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LIVRE

M. TERRAT, Intendant de Lyon,

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University of Ottawa

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PENSEES

DIVERSES

SUR L^ COMETE.

TOME PREMIER.

PENSEES

DIVERSES

Ecrites à un

DOCTEUR DE SORBONNE

A VOccapon

DE LA COMETE

^i far ut au mois de 2)^- cembre 1680.

P A R Mr. B A Y L E.

SIXIEME EDITION,

TOME PREMIER.

A AMSTERDAM,

Che2 MEINARD UYTWERF^ M D C C X L I X

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AVERTISSEMENT

A U

LECTEUR.

Eux rdijdm qui mont pm'fi confiderabUs m^ obligent a mettre ici tine petite Prefa* ce. Il in a fiwblé necef- faire d'aprendre d'abord ^ mes le^hurs , i. .Pourquoi le ftjle de Cet Ouvrage eft celui d^un Catholique Romain^ foit qud s'agijje de Religion , [oit quil s'a' gijfe d^afaires d'Etat, i. Poptrqmi cette, troijîéms édition nejl pas telle que je l'avois promije.

On verra l' écUircijfemcnt de la pre^ mïere de ces deux chojes dans le récit que je vais faire touchant l'origine de cet Ouvrage.

Comme fetois' Prof Jfeur en Philofiphie h Sedan lors qu'd parut une Comète oh mois de Décembre mille fix cens quatre vingts je me trouVois incejfamment expofé aux quefions de plujïeurs perfonnes curieufis j eu allarmées. Je rajfurois autant quil m'i- toit poffible ceux qui s' inquiet oient de ce prttmdu mauvaif prefage , rms je ne ga- ■* 2 gyioii

PREFACE.

gmis qtic peu de chofe par les raifimemefis philofophiques ; on me repondoit toujours que Dieu montre ces grans Phénomènes , afin de donner le tems aux pécheurs de pré- venir par leur pénitence les maux qui leur fendent fur la tète, ^e crus donc qutl fe- roit tres-inutile de raifonmr davantage , h moins que je n emploi a jfe un argument qui fit voir que les attributs de Dieu ne per- mettent pas quil defïine les Comètes a, un tel effet, Je méditai la-dejfus , ^ je m'a- l'ifai bientôt de la raifon Thcologtque que l*on voit dans cet écrit. Je ne ms fouvenois point de l'avoir lue dans au- cun livre , ni d*en avoir jamais ouï par- ler ; cela m*j fit découvrir une idée de nouveauté qui m'infpira la penfée d'écrire une lettre fur ce fujet pour être inférée dans le Mercure Galant, Je fis tout ce que je pus pour ne point paffer les bornes dJuns telle lettre ; mais l'abondance de la ma- tière ne me permit pas d'être ajfez, courte ç^ me contraignit à prendre d'autres me- fhres ; c'efl-à-dire , à confderer ma lettre comme un Ouvrage qu'il faudroit publier à part. Je n'afeïlai plus la brièveté , je m'étendis à mon aifè fur chaque chofe , (i) Auteur mais néanmoins je ne perdis point de vue leGâTaiTti Cl) Monfietk de Vtfé, Je pris la refo-

ltitW'4

PREFACE.

lution de lut envoier ma lettre , ^ de k prier de U donner a fin Imprimeur , & 'd'obtenir ou la permijfion de Air* de la Reinie fi elle potivoit fiifire pour l'imprcjfion de mon Ouvrage , comme elle avait fifi pour rimprejJioH de quelques traitez, fur les Comètes ; ou le privilège du Roi , s'il en fa' toit venir la. Il garda quelque tems mon mojiufirit fans favoir le nom de l'auteur , (^ quand on fut lui en d^emander des nou^ velles 5 // repondit quil favoit d'une perfonne a qui îl tavoit donné a lire , que Air, de la Reinie ne prendrait jamais fur foi les fuites de cette affaire , O^ quil faloit recourir a l'aprobatian des Douleurs avant que de poU' voir follicîter un privilège du Roi , détail pénible , long , ^ ennuieux , ou il n avait pas le loifir de s'engager. On retira le ma^ nufcnt , ^ comme la fupreffîon de i' Acade^ mie de Sedan fut caufe o^ue je me retirai en Hollande pendant l'automne de lô^i. je ne fongeai plus à faire imprimer à Paris ma lettre fur les Comètes.

Vous volez, la le motif qui m,e fit prcn^ dre le ftjle d'un Catholique Romarn , ^ imiter le langage ç^ les éloges de Mr, de Vijé fur les affaires d' Etat, Cette con^ duite était abfolument ncceffaire a qui' conque fe vouloit faire imprimer a Paris ^

^ 3 6r

PREFACE.

cJ" je crus que V imitation du Jldercure Ga» lant en certaines chofes , rendrait phts facile à obtenir ou la permijjîon de Mr. de la Rei» me , ou le privilège du Roi, Et comme je fris tontes fortes de précautions peur nêtre pas reconu V Auteur de cette lettre fur les Comètes -i qui fut imprimée en Hollande peu de mots après mon arrivée , je ne changeai rien dans le langage dont fai parlé. Je crus ^H€ rien ne fer oit plus propre qu'un tel lan^ gage a faire juger que la lettre fur les Comè- tes n'étoit point l* Ecrit d'un homme font de France pour la Religion»

Ceux qui voudront prendre la peine de

faire attention k ceci y trouveront fans doute

tous les éclalrciffcmem qu'ils auraient pu fou -

haiter. Je dirai encore ce mot : on in fer A^

t\) 5ur pendant l^impreffion ( i ) un affez. grand

tout dans fîombre de chofes qui nef oient pas dans le

]& 2. éài- r> ;> -^ '^ li ^

tioa. manujcrtt que l on avott ewvoie a l Auteur

du Mercure Galant, il) véhz P^^fjons au fécond article ^ é* difons pour-* rAddition quoi Cette troifiéme édition ne contient rien de S ^rtes ce que favois promis. Comètes ^' avots préparé (i) mes leBems à la

pub; ëe ^ / j / j

l'an 1654. trouver augmentée a un grand nombre cle

On la re- ^j^^y^Hes preuves y e^ de nouvelles reponfes donne au r ' . , ), n

public à la aux dîjjicultez. &c. cr cependant elle ejt

Ouvrage" totiî'lt-fait Conforme à la féconde , je nat

rien

PREFACE.

rien ajouté y je n*ai rien oté, je nai rien (i) changé. Voici mes raifins. y* ai confideré (i) e^- ^ue cet Ouvrage n étant déjà que trop fem- j^o^^Tie' blahle aux rivières qui ne- font que ferpen- &:]'arran- ter 5 je neujfe pu y joindre de nouvelles di- ^u3q"es ^ çre fiions fans en rendre la leclm'c tres-en- "^pf^ ^^

*^ '.' r /-»y ^ / / ; -3 j tres-peu

nuieaje, C eut ete engager mes lecteurs dans d'endroit». un Uhjrinths , (2) ca Us emharqttcr fur le Aieandre , ^ ils r^ont que faire de cela, f^) Noa Je ne fat fi d autres Auteurs auroient nquidis l'adreffe de faire croître tm tel Ouvra- ^hrygius

