utraque conclusio sequatur ad unam nega- tivam de necessario est , quia non solum praedicatum non dicitur inesse subjecto, sed nec etiam potest inesse. Unde syllogis- mus signiiieat quod subjecto non insit prae- dicatum, nec possit inesse. Undc cum ali- quid contingenter ponitur sub tali subjecto, siguificatur quod taie praedicatum remo- veatur actu ab eo quod contingenter poni- tur sub subjecto, et sit erit conclusio de contingenti, quia quod actu contingenter removetur, facit enuntiationem contingen-

310 OPUSCULE XLVII, TIUITÉ 10, CHAPITRE 15.

s'y trouver en aucune manière,' et ainsi non-seulement il n'y est pas d'une manière contingente , mais il n'y est en aucune manière , si c'est une énonciation de inesse. Dans la seconde figure dans les trois premiers modes, lorsque la négative est de necessario et l'affirmative de contingenti, il suit aussi une double conclusion, l'une de contin- genti et l'autre de inesse , parce qu'il y a réduction à la première figure par la conversion de la proposition. Dans le quatrième mode, lorsque l'affirmative est de contingenti et la négative de necessario, ou vice versa, l'assemblage ne produira rien. Dans la troisième figure, pour les syllogismes affirmatifs ayant des propositions universelles ou quelqu'une universelle, lorsque la majeure est de contingenti et la mineure de necessario, il suit une conclusion de contingenti. En con- vertissant donc la mineure , on fait un syllogisme dans la première figure. Si au contraire la majeure est de necessario et la mineure de contingenti possilrili , comme les propositions de contingenti possibili peuvent se convertir, de même que celles de necessario, en convertis- sant la mineure on fait la première figure, comme il a été dit, parce que lorsque la majeure est de necessario et la mineure de contingenti, il suit une conclusion de contingenti possibili , quoique ce ne soit point par dici de omni, mais bien par la première règle. Quant aux syllogismes affirmatifs qui ont une prémisse particulière , si la ma- jeure est universelle , elle suit les règles dont nous avons parlé ; mais si la majeure est particulière, elle Suit la seconde règle. Pour ce qui est des syllogismes négatifs, je dis que quant aux deux modes qui ont une majeure universelle négative, lorsque la majeure est de contin- genti et la mineure de necessario, il suit une conclusion de contin- genti, et on les ramène à la première figure par la conversion de la mineure. Si au contraire la majeure est de necessario et la mineure

tem, et significatur, quod nullo modo pos- sit sibi inesse, et sic non solum contingen- ter non inest, imo nullo modo inest ei, si sit enuntiatio de inesse. In secunda autem fi- gura in tribus primis modis negativa exis- tente de necessario , affirmativa vero de contingenti, sequitur etiam duplex conclu- sio, scilicet de contingenti, et de inesse, quia per conversionem propositionis neces- sariee reducuntur ad primam figuram. In quarto vero modo affirmativa existente de contingenti , negativa vero de necessario, vel econ verso, inulilis erit conjugatio. In tertia vero figura quantum ad syllogismes affirma ti vos universales prepositiones, vel aliquam universalem habentes, majori existente de contingenti, minori vero de necessario, sequitur conclusio de contin- genti. Conversa ergo minori fit syllogis- mus in prima figura. Si autem major sit

de necessario, minor vero de contingenti possibili, quia propositiones de contingenti possibili convertuntur, sicut ille de neces- sario, minori conversa, fit prima figura, si- cut dictum est, quod majori existente de necessario, major vero de contingenti, se- quitur conclusio de contingenti possibili, licet non per dici de omni, sed per primam regulam. Quantum autem ad syllogismos affirmativos habentes aliquam pneinissam particularem, si major est universalis, se- quitur régulas praedictas. Si vero major est particularis , sequitur secundam regu- lam. Quantum autem ad syllogismes néga- tives, dico quod quantum ad duos modos habentes majorem universalem negativam, majori existente de contingenti, minori vero de necessario, sequitur conclusio de contingenti, et reducuntur ad primam fi- guram per conversionem minoris. Si au-

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 311

de contingenti , on ne peut faire de syllogisme, car il ne pourroit être ramené à la première figure. Mais si la mineure étoit de contingenti possihili, pouvant être convertie comme celle de necessario, on feroit un syllogisme dans la première figure, ou il y auroit une double con- clusion, de inesse et de contingenti, comme il a été dit plus haut. Dans le syllogisme négatif dont la majeure est particulière négative , quand celle-ci est de contingenti et la mineure de necessario , il suit une conclusion de contingenti , et il se ramène à la première figure par le syllogisme conversif; mais lorsque la majeure est de necessario, on ne peut faire de syllogisme. Tels sont les syllogismes modaux.

CHAPITRE XVI.

Des syllogismes conditionnels des propositions simples.

Après avoir parlé des syllogismes catégoriques , nous allons traiter des syllogismes hypothétiques. Il y a donc , comme il a été dit , trois espèces de propositions hypothétiques , savoir, la conditionnelle , la copulative et la disjonctive. Les syllogismes qui sont formés de pro- positions copulatives procèdent comme les syllogismes catégoriques , aussi nous n'en dirons rien. Mais comme les syllogismes avec des pro- positions conditionnelles et disjonctives se font autrement qu'avec les propositions catégoriques, nous nous en occuperons, et nous com- mencerons par les conditionnels. Il faut remarquer que les propositions conditionnelles sont simples ou composées. J'appelle simples celles qui ne sont formées que de deux catégoriques, comme celle-ci, s'il est homme, puisqu'il est animal, il est substance. Cette composition

tem major erit de necessario, minor vero de contingenti, non fit syllogismis : non enim posset reduci ad primam fîguram. Si vero minor esset de contingenti possibili, quia converti posset, sicut illa de necessa- rio, fieret syllogismus in prima figura, uhi concluderetur duplex conclusio, scilicet de inesse, et de contingenti, ut supra dictum est. Syllogismus autem negativus, cujus major est particularis negativa , ea exis- tente de contingenti , et minori existentc de necessario, sequitur conclusio de contin- genti, et reducitur ad primam figuram per syllogismum conversivum , majori vero existente de necessario , non fit syllogis- mus. Et sic patet de syllogismis mo- dalibus.

CAPUT XVI.

De syllogismis conditionalibus ex proposilio- nibus simplicibus.

Dicto de syllogismis catégoriels, nunc dicendum est de hypotheticis. Ut autem supra dictum est, très sunt species propo- sitionum hypotheticarum , scilicet condi- tionalis, copulativa et disjunctiva. Syllo- gismi autem qui sunt ex propositionibus copulativis, eodem modo se habent, sicut et syllogismi categorici, et ideo de eis prae- termittamus. Sed quia ex propositionibus conditionalibus et distinctivis aliter fiunt syllogismi qnam in propositionibus caté- goriels, ideo de eis dicendum est, et primo de conditionalibus. Notandum , quod pro- positioncs conditionales, vel sunt simplices, vel compositse. Dico autem simplices , quse tantum ex duabus categoricis componun- tur, ut hœc, si est homo , cum sit animal,

312 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 16.

peut se faire de trois manières ; ou ce sera une proposition composée de deux, la conditionnelle et la catégorique, comme, celui-ci, s'il est homme, puisqu'il est animal, il est substance; ôirvice versa elle sera composée d'une catégorique et d'une conditionnelle, de cette manière : si tu es animé , tu es homme ou tu es animal ; ou elle sera composée de deux conditionnelles, comme, celui-ci, s'il est homme, il est animé, s'il est animal. Et comme les syllogismes qui se font de propositions simples se comprennent mieux que ceux qui se font avec des proposi- tions composées , nous nous occuperons d'abord des syllogismes simples, nous montrerons ensuite en peu de mots, suivant leur simi- litude , de quelle manière se font les syllogismes avec des propositions composées. Il faut savoir que les propositions simples conditionnelles sont au nombre de quatre. En effet , ou elles ont leurs deux parties affirmatives, savoir l'antécédent et le conséquent, comme celle-ci, s'il est homme , il est animal ; ou l'antécédent est affirmatif et le con- séquent négatif , comme celle-ci , s'il est homme, il n'est pas pierre ; ou le conséquent est affirmatif et l'antécédent négatif, comme celle-ci, si l'animal n'est pas bien portant, il est malade ; ou les deux sont né- gatifs, comme celle-ci, s'il n'est pas animal, il n'est pas homme. Or il faut que les syllogismes qui se font avec ces propositions soient cer- taines conséquences , «comme -dit Aristote , II. Topic, il y a une double conséquence, savoir dans la position, quand on procède selon la position de l'antécédent, et dans le contraire, quand on procède par la destruction du conséquent. Donc, en conséquence de cela, les figures qui se font avec ces propositions , dans l'une desquelles on procède de la position de l'antécédent, et dans l'autre de la des- truction du conséquent , ont chacune quatre modes , suivant quoi il y a quatre propositions , comme nous l'avons dit. Le premier mode

est substantia. Hae autem composites tribus flrmatum et consequens negalum, ut haec, modis fieri possunt; quia vel erit propositio ! si est homo, non est lapis. Aut consequens composita ex duabus , conditionali et ca- afïirmatum , et antecedens negatum , ut tegorica, ut hic, si est homo , cum sit ani- j haec , si animal non est sanum est tegrum. mal, est substantia; vel e converso , erit i Aut ambo negata, ut haec, si non est ani- composita ex categorica et conditionali sic : mal non est homo. Syllogismi autem qui Si tu es animatum, tu es homo, aut es ani- ; ex his propositionibus fiunt , oportet quod mal ; vel erit composita ex duabus condi- ! sint consequentiae quaedam. Ut autem dicit tionalibus, ut hic , si est homo est anima- j Philosophus, Il Topic.,, duplex est conse- tum, si est animal. Et quia syllogismi qui j quentia, scilicet in positione, scilicet quali- fiant ex simplicibus , facilius sciuntur illis j do proceditur pro positione antecedentis , qui iiunt ex compositis, ideo primo pone- ! et in contraria, scilicet quand o proceditur mus syllogismos simplices , et postea bre- a destructione consequentis. Secundum viter osteudemus secundum eorum simili- j ergo ista ex praedietis propositionibus quai tudinem, qualiter fiunt syllogismi ex coin- j fiunt figura?, in quarum una proceditur a positis. Sciendum quod simplices propo- 1 positione antecedentis , in altéra vero a sitiones conditionales sunt quatuor. Aut ' destructione consequentis, quarum quaeli- enim habent ambas partes affirmativas, j bet quatuor habet modos, secundum quod scilicet antecedens et consequens, ut haec, { quatuor sunt propositiones, ut dictum est. si est homo est animal. Vel antecedens af- i Primus modus primae figura? est , si est

SLR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 313

de la première figure est , s'il est homme , il est animal , mais il est homme , donc il est animal. Le second est, s'il est homme, il n'est pas pierre, mais il est homme, donc il n'est pas pierre. Le troisième est, si l'animal n'est pas bien portant, il est malade, mais l'animal n'est pas bien portant , donc il est malade. Le quatrième est, s'il n'est pas animal, il n'est pas homme, mais il n'est pas animal, donc il n'est pas homme. Il faut savoir que ces syllogismes se font avec ce relatif qui , ou avec ce pronom quiconque , car ces mots produisent l'opposi- tion de l'antécédent, de cette manière : tout homme qui court se meut, mais Pierre court, donc Pierre se meut, ou quiconque, etc., par la destruction du conséquent, de cette manière : tout homme qui court , ou quiconque court se meut , mais Sortes ne se meut pas, donc Sortes ne court pas. 11 en est de même dans tous les autres modes de ces figures. Tels sont les syllogismes conditionnels dans les proposi- tions simples.

CHAPITRE XVII.

Des syllogismes conditionnels avec des propositions hypothétiques

composées.

Voici les syllogismes conditionnels composés , dont deux parties, comme il a été dit , se composent de trois catégoriques ; la troisième de quatre. Mais les trois propositions catégoriques peuvent varier de huit manières suivant l'affirmation ou la négation. Premièrement, elles peuvent être toutes affirmatives; secondement, toutes négatives; troisièmement, les deux premières affirmatives et la troisième néga- tive; quatrièmement, les deux premières peuvent être négatives et la troisième affirmative; cinquièmement, la première affirmative et les deux dernières négatives; sixièmement, la première négative et les

homo, est animal ; sed est homo, ergo est animal. Secundus est, si est homo, non est lapis; sed est homo, ergo non est lapis. Tertius est, si animal non est sanum, est œgrum , sed animal non est sanum, ergo est gegrum. Quartus est, si non est animal, non est homo; sed non est animal, ergo non est homo. Sciendum quod isto modo fiunt syllogismi cum hoc relativo qui , vel cum hoc nomine , quicumque faehint enim prœdicta nomina connotantia oppo- sitionem antecedentis sic : Omnis qui cur- rit inovetur, sed Petrus currit, ergo Petrus movetur , vel quicumque, etc. A deslruc- tione consequentis sic : Omnis qui currit, vel quicumque currit, movetur ; sed Sortes non movetur, ergo Sortes non currit. Et sic habet se in omnibus aliis modis dicta-

rum figurarum. Patet ergo de syllogismis conditionalibus ex propositionibus simpli- cibus.

CAPUT XVII.

De syllogismis conditionalibus ex propositio- nibus hypolhelicis composais.

Sequitur de conditionalibus cornpositis, quarum duae, ut dictum est, consistunt ex tribus categoricis. Tertia vero ex qua- tuor. Sed très propositiones catégorie»} se- cundum affirmationem et negationem octo modis possunt variari. Primo, possunt om- nes esse affirmativœ, secundo omnes nega- tivœ, tertio duae primai affirmative et tertia negativa, quarto duœ primai possunt esse negativœ et tertia affirmaliva , quitito prima affirmativa et duai ultima.' negativae,

314 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 17.

deux dernières affirmatives ; septièmement, la première et la dernière affirmatives et la moyenne négative ; huitièmement , la première et la dernière négatives et la moyenne affirmative; il peut donc s'opérer une variante dans chacune, et ces variantes sont au nombre déliait. La troisième conditionnelle composée de deux conditionnelles qui ont quatre catégoriques, peuvent varier de différentes manières. J'ai parlé fort au long de toutes ces propositions composées et de leurs différences dans les syllogismes qui en sont formés, dans mon livre sur les syllogismes hypothétiques, je m'abstiendrai donc de m'en occuper ici, et je parlerai uniquement des modes d'argumentation dans chacune d'elles. Or suivant chacune de ces propositions il se fait deux figures, dans l'une desquelles on procède de la position de l'an- técédent, et dans l'autre de la destruction du conséquent. En effet, la première proposition , comme il a été dit, se compose d'une condi- tionnelle et d'une catégorique, de celte manière s'il est homme, puis- qu'il est animé , il est animal ; mais il est homme , donc puisqu'il est animé , il est animal. Ce syllogisme se construira de la même ma- nière, si quelqu'une de ses parties ou toutes sont négatives de cette manière : s'il est homme, comme il* n'est pas inanimé, il est sensible; mais il est homme , donc comme il n'est pas inanimé, il est sensible. Par la destruction du conséquent on procède ainsi : s'il est homme , comme il est animé, il n'est pas sensible > donc il n'est pas homme. Dans la négative de cette manière : s'il est homme, comme il n'est pas inanimé , il est sensible ; mais comme il n'est pas quelque chose d'inanimé, il n'est pas quelque chose de sensible, donc il n'est pas homme. La seconde proposition est composée d'une catégorique et d'une conditionnelle de cette manière, si comme il est quelque chose d'animé, il est animal, il est homme. On fait ainsi les syllogismes de

sexto prima negativa et diue ultimae affir- mative, septimo prima et ultima affirma- tive, et média negativa , octavo prima et ultima negativa? et média affirmativa, ideo in qualibet dictarum potest fieri variatio, et sic sunt octo. Tertia vero conditionalis composita ex duabus conditionalibus quae quatuor haheut categorieas, multipliciter habet variari. De quibus omnibus compo- sitis propositionibus , et earum varietate syllogismis qui ex eis fiunt, diffuse dixi in libro quem feci de hypotheticis syllogismis, ideo diffuse de eis nunc tractare prater- mitto , sed videamus solum modos syllogi- zandi in qualibet earum. Fiunt autem se- cundum quamlibet dictarum propositionum duee figura , in quarum uria proceditur a positiniie antecedentis, in altéra a destruc- tione consequentis. Prima enim propositio,

ut dictum est, componitur ex conditionali et categorica sic : Si est homo cum sit ani- matum , est animal , sed est homo , ergo cum sit animatum est animal. Et consimi- liter fiet talis syllogismus, si aliqua pars ejus, vel omnes sint negativa? sic : Si est homo, cum non sit inanimatus est sensibi- lis; sed est homo, ergo cum non sit inani- matum est sensibile. A destructione vero consequentis sic : Si est homo cum sit ani- matum , non est sensibile , ergo non est homo. In negativa sic : Si est homo cum non sit inanimatus est sensibilis; sed cum non sitinanimatum, non est seasibile, ergo non est homo. Secunda vero propositio, ut dictum est, compusita ex categorica et con- ditionali sic, si cum est animatum est ani- mal, est homo. Fiunt autem ex tribus pro- positionibus syllogismi a positione antece-

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 315

trois propositions par la position de l'antécédent, si comme il est quelque chose d'animé, il est homme, il est animal ; mais comme il est quelque chose d'animé, il est homme, clone il est animal. En niant une partie, on fait ainsi : si comme il est quelque chose d'animé, il est homme , il n'est pas cheval. On procède ainsi par le destruction du conséquent, si comme il est quelque chose d'animé, il est homme, il est animal; mais il n'est pas animal, donc comme il est quelque chose d'animé , il n'est pas homme. Avec une partie négative de cette manière, si comme il est quelque chose d'animé, il est homme, il n'est pas cheval ; maisil est cheval, donc comme il est quelque chose d'animé, il n'est pas homme. Et comme , ainsi que nous l'avons dit , chacune de ces propositions peut admettre huit variantes, on peut faire avec chacune d'elle seize syllogismes, huit par la position de l'antécédent et huit par la destruction du conséquent. La troisième proposition , comme il a été dit, est composée de deux conditionnelles de cette manière : s'il est homme , il est animal , s'il est animal , il est sub- stance. Cette proposition peut offrir trois variantes suivant les varia- tions des termes ; car il y a en elle un terme pris deux fois; or comme il y a deux conditionnelles , ce terme est quelquefois antécédent dans l'une et l'autre de cette manière : s'il est homme, il est animal, s'il n'est pas homme, il est insensible. Quelquefois il est conséquent dans l'une et l'autre de cette manière : s'il est homme, il est animal, s'il est pierre, il n'est pas animal. D'autres fois il est conséquent dans l'une et antécédent dans l'autre de cette manière, s'il est homme , il il est animal, s'il est animal, il est substance. En conséquence de cela il y a trois variations dans les syllogismes qui se font avec ces sortes de propositions , et néanmoins chacune de ces propositions se diversifie de huit manières suivant les affirmations ou les négations de ses parties, et il en résulte seize modes de syllogismes. Mais quand

dentis sic : Si cum est animatum est homo, est animal , sed cum est animatum , est homo, ergo est animal. Negando vero ali- quam pa^em sic , si cum est animatum, est homo, non est equus. A destructione vero consequentis sic : Si cum est anima- tum, est homo , est animal ; sed non est animal, ergo cum sit animatum non est homo. Cum parte vero negativa sic : Si cum est animatum , est homo , non est equus; sed est equus, ergo curn sit anima- tum non est homo. Et quia ut dictum est, quaelibet illarum propositionum habet va- riari octo modis, ex qualibet possunt iieri sexdccim syllogismi, scilicet octo a posi- tione antecedentis et octo a destructione consequentis. Tertia vero propositio , ut dictum est, composita est ex duabus condi-

tionalibus sic : Si est homo est animal, si est animal est substantia. Potest autem haec propositio variari tripliciter secundum tri- plicem variationem terminorum. Nam in ea est unus terminus bis sumptus , cum autem sint dua3 conditionales , talis termi- nus aliquando est antecedens in utraque sic : Si est homo, est animal, si non est homo, est insensibile. Aliquando est conse- quens in una et antecedens in alia sic : Si est homo est animal, si est animal est sub- stantia. Et secundum hoc tripliciter va- riantur syllogismi, qui fiunt ex hujusmodi proposilionibus, et tamen quœlibet istarum propositionum multiplicatur in octo se- cundum at'firmatiunes et negationes par- tium ejus , ex quibus fiunt sexdccim modi syllogismorum. Quando vero idem termi-

316 OPUSCULE XLVI1, TRAITÉ 10, CHAPITRE 17.

le même terme est conséquent dans une et antécédent dans l'autre , oif construit les syllogismes de cette manière : s'il est homme, il est animal, s il est animal, il est substance; mais il est homme,- donc il est substance , et ces sortes de syllogismes se font par la position de l'antécédent. Par la destruction du conséquent de cette manière : s'il est homme, il est animal, s'il est animal, il est substance; mais il n'est pas substance, donc il n'est pas homme. Et Boëce appelle cette figure la première de ces propooitions. La seconde figure a heu quand l'antécédent est le même dans les deux propositions, dans quel cas on fait un syllogisme de cette manière par la position de l'antécé- dent: s'il est homme , il est animal, s'il n'est pas homme , il est insen- sible; mais il est homme , donc il n'est pas insensible; ou de cette manière , s'il est homme il est animal, s'il n'est pas homme, il n'est pas raisonnable; mais il est homme , donc il est raisonnable. Parla destruction du conséquent on procède ainsi : s'il est homme il est ani- mal , s'il n'est pas homme il est insensible; mais il n'est pas animal, donc il est insensible ; ou de cette manière , s'il est homme il est ani- mal, s'il n'est pas raisonnable, il n'est pas homme; mais il n'est pas animal , donc il n'est pas raisonnable. En effet, en détruisant animal, on détruit homme dont la destruction entraîne celle de raisonnable. La troisième figure se produit quand on n'argumente pas par la des- truction du conséquent, mais seulement par la position de l'antécé- dent de cette manière : s'il est homme, il est animal, s'il est pierre il n'est pas animal; mais il est homme, donc il n'est pas pierre. Tels sont les syllogismes conditionnels.

nus in una est consequens, et in altéra est antecedens, finnt syllogismi sic : Si est homo est animal, si est animal est sub- stantia ; sed est homo, ergo est substantia, et hujusmodi fiunt a positione anteceden- tis, a destructione conseqnentis sic : Si est homo, est animal, si est animal est sub- stantia ; sed non est substantia , ergo non est homo. Et haec dicitur a Boetio prima figura istarum propositionum. Secunda fi- gura secundum eum fit, quando idem est antecedens in utraque , ex quo fit syllogis- mus a positione antecedentis sic : Si est homo est animal, si non est homo est in- sensibilis ; sed est homo , ergo non est in- sensibilis; vel sic : Si est homo est animal,

si non est homo non est rationalis , sed est homo , ergo est rationalis. A destructione consequentis sic : Si est homo est animal., si non est homo est insensibilis ; sed non est animal , ergo est insensibilis. Vel sic : Si est homo est animal , si non est ratio- nalis non est homo , sed non est animal, ergo non est rationalis. Destructo enim animali destruitur homo , quo destructo destruitur rationale. Tertia liguai secun- dum eum est, quando non arguitur a des- tructione consequentis , sed solum a posi- tione antecedentis sic : Si est homo est animal, si est lapis non est animal ; sed est homo, ergo non est lapis. Et sic patet de syllogismis conditionalibus.

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

317

CHAPITRE XVIII.

Des syllogismes disjonctifs et des propositions réduplicatives , de la con- version par comparaison.

Nous allons parler des syllogismes disjonctifs. Remarquez que comme une proposition conditionnelle se multiplie suivant l'affirmation ou la négation de ses parties , quoique au nombre de quatre , il en est de même de la proposition disjonclive , parce que , ou les deux parties sont affirmatives , comme ou il est sain , ou il est malade , ou les deux parties sont négatives, comme ou il n'est pas sain, ou il n'est pas ma- lade, ou la première est affirmative et la seconde négative, comme ou il est sain , ou il n'est pas malade , ou la première est négative et la seconde affirmative, comme ou il n'est pas sain, ou il est malade. Pour faire des syllogismes de ces propositions, il faut examiner d'a- bord laquelle de ces propositions équivant à une simple conditionnelle, ensuite il faut faire le syllogisme avec cette disjonclive dans le même sens qu'on le faisoit avec la conditionnelle simple, comme il a été dit. Pour reconnoître cela , il faut supposer qu'afin que la proposition dis- jonctive soit vraie , il faut toujours que l'autre partie soit fausse , de telle sorte que la première partie soit fausse et la seconde vraie. Et comme pour vérifier toute proposition fausse il faut le faire par son opposée, par exemple, si celle-ci, il n'est pas homme, est fausse, elle se vérifie par celle-ci , il est homme , et vice versa , il faut pour cette raison examiner la première partie dans la proposition disjonc- tive et voir si elle est affirmative ou négative. Si la première partie est affirmative, elle équivant à l'antécédent nié de la conditionnelle. Car comme on suppose que l'antécédent de la conditionnelle doit être

GAPUT XVIII.

De syllogismiit disjunctivis et de propositio- nibus reduplicativis s et de conversione per comparalionem.

De syllogismis disjunctivis nunc dicen- dum est. Ubi nota quod sicut una propôsi- tio condilionalis secundum aflirmationem vel negationera suarum partium rnultipli- catur, et si sunt quatuor, ita etiara se ha- bet de propositione disjunctiva sic, quia aut amba? partes sunt afïirmativae, ut aut est sanum , aut est segrurn ; vel ambee partes sunt negativa?., ut aut non est sanum, ant non est aegrum ; vel prima est aflirmativa etsecunda negativa, ut aut est sanum, aut non est a?grum; vel prima negativa et se- cunda aflirmativa, ut aut non est sanum, aut est ajgruin. Ad faciendum autem syllo-

gismos de praedictis propositionibus, primo oportet videre qua? dictarum propositio- num uni simplici conditionali œquipollet , postea secundum quod fiebat syllogismus ex illa conditionali simplici, ut supra dic- tum est, sic fiât de ista disjunctiva. Ad hoc enim videndum oportet supponere quod ad hoc ut propositio disjunctiva sit vera, sem- per oportet quod altéra pars sit falsa , ita videlicet quod prima pars sit falsa et se- cunda vera. Et quia posita quacumque propositione falsa si verilicatur, débet ve- rificari per suam oppnsitam. Verbi gratia, si haec est falsa, non est homo, verilicatur per hanc, est homo, et e converso ; ideo vi- deamus in propositione disjunctiva partem primam , ntrum sit aflirmativa vel nega- tiva. Si prima pars est aff'nmativa, œqui- pollet antecedenti conditionalis negato.

:US OPUSCULE XLVil, TRAITÉ 10, CHAPITRE 18.

vrai pour que toute la conditionnelle soit vraie, de même la première proposition catégorique , que nous appelons antécédent dans la dis- jonctive, doit toujours être fausse. Afin que ces deux antécédents soient équipements , il faut que si l'un est affirmé , l'autre soit nié, perce que dans les deux propositions, conditionnelle et disjonctive, le conséquent est vrai. C'est pourquoi, afin qu'il y ait équipollejice entre eux, il faut que si l'un est affirmé, l'autre le soit, si l'un est nié, l'autre le soit aussi. Par exemple, soit cette disjonctive, ou il est sain , ou il est malade, dont l'antécédent et le conséquent sont al- firmatifs , pour qu'elle soit équivalente à une conditionnelle vraie, la conditionnelle doit avoir un antécédent nié et un conséquent affirmé de cette manière : s'il n'est pas sain, il est malade, et ainsi des autres. Ceci posé , il est facile de connoitre les syllogismes disjonctifs, car, comme il a été dit , quatre syllogismes conditionnels se font par la position de l'anlécédent, et quatre par la destruction du conséquent. C'est la môme chose dans ces propositions. En effet, la première pro- position conditionnelle d'où se tiroit le premier mode, étoit celle-ci : s'il est homme, il est animal; suivant donc ce que nous avons dit elle a pour équivalente celle-ci : ou il n'est pas homme , ou il est animal. Faisons donc un syllogisme disjonctif de celte manière : ou il n'est pus homme, ou il est animal; mais il est homme, donc il est animal. La seconde proposition du second mode étoit celle-ci, s'il est homme il n'est pas pierre , laquelle a pour équivalente cette autre, ou il n'est pas homme, ou il n'est pas pierre; et faisons un syllogisme disjonctif de cette manière : ou il n'est pas homme, ou il n'est pas pierre ; mais il est homme , donc il n'est pas pierre. La troisième proposition étoii celle-ci : si l'animal n'est pas bien portant, il est malade , à laquelle

Nam sicut antecedens conditionalis suppo- nitur-, quod débet esse verum, ad hoc quod tota conditionalis si t vera , ita prima pro- positio categorica , quam vocamus in dis- junctiva antecedens , semper débet esse fiiUi. Ad hoc vero quod isla duo autece- dentia seqoipolieant, oportet quod si unum est .ii'iirmatini), quod ulterum sit negatum, quia in utraque , scilicet conditi iiali et disjunctivu, consequens est verum; ideoad hoc, quod inter se œquipolleant , oportet quod si unum estal'linnaluiu, et reliquum, et si unmii est aegatuai , et reliquum. Verbi gratia , sit disjuncliva ista , aut est sanuiu, aut est ;r-gruin, que babet antece- dens et consequens alliianativa , ad lmc quod squipolleat conctitionali vera- , débet conditionalis habere antecedens Degatnm, •■'(liions allirinatum sic : Si non est saiium est segruin, et sic de aliis. His ba-

bil is, faciliter possunt sciri syllogismi dis- junctivi, ut eniin gupradictum est, quatuor syllogismi conditionales fiunt a positioae anlecedcntis , et quatuor a dostructione cousequentis. Eodem modo in tstis prepo- Bitionibus. Prima enim propositio conditio- nalis, ex qua sumebatur primus modm, arat ista, si est horao est animal, secun- dum ergu dicta, lmic œquipoUet i>ta : aut non est hoino , aut est animal. Fiai sylldgismus disjunctivns sic : Aut non Bft homo, aut esl animal; Red est boiBO, ergo est animal. Secunda propositio seeun.li modi erat ista , si est homo non est lapis, oui aeqaipollet ista, aut non est horao, aut lion est lapis, et liât syllogismus disjuneti- \us sic : Au! mm est homo , aut BOB esl lapis ; sed est lnmio, ergo non est lapis. Tertii propositio erat ista, si animal n ai est sauum, est legi'inn, cui sequjpollet ista:

I

SUR LA LOGIQt F. d'aRISTOTE. 319

équivaut celte autre : ou il est bien portant, ou il est malade, el l'u- sons un syllogisme disjonctif de cette manière : ou il est sain , ou il est malade; mais il n'est pas sain, donc il est malade. La quatrième proposition étoit celle-ci : s'il n'est pas animal, il n'est pas homme, laquelle a pour équivalente celle-ci : ou il est animal, ou il est homme, et taisons un syllogisme disjonctif de cette manière : ou il est animal, ou il est homme ; mais il n'est pas animal, donc il n'est pas homme. Dans la seconde figure on procède par la destruction du conséquent et l'on fait de celte manière le premier syllogisme : Ou il n'est pas homme , ou il n'est pas animal ; mais il n'est pas anim;il, donc il n'est pas homme ; on fait ainsi le second : ou il n'est pas homme, ou il n'est pas pierre ; mais il est pierre , donc il n'est pas homme ; on fait ainsi le troisième : ou il est bien portant, ou il est malade; mais il n'est pas malade, donc il est bien portant. Le quatrième se fait ainsi : ou il est animal , ou il n'est pas homme ; mais il est homme , donc il est animal. Tels sont les syllogismes disjonctifs. Tenons-nous- en donc pour ces syllogismes. Je ne m'occuperai pas des autres espèces d'argumentation. Il faut observer qu'afin que la proposition réduplicative soit vraie , il faut que les quatre propositions qui l'ex- posent, savoir trois catégoriques et une hypothétique, soient vraies, et si l'une d'elles étoit fausse, elle seroit fausse elle-même. Et comme ces propositions se font quelquefois à raison de la concomitance, comme si on disoit, l'homme est coloré en tant que corporel : quelquefois à raison de la cause, comme, le feu est échauffant en tant que chaud. C'est pourquoi la proposition réduplicative à raison de la cause requiert pour être vraie , non-seulement que les quatre qui l'exposent soient vraies, mais encore que ce sur quoi tombe le redoublement exprime la cause de ce qui est emporté par le prédicat, ou soit ce en quoi ré-

Aut est sanum, aut est regrum, et liât syl- logismus disjunctivus sic : Aut est sanum aut est a?grum ; secl non est sanum , ergo est œgrum. Quarta propositio crat ista : Si non est animal, non est homo , cui a-qni— pollet ista : Aut est animal, aut est homo, et Hat syllogismus disjunctivus sic : Aut est animal aut est homo ; sed non est ani- mal, ergo non est homo. Fn secunda vero figura procedil'.ir a destructione conséquen- ts et fit piïmus syllogismus sic : Aut non est homo, aut non est animal ; sed non est animal, ergo non est homo. Kecuiidus sic : Aut non est homo, aut non est lapis; sed est lapis, ergo non est homo. Tcrtius sic : Aut est sanum , aut est œgrum ; sed non est aegrum, ergo est sanum. Quartus sic : Aut est animal, aut non est homo ; sed est homo, ergo est animal. Et sic patet de syl-

logismis disjunctivis. Dictum ergo sit de syllogismis hoc modo. De aliis auteni spe- cii'lms argumentations non me intromitto. Notandum ad hoc quod propositio redu- plicativa sit vera, requiritur quod quatuor propositiones exponentes ipsam, scilicet très catégorie» et una hypothetica sint verae, et si aliqua ipsarum esset falsa, ipsa esset falsa. Et quia taies propositiones ali- quando liunt gratia codeomitaotia , ut si dicatur , homo in quantum corporeus est coloratus. Aliquando gratia causai, ut ignis in quantum calidus est calefactivus. Et ideo reduplicativa gratia OHMKB »d veritatem suam non solum requirit quod quatuor ejus exponentes sint vera , sed quod illud super quod cadit reduplicatio , exprimât causam importati per praîdicatum , vol quod sit illud cui primo inest pnedicatum

320 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 10, CHAPITRE 18.

side d'abord le prédicat principal. Par exemple pour l'une et l'autre des susdites propositions. En effet, pour que cette proposition, l'homme est coloré en tant que corporel, soit vraie, il faut que celles- ci soient également vraies, l'homme est coloré, l'homme est corporel, et tout ce qui est corporel est coloré , et si quelque chose est corporel c'est en effet coloré. De même pour la vérité de celle-ci, le feu est échauffant en tant que chaud , il est vrai que le ' feu est échauffant , que le feu est chaud , que tout ce qui est chaud est échauffant, s'il y a quelque chose de chaud c'est échauffant, et le chaud est la cause de lacaléfaction. La réduplicative se convertit de cette manière : le feu est échauffant en tant que chaud , une chose qui est échauffante en tant que chaude c'est le feu , et non de cette manière : ce qui est échauffant en tant que chaud est le feu. Il faut observer que la propo- sition universelle affirmative se convertit simplement en changeant les termes finis en termes infinis ; il en est de même de la particulière négative. La raison en est que la proposition universelle affirmative en termes finis ne se convertit pas simplement, parce que il se trouve des termes elle est comme, tout homme est susceptible de rire, et tout ce qui est susceptible de rire est homme. Il se trouve aussi des termes contraires comme , tout homme est animal, il ne s'ensuit pas, donc tout animal est homme , car animal dit plus qu'homme; mais comme le terme qui dit pins que l'autre terme, si on le rend infinité- simal, dira plus ensuite que l'autre qui disoit moins d'abord. Car non animal se dit de moins de choses que non homme, parce que non animal se dit de tous, les êtres excepté des animaux. Non homme se dit de tous les êtres et des animaux, excepté de l'homme ; la conversion peut donc se faire. Mais il n'y a pas de conversion dans la particulière

principale. Verbi gratia, de utraque dicta- rum propositionum. Ad hoc enim quod ista sit vera, homo in quantum corporeus est coloratus, requiritnr quod ont vcrie, ^cilicet homo est coloratus, homo est corporeus et omne rorporeum, est colora- tum, et si aliquid est corporeum enim co- lora tum. Similiter ad veritatem istius , ignis in quantum calidus est calefactivus. Verum est quod ignis est calefactivus et quod ignis est calidus, et omne calidum est calefactivum, et si aliquid est calidum id est calefactivum, et calidus est causa ca- lefactionis. Et convertitur reduplicaliva sic : Ignis in quantum calidus est calefac- tivus; aliquid quod in quantum calidum est calefactivum est ignis, et non sic : Ca- lefaclivum in quantum calidum est ignis. Kotandum quod propositio universalis af- firmativa convertitur simpliciter mutatis

terminis finitis in terminos inûnitos , con- similiter est etiarn de particulari negativa. Causa est, nam propositio univers-alis affir- mativa in terminis fimtis non convertitur simpliciter, quia inveniuntur termini in quibus sit, ut omnis homo est risibilis, et omne risibile est homo. Inveniuntur etiam termini in quibus non, ut omnis homo est animal, non sequitur , crgo omne animal est homo , quia in plus se habet animal quam homo. Sed quia terminus qui in plus se habet quam alius terminus, si in- finitetur, se habet in minus quam ille, qui in minus se habebat. Nam de pauciuribns praedicatur non animal, quam non homo, quia non animal praedicalm- de omnibus entibus, praterquam de animalibus. Non bomo vero praedicatw de omnibus entibus et de animalibus, praeterquam de homine, potest ergo iieri conversio. In particulari

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 321

négative en termes finis , parce qu'il se trouve des termes il y a négation, quand par exemple une espèce se dit négativement de son genre , comme quelque animal n'est pas homme , mais non vice versa; mais si l'on vérifie les termes, savoir l'homme n'est pas blanc, non blanc dit plus que non homme, donc on peut faire la conversion, savoir quelque chose non blanc n'est pas non homme. Tels sont les syllogismes, etc..

Fin du traite' du syllogisme simpliciter.

TRAITE XI.

Du MÊME AUTEUR , DU SYLLOGISME DÉMONSTRATIF.

CHAPITRE PREMIER.

Ce que c'est que le syllogisme démonstratif .

Nous allons parler maintenant de la démonstration. En effet, la science étant l'habitude de la conclusion démontrée acquise par la spéculation , pour savoir ce que c'est que la science et comment on l'acquiert, il est nécessaire de savoir ce que c'est que la démonstration. Or la démonstration est un syllogisme procédant de choses vraies, né- cessaires , premières de soi , propres , connues par elles-mêmes , im- médiates et causes de la conclusion. Il faut savoir que parmi les dé-

ver o negativa in terminis finitis non fit conversio , quia inveniuntur termini in quibus non, quando videlicet aliqua species prœdicatur négative de suo génère, ut quoddam animal non est homo, sed non e converso ; sed si veriiicantur termini, sci- licet homo non est albus, in plus se habet

non albus quam non homo ; ergo potest fieri conversio , sciiicet quoddam non al- bum non est non homo. Et sic patet de syllogismis, etc.

De syllogismo simpliciter tractatus féli- citer finis.

TRACTATUS XL

Ejusdem doctoris, de syllogismo demonstrativo.

CAPUT PRIMDM.

De syllogismo demonstrativo quid sit.

Restât nunc dicere de demonstratione.

Cum enim scientia sit habitus conclusions

demonstratee acquisitus ex ipsius specula-

V.

tione , ad sciendum quid sit scientia et quomodo acquiratur, necesse est scire quid est demonstratio. Est autem demonstratio syllogismus procedens ex veris, necessariis, per se primis, propriis, per se notis, imme- diatis, et causis conclusionis. Sciendum

21

322 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 2.

monstrations il y en a une propter quid, et une quia, c'est pourquoi ]a définition précédente ne convient qu'à la démonstration propter quid. Dans cette définition il y a des choses qui appartiennent à la forme de la démonstration , en ce qui est dit être le syllogisme , d'autres qui appartiennent à la matière de la démonstration , c'est-à- dire qu'il procède de choses vraies, nécessaires, etc.. C'est pourquoi j'exposerai d'abord les particules qui appartiennent à la matière objet delà démonstration; secondement j'établirai ce qui appartient à sa forme , c'est-à-dire dans quelle figure et dans quel mode ce syllo- gisme doit être fait. Que la démonstration procède de choses vraies , nécessaires, etc., on peut le voir clairement par sa fin, qui est de savoir, puisque savoir n'est autre chose que connoître la cause d'une chose quelconque , et non-seulement la cause en tant que cause , mais en tant que cause actu de cette chose. En effet, connoître la cause d'une chose , et ne pas connoître l'effet de son être en acte, c'est con- noître l'effet virtuellement : or ce n'est pas connoître l'effet si?n- pliciter , c'est le connoître seulement secundum quid. De plus, comme savoir c'est connoître d'une manière certaine, il faut que cet effet suive nécessairement cette cause. Donc la conclusion de la démonstration , dont l'habitude est la science, ou de savoir habitualiter, doit procéder nécessairement de prémisses qui soient les causes vraies et nécessaires de la conclusion.

CHAPITRE II. Ce que c'est que dici de omni premièrement de soi , ou universellement.

Pour explorer les susdites particules de la définition de la démons- tration qui appartiennent à la matière objet de la démonstration, il est

quod demonstrationum quaedam est prop- ter quid; et quaedam est quia, unde dicta diffinitio solum convenit démonstration! propter quid. In praedicta autem diffini- tione quaedam sunt quae pertinent ad for- mam demonstrationis, in hoc quod dicitur esse syllogismus, quaedam sunt quae perti- nent ad materiam, demonstrationis scilicet quod sit procedens ex veris, necessariis, etc. Unde primo exponam particulas pertinen- tes ad materiam de qua est demonstratio. Secundo ponam ea quae pertinent ad ejus formam, scilicet in qua figura vel modo talis syllogismus debeat fieri. Quod enim demonstratio procédât ex veris , necessa- riis, etc., hoc potest patere per fniem suum qui est scire. Cum enim scire nihil aliud sit quam cognoscere causam alicujus rei, et non solum causam ut causa est, sed ut

est causa illius rei actu. Cognoscere enim causam alicujus rei et non cognoscere ef- fectum ejus esse in actu , est cognoscere effeetum in virtute; hoc autem non est scire effeetum simpliciter, sed est scire so- lum secundum quid. Eliam quia scire est per certitudinem cognoscere, oportet prae- dictum effeetum necessario semper ad il- lam causam sequi. Conclusio ergo demons- trationis , cujus habitus est scientia , seu scire habitualiter , oportet quod procédât ex talibus praetnissis, quae sint verae et ne- cessante causae conclusionis.

CAPUT II.

Quid sit dici de omni per se primo, seu universaliter.

Ad investigandum autem dictas parti- culas dil'fmitionis demonstrationis perti-

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 323

nécessaire de faire quelques observations préliminaires. Comme les pré- misses de la démonstration sont universelles, il faut savoir par consé- quent ce que c'est que dici de omni, et comme le prédicat s'y dit par soi du sujet , il faut savoir ce que c'est que per se et primo. Dici de omni, dans le sens on le prend ici, c'est lorsqu'il n'y a rien à prendre dans le sujet dont le prédicat ne se dise pas, ni un temps dans lequel le prédicat ne convienne pas à ce sujet. La différence qui existe entre dici de omni dont on parle ici et celui dont on a parlé dans le traité du syllogisme, c'est qu'on le prenoit dans le premier cas pour toutes les fois qu'une chose se dit universellement de quelque sujet, soit que le prédicat soit inhérent au sujet nécessairement, et en tout temps, soit qu'il ne le soit que d'une manière contingente, comme ici. C'est pour- quoi dans cette proposition , tout homme court, dici de omni se con- serve de cette manière. Mais ici dici de omni se prend pour ce qui est toujours inhérent au sujet, comme tout homme est animal : car il ne peut pas y avoir de temps l'homme ne soit pas animal ; on voit donc ce que c'est que dici de omni. Ver se se dit de quatre manières; premièrement quand le prédicat est la définition ou quelque partie de la définition du sujet, comme, tout homme est un animal raisonnable mortel, ou tout homme est animal; secondement quand le prédicat est la propre passion du sujet, dans laquelle définition se trouve le sujet, comme, tout homme est susceptible de rire. En effet homme se trouve dans la définition susceptible de rire non comme partie essen- tielle, mais comme quelque chose hors de son essence, sans quoi il ne pourroit être connu. Car l'être de l'accident dépendant du sujet, il faut que la définition qui signifie son être, contienne le sujet en elle. Troi- sièmement on dit qu'une chose est par soi quand elle signifie quelque

nentes ad materiam , de qua est démon- stration prœmittenda sunt quaedam neces- saria. Quia enim preemissae demonstratio- nis sunt universales , ideo oportet scire quid est dici de omni ; et quiâ in eis prae- dicatum dicitur per se de subjecto , ideo oportet scire quid est per se, et quid pri- mo. Est autem dici de omni ut hic sumi- tur, quando nihil est sumere sub subjecto, de quo non dicatur praedicatum), nec est sumere aliquod tempus , in quo prœdica- tum tali subjecto non conveniat. Hœc est autem differentia inler hoc dici de omni, et illud quod in tractatu syllogismi dic- tum fuit, nam ibi sumebatur dici de omni , quandocumque aliquid prœdicatur universaliter de aliquo subjecto , sive sub- jecto insit pnedicatum necessario et omni tempore , sive contingenter, ut nunc. Unde iu illa propositione , omnis homo currit, salvatur hoc modo dici de omni. Sed nunc

sumitur dici de omni de eo quod semper inest subjecto, ut omnis homo est animal; non enim est dare aliquod tempus , in quo homo non sit animal, patet ergo de dici de omni. Per se autem dicitur quadrupliciter. Primo modo, quando prœdicatum est dif- finitio vel aliqua pars difîinitionis ipsius subjecti, ut omnis homo est animal ratio- nale mortale, vel omnis homo est animal. Secundo modo dicitur per se, quando pnedicatum est propria passio ipsius sub- jecti, in cujus diffinitione ponitur subjec- tum, ut oinnis homo est risibilis. In diffi- nitione enim risibilis ponitur homo non ut pars ejus essentialis, sed ut aliquid extra essen'iiam suam , sine quo cognosci non posset. Cum enim esse accidentis dependeat a subjecto, oportet quod difhnitio quœ si- gnificat esse ipsius , contineat in se sub- jectum. Tertio modo dicitur aliquid esse per se , quando significat aliquid solita-

324 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 2.

chose de solitaire, comme singulier dans le genre de la substance , tel que Sortes , Platon ; blanc ou ambulant de cette manière n'est pas dit m v se , puisque on n'entend pas quelque chose de solitaire existant par soi. Car en disant blanc, je dis l'accident et le sujet ; mais quand je dis Sortes je dis quelque chose de solitaire , et c'est ainsi dit per se. Or il faut savoir que ce mode n'est pas un mode de prédication per se, mais c'est un mode d'être. La quatrième manière de prédication per se, c'est lorsqu'on dit d'une chose une autre chose qui en est la cause immédiate et nécessaire, comme quand nous disons que l'assassiné est mort par l'assassinat. C'est ce qu'on appelle per se. On dit que la pré- dication se fait primo quand le prédicat et le sujet sont tellement adé- quats que le prédicat ne peut se trouver hors du sujet, ni le sujet hors du prédicat, comme lorsque nous disons, l'homme est susceptible de rire. En effet la faculté de rire est tellement attachée à l'homme que l'on peut appeler homme tout ce que l'on peut dire susceptible de rire et réciproquement. C'est pourquoi en disant : Sortes a la faculté de rire , quoique susceptible de rire se dise de Sortes dans le second mode de prédication per se, on ne le dit pas néanmoins dans le premier, parce que susceptible de rire se dit d'un plus grand nombre que de Sortes. Néanmoins Aristote appelle universel , ce que l'on dit primo , non pas dans le sens on a pris ce mot dans le premier traité , mais bien parce que le prédicat peut se dire universellement du sujet, et le sujet du prédicat. On voit par ce que signifient ces trois choses, dici deomni, perse et universelle. Tout ce qui se dit primo et univer- saliter , ne se dit pas per se, mais non réciproquement. En effet, susceptible de rire se dit primo per se de l'homme , quoique cela se dise per se de Sortes, ce n'est pas néanmoins primo. De même aussi

rium, sicut siugulare quod est in génère substantiae, ut Sortes et Plato, album vel ambulans, isto modo non dicitur per se, cum non intelligatur aliquid solitariurn per se existens. Dicendo enim album, dico ac- cidens et subjectum ; sed cum dico Sortes, dico aliquid solitariurn , et sic dicitur per se. Sciendum est autem quod iste modus non est modus praedicandi per se , sed est modus essendi. Quarto modo praedicatur aliquid per se , quando aliquid dicitur de aliquo , quod est immediata et necessaria causa ipsius, sicut dicimus quod interfec- tus interiit interfectione. Interfectio enim est immediata et necessaria causa ipsius intérims, et sic patet de per se. Primo au- tem dicitur aliquid praedicari, quando prae- dicatum et subjectum ita sunt adsequata , ut praedicatum non possit inveniri extra subjectum, nec subjectum extra praedica- tum, sicut cum dicimus, homo est îisibilis.

Ita enim se habet risibile ad hominem, quod de quoeumque dicitur risibile, de eodem dicitur et homo, et e converse. Inde dicendo : Sortes est risibilis, licet modo ri- sibile praedicetur de Sorte in secundo modo dicendi per se, non tamen pradicatur pri- mo, quia risibile de pluribus praedicatur quam de Sorte. Philosophus tamen hoc quod dictum est praedicari primo, vocat universale, non taie universale de quo in primo tractatu dictum est, sed quia prae- dicatum de subjecto, et subjectum de prae- dicato potest universaliter praedicari. Ex his patet quomodo se habent ista tria, sci- licet dici de omni , per se et universale. Neque omne quod primo, seu universaliter praedicatur, praedicatur per se , non tamen e converso. Risibile enim primo per se praedicatur de homine. Licet autem risibile praedicetur per se de Sorte , non tamen praedicatur primo. Similiter etiam quod

SUR LA LOGIQUE d\\RISTOTE. 325

ce qui se dit per se , se dit de omni, cependant tout ce qui se dit de omni ne se dit pas per se; car en disant, tout animal est homme, c'est une prédication de omni et non pas néanmoins per se.

CHAPITRE TII.

Que la démonstration procède de choses vraies et nécessaires.

Voyons maintenant les parties de la définition de la démonstration que nous avons énumérées. On dit en effet que la démonstration pro- cède de prémisses -vraies. Nous avons dit plus haut ce que c'est que le vrai. Or pour que la conclusion soit vraiment déduite des prémisses comme de ses causes, il faut que les prémisses soient vraies; car quoi- que l'on puisse tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, néan- moins la vérité de la conclusion provient des prémisses. Nous disons, en effet, tout homme est pierre, toute perle est homme, donc toute perle est pierre; cette conclusion est vraie, quoique les prémisses soient fausses. Et comme toute cause s'assimile son effet , la fausseté de ces propositions ne peut pas être la cause de la vérité de la conclu- sion; c'est pourquoi dans Ier Priorum Arïstote dit qu'une conclusion vraie de prémisses fausses se produit non propter quid , mais quia. On voit donc que la démonstration procède de choses vraies. On dit ensuite que la démonstration procède de prémisses nécessaires ; or nous avons dit dans le traité des syllogismes ce que c'est qu'une pro- position nécessaire. Il faut noter qu'une proposition démontrée doit être nécessaire. Car si science dit une certitude qui ne peut venir de contingents en tant que contingents , mais seulement de choses né- cessaires , la conclusion dont l'habitude est la science , doit être né-

per se prsedicatur , dicitur de omni , non tamen omne quod dicitur de omni, dicitur per se. Nam dicendo , omne animal est homo, est praedicatio de omni, non tamen per se.

CAPIJT m.

Quod demonstratio procedit ex veris et ne- cessariis.

His visis videamus partes diffinitionis demonstrationis supra positae. Dicitur enim ibi, quod demonstratio procedit ex prœ- missis veris. Quod autem sit verum , dic- tum est supra. Ad hoc autem quod con- clusio sit vera ex prœmissis sicut ex causis, oportet prsemissas esse veras. Licet enim ex falsis possit concludi verum, tamen Ve- ritas conclusionis est ex praemissis. Dici- mus enim, omnis homo est lapis, omnis

margarita est homo, ergo omnis margarita est lapis; conclusio modo est vera , licet prœmissae sint falsœ. Et quia omnis causa assimilât sibi effeetum , falsitas dictarum propositionum non potest esse causa veri- tatis conclusionis , et ideo in I Priorum, dicit Philosophus, quod verum concluditur ex falsis, non propter quid, sed quia. Patet ergo quod demonstratio procedit ex veris. Deinde dicitur , quod demonstratio proce- dit ex prœmissis necessariis ; quœ autem fit propositio necessaria , dictum est in trac- tatu syllogismorum. Notandum quod con- clusio demonstrata, oportet quod sit ne- cessaria. Si enim scientia dicit certitudi- nem , quœ non potest esse de contingenti- bus, ut contingentia sunt , sed solum de necessariis, oportet quod conclusio , cujus habitus est scientia , sit necessaria. Hoc

320 OPUSCULE XLVH, TRAITÉ U, CHAPITRE 4.

cessaire. Cela posé, il faut savoir que, bien qu'on puisse avoir une conclusion nécessaire de prémisses contingentes, ou au moins d'une, comme il a été dit , on ne peut néanmoins pas avoir la science avec des prémisses contingentes, mais bien avec des prémisses nécessaires. En effet , si savoir, comme nous Pavons dit , c'est connoître la cause nécessaire d'une chose, et si le moyen terme se rapporte aux extrêmes d'une manière contingente, il ne sera pas nécessaire, et par conséquent il pourra être exclu de la conclusion qui restera nécessaire; il ne sera donc pas la cause de la conclusion. Donc pour qu'il soit la cause de la conclusion , il doit avoir un rapport nécessaire avec les deux ex- trêmes, et de cette manière les deux prémisses seront nécessaires. On voit donc que la démonstration procède de prémisses nécessaires.

CHAPITRE IV.

Que la démonstration procède de prémisses elle se trouve per se et non

per accidens. .

On dit ensuite que la démonstration procède de choses qui sont per se et non per accidens. Il faut savoir que dans la démonstration affir- mative principale le moyen est la définition du sujet en même temps que la définition de la passion. C'est pourquoi dans la majeure la pas- sion se dit de la définition du sujet, dans laquelle sont exprimés les principes de la passion même. En effet, comme il a été dit dans le premier traité , le sujet est comparé à la première passion, non-seule- ment en raison de la cause matérielle , mais même en raison de la cause efficiente. Donc la définition du sujet, prise en même temps que la définition de la passion , exprime la cause efficiente immédiate et né-

supposito sciendum est, quod licet conclu- sio necessaria possit concludi ex praemissis contingentibus, vel ex altéra ad minus, ut supra dictum est , non tamen potest sciri ex praemissis contingentibus, sed ex neces- sariis. Si enirn scire , ut supra dictum est, est causam rei necessariam cognoscere , si médium contingenter se habebit ad extre- mitates , non erit ei necessarium , et per consequens poterit removeri conclusione necessaria stante ; non ergo erit causa con- clusions. Ad hoc ergo quod sit causa con- clusions . necessario débet se habere ad ambas extremitates, et sic ambae prœrnis- sae erunt necessaria?. Patet ergo quod de- monstratio procedit ex praemissis neces- sariis.

CAPUT IV.

Quod demonstratio procedit ex prœmissis, in quibus est per se et non per acci- dens.

Deinde dicitur, quod demonstratio pro- cedit ex his quœ sunt per se , et non per accidens. Sciendum quod in demonstra- tione affirmativa potissima médium est difhnitio subjecti simul supra cum diffini- tione passionis. Unde in majori proposi- tione passio prœdicatur de diffinitione sub- jecti, in qua exprimuntur principia ipsius passionis. Ut enim primo tractatu dictum est, subjectum comparatur ad primam pas- sionem non solum in ratione causae mate- rialis, sed etiam in ratione causae efficien- tis. Diffinitio ergo subjecti simul sumpta cum diffinitione passionis, exprimit causam efficientem ipsius passionis immediatam e

SUR LA LOGIQUE d'ARISTOTE. 327

cessaire de la passion môme ; or c'est le quatrième mode de dire per se, comme on l'a dit plus haut. Dans la mineure, la définition se dit du sujet , et c'est le premier mode de dire per se. Dans la conclu- sion , la propre passion se dit de son sujet , et c'est le second mode de dire per se. Par exemple : si nous voulions démontrer que tout nombre quatre est pair, nous le ferions ainsi : tout assemblage mesuré par l'unité , qui n'a pas de moyen per se , est pair ; mais tout nombre quatre est un assemblage de ce genre , donc tout nombre quati'e est pair. Ici le sujet est le nombre quatre , sa passion est pair ou parité , et le moyen qui a été pris dit la définition du nombre , qui est un assemblage mesuré par l'unité, et dit aussi la définition de pair, parce que pair n'a pas de moyen suivant soi. Dans la majeure, la passion se dit de la définition du sujet dans laquelle est exprimée sa propre définition, et c'est le quatrième mode de dire perse. Dans la mineure , la définition du sujet se dit de son sujet, et c'est le premier mode de dire per se. Dans la conclusion, la propre passion se dit de son sujet , et c'est le second mode de dire per se. On voit donc que la démonstration procède de choses qui sont per se. La raison commune de cela s'établit ainsi. Le syllogisme qui procède de choses nécessaires, ne procède pas de choses qui sont per accidens , mais de choses qui sont per se; mais, ainsi que nous l'avons dit, la démonstration pro- cède de choses nécessaires , donc la démonstration procède de choses qui sont per se.

necessariam : hic autem est quartus modus dicendi per se , ut supra dictum est. In minori autem proposition* prsedicatur dif- finitio de subjecto , et hic est primus mo- dus dicendi per se. In conclusione vero praedicatur propria passio de suo subjecto, et hic est secundus modus dicendi per se. Verbi gratia : Si vellemus demonstrare quod omnis quaternarius numerus est par, sic sit : Omnis multitudo mensurata per unum, cujus per se non est médium, est par; sed omnis quaternarius numerus est talis multitudo , ergo omnis quaternarius est par. Hic subjectum est quaternarius numerus ; passio vero ejus est par seu pa- ritas : médium vero quod fuit sumptum dicit diffinitionem numeri, quae est multi- tudo mensurata per unum , et dicit diffi-

nitionem paris , quia paris secundum se non est médium. In majori propositions passio praedicatur de difiinitione subjecti, in qua exprïmitur diffinitio sua, et sic est quartus modus dicendi per se. In minori propositione diffinitio subjecti praedicatur de suo subjecto , et sic est primus modus dicendi per se. In conclusione vero praedi- catur propria passio de suo subjecto, et est secundus modus dicendi per se. Patet ergo quod demonstratio procedit ex his quas sunt per se. Ratio communis hujus lit sic. Syllogismus qui procedit ex necessariis, non procedit ex his quae sunt per acci- dens, sed ex his quae sunt per se ; sed ut dictum est , demonstratio procedit ex ne- cessariis; ergo demonstratio procedit ex his quae sunt per se.

328

OPUSCULE XLVII, TRAITÉ H, CHAPITRE 5.

CHAPITRE V.

Que la démonstration procède de choses premières et immédiates.

On dit ensuite que la démonstration procède de choses premières. Remarquez que dans la démonstration principale la propre passion se dit du sujet dans la conclusion. Dans les prémisses la prédication de la définition se fait du sujet , ou celle de la propre passion se fait de la définition du sujet ou de la sienne. Or toutes ces choses sont convertibles, et c'est la prédication première, comme il a été dit. Et à raison de cela la démonstration établie plus haut n'est pas prin- cipale; en effet, on conclut du nombre quatre qu'il est pair, mais le mot pair a plus d'étendue que le nombre quatre , puisqu'il se dit du nombre six , du nombre huit et des autres. Pair convient d'une ma- nière adéquate à quelque nombre commun qui est innommé , et s'il avoit un nom, la prédication seroit per se et prima; et on pourroit faire à son égard une démonstration principale. C'est ainsi que nous disons qu'avoir trois angles égaux à deux droits convient per se primo au triangle, parce qu'il y a conversion. Car tout triangle a trois angles, et tout ce qui a trois angles est triangle. Mais cela ne convient pas primo à l'isocèle, parce que tout ce qui a trois angles n'est pas isocèle. Ces propositions de démonstrations sont immédiates. En effet , une proposition médiate est celle dans laquelle le prédicat est inhérent au sujet à raison de quelque affirmation qui convient antérieurement au sujet , comme la faculté de rire à Sortes, parce que cette qualité con- vient antérieurement à l'homme. La proposition immédiate est celle dans laquelle le prédicat ne convient pas au sujet à raison d'une autre, comme la faculté de rire convient à la définition de l'homme, et toute

caput v.

Quod demonslratio procedit ex primis et irnmediatis.

Deinde dicitur, quod demonstratio pro- cedit ex primis. Ubi nota, quod in de- monstratione potissima praedicatur propria passio de subjecto in conclusione. In prae- missis autem vel praedicatur diffinitio de subjecto, vel propria passio de diffînitione subjecti et sua. Haec autem omnia conver- tibilia sunt, et hoc est praedicari primo, ut supra dictum est. Et propter hoc demons- tratio superius posita non est potissima ; concluditur enim par de numéro quater- nario , in plus enim se habent par quam numerus quaternarius, quia dicitur de se- nario, octonario, et caeteris. Convenit au- tem par adœquare alicui communi numéro

qui est innominatus, et de illo si haberet nomen, praedicatur per se et primo , et de illo posset fieri demonstratio potissima. Sicut dicimus quod habere très angulos aequales duobus rectis , convenit per se primo triangulo, quia convertuntur. Omnis enim triangulus habet très angulos , et omne habens très angulos est triangulus. Non autem convenit hysocheli primo, quia non omne habens très angulos est hyso- cheles. Taies propositiones demonstratio- num sunt immediatae. Mediata enim pro- positio est illa, in qua praedicatum inest subjecto propter aliquid praedicatum, quod subjecto per prius convenit , sicut risibile Sorti, quia per prius convenit homini. Immediata autem propositio est illa, in qua praedicatum non propter aliud conve- nit subjecto , sicut risibile convenit diffi-

SUR LA LOGIQUE d'aRISTOTE. 329

propre passion à la définition de son sujet et à la sienne. Il est donc évident, que la démonstration procède de principes premiers et immé- diats. Il faut savoir qu'il y a une différence entre premier et immé- diat; car tout ce qui est primairement inhérent n'est pas dit immédiat. Effectivement, la qualité de rire est primairement inhérente à l'homme, mais non immédiatement, parce qu'elle est inhérente per prius à la définition de l'homme et à la sienne, autrement la définition ne seroit pas un moyen pour attribuer par voie de conclusion la qualité de rire à l'homme. De même tout ce qui est inhérent immédiatement ne l'est pas primairement. En effet , homme est immédiatement inhérent à Sortes, mais non primairement ; car homme s'applique à un plus grand nombre d'individus que Sortes; c'est pourquoi les prémisses démon- stratives doivent renfermer l'un et l'autre. 11 faut savoir aussi que les premiers principes dans la démonstration étant quelquefois médiats, parce qu'ils peuvent être démontrés par quelque moyen , l'argumen- tateur néanmoins les prend comme immédiats et indémontrables. En effet, ils ne sont pas démontrables dans la science s'opère la dé- monstration , mais dans une science supérieure ; et conséquemment, quoiqu'ils aient un moyen, ils sont cependant pris comme immédiats.

CHAPITRE VI.

Que la démonstration procède de choses propres , et non d'étrangères , ni de communes.

On dit ensuite que la démonstration procède de choses propres. Remarquez qu'on appelle quelquefois une chose propre lorsqu'elle n'est pas étrangère , et quelquefois parce qu'elle n'est pas commune. Or la démonstration procède des deux manières de choses propres , parce qu'elle ne le fait pas de choses étrangères, ni de choses com-

nitioni hominis, et omnis propria passio diffinitioni sui subjecti et suae. Patet ergo quod demonstratio procedit ex primis prin- cipiis et immediatis. Sciendum quod dif- fert primum et immediatum ; nam non omne quod primo inest, dicitur imme- diatum. Risibile enim primo inest homini, sed non immédiate, quia per prius inest diffinitioni hominis, et suae, aliter diffînitio non esset médium ad concludendum risi- bile de homine. Similiter etiam non omne quod immédiate inest primo inest; homo enim immédiate inest Sorti , non tamen primo, quia de pluribus dicitur homo quam Sortes : unde preemissae demonstrationes oportet quod utrumque habeant. Scien- dum etiam quod cum prima principia in

demonstratione aliquando sint mediata, quia per aliquod médium possunt demon- strari , tamen demonstrator accipit ea , ut immediata et indemonstrabilia. Non enim sunt demonstrahilia in illa scientia, de qua est demonstratio, sed in scientia superior : et ideo licet habeant médium, tamen acci- piuntur ut immediata.

GAPUT VI.

Quod demonstratio procedit ex propriis , et non ex extraneis , nec ex communibus.

Deinde dicitur, quod demonstratio pro- cedit ex propriis. Ubi nota quod proprium aliquando dicitur esse ahquid , quia non est extraneum, et aliquando dicitur esse proprium, quia non est commune. Utroque

330 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 6.

munes. Pour comprendre qu'elle ne procède pas de choses étrangères, il faut savoir qu'il y a trois termes dans la démonstration comme dans tout syllogisme , savoir, le grand extrême , qui est la passion propre, le petit extrême , qui est le sujet , et le moyen terme , qui est la défi- nition du sujet avec la définition de la passion. Or, si le moyen terme étoit étranger au grand extrême ou au petit extrême , qui ne seroit pas la définition renfermant l'un et l'autre , le grand extrême alors ne seroit pas dit de lui per se., et il ne seroit pas dit lui-même du sujet per se; mais on a prouvé que dans la majeure le grand extrême se dit per se du moyen dans le quatrième mode de dire per se , et que dans la mineure le moyen se dit du petit extrême per se dans le pre- mier mode de dire per se ; donc la démonstration ne procède en au- cune manière de choses étrangères , mais bien de choses propres. Il faut savoir que, bien que dans les démonstrations il n'y ait pas tran- sition d'un genre à un genre étranger, néanmoins rien n'empêche que quelquefois le sujet d'une démonstration ne soit contenu sous le sujet d'une autre démonstration et le contracte. Par exemple : supposons que l'on démontre cette passion, savoir le sensitif, parla définition d'animal appliquée à l'animal même , si cette même passion étoit démontrée relativement à l'homme par le même moyen terme , ou par un moyen contracté dans la définition de l'homme , il se feroit alors une démonstration sous une autre , et ce seroit un sujet sous un autre sujet. Il faut aussi savoir qu'une semblable contraction est quel- quefois dans le même genre simpliciter, comme on l'a dit de l'animal et de l'homme , parce qu'elle s'opère quelquefois dans l'homme par quelque différence étrangère. Quelquefois cette contraction ou transi- tion s'opère dans le même genre secundum quid , parce que le sujet se contracte par une différence étrangère, comme visuel est étranger

autem modo procedit demonstratio ex pro- priis, quia non ex extraneis nec commu- nibus. Quod autem non procédât ex extra- neis , seiendum quod in demonstraiione sunt très termini , sicut in quolibet syllo- gismo, scilicet major extremitas, quse est propria passio , minor extremitas quae est sulijcctum , et médium quod est diffinitio subjecti cum diffinitione passionis. Si au- tem médium esset extraneum a inajori vel minori extremitate, quod scilicet non esset diffinitio utrumque comprehendens ; tune major extremitas non prœdicatur de eo per se, nec ipsum de subjecto per se prœdica- retur;sed probatum est, quod in majori propositione major extremitas prœdicatur per se de medio in quarto modo dicendi per se, et in minori propositione prœdi- catur médium de minori extremitate per se in primo modo dicendi per se; ergo

nullo modo demonstratio procedit ex ex- traneis, sed ex propriis. Seiendum quod licet in demonstrationibus non sit descen- sus ex uno génère in aliud genus extra- neum, tameu nihil prohibet aliquando sub- jectum unius demonstrationis contineri sub subjecto alterius demonstrationis , et contrahere illud. Verbi gratia , dato quod demonstraretur hœc passio, scilicet sensiti- vum , per diffinitionem animalis de ipso animali, si eadem passio demonstraretur de homine per idem médium, vel per médium contractum ad diffinitionem hominis, tune una demonstratio fieret sub alia demons- tratione, et esset subjectum sub subjecto. Seiendum etiam est, quod talis contractio aliquando est in eodem génère simpliciter, sicut dictum est de animali et de homine, quia aliquando contrahitur ad hominem per aliquam differentiam extraneam. Ali-

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 331

au genre de la ligne, et le son est étranger au genre du nombre. C'est pourquoi la ligne qui est simplement un sujet de géométrie , et la ligne visuelle qui est un sujet de perspective ne sont pas simplement du même genre, mais seulement secundam quid, il en est de môme du nombre qui est un sujet de l'Arithmétique et du nombre sonore qui est un sujet de la Musique. C'est pourquoi quand les choses qui appartiennent simplement à la ligne sont appliquées à la ligne visuelle, il se fait en quelque sorte une transition à un autre genre. Aussi dans la démonstration qui s'effectue dans la science de la per- spective et dans la musique , on procède en quelque façon de prin- cipes étrangers. On voit donc de quelle manière la démonstration procède de 'principes ou prémisses propres et non étrangères. Pour concevoir qu'elle procède aussi de choses propres et non communes , il faut savoir que dans la démonstration certains principes concourent actuellement , et d'autres virtuellement. Il y a certains principes qui sont la formule des communes conceptions de l'ame, parce que notre intellect est naturellement porté par sa lumière à les connoître , par la raison que les termes étant connus, il connoît immédiatement ces principes, comme, le tout est plus grand que sa partie. Car aussitôt que la raison connoît ce que c'est qu'un tout et ce que c'est qu'une partie, elle reconnoît la vérité de ce principe que le tout est plus grand que le partie. Or ces principes ou propositions premières sont plus et moins communs. C'est pourquoi ce principe commun , l'être ou le non-être se dit de toutes choses, est commun dans tout être; mais celui-ci , le tout est plus grand que sa partie , ne convient qu'à l'être corporel, et non aux substances séparées qui n'ont ni tout, ni

quando vero talis contractio seu descensus i demonstratione quaedam principia concur- sit in eodem génère secundum quid, quia runt actualiter , quaedam vero virtualiter. subjectum contrahitur per diffcrentiam ex- : Quaedam vero principia dicuntur digni- traneam, sicut visuale est extraneum a ge- i tates, seu communes animi cqnceptiones, nere lineae , et sonus est extraneus a ge- ; quia ita naturaliter intellectus noster incli- nere numeri. Unde linea quae est simplici- j natur per lumen suum ad ea cognoscenda, ter subjectum geometriae, et linea visualis ! quod statim cognitis terminis cognoscit illa quae est subjectum perspectivae , non sunt : principia ut : Omne totum est majus sua simplicitcr unius generis, sed solum secun- ! parte. Nam statim quod ratio cognoscit dum quid , et similiter se habet de nu- ' quid est totum et quid est pars, cognoscit mero, qui est subjectum arithmeticae , et . hoc esse verum , scilicet omne totum est de numéro sonoro, qui est subjectum mu- ! majus sua parte. Ista autem principia, seu sicae. Et ideo quando ea quae sunt lineae ! propositions primée sunt majus et minus simpliciter , applicantur ad lineam visua- J communia. Unde illud principium com- lem, fit quodammodo descensus in aliud ! mune : De quolibet dicitur esse vel non genus. Unde in demonstratione quae fit in | esse, est commune in omni ente; sed istud scient ta perspectiva, et in musica procedi- j principium , omne totum est majus sua tur quodammodo ex principiis extraneis. ! parte, solum convenit enti corporeo, et non Patet ergo qualiter demonstratio procedit ! substantiis separatis quae nec totum ha- ex principiis seu prœmissis propriis, et non bent, nec partem , et sic se habet mulris extraneis. Quod etiam procédât ex propriis j aliis. Unde dicta principia non intrant actu et non ex communibus, sciendum quod in i demonstrationes quae fiunt in scientiis, sed

332 OPUSCULE XLVH, TRAITÉ 11, CHAPITRE 6.

parties , et ainsi de plusieurs autres. C'est pourquoi les principes ci- dessus n'entrent pas actuellement , mais bien virtuellement clans les démonstrations qui se font dans les sciences. Car dans toute proposi- tion que je fais, il y a tout d'abord introduction virtuelle. En effet, lorsque je dis Pierre court, il est certain ou qu'il y a un homme , ou qu'il n'y en a pas. Donc ce principe, l'être ou le non-être se dit de toute chose , se trouve virtuellement dans chacune des prémisses de la démonstration ; il en est de même des autres principes moins com- muns , par rapport aux démonstrations dans lesquelles ils se trouvent virtuellement. C'est pourquoi dire que les démonstrations ne pro- cèdent pas virtuellement de ces principes, c'est une fausseté. Mais je dis que ces principes communs n'entrent pas actuellement dans la démonstration. En conséquence celui qui voudroit démontrer la qua- drature du cercle parles principes communs de cette manière , se trouve le plus et le moins se trouve aussi l'égal ; mais il se trouve un carré plus grand que le cercle et moindre que le cercle , donc on trouve aussi l'égal ; celui-là feroit une mauvaise démonstration. La raison en est , ainsi qu'on l'a prouvé plus haut, que la démonstration procède de choses premières et immédiates ; mais en usant de ces principes, les deux propositions de la démonstration ne seront pas immédiates et premières , parce que être plus grand ou plus petit que le cercle convient non-seulement au carré , mais encore au triangle et à plusieurs autres figures ; il n'y a donc pas dans cette proposition ce qui est premier, ou ce qui est inhérent primairement. Elle n'est pas non plus immédiate, parce que celapourroit se prouver par plusieurs moyens termes; donc ce n'est pas delà que procède la démonstration. 11 y a d'autres principes de démonstration qui entrent actu dans la démonstration , lesquels sont-aussi appelés positions , suppositions et définitions. Pour comprendre ces termes , il faut observer que tout ce

virtute ; quando enim dico quameumque propositionem, primum intrat in eam vir- tute. Cum enim dico : Petrus currit, cer- tum est vel quia homo est , vel non est, ergo hoc principium, scilicet, de quolibet dicitur esse vel non esse , virtute est in qualibet praemissarum demonstrationis, et sic est de aliis principiis minus communi- bus respectu demonstratiunum , in quibus sunt virtute. Unde dicere , quod démons- trations non procedunt ex his principiis virtute , falsum est. Sed dico , quod talia principia communia actu non intrant de- monstrationem. Unde illi qui voluit de- monstrare quadraturam circuli per prin- cipia communia sic arguendo. Ubi inveni- tur majus et minus, ibi invenitur pequale ; sed invenitur quadratum majus circulo et

minus circulo , ergo invenitur aequale ; maie demonstravit. Ratio est, nam ut supra probatum est , demonstratio procedit ex primis et immediatis, sed utendo istis prin- cipiis, ambaî propositiones demonstrationis non erunt immédiat» et primée, quoniam esse majus vel minus circulo non solum convenit quadrato, sed etiam triangulo et multis aliis iiguris ; non ergo in ista pro- positione est primum seu quod primo in- est. Nec est immediata , quia per multa média posset hoc probari, non ergo ex ta- libus procedit demonstratio. Alia vero prin- cipia demonstrationis sunt qua3 actu in- trant demonstrationem, quae etiam dicun- tur positiones, suppositiones etdiffinitiones. Ad sciendum autem haec nomina, nota quod quidquid in demonstratione ante con-

SUR LA LOGIQUE d'âRISTOTE. 333

qui est placé dans la démonstration avant la conclusion , est appelé position, parce que c'est placé avant la conclusion. Jl est certaines positions qui ne prennent point l'être ou le non-être , telle est la défi- nition. Car ceci n'est pas une définition, l'homme est un animal raisonnable mortel ; la définition n'est que cela , ,animal raisonnable mortel , c'est-à-dire ce qui ajoute l'être ou le non-être , et cette défi- nition est une position. Quelquefois la position prend l'être ou le non- être , comme lorsque nous disons , l'homme est un animal raisonnable mortel, et c'est ce qu'on appelle une supposition. 11 faut savoir que ce n'est pas sans cause que ces suppositions sont appelées suppositions. Remarquez qu'on appelle proposition connue per se celle dans la- quelle le prédicat est de la nature du sujet; telles doivent être les prémisses des démonstrations , comme nous le dirons plus loin. Il faut savoir que les termes de quelques propositions ont une notoriété commune; tels que être, vrai, lien, un, chose, et autres semblables qui appartiennent aux premières conceptions de l'intellect , et sont connus au premier mot. C'est pourquoi les propositions dont ces choses sont la matière non-seulement sont connues par elles-mêmes en elles-mêmes , mais encore par rapport à nous , comme être et non- être se dit de toute chose ; aussi ces propositions ne sont pas appelées suppositions. Il y a d'autres propositions , quoique le prédicat soit de la définition du sujet, cette définition du sujet n'est pas néanmoins connue à tout le monde , et par conséquent il n'est pas connu de tout le monde que le prédicat est de sa définition , comme celle-ci : tous les angles droits sont égaux, car égal est de la définition d'angle droit. En effet , l'angle droit est celui qui est produit par une ligne droite tombant perpendiculairement sur une autre ligne droite , de manière qu'il y ait des deux côtés des angles égaux. En conséquence , comme

clusionem ponitur, dicitur positio, eo quod posita est ante conclusionem. Positionum autera quaedam non assumunt esse vel non esse, et talis est diftiuitio; non enim dici- tur diffmitio ista , homo est animal ratio- nale mortale; sed diffmitio solum est hoc, scilicet animal rationale mortale, sive h»c quod addatur sibi esse vel non esse, et ta- lis diffmitio est positio. Aliquando positio assurait esse vel non esse, ut cum dicimus, homo est animal rationale mortale, el haec dicitur suppositio. Sciendum quod taies suppositiones non sine causa dicuntur sup- positiones. Ubi nota quod propositio per se nota dicitur, in qua praedicatum est de ratione subjecti, taies autem debent esse praemissae demonstrationum, ut infra dice- tur. Sciendum quod aliquarum propositio- num termini sunt in communi omnium notitia, ut sunt ens, verum, bouum, unum,

aliquid et res, et hujusmodi quae pertinent ad primas conceptiones intellectus, qu;e statim ut audiuntur , cognoscuntur. Unde propositiones quae ex eis liunt, nou solum sunt per se nota} in se, sed etiam quoad nos , ut de quolibet dicitur esse vel non esse , unde taies non dicuntur suppositio- nes. Alise vero propositiones sunt , in qui- bus licet praedicatum sit de difhnitione subjecti, tamen diffmitio subjecti non est omnibus nota , et per consequens non est omnibus notum , quod praedicatum sit de ejus diffinitione, sicut ista : Omnes anguli recti sunt aequales; aequale enim est de diflinitione anguli recti. Est enim angulus rectus , qui causatur ex linea recta per- pendiculariter cadente super lineam rec- tam, itaquod exutraque parte anguli red- dantur squales. Quia ergo non omnes hoc sciunt, scilicet quod aequale sit de diffini-

334 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 7.

tout le monde ne sait pas cela , c'est-à-dire que égal appartient à la définition d'angle droit , on le suppose , et pour cette raison on l'ap- pelle supposition. La proposition de la démonstration peut être appelée supposition dans un autre sens , car il y a certaines propositions qui se prouvent par les principes d'une science supérieure , comme on le montrera plus bas , et par conséquent il faut supposer la science infé- rieure. Et comme c'est de pareils principes ou prémisses propres que procède la démonstration , parce qu'ils entrent en elle actu , elle pro- cède conséquemment de choses propres et non communes. On voit donc comment la démonstration procède de choses propres , etc.

CHAPITRE Vil.

Que la démonstration procède de choses connues par elles-mêmes.

On dit ensuite que la démonstration procède de choses connues par elles-mêmes. On appelle propositions connues par elles-mêmes celles le prédicat appartient à la définition du sujet ou vient immédia- tement de ses principes. Mais les choses d'où procède la démonstra- tion sont de ce genre. Car dans la majeure la propre passion se dit de la définition du sujet et de la science , qui est sa cause immédiate, ou exprime ses principes immédiats; dans la mineure au contraire la dé- finition se dit du sujet. Donc la démonstration procède de choses connues par elles-mêmes. Il faut savoir qu'il y a certaines proposi- tions connues par elles-mêmes en elles-mêmes , et non par rapport à nous , comme celle-ci : quiconque a la fièvre a le pouls accéléré. En effet, quoique cela soit connu en soi, par ce que la fièvre est une cause de l'accélération du pouls, néanmoins ce n'est pas connu par rapport à nous, au contraire nous connoissons la fièvre par l'accélération du pouls. Ce n'est pas de semblables choses connues par elles-mêmes que

tione anguli recti , ideo hoc supponitur, et propter hoc dieitur suppositio. Alio modo propositio demnstrationis potest dici sup- positio, nam quaedam propositions sunt, quae probantur per principia superioris scientise, ut infra ostendetur, et ideo in- ferior scientia oportet quod supponatur. Et quia ex talibus principiis seu prœmissis propriis, procedit demonstratio, quia actu intrant in eam, ideo procedit ex propriis, non ex communibus. Patet ergo quornodo demonstratio procedit ex propriis., etc.

GAPUT VII.

Quod demonstratio procedit ex per se nolis. Deinde dieitur, quod demonstratio pro- cedit ex per se notis. Per se notse enim dicuntur propositiones , in quibus prœdi-

catum est de diffinitione subjecti , vel im- médiate causatur ex principiis ejus ; sed ea ex quibus procedit demonstratio sunt hujusmodi. Nam in majori propositione pradicatur propria passio de diffinitione subjecti et sua, quse est immediata causa sui , seu exprimit immediata principia ejus; in ininori vero praedicatur diffinitio de subjecto; ergo demonstratio procedit ex per se notis. Sciendum quod qusedam propositiones sunt per se nota? in se et non quoad nos , sicut hsec : Omnis febricitans habet pulsum excitatum. Licet enim hoc sit notum in se , quia febris est causa ex- citations pulsus, tamen non est per se no- tum quoad nos, sed e converso cognosci- mus febrem per excitationem pulsus; ex talibus autem per se notis non procedit

SUR LA LOGIQUE d'arISTOTE. 33o

procède la démonstration. Car si la raison d'une chose est plus claire que cette chose, les conclusions nous sont connues à cause des pré- misses, il faut donc que les prémisses nous soient plus connues. C'est pourquoi nous ne pourrions connoîlre les conclusions en aucune ma- nière , si les prémisses ne nous étoient pas plus connues. Or on fait des démonstrations afin d'arriver à la connoissance des conclusions; donc les démonstrations procèdent de choses plus connues par rap- port à nous. Il y a certaines propositions connues par elles-mêmes et en elles-mêmes et par rapport à nous , comme tout nombre qui n'a pas de moyen par soi est pair, parce que tout nombre qui n'a point par soi de moyens est appelé pair et vice versa, c'est de telles choses que procède la démonstration. Il est donc évident que la démonstra- tion procède de choses connues par soi et qui nous sont plus connues. On peut conclure de ce qui précède que la démonstration et la science, qui est l'habitude d'une conclusion démontrée, roule toujours sur des choses incorruptibles et sempiternelles. En effet, il faut que ce qui conserve dici de omni soit incorruptible et sempiternel. Car, comme il a été dit plus haut , on appelle dici de omni quod non aliquando inest, et aliquando non inest, sed semper inest. Or les choses corrup- tibles ne sont pas toujours en cela, donc dici de omni ne se conserve que dans les choses sempiternelles. Mais dans la démonstration prin- cipale qui a ses deux propositions universelles, dici de omni se con- serve dans toutes. Donc la démonstration roule sur les choses incor- ruptibles et sempiternelles. Il semble aussi que la définition appartient aux sempiternelles. En effet , quoique les choses corruptibles soient définies, elles ne sont pas définies néanmoins entant que corruptibles. Il n'y a de corruptibles que les choses particulières, or le particulier ne se définit pas. C'est pourquoi la définition roule per accidens sur

demonstratio. Si enim propter quod unum- quodque et illud magis ; propter praemissas autem innotescunt nobis conclusiones; ergo oportet quod prasmissas sint nobis magis notas. Unde conclusiones nullo modo pos- sent nobis fieri nota?, nisi prasmissas essent magis nobis notas; demonstrationes autem fiunt , ut conclusiones fiant nobis notas ; ergo demonstrationes procedunt ex notio- ribus quoad nos. Quœdam autem proposi- tiones sunt per se notas et in se et quoad nos, ut omnis numerus cujus per se non est médium, est par ; quia omnis numerus qui non habet secundum se médium , dicitur par, et e converso, et ex talibus procedit demonstratio. Patet ergo quod demons- tratio procedit ex per se notis et notiori- bus nobis. Ex prasdictis potest concludi , quod demonstratio et scientia quas est ha-

bitus conclusionis demonstratas , semper sit de incorruptibilibus et sempiternis. Dbi enim salvatur dici de omni, oportet quod illud sit incorruptibile et sempiternum. Si- cut enim supra dictum est, dici de omni, dicitur quod non aliquando inest , et ali- quando non inest, sed semper inest; cor- ruptibilia autem non sunt semper in eis; ergo non salvatur dici de omni, sed solum in sempiternis. Sed in demonstratione po- tissima quas habet ambas propositiones universales, salvatur in omnibus dici de omni; ergo demonstratio est de incorrup- tibilibus et sempiternis; apparet etiam quod diffinitio est sempiternorum. Licet enim corruptibilia diffiniantur, non tamen diffiniuntur in quantum corruptibilia sunt. Solum enim particularia sunt corrupti- bilia, particulare autem non diflinitur.

336 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ II, CHAPITRE 8.

les choses corruptibles, et per se sur les choses sempiternelles. Il faut savoir que certaines choses sempiternelles ou éternelles, comme il appartient au but de la démonstration, ne sont pas toujours telles suivant le temps, elles le sont par comparaison à la cause ; parce que il n'y a jamais de défection sans qu'en posant une telle cause on ne pose l'effet , comme la défection du soleil ne s'opère jamais sans que la lune s'interpose entre lui et nous ; cependant cette défection du soleil ne dure pas toujours, mais seulement dans ce moment. Quel- ques autres ne sont sempiternelles, ni par comparaison au temps, ni par comparaison à la cause, lesquelles peuvent être naturalisées. En effet la semence humaine ne produit pas toujours un homme avec deux yeux, il y a quelquefois une défectuosité à raison de quelque obstacle du côté de la cause agissante ou de la matière. Dans les deux cas, il faut ordonner les démonstrations de manière qu'elles roulent sur les sempiternelles, et de sorte qu'on tire une conclusion univer- selle de propositions universelles , en écartant les choses il peut y avoir défectuosité, soit du côté du temps, soit du côté de la cause. On voit donc que la démonstration roule sur des choses sempiternelles tant dans les prémisses que dans la conclusion. Donc la science qui est l'habitude de la conclusion démonstrative roule sur des choses sempiternelles.

CHAPITRE VIII.

Que la démonstration procède des causes de la conclusion.

On dit ensuite que la démonstration procède des causes de la conclu- sion , ce qui peut s'entendre de deux manières. Premièrement que les prémisses sont cause que le grand extrême se trouve dans le petit, et cela est vrai non-seulement dans la démonstration, mais encore

Unde diffinitio est corruptibilium per acci- dens , sempiternorum autem est per se. Sciendum quod quaedam sempiterna seu aeterna, ut ad proposituni demonstrationis pertinet, non sunt semper secundum tem- pus, sunt autem per comparationem ad causam ; quia nunquam déficit quin posita tali causa ponatur effectus , sicut defectus solis nunquam déficit , quin interposita luna in ter nos et solem sit , tamen defec- tus solis non est semper , nisi tune. Quœ- dam vero non sunt semper nec per com- parationem ad tempus, nec per compara- tionem ad causam , quae impediri potest. Non enim semper ex semine hominis ge- neratur homo cum duobus oculis ; sed quandoque déficit propter impedimentum causae agentis vel materise. In utriusque

autem sic ordinandae sunt demonstrationes ad hoc quod sint ex sempiternis, ut ex uni- versalibus propositionibus inferatur con- clusio universalis, removendo illa, in qui- bus potest esse defectus, vel ex parte tem- poris, vel ex parte causse. Patet ergo quod demonstratio est ex sempiternis tam in preemissis quam in conclusione. Scientia ergo quee est habitus conclusionis demons- trationis, est ex sempiternis.

GAPUT VIII.

Quod demonstratio procedit ex causis con- clusionis.

Deinde dicitur quod demonstratio proce- dit ex causis conclusionis, quod duplicitër potest intelligi. Uno modo, quod praemis- sae sint causa quod major extremitas insit

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 337

dans tout syllogisme on conclut la vérité de choses "vraies. Par exemple, dans ce syllogisme : tout homme court, Sortes est homme, donc Sortes court, en supposant qu'il soit vrai que tout homme court, et que Sortes soit homme , il s'ensuit nécessairement, comme effet, que Sortes court. Secondement on peut entendre que les prémisses sont la cause de la conclusion , parce qu'elles contiennent la cause tant du sujet que du prédicat de la conclusion , et dans ce sens cela ne convient qu'à la démonstration. Il faut remarquer, ainsi qu'il a été dit, que savoir étant connoître la cause d'une chose, le moyen qui appartient à la démonstration et qui est un syllogisme produisant la science, est la définition du sujet et de la passion. Or toute bonne dé- finition se donne par une cause quelconque , donc le moyen qui se trouve dans les prémisses, est la cause du sujet et de la passion, d'une manière différente néanmoins. Sur quoi il faut savoir que, comme il y a quatre causes, savoir : la finale, l'efficiente , la formelle et la ma- térielle, la définition .peut se tirer de laquelle que ce soit, par exemple, en disant : la maison est un abri formé de pierres , de ciment et de bois, c'est une définition par la cause matérielle ; si l'on dit, la maison est un abri carré , long et haut , c'est une définition par la cause for- melle ; en disant, la maison est un abri construit par un artisan avec des marteaux , des tuiles , et du plomb , c'est une définition par la cause efficiente; si l'on dit, la maison est un abri qui nous garantit de la pluie, du froid et du chaud, c'est une définition par la cause finale. Donc le sujet pouvant être défini par tant de causes, le moyen qui est sa définition , comme il a été dit , sera en rapport avec lui dans l'ha- bitude de toutes ses causes. À l'égard de la passion , le rapport du moyen est dans l'habitude de deux causes, savoir la cause matérielle

minori ; et hoc non solum est verum in demonstratione, sed etiam in orani syllo- gismo, in quo ex veris concluditur verum. Unde in iato syllogismo , scilicet : Omnis homo currit, Sortes est homo, ergo Sortes currit, dato quod hoc sit verum scilicet omnis homo currit, et Sortes est homo, se- quitur necessario , ut effectus, quod Sortes currit. Alio modo intelligi potest quod prœmissœ sint causa conclusionis , quia in eis continetur causa tam subjecti , quam etiam prœdicati ipsius conclusionis, et sic hoc solum convenit démonstration!. Scien- dum quod quia, ut supra dictum est, scire propter quod est causam rei cognoscere, médium autem quod est de demonstratione qui est syllogismus faciens scire, est diffi- nitio subjecti et passionis : omnis autem bona diffinitio datur per aliquam causam ; ergo médium quod stat in prœmissis , est causa subjecti et passionis, aliter tamen

V.

subjecti, et aliter passionis. Ubi sciendum est, quod cum quatuor sint causa? scilicet materialis, formalis, efliciens, et fmalis, a qualibet harum potest sumi diffinitio. Verbi gratia, dicendo : Domus est cooperi- mentum cum lapidibus, cemeuto, et li- gnis, est diffinitio per causam materialem. Si vero dicatur, Domus est eooperimen- tum quadratum, longum et altum, erit diffinitio per causam formalem. Si vero di- catur, Domus est cooperimentum factum ab artifice cum martellis, tegulis et plumbo, erit diffinitio per causam efficien- tem. Si vero dicatur, Domus est cooperi- mentum prohibens nos à pluviis, frigore et calore , erit diffinitio per causam finalem. Cum ergo subjectum per tôt causas possit diffiniri, médium quod est ejus diffinitio, ut dictum est, se habebitad illud in habi- tudine tôt causarum. Respectu vero pas- sionis habet se médium in habitudine dua-

22

338 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 9.

et la cause efficiente. En effet, comme nous l'avons dit, le sujet se compare à la passion propre, et comme sujet, et comme efficient; il en est de même de la définition du sujet à l'égard de la passion. Il faut savoir que les causes ayant un ordre entre elles , la raison de l'une se tire de l'autre. De la forme on tire la raison de la matière , parce que la matière doit être telle que le demande la forme. L'effi- ciente est la raison de la forme; comme en effet tout agent produit quelque chose de semblable à lui , le mode de la forme qui provient de l'action doit être conforme au mode de l'agent. De la fin se tire la raison de l'efficient ; parce que tout agent agissant pour une fin , il faut conséquemment que la définition qui se tire de la fin soit la raison et la cause probante des autres définitions tirées des autres causes , laquelle est tirée de l'agent des deux autres, qui est tiré de sa forme, lequelle est tirée de la matière. En conséquence la définition qui se tire de la matière peut être démontrée par la cause finale, et ainsi des autres. C'est pour cela qu'Aristote dit, dans le Ier livre Posteriorum, que la définition est ou la conclusion de la démonstration, c'est-à-dire quand elle se fait par une cause de telle sorte qu'on peut conclure de la définition ce qui se fait par une autre cause , ou le principe de la démonstration, savoir quand elle se fait au contraire par la cause qui est la raison et la cause probante d'une autre , ou c'est une démons- tration différant seulement par la position ou l'ordre , c'est-à-dire quand elle renferme ces deux causes. Ainsi s'explique ce qui con- cerne les parties de la définition de la démonstration que contient sa matière.

rum causarum, scilicet materialis et efii- cientis. Subjectum enim, ut dictum est, comparatur ad propriam passionem et ut subjectum, et ut efficiens, et eodem modo se habet difflnitio subjecti respectu passic- nis. Sciendum quod quia causa? habent or- dinem ad invicem , ex una sumitur ratio alterius. Ex forma enim sumitur ratio ma- teria?, quia talem oportet esse materiam, qualem forma requirit. Efficiens autem est ratio forma? : quia enim omne agens agit sibi simile, oportet quod secundum modum agentis sit modus forma? quse ex actione sequitur. Ex fine vero sumitur ratio effi- cientis, quia omne agens agit propter fi- nem, oportet ergo quod diffînitio quae su- mitur a sive, sit ratio et causa probativa aliarum diffinitionum , quae sumuntur ex

aliis causis, et quae sumitur ab agente alia- rum duarum, et quae sumitur a forma ejusqua? sumitur a materia : ideo diffînitio quae sumitur a materia, potest demonstrari percausam finalem, et sic de anis. Et prop- ter hoc dicit Philosophus I Posteriorum, quod diffînitio vel est conclusio demonstra- tionis, scilicet quando est per talem cau- sam , quae concludi possit ex diffinitione , quae fiant per aliam causam : vel est prin- cipium demonstrationis, scilicet quando est e converso ex causa quae sit ratio, et causa probativa alterius : vel est demonstratio sola positione, seu ordinatione differens, scilicet quando taies duas causas compre- hendit. Et sic patet de partibus difflni- tionis demonstrationis, quas commet ejus materia.

te

SUR LA LOGIQUE D ARISTOTE.

339

CHAPITRE IX.

Que la démonstration principale affirmative ne se fait que dans la première figure et dans son premier mode.

