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Clariville, Louis

François Nicolaie

Paris au bal

11

C56P3

PARIS AU BAL,

VAUDEVILLE EX TBOIÏ ACTES ET QUATRE TABLEAUX.

ARIS AU BAL,

VAUDEVILLE EN TROIS ACTES

ET QUATHE TABLEAUX, P.%R «IH. CLAIRVIMiE ET BOI)RDOI§,

eprésenlé, pour la première fois,, à Paris , sur le théâtre des Folies-Dramatiques, le 2' Avril 1846.

m!ifc.

BRUXELLES.

J.-V IJhl.OVfc I MPUÏH -MB -ÉDITEUR,

RUE DES PIERRES, 46. LE SOIK AU THÉÂTRE ROYAL.

1846

PERSONNAGES.

LE COMTE DE BROUTIL-

LARD.

MM. Heuzey.

FLORESTAN.

Armand Villot.

SANSONNET.

Palaiseau.

DE LUSSAN, avocat.

Rey.

LOST ANGES, médecin.

Morand.

GOBERGEOT, notaire.

France.

DUBERSAC, agent de change.

Ferdinand.

LORRAIN.

Haisèrec.

NOÉMIE.

Mlle Kleine.

M">eDE SAINT- AMOUR.

Mlle Lolise Leroux.

CASCARINETTE.

Mmc Chatillon.

CHOPINETTE.

M'Ie Marie.

NINI.

M'ic Rose.

Grisettes.

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ACTE I.

PREMIER TABLEAU. Le théâtre représente un magasin de modes.

SCENE PREMIERE.

LA COMTESSE, NOÉMIE. CASCARIXETTE, NINI, GR1BICHE, BOULOTE.

LA COMTESSE.

Vous entendez, mesdemoiselles, il me faut cette robe ce soir, sans faute, pour un bal que je donne?

NOÉH1B.

Madame peut y compter.

CASCARIXETTE.

Nous allons toutes nous mettre après.

LA COMTESSE.

N'oubliez pas que pour guirlandes de fleurs je veux des roses.

ISOEMIE.

C'est convenu; cette toilette sera d'un goût!...

CASCARINETTE.

Madame sera charmante !...

LA COMTESSE.

On m'a parlé de votre magasin ; si je suis satisfaite, je vous donnerai ma pratique.

NOÉMIE.

Nous ferons tout notre possible pour la conserver. la comtesse, « part, tirant 'sa montre.

Je ne le vois pas venir; impossible de rester davan- tage... l'on m'avait pourtant dit qu'il venait très-sou- vent dans ce magasin... {Au chasseur.) Lorrain, donnez mon adresse à ces demoiselles. J'aurais cependant bien voulu le voir... viendra-t-il à mon bal? acceptera-t-il mon invitation?

noémie, à part.

A quoi pensc-t-clle donc?

C ACTE I, TABL. I,

LA COMTESSE.

A ce soir, mesdemoiselles.

TOUTES.

A ce soir.

LA COMTESSE.

Am de M. Doche.

Adieu donc; sur votre zèle, Je me repose, et surtout Que les fleurs el la dentelle S'entrelacent avec goût, ENSEMBLE.

LA COMTESSE.

Adieu donc, etc.

TOUTES.

A notre devoir fidèles, Dans cette robe, partout L'on verra fleurs et dentelles S'entrelacer avec goût.

SCENE II.

les mêmes, moins LA COMTESSE et le Chasseur.

CASCARtNETTE.

Que le bon Dieu la patafiole !

CHOP1NETTE.

Fait-elle ses manières, avec son chasseur panaché !

CAscARiNETTi;, lisant la carte. Et ce nom!... En voilà un nom : «La comtesse de Broutillard! »

toutes, riant. Ah! ah! ah!...

MM.

Elle avait bien besoin de venir nous donner de la be- sogne, un jour comme celui-ci !

CHOPINETTE.

Le jour nous donnons nous-mêmes un bal.

MM.

Un bal à tous nos amoureux.

cascarinette. Et il y aura foule.

SCENE II. 7

Air : Quandon est Basque et bon chrétien. (Paul Henrion.) Ah ! que notre bal sera beau ! La médecine et le barreau Pour nous vont quitter le Prado, La Chaumière et Valentino.

Quel tableau ! (bis.) Quel spectacle nouveau ! Que mon bal sera beau ! En liberté narguant les coquettes, Rions, chantons et dansons toujours, Et répétons : Vivent les griselles! Vive le bal ! vivent les amours! J'entends, en riant aui éclats, Nos carabins, nos avocats,

Dire des gaudrioles... Sans nous fâcher, nous en rirons, Et pour terminer, nous ferons Polker les deux écoles.

CHOEUR.

Ah ! que notre bal sera beau ! etc. rirai. Satanée Cascarinette, vous a-t-elle un entrain!...

CIIOPINETTE.

Le fait est qu'ça sera ébouriffant!

MSI.

Etourdissant !

CASCARIXETTE.

Et éblouissant... car mon amoureux, 31. Sansonnet, fournit le luminaire... six livres de chandelles...

CHOPIXETTE.

Eh bien ! qu'a donc Noémie?... Eh! Noémie, à quoi penses-tu donc?

NOÉMIE.

A cette belle dame qui sort d'ici... Ne trouvez-vous pas, mesdemoiselles, qu'il soit au moins singulier qu'une grande dame du faubourg Saint-Germain vienne commander une toilette de bal dans un magasin de la rue Saint-Jacques?

8 ACTE I, TABL. f,

CASCARIÎCETTE.

Pourquoi donc?... Elle aura entendu vanter cet éta- blissement, pour la qualité de ses marchandises et la distinction de ses ouvrières.

KOÉMIE.

Mais on ne reste pas deux heures pour se comman- der une robe... On aurait dit qu'elle attendait ici quel- qu'un.

CASCARIIVETTE.

Allons, je parie que c'est encore ta satanée jalousie qui te travaille... Ne crois-tu pas que cette belle com- tesse vient au quartier Latin te disputer M. Florcstan?

NOÉMIE.

Eh ! mon Dieu ! qui sait?...

CASCARINETTE.

Il est vrai que 31. Florestan est un être excessivement sentimental... ça n'est pas étonnant, un compositeur de romances... Moi, Dieu merci, avec M. Sansonnet, le fils de notre propriétaire, je suis tranquille... je suis aussi sûre de sa fidélité que de la mienne... peut-être même plus sûre... (Florestan fredonne en dehors.)Mais j'entends ton sentiment qui roucoule.

SCENE III.

les mêmes, FLORESTAN. Air : Je vole ! (Petite et grande Bourse.) Victoire! (bis.) Rien ne manque à ma gloire, Et j'ai lieu de croire A mes Futurs succès. Voici ma chansonnette; Mêlez en si bémol Votre voix de fauvette Au chant du rossignol. Victoire, etc.

CASCAR1NETTE,

Quelle gaieté!...

SCEiNE III. 9

FLORESTAN.

Oui, Cascarinetle ; oui, Gribiche; oui, Nini; oui,Ti- tine; oui, mes biches, car vous êtes toutes mes biches; vous aussi, Noémie, je vous range dans la même famil- le... Félicitez-moi, je l'ai enfin achevée!

KIRI-.

Quoi donc?

florestan, avec enthousiasme. flla dernière et superbe mélodie... paroles et musique de César Florestan!... Une mélodie qui fera ma gloire... et ma fortune... et alors, ô Noémie!... noémie, sèchement. D'abord, monsieur, je vous interdis mon petit nom...

florestan, très-étotmé. Tiens! et pourquoi ça?...

noémie, ne pouvant plus se contenir. Parce que vous n'êtes qu'un monstre !

florestan, ébahi. Plaît-il?...

NOÉMIE.

Un trompeur ! un parjure !

FLORESTAN.

M"c Noémie Gobinard ! . . .

NOÉMIE.

Et un infâme!... (S'arrêtant tout-à-coup.) Par bien- séance, je n'en dirai pas davantage !

FLOKESTAN.

En voilà déjà pas mal !... Eh quoi ! lorsque jaloux de changer en dentelles vos robes de jaconas,de vous abî- mer sous une avalanche de perles fines et d'émeraudes, j'accourais vous dire avec une joie indicible : « Noé- mie ! . . . j'entrevois l'opulence. . . je vais aller à la posté- rité... trajet direct... en faisant avec vous une pose à la mairie du lie... Vous m'invectivez de la façon la plus humiliante !...

NOÉMIE.

Eh! n'ai-je pas des raisons, monsieur? Quand vous avez le cœur de vous faire écraser, et de rester six se-

10 ACTE I, TABL. I,

maines au lit, pour les beaux yeux d'une duchesse ou d'une marquise !

FLORESTAN.

Je ne les ai pas vus,Noémie,ses beaux yeux, je vous le jure... faudra-t-il toujours vous répéter la même his- toire?... Je traversais la rue Saint-Jacques, un brillant équipage, emporté par des chevaux fougueux, menaçait de pulvériser une damequi se trouvait dans l'intérieur; je ne la voyais pas; mais je l'entendais qui poussait des cris affreux!... Ma foi, par un mouvement irréfléchi, bête comme un roman, invraisemblable comme un mé- lodrame,je me jette au-devant des chevaux, qui me re- jettent sur le pavé, d'où l'on me transporte sur mon lit, avec les reins plus ou moins brisés, et en voilà pour six semaines... Si c'est ça que vous appelez de l'amour?. ..

IVOÉM1E.

Et pendant ces six semaines , tous les médecins que vous avez reçus, toutes les drogues payées par une main mystérieuse; et cette femme voilée, quivenaitde- mander de vos nouvelles à la mère Binet, la portière, qui m'a tout cancanné.

FLORESTAN, à pai't.

Oh ! la vieille pie borgne !

NOÉMIE.

Non, tout cela n'est peut-être pas louche.

FLORESTAN.

Air du Fleuve de la vie. Ce sont des mystères étranges ; Était-ce un ange ?... donc serait mon tort? Je ne puis empêcher les anges De s'intéresser à mon sort. Surtout quand cet ange, ma chère, Ne m'apparaît soir et matin Que sous les traits d'un médecin, Ou d'un apothicaire. NOÉMIE.

Eh bien ! en supposant que cette aventure ne cache pas une intrigue, me direz-vous, monsieur, ce que vous

SCtNE (il. il

êtes allé faire dimanche dernier au bal du Prado ?...

FLORESTAN, à pCli't.

Oh ! mers Binet ! mère Binet ! vieille portière, va !

NOÉM1E.

Eh bien! monsieur, vous voilà confondu... vous ne savez que répondre.

FLORESTAN.

Je réponds, Noémie , et je réponds en présence de toutes ces demoiselles que j'étais allé au Prado pour étudier l'harmonie.

NOÉMIE.

Et pour prendre la défense d'une pas grand-chose.

FLORESTAN.

Je ne sais pas si la femme dont vous me parlez était une grande ou une petite chose... mais c'était ma dan- seuse, et un malotru s'était permis de l'insulter pen- dant une chaloupe vaporeuse... Je m'adresse à tous les cœurs français. Qui n'eût pas vengé cet outrage?

Air : Je suis Français.

Je ne sais pas le nom de cette belle, Son numéro, ni même sa maison ; Mais ce soir-ià, je dansais avec elle. Et l'outrager avec ou sans raison, C'était me faire à moi-même un affront. A notre bras un' femme est inviolable, Aucun intrus n'a droit de l'insulter, Et qu'elle soit ou n'soit pas respectable, Notre devoir est d'Ia faire respecter. Oui, qu'elle soit ou n'soit pas respectable, Notre devoir est d'Ia faire respecter, Nous devons la faire respecter.

CASCARINETTE.

M. Florestan a raison !

TOUTES.

Oui, oui, il a raison !

NOÉMIE.

Alors, si tout le monde se met contre moi...

12 ACTE I.TABL. I,

CASCARINETTE.

Oui, tout le monde; et le prévenu est acquitté à l'u- nanimité.

florestan. Il V 'embrasse . Et la plaignante est condamnée aux dépens.

CASCARINETTE.

Ah! ça, mesdemoiselles, je vous rappelle que notre bal commence à minuit, et que nous avons encore à confectionner la robe delà comtesse... Ainsi, rendons- nous à l'atelier et dépêchons-nous; par exemple, je ne réponds pas que la robe de cette dame sera parfaitement cousue.

NOÉMIE.

Ainsi, Florestan, à ce soir, à notre bal. Ob! n'y man- quez pas, car à ce bal je vous ménage une surprise.

FLORESTAN.

Une surprise!... j'y serai, mon andalouse aux yeux d'ébène... (Chantant.)

Jeune fille aux yeux bleus, Tu règnes sur mon âme... (Parlé.) Je vous retiens pour toutes les polkas, mazur- kas et redowas.

Air du Domino noir. Prince de la danse, Polkeur sans égal, Je me crois d'avance A ce joyeux bal !...

ENSEMBLE.

TOUTES.

Lorsque de la danse J'entends le signal, Je me vois d'avance La reine du bal.

florestan. Reprise. (Toutes les demoiselles sortent par la gauche.)

SCENE IV.

FLORESTAN, seul, regardant sortir Nocmie. Si je danserai ! si je polkerai! Jamais de ma vie je ne

SCENE V. 13

me suis senti si léger ! absolument rien qui me gène... pas un sou dans ma poche et encore bien moins de pièces blanches !... mais j'ai ma mélodie, ma romance... le voilà ce chef-d'œuvre immortel !... Ah ! mon Dieu, mais j'y songe... je n'ai pas d'éditeur... pas le moindre éditeur pour graver ma musique... Je sais bien que je puis moi-même chanter ma romance... mais je ne puis pas tirer ma voix à trente mille exemplaires... Quel- qu'un ?... Ah ! c'est l'ami Sansonnet... Il parle à la pe- tite lingère d'à côté...

SCENE V.

FLORESTAN, SANSONNET.

SANSONNET, (IU fond.

Ainsi, c'est convenu, demain matin à onze heures, au Veau qui tête...

FLORESTAN.

Que dit-il?

sansonnet, entrant. Encore une victime !