X , -'. , . Maeander

ge a la mamere des corps vivans , per in undis intus furceptionem ; c'cfl-a-dire , par de ^^J^ ' ^ nouveaux jucs répandus ^ dîjtrwuez, dans lapfu re- toute la maffe avec les propo-rtions neceffai- fl^-Sue, res , mais pour mm je m'en reconois in- Occur- capable , ô" <^i'l^ f imiterai la manière nbi ventu- âont an dit que la nattire fait croître les ras afpiae

. .; .>r /• undas,

corps non Vivons : ils croijjent , dit -on , Et nu ne per juxta-pofitionem ; c'ef-à-dlre , /^^^J^uncad"' une matière qui Je joim a leurs parties mare ver- exterieures : je referverai mes additions tumTn-' pour un nouojeau tome qui fera imp-rlmé ^^'"'^^

■"n j r ' 1 ' 1 excrcet

A part des que ]e jerai plus avance dans aq-jas : it3 la compofttion du DiBionaire Critique , a P^\^^^^ quoi je continue d^ travailler. Si je ren- inmime-

ras errr vias , vi que ipfe

^ 4 voie '"' '""'■"^

T ^^^^ vias , vix-

reverti Ad limen potuic. Ovidius Metam fil', 8. ». 1^2^

PREFACE.

de Septembre i6^%, lors que l'Europe et oit deja délivrée de cette guerre , ^ quelle étoit fm le point de voir retablrr la paix en-- tre les Chrétiens ^ les Ottomans, Voila, donc wie Comète qm s'eft montrée entre deux traitez, de paix cffù ont fait cejfer la guerre dans tous les coins de L'Europe^ <^ qui ont changé m mieux la fituation des affaires générales ; une Comète , dis^je , qui ramené les fems heureux oh l'on fermait le temple de Janus, Si nous ne pouvons pas l'efperer^ fouhaitons du moins quavec ttne longîic durée ce foient des tems fembla» blés a ccHX quun Poète Latin a fait pre^ dire :

ffi virgii Afpera ([) tum pofitis mitefcent fx- -fi'n.i.i, cula beîlïs,

^*^^'- Cana fîdes , & Vcfla , Rcmo cum

fratre Quirinus Jura dabunt : dirse ferro, & compa-

gibus arcèis Cîaudentur belli portas. Furor iiripius

intus Saeva fedens fuper arma , & centum

vinctus ahenis Poft tergum nodis 5 fremet horridus ore cruento.

Le 1, de Juin 1 6^^,

TABLE

TABLE

DES

SECTIONS

des Penfées diverfes.

§. I. Occafon de l'Ouvrage, Pag. i

§. 2. A'vec quelle méthode on l'écrira. x

§•3- .^^ ^^^ prefages des Comètes 7ie font apuiez, d'aucune bowne raijon. 5

§. 4. De l'autorité des Poètes. 4.

§.5*. De l'autorité des Hijloriens. f

§.6. ^^e les Hijloriens fe plalfent fort aux di- grefjans. S

§. 7. De l'autorité de la Tradition. 9

§. 8. Pourquoi on r^e parle point de l'autorité des Philofophes. 1 1

§. 9. I. Railon contre les preiàges des Comè- tes, ^^'il eft fort probable qu'elles n'ont point la vertu de produire quelque chofe fur la terre. 1 5

Ç. 10. Si elles envoient c^eh^ue autre chofe que la lumière. 1 4

§. iiri"/ leur lumierf détache quelques atomes,-

ibid,

^. 12. Quelle peut être l'aBivité de leur lumiè- re, ly

§.13. ^u'il eji aujjî difficile aux exhalaifons de defcendre que de monter. ibid.

§. 14. ^ue les exhalaifons des CoTnetes quand même elles pan'iendroient jufqti'a ù ter-' re , n'y produiroient rien. 1 8

S- 15". Réfutation de ceux aui difent ciue cel.%

TABLE

v'eji pas im^gjjible, ou qui voucîrôterd fou" tenir que la tr.fiuences m Jont pas des cor- pufcules. pag. lo

5. 16. 11. Raifbn : ^ue f les Comètes aïoknt la vertu de produire quelque chofe fur la terre , ce pcurroit être tout aujjî bien du bonheur-, que du malheur, ii

§. 17, II I. Raiion : ^e l'Afirolofie qui efl le fondement des prediclions particulières des Comètes , ejl la chofe du monde la plus ridicule. i^

§. iS. Bu crédit de V uijlrologie parmi les'a72ciens Faiens. 3 1

§. 19. Du crédit de l'Aflrologie parmi les Infidè- les d^ aujourd'hui. 3 5

§. 20. Du crédit de VAfcrolagie parmi les Chré- tiens. 3 d

§. 21. Du crédit de l'Aflrologie m Trance.

38

^. 22. ^le V entêtement gennal pour V Afrologie decr édite V autorité qui n'efi fondée que fur le grand nombre. 4.0

%. 23. IV. Railbn : ^le quand il ferait irai que les Comètes ont toujours été fuivies de pkifeurs malheurs , il -n'y aurait poh.t lieu de dire, quelles en ont été le figne ou- la canfe. 42

%. 24. V. Raifbn: ^hfil efi faux , qti il f oit ar- rivé plus de malheurs dans les années qui ont fuivi les Comètes , qu'en tout autre tems. 43

5. 25'. S'il y a des jours heureux , ou ?nalheu^ reux. 44

§. 26^ Sentiment de^ Vaiens fur les jours heureux ou malheureux . 4^

^, 27- Réfutation du fentiment des Paie/is,

46

§. 28. Comment il arrive qtion gagne des batail- le i eu certains jours affeclez. 4 3

DES SECTIONS.

iç. Ce qu'il faut répondre a ceux qui citent des exemples pour les prefrges des Comè- tes, 4-9

30. ^u'il n'y a po'mt de fat (dite dans certains noins. 5'o

3 r . Grande fnperjlition des Païens à l'égard des noms. S^

32. En quel fens on peut préférer un noyn a, un autre. f-f

3 3 . Combien cette V. raifon eft decijïve contre- les prefages des Comètes. S^

34. Obfervaùons neceffaires a ceux quife'ueu-' lent éclairàr de ce fait. fP

35'. Comparaifcn des années qui ont fui'vi les Comètes de l'an 166 j. mjec les années qui ont précédé la Comète de Van 16/2,

60

36. Guerre des Turcs ^ des Vénitiens,

61

37. Guerre des Efpagnols éf* des Portugais^

38. Guerre des Anglois ^ des Hollandois.

39. Guerre des J fan fois & des Efpagnols^

OS

40. ^ue l'Efpagne feroit bim d'abandonner les F aïs-Bas. 6j

41. Bonheur de Vannée 1668. 70

42. Vacif cation du démêlé des fefuites , des Janfeniftes. . T^

43. Considération des malheurs arrivez, pen- dant les fept années que Von a examiné.

If

44. Malheurs arrivez, dans l'Europe depuis: Van i6.\.f. jufquen 16 fz. 76

4^. VI. Raifon: ^ue la peyfuaf on générale des peuples n'efl d'aucun poids pmr prou- ver les mauvaifes influences des Comètes.