Il nous reste à parler maintenant de la forme; car dans sa définition nous avons dit qu'elle est un syllogisme. Sur quoi il faut remarquer que la démonstration est quelquefois affirmative et quelquefois néga- tive. Parmi les démonstrations tant affirmatives que négatives, quel- ques-unes sont principales, d'autres ne le sont pas. On appelle prin- cipales celles dans lesquelles on observe sans rien omettre tout ce qui a été dit de la démonstration; si en effet on omettoit quelque chose , ce ne seroit plus une démonstration principale. C'est pourquoi il faut considérer dans quelles figures se font les démonstrations principales et d'abord les affirmatives. Il faut savoir que la démonstration prin- cipale affirmative ne doit se faire que dans la première figure et dans son premier mode, ce que l'on peut rendre évident de cette manière. En effet dans cette figure et dans son mode, la démonstration doit se faire en raison de ce qui présente un moyen qui est la cause de la passion et du sujet, de sorte que les prémisses soientper se telles que le moyen puisse y être assigné comme cause de la passion et du sujet; mais cela ne peut se faire .que dans la première figure. Car dans la seconde figure il n'y a pas de conclusion affirmative; dans la troisième figure , quoi qu'il puisse y avoir une conclusion affirmative , néan- moins comme le moyen des deux propositions est une subjection dans la mineure ou le sujet se diroit de sa définition, il ne pourrait y avoir de prédication dans quelque mode de dire per se, ce qui n'arrive pas

CAPUT IX.

Quod demonslratio potissimi affirmativa sit solum in prima figura , et in primo modo ejus.

Nunc restât dicere de ejus forma. Nara in ejus diffinitione dictum est quod est syl- logismus. Ubi nota, quod demonstratio ali- quando est affirmativa, aliquando nega- tiva. Demonstrationum autem tam affir- mativarum, quam negativarum quœdam sunt potissimœ , quœdam vero non potis- simœ. Potissimœ dicuntur illœ, in quibus observantur omnia illa quœ de demonstra- tione dicta sunt nuilo omisso : si vero ali- quid omitteretur , non esset potissima. Unde videndum est in quibus figuris liant demonstrationes potissimœ, et primo affir- mative. Sciendum quod demonstratio po-

tissima affirmativa débet fieri solum in prima figura, et in primo modo ejus : quod sic potest patere. Nam in ea figura, et in eo modo ejus demonstratio débet fieri propter quid, ubi médium est causa pas- sionis et subjecti , ita quod prœmissœ sint per se, in quibus convenienter potest mé- dium assignari causa passionis et subjecti, sed hoc non potest fieri nisi in prima fi- gura. Nam in secunda figura non concludi- tur affirmativa : in tertia vero figura etsi concludi potest affirmativa, tamen quia médium in utraque propositione sub- jicitur in minori propositione, in qua subjectum prœdicaretur de sua diffinitione, non posset praedicatio in aliquo modo di- cendi per se, quod non contingit in prima figura, in qua in minori propositione prœ- dicatur dillinitio de subjecto, ut dictum

340 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 10.

dans la première figure , comme nous l'avons dit, la définition se dit du sujet dans la mineure. Donc ce n'est que dans la première figure que se fait la démonstration principale affirmative. Elle doit aussi se faire dans son premier mode, car, comme nous l'ayons dit dans la démonstration principale dici de omni se conserve tant dans les prémisses que dans la conclusion, comme aussi le primum, ce qui ne pourroit se faire sans qu'elles fussent toutes universelles; mais cela ne se fait que dans le premier mode de la première figure. Donc ce n'est que dans ce mode que peut se faire la démonstration principale. Quant à celles qui ne sont pas principales , elles peuvent se faire et dans le troisième mode de la première figure , et dans la troisième figure dans les modes qui concluent affirmativement. On voit donc dans quel mode et dans quelle figure peut se faire la démonstration principale affirmative.

CHAPITRE X.

Que la démonstration principale négative doit se faire dans le second mode de la seconde figure.

Pour savoir comment doit se faire la démonstration principale né- gative , il faut considérer si cette démonstration peut exister. Je dis que , bien que dans la démonstration négative il ne puisse y avoir ni se conserver tout ce qui a été dit de la démonstration (car il ne peut y avoir de prédication per se dans la proposition négative , puisque dici per se appartient à l'affirmative), il suffit cependant que dans cette démonstration les prémisses soient nécessaires et immédiates. Com- ment les affirmatives et los négatives sont nécessaires , nous l'avons dit dans le Traité des syllogismes , et nous avons dit plus haut com- ment l'affirmative est immédiate. Il reste donc à dire comment elle

est ; ergoinsola prima figura fit démonstra- tif) potissima affîrmativa. Etiam oportet quod fiât in primo modo ejus, ut enim su- pra dictum est, in demonstratione potissi- ma tam in preemissis, quam in conclusione salvatur dici de omni : et primum , quod non posset fieri nisi omnes essent universa- les, sed hoc solum fit in primo modo pri- mée figurée , ergo solum in eo potest fieri demonstratio potissima. Domonstrationes vero non potissimee possunt fieri et in ter- tio modo primée figurée, et in tertia figura in modis concludentibus affirmativam. Pa- tet ergo in qua figura, et in quo modo potest iieri demonstratio potissima affirma- tiva.

CAPUT X.

Quod demonstratio potissima negaUva débet fieri in secundo modo secundœ figures.

Ad sciendum autem qualiter debeat fieri demonstratio potissima negativa, videamus utruni talis demonstratio possit esse. Dico quod licet in demonstratione negativa non possint esse , nec servari omnia supradicta de demonstratione (non euim potest in propositione negativa aliquid per se preedi- cari, cum dici per se sit affirmativee) ta- men sufficit in tali demonstratione quod preemissee sint necessarice et immediatee. Qualiter autem tam affirmative, quam negativee sint necessariee , dictum est in tractatu syllogismorum f et qualiter affir- mativa sit immediata, dictum est supra.

SUR LA LOGIQUE d'àRISTOTE. 341

est médiate ou immédiate. Il faut observer que lorsque une chose est niée d'une autre et vice versa et que l'on peut dire universellement d'un terme ce qui peut être nié de l'autre, alors la proposition uni- verselle négative formée des deux premiers termes peut se démontrer par le moyen de celui qui se dit universellement affirmativement de l'autre terme. Par exemple, l'homme peut se nier de la pierre et vice versa, comme, nul homme n'est pierre, et comme quelque chose peut se dire universellement de l'homme, c'est-à-dire animal, car nous di- sons, tout homme est animal, pierre peut être niée de l'animal, donc cette proposition , savoir nul homme n'est pierre , est médiate. Elle peut en effet se prouver ainsi par le moyen terme; nul animal n'est pierre , tout homme est animal, donc nul homme n'est pierre. Il en résulte la même conséquence si l'on peut dire universellement de la pierre quelque chose qui puisse être nié de l'homme , ou de quoi homme puisse être nié, ce sera donc une proposition négative immé- diate, quand deux termes niés l'un de l'autre seront tels que aucun d'eux n'aura quelque chose qui se dise de lui universellement et qui puisse être nié de l'autre terme ou de quoi l'autre terme puisse être nié. Par exemple, nulle substance n'est quantité; cette proposition est immédiate, car aucun terme ne peut se dire universellement de la substance tout en étant nié de la quantité , car être se dit universel- lement de la substance, et n'est cependant jjas nié de la quantité. De même aussi deux définitions de deux espèces contenues immédia- tement sous un genre quelconque font une proposition négative im- médiate, comme celle-ci : nul animal raisonnable mortel n'est animal irraisonnable mortel , car animal raisonnable mortel est la définition de l'homme, tandis que animal irraisonnable mortel est la définition

Restât ergo dicere , qualiter «egativa sit mediata, vel immediata. Notandum, qnod quando aliquid negatur de aliquo, et econverso , et de altero termino aliquid potest universaliter prœdicari, de quo aller terminus potest negari , tune propositio universalis negativa formata ex primis duo- bus terminis, potest demonstrari mediante illo qui praedicatur universaliter affirmati- ve de altero illorum terminorum. Verbi gratia : Homo potest negari de lapide , et econverso, ut : Nullus hoino est lapis, et quia de homine potest prœdicari aliquid universaliter, scilicet animal, dicimus' enim, omnis homo est animal , et de ani- mali potest negari lapis, ergo illa proposi- tio, scilicet nullus homo est lapis, est me- diata. Potest enim probari per médium sic : Nullnm animal est lapis; omnis homo est animal, ergo nullus homo est lapis. Et idem sequitur, si aliquid potest prœdicari

universaliter de lapide quod possit negari de homine, vel de quo posset homo ne- gari, erit ergo propositio negativa imme- diata quando duo termini negati ab invi- cem ita se habebunt, quod neuter eorum habebit aliquid ; quod de ipso universali- ter prœdicetur, quod ab altero tertnino negari possit, vel ille terminus ab eo. Verbi gratia : Nulla substantia est quanti- tas, ista est immediata, nullus enim termi- nus potest universaliter prœdicari de sub- stantia, qui negetur de quantitate, de sub- stantia enim praedicatur universaliter ens, quod tamen non negatur de quantitate. Similiter etiam duae diffinitioues duarum specierum sub aliquo génère immédiate contentarum, faciunt propositionem nega- tivam immediatam, ut est ista. Nullum animal rationale mortale est animal irra- tionale mortale, animal enim rationale mortale est diffinitio hominis, animal vero

342 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 10.

de la brute , or la brute et l'homme se trouvent immédiatement dans animal. Il en sera de même de deux différences opposées divisant le même genre, comme, rien de raisonnable n'est irraisonnable. Il en est tout autrement des espèces constituées par ces différences, comme, nul homme n'est brute, parce qu'il y a au-dessus de l'homme quelque chose qui pourroit être nié de la brute , savoir raisonnable , et au- dessus de la brute il y a quelque chose qui pourroit être nié de l'homme, savoir irraisonnable ; c'est pourquoi elles sont immédiates, quoique à proprement parler on ne puisse pas dire que raisonnable est au-dessus de l'homme , et irraisonnable au-dessus de la brute , aussi ne sont-elles pas proprement immédiates. Ceci reconnu, on peut savoir tout d'abord comment se fait la démonstration négative, et dans quelle figure. Cette démonstration principale ne peut se faire clans la troisième figure, parce qu'il n'y a pas de conclusion universelle néga- tive. C'est pourquoi , comme dans la première et la seconde figure il peut y avoir une conclusion universelle négative , on peut faire dans l'une et l'autre une démonstration avec une conclusion semblable ; mais il n'y a que la principale qui puisse se faire dans le second mode de la seconde figure. La raison en est que, quoique la science soit du vrai, elle n'est pas néanmoins de tout le vrai, quelque argumentation que l'on fasse de propositions immédiates. C'est pourquoi en disant, toute habitude est une qualité , toute vertu est habitude , donc toute vertu est une qualité ; quoique cette conclusion soit vraie , et formée de propositions immédiates, nécessaires et per se, néanmoins cette science ne sera pas produite per se. Il n'y a que dans les démonstra- tions affirmatives que la science est produite par des conclusions vraies, dont les prémisses sont vraies et immédiates, et de telle sorte, comme nous avons dit , que dans leurs conclusions la propre passion

irrationale mortale est diSinitio bruti, bru- tnm autem et homo immédiate sunt sub animali. Et idem erit de duabus differen- tiis ex opposito dividentibus idem genus, ut : Nullum rationale est irrationale. Secus autem est de speciebus per illas diflerentias constituas, ut : Nullus homo est brutum, quia supra hominem est aliquid quod pos- set negari de bruto, seilicet rationale, et supra brutum est aliquid quod posset de homine negari, seilicet irrationale, ideo sunt mediatee, licet non proprie possit dici quod rationale sit supra hominem : nec ir- rationale supra brutum , et ideo non pro- prie sunt mediatse. His habitis statim po- test sciri qualiter fiât demonstratio nega- tiva, et in qua figura. In tertia enim figu- ra, quia non concluditur universalis nega- tiva, in ea non potest fieri talis demonstra-

tio potissima. Unde quia in prima, et secunda figura potest concludi universalis negativa, in utraque potest fieri talis de- monstratio eam concludens : sed potissima solum potest fieri in secundo modo secun- dae figurée. Ratio est, quia licet scientia sit de vero, non tamen de omni vero , quan- tumeumque syllogizetur ex immediatis. Unde dicendo sic : Omnis habitus est qua- litas : omnis virtus est habitus, ergo omnis virtus est qualitas, licet talis cottelusio sit vera, et ex veris immediatis, et necessariis, et per se, non tamen per se ea causabitur scientia : sed in demonstrationibus affir- mativis solum causatur scientia ex conclu- sionibus veris, quarum prsemissae sunt ve- rse, et immediatse, et hujusmodi, ut dictum est, in quarum conclusionibus pradicatur propria passio de subjecto proprio. Sic

SUR LA. LOGIQUE d'aRISTOTE. 343

se dise du propre sujet. De même aussi dans la démonstration néga- tive la science ne sera pas produite par l'habitude de sa conclusion , supposé que la conclusion soit vraie et se tire de propositions immé- diates , à moins que la propre passion ne soit vraiement niée de ce qui n'est pas son sujet, ou par ce qui n'exprime pas sa cause, comme l'exprime la définition du sujet propre , et ce sera vraiment une démonstration principale ; mais elle ne pourra être formée de propo- sitions immédiates que dans le second mode de la seconde figure de cette manière : tout ce qui a la faculté de rire est un animal aspirant et ouvrant la bouche pour respirer et saisir ce qui lui convient, mais rien de ce qui est irraisonnable n'est un tel animal pour l'appréhen- sion, donc rien de ce qui est raisonnable n'a la faculté de rire. Il est certain que la majeure est immédiate, car la définition de la passion et du sujet s'y dit de la passion même. La mineure est immédiate aussi, comme nous l'avons dit. Dans la conclusion la passion est écartée de ce qui n'est pas son sujet. Or cela ne pourroit pas se faire dans la première figure, ni dans le premier mode de la seconde figure. En effet, si on disoit dans la première figure, rien de ce qui est irrai- sonnable n'a la faculté de rire , toute brute est irraisonnable , donc nulle brute n'a la faculté de rire, la majeure ne seroit pas immédiate. Et si on faisoit un syllogisme dans le premier mode de la seconde figure, quoique les prémisses pussent être immédiates, la conclusion ne se feroit pas néanmoins en écartant la passion du sujet, mais bien dans un sens contraire de cette manière : rien d'irraisonnable n'est un animal raisonnable , mais tout ce qui a la faculté de rire est un animal raisonnable, donc rien de ce qui a la faculté de rire n'est un animal déraisonnable. Ou peut faire aussi une démonstration parti- culière négative dans le quatrième mode de la seconde figure. Voilà

etiam in demonstratione negativa non cau- sabitur scientia ex habitu ejus conclusio- ns, dato quod conclusio sit vera, et con- cludatur immediatis, nisi propria passio vere negetur de eo , quod non est sibi sub- jeetum, vel ab eo quod non exprimit cau- sain suam, sicut exprimit diffinitio proprii subjecti, et talis vere erit demonstratio po- tissima : heec autera non poterit fieri ex propositionibus immediatis, nisi in secundo modo secundae figura? sic : Omne risibile est animal rationale ad apprehensionem convenientis, emittens spiritum dilatando os : sed nullum irrationale est taie animal rationale ad apprehensionem, ergo nullum irrationale est risibile. Gertum est quod major est immediata : nam in ea prœdica- tur difïinitio passionis et subjecti de ipsa passione. Minor etiam est immediata, ut

dictum est. In conclusione veroremovetur passio ab eo quod non est sibi subjectum : hoc autem non posset fieri in prima figu- ra, nec in primo modo secundae figurae. Si enim in prima figura diceretur sic : Nul- lum irrationale est risibile ; omne brutum est irrationale, ergo nullum brutum est ri- sibile, tune major non esset immediata. Et si fieret syllogismus in primo modo secun- dae figurae, licet praemissae possent esse im- médiates, non tamen concluderelur remo- vendo passionem a subjecto, sed econverso sic. Nullum irrationale est animal ratio- nale : sed omne risibile est animal ratio- nale, ergo nullum risibile est irrationale. Potest etiam fieri demonstratio particula- ris negativa in quarto modo secunda; figu- rae. Et sic patet de forma demonstratio- nis, in quibus figuris et modis fieri de-

34 i OPUSCULE XEVII , TRAITÉ 1 1 , CHAPITRE 1 1 .

quelle est la forme de la démonstration, dans quelles figures et dans quels modes elle doit se faire. Tel est ce qui concerne la démonstra- tion propter quid.

CHAPITRE XI.

Que la démonstration quia procède de l'effet à la cause, ou des causes

éloignées à l'effet.

Nous allons parler maintenant de la démonstration quia. Il faut d'abord examiner ce que l'on veut dire par ces mots propter quid, et par celui-ci quia. Il faut remarquer que nous pouvons savoir quatre choses d'une chose savoir, ce qu'elle est , si elle est , parce qu'elle est, pourquoi elle est. Pour comprendre cela , il faut savoir que la science ne se composant que de vérités, il y a conversion entre le vrai et l'être, la science roulera donc sur l'être. Or, ainsi que nous l'avons dit dans les prédicaments, on trouve dans les choses un double être, savoir les essences, et l'être de l'existence actuelle, et comme l'être de l'essence s'appelle quiddité , ou ce qu'est la chose, aussi lorsque nous connois- sons l'être de l'essence d'une chose, nous disons que nous savons ce qui en est de cette chose : l'être de l'existence actuelle est tout autre dans la substance que dans l'accident. En effet, comme l'être de l'ac- cident est l' inesse, connoître l'être de l'existence actuelle du sujet, c'est savoir seulement qu'il est actu, et c'est savoir de lui s'il est; mais connoître l'être de l'existence actuelle d'un accident, c'est savoir de \uiquia est, d'où savoir quia est n'est autre chose que savoir que telle chose est inhérente à telle autre. Et comme quelquefois une chose est inhérente à une autre pour quelque cause , connoître cette cause c'est savoir propter quid. On voit donc que savoir d'une chose quia est , c'est savoir que cette chose est inhérente à une autre tout en en

beat. Patet ergo de demonstratione propter quid.

CAPUT XI.

Quod demonslralto quia, procedit ab affectu ad causant, vel a causis remotis ad a/fec- tum.

Nunc dicendum est de demonstratione quia. Ubi primo videndum est quid signi- ficetur per hoc quod dicitur, propter quid, et quid per hoc quod dicitur, quia. Notan- dum quod de re quatuor scire possumus, scilicet quid est, an est, quia est, et pro- pter quid est. Ad quae intelligenda, scien- dum est quod cum scientia non sit nisi verorum, verum autem et ens convertun- tur, de esse ergo erit scientia. Ut autem dictum est in tractatu de prcedieamentis ,

duplex esse inveniturin rébus, scilicet es- sentiae, et esse actualis existentiae , et quia esse essentiee dicitur quidditas, seu quid est res, ideo cum scimus esse cssentias ali- cujus rei, dicimus scire quid est de ipsa : esse autem actualis existentiœ , aliter se habet in substantia , et aliter in accidente. Quia enim accidentis esse est inesse, scire autem esse actualis existentiae subjecti, est solum scire quod actu sit, et hoc est scire de ipso an est : sed scire de accidente esse actualis existentiee, est scire de ipso, quia est , unde scire quia est , nihil aliud est quam scire hoc inesse huic. Et quia ali- quando aliquid inest alicui propter aliquam causam , ideo scire illam causam est scire propter quid. Patet ergo quod scire quia est de aliqua re, est scire ipsam inesse ali-

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 345

ignorant la cause ; savoir propter quid c'est savoir qu'une chose est inhérente à une autre , en même temps qu'on en connoît la cause. Donc la démonstration propter quid est celle l'on manifeste la cause pour laquelle le prédicat est inhérent au sujet dans la conclusion. Quoi- que l'on dise que cette démonstration est celle l'on conclut qu'une chose est inhérente à quelque sujet, ou n'en assigne pas néanmoins la raison. Or, comme on l'a dit plus haut, il est requis pour la démon- stration propter quid qu'elle procède de causes et de choses immé- diates ; il ne suffit pas , en effet , de connoître une cause , il faut en- core savoir quelle est la cause de ce que l'on fait , si elle est cause im- médiate. La démonstration quia sera donc telle ou parce qu'elle ne procède pas de causes, ou parce qu'elle ne procède pas de choses immé- diates, mais de causes éloignées. Quant au premier point il faut savoir, ainsi que nous l'avons dit, que la démonstration est une cause de co- gnition , c'est-à-dire un moyen de connoître une conclusion par les prémisses : or cela ne pourroit avoir lieu si les prémisses ne nous étoient pas plus connues, il est en conséquence nécessaire que la dé- monstration procède de choses plus connues par rapport à nous. Il arrive quelquefois que l'effet immédiat nous est plus connu que la cause, c'est pourquoi en pareil cas il est nécessaire que la démon- stration procède de l'effet à la cause. Par exemple, se mouvoir et sentir c'est un effet immédiat de tout être qui a une ame sensitive, et il nous est plus connu qu'une chose ait le mouvement et le sentiment, parce que nous le sentons, que le fait d'avoir une ame sensitive; par conséquent en procédant ainsi , tout ce qui se meut et sent a une ame sensitive , mais tout animal se meut et sent, donc tout animal a une ame sensi- tive , on conclut de l'animal qu'il a une ame sensitive , non cependant

cui ignorando causam quare insit : scire autem propter quid, est scire aliquam rem inesse alicui, et scire causam quare sibi in- sit. Demonstratio ergo propter quid est illa, in qua manifestatur causa quare praedica- tum inest subjecto in conclusions De- monstratio vero quia dicitur illa, in qua concluditur aliquid inesse subjecto alicui, non tarnen assignatur causa quare sibi inest. Ut autem dictum est supra, ad demonstra- tionem propter quid requiritur quod procé- dât ex causis, et ex immediatis : non enim suflicit scire causam, sed quoniam est causa ejus quod scitur, si erit causa immediata. Demonstratio ergo quia, erit vel quia non procedit ex causis, vel quia non procedit ex immediatis, sed ex causis remotis. Quantum ad primum, sciendum quod ut dictum est, demonstratio dicitur causa in- notescendi, scilicet ut per praemissas nobis

innotescat conclusio : hoc autem lieri non posset. nisi prœmissse essent nobis magis notœ, et ideo hoc est necessarium, ut scili- cet demonstratio procédât ex notioribus quo ad nos. Contingit autem aliquando, ut immediatus effectus sit nobis magis notus quam causa, ideo in talibus oportet de- monstrationem procedere ab effectu ad causam. Verbi gratia, moveri et sentire est immediatus effectus habentis animam sen- rsitivam, et est magis notum nobis quod aliquid moveatur, et sentiat, quia hocsen- timus, quam hoc quod habeat animam sensitivam : et ideo si procedatur sic : Omne quod movetur et sentit, habet animam sensitivam ; sed omne animal movetur et sentit, ergo omne animal habet animam sensitivam. Modo concluditur de animali, quod habet animam sensitivam, non tamen per causam, sed per effectum, qui est me-

346 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ H, CHAPITRE 11.

par la cause , mais par l'effet qui est de se mouvoir et de sentir. Mais si l'on faisoit une démonstration et une conclusion , ce seroit une dé- monstration propter quid de cette manière : tout ce qui a une ame sensitive se meut et sent, mais tout animal a une ame sensitive, donc tout animal se meut et sent. Il faut savoir que ces démonstrations quia sont quelquefois dans des termes tels qu'elles sont convertibles entre elles, comme le moyen terme, le grand extrême et le petit extrême , ainsi que dans les termes précédents. Car tout animal se meut, sent et a une ame sensitive , et tout ce qui se meut et sent et a une ame sensitive est animal , et tout ce qui a une ame sensitive est animal , se meut et sent, et c'est dans ces termes que se font les démonstrations universelles. D'autres fois il arrive que le moyen terme, savoir l'effet se mouvoir et sentir ont plus d'extension que le petit extrême, et néanmoins on. fait encore un syllogisme ou une démonstration conve- nable de cette manière , tout ce qui se meut et sent a une ame sensi- tive , mais tout homme se meut et sent , donc tout homme a une ame sensitive, homme en effet a moins d'extension que tout ce qui se meut et sent. Mais si le moyen terme a moins d'extension que le petit extrême , il n'y a pas de démonstration de cette manière; tout ce qui se meut et sent a une ame sensitive, tout corps se meut et sent; cette démonstration est fausse. Au contraire, si le moyen terme a moins d'étendue que le grand extrême , la démonstration se fait de cette manière : tout ce qui se meut et sent est corps ; tout animal se meut et sent, donc tout animal est corps. Mais si le moyen terme a plus d'étendue que le grand extrême, il n'y a pas de démonstration. Ef- fectivement, d'un effet qui se trouve dans plusieurs causes on n'en peut pas conclure pour une seule; du mouvement et de la sensibilité

veri et sentire. Si vero fieret demonstratio et conclusio propter quid sic : Omne habens animam sensitivam movetur et sentit •. sed omne animal habet animam sensitivam, ergo omne animal movetur et sentit. Sciendum quod taies demonstrationes, quia, ali- quando sunt in talibus terminis quse omnes sunt convertibiles inter se, scilicet mé- dium, major extremitas, et minor extremi- tas, sicut est in terminis praedictis. Omne enim animal movetur, et sentit, et habet animam sensitivam, et omne quod movetur et sentit , et habet animam sensitivam est animal , et omne quod habet animam sensitivam est animal , et movetur , et sentit , et in talibus terminis fiunt de- monstrationes universales. Aliquando au- tem accidit, quod médium scilicet efteotus, puta moveri et sentire , se habent in plus quam minor extremitas, et adhuc fit syllo- gismus, sive demonstratio conveniens sic :

Omne quod movetur et sentit, habet ani- mam sensitivam : sed omnis homo move- tur et sentit, ergo omnis homo habet ani- mam sensitivam , homo enim in minus se habet, quam quod movetur sentit. Si vero médium in minus se habet quam minor extremitas, non sit demonstratio sic : Omne quod movetur et sentit, habet animam sensitivam : omne corpus movetur et sen- tit, haec est falsa. Econtrario autem si mé- dium se habet in minus quam major ex- tremitas, fit demonstratio sic : Omne quod movetur et sentit, est corpus ; omne ani- mal movetur et sentit, ergo omne animal est corpus. Si vero médium in plus se ha- bet quam major extremitas , non fit de- monstratio. Ex effectu enim qui est in pluribus causis, non potest concludi una causa sic, ex moveri et sentire non posset concludi rationale. Patet ergo de demons- tratione quia, qua? procedit ab effectu ad

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 347

on ne peut conclure la rationalité. On voit donc ce que c'est que la démonstration quia qui procède de l'effet pour conclure la cause. La démonstration quia procède de causes éloignées dans la même science et dans diverses choses. Dans la même science, comme la démonstration d'Anacharsis ainsi conçue : il n'y a pas de vignes , il n'y a pas d'histrions et de chanteurs; or chez les Scythes il n'y a pas de vignes, donc il n'y a chez les Scythes ni histrions ni chanteurs. Certes, quoique les vignes soient la cause du chant , c'est cependant une cause hien éloignée. Car les vignes sont la cause des raisins , les raisins la cause du vin , le vin la cause de la joie, et la joie la cause du chant; il est certain que cette démonstration est une démonstration quia. En effet, en démontrant de cette manière nous ne pouvons pas connoître par une cause immédiate pourquoi les Scythes ne chantent pas, mais par le moyen de plusieurs autres démonstrations intermédiaires, de cette manière par cette démonstration on ne fait pas propter quid , mais bien quia, etc..

CHAPITRE XII.

Que dans une démonstration il y a quelque chose de connu avant la con- clusion, et quelque chose après que la démonstration est faite.

Pour comprendre comment la démonstration quia se fait dans les autres sciences , il faut savoir que dans toute démonstration , quelle que soit la science elle se fait , avant que la conclusion soit tirée , il y a quelque chose que nous savons d'avance , et quelque chose que nous ne savons qu'après. En effet, ainsi que nous l'avons dit, il y a trois termes dans la démonstration, savoir le sujet, la passion et la définition de l'un et de l'autre , laquelle est le moyen terme ; il y a aussi en elle les premiers principes ou les dignités en vertu. C'est

concludendum causam. Ex causis autem remotis procedit demonstratio quia in ea- dem scientia, et in diversis. In eadem scientia, sicut demonstratio Anacharisidis, quœ talis fuit. Ubicnuque non sunt vites, non sunt sibyllatores, seu cantores : sed apud Scythas non sunt vîtes , ergo apud Scythas non sunt sibyllatores., seu canto- res. Certe licet vites sint causa cantus, ta- men sunt causa multum remota. Vites enim sunt causa uvarum, quœ vero sunt causa vini, vinum autem causa est lœti- tiœ, et lœtitia est causa cantus, certum est quod talis demonstratio, est quia. Non enim demonstrando cognoscere possumus per causam immediatam, quare Scythe' non cantant : sed per multas alias demons- trationes intermedias factas, et sic per

eam nescitur propter quid , sed quia, etc.

CAPUT XII.

Quod in démon sir alione aliqua sunt prœco- gnila anle conclusionem , et aliqua sunt cognila postquam demonslrata est.

Ad cognoscendum autem qualiter fiât demonstratio , quia , in aliis scientiis : sciendum est quod in qualibet demonstra- tione in quacumque scientia, fiât, ante- quam conclusio demonstretur , aliquid praescimus, et aliquid de ea scimus post- quam demonstrata est. Ut enim dictum est, in demonstratione sunt très termini, scilicet subjectum, passio, et diffînitio utriusque, quœ est médium, et sunt in ea prima principia, seu dignitates in virtute.

348 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 12.

pourquoi avant de démontrer nous savons d'abord à l'égard des dignités qu'elles sont vraies. Les choses complexes ne peuvent se dé- finir, or les dignités étant complexes ne peuvent se définir; nous ne pouvons donc pas savoir ce qu'elles sont, ni par conséquent ce qu'il en est d'elles avant la démonstration. Mais nous savons d'elles quelles sont; elles doivent en effet être tenues pour vraies, car elles sont tellement connues par la lumière de la raison naturelle que , les termes connus , nous connoissons qu'elles sont vraies, comme il a été dit; mais nous ne savons pas relativement à elles propter quid, puis- qu'elles sont les premières conceptions de l'esprit. Quant à la passion, nous savons d'avance ce quelle est, parce qu'elle a une définition qu'il faut connoître préalablement avant de faire la démonstration. En effet, si celui qui démontre ne connoît d'abord le moyen terme , il ne pourra jamais argumenter; or dans la démonstration le moyen est la définition du sujet et de la passion. Pour la passion, nous ne pouvons pas savoir d'avance quia est , c'est-à-dire l'être de son existence actuelle. Effectivement, l'être de l'accident étant Yinesse, savoir d'a- vance qu'elle inhère, c'est connoître l'être de son existence actuelle , et ainsi , avant de la démontrer, nous connoîtrions sa démonstration. Car la démonstration ne démontre autre chose , sinon que la passion est inhérente au sujet , comme il a été dit : or cela est faux. Donc nous ne savons pas d'abord à son égard quia est. Pour ce qui est du sujet , nous savons d'avance ce qu'il est; car par rapport à lui , ce qui n'est pas encore actu peut être connu , je dis actu tant en lui-même que dans ses causes. En effet, quoique la rose n'existe pas encore actuy comme néanmoins elle existe dans sa cause, nous pouvons démontrer quelque passion à son sujet. On voit donc ce qui est préalablement connu dans la démonstration, et ce que nous savons d'elle après

Unde antequam demonstremus, praescimus de dignitatibus, quia verse sunt. Non enim possunt complexa diffiniri , cum autem di- gnitates sint complexa;, ergo non possunt difïiniri, de eis ergo non possumus scire quid sunt, nec per consequens ante de- monstrationem praescire quid est de ipsis : sed praescimus de eis quia sunt, debent enim credi esse vera , ita enim sunt nota lumine naturalis rationis, quod cognitis terminis coguoscimus, quia vera sunt, ut supra dictum est, nec scimus de eis propter quid, cum sint primée animi conceptiones. De passione autem praescimus quid est, quia dillinitionem habet, quam oportetpne- cognoscere antequam iîat demonstratio. Nisi enim demonstrator preesciat médium, nunquam syllogizabit , médium autem in demonstratione est difiinitio subjecti et passionis. De ipsa passione autem non pos-

sumus praescire quia est scilicet esse actua- lis existentiae ipsius. Cum enim accidentis esse sit inesse , praescire illam inesse , est scire ipsius esse actualis existentiae, et sic antequam demonstremus eam, sciremus demonstrationem ipsius. Nam demonstratio nihil aliud ostendit, nisi passionem inesse subjecto, ut dictum est : hoc autem est falsum, non ergo de ea praescimus quia est. De subjecto autem praescimus quid est, quia jam oportet praescire médium, ut dic- tum est, ejus autem difiinitio simul cum dillinitione passionis est médium. Praesci- mus etiam de ipso quia est , de ipso enim quod acctu non est , sciri potest , et dico esse actu tam in se, quam in suis causis. Licet enim rosa jam actu non sit, quia ta- men est in causa sua, possumus de ipsa ali- quatn passionem demonstrare. Patel ergo quid in demonstratione praescimus : quid

SUR LA. LOGIQUE d'arISTOTE. 349

qu'elle a été faite. Pour le concevoir clairement, il faut observer que dans la démonstration il y a des prémisses et une conclusion. Or ou les prémisses sont premières dans la science , ou secondaires. Par exemple , dans la science des animaux , le premier principe est , tout corps animé sensible se meut et sent ; il n'y a rien d'antérieur à ce principe , et l'universalité dans la même science , si ce n'est les di- gnités , lesquelles , comme il a été dit , n'entrent pas actu dans la dé- monstration ; aussi ne sont-elles pas contenues dans la même science mais dans une science commune. Les principes secondaires sont ceux qui sont démontrés par les premiers ; ce sont d'abord des conclusions, ensuite ils sont pris pour principes dans la même scieiîce , pour démontrer d'autres choses. Par exemple, je fais d'abord une première démonstration de cette manière : tout corps animé sensible se meut et sent , tout animal est un corps de ce genre , donc tout animal se meut et sent. Ensuite , je prends cette conclusion et j'en fais une pré- misse de cette manière : tout animal se meut et sent , tout homme est animal , donc tout homme se meut et sent. C'est un principe secon- daire. Relativement aux premiers principes dans la science , on sait seulement qu'ils existent. Car si on savoit propter quid sunt, il fau- drait le démontrer, ce qui ne pourroit se faire que par des principes antérieurs , ce qui prouverait qu'ils n'étoient pas premiers principes. Mais en supposant qu'ils étoient premiers principes , il s'ensuit qu'on ne peut savoir d'eux dans cette science propter quod surit. En consé- quence , on dit communément qu'aucune science ne prouve ses prin- cipes; mais s'ils doivent être prouvés, on le fait par une science supé- rieure, comme la science naturelle prouve les principes de la science des animaux. Car la science, naturelle traite de tout corps mobile. Tout au moins on peut les prouver par la science mathématique ou

autem de ipsa scimus post quam facta est. Ad hoc videndum , nota quod in demons- tratione sunt praemissse , et est conclusio. Prsemissae autem vel sunt primœ in scien- tia, vel sunt secundariee. Verbi gratia : in scientia de animalibus primum principium est : Omne corpus animatum sensibile mo- vetur, et sentit, supra istud principium nul- lum invenitur prius; et universalitas in ea- dem scientia, niai dignitates, quae ut dic- tum est, non actu intraut demonstratio- nem , unde non continentur in eadem scientia , sed in scientia communi. Secun- daria vero principia sunt quae per prima demonstrantur, et sunt primo conclusiones, postea in eadem scientia sumuntur ut prin- cipia ad demonstrandum alia. Verbi gra- tia, facio primam demonstrationem sic : Omne corpus animatum sensibile movetur

et sentit. Postea accipio istam conclusio- nem, et facio eam prcemissam sic : Omne animal movetur et sentit ; omnis homo est animal, ergo omnis homo movetur et sen- tit. Istud dicitur principfum secundarium. De primis autem principiis in scientia sci- tur solum, quia sunt. Si enim sciretur propter quid sunt, oportet demonstrari, quod non posset fieri nisi per aliqua priora, non ergo fuissent prima ; sed suppositum est, quod erant prima; ergo de eis non po- test sciri propter quod sunt in ista scientia. Et propter hoc communiter dicitur, quod nulla scientia probat sua principia; sed si probari debent, probantur per scientiam superiorem, sicut naturalis scientia probat principia scientiae de animalibus. Est enim naturalis de omni corpore mobili. Vel ad minus possunt probari per mathematicam

350 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ il, CHAPITRE 12.

par la dialectique qui sont des sciences communes à tout , et qui prouvent les principes de toutes les sciences ; mais la science mathé- matique prouve démonstrativement, la dialectique d'une manière pro- bable ou opinative. Relativement aux principes secondaires , dans la science on connoît le propter quid , car ces principes sont prouvés ailleurs, ainsi qu'on l'a dit. On voit donc ce que nous savons des prin- cipes dans la démonstration. Pour la conclusion dans la démonstration propter quid, nous connoissons le propter quid. Mais dans la dé- monstration quia, nous ignorons propter quid, parce que ou le moyen terme n'est pas la cause, mais l'effet de la conclusion , comme on l'a dit,' ou porte qu'il en est la cause éloignée. Remarquez que deux sciences peuvent s'occuper du même sujet , l'une formellement et l'autre naturellement, comme la géométrie traite de la ligne formel- lement , et la perspective traite de la ligne , non comme ligne , mais comme visuelle. C'est pourquoi en démontrant quelque chose de la ligne visuelle par les principes de la ligne en tant que ligne , pour cette conclusion le géomètre connoîtroit le propter quid , et le dessi- nateur saurait seulement quia. Par exemple, faisons cette démonstra- tion : toute longueur sans largeur le milieu est semblable aux ex- trémités est droite , mais une ligne qui passe par une table carrée est une longueur de ce genre , donc la ligne des tables carrées est droite. Dans cette conclusion le géomètre connoît le propter quid, parce qu'il sait la cause de la rectitude des lignes ; mais le dessinateur la suppose, parce qu'il en ignore la cause , et par conséquent il connoît le quia , et non le propter quid , et ainsi des autres. Alors la science inférieure s'appelle subalterne , parce qu'elle est matérielle, et la science supé- rieure subalternanle , parce qu'elle est formelle. Il faut savoir qu'il arrive quelquefois qu'une science subalternée par rapporta une autre

vel per dialecticam, quae sunt scientiae om- mnibus communes, et probant principia omnium scientiarum; sed mathematica démonstrative, dialectica vero probabiliter seu opinative. De secundariis vero princi- pes in scientia scitur propter quid, illa enim alibi probantur, ut dictum est. Patet ergo quid in demonstratione scimus de principiis ; de conclusione autem in de- monstratione propter quid, scimus propter quid , in demonstratione vero , quia nesci- mus propter quid , quia médium vel non est causa conclusionis, sed effectus, ut dic- tum est ; vel quia est causa remota. No- tandum , quod duae scientiae possunt esse de eodem subjecto , una formaliter , alia naturaliter, sicut geometria est de linea formaliter , perspectiva vero est de linea, non in quantum linea, sed in quantum est visualis. Unde quicumque per principia li-

neae in quantum est linea, demonstraret aliquid de linea visuali, de conclusione illa sciret geometra propter quid, perspectivus vero sciret solum quia. Verbi gratia, fiât talis dernonstratio. Omnis longitudo sine latitudine , in qua médium non discrepat ab extremis, est recta; sed linea transiens per tabellas quadratas, est hujusmodi lon-- gitudo ; ergo linea tabellarum quadrata- rum est recta. De ista conclusione scit geometra propter quid , quia scit causam rectitudinis linearum ; sed perspectivus eam supponit , quia ignorât causam , et ideo de praedicta conclusione scit quia , et non propter quid , et sic de aliis ; et tune scientia inferior vocatur subalterna , quia scilicet est materialis ; superior vero dici— tur subalternans, quia est formalis. Scien- dum , quod aliquam contingit scientiam subalternatam respectu alterius scientiae

SUR LA LOGIQUE d'arISTOTE. 351

est subalternante , comme la perspective par rapport à la géométrie est subalternée , et subalternante par rapport à l'optique. En effet, la science de l'optique étant une partie de la science naturelle, elle prend les principes de la perspective pour prouver quelque conclusion , et ainsi elle ne cormoît sur cette conclusion que le quia , tandis que la perspective en connoît le propter quid. Il faut savoir qu'il y a des sciences qui n'ont pas de sujet pris matériellement sous le formel , et cependant on prend les principes d'une autre science dans quelque con- clusion , et on sait sur cette conclusion le quia et non le propter quid. Par exemple c'est une conclusion en médecine que les blessures cir- culaires sont longtemps à guérir ; le sujet de cette conclusion ne se trouve pas sous le sujet de la géométrie , et néanmoins cette conclu- sion se prouve par les principes de la géométrie, qui sont que les parties d'un cercle n'ayant point d'angles sont plus distantes les unes des autres, il s'ensuit que ces blessures sont plus longtemps à guérir. Voilà ce qui concerne les démonstrations propter quid et quia.

CHAPITRE XIII.

Que la science qui procède par la cause et qui dit la forme est plus cer- taine que celle qui procède par l'effet et dit la matière.

Après avoir parlé des démonstrations , nous allons dire quelque chose des sciences qui en sont les effets. Sur cela il faut considérer deux choses : premièrement , ce qui est requis pour qu'une science soit certaine, secondement , ce qui est requis pour qu'elle soit une. A l'égard du premier point, il faut savoir qu'on appelle simplement plus certaine la science qui procède de choses simplement plus connues ,

esse subalternantem, sicut perspectiva res- pectu geometriee est subalternata, respectu vero scientiœ de iride est subalternans. Cum enim scientia de iride sit pars scien- tiae naturalis, assurait principia perspec- tiva? ad aliquam conclusionem probandam , et sic de iîla conelusione solum scit quia, perspectiva vero propter quid. Sciendum quod aliquae scientiae non habent subjec- tura materialiter sumptum sub formali et tamen in aliqua conelusione accipiuntur principia alterius scientiae, et de iîla con- elusione sciunt quia, et non propter quid. Verbi gratia, quod vulnera circularia tar- dius sanentur , est conclusio in medicina ,

sibi appropinquant ; ex hoc sequitur quod talia vulnera tardius sanentur. Patet ergo de demonstrationibus propter *quid , et quia, etc.

CAPUT XIII.

Quod scientia quœ est per causant et quœ dicil formant, est certior quant illa quœ dicil e/fedum, et quœ dicit maleriam.

Dicto de demonstrationibus, dicenda sunt aliqua de scientiis , quse suut effectus ea- rum. Circa hoc videnda sunt duo. Primo, quid requiritur ad hoc quod scientia sit certa. Secundo , quid requiritur ad hoc quod scientia sit una. Quantum ad primum

cujus subjectum non est sub subjecto geo- ; sciendum, quod illa scientia simpliciter di- metnae, et tamen haec conclusio probatur ' citur certior, quœ procedit ex notioribus per principia geometriae , quœ sunt quod simpliciter , et ex notioribus quoad nos. partes circuli , qui carent angulis , minus Dupliciter autem potest esse aliquid notius

352 OPUSCULE XL VII, TRAITÉ H, CHAPITRE 13.

et plus connues par rapport à nous. Or une chose peut être plus connue qu'une autre simplement de deux manières ; suivant la première , la cause est simplement plus connue que l'effet ; suivant la seconde , la forme est simplement plus connue que la matière. En effet , le prin- cipe pour connoître la matière vient de la forme ; donc les sciences qui disent la cause et propter quid, comme nous l'avons dit des sciences subalternantes , sont plus certaines que celles qui disent la matière. C'est pourquoi la géométrie , qui traite de la ligne par rap- port à ses principes formels, est plus certaine que la perspective qui traite de la ligne visuelle, ou la science du triangle que celle qui traite du triangle d'airain. Et comme , ainsi qu'il est dit dans le liv. Vil de la Métaphysique, il y a une double matière, savoir la matière sensible ou la matière naturelle, et la matière intelligible, comme la continuité , il s'ensuit que la science qui forme abstraction des deux matières est plus certaine que celle qui ne fait abstraction que d'une. En effet, la géométrie fait abstraction de la matière sen- sible , et quoique elle traite du corps comme la science naturelle, elle est néanmoins plus certaine que la science naturelle qui ne fait pas abstraction de la matière sensible. De son côté l'arithmétique, qui fait abstraction delà matière sensible et de la continuité, laquelle, comme nous l'avons dit, est la matière intelligible, est conséquemment plus certaine que la géométrie. Il y a trois genres de sciences certaines. D'abord, celles qui disent la cause et propter quid sont plus certaines que celles qui disent l'effet et quia. Secondement, celles qui disent la forme sont plus certaines que celles qui concernent la matière sensible. Troisièmement, celles qui disent la forme de, telle sorte qu'elles ne concernent même pas la matière intelligible sont plus certaines que celles qui concernent une semblable matière. Tel est ce qui regarde la certitude des sciences etc..

alio simpliciter. Uno modo causa est sim- pliciter notior effectu ; alio modo forma est simpliciter notior materia. Principium enim cognoscendi materiam est ex forma, illae ergo scientiae quœ dicunt causara , et propter quid, sicut dictum est de scientiis subalternantibus , sunt certiores illis quœ dicunt materiam. Unde certior est geome- tria, quœ est de linea quantum ad sua principia formalia, quam perspectiva quœ est de linea visuali, vel scientia de trian- gulo, quam illa quœ est de triangulo aeneo. Et quia ut VII Metaph. dicitur, duplex est materia, scilicet materia sensibilis vel ma- teria naturalis et materia intelligibilis, ut continuitas, ideo scientia quœ ab utraque materia abstrahit, est certior illa quse non abstrahit nisi ab una. Geometria enim abs-

trahit a materia sensibili, et licet tractet de corpore, sicut et scientia naturalis , ta- men certior est scientia naturali, quœ non abstrahit a materia sensibili. Arithmetica autem quœ abstrahit a materia sensibili et continuitate, quœ, ut dictum est , materia intelligibilis est, ideo certior est geometria. In triplici enim génère sunt scientiœ cer- tiores. Primo, illœ quœ dicunt causam , et propter quid, sunt certiores eis quœ dicunt effectum et quia. Secundo, illœ quœ dicunt formam,suntcertioresillis quœ couccnnmt materiam sensibilem. Tertio , illœ quœ ita dicunt formam quod nec etiam concernunt materiam intelligibilcm, sunt certiores eis quœ talem materiam concernunt. Patet ergo de certitudine scientiarum, etc.

SUR LA. LOGIQUE D ARISTOTE.

353

CHAPITRE XIY.

Que l'unité formelle de la science se tire de l'unité formelle du sujet sui- vant la nature de l'objet de la science.

Pour ce qui est du second point , c'est-à-dire l'unité de la science, il faut savoir qu'il y a deux choses à considérer dans la science , le sujet même objet de la passion, et les principes au moyen desquels se fait la démonstration pour conclure la passion du sujet. Or pour que le sujet soit susceptible d'être connu par nous, il doit avoir des parties antérieures à lui-même. Remarquez bien ici que le procédé de la science est comme un certain mouvement de la raison. Or il y a deux choses à considérer dans le mouvement, le principe et la fin : le terme qui limite la science est le sujet sur lequel roule la science, parce que dans les sciences spéculatives on ne cherche autre chose que la con- noissance du sujet; ainsi dans la géométrie on ne cherche autre chose que la connoissance de la grandeur. Dans les sciences pratiques on ne cherche que la construction du sujet lui-même ; comme clans la science de l'architecture on n'a en vue que la construction du bâtiment. Le sujet est donc le terme de ce mouvement : le principe de ce mouve- ment se tire des premiers principes du sujet, qui sont ses propres par- ties, comme le principe du procédé de la science naturelle vient de la matière et de la forme. C'est pourquoi s'il se trouve une chose qui n'ait pas ces principes antérieurs d'où la raison puisse procéder, il n'existe pas de science de cette chose dans le sens nous la prenons ici, en tant qu'effet de la démonstration. Aussi il ne peut pas y avoir de science prise dans ce sens relativement aux choses séparées, parce que nous ne pouvons pas connoître leurs quiddités par le moyen des

CAPUT XIV.

Quod unitas formalis scienliœ sumilur ab unitate formait subjecti secundum ratio- nem sciai lis.

Quantum ad secundum , scilicet quan- tum ad unitatem scientiae , sciendum est , quod in scientia est duo considerare, scili- cet ipsum subjectum de quo est passio, et ipsa principia ex quibus fit demonstratio ad concludendum passionem de subjecto. Ad hoc autem quod subjectum sit scibile a nobis, oportet quod habeat partes priores se. Ubi nota quod processus scientiae est quasi quidam motus rationis. In motu au- tem est duo considerare, scilicet princi- pium et terminuin ; terminus autem ad quem scientia terminatur , est subjectum,

V.

circa quod est scientia, quia in speculativis scientiis nihil aliud queeritur, nisi cognitio subjecti, sic in geometria nihil aliud quae- ritur nisi cognitio magnitudinis. In prac- ticis autem nihil aliud quaeritur quam constructio ipsius subjecti, sicut in scientia axlificatoria intenditur constructio domus. Subjectum ergo est terminus tahs motus; principium autem talis motus est a primis principiis subjecti, quœ sunt propriae par- tes ejus, sicut principium processus scien- tiae naturalis est a materia et a forma. Unde si quœ res est quee non habeat talia principia priora, ex quibus ratio procedere possit, ejus non est scientia secundum quod hic sumitur scientia, ut est demons- trationis effectus. Unde de substantiis se- paratis non potest esse scientia isto modo

23

354 OPUSCULE XLVII, TRAITÉ 11, CHAPITRE 14.

sciences démonstratives. En effet, quoique les substances séparées soient par elles-mêmes accessibles à l'intellect proportionné à cet acte, néanmoins on ne peut pas recueillir par quelque chose d'antérieur les notions qui font connoître leur quiddité, mais on peut bien, par le moyen des sciences spéculatives, savoir si elles existent et ce qu'elles ne sont pas suivant la similitude trouvée dans les choses inférieures , et alors nous nous servons pour arriver à leur connoissance des choses postérieures et antérieures, lesquelles, quoique postérieures par rap- port à la nature , sont néanmoins antérieures par rapport à nous. Donc le sujet de la science, dans le sens elle est prise ici, doit avoir des parties antérieures d'où l'on procède pour le connoître : et ceci doit se comprendre des parties intégrales du sujet , comme les lettres et les syllabes sont les parties du discours, qui est le sujet de la grammaire. Il faut savoir que , quoiqu'il ait été dit que le terme qui limite le pro- cédé de la science est sujet, il ne faut pas néanmoins entendre que ce soit le dernier terme , mais le dernier terme s'arrête l'examen de la science , pour manifester la passion du sujet. Ces considérations faites, il faut savoir que cette science est une qui est du même genre du sujet formellement pris auquel appartiennent les parties et les pas- sions , et qui a les mêmes premiers principes , non pas simplement , mais dans la science : car les choses qui ont des principes divers sont elles-mêmes diverses. On peut déduire de ce que nous avons dit que l'unité de la science doit se tirer de l'unité du sujet : en effet, l'unité du mouvement se tire du terme; or le sujet est le terme du mouvement de la raison dans le procédé de la science, comme on l'a déjà dit; le sujet doit être un formellement en tant que tel. Remarquez que quant à cela le sujet est par rapport à la science comme l'objet à la puissance; or ce

sumpta, quia per scientias demonstrativas terminatur processus scientiae sit subjec- non possumus scire ipsarum quidditates. [ tum , non est tamen intelligendum , quod Licet enim substantise separatœ sint per se \ sit terminus ultimus ; sed ultimus terminus ipsas intelligibiles ab intellectu ad hoc pro- j ad quem terminatur consideratio scientiae, portionato, non tamen congregatur earum est ut passio subjecti manifestetur. His ha- notitia qua cognoscitur quod quid est ip- : bitis, sciendum est , quod illa scientia est sarum per aliqua priora , sed bene potest una, quae est unius generis subjecti forma- per scientias speculativas sciri de eis an | liter sumpti , cujus sunt partes, et passio- sint et quid non sint, ad similitudinem in- 1 nés, et eadem habet principia prima , non ventam in rébus inferioribus , et tune ad ] simpliciter , sed in scientia; divers* vero earum cognitionem utimur posterioribus ) sunt, quae habent diversa principia. Quod et prioribus , quae licet sint posteriora j autem imitas scientiae debeat sumi ab uni- quoad naturam, sunt tamen priora quoad j tate subjecti, potest patere ex dictis ; uni- nos. Subjectum ergo scientiae, prout hic ' tas enim motus sumitur a termino ; sub-

sumitur scientia, oportet quod habeat par- tes priores, a quibus fiât processus ad ejus cognitionem , et hoc intelligendum est de partibus integralibus subjecti, sicut litterae et syllabae sunt partes dictionis, quae est subjectum grammaticae. Sciendum quod licet dictum sit quod terminus ad quem

jectum autem est terminus motus rationis in processu scientiae , ut jam dictum est ; taie autem subjectum débet esse unum formaliter, in quantum hujus. Ubi nota quod quantum ad hoc sic se habet suo modo subjectum ad scientiam , sicut ob- jeetum ad potentiam ; malerialis autem

SUR LA LOGIQUE D'ARISTOTE. 355

n'est point la diversité matérielle de l'objet qui diversifie la puissance, mais bien la diversité formelle. Ainsi la diversité matérielle des choses susceptibles d'être apprises ne diversifie pas la science, mais bien la di- versité formelle. Or la raison formelle de l'objet de la science se prend de la même manière que la raison formelle de ce qui est visible. La raison formelle de ce qui est visible se tire de la lumière , par le moyen de laquelle on voit tout; de même la raison formelle de l'objet de la science se tire conformément aux principes qui produisent la science. C'est pourquoi quelque divers que soient les objets de la science suivant leur nature , pourvu que la connoissance en soit acquise par le moyen de ces mêmes principes, ils appartiennent à la même science, par la raison qu'ils ne sont pas divers en tant qu'objets de la science, car ils sont susceptibles d'être appris par le moyen de leurs principes : comme il est évident que les voix humaines diffèrent matériellement beaucoup des sons des corps inanimés, néanmoins, comme c'est suivant les mêmes principes que l'on considère eu elles la consonance , aussi la musique, qui appartient aux deux ordres de sujets, est la même. Au contraire, si les objets delà science sont les mêmes en nature et si on les considère suivant différents principes , ils appartiennent à des sciences diverses, comme un corps mathématique n'est pas séparé du sujet par un corps naturel ; néanmoins, comme un corps mathématique est connu par les principes de la quantité , et le naturel par les prin- cipes du mouvement, la science mathématique et la science naturelle ne sont pas pour cette raison une même science. Donc l'unité et la di- versité des sciences viennent de l'unité et de la diversité formelle du sujet, laquelle formalité se prend d'après la nature de l'objet de la science , c'est-à-dire , suivant l'identité et la diversité des principes. Pour cette raison c'est la même chose d'avoir le même sujet formel et les mêmes principes, et de différer suivant les principes que d'avoir des

diversitas objecti nou diversiiicat poten- tiam, sed formalis. Sic materialis diversitas scibilium non diversiiicat scientiam , sed formalis. Sumitur autem ratio formalis scibiliSj sicut ratio formalis visibilis. For- malis autem ratio visibilis sumitur a lu- mine , per quod omnia videntur ; etiam formalis ratio scibilis sumitur secundum principia ex quibus aliquid scitur. Unde quantumcumque sint diversa scibilia se- cundum suam naturam, dummodo per ea- dem principia sciantur, ad unam tamen pertinent scientiam ; quia non sunt diversa, in quantum sunt scibilia. Suntenim scibilia per sua principia; sicut patet quod voces humanœ multum differunt secundum suam materiam a sonis corporum inanimatorum, tainen quia secundum eadem principia at-

tenditur consonantia in eis, ideo musica quse est de utriusque, est eadem. Et per oppositum , si sunt eadem scibilia secun- dum naturam, et tamen per diversa prin- cipia considerentur , pertinent ad diversas scientias, sicut corpus mathematicum nou separatur subjecto a corpore naturali ; quia tamen corpus mathematicum cognoscitur per principia quantitatif naturale vero per principia motus, propterea non est eadem scientia, scilicet mathematica et naturalis. Unitas ergo et diversitas scientiarum est ex unitate et diversitate formali subjecti, quœ formalitas consistit secundum ratio- nem scibilis, id est, secundum identitatem et diversitatem principiorum. Et propter hoc idem est dicere , habere idem subjec- tum formale, et habere eadem principia , et

356 OPUSCULE XL VIII.

sujets formellement divers. Or il faut savoir que les principes dont nous parlons, sont les principes qui sont les premiers dans la science, et les sciences sont plus ou moins communes suivant la communauté de ces principes. Les premiers principes se connoissent dans le genre de l'objet de la science suivant la définition du sujet, comme on l'a dit. Tel est ce qui concerne l'unité des sciences. Grâces soient rendues à Dieu auteur de tout bien.

Fin du dernier traité de la démonstration qui complète la logique de saint Thomas d'Aquin, de l'ordre des frères prêcheurs.

L'Abbé VÉDRINE.

OPUSCULE XLVIII.

DU SENS PAR RAPPORT AUX CHOSES SINGULIÈRES, ET DE L'INTELLECT PAR RAPPORT AUX UNIVERSELLES.

Relativement au sens, pourquoi il appartient aux choses singu- lières, et l'intellect aux universelles , et comment les choses univer- selles sont dans l'ame ; il faut savoir sur la première question que le sens est une vertu résidant dans l'organe corporel, tandis que l'intel- lect est une vertu tout-à-fait immatérielle, et non l'acte de quelque

differre secundum principia , quod habere diversa subjecta formaliter. Sciendum est autera quod principia, de quibus loquimur, sunt principia qnae sunt prima in scientia, et secundum communitatem dictorum principiorum, scientia; suntmagis vel minus communes. Cognoscuntur autem prima principia in génère scibilis secundum diffi-

nitionem subjecti, ut dictum est. Et sic patet de unitate scientiarum. Gratias Deo bonorum omnium largitori.

De demonstratione tractatus ultimus, in quo compléter Logica sancti Thomœ de Aquino, ordinis Prœdicatorum féliciter ex- plicit.

OPUSCULUM XLVIII.

Ejusdem doctoris, de sensu respectu singularium, et intellectu respectu universalium.

Girca considerationem sensns, quare sit singularium, et intellectus universalium, et quomodo universalia sint in anima, scien-

dum est circa primum , quod sensus est virtus in organo corporali, intellectus au- tem est virtus penitus immaterialis, et non

DU SENS ET DE L'INTELLECT. 357

organe corporel. Or chaque chose est reçue dans un autre suivant son mode d'être. Toute connoissance s'opère par ce qui est connu de celui qui est le sujet de la cognition , c'est-à-dire suivant la similitude, car le sujet de la cognition en acte est la chose connue en acte. Il faut donc que le sens reçoive corporellement la ressemblance de la chose qui est sentie , l'intellect de son côté reçoit la similitude de la chose qu'il conçoit d'une manière immatérielle et incorporelle. Or l'iudivi- duation de la nature commune dans les choses matérielles et corpo- relles est renfermée dans la matière corporelle sous des dimensions déterminées : l'universel s'effectue par l'abstraction de cette matière et des conditions qui opèrent l'individuation. Il est donc clair que la similitude de la chose reçue dans le sens représente cette chose en tant qu'elle est singulière ; mais celle qui est reçue dans l'intellect re- présente la chose suivant la condition de la nature universelle. Yoilà pourquoi le sens connoît les choses singulières; et l'intellect les choses universelles , auxquelles appartiennent les sciences. Quant à la seconde question, il faut savoir que l'universel peut être pris de deux manières. Premièrement pour la nature commune, étant subja- cente à l'intention d'universalité : et secondement pour l'intention en elle-même, comme blanc peut être dit ce à quoi il arrive d'être blanc ou ce qui est déjà soumis à la blancheur. Or la nature à laquelle sur- vient l'intention d'universalité, comme la nature de l'homme, a un double être ; l'un matériel comme étant dans la nature matérielle , l'autre immatériel comme étant dans l'intellect. Il ne peut pas lui survenir d'intention universelle dans le premier mode, parce que il est individué par la matière. Donc l'intention universelle survient en raison de l'abstraction de la matière individuelle ; mais il ne peut

est actus alicujus organi corporalis. Unum- quodque autem recipitur in aliquo secun- dum modum sui. Omnis autem cognitio fit per hoc quod cognitum est aliquo mo- do in cognoscente, scilicet secundum simi- litudinem ; nam cognoscens in actu est ip- sum cognitum in actu. Oportet ergo quod sensus corporaliter recipiat similitudinem rei , quse sentitur. Intellectus autem reci- pit similitudinem ejus quod intelligit im- materialiter et incorporaliter. Individuatio autem naturse comrnuuis in rébus mate- riaiibus et corporalibus, est ex materia cor- porali sub determinatis dimensionibus con- tenta; universale autem est per abstractio- nem ab hujusmodi materia , et materiali- bus conditionibus individuantibus. Patet ergo quod similitude rei quœ recipitur in sensu, représentât rem secundum quod est singularis ; sed recepta in intellectu ,

reprœsentat rem secundum rationem natu- rse universalis. Et inde est quod sensus cognoscit singularia, intellectus autem uni- versalia , quorum sunt scientiae. Circa se- cundum sciendum est , quod universale potest capi dupliciter. Uno modo pro ipsa natura commuai, ut subjacet intention! universalitatis ; aiio modo pro ipsa inten- tione secundum se, sicut album potest dici illud cui accidit esse album, vel ipsum se- cundum quod jam subest albedini. Ipsa autem natura cui accidit intentio univer- salitatis, puta, natura hominis , habet du- plex esse. Unum quidem materiale, secun- dum quod est in materia naturali ; aliud autem immateriale, secundum quod est m intellectu. Primo quidem modo non potest ei advenire intentio universalitatis, quia per materiam individuatur. Advenit ergo universalis intentio , secundum quod abs-

358 OPUSCULE XLVHI, DU SENS ET DE L'iNTELLECT.

pas y avoir d'abstraction réelle de la matière individuelle , comme l'ont supposé les platoniciens. En effet , il n'existe pas d'homme sans de la chair, sans des ossements , comme le prouve Aristote dans le liv. VII de la Métaphysique. Il reste donc à dire que la nature humaine n'a pas l'être en dehors des principes d'individuation, si ce n'est seu- lement dans l'intellect. Néanmoins l'intellect n'est point faux en con- cevant la nature commune en dehors des principes d'individuation sans lequels elle ne peut être dans la nature des choses. En effet , l'intel- lect ne conçoit pas que la nature commune existe sans les principes d'individuation ; mais il conçoit la nature commune sans concevoir les principes d'individuation, et en cela il n'y a pas de fausseté. Comme si l'on séparoit la blancheur d'un homme blanc de façon que l'intel- lect conçût qu'il n'est pas blanc, ce seroil une fausse conception; mais si l'on sépare la blancheur de l'homme blanc de manière à concevoir l'homme sans concevoir la blancheur, ce ne sera plus une conception fausse. Car il n'est pas exigé pour la vérité d'une conception que celui qui conçoit une chose conçoive en même temps toutes les choses qui lui sont inhérentes. Ainsi donc l'intellect abstrait sans fausseté le genre de ses espèces , en tant qu'il conçoit la nature du genre sans conce- voir les différences. De même il abstrait l'espèce des individus en tant qu'il conçoit la nature en espèce , sans concevoir les principes d'in- dividuation. 11 est donc évident de cette sorte que l'intention d'uni- versalité ne peut être attribuée à la nature commune autrement que suivant l'être qu'elle a dans l'ame et dans l'intellect. Il ne s'opère donc d'unité de plusieurs que par la conception en dehors des principes d'individuation, aussi bien que l'unité dans plusieurs, comme dans les individus ou les inférieurs qui sont un dans la supériorité. Il reste donc à dire que les choses universelles, en tant qu'universelles, ne

trahitur a materia individuali ; non potesl autem abstrahi a materia individuali rea- liter, sicut platonici posuerunt. Non enim est homo, nisi in his carnibus , et in his ossibus, sicut Philosophus probat, VII Me- taph. Relinquitur ergo quod natura hu- mana non habet esse praeter principia in- dividuantia, nisi in solo intellectu. Nec ta- men injellectus est falsus, dum apprehendit naturam communem prœler principia in- dividuantia, sine quibus esse non potest in rerum natura. Non enim apprehendit in- tellectus , quod natura communis sit sine , principhs indi viduantibus ; sed apprehendit naturam communem , non apprehendendo principia individuantia , et hoc non est falsum. Sicut si ab homine albo separetur albedo hoc modo, quod intellectus intelli- gat eum non esse album, esset apprehen-

sio falsa. Si autem sic separetur albedo ab homine albo, quod apprehenclatur homo non apprehensa albedine, non esset appre- hensio falsa. Non enim exigitur ad verita- tem apprehensionis, quod qui apprehendit rem aliquam, appréhendât omnia quae rei insunt. Sic ergo intellectus absque falsitate abstrahit genus a speciebus , in quantum intelligit naturam generis, non intelligendo differentias. Et similiter abstrahit speciem ab individuis in quantum intelligit natu- ram specie, non intelligendo principia in- dividuantia. Si ergo patet, quod naturae communi non potest attribui intentio uni- versalitatis, nisi secundum esse quod habet in anima et intellectu. Sic ergo solum est unum de multis, prout intelligitur praeter principia individuantia, et unum in multis, ut individuis vel inferioribus quee in supe-

OPUSCULE XLIX, DE L'INVENTION DU MOYEN-TERME. 359

se trouvent que dans l'ame; tandis que les natures auquelles survient l'intention d'universalité, sont dans les choses. C'est pour cela que les noms communs qui signifient les natures mêmes se disent des in- dividus, mais non ceux qui signifient les intentions. En effet, Sortes est un homme, mais il n'est pas une espèce.

Fin du quarante-huitième Opuscule de saint Thomas d'Aquin sur le sens par rapport aux singuliers , et l'intellect par rapport aux universels.

L'abbé VÉDRINE.

OPUSCULE XLIX.

Du MÊME DOCTEUR, DE i/lNVENTlON DU MOYEN TERME.

Comme le moyen terme est le principe pour réduire une propo- sition en syllogisme , afin donc d'avoir pour chaque proposition un mode d'argumentation , nous allons déterminer la manière de trouver le moyen terme. En conséquence les propositions étant les unes uni- verselles , les autres particulières , et parmi les universelles les unes affirmatives , les autres négatives , nous allons d'abord nous occuper de la manière de trouver le moyen terme pour mettre en syllogisme l'universelle affirmative. Il faut donc dire que, pour réduire en syllo-

riori sunt unum. Unde relinquitur quod universalia secundum quod universalia , non sunt nisi in anima ; ipsœ autem natu- rse, quibus accidit intentio universalitatis, sunt in rébus. Et propter hoc nomina communia significantia naturas ipsas pree- dicantur de individuis , non autem nomina

significantia intentiones. Sortes enim est homo, sed non est species.

Explicit Opusculum quadragesimum oc- tavum divi Thomœ Âquinatis , de sensu respectu singularium, et intellectu respectu universalium.

OPUSCULUM XLIX.

EJUSDEM DOCTORIS, DE INVENTIONE MEDH.

Quoniam principium syllogizandi unam- quarnque propositionem est médius termi- nus, ideo ut possimus habere modum syl- logizandi ad unamquamque propositionem, de inventione medii termini nunc est de-

terminandum. Cum igitur propositionum alia sit universalis, alia particularis; et uni- versalium a lia affirmativa, alia negativa, de inventione medii ad syllogizandum uni- versalem aflirmativam prius est dicendum.

360 OPUSCULE XLIX.

gisme l'universelle affirmative, il faut prendre pour moyen ce qui suit le sujet et précède le prédicat. En voici la raison : c'est que l'u- niverselle affirmative ne se met en syllogisme que dans le premier mode de la première figure ; mais il faut en cela que dans le syllo- gisme le moyen précède le prédicat de la proposition , puisqu'il lui est soumis universellement, et suive le sujet de la même proposition, puisqu'il se dit universellement de lui. Par exemple, si l'on a à ré- duire en syllogisme cette proposition : tout homme est animal , son moyen convenable sera susceptible de rire , parce que cela suit tou- jours le sujet dans la conséquence, et précède le prédicat, et l'on dira, tout ce qui est susceptible de rire est animal, tout homme est susceptible de rire, donc tout homme est animal. Pour mettre en syl- logisme l'universelle négative, il faut prendre pour moyen ce qui suit le sujet et répugne au prédicat, et cela par rapport au second mode de la première figure et au premier de la seconde ; ou bien ce qui répugne au sujet et suit le prédicat par rapport au second mode de la seconde figure, et la raison de cela est que l'universelle néga- tive ne se met en syllogisme que dans ces trois modes, et dans les deux premiers modes le moyen terme suit le sujet et répugne au pré- dicat. Dans le troisième le moyen répugne au sujet et suit le prédicat. Par exemple, si l'on veut mettre en syllogisme cette proposition : nul homme n'est pierre , son moyen convenable dans les deux premiers modes est susceptible de rire , parce qu'il suit le sujet et répugne au prédicat. Dans le troisième syllogisme le moyen convenable est in- sensible, parce qu'il répugne au sujet et suit le prédicat. Pour mettre en syllogisme la particulière affirmative , il faut prendre pour moyen Ce qui suit le sujet et précède le prédicat, et précède le sujet et le pré-

Est ergo dicendum, quod adsyllogizandurn universalem affirmativam , sumendum est pro medio id quod sequitur subjectum, et antecedit praedicatum. Cujus causa heec est, quia universalis affirmativa non syllo- gizatur nisi in primo modo primée figurée, sed in hoc oportet médium antecedere praedicatum propositionis syllogizando cum universaliter subjiciatur ei , et sequi sub- jectum ejusdem, cum universaliter praedi- cetur de ipso. Verbi gratia, si haec propo- sitio est syllogizanda. Omnis homo est ani- mal, conveniens médium ipsius est risi- bile, quia id semper sequitur secundum consequentiam ipsum subjectum, et ante- cedit praedicatum , ut dicatur , omne risi- bile est animal, omnis homo est risibilis," ergo omnis homo est animal. Ad syllogi- zandum universalem negativam, sumendum est pro medio id quod sequitur subjectum. et répugnât prsedicato, et hoc quoad secun-

dum modum primée figurée , et primum secundae ; vel quod répugnât subjecto , et sequatur praedicatum, quoad secundum modum secundae figurée , cujus causa hœc est, quia universalis negativa non syllogi- zatur nisi in tribus modis praedictis, et in duobus primis modis médius terminus se- quitur ad subjectum , et répugnât preedi- cato. In tertio médius répugnât subjecto , et sequitur ad praedicatum. Verbi gratia, si beec propositio est syllogizanda : Nullus homo est lapis, conveniens médium ipsius in duobus primis modis est risibile , quia id sequitur ad subjectum, et répugnât pree- dicato. In tertio vero syllogismo , conve- niens médium est insensibile , quia id ré- pugnât subjecto , et sequitur ad praedica- tum. Ad syllogizandum autem particula- rem affirmativam , sumendnm est pro medio consequens ad subjectum , et ante- cedens ad praedicatum , et antecedens ad

DE L'INVENTION DU MOYEN- TERME. 36 i

dicat. La raison de cela, c'est que la particulière affirmative ne con- clut que dans la première et la troisième figure; et pour qu'elle con- clue dans la première il faut que le milieu précède le prédicat et lui soit soumis , il faut aussi qu'il suive le sujet lorsqu'il se dit de lui. Mais si l'on conclut dans la troisième figure il faut que le moyen pré- cède l'un et l'autre , c'est-à-dire, le sujet et le prédicat, puisqu'il est soumis k l'un et à l'autre. Par exemple , pour mettre en syllogisme cette proposition : quelque animal est substance, le moyen convenable dans la première figure est sensible , parce qu'il suit le sujet et pré- cède le prédicat. Dans la troisième figure le moyen convenable est homme , parce qu'il précède le sujet et le prédicat. Pour réduire en syllogisme la particulière négative, il faut prendre pour moyen ce qui suit le sujet et répugne au prédicat , ou ce qui répugne au sujet et suit le prédicat, et en voici la raison , c'est que la particulière né- gative se conclut dans toute figure , et si l'on tire la conclusion dans la première, il faut que le moyen suive le sujet, puisque il se dit de lui, et répugne au prédicat , puisqu'il en est écarté. Mais si l'on conclut dans la seconde figure, il faut que le moyen suive le sujet et répugne au prédicat , par rapport au troisième mode , ou qu'il répugne au sujet et suive le prédicat par rapport au quatrième. Si l'on conclut dans la troisième, il faut que le moyen précède le sujet, puisqu'il lui est soumis , et qu'il répugne au prédicat, puisque le prédicat en est écarté. Par exemple, si l'on veut mettre en syllogisme cette proposi- tion : quelque homme n'est pas âne , le moyen convenable dans la première figure et même dans le troisième mode de la seconde figure est susceptible de rire , lequel suit le sujet et répugne au prédicat. Dans le quatrième mode de la seconde figure le moyen convenable

subjectum et praedicatum. Gujus causa haec est : quia particularis affîrmativa non con- cluent, nisi in prima et tertia figura, et ut concludatur in prima, oportet quod mé- dium antecedat praedicatum, et subjiciatur ei , et quod sequatur subjectum cum prae- dicatur de eo. Si vero concludatur in tertia, oportet médium antecedere utrum- que, scilicet subjectum, et praedicatum cum subjiciatur utrique. Verbi gratia , si haec propositio est syllogizanda. Quoddam animal est substantia, conveniens médium ejus in prima figura est sensibile , quia id sequitur subjectum et antecedit praedica- tum. In tertia vero figura conveniens mé- dium est homo , quia antecedit utrumque, scilicet subjectum et praedicatum. Ad syl- logizandum autem particularem negati- vam, sumendum est pro medio id quod se- quitur subjectum , et répugnât prœdicatn, vel id quod répugnât subjecto, et sequitur

praedicatum, cujus causa haec est ; quia particularis negativa concluditur in omni figura, et sic concludatur in prima, oportet médium sequi subjectum cum praedicetur de eo, et repugnare praedicato cum remo- veatur ab eo. Si autem concludatur in se- cunda, oportet médium sequi subjectum, et repugnare praedicato quoad tertium modum , vel repugnare subjecto et sequi praedicatum quoad quartum modum. Si vero concludatur in tertia, oportet médium antecedere subjectum, cum subjiciatur ei, et répugnât praedicato cum praedicatum removeatur ab ipso. Verbi gratia, si hœc propositio est syllogizanda : Quidam homo non est asinus, conveniens médium ejus in prima figura , et etiam in tertio secundae figurée est risibilc quod sequitur ad sub- jectum et répugnât praedicato. In quarto autem secundae figurae conveniens médium est risibile, quod répugnât subjecto, et se-

362 OPUSCULE L.

est susceptible de rire qui répugne au sujet et suit le prédicat. Le moyen convenable dans la troisième figure est susceptible de rire, qui précède le sujet et répugne au prédicat. Car les choses conver- tibles précèdent et suivent celles avec lesquelles elles sont conver- tibles, c'est pour cela que susceptible de rire précède et suit l'homme.

Fin du quarante-neuvième Opuscule de saint Thomas d'Aquin sur la manière de trouver le moyen terme.

L'abbé VÉDRINE.

OPUSCULE L.

Du MÊME DOCTEUR, J)E LA NATURE DE LA LUMIÈRE.

Nous allons nous occuper de la nature de la lumière , de sa néces- sité pour voir, et de la nature du diaphane. Sur le premier article , il y a plusieurs opinions. Quelques-uns ont dit que la lumière est un corps , déterminés à cette fausse opinion par certaines locutions dont on se sert en parlant de la lumière. En effet, nous avons coutume de dire que le rayon traverse l'air, que les rayons sont réverbérés , que les rayons opèrent une intersection, toutes choses qui semblent être le fait des corps. Cette opinion ne peut pas être soutenue pour les raisons qu'allègue Aristote dans le livre de l'Ame ; et il est facile d'en apporter

quitur prœdicatum. Gonveniens vero mé- dium in tertia figura est risibile, quod an- tecedit subjectum et répugnât prsedicato. Convertibilia enim antecedunt et sequun- tur ea, cum quibus surit convertibilia, ideo

risibile antecedit et sequitur hominem.

Explicit Opusculum quadragesimum no- num divi Thomœ Aquinatis, de inventione medii.

OPUSCULUM L.

EJUSDEM DOCTOR1S, DE NATURA LUMINIS.

Considerandum est de natura luminis, et de ejus necessitate ad videndum, et de na- tura diaphani. Circa primum sciendum est, quod diversimode opinati sunt. Nam qui- dam dixerunt lumen esse corpus, ad quod falso suntmoti ex quibusdam locutionibus, quibus utuntur loquentes de lumine. Con-

suevimus enim dicere, quod radius transit per aerem, et quod radii reverberantur , et quod radii intersecant, quœ omnia videu- tur esse corporum. Quae quidem opinio stare non potest propter rationes quas Phi- losophus ponit in lib. De Anima, et plures alias facile est adducere. Non enim facile

DE LA. NATURE DE LA LUMIÈRE. 363

d'autres. Il n'est pas facile, en effet, d'expliquer comment un corps de cette nature se répand en un clin-d'œil dans tout notre hémisphère, comment il se produit et se détériore , comment même la seule inter- position d'un corps opaque désorganise le corps dans une autre partie du diaphane. Ce que l'on dit du mouvement de la lumière ou de sa réverbération se dit métaphoriquement, de la même manière que nous pourrions dire que la chaleur procède lorsque certaines choses se réchauffent de nouveau , ou qu'elle est réverbérée lorsqu'elle ren- contre un obstacle. D'autres ont dit que la lumière est une certaine nature étrangère, une qualité spirituelle, se fondant sur ce que, dans les choses intellectuelles , nous nous servons du terme de lu- mière. Nous disons, en effet, qu'il y a dans les substances intellec- tuelles une certaine lumière intellectuelle ou intelligible. Mais cela est encore impossible. Il est effectivement impossible qu'une nature spirituelle et intellectuelle tombe sous les sens ; car les sens , étant corporels , ne peuvent connoître que les choses corporelles. Si l'on disoit que la lumière spirituelle est différente de celle que les sens perçoivent, on pourroit l'accorder, pourvu qu'il fût bien entendu que la lumière perçue par les sens n'est pas une nature spirituelle. Rien n'empêche , en effet , de donner un nom commun à des choses tout- à-fait différentes. Que si dans les choses spirituelles nous nous servons du mot de lumière et autres termes qui appartiennent à la vision , cela se fait à raison de la noblesse du sens de la vue qui est de tous les sens le moins matériel , ce qui devient évident pour deux raisons. D'abord par son objet, car il est certaines choses qui tombent sous la vue à raison de propriétés par lesquelles les corps inférieurs commu- niquent avec les corps célestes. Le tact perçoit les propriétés qui sont propres aux éléments , savoir le chaud , le froid , et autres choses

est assignare, quomodo hujusmodi corpus per totum hemisphaerium nostrum subito multiplicatur, aut generatur, aut corum- patur, quomodo etiam sola interpositio corporis opaci esset causa corruptionis hu- jus corporis in alia parte diaphani. Quod autem dictum est de motu luminis, aut réverbéra tione ipsius, metaphorice dictum est, sicut et possemus dicere, quod calor procedit dum aliqua de novo calefiunt, vel reverberatur dum habet obstaculum. Qui- dam vero alii dixerunt quod lux est quae- dam alia natura, vel qualitas spiritualis, argnmentum sumentes ex hoc quod in ré- bus intellectualibus utimur nomine lumi- nis. Dicimus enim in substantiis intellec- tualibus esse quoddam lumen intellectuale, seu intelligibile. Sed hoc est impossibile. Jmpossibile enim est, quod aliqua spiritua-

lis natura et intellectualis cadat in appre- hensione sensus : cum enim sensus sit pars corporea , non potest esse cognitivus nisi corporalium rerum. Si quis autem dicat, quod aliud est lumen spirituale ab eo quod sensus percipit, cum eo est consentiendum, dummodo hoc habeatur, quod lumen quod visus percipit , non est natura spiritualis. Nihil enim prohibet cummune nomen im- poni rébus quantumcumque diversis. Quod autem lumine et his quœ ad visum perti- nent, utimur in rébus spiritualibus, con- tingit ex nobilitate sensus visus, qui est spi- ritualior inter omnes sensus, quod patet ex duobus. Primo quidem ex objecto suo : uam aliqua cadunt sub visu secundum pro- prietates, in quibus communicant inferiora corpora cum cœlestibus. Tactus autem est perceptivus proprietatum, quœ sunt propriae

364 OPUSCULE L.

semblables. Le goût et l'odorat perçoivent les propriétés qui con- viennent aux corps mixtes, suivant la nature différente du chaud et du froid, du sec et de l'humide. Le son est produit par le mouvement local, qui est commun aussi aux corps célestes et aux corps infé- rieurs ; mais l'espèce de mouvement qui produit le son ne convient pas aux corps célestes, suivant Aristote. On voit donc , d'après la nature de l'objet, que la vue est le plus élevé des sens, que l'ouïe vient après, et que les autres sens en sont plus éloignés. Secondement, il semble que le sens de la vue est plus spirituel d'après le mode d'immutation ; car dans tous les autres sens , il n'y a point d'immutation spirituelle sans une immutation naturelle. J'appelle immutation naturelle la ré- ception de la qualité dans le patient, suivant l'être naturel, comme lorsqu'une chose se refroidit, ou s'échauffe, ou se meut respective- ment au lieu. Il y a immutation spirituelle, lorsque l'espèce est reçue dans l'organe du sens par mode d'intension , et non par mode de forme naturelle ; car l'espèce sensible n'est pas reçue dans le sens suivant l'être qu'elle a dans la chose sensible. On voit que dans le tact et le goût , qui est une espèce de tact , il se fait une altération natu- relle. En effet , une chose s'échauffe ou se refroidit par le contact d'un objet chaud et froid, et il ne se fait pas seulement une immutation spirituelle ; de même l'immutation de l'odeur s'opère par une certaine évaporation de fumée ; l'immutation du son se fait avec un mouve- ment local; mais il n'y a que l'immutation de la vue qui soit une im- mutation spirituelle ; d'où il résulte qu'entre tous les sens la vue est le plus spirituel , et que l'ouïe vient ensuite. C'est pour cela que ces deux sens sont les plus spirituels et les seuls susceptibles d'être disci- plinés. C'est assez pour ce qui concerne la vue. D'autres disent que la

elementis, scilicet calidi, et frigidi, et his similium. Gustus vero et olfactus proprie- tatum, quae competunt mixtis secundum diversam rationem calidi et frigidi, sicci et humidi Sonus autem causaturex motu lo- cali, qui est communis etiam corporibus cœlestibus, et inferioribus : sed species mo- tus, quœ causât sonum, non competit cor- poribus cœlestibus secundum sententiam Aristotelis. Unde ex ipsa natura objecti ap- paret, quod visus est altior inter sensus , et auditus ei propinquior, et alii sensus ma- gis remoti. Secundo apparet quod sensus visus est spiritualior ex modo immutatio- nis : nam in quolibet alio sensu non est immutatio spiritualis sine naturali. Dico autem immutationem naturalem, prout qualitas recipitur in patiente secundum esse naturale, sicut cum aliquid infrigida- tur, aut calent, ant movetur secundum lo-

cum. Immutatio vero spiritualis est, secun- dum quod species recipitur in organo sen- sus per modum intensionis, et non per mo- dum formas naturalis : non enim sic reci- pitur species sensibilis in sensu, secundum illud esse quod habet in.re sensibili : Patet autem quod in tactu et gustu, qui est tac- tus quidam, fit alteratio naturalis. Calefit enim et infrigidatur aliquid per tactum calidi, et frigidi, et non fit immutatio spi- ritualis tantum : similiter immutatio odo- ris fit cum quadam fumali evaporatione, immutatio soni fit cum motu locali : sed immutatio visus, sola est immutatio spiri- tualis : uude patet, quod visus inter om- nes sensus est spiritualior, et post hune auditus. Et propter hoc hi duo sensus sunt maxime spirituales, et soli sunt disciplina- biles : et hœc de his quœ pertinent ad vi- sum. Alii vero dicunt , quod lux non est

DE LA NATURE DE LA LUMIÈRE. 365

lumière n'est autre chose que l'évidence de la couleur. Mais cette assertion paroît fausse dans les choses qui luisent la nuit , et dont la couleur est néanmoins cachée. D'autres disent que la lumière est la forme substantielle du soleil , une lumière venant de la lumière , et ayant un être intentionnel , comme la couleur dans l'air. Or ces deux choses sont fausses. La première d'abord, parce que nulle forme sub- stantielle n'est sensible par elle-même, elle n'est compréhensible que par l'intellect. Et si l'on dit que ce qu'on voit du soleil n'est pas la lumière , mais une splendeur, on peut bien accorder le mot, pourvu que ce que nous disons être saisi par la vue ne soit pas une forme substantielle. La seconde chose est également fausse , parce que les choses qui n'ont que l'être intentionnel n'opèrent pas de transmutation naturelle ; or les rayons des corps célestes transforment toute la ma- tière inférieure. C'est pourquoi nous disons que , de même que les corps élémentaires ont des qualités actives par lesquelles ils agissent , de même la lumière est la qualité active d'un corps céleste par laquelle il agit, et elle est dans la troisième espèce de la qualité. Or, comme elle est la qualité d'un premier corps altérant , elle n'a pas de con- traire ; et comme il n'y a rien de contraire à la lumière , elle ne peut pas conséquemment trouver de disposition contraire dans ce qui la reçoit. A cause de cela, son passif , c'est-à-dire le diaphane, est tou- jours dans la dernière disposition à la forme, c'est pour cela qu'il s'illumine instantanément. Au contraire , ce qui est susceptible de caléfaction , n'ayant pas de disposition contraire , n'est pas toujours pour cette raison dans la dernière disposition à sa forme , et c'est pour cela que ce qui est susceptible de caléfaction ne s'échauffe pas instantanément. Donc la participation de la lumière opérée dans le diaphane s'appelle lumière , et s'effectue suivant la ligne droite au

nisi evidentia coloris. Sed hoc apparet fal- sicut corporea elementaria habent qualita-

tes activas per quas agunt, ita lux est qua- litas activa corporis cœlestis per quain agit, et est in tertia specie qualitatis. Cum au- tem sit qualitas primi corporis alterantis, non habet contrarium, et quia luci nihil est contrarium, ideo in suo susceptibili non potest habere contrariant dispositio- nem. Et propterhoc suumpassum, scilicet diaphanum semper est in ultiraa disposi- tione ad formam, et propter hoc statim il- luminatur. Galefactibile autem, quia habet contrariam dispositionem, propter hoc non est semper in ultiraa dispositione ad for- mam, et ideo non statim calefactibile cale- fit. Ipsa ergo participatio lucis effecta iu diaphano, vocatur lumen, et fit secundum lineam rectam ad corpus luciduni, et tune vocatur radius. Si autem causatur ex re-

sum in his, quse de nocte lucent , et tamen eorum color occultatur. Alii vero dicunt , quod lux est forma substantialis solis , et lumen a luce descendens, habet esse in- tentionale, sicut color in aère : utrumque autem horum est falsum. Primum qui- dem, quia nulla forma substantialis est sensibilis per se , sed solo intellectu com- prehensibilis. Et si dicatur, quod id quod videtur de sole non est lux, sed splendor, bene concedendum est de nomine, dum- modo hoc quod dicimus, quod visu com- prehenditur, non sit forma substantialis. Secundum similiter est falsum , quia quœ solum habent esse intentionale, non faciunt transmutationem naturalem , radii autem corporum cœlestium transmutant totam materiam inferiorem. Unde dicimus, quod

366 OPUSCULE L.

corps lucide , et s'appelle alors rayon. Mais si elle est produite par la réverbération du rayon au corps lucide , elle s'appelle splendeur. Or la lumière est commune à tout effet de la lueur dans le diaphane. Après ces considérations sur la nature de la lumière , on voit facile- ment la raison pourquoi certains corps sont lucides actu , certains autres diaphanes , et d'autres opaques. Car la lumière étant une qua- lité du premier altérant , qui est le plus parfait , et formel dans les corps , les corps qui sont les plus formels et les plus mobiles sont lucides actu; ceux qui les approchent sont réceptifs de la lumière, comme les diaphanes; et ceux qui sont tout-à-fait matériels, n'ont pas la lumière dans leur nature, et ne sont pas réceptifs de la lumière, mais ils sont opaques. On remarque cela dans les éléments, car le feu a la lumière dans sa nature , mais sa lumière ne nous est appa- rente que dans une matière étrangère à raison de sa subtibilité. L'air et l'eau sont moins formels que le feu, aussi ils ne sont que diaphanes. La terre, qui est le plus matériel des éléments, est opaque. Néanmoins, il faut savoir que quelques physiciens ont dit que la lumière est nécessaire pourvoir du côté de la couleur. Or ils disent que la couleur n'a la force de mouvoir le diaphane que de près; ils donnent pour preuve de cela que celui qui est dans l'obscurité voit les choses qui sont dans la lumière , mais non réciproquement. Ils donnent encore une autre raison , c'est que la vue étant une, il faut que ce qui est visible ne le soit que par un moyen , ce qui ne seroit pas si la couleur étoit visible par elle-même. Mais cela est évidemment contraire à ce que dit Aristote , livre II de l'Ame , que la couleur a en elle-même une cause d'être visible. C'est pourquoi , suivant le sentiment d'Aris- tote , il faut dire que la lumière pour voir est nécessaire non du côté de la couleur, par la raison qu'elle met les couleurs en acte , comme

verberatione radii ad corpus lucens, voca- tur splendor. Lumen autem est commune ad omnem effectum lucis in diaphano. His visis secundum naturam lucis de facili ap- paret ratio, quare quœdam corpora sunt lucidaactu, quaedam diaphana, et quaedam opaca. Nam curn lux sit qualitas primi al- terantis, quod est maxime perfectum , et formale in corporalibus , illa corpora quae sunt maxime formalia et mobilia, sunt actu lucida : quae autem sunt propinqua his, sunt receptiva luminis, sicut diaphana; quce autem sunt maxime materiala, neque habent lumen in sui natura , neque sunt luminis receptiva, sed sunt opaca. Ista pa- tent in elementis, nam ignis habet lucem in sui natura, sed ejus lux non apparet no- biscum, nisi inmateria aliéna propter ejus subtilitatem. Aer autem, et aqua sunt mi-

nus formalia quam ignis , et ideo sunt tan- tum diaphana. Terra autem quae est ma- xime materialis, est opaca. Tamen est scien- dum, quod quidam dixerunt, quod lux est necessaria ad videndum ex parte ipsius co- loris. Dicunt autem quod color non habet virtutem ut moveat diaphanum, nisi pro- pe : et hujus signum dicunt , quia ille qui est in obscuro , videt quae sunt in lumine, et non econverso. Rationem etiam addu- cunt ad hoc, quod oportet cum visas sit unus , quod visibile non sit nisi per unam rationem , quod non esset , si color esset per se visibile. Sed hoc est manifeste con- tra Aristotelem , Il de Anima, qui dicit, quod color habet in se causam essendi visi- bile. Unde secundum sententiam Aristote- lis dicendum est, quod lumen ad videndum est necessarium non ex parte coloris, eo

DE LA. NATURE DE LA LUMIÈRE. 367

disent certains , car elle n'est qu'en puissance lorsqu'elle est dans les ténèbres, mais bien du côté du diaphane en tant qu'elle le met en acte, comme dit Aristote. Pour comprendre l'évidence de cela, il faut considérer que toute forme, comme telle , est un principe de produc- tion de quelque chose semblable à elle , d'où il suit que la couleur étant une certaine forme tient d'elle-même de quoi produire sa res- semblance. Il faut néanmoins savoir qu'il y a une puissance parfaite et une puissance imparfaite. Car la forme qui a une vertu parfaite dans l'action, peut non-seulement introduire sa ressemblance dans son susceptible, mais encore disposer le patient à être son propre sus- ceptif, ce que ne peut faire la forme imparfaite, puisque elle n'a qu'une vertu imparfaite. Il faut donc dire que la vertu de la couleur dans l'action réside dans la nature parfaite de la lumière. Car la cou- leur n'est autre chose que la lumière obscure sous certains rapports par l'admixtion d'un corps , ce qui fait qu'elle n'a pas la puissance d'illuminer le diaphane, effet que produit cependant la lumière pure. On voit aussi par que la lumière étant en quelque façon la sub- stance de la couleur, tout ce qui est visible en acte se ramène à elle; et il n'est pas nécessaire que la couleur devienne visible actu, par la lumière extrinsèque. Ce qui fait que les couleurs illuminées se voient de celui qui est dans l'obscurité , c'est que le milieu est illuminé , et cela suffit pour l'immutation de la vue.

Fin du cinquantième Opuscule de saint Thomas d'Aquin sur la nature de la lumière.

L'abbé VÉDRINE.

quod facit colores esse actu, ut quidam di- cunt, est eiiim tantum in potentia cum est in tenebris : sed est ex parte diaphani , in quantum facit ipsum esse in actu, ut dicit Aristoteles. Ad cujus evidentiam conside- randum est, quod omnis forma, in quantum hujusmodi, est principium agendi sibi si- mile, unde cum color sit quaedam forma, ex se habet quod causet sui similitudinem in medio. Sed tamen sciendum est, quod differentia est inter virtutem perfectam et imperfectam. Nam forma quae est perfec- tae virtutis in agendo, non solum potest in- ducere suam similitudinem in suo suscep- tibili, sed etiarn disponere patiens ut sit proprium ejus susceptivum, quod quidem non potest facere forma imperfecta, cum

sit imperfectse virtutis. Dicendum est ergo, quod virtus coloris in agendo est in per- fecta ratione luminis. Nam color nihil aliud est, quam quaedam lux quodammodo obs- cura ex admistione corporis, unde non ha- bet virtutem ut possit illuminare diapha- num, quod tamen potest facere lux pura. Ex quo etiam patet, quod cum lux sit quo- dammodo substantia coloris, ad eam redu- citur omne visibile actu : nec oportet, quod color per lumen extiïnsecum fiât actu visi- bilis. Quod autem colores illuminati \i- dentur ab eo qui est in obscuro , contingit ex hoc, quod médium illuminatur, et hoc sufficit ad visusimmutationem..

Explicit Opusculum quinquagesimum , S. Thomœ Aquinatis, de natura luminis.

368

OPUSCULE LI.

OPUSCULE LI.

DU MÊME AUTEUR, DE LA NATURE DU LIEU.

Pour cormoître la nature du lieu, il faut considérer qu'on ne cher- cheroit pas de lieu s'il n'existoit pas quelque mouvement relatif au lieu. En effet , comme d'après la transmutation des diverses formes par rapport à la matière nous connoissons que la matière est diffé- rente des autres formes, de même d'après la transmutation des divers corps relativement au même lieu, nous savons que le lieu est quelque chose comme le réceptacle des corps différent de tous les corps. Or le lieu naturel ne désigne pas seulement un contenant, mais contenant, conservant et formant les choses localisées, en raison de quoi chaque corps se meut naturellement vers son lieu comme vers ce' qui doit conserver son être. Le lieu suivant ce qu'il est n'est ni la matière , ni la forme de la chose localisée , parce que la matière et la forme ne sont pas séparées de la chose. Or le lieu peut se séparer de la chose localisée, et non l'espace dimensionné existant en-dessous des limites du corps contenant , parce qu'il n'y a rien en-dessous des limites du corps contenant qui soit circonscrit par la grandeur du corps de ce qui est contenu. La raison en est que si ce qui est circonscrit par la grandeur du corps contenu étoit un espace en-dessous des limites du corps contenant, cela auroit des dimensions de longueur, de

OPUSCULUM LI.

EJUSDEM DOCTORIS, DE NATURA LOGI.