FLORESTAN.

Comment, lovelacc, tu donnes des rendez-vous, mêinc sur le seuil de celle que tu adores ?

SANSONNET.

•Chut ! Si Cascarinette t'entendait.

FLORESTAN.

Richelieu , va !

SANSONNET.

Que veux-tu?... je suis terrible pour les femmes... Ah! dame ! c'est que je sais m'y prendre avec le beau sexe... pas une ne me résiste...

FLORESTAN.

Peste ! tu es bien heureux!

SANSONNET.

Si je suis heureux... après ça, que veux-tu? cela tient à mon système.

FLORESTAN'.

Ah ! tu as un système...

14 ACTE I, TABL. F,

SANSONNET.

Uu système infaillible!...

FLORESTAN.

Que tu vas m'enseigner?

SANSONNET.

Rien de plus simple.

Air de la Haine d'une femme. Pour vaincre une vertu farouche, Fais-lui manger un fricandeau; S'il le faut, ferme-lui la bouche Avec un bifteck ou du veau. Si ta belle semble inquiète, Vite, demande une omelette, Ou quelque chose à la poulette... Lâche même une vinaigrette. A cet appas (bis.) La vertu ne résiste pas ;

Un bon repas (bis.) Lui fait bientôt sauter le pas. florestan, d'un air malin. Et après le déjeuner ou le dîner, mon gaillard?

SANSONNET.

Je paye la carte.

FLORESTAN.

Et ça te suffit... Vieux roué! va!... (A part.) Je re- connais bien mon jobard!

SANSONNET.

C'est vrai, je le suis. Ab ! ces femmes!... en ai-jeeu!...

FLORESTAN.

A dîner?

SANSONNET.

A tous mes repas. J'ai quelquefois une femme à dé- jeuner, deux femmes à dîner et trois femmes à souper.

FLORESTAN.

Et à goûter?

SANSONNET.

Je n'ai pas de femmes à goûter... Mais à propos, j'ap- porle deux lettres pour toi.

SCENE V. 15

FLORESTAN.

Deux lettres?... de qui?

SANSONNET.

Je l'ignore!... Ta portière me les a remises pour te les remettre et je te les remets.

FLORESTAN.

Donne!... (Il les ouvre.) Oh! Dieu! comme ça sent bon, vrai patchouli!... Que vois-je?... une invitation!... (// lit haut.) « Le comte de Broutillard prie M. Flores- « tan d'honorer de sa présence le bal qu'il donnera le « 2i février, en son hôtel du faubourg Saint-Germain.»

SANSONNET.

Le comte de Broutillard?... je ne connais pas!

FLORESTAN.

Ni moi non plus!...

SANSONNET.

Alors, c'est le même.

FLORESTAN.

Voyons l'autre... Oh! celle-ci sent encore meilleur ! Sens donc, Sansonnet, c'est de la violette, de la pure violette.

sansonnet, sentant la lettre.

Oui, de la violette ou de la giroflée... je crois plutôt que c'est de la giroflée.

FLORESTAN.

Profane!... Que vois-je?... une seconde invitation!... (Il lit.) « Mme de Saint-Amour a l'honneur d'inviter « M. Florestan au bal qu'elle donnera le 12 avril, dans « ses salons de la ruo de Bréda, 10. »

SANSONNET.

Mme de Saint- Amour?...

FLORESTAN.

Connais pas davantage... Mais, c'est égal, j'irai, San- sonnet, j'irai à ces deux bals!... j'y chanterai mes ro- mances... 0 Dieu ! quelle superbe occasion!... (Il chante en fredonnant le premier vers de la romance du second tableau.)

ltf ACTE I, ÏABL. I.

SANSONNET.

Comment! tu oserais sans y connaître personne?. ..

FLORESTAN .

Air du Verra. Qu'importe! c'est un premier pas; Dans ces salons, je vais paraître; Et si l'on ne m'y connaît pas, Mon talent m'y fera connaître. Partout règne le plaisir, La musique fait des merveilles; Les grands se laissent attendrir Quand on les prend parles oreilles...

Et je chercherais un éditeur! mais j'en aurai trente, quarante! ils feront antichambre chez moi... sur le carré... ils s'arracheront mes mélodies, et je me vois couvert de lauriers et de billets de banque... Ah! San- sonnet, lu me prêteras une cravate blanche et un faux col?...

SANSONNET.

Je mets ma commode à ta disposition... mais à une condition.

FLORESTAN.

Laquelle?

SANSONNET.

C'est que tu m'emmèneras avec toi.

FLORESTAN.

Pourquoi faire?

SANSONNET.

•Jusqu'ici je n'ai réduit sous ma loi que des beautés de bas étage... je veux essayer maintenant le pouvoir de mes charmes sur les dames du grand monde... je leur donnerai de mes cheveux.

FLORESTAN.

Gros fat!... j'y consens... mais comment te présen- terai-je?... Ah '.j'y suis!... comme homme de lettres... lu composes les paroles de mes mélodies... tu es mon Scribe...

SCENE V. 17

SANSONNET.

C'est ça... paroles de M. Sansonnet, musique de M. Florestan.

FLORESTAN.

Oh ! mes romances ! je veux les chanter toute la nuit. Mais, j'y songe !... et Noémie que je dois voir ce soir au bal de Cascarinette... Ah! bah! après tout, si je lui brûlela politesse, c'est pour son bonheur. ..sa félicité...

SANSONNET.

Et Cascarinette qui va m'attendre sous l'orme? Bah ! il faut se faire désirer par les femmes... c'est mon sys- tème... elles ne m'aiment jamais plus que quand elles ne me voient pas.

FLORESTAN.

Allons ! viens faire notre toilette, en route pour ton domicile...

SANSONNET.

Moi, j'ai le temps... il faut d'abord que je parle a Cascarinette... Je lui apporte de quoi nourrir sa pas- sion.

FLORESTAN.

Quoi donc?

SANSONNET.

Quelquesfriandiseslégèrcs...du flan et de la galette... (Il les tire de sa poche.)

FLORESTAN.

Alors, donne la clef de ta commode... je t'emprunte- rai une paire de souliers... J'aurai peut-êire aussi be- soin d'un pantalon et d'un gilet...

SANSONNET.

Ah! ça, tu vas donc me dévaliser!...

FLORESTAN.

Sois tranquille, je laisserai la commode. Air des Hussards de la Garde.

Vive le bal ou Plulus nous convie î

Il faut saisir la fortune en chemin ;

Chantons encor aujourd'hui la folie PARIS au bal. 2

18 ACTE I, TABL. I,

Et remettons la sagesse à demain.

SANSONNET.

Eh quoi! je verrai des baronnes et des marquises, Je pourrai polker avec des princesses pur sang... Vrai, je crois dormir, je crois rêver...

FLORESTAN.

Quoi?

SANSONNET.

Des bêtises.

FLORESTAN.

Tout éveillé c'est un rêve que tu fais souvent. ENSEMBLE.

Vive le bal Plutus, etc.

SCENE VI.

SANSONNET, seul. Je vais donc me faire voir dans la haute société. Cette idée me sourit voluptueusement... Je vais y faire des masses de conquêtes... mais celles-là je ne les con- duirai pas au Veau qui tête... ça sera du Véfour ou du Yéry que j'emploierai pour les séduire, les mal- heureuses!... car les femmes mangent dans toutes les conditions... voilà ma manière devoir!

SCENE VII.

SANSONNET, M»« DE SAINT-AMOUR, LE COMTE.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Nous voici arrivés.

sansonnet, à part. Une dame?... Oh! la belle créature!

MmE de saint-amour, à Sansonnet . La maîtresse de la maison, s'il vous plaît?

SANSONNET.

Ce n'est pas moi.

Mme SAINT-AMOUR.

Je m'en doutais.

SANSONNET, à JMrt.

Elle n un très-beau port...

SCENE VIII. 19

Mme DE SAINT-AMOUR.

Dites que l'on vienne me parler.

SANSONNET.

J'y cours... (A part.) Elle a un nez que je prise beaucoup... (// sort en lui lançant des œillades.)

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Qu'est-ce qu'il a donc, ce petit monsieur, avec ses yeux de chat en bonne fortune?

SCENE VIII.

M»>e DE SAINT-AMOUR, LE COMTE.

LE COMTE.

En vérité, Mme de Saint-Amour, il faut que mon af- fection pour vous soit bien vive!...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Et pourquoi donc, mon cher Sotroloff?...

LE COMTE.

Moi!... l'un des plus gros boyards de la Crimée... venir dans une boutique acheter des chiffons!... au risque d'être vu!... vrai ! Eloa, vous n'êtes pas raison- nable.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et que craignez-vous ?...N'êtes-vous pas célibataire, libre comme l'air?...

LE COMTE.

Libre comme l'air!... mais il y a un certain déco- rum...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Du décorum avec son épouse future!... car je dois l'être par-devant 31. le maire, orné de son écharpe... Et, Dieu merci !... il y a assez longtemps que vous me lanternez !...

Air : Ma belle est la belle des belles.

Au mois d'août, venant d la Russie,

Et brûlant, cela se conçoit,

Vous me disiez : Ma chère amie,

J'vous épous'rai quand il fia froid.

Mais septembre, octobre, novembre

20 acte: i, tabl. i,

Pour vous s'écoulèrent trop lot; Et vous m'avez dit en décembre : J'vous épous'rai quand il f'ra chaud.

LE COMTE.

Et je vous dis comme en décembre : J'vous épous'rai quand il f'ra chaud.

Mrac DE SAINT-AMOUR.

Quand il fera froid!... quand il fera chaud!... Je vous préviens, monsieur, qu'en France , on se marie quelle que soit la température, et sans consulter le thermomètre.

LE COMTE.

Ingrate !... mais ne savez-vous pas que j'attends des dispenses de l'autocrate, mon auguste maître?

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Je me moque pas mal de votre automate!...

le comte, reprenant. Crate...

Mme DE SAIÏVT-AMOUR.

Vous avez juré de me couronner boyarde, avec des bijoux, des roubles, des villages, et cinq cents cerfs. Or, je veux entrer de suite en possession de mes bijoux, de mes roubles, de mes villages , de mes cherfs et de mon mari.

LE COMTE.

Mais permettez, ma toute belle...

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et je veux, j'entends, j'exige que ce soir, à mon bal, vous me présentiez à tout le monde comme future boyarde de Solroloff.

LE COMTE.

Je vous le promets... (A part.) Prends garde de le perdre.

Mme DE SAISI-AMOUR.

Jfein ! vous dites?...

le comte, lui caressant le menton. Diable de mauvaise tête, va!...

SCENE IX. 21

SCENE IX. LES MÊMES, NOÉMIE.

noémie, entrant. On m'a dit qu'une dame... (Voyant Miae de Saint- Amour'.) Dieu! me trompé-je?...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Que vois-je?... Noémie !... Ah! viens donc que je t'embrasse!... une ancienne amie... comment donc te trouves-tu ici?

NOÉMIE.

Mais j'y fais des modes...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Que ça?... tu n'as guère fait ton chemin!

NOÉMIE.

Mais toi, quel luxe! quelle toilette!... Que fais-tu donc?...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Oh! moi!... je ne fais pas de modes... j'en porte... et je viens ici pour commander un chapeau.

NOÉMIE.

Ah ! est-ce que tu es mariée ?

Mme DE SAINT-AMOUR.

Mais ça ne tardera pas.

NOÉMIE.

Et ton futur est-il jeune?... est-il beau?...

LE COMTE.

On le dit.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Hein!... figure chiffonnée... (Regardant le Comte.) très-chiffonnée.

NOÉMIE.

Est-il gras?... est-il maigre?...

Mrae DE SAINT-AMOUK.

Entrelardé.

NOÉMIE.

A-t-il de la fortune ?

22 ACTE I, TABL. I,

Mme DE SAINT-AMOUR.

C'est ce qu'il a de mieux... Mais tiens, si tu veux le connaître, viens ce soir à un bal que je donne...

NOÉMIE.

Oh! impossible !... J'ai moi-même un bal auquel je ne puis manquer.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Tu ne resteras chez moi qu'un quart d'heure, et tu verras mon riche appartement golbique, mes meubles gothiques, mon époux...

KOÉMIE.

Gothique?

LE COMTE.

Comment! gothique?...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Tout cela est très-curieux...

KOÉMIE.

Tu m'en donnes l'envie... et si ça m'est possible.,.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Je loge rue de Bréda, 10... Mme de Saint-Amour.

NOÉMIE.

Comment ! Mnu' de Saint-Amour !... Tu ne t'appelles donc plus Touton Larifla?...

LE COMTE.

Touton Larifla !...

Mme de saint-amour, embarrassée, au Comte. C'est un petit nom qu'on me donnait à... la pension.

NOÉMIE.

Oh ! à la pension!...

LE COMTE.

Touton Larifla!... (A part.) C'est un nom de tam- bour-major!...

SCENE X.

les mêmes, FLOBESTAN. florestan, entrant très-joyeusement.

La victoire est à moi! (bis.) J'ai des babils pour...

SCENE X. -25

(Apercevant Mme de Saint- Amour.) Ciel !...

Mtne DE saint-amour, voyant Florestan. Dieux!...

le comte, à J/œe de Saint-Amour. Hein?...

noémie, à Florestan. Quoi?...

le comte, « J/mi; de Saint-Amour. Qu'y a-t-il?...

noémie, à Florestan. Qu'avez-vous ?...

Mme de saint-amour, au Comte. Moi!...

florestan, « JYoémie. Rien... [A part.) La dame du Prado.

Mme DE saint-amour, bas à Florestan. Ne me reconnaissez pas.

florestan, à part. Il n'y a pas de danger.

noémie, « part. C'est étrange !

le comte, à part. Il y a quelque chose là-dessous.

ENSEMBLE.

Air delà Kermesse. (Marche de la Jolie Fille de Gaiul.)

NOÉMIE et LE COMTE.

Cet embarras muet Me cache un secret; Mais déjà j'ai mon projet... Fut-ce une indignité,

Une iniquité, Je saurai la vérité.

