JOHN M. KELLY LIBRARY
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PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA
SAINTE VIERGE
PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA
SAINTE VIERGE
FORMANT
TKOIS MOIS DE MARIE
DE SIX EXERCICES DU CHEMIN DE LA CROIX
Par M. L'Abbé LEMARCHAL
Ancien professeur de Rhétorique du diocèse de Verdun.
QUATRE
Qiiïwïïcïdanffîie , {*$ihyé œ tei na m ibebuntl^f
^ront connaître, nelle.
(Eccli. xxiv, 31.)
TOME SECOND
A THONNE-LE-THIL,
PRÈS MONTMÉDY (MEUSE),
CHEZ M. L'ABBÉ LEMARCHAL
1888 <£>
HOLY REDEEMER LIBRARgf INDSOR
H
PARAPHRASE
DES LITANIES
DE LA SAINTE VIERGE.
CHAPITRE XXVII
VASE HONORABLE
C'est à beaucoup de titres que Marie mérite et qu'on lui donne cette qualification . Ne fut-elle pas le Vase d'honneur, qui, rempli d'abord de toutes les richesses de la grâce, renferma ensuite le Saint des saints, et avec lui le baume divin qu'il apportait aux plaies de l'humanité dégradée ? Mais envisageons aujourd'hui plus spécialement le reflet de gloire qui de Marie, ce Vase si honorable, a rejailli sur le monde entier et principalement sur son sexe. Cette réhabilitation de la femme par le Christianisme ou par Marie est un de leurs beaux triomphes trop peu apprécié, parce qu'il n'est pas assez connu. Il importe donc de le mettre au grand jour, par le rapprochement de deux contras- tes :
I . L'état de dégradation et d'abaissement dans le- quel gémissait la femme, avant la venue de la sainte Vierge.
IL Le merveilleux changement opéré par sa venue et son culte, dans la position de la femme.
VAS HuNiïllAIHI.1-:
ARTJCLE PREMIER
Etat d'abaissement et de dégradation morale
où gémissait la femme, avant la venue
de la sainte Vierge
Quand on jette un regard observateur sur le monde avant Jésus-Christ pour en étudier la constitution et
g joutâmes, le cœur saigne de l'oppression qu'on voit peser sur la femme, rabaissée jusqu'au niveau de l'esclave chez la plupart des nations même les plus civilisées. Le mariage ne la faisait pas la compagne honorée de l'homme, mais sa propriété et le jouet de tous ses caprices, voire même les plus odieux et les plus vils : il accumulait sur elle tout ce qu'il pouvait imaginer de duretés et d'humiliations. Loin de la re- garder comme son aide et son égale, il ne voyait en elle que la chair et le sang, l'assimilait à ses richesses matérielles et ne la mettait guère au-dessus de ces êtres dénués de raison qu'il employait à son service, elle restait complètement étrangère à ces réunions domestiques dont elle aurait dû faire les charmes et les frais ; et. au lieu d'intervenir dans le gouverne- ment delà famille, elle passait sa vie sous une tutelle permanente, sans pouvoir jamais devenir elle-même la tutrice de ses enfants, ni disposer à son gré de sa personne et de ses biens. Elle était déclarée inha- bile à hériter, à témoigner en justice. Dans quelque po- sition qu'elle se trouvât, les charges lui incombaient et jamais les honneurs. Comme elle eût été repoussée, si elle avait songé à briser cette enveloppe de mépris, sous laquelle sommeillaient des facultés puissantes, des qualités augustes, un cœur riche de sentiments, donl elle n'avait pas même le soupçon !
Pour mieux l'enchaîner dans son abaissement, on la
VAS HONORABILE 7
laissait croupir dans la plus grossière ignorance; et si les hommes progressèrent dans l'ordre intellectuel, la femme resta toujours stationnaire; et même, à mesure que l'homme gagnait en lumières, elle semblait des- cendre encore plus dans l'avilissement. Sauf quelques rares exceptions, elle ne vit pas sa position sociale améliorée par la civilisation Grecque ou Romaine, qui passa à côté d'elle comme une amère dérision . La di- versité des lois et des coutumes à son égard, chez les différents peuples, n'était qu'une diversité de dégrada- tion sous toutes les formes. Ainsi partout, se trouvaient bouleversés les rapports établis par Dieu entre l'un et l'autre sexe.
Deux usages surtout, à peu près généraux, nous ré- vèlent l'état de misère morale où la femme était plongée : la polygamie, qui autorisait à avoir autant d'épouses, disons plutôt autant de martyres que l'on voulait, et le divorce, qui laissait à l'homme, sans ré- ciprocité pour la femme, la liberté de répudier sur de simples soupçons, le plus souvent pour satisfaire les exigences d'une passion qu'il ne savait pas maîtriser. Ainsi se trouvait-elle abaissée à la condition d'esclave pendant quelques années, après lesquelles le caprice d'un mari spéculateur ou débauché la dépouillait de son titre de mère en lui ôtant celui d'épouse. Trafic honteux pour la femme, venue jeune, dévouée, et bientôt renvoyée flétrie par l'âge ou les infirmités, comme l'on se défait d'un meuble hors de service qu'on s'ennuie de voir chez soi. Polygamie et divorce qui aboutissaient l'un et l'autre à faire disparaître la pudeur du cœur de la femme, à lui ravir toute sa di- gnité, à la rendre le jouet des plus vils instincts. Ce sont là seulement quelques traits du triste et lamen- table état d'asservissement, qui dégradait la moitié du
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génie humain avant la bienfaisante apparition du Christianisme Note lre).
Chez le peuple juif, il est vrai, la femme n'est point descendue aussi bas dans l'ignominie et la servitude. Comme épouse et comme mère elle jouissait d'une as- sez grande considération . Le mariage, qui lui conci- liait tendresse et vénération, ne se formait point sans son agrément : elle n'était pas vendue ni enlevée, mais demandée et consultée: une large part lui était con- cédée dans l'administration des biens et même dans les intérêts généraux de la nation. Mais, hàtons-nous de le dire, si elle jouissait ainsi de quelque honneur, c'est en vue de la Femme bénie que cette nation de- vait produire un jour. Elle subissait néanmoins les deux grandes humiliations de la poly garnie et du di- vorce, qui avaient leur raison d'être dans le désir de donner naissance au Messie attendu. Aussi, malheur à la stérile; et la virginité était chose inconnue. C'est ain- si que généralement avant Jésus-Christ la femme était dépossédée de sa dignité, de sa pudeur et des égards dus à sa faiblesse et à son caractère.
Tel est encore, à peu près, l'état des choses partout où n"a pas brillé le flambeau de la foi, chez les peu- ples même les plus civilisés. On y trouve la femme mise au rebut comme un objet de honte, chargée d'i- gnominie, accablée- de rigueurs, subissant le despo- tisme le plus ignoble, comme écrasée sous le poids d'un anathème primitif et d'un mépris traditionnel.
Ce triste spectacle nous est offert surtout par les usages du Mahométisme. Rejetant la divinité de Jé- sus-Christ et par là même la divine Maternité de Marie, croyances qui peuvent seules donner à L'homme des mœurs pures et le rendre victorieux de ses ins- tincts mauvais, Mahomet n'offril à ses adeptes,
VAS HONORA BILE y
comme appas et pour bonheur, que la fange de jouis- sances charnelles : et la femme devenue le honteux instrument de ce sensualisme effréné fut ainsi refoulée dans une dégradation peu différente de la dégradation païenne. L'àme se soulève d'indignation à la vue de cette corruption des mœurs orientales, de cette lèpre dégoûtante de la volupté qui ravale au niveau de la brute des créatures faites à l'image de Dieu . Et, d'un autre côté, c'est très remarquable, ces mêmes hommes qui affichent un si profond mépris à l'égard de la femme, sont saisis d'un respect involontaire pour la Sœur de charité, en présence de son dévouement et de ses vertus sublimes : hommage frappant rendu à l'influence de Marie ; car c'est elle que le Turc et l'A- rabe honorent en honorant la fille de saint Vincent de Paul, qui n'est grande et ne conquiert ainsi l'estime que par les vertus de la Vierge dont elle est la fidèle imitatrice .
Et dans le Protestantisme, qui a ignominieusement chassé Marie de ses temples, qu'est-ii résulté de ce sacrilège bannissement? Demandez-le à l'Angleterre et à l'Allemagne : la femme jouissant auparavant de tous les privilèges de la réhabilitation est rentrée avec la Réforme sous l'asservissement de l'homme, elle a vu s'affaiblir considérablement son influence au sein de la famille : elle est sans garantie contre le divorce, aussi contraire à son bonheur qu'à sa qualité d'épouse et de mère. Mais tirons le voile sur tous ces faits si déshonorants pour lhumanité.
Telle était donc avant Jésus-Christ, et telle est en- core maintenant chez les nations non catholiques la position de la femme. Convenons quelle l'avait un peu méritée. C'est elle qui, à la naissance de l'univers, sous les frais ombrages de l'Eden, au pied de l'arbre
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fatal, s'était laissée séduire la première par l'astucieux serpent : c'était par elle, que la mort avait pénétré dans le monde avec le lugubre cortège de douleurs qui depuis soixante siècles pèsent si lourdement sur la pauvre humanité. Elle subissait une déchéance per- sonnelle, ayant été l'agent primitif et principal de la déchéance commune. Pour avoir eu l'ambition de s'é- lever plus haut qu'il n'était permis, elle fut surtout humiliée et soumise à la malédiction. Sans le péché, la femme eût été l'heureuse compagne de l'homme, qui ne lui aurait fait sentir sa supériorité que par plus de raison, de sagesse et d'amitié. Mais, parce qu'elle avait entraîné l'homme dans sa prévarication, celui-ci ne fut plus pour elle qu'un maître sévère, qu'un tyran sans pitié, se vengeant ainsi des calamités sans nombre qu'elle lui avait attirées, et exécutant l'arrêt porté contre elle dès le commencement ; parce que tu as fait cela, avait dit le Créateur, tu seras sous la puissance de V homme, et il te dominera. 0 mon Dieu î convenait -il cà votre bonté de laisser cette infortunée créature éternellement courbée sous l'anti- que anathème ? Rassurons-nous ! le ciel a compté les heures, et celle de la réhabilitation a sonné : nous le verrons avec bonheur dans le second Article.
Morale : Cet état de dégradation aussi immorale qu'humiliante, où gémissait la femme avant la venue de Jésus-Christ , n'est qu'un des traits du tableau hideux que présente le monde païen. N'étant point éclairé par l'étoile de la foi, il cheminait au milieu des ténèbres et au hasard dans le sentier de la vie. ne sachant ni d'où il venait, ni où il devait tendre. Sans principes et sans frein qui continssent leurs instincts mauvais, les nommes suivant la pente de leur nature se roulaient dans le labyrinthe des erreurs les plus
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grossières, dans la fange de tous les vices. C'est pitié de voir la pauvre espèce humaine descendue à ce point au-dessous de sa dignité. Mais, grâce soient mille fois rendues à l'Auteur de tout don, qui, touché de la profonde misère des mortels, est venu les retirer de ces abîmes de Terreur et du vice. A la lueur de ce divin Soleil de justice qui éclaira le monde, nous connaissons notre origine, notre fin, et les moyens de l'atteindre. Nous pouvons marcher en sûreté, ayant devant nous le flambeau de la foi qui dirige nos pas. Oh! que nous serions coupables de dévier du droit chemin, de vivre comme les nations qui ne connaissent pas Dieu, de reproduire dans le Christianisme les mœurs des païens ! Nous mériterions le sort de ces villes maudites, auxquelles Jésus-Christ reproche de valoir moins que ces autres qui n'ont pas eu l'avan- tage de sa présence, de ses miracles et de ses bien- faits. Permis à nous d'être fiers de l'élévation où la grâce de Jésus-Christ nous a placés, non pour nous enfler d'un sot orgueil, mais pour ne point descendre de ce haut rang par la bassesse de nos sentiments et de notre conduite. Soyons chrétiens par nos mœurs, beaucoup plus encore que par le nom : sachons par des vertus sublimes, qui soient au niveau de notre dignité, nous honorer et en même temps la religion qui nous a faits ce que nous sommes. Prenons garde de fournir à ses ennemis un prétexte de la décrier, en nous reprochant avec raison de ne pas avoir plus de vertus que ceux qui n'y croient pas. Ils seraient en droit de nous dire comme Alexandre à un de ses sol- dats qui, portant son nom, le déshonorait par des mœurs infâmes : « Change de nom ou de conduite . »
Mais notre auguste dignité de chrétien nous impose encore un autre devoir que celui de la soutenir par
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une rie irréprochable, c'est la reconnaissance pour cet immense bienfait. Si plus privilégiés que ces malheureux infidèles, idolâtres et sauvages, toujours assis à l'ombre de la mort, nous avons été éclairés des lumières de la foi, placés par là même sur la voie du ciel, et munis de tous les moyens pour y arriver, c'est à la bonté toute gratuite de Dieu que nous sommes redevables d'une grâce aussi précieuse, qui fut comme le premier anneau de cette longue chaine d'autres grâces dont il nous a ensuite favorisés. Quoi donc de plus juste que souvent, mais au moins au jour anni- versaire de notre baptême, nous en témoignions au Père de miséricorde notre vive reconnaissance? Rien ne lui serait aussi sensible que l'ingratitude, ce vice déshonorant, dont un cœur élevé n'a garde de se rendre coupable, et que le monde même ne pardonne pas. Dix lépreux avaient obtenu de Jésus- Christ la guérison de leur maladie honteuse : un seul était venu le remercier : et le Sauveur, de s'écrier avec l'accent de la douleur et du blâme : Où sont donc les neuf autres? Gardons-nous d'encourir un reproche aussi dur!
Sainte Mère de Dieu, sans être à votre hauteur, nous sommes, après vous, les êtres les plus nobles de la création ; mais, pour ne point descendre de ce rang si élevé, nous avons besoin de votre toute-puissante assistance : daignez, ô Vierge bénie, nous la continuer.
Pratique : Demandez souvent à Marie qu'elle vous éclaire et vous dirige dans les voies du salut.
EXEMPLES.
SENTIMENTS DE LA DIGNITE DE CHRETIEN.
Un jour que l'on bâtissait, ;'i L'aide de pienses lar- 3, nue magnifique église, nne femme vertueuse,
VAS FONOItARILE U
toute pauvre des biens de la terre, mais riche des biens de la grâce, animée de l'esprit de Jésus-Christ et d'un tendre amour pour la sainte Vierge, s'empressa d'apporter un écii, fruit de ses épargnes, ne voulant pas rester étrangère à la bonne œuvre. Mais le prêtre à qui elle présentait son offrande la refusa, en lui disant qu'il pensait lui donner des secours plutôt que d'en recevoir, parce qu'à sa mise, elle lui paraissait bien pauvre. — Moi pauvre ! mon père, reprit-elle d'un ton élevé : Eh ! ne suis-je pas chrétienne, fille par là même d'un grand roi, et héritière d'un riche royaume ? — Cette femme comprenait la dignité de chrétien et savait la soutenir.
— Un sauvage, suffisamment instruit de notre sainte religion, avait reçu avec les plus vifs sentiments d'amour.et dte reconnaissance le Baptême et la sainte Eucharistie." Le missionnaire, étant parti de là pour aller faire d'autres conquêtes à Jésus-Christ, revint un an après dans l'endroit où se trouvait ce nouveau chrétien. A peine eut-il appris l'arrivée du Mission- naire, qu'il alla le trouver pour lui demander la sainte communion. — Très volontiers, mon fils, lui dit le bon Père : mais il faut auparavant vous confesser des fautes graves que vous avez pu commettre ; ne crai- gnez pas, je vous aiderai. — Quoi, mon Père, reprit le sauvage avec étonnement, est-ce qu'il y aurait des chrétiens qui, après avoir été baptisés et avoir reçu Jésus-Christ, seraient assez ingrats pour l'outrager par quelque péché mortel ? Grâces à Dieu, je ne pense pas avoir commis aucun de ces péchés. Et il fondait en larmes en accusant quelques fautes toutes légères. — Il y a là de quoi couvrir de honte tant de eh retiens qui perdent si facilement et si tôt la grâce de leur baptême.
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— Tout le monde sait la haute idée que saint Louis attachait à sa dignité de chrétien : il signait le plus souvent Louis de Poissy, parce que ayant eu le bon- heur de recevoir en cet endroit le sacrement dé Baptême, il estimait le titre d'enfant de Dieu et de l'Eglise bien au-dessus du titre de roi.
ARTICLE SECOND.
Heureux changement opéré dans la position de la
femme, par le Christianisme
et le culte de Marie qui en est inséparable.
Fatigués et comme honteux d'avoir assisté à ce triste spectacle qui nous a montré une partie du genre humain si humiliée, si dégradée par l'autre, laquelle par cette injustice criante ne se couvrait pas d'un moindre déshonneur, nous allons reposer nos regards sur un théâtre bien différent, le monde catholique, qui nous révélera la réhabilitation de la femme. Oui, sa grandeur, son émancipation, sa haute position dans la société et la famille sont des fleurs qui ne pouvaient éclore qu'en Terre sainte, au soleil de la foi et sous la bénigne influence de la Vierge. En effet, ce fut l'In- carnation du Verbe et son apparition au monde par Marie qui mit un terme à la dégradation de la femme. Alors, commença pour elle une ère d'émancipation et et d'égalité qui la réintégra dans ses droits si long- temps méconnus. Le Fils de l'Eternel vouloir naitre d'une femme et d'après son consentement, d'une femme à laquelle il reste soumis pendant trente ans, qu'il associe à toutes ses opérations pour notre salut, qu'il lègue pour Mère à tout le genre humain, qu'il couronnera dans le ciel d'une gloire incomparable et d'une puissance sans limite : n'était-ce pas déjà rele- ver magnifiquement la femme de l'état d'abaissement
VAS HOXOHABILE 15
et de servitude où elle était tombée ? Tant d'honneurs accumulés sur Marie sa Mère ne rejaillissaient-ils pas surtout son sexe ? (2)
Mais cette réhabilitation ne fit que s'accroître et se consolider par le culte de la sainte Vierge. En effet, quand le symbole proclamait, et que les Conciles consacraient sa divine Maternité, base de toutes les autres vérités catholiques, n'était-ce pas abolir la malédiction portée contre la première femme ? Quand les peuples voyaient les autels se dresser pour Marie à côté de ceux de son Fils, sa bannière flotter en regard de la Croix, un culte tout spécial être rendu à cette humble fille de Juda devenue Mère d'un Dieu, pouvaient-ils supporter après cela que la femme restât dans son état de dégradation et d'esclavage, et ne pas reporter sur tout le sexe une partie de tant de vénération décernée à Marie ? D'ailleurs, il paraissait de toute justice qu'une femme ayant réparé la faute, la gloire de cette réparation rejaillit sur toutes les autres. Pouvait-on ne pas leur tenir compte de ce qu'une d'entre elles ait été Médiatrice avec le Média- teur, Rédemptrice avec le Rédempteur ? Ainsi la femme s'éleva graduellement dans l'estime des hommes à proportion des progrès que fit, avec les croyances chrétiennes, le culte de Marie. Autant elle avait été asservie et dégradée dans l'antiquité païenne, autant son élévation devint un principe et un fait dans le Christianisme .
Qu'elle est belle, en effet, la position qu'il fit à la femme ! Il la trouva sur le chemin du monde, expiant dans l'ignominie l'orgueil de la première Eve, et la prenant par la main, il la fit remonter sur le trône où dès l'origine l'avait placée le Créateur. Il lui rendit tout à la fois sa dignité morale, religieuse et civile, en
Ili V VS HUNOHABILK
ôtant à l'époux le droit tyrannique de vie et de mort que lui conféraiejil les lois anciennes ; eD frappant de réprobation la pensée même d'adultère, l'usage de la polygamie, la désastreuse liberté du divorce: en lui faisant partager avec l'homme 1rs bienfaits de l'ins- truction religieuse e1 tous les droits civils. Devenant par le sacrement de mariage l'égale, la compagne de son époux, elle aura son amitié morale, confiante et durable, au lieu de cet amour sensuel, capricieux et inconstant que l'idolâtre jetait en passant à sa jeu- ; elle pourra à son tour, par l'empire de la vertu et les charmes de la parole, se rendre maîtresse de son cœur et obtenir les plu- beaux triomphes.
Reine dans le sanctuaire de la famille, au lieu d'y être en tutelle comme auparavant, elle y commandera, elle dirigera et déploiera -on beau privilège de faire
_ î- la concorde, fleurir la pieté et les bonnes mœurs, exerçant ainsi la plus noble des magistratures, avec le sceptre d'honneur reçu des mains de Marie.
Ange de douceur et de paix au foyer domestique, elle sera aussi un ange de compassion dans la grande famille humaine. Et c'est là encore un des beaux du rôle sublime dévolu aux femmes par le christia- nisme. Oui, elles sont devenue- les premières Coad- jutrices de la Providence pour le soulagement de tout ce qui souffre : monopole honorable dont elles n'ont garde de se dessaisir. Aussi, les divers établissements, où la charité déploie toutes ses Industries, sont un théâtre trop restreint pour leur zèle ; le monde entier - »ii immensité de misères à soulager, de plaies à guérir, d'angoisses à consoler, de calamités particu- iilà leur domaine. La. elles sauront dépenser toute leur vie avec un dévouement plus que maternel. Et Dieu seul peut compter tous les actes
VAS HONOMABU-E 17
héroïques reproduits à chaque heure et dans tons les climats, par cette milice innombrable de vierges et de dames qui joignent l'intelligence du zèle aux tendres- ses de la charité la plus désintéressée, la plus infati- gable.
Or, à quelle école nos femmes chrétiennes se sont- elles inspirées de cette grandeur d'âme et d'un hé- roïsme aussi sublime ? C'est Marie qui leur en a ouvert la voie ; c'est sous son influence qu'un sentiment si noble a germé et s'est épanoui en prodiges de dévoue- ment . Le premier cœur de femme qui ait brûlé du beau feu de la charité, et qui l'ayant reçu de Jésus, l'a com- muniqué à son sexe, c'est le grand cœur de Marie. C'est elle qui au Calvaire, sous l'inspiration du dernier souffle du Rédempteur, forma la première association de charité. Tandis que les apôtres et les disciples se dispersaient comme un troupeau sans pasteur, Marie, la pieuse Mère de Dieu, s'est tenue près de l'infâme gibet, en compagnie de ces autres femmes qui avaient pleuré sur le sort de l'Homme-Dieu, qui s'étaient pré- cipitées à sa rencontre pour essuyer sa face, et l'avaient suivi du Prétoire à la montagne sanglante, aussi dé- sireuses de compatir à ses souffrances (pie de recueillir ses dernières paroles. C'est ainsi que la sainte Vierge et ses compagnes, mettant leurs larmes en commun au pied de la Croix, s'étaient consacrées au soulage- ment de la plus grande des douleurs, dans la personne de Jésus mourant. Et dès lors, animée par un si noble exemple, la femme chrétienne, digne émule de ses ainées, n'a reculé devant aucun sacrifice, regardant tous les malheureux comme sa famille : honorable res- semblance avec Marie, qu'elle est toujours jalouse de conserver.
C'esl encore par un autregenre de gloire, celle du
18 VAS HONOHABILE
martyre, que la femme catholique signala sa réhabili- tation . Le beau spectacle que présentent les premiers siècles surtout, où se déclarer chrétien était un crime capital, digne de tous les tourments et de la mort! Alors on a vu par milliers, des vierges délicates, des épouses, des mères, des esclaves même, brisant toutes les affections les plus tendres et les plus légitimes, in- sensibles à toutes les promesses, bravant toutes les menaces, affronter les tortures les plus cruelles, aigui- ser dans l'amphithéâtre la fureur trop lente des botes, monter intrépides à l'échafaud, courir à la mort comme à un banquet, plutôt que de permettre la plus légère atteinte à leur pudeur ou à leur foi. Et d'où est venu à ce sexe naturellement si faible et si impropre à la peine, cette force plus que virile qui le rendit supé- rieur à toute la rage des tyrans et des bourreaux ! C'est sans doute du Dieu du Calvaire, dont le supplice a charmé et charmera toujours tous les supplices en- durés pour son amour ; mais c'est aussi de la Reine des martyrs, la divine Mère, qui debout aux pieds du Cru- cifié partageait toutes ses agonies et s'immolait avec lui.
Près de Marie encore, qui la première avait levé l'é- tendard de la virginité, la femme chrétienne vint s'ins- pirer d'amour pour cette vertu, qui n'avait point germé sur le sol païen, mais qui plantée par la Reine des vierges dans le champ de l'Eglise se multiplia avec une étonnante fécondité, et compléta la réhabilitation de la femme .
C'est donc ainsi que sur les pas de Marie elle con- quit, par le triple héroïsme de la charité, du martyre et de la virginité, une gloire que le vieux monde ne connaissait ni ne donnait. Honneur donc au Christia- nisme, honneur à Marie, sous l'influence desquels la
VAS HONORABILE 19
femme s'est relevée si noblement de l'état d'abjection, d'asservissement et de nullité où elle gisait dédaignée !
Morale : Mais aussi, ennoblie à ce degré, qu'elle doit paraître respectable ! C'est avec cet œil de la foi qu'il faut, enfants, voir votre mère, époux votre épouse, frère une sœur, et nous tous, devenir plus justes en- vers ce sexe dont les services et le mérite sont trop sou- vent méconnus par ces hommes égoïstes et orgueilleux qui, bouffis de leur prétendue supériorité, humilient par leurs dédains, si ce n'est par l'insulte d'une raille- rie, celle que Dieu a rehaussée dans l'ordre social .
Pour vous, femmes chrétiennes, n'oubliez pas que le Sauveur vous ayant délivrées d'une abjection autrefois si humiliante, a droit à d'autant plus d'amour et de dé- vouement. Etant près d'exhaler son dernier soupir, il promène un regan I sur la foule qui l'entourait, cher- chant quelques âmes généreuses dont la vue le conso- lât un peu de l'ingratitude d'un peuple si aimé; et ses yeux comptèrent un homme et trois femmes. En ce jour solennel, vous fûtes honorablement représentées : vous saurez donc garder précieusement le patrimoine de cette antique gloire. Aujourd'hui, comme alors, Jésus est insulté, méconnu, délaissé. Ce n'est presque plus que dans vos rangs qu'il rencontre des disciples fidèles; Voudriez-votis donc anssi vous en aller? Non ! vous n'en serez, au contraire, que plus empressées à le dé- dommager par un redoublement d'amour et de cons- tance, de tant d'injures et de froideur.
Quant à Marie, outre les motifs de l'aimer qui vous sont communs avec tous les chrétiens, le bienfait ines- timable de votre émancipation, à laquelle elle a eu tant de part, vous en fait un devoir qui pèse sur vous pres- que du poids d'un commandement. On se plait à dire que la pieté et la dévotion à Marie ne sont bonnes que
"20 v\s HONORA BILE
pour les femmes. En effet : et je ne comprendrais même pas comment une femme put être assez ingrate pour n'avoir que de l'indifférence envers la sainte Vierge, sa sœur, et de plus le principe de sa réhabilitation per- sonnelle. On vous veut dévotes à Marie; acceptez ce titre qui, loin de vous flétrir, vous ennoblit et vous honore. La nature vous a douées d'un cœur sensible et reconnaissant : tournez vers la Vierge une disposition capable des plus généreux sentiments: et que cette tendresse qui vous distingue, s'échauffe auprès d'une Mère si aimable. (3)
Ce n'est pas tout encore : appliquez-vous avec cette même énergie à reproduire en vous les vertus dont elle vous offre un si touchant modèle. Vous la retrouvez dans toutes les phases de votre vie : vierge timide, modeste, pure comme Tange ? épouse fidèle, soumise, complai- sante : mère pleine de tendresse et de dévouement ; veuve solitaire et pourtant charitable. Les vertus de Marie, dont vous vous embellirez, sont l'armure im- pénétrable qui vous protégera contre la malignité et les assants d'un monde aussi corrupteur que corrompu. Les vortus de Marie, voilà votre plus précieux trésor, le plus magnifique de vos joyaux, le fleuron le plus riche de votre couronne, l'auréole la plus glorieuse qui puisse ceindre votre front .
0 Marie, devez-vous dire, à qui nous sommes rede- vables de notre heureuse réhabilitation, achevez en nous votre ouvrage, en nous aidant à soutenir ce haut rang par l'imitation de vos sublimes vertus.
Pratique : Scion le sage conseil de Tobie à son fils, témoignera sa mère le plus grand respect en toute manière.
VAS HOXOKABILE 21
HISTOIRES.
HONNEUR RENDU AUX FEMMES.
On raconte du bienheureux Henri Suzo, que rencon- trant une femme dans une rue très sale, il se détourna aussitôt pour lui laisser la place la moins boueuse. Confuse de cet acte d'humilité. « Mon Père, lui dit- elle, vous êtes prêtre et religieux, pourquoi céder le chemin à moi qui ne suis qu'une pauvre femme ? » — Frère Henri répondit : « Ma sœur, j'ai l'habitude d'ho- norer toutes les femmes parce qu'elles rappellent à mon cœur la puissante Reine du ciel, la Mère de mon Dieu à qui je dois tout . » — De si beaux sentiments sont pré- cieux à recueillir pour règle de conduite.
— En France surtout, à l'époque du moyen âge, où le sol de notre patrie se couvrait de basiliques élevées par l'enthousiasme de nos pères, en l'honneur de Celle qu'ils appelaient Notre-Dame, la vénération pour la femme allait jusqu'à l'exagération. Ainsi, l'on vit un roi de France, Louis VII, dater ses actes du couron- nement de sa chère Adèle. Et qui ne sait que saint Louis avait fait graver sur son anneau nuptial, avec l'image sacrée du Crucifié entourée de lis, des fleurs appelées Marguerites, pour faire allusion au nom de la reine? Puis au dessous, on lisait ces trois mots qui résument tous les amours de sa vie : Dieu, la France, et Marguerite .
— C'était aux jours des grands malheurs de la France. Edouard, roi d'Angleterre, ayant réduit Calais, voulut bien lui faire grâce, à cette condition que les six principaux habitants viendraient dans son camp, la corde au cou, s'offrir en holocauste à sa grande colère. Ces généreuses victimes étaient sur le point d'être im- molées à son courroux inexorable, lorsque l'épouse du
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roi tint ce langage : « Si vous me croyez digne de vaincre avec vous ; si vous jugez que j'ai servi la cause commune avec quelque bonheur ; si enfin j'ai des droits, je les réclame tous, moins pour sauver ces hommes vertueux que pour sauver votre honneur. Si mes prières n'ont plus de force, je ne supplie pas, j'exige ; je de- mande leur grâce pour prix de mes services et je dois l'obtenir. » — « Madame, lui répondit Edouard, je n'ai rien à vous refuser ; mais vous me gênez fort en ce moment, et je voudrais vous savoir loin d'ici. » — Voilà une grande colère qui tombe respectueusement devant une femme !
ARTICLE SUPPLÉMENTAIRE Influence de la femme et surtout d'une mère Etre plus dévouées à Marie, vous embellir de ses vertus, serait-ce assez, femmes chrétiennes, pour ré- pondre à [la glorieuse réhabilitation dont vous lui êtes redevables ? Non, certes ; mais il faut, et ceci surtout devient votre spéciale et immense obligation, il faut utiliser pour la gloire de Dieu, pour le salut des âmes, pour le culte de Marie et le bien moral de la société, l'ascendant attaché à votre sexe, les charmes si per- suasifs de vos discours, l'autorité imposante de vos exemples, en un mot cette force de conviction et d'en- trainement dont vous jouissez, et qui est souvent plus efficace que la plus éloquente prédication. La femme peut beaucoup de bien, comme elle peut beaucoup de mal . Jamais ses vices non plus que ses vertus, ne se bornent à elle seule : elle ne se perfectionne, ni ne se dégrade, sans perfectionner et dégrader tout ce qui l'entoure : c'est elle qui rend meilleures ou plus mau- vaises, les familles, les sociétés, les mœurs publi- ques : elle porte dans ses mains les destinées du monde entier.
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Gardez- vous donc, femmes chrétiennes, de devenir un foyer de démoralisation, au lieu d'être des auxiliai- res de la vérité et de la vertu. Soyez non plus des Eve qui perdent, mais des Marie qui sauvent. Une de vous a bouleversé dès son origine le genre humain ; votre mission est de le reconstituer. Sainte Hélène a con- verti l'Empire romain par Constantin son flls. Sainte Clotilde a amené le fier Clovis à courber la tète devant le Dieu des chrétiens. La reine Blanche a fait de Louis IX un saint et un modèle de rois. C'est une femme qui fonda dans ce siècle l'Œuvre éminemment catholique de la Propagation de la foi, par laquelle s'étendent sur les plages infidèles et barbares les bien- faits de la civilisation avec la connaissance du vrai Dieu. C'est par les femmes que les François de Sales, les Charles Borromée, les Vincent de Paul ont établi ces précieux asiles ouverts à la piété qui veut une plus grande perfection, et à toutes les misères humaines, qui y rencontrent les secours de la plus héroïque cha- rité.
J'ai nommé la charité : c'est déjà et surtout par les industries qu'elle inspire qu'il faudra vous ouvrir les cœurs, pour ensuite les tourner au bien. Quittez donc souvent les douceurs de la retraite, pour aller en goû- ter de beaucoup plus délectables dans ces réduits où languissent un vieillard invalide, une veuve désolée, un orphelin sans appui, un ouvrier sans travail, un malade abandonné, un moribond aux prises avec la mort, et tant d'autres, plus dénués encore des biens de la grâce que des richesses de la terre. Si ce hideux spectacle répugne à votre délicatesse, ranimez votre ardeur au foyer de la foi. A la clarté de la lumière, l'asile du malheureux vous paraîtra une riche mine de mérites à exploiter ; ses larmes à essuyer, ses plaies à
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panser, comme autant de rubis qui rehausseront l'éclat de votre couronne : sous les haillons de l'indigence, vous découvrirez les membres du Dieu de la crèche et de la Croix : et à travers les difformités de la uature, une âme toujours l'image de la Divinité et destinée à la félicité des élus .
Electrisées par ces vues sublimes, femmes chrétien-- ros mains s'ouvriront pour soulager, vos lèvres pour verser un baume consolant dans ces cœurs endo- loris : mieux que tout autre, vous en connaissez l'art et le secret. Et quand vos largesses assaisonnées de l'onction de vos paroles vous auront donné l'entrée du cœur, vous parlerez à ces malheureux du Dieu qu'ils ont peut-être oublié. Vous ferez luire aux yeux de leur intelligence, ordinairement obscurcie, quelques rayons des vérités saintes, qui favorablement accueil- lies relèveront leur abattement, et leur rendront les peines tout à la fois plus tolérables et plus méritoires. Ainsi, anges visibles de la Providence, vous aurez subvenu aux nécessités de l'ànie, tout en soulageant celles du corps. Ainsi, vous aurez remis sur la route de la vertu et de la céleste patrie, des êtres vos sem- blables qui ne la connaissaient plus. Et voilà une fonc- tion qui n'est ni la moins utile, ni la moins noble de ce vaste et sublime apostolat que vous êtes appelées à exercer dans le monde.
Mais, sans sortir de vos maisons, quelle belle ma- ture vous y est dévolue ! quelle est grande tnce sur le cœur d'un mari d'abord, par une complaisance qui aille au-devant de ses i, sans
jamais se rebuter, par votre patience inaltérable à supporter ses défauts, par une prudence qui sache prévenir ses colères et un sourire qui les calme, par une amabilité toujours sereine, par un dévouement
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qui commande son admiration et son amour ! Ce sont là de pacifiques assauts, auxquels le cœur le plus dur ne sait résister. Saint Jérôme, le plus austère des Docteurs de l'Eglise, écrivant à une noble Dame ro- maine, dont le père était encore plongé dans les ténè- bres du Paganisme, lui enseigne un stratagème qu'il croit infaillible, pour obtenir la conversion d'une àme si précieuse : « Que votre petite fille, dit-il, saute au cou de son grand papa, qu'elle le caresse et l'embrasse en lui parlant de Jésus. » Ingénieuse image des atten- tions délicates dont la femme doit, dans une juste me- sure, entourer le mari. Combien furent ramenés de l'erreur et du vice dans la voie de la vérité et de la vertu, par une épouse solidement chrétienne et chré- tiennement aimable ! (4)
Mais non moins grande est l'influence d'une sainte mère sur la famille. Si l'homme en est la tête, la femme en est le cœur : au premier la raison qui mon- tre la sagesse, à elle l'adresse qui l'inspire. Les leçons que le père présente à l'intelligence, la mère par le charme de sa parole les fait pénétrer dans les replis de l'àme : elle possède l'art de transformer les pré- ceptes en habitudes vertueuses, les lumières en senti - ments, la vérité en amour. Le cœur est tout l'homme ; et un bon cœur est l'œuvre d'une bonne mère.
Ajoutons que la médiation de la mère chrétienne au- près de Dieu n'est pas moins puissante que ses dis- cours, pour le bien moral et religieux de la famille. Portées sur les ailes de la foi et de l'amour, sentiments qui prédominent en elle, ses prières arrivent plus vite au cœur de Dieu et en triomphent, surtout si elles sont présentées par Marie qui les appuiera de toute la puis- sance de son crédit. Devenez d'autres Moniques, mères chrétiennes, et vous aurez des Augustins. Ce que la
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force de vos exemples et le prestige attaché à vos pa- roles n'auront point obtenu, emportez- le par la sainte violence de vos prières.
Mais, c'est dès le berceau que doit commencer l'ac- tion maternelle sur l'enfant. « La première éducation, a dit quelqu'un, se donne sur le giron de la mère. » Belle parole, qui renferme deux grandes vérités : la pre- mière, que c'est à la mère surtout qu'est dévolue l'im- portante et difficile mission de former l'enfant ; la seconde, que c'est dès le bas âge qu'elle doit s'en oc- cuper.
1° Oui, c'est à la mère plutôt qu'au père qu'appar- tient le glorieux sacerdoce de l'éducation. Oh, le père ! d'autres soins, d'autres occupations demandent son temps et ses forces. Chaque matin, avant de sortir pour reprendre son labeur, il s'arrêtera peut-être un instant auprès de ce berceau où l'enfant dort encore ; il soulèvera de ses mains durcies le léger tissu qui abrite ce sommeil angélique ; mais, après un baiser et un sourire, il s'en va, préoccupé de cette pensée qu'il doit gagner une autre vie que la sienne, et que ce nouvel hôte de la maison lui impose un surcroît de travail. Le soir, rentré à sa demeure, il prendra encore dans ses bras cet objet de sa tendresse en le laissant caresser son âpre visage, mais ce sera pour se dire au fond de son cœur ému : je ferai si bien, que, s'il pleure, ce ne sera point de misère. Au père donc la pénible charge de pourvoir aux besoins de la famille.
Mais à la mère, que son genre d'occupations retient au logis, la douce et auguste fonction de l'éducation morale et religieuse de l'enfant. A elle, de lui appren- dre les noms bénis de Jésus et de Marie, de lui incul- quer les premières notions de Dieu et de ses droits : à elle, de lui inspirer l'horreur de tout péché, lui répé-
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tant souvent, comme la digne mère de saint Louis, que sa mort l'affligerait moins que la souillure d'une seule faute mortelle : à elle, de l'assouplir de bonne heure aux vertus dont son âge est capable, d'om- brager cette jeune plante du regard vigilant de sa ten- dresse, et de la garantir contre tous les souffles qui pourraient la flétrir : à elle, de prémunir longtemps d'avance son cœur innocent contre tous les assauts qui lui seront livrés du dehors et au dedans. Oh ! comme il reste profondément gravé le souvenir des paroles d'une mère, parce qu'il se mêle au souvenir de l'amour le plus tendre et le plus désintéressé ! — Que volontiers nous vous détaillerions, mères chré- tiennes, tous les ingénieux secrets à employer pour une bonne éducation ; mais ce serait allonger un sujet qui peut-être l'est déjà trop ; ce qui ne trouve son ex- cuse que dans son importance ; nous terminerons en vous disant :
2° Que c'est sur votre giron que doit s'élaborer cette seconde naissance morale et chrétienne de l'enfant. Ils sont si beaux ces petits anges, si bons ces enfants, quand ils sont assis sur vos genoux ! Chère et aimable créature, elle ravit par ce coloris si pur, ce regard si vifetsidoux, et ce front que ne voile encore aucun nuage. Ame blanchie naguère aux eaux du baptême, elle n'a pas encore senti les ouragans des passions effleurer son innocence. C'est un agneau qui dort calme dans une forêt qu'il ne sait point remplie de bêtes fauves. C'est une fleur à peine éclose, encore humectée de la rosée du matin, que n'a point flétrie le soleil de midi. Ah ! qu'à tous ces titres de pureté na- tive, ils doivent vous être chers ces petits enfants ! C'est donc à vous de féconder par la chaleur vivifiante du souffle maternel les germes de vertu cachés au fond
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de leur âme. L'onction de suavité, le parfum de grâ- ces qui coulent de vos lèvres auront une merveilleuse puissance pour façonner leur jeune cœur. Un invin- cible attrait attache l'enfant aux idées et aux senti- ments que lui transmet sa mère. Naturellement enclin à une imitation aveugle de celle dont le sein est son lit de repos, il la prendra pour modèle avant de com- prendre la valeur de ses actes. Comme une cire molle, il recevra donc la marque impérissable que vous lui aurez imprimée. Arbre tendre et flexible, c'est alors qu'il faut le dresser. Vase tout neuf, toujours il con- servera le goût de la première liqueur que vous y ver- serez. C'est une terre vierge qui ne demande qu'à produire : mais les fruits en seront bons ou mauvais, selon la semence que vous y aurez répandue. « Un enfant, a dit un grand orateur, est un petit être placé entre le bien et le mal, qui peut devenir un scélérat ou un saint. » Or, c'est l'éducation que vous lui don- nerez qui le fera l'un ou l'autre. Ayez donc pour règle de conduite, cette maxime :
Formez l'homme au berceau, certain âge accompli. Le vase est imbibe, l'étoffe a pris son pli.
Oui, ô Marie, comprenant ce que la religion, la so- ciété et la famille attendent de nous, nous ne voulons pas faire défaut à la sainte et noble mission que vous nous avez léguée. Mais aidez-nous, par votre puis- sante médiation, à la remplir dignement, en précédant -mêmes nos frères et nos enfants dans le sentier de l'honneur et de la vertu.
Pratique : Enseigner aux enfants dès l'âge le plus tendre à Louer e1 à invoquer Marie : saint François de Borgia eut ce bonheur qui lui aida beaucoup à acqué- rir sa sainteté.
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EXEMPLES
EFFET DE LA PRIERE D'UNE MERE POUR LA PURETÉ DE SON ENFANT.
Marie Leczinska, digne épouse de Louis XV, donna sur ce point un exemple admirable. Des seigneurs ayant perdu tout sentiment de pudeur, tendaient des pièges à l'innocence de son fils aîné. Elle en fut infor- mée ; il y avait urgence d'y porter remède. Mais la reine ne pouvait se rendre auprès du jeune prince. Que fait-elle ? Elle se jette au pied de son crucifix, ensuite devant une image de la sainte Vierge et de- mande que son fils meure plutôt que de perdre la vertu. Puis, elle se lève pleine de confiance que sa prière est exaucée. Peu de temps après, elle apprend du jeune prince, qu'en effet, malgré d'instantes solli- citations, il avait énergiquement résisté. A quelque distance de là, il tombe malade et meurt dans les sen- timents les plus chrétiens. Aussitôt qu'elle l'eût appris, elle réunit ses enfants, et les yeux baignés de larmes : « Chers enfants, leur dit-elle, votre frère aîné vient de mourir ; c'est moi qui ai demandé sa mort. Il était exposé à perdre son innocence ; j'ai prié Dieu el la sainte Vierge qu'il perdit plutôt la vie. Le ciel m'a exaucée ; je l'en bénis ; je pleure néanmoins; car je l'aimais autant qu'une mère peut aimer son enfant, » — Sentiments admirables qui devraient être ceux de toutes les mères !
AIMER LE DOUX PLAISIR DE FAIRE DES HEUREUX.
C'était la èeiieieuse jouissance de sainte ^Elisabeth de Hongrie, plus élevée encore par ses vertus que par les richesses et par le rang. Elle aimait [à descendre souvent la colline que couronnait son château, pour
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s'en aller distribuer aux pauvres du voisinage les pro- visions abondantes dont elle remplissait son manteau de duchesse. Son mari l'avait priée plusieurs fois, mais en vain, de respecter un peu plus sa dignité. Un jour qu'elle avait profité de son absence pour se pro- curer la joie de ces excursions charitables, elle le rencontra revenant de la chasse plus tôt que de cou- tume. Que faire? Prise en flagrant délit, notre Sainte se recommande à Dieu. Le duc s'approche tout près, ouvre de la main le manteau avec an sourire qui semble dire : « Je t'y trouve encore. » Et au grand étonnement de tous les deux, il n'y avait plus que des roses ! — Consolant et gracieux symbole de la couronne immortelle qui l'attendait au ciel, tressée d'aumônes transformées en fleurs.
— Le même prodige se renouvela en faveur de la bienheureuse Germaine. Cette pieuse fille, possédant toutes les vertus qui font les saints, se distinguait surtout pour sa tendre compassion envers les malheu- reux. Un jour d'hiver, apprenant qu'un pauvre n'avait pas mangé depuis longtemps, elle lui porta un mor- ceau de pain. Sa belle mère, qui ne l'aimait pas, l'ayant surprise en son chemin, tablier relevé, soup- çonna la ruse pieuse, et s'apprêtait à lui faire sentir le poids de sa colère. Germaine voulut bien lui montrer ce qu'elle portait. Mais au lieu de pain, c'étaient des roses nouvellement épanouies, qui exhalaient les plus doux parfums. Ce prodige fit une impression sa- lutaire sur le cœur de la marâtre qui déposa ses pré- ventions et ses duretés
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CHAPITRE XXVIII.
VASE INSIGNE DE DEVOTION.
Tous, nous sommes en naissant, dit saint Paul, des vases de colère, destinés à être brisés. Si à la souillure de notre origine nous ajoutons des iniquités nou- velles, nous devenons des vases d'ignominie, dont le ciel détourne ses regards. Le repentir vient-il effacer nos taches, nous sommes changés en vases de misé- ricorde, mais nous restons toujours de fragiles vases de terre.
Rien de tout cela n'est applicable à Marie. Elle fut non-seulement un Vase tout spirituel, embelli princi- palement d'humilité, non-seulement un Vase hono- rable dont la splendeur rejaillit plus spécialement sur son sexe, mais un Vase rempli de tous les parfums de la dévotion. Et c'est ce Vase insigne de dévotion que nous venons ouvrir aujourd'hui devant vous, pour vous faire aspirer la bonne odeur d'édification qu'il renferme et qui s'en exhale. Ce sont là les deux riches significations de ce vocable figuratif, Vase in- signe de dévotion. Oui,
I . Marie fut un vase rempli de dévotion ;
II. Marie est un Vase répandant au dehors la dé- votion.
ARTICLE PREMIER. Marie, Vase rempli de dévotion.
« La dévotion, dit saint François de Sales, est un amour de Dieu plus vif, qui nous rend prompts , actifs et diligents non-seulement dans l'observation de tous ses commandements, mais encore dans les bonnes œuvres, lesquelles n'étant point ordonnées ne sont que de conseil ou d'inspiration toute particu-
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lière . » La dévotion , en d'autres mots , est cette promptitude de volonté avec laquelle on se porte à la pratique des actes intérieurs et extérieurs qui regar- dent le service de Dieu. C'est une religion qui ne se borne pas à croire, mais qui aime Dieu jusqu'au dé- vouement (dévotion vient de dévouement). « C'est, dit encore l'aimable évèque de Genève, la perfection de la charité : la charité est une plante, et la dévotion en est la fleur : la charité est un rubis, et la dévotion en est l'éclat. » Quelqu'un l'a aussi très ingénieuse- ment définie, « l'amour de Dieu aux petits soins. » Or, tel fut la disposition habituelle de Marie.
D'abord, que ne pouvons-nous dire la ferveur de sa prière, les ardeurs de ses aspirations vers le ciel , la continuité de son union à Dieu, dont tout lui rappelait le délicieux souvenir ! En elle, pas une pensée, pas un désir, pas une parole, pas un élan du cœur qui ne s'y rapportât. C'était bien ce Vase des parfums placé dans le temple en forme d'autel, où brûlaient sans cesse et s'exhalaient en l'honneur du vrai Dieu l'en- cens et toute espèce d'aromates : emblème naturel de la prière, qui doit s'élever à Dieu comme un encens d'agréable odeur, et pour cela partir d'un cœur em- brasé de son amour.
Morale : Aimons aussi à prier comme Marie. Quand la prière ne serait pas, ainsi que l'aspiration de l'air pour le corps, l'aliment nécessaire de la vie surnaturelle de l'âme qui, sans le secours divin que la prière attire, languirait impuissante contre sa fai- blesse ; car, qu'est-ce qu'une âme qui ne prie point ? c'est un soldat sans armes au milieu d'une foule d'ennemis acharnés à sa perte ; c'est un pilote embar- qué sur une mer orageuse avec un vaisseau sans rames, sans voiles et sans gouvernail : c'est une ville
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assiégée de toutes parts et dont les murailles sont sans défense : quand la prière ne serait pas un devoir pour l'homme qui, Prêtre de l'univers, doit porter de- vant le trône de l'Eternel le tribut animé de la louange et de l'adoration, et par là s'élève et s'ennoblit en se mettant en rapport avec le Créateur des mondes ; tou- jours elle serait pour l'âme ce qu'il y a de plus déli- cieux et de plus consolant. C'est le chant de l'espé- rance que l'exilé adresse du bord des fleuves de Baby- lone aux rives du Jourdain, à la douce patrie du ciel ; c'est la suavité du miel tempérant l'absinthe de la douleur ; c'est une joie de plus dans les enivrements de la joie. Qui, après avoir été prié, n'a pas senti son cœur plus léger, son âme plus contente ? Memor fui Dei, et delectatus su?n .
C'est dans le temple surtout que Marie mettait ses dé- lices à épancher son âme dans le sein de Dieu. Dès ses plus tendres ans, elle était venue se cacher à l'ombre silencieuse des tabernacles, afin de vaquer plus libre- ment, loin du tumulte du monde, à la prière et à de pieuses contemplations . Et quand il lui fallut immoler les plus chères affections pour accomplir dans une vie moins solitaire ses hautes destinées, le saint temple ne resta pas moins son lieu de prédilection favorite. La loi ordonnait aux hommes seulement de s'y présenter trois fois l'année, aux grandes solennités de Pâques, de Pen- tecôte et des Tabernacles, prescription qui n'obligeait aucunement la Vierge, empochée d'ailleurs par la dis- tance. Cependant, le désir d'adorer Dieu dans le Lieu de sacrifices et de prière qu'il s'était choisi, l'y amenait souvent avec Joseph et l'Enfant- Jésus.
Morale : Admirable exemple pour les chrétiens, de l'empressement qu'ils doivent mettre à venir dans la maison de Dieu . L'église est le Paradis de la terre :
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c'est là qu'on se repose des agitations du monde, de la fatigue des affaires, de toutes les préoccupations de la vie. Elle est un lieu tout spécial de prière, où réunis tous ensemble autour de Jésus-Christ , on est sur d'être exaucé. Elle est le vestibule du ciel, porta cœli: c'est là que l'esprit chancelant dans sa croyance voit toutes ses incertitudes se dissiper au flambeau de la vérité ; là que le cœur sans énergie pour la vertu se ranime à la vue de la douce paix qu'on lui montre réservée à la victoire sur soi-même ; laque le pécheur, brisant son orgueil sur les dalles du sanctuaire, trouve dans l'aveu de ses fautes et les larmes du re- pentir le calme du pardon ; là aussi que le plus juste s'excite à croître toujours dans la perfection, par la méditation de nos sublimes espérances. C'est pour tous que l'église est l'école des plus utiles leçons. Ve- nez-y, riches, pour voir la vanité de ces biens qui fascinent vos yeux, et apprendre le secret d'en faire des trésors inaccessibles aux vers, aux voleurs et à la rouille. Venez-y, pauvres, et vous que le malheur ou la souffrance accable . vous y puiserez cette patience qui, avec la résigation. vous procurera le mérite de vos peines. Venez, jeunes gens, autour de cette chaire où se donnent les leçons de la plus haute sagesse ; vous y apprendrez à échapper aux écueils de votre âge. Et vous qui touchez au terme de votre carrière, venez -y vous préparer à une sainte mort, Venez-y tous, pour resserrer les liens de cette fraternité uni- verselle, qui est le cachet des disciples du Christ, et l'avant-goùt de cette charité parfaite qui seule règne dans la commune patrie. Venez-y dans toutes les cir- constances, toujours vous en sortirez heureux et meilleurs.
Une autre dévotion de Marie était de recueillir, de
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méditer ensuite et de conserver dans son cœur les vé- rités précieuses qui sortaient de la bouche de son ado- rable Fils.
Morale : Ainsi doit-on agir à l'égard de la parole sainte, aliment, comme la prière, aussi nécessaire à la vie de l'âme, qu'est le pain à la vie du corps. Car ce n'est pas seulement de pain, dit Jésus-Christ, que vit l'homme, mais de toute parole qui sort de la, bouche de Bien. Cependant, apporter à cette nourriture spiri- tuelle un cœur ouvert par un vif désir, et affamé de de- venir par là plus juste, ne suffit point ; il faut encore la savourer, la digérer, pour qu'elle devienne profita- ble. Si cette bonne semence reste à la surface du cœur même bien préparé pour la recevoir, elle aura le sort de la semence de la parabole, d'être emportée par le vent des passions, par les sollicitudes du siècle, de ne point germer et de rester infructueuse. La terre, dit le Prophète, est remplie de désolation, parce qu'il ri y a personne qui réfléchisse dans son cœur.
Marie aurait pu se dispenser d'aller au Calvaire ; c'eût été déjà pour son cœur de mère une pensée assez amère, un glaive assez tranchant, de sentir son Jésus entre les mains de cruels bourreaux, attaché à une po- tence aux portes de Jérusalem. Quelle raison ensuite de retourner si fréquemment sur les lieux marqués par les humiliations et le sang de ce cher Fils ? Mais, ou- tre que ces souvenirs lui étaient un adoucissement de son exil prolongé sur la terre, elle voulait nous servir de modèle pour toutes les pratiques de dévotion .
Morale : Une des plus agréables à elle-même et à Jésus, c'est de se rappeler Celni qui a souffert une telle contradiction pour les pécheurs, de se reporter sur le théâtre de ses douleurs et de sa mort, pour y lire la grandeur, la sainteté, la justice de Dieu, l'amour
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infini de Jésus-Christ pour les hommes, l'énormité du péché, le prix de notre àme qui lui a coûté tout son sang. Aussi saint Paul disait-il que toute sa science et ses prédications se résumaient dans la coyxnaissan- ce de Jésus crucifié. Et le grand Docteur Augustin assurait en avoir plus appris au pied de son crucifix que dans les livres. «Apportez-moi mon livre, disait un Saint qui touchait à l'agonie, en parlant de son cruci- fix : c'est un beau livre que celui-là : quand on Ta lu et baisé, on n'a plus qu'à verser des larmes d'amour, et ces larmes font toujours du bien. » — « Qu'il fait bon avec Jésus crucifié, s'écriait saint Bonaventure! Je veux y faire trois tentes : l'une en ses mains, l'autre en ses pieds, et la troisième dans la plaie de son côté : là, je veux me reposer, je veux veiller, je veux lire je veux parler. » Or, les touchantes Stations du chemin de la Croix, que Marie a parcourues la première, sont préci- sément ce livre abrégé ouvert à tous les yeux, à toutes les intelligences, ce livre où s'apprendra cette science qu'il importe le plus à l'homme d'acquérir et de per- fectionner, la science de la Croix, qui fait les saints.
Parmi les actes de dévotion de la sainte Vierge, il en est encore deux trop instructifs pour que nous en pri- vions votre piété. Quoique sa vie eût toujours été tout intérieure et entièrement cachée en Dieu, elle voulut, en la compagnie des apôtres, se préparer par la retraite et la prière à recevoir dans toutes la plénitude les divi- nes effusions de l' Esprit-Sain t. Un surcroit de grâces lui était trop précieux pour qu'elle ne saisit pas cette occasion si favorable de s'en enrichir .
Morale : Telle est l'estime que fera des moindres choses, aidant au salut, le vrai chrétien, désireux de se l'assurer par tout moyen . Rien de ce qui peut y con- tribuer ne doit lui paraitrc indifférent. Et un des earac-
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tères de ïa véritable dévotion, c'est de se porter avec empressement et joie à tout ce qui peut être agréable à Dieu, et est un pas de plus dans la voie de la perfection . Heureux le serviteur fidèle clans les petites choses, il sera établi sur de pins grandes !
De plus, la très sainte Vierge, au rapport de la tra- dition, communiait tous les jours. Est-il besoin de dire avec quelle foie vive, quel profond respect, quels désirs enflammés ? Ainsi se dédommageait-elle de l'absence de son bien-aimé Jésus! Ainsi se renouvelaient les joies de l'avoir porté dans son sein, nourri et élevé avec la plus affectueuse tendresse !
Morale : La fréquente communion doit être un des bonheurs de l'âme sincèrement dévote. C'est répondre aux intentions les plus formelles de Jésus-Christ, qui, dès l'institution, manifestait son brûlant désir de faire ainsi la Paque avec ses disciples, qui nous as- sure que ses plus chères délices sont d'être avec les enfants des hommes, et menace de la mort éternelle ceux qui dédaigneront de manger de sa chair. La com - munion est aussi un acte des plus agréables à Marie. Uue mère n'est-elle pas toujours et délicieusement flat- tée de l'estime que l'on témoigne à son enfant, des ca- resses qu'on lui prodigue ? C'est encore pour l'àme qui se nourrit de cet aliment céleste un gage précieux d'im- mortalité: et ego ressuscitabo eum... plus on se le sera incorporé, plus on y aura acquis de droits. Mais ce qui doit autant nous en rendre avides, c'est le besoin pres- sant d'être souvent nourris de ce pain des forts, « Point d'arme, dit saint Grégoire le Grand, n'est plus puis- sante contre les ennemis du salut que la fréquente communion : point de nwen plus sur et plus prompt pour réprimer les passions, pour déraciner entièrement les mauvaises habitudes, pour fortifier l'âme contre les
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tentations, pour l'encourager et la porter aux entre- prises les plus difficiles, pour la rendre inébranlable dans la pratique du bien et l'enflammer de l'amour de Dieu. » Sur cette vérité, trop peu sentie, nous pour- rions apporter beaucoup d'autres témoignages, tant des saints Pères et Docteurs de l'Eglise que des plus habiles maîtres de la vie spirituelle, qui s'accordent à appeler la sainte communion, l'antidote le plus efficace contre le péché.
Que je serais heureux, ô Marie, si mon cœur était comme le vôtre un vase de dévotion : au lieu de pren- dre en dégoût les pratiques relgieuses, j'en ferais mes délices ! Epanchez donc dans mon âme de votre pléni- tude de piété, et faites-y revivre le feu d'une sainte ferveur pour le service de Dieu et le vôtre.
Pratique : Eviter la singularité dans la dévotion ; mais qu'elle soit sincère, sans ostentation et aussi sans crainte.
EXEMPLES.
LE SOLDAT CONVERTI.
Un soldat virant dans le désordre, n'avait conservé de pratique chrétienne qu'une courte prière que sa mère lui avait apprise dès son enfance, et qu'il adres- sait à la sainte Vierge tous les jours en se couchant : un jour pressé par une faim qui pouvait le faire mou- rir, il adresse à Marie sa prière accoutumée. Alors, la Vierge lui apparut tenant en ses mains un mets exquis, dans un vase si sale, qu'il ne put se décider à y toucher. — Eh! comment dune voulez vous, lui dit- elle, que j'agrée vos prières de dévotion, venant d'une âme si gâtée par les vices et le péché. » Le soldat, com- prenant cette forte leçon, sortit du bourbier de l'ini- quité, vécut trente ans dans la plus austère pénitence ;
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et la sainte Vierge, lui apparaissant de nouveau au mo- ment de la mort, le conduisit au ciel .
LEÇON DU CRUCIFIX .
On raconte d'une jeune personne que, désirant entrer dans une maison religieuse, elle eut à ce sujet un long entretien avec i'abbesse. Et celle-ci lui faisant le détail de toutes les obligations qui lui seraient imposées, des sacrifices quotidiens qui briseraient sa volonté, du pau- vre ameublement de sa cellule, une chaise, une table de bois, un bénitier... la postulante l'arrêta tout court, et lui demanda : Y aura-t-il un crucifix? — Eh oui ! ma fille, j'allais vous le dire ; ce sera même le premier meuble. — Ma mère, cela me suffit. — Que ce mot est riche ! c'est qu'en effet ce livre est suffisant à qui veut le comprendre.
FORCE QUE L'ON TROUVE DANS LA COMMUNION.
Citons à l'appui de cette vérité seulement le témoi- gnage de quelques saints. David, en parlant de cette nourriture céleste, disait déjà par avance : Vous nous avez préparé cette table, Seigneur, contre tous ceux qui nous tourmentent . — Saint Paul ne craint pas d'affirmer qu'ilpeut tout en Celui qui te fortifie. — Saint Ignace, invitant les fidèles à la fréquente communion, leur disait : « Plus vous y participerez, plus vous affai- blirez les forces du démon votre ennemi : les traits qu'il vous lancera rebrousseront contre lui. » — Et saint Jean Chrysostôme va jusqu'à dire « qu'on doit se retirer de cette table sacrée comme des lions jetant le feu par les yeux, et devenus terribles au démon.» Aussi voyons-nous que dans la primitive Eglise, alors que cet adorable sacrement était pour les fidèles le pain de chaque jour, ils y puisaient la force non-seulement de garder inviolablement la loi de Dieu, mais aussi de ré-
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sister à la rage des tyrans, à la cruauté des bourreaux, et de donner courageusement leur vie pour la cause de Jésus-Christ. Des vierges faibles et délicates , de saints pontifes courbés sous le poids des travaux et des années, après avoir participé à ce pain de bénédiction, se laissaient enfermer dans de noirs cachots, y trou- vaient leurs chaînes légères, et de là volaient à la mort comme à un festin. C'est pourquoi saint Cyprien écri- vait à son peuple : c< Mes frères, la persécution est al- lumée . . . , il vous faudra du courage et de la force pour vous soutenir. Mais où en trouverez-vous , si vous n'êtes pas unis à Jésus-Christ par la communion...? Le cœur manque, si son sang ne le soutient. »
ARTICLE SECOND Marie, Vase répandant au dehors la dévotion
Marie ne fut pas seulement un Vase insigne de la plus parfaite dévotion, nous en avons admiré les actes principaux ; mais elle est toujours un Vase rempli des plus doux parfums de la dévotion, et versant de sa plénitude à tous ceux qui viennent y puiser. En d'au- tres mots, le culte de Marie ne peut qu'aider puissam- ment à la véritable dévotion . Telle est la thèse magni- fique que nous avons à développer .
Pour plus de clarté et d'exactitude, il est essentiel d'observer qu'ici nous ne restreignons pas le mot dé- votion à certaines pratiques extérieures de la piété chrétienne, mais nous entendons aussi par là, dans un sens plus large, La religion bien comprise et fidèlement pratiquée. Et nous osons bien affirmer que pour y arri- ver le culte de la sainte Vierge est d'un merveilleux secours, à toutes les époques, dans toutes les condi- tions, dans toutes les phases de la vie. Semblable à L'astre du jour, il féconde tout de sa vivifiante chaleur;
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il étend ses salutaires influences sur l'humanité tout entière, qu'il saisit à tous les degrés et dans toutes les situations .
I. C'est déjà sur l'enfant, chez lequel commencent à poindre les premières lueurs de la raison, que se pro- duisent les heureux effets d'une éducation où inter- vient la sainte Vierge. S'il est vrai que la mère est la personne la plus apte à faire la première éducation et à former le tempérament moral de l'enfant , il est aussi vrai que c'est en lui parlant de Marie qu'elle réussira le mieux dans l'accomplissement de ce grand devoir. La faible intelligence de l'enfant ne peut encore atteindre à la notion abstraite de Dieu ; il le compren- dra déjà mieux sans doute et commencera à l'aimer, par l'image offerte à ses yeux, du Dieu mort sur la Croix pour nos péchés . Mais cette idée d'un Homme- Dieu crucifié est encore pour lui bien élevée. Il faut lui dire que ce Fils éternel de Dieu s'est fait petit en- enfant, conséquemment qu'il avait une mère qui est Marie, qu'il lui était soumis, qu'il grandissait sous ses yeux en science et en sagesse, à mesure qu'il grandissait en âge; qu'après l'avoir élevé, sachant bien que c'était pour être condamné à mort afin de nous rendre à la vie, elle-même l'accompagna au lieu de son supplice, comme pour y donner son consente- ment, et compléter par ses propres douleurs l'œuvre de notre rédemption ; qu'elle est maintenant au ciel, aussi puissante auprès de son Fils qui ne sait rien lui refuser, que bonne pour les hommes, ses enfants adop- tifs. Ainsi l'enfant, par ces considérations bien sim- ples et à sa portée, apprendra à connaître Jésus par Marie, et sera amené à aimer, à prier un si bon Sau- veur, et Celle qui nous l'a donné avec un si généreux dévouement. Or, qui ne comprend quelles impressions
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vives, salutaires et durables ee commencement de dé- votion pour Jésus et pour Marie laissera dans l'âme tendre et innocente de l'enfant ? « Je me vois encore, écrivait le Comte de Maître, sur les genoux de ma mère m'apprenant à croire en Jésus-Christ, et à balbutier le nom de cette Vierge-Mère, qui porte l'Enfant-Jésus dans ses bras. » A ces paroles, que tant d'autres di- raient avec autant de sincérité, ajoutons celles-ci aussi vraies, sorties de la bouche de cet homme illustre, et que chaque mère devrait avoir constamment présentes à la mémoire : « Si la mère surtout, dit-il, s'est fait un devoir d'imprimer profondément sur le front de son enfant le sceau divin, on peut être à peu près sûr que la main du vice ne l'effacera jamais. » Que pensez-vous d'un enfant ainsi élevé dans cette atmosphère tout im- prégnée de foi et du souvenir de Marie? Il grandira croyant, pieux, soumis, toujours parfumé de son inno- cence baptismale. Ce serait une histoire bien touchante et interminable que celle de toutes les personnes, dans tous les rangs, à qui la dévotion pour Marie sucée avec le lait a procuré une vie solidement chrétienne, ou le retour à la vertu, ou la grâce finale d'une sainte mort, après de longs égarements. Comprenez donc, mères chrétiennes, toute Pinfluence que par Marie vous pou- vez exercer sur votre jeune enfant, et sachez profiter de son jeune âge innocent et flexible, pour lui inoculer le germe de la dévotion à la sainte Vierge, qui lui sera un gage assuré de salut.
II. Mais c'est dans l'adolescence plus encore qu'elle est nécessaire et qu'elle produit les plus heureux fruits, en excitant aux vertus propres à cet âge. c< La vraie dévotion à Marie, nous dit un de ses plus doctes ser- viteurs, le l\ Ventura, est une rosée précieuse qui fait germer toutes les vertus, l'ombre céleste qui les abrite,
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rornement qui les embellit , le charme qui les rend aimables. » La beauté de la vertu proposée en elle- même est une chose presque insaisissable, qui n'a point de prise sur une jeune nature, ne jugeant encore que par ce qui frappe les sens. Mais la vertu, apparaissant dans une créature du même limon que nous, est rame- née et se trouve à la portée d'une faiblesse humaine. Or, parmi les vertus propres au jeune âge, il en est une que l'opinion publique regarde comme son caractère distinctif, et que les Evangélistes ont eu soin de signa- ler en Jésus : c'est l'obéissance.
Si à cette époque de la vie, elle est essentielle au bonheur de la famille, que ne coùte-t-elle pas à l'orgueil du jeune homme et de la jeune fille, qui en grandissant ont trop la conscience de ce qu'ils valent, ou plutôt de ce- qu'ils croient valoir ! Mais qu'y a-t-il de plus capable de faire plier ces natures rebelles, que , d'abord la vue d'un Enfant-Dieu soumis à sa mère, simple créature, passant en sa compagnie et sous sa dépendance trente années de sa courte vie, et devenu ensuite obéissant jusqu'à la mort de la Croix? Or , un souvenir aussi salutaire est nécessairement réveillé par celui de Marie sa mère. Mais ne montrâ- t-elle pas elle-même la plus ponctuelle soumission à la volonté divine, sous quelque forme qu'elle se ma- nifestât, et en toute circonstance? Ainsi, malgré son vœu de virginité perpétuelle, qu'elle avait sans doute l'intention d'allier avec les devoirs du mariage, elle obéit à ses tuteurs et aux Pontifes qui veulent lui donner un époux ; elle obéit à l'Ange, en acceptant la maternité divine : nouvelle Eve, elle réparait par cette soumission les maux qu'avait causés la désobéissance de la première, changeant ainsi le nom d'Eve, matans Evœ nomen ; elle obéit à redit d'Auguste en se ren-
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dant à Bethléem, malgré les rigueurs de la saison et les embarras de sa position, qui lui défendaient pres- que un aussi long voyage ; elle obéit à Joseph, en entreprenant de nuit, et toujours en hiver, le pénible trajet au pays d'Egypte : sur quoi Ton remarque que l'ordre en fut communiqué à Joseph et non à la Vierge, afin qu'elle eût le mérite d'obéir à cet époux plutôt qu'à l'Ange lui-même . La synagogue avait ses assem- blées, ses cérémonies, ses usages ; Marie s'en montra toujours la fidèle observatrice. Ainsi, elle va au temple se purifier avec les femmes souillées, et y fait l'of- frande légale, qui ne l'obligeait pas plus que la dé- marche. A l'exemple de son divin Fils, elle est obéis- sante jusqu'à consentir à sa mort, et la mort sur une Croix, souffrant mille fois plus que si elle avait eu à subir pour elle-même cet horrible trépas. C'est ainsi que déjà l'obéissance, qui fait partie de la dévotion propre à la jeunesse, lui deviendra facile par l'exemple de Marie.
Il est une autre vertu qui est le plus bel ornement de cet âge et aussi la plus exposée, l'aimable pureté. A cette époque de la vie, non moins fougueuse que fragile, commence à s'éveiller l'inclination vers les plaisirs mondains, vers les jouissances sensuelles qu'on croit avoir le droit de goûter. Or, quel frein plus puis- sant peut être imposé à cet essor des passions, pour en contenir ou en régler l'ardeur, que l'exemple de la Vierge des vierges, qu'on saura avoir tant chéri l'an- gélique vertu de chasteté, et n'accorder ses bonnes grâces et ses faveurs privilégiées qu'à ceux qui l'imi- tent en ce point :' Et quel secours encore n'obtiendra- t-on pas par elle, pieusement invoquée, pour la conser- vation de ce riche trésor qui est un don spécial de Dieu : Nemo potest esse cantinens^ nisi Deusdet!
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Aussi combien de naufrages évités et d'innocences sauvées, sous la direction de cette Etoile qui découvre les écueils et en détourne ! Combien de mères ne sont parvenues à préserver leurs filles de tous les pièges tendus à l'inexpérience de la jeunessse, qu'en leur ins- pirant une tendre piété envers la Reine des vierges ! Un père ne manquait pas de parler de Marie dans toutes les lettres qu'il écrivait à son fils, et le jeune homme continua d'être au collège ce qu'il avait été sous le toit domestique, un modèle d'innocence et de piété.
Ce n'est pas tout encore ; pour un cœur ainsi devenu chaste par la dévotion à Marie, vide de toute affection charnelle, et libre de ces cruelles anxiétés qu'apporte le vice, combien il est plus facile de tourner vers Dieu, qui suffit, le besoin d'aimer si impérieux à cet âge, et de mettre son plaisir à lui en donner des preuves ! Et puis, l'amour pour Marie qui s'est emparé de ce cœur, loin de nuire, ne pourra que l'aider puissamment à cette noble fin. Nul, sans doute, a dit l'éternelle Vé- rité, ne peut servir deux maîtres : l'attachement pour les créatures affaiblit d'autant celui qui est dû au Créateur ; ce sont comme les deux plateaux d'une ba- lance, dont l'un baisse à proportion que l'autre s'élève. Mais l'amour de la sainte Vierge, loin de contrarier celui de Jésus, tout au contraire y conduit et l'en- flamme. L'amour pour une mère se transporte à son enfant : c'est par la pensée d'être agréable à la mère que l'on prodigue des caresses à son fils : on sait qu'elle le tient comme fait à elle-même. Ainsi, le dévouement pour Marie rendra zélé, attentif à plaire à Jésus. « Elle est le moule de Dieu, dit si ingénieusement saint Augustin : celui qui est jeté dans ce moule divin de- vient bientôt un autre Jésus-Christ. » Immense et
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sublime pensée que saint Bonaventure reproduit en ces termes : a On distingue deux fils de Marie, l'Homme- Dieu et l'homme qui n'est qu'homme. Marie a formé l'un eorporellement et forme l'autre spirituellement. » Or, devenir par Marie un autre Jésus-Christ ; aimer Jésus-Christ davantage parce qu'on aime Marie, n'est- ce pas là la dévotion prise dans son sens le plus élevé, et se trouvant réalisée pour l'adolescence par le culte de la Vierge ?
Mais ce culte consiste encore en des pratiques émi- nemment propres à activer la dévotion dans la jeu- nesse. D'abord, quels heureux effets devront résulter de ces cantiques aussi harmonieux que riches de senti- ments et de vérités, qui, après avoir satisfait un besoin de cœur et célébré Marie au saint temple, charment encore et sans danger les loisirs de la jeune fille, lui rappellent quelque maxime en tout temps utile, et tiennent lieu de ces chansons profanes si nuisibles à la chasteté ! — Et les insignes de Marie portés avec foi, ne sont-ils pas aussi une défense des plus sûres contre les ennemis du dedans et du dehors ? Quel puis- sant bouclier qu'un scapulaire, une médaille, un sim- ple ruban, ne serait-ce que par le souvenir de la Vierge qui s'y rattache ! Quel frein sur la pente du mal ! On raconte qu'une jeune personne près de partir pour un amusement dangereux à l'innocence, fut arrêtée par le tableau de Marie Immaculée, qu'un prê- tre ami de la maison lui fit remarquer sur la muraille. Combien, que la seule vue de la Médaille appendue à leur cou rendit victorieuses de tous les assauts livrés ta leur chasteté] Ces! ainsi que de toute manière, la dévotion ;i Marie produit, dans L'adolescence, les effets Les plu- heureux qui constituent la véritable dévotion.
Morale ; Nous sommes donc eu droit de dire à la
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jeunesse : Voulez- vous passer saintement, sans re- mords et dans la paix, cette époque la plus belle et aussi la plus critique de votre vie, qui influe si acti- vement sur le reste de vos jours ? Soyez dévouée à Marie. Si elle préside aux premières émotions du cœur, si elle vous dirige dans vos premiers pas au milieu du monde, ce sera toujours là le plus sûr pré- sage du bonheur pour votre avenir ; ce sera comme une haie de préservation contre toutes les occasions dangereuses, et une garantie presque certaine de per- sévérance dans la vertu.
Mais, ce qui importe autant, c'est que nous disions aux pères et mères : d'abord, félicitez-vous, et ban- nissez toute inquiétude, si votre enfant donne des signes de tendre dévotion pour la sainte Vierge, si vous la voyez revêtue de ses livrées, enrôlée dans quelqu'une de ses Confréries, communiant au moins à ses fêtes, préférant ses autels aux amusements mon- dains, se récréant du chant de ses louanges, sachant se ménager un moment chaque jour pour lui ren- dre ses hommages. Mais aussi, favorisez de la voix et de l'exemple une si fructueuse dévotion. Ecoutez, comme si c'était à vous qu'elles aient été adressées, ces paroles touchantes de Bourdaloue. Il prêchait à la grande solennité de l'Assomption, et après avoir rappelé le vœu de Louis XIII, dont on faisait en ce jour la commémoration , il ajoutait : « Voulez-vous, mes chers auditeurs, que je vous donne une pratique digne de votre piété ? Elle est aisée, il n'y a point de précepte qui vous en puisse dispenser ; faites, chacun dans votre condition, ce que fit ce prince très chré- tien et très religieux, dont nous accomplissons le vœu, il consacra son royaume à la Reine des Vierges ; consacrez-lui vos familles et vos maisons; il lui dé-
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voua sa personne et celle de ses peuples: dévouez-lui la vôtre et celle de vos enfants. Ce n'est pas assez : mais, comme ce grand Monarque, par une conduite solidement pieuse qui ne lui acquit pas moins devant Dieu que devant les hommes la qualité déiste, voulut q^e son dévouement fût public, ne rougissons point de faire connaître le nôtre; confessons librement ce que nous sommes, puisque c'est la profession de ce que nous sommes qui doit nous sauver. Xe souf- frons pas que les libertins du siècle soient plus hardis à railler le culte que nous rendons à la Mère de Dieu, que nous à le défendre... surtout, chrétiens, souve- nez-vous de cette parole de saint Anselme, « que, comme toute famille solidement et saintement dévouée à la glorieuse Vierge ne périt pas, aussi ne devons- nous pas compter que la bénédiction de Dieu se trouve dans une famille où la glorieuse Vierge n'est pas hono- rée. »
Vierge bénie, ô tendre Mère ! communiquez à tous les parents ces admirables dispositions: régnez aussi sur les cœurs de tous les jeunes chrétiens; car s'ils vous aiment, vous invoquent et vous imitent, tout le reste leur viendra comme par surcroit.
Maxime : Heureuse la famille où la mère attentive,
Façonne de l'enfant Pâme pure et craintive, Et lui fait bégayer, assis sur ses genoux, De Marie et Jésus, les noms toujours si doux.
EXEMPLES
ENFANTS DÉVOTS ENVERS LA SAINTE VIERGE.
Une pauvre Mère avait eu Je bonheur de gagnera la loterie une petite statue de la sainte Vierge; c'était ce qu'elle avait ambitionné le plus parmi tous les lots, la plupart beaucoup plus riches. La statue, réputée
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le plus beau meuble de la chaumière, fut placée dans l'endroit le plus apparent; et, tous les jours au soir, la pieuse mère faisait devant elle et faisait faire une prière par ses deux enfants plus âgés. Le troisième, atteignant à peine quatre ans, tomba malade. Le mé- decin des pauvres étant venu le visiter, déclara que la maladie était mortelle, et qu'il n'avait plus que quel- ques heures à vivre. Ce fut un coup de foudre pour la pauvre mère qui va sanglotant se jeter aux pieds de la statuette. Les deux enfants suivent son exemple, et leur petite prière étant terminée : « Maman, dit le second âgé de sept ans, maman, ne pleure plus, j'ai prié la bonne Vierge pour petit frère ; elle m'a dit que petit frère ne mourrait pas. » La mère, reprenant confiance, se tourne vers le berceau de son enfant; il était déjà mieux ; et bientôt la guérison se com- pléta .
— Des missionnaires évangélisaient en 1848 dans le sud de l'Egypte. Ayant acheté sur le marché aux es- claves quelques Maures assez doués d'intelligence, ils purent, secondés par leur bonne volonté, les mettre en état d'être régénérés à la Toussaint de la môme année, par le Sacrement de Baptême. La nuit, veille de ce grand jour, un des Pères étant ailé visiter le dortoir des néophytes, pour s'assurer si tout s'y pas- sait avec ordre, en trouva plusieurs, qui, au lieu d'être couchés, priaient à genoux avec une ferveur extraor- dinaire. — Que dites-vous là, leur demanda-t-il ? — Nous prions la bonne Vierge, pour que nous ne mour- rions pas cette nuit, niais que nous vivions encore demain, où nous devons entrer dans le soin de l'E- glise.— Que devront être ces enfants, qui, n'étant pas encore chrétiens, avaient déjà pour Marie une si ten- dre dévotion !
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— Ce serait ici le lieu de citer les Louis de Gonza- gue, les Stanislas de Kostka, les Sousi, les Décalogne, les Berchmans et tant d'autres, qui, par leur précoce et ardente piété pour Marie , sont parvenus rapide- ment à une haute sainteté et que Dieu recueillit de bonne heure étant mûrs pour le ciel, où ils s'applau- diront éternellement d'avoir aimé Celle dont la vue ajoute à leur bonheur, après les avoir aidés à le con- quérir.
TESTAMENT D'UN SERVITEUR DE MARIE.
Un bon père chrétien et surtout fort dévoué à Marie, sentant sa fin approcher, réunit autour de son lit de mort tous ses enfants et leur dit du ton le plus péné- tré : Mes chers enfants, je vais mourir : j'ai vécu cin- quante ans; je n'ai pas été, dans le cours de mon pèlerinage, sans goûter quelques joies ; mais les plus pures et les plus célestes, je les ai trouvées dans mes pratiques envers Marie . Son souvenir purifiait toutes mes autres joies , les élevait, les ennoblissait. Je le déclare devant Dieu .
J'ai vécu cinquante ans ; ma vie ne fut point exempte de tribulations; mais dans toutes mes épreu- ves, ce fut le service de Marie qui me procura le plus de consolation. Je le déclare devant Dieu.
Faites comme j'ai fait; je mourrai plus tranquille, si je puis emporter avec moi ce consolant espoir.
De grosses larmes coulèrent de leurs yeux ; ils pu- rent néanmoins répondre : Oui, ô père, nous aimerons Marie. Ils tinrent parole, et Marie les bénit.
ARTICLE TROISIEME. Marie, vase répandant au dehors la dévotion.
Continuons à constater les heureux effets de la dé- votion à la sainte Vierge, dans toutes les positions de
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la vie. Deux conditions, d'abord, partagent le monde, l'état religieux, et l'état du mariage. Or, dans l'un comme dans l'autre, Marie est un besoin et plus que cela encore un très puissant secours pour en remplir les devoirs .
Ce serait une belle tâche que de venger les ordres religieux de toutes les préventions et attaques susci- tées contre eux par la malice et l'ignorance . Après avoir étalé tous les services qu'ils ont rendus à la reli- gion, à la société, à la civilisation et même aux scien- ces et aux arts, thèse immense, nous ajouterions qu'il importait au Christianisme qu'il y eût en dehors du monde comme des foyers d'édification et de sainteté, où s'entretint et se ravivât le feu sacré de la dévotion. Or, tels furent dans tous les temps, à quelques excep- tions près, ces Institutions admirables, connues sous le nom d'Ordres religieux. Mais, chose non moins ad- mirable et digne de profondes réflexions , c'est que Marie en fut la base première, et c'est son culte qui en devint ensuite l'âme et le soutien.
Trois vœux constituent la vie religieuse ; et le mo- dèle en avait été trouvé en Marie : la chasteté, qu'elle estima jusqu'à la préférer à la sublime dignité de Mère de Dieu ; X obéissance, qu'elle professa très formelle- ment par cette humble réponse : Voici la servante du Seigneur ; la pauvreté et le sacrifice, qu'elle pratiqua si admirablement à Bethléem, à Nazareth et au Cal- vaire. L'observation de ces trois vœux, en quoi con- siste la dévotion propre au religieux, se trouvait donc intimement liée dans tous les Ordres à la dévotion envers Marie. Aussi, n'en vit-on aucun qui n'eût été jaloux d'honorer plus spécialement la sainte Vierge, qui n'eût fleuri par cette dévotion, qui n'eût dégénéré quand il l'a laissée se ralentir et qui ne s'y fût re-
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trempé quand il a voulu se réformer. Tous ont offert le spectacle d'une famille d'enfants qui se disputent les tendresses d'une mère et l'honneur de la servir ; et son culte fut toujours l'aliment et le soutien de leur première ferveur. (5)
Même prédilection pour Marie, et par elle mêmes résultats de tendre piété dans toutes ces Communautés de femmes, principalement de celles qui de tout temps se sont dévouées et aujourd'hui encore se dévouent avec autant de désintéressement que de courage au soulagement de toutes les misères de l'humanité. Où s'inspirèrent-elles de cette sublime vocation? Dans l'affectueuse dévotion envers la sainte Vierge, dont fut nourrie leur jeunesse et qui en fit les délices. Qu'est- ce qui les soutient dans cette vie de continuelle abné- gation ? Ce sont principalement leurs diverses prati- ques envers la Céleste Mère. Elle remplace dans leurs pensées et leurs affections la mère qu'elles ont quit- tée. Son chiffre, une médaille, le rosaire sont leurs plus beaux ornements. Partout, son image se rencon- tre, ordinairement entourée d'ingénieuses devises que le cœur a trouvées. Ici vous lisez : a C'est elle qui nous protège ; » là : c< Montrez -vous notre Mère ; » ailleurs : « Cachez-nous sous vus ailes: » etc Tout en rap- pelle le souvenir : c'est sous son influence que l'on vit, sous son œil que l'on agit : c'est à elle que Ton recourt en toute circonstance.
Doit-on s'étonner qu'avec Marie ainsi présente, ainsi aimée, ainsi invoquée, la ferveur se maintienne, et qu'il y ait tant de vertu dans ces anges de la terre, servantes tour à tour delà sainte Vierge, des pauvres, - orphelins ? Heureuse, mille fois L'âme que Dieu appelle à un genre de vie, où, par le culte de Marie plus en honneur et le oon-
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cours de tant d'autres moyens, le salut est plus fa- cile, plus assuré, j'allais dire immanquable !
Mais, d'après les dispositions de la Providence pour les choses d'ici-bas, le plus grand nombre est destiné à passer sa vie au milieu des embarras et des dangers du monde, et le plus communément dans Pétat du mariage. Or, quelque position que l'on occupe, com- bien est nécessaire la dévotion à là sainte Vierge, et que d'avantages elle procure !
D'abord dans le mariage. Si cet état est un remède aux ardeurs de la concupiscence, il n'y est pas tou- jours un frein suffisant. Selon le sage moraliste, saint François de Sales déjà cité, « la licence que le mariage accorde et les secours de la grâce reçus par le Sacre- ment peuvent, sans doute, servir beaucoup à éteindre la passion naturelle ; mais l'infirmité de plusieurs per- sonnes qui s'en servent, les fait passer aisément de la permission à l'usurpation, de l'usage à l'abus. » Or, pour se contenir dans les règles de cette chasteté es- sentielle aux époux chrétiens, et la conserver même dans les jouissances permises, un des moyens les plus efficaces, c'est l'exemple et la protection de cette ad- mirable Vierge qui porta si loin l'estime et la pratique de la pureté. Et ces époux devenus chastes comme Marie et Joseph, combien ne sont-ils pas aidés, par cette sainte modération dans leur amitié, à ce pur amour de Dieu qui veut avoir, comme il en a le droit, la première place dans tout cœur, qui n'entend pas que même un père, une mère y aient sur lui la préfé- rence i Et ce tendre amour pour Dieu, nous l'avons dit avec tous les maîtres de la vie spirituelle, qu'est-ce autre chose que la dévotion ?
Mais, l'état du mariage impose encore aux époux d'autres devoirs, pour l'accomplissement desquels le
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culte de lu sainte Vierge est d'un merveilleux secours. D'abord, une des causes d'union sincère et de bonheur permanent dans la famille, c'est la religieuse estime et le respectueux attachement de l'époux pour l'épouse. S'il la regarde comme une esclave, et non comme une compagne, comme une amie que le ciel lui a donnée pour adoucir, en les partageant, ses peines et ses la- beurs ; s'il ne la chérit comme un autre lui-même, dès lors l'égoïsme remplace le dévouement ; il la traite en maître dur et despote ; la brutalité le domine au lieu de la tendresse. Mais, que Marie soit connue et honorée au foyer domestique, le mari, sachant qu'en elle, éle- vée à la suréminente dignité de Mère de Dieu, toutes les filles d'Eve ont été relevées de l'abjection où elles gémissaient malheureuses, et sont ainsi devenues grandes, nobles et reines dans la famille, nécessaire- ment ce souvenir rehaussant ainsi son épouse à ses yeux, une profonde impression de respect saisira son cœur ; elle sera sa compagne religieusement estimée et chérie, l'objet d'attentions les plus délicates, les plus empressées. La femme à son tour, dévouée à Marie, ne pourra oublier que c'est par cette Eve régé- nératrice qu'elle est sortie de son état de dégradation et de servitude, pour reconquérir le haut rang et les privilèges de sa primitive grandeur ; elle se croira dès lors obligée et n'en sera que plus empressée à imiter la Vierge sa Libératrice et son modèle. Contemplant dans ce miroir toutes les vertus de la vie conjugale, elle s'appliquera à devenir chaste, fidèle, douce, sou- mise, dévouée comme Marie . Cette précieuse épouse sera, pour le compagnon de ses destinées, un ange de paix et de consolation, le remède à la souffrance, le repos après le travail, le calme succédant à l'agitation. Elle tempérera ses chagrins, dissipera ses ennuis, ré-
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jouira toute son existence, ^doublera son bonheur : une sainte et inaltérable affection unira ces deux cœurs qui n'en feront plus qu'un. Que toutes les femmes deviennent des Marie, et la terre sera bientôt un pa- radis anticipé.
Après une succession plutôt de peines que de bon- heur, on arriveà la vieillesse. Ah ! la vieillesse, cette seconde enfance, réclame aussi, comme la première, une mère. Mais, la mère a disparu ! Solitaire, délaissé, quelquefois même par ses enfants, le vieillard cherche en vain autour de lui un appui nécessaire. Nul autre ne s'offre que Marie ; mais aussi, au pied de ses autels, ou devant une statuette, précieux héritage de famille, ou ne pouvant plus que dire son chapelet, quel déli- cieux rafraîchissement n'éprouve-t-il pas ! Quelle agréable diversion à l'ennuyeuse monotonie de son désœuvrement ! Et puis, quel admirable modèle de patience ne trouve-t-il pas dans une vierge qui, du- rant ses vieux jours, ne se plaignait que de ne pas être réuni plus tôt au Bien-Aimé de son cœur? Et encore, si la vue du formidable jugement qui appro- che, si le souvenir des fautes accumulées pendant une longue vie lui inspirent de justes alarmes, avec quelle douce confiance il se jette dans les bras de la miséricordieuse Mère ; il espère tout de Celle qu'il a tant de fois invoquée pour le dernier moment ; et bien- tôt, comme le juste Siméon, il pourra dire son Nunc
dimittis et s'endormir en paix, en exhalant vers la
céleste Vierge son dernier soupir dans un dernier Ave ! (6).
C'est aussi pour tous les rangs comme pour les con- ditions diverses, que Marie est tout à la fois un besoin, un attrait, un très puissant moyen de dévotion. L'in- digent voit en elle une créature la plus rapprochée de
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son obscurité, l'épouse d'un charpentier, enfantant dans une étable le Dieu devenu esclave, allant le ra- cheter par l'offrande des pauvres, vivant oubliée avec lui dans la chétive maison de Nazareth, partageant ses ignominies au Calvaire, et terminant sa carrière en compagnie de Jean le batelier. Tout ainsi, dans Marie, inspire aux simples et aux pauvres la vertu qui leur est la plus essentielle, la résignation. Aussi son culte est-il universellement populaire. Ce sont surtout les humbles et les petits qui affluent dans ces sanctuaires où la misère humaine vient l'invoquer sous les diffé- rents noms qui répondent à ses besoins : et sa douce image est, après l'image du Crucifié, l'ornement le plus cher de la chaumière, dont elle console la tris- tesse et les rigueurs. De plus, tant d'amour pour la Mère conduit tout naturellement à l'amour de son Fils, à l'accomplissement plus parfait de ses pré- ceptes et même de ses conseils, disons le mot, à la dévotion .
Mais les rois aussi et les grands de la terre, n'ou- bliant pas que les rois Mages déposèrent devant la Vierge les présents apportés à 1 Enfant-Dieu, tiennent à honneur d'honorer Celle qui est la Reine de tout l'univers, et font de sa dévotion le Palladium de leur personne et de leurs Etats. On est heureux de trouver ce fait buriné dans l'histoire, presque à chacune de ses pages, et de voir aussi le chiffre de Marie briller dans les décorations princières comme sur les haillons de l'indigence, le sceptre et la béquille se croisant au pied de ses statues, l'or offert par les rois et les puis- sants confondu avec les humbles présents du pauvre. Mais là ne se borne pas leur dévotion : à l'exemple de cette Fille royale à qui sa noblesse d'origine n'enfle point le cœur, ils ne voient dans leur élévation qu'un
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moyen d'opérer plus de bien, et de briller par des exemples plus éclatants, qui descendus de plus haut ne seront que mieux compris .
Au temps du prophète Elisée, une pauvre mère se trouvant poursuivie par des créanciers qui voulaient lui enlever jusqu'à ses deux fils, eut recours à l'homme de Dieu, déjà si célèbre par ses miracles. Cette femme ne possédait plus qu'un peu d'huile que le Prophète multiplia, de manière qu'elle put remplir tous les vases qui se trouvaient dans la maison et d'autres encore qu'elle se procura. C'est ce prodige, ô charitable Vier- ge, que nous vous prions de renouveler, en nous com- muniquant de cette huile de dévotion dont vous fûtes si abondamment pourvue.
Pratique : En se livrant aux exercices de religion, se rappeler que Dieu veut principalement être adoré en esprit et en vérité.
EXEMPLES
DÉVOTION DES SAVOYARDS A LA SAINTE VIERGE.
La Savoie surtout nous fournit un exemple touchant de dévotion à Marie parmi les simples et les pauvres. Vous avez vu, sans doute, de ces petits enfants tout noirs de la suie des cheminées qu'ils nettoient avec tant d'adresse, et qu'on appelle ramoneurs. Le pays qu'ils habitent est tout pauvre : et leurs parents se voient obligés de les envoyer au dehors pour gagner leur vie. Mais la misère de ces bonnes gens est bien adoucie par leur grande dévotion envers la sainte Vier- ge. Partout l'on rencontre sa douce image, au bord des torrents, dans l'épaisseur des bois, au milieu des champs, sur tous les chemins, à l'entrée du plus petit hameau ; et à cette vue leur courage renaît, les cha- grins se dissipent. Mais il est une scène des plus tou-
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chantes qui chaque année se renouvelle, ce sont les adieux devant la grande croix et l'image de Marie, à l'entrée du village, quand les enfants vont partir pour la France ! Là, s'est rendue la paroisse tout entière, parents, amis, enfants et leurs maîtres. Alors, le plus âgé des vieillards prieJésue et Marie de conserver bien innocents les petits voyageurs, de les ramener à leurs mères désolées, et il les bénit. Ils se relèvent, les lar- mes aux yeux, le cœur bien gros, mais pleins de con- fiance en Celle à la garde de laquelle on vient de les remettre. Embrassés et bénis de nouveau, ils prennent leur route, regardant souvent derrière eux. Ils s'ani- ment par quelques cantiques à Marie ; et ceux qui ne pleurent pas trop répètent le refrain . Les parents et amis sont restés là, regardant le plus loin qu'ils peu- vent, et quand ils n'aperçoivent plus rien, ils récitent le Chapelet pour recommander encore à la Vierge ces pauvres petits enfants. Touchantes prières qui arrivent droit au cœur de la bonne Mère , aussi, les prend-elle sous sa protection ; à leur arrivée, elle leur procure des établissements où leur innocence est en sûreté, et les protège pendant qu'ils vont péniblement gagner quel- ques petits sous pour leur pauvre mère.
EFFET DU SOUVENIR DE MARIE
Dans une famille, où l'on ne connaissait guère de Jésus et de Marie que le nom, naquit un enfant. La marraine plus religieuse obtint qu'on l'appelât Marie, et eut la pieuse pensée de donner à la mère, pour ca- deau, une image représentant la Vierge bercée par les anges sous les yeux de sainte Anne. Le tableau, sans être du goût de la famille, fût accepté et conservé par égard pour la marraine, qui étant riche pouvait faire beaucoup de bien à sa filleule. Cette pieuse image,
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placée au-dessus du berceau, ne tarda pas à faire en- tendre son langage. Les regards de la petite Marie s'arrêtaient naturellement sur la sainte enfant de Na- zareth , dont les charmes innocents ravissaient son jeune cœur. Elle se trouvait chérissant Marie à son insu, et bientôt elle voulut la connaître. La jeune mère, uniquement jalouse de satisfaire ce qu'elle appelait un caprice d'enfant, mais ne sachant plus assez les ensei- gnements de sa propre jeunesse, fut obligée de recourir à des livres depuis longtemps négligés. La grâce l'at- tendait là : en lisant, pour le redire à son enfant, la vie de la Vierge immaculée, elle sentit le besoin pour elle-même de l'imiter ; le profit fut pour toutes les deux, ou plutôt pour la maison tout entière. La jeune fille ainsi élevée dans la dévotion à la sainte Vierge, par- vint avec les années à une solide piété ; et la mère elle- même par l'imitation des vertus de Marie fut pour la famille une cause de paix et de bonheur.
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CHAPITRE XXIX.
ROSE MYSTIQUE
Parmi les emblèmes que l'Eglise va emprunter à la nature pour rendre sensibles les augustes qualités de Marie, la rose s'offrait naturellement un des premiers. Nul ne la peint avec autant de vérité, avec un charme plus ravissant et plus propre à nous la faire aimer. Qui, et surtout le jeune âge, n'a pas une prédilection particulière pour la rose ? La suavité de son parfum, l'éclat et la variété de ses couleurs, qui lui donnent une beauté douce et mystérieuse, vous charment et vous réjouissent encore plus. Les épines mêmes qui l'entourent, sans nuire à son odeur et à sa beauté,
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semblent au contraire ajouter à son mérite, en proté- geant sa fragilité. Aussi, n'est-il point de parterre où elle ne figure avec orgueil ; elle en est la perle, le plus bel ornement ; elle y occupe le premier rang parmi ses sœurs .
Dans cette gracieuse peinture de la reine des fleurs, on a pu facilement reconnaître Marie, Rose mystique toujours agréablement épanouie pour charmer et ré- jouir nos yeux par la splendeur et la riche variété de ses vertus. Entre toutes, dit saint Bernard qui se la figure comme un parterre enchanteur, on en remarque trois plus excellentes : l'humilité, figurée par la vio- lette, viola humilité dis ; la chasteté, par le lis, Ulium castitatis ; la charité, par la rose, rosa caritatis. Nous nous restreindrons à cette dernière, comme étant l'objet direct de l'Invocation actuelle. Car, de même que la rose est à tous les titres la reine des fleurs, ainsi la charité tient le premier rang parmi les vertus : ma- jor autem caritas : la rose aussi, par la couleur pur- purine qui la distingue ordinairement, est encore l'em- blème du feu de la charité. Et telle fut Marie : son cœur était un foyer de l'amour le plus ardent et pour Dieu et pour le prochain.
ARTICLE PREMIER Amour de Marie pour Dieu
Quand j'entends saint Anselme nous dire « qu'au- cune intelligence humaine ne pourrait mesurer , ni même la voix toute pure des anges, exprimer l'immen- sité de l'amour de Marie pour Dieu; » sacba.nl d'ail- leurs que Dieu seul qui le lui inspira, et qui en fut l'objet, peut le comprendre: n'est-ce pas de ma part une impardonnable témérité d'oser l'entreprendre? Mais rassuré par le même saint Docteur, qui ajoute
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(< que c'est toujours un grand bonheur de pouvoir seu- lement y penser, » je crains moins de l'essayer, dussé- je ne produire que cet effet dans l'esprit du pieux lec- teur .
Disons d'abord, avec l'illustre Suarez, que l'amour de Dieu pour Marie surpassant l'amour qu'il porte à tous les autres saints ensemble, il s'ensuit, par une conséquence légitime, que Marie aima son Dieu elle seule plus que tous les saints réunis ; car, étant impos- sible à Dieu d'aimer un objet plus qu'il ne le mérite, Marie a dû l'aimer la première dans la proportion qu'il l'aima ensuite : Quantitas animœ estimatur de men- surâ caritalis (S. Bern.).
De plus, dit encore saint Anselme, si l'amour de Dieu se mesure sur la pureté du cœur : ubi major puri- tas^ibi major caritas ; comme elle dut aimer Dieu cette Vierge aussi pure que la rosée de l'aurore, cette Reine de toutes les vierges ! Elle l'aima avec ce cœur pur et ardent que n'a point flétri le péché d'origine, ce cœur entièrement dégagé de toute affection terrestre, et par là disposé à ne brûler que du divin amour. Saint Bernard, sentant aussi son insuffisance à l'exprimer, ne dit que ces mots bien courts, mais pleins de sens : « Elle l'aima plus que les séraphins, » dont le carac- tère spécial est d'être tout enflammés d'amour. Ils au- raient pu descendre de leurs trônes, pour apprendre d'elle comment ils doivent aimer. Il ajoute c< que Ma- rie, bien différente des autres saints qui renouvellent à chaque instant des actes détachés d'amour de Dieu, eut le privilège de l'aimer constamment par un seul et continuel acte d'amour. » Ses actions journalières et habituelles étaient faites par des motifs si relevées, que chacune formait une suite non interrompue d'ac- tes de parfait amour : elles ne l'empêchaient point d'ai
PARAPHRASE. — T. II. 4
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mer, pas plus que l'amour ne l'empêchait d'y vaquer. Ayant les yeux incessamment fixés vers Dieu, le bien- aimé de son cœur, par ce souvenir toujours présent et la contemplation de ce divin objet, elle activait sans relâche la flamme de la charité la plus ardente. Voyez ce fer jeté dans la fournaise ; il est tellement pénétré de feu, que cela ne fait plus qu'une seule et même chose : image du cœur de Marie qui, au dire de saint Bernard, « était non seulement percé, mais transpercé de l'amour de son Dieu, de sorte que pas une seule parcelle n'en fut vide, et qu'elle l'aima exactement de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces. » Aussi la lyre inspirée des prophètes l'avait-elle chan- tée la mère du bel amour, la mère de la chaste di- lection.