Ad sciendum naturam loci, considerare oportet, quod non quœreretur locus, nisi esset aliquismotus secundum locum. Sicut enim ex transmutatione diversarum forma- rum circa materiam, scimus materiam esse aliud ab omnibus for mis, sic ex transmu- tatione diversorum corporum circa eum- dem locum, scimus locum aliquid essetan- quam receptaculum corporum aliud ab omnibus corporibus. Locus autem natura- lis non nominat solum aliquid continens, sed continens , et conservans , et formans locata, propter quod unumquodque cor- pus naturaliter movetur ad locum suum,

tanquam ad conservativum esse sui. Locus vero secundum id quod est , nec materia est, nec forma locati, quia materia et forma non separantur a re : locus autem separabilis est a locato, nec etiam spatium dimensionatum infra terminos corporis continentis existens, quia nihil est infra terminos corporis continentis circumscripta magnitudine corporis contenti. Cujus ratio est, quia si circumscripta magnitudine cor- poris contenti esset aliquod spatium infra terminos corporis continentis, taie esset di- mensionatum longitudine, latitudine, et profunditate : dimensiones autem sunt ac-

DE LA NATURE DU LIEU. 369

largeur et de profondeur; or les dimensions sont des accidents, puis- qu'elles sont des quantités, donc elles ne peuvent être dans d'autre sujet qu'un corps. Si donc il y avoit un espace en-dessous des limites du corps contenant en dehors de la grandeur du corps contenu, il s'en- suivroit qu'il y a des accidents sans sujet, ce qui est impossible. Donc le lieu n'est ni une matière, ni une forme, ni un espace contenu en- dessous des limites du corps contenant. Qu'il n'est pas un espace, on le prouve ainsi d'une autre manière : si le lieu étoit un espace en-dessous des limites du corps contenant, il s'ensuivroit que des lieux infinis existeroient en même temps, ainsi que le déduit Aristote, parce que l'air, l'eau et tout corps quelconque aussi bien que les parties d'un corps ayant des dimensions propres et des distances propres , toutes les parties font dans le tout ce que fait la totalité de l'eau dans le vase , parce que suivant la supposition de ceux qui pensent que l'espace est un lieu, lorsque l'eau est dans le vase, outre les dimensions de l'eau, il y a d'autres dimensions de l'espace qui pé- nètrent les dimensions de l'eau. Or il est constant que la partie est contenue dans le tout de la même manière que l'eau dans le vase, si ce n'est que la chose localisée est séparée du lieu ; tandis que la partie n'est pas actuellement séparée du tout. Si donc on sépare la partie du tout , outre les dimensions de la partie , il y aura d'autres dimensions du tout pénétrant les dimensions des parties. Il est évident que la division ne crée pas de nouvelles dimensions , elle ne fait que séparer celles qui existoient déjà. Or comme après la séparation il y a d'autres dimensions du tout pénétrant les divisions des parties , il y en aura de même avant la séparation. Autant donc que l'on prendra de parties dans un tout se contenant l'une l'autre, autant il y aura de dimensions se pénétrant réciproquement : mais dans un tout continu

cidentia, cum sint quantitates, ergo non possunt esse insubjecto, nisi incorpore. Si ergo esset aliquod spatium infra terminos corporis continentis preeter magnitudinem corporis contenti , sequitur quod esset ali- quod acculens sine subjecto, quod est im- possibile. Locus ergo neque est materia, neque forma, neque spatium infra termi- nos corporis continentis contentum. Quod non sit spatium, probatur aliter sic : quia si locus eset spatium infra terminos corpo- ris continentis, sequitur quod infinita loca essent simul, sicut deducit Philosophus, quia cum aer, et aqua, et quodlibet cor- pus, et quaelibet partes corporis habeant proprias dimensiones, et proprias distan- tias, idem faciunt omnes partes in toto quod tota aqua in vase, quia secundum positionem eorum qui tenent sententiam

Y.

de spatio quod sit locus, cum aqua est in vase, praeter dimensiones aquae sunt ibi aliae dimensiones spatii pénétrantes dimen- siones aquae. Constat autem quod eodem modo pars continetur in toto , sicut aqua in vase , nisi quod locatum est divisum a loco : pars autem non est actu divisa a toto. Si ergo dividatur pars a toto prœter dimensiones partis essent ibi aliœ dimen- siones totius, pénétrantes dimensiones par- tium. Manifestum est autem, quod divisio non facit de novo esse ibi dimensiones, sed pneexistentes dividit. Sicut autem post divisionem sunt ibi alise dimensiones to- tius, pénétrantes dimensiones partium, sic erunt ante divisionem. Quot ergo partes convenit accipere in aliquo toto , quarum una continet aliam, tôt erunt dimensiones se invicem pénétrantes : sed in aliquo toto

24

370 OPUSCULE LI.

il y a à prendre des parties infinies, dont l'une contient l'autre, par la raison qu'un tout continu est divisible à l'infini. Donc dans un tout continu il y aura des dimensions infinies se pénétrant réciproque- ment. Si donc les dimensions sont un lieu, il s'ensuit qu'il y a en- semble des lieux infinis, ce qui est impossible. Donc de ce jque le lieu n'est ni matière, ni forme, ni espace, il s'ensuit qu'il est une quatrième chose, savoir la limite du corps contenant. Or le lieu n'est pas seulement la limite du corps contenant, mais il est encore immo- bile, et il y en a qui considèrent cette immobilité comme existant à l'égard de la chose localisée. En effet, quoique le lieu subisse le mou- vement du corps contenant, parce qu'il est son dernier terme, il ne subit pas néanmoins le mouvement de la chose localisée. Cela n'est pas suffisamment établi et n'est pas conforme à ce que veut Aristote, que de même que le vase est un lieu mobile, le lieu est aussi un vase immobile. Il faut donc donner une plus grande immobilité au lieu naturel qu'au vase. Le vase étant donc immobile par le mouvement de ce qui est dans le vase , et le lieu étant plus immobile que le vase, il s'ensuit que le lieu n'est pas immobile par le mouvement de ce qui est contenu , mais même de ce qui contient. Ce qui le confirme c'est que par rapport à une chose contenue restant immobile, comme une maison ou un arbre, il se fait un changement du contenant, comme de l'air. Donc si le lieu subissoit le mouvement du contenant, il en résultèrent que restant immobile il se produirait en divers lieux , ce qui est impossible. Donc le lieu ne subit pas le mouvement du corps localisé, mais il ne subit pas non plus celui du contenant. C'est pour- quoi Aristote dit, que le navire qui se trouve dans les eaux d'un fleuve qui se meuvent, s'y trouve plutôt comme dans un vase que comme dans un lieu qui le contient. Car il est de la nature du lieu d'être im-

continuo est accipere inflnitas partes, qua- eus mobilis, ita locus est vas immobile, rum una continet aliam , eo quod quodli- Majorem ergo immobilitatem oportet dare bet totum contimuim divisibile est in infi- loco naturali, quam vasi. Cum ergo vas sit niturn , ergo in aliquo toto continuo erunt immobile motu ejus quod est in vase, et lo- infinitse dimensiones se invicem penetran- eus sit magis immobilis, quam vas, sequi- tes. Si ergo dimensiones sunt locus, sequi- tur, quod locus non sit immobilis motu tur quod iniinita loca sunt simul , quod contenti, sed etiam continentis. Et confir- est impossibile. Ex quo ergo locus non est matur, quod circa aliquod contentum ma- materia, nec forma, nec spatiurn, sequitur nens immobile, puta circa domurn, vel ar- quod sit quartum, scilicet terminus corpo- 1 borem, contingit mutationem fieri conti- ns continentis. Locus autem non solum ' nentis, puta aeris. Si ergo locus moveretur est terminus corporis continentis, sed motu continentis, sequitur quod idem etiam est immobilis, et hanc immubilita- , manens immobile fleret in diversis locis, tem quidam intelhgunt esse respectu lo- j quod est impossibile. Locus ergo non so- cati. Locus enim liect moveaturmotu con- j lum est immobilis motu locati, sed etiam tineutis, quia ejus ultimumest, non tamen j motu continentis. Propter quod dicit Phi- movetur motu locati. lstud est insufficien- j losophus, quod si Davis sit in aqua tluvii ter dictum, nec est secundum mentem quae movetur, magis utitur ea tanquam Puilosophi qui vult, quod sicut vas est lo- j vase, quam sicut loco continente. De na-

DE LA. NATURE DU LIEU. 371

mobile. Aussi tout le fleuve qui dans sa totalité est immobile , doit plutôt être dit le lieu du navire que cette eau qui s'écoule et se meut. En effet, tout le fleuve n'est pas le lieu propre, mais bien le lieu com- mun du navire, il faut donc prendre le lieu propre du navire dans le fleuve par rapport à tout le fleuve qui est immobile. Il faut donc prendre le lieu propre dans le fleuve, non suivant cette eau qui coule et se meut, mais suivant l'ordre et la position qu'il a à l'égard de tout le fleuve, lesquels restent dans l'eau qui vient les mêmes qu'ils étoient dans l'eau qui s'en va, par rapport à tout le fleuve. Quoique, en effet, l'eau s'écoule matériellement, néanmoins, comme l'ordre et la posi- tion restent les mêmes par rapport à tout le fleuve, il en est de même du lieu. C'est de cette manière que nous devons comprendre que les extrémités des corps naturels sont un lieu parle rapport, l'ordre et la position qu'elles ont relativement à tout le corps du ciel qui est le pre- mier contenant, conservateur et localisateur. En effet, quoique la sur- face de l'air ou de l'eau se meuve suivant qu'elle est la limite dernière de tel ou tel corps , il succède néanmoins un autre corps qui a la même situation et le même ordre selon la nature relativement au premier ordonnateur ou locateur qui est le ciel , en raison de quoi il reste numériquement le même lieu. Par se trouve détruite cette objection que l'on fait. Le lieu est la dernière limite du contenant , mais le contenant se meut, donc le lieu se meut aussi; cet argument seroit bon si la dernière limite du contenant qui le constitue tel étoit un lieu. Mais cela n'est pas vrai, car elle n'a aucun caractère de lieu ou de locateur que par comparaison au premier locateur. Que la di- versité des surfaces ne soit pas un obstacle à l'unité du lieu, c'est évi- dent, parce qu'à une chose localisée numériquement répond numéri-

tura eiiim loci est, quod fit immobilis Unde totus fluvius, qui secundum se totum est immobilis, magis débet dici locus navis, quam hœc aqua quœ fluit et movetur. To- tus enim fluvius- non est locus proprius navis, sed communis, et ideo locum pro- prium navis in fluvio oportet accipere per comparationem ad totum fluvium , qui est immobilis. Est ergo accipere locurn pro- prium in fluvio non secundum hanc aquam quae fluit, et movetur, sed secundum ordi- nem et situm quem habet ad totum flu- vium. qui quidem ordo et situs manet in aqua succedente, qui erat in aqua rece- dente respectu totius fluvii. Quamvis enim aqua rnaterialiter fluat , tamen quia ma- net idem ordo et situs respectu totius flu- vii, manet etiam idem locus. Et secundum hune modum debemus intelligere, quod extremitatescorporum naturalium sint lo- cus, scilicet per comparationem, et ordi-

nem, et situm, quem habent ad totum cor- pus ipsius cœli, quod est primum conti- nens, et conservans, et locans. Quamvis enim moveatur superficies aeris, vel aquae secundum quod est ultimum hujuscorporis, vel illius, succedit tamen aliud corpus, quod eumdem situm et ordinem secundum naturam habet ad primum ordinans , sive locans, quod est cœlum, propter quod ma- net idem locus numéro. Unde cessât objec- tio quam faciunt aliquisic : Locus est ulti- mum continentis ; sed continens movetur, ergo locus movetur. Hœc enim ratio bene procederet, si ultimum continentis secun- dum quod hoc continens est, esset locus. Hoc autem non est verum, quia nihil ha- bet rationem loci, vel locantis, nisi per comparationem ad primum locans. Quod autem diversitas superficierum non impe- diat unitatem loci, patet, quia uni locato secundum numerum correspondet unus lo-

372 OPUSCULE LI.

quement un lieu simul et semel. Mais un bâton étant à moitié dans l'eau et à moitié dans l'air est quelque chose d'un localisé numéri- quement. Donc il se trouve dans un lieu unique numériquement, mais il est en même temps dans des superficies diverses d'air et d'eau. Donc la diversité des surfaces n'est pas un obstacle à la diversité de lieu. Il faut donc prendre l'unité du lieu suivant l'ordre et la position relativement au premier locateur. La raison de tout cela c'est que , ainsi qu'on l'a dit plus haut , le lieu n'est pas seulement contenant , mais il est contenant et conservateur : or rien n'a un caractère de con- servation que par la vertu et l'influence d'un corps céleste qu'il reçoit suivant qu'il se trouve dans une position et une distance déterminées. Voilà la raison pourquoi une chose a le caractère de lieu, c'est par comparaison au premier locateur. Le lieu est immobile, parce que le milieu du ciel, qui est le centre, et la dernière superficie du corps circulaire, qui est le ciel, sont disposés de manière qu'on dit que telle chose est en haut et telle autre en bas , ce qui fait deux différences de heu; car ces deux, choses sont tout-à-fait immobiles. Le centre est toujours immobile : quant au ciel, quoiqu'il soit toujours en mouve- ment , il est toujours à la même distance par rapport à nous. Ce que nous avons dit du lieu , nous l'entendons du lieu naturel , qui con- serve les corps naturels , et ce lieu est d'abord aux éléments élé- mentés par les éléments. En effet, le lieu naturel du feu est la surface concave de l'orbe de la lune qui est toujours à la même distance du feu, et qui pour cette raison est dite immobile. Le lieu de l'air est la superficie concave du feu, et ainsi des autres choses dans leur genre. Le lieu de toutes les choses élémentées est un lieu inférieur , parce que la terre est supérieure suivant la quantité à toute chose élémentée.

eus secundum numerum simul , et semel : sed baculus unus dimidius existens in aqua, et dimidius iu aère , est aliquod unum lo- catum secundum numerum, ergo est in ali- quo uno loco secundum numerum : sed est in diversis superficiebus aeris et aquae, ergo diversitas superficierum non impedit unita- tem loci. Unitas ergo loci accipienda est secundum ordine m, et situm ad primum locans. Et causa omnium istorum est , quia sicut dictum est prius, locus non solum est continens, sed est continens et conservans : nihil autem habet rationem conservantis alium, nisi per virtutem et influentiam corporis cœlestis , quam recipit secundum qiuil est in determinato situ, et in deter- minata distantia. Et haec est causa quare aliquid habet rationem loci , scilicet per comparationem ad primum locans. Quia vero locus immobilis est, propter hoc mé- dium cœli, quod est centrum, et ultima

superficies corporis circularis, quae est cœ- lum, sic se habent , quod hoc dicitur sur- sum , illud vero deorsum, quse sunt duse loci differentiae : hax enim maxime ma- nent immobilia. Centrum semper est im- mobile : cœlum autem licet semper mo- veatur, tamen semper est in eadem distan- tia ad nos. Hoc autem quod dictum est de loco, intelligimus de loco naturali, qui est conservativus corporumnaturalium, et iste locus naturalis primo debetur démentis elementatis per elementa. Locus enim na- turalis ignis est superficies concava orbis lunœ, quae manet semper in eadem distan- tia ad ignem, et ideo dicitur esse immobi- lis. Locus autem aeris est superficies con- cava ignis, et sic de aliis suo modo. Locus autem omnium elementatorum est locus deorsum , quia in omni elementato domi- natur terra secundum quantitatem. Contra ea quœ dicta sunt, potest objici, quod scili-

DE LA NATURE DU LIEU. 373

On peut objecter contre ce qui a été dit que le lieu de la terre n'est pas l'extrémité de l'eau, ni le lieu de l'eau l'extrémité de l'air, parce que tout corps naturel est en mouvement vers son lieu. Or la terre ne se meut pas vers la superficie de l'eau, mais bien vers le centre; donc la superficie de l'eau n'est pas le lieu de la terre , mais bien plutôt le centre. Outre cela , si la terre changeoit de place , elle descendroit , comme le veut Aristote, IV Mundi et Cœli. De même l'air prendroit la place de l'eau, si l'eau se retiroit. Donc le lieu de l'eau n'est pas la surface concave de l'air, ni le lieu de l'air la surface concave du feu , ce qui est contraire aux précédentes conclusions. Pour la solution de ces difficultés, il faut entendre que dans le lieu il n'y a pas seulement la contenance de la chose localisée , mais une vertu conservatrice et formatrice du lieu. C'est pour cela que Alpharabius dit, que la raison pourquoi la terre est formée d'une partie de la matière, et de l'autre Peau, ou l'air ou le feu, n'est autre chose que le lieu avec une vertu céleste. En effet, comme le froid est produit par la distance qui existe de la circonférence au centre, il rencontre dans le lieu de la terre cette partie de la matière , la condense et l'épaissit fortement de manière à en exprimer l'humidité, et en forme un élément sec et froid, qui est la terre. Le froid qui épaissit la matière, de façon cependant qu'il n'exprime pas proprement l'humidité, mais la fait couler vers soi, en- gendre l'eau , n'est qu'à la même distance de la circonférence que le lieu de l'eau. En effet, la chaleur ne consumant pas l'humidité, mais la combinant avec soi , engendre l'air , et cette chaleur est produite par l'orbe à la même distance qu'elle est elle-même du lieu de l'air. Car le feu , étant extrêmement chaud et produit dans un lieu immé- diat de la sphère de la lune par un mouvement qui désaggrège et

cet locus terrse non sit ultimum aquae, nec locus aquae sit ultimum aeris, quiaunum- quodque corpus naturale movetur ad lo- ttim suum : terra autem non movetur ad superficiem aqua}, sed movetur ad cen- trum, ergo superficies aqure non est locus terra, sed potius centrum. Prœlerea, si terra moveatur a loco suo , a quo descen- dent, ut vult Philosophus, IV Cœli et Mundi, et similiter aer in locum aquœ si amoveretur aqua, ergo locus aquae non est superficies concava aeris, nec locus aeris est superficies concava ignis, quod est con- tra prius determinata. Prosolutione horum intelligendum est, quod in loco non est tantum continentia locati, sed est ibi vir- tus conservans et formans locum. Et prop- ter hoc dicit Alpharabius , quod causa quare ex hac parte materise generatur terra, et ex alia aqua vel aer, vel ignis,

non est nisi locus cum virtute cœlesti. Quia enim frigiditas, tanta quanta causatur ex distantia , quee est ex orbe usque ad cen- trum, invenit hanc partem materiae in loco terra, propter hoc inspissat eam inspissa- tione vehementi, ita quod exprimit ex ea humidum, et facit elementum siccum , et frigidum , quod est terra. Frigiditas verô inspissans materiam , sic tamen quod non est ex ea exprimens humidum : sed faciens ad se fluere, générât aquam, et heec frigi- ditas est solum in tanta distantia , quanta est locus aquœ ab orbe. Galiditas enim non consumens humidum , sed secum compa- tiens, générât aerern, qine quidem caliditas causatur ab orbe in tanta distantia quee est ejus ad locum aeris. Ignis enim cum sit summe calidus , generatur in loco immé- diate spheera lunée ex motu disgregante et calefaciente materiam. Hoc supposito in-

374 OPUSCULE Ll.

échauffe la matière. Cela supposé, il faut entendre que le mouvement de la chose localisée ne se fait pas vers la surface du locateur à raison de la surface, mais à cause de la vertu conservatrice et formatrice de la chose localisée. En conséquence , la vertu formatrice de la terre étant le froid, produit par la distance du premier caléfacteur, qui est le ciel , son commencement est une vertu résidant dans la concavité de l'eau, et sa perfection se trouve dans le centre, par conséquent la terre se meut vers le centre et non vers la superficie de l'eau ; voilà pourquoi la terre est simplement pesante. La vertu formatrice du feu ■est la chaleur parfaite, qui s'opère complètement dans la concavité de l'orbe de la lune , c'est pour cela que le feu est simplement léger. La vertu formatrice de l'air commence dans la concavité du feu, et se termine à la connexité de l'eau, tandis qu'elle est parfaite dans le mi- lieu , et il en est de même de l'eau à sa manière ; par conséquent le mouvement de l'eau se fait de la terre et de l'air vers son milieu , et le mouvement de l'air suivant la nature se fait de l'eau et du feu vers le heu moyen ; aussi l'eau et l'air ne sont pas simplement légers ni pesants, mais seulement sous certains rapports. On voit donc par la raison pourquoi la terre se meut simplement en bas et non vers la concavité de l'eau , quoique ce soit son lieu, parce que c'est l'effet de la vertu formatrice qui réside dans le lieu et en raison de laquelle chaque chose localisée se meut vers son lieu. Alpharabius répond de nouveau, que le mouvement de l'air vers le lieu de la terre n'est pas le mouvement naturel de l'air ou de l'eau , mais que c'est un mou- vement violent, ce qui est évident, puisqu'il corrompt l'un et l'autre. Car lorsque l'eau se meut vers le lieu de la terre, elle est condensée et épaissie par le froid du lieu plus qu'il ne faut pour la forme de l'eau, c'est pour cela qu'elle se convertit en terre. De même quand l'air

telligendum est, quod motus locati non est ad ipsam superficiem locantis propter superficiem , sed propter virtutem conser- vativam et formativam locati. Et ideo cum virtus formativa terrae sit frigiditas, quae causatur ex tanta distantia ad primum ca- lefaciens, quod est coelum, et inchoatio hujus virtus est in concavo aquae, perfec- tio autem ejus est in centro , ideo terra movetur ad centrumet non ad superficiem aquae :etinde est, quod terra est simplici- ter gravis. Virtus autem formativa ignis est caliditas perfecta, quae est compléta in concavo orbis lunae, propter quod ignis est simpliciter levis. Virtus autem formativa aeris, incipit in concavo ignis, et déficit in connexo aquae, perfecta autem est in me- dio, et sic est de aqua suo modo, et ideo motus aquae est a t-jrra et ab aère ad me-

dium ejus, et motus aeris secundum natu- ram est ab aqua et igné ad médium locum, propter quod aqua et aer non sunt sim- pliciter levés, neque graves, sed mrespec- tu. Sic igitur patet causa, quare terra mo- vetur deorsum simpliciter, et non ad con- cavum aquae, licet sit locus ejus, quia hoc facit virtus formativa quœ est in loco, propter quam unumquodque locaturn mo- vetur ad locum suum. Ad aliam rationem respondet Alpharabius, quod motus aeris ad locum terrae non est motus naturalis ae- ris, vel aquee, sed est violentus, quod patet, quia est corruptivus utriusque. Nam cum aqua movetur ad locum terrae, inspissatur a frigiditate ipsius loci majori inspissa- tione, quarn requiratur ad formam aquae, unde convertitur in terram. Similiter cum aer descendit ad locum aquœ, infrigidatur

DE LA NATURE DU LIEU. 375

descend au lieu de l'eau, il est refroidi par le froid qui y réside, et se convertit en eau. Comment, malgré cela, dit-on d'abord que l'eau est froide et non la terre, quoique celle-ci soit produite par un- froid plus grand, on le voit dans le liv. II De generatione.

Comment la dernière sphère se trouve dans un lieu.

De ce que nous avons dit que le lieu est l'extrémité du contenant, nous pouvons conclure que le corps auquel il y a quelque chose d'in- hérent hors du contenant, est tel dans le lieu. Mais ce qui n'a point de corps hors du contenant, une telle chose dans le lieu n'est pas une chose unique, comme l'a dernière sphère ; c'est pourquoi la dernière sphère ne paroît pas être dans le lieu. Mais il s'élève ici un doute, puisque rien ne paroît se mouvoir dans le lieu sans être dans le lieu, si la dernière sphère n'est pas dans le lieu, son mouvement ne sera point local , ce qui n'est pas convenable. C'est pour cette raison et quelques autres que Jean le grammairien dit, que le lieu n'est point la limite du contenant , mais l'espace qui est en-dessous des limites du corps de la contenance, par suite de quoi il affirme que le ciel estp ar soi dans un lieu, et se meut par soi dans un lieu, parce qu'il a avancé qu'il étoit par soi dans tel espace. Tout cela ne peut être vrai d'après ce que nous avons établi sur le lieu, puisque nous avons montré que le lieu n'est pas un espace, mais la limite du contenant. C'est aussi contraire à l'opinion d'Arislote, qui dit que le ciel n'est pas dans un lieu par soi, mais par accident. C'est pour cela qu'Alexandre a dit, que le ciel n'est dans un lieu ni par soi, ni par accident, et ne se meut pas dans un lieu, parce qu'il n'est pas de la nature d'un corps d'être dans un lieu, puisque le lieu n'est pas mis dans la définition du corps. Comme néanmoins tout mouvement doit être contenu sous quelque espèce de mouvement,

a frigidatione loci illius , et convertitur in aquam. Qualiter autem hoc non obstante aqua dicatur frigida primo , et terra non, quamvis causetur ex majori frigiditate, patet ex II De generatione.

Quomodo ultima sphœra sit in loco.

Ex his quae dicta sunt de loco, quod lo- cus est ultimum continentis , concludere possumus, quod corpus cui inest aliquid extra ipsum continens , taie est in loco. Cui autem non est corpus extra continens, ipsum taie in loco non est unum solum, scilicet ultima sphœra, propter quod ultima sphaera non videtur esse in loco. Sed hic est dubitatio , cum nihil videatur moveri in loco nisi sit in leco , si ultima sphaera non est in loco, motus ejus non erit loca- lis, quod est inconveniens. Propter hanc

rationem et quasdam alias, Joannes Gram- maticus dixit : Locum non esse terminum continentis, sed spatium quod est infra terminos corporis continentiae , unde dixit cœlum per se esse in loco , et per se mo- veri in loco, quia per se dixit ipsum esse in tali spatio. Istud non potest habere ve- ritatem secundum ea quae determmata sunt de loco, cum ostensum sit quod locus non est spatium sed terminus continentis. Est etiam contra intentionem Philosophi qui dicit cœlum non esse in loco per se , sed per accidens. Propter quod dixit Alex- ander cœlum non esse in loco nec per se, nec per accidens, nec moveri in loco , quia non est de ratione corporis ut sit in loco, cum locus non ponatur in diffinitione cor- poris. Quia tamen oportet omnem motum contineri sub aliqua specie motus, ideo

376 OPUSCULE LI.

Avicenne après lui a dit , que le mouvement du ciel n'étoit pas dans un lieu , mais dans la position ou en rapport avec la position. Cette opinion est contraire à la doctrine d'Aristote, livre V de la Physique, il dit que le mouvement n'est que dans trois genres , savoir : la quantité, la qualité et ubi. Mais on voit clairement la fausseté de cela, par la raison que le mouvement n'appartient à aucun genre dont la nature des espèces ne réside dans l'indivisible. C'est pourquoi nous disons qu'il n'y a pas de mouvement à l'égard de la substance, parce que la nature de la substance réside dans l'indivisible; il n'en est pas de même de la nature de la blancheur, parce qu'elle peut participer du sujet suivant le plus et le moins ; or maintenant il est constant que la nature de la position réside dans l'indivisible. Donc il n'y a pas de mouvement à l'égard de la situation. En outre la position ca- ractérise l'ordre des parties dans le lieu, donc le lieu est mis dans la définition de la position. Donc le mouvement qui ne peut pas s'effec- tuer à l'égard du lieu, ne peut le faire par rapport à la position. Mais suivant eux, le mouvement du ciel ne s'effectue pas par rapport au lieu, donc il ne s'effectue pas non plus à l'égard de la position. C'est ce qui a fait dire à Avempace, que la ligne droite et un corps droit sont de soi indéterminés et ont besoin de quelque chose qui les ter- mine, les limite et les contienne. Au contraire, la ligne circulaire est terminée par elle-même , et le corps circulaire aussi , c'est pourquoi ils n'ont besoin de rien pour les borner et les contenir, il a dit en con- séquence qu'il n'étoit pas nécessaire pour un corps circulaire d'être dans un lieu, et que le ciel n'est pas dans un lieu et n'a pas de mou- vement local. C'étoit l'opinion d'Alpharabius , cité par Avempace à l'appui de son assertion. Mais cette doctrine ne me paroît pas conve- nable, parce que, comme ?e prétend Aristote, liv. YIII de la Physique, le mouvement local est le premier des mouvements ; mais comme il

Avicenna secutus eum , dixit motum cœli non esse in loco, sed in situ vel ad situm. Hsec est contra intentionem Philosophi, X PJiys., ubi dicit motum tantum esse in tribus generibus, scilicet quantitate, qua- litate et ubi. Sed quod illud sit falsum , patet quia ad nullum genus est motus, cu- jus specierum ratio consistit in indivisibili ; propter quod dicimus quod ad substantiam non est motus, quia ratio substantiœ in in- divisibili consistit, non sic autern ratio al- bedinis, quia potest participare secundum magis et minus a subjecto , nunc autem ita est, quod ratio situs in indivisibili con- sistit; ergo ad situm non est motus. Pra> terea, situs nominat ordinem partium in loco, locus ergo ponitur in dif'fînitione si- tus. Motus ergo qui non potest esse ad lo-

cum, non potest esse ad situm ; sed motus cœli secundum eos non est ad locum ; ergo non est ad situm. Ideo aliter dixit Avem- pace. Dixit enim quod linea recta et cor- pus rectum utrumque indeterminata sunt de se, et ideo indigent aliquo fmiente , et terminante , et continente. Linea autem circularis per se ipsam finitur, et similiter corpus circulare, et ideo non indigent ali- quo fmiente et continente, propter quod dixit non esse de necessitate corporis cir- cularis ut sit in loco , ideo dixit quod cœ- lum non est in loco, nec habet motum lo- calem. Hujus enim opinionis fuit Alpha- rabius, quem adducit Avempace pro testi- monio sui dicti. Sed hoc dictum videtur inconveuiens, quia sicut vult Philosophus, VIII Phys., motus localis est primus mo-

DE LA NATURE DU LIEU. 377

dit au même endroit , le mouvement du ciel est le premier mouve- ment. Donc il est local. Outre cela , Aristote dans le IVe livre de la Physique , prétend que le ciel est dans un lieu , au moins par acci- dent. C'est pourquoi Thémistius a dit d'une autre manière, que le ciel est dans un lieu par parties. Pour comprendre cela, il faut considérer qu'il n'y auroit pas de lieu s'il n'y avoit pas de mouvement relatif au lieu. Quoiqu'en effet le lieu ne soit pas de la nature du corps , il est de la nature du corps localement; c'est pourquoi en raison de ce que les corps divers se succèdent dans le même lieu, une chose mue localement doit avoir un lieu. Il y a en effet des choses qui se meuvent en sens direct, comme les choses légères et les choses pesantes. Ces choses changent de lieu dans leur totalité , et par conséquent elles sont dans leur totalité dans un lieu. Il y a d'autres choses qui ont un mouvement circulaire, et ces choses ne changent pas de lieu suivant leur totalité, mais seulement suivant la raison , elles changent néan- moins de lieu quant à leurs parties , et occupent un autre lieu suivant le sujet; en raison de quoi , ce qui a un mouvement circulaire ne se trouve pas nécessairement dans un lieu suivant sa totalité , mais uni- quement relativement à ses parties. C'est pour cela que la dernière sphère , se mouvant circulairement, n'est pas dans un lieu par elle- même, mais hien par ses parties. Mais cela semble être faux, car il convient à un tout de se mouvoir et d'être en acte et non en parties. Donc il convient au tout d'être dans un lieu et non aux parties, parce que le lieu convient h une chose comme le mouvement. C'est pour- quoi il faut dire , que quoique il ne convienne pas aux parties de la dernière sphère d'être dans un lieu actu , elles y sont cependant en puissance, parce que si la partie est séparée du tout, elle sera dans le tout comme dans un lieu. Ainsi donc il convient au ciel ou à la sphère

tuum ; sed sicut dicit ibidem , motus cœli estprimus motus, ergo est localis. Prsete- rea, Philosophus, IV Phys., vult quod cœ- lum sit in loco saltem per accidens. Prop- ter hoc dixit aliter Thémistius, quod cœ- lum est in loco per partes. Ad cujus intel- lectum considerandum est quod non esset locus, nisi esset aliquis motus secundum locum. Licet enim de ratione corporis non sit locus ; est tamen de ratione corporis moti localiter. Unde secundum quod di- versa corpora succedunt sibi in eodem loco, .seeundum hoc dehetur locus alicui moto localiter. Aliqua enim inveniuntur moveri motu recto, sicut sunt levia et gravia. Et haec secundum se tota mutant locum, et ideo secundum se tota sunt in loco. Quœ- dam autem sunt quœ moventur motu cir- culari, et hœc secundum se tota non mu-

tant locum nisi secundum rationem , sed secundum partes mutant locum , et fiunt in alio loco secundum subjectum , propter quod illud quod movetur circulariter, non de necessitate est in loco secundum se to- tum, sed solum secundum partes. Et prop- ter hoc ultima sphrera cum moveatur cir- culariter , non est in loco per se , sed per partes suas. Sed hoc videtur esse falsum, quia toti convenit moveri, et esse in actu et non in partibus ; ergo et toti convenit esse in loco et non partibus, quia sicut convenit alicui motus, sic et locus. Prop- ter hoc dicendum est, quod partibus sphae- ultimœ, licet non competat esse in loco actu, sunt tamen in loco in potentia, quia pars si dividatur a toto, erit in toto, sicut in loco. Sic igitur convenit cœlo vel sphae- rae, quod sit in loco per partes , quibus

378 OPUSCULE LI.

d'être dans un lieu par ses parties auxquelles il ne convient d'y être qu'en puissance. En conséquence pour prendre ce que cette opinion contient de vérité , nous pouvons dire que le ciel n'est simplement dans un lieu que par accident, parce qu'il est cirea locum. Pour com- prendre cela, il faut savoir qu'ainsi que le prétend Averrhoès, tout ce qui est naturellement en repos est nécessairement dans un lieu, mais tout ce qui se meut n'y est pas nécessairement. La raison de cela, c'est que tout ce qui est naturellement en repos est dans un contenant de même nature que lui , à raison de quoi il est nécessairement dans un lieu. Mais ce qui est un mouvement n'est pas nécessairement dans un lieu , parce que parmi les choses qui se meuvent il eu est qui ont besoin du mouvement pour leur être et leur perfection : telles sont celles qui sont dans un contenant de nature différente, c'est pourquoi elles se meuvent vers un contenant de même nature , et toutes les choses de ce genre sont nécessairement dans un lieu. Il y en a d'autres qui n'ont pas besoin de mouvement pour leur être, ni pour leur con- servation,-comme un corps céleste, et un tel corps ne se meut pas vers un contenant de même nature , ni dans un contenant de même na- ture ; mais il est par l'intelligence à cause du développement de la causalité de la première cause ; un tel corps n'est pas nécessaire- ment dans un lieu. En effet, être dans un lieu n'est pas seulement être contenu par le lieu, c'est être contenu et conservé, et consé- quemment ce qui n'a pas besoin de conservateur , comme un corps céleste et toute chose incorruptible, n'est pas nécessairement dans un lieu. Il s'élève une double question sur ce que nous venons de dire. La première, pourquoi les sphères inférieures sont-elles dans un lieu, puisqu'il n'y a pas de nécessité pour un corps céleste d'être dans un lieu? La seconde, pourquoi le mouvement du ciel est-il dit local,

convenit solum in potentia esse in loco. Et ideo si volumus accipere illud veritatis quod continet heec opinio , possumus di- cere , quod cœlum simpliciter in loco non est, nisi per accidens , quia est circa lo- cum. Ad cujus intellectum sciendum est, quod sicut vult Averrhoès, omne natura- liter quiescens de necessitate est in loco, non tamen omne motum de necessitate est in loco. Cujus ratio est? quia omne quod quiescit naturaliter est in continenti sibi connalurali , propter quod de necessitate est in loco. Illud autem quod movetur non de necessitate est in loco, quia eorum quœ moventur quaedam indigent motu ad suum esse et ad suani perfëctionem ; et talia sunt, quaesunt in continente non connatu- rali, propter quod moventur ad continens sibi connaturale , et omnia talia de neces-

sitate sunt in loco. Alia sunt quae non in- digent motu ad suum esse, nec ad sui con- servationem , sicut est corpus cœleste , et taie non movetur ad continens sibi conna- turale, nec in continente sibi connaturali; sed movetur ab intelligentia propter ex- plicationem causalitatis primae causae, et taie non de necessitate est in loco. Esse enim in loco non est solum contineri a loco, sed contineri et conservari; et ideo quod non indiget conservante , cujusmodi est corpus cœleste , et quodeumque incor- ruptible, non de necessitate est in loco. Sed secundum praedeterminata oritur du- plex dubitatio. Prima est, quare orbes in- feriores sunt in loco , cum non sit de ne- cessitate corporis cœlestis esse in loco. Se- cunda est , propter quid motus cœli dicatur localis , cum corpus cœleste saltem prima

DE NATURE DU LIEU. 379

puisque un corps céleste, au moins la première sphère n'est pas dans un lieu? Il faut répondre à la première, qu'il arrive aux ornes infé- rieurs d'être dans un lieu , sans que ce soit une nécessité pour eux , puisqu'ils n'ont pas besoin de conservateur, comme a dit Avempace ; c'est pour cela que les orbes inférieurs sont dits équivoquement être dans un lieu, aussi bien que les éléments, parce qu'on ne dit que les orbes inférieurs sont dans un lieu que parce qu'ils sont dans quel- que chose d'extérieur qui les contient. Les éléments et les choses élé- mentées sont dans un lieu comme dans quelque chose qui les contient et les conserve. La solution de la seconde difficulté est évidente : c'est que le mouvement n'est pas dit local par cela seul qu'il se fait dans un lieu , mais il est encore appelé local parce qu'il est circa locum. C'est pourquoi le Philosophe dit , liv. I Cœli et Mundi , qu'il y a un triple mouvement local savoir, à medio, ad médium, circa médium. Le mou- vement à medio, regarde les choses légères, le mouvement ad médium, les choses pesantes, et le mouvement circa médium est celui du corps céleste ; c'est l'opinion du Commentateur , liv. IV de la Physique. Mais il reste encore un doute suivant ce qui a été dit. La superficie d'un corps contenant étant dite un lieu, comment peut-on dire que le lieu et la superficie sont diverses espèces de la quantité? Je réponds en laissant de côté toutes les opinions émises sur ce sujet , que le ca- ractère propre de la quantité qui lui convient comme telle, c'est celui de mesure, à raison de quoi Averrhoès dit que les quantités sont des différences de mesures. Il y a en effet une différence dans la manière de mesurer extrinsèquement et intrinsèquement , et par conséquent l'extrémité du contenant en tant que mesure extrinsèque du conte- nant, s'appelle superficie, et comme mesure extrinsèque du contenu et du localisé , c'est le lieu. En conséquence , la superficie et le lieu,

sphœra non sit in loco. Ad primum dicen- dum, quod accidit orbibus inferioribus, quod sint in loco , nec est de necessitate eorum, cum non indigeant conservante , ut dixit Avempace, propter quod dicuntur œquivoce orbes inferiores esse in loco , et elementa, quia orbes inferiores solum di- cuntur esse in loco, quia sunt in aliquo ex- teriori continente. Elementa autem et ele- mentata sunt in loco tanquam in conti- nente et conservante. Ad secundum patet solutio ; quia motus non dicitur localis, eo solum quod fit in loco , sed etiam dicitur motus localis, eo quod est circa locum. Propter quod dicit Philosopbus , I Cœli et Mundi, quod motus localis est triplex, sci- licet a medio , ad médium et circa mé- dium. Motus a medio est levium , motus ad médium est gravium, motus circa mé-

dium est corporis cœlestis, et haec est in- tentio Commentatoris IV Phys. Sed juxta haec quœ dicta sunt, remanet unum du- bium. Cum superficies corporis continentis dicatur locus, quomodo locus et superficies dicantur esse diverses species quantitatis. Respondeo omissis omnibus aliis opinioni- bus, quee sunt circa hoc, dicendum est, quod propria ratio quantitatis, quœ com- petit quantitati, ut quantitas est, ratio est mensurœ, propter quod dicit Averrhoès, quod quantitates sunt differentias mensu- rarum. Alia est enim ratio mensurandi ali- quid extrinsece, et intrinsece, et ideo ulti- mum continentis, ut mensura est continen- tis intrinseca, dicitur superficies, ut autera mensura contenti et locati extrinseca , est locus. Et ideo superficies et locus licet sint unum materialiter quantum ad id quod quod

380 opuscule lu.

quoique matériellement la même chose relativement à ce qui est l'extrémité du contenant, sont néanmoins des espèces diverses consti- tuées par diverses conditions formelles. Nous n'en dirons pas davan- tage sur ce qui concerne le lieu.

Fin de V Opuscule sur la nature du lieu.

L'abbé VEDRINE.

OPUSCULE LU.

Du MÊME AUTEUR, SUR L'INTELLECT ET L'INTELLIGIBLE.

Il faut savoir qu'il est de la nature de l'intellection d'être concevant et conçu. Or ce qui est conçu par soi n'est pas cette chose dont la con- noissance s'acquiert par l'intellect , puisque cette chose n'est quel- quefois conçue qu'en puissance, et se trouve hors de celui qui conçoit, comme lorsque l'homme conçoit les choses naturelles , la pierre ou l'animal ou quelque chose de semblable ; comme néanmoins il faut que l'intellect soit dans celui qui conçoit et ne fasse qu'un avec lui, ce qui est conçu n'est pas pour cela par soi pas plus que l'image de la chose conçue qui informe l'intellect pour l'intellection. En effet , l'in- tellect ne peut concevoir qu'en tant qu'il est mis en acte par cette si- militude, de même qu'il ne peut faire rien autre chose suivant qu'il est cependant en puissance , mais bien suivant qu'il est mis en acte

Ubet est ultimumcontinentis,tamen divers* I rationes. Et haec de loco dicta sufficiant. sunt species constitutae per diversas formales j Explicit Opusculum de natura loci.

OPUSCULUM LU.

EJCSDEM DOCTORIS, DE 1NTELLECTU ET 1NTELLIG1BILI.

Sciendum, quod de ratione ejus quod est intelligere , est quod sit intelligens, et intellectum. Id autem quod est per se in- tellectum non est res illa, cujus notitia per intellectum habetur, cum illa sit intellecta quandoque in potentia tantum, et sit extra intelligentem, sicut cum homo intelligit res naturales, et lapidem, vel animal, vel ali- quid hujusmodi, cum tamen oporteat quod

intellectum sit in intelligente , et unnm cum ipso, nec etiam intellectum per se est, et similitudo rei intellects, per quam in- formatur intellectus ad intelligendum. In- tellectus enim non potest intelligere , nisi secundum quod fit actu per hanc similitu- dinem, sicut nihil aliud potest operari, se- cundum quod est tantum in potentia; sed secundum quod fit actu per aliquam for-

sur l'lntellect et l'intelligible. 381

par quelque forme. Cette similitude est donc dans l'intellection, comme le principe de rintellection , de même que la chaleur est le principe de la caléfaction , mais non comme le terme de l'intellection. Donc ce que l'intellect conçoit en lui-même de la chose conçue est conçu pri- mairement et par soi, soit que ce soit une définition ou une énoncia- tion , suivant que l'on suppose deux opérations de l'intellect, comme il est dit dans le IIIe liv. de l'Ame JCe qui est ainsi conçu par l'intellect s'appelle verbe intérieur , car c'est ce qui est signifié par la voix. Car la parole extérieure ne signifie pas l'intellect même, ou sa forme in- telligible , ou l'intellection , mais bien le concept de l'intellect par le moyen duquel il signifie une chose, comme lorsque je dis homme, ou l'homme est un animal , et quant à cela que l'intellect se conçoive lui-même ou qu'il conçoive une chose étrangère à lui, il n'y a pas de différence. En effet, de même que lorsqu'il conçoit une chose étran- gère à lui , il ne forme que le concept de la chose qu'il manifeste par la voix ; de même aussi lorsqu'il se conçoit lui-même il forme son propre concept qu'il peut aussi exprimer par la voix. De même dans notre intellect autre chose est de concevoir et d'être conçu, c'est pourquoi le verbe conçu dans notre intellect ne lui est pas uni en na- ture, mais seulement dans celui qui conçoit. Il faut savoir que dans la nature intellectuelle il n'y a que deux opérations , savoir concevoir et vouloir. Or il se trouve quelque chose procédant suivant chacune de ces opérations lorsqu'ellessont parfaites par l'intellect. L'intellection, en effet , n'est autre chose que la production intellectuelle dans l'es- prit de celui qui comprend et conçoit d'une chose qui s'appelle verbe. Car avant qu'une conception ne se soit établie dans notre ame, on ne dit pas que nous concevons une chose , mais plutôt que nous la con- noissons en la percevant : Le vouloir se parfait aussi dans l'amant par

raara, Haec igitur similitude» se habet in intelligeudo, sicut iutelligendi principium, ut calor est principium calefactionis , non sicut intelligendi terminus. Hoc est igitur primo et per se intellectum, quod intellec- tus in seipso concipit de re intellecta, sive illud sit difhnitio , sive aliqua enuntiatio , secundum quod ponuntur duae operationes intellectus, ut dicitur in III De anima. Hoc autem sic ab intellectu conceptum dicitur verbum interius : hoc enim est quod si- gnificatur per vocem. Non enim vox ex- terior significat ipsum intellectum , aut forrnam ipsius intelligibilem , aut ipsum intelligere, sed conceptum intellectus, quo mediante significat rem , cum dico , homo vel homo est animal , et quantum ad hoc non differt utrum intellectus intelligit se vel alia a se. Sicut eiùm cum intelligit

aliud a se, format sui conceptum illius rei quam voce significat ; ita cum intelligit seipsum, format sui conceptum quem etiam voce potest exprimere. Item, in intellectu nostro aliud est esse intellectum , et ideo verbum conceptum in intellectu nostro, non unitur ei natura, sed solum in intelli- gente. Sciendum quod in natura intellec- tuali sunt duae solum operationes, scilicet intelligere et velle ; secundum autem utramque harum invenitur aliquid proce- de.ns, cum hae operationes perficiuntur per ipsum. Ipsum enim intelligere non est aliud nisi aliquid in mente intelligentis et concipiontis , intelligatur et concipiatur, quod dicitur verbum. Non enim dicimur intelligere , sed cognoscere potius aliqui intelligendo, antequam conceptio aliqua in mente nostra stabiliatur ; ipsum etiam

382 opuscule m.

la volonté précédente , puisque l'amour n'est autre chose que la sta- bilité de la volonté dans le bien voulu. Nous recevons donc la connois- sance intellectuelle des choses extérieures, et par notre volonté nous tendons à quelque chose d'extérieur comme à une fin : en conséquence notre intellection s'opère eu égard au mouvement des choses à l'ame ou de l'ame aux choses. Il faut observer que dans l'intellection l'in- tellect peut se rapporter à quatre choses; savoir à] la chose qui est conçue, secondement à l'espèce intelligible qui met l'intellect en acte, troisièmement à son intellection , quatrièmement aux conceptions de l'intellect, laquelle conception diffère des trois choses dont nous venons de parler , d'abord de la chose conçue , parce que la chose concue_se trouve quelquefois hors de l'intellect, tandis que la con- ception de l'intellect n'existe que dans l'intellect, et puis la conception de l'intellect se rapporte à la chose conçue comme à une fin. Car l'in- tellect forme en lui la conception d'une chose, pour connoître la chose conçue. La conception diffère aussi de Fespèce intelligible ; car l'es- pèce intelligible qui met l'intellect en acte est considérée comme le principe de l'action de l'intellect, puisque tout agent agiï suivant qu'il est en acte parle moyen de quelque forme qui doit être le prin- cipe de l'action. La conception diffère aussi de l'action de l'intellect qui est de concevoir , parce que la conception est considérée comme le terme de l'action, et comme quelque chose constitué par lui. En effet l'intellect forme par son action la définition de la chose, ou même la proposition affirmative ou négative : or cette conception de l'intel- lect s'appelle proprement en nous verbe, car c'est ce qui est signifié par le verbe extérieur. En effet la parole extérieure ne signifie ni l'in- tellect lui-même, ni l'espèce intelligible, ni l'acte de l'intellect, mais

velle perficitur ab amante per voluntatem praecedentem , cum amor nihil aliud sit quam stabilimentum volimtatis in bono volito. Nos igitur cognitionem intellectua- lem a rébus exterioribus accipimus, et per ■voluntatem nostram in aliquid exterius tendimus tanquam in finem; et ideo intel- ligere nostrum est secundum moturn a rébus ad animam , velle autem secundum motum ab anima ad res. Notandum quod intellectus intelligendo ad quatuor potest habere ordinem , scilicet ad rem qute in- telligitur; secundo, ad speciem intelligi- bilem qua fit intellectus in actu ; tertio, ad suum intelligere ; quarto , ad concep- tiones mtellectus, quae quidem conceptio a tribus praediciis differt, a re quidem intel- lecta, quia res intellecta est interdum extra intellectum , conceptio autem intellectus non nisi in intellectu ; et iterum concep- tio intellectus ordinatur ad rem intellec-

tam sicut ad finem. Ipse enim intellectus conceptionem rei in se format, ut rem in- tellectam cognoscat. Differt etiam concep- tio a specie intelligibili ; nam species in- telligibilis qua fit intellectus in actu, con- sideratur ut principium actionis intellectus, cum omne agens agat secundum quod est in actu per aliquam formam, quam opor- tet esse actionis principium. Difîèrt etiam conceptio ab actione intellectus quae est intelligere, quia prsedicta conceptio consi- deratur ut terminus actionis, et quasi qui- dam per ipsum constitutum. Intellectus enim suà actione format rei diffinitionem, vel etiam propositionem affirmativam seu negativam ; haec autem conceptio intellec- tus in nobis proprie dicitur verburn, hoc enim est quod verbo exteriori significatur. Yox enim exterior neque significat ipsum intellectum, neque speciem intelligibilem, neque actum intellectus, sed conceptionem,

sur l'intellect et l'intelligible. 383

bien lajconception au moyen de laquelle elle se rapporte h la chose. Donc celte conception ou verbe par lequel notre intellect conçoit une chose qui lui est étrangère, provient d'une chose et en représente une autre : elle vient de l'intellect par son acte, tandis qu'elle est la simi- litude de la chose conçue le représentant. Lorsque l'intellect se conçoit lui-même, le verbe ou conception est la propagation ou similitude de ce même intellect se concevant lui-même. Et cela arrive parce que l'effet est assimilé à sa cause par sa forme , or la forme de l'intellect est la chose conçue, et conséquemment le verbe qui vient de l'intel- lect est la similitude de la chose conçue, qu'il soit ou non le même que l'intellect. Or ce verbe de notre intellect est comme extrinsèque à l'être de l'intellect lui-même ; car il n'est pas de son essence, mais il en est comme une passion; il n'est pas néanmoins extrinsèque à l'in- tellection de l'intellect, puisque l'inteTIëctionnepeutse compléter sans ce verbe. Il faut savoir que l'intellect possède en lui le verbe suivant l'intelligence intérieure et s'appelle intelligence intérieure qui appar- tièTTtlU'ame en soi, en tant qu'elle est quelque chose de subsistant; maisiî ne le possède pas toujours suivant l'intelligence extérieure, et il s'appelle intelligence extérieure suivant la connoissance extérieure. Celle-ci appartient proprement à l'homme à raison de ce qu'il em- brasse par la pensée les fantômes mêmes, qui sont intelligibles en jouissance , et de cette manière l'intellecTa toujours on lui le verBe informe ; or le verbe ne se forme pas toujours. Le verbe est. dit in- forme à cause de la connoissance indistincte et confuse , et aussi parce qu'il n'est pas extérieurement manifesté par une connoissance exté- rieure : mais l'homme ne s'aperçoit pas que l'intellect ait toujours en soi le verbe informe , d'abord à raison de son extmnéité à l'égard de

l^J

qua mediante refertur ad rem. Hujusmodi igitur conceptio sive verbum, quando in- tellectus noster intelligit rem aliam a se , ab alio exoritur, et aliud représentât ; ori- tur quidem ab intellectu per suum actum , est vero similitudo rei intellects ipsum re- prœsentans. Cum vero intellectus seipsum intelligit, verbum prœdictum, sive concep- tio ejusdem est propagatio et similitudo, scilicet intellectus seipsum intelligentis; et hoc ideo contingit, quia effectus similatur causœ per suam formam, forma autem in- tellectus est res intellecta, et ideo verbum quod exoritur ab intellectu, est similitudo rei intellects, sive sit idem quod intellec- tus, sive sit aliud. Hujusmodi autem ver- bum nostri intellectus est quasi extrinse- cum ab esse ipsius intellectus; non enim est de essentia ejus, sed est quasi quaedam passio ipsius, non tamen est extrinseca ab ipso intelligere intellectus, cum ipsum in-

telligere compleri non possit sine verbo prsedicto. Sciendum autem quod intellec- tus semper habet apud se verbum secun- dum interiorem intelligentiam , et dicitur interior intelligentia, quae est ipsius animae secundum se, prout est quid subsistens, non autem habet illum semper secundum exteriorem intelligenliam, et dicitur exte- rior intelligentia secundum exteriorem co- gnitionem, et ista proprie est hominis se- cundum quod convertit se cogitando super ipsa phantasmata, quae sunt potentia intel- ligibilia, et sic intellectus semper habet apud se verburn informe, non autem ver- bum semper formatur. Dicitur autem ver- bum informe propter indistinctarn et con- fusara cognitionem. lterum etiam , quia non est productum ad exteriorem manifes- tationem per exteriorem cognitionem ; sed homo non percipit , quod intellectus habeat semper apud se verbum illud in-

OPUSCULE LU.

l'intellect , secondement à cause de sa profondeur , troisièmement à cause de sa subtilité et cela du côte de Famé, il n'en est pas de même du côté du corps , parce que l'âme opprimée par une masse de chair ne perçoit point cela, et parce qu'elle est plongée dans les ténèbres des choses matérielles. Remarquez qu'il y a trois verbes, le verbe du cœur ou le verbe intellectuel, le verbe de l'imagination ou imaginable, le verbe de la bouche ou vocal ; le premier émane, le second dispose, le troisième opère. Il faut aussi observer que dans les trois parties de l'image il y a l'ordre de la nature, et l'ordre du temps, de_ sorte : que la mémoire précède l'intelligence intérieure, comme en étant la cause, lui offrant ou lui montrant l'espèce qu'elle a , et naturellement cette faculté précède l'intelligence par la nature et par le temps. De même l'intelligence intérieure précède naturellement la volonté intérieure : la raison c'est qu'avant de vouloir concevoir, il faut préconcevoir ce que c'est que de concevoir, et de cette manière l'intelligence précède naturellement la volonté, et la mémoire précède l'une et l'autre, et la volonté intérieure précède l'intelligence extérieure. Il faut savoir que la puissance intelîective saisit d'abord simplement une chose , et cet acte s'appelle intelligence. En second lieu elle dispose ce qu'elle saisit pourconnoitre ou opérer une autre chose, et c'est l'intention. Tant qu'elle persiste 'ans la recherche de ce qu'elle a eu vue, on l'appelle pensée ; lorsqu'elle examine ce qu'elle a pensé pour quelques motifs de certitude , on appelle cela savoir , être sage , ce qui appartient à la phrénose ou sagesse , car être sage c'est juger , comme il est dit dans le liv. I de la Met. Quand elle a acquis la certitude sur une chose, elle songe comment elle pourra la manifester aux autres , c'est la dis- position du langage intérieur d'où procède le langage extérieur. Il

forme; primo propter extraneitatem sui ad intellectum ; secundo propter sui pro- funditatein ; tertio propter sui subtilitatem et hoc ex parte animée; similiter non ex parte corporis, quia anima est mole carnis oppressa, et ideo non percipit hoc : iterum quia est materialium caligine obscurata. Notandum etiam quod triplex est verbum, verbum cordis, sive intellectuale; verbum imaginationis, sive imaginabiliter ; verbum oris, sive vocale , primum est manans , se- cundum disponens , tertium operans. No- tandum etiam , quod in tribus partibus imaginis est ordo naturae, et ordo temporis, ita quod memoria prœcedit intelligentiam interiorem, prout est gignitiva ipsius, offe- rens vel osteiulens ei speciem quam habet, et hœc naturaliter pruicedit intelligentiam, et natura, el tempore. Item, intelligentia interior preecedit naturaliter voluntatem interiorem; et ratio est, quia oportet an-

tequam aliquis velit intelligere, quod prse- concipiat quid est intelligere , et sic intel- ligentia naturaliter prœcedit voluntatem , memoria vero utramque , voluntas autem interior praecedit intelligentiam exterio- rem. Sciendum quod potentia intellectiva primo simpliciter aliquid apprehendit , et hic actus dicitur intelligentia ; secundo vero id quod apprehendit, ordinat ad ali- quid aliud cognoscendum vel operandum , et hœc vocatur intentio. Dum vero persistit in inquisitione illius quod intenditur , vo- catur excogitatio; dum vero id quod est excogitatum examinât ob aliqua certa, di- citur scire vel sapere , quod est phrenosis, id est sapientiae , quia sapere est judicare, ut dicitur in l Metaph. Ex quo autem ha- bet aliquid pro certo examinatum, cogitât quomodo possit illud aliis manifestare , et hoc est dispositio interioris sermonis , ex qua procedit interior locutio. Sciendum,

sur l'intellect et l'intelligible. 385

faut savoir que comme, suivant l'action qui tend à la matière exté- rieure, il y a unejjrocession ad extra , de même , suivant l'action qui reste dans J'afiëntTïl y a une procession ad intra, et cela se voit sur- tout dans l'intellect dont l'action, c'est-à-dire l'intellection reste dans l'agent. En effet, celui qui conçoit , par même qu'il conçoit, jjto- cède vers quelque chose au dedans de lui-même qui esl la conception de la chose conçue procédant de sa connoissance , laquelle conception est signifiée par la voix et s'appelle verbe du cœur marqué par le verbe de la voix. Il faut savoir aussi que l'intellect , en tant qu'il est en acte par le moyen de l'espèce intelligible , se considère d'une manière ab- solue : il en est de même de l'intellection qui est à l'intellect, comme l'être en puissance est à l'être en acte. Car concevoir ne dénomme pas l'actionpar l'être intelligent s'éloignant, mais dans l'intellect, ou l'être intelligent restant. Lors donc que l'on dit que le verbe est une con- noissance, on ne prend pas le mot connoissance pour l'acte de l'in- tellect qui connoît, ou pour quelqu'une de ses habitudes , mais pour ce que conçoit l'intellect en connaissant. Il faut savoir que la différence qu'il y a entre l'intellect et la volonté, c'est que l'intellect est en acte par cela que la chose conçue est dans l'intellect suivant son image; la volonté au contraire est mise en acte , non parce que quelque simili- tude de la chose voulue se trouve dans celui qui veut, mais bien parce que la volonté a une certaine inclination pour la chose voulue. Or la procession considérée suivant l'action de la volonté ne l'est pas suivant la similitude, mais bien suivant la nature de ce qui pousse et meut vers quelque chose. C'est pourquoi, quoique la similitude tienne à l'amour comme au verbe , néanmoins elle n'appartient pas à l'amour de la même manière qu'au verbe. Car elle appartient au verbe en tant que

quod sicut secundum actionem, quae tendit in exteriorem materiam , est aliqua pro- cessio ad extra ; ita secundum actionem quse manet in agente, est quaedam pro- cessio ad intra , et hoc maxime patet in intellectu , cujus actio , scilicet întelligere manet in agente. Quicumque enim intelli- git, ex hoc ipso quod intelligit, procéda ad aliquid intra ipsum, quod est conceptio rei intellects ex ejus notitia procédons, quam quidem conceptionem vox signiricat, et di- citur verbum cordis signatum verbo vocis. Sciendum, quod intellectus secundum quod est in actu per speciem intelligibilem , consideratur absolute ; et similiter intelli- gere, quod ita se habet ad intellectum, si- cut ens in poteutia ad ens in actu. Non enim intelligere actionem nominat ab in- telligente exeunte, sed in intellectu , sive intelligente manente. Cuin ergo dicitur,

V.

quod verbum est notitia, non accipitur no- titia pro actu intellectus cognoscentis , vel pro aliquo ejus habitu, sed pro eo quod intellectus concipit cognoscendo. Scien- dum, quod haec est difïerentia inter intel- lectum et voluntatem, quod intellectus sit in actu per hoc quod res intellecta est in intellectu secundum suam similitudinem; voluntas fit in actu non per hoc quod ali- qua similitudo voliti sit in volente , sed ex hoc quod voluntas habet quamdam incli- nationem ad rem volitam. Processio au- tem quie attenditur secundum actionem voluntatis, non consideratur secundum si- militudinis, sed magis seenndum rationem impellentis et moventis in aliquid. Unde quamvis similitudo sit de ratione amoris, sicut de ratione verbi, tamen aliter perti- net ad verbum et ad amorcm. Nam ad verbum pertinet in quantum ipsum est

25

386 OPUSCULE XXIII.

celui-ci est une certaine similitude de la chose conçue , comme l'être engendré est l'image de celui qui l'a engendré. Mais elle appartient à l'amour , non que l'amour soit une similitude , mais en tant que la si- militude est le principe de l'amour. De même, comme l'être suit la forme, de mèmé'aussi l'intellection suit l'espèce intelligible. Il faut savoir que lorsqu'on dit que l'intellect est en acte il se trouve deux choses importantes, savoir la chose qui conçoit, et être conçu. Donc la nature qui se trouve être conçue n'existe que dans les singuliers, mais ce qui est être conçu se trouve dans l'intellect, il faut savoir que l'intellect et la raison diffèrent quant au mode de connoître, en ce que l'intellect connoît par une simple intuition, et la raison en passant d'une chose à une autre. Néanmoins la raison parvient à connoître par le discours ce que l'intellect connoît sans cela , c'est-à-dire l'uni- versel. Le Philosophe dit dans le livre I de la Métaphysique que les choses les plus universelles sont difficiles à connoître aux hommes, ce qui est contraire à ce qui a été dit dans le Ier livre de la Physique, que les choses confuses sont plus connues par rapport à nous, telles que sont les choses universelles. A cela il faut dire que les choses plus uni- verselles sont d'abord connues suivant la simple appréhension ; car c'est d'abord l'être qui tombe dans l'intellect, comme dit Avicenne, et animal tombe plutôt dans l'intellect qu'homme. De même clans la génération de la science l'animal est conçu dans l'intellect avant l'homme; mais quant à l'investigation des propriétés universelles et des causes , les choses moins communes sont connues les premières par la raison que nous arrivons aux causes universelles par le moyen des causes particulières , qui sont d'un seul genre ou d'une seule es- pèce. Or les choses qui sont universelles dans la génération des causes

quaedam similitudo rei intellectae, sicut ge- nitum est similitudo generantis. Sed ad amorem pertinet, non quod ipse amor sit similitudo, sed in quantum similitudo est principium amandi. Item, sicut esse con- sequitur formam , ita intelligere conse- quitur speciem intelligibilem. Sciendum, quod cum dicitur intelleetum in actu exis- tere duo importantia , scilicet res quae in- telligit , et hoc ipsum quod est intelligi. Ipsa igitur natura cui accedit intelligi, non est nisi in singularibus, sed hoc ipsum quod est intelligi, est in intellectu. Sciendum , quod intellectus et ratio in hoc differunt quantum ad modum cognoscendi, quia sci- licet intellectus cognoscit simplici intuitu, ratio vero discurrendo de uno ad aliud. Sed tamen ratio per discursum pervenit ad cognoscendum illud quod intellectus sine discursu cognoscit, scilicet universa-

lem. Sciendum , quod Philosophus dicit I Metaph., quod difïicilia sunt hominibus ad cognoscendum, quae sunt maxime uni- versalia , quod est contra illud , quod dic- tum est in I Physic, quod confusa sunt magis nota quoad nos, qualia sunt univer- salia. Ad quod dicendum, quod magis uni- versalia, secundum simplicem apprehen- sionem sunt primo nota; nam primo in intellectu cadit ens , ut dicit Avicenna, et prius intellectu cadit animal quam homo. Ita et in generatione scientiae prius in in- tellectu concipitur animal, quam homo; sed quantum ad investigationem universa- lium proprietatum et causarum , prius sunt nota minus communia , eo quod per causas particulares quae sunt unius gene- ris vel speciei, pervenimus in causas uni- versales. Ea autem quae sunt universalia in causando, sunt posterius nota quoad nos,

sur l'intellect et l'intelligible. 387

sont connues postérieurement par rapporta nous, quoique elles soient connues antérieurement suivant la nature , quoique les choses univer- selles par le moyen de la prédication soient en quelque sorte connues par rapport à nous avant les moins universelles, mais non avant les singulières. Car la connoissance du sens, qui appartient aux choses singulières, précède en nous la cognition intellective , qui appartient aux universelles. Il faut donc s'appuyer sur ce qu'Aristote ne dit pas que les choses les plus universelles sont simplement les plus difficiles, mais presque les plus difficiles. En effet, parce qu'il dit les plus univer- selles , on comprend les choses qui sont universelles par essence , ou celles qui sont totalement séparées de la matière suivant l'être, comme les substances immatérielles. Celles-ci, en effet, sont plus difficiles à connoître pour nous-mêmes que les choses les plus universelles suivant la prédication.

Fin du cinquante-deuxième Opuscule de saint Thomas d'Aquin sur l'intellect et V intelligible. ,

L'abbé VÉDRINE.

:\

licet sint prius nota secundum naturam, quamvis universalia per prsedicationem sint aliquo modo prius nota quoad nos, quam minus universalia, sed non prius nota quam singularia. Nam cognitio sensus, quge est singularium , in nobis prœcedit cognitionem intellectivam , quae est uni- versalium. Facienda est autem vis in hoc quod dicit maxime universalia non sim- pliciter esse difficillima, sed fere. Per hoc enim quod dicit maxime universalia, intel-

liguntur, quœ sunt universalia per essen- tiam, vel sunt illa quae sunt penitus a ma- teria separata secundum esse, sicut sub- stantiae immateriales. Istae enim sunt ma- gis difficiles ad cognoscendum nobis, quam etiam universalissima quaecumque secun- dum prsedicationem.

Explicit Opusculum quinquagesimum se- cundum de intellectu et intelligibili, se- cundum S. Thomam Aquinatem.

388

OPUSCULE LUI.

OPUSCULE LUI.

DU MÊME DOCTEUR, DE QUO EST ET QUOD EST.

Dans toutes les choses il y a composition de matière et de forme, il y a composition ex quo et quodest. Dire quod c'est dans la matière, parce que quod est dit un suppôt ayant l'être ; mais la matière n'a pas l'être , mais ce qui est composé de matière et de forme dans de tels composés. Quo est peut se dire de trois manières , de la forme même qui donne l'être à la matière ; il peut aussi être dit le mode d'être quo est; la nature même qui reste de l'union de la forme avec la matière, comme l'humanité, principalement suivant ceux qui supposent que la forme , qui est le tout , est la quiddité et non la forme de la partie, au nombre desquels est Avicenne. Comme à raison de la quantité de l'essence elle est composée ou suivant une composition , il pourra se trouver et être conçue une quiddité simple ne suivant pas la compo- sition de la forme et de la matière. Or si nous trouvons quelque quiddité qui ne soit pas composée de matière et de forme, cette quiddité est ou l'être ou le non-être. Si elle est l'être, comme l'es- sence divine qui est son être, elle e^t la plus simple de toutes ; si elle n'est pas l'être , il faut qu'elle tienne son être d'une autre chose , telle est toute quiddité créée. Et comme cette quiddité n'est pas des- tinée à subsister dans la matière , elle n'acquiert pas l'être daus une

OPUSCULUM LUI.

EJCSDEM DOCTORIS , DE QUO EST ET QUOD EST.

In omnibus, in quibus est compositio ex materia et forma, est compositio ex quo, et quod est. Dicere autern quod est in ma- teria, quia quod dicitur suppositum ha- bens esse , materia autem non hahet esse, sed compositum ex materia , et forma in talibus compositis. Quo est, potest dici tri- pliciter, potest enim quo est dici ipsa for- ma, quee dat esse materiae ; potest etiam dici ipse modus essendi quo est , ipsa na- tura quae relinquitur ex conjunctione for- mae cum materia, ut humanitas praecipue secundum ponentes, quod forma quae est totum, est quidditas, non autem forma par-

tis, de quibus est Avicenna. Cum autem ratione quantitatis essentiae cum sit com- posite, vel compositionem sequens, poterit inveniri et intelligi quidditas aliqua sim- plex non consequens compositionem formae et materiae. Si autem invenimus aliquam quidditatem , quae non sit composita ex materia et forma, illa quidditas aut est esse aut non esse. Si est esse, sic est essentia di- vina, qu;e est suum esse, est omnium sim- ple ; si non est esse, oportet quod habeat suum esse acquisitum ab alio , et sic est omnis quidditas creata. Et quia quidditas posita est non suhsistere in materia, non

DE QUO EST ET QUOD EST. 389

autre, comme pour les quiddités composées, elle acquiert l'être en soi , et la quiddité sera ce qui est son être et quo est. Et comme tout ce qui a quelque chose n'est pas possible à se , par rapport à cette quiddité tenant l'être d'un autre , ces choses seront possibles par rap- port à cet être et par rapport à l'être donl elles le tiennent , en qui il n'y a nulle puissance semblable ; de cette manière , dans cette quid- dité se trouve la puissance et l'acte , suivant quoi la quiddité est pos- sible , et son être est la combinaison de la puissance et de l'acte , de quo est et quod est. C'est pourquoi l'ange ou l'ame peuvent être appelés quiddités ou nature , ou forme simple , en tant que leur quiddité n'est pas composée de diverses choses , et qu'ils réunissent la combi- naison de ces deux choses , la quiddité et l'être.

Cet Opuscule n'est pas termine', et il est fortement altéré , par la faute sans doute des éditeurs qui l'ont imprimé en Allemagne ; pour ne pas porter atteinte à V ordre de l'ouvrage, nous l'insérons ici tel que nous l'avons trouvé, n'ayant pu nous procurer un exemplaire moins imparfait que celui-ci.

Fin de l'Opuscule cinquante-quatrième de quo est et quod est.

L'abbé VÉDRINE.

Le saint Docteur avoit écrit sur les Universaux. A-t-il composé un ou plusieurs Opuscules? C'est ce que nous ne pouvons décider. Il ne seroit pas étonnant en effet que , sur la demande des étudiants , il en eût écrit un certain nombre sur cette matière , puisqu'on en trouve plu- sieurs de lui sur le sujet du verbe.

acquiritur ei esse in altero , sicut quiddi- tatibus compositis, imo acquiritur ei esse in se, et ipsa quidditas erit hoc quod est suum esse et quo est ; et quia omne quod habet aliquid non a se est possibile . res- pectu iliius hujusmodi quidditatis, cum ha- beant esse ab alio, erunt possibiles respec- tu iliius esse, et respectu ejus a quo habent, in quo nulla eadem potentia, et ita in tali quidditate invenitur potentia, et actus se- cundum quod ipsa quidditas est possibilis, et est esse ejus compositio potentiae et ac- tus, de quo est, et quod est, unde angélus vel anima potest dici quidditas, vel natura, vel forma simplex , in quantum eorum quidditas non componitur ex diversis, cum advenit ei compositio horum duorum, sci- licet quidditas et esse.

Nota quod hoc Opusculum est imper fec- tum et valde corruptum, ut puto vitio im- prcssorum, qui illud in Alemania impres- serunt, ne autem ordo totius libri destitue- retur, ipsum etiam prout illud invenimus, reliquimus, quia nullibi inveniebatur aliî copia , qua melius emendari potuisset.

Explicit Opusculum quinquagesimum tertium, De quo est et quod est.

Et sciendum Doctorem sanctum scripsisse de uuiversalibus. Utrum tamen unum aut plura de eis scripserit opuscula, sub dubio relinquimus. Nec mirum si diversis studen- tibus ad eorum petitionem diversa sub ea- dem materia conscripsit opuscula, cum plura etiam super materia de verbo inve- niuntur S. Thomae opéra.

390

OPUSCULE LIV.

OPUSCULE LIV.

DU MÊME DOCTEUR, SUR LES UNIVERSAUX.

L'opinion des philosophes est différente sur les universaux. Quel- ques-uns , comme les Epicuriens , n'admettant pas qu'il n'y a de distinction que suivant le sens , et disant que la volupté est le souve- rain bien.., affirmoient que ce qui se voit et se sent n'est rien , d'où ils disoient qu'il n'y a rien d'universel. Ils enseignoient aussi que l'ame est une sorte de corps subtil et périt avec le corps. Comme cette opi- nion est évidemment improbable et .contraire au bon sens et à toute raison , il n'est pas nécessaire de la réfuter; aussi a-t-on appelé pour- ceaux les philosophes qui soutenoient une semblable opinion. Néan- moins on pourroit ainsi raisonner contre eftx : Tous les hommes o^irjenUîirtiH^^ comme l'enseigne Aristote, livre Ier de

la Métaphysique; mais un tel désir n'est pas faux, on peut donc acquérir la science ; mais toute science appartient aux universaux ; donc il y a des universaux. La mineure se prouve ainsi : ce qui est infini ne peut être connu , autrement ce seroit fini ; mais les singu- liers sont infinis, donc il n'y a pas de science des singuliers , et par conséquent il n'y en a que des universaux. D'autres admettant les uni- versaux , tombent dans de nombreux inconvénients , et ces philo- sophes ne s'accordent pas , parce que quelques-uns ont prétendu que

OPUSCULUM LIV.

EJCSDEM DOCTOR13, TRACTATUS FRIMUS DE TNIVERSALIBUS.

Circa universalia multiplex fuit, et di- versorum Philosophorum opinio. Quidam enim , sicut Epicuraei , non ponentes dis- tinctionem esse nisi secundum sensum, di- centes summum bonum esse voluptatem, posuerunt nihil esse quod sentitur et vide- tur, unde dicebant quod nihil est univer- sale. Dicebant etiam animam esse quod- dam corpus subtile , et perire cum corpore. Horum autem opinio, quia improbabilis est manifeste, et contra sensum, et intel- lectum omnem, non est necessarium eam refellere , et ideo Philosophi taies qui sic posuerunt, appellaverunt porcos. Sed con-

tra eos posset sic argui : Omnes homines natura scire desiderant, ut vult Philoso- phus, I Metapk.j sed taie desiderium non est frustra ; contingit ergo habere scien- tiam; sed omnis scientia est universalium, ergo universalia sunt. Minor sic ostendi- tur : Quse sunt infiuita non possunt sciri, alioquin essent finita ; sed singularia sunt inflnita, ergo ipsorum non est scientia , et per consequens universalium. Alii autem ponentes universalia, incidunt in multa inconvenientia , et isti sunt diversi , que— niam quidam posuerunt ea esse et subsis- tera prœter singularia et praeter intellec-

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 391

les uoiversaux existoient et subsistaient en dehors des singuliers et de l^ëîlëct ; tels furentTès Platoniciens qui avoient Platon pour chef. Ce philosophe voyant qu'il s'opéroit dans les choses une grande et continuelle transformation et corruption, fut amené à dire que les universaux existoient par eux-mêmes et étoient incorruptibles; il les appeloit idées, lesquelles idées ils regardèrent comme les causes exemplaires et effectives des singuliers , Aristote anéantit cette opi- nion dans le livre VII de la Métaphysique. C'est pourquoi il dit par dérision contre Platon, dans le livre Posteriorum, que les genres et les es^èœsjejréjouissent, ce sont des monstres. [Etablissons donc l'argu- ment u'Âvicenne contre lui. L'universel que nous avons en vue s&dit. de tous les inférieurs dont chacun est lui-même. Or l'universel que Platon supposoit séparé, ne se dit pas de ses individus, et aucun d'eux n'est lui. Donc , ou il ne faut pas admettre d'universel, ou il ne faut pa_s le dire séparé, comme faisoit Platon. En conséquence il s'en est trouvé d'autres qui ont prétendu que les universaux n'étoient que dans l'intellect , ce qui est entièrement opposé à l'opinion de Platon, et ceux-ci ne s'accordent pas non plus. Quelques-uns d'entre eux ont prétendu que les universaux nous étoient innés et qu'ils étoient con- crets, et que les universaux ne s'effectuoient pas par l'épuration et l'abstraction de l'action intellectuelle , ils s'appuient sur ce que dit Aristote dans le livre II de l'Ame , que nous concevons lorsque QOUI voulons , ce qu'il n'eut pas dit si les universaux ne nous étoient pas innés et se présentoient toujours actuellement à Y ame.j Aristote est entièrement opposé à ce qu'ils allèguent pour leur défense. Car il d\t formellement sur la fin du livre II Posteriorum , que l'universel ve~ naiav sensus par le moyen delà mémoire et de l'expérience, êtlë Commentateur_d.it à leur encontre dans le prologue de l'Ame , que

tum, et isti fuerunt platonici, quorum ca- put fuit Plato. Hic siquidem videns ma- gnam et contiuuam transmutationem et corruptionera fieri in rébus ipsis , inductus fuit ponere universalia stare per se, et in- corruptibilia esse, quae vocabat ideas, quas quidem dixerunt esse causas exemplares et effectivas istorum singularium. Hanc autem opinionem in VII Metaph., et mul- tis aliis locis destruit Philosophus. Unde dicit contra Platonem deridendo eum in libro Poster. Gaudeant gênera et species, monstra enim sunt. Sumamus autem ne- cessarium argumentum, quod format Avi- cenna contra eum sic. Universale quod in- tendimus, praedicatur de omnibus inferio- ribus , quorum unumquodque est ipsum ; taie autem universale quod Plato ponebat separatum, non praedicatur de suis indivi- duis, uec aliquod ipsorum est ipsum, ergo

aut non est ponere universale, aut non est sic ponere separalum, sicut Plato ponebat. Et ideo fuerunt aliqui qui posuerunt uni- versalia solum esse in intellectu, totum op- positum positioni Platonis, et adhuc isti diversificantur. Nam quidam posuerunt universalia nobis innata et concreta , et non fieri universalia per actionem intellec- tus depurantis et abstrahentis , et fulciunt positionem suam per dictum Philosophi, in II De anima, ubi dicit, quod iutelligimus eum volumus, quod non esset dictum, nisi ipsa nobis universalia innata esset, et sem- per actu praesentarent ipsi animae. Contra quod est etiam Philosophus, per quem pu- tant se defendere. Dicit enim ipse in fine II Poster., quod universale venatur sensus via mémorise et experientiœ , et Commen- tator super proœmio De anima, dicit contra eos, quod « intellectus agens facit univer-

392 OPUSCULE LIV.

l'intellect .actif produit l'universalité dans les choses. Ce dont ils pré- tendent s'étayer doit à coup sûr être entendu dans ce sens , que Aris- tote a voulu dire qu'il y a en nous un intellect actif par lequel tout se fait, et qui peut par conséquent quand il veut s'emparer de fan- tômes, les illuminer et les rendre intelligibles en acte. D'autres de leur côté ont prétendu que lcsibimes. intellectuelles passent de l'in- tellect actif dans notre esprit. Ils affirmoient que l'intellect actif n'est pas en nous, mais bien hors de nous, et ils disoient que c'étoit un Dieu ou une intelligence. Aristote lesjéfute sur ces deux points dans le Ijy^Uyj^deJL\me. Il dit, ""en effet, que cet intellect est dans notre ame, il dit aussi que c'est la lumière qui rend intelligibles en acte les fantômes intelligibles en puissance, de même que la lumière rend visibles en acte les couleurs visibles en puissance ; c'est ainsi qu'il y a eu diverses erreurs sur les universaux. Après tout c'est le sentiment d' Aristote qui est le vrai, savoir que l'universel se trouve dans la plu- ralité, qu'il est un en dehors de la multitude; par ces mots on touche au douille être de l'universel, l'un en tant qu'il est' dans les choses , l'autre suivant qu'il est dans l'ame. Quant à l'être de raison , il a la nature île prédicable; quant à l'autre être, c'est une certaine nature, et il n'est pas universel en acte, mais bien en puissance, parce que la puissance a la vertu de rendre une telle nature universelle par l'ac- tion de l'intellect, et c'est pour cela que Boëce appelle universel ce que l'on conçoit et singulier ce que l'on sent , parce que cette même na- ture qui étoit singulière et qui est individuée par la matière dans chaque homme , devient ensuite universelle par l'action de l'intellect qui les dégage des conditions qui existent et mine , ce qui fait qu'elle reçoit de l'intellect lui-même le caractère d'universelle et de

salitatem in rébus ipsis. » Dictum autem quod inducunt pro se , sane est intelligen- drim, quod ideo hoc Philosophus dicit, quia in nobis est mtellectus agens quo est omnia facere , et ideo quando vult potest se convertere supra phantasmata, et illus- trare ea, et facere actu intelligibilia. Alii vero posuerunt, quod formée intellectuales effluunt in mentera nostram ab intellectu agente. Ponebant autem intellectum agen- tem non esse in nobis, sed extra nos, et di- cebant istum esse Deum , vel aliquam in- telligentiam. Contra istos est Philosophus, in III De anima, quantum ad utrumque. Dicit enim ibi quod in anima nostra est in- tellectus iste, et dicit etiam quod est lu- men quod facit phantasmata potentia in- telligibilia, intelligibilia actu, sicut lumen facit colores potentia visibiles, visibiles actu, et sic diversimode erratum est circa

universalia. Sententia tamen Aristotelis vera est , scilicet quod universale est in multis, et unum prœter multa, et tangitur in hoc duplex esse universalis, unum se- cundum quod est in rébus, aliud seenn- dum quod est in anima. Et quantum ad istud esse quod est rationis, habet ratio- nem praedicabilis ; quantum vero ad aliud esse, est qusedam natura , et non est uni- versale actu, sed potentia; quia potentia habet , ut talis natura fiât universalis per actionem intellectus, et ideo dicit Boetius universale dum intelligitur, singulare dum sentitur, quia una et eadem natura , quae singularis erat, et individualur per mate- riam in singularibus hominibus, efficitur postea universalis per actionem intellectus deputantis ipsam a conditionibus quae sunt hic et nunc : unde rationem universalis et praedicabilis accipit ab ipso intellectu , ut

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 393

prédicable, ainsi que nous l'avons dit. Et qujoigu' elle reçoive de Pâme elle-même le caractère d'universelle, elle n'est pâgjaéanmoins. en. elle suivant son essence, niais suivant sa similitude et son espèce; c'est ce quTi'ait dire alïTÏÏilôsophe : « Ce n'es>t pas la pierre qui est dans l'ame, mais l'espèce de la pierre. »pr cette similitude ou espèce existant dans l'ame est numériquement une et singulière. Son universalité ne vient pas de ce qu'elle est dans l'ame , mais de ce qu'elle est comparée à plusieurs singuliers estimés tels. Leur jugement sur elle est le même, et il n'y a rien de déraisonnable en cela, parce que de même qu'une chose peut être genre et espèce sous divers rapports, de même aussi cette chose peut être universelle , particulière ou sin- gulière pour des espèces diverses. Elle est effectivement singulière dans l'intellect seul, et elle est universelle en tant qu'elle a un carac- tère uniforme à l'égard de tous les individus qui sont hors de l'ame , suivant qu'elle est également l'image de tous , amenant à leur con- noissance , comme on peut le voir dans un exemple. En effet , s'il y avoit une forme corporelle représentant plusieurs nommes, il est con- stant que eette forme , ou figure, ou espèce de statue auroit un être singulier propre suivant qu'il auroit l'être dans la matière; mais elle auroit le caractère de communauté , en tant qu'elle seroit commune par la représentation de plusieurs. Quoique l'on ait dit que cette na- ture , qui est universelle, est numériquement une, il n'est pourtant pas nécessaire qu'elle soit l'essence unique des espèces diverses dont elle est le genre , car le genre procède de l'indétermination ou indif- férence, non pas néanmoins de telle sorte que ce qui est signifié par le genre soit numériquement une même espèce dans toutes les diffé- rentes espèces, à laquelle s' ajoutant une chose qui est la différence,

dictum est. Et quamvis ab ipsa anima reci- piat rationem universalis, tamen non est in ipsa secundum suam essentiam , sed se- cundum suam similitudinem et speciem : unde et Philosophus ait : « Lapis non est in anima , sed species lapidis. » Haec au- tem siinilitudo sive species existens in ani- ma est una numéro , et est singularis. Ejus autem universalitas non est ex hoc, quod est in anima, sed ex hoc quod com- paratur ad multa singularia se habentia opinata. Eorum igitur judicium quantum ad ipsam'est idem ; nec hoc est inconve- niens, quia sicut aliquid diversis respecti- bus potest esse genuset species, ita aliquid diversis speciebus potest esse universale et particulare, sive singulare. Est enim illa in solo intellectu singularis, et est univer- salis in quantum habet rationem unifor- mem ad omnia individua, quae sunt extra animam , prout aequaliter est similitudo

omnium ducens in omnium cognitionem, sicut potest apparere in exemplo. Nam si esset una forma corporalis repraesentans multos homines, constat quod illa forma, vel species , vel figura statua? haberet esse singulare proprium secundum quod haberet esse in hac materia ; sed haberet rationem communitatis , secundum quod haberet com munis per repraesentationem plurium. Quamvis autem dictum sit quod iila na- tura quae est universalis, in quantum est in anima, sit una numéro, non tamen oporlet quod diversarum specierum , qua- rum est idem genus, sit una essentia, quia unitas generis ex ipsa indeterminatione procedit, vel indifferentia , non autem ita quod id quod significatur per genus , sit una essentia numéro in omnibus specie- bus vel diversis, cui superveniens res aliqua quœ est differentia, determinet ipsam, si- cut forma déterminât materiam quae est

394 OPUSCULE LIV.

la détermine , comme une forme détermine la matière qui est une numériquement par la privation de toutes les formes : mais comme le genre signifie les formes, non pas cependant d'une manière déter- minée telle ou telle que la doctrine exprime d'une manière déter- minée , laquelle n'est pas différente de celle qui étoit signifiée par le genre d'une manière indéterminée! C'est pourquoi le Commentateur dit sur le Ier livre de la Métaphysique , que la matière première est dite une par la privation de toutes les formes ; mais le genre est dit un par la communauté des formes signifiées; aussi en ajoutant la dif- férence , et écartant l'indétermination qui étoit la cause de l'unité de genre , les espèces différentes par l'essence subsistent et demeurent , et c'est ce que dit Àviceune dans sa Métaphysique : « Il est impossible qu'une seule et même chose numériquement se dise de .plusieurs , de tèlïe sorte que chacun soit elle-même. » Cependant Boëce semble dire le contraire dans le Commentaire il dit, que « l'universel est com- mun de telle manière , que le tout est en même temps dans les di- verses choses dont il constitue naturellement l'essence , et comme il est universel en espèce, il devient singulier par les doctrines qui sur- viennent ou par les formes sans lesquelles il subsiste naturellement en lui-même, et sans lesquelles il n'a nulle permanence actuelle. »I1 appuie cette assertion par un exemple pris de la cire , comme si l'on fait avec de la cire tantôt une statue d'homme , tantôt une statue de bœuf, en adaptant ces diverses formes à la même essence vraiment et entièrement permanente, il importe cependant que ce ne soit pas dans le même temps ; mais voici l'inconvénient qui résulte de cette suppo- sition , c'est que le même animal seroit raisonnable et déraisonnable s'il y avoit dans les diverses espèces la même essence de genre. On voit donc par ce qu'il faut dire des universaux , et quels sont leurs

una numéro, per privationem omnium for- marum ; sed quia genus significat formas, non tamen hanc vel illam determinate, quam determinate doctrina exprimit, quae non est alia ab illa quae indeterminate si- gnificabatur per genus. Unde dicit Com- mentator super I Metaph., quod materia prima dicitur una per privationem om- nium formarum ; sed genus dicitur unum per communitatem formarum signifi- catarum, unde per adjectionem differen- tiae , remota illa indeterminatione , quae erat causa unitatis generis , rémanent species per essentiam di versée , et hoc est quod dicit Avicenna in sua Metaph., « Im- possible est , scilicet quod una et eadem res numéro sit presdicata de multis, ita quod unumquodque sit ipsa. » Videtur ta- men Boetius dicere contrarium m com-

mento , ubi ait , quod « universale ita est commune, ut eodem tempore totum sit in diversis, quorum essentiam naturaliter con- stituât, et cum in specie sit universale, per advenientes doctrinas vel formas fit singu- lare, sine quibus naturaliter in se subsistit et absque eis actualiter nullatenus per- manet. » Huic autem dicto adaptât exem- plum de cera, sicut si ex cera modo sta- tuam hominis, modo bovis facias, diversas formas eidem essentiœ vere penitus ma- nenti adaptando , hoc tamen refert quod non eodem tempore , sed inconveniens quod sequitur ex ista posilione est istud quod idem animal esset rationale et irra- tionale, si eadem essentia generis esset in diversis speciebus. Sic igitur patet quid dicendum sit de ipsis universalibus , et quomodo habeant se, quia aliquo modo

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 395

rapports , comme ils ont en certains cas et non dans d'autres l'être extrinsèque de l'ame, par conséquent, je dis que les universaux , par cela qu'ils sont universaux, n'ont pas l'être par soi dans les choses sensibles, parce que l'universalité elle-même est dans l'ame et nulle- ment dans les choses.) Or lorsque nous disons que la nature univer- selle a l'être dans ces choses sensibles ou singulières , nous n'enten- dons pas que la nature qui a l'universalité tienne l'être de ces choses caractérisées. On voit donc comment l'universel est corporel, et com- ment aussi il est incorporel; parce que, suivant ce que dit Boëce , ce cmj^SJLincoiTjorel et insensible s'entend dans la simplicité de son uni- versalité Jtandis que ce qui est corporel et sensible subsiste par les aiCclclents. Ainsi donc se trouvent établies les questions énumérées par Boëce sur les universaux. Mais l'universel peut-il exister après la destruction des singuliers; suivant A.vicenne, il faut dire qu'oui; parce que l'universel est ce que suivant l'intellect il est impossible de ne pas dire de plusieurs , quoique nulle de ces choses n'ait l'être en effet. Comme l'intention, qui est universelle, existe en dehors du singulier, parce qu'il est de sa nature de se dire de plusieurs , mais il n'est pas nécessaire que ces choses ou quelqu'une d'elles existent.) L'universel est-il substance ou accident, il faut dire que par son rapport de com- paraison avec l'ame, il est accident, c'est une certaine disposition dans Vame^ c'est un des individus des sciences ou formations. Cependant Averrhoès dit sur le livre Ier de l'Ame, que« l'universel est une qualité existant dans l'ame, » je dis une qualité substantielle, qui n'est ni sub- stance, ni accident, mais quelque chose de mitoyen, ce qui n'est pas déraisonnable , quoique ce soit quelque chose de mitoyen par rapport au logicien , et non par rapport au métaphysicien et au naturaliste ,

4,

habent esse animée extrinsecum, et aliquo modo non. Consequenter dico , quod uni- versalia ex hoc quod sunt universalia non habent esse perse in sensibilibus, quia uni- versalitatis ipsa est îa anima, et nullo mo- do in rébus. Cum autem dicimus , quod natura universalis habet esse in his sensi- bilibus sive singularibus , non intelligimus ex hoc quod natura cui accidit universa- litas habet esse istis signatis. Patet ergo quomodo universale sit corporale , et quo- modo sit incorporale ; quoniam secundum quod dicit Boetius, incorporale, et insen- sible in simpiieitate suée universalités in- telligitur, corporeum autem et sensibiliter per accidentia subsistunt. Sic igiturdecla- ratae sunt quaestiones quas enumerat Boe- tius de universalibus. Utrum autem possit esse destructis singularibus, dicendum se- cundum Avicennam, quod sic : quia uni-

versale est illud, quod secundum intellec- tum impossibile est non preedicari de mul- tis, et si nullum eorum habet esse in ef- fectu ; sicut intentio est praeter singulare, quee universalis est , eo quod ejus natura est preedicari de multis ; sed non est ne- cesse esse illa multa, imo nec aliquod illo- rum. Utrum autem sit substantia vel acci- dens, dicendum quod per compara tionem quam habet ad animara est accidens, et est dispositio queedam in anima, et est unum de individuis scientiarum vel formationem. Averrhoès tamen dicit super I De anima, quod « universale est qualitas existens in anima, » et hoc dico substantialis, quae quidem non est substantia, nec accidens, sed médium, quod non est iuconveniens. Quamvis enim quoad Logicum, non tamen quoadMetaphysicum, et naturalem est mé- dium inter ea, ut vult Commentator in

396 OPUSCULE LIV.

comme le veut le Commentateur. Ainsi donc en considérant l'uni- versel en tant qu'universel, c'est-à-dire suivant qu'une nature quel- conque a une intention d'universalité, c'est-à-dire suivant que l'on considère l'animal ou l'homme comme étant un en plusieurs, les uni- versaux ne sont pas des substances , et c'est de cette manière que sur la fin du livre VII de la Métaphysique , Aristote attaque la doctrine que les universaux ne sont pas des substances , ainsi que les platoni- ciens ont prétendu que l'animal et l'homme étoient des substances dans leur quiddité. Car animal commun et homme commun ne sont pas des substances clans la nature des choses; mais la forme de l'ani- mal ou de l'homme a cette communauté suivant quelle est dans l'in- tellect, lequel reçoit une forme commune en plusieurs, en tant qu'il la retire de tous les agents d'individuation. On peut encore considérer d'une autre manière l'universel, c'est-à-dire la nature à qui l'intellect a donné un caractère d'universalité , et de cette sorte les universaux, comme le genre et l'espèce, signifient les substances des choses, et se disent in quid. En effet animal signifie la substance de ce dont il se dit? et l'homme également; et c'est ce que dit Aristote dans les Pré- dicaments , que le genre et l'espèce des substances premières sont des substances secondes. Il faut parler différemment des universaux des accidents, parce que ces universaux, soit pour le rapport qu'ils ont dans l'ame, soit pour celui qu'ils ont dans leurs inférieurs, ne sont pas des substances en tant que la substance est séparée de l'accident, mais ils sont substance , en tant que substance est pris pour essence dans ses inférieurs. C'est pourquoi comme les accidents universels sont essentiels à leurs inférieurs, ils peuvent pour cette raison être appelés substances. Mais l'universel est-il avant le singulier , à cela il

multis locis. Sic igitur considerando uni- versale in quantum universale est, scilicet secundum quod aliqua natura habet in- tentionein universalitatis, id est secundum quod consideratur animal vel homo , ut unum in multis, universalia non sunt sub- stantia?, et hoc modo reprobat Philosophus circa finem VII Metaph.. quod universalia non sunt substantiae, sicut platonici posue- runt animal et hominem in sua quidditate esse substantias. Nam animal commune et homo communis non sunt aliquae substan- tiae in rerum natura ; sed hanc communi- tatem habet forma animalis vel hominis secundum quod est in intellectu, qui unam formam accipit in multis communem, in quantum eam subtrahit ab omnibus indi- viduantibus. Alio modo potest considerari universale, scilicet ipsa natura cui intel- lectus rationem universalitatis attribuit,

et sic universalia, ut genus et species, sub- stantias rerum significant , et praedicatur in quid. Animal enim significat substan- tiam ejus de quo praedicatur, et similiter homo ; et hoc est quod dicit Philosophus in Praedic, quod genus et species prima- rum substantiarum sunt substantiae secun- dae. De universalibus autem accidentium accipienda est alia ratio, quoniam talia universalia, et quantum ad respectum quem habent in anima , et quantum ad respec- tum quem habent in suis inferioribus , sub- stantiae non sunt, prout substantia dividi- tur contra accideus , sed sunt substantia, prout substantia accipitur pro essentia in suis inferioribus. Unde, quod universalia accidentia sunt essentialia suis inferioribus, hoc modo possunt dici substantia? . Utrum autem universale sit prius quam singulare, dicendum quod universale esse prius, con-