FLOBESTAN et Mme DB SA1BT- ABOCK .

Notre embarras muet, Notre air inquiet. Peut traiiir noire secret ; Avec habileté

24 ACTE 1, TAiiL. I, SCEiNE Xt.

Et malignité, Cachons bien la vérité.

SCENE XI.

les mêmes, SANSONNET, CASCARINETTE, CHO- PINETTE, NINI, Grisettes.

CASCAR1NETTB.

(Continuation de l'air.) Nous voici, noire ouvrage est fini.

sansonnet (bas à Florestan). Partons, mon cher ami... cascarinette Mme Je Saint- Amour). Madame que veut-elle ?

Jjn'eDE SAINT- AMOUR.

Pour choisir à mon gré, Plus tard je reviendrai... noémie part). Moi, ce soir, Pour savoir Si l'on m'est infidèle, Au bal on me verra (bis.) Chez Toulon Larifla. (Reprise Ensemble.)

LES OUVRIÈRES.

Ce travail est parfait ; Puisque tout est prêt, Revenons au grand projet. Qu'un bal soit apprêté,

Et qu'à la gaieté Se joigne la liberté.

NUL MIE et LE COMTE.

Cet embarras muet, ete.

FLORESTAN et Slme DE SAINT- AMOOB.

Notre embarras muet, etc.

SANSONNET.

C'est charmant, c'est parfait ; Bientôt je suis prêt : De noire joli projet, Vrai, je suis enchanté,

ACTE J, TABL. Il, SCENE I. 25

Et qu'avec gaieté, Vite, il soit exécuté.

DEUXIEME TABLEAU.

Un bal du grand monde. Un riche sa'on donnant sur d'au- tres salons. Portes latérales. Des lustres et candéla- bres allumés. Un piano, des chaises et un fauteuil.

SCENE PREMIERS.

DE LUSSAX, GOBERGEOT, LOST ANGES, DUBER- SAC, Invités, en grande toilette et se promenant avec gravité.

CHOEUR

Air d'un Dwd sous Richelieu. Entendez-vous? l'orchestre est qui nous seconde, La belle nuit ! jamais fut- il plaisir plus doux? Vive le bal, et surtout un bal du grand inonde ! Paris s'y donne rendez-vous.

LOSTAXGES.

Que de monde !

DE LUSSAX.

Quelle foule!

GOBERGEOT.

C'est une vrai cohue !

DE LDSSAN.

Au diable l'étiquette !... Quand jepense que par bien- séance je m'ennuie ici quand j'ai un bal des plus déli- cieux...

LOSTAXGES.

C'est comme moi : un bal charmant chez une femme ravissante, rue de Bréda.

dubersac, à part. Rue de Bréda!... est-ce que ce serait?...

GOBERGEOT.

Depuis une heure, je bâille ici à me décrocher la mâ- choire!...

26 ACTE I, T.VBL. Il,

LOSTANGES.

Voilà ce qu'on appelle aujourd'hui un bal du grand monde!...

DE LUSSAN.

Mais êtes-vous bien certains, messieurs, que le maître de la maison soit du grand monde ?

DUBERSAC.

Puisqu'il est comte...

LOSTANGES.

Oui... comte de Broutillard!... voilà un nom bien noble!... C'est quelque parvenu... quelque riche four- nisseur anobli... Avez-vous vu comme il a l'air com- mun?...

GOBERGEOT.

Et bête!...

LOSTANGES.

Et sa femme, messieurs, qu'est-ce que vous en dites?

GOBERGEOT.

Bien insignifiante, sans le moindre esprit... Croiriez- vous, messieurs, qu'elle ne s'est seulement pas aperçue que j'étais amoureux d'elle?...

DUBERSAC.

Et moi, donc! je lui ai dit quelques mots tendres... et elle m'a ri au nez.

DE LUSSAN.

Quant à moi, je ne l'ai pas seulement honorée d'un regard.

LOSTANGES.

Ni moi non plus... il me faut des conquêtes d'une noblesse mieux établie...

DE LUSSAN.

Silence, messieurs; voici notre ridicule amphitryon.

SCENE II. LES MÊMES, LE COMTE. le comte, saluant. Messieurs...

SCENE IV. 27

DE LUSSAN.

Cher comte, recevez mes complimens... votre fête est charmante !...

LOSTANGES.

Une société des plus choisies !...

DUBERSAC

Et un entrain... une gaieté !...

GOBERGEOT.

On s'y amuse au possible!... la maîtresse de la mai- son en l'ait les honneurs avec tant de grâce...

DE LUSSAN.

Et M. le comte avec tant d'esprit!...

LE COMTE.

Messieurs, en vérité... je suis confus et ravi de ces complimens sincères...

TOUS.

Oh! très-sincères!... (/As s'éloignent en riant sous cape.)

SCENE III.

LE COMTE, seul. Ils sont bien heureux s'ils s'amusent à mon bal; je n'en dirai pas autant... ma femme qui s'avisedele don- ner sans m'en prévenir... c'est une surprise qu'elle me ménageait... jolie surprise!... moi qui ai promis à la Saint-Amour d'assister à la fête qu'elle donne... elle m'attend avec impatience... et la lettre qu'elle vient de m'écrire...(//se/bî(//fc.)Ah ! mou Dieu ! je l'ai perdue!... Il est vrai qu'elle est adressée au comte A. Sotroloff... mais ma femme a des soupçons : hier elle a découvert mon habit russe, et Germain, mon valet de chambre, croit qu'elle me fait suivre... {Voyant entrer sa femme.) La comtesse!. ..dissimulons... lesourire sur les lèvres...

SCENE IV.

les mêmes, LA COMTESSE. la comtesse, apercevant son mari. A part. Le voici, le traître !

le comte, allant au-devant d'elle. Ah! vous voilà, chère amie... votre toilette est ravis- sante !

28 ACTE I, TàBL. Il,

tous les imités, s' approchant.

Mme la comtesse...

LA COMTESSE.

Messieurs, je suis enchantée de vous voir... Vous êtes venus de bonne heure, c'est très-aimable...

GOBERGEOT.

Nous avions hâte de saluer. une personne aussi accom- plie...

LA COMTESSE.

Vous me flattez... Mais j'entends la ritournelle... les quadrilles vont commencer... {A son mari.) Voyons, M. le comte, occupez-vous de recruter des danseurs,.. {Elle remonte au fond.) le comte, « de Lussan. Tout de suite, mon cher avocat, il me faut un vis-à- vis... et j'espère...

de lussan.

Y songez-vous, cher comte !... vouloir faire danser la justice!... Désolé, mais je ne puis... {Il remonte.)

le comte. Ah ! alors M. Gobergeot...

GOBERGEOT.

Je ne sais pas une figure !... {Il remonte.)

LE COMTE.

Ah !... {Il va vers Loslanges.)

LOSTANGES.

Y songez-vous?... un docteur!... {Il remonte. Le Comte va vers Dubersac.)

DUBEitsAc, remontant. Mon ventre s'y oppose.

le comte, « part . Qu'est-ce qu'ils viennent donc faire au bal ?... {S'a- dressant à un tout petit jeune homme, assis dans un coin du salon.) Ça sera donc vous, mon jeune ami ?... le jeune homme, avec gravité. Il y a quinze ans que je ne danse plus !...

{Il lui tourne le dos.)

SCENE V. 29

le comte. « part. Il dansait donc en nourrice?... Il me prend des en- vies de les flanquer tous à la porte! ...(Les quatres mes- sieurs et le petit jeune Itomme sont sortis.) la comtesse, qui était remontée, redescend et dit vivement à son mari. Eh bien ! monsieur, les quadrilles sont-ils organisés?

LE COMTE.

Organisés... oui, madame; et je vais moi-même... (A part.) Ah\ si cela continue, je vais m'en aller... voilà ce que je vais faire !... (Il sort.)

SCENE V.

LA COMTESSE, seule, voyant son mari s'éloigner.

J'avais peine à contenir mon indignation, ma colère... (Elle tire une lettre de son sein.) Ce billet que j'ai vu tomber de sa poche ne me laisse aucun doute sur sa lâche conduite... Je suis trahie!... et pour qui?... pour une femme qui écrit amour par une/; .'...Epousez donc un vieux mari pour être certaine de sa fidélité !... (Elle froisse la lettre avec colère.)

Air : Dans le carlin de la marquise. Craignant leur Leaulé, leur esprit, On les prend laids, on les prend bêles; On les prend vieux et l'on se dit : Us ne feront plus de conquêtes. Mais ces oiseaux que le temps, vieux chasseur, A blessés de sa faux cruelle, Voltigent avec plus d'ardeur En ne battant plus que d'une aile ; Us voltigent avec ardeur, Même en ne battant que d'une aile.

Et quand je pense que j'ai combattu longtemps l'inté- rêt que m'inspirait ce pauvre jeune homme qui s'était sacrifié pour moi!... Oui, pour être fidèle à mes de- voirs, j'ai poussé l'héroïsme jusqu'à l'ingratitude... et quand je le voyais à la dérobée, étendu sur un lit de

50 ACTE I, TABL. Il,

douleur... dominée par je ne sais quel scrupule, je n lui ai pas exprimé une seule foi ma reconnaissance- mais il est rétabli, je l'ai invité à mon bal... il va venir et...

un domestique, entrant. M. Florestan !

LA COMTESSE.

C'est lui!

SCENE VI.

LA COMTESSE, FLORESTAN, SANSONNET, en toilette très-ridicule. florestan, à Sansonnet. Allons! ferme!... de l'aplomb! de la gravité!...

sansonnet, apercevant la Comtesse. Ab ! la belle femme!...

florestan, saluant la Comtesse. Madame!...

sansonnet, saluant gauchement. Madame!... (A part.) Sapristi! quels yeux!...

la comtesse. Je vous attendais, M. Florestan; soyez le bienvenu

sansonnet, bas à Florestan. Est-ce que tu la connais?...

florestan, lui donnant un coup de poing. Tais-toi donc !... (Haut.) Ab ! madame, c'est très flatteur pour moi !...

sansonnet. C'est très-flatteur... pour nous!...

(Florestan le pousse pour le faire taire.)

LA COMTESSE.

Monsieur est votre ami?

FLORESTAN.

Et mon collaborateur... Il fait les paroles des roman ces que je compose.

sansonnet, saluant. Sansonnet, homme de lettres... sans me flatter, j uis lettré comme un mandarin chinois.

SCEiNE Vil. 31

LA COMTESSE.

M. Florestan compose donc des romances?

FLORESTAN.

Oui, madame; et si vous voulez me permettre de vous chanter ma dernière... {Il tire une romance de sa poche.)

LA COMTESSE.

Tout-à-l'heure... avant, je désire vous parler.

FLORESTAN.

Je suis à vos ordres, madame.

SANSONNET.

Nous sommes à vos ordres.

la comtesse, à Florestan. A vous seul...

florestan, à Sansonnet. C'est différent... Mon collaborateur, va te promener.

SANSONNET.

ça?...

la comtesse, souriant. Mais... dans le bal.

SANSONNET.

C'est juste!... {Saluant.) Madame!... {A part.) Al- lons déployer nos moyens de séduction... Les grandes dames n'ont qu'à se bien tenir !... (// sort.)

SCENE VII.

LA COMTESSE, FLORESTAN.

la comtesse, qui s'est assise. Asseyez-vous, M. Florestan... florestan. Madame...

LA COMTESSE.

Là... près de moi... et causons...

florestan, s' asseyant, à part. Que diable peut-elle avoir à me dire?...

LA COMTESSE.

Si je vous suis inconnue, monsieur... moi, je vous connais...

32 ACTE I, TABL. Il,

FLORESTAN.

Est-il possible?... Eh quoi!... madame, ma réputa- tion de compositeur serait arrivée jusqu'à vous?... Ah!... c'est ma plus douce récompense!... et j'ai hâte de vous faire connaître ma dernière production.

LA COMTESSE.

Plus lard... je la connaîtrai... car j'espère qu'à pré- sent vous viendrez souvent chez nous... je veux vous présenter à mon mari... un jeune artiste a toujours besoin d'un protecteur... il vous en servira. florestan, remerciant. Oh! madame!... quoi !... vous daigneriez !...(.l part.) Juste ce qu'il me fallait... {Haut.) Croyez, madame, que ma reconnaissance...

la comtesse. Vous ne me parlerez plus de reconnaissance, mon- sieur, quand vous saurez ce que je vous dois... florestan. Vous, madame, vous me devez quelque chose?...

la comtesse. La vie !... rien que cela.

florestan. La vie!...

LA COMTESSE.

Oui, monsieur, la vie que vous m'avez conservée au péril de la vôtre...

FLORESTAN.

Eh quoi! cette voiture... celle infortunée dont j'en- tendais les cris...

LA COMTESSE.

C'était moi, monsieur...

FLORESTAN.

Ah! madame, que je suis heureux!... que de bon- heur !...

Air : Lorsque parfois. J'ai peu de ni é : i t e , madame; Pour vous, lorsque je m'exposais, Je croyais sauver une femme ;

SC EN F VI !i. 53

El, voyez si je nie Irompais, C'est un ange que je sauvais! Du ciel vous arriviez sans doute, Par un décret de l'Eternel ; Si je vous ai renconlrésur ma route, C'est que j'étais sur le chemin du ciel. J'étais sur le chemin du ciel I la comtesse, avec embarras et ('motion. Croyez, M. Florestan, que mon cœur, profondément touché... que ma reconnaissance... mon amitié... florestan, « part. Son amitié !...

la comtesse, de plus en plus émue. En un mot, le sentiment d'intérêt bien vif que j'ai conçu pour vous...

FLORESTAN. à part.

Elle est émue!... Est-ce que par hasard... pourquoi pas?...

LA COMTESSE.

Croyez, dis-je, que si je pouvais quelque chose pour votre bonheur, pour votre avenir...

florestan, avec passion. Ah! madame!... tant de bonté m'encourage.

le comte, en dehors. Je vais vous l'amener.

la co.mtesse, se levant trcs-lroublèe. Mou mari ! . . . silence ! . . .

florestan, étonné. Le mari!...