Morale : Si Marie eut pour Dieu un si tendre amour, nul doute que son plus grand désir ne soit de le voir régner dans l'âme de ses serviteurs. L'affection que l'on ressent pour quelqu'un n'a point de plus douce réjouissance que de rencontrer dans les autres les mêmes sympathies. Nous serons donc d'autant plus aimés de Marie, que notre amour pour Dieu sera plus vif et plus tendre. Et n'y a-t-il pas tous les droits? Ne trouvons-nous pas en lui tout ce qui est capable de toucher, d'attirer, de gagner les cœurs ? Il est la su- prême bonté, la beauté souveraine, la miséricorde sans bornes, une source inépuisable de tous les biens, un océan infini de toutes les perfections. Elles ne peu- vent, il est vrai, être conçues par notre esprit, encore moins aperçues par la faiblesse de notre vue, mais n'en a-t-il pas laissé tomber sur la terre comme quel- ques gouttes, ou des échantillons qui peuvent nous faire deviner ce que doit être la source même ? Et si ces objets terrestres, ravissants par leurs charmes ou
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leur bonté, attirent si activement les affections de notre cœur, ne les devons-nous pas mille fois plus à Celui en qui tout cela est réuni comme dans son principe et à un degré infini ?
Mais à titre de bienfaiteur, Dieu n'a-t-il pas des droits nouveaux et imprescriptibles à être aimé ? En présence des dons de toute espèce et dans l'ordre spi- rituel et dans l'ordre temporel qu'il ne cesse de nous prodiguer, soit directement, soit par les créatures qui sont toutes pour nous, ne peut-on pas dire que l'homme est Y enfant gâté de la Providence ? Et après tous ces biens de la vie présente, que pourrait-on imaginer et que pourrait-il donner de meilleur que ce bonheur, infini de sa nature, puisque c'est Dieu même qui sera notre récompense, infini dans sa durée, puisqu'elle sera éternelle, et cela pour le peu que nous aurons fait pendant notre court passage sur la terre ? « 0 mon Dieu, s'écrie à cette vue saint Augustin, fallait-il donc nous faire un précepte de vous aimer ? N'était-ce pas assez de nous le permettre ? Est-il besoin d'un com- mandement, pour qu'un ami aime son ami, une épouse son époux, un enfant les auteurs de ses jours ? » Et vous aimer, ô mon Dieu, n'est-ce pas le bonheur su- prême ? comme ne point vous aimer est le comble du malheur. « Vous nous avez créés pour vous, Seigneur, et notre cœur est inquiet tant qu'il ne se repose pas en vous, » dit encore le pieux Docteur, qui l'avait éprouvé. Aussi, tout après sa conversion, sitôt qu'il eut connu les amabilités de Dieu et ses bontés pour les hommes, son cœur devint tout brûlant d'amour pour lui. « O beauté toujours ancienne et toujours nouvelle, s'é- criait-il, trop tard je vous ai connue, trop tard je vous ai aimée ! »
Tendre et vif amour de Dieu, ce fut le sentiment do-
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minant dans le cœur de tous les saints. Peut-on, d'ail- leurs, être admis à l'aimer éternellement au ciel, si déjà sur la terre on n'en a fait un long apprentissage? La vie présente doit être comme le noviciat de la vie fu- ture. — Si je savais, dit saint François de Sales, qu'il y eût dans mon àme un seul filet d'affection qui ne lut pas de Dieu, ou pour Dieu, je le couperais à l'instant même. J'aimerais mieux ne pas exister que d'exister n'étant pas à Dieu sans réserve. » Encore enfant, il disait souvent avec une grande naïveté : « J'aime bien Dieu et ma mère. » Elles étaient fréquentes dans la bouche de saint Philippe de Néri, ces paroles où se peignait son amour : «Comment est-il possible que celui qui croit en Dieu puisse aimer quelqu'autre chose que Dieu, à moius que ce ne soit pour l'amour de lui? » Et souvent il se soulageait en lui adressant cette plainte amoureuse : « 0 mon Dieu, vous êtes si aimable ! et vous me commandez de vous aimer ! pourquoi donc ne m'avez-vous donné qu'un cœur, et encore un cœur si petit ? — On dit de saint François d'Assises, qu'aussitôt qu'il entendait parler des bontés de Dieu, son cœur s'enflammait, et ses yeux versaient des larmes abon- dantes.— Saint Louis de Gonzague, dans ses transports d'amour pour Dieu, tombait aussi dans un ravissement ineffable, toutes les fois qu'il entendait prononcer son nom.— Une pieuse paysanne, quand on lui demandait quelle heure il était, avait coutume de répondre : c'est précisément l'heure d'aimer Dieu. — On raconte qu'un jeune homme, qui assistait à Paris aux leçons de théo- ayant entendu développer quelques-unsdes motifs d'aimer Dieu, se leva subitement, disposé à s'en aller. Saisi d'étonnement, le maître lui en ayant demandé la cause, reçut cette remarquable réponse : « Avant de continuer à écouter, je veux mettre en pratique ce que
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je viens d'entendre. » Et dès ce moment il renonça au monde, entra dans un ordre sévère, «pour aimer Dieu, disait-il, tout à son aise. » — Une jeune personne disait à un Missionnaire avec une admirable candeur : Mon Père, parmi les commandements de Dieu, il en est un que je n'ai jamais pu comprendre. — Lequel, mon enfant ? — Mon Père, c'est le premier : Un seul Dieu tu aimeras parfaitement . Est-ce que ma mère m'a jamais commandé de l'aimer ! Est-ce que cela ne s'ap- prend pas tout seul ? Pour moi si le bon Dieu me le dé- fendait je serais bien ennuyée, je l'aimerais en cachette. Ah ! que nous sommes loin de partager toutes ces heu- reuses dispositions .
Amour de Dieu, vertu pourtant pleine de charmes et procurant les plus pures délices ; ne point aimer au contraire est un enfer anticipé ; c'est en cela que sainte Thérèse faisait consister le tourment des démons : c< Les malheureux, ils n'aiment pas ! » Amour de Dieu, vertu sublime, qui nous élève au-dessus de tout ce qui est créé et nous associe aux Intelligences célestes ; vertu divine, qui nous transporte dans le sein de Dieu même, pour y vivre de sa vie, y être heureux déjà de son bon- heur ! Mais, disons-le en gémissant, amour de Dieu, vertu bien rare, même parmi les chrétiens ! Combien peu l'aiment, comme il le demande et qu'il y a droit, de toute retendue de leur esprit, de toute l'ardeur de leur âme, de toute la puissance de leur volonté, de toute l'énergie, de leurs efforts, à la sueur de leur front, comme l'a si bien dit un grand saint ! Cependant, selon la belle parole de saint Augustin, totum te eœigit, qui totum le fecit. A la fin de notre vie, on ne nous demandera compte que de notre amour. « Le salut, dit saint François de Sales, est montré à la foi, il est pré- paré à l'espérance, mais il n'est donné qu'à la charité . »
GG hosa mtstica
Commençons donc, bien que trop tard, à l'aimer et à lui en donner des preuves, en pensant souvent à lui, en aimant à lui parler par la prière et de fréquen- tes aspirations, mais surtout par la fidélité à observer ses commandements ; ce qui est la pierre de touche du véritable amour. Il doit non pas se borner à des pa- roles stériles et trop souvent mensongères, mais se manifester par des œuvres et des sacrifices : non di- ligorniis verbo, neque linguâ, sed opère et veritate. « Il ne consiste pas, disait sainte Thérèse, dans ces sentiments de dévotion que nous désirons quelquefois éprouver, mais dans une forte détermination d'éviter les moindres péchés, et de prendre les moyens pour cela, dans un ardent désir de plaire à Dieu en toutes choses, et de procurer sa gloire. » — Si quelqu'un ranime, nous assure Jésus-Christ, il gardera ma •parole.
Que je serais donc heureux, ô douce Marie, si une seule étincelle de ces flammes ardentes qui embras- saient votre cœur venait se reposer sur le mien et fon- dre la glace qui le resserre ! C'est la grâce que je viens solliciter, 6 Mère du bel amour ; pourriez-vous me la refuser? Si je vous demandais autre chose, par exem- ple, les honneurs, les richesses, les délices de la terre, vous auriez sujet de ne point m'exaucer ; ce sont de bien minces avantages, et que je pourrais tourner con- tre le Donateur et la Donatrice ; mais d'aimer Dieu, n'est-ce pas là le bien suprême ? X 'est-pas aussi le désir de votre divin Fils, qui proteste que son but en venant sur la terre était d'allumer cette céleste flamme dans le cœur de tous les hommes ? Dieu veut donc que le mien en soit embrasé ; je \o veux ardemment ; reste que vous aussi le vouliez, ô bonne Mère, et mes vœux seront accomplis ; car pour vous, vouloir c'est faire:
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faites donc que mon cœur soit embrasé d'amour pour Jésus-Christ, mon Dieu : Fac ut ardeat cor meum in amenda Christum Dewn.
Pratique : Saint Stanislas de Kostka offrait tous les jours à Marie une couronne de fleurs spirituelles, c'est-à-dire composée de différents actes de vertus et de mortifications, sachant bien qu'on ne peut lui faire un présent plus agréable que de se vaincre pour son amour et d'imiter ses vertus.
HISTOIRES
LES DEUX ROSES
Une jeune personne voulant devenir servante des pauvres entra chez les sœurs hospitalières de Compiè- gne, et choisit Rose pour son nom de religion. « Je veux, disait-elle, ressembler à la sainte Mère de Jésus, que j'ai toujours honorée et tendrement aimée. Je sais que l'Eglise l'appelle une Rose mystique, parce que son cœur, comme une rose odoriférante, exhala les plus suaves parfums de toutes les vertus, et qu'il brûla de la plus ardente charité représentée par la couleur vermeille de la rose. Ce nom me rappellera sans cesse que sur ces deux points je dois imiter ma Patronne et ma Mère. » Elle mourut à cinquante-trois ans, riche de mérite et de sainteté, conservant même après sa mort, comme une rose épanouie le matin, sa fraîcheur et sa beauté virginale, qui ravissaient tous ceux qui vinrent prier auprès de son corps.
— Une autre sainte fille avait nom Rose de sainte Marie ; et voici à quelle occasion. La mère de cette enfant, enthousiasmée de sa beauté, voulut qu'au bap- tême on lui donnât le nom de Rose. Parvenue à l'âge de raison, la jeune personne craignant que ce nom ne lui eût été donné pour flatter sa vanité, en conçut de
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vives inquiétudes, et se plaignit naïvement à la sainte Vierge. Cette bonne Mère, pour la consoler, lui appa- rut, et l'assura que ce nom de Rose était très agréable à son Fils, rappelant à celles qui le portaient, la cha- rité dont elles devaient brûler pour lui et la bonne odeur que leurs vertus devaient exhaler. Elle ajouta qu'elle l'honorait encore de son nom, et qu'ainsi elle s'appellerait Rose de sainte Marie. Dès ce moment, son humeur devenue plus douce, plus affable, son air pieux et candide la rendirent si aimable, qu'on disait « qu'elle ne méritait que la moitié de son nom puis- qu'elle n'en avait avait pas les épines. »
ENCORE QUELQUES BEAUX TRAITS D'AMOUR DE DIEU
Cette disposition est tellement essentielle, que le Sauveur voulût s'assurer si elle dominait dans le cœur de saint Pierre, avant de l'élever à la dignité suprême de Chef de l'Eglise. C'est jusqu'à trois fois qu'il lui de- mande s'il l'aime, afin qu'il répare par cette triple pro- testation les trois reniements dont il s'était rendu cou- pable. Et ce n'est qu'après l'assurance formelle qu'il en donne, que la mission de paître les brebis et les agneaux lui est confiée .
— Il est rapporté, dans Rodriguez, que saint Bona- venture avait parmi ses religieux un brave homme, peu intelligent, mais d'une simplicité extrêmement naïve. Un jour il disait à notre Saint : mon Père, vous êtes bienheureux, vous autres savants, de pouvoir ai- mer Dieu beaucoup mieux que nous, et opérer plus facilement votre salut. — Sur quoi le saint Abbé lui dit: Vous êtes dans l'erreur, bon frère; car, avec le secours de la grâce, tout le monde peut aimer Dieu autant qu'il le voudra. — Quoi! reprit le religieux, les ignorants, les idiots qui ne savent ni lire, ni écrire,
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peuvent aimer Dieu tout aussi parfaitement que ceux qui ont fait des études ? — Mais certainement; et même une simple paysanne peut quelquefois aimer Dieu plus qu'un savant théologien. — A ces mots, le bon frère tout transporté de joie court au fond du jar- din, ouvre la porte qui donnait sur la rue, et se met à crier de toutes ses forces : hé ! pauvres gens, bonnes femmes, enfants, venez apprendre une grande mer- veille ; vous pouvez aimer le bon Dieu autant qu'un théologien, autant même que notre P. Bonaventure. Cette bonhomie prête un peu à rire ; et pourtant rien n'est plus vrai : pour cela il ne faut que vouloir, vous dirait saint Augustin.
— On dit de la Duchesse de Montmorency qu'à la nouvelle de la mort de son mari qui avait péri sur un échafaud, elle prononça ces admirables paroles : « Vous le savez, Seigneur, je n'aimais que lui ; vous me l'avez enlevé, afin que je n'aime plus que vous. » — C'est une grande sagesse de savoir ainsi entrer dans les desseins de Dieu et s'y conformer.
ARTICLE SECOND. Amour de Marie pour le prochain.
Quand même, selon l'Apôtre saint Jean, le comman- dement d'aimer Dieu ne renfermerait pas celui d'aimer aussi ses frères : hoc mondatum habemus à Deo, ut qui diligit Deitm, dilignt et fratrem suum ; le pre- mier de ces sentiments doit nécessairement produire le second. Plus l'amour de Dieu est vif dans une àme, plus aussi elle en éprouve pour ses semblables . Un beau palmier étend au loin ses rameaux bienfaisants, à proportion que la cime s'élève plus haut dans les nues : plus est abondant le jet d'eau, plus grande est la quantité, qui retombant rafraîchit et fertilise ; de
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même dans une âme qui aime Dieu, ses affections ar- rivant près de son trône, éprouvent une espèce de ré- flexion qui les renvoie sur le prochain. L'amour de l'un conduit donc à l'amour de l'autre. C'est "ce qui a été remarqué dans les saints. Ainsi Ton a vu un saint Paul, dont le cœur était une fournaise d'amour pour Dieu, disposé à ne point entrer de suite dans la gloire céleste, s'il eût fallu être encore utile à ses frères ; un saint Martin, malgré son ardent désir du ciel, 'prêt à continuer les fatigues de l'apostolat, si elles pouvaient encore être de quelque avantage à son peuple ; un saint François Xavier, qui aimait Dieu si tendrement, se transporter à travers mille périls et avec des fati- gues incroyables jusqu'aux extrémités des Indes et du Japon, ivre du bonheur de conquérir à ce prix des âmes à Jésus- Christ ; un saint Vincent de Paul, dont le cœur était un foyer débordant d'amour divin, se faire l'esclave de son maitre devenu mahométan, pour le ramener à la foi catholique. « Celui qui aime Dieu, nous dit le docteur angélique, aime tout ce qui est aimé de Dieu. » Un jour que sainte Catherine de Gê- nes exhalait ainsi les élans de son amour : « Seigneur, vous voulez que j'aime le prochain, cela m'est impos- sible, car je ne puis aimer autre chose que vous ; » Dieu lui répondit : « Ma fille, celui qui m'aime sincè- rement aime tout ce qui m'est cher. »
De là il suit que Marie ayant surpassé tout autre créature par l'ardeur de son amour pour Dieu, jamais non plus il ne s'en trouva de plus dévouée au prochain. Combien, en effet, le Dieu de charité n'a-t-il pas dû imprégner de cette vertu les entrailles de sa Mère du- rant les neuf mois qu'il y reposa, et toujours après, lorsqu'elle le portait dans ses bras et qu'elle le pres- sait amoureusement sur son cœur ! « Est-ce que, dit
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si gracieusement saint Bernard, la main qui a tenu pendant quelques heures un fruit parfumé, n'en con- serve pas l'odeur le reste du jour ? » Aussi, quel ne fut point l'amour de Marie pour tous ! Elle en donna déjà une preuve bien frappante dans sa visite à Elisabeth. Arrêtons-nous y un moment. c< Avant l'Incarnation du Verbe, dit saint Ambroise, elle aimait constamment la retraite. Dès sa plus tendre enfance, . elle s'était arrachée aux bras de ses parents pour se réfugier à l'ombre sainte et tranquille des tabernacles ; revenue à Nazareth, elle s'y tenait cachée à tous les regards, et ce fut dans le secret de sa maison que la trouva Gabriel, quand il vint la saluer au jour de l'Annonciation. » Et pourquoi donc, aussitôt que l'Ange se fut retiré vers les cieux, la voyons-nous quit- ter sa chère solitude, sortir du repos de sa contempla- tion habituelle, entreprendre, toute faible et délicate qu'elle était, un long voyage, traverser en toute hâte les. déserts et les montagnes, prendre le chemin le plus court, pour arriver plus tôt ? Ah ! c'est que la charité la presse : elle a appris de l'Envoyé céleste que sa pa- rente a conçu quoique âgée et jusque-là stérile ; elle n'attend pas qu'on l'ait prévenue ni invitée. Elle vole porter à l'enfant du miracle les prémices de la ré- demption dont elle a le germe ; et servante du Sei- gneur, elle se rend la servante d'une femme qu'elle surpasse infiniment en grandeur. Elle restera trois mois durant auprès de sa cousine, pour lui prodiguer tous les soins et les secours que réclament sa vieillesse et les besoins de sa position , pour l'édifier aussi par de pieux entretiens et les cantiques ravissants de sa reconnaissance. — Plus tard, il nous faut ici le redire encore, la détresse des époux de Cana atten- drit son bon cœur; elle leur épargne L'humiliation
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d'une demande qu'elle fait elle-même à sou cher Fils.
Du reste, on sait par la tradition que dans tout le cours de sa vie, malgré son extrême pauvreté, une de <es plus douces jouissances était de remplir envers ses semblables tous les offices de la charité. Voici l'admi- rable tableau que nous en a laissé saint Ignace d'An- tioche : « Les misères communes, dit-il, étaient les siennes, et personne ne put croire qu'il lui fût étran- ger. Elle ressentait les douleurs de tous les infirmes, les souffrances de tous les malades, les privations de tous les pauvres, la désolation de toutes les veuves et de tous les orphelins . Si chère que lui fut la retraite, où les entretiens avec Dieu étaient ses délices, lors- qu'une nécessité du prochain l'appelait au dehors, aussitôt elle courait à l'assistance des malheureux, à la consolation des affligés. Chacune de leurs plaintes éveille sa compassion ; et l'on s'étonne de trouver tant de larmes dans son œil : c'est l'œil d'une mère qui pleure sur tous les maux de son innombrable famille. » A cette ravissante peinture, nous ajoutons que les ennemis mêmes de son Fils, qui étaient aussi les siens, ne furent point exclus de sa charité. Témoin au Calvaire et sur la voie de leurs blasphèmes, de leurs calomnies, de leurs cruautés envers Jésus, ni haine, ni indignation n'eurent jamais d'accès dans son cœur : pas un mot de reproche ne s'échappa de ses lèvres .
Placée maintenant au faite de la gloire, son cœur n'en est que plus dilaté par la charité. Tout au ciel s'épure ; tout se divinise. Continuellement absorbée dans l'adorable Trinité qui es1 toute charité pour Les hommes, elle en reçoit les ineffables émanations. A la vue du Père qui, par un accès d'amour pour nous, n'a
ROSA MYST1CA 7.'-}
pas épargné son propre Fils ; à la vue de ce Fils qui, par le même motif, versa tout le sang qu'il avait pris dans ses veines ; à la vue de l'Esprit d'amour, tou- jours attentif et pourvoyant avec une si tendre solli- citude aux besoins de l'Eglise, le cœur de Marie ne peut que se portera aimer du même amour des objets si chéris de Dieu. Aussi, du haut de son trône, ses yeux sont toujours ouverts sur nous, qui gémissons sur le sol des épreuves. Attentive à tous nos besoins, présente à tous nos dangers et à nos peines, son bon- heur est de pouvoir nous être Mère. Si on lui deman- dait comment elle nous aime, on recevrait cette tendre réponse : Vous êtes mes enfants .
Morale : Voulons-nous mériter ce beau titre et par là son amour, animons-nous de ce môme sentiment envers notre prochain. C'est là, selon saint Ambroise, la recommandation qu'elle nous fait. « On saura, dit- elle, que vous êtes mes enfants, à votre charité pour vos frères. Qu'elle fasse découler de votre langue des ruisseaux de lait et de miel, pour adoucir les cha- grins des affligés ; qu'elle remplisse vos mains de bienfaits pour tous ceux qui sont dans le besoin ; qu'elle attache des ailes à vos pieds et les rende agiles comme ceux du cerf pour courir au soulagement des misérables ; qu'elle vous fasse supporter les imperfec- tions des autres, les contrariétés de leur caractère et de leurs discours : le gain en sera d'autant plus grand, que vous serez plus approchant de la sainte charité qui a couronné toute ma vie. » On ne pouvait mieux des- siner l'amour qui doit se déployer en toutes manières pour le prochain.
Charité, vertu tellement indispensable à un chré- tien, que, s'il est une seule personne que l'on aime pas, c'en est assez pour être rejeté de Dieu. Aussi,
l'ARAI'HR'.SE. — T. II. 5
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est-ce là le grand commandement du Sauveur, qui le donne comme la marque à laquelle on sera reconnu pour Sun disciple : Et si vous l'accomplissez, dit saint Jean, tout esl accompli . C'était la vertu favorite de cet Apôtre bien-aimé, qui sans doute l'avait puisée dans le sein de Jésus . On sait que sur le déclin de sa vie, cassé de vieillesse, il se faisait porter par ses disci- ples dans l'assemblée des fidèles, et que là, ne pouvant plus leur faire de longs discours, il leur répétait sans cesse : Mes petits enfants, aimez-vous les tins les autres. Et comme on lui témoignait sa surprise, qu'a- près avoir écrit de si belles pages, il n'avait pas d'au- tres paroles à dire, il répondait : C'est que ce comman- dement suffit, s'il est bien observé .
Charité, vertu aussi nécessaire que l'amour de Dieu, lequel ne peut exister sans celui du prochain. Celui qui hait son frère, et qui prétend aimer Dieu, est un menteur, dit encore le même Apôtre ; car s il n'aime pas son prochain qu'il voit, comment aime- ra-t-il Dieu qu'il ne voit pas? — Vertu, d'ailleurs des plus aimables, qui de tous les cœurs n'en fait qu'un, qui répand le plus de délices et de douceurs sur les amer- tumes de la vie, et ferait de la terre un paradis anti- cipé ; car, dans ce fortuné séjour de paix, il ne reste de toutes les vertus que la charité qui complète le bon- heur des saints .
Vertu enfin la plus rationnelle. Ne sommes-nous pas tous frères, et à plusieurs titres, descendant d'un même père commun, Adam, qui est le chef de la grande famille humaine, dont Dieu a voulu qu'il fût la tige unique, afin que nous ne puissions contester notre parenté, bien qu'éloignée ? N'avons-nous pas tous une autre origine commune, beaucoup plus noble, qui esl Dieu, el une même fin qui est le Ciel? Coin-
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ment aussi ne pas aimer des hommes que Jésus- Christ aima plus que sa propre vie, puisqu'il mourut pour les racheter ? Et n'est-ce pas sur lui-même que rejailllissent nos sentiments pour nos frères ? Si nous les aimons ou si nous les haïssons, c'est Jésus-Christ même que nous aimons ou que nous haïssons : mihi fecistis. En faut-il davantage pour ses véritables dis- ciples ?
Et que les défauts, les vices même de tel ou de tel ne deviennent jamais un prétexte de ne point l'aimer. Que vous n'aimiez pas ses défauts, soit ; mais vous devez aimer sa personne; et même plus elle est vicieuse, plus^elle est à plaindre, plus elle est digne de votre affection et de vos bons offices. Si un défaut était une raison de ne point aimer, on devrait haïr tous les hommes ; car aucun n'en est exempt. Et Dieu, le Père de tous, ne fait-il pas luire son soleil sur les méchants comme sur les bons ? Et s'il agissait envers vous selon cette rigoureuse mesure dont vous usez envers vos frères, où en seriez-vous avec tous ces vices qui vous rendent si méprisable à ses yeux ? Et vous-même, qui trouvez tant à reprendre dans les autres et à vous en plaindre, seriez-vous donc assez aveugle pour croire qu'il n'y a rien en vous qui puisse aussi les indisposer ? Insensés, dit Jésus-Christ, qui remarquez un fétu de paille dans l'œil de votre frète et ne voyez pas la poutre qui crève le vôtre ! N'est-ce pas à tous qu'il pourrait dire comme aux accusateurs de la femme adultère : Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ! Qui de vous dont le bras ne serait pas arrêté par le reproche de sa conscience? Ayant donc besoin d'indulgence et de pardon de la part de Dieu et de vos frères, soyez assez sage pour vous y donner des droits par une semblable indulgence envers
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tous. Les paroles du Sauveur sont formelles: Par- donnez, si vous voulez être pardonnes. — Vous serez ■r.< dans la mesure dont vous vous serez servi pour lr< autres.
Vierge sainte, dont le cœur fut embelli de l'or de la charité la phis pure, la plus indulgente et la plus effi- formez vous-même dans le mien ce généreux sen- timent qui me donne droit à vous aimer éternellement dans le royaume «le paix.
Pratique : Aimez le doux plaisir do faire rie* heureux : El soulagez surtout le pauvre vertueux.
HISTOIRES.
BEAUX TRAITS DE CHARITÉ ENVERS LE PROCHAIN
Un religieux, qui avait mené une vie en apparence fort imparfaite, se trouvait néanmoins très calme au moment de la mort. Son supérieur craignant que ce ne fût un piège du démon s'en alarma et lui en demanda la cause: « Mon Père, répondit le religieux, j'ai tâché toute ma vie de pratiquer le grand commandement du Seigneur, d'aimer tous mes frères, de les supporter, de leur rendre service, de ne faire de mal à aucun, de ne blâmer qui que ce soit, et surtout de penser bien de tous. Voilà ce qui fait ma consolation, et me donne, malgré mes nombreuses imperfections, tant de confiance pour aller paraître devant Dieu. » — a Ah ! mon frère, lui dit le Supérieur, mourez en paix, heureux d'avoir vécu dans «I'aussi saintes dispo- sition-
— Nous avons dans le bon saint François de Sales un modèle ach • • des sentiments les pins sublimes qu'inspire la charité. « Je ne sais . disait-il av<
ordinaire, je ne sais comment Dieu m'a fait le -. mais, s'il me commandait de haïr un ennemi,
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je crois que je n'en viendrais jamais à bout. » — « Quand une personne, disait-il encore, m'aurait arra- ché un œil, je la regarderais toujours de l'autre avec bonté. »
— La vrai charité s'exerce de toute manière , aussi bien par les pensées d'esprit que par les sentiments du cœur et par les actions. On raconte d'une excel- lente chrétienne qu'elle avait pour habitude de donner à tout une interprétation toujours charitable : si elle voyait une personne élégamment parée ; sans doute, se disait-elle, elle a autant de soin de son àme. Si, au contraire, une autre apparaissait dans une mise né- gligée, elle disait : C'est parce que l'embellissement de son àme l'occupe tout entière, qu'elle oublie ainsi le soin de son corps.
— Sainte Jeanne Françoise de Chantai, si dévouée à Marie, mettait au premier rang dans ses hommages journaliers l'imitation de ses vertus et principalement de sa charité. En voici quelques traits. Veuve à vingt ans, elle pardonna de tout son cœur à l'assassin de son mari. Obligée de vivre avec un beau-père d'une humeur très difficile, elle ne lui montrait que douceur et prévenance. Soumise à une gouvernante qui était plus que maîtresse, elle supportait sans se plaindre tous ses mauvais traitements, elle n'y répondait que par toute sorte de bons offices. Pleine de compassion pour les malheureux, elle avait fait vœu de ne jamais leur refuser l'aumône : et un jour que trois pauvres la surprirent sans argent, elle aima mieux leur donner son anneau de mariage, auquel elle tenait beaucoup, que de les contrister par un refus. Enfin, en établis- sant, de concert avec saint François de Sales, l'Ordre de la Visitation, son but était que ses filles s'appli- quassent surtout à la pratique de la charité.
78 TU RNIS DAVIDICA
CHAPITRE XXX
TOUR DE DAVID.
Jadis sur la montagne de Sion, David avait construit, pour protéger Jérusalem, une forteresse inexpugna- ble, renforcée par une tour dont la hauteur, la force et la beauté faisaient la gloire, la sécurité du peuple Juif, et en même temps la terreur de ses ennemis. De nombreux et vaillants guerriers la défendaient, lan- çant par les créneaux des flèches et des dards qui por- taient la mort à quiconque osait en approcher. Elle était tout à la fois un refuge pour certains crimes, une retraite en cas d'attaque, et un lieu de défense assurée par elle-même et par les armes de toute espèce dont on l'avait pourvue. David n'en sortait jamais que pour aller signaler sa valeur et couronner son front d'immortels lauriers.
En entendant ces détails, qui n'a deviné pourquoi Marie est appelée Tour de David? Qui n'a déjà saisi les divers traits de ressemblance : la beauté : Marie n'est-elle pas le plus bel ornement de la terre et des deux après la Divinité, le plus digne objet de notre admiration, par l'excellence de ses privilèges, la subli- mité de son rang, la riche variété de ses vertus ? mais surtout la force ; elle est une Tour mystérieuse, élevée sur la sainte montagne de l'Eglise, et dans laquelle nous pouvons toujours nous retirer ; une Tour envi- ronnée de boulevards et imprenable, où viennent échouer toutes les tentatives, soit de la ruse, soit de la rage de nos ennemis , une Tour abondamment pourvue de glaives, de boucliers, de toutes les armures spirituelles quidonnenl La victoire. Et c'est sous ces consolants aspects que nous .-liions l'envisager.
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Oui, retranchés en Marie comme dans une forte- resse inexpugnable , castellum undique vallatam (saint Ans.), nous sommes certains d'y trouver les armes pour combattre les ennemis de nos âmes, et la force nécessaire pour les vaincre. La vie de l'homme sur la terre, qui ne le sait par une triste expérience, est une carrière semée d'épines et de dangers, une vie de com- bats contre notre mauvaise nature, contre le monde et le démon. Le monde que Jésus-Christ a condamné, et avec lequel nous sommes pourtant toujours en con- tact, obligés de respirer son air corrompu, le monde, par la séduction de ses discours impies et immoraux, de ses railleries et de ses maximes, par le courant de ses exemples pervers et le prestige de ses usages, de ses plaisirs si contraires à l'esprit de l'Evangile, cher- che à nous entraîner avec la multitude loin des sen- tiers de la justice. De son côté, le démon, que l'excès de son envie contre nous et de sa haine contre Dieu rend acharné à notre perte, rôde sans cesse, cherchant une proie à dévorer. Devenu plus furieux encore de- puis que la Vierge lui a fait sentir la force de sa puis- sance, et ne pouvant souffrir que nous so}Tons heureux du bonheur qu'il a perdu, il ne songe qu'à nous faire partager son malheur, il multiplie ses artifices, nous tend des pièges partout, il fait jouer tous les ressorts de sa rage pour la défaite de nos âmes . Ses échecs n'amortissent pas sa fureur ; il se relève chaque fois avec une énergie redoublée et une perfidie de plus en plus insidieuse. Cet implacable tentateur, qui ne s'endort jamais, est d'autant plus à redouter qu'il trouve dans notre cœur et dans nos sens un puissant auxiliaire, des intelligences secrètes qui s'entendent avec lui pour nous trahir et nous faire tomber dans ses embûches. Le pauvre cœur ! le vice se développe
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si spontanément, et la vertu s'y élabore avec tant de peine ?
Ayant donc à lutter contre tant d'ennemis, dont les attaques ne finiront qu'avec notre vie, pour n'être point vaincus dans une guerre aussi périlleuse, ne nous fal- lait-il pas un secours continuel et tout-puissant ? Le ciel nous l'a donné en Marie. « Elle est, dit sainjt Jean Damascène, la ville de refuge pour quiconque est poursuivi par le dragon infernal. « Elle est cette Tour défensive, où nous trouvons des armes de toute espèce pour repousser tous ses assauts et devenir vainqueurs. Quelles que soient ses ruses et sa fureur, fùt-il escorté de toutes les noires phalanges de l'enfer, rien n'est à craindre, si Marie nous protège. De même qu'un ro- cher battu par les flots de la mer en furie les repousse et reste inébranlable ; ainsi retranchés derrière les remparts de sa protection, nous demeurerons inacces- sibles à tous les traits de ce formidable Goliath. Il y asix mille ans que Dieu disait d'elle par avance, en parlant au démon qui venait de vaincre nos premiers parents : Un jour une femme t'écrasera la tête, et depuis que Marie a paru sur la terre, mille fois par jour elle réalise cette puissante prédiction, en obte- nant la victoire à ceux qui réclament son secours dans l'imminence du péril.
Il est rapporté dans la sainte Ecriture que Barac, se trouvant en face des Cananéens, refusa malgré son désir et sa valeur, d'engager le combat : et que, ne comptant pas assez sur ses forces, il dit à la vaillante Débora : Si vous voulez venir avec moi, j'irai sans crainte : mais, sivous ne m'ftccomivtgnezje ne puis me décider à combattre. Et nous aussi, soldats de la milice chrétienne, qui par une longue expérience de- vons avoir le sentiment de noire faiblesse, si nous
TURIUS DAV1DICA 81
commettions l'imprudence d'entrer en lice avec le dé- mon notre ennemi sans l'assistance de Marie, bientôt de tristes défaites nous puniraient de notre témérité. Mais, si, répondant à notre appel, la Vierge nous ac- compagne dans la lutte, la pensée de sa présence déjà nous donnera de la confiance et plus de courage ; et combattant du haut de cet imprenable donjon, armés de l'invincible bouclier de la foi, du casque brillant faY espérance, de l'impénétrable cuirasse delà charité, nous remporterons autant de victoires que nous au- rons eu de luttes à soutenir. Satan, cet audacieux en- nemi, sera forcé, malgré son orgueil, de lever le siège et de se retirer, en nous voyant retranchés dans cette Tour. De môme que les murs de Jéricho s'écroulèrent devant l'Arche sainte ; ainsi toutes les tentatives de sa fureur se seront' abîmées devant cette Arche vivante de la nouvelle alliance. Il sera pour nous comme ce chien à l'attache, qui a beau aboyer, grincer des dents, bondir et s'élancer l'œil étincelant de rage, mais qui est retenu par une chaîne qu'il ne peut briser.
Morale : Lors donc que cet astucieux serpent vient nous attaquer par des tentations secrètes et directes, ou par l'intermédiaire des méchants ses suppôts, réfu- gions-nous auprès de Marie comme dans une tour de protection assurée. Là, nous sommes à l'abri de ses coups, ou bien nous y trouverons des armes fortement trempées pour nous défendre et les repousser. Voyez- vous ce petit enfant, un objet hideux, quelque animal en fureur l'a effrayé : il se sauve éperdu près de sa mère, et ne se croit en sûreté que dans ses bras. Et ces petits poussins que la vue de 1 epervier ou tout autre danger épouvante, comme ils accourent en toute hâte sous les ailes de la poule-mère, ne revenant de leur frayeur que quand ils se sentent sous cet abri protec-
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teur î Et ces faibles agneaux, pourquoi se précipitent- ils tout tremblants vers la bergerie ? Un loup sorti de la foret, la gueule béante, allait les dévorer ; mais dans cet asile qui les défend, ils n'ont plus à redouter sa dent meurtrière. Ainsi, à la vue du démon s'élauçant sur nous pour en faire sa proie, accourons près de Ma- rie, nous abriter sous le manteau de sa royale protec- tion. Disons-lui :0 Marie ! Sauvez-nous, nous péris- sons : Tour de David, protégez-nous ! Que fait une ar- mée sortie des murs pour en venir aux mains avec les assiégeants ? Si ses forces comparées lui apparaissent inférieures, et lui donnent peu d'espérance de la vic- toire, elle se hâte de rentrer dans la citadelle : ainsi dans ces luttes où nos forces seraient inégales à celles de notre ennemi,' cherchons un asile près de Marie, forteresse inexpugnable qui nous garantira .
< ". ardons-nous donc bien de céder aux séductions fal- lacieuses de ce rusé Géant du mal. qui voudrait nous séparer de Marie : si cette Tour de défense et de salut venait à nous manquer, si nous laissions tomber par notre négligence ce rempart avancé qui nous protège, et que nous nous dessaisissions de ce bouclier conser- vateur, exposés cà découvert aux traits de nos ennemis, notre défaite serait inévitable et leur victoire assurée.
N'allons pas cependant placer une confiance aveugle et présomptueuse en cette Tour défensive. Marie veut bien protéger notre faiblesse, mais non favoriser notre indolence, moins encore notre témérité. Tour éminem- ment protectrice, elle met à couvert le chrétien qui ren- contre le péril et non pas celui qui s'y expose ; elle le défend des traits meurtriers qui le poursuivent, et non de ceux qu'il va imprudemment affronter. Nous au- rions donc été le jouet d'une bien déplorable erreur, si nous nous étions flattés que sa main puissante va
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nous préserver des chutes que nous aurions cherchées. Ayant peut-être appris par notre expérience combien était trompeuse cette confiance téméraire, sachons du moins profiter des leçons qui nous ont coûté si cher, et prenons pour règle de conduite celle de Marie qui fut si différente de la nôtre. Prévenue à sa Conception des grâces les plus signalées, exempte de tout pen- chant qui favorise tant soit peu les efforts du démon, toujours elle se défie d'elle-même ; elle s'alarme de l'ombre même du danger, et s'environne de toutes les précautions de la prudence ; elle craint tout, elle qui n'a rien à craindre. Jamais personne ne porta une lampe allumée à travers le vent avec plus de circons- pection ; jamais épouse n'eut plus d'attention à con- server la belle robe de ses noces, que la sainte Vierge n'employa de' soin pour se garantir de tout ce qui au- rait pu altérer quelque peu la pureté de son âme . Sa vie est une vie toute dé retraite, de prière et de silence. Et nous, conçus dans l'iniquité, sans cesse ouverts par le seul vice de notre origine à mille tentations, entourés d'occasions multipliées et si entraînantes, nous, tou- jours courbés vers le mal, si nous nous exposions en- core au danger d'une faiblesse, si, presses par tant d'ennemis conjurés pour la ruine de nos âmes, nous marchions étourdiment, sans vigilance et sans crainte, nous heurtant à tous les écueils, ne comptons pas alors sur la protection de Marie ; notre espérance serait vaine : elle nous dit à tous : Aide-toi, et je t'aiderai.
0 Marie, ô Tour mystérieuse, formidable à nos en- nemis, forte pour repousser leurs attaques et pour les vaincre, recevez-moi sous votre protection, défendez- moi . Gardez aussi les faibles, afin qu'ils ne tombent pas : gardez les justes, afin qu'ils persévèrent : sou- tenez-nous tous dans nos combats : donnez-nous la
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victoire, qui nous rende dignes de la palme du triomphe et de la couronne de l'immortalité.
Pratique : Ayons toujours quelque objet qui nous rappelle la sainte Vierge, une médaille, un scapulaire, un chapelet : on n'a rien à craindre muni de ce-- ar- mures portés avec confiance ; mais un soldat désarmé est à moitié vaincu.
EXEMPLES
PROTECTIONS MIRACULEUSES DUES AU SCAPULAIRE.
Après une Tour, rien ne figure mieux la protection dont Marie environne ses serviteurs que le Scapulaire, espèce de cuirasse, propre à nous défendre contre les ennemis du salut. En voici quelques preuves entre mille :
Dans une grande ville de France, se trouvait un homme vivant depuis plus de quarante ans dans une haine mortelle contre Dieu et la religion. Etant tombé malade et se doutant bien qu'on lui parlerait du salut de son âme, il mit sur le chevet de son lit un poignard, bien décidé à frapper le premier qui oserait lui en dire un mot. Personne ne se sentait le courage d'aborder la question. Néanmoins, comme le mal empirait et qu'on craignait une mort prochaine, une de ses pa- rentes, pleine de confiance en Marie Refuge des pé~ cheurs, se détermina à lui passer un scapulaire au cou pendant qu'il dormait, et conjura la Mère de miséri- corde d'avoir pitié de ce chrétien, revêtu de son habit. Le lendemain matin, le malade se réveille comme d'un profond sommeil : mais ce nVs! plus le même homme;
lois, implore hautement la miséricorde de Dieu, jette au loin son poignard, de- mande instammenl un prêtre, se confesse avec une grande abondance de larmes, et meurten proclamant qu'il doit à Marie le bonheur d'être réconcilié avec Dieu.
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— Un prêtre était occupé dans une église à entendre les confessions, lorsqu'il aperçoit un jeune homme dont la figure décelait dans son àme un violent combat. Le prêtre se décide à sortir du tribunal, l'aborde et lui demande s'il était venu pour se confesser. Après un moment d'hésitation, il répond que Oui, mais qu'il désirait le faire dans un lieu retiré. Quand ils furent seuls : Mon Père, lui dit-il, entré ici par hazard, j'éprouvai à l'instant de vifs remords de conscience, quelques velléités de me confesser, mais retenu par la honte et la défiance de la bonté de Dieu, j'étais sur le point de sorlir, lorsque vous vous êtes avancé vers moi ; la grâce a triomphé et me voici à vos pieds . Le confesseur, surpris d'un changement aussi extraordi- naire, lui demanda ce qu'il aurait pu faire pour méri- ter cette grâce singulière . Hélas ! répondit-il, en por- tant la main sur sa poitrine, et montrant son scapu- laire : voilà tout ce que j'ai conservé de religion. Ni l'un ni l'autre ne douta que ce fût à cette dévotion qu'il dût cette insigne faveur. Bientôt rentré en grâce avec Dieu, il permit au missionnaire de publier partout la grande bonté de Marie à son égard. (7)
CHAPITRE XXXI
TOUR D'IVOIRE.
L'ivoire, que la main de l'artiste façonne en mille objets divers, se distingue par trois qualités, la dou- ceur de son poli, l'éclat de sa blancheur et la force résultant de sa dureté. Cette ingénieuse image de Tour tCivoire, sous laquelle Marie nous est ici présentée, ne sernble-t-elle pas rappeler à notre souvenir trois de ses propriétés, sa douceur, sa pureté, sa puissance?
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Ce serait donc ici le lieu, si déjà nous ne l'avions fait ailleurs, de préconiser sa mansuétude, son aménité, sa charité qui la rendent si aimable et si bonne à tous. Souvent aussi nous proposâmes à votre imitation son inviolable pureté, dont le symbole naturel est la cou- leur blanche.
Mais la propriété distinctive de l'ivoire, matière compacte et solide, c'est la force quïl tient de l'animal gigantesque et puissant qui en est le type le plus vrai : on dit : Fort comme un éléphant. L'ivoire était donc, ainsi qu'une tour, l'emblème de la force, c'est pour cela que l'Eglise, voulant exprimer la puissance dont Marie est revêtue, lui a appliqué cette heureuse déno- mination de Tour d'ivoire. Et ce sera dans ce sens que nous l'envisagerons pour le développement de cette Invocation. Mais, au lieu de reproduire les considéra- tions déjà présentées sur la puissance de Marie et sur la force que l'on trouve dans cette Tour mystérieuse contre les ennemis du salut en général, nous préférons signaler à votre attention ce qui est moins connu, quoique non moins certain, ses victoires sur l'hydre des hérésies, qui de tout temps a ravagé l'Eglise de Jésus-Christ, et qui toujours fut terrassée par le bras puissant delà céleste Vierge. C'est là un de ses beaux triomphes, bien capable d'accroitre notre confiance en sa protection et que nous nous reprocherions de ne pas mettre au grand jour. Il est doux de constater que l'on trouve en Marie non-seulement la pureté qui attire et la bonté qui accueille, mais aussi la puissance qui en tout temps servit à l'Eglise de bouclier contre les en- nemis de sa foi .
Marie fut, en effet, la terreur et la ruine des hérésies
Cette assertion, au premier énoncé, paraîtra sans
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doute hardie ; mais écoutez un moment les raisons et les faits qui l'appuient, d'où nous serons en droit de conclure que l'Eglise doit à la Vierge tous ses triom- phes sur l'hérésie.
D'abord , n'est-ce pas d'Elle que le monde a reçu Jésus- Christ, brillant Soleil de justice qui dissipa les ténèbres de l'erreur ? Or, de même que l'aurore parti- cipe à l'honneur qu'a le soleil de chasser les ombres de la nuit, ainsi Marie partage avec son divin Fils la gloire d'avoir fait disparaître les ténèbres qui nous dérobaient la lumière de la vérité. Avant rendu visible Celui qui est la voie et la vérité, elle est comme un Phare qui empoche de s'égarer dans les écarts de l'hé- résie et prévient ainsi tout naufrage dans la foi.
D'ailleurs, tout ce que pendant les premiers siècles on opposa à la croyance de l'Eglise aboutissait à nier Jésus-Christ en lui contestant tantôt son humanité, tantôt sa divinité. Or, l'une et l'autre de ces erreurs avait sa réfutation dans le virginal enfantement de Marie. Car , par la naissance temporelle donnée au Verbe divin, elle prouvait admirablement qu'il était Homme; et restant vierge, tout en devenant véritable- ment mère , c'était montrer évidemment qu'il était Dieu. C'est ainsi que toutes les hérésies relatives au dogme de l'Incarnation se trouvaient condamnées par la Maternité virginale de Marie. Elle était comme la navette, si l'on peut parler ainsi, qui servait à tisser la trame de la foi, à entrelacer et à nouer en Jésus- Christ sa divinité et son humanité. Ainsi, après avoir donné, nouvelle Eve, le fruit de sa vie, elle n'a cessé de le garantir contre toutes les erreurs qui le dispu- taient à notre foi ; elle en est devenue comme le sou- verain Palladium. Aussi, dès que la liberté de l'Eglise put le permettre, la profession doctrinale de la Mater-
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nité divine éclata par des louantes et des invocations sublimes qui retombaient en anathèmes sur les héré- sies.
Mais [a plus belle «les victoires de Marie en ce genre fut le coup fatal qu'elle porta à l'hérésie de Nestorius. Quoique sa Maternité elle-même fut évidemment im- pliquée dans toutes les attaques dirigées contre son Fils, elle ne les avait ressenties que par contre-coup, et même elle avait grandi en les brisant. Et ce fut cette victorieuse puissance qui la désigna à la fureur du démon de l'hérésie ; il se retourna contre le talon qui l'écrasait. Il voulut, pour déclarer la guerre à l'Enfant, s'en prendre cette fois directement à la Mère. Voici le fait : toutes les attaques dirigées contre le Christ dans les siècles précédents n'avaient servi qu'à faire ressortir plus lumineux ce point de notre foi, qu'il y a en Jésus-Christ deux natures, et une seule Personne. Mais au 5e siècle, parut un certain Nesto- rius, indigne évèque de Constantinople, qui, tout en admettant dans le Christ un Dieu et un homme, pré- tendait que le Dieu et l'homme formaient deux person- nes distinctes, consequemment qu'il n'y avait pas unité de personne : d'où il arrivait à dire, et c'était là son but. que la sainte Vierge n'était point Mère de Dieu, mais seulement Mère du Christ, distinguant ainsi la une du Christ de celle du Verbe. C'était enlever à Marie sa plus brillante auréole, sa divine Maternité ; croyance universellement vivante au cœur des fidèles et professée invariablemenl dans toute l'Eglise. Bien- tôt un Concile oecuménique es1 convoqué dans la ville d'Ephese, qui longtemps habitée par la Vierge allait témoin de son triomphe; et sa divine Maternité solennellement reconnue y reçoil une suprême c cration. C'est encore ainsi que ce glorieux privilège.
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sortant victorieux de cette attaque, vint étouffer l'hydre de l'hérésie qui, avec ses multiples variations, s'était ameutée contre la divinité de Jésus-Christ, fondement de toutes nos croyances. Ainsi Marie justifla-t-elle cette louange composée alors par les Pères du Concile, et que l'Eglise continue de lui adresser : Gaude, Maria Virgo, canotas hœreses soin interemisti in universo mundo. Ainsi s'accomplit visiblement la victoire pro- mise à la femme sur le démon, ce perpétuel fauteur de toutes les hérésies.
Nous traversons sept à huit siècles, non que l'ac- tion de Marie ne parut point pour la défense de la foi, mais nous n'avons voulu signaler que les faits les plus saillants. Sur la fin du 12e siècle, une autre secte d'hérétiques , appelés Albigeois (d'Alby) , désolait le midi de la France, et non moins ennemie de la vertu que de la vérité, portait en tout lieu le cynisme de la débauche en même temps que le ravage par le fer et par le feu. Il fallait opposer à un tel débordement une barrière capable de l'arrêter. Deux hommes se ren- contrèrent, Simon de Montfort et saint Dominique, fondateur d'un ordre justement célèbre. Montfort porte l'épée; à saint Dominique est réservée l'arme de la prédication et de la prière. La lutte durait depuis des années, et l'hérésie n'était point abattue. Enfin, le Saint inspiré d'en haut crée une espèce de Chevale- rie pieuse, qui devait par une prière continue faire violence au ciel et obtenir le retour des sectaires. La répétition de Y Ave Maria sous le nom de Rosaire fut l'arme pacifique et puissante qu'il mit en main aux catholiques restes fidèles ; et cette croisade d'un genre tout nouveau remporta la victoire. Au bout de quel- que temps, la foi de l'Eglise était sauvée, et les héréti- ques vaincus par l'action protectrice de Marie, à qui
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l'on dut incontestablement l'extinction de ces mons- trueuses erreurs.
Le démon de l'hérésie a beau être abattu, il ne se tient jamais pour complètement défait .
Une autre erreur, qui n'a pas moins désolé l'Eglise quelques siècles après, c'est le Protestantisme. Il a pour base, sous les apparences de Christianisme, l'in- terprétation de l'Evangile par le sens individuel de chacun, de manière à produire autant de sentiments qu'il y a d'intérêts divers, mais qui s'accordent en ce point, la protestation contre les enseignements et les actes de l'Eglise. Avec tous les éléments de succès que le Protestantisme trouva dans l'état du monde à cette époque, et favorisant lui-même l'orgueil et toutes les passions mauvaises, il fit malheureusement d'immenses et d'épouvantables ravages, principalement dans le centre et le nord de l'Europe. Mais aussi, il rencontra des barrières qu'il lui fut impossible de franchir. Ainsi, chose singulièrement remarquable, il ne put jamais s'implanter ni dans la magnanime et généreuse Polo- gne qui a la Vierge pour Patronne, ni dans la catho- lique Espagne où son culte n'est pas moins en honneur, ni dans l'Italie si dévote à ses Madones, ni enfin dans notre France si justement nommée le Royaume de Mr/rie. La Vierge ne pouvait qu'avoir la plus vive horreur pour cette prétendue Réforme qui, en la ban- nissant de son culte, la privait des hommages de tant de milliers de ses enfants. (8)
Voilà comment toujours et partout, sa main a fait sentir aux ennemis de la vérité, le marteau de Dieu qui les écrase. Cependant, en attribuant à Marie sente, quœ sola, l'honneur de tant et de si glorieux triomphes, la pensée de l'Eglise n'est assurément pas de ravir à Dieu la première pari de gloire qui lui en revient de
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droit. Elle proclame seulement qu'il se sert du bras de cette humble Vierge pour dissiper les ténèbres de l'er- reur, comme on l'a vu user de l'épée d'une simple ber- gère pour délivrer les Français de farouches ennemis, comme on voit la lune partager avec le soleil l'honneur de chasser les ombres de la nuit. Si donc la haine et la ruse des sectaires sont restées impuissantes à altérer un seul article de notre Symbole, nul doute que nous n'en soyons redevables à la sainte Vierge qui fut de tout temps et sera toujours notre Tour de défense et le Piller de notre foi.
Morale : Cette protection visible de Marie jointe à l'assistance dont Jésus-Christ lui-même environne son Eglise, doit singulièrement nous rassurer sur ses des- tinées. Malgré les brèches que l'erreur lui a faites, elle n'a jamais perdu les caractères d'autorité que les héré- sies ne peuvent s'approprier. Ainsi elle fut toujours catholique ou universelle : chaque fois que l'erreur ou le schisme lui enleva un de ses membres, elle répara ses pertes par de nouvelles conquêtes, semblable à un grand arbre auquel on arrache quelques branches malades, mais dont la sève se reproduit en d'autres branches qui ne donnent que de meilleurs fruits. Elle est apostolique, remontant par une succession non interrompue de pasteurs jusqu'aux apôtres établis par Jésus-Christ ; au lieu que les sectes séparées et dé- signées par le nom de leurs auteurs, portent sur leur front un cachet de nouveauté et de rébellion qu'elles ne peuvent effacer, et qui dépose contre elles, mon- trant à l'univers qu'elles sont l'œuvre des hommes. Aussi ces branches retranchées du corps de l'arbre ont toujours manqué de fécondité, et ne prenant point d'ac- croissement, elles vont se dessécher et mourir dans quelque coin isolé.
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C'est ainsi que les ouvrages des méchants périssent, malgré l'enfer qui les soutient. Mais l'œuvre de Dieu peste ferme et immuable. C'est ce que reconnaissait très sensément un des hommes du Sanhédrin, Gamaliel, appelé à donner son avis sur la conduite à tenir envers les apôtres: Si leur entreprise, disait-il, vient des hommes, elle se dissipera d'elle-même ; mais si elle vient de Dieu, vous ne pourrez l'empêcher de réussir. L'Eglise a triomphé des hérésies, comme elle avait triomphé de l'idolâtrie et des persécutions. Ainsi en sera-t-il de toutes les erreurs par lesquelles le gé- nie du mal, toujours vivrait, essaiera encore de la troubler, elles tomberont toutes à ses pieds : ses vic- toires passées nous sont un sur garant de celles qu'elle remportera a l'avenir. Les promesses qui lai ont été laites }>ar son divin Fondateur ne peuvent être vaines: bâtie sur le roc, elle se rit de la fureur des flots, de la violence des tempêtes : dix-huit siècles d'attaques et de triomphes se dressent pour le garantir. — Qu'il est consolant pour nous d'être dans le sein de cette Eglise, centre de la vérité, port assuré où nous pouvons trou- ver le salut ! Ne craignons donc les ennemis de la foi que comme il faut les craindre, pour les fuir ; plai- gnons-les plutôt, et prions pour eux. — On rapporte que saint Jean, se disposant à prendre un bain, s'en- fuit aussitôl qu'il appril que L'hérétique Cérinthe se baignait dans la même maison ; il craignait, disait-il, qu'elle ne s'écroulât à cause de la présence de ce mé- chant homme.
0 Marie ! soyez toujours la Tour protectrice de nos croyances ; conservez-les nous comme règle de nos mœurs et gage delà bienheureuse immortalité !
Pratique: Remercions souvent le Seigneur de nous avoir l'ail naître au sein de L'Eglise catholique.
TUHHIS EBURNEA 9M
HISTOIRES
PUNITIONS TERRIBLES DE CERTAINS HERESIARQUES
Il ne sera pas sans intérêt de voir quelques traits de la vengeance divine contre les audacieux sectaires, qui s'attaquant à la Mère s'attaquaient à son Fils et récipro- quement, car leur cause est commune.
Ainsi Nestorius paya par le plus épouvantable des châtiments l'outrage sanglant qu'il fit au plus beau privilège de la Vierge. Un cancer incurable se manifeste à sa bouche, et les vers, fidèles exécuteurs de la ven- geance céleste, dévorent lentement avant sa mort la langue de l'audacieux blasphémateur.
— Quelque temps après, l'empereur Constantin Copronyme s'arme aussi, contre la gloire de Marie, de- toute l'autorité de sa couronne et de la ruse la plus subtile d'un sectaire. Reconnaissant qu'elle mérita les plus grands honneurs pendant qu'elle portait le Fils de Dieu dans son sein, il prétendait qu'après son en- fantement elle était redevenue une femme ordinaire. Insensé, il a voulu enlever à ce Sanctuaire auguste son plus bel ornement ! Eh bien ! son diadème et ses richesses ne pourront le sauver de la mort la plus affreuse : un feu intérieur et horrible le dévore, sans qu'aucun remède puisse lui apporter le moindre sou- lagement : il expire dans les convulsions d'une rage tout infernale.
— Déjà longtemps auparavant, d'autres ennemis de Jésus-Christ et de sa divine Mère avaient payé chère- ment leur audace à les attaquer. Manès a nié la réa- lité de la chair du Dieu fait homme, prétendant que ce n'était qu'un fantôme. Lui-même sera dépouillé de de cette chair que dans sa haine sacrilège il a refusée à sun Sauveur. La loi du talion lui est appliquée ; un
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roi idolâtre le fait éeorcher tout vivant, pour le livrer ensuite à la voracité des chiens. — Arias niant au Verbe sa génération éternelle qui le rend égal à son Père, expire dans les douleurs affreuses du trépas le plus ignominieux, au milieu d'un égoùt. — Bien des siècles après, parmi les hérétiques Albigeois, une mul- titude innombrable fut taillée en pièces par le vaillant Simon de Montfort ; d'autres en très grand nombre, atteints d'une maladie sans nom qui déconcertait la science des gens de l'art, périrent misérablement, lais- sant aux siècles futurs une page de plus dans les tri- omphes de Celle contre laquelle personne ne peut impunément lever la main. — Ainsi moururent tragi- quement beaucoup d'autres ennemis de la sainte Vierge et de Jésus. Tel est assez souvent, même dès cette vie, le sort des gens hostiles à Dieu et à sa reli- gion.
CHAPITRE XXXII
MAISON D'OR
C'est du temple de Jérusalem tout éblouissant d'or, dans toutes ses parties, que l'Eglise a emprunté ce titre si pompeux de Maison d'or qui n'est ce- pendant qu'une bien imparfaite image de la beauté intérieure de la Vierge très sainte. Dès sa conception, elle était déjà un Sanctuaire enrichi de l'or spirituel d'une pureté parfaite; mais cette magnificence s'accrut encore, lorsque le Verbe divin en lit son temple vivant. Pénétrons aujourd'hui dans l'intérieur de cette mys- térieuse Maison d'or. Cet intérieur sacré, c'est le Cœur admirable de Marie. Voyons à quels titres il mérite confiance, vénération, amour. Ces titres sont :
DOMUS AUREA 95
I. Les perfections dont il est orné,
II. Ses relations intimes avec l'adorable Trinité,
III. L'amour dont il brûle pour nous.
I. Perfections du cœur de Marie. — Ce n'est point arbitrairement que dans cette qualification de Maison d'or, nous voyons désigné le Cœur de la Reine des vertus. Comme l'or en lui-même et par son usage tient le premier rang parmi les métaux, ainsi le cœur est dans l'homme la partie la plus noble. C'est le cœur qui joue le plus grand rôle dans le mérite de nos œuvres. C'est par le cœur que chacun est bon ou mauvais : bien que ce soit la main qui donne, c'est le cœur qui met le bienfait dans la main ; et le coup qu'elle porte est également dirigé par le cœur mécontent, indigné, irrité. C'est dans le cœur que se forment les bons dé- sirs, les saintes affections, les généreux sentiments, aussi bien que les noirs projets, la haine, la maligne envie. Dieu lui-même, en maints endroits des saints Livres, montre sensiblement l'importance qu'il attache aux sentiments du cœur : C'est de tout notre cœur qu'il veut être aimé ; — c'est notre cœur qu'il nous demande ; c'est le cœur contrit et humilié, qu'il nous assure ne point repousser ; — c'est sur le cœur qu'il dit avoir les yeux ouverts. Et l'Esprit- Saint parlant du mérite de Marie, nous dit qu'il vient tout entier de son intérieur : Omnis gloria ejus ab intus .
Quel cœur, en effet, que le Cœur de Marie ! Si tous les autres sont infectés de la souillure originelle, non- seulement celui de Marie en fut préservé ; mais de même que la rouille ne s'attache pas à l'or, ainsi la plus légère faute n'altéra jamais la beauté de ce Vase honorable . Oh ! avec quel amour Dieu dut-il le con- templer ce Cœur, que l'ombre même d'une tache ne
% DOMUS AUREA
défigurait pas, que ne flétrissait le souffle d'aucune passion, dont les mouvements étaient toujours saints, ri Les affections toutes célestes ! C'était bien là la créa- ture faite à son image et dans laquelle il trouvait re- produits, comme dans un miroir fidèle, tous ses traits divins, si altérés chez le reste des hommes. Aussi voyez en quels termes il exprime sa tendresse et son admi- ration pour ce chef-d'œuvre. A la vue des créatures sorties de ses mains à l'origine du monde, il se con- tenta de dire qu'elles étaient bonnes; mais la Vierge immaculée, il l'appelle sa Bien-aimée, sa toute belle. Ses yeux, qui ont découvert des taches et des imper- fections jusque dans les plus pures Intelligences envi- ronnant son trône, n aperçoivent en elle aucun dé- faut: elle est la clmste colombe, sans égale, seule parfaite, unique dans Vunivers. Et les heureux ha- bitants de Sion, en la voyant, sont transportés d'un indicible ravissement : ils comparent l'éclat dont elle brille à la douce et bénigne lumière de t astre des nuits, à la clarté de la plus brillante aurore, à la splendeur éblouissante du soleil. Et d'où s'exhale encore cette odeur embaumée qui les attire à elle ? N'est-ce pas de son Cœur, comme d'un vase précieux, plein d'essences exquises dont le mélange forme te pins délicieux par fum ? Ex aromatibus myrrhœ et thuris, et universi pulveris pigmentarii. Et ne soyons nullement surpris que tant de richesses et de beauté aient embelli ce saint Cœur : c'était comme une conséquence nécessaire des
II. Relations de Marie avec l'adorable Trinité j premièrement avec Dire, le Père. — Il était arrêté dans 1'-- d ernels que le monde sérail sauvé par
L'Incarnation du Verbe ; et cet ineffable mystère devait s'accomplir dans le sein d'une Vierge par l'opération
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du Saint-Esprit. Dès lors, Dieu prit soin que rien ne manquât à la perfection de l'Eve réparatrice, destinée par ce titre au sublime honneur d'être sa Fille, la Mère de son Fils, et l'Epouse du divin Esprit. Ainsi il se plut à l'enrichir d'une plénitude de dons sans exemple et sans mesure. Dès l'aurore de ses voies, on aurait pu déjà, en empruntant par avance les paroles de l'Archange, la nommer en toute vérité pleine de grâce, lui dire que le Seigneur était avec elle, ornant son âme des dons les plus rares, et la préconiser zomm<d\memerv eille parmi toutes les autres feni7nes . A peine est-elle éclairée des première lueurs de la rai- son, que Dieu se montre jaloux de la posséder tout entière. Oublie, ma fille, lui dit-il, ton peuple et la maison maternelle ; car le Seigneur ton Dieu, épris de ta beauté, demande ton cœur et veut y régner seul. Docile à cette voix secrète, la jeune Marie s'arra- che aux affections de famille , s'élève au-dessus des sentiments delà nature, et va s'enfermer dans le tem- ple, où, captive volontaire, enchaînée par l'amour au pied des autels, elle n'a plus de commerce qu'avec le ciel, et se lie irrévocablement au Dieu de son cœur par le vœu de perpétuelle virginité. Oh ! comme l'Eternel dut se complaire dans la vue de ce Tabernacle inacces- sible à tout ce qui tient de l'homme, et qui devait être la digne demeure de son Fils !
C'est dans ce Cœur virginal, en effet, que se célé- breront bientôt les noces toutes célestes avecl1 'Esprit- Saint. Descendez, ô divin Esprit, votre Epouse est prête ; elle est parée de chasteté, d'humilité, d'amour, de tout un cortège de vertus aussi variées que magni- fiques, qui lui forment une robe nuptiale bien digne de vous ! Et le divin Esprit, qui toujours l'avait en- richie de ses dons, les lui communique cette fois dans
PAPAPHRASE. — T. II. 6
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toute leur plénitude. Ah ! si pour être descendu sur les apôtres en forme de langues de feu, il en fit des hommes tout nouveaux, que iva-t-il pas dû opérer en Marie, survenant en elle lui-même, et la couvrant de sa vertu l Si telles furent les faveurs accordées aux simples serviteurs, quels durent être les présents faits à l'épouse qu'il daigne s'attacher par les liens les plus étroits et les plus indissolubles ! Je m'arrête, car ici l'expression manque à ma pensée, et ma pensée elle- même est trop au-dessous de la merveille .
Mais Marie n'est pas seulement Fille et Epouse, elle est encore Mère de Dieu. — Celui qui donne tout à ses créatures, et qui ne reçoit rien d'aucune d'elles, a voulu recevoir la vie de Marie. Dans son humanité sainte, il s'est fortifié de sa substance, Lui qui a tout fait d'une parole et qui fournit la nourriture à tout ce qui respire. Or, quelle abondance de grâces n'a pas dû recueillir le Cœur de Marie de cette présence de la Divinité qui l'inondait en quelque sorte et le parfu- mait ! Comme ses pensées et ses sentiments durent se diviniser, pendant que le Verbe incarné séjourna dans son sein ! Quelle feu dut allumer en elle ce Soleil qui ne laissait encore échapper au dehors aucun de ses rayons ! De quelle sainteté son Cœur ne se remplit-il pas, et lorsqu'elle tenait dans ses bras cet Enfant- Dieu, et durant les trente années de ces ineffables et mutuels épanchements entre le Fils et la Mère ! Mais ce qui doit encore nous rendre vénérable et cher le divin Cœur de Marie, c'est,
III. V amour ardent dont il brûle poumons ; — Amour qui surpasse autant tout amour, que sa dignité de Mère de Dieu l'emporte sur tout ce qu'il y a de grandeur sur la terre ; amour non-seulement tendre et généreux, mais porté au plus haut degré de l'héroïsme,
DÛMUS AU RE A 39
jusqu'à l'immolation de son propre Fils pour le salut du monde. C'est toujours attendrissant de contempler cette scène de sublime dévouement. Jésus condamné à mort est conduit au supplice. Ne craignons pas que Marie endure seule en sa demeure les cruelles angoisses qui déchirent son Cœur. Elle accourt à côté du divin Isaac, et gravit avec lui la montagne du sacrifice. Elle voit les bourreaux arracher à son Fils ses habits tout sanglants, l'étendre sans pitié sur le bois ignominieux, enfoncer les clous dans ses pieds et ses mains ; elle voit cette innocente Victime suspendue, son sang ruisseler, son corps pâlir et s'affaisser ; elle entend les insultantes railleries se mêler aux cris de rage de ces barbares en- nemis ; elle est au milieu des bourreaux et des soldats, entourée de tout le lugubre appareil du supplice, au pied môme du gibet, si près de son Fils mourant, que son sang jaillit sur elle et qu'aucun de ses soupirs, comme pas une de ses souffrances, ne lui échappe. Elle est là debout, plus forte encore que sa douleur, debout devant l'autel où se consomme le grand holocauste, offrant elle-même son Jésus, consentant à ses ignomi- nies et à sa mort qui doivent nous sauver, conjurant un Dieu offensé de donner cours à sa vengeance sur cet innocent Agneau, afin de nous épargner. Voilà jus- qu'où le Cœur de Marie nous a aimés, c'est-à-dire plus que la vie de son propre, de son unique Fils ! Sic Deus... Sic Maria dilexit mundum , ut Filium suum unigenitum daret (S. Bonav).
Morale : Quels sentiments la vue d'un tel cœur ne doit-elle pas exciter dans le nôtre ! Il en est deux sur- tout que nous ne pouvons lui refuser, la vénération et la confiance. La vénération : Si le nom seul de Marie la mérite, à cause de la Vierge bénie qui le porte, combien plus son propre cœur, la plus noble partie de
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son auguste personne, le trône de son brûlant amour pour Dieu e1 pour les hommes, le sanctuaire de toutes les vertus, vaste abîme de grâces et de perfections en est-il digne!
Rien au monde n'est plus sacré que le cœur d'une mère. On a vu beaucoup d enfants, inspirés par la ten- . s'empresser de le soustraire à la corruption du tombeau. Après l'avoir embeaumé respectueusement, ils aiment à le conserver sous leurs yeux, pour se rap- peler et goûter toujours, par le souvenir, les douceurs de son affection. Et nous, nous n'aurions qu'une gla- ciale indifférence pour le Cœur de Marie, notre tendre Mère ? Si Jésus, enlevant à la terre sa dépouille mor- telle, y avait laissé son Cœur, avec quel respectueux empressement nous irions visiter cette relique sacrée, lui portant le tribut de notre vénération et de notre amour! Mais est-il moins digne de respect, parce qu'il est au ciel, toujours vivant et glorieux, palpitant sans cesse pour nous d'un amour sans borne, brûlant du désir de nous faire partager son bonheur ? Refuserons- nous donc à ce Cœur immortel les honneurs que nous aurions rendus à ses restes inanimés ?
Mais ne devons-nous que le vénérer'. Ne mérite-t-il pas autant notre confiance la plus filiale? Fut-il ja- mais Cœur plus pur et plus agréable à Dieu, plus digne conséquemment d'obtenir ce qu'il demande ; Cœur plus rempli d'amour pour les hommes, dont il sollicite et eux ? Grand Apôtre, héros sublime de dé- vouement, vous écrivez à vos chers fidèles de Corinthe, que votre cœur était ouvert et vos entrailles dilatées pour les recevoir, et vous vouliez que ces chers en- fants dilatassent > nés leur confiance sans li-
mite dans les vastt isions de votre amour; ce
qui l'ait dire à saint Jean Chrysostôme « que votre cœur
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était le Cœur de Jésus-Christ. » Et qu'aurait-il dit du Cœur de la divine Mère, qui fut le Tabernacle du Dieu de charité infinie ? Ah ! notre confiance pourrait-elle encore être froide et rester muette devant ce foyer d'ar- dent amour ? Recourons-y donc avec empressement et sans nulle défiance, pour nos propres besoins et pour ceux de nos frères. Recommandons-lui surtout les pau- vres pêcheurs, qui dans ces temps malheureux semblent être l'objet des prédilections de sa maternelle charité. N'en n'avons-nous pas une preuve aussi consolante qu'irrécusable dans ces milliers de faveurs signalées qui, chaque jour, découlent sur le monde plus abondan- tes, et sous toutes les formes, du sanctuaire de Notre- Dame des Victoires, où l'immaculé Cœur de Marie est tout spécialement invoqué en faveur des âmes cou- pables et égarées ? Pourrions-nous, si, à l'exemple de Jésus-Christ, nous aimons encore les pécheurs, ne pas employer pour leur conversion un moyen reconnu si efficace et pourtant si facile, le recours au Cœur de la meilleure des mères? N'est-ce pas l'œuvre la plus ex- cellente de la charité chrétienne, et la plus sûre garan- tie de partager un jour la gloire du ciel avec ceux que nous y aurons introduits.
Oui, ô bonne Mère, nous irons frapper à votre Cœur, pleins de confiance que vous l'ouvrirez à nos demandes pour les présenter à votre Fils et en assurer l'accomplissement.
Pratique : Demander souvent la conversion des pécheurs : tous le peuvent, ne serait-ce que dans la prière quotidienne : Sainte Marie. . . priez pour nous, pauvres pécheurs . . .
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EXEMPLES
CONVERSIONS OBTENUES PAR LE SAINT CŒUR DE MARIE.
Ici l'embarras n'est que dans le choix parmi ces milliers de traits où se révèlent les richesses et la bonté de ce Cœur si aimant; c'est en tous la même his- toire d'ineffable miséricorde. Nous prenons presque au hazard.
Un riche négociant de Lyon, livré exclusivement à son commerce, avait depuis fort longtemps négligé toutes les pratiques religieuses. Venu à Paris pour af- faires et retardé d'un jour pour son départ, il le dissi- pait à visiter quelques monuments de la capitale. Au milieu de ses courses la Providence le dirige vers Notre-Dame des Victoires; il y entre uniquement par curiosité. Arrivé en face du premier des tribunaux, il y aperçoit un homme agenouillé faisant sa confession, et près de là cinq ou six autres qui, à leur maintien recueilli, lui parurent s'y préparer. Tiens, se dit-il tout bas, des hommes qui se confessent! Oh ! que c'est bète ! Il s'avance néanmoins lentement, attentif à con- sidérer les plaques de marbre, les cœurs en or et en argent qui tapissent les murs. Ces pieux et innom- brables témoignages de la reconnaissance l'intriguent; il lit les inscriptions qui les expliquent. Arrive près de l'autel, s'offre à ses yeux une magnifique couronne d'or, et au-dessous le nom d'un notable habitant de Lyon, tristement connu par son impiété et le scandale de ses mœurs . Lui aussi, converti par le saint Cœur de Marie, avait voulu donner ce tribut de sa gratitude. Des hommes qui se confessent, tant de faveurs signa- lées en tout genre, dont il a sous les yeux les preuves irrécusables, tout ce spectacle pour lui si extraordi- naire excite dans -un esprit une certaine agitation.
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mais qui est bientôt calmée par cette pensée sata- nique : Se confesser, oh ! que c'est bête ! Et il se dis- posait à sortir de l'église. 0 Marie, qui avez sauvé ici tant de pécheurs obstinés, laisserez-vous celui-ci vous échapper ? Il a vu les mille prodiges de conversion obtenus par votre divin Cœur ; serait-ce pour lui seul que vous arrêteriez le cours de vos bontés ? Non, non ! la Mère de miséricorde, qui a conduit ce pécheur dans son sanctuaire, achèvera son œuvre . En effet, près de franchir le seuil, une force invincible l'arrête et le fait reculer. Il va se placer devant un des autels latéraux ; et là, après quelques moments de réflexion, il se dit : Je me confessais autrefois, et j'étais plus heureux.. . j'avais la paix de l'àme, la plus belle de toutes les fortunes. . . si je me confessais. . . personne ici ne peut me connaître... qu'ai-je à risquer ?. . . Et le voilà aux pieds d'un prêtre. Dieu seul sait ce qui se passa ; mais ce que l'on a su depuis, c'est que, de retour dans son pays, il répara par la conduite la plus édifiante les scandales qu'il avait donnés.
— Un jeune homme devenu promptement libertin, partant pour Paris, alla par politesse demander, à une dame amie de la famille, ses commissions. — J'en aurais bien une, lui dit-elle : ce serait d'aller dire pour moi un Are Maria à Notre-Dame des Victoires. — Quoique peu de son goût, notre voyageur l'accepte. Après un mois de séjour et sur le point de repartir, il se rappelle Y Ace Maria promis. — Tant pis, se dit-il, je n'irai pas... pourtant, si, j'y vais... j'ai promis... Arrivé à l'église, il cherche dans sa mémoire la prière à Marie presque oubliée et la récite. . . Soudain cette douce invocation pénètre jusqu'à son cœur ; il verse des larmes qu'il ne se connaissait plus. Le vénérable pasteur, accoutumé à ces signes de conversion,
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l'aborde avec sa bonté exquise, et bientôt Marie a une nouvelle conquête. Rentré dans son pays, sa première visite fut pour la dame à Y Ave Maria, que ce chan- gement n'étonna pas trop, car elle s'y attendait presque.
CHAPITRE XXXIII.
ARCHE D'ALLIANCE.
Le temple de Salomon, si célèbre par sa magnifi- cence, nous a fourni, dans l'Invocation précédente, un très gracieux emblème de Marie. Mais si nous pénétrons dans le sanctuaire, nous y trouvons une autre figure non moins expressive de l'auguste Vierge : c'est l'arche sainte, objet le pins vénérable du culte mosaïque, gloire et espérance d'Israël. Pour rendre plus sensibles les admirables rapports entre ces deux Arches, il nous faut exposer préalablement, en peu de mots, ce que c'était que l'Arche de l'ancien Testa- ment .
L'arche d'alliance que Moïse avait fait construire d'après les ordres et le plan que Dieu lui-même en avait donnés, était une espèce de coffre ou de Taber- nacle, fait d'un bois incorruptible très précieux, revêtu de lames d'or en dedans et en dehors, surmonté d'un couvercle ou Propitiatoire, et ombragé par deux Chérubins d'or aux ailes déployées. Le Propitiatoire, autrement appelé Oracle, était orné dans tout son contour d'une riche couronne aussi d'or. C'était comme le trône de la majesté de Dieu, qui de là faisait entendre ses réponses et donnait ses décisions. Cette Arche était une merveille, non-seulement par la richesse de la matière et le fini du travail, mais beau-
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coup plus encore par les objets si vénérables qu'elle contenait : la verge miraculeuse d'Aaron, une mesure de manne recueillie au désert, et les deux tables de la Loi. Elle était comme un monument qui rappelait aux Israélites l'alliance contractée par le Seigneur avec leurs pères, et les bienfaits dont il les avait si souvent comblés. C'était aussi pour eux un gage de protection divine, un instrument dont Dieu se servait pour opé- rer en leur faveur les miracles les plus éclatants. D'après cet exposé, qui n'entrevoit déjà les ressem- blances frappantes entre cette Arche de l'alliance ancienne et Marie, Mère de Dieu ? Mais voyons-les de plus près :
I . Analogies de Marie avec l'Arche considérée en elle-même.
II. Analogies de Marie avec l'Arche considérée dans les bénédictions qu'elle attirait.
I. Analogies de Marie avec V Arche considérée en elle-même. — 1° L'Arche d'alliance s'appelait ainsi, parce qu'elle renfermait principalement la Loi, ou l'alliance que Dieu avait faite avec son peuple, en lui assurant la possession de la terre promise pour prix de sa fidélité. Aussi, dans le langage des saints livres, les mots testament, pacte, alliance signifient indis- tinctement l'obligation contractée avec Dieu d'être fidèle à sa loi et de n'adorer que lui. De même par l'union du Verbe avec la nature humaine en Marie, l'alliance primitive fut rétablie entre le ciel et la terre, entre l'homme et Dieu ; réconciliation qui ne se borna pas, comme autrefois à un petit peuple, mais qui s'étendit à tous les habitants de l'Univers ; car le Verbe incarné mourut pour tous.
2° L'Arche contenait les tables de la loi. Et vous, ô Marie, vous avez porté dans vos chastes entrailles le
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divin Législateur, lui-même, qui vint remplacer la loi de crainte par une loi toute de grâce et d'amour. Aussi, quand vous le mites au monde, on n'entendit plus, comme sur le Sinaï, le fracas du tonnerre et des éclairs, mais le ciel apaisé publia son arrivée par les harmonieux concerts des anges annonçant la paix et l&joie. Et cette loi de paix, vous vous fi tes un bon- heur et un devoir de la conserver précieusement dans votre esprit et votre cœur, et de la traduire dans toutes vos œuvres .
3° L'Arche était faite d'un bois incorruptible. Admi- rable ressemblance encore avec Marie ! Elle aussi, quoique sortie d'une tige coupable, fut dans sa Con- ception immaculée, préservée de la souillure origi- nelle, du vieux levain de la concupiscence, de la plus légère tache pendant la vie, et de la corruption du tom- beau après la mort .
4° Des lames de l'or le plus fin recouvraient l'Arche en dehors et en dedans. L'or, le plus précieux de tous les métaux, ressemblant au feu par sa couleur comme par son éclat, est l'emblème de la divine charité : et n'étant sujet ni à la rouille, ni à l'altération de sa teinte, il est encore le symbole parfait de l'inviolable pureté. Y. >ilà précisément ce quidistingua la Vierge très sainte. Brûlant du plus ardent amour, belle de la splendeur des plus éminentcs vertus, ravissante surtout par les charmes d'une virginité qui ne fut jamais flétrie, elle présenta au divin Ouvrier une matière digne de devenir l'Arche de la nouvelle alliance.
5° Dans l'Arche était renfermé un vase de manne. souvenir du miracle par lequel Dieu, pendant quarante ans. avait nourri son peuple dans le désert. Blanche comme la neige, très agréable au goût, la manne qui tombait du ciel tous k-s matins n'était que la figure de
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Jésus-Christ ; mais Marie fut l'Arche vivante qui ren- ferma en réalité Jésus-Christ, la pureté môme, manne céleste infiniment plus précieuse que celle du désert, aliment délicieux qui fortifie l'âme, et la console dans son voyage vers la véritable terre promise. Quelle tou- chante similitude !
6° Dans PArche ancienne se trouvait encore la verge cCAaron, qui souvent avait été un instrument de pro- diges, entre autres, quand Dieu voulait confirmer la légitimité du sacerdoce d'Aaron : il permit que la verge du grand Prêtre placée devant l'Arche poussât sans sève et sans racines des feuilles et des fleurs, et pro- duisit des amandes toutes formées ; et ce fut en souve- nir de cette merveille qu'elle fut déposée dans PArche. Les saints Pères l'ont toujours regardée comme une figure très convenable de la miraculeuse fécondité de Marie, qui, restée Vierge en devenant Mère, donna au monde le fruit de toute bénédiction .
Morale : Si l'Arche en elle-même, et surtout par les objets qu'elle contenait, était si vénérable, com- bien plus est digne de respect le chrétien devenu par la communion l'arche vivante du Saint des saints ! Quel motif puissant de garantir du péché tous les membres de son corps, comme toutes les facultés de son âme ! Oh ! comme doivent être conservés purs ces yeux, qui ont vu de si près le Dieu de toute sainteté ! Devra- t-on les souiller encore par aucun regard sur les objets tant soit peu dangereux ? Serait-il permis de leur accorder toute liberté dans la prière, ou au saint Lieu, en ouvrant ainsi la porte aux pensées étrangères, qui viendront prendre la place de l'attention que l'on doit alors uniquement à Dieu et à ce qu'on lui dit? Dans quelle pureté ne doivent-elles pas être gardées ces mains, qui se sont comme avancées pour recevoir
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Jésus-Christ, et lui ont dressé la table du banquet ! Pourront-elles après cela devenir encore l'instrument du péché? Osera-t-on la souiller de nouveau cette langue, sur laquelle a reposé la chair immaculée de l'Agneau? Quelle indigne profanation de la faire servir au blasphème, aux injures, au mensonge, à la détrac- tion, à des paroles impies ou obscènes ! Mais c'est le cœur surtout, devenu le trône de Jésus-Christ, qui bien plus que toutes les autres parties du corps doit être conservé sans tache. Quelle abomination d'y laisser revenir le péché, ou d'y entretenir quelque disposition secrète, soit d'orgueil, soit d'envie, soit de haine, soit d'affection désordonnée à une créature ou aux richesses de la terre. De quelle vigilance donc le communiant ne doit-il pas entourer tous ses sens et toutes les avenues de son cœur, afin que rien n'y entre ou n'y subsiste, qui afflige l'hôte divin qui Ta honoré de sa présence ! Comme il doit craindre de retomber dans le péché ! C'est ce que sentait ce jeune enfant qui fit à son père une bien courageuse réponse. Il venait de faire sa pre- mière communion. Le dimanche qui suivit, il s'était vêtu proprement et se disposait à sortir. Eh ! où vas-tu donc, lui dit son père irréligieux ?. — Je vais à la messe, répondit l'enfant, sur le ton le plus réservé ; le com- mandement est positif : Les film miches messe enten- dras... et, après la double grâce que le bon Dieu m'a faite de me pardonner et de se donner à moi, je n'ai garde de lui désobéir. — Bah ! reprit le père ; la messe, c'est bon pour les prêtres qui sont payés pour cela ; mais toi, ne sois pas si niais que de te croire obligé par cette loi. — Si c'est ainsi, répartit l'enfant, je n'ai plus à m'inquiéter de cet autre commandement : Tes père et mère honoreras... Vous ne vous offenserez donc point, si je ne fous obéis pas. Le père, frappé d'une réponse
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si juste, à laquelle il était loin de s'attendre, et ne trouvant rien à y répliquer, se retira plein d'admira- tion pour cette force d'âme dans un enfant qui n'avait encore communié qu'une fois. Que devra-t-il être plus tard, avec ce vif sentiment de la sainteté qui doit être le fruit de la communion !
II. Analogies entre Marie et V Arche d'alliance, considérée dans les bénédictions qu'elle attirait. — C'était dans le Saint des saints et devant l'Arche que le grand Sacrificateur, au nom de tout Israël, devait se prosterner les mains teintes du sang des victimes, pour désarmer la colère du ciel, solliciter du secours con- tre l'ennemi, et réclamer le Seigneur dans toute sorte de périls et de besoins. De même aujourd'hui, chez le peuple chrétien, c'est auprès de Marie, Arche de sa- lut, c'est au pied de son trône, saint Propitiatoire de la nouvelle alliance, que nous devons demander à Dieu, sûrs d'être exaucés, sa miséricorde et sa pro- tection .
De plus, l'Arche sainte fut souvent le Palladium du peuple juif contre les dangers qui le menaçaient, sa sauvegarde dans les combats, lui obtenant la victoire sur ses ennemis. Devant elle, les eaux du Jourdain se séparèrent et fournirent aux Hébreux un libre pas- sage. Devant elle, les murs de Jéricho s'écroulèrent, et la ville leur fut livrée. Aussi, était-ce chez le peuple de Dieu une pratique invariable de recourir à cette Arche de salut; dans toutes les extrémités où il se trouvait. On la portait ordinairement sur les champs de bataille ; et toujours, quand aucun démérite ne s'y opposait, quelque prodige signalait la puissance du Dieu qu'elle représentait. A son aspect, les ennemis étaient saisis d'une telle frayeur, qu'ils se regardaient d'avance comme vaincus ; ils prenaient la fuite, ou se
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voyaient promptement mis en déroute. Sa présence dans fin lien quelconque y attirait les plus abondantes bénédictions: on le vit sensiblement dans la maison d'Obedèdom, ou elle séjourna pendant trois mois, et que pour cela le Seigneur bénit avec sa famille et tout ce qu'il possédait.
Morale : Et votre culte, ô Marie, quand il est en honneur dans une maison, quand votre image en fait le plus bel ornement, quand votre nom y est pieuse- ment invoqué, n'y attire-t-il pas les bénédictions du ciel ? Sous votre puissante égide, que de périls évités et pour le corps et pour l'ànie ! Que de victoires rem- portées sur le Philistin des enfers ! Devant vous, s'en- fuient les nombreuses et redoutables cohortes de nos ennemis : vous faites rétrograder les flots des tenta- tions et les grandes eaux des tribulations humaines, qui auraient submergé notre pauvre cœur. La force de votre bras renverse les obstacles qui semblent fer- mer l'entrée de la véritable terre promise . Vous êtes le gage de salut pour le chrétien fidèle, et même pour les pécheurs les plus désespérés. A combien de cou- pables le Juge suprême, cédant à votre prière, n'a-t-il pas dit comme autrefois Salomon au prêtre Abiathar : Tu as mérité la mort ; mais, parce que tu as porté V Arche du Seigneur, c'est-à-dire, parce que tu as gardé dans ton àme la confiance en Celle qui fut l'Ar- che de son humanité, je ne te perdrai pas. Justes ou pécheurs, n'est-ce pas la un motif toujours de plus en plus pressant de nous donner, par une dévotion sin- la Mère de Dieu, un droit assuré à sa toute- puissante assistance dans toutes nos alarmes, dans t.»ut,- qos peines, dans toutes nos nécessités ? A •ij.lt' si rempli de confiance en la protection de l'Arche, qui n'était qu'une figure de Ma-
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rie, nous qui plus heureux possédons la réalité, allons souvent, et avec d'autant plus d'espérance, nous réfu- gier près de cette Arche vivante et véritable, qui sera aussi pour nous une source toujours abondante de grâces et de bénédictions ,
Telle est, ô Vierge sainte, la volonté de notre cœur : affermissez-là, afin que fidèles à la suivre nous re- cueillons les faveurs dont votre Fils vous a rendue la riche dépositaire .
Pratique : Dans toute circonstance critique, adresser à la sainte Vierge le cri confiant des apôtres à Jésus- Christ: Sauvez-nous, nous périssons ; infailliblement elle arrivera à notre secours.
EXEMPLES
PROTECTION OBTENUE PAR QUELQUE PIEUX INSIGNE DE LA SAINTE VIERGE
Tous les insignes, scapulaire, médaille, chapelet, un simple ruban bénit à son autel, peuvent être comme une Arche de salut pour ceux qui les portent avec une véritable religion. Citons-en deux exemples parmi tant d'autres.
La guerre de Crimée, où se déploya en traits si hé- roïques la bravoure française, révéla aussi ce qu'il y a de confiance en Marie dans le cœur du soldat, et la protection dont elle se plaît souvent à la récompenser. Combien qui, ne rougissant pas de porter quelqu'une de ses livrées, y ont trouvé un gage assuré de conserva- tion ! Parmi les faits nombreux qui le prouvent, en voici un qui se passa à la terrible attaque du Mamelon- Vert, le 7 juin 1855.
Le signal était donné pour monter à l'assaut : à cet instant où la mort apparaît presque certaine, les com- battants se regardent comme pour se dire un dernier
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adieu : de noirs pressentiments obsèdent le cœur. Mais un des guerriers se distingue par la sérénité de son visage ; il espère contre toute espérance. C'est le jeune J** ; il s'est rappelé les exhortations de sa Ter- tueuse mère, qui avant son départ lui recommandait de ne point oublier la sainte Vierge, et lui avait donné, comme souvenir et comme gage de protection, un chapelet et une médaille. Le jeune guerrier les avait placés sur sa poitrine, et muni de cette sainte cui- rasse, il marche au combat. Une grêle de balles, d'obus, de boulets, a bientôt semé la mort dans tous les rangs : le sol est jonché de cadavres, la terre arro- sée de sang . Le feu des batteries se ralentit ; et notre vaillant guerrier peut s'assurer, hélas ! qu'il n'est plus personne des siens : officiers et soldats, tous ont suc- combé : il ne reste que le protégé de Marie qui n'a pas même reçu la plus légère blessure.
— Ce n'est pas seulement pour le corps, c'est aussi pour l'âme qu'un insigne de la sainte Vierge peut devenir une Arche de salut.
Il y a peu d'années, se trouvait à l'hôtel des Inva- lides un militaire dangereusement malade qui refusait obstinément de se confesser, prétextant, comme beau- coup d'autres, qu'il était un honnête homme, que n'ayant ni tué, ni volé, il n'avait besoin nullement de confession. L'aumônier avait, sans aucun succès, em- ployé toutes les industries de son zèle : d'autres per- sonnes firent plusieurs tentatives également infruc- tueuses : le dernier essai ne servit même qu'à provoquer d'horribles blasphèmes. Cependant la mort devenait imminente. Dans cette extrémité, la bonne sœur qui servait le malade se sentit inspirée de mettre sous son chevet, sans qu'il le soupçonnât, la médaille miraculeuse de la Vierge immaculée : elle en avait
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éprouvé si souvent les salutaires effets ! Mais au mo- ment qu'elle accomplissait son pieux dessein, elle trouva le malade en proie à une sorte d'agitation fré- nétique, comme s'il eût été pressé par une tentation de suicide . Il y avait urgence : elle fit mettre toute la communauté en prières pour obtenir la conversion du malheureux endurci . Marie ne fut point sourde à des vœux qui allaient si bien à son cœur. Le lendemain, l'agitation était calmée ; et la première parole que le malade adressa à la sœur fut pour demander l'aumô- nier. Quelle douce surprise ! en attendant l'arrivée du prêtre, le converti cédait au besoin de dire ses péchés à haute voix, sans qu'il fût possible de lui imposer silence. Sa confession terminée, on lui montra la mé- daille qu'il avait près de lui ; il la baisa alors avec effusion, en s'écriant : C'est elle, je n'en doute pas, qui m'a donné la force de me reconcilier avec Dieu ! Je veux qu'on l'attache à ma boutonnière, à côté de ma croix d'honneur ; non, je ne rougirai pas de la porter. Mais ce désir aussi noble que religieux ne put se réaliser. Quelques jours après, sentant sa fin ap- procher, le pauvre infirme demanda les derniers sa- crements, qu'il reçut avec les plus vifs sentiments de foi et de piété. On put voir alors peints sur son visage le calme et la joie qui inondaient son âme purifiée. Ce fut dans ces heureuses dispositions qu'il exhala son dernier soupir. Que Marie est puissante !
CHAPITRE XXXIV.
PORTE DU CIEL.
Dans les temps anciens, pour tracer l'enceinte d'une ville, on creusait un sillon qui désignait l'emplacement
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des murs, et pour marquer l'endroit des portes on soulevait la charrue que Ton rabaissait ensuite, selon la dimension que devaient avoir les entrées de la ville. Telle est l'origine du mot Porte, appellation si juste- ment appliquée à Marie.
Le péché d'Adam, en le faisant rompre avec le ciel, avait élevé un mur de séparation entre Dieu et l'hu- manité. Or, la Vierge bénie, portant dans son sein le Rédempteur du monde, est venue faire une interrup- tion dans ce mur fatal, nous y ouvrir une porte qui nous introduit dans la céleste cité. Il est bien vrai que la seule entrée, c'est Jésus-Christ qui nous dit lui- même : Je suis laporte, et nul, pour arriverai! salut, ne peut entrer que par moi. Seul, en effet, il a mérité notre pardon ; et la grâce qui vient de lui peut seul nous sauver. Mais, dans un sens qui n'est pas moins vrai, la Vierge Réparatrice peut être appelée Porte du ciel, et cela pour deux raisons principales :
I . Parce qu'elle nous a ouvert le ciel, en nous don- nant le Sauveur,
II. Parce que sans son intercession il est impossible d'aller au ciel ; et que par elle le ciel nous est assuré.
ARTICLE PREMIER
Marie nous a rouvert le ciel, en nous donnant le Sauveur.
Outre le péché du premier homme transmis à sa mal- heureuse postérité, nos propres péchés nous fermaient encore à tout jamais l'entrée du séjour de la gloire. Prenant pitié de nos malheurs, le Fils de l'Eternel, le Verbe divin, consubstantiel à son Père, s'esl livré vo- lontairement pour accomplir le grand acte de notre réconciliation avec la justice divine. Mais, peu content de nous rendre qos droits au ciel, il nous a montré dans
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sa doctrine et ses exemples le chemin qu'il faut suivre pour y arriver ; il nous aide par ses grâces à surmon- ter les obstacles qui l'encombrent ; et, pour nous sou- tenir dans cette lutte pénible par l'encourageante pers- pective de la récompense, il est remonté à la céleste patrie pour nous y préparer une place. Ainsi rachetés, éclairés, aidés par Jésus-Christ, nous pouvons, si nous voulons, entrer sûrement en jouissance de ce royaume heureux, et devenir ses cohéritiers. Or, ce Dieu sau- veur, selon la pensée de saint Augustin, ayant passé par Marie pour descendre visiblement sur la terre, afin que par elle les hommes méritassent de remonter au ciel, nous pouvons déjà dans ce sens l'appeler la Porte du ciel. Mais contemplons de plus près la sublime sa- gesse de Dieu dans l'économie de la restauration hu- maine, où Marie intervient d'une manière si merveil- leuse. Il a voulu, afin de confondre l'audace du démon, faire tourner au salut de l'homme tout ce que l'auteur du mal avait employé à sa perte. Venez donc admirer les étonnants rapports de contraste et de similitude, trop méconnus, entre Eve et Marie, entre la chute et la restauration. L'esprit de ténèbres était venu inspirer le mal à Eve, et l'enivrer de l'espoir d'une fausse élé- vation ; il lui avait dit : Vous serez comme des dieu. \ • ; un Ange de lumière transmet à Marie les volontés du ciel, et l'établit dans une véritable grandeur : Vous enfanterez , lui assure-t-il, un Fils que vous nom- merez Jésus-, ce Fils sera grand et sera même ap- pelé le Fils du Très-Haut. — Satan avait porté Eve à uu acte de rébellion qui devait nous perdre : Pour- quoi, disait-il, Dieu vous a-t-il défendu de manger de ce fruit* Eve croit au démon : l'Archange persuade à Marie l'obéissance qui nous sauvera. Ne craignez point, lui dit-il, rien n'est impossible à Dieu ; et
UG ANUA COEM
Marie, sur la parole de Gabriel, admet le mystère le plus incompréhensible : une foi humble efface ainsi la faute d'une orgueilleuse crédulité. — Eve touche au fruit qui causa la mort ; Marie nous apporte le Fruit qui donne la vie. — Eve encourt cette malédic- tion : Tu enfanteras dans la douleur ; Marie re- çoit ce Salut d'ineffable consolation : Vous êtes bénie entre toutes les femmes. — Par une femme encore vierge, la déchéance ; par une Femme toujours vierge, la réparation. — La mort fut la punition du péché ; la mort sert de remède au péché. — L'arbre de la science du bien et du mal nous avait tués ; l'arbre de la Croix nous guérit . — Eve nous avait exilés non- seulement de l'Eden, mais aussi du paradis de délices éternelles ; Marie, en nous donnant un Sauveur qui le rouvre, nous en rend l'entrée à la fois possible et facile. C'est donc elle qui a relevé nos parents déchus, et assuré le salut à leur malheureuse postérité . C'est elle qui nous a retirés du milieu des ruines, qui a brisé nos fers, essuyé nos larmes, calmé nos gémisse- ments, enrichi notre pauvreté. C'est elle dont l'enfan- tement divin a levé l'anathème qui pesait sur la race humaine, rendu l'espérance et la vie au monde désolé, sanctifié la terre et repeuplé le ciel : elle en est donc bien justement appelée l'heureuse Porte : Félix cœli Porta. Sur cette sublime mission de Marie, il faut entendre le beau langage des Pères et Docteurs de l'Eglise. C'est un concert dont l'harmonie est toujours délicieuse pour les cœurs, surtout quand cet hymne est à la gloire de Celle que l'on aime. — a Comme rien n'a été fait sans Dieu, nous déclare saint Pierre Damien : rien non plus n'a été refait sans Marie. » — « En concevant le Créa- teur, elle a conçu la rédemption du monde (Sophrone). » — (( Si le Fils de Dieu a paru pour chercher ceux qui
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étaient égarés, pour éclairer les aveugles, rappeler les morts à la vie, rendre la liberté aux esclaves, il n'y a pas un seul de ces bienfaits que n'ait apportés Marie, en engendrant l'Auteur de tout don excellent (S. Grégoire). » — « Marie est le remède des âmes, la paix, la joie et le salut du monde (S. Ephrem). » — « Elle est le jardin fermé d'où a jailli la source de vie pour arroser la terre desséchée ; le lieu secret où Jésus, le Prêtre éternel, s'est revêtu de notre humanité, pour aller ensuite offrir à son Père le sacrifice expiatoire (S. Germain). » — « Au jour de l'Incarnation, elle a préparé un port assuré à tous ceux qui voguaient sur la mer orageuse du siècle ; en ce jour, toutes les espé- rances, auparavant voilées, ont commencé à briller avec toutes les merveilles du salut (S. Grég. de Néo- césarée). » — Et l'infortuné Adam, dit admirablement Pierre de Blois, s'est écrié : « Depuis tant de siècles que je suis repoussé de ma patrie et relégué dans le lieu d'expiation, j'ai souvent cherché une issue à ma peine, mais toujours en vain. Que pouvaient les hom- mes enveloppés eux-mêmes dans l'arrêt de ma pros- cription? Les anges aussi n'ont pu opérer ma déli- vrance, incapables qu'ils étaient de payer la rançon nécessaire. Enfin, j'ai vu la Mère de mon Dieu, j'ai vu Celle qui est la Porte par où le Libérateur est venu du sein de son Père pour me tirer de l'abîme. 0 mes enfants ! Eve votre première mère, faisant entrer avec moi le péché en ce monde, avait ouvert pour vous la porte des pleurs et Marie votre seconde Mère, en- gendrant le Dieu de toute sainteté, devient le principe de votre allégresse . Séchez vos larmes : une femme vous sauve. » Marie est donc réellement Réparatrice , puisqu'elle nous a donné le Réparateur, et que par lui elle nous a rouvert le ciel.