. 8q- * 7 §. 46. Exem-- '

'table

§' 4<5. "Exemples de quelques opinions générales t

qui font fnuffes. pag. 8 x

§.47. ^hielle efi la 'veritaèle caufe éle l'autorité

dune opimon. pag. 84»

§. 48. (5)u'il ne faut pas juger en Philojcphie

par la pluralifé des voix. pag. 86

§.49. Combien il ejl ridicule de chercher les

caufes lie ce qui n"^ point.

pag. 87 §. 5*0 . Superf irions des Anciens pour les éclip-

fés. pag.bp

§. yi. Superfiition des Modernes pour les eclip^

fes. ^ pag. 91

§. j-î. ^le les éclipfes ne peuvent point caufer

de -mal. pag. 92,

§• 5" 3- Mi^^ ^^ éclipfes ne peuvent pas être le

jig-ne d'aucun î/inl. P^g-94'

§. 5-4. En quel fens un ejfet naturel efv un f igné

de quelque chofe. pag. 96-

§. 5"^. Remarques pour conoitre fi une chofe ejt un,

figne e-avoié de Dieu. pag. 97

§. f6. Aplication aux Comètes de ce qui a été

dit touchant les éclipfes. P^o-99

§. j7. VII. Raifbn , tirée de la Théologie:

^ue fi les Comètes étoient un prefage de

maUieur , Dieu auroit fait des miracks ,

pour confirmer V Idolâtrie dans le momie.

pag. I o% S* 5"^' =^^^ ^'^-^ Co7netes ne psuvent prefager le

mal qu'en qualité de fignes. pag. 103.

§• S9' c^^ ^^^ Comètes ne peuvent être dei

J'gnes du mal k venir fians être formées

miraculeufement . pag. 1 04

^. 60. Etrange confequence qut naîtrait de ce qu^

les Comptes feroient formées par miracle.

pag. 10/ §, 61. Les Démons entretemlèra la fuperfiition en

produifanî des prodiges. pag. 1 07

J, 62^ ^ue les Vaiens ne faifoient rien qui pict

m-

DES SECTIONS.

apoffer la colère tU DieU' , quanÂils vmieiit des prodiges. pag. 1 09

§. 63. Les Démons faifoient prendre pour des pro- diges , plufieurs ejfets de la 'nature. 1 1 o

§. 64. Si je me prevaus du temoig?îage des Poè- tes. 1 1 5.

§. 6f. Comment les hommes eujfent pu d'eux-mê- mes prendre certaines chofes pour des prodi- ges. ^114.

§• ^^' <^tie ce qu'on apelle des prodiges , eji fou- lent aujji naturel que ks chofes les plus communes. 1 1 5*"

§. 67. De la prodigieufe fuperftition des Faiens fur le chapitre des prodiges. 1 1 6

§.68. Artifices du Démon pour fomenter la fu- perflition des Taiens. 1 1 9

§.69. ^le les Taiens attribuoient leurs mal- heurs a la négligence de quelque cérémonie, 0= non pas a, leurs lices. 121

§. 70. Aplication des remarques précédentes a lit raifon tirée de la Théologie. i z^

§. 71. De l'horreur que Dieu a pour l'Idolâtrie..

§.72, ^ue la raifon pourquoi les Comètes ne pou- 'voient pas être des prefages , avant lit venue de J e s u s-C h r 1 s t , fuôfîfie en- core. 127

§. 73. De l abominable idolâtrie des Faiens d'au-^ jourd'hui. 129

§• 74- J^^ ^^^ Comètes ont des car'aUeres parti- culiers , qui montrent qu'elles ne f&nt pas des fignes. 13a

§. 75". En quel fens on peut dire que Dieu me- nace ceux qu'il ne veut pas fraper.

§. 76. ^u'il eji faux que les peuples qui font heu- reux après l'aparition des Comètes , aient mérité cette difimtion par leur peniten- c?, 134.

S' 77- ^&

TABLE

$.77. ^iP l'efficace des- prières d'un petit nombre iie bownes âmes dans la irate Religion , n'a point de lieu dans les faujjes Reli'

^ Q '^''•'V ^. P^S-^37

^. 70. Di;^rejpon neceffaire. 13 9

§. 7p. VII I. Raifon : ^ie l'opinion qui Jait prendre les Comètes pour des prefages des calamiiez, publiques , efi une t'iedle fu- perfciiion des Faiens , qui s' efi introduite ^ confervée dans le Chrifiianifme par Ix prévention que l'on a pour l'A-ntiquitê.

140

^. 80. De la g7'ande pajjïon qu'ont les hommes ik [avoir l avenir , ô™ ^^^ ^jf^^-^ quelle a produits. ibid,

§. 81. ^ie les Volitiques ont fomemé la fuperfii' tion des prefages. i^%

§. 82. ^ue les Famgyrifles ont contribué a fomenter la fuperfiition des prefages,

14.7

§. 83. A coinhien de chofes on a fait fervir une même Comète. 1 5*0

§. 84,. Pourquoi les Chrétiens font dans la même prévention que les Faie?îs fur le fujet des Comètes. 1 5-4

§, 8j. liitroduclio-ns de plufiems cérémonies Faien- nies dans le Chrifiianifme. ijj

§, 86. ^^ue les fauffes converfîons des Faiens- ont tranfporté bien des erreurs dans le Chrifiianifme. 1 5'8-

§. 87. Du penchant que les hommes ont k être de la Religion dominante , ^ dtt mal que cela fait k la 'vraie EglJfe.

160

§,88. Reflexion fur les converfîons prefentes des Huguenots. 162

§. 89. Freuves de fait de la tranfplantation des erreurs du Faganifme dans le Chrifiauif- i2^, 1 69,

Des sections.

§.50. Pourquoi les Sts. F ères n'oTJ pas condftnh' ceux qui croioient les prefages des Comè- tes, pag. 1 7 2 §> 91- ^u'on n- tort de blâmer ceux qui ne croient pas legerenient , quun effet Joit mi-^ rMulcux. 17? §. 92. Be quelle manière la grâce guérit la na- ture. 175* §.95. Combien. Us Chrétiens [ont infatuez. des prefages. 17^ §. 94. Combien les Hifioriens fe jettent dans le merteilleux j ceux de Charles-,^int par exemple. 179 §• 9f S^^ quand on dit que les Comètes prejOr- gent la mort des Rois, on ne distingue pas- comme il faiulroit faire , ceux dont la mort ejî préjudiciable de ceux dont la mort ne fait aucun mal. 180 §, 96. Suite des exaggerations Efpagnoles à li^ loilange de Charles-^ùnt. 184. §.97. jLvertiffement aux Htfioriens Tranpis.

186

§. 98. Réfutation des Hifioriens de Trance qui

ont avancé qu'il y eut des prefages 'de la

mort du Roi He??ri IV. 191

§. ç^. Nouvelles preuves de l inclination des

chrétiens a croire les prodiges <^ les pre-

fages. 195-

§. 100. Nouvelle remarque , pour faire voir que

l'antiquité ^ la généralité d'une opinion t

nefi pas une marque de vérité.