SCENE VIII.

les mêmes, LE COMTE; puis, SAXSON.NET. le comte, « la Comtesse. Ma bonne amie... je viens vous eherchef... Tout le monde vous demande au salon... (// se trouve en face de Florestan.)

florestan. h reconnaissant. Oh!...

le c? ~: d Ah?...

tiRI1- AD BtL *

3i ACTE I, TABL. Il,

florestan, à part. Mon Russe !

le comte, « pari. Mon jeune homme de ce matin!...

LA COMTESSE.

Qu'y a-t-il?... Que signifie cet élonnement?...

LE COMTE.

Rien!...

FLORESTAN.

Rien du tout... (A part.) Soyons discret!...

LA COMTESSE.

Vous vous connaissez donc?...

FLORESTAN.

J'ai vu monsieur... une fois...

le comte, vivement. Dans le monde...

florestan, de même. Oui... dans le grand monde.

sansonnet, accourant ètourdiment. Victoire!... victoire!... Florestan !... je triomphe!... (// se trouve entre Florestan et le Comte, et en voyant ce dernier, il jette un cri.) Ah ! le comte lui mare/ie sur un pied pour le faire faire. (Bas.) Taisez-vous.

florestan marche sur l'autre pied. {Bas.) Tais-toi!...

sansonnet. Aïe ! mes œils de perdrix.

le comte, à part. Qui diable les a invites ici?...

la comtis'E, qui a tout observé, à part. C'est bien singulier!

le comte, à part. Eloignons ma femme... (Haut.) Mme la comtesse, rendons-nous auprès des invités.

la comtesmf., à part. Il y a quelque mystère là-dessous.

SCENE IX. 55

CHOEDB.

Ain : Valse de Strauss. Quel est donc ce mystère? Je découvrirai bien Ce que l'on vent me taire, ici ne disons rien.

S CE NE IX.

FLORESTAN, SANSONNET.

SANSONNET.

Ah ! ça, qu'est-ce que ça signifie?

FLORESTAN.

Eh! mon cher, tu allais tout gâter!... Apprends donc que j'ai fait une conquête.

SANSONNET.

Vrai ? eh bien! moi aussi.

FLORESTAN.

Je suis aimé ! Je suis adoré !

SANSONNET.

FLORESTAN.

Car c'est bien de l'amour que j'ai lu dans les yeux bleus de cette charmante blonde.

SANSONNET.

La mienne a les yeux gris, mais d'un gris superbe!... gris Marengo !

FLORESTAN.

Oui, couleur de la redingote du petit Caporal.

SANSONNET.

Voici comment j'ai fait sa conquête : Tout-à-1'heure en entrant dans le bal, j'aperçois de loin un groupe de femmes ravissantes assises dans un coin du salon; mais à travers une forêt vierge d'habits noirs, comment pé- nétrer jusqu'à elles?... avec ça qu'il était impossible de marcher... si fait, l'on marchait sur mes pieds... Par bonheur passe en courant un valet portant un pla- teau de rafraichissemens ; rapide comme l'éclairé, je m'en empare... du plateau... et je m'élance vers le groupe de dames en criant : Place! place! des rafraî- chissemens pour les dames !

50 ACTE I, TABL. Il,

FLOKESTAN.

A présent que les domestiques du grand monde ser- vent en habit noir, tu avais loul-à-fait le costume de l'emploi.

Comme bien tu penses, tout en distribuant les glaces et les sorbets, j'assassine les belles dames de mes œil- lades; beaucoup feignent de ne pas me comprendre; mais la dernière de la rangée, une superbe femme, grosse deux fois comme moi et petite à proportion, se penche en prenant une glace et me glisse à l'oreille ce discours amoureux... « Venez nie parler tout-à-1'heu- re... » Aussitôt, je suis emporté par une rafale de monde et je reviens ici avec une conquête de plus... flouestan , regardant l'habit de Sansonnet.

Et un pan de ton habit de moins.

SANSONNET.

C'est parbleu vrai!... et mon ebapeau est criblé de renfoncemens!... (// le regarde.) Mais qu'importe un Gibus quand on est couronné par l'amour... Justement je l'aperçois...

SCENE x.

LES MÊMES, TOUT LE MONDE. CHOEUR

Air de la Favorite. Aux sons de la rilournelle Qui voudra resle fidèle, Moi , j'ai mon lié trop de zè'e Et je ne veux plus danser. De l'ennui qui se propose,! Rien ici ne dédommage, Chacun le fuyant, je gage Que la fêle va cesser. Aux sons de la ritournelle, etc. sansonnet, montrant à Floreslan une dame dans le fond. La voio-tu, ma victime, là-bas!... avec ce magnifique béret... fiorestan.

Qui a l'air d'un parapluie!

SOENE XI. 57

SANSONNET.

Juste!... mais elle me fait signe d'aller lui parler... Elle en tient, la malheureuse!... (Il sort.)

SCENE XI.

les mêmes, moins la Dame et SANSONNET.

CHOKCR.

Air de la Reine de Chypre. Aux sons de la ritournelle, etc. lostanges. Vraiment, on étouffe à votre bal, cher comte !...

le comte. C'est vrai !... et moi aussi j'étouffe... (A part.) de co- lère !... La Saint-Amour qui m'attend toujours, et je ne puis m'en aller d'ici !...

de lussan. Il est impossible de se remuer... aussi, personne ne danse.

LA COMTESSE.

Eh bien! messieurs, pour dédommagement, je vous proposerai d'entendre de la musique !

FLORESTAN, à part.

Ma romance qu'elle va me faire chanter...

LA COMTESSE.

Voici un jeune compositeur qui fait des mélodies charmantes.

FLORESTAN, à part.

C'est bien cela.

le comte, à part. Est-ce que ma femme deviendrait musicienne ?

LA COMTESSE.

Et il va se mettre à ce piano.

florestan, avec empressement. Comment donc, madame ! avec le plus grand plaisir... (Il va s'asseoir vivement au piano.) lostanges, bas à de Lussan. Il ne manquait plus que ça !

le lussan, bas. C'est le bouquet !

38 ACTE I, TABL. Il,

GOBERGEOT, à part.

C'est à n'y pas tenir!...

LA COMTESSE.

Messieurs et mesdames, veuillez prendre place... M. Florestan, nous vous écoutons... {Tout le monde s'assied. Florestan salue et s_- prépare à chanter.)

le comte, pendant la ritournelle, à pari. Oh! quelle idée!... Tout le monde est occupé à en- tendre... je ferai dire par Germain (prune indisposition subite... et je file chez la Saint- Amour...

(// sort vivement sur la point.' du pied.) la comtesse, voyant sortir le Comte. Que vois-je!... mon mari qui s'éloigne!... Oh! le traître , il va sans doute à son rendez-vous... je veux savoir... (Elle sort de même.)

florestan (cliante).

Air de M . Couder. 0 mon Élodie ! Maîtresse chérie ! Que j'aime tes yeux! J'y vois la tendresse, J'y vois la sagesse Et l'azur des cieux ! J'y vois le secret de ton cœur ; Ta défaite fait mon bonheur! (Ritournelle. Tout le monde a donné des signes d'ennui en se moquant tout bas du chanteur, et pendant la ri- tournelle on dit : )

DE LUSSAN, bas.

Les maîtres de la maison son partis... ma foi, je vais en faire autant !

tois, bas.

Et moi aussi. Et moi aussi... (Tout le monde sort à pas de loup. Florestan reste seul.)

FLORESTAN.

Oui, ma mie, Si jolie! Dans tes yeux je lis mon bonheur !

SCENE XII. 59

{Parlèjàpart. )Quel sil;*nc<* religieux!... on est dans le ia\ issement... les applaudissemens seront pour le se- cond couplet... (Il se retourne en disant : ) Le second eouplet... (iVe voyant •personne.) Personne î... Tout le monde est parti !. .. (Il se lève furieux.) Mais c'est une horreur ! c'est un scandale!

SCENE XII.

FLORESTAN, SANSONNET.

sansonnet, entrant furieux. C'e.-t une abomination! c'est une infamie!

FLORESTAN.

Les paltoquets !... prendre ainsi la fuite à mes accens mélodieux !...

SANSONNET.

Celte vieille caricature!... Croirais-tu que ce rendez- vous qu'elle m'avait donné, c'était pour m'offrir six cents francs par an. nourri, vêtu et logé.

FLORESTAN.

Comment! elle a osé te proposer...

SANSONNET.

D'entrer à son service en qualité de valet de pied.

FLORF.STAN.

Ah ! ce pauvre Sansonnet!

SANSONNET.

Parce que je lui avais offert des rafraîchissemens,elle m'avait pris pour un domestique !...

FLORESTAN.

Est-il possible? Ah! je suis outré!

SANSONNET.

FLORESTAN.

Et moi indigné!... Maudite soit l'idée que j'ai eue de venir dans cette maison !

SANSONNET.

Dans cette baraque!...

florestan. Sansonnet, rendons-nous à ma seconde invitation... j'ai idéeque nous serons plus heureuxehez Mme de Saint-Amour.

40 ACTE II. TAliL. III,

SANSONNET.

Allons chez la Saint-Amour!

FLORESTAIS.

AlR : Voilà comme on me seconde ! Si dans une erreur profonde, J'ai recherché le grand monde, Je vais Le fuir pour jamais ! ENSEMBLE. Voilà comme on nous seconde! ele.

(Ils sortent sur l'ensemble.)

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE II.

TROISIÈME TABLEAU.

Un boudoir meublé avec luxe et éclairé par un grand nom- bre de bougies. Une porte au fond. Portes latérales. Des divans, un canapé, des tapis, un guéridon, une psyché.

SCENE PREMIERE.

BlmeDE BEAUPERTUIS, LOSTANGES, DE LUSSAN, DUBERSAC, GOBERGEOT, Lorettes et Jeunes Gens.

Au lever du rideau, les dames sont assises sur des divans, et les hommes sont groupés autour d'une tablede lansquenet.

CnOECR.

Air des Deux pigeons. (3me acte.)

LB BANQUIER.

Quarante louis se trouvent sur la table, Je reste encor, qui les tient d'entre vous?

LOSTANGES.

je fais banco...

LE BANQUIER (jouant).

Très-bieD, c'est acceptable. Valet, dix, as...

S(îENE I. 41

LOSTANGES.

Il nous ruinera tous !

1)B LUSSAN.

C'est trop de chance !

LE BANQUIER.

Messieurs, je recommence.

GOBERGEOT.

Il recommence !

ENSEMBLE.

LES JOCEURS.

Le lansquenet le favorise ; Il faut que sa veine s'épuise, Entre nous tous faisons la mise.

le banquier part). Mon bonheur cause leur surprise; Ils vont encor Ifenir la mise, 11 faut que leur bourse s'épuise. delussan mettant au jeu). Vingt louis !

LOSTANGES.

Vingt-cinq ! gobergeot (de même).

Voici la mise! le banquier (jouant). Le dix pourmoi, Pour vous, messieurs, le roi; Le dix encor !

DE LDSSAN.

C'est incroyable !

LOSTANGES.

Je suspecte un bonheur semblable .'

le banquier (se levant). Plaît-il, monsieur ?

de lussan.

Oui, c'est trop fort !

ENSEMBLE.

LES JOUEURS.

!l gagne tout, c'est incroyable ! Pour lui seul le soit nous accable ; Et c'est trop fort !

42 ACTE 11, ÏABL. NI,

Oui, tant de bonheur c'est trop fort !

LE BANQUItll

Messieurs, si le sort vous accable, Je n'en puis être responsable;

Vous avez tort. A mon honneur vous faites tort.

CHOEUR. M°'e DE BEAOPEBTU1S ET LES AUTRES DAMES (s'interpOSant) .

Messieurs, si le sort vous accable, 11 n'en peut être responsable;

Vous avez tort. A son honneur vous faites tort!

(Le Banquier prend son chapeau et s'esquive.)

DE LUSSAN.

Cinquante louis perdus en dix minutes!

LOSTANGES.

Moi j'en ai perdu deux cents !

DUBERSAC.

Et moi, ma bourse est à sec... mais je jouerai sur parole, et ce monsieur si heureux... (Il se retourne et ne le voit plus.) Eh bien ! donc est-il passé?

GOBERGEOT.

Il a disparu !...

LOSTANGES.

C'est un flibustier!... j'en étais sûr!

Mme DE BEAUPERTUIS.

Ah ! par exemple !... pouvez-vous soupçonner un ba- ron italien !...

DE LUSSAN.

Italien?... Je le crois plutôt grec! tout ce qu'il y a de plus grec.

Mme DE BEAUPERTUIS.

C'est une horreur de croire queMme de Saint-Amour reçoit chez elle une mauvaise compagnie... dont vous faites partie, messieurs.

LOSTANGES.

C'est vrai... et nous avons tort... Mais quand on perd son argent ainsi...

M1" DE BEAUPERTUIS.

Le plaisir de la danse vous en dédommagera...

SCENE II. 43

LOSTANGES, à part. Voilà une nuit bien commencée !... L'n ennui mortel dans le bal du grand monde, deux cents louis perdus ici!

Mnie DE BEAUPEKTUIS.

Voici Saint-Amour.

SCENE II.

LES MÊMES, M™ DE SAINT-AMOUR.

Mme DE SAINT-AMOUR.

On s'amuse ici à ce que je vois?... C'est très-bien!... Messieurs, je vous fais mes complimens de la part du baron italien qui vientd'ètre obligé de partir... Il trouve votre société charmante.

cobergeot, à part. Je le crois parbleu bien !

Mme de saint-amour. Et il emporte de vous, m'a-t-il dit, un précieux sou- venir.

dubersac, à part. S'il n'emportait que ça !

Mme de saint-amour, bas à Mme de Beaupertuis. Dis donc, Mmc de Beaupertuis. tu n'as pas encore vu mon chinois de comte de Sotroloff !

Mme DE BEAUPERTUIS, bttS.

Mon Dieu, non !

Mme de saint-amour, bas.