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Morale : De quelle vive reconnaissance alors ne devons-nous pas être animés envers cette généreuse Libératrice ! Supposez un criminel condamné par une juste sentence à passer le reste de ses jours dans un cachot fétide et profondément obscur, écrasé sous le poids de lourdes chaînes, et privé de toutes relations semblables.; tout à coup une main puissante et charitable vient briser ses fers : sans aucun mérite de sa part, elle le tire de son affreux état : et le voilà jouissant de la liberté et de la lumière, pouvant aller contempler les beautés de la nature, goûter les délices de la patrie, les joies de la famille. Sa vie tout entière serait-elle assez longue pour reconnaître un service de si grand prix ? Pourrait-il jamais devenir ingrat au point d'oublier un bienfaiteur aussi généreux ? Si le sacrifice de toute sa fortune, de sa vie même, pouvait lui être agréable ou nécessaire, balancerait-il pour lui donner cette preuve de dévouement? Mais ne devons- nous pas infiniment plus à Marie, qui par Jésus-Christ nous a arrachés à la mort éternelle, et réintégrés dans tous nos droits au céleste héritage :'
Toutefois ne nous reposons pas avec une confiance ssive sur ces droits qui nous ont été rendus. Le ciel nous est redevenu accessible: niais il ne nous est point garanti, « Dieu qui nous a créés san> nous, affirme saint Augustin, ne nous sauvera pas sans nous: il faut le vouloir, disait-il à sa sœur: » tout est dans ce mot bien compris. Oui, le ciel ne s'obtient que par des efforts généreux et constants. C'est une récom- pense : elle suppose nécessairement la peine et le tra- vail: c'est une citadelle : il faut la prendre d'assaut: une couronne; elle ne peut être décernée qu'à ceux qui auront vaillamment combattu. C'est par la voie étroite, raboteuse, semée de ronce-, el bordée
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d'épines, qu'il faut marcher pour atteindre le bât. Le royaume des deux souffre violence, nous assure Jésus-Christ, la Vérité incarnée : ce n'est donc que par l'immolation de tout nous-mêmes, par des renon- cements coûteux à la nature, que nous pourrons en faire la conquête. Et quoi de plus juste, que la peine soit en raison du salaire, et qu'un bonheur sans fin demande de nous un tout autre travail que les baga- telles de ce monde qui passe, pour lesquelles, néan- moins, on sait trouver du temps et du courage ? Soyons donc assez amis de nos véritables intérêts, pour met- tre au premier rang, dans nos pensées, dans notre estime, dans nos projets et dans* nos poursuites, la grande affaire du salut, la seule nécessaire . Regar- dons tout le reste comme inutile, sijnous l'avions man- quée. Eussions-nous conquis le monde entier, dit encore le divin Maître, de quoi nous servir a-t-il, si nous avons perdu notre âme : et quel autre gain pourra jamais compenser une telle perte ? Est-ce aujourd'hui pour ies malheureux réprouvés un adoucis- sement à leur supplice, d'avoir joui sur la terre de tous les biens, réussi dans toutes leurs entreprises, et mené une vie exempte de toute contrainte, dans cette voie large et commode qui aboutit à la perdition ? Ah ! craignons vivement un tel malheur. N'imitons pas la folie -de cet homme qui, se rendant au château qu'il venait d'acheter pour y passer le reste de ses jours, employa tout son avoir à se faire un logement com- mode dans l'hôtellerie où il n'avait que la nuit à sé- journer : privé de toute ressource, force lui fut de traîner une longue vie de souffrance entre les murs nus et froids de son palais désert. Plus sages que cet insensé, ayons moins d'estime et d'empressement pour ce qui n'est que passager, et donnons la préférence à
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ce qui doit durer éternellement. Souvenons-nous que les joies de ce monde sont éphémères, et que les sup- plices de l'autre vie sont éternels : momentanexim qnod delectat, œternum qnod cruciat. Travaillons à faire le bien tandis qu'il fait jour : n'attendons pas pour sauver notreàmeà cette nuit où l'on ne peut plus rien. Epargnons-nous les regrets tardifs de cet officier qui, près de paraître devant Dieu, s'écriait en soupirant : « Ah ! quelle fut ma folie ! j'ai écrit plus de vingt ra- mes de papier pour le service de mon prince, et pas une seule ligne pour le salut de mon âme ! » — C'est ce que reconnaissait, et aussi trop tard, cet autre mo- ribond, qui réclamait, sans que personne pût le satis- faire, une seule heure de ce temps dont il avait tou- jours abusé. — Un grand roi sur son lit de mort exhalait la même plainte, mais aussi inutilement : « Tout est passé pour moi, disait-il ; ah ! qu'il me se- rait bien plus avantageux d'avoir été un pauvre villa- geois craignant Dieu, que d'avoir été un puissant monarque ! » Puissent tous ces aveux nous être une salutaire leçon ! (9)
0 bonne Marie, pénétrez- moi de ce vif désir de mon salut, qui me porte à la sainte violence nécessaire pour l'assurer, afin qu'un jour j'aie le bonheur de vous contempler aux brillantes demeures éternelles dont vous nous avez ouvert l'entrée, en nous donnant le Sauveur !
Pratique : Se dire souvent comme un grand pape : c< Si j'avais deux âmes, je pourrais en risquer une; mais, comme je n'en ai qu'une, rien au monde ne peut m'enga^er à la perdre. »
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EXEMPLES.
ZÈLE ADMIRABLE POUR SON SALUT.
Saint Bernard, parvenu à la vigueur de la jeunesse et comprenant de mieux en mieux l'extrême difficulté de se sauver dans le monde, résolut de le quitter. Quatre de ses frères, comme lui touchés de la grâce, avait pris la même détermination. En traversant la cour du château qu'ils abandonnaient, ils aperçurent le petit Nivard, leur plus jeune frère, qui jouait avec des enfants de son âge. « Adieu, petit frère, lui dit l'aîné, voilà que nous partons ; tu seras seul héritier de notre maison et de tous nos biens. » — « Oui, ré- pondit avec vivacité le sage enfant, vous prenez le ciel, et vous me laissez la terre ; le partage n'est pas égal, et je ne. puis m'en contenter. » Quelque temps après, il assurait aussi son salut, en courant se réfu- gier dans la solitude, laissant à son tour la terre pour le ciel .
— Un célèbre astronome, M . Leverrier, venait de découvrir une planète nouvelle ; et dans une réunion de savants, c'était à qui lui adresserait ses félicitations. Mgr Robiou, évêque de Coutances, qui faisait partie de l'assemblée, enrichit encore sur tous les autres par ce compliment aussi spirituel que flatteur : « Monsieur, on ne peut pas dire de vous, comme de beaucoup d'au- tres, que vous vous êtes élevé jusqu'aux nues, mais on doit dire jusqu'aux astres. » — « Monseigneur, re- prit l'astronome, je médite une entreprise beaucoup plus importante ; je veux encore monter plus haut. » Que ce soit là aussi notre ambition : elle est bien per- mise !
— Thomas Morus, illustre chancelier d'Angleterre? avait eu le rare courage de ne point approuver les déré-
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glements et les erreurs du roi Henri VIII. Par son or- dre, il est arrêté, mis en prison et bientôt frappé d'une sentence de mort. Quelques perfides amis, se joignant à la famille du noble prisonnier, mirent tout en œuvre pour l'amener aux sentiments du monarque ; mais ils iront rencontré qu'une chrétienne et invincible résis- tance. Sa femme elle-même, étant venue le visiter dans son cachot, le conjure avec larmes de céder au désir du prince, lui représente qu'un seul mot de sa bouche peut l'arracher à la mort, le rétablir dans les bonnes grâces du souverain, lui rendre ses anciens honneurs, et le conserver encore pendant de longues années pour elle et pour leurs enfants. — « Et combien de temps, lui demande Morus. pensez-vous que je pourrai jouir de tous ces avantages ? » — « Au moins vingt ans, et peut-être plus : vous êtes encore jeune. » — « Vingt ans ! Madame, répéta énergiquement le généreux chrétien : et vous voulez que pour vingt ans d'une vieillesse même la plus honorable, j'abandonne une éternité de bonheur? je ne gagnerais pas au change ! » Peu de jours après, le vertueux chancelier, demeuré inflexible, payait de sa tête son attachement à son devoir et à sa foi .
ARTICLE SECOND.
Marie Porte du ciel, parce que sans son intercession
il est impossible d'y arriver, au lieu qu'avec sa
puissante médiation le ciel nous est assuré.
Si cette dernière assertion doit verser dans l'âme sincèrement dévouée à Marie un baume délicieux d'es- pérance et de joie, elle n'est pas moins glorieuse pour la très sainte Vierge. Quoi de plus honorable, en effet, qu'après nous avoir donné le Sauveur qui nous rouvrit Le ciel, elle soil encore pratiquement la Porte par où il nous faut passer pour y être introduits : quœpervia cœli Porta mânes. C'esl elle qui en tient les clefs : en
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d'antres mots, sans la méditation de Marie point de salut possible ; mais aussi par elle, il est immanquable.
Sur cette double vérité nous ne voulons point être cru d'après nos propres paroles. Ici surtout, les saints Pères et Docteurs de l'Eglise seront nos guides ; en les suivant nous ne pouvons faillir ; devant l'écho de ces grandes voix autorisées, nous restons orthodoxe. Venez donc entendre comme sur ces deux points leurs témoi- gnages sont expressifs et unanimes.
I. Impossibilité de se sauver sans l'intercession de Marie. — « Il ne se peut pas, dit saint Ignace mar- tyr, qu'un pécheur parvienne au salut sans le secours de la Vierge ; au lieu que son intercession délivrera ceux que ;la justice divine aurait condamnés. » — « 0 très sainte Mère de Dieu, s'écriait un célèbre patriar- che de Constantinople, saint Germain, que deviendrions- nous, si vous nous abandonniez, vous qui êtes l'esprit et la vie des chrétiens ? Nul ne peut espérer le salut sans votre médiation, nul obtenir miséricorde et arri- ver à la grâce sans votre intercession. » Le salut est la première de toutes les grâces, pour laquelle existent toutes les autres grâces. « Eh bien ! affirme saint Ber- nard, aucune grâce ne descend du ciel sur la terre, sans passer par les mains de Marie. » Et selon la pen- sée de saint Antonin, celui qui prétendrait atteindre le bonheur éternel, sans le demander par iMarie, ressem- blerait à l'oiseau qui voudrait voler sans ailes. « Non, s'écrie Bonaventure, personne ne peut entrer au ciel, s'il n'est aidé par Celle qui en est la Porte. Et, comme il n'est pas possible qu'un nouveau-né vienne bien sans le secours d'une nourrice, de même le chrétien ne peut arriver au salut, sans la protection de Marie. » Il est rapporté que saint François de Borgia s'attristait jus- qu'aux larmes, quand il voyait quelqu'un de ses reli-
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gieux non pas manquer entièrement de dévotion envers la sainte Vierge, mais n'en avoir qu'une faible et tout ordinaire : il n'hésitait pas de lui dire que sûrement il n'était point sur le chemin du ciel. Nous voyons dans la sainte Ecriture qu'Holoferne, voulant réduire les habitants de Béthulie , fit couper les aqueducs qui amenaient l'eau à la ville. Et voilà ce que fait le dé- mon : sachant que l'on ne peut rien pour le salut sans la grâce, que Marie en est la Trésor 1ère et le Canal nécessaire , il s'efforce d'éteindre en ceux qu'il veut perdre toute dévotion pour elle ; et les conduits de la grâce étant ainsi interceptés, ils sont à la merci de ses ruses et de ses attaques, ce qui lui rend la victoire facile et par le fait trop souvent certaine.
Néanmoins, serait-il juste de dire que l'absence de dévotion pour la sainte Vierge est une marque assurée de réprobation? Aucune plume catholique ne l'a jamais écrit : et nous n'avons garde d'émettre une proposition aussi désespérante. Mais ce que l'on peut dire sans té- mérité, c'est que n'avoir pour la Mère de la divine grâce qu'une glaciale indifférence, ne se mettre en peine ni de l'invoquer, ni de l'imiter, c'est refroidir le cœur de Dieu, c'est, en renonçant à la protection de sa sainte Mère, se priver d'un des plus puissants moyens de sa- lut, et courir les plus grands risques d'une malheureuse éternité. Nous n'insisterons pas davantage sur ce point ; il nous sera beaucoup plus agréable de voir que,
II. Avec In dévotion à Marie, le salut est imman- quable. — Il est clair que par la dévotion, sur garant de salut, nous entendu]]- doii poinl celle qui à quelques exercices plus ou moins sérieux de piété associerait des désordres, des vices, mais bien une dévotion qui, selon l'esprit du Christianisme, soit sincère, sage et pratique. En ce sens, il est hors de doute que le culte
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de la très sainte Vierge est un des signes les plus as- surés d'élection éternelle. Et voici sur quoi nous fon- dons cette consolante vérité.
Les livres saints comparent Marie au platane. Pour- quoi? se demande un Père des premiers siècles : « parce que, de même que le platane est l'arbre qui étend ses rameaux le plus au loin ; ainsi Marie couvre de son om- brage protecteur tous ceux qui viennent s'y réfugier ; et sous cette ombre hospitalière, ils n'ont plus à crain- dre ni le feu des passions, ni aucun accident fâcheux. » — Vous avez été remplie de grâce, s'écrie saint Atha- nase, afin de devenir la voie par laquelle on arrive à l'heureuse patrie. » — « Le vrai serviteur de Marie, attestent saint Hilaire et saint Anselme, ne peut se damner , eût-il par le passé gravement offensé son Dieu ; » — « parce que, dit un autre saint, invoquer Marie c'est être sur de sa protection, et sa protection est une garantie certaine contre les trois ennemis les plus dangereux, le monde, la chair et le démon. » Saint Bonaventure se livre à la plus vive allégresse, en considérant le riche moyen de salut que nous trou- vons en la Vierge puissante : « Grande Reine, lui dit- il, celui qui vous honore et qui se recommande à votre bonté est bien loin de la perdition ; son àme n'ira ja- mais dans les flammes éternelles. Il y a, ajoute-t-il, une neuvième béatitude à joindre aux huit proclamées par Jésus-Christ ; c'est celle-ci : Heureux ceux qui se seront confiés en Marie ; leur nom est inscrit au livre de vie. » — « La dévotion envers la Mère de Dieu est comme une lettre d'affranchissement de l'esclavage éternel, » déclare saint Ephrem, qui ose bien l'appeler « la clef du paradis ; » — « où elle commande en Reine, selon Richard de saint Laurent, y faisant entrer qui elle veut. — « C'est un gage certain de prédestina-
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tion, nous assure saint Bernard, parce qu'elle ne man- que ni du pouvoir ni de la volonté de nous sauver. Soutenus par elle , continue-t-il , vous ne tomberez pas : si elle vous porte, vous n'avez rien à craindre ; sous sa conduite, vous ne vous égarerez pas dans la route : avec sa protection, vous parviendrez sûrement au terme. » C'est aussi la ferme conviction de saint Antonin : « Comme il ne peut se faire, dit-il, que ceux dont Marie détourne les yeux soient sauvés ; de même, il est de toute nécessité que ceux qu'elle regarde avec bonté arrivent à partager sa gloire. » — « 0 Vierge im- maculée, s'écrie saint Jean Damasc?ne, dans le même sens, si j'ai placé en vous mon espérance, et que vous me défendiez, je dois bannir toute crainte ; armé de votre protection , comme d'un bouclier impénétrable, je poursuivrai mes ennemis et j'en serai vainqueur ! » Nous pourrions certainement nous en tenir à ces té- moignages ; mais continuons à citer : c'est éprouver comme un avant-goùt des voluptés célestes, que d'en- tendre les graves autorités qui nous les garantissent par la douce Vierge. ■
Quand nous considérons d'une part tous les périls semés sur cette terre d'épreuves, et de l'autre notre extrême fragilité, nous nous écrions comme les apô- tres : Et qui donc sera sauvé? « Voulez-vous le savoir, répond Denis le Chartreux? Ce sera celui pour qui Marie aura prié ; » — « et même une seule fois, ajoute saint Anselme ; elle le conduira à Jésus, qui déposera sur son front une couronne de gloire, laquelle brillera embellie du sourire de cette bonne Mère.» — « Quand je serais à demi dans l'enfer, affirmait une sainte célè- bre, j'espérerais en la Reine du ciel, personne ne peut périr entre les mains de Marie. » — « Si Jésus, en éta- blissant saint Pierre chef de son Eglise, dit encore un
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pieux auteur, lui a confié pour lui et pour tous ses suc- cesseurs les clefs du royaume des cieux, n'est-il pas per- mis et surtout bien consolant de croire que Marie a reçu le même pouvoir avec une extension encore beau- coup plus grande ? » Concluons donc, avecun saint reli- gieux, que « servir Marie c'est être aussi sur du ciel que si déjà l'on y était arrivé. »
Tous ces témoignages sont assurément des plus im- posants par leur étonnant accord, et par le ton de cer- titude dont ils sont empreints. N'allons pas penser, néanmoins, que ce ne soit là qu'une pieuse exagération d'esprits exaltés qui aiment à se grossir le mérite de leur dévotion envers l'auguste Vierge : ce serait une funeste erreur. Toutes ces affirmations si positives reposent sur un des grands dogmes fondamentaux de la doctrine catholique, la Maternité divine de Marie : c'est là qu'elles puisent leur force démonstrative. En effet, il est certain que c'est en vue de notre salut que Marie a été appelée à la sublime dignité de Mère de Dieu. En cette qualité, elle a eu une part très active dans cette rédemption du genre humain, en fournis- sant la Victime qui l'a opérée, en sanctionnant son immolation sur le Calvaire, en unissant ses propres souffrances à celles de son adorable Fils, et ses larmes à son sang. Evidemment, elle .voulut notre salut au- tant qu'elle pouvait le vouloir; évidemment, nous sau- ver était son désir et sa mission; et parce qu'elle doit achever son œuvre, nous sauver c'est toujours son rôle et son office. Dès là donc que nous l'invoquons dans ce même but, dès que nous venons nous placer sous son égide et lui confier nos éternelles destinées, il ne se peut qu'elle nous rejette.
Il y a plus : au pied de cette même Croix, c'est tou- jours avantageux de se le rappeler pour y puiser de
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nouveaux enseignements, nous devînmes ses enfants. Mère pleine de tendresse, quel n'est pas son désir de nous associer à son bonheur ! Dès le moment donc que nous recourons à elle avec cette confiance qui frappe à son cœur, elle ne peut ni ne doit oublier qu'elle est notre Mère : il faut qu'elle exécute le testament de son Fils qui nous a faits sa famille d'adoption.
L'histoire vient aussi consacrer de son autorité irré- fragable cette délicieuse vérité, en nous révélant par des milliers de faits que Marie a remué ciel et terre, dérogé à toutes les lois, multiplié le miracle en vue des âmes qu'elle voulait sauver. C'est dans ce but, manifeste à tout observateur croyant et sincère, qu'elle conduit les événements, qu'elle ménage les occasions, qu'elle envoie la maladie ou ramène la santé, qu'elle éclaire, qu'elle touche, qu'elle convertit et fait persé- vérer. Ses innombrables faveurs, diverses pour la forme, convergent toutes vers la même fin, de nous aider à conquérir le ciel.
Des annales du Christianisme ressortent encore deux faits généraux, singulièrement remarquables et des plus consolants, savoir, que tous les saints ont été vivement affectionnés à Marie, et que tous les chré- tiens qui lui furent généreusement dévoués sont par- venus à la sainteté. Oui, et n'en doutons pas, c'est par son secours que tant de justes ont avancé rapide- ment dans la voie de la perfection, que tant d âmes tièdes ont trouvé le courage nécessaire pour secouer leur léthargie ; c'est à elle que tant de coupables doi-
1 une conversion subite et souvent inespérée. Ma- rie, c'est la planche du salut pour les naufragés ; c'est l'armure la mieux trempée contre toute sorte d'enne- mis: c'est, redisons-le avec le dévot Bernard, un gage
tain de prédestination : certissimum > mlur
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Us conseqiienclœ'. Marie, c'est le ciel, puisque, nous l'a- vons prouvé, elle en est la Porte, aussi sûre que néces- saire : Félix cœli Porta. Elle y sera, après Dieu, les délices de l'âme, la joie et l'ivresse du cœur, sa félicité sans fin.
Morale : Ici, la conséquence pratique se tire d'elle- même ; tant elle est conforme aux instincts de notre cœur. Marie Porte du ciel! Oh ! comme ce titre, l'un de ses plus beaux, doit rafraîchir notre âme desséchée et relever notre espérance, si elle venait à faiblir! Créés pour ce délicieux séjour, qui doit être le plus cher objet de nos désirs et de nos efforts, faisons-nous donc du culte de Marie, comme un appui pour y mon- ter. Aidons-nous de ce char, ainsi que l'appelle un de ses pieux panégyristes, sur lequel ses serviteurs arri- vent sans accident au terme de leur carrière. — « Sur cette barque, dit encore un Père, nous traverserons heureusement les flots soulevés, nous éviterons les écueils de la mer orageuse du monde et nous arrive- rons heureusement au port. » Si donc, par une dévo- tion sincère et ardente, nous avons su mériter ses bonnes grâces, levons des yeux pleins de confiance vers les régions célestes. Là, nous verrons, non point comme autrefois sur le seuil du jardin de délices, un Chérubin armé d'un glaive de feu pour nous en défendre l'entrée, mais une aimable Vierge, une douce et bénigne Mère, nous tendant les bras, pour nous introduire au sein de son immortelle béatitude .
Pratique : Tous les jours, au moins cinq fois, en l'honneur des cinq plaies adorables du Sauveur, répé- ter cette suave invocation : Doux cœur de Marie, soyez mon salut !
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EXEMPLES
IGNi: ASSURÉ I
Voici, à l'appui de cette vérité, un fait arrivé tout récemment dans les missions d'Amérique. — Une pauvre femme, qui avait conservé précieusement la grâce de son baptême, était connue dans toute la con- trée par la vivacité de sa foi, l'ardeur de sa piété et surtout sa tendre dévotion envers la sainte Vierge. Elle tomba dangereusement malade et fit appeler le missionnaire, a Mon Père, lui dit-elle, je sens que je n'ai plus longtemps à vivre ; ce n'est point pourtant que cela m'afflige, tout au contraire, je me réjouis de mourir dans l'espérance de voir Dieu au ciel, où je compte être introduite par la sainte Vierge. Seulement, je vous prie d'offrir après ma mort une fois le saint Sacrifice pour le repos de mon âme, et je vous pro- mets de ne point vous oublier quand je serai dans la gloire. »
Elle reçut les derniers sacrements avec une ferveur admirable, et peu de temps après, elle tomba en léthargie : on la crut morte. Le lendemain, comme on se disposait a l'ensevelir, elle revint à elle et demanda sa petite image de la sainte Vierge : on la lui présente; elle la couvre de baisers et de douces larmes ; on ne pouvait l'en séparer.
Le Père est appelé ; elle lui dit : « Mon Père, un ange m'a c induite a l'entrée de l'enfer, j'en suis encore toute épouvantée. Une chose pourtant adoucit ma frayeur, c'est qu'il m'a asssuré que, parmi les millions de damnés, aucun sur la terre n'avait eu de dévotion envers Marie. Aussi, dès maintenant, je veux redou- bler pour elle d'amour, de confiance et de zèle à l'imi- ter. •■ — (yMie cet exemple est propre à raviver i'espé-
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rance au cœur des eufauts de Marie, et à les animer dans son service !
r» — Saint Charles Borromée avait la plus ardente dévotion pour la sainte Vierge ; il jeûnait au pain et à lfeau la veille de ses fêtes, récitait chaque jour son Office et le chapelet, malgré ses nombreuses occupa- tions, et n'était pas moins soigneux à la saluer, quand le son de la cloche donnait le signal de X Angélus. Il établit dans sa cathédrale une chapelle et la confrérie du Rosaire avec une procession solennelle le premier dimanche de chaque mois. Et, par un autre acte de respect autant que de confiance envers la sainte Mère de Dieu, il ordonna que sa statue serait placée au portail de toutes les églises de son Diocèse, voulant ainsi faire entendre qu'on ne peut entrer au temple de la gloire céleste que par Marie, si justement nommée la Porte du ciel.
0 Marie !
Contre moi seul, que tout l'enfer conspire,
Je ne crains rien de sa vaine fureur ;
Un cœur soumis a votre aimable empire
Est assuré du souverain bonheur.
CHAPITRE XXXV.
ETOILE DU MATIN
On appelle étoile du matin celle qui brille encore après la disparition des autres, et annonce le prochain lever du soleil, dont elle est comme l'avant-garde. C'est une étoile toute d'espérance et de joie. Devant sa douce clarté, commencent à se dissiper les ténèbres de la nuit, la nature se revêt d'une nouvelle beauté, l'allégresse renaît en tout lieu . A son aspect, les oiseaux gazouil- lent plus mélodieusement sous le feuillage ; leur chant
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matinal est comme un salut à la lumière qu'ils retrou- vent ; la confiance revient au cœur du nautonnier et du voyageur, que l'obscurité continue de la nuit aurait pu égarer dans leur course ; les animaux malfaisants, qui redoutent l'éclat du jour , s'empressent avec effroi de regagner l'épaisseur des bois et leurs sombres tannières ; l'homme devançant l'aurore prend le bâton du pèlerin ou se rend tout joyeux au travail des champs .
Par cet exposé, on a déjà pu entrevoir les rapports entre cette étoile matinière et Marie, l'astre précur- seur du Soleil de justice. Toutefois, cette admirable ressemblance va mieux ressortir encore par des détails du plus vif intérêt.
Oui, c'est bien ajuste titre que Marie est appelée Etoile du matin. — Chers lecteurs, vous avez sans doute joui quelquefois du radieux spectacle d'une belle aurore ; et les merveilleux effets du point du jour vous ont jetés dans l'extase de l'admiration. 11 serait bien à plaindre celui qui, insensible à un si imposant coup- d'œil, ne se sentirait pas disposé à glorifier Dieu dans la magnificence de ses œuvres. Mais qu'il y a loin de tous les charmes de l'aube matinale, la plus brillante et la plus pure, à Marie, la véritable Etoile du matin, annonçant à l'univers attristé que la longue nuit de malédiction touche à sa fin, et que le jour béni de la grâce commence à poindre dans l'arrivée toute pro- chaine de Jésus-Christ, Lumière de lumière! Oui, c'est là l'heureux présage qui fut donné, au moment où naquit la très sainte Vierge, moment sans contredit le plus beau après celui où elle enfanta le Messie-Rédemp- teur. Jusque-là, le berceau de tous les enfants d'Adam avait été environné de craintes et de larmes, qui suc- cédaient bientôt aux joies passagères de la maternité : et Les plaintes, que Job exhala sur le jour de sa nais-
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sauce, trouvaient un lamentable écho sur la couche de toutes les mères. Mais la naissance de Marie fut un principe de joie universelle : de joie pour Dieu, de joie pour les anges, de joie pour les hommes.
Qui pourrait, en effet, se faire une idée de l'ineffable joie des trois Personnes divines, au moment où appa- rut à la terre cette Vierge immaculée ; de la joie de Dieu le Père, quand des hauteurs de la gloire, il abaissa son regard sur ce berceau, où reposaient les destinées surnaturelles de l'univers dans la personne de cette Fille d'Eve, qui allait bientôt partager sa mys- térieuse fécondité ; de la. joie de Dieu le Fils, le Yerbe éternel, lorsqu'il vit éclore cette Fleur ^ virginale qui devait le donner à la terre, comme le Fruit de vie ; de la. joie du Saint-Esprit, contemplant ce sein très pur, où sa puissance vivifiante devait unir par le lien le plus étroit la nature divine et la nature humaine, afin que cet Homme-Dieu fût une victime pleinement expiatoire pour les péchés du monde ?
Les anges aussi, qui vinrent plus tard chanter leur amour sur la pauvre étable de Bethléem, quels trans- ports de bonheur ne durent-ils pas ressentir, lorsque, doucement inclinés vers le berceau de la Mère du Christ, ils admiraient leur Reine future, qui devait les faire messagers de ses grâces et missionnaires de sa clémence? Dès ce moment, n'ont-ils pas dû s'écrier : Quelle est donc Celle qui se lève ainsi avec la brillante ma- jesté de V aurore ? Quœ est ista . . .
Et tous ces pauvres captifs, retenus dans les limbes, où ils vivaient d'espérance, de quelle allégresse ils tressaillirent, en voyant resplendir dans leurs som- bres demeures les rayons de cette Etoile bienfaisante, qui leur annonçait le jour naissant de leur délivrance, et la fin prochaine de leur dure captivité !
PARAPHRASE. — T. H.
134 STELLA MATUT1NA
L'enfer seul ne partagea point la joie universelle ; le démon y était obsédé de la cruelle et juste crainte que cette femme merveilleuse, qui faisait son entrée dans le monde, ne fût la Femme destinée à lui écra- ser la tète, à ruiner son empire sur les âmes, qu'il tenait enchainées sous son joug dès le commencement.
Mais la terre surtout dut se réjouir de l'apparition de Marie, gage le plus rassurant des miséricordes di- vines envers le genre humain . Quand un peuple, ne voyant point d'héritier de la couronne sur les marches du trône, s'alarme à juste titre des perturbations et de l'anarchie qui peuvent à la mort du souverain ré- gnant compromettre la paix et la prospérité publiques, avec quels transports et par quelles fêtes pompeuses ne fait-il pas éclater sa joie, si tout à coup la nais- sance d'un prince inespéré vient relever sa confiance dans un avenir de concorde et de bonheur ? Dut-elle causer moins de joie la naissance de -Marie, cet astre précurseur d'un règne de gloire et de paix , cette avant-courrier du Géant des cieux qui doit bientôt ve- nir renouveler la face de la terre ?
Que la nuit parait longue à un malade, et de quels désirs ardents il appelle l'aurore, qui le réjouira déjà de sa clarté et ensuite de l'espérance que le médecin va apporter quelque soulagement à sa douleur ! Ainsi, gémissant dans les ténèbres de l'erreur et sous le poids de ses misères, l'humanité s'est-elle sentie allégée, en voyant apparaître Marie, douce aurore du jour de la grâce, nous annonçant l'arrivée prochaine du céleste médecin de nos âmes !
Il y a une fleur que sa précocité a fait nommer Perce- neige. La terre est encore enveloppée de ses vêtements d'hiver ; les oiseaux sont toujours muets ; et l'eau cap- tive sous sa voûte de cristal n'a pas repris son doux
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murmure. Mais les premiers jours de mars ont à peine commencé à luire, que le Perce-neige se dégage de son froid manteau, se préparant à nous montrer ses cloches d'un blanc d'ivoire : c'est l'ar-en-ciel terres- tre, qui présage au monde ennuyé le retour prochain du gracieux printemps et semble nous dire : Je viens vous consoler de la longue absence du soleil, et vous apporter l'espérance des beaux jours. Ainsi Marie ap- paraissant à la terre lui annonce que bientôt va ger- mer son Sauveur, et que les unes feront pleuvoir le Juste.
Lorsqu'après une longue et terrible tempête, qui bouleversant les ondes a jeté le vaisseau bien loin sur une mer inconnue, réapparaît l'étoile polaire, le cœur s'ouvre à l'espérance, les forces se raniment ; la main au gouvernail et l'œil au ciel, on salue déjà le rivage qu'on désespérait de revoir. Ainsi encore Marie, véri- table Etoile de la mer, se levant sur l'horizon du mon- de moral et annonçant la fin de la tempête, nous mon- tre dans Jésus-Christ qui va venir, le port du salut prêt à nous recevoir. C'est la Messagère aimable de la splendeur céleste qui doit éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour diriger leurs pieds dans les voies du salut.
Morale : Mais Marie ne fut pas seulement le gage de la lumière qui va luire sur le monde : de son pro- pre berceau jaillirent déjà des traits qui commencèrent à dissiper nos erreurs, en nous montrant la véritable valeur des choses. Entre autres enseignements, là nous apprenons le mérite et le bonheur de l'obscurité. Marie est issue d'une race royale ; elle a derrière elle toute une longue histoire d'oracles et de figures qui l'annoncent à la terre ; elle est, ainsi que le Messie, la Désirée des nations, appelée à régénérer, à sauver le
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monde par le Fils qu'elle enfantera à Bethléem et sa- crifiera sur le Calvaire : elle doit nous consoler par sa toute-puissante et miséricordieuse protection. Jamais, depuis L'origine des siècles, naissance ne pesa d'un poids égal sur les destinées du genre humain. Et ce- pendant. Marie reçoit le jour ensevelie dans l'obscu- rité la pins profonde : inutilement chercherait-on le palais de son auguste Princesse : sa naissance n'est marqué d'aucun trait qui la signale à l'attention des hommes : nulle démonstration publique ne salue son entrée dans la vie : ses parents eux-mêmes n'ont pas le moindre soupçon de son glorieux avenir. Qui donc pourrait encore se laisser séduire par la distinction de sa naissance, ou se faire une honte de la bassesse de sa condition, quand la plus illustre des créatures ne tire aucun honneur de la royauté de ses aïeux, et ne ressent aucune humiliation de l'abaissement de sa fa- mille? Devant Dieu, sachons-le bien, on n'a de valeur que par la vertu : tel est né dans la pourpre, qui peut être bien vil aux yeux du Seigneur : tel autre reçoit la vie dans une chaumière, qui est grand aux regards du ciel, où il est appelé à régner dans la splendeur des saints.
La véritable grandeur est toute intérieure : telle est celle d'une aine, prête à tout ce qui est bon, et capable de tout ce qui est sage ; pénétrant chacune de ses actions et tous ses sentiments d'un inflexible amour de la vertu et de la vérité ; ramenant tout à Dieu, sa fin dernière , nu trouvant qu'en lui la raison et la va- leur des choses ; tenant pour grand ce qu'il estime, pour petit ce qu'il condamne ; faisant tout ce qu'il veut, et de la manière qu'il veut ; ne comprenant pas d'autre gloire ici-bas que de traduire sa pensée en œuvres généreuses et de lui ressembler en toute
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chose. Avec ces admirables dispositions, tous vos actes revêtent un caractère de grandeur, qui les ennoblit et les élève jusqu'à une hauteur divine.
Devant les hommes aussi, le rang ne fait pas tou- jours le vrai mérite. La réputation peut bien n'en être pas un infaillible garant. Combien de braves, combien de héros, qui vus de près ne sont que des hommes vulgaires ! On est grand, non point parce que l'on a des titres, mais parce que l'on a des vertus . Les titres placent au-dessus des autres ; les vertus seules en distinguent. Celui dont la tête porterait trois cou- ronnes est encore pauvre, si la vertu n'y mêle son éclat.
Un philosophe de l'antiquité a dit fort spirituelle- ment que, si les femmes savaient comme la vertu re- hausse même la beauté, elles voudraient toutes se rendre vertueuses pour être belles. — Un célèbre Romain eut l'ingénieuse idée d'élever deux temples contigus, l'un à la Vertu et l'autre à la Gloire, vou- lant par là faire entendre qu'on ne pouvait entrer dans le second sans passer par le premier.
Grande devant Dieu, grande devant les hommes, la vertu est donc la source de la gloire solide ; elle est aussi la route la plus sûre pour trouver le bonheur.
Et c'est de préférence dans l'ombre d'une vie obscure que croit la vertu et qu'elle trouve un abri plus assuré . Loin donc de nous plaindre de la bassesse de notre con- dition, chérissons-làet surtout mettons-lààprofit(lO).
C'est la grâce que je vous demande instamment, ô divine Mère ! obtenez-moi d'affectionner mon état, d'en sanctifier tous les devoirs, toutes les œuvres, tou- tes les joies, toutes les peines ; et d'être ainsi vertueux en vue de la récompense promise au serviteur fidèle : Beatus Me servies...
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Pratique : A l'exemple de saint Stanislas de Kostka, offrir à Marie dès son réveil une couronne de fleurs spirituelles , c'est-à-dire une couronne composée des différents actes de vertu et de mortification que l'on pratiquera dans la journée.
EXEMPLE ET ALLÉGORIE
VISITE A MARIE DÈS LE POLNT DU JOUR
Saint Bernardin de Sienne avait pris l'habitude de sortir avant le lever du soleil , et revenait quelque temps après, le visage empreint d'une sérénité d'ànie extraordinaire. Des conjectures étaient hasardées sur cette démarche ; il était jeune encore, on finit par pen- ser mal. Un jour, quelques étourdis, voulant lui arra- cher le secret de ces sorties si matinales et si empressées, lui posèrent nettement la question. Bernardin, sans s'émouvoir , répondit avec une douceur angélique : a Pas loin d'ici se trouve une personne que je chéris ; c'est à elle que tous les matins je fais une visite. » Ces paroles, on le devine, ne firent qu'aiguillonner la curio- sité de ces jeunes gens, qui aussitôt se donnent le mot pour se mettre en vedette dès le lendemain sur son passage. En effet, ils l'aperçoivent se dirigeant d'un pas ferme et pressé vers une chapelle de la Vierge, dont le petit clocher s'élevait gracieusement au milieu d'un bosquet d'arbres verts. Us l'avaient suivi de loin ; et quand il fut entré dans le silencieux sanctuaire, ils vinrent ouvrir doucement la porte, et là, ils virent Bernardin à genoux devant la statue de la Vierge, tout absorbé dans l'extase de la prière ; de douces larmes coulaient de ses yeux en flammés d'amour ; on eût dit un ange descendu sur la terre, répandant ses soupirs devant sa Reine. Les jeunes curieux se reti-
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rèrerit, aussi édifiés de sa conduite, que confus d'avoir suspecté les démarches d'un saint.
JUGEMENT EN FAVEUR DE LA VERTU CHEZ LES PAÏENS
Un certain jour , les divinités qui président à la Richesse, à la Volupté, à la Santé et à la Vertu appa- rurent tout à coup devant l'Aréopage, demandant que dans leur sagesse les juges assignassent à chacune d'elles le rang qu'elle devait occuper, d'après son degré d'influence sur le bonheur des hommes. La Richesse fit valoir sa magnificence, les satisfactions de tout genre qu'elle procure ; et déjà les juges éblouis par ce pom- peux étalage allaient lui assigner le premier rang, lorsque la Volupté rabaissa le mérite de sa rivale, en démontrant que l'unique but des richesses était de conduire au plaisir : et toute l'Assemblée de donner gain de cause 'à la Volupté. Mais tout aussitôt, la Santé s'étant levée, n'eut pas de peine à prouver que sans elle L'abondance des richesses servirait peu, et que les plus douces voluptés deviendraient des amertumes. L'Aréopage séduit paraissait incliner en sa faveur. Plus vite encore, la Vertu se dressant, fit observer que la richesse, le plaisir et la santé ne sont que des biens fragiles, et qu'en son absence ils deviennent même des maux pour qui ne sait pas en user avec sagesse. A cet exposé simple et vrai, toute l'Assemblée battit des mains et adjugea le premier rang à la Vertu.
CHAPITRE XXXVI
SALUT DES INFIRMES
Les titres que jusqu'ici nous avons contemplés en Marie, nous ont révélé principalement ses privilèges et ses vertus. En voici d'autres bien touchants, non
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plus voilés, mais qui expriment nettement sa puissante et bénigne intervention dans les souffrances, dans les différentes épreuves, dans les dangers même pour le corps, inévitables en cette désolante vallée de larmes. Le premier de ces titres est Salut des infirmes.
La maladie , les infirmités de toute espèce sont le triste apanage de la pauvre humanité. L'enfant souffre dès son entrée dans le monde ; c'est par les larmes qu'il annonce ses premiers malaises : les douleurs le suivront, comme son ombre, dans tout le cours de son pèlerinage sur cette terre d'exil ; et les douleurs encore précéderont son dernier soupir. C'est là une terrible, mais juste punition du péché. Toutefois, en donnant ainsi un libre cours à sa justice, Dieu n'a pas oublié sa miséricorde. Au pauvre infirme abattu sur sa cou- che, à tout malheureux accablé sous le poids de quel- que souffrance, sourit un nom plein de puissance et de charmes ! ce nom est celui de Marie, véritable Salut des infirmes ;
I. Par les secours et consolations qu'ils reçoivent de ses fidèles servantes ; par les soulagements et guéri- sons qu'elle-même leur proeure ;
II. Par la grâce d'une bonne mort qu'elle sait leur obtenir.
III. Par le jugement favorable qu'elle leur assure.
ARTICLE PREMIER. Marie, Salut des infirmes, par les secours et con- solations qu'ils reçoivent de ses fidèles servantes ; par les soulagements et guérisons qu'elle-même leur procure.
I. Secours et Consolations que les infirmes reçoi- vent de Marie pa \r ses fidèles servantes. — Vous avez sans doute, de ces asiles qui sont comme le rendez- vous de toutes les douleurs, où l'enfant abandonné
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reçoit le lait que lui refuse le sein maternel, et retrouve en môme temps une nouvelle famille ; où la vieillesse indigente jouit enfin du repos et termine en paix des jours consumés par la peine ; où la démence que la so- ciété repousse est entourée de secours qu'elle ne peut ni comprendre ni reconnaître ; où les infirmités de tout genre reçoivent chacune le soulagement qu'elle réclame. Et là, près de toutes les misères humaines, qui s'est offert à vos regards ? De modestes filles, qui dès le printemps de leur vie s'arrachent aux enchantements de leur jeunesse, à l'amour d'une mère, aux jouissances de la famille, renoncent aux plaisirs du monde, quel- ques-unes même à de brillantes destinées, pour se dé- vouer tout entières au soulagement des plus obscures infortunes. Et dans ces anges de la terre, quelle dou- ceur, quelles précautions délicates à l'égard du malade ! Présentés par leurs mains, les remèdes lui sont moins amers. Faut-il panser ses plaies, prêter un appui à son corps défaillant, le déplacer sur sa couche devenue dure, quelle attention, quels ménagements pour ne point ajouter à ses douleurs ! Au plus fort de ses souf- frances, en dépit même de ses rebuts, quelle tendre com- passion, quelle charité patiente que rien ne déconcerte, et qui fait autant de bien que le soulagement même ! A l'approche seule de la bonne religieuse, les dou- leurs sont déjà moins vives, les inquiétudes, les alarmes s'apaisent, le courage renaît ; et sous l'in- fluence de ses pieuses paroles, la résignation pénètre dans le cœur, les angoisses de l'agonie se changent en espérance, l'inévitable mort inspire moins de crainte et d'horreur.
Voilà le spectacle admirable que donnent au monde ces milliers de femmes, restées vierges par sacrifice et devenues mères par l'adoption, qui se consacrent avec
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un dévouement si héroïque à soulager les innombra- bles infirmités humaines même les plus rebutantes. Or, qui les enflamme de cette piété compatissante? Qui les soutient dans cette courageuse immolation d'elles-mêmes? C'est Marie, qui. après leur avoir ins- piré cette sublime vocation, pour prix d'une dévotion précoce envers elle, leur révèle le secret d'être au che- vet de la douleur, le soutien, la force, la consolation des pauvres malades qui n'ont plus de mère. Eprises à son école de l'excellence de la virginité, elles ont voulu n'avoir d'autre Epoux que Jésus-Christ, à qui elles voueraient dans ses membres souffrants toutes les affections de leur cœur ; point d'autre famille que les pauvres, les infirmes, les orphelins, tout ce qui souffre .
Et ne pensez pas qu'aucun motif, soit de vaine gloire, soit de cupidité, soit de jouissance humaine quelcon- que, puisse être le mobile d'un dévouement si magna- nime. En dehors du Christianisme, rien ne se trouve de semblable. La foi seule peut rendre ainsi supérieures à elles-mêmes ces vierges naturellement faibles et ti- mides. Elles sont jalouses de ceindre la double cou- ronne delà virginité et du martyre continuel. Elles ont compris et veulent mériter ces consolantes paroles du Sauveur: Venez, les béais de mon Père, posséder le royaume qui vous esl préparé ; fax eu faim et vous m'avez donne à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donne à boire ; fêtais nu, et vous m'avez revêtu: j'étais dans les prisons, et vous m'avez visité. C'est ainsi que Marie, remplacée près des ma- lades par ces saintes filles qui leur prodiguait secours et consolations, devient véritablement Salut des infir- mes... C'est encore ;
II. Par les soulagements et guerisons réelles
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qu'elle-même levr procure. — Secourir et soulager semblent être un besoin pour son cœur maternel. N'a- t-elle pas appris à compatir aux souffrances de la pau- vre humanité, en voyant les affreuses tortures de son cher Fils au chemin du Calvaire, et sur l'infâme gibet qu'il arrosa de son sang ? Et puis, n'est-elle pas devenue alors notre Mère? Et, si rien ne console les peines d'un enfant comme les caresses d'une mère, qui aussi sait mieux qu'elle prendre part à ses douleurs? La voyez-vous cette mère dont le fils est malade? Clouée à son chevet et la nuit et le jour, elle ne peut souffrir auprès de lui d'autre main que la sienne ; les remèdes qu'elle lui donne sont assaisonnés des plus tendres paroles ; aucun dégoût ne la rebute ; rien ne lui est une fatigue. Image bien imparfaite de ce que fait Marie envers tous ceux que la douleur oppresse, qu'une in- firmité accable.
Qui pourra jamais dire, en effet, avec quel amour elle a toujours soulagé et souvent même guéri les maux les plus invétérés, des maladies réputées incu- rables ? Est-il un seul point du globe, où ne s'élèvent de magnifiques sanctuaires construits en mémoire de quelque faveur obtenue, et devenus célèbres ensuite par des milliers d'autres guérisons dues à la confiance que l'on venait déposer à ses pieds ? Partout, ses au- tels, ses statues, le's murs sont chargés d'eoc voto, attestant l'action de sa puissance. Qui n'a vu, ici des lampes, des couronnes, des cœurs en or ou en argent, et d'autres dons, offrandes d'une vive reconnaissance ; là des marbres précieux, portant les noms de ceux qui ont été miraleusement guéris, et de gracieuses inscriptions que leur cœur a trouvées sans effort ; très souvent encore, des trophées de béquilles ou autres instruments, qui avaient aidé le malade à se traîner
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aux pieds de la Madone, et qu'après le miracle de sa guérison, il a suspendus à l'autel de la Bienfaitrice? Tous ces monuments sont là, pour apprendre à la pos- térité qu'on ne l'invoque jamais sans la trouver Salut des infirmes. (11)
Et combien de fois, dans ces épidémies qui répan- daient la terreur et la mort, menaçant de dépeupler les villes et les campagnes, n'a-t-on pas vu le fléau meurtrier arrêter tout à coup ou modérer sa fureur, vaincu par les neuvaines, les processions, les suppli- cations publiques ! Et actuellement encore, dans ces sanctuaires récents, que la confiance plus vive que ja- mais élève de toute part à la Vierge immaculée (entre autre à Séez), ne semble-t-elle pas prendre plaisir à multiplier les miracles de sa puissance pour le soula- gement de toute espèce d'infirmités? Chaque jour, quelque trait nouveau vient nous en apporter l'irré- fragable témoignage. Et combien d'autres guérisons qu'un motif d'humilité, aussi louable que le sentiment de la reconnaissance, laisse dans le secret ! A la vue de tant de prodiges si souvent renouvelés et sous tou- tes les formes, qui sont un mémorial vivant de sa ma- ternelle bonté, ne dirait-on pas qu'elle a quitté le ciel pour venir habiter la terre, et y devenir comme un asile ouvert à tous les infirmes, qui sont sûrs d'y être accueillis et secourus? ?se semble-t-il pas que Jésus, en l'instituant notre Mère, lui ait légué le pouvoir dont il a si souvent usé en faveur des pauvres mor- tels ? Oui, du cœur de la Mère, comme autrefois de la personne du Fils, sort une vertu secrète qui guérit tous les maux. Par le recours à Marie, les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, les muets recouvrent la parole, les paralytiques l'u- sage de leurs membres, les agonisants renaissent à la
SALUS ÏNF1RM0RUM • >
vie, Elle esl certes en droit de nous adresser ces -pa- roles que saint Jean Damascène lui met dans la bouche et qui résument tout ce que nous venons d'exposer : «Je suis Celle qui soulage et guérit les malades. »
Morale : Quel puissant motif, ajouté à tant d'autres, de redoubler de confiance en cette tendre Mère, aussi compatissante pour les maladies du corps que pour les misères de l'àme ! Lorsque Dieu, toujours bon môme quand il châtie, nous visite par l'infirmité, autant pour mettre notre foi à l'épreuve que pour nous épurer par la souffrance ; mieux serait, sans doute, de nous réjouir dans nos infirmités, avec saint Paul, et de soupirer après l'heureux moment qui doit nous unir à Jésus- Christ ;• de penser et de dire, comme saint Louis de Gonzague, au moment de la mort : « Ne faites rien pour m'empècher de mourir, car je ne sais ce qui peut m'ar- river, si je vis plus longtemps : » de faire généreuse- ment, à l'exemple des martyrs, le sacrifice de notre vie, par le désir de jouir plus tôt de la céleste béati- tude. Cependant, puisque Dieu le permet, nous pou- vons lui dire, comme les sœurs de Lazare : Cetai que vous aimez est malade , ou avec le paralytique : Sei- gneur, si vous le voulez, vous pouvez me guérir; ou comme Jésus lui-même à son Père : Que ce calice passe loin de moi !
Et, puisqu'il le veut encore, intéressons au. succès de nos vœux Celle qu'il a établie Trèsorière de tous ses dons, etconséquemment Salut des infirmes. Mais, pour être plus sûrement exaucés, n'ayons en cette de- mande que des intentions pures. Si nous souhaitons le rétablissement de la santé, que ce soit pour avoir le loisir d'amasser une plus ample moisson de mérites, et d'avancer de plus en plus dans la vertu et la per-
i'ARAPHRASE. — T. II. Q
146 SALUS INFIRMORUM
fection . C'est principalement dans ces vues qu'il est permis de désirer et de chercher la prolongation de son existence. Car, la longueur de la vie doit se mesurer non sur le nombre des jours, mais sur la quantité de bonnes œuvres qui les auront remplis. Au jugement, il sera demandé non pas combien d'années on aura vécu, mais comment elles auront été employées : non qicàm dlù, sed quàm ijenè. Et s'il plaît au Seigneur de nous retirer des portes de la mort, en nous rendant la santé, ne manquons pas d'en être plus dévoués à Marie qui nous l'aura obtenue, et plus empressés à rendre fructueux le temps qui nous est prolongé .
0 Marie, merveilleux Salut des infirmes, obtenez- moi, vous dirai-je avec l'Eglise, Concède... perpétua mentis et corporis sanitate gaudere.., la santé du corps en même temps que celle de l'âme, afin que j'aug- mente la somme de mes expiations et de mes mérites !
Pratique : Exercer en l'honneur de la sainte Vierge les œuvres de miséricorde, comme d'assister les mala- des, consoler les affligés, prier pour les pécheurs, et autres actes de charité qui réjouissent singulièrement le cœur de notre mère.
EXEMPLES.
GUERISOXS OBTENUES PAR MARIE.
Une pieuse mère, à son lit de mort, avait prié la sainte Vierge de prendre sous sa protection sa toute jeune fille jusqu'à l'âge de sept ans. Une de ses tantes, touchée de compassion pour cette nièce délaissée, se dévoue à remplir les intentions de la défunte. Lorsque l'enfant fut arrivée à la septième année, sa tutrice lui dit qu'elle n'avait plus de mère, puisque le temps du vœuétail expiré. A L'instant même, la pauvre orphe- line, comme autrefois la pieuse Thérèse, court à l'é-
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glise, fondant en larmes ; et là prosternée devant l'au- tel de Marie, elle la conjure de lui continuer sa bien- veillante protection, dont elle a plus besoin que jamais. Un prêtre qui l'observait, lui ayant demandé pourquoi elle était là ; elle lui fit la confidence avec une grande simplicité. Vivement touché de ces heureuses dispo- sitions, il la félicite d'un si beau choix, et l'encourage à persévérer au service de la sainte Vierge, l'assurant que cela lui portera bonheur. En effet, bientôt atteinte d'une maladie dangereuse contre laquelle tout l'art des médecins restait impuissant, elle se fit porter presque morte à l'autel de Marie, d'où, sans le secours de per- sonne, et par un miracle frappant, elle put revenir chez elle, pleine de force et de santé.
— Peu de temps après sa naissance, saint Jean Né- pomucène tomba dangereusement malade. Ses parents ay ant eu recours à la sainte Vierge obtinrent sa gué- rison ; ce qui fut pour notre Saint un motif très pres- sant d'honorer d'un culte tout spécial sa bienfaisante Libératrice .
— Saint Jean Damascène, à qui les hérétiques avaient coupé la main, fut guéri par une prière fervente adres- sée à Marie ; seulement il lui resta, sans doute pour lui faire souvenir qu'il ne devait jamais l'oublier, une ci- catrice qui avait la forme d'un anneau couleur de sang.
ARTICLE SECOND.
Marie, Salut des infirmes, par la grâce d'une sainte
mort qu'elle leur procure.
Salât des infirmes, par les secours corporels qu'ils reçoivent de ses fidèles servantes, et par les guérisons que souvent sa médiation puissante leur obtient, Marie est encore plus le Salut de l'âme en cette pénible et dangereuse situation. Nous pourrions dire, d'abord par la patience quelle suggère au malade, en réveillant
I 18 SALOS INFIRMORUM
les pensées de la foi au fond de son âme abattue, en lui montrant Dieu qui voit toutes ses douleurs, qui compte tous ses soupirs pour les recompenser, et lui inspirant ainsi une résignation soumise, qui le porte à tout accepter de la main de ce bon Père : les plaintes alors se changent en louanges, et les douloureux ac- cents font place à de joyeuses actions de grâces.
Mais, c'est principalement par la grâce d'une sa bile mort que Marie devient le Salut des infirmes. — C'est un moment terrible que celui des approches de la mort. L'art de guérir se trouve impuissant : les s )ins les plus empressés sont superflus : les larmes inutiles ; l'heure du trépas a sonné : il faut mourir !. . .
II faut se séparer de sa maison, de ses biens, de ses parents, de son corps : il faut dire adieu à tout ce que l'on aime. Pour tous, quelle anxiété! un passé éva- noui, un présent qui échappe, un avenir inconnu dans lequel on va entrer seul. Mais, au point de vue chré- tien, qu'il est effrayant ce passage du temps à l'éter- nité î Alors, l'âme la plus juste est parfois assiégée d'étranges frayeurs : la crainte d'échouer au port, la cruelle incertitude si L'on est digne d'amour ou de haine, les redoutables jugements de Dieu qui appro- chent, la durée infinie de cette éternité qui s'ouvre avec ses joies pures ou ses flammes dévorantes, quel poids écrasant pour l'âme dont la foi n'est pas éteinte ! Ajoutez à tout cela les attaques du démon, qui re- double de fureur et de ruses pour saisir au dernier
■« ge cette proie qui va lui échapper sans retour; et il ne veut pas être seul ; il a appelé à son secours toutes 1rs furies de Cenfer. qui, «lit Isaïe, assiègent la maison du mourant^ se concertent et réunissent leurs efforts pour le perdre.
Mais rassurez-vous, pieux serviteurs de Marie, qui
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vous êtes fait un bonheur et un devoir de conquérir ses bonnes grâces par un culte constant et sincère. Alors, vous n'aurez rien à redouter ; sa protection aussi douce que puissante vous viendra en aide. L'ami fidèle aime toujours, mais principalement au temps de V affliction . Or, à qui mieux qu'à la divine Mère de bonté conviennent ces belles paroles de nos saints Livres ? Si, dans la crise de la mort surtout, un ami ne délaisse point son ami, une mère son enfant, un enfant ses parents bien -aimés, Marie, la plus douce des amies, la plus tendre des mères, pourra-t-elle ne l'être plus, alors que vous aurez plus besoin de son secours ? Tant de fois, vous l'avez suppliée, emprun- tant à l'Eglise cette invocation si touchante de saint Augustin, de venir au secours des malheureux, suc- curre miser is-\ d'aider les faibles, juva pusillanimes ; de consoler ceux qui pleurent, refove flebiles. Eh ! Qui est plus misérable, plus faible que l'agonisant ! qui, plus que lui, a les yeux pleins de larmes ? Qui, plus de combats à soutenir, contre le démon, contre les douleurs du corps, contre les angoisses de l'âme ? Chaque jour, vous l'avez invoquée pour le jour qui devra être le dernier : Priez pour moi... à l'heure de ma mort. Vous l'avez conjurée de vous assister au moment de l'agonie : devez-vous craindre qu'elle oublie vos droits et son devoir? Croyez bien, au con- traire, qu'alors elle se trouvera pour consoler votre dernière désolation, pour encourager vos derniers combats, bénir vos derniers moments, vous adoucir les horreurs du trépas et recevoir votre dernier soupir. Partout où l'Evangile parle d'elle, il nous la montre accomplissant un acte de charité. N'est-ce pas ce qu'elle fit chez Elizabeth, aux noces de Cana, et sur le Calvaire? J'ai nommé le Calvaire !. . . Ah ! c'est bien
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là, qu'en assistant à la mort de son cher Fils, elle a appris et commencé le ministère de présence protec- trice au chevet des mourants. Et quand, ainsi qu'au Calvaire, elle voit le moribond, l'œil éteint, les mem- bres froids, la sueur de la mort sur le front, subissant une agonie semblable à celle de son Jésus, un aussi douloureux spectacle pourrait-il ne pas attendrir son bon Cœur ? Comme au pied de la Croix, n'en doutez pas, elle sera debout près de sa couche funèbre, de- bout pour être plus prompte à le secourir. « Pendant la vie, disait-elle à sainte Gertrude, je m'engage à donner à mes serviteurs les grâces nécessaires ; mais à la mort, je viens près d'eux en personne, et mon regard fait faire les puissances infernales. » Ainsi réalise- 1 -elle cette consolante parole qu'elle fit entendre à saint Jean Damascène : « Jamais je n'abandonne à cette heure suprême ceux qui m'ont honorée. » Enten- dons maintenant le dévot saint Bernard : c< On a jamais vu, dit-il, et jamais on ne verra qu'un vrai serviteur de Marie fasse une mauvaise fin. » Et le Séraphique saint Bonaventure : « Ceux qui l'invoquent, nous assure-t-il, n'ont rien à craindre des ennemis de leur âme ; et pour cela il ne faut pas de longues prières ; son nom seul suffit, nom d'espérance et de vie, qui soutiendra les mourants dans leurs angoisses, et les fera triompher de toutes les attaques des esprits de ténèbres. »
Ces faveurs sont, sans doute, de préférence pour les justes ; mais délaissera-t-elle pour cela le pécheur ? Tant de fois, elle l'a recherché dans ses égarements ; tant de fois, elle a arrêté le bras de son Fils prêt à le frapper ! Et le voilà immobile sur son lit de mort ; le gouffre est béant, devant lui va s'ouvrir l'éternité; tuut l'abandonne : ni les ressources de l'art, ni ses
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richesses, ni son crédit, ni les dignités, ni le dévoue- ment de ses amis, ni les vœux de sa famille, ne peu- vent prolonger sa vie d'un instant, bien moins encore lui remettre ses péchés, lui fermer l'enfer, lui ouvrir le ciel, lui rendre favorable le souverain Juge. Dans cett suprême détresse, au milieu de cet abandon uni- versel, le délaisserez-vous aussi, bonne Marie? Oh! non : la divine Mère plaidera sa cause devant Celui qui est venu non pour les justes, mais pour les pécheurs ; elle en obtiendra pour cet infortuné des sentiments de confiance et de repentir, elle le plongera dans la piscine, et le présentera purifié au tribunal de Dieu qui lui sera indulgent.
Que de pécheurs, en effet, ont dû leur salut à la mi- séricordieuse Mère qui veillait sur leur agonie. Le prêtre avait été repoussé, le crucifix méprisé, la sœur de charité méconnue ; épouse, enfants, amis, n'avaient rien pu obtenir de ce cœur de bronze ; un cri sata- nique était sorti de sa poitrine ; il voulait mourir comme il avait vécu. Mais tout à coup, quel change- ment miraculeux ! Le voilà ému, ébranlé, attendri, repentant ; son regard s'adoucit, ses yeux se mouillent de larmes, il demande le prêtre, se recommande aux prières des assistants, reçoit les Sacrements de l'Eglise, et meurt avec le calme du juste. Comment donc s'est opéré ce prodige de la grâce ? On a eu recours à Marie, à Marie, la Mère de miséricorde, le Refuge des pêcheurs, « l'aide des délaissés, l'espérance de ceux qui n'en ont plus ; » et Marie fut le Salut de cet infirme.
Morale : Qu'il est donc consolant de pouvoir espé- rer une mort précieuse devant Dieu, pour prix d'une tendre confiance en cette bonne Mère pendant la vie ! Qu'il sera doux à la dernière heure, d'avoir aimé,
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honoré, servi et surtout imité Marie, si libérale dans ses faveurs, si magnifique dans ses récompenses ! Qu'ils paraîtront légers, alors, les liens qui nous auront attachés à son service ! Comme nous nous ap- plaudirons des sacrifices, des violences, de toutes les ingénieuses pratiques que nous nous serons imposées pour lui être agréables, nous assurer son amour et mériter sa protection puissante, à ce moment qui va nous ouvrir les portes de l'éternité ! Quel pressant motif de nous ranimer dans cette dévotion, qui est le gage assuré d'une sainte mort et du bonheur suprême qui la suivra ! C'est maintenant qu'il faut nous ména- ger cette précieuse ressource pour nos derniers jours . Méritons qu'en passant près de notre tombe on puisse dire : C'était un véritable serviteur, une pieuse ser- vante de Marie, ce qui signifiera : Marie lui a procuré une sainte mort : il est maintenant au ciel. — Dans un cimetière de Paris, on voit un monument surmonté d'une statue de la sainte Vierge tenant l'Enfant- Jésus dans ses bras : au-dessous, se lisent ces admirables et consolantes paroles : « Sous la protection de Jésus et de Marie, on repose en paix. » C'est bien dire qu'avec ces protecteurs, la mort a été sainte. Heureux sort ! qui ne l'envierait ? Qui ne s'efforcerait de le mériter ? — Une pieuse carmélite, pénétrée d'amour pour Marie, s'étonnait que le médecin, qui venait de lui annoncer sa fin prochaine, ne demandât pas une forte récom- pense pour lui avoir apporté, disait-elle, «une si bonne nouvelle. » Tant la dévotion à la sainte Vierge inspire alors de confiance !
0 Salut puissant des infirmes, obtenez-moi de vh re dans votre service, pour mourir saintement dans vos bras maternels !
Pratique : Ne point dire par routine. niai< avec
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intention, ces paroles quotidiennes : Priez pour moi., et à r heure de ma mort.
EXEMPLES
SAINTE MORT DUE A MARIE
Un pieux serviteur de Marie, calme et presque impassible à cette heure effrayante qui fait trembler les plus justes, semblait même ne plus prier, lui dont toute la vie avait été une prière continuelle. Ses amis, étonnés de cette tranquillité étrange, lui en deman- dèrent la raison. « J'espère, répondit-il, en ma Mère céleste ; si souvent, je lui ai recommandé l'heure de mon trépas, que ce n'est plus à moi, mais à elle de prier maintenant pour moi ; je me repose sur elle, et cette confiance fait toute ma sécurité. » — Ainsi, puissions-nous' un jour nous endormir en paix sur le sein de Marie.
— Un homme, qui toute sa vie avait tendrement aimé la sainte Vierge, étant tombé malade, se prépara avec ferveur à rendre son âme à Dieu . C'était un ven- dredi : se sentant plus faible, il prit entre les mains son crucifix, et les yeux fixés au ciel, il attendait avec confiance son dernier moment, car il avait demandé souvent de mourir ce jour-là. Il comptait les heures qui ne s'écoulaient pas assez vite au gré de ses désirs . Vers les dix heures du soir, il dit en soupirant : « Ah ! ce ne sera donc pas encore pour aujourd'hui. » — « Non, lui répondit son confesseur, mais ce sera pour demain ; car un visiteur de Marie doit mourir un samedi. » A minuit, il prend de nouveau son crucifix, le presse contre son cœur, puis sur ses lèvres, atten- dant le moment de sa mort. Une heure après : « Nous nous en allons, dit-il, avec un sourire de bonheur inexprimable, nous nous en allons. . . en paradis. » Le
loi SA LUS INF1RM0IU M
prêtre le voyant près d'expirer, ajouta : « Fils de Marie, montez au ciel ! » Et le serviteur de la Vierge exhala son dernier soupir dans le cœur immaculé de sa divine Mère. — Ainsi meurent les vrais enfants de Marie !
ARTICLE TROISIÈME. Marie, avocate des âmes au jugement.
Mourir est une chose triste : ce n'est cependant pas ce qu'il y a de plus lamentable dans notre fin ; l'agonie, si cruelle qu'elle soit, est toujours courte ; la mort plus encore est l'œuvre d'un moment. Mais ce qui doit ef- frayer le plus, c'est le jugement sévère qui va fixer ir- révocablement le sort pour l'une ou l'autre des deux éternités. Qiiil est redoutable, en effet, de tomber entre les mains du Dieu rivant, de comparaître seul avec ses œuvres bonnes ou mauvaises, en présence de Celui qui sonde les cœurs et les reins, qui juge les justices mêmes ! Armé de sa science infaillible et de la plus équitable justice, il fera voir alors, sans que l'on puisse y opposer de réclamation, tous les péchés de la vie : péchés de l'esprit et du cœur ; péchés intérieurs et des sens ; péchés de paroles, d'actions et d'omissions ; péchés secrets et publics ; péchés personnels, péchés d'autrui. Il en montrera le commencement, les progrès et la fin , il en comptera le nombre, en démêlera les circonstances et les espèces, en recherchera les motifs, en mesurera la durée, en calculera toutes les suites. Quel effroi et quelle honte, quand se déroulera cette lon- gue chaîne de fautes sur lesquelles on cherchait à s'é- tourdir, voulant à peine les reconnaître? Le bien même et Les vertus n'échapperont pas à la discussion sévère du souverain Juge, qui doit peser au poids du sanctuaire tions les plus saintes. Ah! quelle surprise atté- rante, quand on verra peut-être le peu de valeur de ces
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œuvres et de ces vertus sur lesquelles on fondait quel- que espoir. Mais devant un Juge aussi rigoureux ne se présentera-t-il donc pas de défenseur ? Ici encore, ban- nissez toute alaime, dévots serviteurs de Marie ! Tant de fois vous Pavez priée sous le titre d'avocate, advo- cata nostra ; elle se trouvera à cette heure suprême pour plaider éloquemment votre cause, et vous conti- nuer son ministère de miséricordieuse protection. Cette inépuisable bonté de la sainte Vierge s'accorde trop bien avec les instincts de son cœur, pour que nous de- vions avoir à cet égard la moindre défiance. Néanmoins, il nous sera agréable de voir cette consolante vérité appuyée sur les raisons les plus solides et sur les té- moignages les plus imposants des Pères et des Doc- teurs de l'Eglise.
I. Nous venons de quitter le monde ; une famille éplorée entourait notre lit de mort ; les fidèles amis étaient à nos côtés ; le ministre de Jésus-Christ nous prodiguait les consolations de la foi ; le viatique des mourants avait réconforté notre âme ; et des prières ferventes sollicitaient pour nous la grâce d'une heu- reuse fin. A cette pieuse assistance s'était adjointe Notre-Dame de la bonne mort ; car à l'heure décisive, une mère n'abandonne pas son enfant ; sa sollicitude habituelle, au contraire, s'accroît de l'urgence du péril et des besoins. Et maintenant que sans amis, sans pa- rents, sans le prêtre, nous allons comparaître au tribu- nal de son Fils et entrer dans les régions de l'éternité, Marie, la plus dévouée des mères, nous laisserait seuls, dénués de tout appui, de toute défense, au moment où nous en avons le plus besoin ! Ah ! gardons-nous de l'outrager par une telle défiance de sa tendresse ! Ce serait nous rendre indignes de la ressentir alors. En- fants de Marie, apprenons à mieux connaître notre Mère.
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Et ne fut-elle pas assidue près de son Fils à toutes les heures pénibles ? Hérode en veut à ses jours : elle s'enfuit en Egypte, le portant dans ses bras : à la - ar- tie du temple, son absence momentanée lui cause les plus cruelles inquiétudes : il commence ses courses èvangéliques : elle est à la suite avec les saintes femmes : l'heure est venue de boire le calice de sa passion ; son dévouement de Mère se montre encore plus empressé ; elle l'accompagne gravissant la montagne du sacrifice, elle assiste à son agonie, reçoit son dernier soupir et enfin son corps inanimé, qu'elle embaume et dépose dans le sépulcre où se prépare la résurrection. Son amour maternel ne s'arrête que quand tout est con- sommé. C'est de la même assistance qu'elle vous en- toura dans toutes les circonstances de votre vie : elle s'est trouvée présente à votre entrée clans le monde, et vous adopta pour enfant au sortir de la piscine sacrée ; elle vous ouvrit de son égide tutélaire, et vous con- duisit comme par la main dans toutes les péripéties de votre pèlerinage : elle se trouva au chevet de votre couche pour vous obtenir une sainte mort. Ah ! ne crai- gnez point que là se termine son ministère de protec- tion : elle ne peut le laisser incomplet : mais, vous pre- nant dans ses bras, elle vous portera sur les marches du trône de son Fils, pour consommer, par un jugement qu'elle vous rendra favorable, l'œuvre de votre salut. II. Sur ce point consolant, les Pères et les Docteurs de l'Eglise n'ont qu'une voix. « Cette Mère compatis- sante, écrivait saint Jérôme à la Vierge Pulchérie, non contente de vous avoir assistée à la dernière heure, viendra a la rencontre de votre — « elle L'em-
portera dans le- plis de sa robe, dit mgénieusemenl saim Liguori, el la présentera elle-même au redoutable tribunal de sou Fils, afin qu'il lui ><»it propio
SA LUS INFIRMOMJM 157
(( Pourra-t-il nous être sévère, dit Richard de saint Laurent, lorsque cette Mère, qui est aussi la nôtre, tiendra en main les pièces du procès et plaidera élo- quemment notre cause ? C'est une avocate si prudente, si habile et si puissante, que son Fils ne saurait con- damner les coupables dont elle entreprend la défense.» — « Mère du criminel et Mère du Juge tout à la fois, dit aussi saint Bernard, elle ne souffrira pas qu'il y ait de la discorde entre ces deux frères et mettra tout en œuvre pour les concilier. » Devant les tribunaux de la terre, l'accusé est plein de confiance, lorsqu'il a pour défenseur un homme que son caractère et ses talents rendent recommandable, il compte sur la puissance de sa parole, sur l'autorité de son nom , sur le prestige de ses vertus, il espère. Mais, si c'était la mère de son juge qui voulût bien prendre sa défense, aurait-il la moindre inquiétude sur le gain de sa cause ? Qu'avons- nous donc à craindre du jugement que portera le plus miséricordieux des fils en présence de la plus aimée des mères ? C'est pourquoi saint Jean Chrysostôme ne craint pas d'avancer, « que Marie sauve par sa miséricorde, ceux à qui son Fils en rigueur de justice ne peut pas faire grâce . » Ne vous semble-t-il pas voir une espèce de combat entre le Dieu qui veut frapper et Marie qui arrête les coups, entre le Fils qui voudrait perdre et la Mère qui veut sauver ? et c'est la Mère qui triomphe. « Je me la figure, dit aussi le pieux Thomas à Kempis, s' adressant ainsi à Jésus : 0 mon Fils, je vous en con- jure par votre amour pour moi, ayez pitié de l'àme de votre serviteur ! Vous le savez, vous l'avez vu, il m'a consacré son cœur et ses louanges. Combien souvent, les anges ne sont-ils pas venus m apporter la dévote et joyeuse Salutation recueillie sur ses lèvres ! Que de fois il a médité sur nos douleurs ei nef ro amour ! Souvenez-
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vous donc aujourd'hui de son dévouement, et souffrez qu'il trouve miséricorde devant votre face î » et une telle prière pourrait essuyer un refus ! Non ! ce sont des prières de mère, c'est-à-dire les plus puissantes, les plus irrésistibles. — a Qui me dira que je ne trouverai pas mon Juge favorable, s'écriait à son tour saint Bo- naventure, si j'ai pour moi la Mère de miséricorde ? J'ai espéré en vous, ô Marie, et je ne serai point con- fondu.)) Et, dans l'excès de sa joie, il ajoute : « O bonté admirable de notre Dieu, qui n'a pas voulu que la sen- tence que nous avons encourue nous effrayât, et qui nous a donné pour avocate sa Mère elle-même î »
David allait passer au fil de l'épée Nabal et tous ceux de sa maison, si Abigaïl ne se fût interposée en faveur des coupables. — Que disait Esther au roi Assuérus ? Si j'ai trouvé grâce à vos yeux, ô prince, accordez-moi le salut de mon peuple. Et ces deux avocates furent puissantes ; car elles sauvèrent la vie de ceux qu'elles défendaient. « Mais Marie, dit encore saint Bernard, est plus qu' Abigaïl, plus quEsther ; elle est mère, elle demande à son Fils la vie d'une àme qui lui est si chère, et cette âme lui est don- née.» Voici, à l'appui de cette vérité., un trait charmant, que rapportent saint Antonin et saintLiguori. Un grand pécheur se crut comparaissant au tribunal de Dieu. Le démon présentait contre lui l'inventaire détaillé de tous ses péchés, qui dans la balance se trouvèrent peser beaucoup plus que ses bonnes œuvres. Marie, qu'il n'avait point oubliée dans ses désordres, était là ; et avançant sa douce main, elle la plaça sur l'autre bassin de la balance qu'elle lit ainsi pencher en faveur de son client. Peut-on mieux exprimer sa puissante influence sur le jugement que va prononcer son Fils ? — Sainte Brigitte fut aussi favorisée de cette conso-
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lante révélation. Un de ses fils, bien dévoué à la sainte Vierge, venait de périr dans un combat, ce qui met- tait sa mère dans la plus vive anxiété sur son sort éternel. Marie, prenant pitié de cette mère si sainte- ment désolée, lui fit connaître qu'elle avait assisté son fils mourant, qu'elle l'avait protégé devant son Juge, qu'il était au nombre des bienheureux. — 0 bonne Mère ! c'est bien avec raison qu'un de vos serviteurs a dit : « Si Marie est pour nous, qui sera contre nous ? » Morale : Elle doit donc nous établir dans une grande sécurité contre les rigueurs du jugement, cette puis- sante intervention de la sainte Vierge, qui alors prendra vivement notre défense. Néanmoins, en nous reposant sur elle, faisons dès maintenant de notre côté tout ce qui peut nous rendre ce jugement moins formidable et moins sévère. Un moyen des plus effi- caces, c'est, selon le conseil du Sage, de préparer nos comptes avant de les présenter à notre Juge ; c'est comme le dit saint Paul, de prévenir le jugement de Dieu en nous jugeant nous-mêmes, pour y paraître, ainsi que le recommande saint Bernard, tout jugés et non pas comme un homme à juger : Volo judicatus prcesentari, non judicandus. Au lieu donc d'être si habiles à excuser nos défauts, à nous pardonner nos fautes, à trouver des prétextes pour justifier nos omis- sions, notre vie peu chrétienne, devenons plus soi- gneux et plus sévères à peser toutes nos pensées, nos paroles et nos œuvres dans la balance de Dieu : con- frontons-les avec son infinie sainteté ; voyons de tout près s'il peut avoir pour agréables l'intention qui nous dirige, le motif qui nous anime, les efforts de notre volonté, le degré de perfection que nous avons atteint ; assurons-nous bien que son œil perçant n'y découvre rien qui puisse lui déplaire. C'est par cette pratique
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éminemment utile, que les saints se préparaient à pa- raître avec moins d'alarmes an tribunal de Dieu.
Un autre moyen également salutaire, c'est avant chacune de nos actions, de nous rappeler qu'elle sera présentée an jugement, pour y devenir un titre à la récompense ou au châtiment, selon son degré de malice ou débouté. Qui oserait jamais se portera un acte mauvais sous les yeux d'un juge de la terre, qui a en main le pouvoir de l'en punir? Mais la pensée du Juge suprême et infaillible devant qui nous compa- raîtrons un jour, rendu sensible à notre esprit par la foi, ne sera-t-elle pas un frein beaucoup plus fort sur la pente du mal, dans la violence de la tentation, dans l'entraînement de l'occasion? Et pourra-t-on ne pas mettre toute la perfection possible à des œuvres qui doivent être pesées au poids du sanctuaire ? Car, au souvenir du jugement de Dieu se rattache nécessaire- ment la pensée de sa science éclairée qui connaît tout, de sa justice souverainement équitable à laquelle rien ne peut être opposé, de la sévérité de la sentence que nulle puissance ne peut adoucir, et qui va fixer irré- vocablement le sort pour des siècles sans fin. Or. est- il rien au monde qui puisse dès maintenant impres- sionner l'âme, la détourner du mal et la porter à toute espèce de bien, comme cet ensemble de circonstances dont se composera la scène qui termine le temps et commence l'éternité? Il est donc éminemment sage ce conseil de l'Esprit-Saint : Souvenez-vous de vos fuis dernières, pour ne point pécher ; conseil si bien re- produit par les vers suivants :
Mortel, quoiqu'il i bas tu veuilles entreprendre,
ge a ce compte exa<t qu'un jour il on faut rendit'. Et mets devant tes yeux celte dernière tin. Qui fera ton mauvais mu ton heureux destin.
le avec quel front tu pourras comparaître, Devanl le tribunal de ton souverain Maître,
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Devant ce juste Juge à qui rien n'est caché, Qui jusque dans ton cœur sait lire ton péché, Qu'aucun don n'éblouit, qu'aucune erreur n'abuse, Que ne surprend jamais l'adresse d'une excuse, Qui rend justice à tous, et pèse au même poids, Ce que font les bergers et ce que font les rois.
(Pierre Corneille).
0 Marie! quand viendra le terrible jour du juge- ment, où notre vie sera sévèrement examinée, inter- cédez auprès de votre Fils afin que notre partage soit d'être avec les saints. (In tremendo Dei judicio.)...
Pratique : Se demander, avant de s'endormir, si Ton est en état de paraître au jugement.
EXEMPLES
VIVES CRAINTES DU JUGEMENT
Job lui-même, cet homme juste, tremblait au seul souvenir du jugement . Que deviendrais-je, s'écriait-il, quand Dieu se lèvera pour me juger*. Que lai répon- dfai-je quand il m'aura examiné et convaincu? Et cette pensée le pénétrait de la plies vive crainte pour toutes ses actions. Hélas! se disait-il encore, en me croyant innocent, je serai trouvé criminel.
— On sait ce qu'avait fait saint Paul pour gagner des âmes à Jésus-Christ. Les peines et les persécu- tions en tout genre ne lui manquèrent pas : ses veilles et ses travaux avaient été continuels, ses succès im- menses. Cependant, ce vase d'élection, cet homme tout divin frémit en pensant au jugement de Dieu. Il craint, qu'après a voir prêché aux autres, Une soit mis au nombre des réprouvés ; parce que, dit-il, Celui qui do// me juger est un Dieu dont les regards per- çants voient tout, et pourrait découvrir les iniquités là où les yeux des hommes n'aperçoivent que des vertus.
— Jérôme, après une vie entièrement consumée à
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la défense de l'Eglise et à la conduite des âmes, mal- gré les plus, sanglantes austérités dans la solitude, peut à peine se rassurer contre les terreurs que lui inspire ce véritable jugement. Il en a continuellement l'image devant les yeux, et croit entendre à chaque instant le son effrayant delà trompette qui l'y appelle.
— Saint Hilarion, retiré au désert dès l'âge de quinze ans, en avait passé soixante dans la plus rigoureuse pénitence . Toute sa nourriture consistait dans un peu de pain d'orge et quelques herbes. Son lit ne se com- posait que de roseaux étendus par terre. Néanmoins, aux approches de la mort, il est saisi de frayeur, à la pensée du jugement qu'il va subir. Sa vive crainte n'était un peu tempérée que par la confiance en Jésus- Christ et en sa sainte Mère.
— Cette même appréhension pénétrait tellement le grand Augustin, qu'il ne cessait de demander à son peuple le suffrage de ses prières. Et dans les derniers jours de sa vie, il voulut qu'on plaçât autour de son lit les plus touchants versets des psaumes de la Péni- tence, afin de s'exciter davantage à la componction du cœur, avant de paraître devant son juge. « Malheur à la vie, même la plus pure, s'écriait-il, si vous l'exa- minez sans miséricorde, ô mon Dieu. »
CHAPITRE XXXVII
REFUGE DES PÉCHEURS
Nos maladies les plus dangereuses ne sont pas celles qui crucifient nos membres, et ne peuvent après tout nous ravir qu'une passagère et misérable vie, mais celles qui atteignent nos âmes immortelles, et nous mènent par la honte el le remords à l'éternité malheu-
REFUGIUM PECCATOHUM 163
reuse. Ces maladies, ce sont nos passions ; les plaies, ce sont nos péchés ; maladies terribles, plaies profondes et très difficiles à guérir. Dieu, néanmoins, dans sa mi- séricordieuse bonté, y a préparé un remède ; c'est la toute-puissante entremise de Marie. Si le ciel s'ouvrait, que nous serions ravis de reconnaître, sous leurs vête- ments de gloire, des phalanges de saints dont la vie n'avait été d'abord qu'une longue succession de crimes et de désordres, mais à qui la divine Mère a obtenu la grâce du repentir et du pardon, vérifiant ainsi le titre si doux de Refuge des pécheurs ! Oui, sa miséricorde autant que sa puissance à les tirer de leur malheureux état, sont un fait authentique, et qui intéresse au plus haut degré toutes les classes de chrétiens. Le juste lui- même ne péche-t-il pas sept fois par jour? Et qui sait jamais s'il est digne d'amour ou de haine ? Il sera donc bien consolant de voir les raisons qui justifient ce titre de Marie. Ce sont:
I . La ressemblance admirable entre son cœur et le cœur de Jésus ;
II. La mission de miséricorde qu'il lui donna du haut de la Croix ;
III. Sa qualité de Mère reçue alors, et l'état mal- heureux du pécheur ;
IV. Le témoignage unanime des saints Pères et Docteurs de l'Eglise, qui sera complété par quelques allégories.
ARTICLE PREMIER
I. Marie doit aimer les pêcheurs , à cause de la parfaite conformité de ses affections avec celles de Jésus. — Marie, n'en doutons point, partage les dis- positions de son cher Fils ; jamais deux cœurs ne furent plus ressemblants. Or, le caractère distinctif de Jésus- Christ fut la bonté et la miséricorde envers les pécheurs,
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objet spécial de sa venue sur la terre. Avant de leur en donner la preuve la plus significative par le sacrifice de sa vie sur le gibet de la Croix, avec quelle bonté, en mille circonstances, ne les a-t-il pas accueillis ! Ainsi, le publicain lui crie avec confiance : Ayez pitié de moi qui suis un pécheur; et Jésus le justifie à l'instant même. — Madeleine, cette grande coupable, verse à ses pieds une larme de repentir ; et tout de suite, elle entend de la bouche même du Sauveur, que ses péchés sont remis, parce quelle a beaucoup aimé. — On lui amène une femme surprise en adultère, et il trouve le secret de ne point la condamner, sans encourir le reproche d'une clémence trop indulgente. — Le bon larron lui demande sa gloire ; et il lui en donne l'assurance par ces précieuses paroles : Vous serez aujourd'hui avec moi enparadis. Et. pour nous ren- dre plus sensible encore son immense charité envers les pécheurs, il se peint sous différentes images ; tan- tôt, d'un père inconsolable de l'absence de son enfant, et faisant éclater de toutes manières la joie que lui cause son retour ; tantôt, d'un pasteur qui laisse là les quatre-vingt-dix-neuf brebis restées fidèles, pour cou- rir après celle qui s'est égarée, et qui, loin de la mal- traiter, la rapporte sur ses épaules pour lui épargner la fatigue du voyage ; tantôt, de cette femme qui ayant perdu une drachme, bouleverse toute la maison, ne se donne de repos que quand elle l'a retrouvée, et convo- que toutes ses voisines pour prendre part à son bon- heur . Images assurément très imparfaites de l'affliction • le Jésus sur Féloignement du pécheur, de son empres- sement à le rechercher, de sa joie à le recevoir, de sa charité à dissimuler et à ouvrir ses uffenses.
Eh bien ! tel fut le Fils, telle fut la Mère, cor Filii, cor Mariœ. Eli..- aussi aime les pécheurs, qod sans
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doute d'un amour de prédilection, que, comme son Fils, elle réserve pour les justes; mais de cet amour de compassion, qui la porte à s'attendrir sur leurs mi- sères et leurs besoins, plus qu'elle n'est sensible à leurs outrages. Ainsi que Jésus qui ne demandait qu'à déployer sa puissance et sa bonté, témoin Lazare qu'il rend aux lamentations de ses sœurs ; le fils de Natin et la fille de Jair pour lesquels il se laisse toucher par les prières et les larmes de leurs mères, Marie aussi, pénétrée de la plus tendre commisération pour ses en- fants, met son bonheur à leur en donner des preuves. — Il est rapporté par saint Liguori qu'un pécheur pleurant aux pieds d'une statue de la Vierge, vit cette tendre Mère offrir ses larmes à Jésus, en lui disant : « Mon Fils, ces larmes seront-elles perdues ? « Et Jésus répondit qu'il pardonnait.
IL Marie doit aimer 'les pécheurs, en vertu de la mission de miséricorde qu'elle a reçue du haut de la Croix.— Quelques instants encore, et Jésus aura consommé l'œuvre de la rédemption. Mais, qui va-t-il charger, à ce moment suprême, de veiller à ce qu'au- cun fruit ne soit perdu de ce sacrifice si douloureuse- ment consommé ? Les apôtres se sont enfuis, un seul excepté : son dévouement autant que son amour de la virginité lui mériteraient, sans doute, l'honneur d'ou- vrir la voie du pardon au repentir ; mais le Sauveur a d'autres pensées. Pour compatir aux plus profondes des misères, celles où conduit le péché, il faut un cœur tout pétri, tout composé de mansuétude et de charité ; il faut un cœur de mère. Jésus va donc en créer une, véritablement digne de ce nom : ce sera îa sienne, ce sera Marie ! Femme, lui dit-il, en nous dé- signant dans la personne de saint Jean, voici vos en- fants désormais ; dilatez vos entrailles, bonne Mère,
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pour y recevoir cette nouvelle et nombreuse famille : Eh ! Seigneur, aurait-elle pu dire, à quels enfants me forcez-vous d'ouvrir mon sein ! Celui-ci est un impie ; celui-là un libertin ; cet autre un blasphémateur ; voilà encore tant d'endurcis ! Mais non ; ni plaintes ne s'é- lèvent dans son cœur, ni réclamations ne s'échappent de ses lèvres. C'est ainsi que, en vertu d'une sorte de contrat formulé par la bouche de l'Homnie-Dieu mou- rant, et accepté par le cœur de Marie présente, elle devint la Mère, et par là même le Refuge obligé de tous les pécheurs, qui composent la majeure partie de la famille. L'avez-vous entendu, frères infortunés ? De par la volonté formelle d'un Dieu, vous avez place au cœur de la plus aimante des mères. Ce qui vous Pas- sure encore, c'est que,
III. Vous êtes, pêcheurs, malheureux, et qa'Elle est votre Mère . — Est-il donc bien vrai que les en- nemis de Dieu, les plus vils des êtres, inspirent un si tendre intérêt à la sainte Vierge; que Celle qui fut toujours sans tache, daigne abaisser ses regards si purs sur des monceaux d'iniquités ? Comment Marie, cette beauté céleste, toute rayonnante de sainteté, peut-elle éprouver quelque attrait pour un malheu- reux, tout dégoûtant de plaies honteuses et gangre- nées ? Voici le mot de ce mystère. Rien n'égale son horreur pour le péché ; il fait un si prodigieux con- traste avec son innocence ! Et c'est précisément pour cela qu'elle voudrait voir disparues ces abominables souillures. Pouvons-nous donc douter qu'elle en ins- pire le repentir, quelle l'accueille et le présente à son Fils avec l'autorité de sa prière, qui obtiendra sûre- ment la grâce du pardon? Pourrait-elle, d'ailleurs, ne pas observer elle-même dans toute sa perfection ce J*écepte de sublime charité, qu'elle a mille fois en
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tendu : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ; priez pour ceux qui vous per- sécutent. Or, les pécheurs sont ses ennemis, comme ils sont les ennemis de son Fils ; elle doit donc les ai- mer.
Et aussi parce qu'ils sont malheureux. La raison nous dit que tout être hors de la loi souffre et gémit. Or, un cœur coupable s'est soustrait à la loi essen- tielle, qui est Dieu ; et il n'est point heureux. La foi dit, à son tour, qu'il n'y a point de paix pour Vimpie. L'expérience que dit-elle ? Les coupables avouent eux- mêmes que le chemin de l'iniquité, qui paraissait semé de roses, s'est trouvé hérissé d'épines : les pécheurs sont donc des êtres malheureux. Eh bien ! qui leur portera plus d'intérêt ? Qui aura pour eux plus de remèdes pour leurs maux, que la Femme de douleurs, dont l'existence ne fut qu'une succession de peines et d'angoisses ? Elle peut bien dire, comme cette infortu- née reine de l'antiquité : « Mes propres souffrances m'ont rendue sensible à celles d'autrui. » Son sein maternel, si cruellement déchiré, sera donc un asile ouvert à toutes les infirmités spirituelles : et qui a plus de droit d'y être admis, que les plus malades, les pécheurs conséquemment ?
Elle est Mère, ne l'oublions pas ! Or, pour lequel de ses enfants une mère a-t-elle plus de tendresse, plus de soins compatissants et empressés ? N'est-ce-pas pour celui qui de sa faute ou non est souffrant, malade ou disgracié de la nature? Fut-il vicieux, elle oublie qu'il est méchant, pour ne voir en lui qu'un être mal- heureux et d'autant plus digne de pitié. Quelle est la mère qui, voyant son fils atteint d'une blessure mor- telle et accourant pour trouver auprès d'elle un prompt secours, irait s'irriter contre lui, et ne s'empresserait
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pas plutôl de lui prodiguer ses -oins, avec d'autant plus de dévouement et d'adresse que ses plaies sonl plus profondes? Ainsi, pécheurs, l'excès de vos maux, loin de rebuter Marie, ne lui apparaîtra en vous qu'un div.it de pi us à sa miséricorde. Qu'elle voie une larme couler de vos yeux, la confiance et le repentir agiter votre cœur, plus vite encore elle s'occupera d'obtenir votre pardon, et si le retour d'un seul pécheur cause tant de joie parmi les anges, quelle doit être celle de la Reine du ciel, et que ne fera-t-elle pas pour jouir le plus souvent possible de ce bonheur !
Elle est Mère ! Or, quelle est la fonction principale de la maternité ? C'est de donner l'existence. Mais quelle vie peut donner la Vierge ? Ce ne peut être que la vie spirituelle. Et à qui ? N'est-ce pas à ceux chez lesquels le péché l'a éteinte ? Venez donc, pécheurs, en toute assurance, venez renaître dans les entrailles vivifiantes de votre Mère.
Mais en devenant leur Mère, elle n'a pas cessé d'être la Mère de Jésus-Christ. Elle est donc à la fois Mère d'enfants pécheurs, et d'un Fils qui n'a jamais péché ; mère de ces frères fratricides qui n'osent plus lever les yeux vers Celui qu'ils ont outragé et mis à mort. Or, qui apaisera les inimitiés divisant des frères ? Qui re- nouera les liens brisés entre les membres d'une même famille ? N'est-ce pas la mère ? Marie, en vertu de ce titre qu'elle a accepté pour en remplir toute l'étendue, est doue la plénipotentiaire, la fondée de pouvoirs pour opérer cette réconciliation. Oui, des hauteurs de sa gloire, elle descendra dans l'abîme où gémit le pé- cheur, lui inspirera le regret et l'aveu de son crime, et retournera près de Jésus pour conclure avec lui le traite de paix.
Morale : Quel pressant motif de confiance, pour
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vous, infortunés pécheurs ! Si enfonces que vous soyez dans les profondeurs du crime, dans la fange des vices ; enssiez-vous amassé sur vos têtes des montagnes d'ini- quités ; fussent-elles rouges comme 1 ecarlate, multi- pliées comme les grains de sable qui couvrent le bord de la mer ; gardez-vous de pousser le cri satanique de Caïn : Mon pèche est trop grand pour que fen ob- tienne le pardon. Non, non! tout n'est pas désespéré. N'avez-vous pas en la très sainte Vierge une Mère, dont la miséricorde surpasse vos iniquités de beaucoup plus encore que le ciel n'est au-dessus de la terre ? Par les larmes d'une sincère pénitence, qu'elle présentera à son Fils, et par l'application de ses mérites, votre àme peut redevenir blanche comme la neige : ouvrez donc votre cœur à l'espérance. Quand on s'est oublié jusqu'à injurier, offenser une personne, on ne peut se défendre d'une vive crainte de paraître devant elle, fût-ce même pour lui en témoigner son repentir, à plus forte raison pour lui demander grâce ; et comme alors on serait allégé, si un ami commun venait offrir sa médiation entre l'offenseur et l'offense ! Mais, si la mère elle-même daigne interposer en faveur du cou- pable la puissance de son crédit auprès d'un fils plein de tendresse pour elle, quel doux espoir et quelle joie renaissent au fond de l'àme ? Pauvres pécheurs ! voilà pourtant ce qu'est pour vous la Vierge débonnaire auprès d'un Fils dont vous avez méconnu l'amour et méprisé la souveraine majesté. Ah ! fussiez -vous mille fois plus coupables, prenez courage. Si jusque-là, lors même que vous ne pensiez plus à l'invoquer, elle a été, croyez-le bien, un paratonnerre invisible contre la divine justice, doutez-vous qu'elle de- vienne aujourd'hui votre grand Propitiatoire et vo- tre inviolable refuge? N'oubliez pas que, si Jésus est
PARAPHRASE. — T. H. 10
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le bon Pasteur, Marie est la divine Bergère, et que ni l'un ni l'autre n'a jamais refusé de rapporter sur ses épaules la brebis égarée.
Allez donc, enfant prodigue, couvert des haillons du péché, pâle et défait par le vice et la misère, allez vous jeter à ses pieds, elle vous ménagera la rentrée dans la maison paternelle, vous rétablira dans tous vos droits et dans l'amitié de votre Père céleste.
Voilà, ô sainte Vierge Marie, ce que nous osons bien promettre aux pécheurs de votre part, assurés que nous sommes de votre fidélité à l'accomplir. Puissions- nous l'éprouver tous, à quelque degré que nous soyons coupables. Ange de notre pardon, vous serez l'objet ici-bas de notre reconnaissance la plus vive, et au ciel de nos éternelles louanges .
Maxime : Ne jamais désespérer à la vue de ses pé- chés : sainte Catherine de Sienne assure que Dieu est plus offensé du désespoir du pécheur que de tous ses autres crimes. C'est à la confiance que Jésus-Christ accordait ses faveurs.
EXEMPLES
LE BON LARRON
En preuve de la bonté de Marie pour "les pauvres pécheurs , nous pourrions apporter , presque sans choix, tous les traits qui abondent dans les écrits com- posés en son honneur . Car, c'est envers les pécheurs surtout que de tout temps elle s'est plu à faire éclater la force de son crédit et l'étendue de sa clémence. Nous allons citer le premier des actes où elle l'a montré.
Aux côtés de Jésus mourant, deux criminels subis- saient la juste peine de leurs forfaits ; peut-être même avaient-ils mêlés leurs blasphèmes à ceux de la popu- lace déicide ! Tout à coup, l'un d'eux, touché, atten-
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dri, reconnaît le Crucifié pour le fils de Dieu, avoue humblement ses crimes et les déplore ; il se livre à la confiance et demande miséricorde. Sa douleur est ac- ceptée, et il reçoit de la bouche même de Jésus l'assu- rance que le ciel lui est ouvert. D'où vient que ce n'est qu'à ce dernier moment que le larron se rend justice et ouvre son cœur au repentir? Ah! c'est peut-être que jusque-là il n'avait rencontré personne qui s'inté- ressât à demander et obtenir la grâce de sa conversion. Mais au pied de la Croix, se trouvait la sainte Vierge, qui venait d'être proclamée la mère des humains . Est- ce trop présumer de son bon cœur, de lui attribuer une large part dans un changement aussi subit? Les sou- pirs de ce coupable, passant par elle, arrivèrent de sa toute-puissante médiation jusqu'à Jésus, qui voulut de suite, par un acte solennel, justifier son titre de Re- fuge des pécheurs : d'un brigand elle en fait un con- fesseur et un martyr. Saint Pierre Damien et saint Liguori ne craignent pas d'affirmer que c'est à ses prières que le bon larron dut sa conversion et son sa- lut : Vlrgo pro latrone preces effudit, primusque extitit peccator quisanctissimœ Mariœ rogala resi- puit (P . Dam . ) .
— Un jour Marie apparut à sainte Gertrude avec son manteau entr'ouvert , sous lequel s'était réfugiée une troupe de bêtes féroces, lions, tigres, etc... et non- seulement la Vierge ne les repoussait pas, mais elle les accueillait, leur souriait, et leur prodiquait les caresses les plus tendres avec une grande commiséra- tion . La Sainte reconnut dans cette vision une image sensible de sa bonté pour les pécheurs les plus coupa- bles, quand ils vont avec confiance se réfugier dans ses bras.
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ARTICLE SECOND Témoignages des saints Pères ; — Ingénieuses allégo- ries en faveur de cette consolante vérité
Ce fut chez les anciens une généreuse pensée d'ou- vrir aux criminels un asile qui s'appelait lieu de refuge, où la vengeance de leurs ennemis, et même le glaive de la justice ne pouvait les atteindre : ces lieux protecteurs défendaient le faible contre le fort, l'inno- cent contre le méchant, l'opprimé contre son oppres- seur , l'immense population des esclaves contre les cruautés des maîtres inhumains. Là encore, l'accusé ne pouvant être recherché ni puni, jouissait du temps nécessaire pour justifier son innocence, ou intéresser les juges en sa faveur.
Sous la loi de Moïse, Israël aussi était doté de ces asiles, où les coupables s'abritaient contre la sévérité de la justice. Tous les chemins qui y conduisaient devaient être aplanis et désignés par des poteaux, afin que l'accès en fût plus facile et plus sûr.
Ce n'était là qu'une bien pale image de ce que nous possédons sous la loi de grâce. La miséricorde divine a ménagé, chez le peuple chrétien, un lieu de refuge, où les pécheurs sont assurés de trouver le plus bien- veillant accueil et la sécurité : c'est le cœur de Marie. Nous avons déjà vu à combien de titres ils lui sont chers. Mais c'est là une vérité qui répand dans le cœur coupable un si doux baume d'espérance, qu'elle ne saurait y être gravée trop profondément. Voyons donc d'abord les témoignages si imposants des saints Pères et des Docteurs qui l'établissent : ensuite quel- ques ingénieuses ai. la mettront dans son plein jour.
I. Merveille» v accord dessalais Pères el des Doc- teurs à pro lamer la clémence de Marie envers les
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pécheurs. — Qu'il nous serait agréable de dérouler devant vous dans toute leur étendue, ces pages tou- chantes écrites par tout ce que l'Eglise compte d'il- lustrations parmi les Pères et les Docteurs, qui, après la sainte Ecriture , sont les oracles de la doctrine catholique ! Vous y verriez en quels termes magni- fiques ils exaltent comme à l'envi une des plus déli- cieuses fonctions de la Vierge, celle d'être la douce réconciliatrice des pécheurs. Vous entendriez saint Léon enseigner, « que le trône de Marie s élève sur la miséricorde, où plutôt qu'elle est elle-même toute miséricorde et toute charité ; » — saint Augustin la proclamer « l'espérance de ceux qui n'en ont plus; » — saint Ephrem l'appeler « la puissante ressource de tous les pécheurs, le port assuré de ceux qui ont fait naufrage ; » — • le vénérable Pierre de Blois vous dire c< qu'elle est la joie de ceux qui ne connaissent point le bonheur ici-bas ; que lorsqu'elle n'est plus le para- dis de l'innocence, elle est toujours l'asile du repen- tir;»— saint Anselme nous assurer, « que sa très indulgente miséricorde n'a jamais méprisé aucun suppliant, quelque grand pécheur qu'il fût ; que, s'il appartient à Jésus-Christ, comme Juge, de punir, il appartient à Marie, comme avocate et comme mère, d'avoir toujours compassion du pécheur. « Il aimait à répéter souvent que, s'il avait déjà un pied dans l'en- fer, la main maternelle de Marie viendrait l'en arra- cher au premier de ses cris ; à plus forte raison empêchera-t-elle d'y tomber. — Saint Bonaventure semble enchérir encore, lorsqu'il dit non plus seule- ment qu'elle est le refuge des pécheurs, mais qu'elle les adopte, et demande grâce pour eux. «0 Marie, s'écrie-t-il ensuite, le pécheur, fût-il devenu le rebut du monde entier, ne vous fait point horreur ; mais vous
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l'accueillez avec bonté, et ne le quittez point que vous ne l'ayez réconcilié avec son redoutable Juge. Elle était grande, dit-il encore, la miséricorde de Marie pendant son exil sur la terre ; mais maintenant qu'elle est au ciel, sa miséricorde a pris les proportions de sa gloire ; elle est d'autant plus étendue, que les innom- brables maux des hommes lui sont plus à découvert.» Et il exhorte avec zèle les pécheurs à pousser vers elle au moins un soupir du fond de leur misère. — Il est dit que le Seigneur a les yeux fio:és sur les justes , « mais, ajoute un autre saint Docteur, ceux de la Vierge sont fixés sur les pécheurs comme sur les justes ; car les yeux de Marie sont des yeux de mère ; et une mère veille sur son enfant, non-seulement pour qu'il ne tombe pas, mais pour le relever dès qu'il est tombé. » — Ecoutons encore sur cette douce vérité saint Thomas, nous disant de concert avec le pieux Gerson, « que Dieu semble avoir fait deux parts de son empire, donnant à Marie le sceptre de la miséri- corde, et réservant à son Fils seul, le redoutable glaive de la justice et de la vengeance. » Nous nous arrêtons, car il y aurait à transcrire sans fin de sem- blables passages.