^ 199

§. loi. "Preuve convainquante de l'erreur ou Ion

eft touchant les prefages. 201

§. 102. Première objedtion contre la raifon ti-

ree de la Théologie : Dieu a formé des

Comètes , afin que les Païens conuffent fa

providence , ^ ne tombaffent pas dans

i'Atheifme, io6

§. 203. Pre-

T A B L

§. 103. Première Reponfè. ^le DIm ne fait foint de miracles , four chajfer un crime , ^ar l'établtjfement d'mi autre crime i lA- theifme , par l' étabUffement de l'Idolâtrie.

pag. 207

§. 104. Seconde Reponfe. ^^'il n'a jainais été necejfaire d'empêcher que- l'Atheifme ne s'établit en la place de l'Idolâtrie , ^ e^ue les Comètes ne font pas capables de L empêcher. 2 1 1

§. loj-. De la prodigieufe inclination des anciens Faiens a multiplier le nombre des Dieuxg

212

§. io5. III. Reponfè. ^ue quand même il y aurait eu lieu de craindre que l'Atheif- me ne s'établît en' la place de l Idolâtrie , // n'eût point falu fe fervir de miracles pour l'empêcher. 214,

§. 107. Les ejfèts de la nature pOHVoient empê- cher l'irréligion. 2 1 f

§. 108. La politique pouvait empêcher la même chofe. ibid.

§. 109. L'intérêt des Trêtres le pot^voit empêcher aujji. 216

§. 1 1 o. Combien les peupUs aimaient â croire que les prodiges n'étaient point naturels.

218

§. III. ^ue le Sacerdoce ^ t autorité Souverai- ne ont été quelquefois unis. 220

§. 112. Du foin que l'on prenoit de châtier ceux qui meprifaient la Religion. 221

§• ^^5- i^^ ^^^ Démons aiment mieux l' Idolâ- trie qtte l'Athetfme. 225

§. 114. IV. Reponfè. ^ue l'Atheifme n'eji pas un plus grand mal que l idolâtrie.

225*

§. iif. I. Preuve. L'imperfeéîion eft aufjt con- traire pour le moins â la riature de Dieu > aue le non-étre. il>id.

§, 1x6. IL.

DES SECTIONS,

§. II 6. II. Preuve. L'Idolâtrie eji le plus granJ de tous les crimes félon les Fê-es. pag. 227

§. 117. III. Preuve. Les Idolâtres ont été de •vrais Athées en un certain fens.

228

§. 118. IV. Preuve. La cono'ijfance de Dieu ne fert à un Idolâtre qu'à rendra fes crimes plus atroces. 219

§. 119. V. Preuve. V Idolâtrie rend les hom- mes plus difficiles k convertir , que l'A- theïfme. 232.

§. 1^0. Comparaifons qui prouvent cela.

§. 121. ^u'il ejl difficde que ceux qui ont long tems armé une chofe , fe portent â aimer le co)3traire. 235"

§. 122. VI. Preuve. Ni Vefprit , ni le cœur ne font pas en meilleur état dans les Idolâtres, que dans les Athées. 237

§. 113. Confideration du jugement que les Faiens faïfoient de Dieu, ibid..

§. 1 24. Refiexion fur le ridicule de la Religion Faienne. 239

§, 125. ^u'il ne faut pas juger de la Religion Faienne par ce qu'en ont dit les Poètes,,

24.1,

§. 126. Defordres caufez par les Foëtes Chre^ tiens. 243

§. 127. ^uel étoit le culte public parmi les Faie/is , ^ quel leur refpeSt pour la tra- dition. 24.4.

§. 1 28. ^'il faut juger d'une Religion par les cultes qu'elle pratique. R.efiexio?i fur le livre de Mr. l'Evéque de Condom.

247

§. 129. 1^ difpoftion du cœur des Athées com- parée avec celle des Idolâtres. 2_5"o

§• 130- i^^ ^^^^ qui ont été tres-mechans par- mi les Faiens, n'ont pas été Athées, i^i §.i3i.^«^i

TABLE §• ^3^- ,^^1 eft l'effet de la conoijfance d'un Bteu farmi les nations Idolâtres.

> 132,. ^u,e les Idolâtres ont furpaffe les Athées dans le crime de leze-MajeJié Divine.

2J-6

§. 133. VIL Preuve. L'Atheïfme ne conduit

pas neceffa'ire}nent k la corruption des

mœurs. z6î

§, 134. ^ue l'expérience combat le raifonnement

o^ue Ion fait , pour prouver que la co?îoif-

fance d'un Dieu corrige les inclinations ^7'-

cieufes de l homme. 263

§. I3;f. Pourquoi il y a tant de dijference entre ce qu'on croit ^ ce qu'on fait. 264

§. 17,6. ^ue l'homme n'agit pas félon fes princi- pes. 166

§. 137. Vonrquoi certaines cérémonies font régu- lièrement obfervées. 268

§. 138. 'Exemple qui prouve que les opinions m font pas la règle des aciions. 272

§• 139. ^u'on ne peut pas dire , que ceux qui ne vivent pas félon les maximes de leur Religion , ne croient pas qu'il y ait un Dieu. I. Preuve de cela , tirée de la vie des fbldats. 273

§. 14,0. IL Preuve, tirée des defordres des Croi- fades. 2,74

§. 141. P^eflexion fur ce que quelques Infidèles ont objecté aux Chrétiens , que leur Reli- gion n'efi propre qu'a faire des Uches.

275-

§. 141, IIL Preuve , tirée de la conduite de plu- fleurs femmes. 279

§. 143. ^uels principes on peut inférer de ce qui vient d'être dit. 2,84^

§. 144. ^ue les Athées éf* les Idolâtres font pouffez au mal par le même principe. ^ 28^

DES S^ E C T I O N S.

^ 45" c^^ ^^ principe n'efl pas corrigé dans lei Idolâtres mieux cjue dans les Athées,

pag. 287

1^6. ^tie la bonne Théologie fait -voir , que la corruption de la nature n'eji pas tnieux corrigée da/is les Idolâtres , que danPles Athées. 290

147. IV. Preuve , tirée des Demdns ^ des Sorciers , qui foyit z'oir que les ge?2s les phi s perdus demeurent perfuadez, de lexiftence de Dieu. 292

148. V. Preuve, que l'on peut trouver , en faifant une revue générale des manières les 'plus communes des gens. 295

149. VI. Preuve, r/r^V de la dévotion que Ion dit que pluj^eurs fcelerats ont eue pour la S te. Vierge. 2^6

I j-o. Reflexion fur un Ouvrage du F. Rapin,

298 15-1. S'il efl vrai qu'il y ait beaucoup d'Athées

à la Cour des Frinces. 302

ij'2. Conjîderation particulière des fentimens

de Louis XI. 304

I j'3. ^ue la Cour ne garantit , ni de la fu-

perjiition , ni des erreurs populaires.

15-4. De la fuperjlition d'Alexandre.

i_f_f . Defordres ^ zélé de la Cour de France au dernier Jmle. 7,1 f

15-6. Ztle des Orans Seigneurs de Frartce con- tre les Frotejlans. 319 ifj. Raifon tr es-forte pour prouver la necejjîté de la grâce. 320 §. 15-8. VII. Preuve , tirée des fréquentes Com- munioKs. ibid. §. 15-9. Confirmation de la même chofe.