Maudit cosaque !... Mais patience! quand nous serons mariés, ce sera mon tour. En voilà un gros qui m'at- tendra plus d'une fois sous l'orme... et ailleurs !... {Les Messiews ont allumé des cigares, ils en offrent aux

dames. On fume.)

LOSTAXGES.

Qu'avez-vous donc, chère Saint-Amour... On dirait qu'un nuage obscurcit ce joli front. tous. C'est vrai.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Pas du tout, messieurs, au contraire, je suis ravie

H ACTE II, TABL. III,

do vous avoir... Mais à propos, qu'est-ce qui \ous fai- sait donc rire aux éclats quand vous êtes arrivés tous les quatre à-la-fois?

DE LUSSAN.

Ah! chère amie! c'est bien l'aventure la plus drôle!...

Figurez-vous, mesdames, que nous étions ce soir dans un bal du grand monde... nous faisions unefigure!...

DUBEKSAC.

Une figure du grand monde...

DE L0SSAK.

L'ennui nous a tous fait fuir, et, un quart d'heure après, jugez de notre surprise, en nous retrouvant tous les quatre à la porte de votre maison ! Ain du Château perdu. Contre l'ennui fatigués de combattre, Nous déserions le faubourg Saint-Germain, Et nous voilà, nous retrouvant tous quatre Chez Saint-Amour, dans le quartier d'Antin. Notre allégresse était grande à cette heure; Chacun de nous s'égayait à loisir, Car de l'ennui nous quittions la demeure, Et nous frappions à celle du plaisir, (bis.) Pour nous achever, la maîtresse de la maison avait pro- posé de nous faire de la musique.

SCENE III.

les mêmes, FLORESTAN, SANSONNET.

Ils restent dans le fond.

LOSTAIVGES.

Un petit monsieur se place au piano.

florestan, bas à Sansonnet. Us parlent de moi.

LOSTAKGES.

Et avec une voix de ténor léger il se met à roucou- ler...

DE LUSSAN.

Je ne vous dirai pas ce qu'il chantait, par exemple, car pendant que ce ménétrier de campagne filait des sons...

SCENE III, 45

LOSTA.NGES.

Des sons à écorcher les oreilles.

DUBBRSAC.

Nous avons levé le siège à petit bruit...

GOBERGEOT.

Laissant cet ennuyeux chanteur en tête-à-tête avec son piano... (Tous rient.)

M'"e DE SAINT-AMOUR.

Et vous ne savez pas comment se nomme ce musi- cien de salon ?

DE LOSTANGES.

Ma foi, non !

florestan, descendant. Je vais vous le dire, messieurs.

M1" DE SAINT-AMOUR, Ù part.

Florestan!

LOSTANGES.

Oh ! c'est lui ! le voici ce délicieux exécutant.

DE LUSSAN.

Je vous félicite, mon cher, vous avez une voix...

DUBERSAC

Une méthode!...

GOBERGEOT.

Une velouté qui rappelle Roubini !

FLORESTAN.

Messieurs, vous me flattez... mois j'accepte vos com- plimcns ; vous devez vous y connaître... vous avez des oreilles assez longues pour cela...

TOUS.

Qu'est-ce à dire?

FLORESTAN.

J'en fais juge ces dames... Quand on leur en couperait un peu, est-ce qu'il ne leur en resterait pas encore assez?

LOSTANGES.

Mon petit monsieur, vous le prenez sur un ton...

FLOREïTAN.

En ma qualité de musicien, je 1" prends eu si.

46 ACTE II. TABL. III,

SANSONNET.

Ou en ut majeur, à votre choix.

FLORESTAN.

Et si cela ne vous convient pas, parlez, nous sommes lions pour vous répondre.

SANSONNET.

Je me charge du petit, du plus laid... (A Gobergeot.) C'est pour vous que je dis cela.

GOBERGEOT.

Slais ça n'a pas de nom !

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Comment, messieurs ! une querelle chez moi?

florestan, la voyant, à part. Chez elle!...

sansonnet, à part. Tiens !

Mrae DE SAINT-AMOUR.

Je ne le souffrirai pas... {On entend la ritournelle d'un galop.) Voici la contredanse, voyons, la main auxdames.

GORERGEOT.

Madame, c'est pour vous seule que je consens à me calmer. mu,c de beaupertuis, en regardant Sansonnet , à part.

Ce petit monsieur a une bonne figure... (Haut.) Al- lons, messieurs, à la danse!... {A Sansonnet, en lui of- frant la main.) Monsieur...

SANSONNET.

Madame! . . . {A part.) Elle est très- bien, cette blonde! . . . °c de saint-amour, à Fforestan.

Restez.

CHOEUR.

Air du Galop du. liai masqué. Parlons au galop, (bis.) Car voilà le bal qui commence; El qu'à la danse (bis.) On se livre aussilôt. Avec ardeur, Avec fureur, On dansera, Galopera,

SCENE IV. 47

Ah .' quel bonheur ! C'est enchanteur ! Mes amis, le plaisir est !

Parlons au galop, elc. (On se prend par deux et on sort tout en galopant et en chantant, par la porte de gauche ; Florestan et jlmede Saint-Amour restent seuls.)

SCENE IV.

M™ DE SAINT-AMOUR, FLORESTAN.

M™e DE SAINT-AMOUR.

Enfin, vous voilà! vous !

FLORESTAN.

Moi-même... et je tombe des tours île Notre-Dame! cette Mme de Saint-Amour...

Mmc de SAINT-AMOUR.

C'est moi, Eloa de Saint-Amour, que vous n'auriez pas seulement cherché à revoir.

FLORESTAN.

J'ignorais votre nom, votre demeure et votre nu- méro.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Eh! monsieur, on s'informe... dans le trouble j'étais au bal du Prado, quand vous avez pris ma dé- fense, je me suis bien informée de vous, moi !

FLORESTAN.

Eh quoi!... vous avez eu la bonté...

Mn,e DE SAINT-AMOUR.

J'ai appris que vous étiez un jeune homme très-bien.

FLORESTAN.

Vous me flattez !

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Mais fort mal sous le rapport de la finance.

FLORESTAN.

Vos informations sont exactes...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Aussi, je me suis dit : s'il avait quelque protection, ça ne pourrait pas lui nuire...

48 ACTE IF, TABL. III,

florestan, affirmant. Fichtre!...

iumc de saint-Amour, d'un air protecteur. Et je vous ai fait venir à mon bol pour vous donner la mienne.

fi.orestan, étonné, à part. Elleaussi !... décidément je suis le protégé des belles.

Mme de SAivr-AMAM, avec suffisance. Oui, mon cher, je suis très-bien avec la banque en général, et le corps diplomatique en particulier... J'ai des relations fort amicales avec l'Angleterre, l'Autri- che a des bontés pour moi et je suis sur le point de former une alliance avec la Russie...

florestan, émerveillé et dans V enthousiasme. Mais alors, Eloa, vous pouvez tout pour moi!... ma fortune est entre vos mains !... Je suis compositeur... vous faut-il une romance pour le prince de 3Ionaco? une cantate pour le roi de Prusse? ou un pot-pourri pour l'Angleterre?... Parlez! faites-vous servir! Je suis à vos pieds avec mon talent cl ma reconnaissance!

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Votre reconnaissance?... je veux mieux que cela ! Ain : Malgré le serment. Soyez mon ami, Mon ami Cliéri 5 Pour loule la vie Je suis votre amie ; Que par ses doux nœuds L amitié nous lie, On «M plus joyeux, Plus heureux A deux. Je ne suis pas une duchesse Donl l'amitié peut taire honneur ; Mais on doit noire à ma tendresse; Quand j'aime, c'est du fond du cœur.

TLOIl FSTAN

Quand on a fort t. ne cl jeunesse,

SCENE IY. 49

Un si bon cœur ! de si beaux yeux ! On a la plus belle noblesse, 'II'- qui fait le plus d'heureux ?

ENSEMBLE.

M™» DE SAINT AMOUR.

Soyez mon ami, etc.

FLORESTAN.

Être votre ami, Vo!re ami

Chéri ! Quoi ! toute ma vie J'aurais une amie ! Que par ses doux nœuds L'amitié nous lie ; On est plus joyeux, Plus heureux,

A deux.

le comte, en dehors. Suivez mes ordres... qu'on dételle les chevaux et qu'on raccommode ma voiture.

Mme de SAINT-AMOUR.

Qu'entends-je!...

FLORESTAN.

Qu'avez-vous ?

Mme DE SAINT- AMOUR.

Mon boyard ! Son boyard !

FLORESTAN.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Quand je vous ai invité à mon bal il ne vous con- naissait pas; mais depuis qu'il vous a vu ce matin, il m'a fait une scène affreuse; il est si jaloux! et s'il vous voyait ici!... florestan.

C'est donc ce monsieur qui vous accompagnait au magasin?

Mme DE SAINT-AMOUR.

Oui, c'est mon futur.

FLORKST\N.

Votre futur!...

PARIS AU BAL. 4

50 ACTE II, TABL. Ilf,

Mme DE SAINT-AMOUR.

Qui doit m'épouser légitimement. florestan, étonné. Lui!

M»,e DE SAINT-AMOUR.

Lui-même!... (Elle rentre.)

FLORESTAN, « part.

Comment! le mari de la BroutiHard qui va épouser la Saint- Amour!

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Il vient... Esquivez-vous, perdez-vous dans le bal!...

FLORESTAN.

Je me relire... (A pari.) Mes deux protections se compliquent.

SCENE V.

M™ de saint-amour, le comte.

le comte, entrant clopin dopant, dan son costume du l" acte. Aïe!... aïe!... les reins!... je suis encore tout meur- tri...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Ah! vous voilà donc, gros monstre!

LE COMTE.

Eloa!... si vous saviez ce qui vient île m'arriver... ma voilure s'est brisée... j'ai fait une chute que j'en suis tout bleu !

Mme DE SAINT-AMOUR.

C'est une couleur!

LE COMTE.

Non, je vous jure que j'ai fait une culbute épouvan- table!

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et cette chute que vous venez de faire à minuit, vous a empêché de venir dincr à six heures? le comte, à part.

Que lui dire?... (Haut.) Eh bien ! ma toute belle, je vous avouerai naïvement que je suis allé manger une dinde truffée chez mon ambassadeur...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Voyez-Tous ça.'... (Hors d'elle.) J'attends monsieur

SCENE V. Si

jusqu'à sept heures, le désespoir dans l'âme, l'estomac dans les talons!... Et monsieur était tranquillement à manger des dindes truffées!...

LE COMTE.

Voyons, Eloa, faisons la paix...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Non, monsieur, non ; vous ne m'avez jamais aimée... Ah! que je suis donc malheureuse!... {Elle lire son mouchoir.) Ah!... (Elle plèvre.)

LE COMTE.

Bon! voilà une averse!... Voyons, ma poupoule, soyez raisonnahle... je ne pouvais pas refuser la femme de mon ambassadeur...

m™ DE saint-amour, sanglotant.

Si, monsieur, car vous deviez bien penser que j'é- tais dans une anxiété mortelle !

LE COMTE.

Pauvre chérie !

Mme DE SAINT-AMOUR.

Depuis le commencement de la soirée, je n'existe pas... Je me fonds en larmes, et j'ai déjà trempé deux mouchoirs... Ah!... ah!... (Elle sanglote.)

LE COMTE.

Mais à présent que me voilà, vous devez être conso- lée...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Si vous croyez qu'une fois qu'on est dans les sanglots ça s'arrête comme ça!... Ah! ah! ah \... (Elle sanglote.)

LE COMTE.

Je vous en conjure, arrêtez-les pour faire plaisir à votre petit Solroloff.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Vous n'êtes plus mon Sotroloff.

LE COMTE.

Voyons, que faut-il faire pour obtenir mon pardon?

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Il faut, monsieur, me donner ce que vous m'avez promis.

le comte, à part. Qu'est-ce que je lui ai donc promis?... (Haut.) Ah!

52 ACTE II,TABL. III,

Lien ! j'y suis; ce petit épagneul qui a de si belles oreil- les?

Mme DE SAINT-AMOUR.

Eh! non. monsieur; il faut que vous me donniez, ce soir même, devant toute ma société. Le titre de votre épouse.

LE COMTE.

Comment! vous voulez...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Ne m'en avcz-vous pas fait la promesse formelle?

LE COMTE.

Eh bien! vous serez satisfaite, méchante!

Mme DE SAINT-AMOUR, « part.

Ah! vieux pandour! je te tiens. le comte, à part.

Après tout... personne ici ne me connaît, je puis bien lui donner tous les titres qu'elle voudra. Promet- tre et tenir c'est deux.

SCENE VI.

les mêmes, SANSONNET. sansonnet, à part. Ah! cette fois, je suis sûr de ma conquête!...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Dieu! l'ami de Florestan !... pourvu qu'il ne parle pas ! . . .

le comte, à part. Ciel ! cet imbécile ici?... s'il me reconnaissait...

sansonnet, à part. Du monde?... (Saluant.) M™c de Saint-Amour... (// reconnaît le Comte. A part.) Ah !... le comte, bas. Taisez-vous !

Mme DE SAINT-AMOUR, 6«S.

Ne dites rien.

sansonnet, à part. Tiens!... Ah! ça, je le rencontrerai donc partout?...

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Cher comte, passons au salon... votre main.

LE COMTE.

La voici, ma charmante.

SCENE VIII. 55

ENSEMBLE.

Ain . Malheur, malheur au séducteur! (Gentil Bernard.) A la contredanse Que chacun se lance;

Il faut saisir Les instans du plaisir.

SCENE VU.

SANSONNET, seul.

Taisez-vous! ne dites rien! qu'ont-ils donc? Après tout, ce ne sont pas mes affaires... Je suis tout entier au bonheur que l'amour me réserve sous les traits de ma charmante blonde... m'a-t-elle serré la main en pol- kant ! En voilà une qui peut être sûre d'aller dîner chez Véfour... La voici... elle a suivi ma trace.

SCENE VIII.

SANSONNET, M™ DE BEAUPERTUIS.

Mmc DE BEAUPERTUIS, à part.