Cependant nous ne pouvons priver votre piété des suaves paroles du dévot saint Bernard, cet admirable zélateur des gloires et des miséricordes de la divine Mère. « Pauvres pécheurs de la terre, s'écrie-t-il, nous avons envoyé devant vous une avocate au ciel, une mère de miséricorde, la Mère de notre Juge, qui traitera merveilleusement la cause de notre salut ! Là, elle n'est occupée que de nos besoins pour les soula- ger, de nos peines pour les consoler, de nos misères pour y remédier, de nos péchés pour en obtenir le pardon. Elle est, dit-il ailleurs, l'échelle des pécheurs
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et l'unique source de mon espoir. » D'où il conclut que « nul, si criminel qu'il soit, ne peut périr, si Marie lui prête l'appui de sa protection.» Après cet harmonieux concert de voix si éloquentes à exalter la clémence de Marie, pourrait-il nous en rester l'ombre même d'un doute ? Mais,
II. Quelques allégories du plus vif intérêt vont achever de nous en convaincre, et comme nous le faire toucher au doigt. — Une femme de Thécua s'é- tant présentée à David, lui demandait instamment sa protection, après lui avoir exposé ainsi le sujet de sa douleur, f avais deux fils, dit-elle ; en se querellant ensemble, l'un deux frappa et tua son frère. V indi- gnation publique est à son comble, et Von me dit de toutes parts : il faut que tu nous livres ton fils cou- pable, et que le sang qu'il a répandu soit vengé par sa mort. Mais pourrais-je jamais, moi sa mère, me priver de mon second fils ? Ne suîs-je pas assez mal- heureuse d'avoir perdu le premier? 0 roi, ayez pitié d'une mère désolée et ne permettez pas qu'on lui ravisse l'unique enfant qui lui reste. Attendri par une demande aussi raisonnable, David dit à cette femme de retourner dans sa maison, avec l'assurance qu'on ne l'inquiétera plus et que pas un seul cheveu ne tombera delà tête de son enfant. — Ici il n'y a que les noms à changer, et nous aurons l'histoire de Marie. Oui, voilà ce qu'elle fait pour les pécheurs. Elle va trouver le Seigneur et lui dit : J'avais deux fils, mon Jésus et l'homme que j'adoptai sur le Calvaire. Cet enfant a crucifié de nouveau mon Jésus ; son crime mérite la mort ; mais pourriez-vous, Seigneur, me priver encore de mon second Fils, après que j'ai déjà perdu le premier ? Et Dieu, touché de sa prière, sauve le pécheur.
176 REFCG1UM PECCATORUM
Nous voyons, dans une hymne liturgique, Marie dé- signée sous le nom de fenêtre du ciel : fenestra cœli fixcta est. Laissez-moi vous expliquer, par une com- paraison toute simple, le sens qui me parait caché sous cette gracieuse image. Un père de famille, cruel- lement affligé des désordres de son fils, a essayé de tous les moyens pour les arrêter. Insensible à toutes les défenses, il continue, selon son habitude, de ne rentrer que fort avant dans la nuit. Un jour, le père, poussé à bout, ferme solidement la porte et se retire. Mais la mère, dont le cœur se refuse à tant de dureté, et ne voulant pas, néanmoins, contrarier directement les volontés du père, va entr'ouvrir une fenêtre que son enfant puisse apercevoir pour rentrer au foyer. Voilà les mères ; voilà Marie merveilleusement ingénieuse à ménager au pécheur, même le plus indigne, le secret de revenir à la maison paternelle.
L'histoire raconte qu'un prince, justement irrité de la révolte d'un de ses sujets, avait résolu d'en tirer une vengeance éclatante. Le crime était certain, les preuves inattaquables et rigoureusement concluantes. Que fera ce malheureux, écrasé sous le poids de sa culpabilité? Inutilement chercherait-il à se justifier. Mais il lui vient en pensée d'aller trouver la mère du prince ; il la supplie avec larmes d'interposer la puis- sance de son autorité maternelle auprès de son fils. Croyez-vous que cette mère ait pu s'y refuser, et le fils résister à la prière de sa mère ? Cela n'est point dans les lois de la nature. Autant par condescendance que par respect, le prince lui accorde l;i grâce de son client. Voilà, pécheurs, le rùle de charité que Marie remplira près de Jésus, et ce qu'elle obtiendra, aus- sitôt que vous l'en prierez .
Alexandre-le-Grand ayant reçu d'Anjtipater une
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longue lettre qui chargeait gravement Olympias, sa mère, ne répondit que ces mots : « Antipater ne sait donc pas qu'une seule larme de ma mère effacerait toute une liste d'accusations ? » De même, une larme, un mot de Marie à Jésus abolira tous les crimes qui formeraient contre le pécheur la plus atterrante des accusations .
Morale : Pécheurs qui m'entendez, peut-être avez- vous fatigué le ciel et la terre par le nombre et Ténor- mité de vos attentats ; peut-être que votre vie, tissue de crimes et d'infidélités, vous jette, sinon dans le désespoir, du moins dans une grande défiance de la divine miséricorde ? Comment échapper, dites-vous, à la colère d'un Dieu que tant de fois j'ai irrité ? Me re- cevra-t-il, Celui qui souvent m'a appelé, et dont je n'ai pas écouté. la voix? Après avoir lassé sa patience et ses poursuites, puis-je espérer le retrouver encore ? Si je regarde le ciel, j'y vois non plus un Père tendre et miséricordieux, mais un Dieu armé de sa justice et de sa colère. Si j'abaisse mes yeux sur la Croix, ce signe consolateur de notre rédemption, j'entends le sang que j'ai profané crier vengeance contre moi . La terre avec ses bienfaits, dont Dieu l'a rendue prodigue pour l'homme, m'accuse d'ingratitude envers un si généreux bienfaiteur. Nos temples avec leurs autels, leurs tri- bunaux de paix, source abondante de consolations pour le juste, ajoutent à mes frayeurs.
De quel côté donc apparaîtra quelque lueur d'espé- rance ! Où trouver un asile contre le courroux du ciel ? Rassurez-vous, bien-aimé frère. Un accès facile vous est toujours ouvert près de Marie, cette bonne et ten- dre Mère à tous . Ne la voyez- vous pas qui vous tend les bras et vous invite à vous y jeter avec confiance, afin qu'elle vous présente à son Fils qui ne peut la re-
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pousser? Vos égarements, sans doute, ont contristé son cœur ; mais enfin, nous vous l'avons dit, vous n'en êtes que plus digne de sa pitié. Ah ! pourriez- vous res- ter insensible à tant de bonté ; toujours enchaîné dans les liens d'un dur esclavage, tandis que de sa main puissante elle peut les briser ; toujours sur le bord de l'abîme, ayant près de vous celle qui peut vous en éloi- gner ? Marie, ainsi que Jésus, peut bien se comparer à la poule-mère, qui veut rassembler ses petits sous ses ailes ; mais si un jour elle était forcée de vous dire le terrible et nolnisti, tu n'as pas voulu, ce serait le sceau d'une réprobation irréparable ! ... Ah ! tandis qu'il est encore temps, à l'aide de sa divine protection, met- tez-vous en sûreté contre un si grand malheur.
Oui, le voilà, ô tendre Mère, cet infortuné pécheur qui, profondément touché de votre miséricorde, dont il ne connaissait guère la vaste étendue, vient la saisir comme une planche de salut, pour sortir de l'abime de ses iniquités, et retourner au Dieu qui l'appelle. Vous lui viendrez en aide, et son pardon est assuré.
Pratique : Malgré tout l'espoir qu'on peut fonder sur la sainte Vierge, ne point différer sa conversion : si le pardon est promis au repentir, le lendemain n'est point assuré au pécheur.
EXEMPLES
LE PRÊTRE BERNARD ET LES CRIMINELS
Au commencement du 17e siècle, vivait à Paris un saint prêtre, nommé le prêtre Bernard, et surnommé le pauvre prêtre et le père des pauvres. Son emploi habituel était d'instruire les prisonniers, de travailler à leur conversion, et d'accompagner les criminels au moment de la mort. Un jour, entre autres, il en con- duisait un dont l'obstination avait résisté à toutes les
HEFUGIUM PECCATOI\UM 179
industries de sa charité, et qui à ses crimes ajoutait les plus horribles blasphèmes. Le P. Bernard, qui jamais ne désespérait, monte avec lui sur l'échafaud, lui dit de ces choses capables de vaincre les plus en- durcis à ce moment suprême de paraître devant Dieu ; il veut même l'embrasser. Mais pour toute réponse, il en reçoit un coup de pied qui le précipite sur le pavé. Tous les spectateurs jettent un cri d'épouvante et d'horreur : Bernard seul n'est point déconcerté. Quoique blessé grièvement, il se relève, se met à ge- noux, et réclame l'assistance de Marie par sa prière accoutumée, le Memorare. La prière n'était pas ter- minée que ce criminel fond en larmes, demande à se confesser, et subit sa peine dans les sentiments les plus chrétiens.
Une autre fois, Bernard avait affaire à un scélérat condamné à être rompu vif, et bien résolu à mourir dans son péché. Le saint prêtre avait employé tous les moyens pour vaincre un tel endurcissement, sans pou- voir rien obtenir. Dans cette extrémité, il recourt à la très sainte Vierge, qu'il n'invoquait jamais en vain, il la prie pour ce malheureux et veut le faire prier lui- même, en lui présentant sa prière chérie, le Souvenez- vous, mais plusieurs tentatives ne rencontrent que la même obstination. Eh bien ! s'écrie le digne prêtre, dans le zèle qui le transporte, puisque tu ne veux pas la réciter, tu la mangeras ; et il s'efforce de la faire entrer dans sa bouche. Le coupable, pour ne plus être impor- tuné, et ne pouvant guère se défendre consent enfin à la réciter ; il se met à genoux, et dit avec le saint prê- tre: Souvenez-vous... 0 prodige! à peine a-t-il pro- noncé les premiers mots, qu'il est complètement changé ; les larmes coulent de ses yeux, il éclate en gémisse- ments et en sanglots. Tout transporté de joie le P.
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Bernard l'embrasse en disant : Heureux frère, n'en doutez pas. c'est à la Sainte Vierge que vous devez cette conversion ! Il se confesse : mais la vue de ses crimes et d'une si prodigieuse miséricorde le saisit tellement, qu'après quelques minutes il expire au pied de son saint confesseur, échappant ainsi, par la protection de Marie, au supplice éternel qui le menaçait.
CHAPITRE XXXVIII.
CONSOLATRICE DES AFFLIGES
« Le déluge des eaux. ditBossuet. n'est venu qu'une fois, celui des afflictions est perpétuel, il inonde toute la vie. dès le berceau. » Les peines, les douleurs sont la destinée inévitable et le cortège habituel de l'homme ici-bas. La terre fut toujours et toujours elle sera comme une vaste arène, où l'on est aux prises avec la souffrance ; et le courage faillirait bien vite, si l'on y était seul. L'arbre isolé dans les plaines du désert est plus en pé- ril : la tempête peut le déraciner, le soleil dessécher le sol ou brûler son feuillage. Mais dans la forêt, les arbres rapprochés se protègent mutuellement. Dès l'origine des choses, le Créateur, ne trouvant pas bon que V homme fût seul, lui donna une aide semblable à lui. Et nous aussi, sur cette même terre, si justement nommée vrillée de larmes, nous ne sommes pas seuls. Ou- tre le Père des miséricordes, qui s'appelle en même temps leDieu de toute consolation, nous soutenant par l'espoir d'un poids immense de gloire, en échange de peines passagères, nous avons encore dans Marie une douce Consolatrice, non moins bonne pour compatira nos maux, qu'elle est puissante pour en adoucir l'amer- tume et même nous en délivrer. La main qui berça le
CONSOLAÎRIX AFFLIGTOHUM 1*1
sommeil de l'Enfant-Dieu était destinée à endormir toutes les douleurs, à soulager toute espèce de misères. On ne pourrait dire quelles sont les plus poignantes des peines morales ou des peines spirituelles ; mais pour les unes comme pour les autres on trouve la sou- veraine Consolatrice. Surnom aimable, touchant mi- nistère, que nous allons méditer avec délices, et dont l'annonce seule a déjà réjoui les cœurs désolés.
ARTICLE PREMIER. Comment Marie sait consoler dans les peines morales.
Ayant subi elle-même tous les genres d'épreuves qui rendent l'existence ici-bas si amère, elle connaît toutes les angoisses qui peuvent déchirer le cœur ; et quel- que peine que nous ayons à lui confier, elle peut nous dire : Console-toi, mon enfant, j'ai passé par cette voie. Et si, selon saint Ambroise, « la louer est doux à la bouche,, si l'aimer est suave au cœur, si se la rappe- ler est délicieux à la mémoire, c'est surtout dans l'infortune qu'il fait bon goûter cette spirituelle jouis- sance, qui ne manque jamais à l'enfant de Marie.
Une première peine, bien fréquente, qui fait au cœur une plaie profonde et longtemps saignante, c'est la mort, prématurée surtout, d'une personne chère, d'un époux, d'une épouse qui rendaient l'existence si heu- reuse, d'un père, d'une mère si utiles, d'un frère, d'une sœur, dont l'affection mutuelle doublait les joies de famille, d'un enfant qui donnait les plus riantes espé- rances, et sur lequel on comptait comme soutien de vieillesse. Marie aussi fut éprouvée par des priva- tions de ce genre. Au printemps de ses jours, elle se vit orpheline par la mort de saint Joachim, son père, et bientôt après d'Anne, sa mère, enlevés trop tôt à sa légitime tendresse. La jeune enfant eut le cœur brisé
PARAPHRASE. — T. II. H
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de cette première peine, qui était le prélude de tant d'autres, et comme son apprentissage de la douleur ; l'infortune lui arrivait sur le seuil de l'adolescence ; mais elle ne recula point à l'entrée de la voie.
Un autre deuil lui était réservé, non moins navrant pour son cœur, ce fut la mort de Joseph, cet époux si chastement aimé ; ce qui la condamna à toutes les tris- tesses du veuvage. Mais, résignée aux volontés du ciel, toujours prête à tous les sacrifices, Marie se courba dans un humble silence sous la main qui la frappait, en lui retirant un protecteur , un ami dévoué, qui avait partagé ses joies et ses douleurs, et l'avait constam- ment entourée de son respect, de son amour, de ses soins empressés. Jésus lui restait ; sa main adorée était encore là pour essuyer ses larmes. Mais bientôt, l'isolement et la solitude vont se faire autour d'elle ; en vain elle cherchera son époux et son Fils, leurs places sont vides au foyer désert : cruelle séparation, dont l'angoisse fut complétée, lorsqu'elle reçut au pied de la Croix le dernier soupir de son Jésus, et ensuite dans ses bras son corps froid et défiguré ! Ce fut bien alors que le glaive de la douleur transperça son àme de Mère. Néanmoins, tant d'épreuves si rudes la trou- vèrent toujours calme, toujours aussi résignée.
Morale : Quel est celui d'entre nous, pour peu qu'il ait vécu, dont le cœur n'ait été brisé par la perte de quelque personne chère ? Est -il une demeure, où l'im- pitoyable mort n'ait pas fait ses victimes précoces ? 0 vous qu'elle aurait frappés d'un de ces coups inatten- dus qui sont d'autant plus sensibles, jetez les yeux sur Marie qui a passé par le sentier de ces mêmes délais- sements : n'est-ce pas déjà une délicieuse consolation d'avoir avec elle ce trait de ressemblance ? Mais d'ail- leurs, comme son divin Fils qui le promettait à ses
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apôtres, avant de les quitter, elle non plus ne veut point vous laisser orphelins. Du haut du ciel, où sa gloire, loin de détruire en elle la nature, l'ennoblit et la per- fectionne, elle vous adresse cette maternelle et conso- lante invitation : Venez à moi, vous tous qui êtes sous le poids des afflictions et des angoisses, et je verserai dans vos cœurs le baume de mes consolations. « Elle est, dit Chateaubriand, la Divinité des malheureux, — la mère des abandonnés, dit saint Bonaventure, — leur appui, ajoute saint Ephrem ; et mille fois elle s'est plu à vérifier ses beaux titres, — Saint Pierre Damien, en- core à la mamelle, fut délaissé par une cruelle marâtre. Mais, en récompense de sa future dévotion, la sollici- tude de Marie suscita une femme étrangère qui, s'étant revêtue de la tendresse d'une véritable mère, en prit le même soin que de son propre enfant. — Saint Bernar- din de Sienne, ayant perdu sa mère dès l'âge de trois ans et son père peu de temps après, une de ses tantes, qui aimait bien Marie, le recueillit chez elle, et l'éleva dans l'amour de cette bonne Vierge, à laquelle il resta si dévoué. — Qui ne sait comme elle servit aussi de Mère à la pieuse Thérèse, qui orpheline à douze ans était venue se jeter entre ses bras? On en dit autant de saint Louis qui, après la mort de la vertueuse Blanche, pria Marie de la remplacer et n'eut qu'à s'applaudir de ce choix. La sainte Vierge lui vint en aide dans toutes les conjectures critiques où il se trouva. — Mères chrétien- nes, s'il arrivait que la mort menaçât de vous ravir à des enfants encore jeunes, vous ne pouvez, à l'exemple de tant d'autres, les remettre en de meilleures mains que celles de Marie ; et vous mourrez tranquilles, pleines de confiance qu'ils ne seront point orphelins !
Une autre affliction, aussi humiliante que pénible pour la nature, c'est de se trouver aux prises avec toutes
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les privations et les angoisses de la pauvreté : sans res. source et sans crédit pour fournir aux premières né- cessités de la vie : n'ayant quelquefois pas même où s'abriter, ni de quoi satisfaire la faim de petits enfants, moins avantageusement traités que le passereau à qui la Providence prépare sa pâture. Eh bien! alors que l'existence est si amère , quelles consolations forti- fiantes ne puise-t-on pas dans le souvenir de Marie à Nazareth, ne possédant qu'une chétive maison, et obli- gée de pourvoir aux besoins de la famille par son assi- duité à façonner la laine et le lin, en même temps que Joseph et le divin enfant gagnaient par un travail quo- tidien le pain nécessaire à la vie ! Et à Bethléem déjà, ne rencontrant point d'asile même chez ses parents, méconnue et rebutée partout, n'avait-elle pas été ré- duite à se réfugier en la compagnie des animaux, dans une êtable en ruine, et dénuée de toute ressource, ne pouvant donner au Dieu naissant d'autre lit que la paille . d'autre berceau qu'une froide et misérable crèche? Cependant, combien elle fut alors encore, admirable de patience et de résignation !
Morale : Pourriez-vous ne pas la partager, vous tous que la pauvreté accable de ses rigueurs, mais qui êtes heureux de ressembler en ce point à Marie et à Jésus lui-même, qui n'avait pas où reposer sa tète, qui vécut souvent du pain de l'aumône, et dont l'exemple a rendu l'indigence si honorable? Qu'il vous siérait mal de vous abandonner au murmure, en vous voyant traités comme ces deux véritables modèles des élus : Beati pauperes. . .
Il est une autre peine bien navrante aussi pour le cœur, c'est de se sentir l'objet d'odieux soupçons, de voir ses intentions les plus pures mal interprétées, sa réputation malignement déchirée par les traits de la
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médisance et de la calomnie. Or, sur cette voie de tri- bulations, on trouve encore Marie pour Consolatrice. Joseph s'étant aperçu de son état, et ne pouvant se l'expliquer dans une si vertueuse épouse, fut très pro- fondément affligé. Mais, ne voulant point la diffamer, il pensait à la quitter secrètement; et, malgré son in- nocence, elle se voyait sur le point d'être accusée d'un crime que la loi punissait de mort. Quelle cruelle si- tuation pour la Vierge ! Cependant, elle garde le si- lence, elle s'humilie, elle repose en Dieu toute sa con- fiance, et attend que lui-même prenne la défense de son honneur.
Morale : Ainsi faut-il nous résigner, à son exemple, quand nous sommes attaqués dans ce que nous avons de plus cher, notre réputation. Armons-nous de pa- tience et de courage ; laissons au temps notre justifica- tion. Tôt ou tard, la Providence saura ménager quel- que incident qui mettra en plein jour notre innocence. En attendant, n'avons-nous pas deux témoins éclairés de nos actions, Dieu et notre conscience? « Pourquoi, dit le pieux auteur de l'Imitation, nous inquiéter du jugement des hommes ; que nous font leurs vaines pensées ? Ils ne voient tout au plus que le dehors, leur œil ne pénètre pas au fond de l'âme, là où sont cachés le bien et le mal. Quand on a fait ce qui dépendait de soi pour ne point scandaliser ses frères, la conscience doit être tranquille. Qu'on dise de vous tout ce que peut inventer la plus noire malice, laissez- le passer comme la paille que le vent emporte ; en perdrez-vous un seul cheveu ! Et puis, n'oubliez pas cette maxime si consolante du divin Maître : Heureux ceux qui souffrent persécution pour la justice0. » — D'ail- leurs, la médisance et la calomnie sont de ces maux qu'inutilement on voudrait guérir, il faut savoir ne pas
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trop s'en affecter, si l'on veut conserver la tranquillité du cœur. Imitons en cela ce Sage qui, apprenant qu'on parlait mal de lui, disait : c< Si ce qu'on dit de moi est vrai, pourquoi m'en fâcher? cela servira à me corri- ger. Si, non ; ce que l'on dit ne me regarde point. »
Nous n'avons pu signaler que les peines les plus ordinaires ; il en est encore une, cependant, que nous ne pouvons ometlre. Quelquefois, l'avenir paraît bien sombre ; on se croit menacé de malheurs dont on ne peut préciser aucun ; c'est une cruelle anxiété compo- sée de toutes les appréhensions réunies. Alors la mé- lancolie, la tristesse viennent saisir le cœur, l'étreindre dans leur bras de fer ; et la crainte de ces maux éven- tuels , qu'on est ingénieux à se grossir , rend plus malheureux qu'on ne le sera de leur réalité. Dieu, qui voulait nous donner en Marie un modèle pour toutes les circonstances, ne lui épargna pas ce genre d'épreu- ves. Lorsqu'elle vint au temple présenter au Très Haut son cher Fils, accomplissant pour elle-même la loi de la Purification, quelle parole atterrante pour son cœur que cette prédiction du saint vieillard Siméon : II sera en butte à toute sorte de contradictions ; et an glaive de douleur percera votre âme. Cependant, vous retrouvez , ô Vierge sainte , votre résignation habituelle ; vous acceptez d'avance tout ce qu'il plaira au Seigneur de vous envoj-er.
Morale : Ici encore, elle est votre modèle et votre Consolatrice^ ô vous qui prévoyez dans l'avenir plu- tôt des peines que des jouissances : son exemple ne doit-il pas relever votre courage ? Mais d'ailleurs, à quoi bon vous affliger de maux qui n'arri veront peut- êl iv pas 7 « Y penser pour les détourner, c'est sagesse ; mais pour s'en tourmenter, c'est folie. » Que revient-il de ces soins conçus d'avance, sinon un poids de tris-
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tesse fort inutile ? A chaque jour suffit sa peine : pourquoi tant s'inquiéter du lendemain ?
0 Marie, puisque votre éminente sainteté ne vous a pas mise à l'abri de la mauvaise fortune et des cha- grins, ce précieux souvenir, en de semblables conjec- tures , versera sur mon cœur déchiré le baume des plus douces consolations .
Pratique : Un prince avait fait graver pour armoi- rie sur son bouclier une autruche avec cette inscrip- tion : « Elle digère les choses les plus dures. » Telle doit être, dans l'affliction, la devise d'un enfant de Ma- rie, d'un disciple de Jésus-Christ.
EXEMPLES
LA PRINCESSE MATHILDE
C'est dans toute espèce de dangers , comme dans l'affliction , que l'on trouve Marie toujours prête à assister.
Une princesse anglaise, nommée Mathilde, fut sur- prise en mer par un orage effroyable. Les flots se soulevaient et se chargeaient d'écume ; les mâts du vaisseau s'inclinaient sur les vagues comme les joncs que la brise ploie en passant ; une nuit profonde déro- bait à la vue les eaux et le ciel ; tout annonçait une furieuse tempête. Mathilde était sur le tillac, le visage pâle, mais ferme. « Ayez bon courage, dit-elle aux matelots déconcertés, Notre Dame est aussi bonne que puissante, elle nous sauvera certainement ; que l'un de vous se mette en vigie ; et sitôt qu'il apercevra la terre , je chanterai un hymne à la Vierge de Bon-secours, et je fais vœu de bâtir une chapelle sur le rivage ou nous aborderons. » La princesse avait à peine prononcé son vœu, que les signes de la tempête disparurent, les vagues soulevées s'aplanirent, le vent changea et fit
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voler le vaisseau vers les côtes de la Normandie. Tout à coup le pilote de s'écrier: Cante. reyne!... Vechi terre. . . « Chantez, reine ! voici la terre. » Et la reine entonna d'une voix douce et pénétrée un cantique de la Vierge, que tous les matelots répétèrent joyeusement, les mains jointes et la tète nue. Le vaisseau, en effet, ne tarda pas à aborder dans la petite baie de Norman- die. Le premier soin de la princesse fut de désigner l'emplacement de la chapelle dont elle voulut, avant de s'éloigner, poser elle-même la première pierre.
ARTICLE SECOND. Marie, Consolatrice dans les afflictions spirituelles
« Notre bonheur ici-bas , dit encore Bossuet , se compose de tant de pièces, qu'il est bien rare qu'au- cune d'elles ne fasse défaut. » Ce n'est qu'au ciel qu'il se trouve complet : inutilement le chercherait-on en ce monde . Trop semblable au papillon volage que l'en- fant poursuit dans la prairie, il nous échappe au mo- ment où nous croyons le saisir. Les causes de chagrin sont si nombreuses, qu'il y a plus souvent à pleurer qu'à se réjouir.
Nous ne sommes pas, néanmoins, sans quelques adoucissements à nos peines : un des principaux se trouve dans la dévotion à Marie. Elle nous a apparu une douce Consolatrice dans les afflictions morales ; voyons-la maintenant aussi riche en consolations dans les afflictions spirituelles. Les justes eux-mêmes y sont sujets, et plus encore que les pécheurs ; mais, pour les uns comme pour les autres, le souvenir de Marie et son secours viennent répandre sur le cœur ulcéré le baume délicieux de l'espérance et des plus suaves consolations.
I. Marie Consolatrice des justes.— Quoique Notre-
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Seigneur nous assure que son joug est léger et que l'âme y trouve son repos, il est peu de chrétiens qui soient entièrement exempts d'angoisses et d'inquiétu- des : les satisfactions delà vertu ne sont pas toujours sans mélange d'amertumes, il y a de ces moments, où le cœur est tellement oppressé de tristesse, que l'on serait tenté de s'écrier, comme un grand personnage : « Il faut vivre, que cela est pénible ! » Tel est parfois" l'excès d'accablement même pour le plus juste: il ne peut se défendre des plus vives alarmes sur l'état de son àme, sur la grande affaire de sa sanctification. Tantôt, ses infidélités si souvent renouvelées le font douter du pardon et désespérer de son amendement ; sa confiance l'abandonne. Tantôt, le peu de profit des grâces, la vue de ses actions si imparfaites le mettent sous le pressoir de la crainte ; il s'effraie en pensant à la sévérité du jugement, il n'ose lever les yeux vers le ciel objet de nos saintes espérances. D'autres fois, interrogeant son cœur, ai-je pour Dieu, se dit-il, ce degré d'amour qui réponde à ses bienfaits, la mesure de justice qu'il est en droit d'exiger de moi ? Mérité-je son amour ou sa haine ! Ma conscience ne m'adresse aucun reproche grave ; mais suis-je pour cela justifié ? Mille sombres nuages viennent ainsi souvent obscurcir la sérénité de son àme et y verser l'inquiétude, au lieu des consolations qu'il se promettait au service du bon Maître .
Mais, si au milieu de ses doutes et de ses frayeurs il peut se croire clans les bonnes grâces de la sainte "Vierge, parce qu'il lui a voué sa confiance et son amour, cette délicieuse pensée ramène bientôt la paix et la joie. Il sait que le vrai serviteur de Marie ne peut périr ; que le salut remis entre ses mains est en sûreté ; qu a la clarté de cette Etoile on ne peut s'égarer,
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et qu'elle conduit sûrement au port. Heureuse, en effet, lame juste, ô Marie, qui se repose avec un entier abandon sur votre sein maternel !
II. La sainte Vierge est aussi bien la Consolatrice du pécheur. — Est-il tombé dans une faute qui l'a mis en disgrâce avec son Dieu, déshérité du ciel, dévoué à l'enfer, il ose encore ranimer sa confiance, au sou- venir de Celle qu'on lui a tant de fois proclamée le Refuge des pécheurs, « le port de ceux qui ont fait naufrage, — la voie pour retrouver le ciel, — l'échelle pour y monter. » Il n'ignore pas qu'elle aussi ne veut pns la mort du pécheur, mais qu'Use convertisse et qu'il vive. Inquiet de son malheureux état, harcelé par le remords, la terreur et la crainte, veut-il se- couer le pesant fardeau de ses chaînes, il jette un regard plein de confiance vers Marie, assuré que son bonheur est de réconcilier ses enfants avec son Jésus. Et à cette pensée qu'il a près de Dieu irrité une avo- cate aussi puissante que généreuse, l'espérance lui renaît au cœur et dissipe toutes ses alarmes. Il n'a pas oublié, saint Ambroise l'avait dit, a que, si les mères voient les chutes de leurs enfants avec plus de piété que de colère. » Marie ne leur cède pas en bonté ; et le voilà dans ses bras !
C'est ainsi que. juste ou pécheur, et généralement dans toutes les angoisses de rame, l'instinct d'une confiance toute filiale nous porte à nous réfugier sous les ailes de cette souveraine Consolatrice, comme l'en- fant blessé aime à répandre ses larmes dans le sein d'une mère. On sait que la bonté compatissant son apanage distinctif : bonne est le nom qu'on lui donne communément : la bonne Vierge. Et s'il fallait définir Marie, on pourrait emprunter le mot de Join- ville à saint Louis : k Dieu est chose si bonne, que
CONSOLATRIX AFFLICTORUM 101
meilleure ne peut être ; » et dire : « Marie est chose si bonne, que meilleure ne peut être. » On n'oublie point que sur la terre ses délices étaient de secourir le mal- heureux, de consoler dans les peines : sentiments de commisération que sa grandeur au ciel n'a fait qu'aug- menter. Oui, semblable au soleil, qui à son zénith répand sa lumière et plus vive et plus ardente dans les sinuosités des plus profondes vallées, comme sur la cîme des montagnes, Marie placée au sommet de la gloire n'en est que plus portée à épancher ses bien- faisantes largesses dans tous les rangs des affligés : sa majesté de Reine ne lui ôte rien de sa tendresse de Mère .
Mère ! ce titre seul n'est-il pas pour tous une ga- rantie plus que suffisante de la part qu'elle prend à nos souffrances et de son empressement à les soula- ger ? Une mère opulente peut-elle voir un fils abimé sous les rigueurs de l'indigence, et ne pas les adou- cir ? Une mère sensible verra-t-elle des enfants dans la détresse, sans leur prodiguer les soins les plus em- pressés ? Non : car rien n'est plus compatissant que le cœur d'une mère. Qu'un enfant vienne à tomber, qui le consolera mieux que sa mère ? Et pour le con- soler, que faut-il ? peu de chose : un regard, un sou- rire, une larme de ses yeux, moins que cela, un souffle de sa bouche. Oui, le souffle de la maternité emporte toutes les douleurs de l'enfant. Et la sainte Vierge a aussi son souffle maternel. Trésor inépuisable de con- solation, il n'est point de maux qu'elle ne sache soula- ger ou guérir, point de misère qu'elle ne partage et n'adoucisse, point d'àmes affligées au fond desquelles elle ne fasse briller un rayon d'espérance .
C'est donc près d'elle concluerons-nous avec les saints Docteurs, que l'on trouvera les plus douces cou-
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solations. « Elle a tant de soin des affligés, dit saint Bonaventnre, que l'on pourrait croire qu'elle n'a d'au- tre désir que de les soulager. » — « En elle, assure saint Germain, l'esclave trouve sa rançon, l'infirme la santé, l'affligé sa consolation, le pécheur son par- don. » — (( Elle est, répéterons-nous ici avec un pieux auteur, comme un hospice public, ouvert à tous les genres de misères et de souffrances, dans lequel, si l'on n'est pas toujours guéri, on trouve au moins quel- que adoucissement à ses maux. » — « L'univers en- tier, dit aussi le grand Bossuet, est devenu un temple immense, où apparaissent de toutes parts les augustes monuments de la compassion, de la miséricorde, de la charité de Celle qui est si bien nommée la Consolatrice des affligés. » Et saint Liguori, si zélé à décrire les bontés de Marie qu'il avait tant de fois expérimentées, ne se lassait pas de l'offrir comme la plus fidèle con- solalrice à ceux qui étaient oppressés sous le poids de quelque peine. « Mes enfants bien-aimés, disait-il souvent à ses auditeurs, quand la tribulation et les chagrins s'empareront de votre àme, allez aussitôt à l'autel de Marie, et vous serez soulagés.
Il se peut néanmoins, qu'elle ne délivre pas toujours ou entièrement des peines qu'on vient lui confier. Mais c'est par un autre genre de bonté: elle les voit utiles et nécessaires pour nous purifier davantage, pour nous rendre plus conformes à elle et à son Fils, pour em- bellir notre couronne ; pour nous détacher dé ce monde, et nous faire soupirer avec plus d'ardeur après les biens de l'autre vie. Et par ces considérations qu'elle réveille en nous, elle rend nos peines réellement plus légères, sans qu'elles perdent rien de leur mérite.
Morale: Le moyen le plus assuré d'avoir quelque droit à sa compassion, c'esl de compatir souvent nous-
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moines à sa douleur et à celle de son bien-aimé Fils . Elle nous y invite par la bouche de Jérénrie : 0 vous qui passez par le chemin, considérez et voyez s'il y eut jamais douleur semblable à la mienne ! Nous lisons dans saint Liguori, qu'un prêtre fort dévot à xMarie affligée, vit, sur le point d'expirer, une belle dame lui essuyant la sueur du visage, et lui disant de douces paroles de compassion ; après quoi il se trouva guéri. Et comme il lui demandait qui elle pouvait être, la dame répondit en disparaissant ; je suis Marie, dont tu as si souvent essuyé les larmes, en compatis- sant à mes douleurs.
A l'exemple de ce saint prêtre, rendons -nous fré- quent le souvenir de ses douleurs : non- seulement nous lui en adoucirons l'amertume, mais nous y puiserons une plus vive horreur pour le péché qui les renouvel- lerait. C'est le sage conseil que donnait l'Evêque de M eaux, dont le langage a toujours tant de charmes : « Ah î chrétien, s'écrie-t-il avec le Sage: N'oublie pas les gémissements de ta mère. Quand le monde t'attire par ses voluptés, pour détourner ton imagina- tion de ses délices pernicieuses, souviens-toi des pleurs de Marie, cette mère si charitable... Dans les tenta- tions violentes, lorsque tes forces sont presque abat- tues, et tes pieds chancelants dans la voie droite ; que l'occasion , le mauvais exemple ou la passion te
presse, n'oublie pas les gémissements de ta mère
Souviens-toi des incroyables douleurs qui ont dé- chiré son àme au Calvaire. Misérable, que veux- tu faire ? Voudrais-tu élever encore une Croix pour y attacher Jésus-Christ, le montrer à Marie crucifié de nouveau, couronné d'épines... et par un si triste spec- tacle, rouvrir encore toutes les blessures de son cœur ma- ternel?...)) Ah ! gardons-nous bien d'une telle barbarie.
194 CONSOLATRIX AFFLICTOHUM
Dans ce souvenir des gémissements de Marie, nous trouvons de plus une force intérieure qui nous sou- tiendra calmes et résignés au milieu des plus grandes défaillances de l'âme, et dans toute autre conjoncture accablante. Après que la Mère et le Fils, en passant par le chemin du Calvaire, l'ont applani, devrons-nous encore en redouter les aspérités ? Pourquoi nous plain- dre de la faveur si honorable de marcher à leur suite, étant sûrs d'arriver au même terme, et de les retrou- ver dans la gloire, après avoir bu au même calice ? Si tamen compatimur, ut conglorificemiir.
0 puissante Consolatrice des affligés, c'est avec une confiance sans bornes qu'au milieu de nos peines nous irons nous jeter dans vos bras maternels, mais avec cette disposition de rester souffrants, si vous le jugez plus utile pour notre salut.
Pratique : Compatir souvent aux douleurs de la très sainte Vierge ne peut que lui être fort agréable : nous aimons ceux qui viennent prendre part à nos peines .
EXEMPLES.
CONSOLATION OBTENUE PAR MARIE
Saint François de Sales, jeune encore, avait fait devant l'autel de Marie le vœu de chasteté perpétuelle. Pendant plusieurs années, la pensée de cette ressem- blance avec sa bonne Mère inondait son âme de déli- ces. Mais vers l'âge de dix-huit ans, il fut affligé d'une horrible tentation de désespoir, s'imaginant que tout ce qu'il faisait pour Dieu était inutile et sa réprobation inévitable. Cette angoisse le tourmentait à un tel point, que sa santé dépérissait à vue d'ceil ; il passait la nuit et le jour à gémir, à pleurer, et n'osait confier sa peine à personne. Une si affreuse situation durait depuis un
CONSOLATRIX AFFLICTORUM 195
mois : encore quelques jours dans ce martyre, il était aux portes de la mort. Mais Dieu, content de l'avoir éprouvé, lui inspira la pensée de retourner devant la statue de la sainte Vierge, près de laquelle il avait fait son vœu (elle est toujours dans l'église de Saint- Etienne-des-Grés à Paris) ; et là, prosterné jusqu'à terre, lui renouvela le vœu avec plus de ferveur en- core, lui promit en outre de réciter chaque jour un chapelet de six dixaines (appelé le chapelet de saint François de Sales), la conjura de le délivrer delà peine qui l'accablait, et de lui obtenir de Dieu « qu'il pût l'aimer de tout son cœur au moins pendant la vie, s'il devait être condamné à le haïr durant l'éternilé. »
Une prière, si éloignée des sentiments d'un réprouvé, fut exaucée à l'instant. Ses tribulations se dissipèrent : la santé lui revint avec le calme du cœur. Il redoubla de dévotion envers la sainte Vierge, dont il ne cessa ensuite d'exalter la puissance et les miséricordes : il avait éprouvé par lui-même qu'on ne la nomme pas en vain la Consolatrice des affligés.
— La vie du saint Curé d'Ars ne fut point à l'abri des peines de tout genre : c'est le cachet des élus. Où cherchait-il des forces et des consolations ? Dans les épanchements de l'amitié, auprès des consolateurs impuissants du monde? Non ; mais devant l'image de Marie, objet de sa plus tendre affection. Le cœur de cette mère aimante était son refuge dans toutes les peines, et l'arsenal où il prenait incessamment des ar- mes contre une excessive désolation . « J'ai si souvent puisé à cette source, disait-il, qu'il n'y resterait plus rien, si elle n'était inépuisable. »
ÎUG AIX1LIUM CHKISTIÂKOttUU
CHAPITRE XXXIX
SECOURS DES CHRETIENS
On peut dire que jusqu'ici nous honorions en Marie Notre-Dame Auœiliatrice, puisque toutes les Invo- cations précédentes se terminent par la supplication commune Priez pour nous, ou Soyez notre Auxilia- trice. Cette invocation nouvelle placée après les diffé- rents appels que nous venons de faire à sa bonté et à sa puissance pour toute espèce de besoins et de l'âme et du corps, s'y trouve implicitement contenue. Et, si nous l'implorons maintenant sous le nom spécial de Secours des Chrétiens, c'est afin de lui présenter comme un titre plus assurée à son assistance,
I. Notre qualité de Chrétien :
II. La protection efficace qu'elle a visiblement accor- dée aux chrétiens dans tous les temps.
I. Notre qualité de chrétien nous donne un droit tout spécial à son secours. — Marie, à l'exemple du Dieu qui fait luire son soleil sur les méchants en même temps que sur les bons, se plait, sans doute, à secourir tous les enfants de la grande famille humaine. Coadju- trice de la rédemption universelle, elle n'exclut, de sa vigilante affection, ni les fidèles ignorant le vrai Dieu, ni les hérétiques que l'erreur tient en dehors de l'E- glise : pour tous elle a des grâces dont elle peut dispo- ser. Mais ses laveurs privilégiées sont pour les elnv- tiensqui portent l'empreinte du baptême, et le nom de son bien-aimé Fils, qui le reconnaissent el l'adorent,
AUXILU'M CIIR18TIAN0IUJM 197
qu'il s'est acquis au prix de sou sang, et avec lesquels, il veut partager son héritage d'ineffable bonheur. Cet amour infini de Jésus, Marie le ressent dans toute son étendue. — De plus, en acceptant le titre de Mère de Dieu à Bethléem et de Mère des hommes sur le Cal- vaire, elle a comme signé l'engagement d'employer sa puissance auprès de Dieu et sa bonté pour les hommes, à protéger plus spécialement sa famille adoptive et chérie, les chrétiens. Devenus ses enfants au pied de la Croix et dans les plus amères douleurs, il nous faut ici le redire, elle doit nous aimer de cet amour qu'une mère éprouve plus vif pour l'enfant qui lui a coûté le plus d'angoisses et de souffrances . Elle aimait Jésus- Christ bien tendrement comme son Dieu et comme son Fils ; cependant, combien ne nous aima-t-elle pas nous- mêmes, puisqu'elle l'a sacrifié pour nous sauver ! — Et, après avoir ainsi coopéré avec ce cher Fils au grand œuvre de notre rédemption, quel ne doit pas être son zèle à nous en faire recueillir les fruits, et à lui assu- rer des âmes qui lui ont coûté tout son sang ? Pourrait- elle donc ne pas accueillir les vœux qui ont le salut pour objet, et ne pas les appuyer de son tout-puissant crédit ? Si, trésorière de toutes les grâces, la moitié de son bonheur est de les distribuer, avec quelle prédilec- tion ne les répandra-t-elle pas sur le chrétien qu'elle voit décoré des livrées de son cher Fils ?
Morale : Cependant, gardons-nous de penser que la qualité de chrétien soit un titre absolument certain à ses faveurs privilégiées. Pour mériter l'amour de Marie et par suite sa protection, il faut l'aimer soi-même. L'éternelle Vérité a dit : J'aime ceux qui m'aiment, ego diligente* ?ne diligo. Oui, l'affection pour une personne est d'autant pins vive, qu'elle est provoquée par des avances plus démonstratives. Voyez cet enfant :
198 AUXILIL'M CWISTIANORUM
le doux sourire de sa mère, le charme de sa voix, tou- tes les gênes qu'elle s'impose, les soins délicats et em- pressés dont elle l'entoure, ont captivé ses yeux, ses oreilles et son cœur . Bientôt ses faibles mains la cares- sent ; et la mère paie cette tendresse par un retour de tendresse plus vif encore .
Tel est le secret de conquérir les bonnes grâces de la sainte Vierge, d'attirer un regard de son amour et la faveur d'une spéciale protection. Sans doute, elle est indulgente à toute créature ; mais quand on l'aime, on est encore plus avant dans son cœur. Accomplissez pleinement envers elle la parole que Jésus vous adressa du haut de sa Croix, Mon Fils, voilà votre Mère ! Elle réalisera à votre égard celle que Jésus lui dit : Femme, voilà votre fils ! — Si tu veux être ma servante, disait un jour la Reine du ciel à une reine de la terre, sainte Elisabeth de Hongrie, je serai ta Dame. » A ces mots, Elisabeth joignant les mains, les étendit vers la Vierge qui, les prenant dans les siennes, accepta l'engagement et ajouta : « Tu veux être ma fille, moi, je serai ta mère. » Qui n'envierait le bonheur d'Elisa- beth ? Qui ne voudrait entendre ces délicieuses paroles ! A cette fin, « épuisons, disait saint Liguori, épuisons toutes les inventions de l'amour pour aimer Marie. » Mais, outre les droits que par là nous aurons à ses fa- veurs, ce qui doit augmenter de beaucoup notre con- fiance, c'est que,
IL Elle s'est montrée dans tous les temps, et en toute circonstance la puissante AuxUiatrice des chrétiens. — Ce fut dès le berceau du Christianisme que commença cette protection manifeste et spéciale . La fureur de la Synagogue a juré d'étouffer à son dé- but la religion du Christ ; le nom seul de chrétien est un titre à la persécution, à l'emprisonnement, à la
AUXILIUM CHRISTIANORUM 199
mort. Mais Marie, plus dévouée à mesure qu'elle voit sa famille plus en danger, multiplie son action, pour ranimer la foi de ses enfants, les réchauffer de son amour, les revêtir d'une force qui les rend vainqueurs de tous les tourments.
Si déjà sur la terre elle fut ainsi l'âme et le soutien de l'Eglise naissante, si elle entoura les premiers chré- tiens de sa constante sollicitude., pouvait-elle, placée au sein de la gloire, oublier cette grande famille, qui n'a pas moins besoin qu'alors de son tout-puissant secours ? Non ; personne au ciel, excepté Jésus, ne porte autant d'intérêt à la foi catholique, ne désire aussi ardemment la prospérité de la religion de son Fils. Aussi la protection dont elle l'environne n'est m moins active-, ni moins efficace qu'au commencement. Pour la mettre en relief, il faudrait remonter d'année en année jusqu'à la naissance de l'Eglise, et nous ver- rions que dans toutes les circonstances critiques^ le secours de Marie ne lui a jamais fait défaut, pour l'en tirer avec gloire. Lorsque tour à tour, ou simultané- ment, les persécutions , l'hérésie, le schisme, le scan- dale de ses propres enfants mirent sa foi, et même son existence dans le plus grand danger, sa confiance tour- née vers Marie, comme vers l'Arche du salut, la rendit victorieuse de tous les assauts. Elle reparaissait même plus belle et plus vigoureuse, après les terribles épreuves qui humainement devaient lui donner le coup de la mort.
C'est à regret que nous ne pouvons relater ici avec leurs intéressants détails toutes les circonstances où Marie s'est ainsi montrée visiblement Auxiliatrice des chrétiens. Les fameuses victoires, que par son secours ardemment imploré ils ont remportées sur les ennemis de leur foi, entre autres dans le golfe de Lépante, a
AUXILIOM CHRISTIÀNORUM
Vienne, à Belgrade, à Corfou, à Témeswar, publieront à jamais la force de son bras. Et si la fureur des mé- chants contre l'Eglise ne s'est point ralentie, s'ils con- tinuent à lui déclarer une guerre à mort, Marie est tou- jours là une Tour inexpugnable qui la protège et la sauve du péril. Pourrait-on le méconnaître, surtout dans cette crise religieuse et politique, qui sur la fin du siècle dernier avait mis l'Eglise de France à deux doigts de sa ruine. Les prêtres en exil ou au cachot, les maisons religieuses veuves de leurs hôtes pieux, Dieu chassé de ses temples, tout culte proscrit, les fi- dèles obligés de renfermer leur foi au fond de leur cœur, l'échafaud toujours dressé pour le crime d'être chré- tien, qui n'eût cru, à cette vue, que c"en était fait de la religion dans notre catholique royaume? Mais Marie y comptait, alors même, des milliers de serviteurs qui lui payaient en secret le tribut de leurs hommages ; et si à cet orage révolutionnaire ont succédé des jours plus sereins ; si la religion détrônée pour un moment sortit de sa captivité, et put relever sa tête humiliée; si. par un exemple unique dans l'histoire, la foi pres- que généralement abjurée repris son empire, n'en dou- tons pas. c'est que Marie, toujours pieusement invo- quée dans son royaume chéri, a détruit toutes les tentatives des ennemis de TEglise, et empêché que les portes de l'enfer ne prévalussent contre elle.
Morale : Maintenant encore, si les croyances chré- tiennes sont toujours vivantes au fond des cœurs fran- co-, en dépit des efforts incessants, de l'impiété et de la dépravation des mœurs, ;'i qui attribuer l'honneur de cette victoire? sinon à Marie Reinede l'Eglise cou- ronnée au ciel, Reine de L'Eglise qui souffre, elle est Reine aussi de l'Eglise qui combat, et ses triomphes passés qous sont un sur garant de ses triomphes a
AUXILIUM CHRIST1AN0RUM
201
venir , toujours elle sera le Secourt des chré- tiens.
G France, toi si grain le dans tous les siècles parmi les autres nations de l'Europe; toi qui portes encore sur ton front le sceau glorieux d'une foi que toutes les révolutions n'ont pu déraciner, plus ton dévouement à la Reine du ciel croîtra, et plus augmenteront ton bon- heur et ta gloire, parce que tu recueilleras avec plus d'abondance les bénédictions célestes !
Et vous, ô divine Marie, veuillez nous continuer votre bienveillante prédilection, en retour des hommages que nous serons toujours plus empressés de vous rendre !
Pratique : Dans nos dangers personnels, comme dans
les dangers communs, recourrons à la puissante Auxi-
liatrice : et qui invoqua Marie, ne le fit jamais en
vain.
HISTOIRE
LES PÈLERINS DE MARIE.
La scène se passe aux approches d'un sanctuaire de la sainte Vierge .
Pèlerin, d'où viens- tu? n'est-ce pas toi que j'ai vu assis dans le chemin, demandant l'aumône, et qui est connu sous le nom d' Aveugle ? Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? — Hier quelqu'un passa, et, comme je tendais la main dans l'espérance de recevoir quel- que chose, il s'arrêta et me dit : Je n'ai ni or ni argent, mais viens demain à la sainte chapelle, et ce que j'ai, je te le donnerai. Le matin on m'y conduisit :\e prêtre qui m'avait parlé, a prié pour moi ; j'ai prié avec lui, et j'ai'vu clair.— Sois béni, pieux pèlerin, puisque tu a eu foi en Marie .
— Soldat, d'où viens- tu? — J'étais à mon poste, at- tendant la bataille. Le signal est donné : je me recom- mande à Notre-Dame. L'ennemi fait feu ; on se mêle ;
202 AUX1LIUM CHRISTIANuHUM
tous tombent autour de moi ; je combats sur les morts • la nuit mit fin au carnage; je n'avais pas même reçu une blessure. Je devais des actions de grâces à Celle qui m'a visiblement protégé : c'est pourquoi je suis venu à la sainte chapelle. — Sois béni, pieux soldat, puisque...
— Matelot, d'où viens-tu ? — Nous voguions à pleines voiles, et le ciel était calme. Tout à coup, un vent vio- lent secoue le vaisseau sur la mer houleuse : les flots s'amoncelaient; le naufrage était imminent. Vite je m'élançai sur le tillac : 0 Patronne des mariniers, m'écriai-je, sauvez-nous î Ce cri de confiance était à peine sorti de ma poitrine, que le vent s'apaise, et toute crainte s'évanouit. Une juste reconnaissance était due à Celle qui m'a sauvé du péril ; je viens de la lui té- moigner. — Sois béni, pieux matelot, puisque. . .
— Jeune fille au front pâle, d'où viens-tu ? — Je lan- guissais, et ma vie allait s'éteindre. Un jour, le méde- cin, près de mon lit, m'observait d' un air triste ; ma mère épiait son regard et soupirait ; puis, j'entendis qu'on murmurait tout bas : A la chute des feuilles . . . Quoi ! pensé-je en moi-même, si jeune encore et déjà mourir !... Je promis alors que, si je voyais la feuille reverdir, je ferais un pèlerinage à l'autel de la Vierge. Et la feuille a reverdi: j'ai pu célébrer sur la terre le beau mois de Marie. Aujourd'hui j'ai voulu acquitter mon vœu. je suis venue à la sainte chapelle. — Sois bénie, pieuse fille, puisque...
— Mère au sourire joyeux, d'où viens-tu? — Je n'a- vais qu'un fils ; on l'appelle pour l'armée. Depuis son départ, quelles angoisses ! que de craintes obsédaient mon pauvre cœur ! Bientôt l'heure des combats a son- né : quelles alarmes, dans la crainte qu'il n'ait péri dans la mêlée ! Un souvenir pourtant me consolait ;
REGINA ANGELORUM Z\)ô
j'avais recommandé le cher enfant à Marie, et pendant neuf jours un cierge avait brûlé à son autel. Il m'est revenu sain et sauf ! Je n'ai point oublié ma Bienfai- trice ; je reviens de la sainte chapelle. — Sois bénie, mère chrétienne, puisque...
— Femme, d'où viens-tu avec cette jeune enfant? — Un époux que sa conduite édifiante m'avait fait choisir, s'était bientôt perverti dans les compagnies mauvaises ; l'absence de toute pratique religieuse faisait mon tour- ment. Attentions délicates, gaieté d'humeur, douceur inaltérable, parfois quelques remontrances d'à-propos, j'avais mis tout en œuvre pour lui rendre la religion aimable et le ramener à la foi ; mais sans aucun succès. Je fis une neuvaine dont il ne savait pas le but, et Ma- rie exauça ma prière : le dernier jour il m'accompagna à la table sainte ! Que pouvait-il m'arriver de plus heu- reux ? Je viens de la sainte chapelle avec mon enfant, que j'ai voulu associer à ma reconnaissance . — Sois bénie, heureuse épouse, puisque...
Envérité, en vérité, je vous le dis, celui qui invoque Marie la trouvera toujours puissante Auœiliatrice.
CHAPITRE XL.
REINE DES ANGES.
Nous avons parcouru les titres qui proclament les privilèges de Marie, ses vertus, son pouvoir et ses bienfaits. Maintenant, nous allons exalter à la fois sa puissance et sa gloire, en la saluant sous le titre pom- peux de Reine.
Si l'élection populaire suffit souvent pour conférer la royauté, nulle ne fut jamais plus légitime que celle de Marie ; car toutes les générations depuis dix- huit siè-
-20 i KEGINA ANGELORUM
cles, l'ont acclamée leur Reine, ont ployé le genou de- vant son sceptre béni. Mais c'est au ciel plus encore qu'elle jouit de cette gloire incomparable. Depuis qu'un trône lui a été donné à la droite de son Fils Roi, Astitit Regina à dexlrù tuis, devenue Souveraine elle- même, elle est Reine de toute la cour céleste, et d'a- bord des Chœurs des Anges, qui tiennent le premier rang dans la hiérarchie des cieux. Le nom d'Ange ré- veille l'idée de beauté, d'innocence, de douceur ; et sous ce rapport déjà Marie mérite bien d'être nommée Reine des Anges /mais elle l'est encore,
I. Par la prééminence de sa gloire et de son éléva- vation :
II . Par son empire sur les mauvais Anges comme sur les bons .
ARTICLE PREMIER.
Prééminence de Marie sur les Anges, par sa gloire et son élévation.
Qu'il existe, en dehors de ce monde visible, des créa- tures invisibles et purement spirituelles, que l'on dé- signe sous le nom d'Anges, la sagesse de Dieu semblait le demander, pour que l'œuvre de la création fût plus complète par des êtres à tous les degrés et dans toutes les conditions, dans la sphère la plus élevée, comme au rang le plus bas. Il y a des êtres entièrement maté- riels ; au-dessus d'eux et à une grande distance, se trouve l'homme composé d'un corps et d'une àme. Mais cette àme, bien que simple et indivisible, grande et noble, est, par suite de son union intime avec le corps, bornée dans ses facultés, limitée dans l'exercice de sa puissance. On conçoit aisément la possibilité et aussi la convenance d'autres natures plus élevées sans être Dieu, occupant le sommet de la création, et qui, pures
REGINA ANCKLOKUM -ilC)
de tout limon terrestre, affranchies de toutes entraves, soient douées d'une force plus grande et d'une activité moins circonscrite : ce sont les Anges, qui comblent, d'ailleurs, l'espace trop grand, ce semble, entre Dieu et l'homme, entre le ciel et la terre.
Mais, ce que la simple raison insinue sur l'existence d'êtres purement spirituels qui confinent en quelque sorte à la Divinité, la voix unanime de la tradition, appuyée sur l'autorité des saints Livres le consacre. Nous voyons les Pères et les Docteurs de l'Eglise, parler dans les termes les plus positifs de la nature et de la condition des Anges, des différents degrés qui en composent la hiérarchie, de leur nombre prodi- gieux, et des fonctions qu'ils remplissent. La sainte Ecriture en fait une mention plus formelle encore ; leur intervention apparaît manifestement dans la vie des patriarches et des prophètes. Dieu s'en sert, tantôt pour intimer ses volontés, tantôt pour annoncer les événements futurs, presque toujours comme d'organes de sa justice ou de sa miséricorde Leur présence se môle aux diverses circonstances de la naissance, de la vie et de la passion du Sauveur. Leur souvenir est lié à celui des hommes et des faits les plus importants de l'antiquité religieuse et môme païenne ; car la croyance aux bons et aux mauvais génies et le culte qu'on leur rendait, n'était qu'un reste défiguré du dogme primitif sur l'existence des Anges.
Les Anges dans le ciel sont, sans contredit, les créa- tures les plus belles, les plus saintes, les plus nobles, les plus approchant de la majesté divine, aussi bien par leur nature que par leurs fonctions ; ce sont les grands dignitaires du Monarque souverain, les pre- miers officiers de sa cour, les ministres de ses suprê- mes volontés, les bien-aimés de son cœur, ses favoris
PARAPHRASE. — T. II. 12
206 REGINA ANGELOBUM
enfin. Cependant, Marie les surpasse de beaucoup en gloire et en élévation .
Si je me transporte par le regard de la foi dans ce brillant séjour où le Seigneur est si magnifique dans ses récompenses, que rencontrent d'abord mes yeux éblouis ? Les différents trônes des patriarches et des prophètes, des apôtres, des martyrs, des vierges, tous comblés de grandeur et de puissance. Mais là, je cher- cherais en vain le trône de Marie ; il faut monter plus haut. Voici les Chœurs des Anges, des archanges, des chérubins, des séraphins, de tous ces milliers de purs esprits qui, nageant dans l'océan de la divine gloire, rayonnant comme autant de soleils devant le Saint des saints. Est-ce là que se trouve la Vierge par ex- cellence ? Non, non ! plus haut encore, dans les ré- gions les plus élevées du céleste royaume, bien au- dessus des séraphins, tout près du trône de l'Homme Dieu, un autre trône est dressé, éclipsant tout ce qui l'environne par sa magnificence et la splendeur de sa beauté. C'est là qu'est assise et que règne, tout éblouis- sante de gloire et de majesté, la Reine des Anges, les dépassant de toute la distance qui sépare la Mère d'un Dieu de ses ministres : Exaltata est sancta Dei Geni- riœ super choros Angelorum da cœlestia régna. Là, elle est au-dessus des Dominations, par l'étendue de son pouvoir sur tous les mondes ; au-dessus des Ver- tus, par sa force dans l'emploi des moyens pour arriver à toute fin ; au-dessus des Puissances, par son éner- gie contre les ennemis de nos âmes ; au-dessus des Chérubins, par l'abondance de ses lumières ; au- dessus des Séraphins, par l'ardeur de son amour ; au-dessus des Anges, des Archanges et des Princi- pautés, par le succès dans toutes ses entreprises. Aus^i toute la gloire réunie des neuf Chœurs des Anges
HEGINA ANGELORUM "207
sert à peine de soutien à la première marche de son trône. Ainsi que le soleil, qui au milieu de sa course efface toutes les étoiles du firmament, Marie dans le ciel fait disparaître toutes les gloires de ses habitants. Et quoi de plus juste ! Autant elle fut humble, autant elle est élevée sur tous les Ordres de la milice angé- lique : Ancillœ tribitit qnœsibi nomen, cœlestidomi- nans régnât in aida. Et, s'il est vrai, selon l'Apôtre, que Dieu proportionne la récompense au mérite et rend à chacun selon ses œuvres. Marie ne doit-elle pas l'emporter en gloire sur tous les Ordres du ciel, puisqu'elle les a tous surpassés en toute manière ? Le savant Gersôn ne craint pas d'avancer qu'au-dessus des trois hiérarchies, dans lesquelles on range de dif- férentes classes d'esprits célestes, Marie forme à elle seule une hiérarchie à part, la plus élevée et la pre- mière après Dieu. Jusqu'à sa naissance, ils tenaient le premier rang dans la création ; mais, en devenant Mère de Jésus leur Roi, elle fut constituée leur Reine ; et à ce moment ils l'avaient déjà reconnue comme telle, en s'associant du haut des cieux à l'Archange Gabriel, un de leursainés, qui venaient la saluer comme Mère future du Très-Haut. Toutefois, c'est au jour de son Assomption glorieuse que lui firent confirmés solennellement le titre et le rang de Reine des cieux, de Reine des Anges. C'est là un spectacle assurément bien digne d'être comtemplé de tous près.
Depuis l'instant où le Sauveur avait quitté la terre, l'existence de Marie n'avait été qu'un long soupir vers les demeures éternelles, où elle devait partager la gloire de son bien-aimé Fils. Quand elle l'eut assez Longtemps pleuré, alors il voulut l'appeler à lui. Elle avait reçu son dernier soupir, il descendit pour recueil- lir celui de sa Mère. Marie, fille d'Adam, paya le
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tribut commun à tous les hommes, mais elle ne fit que passer à travers les ombres de la mort. Il ne con- venait pas et Dieu ne voulut point que ce corps virgi- nal, exempt de toute souillure et sanctifié par la pré- sence de son Verbe incarné, subit la corruption du tombeau. Une voix se fait entendre, voix puissante qui avait rendu Lazare à la vie, mais qui prend ici les accents de la plus vive tendresse : Levez-vous, ô ma bien aimée, venez du Liban, venez recevoir votre couronne'. A ces mots, lame de Marie tressaille dejoie, ses membres glacés se raniment ; elle sort du tombeau, et s'élance vers les deux se réunir à Jésus ressuscité : elle avait pris part à son sacrifice, il veut qu'elle par- ticipe à son triomphe. « Si l'humble Marie, disait à ce sujet l'Aigle de Meaux. a reçu autrefois le Sauveur Jésus, il est juste que le Sauveur reçoive à son tour l'heureuse Marie ; et n'ayant pas dédaigné de descen- dre en elle, il devait ensuite l'élever à lui pour la faire entrer dans sa gloire. Il ne faut donc pas s'étonner qu'elle ressuscite avec tant d'éclat, ni qu'elle triomphe avec tant de pompe. Jésus, à qui cette Vierge a donné la vie, la lui rend aujourd'hui par reconnaissance ; et comme il appartient à Dieu de se montrer toujours le plus magnifique, quoi qu'il n'ait reçu d'elle qu'une vie mortelle, il est digne de sa grandeur de lui en don- ner en échange une glorieuse. Ainsi les deux mystères de l'Incarnation et de l'Assomption sont liés ensemble: et afin que le rapport soit plus complet, les Anges in- terviennent dans l'un comme dans l'autre et se ré- jouissent avec Marie de voir une si belle suite du mys- tère qu'ils ont annoncé. »
La voyez-vous, en effet, s élevant dans les airs, ac- compagnée de ces esprits qui ne la touchent même point par respect, mais délicieusement appuyée
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sur son Bien- Aimé, venu au-devant d'elle pour l'intro- duire dans son palais? Et lorsque les Anges qui l'entourent répètent à leurs compagnons les mêmes élans qu'ils ont exprimés à Jésus en entrant au céleste séjour : Princes du ciel, élevez vos portes pour rece- voir la Reine de gloire ; quittez vos superbes demeu- res, venez honorer son entrée ; ces heureux habitants de Sion accourent de tous les points du ciel pour lui faire le plus beau des triomphes. Quelle est donc celle qui vient du désert, s'écrient-ils, dans le transport de leur admiration ! Comme elle est pure et riche de ver- tus ! C'est la Mère de notre Roi ; c'est notre Reine ! Soyez la bienvenue, ô Marie ! Régnez sur nous ; nous sommes vos sujets; notre bonheur sera de vous obéir. Ainsi environnée d'une brillante escorte, la glorieuse Vierge pénètre dans la profondeur des deux : Montez plus haut, lui dit son cher Fils, asseyez-vous à ma droite. Et il l'établit à ses côtés sur un trône le plus éblouissant du Paradis, lui met en main le sceptre du monde, sur le front le diadème de la royauté univer- selle, l'exalte au-dessus de tous les saints, de tous les Chœurs des Anges et des séraphins, leur commande de la reconnaître pour leur souveraine, de la servir, d'exécuter ses ordres.
Morale : Souveraine des Anges, quel nouveau droit n'a-t-elle pas à notre filiale confiance, et aussi à notre vénération la plus profonde ! Mettons-nous donc à l'unisson de ces esprits bienheureux pour la louer et la bénir. Soyons glorieux d'être aussi les sujets d'une si grande Reine, portons avec fierté ses livrées qui fi- xeront sur nous un regard bienveillant et protecteur. Ne craignons pas que des sommets d'une si haute élé- vation, elle oublie notre misère ou dédaigne notre bas- sesse. Mère en même temps que Reine, son désir et son
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bonheur sont d'enrichir ses enfants de l'abondance des trésors où elle puise à pleines mains. Du haut de son trône elle nous voit, encore combattant dans la plaine, elle assiste à toutes nos luttes, toujours prête, quand nous la réclamerons,ànouscouvrirdesa tendresse comme d'un bouclier. Si Dieu Ta faite si grande, c'est qu'elle avait des vertus en rapport avec autant de gloire. Croy- ons donc que sa charité répond à son crédit ; sa bonté à sa richesse ; sa miséricorde à sa puissance. Elle sait que la véritable grandeur se montre par les bienfaits : pourrions-nous être encore timides ou défiants ?
Non, je ne vous ferai point cette injure, ô bonne Mère : mais ma confiance se mesurant à votre élévation, donnera des ailes à ma prière qui, appu}*ée de votre puissant crédit, sera sûrement exaucée.
Pratique : Se rappeler souvent que le ciel n'est ou- vert qu'à l'innocence conservée, ou recouvrée par les larmes du repentir et les austérités de la pénitence.
EXEMPLES
SAINTE THÉRÈSE
Marie, Reine des Anges, favorise d'une prédilection particulière les âmes qui sur la terre mènent la vie des Anges.
Au 16e siècle, vivait en Espagne une femme d'un grand génie, sainte Thérèse, renommée dans toute l'Eglise par la sublimité de ses révélations, l'héroïsme de ses vertus, la pureté de sa vie et sa tendre dévotion envers la sainte Vierge. A l'âge de douze ans, orphe- line de mère, Thérèse courut toute en larmes se pros- terner aux pieds d'une image de Marie. « Douce Reine du ciel, lui dit-elle, la tendre mère que je viens «le perdre m'a toujours dit que vous étiez bonne et que vous n'abandonniez pas les orphelins ; je suis une
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SU
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ÈÈÊmu
«■■Untoènfai,
pauvre délaissée ; veuillez donc me servir de mère, et moi je serai votre fille bien soumise, et vous aimerai toujours de tout mon cœur. » Après cette prière, Thé- rèse se leva plus tranquille, se reposant sur sa nou- velle Mère, et ses larmes ne coulèrent plus. Dès ce moment, regardant Marie comme sa mère, elle lui fut une enfant aussi dévouée que confiante, recourant à elle dans tous ses besoins ; et Marie, de son côté, la traita constamment comme sa fille chérie. Thérèse ne douta jamais qu'elle lui dut la haute sainteté où elle parvint, et toutes les faveurs dont son Ordre fut gra- . tifié. Elle se fit une loi de remettre entre ses mains les clefs des nouveaux monastères qu'elle fondait, aimanta l'en établir ainsi la gardienne et première Supérieure . « J'ai reconnu, disait-elle souvent, que je ne me suis jamais recommandée à cette bonne Mère, sans avoir été assistée. » — Ayons la même confiance, et nous éprouverons les mômes effets.
ARTICLE SECOND.
Marie, Reine des Anges, par son empire sur les
mauvais Anges comme sur les bons
A Jésus-Christ appartient en propre la souveraineté de tous les mondes, de l'universalité des choses créées. Toute puissance, dit-il, rr£a été donnée au ciel et sur la terre. Il est allé, dit saint Paul, s asseoir à la droite de son Père, sur un trône au-dessus de tous les Chœurs célestes. Toute créature visible et invi- sible, angélique et humaine relève donc de l'immortel empire du Fils de Marie. Mais de cette royauté univer- selle du Fils découle nécessairement celle de la Mère. En sa qualité de Mère du Créateur elle a le droit de souveraineté sur toutes ses œuvres, sur les Anges aussi bien que sur les hommes. C'est ce que reconnaît
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l'Eglise, quand elle fait monter vers son trône ces saintes et sublimes acclamations. Salut, Reine des vieux ; Salut, Dominatrice des Anges ! Ave /... Or. cette puissance absolue, c'est sur les Anges déchus, comme sur les Anges restés fidèles, qu'elle se plaît à l'exercer. Méditons en ce moment cette double vérité ; nous y puiserons des enseignements profonds, des espérances, et les motifs d'une confiance toujours de plus en plus vive en Marie, dont la tendresse pour nous sait ainsi revêtir toutes les formes.
I. Marie, Reine des mauvais Anges, par la do- mination qu'elle exerce sue eux pour les empêcher de nous nuire. — Depuis qu'une terrible sentence précipita dans les abîmes d'une réprobation méritée les Anges devenus rebelles, ces esprits infernaux, aussi jaloux de nos droits sur leurs trônes restés va- cants, qu'irrités contre la justice d'un Dieu vengeur, méditent sans cesse notre ruine, comme tout après leur chute ils avaient conjuré la perte de nos premiers parents. Cette guerre à mort contre nous, ils la pour- suivent avec un redoublement de fureur, depuis que Marie, cette divine guerrière, a fait sentir à leur chef la force de sa puissance. Participants h sa rage persé- vérante comme ils ont participé à sa révolte, il n'y a pièges que ces Anges de ténèbres ne nous tendent, ruses qu'ils n'emploient, pour nous faire tomber dans le mal et partager leur déplorable sort . La fureur du vautour, quand il s'abat sur la colombe, n'est pas si grande à la serrer dans ses ongles, à déchirer et à dévorer ses chairs palpitantes. La sainte Ecriture nous révèle que le ciel et la terre sont peuples d'esprits malins qui ont avec nos mauvais instincts des intelli- gences secrètes pour iil.ii> entraîner à la révolte. Nous avons à lutter, dit sainl Paul, non-seulement contre
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la chair et le sang, mais encore contre la puissance de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air qui nous environne. — Et saint Pierre ne nous assure-t-il pas, en termes aussi formels, qu'au- tour de nous rôde sans cesse notre ennemi, le dé- mon, avide d' 'avoir une proie à dévorer? Aussi nous recommande-t-il instamment de nous tenir toujours en garde contre ses ruses et ses attaques, de veiller et la nuit et le jour, pour n'être point surpris.
Morale : Mais, outre cette vigilance assidue déjà si formellement commandée par Jésus-Christ, nous avons un autre moyen non moins sur d'échapper aux pour- suites du malin esprit, c'est de nous mettre à l'abri à côté de notre Mère, dans ces moments terribles où l'enfer semble près d'entonner sur les ruines de notre fragile vertu l'hymne d'un insolent triomphe. Mais, serait- il donc vrai que la sainte Vierge, Reine du ciel et de la terre, des Anges et des hommes, serait aussi la Dominatrice des démons ? Son empire descen- drait-il jusqu'aux profondeurs de ce noir abîme où Satan règne sur les Anges déchus? Oui, la victoire qu'elle remporta sur lui dès l'aurore de sa sainte exis- tence, elle la poursuit sans cesse en faveur de ses en- fants . Des hauteurs de sa gloire, la Vierge immaculée étend le sceptre de sa puissance sur ces légions in- fernales : un seul de ses regards peut neutraliser la violence de leurs attaques, et porter la terreur dans l'empire des ténèbres : et Lucifer trouverait peut- être son supplice plus facile à endurer, s'il ne savait que Marie règne au ciel, revêtue d'une force devant laquelle son indomptable orgueil est contraint de plier. Au moment de l'attaque, élevons donc vers elle ce cri confiant, terrible à l'enfer : Vierge puissante, priez pour nous-, et nous la verrons accourir à notre défense.
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Cependant, si Dieu accorde à ces génies mauvais le funeste pouvoir de nous livrer des assauts, nous avons aussi près de nous des Anges bienfaisants qu'il a
chargés de nous garder dans toutes nos voies. Sen- sibles à nos dangers et brûlants du désir de nous associer à leur bonheur, beaucoup plus encore que les démons ne sont acharnés à nous entraîne? dans l'abîme, ils sont toujours prêts à seconder les vues de leur Souveraine. C'est là une vérité toute consolante et trop peu connue, qu'il importe de mettre en lumière.
II. Empire de Marie sur les bons Anges, pour les utiliser à notre salut. — Oui, cette charitable Reine, tranquille sur le sort des bienheureux qui sont au port, n'exerce sa royauté qu'en faveur de ceux de ses enfants qui, voyageurs incertains sur la mer orageuse du monde, iraient briser leur fragile nacelle contre les écueils, si son cœur maternel, veillant sans cesse sur eux, ne leur députait quelqu'un des Anges, manda- taire de sa royale protection. Semblable à une mère, qui souvent commet aux aînés le soin des plus jeunes, Marie aussi nous confie aux bons Anges, ses zélés serviteurs, et les charge de nous tenir par la main, de peur que nos pas inexpérimentés et chancelants ne se heurtent contre la pierre. Oui, nul doute que, si dans tant de conjectures périlleuses nous recevons une assistance marquée des saints Anges et surtout de notre Ange gardien, c'est Marie qui leur a donné ce message et inspiré en même temps toute sa tendresse pour nous.
Tantôt, fatigués des saints combats du Seigneur et prêl de rendre les armes, nous sentons tout à coup le courage nous renaître au cœur, et nous reprenons vail- lamment la cuirasse et le glaive; c'est que l'Ange de Jacob, envoyé du ciel par Marie, est venu récliauf-
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fer notre ardeur et nous rendre forts pour la victoire. — Tantôt, aveuglés et séduits par les plaisirs et les folies du siècle, nous ne vivions que pour les recher- cher, lorsque l'Ange de Tobie accourt, obéissant aux ordres de la Souveraine, nous dessille les yeux et nous découvre les biens mille fois préférables de l'éternelle félicité. — Tantôt, ensevelis dans le linceul de la plus dangereuse léthargie, nous allions nous endormir d'un sommeil de mort, lorsque l'Ange de Pierre, fidèle mes- sager de Marie, est venu nous réveiller aussi ; et nous avons retrouvé du mouvement et de la vie. — D'autres fois, irrésolus et chancelants, une lumière nous entoure ; c'est l'Ange de Saul sur le chemin de Damas, que Ma- rie nous députe pour éclairer notre marche incertaine. Dans une foule de dangers que chaque jour nous ap- porte et pour le corps et pour l'àme plus souvent, que de malheurs n'aurions-nous pas à déplorer sans la puis- sante intervention de quelque Ange tutélaire envoyé par cette Reine bienfaisante! Empressés et heureux, comme les grands dignitaires des cours, d'accomplir les ordres de leur auguste Souveraine, ces aines de la cité de Dieu ont sans cesse les yeux tournés vers elle pour deviner et prévenir les pensées de son amour ; ils n'attendent qu'un signal pour accourir nous aider dans le grand travail de notre sanctification. Quand nos vœux méritent d'être portés à ses pieds, ils viennent à nous chargés de ses bienfaits . Lorsqu'ils peuvent re- monter avec l'assurance de notre repentir, ils redes- cendent plus vite encore, nous apportant la grâce du pardon. Honorés de cette sublime mission, ils en font leurs délices. C'est là l'auguste fonction de tous les saints Anges, mais plus particulièrement encore de celui qui est préposé à notre garde, et appelé pour cela Ange gardien.
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Morale : Environnés, comme nous le sommes, de tant d'ennemis, qu'il est donc consolant pour nous de sentir à nos côtés un de ces invincibles guerriers de la légion angclique, qui nous couvre de son armure et combat avec nous contre les puissances infernales ; un Ange député par Marie, qui, partageant son vif intérêt pour notre salut, va lui présenter nos prières, lui ex- poser la multitude de nos besoins, nous obtient par elle les grâces nécessaires ! Ecoutons dans ses divins transports le Roi-prophète accumulant les plus belles images pour exalter les effets merveilleux de sa protec- tion. Ne craignez point, dit-il, ni In flèche qui vole pendant le jour, ni les maux qui se préparent dans les ténèbres, ni les attaques du démon du midi: ses traits tomberont devant vous impuissants : vous marcherez avec assurance sur V aspic et le basilic, vous foulerez à vos pieds le lion et le dragon. Et c'est en toute circonstance que cet Ange sera ainsi no- tre protecteur. N'en voyons-nous pas une preuve sen- sible dans l'histoire de Tobie? Ce n'est qu'un enchaîne- ment continuel de services les plus signalés : soins assidus, salutaires encouragements, délivrance ines- pérée, alliance bénie de Dieu, heureux retour au foyer, guérison de son vieux père. Eh bien ! ce qu'a fait pour ce saint personnage l'Ange qui fut envoyé sous une forme visible, celui qui demeure invisible à nos côtés le fait pour chacun de nous. Compagnon inséparable de notre àme, dit saint Bernard, il nous prend d'une main, et de l'autre élevée vers les régions célestes, il nous montre constamment le glorieux terme où doivent aboutir tous nos efforts.
Mais cette assiduité constante n'excitera-t-elle en nous que la confiance ? Nous devons encore, ajoute le pieux Docteur, respecter sa présence: in quovis angulo.
•
...
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angelo reverentiam habe. Avec la pensée de Dieu qui voit au fond de notre cœur, c'est un frein bien puis- sant sur la pente du mal, que le souvenir de notre Ange gardien qui, sentinelle vigilante, préside à toutes nos actions, et nous accompagne partout. Oserions- nous bien le contrister par le péché qui lui cause tant d'horreur ? « Et quel est celui, dit encore saint Bernard, qui voudrait se permettre en sa présence ce qu'il rou- girait de faire devant un de ses semblables ?» — Un ancien Père du désert, interrogé sur le moyen qu'il employait pour être toujours d'une régularité si accom- plie, répondit : « J'ai souvent à l'esprit mon ange gar- dien, à qui je crains souverainement de déplaire. » — Quel encouragement encore, de savoir que mes bonnes œuvres lui causent autant de joie que nos mauvaises de déplaisir ; qu'il recueille tous nos soupirs aussi bien que nos actes, pour les présenter au souverain Rému- nérateur. C'est la leçon que reçut et dont profita un solitaire. Docile à la voix de l'Ange qui comptait tous ses pas, il éloigna sa cellule de la fontaine, au lieu de l'en approcher.
Daignez, ô glorieuse Reine, me continuer par le mi- nistère, de mon bon Ange, votre royale assistance, qui me rend digne de régner un jour avec vous et avec lui dans votre immortel empire !
Pratique : Dans le recours à Marie, y intéresser notre Ange gardien, en le priant d'appuyer notre de- mande .
HISTOIRE
ROME DÉLIVRÉE DE LA PESTE
Du temps que le pape saint Grégoire gouvernait l'Eglise, une peste horrible ravagea l'Italie et surtout la ville de Rome. Ce n'était que morts et mourants ; la désolation et la terreur régnaient partout ; la ville en-
PAPAPHRASE. — T. II. 13
MO HEGIXA ANGELORUM
tière menaçait de n'être bientôt plus qu'un vaste tom- beau : toutes les précautions humaines étaient restées impuissantes devant la voracité du fléau. Dans cette extrémité, le saint Pontife, sensiblement affecté des maux de ses enfants, prêcha la pénitence et prescrivit des prières publiques : mais l'indomptable fléau ne sé- vissait pas avec moins de fureur. Alors le saint Pape, tournant toutes ses espérances du côté de la Mère de Dieu, ordonna que le peuple et le clergé iraient en pro- cession à l'église de Sainte Marie-Majeure au chant des Litanies de la sainte Vierge, et que l'on porterait par toute la ville son image, qu'une pieuse tradition attri- bue au pinceau de saint Luc. 0 prodige ! A peine la procession fut-elle en marche, que la Reine du ciel manifesta sa puissance. Partout où passait l'image vénérée, la contagion cessait sur le champ : et avant la fin de cette touchante cérémonie, la ville eut la cer- titude que Marie avait entièrement désarmé la colère de Dieu. On vit apparaître sur le môle d'Adrien, appelé depuis Chàteau-Saint-Ange en mémoire de cet événe- ment, un Ange de forme humaine, qui remettait dans le fourreau une épée sanglante. En même temps, des voix célestes firent entendre dans les airs ces paroles de joyeuse reconnaissance : Regina cœli Lœlare. . . Reine du ciel, réjouissez-vous... et les suivantes, auxquel- les Grégoire ajouta aussitôt : Ora pro nobis Deum. L'Eglise continua depuis à employer cette antienne pour saluer Marie au temps de Pâques. Le saint Pon- tife ordonna que chaque année, vers le même temps, on ferait une procession générale appelée Litanie ma- jeure, ou procession de saint Marc.
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CHAPITRE XLI
REINE DES PATRIARCHES
Après les Anges, qui à leur création brillèrent d'un si grand éclat dans la splendeur des cieux, et qui aujour- d'hui encore sont comme la garde d'honneur de la Reine du monde, devaient venir dans l'ordre rationnel des Litanies les Patriarches, en d'autres mots, les Pères de l'ancien Testament. On appelait de ce nom, chez le peuple choisi , ces vénérables personnages , tels que Noé , Abraham , Isaac , Jacob et autres , par qui se transmettait d'âge en âge la promesse d'un Sauveur faite à Adam. Ils étaient regardés comme des princes dans leurs maisons par leurs serviteurs tout dévoués et une famille nombreuse, car ils vivaient plusieurs centaines d'années. Semblables à des phares élevés, ils faisaient rayonner autour d'eux la lumière de toutes les vertus. Ce qui les distinguait surtout, c'était une fidélité inébranlable à la loi du Seigneur, et une aver- sion bien prononcée pour le culte des idoles, dont il se trouvait si outragé, voulant ainsi qu'il en a le droit être seul adoré : c'était encore leur foi ardente, qui brillait dans ces temps de ténèbres comme une étoile solitaire, dont l'éclat est d'autant plus vif que sont plus épais les nuages qui l'entourent. Aussi Dieu se plai- sait-il à les combler de toute sorte de bénédictions, gage sensible de son amour pour eux et des récompenses plus magnifiques réservées à leurs vertus.
Or, Marie est à juste titre nommée la Reine de ces vénérables justes ; car,
I. Elle les a surpassés tous par la fermeté de sa foi ;
II. Elle a eu le bonheur de voir réalisé ce qu'ils n'a- vaient qu'espéré .
i\ 2 REGITVA PATRIARCHARUM
I. Elle a surpassé les Patriarches par l'ardeur et la fermeté de sa foi. — La foi est L'adhésion de notre esprit à des choses qui existent ou que nous attendons; c'est l'intime conviction de leur réalité, conviction fondée non point sur leur évidence, mais sur l'autorité et la véracité de Dieu qui les a révélées. Telle fut la Foi qui caractérisa les Patriarches. Pères de cette heureuse postérité de laquelle devait sortir le Rédempteur du monde, ils reçurent de Dieu sur ce point capital une foi extraordinairement vive et solide. Adam et Eve avaient cru à la promesse d'un Répara- teur des maux résultant de leur péché, et ils la com- muniquèrent à leurs enfants:. Eve en particulier, dans son repentir, aimait sans doute à leur rappeler que, si elle avait été la première cause de leur malheur, une fille qui descendrait d'elle serait un jour aussi la cause d'une réparation surabondante. Abraham ne douta point, malgré son âge avancé et la stérilité de Sara, qu'il put avoir un fils, et que des descendants de ce fils naîtrait le Désiré des nations. Et ce bien-aimé Isaac , sur qui reposaient les promesses divines . il allait l'immoler, comptant que Dieu saurait trouver les moyens d'accomplir ses desseins : c'était là assuré- ment une foi bien vive. Jacob et ses enfants eurent la même croyance à un Libérateur futur, et la transmi- rent à leur postérité. Dans les temps postérieurs, Job aussi, ce juste de l'idumée. entrevoyait le Rédemp- teur, s'at tendant à le contempler dans sa chair au jour de sa résurrection. Souvent les conducteurs du peuple en appelèrent des promesses à cette foi traditionnelle, pour le fortifier dans les différentes épreuves et le main- tenir fidèle à son Dieu.
Niais, si ces saints Patriarches sont regardés et avec raison comme les premiers Pères de la foi. Marie fut
HEGIKA PATHIARCHAUUM z43
véritablement leur Reine, les surpassant tous par la solidité de cette même vertu. En effet; sur la simple parole de l'Ange, sa raison s'incline humblement devant le plus sublime et le plus incroyable des mystères, l'Incarnation du Verbe dans son sein, sans préjudice pour sa virginité. Elle croit, sans balancer, que ce pe- tit Enfant, né faible, souffrant, dans la pauvreté d'une étable , et qu'elle voit ensuite , pendant trente ans, obligé de gagner péniblement sa vie, vivant dans l'obs- curité la plus complète, sans rien faire d'éclatant, n'en est pas moins, le Dieu éternel, le Créateur des mondes, le Roi de gloire, le souverain Dominateur de toutes choses. Et au début de sa vie publique, ne fut-elle pas la première qui ait cru fermement à sa divinité, avant qu'aucun signe ne l'eût manifestée? Ce fut la foi vive en sa puissance, .qui la porta à lui demander un mi- racle en faveur des époux désolés de Cana. Au Calvaire encore, l'abandon presque général, pas plus que ses humiliations profondes sur l'ignominieux gibet , ne peut faire chanceler aucunement la fermeté de sa croyance. Et tandis que les disciples, les apôtres et surtout l'incrédule Thomas hésitent à croire à la réalité de la résurrection « Marie, dit saint Bernard, reste iné- branlable dans sa foi. » Elle est donc justement ap- pelée Reine des Patriarches, puisqu'elle les a surpassés de tant de manières dans cette vertu qui fut leur pré- rogative, qui leur mérita la grâce et la gloire ; réputa- tion est ei ad justitiam; comme elle valut à Marie l'honneur d'attirer dans son sein le Fils de Dieu : C'est votre foi, lui dit Elisabeth, qui a fait voire bonheur : ajoutons, et le nôtre ; « car, dit saint lrénée, ce que l'excessive crédulité d'Eve avait perdu, la foi de Marie le sauva. » Eve avait cru au serpent ; Marie crut à Gabriel .
~2\ï REGINA PATRIARCHARUM
Morale : Nous aussi, sous le rapport de la foi, nous avons sur ces anciens justes, un avantage bien pré- cieux, c'est, depuis que le divin Soleil de justice est venu dissiper nos ténèbres, de voir plus clairement les vérités qu'ils n'ont pu qu'entrevoir? Il en est, ce- pendant, dont Dieu s'est réservé la connaissance claire et parfaite, qui ne peuvent être atteintes par notre fai- ble raison, sans néanmoins lui être contraires, et qu'on appelle mystères. Mais cette obscurité ne doit nullement être un motif d'y refuser notre assentiment. Comme il y a quantité d'objets que les yeux de notre corps ne peuvent découvrir au delà d'une certaine distance, et qu'il serait souverainement déraisonnable de révo- quer en doute, par la raison qu'on ne les voit pas ; de même dans l'ordre surnaturel, prétendre qu'il n'y a de vérités que celles qui peuvent être saisies par notre intelligence serait une extravagance beaucoup plus grande encore. — Dans le monde physique, abandonné aux disputes des hommes, que d'objets nous rencontrons, nous voyons, nous touchons sans pouvoir les expliquer, dont cependant nous ne pouvons nier l'existence : et les choses les plus éloignées de nous, les plus inacces- sibles à notre raison, les choses de Dieu, nous les re- jetterions pour le seul motif que nous ne voyons pas comment elles peuvent êtres ! Tout est mystère au mi- lieu de nous : tout est mystère dans la nature; et nous voudrions que la religion seule n'en eut point ! Ils prouvent sa divinité bien loin qu'ils doivent rebu- ter l'exigence de notre esprit. Si elle eût été l'ouvrage des hommes, elle porterait le sceau de leur faiblesse; Us l'auraient mesurée k leurs courtes vues et accommodée à la politesse des nôtres, [ls n'eussent pas été assez ma- ladroits pour la baser sur des vérités en apparence contraires à la raison, qui les aurait de suite repousséeSj
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comme heurtant par trop les idées généralement reçues. — Et puis, Dieu ne devait-il pas à sa grandeur de s'en- tourer de nuages impénétrables à notre faible intelli- gence, tant qu'elle sera sous les enveloppes de la chair? Il ne serait pas l'Etre infini, s'il nous était donné de le connaître pleinement. « Dieu ne serait plus Dieu, disait un sage païen, si l'on pouvait le comprendre, » — « ni fort élevé au-dessus de nous, selon la remarque si judicieuse de saint Augustin, s'il ne pouvait faire que ce que notre raison peut concevoir. »— N'a-t-il pas droit, d'ailleurs, à l'hommage de tout notre être, de notre in- telligence conséquemment, par l'adhésion à des véri- tés qu'elle ne comprend pas, comme de notre volonté par la soumission à des préceptes qui la contrarient ? Sans ce double sacrifice, quel mérite aurions-nous de croire et d'obéir ? C'est précisément à cet abaissement de notre esprit devant la suprême raison de Dieu, et de notre volonté devant ses commandements, qu'est at- taché le bonheur de le voir au ciel à découvert dans toute la splendeur de sa gloire : Beati qui non vide- ntnt et firmiter crediderunt .
II. Marie eut le bonheur de voir réalisé ce que les Patriarches n'avaient qu'espéré— Dieu leur avait promis qu'un Sauveur viendrait un jour; mais ils ne pouvaient que l'entrevoir à travers les nuages obscurs de l'avenir. Marie reçut de l'Ange non pas seulement la promesse mais l'assurance positive de cette naissance prochaine. Abraham a bien vu l'image du Messie Ré- dempteur dans la personne d'Isaac, son fils unique; mais ce ne fut toujours qu'une figure présentée à ce Père des croyants. David aussi savait que de sa famille devait naître un jour le Sauveur ; et même, dans ses psaumes il a écrit par avance son histoire, les princi- pales circonstances de sa vie, sa passion, sa résurrec-
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tion ; mais il n'a pu que le prédire et désirer le voir. Marie plus favorisée, après l'avoir attiré par l'ardeur de ses vœux, et comme par l'aimant de sa pureté et de son humilité, l'a porté dans son sein, l'a vu de ses propres yeux, beaucoup plus heureuse de sa présence que les Patriarches ne l'avaient été de l'espérance et du désir. La possession et la jouissance d'un bienfait l'emportent assurément sur la promesse et l'attente. La lettre d'un ami qui annonce sa venue est très agréable, sans doute, mais son arrivée et sa présence causent une joie toute autrement délicieuse. On aime les fleurs pour elles-mêmes et comme heureux présage du fruit; mais la vue et la cueillette du fruit, parvenu à sa maturité, réjouit beaucoup plus encore. Ainsi les Patriarches reçurent comme les lettres de Dieu qui an- nonçait l'arrivée du Sauveur, mais Marie fut témoin de l'avènement ; ils virent les fleurs, Marie reçut et donna le fruit.
Morale : Sous ce rapport notre position a quelque ressemblance avec celle de ces anciens justes. Nous aussi, nous ne pouvons ici-bas que désirer les biens célestes ; c'est dans l'autre vie que nous aurons la réa- lité. Ce désir doit animer habituellement le vrai chré- tien gémissant sur la longueur de son pèlerinage, et Dieu en est tellement honoré, qu'il l'a mis au nombre des sentiments qui doivent lui être exprimés chaque jour : Que votre règne arrive. Mais pour que ces paro- les divines ne soient pas un vain son dans notre bou- che, ne cessons d'augmenter en nous ce désir : la con- sidération suivante, peut, parmi beaucoup d'autres, y servir puissamment. On éprouve quelquefois des jouissances bien vives et bien pures, pour l'esprit, pour le cœur et pour le corps. Si Dieu a semé ce lieu de notre exil do ronces et d'épines de peur que, nous devo-
REGINA PATRIAHCHARUM 217
nant trop aimable, il nous fasse oublier et dédaigner la patrie, il y a aussi entremêlé quelques roses, qui nous donnent comme un échantillon de ce qu'est le ciel lui-même : il a laissé tomber quelques gouttes de cet Océan de beautés et de bonheur, pour nous faire tra- vailler avec plus d'ardeur à en acquérir la plénitude. Lors donc que la Providence nous ménage quelqu'une de ces jouissances morales ou physiques qui nous im- pressionnent agréablement, sachons entrer dans ses des- seins. Ne les savourons pas pour elles-mêmes, portons nos vues plus haut. Qu'elles nous soient comme un avant-goût des célestes délices ; et que cette radieuse perspective redouble notre activité à nous rendre dignes de les goûter éternellement à la source même.
0 glorieuse Reine de ces vrais croyants que leur foi a rendus si magnanimes d'espérance, de désirs et de force, communiquez-moi leurs saints empressements pour cette terre des vivants, où le Soleil de splendeur infinie éclairera notre âme de sa lumière, et pénétrera nos cœurs de ses ardeurs vivifiantes !
Pratique : A l'exemple de saint Ignace, trouvons viles et méprisables les choses de la terre, auprès de la couronne immarcessible qui nous attend au ciel.
EXEMPLE
CHATEAUBRIAND ET LES MARINS DEVOTS A MARIE.
« Un soir, dit Chateaubriand, nous nous trouvions dans ces belles mers qui baignent les rivages de la Virginie : toutes les voiles étaient pliées : j'étais oc- cupé sur le pont, lorsque j'entendis la cloche qui ap- pelait l'équipage à la prière ; et je me hâtai d'aller mêler mes vœux à ceux de mes compagnons de voyage. Les officiers étaient sur le château de poupe avec les passagers: l'aumônier, un livre à la main, se tenait
218 REC1NA PROPHKTARUM
un peu en avant d'eux : les matelots étaient répandus pèle-mèle sur le tillac ; nous étions debout, le visage tourné vers la proue du vaisseau qui regardait l'occi- dent.
Le globe du soleil, près de se plonger dans les eaux, apparaissait entre les cordages du navire, au milieu des espaces sans bornes. . . Il est bien à plaindre celui qui dans ce spectacle n'eût point reconnu la beauté de Dieu ! Des larmes coulèrent malgré moi de mes paupières, lorsque mes compagnons ôtant leurs chapeaux goudronnés, vinrent à entonner d'une voix rauque leur simple cantique à Notre-Dame de Bon-Se- cours, Patronne des mariniers. Qu'elle était touchante la prière de ces hommes qui, sur une planche fragile, au milieu de l'Océan, contemplaient le soleil couchant sur les flots ! Comme elle allait à lame cette invo- cation du pauvre matelot à la Mère de douleur ! » — Dans ce récit, avec toutes ses circonstances si émou- vantes, respire la foi vive et éclairée d'un homme jus- tement célèbre par son génie, qui est sensible aux beautés de la nature, et qui ne crut pas indigne de soi de vénérer la sainte Mère de Dieu.
CHAPITRE XLII
REINE DES PROPHÈTES.
Cette qualification, non moins glorieuse que les précédentes, Marie la mérite à plusieurs titres.
D'abord, elle-même fit entendre des accents inspirés, et surpassa les prophètes de toute la dignité d'une reine, lorsque dans son sublime cantique, mêlant au souvenir des bienfaits reçus la prédiction de sa future grandeur, elle annonça queloittes lesnationsla salue-
REGINA PROPHBTARUM "21!>
raient du nom de Bienheureuse. Cette étonnante pro- phétie trouve, en effet, son accomplissement dans dix- huit siècles de vénération, d'amour et de gloire, qui placent ainsi la vierge au premier rang dans le corps des Prophètes.
Elle est leur Reine, par ce qu'elle vit de ses yeux, couvrit de ses baisers, et entoura de sa sollicitude maternelle Celui qu'ils n'ont vu que dans le lointain de l'avenir et sous des formes confuses.
Elle est leur Reine, parce qu'avec toute la hiérar- chie céleste, ils sont admis à contempler ses traits augustes. Moïse reconnaît en elle l'Arche sainte dont celle du Tabernacle avait été la figure ; David, la Reine assise, revêtue d'or, auprès du grand Roi ; Isaïe, la Femme qui devait enfanter, sans cesser d'être vierge ; Ezéchiel, la Porte fermée, par où seul passerait le Seigneur ; tous, Celle qui devait s'élever fraichccomme le lys parmi les épines, — pare comme la colombe, — radieuse comme Vaurore, belle comme la lune, unique comme le soleil, — et portant au front le diadème de douze étoiles. Tous ces gracieux sym- boles, longtemps allégoriques, sont maintenant dévoilés aux yeux des Prophètes, qui tous en chœur accla- ment Celle qu'ils voient sans ombre ni figure au sommet de la gloire.
Marie est encore et surtout Reine des Prophètes, parce que Vierge et Mère, elle fut, en même temps que son Fils, l'objet de leurs prédictions, de leur éton- nement, de leur admiration. Peut-être n'avez-vous jamais prêté l'oreille aux sons mystérieux de cette harpe touchée tour à tour par ces hérauts inspirés, qui annoncèrent au monde sa miséricordieuse Libéra- trice, intimement associée dans nos saints Livres au divin Libérateur ? Et c'est sous ce point de vue que
220 REGINA PHOPHETARUM
nous allons envisager la majestueuse figure de Marie. Il sera beau, et non moins glorieux pour nous que pour elle, de voir que son existence ne s'est point bor- née aux jours qu'elle a passés sur notre terre, et que, si elle vit dans l'amour, la confiance et les hommages de tous les peuples, elle a aussi vécu dans l'ancien monde, figurée par les patriarches et autres person- nages célèbres, prédite par les Prophètes, objet des soupirs et de l'attente universelle, aussi bien que le divin Rédempteur dont elle devait être la Mère. Tel est l'intéressant tableau, voilé alors et aujourd'hui mis en plein jour, qu'il nous faut dérouler sous vos yeux. Mais comme les traits divers dont il se com- pose perdraient au raccourci, nous le partagerons en deux parties.
I. Nous allons grouper les principaux fragments des prophéties, de manière à former un ensemble qui nous montrera Marie révélée dès l'aurore du monde, et l'objet de l'espérance générale.
II. Nous la verrons ensuite dépeinte sous différen- tes figures, dont la réunion formait d'avance son his- toire .
ARTICLE PREMIER
Marie, prédite dès le berceau du monde et dans la
suite des temps
C'est une loi assez générale qu'un effet est précédé par quelque signe. Voyez dans la nature : la plante est annoncée par le germe ; la fleur par la plante ; le fruit par la fleur : l'aurore est l'avant-courrière du jour ; l'éclair précède l'éclat de la foudre. Marie, ce germe heureux de notre salut., cette fleur charmante d'odeur et de beauté, cette aurore du Soleil de justice, devait longtemps d'avance comme préluder aux grands évé- nements qu'elle était destinée à produire. Aussi Dieu
REC.INA PROPHETAIU M 221
lui-même la fit connaître au monde en même temps que son Libérateur futur.
Nos premiers parents venaient de tomber : la honte et le remords les poursuivent : ils ont entendu la sen- tence foudroyante qui les chasse du paradis de délices et les condamne au travail, aux souffrances, à la mort: un immense désespoir dût saisir leur âme si prompte- ment coupable. Mais bientôt, la divine bonté vient sécher leurs larmes, calmer leur effroi et les fortifier par l'espérance. Je mettrai, dit le Seigneur au serpent, des inimitiés entre toi et la femme, entre ta postéri- té et la sienne; un jour elle V écrasera la tête. Par cet oracle sorti de la bouche de Dieu même, et fondement de tous les autres, qui dans la suite des temps n'en seront que le développement, la Sagesse éternelle pro- phétisait à nos infortunés parents leur rédemption fu- ture, par l'entremise d'une femme privilégiée qui, en enfantant le Réparateur de la gloire de Dieu et le Sau- veur des hommes, doit briser la tête de leur ennemi commun. Or, quelle est cette femme merveilleuse? Si l'univers chrétien a constamment reconnu le Christ dans cette race de la femme destinée à détruire l'em- pire du démon, la Femme promise ne peut être que la Mère du Christ . Voilà donc Marie en tête du nouveau combat où l'enfer sera terrassé, comme Eve a été la première dans l'attaque où l'homme a succombé. Ainsi fut dévoilé à Marie la gloire d'avoir été annoncée dès l'origine du monde, comme devant accomplir avec Jésus le grand œuvre régénérateur de l' humanité dé- chue. Après cette solennelle promesse, elle devint, avec son Fils, l'objet de l'espérance et des brûlants désirs de nos premiers parents et de leur postérité. L es patriarches la montraient à leurs enfants comme l'astre messager de ces jours de salut réservés au
2-22 REGIXA PnOPHETARUM
monde. Abraham plus privilégié reçoit de la bouche de Dieu même l'assurance positive que la Mère du Messie sortira de sa race, et que dans ce Fils qu'elle doit enfanter seront bénies toutes les nations de la terre.
A mesure que les siècles se déroulent, les prophéties, qui la regardent, deviennent et plus nombreuses et plus claires. La délicieuse attente d'un Libérateur et d'une Femme Libératrice traverse les âges, s'aug- mentant par les prédications successives des prophètes, comme échelonnés de loin en loin, pour raviver dans le cœur des peuples ce consolant espoir.