§. 1(^0, ^tii çmx qui attribuent la corruption^

de}

TABLE

âes mœurs à l'ajfoiMiJfement de la foi ^ ex^ tenuent le crime » au lieu de le rendre plus atroce. pag. gz^

§. i6i. Conjeâiures fur les mœurs d'une focieté qui jeroit fans Religion. 327

§. 4^. t^e les loix humaines font la vertu du- ne infinité de perfonnes. L'impudicité en efi un exemple. 3 28

§. \6i. ,^e les hommes font plus fenfbles à, l'honneur que les femmes, 329

§. 164. Quelles font pour l'ordinaire les leri-^ tpibles caufes de la chafieté des femmes, .

§. \6^. Combien Vimpudicité qui règne parmi les Chrétiens fait tort a, la Religion Chrétien- ne. ^ ^ 333

§. 166. Marque a laquelle on peut conoiîre -, ft Ion fait quelque choje pour l'amour de Dieu. 335*

§, 167. ®uclle efi la véritable raifon pourquoi un péché efi plus ordinaire quun autre,

§. 168. Reflexion fur l'habitude de mentir ^ de médire. 339

§, 169. Si les hommes ont raifon de croire qu& l'impudicité foit un moindre crime que U meurtre. 341

§. 170, Reflexion fur la malice qui fe trouve fou- vent dans la medifance. 343

§. 171. Pourquoi la vengemwe éf l'avarice font des pajjïofîs fi communes, 34 jT

§. i-ji. Si une focieté d^ Athées fe fer oit des loix de bienfeance ^ d'honneur. 349

§. 173. ^ue l opinion de la mortalité de l'ame, n'empêche pas qu'on ne fouhaite d immor- talifsrfon nom. 3f2

§, 174. Exemples qui montrent., que les Athées

ne fe font pas difiin^uez par l'impureté des

mœurs. 35"?

§. 17;-. ^t

DES SECTIONS. §' ^IS' Mj^^ ^^ i^^^ volufttieux ne s'amiifent

guère à dogmatifer contre h Religion.

pag. 35-8 §. 176, ,^e l'homme ne règle pas fa i^iejhr fes

opinions. 361

§• ^11 ' ,^^^1^^ ^Ji '^ raifon pourquoi on fe repre'-

fente les Athées extraordmairement me-

chans. 565

§. 178. Si l'on peut avoir une idée d' honnit e^

, fans croire qu'il y ait un Dieu,

§• ^19' ^u,' an Athée peut être avide de gloire 0> de loiiange. ^ 367

§. 180. ,^ue l'exemple de Lucrèce ^ de fes ^ femblabks prouve manifefiement , que la Religion n'étoit point la caufe des idées d'honnêteté qui étoit parmi les Faiens.

§. i8i. Nouvelle remarque , qui fait voir que les hommes ne viojent pas félon leurs princi- pes. 37a

§. 182. L'Atheifme aiant eu des Martyrs , c'efi une marque indubitable , qu'à n'exclut pas les idées de la gloire ^ de l'honnêteté. Réflexion fur la comhute de Vanmi.

§. 1S3. 'Examen de l'objection que Von tire de la dijjculté qu'il y a à convertir un Athée,

378 §, 184. D'OU viennent les dijîcultez. de croire.

380

§. l'èf. Réflexion fur la conduite de Jésus-

Christ envers les Saducéensi ^ les

Fharifiens. 3 8g

§. 186. De l'averfion des Juifs pour l'Idolâtrie,

§. 187. S'il y a quelque autre caufe de l in- crédulité , que l'inclination au mal.

§. 188. Co7n*

TABLE

§. 188. Combien la Religion Faienne étoit propre à faire des Athées. P2g-3^9

§. i8p. ^ioi c^ne l homme [oit tres-corrompH , il ne veut pas o^ue la Religion commande le crime. 391

§. 190. Quelle efl U raifon de cela. 393

§. 191. 6"/ la profejjien extérieure de Religion que fora les Athées , leur peut faire quelque bien. 394.

§. 192. Pourquoi on s'eji tant étendu fur cette matière. 395*

§. 193. Réflexion fur un traité de Plutarque» de la fuperflition. 396

§. 194. V. Reponfè. ^u'il n'y a poi'nt d'exem- ple , qui prouve qu^ Dieu ait formé 7ni~ raculeufement des prodiges pour la prête?}- due converjion de quelqu'un à l'Idolâtrie.

399 §. 195-. Combien les miracles parmi les Paieras

eujje/it été favorables à, l'Idolâtrie d un

coté , (^' inutiles de l'autre. 400

§. 196. Inutilité de la converjion d'un Epicurien

à l'Idolâtrie. 401

S* ^97' ^*'''^ y ^ ^^^ erreurs plus groj^eres que

de nier la Providense. 402

§, 198. Reflexion fur ce qui s' efl pajfé au fnjei

des 6f. PropOjitions condaynnées par le Pa^

pe. 4o5

§. 199. Reflexion fur la diverfe manière dont on

agit contre les vices ^ contre les erreurs.

408 §. 200. ^liil y a des erreurs qtii ne font point _

criminelles, 4 1 1

§. 20 î. Ce qui fait quune erreur efl pire quune,

autre. 414

§. 202. Si Dieu eût fait des miracles pour faire

comitre fa bonté aux Païens j // eut tra^,

vaïlU pour les faux Dieux. 41^

§, 203, II, Objection. Comètes fe font

fans

DES SECTIONS.

fans miracle. Dieu peut faire dés miracles parmi les hifideles. Dieu fe veut faire conoitre aux hommes far le moien des Co- mètes. 'Les actes d'Idolâtrie dont les Cq- ?netes font caufe , rendront les hommes inexcufables . ibid.

§. 204. I. Reponfc. 6)uafin que les Comètes

foient des fignes de ce qui doit arriver

après leur aparition , il faut yiecejfaire-

ment qu'elles foient formées par miracle.

416

§. ioj. Lifte de plufïeurs hypothefes quon peut fuivre pour raifonner fur les Comètes.

§ . 2o5. ^^u'il n'y a point d'hypothefe , ou Von trouve une liaifon naturelle entre les Co- mètes ^ ce qui fe pajfe fur la terre aprh leur aparition. 4 1 8

§. 207. En quel fens les caufes fécondes font fi'.bor donné es entre elles, ou ne le font pas.

4ZO

^. 208. Eclaircijfement de cette doctrine.

pag. 425

§. 209. Autre eclaircijfement par le fyfteme des caufes occafonneiles. 425*

^. 210. Confirmation de cette doctrine par ce oui arrive lors qu'il fe fait des miracles..

426

§. 211. ApUcation de ce qui a été dit fur la î„ hypothefe y a trois autres. 427

§. 212. j^e la IV. hypothefe ne foujfre point /^ liaifon dont on parle ict. 4x8

§. 213. Confirmation de ces remarqués , par /^ contingence des actions de l'homme,

J. 214. ^u'il tient a peu de chcfe qui les plus grands évenemens ne foïeht changez,

%. 2\f, Motm de s'i/naginer q^s Ui Cotnetes * * fient

TABLE fotent un prefdge fans miracle.