C'est lui, mon petit bèta de tout-à-1'heure; et moi qui ne savais pas comment payer mon juif de proprié- taire; voilà ma quittance.

sansonnet, sentimentalement .

Vous me cherchiez, ômon Albanaise au pied léger!... ma passion le pressentait...

Mme DE BEAUPERTUIS.

Moi, monsieur? mais si cela était vrai, vous devriez être assez généreux pour ne pas le dire... sansonnet, minaudant .

Non, je ne veux pas être généreux... je veux abuser de ma victoire... vous me cherchiez... dites-le ingénu- ment.

Mme DE BEAUPERTUIS.

Eh bien! puisqu'il faut vous l'avouer, oui, et en ve- vant ici, c'était mon cœur qui guidait mes pas.

SANSONNET.

Comme le caniche guide l'aveugle... ô ravissantes pa- roles ! Merci, ma... comment vous nommez-vous?

Mmc DE BEAUPERTUIS.

M,uc de Beaupertuis.

5i ACTE II, TABL. III,

SANSONNET.

Merci, donc, ô toi, Beauperluis!

M™» DE BEAUPERTUIS.

Vous nie tutoyez? méchant!

SANSONNET.

Le tutoiement est le langage de la passion ; vous en offusquerais-tu?

lime DE BEAUPERTUIS.

Non, mon cher rossignol, non !...

sansonnet, la reprenant. Sansonnet !...

Mmc DE BEAUPERTUIS.

C'est cela... je savais bien que vous répondiez à un nom d'oiseau.

SANSONNET.

Je trouve même ce nom de Sansonnet assez...

Mme DE BEAUPERTUIS.

Serin?... c'est aussi mon opinion... mais qu'importe le nom quand celui qui le porte nous a subjugé !

SANSONNET.

Et vous l'êtes subjuguée?

Mme DE BEAUPERTUIS.

J'en conviens... Et la preuve, c'est que je viens vous demander de me prêter un billet de cinq cents francs, que je vous rendrai exactement à Pâques.

SANSONNET.

Cinq cents francs !...

M,nc DE BEAUPERTUIS.

Il est impossible à une femme de vous donner une plus grande preuve de son amour.

sansonnet, à part. J'en aimerais mieux une autre.

Mme DE BEAUPERTUIS.

Vous ne répondez pas... Est-ce que vous n'appréciez pas la délicatesse de ma démarche?...

SANSONNET.

Si fait, je l'apprécie beaucoup; mais écoutez donc, je n'ai pas cinq cents francs dans ma poche.

Mme DE BEAUPERTUIS.

Eh bien! envoyez-les chez moi demain, rue Notre-

SCENE IX. 55

Dame de Loretle, 36. Je ne sortirai pas de la journée.

SANSONNET.

Ça suffit!

llme DE BEAUPERTLIS.

A demain... Je compte que vous m'enverrez ce bil- let, car si vous y manquiez, ce serait blesser ma suscep- tibilité et je ne pourrais plus vous revoir... Au revoir, mon cher Sansonnet.

ENSEMBLE. Air : Sans délais et sans retard.

Soneez à mon

n . rendez-vous.

O le piquant

Mais on pourrait, ce me semble,

Si l'on nous trouvait ensemble,

Faire des cancans sur nous.

(M'"e de Beauperluis sort.)

SCENE IX.

SANSONNET; puis, FLORESTAN.

SANSONNET, Seul.

Un billet de cinq cents francs! il paraît que c'est chez elle comme au théâtre... On n'y entre pas sans billet?... florestan, accourant . En voici bien d'une autre!... la comtesse est ici.

sansonnet. La comtesse !

FLORESTAN.

Je viens de lui parler... moi qui l'accusais! pauvre ange ! Elle ne s'était dérobée à mes accens mélodieux que pour se mettre à la poursuite de son papillon de mari... Elle m'aime toujours... bien plus, c'est surmoi qu'elle compte pour assurer sa vengeance... et la ven- geance d'une comtesse, on ne sait pas ça peut aller.

SANSONNET.

Diable!

FLORESTAN.

Ce n'est pas tout... Et la Saint-Amour qui veut que je sois son ami chéri !... Et ma Noémie que j'aime tou- jours ! car je l'aime toujours !... trois passions pour un homme seul !

5G ACTE I!, TABL. U\,

SANSONNET.

Eii voilà de l'ouvrage !

FLOIUCSTAN.

Je suis écrasé sous une avalanche de myrtes et de roses, et je suis tenté de chanter : Amour en ce monde, Tu fais trop pour moi !

SANSONNET.

Ttiesl'enfantgâtedërambur... cl j'en suis le souffre douleur.

FLORESTAN.

Ah! bah!

SANSONNET.

J'ai fait la conquête d'une beauté dont tout l'amour consistait à m'emprunter cinq cents francs qu'elle m'au- rail reudu à Pâques... ou à la Trinité... je ne sais pas au iusle.

FLORESTAN.

Ainsi, tu n'as pas trouvé une seule femme à qui payer à dîner ?

SANSONNET.

Pas a la queue d'une... Au faubourg Saint-Germain, une belle dame a voulu me prendre pour son domesti- que... ici, une beauté légère veut faire de moi son cais- sier... Décidément, j'ai assez de bals et je veux retourner chez Cascarinette.

FI.ORF.STAN.

Après le souper au moins... et en attendant, buvons du punch... (Ils prennent chacun un verrede punch sur un plateau porte par un Domestique.

SCENE X.

les mêmes, M™ DE SAINT- AMOUR, LE COMTE, la Société: puis, DE LUSSAN , LOSTANGES, DU- BERSAC, GOBERGEOT; puis, LA COMTESSE.

CHOEUR.

Air de M. Doche. Au bal quelle vive allégresse' Dès qu'on en drnnc le signal, Plaisir, intrigue, amour, tendresse, Le vrai lionhfiir se trouve an h»l.

SCENE X. 57

Du bal j'entends le signal.

Mm« DE SAINT-AMOl'R, ClU Coillte.

Allons, monsieur, toute la société est réunie: voici le moment de tenir votre promesse.

LE COMTE.

Je suis prêt, ma charmante.

Mroe DE SAINT-AMOUR.

Mesdames et messieurs, 31. le comte de Sotroloff a une communication à vous faire.

le comte, qui a regardé tout autour de lui, à part.

Décidément, personne de ma connaissance... (Haut.) Je vous présente 3Ime de Saint-Amour en qualité de fu- ture comtesse.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

C'est-à-dire en qualité de votre épouse.

LOSTANGES, DE LUSSAN, DUBERSAC, GOBERGEOT, descendant

la scène. Son épouse !

DE LUSSAN.

Cher comte, recevez nos félicitations...

LES AUTRES.

Bien sincères...

LE COMTE, à pàtt.

Mes invités! Je suis ébaubi.

la comtesse, descendant de l'autre côté. Monsieur, veuillez aussi recevoir les miennes.

le comte, à part. Ma femme!... je suis abruti!

florestan, bas. En voilà un coup de théâtre!

sansonnet, bas. Je ne suis pas fâché d'être resté... je ne donnerais, pas ma place pour un franc cinquante.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Ah ! mon Dieu! qu'avez-vous donc, cher comte? vo- tre ligure devient épinard !

LE COMTE.

Rien, ce n'est rien.., {A part.) Je vais tomber en apoplexie.

58 ACTE II, TABL. Ili,

LA COMTESSE.

Un éblouissement sans doute?

Mm* DE SAINT-AMOUR.

Madame, pardon, mais je n'ai pas l'honneur...

LA COMTESSE.

De me connaître... c'est vrai, madame... mais c'est M. le comte qui a bien voulu m'amener à... votre bal. Mme de saint-amour, bas au Comte, en le pinçant.

Comment ! parpaillot ! vous amenez des dames chez moi!

LA COMTESSE.

Monsieur a sans doute voulu me rendre témoin de son bonheur... aussi, je veux suivre son exemple, et faire un choix en harmonie avec mon cœur. florestan, « part. Elle a parlé d'harmonie? ceci est à mon adresse.

le comte, bas à sa femme. Comment! madame, vous oseriez...

la comtesse, bas. Vous osez bien, vous !

Mme de saint-amour, bas au Comte. Monsieur, cette femme vous parle d'une façon qui me paraît très-louche.

le comte, à part. Je suis daus un casse-noisette !

un domestique, annonçant. ' Mlle Noémie.

florestan, bas à Sansonnet. Noémie! ah! bigre! si elle m'apercevait, ma situa- tion deviendrait trop dramatique... Vite, filons chez Cascarinctte.

SANSON.NET, bas.

Oui, filons, et désormais c'est aux grisettes que je veux consacrer mes loisirs... (Ils sortent sans être vus.)

SCENE XI.

LES MÊMES, NOEMIE.

Mmc DE SAINT-AMOUR, « Noèïtlie.

Àh ! que c'est gentil, ma bonne, d'être venue à mon bal!...

SCElNE XI. 50

N0ÉM1E, vêtue très-simplement.

Je ne t'avais pas bien promis, maisjemesuisdécidée.

Mme DE SAINT-AMOUR.

On n'est pas plus aimable !

noémie, à part, cherchant des yeux.

Je ne le vois pas... cependant, d'après leurs signes d'intelligence, ce matin au magasin, j'aurais cru... (A 31me de Saint-Amour.) C'est tout ton monde?...

Mu,e DE SAINT-AMOUR.

C'est toute ma société.

noémie, à part. Allons, Florestan n'est pas ici.

Mmc DE BEAUPERTUIS.

Eb bien ! est-ce qu'on ne danse plus?

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Par exemple ! au contraire, une polka générale !

TOUS.

La polka!...

le comte, à sa femme. Madame veut-elle me faire l'honneur?...

LA COMTESSE.

Pourquoi pas, monsieur?... avec plaisir...

Mme de saint-amour, à part. Comment! il invite cette femme!... Ah! il me prend des envies de le massacrer ! (On danse une polka géné- rale, et de manière h enfoncer le plancher.)

le comte, pendant la polka et tout en dansant. Madame, c'est affreux! ce que vous venez de dire...

le comtesse, de même. Pas plus que ce que vous venez de faire.

le comte, bas. Je suis outré !...

la comtesse. Levez donc la jambe, monsieur...

le comte, bas. Vous abusez de ma position malheureuse.

la comtesse. Plus vite, monsieur, plus vite!...

le comte, bas. C'e6t une infamie!...

00 ACTE II, T\BL. III,

LA COMTESSE.

Et tournez donc!... {Elle le fait valser.)

LE COMTE, bas.

Une abomination !...

LA COMTESSE.

En trois temps, monsieur, en trois temps!... (Elle le fait tourner très-vile.)

LE COMTE.

Oh ! je suis tout étourdi !... (Au moment la polka est le plus animée, et l'on fait en dansant un bruit épouvantable } on entend plusieurs coups frappés sous le t/iéûtre.)

tous, s'arrêtant.

Qu'est-ce que cela?

Mme DE SAINT-AMOUR.

C'est le voisin du dessous.

Mme DE BEAUPERTUIS.

Enfoncé le voisin du dessous !...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Branle-bas général et tapage en fa majeur pour le voisin.

choeur, accompagné par les danseurs avec des coups de

talon.

Air du Père l'Amourette. (Loïsa Puget.)

Pan, pan, pan, pan, pau, pan, pan!

A ce paisible locataire,

Il faut répondre en frappant,

H faut lui briser le tympan !

Le bonheur sur la terre,

Vient du bruit qu'on peut faire,

Oui, le bruit doit nous plaire,

Secondez mes ,

o j desseins:

Secondons ses '

Il faut réveiller les voisins !

MB LDSSAN.

Bonheur sans égal, Vive le bal ! Faisons un bruil du diable!

M'ueDE SAINT AMOCn.

Dansons la polka,

SCENE XI. (il

Nul ne sera

Coupable

Pour cela. Ayons toul l'agrément Que la danse procure, Et frappons en mesure Avec acharnement.

TODS.

Pan, pan, pan, etc.

REPRISE.

Pan, pan, pan , etc.

(On ouvre.)

LA COMTESSE.

C'est vraiment charmant, Et ce moment De mes ennemis me venge.

LE COUTE.

Puisque c'est ainsi Qu'on change Ici, Je veux changer aussi; Pour bannir mon chagrin, Je trépigne à ma place; Et tant pis si je casse La tête du voisin . Pan, pan, pan, etc.

TODS.

Pan, pan, pan, etc.

RKPBISB.

Pan, pan, pan, etc.

LE DOMESTIQUE, (tCCOUrunl .

Madnme! madame! le voisin vient d'envoyer cher- cher la garde.

TOUS.

La garde !

LOSTAÎiGES.

Diable ! je ne veux pas achever ma nuit au violon.

TOUS.

Ni moi non plus !

NOÉM1E.

Eh bien' puisqu'on ne peut pas faire de bruit ici, je

62 ACTE II, TABL. III,

vous emmène tous chez Cascarinette, qui donne un bal rue Saint-Jacques.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Un bal de grisettes... vivat!

TOUS.

Chez Cascarinette !

LA COMTESSE.

Un bal de Grisettes!... ça doit cire charmant !...

le comte, bas. J'espère, madame, que vous n'irez pas.

la comtesse. Pourquoi donc, M. le comte? puisque vous y allez... une femme ne doit-elle pas suivre son mari partout?... tous. Son mari !

Mme DE SAINT-AMOUR.

Son mari!... comment! madame, vous seriez...

LA COMTESSE.

La femme de votre futur époux.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Ah ! le chenapan !

LE COMTE.

Pour le coup, je me dérobe sous moi.

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et les tribunaux admettent des circonstances atté- nuantes !

le domestique, entrant. Madame, la garde approche ! tous. Partons ! partons !

Mme de saint-amour. Eh bien ! oui, partons, et une polka monstre jusqu'à la rue Saint-Jacques!... Ah ! l'on croit peut-être que je vais gémir! ma foi, non!... (.4 part.) M. Florestan me consolera.

tous. La polka !...

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Que chacun prenne sa chacune, et en route pour le bal des irrisettes.