Ainsi David, l'illustre ancêtre de Marie, en trace le portrait avec la complaisance de l'amour paternel . Il nous la montre oubliant dès ses jeunes années son peuple et la maison de son père, se consacrant au Roi des rois, et pour prix de ce généreux sacrifice conce- vant un Fils qui sera Dieu. Il a distingué son vête- ment d'or, relevé par de riches et multiples variétés : il l'a vue assise comme une Reine à la droite du Roi, en- tourée des filles de Tyr et de Sidon, qui lui apportent leurs présents, et des riches de la terre qui viennent implorer son respect .
Jérémie, plongeant dans l'avenir s'attendrit sur les douleurs de la fille de Sion ; il la voit blessée au cœur dans ce qu'elle a de plus cher, oppressée d'amertume et déchirée jusqu'au fond des entrailles ; on dirait qu'il a assisté aux scènes du Calvaire.
Ecoutons Isaïe qui, impatient de voir le jour tant désiré, demande, aux mies de pleuvoir le Juste, et à la terre de s'ouvrir pour faire enfui germer le Sauveur. Puis persant par son intuition prophétique l'espace de six siècles, il entend d'aussi loin la voix de l'Archange apportant la parole de la délivrance, et salue
REG1NA PitOPHETARUM ^223
d'un mémo cri et avec un même enthousiasme le prodige inouï d'une Vierge Mère et d'un Dieu fait homme : Ecce virgo concipiet... et vocabitur Emmanuel. Qui ne voit dans cet oracle la Vierge Marie avec son caractère miraculeux et exclusif de virginité féconde et de maternité virginale?
Daniel va jusqu'à compter le nombre de semaines, d'années qui doivent s'écouler avant l'accomplissement de cette grande merveille : et comme ses devanciers il parait avoir été admis aux conseils de l'Eternel, et publier les Mémoires de Marie plutôt que crayonner son avenir.
C'est ainsi que dans la Bible sacrée, comme dans un registre ouvert, chaque Prophète venait inscrire un mot, une page que l'on prendrait pour l'histoire anti- cipée du divin Rédempteur et de sa divine Mère plutôt que pour la prédiction du grand événement qu'ils doi- vent réaliser. Ainsi Marie était-elle vivante dans la foi et les espérances du peuple des promesses, comme depuis son apparition au monde elle est vivante dans notre culte. Pendant quatre mille ans, son attente en même temps que celle du Messie entra dans les insti- tutions, les usages, les cérémonies religieuses, les cou- tumes même nationales de ce peuple, chez lequel tout était figure, et que saint Augustin appelle « un seul grand Prophète. »
Cette promesse, ces espérances et ces désirs sont maintenant réalisés. La Femme merveilleuse qui a tenu en suspens l'amour de tous les siècles, et occupé une si large place dans le cœur des Prophètes, est en- fin connue. Le vieux Testament n'est plus un livre scellé : Marie nous en a apporté la clef ; elle a déchiré le voile qui en couvrait les obscurités mystérieuses. En étudiant dans les moindres détails toutes les pha-
"2iï REGINA PROPHETARIM
ses de son existence, le rôle sublime qu'elle a rempli, et en les rapprochant des prédictions, on est forcé d'y reconnaître la concordance la plus parfaite et de s'é- crier avec Pascal : « En vérité, toute cette enchâssure est divine î »
Morale : Oui, croyons fermement à un fait si conso- lant pour nos cœurs. Félicitons-nous d'avoir dans la plénitude de la réalité Celle que les prophètes n'ont pu que prévoir et désirer. Ils n'avaient que le demi- jour de la vérité et comme le crépuscule de l'espérance, et cependant ils aimaient à rafraîchir leur àme par l'attente de cette Vierge Réparatrice, ils adoucissaient la rigueur et l'ennui de leur exil, en reposant leurs regards sur le jour de la rédemption dont elle annon- çait la prochaine arrivée. Nous, plus heureux, nous jouissons de sa venue et de ses bienfaits, nous contem- plons ses charmes ravissants. Vénérons donc de tout près Celle qu'ils n'entrevoyaient que dans le lointain ; vivons d'amour pour Marie, comme ils vivaient d'es- pérance. — Un voyageur visitant la magnifique cathé- drale dont Florence s'enorgueillit à bon droit, aperçut un tableau de Marie, qui attira surtout son attention . Frappé des attraits divins de la Mère de Dieu, il répé- tait sans cesse qu'une des choses qui lui inspiraient le plus d'horreur pour l'enfer, c'est qu'on y était à jamais séparé de la présence de la Vierge, dont une ombre l'avait transporté hors de lui-même. Qu'était, cepen- dant, ce portrait, auprès de l'admirable original qui est dans les deux ! Et si les Patriarches et les Prophè- tes qui ne l'ont vue que dans les obscurités de l'avenir, l'ont néanmoins tant désirée, combien encore une fois devons-nous l'aimer, nous qui en connaissons les ravis- santes beauté
Non, vous n'êtes plus pour nous un objel d'attente,
REGINA PROl'HETAltUM 225
auguste Vierge, vous êtes une Mère véritable, une Reine à tous. Du haut de votre trône, vos bras nous sont ouverts, vos yeux veillent sur nous, votre cœur nous est un asile. Continuez-nous une protection qui nous réunisse et nous fixe avec vous dans les immua- bles réalités du bonheur éternel.
Pratique : Remercions souvent le Seigneur d'être nés dans le sein de l'Eglise catholique, où, entre autres avantages, nous avons celui de connaître et de pouvoir prier la très sainte Vierge .
EXEMPLES
HEUREUX EFFETS DU SOUVENIR DE MARIE .
Je fus mandé, racontait un missionnaire, par un homme déjà âgé, dont la vie n'avait été qu'un long tissu de désordres et de scandales. A peine étais-je arrivé, qu'il se jette à mes pieds, en me disant : Vous voyez, Monsieur, un pécheur abominable, sauvez-le ! — Je le rassure de mon mieux, et lui demande ce qui a pu éveiller en lui ces sentiments ?— Je l'ignore absolu- ment, me répondit-il. — Avez-vous pu suivre nos ins- tructions ? — Pas du tout, j'étais retenu au lit ; et quand même...— Vous alliez, sans doute, quelquefois aux of- fices? — Jamais. — Quelque ami mieux pensant vous aurait-il?... — Des amis, je n'en ai point, et je les eusse choisis selon mes principes. — Suspendant mes questions, je réfléchissais, lorsque mes yeux aperçoivent un tableau de la sainte Vierge. — Quoi ! m'écriais-je, un tel tableau chez vous ? — Eh oui ! Monsieur, reprit le vieillard ; et même je n'ai respecté que cela ; chaque jour, pour toute prière, je saluais cette image en réci- tant un Ave Maria, par respect pour les dernières volontés de ma mère. — Ah ! cher ami, lui dis-je tout ému, réjouissez-vous: c'est à Marie, n'en doutez pas.
226 REGI X A PROPHETARIM
c'est à ce faible tribut de respect pour elle que vous devez votre conversion .
— Un prince idolâtre résistait à toutes les instances d'un missionnaire ; rien ne pouvait amollir son cœur, le tourner vers Dieu ; et l'apôtre découragé ne savait plus à quel moyen recourir. Il lui vint en pensée de mettre sous les yeux du roi l'image de la Vierge qu'il portait avec lui. A cette vue, l'infidèle s'attendrit ; il ne connait pas encore le Dieu du ciel ; mais en voyant cette divine Mère qui sourit à son enfant, il comprend que la religion qu'on lui annonce doit être une loi d'amour et de clémence ; il tombe à genoux devant cette image, et se relève chrétien.
ARTICLE SECOND Marie figurée dans l'ancien Testament.
Tout, chez la nation juive, ses institutions, ses sa- crifices, ses cérémonies, ses grands hommes, ses édi- fices même, était l'ombre de l'avenir, la figure de ce qui devait être dans le Christianisme. Ainsi, la loi de Moïse figurait la loi du Christ ; les sacrifices sanglants, celui de la Croix ; l'Arche sainte et le Temple étaient l'image de nos temples ; Abel représentait l'innocence du Dieu Sauveur ; Melchisédech, son sacerdoce ; Jo- seph, sa sagesse : Jouas, sa résurrection : ainsi se dessinait d'avance la figure de Jésus-Christ. « Mais, dit saint Bernard, si l'Ecriture montre partout le Fils, elle n'a pas oublié la Mère, par laquelle le Verbe s'est fait chair, et qui coopéra si activement à l'œuvre de la Rédemption. » Dès l'origine des siècles, la terre entière est occupée de Marie : nous l'avons vue pro- mise à Adam après la chute, ardemment désirée par les patriarches, prédite par les Prophètes conjointe- ment avec son Fils : maintenant contemplons les
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nobles Figures de son sexe qui l'ont représentée. Elles forment comme une longue galerie commençant à Eve et venant aboutir à Marie, en qui se résument tous leurs traits divers. Soulevons un moment le voile qui les couvre, et nous verrons que toutes ces femmes fur l.s, ces mères illustres, ces veuves désolées, ces reines majestueuses, que nous pourrions appeler les aïeules de la Vierge, n'étaient que comme les plans en relief de ce Temple magnifique que devait se bâtir la Sagesse éternelle.
Le premier personnage qui se présente à nous, c'est la mère des humains, figurant Marie par ressem- blance et par opposition. — Eve, dit saint Irénée, vierge encore lorsque le démon lui parle ; Marie, Vierge à l'arrivée de l'Ange, et toujours Vierge en concevant le Christ. — Eve, écoutant l'esprit de ténèbres, pour se laisser séduire ; Marie, croyant à Gabriel, pour nous sauver avec elle. — Eve vaincue par le serpent ; Marie, lui écrasant la tète. — Eve, prodige d'orgueil et de révolte ; Marie, miracle d'hu- milité et d'obéissance. —Eve, introduisant la mort dans le monde ; Marie, y ramenant la vie. — Eve, s'associant Adam pour la prévarication ; Marie, asso- ciée à Jésus pour l'expiation. — Qui ne voit entre ces deux femmes si diversement fameuses, des rapports que le ciel seul a pu dessiner ?
Après Eve, qui parait au berceau du monde, se montre Sara, à la naissance du peuple des promesses. Sara, type aussi très expressif de Marie, par son nom d'abord, qui signifie Souveraine ; puis par sa fécondité miraculeuse. Sara, malgré la double stérilité de la nature et de l'âge, met au monde un fils unique, et devient la mère d'une postérité plus nombreuse que les étoiles du ciel : Marie, féconde nonobstant son
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vœu de virginité et contrairement à toutes lois de la nature, devient, par Jésus, Mère et Reine de toutes les générations à venir. L'une et l'autre ont cru à l'Ange qui leur annonçait un fils. Isaac Lui-même figure la grande Victime qui gravira la même mon- tagne, portant aussi le bois de son sacrifice, mais qui ne demandera pas où est la victime de l'holocauste.
Une autre figure de l'ère patriarchale, c'est Rébecca. Rébecca, modèle de sagesse, sapiens ut Rebecca /Ma- rie, Trône de la sagesse. Rébecca, brillante de tous les charmes de la nature : Marie, belle des dons bien au- trement précieux de la grâce . Rébecca, choisie parle plus fidèle serviteur d'Abraham pour être l'épouse d'Isaac : Marie, à qui Dieu députe le premier des archanges pour lui annoncer la maternité divine. Ré- becca, mère de Jacob, l'héritier des promesses ; Marie, enfantant Jésus l'accomplissement de ces mêmes pro- messes . Ce tableau précurseur de la Vierge-Mère ne semble-t-il pas achevé dans toutes ses parties ?
Cependant pour le rendre plus complet, citons en- core Rachel. dont le nom. AmaMlis, exprime la dou- ceur et les charmes. Rachel. triste et solitaire au foyer de Jacob : Rachel. dont Dieu n'exauce qu'après de longues années la prière d'être mère, et devenant ensuite par la perte de son enfant, l'expression de la plus inconsolable des douleurs . A tous ces traits, qui n'a reconnu Marie ignorée, et dont les jours ont été si traversés par l'épreuve et la souffrance? Rachel encore, mère du Sauveur de l'Egypte, et Marie, Mère du Sauveur du monde, vrai Joseph qui, vendu par ses frères, leur a ensuite pardonné, les a nourris, enrichis et sauvés de la captivité et de la mort.
Dans la vaillante Débora, prophétesse et juge d'Israël, qui. voyani la détresse de son peuple, n'hésite
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point à quitter le palmier sous lequel elle conciliait les différents, pour accompagner son fils au combat, et remporte sur l'ennemi une éclatante victoire, peut- on ne pas reconnaître Marie, plus que Prophétesse, assise dans le temple séjour de paix et de concorde, et montant sur le Calvaire avec Jésus, ce Géant invin- cible, qui ne veut pas combattre sans l'avoir à ses côtés, et terrasse le redoutable ennemi du genre humain .
Et Judith, cette noble femme, la plus irréprochable de toutes les veuves, victorieuse d'Holoferne, et pro- clamée la libératrice d'Israël, la joie et l'honneur de la nation, n'est-ce pas trait pour trait Marie sur la terre et au ciel ?
Dans ce tableau de femmes illustres, types figura- tifs de Marie, pourrions-nous oublier le nom d'JEslher, qui vient dignement les couronner ? Esther, idéal de la beauté, vierge jusque-là ignorée, attire sur elle les regards du plus puissant des rois qui l'a fait asseoir à sa droite sur le trône de Vasthi rejetée pour avoir désobéi à son Seigneur ; Esther, obtient d'Assuérus la révocation de redit porté contre son peuple, fait atta- cher à la potence l'orgueilleux Aman, et sauve avec Mardochée toute la nation juive. 0 Marie, Vierge par excellence, inconnue de tout Israël, c'est ainsi que, aj'ant plu au Seigneur, vous en reçûtes le titre de Reine de l'univers qu'Eve avait perdu par sa prévari- cation ; vous déjouâtes les trames de l'enfer, et ob- tîntes Une sentence de grâces en faveur de votre peuple !
Que ces harmonies sont ravissantes! Quelle remar- quable identité entre ces héroïnes judaïques et Marie, réunissant tous les traits divers qui les ont caracté- risées ! Oui, dans sa personne se reflète, comme dans un miroir, tout ce que ces célèbres existences ont
2'M) REGINA PROPHETA1UM
offert à l'admiration de leurs contemporains. Et cha- cune de ces allégories animées étail comme une pa- role d'espérance, que le ciel laissait tomber dans le cœur des peuples, pour y entretenir l'attente de la rédemption future.
.Même au sein des nations idolâtres et sauvages, on retrouve vivante la tradition d'une Vierge qui devra donner naissance à un grand Libérateur. Au milieu de ce cahos d'erreurs et de vices qui constituaient le Paganisme , deux grandes croyances surnageaient étroitement liées, la croyance à un Messie futur et à une Vierge qui devait être sa mère: croyances bien vagues, il est vrai, revêtues de formes différentes, et mélangées de beaucoup d'erreurs et de superstitions, mais dans lesquelles on reconnaît facilement un reste altéré de la tradition des premiers âges : les hommes ayant tous une même origine avaient emporté la même foi en se dispersant sur la terre.
Morale : Et pourquoi donc Dieu voulut-il sauver du grand naufrage des vérités primordiales ce point fondamental de la religion primitive ? Pourquoi veil- lait-il avec un soin si délicat à sa conservation ? Cétait pour préparer les hommes à la venue de son divin Fils, et pour donner à Marie, sa Mère, une gloire à laquelle rien ne manquât. Quelle grandeur, en effet, d'avoir, avant de naître, vécu des milliers d'années dans la foi et le désir rie l'univers entier, là même où s'était perdue la connaissance du seul vrai Dieu, là où la terre se souillait des crimes les plus abominables ! Quel héros s'honore d'avoir ainsi préexisté dès l'ori- gine et sur tous les points du monde ?
Vous seule, ô Marie, avec Jésus, avez ainsi vécu et par le plu- brillant côté de votre mission sublime, dans la pensée des âges? Vous deviez en eela être
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associée à votre Fils, comme vous participâtes à toutes les phases de sa vie et à sa mort sur le Calvaire, comme aujourd'hui encore vous partagez au ciel et sur la terre sa gloire et sa puissance. Ah ! que nous devons être fiers d'avoir une telle Reine ! Si dans le monde l'ancienneté d'origine, la noblesse de famille, les hauts faits et les vertus éclatantes des ancêtres sont aux descendants un sujet d'orgueil et de gloire ; nous, chrétiens, loin de rougir d'appartenir à Marie, ne de- vons-nous pas être saintement orgueilleux de former sa famille, de compter parmi ses enfants ? Marchons donc sous ses étendards avec une sainte liberté et une religieuse indépendance.
0 très sainte Vierge, non-seulement je m'en ferai honneur, mais tout mon désir serait qu'il n'y eût pas sur la terre un seul esprit qui ne se courbât devant vous, pas un cœur qui vous ne aimât, pas une bouche qui ne publiât vos grandeurs, pas un genou qui ne fléchît à vos pieds, pas une douleur ni un besoin dont le cri ne montât jusqu'à vous. Puissé-je du moins, pour ma part, vous aimer et vous honorer autant que vous en êtes digne !
Pratique : Visiter les églises consacrées à la sainte Vierge : saint Henri, empereur, et saint Vincent de Paul avaient pour habitude, en entrant dans une ville, d'aller d'abord offrir leur hommage à Marie, au pied de ses autels. Il faut , pour l'honorer , se mettre au- dessus de tout respect humain .
EXEMPLES
BEAUX DÉVOUEMENTS POUR LA SAINTE VIERGE.
Il y a quelques années, un élève de l'Ecole poly- technique trouve un chapelet dans une des salles. In- digné à la pensée que dans l'illustre Ecole on puisse
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réciter cette humble prière, il réunit ses amis, leur fait part de la découverte, et tous jurent de faire bonne justice d'une pareille superstition. En effet, le mot d'ordre est donné : après un des exercices, on se ras- semble dans la cour ; le chapelet est attaché à la bran- che d'un arbre, et l'élève qui l'a trouvé s écrie sur le ton de la plus insolente raillerie : « Que celui de nos chers camarades qui a perdu son chapelet, vienne le prendre. » Tous gardent un profond silence ; mais on voit s'avancer noblement un jeune étudiant, proclamé naguère le premier numéro sortant de l'Ecole; il va prendre tranquillement le chapelet, et s'adressant à celui qui l'a défié : « Merci, mon cher ami ! en restant chrétien, je ne crois pas avoir déshonoré l'Ecole. » Bravo ! s'écrie-t-on de tous les rangs ; bravo ! c'est avoir du courage !.... Le Directeur, témoin de cette scène va prendre la main à ce vaillant soldat de Jésus- Christ, et lui dit avec une profonde émotion : « Bravo ! mon ami ; quand on sait ainsi défendre ses convictions et sa foi, on saura servir son pays, on saura mourir pour sa patrie ! »
— Sous le règne de François Ier, quelques luthé- riens iconoclastes avaient porté leur haine contre la sainte Vierge jusqu'à briser sa tête et aussi celle de l'Eiifant-Jésus, à une statue placée sur la façade d'une maison. L'indignation fut générale ; et le roi lui-même ne rougit pas de tirer une vengeance éclatante de cette sacrilège profanation, D'abord, il promit une somme de mille écus à celui qui en découvrirait les auteurs : de plus, il rit faire en argent une autre statue sembla- ble., Et le 13 juin 1528, entouré des princes du sang, de tous les corps du royaume, après une messe solen- nelle, en présence du chapitre de Paris et de plusieurs évéques, il accompagna, à pied, un cierge à la main.
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la procession expiatoire, où Ton portait la sainte image. Arrivé sur le lieu du crime, il la plaça lui-même dans sa niche, après l'avoir baisée respectueusement, et pria pendant quelque temps à ses pieds, non sans avoir répandu, pendant toute la cérémonie, de douces larmes qui complétaient les autres témoignages de sa foi et de sa tendre dévotion. — Après de si nobles exemples, on est bien encouragé à ne pas rougir d'ho- norer la sainte Vierge.
CHAPITRE XLIII
REINE DES APOTRES.
La cour céleste se compose de trois classes bien dis- tinctes, qui ne forment qu'une seule famille , n'ont qu'un même sentiment, l'amour de Dieu, une même occupation, celle de le louer sans cesse. La première classe est celle des anges, purs esprits qui n'habitèrent jamais notre monde. La seconde est celle des justes de l'ancienne Loi, et principalement des patriarches et des prophètes, qui par la vivacité de leur foi, l'ardeur de leur espérance et une régularité de conduite remar- quable, méritèrent au céleste séjour une place distin- guée. La troisième comprend les saints de la loi nou- velle, à la tête desquels sont les Apôtres, qui ont vu de leurs yeux le Sauveur, ont recueilli de sa propre bouche les oracles de son infinie sagesse, les ont ensuite portés dans tout l'univers et scellés de leur sang. Après de si généreux travaux, le front ceint d'immortelles couron- nes, ils se reposent sur douze trônes de gloire près du Christ, leur divin Maître. Mais Marie siège sur un trône beaucoup plus élevé et plus radieux.
PARAPHRASE. — T. II. 14
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I. Parce qu'elle les a surpassés sur la terre en fidé- lité, en zèle, en science ;
II. Parce qu'elle a contribué avec eux et même plus qu'eux à la formation de l'Eglise.
I. Marie surpassa les Apôtres, d'abord en fidélité à l'égard de son divin Fils. — Dans le cours de sa passion, je cherche en vain les Apôtres ; tous, à l'ex- ception d'un seul, l'ont abandonné, et si saint Pierre reste présent, c'est pour le renier. Mais Marie alors se trouve là : aussitôt qu'elle sait Jésus entre les mains de ses bourreaux, elle accourt à sa rencontre et ne le quittera plus : rien ne peut l'arracher à ce cruel spec- tacle, et s'il l'eût fallu, elle aurait de grand cœur joint le sacrifice de sa vie au sacrifice offert par son Fils : c'est bien là être fidèle jusqu'à la mort.
Supérieure aux Apôtres par son courage et sa fidé- lité, Marie le fut encore par son zèle à faire connaître Jésus- Christ , même avant sa naissance. Car , il est bien permis de croire qu'un des buts de sa visite si empressée à sa cousine Elisabeth, fut de procurer à l'enfant, que celle-ci portait, la connaissance de Celui dont il devait être le Précurseur. Et, lorsque plus tard Jésus aura commencé de s'annoncer pour Je Messie, si Marie sollicite son premier miracle aux noces de Cana, ce n'est point seulement par un sentiment de charité envers les époux qui manquaient de vin, c'est aussi pour que ce fait miraculeux, proclamant tout haut la divinité de Jésus, lui attire des croyants : et alors encore, ne fut-elle pas Apôtre par excellence, en disant aux serviteurs : Faites tout ce que mon Fils vous dira ? Il était venu sur la terre non-seulement pour nous rouvrir le ciel, mais encore pour nous mon- trer le véritable chemin qui y conduit, et nous poser :idilions auxquelles on le gagnera. Or, Marie, par
RBGINA APOSTOLORUM *1X>
ces paroles prononcées au début de la vie publique de Jésus-Christ, nous donne à tous l'avertissement salu- taire, que dans cette soumission parfaite à sa volonté consiste tout l'esprit du Christianisme.
C'est aussi par la science des choses divines que Marie l'emporta sur les Apôtres. Jusqu'au jour de leur vocation, occupés uniquement des besoins de la vie matérielle et des moyens d'y pourvoir, ils n'avaient eu ni le temps, ni la facilité de développer leur intel- ligence; et, quoique formés ensuite pendant trois ans à l'école du divin Maître, ils en avaient souvent reçu le reproche de pesanteur d'esprit. Marie, au contraire, dès le moment de sa Conception, fut privilégiée, selon de graves auteurs, d'une raison très avancée et d'une mesure de science qui alla toujours croissant, surtout quand elle eut renfermé dans son sein le grand Doc- teur de toutes choses. « Cette fontaine de la divine sagesse, .dit Denys-le- Chartreux, venant à déborder, pour ainsi parler, de son lit éternel, sur qui d'abord devait-elle s'épancher, si ce n'est sur sa Mère? Qui devait-elle inonder plus abondamment que sa Mère ? » Et pendant ces longues années qu'elle passa avec Celui qui est toute science, que ne dut-elle pas acquérir, attentive qu'elle était à recueillir et à conserver dans son cœur toutes les paroles de sa bouche ! Aussi saint Léon l'appelle « le plus élégant volume des pages du Verbe divin. » Et saint Ambroise ne s'étonne nulle- ment que saint Jean se soit élevé, comme un aigle, si fort au-dessus des autres Evangélistes, attendu qu'il avait étudié si longtemps à l'école de Marie. Cette supériorité de science et de lumières était déjà un titre à devenir la présidente et comme l'institutrice du Col- lège des Apôtres, et la Reine-Mère de toute l'Eglise qu'ils allaient fonder. En effet,
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II. Elle contribua avec eux et même plus qu'eux à l'établissement de la religion, à la formation de l'Eglise naissante. — A peine revêtus de la force d'en haut, au jour de la Pentecôte, les Apôtres s'élancent dans l'arène pour combattre les erreurs et les désor- dres du vieux inonde. Bientôt, au son de leur parole les terres auparavant stériles, arrosées de leurs sueurs, et plus tard engraissées de leur sang, produisent une riche moisson de chrétiens. L'Eglise de Jésus-Christ, victorieuse de tous les obstacles, s'élève sur les ruines du Judaïsme et du Paganisme : et c'est là le plus beau triomphe qui se soit jamais vu, mais dans lequel une large part revient à la Vierge Marie .
En effet, si après l'Ascension les bienséances de son sexe et sa profonde humilité ne lui permettent pas d'aller par le monde faire connaître Jésus-Christ, elle n'y aida pas moins en toute manière et même plus que les Apôtres. D'abord au Cénacle, à la tète de cette vénérable Assemblée, n'avait-elle point, par l'ardeur et la continuité de ses prières, attiré sur eux les dons du Saint-Esprit ? Lorsque ensuite ils seront sur le champ de bataille, Marie dans la sollitude, comme un autre Moïse, élèvera ses mains vers l'auteur de tout don, et par les grâces obtenues elle contribuera à la conversion du monde, autant que les Apôtres par la sainteté de leur vie et la force de leurs paroles. Ses sublimes vertus aussi, quittaient un Evangile vivant, et la copie fidèle de son divin Fils, montraient en ac- tion la doctrine que prêchaient les Apôtres.
A cette bonne odeur des vertus elle joignait la lumière de ses instructions, la sagesse de ses conseils. Elle était l'oracle de l'Eglise naissante, le guide et le flambeau des Apôtres et des fidèles. C'était près d'elle qu'ils se faisaient un bonheur et un devoir de venir
REGINA APOSTOLORUM 237
s'éclairer dans leurs doutes , se décider dans leurs embarras, se ranimer dans leur découragement, se consoler dans leurs peines, réchauffer leur zèle pour le salut des âmes, s'encourager au martyre. Telle fut l'occupation de la sainte Vierge durant le reste de sa vie, vingt-cinq ans environ ; vie d'apostolat continuel. C'était la Femme forte, qui gouvernait la maison en place de Y Epoux . Si donc elle vécut longtemps après Jésus remonté au ciel, c'est qu'il voulait donner à son Eglise encore au berceau, une mère pour la nourrir et l'élever, un modèle pour la former, une maîtresse pour l'instruire et la diriger : c'est qu'il fallait l'ombre tutélaire de cette auguste Vierge à ce petit grain de sénevé, pour germer, prendre racine, grandir, et de- venir cet arbre aux rameaux étendus qui couvre main- tenant tout l'univers de son ombre bienfaisante.
Morale : Mais qu'il ne vous suffise pas d'admirer ce zèle si empressé de Marie pour la religion de Jésus- Christ. Puisez-y, chrétiens, une sainte émulation à continuer cette grande œuvre de la sanctification des hommes, qui demande le concours de tous. Sachez bien que sans être par état, apôtres, prédicateurs, pasteurs, vous avez aussi un genre d'apostolat à exer- cer. Ne pensez pas que le devoir de travailler au salut des âmes n'incombent qu'aux seuls pasteurs : chacun le doit dans l'étendue de son pouvoir : imicuique enim mandavit Deas de proximo suo. Vous vous croiriez coupables, si voyant un animal près de périr vous ne lui portiez secours ; mais une âme que Jésus-Christ a estimée jusqu'à répandre pour elle son sang, et qu'il destine à régner éternellement au ciel, serait-elle donc sous vos yeux d'un moindre prix ? Pour peu que vous ayez encore d'amour pour Dieu et de charité pour vos frères, dispositions indispensables à un chrétien,
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pourrez-vous voir d'un œil sec, et sans y porter re- mède, Dieu outragé et une âme qui se perd? Qu'un membre du corps ressente quelque douleur, reçoive la moindre blessure, tous les autres viennent à son secours ; chacun s'empresse de lui prêter son ministère pour le soulager ou le guérir. Même compassion, même sollicitude, même activité de la part d'une famille, s'il arrive que l'un d'eux soit frappé d'un malheur quel- conque. N'est-ce donc que pour la grave question de biens ou de maux éternels, et dans la grande famille chrétienne, qu'il sera permis de rester indifférent ? Sauver une àme, la préserver du péché ou l'en retirer, n'est-ce pas l'acte le plus parfait de dévouement pour Dieu et pour le prochain ? « C'est, dit saint Denys, de toutes les œuvres la plus divine. »
Pour atteindre un si noble but, vous avez en main plusieurs moyens aussi faciles qu'efficaces, des prières ferventes, et souvent renouvelées, l'assistance à la sainte Messe, l'action d'une douce remontrance, d'un avis charitable, d'un sage conseil donné à propos, et par-dessus tout la force du bon exemple, qui est plus puissant qu'une bonne parole pour toucher les cœurs. Il est impossible de ne pas respirer, une fois ou l'autre, le parfum qui s'échappe d'un exemple édifiant. C'est une leçon muette, mais dont le sens vivement exprimé ne se perd jamais, et qui est d'autant plus persuasive, qu'en rappelant à un devoir elle en applanit les diffi- cultés sans froisser l' amour-propre . «L'exemple aide plus à la conversion que les miracles, nous assure saint Jean Chrysostôme. » — « C'est, a dit un sage moraliste. l'Evangile des faibles et des ignorants. .0 Voilà un genre de prédication imposé à tous, mais encore plus à ceux <jue la science, la fortune, l'âge. nniturit*'-. la position dans le monde mettent au-dessus
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du vulgaire. Plus l'exemple tombe de haut, plus l'effet en est prompt et étendu.
Mais à qui principalement devez -vous ce zèle de l'exemple et les autres moyens de sanctification ? Si- non à ceux que Dieu a placés sous votre dépendance, et dont la responsabilité pèse sur vous. Votre vie, vos actions, vos discours, n'en doutez pas, seront la règle de leur vie, de leurs actions, de leurs discours. Mal- heur donc à vous, si, au lieu d'édifier, vous prépariez, par une coupable négligence ou la perversité de vos exemples, la ruine de ceux dont le salut vous est confié ! Mieux vaudrait, dit Jésus-Christ, ri être pas né ou trouver la mort au fond de la mer, que de scanda- liser un seul de ses petits.
0 très glorieuse Reine des Apôtres, qui les avez enflammés de ce beau zèle dont vous brûliez vous- même pour les âmes, mettez aussi dans mon cœur une étincelle de ce feu que votre Fils est venu apporter sur la terre, et dont il voudrait nous voir tous em- brasés !
Pratique : Priez souvent la Reine des Apôtres pour les besoins de l'Eglise.
EXEMPLE
DÉVOTION ENVERS LA SAINTE VIERGE, EN ALGÉRIE
Partout où les armes guerrières ont subjugué les nations barbares et infidèles, les Apôtres de Jésus- Christ ont succédé aux vainqueurs, pour y apporter les immenses bienfaits de la civilisation par le Chris- tianisme.
Il n'y a pas longtemps que l'Algérie a joui de cette insigne faveur. A la suite de nos armées victorieuses, la religion chrétienne y est rentrée, après en avoir été bannie depuis tant de siècles par le Mahométisme. Et
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là, comme partout, les nouveaux convertis n'eurent pas plutôt entendu parler de la sainte Vierge, qu'ils s'empressèrent de l'entourer de leurs hommages et de leur confiance. Voici ce qu'en écrivait, dès le com- mencement, un curé de cette colonie : « Ces peuples ont une tendance toute particulière à la dévotion en- vers la sainte Vierge. Aussi me suis-je empressé de faire construire un autel à cette bonne Mère. Pour piquer leur curiosité et exciter leur dévotion, nous avons fait tant bien que mal une Vierge en cire que nous avons habillée magnifiquement. Tous ces bons Arabes se portent en foule à la chapelle de Celle qu'ils appellent Madame Marie ; ils la regardent tout étonnés, et la prient spontanément à leur manière, par un mouvement de leurs mains, la paume tournée vers le ciel, les élevant et les abaissant tour à tour, en prononçant avec vivacité et onction des paroles de confiance et d'amour. Puis, se tournant avec satis- faction vers nous, ils nous disent dans leur langage: « Madame Marie est la Mère de Dieu : c'est aussi notre Mère, puisque vous nous l'avez dit. Elle est bien bonne, puisqu'elle vous a inspiré de venir nous faire tant de bien. » Ils finissent toujours leur éloge à Marie par ces mots : « Tous ensemble, vous et nous aimons beaucoup Madame Marie. » Les femmes des principaux habitants ont demandé des médailles et des statuettes de la sainte Vierge, qu'elles portent à leur cou, comme la plus belle parure, et qu'elles baisent avec dévotion trois fois par jour, en priant cette Mère de miséricorde de les éclairer et de les pro- téger. »
REGINA MARTYRUM 241
CHAPITRE XLIV.
REINE DES MARTYRS.
Oh ! qu'elle est belle dans la cité des élus cette armée de héros chrétiens qui, plutôt que de renoncer à leur foi, de manquer à un devoir, de se souiller par une faute, ont préféré perdre leurs biens, se séparer de leur fa- mille, subir les duretés de l'exil, endurer tous les tour- ments, la mort même la plus cruelle ! Hommes de tous les âges, jeunes filles timides, faibles enfants, vieillards qu'on eût crus débiles, ils ont passé par les chevalets, les bûchers, les étangs glacés, les bêtes des amphithéâ- tres ; ils ont souri aux tortures, et rendus grâce aux meurtriers, tant ils s'estimaient d'être appelés à donner leur vie pour Jésus-Christ. Qu'elles sont nobles les palmes qu'ils portent dans leurs mains ! Qu'elles sont- glorieuses les couronnes qui ceignent leur front vain- queur ! Qu'elle est magnifique la gloire dont ils brillent au sein du bonheur et du repos !
C'est à la tête de ces illustres triomphateurs que nous allons vous montrer Marie, véritable Reine des Martyrs. Elle ne fut point, il est vrai, exposée à toutes leurs épreuves ; mais le titre glorieux de martyr lui convient tout aussi bien : si elle ne l'a pas acheté au prix de son sang, c'est au prix de ses larmes ; et les larmes, les larmes d'une mère, c'est plus que du sang. « Marie fut martyre, dit saint Bernard, non par le fer du bourreau, mais par l'immense douleur qui submergea son cœur. » Dès l'Incarnation, et tou- jours après, elle justifia ce titre ; mais ce fut au Cal- vaire surtout que Jésus, détachant de sa tête quelques épines pour en faire une couronne à sa Mère, la pro- clama Reine des Martyrs. Elle le fut, en effet,
-l'i'l REG1NA MAKTTUUH
I. Par la longue durée de ses souffrances :
II. Par leur vive intensité :
III. Par son rare courage à en supporter le poids.
ARTICLE PREMIER
Marie, Reine des Martyrs, par la longue durée
de ses douleurs.
Les Martyrs ordinaires n'eurent à souffrir que quelques moments ou quelques jours, rarement plu- sieurs mois. Ce n'est pas que nous voulions, par cette remarque, affaiblir le mérite du courage qu'ils ont déployé, ni abaisser le prix de leurs souffrances. Mais, qui ne sait que, dans toute espèce de tourments, la longue durée est beaucoup plus insupportable que l'intensité momentanée de la douleur ! On supporte une tribulation passagère, bien que cruelle ; mois le courage faiblit facilement, si elle se prolonge, ou seu- lement parait devoir durer longtemps : la continuité de la souffrance en augmente considérablement le poids.
Tel fut le martyre de la très sainte Vierge : il com- mença avec les paroles de l'Ange, et ne se termina pas même au Calvaire. Versée dans la connaissance des saints Livres, Marie savait tout ce que les prophètes avaient annoncé des douleurs, des humiliations, de la mort ignominieuse et sanglante que devait subir le Sauveur attendu ; tous ses tourments étaient, par an- ticipation, présents à ses yeux. En consentant à devenir sa Mère, elle vit donc, comme dans un miroir, toute la série des tribulations qui en seront pour elle-même la conséquence. Elle n'ignorait pas que cet Enfant serait un jour l'Agneau immolé par L'ingratitude du peuple juif; et c'est avec cette pensée continuellement doulou- reuse, qu'elle attendit sa naissance, qu'elle le mit au
ItEGINA MABTYRUM 243
monde, qu'elle le vit croître à ses côtés pendant trente ans. Quelle jouissance pouvait donc goûter cette tendre Mère, auprès d'un berceau qui était pour elle un Cal- vaire anticipé ? Imaginez, si vous le pouvez, ce qu'é- prouverait une mère élevant un fils qu'elle saurait destiné à l'échafaud ? La vue de Jésus croissant en âge, en sagesse, en amabilité, loin donc de la réjouir et de la consoler, comme il arrive à un père, à une mère, ne pouvait, au contraire, que lui causer la plus cruelle de toutes les peines, à la pensée que cet Enfant si beau, si innocent, grandissait pour les tourments et la mort .
Si, après l'avoir présenté au temple, elle le reconduit avec elle comme les autres mères, elle sait que son immolation n'est que différée, et que bientôt il sera sacrifié. La lance du soldat ne perça le côté de Jésus que quand il eut rendu le dernier soupir ; mais pour Marie, le glaive acéré prédit par Siméon est incessam- ment pointé sur son cœur ; les paroles du Prophète tin- tent sans interruption au fond de son âme, comme un glas funèbre ; le drame sanglant du Calvaire ne peut s'éloigner ni de son esprit ni de ses yeux : tout dans son cher enfant lui en présente l'image.
En l'allaitant, elle pense au fiel et au vinaigre dont il sera abreuvé ; les langes dont elle l'enveloppe lui rappellent les cordes meurtrières qui doivent le garot- ter : quand il étend ses bras, ou qu'elle prend ses mains pour les réchauffer dans les siennes, pour l'aider à for- mer ses premiers pas, il lui semble voir ces membres percés, déchirés par des clous, fixés sur le dur bois de la Croix ; en le revêtant de ses habits, elle sait qu'un jour ils lui seront arrachés, pour le laisser paraître dans une humiliante nudité aux regards d'une vile populace ; si elle dépose sur son front candide les premières ca-
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resses du matin et les derniers adieux du soir, elle en- trevoit la couronne d'épines qui doit le ceindre et l'ensanglanter : et le baiser du traître Judas vient aussi répandre l'amertume ■ sur cette innocente jouissance de mère : si elle contemple avec ravissement la beauté de ce visage divin, il lui apparaît bientôt meurtri de coups, couvert de crachats, méconnaissable; et lorsque de ses mains elle prépare la couche où il doit prendre son re- pos, il lui semble aussitôt le voir étendu sur l'infâme gibet. Le nom même de son enfant, mot le plus déli- cieux à la bouche d'une mère, le nom de Jésus réveille, chaque fois qu'elle le prononce, la pensée des tour- ments par lesquels il doit payer son titre de Sauveur. Dans ce vis-à-vis intime de Jésus avec sa Mère, il de- vait y avoir pour elle des moments de joie ineffable ; elle pouvait s'assurer dans une étreinte amoureuse que son Fils était encore là, qu'il vivait toujours ; mais son esprit retombait aussitôt dans les plus noirs pressentiments ; son cœur se noyait dans un océan d'in- dicibles douleurs ; un frisson mortel courait dans tou- tes ses veines.
C'est ainsi que tout ce qui fait la joie des mères, était pour Marie empoisonné par la vue anticipée des humi- liations et des tortures réservées à ce cher Fils. Ainsi se passaient ses jours dans de continuelles et inénarra- bles agonies. Mille angoisses s'enfuyant tour à tour se succédaient sans cesse... C'était dans le lointain, il est vrai, que tous ces tourments apparaissaient à ses yeux ; mais rien de plus affreux que cette torture d'une âme qui est obligée d'appréhender longtemps d'avance tou- tes les douleurs. Ne vaudrait-il pas mieux n'en souffrir qu'une seule et mourir tout de suite, que de les redou- ter toutes en conservant la vie ? N'est-il pas vrai que l'attente, la crainte seule d'un mal, d'une affliction,
HEGINA MAHTYliUM 245
fait ordinairement plus souffrir que la réalité même ? L'esprit éprouve à chaque instant la peine de ce qui s'accomplira en un moment. Mais pour Marie, on ne saurait dire ce qui de l'attente ou de l'événement lui causa de plus cruelles angoisses. Elle a pu littéralement s'approprier le langage que David met dans la bouche du divin Rédempteur : Ma vie s'est écoulée dans les gémissements, car mes souffrances ont été cons- tamment devant mes yeux.
Morale : Cependant, fut-il jamais un cœur qui mé- ritât, autant que celui de Marie, d'être exempt de toute affliction ? Ce cœur si pur, si saint, si conforme à celui de Jésus : et jamais il n'y eut de cœur plus affligé. Jésus ne mourut qu'une fois sur le Golgotha ; mais Marie endure à chaque instant les douleurs de la mort ; sa vie n'est qu'un tissu d'angoisses, d'appréhensions, beaucoup plus cruelles que la mort même. Pourquoi donc Jésus qui l'aimait si tendrement, voulut-il qu'elle partageât son calice d'amertume, et que son cœur fût si longtemps d'avance ainsi cruellement déchiré ? Ah ! c'est précisément parce quïl l'aimait : il voulut lui con- férer, par cette autre conformité avec lui et par l'hé- roïsme de son courage, un titre de plus à la gloire et à une gloire plus brillante. Et dans ce but, pouvait-il don- ner à sa Mère quelque chose de meilleur que la souf- france? Car, depuis qu'il consomma sur l'autel de la Croix son sacrifice sanglant, la Croix qui nous a rouvert Je ciel est devenue l'échelle nécessaire pour y monter. Lui- même nous le déclare dans les termes les plus positifs : Si quelqu'un, dit-il, veut être mon disciple, qu'Use renonce, qu'Use charge de la croix, et qu'Urne suive: quiconque ne porte pas ma croix, n'est pas digne de moi.— Ne serait-ce pas une bien affreuse monstruosité, qu'un membre voluptueux et sensuel sous un Chef
PARAPHRASE. — T. II. Il,
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couronné d'épines ? Ce n'est que par beaucoup de tribulations, assure saint Paul, que nous conquerrons le royaume des deux. —N'a-t-il pas fallu que le Christ souffrit pour entrer dr/ns sa gloire? Si nous ne souffrons r/vec lui, nous ne régnerons pas avec lui. i< C'est là, dit à son tour l'Evêque de Meaux, la grande voie, la voie royale, par laquelle a marché Jé- sus-Christ; il ne veut avoir dans sa compagnie que ceux qui portent sa marque, » c'est-à-dire la croix. Aussi, les souffrances sont-elles un présent qu'il en- voie aux préférés de son amour : c'est le sceau dont il marque ses élus, il en favorisa les apôtres et tous les saints ensuite qu'il voulut glorifier dans le ciel. Et si la Vierge si pure n'a pu y entrer elle-même que sous la bannière sanglante du Dieu du Calvaire ; si la robe blanche de son innocence a dû être empourpré par le sang du martyre ; malheureux pécheurs que nous sommes, prétendrions-nous y arriver par un autre chemin ? Pensons nous que les portes éternelles s'élè- veront devant nos plaisirs et nos délices, lorsque la croix est la seule clef qui puisse les ouvrir ? Une pierre tirée de la carrière doit être dégrossie par le marteau et polie par le ciseau de l'ouvrier, avant de trouver place dans la construction de l'édifice ; et nous, qui sommes destinés à devenir des pierres vivantes de la Jérusalem céleste, ce n'est que par les coups redou- blés de l'adversité que nous serons rendus propres à être employés dans la structure de ce brillant palais. Ne nous y trompons pas : c'est par les souffrances que le ciel s'achète. Pouvons-nous donc les trouver trop fréquentes et trop lourdes, en présence de cette éter- nité de bonheur et de gloire dont nous ne sommes sé- parés que par le court trajet de la vie? Quelle ne de- vrait pas être, au contraire, notre joie, en voyant 33
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multiplier, par la diversité des peines, nos droits à une si magnifique récompense ! L'agriculteur, au moment des semailles, trouve-t-il trop long le temps qu'elles durent, et ne s'encourage-t-il pas aux difficultés du la- bour, par la pensée que plus il aura jeté de grain en terre, plus ses greniers seront remplis, et plus grande sera l'aisance dans la maison? L'ambitieux guerrier, qui découvre à travers la fumée des combats les murs de la capitale où il doit ceindre demain la couronne des vainqueurs, murmure-t-il de ses fatigues, .sent-il même couler le sang de ses plaies ? Et comment le sol- dat du Christ se plaindrait-il des traverses de la vie, lui qui est toujours à la veille d'être placé sur un trône radieux pendant des siècles sans fin ? N'est-ce pas dans cet espoir d'une gloire plus brillante à proportion de la multitude de leurs souffrances, que les Martyrs pui- saient cette sérénité, cette force surhumaine qui les faisaient voler aux supplices comme à un festin, et qui portait souvent les bourreaux à jeter leur hache pour courir au baptême ? Ayant devant les yeux la même perspective, estimons-nous donc heureux d'être visi- tés par un Dieu qui, bon Père, n'aime jamais tant que quand il prend la verge en main, qui ne nous soumet aux courtes épreuves du temps, que pour nous épargner les châtiments éternels tant de fois mérités.
0 Marie, Mère de douleurs, puisqu'elles ont été pour vous le plus riche présent de votre Fils, obtenez-moi de recevoir avec une soumission parfaite toutes les croix qu'il m'enverra, afin que je mérite de ceindre un jour au ciel la couronne radieuse des Martyrs.
Pratique : Accepter avec résignation, si ce n'est avec joie, toutes les contradictions qu'il plaît à Dieu de nous envoyer.
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EXEMPLE.
ADMIRABLE MODELE DE RESIGNATION.
Il y avait au 14e siècle un prédicateur célèbre, appelé Thaulère, aussi distingué par sa science théologique que par son éminente piété. Brûlant du vif désir d'assurer son salut, il demandait depuis longtemps à Dieu de lui ménager la rencontre d'un homme qui lui ensei- gnât la voie la plus sûre et la plus courte. Un jour qu'il était plus tourmenté de ce désir, il lui sembla entendre une voix venant du ciel, qui lui disait : Va à la porte de l'église, et là, tu trouveras celui que tu cherches. Il s'y rend aussitôt, et voit un mendiant tout couvert d'ulcères et de haillons. — Je vous sou- haite le bonjour, dit Thaulère. — Je ne me souviens pas, répondit le mendiant, d'avoir jamais eu aucun jour mauvais. Thaulère répéta d'un ton plus élevé : Que Dieu vous rende plus heureux ! — Moi, reprit le mendiant, je ne suis pas malheureux ; tout me vient à souhait, quoique je m'inquiète fort peu de la fortune.
— Le Docteur, de plus en plus émerveillé, lui de- manda comment il se pouvait qu'il fût le seul heu- reux parmi tous les hommes qui ont tant à se plaindre?
— Je n'ai cependant rien avancé que de vrai, répartit le mendiant, par la raison que je suis toujours con- tent du sort que Dieu m'assigne ici-bas. Que je souffre de la faim, du froid, de la pluie, ou des railleries des hommes, je loue Dieu également , sachant qu'il est l'auteur de toutes ces choses, et qu'il n'a en vue que mon bien. Comme je ne veux que ce qu'il veut, tout réussit à mon gré. — Le Docteur, ne pouvant revenir de sa surprise, comprit que cette résignation, même dans les plus grandes adversités, était réellement la voie du salut la plus abrégée. Mais voulant encore
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recevoir de ce pauvre des leçons d'une si haute sa- gesse , il lui posa, entre beaucoup d'autres, cette question : Quel homme êtes-vous donc ? — Qui que je sois, je suis si content de mon sort, que je ne vou- drais pas l'échanger avec les richesses et les gran- deurs de tous les rois de l'univers. Celui-là est roi qui sait se commander à lui-même. — Où est donc votre royaume, insista Thaulère? — Le voilà répondit le mendiant, en lui montrant le ciel : on est roi, quand on a là-haut un trône assuré. — On cite un bon paysan, pour qui non plus il n'y avait jamais de contre-temps.
ARTICLE SECOND.
Marie, Reine des Martyrs, par l'intensité de
ses douleurs.
Tel est le touchant spectacle que nous présentent la voie et le sommet du Calvaire. Mais si ces lieux furent témoins des plus cruelles angoisses de Marie, ils furent aussi le théâtre de son amour pour les hommes et de son héroïque résignation. Quand la flamme dé- vore l'encens, l'air s'embaume de la suavité de ses émanations ; il est une plante, le Géranium, plus on en broie les feuilles, plus il s'en exhale de parfums ; ainsi du milieu de cet horrible drame d'opprobres et de sang, Marie ressort admirable d'amour, sublime de constance et de fermeté. Debout au pied de la Croix, noble attitude d'une prêtresse qui sacrifie sans faiblir, elle, est triste mais résignée, parce qu'elle voit dans Jésus mourant moins son Fils que notre Ré- dempteur, moins ses souffrances que l'enfer vaincu, le monde racheté et la justice de Dieu satisfaite. Ainsi se révéla dans la très sainte Vierge un amour pour les hommes égal à sa force d'àmc. Voyons d'abord l'immensité de cet amour dans t intensité de ses
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douleurs. Un autre Article nous montra sa constance à les supporter .
Lorsque Jésus remplissait la Judée du bruit de ses miracles et de ses bienfaits, et que sur son passage l'enthousiasme joint à la reconnaissance éclatait en
- mots élogieux : Heureuses les entrailles qui vous ont porté ; lorsque, à son entrée triomphante dans Jérusalem, les palmes et les riches décorations s'har- moniaient avec les cris des enfants et le solennel Hozanna pour proclamer Y Envoyé du Seigneur, il n'est pas dit que Marie se trouvait là : elle se dérobait à tous les regards, de peur sans doute que quelque rayon de la gloire du Fils ne vînt rejaillir sur la Mère. Mais sitôt qu'elle apprend que la sentence de mort est portée, que l'heure des ignominies a sonné, et que la Victime est déjà sur le chemin de l'immolation, Marie comprend que sa place est à ses côtés. Elle a quitté sa solitude chérie : c'est sur la voie douloureuse que la Mère et le Fils se rencontrent ; c'est à la trace de son sang qu'elle a reconnu par où il a passé. Elle le trouve entre les mains d'infâmes bourreaux, escorté d'une soldatesque à l'œil féroce, entouré d'une vile populace qui demande sa mort à grands cris : elle le voit couronné d'épines, meurtri, tout couvert de sang, de boue, de crachats, ne conservant pas même la ligure d'un homme. Ah ! qui pourrait jamais con- cevoir ce que la tendresse et la terreur tout à la fois ont dû opérer alors dans l'àme de cette mère ? Si, d'un côté, elle désire contempler les traits de son Jésus, de l'autre, ose-t-elle bien fixer ce visage qui inspire tant de compassion ? L'un et l'autre, cependant, se regar- dent ; regards réciproques qui, comme deux flèches, transpercent ces deux âmes les plus belles et les plus aimantes qui soient dans l'univers. Comment corn-
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prendre ce flux et reflux de douleur passant du cœur du Fils au cœur de la Mère et réciproquement ? — On rapporte que Marguerite, fille de Thomas Morus, ayant rencontré son père qui allait au supplice, ne put dire que ces deux mots : « 0 père, ô père ! » et elle tomba évanouie à ses pieds. Marie, à la vue de son Fils montant au Calvaire ainsi meurtri et garotté, ne meurt point, parce que des angoisses beaucoup plus poignantes lui sont réservées ; mais la douleur de cette rencontre était capable de lui faire subir mille morts.
Cependant, tandis que la divine Victime a déjà suc- combé sous la lourde Croix, Marie trouve dans son cœur le courage de l'accompagner jusqu'au lieu du supplice, et là, elle assiste au drame le plus déchirant qui puisse jamais être ; elle voit mourir d'une mort aussi- ignominieuse que cruelle, à la fleur de ses ans, son Fils unique, déclaré innocent, et qui, pour ses vertus et ses bienfaits, méritait un triomphe plutôt qu'un gibet .
Ah ! quelle langue humaine pourrait jamais dire les tortures intérieures d'une telle Mère en présence d'un tel spectacle. L'âme de Marie est si étroitement unie à celle de Jésus, que toutes les plaies et les douleurs du Fils deviennent, par une libre acceptation, les plaies et les douleurs de la Mère ; avec cette différence que dis- persées sur tout le corps de Jésus, elles viennent se concentrer dans le cœur de Marie. Les épines enfon- cées dans la tête du Crucifié, les clous qui déchirent ses pieds et ses mains prolongent leurs pointes jus- qu'au plus intime de l'àme de Marie. Les railleries et les outrages, les défis insolents et les affreux blas- phèmes qui pleuvent sur Jésus viennent, comme un écho douloureux, retentir dans l'àme de Marie. Si on
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l'abreuve de vinaigre et de fiel , elle en sent toute l'amertume. Si la souffrance broie ses membres ensan- glantés, Marie est disloquée dans tout son être. Et de même que Jésus ne veut point descendre de la Croix, lorsqu'une amère dérision l'y invite, de même Marie ne la quitte pas, quoique le sentiment maternel semble lui en faire une impérieuse nécessité . Si Jésus veut y rester attaché par les clous, Marie demeure au pied par la libre volonté de son amour, et ressent dans son cœur tout ce que son Fils endure dans son corps.
C'était l'usage, quand on immolait l'agneau, d'éloi- gner soigneusement la brebis-mère : ici Marie veut assister et de tout près à la mort de cet innocent Agneau qui doit effacer tous les péchés du monde. Qu'une mère se tienne au chevet de son fils mourant dans les condi- tions ordinaires, on le conçoit : la main d'une mère a toujours le secret de quelque soulagement ; et c'est une consolation pour la mère autant que pour le fils . Elle peut, avant de recueillir son dernier souffle, essuyer ses larmes, répandre les siennes sur son front brûlant, lui dire quelques douces paroles de tendresse, de sou- venirs , d'adieu ; et le moment suprême sera moins douloureux. Mais pour vous, ô Marie, pas même cette consolation ! Pauvre Mère ! votre Jésus ne meurt point dans vos bras ; il ne vous sera pas donné de passer la main sur ce front qu'inonde la sueur de la mort, de répondre une parole d'amour à ses regards abattus, encore moins d'arrêter le sang qui coule à grands flots. Et, quand agonisant il demandera une goutte d'eau pour étancher sa soif, pourrez- vous empêcher qu'on ajoute à sa douleur par un breuvage aussi dérisoire qu'amer ? De votre part, vous n'aurez que des larmes à lui donner pour adoucissement. Pourquoi donc, ô Mère trop aimante, vouloir être témoin d'une scène
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aussi déchirante qu'est la mort de votre unique Enfant? Pourquoi rester attachée à la Croix, et vous obstiner à le voir mourir? Agar dans le désert n'eut pas ce cou- rage. Ah ! c'est que Marie voulait comme cimenter par le sceau de sa présence et de son consentement le con- trat de notre réconciliation avec le ciel, et joindre la coopération de ses douleurs et de son ineffable amour au Sacrifice qui va racheter le monde. Il devient alors un seul et même Sacrifice, offert sur deux autels, la Croix et le Cœur de Marie, présenté à Dieu le Père par le Fils et par la Mère, versant tous deux leur sang, le premier le sang de ses veines, la seconde le sang de son cœur, mourant tous deux, l'un par une mort qui met- tra fin à ses souffrances, l'autre par une survie qui ne sera plus qu'une mort prolongée, pire que toutes les morts. Pouvait-elle témoigner aux hommes un plus grand dévouement, un amour plus généreux? Ce seraient délices toujours nouvelles que de le contem- pler de plus près. Mais il est d'autres enseignements qui découlent du Calvaire et méritent l'attention la plus sérieuse.
Morale : Ouvrons donc nos cœurs aux sublimes leçons qui nous sont tracées sur la Croix en caractères de sang. Elle nous montre la suprême majesté de Dieu dont la gloire outragée demandait pour digne répara- tion les humiliations et le sang d'un autre Dieu fait homme. Combien après cela cette majesté ne doit-elle pas nous inspirer de respect ! — Elle nous prêche l'ef- frayante'énormité du péché, qui n'a pu être expié que par la mort d'un Dieu. Et si l'apparence seule du péché exigeait une satisfaction si terrible, quelle vengeance mérite donc la réalité ! La croix nous fait concevoir l'enfer : et pourrions-nous ne pas craindre souveraine- ment ce qui a élevé l'une et creusé l'autre ? — Elle
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nous apprend le prix de notre âme. qui vaut non point des monceaux d'or et d'argent, mais le sang d'un Dieu, c'est-à-dire un prix infini. Estimons-la donc à sa va- leur, et mesurons notre zèle à la sauver sar ce qu'elle a coûté à Jésus- Christ. — La Croix nous révèle l'im- mensité de son amour, qui l'a fait mourir de son plein gré à notre place. Si donner sa vie pour un ami est l'héroïsme de la charité, qu'est-ce donc pour un ennemi? Et tant d'amour ne pourra-t-il enfin fondre la glace de nos cœurs? Sic nos amantem quis non redamaretl — C'est sur tous les points que la Croix nous instruit, nous exhorte , nous encourage. Le souvenir de nos péchés -remplit-il notre âme de trouble et de frayeur? Jésus nous dit du haut de sa Croix : Rassure-toi, mon fils, une goutte de mon sang peut effacer tous les cri- mes. Sommes-nous, au contraire, insensibles sur nos fautes ? Le Crucifix nous dira : Eh quoi i unjjieu les a pleurées et lavées dans son sang ; et toi, tu ne peux leur donner une seule larme ! — Au moment de la ten- tation , il vous criera : Voudrais-tu renouveler les souffrances et la mort de ton Dieu ? Au pied de la Croix encore, notre lâcheté à souffrir nous fera honte : là aussi, nous puiserons une consolation abondante au milieu de toutes nos peines : car si le Juste, l'innocent a été ainsi traité, de quoi peut se plaindre le pécheur? Le disciple doit-il être au-dessus du maître?
Et voilà comment la Croix devient une chaire élo- quente d'où Jésus 11 "lis prêche tout ce qu'il nous im- porte le plus de savoir. Recueillir et méditer souvent
- sublimes enseignements, que ce soit, à l'exemple du grand Apôtre, la plus chère de nos occupations : Recogitate ewn. . . Mon unique science, dit-il, est de connaître Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.
<» Mère de douleur, qui avez si généreusement uni
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vos soiifFrancos à celles de notre bon Sauveur, de quoi me servirait tant d'amour, si je venais à me damner ? Faites que je me préserve de ce malheur par un sincère repentir de mes péchés, et un véritable changement de vie.
Pratique : Le Crucifix doit être le plus bel ornement de toute maison ; mais il faut lire souvent dans ce beau Livre.
EXEMPLES
EFFET DU SOUVENIR DE JESUS-CHRIST EN CROIX
On rapporte d'un prêtre de Florence qu'il eut la dévotion de faire peindre la tête de Jésus couronné d'épines, couverte de blessures et de sang, et qu'il la suspendit au-dessus de son prie-Dieu. Plusieurs fois le jour, il venait se placer devant cette image pour y mé- diter les hautes leçons qu'elle lui donnait. Dans la mai- son voisine, vivait une personne mondaine qui l'ayant quelquefois aperçu dans cette position s'était imaginé qu'il se regardait dans la glace. Un jour elle osa le prier de lui montrer de tout près ce miroir. Le saint Prêtre y consentit. Mais, quel ne fut pas l'étonnement" de cette curieuse, lorsque s'offrit à ses yeux un Ecce Homo. Profitant de son émotion, le prêtre lui adressa ces paroles : « Voilà le miroir dans lequel vous devriez vous aussi vous contempler souvent. Voyez l'état af- freux de cette figure ; c'est à la fois l'image de votre àme et le fruit de votre péché : purifiez-la cette âme par les larmes d'une sincère pénitence, et vous verrez un jour cette face rayonnante de gloire et de beauté dans le séjour des élus. » Ces paroles touchantes pro- duisirent sur le cœur de la pécheresse un prompt et salutaire effet.
— Sainte Elisabeth de Hongrie se trouvant un jour
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à l 'église, ornée de sa couronne toute éblouissante de diamants, et vêtue avec la magnificence d'une reine, fut subitement frappée à la vue du Crucifix : saisie alors d'un profond dégoût pour les vanités du siècle, elle ôte sa couronne, en disant : « A Dieu ne plaise que moi, chétive créature, je porte une splendide couronne devant mon Sauveur mourant, couronné d'épines sur un bois infâme ! » Dès lors elle se consacra plus parti- culièrement à Dieu, et parvint bientôt à une éminente sainteté.
— Sainte Madeleine de Pazzi, si admirable par son avidité pour les souffrances et par sa patience à les supporter, répondit un jour à sa sœur qui s'en éton- nait : «Voyez, en lui montrant le Crucifix, ce que l'amour suprême d'un Dieu a fait pour notre salut : voilà ce qui me console et me soutient ; peut-on encore se plain- dre quand on voit un Dieu crucifié? »
— Le Sauveur avait apparu à sainte Catherine de Gènes, portant sa Croix et tout couvert de sang : « 0 amour ! s'écria-t-elle ; jamais plus dépêchés, puisqu'ils vous ont coûté si cher !
— On lit dans les annales de la Compagnie de Jésus qu'un jeune homme, sortant de sa chambre avec l'in- tention de commettre une action mauvaise, entendit une voix qui lui criait : «Arrête, malheureux ! où vas- tu ! Il se retourne, et sur un tableau représentant No- tre-Dame des Sept-Doiileurs, il la voit arrachant un des glaives qui la transperçaient, et lui disant : Prends cette épée et frappe-moi plutôt que de blesser mon Fils par ce péché. » A l'instant la lumière se fait dans l'âme du jeune homme, il tombe à terre, pleure amè- rement son crime déjà commis dans son cœur, et en demande pardon par l'entremise de Marie.
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ARTICLE TROISIÈME.
Marie, véritable Reine des Martyrs, autant par la supériorité de son courage que par l'excès et la continuation de ses douleurs.
I. Par l'excès et la continuation de ses douleurs . — Jésus vient d'expirer sous les yeux de sa Mère : si du moins le même coup avait tranché la vie d'une Mère aussi profondément désolée ; mais, non î Moins heu- reuse que les Martyrs dont la mort fut à la fois le terme de leurs tourments et l'entrée dans l'heureuse éternité, vous vivez encore, ô Marie, après le supplice de votre Fils. Vous lui survivez, pour être transper- cée de cette lance qui, ne trouvant plus de vie dans son cœur, vint se fixer irrévocablement dans le vôtre. Vous lui survivez, pour recevoir dans vos bras son corps meurtri, inanimé, pour voir de tout près ses yeux éteints, son visage livide, son côté ouvert par une large plaie, et ressentir avec une intensité nou- velle toutes les angoisses du crucifiement. Vous lui survivez ; et votre existence privée de ce cher objet de votre dilection ne sera plus qu*un enchaînement de nouvelles amertumes.
Les martyrs, au milieu de leurs tourments, trou- vaient une source abondante de force et de consola- tions dans leur amour pour Jésus-Christ; plus ils l'aimaient, moins étaient vives leurs douleurs. Ainsi, par exemple, saint Vincent déchiré sur un chevalet par des ongles de fer, brûlé par des lames ardentes, puise dans l'amour de son Dieu un courage et une joie extraordinaires. Saint Boniface voit sa chair tom- ber en lambeaux ; des pointes aiguës sont enfoncées sous ses ongles ; et il ne cesse de répéter : « Seigneur Jésus, je vous rends grâces. » Les saints Marc et Mar- cellin sont attachés à un poteau; on a transpercé
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leurs pieds et leurs mains avec des clous : et quand le tyran leur dit : « Misérables que vous êtes, revenez à d'autres sentiments, et délivrez-vous par là de ces souffrances : » ils répondirent : » Jamais banquet ne fut plus agréable que les tourments que nous endu- rons pour Jésus-Christ. » Saint Laurent est étendu sur un gril enflammé ; ses chairs sont toutes rôties ; mais la flamme du saint amour qui embrasait son cœur, plus ardente que le feu qui brûlait son corps, en tempérait la rigueur. Et ne soyons pas surpris de tant de joie dans ces héros chrétiens au milieu des plus cruels tourments : ils aimaient, et famour met- tait des roses à leurs épines, il émoussait l'aiguillon de la douleur.
Pour Marie, au contraire, ce fut la violence de son amour pour Jésus-Christ qui devint par là même son plus cruel bourreau ; il centupla ses douleurs . Plus on aime, et plus on souffre en voyant souffrir l'objet de son amour. Or, vit-on jamais un Fils plus digne et une Mère plus tendre? Et qui aima jamais un fils au- tant que Marie aima Jésus ? Elle l'aimait d'un amour surnaturel comme son Dieu, et par un sentiment na- turel comme son Fils. Fils unique, le plus beau, le plus accompli, le plus aimable des fils : l'ayant en- gendré seule, elle l'aimait encore de ce double amour partagé entre le père et la mère : et de t inours
réunis il s'en formait un seul, qui fut le fort, le plus délicat, le plus merveilleux, un amour incom- préhensible, insondable. Et telle fut sa douleur : elle prit les proportions de son amour et aussi de la divi- nité de Celui qui en était l'objet : Quanto dilexit tene- rius, tanto vulnerataest profundius (Just.). «Là où l'amour ne connait pas de bornes, dit saint Bernard, la douleur n'en a point. » Aussi saint Anselme affirme-
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t-il que les tourments les plus cruels employés envers les martyrs furent légers en comparaison des souffran- ces de Marie. Et saint Basile atteste qu'elles surpas- sèrent celles des autres Martyrs, autant que le soleil l'emporte en splendeur sur tous les astres du firma- ment : cela se comprend par la supériorité de son amour. C'est pour cette raison que, tandis que les autres martyrs sont représentés, d'ordinaire, avec les instruments de leur supplice, saint Paul avec l'épée qui lui trancha la tête ; saint André avec une croix ; sainte Catherine avec une roue, etc.. Marie est re- présentée tenant sur ses genoux et dans ses bras le corps inanimé de son Fils, parce qu'en effet ce fut Jésus mourant qui la martyrisa ; ce fut là le propre instrument de son supplice.
Les martyrs, en souffrant dans leurs corps les tour- ments du fer et du feu, éprouvaient en même temps de grandes consolations en leur cœur. Mais vous, ô Marie, c'est dans le plus intime de votre àme que vous avez souffert ; tuam ipsins animam. .. Or, quiconque a passé par le creuset des tribulations, ne sait-il pas que les peines et les afflictions du cœur sont bien au- trement cuisantes que les souffrances corporelles? « .Marie, assure saint Bernard, a seule plus souffert en son âme, que tous les martyrs ensemble n'ont souf- fert dans leur corps. » Il va jusqu'à dire que cette dou- leur divisée entre toutes les créatures sensibles leur aurait immédiatement donné la mort. — Qui pourra donc jamais en mesurer la profondeur ? Jérémie nous a laissé plusieurs tableaux achevés des souffrances humaines ; mais, quand il veut parier de celles de Ma- rie, il fait comme cet artiste qui, peignant le sacrifice d'une jeune fille et ayant déjà exprimé la tristesse des spectateurs, se borne à jeter un voile sur le visage du
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père, montrant par là qu'il désespérait pouvoir rendre une semblable douleur. Le Prophète des lamentations laisse aussi tomber son pinceau devant l'affliction qui broie le cœur de Marie ; il ne trouve dans toute la nature qu'une image qui en approche, c'est la mer avec ses profondeurs, son étendue, son amer- tume .
C'est donc à bon droit que la Vierge au pied de la Croix peut dire à tous les passants : Arrêtez-vous et voyez s' il est une douleur semblable à la mienne. Une seule chose y apportait quelque adoucissement, c'était la pensée que les souffrances et la mort de son ado- rable Fils rachetaient le monde, et réconciliaient avec Dieu les hommes ses ennemis : sentiment d'immense bonté pour nous, qui nous impose de plus en plus envers elle le double devoir de la reconnaissance la plus vive et de l'amour le plus tendre. Quel cœur se- rait encore assez dur pour les lui refuser ? Mais,
II. Autant ses angoisses furent cruelles, autant et plus encore elle fut sublime de fermeté et de rési- gnation. — La plus délicate de toutes les vierges, la plus désolée de toutes les mères, se montre aussi la plus héroïque de toutes les femmes, et sous ce rap- port encore supérieure à tous les martyrs. Quel cou- rage, en effet, non-seulement d'avoir accompagné son divin Fils dans la voie douloureuse, mais d'assister, et sans faiblesse aucune, tout près de l'autel, à l'im- molation de la Victime !
Jacob aperçoit la robe de Joseph en lambeaux, teinte de sang, et il ne peut retenir ses larmes : c'était bien permis à un père aussi aimant envers un enfant aussi digne. Mario voit non pas seulement la tunique, mais tout le corps ensanglanté de son cher Fils : à cette vue le déchirement de son cœur s'achève : néanmoins, bien
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différente du Patriarche et aussi de ces autres femmes qui autour de la Croix remplissaient l'air de leurs cris lamentables, Marie commande à sa douleur ; pas une larme ne coule de ses yeux, pas un mouvement d'in- dignation ne s'élève dans son cœur, aucune parole de plainte ne s'échappe de ses lèvres ; son affliction ne l'abat point ; sa sensibilité ne diminue rien de sa rési- gnation et de sa fermeté : Stàbat Mater. . .
Lorsque David apprend que le rebelle Absalon sus- pendu à un chêne a trouvé un juste châtiment de son usurpation, il se retire dans l'endroit le plus solitaire de son palais : il a besoin d'être seul pour donner un plus libre cours à ses pleurs . Marie voit suspendu à l'arbre de la Croix son Enfant qui, loin d'avoir été un Absalon, ne sut qu'aimer et obéir ; et elle sou- tient, sans défaillir, cet horrible spectacle : Stabat Mater...
Jésus près d'expirer se sert non pas du nom de Mère, mais de celui de femme, en lui annonçant qu'il lui donne dans la personne de saint Jean un autre fils. C'était bien lui apprendre qu'elle n'aura plus son Jésus à appeler de ce doux nom ; il va mourir ! . . . Et à cette nouvelle, Marie, brisée jusque dans la mœlle de l'àme, ne succombe pas ; elle est toujours aussi sublime de fermeté: firma remansit ut petra (S. Bern.) : Stabat Mater . . .
Voyez- vous au pied de la Croix ces hommes que Jésus a eus trois ans dans son intimité, avec qui la veille il a célébré le repas de sa famille, qu'il a traités du doux nom Garnis? Ils se tiennent loin de lui. Mais sa Mère ! elle a surmonté l'excès de toutes ses douleurs ; elle ne peut quitter la Croix ; elle est là, debout, immobile, calme, résignée : Stabat Mater...
Toute la nature, à la mort de son Auteur, est cons-
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ternée, bouleversée ; la terre s'est ébranlée jusque dans ses fondements : le soleil, saisi d'horreur, a dé- robé sa lumière, pour ne point éclairer le plus horri- ble des forfaits. Mais regardez à travers cette lueur, voyez cette Femme, seule inébranlable, qui ose bien contempler son Fils crucifié : aucun geste de déses- poir ne décèle aux spectateurs le mystère de son ago- nie : rien ne peut changer la situation de cette âme magnanime ; d'elle on peut dire : Elle meurt, mais elle ne se rend pas : Stabat Mater...
En ce moment suprême, sa résignation sublime ajoute un beau céleste au deuil de la nature ; et son amour pour nous, plus fort encore que sa douleur, achève de tresser sa couronne de Reine des Mar- tyrs.
Morale : Qu'il ne nous suffise pas d'admirer cette héroïque fermeté de Marie près de son Fils mourant ; mais efforçons-nous de l'imiter dans toutes les posi- tions différentes de la vie, qui, sans être une épreuve à beaucoup près aussi rude, ne laissent pas de con- trarier notre nature ennemie de toutes les souffrances et tribulations. Cependant, supportées avec patience, non-seulement elles donnent un droit certain à une plus brillante gloire au ciel, mais elles nous sont un moyen d'y arriver plus sûrement et plus tôt par l'ex- piation de nos fautes, exigée avant d'y être admis. La souffrance, à ce nouveau point de vue, est donc un bienfait de Dieu singulièrement précieux. Il agit comme un bon Père, qui n'aime jamais autant que quand il prend la verge pour corriger : sa main frappe, mais c'est le cœur qui la fait mouvoir. S'il nous châtie en ce lieu d'expiation, c'est pour nous épargner en l'autre vie les peines infiniment plus rigoureuses, soit du pur- gatoire, soit surtout de l'enfer . A ces affreux suppli-
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ces, il substitue les épreuves du temps, et s'il se sou- vient ici-bas de ce que nous devons à sa justice, c'est afin de l'oublier à jamais. Les souffrances, à cause de cet estimable avantage, ne doivent-elles pas être ac- ceptées avec la plus vive reconnaissance, si ce n'est avec joie?
Quel est le malade qui ne se résignerait aussitôt à prendre un remède d'un moment, si amer qu'il fût, à supporter une opération même la plus douloureuse pendant quelques heures, plutôt que de rester sous le poids de son infirmité le reste de ses jours ? Si vous deviez cent pièces d'argent et que votre créancier, dans un moment de belle humeur, voulut se contenter d'une seule pour toute solde, avec quel empressement et quel bonheur ne profiteriez-vous pas d'une occasion si favo- rable pour vous libérer entièrement ! Telle est notre position à l'égard de Dieu ; tant que nous sommes sur la voie où l'on peut mériter, il veut bien se contenter de peu pour remettre beaucoup ; mais après, il sera un créancier sans pitié, qui exigera jusqu'à la dernière obole, si l'on est dans le lieu temporaire d'expiation, et qu'on ne pourra jamais satisfaire, si l'on subit les supplices éternels.
N'est-il donc pas infiniment avantageux de s'ac- quitter maintenant par la souffrance, de toutes dettes envers sa justice, plutôt que d'en réserver pour un temps où elles seront beaucoup plus sévèrement exi- gées? Lorsque Dieu nous châtie, disons comme le bon larron sur la Croix : Nous n'avons que ce que nous avons mérité, et pas même ; car que sont toutes les souffrances de la terre auprès de cette éternité de sup- plices qui nous était réservée ?
Je veux donc, ô Mère de douleurs, demeurer avec vous au pied de la Croix, vous y accompagner toujours
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et m'associer à vos soupirs : Justà Crucem tecum stare. . .
EXEMPLES.
AMOUR DES SOUFFRANCES
C'étaient, à ne pas en douter, les avantages précieux que leur foi voyait dans les souffrances, qui faisaient dire à saint Augustin : « Coupez, brûlez dans ce monde, ô mon Dieu, pourvu que vous m'épargniez en l'autre; » à sainte Thérèse : « Seigneur, ou souffrir, ou mourir 1 car la vie sans souffrance m'est par trop pénible ; » à sainte Madeleine de Pazzi, par un sentiment plus su- blime encore : « Toujours souffrir, ô mon Dieu, et ne jamais mourir ; » à saint Jean de la Croix : a Tout mon désir, Seigneur, est de souffrir et d'être couvert de mé- pris pour vous; »à sainte Rose de Lima, au moment de la mort : « Je pleure de ce que je n'aurai pas à souffrir plus longtemps ; » à saint François de Sales, lorsqu'on le plaignait: « Je ne suis jamais si bien que quand je ne suis pas bien. » — Ah ! faut-il s'étonner de voir un saint Paul se réjouir dans les infirmités et les tribulations éternelles ; un Xavier demander à Dieu a de ne point lui enlever sa croix actuelle, si ce n'est pour lui en envoyer une plus grande, » et tant d'autres saints ajouter aux croix venues du ciel, des pénitences volontaires et les plus crucifiantes? Tous comprenaient ces maximes : — La science la plus né- cessaire à Phomme c'est de savoir souffrir (Imit.). — Pour ne point se plaindre de ce que l'on souffre, il suf- fit de se rappeler de ce que l'on mérite (S. Cypr.).— Si l'on passe sa vie sans pleurer, toute l'éternité sera em- ployée à pleurer sans relâche (saint Bern.). — Ce 'qui crucifie, sanctifie.
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CHAPITRE XLV
REINE DES CONFESSEURS
On entend ici par Confesseurs non pas les prêtres as- sis au saint tribunal pour recevoir l'aveu des fautes et en accorder le pardon, mais chez le peuple de Dieu ces âmes fortement trempées, qui dans les circonstances les plus critiques déployèrent une énergie surhumaine par leur fidélité à la loi divine ; et aussi ces généreux chré- tiens qui, dans les premiers siècles surtout, n'ont pas craint ni rougi de professer leur foi en face des tyrans, et se sont montrés fermement décidés à tout souffrir, à tout perdre, même la vie, plutôt que de renoncer à la religion, ou de forfaire à quelqu'un de leurs devoirs. La seule différence entre les Confesseurs et les martyrs, c'est que ceux-ci ont réellement donné leur vie pour Jésus- Christ ; au lieu que ceux-là ont échappé à la mort ; ils descendirent dans l'arène, ils y reçurent d'honorables blessures, ils étaient décidés au martyre, ils en ont tout le mérite, et en portent maintenant au ciel les palmes et la couronne.
Placée sur les confins des deux Testaments, entre l'ancien et le nouveau, la sainte Vierge en terminant la longue chaîne de ces justes si croyants "et si fermes, que nous pourrions appeler chrétiens de la veille, commence la série glorieuse de ces intrépides héros, qui depuis l'ère de l'Incarnation ont confessé Jésus- Christ par la pratique des plus sublimes vertus, et même au péril de leur vie, c'est sous ce double aspect que nous allons l'envisager :
I. Marie, Reine des justes de l'ancienne Loi. — Dés avant Jésus -Christ, il y eut chez le peuple de Dieu un grand nombre d'àmes courageuses qui bravèrent
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les persécutions et les railleries, et sacrifièrent ce qu'elles avaient de plus cher au monde, plutôt que de chanceler dans la foi et la fidélité aux commandements. Ainsi Abraham, le Père des croyants, se soumet, sans hési- tation et sans murmure, à la volonté divine qui lui demande l'immolation de son fils unique : il a la con- fiance que Celui qui exige ce sacrifice est assez puis- sant pour réaliser, malgré cela, les promesses que le Messie naîtrait de ses descendants. — Ainsi le chaste Joseph, chez Pntiphar, aime mieux perdre la confiance de son maître, et son emploi, tout honorable qu'il est, que de céder aux sollicitations de la femme sans pu- deur qui en veut à son innocence. — Ainsi Job privé de tous ses biens, réduit à se coucher couvert de plaies sur un fumier, raillé par ses amis et par sa propre femme à cause de sa confiance en Dieu qui l'a ainsi maltraité, Job n'est point pour cela détourné de la fidélité qu'il lui a vouée. — Ainsi Da- niel, plutôt que d'obéir au roi en mangeant des viandes défendues et en adorant la statue de Bel, se laisse jeter dans la fournaise et plus tard dans la fosse aux lions. — Ce fut ce même courage qui soutint le véné- rable Eléazar, et la digne mère des Machabées avec ses sept enfants, qui tous, sollicités de manger des viandes offertes aux idoles, préférèrent, comme ils le disaient hautement, une mort glorieuse à une vie cri- minelle, et se rendirent si résolument au lieu de leur supplice. Xous sommes forcé de nous arrêter dans la citation de ces personnages antérieurs à Jésus-Christ, qui ont eu une foi si vive, et le courage d'affronter la prison, les tourments, la mort même, plutôt que d'être infidèles à leur Dieu, à leurs devoirs.
Or, en tous ces points, Marie né les a-t-elle pas surpassés? Elle qui, sur la parole de l'Ange, crut le
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mystère le plus étonnant, assurée que rien n'est im- possible à Dieu ; Elle qui, placée dans l'alternative de renoncer à la Maternité divine ou à sa virginité, se défia d'une gloire qui aurait compromis sa pudeur ; Elle qui, pour gagner le monde entier, n'aurait pas manqué la plus petite des observances légales ; Elle qui brava, sans pâlir, les railleries de la populace et les humiliations du Calvaire, pour se montrer jusqu'à la mort, fidèle à son Jésus, et le livra par le plus gé- néreux dévouement.
Vénérables justes des temps anciens, souffrez que, en préconisant la vivacité de votre foi, l'ardeur de votre espérance, l'héroïsme de votre courage, nous vous abaissions jusqu'aux pieds de Marie, et qu'avec vous nous la proclamions votre Reine; heureux, si un jour par l'imitation de vos vertus, nous sommes admis dans vos rangs sous son aimable empire !
II. Marie est Reine surtout de ces généreux chrétiens qui, dans la loi nouvelle, n'ont pas craint de confesser leur foi en présence des tyrans, des sup- plices et de la mort. — Elle les avait précédés et elle les surpassa par son courage à se montrer la Mère de Jésus, d'abord pendant les trois années de ses prédi- cations. Le Sauveur, malgré l'innocence de sa vie et les bienfaits en tout genre qui marquaient chacun de ses pas, s'était attiré l'envie et la haine des Scribes et des Pharisiens par l'éclat de ses miracles et surtout par les reproches qu'il leur adressait. Plus d'une fois, ils eurent la pensée de le faire mourir, sans oser ce- pendant l'entreprendre sérieusement. Mais ils s'en dé- dommageaient par leurs mépris, leurs murmures, et par toute sorte d'insultes et de calomnies : haine et mauvais traitements, qui de la personne de Jésus aillissaient sur Marie. N'est-il pas le fils de celle
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qu'on appelle Marie ? disaient-ils avec une amère dérision. Elle, néanmoins, ne rougissait pas de le sui- vre dans ses courses, avide de partager les outrages et les insultes que l'on prodiguait à cet aimable Fils. C'est surtout à l'heure de sa passion et de sa mort, pour- tant si ignominieuses, qu'elle n'a point honte de pa- raître la Mère du Crucifié. Accourue à sa rencontre sur le chemin du Calvaire, combien ne dût-elle pas entendre d'injures vomies contre ce cher Fils et contre elle-même connue pour sa Mère ! Mais rien ne l'inti- mide, pas même d'aller au pied du gibet se montrer ostensiblement devant cette multitude frénétique pour la Mère de l'adorable patient, et là, de soutenir les affronts, les railleries, les humiliations en tout genre qui. pleuvant sur le Fils, retombaient sur la Mère.
Jésus a rendu le dernier soupir, et Marie, inébran- lable dans sa fermeté à le reconnaître pour son Fils, se présente la première pour le recevoir dans ses bras à la descente de la Croix , elle le presse sur son cœur et ne cesse de lui donner des marques publiques d'un inviolable attachement ; elle préside à sa sépulture, revient au Calvaire : et pendant longtemps, nous as- sure saint Liguori, son occupation ordinaire et ché- rie est de visiter les endroits témoins des principales souffrances de Jésus, le jardin des Oliviers, le Pré- toire, les différentes stations de la voie douloureuse, et surtout le lieu de l'immolation et de la sépulture. Ainsi montrait-elle encore qu'elle appartenait à Jésus, et qu'elle lui avait voué son cœur comme à son Dieu et à son Fils .
Morale : Apprenons de là à montrer aussi notre foi par nos œuvres, à ne pas être esclaves du respect humain, cette lâche faiblesse qui n'ose pratiquer le bien et qui s'abandonne au mal de peur de déplaire
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aux hommes ou dans la vue d'attirer leur estime. C'est là, cependant, la pierre de scandale pour un grand nombre de chrétiens. Si je change de conduite, dit-on, si je ne vois plus cette personne, si je renonce à telle compagnie, si je ne me venge pas de cette in- jure, si je fais des avances pour la réconciliation, si je m'approche des sacrements, si je me montre fidèle à ce devoir, si je me tiens à l'écart des divertissements du monde, en un mot, si je ne fais pas comme les au- tres, que pensera-t-on, que dira-t-on de moi ?
Que dira-t-on de vous ? Eh quoi ! vous craignez donc plus de déplaire au monde que de déplaire à Dieu ! Quelle folie ! quelle injustice ! Car, que sont ces dis- cours des hommes qui vous intimident à ce point ? Des paroles qui se perdent dans les airs, et qui ne peuvent pas plus vous nuire que le vent qui passe par-dessus votre tête. Ignorez-vous donc que les applaudisse- ments du monde ne vous donnent aucun mérite de plus, comme vous ne perdez rien à sa censure? Quoi qu'il dise, vous n'êtes toujours que ce que vous êtes, pauvre ou riche, bon ou mauvais. Mais votre état vis- à-vis de Dieu, voilà ce qui fait votre valeur réelle. C'est donc Dieu seul et votre conscience qu'il faut craindre, et non point le jugement des hommes. Est- ce à eux que vous devez compte de vos actes ? Est-ce d'eux que vous attendez votre récompense ? Viendront- ils vous délivrer de l'enfer, si pour leur plaire par une lâche complaisance, vous vous y êtes précipité ? Ne craignez donc point de leur paraître singulier ; mais d'être blâmé ou approuvé de Dieu, voilà ce qui seul doit vous inquiéter.
Que dira-t-on de vous ? Les bons, soyez-en sur, vous tiendront compte de votre courage, de votre fidélité, vous en estimeront davantage. Et les méchants eux-
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mêmes, en paraissant vous blâmer, parce que votre conduite les condamne, seront forcés intérieurement de rendre justice à votre vertu. Tout le monde sait ce qu'il en coûte pour être vertueux, surtout en dépit des railleries si capables d'en détourner. Mais, quand même ils vous blâmeraient sérieusement, cela doit-il vous ébranler? « Il est glorieux, dit un saint évèque, d'être méprisé par les méchants : » c'est le sort que Jésus-Christ disait être réservé à ses disciples ; c'est le cachet de la sainteté . « Et ce serait au contraire, dit Bossuet, avoir l'âme bien basse, de n'oser être sage, parce que les fous s'en moquent. » D'ailleurs, pourriez-vous regarder comme un déshonneur de ser- vir le plus grand des maîtres ? On se fait gloire d'être au service d'un puissant de la terre, de porter ses livrées : il n'y a pas jusqu'au plus vil artisan qui ne se fasse honneur de sa profession, si basse qu'elle soit : et vous chrétiens, vous rougiriez de vous mon- trer disciples de Jésus-Christ, le Roi de tous les rois ! Ce serait encourir inévitablement sa réprobation : ses paroles, à cet égard, sont des plus formelles : Si quel- qu'un, dit-il, a rougi de moi et de ma doctrine de- vant les hommes ; je rougirai de lui devant mon Père. Quelle folie, de perdre ainsi son éternité pour quelques paroles des méchants ! Quand donc on se trouvedans l'impossibilité de contenter Dieu et le monde, leurs maximes étant par trop opposées, y a-t-il à ba- lancer ? Ne doit-on pas, avec la même générosité que les apôtres, obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes?
Obtenez-moi, ô Marie, le courage de me montrer en paroles et en œuvres, le fidèle disciple de votre Fils, pour avoir le droit d'en être reconnu au grand jour des récompenses.
Pratique : Ne pas rougir de porter les livrées de la
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sainte Vierge, non plus que de pratiquer les actes de chrétien .
EXEMPLES
LÂCHETÉ DU RESPECT HUMAIN.
Ce serait imiter la honteuse apostasie de saint Pierre qui, après avoir juré à son bon Maître qu'il mourra plutôt que de l'abandonner, se laisse dominer par la crainte de paraître lui appartenir, et à la voix d'une simple servante, le renie par la plus vile des lâchetés. — Ce serait imiter Pilate : il reconnaît l'innocence de l'Homme-Dieu, il déclare qu'il ne trouve point en lui de cause de mort ; malgré l'insistance du peuple, il proteste qu'il ne veut point tremper ses mains dans le sang innocent ; mais à peine lui a-t-on laissé entre- voir qu'il va déplaire à César, cette crainte l'emporte sur toute autre considération ; elle lui dicte la sentence la plus inique, dont inutilement il prétend se laver. — Ce serait imiter ces lâches apostats des premiers siè- cles, rares il est vrai, qui, se laissant intimider par les menaces ou la vue des supplices, préfèrent une vie périssable à une mort glorieuse .
QUELQUES ACTES DE COURAGE CHRETIEN.
Une jeune personne, élevée dans un pensionnat re- ligieux, étant rentrée dans le monde, y continua la salutaire pratique de la communion fréquente. Un jour qu'elle avait goûté ce bonheur, des raisons de bienséance l'obligèrent de se trouver à un repas où les convives étaient nombreux . Fidèle à ses habitudes, elle ne rougit point de dire son Benecllcite. Un officier décoré qui l'aperçut lui dit d'un ton moqueur : « Ah ! Mademoiselle, que faites-vous là ? — Capitaine, répon- dit-elle, rougissez-vous de votre croix d'honneur ?
Oh ! certes, non, Mademoiselle. — Eh bien I vous
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saurez que le signe de la Croix est pour moi un signe de gloire et d'homieur. — Et chacun d'accueillir cette répartie avec un sourire approbateur.
— Un célèbre médecin fut invité à dîner chez M. de Buffou. Des hommes célèbres par leur incrédulité se trouvaient au repas. C'était un vendredi, et le maître d'hôtel, sans doute par oubli, n'avait mis sur la table au premier service que du gras. Le docteur chrétien ne mangeait pas, bien décidé à attendre le dessert. Parmi les convives se trouvait Diderot qui soupçon- nant le motif, demanda au docteur si c'était à cause du vendredi qu'il ne mangeait pas. — Oui, répondit le médecin ; et je suis bien convaincu que les aliments gras sont très nuisibles les jours de la semaine ou l'Eglise les défend. — M. de BufFon dit aussitôt à son maître d'hôtel de desservir, et de ne pi as apporter que du maigre.
CHAPITRE XLVI.
REINE DES VIERGES.
Au milieu des élus, j'aperçois un essaim d'âmes qui rayonnent d'une incomparable beauté ; elles forment autour de l'Agneau comme un cortège d'honneur, et le suivent partout où Uva, chantant devant le trône un cantique nouveau que nulle autre voix ne peut clin ,der. Ce sont les vierges : anges en des corps mor- tels, elles ont passé, sans ternir la blancheur de leurs vêtements, par les chemins fangeux du siècle, n'éprou- vant que mépris et dégoût pour ses joies et ses plai- sirs. Dédaignant un hyménée charnel, elles ont choisi au ciel l'objet de leur unique amour ; et les voilà
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admises aux noces éternelles avec le di\ in Eraux de leur àme.
Mais qui donc leur fraya cette voie ? Qui leur fît connaître le prix et le bonheur de la virginité ? C'est Marie, qui la première en avait arboré l'étendard : véritable Reine des vierges, elle leur servit de guide, de modèle et de soutien dans cette carrière nouvelle. Depuis le jour, hélas ! à jamais lamentable, où le ser- pent infernal répandit les laves de son venin sur la terre de l'innocence, la virginité n'y fleurissait plus ; elle était enfouie sous les ruines du monde coupable . Ce fut Marie qui raviva sur notre terre cette vertu du ciel, et sema ce lis aux parfums délicieux dans le champ de l'Eglise : présent le plus riche et le plus beau qu'elle ait fait au monde, après le don du divin Rédempteur . Pour mieux l'apprécier, voyons le prix et l'excellence de la virginité,
I . En elle-même, et d'après l'estime qu'en ont faite Jésus et Marie ;
II. Par ses heureux fruits dans le Christianisme.
ARTICLE PREMIER
Excellence de la virginité en elle-même, et d'après
l'estime de Jésus et de Marie.
Sancta et immaculata virginitas, quibus te lau- dibus efferam, nescio (S. Aug.) ? « Par quelles louan- ges assez dignes pourrai-je t 'exalter, ô sainte virgi- nité ? » Non, tous les trésors de la terre ne peuvent lui être comparés, nous assure l'Esprit-Saint . « Elle surpasse la blancheur du lis fraîchement éclos ainsi que la douce clarté de l'aurore ; elle l'emporte sur la sérénité d'un ciel pur et sans nuages, sur l'éclat de l'émeraude. L'innocence ! c'est un rayon des beautés de Dieu, qui tombe sur lame, l'illumine et la fait l'égaie des anges. — « 0 merveilleux privilège de
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la virginité ! s'écrie un Père, qui élève l'homme jus- qu'à Dieu, qui attire ses regards de douce complai- sance, et obtient les bénédictions les plus abondantes de son amour. » — « C'est, a dit quelqu'un, le ma- riage d'une âme avec Dieu. » — « 0 sainte virginité, que vous êtes belle ! s'écriait encore une autre voix : le Verbe divin vous doit sa naissance éternelle dans la splendeur des cieux, sa naissance temporelle dans le cœur immaculé de Marie, sa naissance eucharis- tique entre les mains virginales de ses prêtres. » Le nom seul de cette évangélique vertu flatte l'oreille plus que les plus harmonieux concerts , il délecte l'esprit, enchante le cœur, et procure plus de jouissances que les épanchements de l'amitié la plus affectueuse. Saint Cyprien appelle les vierges « le plus bel ouvrage de la grâce divine, l'image où la sainteté de Dieu se réfléchit avec plus d'éclat, les fleurs odoriférantes de l'Eglise, la portion la plus illustre du troupeau de Jésus-Christ.» Une vierge, ce n'est plus l'enfant dans son innocence ; c'est la jeunesse dans toute sa force, mais restée pure comme l'enfance par l'énergie de sa volonté aidée de la grâce. Un enfant innocent est quelque chose de bien beau : on l'aime par un doux et irrésistible attrait ? c'est le bouton de rose qui s'épanouit au lever du soleil; mais une vierge, c'est le lis blanc et pur, resté debout après l'orage et répandant au loin son odorant parfum; on fait plus que l'aimer, on l'admire; elle vous pénètre d'une involontaire et religieuse vénéra- tion. 0 aimable virginité ! quand je déploierais toutes les merveilles imaginables de pensées et de langage, vos charmes et votre prix seroni toujours beaucoup au-dessus des images les plus riches et des plus ma- gnifiques comparaisons. Continuons, néanmoins, de la peindre, mais actuellement sans figures.
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Disons d'abord qu'elle est la vertu desvierges. On dit souvent Yangélique vertu ; et d'une vierge. C'est un ange. Encore le parallèle est-il loin d'être exact. Les anges sont vierges, mais par nature; chez l'homme, au contraire, c'est le prix de longs et pénibles com- bats. Si pour les anges le bonheur est plus grand, il y a dans l'homme plus de courage et partant plus de mérite. Cherchez une fleur en plein été dans un par- terre, rien de plus naturel que de l'y rencontrer ; mais une fleur délicate, au cœur de l'hiver, sur le sommet des Alpes, serait un phénomène. Ainsi, que la pureté des anges s'épanouisse au ciel, c'est son terroir ; mais que de faibles créatures, t issues de chair et de sang, avec tout le feu de leurs convoitises, au milieu des séductions d'un monde corrompu, conservent la fraî- cheur de la virginité, ah ! voilà ce qui rehausse le prix et le mérite de cette perle ; voilà ce qui, à cer- tains égards, élève au-dessus de Fange celui qui en est orné .
Une autre gloire de la virginité, qui doit nous la rendre de plus en plus chère et estimable, c'est d'avoir été la vertu privilégiée de Jésus-Christ, et de sa sainte Mère: et d'abord de Jésus- Christ. Quand un grand seigneur se promène en son jardin, il regarde bien en passant toutes les fleurs, il admire l'émail des unes, il respire l'odeur des autres, il considère en toutes la riche variété des couleurs et de la forme ; mais celle qui l'a charmé davantage, il la cueille pour en con- templer de plus près la beauté et en savourer le parfum ; il la porte à sa main par plaisir ou comme ornement : de même Jésus-Christ, quoique aimant les fleurs de toutes les vertus, a une affection toute parti- culière pour le lis, emblème de la virginité : descendit ut lilia colligal... pascitur inler lilia (Gant.). Ainsi,
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il a voulu naître de la plus pure des vierges ; avoir pour gardien et tuteur de son enfance le chaste Joseph ; pour Précurseur un homme vierge : le plus aimé de ses desciples fut saint Jean qui était vierge, et qui pour cela eut l'honneur insigne de reposer sur son cœur à la Cène, et de devenir le dépositaire du pré- cieux objet qu'il laissait en mourant, la Vierge Marie : « Une Mère vierge, dit saint Augustin, ne pouvait être mieux confiée qu'à un disciple vierge. » En rece- vant Marie, il hérita tout l'amour de Jésus-Christ ; mais c'est parce qu'il était l'imitateur fidèle de sa pu- reté. Si cette vertu mérita à Marie d'avoir un Dieu pour Fils, elle valut à saint Jean d'avoir pour mère la propre Mère de Dieu . — Son sépulcre même, Jésus voulut le trouver vierge. — Il supporta l'ambition des enfants de Zébédée, l'avarice de Judas, le triple renie- ment de saint Pierre, l'incrédulité de Thomas ; mais qu'un seul de ses apôtres fut seulement soupçonné à l'endroit de la délicate chasteté, il ne le permit point. Pouvait-il nous montrer par des marques plus expres- sives, la haute estime qu'il avait pour la virginité?
Elle fut aussi la vertu favorite de Marie, qui, c'est une douce nécessité de le redire, va dès l'âge le plus tendre en faire à Dieu le vœu perpétuel : qui ne con- sent à prendre Joseph pour époux qu'à la condition de rester vierge , qui au moment solennel de l'Incarna- tion ne s'inquiète que de sa virginité et la mettra au- dessus du sublime honneur de devenir la Mère du Messie Rédempteur. Mais !... ne voyez-vous donc pas, ô Marie, la gloire immense qui vous attend, si vous acceptez, les milliers de temples où l'on viendra en foule réclamer votre secours? N'entendez-vous pas toutes les générations jusqu'à la fin des siècles publier à l'envie vos grandeurs? Partager avec votre Fils l'em-
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pire du monde, est-ce donc trop peu d'honneur ? Et ce trône radieux qui vous est réservé à côté de l'Eternel, et ce diadème royal qui ceindra votre front, n'ont -ils donc pour vous aucun attrait? Ah ? si vous pouvez être si peu sensible à votre gloire, ayez du moins pitié des pauvres mortels qui soupirent ardemment après le Libérateur promis. Verrez-vous d'un œil indifférend nos larmes couler sans fin? Laisserez- vous notre en- nemi s'applaudir toujours de son triomphe, et insulter à notre défaite ? Assez longtemps il a régné ; brisez son sceptre et détruisez son empire. Qu'elle est belle cette gloire ! . . . Mais toute cette riante et magnifique perspective ne peut séduire l'auguste Vierge; tout s'éclipse à ses yeux devant l'excellence de la virginité et le prix qu'elle y attache. « Aussi, dit saint Bernard, par le plus incompréhensible de tous les mystères, c'est sa virginité même qui conduit Marie à la Mater- nité, virginitate plaçait : mais en devenant mère, elle ne perd rien de son angélique pureté.
Virginité donc, vertu des anges, vertu tant chérie de Jésus, vertu favorite de Marie ! « Virginité, ajoute- rons-nous encore avec saint Cyprien, état sublime, où le corps seul est sur la terre, et le cœur tout entier dans les cieux ; glorieuse anticipation de la vie céleste: c'est la victoire sur le monde, le triomphe sur ses vo- luptés, l'absence de l'amour sensuel pour le seul amour de Dieu ! » Oh ! qui ne pourrait ne pas estimer, ne pas chérir, ne pas conserver à tout prix un si riche trésor ? Mais ce qui en fera mieux ressortir l'excellence et la beauté,
Morale : C'est la peinture, ce sont les suites sou- verainement pernicieuses du vice contraire. Ici encore, nous sentons que nos paroles seront bien au-dessous de la réalité. Oh 1 le vice impur ! outre qu'il fait des-
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cendre jusqu'aux dernières limites de la dégradation celui qui en est l'esclave, et le ravale même au-des- sous de la brute, il a le funeste pouvoir d'énerver le corps, d'altérer la santé, d'obscurcir l'intelligence, doter la liberté d'esprit, d'endurcir le cœur, le rendre charnel et incapable de rien de magnanime. « Ses fruits, dit saint Ambroise, sont plus amers que l'ab- sinthe, ses effets plus poignants que la pointe d'une épée. )) Sur quoi saint Bernard enchérit encore, en appelant cet état « prison, enfer. » Le vice impur ! il amène les remords déchirants, mais qui ne garantis- sent pas toujours de nouveaux désordres, parce que, une fois qu'on est engagé dans ce maudit péché, il est aussi difficile de s'en retirer, dit saint Jean Chrysos- tôme, après l'Esprit-Saint, que de sortir d'un gouffre profond et sans issues. Aussi trouve-t-on peu dïnpu- diques qui se convertissent véritablement. On peut en assigner deux causes principales : la première, c'est que cette passion dégénère bientôt en habitude, qui, se fortifiant par les jouissances, ne tarde pas à devenir comme une nécessité. » C'est un tyran cruel, de l'aveu d'un païen, qui charge ses esclaves de chaînes, et s'assied sur leurs tètes pour les dominer de plus haut : ).) — « qui vous lie et vous garotte, » nous as- sure saint Augustin, juge compétent en cette matière. Il en est de cette passion comme la soif de l'hydropique, laquelle augmente par les moyens mêmes que l'on em- ploie pour la calmer : ainsi pour le voluptueux, les sa- tisfactions coupables ne font qu'attiser les flammes criminelles qui le dévorent : et lors même que les for- ces lui manquent, le désir contrarié n'en devient que plus ardent .