§. 216. Réfutation de ce moien. 43 <$

$. 217. Seconde Rcponfe. ^le fi les Comètes étoknt des miracles , elles feroient d'un certain ordre de miracles que Dieu «e fait jamais dans le pais des Infidèles^

438,

§. 218. ^ eh font les miracles que Dieu fait par?ni les Infidèles. 439.

§. 219. III. Rcponie. (^uil ef faux que Dieu fe foit profofé de fe faire conoïtre pour le 'Vrai Dieu aux Gentils , en leur faifant voir des Comètes. 441

§. 220. La ijuë d'une Comète ne nous rend pas plus propres a conoitre la nature de Dieu^

445 %. 221. Ity avoit des Nations Faiennes (jui n^ ad- mettaient point les Religions étrangères.^

444- §. 222. Courte reprefentation de ce quon peut inférer dss remarques précédentes.

pag. 446. §. 223. s'il ejl permis de nier que Dieu fajfe une chofe , lors que Von ne reconoît pas qu'elle foit de quelque ufage. 447

§. 224. Réflexion fur la maxime du Prêteur Cajfus y cui bono. 449

§. 225-. Réflexion fur la manière dont on in- terprète Vendurciffement de Pharao.

pag. 4J-0 5. 226. IV. Reponfè. ^u'il efl faux que les Gentils fe foient rendus inexcufabbs en ne fe convertijfant pas au> vrai Dieu à la vue des Comètes. ^fj^

^, 227. Les Comètes ne font pas capables d'ame^ ner les hommes « la noijfance du vrai- Dieu. 4^3 §. 228. III, Objcdion. Z.W Comètes font un-

DES SECTIONS.-

effet naturel , ô> la caufe naturelle des malheurs ^ue l'on fouffre après leur apa- rition. pag. ^f^

§. 229. Reponfè. 6)u'il efi hnpoJJîMe que les Co-metes foïmt la caufe efficiente des malheurs que l'on dit quelles prefagent.

§. 230. ^^'il n'y a rien de plus digne de la gran- deur de Dieu , que de maintenir les loix gerierales. ibid^

§. 231. Refiexion fur l'injuflice de ceux qui fe plaignent de la profperiti des mechans,.

45-7 §. 232.. De la différence qu'il y a entre les mira- cles ^ les effets de la nature par raport à. nous. 45-9

§• 2.33. ^ue les caractères des 'vrais mira" dis ne conviennent pas aux Comètes.

4,60

§. 234. Si Dieu a fait des biens ^ de^s

maux aux Faiens afin de les convertir.

4(5 1

§. 235". Nouvelles remarques y qui prouvent que

les Comètes ne font point la caufe du.

mal à. venir , (^ qui font tirées des vi-

cijjîtudes fortuites d^s chofes humaines.

465-

§. 236. Combien font quelquefois petites les

caufes des plus grands èvenemens.

467 §• ^11' Mf*^ ^^^ Comètes ne peuvent pas avoir part à toutes les pajjions qui caufent U diverfité des èvenemens. 470

§' 2,38. ^ue l'homme n'a befoin que de lui-mê- me pour être agité de toute forte de paf- fions. Combien les Juifs ont été fuperfii' tieux. 47 2

§, 239. Remar q^u e s , qui montrent que pour faire des conjectures fur les fuites d'une ** i. C(N

TABLE

Comète , il eft inutile de l'ohferver , ^^ qu'il ne faut que prcmlre garde a la Ji- t nation des affaires générales , aux faf- fions , ^ aux intérêts des Princes. EJJai de ce pri/2cipe fur la Comète de 1618. ç^ fur celle de 16S1. ^y^

§. 240. Exemples de quelques Politiques qui ont deviné certains évenemens. 47 j"

§. 241. Réfutation du prefage de Tafquier.

477 §. 242. Il étoit facile de prévoir une gran- de guerre dans l'Europe Van 1618.

480 §. 243, Lenteur ^ bigoterie de la Politique de U> Maifon d'Autriche. 481

§. 244. ^ue les Conquerans ont évité la réputa- tion de perfecuteurs, 485 §. 24_f. Combien la Maifon d'Autriche s'ef af- foiblie par les perfecutions de Religio-n.

48/

§. 246. ^^uels font les prefage s que l'on débite

prefentement. Difpojtwns favorables pour

la France à faire des conquêtes^.

487 §.. 247 . Bétail des cir£onftances avantageufes. a la France. 48S

§. 248. Confideration de Vétat prefent de l Eu- rope. 492 §. 249. Combien les Republiques ont a^Urcfois mortifié les Monarchies . 493 §. 25*0. Combien la paix de Nimegue a été avan- tagea fe a la France. 496 J. ifi. Réflexion fur la forme du Gouvernement d'Allemagne. ^cfj §. 252. Attachement des fefmtes aux intérêts de la France. 49 S |... 2^3. Be quelques Prophéties que l'on dit qui poinmenf an Roi de grandes conquétesM

foo §. 2^-4, irrfi-

DES SECTIONS.

§. 2^4.. "Prétextes que le Roi pourrait prendra pour fe fervir des favorables difpofitions que la Fortune, lui ojfrc, pag. _foi

§. 2_f/. Raifons pour ?ie fe pas fervir de ces fa^ vorables difpofitions. 504^

§. 1^6. Refiexion fur ce qui a été raporté con- cernant certaines prophéties quon fait cou- rir à l'avantage de la France. ^o^

§. 25*7 . 5"/ l'Europe auroit plus de fujet de fe li- guer prefentement , quelle n'en a eu au- trefois, yif

§. 25-8. 6"/ les Ligues font a craindre. ^\S

§. 2/9. Fautes des Alliez^ durant la dernière guerre. 5" 18

§. 260. Efets confiderables de quelques Ligues,

5-19

§. 261. ^u'il m faut point s'affûrer fur l'état

prefent des chofes. ^25.

§. 262. Conclufion de l'Ouvrage. f^^

§, 263. Abrégé de tout l'Onvrage, f^f

tabls

TABLE

DES

CHAPITRES

Contenus dans T Addition aux Penfées diverfes.

Chapitre I.

Pourquoi on n'a pas répondu plutôt au Uhelle- intitulé, Courte Revue &:c. ^^atre rai- fans ont porté a rty point repo'ndre. Pag. f^i

Chaf. II. Pourquoi on repond enfin au lié elle i-ntitulé. Courte Revue, ëcc. 5'4f

Chap. III. Keponfe a la cenfure gejicrale lancée fur h livre des Comètes par f Auteur de la Courte Revue. 5*47

Chap. IV. Reponfe aux objeciions particulières cftii concernent les Penfées diverfes. ^f^

Chap. V. Reponfe aux objections qui concernent les droits de la confidence erronée. fço

Chap. VI. De quelle manière fie doivent co/i- duire les f'uges Ecclefiafitiques qui conoitront de ce dijfi-rent. ^ç^

Chap. VIL Requ,éte a toutes les Univerfiitez, , ■pour kur demander la. denfion des points fiui-^ 'vans. 604,

Chap. VIII. Courte Revue des maximes de Religion ^ de Morale établies dans le libella mtitulé Courte Revue , Sec. ^ refiuté dans, ha Chapitrés pruedens^. 61 2

FEN-

PENSÉES

DIVERSES,

\

écrites a un Dodeur de Sorbonne^

A î'oaafion de la Comète qui parut au mois de Décembre idSo.