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNI VERS AUX. 397

faut dire que l'Jtre universel antérieur arrive de deux manières , sa- voir : l'universel in essendo, et l'universel m cognosccndo. Si c'est in essendo , alors l'universel se prend pour l'espèce qui est dans l'âme abstraite des conditions matérielles qui sont hic et nunc , la forme et la figure. Il est donc ainsi évident que le_singulier duquel une sem- blable forme est abstraite se trouve antérieur, il faut donc comprendre de~cette façon ce qui est de l'aine. L'universel ou n'est rien ou est postérieur. On considère l'universel d'une autre manière, en tant qu'il est une forme réellement existante dans les choses , et cela de deux manières. En effet , ou il se rapporte à l'opération de la nature ou à l'intention. Si c'est de la première mànière,[ou nous parlons de l'uni- versel de l'espèce la plus spéciale, ou du supérieur qui lui est relatif. Si c'est dusûperieur, ou il est comparé ^ son propre singulier, qui est médiatement contenu en lui ; s'il est comparé au propre , suivant qu'animal est cornjparéà tel animal , clans ce cas tel animal est anté- rieur à anlmâTclansT op ération de la nature., parce que l'opération de la nature se termine a tel animal avaut animal, par la raison que toute opération appartient -aux singuliers; mais ensuite lorsque nous prenons tel animal, l'intellect attentif, avant que nous arrivions à la forme de l'homme, saisit la forme de l'universel dans tel individu, savoir l'animal. Mais ensuite avant que la nature opère à l'égard de la forme de l'homme, animal a précédé dans l'observation de l'intel- lect, et puis tel animal par l'opération de la nature, et par conséquent si nous formons alors l'universel supérieur à l'égard du singulier non propre , comme animal à l'égard de tel homme, de celte façon dans l'opération de la nature l'universel précède le singulier. On voit ainsi ce qu'il faut dire si nous parlons de l'universel supérieur. Mais si nous parlons de l'universel inférieur, comme de l'espèce la plus spé-

tingit dupliciter , scilicet universale in es- sendo, et universale in cognoscendo : si in essendo, tune universale accipitur pro spe- cie qute est in anima abstracta a conditio- nibus materialibus, quœ sunt hic et nunc, forma et figura. Et sic isto modo patet, quod prius est singulare, a quo abstrahitur talis forma, et sic est intelligendum quod dicitur de anima. Universale aut nihil est, aut pusterius est. Alio modo consideratur universale , prout est forma l'éaliter exis- tens in rébus, et hoc dupliciter. Aut enim refertur ail operationem nature vel ad in- tentionem, si primo modo, aut loquiinur de universali speciei specialissimaj , aut de superiori ad ipsam. Si de superiori , aut comparatur ad suum proprium singulare, quod médiate continetur ab ipso; si ad proprium, prout animal comparatur ad hoc animal , sic prius est in operatione nature

hoc animal quam animal , quia prius ter- minatur operatio naturae ad hoc animal, quam ad animal , eo quod omnis operatio est singularinm , sed ulterius cum habe- mus hoc animal intellectus considerans antequam deveniamus ad formam hominis, apprehendit formam universalis in hoc in- dividuo, scilicet animal. Sed ulterius aute- quam operetur natura ad formam homi- nis, pracessit animal per considerationem intellectus, et hoc animal per operationem naturae, et ideo si tune formamus univer- sale superius ad singulare non proprium, ut animal ad hune hominem, sic in ope- ratione nature universale pracedit singu- lare; et sic patet quid sit dicendum si lo- quamur de universali superiori. Si autem loquamur de universali înferiori, ut de specie specialissiina , sic quantum ad ope- rationem natura) singulare preecedit uni-

398 OPUSCULE LIV.

çiale, dans ce cas, relativement à l'opération de la nature, le singulier précède- l'universel, comme la nature engendre Sortes avant l'homme. D'un autre côté, si nous rapportons l' universel à l'intention de la na- ture , il faut encore distinguer , parce que ou nous parlons'-de l'uni- versel supérieur, comme du genre j^u de l'inférieur, comme de l'es- pèce la plus spéciale : si nous parlons de l'universel supérieur,^ comme de l'animal relativement à l'intention universelle de la nature, je dis dans ce cas que l'universel, savoir animal, et tel animal ne tiennent pas de la nature leur singulier propre , parce que s'il en étoit ainsi son opération cesserait d'abord dans l'animal, et n'arriveroit jamais à Sortes, et de cette manière rien n'arriveroit à une génération par- ;, faite. Si au contraire nous parlons de l'universel inférieur comme de l'espèce la plus spéciale , comme c'est que tend d'abord la nature particulière , il faut dire que par l'intention de la nature l'universel est antérieur au particulier, et c'est ce que dit Aristote dans le second livre de l'Ame Notre vertu se trouve dans tout, parfait et imparfait, de sorte que l'animal engendre l'animal, la plante engendre la plante, quoiqu'ils participent à l'être divin dans la mesure de ce qui leur est possible. »En effet, c'est le désir et le but de tout ce qui agit suivant la nature, laquelle a eu en vue par elle-même l'être divin, c'est-à-dire l'immortalité, comme il l'expose lui-même. Quant à l'opération de la nature le singulier est antérieur, dans ce sens que la nature pro- duit Sortes avant de produire l'homme, et on voit de la sorte ce qu'il faut dire de l'universel relativement à son être. Mais si nous parlons de l'universel relativement à sacognition, ou peut le considérer de deux manières, parce qu'il y a quelque chose qui est plus connu par rapport à nous, et d'autres choses qui sont plus connues simpliciter, ou par rapport à la nature, parce que la même chose est plus connue

versale, sicut natura prius générât Sortem quam hominem. Si autem referamus uni- versale quantum ad intentionem naturae, sic adhuc distinguendum est, quia aut le— quimur de universali superiuri , ut de gé- nère; aut de inferiori, ut de specie spe- cialissima ; si loquamur de universali su- periori, ut de animali quantum ad inten- tionem naturae universalem, sic dico quod universale, scilieet animal, et hoc animal singulare suum proprium non intenduntur a natura, quia si sic statim in ipso animali sua operatio cessaret, et nunquam perve- niretur usque ad Sortem, et sic nihil per- fecte generaretur. Si autem de universali inferiori, ut de specie specialissima loqui- mur, cum illud sit primo intentum a na- tura particulari, dicendum quod intentione naturae prius est universale quam partie u-

lare, et hoc est quod Philosophus dicit in II De anima : « Nostra virtus inest omnibus quae perfecta, et ut imper fecta, ut animal générât animal, et planta plantam, quam- vis ipsum esse divinum participent secun- dum quod possunt. » Omnia enim illud ap- petunt, et illius causa agunt , quaecumque agunt secundum naturam quae intendit per se esse divinum, id est sempiternum, sicut ipsemet exponit. Quantum ad operationem naturae sic singulare est prius, sicut na- tura prius générât Sortem quam hominem, et sic patet quid sit dicendum de univer- sali quantum ad esse suurn. Si autem lo- quamur de universali quantum ad cogni- tionem suam , hoc potest esse dupliciter, quia est aliquid notius quoad nos , et est aliquid notius simpliciter, sive quoad na- turam, quia idem est notius secundum na-

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 399

suivant la nature et simpliciter. Or les choses connues per se. sont plus connues simplwiter. Celles-là le sont plus per se qui ont plus de l'entité, car chaque chose devient l'objet de la cognition en tant qu'elle est être ; or les choses qui sont plus en acte sont êtres davan- tage : c'est pourquoi ces choses sont plus susceptibles d'être connues par la nature, non que la nature les connoisse davantage, mais parce qu'elles sont connues en elles-mêmes et suivant leur nature propre. Ainsi donc les natures les plus spéciales sont plus connues suivant la nature, comme existant par elles-mêmes, et ayant une cognition dis- tincte. Or ce qui est complet mtu est antérieur en nature et posté- rieur en temps : Les genres au contraire connus sont antérieurs par rapport à nous, et postérieurs par rapport à la nature, comme ayant une cognition confuse en puissance : mais ce qui est en puissance est antérieur en temps et postérieur en nature , comme sont les genres plus universels et en puissance , et plus confus, parce que les univer- saux contiennent en eux leurs inférieurs en puissance, et celui qui sait une chose en général la connoît d'une manière confuse. La connois- sance en devient plus claire, quand chacune des choses contenues en puissance dans l'universel vient à être à demi connue en acte. Par exemple , celui qui connoît l'animal ne connoît la rationalité qu'en puissance; car il arrive que l'on connoît plutôt l'animal que l'homme. Et c'est ainsi qu'il faut entendre ce qui est dit, livre Ier de la Physique, qu'une chose existe plutôt en puissance qu'en acte. En conséquence suivant le mode par lequel nous procédons de la puissance à l'acte et du plus commun au moins commun , il est antérieur par rapport à nous de connoître l'animal plutôt que l'homme ; c'est encore ainsi qu'il faut entendre, livre Ier de la Physique, que les universaux nous sont antérieurement connus par rapport à nous et moins connus à la

turam et simpliciter. Simpliciter autem nota sunt, quœ per se sunt nota. Sunt au- tem plus per se, quae plus habent de enti- tate , quia unumquodque cognoscibile est quantum est ens, magis autem entia sunt, qua? sunt magis in actu : unde ista sunt magis cognoscibilia a natura, non quod na- tura magis cognoscat ea, sed quia sunt nota secundum se et secundum naturam propriam. Sic igitur species speeialissimae sunt notiores secundum naturam, utpote per se existentes , et distinctam habentes cognitionem. Quod autem completum est actu, est prius natura et postenus tempore, gênera vero nota sunt priore quoad nos et posteriora quoad naturam, utpote habentia cognitionem confusam in potentia; quod autem est potenlia , est prius tempore , natura autem posterius , sicut sunt gênera

universaliora et in potentia, et magis con- fusa , quia universalia continet in se sua inferiora in potentia, et qui scit aliquid in universali, scit illud indistincte ; tune au- tem distinguitur ejus cognitio , quand o unumquodque eorum qua? continentur in universali in potentia , semi actu cognos- cunt. Verbi gratia, qui scit animal non scit rationale nisi in potentia. Prius autem con- tingit scire animal, quam hominem, et sic intelligendum est illud in I Phys. Aliquid prius est in potentia , quam in actu. Se- cundum hune igitur modum quo procedi- mus de potentia ad actum , et de magis communi ad minus commune , prius est quoad nos scire animal quam hominem, et sic intelligendum est , quando dicitur I Phys., quod universalia sunt nobis prius nota quoad nos, et minus nota naturœ;

400 OPUSCULE LIV.

nature : c'est tout le contraire pour les singuliers, parce que il n'y a point d'acception simple, mais bien secundum quid ; comme est l'espèce à l'égard du genre. Mais si l'on prend le singulier simple* citer comme il est pris, in I Posteriorum, il faudra dire que par rap- port à nous les singuliers sont plus connus suivant que la cognition sensitive précède en nous la cognition intellective qui appartient aux universaux : mais les universaux sont plus connus suivant la nature et en eux simpliciter , parce que la connoissance universelle est plus parfaite. Or les universaux sont intelligibles en acte , mais non les singuliers, étant matériels comme ils sont. Remarquez qu'il y a de la différence à dire animal en tant qu'animal, et animal en tant qu'u- niversel ; et de même homme en tant qu'homme, et homme en tant qu'espèce ; parce que l'animal^jj jlant qu'animal n'est qu'animal, et désigne une essence simple, qui n'est pas une par elle-même pas plus que multiple, n'existaut pas dans ce qui tombe sous les sens, ni dans

différence, pas plus que l'animalité un genre ou humanité une espèce, et de cette manière on ne peut rien dire de vrai d'elle si ce n'est qu'elle se convient en tant que telle : d'où il résulte que tout autre attribu- tion qui lui sera faite sera une attribution fausse , par exemple : ani- mal raisonnable convient à l'homme en tant qu'homme aussi bien que les autres choses qui tombent dans sa définition; tandis que blanc ou noir ou autre chose semblable qui n'appartient pas à l'humanité ne convient pas à l'homme en tant qu'homme. C'est pourquoi si l'on demande si cette nature ainsi considérée peut se dire une ou multiple,

singularia autem c converso, quia ibi non accipitur simpliciter , sed secundum quid, sicut est species respectu generis. Si autem accipiatur singulare simpliciter, sicut acci- pitur iu I Poster., sic dicendum quod quoad nos singularia sunt noliora secun- dum quod cognitio t-ensiliva in nobis pree- cedit intelleclivam, quœ est univeisalium; sed universalia sunt notiora secundum na- turam et secundum se simpliciter , quia cognitio universalis est pijrfectior. Univer- salia autem sunt intelligibilia in actu, non autem singularia, cum sint materialia. No- tanduin etiam , quod aliud est dicere ani- mal in quantum animal, et animal in quan- tum universale. Et similiter homo in quantum homo, et homo in quantum spe- cies, quia animal in quantum animal est animal Boium, et significat essentiam sim- plicem, quœ de se non est una, nec multa

nec existens in his sensibilibus, nec in ani- ma, nec aliquod horum potentia vel actu. Unde significat quamdam essentiam, quae nec est universalis , nec particularis ; et ideo dicit Avicenna quod rationalitas non est difïerentia, et similiter animalitas non est genus, nec humanitas species, et hoc modo nihil est verum de ea dici, nisi quod convenit sibi secundum quod hujusmodi ; unde quidquid aliorum sibi attributum fuerit, falsa erit attributio, verbi gratia : Homini ut homini convenit animal ratio- nale , et alia quae in difîinitione ejus ca- dunt. Album veto aut nigrum , aut quid- quid hujusmodi est, quod non est de ra- tione humanitatis, non convenit homini secundum quod homo est. Unde si quaera- tur, utrum ista natura sic considerata pos- sit dici una, vel plures, neutrum conce- dendum est; quia utrumque eorum est

PREMIER TRAITÉ SUR LES UNIVERSAIX. 401

il faudra répondre négativement pour l'une et l'autre chose, parce que chacune de ces choses se trouve en dehors de l'intellect de l'homme ou de l'humanité, et que l'une et l'autre peut arriver. Si en effet la pluralité étoit de son intellect, elle ne pourroit jamais être dite une , quoique cependant elle soit une en tant qu'elle se trouve dans Sortes. De même si l'unité étoit de son intellect, elle seroit alors la seule et même essence de Sortes et de Platon , et ne pourroit se vérifier dans plusieurs; et comme il ne convient pas à la nature suivant sa consi- dération absolue d'être dans l'ame ni dans les singuliers , il est faux de dire que }a nature de l'homme comme telle a l'être dans tel sin- gulier, parce que si l'être dans tel singulier convenoit à l'homme comme homme, comme homme il seroit hors de tel singulier. De même , si n'être pas dans tel singulier convenoit à l'homme en tant qu'homme, en tant qu'homme cela s'y trouveroit : mais il est vrai de dire, que l'homme en tant qu'homme n'a pas l'être en tel ou tel sin- gulier ou dans l'ame. Il est donc évident que la nature de l'homme, con- sidérée d'une manière absolue, abstrait de tout être quelconque, de telle sorte néanmoins qu'il n'y ait précision d'aucun, et de sorte aussi que, ne convenant pas à l'humanité dans sa considération absolue , elle se dise de Sortes ; c'est pourquoi le caractère d'espèce ne lui convient pas suivant la considération absolue , parce que l'unité et la commu- nauté sont de la nature de l'universalité. Or ni l'un ni l'autre ne con- vient à la nature humaine suivant sa considération absolue. En effet, si la communauté étoit de l'intellect de l'homme, on rencontreroit la communauté partout se trouveroit l'humanité , ce qui est faux , parce qu'on ne trouve nulle communauté dans Sortes, et tout ce qu'il y a en lui est individué , il faut donc qu'elle appartienne aux acci-

extra intellectum honrinis seu humanitatis, et utrumque potest sibi acciciere. Si enim pluralitas esset de intellectu ejus, nun- quam posset dici una , cum tamen una sit secundum quod est in Sorte. Similiter , si imitas esset de intellectu ejus , tune esset una et eadern Sortis et Platonis essentia , nec posset in pluribus verificari , et cum ipsi naturae secundum suam absolutam considerationem non conveniat esse in ani- ma, nec esse in singularibus, falsum est dicere, quod natnra hominis in quantum hujusmodi , habeat esse in hoc singulari , quia si esse in hoc singulari conveniret homini in quantum homo, in quantum homo esset extra hoc singulare. Similiter, si conveniret homini in quantum homo non esse in hoc singulari , in quantum ho- mo esset in eo ; sed verum est dicere quod homo in quantum homo non habet esse in

V.

hoc singulari, vel in illo aut in anima. Ergo patet quod natura hominis absolute considerata abstrahit a quolibet esse, ita tamen quod non fiât prsecisio alicujus eo- rum , et quia humanitati secundum suam absolutam considerationem non convenit, quod praedicetur de Sorte, ideo ratio spe- ciei non convenit sibi secundum suam ab- solutam considerationem , quia de ratione universalitatis est unitas et communitas. Naturse autem humanae secundum suam absolutam considerationem neutrum con- venit. Si enim communitas esset de intel- lectu hominis, tune in quoeumque inveni- retur humanitas, inveniretur communitas, quod falsum est , quia in Sorte nulla in- venitur communitas , sed quidquid in eo est, est individuatum ; et ideo oportet , quod sit de accidentibus quœ consequun- tur eam secundum esse quod habet in in-

26

402 opuscule liv.

dents qui l'accompagnent suivant l'être qu'elle a dans l'intellect , et par conséquent le nom d'espèce ne se dit pas de Sortes, de sorte qu'on dise, Sortes est une espèce , ce qui néanmoins arriveroit de toute né- cessité, si la nature d'espèce convenoit à l'homme suivant l'être qu'il a dans Sortes ou suivant sa considération absolue, c'est-à-dire en tant qu'il est homme. Car tout ce qui convient à l'homme en tant qu'homme convient et se dit de Sortes. Elle peut être considérée d'une autre manière suivant l'être qu'elle a dans tel ou tel, et ainsi il y a à son égard prédication per accidens , à raison de ce en quoi il est , comme on dit que l'homme est blanc, parce que Sortes est blanc, quoique cette qualité ne convienne pas à l'homme en tant qu'homme. De cette manière elle a un double être, l'un dans les singuliers et l'autre dans l'ame, et les accidents suivent cette nature selon l'un et l'autre être, comme dans les singuliers ils ont un être multiple suivant la diversité des singuliers. Suivant l'être qu'elle a dans les singuliers on ne peut pas dire que la nature de quelque genre ou espèce survienne à une nature, car il ne se rencontre pas dans les individus suivant l'unité quelque chose d'un convenable à tout, que demande la nature d'uni- versel. Il reste donc à dire que la nature du genre ou d'espèce sur- vient dans une nature suivant l'être qu'elle a dans l'intellect. Par exemple : la nature humaine a dans l'intellect un être abstrait de tous les agents d'individuation, c'est pourquoi elle a un caractère d'uni- formité vis-à-vis de tous les individus qui sont hors de l'ame , selon qu'elle est essentiellement une image universelle faisant çonnoUre tous les individus en tant qu'ils existent en elle, parce que son opéra- tion à l'égard de tout individu passé, présent et futur est une , et de quelque manière qu'il ait été d'abord placé dans l'intellect , il subira

tellectu, et ideo nomen speciei non prœdi- catur de Sorte, ut dicatur, Sortes est spe- cies, quod tamen de necessitate accideret, si ratio speciei conveniret homini secun- dum esse quod habet in Sorte, -vel secun- dum suam absolutam considerationem , scilicet in quantum est homp. Quidquid enim convenit homini, in quantum homo, prœdicatur de Sorte. Alio modo potest con- siderari secundum esse quod habet in hoc vel in illo, .et sic de ipso aliquid prœdica- tur per accidens rationé ejus in quo est , sicut dicitur quod homo est albus , quia Sortes est albus , quamvis hoc non conve- niat homini in quantum homo. Hoc au- tem modo duplex habet esse, unum in sin- gularibus, et aliud in anima , secundum utrumque esse consequuntur hanc naturam accidentia, et in singularibus habent mul- tiplex esset secundum singularium diversi-

tatem. Secundum autem hoc esse quod ha- bet in singularibus , non potest dici quod ratio alicujus generis vel speciei accidat alicui naturae, quia non invenitur in indi- \iduis secundum unitatem , ut sit unum quid omnibus conveniens, quod ratio uni- versalis exigit. Relinquitur ergo quod ra- tio generis vel speciei accidit alicui natu- rae secundum esse quod habet in intellec- tu. Vcrbi gratia : Ipsa natura humana iu intellectu habet esse abstractum ab omni- bus individuantibus, et ideo habet unifor- mem rationem ad omnia individua quœ sunt extra animam , prout est essentialiter similitudo omnium ducens in omnium co- gnitionem in quantum sunt in eo , quia ejus operatio ad omne individuum quod fuit, et est , et erit, est una, et qualiter- cumque primum positum fuerit in intel- lectu, hanc depurationem habebit, et aliud

PREMIER TRAITÉ SUR LES ILNIVERSÀUX. 403

cette dépuration et ne produira aucune augmentation. On voit donc par que ce n'est pas la même chose de dire un animal en tant qu'a- nimal, ou un homme de la même manière, ou un animal en tant qu'universel , car animal comme tout autre universel est seulement animal, c'est une forme intelligible suivant la forme que nous expri- mons, c'est une nature dont on peut dire que son être est antérieur à l'être naturel, comme le simple est antérieur au composé, et son être individuel n'est proprement dit être qu'autant que cet être d'où pro- vient l'animal, appartient à l'intention. Mais l'être avec les accidents, et l'être de tel individu , malgré la détermination de l'intention , est attribué à une nature particulière. Donc l'animal, entant qu'animal, n'est ni genre, ni espèce, ni individu, ni unité, ni multiplicité en tant que de soi , quoiqu'il accompagne nécessairement un être déterminé en eux. Néanmoins animal et homme peuvent être considérés en eux- mêmes , quoiqu'étant avec un autre différent d'eux-mêmes; mais animal en tant qu'universel, n'est pas seulement animal , mais il est animal, et une autre chose encore non animal : considéré en soi il est quelque chose de moyen entre animal et non animal; il sera alors animal en cela comme sa partie, et de même de l'homme. Donc l'uni- versel comme universel est quelque chose en quoi survient la plura- lité, et de plus quelque autre chose. Il est dès lors évident, d'après ce qui a été dit, de quelle manière le caractère de genre et d'espèce con- vient à une nature, c'est-à-dire qu'il ne lui convient pas suivant une considération absolue, et ne provient pas des accidents qui l'accom- pagnent suivant l'être qu'elle a hors de l'ame , comme la blancheur ou la noirceur , mais il appartient aux accidents qui l'accompagnent suivant l'être qu'elle a dans l'intellect, et de cette manière le caractère

superveniens non augebit. Sic igitur patet, quod aliud est dicere animal in quantum animal, et homo similiter, et aliud est di- cere, animal in quantum universale, nam animal et similiter quodhbet aliud univer- sale est animal solum, et est forma intelli- gibilis secundum formam quam dicimus, et est natura, de qua potest dici quod esse ejus est prius quam esse naturale , sicut simplex prius est composite, et ipsum ejus esse individuum proprie dicitur esse, quan- tum taie esse ex quo est animal, est de in- tentione. Ipsum vero esse cum accidenti- bus Bt ipsum esse hujus individui, quamvis determinata intentio attribuitur tamen na- ture particulari. Animal ergo in quantum est animal, nec est genus, nec species, nec individuum, nec unum, nec multa quan- tum de se est, licet concomitetur illud esse aliquod illorum de neeessitate. Possunt ta-

men animal et homo per se considerari, quamvis sit cum alio a se ; sed animal in quantum universale non est animal solum, sed est animal, et aliud non animal; con- sidérât iim in se est médium , quod cum fuerat animal, et aliud, quod non est ani- mal, tune erit animal in hoc tanquam pars ejus et homo similiter. Ergo universale ex hoc quod universale est quoddam oui acci- dit pluralitas , et est quoddam aliud. Ex prsedictis jam manifestum est, qualiter ra- tio generis et speciei conveniant alicui na- turae, quoniam non conveniunt ei secun- dum suam absolu tam considerationem , nec est de accidentibus quae sequuntur eam secundum esse, quod habet extra ani- mam , utpote albedo vel nigredo ; sed est de accidentibus quae sequuntur eam secun- dum esse quod habet in intellectu, et per hune modum convenit sibi ratio generis;'

404 OPUSCULE LV.

de genre , d'espèce , de différence et des autres intentions lui con- vient parfaitement.

Fin du cinquante-quatrième Opuscule t sur les universaux.

L'abbé fïiami

OPUSCULE LY.

Second traité sur les universaux.

Comme , suivant Aristote dans son livre I. Posteriorum , la science roule sur les choses sempiternelles et sur celles qui sont connues et qui ne peuvent être autrement , choses quisont des universaux , j'es- time en conséquence qu'il est utile d'en dire quelque chose à raison de l'universalité , afin que la nature de ce qui constitue l'être étant une fois connue, il soit plus facile de connoître les autres universaux dans ce qui les constitue. Je dis donc que Funiversel en tant qu'uni- versel comprend une première chose, de nature à être par soi en plu- sieurs , suivant la seconde intention. Mais j'appelle intention seconde ce que l'intellect conçoit secondairement de la chose , à raison de quoi il faut entendre que les choses étant matérielles et particulières en dehors de l'ame , et chaque chose étant intelligible en tant qu'elle

vel speciei, vel differentise et aliarum in- 1 Explicit Opusculum quinquagesimum tentionum. I quartum S. Thomœ de unwersalibus.

OPUSCULUM LV.

EJUSDEM DOCTORIS , TRACTATUS SECUKDUS DE UMVERSALIBUS.

Quoniam dicit Aristoteles I Posterio- î'wrwyScientia est senipiternorum , et eo- rum quee nota sunt, et quae impossibile est aliter se habere, haec autem sunt universa- lia : ideo utile esse existimo aliquid nar- i are de eis secundum quod universale est, ut cognita natura ejus secundum quod est, facilius etiam alia universalia secundum quod sunt cognoscantur. Dico ergo quod

universale secundum quod universale, comprehendit primam rem, quae de se nata est in pluribus esse secundum intentionem secundam. Sed intentionem secundam ap- pello illud quod intellectus secundo intelli- git de re, propter quod intelligendum est, quod cum res sint materiales, et particu- lares extra animam, et unumquodque sit intelligibile secundum quod est a materia

SECOND TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 405

peut être séparée de la matière , il est évident qu'on ne peut concevoir une chose selon qu'elle est dans une matière particulière , à moins de l'abstraire de toutes les conditions individuantes.lOn ne peut, en effet , concevoir une pierre sans l'abstraire , par l'intellect , de telle et telle chose. Mais comme l'intellect abstrait des sens l'objet de son intellection , la pierre doit être connue d'abord par la puissance ima- ginative ou fantastique , qui est plus active sous ce rapport que les autres puissancëssensitives. Or cela ne peut se faire que par le moyen de^qijdq^Jirnage ; il faut conséquemment pour cela que l'intellect conçoive la nature de la pierre., qu'il abstraie son espèce intelligible de son image , de sorte que la première intention qui vient de la plerrcTësl dans l'intellect l'espèce de la pierre , laquelle convient à la pierre eiTtânt que pierre, et le mot pierre a été imposé par cette pre- mière intention, pour signifier la nature de la pierre 5111 est hors de Famé, ce qui arrive par la raison que l'espèce de la pierre n'est pas ce qui est conçu , mais ce par quoi s'opère la conception , lorsque l'in- tellect conçoit la nature de la pierre. Comme l'espèce du corps , par laquelle s'opère la vision, se trouve dans l'œil, et c'est cette espèce par laquelle le terme a ou n'a pas de signification ; cela deviendra plus tard évident. 11 faut maintenant voir plus loin : puisque l'intellect conçoit la nature de la pierre par le moyen d'une espèce intelligible , parce qu'il ne lui répugne pas d'être dans plusieurs. En second lieu, il la conçoit en tant qu'elle est l'objet d'une participation multiple,, et il la conçoit ainsi diversement , suivant les différents modes de parti- cipation. Car, comme objet de participation de la part de plusieurs choses différentes d'espèce , il la conçoit sous l'intellect de genre , et sous l'intellect d'espèce , si ce sont des choses différentes de nombre.

separabile, manifestum est quod res secun- dutn quod est in materia particulari , in- telligi non potest, nisi abstrahatur ab om- nibus conditionibus individuantibus. Lapis enim non potest intelligi, nisi perintellec- tum abstrahatur ab hoc, et nune, et aliis hujusmodi : sed quia intellectus illud quod intelligit, abstrahit a sensu , oportet quod lapis prius cognoscatur a virtute imagina- tiva, sive phantastica, quee abstractior est reliquis virtutibus sensitivis. Hoc autem esse non potest, nisi mediante aliquo phantas- mate, kleo oportet ad hoc quod intellectus intelligat naturam lapidis, quod abstrahat suam speciem intelligibilem a suo phan- tasmate. Tta quod prima intentio quae de lapide est, in intellectu est species lapidis, qua; competit lapidi secundum quod lapis, et ab ista prima intentione hœc vox lapis, imposita est ad significandum naturam la-

pidis, quae est extra animam , et hoc acci- dit ex hoc, quod species lapidis non est id quod intelligitur, sed quo intelligitur, cum intellectus intelligit naturam lapidis : sicut species copporis in oculo est, qua vi- susvidet, et species illa est, qua vox ali- quid signilicat, et non significat, hoc alibi erit manifestum. Tune videndum est ulte- rius, cum intellectus intelligit naturam la- pidis mediante specie intelligibfli , quia sibi non répugnât esse in pluribus : se- cundo intelligit eam ut est participabilis a pluribus, et secundum diversum participa- tionis modum sic diversimode intelligit. Nam in quantum est participabilis a pluri- bus differentibus specie, intelligit eam sub intellectu generis, et si solum participabilis est a pluribus differentibus numéro, intel- ligit eam sub intellectu speciei. Hoc autem inferius plenius apparebit, et sic patet quod

406 OPUSCULE LV.

Tout cela s'éclaircira encore ; on voit donc par qu'il y a une diffé- rence d'intellect entre concevoir la pierre comme pierre , et la conce- voir comme objet de participation universelle ou particulière , et cet intellect est antérieurement ce qu'il est, parce que la puissance d'une chose et son aptitude ne sont pas de l'essence du terme , comme la puissance de l'ame n'est pas de l'essence de l'ame. C'est pourquoi l'ap- titude à être en plusieurs n'est pas de l'essence de l'homme , parce qu'alors l'homme qui est dans Sortes seroit apte à la participation de plusieurs , ce qui est impossible. Comme toute chose peut être abstraite de ce qui n'est pas de son essence , elle peut en conséquence être conçue sans l'intelligence de sa participation avec plusieurs. En effet , l'homme en tant qu'homme n'est ni universel , ni particulier ; car si l'homme comme homme étoit universel , il ne pourroit plus être particulier, et s'il étoit particulier, il ne seroit pas universel en tant qu'homme. De même que Sortes , qui est singulier en tant que Sortes , ne pourroit être universel. C'est donc un accident pour lui d'être ou singulier, ou universel. Mais vous devez savoir que l'homme n'est dit universel que parce qu'il est considéré, universellement. Or il arrive que cette considération est de l'homme, non en tant qu'il est extérieurement dans la matière , car sous ce rapport il y est indivi- duellement, et l'être universel n'est pas contingent à l'homme en tant qu'individu , car alors i' opposé surviendrait dans l'opposé , il ne, lui est contingent que suivant l'être qu'il a dans l'intellect. Donc l'u- niversel est un et multiple : multiple en tant qu'il se trouve dans plu- sieurs , autrement il ne pourroit se dire de plusieurs , comme homme en réalité est multiple , parce qu'il se dit de plusieurs ;, mais il est un dans la cognition , parce que quoique la pluralité , comme pluralité ,

alius intellectus est intelligere lapidem se- cundum quod lapis, et alius intellectus cum intelligit lapidem secundum quod partiei- patur universaliter , vel particulariter , et ille intellectus est prius quod est, quia po- tentia rei et habilitas rei non sunt de es- sentia tennini, sicut potentia animae non est de essentia animae. Unde habilitas es- sendi in pluribus non est de essentia homi- nis, quia tune homo qui est in Sorte, esset habilis ad participationem plurium , quod est impossibile. Et quia unumquodque po- test abstrahi ab eo quod non est de essen- tia ejus, ideo potest intelligi absque hoc quod intelligatur, quod sit participabilis a pluribus. Homo enim secundum quod ho- mo, nec est universalis, nec particularis , quia si homo secundum quod homo est universalis, jam non posset esse particula- ris, et si esset particularis, non esset univer- salis secundum quod homo : sicut Sortes

qui est singularis secundum quod Sortes, non posset esse universalis ; ergo accidit si- bi, quod sit singularis, vel universalis. Sed debes scire, quod homo non dicitur uni- versalis, nisi quia consideratur universali- ter. Haec autem consideratio accidit esse hominis, non secundum quod est in mate- ria extra; nam secundum quod est in mate- ria extra , est individualiter , et homini secundum quod est individuum, non acci- dit esse universale , quia tune oppositum accideret opposite , sed solum accidit ho- mini secundum esse quod habet in intel- lectu. Universale ergo est unum, et plura : plura in quantum in pluribus est,aliuquin non posset praedicari de pluribus , ut ho- mo in re est plura, quia de pluribus pnedi- catur. Est autem unum incognitione, quia licet plura secundum quod plura, non con- stituunt unum intellecturn , tamen plura secundum quod similia sunt , constituunt

SECOND TRAITÉ SUR LES UNIVERSA.UX. 407

ne constitue pas un intellect , néanmoins plusieurs choses en tant que semblables constituent un intellect, Je telle sorte que l'intellect ne peut se distinguer entre des choses semblables en tant que semblables. C'est pourquoi l'intellect saisit l'homme et l'ame en tant qu'ils s'ac- cordent dans une opération, c'est-à-dire qu'il les saisit dans un unique intellect sensitif , et quoique en réalité ils soient multiples, cette unité n'est pas opposée à la multiplicité.! Et comme une chose est être et une par même , et vice versa , il faut que l'universel soit universel par cette susdite unité , de manière que cette cognition de la nature fait que l'être universel est universel en acte , et c'est quelque chose de formel dans l'universel. \On voit parla que l'intellect produit l'uni- versalité dans les choses, comme dit le Commentateur, parce que cette universalité viènTde l'intellect; mais comme cette universalité lire son origine de la chose , Aristote dit que l'universel ou n'est rien ou est postérieur, parce que cette universalité n'est rien en réalité. On demande si l'universel est substance ou accident; cette question trouve sa solution en ce que en parlant de l'universel en tant qu'universel , il est seulement dans l'ame et est accident : mais en parlant d'une chose exprimée on dit qu'il est quelquefois substance et quelquefois accident suivant la diversité des universaux, et on voit de même par comment il faut entendre cette proposition : l'universel est ce qui peut se dire de plusieurs , car la seconde intention que renferme l'u- niversel ne se trouve dans l'ame que formellement. Or ce qui est dans l'ame ne se dit pas d'une chose hors de l'ame , puisqu'il faut que le prédicat se trouve dans le sujet. Mais l'universel peut se dire suivant la nature réelle qu'il renferme matériellement, de manière que lors- qu'on dit : l'universel se dit de plusieurs , le sens est que la chose

unum intellectum, ita quod intellectus non potest distingui intcr similia in quan- tum sunt similia : et ideo intellectus ap- prehendit hominem et asinum in quantum conveniunt in una operatione, scilicet sen- sitjvo unico intellectu apprehendit , et si in re sint multa, talis tamen uniias non apponitur illi multitudini : et quia res per idem est ens et unum, et econverso , oportet quod universale sit universale per prœdictam unitatem , ita quod naturœ ta- lis cognitio facit universale esse in actu universale , et est quoddam formale in universali. Ex quo patet quod intellectus facit universalitatem in reljus, sicut dicit Commentator, quia illa universalitas est ab intellectu : sed quia talis universalitas are sumitprinciDium, ideo dicit Aristoteles quod universaleciut nihil est, aul posterais est, quoniam talis universalitas in re nihil

est. Quœritur autem utrum universale sit substantia, vel accidens, et per hoc solvi- tur ista quaestio, quoniam loquendo de uni- versali secundum quod universale, est se— lum in anima, et est accidens : sed loquendo de re subjecta dicitur, quod quandoque est substantia, et quandoque accidens secun- dum diversitatem universalium, et simili- ter per hoc patet qualiter débet intelligi illud diclum. Universale est quod potest prœdicari de pluribus, nam secunda inten- tio quam universale includit formaliter so- lum est in anima. Illud autem quod est in anima non prœdicatur de re extra ani- mam, cum oporteat prœdicatum inesse subjecto /sed universale prœdicari potest secundum naturam realem, quam includit materialiter, ita quod quando dicitur : Universale prœdicatur de pluribus, sensus est, quod res subjecta universalitati praedi-

408 OPUSCULE LV.

soumise à l' universalité se dit de plusieurs, comme homme, âne. La chose est claire , parce que si homme ou âne se disoit de plusieurs , comme de Sortes ou Platon , selon l'universalité , alors Sortes seroit universel. 11 reste donc à dire qu'il n'y a que cette seule nature expri- mée qui se dise universellement. Car on a dit, quoique l'homme soit particulier dans une chose extérieure , cela arrive néanmoins suivant que l'homme pourra être considéré sans cette qualité de particulier, et de cette manière homme est dans plusieurs et se dit de plusieurs , non pas cependant homme numériquement un , mais un en espèce : car homme qui se dit de Sortes est le même que Sortes , et celui qui se dit de Platon est le même que Platon, puisque le prédicat se trouve dans le sujet, et qu'il est impossible qu'une chose numériquement se trouve dans plusieurs différentes numériquement, quoique homme ne se dise pas de Sortes suivant qu'il est particulier. La raison de cela, c'est que la prédication d'un terme dit la même chose que sa signifi- cation. Donc la prédication a la même valeur que la signification , parfois ce terme homme signifie la nature sans nulle participation et sans raison particulière. Donc il la désignera ainsi, mais il ne le fait pas de la sorte universellement , parce que, comme nous l'avons dit plus haut, l'intellect de l'homme en tant qu'homme est différent de son universalité. Mais il faut remarquer une chose , c'est que lors- qu'on parle delà prédication d'une chose soumise à la seconde inten- tion, il ne faut pas entendre que cette chose est soumise à l'intention de telle sorte qu'elle se trouve en elle comme l'accident dans le sujet, de même que le sujet de la science n'est pas dit sujet dans ce sens que la science est en lui comme dans un sujet , elle ne s'y trouve que comme dans l'objet. En effet la science ne se trouve pas dans ce qui est susceptible d'être su, mais dans celui qui sait, d'où à proprement

catur de pluribus, ut homo , vel asinus, quod patet, quia si homo, vel asinus pree- dicaretur de pluribus, ut de Sorte vel Pla- tone secundum quod universale, tune Sor- tes esset universale. Relinquitur ergo quod sola illa natura subjecta universaliter prae- dicetur. Nam dictum est, licet homo sit in re extra particularisa tarnen hoc accidit secundum quod homo poterit considerari absque hoc quod sit particularis, et sic homo est in pluribus, et praedicatur de pluribus, non tamen unus homo in numé- ro, sed unus in specie : nam homo qui prae- dicatur de Sorte , idem est quod Sortes : et qui prsedicatur de Platone, idem est

terminus idem preedicat quod significat, ergo qualiter significat , taliter praedicat. Modo iste terminus homo , significat natu- ram humanam absque omni participatione, et particulari ratione, ergo sic prasdicabit eam, non tamen preedicat sic eam univer- saliter, quia sicut dictum est supra, intel- lectus hominis secundum quod homo, alius est a sua universalitate. Sed unum est advertendum, quod cum dicitur res sub- jecta intentioni secundae praedicatur, non est intelligendum quod res illa ita sit sub- jecta intentioni, quod sit in ea tanquam accidens in subjecto , sicut subjectum scientiac non dicitur hoc modo subjectum,

quod Plato, cum praedicatum insit subjec- j ut scientia sit m eo tanquam in subjecto, to, et impossibile sit unam rem in numéro sed in eo est tanquam in objecto. Scientia esse in pluribus numéro differentibus, licet ; enim non est in scibili, sed in sciente, unde homo non praedicetur de Sorte secundum | proprie loquendo non dicitur subjectum, quod est particularis. Cujus ralio est, quia ' sed objectum scientiae, et similiter res sub-

SECOND TRAITÉ SUR LES UMVERSAUX. 409

parler on ne dit pas sujet mais objet de la science, et de même la chose soumise à cette intention n'est pas dite proprement subjecta mais objecta. On voit par que l'universel est un et n'est pas un. Il n'est pas un dans la substance, puisque il s'aggrège l'accident, c'est- à-dire la seconde intention, et la chose qui est hors de l'ame, laquelle est quelquefois accident, comme la blancheur, et quelquefois sub- stance, comme homme. Il n'est pas un par accident, ou accidentelle- ment, puisque l'accident est dans le sujet. L'universel est donc un de l'universalité de cognition, de sorte que pour la nature d'universel on ne requiert que cette unité rationnelle, et c'est pour cela qu'Aristote dit qu'il est un , c'est-à-dire connu en plusieurs. Or nous avons dit comment une chose est connue en plusieurs. C'est pourquoi on ne peut dire que l'universel est un par relation , puisque les intentions secondes ne se rapportent pas aux choses, mais plutôt à elles-mêmes réciproquement, comme l'espèce est dite espèce par rapport au genre et non par rapport à la nature objectée. Tout cela deviendra encore plus clair ; on voit par qu'il est impossible de déterminer une seule et même science de l'universel per se relativement à ces deux natures, qu'elle renferme , mais bien plutôt de uno per se et de alio per acci- dens. Donc la logique, en considérant l'universel , ne le considère pas relativement à la nature 'supposée per se, car elle ne considère pas l'homme en tant qu'homme, mais en ce qu'il est espèce , et ainsi des autres animaux , et par conséquent la logique appartient principale- ment aux secondes intentions. Mais comme les secondes intentions se tirent principalement des propriétés des choses par le moyen des pre- mières, comme on l'a vu, c'est pour cela qu'Avicenne dit dans le livre Ier de sa Métaphysique, que le logicien ne considère pas la chose supposée per se, ce qui vient de ce que la logique appartient aux se-

jecta illi intentioni non dicitur proprie subjecta, sed objecta. Ex hoc patet quo- niara universale est unum, et quoniam non est unum. Non enim est unum in substan- tia, cum aggreget in se accidens, scilicet intentionem secundam , et rem extra ani- mam, quœ quandoque est accidens ut al- bedo, quandoque substantia ut homo : nec est unum per accidens , sive acciden- taliter, cum accidens sit in subjecto. Est igitur universale unum unitate cognitionis, itaquod de ratione universalis non requiri- tur nisi illa unitas rationalis, et propter hoc dicit Aristoteles quod est unum in multis, scilicet cognitum. Qualiter unum cognitum sit in multis , dictum est. Unde non potest aliquis dicere, quod universale sit unum relatione, cum secundœ intentio- nes non referantur ad res, sed potius ad se invicem, ut species dicitur species respectu

generis, et non respectu naturœ objecta?. Hoc autem inferius melius apparebit, et ex hoc patet, quod impossibile est unam, et eamdem scientiam determinare de univer- sali per se , quantum ad illas duas naturas quas includit : sed potius de uno per se, et de alio per accidens; ergo Logica cum con-' siderat universale, non considérât ipsum quantum ad naturam subjectam per se, non enim considérât hominem in eo quod homo, sed in eo quod species, et sic de aliis animalibus, et ideo Logica pi incipaliter est de secundis intentionibus. Sed quia secun- dœ intentiones principaliter accipiuntur a proprietatibus rerum mediantibus primis, sicut visum est, ideo dicit Avicenna primo suse Metaph., quod logica est de secundis intentionibus adjunctis primis, et sic patet quod logicus non considérât rem subjec- tam per se. Alise autem scientire conside-

41 0 OPUSCULE LV.

condes intentions avec l'adjonction des premières. Les autres sciences au contraire considèrent l'universel relativement à la chose supposée, car le naturaliste ne considère pas le corps mobile en tant que genre, mais en tant que corps mobile, et la musique ne considère pas le son en tant qu'accident, mais comme tel. On voit par que ces sciences ne considèrent pas l'universel sous la première condition d'universel, puisque elles ne considèrent pas ce qui fait formellement l'universel, mais elles doivent considérer l'universel , parce qu'elles considèrent les choses, non comme particulières , mais comme singulières. Tous devez savoir que de même qu'une intention est genre et espèce sous divers rapports , de même aussi une intention est universelle et sin- gulière par rapport aux choses diverses. Car par cela qu'une inten- tion est universelle en tant qu'elle a une relation à plusieurs choses, comme l'intention de l'homme qui est dans l'ame, comme elle est comparée à plusieurs choses elle est par même universelle, et quoi- qu'il en soit ainsi, cette intention est néanmoins dans l'ame , elle est quelque chose de singulier qui vient de ce que chaque chose est reçue dans un autre suivant le mode de ce qui reçôTTètnôn pas le mode de la chose reçue. L'ame étant donc singulière, comme on le dira ailleurs, il faut que tout ce qui est reçu dans l'ame le soit d'une manière singulière et soit singulier par rapport à elle ; il ne s'ensuit pasneanmoins que cette intention ne soit pas intelligible, car la sin- gularité, par même qu'elle est singularité, n'empêche pas l'action de l'intellect, autrement les intelligences étant singulières ne pour- raient être conçues, ce qui est faux. Je ne veux pas que la singularité, par même qu'elle est singularité , soit intelligible , parce qu'alors Sortes seroit intelligible. Il lui arrive donc comme telle d'être de telle ou telle manière ; elle n'est donc opposée à l'action de l'intelligible

raiit universale quantum ad rem subjec- tam, nam Philosophus naturalis non con- sidérât corpus mobile inquantum genus, sed in quantum mobile corpus , et musica non considérât sonum in quantum accidens, sed in quantum sic. Ex quo patet quod hu- jusmodi scientiee non considérant univer- sale sub prima ratione universalis, cum non considèrent illud quod facit formaliter uni- versale, sed dicuntur considerare universale, quia considérant res, non ut particulares , sed ut singulares. Sed debes scire , sicut una intentio est genus et species diversis respectibus, ita una intentio est universalis etsingularis respectu diversorum. Nam ex hoc aliqua intentio est universalis, in quan-

et licet hoc sit, tamen hujusmodi intentio est in anima, et est quid singulare, quod est quia unnmquodque recipitur in alio se- cundum modum recipientis, et non per modum rei receptae. Cum ergo anima sit singularis, ut alibi declarabitur, oportet quod quicquid recipitur in anima, singula- riter recipiatur, et sit respectu ejus singu- lare, tamen propter hoc non sequitur, quod hujusmodi intentio non sit intelligi- bilis, nam singularitas ex hoc quod est singularitas, nonimpedit actionem intellec- tus, aliter intelligentise cum sint singula- res, non possent intelligi, quod falsum est : nec volo quod singularitas ex hoc quod sit singularitas, sit intelligibilis, quia tune

tum relationem habet ad multa, ut inten- Sortes esset intelligibilis, igitur accidit et tio hominis qua: est apud animam , quia in quantum hujusmodi, quod sit sic, vel comparatur ad multa, ideo est universalis, ' sic, ergo non opponitur actioni intelligihi-

SECOND TRAITÉ SUR LES UMVERSAUX. 411

que lorsqu'elle est avec la matière : mais dégagée de la matière elle sera intelligible. Or maintenant l'intention qui est dans l'ame est immatérielle , et il faut qu'elle y soit suivant son mode , comme il a été dit plus haut. Et quoique l'ame conçoive les choses matérielles d'une manière immatérielle, elle comprend néanmoins matériellement qu'elles sont, parce qu'autrement elle ne concevroit pas leurs natures matérielles; ceci deviendra plus clair ailleurs. On voit par com- ment il faut entendre cette parole de Boëce : Tout ce qui existe, existe parce que c'est un numériquement, ce qui est évident dans les choses particulières ; mais dans les choses universelles quelques-uns l'ont nié, d'autres ont dit que l'universel étoit numériquement un par la numérosité de l'essence, or ceci est faux; car l'unité de l'essence n'est pas requise pour l'unité de l'universel, parce que le genre ne dit pas une seule essence, mais plusieurs, comme on le verra en consé- quence : mais on dit que l'universel est un numériquement, parce que cette intention qui-est dans l'ame et qui fait que l'universel est uni- versel , comme nous l'avons dit, est numériquement une par rapport à l'ame. Or il ne faut pas négliger de rechercher si toute chose sou- mise à l'universalité est nécessairement ou non hors de l'ame. Pour comprendre cela il faut savoir qu'Avicenne dit dans le cinquième livre de sa Métaphysique , qu'il y a trois sortes d'universel ^premiè- rement on appelle une chose universelle selon qu'elle se dit de plusieurs en acte , de façon qu'elle se trouve en plusieurs , comme homme. Secondement, on appelle universel ce qu'il est possible d'at- tribuer à plusieurs, mais non en acte, et qui ne se trouve pas eu plusieurs, ni_en quelque sorte hors de l'ame, comme une maison octangulaire, laquelle n'existe que dans l'esprit de l'architecte. Troi- sièmement on appelle universel ce qui n'est pas en plusieurs , mais

lis, nisi cum sit cum materia : sed cum denudatur a materia , erit intelligibilis. Nunc autem intentio quae est in anima, immaterialis est, et oportet quod sit in ea per modum ejus, ut supradictum est. Et licet anima intelligat res materiales im- materialiter, tamen intelligit eas esse ma- terialiter, quia eas non intelligeret naturas earum materialiter, hoc alibi magis appa- rebit. Et per hoc patet quomodo débet in- telligi illud verbum Hoetii , quo dicitur. Omne quod est, ideo est, quia unum nu- méro est, quod planum est in particulari- bus : sed in universalibus aliqui negave- runt, et aliqui dixerunt, quod universale esset unum numéro numerositate essen- tiee, hoc autem falsum est. Nam non re- quiritur ad unitatem universalis unitas es- sentise., quoniam genus nondicit essentiam unam , sed plures , sicut patebit conse-

quenter : sed ideo dicitur universale unum numéro, quia intentio illa quœ est in ani- ma, quae facit universale esse universale, sicut dictum est , respectu animae est una in numéro. Non est autem praetermitten- dum investigare, utrum quamlibet rera subjectam universalitati oporteat esse extra animam, vel non. Ad quœ intelligendum sciendum est, quod Avicenna, V Metaph. suae dicit, quod tribus modis dicitur uni- versale. Uno modo dicitur universale se- cundum quod praedicatur de multis in actu, ita quod in multis reperitur, ut homo. Alio modo dicitur universale, quod possibile est prœdicari de multis, non tamen praedicatur in actu, nec est in multis, nec aliquo mo- do extra animam, ut domus octangula, quae solum est in mente artificis. Tertio modo dicitur universale , quod non est in pluribus, sed in uno iudividuo est , tamen

3

412 OPUSCULE LV.

bien dans un seul individu , sans répugnance néanmoins à être en plusieurs, comme le soleil, la lune et autres choses semblables. Pour comprendre cela, il faut savoir que certaines choses tiennent l'être de la nature et d'autres de l'art, comme les choses artificielles. Mais nous ne pouvons connoître les choses naturelles si elles ne préexistent pas, par la raison que notre science est produite par elles et leur est pos- térieure, parce que notre intellect ne les conçoit que par le moyen de leurs images. Or l'image d'une chose lui est postérieure, et pour qu^il y ait un effet, il faut que la cause persiste. D'où il résulte que , les choses étant détruites, la science elle-même est détruite aussi, et il ne sert de rien de dire que les images sont restées dans l'aine. Car la science ne s'occupe pas de ces images, mais bien des choses dont elles sont les images. Et sur cela, je dis que si la science consiste dans les images des choses, il s'ensuit encore que, les choses étant détruites, la science est détruite aussi , par la raison que la science est fondée sur le vrai. Or l'image est appelée vraie, parce qu'elle représente vrai- ment la chose dont elle est l'image; comme elle est maintenant l'image des choses existantes dont la nature est d'être hors.de l'ame , elle les représente comme existant , autrement ce ne seroit pas une image vraie, on comprend qu'alors la chose soit détruite hors de l'ame, s'il y avoit persistance des mêmes images qui représentoient d'abord les choses telles qu'elles étoient, et c'est une représentation fausse, puisqu'elle représente comme existantes des choses qui n'existent pas. Et si l'on dit que ces images ne sont pas les mêmes qu'auparavant, ou qu'elles ne représentent pas les choses comme auparavant, il s'en- suit alors que la science n'est pas la même qu'auparavant , et il en résulte de la sorte que, les choses étant détruites, la science, celle de ces choses est également détruite. C'est ce que donne à entendre

sibi non répugnât esse in pluribus, ut sol, et luna, et similia. Ad quorum intelligen- tiam est sciendum, quod quœdam res ha- bent esse a natura, et quemdam ab arte, ut artificialia. Sed de rébus naturalibus co- gnitionem habere non possumus nisi pré- existant, quod est quia nostra scientia cau- sata esf ab ipsis, et posterior est ipsi , quia noster intellectus non intelligit eas, nisi per similitudines earum. Similitudo au- tem rei posterior est ipsa re, et ad hoc quod sit effectus, oportet qnod prœexistat causa. Ex quo sequitur, quod destructis ré- bus, destruitur scientia, et non valet di- cere quod similitudines remanserunt apud animarn. Nam de similitudinibus illis non est scientia, sed rébus, quantum sunt illae similitudines. Et ad hoc dico, quod si scien- tia sit de similitudinibus rerum, sequitur etiam quod destructis rébus destruatur

scientia, cujus ratio est , quia scientia est verorum, nunc autem similitudo dicitur vera, quia vere repraesentat rem cujus est similitudo, sicuti est modo similitudo re- rum existentium, de quarum ratione est extra animam esse, représentât eas ut existentes, alioquin non esset similitudo vera, tune componitur quod res extra ani- mam destruatur, si eœdem similitudines remanerent quae prius repraesentabat res sicut prius, et hsec est falsa reprœsentatio, cum repraesentat res existentes, quae non existunt. Et si tu dicas, quod non réma- nent eœdem similitudines sicut prius, vel non eodem modo représentant sicut prius, tune sequitur quod non remanet eadem scientia quee prius, et sic sequitur quod destruatur scientia destructis rébus, scilicet scientia illarum rerum. Et hoc est quod innuit Aristoteles in libro prœdicabilium,

SECOND TRAITÉ SLR LES UNIVERSAUX. 413

Aristote dans son livre des Prédicables il dit , que les premières substances étant détruites, il est impossible qu'il reste quelque chose des autres, c'est-à-dire des universaux, ou des secondes substances. Or les universaux sont les sujets des sciences, et les sujets des sciences étant détruits, elles sont elles-mêmes détruites. Donc, etc. Mais il n'en est pas ainsi des choses artificielles , car leur destruction n'entraîne pas nécessairement la destruction de leur science. La raison de cela c'est que l'espèce d'une chose artificielle qui est dans l'ame est le principe de la chose artificielle hors de l'ame, de sorte que la science d_e l'artiste est la cause des choses artificielles. Or la destruction de l'effet ne nécessite pas celle de la cause ; c'est pourquoi l'artiste pou- voit avoir la connoissance de la chose artificielle sans qu'elle fût effec- tuée, parce que quand on connoît la cause, on connoît l'effet; il pourra avoir dans l'esprit l'image d'une maison ayant tant d'angles, parce qu'elle peut se trouver en plusieurs, quoiqu'elle ne se trouve dans rien de ce que connoît l'architecte/ C'est la solution de la question propo- sée, qu'il n'est pas nécessaire que toutes les choses soumises aux se- condes intentions existent hors de l'ame. Car bien que ce soit requis dans les choses naturelles, ce n'est pas nécessaire dans les artificielles, et en général clans toutes les choses de l'intelligence les secondes in- tentions ne peuvent pas être soumises à d'autres secondes intentions, comme le syllogisme est genre ou l'espèce est accident , l'accident est genre selon qu'il est diversement comparé , car l'espèce , quoiqu'elle soit l'espèce du genre , est cependant accident par rapport à l'ame. Il en est de même des autres secondes intentions. Néanmoins elles n'ont l'être que dans l'ame , comme le prouve évidemment ce qui précède. On voit par comment la logique est une science incertaine , parce

ubi dicit quod destructis primis substan- tiis, impossibile est aliquod aliorum rema- nere, scilicet universalium , vel secunda- rum substantiarum. Cniversalia autem sunt subjecta scientiarum, et destructis subjec- tis scientiarum destruuntur et ipsee. Igitur, etc. Sed de rébus artificialibus non est ita, nam destructis ipsis, non oportet scientiara earum destrui. Quod est , quia species rei artificialis quse est apud animam, est prin- cipium rei artificialis extra animam , ita quod scientia artificis est causa rerum arti- ficialiura : destructo autem causato, non oportet causam destrui : ideo poteratarti- fex habere cognitionem rei artificialis abs- que hoc, quod res artificialis sit in effectu, quia cognita causa cognoscitur effectus, po- terit autem apud se habere similitudinem donms habentis tôt angulos, quia potest reperiri in pluribus, et si in nullo repetia-

tur, de qua artifex habebit scientiam. Ex quo patet solutio quœstioiùs propositae , quod non oportet omnes res quae sunt sub- jectœ secundis intentionibus , esse extra animam. Nam licet in rébus naturalibus exigantur, in artificialibus tamen non oportet, et generaliter in omnibus rébus quse sunt ab intellectu non possunt esse se- cundse intentiones subjectae aliis secundis intentiombus, sicut syllogismus est genus, vel species est accidens, accidens est ge- nus, hoc est secundum quod diversimode comparatur : nam species licet sit species generis, tamen respectu animae accidens est. Et similiter de aliis intentionibus se- cundis. Et tamen solum habent esse in anima, sicut ex praecedentibus manifestum est. Et ex hoc patet qualiter incertitudina- liter logica est scientia, quia ipsa inter omnes alias scientias incertior est, quod

414 OPUSCULE LV.

qu'elle est plus incertaine que les autres, par la raison que la certitude de la science dépend de la certitude du sujet. La Métaphysique est dite très-certaine, parce qu'elle a un sujet très-certain, comme l'être en tant qu'être et ses premiers principes très-certains sont connus. Mais entre tous les sujets des sciences le plus foible et le plus incer- tain, c'est le sujet de la logique , parce que chaque chose a une dose de vérité et de certitude en raison directe de son entité , comme dit Aristote au livre II de la Métaphysique , et maintenant les intentions secondes n'ont l'être que dans l'ame, d'où il résulte qu'elles ont l'être le plus foible. Car parmi tous les genres d'êtres, ceux qui sont dans l'ame participent moins à l'entité , comme on le voit dans plusieurs passages d'Asistote, et on l'établira ailleurs; donc ils participent moins à la vérité : et comme leur certitude est la vérité , on ne peut en avoir une pleine connoissance que par les premières intentions. Car on n'aurait jamais connu l'intention de l'homme qui est l'espèce sans connoître que l'homme en tant qu'intellect étoit participable de plu- sieurs d'une différence seulement numérique d'où l'ame tire cette in- tention qui est l'espèce, par conséquent i\ est impossible de connoître la logique sans être savant et expert dans les autres sciences, et spé- cialement dans la Métaphysique qui en tout être comme tel produit une démonstration à laquelle n'arrive pas le logicien , comme logi- cien. Mais néanmoins comme ces secondes intentions sont communes dans tous les êtres, la logique est pour cette raison commune à toutes les sciences et peut argumenter en toute science, car les secondes in- tentions conduisent à la connoissance des premières en tant que fon- dées sur elles , de sorte que par l'intention qui est l'espèce , elles peuvent connoître l'homme non en tant qu'homme, mais en tant qu'il

est, quia certitude) scientiœ dependet a certitudine subjecti : Dicitur enim meta- physica certissima, eo quod habet subjec- tum certissimum , ut ens in quantum ens, et prima principia certissima etiam nota sunt : sed inter omnia subjecta scientia- rum debilissimum et incertissimum est subjectum logicae, quia unumquodque quantum habet de entitate, tantum habet de veritate, et certitudine, ut dicit Aristo- teles. II Metaphysicœ, nunc autem secun- do intentiones solum habent esse in ani- ma, ex quo sequitur, quod habent debilis- simum esse. Nam inter omnia gênera en- tium, entia qu* sunt in anima minus par- ticipant de entitate, ut patet in multis locis ah Aristotele, et alibi declarabitur, ergo minus participant de veritate, et quia eo- rum certitudo est veritas, ad plénum sciri non piitest, nia per primas intentiones : nam nunquam cognita fuisset hominis in-

tentio quae est species, nisi cognito , quod homo secundum quod intellectus participa- bilis erat a pluribus differentibus solum numéro , a quo accipit anima hanc inten- tionem quœ est species, ideo impossibile est logicam scire, nisi fuerit sciens , et exper- tus in aliis scientiis, et specialiter in Metaphys.j quae in quolibet ente in quan- tum hujusmodi facit demonstrationem ad quam logicus in quantum hujusmodi de- monstrationem non attingit. Verumtamen quia hujusmodi secundœ intentiones com- munes sunt in omnibus entibus : ideo lo- gica est communis omnibus scientiis, et potest arguere in qualibet scientia : nam secundae intentiones ducunt in cognitio- nem primarum, in quantum fundataesunt in eis , ita quod per istam intentionem quae est species, possunt cognoscere homi- nem non m quantum homo, sed in quan- tum de pluribus differentibus numéro pree-

SECOND TRAITÉ SUR LES UNIVERSAUX. 415

se (lit de plusieurs choses numériquement différentes, et de même les autres espèces des autres sciences par le moyen des autres intentions. Mais comme ces secondes intentions sont appliquées aux choses ab extrinseco , parce qu'elles viennent de l'ame et surviennent dans les choses , ce n'est conséquemment que par elles que l'on peut argu- menter d'une manière probable. Car ainsi qu'on le verra dans les To- piques, argumenter d'une manière probable c'est faire connoître une chose par les accidents et par les propriétés communes. On voit par que comme les accidents contribuent beaucoup à faire connoître quod quid est , et les accidents propres dont le logicien fait connoître la propriété, ainsi qu'on le verra dans le chapitre propre, la logique devroit conséquemment être ramenée aux autres sciences, et il est évident que la logique fait connoître tous les êtres en commun d'une manière probable ; or notre connoissance commence aux choses les plus communes pour arriver aux moins communes , comme dit Aris- tote, livre Ier de la Physique, et nous arrivons ultérieurement à l'es- sence de la chose par la connoissance des accidents, laquelle connois- sance a son principe dans le sens dont les accidents sont l'objet. C'est pourquoi il faut étudier la logique avant toutes les autres sciences, afin que dans les autres sciences on procède d'elle comme d'une con- noissance préexistante.

Fin du cinquante-cinquième Opuscule, ou du second Traite' sur les universaux.

L'abbé VÉDRINE.

dicatur, et sic per alias intentiones alias species aliarum scientiarum. Sed quia hu- jusmodi secundee intentiones applicantur rébus ab extrinseco, quia a"b anima, et ac- cidunt rébus, et ideo per eas solum potest arguere probabiliter. Nam sicut patebit in TopiciSj arguere probabiliter est notificare rem per accidentalia , et per proprietate^- communes. Ex quo patet quod quia acci- dentia magnam partem conférant ad co- gnoscenduin quod quid est , et accidentia propria, ut propria notïficat logicus, ut pa- tebit capitulo de proprio, ideo logica esset ad alias scientias adducenda, et hoc mani-

festum est, quod logica notum f'aciat de omnibus entibus in communi probabiliter, nostra autem cognitio incipit a communio- ribus devenire ad minus communia, ut di- cit Aristoteles, I Physic, quod deveniemus essentiam rei per cognitionem acciden- tium, quœ incipit a sensu, cujus accidentia sunt objectum. Ideo logica débet addisci prius omnibus aliis scientiis, ut ex ipsa tanquam ex prœexist'ente cognitione in aliis scientiis procedatur.

Explicit Opusculum quinquagesimum quintum , videlicet tractalus secundus de universalibus.

416

OPUSCULE LVi.

OPUSCULE LVI.

DU MÊME DOCTEUR SAINT THOMAS, OFFICE DE LA FÊTE DU CORPS DE

Jésus -Christ, composé sur l'ordre du pape Urrain IV, qui a

ÉTABLI CETTE FÊTE.

On lit ce qui suit clans la chronique qui porte le nom de supplément des chroniques.

Urbain IV, ayant été élevé au souverain Pontificat, institua la so- lennité tlu corps de Jésus-Christ, ainsi que les processions et les oc- taves, avec obligation pour les fidèles de les célébrer, et il accorda à ces fins de nombreuses indulgences ; il confia à saint Thomas le soin d'en composer l'office au moyen des figures tirées de l'ancien Testa- ment. On lit la même chose dans la légende du saint et dans plusieurs autres chroniques, telle que celle de Ptolémée de Luque, du bienheu- reux Antonin, archevêque de Florence, etc.. C'est aussi ce qui fut prouvé dans le consistoire apostolique, en présence du pape Urbain V, lorsqu'on agitoit la question de la translation du corps du même doc- teur saint Thomas, et qui se tint en l'année 1379. Son saint corps fut alors transporté dans le couvent que les frères-prêcheurs possédoient à Toulouse. Il avoit reposé depuis sa bienheureuse mort jusqu'à ce jour dans le monastère de Fosse-Neuve. Et comme il composa cet office sur les instances du Pontife de Rome , il le composa d'après les règles de la cour de Rome.

OPUSCULÏJM LVI.

Ejusdem doctoris, officium de festo corporis Chris»i , ad mandatum Urbani pape IVf

DICTUM FESTUM INST1TUENTIS.

Ex Chronica qua appellalur supplementum chronicarum.

Urbanus Papa IV, pontificatu suscepto, in- stituit solemnitatem corporis Christ! cum processionibus, et octavis a cunctis fidelibus celebrari, pro quibus indulgentias maximas concessit, ejusque officium ex veteris tes- tamenti figuris per divum Thomam Aqui- natem censuitesse fiendum. Hoc idem ha- betur in ejusdem beati Thomae legenda et in pluribus aliis chronicis, videlicet, Ptolo- maei Lucensis, beati Antouini, Archiepiscopi

Florentini, et abbi. Hoc etiam probatum fuit in Apostolico Consistorio, in pra?sentia domini Papse Urbani V , dum de transla- tione corporis ejusdem doctoiïs S. thomae tractaretur quod fuit anno Domini 1379. Et tune ejus corpus sanctissimum ad conven- tum Tholosanum ordinis prœdicatorum translatum fuit. Nam ab ejus obitu felici usque ad illud tempus, in monasterio Fos- sse novae sub deposito jacuerat. Et quia ad instantiam romani Pontificis illud ofiicium dictavit, ideo secundum morem romanae curiaî ipsum composuit.

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. *

417

FETE DU CORPS DE NOTRE SEIGNEUR JESUS-CHRIST.

PREMIÈRES VÊPRES.

1" Antienne. Prêtre éternel selon l'ordre de Melchisédech, le Sei- gneur Jésus-Christ offrit le pain et le vin. Psaume. Le Seigneur a dit à mon Seigneur. 2e Antienne. Le Seigneur miséricordieux et clé- ment, en souvenir de ses merveilles, a donné la nourriture nécessaire à ceux qui le craignent. Psaume : Je vous louerai Seigneur, etc. 3e Antienne. Je prendrai le calice du salut, et j'invoquerai le nom du Seigneur. Psaume : J'ai cru, etc. 4e Antienne. Que les enfants soient autour de la table du Seigneur comme les jeunes plants d' oliviers de l'Eglise. Psaume. Bienheureux tous ceux, etc. 5e Antienne. Le Seigneur nous rassasie du plus pur froment, lui qui a établi la paix dans l'Eglise entière. Psaume. Jérusalem loue le Seigneur.

Capitule.

Le Seigneur Jésus - Christ pendant la nuit on le livroit à ses ennemis, prit le pain, et rendant grâce, il le rompit et dit : Prenez, et mangez. « Ceci est mon corps , qui sera livré pour vous. » à), que Dieu en soit béni.

à). Un homme fit un grand festin, et il envoya son serviteur à l'heure du repas dire à ceux qui étoient invités, de venir, parce que tout étoit prêt. f. Venez et mangez mon pain ; et buvez mon vin que je vous ai préparé. Parce que, etc.. Gloire soit, etc. Parce que, etc..

I\ FESTO CORPORIS CHRIST!.

AD PRIMAS VESPERAS.

Antiphona. Sacerdosin aeternum Christus Dominus secundum ordinem Melchisédech, panem et vinum obtulit. Psal. Dixit Do- minus. Antiph. Miserator et misericors Dominus escam dédit timentibus se inme- moriam suorum mirabilium. Psalm. Con- fitebor. Antiph. Calicem salutaris accipiam, et sacrificabo hostiam laudis. Psal. Credidi. Antiph. Sicut novellse olivarum ecclesise fllii sint in circuitu mensae Domini. Psalm. Beati omnes. Antiph. Qui oacem ponit fines Ecclesiœ, frumenti adipe satiat nos Domi- nus. Psal. Lauda Hierusalem.

CapiCulum.

Dominus Jésus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit. Accipite et manducate. « Hoc est cor- pus meum, quod pro vobis tradetur. » ^. Deo gratias.

i$. Homo quidam fecit cœnam magnam, et misit servum suum hora cœnae dicere invitatis, ut venirent : Quia parata sunt omnia. y. Venite, comedite panem meum, et bibite vinum meum, quod miscui vobis. Quia. Gloria.

V.

27

418

OPUSCULE LVI.

Hymne.

Publie, ô ma langue, le mystère du corps glorieux et du sang pré- cieux, que le roi des nations fruit d'un sein généreux a répandu pour racheter le monde ! Il nous a été donné , il flous est d'une Vierge très-pure. Répandant la semence de la parole il a conversé avec les hommes, et il a terminé d'une manière merveilleuse son séjour ici-bas. Assis au milieu de ses disciples pendant cette nuit de la cène suprême, ayant observé la loi dans toute sa plénitude pour les mets quelle prescrit, il se donne de ses propres mains comme aliment à la foule des douzes Apôtres. Le Verbe fait chair change par sa parole un pain véritable en sa propre chair, et le vin en son sang précieux; bien que les sens soient impuissants à le voir, la foi seule suffit, pour affermir le cœur sincère. Incliné profondément , adorons donc un si grand sacrement , et que l'enseignement ancien fasse place au culte nouveau ; que la foi supplée à l'insuffisance des sens. Au Père et au Fils, louange et jubilation, salut, honneur, puissance et bénédiction; louange pareillement à celui qui procède de l'un et de l'autre. Amen. f. Vous leur avez donné, Seigneur, un pain céleste, fi. Qui a en lui toute espèce de charmes. Magnificat. Antienne. Oh! qu'il est doux, Sei- gneur, votre esprit, qui, pour que vous fissiez connoître à vos enfants l'étendue de votre douceur, rassasierez les bons qui ont faim d'un pain délicieux descendu du ciel et enverrez sans satisfaire leur appétit les riches fastidieux.

Oraison.

Dieu qui nous avez laissé dans ce sacrement admirable le souvenir de votre passion, faites, nous vous en supplions, que nous ayons pour les saints mystères de votre corps et de votre sang un respect tel que

Hymnus.

Pange linguagloriosicorporis mysterium, Sanguinisque pretiosi, quem in mundi pre- tium : Fructus ventris generosi rex effudit gentium. Nobis datus, nobis natus ex in- tacta Virgine, et in mundo conversatus sparso verbi semine, sui moras incolatus miro clausit ordine. In supremae nocte cœ- nae recumbens cum fratribus, Observata lege plene cibis in legalibus, Cibum turbae duodenœ se dat suis mauibus. Verbum caro pauem verum, verbo carnem efticit : Fit- que sanguis Ghristi merum, et si sensus dé- ficit, ad firmamdum cor sincerum sola si- des sufficit. Tantum ergo sacramentum veneremur cernui , et antiquum documen-

tum novo cedat ritui, praestet fides supple- mentum sensuum defectui. Genitori, geni- toque laus et jubilatio, salus honor, virtus quoque sit et benedictio, procedenti ab utroque compar sit laudatio. Amen. y. Pa- neni de cœlo prsestitisti eis. $. Omne de- lectamentum in se habentem. Ad Magnifi- cat. Antiph. O quam suavis est , Domine , spiritus tuus, qui ut dulcedinem tuam in filios demonstrares, pane suavissimo de cœlo prsestito esurientes replens bonis, fas- tidiosos divites dimittes inanes.

Oralin.

Deus qui nobis sub sacramento mirabili passionis tuse memoriam reliquisti, tribue quœsumus, ita nos corporis et sanguinis

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. 419

nous jouissions intérieurement et continuellement des fruits de votre rédemption. Yous qui vivez, etc. A complies, etc. Antienne, ayez pitié, etc. Psaume. Lorsque j'invoquois, etc. Faites, Seigneur, que je quitte, etc. Antienne. Louez Dieu , louez Dieu. Le pain que je vous donnerai, Louez Dieu. Ma chair est pour la vie du monde. Louez Dieu, louez Dieu.

A Matines. Invitatoire. Adorons le Christ roi qui domine les nations et qui engraisse l'esprit de ceux auxquels il se donne en aliment. Psaume, venez, etc.

Hymne.

Que la joie accompagne ces solennités saintes, et que les cœurs fassent retentir les cris d'allégresse ; que tout ce qui étoit ancien disparoisse; que tout soit nouveau, les cœurs, le langage et les œuvres. Cette fête rappelle la cène suprême accomplie en cette nuit la foi nous enseigne que Jésus-Christ donna à ses frères l'agneau Pascal et le pain azime conformément aux lois sous lesquelles vivoient les anciens Pères. Après l'agneau typique , le festin étant achevé , les disciples ayant reçu le corps du Seigneur , nous confessons qu'il se donna de ses propres mains tout entier à tous , comme il se donna tout entier à chacun. Il servit à ceux qui étoient débiles son corps en aliment, et donna à ceux qui étoient tristes la coupe de son sang , disant : Prenez le calice que je vous donne et buvez en tous. C'est ainsi qu'il institua le sacrifice dont il voulut que les prêtres seuls fussent les ministres et auxquels il convient si bien qu'ils le prennent pour eux et le donnent aux autres. Le pain des anges devient le pain des hommes ; ce pain céleste est la réalisation des anciennes figures. 0 ! chose indicible ! le pauvre, l'es- clave , l'homme le plus foible mange son Seigneur. Divinité trine et une , nous vous le demandons. Yisitez-nous comme nous vous hono-

tui sacra mysterïa venerari, ut redemptio- nis tuae fructum in nobis jugiter sentia- mus. Qui vivis, etc. Ad Complet. Antiph. Miserere. Psal. Cum invocarem, cum cœte- ris. Ad nunc dimittis. Antiph. Alléluia, Alléluia. Panis quem ego dedero, Allé- luia. Caro mea est pro mundi vita, Allé- luia, A'teluia.

Ad Matutinas. Invitato. Christurn regem adoremus dominantem gentibus. Qui se manducantibus dat spiritus pinguedinem. Psalm. Venite.

Hymnus.

Sacris solemniis juncta sint gaudia, et ex prœcordiis sonent praeconia, recédant vêle- ra, nova sint omnia, corda, voces, et opéra.

Noctis recolitur cœna novissima, qua Ghristus creditur agnum, et azirna dédisse fratribus juxta légitima, priscis indulta pa- tribus. Post agnum typicum expletis epulis, corpus dominicum datum discipulis, sic to- tum omnibus quodtotum singulisejusfate- mur manibus.Dedit fragilibus corporis fercu- lum, dédit et tristibus sanguinis poculum, dicens, accipite quod trado vasculum, om- nes ex eo bibite. Sic sacritieium instituit, cujus oflicium committi voluit solisprœsby- teris, quibus sic congruit , ut sumant, et dent ceeteris. Panis angelicus fit panis ho- minum , dat panis cœlitus figuris termi- num. 0 res mirabilis, manducat dominum pauper, servus, et humilis. Te trina Deitas unaque poscimus, sic nos tu visitas , sicut

420 OPUSCULE LVI.

rons; conduisez-nous par vos sentiers vers notre fin, à la lumière que vous habitez. Ainsi soit-il.

Au premier nocturne. Antienne. Le Seigneur au temps de sa mort donna à goûter le fruit du salut. Psaume. Bienheureux l'homme, etc. Antienne. Les fidèles multipliés par le fruit du froment et du vin re- poser! t dans la paix de Jésus-Christ. Psaume. Lorsque j'invoquois le Seigneur. Antienne. Le Seigneur nous a réunis par la communion du calice dans laquelle on reçoit Dieu, et non par le sang des jeunes taureaux. Psaume. Conservez, etc.. f. Il leur a donné le pain du ciel. ^. Il a mangé le pain des anges.

LEÇON I.

Les bienfaits immenses que la largesse divine a départis au peuple chrétien lui confèrent une dignité inestimable. Il n'est pas et il n'y eut jamais en effet de nation si grande qu'elle eût des dieux qui l'appro- chassent de si près que notre Dieu s'approche de nous. Le Fils unique de Dieu voulant en effet nous rendre participants de sa divinité, a pris notre nature, et il s'est fait homme pour nous faire des dieux. Et de plus, tout ce qu'il a pris de notre nature, il nous l'a tout conféré pour notre salut , car c'est pour notre réconciliation qu'il a offert à Dieu le Père son corps comme une hostie sur l'autel de la croix. Il a versé son satfg à la fois comme le prix de notre salut et comme un bain sa- lutaire , afin que rachetés de la triste servitude à laquelle nous étions réduits, nous fussions purifiés de tous nos péchés. i$. La multitude des enfants d'Israël immolera un chevreau le soir de la Pàque. Ils en man- geront les chairs et le pain azime. jh Le Christ, notre Pàque, s'est im- molé , c'est pourquoi faisons un festin avec les azimes de la sincérité et de la vérité. Et ils mangeront, etc..

te colimus, per tuas semitas duc nos quo tendimus , ad lucem quam inhabitas. Amen.

In primo nocturno, Antiph. Fructum sa- lutiferum gustandum dédit Dominus mor- tis sua? tempore. Psal. Beatus vir. Antiph. A fructu fruraenti, et vini multiplicati fi- dèles in pace Christi requiescunt. Psalm. Cum invocarem. Antiph. Communione ca- licis, quo Deus ipse sumitur, non vitulo- rum sanguine congregavit nos dominus. Psal. Conserva, y. Panem cœli dédit eis. $. Panem angelorum manducavit.

LECT10 I.

Immensa divinae largitatis bénéficia exhi- bita populo christiano inœstimabilem ei conferunt dignitatem. Neque enim est, aut

fuit aliquando tam grandis natio , quae ha- beat Deos appropinquantes sibi, sicut ad- est nobis Deus noster. Unigenitussiquidem Dei Filius suae divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit, ut hommes deos faceret, factus homo. Et hoc insuper quod de nostro assumpsit, totum nobis contulit ad salutem. Corpus namque suum pro nostra reconciliatione in ara cru- cis hostiam obtulit Deo Patri.Sanguinem suum fudit in pretium simul et lavacrum, ut redempti a miserabili servitute, a pec- catis omnibus mundaremur. i$. Immolabit hœdum multitude filiorum Israël ad ves- peram paschœ. Et edent carnes, et azymos panes, y. Pascha nostrum immolatus est Christus, itaque epulemur in azymis sin- ceritatis, et veritatis. Et edent.

OFFICE DU CORPS DE JESUS-CHRIST.

421

LEÇON IL

Mais pour conserver parmi nous le souvenir perpétuel d'un si grand bienfait , il laissa son corps et son sang aux fidèles pour qu'ils les prissent comme une nourriture et comme un breuvage sous les appa- rences du pain et du vin. Oh! festin précieux ! admirable, salutaire , plein de toute espèce de suavité ! Que peut-il en effet y avoir de plus précieux que ce festin, dans lequel on ne nous propose pas de prendre comme autrefois sous la loi, la chair des boucs et des veaux, mais bien de nous nourrir de Jésus-Christ Dieu véritable ? Qu'y a-t-il de plus merveilleux que ce sacrement? Dans ce sacrement en effet la substance du pain et du vin se changent substantiellement au corps et au sang de Jésus-Christ; c'est pourquoi le Christ, Dieu véritable et homme parfait, est renfermé sous les espèces d'un peu de pain et de vin. r). Vous man- gerez les chairs et vous serez rassasiés par le pain. C'est ici le pain que le Seigneur vous a donné pour votre nourriture, f. Moïse ne vous a pas donné le pain céleste ; mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel. C'est ici, etc..

LEÇON III.

C'est pourquoi les fidèles le mangent et ne le mettent point en pièce, il demeure même tout entier après la division du sacrement sous chaque particule qui provient de cette division. Quant aux accidents ils subsistent dans le même sujet, pour exercer la foi , lorsque le vi- sible est pris invisiblement, étant caché sous une apparence étrangère et pour que les sens qui ne jugent que des accidents qui leur sont connus ne soient pas trompés. Il n'y a pas de sacrement plus salutaire

lectio n.

Ut autem tanti beneficii jugis in nobis maneret memoria , corpus suum in cibum, et sanguinem suum in potum sub specie panis et vini sumendura , fidelibus dereli- quit. 0 pretiosum et admirandura convi- vium, salutiferum, et omni suavitate re- pletum. Quid enim hoc convivio pretiosus esse potest,in quo non carnes vitulorum et hyrcorum, ut ohm in lege , sed nobis su- mendus proponitur Christus verus Deus ? Quid hoc sacramento mirabilius? In ipso namque panis et vinum inChristi corpus et sanguinem substantialiter convertuntur : Ideoque Christus Deus, et homo perfectus, sub modici panis et vini specie, contine-

tur. ^. Comedetis carnes, et saturabimini panibus. Iste est panis, quem dédit vobis Dominus ad vescendum. ?. Non Moyses dédit vobis panem de ccelo, sed paier meus dat vobis panem de cœlo verum. Iste.

LECTIO III.

Manducatur itaque a fidelibus, sed mi- nime laceratur, quinimo diviso sacro inte- ger sub qualibet divisionis particula persé- vérât. Accidentia autem subjecto in eodem. subsistunt, ut fides locum habeat, dum vi- sibile invisibiliter sumitur aliéna specie oc- cultatum , et sensus a deceptione reddan- tur immunes, qui de accidentibus judicaut sibi notis. Nullum etiam sacramentum est isto salubrius, quo purgantur peccata, vir-

422 OPUSCULE LVI.

que celui-là, pour purifier les péchés, pour donner des forces nouvelles et engraisser l'esprit de l'abondance de tous les dons spirituels. On l'offre dans l'Eglise pour les vivants et pour les morts, afin qu'il serve à tous, étant institué pour le salut de tous.

q). Héli regarda le pain cuit sous la cendre qui se trouvoit derrière sa tête ; se levant il mangea et il but , et il marcha fortifié par cette nourriture. Jusqu'à la moutagne du Seigneur, f. Si quelqu'un mange de ce pain il vivra éternellement. Et il marcha, etc.. Gloire au, etc. Jusqu'à, etc.

2e Nocturne. Antienne. Que le Seigneur se souvienne de notre sa- crifice, et que notre holocauste soit pour lui d'agréable odeur. Psaume. Que le Seigneur vous exauce, etc.. Antienne. Le Seigneur nous pré- pare sa table contre tous ceux qui nous attristent. Psaume. Le Seigneur me dirige, etc.. Antienne. Prenant part au banquet magnifique du Seigneur, les airs retentiront de leurs cris d'allégresse. Psaume. De même que le cerf, etc.. y. Il les a nourris du plus pur froment. ^. Et il les a rassasiés du miel des rochers.

LEÇON IV.

Personne enfin ne sauroit exprimer la suavité de ce sacrement qui fait goûter à sa source même la douceur spirituelle , et qui rappelle le souvenir de celui dont le Christ au moment de sa passion a fait con- noître la charité infiniment parfaite. C'est pour cela qu'afin de graver plus profondément dans les cœurs des fidèles l'immensité de cette cha- rité, dans la cène suprême, après avoir célébré la Pàque avec ses dis- ciples, devant quitter la terre pour retourner à son Père , il institua ce sacrement comme le souvenir perpétuel de sa passion, comme l'ac- complissement des anciennes figures, et comme le plus grand des

tûtes augentur, et mens omnium spiritua- lium charismatum abundantia impingua- tur. Offertur in Ecclesia pro vivis et mor- tuis, ut omnibus prosit, quod est pro salute -omnium institutum. i$. Respexit Helias ad caputsuumsubcinericium panem, qui sur- gens comedit et bibit, et ambulavit in for- titudine cibi illius. Usque ad montem Dei. y. Si quis manducaverit ex hoc pane, vivet in aeternum. Et ambulavit. iïloria. Usque.

In II noct. Antiph. Memor sit Dominus ■sacrificii nostri, et holocaustum nostrum -pingue bat. Ps. Exaudiat. Antiph. Paratur nobis mensa Domini adversus omnes qui tribulant nos. Ps. Dominus régit. Antiph. In voce exultationis resonent epulantes in mensa Domini. Ps. Quemadmcdum. t. Ci-

baviteos ex adipe frumenti. ri. Et de petra melle saturavit eos.

LECTIO IV.

Suavitatem denique hujus sacramenti nullus exprimere sufficit, per quod spiri- tualis dulcedo in suo fonte gustatur, et re- colitur rnemoria illius, quam in sua pas- sione Christus monstravit. excellentissimae charitatis. Unde ut arctius hujusmodi cha- ritatis immensitas fidelium cordibus infi- geretur, in ultima cœna quando pascha cum discipulis celebrato, transiturus erat de hoc mundo ad Patrem, hoc sacramen- tum instituit tanquarn passionis suae me- moriale perenne , figurarum veterum im- pletivum , miraculorum ab ipso factorum

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. 423

miracles opérés par lui ; il laissa aussi ce sacrement comme le moyen le plus propre pour consoler ceux que son absence attristoit.

r). Le pain que je vous donnerai , c'est ma chair immolée pour la vie du monde ; les Juifs discutoient donc entre eux disant : Comment peut-il nous donner sa chair à manger? jh Le peuple a parlé contre le Seigneur. Nous sommes dégoûtés de cette nourriture trop légère. Comment peut-il.

LEÇON V.

C'est pourquoi il convient à la dévotion des fidèles de rappeler so- lennellement l'institution d'un sacrement et si salutaire et si admi- rable , afin que nous vénérions le mode ineffable dont Dieu est pré- sent dans un sacrement visible ; et afin de louer la puissance de Dieu qui opère dans ce sacrementt tant de choses merveilleuses : c'est aussi pour rendre à Dieu les actions de grâces qui lui sont dues pour un bienfait et si salutaire et si doux. Mais bien qu'au jour de la cène , jour l'on sait qu'a été institué ce sacrement, on fasse de son insti- tution une mention spéciale pendant la solennité des messes qui se célèbrent; tout le reste de l'office du jour néanmoins est consacré à la passion de Jésus-Christ , passion à la vénération de laquelle l'Eglise se livre pendant tout ce temps. Mais afin que tous les fidèles célébrassent l'institution d'un si grand sacrement par l'office tout entier d'une so- lennité, le Pontife de Rome Urbain IY., poussé par sa dévotion à ce sacrement, a pieusement établi que tous les fidèles célébreroient la mémoire de son institution la première cinquième férié après l'Octave de la Pentecôte; afin que nous, qui usons pendant tout le cours de l'année de ce sacrement pour notre salut, nous célébrions spécialement son institution en ce temps, qui est celui le Saint-Esprit a appris

maximum, et de sua contristatis absentia solatium singulare reliquit. i$. Panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita, li- tigabant ergo Judaei dicentes : Quomodo potest hic nobis dare carnem suam ad man- ducandum. y. Locutus est populus contra Dominum, Anima nostra nauseat super cibo isto levissimo. Quomodo.

LECTIO V.

Convenit itaque devotioni fidelium so- lemniter recolere institutionem tam salu- tiferi, tamque mirabilis sacramenti, ut ineffabilem modum divinae prœsentiœ in sa- cramento visibili veneremur et laudetur Dei potentia, quœ in sacramento eodem tôt mirabilia operatur : nec non et de tam salubri, tamque suavi benefîcio exolvantur

Deo gratiarum debitœ actiones. Verum et si in die cœnae, quando sacramentum prœdic- tum noscitur institutum, inter missarum solemnia de institutions ipsius , specialis mentio habetur, totum tamen residuum ejusdem diei ofïicium ad Ghristi passionem pertinet, circa eu jus venerationem Eccle- sia illo tempore occupatur. Ut autem inte- gro celebritatis oiïicio institutionem tanti sacramenti recoleret plebs fidelium, Ro- manus Pontifex UrbanuslV, hujns sacra- menti devotione affectus, pie statuit prae- fatae institutionis memoriam prima quinta feria post octavas Pentecostes a cunctis fî- delibus celebrari , ut qui per totum anni circulum hoc sacramento utimur ad salu- tem, ejus institutionem illo tempore spe- cialiter recolamus, quo Spiritus sanctus

424 OPUSCULE LVI.

aux cœur» des disciples à connoître pleinement les mystères de ce même sacrement. C'est en effet en ce temps que les fidèles commen- cèrent à fréquenter ce sacrement.

ql. Pendant qu'ils soupoient, Jésus prit le pain, le bénit, le rompit, le donna à ses disciples , et dit : Prenez et mangez. « Ceci est mon corps. » f. Les hommes de ma tente s'écrièrent : qui nous donnera de sa chair pour que nous nous en rassasions. Prenez , etc..

LEÇON VI.

Le pontife de Rome dont nous venons de parler, pour faire célébrer avec plus de pompe la mémoire de cette salutaire institution , le jour de la cinquième férié indiquée et pendant l'octave suivante , et pour en rendre la solennité plus célèbre , au lieu des distributions maté- rielles qui se font dans les églises cathédrales à ceux qui assistent aux heures canoniales de la nuit et du jour, accorda , par une largesse apostolique, à ceux qui assisteroient en personne pendant cette solen- nité à ces mêmes heures canoniales dans les églises, des largesses spirituelles , afin que les fidèles se réunissent en plus grand nombre et avec plus d'empressement à la solennité d'une si grande fête. A tous ceux donc qui sont véritablement pénitents , qui se seront con- fessés , et qui assisteront en personne et dans l'église à l'office de Matines de cette fête, il accorde cent jours d'indulgences, il en accorde autant à ceux qui assisteront à la Messe ; il en accorde cent pareille- ment à ceux qui assisteront aux premières Vêpres de la même fête. Quant à ceux qui assisteront aux secondes Vêpres , il leur en accorde pareillement cent. Il en accorde aussi quarante jours à ceux qui assis- teront à prime , tierce , sexte , none et compiles , et cela pour cha- cune de ces heures. Quant à ceux qui , pendant les octaves de cette

corda discipulorum edocuit ad plene co- gnoscendahujus mysteriasacramenti. Nam et in eodem tempore cœpit hoc sacramen- tum a fidelibus frequentari. M- Cœnantibus illis accepit Jésus panem , et benedixit ac fregit, deditque discipulis suis, et ait. Ac- cipite, et comedite. Hoc est corpus meum. f. Dixeruut viri tabernaculi mei : quis -det camibus ejus ut saturemur. Accipite.

LEGTIO VI.

Ut autem praedicta quinta feria , et per octavassequentes ejus salutaris institutionis honorificentius agatur raemoria, et solem- nitas de hoc celebrior habeatur , loco dis- tributionum materialium, quae in ecclesiis cathedralibus largiuntur, existentibus horis

canonicis nocturnis pariterque diurnis , prœfatus romanus Pontifex eis qui hujus- modi horis in hac solemnitate personaliter in ecclesiis interfuerint, stipendia spiritua- lia apostolica largitione concessit, quatenus per heec fidèles ad tanti festi celebritatem avidius et copiosius convenirent. Omnibus igitur vere pœnitentibus et confessis , qui matutinali offîcio hujus festi praesentialiter in ecclesia ubi celebrabitur aderunt , cen- tum dies, quivero Missee totidem. Illis au- tem qui interfuerint in primis ipsius festi vesperis, similiter centum. Qui vero in se- cundis totidem. Eis quoque qui primae, tertiœ, sextœ, et nonse ac completorii ade- runt officiis, pro qualibet ipsarum quadra- ginta. Illis vero qui per ipsius festi octavas

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. 425

fête, assisteront aux offices de matines, à la messe, à ceux des vêpres et des autres heures , il leur accorde pour chacun des jours de ces mêmes octaves, pour remettre les pénitences dont ils sont chargés, une indulgence de cent jours , et à perpétuité.

â). Jésus prit le calice après avoir soupe , et dit : « Ce calice est la nouvelle alliance dans mon sang. Faites ceci en mémoire de moi. » f. Je repasserai toujours ces choses dans ma mémoire , et mon ame séchera de douleur, « Ce calice, etc.. » Gloire soit, etc.. Faites, etc.

3e Nocturne. Antienne. « J'entrerai jusqu'à l'autel de Dieu , et je prendrai le Christ qui renouvelle ma jeunesse. » Psaume. « Jugez- moi, mon Dieu. » Antienne. Il nous a nourris du plus pur froment, et il nous a rassasiés du miel des rochers. Psaume. Réjouissez-vous en louant Dieu, etc. Antienne. Seigneur, nous prenons le Christ de votre autel , et il fait tressaillir de joie notre cœur et notre chair. Psaume. Que vos tabernacles sont chers , etc.... f. Tirez le pain de la terre ; r). et que le vin réjouisse le cœur de l'homme.

LEÇON VII.

Evangile selon saint Jean.

En ce temps-là Jésus dit à ses disciples et à la foule des Juifs : Ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breu- vage, etc.. Homélie du bienheureux évêque Augustin. Comme les hommes demandent à la nourriture et à la boisson qu'ils prennent qu'elles les empêchent d'avoir faim et soif, il n'y a véritablement que cette nourriture et ce breuvage qui aient ce résultat ; ils rendent im- mortelles et incorruptibles ceux qui les prennent , c'est-à-dire qu'ils en font la société même des saints régnera la paix et l'unité pleine

in matutinalibus vespertinis Missse ac ho- rarum prsedictarum officiis prœsentcs exti- terint, singulis diebus octavarum ipsarum centum dies de injunctis sibi pœnitentiis relaxando , indulgeutiam tribuit perpetuis temporibus duraturam. $. Accepit Jésus calicem postquam cœnavit dicens : Hic ca- lix novura testamentum est in meo san- guine : Hoc facile in meam commemora- tionem. y. Memoria memor ero, et tabes- cet in mea nimamea. Hic, etc. Gloria. Hoc. In tertio noctur. Antiph. Introibo ad altare Dei, sumam Christum qui rénovât juven- tutem meam. Psal. Judica me Deus. An- tiph. Cibavit nos Dominus ex adipe fru- menti, et de petra melle saturavit nos. Psal. Exultate Deo. Antiph. Ex altari tuo, Domine, Christum sumimus, in quem cor

et caro nostra exultant. Psalm. Quam di- lecta. y. Educas panem de terra. i$. Et vinum lsetificet cor hominis.

LECTIO VII.

Secundum Joannem.

In illo tempore, dixit Jésus discipulis suis et turbis Judaeorum : Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Et reliqua. Homilia beati Augustini Episcopi. Cum enim cibo et potu id appelant homi- nes ut non esu riant neque sitiant, hoc ve- raciter non prœstat nisi iste cibus et potus qui eos a quibus sumitur, immortales et incorruptibiles facit , id est ipsa societas sanctorum , ubi pax erit et unitas plena atque perfecta. Propterea quippe, sicut

426 OPUSCULE LVI.

et parfaite. C'est pour cela, comme le comprirent avant nous les hommes de Dieu, que notre Seigneur Jésus-Christ confia son corps et son sang à des choses qui ne forment qu'un tout. Un pain est en effet composé d'un grand nombre de grains, et le vin provient d'un grand nombre de grappes de raisins.

rç). « Celui qui mange ma chair et -qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » Jr. « 11 n'y a pas d'autre nation si grande qui ait des dieux qui s'approchent d'elle si près, que notre Dieu s'approche de nous. En moi, etc.. »

LEÇON VIII.