Une 2e cause qui rend si difficile l'extirpation de cet abominable vice, c'est qu'il étouffe tout ce qui pourrait
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toucher et convertir. L'homme sensuel, a dit saint Paul, ne comprend rien aux choses de Dieu. Il n'est pas plus attendri de la magnificence de ses promesses qu'intimidé par la rigueur de ses menaces ; il ne voit, ni la laideur ni le danger de sa vie criminelle, trop semblable, oserons-nous dire avec l'énergie de saint Chrysostôme, à l'animal -immonde qui se vautre dans la fange, sans prendre garde qu'il salit son corps . S'il ne peut arriver jusqu'à nier positivement l'existence d'un Dieu vengeur de ses désordres, il détourne les yeux pour ne point voir le ciel, afin de s'abandonner avec moins de remords à toutes les exigences de son insa- tiable passion. Faut-il s'étonner après cela que les saints Pères soient umaniques à dire qu'un des plus rares miracles de la toute-puissance de Dieu, c'est la conversion et. le salut d'un impudique, conséquemment que ce vice mène comme infailliblement à la perdition éternelle : saint Rémi, saint Bernard, saint Liguori, osent bien affirmer, que parmi les damnés le plus grand nombre le sont pour le crime d'impureté. C'est que, dit encore saint Augustin, entre tous les vices, celui-ci a le fatal privilège de conduire à une effrayante prévarication, par des sentiers qui semblent semés de roses, et de fermer ensuite les issues qui pourraient en faire sortir ; c'est que , ajoute-t-il , les combats que livre cette passion sont si fréquents et si rudes, que bien peu remportent sur elle une victoire certaine. Que de motifs de nous tenir en garde à tout jamais contre un vice qui a des suites aussi funestes !
Ce n'est donc point sans luttes et sans da généreux efforts, ô Marie, que nous pourrons conserver intacte l'aimable pureté dans nos vases fragiles ; mais sa beauté nous charmera, vos exemples et vos prières nous sou- tiendront : Reine des Vierges, priez pour nous.
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Pratique : Se représenter souvent les charmes de la chasteté d'après les beautés de la nature .
EXEMPLES
HORREUR DE DIEU POUR LE VICE IMPUR
Il est bien permis d'en juger par les châtiments épouvantables dont il l'a puni. Qui n'a entendu parler de cette inondation générale qui submergea la terre et ses habitants, à l'exception d'une seule famille? Or, qu'est-ce qui attira ainsi, non-seulement sur l'homme, mais sur toute créature la colère d'un Dieu d'ailleurs si bon ? Une seule cause : toute chair avait corrompu sa voie : chacun s'abandonnait aux dérèglements de son cœur dépravé. Dieu en est tellement affligé, telle- ment indigné, qu'il va jusqu'à dire, qu'il ne peut plus supporter l'homme, et qu'il se repent de l'avoir créé.
— Peu de temps après, un des trois enfants de Noé commet une faute, non point des plus énormes en cette matière, mais contraire à la décence : il ose fixer les yeux sur la nudité de son père endormi, Qu'arrive-t-il ? Noé l'ayant su à son réveil, le maudit ; et cette malé- diction retomba sur toute sa race : plus de deux mille ans après, du temps de Jésus-Christ, les Cananéens, par le mépris général qui les frappait, payaient tou- jours, payaient chèrement la faute de Cham.
— Quelle preuve non moins éclatante de l'horreur de Dieu pour ce péché n'en trouvons-nous pas dans l'épouvantable châtiment de Sodome , Gomorrhe et trois autres villes, appelées encore aujourd'hui infâ- mes, à cause des excès impurs auxquels on se livrait ! Ils étaient si monstrueux , que Dieu ne pouvant y croire, selon l'expression si énergique des saints Livres, descendit comme pour s'en assurer par lui-même; et témoin de la réalité, il fit pleuvoir le soufre et le feu
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qui détruisirent jusque dans leurs fondements ces villes criminelles. Leur sol est transformé en un lac de bitume, qui atteste à toutes les générations la terrible vengeance que Dieu tira de leurs impudicités.
ARTICLE SECOND
Heureux fruits que la virginité a produite dans le Christianisme
Au Catholicisme seul il était réservé de produire la virginité et tous les actes magnanimes qu'elle enfante. Ce n'est que sur le sol arrosé par le sang de Jésus- Christ que cette fleur du ciel peut germer et donner du fruit. C'est là que, sous l'influence de la Vierge sans tache, cette vertu féconde a non-seulement peu- plé le sanctuaire, les cloîtres, les déserts et même le monde d'une race nouvelle d'àmes virginales, mais en a fait des héros de charité, de dévouement, de sacrifi- ces, de toutes les actions grandes et généreuses que n'a jamais pu produire le Paganisme. Et voilà le ravis- sant tableau qu'il nous reste à étaler sous vos yeux, pour compléter l'hymne glorieux déjà commencé en l'honneur de la virginité. Oui, nous osons bien le pro- clamer à la face du monde entier :
C'est par les âmes virginales que fut produit tout ce qu'il y a eu de saint, de grand, de généreux, d'héroïque dans le Christianisme .
Commençons à le reconnaître et à l'admirer dans cette moitié du genre humain, où la faiblesse du sexe semblerait le faire moins espérer. Autrefois, elle eût été incomprise, celle qui aurait renoncé à devenir mère pour n'avoir d'autres enfants que les pauvres , les malades, les orphelins ; ou plutôt, c'était chose entière- ment inconnue dans le monde païen. Mais, depuis l'ap- parition de la sainLe Vierge, une voix intérieure a
PARAPHRASE. — T. II. 17
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parlé à des millions de jeunes personnes, et des mil- lions déjeunes personnes y ont répondu avec un élan *i empressé, que la société chrétienne abonde en âmes généreuses qui ont voulu échanger les jouissances de la terre contre une vie d'abnégation complète. Et sou- vent ces femmes au cœur mâle sont de jeunes filles, riches des dons de la nature et de la fortune, douées des plus belles qualités qui leur promettaient un bril- lant avenir : quelques-unes même sont nées sur les marches d'un trône, sous le portique d'un palais, dans les salons d'un château : n'importe ; voyez-les toutes renoncer aux douces illusions de leur âge, aux sédui- sants plaisirs du monde , à leur patrimoine , à des parents chéris, aux affections de l'amitié, pour aller consumer leur existence auprès des malades, panser des plaies rebutantes , essuyer tous les dégoûts des infirmités humaines , quelquefois les rebuts d'êtres grossiers et ingrats.
Voulez- vous contempler de tout près un de ces spec- tacles entre mille autres semblables, osez bien péné- trer un moment dans ce réduit hideux : là , voyez étendu sur la paille un pauvre couvert d'ulcères, rongé par la vermine, en proie aux plus affreuses douleurs : si ce malheureux n'a plus de mère, ilva mourir privé des consolations de la foi. ainsi que des secours de la charité : car toute la bienfaisance philantropique a reculé à ce spectacle. Mais là se trouve une femme qui en lui prodiguant ses soins les plus généreux, le fortifie par ses pieuses paroles et appelle sur lui les bénédic- tions du ciel par la ferveur de sa prière. Et cette femme, ce n'est, ni sa mère, ni son épouse, ni sa sœur ; c'est une vierge, pauvre, mais au cœur d'or ; c'est une fille de Marie!
Avec autant de courage et d'amour, elle volera par-
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tout où elle saura un chagrin à consoler, une douleur à adoucir, un malheur à réparer, l'indigence à nourrir, une mère à remplacer, une odeur de mort à supporter ; partout où il faut instruire un ignorant, relever une fai- blesse, toucher un endurci, disposer un mourant au tré- pas ; car les besoins de Tàme autant que ceux du corps, les intérêts de la vie future comme ceux de la vie pré- sente, tout est du domaine de sa charité. — Voyez- vous cette autre quitter résolument la patrie, braver les pé- rils de la mer, l'intempérie des saisons, toutes les ri- gueurs du climat, pour aller sur les plages inconnues de la Crimée, de la Cochinchine, se jeter au milieu des bataillons, sous le feu de la mitraille, afin de prodiguer à nos guerriers, avec les consolations religieuses, des remèdes à leurs blessures, et de les disposer à une sainte mort !
En voyant ces âmes d'élite, si sublimes d'amour et de dévouement, si belles de candeur, si radieuses de joie pure, ne dirait- on pas des anges descendus du ciel pour soulager et consoler tout ce qui porte la livrée du besoin ou du malheur, pour montrer au crime, au dé- sespoir peut-être, la voie du repentir et du pardon ? En se sacrifiant ainsi pour toutes les nécessités, ces courageuses filles de Marie accomplissent au centuple les devoirs de la femme destinée à être mère ; car la vierge, qui n'est pas mère selon la chair, le devient par la charité ; tous les malheureux sont ses en- fants ; les orphelins retrouvent en elle la mère qu'ils ont perdue. Et quelle est la force motrice d'actions si héroïques? C'est la virginité : leur affection, qui n'est donnée à personne spécialement, s'étend à toute la grande famille humaine et surtout aux plus miséra- bles : leur cœur libre de toute entrave des créatures se dilate plus facilement, pour enfanter tous les senti-
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ments nobles et généreux, qui se produisent ensuite par des actes.
Mais, pour apprécier de mieux en mieux ce dont est capable un cœur vierge, pénétrons un instant dans ces solitudes profondes presque inconnues aux mortels, le Carmel, la Trappe, la Chartreuse; entrons dans leurs cellules obscures, et là nous verrons sous la cendre et le ciliée, de nouveaux mardochées, priant pour le salut de tout Israël ; d'autres Davids, chantant les hymnes sacrées de la pénitence; de nouveaux Jérômes, de nou- veaux Antoines, qui par le jeune et la prière mettent en fuite le démon, accomplissent sur leur chair inno- cente ce qui manque à la passion de Jésus-Christ, et ce que ne font pas les ennemis de la croix. Et cette immola- tion continuelle de la nature n'est point le fait seulement d'hommes au tempérament robuste; mais c'est aussi le sacrifice habituel auquel se condamne le sexe le plus dé- licat. A cette vue, qui pourrait douter encore qu'au cé- libat seul il appartient de faire des héros en tout genre ?
Rentrons dans les villes : là, mêmes scènes de dévoue- ment sous une autre forme. Voyez- vous ces humbles Frères, au maintien modeste, sur le front desquels la gravité est tempérée par l'aménité la plus douce? S'étant échauffés à l'école du Sauveur du feu de sa cha- rité, ils ont dit aussi : Laissez venir à moi ces petits enfants. C'est leur famille adoptive, sur laquelle ils concentrent toute l'affection de leur cœur, que nul autre ne partage. Avec quel zèle infatiguable et désin- téressé, ils se consacrent à cultiver ces jeunes plantes, aussi attentifs à semer dans leur tendre cœur les ger- mes de toutes les vertus, qu'a orner leur esprit de tou- tes les connaissances nécessaires à la vie civile, deve- nant ainsi les plus grands bienfaiteurs de la société, de l'Etat et des familles !
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Un dévouement plus magnanime encore, et qui s'é- chauffe aussi un foyer du célibat, nous est manifesté dans toutes les parties du monde, sur le vaste théâtre des villes comme dans l'obscurité d'une campagne, c'est le dévouement du prêtre catholique. A peine Fonction du pontife l'a-t-elle pénétré, que, nouveau Gédéon, il s'élance avec ardeur dans la carrière des combats. Ses armes sont le bouclier de la foi, le casque de l'espé- rance, le glaive de la parole divine : mais ce qui lui assure plus encore la victoire, c'est l'éclat de l'auréole virginale qui brille sur son front. Dégagé de toute af- fection humaine, son cœur est pour tous ; on le sait ; chacun est sûr d'y trouver une place, et vient avec un entier abandon y déposer le fardeau de ses peines ou de son péché. Et si son zèle le transporte sur les régions lointaines des infidèles, tous accourent à lui, saisis d'admiration à la vue d'un dévouement si généreux et plus encore de sa virginité, qui comme un aimant les attire par la puissance de ses charmes. Ils préfèrent suivre celui qui vit seul, qui n'a pour compagne que la Croix à une main et le bréviaire à l'autre, plutôt que les ministres des doctrines anticatholiques qui n'ont point le prestige du célibat.
Dans cet intéressant tableau, nous ne pourrions omettre sans une injustice criante, la simple fille, qui vivant dans le monde se conserve lis au milieu des épines. La douceur de ses paroles, l'aménité de son sou- rire, la douce sérénité empreinte sur son front candide, sa beauté même qu'aucune haleine impure n'a jamais effleurée, tout cet ensemble, angélique reflet de sa vir- ginité, a je ne sais quels charmes qui captivent votre admiration. C'est une fleur épanouie sous la douce in- fluence de la Vierge, toujours fraîche, toujours belle et dont le parfum embaume le cœur, autant que la vue
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réjouit les yeux. Heureuse elle-même de l'estime qui l'entoure et de la paix céleste qui l'inonde, elle est en- core un trésor de bonheur et de bénédictions pour sa famille ; elle prépare à la religion et à la société la plus solide garantie d'édification et de paix. Heureuse la maison où habite un de ces anges de la terre ! Heureuse la paroisse qui en compte un grand nombre !
Morale : Honneur donc à cette glorieuse fille de Juda qui, élevant la première l'étendard de la virgi- nité chrétienne, a mérité aux hommes tant de biens qui sont venus avec elle î Honneur à cette Arche sainte, où s'est repeuplé le monde d'une génération nouvelle qui. inspirée du souffle vivifiant d'une chasteté intègre, présente le magnifique spectacle de tout ce qu'il y a de beau, de saint, de grand, de généreux, d'héroïque ! Es- timons donc cette précieuse vertu au prix de sa valeur et de ses fruits : et pour la conserver ayons souvent présentes à l'esprit les maximes suivantes, qui vien- nent renforcer celles qui déjà ont été présentées sur cet intéressant sujet :
— Une étincelle négligée peut causer rapidement un vaste incendie ; de même le manque habituel d'humi- lité, de modestie et de vigilance peut amener facile- ment la ruine d'une vertu qui semblait solidement affermie. — On secoue bien vite un charbon qui tombe- rait sur son habit : autant faut-il être prompt à éloi- gner toute pensée mauvaise : pour peu qu'elle occupe- rait l'esprit, elle y laisserait une trace hideuse. — Rien n'est à mépriser de ce qui protège la chasteté : c'est par les petites précautions que se conservent les grandes vertus . — Pour vous maintenir chaste, évi- tez les liaisons où le cœur s'amollit, où la passion finit par obscurcir la raison et soulever d'effroyables tempêtes.
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— Nulle victoire, dit saint Cyprien, n'est plus glo- rieuse que celle que l'on remporte sur la chair et la vo- lupté. Ce qui sert aux jouissances criminelles du corps, deviendra le supplice de l'âme. L'abeille enfonce son aiguillon et s'envole : le venin reste : la volupté fuit et laisse après elle le remords et la honte . — Les glaces de la vieillesse n'éteignent pas toujours le feu impur. Salomon, les vieillards de Babylone et tant d'autres en seront à jamais la triste preuve : les montagnes cou- vertes de neige recèlent quelquefois des volcans dont l'explosion est terrible.
Auguste Reine des vierges, obtenez-nous de marcher constamment sous l'étendard que vous avez si noble- ment porté, afin qu'avec toutes les vierges nous for- mions votre honorable suite au ciel. (12)
Maxime Le feu qui semble éteint, dort souvent sous la cendre : Qui l'ose réveiller, peut s'en laisser surprendre.
EXEMPLES Estime et précautions pour la chasteté
Il arrivait souvent à l'empereur Charlemagne, de fermer les fenêtres de ses appartements et de tirer les rideaux, pour n'être point exposé à la tentation, en voyant dans la rue des personnes du sexe élégamment parées .
— Saint Thomas d'Acquin, que son amour de la chas- teté joint à la profondeur de sa science a fait surnom- mer Y Ange de l'Ecole, quoique peu tourmenté par les mouvements de la concupiscence, s'appliquait à répri- mer la convoitise des yeux ; il disait souvent : Si David avait exercé une vigilance exacte sur ses regards, il n'aurait pas eu une chute si profonde à déplorer.
— L'angélique Louis de Gonzague se défiait telle-
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ment de ses yeux, qu'il n'osait pas même regarder en face les personnes du sexe, ses parentes. Il aimait à répéter ces paroles de saint Augustin : « Les yeux sont, à la vérité, un membre du corps : mais ils sont aussi les fenêtres de l'àme. >:>
— Cynis ayant en son pouvoir Panthéa, femme re- marquable par sa rare beauté, ne voulut point qu'elle parut en sa présence : « Les yeux, disait-il, sont des traîtres dangereux : de vainqueur et indépendant que je suis maintenant, je pourrais par eux être vaincu et réduit à la honteuse condition d'esclave. »
— On raconte aussi de Scipion l'Africain, qu'il ne se permit pas même de regarder une jeune captive dont on lui avait vanté les charmes, pour ne point se laisser séduire, lui qui avait remporté de si éclatantes victoires.
— Le fils d'un roi de Hongrie avait la dévotion de ré- citer chaque jour l'Office de la sainte Vierge. Dans une maladie dangereuse, il fit vœu de chasteté, s'il recou- vrait la santé, et l'obtint en effet. Mais appelé au trône par la mort de son frère, il se décida, pour la tran- quillité du royaume, à se faire relever de son vœu, en vue d'épouser une jeune princesse. La veille du ma- riage, il voulut, comme à l'ordinaire, réciter son Office. Arrivé à ces paroles : Que vous êtes belle /... il vit et entendit Marie qui lui dit : c< Si je suis belle, pourquoi me laisser pour une autre ; sache bien que si tu renon- ces à ce mariage, tu m'auras pour épouse, et tu possé- deras le royaume du ciel, au lieu de celui de Hongrie.» Le prince frappé de ces paroles s'enfuit dans un désert.
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CHAPITRE XLVII.
REINE DE TOUS LES SAINTS.
Après avoir nommé séparément les différentes hiérar- chies dont se compose la société des élus, et salué Marie comme la Reine de chacune d'elles, nous nous élevons par la pensée jusqu'au plus haut des cieux, et là nous voyons sur des trônes radieux, à divers degrés, les pha- langes glorieuses et immortelles des patriarches, des prophètes, des apôtres, des martyrs, des vierges, et à une distance incommensurable au-dessus d'eux, la di- vine Marie qui reçoit les hommages de tous, qui forme à elle seule un Ordre à part, domine en Souveraine toute la Cour céleste ; et dans l'extase de notre ravis- sement, nous l'a proclamons Reine de tous les saints. Cette invocation générale lui forme comme une cou- ronne à laquelle il ne manque aucune perle, et nous devient un stimulant des plus actifs à mériter d'être un jour réunis à cette bienheureuse et honorable société.
Marie est justement nommée Reine de toits les saints, parce qu'en effet elle les surpasse,
I. En sainteté et en puissance ;
II . Par l'éclat de sa gloire.
ARTICLE PREMIER.
Prééminence de Marie sur les saints, par sa sainteté et sa puissance.
I . Par sa sainteté. — Tous les élus régnant au sein de la gloire, sans en excepter même Elie, Jérémie et Jean- Baptiste, sont forcés de dire avec le roi David : Ma mère m'a conçu dans le péché. Et dans le cours du voyage, n'ont-ils pas tous à la faute primitive ajouté des fautes personnelles ? Car l'étemelle Vérité nous assure
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que le juste même tombe sept fois le jour. Seule, Marie a échappé à cette loi générale. Sainte et immaculée dans sa Conception, elle fut toujours un paradis de pures délices, où le hideux serpent ne pénétra jamais : toujours elle brilla de cette justice originelle dont au- cune vapeur ne vint ternir l'éclat : elle ne commit pas môme le plus petit péché.
A combien d'imperfections encore les âmes mêmes les plus privilégiées ne sont-elles pas sujettes ? Que de va- riations, que d'inconstances dans leur ferveur, leur amour pour Dieu, leur fidélité à le servir, leur zèle à s'avancer dans la voie de la perfection ! Que d'instants de somnolence spirituelle, pendant lesquels on devient paresseux pour la vertu, inactif pour le bien, oisif pour le ciel ! Que de moments perdus pour l'éternité ! Mais en Marie ne se trouva rien de semblable. Aucune im- perfection ne fit ombre sur sa sainteté inaltérable. Et cette sainteté, bien que parfaite dès le commencement, ne laissa pas de croître sans aucune intermittence, comme la lumière du soleil qui, brillante dès qu'elle parait sur l'horizon, devient [dus vive encore et plus éclatante en plein midi . D'ailleurs, «il y avait conve- nance, dit saint Anselme, que la Vierge fût douée d'une sainteté telle qu'après Dieu on ne put rien ima- giner de pareil, et surtout rien de supérieur. »
Ce fut aussi une sainteté naïver 'selle. Dans les saints on voit retracés plus ou moins sensiblement quelques traits du divin modèle. Selon la condition dans laquelle ils se trouvaient, chacun brilla par une vertu parti- culière, plus éminente que les autres. Ainsi l'esprit de pauvreté distingua saint François d'Assise : la charité pour le prochain, saint Vincent de Paul : la constance dans les tourments, saint Laurent ; la chasteté, sainte Agnès, sainte Lucie, saint Stanislas de Kostka et tant
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d'autres : dans la demeure du Père céleste, les trônes et les couronnes sont à divers degrés ; chacun brille d'une splendeur plus ou moins éclatante ; chacun y reçoit la part de gloire spéciale qu'il a conquise pendant la durée de l'épreuve. Mais dans Marie, placée entre eux et Jésus-Christ, se trouve la plénitude de sainteté dont ils n'eurent que des parcelles, et dont l'étendue se mesura sur son incommensurable dignité de Mère de Dieu. Aussi, après Dieu que l'on désigne sous le nom de trois fois Saint, on donne à Marie le titre de très Sainte. Et tandis que les amis de Dieu sont appelés simplement du nom de saints, Marie par sa sainteté originelle, constante, parfaite, mérite à bon droit d'être appelée Reine de tons ; car elle les surpasse non-seu- lement en sainteté, mais aussi,
IL En puissance.— lies saints jouissent, sans doute, auprès de Dieu d'un merveilleux crédit : ils sont ses favoris, ses bien-aimés ; leurs prières ne peuvent qu'être favorablement accueillies et promptement exau- cées. « Le Seigneur, dit saint Léon, est admirable en nous les donnant non-seulement pour modèles, mais encore pour protecteurs aussi puissants que dévoués.» Et des milliers de faits éclatants publient dans tout l'univers depuis dix-huit siècles, qu'au sein de la gloire ils s'intéressent vivement au salut de leurs frères encore exilés et combattant dans l'arène du monde. Ils intercèdent, mais à la manière des Grands près des rois, en amis suppliants, avec réserve, avec me- sure. Pour vous, ô Marie ! vous le faites en Mère du Souverain, c'est tout dire ; vos demandes sont presque des ordres : vous le faites pour tous, et sans aucune hésitation, assurée que vous êtes d'obtenir toujours. Benoit XIV, si mesuré dans ses expressions, ne craint pas d'affirmer « que l'intercession de Marie auprès de
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Dieu a une force beaucoup plus grande que les sup- plications de tous les saints. » Avant lui, l'illustre Suarez avait énoncé la même vérité plus clairement encore : « Je crois, dit-il, que la sainte Vierge sur- passe en puissance et en efficacité auprès de Dieu non- seulement chaque saint en particulier, mais même la Cour céleste tout entière. » Et c'est là une conséquence de l'amour que Dieu a pour Marie, qui lui étant beau- coup plus chère que tous les saints, doit l'emporter par là même en crédit.
C'est encore par Y universalité de sa puissance qu'elle leur est de beaucoup supérieure. Tous les élus sont les ministres du Très-Haut pour un service spé- cial, pour tel ou tel de nos besoins soit spirituels, soit même corporels. Mais à Marie on demande toute es- pèce de grâces, parce qu'on la connaît en possession de tout le royaume de Jésus-Christ. Dans cet empire, dont elle est la Reine après lui qui en est le Roi, tous les biens sont indivis entre eux. — Le culte des saints est restreint ordinairement à quelques contrées, à cer- taines classes de la société : Saint Nicolas est le pa- tron de l'adolescence, des marins, des voyageurs : Sainte Catherine est invoquée par les jeunes filles : les laboureurs et ouvriers en fer honorent tout parti- culièrement saint Eloi ; les jardiniers, saint Fiacre;
1rs musiciens, sainte Cécile, etc Mais la sainte
Vierge est la Patronne de tous les âges, de toutes les conditions : chaque paroisse a son patron ; Marie a son autel dans toutes les églises : son culte est 'lu monde entier, comme de tous les siècles : partout elle est l'encouragement des forts, le soutien des faibles, la joie des justes, le refuge des pécheurs. Telle est sa royale. puissance, qui n'a d'autres limites que sa bonté et rétendue presque infinie de nos besoins. Encore
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qu'elle soit séparée de ce monde quant à la présence corporelle, elle y est toujours par l'affection : glorieuse dans le ciel, elle n'oublie pas pour cela notre terre : devenue impassible, elle ne cesse pas d'être compa- tissante: elle s'est dépouillée de nos misères, mais non de ses miséricordes: quoique Reine des anges, elle est toujours Mère des hommes : si elle fut accueillie par les applaudissements de l'Eglise triomphante, elle ne dédaigne pas les salutations et les cris suppliants de l'Eglise militante qui se jette à ses pieds.
Morale : Tant de puissance doit, sans doute, nous animer d'une tendre confiance et d'un vif empresse- ment à recourir a elle ; mais d'autre part, que sa sain- teté si parfaite ne nous jette pas dans le décourage- ment. Ici, l'exemple des saints doit bannir de nos cœurs toute défiance excessive. C'étaient des hommes pétris du même limon que nous, comme nous enfants d'Adam, héritiers de sa faute et de ses suites, portant en eux un foyer d'inclinations déréglées, obligés pour la plupart de vivre au milieu d'un monde pervers et scandaleux, subissant les fatigues du travail, engagés dans les embarras d'une famille, les préoccupations du négoce, les sollicitudes d'un emploi, les périls d'une société nécessaire. Mais ces obstacles, ils ont su les surmonter ; ces dangers, ils y ont échappé; les écueils, ils les ont évités ; les occasions scabreuses, ils s'en sont éloignés : le torrent de la coutume et du mauvais exemple, ils y ont résisté. Malgré les épines et les ronces qui embarrassaient le chemin, ils y ont marché courageusement et sont arrivés au terme. Les moyens, qui les y ont aidés, nous sont offerts aussi abondants, et peuvent être aussi efficaces. La protec- tion de Marie surtout ne nous fera pas défaut, si comme eux nous sommes fidèles à l'implorer. Courage
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donc, ayant devant nous cette nuée de témoins, ces jalons visibles qui indiquent la route. Comme saint Ignace et tant d'autres, animons-nous par l'exemple des saints.
Un jour retenu à l'hôpital de Pampelune, il de- manda pour charmer ses loisirs quelque livre amu- sant. La Providence, qui sans doute l'attendait là, permit qu'il ne s'en trouvât point d'autre que la vie des Saints . Après quelques lectures il se dit ce que s'était déjà dit saint Augustin : « Ce qu'ont pu ces hommes, pourquoi ne le pourrais-je pas ? » Et ce fut là le coup de la grâce à laquelle il ne résista point, cette pensée fut pour lui comme un levier puissant qui l'éleva à cette haute sainteté devenue héréditaire dans cette illustre Compagnie qui rendit à l'Eglise et à la société de si éminents services. — Lorsque saint François de Sales eut été canonisé, François Xavier s'écria : « Voilà déjà trois saints du même nom, il faut que je sois le quatrième, dùt-il m'en coûter la vie. » Pourquoi ne prendrions-nous pas une résolution aussi généreuse ? Pourquoi ne pas nous dire : Jésus est allé au ciel me préparer une place : Marie y a fait monter une foule de mes frères : avec son aide et la corres- pondance de mes efforts, je puis avoir le mène bon- heur : je dois donc y tendre et y travailler sans re- lâche.
0 glorieuse Reine des saints, qui les avez tant aidés à marcher sur vos traces, et qui jouissez toujours au ciel d'une égale puissance, obtenez- moi la même fa- veur qui me rende digne d'être un jour associé à leur gloire .
Pratique : Offrir chaque jour une fleur à notre Reine, en récitant une dizaine du chapelet .
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HISTOIRE
ORIGINE ET BEAUTÉS DU CHAPELET
Toute reine a droit à une couronne : Marie est Reine du ciel et de la terre. Au ciel, une couronne de gloire ceint son front royal : sur la terre, ses sujets dévoués aiment à lui en tresser une de prières et de louanges, pour laquelle elle a une prédilection toute spéciale, c'est le Chapelet, dévotion pleine de charmes déjà par le poétique usage qui y a donné lieu. C'était une coutume en Orient d'offrir des couronnes de roses aux personnes distinguées par leur mérite ou leurs digni- tés. Les chrétiens des premiers siècles se faisaient aussi un plaisir d'offrir à leur bonne Mère une cou- ronne des plus belles fleurs, de roses ordinairement. Plus tard, un saint Pontife eut l'heureuse idée de substituer à la couronne matérielle de roses une cou- ronne spirituelle qu'il pensa devoir lui être plus agréa- ble. Il la composa des prières les plus familières aux simples fidèles et en même temps les plus relevées : la profession de foi du chrétien, la Prière émanée des lèvres de l'Homme-Dieu, la Salutation que l'Ar- change apporta à la Vierge, et l'hommage à l'auguste Trinité, prières qui bientôt disposées sur une série de grains formèrent le Chapelet. Et l'homme renvoyant au ciel, comme un écho, ces paroles que le ciel a fait tomber sur la terre, pourrait-il ne pas être écouté ?
Effeuillons donc souvent, effeuillons dévotement cette magnifique couronne de' roses en l'honneur de Marie. Aimons à lui répéter cette prière qui la comble de joie ; et le sourire de notre Mère répondra toujours à notre voix. Marie comme on le disait naïvement au moyen-âge, cueillera sur nos lèvres une rose fraîche et pure, chaque fois qu'elles s'ouvriront pour lui dire
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Y Ave Maria. Ne craignons pas que la répétition lui devienne fastidieuse. Une princesse s'ennuie -t-elle des mille vivat qui saluent son passage ? une mère de s'entendre redire par son enfant, qu'elle est belle, qu'elle est bonne, qu'il l'aime? Et nous, nous pour- rions trouver ennuyeuses les redites à Marie ? « L'a- mour, dit Lacordaire, n'a qu'un mot, et en le disant toujours, on ne le répète jamais. »
ARTICLE SECOND.
Marie, Reine des saints, par la prééminence
de sa gloire.
Quelle est grande déjà sur la terre la gloire de Marie! Partout des temples magnifiques sont élevés en son honneur : partout, des cœurs tout dévoués font monter vers son trône les accents de la louange et de la prière : tous les besoins l'invoquent, tous les âges la supplient, toutes les dignités l'honorent. Jamais créature reçut-elle autant d'hommages ? Jamais nom excita-t-il cette confiance invincible, cet empressement de culte, ces transports d'amour ?
Cette gloire de la terre, néanmoins, n'est qu'un pâle reflet de celle qui, ainsi que sa puissance et sa sainteté, la rend supérieure aux saintes phalanges des cieux . Entreprendre de la dépeindre, n'est-ce pas témérité ? Les couleurs les plus vives, le pinceau le plus habile pourront-ils jamais retracer ce que Dieu réserve à ceux qui l'aiment ? a Si rien ne me plait tant, dirons-nous avec saint Bernard, rien non plus ne m'effraie autant que de parler de la gloire de Marie. » Mais l'impossi- bilité de le faire dignement doit-elle nous réduire à un silence absolu ? Non ; ce serait soustraire à votre noble ambition du ciel un motif des plus propres à l'élec- triser. Justifions donc de notre mieux la supériorité de Marie sur tous les saints par Xèm inence de sa gloire.
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Outre les privilèges extraordinaires dont Dieu l'avait enrichie dès le sein maternel, et les grâces merveilleuses que sa bonté libérale lui prodigua toute sa vie, aux- quelles elle correspondit avec une rare fidélité, que de droits ses mérites ne lui donnaient-ils pas à la gloire la plus brillante ! Elle les avait singulièrement accrus pendant plus de soixante et dix ans, par la pratique de toutes les vertus dans une perfection sans égale. C'étaient ces flocons de neige qui s'entassent silencieu- sement sur le sommet des montagnes : la couche du lendemain ne le cède point en éclat à celle de la veille ; la pureté s'ajoute à la pureté, la blancheur à la blan- cheur, de manière à former bientôt un cône éblouis- sant, oc Si ce quelle fit, dit saint Ildefonse, est esti- mable, la récompense aux yeux de Dieu, juste rému- nateur des mérites, devait être incompréhensible et la gloire incommensurable. )>
Mais c'est principalement sur les deux ailes de la pu- reté et de 1! 'humilité que Marie s'est élevée à cette su- prématie de gloire et d'honneur. 1° Par sa. pureté : c'est une loi de la nature que plus un corps est léger, plus vite il s'élève vers les régions supérieures. Ce principe conserve toute sa vérité par rapport à la créature douée de raison ; plus elle est pure de tout péché, plus elle est agile et légère : le péché seul nous rend lourds et pe- sants. Or, qui fut plus pure que Marie? A quel sublime degré de gloire par conséquent doit être élevée cette Vierge immaculée ! 2° Par son humilité : si, d'après l'oracle du divin Sauveur, l'élévation au ciel est en raison de l'abaissement sur la terre ; si, Lui-même, pour s'être humilié jusqu'à la mort de la Croix, est maintenant surexalté dans la gloire, possédant un Nom au-dessus de tout nom, Marie la plus humble des créatures ne mérite-t-elle pas une gloire proportionnée
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à la profondeur de ses humiliations, le premier rang par conséquent dans la hiérarchie des saints ? Parce qu'elle s'abaissa sans mesure, Dieu l'éleva au-dessus de tous les ouvrages de ses mains : l'ombre de l'humi- lité c'est la gloire ; elle suit ceux qui s'en éloignent.
D'un autre côté, si au ciel, et pouvons-nous en dou- ter, la gloire se mesure sur les souffrances; si, comme le chante un poëte chrétien, « les honorables plaies de l'athlète du Christ laissent échapper autant de rayons lumineux, » quoi plagis laniatus, tôt radiis nites, de quelle gloire ne doit pas briller au-dessus de tous les martyrs l'héroïque Vierge, qui les surpassa de si haut en souffrances et en courage? Elle est sur un trône à côté de son Fils, comme elle fut au pied de sa Croix. Si, d'après l'assurance que nous en donne Jésus- Christ, grande est la récompense de ceux qui à cause de lui auront été persécutés ; quelle n'est pas celle de sa sainte Mère, à qui son violent amour pour lui fit ressentir toutes les douleurs de sa passion et de sa mort ? « Aussi, dit saint Jérôme , orne-t-il son front triomphant de la plus belle couronne qui soit après la sienne ! »
C'est d'ailleurs, un principe de la plus saine théolo- gie, que, si nous avons contribué au salut d'une seule àme, nous en recevons au ciel un surcroit de bonheur et de gloire. Saint Paul disait aux Philippiens ? Vous êtes ma joie, ma gloire et ma couronne, parce qu'ils les avait instruits, convertis, sanctifiés par ses prédica- tions. Tous les fondateurs d'Ordres religieux, qui ha- bitent les parvis du ciel, y jouissent d'une récompense composée des fruits de sainteté qu'ils ont fait produire à leurs enfants spirituels. A ce titre encore, quelle doit être au-dessus de tous les saints la gloire de la Vierge, qui a jeté les racines des vertus chrétiennes dans des
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millions d'àmes choisies et les a arrosées de ses influen- ces ! N'est-ce pas par Elle, véritable Porte du ciel, que sont montées au trône de l'Eternel les prières de tous les saints, et que sont descendues les grâces qui les ont sanctifiés ? N'est-ce pas à l'ombre de sa protec- tion tutélaire qu'ils ont évité les écueils, échappé aux dangers, atteint l'heureux port du salut ? N'est-ce pas à la clarté de ses vertus qu'ils ont marché, sur ce modèle si accompli qu'ils ont formé leurs sentiments et leur conduite? Comme ils lui sont redevables de la gloire qui les environne dans la royale cité de Dieu, toutes leurs auréoles réunies s'ajoutant à sa couronne en re- haussent la splendeur. A eux un vêtement de pourpre, une robe de lin ; à Marie un manteau de lumière : à eux des sièges d'honneur ; à xMarie un trône : à eux des palmes ; à Marie un sceptre : à eux des dignités ; à Marie la royauté et un palais tout divin .
Qui pourrait donc se représenter dans tout son éclat la gloire dont elle brille au séjour des élus ? Il faudrait l'avoir vue pour s'en faire une idée, et en parler digne- ment : encore y aurait-il à craindre que l'admiration ne fit perdre la parole à qui aurait joui de cette mer- veille et voudrait la dépeindre. Recourons, néanmoins, à quelques images qui pourront suppléer à notre fai- blesse de vue. On peut dire de sa gloire, comme de sa puissance, qu'elle est un Océan, et celle des élus comme un humble ruisseau. Or, de même que la mer contient à elle seule une plus grande quantité d'eau que tous les réservoirs souterrains, toutes les fontaines, toutes les rivières réunies, ainsi Marie possède à elle seule plus de gloire que tous les élus ensemble. C'est au point, dit Bernardin de Buste, que, « si l'on mettait dans le plateau d'une balance le poids immense de sa gloire, et dans l'autre celle de tous les saints, y com-
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pris celle des anges, Marie l'emporterait sur toutes les justices de la terre et des cieux. » N'est-ce pas Elle que vit saint Jean dans cette Femme revêtue d'une gloire suréminente ? Le soleil, qui V enveloppe, repré- sente l'abîme de lumière infinie où Marie est plongée ; la couronne de douze étoiles, son diadème royal formé de la splendeur divisée entre tous les Ordres des Anges et des saints ; la Inné sous ses pieds, la troupe innom- brable des élus prosternés devant son trône .
Je les vois, en effet, profondément inclinés en pré- sence de leur Reine et lui rendant leurs hommages : Adam et Eve, exprimant leur vive reconnaissance à cette bien-aimée Fille qui a réparé le mal qu'ils avaient causé à la race humaine ; les patriarches et les pro- phètes, la félicitant d'avoir enfanté et vu Celui qu'ils n'ont que prédit et désiré ; le Sénat des apôtres et les docteurs, lui renvoyant la gloire de leurs conquêtes dont elle a été l'âme ; les saints martyrs, déposant à ses pieds la couronne qu'ils doivent au courage qu'elle leur a communiqué ; les pontifes et les confesseurs, dont elle fut la lumière et la force, célébrant à l'envi sa puissance ; les solitaires et les cénobites, lui rendant grâces de l'héritage éternel qu'ils possèdent en échange de ces faux biens terrestres qu'ils ont généreusement abandonnés ; le Chœur des vierges, la bénissant de leur avoir montré le chemin de la virginité parfaite, et de les avoir aidées à y marcher sur ses pas ; les pécheurs convertis par son puissant secours, tressaillant d'allé- gresse ; tous les saints, la remerciant d'avoir par elle conquis le bonheur qu'ils boivent à longs traits ; les anges eux-mêmes, lui rendant de perpétuelles actions de grâces de ce que les rangs laissés vides par l'expul- sion de leurs compagnons rebelles, sont tous les jours remplis par d'autres anges de la terre qu'elle a pré-
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serves. Ainsi, après l'Hosanna d'adoration à l'auguste Trinité, tous les anges et tous les saints en chœur, heureux sous l'empire de leur Reine, exaltent ses bien- faits, proclament sa gloire, célèbrent sa puissance; tous se confondent dans le même concert de profonds et éternels hommages.
Morale : Nous aussi, nous avons au ciel l'expecta- tive d'une gloire qui, sans être aussi éminente que celle de la Vierge, est bien capable d'enflammer notre ambition et d'activer nos efforts pour la conquérir : comme le disait saint Augustin : « Si les difficultés nous effraient, que la récompense nous anime. » C'était par la vue de ce poids immense de bonheur et de gloire que le Sauveur encourageait ses disciples, et le grand Apôtre les premiers fidèles, à souffrir avec joie tous les genres de peines et de persécutions.
Qu'elle est magnifique, en effet, cette gloire ! Qu'il est grand ce bonheur ! Saint Paul, qui avait été admis à entrevoir les merveilles de ce délicieux séjour, n'a point de termes, ni d'images pour nous les dépeindre, il est réduit à nous dire, sous la forme négative, que l'œil de Vhonme n'a point vu, ni son oreille entendu, ni son cœur jamais senti ce que Dieu prépare à ceux qui l'aiment. Ciel! qu'es-tu donc? Car, qui n'a pas vu l'œil de l'homme? Il a vu les grandes et magnifi- ques scènes de la nature, la mer et ses majestueux soulèvements ; il a vu par une belle nuit d'été notre ciel de la terre paré de la splendeur de ses astres ; il a vu les £ités avec leurs superbes palais et leurs ravis- santes richesses ;il a vu mille autres merveilles en tout genre, produites par la nature ou par le génie et la main des hommes. Et cependant, il n'a rien vu qui approche du ciel : toutes ces beautés rassemblées n'en sont pas l'ombre.
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Que n'a pas entendu son oreille ? Elle a entendu les concerts harmonieux des voix humaines et des instru- ments, les chants mélodieux et ravissants des oiseaux, les paroles si suaves de l'amitié, les accents enchan- teurs de l'éloquence. Oreille de l'homme, tu n'as rien entendu de ce qu'on entend au ciel !
Et surtout, que n'a pas senti le cœur? Il a éprouvé les joies de la science, d'une découverte utile, les joies de la vertu, les joies de la tendresse maternelle, d'une vive et sincère affectiou, les joies bien autrement déli- cieuses d'une conscience pure, et tant d'autres jouis- sances. Et pourtant, cœur d'homme, tu n'as rien senti de ce qu'éprouve au ciel l'âme du juste ! Si ces quel- ques charmes de l'exil sont si délicieux, que doivent donc être les jouissances de la patrie !
Une pauvre mère était inconsolable du départ de son fils pour une guerre désastreuse : la prière seule faisait quelques moments de trêve aux frayeurs qui l'obsédaient. Bientôt, une fatale lettre vient lui appren- dre que son fils n'est plus.... Mais, il y avait erreur de nom. Deux mois après, entre tout à coup vivant et joyeux ce cher enfant. Elle se jette dans ses bras : elle ne pouvait que répéter : Mon fils, mon fils ! et le fils : ma mère, ma mère ! le bonheur les étouffait... Etait-ce là le bonheur du ciel? Non !...
L'histoire raconte que pour le baptême de Clovis on avait déployé la pompe la plus magnifique. Des ten- tures les plus riches décoraient l'intérieur du temple et retombaient eu festons élégants : l'or et l'argent en rehaussaient l'éclat et la riche-- : des guirlandes de fleurs encadraient toutes ces merveilles : l'air était embaumé des parfums les plus exquis. Le sanctuaire surtout éblouissant d'or, étincelant de lumières, sem- blait refléter les beautés du ciel. Les lévites et les pré-
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très, revêtus de leurs ornements sacrés, environnaient l'autel, et faisaient entendre des chants divins. On dit que le roi, ravi de ce spectacle, s'écria dans son admi- ration : « C'est là, sans doute, ce beau ciel dont on m'a tant parlé !» Ah ! ce n'en était qu'une bien pâle image. Si tant est l'apparence, que sera donc la réalité !
Essayons de le dire : Là, plus de peines, plus de douleurs , plus de craintes , plus de désirs , plus de combats, plus de dangers, plus de malheurs ; là, pas une larme ne coule, pas un gémissement n'échappe, pas une plaie ne saigne ; là, aucun revers de fortune, aucune séparation possible, aucune absence doulou- reuse. Mais, un printemps continuel, une atmosphère sans cesse enbaumée, une terre sans épines, un jour sans nuit, un soleil sans déclin, une lumière sans ombre, une mélodie continuelle et toujours nouvelle, une paix inaltérable, une joie sans dégoût ni regret, la sainte charité avec tous ses charmes, un éternel présent de bonheur invariable ! Ai-je peint le ciel ? Non encore !
Recourons aux saints Livres, peut-être nous révé- leront-ils quelque chose de la félicité des élus ! Un fleuve de délices et de paix les inonde ; un torrent d'ineffables voluptés les enivre ; ils nagent dans un océan de gloire et de bonheur... Dieu lui-même veut être leur récompense. Oui, contempler Dieu, cet Océan sans rive ni fond, de grandeur, de bonté, de beauté, de toutes les perfections ; l'aimer, le posséder, le contempler face à face ; l'aimer passionnément et avec un plaisir toujours nouveau ; le posséder sans crainte de le perdre, voilà le ciel, autant du moins qu'il est donné à l'esprit humain de le concevoir, au langage de l'exprimer. L'Apôtre de la charité l'exprimait par cette parole profonde : Notre future grandeur est encore un
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mystère. Toutefois, nous savons que, lorsque Dieu se montrera, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est.
0 céleste Reine, si nous ne considérions que votre sublime élévation au-dessus de tous les saints, nous n'oserions lever les yeux vers vous ; mais nous savons autant votre charité, votre puissance : et vous, vous connaissez nos besoins, nos dangers, notre faiblesse : daignez nous obtenir cette force qui donne la victoire, et nous mériter une place dans ce royaume où votre présence ajoute au bonheur !
Pratique : « Que notre désir ici-bas soit devoir Dieu : notre crainte, de le perdre ; notre douleur, de ne pas le posséder encore (S. Thér.). »
EXEMPLES
ARDENTS DÉSIRS DU CIEL.
Un voyageur ayant traversé une vaste solitude était arrivé près d'un bois : tout à coup, il entend une voix mélodieuse : il s'arrête, il écoute. Cette voix chantait des cantiques sacrés avec une expression tout angéli- que. Le voyageur charmé approche à pas lents, il voit à travers le feuillage une hutte et à côté un solitaire tout décharné, pauvrement vêtu, les genoux en terre, les mains et les yeux levés vers le ciel. Après avoir savouré quelque temps le délicieux plaisir de cette di- vine mélodie, il s'approche et lui exprime toute sa surprise de l'entendre chanter avec autant d'onction et d'énergie, lorsqu'il paraissait n'avoir plus long- temps à vivre, a L'exilé, répond le solitaire, ne fait jamais mieux éclater sa joie, que quand il est sur le point de revoir sa patrie. Je chante parce que je suis arrivé au terme de mon pèlerinage ; je vais retourner au ciel, je chante mon bonheur ! »
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— Saint Paul ne l'avait vu qu'en extase, et il disait
en soupirant: Cupio dissolvi Qui me donnera
de voir s'écrouler cette 'prison de chair, qui me retient captif, et de m' élancer vers mon Sauveur ? — Saint Pierre avait entrevu un rayon de sa gloire au sommet du Thabor, et oubliant tout le reste, il s'é- criait dans son ravissement : Bonumest... Il nous est doux d'être ici...
— Le vertueux Décalogne avait pour ami un con- disciple également pieux. Ils aimaient à s'entretenir souvent du ciel, pour s'encourager à vaincre les diffi- cultés delà vertu. Un jour qu'ils avaient longuement discouru sur le bonheur des saints, ils se promirent que celui qui mourrait le premier apparaîtrait au sur- vivant pour lui faire part de sa destinée. Décalogne à qui Dieu accorda cette faveur tint parole, et apparut dans un songé à son ami : une joie et une sérénité ineffables étaient peintes sur sa figure. « Mon ami, dit-il, je suis inondé des délices des anges : ah ! si tu pouvais comprendre ce bonheur, tu ne ferais plus un pas que pour le ciel . »
CHAPITRE XLVIII.
REINE CONÇUE SANS PÉCHÉ.
Reine des anges, reine des patriarches... Reine de tous les saints, voilà les sublimes hauteurs où nous venons de contempler l'auguste Marie. Nous avons applaudi à toutes ces gloires de la plus sainte des créatures, de la meilleure des mères, avec d'autant plus de bonheur qu'elles sont pour nous des gages de confiance et de sécurité. Car, si elle est Reine, c'est non point exclusivement pour elle-même, mais pour
PARAPHRX8B. — T. II.
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nous protéger de plus haut : c'est en notre faveur qu'elle porte le sceptre. Aussi, après l'avoir saluée de ce beau titre dans une de nos plus touchantes prières, le Salve Regina, nous nous empressons de l'appeler Mère de Miséricorde, notre vie, notre joie, notre douce espérance.
Cependant, toutes ces grandeurs de Marie, bien que réjouissant le cœur, y laissent un certain vide : nous ne pouvons les admirer que dans le lointain. Mais il est une autre couronne qui vient d'être déposée sur le front de notre Mère et qui est singulièrement propre à nous consoler de son éloignement et de son absence. En attendant que nous la voyions à la clarté des cieux, nous pouvons avec le regard de la foi la contempler dans son berceau, resplendissante d'une sainteté sans aucune tache, d'une beauté qui ne fut jamais ternie, miraculeusement victorieuse de l'enfer dès l'aurore de ses voies. Arrêtons-nous un moment devant cette merveille : contemplons avec délices Marie conçue sans péché, dernier vocable qui vient couronner si honorablement sa dignité de Reine.
I . Définition et proclamation du dogme de Y Imma- culée Conception ,
II. Preuves tirées de la sainte Ecriture et de la tra- dition :
III. Raisons de convenance.
ARTICLE PREMIER Définition et proclamation du dogme.
Tous, nous héritons d'Adam la souillure de son pé- ché ; tous coupables dès le sein maternel, nous nais- sons enfants de colère, esclaves du démon, déshérités du ciel, condamnés à l'enfer : la race humaine mau- dite dans sa source ne peut plus apparaître au monde
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qu'avec l'anathême originel. Mais, spectacle ravis- sant ! au milieu de cette ruine universelle, une seule créature reste debout : un seul berceau, renfermant une enfant d'une beauté incomparable, a flotté, comme le berceau de Moïse, sur les eaux fangeuses du tor- rent débordé qui engloutissait toutes les générations . Et cette créature si privilégiée c'est la virginale mère de Jésus ; ce berceau miraculeusement sauvé, c'est celui de Marie. Oui, 6 Vierge sainte, nous aimons à le proclamer, dès le premier instant de votre Concep- tion, vous avez été préservée de la tache commune à tous les hommes.
Ce glorieux privilège fut de tout temps la pieuse croyance de l'Eglise ; elle était vivante au fond de tous les cœurs : seulement elle n'avait encore ni l'honneur, ni le mérite d'un dogme de foi proprement dit. Mais tout le peuple chrétien haletant d'une sainte impatience demandait cette légitime et splendide glorification pour la divine Mère. Ce désir de l'Eglise universelle se ma- nifesta par une immense supplication venue de tous les points du globe à la Chaire de Pierre. Le vénérable et bien-aimé Pontife Pie IX, profondément touché de cet empressement unanime et spontané, qui répondait si bien à sa dévotion personnelle pour la Vierge et pour son privilège d1 Immaculée, ne se détermina néan- moins que lentement à le traduire en dogme catholi- que. Il institua une Congrégation, « formée de Cardi- naux illustres par leur piété, leur sagesse et leur science des choses divines et d'ecclésiastiques tant séculiers que réguliers versés dans les études théologiques, pour examiner ce grave sujet de l'Immaculée Conception ; en même temps, il s'adressa à tous les vénérables Pré- lats du monde catholique, pour qu'ils lui fissent con- naître de quelle dévotion le Clergé et le peuple ridèle
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de leur Province étaient animés envers la Conception de la Vierge, et quels étaient leur propre sentiment et leur vœu sur la définition projetée (Encyclique du 2 février 1849).
Six cents évêques sont consultés: chacun d'eux, assisté drs lumières de son Diocèse, interroge avec maturité la tradition de son Eglise sur la croyance à l'Immaculée Conception : la même inspiration a parlé à toutes les intelligences comme à tous les cœurs ; sans s'être concertés, ils se rencontrent unanimes sur cette pieuse croyance. Et après quatre ans d'instance pour la définition dogmatique d'une vérité si universelle- ment professée, le 8 décembre 1854, jour à jamais mé- morable dans les fastes de la chrétienté, le successeur de saint Pierre, Vicaire de Jésus-Christ, Chef suprême de toute l'Eglise, Pie IX. en présence du sacré Collège des Cardinaux, de plus de deux cents Archevêques et Evêques, venus de toutes parts pour recueillir au nom de leur troupeau, la joie de cette grande solennité, se lève, et dans la plénitude de cette autorité infaillible dont il est investi, déclare, prononce et définit, « Que la Bienheureuse Vierge Marie, par une grâce, et un privilège spécial de Dieu, en vue des mérites de Jésus- Christ, a été, îles le premier instant de sa Conception, préservée et exempte de toute tache du péché originel : que c'est une vérité révélée de Dieu, et conséquemment I l'ell ioit être cru anent et inviolablement par
Â-uss , les acclamati ns les plus ireuses retentissent, ainsi qu'autrefois à Ephèse, • Unis l'immense basilique et de là s'étendirent comme un écho prolongé dans toutes les régions de l'univers catholique où ce Décret fut accueilli avec allégresse ilébré par des fêtes jusqu'alors inouïes.
Il était réservé à l'immortel Pic IX, comme consola-
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tion dans les cruelles angoisses qui lui déchiraient le cœur, et les nouvelles épreuves qui l'attendaient, de cueillir cette fleur céleste complètement éclose au souf- fle du temps et de tous les désirs, pour l'attacher solen- nellement au diadème de Marie; et ce fut une immense joie pour ses enfants de voir ce diamant ajouté à sa couronne, ce rayon nouveau resplendir dans l'auréole déjà si brillante de Marie.
Les vœux de l'univers catholique sont donc enfin accomplis : que la terre tressaille d'allégresse avec le ciel, à la vue de cette éblouissante pureté de la Vierge, où l'œil chrétien ne pourra plus soupçonner l'ombre môme d'une tache ! Marie entièrement sainte et inno- cente à toutes les époques de son existence, ce n'est plus un sentiment pieux, c'est une vérité de fol, dans la- quelle il nous est permis de nous reposer avec le calme de l'esprit et la joie de l'àme: c'est maintenant une dette de justice que nous paierons à sa gloire, en la préconi- sant du fond de notre cœur et de toute la force de notre
VOix, CONÇUE SANS PÉCHÉ.
Morale : Mais la proclamation de cette sublime pré- rogative ne doit-elle qu'obtenir l'acquiescement de notre raison et nous combler de joie? Elle est encore émi- nemment propre à exciter en nous un redoublement de confiance et d'amour envers la Vierge Immaculée. Recevant de nous cette louange nouvelle qui glorifie ce qu'elle estime le plus, l'intégrité parfaite de l'âme, sa reconnaissance, soyons-en sûrs, ne peut que répon- dre généreusement à cet hommage de ses enfants. En retour, elle est comme obligée, si j'ose le dire, de se- courir la terre par de nouveaux bienfaits, d'y répan- dre plus largement tous les dons, de la protéger con- tre ses propres fureurs et contre le courroux céleste. Et n'en n'avons-nous pas déjà des preuves sensibles
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dans cet le multitude de faveurs en tout genre qui dé- coulent plus abondantes sur le monde, depuis que la dévotion à Marie Immaculée, accueillie partout avec enthousiasme, a déjà revêtue tant de formes et animé tant de cœurs ? Qu'y a-t-il d'étonnant, d'ailleurs que la Vierge soit exaucée, se présentant à son Fils avec la gracieuse parure de l'innocence, tout le crédit de la sainteté ? Créature la plus aimée de la Divinité par cette ressemblance si parfaite, se pourrait-il qu'elle éprouvât l'humiliation d'un refus? Privilégiée jus- qu'aux dernières limites du possible, ne doit-elle pas être une Mandataire d'une puissance également illi- mitée? C'est donc avec une confiance aussi sans ré- serve que nous devons lui dire : 0 Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous.
C'est encore notre amour plus tendre que doit lui attirer cette glorieuse prérogative d'innocence perpé- tuelle . Rien n'est propre à nous ravir comme la pu- reté rehaussée par la feeauté : elle a pour nous un attrait irrésistible. Un ciel serein, sans nuages et sans vapeurs, charme nos yeux, réjouit le cœur. L'œil se repose satisfait et joyeux sur un lis dont le calice fraî- chement éclos, et n'ayant pas encore éprouvé les at- teintes meurtrières du soleil en son midi, se montre dans toute la pureté de son éclatante blancheur. Qu'est-ce qui donne à tous cette sympathie naturelle pour un enfant ? C'est sa candeur, son innocence na- tive qui révèlent un cœur libre de passions, et pas encore flétri par le souffle empoisonné du monde. Et comment donc ne pas aimer Marie, cette créature pri- vilégiée qui nous apparait exempte de l'ombre même d'une tache, plus fraîche d'innocence que la rosée du matin , qu'une fleur nouvellement épanouie , plus
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ravissante que les cieux avec toute leur splcndide beauté ?
Mais il est encore un autre sentiment que doit exci- ter en nous cette conduite de Dieu, c'est à son exem- ple, la plus vive horreur pour le péché. Que Marie soit pauvre, sans noblesse, sans éclat, Dieu ne s'en offense point. Elle sera assujettie aux souffrances, aux infirmités, à toutes les misères de notre nature, il ne jugera pas à propos de l'en tirer ; rien de tout cela ne l'empêchera de reposer sur elle ses complaisances. Mais qu'elle soit un seul instant esclave du péché, son infinie sainteté se révolte à une semblable ignominie. Pour la lui épargner, il dérogera à toutes les lois que subit l'humanité, il voudra que le dragon qui séduit l'univers recule devant elle, et ne puisse lui injecter une seule goutte de son venin . Et cependant, ce péché en Marie n'eût point été un de ces forfaits qui glacent d'épouvante ni un de ces crimes honteux qui souil- lent tout l'être de l'homme ; mais c'eût été une faute d'origine qui, passant de la mère aux enfants, à leur insu, les rend plus malheureux que criminels, une faute qui aurait pu ne la flétrir qu'un moment, et qui rigoureusement n'eût pas mis obstacle aux riches pré- rogatives et même à la sublime destinée qu'il lui ré- servait. Pouvait-il mieux nous montrer combien le péché lui fait horreur ? De quel œil donc doit-il voir nos fautes personnelles, librement commises, aimées et renouvelées sans crainte, sans précautions, ni re- mords ! Commençons donc à juger du péché comme Dieu en jugea à l'égard de Marie. Que notre appréhen- sion la plus vive soit de le commettre ! Que notre devise, à l'imitation de tant de saints, soit celle-ci : plutôt l'exil, plutôt la confiscation de tous mes biens, plutôt les tourments, plutôt la mort que de pécher !
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0 Marie, dès avant de naître, que vous êtes admi- rable ! obtenez-nous les sentiments qu'alors vous inspirez, et la docilité aux utiles leçons que vous nous donnez !
Pratique : Invoquez souvent Marie sous son titre d'Immaculée, surtout dans les tentations contre la chasteté.
EXEMPLES
FAVEURS OBTENUES PAR MARIE IMMACULEE.
Parmi les sanctuaires qui sous ce vocable s'élevè- rent comme par enchantement, sur tous les points du monde chrétien, aussitôt après la promulgation du Dogme, on distingue celui du petit Séminaire de Séez, construit avec une magnificence digne de son objet, et due en grande partie aux pieuses libéralités des Français. Aussi cette bonne Mère se plait-eile à mon- trer qu'elle n'est point insensible au dévouement et à la confiance qu'on lui témoigne. Plusieurs fois l'année, des Bulletins viennent nous apprendre quelques-unes des faveurs les plus signalées et pour le corps et pour l'âme, que la Vierge Immaculée s'empresse de répan- dre sur ceux qui la font prier, ou viennent l'invoquer sous son titre le plus cher .
Le bienheureux Alphonse Rodriguez consacra toute sa vie à aimer, à honorer Marie. Dès l'âge le plus tendre, lorsqu'il trouvait quelqu'une de ses images, il la saisissait avec bonheur , la baisait dévotement, la pressait contre son cœur : une de ses plus douces jouissances était de s'entretenir amoureusement avec sa bonne mère. A mesure qu'il avançait en âge. sa dévotion prenait aussi de nouveaux accroissements : il était attentif à lui en donner des preuves par tous les moyens possibles, ne négligeait aucune occasion
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de faire son éloge, de soutenir ses privilèges et sur- tout son Immaculée Conception, pour la défense de laquelle son visage et sa voix s'enflammaient extraor- dinairement. Il aimait à répéter qu'un moyen sûr de plaire à Jésus-Christ , c'est de croire que sa sainte Mère a été conçue sans souillure et de l'honorer en cette qualité .
— Le célèbre Alexandre de Halès, qui fut une des vives lumières de l'Université de Paris, éprouva lui- même combien Marie est sensible à la gloire de son Immaculée Conception. N'étant pas encore pleinement convaincu de la vérité de ce mystère, dans un temps où il n'était point dogme de foi, il se mettait peu en peine d'en célébrer la fête. Mais Dieu permit que le jour même de cette solennité, 8 décembre, il tombât malade et souffrit d'affreuses douleurs. Cet accident s'étant renouvelé pendant trois ans consécutifs ce jour-là même, ses disciples lui firent observer la sin- gularité de ce retour périodique, et lui conseillèrent d'embrasser franchement la croyance à l'Immaculée Conception. Ce qu'il fit ; et il promit de plus, s'il était délivré de cette maladie annuelle, de composer un li- vre pour prouver et défendre ce privilège de Marie . Dès ce moment ses infirmités ne reparurent plus. Toute la Faculté qui fut témoin de ce prodige, redou- bla de dévouement pour cette croyance ; et le Docteur fidèle à son vœu, composa, en l'honneur de la sainte Vierge, un ouvrage spécialement destiné à la préco- niser conçue sans péché.
ARTICLE SECOND Autorité de la sainte Ecriture en faveur de l'Imma- culée Conception de Marie. Marie est Immaculée dès sa Conception : ces deux mots si parfaitement assortis ne pourront donc plus
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à l'avenir être séparés ; éternellement ils resteront unis et gravés dans nos esprits comme dans nos cœurs. « Rome a parlé ; la cause est finie (S. Aug.). » Quoique nous devions nous incliner respectueusement devant ce Décret émané de Dieu même par l'organe de son représentant sur la terre, il importe, néan- moins , de voir les raisons si solides sur lesquelles repose cette vérité. Elle est appuyée d'abord sur l'autorité la plus imposante de toutes, la sainte Ecri- ture.
En effet, nous la trouvons en germe au berceau même du monde, intimement liée à l'antique promesse d'un Libérateur, par laquelle Dieu daigna relever l'espérance du premier homme brisé par sa chute. S'adressant au serpent, il lui dit : J'établirai des ini- mitiés entre toi et la femme ;elle te broiera la tête, et tu essaieras delà mordre au talon. Or, Marie, de l'aveu de tous, est cette Femme prédite et promise, qui doit par sa victoire sur Le démon réparer les maux qu'il a causés . Et Ton voudrait qu'avec des destinées aussi glorieuses, Elle-même fût tombée sous les coups de Satan, et que devant détruire son empire elle en eût été auparavant l'esclave ! Mais une pareille suppo- sition est formellement repoussée par le texte môme des saints Livres. D'abord, dans ces inimitiés qui doivent diviser le serpent et la femme, Dieu ne fait aucune distinction de temps et de moments ; entre Marie et Satan l'hostilité doit être réciproque et irréconciliable ; c'est une hostilité de race et perpétuelle. C'est donc aussi bien dès sa Conception qu'à toute autre époque de sa vie, que cette mutuelle antipathie a dû exister. Est-il possible de dire avec plus d'énergie, que le dé- mon n'a jamais pu l'approcher pour lui imprimer le honteux cachet de la faute originelle ?
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Ce n'est pas tout : cette Femme mystérieuse, loin d'avoir été la victime du serpent séducteur, doit non pas seulement le blesser à la tète, mais la lui écraser, la mettre en pièces, conteret. Le dragon se débattra ; il essaiera d'atteindre ce pied victorieux, insidiaberis calcaneo ejas ; mais ses efforts resteront impuissants ; il ne la touchera même pas, moins encore pourra-t-il la mordre au talon, c'est-à-dire à la plus petite partie de son être. Or, si Marie en sa Conception avait été souillée par le péché, qui est la victoire de l'empire du démon sur notre nature ; si le serpent lavait effleurée seulement de la pointe de son dard, loin de l'avoir terrassé, c'est elle qui aurait été sa victime ; loin de lui avoir écrasé la tête, c'est elle qui aurait été blessée de sa morsure. Le triomphe que Dieu prédit à Marie sur le serpent doit donc avoir eu pour complément nécessaire la préservation de la faute commune.
Les siècles se précipitent ; et avec le temps cette vérité acquiert une nouvelle clarté. L'esprit-Saint, qui devait être son Epoux, ne craint pas de lui dire par avance : Vous êtes toute belle, orna bien-aimée, et il n'existe en vous aucune tache. De quelle beauté veut-il parler, sinon principalement de l'immortelle beauté de l'àme, de cette beauté pure et intérieure qui doit reluire en la fille du Roi, et qui seule attire les regards de Dieu ? Or, pouvait-il l'appeler entièrement belle, exempte de toute tache, si à quelque moment de son existence, elle eut été déshonorée par les hontes de notre déchéance commune ? Cette beauté totale, qui est son apanage distinctif, proscrit donc toute espèce de faute, la faute héréditaire conséquemment, comme toutes les autres. — Cette sainteté originelle ne ressort pas moins ouvertement de toutes ces expres- sions figurées, colombe, jardin délicieux, jardin fer-
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mé, source d'eau pure, lis nu milieu des épines, toison humide, etc. . . , par lesquelles le divin Esprit s'est plu à se représenter dans l'avenir sa chère Epouse. A chacune de ces images ne reconnait-on pas une créa- ture qui fut toujours pure, comme la fleur fraîche- ment épanouie au lever de l'aurore, et qu'aucune brise n'est venue flétrir ?
Enfin après de longs siècles de désirs et d'attente, arriva l'accomplissement de toutes ces prophétiques et mystérieuses paroles. Une jeune fille de Nazareth est cette Femme annoncée comme un prodige. Le Prince des archanges vient de la part de Dieu lui apporter le plus glorieux des messages : et que lui dit-il *>Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes. Elles reten- tiront d'un bout de l'univers à l'autre et jusqu'à la fin des temps, ces paroles divines, pour proclamer que Marie fut toujours sainte, toujours pure. En effet : pleine de grâce : est-il possible d'exprimer plus nettement qu'elle en a toujours été ornée dans l'àme et dans le corps ; qu'elle en a eu la plénitude, et non pas un simple écoulement : que les flots de la grâce ont atteint jusqu'au premier moment de sa création pour le sanc- tifier ? Vous êtes bénie entre toutes les femmes : au- cune n'est exceptée. N'est-ce pas dire que l'ancienne Eve elle-même doit s'incliner devant la nouvelle, que toutes les prérogatives dont celle-là fut ornée ont dû être communiquées à Celle-ci, et avec un surcroit d'éclat ? Or, la première apparut au monde, toute rayonnante de la sainteté de Dieu qui se complait en elle : et Marie n'aurait été sous son regard divin qu'un objet impur dont il aurait dû se détourner avec hor- reur ? Celle qui perdit le genre humain fut créée sans tache ; et la seconde Eve qui devait concourir à le re-
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faire plus merveilleusement, mirabilius reformasli, aurait été conçue dans l'iniquité ? Ali ! loin de nous une idée aussi révoltante ! Ajoutons encore que Y Eve, réparatrice de ce qu'Eve pécheresse avait détruit, de- vait être privilégiée au-dessus de tous ceux qu'elle était appelée à sauver, et conséquemment ne point partager avec eux la souillure d'origine.
De plus, elle était Vierge, nomen Virginis Maria, Celle que Dieu choisissait ainsi pour être la Mère du Rédempteur. Or, cette virginale Maternité semble encore exiger une Conception exempte de toute tache. Pourquoi, en effet, Dieu voulait-il naître dîme Vierge, si ce n'est parce que la sainteté qui convenait à son humanité, sanctus, innocens, devait déjà se trouver dans sa Mère, d'où elle s'épancherait sur cette huma- nité morne ? Aussi, la virginité de Marie était-elle retenue en quelque sorte à l'avance par Dieu, à qui elle -l'avait vouée. Mais, si cette pureté virginale était la condition préparatoire et nécessaire de la Mère du Sauveur, ne devait-elle pas remonter jusqu'à sa Con- ception môme ? afin que, dit excellemment saint Ber- nard, d'une Vierge, sans péché à toute époque, naquît lui-même entièrement pur, l'Agneau qui devait effacer les péchés du monde. La sainteté qui convenait à Marie, et qu'elle avait quand elle a conçu Jésus- Christ, devait donc avoir orné sa propre Conception .
Si de Nazareth nous nous transportons au Calvaire, là encore nous entendrons Jésus-Christ lui-même nous révéler du haut de sa Croix la gloire de Marie Immaculée, lorsqu'il dit à son disciple chéri r Voilà votre Mère. Certes, ce testament suprôme ne fut point fait pour nous déshériter au profit d'un seul homme : c'est chacun de nous, c'est toute l'Eglise que Jésus voulait enrichir dans la personne de saint Jean. Mais,
paraphra.se. —t. ii. 19
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eût-il convenu à sa sagesse, à sa gloire, à l'harmonie de la plus grande de ses œuvres, que la Mère de son Eglise qu'il venait former sainte, sans tache ni ride, que la Mère de tous ses enfants eût commencé par la souillure du péché de si sublimes destinées? Ne de- vait-il pas nous donner une Mère, en tout temps et de tous points, vénérable, sainte, et dont les enfants n'eussent jamais à rougir, à quelque moment de son existence qu'ils la considérassent.
Vous venez d'entendre le langage de nos saints Livres : Dieu a parlé, lui-même, et par les prophètes et par les Anges, et par son Fils, pour exprimer des prédictions, des éloges et des faits, au fond desquels repose le dogme de l'Immaculée Conception, à l'état obscur et latent, mais incontestable et réel : le mot seul n'y est pas.
Nous ne pouvons relater ici en détail tous les témoi- gnages de la Tradition, aussi ancienne qu'unanime, en faveur de cette vérité. Mais nous tenons à signaler, comme leur complément, d'abord, l'autorité de la Sor- bonne, qui, dans l'élan de son dévouement à l'auguste Vierge, s'engageait à défendre sa prérogative d'Imma- culée, et statuait que nul docteur ne serait accueilli dans son sein s'il ne prenait l'engagement solennel de soutenir ce glorieux privilège : et l'autorité beaucoup plus imposante du saint concile de Trente qui, après son décret sur le péché originel, déclara formellement « que son intention n'est point d'y comprendre la bienheureuse et Immaculée Mère de Dieu. » A moins de définir, l'Eglise ainsi représentée pouvait-elle mieux exprimer sa pensée sur ce privilège de la Vierge? — Soyons donc fiers et heureux de notre foi à Marie Im- maculée.
Morale : Si, moins avantagés qu'elle, nous sommes
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conçus dans l'iniquité, sachons du moins conserver, sans la ternir, l'innocence recouvrée dans le bain ré- générateur du baptême. Mais, hélas ! cette pureté des premières années, le péché ne tarde pas à nous la ravir. Trop souvent, la raison ne se développe que sur les ruines de l'innocence : nos premiers pas deviennent nos premières chutes : et ces échecs prématurés ne sont ordinairement que le prélude d'une vie qui se pour- suivra et s'achèvera marquée par des fautes sans cesse renouvelées .
Pour Marie, préservée du péché d'origine, elle n'a- vait point par là même ce foyer de penchants déréglés, source empoisonnée de nos prévarications . Son cœur n'était point agité de ces mouvements de la concupis- cence dont gémissait le grand Apôtre, ni sa chair vir- ginale exposée aux fatales et dangereuses séductions des sens. Cependant, affranchie d'inclinations mauvai- ses, et forte de la plénitude des grâces qui l'inondent, elle n'en est ni moins prudente, ni moins circonspecte. Cette vie de précautions en toute manière ne saurait être trop présente à nos yeux, afin de devenir le modèle de la nôtre : étudions donc l'intéressant tableau que nous en trace saint Ambroise. « Marie, dit-il, parlait peu aux créatures, préférant les secrets entretiens avec son créateur, dont le langage est sans amertume ; lo- quendi parcior : elle était soigneusement appliquée aux occupations journalières, bien différente de ces personnes légères qui mettent leur dévotion dans cer- taines pratiques de piété et négligent les devoirs de leur état ; intenta operi : elle évitait de se répandre au dehors, où le grand air fait évaporer le parfum le plus odoriférant et surtout celui de la chasteté, fleur tendre qui craint les ardeurs du soleil ; prodire domo nescia : elle n'allait pas même au temple sans être
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accompagnée, tant elle avait à cœur de se mettre à l'abri de tout danger comme de tout soupçon : ne ad templum quidi m sine comité : non-seulement elle redoutait la rencontre d'un sexe différent, mais encore elle évitait la compagnie des femmes dont la conversa- tion aurait pu la dissiper et lui dessécher le cœur; neque feminas comités desiderabat ■ enfin sou esprit sans cesse occupé de saintes pensées n'était pas sur la terre, mais au ciel: quœ oonas cogitntiQYiPs luibe- bat. » Quel ravissant spectacle! Quelles leçons ins- tructives !
Nous, au contraire, conçus avec le péché et la concu- piscence qui en est la suite, agités par les flots des pas- sions qui nous emportent, placés au milieu d'un monde qui ne présente que pièges et embûches, nous n'en devenons ni plus craintifs, ni plus vigilants. Tantôt, notre imprudence nous porte au devant du danger, nous précipite dans les occasions les plus critiques ; tantôt, surpris à l'improviste par la tentation, nous ne savons nous protéger avec l'armure de la foi : et de tristes chutes viennent attester notre faiblesse, sans augmenter la défiance et les humbles sentiments de nous-mêmes.
0 Reine conçue sans péché, obtenez- moi de devenir par vertu ce que vous fûtes par privilège, pur et im- maculé !
Pratique : Recourir souvent au très saint cœur de Marie, comme sanctuaire où nous attend la divine mi- séricorde .
HISTOIRES
LA MÉDAILLE MIRACULEUSE
Qui n'a entendu parler de la Médaille si bien nom- mée miraculeuse? Qui n'a appris quelques-uns des innombrables prodiges de conversion et de guérisons
RE GIN A SINE LABE CONCEPTA 321
qu'elle a procurés ? Cette Dévotion nouvelle, réservée à notre siècle pour honorer Marie Immaculée, est de- venue aujourd'hui si populaire, qu'elle nécessite quel- ques mots sur son origine.
C'était en 1830, époque de triste mémoire : l'émeute ensanglantait les rues de la capitale : l'anarchie bran- dissait ses torches : l'impiété menaçait la religion, ses ministres, son culte, la liberté, tous les intérêts. Une pieuse fiancée de Jésus, vouée au service des pauvres, eut une vision où lui apparut un tableau représentant la sainte Vierge dans l'attitude qu'on appelle Concep- ception. De ses mains étendus vers la terre s'échap- paient des faisceaux de rayons d'un éclat éblouissant ; quelques-uns plus brillants encore tombaient sur un point du globe. En même temps une douce voix fit entendre ces paroles : « Ces rayons sont le symbole des grâces que Marie obtient aux personnes qui l'in- voquent ; et ce point du globle sur lequel ils décou- lent plus abondamment, c'est la France. » Autour de l'image se voyait écrite en lettres d'or l'invocation : « 0 Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous ! » Quelques instants après, le tableau s'étant retourné, la religieuse y distingua la lettre M surmontée d'une petite Croix et au-dessous les Cœurs sacrés de Jésus et de Marie. Après avoir tout considéré attentivement, elle entendit la même voix qui lui disait : « Il faut faire frapper une médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront indul- genciée ,et qui feront avec piété cette courte prière seront spécialement protégées par la Mère de Dieu . » La même vision s'étant plusieurs fois renouvelée, ainsi que l'injonction de faire frapper la médaille, on obéit enfin , après l'approbation de Mgr l'Archevêque de Paris, M. de Quelen, qui s'était entouré de tous les
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renseignements nécessaires en pareil cas, pour s'assu- rer de la realité du fait. La Médaille a été frappée, et depuis elle justifie partout son titre de Miraculeuse.
ARTICLE TROISIEME
Raisons de convenance en faveur de l'Immaculée Conception de Marie
Il y a dans la religion des vérités qui, en éclairant notre raison, semblent la confondre en la jetant dans des profondeurs où elle a peine à se reconnaître : ce sont nos grands mystères. Le dogme de l'Immaculée Conception est plus doux ; c'est une vérité qui charme et qui repose : on la contemple sans fatigue et l'on s'y trouve consolé . C'est donc avec un nouveau plaisir que nous allons la considérer encore, pour y admirer l'heureux accord de la raison et de la foi, et sa lumi- neuse harmonie avec les autres prérogatives et surtout la sublime destinée de la bienheureuse Vierge Marie. Oui, tout réclamait pour elle la merveille d'une Con- ception Immaculée. c< Ce glorieux privilège, dit saint Liguori, Dieu le Père ne le devait-il pas à sa Fille bien-aimée, Jésus à sa digne Mère, le Saint-Esprit à sa chaste Epouse ? alliances toutes divines qui repoussent bien loin l'idée d'aucune souillure . » Bossuet faisant l'éloge d'une illustre princesse disait : « Je n'aperçois autour d'elle que des rois. » Autour de Marie, nous ne trouvons que des Personnes divines, qui l'environnent, la pénètrent, la protègent tellement, qu'il est impossi- ble de découvrir comment, par quelle voie et à quelle heure le péché aurait pu entrer dans cet auguste Sanc- tuaire .
I. Dieu le Père devait à Marie, sa Fille bien- aimée, le privilège d'une Conception Immaculée.— Quand Dieu arrêta dans ses conseils éternels que le
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monde déchu serait réhabilité par l'Incarnation de son Verbe , il voyait d'un même coup d'œil et ce divin Rédempteur et celle dont le sein très chaste servirait à l'accomplissement de ce grand mystère. L'amour du Père pour son Fils, ce cher objet de ses complaisances, s'étendait donc dès ce moment sur Marie, commence- ment de la sainte humanité de Jésus-Christ. Ne devait- il pas la faire reluire d'une beauté telle, qu'il pût repo- ser aussi sur elle ses regards de complaisance, et y contempler, comme dans un miroir pur et fidèle, la res- semblance de ses traits si profondément altérés par le péché dans le reste des hommes?
Et puis, appeler Marie à concevoir le Verbe Sau- veur, c'était, de la part de Dieu, nous l'avons déjà dit, l'associer à sa glorieuse paternité. Conséquemment, n'a-t-il pas dû veiller à ce qu'elle fût d'une perfection qui répondit à cette haute destinée? Pouvait-il laisser la tache originelle souiller Celle en qui s'incarnerait son Verbe, sa vive image, la splendeur de sa gloire? Une semblable pensée contriste l'àme et l'oppresse d'un poids qu'elle ne peut supporter. C'est du propre sang de Marie que devait être formée la Victime d'im- molation : pouvait-il être empoisonné dans sa source, ce sang qui coula pour l'ablution des péchés du monde? Et parce qu'elle devait contribuer à la destruction du péché, quoi de plus convenable qu'elle-même en ait toujours été préservée ? Le péché, ce monstre d'hor- reur, cet objet éternel de la haine de Dieu, ce mur de division entre le ciel et la terre, ne devait jamais sépa- rer Marie du Tout-Puissant. Et s'il sauva du déluge Noé et sa famille, non-seulement parce qu'ils furent trouvés justes, mais aussi parce qu'il les destinait à régénérer le monde, ne devait-il pas bien plus encore faire surnager, au-dessus de la corruption générale.
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Marie venant donner au monde moral par Jésus- Christ, son Fils, une régénération spirituelle?
II. Je su s- Christ, de son côté, devait à son hon- neur et à celui de sa Mère qu'elle fût conçue sans péché. — C'est un avantage, dit la sainte Ecriture, de naître de parents nobles. Le monde pardonne plus volontiers le manque de fortune que le manque de nais- sance ; et le vice d'une origine basse et obscure se répare moins facilement que le défaut de science et de richesse. Or, peut-on supposer que Dieu, qui pouvait donner à la Mère de son fils le plus éclatant des titres de noblesse par une Conception immaculée, l'aurait laissée, ne fût-ce qu'un instant, dégradée sous le poids de l'anathème général ?
Jésus-Christ préserva de la corruption du tombeau le corps de Marie, « ne lui étant pas honorable, dit saint Augustin, d'exposer à la pourriture cette chair virginale dont la sienne était formée. » Mais, si c'eût été une flétrissure pour le Rédempteur que le corps de sa Mère devint la proie des vers, l'opprobre n'eût-il pas été beaucoup plus grand de naître d'une Mère dont l'àme aurait été, même passagèrement, gâtée, par la corruption du péché? Tout au contraire, le Fils de Dieu, ayant résolu de prendre notre nature, c< a dû, dit saint Pierre Daniien. se préparer une Mère dont la perfection répondit à sa grandeur, à sa sainteté, a la gloire de sa divinité. » Cette habitation, c'était pour lui-même qu'il la disposait : il dut la faire un Palais digne de sa majesté , conséquemment la sanctifier, comme dit le Prophète- Roi, et y pourvoir dès la pre- e aurore, en la garantissant de toute souillure. Assurément, il vous répugnerait d'approcher les lèvres d'une coupe dont vous auriez vu les bords couverts d'immondices, quoique disparues complètement. Com-
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prenez donc la répugnance du Saint des saints à venir habiter en Celle qu'il aurait vue auparavant salie par la tache hideuse du péché.
Assez d'humiliations , assez d'abaissements pour Jésus de quitter les brillantes et éternelles splendeurs du ciel : sa gloire demandait que le sein où il venait cacher sa grandeur et revêtir la forme d'esclave, n'eût jamais été infecté du poison héréditaire, et que ce nouveau trône où il allait siéger, pur comme les deux, lui en fit oublier les éclatantes beautés. D'ail- leurs est-il supposable qu'il eût permis à son plus cruel ennemi d'y habiter le premier, et de le souiller de son souffle impur? Non, dit Bossue t, « si Satan eût osé seulement s'en approcher, le Fils de Dieu au- rait fait tomber sur sa tète toutes les foudres de sa colère. »
De plus, Jésus, au témoignage de saint Paul, devait être un Pontife saint, innocent, pur de tonte tache et séparé des pécheurs. « Il fallait, en effet, dit saint Thomas, que Celui qui venait effacer le péché n'eût rien qui le rattachât au pécheur, pas même à Adam par la faute originelle. » Or, comment Jésus aurait-il pu se dire pur de tout contact avec les pécheurs, si Celle qui le forma de son sang, en qui il habita pendant neuf mois, eût été elle-même un seul instant esclave du péché ?
Ce qu'il devait à son honneur, it ne le devait pas moins a celui de sa Mère. — Elevée par la Maternité divine au-dessus de tout, il convenait qu'elle fût douée d'une sainteté non commune, mais incomparable, ex- ceptionnelle comme la dignité elle-même, d'une sain- teté telle qu'on ne put en supposer une plus grande, telle qu'elle ne fût surpassée que par la sainteté de Dieu même. Ce Sanctuaire futur de la Divinité devait
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donc avoir toujours resplendi d'une pureté sans ombre et sans tache. — Jérémie et Jean-Baptiste ont été purifiés avant de naître, parce qu'ils devaient être, l'un Prophète, l'autre Précurseur ; mais la dignité de Mère ne demandait-elle pas une plus riche faveur, celle d'avoir toujours été rayonnante de toute la splen- deur de la grâce ? — Les Anges, à qui n'était point réservé le même bonheur qu'a Marie, avaient été créés entièrement purs. Et Dieu aurait refusé à leur Reine les mêmes égards de prévenance, de la créer, avec tous les charmes d'une innocence parfaite ? — Celui qui avait promulgué le précepte si rationnel d'honorer un père, une mère, n'a-t-il pas dû l'observer lui-même, en comblant sa Mère de tout honneur pos- sible? L'aurait-il fait, s'il l'eût laissée un seul instant sous l'esclavage honteux du démon?
Enfin, son incomparable dignité de Mère de Dieu, et tout en elle, comme conséquence, sort des règles ordinaires. Ainsi, nous y voyons une virginité féconde, un enfantement sans douleurs, une chair sans fragi- lité, des sens sans rébellion, une vie sans péché, une mort sans agonie, un tombeau sans corruption : voilà une existence qui n'est que comme une série non in- terrompue de merveilles, qui toutes font de Marie une créature a part. Xe serait-ce donc que par le seul endroit d'une Conception maculée qu'elle nous res- semblerait? De même que tous les instants de sa vie, sa Conception ne devait-elle pas être signalée par un miracle ?
L'exemption de la tache originelle, bien que le pri- vilège le plus étonnant, bien que la merveille des mer- veilles, n'est donc qu'une conséquence toute naturelle, j'allais dire nécessaire de la Maternité de Marie. Et si dans cette vue le Verbe de Dieu l'a comblée de tant
REGINA SINE LABB CONCEPTA 327
d'autres dons qui nous sont inconnus, ne dut-il pas les rehausser par le joyau d'une Conception sans ta- che, riche diamant sur une couronne d'or?
III. Cela convenait également au Saint-Esprit, qui devait l'avoir pour Epouse. — C'est à ce divin Esprit, qui est au ciel le lien éternel de charité unis- sant le Père et le Fils, qu'il appartenait de former le corps très pur de la Vierge qui devait être uni au Verbe. Il était arrivé ce jour solennel, où allait s'ac- complir ce grand mystère d'amour de l'adorable Tri- nité. A l'instant même où Marie donna son consente- ment par son simple Fiat, Qu'il se fasse en moi ce que vous m'annoncez, l' Esprit-Saint, selon les ex- pressions si chastes de l'Archange, survint en elle, et ombragée de la Vertu du Très-Haut, l'humble Ma- rie devint la Mère du Verbe fait chair. L'Esprit de toute sainteté put donc lui dire avec autant de vérité que de tendresse : Vous êtes mon Epouse, Soror mea Sponsa. Et l'on voudrait que dans ce cœur auquel il devait s'unir par les nœuds d'une si chaste alliance, dans ce cœur où devaient se célébrer ces noces toutes spirituelles et ineffables, l'Esprit impur eût régné le premier en vainqueur, et qu'il eût avant tout autre saisi de ses mains souillées, et infecté par son venin ce Vase honorable préparé pour de si nobles destinées ? Eh bien, non ! de semblables paroles auraient tout le fiel d'un blasphème.
Peut-on, d'ailleurs, jamais admettre qu'en Dieu les pensées soient moins élevées, ou le tact des conve- nances moins délicat que chez les rois de la terre, à qui rien ne coûte pour anoblir les épouses qu'ils se choisissent, et qui ne se dégradent point jusqu'à asso- cier à leur majesté une femme dont la naissance, quoi- que illustre, aurait été flétrie par quelque crime dés-
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honorant? Qui pourra jamais croire que l'Esprit de toute pureté, pensant dès l'éternité faire de Marie son Epouse, ait pu la laisser exister même un seul instant dans la bassesse de notre condition commune, sous l'esclavage humiliant du péché ? « Loin d'avoir la har- diesse de le dire, j'ai horreur de le penser, » Sentire non valeo, clicere pertimesco (S. Aug.). — Ainsi, vous le voyez, les admirables rapports entre Marie et les trois Personnes divines repoussent à tout jamais la pensée qu'elle ait pu être conçue dans le péché.
Morale : Nous vous saluons donc avec toute l'E- glise, ô la plus belle, ô la plus pure de toutes les fem- mes, ô Fille, 6 Mère, ô Epouse, ô Reine Immaculée ! nous vous rendons l'hommage de vénération que ré- clame votre sublime sainteté. Mais aussi, de quelle confusion elle nous pénètre ! Quel profond enseigne- ment nous y trouvons ! En effet, si future Epouse du divin Esprit, et Trône où siégerait le Saint des saints, l'auguste Vierge, en vue d'un si grand honneur, a dû n'être jamais flétrie par la moindre tache du péché, quelle ne doit pas être la pureté, l'innocence du chré- tien, en qui par la communion se renouvelle le grand mystère de l'Incarnation î Si donc nous ne sommes pas assez heureux pour apporter à cette grande action une sainteté originelle, puissent du moins les larmes d'un repentir sincère rendre à notre âme défigurée par le péché son premier lustre î Je suis Vomi de la pu- reté, nous «lit le Sauveur dans l'Imitation, je cherche mr pur \ et j 'en fais le lieu de mon repos... mlezqueje vienne à vous et que fy de- mi '■>■:■. purifiez-vous du vieux levain, et nettoyez lamaison ir. Bannissez-en tout le siècle
i le tumulte s... Car toute j- rsonne,
qui atone, prépare te lieu lemeilleur etleplusbeau
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à l'ami dont elle est aimée, parce que c'est en cela que se fait connaître V affection avec laquelle on reçoit celui que ton aime.
Or, cette pureté que demande Jésus-Christ ne sau- rait être trop parfaite, pour approcher le plus près possible de son infinie sainteté. N'est-ce pas ce qu'il a voulu nous apprendre en lavant les pieds à ses apô- tres, avant de se donner à eux la première fois, mon- trant par là, dit saint Bernard, que pour recevoir ce divin Sacrement, « il faut être purifié même des fautes vénielles, signifiées par la poussière qui s'at- tache aux pieds ? » C'est aussi pour cela que le prêtre à l'autel se lave non pas la main tout entière, mais seulement le bout des doigts, averti par là que pour se nourrir du pain des anges, il faut être dégagé des moindres fautes et imperfections. Lors donc que vous vous disposez à approcher de ce divin banquet, exa- minez-vous et gémissez avec douleur d'être encore si. .. (Voyez cet admirable chap. 7, livre iv, Imit.) Le cœur ainsi préparé par de sincères et humbles gémisse- ments, approchez -vous avec une confiance mêlée d'amour, espérant que Jésus-Christ fera ses délices d'y habiter, et vous enrichira de ses grâces les plus abondantes.
0 Reine Immaculée, obtenez-moi de reluire de cette pureté dont vous fûtes toujours embellie, afin que je sois moins indigne de recevoir le Dieu qui n'a pas eu horreur de votre sein virginal.
Pratique : Distinguer les fêtes de la sainte Vierge par des actes spéciaux de dévotion, principalement par la sainte communion : Marie est toute flattée de cet honneur que Ton fait à son Fils.
330 REGINA SINE L \ BE CONCEPT A
HISTOIRES
HEUREUX FRUITS DU RECOURS A MARIE IMMACULÉE
Combien de fois ces seuls mots, Marie conçue sans péché, prononcés avec une vive confiance, ont suffi pour obtenir de sa bonté les plus éclatantes faveurs !
Parmi les milliers d'exemples, il en est un singu- lièrement remarquable, rapporté dans la vie du B. Pierre Fourrier, dit le P. de Mattaincourt. Ce saint homme, à son passage dans une ville de Lorraine, où il venait d'établir une Communauté religieuse de sa Congrégation, y trouva tout le peuple dans la plus grande consternation : une épidémie sévissait avec une fureur toujours croissante. Il ne chercha pas bien loin le remède à cette désolante calamité. Il conseille de s'a- dresser à la Consolatrice des affligés, assurant que ceux qui porteront avec confiance un billet sur lequel serait inscrit, 3/" /ve a élé conçue sans 'péché, en ob- tiendront un prompt soulagement. Cette pratique facile est reçue avec enthousiasme : et un grand nombre reconnaissent lui devoir leur guérison. Bientôt une protection si marquée la fit adopter dans plusieurs autres contrées : partout elle produisit des effets mer- veilleux, et principalement à Nemours :
La ville allait être livrée au pillage : l'effroi glaçait tous les cœurs : de toutes parts ce n étaient que déso- lation et gémissements. Au milieu de cette affliction générale, les Communautés religieuses et une multi- tude d'autres personnes dévouées à Marie réclamèrent son tout-puissant crédit par cette invocation : 6 Marie! qui avez été conçue sans péché.., qu'elles tracèrent même sur les portes de leurs maisons : ce fut comme le sang de l'Agneau pascal qui, apposé sur les portes des Hébreux, avait écarté le glaive de l'Ange cxtermi-
RECINA SAGRATISSIMI ROSAUII 331
nateur. L'ordre de piller la ville fut révoqué ; les sol- dats qui ne respiraient que vengeance devinrent aussi doux qu'ils paraissaient féroces. Et l'on ne douta nul- lement qu'un changement aussi inattendu dût être at- tribué à la protection de la Vierge Immaculée. — Telle est l'origine du pieux usage de porter une médaille où sont inscrits ces mots : Marie a été conçue sans péché. (13)
CHAPITRE XL1X
REINE DU SAINT-ROSAIRE
Les Litanies terminant leur longue suite de Reine par cette nouvelle invocation si bien appropriée aux besoins de l'Eglise,, nous croyons en dire un mot. Pour cela nous parlerons de son origine, de ce en quoi il consiste, et de ses avantages .
ARTICLE PREMIER. Son origine
Le chapelet, qui est seulement la 3e partie du Ro- saire, remonte dit Chateaubriant, au 4e siècle de l'Eglise. Dans ces jours de ferveur, les pieux fidèles, voulant honorer Marie, allaient déposer sur ses autels des cou- ronnes de fleurs. Bientôt après saint Grégoire de Naziance l'un des plus grands Pontifes et des plus illus- tres docteurs de l'Eglise, dans le transport de son amour pour Marie, fut inspiré de substituer à ces couronnes matérielles de roses une couronne spirituelle, tissue des plus belles louanges, des plus glorieux titres et des plus excellentes prérogatives de Marie.
Cette invention ingénieuse qui avait son prix et son mérite pour les personnes instruites, était loin d'être
332 PEGIXA SACRATISSIM1 R0SABI1
à la portée de tous et de satisfaire les besoins des igno- rants.
Aussi une pieuse servante de Marie, nommée Brigitte, se hata-t-elle de tresser une nouvelle couronne com- posée des prières les plus ordinaires de l'Eglise, du Je crois en Dieu, de l'Oraison dominicale et du Je vous salue, Marie . Pour en faciliter la dévotion, elle eut recours à l'usage des Anachorètes de l'orient, qui se servaient de grains de pierres ou de bois pour mieux compter leurs prières. Pour donc arriver à son but, elle enfila en forme de couronne des grains de diverses grosseurs et en forma le chapelet tel que nous l'avons aujourd'hui.
Mais cette précieuse dévotion, comme tout ce qui a rapport au culte de l'auguste Marie, devait avoir ses progrès. Il était réservé àS. Dominique de la conduire à sa perfection en établissant le Rosaire, qui est un chapelet plus étendu où un chapelet de 15 dixaines, en mémoire des 15 principaux mystères de la religion. Voici en quelles circonstances.
Au commencement du 13e siècle, l'ignorance, l'im- piété et par suite Je libertinage régnaient partout. Les infidèles occupaient l'Asie, l'Afrique. Les Sarrasins s'étaient emparé de la plus grande partie de l'Espagne et la secte impie des Albigeois infectait la France et l'Italie. Ces derniers surtout, non contents d'altérer la beauté de la morale, d'attaquer les dogmes de la reli- gion, de tourner en ridicule les cérémonies de l'Eglise, allèrent jusqu'à nier la maternité de Marie, la divinité de Jésus-Christ, et par là même l'efficacité de la sainte messe el des sacrements.
1 es erreurs se répandaient partout comme le feu
d'un incendie. La vertu était outragée, les autels ren-
s, les temples démolis, les sacrements profanés,
REGINA SACKATISSIMI R0SARI1 333
le sacerdoce décrié, en un mot le triomphe de l'enfer semblait devoir durer toujours. Et la pauvre Eglise gémissait nuit et jour, et conjurait le Seigneur de mon- trer à l'univers entier que son bras puissant n'était pas encore raccourci. En vain les Pontifes consternés employaient toutes sortes de moyens pour trouver un remède efficace à des maux si déplorables, en vain les Princes de la terre avaient armé leurs plus vaillants capi- taines, tous ces efforts réunis étaient restés sans succès. Dieu réservait cette grande œuvre à un de ces hom- mes qu'il suscite de temps en temps, afin de manifester au monde les trésors de sa toute-puissance et de son amour. Cet homme fut S. Dominique. L'histoire nous raconte les efforts de son zèle, ses rudes travaux, ses pénitences, ses miracles pour détruire toutes ces erreurs. Et cela demeura encore sans résultat heureux. Les Albigeois, c'est-à-dire les hérétiques, fermaient les yeux en présence des prodiges de cet apôtre, et restaient sourds aux paroles de vie qu'il adressait, ou plutôt, comme dit le Psalmiste : ils avaient des yeux et ne voyaient pas, des oreilles et ils n'entendaient pas.
C'est alors que Dominique se jette de nouveau aux pieds du Seigneur et le conjure, par les mérites du sang de son Fils et la bienveillante intercession de Marie, de détruire toutes ces erreurs. Cette fois ses prières furent exaucées, et Marie leur fut députée comme l'ange de la bonne nouvelle. Cette Mère de miséricorde lui apparut donc et lui dit : Que comme la salutation angélique avait été le principe de la con- version du monde à la religion de J.-C. , il fallait aussi, que cette salutation fut celui de la conversion des hé- rétiques. Si donc, continua Marie, tu veux éclairer les esprits aveuglés et toucher les cœurs endurcis, prêche mon Rosaire.
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Saint Dominique obéit à la voix de Marie. Il prit pour base de ses instructions le Rosaire composé de trois chapelets ou de 15 dixainesde Je vous salue Ma- rie. Aces dixaines il appliqua autant de mystères, qu'il développa aux fidèles avec cette éloquence irrésistible qui triomphe de tous les obstacles.
Ce fut à Toulouse, en l'année 1208, qu'il institua le Rosaire et qu'il commença à le prêcher au peuple. Toulouse, Montpellier, Agen, Carcassonne, Béziers furent donc tour à tour le théâtre de ses prédications et de ses succès. Et ces succès furent si rapides qu'ils surpassèrent toutes les espérances, et étonnèrent Rome elle-même. En peu d'années des milliers d'héré- tiques reconnurent leurs errreurs et rentrèrent dans le sein de l'Eglise Catholique.
Mais ce n'est pas assez pour Marie d'avoir fait rentrer dans le sein de l'Eglise cette petite partie de son troupeau. Tous les hommes ne sont-ils pas ses enfants? Du haut de la croix, J.-C. ne nous a-t-il pas légués à son amour, et elle, ne nous a-t-elle pas adoptés ? Hélas ! Quoiqu'enfants de Marie ne sommes-nous pas exposés à des erreurs, n'avons nous pas besoin qu'elle veille sur nous et qu'elle nous protège.
Aussi admirons sa bonté, elle ne se contenta pas que le Rosaire fut seulement établi dans ces contrées envahies par l'hérésie, elle voulut aussi que le monde entier eut part à cette faveur. Elle inspira donc encore au cœur de Dominique la pensée de perpétuer son œu- vre, de laisser après lui d'autres lui-même qui fissent connaître jusque dans les contrées les plus lointaines la clémence et la bonté de Marie pour les hommes.
A dater de ce moment le Rosaire se répandit par toute la terrre. Il devint eu quelque sorte le pendant de La croix. Dans les campagnes comme dans les villes
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on forma des associations sous le titre du Saint-Ro- saire, et on érigea des chapelles et des autels en l'hon- neur de N.-D. du Rosaire; et dans la suite des temps, les Papes ont enrichi ces associations de nombreuses Indulgences ?
Telle est l'origine du chapelet et du Rosaire. Saint Grégoire de Naziance en a donné l'idée, sainte Brigitte en a inventé la forme et établi la dévotion ; saint Do- minique perfectionna l'un et l'autre et lui donna le nom de Rosaire.
Aujourd'hui ne se passe-t-il pas dans le monde en- tier quelque chose de semblable à ce qui se passait du temps de saint Dominique dans le midi de la France. La secte maçonique cherche à s'étendre dans toutes les parties du monde catholique. Le point de départ est la négation de l'existence de Dieu et de ses com- mandements, le doute sur la divinité de J.-C. et de la religion qu'il nous a apportée du ciel, comme aussi de l'existence du ciel, récompense du bon, et de l'enfer châtiment du méchant.
Telle est l'hérésie régnante de toutes ces personnes qui désertent nos églises, qui profanent les saints jours du dimanche par le travail et les plaisirs mauvais, qui abandonnent les Sacrements, et qui ne veulent recon- naître ni l'autorité de l'Eglise ni celle de ses minisires. Eh bien ! à ce torrent d'erreurs et de péchés, oppo- sons, comme Dominique, la pratique ou la récitation du Rosaire. Adressons-nous avec une confiance illimitée à la très sainte Vierge, et prions-la d'éclairer tous ces hommes des vérités de la foi, de toucher tous ces cœurs endurcis, de les ramener à la pratique de leurs devoirs. C'est ce que désire Léon XIII, chef de toute l'Eglise. Par là nous travaillerons à la gloire de Dieu, au salut des âmes, et au bonheur de la France, notre Patrie.