§. I.

Occafwn de VOwvra^e.

Ous aviez raiibn , Monfîeur, de m'ecrire que ceux qui n'avoient pas eu la commodité de voir k Comète , pendant qu'elle paroillbit avant le jour, fur la fin de Novem- bre & au commencement de Décembre , n'at- tendr oient pas long-tems à la voir à une heure plus commode 5 car en effet , elle a commen- ce à reparoîire le 22. du mois pnfie , dès l'en- trée de la nuit 5 mais je doute que vous aiez eu raiibn de m'cxhorter à vous écrire tout ce que je penferois fur cette matière , & de me pro- m.ettre une reponfè fort exacte à tout ce que je vous en écrirois. Cela va plus loin que vous n'avez cru : je ne fai ce que c efl: que de médi- ter régulièrement fur une chofè : je prens le change fort aifcmcnt : je m'écarte très-ibuvcnt de mon fujet : je faute dans des lieux dont on auroit bien de la peine à deviner les chcmms , Se je fuis fort propre à faire perdre patience à Toin. L A un

t Penfccs diverjes,

un Doéleur qui veut de ]a méthode Se de la ré- gularité par tout. C'eil pourquoi , Monlîeur, penièz y bien : ibngez plus d'une fois a la pro- polition que vous m avez faite. Je vous don- ne quinze jours de terme pour prendre vôtre dernière refolution. Cet avis & les vœux que je fais pour vôtre prolpcrité dans ce renouvel- lement d'année , font toutes les ëtrencs que vous aurez de moi pour le coup. Je fuis vô- tre, &c.

A... le I. de y cimier 1681.

§11.

Avec quelle méthode on l'écrira.

Puis qu'après y avoir bien penfé , vous per- iifi:cz à vouloir que je vous communique les penfrcs qui me viendront dans Teiprit en mcT- ditant Hir la nature des Comètes, 6c à vous en- gager à les examiner régulièrement , il faut fe reibudre à vous écrire. Mais vous fbufrirez, s'il vous plaît , que je le faflê à m.es heures de loifir , 8c avec toute forte de liberté , ielon que les chofes fe prelènteront à ma penfee. Car pour ce plan que vous fouhaitcriez que je hiTe dès le commencement , 6c que vous voudriez que je fuivilTj de point en point, je vous prie, ^loniieur , de ne vous y attendre pas. Cela eft: bon pour des Auteurs de profeiTion qui doi- vent avoir des vues fuivies , 6c bien comparées. Ils font bien de faire d'abord un projet , de le divifèr en livres 6c en chapitres , de fe former une idée générale de chaaue chapitre , 6c de ne travailler que fur ces idees-là. Mais pour m.oi qui ne prétens pas à la qualité d'Auteur , je ne ni'afiujettirai point, s'il vous plaît, à cette for- te de lèrvitude. Je vous ai dit mes manières: vous avei eu le tcnas d'examiner fi elles vous

accom-

Paifées diverfes. 5

accommoderoieiit : après cela il vous vous en trouvez, accablé , ne m'en Imputez point h faute, vous Tavez ainfi voulu. Commençons.

§. III.

^ue les prefages de Comètes ne font apuiez d'au- cune bonne raifon.

J'entens raifbnner tous les jours plufieurs perfbnnes fur la nature des Comètes , & quoi que je ne fois Aftronome ni d eftet ni de pro- felfion , je ne laiiîè pas d'étudier foigneufement tout ce que les plus habiles ont publié lur cet- te matière h mais il faut que je vous avoue , Monfieur , que rien ne m en paroît convain- cant , que ce qu'ils difent contre 1 erreur du peuple , qui veut que les Comètes menacent le monde d'une infinité de defolations.

C'eft ce qui fait que je ne puis pas com- prendre , comment un auifi grand Dodleur que vous , qui pour avoir feulement prédit au vrai , le retour de nôtre Comète , devroit être con- vaincu que ce font des corps fujets aux loix ordinaires de la nature , 8c non pas des prodi- ges , qui ne lùivent aucune règle ; s'eft néan- moins laifTé entrainer au torrent , &: s'imagine avec le refte du monde , malgré les raiibns du petit nombre choifi , que les Comètes font comme des Hérauts d'armes qui viennent dé- clarer la guerre au genre humain de la part de Dieu. Si vous étiez Prédicateur , je vous le pardonnerois , parce que ces fortes de penfecs étant naturellement fort propres à être revê- tues des plus pompeux 6c des plus pathétiques ornemens de l'éloquence , font beaucoup plus d'honneur à celui qui les débite , Se beaucoup plus d'imprelTion fur la confcience des audi- teurs , que cent autres propofitiyns prouvées A 2 de-

4 Penfées diverfis.

dcmonflrativement. Mais je ne puis goûter qu'un Do6leur qui n'a rien à perluadcr au peu- pie , &: qui ne doit nourrir Ion cfprit que de raifbn toute pure , ait en ceci des ièntimens li mal ibutenus , £-: fe paie de tradition, &; de paf- iàges de Poètes & d'Hiiloriens.

§. I V.

De lautmte des Foetes.

Il n'eft pas poHlble d'avoir un plus méchant fondement. Car pour commencer par les Poè- tes , vous n'ignorez pas , Moniîeur , qu'ils font il entêtez de femer dans leurs Ouvrages plu- iieurs delcriptions pompeulcs , comme Ibnt celles àes prodiges i & de donner du merveil- leux aux avantures de leurs Héros , que pour arriver à leurs fins ils fupoiènt mille chofes étonnantes. Ainfi bien loin de croire fur leur parole , que le bouleverlèment de la Républi- que Romaine ait été 1 effet de deux ou de trois Conietes j je ne croirois pas feulement, fi dau- tres qu'eux ne le difoient , qu il en ait paru en ce tcms-là. Car enfin il faut s'imaginer qu'un homme qui s cil mis dans l'efprit de {-aire un pocme , s'eil emparé de toute la nature en même tems. Le ciel êc la terre n'agifîènt plus que par Ion ordre j il arrive des éclipfès ou des naufrages fi bon lui lémble ; tous les elemens fe remuent ièlon qu'il le trouve à-propos. On voit des armées dans l'air , & des monflres fur la terre tout autant qu'il en veut i les Anges 8c hs Démons paroifiènt toutes les fois qu'il l'or- donne j les Dieux mômes montez far des ma- chines , le tiennent prêts pour fournir à ics befoins ; êc comme fur toutes chofès , il lui faut des Comètes à caufe du préjugé l'on ell à leur és;ard , s'il en trouve de toutes faites dans

l'Hif.