SCLNE I. 03

la comtesse, à part. C'est que je concerterai ma vengeance avec M. Flo- restan !

TOUS.

En route !... (Tout le monde sort en polkant et repre- nant le chœur.)

Pan, pan, pan, pan, pan, pan, pan, etc. (La toile tombe sur la polka de sortie.)

FIN DU DEUXIÈME ACTE.

ACTE IIÏ.

QUATRIÈME TABLEAU.

Le théâtre représenle une mansarde de griselte sans meubles et tiès-éclairée par des guirlandes de lanternes en papier de plusieurs couleurs, accrochées au plafond.

SCENE PREMIERE.

CASCARINETTE, SANSONNET, FLORESTAN.

cascarinette, « Sansonnet, qui est monté sur une chaise pour accrocher sa lanterne.

Allons donc. M. Sansonnet, dépêchez-vous ; quand on vient tard, il faut réparer le temps perdu. sansonnet . qui vient d'accrocher la dernière lanterne.

Voilà l'illumination au grand complet.

FLORESTAN.

La chambre de Cascarinette a maintenant tout-à-fait l'air d'un pavillon chinois... nous disons que la salle du banquet...

CASCARINETTE.

Est dans ma cuisine... le buffet est dressé sur le fourneau... six jambonneaux et... cent dix sous de fro- mage d'Italie.

SANSONNET.

Quel luxe de charcuterie!

CASCARINETTE.

Et pour rafraîchissemens , des marrons et de la ga- lette...

61 ACTE III, TAIJL. IV,

SANSONNET.

Que ça, en fait de liquide?

CASCARINETTE.

Et puis du cidre et de l'eau clarifiée.

FLORESTAN.

Et l'orchestre!

CASCARINETTE.

Les musiciens sont dans la grande armoire qui me sert de chambre à coucher.

florestan, regardant à une porte.

Ah! oui , je les aperçois... ils sont assis sur le lit... ils ronflent même très-agréablement.

CASCARINETTE.

Ah ! j'oubliais!

FLORESTAN.

Quoi donc?

CASCARINETTE.

Un lampion dans l'escalier... avec ça que la rampe s'arrête au quatrième, ce qui m'a toujours paru bien mesquin de la part du propriétaire... {Elle sort un in- stant avec un lampion.)

sansonnet, rt Florestan.

Eh bien ! nous voilà sauvés !

FLORESTAN.

Elle ne se doute de rien.

SANSONNET.

Ni vu ni connu... enfoncées les Saint-Amour et les Broutillard... Vive Cascarinette !

FLORESTAN.

Veux-tu te taire !

cascarinette, regardant h la cantonade. 0 Dieu ! que c'est beau ! l'escalier a l'air lout surpris de se voir éclairé.

FLORESTAN.

Ah! ça, mais je ne vois pas Noémie;où est-elle donc?

SANSONNET, bas.

Roué que tu es, va !

CASCARINETTE.

Noémie?.., elle est...

SCENE H. t>5

FLORES! AN.

ça?...

CASCARINETTE.

A sa toilette, sans doute... elle ne va pas tarder à ar- river... {Bruit dans la coulisse.) Ah! voici ces demoi- selles..,

florestan (qui a été regarder au fond).

Air : Vraiment, tout est magnifique. Recevons ces demoiselles. Eh ! mais, que vois- je là-bas ?... Se peut-il? chacune d'elles Porte une chaise à son bras.

CASCARINETTE,

Je n'ai que deux chaises bonnes, Dont trois bâtons sont cassés ; Et deux chais's pour trent' personnes, Ça ne serait pas assez. SCENE II.

les mêmes, Grisettes, chacune portant une chaise. choeur des grisettes. Il faut nous mettre à notre aise, Sous ce loil hospitalier ; Au bal portons notre chaise En guise de cavalier. une grisette, entrant la dernière avec un fauteuil. Ma foi! moi je n'avais pas de chaise dans mon mobi- lier... j'ai emprunté le fauteuil de ma portière.

FLORE5TAN.

Voilà ce qui s'appelle avoir de la conscience. Mais, avec tout ça, je ne vois pas arriver Xoémie... Casca- rinette, ceci me devient très-suspect...

CASCARINETTE.

Yailez-vous pas vous monter la tête?

FLORESTAN.

Dame !

CASCARINF.7TF.

Eh bien ! je vais tout vous dire.

FLORESTAN.

pariez. Gascarinette, ealmez mon inqui :!nrle.

r*BlS AO B»L O

66 ACTE III, TABL. IV,

CASCARINETTE.

Vous savez f|iio Noémic est jalouse ?

FLORESTAN.

Comme une Andalouse... Dans toutes les romances... jalouse rime avec Andalouse...

SANSONNET.

Il y a encore épouse et pelouse, et blouse cl douze.

UNE GHISETTE.

Et talmouse.

CASCARINETTE.

Eh bien ! elle s'était figurée que vous étiez allé chez une daine de la rue de Bréda, et elle s'y est rendue croyant \ous y surprendre.

FLORESTAN.

Ah ! me soupçonner à ce point! c'est fort mal con- naître mon cœur.

SANSONNET.

Oh! oui, c'est très-mal nous connaître... (A part.) Satané Fauhlas, va!

CASCARINETTF..

Les hommes en général sont des scélérats si rusés!

SANSONNET.

< asearinetle, j'espère que ce n'est pas pour moi que vous dites ça?

CASCARINETTE.

Faites donc l'âne pour avoir duson !... comme si vous valiez mieux que les autres...

SANSONNET.

Cascarinette , vous m'affectez en m'assimilant à un âne... et je puis vous jurer que je n'ai jamais mangé le moindre fricandeau avec une autre beauté que vous.

CASCARINETTE.

Et que vous faites bien ! Tenez .'j'avais eu aussi l'idée que vous riviez suivi M. Florestan à ce bal de la rue de Bréda... et je m'apprêtais à vous faire une morale... mais une morale très-touchante!... vous auriez reçu plus de calottes !...

FLORESTAN.

Comment, Cascarinette ! vous battez les hommes ?

SCENE III. 67

SANSONNET.

Elle abuse de sa force... (Bruit au dehors.) Ah ! mon Dieu ! que de bruit dans la rue ! . . .

florestan, allant à la fenêtre. Et que de monde à la porte !

LES GRISETTES.

Ah ! les beaux messieurs, les belles dames!...

CASCARINETTE.

Ils dansent la polka... Tiens, Noémiequi indique mon lampion.

florestan. à part et quittant la croisée.

Que vois-je? la comtesse et la Saint-Amour !... Bigre ! ma situation se complique horriblement.

SANSONNET, de vu't/ir.

Miséricorde! la Beaupertuis!... Hlais si j'ai le malheur qu'elle m'adresse la parole, Cascarinette est dans le cas de me pulvériser... Ah! je voudrais bien être déguisé «jU arlequin !... (Grand bruit dans l'escalier.) cascarinette. allant au fond.

Eh! mais, c'est bien ici qu'ils montent.

FLOBESTAN.

Si je pouvais disparaître dans une trappe !

LES GRISETTES.

Les voilà ! les voilà !

SCENE III.

les mêmes, TOUT LE MONDE.

CnOECR.

Air : Entrée. (Enfant du Carnaval.)

Grands seigneurs, riches coquettes,

Quittons le quartier iTAnlin.

Pour danser chez des griselles,

Courons .• . ,.

,, au quartier Latin.

Allons n

LA COMTBSÇB.

Vovez donc ces airs de fêtes!...

de lcssa>. Celle illumination ï...

LR COMTE.

Ma femme chez des eriçetles?

G8 ACTC il!, TABL. IV.

Uuelle abomination ! ...

REPRISE DO CHOEl'll.

Grands seigneurs, etc.

NOÉ.MIE.

Cascarinetle, je te présente le faubourg Saint-Ger- main et le quartier d'An tin, qui te l'ont l'honneur d'as- sister à ton bal.

CASCARINETTE.

C'est trop d'honneur pour nous.

LOSTANGES.

Regardez donc, messieurs ; ces grisettes sont fort gentilles.

DE IXSSAN.

Je crois que nous nous amuserons beaucoup plus ici qu'au bal de la comtesse.

DCBERSAC

Et qu'à celui de la Saint-Amour..

GOBERGEOT.

Du moins, nous n'y perdrons pas notre argent. cascarinette, qui a pris une tirelire.

Eli bien ! puisque le riche quartier et le noble fau- bourg nous font l'honneur d'une visite, il faut que le malheur s'en souvienne. Messieurs et mesdames, avant que le bal commence, je prends la liberté de l'aire appel à vos bons cœurs. C'est pour une pauvre vieille ou- vrière qui est en ce moment à l'IIôtel-Dieu. On reçoit depuis la pièce de dix sous jusqu'au billet de mille... la comtesse.

C'est bien ce que vous faites, mon enfant.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Et je donnerai de bon cœur.

Mme DE BEAl'PJÎRTl'IS.

Et moi aussi.

CASCARINETTE.

Air d'André. Allons, messieurs, donnez à l'indigence ; Songez-y bi?n, !e plaisir nous attend... Par un bienfait que nuire bal commence ; On danse mieux quand le cœur est coulent.

SCENE III. 09

LA COMTESSB.

Elle a raison, notre bonheur se fonde Sur des bienfaits qu'on ne répand qu'ici ; Etions les bals que donne le grand monde Seraient plus gais s'ils commençaient ainsi.

(fiascarinelte continue à faire la quête.) Mme de saint-amour, apercevant Florestan. Florestan... ail ! je le retrouve enfin. Bravo ! je veux que le comte jaunisse de jalousie.

la comtesse, apercevant Florestan. M. Florestan !... il est ici.

le comte, à la Comtesse. Eh bien ! madame, vous voilà à ce bal, vous devez être contente.

la comtesse, regardant Florestan. Oui, monsieur, enchantée, ravie!

florestan, à part. Saint-Amour et la comtesse me dévorentdes yeux... et Noémie... Ah! heureusement que j'ai un motif de la bouder, celle-là!

noémie, bas à Florestan. Eh bien! monsieur, voilà tout ce que vous ine dites?

flouestan, bas. Mademoiselle, je sais tout; vous m'avez soupçonné, vous avez ulcéré mon cœur...

noémie, bas à Florestan. Eh bien ! est-ce donc un crime de trop vous aimer?

florestan, bas à Noémie. Oui, mademoiselle, et je vous prie de ne pas m'a- dresser la parole.

noémie, pleurant. Ah! me traiterainsi! allez. monsieur,c'estindigne !... (Elle sort par la droite.) florestan. Pauvre petite chatte ! elle s'en va en pleurant ! ça me fait une peine... Mais je dois ménager mes deux pro- tectrices... c'est dans l'intérêt de notre mariage. Mmc de beaupertuis, qui a vu Sansonnet. Tiens, M. Canari !

70 ACTE III, TABL. III,

SANSONNET, « part.

Elle m'a vu !

Mmc DE BEAUPERTU1S.

Ça va bien, M. Chardonneret?

SANSONNET.

Non, j'ai la fièvre, ne m'approchez pas... demain, chez votre portier... niais ici, dissimulons...

(// se perd dans la foule)

Mmc DE BEAI'PERTUIS.

Qu'y a-l-il donc? cascarinette, qui a terminé la quête et qui pendant ce qui précède a fait le calcul.

La quête est bonne!... Ah ! ça, donne du cœur... En place pour la contredanse.

Mme DE SAINT-AMOUR.

Mais il faudrait nous débarrasser de nos pelisses et de nos chapeaux.

FLORESTAN.

Ah! diable! c'est qu'il n'y a pas de vestiaire ici !...

LA COMTESSE.

M. le comte est fatigué, il ne dansera pas... il va nous en servir.

LE COMTE.

Moi, madame!

LA COMTESSE.

Certainement; asseyez-vous là...

(Elle le fait asseoir dans un coin.)

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et ne répliquons pas ; vous êtes le bureau descannes. (On couvre le Comte de manteaux, de paletots, il a un chapeau de femme sur la tête, et sur ses deux bras éten- dus sont des effets de toulesorte.)

CHOEUR.

Air de la Renie de Chypre. Mettons-nous à l'aise, Plaisir sans égal ; S'il n'est pas de chaise Dans ce joyeux bal... Ici pas de honle,

SCENE III. 71

Prenons à défaut

Les doux bras d'un coin le, Pour portemanteau. Mmc de saint-Amour, lui mettant sa pelisie sur le /.rat

et le pinçant. Vieux potiron !

LE COMTE.

Aïe!...

M""* DE SAINT-AMOUR.

Ne bougez pas !

CASCARINETTE.

En place pour la contredanse!

FLORESTAN.

Un instant! il faut réveiller la musique... (Allant à la porte de gauche et l'ouvrant.) Hé! là-bas!... CV^t qu'ils ronflent toujours comme des ophicléides! Hé! la musique?... Oh ! voilà qu'ils se frottent les yeux... fer- me sur la chanterelle... (On met les violons d'accord à l'orchestre.) Les voilà réveillés! En place!... (A ce mo- ment il se trouve entre la Comtesse ci Mme de Saint- Amour ; celle-ci va lui donner la main, mais elle est pré- venue par la Comtesse.)

Mtt,e DE SAINT-AMOUR, à part.

Comment! elle s'empare de lui? Ah ! ça, est-ce qu'elle va me eauchemarder longtemps comme ça ?

TOUS.

En place !... (Mme de Beaupertuis a voulu s'emparer de Sansonnet, mais il s'est hâté de prendre la main de Cascar luette.) CONTREDANSE. (Pendant la contredanse.) sansonnet, à part. Dieux! la Beaupertuis! en face de moi? Si Cascari- nette allait s'apercevoir... je me fais l'effet d'une côte- lette sur le gril.

Mm* de saint-amour, bas à Florettan . Il faut que je vous parle.

FLORESTAN, bat.

Bon ! voilà que ça commence.

72 ACTE III, TABL. IV,

LA COMTESSE, b(lS.

Celte femme vous a dit quelque chose?

FLORESTAN.