33H REGINA SACRÂTISS1MI ROSARII
ARTICLE SECOND.
Après avoir parlé de l'origine et des progrès du Ro- saire, voyons en quoi il consiste et comment on doit le reciter... Le Rosaire ainsi que le Chapelet se compose des prières les plus belles qui puissent jamais sortir de la bouche d'un chrétien. Ces prières sont : 1° Le sym- bole des apôtres, composé par eux avant leur séparation et à l'aide des lumières du St-Esprit. Ce symbole, vous le savez, est l'abrégé des vérités que tout chrétien est obligé de croire et de pratiquer. Chaque fois donc que nous le récitons, il nous les remet devant les yeux. 2° De l'oraison Dominicale, c'est-à-dire, de cette prière qui a été enseignée par Jésus-Christ lui-même à ses disciples et qui renferme tout ce que nous pouvons désirer et demander à Dieu. Cette prière a une vertu particulière pour toucher son cœur, puisqu'elle est son ouvrage. 3° De la Salutation Angélique, qui commence par le salut de Fange à Marie au beau jour de l'Annon- ciation, qui nous rappelle les paroles de félicitation de sainte Elisabeth à Marie, lorsqu'elle reçut sa visite, et qui se termine par la supplique ou l'invocation que L Eglise y a ajoutée. 4° Et enfin de cette belle strophe : gloire soit au Père, au Fils et au St-Esprit, comme il a été au commencement, et qu'il sera toujours. Quoi de plus noble que cette duxologie, qui termine chaque dixaine. elle est une profes>i;jn de notre fui à l'égard du mystère ineffable d'un seul Dieu en trois personnes, que nous ne saurions trop louer et bénir; elle est au>si un hymne de reconnaissance que les fidèles, à l'exemple des chœurs célestes, repètent souvent avec l'Eglise dans l'office divin en l'honneur de la 1res Sainte Trinité.
si. au lieu de dire le Chapelet on récite le Rosaire, qui se compose de trois chapelets ou de 15 dixaines, chacune de ces dixaines es1 précédée d'une courte nié-
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ditation sur un des mystères de la vie de Jésus-Christ et de Marie, sa Mère. Ces mystères, qui sont au nombre de 15, sont divisés en trois séries : mystères joyeux, douloureux et glorieux. Et ainsi on suit pas à pas le Sauveur Jésus, depuis le jour où pour racheter les hommes, il quitta le séjour de sa gloire jusqu'au mo- ment ou après trente-trois ans de souffrances et d'a- mour, il retourna à la droite de son Père. On accom- pagne aussi Marie, sa glorieuse Mère, depuis le jour où elle conçut l'Enfant-Jésus jusqu'à son couronnement dans le ciel .
Ce sont d'abord les mystères joyeux, qui représentent le Verbe dans son Incarnation et son état d'enfance jusqu'au jour de sa passion. Enumérons-les . Jésus pour nous racheter et nous ouvrir le ciel s'abaisse jusqu'à re- vêtir notre nature, épouser nos misères, se faire chair. Et verbum caro faction est. Avant de sortir du sein de sa Mère où il a pris un corps et une âme semblables aux nôtres, il commence déjà sa mission d'amour. Il visite son précurseur saint Jean-Baptiste, celui qui doit l'annoncer au monde. Et par cette visite il le purifie de la souillure originelle. Puis au jour de sa naissance, il choisit pour palais une étable, pour couche quelques brins de paille, et pour premiers adorateurs quelques pauvres bergers. Obéissant à la loi de Moïse il se pré- sente au temple comme le dernier des hommes, pour se racheter par une offrande. Puis enfin à l'âge de douze ans, nous le retrouvons dans le temple au milieu des Docteurs qui l'écoutent, tant ils étaient émerveillés de la sagesse de ses discours et de la précision de- ses ré- ponses.
Dans la 2e série se déroulent les mystères doulou- reux. Ici, c'est un Dieu qui pour expier nos péchés souffre des douleurs immenses et des opprobres infinis.
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Au jardin des olives son âme est triste jusqu'à la mort. Une sueur de sang et d'eau ruiselle sur tous ses mem- bres : le calice d'amertume qu'il doit épuiser se pré- sente à lui. et dans la plus profonde tristesse il s'écrie : Mon Père, que ce calice s'éloigne de moi, mais cepen- dant que votre volonté soit faite et non la mienne. Bientôt arrive le traitre Juda. Par lui Jésus est vendu et livré aux Juifs, ils s'emparent de sa personne sacrée, le traînent devant les tribunaux. Là contre les lois de la justice, il est condamné à être flagellé. Aussitôt on le frappe de verges, on lui enfonce une couronne d'é- pines sur la tète, on jette sur ses épaules une croix énorme. Chargé de ce fardeau sous lequel il fait plusieurs chutes, il gravit la montagne du Calvaire au milieu des huées, des vociférations et des blasphèmes de la multitude. Au Calvaire, lieu de son dernier supplice, on l'étend sur la croix et avec d'énormes clous on l'y fixe par les mains et par les pieds. Enfin épuisé de sang et de fatigues, il remet son àme à Dieu son Père, et il expire entre deux scélérate
La 3e série a pour objet les mystères glorieux, sa Résurrection, son Ascension au ciel, où selon sa pro- messe il va retenir une place aux siens ; puis la des- cente du St- Esprit sur les apôtres et toutes les mer- veilles qui l'accompagnent et qui le suivent.
A côté des mystères de Jésus-Christ se trouvent aussi ceux de sa sainte Mère. Mystères de joie, de souffrance et de gloire. Mystère de joie. C'est l'An- nonciation, lorsque l'Ange Gabriel vient lui dire qu'elle sera Mère de Dieu, et parconséquent libératrice des hommes, c'est la visite à Ste Elisabeth, quand elle va faire part à sa cousine de son bonheur et l'enrichir ainsi que son enfant des dons les plus précieux de la grâce. C'esl la naissance de Jésus, sa présentation au
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temple, et enfin sa joie lorsqu'elle le retrouve au milieu des Docteurs excitant leur admiration.
Viennent ensuite les douleurs, qui passèrent et repas- sèrent sur son cœur, toutes les affreuses tortures qui agitèrent son âme pendant la grande infamie du Cal- vaire .
Puis enfin sa glorieuse Assomption dans le ciel et son couronnement à la droite de son divin Fils.
Par le peu que je viens de dire, vous avez déjà dû comprendre que le Rosaire n'est pas une prière mono- tone. C'est l'ensemble de la religion, c'est le tableau le plus saisissant de ce que Jésus-Christ et Marie ont fait pour notre àme, afin de l'éloigner de l'enfer et de lui ouvrir la porte du ciel. Et c'est déjà un de ses avan- tages. Mais il n'est pas le seul, ils sont innombrables. En voici le détail.
ARTICLE TROISIÈME
Que de pécheurs endurcis, dont le salut était presque désespéré, se sont convertis à la suite des prières et des méditations du Rosaire. Combien d'hérétiques opi- niâtres dans rattachement à leur secte ont été éclairés, et ont abjuré leurs erreurs du vivant même de S. Dominique. L'exemple suivant en est une preuve.
Une femme remplie de piété et de vertus ayant épousé un homme fort riche, mais malheureusement de mau- vaises mœurs alla trouver S. Dominique pour le con- sulter sur le moyen de pouvoir le ramener à l'accom- plissement de ses devoirs. Saint Dominique lui conseilla de réciter le Rosaire pendant neuf jours consécutifs. Cette femme pieuse le fit avec une ferveur et une con- fiance si grandes qu'elle fut exaucée dès le premier jour. La nuit suivante Dieu mit en songe sous les yeux de son mari, d'une manière si horrible, les supplices
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qu'il réserve dans l'enfer aux impudiques, qu'il s'éveilla en sursaut et tout saisi de crainte. Et après avoir versé un torrent de larmes sur ses égarements et sur le dan- ger auquel il s'était exposé, plein de confiance en Marie, il alla trouver saint Dominique, le pria de recevoir sa confession et de l'admettre au nombre des confrères du saint Rosaire, avec promesse de vivre chrétiennement le reste de ses jour-.
Que de morts ont recouvré la vie. de sourds l'oui, de muets la parole, de boiteux et de paralytiques l'usage de leurs membres, et des malades une santé qu'ils ne pouvaient attendre des remèdes ordinaires de la méde- cine.
Que de tempêtes apaisées, d'incendie éteints, de révoltes calmées, de batailles gagnées (Témoin celle de Lepante), de royaumes en paix.
Par le moyen du Rosaire n'a-t-on pas obtenu tantôt la pluie pour faire fructifier les semences de la terre, tantôt la cessation de ces pluies qui menaçaient les cam- pagnes d'une désolation universelle.
Elles sont nombreuses, les femmes qui ont eu recours à cette dévotion, les unes pour obtenir du Seigneur de voir leurs vœux se réaliser par la naissance d'un ou de plusieurs enfants, les autres le* bénédictions du ciel sur leur maison .
Nous lisons dans la vie de saint Dominique que dans un voyage qu'il lit à Paris, il alla visiter la Reine Blanche de Castille, et qu'il lui conseilla de réciter sou- vent le Rosaire pour obtenir du Seigneur de donner à la France un prince selon son cœur et que ses prières furent exaucées, car elle eut le bonheur de donner la vie a saint Louis, un des plus grands Monarque de France .
Impossible en un mot de compter les fruits de sainteté
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que cette dévotion a produits, non seulement en Europe, mais aussi dans les Indes et l'Amérique. On peut dire d'elle ce que Salomon disait de la sagesse. Venerunt mihi omnia bona pariter eum illâ. Toute sorte de biens me sont venus avec elle.
Je dis enfin que la pratique du Rosaire, vous mettant sous la protection de Marie vous obtiendra la grâce d'une bonne et sainte mort. Une mère veille au chevet de son enfant mourant, elle tient à recueillir son dernier soupir. Ainsi Marie veillera sur vous, lorsque vous serez aux prises avec la mort, elle vous donnera le baiser d'une mère, et elle accueillera votre àme pour la présenter à Jésus son divin Fils et lui demander pour elle une place dans le ciel. L'exemple suivant en est une preuve .
Un des plus célèbres prédicateurs du siècle dernier fut appelé la nuit pour confesser un homme tombé en apoplexie. Il y court et le trouve sans connaissance. Au point du jour on le prie de dire à son intention une messe votive de la sainte Vierge. Comme il la finissait on vint l'avertir que la connaissance lui était revenue. Vite il se rend auprès de lui et le trouve pénétré des plus vifs sentiments de pénitence et de componction acceptant généreusement la mort pour l'expiation de ses péchés. Il se confesse et reçoit les derniers sacre- ments avec la plus grande piété. Le confesseur tout surpris d'un si heureux changement et ne sachant à quoi l'attribuer, l'interroge, et le malade lui répond d'une voix entrecoupée de sanglots : Hélas ! mon père je ne puis attribuer cette grâce qu'à la miséricorde de Dieu, qu'à la protection de Marie ainsi qu'à vos prières et à celle de ma pieuse mère.
Près de mourir elle mè fit approcher de son lit, et après m'avoir témoigné ses alarmes sur les dangers que
PARAPHIUSE. — T. II. 20
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je rencontrerais dans le monde, elle m'adressa ces paroles : Je tous laisse sous la protection de la sainte Vierge, promettez-moi, mon cher fils, l'unique chose que je vais tous demander, elle vous coûtera peu, c'est de réciter tous les jours le chapelet. Je le lui promis, de plus j'ai tenu à ma parole, et c'est le seul acte de religion que j'ai accompli depuis dix ans. Le confesseur ne douta point que son pénitent ne dut qua la protec- tion de Marie les vifs sentiments de repentir qu'il ma- nifestait.
Je ne le quittai qu'après son dernier soupir, et j'eus la consolation de le voir mourir dans les plus saintes dispositions.
A son exemple récitons tous les jours, sinon le Rosaire, au moins le chapelet ou quelques dizaines, et ainsi nous nous assurerons la protection de Marie pour tous les jours de notre vie et surtout pour l'heure de notre mort.
De plus nous enrichirons notre àme des nombreuses indulgences qui y sont attachées, et nous soulagerons l'âme de nos bien-aimés parents en les leur appliquant.
Morale : Après avoir médité le Rosaire, aimons donc à le réciter, et pour nous engagera l'aimer, péné- trons-nous bien de ce qu'il est. Il est une prière des plus puissantes . C'est toute la religion de l'enfant : c'est larme du combattant : c'est le livre du vieillard, c'est le compagnon du malade, c'est le témoin du mo- ribond, c'est le salut et la joie des habitants de la céleste patrie.
EXEMPLES.
Je voudrais bien croire, disait un libre penseur de bonne foi, mais je ne le puis. Eh bien ! récitez le cha- pelet, lui répondit un prêtre qui était présent. Trois
AGNUS DEI 343
jours après, le même libre penseur dit à ce prêtre : vous vous souvenez peut-être de votre parole : dites le chapelet : cela, M., m'a paru très bizarre tout d'abord, cependant j'ai finis par le dire, et maintenant je crois.
CHAPITRE L
AGNEAU DE DIEU Qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous.
Nous terminons la série des Invocations à Marie comme nous les avons commencées, par un hommage à Dieu qui dit de lui-même : Je suis le commencement et la fin. Etant assurés de l'intercession puissante de la bienheureuse Vierge que nous venons d'implorer avec foi et ardeur par tous ses glorieux titres, nous nous adressons spécialement à Jésus-Christ, son Fils, en lui rappelant le souvenir de son sacrifice offert sur la Croix pour nous réconcilier avec son Père. Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, lui disons- nous, c'est-à-dire, vous qui, par votre immolation généreuse, nous avez rachetés du péché et de l'enfer, au nom de tant d'amour et par les mérites de ce sang divin que vous tenez de Marie, pardonnez-nous, eœau- cez-nous, ayez pitié de nous.
Nous désignons ici Jésus-Christ sous le nom d'^4- gneau, parce que ce titre lui convient parfaitement pour les raisons suivantes :
I. C'est sous ce nom, emblème du sacrifice, qu'il fut prédit par les prophètes : et Jean- Baptiste, son Précurseur, au moment même où il allait se montrer au monde, ne l'appelle pas autrement. C'est aussi sous cet emblème qu'il était figuré chez les Israélites par l'Agneau paschal qu'ils avaient mangé la veille
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de leur sortie d'Egypte, et dont tous les ans ils renou- velaient la mémoire : et aussi par l'agneau qui chaque jour était immolé dans le temple, et sur la tète duquel les hommes destinés à ce ministère imposaient les mains, tant pour reconnaître le souverain domaine du Seigneur, que pour transporter sur La victime les pé- chés de tout le peuple.
II. On le désigne ei 3ore sous le nom à' Agneau parce que, en effet, il en eut l'innocence, la douceur et la destination.
1° L'innocence. — Il convenait , dit saint Paul, que nous eussions un Pontife qui fût innocent, sons tnche. séparé des pêcheurs. Et ce Pontife, c'est Jésus- Christ qui, exempt de tout péché, nous réconcilia avec son Père, comme le chante l'Eglise : Christus innocens Patri réconcilia c it peccatores. Son amour de l'innocence, il le manifesta dans toute sa conduite. C'est par leur innocence que les enfants étaient l'objet de sa prédilection toute particulière : et il nous proteste que, si nous ne devenons innocents comme eux, nous n'aurons point part à son royaume. C'est aussi à cause de son innocence qu'il chérissait plus spéciale- ment l'apôtre saint Jean, qui pour cela eut l'insigne honneur de reposer sur son sein à la Cène, et de le remplacer en qualité de fils adoptif auprès de sa sainte Mère.
2 Un second caractère de l'agneau, est la douceur : et ce fut encore là une des vertus de Jésus-Christ. Non-seulement au moment de la mort à laquelle il se laissa conduire, comme un agneau qu'on mène à la boucherie, sans se plaindre, sans ouvrir la bouche, sans appeler aucune malédiction sur ses bourreaux, mais dans tout le cours de sa vie, il fut un modèle achevé de patience et d'incomparable douceur. Son
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ministère en devint une continuelle et publique mani- festation. Il était bien Celui qui n'aurait pas éteint la mèche encore fumante, ni brisé le roseau courbé par C orage. Il appelait à lui tous les affligés, tous les né- cessiteux, et fidèle à sa promesse, il les soulageait. Il couvre de sa protection la femme adultère que l'opi- nion publique repoussait, et la renvoie sans la con- damner : il descend dans la maison du publicain et s'assied à sa table : il ne refuse pas les hommages d'une grande pécheresse : jamais de rebut pour qui que ce soit. Et cette vie toute de mansuétude, il la termine par l'acte le plus généreux, il demande grâce pour ses bourreaux, et assure le ciel au larron pénitent. Il pou- vait bien dire, et toutes ses actions le proclamaient assez haut : Apprenez de moi que je suis douer et hum- ble de cœur. Aussi dans son sermon sur la montagne, promet-il à ceux qui sont doux et miséricordieux la possession du ciel.
3° Enfin, la destination de l'Agneau pascal chez les hébreux était V immolation ; et cet Agneau, aussi bien que celui qu'on sacrifiait tous les jours dans Je temple pour les péchés du peuple, figurait Jésus-Christ. Ce fut, en effet, non point à des prix d'or et d'argent, mais par l'effusion de son sang, qu'il nous a rachetés de la dure servitude dans laquelle le démon nous tenait en- chaînés. Et bienheureux ceux qui, après avoir lavé leurs robes dans le sang de ce divin Agneau, sont ap- pelés à ses noces sur la terre, en se nourrissant de sa chair sacrée : gage pour eux du bonheur d'être admis un jour aux noces du ciel qui se prolongeront pendant l'interminable durée des siècles.
III. On dit Agneau de Dieu, d'abord, parce qu'il est Fils de Dieu le Père qui met en lui toutes ses complai- sances, de même que le mot agneau est un terme de
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tendresse que l'on donne à un enfant aimable et bien- aimé : ensuite, parce qu'il est la seule victime digne de Dieu, la seule capable d'apaiser sa colère, de satis- faire pleinement à sa justice, de réparer l'outrage fait à sa majesté par le péché et d'opérer notre réconcilia- tion avec lui.
Tous ces aperçus renfermés dans le titre & Agneau de Dieu, par lequel nous désignons Jésus-Christ, ins- pirent les sentiments qui doivent nous animer en lui disant : Pardonnez-nous, exaucez-nous, ayez pitié de nous. Ce dernier cri surtout, que nous avons élevé au commencement des Litanies, nous le faisons encore entendre à la fin. Rien n'est plus juste ; car notre mi- sère est toujours la même, nos besoins sans cesse re- naissants : nos ennemis ne se lassent jamais, et nos péchés se renouvellent trop fréquemment . Cette sup- plication est le cri de la faiblesse qui se connaît et se craint elle-même : c'est le cri de l'espoir qui entrevoit son salut en Jésus-Christ, et de la confiance qui en a reçu la promesse et le gage. C'est donc avec ce dou- ble sentiment d'humilité profonde et de vive confiance qu'il faut lui adresser cette supplication : Pardonnez- nous, Seigneur, exaucez-nous, ayez pitié de nous.
1° Profonde humilité. — En l'appelant Seigneur, nous reconnaissons ou du moins devons reconnaître qu'en vertu de son souverain domaine sur toutes choses, il avait le droit de nous commander et que nous de- vions lui être soumis : et en le priant de nous pardon- ner, nous avouons que. si nous avons péché, c'est notre faute, puisque nous avons besoin de pardon. Et c'est la surtout ce que Dieu demande, l'aveu de nos péchés, auquel se joint la détestation. un cœur contrit et hu- milié. Avec cette disposition, nous pouvons lui dire : Seigneur , pardonnez-nous j i s; et cet
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Agneau débonnaire, qui aime tant l'humilité, ne man- quera pas d'accueillir notre prière. Mais si, en priant, nous ne reconnaissons, ni ne détestons nos péchés, comme un épais nuage, dit le Prophète, ils empêche- ront que nos paroles parviennent jusqu'à Dieu, et que les rayons de sa miséricorde arrivent jusqu'à nous. — L'humilité, au contraire, donne à notre prière la force de pénétrer les nues et de parvenir au trône de Dieu : Or atio humiliant is se...
2° Le second sentiment qui doit nous animer en priant, c'est une vive confiance. Une prière que n'ac- compagne pas cette disposition ne peut plaire à Dieu : c'est montrer que l'on doute autant de sa puissance que de sa miséricorde. La vue de nos péchés serait bien capable, il est vrai, d'exciter en nous quelque dé- fiance; mais ne nous adressons- nous pas à ce divin Agneau, qui est descendu sur la terre précisément pour nous en décharger, en les prenant à son compte . Qui tollis peccata mundi ; qui a daigné s offrir victime pour le saint des pécheurs ; qui est venu apporter la vie à ceux qui sont morts à la grâce et sauver ce qui était péri ; qui ne veut point la mort du pécheur, mais sa conversion et sa vieï S' étant immolé pour nous, il veut notre salut, n'en doutons pas. Nous qui n'avons pas sa bonté, pourrions-nous jamais nous ré- soudre à jeter au fond de la mer un objet qui nous au- rait coûté un très grand prix? Et le Fils de Dieu, notre bon Sauveur, après avoir jugé que ce n'était pas trop de donner sa vie pour nous rendre participants de son royaume, en nous refusant le pardon, nous précipite- rait dans les abîmes pour toute une éternité? Ah ! loin de nous une telle défiance qui !e blesserait au cœur.
Du reste, outre les exemples nombreux de faveurs en tout genre qu'il nous assure avoir été accordées à la
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foi vive qui les sollicitait, nous en avons une preuve non moins frappante dans ce qui se passa sur le Cal- vaire, au moment même où il mourut pour le salut de tous. Là se trouvait un grand criminel, mais qui à l'aveu de sa culpabilité, en reconnaissant qu'il n'a que ce qu'il mérite, ajoute ce cri de confiance : Seigneur^ souvenez-vous de moi quand vous serez dans votre royaume. Et tout aussitôt, il entend de la bouche même de Jésus-Christ ces consolantes paroles : Au- jourd'hui, vous serez avec moi enparadis. Un apôtre a désespéré, et il est réprouvé ; un brigand prie avec confiance, et il devient un prédestiné : c'est à lui que sont appliqués les premiers fruits de la passion et de la mort du Sauveur. C'est donc avec ce vif sentiment de confiance qu'il faut lui demander de nous pardon- ner, d'exaucer nos demandes, et en général par ces derniers mots, ayez pitié de nous, de nous secourir dans tous nos besoins présents et futurs, corporels et spirituels, qu'il connaît mieux que nous. Et, c'est afin que cette confiance soit mieux exprimée, que l'on ré- pète cette prière jusqu'à trois fois, à l'exemple de tous ces malades de l'Evangile, qui par la vivacité de leur confiance méritèrent d'entendre ces délicieuses paroles : Allez, votre foi vous a sauvés.
Pratique : Aimons à recourir fréquemment aux in- vocations des Litanies du saint Nom de Jésus.
EXEMPLES
UN PRINCE MOURANT EN PLACE D'UN ESCLAVE
Un esclave, qui avait osé conspirer contre la vie de son souverain, était condamné à mourir par le supplice le plus infâme et le plus cruel que la bar- barie puisse inventer. Le prince héritier du royaume, touché de compassion, vient se jeter aux pieds de son
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père pour solliciter la grâce du coupable, et voyant qu'il ne peut l'obtenir, il s'offre à endurer les tourments auxquels ce malheureux est condamné, il va même jusqu'à demander que celai-ci prenne sa place dans le royaume : tout est accepté. Ce prince si dévoué, s'en va donc gaiement au supplice, heureux de témoigner à ce criminel combien il l'aime en mourant pour lui ; et pour toute reconnaissance de cet immense bienfait, il ne lui demande rien, rien absolument que d'en être aimé. Que diriez-vous, si ce malheureux esclave, loin d'être sensible au dévouement d'un prince si généreux, se joignait même à ses bourreaux pour hâter sa mort et augmenter encore ses tourments? Votre indignation serait à son comble : vous le regarderiez, et avec rai- son, comme le plus brutal et le plus barbare de tous les hommes.
• Mais, ce jeune prince n'est-ce pas Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant et éternel, qui s'est dévoué à une mort aussi cruelle qu'ignomineuse, pour nous délivrer de la mort éternelle que nous devions subir? Ce mal- heureux esclave, n'est-ce pas nous, qui si souvent nous sommes rendus criminels de lèse-majesté divine, et placés sous la dure tyrannie du démon ? Et qu'a souf- fert Jésus-Christ ? Les outrages les plus sanglants, les tourments les plus horribles, avant sa mort sur la Croix, et cela de son plein gré, à notre place, pour nous épargner des peines infinies. Et pour un sem- blable dévouement, que nous demande-t-il ? S'il exi- geait le sacrifice de tous nos biens, de nos plaisirs, de notre gloire, de notre santé, de notre propre vie, se- rait-ce trop ? Mais non ; il ne nous demande qu'une seule chose, c'est que nous l'aimions et que nous lui en donnions la preuve par l'observation fidèle de ses commandements.
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Si donc au lieu de l'aimer et de lui obéir, nous ail- lions non-seulement l'offenser, mais encore nous join- dre à ses bourreaux et renouveler les douleurs de sa passion, ne serait-ce pas mériter le terrible anathème de saint Paul : Si quelqu'un n'aime pas N.-S. J.-C. qu'il soit anathème? Ah ! disons-lui plutôt, comme un grand saint, à la vue du crucifix : Eh quoi ! Seigneur, pourrai-je ne pas aimer tant d'amour?
CHAPITRE LI
CLOTURE DU MOIS DE MARIE
Les ombres de la nuit commençaient à s'abaisser sur la plaine : toutes les cloches en volée venaient d'annoncer la réunion dernière du saint mois. Dociles à cette voix amie, le robuste agriculteur avait quitté son sillon, et pressait la marche de ses bœufs fatigués : la jeune fille plus alerte était déjà descendue de la colline : le vieillard aux pas lents, avait devancé le dernier signal, il n'aurait eu garde de manquer à cette fête de famille, que peut-être il ne retrouverait plus à l'autre printemps : l'ouvrière et l'artisan laissaient là d'utiles travaux : la mère aussi, trop souvent retenue au foyer par des soins domestiques, avait cette fois confié au berceau son nouveau-né : les plus grands l'ont précédée avec leurs petits compagnons. De toutes les avenues qui aboutissent à l'église affluaient les flots de fidèles : en un instant, l'assemblée fut au complet, comme aux jours de grandes solennités. C'est qu'elle touche à sa fin, la longue, mais trop courte Fête de Marie : personne qui ne soit avide d'entendre encore quelques bonnes paroles sur Celle dont la louange, non plus que les boutés, ue s'épuise pas, de recueillir
CLOTURE DU MOIS DE MARIE 351
ses dernières faveurs, de lui faire une plus solennelle protestation d'amour et de fidélité.
Des gerbes de lumière font resplendir le temple et principalement son autel d'une clarté éblouissante, qui laisse voir en même temps sur la figure de chacun la joie dont le cœur est inondé, mais joie mêlée d'une teinte de tristesse. Et pourquoi? Ah ! c'est qu'ils vont finir ces jours qui ont causé de si douces émotions, et procuré tant de biens. Chacun se dit : il semble que c'était hier que nous faisions l'ouverture de ce beau mois ; et nous voilà réunis pour le terminer ; faut-il qu'il soit si tôt passé ! Le Fils qui, les yeux gros de larmes et le cœur en proie à d'indicibles angoisses, s'est arraché pour un pays lointain aux embrasse- ments de sa vieille mère, que peut-être il ne doit ja- mais revoir, peut seul comprendre la profonde déso- lation qui noie l'àme du chrétien, lorsqu'il va se sépa- rer de l'autel de Marie. Aussi, au milieu de cette atmosphère embaumée des parfums de l'encens et des fleurs ; j'entends des soupirs de toutes parts, je vois couler des larmes : dans ce séjour de paix et de bon- heur, il y a du deuil ; au fond de tous les cœurs, un malaise, une vague inquiétude.
Ici, la pieuse mère qui, pendant ce mois béni, avait souvent conjuré la douce Vierge de prendre ses enfants sous sa protection , et qui pour la dernière fois est ve- nue les conduire à son autel, jette sur eux un regard où se peint l'anxiété. Qui, maintenant, se dit-elle, protégera leurs jeunes années, et sauvera leur inno- cence? Consolez- vous, mère chrétienne, ce que Marie a pris sous sa garde est bien gardé .
Le vieillard, aux cheveux blancs, qui comptait être près de sa fin, murmure à Marie, de ses lèvres trem- blantes, ce doux reproche : J'aurais voulu, bonne
3-r2 CLOITRE DL' MOIS DE MaHIE
Mère, mourir en ce beau mois, et aller le finir au ciel en votre compagnie : si je dois végéter encore quelque temps en ce lieu d'exil, du moins ne m'abandonnez pas : puissé-je me bercer dans cette confiance, et la caducité de l'âge me deviendra plus tolérable.
Le pauvre est là aussi, exhalant ses soupirs et ses craintes : 0 douce Consolatrice des «ffligàs / dit-il, pendant ce mois vous avez suscité des âmes compa- tissantes qui se sont inspirées de votre charité, et je n'ai pas eu à souffrir les rigueurs de la faim. Leur continuerez-vous vutre influence ?
Mais quel est cet homme que j'aperçois à la porte du temple, et cet autre encore dans un coin retire, qui n'osent, comme le publicain, se mêler à l'assemblée, ni lever les yeux au ciel ? C'est un pécheur, pour qui ces jours ont été le moment heureux de retour à Dieu et de pardon : il goûte bien la douce paix d'une àme purifiée, que depuis longtemps il ne connaissait plus ; mais il redoute sa faiblesse si souvent ressentie, et contre laquelle il n'aura plus les puissants secours qu'il trouvait dans ces pieux Exercices, qui lui ont valu son changement.
0 ma bonne Mère ! répète dans la foule un jeune homme : depuis longtemps, j'étais le triste esclave d'une passion honteuse ; dès le premier jour, j'entends une voix qui disait que pour vous plaire et pour fruit de ce saint mois, il fallait extirper de son cœur quel- que vice ; cette voix me pénétra jusqu'au fond de l'âme: nouvel Augustin, je me mis résolument à l'œuvre, et par mes efforts constants, aidés de votre puissante assistance, j'ai triomphé de ce penchant que vous avez si en horreur. Mais loin de votre autel, ah ! que je crains! je vais me retrouver en face de mes anciens danger< : j'aurai de nouveaux combats a soutenir :
CLOTURE DU MOIS DE MARIE 353
veuillez m être toujours un rempart assuré, une Tour de défense, une armure invincible.
Vierge fidèle ! soupire aussi la jeune fille, tout près de l'autel : la ferveur de mes premières années com- mençait à se refroidir ; quelques négligences dans votre service avaient diminué le vif intérêt que vous me portiez ; je courais rapidement à ma perte. Mais, à la peinture de votre tendre et généreux amour pour Dieu, j'ai senti le mien chaque jour se ranimer : ah ? puisse-t-il ne plus se ralentir hors de votre sanc- tuaire !
C'est ainsi que chacun, dans le secret de son âme, exprimait à la bonne Mère ses joies, ses regrets et ses craintes.
Il arrive pourtant, le moment si redouté de falloir s'arracher à l'autel chéri. Toutes les voix entonnent le chant du départ : (14)
La- foule s'est écoulée silencieuse, aussi lentement qu'elle avait été prompte à s'assembler. Les cierges qui brûlaient nombreux se sont éteints un à un : la lampe du sanctuaire seule, de son pâle reflet, tempère les ténèbres du saint lieu. Cependant, près de l'autel de la Vierge, j'aperçois encore une ombre noire : c'est un homme qui ne peut s'en séparer sitôt en cette grave circonstance ; c'est le pasteur : tant de choses se pres- sent dans son cœur ; il a besoin de les épancher dans celui de la bonne Mère. L'action de grâces et la prière encore arrivent d'elles-mêmes sur ses lèvres. 0 puis- sant Secours des Chrétiens, dit-il à Marie, qwe de fa- veurs vous avez répandues en ce mois béni sur mon petit troupeau ! La piété s'est accrue dans les âmes d'élite : les tièdes ont senti une sainte ferveur fondre la glace de leur cœur : chez beaucoup l'indifférence pour leur salut s'est changée en zèle et en courage :
PAPAPHRASE. — *II -X 21
354 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
quelques pécheurs, touchés du malheur et du danger de leurs désordres, ont eu le bonheur d'en sortir. Pourrai-je jamais reconnaître dignement de tels bien- faits ? Toutes mes ouailles, néanmoins, n'ont pas re- cueilli les faveurs attachées à ces saints jours. 0 bonne Mère ! tant de vœux que nous avons déposés à vos pieds seraient-ils entièrement inutiles, perdus sans ressources ? Humblement prosterné devant le trône de votre miséricorde inépuisable, je viens vous demander pour dernière grâce que vous n'en suspendiez pas les salutaires effusions.
Et la sainte Vierge de répondre : Non, non, mes enfants, je n'oublierai jamais et les honneurs que vous m'avez rendus avec tant de dévouement, et les témoi- gnages d'amour filial que vous n'avez cessé de me prodiguer pendant ce mois. Je n'oublierai, ni cette pieuse mère, qui m'a confié les objets de sa tendresse, ses enfants sont devenus les miens : ni ce vieillard, chargé de bonnes œuvres et de mérites, bientôt je viendrai recueillir son âme pour la présenter à mon Fils ; ni ce pécheur, qui a pleuré ces égarements, je sécherai ses larmes et le protégerai contre ses enne- mis : ni ces jeunes gens, qui ont fui le monde pour chercher un abri à l'ombre de mes autels, je les ca- cherai sous mes ailes ; ni ce pauvre qui a puisé dans mes exemples la patience et la résignation, je conti- nuerai de l'assister ; ni ce riche, qui pour me plaire, ouvre si largement sa main et son cœur à ses frères malheureux, je recueillerai ses œuvres. Et toi, mon apôtre, toi si zélé pour mon culte, compte surtout que mon œil vigilant ne perdra jamais de vue aucun mem- bre de mon troupeau, objet de ta vive sollicitude. Et quand, au moment où tu y penseras le moins, quelque pécheur viendra te réjouir en se jetant à tes pieds pour
C LOTIT KE DU MOIS DE MAHÏB .355
implorer sa réconciliation, tu pourras dire : C'est Ma- rie qui me l'envoie ! Non, je n'oublierai jamais aucun de mes enfants : est-ce qu'une mère peut oublier le fruit de ses entrailles ? Parmi mes serviteurs, se trou- vait un jeune homme, parvenu en peu d'années aux plus sublimes vertus ; il ne pouvait contenir la ten- dresse toute filiale que son cœur éprouvait pour moi ; et quand on lui demandait pourquoi il m'aimait tant, cet ange de la terre, regardant le ciel d'un œil où s'épanouissait son amour, répétait cette parole : « La Mère de Dieu est ma mère , comment ne l'aimerais-je pas ? »
Oui, je suis la mère de tous les chrétiens ; et ce titre cher à mon cœur m'oblige ; je ne puis faillir un seul instant aux devoirs qu'il m'impose. Que tous mes en- fants aussi, comme Stanislas, se souviennent que je suis leur Mère. C'est à regret que je les verrai moins assidus près de mon autel ; mais je les suivrai d'un regard vigilant à travers le monde : ils ne livreront pas un combat que je ne me pose entre eux et l' ennemi : il ne se présentera pas un danger, pas un piège, pas un écueil, que je ne les avertisse : ils ne feront pas une seule démarche, que je ne les guide. Qu'ils m'appel- lent sans cesse à leur secours, sans craindre de fati- guer mon inépuisable affection : que toute l'année, que toute leur vie soit un long mois d'hommages conti- nuels ; car ce serait bien mal comprendre mon cœur et leurs besoins, que de s'être bornés à me rendre quelques honneurs passagers, pour m'oublier ensuite. Mais s'ils pensent toujours à moi, toujours aussi j'au- rai soin d'eux . — Telles sont les magnifiques promes- ses que nous fait la Vierge à la fin de ce mois béni : leur accomplissement est infaillible, si de notre côté nous demeurons fidèles à l'honorer.
356 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
Ainsi, vous le voyez, pieux enfants de Marie, la per- sévérance dans son service est maintenant le grand de- voir qui pèse sur vous de presque tout le poids d'un commandement. Oui, vous continuerez à l'aimer, à l'honorer, à la prier.
1° Ses bienfaits vous y obligent : la reconnaissance est le sentiment des grandes âmes : l'ingratitude, au contraire, est un vice ignoble que le monde même ne pardonne pas. lui qui est si indulgent pourtant d'au- tres défauts. Non, vous ne voudrez pas vous en rendre coupables envers la plus généreuse des bienfaitrices, qui vient d'ajouter tant de faveurs nouvelles à celles que vous aviez déjà reçues. Mais vous l'aimerez sans interruption et sans partage, demain comme aujour- d'hui, le mois prochain comme pendant celui où vous venez de lui donner tant de preuves d'un sincère dé- vouement .
2J Vous persévérerez, en vue de rendre votre salut plus certain : il est à ce prix, croyez-le bien : Celui- là seul sera smaé, nous assure Jésus-Christ, qui au- ra persévéré jusqu'à la fia, dans la dévotion à Marie conséquemment. comme dans toute autre pratique chrétienne. Regarder en arrière, après avoir mis la main à la charue, dit-il encore, <?£ serait mon- trer qu'on est paspropre au royaume de Dieu. Mais au contraire, Vierge sainte, pouvuns-nous dire avec un de vos plus zélés serviteurs, saint Alphonse : « Si je persévère à vous aimer, à vous servir, je suis assu- ré de mon salut. Ce que je crains, ma sainte Mère, ce 11'— 1 pas que vous m'abandonniez la première, mais que moi, malheureux et ingrat, je ne vienne peu à peu à quitter votre servie:.
3° Vous persévérerez au moins, mieux serait encore de croître dans l'aimable dévotion pour la >aini<'
CLOTURE DU MOIS OIÏ MARIE 357
Yierge, parce que vous devez, par des efforts géné- reux et constants, l'élever promptement à son plus haut degré pour le moment de la mort : et dans l'in- certitude du temps qui vous en sépare, il n'y a pas un seul instant à perdre. Plus vous vous serez exercés à l'aimer sur la terre, et plus vous aurez alors de droits à l'aimer éternellement au ciel. Chrétiens de tous les âges, de tout sexe, de toute condition, venez donc, venons tous ensemble lui en faire la solennelle protestation .
CONSÉCRATION A MARIE.
Il va finir, ô tendre Mère, ce mois de grâces et de bonheur ! Comme ils se sont vite écoulés, ces délicieux moments que je venais chaque jour passer auprès de votre autel, dans de si doux entretiens avec vous ! mais je veux en garder dans mon cœur le précieux souvenir, et en conserver soigneusement les heureux fruits. Avant de m'éloigner de votre trône, permettez, ô sainte Vierge, que j'y dépose l'humble hommage de ma reconnaissance et la promesse d'une inviolable fidélité. Oui, que ma droite se dessèche, que j'expire ici à vos pieds, si je devais jamais abandonner votre service : il me cause trop de bonheur, il m'est devenu trop nécessaire, pour que je veuille m'en priver. Nous ne viendrons plus ensemble vous offrir ici nos fleurs, nos chants et nos prières ; je ne pourrai plus y appa- raître aussi souvent, mais mon cœur n'y sera pas moins. A vous, ô tendre Mère ! à vous pour toujours, ô Marie ! mes pensées, mes sentiments et mes plus tendres affections : entre nous, c'est à la vie et à la mort. Laissez-nous donc vous dire tous en chœur : Je Val juré.. . (14)
Pratique : Un jour qu'on demandait au jeune Berk- mans quelle était la pratique de dévotion la plus agréa-
358 CLOTURE DU MOIS DE MARIE
ble à la sainte Vierge : « Quelle qu'elle soit, répondit-il, fut-elle même peu importante, elle obtiendra ses fa- veurs, si l'on y est constamment Adèle. »
EXEMPLES
HEUREUX EFFETS DE LA CONSECRATION A MARIE
Yn jeune homme, commis-voyageur, ne respirant que les plaisirs du monde, vivait étranger à toute pra- tique religieuse. La curiosité l'attire un jour dans un sanctuaire de Marie, a la suite de pieux jeunes gens qui venaient renouveler annuellement leur consécra- tion à la sainte Vierge. Tous, à la Messe solennelle, ont le bonheur de s'approcher de la table sainte, et le soir ils se pressaient autour de l'autel de Marie, pour lui renouveler la promesse de marcher toujours sous sa bannière.
Notre jeune commis céda encore à la curiosité de se retrouver à cette cérémonie ; mais il la regardait d'un œil indifférent et presque moqueur. Quand tous eurent fait leur acte de consécration, le Prêtre, pressé par un beau mouvement de zèle, vient le prendre par la main, et le conduisant à l'autel : « C'est maintenant à votre tour, mon ami, lui dit-il ; on ne vient pas ici sans se consacrer à la sainte Vierge. » Le jeune homme tout interdit, se trouble, hésite... Mais le vénérable ecclé- siastique, l'ayant fait tomber à genoux avec lui : « Bonne Mère ! s'écrie-t-il. voici un enfant prodigue que je vous amène, faites-lui sentir la puissance de votre miséri- corde. » 0 prodige de la confiance ! le pécheur est tou- ché, attendri, il sanglote et demande à se confesser. . . Sa conversion, pour avoir été prompte, n'en fut pas moins sincère et durable. Il sut après et toujours allier l'accomplis- :iK-Mî des devoirs chrétiens avec ses courses g affaires. Sa consécration a Marie avait été le
CHEMIN DE LA GR01X 339
principe de son retour à Dieu ; sa persévérance dans le bien en fut le fruit .
Le protégé reconnaissant Un jeune apprenti parisien, fils d'un pauvre ouvrier, voyant sa mère triste et découragée par le manque total d'ouvrage, lui dit un soir : Ma mère, ayez confiance, prions ensemble la sainte Vierge de nous venir en aide. La pauvre femme, qui déjà y pensait, suit l'avis de son enfant ; et quelques jours après, l'ouvrage arrive en abondance. Le mois de Marie touchait à sa fin. Ma mère, dit le fils pieux, nous n'avons pas encore remer- cié la bonne Vierge de nous avoir secourus ; il faudra nous rendre à l'église, mais avant que son Mois ne soit entièrement écoulé ; nous y entendrons la Messe ; puis nous lui ferons un petit présent. Ils vont ensemble sur le marché aux fleurs, y achètent deux jolis rosiers, et viennent les déposer sur l'autel de la Vierge. Du jour où l'ouvrage était revenu, le jeune homme s'était con- tentédepain sec à déjeuner, et, par cette petite économie, il avait amassée de quoi acheter deux rosiers, offrande de sa reconnaissance.
CHAPITRE LU
EXERCICES POUR LE CHEMIN DE LA CROIX
Son origine ; — ses avantages ; — conditions pour
les obtenir
On pourrait appeler Chemin de la Croix, la carrière de la vie présente, hérissée de ronces et d'épines plutôt qu'émaillée de roses, plus remplie de peines, d'afflic- tions, de souffrances que de satisfactions, de joies, de bonheur, ce qui a mérité à notre monde le nom de Val- lée de larmes. N'en soyons ni surpris, ni désolés. De-
360 CHEMIN DE I.A CROIX
puis que par le péché de notre premier père, la terre a été maudite et le ciel fermé, la douleur nous est échue en place de l'innocence perdue, et nous devient la se- mence nécessaire de la gloire céleste .
Mais dans le sens littéral le Chemin de la Croix est cette route pénible que le Sauveur du monde parcourut chargé de l'instrument de son supplice, depuis le Pré- toire de Pilate, où il fut flagellé, couronné d'épines et condamné à mort, jusqu'au sommet du Calvaire, lieu de son crucifiement. Ce chemin royal a été marqué par 12 stations, auxquelles on a ajouté la Descente de la Croix et le transport au Saint-Sépulcre.
La coutume de visiter ces stations remonte à la plus haute antiquité. La très sainte Vierge, les Apôtres et les Disciples de J.-C. firent souvent ce saint exercice afin de se représenter plus vivement, dans les endroits mêmes, les mystères qui s'y étaient accomplis. Nul doute que ces exemples n'aient amené les premiers fidèles à venir aussi méditer et s'attendrir sur les traces encore sanglantes de leur Sauveur.
A mesure que le bienfait de la religion du Christ se répandit sur le monde, de nombreux pèlerins accou- raient des pays même les plus éloignés satisfaire leur dévotion sur ces lieux chéris, quoique alors la foi n'o- sât se produire qu'au péril de la vie . Mais quand la liberté eut été rendue à l'Eglise, on vit affluer sur le théâtre de notre rédemption tout ce que la chrétienté renfermait de plus illustre en puissance, en noblesse, en génie: les Majestés même de L'Empire ne rougirent pas de venir s'humilier et gémir devant le tombeau du Crucifié. Pour encourager cet élan de foi vive, les sou- verains Pontifes enrichirent ce pieux pèlerinage de nombreuses indulgences, dont une au moins était plé- nière.
CHEMIN DE LA CROIX 361
Mais arriva une époque, où, le farouche Musulman s étant emparé des Saints-Lieux, l'accès n'en fut plus aussi facile. Alors on vit l'Occident se former en Croi- sades (croix rouges) qui, au cri de Dieu le veut, vinrent délivrer la Terre-Sainte de son odieuse oppression, et rendre libre le tombeau de Celui qui avait apporté la liberté au monde. A cette époque, durant près d'un siècle, toutes les routes de Jérusalem, et sur terre et sur mer, étaient couvertes de pèlerins, avides de payer au Sauveur, à l'endroit même de ses souffrances et de sa mort, leur tribut d'amour et de reconnaissance. Mais bientôt les Saints-Lieux étant retombés au pou- voir des Sarrazins, la visite en redevint extrêmement difficile. Pour se dédommager de cette privation, de pieux fidèles imaginèrent de reproduire les stations du Calvaire par des représentations figuratives. In- sensiblement, cette Dévotion se propagea et s'établit dans les églises, surtout lorsque les Papes Clément XII et Benoit XIV eurent accordé à ceux qui parcou- raient ces stations toutes les indulgences plénières et partielles dont jouissaient les pèlerins qui visitaient les Saints-Lieux eux-mêmes.
Telle est l'origine du Chemin de la Croix, ainsi qu'il existe et qu'il se fait maintenant dans presque toutes les églises du monde catholique.
Cette Dévotion semble avoir été réservée à notre siècle pour ranimer les sentiments de foi, de piété qu'elle est si propre à produire dans le cœur, par la méditation des différentes scènes du Calvaire. Chaque fidèle a donc actuellement près de son foyer, et comme sous la main, les avantages précieux qu'autrefois il fallait aller chercher avec peine dans un pays éloigné. Sachons mettre à profit une Dévotion si féconde en résultats éminemmenl salutaires. Venons souvent pui-
M62 CHEMIN DE LA CHOIX
ser dans cet immense trésor, pour toutes nos dettes, pour toutes nos nécessités, pour celles de nos frères vivants et défunts . Ne mourons pas de détresse auprès des sources de la vie.
C'est pour favoriser la piété des fidèles dans cet Exercice, et les aider à en recueillir les riches faveurs, que nous leur présentons plusieurs Formules de con- sidèrations et affections découlant comme d'elles- mêmes de diverses circonstances de la Passion, mais qui ne sont pas toujours facilement saisies par les per- sonnes ordinaires. Parmi les dispositions et les sen- timents qui doivent être habituels dans le cœur du vrai chrétien, nous avons choisi ceux que les diffé- rentes scènes du Calvaire sont plus propres à exciter ; et nous en faisons le sujet d'un Exercice spécial. Les considérations sur la passion et la mort de notre bon Sauveur, étant ainsi concentrées sur un seul point, ne peuvent que produire un effet plus assuré : vis unit" forttor. Ainsi chaque Exercice, surtout en présence du tableau qui parlera aux yeux, deviendra en même temps pour le plus simple fidèle un Livre où il pourra lire ce qu'il lui importe le plus de savoir, et acquérir cette science, la seule que saint Paul ambi- tionnât, comme pouvant remplacer toutes les autres. C'est au pied de la Croix, que tant de saints et de grands génies ont puisé la science du salut. On cite entre autres saint Bonaventure. Du temps qu'il ensei- gnait la théologie à Paris avec un grand succès, et qu'il s'attirait l'estime et l'admiration universelles par ses savants ouvrages, saint Thomas d'Aquiu, étant venu le voir, lui demanda dans quels livres il puisait tant de science. Alor< saint Bonaventure le conduisit dans sa chambre d'études, et lui montra quelques livres qui étaient sur sa table. Mais, connue le savant
CHEMIN DK LA CROIX 1303
visiteur ne pouvait croire que ces livres très ordinaires lui communiquassent des connaissances aussi merveil- leuses, le Saint le fit entrer dans un petit oratoire où il n'y avait qu'un crucifix : « Voilà, mon Père, lui dit-il, le livre principal d'où je tire tout ce que j'écris, tout ce que j'enseigne. » — Combien d'hommes qui, après avoir longtemps étudié, savent peu de chose ; tandis que le simple fidèle, attentif à recueillir les sublimes et utiles leçons que donne la Croix, acquiert la science, sinon la plus vaste, du moins la plus utile, la science de devenir saint.
Mais le Chemin de la Croix renferme encore un autre avantage singulièrement précieux, c'est le gain des Indulgences qui y sont attachées tant pour celui qui le fait que pour les défunts à qui elles sont applica- bles. Par cette Dévotion facile, on peut donc payer à la justice divine toutes les dettes dont on lui est redevable, et en même temps par le soulagement où l'entière délivrance que l'on procure aux défunts, s'ac- quitter soi-même de ce que la justice, la reconnais- sance, la charité imposent envers eux.
Il nous faut indiquer maintenant les conditions à remplir pour participer au bienfait des Indulgences dont sont enrichies les Stations du Chemin de la Croix.
1° Il n'est pas nécessaire, comme pour les autres indulgences, qu'on ait communié ce jour-là ; mais il faut être en état de grâce. Néanmoins, quand on ne jouirait pas de ce bonheur, le Chemin de la Croix ne peut- être que très salutaire par la méditation des souf- frances et de la mort de notre charitable Sauveur.
2° 11 faut parcourir les 14 Stations tout d'un trait : ne serait permise qu'une interruption légère, qui ne détruirait pas l'unité morale de Y Exercice (S. Congr. 14 décem. 1857).
'A*'û CHEMIN DE LA CROIX
3° L'essentiel est de méditer quelques moments, selon sa capacité, sur la passion de Jésus-Christ, et mieux sur la scène représentée par chaque Station : on peut s'aider des formules qui se trouvent dans les livres .
i II n'est pas rigoureusement nécessaire de réciter à chaque Station le Pater, YAve, et autres petites prières d'usage. Adoremus te... Mais cette pratique est très convenable, et aide singulièrement, surtout les gens simples, à bien faire le Chemin de la Croix. Nous en disons autant des G Pater, Ave et Gloria. . . à la mi.
5° Quelque rapprochés que soient les tableaux, on doit changer de place, pour aller d'une Station se mettre à genoux à la suivante. Ce mouvement, néan- moins, n'est pas de rigueur lorsqu'une infirmité, le grand nombre des assistants ou quelque autre raison s'y opposent. Il suffit de faire un léger mouvement à sa place, et de se tourner successivement vers chaque Station, s' unissant d'intention à celui qui préside.
6 A défaut d'images, ou dans l'impuissance d'aller là où le Chemin de la Croix est canoniquement érigé, on peut y suppléer avec un Crucifuc bénit à cette fin. et portant en relief l'image du Christ. On le tient dans ses ma 3, A L'on récite quatorze Pater et Ave\ en- suite cinq autres Pater et Ace. avec autant de Gloria Pnt ri: enfin un Pater, Ave et Gloria Patri pour le Souverain Pontife.
Tj Le Chemin de la Croix étant enrichi de nom- breuses Indulgences, s'oit plénières , soit partielles chacun peut, en remplissant ce pieux exercice, dans l'heureux étal de grâce, s'approprier celles qu'il désire pour Lui-même, el appliquer les autres à telle ou telle une défunte.
Cil KM IN DE LA CHOIX 363
PRATIQUES
Commencer (si Ton veut) par :
0 Crux, ave, spes unica, Ynindi sains et gloria, Auge piis justitiam, Reisque dona veniam.
et une des Prières avant chaque Exercice ci-après. Arrivé devant le tableau, faire une inclination profonde et dire :
v. Nous vous adorons et nous v. Adoramus te, Chrisle, et
vous bénissons , Seigneur : benedicinms tibi : y. Quia per
r\ Parce que vous avez ra- sanctam Crucem tuam rede-
cheté le monde par votre .sainte misti mundum. Croix.
Après V Exhortation :
Notre Père. . . Je vous salue. . . Pater noster. . . Ave Maria . . .
Gloire soit au Père... Gloria Patri...
t. Ayez pitié de nous, Sei- v. Miserere nostri, Domine;
gneur; r. Ayez pitié de nous. r. Miserere nostri.
t. Que par ia miséricorde t. Fidelium animae per mi-
de Dieu, les âmes des fidèles sericordiam Dei requiescant in
trépassés reposent en paix. pace. r. Amen.
r. Ainsi soit-il. t. Sancta Mater, islud agas,
Faites, ô Mère toute sainte, Crucifixi flge plagas, Cordi
que les plaies de Jésus cruci- meo valide, lié restent profondément gra- vées dans mon cœur.
Et, si Von veut, un des couplets suivant sur Vair :
VOUS QUI VOYEZ COULER MES LARMES
En allant à la lre. Seigneur, malgré votre innocence :
C'est moi, cruel, qui vous livre au trépas.
Se peut-il que votre vengeance
De ses traits {bis) ne m'accable pas!
A la 2°. Helas! sous cette Croix pesante,
Divin Agneau, vous portez nos péchés; C'est sur votre chair innocente Que l'amour (bis) les tient attachés.
A la 31'. O ciel ! le Dieu de la nature
Tombe affaibli sous son cruel fardeau;
Et sa perfide créature,
Sans pitié [bis) devient son bourreau.
3(36 CHEMIN DE LA CROIX
À la 4e. Où allez-vous, divine More ?
Où allez-vous, Marie ? Ah ! je frémis : Bientôt sur ce triste Calvaire, Va mourir (bis) votre cher Fils.
A la 5e. Puisque c'est moi qui suis coupable,
Retirez-vous, faible Cyrénéen. Je veux seul, ô Croix adorable ! Vous porter (bis), mais en vrai Chrétien.
A la 6e. Seigneur, hélas! qu'est devenue
Votre beauté qui réjouit les Saints? Faibles mortels, à cette vue Serez-vous (bis) endurcis et vains ?
A la 7e. Sous les coups des bourreaux perfides,
Jésus-Christ tombe une seconde fois : Et ces infâmes déicides Le voudraient (bis) déjà sur la Croix.
A la 8\ Ne pleurez point sur mes souffrances;
Pleurez sur vous, ô filles d'Israël 1 Afin que le Dieu des vengeances Ait pour vous (bis) un cœur paternel.
A la 9e. Seigneur, vous tombez de faiblesse:
N'êtes-vous plus le Dieu puissant et fort? C'est le péché qui vous oppresse, Et conduit (bis\ vos pas a la mort.
A la 10e. Venez et déployez vos ailes,
Anges du ciel, sur votre Créateur,
Voyez ses blessures cruelles
Et ce corps (bis) percé de douleur.
A la 11e. Que faites-vous, pleuple barbare ?
Vous allez donc consommer vos forfaits î
Ce bois est le lit qu'on prépare
A Jésus (bis) pour tant de bienfaits.
A la 12e. Le soleil, a ce crime horrible,
Voile l'éclat de son front radieux, Et la créature insensible Ne peut voir (bis) ce spectacle affreux.
A la 13'. Le voilà donc, Hère affligée,
Ce tendre Fils, meurtri, sacrifié : Notre Victime est immolée, Votre Amour (bis) e&t crucifié.
CHEMIN DE LA CHOIX 367
A la l'r. Près de cette tombe chérie,
Je veux mourir de douleur et d'amour, Pour y puiser une autre vie, Et voler [bis] au divin séjour.
En retournant à V autel : Seigneur, dans mon âme attendrie, Gravez les maux qu'on vous a fait souffrir, Et vous, ô divine Marie! Hâtez-vous (bis) de nous secourir.
Quand on fait le Chemin de la Croix en particulier, il est mieux de suivre cette même méthode, excepté 0 Crux, ave.., Sancta Maria... et le Cantique. Mais à la rigueur, il suffit, après une Prière préparatoire devant l'autel, de s'exciter à quelques affections pieuses devant chaque tableau, et d'y dire au moins un Pater et un Ave.
PREMIER CHEMIN DE LA CROIX
ORAISON PRÉPARATOIRE
Aimable Sauveur, infiniment bon, prosternés à vos pieds, et le cœur repentant, nous reconnaissons devant votre divine Majesté que nous sommes pécheurs. C'est pour les expier que nous venons nous joindre à vous dans ce pénible voyage que vous avez fait du Prétoire de Pilate au Calvaire, chargé de votre croix.
C'est de vous, 'Seigneur, que nous attendons le mérite
de ce saint exercice et surtout celui des indulgences
qui y sont attachées tant pour nous que pour les âmes
du purgatoire.
lre STATION
JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT
Jésus avait été trahi par son perfide apôtre, le traître Judas, les Juifs s'étaient emparé de sa personne ado- rable et l'avaient amené devant Pilate comme un cri- minel. Malgré la déposition des faux témoins qu'ils
36S CHEMIN" DE LA CROIX
avaient gagnés, ce juge le reconnut innocent. Mais la crainte des Juifs et le désir de conserver l'amitié de César font tomber de ses lèvres une sentence de mort contre cette innocente victime. Grand Dieu, quelle in- justice dans cette condamnation! Quelle lâcheté dans ce juge ! A cette vue qui de nous ne se sent saisi d'in- dignation. Mais prenons garde, pécheurs, car ce sont nos iniquités qui ont provoqué cette injuste sentence. 0 bon Jésus ! pardonnez-les-nous, oui faites grâce aux repentirs.
2e STATION
JÉSUS EST CHARGÉ DE SA CROIX
Que les méchants sont prompts à faire le mal ! A peine Pilate a-t-il prononcé l'arrêt de mort contre Jésus, que de suite les bourreaux s'emparent de sa personne et le chargent de sa croix, instrument de son supplice. Non seulement Jésus l'accepte cette croix, mais il l'embrasse avec joie, tant il a hâte d'expier sur elle les péchés du monde .
C'est ainsi, o mon divin Sauveur, que vous avez voulu apprendre aux pécheurs à porter aussi la leur. Et quelle est donc la croix d'un pécheur qui veut ex- pier ses fautes? C'est la peine de les rechercher, le re- gret de les avoir commises, la honte de les accuser, les efforts pour s'en corriger. Ah! que comme vous, ô mon Jésus, nous acceptions cette croix, et elle deviendra l'instrument de notre pardon et de notre réconciliation avec Dotre Dieu.
STATION
JESUS TOMBE UNE lre FOI- SOUS SA CROIX
Jésus chargé du lourd fardeau de sa crob
sur la route du Calvaire. Les coups de fouets qui oui mis en lambeaux sa chair sacrée, les épiuesqui
CHEMIN DE LA CROIX 369
ont percé son chef adorable, Font tellement affaibli que bientôt il succombe sous le poids qui l'accable. Ici, re- cueillons-nous un instant. Jésus épuisé tombe, mais il tombe sous le fardeau de sa croix. Et vous, jeunes gens, combien de fois résistant aux grâces de Dieu, aux bonnes remontrances d'un père , aux sages con- seils d'un confesseur, n'êtes-vous pas tombés aussi dans la voie du crime. Eh bien ! cette lre chute de Jé- sus est pour expier ces fautes de votre jeunesse . Avec lui pleurez-les donc et priez-le de vous fortifier dans le chemin de l'honneur, de la vertu et du ciel. 4e STATION
JÉSUS RENCONTRE SA MERE
Dans jle chemin du Calvaire, il fallait que rien ne manquât aux souffrances de l'Homme-Dieu. Après s'être relevé au milieu d'une foule immense qui l'acca- blait d'injures et de mauvais traitements, Jésus s'a- vançait lentement vers le Golgotha. Tout à coup il rencontre sa tendre Mère, ô Dieu ! Quelle rencontre ! C'est à peine, dit saint Anselme, s'il eut la force de lui dire : Salve, Mater : Adieu, ma Mère. Quant à Marie, elle ne put prononcer une seule parole, tant son cœur était en proie à toutes les angoisses.
Ce qui se passa alors dans le cœur du Fils et celui de la Mère nulle bouche ne saurait l'exprimer. Vous seules, ô mères chrétiennes, qui avez été témoins des souffrances et de la mort de votre bien-aimé fils, de votre fille chérie, pourriez nous dire les pénibles émo- tions de cette scène déchirante.
O Marie ! c'est ici que vous commencez à mériter le titre de Mère de douleur. Désormais vous ne quitterez plus Jésus, vous parcourerez avec lui la voie du Cal- vaire, avec lui vous expierez nos péchés. Voilà pour- quoi vous serez appelée le refuge des pécheurs.
370 CHEMIN DE LA CHOIX
5e STATION
SIMON LE CYRÉNÉEN AIDE JÉSUS A PORTER SA CROIX
Divin Sauveur, il faut donc que toutes les amertumes, vous soient réservées. On vous éloigne de votre mère, vos disciples vous abandonnent, aucun d'eux ne se présente pour vous soulager, c'est un étranger qui aura l'insigne honneur de porter votre croix et de monter avec vous au Calvaire. Encore faudra-t-il l'y contraindre, parce qu'il ne comprend pas la grâce que vous lui faites. Oh ! nous tous, qui comme le Cyrénéen refusons de porter les croix que Dieu nous envoie, écoutons la kçonque Jésus nous fait. Quiconque, nous dit-il, veut venir avec moi et après moi, qu'il prenne sa croix et me suive, elle est le chemin du ciel.
6* STATION
UNE FEMME PIEUSE ESSUIE LA FACE DE JESUS
Aidé du Cyrénéen Jésus avait repris courage, et continuait sa route. Mais dans quel état se trouvait le le plus beau des enfants des hommes. La tradition nous le représente les vêtements en lambeaux, le corps meurtri, le visage couvert de sueur, d'ordures et de sang. Touchée de ce triste état, une femme courageuse nommée Véronique se précipite à travers la foule des soldats et des bourreaux et essuie la face adorable de Jésus. Et pour récompense de cette action héroïque, cette face reste empreinte sur le linge dont elle s'était servi.
Oh ! comme la conduite de cette femme condamne ces timides personnes, qui n'osent se montrer disciples de l'Homme-Dieu. Pour nous, imitons-la, aimons Jésus, servons-le à la face du monde entier sans rougir de lui, el à notre dernière heure, il nous reconnaîtra pour
CHEMIN DE LA CROIX 371
ses enfants, et il nous donnera une part à son héritage céleste.
7e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA 2me FOIS SOUS SA CROIX
Plus l'aimable Jésus avance vers le Calvaire, plus ses forces l'abandonnent à cause du sang qui s'échap- pait de ses plaies. Aussi tombe-t-il une deuxième fois la face contre terre. Dans sa première chute il a voulu ex- pier les fautes de notre jeunesse, dans cette seconde il expie celles de l'âge mûr. Hélas ! tout le temps que nous serons sur la terre, nous aurons bien des chutes à dé- plorer. Une triple concupiscence nous assiège; l'ange de ténèbres travaille à notre perte avec mille fois plus d'ardeur que nous ne travaillons à notre salut; le monde, avec ses scandales, cherche à nous entraîner dans ses plaisirs ; tout en nous conspire contre notre innocence. Si donc malgré tous nos efforts il nous ar- rive de tomber, gardons-nous de dire comme Caïn : mon iniquité est trop grande pour que je puisse en ob- tenir le pardon . Mais avec le prophète David souve- nons-nous que le Dieu d'Israël a dans ses trésors de grandes miséricordes pour les grands pécheurs.
8- STATION
JÉSUS CONSOLE LES FILLES DE JÉRUSALEM
En gravissant le Calvaire, Jésus aperçoit les pieuses femmes qui avaient eu soin de lui et qui se lamentaient sur l'état déplorable où il était réduit. Alors oubliant ses souffrances, il se tourne vers elles et leur dit : filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez plutôt sur vous et sur vos proches . Femmes chrétien- ne, Jésus vous dit la même chose : ne pleurez pas sur moi. Et pourquoi ? Ah ! c'est qu'il existe un mal plus grand. Ce mal est le péché si commun de nos jours.
ôTi CHEMIN DE LA CHOIX
La prière est méconnue, partout le dimanche est pro- fané, les églises sont désertes, les sacrements aban- donnés, les crimes les plus inouies jusqu'à présent couvrent la terre et crient vengeance. Pleurez-les donc amèrement, faites-les cesser, et Dieu fera des- cendre du ciel la miséricorde.
9e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA 3e FOIS SOUS LA CROIX
Le divin Sauveur allait atteindre le sommet du Cal- vaire où il va être crucifié. Tout à coup se présente à son esprit attristé l'endurcissement de ces vieillards, qui depuis longues années et avec une opiniâtreté ef- frayante résistent aux douces invitations de la grâce et qui par là finiront par rendre inutile le prix de ses souffrances et de sa mort.
A cette vue, son esprit se trouble, une défaillance semblable à celle du jardin des Oliviers s'empare de lui, et il tombe une 3e fois baigné dans son sang. Mais à peine est-il renversé, que ses bourreaux se précipitent sur lui et l'accablent de coups jusqu'à ce qu'il se relève et achève sa route.
Vieillards, s'il vous est arrivé de tomber aussi, rele- vez-vous également par les larmes de la pénitence, fortifiez-vous par la sainte communioD et comme Jésus vous parviendrez après votre mort au bonheur éternel.
10e STATION
JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES VETEMENTS
De chutes en chutes, Jésus est enfin arrivé au lieu de son supplice ; aus-itôt les bourreaux s'empressent de tout préparer pour l'attacher à la croix. Ils brisent ses chaîne-, lui arracherrl - liés sur ses os,
et renouvellent ainsi les plaies delà flagellation. Et
CHEMIN DE LA CROIX 373
pourquoi donc oter à. Jésus ses habits et l'exposer dans ce honteux état aux regards de la multitude ? Ah ! c'est que Jésus voulait expier ces pensées, ces désirs déré- glés que notre esprit entretient avec plaisir, ces liber- tés criminelles que l'on accorde à ses yeux, à ses mains, à son malheureux corps et qui sont de mode aujour- d'hui.
0 mon divin Sauveur ! puisque ces impuretés vous ont causé tant de douleurs et de honte, serons-nous encore assez peu réservés pour en commettre de nou- velles ? Non, à vos pieds nous en prenons la résolution. Désormais donc nous respecterons notre corps et celui de nos semblables .
11e STATION
JÉSUS EST ATTACHÉ A LA CROIX
Voyez-vous le Fils de Dieu étendu sur son lit de douleur, la croix ? Entendez-vous les coups de mar- teau qui fixent ses mains et ses pieds à l'infâme gibet ? Apercevez-vous le sang innocent qui coule de toute part ? Voyez- vous cette croix qui se dresse entre le ciel et la terre pour les réconcilier ? 0 mon Dieu, les paroles me manquent pour exprimer votre douleur, aussi je me tais, je me prosterne et j'adore.
12* STATION
JÉSUS MEURT SUR LA CROIX
Que vois-je? un Dieu attaché à la croix! Qu'entends- je ? La voix du divin crucifié remettant son âme entre les mains de son Père, demandant pardon pour ses bourreaux, et rendant le dernier soupir ! Chrétiens, Jésus est mort. Et pourquoi est-il mort ? Pour vous et pour moi . Qui l'a fait mourir ? Nos péchés, la justice de son Père, son amour pour nous. Ah ! que le péché
l\~\ CHEMIN DE LA CROIS
est donc quelque chose d'affreux î Que la justice de Dieu est rigoureuse ! Que l'amour de Jésus est grand et géné- reux ! Aimons-le donc à notre tour ce bon Jésus. Te- nons-nous au pied de sa croix, baisons ses plaies, recueillons le sang qui en découle . Puisse-t-il purifier notre àme et la rendre digne du ciel.
13e STATION
JÉSUS EST DESCENDU DE LA CROIX
Qui ne serait touché de compassion à la vue de Marie recevant dans ses bras le corps inanimé de son divin Fils ? Quelle douleur pour une mère à l'aspect de de ce visage pâle, sanglant et défiguré, de ses yeux éteints, de cette bouche fermée, de ce côté ouvert, de ces mains et de ces pieds percées. C'est donc bien maintenant que l'on peut dire que le cœur de Marie a été percé de sept glaives de douleur. Cependant Marie se receuille un instant, puis elle répète avec le saint homme Job les paroles de la soumission : le Seigneur me l'avait donné, le Seigneur me l'a ôté, que son saint nom soit béni.
Admirable exemple de patience et de résignation ! Imitez-le. parents chrétiens, lorsque la mort impi- toyable vient ravir à votre affection un de vos enfants chéris, et vous aussi, époux et épouses, quand cette même mort vient vous séparer l'un de l'autre.
14e STATION
JÉSUS EST DÉPOSÉ DANS LE SÉPULCRE
Que L'on est bien au St Sépulcre. Dans le monde tout esl danger : son commerce, ses maximes, ses exemples, l'air qu'on y respire, tout est contagieux pour l'âme. Difficilement en le fréquentant on se préserve de toute corruption.
CHEMIN DE LA CROIX 375
Ici, près du tombeau du Sauveur, on est ce que saint Paul veut que l'on soit On est chrétien, mort au monde, uni à Jésus-Christ et à Dieu, son Père. Ici on est à l'abri de tout danger pour l'àme : le vent dessé- chant des passions ne se fait pas sentir.
Ici on voit la futilité, le néant des plaisirs, des hon- neurs, des richesses. Venons donc souvent méditer ces vérités auprès du tombeau de Jésus, venons-y enseve- lir nos iniquités, nos convoitises, afin que mourant à toutes ces choses d'ici-bas nous méritions une fin heureuse et que nous ayons le bonheur de contempler Jésus-Christ dans les splendeurs de sa gloire.
SECOND EXERCICE
Pour demander la conversion des péchemrs et les exciter à la confiance.
0 Verbe divin ! quel ne fut pas votre amour, d'avoir quitté le sein de la gloire et revêtu notre nature mor - telle, pour venir racheter et sauver tous les hommes ! C'est dans ce dessein que vous avez subi les humilia- tions les plus accablantes, les plus affreux tourments, la mort enfin sur l'infâme gibet de la Croix. Combien, néanmoins, qui ne veulent pas de ce salut que vous êtes venu leur apporter, qui, après s'être éloignés de vous par le péché, y croupissent avec la plus glaciale indifférence ! Ah ! daignez éclairer leur esprit, toucher leur cœur, les amener au repentir, afin qu'ils soient dignes du pardon ? C'est la grâce que je viens vous demander, au nom du sang répandu pour le salut de tous.
376 CHEMIN DE LA CROIX
1- STATION
COSDAM N ATION .
Vous êtes venu, ô Jésus : non pour la condamnation d'enfants coupables, mais pour les y soustraire en vous laissant condamner à leur place. Oh ! qu'une si grande miséricorde et la multitude de vos souffrances ne soient point perdues pour tant de pécheurs assis dans les ombres de la mort ; qu'ils se convertissent et qu'ils rivent ! Eternellement réprouvés, ils souffri- raient pour satisfaire à votre j ustice, mais en maudissant vos rigueurs, en blasphémant votre saint Nom. N'ai- merez-vous pas mieux qu'ils chantent déjà sur la terre votre infinie miséricorde, et qu'ils vous louent au ciel dans l'éternité ?
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Cette Croix sur laquelle l'amour va vous immoler, ô Jésus ! avec quel généreux dévouement vous l'avez chargée ! c'est qu'elle était l'instrument de la réconci- liation des hommes avec votre Père céleste. Puisse-t- elle opérer cet effet salutaire sur ces cœurs endurcis que votre grâce n'a pu toucher jusque-là ! Ne vous rebutez pas de leur résistance et de leur délai. N'êtes- vous pas le Dieu aussi patient que fort? Mais prends bien garde, pécheur, d'en abuser ! prête l'oreille à cette effrayante menace du Seigneur : Je t'ai appelé et tu as été sourd à ma voix; je t'ai cherché et lu m'as fui : un jour tu m'appelleras, et je ne Vécou-
pas, tu me cher i tu ne n
point; je me rirai de toi. et tu mourras dans ton péché. Ah ! pendant qu'il en est temps, épargne-toi un aussi malheureux sort.
CHEMIN DE LA CHOIX 377
3e STATION
lre CHUTE.
Cest pour appeler non pas les justes, mais les pé- cheurs à la pénitence que vous êtes verni, ô chari- table Sauveur ! Tant de fois, vous vous êtes fatigué à courir par les monts et les vallées après la brebis égarée, laissant là les autres restées fidèles. Vous sembliez mettre votre gloire à rechercher les plus grands cou- pables. L'excès de leurs désordres, loin de vous rebu- ter, ne faisait qu'enflammer votre zèle et accroître vo- tre amour pour le salut. Lévi, Madeleine, la femme adultère, l'enfant prodigue, le larron, Saul Font heu- reusement éprouvé. Ah! daignez , Seigneur, accorder la même faveur à tant d'autres tombés aussi; oui, qu'à votre exemple, ils se relèvent pour marcher d'un pas ferme dans les sentiers de la justice !
4e STATION
RECONTRE DE MARIE.
Qui pourra jamais comprendre, ô Marie ! l'immen- sité de vos douleurs, quand, accourue vers votre cher Fils, vous le vîtes garroté, tout meurtri, entre les mains d'une soldatesque à l'œil féroce, qui le traînait au supplice des scélérats ? Mais elle doit être bien au- trement vive, votre affliction, à la vue de tant de pé- cheurs si chèrement rachetés, et qui s'obstinent à se perdre ! Ils sont vos enfants, et d'autant plus dignes de votre tendresse, que leur malheur est plus grand et leurs iniquités plus abominables. Vous qui êtes si pure, ne voudrez-vous pas les voir disparues au plus tôt ? Bonne Mère, vous aiderez leur désir naissant , vous les toucherez de repentir et les conduirez à votre Jésus, pour conclure avec lui le traité de leur récon- ciliation.
PARAPHRASE. — T. H. 22
378 CHEMIN DE LA CHOIX
5e STATION
LE CYRÉNÉEN.
Vous fûtes faible, Seigneur, sur la voie du Cal- vaire, et vous avez éprouvé l'appui d'une main mor- telle. Maintenant que dans la gloire vous êtes le puissant Maître des cœurs , comme autrefois vous terrassâtes Paul sur le chemin de Damas, brisez aussi la dureté de ces pécheurs qui ne sentent pas même l'excès de leur misère, et qui n'ont que nous pour im- plorer du secours. Sur la terre déjà, vous étiez si prompt à exaucer les vœux que la charité et la foi portaient à vos pieds pour toute espèce de besoins : n'auriez-vous plus au ciel cette même bonté ?
6* STATION
VÉRONIQUE.
Les pécheurs pour lesquels je vous implore, ô Jésus î ont par leur crime défiguré en eux et souillé votre image : tel est un des effets du péché, de rendre hi- deuse'et dégoûtante l'âme qui en est tachée : on recu- lerait d'effroi, si elle "apparaissait dans toute sa laideur. Les larmes du repentir, jointes à votre sang, peuvent seules lui rendre son lustre. David en détrempait son pain, en arrosait sa couche. Saint Pierre en répandit de bien amères ; elles leur obtinrent le pardon . O cha- ritable Sauveur ! accordez cette même grâce à nos frères coupables , pressez-les intérieurement, comme Véronique, de purifier en eux votre image : ainsi mé- riteront-ils de vous contempler un jour dans toute votre radieuse beauté.
7e STATION
2e CHUTE.
Ne semble-t-il pas, ô Jésus ! que vous multipliez \. -s chutes, pour que le pécheur soit moins déconcerté
CHEMIN DE LA CHOIX J7'J
de ses faiblesses ? Peut-être auriez- vous permis dans ce but que les anges aux côtés de Dieu tombassent de leur sublime hauteur ; qu'au paradis terrestre la nature innocente de nos premiers parents se fût laissée séduire ; et qu'en votre compagnie même il se trouvât un traître et un renégat ? Si ces chutes profondes doi- vent nous faire tout craindre de notre fragilité, n'ont- elles pas aussi de quoi relever la confiance en Celui qui la connaît? Gardez-vous donc bien, infortunés pé- cheurs, de pousser le cri satanique de Gain : Mon péché est trop grand, pour que f en obtienne le par- don : ce serait vouloir le sort du malheureux Judas !
8e STATION
FILLES DE JÉRUSALEM.
0 débonnaire Jésus ! sur la voie douloureuse vous oubliez vos propres souffrances pour consoler d'autres douleurs. Soyez donc aussi le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation envers les pauvres pé- cheurs. Et qui mieux que vous peut les leur donner? Dans l'affliction un véritable ami essaie de consoler son ami ; mais c'est une consolation qui laisse toujours un grand vide dans le cœur, surtout si le péché le met dans votre haine : car il ri y a point de paix pour ï impie. Vous seul, ô Jésus ! possédez le secret de cal- mer les angoisses d'un cœur coupable, en y versant le bienfait du pardon : purifié par votre grâce, il goûtera les consolations de votre amitié et ensuite les douceurs de votre service,
9e STATION
3e CHUTE.
Parce que les hommes ne devaient pas cesser de vous offenser, ô Jésus ! vous ne mettez point de bor- nes à vos humiliations, à vos souffrances : vous voilà
380 CHEMIN DE LA CROIX
défaillant , abattu , renversé de nouveau sous votre lourde Croix ; et vous recueillez vos forces pour courrir à la mort qui doit nous racheter. Nul ne vous égale en bonté? Quel pasteur se dévoue ainsi au salut de ses brebis? Cet excès d'amour ne commande-t-il pas de plus en plus l'espérance, même dans l'excès des éga- rements? Serait-on excusable de ne pas en sortir au plus tôt pour venir se jeter entre les bras de votre mi- séricorde !
ÎO- STATION
JÉSUS DÉPOUILLÉ DE SES HABITS.
La Croix devait être pour vous, ô Jésus î non-seu- lement un lit de souffrances, mais encore l'instrument de tous les genres d'opprobres : et déjà ici, on vous y prépare ; car , outre la douleur cuisante que vous éprouvâtes quand on vous arracha vos habits collés sur votre chair en lambeaux, quelle dut être votre ignominie de paraître en cet état de nudité aux regards de cette foule immense de spectateurs ! Après cela, pourriez- vous, pécheurs, hésiter encore de venir faire à un homme l'humiliant aveu de vos faiblesses, sachant d'ailleurs que le pardon n'est qu'à ce prix ; mais aussi qu'il est assuré au cœur qui se repent et s'hu- milie ? O mon Dieu ! donnez-leur ce courage que vous exigez.
11e STATION
JÉSUS ATTACHÉ A LA CROIX.
Après vos vêtements, ô Jésus ! on vous demande vos membres ; avec des clous aigus, on vous fixe à la Croix par les pieds et par les mains, et de ces larges bl res le sang ruisselle avec abondance. Dans l'ancienne Loi, le sang des victimes, qui n'était que figuratif du vôtre, avait la vertu de purifier des impuretés légales.
CHEMIN DE LA CROIX 381
Quelle doit donc être l'efficacité du sang divin î Non, nulle iniquité n'est si grande, nuls crimes si nombreux, qu'ils ne puissent y être lavés. Qu'il retombe donc sur les pauvres pécheurs ce sang non pour les accuser, mais pour les justifier.
12e STATION
JÉSUS MOURANT SUR LA CROIX.
Vous avez dit, ô Jésus ! qu'à peine quelqu'un trou- verait en soi le dévouement de mourir pour un ami ; et vous, ô Sauveur généreux, vous expirez sur un gi- bet pour des ennemis : votre charité va même jusqu'à demander grâce pour ceux qui vous y attachent : au premier cri de confiance poussé par un voleur, vous lui donnez l'assurance du pardon : ainsi l'aviez -vous déjà fait envers de grands coupables. Evidemment, votre bonheur est de pardonner. Que ne doivent donc pas espérer les pécheurs les plus criminels ! Ce n'est donc plus le pardon que je vous demande pour eux, mais la salutaire pensée et le courage de venir le chercher : et votre mort leur deviendra le principe de la vie .
13e STATION
JÉSUS DESCENDU DE LA CROIX.
Quel martyr ce dut être pour votre cœur, ô Marie? de recevoir dans vos bras le corps inanimé de votre cher Fils, de voir de tout près ses yeux éteints, son visage livide, ses mains et ses pieds horriblement déchirés, la large plaie de son côté, tout son corps en lambeaux ! Vous trouviez, néanmoins, quelque adou- cissement à votre douleur dans l'espérance d'une résurrection glorieuse qui vous rendrait vivant ce cher objet de votre dilection. Puis-je nourrir ce même espoir à l'égard des pécheurs ? Oui , bonne Mère,
:î82 chemin de la croix
vous en convertirez ; et aussi généreuse que Jésus, vous excuserez leur ignorance et vous solliciterez leur pardon .
14e STATION
JÉSUS MIS AU TOMBEAU.
Quand votre ami Lazare , ô Jésus ! s'endormit du sommeil de la mort, vous fîtes un long voyage pour le rappeler à la lumière : et tandis qu'au sépulcre votre corps goûte an sommeil semblable, votre sainte àme va annoncer à des âmes aimées leur délivrance : preuve nouvelle de votre brûlant désir de rendre aux captifs la liberté, aux morts le bienfait delà vie. Les pécheurs, hélas ! dorment aussi d'un sommeil de mort, ensevelis profondément dans le tombeau de leurs iniquités. Vous ne voudrez pas les y laisser en repos ; mais de cette voix puissante qui réveilla Lazare, vous secouerez leur engourdissement et les ferez revivre. — Que ce soit là pour quelques-uns le résultat heureux des vœux que nous venons de vous adresser !
TROISIEME EXERCICE
CONSIDERATIONS
SUR L ENORMITÉ DU PÉCHÉ, POUR S'EXCITER A LE DÉ- TESTER ET A LE CRAINDRE.
Soyez mille fois béni, ô mon Dieu ! vous avez rompu les liens qui me tenaient captif sous le dur esclavage du péché ; et toute mon attention maintenant doit être de conserver cette heureuse liberté qui méfait votre ami et comble mon cœur de joie. Mais, pour avoir du péché toute l'horreur qu'il mérite, je ne saurais trop comprendre quelle en est la malice et l'énormité. Ah !
CHEMIN DE LA CHOIX 383
si je le voyais tel qu'il est, je mourrais de confusion de l'avoir si facilement commis, et rien ne me coûterait pour m'en préserver à jamais. C'est afin de me péné- trer plus profondément encore de ces sentiments, que je viens méditer vos souffrances et votre mort. Aidez- moi à en recueillir ce salutaire effet.
lre STATION
CONDAMNATION .
Adam pèche, et le fruit de son péché, ce fut la mort pour lui et tous ses descendants ; mort de l'àme, mort du corps, qui sans cela ne l'aurait point subie. Jésus n'avait point hérité, comme nous, du péché d'origine ; mais s'étant chargé des iniquités des hommes, il était le grand coupable, et comme tel, bien qu'innocent, il est condamné à mort, et à une mort aussi cruelle que déshonorante . En vain tous les hommes et tous les anges se seraient dévoués pour expier le péché ; il fallait à la justice de Dieu une expiation, grande comme la dette de l'humanité, un sacrifice d'un prix infini : il fallait le sang d'un Dieu. 0 péché, quelle est donc ta nralice ! elle est, à certains égards, infinie, comme le fut la réparation. Et je ne mourrais pas de douleur d'en avoir tant commis !
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Cette Croix, ô Jésus ! cet instrument ignominieux de votre mort, non-seulement vous l'acceptez, mais vous l'embrassez avec joie, tant vous brûlez du désir d'expier sur elle par l'effusion de votre sang toutes les iniquités de la terre. Pour en appliquer les mérites à mes péchés, j'ai aussi une croix à porter : cette croix c'est la peine de les rechercher, l'humiliation de les reconnaître, la honte de les accuser et les actes indis-
384 CHEMIX DR l.\ CHOIX
pensables pour m'en repentir et m'en corriger. Mais, encouragé par votre exemple, ô Jésus ! je me plierai généreusement sous cette croix qui deviendra ainsi l'instrument de mon pardon .
3e STATION
lre CHUTE.
A peine chargé de sa Croix, le Sauveur succombe sous le faix : rien en cela d'étonnant, épuisé qu'il était par la perte de son sang dans la cruelle flagellation, et par le poids de cette Croix qui portait les péchés du monde entier. Les miens, hélas ! si nombreux et si graves, y pesaient pour beaucoup. Se pourrait-il que cette pensée ne pénétrât pas mon cœur du vif repentir et de la profonde horreur qu'ils méritent ? Mettez ou augmentez en moi. Seigneur, ces heureuses disposi- tions qui vous dédommagent de la peine que je vous
ai causé.
4e STATION
DOULEUR DE MAREE.
Vous avez voulu, ô Jésus ! que tous les genres de douleur se donnassent comme le rendez-vous sur le chemin du Calvaire. Il n'y a qu'un instant, c'était l'épuisement de vos forces corporelles ; maintenant ce sont les plus cruels déchirements dans votre àme. Que ne dut-elle pas ressentir, en effet, quand à vos regards se présenta votre Mère tout éplorée ! et pour Elle aussi quel triste moment ! Fut-il une douleur du Fils qui ne se fit sentir dans le cœur de la Mère ? aucune angoisse de la Mère qui ne redoublât celle du Fils? C'est pourtant le péché qui a fait à ces cœurs aimables de si larges blessures ! C'est donc mon cœur coupable, qui aurait dû être déchiré, ô Jésus; plutôt que le votre et celui de votre Mère, l'un et l'autre
CHEMIN DR LA CROIX 38o
innocents. Donnez-moi du moins une part de vos douleurs, puisque je les méritais toutes.
5e STATION
SECOURS DU CYRÉNÉEN.
Vous êtes tellement accablé, ô Jésus ! sous le poids de mes crimes, que pour ne pas expirer sous votre Croix, il faut qu'un passant vous aide à larorter et vous allège le fardeau : et moi, tout au contraire, loin d'adoucir vos douleurs, j'ai pris comme à tâche de les aggraver en ajoutant péché à péché. Un étranger vous soulage sans vous connaître : et moi, votre dis- ciple , je vous outrage , sachant bien qu'étant mon Dieu, mon Rédempteur, mon souverain Bienfaiteur , vous avez les droits les mieux fondés à être obéi. Quelle dureté à l'égard d'un Dieu qui m'a tant aimé et que je dévrais payer d'un juste retour, par une atten- tion constante à éviter tout ce qui lui déplaît et à faire tout ce qui lui est agréable ! Telle est , du moins actuellement, ma ferme et sincère résolution.
6e STATION
RÉCOMPENSE DE VÉRONIQUE.
Cette femme courageuse obtient de vous, ô Jésus ! pour récompense de son dévouement, l'insigne hon- neur de voir votre face empreinte sur son voile. Oh ! comme vous devez être satisfait et généreux à l'égard du pécheur, quand, par tous les sacrifices les plus pénibles et par les larmes d'un repentir sincère , il s'efforce d'effacer dans son âme les souillures qui y défiguraient votre image ! Après avoir été coupable, puissé-je être assez courageux et pénitent pour ne plus salir mon âme, quand elle aura été purifiée !
386 CHEMIN DE LA CROIX
STATION
Oe
CHUTE
Malgré le secours du Cyrénéen. vous voilà, ô Jésus! affaissé de nouveau sous la pesanteur de votre Croix : chacun de vos pas est marqué par un redoublement de faiblesse et d'humiliation. Hélas! trop souvent aussi, quoique éclairé par les lumières de la foi, qui me découvrent, dans le péché, tant d'outrage à Dieu, tant de mal à moi-même, je succombe, néanmoins, sous la violence de la tentation, sous le poids de ma mauvaise nature. Chaque circonstance du jour, chacun de mes pas est marqué par quelque chute : je ne me relève de l'une que pour tomber par une autre. En- core, si ma vigilance et ma douleur augmentaient à proportion de mes faiblesses ; car, plus il y a à pleu- rer, plus les larmes devraient être abondantes ; plus on s'est trouvé fragile, plus on devrait devenir craintif et précautionné. Accordez-moi cette grâce.
8* STATION
LES FEMMES DE JERUSALEM.
Ecoute, ô mon âme, la sublime leçon que te donne Jésus dans la personne de ees femmes qui le suivaient en se lamentant : Ce n'est point sur moi qu'il faut pleurer, mais sur vous-même*. Néanmoins, le Tout- Puissant qui succombe ; le Juste, l'innocent chargé du gibet des malfaiteurs ; l'immortel qui va mourir ; un corps tout meurtri et ne pouvant plus se trainer ; n'est-ce pas un spectacle capable de briser le cœur le plus dur '! Il est cependant quelque chose dont le divin Sauveur veut que l'on soit plus touché, plus attendri, c'est le péché, c'est lu mal affreux qu'on s'est l'ait a soi-même et aux autres en le commettant. Voilà
CHEMIN DE LA CHOIX 387
le seul objet digne de nos larmes, et de la plus vive de nos douleurs. Est-ce là où nous en sommes ?
9e STATION
3e CHUTE.
Jésus était arrivé au sommet du Calvaire, il voyait le lieu de son supplice et l'heure de sa mort toute proche. Mais, perçant dans l'avenir par sa prescience divine, il voyait aussi l'inutilité de son sang pour tant d'ingrats qui ne se damneront pas moins, malgré une si abondante rédemption : et à cette cruelle pensée, dont son cœur est affligé plus que des tourments qu'il doit encore endurer, il éprouve une troisième défail- lance qui le fait tomber la face contre terre. Hélas ! n'étais-je pas alors présent à ses yeux avec mes chutes et mes rechutes interminables, par desquelles je m'obstine à me fermer le ciel ? Outrager sans cesse Celui qui a pardonné, revenir à l'aliment qu'on a vomi, se rouler de nouveau dans la boue après s'en être lavé, ah ! Seigneur, c'est par trop d'indignités ! quand donc y mettrai-je un terme ?
10e STATION
DÉPOUILLEMENT DES HABITS.
Quelles horribles souffrances vous dûtes éprouver, ô Jésus ! lorsqu'on vous arracha vos vêtements que le sang avait collés sur votre chair en lambeaux ; alors se renouvelèrent avec une nouvelle intensité les dou- leurs atroces de votre flagellation. Quelle honte aussi pour vous, ô Dieu de toute pureté ! de paraître en cet état de nudité aux regards d'une vile populace qui vous insulte . Ah ! c'était, sans doute, pour expier par cette souffrance spéciale nos péchés du corps, les va- nités, les immodesties, les sensualités, et surtout les différentes espèces d'impuretés. O mon Dieu ! après
388 CHEMIN DE LA CRUIX
qu'elles vous ont causé cet excès de douleur et de honte, pourrais-je ne pas en avoir autant d'horreur que de repentir ?
11e STATION
CRUCIFIEMENT.
0 mon âme, comprends, si tu le peux, l'atrocité des douleurs qu'a dû ressentir Jésus-Christ, au moment où les clous perçant ses pieds et ses mains, les fixent sur le bois de la Croix : sa chair se déchire, les os se broient, les nerfs se rompent, les veines se brisent, le sang s'échappe à grands flots. Pourquoi encore tous ses membres violemment tirés et n'offrant plus qu'une plaie depuis les pieds jusqu'à la tête ? Le Prophète nous l'apprend : // fut blessé, il fut broyé à cause de nos crimes: Vulneratus est... N'y ai-jepas contribué pour une large part, en faisant servir mes mains à des actions criminelles, et mes pieds à courir dans les sentiers de l'iniquité ? A cette pensée, mon cœur ne doit-il pas s'abimer dans la douleur, et mes yeux verser des torrents de larmes.
12e STATION
JÉSUS MORT SUR LA CROIX.
Jésus expire ! . . . et toute la nature même inanimée y est sensible : elle se bouleverse et prend le deuil : le soleil obscurci refuse d'éclairer ce grand forfait des Juifs : les morts ressuscitent : la terre tremble : les rochers se fendent : les spectateurs se retirent en se frappant la poitrine, ut en confessant que Jésus était vraiment le Fils de Dieu : un des larrons reconnaît, déplore ses crimes et en obtient le pardon. Partout, dans la nature comme au fond des cœurs, règne la dé- solation, le trouble, la terreur. Seule, ô mon àme, ras-tu Insensible à cette mort e-t aies péchés qui
CHEMIN DE LA CROIX ilS!»
en soi il la cause ? Ne doit-elle pas t'en inspirer de la douleur et de la honte ?
13e STATION
DESCENTE DE LÀ CROIX .
Tout est consommé, avez-vous dit, ô Jésus ! en ex- pirant sur la Croix ; c'était bien vrai : par votre mort, la justice de votre Père est satisfaite, le ciel nous est rouvert, Tenter fermé, l'œuvre de notre rédemption effectuée. Tout est accompli au ciel et sur la terre. Hélas ! Seigneur, combien de fois j'ai donné le dé- menti à ces paroles solennelles, et déchiré votre ou- vrage qui vous a tant coûté ! C'est toutes les fois que j'ai commis un péché mortel, me plongeant ainsi dans l'abîme de tous les mauxdonl votre infinie miséricorde n'avait délivré. Du moins, puisse mon repentir égaler ma malice et mon ingratitude !
14e STATION
MISE AU TOMBEAU.
Quand, pour la première fois, vous êtes descendu du ciel en terre, vous voulûtes, ô Jésus î avoir pour demeure le sein d'une Vierge qu'aucun péché n'eût jamais souillé : quand de la Croix vous descendites dans l'humiliation du tombeau, vous le voulûtes neuf, n'ayant jamais été infecté par la pourriture d'aucun cadavre. Ah ! dans ces deux singularités, dont l'une précéda votre naissance, et l'autre suivit votre mort, quelle leçon, ajoutée à tant d'autres, de votre répu- gnance, de votre horreur pour la plus légère souillure du péché'! Pénétrez, ô mon Dieu, ma chair et mes os de cette même horreur ; que je le craigne et l'évite comme le plus grand des maux : c'est la grâce finale que je vous prie très instamment de m'accorder, pour fruit de cet Exercice.
PABaPHR\SE. — r. il. 23
CHEMIN DE LA CHOIX
QUATRIEME EXERCICE
CONSIDERATION
Pour se porter avec courage à ce qu'il y a de pénible dans la loi de Dieu
Rien n'est moins contestable, ô mon Dieu! que votre empire sur nous. Créateur, Conservateur, Roi univer- sel, à vous le droit de nous imposer vos volontés, elles sont toujours raisonnables et justes : et par surcroît vous nous promettez, si nous y sommes soumis, la plus magnifique des récompenses, la vue et la possession de vous-même durant des siècles sans fin. Mais l'orgueil qui nous domine a tant de peine à s'abaisser devant votre autorité : notre nature amie de ses aises et de sa liberté recule devant tout ce qui la gêne et la contrarie. Nous venons, ô mon Dieu, puiser dans la méditation des souffrances et de la mort de votre cher Fils, le courage nécessaire pour pratiquer tout ce que votre loi présente de pénible .
lre STATION
JÉSUS EST CONDAMNÉ A MORT.
Pilate, quoique reconnaissant l'innocence de l'accusé conduit à son tribunal, a la faiblesse de céder aux cla- meurs des Juifs qui veulent qu'on le crucifie. Hélas ! combien de fois aussi reconnaissant l'autorité de Dieu sur moi, ses titres à être obéi et préféré, la justice de ce qu'il me commandait, et la grandeur du mal que j'allais faire, j'ai cédé au cri de mes passions qui de- mandaient que je leur livrasse Jésus-Christ ; je l'ai mis à mort dans mon cœur ; car, selon saint Paul, la ma- lice du péché va jusque-là. O lâcheté aussi grande
CHEMIN DE LA CROIX 391
que celle de Piiate ! Que j'en sois du moins honteux et repentant !
2e STATION
JÉSUS PREND LA CROIX.
Aucun malfaiteur n'était chargé de porter l'instru- ment de son supplice ; mais pour Jésus, il n'est point d'ignominie qu'on imagine. Il prend donc sa Croix en silence, et aborde avec amour la douloureuse car- rière de sa passion . Pourrai-je après cela ne pas me courber sous le joug de mes devoirs ? Est-il donc aussi lourd que cette Croix ? le sentier de la vie chrétienne, aussi rude que celui du Golgotha ? J'entends le divin Maître me dire, au contraire, que son joug est doux et son fardeau, léger ; mais fut-il cent fois plus pesant, dois-je pour cela le refuser, quand je vois ce généreux Sauveur porter avec un si grand courage devant moi l'instrument de sa mort et de ma rédemption ?
3e STATION
JÉSUS TOMBE UNE PREMIERE FOIS.
A peine entré dans la voie du Calvaire, l'adorable Victime, épuisée de fatigue et affaiblie par la perte de son sang, tombe sous le fardeau de la Croix. A peine aussi avais-je commencé une vie plus chrétienne, et accompli quelques bonnes résolutions, que je suis tombé dès les premiers pas. Pressé par le désir de nous racheter , Jésus se relève : ô mon âme, sois aussi cou- rageuse à te relever et à reprendre ton chemin ! Celui qui, ayant mis la main à la charrue, regarde en ar- rière, n'est pas propre au royaume de Dieu. — Un grand Saint a dit : « Tomber, c'est le propre de l'homme ; rester dans sa chute, c'est le propre du démon; se re- lever, c'est le propre d'un ange. » Voilà ce que je veux et ce que je ferai.
392 CHEMIN DE LA CROIX
4e STATION
JÉSUS RENCONTRE SA MÈRE.
La marche de Jésus lui occasionne à chaque pas de nouvelles douleurs. Après sa chute, il rencontre sa Mère tout éplorée, il ne peut la soulager : il eût voulu vivre pour elle : mais son amour pour nous l'oblige à mou- rir... Quel violent combat dans son cœur! Rien ce- pendant, rien ne le décourage ; il surmonte les angoisses de Famé comme les défaillances du corps, et à travers tous les genres de tourments, il poursuit sa mission. Que cet exemple est humiliant pour moi, qui recule devant la plus petite difficulté, et suis arrêté par la plus légère violence qu'exige un devoir ! 0 mon âme, rougis ici de ton excessive délicatesse, et dans cette conduite de ton Dieu puise une nouvelle ardeur !
5e STATION
JÉSUS REÇOIT L'AIDE DU CYRÉNÉEN .
Si le Cyrénéen vient en aide à Jésus, Jésus n'aban- donne pas pour cela le fardeau de sa Croix, et en allège aussi le poids à ce généreux étranger. Tout aussi bien, lorqu'il nous impose le fardeau d'une CroLx à porter ou le joug de quelqu'un de ses commandements, il nous aide par sa grâce avec laquelle nous sommes si forts ; il nous aide par le consolant témoignage d'une bonne conscience, qui sera déjà une récompense abondante ; il nous aide encore par la certitude du bonheur parfait réservé au serviteur fidèle. Me serait-il permis après cela de languir dans son service !
6e STATION
JÉSUS RÉCOMPENSE SAINTE VÉRONIQUE.
Véronique reçoit empreinte sur son linge l'adorable le Jésus. C'était un don d'une bien délicate recon-
CHEMIN DE LA CHOIX 393
naissance : rien ne pouvait être plus flatteur pour cette pieuse Juive, que le souvenir de celui qu'elle aimait : aussi est-ce le seule miracle qu'il fit dans le cours de sa passion . Par là Jésus a voulu récompenser d'une manière magnifique la démarche de cette femme qui, supérieure à la timidité de son sexe, passe à travers tous les obstacles pour venir reconnaître son Sauveur, en es- suyant sa face que les bourreaux s'étaient fait un jeu de salir ou d'outrager. 0 mon âme, sans redouter non plus les railleries des méchants, ni la difficulté d'un devoir, sache reconnaître aussi ton Dieu par ta sou- mission à ses lois : ainsi tu répareras les outrages que tant d'autres lui font par leurs révoltes .
7e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LA DEUXIÈME FOIS.
Que de tristes et fréquentes expériences j'ai faites de ma faiblesse ! Pour éviter ces rechutes et devenir plus ferme dans l'occasion, il faut, selon l'ordre du divin Maître, faire concourir la prière et la vigilance ; car prier sans veiller, ce serait tenter Dieu : veiller sans prier, ce serait, en comptant trop sur soi-même et dé- daignant le secours de Dieu, l'outrager par une or- gueilleuse présomption . Je prierai donc, étant exposé à une chute, pour en être préservé, et après, pour me relever. A la prière je joindrai une vigilance conti- nuelle ; elle est gênante, qui ne le sait? mais dès là qu'elle est indispensable pour éviter les faux pas, je m'y ré- soudrai.
8e STATION
LEÇON DONNÉE AUX FILLES DE JÉRUSALEM.