Enfin il expose comment se fait ce qu'il dit, et ce que c'est que manger son corps et boire son sang. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. » Manger cette nourriture et boire ce breuvage n'est donc pas autre chose que de- meurer en Jésus-Christ et que de l'avoir en soi comme un hôte. Par conséquent , celui qui ne demeure pas en Jésus-Christ , et en qui il n'habite pas lui-même, ne mange assurément pas spirituellement sa chair, bien que charnellement et visiblement il presse sous ses dents les sacrements du corps et du sang du Christ. Mais il mange et boit plutôt à sa condamnation ce grand sacrement celui qui , sans s'être purifié, ose s'approcher du sacrement de Jésus-Christ; puisque celui-là seul le reçoit dignement, qui est pur. C'est de ceux-là qu'il est dit : Bienheureux ceux dont le cœur est pur, parce qu'ils verront Dieu.

i$. « Mon Père qui m'a envoyé est vivant , et moi je vis pour mon Père , de même celui qui me mange vivra pour moi. » jL « Le Sei- gneur l'a nourri du pain de la vie et de l'intelligence. »

ante nos intellexerunt homines Dei , Do- minus noster Jésus Christus corpus et san- guinem suum in eis rébus commendavit, quae ad unum aliquid rediguntur. Ex mul- tis namque granis unus panis conficitur, et ex multis racemis vinum confluit. g. Qui manducat meam carnem , et bibit meum sanguinem : in me manet , et ego in illo. y. Non est alia natio tam grandis, quae ha- beat deos appropinquantes sibi, sicut Deus noster adest nobis. In me.

LECTIO VIII.

Denique jam exponit quomodo id fiât quod loquitur , et quid sit manducare cor- pus ejus, et sanguinem bibere. Qui man- ducat meam carnem, et bibit meum san- guinem , in me manet et ego in eo. Hoc

est ergo manducare illam escam et illum bibere potum, in Christo manere et illum manentem in se habere. Ac per hoc qui non manet in Christo, et in quo non ma- net Christus , proculdubio non manducat spiritualiter ejus carnem, licet carnaliter et visibiliter premat dentibus sacramenta corporis et sanguinis Christi. Sed magis tantae rei sacramentum ad judicium sibi manducat et bibit, qui immundus preesu- mit ad Christi accedere sacramentum, quod alius non digne sumit, nisi qui muu- dus est , de quibus dicitur : Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. h. Mi- sit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem : Et qui manducat me, vivet prop- ter me. y. Cibavit eum Dominus pane vitœ et intellectus. Et qui.

OFFICE DU COKPS DE JESUS-CHRIST.

427-

LEÇON IX.

Comme mon Père qui m'a envoyé est vivant , et moi je vis pour lui , de même celui qui me mange vivra pour moi. Le Fils ne devient pas meilleur par sa participation avec le Père , puisqu'il lui est égal ; comme nous devenons meilleurs , nous , par la participation du Fils , par l'union du corps et du sang que signifie cette action de manger et de boire. Lorsque nous le mangeons, nous vivons donc pour lui, c'est-à-dire par Jésus-Christ, recevant la vie éternelle que nous ne possédons pas en nous. Quant à lui , il vivra pour Père qui l'a en- voyé, parce qu'il s'est abaissé lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort , et la mort de la croix. Comme mon Père qui est vivant m'a envoyé , et moi je vis pour mon Père , de même celui qui me mange vivra pour moi. C'est comme s'il disoit : Et moi je vis pour mon Père. C'est-à-dire, il faut que je lui rapporte ma vie comme étant plus grand. Il a fait l'abaissement dans lequel il m'a envoyé ; mais ce qui fait que chacun vit pour moi , c'est qu'il participe à moi en me man- geant. Quant à moi, humilié , je vis pour mon Père , et lui , dans sa grandeur, vit pour moi. Il ne dit pas cela de cette nature par laquelle il est toujours égal au Père , mais bien de celle en laquelle il lui est inférieur, et dont il a dit plus haut : Comme le Père a la vie en soi , de même il a donné au Fils de l'avoir aussi en lui-même.

î$. Nous ne sommes tous ensemble qu'un seul pain et un seul corps, parce que nous participons tous à un même pain et à un même calice. Jr. Vous avez préparé, ô Dieu ! par un effet de votre douceur, une nourriture pour le pauvre ; vous les faites habiter tous dans votre maison. Tous, etc.. Gloire soit, etc.. Nous participons tous , etc..

LECTIO IX.

Sicut me misit, inquit, vivens Pater, et ego vivo propter Patrem : et qui manducat me , et ipse vivet propter me. Non enim Filius participatione Patris fit melior , qui est Patri aequalis, sicut participatione Filii per unitatem corporis et sanguinis, quam illa manducatio potatioque signifieat, nos efificit meliores. Vivimus ergo nos propter ipsum , manducantes eum , id est, per Christum , accipientes vitam aeternam, quam non habemus ex nobis. Vivet autem ipse propter Patrem missus ab eo, quia se- metipsum exinanivit, factus obediens usque ad mortem , mortem autem crucis. Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter me; ac si diceret, et ego vivo prop-

ter Patrem, id est , ut ad illum tanquam ad majorem referam vitam meam. Exina- uitio mea fecit , in qua me misit : ut au- tem quisque vivat propter me, participatio facit qua manducat me. Ego autem humi- liatus vivo propter Patrem, et ille erectus vivit propter me. Non de ea natufa dixit, quia semper est aequalis Patri , sed de ea in qua minor factus est Pâtre, de qua etiam superius dixit. Sicut Pater habet vi- tam in semetipso, sic dédit et Filio vitam habere in semetipso. ni. Unus panis et unum corpus multi sumus. Omnes qui de uno pane et de uno calice participamus. y. Parasti in dulcedine tua paupen Deus, habitare facis unanimes in domo. Omnes. Gloria. Participamus. y. Comedi favum meum cum melle meo. b). Bibi vinum meum cum lacté meo. In laudibus. Antiph.

428 . OPUSCULE LVI.

'}. J'ai mangé mon rayon avec mon miel; if), j'ai bu mon vin avec mon lait.

A Laudes. La Sagesse s'est édifié une maison , elle a mêlé le vin , et elle a dressé la table. Louez Dieu. Psaume. Le Seigneur a régné, etc. Antienne. Vous avez nourri votre peuple avec le pain des anges , et vous lui avez donné le pain du ciel. Louez Dieu. Antienne. Le pain du Christ est un pain gras , et les rois y trouveront leurs délices. Louez Dieu. Antienne. Les prêtres de Dieu offrent à Dieu le pain et l'encens. Louez Dieu. Antienne. Je donnerai au victorieux la manne cachée et un nom nonveau. Louez Dieu. Capitule. Seigneur Jésus, etc. Comme aux premières Vêpres.

Hymne.

Le Verbe divin naissant vient accomplir son œuvre tout en demeu- rant à la droite de son Père , il poursuit sa course jusqu'au terme de la vie. Un de ses disciples devant le livrer à ses ennemis pour être mis à mort , il se donne d'abord à ses disciples en aliment de vie. Il leur donna sa chair et son sang sous deux espèces , afin que de sa double substance il alimentât tout l'homme. Naissant il se fit notre frère , il partagea les mets qui nous nourrissent ; mourant il se fit le prix de notre rédemption , régnant il fut notre récompense. 0 hostie salu- taire , qui nous ouvrez le ciel , nous sommes pressés par les combats de nos ennemis ; donnez-nous la force , venez à notre secours. Au Seigneur un et trois gloire éternelle, et qu'il nous donne une vie sans fin dans la céleste patrie. Ainsi soit-il. f. Il a établi la paix jusqu'à tes confins ; i$). et il t'a nourri du plus pur froment. Au : Béni soit le Sei- gneur, etc.. » Antienne. « Je suis le pain de vie qui suis descendu du ciel ; si quelqu'un mange de ce pain il vivra éternellement. » L'o- raison est comme aux premières vêpres.

Sapientia œdificavit sibi domum , miscuit vinum et posuit mensam. Alléluia. Psalm. Dominus regnavit. Antiph. Angelorum esca nutrivisti populum tuum , et panem de cœlo prœstitisti eis. Alléluia. Antiph. Pinguis est panis Christi, et preebebit deli- cias regibus. Alléluia. Antiph. SacerdotesDei incensum et panes offerunt, Dec-, Alléluia. Antiphona. Vincenti dabo manna abscondi- tum, et nomen novum. Alléluia. Capit. Dominus Jésus, etc., ut in primis vesperis.

Bymnus.

Verbum supernum prodiens , nec Patris linquens dexteram, ad opus suum exiens, venit ad vitae vesperam. lu raortem a dis-

cipulo suis tradeudus eemulis, prius in vitae ferculo se tradidit discipuhs. Quibus sub bina specie carnem dédit et sanguinem, ut duplicis substautiae totum cibaret ho- minem. Se nascens dédit socium, conves- cens in edulium, se moriens in pretium, se regnaus dat in prœmium. 0 salutaris hos- tia, quse cœli pandis ostium, bella premunt hostilia, da robur, fer auxilium. Uni tri- noque Domino sit sempiterna gloria, qui vitam sine termino nobis donet in patria. Amen. y. Posuit fines tuos pacem. $. Et adipe frumenti satiat te. Adbenedictionem. Antiphona. Ego sum panis vivus , qui de cœlo descendi : si quis manducaverit ex hoc pane, vivet in œternum. Oratio ut in pri-

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. 429

A Prime et aux autres heures , les antiennes sont les mêmes que celles de Laudes, excepté la quatrième, r). «Jésus-Christ, etc...» f. « Qui est de la Vierge Marie. » Ce verset doit se dire pendant toute l'octave.

A Tierce. Capitule. Seigneur, Jésus, etc.. r). Il leur a donné le pain du ciel , louez Dieu. f. L'homme a mangé le pain des anges , louez Dieu, louez Dieu. Gloire soit, etc.. Le pain des, etc.. Il les a nourris, etc..

A Sexte. Capitule. Toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jus- qu'à ce qu'il vienne, r). Il lésa nourris, etc.. Louez Dieu, louez Dieu. f. Et du miel de la pierre, etc. . . Gloire soit, etc. . . Il les a nourris, etc. . . f. Tirez le pain, etc..

A None. Capitule. Quiconque mangera le pain, et boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Sei- gneur, r). Tirez le pain, etc.. Louez Dieu, louez Dieu. f. Et que le vin réjouisse, etc.. Louez Dieu, louez Dieu. Gloire soit, etc.. Tirez le pain, etc.. Il a établi la paix jusqu'à ses confins, fy Et il te rassasie du plus pur froment.

A Vêpres, les Antiennes pour chaque Psaume sont les mêmes qu'à Laudes. Les Psaumes , le Capitule , l'Hymne et le Verset sont les mêmes qu'aux premières Vêpres.

Au Magnificat. Antienne. 0 bouquet sacré dans lequel on reçoit Jésus-Christ; l'on célèbre la mémoire de sa passion, dans lequel l'esprit est rempli de la grâce et nous recevons le gage de la gloire future! Louez Dieu, louez Dieu! L'Oraison est la même qu'aux pre- mières Vêpres. Pendant l'Octave. Invitatoire. Venez, adorons Jésus- Christ qui est le pain des anges et des hommes. Au : Béni soit, etc.. Antienne. Je suis le pain de vie, qui suis descendu du ciel; celui qui mange de ce pain vivra éternellement. Au Magnificat : « Le Seigneur

mis vesperis. Ad primam et ad omnes ho- ras Antiphonae. Laudum quarta excepta. $. Jesu Christe. y. Qui natus est de Virgine Maria , et dicatur per totam ootavam.

Ad tertiam. Cap. Dominus Jésus. $. Pa- nem cœli dédit eis. Alléluia, Allel. y. Pa- nem angelorum manducavit homo. Allel., Alléluia. Gloria. Panem. y. Cibavit eos, etc.

Ad sextam. Gap. Quotiescumque inan- ducabitis pauem hune, et calicem bibetis, mortem Domini annuntiabitis donec ve- niat. S). Cibavit eos, etc. Alléluia, Alléluia. y. Et de petra, etc. Allel., Alléluia. Gloria. Cibavit. y. Educas panem.

Ad nonam. Cap. Quicumque manduca- ■verit panem et biberit calicem Domini in- digne, reus erit corporis et sanguinis Do-

mini. i}. Educas panem, etc. Alléluia, Allé- luia, y. Et vinum laetificet, etc. Alléluia, Alléluia. Gloria. Educas. y. Posuit fines tuos pacem. $. Et adipe frumenti satiat te.

Ad vesperas super Psalm. Antiph. Lau- dum. Psalm. Cap. Hym. y. sicut in primis vesperis.

Ad Magmf. Antiph. 0 sacrum convivium, in quo Christus sumitur, recolitur memo- ria passionis ejus, mens impletur gratia, et futurse gloriae nobis pignus datur. Alléluia, Alléluia. Oratio, ut in primis vesperis. Per oct. Invitator. Christum panem Angelorum et hominum : Venite adoremus. Ad Bene- dictus. Antiph. Ego sum panis vivus , qui de cœlo descendi , qui manducat ex hoc pane, vivet in œternum. Ad Magn. Antiph.

430 OPUSCULE LVI.

qui est miséricordieux et plein de clémence, a rappelé la mémoire de ses merveilles, et il a donné la nourriture à ceux qui le craignent. » Tout le reste se fait comme au jour de la Fête.

MESSE.

Le Seigneur les a nourris du plus pur froment, louez Dieu, et il les a rassasiés du miel du rocher , louez Dieu , louez Dieu , louez Dieu. y. Réjouissez - vous en louant Dieu notre protecteur; chantez dans de saints transports les louanges du Dieu de Jacob., Gloire soit au Père, etc..

Gloire à Dieu au plus haut des cieux , etc..

Prière. Dieu qui nous avez laissé sous ce sacrement admirable le souvenir de votre passion , faites /nous vous en supplions, que nous ayons pour les mystères de votre corps et de votre sang un respect tel , que nous jouissions intérieurement et continuellement des fruits de votre rédemption. Vous qui vivez et régnez, etc..

Epître de l'apôtre saint Paul aux Corinthiens.

Mes Frères. Car c'est du Seigneur que j'ai appris ce que je vous ai enseigné; savoir, que le Seigneur Jésus, la nuit même qu'il devoit être mis à mort, prit du pain, et ayant rendu grâces, le rompit, et dit à ses disciples : Prenez et mangez ; « Ceci est mon corps » qui sera livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi. Il prit de même le calice après avoir soupe, en disant : « Ce calice est la nouvelle alliance de mon sang; » faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous le boirez. Toutes les fois en effet que vous mangerez ce pain , et que

Memoriam fecit mirabilium suorum, mise- ricors et miserator Dominus escam dédit timentibus se. Caetera omnia fiant, sicut in die.

AD M1SSAM.

Cibavit eos ex adipe frumenti, Alléluia : et de petra raelle saturavit eos, Alléluia, Alléluia, Allel. y. Exultate Deo adjutori nostro , jubilate Deo Jacob. Gloria Patri, et cœtera.

Gloria in excelsis , etc.

Oratio. Deus qui nobis sub sacramento imrabili passionis tuae memoriam reliquisti, tribue queesuinus, ita nos corporis et san- guinis tui sacra mysteria venerari , ut re-

demptionis tua? fructum, in nobis jugiter sentiamus, Qui vivis, etc.

Lectio Epislolœ beali Pauli Aposloli ad Co- rinlhios.

Fratres : Ego enim accepi a Domino , quod et tradidi vobis, quoniam Dorninus Jésus in qua nocte tradebatur, accepit pa- nem," et gratias agens fregit et dixit : Ac- cipite , et manducate : Hoc est corpus meum, quod pro vobis tradetur : hoc fa- cite in meam commemorationem. Simili- ter et calicem postquam cœnavit , dicens : Hic calix novum testamentum est in meo sanguine : hoc facite quotiescumque su- mitis in meam commemorationem. Quo- tiescumque enim manducabitis panem

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST. 431

tous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il Tienne. C'est pourquoi quiconque mangera ce pain , ou boira le calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Que l'homme donc s'éprouve lui-même , et qu'il mange ainsi de ce pain et boive de ce calice. Car quiconque en mange et en boit indignement, mange et boit sa propre condamnation ne< faisant pas le discernement qu'il doit du corps du Seigneur, â. Tous Seigneur, ont les yeux tournés vers vous; et ils attendent de vous que vous leur donniez leur nourriture dans le temps opportun. f. Yous ouvrez votre main, et vous remplissez tout ce qui respire des effets de votre bonté. Louez Dieu. f. Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est véritablement un breuvage ; celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi et moi en lui.

Séquence.

Sion , loue ton Sauveur, ton chef et ton pasteur, loue-le dans tes hymnes et tes cantiques. Ose pour le faire tout ce que te permettront tes forces , parce qu'il est au-dessus de toutes louanges , et que tu ne peux le louer comme il le mérite. On nous propose aujourd'hui comme objet spécial de nos louanges le pain vivant et vivifiant. Il est certain que ce pain fut donné aux douzes apôtres à la table de la sainte cène. Que notre louange soit parfaite , quelle soit retentissante , quelle soit aimable; que la jubilation notre esprit soit digne de Dieu. Ce jour solennel est en effet celui l'on célèbre la mémoire de la première institution de ce banquet. A cette table du nouveau roi , la nouvelle Pâque de la nouvelle loi, met un terme à la Pâque ancienne. Ce rit nouveau abolit le rit ancien, la vérité dissipe l'ombre, la lumière éclaire la nuit. Ce que Jésus-Christ fit dans la cène, il nous a ordonné

hune, et calicera liibetis : mortem Domini annuntiabitis donec veniat. Itaque quieum- que manducaverit panem vel biberit cali- cem Domini indigne, reus erit corporis et sanguinis Domini. Probet autem seipsum homo, et sic de pane illo edat , et de ca- lice bibat. Qui enim manducat et bibit in- digne , judicium sibi manducat et bibit, non dijudicans corpus Domini.

$. Oculi omnium in te sperant Domine, et tu das illis escam in tempore opportuno. $). Aperis tu manum tuam, et impies omne animal in benedictione, Alléluia, y. Caro mea vere est cibus , et sanguis meus vere est potus : qui manducat meam carnem, et bibit meum sanguinem , in me manet, et ego in eo.

Sequenlia.

Lauda Sion Salvatorem, lauda Ducem et Pastorem in hymnis et canticis. Quantum potes, tantum aude, quia major omni laude , nec laudare sufficis. Laudis thema specialis , panis vivus et vitalis hodie pro- ponitur. Quem in sacras mensa cœnee, tur- bae fratrum duodenœ, datum non ambigi- tur. Sit laus plena, sit sonora, sit jucunda, sit décora mentis jubilatio. Dies enim so- lemnis agitur, in qua mensae prima recoli- tur hujus institutio. In hac mensa novi régis, novum Pascha novae legis, phase vê- tus terminât. Vetustatem novitas, umbram fugat veritas, noctem lux éliminât. Quod in coena Ghristus gessit, faciendum hoc ex-

432 OPUSCULE LVI.

de le faire en mémoire de lui. Instruits par son saint exemple , nous consacrons le pain et le vin en hostie du salut. C'est un article de foi pour les chrétiens que le pain se change en chair et le vin en sang. Ce que vous ne comprenez pas, ce que vous ne voyez pas , la foi qui ne se laisse pas décourager vous l'assure comme supérieur a l'ordre de la nature. Sous les différentes espèces , qui sont des signes et non des choses réelles, sont cachés les dons les plus parfaits. Sa chair est une nourriture, son sang est un breuvage, Jésus- Christ cependant demeure tout entier sous chaque espèce. Celui qui le prend, ne le rompt pas, ne le brise pas, non plus qu'il ne le divise, mais il le prend tout entier. Un seul le reçoit, mille le reçoivent ; ceux-ci en prennent autant que celui-là; pris il n'est point consommé, les bons et les mé- chants le reçoivent; mais leur sort est différent î les uns y trouvent la vie, les autres- la mort. Il est la mort des méchants, la vie des bons ; voyez combien sont différents les résultats qu'il produit dans ceux qui le prennent également. Le sacrement enfin étant rompu, n'hésitez pas , mais rappelez-vous qu'il se trouve tout entier sous la partie comme sous la totalité de l'espèce. L' apparence seulement est rompue et non la chose, et cette rupture ne diminue en rien la grandeur ou l'état de la chose signifiée. Yoici le pain des anges , qui est devenu le pain des voyageurs, le véritable pain des enfants, qui ne doit point être jeté aux chiens. Il est annoncé en figure' à l'avance par l'immo- lation d'Isaac; il le fut dans l'agneau pascal et la manne donnée à nos pères. Bon pasteur, pain véritable, Jésus ayez pitié de nous, soyez notre nourriture , notre soutien , faites que nous voyons les biens véritables dans la terre des vivants. Vous qui savez et pouvez tout, qui nous nourrissez ici-bas nous sommes mortels, faites que nous soyons les Commensaux, les cohéritiers et les compagnons des saints habitants du ciel. Ainsi soit-il.

pressit in sui memoriam. Docti sacris ins- tituas, panem, vinum, in salmis cousecra- mus hostiam. Dogma datur Christianis, quod in carnem transit panis, et vinum in sanguinem. Quod non capis, quod non vi- des, animosa firmat fides praeter rerum or- dinem. Sub diversis speciebus, signis tan- tum et non rébus, latent res eximiae. Caro cibus, sanguispotus, manet tamen Christus totus sub utraque specie. A sumente non concisus, non confractus, non divisus, in- teger assumitur. Sumit unus , sumunt mille : quantum isti, tantum ille, nec sump- tus consumitur sumunt boni, sumunt mali, sorte tamen inaequali vitae vel in- teritus. Mors est malis, vita bonis, vide

paris sumptionis quam sit dispar exitus. Fracto demum sacramento, ne vacilles, sed mémento tantum esse sub fragmento, quantum toto tegitur. Nulla rei fit scissura, signi tantum fit fractura, qua nec status, nec statura signati minuitur. Ecce panis angelorum, factus cibus viatorum, vere pa- nis filiorum, non mittendus canibus. In fi- guris prsesignatur , cum Isaac immolatur, agnus Paschae deputatur , datur manna pa- tribus. Bone pastor, panis vere, Jesu nostri miserere, tu nos pasce, nos tuere , tu nos bona fac videre, in terra viventium. *Tu qui cuncta scis et vales, qui nos pascis hic mortales, tuos ibi commensales, cohseredes et sodales , fac sanctorum civium. Amen.

OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST.

Evangile selon saint Jean.

433

En ce temps-là, Jésus dit à ses disciples et à la foule des Juifs : Ma chair est une véritable nourriture , et mon sang un vrai breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Comme mon Père qui m'a envoyé est vivant'et que je vis pour mon Père , de même celui qui me mange , vivra lui aussi pour moi. C'est ici le pain qui est descendu du ciel, il n'est pas comme la manne que mangèrent vos pères, et qui ne les empêcha pas de mourir; celui qui mange ce pain vivra éternellement.

Je crois en Dieu, etc...

Offertoire. Les prêtres du Seigneur présentent l'encens et offrent à Dieu le pain; c'est pourquoi ils seront saints devant lui et ne souille- ront point son nom. Louez Dieu.

Secrète.

Nous vous en supplions, Seigneur, soyez favorable à votre Eglise et donnez-lui la paix et l'unité que désignent mystiquement les dons qui vous sont offerts par Notre-Seigneur.

Préface. Par le mystère du Verbe incarné, etc. Le mystère saint et divin y est exprimé , et l'esprit orgueilleux des infidèles frappé de cécité, l'espérance inébranlable des croyants fortifiée par la foi.

Saint. La foi consiste surtout à croire eii Dieu , à manger le pain divin, et à le consacrer; nous commandant de le faire, il dit : Prenez, ceci est mon corps. Saint. On ne voit d'abord que du pain , mais lors- qu'on le consacre , il se change en la chair de Jésus-Christ ; comme

Secundum Joannem.

In illo tempore : Dixit Jésus discipulis suis et turbis Judœorum : Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus. Qui manducat raeam carnera et bibit meum sanguinem, in me manet , et ego in illo. Sicut misit me vivens Pater, et ôgo vivo propter Patrem : et qui manducat me, et ipse vivet propter me. Hic est panis qui de cœlo descendit , non sicut manducaverunt patres vestri manna , et mortui sunt ; qui manducat hune panem, vivet in aeternum.

Credo. Offertorium. Sacerdotes incensum Do-

iriini et panes offerunt Deo, et ideo sancti erunt Deo suo, et non polluent nomen ejus, Alléluia.

Secrela.

Ecelesiae tua? , quœso , Domine , unitatis et pacis propitius dona concède , quae sub oblatis muneribus mystice designantur.

Prœfatio. Quia per incarnati. Sanctum divinum mysterium semper declaratur, et mens inlidelium tumens excœcatur, firma spes credentium fide roboratur. Sanctus. Fides est summopere credere in Deum, pa- nem sanctum edere, et tractare eum : ju- bens dicit, Sumite : Hoc est corpus meum. Sanctus. Panis prius cernitur, sed dum

V.

43 4 OPUSCULE LVI , OFFICE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST.

il se change , de même il se transsubstantie , et c'est Dieu qui opère. Seigneur Dieu des armées. Il en est de même du vin lorsqu'on le bé- nit; il devient véritablement alors le sang de Jésus-Christ , nous de- vons croire communément comme vraie cette parole , et non comme simulée. Le ciel et la terre sont pleins de votre gloire, gloire à Dieu au plus haut des cieux. Que ce sacrement soit être pour nous qui le célébrons de même que pour les fidèles qui le reçoivent un aliment, et qu'il soit la cause de la ruine des Juifs qui le nient. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur; gloire à Dieu au plus haut des cieux.

Communion. Toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice , vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il \ienne. C'est pourquoi, quiconque mangera le pain et boira ]e calice du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur. Louez Dieu.

Postcommunion. Faites, nous vous en conjurons, Seigneur, que nous soyons remplis de la jouissance éternelle de votre divinité; jouissance que nous représente la réception temporelle de votre corps et de votre sang précieux; Dieu qui vivez et régnez avec Dieu le Père dans l'unité du Saint-Esprit, pendant tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Fin du cinquante-sixième Opuscule de saint Thomas.

L'abbé FOURSET.

consecratur , caro Christi , sic mutatur , quomodo convertitur, Deus operatur. Do- minus Deus Sabaoth. De vino similiter si sit benedictum, et tune est veraciter san- guis Christi, dictumeredamuscommuniter Yerum, et non fictum. Pleni su'\t cœli et terra gloria tua, Hosanna in excelsis. Nobis celebrantibusistudsacramentum, et cunctis iidelibus fiât nutrimentum , Judœis negan- tibus sit in detrimentum. Benedictus qui venit in nomine Domini, Hosanna in excel- sis. Communio. Quotiescumquemanducabi- tispanem hune, et calicem bibetis, mor-

tem Domini annuntiabitis donec veniat. Itaque , quicumque manducaverit panem, vel biberit calicem Domini indigne, reus erit corporis et sanguinis Domini, Alléluia. Postcommunion. Fac nos, quaesumus, Do- mine, divinitatis tuœ sempiterna fruitione repleri, quam pretiosi corporis et sangui- nis tui temporalis perceptio preefigurat : Qui vivis et régnas cum Deo Pâtre in uni- tate Spiritus sancti Deus : Per omnia sae- cula saeculorum. Amen.

Explicit Opusculum Quinquagesimum sextum S. Thomœ de Aquino.

OPUSCULE LVII , SUR LE SACREMENT DE L AUTEL.

435 -^3:

DlJ MÊME DOCTEUR SAINT THOMAS, SUR LE SACREMENT ADORABLE DE L'AUTEL.

CHAPITRE PREMIER.

Des trois causes de l'institution du sacrement du corps du Seigneur.

« Venez, mangez le pain que je vous donne, buvez le vin que je vous ai préparé. » Prov., chap. IX. Le Seigneur par ces paroles nous convie au banquet salutaire clans lequel il nous a préparé un aliment précieux, à savoir son corps et son sang, conformément à ces paroles des Proverbes, chap. YI : « Traitez votre affaire avec votre ami, et ne révélez point votre secret à un étranger. » L'affaire secrète , c'est le sacrement de l'Autel, c'est comme un secret sacré , dont laicause ne doit pas se révéler aux infidèles , mais aux fidèles seuls. Remarquez que trois causes ont contribué à l'institution de ce sacrement. Ce sont, le souvenir du Sauveur , le sacrifice de l'autel , la nourriture de l'homme. La sagesse divine a disposé ces trois choses dans ce sacre- ment en opposition avec les maux anciens , à savoir contre l'oubli de Dieu, contre la dette fruit de la rapine du bien d'autrui, contre la corruption qui découle du fruit mortifère. Nos premiers parents trompés par la ruse du serpent tombèrent dans ces trois espèces de maux, et par eux la dépravation passa à leurs successeurs. Quant au

OPUSCULUM LVII.

Ejusdem doctoris, de venerabili sacramehto altaris.

CAPUT I.

De tribus causis instilulionis sacramcnti corporis Christi.

« Venite, Comedite panem meum, et bi- bite •vinum quod miscui vobis. » Proverb., IX. His verbis Dominus nos invitât ad sa- lutare convivium , in quo prseparavit pre- tiosum cibum, scilicet corpus et sanguinera suum, juxta illud Proverb., VI : « Causam tuam tracta cum amico tuo : et secretum ne révèles extraneo. » Res sécréta est alta-

ris sacrementum, quasi sacrum secretum, cujus causa non infidelibus, sed fidelibusest revelanda. Nota, quod causa institutionis est triplex, scilicet memoria Salvatoris, sa- crificium altaris, cibus hominis. Haec tria disposuit in hoc sacramento divina sapien- tia contraria, vetera mala, scilicet contra oblivionem Dei, contra debitum rapinœ alienae rei, contra corruptiones pomi mor- tiferi. Primi enim parentes in haec tria malainciderunt, serpentina fraude decepti, et per eos successores sunt depravati. De

*w Ae-»iJ» + *£j>-*<±ZLz A#*%^ 4<^wm *w ******

436 OPUSCULE LYII, CHAPITRE 1.

premier, il est écrit Eccl., chap. X : « Le commencement de l'orgueil de l'homme fut de commettre une apostasie à l'égard de Dieu; parce que son cœur se retira de celui qui l'a créé; » ceci est le résultat de l'oubli qui précède les soins qu'il donne à une affaire coupable qu'il traite avec le serpent ; c'est encore ce qui a coutume d'arriver à cer- tains insensés. Quant au second, il est écrit Gen., chap. III : « La femme donc voyant que le fruit de cet arbre étoit bon à manger et agréable à la vue en prit , en mangea , et en donna à son mari qui en mangea comme elle; » ils se rendirent par coupables l'un et l'autre de rapine. Ils se rendent coupables d'une rapine semblable, ceux qui dans l'usage des créatures et des choses outrepassent les bornes de la justice par un autre côté. Quant au troisième, il est écrit Gen., chap. II : « Ne mangez point du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal ; quel que soit le jour vous en mangerez , vous mourrez de mort; » et quant au bien de l'immortalité du corps, il est écrit Ps. XIII : « Ils se sont corrompus , et sont devenus abomi- nables, etc. »Ceux pareillement qui emploient le poison du péché, tuent les âmes, et les corrompent. Ce sacrement a par conséquent été institué contre ces trois maux anciens. Il est écrit dans saint Luc , chap. XXII : «Prenez et mangez, ceci est mon corps qui sera livré pour vous : faites ceci en mémoire de moi. » FaUesjçeci , dit-il , en mémoire çhmoi. Yoici la première cause; à savoir le souvenir du Sau- veur, pour préserver de l'oubli. Qui sera livre' pour vous; c'est-à-dire, pour que l'agneau de Dieu fut offert , et c'est ici la seconde cause , à savoir le sacrifice de l'autel contre la rapine. « Prenez et mandez, » voici la troisième cause; à savoir, unêTnourriture médicinale contre la corruption. La première cause est donc le souvenir du Sauveur contre l'oubli auquel nous pourrions nous laisser aller; et cela afin qu'avertis, nous nous soustrayons aux maux qui pourroient nous

primo, Eccles., X : « Initium superbiœ ho- minis apostatare a Deo, quoniam ab eo qui fecit illum, recessit cor ejus, » scilicet per oblivioîiera in occupatione damnosae nego- tiationis cum serpente; quod saepe adhuc quibusdam stultis solet evenire. De secun- do, Gen ., III : « Videns mulier lignum quod esset bonum ad vescendum, et pulchrum oculis, aspectuque delectabile, tulit de fructu, et comedit, deditque viro suo, » et sic ainbo rapinam commiserunt. Hujus ra- pinae similitudinem faciunt, qui in usu creaturarum, et rerum per alium justitise mensuram excedunt. De tertio , Gen., II : « De ligno scientise boni et mali ne come- das : in quacumque enirn die comederis ex eo, morte morieris, » et in bouo immorta- litatis corporis. Psalm. XIII : « Corrupti

sunt , et abominabiles facti sunt. » Sic qui peccati venenum in usum sumunt, animas occidunt et corrumpunt. Igitur contra tri- plex vêtus malum institutum est hoc sa- cramentum. Luc, XXII : « Accipite et co- medite, Hoc est corpus meum , quod pro vobis tradetur : hoc facite in meam com- merationem. » Hoc facite, inquit, in meam commémorât ionem. Ecce prima causa, sci- licet memoria Salvatoris contra oblivio- nem : Quod pro vobis tradetur, id est, ut agnus Dei ofïerretur. Eccesecunda causa , scilicet sacrificium altaris contra rapinam. Accipite et comedite. Ecce tertia, scilicet cibus medicinalis contra corruptionem. Memoria ergo Salvatoris contra oblivio- uem est prima causa, ut hoc scilicet ad- moniti, totam mentem. et omnes sensus

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 437

atteindre , et crue nous reportions entièrement à Dieu tous nos sens et tout notre esprit que nous détournons de lui , et que parfois nous laissons divaguer dans des pensées et des délectations mauvaises. De il dit : Faites ceci en mémoire de moi. Eusèbe dit : « Parce que après la manducation de son corps , le Seigneur devoit disparoitre de devant les regards des hommes, et être emporté dans les cieux, il étoit par conséquent nécessaire qu'au jour de la cène, il nous consacrât le sacrement de son corps et de son sang, pour que l'on offrît perpétuellement en mystère ce corps et ce sang qu'il offroit une fois comme rançon, et que la mémoire de cette victime perpétuelle se^conseryàt , et qu'elle lut continuellement présente par la grâce. » Il faut remarquer que la charité du Sauveur nous pousse par trois raisons, à ne jamais l'oublier ; ce sont la rémission des péchés , le ra- chat de ceux qui étoient insolvables , et la continuation de ses bien- faits. Quant à la première , il est écrit dans Tsaïe , XLIII : « C'est moi qui efface vos iniquités pour l'amour de moi, et je ne me souviendrai plus de vos péchés, ressouvenez-vous de moi. » Quant à la seconde, il est écrit Ecclésiastique, chap. XXIX :*« N'oubliez jamais la grâce que vous fait celui qui répond pour vous , de manière que vous l'ai- miez à cause d'elle , et que vous lui rendiez par vos prières et vos bonnes œuvres ce que vous lui devez. » On lit au livre des Cantiques, chap. V : « Ouvrez-moi, ma sœur, mon amie , parce que ma tête est chargée de rosée, et mes cheveux des gouttes de la nuit. » Ouvrez- moi, c'est-à-dire recevez-moi dans votre esprit, dans votre mémoire et votre affection; parce que ma tête, c'est-à-dire ma divinité, est pleine de rosée, c'est-à-dire de miséricorde pour remettre les péchés; et mes cheveux, c'est-à-dire mon humanité, des gouttes de la nuit, c'est-à-dire de la sueur des larmes que j'ai versées, et du sang que j'ai répandu pendant ma passion , pour racheter votre héritage qui étoit insol-

nostros quos a Deo avertimus, et cum pra- vis quandoque cogitationibus et delectatio- nibus vagari permisimus, a noxiis abstra- hentes, integraliter ad Deum referamus. Hinc dicit, « Hoc facite in meam comme- morationem. » Eusebius : « Quia corpus assumptum , Dorainus ablaturus erat ab oculis, et illaturus syderibus , necessarium erat ut die cœnœ sacramentum nobis sui corporis et sanguinis consecraret , ut offer- retur jugiter per mysterium, quod offere- batur semel in pretium, et perennis victi- ma viveret in memoria, et semper praesens esset in gratia. »

Nota, ad habendam semper memoriam Salvatoris, cogunt nos tria argumenta sua: charkatis, scilicet remissio peccatorum, re- demptio impignoratorum, continuatio be-

neficiorum. De primo, lsaiœ, XLIII : « Ego sum qui deleo iniquitates tuas propterme, et peccatorum tuorum non recordabor, re- duc me in memoriam. » De secundo, EccL, XXIX : « Gratiam fidejussoris tui ne obli- viscaris, quin scilicet eum pro ea diligas, et quin orationibus et bonis operibus debitum ei reddas. » Cant., V : « Aperi mini soror mea, arnica mea, quia caput meum plénum est rore, et cincinni mei guttis noctium. » Aperi mihi, id est , suscipe me in nientem tuam, in memoriam et dilection>;m , quia caput meum, scilicet divinitas, plénum est rore, id est, misericordia ad diinittendurn peccata : et cincinni mei, id est, humanitas : guttis noctium, id est, effusione sudoris la- crymarum, et sanguinis passionum, ad re- dimendum hœreditatem tuam pro satisfac-

438 OPUSCULE LVIÏ, CHAPITRE 1.

vable et pour la satisfaction de vos péchés. Quant à la troisième, il est écrit au Deutéronome , chap. YIII : « Prenez garde avec un soin tout particulier de n'oublier jamais le Seigneur votre Dieu, et de ne point négliger ses préceptes ; de peur qu'après que vous aurez mangé , que vous aurez bu, que vous serez rassasié, et que vous aurez eu de toutes espèces de choses, votre coeur ne s'élève et que vous ne vous ressou- veniez plus du Seigneur votre Dieu. » Le Commentaire de l'Ecclésias- tique, chap. XVII, dit : g Comme il n'est pas un instant l'homme n'use de la bonté de Dieu, il doit aussi l'avoir toujours présent à la mémoire. » ) ,Lpî>

La seconde cause de l'institution de ce sacrement, c'est le sacrifice de l'autel, contre une certaine rapine quotidienne de nos péchés, afin que comme le corps du Seigneur a été offert une fois sur la croix pour le péché originel, il soit pareillement offert sans interruption sur l'autel pour nos péchés de tous les jours, et qu'en cela l'Eglise ait pour apaiser Dieu un don qui soit et plus précieux et agréable que tous les sacrifices de la loi. Il est écrit dans Malachie, chap. III : « Le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur, comme celui du roi et de la milice ; » c'est-à-dire de l'Eglise du Christ. Le pape Alexandre dit : « Il ne peut rien y avoir de plus grand dans les sacrifices de l'Eglise que le corps et le sang de Jésus-Christ. Il n'est pas d'oblation qui puisse lui être préférée , celle-ci l'emporte sur toutes les autres; il faut pour l'offrir à Dieu que la conscience soit pure, comme il faut un cœur pur pour la recevoir. Comme ce sacrifice l'emporte en excellence sur les autres, il est aussi plus digne de notre vénération. » Pour approuver ce sacrifice , il faut observer qu'il y eut trois raisons de changer l'an- cien sacrifice.

La première se tire de la puissance de l'auteur de notre sacrifice , à savoir de Jésus-Christ; qui non-seulement parce qu'il est Dieu et roi de toute la terre, mais encore parce que le souverain sacrifice a été

tione peccatorum tuorum impignoratam. j beat in hoc Ecclesia munus ad placandura De tertio, Deut., VIII : « Observa, et cave, ! sibi Deum , super omnia legis sacrificia

ne quando obliviscaris Domini Dei tui, et pretiosum et acceptum. Malac.,\\l : « Pla- negligas mandata ejus, ne postquam corne- j cebit Domino sacrificium Juda, et Hierusa-

deris, et biberis, et satiatus fuetis, habue- |lem, quasi régis et militiae,» id est, risque cunctarum rerum copiam , elevetur Christi Ecclesiœ. Alexander Papa : « Nihil

cor tuum, et non reminiscaris Domini Dei tui. » Glos. Eccl., XVII : « Sicut nullum mo- mentum est, quo non utitur homo Dei bonitate, ita semper débet esse in memoria prœsens. »

Secunda causa institutions, est sacrificium altaris contra quamdan quotidianam delic- torum nostrorum rapinam, ut sicut corpus Domini semel oblatum est in cruce pro debito originali, sic offeratur jugiter pro nostris quotidianis delictis in altari, et ha-

in sacrificiis ecclesiœ majus esse potest quam corpus et sanguis Christi. Nec ulla oblatio hac potior est, sed omnes prœcel- lit, quœ pura conscientia Deo offerenda est, et pura mente sumenda. Et sicut potior est prœcœteris, ita potius venerari débet. » Ad hoc sacrificium approbandum, notatur triplex ratio mutandi vêtus sacrificium. Prima authoris nostri sacrificii potentia scilicet Christi, qui non solum ex eo quod est Dominus et rex univers* terne , sed ex

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 439

transféré sur lui , a pu et changer le sien en un sacrifice plus par- fait. Il est écrit Ps. CIX : « Le Seigneur a juré, et il ne se repentira pas, etc.» Il ne dit point selon l'ordre d'Aaron, ou selon le rit des Lévites qui offrirent les chairs des boucs et des taureaux ; niais selon l'ordre de Melchisédech qui offrit le pain et le \in. Il est écrit , Hébreux , chap. VIII : (c Qu'il fut nécessaire qu'un nouveau sacerdoce selon l'ordre de Melchisédech surgît, et qu'il ne devoit pas être selon l'ordre d'Aaron. » Le sacerdoce ayant été transféré , la loi devoit nécessaire- ment l'être aussi. Mais il est évident que le Seigneur est sorti de la tribu de Juda, à laquelle d'après la loi n'appartenoient pas les prêtres. La seconde cause qui fit changer le sacrifice, c'est l'exigence de nos dettes. La dette de nos premiers parents étoit si grande , soit à cause de la rapine et de l'ingratitude du ravisseur, soit à cause de la gran- deur de celui qui avoit été lésé, à savoir le Créateur, que non-seule- ment les sacrifices de la loi, mais que le monde entier avec toutes les créatures qu'elle contient , étoit insuffisant à payer cette même dette. Il est écrit dans l'épître aux Hébreux , chap. X : « Le Christ entrant dans le monde dit : Vous avez rejeté les hosties et les oblations , et vous m'avez donné un corps; » le Commentaire ajoute ; entrant dans le monde , c'est-à-dire , s'étant fait homme , dit : « Vous avez rejeté l'hostie des animaux, et les oblations des autres choses; » c'est-à-dire, elles ne vous ont pas été agréables; mais vous m'avez donné un corps qui l'emporte sur tous les autres sacrifices, parce qu'il est exempt de péché; vous me l'avez adapté, c'est-à-dire que vous me l'avez donné apte et propre à vivre , de manière qu'il pût être offert pour la ré- demption de tout ce qui existe. Il est écrit Ps. LYIII : « Ce que je n'ai point dérobé, je le payois alors; » c'est-à-dire que je le payois lorsque j'offrois sur la croix un sacrifice suffisant pour payer la dette de tous.

summi sacrificii ad eum translatione, potuit et debuit suum in melius sacrificium com- mutare. Psalm. CIX : « Juravit Dominus, et non pœnitebit eum, » etc. Non dicit se- cundum ordinem Aaron vel secundum ri- tum Levitarum, qui obtulerunt carnes hircorum et taurorum, sed secundum or- dinem Melchisédech, qui obtulit panem et ■vinum. Hebr., VIII : « Quod fuit necessa- rium secundum ordinem Melchisédech, alium exsurgere sacerdotem, et non secun- dum ordinem Aaron. » Translato enim sa- «erdotio, necesse est utlegis translatio fiât. Manifestum est autem, quod ex tribu Juda ortus est Dominus, de qua secundum legem non erant sacerdotes. Secunda est debitorum nostrorum exigentia. Tarn ma- gnum enim erat debitum primorum paren-

tum ex rapinse magnitudine, ex raptoris ingratitudine, ex laesi, scilicet creatoris majestate, quod non solum legis sacrificia, sed totus mundus eum omni creatura non suflicit pro satisfactione. Ad Hebr., X : « Ghristus ingrediens mundum, dicit : HostianTet oblationem noluisti, corpus au- tem aptastimihi.» Glos. : Ingrediens, id est, homo factus dicit : Hostiam de animalibus, et oblationem de aliis rébus noluisti, id est non placuerunt tibi : corpus autem quod prse omnibus sacrificiis est, quia sine pec- cato, aptasti mihi, id est, aptum et ido- neum dedisti mihi vivendo, quod omni re - demptione valeat offerri. Psalm. LVIII : «Quae non rapui , tune exsolvebam , quan- do,» scilicet pro debitis omnium sufliciens sacrificium in cruce offerebam. Tertia ratio

440 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 1.

La troisième raison de changer le sacrifice , c'étoit l'insuffisance des sacrifices de la loi; et cela se prouve par trois raisons : à savoir parce qu'ils n'étoient pas agréables à Dieu , parce qu'ils n'effaçoient pas le péché, et parce qu'ils ne conféroient pas la grâce. Et d'abord, Jérémie dit, chap. VI : «Vos holocaustes ne me sont point agréables, vos victimes ne m'ont pas plu. » Il est dit dans Osée , chap. VI : « C'est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. » Le Psalmiste dit, XXIX de la seconde : « Vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché. » L'Apôtre dit, Rom., chap. III : « Nul homme ne sera jus- tifié devant Dieu par les œuvres de la loi. » Le même Apôtre dit aux Hébreux, chap. X : « Le sang des boucs et des taureaux est impuissant à effacer les péchés. » Ezéchiel XX dit de la troisième , : « Je leur ai donné des préceptes qui ne sont pas bons, et des ordonnances ils ne trouveront pas la vie ; » je leur ai donné des préceptes qui ne sont pas bons, c'est-à-dire qui sont moins bons, et des sacrifices, c'est-à-dire des rits , ils ne trouveront pas la vie; parce que ces sacrifices ne conféreroient pas la vie de la grâce. L'Apôtre dit, Hébreux, chapitre XII : « Que l'ancienne loi a été aussi réprouvée à cause de son inuti- lité et de sa foiblesse, elle l'a pour ainsi dire été à cause de sa stérilité et parce qu'elle ne conféroit pas la grâce . »

La troisième cause de l'institution de ce sacrement, c'est l'aliment de l'homme. Aliment, dirai-je, efficace contre la corruption du fruit mortifère ; corruption qui s'étoit si bien insinuée dans les premiers parents du genre humain, qu'elle eut été incurable, si on n'eût pas eu recours à un remède si efficace que la prudence de Dieu seul pouvoit le procurer. Il est écrit Ecclésiast., chap. XXXVIil : « Le Très-Haut a créé un remède de la terre , » c'est-à-dire de la chair de la Vierge, « et l'homme prudent n'en aura pas horreur.» Saint Ambroise dit : « Le corpi~urè7esus-Cnrist est an remède spirituel, qui pris avec respect

mutandi est ipsorum sacrificiorum legis insuffîcientia. Et hoc probatur a tribus, q"uia scilicet Deo non placuerunt, quia pec- cata non abstulerunt, quia gratiam non contulerunt. De primo. Hier., VI : « Holo- causta vestra non sunt accepta , victimœ vestrae non placuerunt mihi. » Osec , VI : « Misericordiam volo, et non sacrificium.» De secundo, Psal. XXIX : « Holocaustum et pro peccato non postulasti. » Ad Hou:., III : « Ex operibus legis, non justificabiturom- nis caro coram Deo. » Ad Heb., X . « Impos- sible est sanguine hircorum et taurorura auferri peecata. » De tertio, Ezech., XX : « Dedi prœcepta non bona , et judicia in quibiis non vivent; » prsecepta non bon, id est, minus bona et sacrificia, scilicet

c«remonialia , in quibus non vivent quia vitam gratise non conferebant. Ad Heb., XII : « lleprobatio quoque fit preecedentis mnndati propter infirmitatem ejus, et inu- tilitatem, quasi propter ejus sterilitatem, quia non conferebat gratiam. » Tertia in- stitutions causa est cibus hominis. Cibus, inquam, medicinalis contra pomi mortiferi corrup!.ioi;em, quae tain prava infusa est per primos parentes humano generi. ut es- set incurabilis, nisi subveniretur medicina optima, quam posset facere prudentia Dei. Eccl., XXXVIII : « Altissirnus de terra, id est, carne Virginis, creavit medicinam, et vir prudens non abhorrebit ea. » Ambre— sius : « Corpus Chiisti medicina spiritualis est, quœcum reverentia degustata, sibide-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 441

purifie ceux qui lui sont dévoués. » Pour connoître la raison de la né- cessité du remède du corps de Jésus-Christ, en tant que le serpent infernal a insinué dans l'homme par le poison du fruit défendu , il faut savoir qu'il a insinué en lui une trip]e_corruption ; à savoir, les ténèbres de l'ignorance dans l'ame^dans le corps la maladie d'une coo£uj^encje^ûvà^e, et la mort dans l'un et l'autre. C'est contre cette triple corruption qu'a été institué comme remède le sacrement du corps de Jésus-Christ; il chasse les ténèbres de l'ignorance , il guérit de la maladie de la concupiscence , et donne la mort à notre mort On peut à cause de ces effets le comparer à une nourriture tri- plement douce et médicinale ; à savoir aujrmel à cause du premier, au fruit fin figuier pour le second, et au fruit de la vigne pour le troi- sième. Quant au premier , il est écrit Proverbes, chapitre XXXIV : « Mange, mon fils, le miel, parce qu'il est bon. »La douceur du miel signifie celle du corps de Jésus-Christ. Celui-ci est bon parce qu'il illumine les ténèbres de l'esprit. Il est écrit I Rois, chap. XIV : « Vous avez vu que mes yeux ont été éclairés, parce que j'ai goûté un peu de miel. » Jsaïe dit, chap. VII : « Quiconque aura été laissé, mangera le beurre et le miel pour qu'il sache réprouver le mal et choisir le bien. » On lit, Ps. XXVI : « Le Seigneur est ma lumière, etc.. Appro- chez-vous de lui, et il vous éclairera. » Quant au second , il est dit dans Jérémie, chap. XXIV : « Le figuier produit de bonnes figues, des figues excellentes. » Ce mot figue répété deux fois exprime la douceur du corps de Jésus -Christ Dieu et homme en même temps. Ces deux choses sont parfaites l'une et l'autre, parce qu'elles guérissent l'esprit et la chair de la maladie de la concupiscence mauvaise. On lit, IV Rois, chap. XX : « Isaïe fit apporter une quantitéjae figue s , dès qu'il les eut placées sur l'ulcère du roi, il fut guéri. » L'ulcère du roi signifie la concupiscence de la chair, la quantité de figues le corps de

votos purificat. Ad cognoscenclum ratio- , num est, quia tenebras mentis illuminât nem necessitatis medicinse corporis Chris- I Regum., XIV : « Vidistis, quoniam illumi- ti, secundum quod serpens malignus infu- nati sunt oculi mei , eo quod gustaverim dit homini per venenum cibi vetiti, tripli- j paululumde melle. » Esa., VII : « Butyrum

etmel manducabit omnis qui relictus fue- rit, » ut scilicet sciât reprobaremalum, et eligere bonum. Psal. XXVI : «Dominusil- luminatio mea, » etc. « Accedite ad eum, et illuminamini.» De secundo, Hier., XXIV : « Ficus, ficus bonus, bonas valde. » Ficus bis dicta?, dulce corpus Christi Dei, et hominis significant. Hae bis bonœ sunt valde, quia mentem et carnem a morbo pravae concu- piscentiae sanant. » IV lleyum, XXI : « Esaias jussit aflerri massam ficorum, quam curn posuit super ulcus régis, curatusest.»Ulcus régis est concupiscentia carnalis, massa fi-

cem corruptionem in anima, scilicet tene- bras ignorantiee, in corpore morbum pra- vae concupiscentiae, et mortem utrobique. » Contra hoc institutum est corporis Christi medicamentum, tenebras ignorantiai illus- trans , rnorbum concupiscentiae sanans , et mortem nostram mortiflcans. Propter haec tria potest comparari triplici dulci cibo et xnedicinali, scilicet melli propter priinum, ficui propter secundum, fructui uvae prop- ter tertium. De primo Proverb., XXXIV : « Comede, fili, mel, quoniam bonum est.» Mel corpus Christi dulce significat. Hoc bo-

s

442 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 2.

Jésus-Christ qui contient la douceur d'une infinité dejnens propres à guérir les mauvais désirs. Pour ce qui est du troisième, il écrit dans saint Luc, chap. I : « Béni le fruit de voire ventre; » à savoir le corps de Jésus-Christ , qui est le fruit de vie , fruit assez puissant pour dé- truire l'enfer et procurer la vie éternelle. On lit, Proverbes, chap. III : « Il est l'arbre dejyie pour ceux qui l'auront saisie, » c'est-à-dire pour ceux qui auront obtenu la sagesse incarnée de Dieu. C'est pour cela qu'il est dit dans Osée , chap. XIII : « Je serai ta mort , ô mort! » Il est dit dans saint Jean, chap. YI : « Je suis le pain de vie, etc.. Celui qui mange ma chair, etc.. » Il est encore dit : « Celui qui me mange vivra pour moi. » Saint Hilaire dit : « Lorsqu'on a reçu la chair de Jésus-Christ et qu'on a bu son sang, il en résulte que nous sommes en lui , et qu'il est en nous. » La source de notre vie vient donc de ce que Jésus-Christ, qui est véritablement la vie, demeure en nous qui sommes charnels , par sa chair, et que nous devons vivre par lui , comme il vit lui-même par son Père qui demeure en lui.

CHAPITRE IL_

La 'première cause de l'institution de ce sacrement, c'est le souvenir du Sauveur, en lui-même, et la préparation à son jugement.

« Venez, mangez le pain de vie, etc.. Votre affaire, etc.. » Argu- ment spécial. Il est aussi écrit : « En souvenir éternel. Faites ceci en mémoire de moi, » et dans saint Luc, chap. XXII : « L'objet , etc.. » Il est aussi écrit : « Soyez prêts, car à l'heure que vous ignorez, » Luc , chap. XII. La première cause de l'institution du sacrement du corps du Seigneur, c'est le souvenir du Sauveur. On peut sur ce point rechercher quatre choses. Quel mal il résulte de l'oubli du Sei-

corum corpus Christi , continens dulcedi- nem multorum bonorum ad medicinam malorum desideriorum. De tertio, Luc., I : « Benedictus fructus ventris tui, » corpus, scilicet Christi, quod est fructus vitse, va- lensad destructionem gehennse, etacquisi- tionem vitse seternae. Proverb., III : «Lignum vitee est his, qui apprehenderint eam, » scilicet, sapieiitiam Dei incarnatam. Hinc dicitur Osée , XIII : « Ero mors tua o mors. Joun., VI : « Ego sum panis vitee, etc. Qui manducat meam carnem, » etc. Item : « Qui manducat me, vivet propter me. » Hilarius : « Accepta carne Dornini, et haus- to sanguine, id efficitur ut nos in ipso, et ipse in nobis sit. » Haec est ergo causa vitee nostrœ, quod in nobis carnalibus per car-

nem Christum , qui vere vita est , ma. nentem habemus , victuri per eum ea conditioue, qua vivit ipse per Patrem qui in eo est.

CAPUT II.

De prima causa inslilulionis per se memoria Salvatoris , et de prœparatione ejus ad judicium.

« Venite, comedite panem, » etc., cau- sant tuam, etc. Spéciale. Item, in memo- ria aeterna. « Hoc facite in meam comme- morationem, » Luc, XXII : Thema. Item, « Estote parati, quia qua hora. » Luc, XII - Prima causa institutionis sacramenti domi- nici corporis, est memoria Salvatoris, circa quam tria possunt queeri. Primo, quid

» SUR LE SACREMENT DE l'âUTEL. 443

gneur. Il faut répondre qu'il en résulte trois espèces de maux , qui sont la perte de la grâce divine, la soumission au pouvoir du démon, et la difformité énorme du péché. Quant au premier mal, il est écrit dans le Deutéronome, chap. XXXII : « C'est Dieu qui vous a engendré, et vous l'avez abandonné, etc.. » Et il dit Je cacherai ma face, et je considérerai , » c'est-à-dire je retirerai ma grâce. te source se tarit, le ruisseau dessèche. Isaïe dit, chap. XVII : « Tu seras déserte, parce que tu as oublié Dieu ton créateur. » Il est écrit Ecclésiastique, chap. XX : « La prière des insensés s'écoulera comme l'eau. » Quant au second mal, il est écrit au livre des Juges, chap. IV : « Ils ont oublié leur Dieu et il les a livrés aux mains de Sisara; » c'est-à-dire au pouvoir du démon. Tobie dit , chap. VI : « Ceux qui contractent ma- riage de manière à éloigner Dieu et d'eux et de leur esprit ; c'est sur ceux-là que le démon a pouvoir. » Pour ce qui est du troisième mal qui résulte de cet oubli, l'Apôtre dit, Rom., chap. I : « Comme ils n'ap- prouvèrent, » c'est-à-dire ne voulurent pas connoître Dieu, « il les a abandonnés à leur sens réprouvé, pour qu'ils fassent ce qu'ils ne con- vient pas; » et ceci, hélas! a souvent lieu jusqu'à la mort. On lit, Ps. IX : « Il n'y a pas de Dieu à ses yeux, etc.. » Et dans Joël, ch. I : « Les bêtes de somme sont pourries dans leurs ordures. » Les bêtes de somme impudiques et privées de sens , sont les hommes insensés et charnels, qui n'ont jamais Dieu présent à leurs yeux. Pourrir de la sorte sur ses ordures, c'est terminer sa vie dans la luxure et les autres péchés.

On demande quelles sont les choses concernant le Sauveur dont il ne faut pas perdre le souvenir. On répond qu'il y en a trois, ce sont le passé, le présent et l'avenir. Pour ce qui concerne le passé, il faut se rappeler le Sauveur comme notre rédempteur; parce que son infinie charité l'a fait nous délivrer par sa mort d'une mauvaise mort. Pour

mali sequitur,si memoriaDominifuerit re- licta. Et dicendum quod triplex, scilicet amissio gratiae divinœ, subjectio potestatis diabolicae, magna deformitas culpœ. De primo, Deut., XXXII : « Deum qui te ge- nuit, dereliquisti, » etc. Et ait, « Abscon- dam faciem meam, et considerabo, » idest subtraham gratiam. Ubi [fons périt, rivus arescit. Esaiœ, XVII : « Eris déserta, quia oblita es Dei creatoris tui. » Ecclesiastici, XX : « Oratio fatuorum effundetur. » De secundo, Judic, IV : « Obliti sunt Dei sui, et tradidit eos in manus Sisarae, » id est, potestati diaboli. Tobiœ, VI : « Qui conjugia ita suscipiunt ut Deum a se et a sua mente excludant, in his habet potestatem dsemon. » De tertio ad Rom., I : «Sicut non

probaverunt, » id est noluerunt Deum ha- bere in notitia, « tradidit illos in reprobum sensum, ut faciant ea quae non conveniunt. Et heu ! hoc ssepe fit usque ad mortem. » Psal. IX : « Non e§t Deus in conspectu ejus, » etc. Ioel, I : « Gomputruerunt ju- menta in stercore suo. » Jumenta impu- dica, et insipientia sunt homines stulti, carnales, Deum pvae oculis non habentes. Hujusmodi stercore suo putrescere, est in luxuria et aliis peccatis vitam finire.

Secundo, quaeritur de quibus de nostro Salvatore memoria sit habenda : Et dicen- dum de tribus, de praeterito, de praesenti, de futuro. De praeterito, ut nostri redemp- toris, quia propter nimiam charitatem a morte mala', morte sua liberavit nos. De

444 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 2.

le présent, il faut se le rappeler comme voyant tout, comme voyant toujours par sa présence cachée toutes nos actions. Pour ce qui est de l'avenir, il faut nous le rappeler comme un juge équitable, qui par sa toute puissance jugera toute mauvaise action qui n'aura pas été expiée. Pour le premier point, il est écrit dans Jérémie , Lament., chap. III : <c Souvenez-vous de la pauvreté je suis, de l'excès de mes maux, » c'est-à-dire de ma profonde humiliation , de l'absynthe et du fiel je suis plongé; c'est-à-dire de l'amertume de ma passion. Ezéchiel dit, chap. IX : « Marquez un signe Thau sur le front des hommes qui gémissent et qui sont dans la douleur de voir toutes les abomina- tions qui se commettent dans cette ville. » Le Thau a la figure de la croix, c'est-à-dire qu'il rappelle la passion du Christ que les bons ne doivent jamais bannir de leur esprit. Quant au second point, il est écrit Psaume XCIX « Sachez que le Seigneur lui-même est Dieu, à savoir qu'il est partout , qu'il voit tout et que tout lui est connu. » C'est ce qui faisoit dire au Psalmiste, Ps. XV : « Je regardois le Seigneur, et Pavois toujours présent devant les yeux. » Il est écrit Ecclésiastique, chap. XXXIX : « L'œuvre de toute chair est présent à la vue du Sei- gneur, et rien n'est caché à ses yeux. » On lit dans le Cantique des Cantiques, chap. II : « Voici qu'il se tient mi-même derrière notre muraille ; » c'est-à-dire qu'il est revêtu du mur de notre chair ; « il regarde à travers les fentes ; » parce que bien que caché intérieure- ment et que nous ne puissions pas le voir, il voit néanmoins toutes nos œuvres. Pour ce qui est du troisième point , le prophète Isaïe dit, chap. XXX : « Voilà la majesté du Seigneur qui vient de loin , il pa- roîtra dans une fureur ardente dont nul ne pourra soutenir l'effet. » Voilà qu'il vient; c'est-à-dire tenez-vous sur vos gardes, car bientôt il viendra pour le juste jugement. Il est dit dans saint Matthieu, chap. XXIV : « Veillez, etc.. » Saint Jérôme s'exprime en ces termes :

prœsenti, ut omnium inspectons, qui per occultam praesentiam omnia nostra semper cernit. De futuro, ut justi judicis, qui per omnipotentiam suam omne pravum incor- rectum districtejudicabit. De primo, Tre- norum, III : « Recordare paupertatis meee, et transgressionis, » id est, maximae hu- imliationis. « Absynthii et i'ellis, » id est , amarœ passioiùs. Ezech., IX : « Signa Thau super frontes virorum dolentium , et ge- mentium super cunctis abominationibus, quœ fiunt in civitate hac. » Thau, figuram crucis habet, id est, passionis Christi, quae semper est bonis in mente ferenda. De se- cundo, Psalm. XCIX : « Scitote quoniam Dominus ipse est Deus omnia scilicet im- plens, omnia videns, ubique preesens. »

Hinc ait : « Providebam Dominum in conspectu meo semper. » Psalm. XV : Eccl., XXXIX : « Opéra ornnis carnis coram Domino, et non est quicquam absconditum ab oculis ejus. » Cant., II : « En ipse stat post parietem nostrum, » id est, indutus pariete carnis nostrae : « prospiciens per cancellos, » quia licet intus degens occultus a nobis videri non possit, tamen omnia nostra videt.

De tertio, . Isai., XXX : « Ecce nomen Domini venit de longinquo , ardens furor ejus et gravis ad portandum.» Ecce venit, id est attendite , quia cito veniet ad des- trictum judicium. Matth., XXIV : « Vigi- late, etc. » Hieronymus : « Sive comedo, sive bibo, sive aliquid aliud facio , semper

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 445

« Que je boive, que je mange, quelque chose que je fasse , j'entends toujours retentir à mes oreilles comme le bruit éclatant de la trom- pette, cette voix terrible : levez-vous morts, venez au jugement. » Il est dit en même temps de ces trois points, Psaume CX : « Le Seigneur a rappelé la mémoire de ses merveilles , » comme s'il disoit : Le Seigneur nous a donné une nourriture , c'est-à-dire qu'il s'est donné lui-même pour perpétuer le souvenir de ses merveilles : de ses mer- veilles passées , de nous avoir racheté ; de ses merveilles présentes, parce qu'il voit tout ce qui se passe en nous; des merveilles futures] de ce qu'enfin il jugera sévèrement.

On demande à quoi sert le souvenir de notre Sauveur. On répond qu'il sert à trois choses. Le souvenir de la première de ces choses , à savoir de la passion de Jésus-Christ, sert à enflammer notre cœur de son amour. Le souvenir de la seconde , à savoir de la vue continuelle qu'il a sur nous , sert à nous préserver du péché. Le souvenir de la troisième , c'est-à-dire du jugement sévère , nous fait faire des efforts pour nous préparer au jugement futur. Le souvenir de la première de ces choses nous fait aimer le bien , celui de la seconde nous fait dé- tester le mal , celui de la troisième nous fait précautionner contre un danger imminent. Quant au premier souvenir, saint Luc dit, ch. XII : « Je suis venu apporter le feu sur la terre, mon désir n'est-il pas qu'il brûle? » Je suis venu apporter le feu, c'est-à-dire , j'ai apporté sur la terre comme cause d'amour le bienfait de ma passion ; si on en con- serve un pieux souvenir, elle enflammera le cœur d'un amour im- mense. Il est dit Psaume, XXXVIII : « Mon cœur s'est enflammé au dedans de moi, etc.. » Saint Bernard s'exprime en ces termes : « Le calice que vous avez bu, œuvre de ma rédemption, vous a rendu pour moi, ô bon Jésus ! aimable par-dessus toute chose. » Le même saint dit encore : « Plus le Seigneur s'est abaissé pour moi , plus il m'est devenu cher. » Pour ce qui est du souvenir de la seconde , il

dum. Tertiœ rei , scilicet district! judicis, valet ad excitandum nos ut praepareinur contra futurum judicium. Primum facit nos bonum diligere ; secundurn, malum

intonat in auribus meis quasi tuba vehe- mens, vox illa terribilis : Surgite mortui, venite ad judicium. » De omnibus tribus simul, Psalm. GX : « Memorium fecit mi-

rabilium suorum , » quasi diceret : Domi- 1 odire ; tertium, imminens periculum prae nus dédit nobis escam, scilicet seipsum ad I cavere. De primo, Luc, XII : « Ignem veni memoriam suorum mirabilium praeterito- I mittere in terram, etquid volo nisi.utar- rum, quod nos redemit ; prœsentium, quod deat ? » Ignem veni, id est, causam amoris omnia nostra respicit ; futurorum , quod | misi in mundum beneiicio passionis , quae districte tandem judicabit. Tertio, quseri- j si pie recordata fuerit , amore magno cor tur quid valeat memoria nostri Salvatoris. j accendit. Psalm. XXXVIII : « Concaluit Dicendum ad tria. Primœ enim rei mémo- ] cor meum intra me, » etc. Bernardus : ria, scilicet passionis Christi, valet ad cor | « Super omnia te mihi reddit amabilem, nostrum ejus amore inflammandum. Se- 1 Jesu bone , calix quem bibisti , opus re- cundae rei , scilicet ejus continua? inspec- j demptionis meœ. » Idem : « Quanto pro tionis, valet ad nos a peccato custodien-l me Dominus factus est vilior , tanto mihi

446 OPUSCULE LVI, CHAPITRE 2.

est écrit Prov. , chap. VIII : « La crainte du Seigneur fait haïr le mal. » La crainte, dirai-je, par laquelle l'esprit considère Dieu comme toujours présent et comme voyant toute chose préserve du péché, et vice versa. Il est écrit Eccli., ch. XXIII : « Tout homme qui viole la foi du lit cou- jugal, méprise son ame; » et il dit : « Qui est-ce qui me voit ? Les té- nèbres m'environnent, les murailles me couvrent, etc. » il ne com- prend pas cet homme là, comment l'œil de Dieu voit tout, et il bannit de son cœur la crainte de ce même Dieu. Ezéchiel.dit, chap. VIII : « Fils de l'homme , vous avez vu d'une manière certaine ce que les vieillards font dans les ténèbres. Car ils disent : Le Seigneur ne voit pas. » Le Commentaire ajoute : « Si nous nous rappellions sans cesse que le Seigneur est toujours présent, qu'il voit tout, qu'il juge tout, nous ne pécherions jamais ou presque jamais. » Boëce dit : « Nous sommes dans la nécessité de bien vivre, puisque tout ce que nous fai- sons, s'accomplit sous les yeux d'un juge à qui rien n'échappe. » Pour ce qui est du souvenir de la troisième chose, il est écrit Exode, ch. XIX : « Sanctifiez le peuple ; et qu'ils soient prêts pour le troisième jour; car le troisième jour le Seigneur descendra en présence de tout le peuple. » Ce qui est comme s'il disoit : Souvenez-vous que le Sei- gneur irrité viendra pour le jugement rigoureux; préparez-vous donc pour le troisième jour. Le premier jour est celui de notre naissance, le second le temps que nous passons sur la terre , le troisième , celui de notre mort, de l'arrivée du jugement rigoureux. Saint Luc dit, chap. XII : « Soyez prêts. » On doit remarquer trois choses relativement à la préparation au jugement; ce sont le mode, la prévision d'échap- per aux châtiments réservés à ceux qui ne sont pas préparés, l'avan- tage qu'il y a de posséder la vie éternelle avec ceux qui sont préparés. Quant au premier point, il est écrit Ecclésiastique, chap. XVIII : « Avant le jugement, rendez-vous la justice propice; » à savoir en fai-

factus est carior. » De secundo , Prov., VIII : « Timor Domini odit malum. » Ti- mor, inquam, quo mens semper Deum praesentem et omnia videntem attendit, a peccato custodit, hinc e converse Eccles., XXIII : « Omnis homo qui transgreditur lectum suum , contemnens in animam suam, dicens : Quis me videt ? tenebrse circumdant me , non inteliigit quoniam omnia videt oculus Domini, et expellit a se timorem Dei. » Ezech., VIII : « Certe vi- disti, fili hominis, quse seniores faciunt in tenebris. Dicuntenim, non videt Dominus.» Glossa : « Si Dominum praesentem et om- nia videntem et judicantem , semper cogi- taremus, aut vix aut nunquam peccare- mus. » Boetius : « Magna nobis indicta est nécessitas bene vivendi , cum agamus om-

nia ante oculos judicis cuncta cernentis. » De tertio, Exod., XIX : « Sanctifica popu- lum , et sint parati in diem tertium ; die enim tertio descendet Dominus coram om- ni plèbe , » quasi diceret : Mementote, quia Dominus terribilis descendet ad dis- trictum judicium, et ideo estote parati in diem tertium. Primus dies est dies nostrae nativitatis, secundus nostrœ conversationis, tertius dies mortis, vel adventus districti judicii. Lac., XII : « Estote parati. » In praeparatione ad judicium debent tria no- tari , scilicet modus, providentia non prae- paratorum pœnam evadere , lucrum cum prœparatis vitam aeternam possidere. De primo, Eccles., XVIII : «Ame judicium praepara justitiam tibi , » scilicet pœniten- tiam agendo. Matth., III : « Pœnitentiam

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 447

saut pénitence. Il est dit dans saint Matthieu , cli. III : « Faites péni- tence, le royaume du ciel est proche; » c'est-à-dire le jugement équi- table du roi du ciel. Joël dit, chap. II : « Le jour du Seigneur est grand, il est terrible, qui pourra le supporter ? » Le Seigneur dit donc maintenant, « convertissez-vous à moi, etc.. » comme s'il disoit : Pré- parez-vous au jour du Seigneur par la pénitence et par la fuite des péchés du monde. Pour ce qui est du second; il est écrit dans l'A- pocalypse, chap. XVIII : « Sors deBabylone, ô mon peuple! pour ne pas participer à ses crimes, et pour échapper à ses châtiments! » Sortez de Babylone , c'est-à-dire préparez-vous au jugement par la pénitence et par la fuite des péchés du monde; c'est par une telle pré- voyance que vous échapperez à ses châtiments. On Ut dans saint Luc, chap. XII : « Si le père de famille savoit, etc.. » Le Commentaire ajoute : « L'ignorance du père de famille fait que le voleur fait inva- sion dans la maison ; parce que pendant que l'esprit ne veille point à sa propre garde, la mort de la chair que l'on ne prévoyoit pas s'em- pare de la demeure et précipité l'ame dans les supplices. » Mais il résis- teroit au voleur, s'il veilloit, et s'il se précautionnoit contre l'arrivée secrète et imprévue du juge, s'il alloit à sa rencontre par la pénitence ; et par il échapperoit au châtiment de ceux qui dorment , c'est-à- dire qui ne sont pas préparés . Quant au troisième , on ht dans saint Matthieu, chap. XV : « Pendant que les vierges folles, » c'est-à-dire , les âmes qui ne sont pas préparées , allèrent acheter au marché du démon avec Eve , ou Diane ; à ce marché l'on donne beaucoup de besogne pour peu de chose, l'époux vint, et celles qui étoient prêtes, etc.. Voici le triple avantage que procure la préparation au jugement; ce sont, la possession du royaume du ciel, la société inef- fable de l'époux, et la jouissance de toute espèce de biens. On peut ici remarquer trois choses ; premièrement, elles entrèrent, seconde-

agité. Appropinquabit enim regnum cœlo- rum, » idest, régis cœlestis judicium jus- tum. Joël, II : « Magnus dies Domini et terribilis valde, quis sustinebit eum ? Nunc ergo dicit Dominus : Convertimini ad me, » etc., quasi diceret : Apparate vos ad diem Domini pœnitentiam agendo , et peccata mundi non faciendo. De secundo, Apoc, XVIII : « Exite de Babylone , popule meus, et ne participes sitis delictorum ejus, et de plagis ejus non accipietis. » Exite de Babylone, id est , praeparate vos ad judicium pœnitentiam agendo, et pec- cata mundi non faciendo ; et per talem providentiam evadetis ejus pœnam. Luc., XII : « Si sciret paterfamilias , » etc. Glossa : « Nesciente patrefamilias, domum

fur perfodit, quia durn a sui custodia spi- ritus dormit, improvisa mors carnis habi- tacuium irrumpit, et animam ad supplicia trahit. » Furi autem resisteret, si vigilaret et adventum judicis occulte prsevenien- tem praecavens, judici pœnitendo occurre- ret, et sic utique dormientium, id est, non praeparatorum pœnam evaderet. De tertio, Matth., XXV : « Cum fatuae virgines, » id est , animée non paratœ , irent eniere ad forum diaboli cum Eva , vel cum Diana , ubi pro modica re dant multa bona, venit sponsus, et quœ paratae erant, » etc. Ecce triplex lucrum prœparationis ad judicium, çcilicet possessio cœleslis regni , societas âmabilis sponsi , deliciœ totius boni. Pri- mum notatur ibi, Intraverunt ; secundum

448 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 3.

ment, avecV époux , troisièmement, aux noces. _U est dit de la pre- mière dans saint Matthieu, chap. XXV : « Venez les bénis de mon Père. » Il est dit de la seconde, I Thés., chap. IV : « Nous serons tou- jours avec le Seigneur, sans lui nulle part on n'est bien, avec lui nulle part on ne pourra être mal. » On lit dans saint Jean, chap. XVII : «Mon Père, ceux que vous m'avez donnés, je veux, etc., qu'ils voient la lumière que vous m'avez donnée. » Il est dit de la troisième dans Isaïe , chap. LXVI : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ; » c'est- à-dire , avec la société pacifique et délicieuse de tous les bienheureux, fpour que vous soyez remplis par le lait de la consolation tiré de ses pamelles. ]

CHAPITRE III.

De la seconde cause de l'institution du sacrement de l'Eucharistie, à savoir du sacrifice de l'autel.

« Venez, mangez, etc.. Pareillement, votre affaire, etc.. » thème ou argument propre. Le sacrifice de Juda est comme celui du roi et de la milice, c'est-à-dire, de l'Eglise de Jésus-Christ, Malachie , chap. III. La seconde cause de l'institution du sacrement du corps du Seigneur, c'est le sacrifice de l'autel. Trois choses sont à observer touchant ce sacrifice ; ce sont la forme , la question du sacrifice légal et l'excellence de notre sacrifice. Nous traiterons les deux premières questions dans ce chapitre et nous laisserons la troisième pour le cha- pitre suivant. La première chose à considérer c'est la forme , et elle est triple. La première est celle des anciennes oblations qui le figu- roientà l'avance. La seconde consiste dans la vérité de la forme hu- maine , la troisième consiste dans les espèces du pain et du vin. La première fut confiée à la synagogue sous la loi; la seconde, offerte sur la croix , est celle de la chanté divine ; la troisième, consacrée sur la

ibi, Gum eo ; tertium ibi , Ad nuptias. De primo, Matth., XXV : « Venite benedicti patris mei. » De secundo, I Thess., -IV : « Seinper cum Domino erimus , sine quo nulli bene, cum quo nulli maie esse pote- rit. » Joann., XVII : « Pater, quos dedisti mihi, volo, etc. Ut videant claritatem quam dedisti mihi. » De tertio, Isa., LXVI : « Gaudete cum Hierusalem , id est cum beatorum omnium pacifica et jucunda so- cietate , ut repleamini ab uberibus conso- lationis ejus. »

CAPUT lit.

De secundo, causa inslilulionis sacramenli Eucharistiœ , scilicel sacrificio allaris.

«Venite, comedite, » etc. Item causam

tuam, etc. Thema proprium. Sacrificium Juda, quasi régis et militiœ, id est Christi et Ecclesiœ, Malach., III. Secunda causa institutionis sacramenti dominici corporis, est sacrificium aUaris. Circa quod sacrifi- cium notantur tria, scilicet forma oiFeren- di, quaestio de sacrificio legali et excellen- lia nostri sacrificii. De duobus primis hic potest dici , de tertio in sequenti. Primo notatur forma, et hsec est triplex. Prima in oblationum veterum pnefiguratione ; se- cunda in humanaj forma? veritate ; tertia in parus et vini specie. Prima est synago- gae commendata sub lege ; secunda chari- tatis divinee oblata in cruce; tertia fidelis anima? consecrata in mensa ecclesiae. Pri- ma data est in signum , secunda in pre-

SUR LE SACR3MENT DE L' AUTEL. 449

table de l'Eglise , est celle Je l'àme fidèle. La première fut donnée en figure ; la seconde comme le prix de l'homme, la troisième comme une consolation. Il est écrit de la première, Lévit., chap. IV : « Si tout Israël a péché par ignorance , qu'il offre un veau pour son péché; » c'est-à-dire le Christ, ajoute le Commentaire : ceci se faisoit en figure et non en personne : l'agneau sans tache que les Juifs immoloient pour laPàque et dont ils mangeoient les chairs, Exode, chap. XII, étoit aussi la figure de Jésus-Christ, dit saint Grégoire. Isaïe dit de la se- conde forme, chap. LUI : a II a été conduit à la mort comme une brebis, il a été couvert de plaies à cause, etc. .. Il a été offert parce qu'il l'a voulu. »Ceci s'est véritablement réalisé sur la croix quant à la forme humaine. Il est écrit aux Hébreux, chap. X : « Nous sommes sanctifiés une fois par l'oblation du corps de Jésus-Christ; » à savoir sur la croix. Quant à la troisième, il est dit, Psaume CIX : « Vous êtes prêtre pour l'éternité, etc.. » Lequel, comme il est dit dans la Genèse, chap. XIV : « Offrit le pain et le vin. » De même le Christ donne son corps et son sang dans le sacrifice de l'autel, sous les espèces du pain et du vin. On lit dans saint Matthieu, chap. XXVI : « Jésus prit le pain, le bénit et dit : Ceci est mon corps ; » il prit aussi le calice , c'est-à-dire un petit vase avec du vin, il rendit grâce, disant : « Ceci est mon sang, etc.. »

On remarque en second lieu la question peu importante du sacrifice légal, et en traitant cette question on fait trois choses. On fait con- noître les difficultés que l'on oppose contre l'insuffisance imputée au sacrifice légal. On résout ces difficultés. On assigne la cause de ce même sacrifice. On oppose à l'insuffisance imputée à ces sacrifices, à savoir qu'ils n'ont pas été agréables à Dieu , qu'ils n'effacèrent pas les péchés, d'après ces paroles de Jérémie, chap. VI : « Je n'ai point eu pour agréables vos sacrifices, vos victimes ne m'ont pas plu, etc. »

tium, tertia in solatium. De prima, Levit., IV : « Si omnis Israël per ignorantiam peccaverit , offerat pro peccato suo vitu- lum , » id est Christum , dicit Glossa : « Hoc autera non erat in persona, sed in figura. » Exod., XII : « Similiter agnus immaculatus, quem occidebant in Pascha, et ejus carnes edebant, figura Christierat, » ut dicit Gregorius. De secunda forma Isa., LUI : « Sicut ovis ad occisionem ductus , vulneraturus est propter, » etc. Oblatus est, quia ipse voluit. Hoc vere secundum formam humanam in cruce. Hebr., X : « Sanctiiicati sumus per oblationem corpo- ris Jesu Christi semel, » scilicet in cruce. De tertia, Psalm. CIX : « Tu es sacerdos in œternum , » etc. Qui ut dicitur Gen.,

V.

XIV : « Obtulit panem et vinum, » sic Christus dat corpus et sauguinem suum in sacrificium altaris sub panis et vini spe- ciem. Matth., XXVI : « Accepit Jésus pa- nem, et.benedixit, et ait : Hoc est corpus meum. Et accipiens calicem, id est vascu- lum cum vino, gratias egit dicens : Hic est sanguis meus , » etc. Secundo notatur brevis quaestio de sacriflcio legali , in qua tria fiunt. Primo , contra insufficieutiam quae imponitur sacrificiis legalibus, oppo- nitur ; secundo, contraiïetas solvitur ; ter- tio, causa illius sacrificii assignatur. Primo contra insutïicientiam , quod Deo non pla- cuerunt, et quod peccata non abstulerunt secundum illud Jerem., VI : « Holocausta vestra non sunt accepta , victime vestrae

29

450 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 3.

et autres raisons semblables; les paroles suivantes du Lévitique, ch. IV : « Si quelqu'un d'entre le peuple a péché, etc., il offrira une chèvre sans défaut, etc..., le prêtrela brûlera sur l'autel, devant le Seigneur, comme un parfum qui lui est agréable , et sa faute lui sera pardonnée. » Il est donc démontré par que le Sacrifice légal fut agréable à Dieu et que par conséquent il remit les péchés. L'Apôtre dit aux Hébreux, chap. XI : « Tous les péchés sont presque purifiés par le sang suivant la loi ; et le sang des animaux immolés remet les péchés de ceux qui s'en rendent coupables. » Donc les sacrifices légaux furent agréables à Dieu et ils remirent les péchés.

On peut répondre comme il suit à ces difficultés. Il y eut toujours trois choses dans le sacrifice ; ce sont le sacrifice lui-même , les per- sonnes qui l'offrent, et la rémission des péchés. Deux choses dévoient être observées dans celles que nous venons d'indiquer. Dans le sacri- fice , on devoit considérer la chair et le sang de l'animal que l'on offroit ; on devoit en outre considérer, ce qui valoit beaucoup mieux, à savoir la chose spirituelle qu'il signifioit; par exemple le Christ, que signifioient l'agneau et le veau, la pénitence représentée par la chèvre, la vie robuste et active exprimée par le bœuf, la vie sublime et con- templative signifiée par l'oiseau, etc.. Les personnes qui offrent sont pareillement de deux espèces, les unes dignes, les autres indignes. Les personnes indignes étoient celles qui, ne considéroient dans les sacri- fices que la partie charnelle. Les personnes dignes au contraire étoient celles qui envisageoient dans les sacrifices la partie spirituelle, et qui croyoient explicitement ou implicitement au Christ figuré par eux ; et qui conformoient leur vie à cette intelligence spirituelle qu'ils en avoient. On peut aussi dire , que il y avoit rémission des péchés en deux choses ; il y avoit rémission quant à la peine , c'est-à-dire quant à l'irrégularité légale ; ou quant à la faute, c'est-à-dire quant à

non placuerunt mihi, et contra his similia opponitur.» Levit.,lV : « Si peccaverit bu- tem quis de populo terrae, offeret capram immaculatam , et adolebit eam sacerdos super altare in odorem suavitatis Domino, et dimittetur ei. » Ergo videtur, quod vê- tus sacrificium placuerit Deo, et propter hoc peccala dimisit. Eebr., XI : « Omnia pêne sanguine mundantur secundum le- gem, et per sanguinem animalium sacrifi- catorum remittuntur peccata deliquen- tium. » Ergo illa sacrificia Deo placuerunt et peccata dimiserunt. Secundo , horum contrarietas sic potest soivi. In sacrificio semper tria fuerunt, scilicet ipsum sacri- iîcium , personne offerentium , peccatorum remissio. In singulis istorum duo attende- bantur in sacrificio, caro et sanguis ani-

malis quod offerrebatur. Et praeterea, multo melius, scilicet res spiritualis, quae ibi figurabatur , ut in agno vel vitulo Christus, in capra pœnitentia, in bove vita robusta et activa, in ave sublimis et con- templativa, et sic de ceeteris. Item, personae offerentium duse sunt species, aliae dignae, aliee indignœ. Indigni erant qui illa sacri- ficia tantum carnaliter attendebant. Digni autem qui ea spiritualiter attendebant, et in eis Christum fîguratum, vel explicite, vel implicite credebant , et secundum in- tellectum spiritualem vitam suam rege- bant. Item , ibi erat remissio peccatorum, et hoc quantum ad duo , scilicet quantum ad pcenam , id est quantum ad legis irre- gularitatem , vel quantum ad culpam , id est quantum ad conscientiee maculam. His

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 451

la souillure de la conscience. Ceci étant établi, il n'est pas difficile de résoudre les difficultés que les Ecritures semblent contenir relati- vement aux sacrifices. Véritablement, en effet, ces sacrifices en eux- mêmes, à savoir opéra operata, c'est-à-dire, les chairs et le sang des boucs ne furent pas agréables à Dieu , et ce ne fut pas à cause de ces mêmes sacrifices que la faute fut remise quant à la faute elle- même, c'est-à-dire quant à la souillure de la conscience ; cependant aux yeux des hommes elle étoit considérée comme remise quant à la peine légale. C'est ce qui fait que quand l'Apôtre dit dans un endroit : « Il est impossible que le sang des boucs efface les péchés, » et dans un autre : « Tous les péchés sont presque effacés dans le sang d'après la loi, » on peut interpréter le premier de ces passages de la souillure de l'ame ; et le second de la peine de la chair. C'est ce qui lui fait dire aux Hébreux, chapitre IX : « Le sang des boucs, des taureaux, et l'aspersion de l'eau mêlée avec la cendre d'une génisse, sanctifient ceux qui ont été souillés , en leur donnant une pureté extérieure et charnelle. » Le Commentaire «ajoute : « Sanctifié, c'est-à-dire purifié du péché , » ou pour parler plus exactement , de la peine légale, ils ne sont propres en effet qu'à purifier la chair et non l'ame. Les sacrifices des justes néanmoins, non pas en eux-mêmeS, comme nous venons de le dire , mais à cause de la foi qu'ils avoient dans le Sauveur, dont ces mêmes sacrifices figuroient la venue , et qu'ils croyoient eux de- voir être le Rédempteur du monde, plaisoient à Dieu sous ce rapport et leur procuroient la rémission des péchés, et quant à la peine dont nous avons parlé , et quant à la coulpe ou souillure de l'ame. L'A- pôtre dit, Galat., chap. III : « Les œuvres de la loi ne justifièrent l'homme que par la foi en Jésus-Christ. » Le même Apôtre dit aux Hébreux, chap. XI : « C'est par la foi qu'Abel offrit à Dieu une hostie plus excellente que Caïn, » plus excellente, c'est-à-dire plus agréable,

visis, facile solvuntur quae de sacrifions in Scripturis sacris contraria dici videntur. Rêvera enim illa sacrificia secundum se, scilicet opéra operata, id est, carnes et sanguis hircorum nec placuerunt Deo, nec propter ea remisit culpam, quantum ad culpam, id est conscientiae maculam ; sed tamen apud homines remissa reputabantur quantum ad quamdam legis pœnam. Unde cum Apostolus uno loco dicat : « Impossi- bile est sanguine hircorum auferri pecca- ta, » et in alio : « Omnia pêne in sanguine mundantur secundum legem. » Primum intelligendum est quantum ad animœ cul- pam. Secundum quantum ad carnis pœ- nam : unde ad Hebr., IX : « Sanguis hir- corum et vitulorum, et cinis vitulae asper-

sus, inquinatos sanctificat ad emundatio- nem carnis. » Glossa : « Sanctificat, id est, a peccato mundat, id est a pœna legis ad emundationem valent non animae, sed car- nis. » Verumtamen justorum sacrificia non secundum se , ut dictum est, sed propter fidem Salvatoris, quem in illis venturum, et pro redemptione mundi credebant, Deo placebant , et eis remissionem peccatorum quantum ad pœnam supradictam, et quan- tum ad culpam animœ valebant. Ad Gai., III : « Ex operibus legis non jusiificabitur homo, nisi per fidem Jesu Ghristi. » Heb>\, XI : « Fide plurimam hostiam Abel, quam Cain, obtulit Domino ; » plurimam, id est acceptabiliorem , et plus sibi valentem. Intellexit enim et credidit, quem in agno

452 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 3.

et qui lui fut plus profitable. Il comprit en effet et il crut par l'agneau qu'il offrit à Dieu à une hostie plus salutaire, c'est-à-dire le Sauveur; ce que ne comprirent ni Caïn , ni les autres personnes indignes , qui offrirent des sacrifices. On lit dans la Genèse , chap. X : « Dieu jeta ses regards sur Abel et ses présents. »

Troisièmement, nous allons ici faire connoître la cause de l'insti- tution des sacrifices légaux. Comme ces sacrifices ont été en effet in- stitués par Dieu qui ne fait rien sans cause , et que pourtant ils dé- voient être changés, on peut rechercher la raison qui les fit instituer. Pour cela faire, nous dirons en peu de mots, que, bien que ces sacri- fices n'eussent pas par eux-mêmes la propriété de remettre la coulpe ou souillure , ils furent néanmoins d'un grand avantage pour l'ensei- gnement de la sagesse. On les donne en effet temporairement à des esclaves, comme la figure de sacrifices meilleurs; et presque comme on donne aux enfants les caractères imprimés sur les livres; afin qu'aidés par les propriétés de ces mêmes sacrifices et par les règles employées pour les offrir, ils fissent des progrès dans la science de la vraie foi ; et qu'après avoir acquis la science véritable, les éléments disparussent, que les ombres et les figures fussent dissipées par la vé- rité reçue par ce moyen. Il est écrit au Deutérondme, chap. XI : « Imprimez ces paroles que je vous dis dans vos cœurs et dans vos esprits, tenez-les attachées à vos mains, écrivez-les sur les jambages et sur les portes de vos maisons. » Gravez dans vos cœurs les sacri- fices légaux, gravez-les y, en tant qu'ils touchent à la morale, puis- qu'il faut toujours en ce point être fidèle à les offrir. Tenez-les attachés à vos mains ; en ce qui concerne les tabernacles édifiés de main d'homme, et les autres choses de ce genre qui doivent être enlevées dans un temps ; écrivez sur les jambages et sur les portes de vos mai- sons les sacrifices, à savoir les brebis et les bœufs; comme les lettres que l'on donne aux petits enfants; on apprendra par ce moyen une foule de bonnes choses; ce seront surtout lajtqi auJSauveur, la règle

Deo obtulit hosliam meliorem, id est Sal- vatorem, quod non Cain et caeteri indigni. Gen., X : « Respexit Dominus ad Abel, et ad munera ejus. » Tertio, causa institutio- ms legalium sacrifîciorum est assignanda. Cum enim a Deo instituta sint , qui nihil sine causa facit, et tamen mutanda erant, qua?ri potest causa institutioniseorum. Ad hoc breviter dicendum , quod licet per se non valuerat ad remissionem culpee, tamen multum utilia fuerunt ad doctrinam sa- pientise. Data suntquippe servis ad tempus tanquam signa rerum meliorum, et quasi parvulis tanquam characteres librorum, in quorum proprietatibus et modulis offeren-

di, proficerent in disciplina verse fidei, ut adepta vera scientia , deficerent elementa et collata veritate cessarent umbrœ, et si- gna. Deut.j XI : « Ponite verba mea in cordibus vestris, et suspendite pro signo in manibus, et scribite ea in postibus et ja- nuis. » Ponite in cordibus legalia , scilicet quantum ad moralia, quse semper sunt ser- vanda ; suspendite ea pro signo in mani- bus , quantum ad manufacta tabernacula, et hujusmodi, quae pro tempore sunt tol- lenda : scribite in postibus et januis sacri- ficia, scilicet oves et boves quasi litteras parvulorum, in quibus multa bona sunt dis- cenda , et preecipue scilicet fides Salvatoris,

SUR LE SACREMENT DE l'aLTEL. 453

des mœurs^et l'espérance des bieus célestes. Ils pouvoient apprendre la première de ces choses par les sacrifices des brebis la seconde par le sacrifice des taureaux- la troisième par celui des animaux que l'on lojrûloîJL en dehors des camps. Isaïe dit du premier de ces sacrifices , cBâp. LUI : «'Comme une brebis, etc.. . «Ils pouvoient par conséquent, lorsqu'on offroit une brebis, apprendre trois choses de la véritable foi; ce sont, l'innocence du Sauveur, la mansuétude du genre humain, et la rédemption opérée par Jésus-ChristlDaniel dit du second, ch. III : t( Enjesjoirit d'humilité, etc., comme dans les holocaustes des béliers efaes taureaux. » Par conséquent, lorsqu'on offroit pour l'holocauste les animaux cornus, c'est-à-dire lorsqu'on les offroit pour les réduire en cendres par le feu ; ils pouvoient apprendre trois choses concernant les bonnes mœurs; ces choses sont, qu'il faut résister aux démons et à tous les vices; qu'il faut brûler de l'amour de Dieu et du prochain, et qu'il est nécessaire de conserver en toutes choses l'humilité du cœur et du corps. Quant au troisième, il est dity vi tique, chap. IV ; Hébreux, chap. XII : « Que le sang des animaux est porté par le Pon- tife dans le Saint des saints pour leurs péchés, et que les corps de ces animaux sont brûlés en dehors du camp. » De l'exécution de ces choses, ils pouvoient recueillir trois enseignements relatifs à l'espoir d'obtenir la gloire céleste; ce sont la pénitence des vivants, le devoir du Sauveur, et le suffrage des bons. Ce sacrifice nous apprend en premier lieu, que les corps étoient brûlés en dehors du camp ; et cette action de brûler les corps en dehors du camp figure les fidèles qui font pénitence loin des délices et des voluptés du monde. Secondement, la translation du sang clans le Saint des saints par le Pontife repré- sente la translation des âmes des justes dans le ciel après cette vie par Jésus-Christ. Troisièmement, ce sacrifice nous apprend que si le sang transporté par le Pontife dans le Saint des saints eut le pouvoir de

Ê

forma de moribus , spes de cœlestibus. Primum poterant discere de sacritîciis ovium; secundum in sacrificio taurorum; tertium in sacrificio animalium extra cas- tra combustorum. De primo , Isa., LUI : « Sicut ovis, » etc. Cum ergo ovis offere- batur, poterant tria de vera fide discere, scilicet Salvatoris innocentiam, mansuetu- dinem humani generis, per mortem Christi redemptionem. De secundo , Dan., III : In spiritu humilitatis, » etc. Sicut in ho- locaustis arietum et taurorum. Cum ergo cornuta animalia in holocaustuui , id est, per ardorem ignis in cinerem redigenda offerebantur , poterant de bonis moribus tria discere, scilicet ut daemonibus et vitiis résistèrent, Dei et proxitni amore ardèrent, cordis et corporis humilitatem in omnibus

conservarent. De tertio, Levit., IV, Hebr., XII : « Quorum animalis infertu/ sanguis pro peccato in sancta per Pontificem , ne— rum corpora cremantur extra castra ; » sanguis animalium significat animas justo- rum. Cum haec fiebant, poterant tria dis- cere de spe obtinendae cœlestis gloriœ, quae sunt pœnitentia viventium , Salvatoris of- ficium, bonorum suffragium. Primum dis- cimus in illo, quod corpora extra castra cremabantur, quia ibi corpora cremare est fidèles extra delicias et voluptates sœculi pœnitentiam agere. Secundum in eo quod sanguis inferebatur per Pontificem in sancta sanctorum, quia hoc est animas justorum, post hanc vitam beneficio Christi in cce- lum assumi. Tertium in eo , quod sanguis per Pontificem in sancta delatus, valuit ad

454 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 3.

remettre les péchés des hommes vivants; ceci nous représente que les âmes des justes qui ont été déjà conduites dans le ciel par Jésus-Christ peuvent prier pour les péchés de ceux qui sont encore sur cette terre d'exil. L'Apôtre dit, quant au premier point, Tim. II, ch. II : « C'est une vérité très-certaine que si nous mourons avec Jésus-Christ en faisant pénitence, nous vivrons avec lui en recevant la vie éternelle, si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui. » Il dit aussi, Rom., chap. VIII : « Les souffrances de la vie présente n'ont pas de propor- tions, etc. » Voici que faire pénitence, supporter les maux qui nous arrivent, nous donnent l'espoir d'ohtenirla gloire du ciel. Pour ce qui est du second , il est écrit dans saint Jean , chap. XIV : « Je viens de nouveau vers vous, et je vous recevrai auprès de moi , » et ici le de- voir de la piété donne l'espérance des hiens célestes. On lit ce qui suit dans le livre des Cantiques , chap. V : « est allé votre bien-aimé , ô la plus belle des femmes ! » La bienheureuse Vierge répond : « Mon bien-aimé est descendu dans son jardin, vers le carreau des parfums, pour se nourrir dans ses jardins et y cueillir des lis; » c'est-à-dire pour enlever du monde et les conduire au ciel les âmes chastes et bien- heureuses. Il est dit du troisième dans Osée, chap. I : « J'exaucerai les cieux, et ils exauceront la terre, » c'est-à-dire que les prières des saints qui sont dans le ciel sauvent ceux qui demeurent sur la terre ; voici en quoi les prières des saints sont propres à nous douner l'espé- rance des biens du ciel. Il est écrit dans l'Apocalypse, chap. VIII : « La fumée des parfums composés des prières des saints , s'élèvant de la main de l'ange, monta devant Dieu; » ceci arrive, parce que les saints offrent à Jésus-Christ pour nous leurs prières , et qu'il les offre lui à son Père, pour nous faire obtenir la rémission de nos péchés, et pour nous associer à eux.

remissionem peccatorum hominum vivo- rum ; quia hoc est animas bonorum jam per Christum in cœlum sublevatas, inter- cédera pro peccatis exulum adhuc in mundo relictorum. De primo, II Tim., II : « Fidelis sermo. » Nam si commortui su- raus, scilicet agendo pœnitentiam : et vi- vemus recipiendo vitam œternam, si sus- tinebimus et conregnabimus. Ad Roman., VIII : « Non sunt condignae passiones, » etc. Ecce quod pœnitentiam agere , et mala in mundo sustinere, valet ad spem obtinendse cœlestis gloriœ. De secundo, Joan., XIV : « Iterum venio , et accipiam vos ad me, » ecce quod Domini pietatis officium valet ad spem cœlestium. Cant., Y , dicunt hu- jusmodi : « Quo abiit dilectus tuus, o pul-

cherrima mulierum ? » respondit beata Virgo. « Dilectus meus descendit in hor- tum suum ad areolam aromatum, ut pascat in hortis, et lilia colligat, » id est animas beatas vel castas de mundo assumât, et ad cœlestia perducat. De tertio, Osée, I : «Ego exaudiam cœlum, et illi exaudiant ter- rain, » id est, sanctorum precibus qui sunt in cœlis, salvantur qui habitant in terris ; ecce orationes sanctorum valent ad spem cœlestium. Apoc, VIII : «Ascendit fumus aromatum de orationibus, scilicet de manu angeli coram Deo, quia scilicet sancti offe- runt orationes pro nobis Christo, et Chris- tus Patn suo, ut peccatorum recipiamus remissionem, et ad eorum perveniamus so- cietatem.