Oui, elle dit qu'il fait bien chaud.

cascarinette, à Sansonnet. Celte femme qui est en lace vous regarde beaucoup.

sansonnet, bas. Mais non, je vous assure... c'est qu'elle louche un peu!

Mmc de saint-amour, bas à Florcstan. Que vous dit donc la comtesse?

FLORESTAN.

Elle trouve qu'il fait un peu froid.

CASCARINETTE. « SatlSOmtCt.

Mais elle vient de vous sourire?

SANSONNET, bas.

C'est pour montrer ses dents; elle a de très-belles dents !

la comtesse, à Florestan. Après la contredanse attendez-moi ici.

FLORESTAN.

C'est convenu!

cascarinette, à Sansonnet. Elle vous fait des agaceries !

sansonnet. Mais non, mais non !

Mmc de saint-amour, à Florestan. Pendant qu'on ira se rafraîchir, je viendrai vous trou- ver ici.

FLORESTAN.

Très-bien !

cascarinette, à Sansonnet. Après la contredanse nous aurons une explication.

sansonnet. J'espère, chère amie, que l'explication sera verbale, rien que verbale?

le comte, Au secours! J'étouffe!... je suffoque!

LA COMTESSE.

Ah ! mon Dieu ! il se trouve mal !

SCLiNii IV. 75

Slrae DE S'.INT-V.UOUII.

jL'tez-lui une carafe d'eau à la ligure !

CASCARINETTE.

Non; conduisons-le plutôt dans la salle des rafrai- -«hissemens...

(Chacun reprend sa pelisse, son paletot, etc.)

Mme DE SAINT-AMOUR.

Moi, je vais prendre un peu l'air sur le carré.

LOSTANGES.

Ma foi! et moi aussi... j'étouffe !

DE LUSSAN.

Et moi je n'en puis plu-:.

(,obu;geot. Vive ua bal de grisettes!

DUBERSAC.

Elles sont vraiment charmantes!... (// veut prendre, le menton à une grisette bui lui donne un coup sur lesdoigts.)

la comtesse, las à Florestan. Attendez-moi.

Mme de saint-amour, de même. Je reviens dans un instant.

cascauinette, « Sansonnet qui veut s'esquiver. Suivez-moi, monsieur.

CHOECn

Air : A la danse, à la danse. Quittons la contredanse, Arrêtons-nous avec prudence,

Et reposons-nous, mais Pour mieux recommencer après. (La Comtesse, le Comte, les Grisettes sortent par la droite, Jime de Saint-Amour, J/"c de Baupertuis , Lostanges, Gobergeot, Dubersac et de Lussan par le fond.)

SCENE IV.

FLORESTAN, seul.

Ali! ça, mais, ma position devient de plus en plus complexe et perplexe... moi qui me moquais du com- te... je suis dans sa position... que dis-je... lui encore

74 ACTE III, TABL. IV,

n'avait que deux belles sur les bras, et moi j'en ai trois! comment vais-je me tirer de ce trio? Je n'ai qu'un es- poir, c'est qu'elles ne viendront pas ensemble... Ah ! je prendrais bien quelque chose au café de la Rotonde!... Impossible de quitter la partie... d'un côté, la Saint- Amour qui est sur le carré; la comtesse... Ah! mon Dieu ! la porte s'ouvre ! et d'une... Si je sais ce que je vais lui dire...

SCENE v.

FLORESTAN, LA COMTESSE: puis, M»»« DE SA1IST-AMOUR.

LA COMTESSE.

Ah! vous êtes seul ?... très-bien \...(La porte du fond s'ouvre.) Quelqu'un [...{Voyant M™ de Saint- Amour.) La Saint-Amour!... maudite femme!

Mme de saint-amour, « part. La comtesse! en voilà une qui me scie!

florestax, à part. Et de deux!

LA COMTESSE, JlQUt.

Mon cher compositeur, j'étais venue pour vous com- mander quelques romances.

Mme DE SAINT-AMOUR, Cl fart.

Tiens! elle me donne la réplique... (Haut.) El moi, plusieurs nocturnes à deux voix.

FLORESTAN.

Parlez, mesdames ; ma muse est à vos ordres.

LA COMTESSE, buS.

Trouvez un prétexte pour l'éloigner.

Mme DE SAINT-AMOUR, bas .

. Tachez de l'envoyez promener.

florestan, à part. Je ne demanderais pas mieux.

LA COMTESSE.

Je voudrais que la musique fût bien sentimentale,

Mmc DE SAINT-AMOUR.

Et moi je désirerais quelque chose d'énergique...

LA COMTESSE, bas.

H en voyez-la donc...

SCENE V. 75

Mme DE SAINT-AMOUR, bas.

Faites-la donc déguerpir.

floresta.\, à part. Si quelqu'un voulait prendre ma place... elle esta louer.

Mœe DE SAINT-AMOUR, à part .

Son embarras m'ouvre tout-à-fait les yeux ! la comtesse, « part.

II veut ménager cette femme, mais je la forcerai bien à s'expliquer... (Haut.) Eh bien! M. Florestan, est-ce que vous ne m'avez pas comprise?

Mme DE SAINT-AMOUR.

Ne m'avez-vous pas entendue?...

FLORESTAN.

Pardonnez-moi , j'ai saisi parfaitement... (A part.) Comment ! personne ne viendra me tirer de ce guêpier!

LA COMTESSE.

Par exemple, je dois vous prévenir d'une chose, mon cher compositeur... je suis très-exclusive de ma nature... et pour prix de la protection que je vous ac- corde je veux que toutes vos romances, toutes vos mé- lodies ne soient dédiées qu'à la comtesse de Broutil- lard!

Mme DE SAINT-AMOUR.

Et moi, j'exige qu'elles le soient exclusivement à Mme de Saint-Amour, ou sans cela je vous retire l'ap- pui de mes amis cl connaissances.

LA COMTESSE.

Ainsi, monsieur, prononcez-vous !

Mme DE SAINT-AMOUR.

Choisissez ! florestax. Choisir!...

Air du Baiser au porteur.

Vous avez une part égale

De beauté, de grâces, d'attraits,

Et j'irais, âme délovale,

Prononcer en Ire vous... jamais! ..

Me prononcer, oh ! non, jamais !...

Que nies yeux se couvrent de voile*,

Si j'osais faire un choix pareil !

76 ACTE III, TABL. VI,

C.linisit-on entre deux étoiles?... Enlredeux rayons de soleil !... liis.) Mme DE SAINT-AMOUR.

Trêve de chansons !

LA COMTESSE

Pas de faux-fuyants !...

SCENE VI. LES MÊMES, NOEMIE.

noémie, entrant. Que vois-je? Deux dames avec M. Florestan!...

FLOKF.STAN.

Dieux! un troisième rayon!... Je suis en plein so- leil!...

Mme DE SAINT-AMOUR.

Noémie, approche... Est-ce que tu viendrais aussi commander une romance à monsieur?...

NOÉMIE.

Non, mais je voulais donner à M. Florestan cette lettre qu'on a apportée pour lui...

FLORESTAN.

Une lettre?... c'est une invitation de bal... je refuse.

Mme DE S AINT-AMOUR, à part.

Elle avait bien besoin de venir nous déranger!...

FLORESTAN, qui a lit.

Se peut-il!...

TOUTES.

Quoi donc?

FLORESTAN.

Je rêve... bien sûr, je dois rêver...

LA COMTESSE.

Qu'avez-vous?...

FLORESTAN.

Un éditeur qui me fait des propositions... qui veut imprimer toute ma musique et qui me fait des compli- ment sur la dernière romance que j'ai fait graver !.., noémie, à j)art.

J'ai réussi.

LA COMTESSE.

Eli bien!... quoi d'étonnant?...

SCENE VI. 77

FLORESTAN.

Comment! quoi d'étonnant?... mais je n'ai jamais fait graver de romance; mes œuvres sont tout-à-fait inédites, et à moins que le diable... Que dis- je, le dia- ble?... mais non, ce doit être un ange, ce doit être vous, madame !

LA COMTESSE. Moi?...

noémie, à part. C'est elle qu'il remercie!...

FLORESTAN.

Ah! ma reconnaissance... mon dévouement...

LA COMTESSE.

Mais vous vous trompez... ce n'est pas moi...

FLORESTAN.

Ce n'est pas vous!... qui donc, alors?... {Regardant M""1 de Saint-Amour.) Ah! j'y suis... je devine... je nm prends tout... mon autre étoile, mon autre rayon... jus, charmante Eloa !...

M™e DE SAINT-AMOUR.

Moi?... par exemple!... je n'ai jamais rien fait im- primer !...

FLORESTAN.

Mais alors, qui donc ?

noémie, à j)art. Il ne pense même pas à moi !

FLORESTAN.

Encore une fois, c'est une erreur! je n'ai jamais eu de romance gravée ! . . .

noémie, présentant une romance. El celle-ci, monsieur ?

florestan, après l'avoir ouvert et, regardée. Ciel! que vois-je?... ma chansonnette de Paris au bal! Mais quelle est donc la fée généreuse?... noémie, embarrassée. Li fée généreuse?... mais...

Mme r-E saint-amour, voyant l'embarras de Noémie Attendez; moi je devine!... efreelte fée... (Faisant approcher Noémie.) la voilà !

rr orestan. Noémie!...

78 ACTE III, TABL. IV,

la comtesse. Il serait possible! cette jeune fille?...

NOÉMIE.

Air d'Aristippe.

J'avais quelques économies Que je gardais pour mon époux.

FLORESTAN.

0 la meilleur des amies! Celle que j'adore à genoux, Ma bienfaitrice, c'était vous?... Dans le grand monde, en costume de reine, Quand je cherchais un ange de bonté, Uiche d'appas, mais en robe d'indienne,

Cet ange était à mes côtés. Cet ange-là veillait à mes côtés!... (bis.) la comtesse. Désormais, c'est à mademoiselle que M. Florestan devra dédier ses romances, et ma protec- tion ne cessera pas pour cela de lui être acquise.

»i"iC de saint-amour. Il pourra toujours compter sur moi et sur les puissances étrangères.

NOÉMIE, bas à Florestan. J'aime mieux que vous ne soyez pas protégé. (On entend le bruit d'un soufflet dans la coulisse.) Aïe! aïe! toutes. Qu'est-ce donc?

flohlstan. C'est un soumet... (Regardant à droite.) Bon ! bon!... c'est Cascarinctte qui vient de caresser la joue de Sansonnet.

SCENE VII.

les mêmes, CASCARINETTE, SANSONNET, tous les Personnages.

CHOEUR.

Air :

Ah ! c'e-t charmant, C'est ravissant ; El d'amour c'est vraiment Un gage touchant. sansonnet, se tenant la joue. Cascarinettc, c'est très-inconvenant; nous étions convenus d'une explication verbale...

c.AscARiNF.TTE. Ah ! vous vous faites adorer des dames de la rue de Bréda?

SCKNE VII. "9

M™* de saint-amoub. De la rue de Bréda? florestan. Mais non , elle a voulu tout , simplemen t lui empruntei' un billet de cinq cents francs. sansonnet. !... je ne le lui fais pas dire?

CASCAR1NETTE.

Mais, galopin que vous êtes! si vous avez des billets de cinq cents francs qui vous gênent, est-ce que ma caisse ne vous est pas ouverte tous les jours de neuf heures à minuit?... [Elle lève la main.) Parlez!

sansonnet. INe touchez pas!...

florestan, retenant Casearinette. Allons, Cascarinet- te, pas de gestes... et vous, mes amis, soyez tous les té- moins de mon bonheur... et permettez-moi de vous présenter Mme Florestan. (// montre Noémie.)

sansonnet. Comment! Noémie!...

FLORESTAN.

Oh ! mon ami, je lui devrai ma gloire et ma fortune... cette musique gravée, regarde... c'est la mienne!

sansonnet. En effet!...

le comte, regardant aussi.

« Paris au bal... chansonnette. « Mais c'est de cir- constance !... Il nous faut chanter cela!...

FLORESTAN.

Eh bien ! en place ! on dansera sur le refrain. tous. En place!... (Pendant qu'on se place.) cascarinette, « Sansonnet. Noémie devient Mme Flo- res tan ;et moi, monsieur, quand serai-jeMme Sansonnet! sansonnet. Cascarinette, j'ai besoin démanger encore avec vous pas mal de pieds de mouton à la poulette, afin d'étudier votre caractère ; vousavezde mauvaises habi- tudes... surtout avec les mains. cascarinette. A votre aise!... PLOitESTAN. Y sommes-nous?... toi s. Oui !... florestan. Attention !...

Air nouveau de M. Couder. Folles griselles, Dans vos chainbrettes, Que de plaisirs promet un joyeux bal ! Cliez les coquettes,

80 ACTE III, TABL IV, SCENE VII.

Chez les lorellcs, En général Paris danse pins mal.

CHOEIH.

Folles grisettes, etc.

(On danse sur la ritournelle.' Dans le grand monde avec des politesses, De beaux sahits et de tendres discours, Combien voit-on de perfides caresses De faux sermens et de froides amours! Jamais de fête Sans étiquette, Pas d'amitié sans intérêts; De causerie Sans calomnie, Jamais enfin de plaisirs sans regrels ! (Reprise du chœur.) (On danse sur la ritournelle )

Faut-il aussi parler d'un autre monde?... Quartier Bréda suivez-moi s'il vous plaît ; plus d'un grec que ''intrigue seconde. Trompe en amour et vole au lansquenet. Surprise extrême, La beauté même, Contre l'amour défend son coeur! Elle ne pense Qu'à l'opulence Et pour de l'or vend même le bonheur! (Reprise du chœur.) (On danse sur la ritournelle.)

Vive le bal ! mais au cinquième étage; Nous y trouvons les plus joyeux tendrons, De la gaieté, des chansons, du tapage, l'es jeux, du flan, du cidre et des marrons; Là, côte à côte, On danse, on saute, On se fatigue, on est heureux; Puis, quelle chance! Après la danse, Sur une ch::i-c on -e repose à <i?;ix. (Reprise du cl.œitr.) (On danse sur i.i rilourm

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2207 François Nicolaie C56F3 Paris au bal

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