Pleurez sur vous plutôt que sur moi, dit Jésus- Christ à ce groupe de femmes qui le suivaient en se lamentant. Cela signifiait qu'au-dessus de ses humi-
304 CHEMIN DE LA CROIX
•
liations et de ses souffrances, si capables pourtant d'attendrir le cœur le plus dur, il est un mal encore plus digue de larmes. Vous l'avez deviné : c'est le pé- ché. Oui, le péché le plus léger, le péché que je com- mets si facilement, que je confesse avec tant de froi- deur , que je suis si lâche à expier, est un mal plus grand que tous les maux du monde, étant le principe de tous nos malheurs et de la mort d'un Dieu. Donc, pour m'en garantir, rien ne me paraîtra désormais trop pénible. 0 mon Ame, anime-toi de ce grand courage !
9e STATION
JÉSUS TOMBE POUR LÀ TROISIEME FOIS.
Quand même nous serions tombés non-seulement trois lois, mais dix, mais vingt fois, gardons-nous d'un trouble excessif et du découragement. La misé- ricorde du Seigneur est toujours plus étendue que la multitude de nos iniquités, qui dans cet abime iné- puisable sont moins qu'un fétu de paille au milieu d'une vaste fournaise : son désir de pardonner l'em- porte infiniment sur notre malice : et pour l'avenir, sa force est bien supérieure à notre faiblesse. Cou- rage donc et espérance ! c'est pour nous l'inspirer que Jésus veut tomber jusqu'à trois fois; mais cette fois encore, il se relève pour arriver au lieu de son sup- plice .
10e STATION
JÉSUS EST DÉPOUILLÉ DE SES HABITS
Ses vêtements et sa sainte Mère, voilà tout ce que possédait Jésus, lui qui n'avait pas où reposer sa tête. Nos vêtements sont ce qui nous appartient le plus en propre : on dit assez souvent, nos champs, notre mai- son, et jamais nos habits, mais mon habit : c'est une propriété qui <-^t personnelle et chère par là même.
CHEMIN DE LA Choix .*W">
Cependant, le Sauveur veut en être dépouillé. Il avait émis cette maxime : Si votre œil droit, si voire main droite, votre pied droit vous scandalise, arrachez- les ; car il vaut mieux aller au ciel n'ayant qu'un œil, quun pied, qu'une main, que d'être précipité dans l'enfer avec ses deux yeux, ses deux pieds, ses deux mains. — Mon Dieu, quelque chère que me soit cette personne, cette maison, tel emploi, tel diver- tissement, si cela m'est une occasion de pécher, j'aurai le courage d'en faire le sacrifice.
IIe STATION
JÉSUS EST ATTACHÉ A LA CROIX.
0 Jésus ! on vous étend sur la Croix, on vous y fixe fortement par des clous. Tout chrétien, qui par son nom seul est votre disciple, et qui, vous le dites, doit pour être tel vous suivre en portant sa croix, ne doit- il pas aussi y être cloué ? Or, la Croix pour nous, n'est pas seulement ce qu'on appelle vulgairement souffran- ces, c'est aussi la peine attachée à l'observation de votre loi, qui contrarie notre nature ennemie de toute contrainte : il faut donc que je m'y fixe par les pieds et par les mains, c'est-à-dire par toutes mes actions et mes démarches. Telle est une bonne fois ma ferme et généreuse résolution .
12e STATION
JÉSUS MEURT SUR LA CROIX.
Au pied de la Croix se montrent d'admirables dé- vouements. J'y vois les personnage les plus attachés à Jésus : Madeleine, qui par son ardent amour mérita le pardon de nombreux égarements ; saint Jean son bien-aimé et alors si aimant disciple; j'y vois aussi Marie, sa tendre Mère, qui tous, témoins de cette mort aussi cruelle qu'ignominieuse, durent horriblement
CHEMIN DE La CHOIX
souffrir, souffrir à proportion de leur amour. Quel courage d'avoir assisté à un spectacle aussi déchirant ! c'est bien là être fidèle jusqu'à la mort. Et moi. dans tant de circonstances, où il ne s'agit nullement d'y mettre la vie. mais seulement de me gêner un peu, de me contraindre, j'ai peur, je fais le lâche ! Oh ! comme je trouve encore ici ma condamnation.
13e STATION
JÉSUS EST REMIS A SA MÈRE.
0 Marie ! peu contente d'avoir vu expirer sur un infâme gibet le plus cher objet de votre tendresse , vous portez l'héroïsme maternel jusqu'à son plus haut degré, en recevant dans vos bras, à la descente de la Croix, ce corps inanimé et tout meurtri : vous ne re- culez devant aucune peine, si poignante qu'elle doive être pour votre cœur. Et nous aussi, ne nous lassons point de marcher dans la voie hérissée de ronces et d'épines qui seule mène au ciel : n'hésitons pas devant quoi que ce soit de pénible, dès là que c'est un devoir, ou un moyen qui aide à le mieux remplir.
Ue STATION
JÉSUS EST MIS DANS LE TOMBEAU.
Après les souffrances et les humiliations de votre passion et de votre mort, vous voulez encore, ô Jésus ! subir les ignominies du tombeau. Mais elles vont être bientôt compensées par une résurrection glorieuse et immortelle. Ainsi, ô mon âme, les peines, les combats, les violences, la gène nécessaires pour l'accomplisse- ment d'un devoir ne feront que passer, et en échange t'est promise une résurrection glorieuse, prélude des joies et de l'éternel repos dans le sein de Dieu. Cou-
. donc ; et finalement que ce soit là le résultai des
CHEMIN DÉ LA GR01X H!)7
considérations que tu viens de faire, et des saintes affections qu'elles t'ont inspirées.
CINQUIÈME EXERCICE
Pour demander la Persévérance (')
Divin Jésus ! après avoir goûté le bonheur de votre présence dans mon àme, je n'ai plus qu'un vœu à for- mer, c'est de ne point m'en dessaisir. Pour y être aidé, je vais parcourir la voie douloureuse qui vous a con- duit à la mort. Puissé-je trouver, dans la méditation de vos souffrances et de votre amour, un nouveau motif de vous rester inviolablement attaché ! Puisse en même temps, ce saint Exercice devenir salutaire à l'àme de mes frères défunts, par les indulgences que j'ai l'inten- tion de leur appliquer !
lre STATION
CONDAMNATION A MORT.
Ce même peuple qui demande à grands cris la mort de Jésus, l'avait reçu en triomphe quelques jours au- paravant à son entrée dans Jérusalem ; il faisait re- tentir les airs des accents de la plus vive allégresse et de louanges à l'égard de l'Envoyé du Seigneur. Voilà l'inconstance des hommes!... 0 mon àme, pourrais-tu t'en rendre coupable? Aujourd'hui (ces jours derniers) Jésus t'a honorée de sa présence par la communion ; tu lui fis les plus belles promesses d'une inviolable fidélité. Oh ! serait-il possible qu'on te vit bientôt mentir à tes serments, demander sa mort et lui pré- parer une nouvelle Croix en retombant dans le péché?
(•) Les considérations dont se compose cet Exercice conviennent principalement après une communion.
398 CHEMIN DE LA CHOIX
Non, Seigneur, trop heureux de vous sentir vivant dans mon cœur, je ne veux plus vous y crucifier.
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX
Admirons de nouveau celte acceptation résignée, elle est pour nous pleine d'enseignements. A moi aussi maintenant un genre de croix est imposé : cette croix, plus lourde que les souffrances corporelles, c'est la vigilance continuelle devenue nécessaire ; ce sont les précautions pénibles qu'il me faudra prendre, les com- bats généreux que j'aurai à soutenir contre ma mau- vaise nature, contre mes habitudes et mes penchants vicieux, pour ne plus me laisser entraîner au mal. Mais encore par votre exemple, ô Jésus ! et sachant que ma persévérance est à ce prix, je suis bien décidé à me charger aussi de cette croix spirituelle.
3e STATION
lre CHUTE
Von- êtes, Seigneur, le principe de la force, et vous n'avez pas même conservé la débile vigueur d'un mor- tel, vous voilà succombant sous votre ("roix, dès votre entrée dans la voie douloureuse. Ah! que n'ai-je pas à craindre de ma fragilité tant de fois ressentie ! Si je dois faire quelque chute, du moins qu'elle soit non pas mortelle, mais seulement de ces faiblesses légères dont le juste même ne sait pas toujours se défendre : et qu'à votre exemple je me relève promptement pour reprendre mon chemin avec courage. Je puis tout en Celui qui me fortifie : je dois moins craindre : Jésus est avec moi.
CHBMIN l>K LA CHOIX :{!>9
4e STATION
SECOURS DE MARIE
Quittant votre retraite, vous allez, ô Mère généreuse, prendre place à côté de votre fils, montant au Calvaire ; c'était peut-être pour le soutenir, s'il en avait eu be- soin, dans la carrière des souffrances où il est engagé. Ah ! si mes pieds, encore mal affermis, venaient à chan- celer dans la voie nouvelle où je viens de m'établir, vous viendrez aussi à mon aide, ô bonne Mère ! et à l'ombre de vos ailes je ne succomberai pas : le vrai ser- viteur de Marie peut-il périr ? Mais cette faveur de votre protection, il faut, je le sais que je la mérite : je me l'assurerai donc en vous honorant, en vous priant : moyen de persévérance aussi facile qu'efficace .
5e STATION
LE CYRÉNÉEN
Vous avez voulu être aidé par un étranger, Seigneur Jésus ! sans que vous en ayiez eu besoin : étant Dieu, vous pouviez surabondamment suffire à votre fardeau. C'était pour nous apprendre qu'il nous faut d'autres forces que les nôtres dans les tentations et les dan- gers ; que le sentiment qui vous honore le plus c'est la défiance de nous-mêmes, le recours à vous avec qui nous pouvons tout, et sans qui nous ne sommes que de fragiles roseaux . — Il le sentait vivement ce Saint qui tous les matins vous disait : « Gardez-moi bien aujourd'hui, Seigneur; car, si vous m'abandonniez, je vous trahirais. — Il le comprenait aussi, et surtout de la communion, l'illustre Cyprien, qui disait à son peu- ple : « Mes frères, la persécution est allumée ; vous aurez besoin de force pour rester fidèles à Dieu et à votre devoir ; mais où en trouverez- vous, si vous
160 i.lIK.MIN DE LA CHOIX
n'êtes unis à Jésus-Christ par la communion ? le cœur manque, si cette nourriture divine ne le soutient. »
6e STATION
RECOMPENSE DE VÉRONIQUE
Quel honneur pour cette noble femme d'avoir reçu en récompense de son dévouement la face adorable de Jésus empreinte sur son voile ! Mais aussi, quel crime c'eût été pour elle et quelle horrible profanation, si tenant peu de cas de cette sacrée relique, elle l'eût laissée traîner dans la maison et surtout jetée dans la boue ! — Et moi, ô mon Jésus ! mille fois plus honoré que Véronique, et sans l'avoir mérité par un acte aussi courageux, j'ai dans mon cœur non point seulement les traits de votre visage, mais vous-même tout en- tier, vous-même en personne. Ah! ce riche trésor, je veux à tout prix le conserver intact, et fermer pour cela toutes les avenues par où le démon pourrait me le ravir.
7e STATION
2e CHUTE
Seigneur je me suis vu déchoir peu à peu, pour n'a- voir pas fait attention aux fautes légères qui m'échap- paient, et qui. selon l'avertissement que vous en don- nez, conduisent insensiblement à de plus grandes; et aussi pour avoir négligé les petites pratiques, soutiens nécessaires de la piété : alors votre esprit, centriste par mes froideurs, s'est éloigné de moi. Ah ! ne me laissez pas, ô Jésus ! reprendre cette voie qui pourrait bien me conduire à une mort réelle. Mais plutôt réveillez en moi cette délicatesse qui s'afflige des moindres fautes, et cette exactitude scrupuleuse qui ne néglige aucun moyen : vous êtes dans mon
CHEMIN DE LA CHOIX -401
cœur, créez- y un esprit nouveau et une ferveur nou- velle.
8e STATION
FILLES DE JÉRUSALEM
Le bonheur de ces pieuses femmes fut d'entendre le Dieu de toute consolation. Moi, plus heureux, je le possède dans mon cœur. Oh ! qu'elles sont pures les délices qu'il me fait goûter ! Je puis bien m'écrier comme le cantique : « 0 doux moments, bonheur su- prême ! — On ne peut rien vous comparer ; — Quand on possède un Dieu lui-même, — Que reste-t-il à dé- sirer? » — Aussi avec quelle ardeur tant de saintes âmes soupiraient-elles après la communion ! Telles étaient une sainte Thérèse, qui aurait bravé les foudres et les tempêtes pour aller s'unir à son Bien-Aimé ; une sainte Catherine de Gênes, qui aux approches de cet heureux jour, était dans des impatiences ravissantes ; une sainte Madeleine de Pazzi, qui dès son enfance, en attendant qu'elle jouît de la réalité, ne pouvait se sé- parer de sa Mère, les jours qu'elle avait eu ce bon- heur. Je jouis de cette consolation ; et je pourrais m'en dessaisir ! . . .
9e STATION
3e CHUTE
Quand nous succomberions une 3e fois, ne nous troublons que de la peine d'avoir offensé Dieu : pleu- rons, rien de plus juste ; mais ne nous laissons point abattre, l'espérance est un bien nécessaire au chrétien. Qui espère peu, obtient peu, dit un Saint ; qui espère tout, obtient tout. Puis, profitons de ces chutes pour nous humilier plus profondément, pour sentir de mieux en mieux notre excessive faiblesse, notre pau- vreté, et devenir ensuite plus craintifs, plus circons-
402 CHEMIN DE LA CROIX
pects. C'est beaucoup gagner que de faire un pas de plus dans la connaissance de nous-mêmes, et la con- viction de notre impuissance ; ce sera tirer du mal le plus grand bien possible.
10e STATION
DÉPOUILLEMENT.
0 Jésus ! elle a dû être pour vous bien accablante la confusion de paraître nu devant cette ignoble multi- tude ! C'était spécialement pour expier ces immodes- ties, ces libertés sensuelles dont je n'ai pas rougi de me rendre coupable . Votre miséricordieuse bonté me lésa pardonnées, du moins j'en ai la confiance ; et de plus, votre chair et votre sang si purs, en se mêlant à ma chair et à mon sang, ont fait de tous mes membres des objets les plus saints et les plus vénérables ; je suis par la communion un autre Jésus-Christ, un homme fait Dieu. Oserais-je encore me salir par la moindre tache, oubliant ces terribles paroles : Si quelqu'un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ?
11e STATION
CRUCIFIEMENT.
Considère, ô mon âme, ces membres de ton Sauveur cruellement tendus pour être amenés aux endroits pré- parés sur la Croix ; vois ces clous déchirant des pieds et des mains, qui pendant trois ans ne s'agitèrent que pour répandre sur ce peuple ingrat toute sorte de bien- faits. Le même Jésus, par son ministre, a levé aussi la main pour te pardonner et te bénir ; il s'est avancé pour se donner lui-même à toi en nourriture. Ah ! pour- rais-tu porter la malice et l'ingratitude jusqu'à le clouer de nouveau à la Croix, en retombant dans le péché ?
CHEMIN DE LA CROIX 403
12e STATION
MORT SUR LA CROIX.
Vous vivez maintenant dans mon cœur, ô Jésus ! oserai-je bien vous y faire mourir comme sur une croix ? Et quel malheur me causerait ce nouveau déicide ! Votre dernier soupir sur le Calvaire troubla toute la nature, la couvrit de deuil et de tristesse ; et votre mort dans mon cœur le déchirerait de remords, y répandrait la désolation et les ténèbres. Votre mort sur la Croix, fut la vie du monde ; mais dans mon àme, ce serait pour sa ruine . Ah î divin Jésus, plutôt perdre mille fois moi-même une misérable vie corporelle, que la vie spirituelle que je possède.
13e STATION
DESCENTE DE LA CROIX .
O Jésus î du moins on détacha votre corps de la Croix, et déjà auparavant la mort avait mis fin à vos tour- ments, à vos douleurs. Mais, si, laissant rentrer le pé- ché dans mon cœur, je vous en faisais une nouvelle Croix, ce péché vous y tiendrait toujours cloué ; et cette mort, loin d'être le terme de vos souffrances, en com- mencerait, au contraire, de nouvelles. Quelle horreur que votre crucifiement dans une àme ! Ah ! Seigneur, faites-moi la grâce de ne vous causer jamais une si cruelle amertume, mais plutôt de vous rester inviola- blement uni.
14e STATION
MISE AU TOMBEAU.
Devenu votre Croix par le péché, mon cœur, ô Jésus ! serait encore votre tombeau ; mais tombeau où vous vous trouveriez enseveli dans la pourriture et la cor- ruption, au lieu du parfum de l'innocence et des
il)': CHEMIN DE I A CROIX
saintes dispositions qui maintenant l'embellissent et vous en font une délicieuse demeure. Ah î cet état de mon âme vous est trop agréable et à moi trop avanta- geux pour que je m'expose à le perdre. C'est donc cette précieuse grâce de persévérance que je vous de- mande encore une fois auprès de votre sépulcre : grâce de persévérance qui couronnera toutes les autres dont vous m'avez enrichi.
SIXIEME EXERCICE
O WSIDÉRATIONS
Sur les tourments du purgatoire : — Mode d'appliquer les indulgences (*).
Je sais, ô mon Dieu, qu'en vous la miséricorde est égale à la justice : si l'outrage sanglant fait à votre gloire par le péché réclame au purgatoire l'expiation restée insuffisante sur la terre, votre bonté qui s'en afflige, ne demande qu'à l'adoucir et même à y mettre fin. Pour cela vous daignez accepter les bonnes œuvres des fidèles qui peuvent adoucir et abréger les souffrances de ces pauvres âmes qui sont dans l'impossibilité de rien faire pour se soulager. C'est donc dans ce but que je f;iis cet Exercice : veuillez, ô Dieu bon ! appliquer aux défunts que j'ai en vue, les Indulgences dont il est enri- chi, après que j'en aurai profité pour moi-même.
(•) On peut ici former son intention de soulager par l'indulgence
rame de tel parent, de tel ami, de la personne à laquelle ou est
plus obligé, de la plus abandonnée, de la demi tc décédée dans la
paroisse, etc. . . ou se la désignera chaque station. Cotte manière
- leuicnt praticable à tous les autres Exercices.
CHEMIN DE LA CHOIX 405
lie STATION
CONDAMNATION.
Comme elle est sévère, ô Jésus ! la justice de votre Père ! Dès-là que vous vous êtes rendu caution pour les pécheurs, elle veut que vous soyez condamné à mourir de la mort ignominieuse des plus vils scélérats. Cette même justice d'un Dieu vengeur s'exerce aussi envers les pauvres âmes du purgatoire, mortes néanmoins dans sa grâce, mais légèrement entachées, ou encore redevables pour la peine due à leurs péchés : des flammes vengeresses les dévorent pour achever de les purifier. O Jésus ! pour que je sois préservé d'un tel malheur, veuillez m'appliquer à moi-même par cette indulgence les mérites de vos douleurs, et en particu- lier de votre injuste condamnation.
2e STATION
ACCEPTATION DE LA CROIX.
Vous chargez votre Croix, ô Jésus ! et ici commence à s'exécuter l'injuste sentence qui vient de vous con- damner. Mais ce n'est là que le prélude de douleurs beaucoup plus affreuses qui vous attendent : par quelle série de tortures et d'humiliations il vous faudra passer avant d'expirer sur cette Croix î elles surpassent tout ce que l'imagination peut se représenter. Bien cruelles sont aussi les souffrances du cachot expiatoire, où l'on est séparé, sans savoir pour combien de temps, du Dieu que l'on aime passionnément, et brûlé dans un feu qui ne le cède pas en rigueur à celui de l'enfer. Pour ne pas en être aujourd'hui la victime, je me réserve encore l'indulgence de cette Station .
3e STATION
lre CHUTE.
Quand nous tombons dans le péché, que de mal
406 CHEMIN DE LA CHOIX
nous faisons à Dieu et à nous-mêmes ! à Dieu que nous outrageons avec audace, lui qui mérite si peu de l'être: tant est grande sa bonté, et respectable sa ma- jesté ! à nous-mêmes, car, après tout ce qu'il en a coûté pour obtenir le pardon, il nous reste encore à subir des peines réclamées par la divine justice. Et si nous sommes assez ennemis de nos intérêts pour en ren- voyer l'expiation à cette autre vie où Ton ne peut plus mériter, rien absolument ne pourra les adoucir que vos mérites, ô Jésus ! dont l'application ne pourra nous être faite que par nos frères qui seront encore sur la terre. Nous les réclamons donc pour. . .
4e STATION
COMPASSION DE MARIE.
O Mère de miséricorde aussi bien que de douleur ! Vous qui vîntes prendre part aux souffrances et aux humiliations de votre Fils ; vous qui depuis n'avez jamais vu de douleur sans y compatir, et que pour cela on ap^cUeConsolatrice des affligés, pourrez-vous voir, sans en être touchée, les tourments affreux de ces âmes retenues dans le lieu de l'expiation ? Elles sont les amis de votre Jésus ; elles sont aussi vos en- fants ; elles vous ont honorée pendant la vie ; car au- trement ne souffriraient-elles qu'en purgatoire? Le trésor des indulgences est aussi alimenté par vos mé- rites et vos satisfactions surabondantes. Veuillez donc ô bonne Mère ! en obtenir l'application à. . .
5e STATION
SECOURS DU CYRÉNÈEN.
La générosité du Cyrénéen vous a fait éprouver, ô Jésus ! combien est consolant le secours dans la souf- france. Quel bienfait donc et quelle joie pour les âmes qui expient les restes de leurs fautes, non pas seule-
CHEMIN DE LA CROIX 407
ment sous le fardeau d'une croix, mais dans un feu attisé par votre justice, si aujourd'hui vous alliez les soulager en y répandant une goutte de vos sueurs et de votre sang ! Mais vous voulez que ce soit nous qui la prenions cette goutte salutaire, pour la jeter au mi- lieu de leurs brasiers. C'est ce que je me propose, en appliquant cette indulgence à. ..
6e STATION
JÉSUS ESSUYÉ PAR VÉRONIQUE.
Vous avez reconnu votre image, ô Jésus ! dans ces âmes qui sont l'objet de ma prière ; et c'est pour cela qu'elles ont l'assurance de vous voir au ciel dans toute la splendeur de votre beauté. Mais de légères offenses et des restes de fautes insuffisamment expiées ternissent encore l'éclat de leur pureté. Avant de les admettre à vous contempler, votre infinie sainteté exige qu'elles soient purifiées par d'indicibles tourments. O bon Jésus ! veuillez en adoucir la rigueur, ou en abréger la durée, afin qu'au plus tôt elles puissent jouir de votre présence dans le lieu de rafraîchissement et de paix. Accordez cette faveur à. ..
7e STATION
2e CHUTE.
L'homme le plus juste, dit l'Ecriture, pèche jusqu'à sept fois par jour, ce qui veut dire souvent. Ce ne sont pas, sans doute, de ces fautes qui tuent l'âme et la précipitent en enfer ; mais ce sont des faiblesses comme inhérentes à notre fragile nature. Hélas ! combien de fois n'en avons-nous pas fait la triste expérience, après les protestations d'amour et les promesses les plus sincères ou que nous croyons telles, malgré les grâces si puissantes des sacrements et des autres secours ! A la vue de notre propre inconstance, n'oublions pas les
408 CHEMIN DE LA CHOIX
fragilités de nos frères souffrants, et le secours que
nous pouvons lui procurer par l'indulgence. Puisse
celle-ci profiter à. . .
8e STATION
CONSOLATION DONNÉE AUX FILLES DE JERUSALEM.
En voyant ces femmes qui vous expriment par leurs larmes une pieuse compassion, vous vous arrêtez, ô Jésus ! pour leur adresser une consolante parole : c< Ne pleurez point sur moi, on sur mes souffrances, leur dites-vous : il y a plus à s'en réjouir qu'à s'en attrister : c'est pour votre rédemption que je souffre et que je vais mourir. Ah ! Seigneur, puisque, au plus fort même de vos angoisses, votre àme fut si compa- tissante, le serait-elle moins maintenant au séjour de la gloire? Et si vos consolations sont pour les grandes douleurs, pourriez-vous les refuser à ces pauvres cap- tifs qui crient vers vous du fond de l'abîme ? Soyez
propice à lame de...
0e STATION
3e CHUTE.
Vous êtes admirable de bonté, Seigneur, dans la sanctification de vos élus. Ceux qui sont loin de vous, gémissant encore plus de cette séparation que des maux qu'ils endurent, n'ont-ils pas été l'objet de vos inépuisables miséricordes? Tant de fois vous les avez relevés de leur chutes . préservés de plus profondes encore, éclairés quand ils s'aveuglaient, ramenés quand ils s'égaraient, guéris quand ils s'étaient bles- sés, ce n'est que par les soins assidus de votre pater- nelle sollicitude qu'ils sont arrivés au terme. Achevez, is ! ce que vous avez si merveilleusement com- mencé. Il y a dans vos chutes multipliées et dans votre sang, plus de grâces qu'il n'en faut pour com- pléter leur justification. Faites-en part à. . .
CHEMIN DE LA CHOIX 400
10e STATION
DÉPOUILLEMENT DES HABITS.
Cet état de nudité où vous voilà réduit, ô divin Jésus ! nous apprend, ainsi que votre naissance et la suite de toute votre vie, que nous devons détacher nos cœurs de tous les objets terrestres, dont l'a- mour excessif diminuerait d'autant celui que nous devons à Dieu. C est pour n'avoir pas assez pra - tiqué cette abnégation, que tant d'âmes subissent dans les tourments une épuration devenue nécessaire. Ah ! Seigneur , ne regardez pas à leurs imperfections ; mais, par les mérites de votre dépouillement, qui vous a causé tout à la fois tant de honte et de douleur, faites cesser ou du moins mitigez la rigueur de leur supplice . Accordez cette grâce à . . .
11e STATION.
CRUCIFIEMENT
Ici, ô mon doux Sauveur ! commence d'une manière plus significative votre immolation. Jusque-là, vous n'aviez que porté votre Croix, ici l'on vous y attache ; vos pieds et vos mains sont percés et déchirés par les clous , votre sang s'échappe à grands flots, et vous l'offrez à. votre Père pour les vivants et pour les morts, pour tous les membres de votre Eglise. Sur la terre, il justifie les fidèles, leur étant appliqué par les sa- crements : au ciel, il intercède encore pour nous ; vos glorieuses cicatrices sont comme autant de bouches qui demandent grâce : au purgatoire, il peut éteindre ou modérer l'activité des flammes . Je vous le demande pour . . .
12e STATION.
MORT SUR LA CROIX
Votre mort, ô Jésus ! nous a rendu nos droits à
410 CHEMIN DE LA CROIX
l'héritage céleste, dont le péché d'Adam et nos propres fautes nous auraient exclus à jamais. Les âmes du pur- gatoire soupirent sans cesse après le Dieu dont elles ont vu au jugement la ravissante beauté : sans cesse elles s'élancent vers l'heureuse patrie ; mais une main inexorable les repousse continuellement, et les tient enchaînées dans leur prison de feu : rien de souillé ne peut être admis devant le Dieu trois fois Saint. 0 doux Sauveur des hommes ! ne laissez point imparfaits pour ces âmes les effets de votre mort ; réalisez en leur fa- veur ce mot délicieux adressé au bon larron : Vous serez aujourd'hui arec moi en paradis; ou cet autre : Tout est consom?née> Oui, qu'il soit ainsi pour. . .
13e STATION.
DESCENTE DE LA CROIX.
La mort a mis fin à vos tourments, ô Jésus ! et vos fidèles disciples vous préparent le repos de la tombe. Pour les âmes du purgatoire, au contraire, la mort, loin de mettre fin à leurs tourments, leur en fait sup- porter de bien plus cruels que ceux qu'elles avaient endurés pendant leur vie. Ah ! puissent-elles sortir bientôt de cette espèce de tombeau où les flammes les consument, pour passer de ce lieu de désolation et d'horreur à la brillante clarté du ciel.
14e STATION.
DESCENTE DANS LES LIMBES.
Pendant que votre corps, toujours uni à la divinité, repose dans le silence de la tombe, vous ne restez point inactif, ô Jésus ! votre sainte âme va consoler les justes retenus dans les limbes, et leur apprendre qu'étant ra- chetés, Le jour de leur délivrance est proche. Ah ! «lu
CHEMIN DE LA CROIX 411
haut du ciel où vous êtes assis dans le repos de votre gloire, daignez venir visiter et consoler au purgatoire, autres limbes, des âmes justes aussi, mais pas suffisam- ment épurées. Annoncez-leur la fin de leur captivité, et emmenez-les triomphantes pour régner avec vous durant les perpétuelles éternités. Puissent ces saints Exercices avoir procuré ce bonheur à celles que nous avons recommandées !
NOTES • 413
NOTES
Ces Notes, pour la plupart, s'appelleraient mieux Compléments du Chapitre; mais elles l'auraient par trop allongé, et nous n'avons pas voulu en priver la pieuse curiosité des lecteurs .
NOTE Ve, page 8.
Encore quelques détails sur l'asservissement et l'ab- jection de la femme chez beaucoup de nations. « Elle est, dit M. le Comte de Maistre, sacrifiée dans l'Inde sur le tombeau de son époux; esclave sous le Coran ; bête de somme chez le sauvage. » — Dans certains pays de l'Orient, on refuse la monnaie d'Espagne, parce qu'elle porte l'effigie d'une Reine. — En Chine, la fa- mille prend le deuil, quand une fille vient au monde ; le père l'expose ; devenue grande il la vend, à moins qu'il ne l'ait tuée, car il a ce droit : la femme est con- damnée à l'ilotisme des anciens esclaves : la polygamie avec tous ses excès immoraux entre dans les mœurs publiques. — Dans l'Indoustan en particulier, une lé- gislation cruelle oblige la femme à se laisser consumer toute vive sur le bûcher avec les restes du mari décédé. — En Afrique, on la vend à vil prix : et quand le voya- geur lui demande le chemin, elle n'a que cette réponse qui révèle sa servitude en révélant son ignorance : « Je ne puis le montrer, car je ne suis qu'une femme. » — Dans la Nigritie, la femme traîne la charrue, tandis que le mari à ses côtés fume tranquillement son calu- met. — Le Siamois ne maltraite pas sa femme, mais il lui fait sentir avec hauteur sa supériorité. C'est elle aussi qui laboure le champ, qui porte les gros fardeaux.
"ARA.PHRASB. — T. II. 24
414 NOTES
qui fait le rameur dans les embarcations. Elle ne mange que quand son mari a mangé et après l'avoir servi elle- même à table . Jamais elle n'est admise à ses promena- des ou à ses visites, et ne partage aucun de ses hon- neurs, aucun de ses plaisirs.
NOTE 2e, page 15.
Pour qui Jésus-Christ réserva-t-il ses faveurs de pardon et de louanges ? Chose régulièrement remarqua- ble, nous voyons dans l'Evangile que ce sont des femmes qui en deviennent plus souvent l'objet. Noos en avons pour preuve Madeleine, cette pécheresse pu- blique, dont il préconise la générosité que tout l'uni- vers redira ; la femme adultère, qu'il délivre de ses accusateurs et de son péché ; la Samaritaine, à qui il promet l'eau qui rejaillit jusqu'à la vie éternelle, en échange de celle qu'il lui demande; la Cananéenne, qui pour sa foi vive mérite le plus bel éloge et la guérison de sa fille ; Marthe et la veuve désolée deNaïm, aux- quelles, par son ordre, la mort rend ses victimes ; cette autre veuve, dont le denier est si fort exalté; ces saintes femmes, dont il console la douleur compatissante ; et ces autres encore qui, plus privilégiées que les apôtres, reçoivent les premières, au sépulcre, de la bouche même de l'Ange, X Alléluia de la résurrection, qu'elles sont chargées d'aller ensuite publier. Ces privilèges bien marqués du divin Maître à l'égard de ces femmes, ne sont-ils pas comme un acte d'émancipation, auquel il ne sera plus dérogé ?
NOTE 3', page 20.
C'est une opinion, malheureusement trop accréditée, que la dévotion pour la sainte Vierge doit être le par- tage presque exclusif des personnes de son sexe. Ne semble-t-il pas au contraire, que Jésus-Christ ait voulu prévenir cette grave erreur, en choisissant des hommes
NOTES H g
plutôt que des femmes, pour être en rapport avec sa sainte Mère? Ainsi, quoique Vierge, il la confie non à une femme, mais à un saint Patriarche qui l'honore d'un culte de protection, de respect et de chaste fidélité. — Durant sa vie apostolique, c'est avec la parenté 'masculine y les frères ou cousins de Jésus, que Marie parait se trouver le plus souvent. — Au moment de mourir, est-ce à Marthe, à l'autre Marie, à Madeleine, dont lui-même aimait à recevoir les hommages et les soins, qu'il la remettra? Non ; c'est à son Disciple bien- aimé, avec qui elle achèvera ses jours. Et par cet acte solennel signé de son sang, c'est des hommes repré- sentés par saint Jean, plus en quelque sorte que des femmes, qu'elle est constituée la Mère.
NOTE 4e, page 25.
C'est surtout dans une maladie, qui présente des symptômes alarmants, que grand est l'empire d'une fille angélique ou d'une épouse saintement dévouée. Figurez-vous, en effet, un homme impie ou indifférent, qui même en présence de la mort parait décidé à fran- chir le pas du temps à l'éternité sans les secours de la religion .
Voyez à son chevet une épouse vraiment chrétienne, qui, en prodiguant au corps tous les soins d'une ingé- nieuse tendresse, a plus de souci encore de l'ànie de ce cher époux. Supposez qu'elle lui dise sur le ton le plus affectueux, en lui montrant l'anneau nuptial : « Mon ami, vois-tu cet anneau que le prêtre bénit jadis comme sanction de nos engagements au pied de l'autel? En ce moment nous promimes de nous aimer toujours, tou- jours. Cependant une pensée me navre actuellement le cœur ; j'espère qu'il n'en sera rien cette fois... mais enfin, un jour arrivera que je pleurerai sur ta tombe,
•ilti ROTES
ou que tu pleurerai sur la mienne: c'est inévitable. Eh bien ! laisse-moi te le dire : si tu as raison de ne croire à rien de ce que la foi enseigne sur une autre vie, nous n'avons donc rien à espérer après la mort que le néant. Le néant ! où l'on ne peut plus s'aimer, puisqu'il n'y a plus de vie ! et alors que deviendra ce mot toujours ? Mais, si j'ai raison de ma piété que tu traites de folie ; mais s'il y a un ciel pour ceux qui au- ront craint et servi Dieu, et un enfer pour les contemp- teurs de sa loi. il faudra donc nous séparer, nous séparer pour jamais, puisque la voie où nous marchons n'est pas la même : et alors encore que deviendra ce mot toujours? Est-ce bien la peine de s'aimer comme nous nous aimons, pour nous aimer si peu de temps ? 0 mon ami, ne veux-tu donc pas dès aujourd'hui pren- dre le même sentier que moi ? Oui, n'est-ce pas ? tu accueilleras le prêtre dont la douce figure ne fait ja- mais mourir : tu lui confieras tous les secrets de ton cœur, toutes les peines de ton àme, tandis que je prierai pour toi le Père des miséricordes, qui ne veut point la mort du pécheur. Et alors, cher ami, je serai heureuse: oh î oui, bien heureuse ; car mon cœur soulagé pourra t'aimer tout à son aise, en pensant qu'il pourra t aimer toujours. »
Un pareil langage ne peut qu'être tout-puissant. C'en est fait : cet homme a senti son àme s'attendrir aux accents de cet ange que le ciel lui donna pour compagne. Terrassé, comme autrefois Saul sur le chemin de Damas, il s'avoue vaincu et il demande un
confesseur.
NOTE 5e, page 52.
Ce n'est pas sans intérêt que l'on verra avec quel- ques détails la preuve de ce que nous venons d'avan- cer en général. D'abord, tous les ordres, différents
NOTES 417
dans leurs formes de dévotion envers Marie, s'accor- dèrent à lui attribuer leur naissance et leur progrès . Dans tous aussi, c'est un usage invariable de l'hono- rer chaque jour au soir par le chant collectif du Salve Reffina, qui, la proclamant Mère en même temps que Reine, place sous sa garde le repos de la Communauté. Mais chaque Ordre en particulier se distingue par quelque dévotion qui lui est spéciale. Ainsi, l'Ordre patriarcal de saint Benoît eut pour règle d'honorer la Vierge par la première station de la Procession qui avait lieu chaque dimanche. — L'ordre des Prémon- trés, par la blancheur de son costume, se montrait visiblement consacré à la Vierge très pure. — Celui des Servites, issu du vœu de pénitence et de pauvreté que firent à la Vierge sept riches marchands de Flo- rence, avait pour écusson sept lis reliés par un M couronné, symbole très expressif de la Maternité vir- ginale de Marie, dont ils s'honoraient d'être les servi- teurs. — L'Ordre de la. Merci ou de la Rédemption des captifs, qui mérita si bien de la Religion et de l'hu- manité, dut son institution à une triple apparition de la Vierge. — Qui ne sait que les trois grands Ordres du Carmel, de saint Dominique et de saint François, furent plus spécialement encore les Ordres privilégiés de Marie ! Ils en portent le signe et le gage très net- tement formulés, l'un dans le Scctpitlàire, l'autre dans le Rosaire, et le troisième dans le privilège de la Por- tioncule. Et qui ne sait encore que par eux le culte de la Vierge sauva le monde des ténèbres de la cor- ruption !
Quand aux Ordres religieux de femmes, beaucoup plus nombreux et dont la nomenclature serait trop lon- gue, il n'en est aucun qui ne mette la dévotion à Marie pour base de ses constitutions.
'ils NOTES
Cette dévotion fut également l'ànie de ces autres Sociétés qui vinrent au secours de l'Eglise avec un dévouement des plus admirables . Telles sont notam- ment la Compagnie de Jésus, les Oratoriens, les La- zaristes, les Sulpiciens, auxquels sont venus se join- dre de nos jours les Maristes, les Oblats de Marie, la Congrégation du saint Cœur de Marie, les Prêtres de l'Immaculée Conception, etc.. Citer ces noms, c'est dire assez ce qu'ils sont pour la sainte Vierge. 11 se- rait édifiant de voir dans le détail de leur vie, de leurs exercices religieux, de leurs entreprises si in- dustrieuses pour le salut des âmes, comment elle intervient pour tout, et aussi quels beaux succès elle procure !
NOTE 8«, page 55.
a Mais, dit le P. Ventura, si le culte et la vénéra- tion des saintes images de Marie ont une influence si efficace sur la vie sociale, ils sont par-dessus tout une source de consolation à l'article de la mort. En assis- tant les moribonds, j'ai toujours observé que les âmes pieuses, qui pratiquèrent durant la vie une sincère dé- votion à la Vierge, ont fini avec des sentiments de résignation, de confiance, de paix, de douce tranquil- lité : et ceux qui eurent le malheur de commettre des fautes graves, sont facilement amenés au repentir et à l'espérance du pardon. Il suffit de leur rappeler la charité miséricordieuse de Marie envers les pécheurs, de leur en montrer l'image et de leur faire invoquer son saint nom. Dernièrement encore, j'ai vu un chré- tien prononcer en expirant les noms de Jésus et de Marie avec une telle douceur et une telle joie, qu'il est impossible de ne pas le croire déjà en possession de la gràcedu pardon, et de la gloire <■
NOTES -il 9
NOTE 7% page 85.
La montagne du Carmel était très célèbre dans l'histoire dn peuple de Dieu par le séjour d'Elie, par les miracles qu'il y fit, et les apparitions dont Dieu l'y favorisa. Après lui, Elisée et d'autres fils de prophètes continuèrent d'y demeurer. C'est une opinion assez fondée que, dès le temps des apôtres, un certain nom- bre de nouveaux convertis, attirés par ces précieux souvenirs, se retirèrent dans cette solitude et y bâti- rent une petite chapelle à la Mère de Dieu , qu'ils avaient eu le bonheur de voir en personne. Ce qui est certain, c'est que, dans le 12e siècle, des ermites y formaient une Communauté qui voulait imiter dans la prière et la pénitence l'esprit d'Elie : ils étaient connus sous le nom de Frères de la bienheureuse Ma- rie du Mont-Carmel. De là quelques-uns vinrent fon- der un premier monastère près de Marseille : et peu de temps après, ils en établissaient un second en An- gleterre.
Pendant ce temps-là, la sainte Vierge avait préparé une autre solitaire, appelé Simon Stock. Dès l'âge de douze ans, il fut conduit au désert par l'esprit de Dieu et fixa sa demeure dans le creux d'un gros chêne, ce qui lui a fait donner le surnom de Stock, qui en an- glais signifie tronc d'arbre. Là, sa vie n'était qu'une succession de prières et de pénitence : il mortifiait son corps par le jeune et toute sorte d'austérités, ne buvant que de l'eau, ne mangeant que des herbes, des racines ou des fruits sauvages : en même temps, la tendre dévotion envers la sainte Vierge, dont il avait été prévenu dès le berceau, devenait de plus en plus ar- dente, il y avait 25 ans que Simon vivait de cette vie angélique, lorsqu'une révélation lui apprit que quel- ques Pères du Carmel venaient de s'établir dans ces
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contrées. Il alla les visiter ; et la vie pénitente qu'ils menaient, autant que leur tendre dévotion envers la sainte Vierge, le détermina à rester parmi eux. Bien- tôt sa ferveur et sa régularité le tirent choisir pour supérieur général . Il ressentit alors un désir de plus en* plus ardent de demander à la sainte Vierge pour son ordre une faveur toute spéciale, qui le distinguât et lui fût un gage de protection. Après plusieurs an- nées de prières et de pénitence redoublées, la sainte Vierge lui apparut environnée d'une foule d'anges, et tenant en ses mains l'insigne sacré du Scapulaire qu'elle lui donna en lui adressant ces paroles : « Prends, mon cher enfant, ce Scapulaire que j'accorde à l'Ordre des Carmes et à tous les Confrères, comme un gage de ma bienveillance toute particulière ainsi que de ma constante protection. » Dès ce moment, les faveurs signalées dont la sainte Vierge se plut à combler ceux qui portaient cette livrée, augmentèrent extraordinai- rement la Dévotion du Scapulaire, que les Carmes se réservèrent de donner par eux-mêmes ou par des prêtres qui en obtiendraient le pouvoir. De là le nom de Notre-Dame du Mont-Carmel donné à la Fête qui fut fixée au 16 juillet, jour de l'apparition.
Les avantages de cette Confrérie sont singulièrement précieux. D'abord, on a part aux mérites et à toutes les bonnes œuvres de l'Ordre si pieux des Carmes et Carmélites, et de tous les membres de la Confrérie si nombreux dans l'univers. — Ensuite la dévotion de porter le Scapulaire donne comme un droit aux fa- veurs privilégiées de la sainte Vierge, qui à cette mar- que nous reconnaîtra pour ses enfants : au lieu que sans cela, elle pourrait nous dire, comme l'époux aux vierges folles : Je ne vous connais pas'} nescio vos. — De plus, le Scapulaire, comme l'indique son nom
NOTES 421
(scaptda, épaule), est un vêtement, une espèce de cui- rasse contre les ennemis du salut, le monde, le démon , nous-mêmes, dont nous avons le plus à redouter et dont nous nous défions le moins. Or, étant toujours exposés aux traits de ces ennemis, sans savoir ni le jour ni l'heure de l'assaut, qui arrive ordinairement à l'impro- viste, n'est-ce pas prudence de nous protéger par cette armure souverainement défensive? Ce n'est pas que sans ce signe on ne puisse obtenir la victoire ; mais elle est par là plus assurée. Ajoutons que la vue seule de cette image fait reculer à l'approche du crime, porte au respect pour soi-même, et peut arrêter une main imprudente qui voudrait une satisfaction défendue. Combien aussi de pécheurs ont senti leur confiance renaître à la seule pensée de ce saint habit placé sur leur poitrine ! Que de fois un criminel jusque-là impé- nitent fondit en larmes après l'avoir accepté, reconnut ses forfaits et en obtint le pardon ! Que d'endurcis à l'article de la mort il a attendris et sauvés de l'enfer ! C'est même au-delà du tombeau que s'étendent ses bienfaisants effets ; la sainte Vierge s'étant engagée envers ceux qui l'auraient porté avec foi, à descendre au purgatoire le samedi après leur mort pour les en délivrer.
Quant aux effets non moins prodigieux dans l'ordre temporel produits par ce saint habit , ils sont trop nombreux pour que nous puissions les signaler en détail. Mais l'histoire redira à tous les siècles bon nombre d'incendies éteints, de naufrages évités, de balles aplaties, d'épées s'émoussant, de boiteux re- dressés, d'aveugles éclairés, de paralytiques redeve- nus agiles, de morts même ressuscites par la vertu du Scapulaire.
Après de telles faveurs en tous genres, qui de nous
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ne s'empresserait de se couvrir de cette puissante armure, de se parer d'une si honorable livrée, tant chérie de notre Mère ! Et ne pensons pas que cette Dévotion soit bonne seulement pour le vulgaire. Elle n'a pas été dédaignée par des milliers de hauts per- sonnages dans toutes les classes, Papes, Cardinaux, Evêques, Empereurs. Princes et Princesses. On dit entre autres de Clément VIII, qu'après son exaltation au souverain Pontificat . voyant que l'officier qui le dépouillait de ses vêtements de Cardinal, voulait lui ôter aussi son Scapulaire, parce que l'habit du pape renferme éminemment la vertu de tous les autres habits, le pieux Pontife s'y opposa en lui disant : « Laissez-moi Marie, de peur que Marie ne me laisse. » Mais, sans interroger les siècles passés, dans les der- nières guerres de Crimée et d'Italie, combien de nos soldats, à l'exemple de leurs dignes chefs, n'ont pas rougi de se munir de ce bouclier qu'ils avaient reçu d'une main chérie, et qui les protégea !
NOTE 8% page 90.
Si le Protestantisme a échoué en France, ce n'est point comme en Espagne et en Italie, qu'il n'ait pu y pénétrer et y faire toutes ses expériences de séduction et de révolte : non ; il y est entré par toutes les portes, il y a organisé des forces rivales, supérieures quelque- fois à celles de l'Etat : il a appelé à son aide l'étranger et lui a livré les clefs du royaume : il a occupé des postes éminents partout, dans la magistrature, dans l'armée, dans la politique, à la cour, il a été près de s'asseoir sur le trône : pendant deux siècles enfin, il a joué chez nous sa grande partie , celle d'où dépen- daient les destins religieux du monde, et il a été vaincu. Vaincu, non par un système politique ou re-
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ligieux de répression, mais par la seule force du tem- pérament français éminemment catholique; par la Ligue, c'est-à-dire par la nation . Et c'est le culte de la Vierge qui, après avoir subi toutes les épreuves de la lutte, a recueilli les honneurs de la victoire. C'est par l'insulte à ce culte qu'a débuté et s'est signalée partout la Réforme ; c'est par son zèle à le défendre que la France s'est illustrée. Ainsi, Ja Vierge a sauvé la France, et par la France l'Europe et le monde de l'hérésie, qui à dater de cette défaite n'a cessé de décliner.
NOTE 9e, page 120.
Un désabusé. — Il y a trois siècles environ, un jeune homme étudiait à l'Université de Paris. Son infatigable ardeur pour le travail, jointe à des facultés rares, lui avait obtenu de prodigieux succès. Mais sa science et ses vues étaient tout humaines : dédaigneux de nos immortelles destinées, il ne tendait qu'à la gloire du siècle et ne rêvait que de brillants projets d'avenir. Un jour dans l'intimité d'une causerie , un de ses amis , plus avancé dans la science des saints, lui demande par quel motif il se dévouait ainsi à tant de fatigues, de labeurs et de veilles? — Mais, lui répond le jeune étudiant, c'est pour devenir un homme instruit, et me faire un nom célèbre. — Et après ? répliqua son ami. — Après ! je viserai à une chaire dans la première université du monde ; et quelle gloire pour moi de voir se presser à mes côtés, accou- rir à ma parole tout ce qu'il y a de génies les plus distingués ! — Et après ? demande encore l'interlocu- teur. — Après ! j e publierai mes leçons , qui seront ainsi un monument vivant et éternel de mon nom et de mes talents. — Et après ? — Après 1 je dormirai à l'ombre de mes lauriers, le front paré d'une couronne
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de gloire. — Et après? — continua toujours le sage ami ... et sur le bord de la tombe , au seuil de l'éter- nité ?.. . 0 Xavier, que sert à l'homme de gagner l'u- nir ers, s'il perd son âme ? — Ces paroles furent pour Xavier comme un rayon lumineux qui lui révéla un nouveau monde d'idées. Celui qui les faisait entendre, le célèbre Ignace de Loyola, avait été, lui aussi, ra- mené de bien loin dans le chemin de la vertu et de la perfection : et Dieu s'en servait pour convertir son ami François Xavier. Dès ce moment, celui-ci abandonna tous ses rêves de gloire : il échangea les espérances de la terre, contre les espérances du ciel : il passa dans les Indes pour amener à la foi chrétienne ces pays infidèles, et le jeune mondin devint un apôtre, un héros, un grand saint !
NOTE 10 , page 137.
Ln peur orgueilleuse. — Sur les bords d'un ruis- seau limpide, croissait une fleur charmante. Ni l'azur du ciel, ni les teintes de l'aurore, ni les brillantes cou- leurs de l'arc-en-ciel, rien n'égalait l'éclat et la fraî- cheur de ses pétales embaumées. Elle vivait heureuse dan< sa solitude. Les longs rameaux du saule la pro- tégeaient contre les rayons brûlants du soleil , et l'onde pure du ruisseau, caressant doucement ses pieds, entretenait sa frêle tige jeune et fraîche.
Mais u.i jour se mirant dans le cristal transparent, elle s'enorgueillit de sa beauté et se dit : Quoi ! Dieu me fit-il si belle, pour naître et mourir dans ce lieu solitaire ! Et dans son injuste courroux, elle maudit l'arbre protecteur dont le feuillage touffu dérobait aux regards les charmes de sa parure printanière.
Un passant entendit sa voix plaintive; et l'ayant arrachée d « sol natal, il b< transplanta sur les bords
NOTES 425
de la route, où désormais sa grâce sans égale pourrait recueillir le tribut d'admiration qu'elle ambitionnait.
Le lendemain, aux premières lueurs matinales, elle ouvrit ses blanches corroies. Jamais sa beauté n'avait été si radieuse, jamais ses couleurs si vives, jamais ses parfums si doux. Mais le soleil montait dans un ciel sans nuage ; bientôt il atteignit le milieu de sa course et ses rayons de feu brûlaient le sol.
Quelques instants encore, la fleur orgueilleuse sou- tint sa tête élevée au milieu de ses compagnes qui pâlissaient devant elle. Mais, hélas ! le saule aux longs rameaux n'était plus là pour la défendre des feux du midi ; le ruisseau pour entretenir dans sa tige la jeu- nesse et la vigueur, Avant la fin du jour, elle gisait flétrie sur le sol desséché ; et l'aurore du lendemain ne devait pas la revoir déployer sa robe de satin.
Elle avait souhaité l'admiration et les hommages ;
elle trouva l'humiliation et la mort : si elle se rat
contentée de la place obscure où le ciel l'avait fait
naître, avec la vie elle eût longtemps conservé sa
grâce et sa beauté. . . Voulez- vous plaire à Marie et à
Jésus, aimez l'obscurité : Ama nesciri et pro nihlto
reput a ri.
NOTE 11e page 144.
La Dévotion des pèlerinages est de la plus haute antiquité dans le Christianisme, Nous en avons des exemples sans nombre dans ces voyages pieux aux Saints-Lieux de la Palestine , aux tombeaux des apôtres et des martyrs. Entreprendre une longue et pénible course, franchir les mers, quelque fois m.'me au péril de ses jours, pour aller baiser la poussière du saint Sépulcre, ou plus tard visiter les monuments de la Rome chrétienne, c'était fréquemment l'objet d'un vœu de la part des populations alors pleines de
PAPAPHRaSE. — T. II. 2r>
'r2<*> N IT1BS
foi, des Seigneurs, «les Guerriers et même des Rois. Et dans son origine première. le grand Jubilé était cela : cette solennelle Indulgence était attachée au voyage de Rome, et à la prière sur les lieux où repo- saient les restes glorieux des apôtres Pierre et Paul . Souvent même aux pécheurs les plus coupables on n'imposait d'autre pénitence qu'une longue course au-delà des mers, ou un pèlerinage à quelque en- droit privilégié.
Mais les pins communs depuis longtemps sont ceux qui se font à ces antiques sanctuaires consacrés à Marie, qu'elle semble avoir choisis pour y manifester plus sensiblement sa puissance et sa tendresse. Con- solatrice des affligés, Refuge des pécheurs, Secours des chrétiens^ c'est partout, sans doute, qu'elle se plaît à vérifier ces titres. Néanmoins, il est des lieux qu'elle affectionne plus particulièrement , où son oreille est plus ouverte à la prière, qui sont comme les y renie, -s d'abondance de sa miséricorde, et dont elle a dit, ainsi que Dieu le disait du temple de Salomon : Mes \
n cœur y resteront spécialement attachéspen- dant de longs siècles, et tous ceux qui viendront y juer mon nom y seront exaucés. Assez souvent, un sentier étroit y conduit : mais l'herbe n'y peut croître sous les pas continuels nombreux pèlerins. Ici vous apercevez ces sanctuaires? au -ommet d'une montagne, symbolisant Marie, qui sert de degré à la terre pour la rapprocher des deux : là, dans l'enfoncement silencieux d'un vallon, qui favorise la ferveur et le recueillement. Et partout le cœur ne se dilate-t-il pas de confiance, en
' suspendus de tout pré-
sents aussi bien que les riches offr;; la recon-
: ici. le bâton du pauvre malade, devenu
NOTES 427
inutile à ses membres guéris; là, les humides vête- ments de matelots sauvés du naufrage ; ailleurs, des lampes d"or, des cœurs en argent au-dessus d'autel* somptueux, qui attestent aussi et les misères et la gratitude des Grands, devenus les clients de la Vierge. Ah ! comme ces milles emblèmes redisent éloqueminent dans leur muet langage, les prodiges sans nombre obtenus par Celle qui, à tant de titres, est après Dieu leseul espoir île la terre !
Mais quel ne serait pas votre attendrissement, si tous ceux qui sont venus s'agenouiller sur les dalles de ees chapelles, vous faisaient le récit des merveil- leux effets qu'ils en ont remportés ! L'un vous dirait avec de grosses larmes de repentir : pendant de lon- gues années, j'avais oublié la pratique de la religion ; les soins de la vie matérielle absorbaient toute mon âme : voulant à tout prix sortir de cette voie dange- reuse, mais pas encore assez fort contre le respect humain, je suis venu secrètement chercher ici un prêtre qui ne m'ait jamais vu, et qui ne connaisse que la miséricorde : je l'ai trouvé ; je lui ai ouvert mon cœur : je suis heureux 1
Et cet infirme que les médecins ont abandonné, et que vous voyez traîner péniblement aux pieds de la Madone ses membres endoloris, si vous l'arrêtez un moment dans sa marche, que vous dira-t-il ! Les hommes m'avaient déclaré : il faut mourir ; et moi, je me suis dit : Non, je ne mourrai pas, parce que Celle qui a guéri tant d'autres infirmités guérira aussi la mienne, et je vais la prier.
Et ce malheureux, qui était écrasé sous le poids d'une de ces gran les douleurs que les paroles hu- maines ne peuvent rendre, entendez-le vous dire aussi, le sourire sur les lèvres : J'aime Marie ; j'ai rétrouvé
188 Ni 'TES
devant son image la paix qu'on vain je cherchais par- tout ailleurs depuis si longtemps.
Qu'on bénisse Marie ! répéterai! sans cesse cette àme pieuse et fidèle. Je sentais en moi des combats :
la vertu avait perdu ses charmes : le vice m 'apparais- sait souriant : je commençais à glisser sur sa pente rapide : une chute terrible et inévitable me menaçait ; je me réfugiai dan s cet asile : Marie fut ma force.
Et ces mères qui cheminent, un chapelet à la main, rediront à qui voudra l'entendre : la première : une langueur toujours croissante minait la frêle existence de mon nouveau-né : la seconde : une infirmité de naissance me donnait sur le mien les plus vives in- quiétudes : une troisième : je perdais tout espoir de- A'ant l'inconduite persévérante de mon fils : nous ve- nons de remercier la bonne Mère qui a dissipé toutes nos alarmes.
Ah ! je ne m'étonne plus que tant de prodiges, tant de secours obtenus pour tous les besoins et divulgués par la reconnaissance, amènent à ces lieux bénis la foule toujours croissante de pieux pèlerins qui vien- nent y apporter l'humble demande de leur espérance, et le fervent hommage de leur cœur.
0 vous donc qui êtes sous le poids de quelque crainte, ou rongés par le chagrin, ou victimes de quelque disgrâce, courez avec empressement et con- fiance vers quelqu'une de œsCités de refuge^ toujours ouvertes aux malheureux. — Pour combattre une infirmité déclarée incurable, ou accélérer une trop lente convalescence, ou entreprend de longs voyages à ces lieux de Bains si renommés, qui ne guérissent pourtant pas toujours. Et vous, malades spirituels, vous n'iriez pas à ces eav.r thermales de la grâce, on \ h- trouverez, sinon toujours une guérison complète.
NOTES rl'2\)
du moins la paix de L'âme, et le courage de La résigna- tion ? — Le commerçant qui veut s'enrichir brave tous les périls des mers : aucun obstacle n'est insur- montable pour sa Cupidité. Allez donc pieux pèlerins, volez avec la même ardeur à ce béni sanctuaire qui recèle des biens autrement précieux que les inanités de la terre. — Quel pays si lointain dérobe une mère a l'affection de son fils, que pour la revoir et la serrer sur son cœur après une certaine absence, il ne laisse là toute autre affaire, et ne franchisse résolument l'immense espace qui le sépare de l'objet si tendre- ment aimé ? Et Marie n'est-elle pas la Mère de tous les chrétiens ? Avec quelle confiance empressée ne devez-vous donc pas aller la trou.er dans ces lieux de sa prédilection ?
Toutes les incommodités attachées à ces voyages entrepris avec foi donnent d'ailleurs déjà un droit de plus à être secouru : « Lequel, pensez-vous, qui doive être exaucé, de ce riche sectaire, qui prie du bout des lèvres sur un carreau de velours frangé d'or, dans un oratoire échauffé à la plus haute température du printemps, ou du pauvre villageois catholique qui laisse sa femme et ses voisins en pleurs au chevet de son enfant malade, pour aller, pieds nus, par le vent et par la pluie, à travers les bois, par de rudes sen- tiers, implorer Dieu et Marie dans quelque chapelle lointaine? Il est parti, le cœur brisé, mais plein de confiance, car il croit en Dieu, et il espère en Marie, qui intercède auprès de Dieu pour les mères qui pleurent. »
Mais, dira-t-on, les abus y sont fréquents. Je ré- ponds : Quelle institution faite par les hommes en fut jamais totalement exempte ? L'abus, hélas ! naît, pour ainsi dire, de lui-même dans le cœur humain, où i*
j:l'l N6TES
trouve son germe. On n'abuse et l'on ne peut abuser que du bien. Faudra-t-il donc pour cela que le bien soit proscrit ? Devra-t-on abolir les pèlerinages, qui sont incontestablement plus avantageux que nuisibles ?
NOTE 12», page 287.
Qu'il est hideux le tableau que nous offre le vieux monde, où la virginité était inconnue avant que Marie l'eût révélée à la terre ! A commencer par Rome païenne, si nous pénétrons dans ses brillants palais, qu'y voyons-nous ? La lubricité s'y étalant sous les formes les plus révoltantes : des hommes qui ont oublié la noblesse de leur nature, mollement étendus sur la couche des plus sales voluptés, ne rêvant que jouissances impures. Pour ces êtres, chez qui l'amour du plaisir le dispute à la soif du sang, une femme n'est qu'une misérable créature asservie à leurs ca- prices, et qui sera abandonnée, quand sature- de jouissances ils se prendront pour une autre d'une passion aussi inconstante, promenant ainsi en tout lieu le cynisme de la corruption la plus effrontée. A quoi attribuer ces honteux désordres, sinon à l'absence de la virginité, qui ne peut vivre dans une atmosphère païenne?
On aperçoit bien quelques Vestales, mais rares, mal- gré les privilèges et les honneurs attachés à cette dignité : vierges à gages, n'estimant que l'or pesé pour leur sa- crifice : vierges pour un temps et se dédommageant amplement après « du joug de l'autel. <> dit saint Am- broise. Combien même ne purent fournir leur courte carrière, et laissèrent tomber leur couronne dans la boue ! Et pourquoi Rome ancienne n'a-t-elle pu pro- duire une seule Sœur de Saint Vincent de Paul? Ahj! [ue ce n'est pas avec de l'or que l'on parvient à
NOMS 431
être chaste, maisc'esi avecledévouemenl el la victoire
sur soi-même, ce que ne peuvent produire les théories païennes .
Du haut du trône les contagieux exemples de lubri- cité descendaient rapidement dans tous les rangs de la classe plébéienne, où l'on ne respirait que pour la li- cence la plus effrénée, laquelle, d'ailleurs, entrait essen- tiellement dans le culte des faux dieux. Il y avait la Déesse de la volupté, comme le Dieu du vin : et ils ne manquaient pas d'adorateurs.
Si de Rome dégradée nous portons nos regards sur les autres contrées du monde, nous trouvons à chaque époque de l'histoire la même corruption de mœurs. C'est que les nations non vivifiées par le souffle bien- faisant de la foi et de la virginité ont croupi dans un état de déchéance morale, qui, comme une seconde chute originelle, se transmettait de génération en géné- ration, laissant sur tous les fronts les stigmates de la plus ignoble dépravation.
Il y avait un peuple où la vertu de chasteté, bannie du reste du monde, eût dû se retrouver, c'était celui chez lequel Dieu voulait se conserver quelques adora- teurs. Néanmoins, la nation juive le céda peu en li- cence aux nations idolâtres : souvent toute chaire cor- rompt sa voie. Et pour un chaste Joseph, que de Da- vid adultères; à côté d'une pudique Suzanne, combien de Salomon imprimant à leurs cheveux blancs l'humi- liante flétrissure d'une passion infâme !
C'est même dans les temps postérieurs à la Croix, que nous voyons une dégradation aussi profonde, ac- climatée là où n'a pas brillé le radieux flambeau de la virginité. Ainsi au 7e siècle, Mahomet prétend renver- ser la religion du Christ et fonde une doctrine nouvelle g Mais il en écarte la chasteté, pour lui donner comm e
432 N ITBS
base le sensualisme le plus effréné. Et qui pourrait dire jusqu'où sont descendus les sectateurs de cette nouvelle doctrine? Partout, ils présentent le triste spec- tacle de ce qu'est l'homme dominé par les exigences d'une nature voluptueuse et corrompue qui n'est bridée par aucun frein.
D'autres Réformateurs venus après Mahomet n'ont pas mieux réussi a régénérer le monde sans la sève féconde de la virginité. Le 16e siècle a vu surgir un homme, qui par l'ascendant de sa parole et le laxisme de sa doctrine entraîna des millions de frères dans sa prétendue Reforme. Cet homme était prêtre et reli- gieux tout à la fois : mais n'ayant pas assez d'énergie pour commander à l'aiguillon de la chair, il souille sa robe virginale du crime de l'impudeur, et se fait une complice de son désordre. Depuis 400 ans. le Protestan- tisme veuf de la chasteté à beau, vrai caméléon, revêtir toutes les formes, il ne peut produire un seul acte de cette vertu héroïque. La schismatique Angleterre n'a pu créer un prêtre chaste, « ni faire avec ses millions, dit un grand génie (Lacordaire). ce que l'Eglise catho- lique fait avec un peu d'huile, le sacrement de l'ordre. » Nulle part, rien de cette vigueur, de cette énergie qui porte aux actes généreux : point d'abnégation pour le prochain : point de cette charité qui vivifie tout: et qui va jusqu'à donner sa vie pour son semblable : on es quelquefois, mais on n'arrive jamais au triomphe de la
victoire.
NOTE 13% page 331.
Nous ne pouvons mieux clore ces notes que par la glorieuse résurrection de Marie ou l'Assomption de sou corps dans le ciel.
Marie, quoique exempte de la tache originelle, cause de la mort, subit néanmoins cette peine, en sa qualité
NOTES 433
d'enfant d'Adam ; elle nedcvail pas d'ailleurs être d'une condition meilleure que soii Fils; mais comme lui, elle ne dormit que trois jours dans le tombeau : son sépul- cre aussi fut glorieux par sa résurrection. Ces grands événements arrivèrent au milieu du mois d'août, 57 ans après la naissance de Jésus-Christ, 2:> ans après sa mort: Marie était âgée de72ans, selon l'opinion la plus commune.
Saint Grégoire de Tours rapporte que les apôtres dispersés, ayant été avertis du prochain trépas de la Vierge se trouvèrent miraculeusement réunis à Jéru- salem pour entendre ses dernières paroles et recevoir de leur divine Reine une dernière bénédiction ; qu'a- près sa mort elle fut déposée dans un sépulcre au pied de la montagne des Oliviers, près du jardin de Gethsé- mani. Il eut pour gardes non point une troupe de sol- dats apposés par la haine des Juifs, mais les saints apô- tres et de pieuses femmes que l'amour retenait près de leur Mère : les anges aussi faisaient entendre aux envi- rons des chants mélodieux. Certains auteurs fort anciens prétendent que saint Thomas, qui seul des apôtres ne s'étaiït pas trouvé à la mort, étant arrivé trois jours après, conjura avec larmes qu'on lui ouvrit le sé- pulcre, afin qu'il pût contempler une dernière fois les traits de la Mère de Dieu, et baiser ses restes vénéra- bles. Mais on n'y trouva que des lis d'une blancheur éclatante, épanouis à côté des linges qui avaient servi de linceul ; et l'on ne douta nullement que son corps ressucité fût transporté au ciel et réuni à sa belle âme au sein de la gloire. Ce fut dès ce moment la croyance de l'Eglise, sans être pourtant un article de foi proprement dit. Mais il n'est pas possible d'avoir sur ce fait le moindre doute, en présence des raisons qui l'appuient. Nous pensons que la piété des enfant
434 NOTES
de Marie nous saura gré de les exposer: tout ce qui peut rélever la gloire de leur céleste Mère les touche sensiblement.
On a vu des héros fameux, des génies célèbres, des monarques presque maîtres du monde entier, habiter des palais d'or, s'enivrer d'honneurs, se repaître de toutes les jouissances voluptueuses ; mais toute leur gloire est venue s'abîmer contre la pierre de leur tombeau : et leurs mausolées superbes n'ont pu, du moins après un certain temps, les défendre contre la corruption commune : il était juste qu'ils périssent complètement ces corps dégrades par les plus dégoû- tantes passions. Mais Jésus pouvait-il laisser les vers dévorer le sein virginal où il avait reposé, ce cœur si saint qui n'avait palpité que pour lui, tous ces mem- bres marqués du sceau d'une pureté sans égale? — Est-il croyable que l'infection de la tombe, engendrée par le péché, ait saisi Celle que la corruptiou du péché n'avait jamais souillée 1 Si Dieu laisse nos membres expier dans les entrailles de la terre les iniquités de notr - vie. telle ne devait pas être cette loi pour la Vie] ge restée toute sa vie immaculée. — Une chair divinisée, ne faisant qu'une même chair avec celle du Fils de Dieu, caro Christi, enro Mariœ, pouvait-elle devenir pourriture ? « Est-il supposable, dirons-nous avec saint Augustin, que Jésus ayant voulu sauver l'intégrité de sa Mère, lorsqu'elle l'a conçu, n'en ait eu le même soin après son trépas, en empêchant les indécentes rigueurs que la mort prétendait exercer sur son corps ? et qu'ayant pu conserver 1.- sceau de sa virginité en naissant d'elle, il aurait manqué de pouvoir ou de volonté pour la préserver du dernier opprobre de la nature, la corruption du tombeau ? > Il serait au ciel depuis près de deux mille ans avec
NOTES 138
une chair formée de la chair même de Marie ; et la propre substance de sa virginale Mère serait confondue avec la plus vile poussière I Le bonheur de ce cher Fils, môme au sein de la gloire, serait-il aussi complet qu'il doit être, si toute la personne de sa Mère chérie n'y était pas pour le partager ?
D'ailleurs, n'était-il pas de l'honneur du Père de glorifier par un dernier miracle, à sa sortie du monde, Celle, qu'à son premier moment il avait miraculeuse- ment préservée de la souillure originelle ; de l'honneur du Fils, d'unir à son triomphe Celle qui s'était si gé- néreusement associée à son sacrifice ; de l'honneur de l'Esprit-Saint, de ne point abandonner à la pourriture et aux vers Celle qu'il avait dotée de tant de grâces comme sa future Epouse, et couverte ensuite de son ombre ?
D'un autre côté, si ses précieux restes eussent été laissés sur la terre, avec quel soin jaloux les chrétiens ne les eussent-ils pas conservés, eux qui ont légué avec tant d'amour à la postérité une de ses robes et son voile? On sait avec quel zèle audacieux ils recueillaient à prix d'argent, et disputaient au glaive des bourreaux les restes ensanglantés des martyrs, par quel culte confiant et pompeux ils les honoraient. Or, si le corps ou les ossements de Marie avaient existé quelque part, eussent-ils été moins empressés de les recueillir , et de les exposer sur les autels à la vénération publique , comme ces précieuses parcelles que l'on possède de la vraie Croix, ainsi que les véritables ossements des apôtres et des premiers martyrs ? Ah ! si le ciel a privé la terre d'un pareil trésor, c'est qu'il en était jaloux pour lui-même.
Concluons donc que Marie est réellement ressusci- tée, comme son divin Fils. Pieuse croyance, bien
436 NÔTKS
chère à ses enfants, et que l'Eglise met presque au niwau d'un article de foi, en proclamant dans sou Office, a que la mort n'a pu retenir dans ses lieus Celle qui avait donné au monde la source de la vie. » NOTE 14 , pages 353 et 357.
REFRAIN.
En vous quittant. Mère chérie, Nous implorons votre secours : Sur vus enfants, douce Marie, Veillez partout, veillez toujours.
Vous quittez donc mon sanctuaire, 0 mes enfants, mes chers enfants, adieu ! Partout je serai votre Mère : Vous trouverez mes autels en tous lieux.
Gardez pour moi votre innocence, 0 mes enfants, mes enfants bien-aimés, D'un cœur impur mon cœur s'offensi
Je veux des lis par la grâce embaumés.
Mai> si jamais un souffle immonde, G me> enfants, souille votre vertu. Souvenez-vous qu'il est une onde, Ou son éclat peut vous être rendu.
Aux pièges que l'enfer vous dres n mes enfants, vous pouvez être pris ; Mais a l'heure de la détri - Rappelez-vous combien je vous chéris.
Si vous tombiez en quelque abime, 0 nies enfants, levez vers moi les bras : Vous m'oublieriez au sein du crime. Que mon amour ne vous oublierait pas.
Je l'ai jure, j'appartiens à Marie: Jésus, elle est tout mon amour ; A l'honorer je consiere ma vie,
Je l'aimerai jusqu'à mon dernier jour. {bis).
\ . -. s yez témoins de ma promesse, Cieux, écoutez ce serment solennel,
n est fait, mon cœur plein de temii Jure a Marie un amour éternel, {bis).
NOTES \M
LITANIES.
REFRAIN.
Vierge Marie, — Nous avons tous recoins a vous, Mère chérie, — Priez, priez pour nous. (6/5).
Elle est pure, Marie, — comme les rayons des cieux ; Relie toujours, jamais flétrie, Du Seigneur elle a charmé les yeux.
Vierge pure et féconde, dans un extase d'amour. Elle enfanta le Dieu du monde, L'Eternel, pour nous enfant d'un jour.
C'est la doue* lumière, —qui seule charme les cœurs : Son tendre regard nous éclaire, tt sa main vient essuyer nos pleurs.
C'est la Vierge puissante, — la Mère du bel amour : Elle est fidèle, elle est aimante ; Elle est Reine au céleste séjour.
C'est la rose fleurie ; — c'est le lis pur, virginal ; C'est le parfum de la prairie ; C'est le feu du rayon matinal.
Trône de la Sagesse ; — Cause de notre bonheur ; Vase de la sainte allégresse ; Vrai trésor des grâces du Seigneur.
Miroir de la justice ; — Tour de David : Maison d'or ; Des pécheurs refuge propice. Loin de nous elle chasse la mort.
C'est l'arche d'alliance ; — c'est l'Etoile du matin ; C'est le baume de l'espérance, Dans un cœur brisé par le chagrin.
C'est la Reine des anges; — c'est la Reine des élus ; Au ciel tout chante ses louanges, Ses bienfaits, sa gloire et ses vertus.
TABLE DES MATIÈRES
maires.
CHAPITRE XXVII . — Vase honorable 5
Article I. — Etat d'abaissement où gémissait la femme
avant la Ste Vierge 6
Article II. — Heureux changement opéré par le Chris- tianisme et le culte de Marie 14
Article supplémentaire. — Influence de la femme et
surtout d'une mère 22
CHAPITRE XXVIII. - Vase insigne de dévotion 31
Article I. — Marie, Vase remplie de dévotion 31
Article II. — Marie, Vase répandant au dehors la
dévotion 40
Article III. --Vase répandant au dehors la dévotion (suite) 50
CHAPITRE XXIX. - Rose mystique 59
Article I. — - Amour de Marie pour Dieu 60
Article II. — Amour de Marie pour le prochain 69
CHAPITRE XXX. — Tour de David 78
CHAPITRE XXXI. — Tour d'ivoire 85
CHAPITRE XXXII. — Maison d'or 94
CHAPITRE XXXIII. — Arche d'alliance 104
CHAPITRE XXXIV. — Porte du ciel 113
Article I. — Marie nous a rouvert le ciel en nous
donnant le Sauveur 114
Article II. — Marie, porte du ciel, parce que avec elle
il nous est assuré 122
CHAPITRE XXXV. — Etoile du matin 131
CHAPITRE XXXVI. — Salut des infirmes 139
Article I. — Marie, Salut des infirmes, par les consa-
lations et guérisons qu'elle procure 140
Article II. — Salut des infirmes par la grâce d'une
d'une sainte mort 147
Article III. — Marie, Avocate des âmes au jugement... 154
CHAPITRE XXXVII. — Refuge des pécheurs 162
Article I. — Raisons pour Marie d'aimer les pécheurs 163
Article II. — Témoignages des saints Pères: — Allégories 172
CHAPITRE XXXVIII. — Consolatrice des affligés 180
Article I. — Marie, Consolatrice dans les peines morales 181
Article IL — Consolatrice dans les afflictions spirituelles 188
CHAPITRE XXXIX. — Secours des Chrétiens 196
CHAPITRE XL. — Reine des Anges 203
Article I. — Prééminence de Marie sur les Anges, par
sa gloire et son élévation 204
Article IL — Reine des Anges, par son empire sur les
mauvais comme sur les bons 211
I i'i TABLE DES M A T 1 1 . 1
Pages.
CHAPITRE XL1. — Reine des Patriarches 211
CHAPITRE XLII. — Reine des Prophètes 218
Article I. — Marie prédite dès le berceau du monde
et plus tard 220
Article II — Marie figurée dans l'ancien testament... 226
CHAPITRE XLIII. — Reine des apôtres 223
CHAPITRE XLIV. - Reine des Martyrs 241
Article I. — Marie, Reine des Martyrs, par la longue
durée de ses souffrances 242
Article II. — Reine des Martvrs par l'intensité de ses
douleurs " 249
Article III. —Reine des Martyrs, par la supériorité de
son courage 257
CHAPITRE XLV. — Reine des Confesseurs 265
CHAPITRE XL VI. - Reine des Vierges 272
Artcle I. — Excellence de la virginité 273
Article IL — Heureux fruits de la virginité dans le
Christianisme 281
CHAPITRE XLVII. — Reine de tous les Saints 289
Article I. — Marie. Reine des Saints, par sa sainteté
et sa puissance 289
Article IL — Reine des Saints, par la prééminence de
sa gloire 296
CHAPITRE XLVIII. — Reine conçue sans péché 305
Article I. — Définition et proclamation du Dogme.... 306 Article IL — Autorité de l'Ecriture en faveur de l'Im- maculée Conception 313
Article III. — Raison de convenance 322
CHAPITRE XLIX. — Reine du St-Ros -ire 331
Article I. — Son origine 331
Article II. — En quoi il consiste 336
Article III. — Ses avantages 339
CHAPITRE L — Agneau de Dieu 343
CHAPITRE LI. - Clôture du mois de Marie 350
CHAPITRE LU. -Exercices pour le chemiu de la Croix 359
EXERCICE I. — Sur la résignation et les souffrances.. 367
EXERCICE IL - Sur 1 enormité du péché 375
EXERCICE III. — Sur la cou version des pécheurs 382
EXERCICE IV. — Sur le courage nécessaire pour accom- plir la loi 390
EXERCICE V. — Sur la persévérance 397
EXERCICE VI — Sur les tourments du purgatoire 404
NOTES 413
CANTIQUES 436
TABLE ANALYTIQUE
•
TOME PREMIER Approbations, v. Lettre dédicatoire, 1 . Préface, 3.
CHAPITRE PREMIER. — Mois de Marie, 13. Article premier. Origine, raisons et quelques uns des
avantages de ce mois, 13. Art. II. Autres avantages et invitations à y venir, 21. Art. III. Deux nouveaux motifs de ce mois. Comment devons- nous le passer. Exemple, 29. CH. II. — Notions générales sur les Litanies. Ex., 37. CM. III. Ordre admirable des invocations. Allégories. Hom mage à la sainte Trinité . Allégories et ex. frappants, 52. CH. IV. — Sainte Marie, 60. Art. I. Excellence de ce nom par les grandes choses qu'i signifie. 1° Il veut dire souveraine. Elle Test dans le ciel* et sur la terre. A Jésus le sceptre de la justice, à Marie celui de la douceur et de la miséricorde. 2° Notre-Dame, ce nom inspire la confiance. 3° Lumière. Elle nous a donné J.-C. la vraie lumière. Elle-même dirige nos pa par Téclat de ses vertus, 61. Art. II. Nom puissant et doux à prononcer. M. répétons- le souvent, 70. CH. V. — Ste mère de Dieu, 77. Art. I. Ce titre est propre à nous inspirer un grand res
pect et une grande confiance en sa puissance, 78. Art. II. Il l'élève au-dessus de tout. Ex. de dévotion à l'Ave Maria, 85. CH. VI. —Ste Vierge des Vierges. Héroïque dévouement de Marie dans son vœu de perpétuelle virginité. Ta bleau de ce sacrifice. M. : Comme Marie, chérissons cette
Abréviation Chp. veut dire chapitre; Ait. cnlic/e; M. morole Ex. exemple.
li2 TABLE ANALYTIQUE,
vertu. Ex. De l'amour de cette vertu dans les 1ers siècles de l'Eglise et encore après, 93.
CH. VII. — Mère du christ. Oui, elle est mère du Christ en tant qu'homme, et sous ce rapport, 101 . Art. I. Considérons J. -C. comme Roi et comme prophète. 1° Comme Roi il règne 1° Sur les esprits, motif de nous at- tacher à sa doctrine; 2° Sur les cœurs témoins le dévoue- ment de nos missionnaires, de nos sœurs de charité et de tous ceux qui quittent tout pour son service. Aimons-le aussi 2Û Comme Prophète. Moïse Ta annoncé comme tel. Lui-même a prédil sa naissance, sa vie, sa passion et If- principaux événements devant arriver, 102. Art. II. 1° Comme Prêtre, sur la croix il s*est offert lui-mê- me, sur l'autel il continue a le faire par ses Prêtres. 2° Marie de son côté a coopéré a ce sacrifice en donnant naissan- ce a J.-C. et par sa présence au pied de la croix. M. : Excellence du sacrifice de la messe, assistons-y souvent, 109.
CH. VIII — Mère de la divine grâce, 116. Art. I. Marie nous ayant donné J.-C auteur de la grâce, c'est doncàelle que nous en sommes redevables. 1° Grâce sanctifiante, son excellence, estime que nous devons en faire, recours à la confession. 2° Grâce actuelle que nous pouvons obtenir par Marie, ses merveilleux effets. M.: obligation d'y correspondre. II". Art. II Marie est au ciel, la généreuse distributrice de:» grâ- ces. lû Nous en ayant donné l'auteur, il est juste qu'elle en soit la distributrice. 2° Trois faits principaux le prou- vent, les docteurs de l'Eglise n'ont qu'une voix sur cette vérité. M.: Adressons-nous donc à elle pour les obtenir. Ex., 1-26.
CH. IX — Mère très pure. 1° Dans son esprit 2° Dans sa nié- moire, 3° Dans sa volonté. M. : sur ces trois points, imi- tons-la à l'ex. de Ste Thérèse et de St Jean de la croix, 134.
CH. X. —Mère très chaste. 1° Chaste de corps par une vigi- lance continuelle sui Lous ses sens extérieurs. 2 D'esprit
tau: .;: ANALYTIQUE Vi3
par l'empire qu'elle sut prendre sur son imagination. 3° Dans tous les mouvements de sa volonté. M.: Réglons nos sens, notre imagination, nos inclinations sur ce beau mo- dèle et sur l'exemple des Saints, 142.
CH. XI. — Mère toujours vierge, 151. Art. \. Vierge dans son mariage avec Joseph. Convenance de cette union. M. : Belle leçon aux jeunes personnes et aux époux. Idem. Conséquences de la morale. Modestie dans les habits, fuite des danses, et des entretiens familiers, 154. Art. II. Vierge dans la conception et l'enfantement de Jé- sus. Admirable intérieur. M. : Se faire une haute idée de l'état de mariage, et s'y conduire en conséquence, 158. Art. III. Virginité de Marie toujours conservée. Raison de convenances. M. : Le célibat préférable au mariage. Ex. à l'appui, 166.
CH. XII. — Mère sans tache, 1° Dieu exempte Marie du foyer du péché. Fuite du péché véniel, ses tristes ef- fets sur une âme. 2° Marie s'applique à. faire tout dans la perfection. M. : Imitons-la. Ex. et punitions du pé- ché véniel, 174.
CH. XIII. — Mère aimable, 183. Art. I. Aimable. 1° Par sa beauté extérieure. M. : Que
penser de cette beauté et du luxe, 184. Art. II. Par les beautés 1° de son âme, 2° de ses vertus, 3° de ses bienfaits. M. : Aimons-la du même amour que les Saints. Ex., 190.
CH. XIV. — Mère admirable. Par ses qualités elle fut plus admirable que tous les chefs-d'œuvre sortis des mains du Créateur. Enumération de ses qualités. M. : La pra- tique des vertus peut seule nous rendre admirables de- vant Dieu et les hommes. Ex., 198.
CH. XV. — Mère du Créateur. Marie ayant donné au monde le Verbe conjointement avec le Père éternel, elle est de- venue : 1° son épouse. Bien qu'elle soit l'épouse du père, on peut aussi l'appeler 2° l'épouse du St-Esprit. A ces deux qualités, on doit ajouter 3° celle de Mère de son créateur. M. : L'honneur auquel ces titres l'ont élevée,
144 TABLK ANALYTIQUE
,nous l'atteignons en nous unissant à lui par la Commu- nion. M. : Motifs pour nous d'en approcher souvent, el cela à l'exemple de personnages illustres, 206. CH. XVI. — Mère du Sauveur, 214.
Art. I. Kxcellence de la Rédemption. Rien au monde n'eut pu réparer la faute d'Adam. Il fallait un Dieu pour apai- ser un Dieu, 215.
Art. II. Marie y a pris part, ce qui justifie son titre de co- rédemptrice. M. : Nous pouvons donc dire que si le Père et le Fils nous ont aimés, Marie aussi, prenant part «à ce qu'ils ont fait pour nous. Ex. : Marie Egyptienne, 217. CM. XVII. — Vierge très prudente, 222.
Art. unique. Marie a été très prudente dans toutes les principales circonstances où son amour pour la belle vertu de pureté aurait pu être exposée. M. : Imitons-la, et comme elle, nous éviterons tout danger. Ex. CH. XVIII. — Vierge vénérable. Marie est vénérable, non seulement a cause de son rang élevé, de son pouvoir, de ses vertus, mais principalement : 1° A cause des honneurs dont Dieu la favorisa. Enumération : 2° Parce qu'a fait Jésus-Christ lui-même à la louange de sa Mère sur la terre et dans le ciel. Enumération. M. : A l'exemple de son Fils, vénérons-la aussi, et respectons tout ce qui ap- partient à son culte. Ex., 230. CH. XIX. — Vierge digne de louanges. Marie honorée et chérie, 237.
Art. I. Dans les premiers siècles, au moyen âge et dans tout l'univers. Enumération. Belle morale. Ex. Noble dévouement, 238.
Aht. II. .Culte de Marie reconnu et bien pratiqué en France. Enumération. Ex., 246.
Art. supplémentaire. Origine du mois de Marie et de l'Ai- chiconfrérie, 254. CH. XX. — Vierge puissante. A raison : 1° de ses beaux titres de Fille de Dieu le Père, d'Epouse du St-Fsprit, de Mère de Jésus-Christ; 2° De ses vertus, ce qui est cause qu'ils ne peinent rien lui refuser. M. : Aussi n'importe
TABLE ANAI.YThU i i43
quelques soient nos besoins, recourons à elle, nous serons exaucés. Ex. : Témoins la mère de Coriolan, St-Jean Népomueène, 263.
CH. XXI. Vierge Clémente, 273. Art. I. Marie nous étant donné comme mère au pied de la Croix, est en quelque sorte obligée de nous aimer. Aimons- la donc presque du même amour que Jésus-Christ. (Ce 1er article peut servir pour un jour de lre Communion), 274. Art. II. Bonté de Marie pour les hommes déduite de la bonté d'une mère pour ses enfants. Admirable portrait de l'amour maternel. Celui de Marie est encore plus grand. Ex., 281.
CH. XXII.— Vierge fidèle. 1° Elle le fut sur la terre à la grâce, à la loi, à ses engagements, à Jésus-Christ, et cela jus- qu'à sa mort, M. : Soyons-le aussi aux nôtres. 2° Main- tenant qu'elle est au ciel, elle Test également à notre égard pour nous protéger. M. : De là cette confiance gé- nérale. Ex. : un de fidélité et un de témérité, 289.
CH, XXIII. — Miroir de justice. Justice veut dire ici perfec- tion. 1° Dans Marie se trouve le plus parfait modèle de son divin Fils. 2° Elle est pour nous le miroir de ce que nous devons être, penser, dire, faire, éviter, souffrir, aimer, haïr. Enumération. Ex., "298.
CH. XXIV. — Siège de la sagesse. 1° Par son âme ornée des sept dons du St-Esprit, un mot sur chacun de ces dons M. : Ornons-en aussi la nôtre et nous deviendrons sages. 2° Par son corps, qui devient le temple de la sagesse. M. : C'est donc avec raison qu'elle est nommée le trône de la sagesse. En l'invoquant sous ce titre, conjurons- la de nous obtenir la vraie sagesse, qui nous fasse pré- férer Dieu et le Salut à tout le reste, 306.
CH. XXV. — Cause de notre joie, 315. Art. I. Par sa naissance, parles grâces qu'elle nous obtient, par les consolations dont elle nous inonde à notre mort. Ex., 315. Art. II. Par le soulagement qu'elle procure aux âmes du Purgatoire. Enseignement sur ce point, et Ex., 322.
i M) TABLE ANALYTIQUE
CH. XXVI. — Vase spirituel, 331.
Art. I. Tableau de l'humilité de Marie, vertu rare, et ce- pendant nécessaire pour aller au ciel, 332.
Art. II. Humilité de Marie, 1° Cause de son élévation à la maternité divine. 2° En quoi consiste-t-elle ? Estime que nous devons en faire, 340.
Art. III. Cette vertu lui mérita sa suprême grandeur dans le ciel. Enumération des circonstances dans lesquelles elle parut. M. : Pour être élevés, humilions-nous. Ex., 349.
TOME SECOND
CH. XXVII. Vase honorable, 5.
Art. I. Dégradation et abaissement de la femme avant la ve- nue de la Ste Vierge. M. : Rétablie dans ses droits par Jésus et Marie. Actions degràceset fidélité a la religion, 6.
Art. II. Heureux changements opérés dans sa position par le christianisme et aussi par le culte de Marie. M. : 1° Respect dû a la femme chrétienne; 2° Obligation pour elle d'aimer Jésus et Marie, 14.
Art. Supplémentaire : Influence de la femme et de la mère sur la famille. Tableau et Ex., 22. CH. XXVIII. — Vase insigne de dévotion, 31.
Art. I. Marie vase rempli de dévotion. 2° La dévotion con- siste a bien faire ce qui regarde le service de Dieu ; 2° A aimer a venir ;i l'Eglise et a en donner l'exemple ; 3° A méditer la parole deDieu; 4° A se rappeler les souffrances de Jésus ; 5° A faire ses délices de la retraite et la sainte communion. Ce dernier acte devrait être un des bon- heurs d'une femme ••hrétienne. Ex. De la force que Ton trouve dans la Communion, 31.
A ht. II. Vase rependant au dehors la dévotion. La dévotion de Marie s'étend sur l'humanité tout entière, sur les en- fants, les adolescents, sur les religieuses et aussi sur les personnes mariées. Ex., 40. Cil. XXIX. — Rose mystique, 59.
Art. I. Amour de Marie pour Dieu. Elle eut le privilège de
TABLE ANALYTIQUE U7
l'aimer constamment par un seul et continue acte d'a- mour. Belle morale sur l'amour de Dieu, 60. Art. II. Amour de Marie pour le prochain. Sa conduite, détails. M. : descendants d'un même père, aimons-nous aussi. Ex. à imiter, 69.
CH. XXX. — Tour de David, Marie est notre soutien dans les combats que nous livrent le démon, le monde et nos passions. Morale. Elle peut servir pour une consécra- tion à la Ste Vierge. Ex. Protections dues au scapulaire, 78.
CH. XXXI. — Tour d'ivoire, Marie soutien de l'Eglise dans ses luttes contre les hérésies. Ex., 85.
CH, XXXII. — Maison d'or. Titre de Marie à notre amour. 1° Ses perfections, 2° ses relations intimes avec l'adorable Trinité; 3° Son amour pour nous. Ex. Conversion obte- nues par l'invocation de son cœur, 94.
CH. XXXIII. — Arche d'alliance. Traits de ressemblance en- tre les objets que cette arche renfermait et Marie. M. : 1° ce que doit être le chrétien après une communion. 2° Cette arche était une source de bénédiction pour les po- pulations qui la possédaient. De mémo Marie en est une pour ceux qui l'invoquent et qui possèdent un objet béni en son honneur. Vérité prouvée par des ex, 104.
CH. XXX IV. — Porte du ciel. 1° Marie nous a rouvert cette porte en nous donnant le Sauveur. Ex. : Remercions-la de ce bienfait. 2° Mais comme d'après la doctrine des Doc- teurs de l'Eglise, il nous est impossible d'y aller sous sa méditation, invoquons-la, 113.
CH. XXXV. — Etoile du matin. De même que l'étoile du matin annonce le lever du soleil et répand partout l'espé- rance'et la joie; de même la naissance de Marie est un principe de joie pour les habitants du ciel et de la terre. M. Marie ne fut pas seulement l'avant coureur de la lu- mière évangélique mais de son berceau, ellenous apprend l'estime que nous devons faire de la vie obscure, et que ce ne son! pas toujours les grandeurs qui nous rendent
148 TABLE ANALYTIQUE
recommandâmes, mais bien plutôt la vertu. Ex. et allé- gories, 131.
CH. XXXVI. — Salut des Infirmes. 130. Art. I. Détails des secours que Ton reçoit : 1° Des sœur
de charité, 2° De Marie elle-même, 140. Art. II. Marie accorde à ceux qui l'invoquent la grâce
d'une bonne mort, 147. Art. III. Elle sera notre avocate au jugement. M. : >"ous y
préparer chaque jour, Ex., 154.
CH. XXXVII.— Refuge des pécheurs. Ce qui le prouve c'est : 1° Sa ressemblance admirable entre son cœur et celui de de son Fils; 2° La mission de miséricorde qu'il lui donne du haut de la croix; 3° Sa qualité de mère reçue alors et l'état malheureux du pécheur, 162. Art. II. Témoignages des Saints Pères; ingénieuses allégo- rie- en faveur de cette consolante vérité. M. et Ex., 172.
CH. XXXVIII. — Consolatrice des affligés, 180.
Art I. Oui Marie sait consoler 1° dans les peines telles que la mort d'une personne chère, 2° Dans la pauvreté. 3° Dans les mépris, 4° Dans la prévision des peines fu- tures, 181.
Art. II. Elle -ait aussi consoler dans les afflictions spirituelles, qui ne manquent pas d'arriver même aux justes, exem- ple St François de Sales, et surtout aux pécheurs, 188.
Cil. XXXIX — Secours des Chrétiens. 1° Etant chrétiens, nous avons un droit particulier à son secours, si toute- fois nous l'aimons. -2 Toujours elle a accordé cette protection aux chrétiens comme l'histoire le prouve. M.: Dans nos dangers personnels et communs recouronsdonc à elle. Ex. : Résultat heureux des pèlerinages, 196.
CH. XL. —Reine des Anges. Placée dans le ciel et sur un trône de gloire, Marie est devenue leur Reine, 203. Ai.i I. Par son élévation au-dessus de toutes les hiérar- chies m.
\i',r. II. Par son empire sur les mauvais anges pour les empêcher denous auire,etsui les bons pour nous les rendre
TABLE ANALYTIQ1 : »*»
favorables. M. : Pleine et entière confiance en Elle. Ex. : Rome délivrée de la peste, 211 . CH. XLl. — Reine des Patriarches. Définition do ce mot. C'est à juste titre que Marie est nommée leur Reine, 1° Parce que sa foi au Messie a surpassé la leur, 2° Parce qu'elle a eu le bonheur de voir se réaliser en sa personne ce qu'ils n'avaient qu'espéré. M. : Nous aussi sur cette terre, nous ne pouvons qu'espérer le ciel. Ex., 211 . CH. XLII. — Reine des prophètes, 218. Art. I. Marie nous a été révélée dès l'origine du inonde,
aussi était-elle l'objet de l'espérance générale. 220. A ht. II. Elle nous a été figurée dans l'ancien Testament par ces femmes remarquables telles que Eve, Sara et au- tres. M. : Puisque Marie a toujours été l'attente des na- tions, à l'exemple de ceux dont il est parlé dans les deux exemples suivants, ayons le courage de l'honorer, 226. CH. XLIH.— Reine des Apôtres. 1° Marie dans le ciel siège sur un trône au-dessus d'eux, et sur la terre elle les a sur- passés par sa fidélité, son zèle, sa science. 2° Avec eux etplusqu'eux,elleacontribué à l'établissement del'Eglise. M. Comme eux contribuons à faire aimer l'Eglise, et pri- ons pour ses besoins, 233. CH. XLIV. — Reine des martyrs. Ce n'est pas par l'effusion de son sang, mais ce fut. 241. Art. I. Par la longue durée de ses souffrances, 242. Art. II. Par l'excès de ses douleurs. M. : Leçons que nous
donne la croix, 249. Akt. III. Parla supériorité de son courage et la continua- tion de ses amertumes, voyez-là au pied de la croix. M.: Efforçons-nous de l'imiter. Ex. : Amour des souffrances. 257, CH. XLV. — Reine des Confesseurs. Définition de ce mot. 1° Elle fut la Reine des Justes de l'ancienne loi, tels que Abraham, parce qu'elle les surpassa par sa foi et son cou- rage. 2° Elle le fut aussi de ces 1ers chrétiens, qui n'ont pas craint de confesser leur foi en présence des tyrans,
*."ll TABLE ANALYTIQUE
des supplices et de la mort. M. : apprenons par la à ne
pas être esclaves du respect humain. Ex., 2H.'i. Cil. XL VI. — Reine des Vierges. Marie la première a arboré l'étendard de la Virginité, 272. Art. I. Pour mieux en apprécier l'excellence, l'auteur con- sidère l'estime qu'en ont fait Jésus et Marie. M. : Ta- bleau de vie contraire. Ex. : Des punitions de ce-yiee. Déluge, 273. Art II. Heureux fruits de la pratique de la Virginité. Ex. à imiter, 281. CM. XLVII. — Reine de tous les Saints, 289. Art. I. Elle surpasse tous les Saints : 1° En Sainteté, .mal- gré notre mauvaise nature, imitons-la; 2° En puissance. Comme elle peut beaucoup auprès de Dieu, adressons- nous à elle, 289. Art. II. Par la prééminence de sa gloire digne récompense de sa pureté et de son humilité. M. : Peinture du ciel. Ex., 296. Cil. XLVIII. — Marie conçue sans péché, 305. Aht. I. Définition et proclamation du Dogme de l'Immaculée Conception. M. : Le Dogme est propre à redoubler notre confiance envers cette bonne Mère, 306. Art. II. Autorité de la Sainte Ecriture à l'appui. Détails. M. : De notre part précautions à prendre pour la conser- ver. Ex. : Médaille miraculeuse, 313. Art. III. Raisons de convenance en faveur de Marie par rapport aux trois personnes divines. M. : Efforçons-nous d'être purs aussi pour nous approcher de la sainte com- munion. Ex. : Invoquons-la sous ce titre au moment de la tentation, 322. CH. XLIX. —Reine du St-Rosaire, 331. Art. 1. Son origine, 331. Art. II. En quoi il consiste, 336. Art. III. Ses avantages. M. Ex., 339. CH. L. — Agneau de Dieu. Xous terminons ces innombrables invocations par le nom d'Agneau : 1° Parce qu'il en avait l'innocence, la duuceur et la destination. 2° Parce
TABLE ANALYTIQUE UN
qu'il était la seule victime capable d'apaiser la colère de Dieu. M. . Deux sentiments doivent nous animer lorsque
nous adressons à cet Agneau ces paroles : Pardonnez- nous; Exaucez-nous : sentimeuts d'humilité, sentiments de confiance, 343.
CH. LI. —Clôture. Nombreuse et édifiante assistance pour remercier Marie des grâces obtenues par son intercession. Persévérance dans son culte. Consécration à cette bonne Mère. Pieux sentiments et prières ferventes du Pasteur pour sa paroisse, 350.
CH. LU. — Exercice pour le chemin de la Croix. Son origi- ne, ses avantages, conditions pour les obtenir : six Ex- ercices, 359.
TOME PREMIER
NOTES 1". Sur Notre-Dame de Lorrette, 359.
2*. Explication de l'Ave !Maris Stella, 70. 3e. Condamnation de Nestorius, niant à Marie son titre de Mère de Dieu, 81 .
— 5e. Exemple de dévotion pour l'Ave Maria, 93. — " 6e. Consécration du Samedi à la Ste Vierge, 115.
7P . L'Oraison dom inicale adressée à la Ste Vierge, 1 33 .
— 8e. Mariage de la Ste Vierge, 152.
— 9e. Perpétuelle Virginité de Marie, 168.
10e. Quelques conseils aux Vierges chrétiennes. 169.
— 11e. Portrait de la Ste Vierge, 186.
— 12e. Cettenotea quelques rapports à la précédente, 202
— 14e. Conduite de M. Olier envers Marie. Guérison
obtenue à N.-D. de Lorette, 236.
— 15e. Raison de l'obscurité du culte de Marie dans les
1ers siècles, 239.
— 16e. La Ste Vierge en Italie et principalement à Rome,
242.
— 17e. Dévotion à Marie échauffant tous les cœurs, se
manifestant sous toutes les formes, 246.
— 18e. Culte de Marie en France, 249.
— 19, 20e. Ces deux notes confirment les iprécédentes,
254, 255.
152 TABLE ANALYTIQUE
NOTES 2R Origine de l'Archiconfrérie, 260.
— 22e. Vierge puissante. Copie de deux prières adressées
à Marie, "271.
— 2:5e. Salve Régina, 280.
— 24e. Connaissance de soi-même, moyen de l'acquérir,
301.
— 26e. Jugement de St Augustin sur L'humilité, 348.
Vive Jésus ! Vive Marie.
TOME DEUXIÈME
NOTES lrp. Quelques détails sur l'esclavage de la femme, 8.
2e. C'est surtout à la femme que Jésus-Christ ré- serve ses faveurs, 15.
3e. Maigre la note précédente, Jésus-Christ a montre aux hommes qu'ils doivent aussi aimer, ho- norer et prier Marie, 20.
4e. Empire d'une épouse Chrétienne sur le cœur de son mari, toujours et à la mort, 25.
— 5e. Tous les ordres religieux, hommes et femmes,
attribuent a Marie leur naissance à leurs pro- grès, 52 .
— 0e Heureux résultats de porter sur soi un insigne
béni de Marie, 55.
— 7e. Origine du scapulaire et ses avantages, 85.
— 8e. Si le protestantisme n'est pas encore la religion
dominante en France, c'est à Marie que nous le devons, 90.
— 9e. Un désabusé. St François Xavier, 120.
— 10e. La fleur orgueilleuse. Quiconque s'élève sera
abaissé, 137. 11e Avantages des pèlerinages, 144.
— 12e. La virginité n'a jamais pu prendre racine dans
l'ancien monde, ni chez les Juifs, ni chez les prétendus réformateurs, 287.
— 13e. Résurrection et Assomption de Marie, 331.
— 14e. Cantiques. Deux, 353.
VERDUN. — IMPRIMERIE CHARLES LAURENT.
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