SUR LE SACREMENT DE L AUTEL.

455

CHAPITRE IV.

Troisième observation à faire sur le sacrifice, ou excellence de notre

sacrifice.

«Venez et mangez, etc... » On remarque en troisième lieu, l'excel- lence de notre sacrifice qui est le sacrifice du corps de Jésus- Christ ; excellence qui l'emporte sur celle de tous les sacrifices légaux , sous trois rapports , qui sont, celui de l'honnêteté quant au siècle, de la dignité quant à Dieu, et de la puissance par rapport aux effets de son excellence. Il l'emporte premièrement sous le rapport de l'honnêteté, et ceci se prouve de trois manières ; par son apparence extérieure , par son origine, toute, virginale, et par sa douceur spirituelle. On prouve d'abord cette honnêteté par son apparence extérieure; il n'eut pas été possible en effet, quelle qu'eût été la qualité de la nourriture employée, de l'administrer d'une manière et si convenable, et si belle, et si pure que sous les espèces du pain et du vin. Il n'est pas en effet accompagné de tous les inconvénients inséparables des sacrifices san- glants de la loi. On lit au livre des Proverbes , chap. XIV : « Mieux vaut un peu de pain sec avec la joie, qu'une maison pleine de victimes avec la discorde. » La bouchée de pain sec , c'est notre sacrifice sous l'espèce pure et décente du pain. Zacharie dit, ch. IX : « Car qu'est-ce que le Seigneur a de bon et d'excellent, sinon le froment des élus et le vin qui fait germer les vierges. » On prouve, en second lieu, sa dé- cence par son origine, car il vient d'une fleur virginale , et n'est en- tachée d'aucune corruption. Il est écrit dans l'Ecclésiastique, chap. XXIV : « Mes fleurs portent des fruits d'honneur, etc.. » Ce qui est comme s'il disoit ; les fleurs de la chasteté et de la virginité se sont changées au fruit de la lignée la plus décente et la plus noble. Saint Augustin dit : « La noblesse de la Mère lui vient de la divinité de son

CAPUTIV.

De tertio circa sacrificium notando, scilicet sacrificii nostri excellenlia.

« Venite, comedite, » etc. Tertio notatur nostri sacrificii, scilicet corporis Christi ex- cellentia, quae praecellit omnia legis sacri- ficia triplici ratione , scilicet honestatis, quoad saeculum; dignitatis, quoad Deum; virtutis, quoad suae bonitatis effectum. Primo excellit ratione honestatis, quod probatur a tribus , ab exteriori specie, a virginali origine , a spirituali dulcedine. Primo , probatur hujusmodi honestas ab exteriori specie, quia sub nulla alia quali- tate cibi posset tam munde, tam pulchre,

tam honeste ministrari, sicut sub specie panis et vini. Non enim sequuntur hoc in- convenientia multa , quae sequebantur illa cruenta legis sacriticia. Prov., XIV : « Me- lior est buccella sicca cuin gaudio , quam domus plena victimis cum jurgio. » Buc- cella sicca est sacrificium nostrum sub munda specie panis, et honesta. Zachar., IX : « Quid bonum et quid pulchrum ejus, nisi frumentum electorum, et vinum ger- minans virgines ? » Secundo, probatur ho- nestas ejus, quod a nulla corruptione, sed a virginali flore sumpsit exordium. Eccli., XXIV : « Flores mei fructus honoris, » etc. Quasi diceret : Flores pudicitiee et virgini- tatis versi sunt in fructum nobilissimœ ho

456 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 4.

enfant, et celle de l'enfant de la virginité de sa mère. » On lit au livre des Cantiques, chap. III : « Sortez , etc.. » Le Commentaire ajoute : de l'ignorance, de l'infidélité, et voyez le roi, c'est-à-dire Jésus-Christ; sous son diadème , c'est-à-dire sous la chair dont sa mère l'a cou- ronné, c'est-à-dire l'a embelli parce qu'elle est Vierge. On prouve, en troisième lieu , l'honnêteté de ce sacrifice par la douceur spirituelle de la piété par laquelle il attire à lui tous les chrétiens. Comme le dit Tullius, « Cela est honnête qui par sa propre force nous attire et nous >^-. entraîne., » tel par exemple, que ce qui a de la vertu; mais il n'y a rien déplus propre à atteindre ce but que ce en quoi abonde la douceur de la piété, et c'est précisément ce qu'est le sacrement du corps du Seigneur. On lit dans l'Ecclésiastique, chap. XLIX : «La mémoire de Josias est comme un parfum d'une odeur délicieuse composé par un parfumeur habile. » La mémoire de Josias, c'est le souvenir du Sauveur, ou le sacrifice de l'autel. Ceci est l'œuvre d'un parfumeur, c'est-à-dire est le résultat des œuvres de sa divinité et de son huma- nité , afin que par l'odeur très-suave de l'honnêteté et de la piété, il attire à lui tous les fidèles de l'Eglise. On lit dans le Cantique des Can- tiques , chap. I : « Votre nom est une huile répandue. » C'est ce qui fait que ceux qui croient véritablement, viennent fréquemment et pleins de ferveur à l'Eglise, poussés qu'ils y sont par l'espérance de la grâce et de la dévotion, pour voir ce sacrifice et l'adorer.

Il excelle secondement à cause de sa dignité; et ce qui le prouve ce sont les trois choses excessivement précieuses qui le constituent, à savoir la chair infinimentnure de Jésus-Christ , son ame parfaite-

i 7 -4

ment juste ci sa divinité très-grande. Ces trois; choses étoient figurées dans l'agneau pascal, et elles se trouvent dans toute leur perfection dans notre sacrifice. On lit dans l'Exode, chap. XII : « Vous mangerez la .tête de l'agneau avec les pieds et les intestins. » La tète de l'agneau

*

nestissimae prolis. Augustinus : « Nobilitas matris est ex deitate prolis, nobilitas pro- lis ex virginitate matris.» Cant., III : « Egredimiui, » Glossa, ab ignorantia infi- delitatis, « et videte regem, » id est Jesum Christum, «in diademate,» id est carne, « quo coronavit eura mater sua , » id est, honestavit in hoc quod est virgo. Tertio probatur honeslas hujus sacrificii a spiri- tuali dulcedine pietatis, qua cunctos Chris- tianos ad se attrahit. Ut enim dicit Tullius: « Honestum est , quod sua vi nos ad se trahit et alhcit , » ut scilicet res virtuosa, maxime vero talis qui abundat dulcedine pietatis, et talis res est sacramentum do- minici corporis. Eccles., XLIX : « Memoria Josise in compositione odoris facta opus pigmentarii, » memoria Josife est memo-

riale Salvatoris , vel sacrificium altaris. Hoc factum est opère pigmentarii, scilicet ex pretiosis operibus divinitatis et huma- nitatis suae , ut suavissimo honestatis et pietatis odore ad se trahat fidèles Ecclesice. Cantic, I : « Oleum effusum nomen tuum. » Hinc omnes qui vere credunt , ob spem gratiaî et devotionis ad hoc sacrifi- cium videndum et adorandum ad eccle- siam fréquenter et ferventer accurrunt. Secundo excellit ratior.e dignitatis , quod probatur a tribus rébus pretiosissinvs , ex quibus consistit , scilicet ex carne Christi mundissima , anima justissima, deitate al- tissima. Haec tria in agno pasehali lîgurata sunt , in nostro sacrificio vere perfecta sunt. Exod., XII : « Caput agni cum pe- dibus et intestinis vorabitis. » Caput agni

SUR LE SACRE MEiNT DE L'AUTEL. 457

signifie la divinité, les intestins l'ame, les pieds la chair : voici en Jésus-Christ : Dieu, l'ame et le corps ; ce qui fait que l'on dit : « Sa- lut, Sauveur du monde , Divinité parfaite, Homme véritable composé de chair et d'ame. » L'excellence de cette dignité infinie fait que notre sacrifice jouit d'une triple prérogative que n'ont pas les autres sacrifices. Il est agréable à Dieu en lui-même, il est digne de la véné- ration des Anges et il mérite aussi l'adoration des hommes. Il est digne de la première, parce que son ame est juste; la pureté de sa chair le rend digne de la seconde, et sa divinité souveraine fait qu'il mérite la troisième. Malachie dit de la première de ces prérogatives, chap. III : « Le sacrifice de Juda sera agréable à Dieu; » c'est-à-dire le sacrifice de Jésus-Christ qui est le roi juste. Le sacrifice de Juda plaît au Seigneur, parce que Dieu le père approuve l'oblation du corps de Jésus-Christ: corps dans lequel il est profondément humilié et qu'il a rendu obéissant à son Père jusqu'à la mort; par lequel il a triomphé du démon et a racheté le genre humain. L'Ecclésiastique dit, chap. XXX : « Le sacrifice du juste est agréable à Dieu, il est d'une agréable odeur en présence du Très-Haut. » Saint Matthieu dit de la seconde, chap. XXII : « Quelque part que soit le corps, les aigles s'assembleront. » Le pape saint Léon dit : « Les aigles qui volent autour du corps du Seigneur sont celles qui volent sur des ailes spirituelles, » c'est-à-dire les saints Anges_, les esprits purs, amantsde la pureté et qui protègent de leur présence les-fidèles. On lit dans saint Grégoire : « Quel est celui des fidèles qui pourroit douter qu'au moment de l'immolation les cieux s'ouvrent, que les chœurs des anges assistent à ce mystère de Jésus-Christ, et que lejnel s'as- socie à Ja terre? » Le Palmiste dit de la troisième, Ps. XCY : « Adorez l'escabeau, etc. » Isaïe, chap. LXYI, s'exprime comme il suit : «Mais la terre est l'escabeau de mes pieds. » La terre escabeau des pieds de

significat deitatem, intestina animam, pe- des carnem, ecce in Ghristo Deus, anima et corpus, propter quod dicitur : Ave salus mundi , deitas intégra , verus homo , ex carne scilicet et anima , propter tantae di- gnitatis excellentiam , habet sacrificium nostrum prae aliis triplicem prœrogativam. Deo namque secundum se acceptum est, angelis reverendum , hominibus adoran- dum. Primum est propter animam justarn, secundum propter carnem mundam, ter- tium propter divinitatem summam. De primo, Malach., III : « Placebit Deo sacri- ficium Juda, » id est Christi justi régis. Sacrificium Juda Domino placet, quia cor- pus Christi oblatum Deus Pater approbat,

triumphando , et genus humanum redi- mendo. Eccles., XXX : « Sacrificium justi acceptum est , et odor suavitatis in cons- pectu Altissimi. De secundo, Matth., XXII : « Ubicumque fuerit corpus, ibi congrega- buntur et aquilae. » Léo Papa : « Circa cor- pus Domini aquilœ sunt quae spiritualibus alis circumvolant , videlicet angeli sancti, spiriLus mundi, munditiam amantes, mun- dum corpus Domini vénérantes, et présen- tes fidèles protegentes. » Gregorius : « Quis fidelium dubium habere possit in ipsa ho- ra immolationis cœlos aperiri, et in illo Christi mysterio angelorum adesse choros, summa et ima sociari. » De tertio, Psalm. XCV : « Adorate scabellum. » Et Isa,,

in quo scilicet se maxime humiliavit us- LXVI , dicitur : « Terra autem scabellum que ad mortem Patri obediendo, de diabolo | pedum meorum. » Terra scabellum Dei si-

%

458 opuscule lvii, chapitre 4.

Dieu, signifie la chair de Jésus-Christ, qui tire son origine de la terre. Nous devons l'adorer parce qu'elle est sainte, parce qu'elle est unie à la divinité. Saint Augustin dit : « Il nous importe de savoir qu'il n'y a pas d'impiété à adorer la terre, c'est-à-dire la chair en Jésus-Christ.» Celui, en effet, qui adore la terre, n'a pas en vue la terre, mais bien plutôt celui dont elle est l'escabeau, et qui est cause qu'on l'adore. On lit dans saint Augustin : « Les hérétiques disent : comment se fait-il que vous adoriez sa chair, que vous reconnoissez être une créature, et que vous l'adoriez avec la divinité, et que vous lui rendiez le même culte qu'à celle-ci? Je réponds : ce qui fait que j'adore la chair du Seigneur , qui est l'humanité parfaite , c'est parce que la divinité l'a prise et qu'elle se l'est unie en union de personne. Si vous séparez l'homme de Dieu, je cesse de croire à lui, je ne le sers plus. Il en est comme si quelqu'un trouvoit étendue à terre la pourpre ou le diadème d'un roi, il ne leur rendra pas les honneurs dus au roi. Mais lorsque le roi en est revêtu, il s'expose à la mort, s'il dédaigne de lui rendre en même temps qu'au roi l'honneur qui lui est dû. Dans Jésus-Christ pareillement, ce n'est pas l'humanité seule et une que nous adorons , c'est l'humanité unie à la divinité , à savoir le Fils unique de Dieu , Dieu véritable et vrai homme, et si quelqu'un dé- daigne de l'adorer il mourra pour l'éternité. Le pape Alexandre dit : « il ne peut y avoir rien de plus grand dans les sacrifices que le corps et le sang de Jésus-Christ. »

Il l'emporte troisièmement sur les autres sacrifices par sa puissance, c'est-à-dire parles effets i de, sa. -honte- Il produit trois espèces de biens dans les trois états des fidèles ; dans le monde , dans le purgatoire et dans le ciel. Dans le premier de ces états , il délivre des péchés , dans le second, il allège la gravité du châtiment, dans le troisième il est la source d'une joie sans bornes. C'est ce qui fait que l'on célèbre des

gnificat carnem Christi, quae originaliter de terra est. Hœc est nobis adoranda, quia sancta , quia Deo unita. Augustinus : « Sciendum quia in Christo terra, id est caro, sine impietate adoratur. » Qui enim terram adorât, non terram intuetur, sed illum potius, cujus scabellum est , propter quam adorât. Augustinus': « Dicunt hœ- retici, quid est quod carnem illius, quam creaturam non negas, cum divinitate ado- ras, et ei non minus quam divinitati de- servis ? Respondeo. Dominicain carnem perfectam humanitatem ideo adoro , quia a divinitate suscepta , et divinitati in uni- tate personae unita. Si hominem separave- iïs a Deo, illi non credo nec servio. Velut si quis purpuram vel diadema régis per se jacens inveniat, nunquam eam adorabit.

Cum vero ea rex fuerit indutus, periculum mortis incurrit , si eam cum rege adorare contempserit. Sic etiam in Christo huma- nitatem non solam vel nudam, sed divini- tati unitam , scilicet unum Filium Dei , verum Deum et verum hominem si quis adorare contempserit, œternaliter rnorie- tur. » Alexander Papa : « Nihil in sacrifi- ciis majus esse potest, quam corpus et san- guis Christi. » Tertio, excellit ratione vir- tutis , id est propter effectum suae bonita- tis. Habet enim triplicem bonum actum in triplici statu fidelium, in mundo, in. purgatorio , in cœlo. In primo statu pec- cata relaxât ; in secundo pœnam gravem alleviat ; in tertio gaudium magnum géné- rât. Hinc est, quod tripliciter Missae cele- brari soient , pro salute vivorum , pro re-

SUR LE SACREMENT DE l'âUTEL. 459

messes pour trois fins, pour le salut des vivants, pour le corps des défunts et pour la gloire des bienheureux. C'est aussi pour démontrer la puissance du sacrifice du corps du Seigneur sur ce triple état que l'hostie est rompue en trois parties. Quant au premier de ces biens, on litûans le Lévitique, chap. V : «L'ame qui aura péché par igno- rance, offrira un bélier sans tache, » c'est-à-dire Jésus-Christ. Voilà, dit le Commentaire , la raison pour laquelle on chante « agneau de Dieu, etc.. » Saint Grégoire dit : « Le Seigneur nous a donné ce sa- crement du salut , pour que, comme il ne peut plus mourir pour nous, et que nous péchons tous les jours, nous obtenions par ce même sacrement la rémission de nos péchés. » Quant au second, il est dit dans le Lévitique, chap. XVII : « Je vous ai donné le sang, afin que vous l'offriez. sur l'autel pour l'expiation de vos âmes, et que ce sang vous serve d'expiation. » C'est pourquoi, on offre avec justice le corps et le sang de Jésus-Christ pour les âmes des défunts, afin de les délivrer des peines du purgatoire , les ont fait reléguer les restes de pénitence qu'ils avoient à faire. Saint Augustin dit : « Il n'est pas douteux que les prières et les aumônes de la sainte Eglise et le sacrifice salutaire ne soulagent les âmes des défunts , pour que le Seigneur agisse plus miséricordieusement envers elles, qu'elles ne le méritèrent en ce monde par leurs péchés. » Pour ce qui est du troi- sième , il est écrit dans le Lévitique , chap. X : « Vous mangerez, vous, votre fils et vos filles avec vous, dans un lieu très-pur, la poi- trine qui a été offerte. » La poitrine qui est ce qu'il y a de meilleur et de plus succulent dans l'animal , signifie la douceur du corps de Jésus-Christ, en ce qu'il est pour les bienheureux un objet de délices dans le ciel, parce que le souvenir du Rédempteur , l'aspect de notre salut, l'admiration que produit en eux la bonté divine , font que ce sacrifice leur fait éprouver la plus grande joie et le bonheur le plus

quie defunctorum, et pro gloria beatorum. Unde et hostia in très partes frangitur , ut virtus sacrificii corporis Domini in prae- dicto triplici statu dernonstretur. De primo, Levit., Y : «Anima quae peccaverit per ignorantiam , ofïeret arietem immacula- tum, » id est Christum. Glossa : « Unde canitur : Agnus Dei , » etc. Gregorius : «Dominus dédit nobis saeramentum salutis, ut quia quotidie peccamus, et ille jam pro nobis mori non potest, per hoc saeramen- tum remissionem consequamur. » De se- cundo, Levit., XVII : « Dedi vobis sangui- nem , ut super altare meum expieftis pro animabus vestris, et sanguis pro animœ piaculo sit, et ideo caro et sanguis Ghristi, recte pro animabus defunctorum offerun- tur, ut a pœna purgatorii. qua pro residuo

pœnitentiae legati sunt, absolvantur. » Au- gustinus : « Orationibus et eleemosynis sanctte Ecclesiœ, et sacrificio salutari non est dubium defunctorum animas relevari, ut cum eis misericordius agatur a Domino, quam eorum peccata meruerunt in hoc mundo. » De tertio, Levit., X : « Pectus- culum sacrificii , quod oblatum est , edetis in loco mundissimo, tu, et fllii tui, et fîliae tuae tecum. » Pectusculum , quod scilicet optimum est, et dulcissimum animalis, si- gnificat dulcedinem corporis Christi, in quantum comeditur in loco mundissimo, id est, in quantum delectat beatos incœlo, in eo quod plurimum gaudent, et congra- tulantur in hoc sacrificio, de momoria re- demptoris , de aspectu nostrae salutis , de admiratione divinae bonitatis. Vel certe

460 OPUSCULE LYII, CHAPITRE 5.

parfait. La raison pour laquelle on mangera la poitrine dans un lieu très-pur, c'est peut-être parce que les bienheureux jouissent dans le ciel d'une vue manifeste de la douceur du corps du Seigneur, dont nous nous nourrissons ici-bas sous le voile du sacrement. On lit, Apo- calypse, chap. II : « Je donnerai au vainqueur la manne cachée; » le Commentaire ajoute : « Je me donnerai moi-même, moi qui suis le pain de vie; » que si maintenant il demeure une manne cachée, alors il sera apparent et plein d'une saveur indicible. C'est pour cela que la Collecte s'exprime en ces termes : « Que les sacrements pro- duisent en nous, Seigneur, ce qu'ils contiennent ; afin que nous jouis- sions réellement et en vérité de ce que nous portons en espèce. » C'est- à-dire que nous jouissions du corps de Jésus-Christ par une vue claire et manifeste ; comme le disent les paroles suivantes : « Celui qui m'aime, mon Père qui est dans les cieux l'aimera. » Cette vision du Seigneur fera que nous jouirons pleinement de toute espèce de biens. Il est écrit , Psaume XYI : a Yotre présence me remplira de joie, j'en serai rassasié lorsque votre gloire m'aura apparu. »

CHAPITRE V.

Troisième cause de l'institution de ce sacrement; c'est la nourriture de

l'homme.

« Ma chair est une véritable nourriture, etc.. » Yoilà la raison pour laquelle il donne son corps en aliment. La nourriture de l'homme est la troisième cause de l'institution de ce sacrement. On peut assigner trois raisons à la sagesse de Dieu , par rapport à l'acte par lequel le Seigneur donne son corps en aliment. Ce sont la gran- deur de la libéralité divine , comme il est le souverain bien, il lui convient d'être souverainement libéral; mais il ne peut pas y avoir

pectusculum comedetnr in loco mundissi- mo, quia dulcedine corporis Domini , qua hic pascimur in velamine et sacramento, ea fruuntur beati visione manifesta in cœ- lo. Apoc, II : « Vincenti dabo nianna abs- conditutn., » Glossa : « Meipsum, qui sum panis vitae, quod manna, et si nunc manet absconditum, tune fiet manifestum habens omnis saporis suavitatem. » Hinc dicit Collecta : «Perfïciant in nobis, Domine, sacramenta quod continent, ut quse specie gerimus, rerum veritate capiamus , » id est, Ghristi corpore manifesta visione per- fruamur, secundum illud : « Qui diligit me, diligitur a Pâtre meo ., qui est in cœ- lis; » inilJa Domini visione erit nobis om-

nis boni pleua fruitio. Psalm. XVI : « Ad- implebis me hetitia cum vultu tuo, satia- bor cum apparuerit gloria tua. »

CAPUT V.

De lerlia causa inslitutionis , quœ est cibus hominis.

« Caro mea vere est cibus , » etc. Thema proprium, quod corpus datur in cibum. Tertia causa institutionis est cibus homi- nis. Circa hoc quod Dominus corpus suum dat in cibum, triplex potest ratio sapien- tiae Dei assignari , scilicet divinae liberali- tatis magnitudo. Cum enim summe sit bo- nus, summa eum decet liberalitas; sed nulla bac major esse potest. Probatur au-

SUR LE SACREMENT DE i/ AUTEL. 461

de libéralité plus grande que celle-là. Ce fait prouve sa libéralité par rapport à trois choses, qui sont : la magnificence du don; la noblesse. du donateur; l'utilité de celui qui reçoit. 1" Cotte action prouve la libéralité de celui qui donne quant à la magnificence du don, parce que (celui de qui viennent tous les biens se donne lui- même dans ce sacrement, et il le fait avec la plus grande largesse, parce qu'il donne son propre corps eu nourriture , comme il le dit : « Prenez et mangez. » C'est le plus haut degré de la largesse di- vine quant au don. On peut dire ici quelques-uns des degrés delà lar- ge^Jivine, par lesquels elle a départi à l'homme tous les ifèns~qïTîl possède, et on démontrera par que c'est ici le degré le plus parfait de cette même largesse. Le premier degré de cette largesse consiste en ce que Dieu a aceordgjt l'homme le ciel et la iejrr£,et qu'il lui a aussi donné pour le servir toutes les créatures privées de raison . On lit, Ecclésiastique, chap. XVII : « Dieu a créé l'homme de la terre, et il lui a donné pouvoir sur tout ce qui se trouve sur la terre. » Il est écrit dans la Genèse, chap. II : « Faisons l'homme à notre image et res- semblance. » On lit dans le Deutéronome, chap. IV : «Dieu a créé le soleil, la lune et tous les astres du ciel pour le service de toutes les nations. » Il est dit dans saint Matthieu , chap. V : « Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. » Il est écrit au livrp des Actes, chap. XIII : « Dieu s'est rendu témoignage à lui-même, faisant du bien, faisant tomber la pluie du ciel, donnant un temps propre à faire croître les fruits de la terre et remplissant nos cœurs de joie, et accordant les aliments nécessaires. » Dieu faisant du bien s'est rendu témoignage ; c'est-à-dire qu'il l'a fait par ses bienfaits , et il a prouvé qu'il étoit et le Dieu et le libérateur de la créature. On lit , Psaume XVIII : « Qu'est-ce que l'homme pour que vous vous souveniez de lui? » Le second degré de cette largesse divine, c'est que par elle il a donné

tem ejus liberalitas in hoc facto quantum ad tria. Primo, quantum ad magnificen- tiam doni ; secundo, quantum ad nohilita- tem dantis; tertio, quantum ad utilitatem accipientis. Primo , quantum ad magnifi- centiam doni , quia largitor omnium bo- norum in hoc sacramento tiat seipsum, et hoc largissime , quia dat proprium corpus in cibum, secundum quod dicit : « Acci- pite et comedite. » Hic est summus gradus divinœ largitatis quantum ad donum. Hic gradus quidam proponi possunt divinae lar- gitatis, quibus homini largitus est omnia bona sua, et sic patebit, quod hic est sum- mus. Primus gradus est, quod largitus est homini cœlum et terram, et omnes irra- tionabiles creaturas ad serviendura. Eccli.,

XVII : « Deus creavit de terra hominem, et dédit ei potestatem eorum quœ sunt su- per terram. » Gen., II : « Faciamus ho- minem ad imaginem et similitudinem nostram. » Deut., IV : « Solem et Lunam, et omnia astra cœli creavit Deus in mi- nisterium cunctis gentibus. » Matth., V : « Deus solem suum facit oriri super bonos et malos. » Ad., XIII : « Deus non sine tes- timonio semetipsum benefaciens , de cœlo dans pluvias et temporà fructifera, implens cibo et laetitia corda nostra, non sine tes- timonio se reliquit benefaciens, » id est, per bénéficia, et creatune se Deum et libe- ratorem testatus est. Psalm. XVIII : « Quid est homo quod memor es ejus. » Secundus gradus est, quod homini largitus

462 OPUSCULE LYII, CHAPITRE 5.

à l'homme pour le servir, les plus nobles des créatures raisonnables et célestes qui sont les saints anges. Il est dit, aux Hébreux, chap. I : « Tous les Anges ne sont-ils pas des esprits destinés pour servir, et en- voyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut. » On lit dans saint Matthieu , chap. XVIII : « Leurs anges voient toujours la face du Père. » On leur donne le nom d'ange , parce qu'il est donné à chacun au moment de sa naissance un ange pour le servir. C'est pourquoi on lit dans les Ecritures , que souvent ils ont rendu des services aux hommes, et qu'ils en rendent chaque jour, parce qu'ils convertissent les pécheurs, en préservent plusieurs des maux qui les menacent et conduisent les justes au ciel. On lit dans l'Exode, chap. XIV : « Voici que j'envoie mon ange pour qu'il marche devant vous; » à savoir pour qu'il vous fasse connoître la vertu , qu'il vous garde pendant le chemin , qu'il vous défende contre le feu du purgatoire, et que vous conduisant vers les astres du royaume céleste il vous y introduise.

Le troisième degré de la largesse divine, c'est celui par lequel Dieu s'est^onné_ltii,-méme . On lit dans saint Luc, chap. I : « Béni le Sei- gneur Dieu d'Israël. » Maisil s'esl donné de plusieurs manières. 1" Il s'est fait le compagnon de notre pèlerinage. Il est écrit dans Baruch, chap. III : « C'est lui qui est notre Dieu; c'est lui qui a trouvé la science , et qui l'a donnée à Israël son bien-aimé , et après cela il a été vu sur la terre, etc... » C'est absolument comme s'il disoit : « Parce qu'il a tracé à l'homme la voie de son pèlerinage, lui donnant des préceptes pour ne jamais s'écarter d'une vie honnête, et pour que la voie ne parut pas un fardeau trop lourd à l'homme , Dieu s'est fait homme, et s'est par associé à notre pèlerinage ici-bas. » On ht dans saint Luc , chap. VIII : « Jésus parcouroit les villes et les hameaux, prêchant et évangélisant le royaume de Dieu, ayant avec lui ses douze

est illa nobilissimas creaturas rationabiles et cœlestes, scilicet sanctos angelos ad mi- nistrandum. Hebr., I : «Omnes suntadmi- nistratorii spiritus in ministerium missi, propter eos , qui haereditatem capiunt sa- lutis. » Matth., XVIII : « Angeli eorum semper vident faciem Patris. » Angeli di- cuntur, quia unicuique a nativitate datus est angélus ad ministrandum. Hinc legun- tur hominibus saepe obsequia impendisse et faciunt quotidie peccatores converten- do, multos a malis defendendo , justos ad cœlos deducendo. Exod., XIV : « Ecce ego mitto angelum meum , qui prœcedet te, scilicet lumen virtutum ostendendo, et custodiat in via, in igné purgatorii defen- dendo , et introducat te ad sidéra cœlestis

regni perducendo. Tertius gradus est , quod largitus est seipsum. Luc.., I : «Be- nedictus Dominus Deus Israël. » Dédit au- tem se multis modis. Primo, in socium nostrae peregrinationis. Baruch, III : « Hic etiam Deus noster , qui adinvenit omnem viam disciplinée , et tradidit illam Israël dilecto suo, et post haec in terris visus est, » etc., quasi diceret : Quia Deus fecit homini vias peregrinationis, dans mandata bonae conversationis ne deficiat , et ne via homini videretur gravis nimis, factus ho- mo est Deus, et per hoc socius vice et pere- grinationis. Luc., VUE : « Iter faciebat Jé- sus per castella et civitates , prtedicans et evangelizans regnum Dei, et duodecim cum illo , et mulieres quae erant curatae a

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 463

apôtres, il étoit aussi accompagné des femmes qui avoient été délivrées des esprits impurs , de Marie Magdeleine , de Jeanne , de Susaune et de plusieurs autres ; et la foule vint à lui. » Véritablement bon par lui- même, il se fit bon compagnon, parce qu'il reconforta par des dis- cours excellents ses compagnons fatigués, il les délivra des dangers auxquels ils étoient exposés, ilguérit les malades, ressuscita les morts. Le quatrième degré de la libéralité divine, c'est qu'il s'est fait notre serviteur dans nos besoins. Il est écrit aux Philippiens, chap. II : « Il s^esTabaissé lui-même prenant la forme d'un esclave, etc.. » Par suite de cela, il a donné à boire à ceux qui avoient soif, à manger à ceux qui avoient faim , et il a lavé les pieds de ses apôtres. On lit dans saint Matthieu , chap. XX : « Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, etc.. » Et dans saint Luc, chap. XXII : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert. »

Le cinquième degré consiste en ce qu'il s'est fait le prix de notre rédftmptinnJl est écrit aux Philippiens, chap. II : « Jésus-Christ nous a aimé, et il s'est livré pour nous à Dieu son Père comme une hostie et une oblation d'agréable odeur. » On lit dans saint Matthieu, chap. XX : « Le Fils de l'homme est venu donner sa vie pour en racheter un grand nombre. »

Le sixième et le plus parfait degré de cette libéralité , consiste en ce qu'il donne sou corps à l'homme en nourriture. On lit dans Osée, ch. XI : « Je me suis rendu comme le père nourricier d'Ephraïm, et je leur ai présenté de quoi manger. » Il est écrit dans saint Jean , ch. VI : « Le pain que je donnerai. » Saint Grégoire dit : « Le Seigneur qui est le bon pasteur a donné sa vie pour ses brebis, pour changer son corps et son sang en notre sacrement, pour rassasier de l'aliment de sa chair les brebis qu'il avoit rachetées; et c'est ici l'expression de la libéralité la plus grande et de l'amour le plus intense. » C'est beau- coup, sans doute, que de se faire le compagnon de notre pèlerinage,

spiritibus immundis, et Maria Magdalena, et Joanna, et Susanna, et aliae mnltœ, » et turba multa venit ad eum. Et vere bonus se dédit in bonum socium, quia socios viae lassos optimis verhis confortavit , in peri- culis liberavit , infirmos curavit, mortuos suscitavit. Quartus gradus, quod dédit se in servum nostrae necessitatis. Ad Philipp., II : « Exinanivit semetipsum formam servi accipiens , » etc. Hinc sitientes potavit , esurientes pavit, discipulorum pedes lavit. Matth., XX : Filius hominis non venit mi- nistrari, » etc. Luc., XXII : « Ego in me- dio vestrum sum , sicut qui ministrat. » Quintus gradus est, quod dédit se in pre- tium redemptionis nostne. Ad Philipp., II :

« Christus dilexit nos, et tradidit se pro nobis hostiam et oblationem Deo , in odo- rem suavitatis. » Matth., XX : « Filius ho- minis venit dare animam suam in redemp- tionein pro multis. » Sextus gradus est, et summus, quod dat homini corpus suum in cibum. Osée, XI : « Ego quasi nutricius Ephraim, et declinavi ad eum , ut vesce- tur. » Joan., VI : « Panis quem ego dabo.» Gregorius : « Bonus pastor Dominus ani- mam pro ovibus posuit, ut in sacramento nostro corpus suum , et sanguinem verte- ret, et oves quas redemerat, carnis suae ali- mente satiaret, et in hoc est expressio sum- mae largitatis, et prœcipui amoris. Magnum est enim dare se in socium peregrinationis,

404 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 5.

notre serviteur dans nos besoins, c'est plus encore de se faire notre rédemption ; ce don néanmoins laisse une séparation entre le donateur et celui auquel il se donne ; mais lorsqu'il se donne en nourriture , il n'\ a plus ombre de séparation, I! 5 a union parfaite. La nourriture et relui qui la prend s'unissent en effet en union de corps. 11 est écrit dans saint Jean, chap. YI : « Celui qui mange ma chair demeure en moi, etc.. » Il est par conséquent évident d'après cela que ce don est l'expression la plus parfaite de la libéralité de la bonté divine^

Secondement, cette action constate aussi l'excellence de la largesse de Dieu quant à la noblesse de celui qui donne. La largesse de Dieu dans ce sacrement va si loin ; qu'il donne son corps avec profusion et sans mesure ; parce que ce n'est pas à ses amis et à ceux qui en sont dignes seuls auxquels il le donne , il ne le soustrait même pas à ceux qui en sont indignes , aux méchants et à ses ennemis. On lit Psaume XXYI : « Ceux qui veulent me perdre sont prêts à fondre sur moi, comme pour me manger tout vivant. » Celui qui a permis aux mains des méchants de le crucifier une fois, permet aux méchants de le tou- cher de leurs mains , il permet à ses ennemis et aux hommes impurs de déchirer son corps de leurs propres dents. Aussi est-il dit dans les Ecritures, qu'il donne à Judas son ennemi, à Judas qui le trahit, son corps dans la cène, comme il le donne aux autres disciples. Il fait lever la vérité de sa présence sur les bons et sur les méchants comme il le fait du soleil ; il se donne dans ce sacrement et à ceux qui en sont dignes et à ceux qui n'en sont pas dignes , bien que les effets n'en soient pas les mêmes pour tous, il produit dans ceux qui le reçoivent avec les dis- positions voulues lés mêmes effets. Celui qui a les dispositions voulues, reçoitles effets de la bonté de Dieu, pendant qu'il ne produit dans l'in- digne que la sévérité; il en est de lui comme du soleil par rapport à l'œil sain et à l'œil malade. Il faut remarquer , que c'est une grande chose que de faire de grands dons à des amis et à des proches ; que c'en est

et in servum necessitatis , majus in pretium redemptionis, tamen taie donum ad hue est in aliqua separatione ab eo cui datur, sed cum datur in cibum, datur non ad separa- tionem aliquam, sed ad omnimodam uiiio- nem. » Uniuntur enim in unitate corporis eibus et sumens. Joann., VI : «Qui mandu- cat meam carnem, in me manet, » etc. Et sic apparet in tali dono summa largitas di- Tinee bonitatis.

Secundo, probatur excellens liberalitas Dei in hoc facto, quantum ad nobilitatem dantis , quse tam excellens est in hoc sa- cramento, ut corpus suum largiatur large et diffuse, quia non soluin dat illud dignis et amicis, sed non subtrahit indignis, ma-

lignis, et inimicis. Psal. XXVI : « Appro- priant super me nocentes, ut edant, » etc. Qui enim se permisit manibus malignorum semel crucifigi, permittit se sceleratorum manibus tractari , et inimicorum , et im- mundorum dentibus in sacramento lace- rari. Hinc hosti, et traditori suo Judœ, in cœna cum aliis dicitur corpus suum dédis- se. Veritatem enim pra?sentise suae ad ins- tar solis oriri facit super bonos et malos, exhibens se in hoc sacramento dignis, et in- dignis, licet non ab omnibus effectus sus- cipiatur œqualis. Nam dignus effectus sus- cipiatur œqualis. Nam dignus effectus bo- nitatis Dei suscipit, indignus severitatis, exemplum de sole, et oculo œgro, et sano.

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 465

une plus grande de les faire à des serviteurs et des servantes , que c'est une chose plus grande encore de les faire à des inconnus et à des étrangers, mais que les faire à des ennemis voilà qui est le comble de toute chose. C'estce qui les fait accuser d'une ingratitude profonde. On lit dans Job , chap. XIX : « Pourquoi me persécutez-vous comme Dieu et vous plaisez-vous à vous rassasier de ma chair ? » L'Apôtre dit, Rom., chap. II : « Est-ce que vous méprisez les richesses de sa bonté, de sa patience , et de sa longue tolérance ? Ignorez-vous que la bonté de Dieu vous invite à la pénitence? » La bonté, la bénignité, la libéralité immenses de la noblesse de Dieu, qui font qu'il accorde tant de biens à ses ennemis et à une foule de personnes qui prêchent contre lui , éclatent plus encore lorsqu'il leur permet de prendre son propre corps afin de les convertir par cette libéralité sans bornes.

Troisièmement on prouve son excellence par l'utilité immense qu'il a pour celui quile reçoit ; celui en effet qui reçoit Dieu dans ce Sacre- ment avec de saintes dispositions lui devient semblable; c'est-à-dire qu'il devient en quelque sorte semblable à Dieu , par la grâce de la bonté et par l'imagination de l'imitation. On lit dans saint Jean , chap. I : « Mais à tous ceux qui le reçurent, etc.. » C'est-à-dire qu'ils sont semblables à Dieu parla grâce de la bonté. Saint Ambroise dit : « Parce que notre Seigneur Jésus-Christ est Dieu et homme, vous qui recevez sa chair, vous devenez par cet aliment participant de sa substance , mais la substance divine est la bonté. » Donc participer par cet aliment à la substance divine, c'est être assimilé par la grâce à la bonté divine. On lit dans les Proverbes, chap. XII : « Celui qui est bonpuiséra la grâce du Seigneur. » Mais la grâce est l'influence de_]a.bon.té divine sur l'ame ; la grâce par cette bonté assimile l'ame à Dieu, et la rendra digne de la vie éternelle. Il ne suffit pas à la li- béralité divine , dans ce sacrement ou cette nourriture, d'illuminer

Nota, quod magnum est dare magna doua proximis et amicis, majus dare servis et ancillis, maximum ignotis et peregrinis, sed nimis inimicis. Unde arguuntur de ma- gna ingratitudine , Job, XIX : « Quare me prosequimini sicut Deus, et carnibus meis saturamini ? » Ad Rom., II : « An divitias bonitatis Dei, et patientiae, et longanimita- tis contemnis? Ignoras, quoniam benignitas Dei ad pœnitentiam te addueit? » Copiosa bônitas, et benignitas, et liberalitas nobih- tatis Dei, quae inimicis, et multis contra enm peccantibus tôt bona facit, maxime cum taies corpus ejussumere permittit, ut tanta eos liberalitate convertat.

Tertio, probatur quantum ad utilitatem suscipientis, quia in hoc sacramento digne suscipiens, efficitur deiformis, id est , per

gratiam bonitatis, sive per imaginationem imitationis Deo quodammodo similis. Jofui., I : « Quotquot autem receperunt eum, » etc., id est, per gratiam bonitatis Deo similes. Ambrosius : « Quia Dominus Jésus consors est divinitatis, et corpori s; et tu qui accipis carnem ejus, divinae ejus sub- stantiœ in illo participas alimento, divina substantia bonitas est. » In hoc ergo ali- mento divinae substantiae participare, est assimilari per gratiam divinae bonitati. Proverb., XII : « Qui bonus est, hauriet sibi gratiam a Domino : » gratia vero est in- fluentia divinae bonitatis in animam , per quam assimilata Deo fit ei gratia , et vitae œternee digna.Non enim sufiicitliberalitati divinae, quod in sacramento, vel in cibo intellectum illuminât , quod effectuai sa-

30

466 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 6.

l'intellect, de guérir le mal fait, de réjouir la mémoire , de recon- forter l'homme tout entier dans le bien , de l'associer à son corps my- stique; cette libéralité l'assimile encore à Dieu par la grâce dans la vie présente , et le lui assimilera par la gloire dans la vie future : il n'est pas possible de la pousser plus loin.

CHAPITRE VI.

Des deux autres raisons pour lesquelles le Christ nous donne son corps en

aliment.

« Venez, mangez, etc., » et les autres preuves comme plus haut. La seconde raison pour laquelle le Seigneur nous donne son corps en aliment, c'est la corruption de la nature humaine qui avoit besoin du remède d'une telle nourriture, et cela pour trois choses. Premièrement, pour que le commencement de la guérison fût convenable; parce que comme la corruption et la mort avoient commencé par le fruit'défendu, savoir par le fruit de la science du bien et du mal, de même le principe de la justification et de la vie devoit venir d'une nourriture, à savoir de l'arbre de vie, c'est-à-dire du corps du Seigneur. Il est écrit de la pre- mière de ces choses, Genèse, ch. VIII : « De l'arbre de la science, etc. . Il est écrit de la seconde, Jean, ch. VI : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, etc.. » Secondement, la guérison complète de cette corruption exigeoit une telle nourriture. Le serpent infernal répandit dans l'homme tout entier par le poison^du fruit défendu une triple cor- ruption : dans l'ame , ce furent les ténèbres de l'ignorance , dans la chair la maladie de la mauvaise concupiscence, et la mort dans l'une et l'autre. Il est écrit Genèse, ch. III : « Le serpent m'a trompé, etc. » Il est dit du premier de ces maux. Psaume XLVIII : « Lorsque l'homme

nat, quod memoriam delectat, quod totum hominem in bono confortât, et corpori suo mystico associât, quin insuper Deo assimi- let in praesenti per gratiam, et in futuro per gloriam : non enim potest ulterius promoveri.

CAPUT VI.

De duabus aliis rationibus, quibus datur corpus Christ i in cibum.

a Venite, comedite, » etc., et alia the- mata, ut supra. Secunda ratio, quare Do- minus corpus suum dat in cibum? est hu- manse naturae corruptio , quae hujusmodi cibi exigebat medicamentum, et hoc quan- tum ad tria. Primo, quantum ad congruam curationis inchoationem, quia sicut iuitium

corruptionis et mortis ccepit a cibo vetito, scilicet a ligno scientiae boni etmali,sic initium justificationis et vitœ, incipere de- buit a cibo , scilicet ligno vitae , id est , a corpore dominico. De primo, Gènes., Il : « de ligno scientiae , » etc. De secundo , Joom.j VI : « Nisi manducaveritis carnem lilii hominis, » etc. Secundo, exigebat ta- lem cibum quantum ad integram corrup- tionis curationern. Serpens enim malignus infudit homini per venenum pomi vetiti, triplicem corruptionem, in anima tenebras ignorante, in carne morbum pravaa con- cupiscentiae, et mortem in utroque. Gènes ^ III : « Serpens decepit me. » De primo. Psaim.j, XLVIII : « Homo cum in honore es- | set, » etc. Gen., I : « Tenebrœ, id est, igno-

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 467

étoit en honneur, etc. » On lit dans la Genèse, ch. T : « Les ténèbres; » c'est-à-dire l'ignorance, « planoient sur la face de l'abîme, » c'esti- dire du cœur de l'homme trompé par le démon. Il est dit du second de ces maux, Galat., chap. V : « La chair convoite contre l'esprit;» dans l'épître aux Romains, ch. VII : « Je vois dans mon corps une autre loi opposée à celle de mon esprit. » La loi du corps et la maladie de la con- cupiscence qui pousse ce même corps aux actes mauvais. Il est dit du troisième, Sagesse, chap. II : «La jalousie du démon a introduit la mort dans le monde. » Saint Augustin dit de tous ces maux ensemble : a Si l'ange qui s'étoit précipité lui-même hors du ciel n'eut point été écouté, nous n'eussions point été précipités nous-mêmes dans la mort; le serpent fatigué vint du ciel dehors, et il répandit son propre venin, il parla de lui-même; goûtez, leur dit-il, et vous serez comme des dieux; et ceux-ci, désirant être ce qu'ils n'étoient pas , perdirent ce qu'ils avoient reçu , à savoir la vie inteilective , la vie de justice, et la possi- bilité de ne pas mourir. Par conséquent, comme le démon avoit ré- pandu une triple corruption au moyen d'un fruit vénéneux, il fut né*- cessaire pour la guérir complètement que le médecin, c'est-à-dire notre Sauveur nous donnât une nourriture médicinale contre ces trois genres de corruptions, et cette nourriture c'est son corps; il chasse les ténèbres de l'ignorance de l'esprit de ceux qui le reçoivent avec piété, il guérit la maladie de la concupiscence mauvaise , il triomple en dé- truisant la mort elle-même. Quant au premier des Mens qu'il produit, il est dit, Psaume XXYI : « Le Seigneur est ma lumière; » il est aussi dit, Psaume XXXIII : « Approchez-vous de lui et il vous éclairera. » Le corps de Jésus-Christ est le Verbe de Dieu , c'est-à-dire la vraie lu- mière dans la chair humaine comme dans un flambeau , parce qu'il illumine l'ame fidèle. Quant au second, il est dit, Psaume LXXYII : « Il a fait pleuvoir la manne pour les nourrir, etc. . . On ht dans l'Exode,

rantiee erant super faciem abyssi, » id est, humani cordis ex diaboli deceptione. De secundo, Ad Gai., V : « Caro concupiscit adversus spiritum. » Ad Rom., VII : « Video aliam legem in membris meis, repugnan- tem legi mentis meœ. » Lex in membris est morbus concupiscentiae, movens mem- bra ad actum malitiae. De tertio; Sap., II : « Invidia diaboli mors introivit in orbem terrarum. >• De omnibus. Augustinus : « Si angélus de proprio ruens paradiso n6n es- set auditus, non prsecipitaremur in mor- tem, sed venit de cœlo lassus serpens lo- ris, et emisit venenum de proprio, locutus est de suo, gustate , et eritis sicut dii, et illi appetentes quod non erant , amiserunt quod acceperant, » scilicet vim intellecti-

vam, vitae juslitiam, non moriendi possi- bilitatem. Quia ergo per cibum veneno- sum, triplicem infudit corruptionem, ne- cesse fuit, ut ad integram curationem me- dicus, id est, salvator noster, cibum medi- cinalem contra haec tria daret, et hoc est corpus suum, quod pie recipientium , igno- rantiae tenebras illuminât, morbum pravae concupiscentiae sanat, et mortem destruen- do triumphat. De primo, Ps., XXVI : « Do- minus illuminatio mea, » etc. et Psal., XXXIII : « Accedite ad eum et îlluminami- ui. » Corpus Christi est verbum Dei, id est, vera lux in carne humana quasi iu lucer- na; quia illuminatur fidelis anima. De se- cundo, Psalm., LXXVII : « Pluit illis nian- na ad manducandum, » etc. Exod., XVI :

468 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 6.

chap. XVI : « Et le matin la terre autour du camp fut couverte d'une rosée semblable à delà neige. » Le pain du ciel ressembloit donc à de la neige et à de la rosée , et cela , parce que le corps du Seigneur refroidit la concupiscence mauvaise. Il est dit du troisième, saint Jean, chap. VI : « Vos pères mangèrent la manne dans le désert et ils sont morts. C'est le pain descendu du ciel , si quelqu'un mange de ce ' pain il ne mourra pas ; » par conséquent ce pain|détruit la mort. Il a été question de ces trois choses un peu plus haut vers la fin du discours. Troisièmement, la conservation parfaite de cette santé exigeoit une telle nourriture. Il est en effet certains hommes qui se repentent pendant un temps de leurs péchés et qui sont en quelque^orte guéris, mais au temps de la tentation ils récidivent , et sont encore corrompus. On lit Psaume XXXVII : « Elles se sont corrompues et se sont remplies de pourriture , etc... » Mais cette nourriture sert à la conservation de la santé de l'ame, et préserve la bonne vie de la corruption. Il est écrit aux Cantiques, chap. I : « Mon bien-aimé est pour moi comme un faisceau de myrrhe. » Comme la myrrhe préserve les corps de la corruption, de même le corps du Seigneur pris avec piété en préserve les cœurs.

La troisième raison de la sagesse divine , qui a porté le Seigneur à donner son corps à l'homme en aliment ; c'est la condition de la na- ture humaine qui a été créée raisonnable et qui a été unie à un corps. On peut considérer la créature raisonnable sous trois points de vue divers ; ce qui fait qu'elle a besoin en même temps d'une triple nour- riture. Et d'abord, on la considère autant qu'elle est incorporelle, et purement spirituelle, comme la nature angélique. On la considère secondement, comme étant unie à un corps, c'est-à-dire comme choses dissemblables unies ensemble, l'esprit uni à la chair. La troi- sième manière delà considérer, c'est en tant que les jlfiiix. natures, l'ame et le corps, sont unies dans chaque personne humaine par un

« Mane ros jacuit in similitudine pruinae super terram. » Panis igitur cœlestis in similitudinem pruinae, rorisque apparebat, quia corpus Domini a fervore pravee con- cupiscentiee réfrigérât. De tertio, Joan., VI : « Patres vestri manducaverunt manna in deserto et mortui sunt. » Hic est paiiis de cœlo descendens, ut si quis manducaverit ex ipso non morietur, et sic iste cibus mortem destruit. De his tribus supra in sermone circa linem actum est. Tertio, exigebat talem cibum quantum ad firmain sanitatisconservationem. Quidam enim ad tempus de peccatis compunguntur, et quo- dammodo curantur, sed tempore tentatio- nis per recidivum iterum corrumpuntur. Psalm., XXXVII: «Putruerunt, et corruptae sunt » etc. Ad conservationem autem sani-

tatis animae, et incorruptionis bona; vita?, valet cibus iste. Cunt., I : « Fasciculus myr- rhae dilectus meus mihi. » Sicut enim myrrha incorrupta servat corpora, sic cor- pus Domini pie sumptum, corda.

Tertia ratio sapientiee Dei, qua Dominus dat homini corpus suum in cibum, est hu- manse naturse conditio quee rationalis creata est, et corpori conjuncta. Rationalis autem creatura potest tribus modis consi- dérai-}, et secundum hoc indiget Iriplici cibo. Primo modo, consideratur secundum quod est incorporea, et pure spiritualis, ut natura angelica. Secundo- modo, secundum quod est corpori conjuncta, sicut dissimilis dissimili, spiritus carni. Tertio modo, se- cundum quod illae duoe naturœ, scilicet corpus et anima in singulis personis ho-

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 469

amour admirable et formant une société intime. Mais quel que soit celui de ces trois modes sous lequel on considère la créature raison- nable , elle a besoin d'un aliment approprié à sa condition. Considérée s**X de la première manière, elle a besoin d'un aliment qui la fasse vivre et subsister, et c'est le Verbe éternel de Dieu, incorporel par nature, et qui est la sagesse éternelle de Dieu. On lit dans Ipbie, eh. XII : « J'use d'une nourriture invisible, et d'un breuvage que l'on ne peut pas voir. H est écrit, Proverbes, cli. III : « Elle est un arbre de vie pour ceux qui l'aiment, » c'est-à-dire la sagesse de Dieu. L'Ecclésiastique dit, ch. I : « La source de la sagesse , c'est le Verbe de Dieu qui rassasie au plus haut des cieux , » c'est-à-dire qui rassasie les anges dans le ciel. La créature raisonnable envisagée sous le second mode, en tant qu'elle est unie au corps comme une chose dissemblable à une chose dissem- blable , l'esprit à la chair, une^chose vile à une chose précieuse, a besoin d'une nourriture en rapport avec les besoins de chaque nature, mais dissemblable ; parce que l'esprit a besoin d'une nourriture spi- rituelle comme les anges , et le corps d'une nourriture corporelle comme la brute. Quant à la première de ces nourritures , on Ut , Psaume LXXVII : « Le pain des ange*, etc.. » Il est écrit I Cor., ch. X : « Nos pères mangèrent tous la même nourriture spirituelle , etc.. » Il est écrit , Sagesse, chap. IX : « Car encore que quelqu'un paroisse consommé parmi les enfants des hommes , il sera néanmoins consi- déré comme rien si votre sagesse n'est point avec lui; » parce que celui qui manquera de la nourriture spirituelle qui est la sagesse de Dieu, perdra la vie spirituelle. On lit dans l'Ecclésiastique, chap. XV : « Le Seigneur l'a nourri, etc.. » Il est dit de la seconde au second livre des Rois, chap. XII : « Un pauvre avoit une brebis qui mangeoit de son pain. » Il est écrit Ecclésiastique, ch. XXXIX : « Le commen- cement des choses nécessaires à la vie de l'homme , sont le lait et le

minum surit familiari societate , miroque amore conjunctae. Sed quoeumque istorum trium modorum consideratur rationalis creatura secundum conditionem suam con- venienti, indiget alimonia. Primo modo exigit alimentum, per quod vivat, et sub- sistât, scilicet verbum Dei aeternum secun- dum se incorporeum, quod est aeterna Dei sapientia. Tob., XII : « Ego cibo invisibili et potu qui ab hominibus videri non po- test, utor. » Proverb., Iil : « Lignum vitae est his qui apprehenderint eam , » scilicet Dei sapientiam. Eccles., I : « Fons sapien- tia; verbnm Dei in excelsis reficiens, » sci- licet angelos in cœlis. Secundo modo con- siderata rationalis creatura, ut est corpori conjuncta, sicut dissimilis dissimili, spiritus carni, pretiosum vili, secundum conditio-

nem utriusque naturae indiget pro utroque cibo convenienti sibi, sed dissimili, quia spiritus spirituali ad modum angeU, corpus 'corporali ad modum bruti. De primo, Psal., LXXVII : « Panem angelorum, » etc. I ad Cor., X : « Patres nostri omues ean- dem escam spiritualem manducaverunt, » etc. Sap., IX : « Si quis erit consummatus inter filios hominum, si ab illo effugerit sapientia tua, in nihilum computabitur : » quia qui spirituali cibo, qui est Dei sapien- tia caruerit, a vita spirituali deficiet. Ec~ clesiast., XV : « Cibavit eum Dominus, » etc. De secundo, II Regum, Xll : « Pauper quidam habebat oviculam de pane suo comedens. » Ecclesiast., XXXIX : « Ini- tium necessariae rei vitœ hominum, lac et panis, mel et uvae, et oleum, » hœc omnia

470 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 6.

pain, le miel et le vin, el L'huilé ; toutes ces choses se changent en bien pour les bons, et en mal pour les impies. » On lit de l'une et de l'autre de ces nourritures, Deutéronome, chap. "VIII, et saint Matthieu, chap. IV : « L'homme ne vit pas seulement de pain, etc.. » Saint Augustin dit: « Comme l'ame est la vie du corps, mais qu'elle ne le vivifie pas sans la nourriture corporelle ; de même Dieu est la vie de l'ame , mais il ne la vivifie pas sans la nourriture spirituelle ; c'est-à- dire sans le Verbe de Dieu, et ainsi ces deux natures de l'homme, dissemblables entre elles, vivent d'une nourriture dissemblable, elles ne mangent pas de la même manière , et il y a une grande distance entre les aliments qu'elles mangent ; la nourriture du corps ne con- vient point à l'esprit, ni celle de l'esprit au corps. »

La créature raisonnable considérée sous le troisième mode en tant que ces deux natures, c'est-à-dire l'ame et le corps, sont dans chaque personne humaine unies d'un amour parfait et dans une société in- time; ils ont dès-lors besoin, pour leur salut éternel, d'un aliment propre à l'homme tout entier; c'est-à-dire qui convienne à l'une et à l'autre nature d'un aliment spirituel en même temps que corporel ; c'est-à-dire du Verbe fait chair, qn'ils mangent sous un certain sacre- ment, afin que , par sa vertu , l'ame parvienne des misères de la vie présente à la béatitude de la vie éternelle, et que le corps qui demeure pendant un peu de temps conservé dans la terre, pour enfin ressusciter glorieux. Saint Jean dit de cette nourriture, ch. VI : « Ma chair, c'est- à-dire la chair de Dieu, la chair humaine unie au Verbe de Dieu , est une vraie nourriture ayant la propriété de nourrir tout l'homme , et l'ame et le corps. » On lit dans l'Ecclésiastique, chap. I : « Le Très- Haut est le seul créateur de toutes choses; c'est lui qui a créé la sa- gesse de son esprit, et il la donne à ceux qui l'aiment, selon son propre don. » II a créé la sagesse de son esprit; c'est-à-dire que, par

sanctis in bona, et impiis in mala conver- tentur. De utroque, Deut., VIII et Matth., IV : « Non in solo pane, » etc. Augusti-* nus : « Sicut anima vita est corporis , sed non vivificat sine cibo corporali : ita Deus vita est animae, sed non vivificat illam sine cibo spirituali, id est, sine verbo Dei, et sic haec et illa natura hominis sibi dissi- miles, dissimilem cibum habuerunt, et alio modo, et longe ab invicem comederunt, nec cibus cerporis congruebat spiritui, nec cibus spiritus corpori. »

Tertio modo, considerala rationalis crea- tura secundum quod illae duae naturœ, id est, corpus et anima sunt in singulis perso- nis hominum f'amiliari societate, et miro amore conjunctae, tune exigitur ad seter-

nam salvationem utrorumque unus cibus toti homini, idest, utrique natura? conve- niens spiritualis simul et corporalis, scili- cet : Verbum caro factum, quem simul sub quodam sacramento comedant , cujus vir- tute anima de prsesenti miseriaad vitam seternae beatitudinis perveniat,et corpus ad modicum tempus servatur in terra, ut tan- dem gloriose resurgat. De hoc cibo, Joan., VI : « Caro mea, id est, caro Dei, caro hu- mana unita Dei verbo vere est cibus, » scilicet totius hominis valens animae et cor- pori : Ecclesiastici, I : « Unus est altissi- mus creator omnium, ipse creavit sapien- tiam spiritu suo , et secundum datum suum prœbet illam diligentibusse. » Crea- vit sapientiam spiritu suo , id est , virtute

SUR LE SACREiMENT DE L'AUTEL. 471

sa puissance, il a pris la créature de la chair de la Vierge, et il l'a m lit; à sa sagesse; selon son don; c'est-à-dire qu'il la donne selon sa libéralité à ceux qui l'aiment , c'est-à-dire aux fidèles , pour qu'elle serve , comme nous l'avons dit , à l'ame et au corps. C'est de ce ban- quet du corps et de l'ame dont parle Isaïe , chap. IX : « Le veau et l'ours mangeront ensemble. » Le veau signifie le corps qui , dans le sacrifice, doit être immolé à Dieu; l'ours signifie l'esprit, qui doit ètrejerrible P0lir les mœurs et les mouvements brutaux , comme l'ours l'est pour les bêtes fauves. Ils mangerout ensemble la nourri- ture véritable , c'est-à-dire la chair de Jésus-Christ , pour que cette nourriture serve en même temps et à l'ame et au corps. Saint Jean dit de la première, chap. VI : « Celui qui mange ma chair, etc.; » du second : « Et je le ressusciterai, etc.. »

CHAPITRE VII.

De la forme de la donation, c'est-à-dire quelle est la cause pour laquelle il nous donne ce sacrement voilé.

« Venez, mangez le pain, etc.. » Argument spécial ; « Comment peut-il nous donner sa chair, etc.. » Argument propre : « Il est bon de tenir caché le secret du roi , » Tobie, chap. XII. Il faut en second lieu observer surtout, par rapport à ce sacrement , la forme sous la- quelle il nous le donne, et relativement à cette même forme il y a trois considérations à faire. La première, c'est que le Seigneur nous donne son corps voilé. La seconde , c'est qu'il le donne voilé sous les espèces du pain. La troisième , c'est qu'il le donne voilé sous les es- pèces du pain de froment. Il importe de savoir pour ce qui est du premier point , qu'il nous le donne voilé et non à découvert, d'après les paroles suivantes , Apocalypse, chap. II : « Je donnerai la manne

sua, scilicet creaturam carnis de Virgine sumpsit, et sapientiae suae univit, et secun- dum datum suum, id est, liberalitatem praebet illam in cibum diligentibus se, sci- licet fidelibus, ut prosit, sicut dictum est, corpori et animae. De hoc convivio corpo- ris et animae, Isa., IX : « Vitulus et ursus pascentur simul. » Vitulus signiiicat cor- pus, quod in sacrifiSio Deo est maotandum : ursus spiritum, qui sicut ursus bestiis, sic terribilis esse débet bestialibus motibus et moribus. Hi pascentur simul, scilicet vero cibo, id est, carne Christi, ut prosit animae et corpori. De primo, Joan., VI : « Qui man- ducat carnem meam, » etc. De secundo se- quitur : « Et ego resuscitabo eum , » etc.

CAPUT VII.

De forma donalionis, videlieet qua ex causa detur velatum hoc sacramentum.

« Venite, comedite panem,» etc. Thema spéciale. « Quomodo potest nobis carnem suam dare, » etc. Thema proprium : « Sacra- mentum régis abscondere bonum est. » Tobiœ, XII : Secundum principaliter circa sacramentum dominicum notandum, est forma donationis, et circa hanc tria sunt consideranda. Primum, quod Dominus cor- pus suum dat velatum : secundum , quod dat velatum sub specie panis. Tertium, quod dat velatum sub specie panis triticei. Circa primum sciendum, quod datur vela- tum non nudum , secundum illud Apocn- hjp., II : « Dabo manna absconditum quasi

472 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 7.

cachée comme une nourriture céleste voilée. » Mais parce que le sens humain hésite et est étonné , puisqu'il voit autre chose , le Seigneur emploie ce voile pour quatre raisons. La première , c'est l'indi- gnité des méchants qui exige qu'il soit voilé, comme l'œil malade veut être privé des rayons du soleil et de toute autre lumière : en cela la miséricorde du Sauveur agit avec la plus grande bonté envers eux; car si les méchants le voyoient à découvert , et qu'ils le vissent manger aux fidèles , à cet aspect ils seroient scandalisés , et ils péri- roient misérablement de trois manières ; dans leur cœur par l'hor- reur, dans leur bouche par la détraction , dans leur ame par la mort spirituelle. Et d'abord ils périroient par l'horreur que leur inspireroit cet aliment. On lit dans saint Jean, chapitre YI, le Seigneur dit : « Ma chair est une véritable nourriture, etc., » il suit : « A ces mots plusieurs de ses disciples se retirèrent , » ayant horreur de ces paroles, comme si elles leur eussent imposé l'obligation de manger de la chair humaine. On lit dans saint Ambroise : « Yous direz peut- être : Comment est-ce un sang véritable ? parce que vous ne voyez pas la forme de la chair ; mais considérez les paroles de Jésus-Christ : entendant qu'il donnoit sa chair à manger, ils se retiraient ; Pierre seul dit : Seul vous avez les paroles de la vie éternelle, vers qui irons-nous ? » Par conséquent , pour empêcher la foule de se scanda- liser, et comme si on avoit éprouvé quelque horreur de la chair hu- maine, et pour que la gloire du Rédempteur fût plus grande , vous le recevez sous la forme de,sacrement , mais vous obtenez la gloire et la vertu de la vraie nature. Il est parlé du second genre de mort auquel ils seroient exposés, dans le même endroit; le Seigneur dit : « Le pain que je vous donnerai , c'est ma chair, etc. C'est pourquoi les Juifs discutoient entre eux, etc. » Mais cette discussion, c'est le murmure et la détraction; et c'est pourquoi il dut être voilé. On lit, Psaume LIY : « Si celui qui me haïssoit, etc. » On lit du troisième

cibum cœlestem velatum : » sed quia hic verba de humana carne comedenda. Am- humanus sensus hsesitat , et miratur cum brosius : « Forte dices : Quomodo verus aliud videtur, hujus velaminis quadruplex sanguis? quia similitudinem non vides car- est ratio. Prima est indignitas malorum , nis. Attende verba Christi : Audientes, quœ exigit ut veletur, sicut aeger oculus ut quod carnem suam daret manducare, re- sibi sol, et quodlibet lumen tegatur, et in cedebant, solus Petrus dixit : Verba vita^ hoc benignissime agit, cum eis misericor- seternse habes, ad quenf ibimus ? » Ne erg' i dia Salvatoris, si pravi nudum aspicerent, j plures scandalizentur, et velut quidam es- ethoc afidelibusmanducari, ex ipso aspectu j set horror humanœ carnis, sed magis ma- scandalizerentur , et tripliciter maie péri- neret gloria redemptoris, ideo insimilitu- rent, videlicet in corde per horrorem , in dine accipis sacramentum : sed verse natune ore per detractionem , in anima per spiri- 1 gloriam virtutemque consequeris. De se- tualem mortem. De primo, Joan., VI : Ubi cundoin eodem, ubi Dominus dixit : « Pa- Dominus dicit : « Caro mea vere est ci- nis quem ego dabo, caro mea est, » etc. Liti- bus, » etc. Sequitur : Ex hoc multi disci- gabant ideo Judaei etc. Litigatio lwec niur- puli abierunt retro^ quasi abhorrentes mur et detractio est , et ideodebnit velari.

SUR LE SACREMENT DE l'aUTEL. 473

genre au livre des Nombres, chap. IV : « Aaron et son fils entreront, ils disposeront eux-mêmes les œuvres, » c'est-à-dire ils couvriront les choses secrètes , et il ne leur est permis de les voir avant qu'elles ne soient dérobées à la vue sous aucun autre prétexte de curiosité , au- trement ils mourroient. On lit au premier livre des Rois , chap. VI : « Le Seigneur en frappa un grand nombre , parce qu'ils avoient vu l'arche du Seigneur; » et cela parce qu'il ne leur étoit pas permis de la voir découverte. L'arche est la figure du corps de Jésus-Christ qui doit être voilé aux méchants , pour les empêcher de mourir spirituel- lement, s'ils le voyoient; car leur aveuglement le leur fcroient re- garder comme fantastique.. On lit dans l'Ecclésiaste, chap. III : « Il est plusieurs des œuvres de Dieu qui ne doivent pas piquer votre curiosité. » Il n'est pas nécessaire que vous voyez de vos propres yeux les choses cachées.

La seconde raison pour laquelle on le reçoit voilé, c'est la foi des bons , et cette raison en renferme trois autres pour lesquelles il doit être voilé; ces raisons sont que voilé il est l'objet de la foi , il est un véritable remède contre l'infidélité mauvaise , il rend aussi la foi mé- ritante. 1° Pour que la foi existe réellement , ii faut que le corps de Jesûs-Christ nous soit donné voilé. Il est écrit aux Hébreux , chap. X : « La foi a pour objet les choses cachées. » La foi , comme le dit saint Augustin , consiste à croire ce que vous ne voyez pas , c'est-à-dire à croire sur parole une chose cachée qui existe réellement , et que ce- pendant on ne voit pas de l'œil. Nous avons plutôt la science que la foi des choses que nous voyons. On lit dans la première Epître de saint Pierre , chap. I : « Vous croyez à Jésus-Christ, bien que maintenant vous ne le voyiez pas. » L'infidélité exige comme remède que le corps de Jésus-Christ soit voilé , et cela pour que le mode de satisfac- tion soit en rapport avec la faute d'infidélité. Ce qui fait que comme

Psalm. LIV : « Si is qui oderat me, » etc. ; des bonorum , et haec ratio potest in tria De tertio, Num., IV : « Aaron et filais ejus ! distingua, quœ exigunt hoc velari, scilicet

intrabunt, ipsique disponent opéra, » id est, operient sacramenta, alia nulla curiosi- tate yideant quœ sunt in sanctuario prius- quam involvantur , alioquin morientur. I Regum,\[ : « Percussit Dominus multos, eo quod vidissent arcam Donnai, » quia scili- cet non licebat eis videre eam detectam. Arca signitîcat corpus Christi, quod mali- gnis est velandum, ne spiritualiter morian- tur si videant : quia causa suae cœcitatis putarent esse phantasticum. Ecclesiastes , III : « In pluribus operibus Dei non f'ueris curiosus. » Non est enim tibi necessarium ea qufe abscondita sunt videre oculis tuis. Secunda ratio quare velatum datur, est 11-

iidei esse verum intidelitatis pravee reme- dium, fîdei meritum. Primo lidei esse ve- rum exigit,ut velatum detur corpus Christi. Ad Hebr., X : « Fides est rerum non ap- parentium, » ut dicit Augustinus : « Fides est credere, quod non vides, scilicet cre- dere verbis de re occulta qua; vere est, et tamen eam oculis non vides. Nam de re quam videmus scientiam potius quam 11- dem habemus. » I Petr., I : « Chrislus est in quera non videntes creditis. » Secundo, infidelitatis remedium exigit ut vcletur corpus Christi, quatenus culpœ infidelitatis ivspiMiïJeat modus congruus satisfactionis. Unde sicut primorum parentum increduli-

474 , OPUSCULE LVII, CHAPITRE 7.

l'incrédulité de nos premiers parents vient de ce qu'ils entendirent la parole du démon , qui leur persuadoit de manger une nourriture qui renfermoit cachée en elle la mort, et que leurs sens se délectèrent vainement dans cette nourriture ; de même il convient que la foi de ceux qui doivent être sauvés ait son principe dans l'audition de la parole du Sauveur, qui conseille une nourriture qui contient cachée en elle la vie véritable , nourriture qui trompe tous nos sens , sauf l'ouïe , puisque la foi vient de l'ouïe et non de la vue , ni des autres sens ; elle vient de l'ouïe qui nous transmet la parole de Jésus-Christ. Une figure parfaite de ceci , c'est la bénédiction de Jacob , Genèse , chap. XXYII, les sens d'Isaac sont trompés, car il pense sentir Esau pendant qu'il sent Jacob qui , voilé , lui ressemble. Il importe aussi de savoir que dans cette figure du corps du Seigneur, il y avoit deux 'personnes, Isaac et Rébecca; l'homme et la femme comme si- gnifiant les deux natures qui existent en nous, c'est-à-dire l'ame et le corps ; l'homme qui d'ordinaire est plus en évidence , et qui s'oc- cupe davantage des affaires extérieures , est la figure de l'homme extérieur, c'est-à-dire du corps avec ses sens ; la femme qui demeure à la maison et qui dirige la famille , est la figure de l'homme inté- rieur, c'est-à-dire de l'ame qui prend soin de son salut et de celui des autres. Jacob bon et beau, habitant les tentes qu'aime Rébecca, c'est-à-dire Fame_fidèle , signifie le vrai corps de Jésus-Christ. Esaiï qu'aimoit Isaac , c'est-à-dire le corps qui se nourrit d'une nourriture qui lui est propre , signifie la substance du pain avec ses accidents , savoir la couleur, la saveur, etc.. C'est pourquoi pendant qu'Isaac , comme homme extérieur, c'est-à-dire prêtre , doit bénir Esaû , c'est- à-dire la substance du pain , elle s'éloigne , il ne reste que l'appa- rence d'Esatt, à savoir les habits avec l'odeur, les peaux avec leurs poils , la nourriture avec sa saveur, c'est-à-dire les accidents du pain

tas incœpit ex auditu verbi diaboli, sua- dentis cibum habentem mortem velatam, et in eo sunt sensus eorutn varie delectati, sic congruit ut fides salvandorum meipiat ex auditu verbi Salvatoris, suadentis cibum habontem veram vitam absconditam, et in quo nostri sensus pie sunt decepti prater auditum, ut sit fides ex auditu tantum et non ex visu vel aliis sensibus, auditus au- tem per verbum Christi. Hocpulchre figu- ratur, Gen.,XXVlI, in benedictione Jacob, ubi sensus Isaac sunt decepti putantis sen- tire Esau , dura sentit simiUtudinem ejus, qui velatus erat , Jacob. Unde seiendum , quod in illa figura dominici corporis duae erant personse, scilicet Isaac et llebecca, quasi rnasculus et i'œinina significant duas naturas in nobis, id est corpus et animam,

rnasculus qui magis solet esse manifestus, et exterioribus plus intendit, signiiicat ex- teriorem horninem, id est corpus cum suis sensibus ; fœrnina, quae domi residet et fa- miliara régit, interiorem hominem, id est animam quae saluti suae et aliorum gerit curam. Jacob bonus et formosus habitans in tabernaculis , quem diligit Rébecca , id est fidelis anima , significat verum corpus Christi. Esau quem atnabat Isaac, id ort corpus eo quod de cibis suis vescitur, si- gnificat substantiam panis cum suis acci- dentibus, scilicet colore, sapore, et caeteris. Dum itaque Isaac quasi homo exterior , id est sacerdos beneficere débet , Esau, id est substantia panis, recedit , sed similitudo Esau, scilicet vestes cum odore, pertes pi- losee, cibus cum sapore, id est accidentia

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 475

ou la similitude ; Jacob conserve autour de lui la couleur, l'odeur, la Saveur, la fermeté, et nos sens sont trompés. La vue obscurcie d'Isaac est trompée en ce point, c'est-à-dire la vue débile de notre corps, qui fait qu'il se figure avoir devant lui Esau, c'est-à-dire l'espèce ou apparence , et que Jacob est caché sous le voile de cette même appa- rence , Jacob , c'est-à-dire le corps de Jésus-Christ. Le goût est ici trompé , parce qu'il croit manger la nourriture d'Esau , c'est-à-dire le pain , et qu'il n'en goûte que l'apparence. Ici l'odorat est trompé , parce qu'il croit sentir l'odeur d'Esau , c'est-à-dire du pain qui n'y est réellement pas ; il ne sent que l'odeur de ses habits , c'est-à-dire la forme du pain dont est revêtu Jacob, c'est-à-dire le corps de Jésus- Christ. Isaac étoit sage , mais son jugement étoit en défaut dans la connoissance qu'il croyoit avoir d'Esau ; de même notre homme exté- rieur est en défaut dans le jugement qu'il porte sur le pain de l'autel , l'ouïe seule éclaire ; c'est pour cela qu'il dit : La voix à la vérité est la voix de Jacob, etc., les mains que je touche sont les mains d'Esau; il n'y a rien de plus faux; mais la voix que j'entends me dire, c'est moi, est la voix de Jacob, rien n'est plus vrai. Pareille- ment, le sacrement que je touche, c'est la substance du pain ; il n'y a rien de plus faux; la voix de Jésus-Christ me dit : Ceci est mon corps , il n'y a rien de plus vrai. L'infidélité exige donc d'abord comme remède que nous recevions le corps de Jésus-Christ sous un voile , parce que comme les sens du premier homme prenoient un yain_plaisir à manger le fruit de perdition , il. faut que les sens de notre corps soient trompés sur l'aliment de bénédiction , comme le furent ceux d'Isaac ; ils doivent l'être toutefois de manière que Ré- becça, c'est-à-dire l'aine, ne le soit pas clans sa foi. L'ame croit en effet que, dans la bénédiction sainte, se trouve Jacob, c'est-à-dire le corps du Christ voilé sous comme Esati , c'est-à-dire l'espèce du pain. Troisiè-

panis, sive similitude», scilicet color, sapor, odor, durities marient circa Jacob et sensus nostri falluntur. Ibi fallitur visus Isaac ca- liginosus, id est , debilis corporis nostri, quia putat prae oculis habere Esau, id est, panem et tantum vestes ejus , scilicet spe^ ciem panis, et sub illa latet Jacob velatus, id est corpus Christi. Ibi fallitur gustus, quia putat comedere cibum Esau, id est panem, et gustat tantum similitudinem ejus. Ibi fallitur olfactus , quia putat sen- tire odorem Esau , id est panis , qui vere non est ibi; sed sentit odorem vestimen- torum ejus , id est formam panis , quibus vestitus est Jacob, id est corpus Christi. Sapiens erat Isaac, sed in judicio cognos- cendi Esau fallebatur, sic homo noster ex- terior in judicio panis altaris fallitur pra>

terquam auditu, unde ait : Vox quidem vox Jacob , etc., manus quas tango sunt Esau, nihil falsius; sed vox quam audio dicen- tem, ego sum, vox est Jacob, nihil verius. Similiter sacramentum quod tango . sub- stantia panis est, nihil falsius; vox Christi dicentis : Hoc est corpus meum, nihil ve- rius. Primo igitur infidelitatis remedium exigit, quod corpus Christi velatum detur, ut quia sensus primi hominis in cibo per- ditionis vane delectabantur , sensus nostri corporis in cibo benedictionis ad instar Isaac decipiantur, ita tamen quod Rebecca, id est anima in lide sua non fallatur. Cré- dit enim vere in benedictione sacra esse Jacob, id est corpus Christi velatum simi- litudine Esau, id est specie panis. Tertio, fldei meritum exigit, ut veletur

476 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 7.

mement pour que la foi soit méritante, il faut que nous rece- vions le corps de Jésus-Christ sous un voile , parce que , comme dit saint Grégoire , la foi n'a aucun mérite dès que la raison humaine fournit une preuve qui la supplée suffisamment. Dieu a voulu nous donner son corps sous un voile , parce qu'il a voulu qu'il y eût pour nous un grand mérite à nous en rapporter plutôt à sa parole qu'à nos sens. On lit dans saint Jean, chapitre XX, vers. 29 : « Bienheureux ceux qui n'ont pas vu. » Le mérite ou le fruit de cette foi est de trois espèces ; ce sont : l'abondance parfaite des biens spirituels , l'abon- dance des biens temporels , et la surabondance des biens éternels. C'est ce qui fait dire à Rébecca, c'est-à-dire à l'ame fidèle : « Que cette malédiction retombe sur moi , mon fils , » c'est-à-dire cette triple bénédiction : « Que Dieu fasse pleuvoir sur toi la rosée du ciel , » voilà pour la première ; « qu'il te donne l'abondance de la graisse de la terre , » voilà pour la seconde ; « qu'il te donne avec profusion le froment , le vin et l'huile , » voilà pour la troisième. Il est écrit de la première , saint Jean , chap. VII : « Celui qui croit en moi , les fleuves, etc.. » On lit dans Osée, chap. XIV : «Je serai comme la ro- sée, etc. » Il est écrit de la seconde, Hébreux, chap. XI : « C'est par la foi que les saints ont reçu les promesses, etc.; » à savoir des biens temporels. On lit dans Isaïe, chap. I : « Si vous le voulez et si vous m'écoutez, vous mangerez les biens de la terre. » On lit dans saint Matthieu, ch. VI : « Cherchez d'abord le royaume de Dieu, » par une foi droite : et sa justice, par une vie juste; et toutes ces choses, etc. . . » Quant à la troisième, il est écrit I Pierre, chap. I?« Croyant en Jésus- Christ que vous ne voyez point maintenant , vous tressaillerez d'une joie ineffable et pleine de gloire; remportant le salut de vos âmes comme le prix de votre foi. » On lit au livre des Proverbes, chap. I : « Celui qui aura écouté , reposera sans terreur, il jouira de l'abon- dance, à l'abri de la crainte de toute espèce de maux. »

corpus Christi, quia ut dicit Gregorius, fi- des non habet meritum, cui humana ratio prœbet experimentum , supple sufïiciens. Vclatum dare voluit Dominus corpus suum quia in hoc potius credere verbis suis quam sensibus nostris magnum habet meritum. Joan., XX : « Beati qui non vider unt. » Hujus meritum fidei , sive fruetus triplex est, scilicet spiritualium bonorum plena copia, temporalium abundantia, aeternc— rum supereffluentia. Hinc ait Rebecca , id est hdelis anima : « In me sit ista male- dictio, fili mi, » id est, hœc triplex bene- dictio. Det tibi Deus de rore cœli , quan- tum ad primant, et de pinguedine terrae abundantiam , quantum ad secundain ; abundantiam i'rumenti, vini et olei, quan-

tum ad tertiam. De primo, Joan.,, VII : « Qui crédit in me , flumina, » etc. Osée, XIV : « Ero quasi ros , » etc. De secundo, ad Hebr., XI : « Sancti per fidem adepti sunt repromissiones, » scilicet temporabum. Isa., I ■: « Si volueritis et audieritis me, bona terra? comedetis. » Matth., VI : « Primum quaerite regnum Dei , » recte credendo, « et justitiam ejus, » juste vi- vendo, « et heec omnia, » etc. De tertio , I Petr., I : « Gredentes in Christum quem non videtis, exultabitis laititia inenarrabili et glorificata , reportantes linem fidei ves- traj salutem animarum vestrarum. » P/ov., I : « Qui audieril, absque terrore requies- cet, et abundantia perfruetur, timoré ma- lorum sublato. »

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 477

CHAPITRE VIII.

Des deux autres raisons pour lesquelles nous recevons le corps de Jésus- Christ sous un voile.

« Venez, mangez... Comment le secret du roi peut, etc.. » La Lot lHËÏ2!î_4es mœurs, est la troisième raison qui fait que Jésus-Christ nous donne son corps sous un voile. On lit dans Job , chap. XXVIII : <c La sagesse a une origine secrète d'où elle se tire. » Ce sacrement ren- ferme trois choses secrètes qui concourent à former les mœurs; ce sont, la personne du Sauveur, la beauté de celle brillante lumière, et l'œuvre admirable du Tout-Puissant. Isaïe dit de la première, cKap. XLV : « Vous êtes vraiment un Dieu cache, le Dieu sauveur d'Is- raël. » Le même Isaïe dit de la seconde, chap. VII : « J'attendrai le Seigneur, parce qu'il a voilé sa face. »'I1 est dit de la troisième, Ecclé- siastique, chap. XLIII : « Il est beaucoup de choses cachées qui sont plus grandes que celles-ci, nous n'en avons vu qu'un petit nombre. » Ces trois choses nous apprennent que parfois aussi la vertu peut nous faire cacher trois choses, qui sont notre personne /la beauté de notre corps r:: l'intention de nos bonnes œuvres. Nous devons soustraire la première' à la fureur des persécuteurs; la seconde aux regards indis- crets des insensés; la troisième à la faveur des hommes. Le juste apprend à cacher sa personne pour trois raisons ; c'est pour laisser le persécuteur en repos, pour accomplir dans toute sa perfection le pré- cepte du Seigneur } et pour acquérir une couronue plus glorieuse. Il est dit de la première de ces choses dans Isaïe , chap. XXVI : « Allez mon peuple, tenez-vous un peu caché pour un moment jusqu'à ce que ma colère soit passée; » on lit de plusieurs justes qu'ils se sont con- duits de la sorte. Il est écrit de la seconde, II Cor., chap. XI : « Etant

GAPUT VIII.

De duabus aliis rationibus, quibus dalur corpus velatum.

« Venite , comedite , etc. Quomodo po- testsacramentum régis. » Tertia ratio, quare corpus suum dat velatum , est instructio morum. Job, XXVIII : « Trahitur sapientia de occultis. » Tria vero in hoc sacramento occultantur, in quibus mores instruuntur, scilicet persona Salvatoris, pulchritudo ma- gnse claritatis, mirum opus omnipotentis. De primo, Isa., XLV : « Vere tu es Deus absconditus, Deus Israël salvator. » De se- cundo , Isa., VII : « Expectabo Dominum, qui abscondit faciem suam. » De tertio,

Eccles., XLIII : « Multa abscondita sunt majora his, pauca enim vidimus. » In his discimus in nobis quandoque tria virtuose abscondi posse, nostram personam, pul- chritudinem corporalem, bonorum operum intentionem. Primum a persecutorum fu- rore , secundum a stultorum inspectione , tertium ab humano favore. Primo discit justus abscondere personam propter tria , ut scilicet persecutor quiescat, ut prœcep- tum a Domino opus perficiat, ut gloriosio- rem coronam acquirat. De primo, Isa., XXVI : « Vade , popule meus , abscondere modicum , donec pertranseat indignatio mea in persecutore , quod multi justorum leguntur fecisse. » De secundo, II Cor., XI :

478 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 8.

à Damas, etc. . . » On lit pareillement de Tobie que le roi ayant ordonné de le mettre à mort, il prit la fuite sans rien emporter et qu'il se cacha afin de pouvoir accomplir les œuvres de miséricorde qu'il avoit com- mencées. Quant à la troisième , il est écrit I Rois, ch. XXVI : « David fuyant la présence de Saûl se cache dans la vallée d'Alchilé; » c'est- à-dire dans le Seigneur. Alchilé veut dire, celui qui le reçoit, d'où viennent ces mots : « Seigneur, c'est vous qui me recevez. » Mais il se cache dans le Seigneur, pour conserver par les faits brillants et glo- rieux de son règne, la couronne; On lit dans saint Jean, chap. "VIII : « Les Juifs prirent des pierres pour les lui jeter, etc.. » Le juste apprend aussi par la à soustraire la beauté de son corps aux regards indiscrets de la foule; parce que la beauté extérieure et la parure furent pour plusieurs une occasion de chute. La beauté corporelle se dérobe aux regards de trois manières, qui sont la pauvreté des habits, l'austé- rité des jeûnes, l'assiduité à faire de bonnes œuvres. On lit de la pre- mière de ces trois choses dans- Job, chap. XYI : « J'ai étendu un sac sur ma chair, et j'ai couvert ma tète de cendres. » On lit dans la Ge- nèse, chap. XXIV : « Rébecca en présence d'Isaac, prit son voile et s'en couvrit. » Il est écrit I Cor., chap. XI : « La femme doit avoir le visage voilé à cause des anges , » c'est-à-dire des bons. On lit de la seconde, Galat., chap. YI : « Le monde m'est crucifié et moi je le suis au monde; » ce qui est comme s'il disoit : le monde est pour moi digne de mépris, à cause du châtiment qui est réservé à sa propre sol- licitude; et moi je suis digne de mépris aux yeux du monde, parce que je châtie mon corps. Saint Augustin dit : « Domptez votre chair, etc.» Il est écrit de la troisième , Psaume XXXY1II : « Vous avez fait dessé- cher son ame comme l'araignée, etc.. » Comme l'araignée tire de ses entrailles l'œuvre qui est de sa nature, ceci la fait maigrir; de même le juste qui par charité se livre continuellement à des œuvres pénibles

« Damasci praepositus, » etc. Similiter To- bias cum eum rex juberet occidi , fugiens nudus latuit, nt scilicet opéra misericor- diae quae cœperat, impleret. De tertio , I Reg., XXVI, cum fugeret David a facie Saul, absconditus est in colle Alchile, id est in Domino. Alchila interpretatur eum sus- cipiens , unde Dominus susceptor meus. Absconditus est autem in Domino , ut per inclyta opéra gloriosa regni sibi restaret corona. Joan., VIII : «Tulerunt lapides Judaei, ut jacerent, » etc. Secundo disoit justus abscondere pulchritudinem corpora- lem ab omnium inspectione, quia exterior pulchritudo et ornatus multis fuit occasio casus. Décor ergo corporalis absconditur tribus modis , per habitus vilitatem , per jejuniorum austeritatem, per boni operis

assiduitatem. De primo, Job, XVI : « Sac- cum consui super cutem meam, et operui cinere carnem meam. » Gen., XXIV : « Ré- becca, conspecto Isaac, tollens pallium ope- ruit se. » I ad Cor., XI : « Mulier débet habere velamen super caput , propter an- gelos, » id est propter bonos. De secundo, Galat., VI : « Mihi mundus cruciflxus est, et ego mundo , » quasi diceret : Vilis est mihi mundus propter pœnam suœ sollici- tudinis, et ego vilis mundanis propter cor- poris mei maçerationem. Augustinus : « Carnem vestram domate, » etc. De tertio, Psalm. XXXVIII : « Tabescere fecisti sicut araneam , » etc. Sicut aranea ex suis vis- ceribus trahens opus naturae, tabescit ex- inde , sic justus frequentans opéra laboriosa ex vera charitate , maceratur et pallescit

SLR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 479

maigrit et son corps pâlit. On lit dans l'Ecclésiastique, chap. XXXIII : « Le joug et les cordes font courber le col le plus dur, et le travail continuel rend l'esclave souple. » Il est écrit, Cant., chap. I : « Ne considérez pas que je suis, etc., » le soleil, effet de la chaleur la plus brûlante , c'est-à-dire œuvre de l'amour, Jésus - Christ a pris la forme d'un esclave , et sous cette forme il a caché la clarté de sa divinité. Isaïe dit à cette occasion , ch. XXXIII : « Il n'a ni éclat, ni beauté, etc. » Son visage est voilé et couvert d'opprobre.

Troisièmement, le juste apprend par à dérober l'intention de ses bonnes œuvres à la faveur du monde. On lit dans saint Matthieu, ch. •XIII : « Le royaume des cieux est semblable ; » la gloire , c'est-à-dire la conversation des justes; « à un trésor, » c'est-à-dire à une bonne œuvre, « caché dans un champ, » c'est-à-dire dans le cœur. Saint Grégoire dit : « Que la bonne œuvre que l'on fait en public soit telle que l'intention en demeure secrète pour donner au prochain l'exemple des bonnes œuvres, et n'avoir pourtant que le désir de plaire à Dieu seul, ce qui doit nous en faire désirer le secret. »I1 est surtout trois espèces de biens que nous devons désirer de soustraire à la faveur des hommes; ce sont l'aumône . le jeune et la prière. Il est dit du premier de ces biens, Matth., ch. Y : ce Quand vous faites l'aumône, ne faites point son- ner de la trompette devant vous ; » la trompette de l'orgueil et de la jac- tance, comme le font les hypocrites, qui désirent être vus des hommes. « Je vous dis en vérité qu'ils ont reçu leur récompense. Mais pour vous, quand vous faites l'aumône, que votre gauche ne sache pas, etc. » "Votre gauche , c'est-à-dire, l'intention mauvaise, ce que fait votre droite, c'est-à-dire l'intention pure ; « pour que votre aumône se fasse en secret, etc.. » Quant au second, il est écrit dans saint Matthieu , ch. V : « Lorsque vous voudrez prier, entrez dans votre chambre, etc. . ; » c'est-à-dire dans le secret de votre esprit, a et il vous rendra. » Il est

in corpore. Ecoles., XXXIII : « Jugum et lora curvant collum durum, et servutn in- clinant operationes assiduae. » Cant., I : « Nolite me considerare, » etc. Sol effectus ardoris, id est opus amoris , Christ us i'or- mam servi accepit , in qua claritatem di- •viuitatis abscondit. Unde Isa., XXXI11 : « Non est species ei, neque décor , » etc., et absconditur vultus ejus, et despectus. Tertio, dicit abscondere virtutum et bono- rum operum intentionem ab humano fa- vore. Matth., XIII : « Simile est regnum cœlorum, » gloria, id est conversatio jus- toi um , « thesauro, » id est bono operi, « abscondito in agro , » id est in corde. Gregorius : « Sic sit opus in publico, qua- tenus intentio maneat m occulto, ut de bono opère proximis preebeamus exem-

plum, et tamen per intentionem, qua soli Deo placere cupimus, semper optemus se- cretura. » Triplex \ero bonuin pracipue debemus abscondere a favore hominum , scilicet eleemosynam , orationem et jeju- nium. De primo, Matth., V : « Guin lacis eleemosynam , noli tuba canere ante te, tuba tumoris et jactantiœ, sicut hypocritas faciunt, ut videantur ab hominibus. Amen dico vobis receperunt mercedeui suam. Te autem faciente eleemosynam, nesciat, » etc. sinistra, id est intentio prava ; dextera, id est dilectio pura , « ut sit eleemosyna tua in abscondito, » etc. De secundo, Matth., V : «Et cum oraveris, intra cubicu- lum, » etc., id est secretum mentis, « et clauso ostio , ora Patrem tuum in abscon- dito intentiouis, et reddet tibi. » De tertio

480 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 8.

dit du troisième de ces biens, au même endroit : « Lorsque vous jeû- nez, oignez votre tête; » c'est-à-dire, reconfortez Jésus-Christ, en dis- tribuant à ses membres, c'est-à-dire aux pauvres, les œuvres de mi- séricorde par lesquelles vous vous enlevez à vous-mêmes ce qui vous appartient : « Lavez voire visage ; c'est-à-dire , purifiez les péchés du cœur et des sens par les larmes de la pénitence , de peur que les hommes ne sachent que votre jeûnez ; et que votre Père seul en soit instruit. »

La quatrième raison pour laquelle nous le recevons sous un voile , c'est la foiblesse de notre raison. La foiblesse des hommes exigeoit qu'il en fût ainsi, et on le prouve de trois manières. Et d'abord on le prouve par une figure tirée du livre de la Loi ; on lit dans l'Exode , chap. XXXIII : « Les enfants d'Israël voyant l'éclat de la figure de ^oïse_à la suite de son entretien avec Dieu, craignirent de s'approcher de lui; » ce qui fit qu'il se voiloit la face quand il leur parloit. La face de Moïse reçut des rapports fréquents et familiers qu'il eut avec la lumière divine un tel éclat, qu'elle paroissoit rayonnante aux yeux des hommes, ce qui faisoit qu'ils ne pouvoient pas en soutenir l'éclat à moins qu'elle ne fût voilée. Ainsi assurément et à bien plus forte raison, le corps de Jésus-Christ glorifié et spiritualisé par sa résurrec- tion, devenu semblable à Dieu ou déiforme, ne peut être vu d'aucun œil mortel s'il n'est caché sous une espèce étrangère. On le prouve en second lieu, par ce qui arriva à Marie mère de Dieu qui ne put soutenir l'éclat de la présence de son Fils, non plus que sa gloire, sans qu'il fût voilé. Mais il a été possible à la Vierge et il nous est possible à nous, de voir la majesté divine voilée par la chair qui vient de la Vierge et qui est l'œuvre de l'Esprit saint; c'est pourquoi le Verbe s'est fait chair. Mais cette chair après la passion ayant été glorifiée par la ré- surrection , et clarifiée à l'image de Dieu, comme le dit saint Jean,

ibidem, « cum jejunas, unge caput tuum, » id est, refice Christum operibus misericor- diae, quod tibi subtrahis, membris ejus, id est, pauperibus largiendo ; et faciem tuam lava, peccata cordis et sensuum lacrymis pœnitentiee purgando , ne videaris ab ho- minibus jejunans, sed Patri tuo. » Quarto, datur velatum ratione imbecillitatis nostrse. Hoc enim exigebat imbecillitas hominum, quod probatur tribus modis. Primo, a fi- gura legali, Exod., XXX : « Videntes filii Israël ex consortio Domini cornutam fa- ciem Moysi , timuerunt prope accedere, unde posuit velamen super faciem suam, cjuando loquebatur ad eos. » Faciès enim Moysi tam magnam recepit radiositatem ex frequenti et familiari appropinquatione

ad divinum lumen, quod videbatur huma- nis oculis quasi cornuta , unde non pote- rant claritatem vultus ejus sustinere nisi velatam ; sic nimirum, immo multo magis corpus Christi in resurrectione ejus glori- ficatum et spirituale ac déiforme factum, nullus potest mortalibus inspicere oculis, nisi alia specie velatum. Secundo, probatur ex hoc quod accidit matri Dei Marias, qua? non potuit sustinere claritatem prœsentiae filii et gloriam, nisi esset obumbrata. Carne autem virginis velata, majestas Spiritus sancti operatione facta est possibilis a Vir- gine, et etiarn a nobis videri, unde verbum caro factum est. Sed carne illa, post pas- sionem per resurrectionem glorificata , et ad similitudinem Dei clarificata, secundum

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 484

chajj^XVII : (c^lorifiej-moi mon Père ; » est passée à un état tel que les yeux ne peuvent la voir sous sa forme propre et naturelle , si elle QlesLxaiLée sous quelque espèce visible. On lit dans l'Ecclésiastique, chap. XI : « Les œuvres du Très-Haut sont admirables, elles sont pleines de gloire, elles sont secrètes, elles sont immenses. » Il est écrit dans l'Exode, cbap. XXXII : « L'homme ne me verra pas et il vivra,)) à savoir dans sa propre espérance. L'Apôtre dit, I Cor., chap. XIII : « Nous le voyous maintenant à travers un miroir; » le miroir de la raison, et en énigme, c'est-à-dire sous la figure du pain. On le prouve en troisième lieu par une raison de nature , qui est ïa différence im- mense qu'il y a entre la lumière de notre œil et la clarté de la lumière du corps de Jésus-Christ. Notre œil en effet est^de peu d'étendue, ma- ladif et corruptible. Mais la clarté du corps de Jésus-Christ est incor- ruptible, elle est en quelque sorte immense, comme il a été dit de ce qui n'a pas de forme. La raison par laquelle une lumière quelconque est visible, c'est la ressemblance de celui qui voit avec cette lumière. Et plus il y a de similitude avec une lumière infinie , plus aussi la vision est douce et limpide. Voilà pourquoi l'œil qui n'est point malade , peut jusqu'à un certain point voir le corps nu du soleil, et qu'il ne peut pas voir le corps de Jésus-Christ; car il_y_a entre l'œil et le soleil quelque similitude de lumière et de çorruptibilité , que le corps de Jésus-Christ n'a point. Si l'œil en effet ne ressembloit pas par quelque côté à la lumière céleste , il ne pourroit pas la voir, non plus que l'oreille , le doigt , ou l'œil privé de la lumière, et cela à cause de la dissemblance qui existeroit entre eux. Par conséquent , comme notre foiblesse et la trop grande lumière du corps de Jésus- Christ , lumière qui a été glorifiée et qui est devenue incorruptible, ne nous permettent pas de voir de deux manières d'œil à œil l'éclat du corps du Seigneur, nous devons au moins le contempler de l'œil de

illud Joann., XVII : « Clarifica me Pater, » facta est impassibilis ab oculis mortalium in propria forma nuda videri , nisi esset velata aliqua specie visibili. Eccles., XI : « Mirabilia opéra Altissimi, et gloriosa, et absconsa, et immensa. » Exod., XXXII : « Non videbit me homo, et vivet, » scili- cet in spe propria. I ad Cor., XIII : « Vi- demus nunc per spéculum, » scilicet ra- tionis, « et .in senigmate, » id est figura panis. Tertio, probatur idem ratione natu- rali , quae est nimia dissimilitudo luminis oculi nostri claritatem luminis corporis Christi. Oculus enim noster angustus, œger et corruptibilis est. Illius vero claritas in- corruptibilis et quodammodo immensa, ut dictum est de informis. Haec est enim ratio visibilitatis omnis luminis similitudo aliqua

V.

videntis ad lumen. Et quanto major simi- litudo ad lumen maximum, tanto limpi- dior et dulcior est visio. Hinc est quod sa- nus oculus potest aliquatenus videre nu- dum corpus sons , et non corpus Christi ; quia cum illo habet aliqualem similitudi- nem luminis et corruptibilitatis, quam non habet corpus Christi. Nisi enim oculus ex aliqua parte cœlesti luminis similis esset, nequaquam illud videre posset , sicut nec auris, aut digitus, aut etiam oculus caecus, scilicet propter nimiam dissimilitudinem. Quia ergo ob nostram imbecillitatem et corporis Christi nimiam claritatem magni- flcatam, et usque ad incorruptionem robo- ratam , non possumus videre dupliciter oculo ad oculum dominici corporis clarita- tem, saltem oculo mentali, id est pura

31

482 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 9.

l'esprit; c'est-à-dire avecJa pureté d'intention du cœur, comme nous l'apprennent les paroles suivantes de saint Luo, chap. XI : « Si votre œil. est simple ; » c'est-à-dire si l'intention de votre cœur est pure , «votre corps tout entier sera lumineux pour voir la clarté de Jésus- Christ, » Saint Jean dit, I Jean., chap. III : «Nous savons que lorsqu'il aura apparu, nous serons semblables à lui, et que nous le verrons tel qu'il est. » Il paroît juste en effet que la vérité pénètre dans notre ame par la partie de nos yeux la plus clairvoyante. Mais ceci, ô mon ame ! nous est réservé pour l'avenir, lorsque nous le verrons face à face. Et cette vision est la vie éternelle.

CHAPITRE IX.

De la forme du don , qui nous est fait sous l'espèce du pain.

« Venez , mangez , etc. » Argument propre. « Il l'a nourri de pain, etc.. » Le Commentaire intérimaire ajoute, c'est-à-dire du corps de Jésus-Christ. Secondement, le Seigneur nous donne son corps sous l'espèce du pain pour trois raisons. On peut prouver qu'il a été déter- miné à le donner sous l'espèce de pain plutôt que sous toute autre espèce de nourriture , parce que le pain convient mieux que toute autre nourriture, vu les propriétés qu'il possède et cela, tant par rap- port à ceux qui le reçoivent que pour ceux qui l'administrent. Cette manière d'agir repose sur les trois considérations suivantes. Pre- mièrement, parce qu'il est plus facile de trouver l'espèce du pain en tout temps et en tout lieu que tout autre aliment. Secondement , parce que s'il faut le conserver, le porter, l'élever, on peut le faire

cordis intentione ipsum debemus respicere, secundum illud Luc, XI : « Si oculus tuus simplex fuerit , » id est intentio cordis

CAPUT IX.

De forma donalionis , quœ dalur sub specie

pura, « totum corpus tuum lucidum erit ad j pants

videndam claritatem Ghristi. » I Joann III : « Scimus quoniam cum appartient , similcs illi erirnus , et videbimus eum si- cuti est. >i Dignum quidem videtur , per superiores oculorum fenestras veritatem intrare debere ad aniniam. Sed hoc nobis, o anima, servatur in posterum, cum vide- bimus eum facie ad faciem. Et haec visio erit vita œterna.

« Venite, comedite, » Thema proprium, cibavit eum pane, etc. Glossa interhnearis, id est corpore Christi. Secundo dat Domi- nus corpus suum sub speciem panis prop- ter tria. Propter collatam sibi prœ caeteris cibis habilitatem. Sub una enim alia spe- cie cibi, tam respectu ministrantium quam accipientium posset actus exhiberi. Et hoc triplici consideratione. Primo scilicet quan- tum ad inventionem habilior est species panis, quam cibi alterius, quia omni loco, omni tempore facilius invenitur quam alius cibus. Item, quantum ad conserva- tionem habilior est , quia si débet levari,

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 483

plus commodément sous l'espèce du pain que sous celle de toute autre nourriture. IL est écrit Psaume CIX : « Le Seigneur a juré et il ne se repentira point, vous êtes prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Mel- chisédech, » qui n'a offert ni des brebis, ni des bœufs, ni des chèvres, mais le pain et le vin. Troisièmement, il convient mieux pour l'ad- ministrer, parce qu'on peut le toucher avec plus de décence et de propreté; sur l'autel , on peut plus facilement le diviser; il peut être reçu avec plus de convenance et par ceux qui se portent bien et par les malades que toute autre nourriture.

Il se donne secondement à nous sous l'espèce du pain, afin de nous donner la connoissance et la foi du signe par lequel il se manifeste à nous. « Le signe, dit saint Augustin, est une chose qui, outre l'espèce quelle laisse apercevoir aux sens, fait connoître d'elle-même quelque autre chose. » Il y a trois espèces de signes, qui sont le signe naturel, le signe artificiel et le signe sacramentel. Le signe naturel exprime la chose naturelle , comme la fumée signifie le feu , la rougeur du ciel le soir, signifie le beau temps. On lit dans saint Matthieu, chap. XVI: « Lorsque le soir est venu, vous dites : il fera beau demain, parce que le ciel est rouge. » Le signe artificiel signifie ce que les hommes veulent lui faire signifier, et il est de deux espèces. L'un ne contient pas ce qu'il signifie, comme le cercle, le vin. L'autre contient ce qu'il signifie, comme l'instrument qui reçoit les pluies, les signifie et les contient, le pâté signifie et contient les viandes. Les signes sacramentels signi- fient ce que Dieu veut qu'ils expriment, ils sont aussi de deux espèces. Les uns ne contiennent pas ce qu'ils signifient, comme les sacre- ments légaux, comme le serpent d'airain élevé dans le désert qui signifioit le Sauveur , mais il ne le contenoit pas , comme le cercle suspendu devant la maison signifie le vin que cependant il ne con-

portari sive custodiri, commodius sit sub specie panis quam cibi alterius. Psalm. CIX : « Juravit Dominus, et non pœnitebit eum, tu es sacerdos in œternum secundum ordinem Melchisedech, » qui nec oves, nec boves , nec capras , sed panera et vinum obtulit. Item , quantum ad administratio- nem habilior est , quia mundius et hones- tius tractari potest, in altari meîius dividi, convenientius a sanis et infirmis sumi po- test, quam alius cibus. Secundo , dat sub specie panis propter faciendum signationis suae cognitionem et fidem. Augustinus : « Signum est res praeter speciem quam in- gerit sensibus, aliquod aliud ex se faciens in agnitionem venire. » Signorum autem tria sunt gênera, naturale, artificiale , sa- cramentale. Signum naturale secundum naturam significat , sicut furaus significat

ignera ; rubor cœli vespertinus significat futuram serenitatem. Matth., XVI : «Fac to vespere, dicitis serenum erit, rubicun- dum est enim cœlum. » Signum artificiale secundum impositionem hominis significat, et hoc est duplex. Aliud enim non conti- net quod significat, ut circulus vini. Aliud continet quod significat, ut pluviarum con- tinet pluvias et significat eas, pastillum significat carnes et continet. Signa sacra- mentalia secundum impositionem Dei si- gnificant , et sunt similiter dupucia. Alia enim non continent quod significant , ut sacramenta legalia, sicut serpens aeneus erectus in eremo, significabat quidem Sal- vatorem , sed non continebat eum , sicut circulus suspensus ante domum significat vinum, quod tamen non est content um. Num., XXI : « Fecit Moyses serpentera

484 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 9.

lient pas. On lit au livre des Nombres, chap. XXI : « Moïse fit un ser- pent d'airain, et il le plaça comme un signe, et ceux qui étoient frappés et qui le regardoient étoient guéris. » Il est écrit au livre de la Sagesse, chap. XYI : « Ayant un signe de salut, ce n'étoit pas parce qu'ils le voyoient qu'ils étoient guéris , mais ils l'étoient par vous qui êtes le Sauveur de tous les hommes. » L'agneau pascal et la circoncision signifioient pareillement une chose figurée, mais ils ne la contenoient pas, parce qu'ils ne justifioient pas par eux-mêmes. L'A- pôtre dit aux Romains , chap. III : « Nul homme ne sera justifié de- vant Dieu par les œuvres de la loi. » Il y a aussi des signes sacramen- tels qui ne signifient que ce qu'on a voulu leur faire signifier; comme les sacrements évangéliques , tels que le Baptême et l'Eucharistie. Hugues dit : « Le sacrement évangélique est un élément matériel, pro- posé extérieurement d'une manière sensible, représentant par simili- tude, signifiant par institution, et contenant par sanctification quelque grâce spéciale. »Le baptême signifie la purification de l'ame, et la con- tient réellement, parce qu'il produit ce qu'il figure, à savoir la rémis- sion des péchés. Il est écrit au livre des Actes, chap. II : « Pierre dit: « Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la ré- mission des péchés. » Le sacrement de l'autel signifie pareillement le vrai corps de Jésus-Christ et le contient en réalité , parce qu'après la consécration du pain, sous l'espèce du pain, c'est-à-dire sous ce signe du pain, que Dieu a déterminé pour signifier le corps du Seigneur, est le Christ tout entier; comme dans le signe positif de l'homme, à savoir dans un pâté , sont des chairs cachées. On ht dans saint Matthieu , chap. XXYI : « Jésus prit du pain, le bénit, et dit : Ceci est mon corps, » signifié sous l'espèce du pain. Il est écrit dans saint Jean , chap. V : « Le Fils de l'homme vous donnera un pain qui demeure éternelle- ment. » Dieu a signifié ce pain. Donc si, lorsque je vois un signe po-

œneum, et posuit eum pro signo, quem si percassi aspiciebant, sanabantur. » Sap., XVI •. « Habentes signùm salutis non per hoc quod videbant sanabantur, sed per te omnium Salvatorem. » Similiter agnus paschalis, et circumcisio signiflcabant rem figuratam, sed non continebant , quia se- cundumse non justificabant. Ad Rom., III : « Ex operibus legis non justifîcabitur om- nis caro coram Deo. » Item, alia surit signa sacramentalia, quae etiam secundum impo- sitionem signilicant : ut sacramenta evan- gelica , sicut baptismus et eucharislia. Hugo : « Saeramentum evangelicum est materiale elementum foris sensibiliter pro- positum ex similitudine reprœsentans , et ex institutione significans, et ex sanctifica- tione continens aliquam gratiam specia-

lem. » Baptismus significat animae purifi- cationem , et contmet eam , quia efficit quod figurât , scilicet remissionem pecca- torum. Act., II : «Petrus ait : Baptizetur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi in remissionem peccatorum. » Similiter Saeramentum altaris significat vere corpus Christi, et vere continet illud, quia post consecrationem panis sub specie, id est sub illo signo panis , quod Deus posuit ad si- gnificandum corpus Domini, totus est Christus, sicut sub signo positivo hominis, scilicet in pastillo, sunt occultatae carnes. Mattli., XXVI : « Accepit Jésus panem, et benedixit, et ait : Hoc est corpus meum , significatura sub specie panis. » Joan., V : « Filius hominis dabit vobis panem , qui permanet in vitam seternam. » Hune pa-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 485

sitif de l'homme , je crois que là, sous une couche légère de pain se trouve de la viande , à bien plus forte raison lorsque je vois un signe positif de Dieu, tel que le sacrement de l'autel , je dois croire que là, sous l'espèce du pain, se trouve le vrai corps du Christ à cause de la similitude des choses qui sont ici signifiées. Trois choses sont ici si- gnifiées, et cette espèce du pain en est le sacrement ou le signe , et il contient en lui-même une similitude parfaite de ces mêmes choses. La première chose signifiée, c'est le corps naturel du Seigneur, et il y est contenu. La seconde chose signifiée, c'est son corps mystique , il £e.st_ signifié, mais il n'y est point contenu. La troisième chose si- gnifiée, c'est l'effet qu'opère le sacrement dans l'ame fidèle. L'es- pèce du pain possède la similitude de la première chose signifiée ici, c'est-à-dire du vrai corps de Jésus-Christ, non pas par elle-même, mais à cause du sujet qu'elle contenoit avant la consécration, c'est-à-dire du pain qui exista d'abord. Comme ce pain est composé de grains nombreux et purs; de même le corps de Jésus-Christ consiste dans la réunion de plusieurs membres purs et sans tache. On Ut au livre des Cantiques, chap. VII : « Votre ventre est comme un monceau de fro- ment entouré de lis. » Il est écrit Exod., chap. XXV : « Faites une arche de bois de Sétim; » le Commentaire ajoute : l'arche signifie le corps de Jésus-Christ. L'arche est construite avec des bois de Sétim qui ne se pourrissent pas, parce que le corps de Jésus-Christ est com- posé de membres très-purs et exempts de toute espèce de vice. L'es- pèce du pain est aussi la ressemblance de la seconde chose signifiée, c'est-à-dire du corps mystique de Jésus-Christ , à savoir de l'Eglise , qui est la réunion des fidèles. Car comme un seul pain est composé d'un grand nombre de grains purs; de même l'unité de l'Eglise con- siste dans la multitude des fidèles purs et exempts de péché mortel,

nem significavit Deus. Igitur si eu m video signum positivum hominis, credo ibi sub tenui pane esse carnes , multo magis cum video signum positivum Dei, ut Sacramen- tum altaris, credere debeo ibi sub specie panis esse verum corpus Christi propter re- rum ibi signifleatarum similitudinem. Très enim ibi res significantur, quarum species illa panis est Sacramentum, id est sacrum signum , expressam habens in se illarum similitudinem. Prima res ibi significata est naturale corpus Domini, quod ibi contine- tur. Secunda res corpus ejus mysticum, quod ibi significatur , et non continetur. Tertia res est effectus Sacramenti in anima fideli. Primo , species panis primae rei ibi significatae , id est veri corporis Christi , habet similitudinem non ratione sui, sed ratione subjectif quod habuit ante conse-

crationem, id est panis qui prius fuit. Si- cut enim ex pluribus et puris granis confi- citur, sic corpus Christi ex pluribus mem- bris puris et immaculatis consistit. Cant., VII : « Venter tuus sicut acervus tritici , vallatus liliis. » Exod., XXV : « Arcam de ligms sethim compingite. » Glossa : « Arca corpus Christi significat. » Haec fit de lignis sethim imputribilibus, quia cor- pus Christi consistit ex membris purissimis et ab omni vitio mundis. Secundo, species panis secundse rei ibi significatae tene.t si- militudinem, id est mystici corporis Christi significati, scilicet Ecclesiœ, quœ est imitas fidelium. Sicut enim ex multis granis pu- ris conficitur unus panis, sic ex multis fi- delibus puris a culpa mortali mundis , et vinculo charitatis unitis, ecclesiastica uni- tas consistit. I ad Cor., IX : «Hic est

486 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 9.

unis ensemble par les liens de la charité. I Cor., chap. IX : « Il importe ici de savoir que l'on observe une triple, union dans le pain , triple union qui signifie la fraternité ou la cause et le lien de l'amour qui doit exister entre les fidèles. On recueille des grains beaux et semblables. On arrose la farine avec l'eau et on en fait de la pâte. Pour solidifier le pain on le fait cuire au feu. Les grains semblables signifient la fraternité et l'amour naturel, parce que nous sommes tous nés d'un seul premier père. La pâte qui n'est autre chose que de la farine arrosée d'eau , signifie la fraternité sacramen- telle , parce que nous sommes tous régénérés clans un même sacre- ment du baptême. Le pain solidifié par le feu signifie la fraternité spirituelle, parce que le même esprit nous réunit tous dans une même religion , qui est la religion chrétienne. On lit du premier de ces points, Gen., chap. XLII : « Les frères de Joseph vinrent en Egypte pour y acheter du blé; » parce que les fidèles s'humilièrent afin d'ac- quérir l'amour naturel de tous les hommes. Il est écrit Ecclésiastique, chap. XIII : « Tout animal aime son semblable, et tout homme a de l'affection pour son prochain. » Il est écrit du second, I Cor., chap. V : « Afin que vous soyez une pâte toute nouvelle, comme vous êtes vrai- ment les pains purs et sans levain ; » c'est-à-dire une seule et même chose par la fraternité sacramentelle. Il est dit dans la première Epître de saint Jean, chap. IV : « Nous avons reçu de Dieu ce commande- ment, c'est que celui qui aime Dieu, aime aussi son prochain. » On ht du troisième de ces points, Exode, chap. XII : « Ils firent cuire la fa- rine convertie en pâte , et ils firent des pains; » c'est-à-dire qu'ils en vinrent jusqu'à l'amour spirituel. Il est écrit dans saint Jean, ch. XIV : « Ceci est mon commandement, etc.. » Saint Augustin dit : « Il n'est pas charnel , mais il est spirituel. » L'espèce du pain en tant qu'il étoit pain a en soi la similitude de la troisième chose qui y est signi-

sciendum, quod in pane triplex unio at- tenditur, per quam triplex fraternitas, sive causa et vinculum amoris , quod inter fi- dèles esse débet , significatur. » Primo, grana nobilia et similia colliguntur. Se- cundo, farina conspergitur per aquam , et pasta conficitur. Tertio, ut panis solidus fiât, igné decoquitur. Primum, grana si- milia significant fraternitatem et amorem naturalem , quia omnes de uno et primo parente sumus nati. Secundum , scilicet pastà, quse est farina aqua perfusa, sacra- mentalem, quia uno sacramento baptis- mali sumus regenerati. Tertium, scilicet panis igné solidatus, spiritualem, quia uno spiritu, scihcet ad unam christianam reli- em sumus congregati. De primo, Gen., « Descenderunt fratres Joseph , ut

emerent frumenta in iEgypto, quia humi- liaverunt se fidèles, ut amorem naturalem omnium hominum acquirerent. » Eccles., XIII : « Omne animal diligit sibi simile et omnis homo diligit proximum suum. » De secundo , I ad Cor., V : « Sitis nova conspersio, sicut estis azymi, » id est unum quid per dilectionem sacramentalem. I Joan.j IV : « Hoc mandatum habeinus a Deo , ut qui diligit Deum , diligat et fra- trem suuin. » De tertio, Exod., XII : « Co- xerunt farinam conspersam , et fecerunt panes, » id est, profecerunt usque ad dilec- tionem spiritualem. Joan., XIV : « Hoc est prœceptum, » etc. Augustinus : « Non au- tem carnalis, sed spiritualis, » etc. Tertio, species panis secundum quod erat panis, habet in se similitudinem tertiœ rei ibî si-

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 487

fiée; c'est-à-dire de l'effet.que produit le sacrement dans l'ame fidèle. Car comme le pain produit trois effets, il nourrit, rassasie et conserve la vie ; de même le pain du sacrement donne à l'ame fidèle la force de se débarrasser du péché, il la rassasie pour la dégoûter du monde, il lui conserve la vie pour lui faire toujours louer Dieu. Il est dit du premier de ces effets, Psaume CIII : « Le pain, pour qu'il fortifie le cœur de l'homme , » pour éviter toute espèce de vices. C'est pour cela qu'il est écrit Psaume XVII : « Je vous aimerai, Seigneur, etc.... Vous qui m'avez donné la force pour le combat. » Il est écrit du se- cond , Psaume CIV : « Il les a rassasiés du pain du ciel ; » afin de leur inspirer du dégoût pour le monde. On lit au livre des Proverbes, ch. XXVII : « L'ame rassasiée foulera aux pieds le rayon de miel. » Il est écrit du troisième , Ecclésiastique, chap. XXXIII : « Le pain des malheureux est la vie des pauvres, » pour leur faire continuellement louer Dieu. On lit, Psaume CXLV : « Loue le Seigneur, ô mon ame ! » Et dans le deuxième livre des Paralipomènes , vers la fin : « Je vous louerai toujours Seigneur, je vous louerai pendant tous les jours de ma vie , parce que toutes les vertus du ciel vous louent. »

CHAPITRE X.

De la forme du don qui nous est fait sous l'espèce du pain de froment.

« Venez, mangez, etc.. » Argument propre. « Ils se convertiront et ils vivront du pur froment » Osée, chap. XIV; ou toute autre chose semblable sur le blé ou le pur froment. Il faut observer en troisième lieu, relativement à la forme du don du corps du Seigneur, qu'il nous le donne sous l'espèce du pain de froment pur, et non de toute autre espèce de pain, il agit de la sorte pour trois raisons. C'est parce

gnatae, id est, effectus sacramenti in anima fideli. Sicut enira panis tria facit , scilicet confortât, satiat, vitam conservât ; sic pa- nis sacramenti animam fidelem confortât ad peccatum dimittendum, satiat ad fasti- dium mundi faciendum, in vita conservât ad Deum semper laudandum. De primo, Psalm. CM : « Panis cor hominis confir- mât , ad omne vitium devincendum. » Unde Psalm. XVII : « Diligam te , Do- mine, » etc., qui scilicet praecinxisti me virtute ad bellum. De secundo, Psalm. CIV : « Pane cœli saturavit eos. » Ad mun- di fastidium faciendum. Prov., XXVII : « Anima saturata calcabit favum. » De tetrio, Eccles., XXXIII : «Panis egentium, vita pauperum est. » Ad Deum laudandum.

scilicet semper. Psalm. CXLV : « Lauda anima mea Dominum , » etc. II Paralip., in fine : « Laudabo te Domine semper omnibus diebus vita? meœ , quoniam te laudat omnis virtus cœlorum. »

CAPUT X.

Déforma donalionit, quœ dalur sub tpecie panis triticei.

« Venite, comedite , » etc. Thema pro- prium , Convertentur, et vivent tritico, Osée, XIV : « Vel aliud simile de frumen- to, vel tritico. » Tertio, circa formam do- nationis corporis considèrandum est, quod Dominus dat illud sub specie panis triticei, et non alterius, et hoc propter tria. Pri- mo, propter hujus grani prae cœteris natu-

488 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 10.

que ce pain est naturellement fait du plus noble de tous les grains. Trois choses prouvent qu'il en est ainsi; ce grain est en effet très-pur, il sert à faire un pain d'un usage général; et il nourrit la chair d'une manière parfaite. Et d'abord, le grain de froment est très-pur; parce que cette espèce seule entre toutes les autres atteint le complément de la pureté, c'est-à-dire qu'il atteint la pureté la plus grande. Car comme le disent les Alchimistes, c'est-à-dire les affineurs, dans certaines espèces qui semblent en admettre plusieurs autres, il y en a toujours une qui parmi elles atteint le complément de la perfection, et les autres diffèrent de celle-ci par quelque infériorité, comme c'est une chose prouvée pour l'or; car on dit que tout métal, soumis à une purifica- tion matérielle assez grande se change en or. Nous voyons pareille- ment pour ce qui concerne les grains , que la qualité de la terre pu- rifie le blé, et qu'elle en fait le froment le plus pur. C'est pourquoi le pain de pur froment est à cause de son excellence et de sa qualité su- périeure, simplement et absolument parlant le pain. Secondement, le grain de pur froment sert à faire le pain le plus commun , parce que ce pain convient et aux malades et à ceux qui se portent bien ; il est même bon pour tout animal qui mange du pain. Le pain de pur fro- ment convient aux oiseaux, comme le prouve l'exemple des colombes, il convient mieux aux animaux, tel qu'aux chiens, parce que les uns et les autres le mangent plus volontiers ; par conséquent le pain de froment est véritablement le pain commun à cause de la noblesse de sa convenance. Troisièmement, le grain de froment pur a la propriété de nourrir d'une manière spéciale la chair, parce que par sa pureté naturelle , par sa convenance commune et par sa viscosité , lorsqu'on le prend en nourriture , il s'attache d'une manière particulière aux membres, et ces trois propriétés font qu'il nourrit et reconforte d'une manière particulière. Par conséquent le pain de froment est un pain pur, le grain de pur froment est de tous les grains le plus noble, il est

ralem nobilitatem. Quod probatur a tribus, quia hoc granum est purissimum, quia ad panera communissimum , quia ad carnem maxime nutritivum. Primo, granum tritici est maxime purum , quia heec species sola inter alias attingit complementum, id est, summam puritatem. Nam utdicunt Alchi- mici, id est, aurifices, in speciebus quibus- dam licet multae species esse videantur, ta- men una est quae attingit complementum, et aliae sunt différentes ab ea quibusdam œgritudinibus , sicut patet de auro. Nam omne metallum purgatione materise in au- rum dicitur transmutari. Sic etiam vide- mus de granis, quod bonitate terrée pur- gatur siligo, et in triticum nobilitatur. Et deo simpliciter et absolute panis triticeus

est panis propter excellente puritatem, sive nobilitatem. Secundo, granum tritici est ad panem communissimum, quia com- petit sanis et inflrmis, immo omni animali panem comedenti. Avibus, ut patet in co- lumbis : bestiis, ut catulis magis compctit panis triticeus, quia libentiuseo vescuntur, et ideo panis triticeus vere est panis prop- ter communis convenientiœ nobilitatem. Tertio, granum tritici est ad carnem ma- xime uutritivum, quia puritate naturali,et competibilitate communi, et. viscositate sui maxime membris adhaeret nutrimentum exinde sumptum, et quo ad haec tria ma- xime nutrit et confortât : et sic panis triti- ceus est purus, et granum ejus prœcipue nobilitatis, propter communis convenien-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 489

aussi à cause de sa noblesse une nourriture d'une convenance com- mune. Cette raison fait qu'il convient que les enfants de Dieu re- çoivent sous la forme du plus noble des pains le plus noble des corps comme la plus noble des nourritures.

Jésus-Christ nous donne son corps sous l'espèce du pain de fro- ment pur, pour montrer qu'il signifie exactement les fidèles. Car comme le froment peut être considéré dans trois états divers, l'en- semble des fidèles à continuer d'être distingué en trois états différents. On le considère en tant qu'il est debout dans les champs , en tant que les grains sont séparés de la paille et en tant que déjà purifié on le place dans les greniers. Il y a pareillement parmi les fidèles trois états divers ; ce sont, celui de ceux qui commencent, celui de ceux qui progressent, et celui de ceux qui sont arrivés à la perfection. Le fro- ment qui est debout dans les champs signifie les premiers , celui qui est séparé de la paille les seconds , celui que l'on place dans les gre- niers exprime les troisièmes. Les premiers désirent que les prédica- teurs les instruisent, les seconds désirent la purification fréquente; les troisièmes le repos éternel des bienheureux. On lit du premier de ces points, Job, chap. XXXVII : « Le froment désire les nuages, et les nuages répandent autour d'eux leur lumière , et ils arrosent tout ce qui se trouve autour d'eux.» Saint Grégoire dit : «Les élus sont le fro- ment de Dieu qui doit être amassé dans les greniers du ciel. Le fro- ment désire les nuages; parce que chacun des élus désire la présence des saints prédicateurs ; ils répandent la lumière , par laquelle les saints prédicateurs répandent au loin les exemples d'une sainte vie et par leur conduite droite et par leurs saintes exhortations. Les nuages arrosent tout ce qui les entoure; parce que la lumière de la prédication éclaire jusqu'aux confins du monde. Il est écrit du second au livre des Juges , chapitre VI : « Lorsque Gédéon étoit occupé à battre du blé

tiee nobilitatem. Et hac ratione congruum est, ut nobilissimum corpus, quasi nobilis- simus panis filiorum Dei detur filiis, sub specie nobilissimi panis. Secundo, dat cor- pus suum sub specie panis triticei, propter fidelium discretam in eo significationem. Sicut enim triticum secundum triplicem statum habet considerari, sic fidelium uni- versitas in très status solet distingui. Ter- tium autem consideratur, secundum quod stat in agris, vel secundum quod grana se- parantnr a paleis, vel secundum quod jam purgata locantur in granariis. Similiter in- ter fidèles très differentiœ sunt, incipien- tium, proficientium, perfectorum. Primi significantur per triticum stans in agris : secundi, per grana quee purgantur a paleis :

tertii, per grana purgata quae locantur in granariis. Primi, desiderant doctrinam praedicatorum : secundi, frequentem pur- gationem : tertii, eeternam requiem bea- torum. De primo, Job, XXXVII : « Fru- mentum desiderat nubes, et nubes spargunt lumen suum, quœ lustrant cuncta per cir- cuitum. » Gregorius : « Electi sunt fru- mentum Dei cœlestibus horreis recondeu- di : frumentum nubes desiderat, quiaelec- tus quisque preesentiam sanctorura praedi- catorum exoptat : lumen spargunt , quia prœdieatores sancti exempla vitœ et bene agendo , et loquendo dilatant. Nubes au- tem cuncta per circuitum lustrant , quia prœdicationis luce, mundi fines illuminant. De secundo , Judic, VI : « Cum Gedeon

490 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 10.

dans le pressoir, et à le vanner pour fuir ensuite devant les Madia- uites , l'ange du Seigneur lui apparut. » Gédéon signifie chacun des élus, qui avec l'ombre de la croix, la rectitude du jugement, le bâton de la confession , séquestre pour ainsi dire de son cœur la paille des vices , et la consolation divine le fortifie contre les tentations du dé- mon. On lit, Ecclésiastique , chap. IV : « Ceux qui craignent le Sei- gneur, prépareront leurs cœurs et sanctifieront leurs âmes en sa pré- sence. » Il est écrit du troisième point, Job, chap. V : « Ne rejetez donc pas le jugement de Dieu , et vous entrerez riche dans le tom- beau, etc. » Le sépulcre, c'est-à-dire, le lieu qui vous est préparé dans le royaume de Dieu ; comme un monceau de blé qui est serré dans son temps ; c'est-à-dire le reste de la multitude des bienheureux. On lit dans saint Luc , chap. III : « Il en viendra un après moi qui est plus fort que moi , il prendra le van en main, et il nettoiera son aire, et il amassera son blé dans son grenier, et il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteindra jamais. »

Jésus-Christ nous donne son corps sous l'espèce du pain de fro- ment pour exprimer la similitude parfaite qu'il y a entre le pain et son corps. On peut en effet considérer le froment sous trois autres as- pects; à savoir en tant qu'il est en monceau, en tant qu'il tombe dans le champ , en tant qu'il est en complément dans le pain. Considéré sous le premier aspect , il signifie le corps de Jésus-Christ conçu dans le sein de !a Yiergej -nus le second, il signifie ce même corps souffrant dans le monde pour nous ; sous le troisième , il nous le représente glorifié dans le ciel. Dans le premier la Mère de Jésus-Christ est sin- gulièrement honorée ; dans le second , le pécheur est délivré , dans le troisième le bienheureux trouve une joie parfaite. Il est dit du pre- mier, Cgntiq., chap. YII : « Yotre ventre est comme un monceau de blé_; » le ventre signifie le corps de la bienheureuse Yierge. On lit

excuteret, et purgaret frumenta in torcu- lari, ut fugeret Madian , apparuit ei An- gélus Domini. » Gedeon eleclum quemque significat, qui cum umbra sanctae crucis, rectitudine judicii, conf'essionis virga, quasi cor suuni a vitiorum paleis séques- trât, consolatio eum divina contra tentatio- nes daemonum confortât. Ecclesiast., II : « Qui timent Dominum, prseparabunt cor- da sua, et in conspectuilliussanctificabunt animas suas. » De tertio, Job, V : « Incre- pationem Domini ne reprobes, et ingredie- ris in abundantia. » Sepulchrum, id est lo- cum in regno Dei praeparatum , sicut iii- fertur acervus tritici in tempore suo, id est, cyetera multitudo beatorum. Luc., III : « Veniet fortior mepostme, cujus ventila-

brum in manu sua, et congregabit triti- cum in horreum suum : paleas autem comburet igni inextinguibili. » Tertio dat corpus suum sub specie pauis triticei, pro- pter corporis sui expressamsimilitudiuem. Triticum enim potest considerari tribus aliis modis, scilicet ut jacens in acervo, ut cadens in agro, ut in panis complemento. Pênes primum modum, significat corpus Christi in Virgine conceptum : pênes se- cundum, ut in mundo pro nobis passum : pênes tertium, ut in cœlo gloriticatum. In primo mater Christi multum honorifica- tur : in secundo peccator liberatur : in tertio beatus delectatur. De primo, Cantic., VII : « Venter tuus sicut acervus tritici, » venter est corpus beatae Virginis, Lvx., II :

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 491

dans saint Luc, chap. XI : « Bienheureux le sein qui vous a porté. » Le monceau de blé signifie les membres purs de Jésus-Christ, en tant qu'ils sont conservés dans un sein virginal -.Jgsjis signifient la beauté de la chasteté parfaite qui orne les membreseTTes sens de la bjnheureuse Vierge. On lit du second , saint Jean , chap. XII : : « A moins que le grain de blé, etc.. il produit beaucoup de fruit. » Jésus-Christ par sa mort a en effet délivré le genre humain de la mort éternelle. L'Apôtre dit, Romains , chap. V : « Mais ce qui fait éclater davantage l'amour de Dieu pour nous, c'est que lors même que nous étions pécheurs, Jésus-Christ n'a pas laissé de mourir pour nous. » Par même que le Seigneur dit qu'il est le grain de blé , il s'ensuit que c'est la seule espèce sous laquelle l'Eglise peut consacrer le corps du Seigneur. Il est écrit du troisième, Zach., ch. IX : « Qu'est- ce que le Seigneur a de bon et d'excellent, sinon le froment des élus?» Le corps de Jésus-Christ est en effet dans la gloire pour les bienheu- reux, le pain le plus beau , le plus doux et le plus noble. C'est pour- quoi il importe de savoir qu'il procurera aux bienheureux un triple don; il les préparera à jouir de toute espèce de délices , ils y trouve- ront l'accomplissement de tous leurs désirs , ainsi que la^jouissance sûreet éternelle de tous les biens. On lit du premier de ces dons , $ Genèse, chap. XLIX : « Le pain d'Aser est gras , et les rois y trouve- roritJejursjléUçes. » On lit Psaume LXVII : « Vous avez, ô Dieu ! pré- paré par un effet de votre douceur, une nourriture pour le pauvre; » et dans le livre de la Sagesse, chap. XVI : « Vous leur avez fait pleu- voir du ciel un pain préparé sans aucun travail , qui renfermoit en soi tout ce qu'il a de délicieux et tout ce qui peut être agréable au goût ; » dans la première Epître aux Corinthiens , chap. II : « L'œil n'ajaas vu, l'oreille n'a pas entendu, etc.. » Il est écrit du second, iPsaume CXLVII et CIII : « Jérusalem loue le Seigneur, etc., et il le rassasie de la graisse du froment. » On Ut encore : « Béni le Seigneur

« Beatus venter qui te porta vit : » acervus tritici, munda membra Christi, ut conser- vata in utero virginali : lilia, décor omni- modae castitatis, quo ornantur membra et sensus beatse Virginis. De secundo, Joan., XII : « Nisi granum frumenti, » etc. (us- que multum fructumaffert.) Christusenim per mortem suam, genus humanum de al- terna morte liberavit. Ad Rom., V : « Gommendat suam charitatem Deus in nobis, quoniam cum adhuc peccatores es- semus, Christus pro nobis mortuus est. » Ex hoc quod Dominus dicit se granum frumenti , habet Ecclesia quod sub nulla specie alia consecrat corpus Christi. De ter- tio, Zach., IX : « Quid bonum ejus, et quid pulchrnm, nisi frumentum electo-

rum? quia panispulcherrimus, dulcissimus, et nobilissimus est corpus Christi in gloria beatorum. » Hinc sciendnm, quod beati habebunt in eo triplex donum, omnium de- litiarum praeparationem , omnium deside- riorum impletionem , omnium bonorum securam etaeternam fruitionem. De primo, Gènes., XLIX : « Aser, pinguis panis prae- bebit delitias regibus. » Psal. LXVII : « Parasti in dulcedine tua pauperi Deus. » Sap., XV : « Paratum panem de' cœlo prœstitisti eis sine labore , omne delecta- mentum in se habentem, et omnis saporis suavitatem. » I Cor., IL « Oculus non vi- dit, nec auris audivit, » etc. De secundo, Psal. CXLVII et CIII : « Lauda Hierusa- lem Dominum, » etc. et : « Adipe frumenti

492 OPUSCULE LVII , CHAPITRE 1 1 .

ô mon âme ! » Il est écrit dans Jérémie, chap. .XXXI . « J'enivrerai et engraisserai l'ame des prêtres, et mon peuple sera tout rempli de mes biens; » et dans le livre de la Sagesse., chap. XVI : « Vous faisiez voir combien est grande votre_sagesse et votre douceur envers vos enfants; puisque, s' accommodant à ia volonté de chacun d'eux, elle se changeoit en touf ce qui leur plaisoit. » On lit du troisième, Luc , chap. XIV : « Bienheureux celui qui mange du pain dans le royaume de Dieu , » bienheureux, parce qu'il possédera en paix la jouissance sans fin de tous les biens. Il est écrit dans Isaïe, chap. LXII : « Le Seigneur a juré sur sa droite. Je ne donnerai plus dorénavant votre froment en nourri- ture à des ennemis, les enfants des étrangers ne boiront plus le vin que vous aurez récolté; parce que ceux qui le recueillent le mangeront, et ceux qui le transportent le boiront dans mes saints tabernacles. » Ici les bons mangeront avec les méchants, niais les méchants en seront empêchés par un arrêt éternel, pendant que les bons participeront éternellement et en paix au banquet du Seigneur. On lit Psaume XV : « Vous me remplirez de joie. »

CHAPITRE XI.

Des trois merveilles qui s'opèrent dans la consécration.

« Venez, mangez etc.. » Argument propre. « Vos œuvres sont ad- mirables, et mon àme les connoîtra parfaitement; » ou toute autre chose semblable des œuvres admirables de Dieu , ou de ses miracles. La troisième chose qui doit surtout fixer notre attention relativement au sacrement du corps du Seigneur, ce sont les merveilles de l'opé- ration divine , tels que les miracles ou les merveilles de la puissance divine. Ces merveilles ou miracles de l'opération divine doivent être

satiat te. » Item, «Benedic anima mea Do- minum.» Hier., XXXI :«Inebriabo animam sacerdotis pinguedine, et populus meus bo- nis meis adimplebitur. » Sap., XVI : « Sa- pientiam tuam et dulcedinem quam in filios habes, ostendebas : et deserviens uniuscu- jusque voluntati, ad quod quisque volebat, convertebatur. » De tertio, Luc., XIV : « Beatus qui manducat panem in regno Dei,» scilicet propter omnium bonorum se- curam sine fine fruitionem. Isaiœ, LXII : « Juravit Dominus in dextra sua. Si dedero triticum tuum ultra cibum inimicis luis, et si biberint filii alieni vinum tuum in quo laborasti, quia qui cougregant illud corne- dent, et qui comportant illud, bibent in atriis sanctis meis. Hic comedunt mali cum

bonis, ibi erunt mali sub seterno interdicto, et boni securo et seterno Christi convivio. » Psal. XV : « Adimplebis me laetitia. »

CAPUT XI.

De tribus mirabilibus, quœ fiunt in conse- cratione.

« Venite , comedite , » etc. Thema pro- prium. Mirabilia opéra tua, et anima mea cognoscet nimis. Vel aliquid simile de mi- rabilibus operibus Dei, vel signis. Tertium principaliter notandum circa dominici cor- poris sacramentum, sunt mirabilia divinse operationis tanquam signa, sive mirabilia divinse virtutis. Haec mirabilia signa divi- ns operationis, consideranda sunt in tri-

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 493

considérés dans trois choses différentes, elles doivent l'être dans la consécration du corps du Seigneur , dans la possession de ce même corps et dans l'acte par lequel il se donne à nous. Nous le consa- crons ; nous le possédons; nous le recevons.

Dans la consécration, il faut considérer et croire trois merveilles de l'opération divine. Premièrement, c'est que sous l'espèce du pain sejrouyeje vrai corps de Jésus-Christ. Secondement, c'est que 2- lajubs^aj^^^i^s£cKange "au" corps de Jésus-Christ. Troisiè- mement, c est queVtoute la substance du pain se change au corps de Jésus-Christ, de manière toutefois que les accidents du pain de- meurent. La première de ceslîEoses est admirable , la seconde l'est pîusencore, la troisième ne peut pas l'être davantage. Nous parlerons ici des deux premières, et nous traiterons de la troisième dans le cha- pitre suivant.

Le premier miracle qui s'opère dans la consécration du sacrement de l'autel , c'est que sous l'espèce du pain se trouve le vrai corps de Jésus-Christ, qu'il a pris dans le sein de la Yierge. Et cette vérité se démontre de trois manières. On la démontre par des témoignages dignes de foi. Par le témoignage de signes positifs. On la dé- montre par des miracles. On prouve cette première merveille par des témoignages dignes de foi , conformément à ce qui est écrit dans la loi, Deut., ch. XIX : « Sur la déposition de deux ou trois, etc.. » On entend donc des témoins véridiques et suffisamment aptes à établir cette vérité. Saint Augustin dit : « La parole se joint à l'élément et le sacrement existe : » c'est-à-dire la parole de Dieu désignée par Jésus- Christ se prononce sur le pain, et bientôt il y a un secret sacré, à savoir le corps du Sauveur sous l'espèce du pain. Saint Augustin dit encore: Voici ce que nous nous sommes efforcé d'établir de toutes les manières; c'est que le sacrement de l'Eglise est composé de deux choses ; de

bus. In dominici corporis eonsecratione : secundo, in ejusdem possessione : tertio, in perceptione. Primo enim corpus consecra- mus, secundo possidemus, tertio percipi- mus. Primo in eonsecratione consideranda sunt et credenda tria mirabilia signa divi- nse operationis. Primum, quod ibi sub spe- cie panis est verum corpus Christi. Secun- dum, quod tota substantia panis mutatur in corpus Christi. Tertium, quod mutatur in corpus Christi tota substantia panis, ita tamen quod manent accidentia panis. Pri- mum est mirabile, secundum mirabilius, tertium mirabilissimum. De duobus pri- mis hic potest dici, de tertio in sequenti. Primum mirabile signum in eonsecratione Sacramenti altaris est, quod ibi sub specie panis est verum corpus Christi, quod de

Virgine sumpsit. Ex hoc probatur tribus modis. Primo, probatur .testimonio fide dignorum : Secundo, testimonio signorum positivorum : Tertio, demonstratione mira- culôrum. Primo, probatur primum mira- bile testimonio fide dignorum, secundum quod lex dicit , Deutcron., XIX : « In ore duorum, aut trium, » etc. Audiuntur ergo testes veraces, et idonei sufïicientes. Au- gustinus : « Accedit verbum ad elemen- tum, et fit sacramentum, hoc est : Dei ver- bum institutum a Christo, profertur super panem, et mox fit sacrum secretum, scili- cet corpus Salvatoris sub specie panis. » Item Augustinus : « Hoc est quod omnibus modis probare contendimus, sacramentum Ecclesise duobus constare, visibili elemen- torum specie, et invisibili carne Christi et

OPUSCULE LVII, CHAPITRE 11.

l'espèce visible des éléments, et de la chair et du sang invisible du Christ, comme la personne de Jésus-Christ est l'ensemble de Dieu et de l'homme. » Saint Ambroise dit : «Ce pain que nous prenons dans le mystère , comme je l'entends, est celui qui le Saint-Esprit a formé de ses mains dans le sein de la Vierge , et qui a été cuit par le feu de la passion sur l'autel de la croix. Le pain des anges est en effet devenu le pain des hommes. » Saint Grégoire dit : « Ce mystère est grand et re- doutable, parce que autre est ce que l'on voit, autre ce que l'on entend. On voit la figure du pain et du vin , et par l'opération divine on en- tend le corps et le sang de Jésus-Christ. » Eusèbe dit : « Hostie vraiment unique et parfaite de l'Eglise , que l'on aoTTâpprécierpar la foi , et non par l'apparence ; qui ne doit pas être cjonsidérée. d'après la vue extérieure, mais bien par l'intellect intérieur , ce qui fait que l'auto- rité du ciel confirme cette vérité : « Prenez et mangez, etc.. » Comme l'auteur du don est lui-même le témoin de la vérité , le doute de l'in- fidélité doit par conséquent disparaître. On prouve encore cette vérité par le témoignage de signes positifs. La raison des signes posi- tifs est que la chose est telle que le signe lui-même. Mais il y a deux espèces de signes; ce sont celui de l'homme et celui de Dieu; le signe de l'homme est artificiel; celui de Dieu est sacramentel. Le signe po- sitif de l'homme ne signifie que ce qu'il veut lui faire signifier , et il est de deux espèces. L'un ne contient pas ce qu'il signifie, comme le cercle le vin; l'autre contient ce qu'il signifie, comme le petit pâté qui signifie la viande , en contient réellement de cachée dans son inté- rieur. Pareillement le signe positif de Dieu qui se trouve dans les sa- crements , signifie ce que Dieu a voulu lui faire signifier ; il est lui aussi de deux espèces. L'un ne contient pas ce qu'il signifie , tel que les sacrements légaux, qui ne produisent pas ce qu'ils figurent; comme l'agneau pascal et les autres du même genre. L'autre contient ce qu'il

sanguine, sicut persona Christi constat ex Deo et homine. » Ambrosius : « Panem is- tum quem sumimus in mysterio , utique intelligo, qui manu Sancti Spiritus forma- tus est in utero Virginis, et igné passionis decoctus in ara crucis. Panis enitn angelo- rum faetus est cibus hominum. » Grego- rius : « Magnum atque pavendum est mysterium, quia aliud videtur, aliud intel- ligitur. Figura panis et vini videtur, et fa- ciente Domino , corpus et sanguis Christi intelligitur. » Eusehius : « Vere unica et perfecta Ecclesiae hostia , fide aestimanda , non specie, neque exteriori censenda visu, sed interiori intellectu, unde cœlestis con- firmât authoritas : Accipite , et corne- dite, etc. Recédât ergo omne infidelitatis dubium, quia qui author muneris, ipse est

testis veritatis. » Secundo, probatur idem ratione signorum positivorum : ratio au- tem eorum est rem ita esse ut signum. Est autem signum duplex, scilicet hominis, et Dei : hominis artificiale, Dei sacramen- tale. Signum positivum hominis secun- dum impositionem hominis significat, et est duplex. Nam aliud non continet quod si- gnificat, ut circulus vini : aliud continet quod significat, ut pastillum quod signifi- cat carnes, et continet carnes intus abscon- ditas. Similiter signum positivum Dei, quod est in sacramentis secundum imposi- tionem Dei, significat, et est etiam du- plex. Nam aliud non continet quod signi- ficat, ut sacramenta legalia, quœ non efii- ciunt quod figurant, sicut agnus paschalis, et similia. Et aliud continet quod signifi-

SUR LE SACRE MENT DE L AUTEL. 495

signifie, tels sont les sacrements de l'Evangile, comme l'Eucharistie Elle signifie en effet, d'après la signification que Dieu lui a imposé une chose sacrée, à savoir le corps de Jésus-Christ, et elle le contient réellement; d'où il dit : « Ceci est mon corps. » Le signe extérieur demeure, à savoir l'espèce du pain, et sous ce signe se trouve le corps du Sauveur. On lit dans l'Ecclésiastique, chapitre III : « Renouveliez vos signes, changez vos merveilles ; » ce qui est comme s'il disoit : parce que les anciens signes ne contenoient pas la grâce qu'ils figu- roient ; faites-en de nouveaux qui contiennent ce qu'ils figurent. Saint Augustin dit : « On les appelle sacrements parce qu'ils sont les signes d'une chose sacrée; parce qu'on voit en eux autre chose que ce que l'on entend. » Ce que l'on voit a une apparence corporelle; ce que l'on entend produit un fruit spirituel. Sous les espèces du pain et du vin que nous voyons , nous honorons des choses invisibles , à savoir le C0£H.^JÊ..sa.ng de Jésus-Christ. Saint Augustin traite cette question plus haut , vers le milieu de son neuvième Sermon. On prouve en- core cette vérité par les miracles. Il est écrit Exode, ch. XXXIV : « Je ferai des prodiges qui n'ont jamais été vus sur la terre, ni dans aucune nation, etc.. . » Pasclmsedit: « Il n'est personne de ceux qui ont lu les vies ou jes exemples des saints qui ignore que souvent les sacrements du corps eTdu sang de Jésus-Christ n'aient été rendus visibles, soit à cause de ceux qui doutoient , soit à cause de ceux dont l'amour étoit plus brûlant, jsous l'apparence d'un agneau, ou sous la forme d'un petit enfant, ou encore avec la couleur de la chair et du sang; et cela, pour qu'un miracle mît à nu ce qu'un mystère déroboità la vue. » Saint Ba- sile célébrant les saints mystères, un jour de Pâques, un Juif se glissa parmi le peuple fidèle , dans l'intention de découvrir le mystère de l'office : il vit dans les mains de Basile un enfant qui fut partagé, il le vit recevoir par tous ceux qui communièrent ; il vint lui-même à la

cat, ut sacramenta evangelica, sicut Eucha- ristia. Significat enim secundum imposi- tionem Dei rem sacram, scilicet corpus Christi, et continet illud. Unde ait : Hoc est corpus meum. Signum mansit foris , scilicet species panis, et intus erat corpus Salvatoris. Ecclesiast., III : « Innova signa, et immuta mirabilia, » quasi diceret : Quia vetera signa non continebunt gratiam quam figurabant, fac nova, quee continent quod figurant. Augustinus : « Ideo dicun- tur sacramenta quasi sacrae rei signa, quia in eis aliud videtur, aliud intelligitur. Quod videtur, speciem habet corporalem : quod intelligitur, fructum habet spiritua- lera : In specie enim panis et vini quam videmus, res invisibiles carnem ghristi et sanguinem honoramus. » De hoc supra ser-

mone, IX , circa médium. Tertio, probatur idem demonstratione miraculorum. Exod., XXXIV : « Signa faciam , quae, nunquam sunt visa super terram, nec in ullis genti- bus, » etc. Paschasius : « Nemo qui sancto- rum vitas et exempta legerit, ignorât quod sœpe corporis Christi et sanguinis sacra- menta aut propter dubios, aut certe prop- ter ardentius amantes visibili specie in agni, vel pueri forma, aut in carnis et sanguinis colorem monstrata sint, ut quod latebat mysterio, patesceret in miraculo. » Beato enim Basilio in die Pasche mysteria celebranti. Hebrœus quidam se sicut Chris- tianus populo comnuscuit, oflicii volens ex- plorare mysterium : qui vidit infantem partiriin manibus Basilii, et communican- tibus omnibus, venit ipse, et data ei hostia

496 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 11.

table de la communion , et l'hostie qu'il reçut devint une chair véri- table. Conservant ce qui restoit , il revint dans sa maison, le montra à son épouse, et lui raconta ce qu'il avoit vu de ses propres yeux. Croyant donc, il s'écria : « Le sacrement des chrétiens est horrible, mais en même temps digne d'admiration. » Le lendemain, il vint trouver Basile et il reçut le baptême avec toute sa famille. On lit encore : un prêtre du nom d'Egidius, homme fort religieux, qui menoit une sainte vie, se mit à demander à Dieu dans ses ferventes prières, de lui faire voir la nature du corps et du sang du Seigneur. Il arriva donc un jour que ce même prêtre, comme il en avoit l'habitude, célébroit les saints mystères; et après ces mots, Agneau de Dieu, fléchissant le genou : Créateur, dit-il, et Rédempteur, Dieu tout-puissant, montrez- moi dans ce mystère qui paroît si peu de chose, la nature du corps de Jésus-Christ, afin qu'il me soit permis de la voir sous la forme de l'en- fant qui reposa autrefois vagissant sur le sein de sa mère. Et voici qu'un ange, du ciel lui dit : Levez-vous, hâtez-vous, si vous voulez voir Jésus-Christ , il est présent , revêtu d'un voile corporel , et il porte la pourpre sacrée. Or le prêtre tremblant se lève, et voit un en- fant assis sur l'autel. L'Ange lui dit : Parce que vous avez désiré voir Jésûs^nrisUjïïë vous avez consacré par des paroles mystiques , sous l'espèce du pain, voyez-le maintenant de vos propres yeux, touchez- le de vos mains. Le prêtre fortifié alors par un rayon de la lumière cé- leste, ô merveille ! reçoit l'enfant dans ses bras tremblants, il joint sa poitrine à la poitrine de Jésus-Christ, le pressant ensuite dans ses bras, il le couvre de doux baisers , il presse de ses lèvres les lèvres sacrées de Jésus-Christ. Après cela il repose l'enfant sur l'autel , se prosterne de nouveau à terre , et prie le Seigneur de vouloir reprendre sa pre- mière forme. Se levant il trouve que le corps de Jésus-Christ a repris

vere caro est facta. Et servans reliquias, abiit in domum suam ostendens uxori sua? , narrans quse propriis oculis viderat : Cre- dens ergoait : Vere horribile, et admira- bile est Christianorum sacramentum. In crastino venit ad Basilium : et baptizatus est cum omni dorno sua. » Idem : « Qui- dam presbyter erat Jïgidius nomine, reli- giosus valde, qui cum sanctam duceret vi- tam, cœpit piis precibus pulsare Deum, ut sibi monstraret naturam corporis et san- guinis Domini. Venit ergo dies ut idem more sohto, divina celebraret, et ■post Agnus Dei procumbens genibus : Creator , inquit , et redemptor , omnipotens Deus, pande mibi exiguo in hoc mysterio natu- ram corporis Christi , ut mihi liceat eam prospicere in forma pueri, quem olim si- nus matris tulit vagientem. Et ecce Ange-

j lus de cœlo veniens , affatur : Surge , pro- I pera, si vis Christum videre : Adest prae- I sens corporeo vestitus amictu, quem sacra purpura gessit. At presbyter pavidus sur- gens, vidit super aram puerum sedentem : Cai angélus. Quia Christum videre placuit, quem sub specie panis, verbis sacrasti mys- ticis, nunc oculis inspice, et tracta mani- bus. Tune cœlesti lumine sacerdos fretus (quod mirum dictu est) in ulnis trementi- bus puerum accepit , et pectus proprium pectori Christi adjunxit, deinde perfusus inamplexus dat dulcia Deo oscula, et suis labiis pressit pia labia Christi. Quibus ita peractis, restituit puerum in altari, et rur- sus humi prostratus deprecatur Dominum, ut dignetur ipse verti in speciem pristi- nam. Et surgens invenit corpus Christi re- measse in formam priorem, et sic sub spe-

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 497

sa forme première, et il communie à ce même corps sous la forme voulue.

^ Le second miracle qui s'opère dans la consécration du sacrement de l'autel , c'est que la substance du pain se change au corps que Jésus- Christ a pris clans le sein de la Vierge; et cela se fait par la puissance du Verbe ou parole de Dieu. On prouve de trois manières que cela peut se faire; on le prouve par ce que peuvent un pouvoir semblable, un pouvoir inférieur et un pouvoir supérieur.1!0 On le prouve par ce que peut un pouvoir identique; parce que le Verbe de Dieu a changé une substance en une autre; ce qui fait que l'on lit, saint Jean, chap. II : « Que le Seigneur changea l'eau en vin aux noces de Cana. » Par conséquent ce qu'il peut là, il le peut ici ; on juge des choses sem- blables de la même manière ; une puissance semblable donne le même ordre , il doit y avoir un même effet. On le prouve par ce que peut un pouvoir inférieur : c'est de ce que les choses qui sont moins puissantes que le Verbe de Dieu changent une substance en une autre. C'est pour cela qu'il importe de savoir que la Providence de Dieu a voulu que les choses changeassent de trois manières , en dehors des changements opérés par le Verbe de Dieu. Ces modes sont 13^la nature et la &race- L'art de l'homme change en effet une sub- stance en une autre, comme le prouve l'exemple du fabricant de verre, qui change une vile poussière en une verre beau et éclatant. Donc à plus forte raison la puissance de la parole de Dieu peut-elle changer le pain en son corps et le vin en son sang. On lit dans l'Ecclésiastique, chap. VIII : « La parole de Dieu est toute puissante, et personne m>, peut lui dire, pourquoi faites-vous cela? wEusèbe dit : «Le prêtre in- visible change les créatures visibles en la substance de son corps et de son sang , par sa parole, en vertu d'une puissance secrète, et les fait ce même corps, ce même sang. La nature change pareillement une sub-

cie débita communicavit eidem. » Secun- dum miraculum in consecratione Sacra- menti altaris est, quod substantia panis mutatur in corpus Christi , quod sumpsit de Virgine, et hoc fit potestate verbi Dei : quod probatur tribus modis fieri posse, a potestare simili, a minori, a majori. Primo, a potestate simili, quia verbi Dei substan- tiam unam in aliam commutavit. Hinc le- gitur Joann., II, quod Dominus ad nuptias aquam in vinum commutavit : sicut ergo potuit ibi, potest et hic. In similibus enim simile est judicium : ubi similis praecipit virtus, similis obedit effectus. Secundo, probatur a minori, eo quod res quse minus possunt quam verbum Dei, unam substan- tiam mutant in alteram. Unde sciendum,

V.

quod providentia Dei mutationes rerum tribus modis fieri voluit, praeter quas verbo Dei facit, arte, natura, gratia. Ars enim hc/minis unam substantiam mutât in aliam, ut patet in vitrifiée, qui vilem cinerem mutât in praeclarum, et nobile vitrum. Ergo multo magis virtus verbi Dei potest panem in corpus ejus, et vinum in sangui- nem commutare. Eccles., VIII : « Sermo Dei potestate plenus est , nec dicere ei quisquam potest; quare ita facis? » Euse- bius : « Invisibilis sacerdos, visibiles crea- luras in substantiam corporis et sanguinis sui, verbo suo sécréta potestate facit, et commutât. » Item, natura unam substan- tiam mutât in aliam, sicut in vite aqua mutatur in vinum, et opéra apum succus

32

498 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 12.

stance en une autre ; ainsi dans la vigne l'eau se change en vin, et le travail des abeilles change le suc des fleurs en rayons de miel par un secret de la nature. Le pain que nous mangeons tous les jours, par un changement semblable se convertit aussi en notre propre chair. Donc à plus forte raison la puissance de la parole de Dieu peut changer le pain en la substance de son corps. La grâce que reçoit l'homme change aussi une substance en une autre. Ainsi Moïse en vertu d'une grâce spéciale changea la verge en serpent, et l'eau en sang. Donc à plus forte raison la puissance de la parole de Dieu peut-elle changer le pain en son corps et le vin en son sang. Saint Ambroise dit : « Moïse prit la verge, la jeta à terre et elle se changea en serpent. » Vous voyez par conséquent qu'elle fut transformée par la grâce prophétique, et que la puissance de la grâce est plus grande que celle de la nature. Si la bénédiction a été assez puissante pour changer la nature , que dirons-nous de la consécration divine elle-même , les paroles mêmes du Sauveur opèrent? Par conséquent, si vous demandez com- ment il peut se faire que le pain devienne le corps de Jésus-Christ , je réponds que cela s'opère par la consécration qui se fait par la parole de Jésus-Christ. On prouve cette même vérité par ce que peut une plus grande puissance; le Verbe de Dieu fait et peut en effet faire des choses bien plus grandes que de transformer le pain au corps de Jésus- Christ. C'est ce que prouve tout ce qui se lit depuis ces mots : « Au commencement étoit le Verbe; » jusqu'à ces autres : « Et tout a été fait par lui. » Saint Ambroise dit « On lit de toutes les œuvres du monde : Il a dit, et tout a été fait, etc.. » La parole qui peut faire de rien ce qui n' existait pas , ne peut-elle donc pas changer ce qui existe en ce qui n'était pas? Ne faut-il pas autant de puissance pour donner aux choses de nouvelles natures que pour changer celles qui existent ? Et ainsi , ce qui , avant la consécration , étoit du pain , est devenu le

florum per sécréta naturae, mutatur in fa- vum. Similiter in nobisipsis panem, quem manducamus quotidie, per naturam mute- tur in carnem. Ergo multo magis virtus verbi Dei mutare potest panem in substan- tiam corporis sui. Item, gratia hominis

ipsa consecratione divina, ubi ipsa verba Salvatoris operantur ? Si ergo quœris, quo- modo potest quod panis est fieri corpus Christi ; Respondeo, consecratione, quae fit Christi sermone. » Tertio probatur idem a majori, quia verbum Dei multo facit ma-

mutat uuam substantiam in alteram. Hinc jora, et facere potest, quam quod panem

Moyses per gratiarn specialem mutavit vir- gam in serpentera, et aquam in sangui- nem, ergo multo magis virtus verbi Dei potest mutare panem in corpus suum, et vinum in sanguinem. Ambrosius : « Yir- gam tenuit Moyses, et projecit in terram, et facta est serpens, et sic vides prophetica gratia mutatam esse naturam, et majoris esse potentiae gratiarn , quam naturam. Quod si tantum valuit benedictio humana ut naturam converteret, quid dicemus de

in corpus Christi mutet. Unde in principio erat Verbum (usque omnia per ipsum facta sunt.) Ambrosius : « De totius mundi ope- ribus legitur, quod ipse dixit, et facta sunt, » etc. Sermo ergo qui potest facere ex nihilo quod non erat, non potest ea quae sunt mutare in id quod non erat. Non enim minus est dare rébus novâs quam mutare naturas, et sic quod erat panis ante conse- crationem , jam corpus Christi factum est post consecrationem , quia fermo mutât

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 499

corps de Jésus-Christ après, parce que la parole a changé la créature. Par conséquent, lorsqu'une créature irrationnelle et inanimée, à savoir le pain , est changée en une créature meilleure , qui est le corps de Jésus-Christ , Verbe de Dieu ; il est étonnant que la vie mauvaise de l'homme pécheur ne puisse être changée en une vie meilleure par de nombreux avertissements , de grands bienfaits , le blâme et les pro- messes réitérées?

CHAPITRE XII.

Du troisième miracle qui s'opère dans la consécration.

a Venez, mangez, etc.. » Argument propre. « Vos œuvres sont admirables, etc.. » La troisième merveille, bien plus, le prodige le plus étonnant qui s'accomplisse dans la consécration du sacrement de l'autel, c'est que toute la substance du pain se change au corps de Jésus-Christ , de telle manière toutefois que les accidents du pain , c'est-à-dire la saveur, l'odeur, la couleur, etc., demeurent. Ce qui entoure le corps de Jésus-Christ est exposé à l'appréciation de nos sens. Il a été déjà prouvé que le pain se change au corps de Jésus- Christ ; que les accidents demeurent exposés a l'appréciation des sens de l'homme , c'est une chose évidente. Un tel changement est sur- naturel , on l'appelle proprement conversion ou transsubstantiation ; car on ne trouve rien dans la nature qui puisse lui être comparé. On peut cependant démontrer la possibilité de cette conversion dans le sacrement de l'Eucharistie, par une triple similitude de comparaison. La première similitude par laquelle on établit que la substance du pain se convertit au corps de Jésus-Christ , de telle sorte que les acci- dents restent, se tire de la grâce accordée aux prophètes. A cette occasion il est écrit , IV Rois, chap. Hj « Elh.see.jeta du sel dans les eaux amères, et elles devinrent douces."» Quatre choses doivent

creaturam. Cum itaque irrationalis crea- tura et inanimata , scilicet panis mutatur in melius, scilicet in corpus Christi verbi Dei, mirum quod peccator homo nec mul- tis verbis, nec beneiiciis, nec comminatio- ne, nec promissione converti potest mala vita in bonam.

GAPUT XII.

De tertio mirabili quod fit in consecratione.

« Venite, comedite, » etc. Thema pro- prium. «Mirabilia opéra tua, «etc. Tertium mirabile, imo mirabilissimum signura in consecratione Sacramenti altaris est, quod mutatur in corpus Christi tota substantia

panis, sic tamen quod manent panis acci- dentia, id est color, sapor, et hujusmodi. Christi corpus, circumstantia et nostris sensibus objecta. Quod enim in consecra- tione mutatur panis in corpus Christi, jam probatum est, et quod manent humanis sensibus accidentia, patet. Talis mutatio est supernaturalis, et dicitur proprie con- versio, sive transsubstantiatio , quia similis ei per omnia non invenitur in natura. Quod tamen ita tieri possit in hoc sacramento, triplici potest ostendi similitudine. Prima similitudo quod substantia panis possit mutari, ita quod accidentia maneant, su- mitur de gratia prophetali. Hinc est quod, IV. Reg., II : « Elisseus misit sal in aquas

500 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 12.

être considérées concernant cette conversion ; on doit considérer le contenant, le contenu , celui qui opère et l'œuvre opérée^ Le conte- nant , c'est cette apparence ou éclat extérieur ; le contenu , c'est l'a- mertume intérieure qui passe et se change en la quatrième , à savoir l'œuvre opérée, c'est-à-dire la douceur, et cela se fait par la troisième, à savoir celui qui opère , c'est-à-dire par la grâce dont jouit le pro- phète. Il en est en quelque sorte de même dans le changement du pain au corps de Jésus-Christ. La première chose , à savoir le contenant , c'est-à-dire l'apparence extérieure du pain demeure. La seconde , à savoir le contenu , c'est-à-dire la substance du pain se change en la quatrième , qui est le corps de Jésus-Christ , et cela s'opère par la troisième , ou celle qui opère , c'est-à-dire par le Verbe de Dieu. La seconde similitude qui sert à établir la possibilité de cette conversion, se tire de la conversion spirituelle dont il est parlé au premier Jiyre des Rois , chap. X^, Sajymj^jjlitJL§&ul , qui est la personnification du pécheur : « L'esprit se répandra sur vous , et vous serez chaugé en un autre homme. » On peut faire sur cette conversion ou change- ment les quatre mêmes considérations qui ont été déjà faites , savoir, que l'on peut considérer le contenant , le contenu , celui qui opère et la chose opérée. Dans l'jétat de péché, en effet, notre homme extérieur est sain et beau ; mais notre homme intérieur est plein d'amertume ; il est infecté du venin du péché , il est malade. Pendant que l'esprit de Dieu le change, l'apparence extérieure du corps demeure la même, mais l'amertume et la langueur intérieure du péché se changent en la douceur et en la santé de la grâce.

La première , à savoir l'apparence extérieure du corps demeure; la seconde, à savoir l'amertume intérieure du péché se change en la quatrième , qui est la douceur de la grâce ; et ceci s'opère par la troi- sième , à savoir par l'esprit de Dieu; il se fait la même chose dans la

amaras , et conversee sunt in dulces : » in qua conversione quatuor consideranda sunt, scilicet continens et contentum, ope- rans et operatum. Continens est illa spe- cies, sive claritas exterior ; contentum ama- ritudo interior, quae transit atque muta- tur in quartum, scilicet operatum, id est in dulcedinem, et hoc per tertium, scilicet operans, id est per gratiam prophetalem. Sic est quodammodo in mutatione panis in corpus Christi. Primum, scilicet continens, id est species panis exterior manet. Secun- dum, scilicet contentum, id est substantia panis mutatur in quartum, scilicet in cor- pus Christi , et hoc per tertium, scilicet operans, id est per verbum Dei. Secunda similitudo ejusdem sumitur a conversione spirituali, de qua I. Reg., X : dicit Samuel

ad Saul, qui significat peccatorem. « Insiliet in te spiritus Domini , et mutaberis in vi- rum alium, » in qua conversione, sive muta- tione quatuor jam supra dicta conside- randa sunt , scilicet continens et conten- tum, operans et operatum. In statu enim peccati noster homo exterior pulcher et sanus : sed homo interior amaritudine et peccati veneno plenus est et œgrotus. Hic dum per spiritum Dei convertitur, specie corpons manente exterior; amaritudo, et languor peccati interior in dulcedinem et sanitatem gratiœ commutatur. Primum, scilicet species corporis exterior manet : secundum, scilicet amaritudo peccati inte- rior transit in quartum, scilicet dulcedi- nem gratiae, et hoc per tertium, scilicet per spiritum Dei, et sic fit, ut dictum est ,

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 501

consécration du corps du Seigneur, comme nous l'avons dit précé- demment. Eugène écrit à une personne récemment convertie : ((Qu'ils sont grands, qu'ils sont dignes d'être célébrés les bienfaits opérés par la force de la bonté divine; vous ne devez tenir ni pour nouveau ni pour impossible que les choses terrestres se changent en la substance de Jésus-Christ ; interrogez-vous vous-même , vous qui , après avoir déposé votre ignominie passée, vous êtes tout-à-coup revêtu d'une bonté nouvelle; vous ne vous êtes rien ajouté extérieurement, et tout votre intérieur a été changé. »

La troisième similitude qui sert à établir la possibilité de cette transsubstantiation, se tire des changements qui s'opèrent dans la nature. Nous voyons, en effet , que les œufs placés sous un oiseau , sous une poule ou sous une colombe, se changent, par la puissance de la nature, en chair, se changent même, ce qui est plus extraordi- naire , en un petit oiseau vivant. On peut pareillement trouver dans le changement qui s'opère ici les quatre choses dont nous avons parlé. Là, en effet, se trouvent le contenant, c'est la coquille, qui est comme l'apparence extérieure de l'œuf; le contenu, à savoir le jaune de l'œuf, qui est comme la substance intérieure de l'œuf; celui qui opère , à savoir la nature , et l'œuvre accomplie , à savoir la chair du petit poulet. La première , à savoir la coquille , qui est l'apparence extérieure, demeure; la seconde, le jaune d'oeuf, ou la substance inté- rieure, passe et se change en la quatrième, le corps vivant du poulet; et cela s'opère par la troisième, savoir la nature qui opère. La simili- tude est ici admirable, parce que la chose extérieure paroît pendant quelques jours entière, comme si ce qui n'est pas un œuf, mais le corps vivant d'un poulet , voilé sous une coquille, étoit véritablement un œuf. Comme donc ici la colombe opère par la nature , de même dans le sacrement de l'autel le Saint-Esprit opère par sa toute-puis- sance. Donc , si vous placez un, ou deux, ou plusieurs œufs sous ces

in consecratione corporis Christi. Eugenius ad quemdam conversum : « Quanta, et quam celebranda bénéficia vis divinae bo- nitatis operatur, et quod non tibi novum et impossibile esse debeat, quod in Christi substantiam terrena convertuntur, teipsum interroga, qui praeterita vilitate deposita , subito novam indutus es bonitatem, in ex- teriori nihil additum, totum est in interiori mutatum. » Tertia sirnilitudo ejusdem su- mitur de mutatione naturali. Viderans enim quod ova ponuntur sub ave , ut sub gallina, sub columba, et per naturam mu- tantur in carnem, imo inaviculam vivam. In bac mutatione similiter illa quatuor, quœ jam dicta sunt , possunt inveniri. Ibi

enim est continens, scilicet testa, quasi spe- cies ovi exterior, et contentum, scilicet vi- tellum quasi substantia ovi interior, et operans, scilicet natura, et operatum, scili- cet caro pulli. Primum, scilicet testa spe- cies exterior manet, secundum vitellum, sive substantia interior transit et mutatur in quartum, scilicet in corpus pulli vivi, et hoc per tertium, scilicet operantem natu- ram. Et mira sirnilitudo , quia diebus ali- quibus intégra exterius videtur, quasi ad- huc sit ovum, quod non est ovum, sed vivi pulli integrum corpus testa velatum. Sicut ergo in bac re columba per naturam , sic in Sacramento altaris spiritus, scilicet per suam omnipotentem virtutem. Si ergo sub

502

OPUSCULE LVII, CHAPITRE 12.

oiseaux ; il les change , aidé de la nature , intérieurement en chair, et la coquille extérieure demeure; le Saint-Esprit, par sa puissance, change intérieurement d'une manière subite et bien plus parfaite au corps de Jésus-Christ, une ou plusieurs hosties de pain , bien qu'elles conservent l'apparence de ce même pain : remarquez que le verset il est parlé du corps de Jésus-Christ ne dit pas de la substance du pain, qu'elle est la matière du corps de Jésus-Christ, mais que le pain se change au corps de Jésus-Christ. Le corps qui se trouve ici sous le pain est le corps de la Vierge. Le premier vient d'un changement opéré dans le pain, mais le second est matériel. On peut ici faire cette observation morale : Quand la créature irrationnelle, à savoir le pain, est changé en quelque chose de plus parfait par le Verbe de Dieu et de son esprit , combien est grande la dureté du pécheur que ne peuvent convertir ni plusieurs paroles, ni les œuvres du Saint-Esprit. On lit dans Jérémie, chap. V : « Ils ont rendu leurs fronts plus durs que le rocher, et ils n'ont point voulu revenir à vous. » Cet endurcis- sement , c'est l'impénitence finale qui procède d'une triple cause. La première , c'est une longue habitude de pécher. La seconde , c'est l'incrédulité sur la justice de Dieu. La troisième, la séduction de l'ennemi. Il est écrit de la première au livre de la Sagesse , ch. XIV : « Cette coutume mauvaise s' étant de plus en plus autorisée , l'erreur fut observée comme une loi. » On lit dans Jérémie, chap. XIII : « Si un Ethiopien peut changer sa peau , ou le léopard la variété de ses couleurs, vous pourrez aussi faire le bien , vous qui n'avez appris qu'à faire le mal. » Le commentaire ajoute : « L'habitude de pécher devient en quelque sorte nature. Mais ce qui est impossible à l'homme est possible à Dieu ; il peut se faire que l'Ethiopien ne le soit plus , comme, que le léopard cesse de l'être, à savoir que les vieux pécheurs paroissent changer par eux-mêmes leur nature ; mais c'est Dieu qui

ave ponis unum , vel duo , vel plura ova, vertit ea per naturam interius in came testa manente exterius , quanto magis unam hostiam panis , vel plures in altari manente specie panis exterius, Spirilus sanctus ea repente interius in corpus Christi sua virtute convertit : Nota versus de cor- pore Christi, de hoc quod dicit de substan- tia panis, non quod sit materia corporis Ghristi, sed quod panis convertitur in cor- pus Ghristi. Corpus de pane, corpus de Vir- gine natum. Primum conversum , sed ma- teriale secundum. Hic moraliter notandum est, cum irrationalis creatura, scilicet pa- nis, perverbumDei spiritus ejus in melius convertitur, quanta sit peccatoris duritia, qui multis verbis, et Spiritus sancti opera- tionibus ad conversionem non perducitur :

Hieremiœ, V : « Induraverunt faciès suas supra petrarn, et noluerunt reverti. » Hœc induratio finalis inipœnitentia est, cujus triplex est causa. Prima, longa consuetudo peccandi. Secunda, incredulitas de justitia Dei. Tertia, seductio inimici. De primo Sapieniiœ, XIV : « Invalescente iniqua eon- suetudine error tanquam lex custoditus est. » Hieremiœ, XIII : « Si potest ^Ethiops mutare pellemsuam, aut pardus varietates suas, et vos potestis bene agere cum didi- ceritis malum. » Glossa : « Consuetudo peccandi quodammodo in naturam tran- sit. » Sed quod hominibus impossibile est, Deo possibile est, utnon^Ethiops, vel par- dus, longeevi scilicet peccatores suam natu- ram per se mutare videantur, sed Deus qui in illis operatur. Augustinus : « Vocabas

SUR LE SACRE^ŒNT DE I/AUTEL. 503

produit en eux ce résultat. » Saint Augustin dit : « Vous m'appeliez, Seigneur, et je soupirois ; mais j'étois lié , ce n'étoit pas par un fer étranger, mais bien par ma propre volonté. L'ennemi s'étoit em- paré de ma volonté , il en avoit fait une chaîne , et il m'en avoit en- lacé ; car la passion mauvaise est le fruit d'une volonté perverse , et pendant qu'on est asservi à cette passion mauvaise, on contracte l'ha- bitude, et tant qu'on ne résiste pas à l'habitude, elle devient une nécessité. »

Il est dit de la seconde , dans Sophonie, chap. I : « Et je visiterai dans ma colère ceux qui se sont enfoncés dans leurs ordures ; qui disent dans leurs cœurs, le Seigneur ne fera ni bien, ni mal, » le Com- mentaire ajoute : «Ils anéantissent la providence du Seigneur, pensant qu'il ne peut pas récompenser les bons de leurs bonnes œuvres , et punir les méchants du mal qu'ils ont fait, mais que tout est régi par le hasard. » On lit, Psaume XIII : « L'insensé a dit dans son cœur, il n'y a pas de Dieu, de juste juge, qui juge les péchés; » ce qui fait que le Psalmiste ajoute immédiatement : « Ils se sont corrompus et sont devenus abominables dans toutes leurs affections et leurs désirs dé- réglés.

Il est écrit de la troisième dans Osée, chap. V : « Ils ne permettront pas à leurs pensées de se reporter vers le Seigneur, parce que l'esprit de fornication est au milieu d'eux , et qu'ils n'ont pas connu le Sei- gneur; » c'est comme si le Prophète disoit : Le méchant esprit les assiège , les aveugle, pour les empêcher de connoître le Seigneur, il les séduit par des promesses fallacieuses, ce qui fait que leur conver- sion est impossible. On Ut, Ecclésiastique , ch. XXIX : «. L'engage- ment à répondre mal à propos en a perdu plusieurs. » 11 est écrit Gen., ' chap. XXXIV : «. Dina étant sortie pour voir les femmes du pays, Si- chem, prince de ce pays, la vit, » c'est-à-dire le démon, il l'aima, l'en- leva, dormit avec elle et la viola, et son ame demeura attachée à Dina

me Domine, et suspirabam ligatus non ferro alieno, sed mea propria voluntate. Velle enim meum tenebat inimicus, et in- de catenam fecerat et constrinxerat me, quippe ex voluntate perversa facta est li- bido, et dum servitur libidini , facta est consuetudo, et dum consuetudini non re~ sistitur, facta est nécessitas. » De secundo, Sophon., I : « Visitabo super viros defixos in fœcibus suis, qui dicunt in cordibus suis, nonfacietbeneDominus,etnonfacietmale.» Glossa: «TolluntDomini providentiam pu- tantes quod nec bonis bona, nec malismala possit reddere , sed omnia casu regantur. » Psalm. XIII : « Dixit insipiens in corde suo, non est Deus, justus judex, qui judi-

cat peccata. » Unde sequitur : « Corrupti et abominabiles facti sunt in iuiquitatibus suis. » De tertio, Osée, V : « Non dabunt cogitationes suas ut revertantur ad Domi- num, quia spiritus fornicationis in medio eorum, et Dominum non cognoverunt ? » quasi diceret , quia spiritus malignus ob- sedit eos et excœcat, ut Dominum non agnoscant, et promissionibus falsis seducit, ideo converti non possunt. Ecc/es., XXIX : « Repromissio nequissima plurimos perdit.» Gen., XXXIV : « Egressa Dina ut videret mulieres regionis illius. Et vidit eam Si- chem , princeps terra? , » id est diabolus, « adamavit , rapuit , dormivit cum ea , et conglutinata est anima ejus cum ea, tris-

504 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 13.

par les liens d'une passion violente , et la voyant triste , il tâcha de la gagner par ses caresses ; il lui promit les prospérités du monde, des fautes légères , une longue vie, mais ce n'étoit que mensonge. Michée dit au troisième livre des Rois , chap. XXII : « Mais l'esprit malin étant sorti, il dit : Je tromperai Achab; j'irai, et je serai un esprit de mensonge dans la bouche de tous ses Prophètes; » ses Pro- phètes lui disoient : « Montez dans Ramoth-Galaad, et allez, vous serez heureux, le Seigneur livrera vos ennemis en vos mains, » et c'est en en quoi il le trompa : « Car étant parti pour livrer bataille, quelqu'un ayant lancé une flèche sans viser , cette même flèche l'atteignit entre le poumon et l'estomac et le blessa grièvement, et il mourut le même soir. »

CHAPITRE XIII.

Des trois merveilles que l'on doit considérer dans la possession du corps

de Jésus-Christ.

ce Venez, mangez. Vos œuvres sont admirables, etc. » Nous allons ici parler des trois merveilles qui s'opèrent par la puissance et la per- fection de la consécration , qui s'observent dans la possession de ce même corps, et que nous possédons encore après la consécration. La première merveille qui s'opère dans la possession du corps du Sei- gneur, c'est qu'une chose aussi grande que l'est le corps du Seigneur, soit contenue sous l'apparence d'un si petit pain ; on donne de cela trois raisons. La première raison, c'est la manifestation de la gran- deur de la sagesse de l'auteur d'une chose si merveilleuse, à savoir de l'Esprit saint. Nous voyons en effet que plus les artistes sont habiles dans l'art de sculpter, plus les images qu'ils sculptent sont petites et

teraque blanditiis delinivit, » qui mundi prospéra, peccata levia, longam vitam false promittit. III Reg., XXII, dicit Michaeas : « Egressus spiritus , ait , ego decipiam Achab. Egrediar, et ero spiritus mendax in ore omnium Prophetarum ejus, qui di- cebant régi : Ascende in Ramoth Galaad, et vade prospère, et tradet Dominus ini- micos tuos in manus tuas , et in hoc est deceptus. Ingressus enim prœlium, quidam percussit eum casu sagitta inter pulmo- nem et stomachum, et graviter vulneratus, mortuus est vesperi. »

GAPUT XIII.

De tribus mirabilibus, quœ considerantur in corporis possessione.

« Venite , comedite. Mirabilia opéra tua, » etc. Hic dicendum est de tribus mi- rabilibus, quœ fiunt virtute et perfectione consecrationis, et attenduntur in ejusdem possessione, et post consecrationem adhuc nobiscum habemus. Primum mirabile si- gnum , quod in possessione dominici cor- poris magna res , scilicet corpus Domini, continetur sub tam parva specie panis, cu- jus assignatur triplex ratio. Prima ratio est demonstratio magnitudinis sapientiae artiticis tantae rei, scilicet Spiritus sancti. Videmus enim quod artifices, quanto sunt in arte sculpendi peritiores, tanto sculpunt

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 505

délicates. Ce qui fait que si l'on présente aux artistes une pierre pré- cieuse , ou un morceau de métal fort petit, et qu'on les prie d'y faire une fort petite figure, l'artiste moins habile répondra, qu'il ne lui est pas possible de la faire, pendant qu'un artiste fort habile l'y fera faci- lement. Ainsi pour prouver la sagesse du Saint-Esprit, il lui est facile de faire que le corps de Jésus-Christ tout entier réside sous la plus petite espèce de pain. C'est pour cela qu'il est écrit au livre de la Sa- gesse, ch. VII : « Il est dit de l'Esprit saint qu'il est subtile. » Il n'est pas possible en effet de placer sur l'autel une parcelle de pain si petite, qu'il ne sache et qu'il ne puisse la convertir au vrai corps de Jésus- Christ. Saint Damascène expliquant ces paroles : à Comment cela se fera-t-il, dit la Vierge, parce que je ne connois aucun homme, l'ange lui répondit : l'Esprit saint viendra en vous, etc.. » dit : « Et vous, vous demandez comment le pain se change au corps de Jésus-Christ ; et moi je vous dis : Le Saint-Esprit viendra, et il opérera lui-même ce prodige qui surpasse à la fois et la nature et l'intelligence. »

La seconde raison pour laquelle il en est ainsi , c'est la parité qui existe entre la puissance de Jésus-Christ et celle de Dieu. TouVce que peut en effet par nature le Fils de Dieu , le Fils de l'homme ïe peut pareillement en vertu de l'unité de personne. On lit dans saint Mat- thieu, ch. ult. : « Tout pouvoir m'a été donné, etc. » Saint Ambroise expliquant ces paroles : « Celui-ci sera grand, et il sera appelé le Fils du Très-Haut, » s'exprime ainsi : « C'est pourquoi il sera grand non pas parce qu'il ne l'aura pas été avant»l'enfantement de la Vierge; mais il le sera, parce qu'il recevra dans le temps la puissance qu'il avoit natu- rellement avant le temps comme Fils de Dieu; parce que comme le Fils de Dieu et le Fils de l'homme seront confondus dans une seule personne; de même il n'y aura qu'une seule et même puissance du Fils de Dieu et jdeThomme : mais le Verbe Fils de Dieu a reçu du Père la puissance de

imagines subtiliores. Unde si artificibus os- tenditur gemma vel metalli maleria valde parva, et rogetur in ea imago fieri subti- lissima, minus subtilis artifex respondebit, quod eam facere non possit, quod maxime subtilis in arte facile facit. Sic ad demons- trandam sapientiam Spiritus sancti, sub minima specie sacramenti facile esse, facit totum corpus Christi. Hinc Sap., VII : « Spiritus sanctus dicitur esse subtilis. » Non enim potest ei tam subtilem partem panis proponere in altari , quin sciât et possit eam in verum corpus Christi conver- tere. Damascenus : « Quomodo fiet hoc, ait Virgo, quoniam virum non cognosco. Res- pondit : Spiritus sanctus superveniet in te, etc., et tu quœris, quomodo panis Hat corpus Christi ? Et ego dico tibi , Spiritus

sanctus superveniet, et ipse faciet haec, quœ super naturam sunt et super intelli- gentiam. » Secunda ratio ad idem est si- militudo potentiœ Christi cum potentia Dei. Quicquid enim potest Dei Filius per naturam, hoc potest Filius hominis propter personae unitatem. Matth., ult. : « Data est mihi omnis potestas , » etc. Ambrosius super illud : « Hic erit magnus, et Filius Altissimi vocabitur. Non ideo erit magnus, quod ante partum Virginis magnus non fuerit, sed quia potentiam , quam Dei Fi- lius ante tempora naturaliter habuit , hic erit ex tempore accepturus, quia sicut m unam personam, ita in unam potentiam conveniunt Dei Filius et hominis ; sed Dei Filius verbum, Patris illam habuit poten- tiam, quod minima parte corporis . opère

506 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 13.

se revêtir et de s'enfermer sous cette partie infiniment petite du corps de la Vierge qui en fut séparé par la puissance du Saint-Esprit; comme le prouvent ces paroles : « Et le Verbe s'est fait chair. » Donc le Christ- homme a reçu un semblable pouvoir, à savoir le pouvoir de renfermer son corps sous la plus petite espèce de pain. On lit , Psaume XCVIII : « Le Seigneur est grand dans Sion. » Sion s'interprète d'un miroir, comme le disent Papias et saint Augustin. Il n'y a pas de doute qu'une image ne soit aussi fidèlement et aussi intégralement reproduite par lin petit que par un grand miroir. On dit donc, le Seigneur est grand dans Sion ; c'est-à-dire dans un miroir, parce que c'est avec justesse que l'on croit que le vrai corps de Jésus-Christ est aussi intégralement sous la plus petite espèce du pain que sous la plus grande.

La troisième raison pour laquelle il en est ainsi; c'est qu'il y a ici une cause suffisante d'atteindre la fin du sacrement. La fin du sacrement, c'est de nourrir spirituellement l'ame fidèle , de la fortifier dans le bien, et deTâ*prémunir contre le mal. Le corrjs_de Jésus-Christ est la cause efficiente qui doit produire cet effet"; et il peut tout aussi bien le produire sous une petite espèce de pain que sous une grande , parce qu'il est aussi bien uni à Dieu sous l'une que sous l'autre, et que c'est de lui que découle toute la force du sacrement. Quelque petite en eiïet que soit l'espèce du pain , le corps de Jésus-Christ y est tout entier par conversion, son sang par connexion, son ame par conjonction, el sa divinité tout entière par union; ce qui fait qu'il a tout ce qu'il faut pour nourrir spirituellement, et pour conforter l'ame. On lit dans l'Exode, chap. XVI : « Celui qui avoit moins recueilli de manne en trouve autant que celui qui en avoit plus recueilli. » Saint Hilaire dit :«Là se trouve une partie du corps, c'est-à-dire la plus petite partie du sacrement; est le corps tout entier.» Il y a pour le corps du Seigneur la même raison que pour la manne, qui le précéda et qui en

Spiritus sancti de virtute separata se vesti- vit , et illi se inclusit , secuudum illud : « Verbum caro factum est. » Ergo simi- lem potestatem dédit homini Ghristo, sci- licet ut possit facere corpus suum esse sub minima panis specie. Psalm. XCVIII : « Dominus in Sion magnus. » Sion inter- pretatur spéculum, ut dicit Papias et Au- gustinus. Et dubium non est, quod magna imago tam expresse, tam intègre apparet in parvo speculo, sicut in magno. Magnus ergo Dominus in Sion , id est in speculo, esse dicitur, quia verum corpus Christi tain integraliter esse sub parva specie panis sicut sub magna recte creditur. Tertia ra- tio ad idem , est sufiieiens causa ad iinem sacramenti. Finis sacramenti est anirnam iîdelem spiritualiter cibare , et contra raa-

lum et ad bonum confortare. Causa hujus efficiens est corpus Christi , et id potest tam plene esse sub specie panis parva, sic- ut sub magna, quia sub utraque aequaliter unitum est Deo, ex quo fluit omnis virtus in sacramento. Quantacumque enim parva sit species illa panis, ibi est totum corpus Christi per conversionem, sanguis per con- nexionem, anima per conjunctionem et di- vinitas intégra per unionem : uude certum est, quod habet plenam rationem cibaridi spiritualiter et confortandi animam. Exod., XVI : « Qui minus collegerat non reperit minus de manna , quam qui plus cofiege- rat. » Hilarius : « Ubi pars corporis, id est minirna pars sacramenti, ibi est et totum corpus. » Eadem enim ratio est in corpore Domini, quse in manna, quod in ejus figura

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 507

étoit la figure, et de laquelle il est dit : « Celui qui en recueille plus n en a pas davantage , et celui qui en avoit moins préparé en a au- tant. » Ce n est pas la quantité visible qu'en ceci il faut apprécier, mais bien la vertu spirituelle ; ce qui fait que celui qui consacre beaucoup de pains ou qui en consacre un grand ne reçoit rien de plus que le vrai corps de Jésus-Christ pour son salut.

Le second prodige qu'il faut ici considérer, c'est que le seul et même corps se trouve en plusieurs lieux à la fois; et ceci se prouve de trois manières. On le prouve par les paroles suivantes du prophète Jalachifi^chap. I, adressées aux Juifs : « Mon affection n'est point en vous, dit le Seigneur, je ne recevrai point de présents de votre main Car depuis l'Orient jusqu'à l'Occident, mon nom est grand parmi les nations, et Ton me sacrifie en tous lieux, et l'on offre a mon nom une oblation toute pure. » Il exprime ici plusieurs lieux et il ne parle que d'une seule oblation .pure, son Fils. On lit dans l'Exode, chap. X\ : « Partout l'on conservera le souvenir de mon nom, je viendrai vers vous, et je vous bénirai. » Le souvenir du nom du Seigneur, c'est le sacrifice de l'autel, à savoir le corps de Jésus-Christ, qu'il a ordonné de consacrer en mémoire de lui; ceci se fait dans un grand nombre d'endroits , et dans cette consécration vient un seul Seigneur pour nous bénir.

Ceci se prouve par une raison péremptoire ; c'est que le Fils de l'homme participe à la puissance du Fils de Dieu en vertu de l'union de personne. Saint Ambroise dit : « Comme le Fils de Dieu et le Fils de l'homme n'ont qu'une personnalité, ils n'ont de même qu'une seule et même puissance. » Ce qui fait que comme le Fils de Dieu est par essence ep toutes choses, il a pareillement été donné au Fils de l'homme que son eorps pût être en plusieurs lieux sous le sacrement. Saint Augustin dit : « On -doit entendre que corps de Jésus-Christ

prsecessit, de quo dicitur : Qui plus colle- git, non habet amplius , neque qui minus paraverat , habuit minus. Non enim aesti- manda est quantitas in hoc visibilis , sed virtus spiritualis : unde qui multum vel magnum panem consecrat, non habet am- plius quarn verum corpus Christi ad salu- tem suam. Secundum signum mirabile est quod unum et idem corpus est in pluribus locis, in pluribus hostiis, in pluribus por- tionibus ; et hoc probatur tribus modis. Primo, per prophetam Malach., I , ad Ju- daeos : « Non est mihi voluntas in vohis , ait Uominus , et munus non suscipiam de manu vestra. Ab ortu enim solis usque ad occasum , magnum nomen meum in gen- tibus, et in omni loco sanctiiicatur, et of- fertur nomini meo oblatio munda. » Ecce

loca plurima exprimit, et unam oblatio- nem mundam fidelium dicit. Exod., XX : « In omni loco, in quo fuerit memoria no- minis mei, veniam ad te, et benedicam tibi. » Memoria nominis Domini , sacrifi- cium est altaris, scilicet corpus Christi, quod iîeri jussit in commemcratinnem ejus, hoc fit in multis locis et in hoc venit unus Dominus ad benedicendum nobis. Se- cundo, probatur hoc per manifestam ra- fionem, quae est, quod filius hominis par- ticipât potentiam Filii Dei propter personae unitatem. Ambrosius : « Sicut in unam personam , ita in unam potentiam conve- iriunt Dei et hominis Filius. » Unde sicut Dei Filius est essentialiter in omnibus ré- bus ; ita dédit filio hominis, ut corpus ejus sacramentaliter esse possit in pluribus lo-

508 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 13.

est dans un seul lieu; c'est-à-dire qu'il est au ciel, il est monté à la droite du Père; c'est-à-dire qu'il y est sous la forme humaine et visible. Sa vérité toutefois, < 'est-à-dire sa divinité est partout. Quant à sa vé- rité, c'est-à-dire son véritable corps, il est sacramentellement sur tout autel se célèbre le sacrifice. » Innocent III dit : « La profondeur des conseils célestes a fait que, comme les trois personnes, à savoir le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, ne font qu'un par l'essence, de même il a été statué que trois substances fussent confondues en unité de personnel, à savoir la clivinité de Jésus-Christ, son corps et son.ame. » Par conséquent, comme Jésus-Christ existoit de trois manières dans les créatures en tant que Dieu, à savoir qu'il existoit en toutes choses par essence, dans les seuls justes par la grâce, et dans l'homme dont il s'est revêtu par union , il a voulu exister lui-même selon la nature humaine de trois manières. Dans le ciel d'une manière locale, dans la parole ou verbe personnellement , et sur l'autel sacramentellement. D'où il suit que , comme il est par essence en toutes choses selon la divinité , de même il est sacramentellement tout entier en plusieurs lieux selon l'humanité.

On prouve la même vérité par une similitude visible , et qui se produit pour tous devant un miroir. Car si vous placez plusieurs mi- roirs en face de vous , votre visage sera intégralement et également reproduit dans tous les miroirs ; et si vous brisez un de vos miroirs en plusieurs petits morceaux , chacun de ces morceaux reproduira pareillement d'une manière adaequate votre figure. Et, bien que le miroir soit brisé en plusieurs morceaux, votre figure demeure pour- tant une dans chacun de ces morceaux, et elle n'est pas changée. Il en est absolument de même dans le sacrement de Jésus-Christ, que l'on appelle le miroir et l'image de sa bonté. Par conséquent si le miroir, c'est-à-dire la forme du pain est divisée en plusieurs parties, dans cha-

cis. Angustinus : « Intelligendum est cor- pus Christi esse in uno loco, id est in cœlo, ubi ascendit ad dexteram Patris, idest, visibiliter in forma humana. Veritas ta- raen ejus , id est , divinitas , ubique est. Veritas tamen ejus, id est verum corpus, in omni altari sacramentaliter est ubi ce- lebratur. » Innocentius III : « Disposuit cœlestis altitudo consilii , sicut très perso- nae sunt in unitate essentiœ, scilicet Pater et Filius et Spiritus sanctus, ita très essent substantiae in unitate personee, scilicet di- vinitas Christi, corpus et anima. Cum ergo Christus secundum naturam divinam tribus modis existeret in rébus, scilicet in omni- bus per essentiam, in solis justis per gra- tiam, in homine assumpto per unionem , voluit ut idem ipse secundum humanam

naturam etiam tribus modis existeret. In cœlo localiter ; in verbo personaliter ; in altari sacramentaliter. » Unde sicut secun- dum divinitatem essentialiter est in omni- bus rébus, ita secundum humanitatem sa- cramentaliter totus est in pluribus locis. Tertio, probatur idem per visibilem simili- tudinem, quae cunctis in speculo declara- tur. Nam si faciei tuae plura proponas spé- cula, in omnibus aequaliter et integraliter una apparebit faciès, et si unum spéculum in plura frusta etiam parva confringas , perfecta tua faciès in singulis erit. Et licet spéculum infringatur in plura , faciès tua tamen manet in omnibus una, nec muta- tur. Sic est rêvera in sacramento Christi, quod spéculum dicitur, et imago bonitatis illius. Si ergo spéculum, id est forma pa-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 509

cune de ces parties la forme se trouvera unie à Dieu , c'est-à-dire que se trouvera le véritable corps de Jésus-Christ. Saint Jérôme dit : « Chacun des fidèles reçoit Jésus-Christ tout entier, et il se trouve tout entier dans chaque partie ; il ne reçoit aucun amoindrissement de la réception de chacun, mais il se donne tout entier à chaque individu. » Le troisième prodige qui doit en ce point fixer noire attention, c'est que le corps du Seigneur, bien qu'il soit en plusieurs lieux, dans plu- sieurs hosties ou parties d'hosties à la fois, n'est nullement divisé par parties , mais demeure tout entier et parfaitement uni en lui-même. On lit, I Cor., chap. I : « Le Christ est divisé, » ce qui est abso- lument comme s'il disoit, le Christ n'est pas divisé; car bien qu'il soit localement dans le ciel, spirituellement dans le cœur du juste, en plusieurs lieux sacramentellement, il ne forme cependant qu'un en lui-même; et la raison de ce prodige, c'est l'union ineffable de l'homme et de Dieu, de la chair et du Verbe. Il suit de que, comme le Verbe de Dieu est partout, et qu'il remplit et le ciel et le monde tout entier, tout en restant un, il a accordé la même faculté au corps qu'il a pris de la Vierge, et il l'a donné aux apôtres. La divinité qui est en effet par- tout, remplit tout, elle fait de tout une seule chose , et elle fait que comme elle n'est qu'un, de même la vérité du corps de Jésus-Christ ne soit en réalité qu'un seul corps; Saint Augustin dit : « Quand nous mangeons Jésus-Christ nous ne le divisons pas , mais il arrive dans le sacrement, que chacun le reçoit véritablement tout entier. » Chacun reçoit sa part dans le sacrement, et il demeure tout entier en lui- même. Il demeure tout entier dans le ciel , et il demeure tout entier dans votre cœur. Il étoit tout entier dans le Père quand il vint dans la Vierge r il la remplit de lui-même, et il ne quitta pas le ciel. Il se fit chair pour que les hommes le mangeassent, et il demeuroit tout entier dans le Père, pour rassasier les anges. Nous devons donc dé-

nis in partes plures dividatur , in singnlis erit unita Deo, id est verum corpus Christi. Hieronymus : « Singuli fidelium accipiunt Christum totum, et in singulis portionibus totus est , nec per singulos minuitur , sed integrum se prrebet in singulis. » Tertium mirabile est, quod corpus Domini, licet sit in pluribus locis, vel hostiis, aut portioni- bus, tamen per partes non est divisum, sed manet in se integrum et conjunctum. I Cor., I : « Divisus est Christus ? » quasi diceret, non est divisus, quia licet in cœlo sit localiter, in corde justi spiritualiter, in multis locis sacramentaliter ; tamen manet in se conjunctus, et est hujus mirabilis roi ratio, ineffabilis unio hominis et Dei, car- nis et verbi. Uiide sicut verbum Dei ubique

est, et totum replet cœlum et mundum, manens indivisum , sic dédit corpori quod assumpsit de Virgine , et dédit Apostolis. Divinitas enim quae ubique est, replet illud et conjungit, et facit ut sicut ipsa una est, ita veritas corpons Christi unum corpus sit in veritate. Augustinus : « Quando man- ducamus Christum, partes de illo non fa- cimus , sed in sacramento lit hoc, unus- quisque quod accipit. Accipit unusquisque partem suam in sacramento, et manet to- tus integer in seipso. Manet integer totus in cœlo, manet integer totus in corde tuo. Totus enim erat apud Patrem quando venit in Virginem, implevit illam, non recessit ab illo. Venit in carnem, ut eum homines manducarent , et manebat integer apud

510 OPUSCULE LVII, CHAHTRE 14.

mander au Seigneur clans nos prières que , bien que divisés les uns des autres corporellement, nous soyons toujours spirituellement unis dans la charité , et qu'il nous rassasie dignement par son sacrement dans la vie présente et qu'il nous comble de la plénitude de sa vue avec les anges dans la vie future. Ainsi soit-il.

CHAPITRE XIV.

Des trois merveilles qui s'opèrent dans la perception du corps de

Jésus-Christ.

« Venez, mangez, etc.. Vos œuvres sont admirables, etc.. » Nous allons ici traiter des trois dernières merveilles qu'il faut considérer relativement à la perception du corps de Jésus-Christ. La première merveille , c'est que le corps du Seigneur, quand on le mange , n'en souffre aucun amoindrissement, et cette proposition est contre les hé- rétiques qui soutiennent que quand même le corps du Seigneur eut été aussi grand qu'une montagne, les clercs l'auroient absorbé tout entier. Le prodige si étonnant de l'inconsumptibilité du corps de Jésus-Christ dans la manducation peut s'interpréter parles trois raisons suivantes. La première de ces raisons, c'est le pouvoir de consacrer tous les jours ; car nous pouvons, d'après le précepte de Jésus-Christ, consacrer tous les jours et dans tous les lieux il y a des fidèles, sous tout autant d'hosties qu'il en faut pour les fidèles, son vrai et unique corps; c'est pourquoi quand nous le mangeons, nous ne pouvons ni le consumer, ni même le diminuer quant à la quantité. Car comme le salut éternel qui est le fruit de la manducation de ce corps est toujours en nous une cause de le manger; comme l'effet qu'il produit en nous subsiste toujours , il doit en être de même du pouvoir de le consacrer; et lorsque nous le mangeons après qu'il a été consacré, nous ne l'amoindrissons nul-

Patrem, ut angelos pasceret. Rogandus est ergo Dominus , licet simus corporaliter ab invicem divisi , ut simus semper spiritua- liter in charitate conjuncti, et digne nos pascat in prsesenti suo sacramento, et plena cum angelis sui visione in futuro. » Amen.

GAPDT XIV.

De tribus mirabilibus , in corporis Christi perceptione.

« Venite, comedite, etc. Mirabilia opéra tua, » etc. Hic est dicendum de tribus ul- timis considerandis in corporis Christi per- ceptione. Primum mirabile est , quod cor- pus Domini dum manducatur, non rainui-

tur. Et hoc est contra hœreticos , qui di- cunt : Si corpus Domini omni monte ma- jus esset5 jam diu clerici illud cor.sump- sissent. Hujus tam mirae rei, scilicet in- consumptibilitatis corporis Christi in man- ducatione , triplex est ratio. Prima ratio est quotidiana potestas consecrandi ; nam quia omnibus diebus et omnibus fidelium locis, et sub tôt hostiis quot sufïicîunt fi- delibus , verum et unicum corpus Christi ex prœcepto ejus consecrare possumus, id- circo dum illud manducamus , consumere vel minuere non valemus. Sicut enim in nobis causa salutis aeternse semper manet effectus illud manducaudi, sic et potestas et eiFectus consecrandi, et cum jam consecra-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. M\

lement; parce que ce qui demeure toujours véritablement entier en soi, pour ne pas manquer dans l'Eglise, doit continuellement être conservé sous la forme du pain , et nous conservons le sacrement en le renouvelant et comme en le nourrissant ; les pains de propositions sont de ceci une figure admirable. On lit dans l'Exode , chap. XXV : « Placez continuellement sur ma table en ma présence les pains de proposition. » Et comme il est écrit dans le Lévitique, chap. XXIV : « Vous prendrez douze pains et vous les placerez sur ma table, pour qu'ils soient un souvenir de l'oblation du Seigneur; par une alliance éternelle on les changera à chaque sabbat. » Il en est dit autant du feu dans le Lévitique , chap. VI : « Le feu brûlera toujours sur mon autel, le prêtre l'alimentera , et il y mettra du bois chaque matin. » Ce feu brûlera toujours sur l'autel, mais cet autel des Juifs manquera avec les pains, et le feu manquera avec l'autel. Quoi donc? Dieu a-t-il menti ! assurément non, mais l'ombre s'évanouit , la vérité persévère dans la synagogue , elle se conserve aussi dans l'Eglise. Car notre prêtre entretient toujours le sacrement par la consécration, et le corps de Jésùs-Ghrist qui dans ce sacrement demeure toujours le même, ne s'épuise jamais par la manducalion des fidèles.

La seconde raison de Vinconsumptibilité du corps de Jésus-Christ, c'est l'incorruptibilité véritable de ce même corps, qui est ressuscité glorifié, immortel, immuable et impassible, et qui ne peut pas se cor- rompre. On lit, Psaume XV : « Vous ne laisserez pas votre saint se corrompre. » C'est ce qui fait que quand nous le mangeons, il ne se corrompt pas comme toute autre espèce de nourriture, mais il déverse en nous un aliment spirituel sans se corrompre lui-même. Une figure parfaite de cette incorruptibilité , c'est ce qui se lit au troisième livre des Rois, chap. XVII , il est parlé de cette petite quantité de farine

tum manducamus , nequaquam illud mi- nuimus; quia quod semper in se veraciter integrum persévérât, ne sacramentaliter in Ecclesia possit deficere, semper consecran- do in forma panis, quasi sacramentum nu- triendo et renovando conservamus; quod pulchre figuratum est in panibus proposi- tionis. Exod., XXV : « Pone super men- sam meam panes propositionis in conspectu meo semper. » Et quomodo dicitur Levit., XXI V : « Accipies panes duodecim , et statues eos super mensam meam , ut sint panes in monimentum oblationis Domini. Per singula sabbata mutabuntur fœdere sempiterno. » Similiter de igné dicitur, Levit., VI : « Ignis in altari meo semper ardebit, quem nutriet sacerdos, subjiciens ligna mane per singulos dies. » Ignis iste nunquam deficiet in altari, sed mensa illa

Judaeorum cum panibus, et ignis cum al- tari déficit. Quid ergo ? mentitus est Deus ? Absit, sed umbra déficit , in synagoga Ve- ritas manet, nec déficit in Ecclesia. Sacer- dos enim noster semper sacramentum al- taris consecrando nutrit, et corpus Christi, quod in illo semper idem est, nunquam manducatione fidelium déficit. Secuuda ra- tio est incorruptibilitas vera corporis hu- jus, quod surrexerit glorificatum, immor- tale, immutabile* et impassibile, nec potest corrumpi. Psalm.XV : «Non dabissanc- tum tuum videre corruptionem. » Unde cum dlud manducamus , non sicut alius cibus corrumpitur, nec mutatur in corpus nostrum, sed influit nobis sine corruptione sui spirituale nutrimentum. Hoc figuratur III Reg., XVII : « Ubi pugillus farinae non déficit in domo viduae, per multos dies ci-

512 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 14.

qui restoit dans la maison de la veuve, et qui conformément aux pa- roles d'Elie servit à nourrir pendant longtemps sa famille tout en- tière. Saint Augustin dit : « Celui qui me mange, dit le Seigneur, vivra pour moi; » car quand on mange ce pain, on mange la vie; on ne lui donne pas la mort en le mangeant, il ne tue pas, mais il vivifie les morts. Il vit quand il est mangé, parce qu'il est ressuscité après avoir été mis à mort. « On le compare encore pour cette raison à la pierre précieuse , de laquelle il s'échappe une vertu ; comme de mettre en fuite les fantômes, de dissiper les tumeurs ou d'opérer d'autres choses de ce genre, sans rien perdre de sa substance. On lit au Deutéronome, chap. XXXII : «Il a établi l'homme pour sucer le miel de la pierre, et tirer l'huile des plus durs rochers. »Mais Jésus-Christ était la pierre. ICor., chap. X. Comme donc la pierre précieuse ne souffre aucun amoindrissement tout en répandant sa puissance ; de même le corps de Jésus-Christ en nous nourrissant ne perd rien non plus.

La troisième raison de l'inconsumptibilité du corps de Jésus-Christ, c'est la cause infinie de nourrir; ceux en effet qui peuvent s'approcher de lui, trouvent de quoi se nourrir, ce qui fait qu'on l'appelle une fontaine, la lumière véritable. On lit dans la Genèse de la première , /îhJLI : « Une fontaine mon toit de la terre; » c'est-à-dire Jésus-Christ .(Le Commentaire ajoute : « Arrosant la surface delà terre tout entière \ » c'est-à-dire, soufflant dans le cœur des inspirations utiles et honnêtes. Il est écrit dans Jérémie, en. II : « Ils m'ont abandonné moi la source d'eau vive. » De la seconde, il est dit dans saint Jean, chap. I : « Il étoit la lumière véritable, etc.. » Donc, comme la fontaine arrose la terre, et qu'elle nourrit, sans rien perdre de son abondance, des herbes et des arbres sans nombre ; de même Jésus-Christ nourrit son Eglise. Pareillement, comme le soleil ne perd rien de sa propriété tout en éclairant le monde tout entier, de même Jésus-Christ conserve son in- tégrité en nourrissant l'Eglise tout entière. On peut aussi prendre

bans familiam totam, juxta verbum Elise. » Augustinus : « Qui mandueat me , dicit Dominus, vivet propter nie. Quanclo enim manducatur hic panis , vita manducatur, nec occiditur quando manducatur ; non occidit, sed mortuos viviiicat. Vivit man- ducatus, quia surrexit occisus. » Hinc etiam lapidi pretioso comparatur , de quo virtus exit, ut phantasmata fugandi vel inflationes sedandi , vel alia sine diminutione sui. Deut., XXXII : « Constituit hominem ut sugeret mel de petra , oleumque de saxo durissimo. » « Petra autem erat Christus, » I Cor., X. Sicut ergo gemma, virtutem suam eflïmdendo, non minuitur : sic cor- pus Domini nos pascendo non minoratur.

Tertia ratio ad idem, infinita causa pas- cendi, qui enim ad eum accedere possunt, pastum suffîcienter inveniunt, hinc fons et lux vera dicitur. De primo, Gen., II : « Fons ascendebat a terra, » id est Christus. Dicit Glossa : « Irrigans universam superficiem teme , id est inspirans cordi utilia et ho- nesta. » Jerem., II : « Dereliquerunt me fontem aquœ vivae. » De secundo , Joan., I : « Erat lux vera, » etc. Sicut ergo fons terram rigat , et sine sui diminutione her- bas innumeras et arbores nutrit, sic Chris- tus Ecclesiam pascit. Item , sicut Sol non déficit toti mundo lumen suum commu- nicando, sic nec Christus Ecclesiam totam pascendo. Item, exemplum de candela, in

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 513

par exemple le feu d'une chandelle , de laquelle on peut prendre des milliers de fois autant de feu qu'elle en a, sans pour cela diminuer sa lumière. Donc à plus forte raison, le Christ nous nourrit de son propre corps sans rien perdre pour cela. On lit, Psaume CXLIV : « Les yeux de tous les hommes espèrent en vous, Seigneur, » on lit encore, Psaume CI : « mais vous êtes vous-même, etc.. »

La seconde merveille qui s'opère dans la perception du corps du Seigneur, c'est qu'il diminue en quelque sorte si on ne le mange pas. Pour comprendre une merveille si extraordinaire, il nous faut savoir qu'il y a deux corps mystiques dans ce monde ; ce sont : le corps mys- tyque de Jésus-Christ , et le corps mystique du démon ou antechrist ; tous les hommes qui sont sur la terre appartiennent a l'un de ces corps! Le corps mystique de Jésus-Christ, c'est la sainte Eglise, elle est comme son épouse chaste et fidèle ; il est son chef, et chacune des personnes des fidèles exempts de péchés graves sont ses membres , et tous ceux qui reçoivent dignement son corps deviennent ses propres membres. On lit, I Cor., chap. X : « Nous ne sommes- tous ensemble qu'un seul corps, parce que nous participons tous au même pain. » Le corps mys- tique du démon , c'est l'ensemble des méchants; il lui sert comme de nourrice adultère , il est le chef de ce corps, et chaque personne méchante est un de ses membres. Job dit, chap. XLI : « Son corps est semblable à des boucliers d'airain fondu , et couvert d'écaillés qui se serrent et qui se pressent. «Saint Grégoire dit : «Le corps du démon, ce sont tous les méchants , qui, à cause de leur endurcissement qui vient de leur obstination et de la fragilité de leur vie, sont comparés à des boucliers d'airain fondu. » Il importe de savoir que comme le Christ par lui-même et par les siens s'applique continuellement à re- trancher les membres du démon , et à les incorporer à ses propres membres, ainsi que nous l'apprennent les paroles suivantes du Livre

qua millesies tantus ignis sumi potest, quantus in ea est, nec propter hoc minui- tur lumen ejus. Igitur multo potius Do- minus nos seipso pascit, nec tamen déficit. Psalm. CXLIV : « Oculi omnium in te sperant, Domine. » Idem, Psalm. CI : « Tu autem ipse es, » etc. Secundum mirabile signum in perceptione corporis Domini est, quod si non manducatur, quodam modo minuitur. Ad intelligentiam tam mirœ rei sciendum quod duo sunt corpora mystica in hoc mundo, scilicet corpus mysticum Christi , et corpus mysticum diaboli , sive Antichristi, ad quorum alterum pertinent omnes hommes mundi. Corpus mysticum Christi sancta est Ecclesia, tanquam ipsius munda et fidelis sponsa, cujus ipse caput

V.

est, et singulœ personae iidelium sine culpa criminali sunt ipsius membra, et omnes qui corpus ejus digne sumimt, ipsius mem- bra fiunt. I ad Corinth., X : « Unum cor- pus multi sumus, qui de uno pane partici- pamus : » Corpus diaboli universitas est iniquorum, tanquam illius nutrix adultéra, cujus ipse caput est, et singulœ personœ malorum ejus membra. Job, XLI : a Cor- pus ejus scuta fusilia compactum squamis se prementibus. » Gregorius : « Corpus diaboli sunt omnes iniqui , qui , quia per obstinationem duri sunt , et per vitam fra- giles, scutis fusilibus comparantur. » Scien- dum, quod sicut Christus per se, et per suos semper studet membra diaboli praes- cindere, et suis membris incorporare, se-

33

514 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 14.

des Actes, ch. III : « Levez-vous, Pierre, tuez et mangez; » de même, le démon fait par lui-même ou par les siens tous ses efforts pour en- lever les membres de Jésus-Christ , et les unir aux membres dégoû- tants de sa prostituée. On lit, I Petr., chap. V : « Soyez sobres et veil- lez, etc...,» et dans le Deutéronome, ch. XXXI : « Ce peuple deviendra fornicateur à la suite des dieux étrangers, il m'abandonnera. » Il est écrit I Cor., chap. VI : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les membres de Jésus -Christ. Arracherai-je donc à Jésus -Christ ses propres membres , pour en faire les membres d'une prostituée ? » C'est comme s'il disoit : A Dieu ne plaise que je me rende cou- pable d'un si grand forfait. C'est pourtant, hélas! ce dont se rendent coupables un grand nombre de personnes. Saint Augustin dit : « Ils ne peuvent pas être en même temps membres de Jésus- Christ, et membres de la prostituée. On ne doit pas dire d'eux qu'ils mangent spirituellement le corps de Jésus-Christ, quand bien même ils le man- geroient sacramentellement. Mais ils ne mangent pas spirituellement le corps de Jésus-Christ , et en vivant mal , ils enlèvent à Jésus-Christ ses membres, et ils en font les membres du démon, et par conséquent ils diminuent autant qu'ils le peuvent le corps de Jésus-Christ. Ce que le démon gagne sur les âmes , Jésus-Christ le perd ; et ainsi le corps mystique de Jésus-Christ s'amoindrit. »

La troisième merveille qui s'opère dans la perception du corps de Jésus-Christ, c'est que quand les fidèles le mangent, il augmente. On prouve cette vérité de deux manières ; et par la raison , et par une comparaison. Et d'abord on la prouve par cette raison : c'est que quand on mange le corps de Jésus-Christ , on ne le convertit pas en son propre corps comme cela se pratique pour les autres aliments, au contraire, celui qui le mange véritablement, se convertit et se change spirituellement en lui; car le Seigneur fait membre de son

\

cundum illud Actor., II: « Surge, Petre, occide et manduca : » sic diabolus per se et per suos conatur membra Ghristi tôliè- re, et membris suœ meretricis vilibus uni- re. I Petr., V : « Sobrii estote, et vigilate,» etc. Deuter., XXXI : « Populus iste forni- cabitur post deos alienos , derelinquet me. »I ad Corinth., VI : « Nescitis, quo- niam corpora vestra membra sunt Christi ? Tollens ergo membra Ghristi, faciam mem- bra meretricis ? » quasi diceret : Absit, ut faciam tantum nefas. Quod. tamen, heu ! multi faciunt. Augustinus : « Non possunt simul esse membra Christi, et membra me- retricis. Nec dicendi sunt manducare cor- pus Christi scilicet spiritualiter , etsi man- ducant sacramentaliter. Sed non mandu-

cando spiritualiter corpus Christi, et maie vivendo, tollunt Christi membra, et faciunt ea. membra diaboli, et sic diminuunt, quan- tum in se est , corpus Christi. Quod enim diabolo in animabus accrescit , Christo de- crescit. Et sic corpus Christi mysticum diminuitur. » Tertium mirabile signum in perceptione Domini corporis est, quod dum manducatur a lidelibus, tune augmen- tatur. Hocprobatur dupliciter, ratione, et similitudine. Primo, probatur ea ratione quod dum manducatur corpus Christi, non ipsum ut alius cibus in manducantem con- vertitur, sed econverso vere manducans, in aliud spiritualiter convertitur et mutatur. Nam manducantem se Dominus sui corpo- ris mystici membrum facit sibi , eum et

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 515

corps mystique celui qui le mange , et il se l'incorpore avec le corps qu'il a pris de la Vierge, il n'en fait en quelque sorte qu'un seul corps. « Bien que nous soyons plusieurs qui participons au pain, nous ne fai- sons qu'un seul corps. » On lit encore , I Cor., XIV : « Vous êtes le corps de Jésus-Christ et les membres les uns des autres. » Saint Au- gustin dit : « Jésus-Christ a confié à ce sacrement son corps et son sang, et nous a fait nous-mêmes son corps; car nous sommes devenus nous-mêmes son corps. » Notre chair en effet est unie à sa chair, elle lui est incorporée, notre corps ne fait qu'un avec le sien. On lit'dans Osée , chap. ult. : « Ils se convertiront, et ils se reposeront sous son ombre, ils vivront de pur froment; » ce qui est comme s'il disoit : les fidèles vivront du pur froment, c'est-à-dire du sacrement du corps du Seigneur. Ce sacrement s'appelle l'ombre de Jésus-Christ , parce que dans ce sacrement il ne se donne pas dans la splendeur de sa lumière, mais sous un voile; ceux qui le mangent dans cet état se convertiront, parce qu'ils seront changés au corps de Jésus-Christ. Il est par con- séquent démontré que , si un grand nombre de fidèles mangent le corps de Jésus-Christ, ils sont changés en ce corps, et deviennent les membres de ce même corps , et que le corps de Jésus-Christ, loin de diminuer quand on le mange, prend de l'accroissement. Seconde- ment, on prouve cette vérité en la comparant à la science humaine; car plus un homme répand les sciences qu'il possède, plus aussi cette science s'accroît. On lit dans saint Matthieu, chap. XXV : « Seigneur, vous m'avez donné cinq talents, en voici cinq autres, etc. . . » La science, dit Boëce, est une noble propriété de l'esprit, qui dédaigne le posses- seur avare. Si on ne la publie pas, elle s'en va, si on la répand au contraire, elle prend de l'accroissement. De même la sagesse divine incarnée, donnée en nourriture, fait des sages, et elle change en quel- que sorte en elle ceux qui la reçoivent; ce qui fait que loin de dimi-

incorporans cum suo corpore, quod de Vir- gine sumpsit, quodammodo unum efficit. I ad Corinth., XII : « Unum corpus multi sumus, qui de uno pane participamus. » Idem I Corinth., XII : « Vos estis corpus Christi, et membra de membro. » Augusti- nus : « Commendavit Ghristus in hoc sa- cramento corpus et sanguinem suum, quod et fecit nosipsos : nam, et nosipsi sumus facti corpus ejus. Caro enim nostra carni ejusunila et incorporata, unum cum illo eiïicitur. » Osée : « Convertentur sedentes in umbra ejus, vivent tritico, » quasi di- ceret : Fidèles vivent tritico, id est, Domi- nici corporis sacramento. Quod sacramen- tum dicitur umbra Christi, quia dat se ibi non in sua luce, sed in velamine, quod sic

comedentes converterentur, quia in corpus Christi mutabuntur. Et sic patet, dum multi fidelium comedunt corpus Christi, et in illud ipsi mutantur, et membra ejus effi- ciuntur, quod corpus Christi dum mandu- catur, augmentatur. Secundo, probatur idem similitudine humanae scientiae : nam quanto magis homo scientiam suam aliis distribuit, tanto plus crescit. Matth.,XXV : « Domine, quinque talenta tradidisti mihi : ecce alia quinque,»» etc. lîoetius : « Scien- tia est nobilis animi possessio, quœ avarum dedignatur possessorem. Nisi enim pi il il i- cetur, elabitur, et distributa suscipit incre- mentum. » Similiter divina sapientia in- carnata multis m cibum donata, sapientes facit, et in se quodammodo couvertit, et

516 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 15.

nuer quand on la mange, elle augmente. Il est écrit dans l'Ecclésias- tique , chap. I : « Le créateur de toutes choses a créé la sagesse par l'esprit; à savoir qu'il l'a fait s'incarner, et il la donne selon le par- tage qu'il en a fait à ceux qui l'aiment. » Ce qui fait que la sagesse de Dieu croît tout en faisant croître en sagesse un grand nombre de personnes. On lit, Ephes., chap. IV : « Que nous croissions en toutes choses en Jésus-Christ , qui est notre tête , et c'est de lui qu'est com- posé tout le corps dont les parties sont jointes ensemble ; » à savoir par la foi , et liées par la charité , selon la mesure qui est propre à chaque membre, afin qu'il se forme et s'édifie par la charité.

CHAPITRE XV.

Qualités de la préparation requise de nous pour recevoir ce sacrement.

« Venez, mangez... » Argument spécial. « Que l'homme s'éprouve lui-même, etc. » I Cor. , ch. XI : «Que l'homme s'éprouve; » c'est-à-dire, qu'il se prépare , qu'il s'examine , qu'il se purifie. Autre argument : « Préparez vos cœurs pour le Seigneur, » I Rois., chap. VII. La qua- trième chose qui mérite surtout de fixer notre attention relativement à la réception du sacrement du corps du Seigneur, c'est la qualité de notre préparation. Il est parfaitement juste que nous ne nous appro- chions pas sans pr^ration et sans dévotion d'un aliment si digne de respect et de vénération, et qui n'est autre que le Seigneur de tous les hommes en personne; il faut au contraire que nous ne nous appro- chions de lui qu'après nous y être préparés d'une manière conve- nable. On lit dans l'Exode, chap. XIX : « Que les prêtres qui s'ap- prochent du Seigneur se sanctifient , de peur qu'il ne les frappe ; » il

sic dum comeditur, non minuitur, sed augmentatur. Ecoles., I : « Creator om- nium creavit sapientiam spiritu, scilicet incarnari fecit , et secundum datum suum praîbet illam diligentibus se. » Et in hoc sapientia Dei crescit, dum multos in sa- pientia crescere facit. Ad Ephes., IV : « Crescamus in illo per omnia, qui est ca- put nostrum Christus : » ex quo totum corpus compactum, scilicet per fîdem, et connexum per charitatem , in mensuram unius cujusque membri* augmentum cor- poris facit in œdificationem sui in chari- tate.

CAPDT XV.

De qualitale nostrœ prœparationù ad sacra- menlum.

« Venite, comedite, » etc. Thema spécia- le. « Probet autem seipsum homo, » etc., I Corinth., II. Probet, id est, praeparet se, examinet, purget. Item, aliud thema : « Prseparate corda \estra Domino. » I Ré- gion, VIT. Quartum principaliter circa sa- cramentum Dominici corporis notandum. est qualitas nostrse prœparationis. Nam valde justum est, ut ad tam dignum et ve- nerandum cibum, scilicet ad ipsum Domi- num omnium non incurate et indevote, sed aliquo competenti modo praeparari ac- cedamus. Exod., XIX : « Sacerdotes qui accedunt ad Dominum, sanctificentur, ne

SUR LE SACREMENT DE L' AUTEL. 517

faut que les .autres en fassent autant. Notre préparation peut être con- sidérée par rapport à trois choses. Elle peut l'être par rapport à la di- gnité du corps sacré du Seigneur. Comme ce corps est d'une pureté parfaite, qu'il est uni et qu'il est plein du Dieu vivant, il faut par con- séquent que celui qui veut le recevoir s'y prépare par trois choses ; à savoir par la plénitude de la foi. On lit épître aux Hébreux , ch. X : « Approchons-nous de lui avec un cœur vraiment sincère, et avec une pleine foi : »aiv:c un cœur sincère, c'est-à-dire, avec un intellect libre de toute erreur; avec une foi pleine, c'est-à-dire, ayant une pleine foi en ce que nous ne voyons pas, à savoir que sous l'espèce de pain se trouve Jésus-Christ tout entier, le vrai homme et le Dieu véritable. Le mérite immense de cette foi fait qu'il est dit, II Petr., ch. I : « Croyant en Jésus-Christ que vous ne voyez pas, vous tressaillerez d'une iné- narrable joie. » *

La seconde raison de nous préparer à le recevoir, c'est sa pureté parfaite ; il convient en effet que le vase qui va recevoir un corps in- finiment pur, soit pur lui aussi. Il est écrit dans l'Exode, chap. XXI : « Prenez un vase , et mettez-y la main. » Un vase, comme étant pur d'une manière particulière et parfaite. L'Apôtre dit à cette occasion, Hebr., chap. IX : « Que ce vase est une urne d'or. » Il convient en effet que le cœur qui doit recevoir le pain céleste , soit semblable par sa pureté parfaite à l'or le plus épuré. Le pape Alexandre dit : « Il ne peut rien y avoir dans les sacrifices de plus grand que le corps et le sang de Jésus-Christ; nulle oblation ne lui est préférable, il l'emporte sur toutes, il faut pour l'offrir une conscience pure, de même que pour la recevoir, il faut un esprit sans souillures. » Hugues dit : c La con- science est pure quand le passé n'offre aucune accusation juste qui pèse sur elle, quand présentement elle n'est atteinte d'aucune délec- tation injuste , et que pour l'avenir sa volonté est juste. » On Ut dans

percutiat eos, similiter et alii. » Praepara- tio nostra considerari potest in tribus. In dignitate ipsius corporis sacri. Nam quia mundissimum et Deo vivo plénum et uni- tum, necesse est illud suscipienti per tria praeparari, scilicet per fidei plenitudinem. Ad Hebr., X : « Accedamus cum vero corde in fidei plenitudine : » cum vero corde, id est, cum vero intellectu sive er- rore. In plenitudine fidei , id est, in plena fide credentes quae non videmus. scilicet sub specie panis esse totum Christum, ve- rum hominem, et verum Deum. Propter hujus fidei magnum meritum , dicitur II Pétri, I : « Credentes in Christum quem non videtis, exultabitis laetitia inenarrabi- li. » Secundum piœparativum est mundi- tiee magnitudo, quia congruum est, ut vas

suscepturum corpus mundissimum , sit mundum. Exod., XXI : « Sume vas unum, et mitte manum ibi. » Vas unum quasi singulariter et excellenter mundum. Hinc Apostolus, Hebrœor., IX. Vas istuddicit esse urnam auream. Decet enim cor quasi au- rum esse purissimum per magnam mundi- tiam, quod capere débet cœlestem panem. Alexander Papa : « Nihil in sacriliciis ma- jus esse potest quam corpus et sanguis Christi, nec ulla oblatio hac potior est, sed omnes praecellit, qua; pura conscientia of- ferenda est, et pura mente sumenda. » Hugo : « Pura conscientia est quando non habet de prasterito justam accusationem , de praesenti injustam dclectationem , sed de futuro justam voluntatem. » Mutth., XXV II : « Joseph petiit a Pilato corpus

518 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 15.

saint Matthieu, chap. XXVII : «Joseph demanda à Pilate le corps de Jésus , et l'ayant reçu, il l'enveloppa d'un suaire sans tache. » Le Com- mentaire ajoute : « Celui-là enveloppe le corps de Jésus d'un suaire sans tache qui le reçoit dans une arae sans souillure. » C'est encore pour cette raison que l'Eglise est dans l'usage de célébrer le sacre- ment de l'autel sur un linge pur, et non sur la soie , ou une étoffe de couleur. Par les trois choses qui rendent blanc le corporal de lin , on entend, les trois choses qui procurent notre propre pureté. Premiè- rement, on le lave, secondement, on le tord, troisièmement, on le fait sécher. Si quelqu'un veut acquérir une pureté parfaite pour recevoir le Seigneur, il doit d'abord se purifier par l'eau des larmes; seconde- ment se tordre par les œuvres de la pénitence ; troisièmement sécher l'humidité des désirs de la chair par la ferveur de l'amour de Dieu, Il est dit de la première de ces choses, Hebr., chap. X : « Approchons- nous de lui avec un cœur purifié des souillures de la mauvaise con- science , après que notre corps a été lavé dans l'eau pure ; » c'est-à- dire purifiés par les larmes des péchés du cœur et du corps. Il est écrit dans l'Exode, chap. XXX : « Aaron et ses fils laveront leurs mains et leurs pieds; » c'est-à-dire leurs œuvres et leurs pensées, dans l'eau de la componction et de la confession , quand ils devront approcher de l'autel, de peur qu'ils ne meurent. » Jérémie dit, chap. IV : « Jérusa- lem, lave ton cœur de sa méchanceté pour que tu sois sauvée; jusqu'à quand les pensées mauvaises persévéreront-elles en toi. » On lit, Psaume XXXI : « J'arroserai chaque nuit, » c'est-à-dire pour chacun de mes péchés, «mon lit, » c'est-à-dire ma conscience, etc.. Il est dit de la seconde, Exod., chap. XXVI : « Vous ferez les courtines du tabernacle, » c'est-à-dire les ornements de l'ame, « de fin lin retors, » c'est-à-dire par les œuvres de la pénitence, les jeûnes, les prières, les châtiments, » etc.. On lit, I Cor., ch. XII : « Je châtie mon corps, etc.»

Jesu. Et accepto corpore, involvit in sin- done munda. » Glossa : « Sindone munda involvit Jesum, qui pura inente eum sus- cipit. » Hinc etiam mos ecclesiae habet, ut sacramentum altaris non serico, non panno tincto, sed puro linteo celebretur. In tri- bus vero, quœ perducunt corporale lin- teura ad eandorem, intelliguntur tria, quae taciunt ad nostram mundificationem. Pri- mo enim lavatur, secundo torquetur, ter- tio exsiccatur. Siquisad suscipiendum Do- minum bene inundus vult fieri, primo dé- bet per aquam lacrymatum emundari : secundo, per opéra pœiiitentiae torqueri : tertio, per fervorem amoris Dei a carna- lium desideriorum humore siccari. De pri- mo, Ad Hebr., X : « Accedamus aspersi corda a conscientia mala, et abluti corpus

aqua munda, id est , mundati lacrymis a peccatis cordis et corporis. » Exod., XXX : « Lavabunt Aaron et filii ejus manus et pe- des, » id est, opéra et cogitationes, « aqua compunctionis, et confessionis, quando ac- cessuri sunt ad altare, ne moriantur. » Je- rem., IV : « Lava a malitia cor tuum Jé- rusalem, ut salva fias, usquequo morabun- tur in te cogitationes noxiae? » Psaltn. XXXI : « Lavabo per singulas noctes, » id est, prosingulis peccatis, « lectum meum, » id est, conscientiam , etc. De secundo, Exod., XXVI : « Cortinastabernaculi, » id est, ornatus animœ , « faciès de bysso re- torta, idest, de operibus pœnitentiae, jeju- niis, orationibus, ai'flictionibus , et hujus modi. » Ad Corint/i., IX : « Castigo corpus meum, » etc. Eccles., XXXIll : Servo ma-

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 519

Dans l'Exode, chap. XXXIII : «Au serviteur malveillant, » c'est-à-dire au corps la torture et les chaînes; « appliquez-le au travail, pour qu'il ne soit pas oisif. » Dans le Psaume XXXIII : « Les tribulations des justes sont nombreuses. » Il est écrit de la troisième , Ps^ujneJJII : « ILajdacé satente dans le soleil^) et c'est afin de se sécher par l'a- mour divin, afin de devénifentierement pur et beau; dans le Cantique des Cantiques, ch. IV : « Vous êtes toute belle ma bien-aimée, etc...,» et c'est parce que vous êtes bien lavée, bien tordue et bien séchée. On lit dans le livre des Nombres, chap. IX : « Sanctifiez-vous , demain vous mangerez des viandes. »

La troisième raison de nous préparer, c'est la dévotion ou le dévoue- ment de la prière. On lit, Psaume CIY : « Ils demandèrent et le Sei- gneur leur envoya des cailles, et il les rassasia avec le pain du ciel; » dans Job, chap. III : « Je soupire avant de manger. » C'est pour cela que Marie-Magdeleine et les autres saintes femmes portoient des par- fums lorsqu'elles cherchoient le corps du Seigneur, Luc, chap. XXII: C'est ainsi que nous devons , quand nous sommes sur le point de nous approcher du corps du Seigneur, faire précéder cet acte de la dévotion de la prière , afin que si par hasard nous n'étions pas assez préparés par le jeûne et la confession , l'oblation des parfums spiri- tuels, c'est-à-dire des prières, y suppléât. On ht au second hvre des Paralipomènes, chap. XXX : « Une grande partie du peuple qui ne s'étoit point non plus sanctifié, ne laissa pas que de manger laPàque, et le roi Ezéchias pria pour eux, disant : « Le Seigneur est bon, il fera miséricorde à tous ceux qui le cherchent de tout leur cœur, et il ne leur imputera pas leur défaut de sanctification. » Saint Augustin dit : « Celui qui est souillé par le péché véniel doit, bien qu'il ait lavolonté de ne plus pécher, satisfaire par ses larmes et' ses prières, et ensuite il peut s'approcher avec confiance et courage de l'Eucharistie , s'aban- donnant sans réserve à la miséricorde du Seigneur. »

levolo, id est, corpori tortura et compedes, mitte illum in operationem ne vacet. » Psalm. XXXIII : « Multae tribulationes justorum. » De tertio , Psalm. XVIII : « In sole posuit tabernaculum suum, » sci- lieet ad siccandum per amorem divinum, ut fiât valde mundum et pulchrura. Canti- corum, IV : « Tota pulchra es amica mea, » etc. quia scilicet bene Iota, torta, et exsiccata. Numeri, IX : « Sanctificami- ni, cras comedetis carnes. » Tertium prae- parativum est orationis devotio. Psalm. CIV : «Petierunt, et venit coturnix, et pane cœli saturavit eos. » Job, III : « An- tequam comedam, suspiro. » Hinc Maria Magdalena, et aliœ devotœ portabant aro- mata, dum quaerebant corpus Domini,

Luc, XXXIII. Sic nobis accessuris ad cor- pus Domini praelibanda est orationis devo- tio, ut quod forte minus parati sumus per jejunium, et cpnfessiones, suppléât spiri- tualium aromatum , id est , orationum oblatio. II Parai., XXX : « Magna parspo- puli, quœ sanctificata non f uerat, comede- rat Phase, et oravit pro eis Rex Ezéchias, dicens : Dominus bonus propitiabitur cunctis, qui in toto corde requirunt eum, et non imputabit eis quod minus sanctifi- cati sunt. » Augustinus : « Quamvis qui peccato mordeatur veuiali, peccandi tamen de caetero non habeat voluntatem , satisfa- ciat lacrymis, et orationibus, et confidens de Domini miseratione, accédât ad Eucha- ristiam intrepidus et securus. » Secundus

520 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 15.

Le second mode de notre préparation se tire de la considération de l'hostie qui est de pain. Car comme les grains de froment, au moyen de l'art de l'homme , arrivent par gradation jusqu'à un pain parfait ; de même l'ame pécheresse parvient , aidée de la grâce de Dieu, jusqu'à un état de sainteté tel, qu'il lui est permis de recevoir licitement le corps du Seigneur. Les grains desquels est composée l'hostie signifient pour trois raisons l'état du pécheur. Ils sont durs , ils sont recouverts d'une espèce d'écorce ou crasse , ils sont distincts les uns des autres ; le pécheur pareillement est dur par son cœur, vu qu'il ne veut pas se convertir de son iniquité au Seigneur qui est la douceur même. Jérémie dit , chap. V : « Ils ont rendu leurs fronts plus durs que le rocher, et ils n'ont point voulu revenir à vous. » Le pécheur est aussi couvert, par la difformité du péché , comme d'une espèce de crasse. On lit dans Jérémie, chap. II : « Que vous êtes de- venue méprisable en retombant dans vos premiers égarements ! » Le pécheur est encore séparé de son prochain , parce qu'il n'a pas la charité. Il est écrit dans Osée , chap. X : « Leur cœur est divisé , maintenant ils sont morts. » Quant à l'état se trouvent les grains dans l'hostie, voilà comment ils y parviennent. Leur dureté est broyée par la meule , ils sont réduits en parties excessivement minces. Ils sont séparés de leur écorce ou crasse. La farine est pétrie ensemble au moyen de l'eau , elle est cuite au feu , et devient un pain solide ; de même le pécheur qui veut être digne de recevoir le corps du Seigneur, doit s'y préparer par les trois choses que signifie ce que nous venons de dire : il doit s'y préparer par la contrition , par la confession orale, et par l'amour du prochain. Il est écrit de la première dans Isaïe , chap. XLVII : Tournez la meule, et faites moudre la farine. » Ce qui équivaut à dire : Faites en vous un moulin spi- rituel au moyen de deux meules, et cela en considérant la miséri-

modus nostrae prseparationis consideratur in hostia panis. Sicut enim grana frumenti arte humana gradatim proficit ad panis complementum : sic anima peccatrix, gra- tia Dei proficit ad bonum statum, in quo licenter suspicit corpus Dominicum : gra- na ex quibus fit hostia, signant statum pec- catoris propter tria. Sunt enim dura , et furfure operta, et ab invicem distincta, sic

charitatis privatione. Osée, X : « Divisum est cor eorum, nunc interierunt : sed gra- na ad statum, in quo sunt in hostia , per hune modum sunt deducta. » Primo, con- trita est eorum durities per molam, et in minimas partes redacta : secundo , a fur- fure sunt mundatc. : tertio , commixta est farina adinvicem per aquani, et per ignem decocta, et in panem solidata; sic pecca-

peccator durus est in corde, qui non vult ] tor, qui dignus erit sumere corpus Domi-

converti ad dulcem Deum de sua iniqui- .tate. Jerem., V : « Induraverunt faciès suas supra petram, et noluerunt converti.» Item, peccator opertus est quasi furfure

ni, débet se per tria , quae in his signantur, prœparare , per cordis contritionem , per oris confessionem, per proximi dilectionem. De primo, Isaiœ , XLVII : «Toile molam,

peccati deformitate. Jerem., II : « Quam mole farinam, » quasi diceret, fac in te vilis facta es nimis, iterans vias tuas? » | molam spiritualem, de duobus molaribus Item, peccator divisus est a proximo suo j considerando misericordiam Dei, et justi-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. »2I

corde de Dieu et sa justice , et ce sera pour amollir la dureté de votre cœur; considérez la miséricorde comme la pierre supérieure qw maintenant opère et tourne , mais qui cessera d'agir après cette vie. On lit, Psaume LXXXY : « Grande a été votre miséricorde pour moi , etc. » On peut aussi considérer la justice comme la pierre infé- rieure , qui maintenant est privée de mouvement et est couchée, mais qui , après cette vie , est élevée , agit et tourne. On lit dans Osée , chap. VIII : « Je vous jugerai d'après vos actions, mon œil ne vous épargnera pas , je serai sans pitié ; » dans saint Matthieu , ch. XXI : « Celui sur qui tombera cette pierre , elle l'écrasera ; » dans l'Epître aux Romains, ch. XI : « Considérez la bonté de Dieu et sa sévérité; » dans Job , chap. V : « Dieu a amolli mon cœur, et le Tout-Puissant a jeté en moi le trouble. » Il est de la nature de Dieu d'être miséricor- dieux; il est tout-puissant, et c'est lui qui doit juger avec justice. Il est écrit , Psaume Y : « Un esprit brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu. » Il est écrit de la seconde dans Amos, chapitre IX : « Car je m'en vais donner mes ordres , et je ferai que la maison d'Is- raël sera agitée parmi toutes les nations , comme le blé est remué dans le crible ; » dans le crible le grain est séparé de la balle , ce qu'il y a de pur de ce qu'il y a d'impur ; de même, par la confession , l'ame se purifie de la laideur du péché. (On lit, Psaume XCV : « La confession et la beauté, etc.. » On lit au premier livre des Macha- bées, chap. III : « Judas dit et ses frères dirent avec lui ; » c'est-à-dire ceux qui se confessent : « Yoici que nos ennemis sont terrassés, mon- tons maintenant à Jérusalem purifier ce que nous avons de saint. »,I1 est écrit , Ecclésiaste, chap. II : « Ceux qui craignent le Seigneur pré- pareront leurs cœurs, et ils sanctifieront leurs âmes en sa présence; le Commentaire ajoute : « Heureuse l'ame qui , chaque jour, purifie son cœur, pour y faire habiter son Dieu ; celui qui le possède ne

tiam ad emolliendam cordis tui duritiam : misericordiam quasi superiorem lapidem, qui nunc operatur et circuit; sed post hanc vitam operari cessabit. » Psalm. LXXXV : « Misericordia tua magna est super me, » etc. Item, considerando justi- tiam , quasi inferiorem lapidem, qui nunc jacet, et quiescit, sed post hanc vitam ele- vatur, operatur et circuit. Osée, VIII : « Judicabo te juxta vias tuas, non parcet oculus meus, et non miserebor. » Matth., XXI : « Super quem ceciderit lapis iste, conteret eum. » Roman., II : « Vide Dei bonitatem , et severitatem. » Job, V : « Deus emollivit cor meura, etomnipotens conturbavit me. » Deus, cui proprium est misereri, oninipotens, quem oportet juste judicare. Psalm. L : « Sacriticium Deo

spiritus contribulatus. » De secundo, Amos, IX : « Ecce ego mandabo et concu- tiam domum Israël, sicut concutitur triti- cum in cribro , ubi scilicet furfures sepa- rantur a nucleo, impurum a puro : sic per confessionem mundatur anima a vili pec- cato. » Psalm. XCV : « Conl'essio et pul- chritudo, » etc. I Mâchai., 111 : « Dixit Judas ad fratres ejus, id est, conlitentes : Ecce contriti sunt inimici nostri, ascenda- mus nunc mundare sacramenta nostra. » Ecclesiast., II : «Qui timent Doininuin, praeparabunt corda sua, et in conspectu ejus sanctificabunt animas suas. » Glossa ; « Félix anima, quee quotidic mundat cor suum, ut suscipiat habitatorem Deuni, cu- jus possessor nullius eget bono , quia om- nium bonorum authorem in se habet. »

522 OPUSCULE LVII, CHAPITRE 15.

manque d'aucun bien, puisqu'il possède l'auteur même de tous les biens. » Il est écrit de la troisième dans la Genèse , chapitre XVIII : « Hàtez-vous , mêlez trois mesures de fleur de farine , et faites des pains cuits sous la cendre ; » et cela pour manger avec eux un veau très-gras. Celui qui veut manger le veau très-gras, c'est-à-dire le corps de Jésus-Christ , doit d'abord préparer avec trois sacs de fleur de farine un pain , et lui donner de la solidité en le faisant cuire au feu ; c'est-à-dire qu'il doit être animé d'une charité sincère pour les hommes qui se trouvent dans les conditions qui suivent : pour ses supérieurs , ses égaux et ses inférieurs. Il est écrit, I. Cor., chap. X : « Nous ne sommes tous ensemble qu'un seul pain et un seul corps , parce que nous participons tous à un même pain et à un même calice. » Saint Augustin dit : « Celui qui reçoit le mystère de l'unité , et qui ne conserve pas le lien de l'unité, ne reçoit pas le mystère pour soi, mais contre soi. » Il est dit dans saint Matthieu , chap. XX : « Le roi entra pour voir ceux qui étoient à table , et il en vit un qui n'étoit pas revêtu de la robe nuptiale ; » c'est-à-dire qui n'avoit pas la charité ; « et il dit à ses serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains , etc.. » Ou lit encore clans le même , ch. V : « Si vous offrez votre présent, etc. » Le Commentaire ajoute : « Si vous avez offensé votre frère , réconci- liez-vous avec lui ; quand il seroit votre ennemi , soyez-lui bien- veillant pour en faire votre ami , et alors vous offrirez votre présent ; par ce moyen vous le rendrez agréable à Dieu. » C'est à cause des ob- servations que nous venons de faire qu'il est écrit dans l'Exode , chap. XII : « Vous mangerez les azimes , » c'est-à-dire le pain sans levain; « il sera comme un signe dans votre main, et comme un mo- nument devant vos yeux , » à savoir qu'il signifie ce que nous avons dit, c'esl-à-dire la contrition du cœur, la confession de bouche, et l'a- mour du prochain, qui sont les moyens que nous devons employer pour nous préparer à nous approcher dignement du corps de Jésus-Christ.

De tertio, Gènes., XVII l : « Accéléra, tria sata similœ commisce, et fac subcineritios panes , ut sic vitulum optimum cum illis coraederet. » Qui enim vitulum optimum, id est , corpus Christi sumere vult , prius débet tribus satis simila: panem igné co- quendo solidare id est, ad très hominum difterentias , scilicet superiores , aequales , inf eriores veram dilectiouem servare. I Cor- rinth., X : « Unus panis, et unum corpus, multi sumus qui de uno pane , et de uno calice participamus. » Augustinus : « Qui accipit mysterium unitatis, et non tenet vinculum pacis, non mysterium accipit

id est, cbaritatem ; « et ait ministris : Li- gatis manibus, et pedibus, » etc. Item ejus- dem V : « Si offers munus tuum, » etc. Glossa : «Si fratrem laesisti, reconciliatc ei, etiam si adversarius fuerit , esto bene- volus, ut fiât amicus, et tune olïeres munus tuum, ut sit Deo gratum. » Propter prae- dicta in pane notanda dicitur Ezod., XII : « Azyma comedes, » id est, panem sine fermento, «et erit quasi signurn in manu tua, et quasi monimentum ante oculos tuos, » quod scilicet significatur in eo, quod dictum est , cordis contritio , oris confessio, proximi dilectio ; quibus debe-

pro se, sed contra se. » Matth., XX : «In- j mus nos praeparare, ut digne possimus ad travit rex ut videret discumbentes, et vidit I Christi corpus accedere. unum non habentem vestem nuptialem, » I

SUR LE SACREMENT DE I/AIÏ Kl.

:,:>::

CHAPITRE XVI.

De notre préparution à un troisième point de vue, ou en huit </vr I agneau pascal est la figure du sacrement eucharistique.

« Venez, mangez, » ou encore, « que l'homme s'éprouve lui- même. » Argument spécial. « Sanctifiez-vous, demain vous mangerez les viandes, » Nombres, chap. IX. Argument propre. « Voici l'agneau de Dieu, » S. Jean, chap. I. Nous allons dire ici comment doit étee considéré le mode de notre préparation, en tant que l'agneau pascal est la figure du corps de Jésus-Christ ; ligure de laquelle il est parlé dans l'Exode, ch. XII. «Cette figure doit être divisée en trois parties. » La première partie , c'est l'agneau qui doit être mangé ; la seconde , les mets qui doivent être mangés avec lui; la troisième, le costume de ceux qui doivent le manger. La première nous apprend à nous y préparer par l'intégrité de la foi , la seconde nous apprend à nous préparer par la force de l'esprit , la troisième par la décence de la vie. J^t première partie de cette figure, c'est l'agneau lui-même qui doit être mangé , suivant la prescription de làHoi , et sur ce point il faut considérer trois choses. Premièrement, le temps il doit être mangé ; c'étoit pendant la nuit , dans un moment l'on ne voyoit parparfaitement l'agneau lui-même ; et ceci signifie que nous devons croire que le corps de Jésus-Christ a nous être donné présentement, non pas à découvert à nous, mais bien yoil&sous le sacrement. On lit dans Tobie, chapitre XII : « Il est bon de cacher le secret ou sacre- ment du roi; » dans le troisième livre des Rois , chapitre VIII : « Le Seigneur a dit qu'il habiteroit dans une nuée. » Secondement, c'est qu'on n'en mangeroit aucune partie de crue; ce qui signifie que nous ne devons pas croire que Jésus-Chris! est un pur homme. Pareille-

CAPUT XVI.

De prœparalione nostra in tertio , scilicel agno paschali.

« Venite, comedite. » Item : « Probet au- tein seipsum homo. » Thema spéciale. « Sanctificamiui, cras comedetis carnes. » Numer., IX. Theraa proprium : « Ecce agnus Deij» Jounn., I. Hic dicendum est, qualiter ex figura agni paschalis considere- tur nostree praeparationis modus, de qua Exod., XII, legimus : « Haec figura in très partes est dividenda. » Prima pars est ipse agnus edendus, seçunda fercula cum qui- bus est edendus, tertia personarum eden-

tium habitus. In prima discimus praeparari per fidei integritatem, in secunda perani- mi virtuositatem , in tertia per vitae ho- nestatem. Prima pars istiusest ipse agnus, qui secundum legem manducatur, et in hoc tria considerantur. Primo, quand.» dendus est, quia in nocte, cuui ns pfaae non videtur, in quo credendum signitica- tur, quod corpus Christi in pressenti nobis dad datait, mm mimil'estum, sedinsacra- meuto velatum. Tolriœ, Xll : Sacnun.'ii- tum régis abscondere bonum est. » 111 Heguni, VIII : « Dominus dixit ut habita- retin nebula. » In secundo, scilicel, quod non comeditur exeo cruduin, si^iiiticatur, quod non debemus credere , Ghristum esse

524 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 15.

ment, parce qu'on ne le mange pas cuit dans l'eau, cela signifie que nous ne devons pas croire que Jésus-Christ ait été conçu, ni qu'il soit né, comme sont conçus et comme naissent les autres hommes. Comme ïïslemangèrent seulement rôti au feu , cela signifie que nous devons croire que l'incarnation et la consécration sont l'oeuvre de la puissance du Saint-Esprit. Troisièmement, de ce qu'il est ordonné de le manger entier, la tête avec les pieds et les intestins ; ceci signifie que nous sommes obligés de croire que Jésus-Christ est tout entier sous le sacrement, qu'il y est avec sa divinité, son corps et son ame , et qu'on le reçoit aussi tout entier. La seconde partie de cette figure, ce sont les trois mets qu'ils avoient coutume de manger avec l'agneau , savoir des laitues sauvages, des pains azimes, et le sang de l'agneau. Oh lit dans l'Exode, chap. XII : « Vous mangerez les chairs de l'a- gneau et les pains azimes , avec des laitues sauvages ; et ils prendront du sang de l'agneau, et ils en mettront sur les deux jambages et sur les linteaux de la porte des maisons. » Le premier mets, savoir les laitues sauvages , sont la figure de la douleur des péchés ; le second , savoir les pains azymes, signifient l'intention pure unie aux bonnes G3uvres; le troisième, savoir le sang de l'agneau, exprime la mémoire et l'imitation de la passion du Seigneur, par lesquelles l'ame fidèle doit être préparée. Saint Grégoire dit du premier de ces mets, en ex- pliquant les paroles suivantes du livre de l'Exode , chap. XII : « Les laitues sauvages sont très-amères , mais il faut manger les chairs de l'agneau avec elles ; parce que , lorsque nous recevons le corps de Jésus- Christ, nous devons être pleins du repentir de nos pé- chés, afin que l'amertume de la pénitence nous purifie de l'amour d'une vie perverse. On lit dans Isaïe, chap. XXXVIII : « Je vous rap- pellerai le souvenir de toutes les années de ma vie, etc. » Il est écrit du second, I Cor., chap. V : « Célébrons le festin de la Pàque, non

hominem puruin. Item, quod non come- ditur aqua coctum , significat , quod non debemus credere, Christum secundum cornmunern hominum consuetudinem con- ceptum, aut natum. Item , quod comede- runt eum tantum assum igni, significat, quod Christ i incarnatio , et ejus corporis consecratio, credenda est celebrari per po- tentiam Spiritus sancti. In tertio, scilicet, quod caput agni cum pedibus et intestinis vorari praecipitur, significatur esse creden- dum, quod in hoc sacramento totus Chris- tus cura divinitate et corpore, et anima continetur et sumitur. Secunda pars hujus figura? surit fercula tria, cum quibus sole- bant agnum manducare, scilicet, lactucœ agrestes, panes azymi , et sanguis agni. Exod.j XII : « Edetis carnes agni , et azy-

mos panes cum lactucis agrestibus : et su- ment de sanguine agni, et ponent super utrumque postem, et in superliminaribus domorum. » Primum ferculum , scilicet lactucae agrestes, significant dolorem de peccatis : secundum , scilicet panes azymi, intentionem puram cum operibus bonis : tertium, scilicet sanguis agni , memoriam et imitationem dominicae passionis, quibus praeparari débet anima fidelis. De primo Gregorius super illud , Exod., XII : « Lac- tucœ agrestes valde amarae sunt , carnes vero agni cum his comedendœ sunt : quia cum corpus Christi aocipimus, compungi pro peccatis debemus, ut amaritudo pœni- tentiae abstergat amorern perverste vitœ. » lsniœ, XXXVIII : « Recogitabo tibi omnes annos rneos, » etc. De secundo, I Cor-

SUR LE SACREMENT DE l' AUTEL. 525

avec le vieux levain, c'est-à-dire dans la corruption de l'orgueil, qui s'élève contre Dieu, ni avec le levain de la malice qui s'élève contre le prochain et de la corruption qui nous atteint nous-mêmes; mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité ; c'est-à-dire avec la sincérité qui ne connoît pas le vice, la vérité des bonnes œuvres, et cela pour que nous nous appliquions à vivre d'une vie nouvelle, com- plètement exempte de la fraude du vieux levain. » On lit dans saint Grégoire : « Il mange des pains sans levain celui qui fait des bonnes œuvres exemples de la corruption de l'orgueil que produit le levain de la méchanceté. » Pareillement, il mange des pains sans le levain de la malice, celui qui fait les œuvres de la miséricorde sans y mêler le péché , et qui se garde d'enlever injustement ce qu'il dispense avec l'apparence de la justice. Le prophète Amos dit à cette occasion par forme de blâme, chap. IV : « Offrez avec du levain des sacrifices d'action de grâces. » Celui-là offre un sacrifice d'action de grâce avec du levain, qui tient le sacrifice qu'il offre au Seigneur de la rapine et du levain de l'iniquité. On lit dans l'Exode, chap. XII : « Celui qui mangera du pain levé périra du milieu d'Israël. » Manger du pain levé, c'est se délecter de la corruption du péché que l'on commet dans son cœur. Il est écrit, Psaume XXIII : « L'injuste a dit pour pé- cher, etc. »

Saint Grégoire s'exprime comme il suit à l'égard du troisième mets, dont il a été parlé plus haut : « On met le sang de l'agneau sur l'un et l'autre jambage, quand ce n'est pas seulement par la bouche du corps que l'on puise ce sang, mais qu'on le puise encore avec la bouche de l'esprit, et que l'on pense de toute la force de son esprit a imiter la passion du Seigneur. » Car celui qui reçoit le sang du Sei- gneur et qui n'est pas disposé à inuleiLsa pa^giûflU ne P^ace ce san8* que sur l'un des jambagesTll faut aussi placer le sang de l'agneau

rintfi., V : « Epulemur non in fermento veteri , id est , in corruptione superbiae, quae sit in Deum : neque in fermento ma- litiee , quae sit in proximum , et nequitiae, quae sit in seipsum : sed in azymis sîneeri- tatis, id est, in sinceritate a vitiis, et veri- tate bonorum operum, ut scilicet studea- mus esse in novitate vitse sine omni fraude de fermento veteri. » Gregorius : « Panes sine fermento comedit, qui recta opéra si- ne corruptione inanis gloriae facit de fer- mento malitiœ. » Idem : « Panes-sihe fer- mento malitise manducat, qui opéra mise- ricordiae sine peccati admixtione exhibet, ne perverse rapiat, quod quasi recte dispen- sât : » unde per Amos, V , increpando di- citur : «< Sacrificate de fermento laudem. »

De fermento enim laudem immolât , qui Domini sacrificium de rapina portât de fermento nequitiae. Exod., XII :/« Qui co- mederit fermentatum, peribit anima ejus de cœtu Israël. » Fermentatum comedere, est delectari peccati corruptione, quod committitur in se. Psalm. XXIII : « Dixit injustus, ut delinquat, » etc. De tertio fer- culo supradicto, Gregorius : « Sanguis agni super utrumque postem ponitur, quando non solum ore corporis , sed etiam ore mentis hauritur, et ad imitationem intenta mente cogitatur. » Nam qui sie Redemp- toris sanguinem accipit, ut imitari passio- nem needum velit, in uno tantum poste sanguinem ponit. Item, in superliminari- bus ponendus est sanguis agni , quia non

526 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 16.

sur les linteaux des portes, car ce n'est pas seulement dans la mémoire qu'il faut porter la croix de la passion de Jésus-Christ , il est encore nécessaire de la porter ostensiblement. Il est écrit, Gai., chap. ult. : aA Dieu ne plaise que je me glorifie, etc. » D'où je porte les stigmates de Jésus-Christ dans mon corps.

La troisième partie de cette figure, c'est le costume, ou les trois in- signes de ceux qui mangèrent l'agneau ; savoir , la ceintnrjMjui cei- gnoit leurs reins, la chaussure qu'ils avoient aux^îëcîsT^tle bâton qu'ils tenoient à la main. Il est dit dans l'Exode, chap. XII : « Vous mangerez ainsi l'agneau, vous ceindrez vos reins, vous mettrez vos chaussures à vos pieds, vous tiendrez un bâton à la main. » La pre- mière de ces choses signifie la continence de la chair et de l'esprit; la seconde que nous devons suivre l'exemple de nos pères; la troisième que nous devons corriger nos vices ; et c'est ce qui est exigé pour la préparation de ceux qui communient. Le premier moyen de se prépa- rer, c'est d'être continent dans la chair et dans l'esprit , et c'est cette continence que figure la ceinture qui ceint les reins. Saint Grégoire dit : « La délectation de la chair vient des reins ; » ce qui fait qu'il est dit , Ps. XXV : « Brûlez mes reins et mon cœur. » Par conséquent, que ce- lui qui mange la Pàque ceigne ses reins. Parce que celui qui reçoit le corps du Seigneur dompte la volupté , et met un frein à la luxure ; cette préparation de la continence doit être considérée par rapport à trois genres d'hommes, qui sont les hommes mariés, ceux qui se re- pentent de leur incontinence, et les hommes spirituels. Les premiers doivent garder quelque petite continence avant de communier, les se- conds doivent la garder plus longtemps, et les troisièmes doivent la garder continuellement. Il est dit concernant David, à la première de ces choses, I Rois , chap. XXI : « Si les enfants sont purs, surtout du côté des femmes, qu'ils mangent, savoir le pain sanctifié. » David ré-

tantum in memoria, sed in manifesto portari débet crux passionis Christi. Gâ- tât., ult : « Mini absit gloriari, » etc. un- de et stigmata Domini Jesu in corpore meo porto. Tertia pars hujus iigurœ est habi- tus, sive tria insignia illorum qui mandu- caverunt agnum, scilicet cingulus renum, calceamenla pedum , baculus manuum. Exod., XII : « Sic manducabitis agnum. Renés vestros accingetis, calceamenta habe- bitis in pedibus, tenentes baculos in mani- bus. » Primum désignât carnis et mentis continentiam : secundum exemplorum Pa- trum custodiam : tertium vitiorum nostro- rnm correctionem , et exiguntur ad com- municantiurn prœparationem. Primum pra'parathum est mentis et carnis conti-

nentia in cingulo renum figurata. Grego- rius : « In renibus accipitur carnis delecta- tiOj unde Psaîm. XXV : « Ure renés meos, et cor meum. Qui ergo Pascha comedit, re- nés accingat : quia qui corpus Domini ac- cipit, voluptatem domat, luxuriam refrœ- nat, haec prœparatio continentiae attenden- da est, quantum ad tria gênera hominum, scilicet conjugatos, et de incontinentia pre- nitentes, et spirituales. » Primum ante sa- cram communionem continentiam de- bent servare aliquantam : secundi longio- rem : tertii continuam. De primo dicitur ad David, I Reg,, XXI : « Si pueri mundi sunt maxime a mulieribus, manducent, » scilicet panem sanctum. Respondil David : « Si de mulieribus agitur, continuimns nos

SUR LE SACREMENT DE L'AUTEL. 527

pondit: « S'il est question des femmes, nous nous en sommes abstenus depuis hier et avant-hier. » Le prêtre leur donna donc le pain saiirii- fié. On lit dans l'Exode , ch. XIX : « Le Seigneur descendit en pré- sence de tout le peuple sur le mont Sinaï , et il le fit au milieu des éclairs dans l'épaisseur des nuages : Soyez donc prêts pour le troi- sième jour et ne vous approchez point de vos épouses. » Si pour la li- gure on a gardé une telle continence, à combien plus forte raison est- on obligé de la garder pour la vérité du corps de Jésus-Christ. Quant à la seconde, il est écrit au livre du Lévitique, chap. XIII : « L'homme qui aura été lépreux, ou qui aura éprouvé une perte de sang; » c'est- à-dire, celui qui aura péché par l'incontinence de la chair, « ne mangera pas de ce qui aura été sanctifié pour moi jusqu'à ce qu'il soit guéri par la pénitence. » C'est pour cette raison que l'on a établi quarante jours de pénitence avant Pâques ; afin qu'après les avoir pas- sés dans les jeûnes, la prière, la continence et les autres bonnes œuvres, les pénitents puissent alors communier avec les autres bons chrétiens. C'est ce qui fait que saint Augustin expliquant les paroles suivantes, I Cor., chap. XI : « Si nous nous jugions nous-mêmes, etc. » s'exprime comme il suit : « L'esprit du pénitent doit prononcer contre lui-même une sentence telle , qu'il se juge indigne de participer au corps, au sang du Seigneur; de manière qu'en vertu de la discipline ecclésiastique il soit séparé pour un temps du sacrement du pain cé- leste. Celui-là le reçoit en effet indignement, qui le reçoit lorsqu'il devroit faire pénitence ; c'est-à-dire, quand il commence. Il faut donc d'abord se juger soi-même, afin qu'après s'être jugé, on ne le soit pas par le Seigneur. » Quant à la troisième, savoir la continence perpétuelle et éternelle, c'est-à-dire, la chasteté complète et perpétuelle qu'il faut garder, on lit dans le Lévitique, chap. XXI : «Les 'prêtres seront saints pour le Seigneur , et ils ne souilleront point son nom ; car ils

al) heri et nudius tertius. » Dédit ergo eis sacerdos sanctificatum panem. Exod., XIX : « Descendit Dominus coram omui plèbe super montem Sinai, scilicet in igné, et nubis caligine. Estbte ergo parati in diem tertium, et ne appropinquetis uxori- bus vestris. » Si talis continentia servata est ad figuram, quanto magis servanda est ad corporis Christi veritatem ? De secundo, Levil., XIII : « Homo qui fuerii leprosus, aut patiens fluxuin seminis, » id est, pec- cans per incontinentiam carnis, « non ves- cetur de his, qua; sanctificata sunt mihi, donec sanetur, scilicet per pœnitentiam. » Hinc statuti sunt ante Pascba quadraginta dies pœnitentiœ, ut hisperactisinjejuniis, et orationibus, et continentia, et bonis

operibus, tune possint communicare pœni- tentes cum aliis bonis Christianis. Hinc su- per illud, F Corinth., II : « Si nosmetipsos dijudicaremus, » etc., dicit Augustin»* : « Ab ipsa mente pœnitentis talis sententia proferatur, ut seindignum judicet partici- patione corporis et sanguinis Doraini , ut ad tempus per ecclesiasticam discipliiiam a sacramento cœlestis panis separetur. In- digne enim accipit , si tune accipit cum débet agere pœnitentiam , id est, qtuutdo incipit. Ergo se prius judicet, ut a se judi- catus non judicetur a Domino. » De ter- tio, scilicet de continentia continua et sempiterna, scilicet omnimodam et perpe- tuam castitatem conservare. Levit., XXI : « Sacerdotes sancti erunt Domino suu . .1

528 OPUSCULE LVH, CHAPITRE 16.

offrent l'encens du Seigneur et les pains de leur Dieu, c'est pourquoi ils seront saints. » Bède dit : « Si les prêtres de l' Ancien-Testament qui dévoient entrer dans le temple pour y offrir des victimes suivant l'ordre de leur fonction, étoient tenus de s'abstenir de leurs épouses, a combien plus forte raison, nos prêtres qui doivent toujours être prêts à consacrer le corps sacré du Seigneur, sont-ils tenus de garder une continence perpétuelle et absolue? »

Le deuxième moyen de se préparer, c'est d'imiter l'exemple des pères, figuré par la chaussure de leurs pieds. Saint Grégoire dit: « Avoir sa chaussure à ses pieds, c'est contempler la vie des pères qui ne sont plus, et préserver nos pas des blessures du péché. » On lit au livre des Cantiques, chap. YII : « Que vos démarches sont belles, ô fille du Prince! » à cause de V agrément de votre chaussure; les démarches expriment les progrès faits; à cause de la chaussure, c'est-à-dire à cause de l'observation attentive de la vie des pères.

Le troisième moyen de se préparer, consiste dans sa propre correc- tion, figurée par le bâton que les pères tenoient à leurs mains. Le bâ- ton signifie la rectitude de justice avec laquelle nous devons juger nous-mêmes nos excès avant de communier. On lit, Ps. XLIV : « Le sceptre de votre règne sera un sceptre de rectitude et d'équité. » Ps. II : «Embrassez étroitement la discipline, etc. » I Cor., chap. XI : « Celui qui mange et boit indignement, etc. Que si nous nous jugions nous-mêmes, etc. » Saint Augustin s'exprime sur ce point comme il suit : « Montez ici sur le tribunal de votre esprit contre vous-même, et ayant établi un jugement dans votre cœur , que votre pensée soit l'accusateur, votre conscience le témoin, et la crainte du Seigneur le bourreau, ce qui fait que le sang de l'âme de celui qui s'avoue coupable coule pour ainsi dire par les larmes , et ainsi la vengeance divine est arrêtée dans son cours, lorsque l'aveu et le châtiment surpassent ce

non polluent nomen ejus. » Incensumenim Domini, et panes Dei sui offerunt ; et ideo sancti erunt. Beda : « Si vetens testamenti sacerdotes secundum ordinem vicis suse, intraturi templum ad off'erendas légales hostias, a propriis uxoribus oportuit absti- nere, quanto magis nostri sacerdotes, quos ad consecrandum sacrosanctum corpus Do- mini paratos sernper esse oportet, et con- tinuam, et sempiternam semper debent castitatem conservare ? » Secundum prae- parativum est exemplorum patrum custo- dia per calceamenta pedum figurata. Gre- gorius : « Calceamenta in pedibus habere, est mortuorum patrum vitam aspicere, et nostra vestigia a peccati vulnere custo- dire. » Cunt., VII : « Quam pulchri surit gressus tui in calceamentis, filia principis

gressus sunt profectus operum in calcea- mentis, id est , in consideratione vitae pa- trum. Tertium praeparativum est correc- tionis disciplina in baculis manuum ligu- rata. Baculus enim significat rectitudinem justitiae, qua debémus nosmetipsos de nostris excessibus ante communionem ju- dicare. Psalrn. XLIV : « Virga directionis, virga regni tui, etc. Apprchendite discipli- nam, » etc. I Corinth., II : « Qui manducat et bibit indigne, quod si nosmetipsos diju- dicaremus, » etc. Augustinus : « Ascendas hic adversus te tribunal mentis tuœ,et constituto in corde judicio adsit accusatrix cogitatio, et testis conscientia, et carnifex timor Domini, inde quidam sanguis animée conûtentis per lacrymas profluat, et sic cessât vindicta divina, cum confessio et

/

SUR LE SACREMENT DE l'àUTEL. 529

qu'il y a d'humain, et par ce moyeu l'homme se rend digne de rece- voir présentement le corps de Jésus-Christ dans le Sacrement et de jouir de lui d'une manière parfaite dans la vie future. » Il est écrit de la première de ces choses au Deutéronome, chap. VIII : a Le Seigneur vous a affligé parla détresse, et il vous a donné la manne pour nour- riture ; ce que vous ignoriez. » Il vous a affligé, c'est-à-dire, il a fait que vous vous affligeassiez et que vous vous corrigeassiez ; par la dé- tresse, c'est-à-dire par le châtiment de votre volonté et par la priva- tion de ce qui vous délectoit, et alors il vous a donné le pain céleste de son corps. Il est dit de la seconde, Héb., chap. XII : « Or tout châti- ment, lorsqu'on le reçoit, semble être un sujet de tristesse et non de joie ; » mais ensuite il fait recueillir en paix les fruits de la justice à ceux qui auront été ainsi exercés.

La mandu^aUonjpirituelle peut pareillement être un moyen de se préparerli recevoir le~corps— du Seigneur , en tant que ceux qui sont parfaits le mangent par le moyen de la rjaéolitation. Nous traiterons de ce moyen dans le dix-neuvième discours, et avant etau milieu de ce même discours.

correctio praecedit humana , et sic homo dignus erit ad sumendum corpus Christi nunc in sacramento , et perfecta fruitione in futuro. » De primo, Beuteronom., VIII : « Afflixit te Dominus penuria, et dédit tibi cibum Manna, quod ignorabas : » afflixit te, id est, fecit ut affligeres et corrigeres : penuria, id est, pœna voluntatis tuae, et vo- luptatis carentia, et tune dédit tibi cœles- tem panem corporis sui. De secundo , ad

Hebr,,*X\\ : « Omnis disciplina in prœsenti non videtur gaudii, sed mœroris : » postea autem fructum pacatissimum exercitatis per eam reddet justitiœ. Item, praeparati- vum ad corpus Domini suscipiendum esse potest manducatio spiritualis : secundum quod perfecti manducant ratione medita- tionis devotae, de quo infra sermone deci- mo nono ante médium, et in medio.

FIN DU CINQUIÈME VOLUME.

V.

34

\

TABLE

MATIÈRES CONTENUES DANS LE CINQUIÈME VOLUME.

OPUSCULE XLII.

1

De saint Thomas, sur les puissances de l'amk.

Chapitre premier. Combien il y a d'aines , combien de degrés d'êtres vivants,

combien de genres de puissances de l'ame , et d'abord l'ame végétative. page 1

Chap. II. De l'ame végétative et de ses puissances. 5

Chap. III. De la puissance sensitive et des cinq sens extérieurs. 7

Chap. IV. Des quatre puissances sensitives intérieures suivant leurs natures. 10

Chap. V. De la vertu motive sensitive de l'animal. 16

Chap. VI. De la puissance intellective. 18

Chap. VII. De la volonté et du libre arbitre qui sont une même chose. 25 Chap. VIII. Dans quelles puissances de l'ame se trouve le péché , et quelles

sont celles il n'est pas. 27

OPUSCULE XLIII.

DU MÊME DOCTEUR, SU» LE TEMPS.

Chapitre premier. Le temps a l'être en dehors de la matière. 81

Chap. II. Le temps n'est pas un mouvement, mais quelque chose du mouve- ment. 38

Chap. III. Quelles sont les choses qui sont mesurées par le temps et celles qui ne le sont pas. *3

Chap. IV. De la différence de l'éternité, de Yœvum et du temps; ce que c'est que chacune de ces choses.

M

OPUSCULE XLIV.

DU MÊME DOCTEUR , SUR LA PLURALITÉ DES FORMES. **

OPUSCULE XLV.

Di saint Thomas, commençant par ces mots, Postquam de principiis.

OPUSCULE XLVI.

Du même docteur, sur la nature des syllogismes.

ss

ibid.

\

532 TABLE DES MATIÈRES

OPUSCULE XLVII.

StJR LA SOMME DE TOUTE LA LOGIQUE D'ARISTOTE.

Chapitre premier. Ce que c'est que l'universel, et d'où il tire son origine. 102 Chap. II. Ce que c'est que le genre, et d'où il tire son origine. 104 Chap. III. Ce que c'est que l'espèce, et d'où elle tire son origine. 108 Cum>. IV. De l'origine de la différence , et ce que c'est suivant la chose et l'in- tention. 110

Chap. V. Du genre le plus général et du genre subalterne ; un être ne peut pas être genre. 115

Chap. VI. De l'origine du propre, et comment il se trouve dans tout individu de l'espèce et toujours. 118

Chap. VII. Le propre est inhérent à la seule espèce, et se dit d'elle récipro- quement. 122

Chap. VIII. De l'origine de l'accident et exposition de sa cause. 124

TRAITÉ II.

DU MÊME DOCTEUR, DES PRÉDICAMENTS.

Chapitre premier. Des divers modes de prédication. 128

Chap. LI. Ce que c'est que la substance suivant l'intention logique. 133 Chap. III. De la première et de la seconde substance ; ce que c'est; de l'ordre

de la substance. 137 Chap. IV. La substance ne reçoit point la contrariété, ni le plus et le moins, quoi-

. qu'elle soit sujet de l'un et de l'autre par le changement qui s'opère en elle. 140

TRAITÉ III.

DU PRÉDICAMENT DE LA QUANTITÉ.

Chapitre premier. Du nombre qui est une quantité discrète. 147

Chap. II. De la seconde espèce de la quantité discrète, c'est-à-dire du langage. 150

Chap. III. Delà quantité continue en commun suivant l'intention logique. 152 Chap. IV. De la quantité qui a u.ie position, et de ce qui est requis par rapport

à cette position. 153 Chap. V. Des espèces de la quantité continue, et d'abord de la ligue. 154 Chap. VI. Du lieu qui est une espèce de la quantité continue. 157 Chap. VII. Du temps, comment c'est une quantité successive. 158 Chap. VIII. Que la quantité ne reçoit ni le plus, ni le moins, et n'a pas de con- trariété , mais une chose est dite égale ou inégale à une autre suivant l'être. 166

TRAITÉ IV.

Du PRÉDICAMENT DE LA QUALITÉ.

Chapitre premier. Ce que c'est que la qualité en général. 163

Chap. II. De la première espèce de qualité, qui est l'habitude et la disposition. 164 Chap. III. De la seconde espèce de la qualité, qui est la puissance ou l'impuis- sance naturelle. 166 Chap. IV. De la troisième espèce de la qualité, qui est la passion ou la qualité

passible. 168

Chap. V. De la quatrième espèce de la qualité , qui est la forme , ou la figure constante dans une chose. 170

189

DU CINQUIÈME VOLUME. 533

Chap. VI. De la qualité et des conditions d'après ses trois modes. 172

Chap. VII. Des communautés et des propriétés de la qualité. 173

TRAITÉ Y.

DO PRÉDICÀMENT AD ALIQUID.

Chapitre premier. Ce qu'est ad aliquid, suivant l'intention logique. 174

Chap. II. De la seconde définition des relatifs qui convient aux relatifs suivant

l'être, et aux relatifs réels. 17G

Chap. III. Que la relation ne diffère de son fondement que par la réalité extrin- sèque. 178 Chap. IV. Que l'entité des relatifs se tire des fondements. 179 Chap. V. Des communautés et des propriétés des relatifs. 180 Chap. VI. Des six autres prédicaments et de leur prédication en commun. 181 Chap. VII. Ce que c'est que l'action suivant la raison prédicamentale dans les

deux opinions. 1 84

Chap. VIII. Quelle est l'action qui reçoit le plus et le moins avec la contrariété,

quelle est celle qui ne reçoit rien de cela. 187

Chap. IX. Le propre de l'action est de produire la passion par soi. 188

Chapitre premier. Ce que c'est que la passion formellement , comme prédi-

cament. *^«d-

Chap. II. Que la dénomination de la passion se fait formellement ab extrin-

seco. Chapitre pemier. Ce que c'est que le prédicameut quando , c'est le temps en

tant qu'il dénomme une chose temporelle , ou le rapport du temps aux choses

temporelles qu'il mesure. 10°

Chap. II. Que quando n'est pas le rapport de la chose mesurée au temps, mais

tout le contraire. '(J'*

Chap. III. Que quando ne reçoit ni le plus ni le moins, et n'a pas de contraire,

qu'il se trouve dans tout ce qui commence d'être. 195

TRAITÉ VI.

^ De ubi.

Chapitre premier. Du prédicament ubi, ce que c'est formellement, et en quoi il

se trouve subjectivement. Chap. II. Ubi ne reçoit ni le plus ni le moins , il n'a pas la contrariété cl se

trouve dans le corps terminé par une surface.

TRAITÉ VII.

De la position.

Chapitre premier. Du prédicament de position ; est-il quelque chose suivant la raison formelle.

Chap. II. La position est la dénomination ou le rapport tiré des parties du lieu a raison des parties de la chose localisée.

Chap. III. La situation ne reçoit ni le plus ni le moins, et n'a pas de contra- riété : ce qui lui est propre , c'est d'assister à la substance d'une manière pro- chaine.

TRAITÉ VIII.

De l'habitude.

Chapitre premier. - De Vhabitus en tant que prédicament , ce que c'est formel- lement. Chap. II. h'lutbitus peut se fonder immédiatement dans la substance.

19»

201

203 205

206

207 209

534 TABLE DES MATIÈRES

Chap. III. h'habitus reçoit le plus ou le moins, mais non tout habitus, il n'a pas la contrariété. 212

Chap. IV. Le propre de Vhabitus est d'exister tant dans le corps que dans ce qui enveloppe le corps suivant la division des parties. 214

TRAITÉ IX.

De l'interprétation ou énonciation.

Chapitre premier. Ce que c'est que le nom suivant l'intention logique. 216

Chap. II. Ce que c'est formellement que le Verbe suivant la description logique. 220

Chap. II!. Ce que c'est que le discours, et quelles sont les espèces. 222

Chap. IV. Ce que c'est que renonciation, ce que c'est que le vrai et le faux. 224

Chap. V. La vérité et la fausseté ne sont que dans l'énonciation , et pourquoi ? 226

Chap. VI. De renonciation catégorique, hypothétique, affirmative et négative. 229 Chap. VII. De la quantité des propositions catégoriques sur V inesse, savoir de

l'universelle, de la particulière, de l'indéfinie et de la singulière. 232 Chap. VIII. De l'opposition des propositions catégoriques existant en figure,

relativement aux énonciations de inesse. 235

Chap. IX. Des équipollences des énonciations catégoriques de inesse. 238 Chap. X. Comment les énonciations catégoriques de inesse se rapportent à la

vérité et à la fausseté. 241

Chap. XI. Ce que c'est que la proposition modale, et de sa quantité. 244 Chap. XII. De la qualité des propositions modales quant à l'affirmation et à la

négation. - 247

Chap. XIII. De l'opposition et de l'équipollence des énonciations modales. 268

Chap. XIV. De renonciation hypothétique et de ses trois espèces. 252

TRAITÉ X.

DO SYLLOGISME SIMPL1CITER.

Chapitre premier. Ce que c'est que le syllogisme, ce qui doit entrer dans sa con- stitution. 256 Chap. II. De la conversion des propositions de inesse et de ses espèces. 260 Chap. III. Des conversions des propositions modales et de leur différent mode. 264 Chap. IV. Des syllogismes osfensifs de inesse relativement au mode et au signe. 268 Chap. V. Des syllogismes inutiles dans toute figure. 273 Chap. VI. Des syllogismes de la première figure concluant directement, et des

syllogismes de la seconde figure. 275

Chap. VIL Des syllogismes de la troisième figure et de la réduction de tous les

syllogismes aux deux premiers modes de la première figure. 280

Chap. VIII. Des syllogismes à conclusion indirecte et de leur réduction. 283

Chap. IX. De l'invention du moyen terme pour les syllogismes de toutes les

figures, tant affirmatifs que négatifs. 287

Chap. X. De la différence qui existe entre le syllogisme ad impossibile et le syllo- gisme ostensif. 291 Chap. XL Dans quels modes et dans quelles figures se font les syllogismes ad

impossibile. 292

Chap. XII. Comment les syllogismes ad impossibile se ramènent aux syllogismes

ostensifs. 296

Chap. XIII. Des syllogismes à propositions modales, relativement aux proposi- tions de necessario. 299 Chap. XIV. Des syllogismes contingents. 303 Chap. XV. De la combinaison du contingent et du nécessaire dans trois figures

de syllogisme. 308

Chap. XVI. Des syllogismes conditionnels des propositions simples. 311

DU CINQUIÈME VOLUME. 535

Chap. XVII. Des syllogismes conditionnels avec des propositions hypothétiques composées. 3^3

Chap. XVIII. Des syllogismes disjonctifs et des propositions réduplicatives, de la conversion par comparaison. 317

TRAITÉ XI.

DU MÊME ACTEUR , DU SYLLOGISME DÉMONSTRATIF.

Chapitre premier. Ce que c'est que le syllogisme démonstratif. 321

Chap. II. Ce que c'est que dici de omni premièrement de soi, ou universellement. 322 Chap. III. Que la démonstration procède de choses vraies et nécessaires. 325

Chap. IV. Que la démonstration procède de prémices elle se trouve per se et

non per accidens. 32t;

Chap. V. Que la démonstration procède de choses premières et immédiates. 328

Chap. VI. Que la démonstration procède de choses propies, et non d'étrangères

ni de communes. 329

Chap. Vil. Que la démonstration procède de choses connues par elles-mêmes. 33/» Chap. VIII. Que la démonstration procède des causes de la conclusion. 330

Chap. IX. Que la démonstration principale affirmative ne se fait que dans la pre- mière figure et dans son premier mode. 339 Chap. X. Que la démonstration principale négative doit se faire dans le second

mode de la seconde figure. Ml

Chap. XI. Que la démonstration quia procède de l'effet de la cause, ou des causes

éloignées à l'effet. 344

Chap. XII. Que dans une démonstration il ^ a quelque chose de connu avant la

conclusion, et quelque chose après que la démonstration est faite. 347

Chap. XIII. Que la science qui procède par la cause et qui dit la forme est plus

certaine que celle qui procède par l'effet et dit la matière. 351

Chap. XIV. Que l'unité formelle de la science se tire de l'unité formelle du sujet

suivant la nature de l'objet de la science. 353

OPUSCULE XLYIII.

Du sens par rapport aux choses singulières, et de l'intellect par rapport

AUX UNIVERSELLES. "*■>»■

OPUSCULE XLÏX.

DU MÊME DOCTEUR , DE L'INVENTION DU MOYEN TERME. 3^8

OPUSCULE L.

DU MÊME DOCTEUR , DE LA NATURE DE LA LUMD2RE.

OPUSCULE LI.

DU MÊME AUTEUR , DE LA NATURE DU LIEU.

OPUSCULE LU. ]

Du MÊME AUTEUR , SUR L'INTELLECT ET L'INTELLIGIBLE.

OPUSCULE LUI.

DU MÊME DOCTEUR , DE QUO EST ET QUOD EST.

362

3ti8

380

388

536 TABLE DES MATIÈRES DU CINQUIÈME VOLUME.

OPUSCULE LIV.

DU MÊME DOCTEUR. SUR LES UMVERSAUX. :{<).,

OPUSCULE LV.

Second traité sur les umversai \. ;o'i

OPUSCULE LVI.

1)1 Ml Mi: DOCTEUR. OFFICE DE LA FETE DU CORPS DE JÉSUS-CHRIST, COMPOSE SUR LORDRE

du pape Urbain IV, qui a établi cette fête. ,',1<;

OPUSCULE LVII.

Dp même docteur, sur le sacrement adorable de l'autel.

Chapitre premier. Des trois causes de l'institution du sacrement du corps du Sauveur. « 435

Chap. IL La première cause de l'institution de ce sacrement, c'est le souvenir du Sauveur, en lui-même, et la préparation à son jugement. 443

Chap. III. De la seconde cause de l'institution du sacrement de l'Eucharistie , à savoir du sacrifice de l'autel. ,',/,s

Chap. IV. Troisième observation à faire sur le sacrifice , ou excellence de notre sacrifice. 45s

Chap. V Troisième cause de l'institution de ce sacrement; c'est la nourriture de l'homme. 460

Chap. VI. Des deux autres raisons pour lesquelles le Christ nous donne son corps en aliment. 4Gf>

Chap. VIL De la forme de la donation , c'est-à-dire quelle est la cause pour la- quelle il nous donne ce sacrement voilé. 471

Chap. VIII. Des deux autres raisons pour lesquelles nous recevons le corps de Jé- sus-Christ sous un voile. .',77

Chap. IX. De la forme du don, qui nous est fait sous l'espèce du pain. 482

Chap. X. De la forme du don nui nous est fait sous l'espèce du pain de froment. 487

Chap. XL Des trois merveilles qui s'opèrent dans la consécration. 492

Chap. XII. Du troisième miracle qui s'opère dans la consécration. 499

Chap. XIII. Des trois merveilles que l'on doit considérer dans la possession du corps de Jésus-Christ. 50 '1

Chap. XIV. Des trois merveilles qui s'opèrent dans la perception du corps de Jésus^Christ. 510

Chap. XV. Qualités de la préparation requise de nous pour recevoir le sa- crement. 510

Chap. XVI. De notre préparation à un troisième point de vue , ou en tant que l'agneau pascal est la figure du sacrement eucharistique. 523

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU CINQUIÈME VOLUME.

BESANÇON, TYPOGRAPHIE D ODTHENIN-CHALANDRE FILS.

THOMAS AQUIHAS, St. ^

Opuscules. .JJk

.F6 v.5

.