Penfées dlverfes. 5

i'Hil^oire , il s'en iàilit à-propos : s'il n'en trou- ve pas , il en fait lai-même , 5c leur donne la couleur & la figure la plus capable de faire pa- roître , que le Ciel s'eft intereffé d'une maniè- re très-diilinguée dans l'affaire dont il eft queP- tion. Après cela qui ne riroit de voir un très- grand nombre de gens d'efprit , ne donner pour toute preuve de la malignité de ces nou* veaux Aftres , que le terris muti^-ntem régna Co- meten de Lucain : k regnornin everfor , rubtiit UxUcde Comètes de Silius Italicus : le nec dm ta- ~t:es arfere Cornet a de Virgile : le nuno^uam ter- ris fpeclMîim impu-nè Cometen de Claudien , S& ièmblables beaux diâons des anciens Poètes?

§. V. .

De l'autorité des HiJl&fienSé

Pour ce qui efl des Hiftoriens , j^avouë qu'ils ne fe donnent pas la liberté de fupofèr ainiî des phénomènes extraordinaires. Mais il pa- roît dans la plupart une fi grande envie de ra- porter tous ks miracles &. toutes les vilions, que la crédulité des peuples a autorifées , qu'il ne feroit pas de la prudence de croire tout ce qu'ils nous débitent en ce genre-là. Je ne iài s'ils croient que leurs Hifloires paroîtroient trop fimples , s'ils ne mêloient aux chofes arri- vées félon le cours du monde, quantité de pro- diges 8c d'accidens furnaturels : ou s'ils eipe- rent que par cette forte d'aiTaifonnement , qui reviennent fort au goût naturel de l'homme, ils tiendront toujours en haleine leur Ledreur, en lui fournifiànt toujours dequoi admirer : ou bien s'ils fe perfuadent que la rencontre de ces coups miraculeux iignalcra leur Hiftoire dans le tems à venir j mais quoi qu'il en foit , oa ne peut nier que les Hiftoriens ne fe plaifent A 3 (')

Pe^fees diverps,

(i) extrêmement à compiler tout re qui fènt le miracle. Tite Live nous en fournit une for- te preuve : car quoi que ce fût un homme de grand fens , 8c d'un génie fort élevé , & qu'il nous ait laiile une Hiftoire fort aprochante de la perfeilion j il eft tombé néanmoins dans le défaut de nous laifler une compilation infupor- table de tous les prodiges ridicules , que la ili- Tum,fi per perdition Païenne croioit qui dévoient être ex- quocidiana pjez ^ ce qui fut caufe , à ce que difènt (2) duceretur, quelques-uns , que fes Ouvrages furent con- damnez au teu par le Pape St. Grégoire. Quel defordre ne voit-on pas dans ces grands 6c im- menfes volumes , qui contiennent les Annales de tous les diiïerens Ordres de nos Moines , il ièmble qu'on ait pris plaifir d'entallèr fans jugement , & par la feule envie de ûtiîfaire l'émulation ou plutôt la jaloufie , que ces So- cietez ont les unes contre les autres , tout ce que l'on peut concevoir de miracles chimé- riques ? Ce qui ibit dit entre nous , Monfieur , car vous iàvez bien que pour ne pas fcandali- fer le peuple , ni irriter cts bons Pères , il ne faut pas publier ks défauts de leurs Annales, nous contentant de ne les point lire.

Je m'étonne que (3) ceux qui nous parlent tant de la fympathie qu'il y a entre la Poëfie 8c l'Hiiloire : qui nous afîûrent fur la foi de Cice- ron 8c de Quintilien, ^te l'Hifioire ejl une Foe- ©pus fuum fi^ libre de la fervitude de la 'uerjification j 8c fur & fieri le témoignage de Lucien , que le iiaijJ'eaH de populare l'Hijioire fera pefant Qr> [ans mouvement , fi le pofîe^^nH"! "^^'^^ ^^' ^^ -^oéjie ne remplit fes voiles: qui nous illud men - diièat qu'il faut être Poète pour être Hillorien , dacio af- ' Sc

perfic.

Scne:. natan, qKxft, Hb. 7. cap. 16, ( 1 ) Voiez Voffius de Hiftor. Latin, pag. $2, ( 3 ) Le P. le Moine Difc. de l'Hiitoi- ïe cfaap. I.

fO Qyî-

«iam in- credibi- lium rela «u com- jnendatio nem pa- janc, & lectorem aliud aélu

excitant. Quidam crcduli , quidam négligen- tes funt, quibuf- dam men dacium obrepir, cuibuf- oam pla- cer. Illi non évi- tant, hi appetunt, échoc in commune de tota natione , qua: ap- probari

Tenfees diverfis. y

te crue îa descente de la Poèlle à l'Hifloire eft prelque infenliblc, "iquoi que perfonne n'ait en- trepris julques ici de paflèr de l'une à l'autre j je m'étonne, dis-je, que ceux q^i nous apren- nent tant de belles choies, iàns l'avoir (i) qu'A- (0 -A^^a- gathias a été luccelTivement Poète & Hiitorien, ^^^}^ ^" 6c qu'il a cru par ne faire autic choie que Hiftoi. traverlèr d une patrie en une patrie^ n'aient pas aprehendé de fournir un beau prétexte aux Cri- tiques , de reprocher aux Hifloriens , qu en ef- fet ils ont une fympathie merveilleuiè avec les Poètes , 5c qu ils aiment aulTi-bien qu'eux à ra- porter àizs prodiges & des lîclions. Heureux cts deux excellens Poètes , qui travaillent à l'Hiftoire de LOUIS LE GRAND , toute remplie de prodiges efïèâ:ifs 5 car fans donner dans la fiction , ils peuvent Satisfaire l'envie do- minante qui poflède les Poètes &: les Hifio- riens, de raconter des chofes extraordinaires!

Avec tout cela , iVIomieur , je ne fuis pas d'avis que l'on chicane l'autorité des Hilioriens? je conlèns que fans avoir égard à leur créduli- té , on croie qu'il a paru des Comètes tout au- tant qu'ils en marquent , êc qu'il eil arrivé dans les années qui ont fuivi l'apaiition des Comè- tes , tout autant de malheurs qu'ils nous en ra- portent. Je donne les miains à tout cela : mais auiïî c'eft tout ce que je vous accorde , £c tout ce que vous devez raiibnnablement prétendre. Voions maintenant à quoi aboutira tout c^ci. Je vous defîe avec toute vôtre fubtilité d'en conclure, que les Comètes ont été ou la caufe, ou le figne àc?. malheurs qui ont fuivi leur aparition. Ainfi les témoignages des Hifboriens fe reduifent à prouver uniquement qu'il a pa- ru des Comètes , 8c qu'enluitc il y a bien eu des defbrdres dans le monde ■-, ce qui eft bien éloigné de prouver que l'une de ces deux cho- ies eft la caufe ou le pronoftic de l'autre i à A 4. moins

s Tenfiei diverfes,

moins qu'on ne veuille qu'il foit permis à une temme qui ne met jamais la tête à fenêtre, à la rue St. Honoré , fans voir paiTer des carof^ it^y de s'imaginer qu'elle eft la caufe pourquoi ils pafîènt , ou du moins qu'elle doit être un prefàge à tout le quartier , en le montrant à îà fenêtre, qu'il paiîèra bientôt des carolles.

§. VI.

^ue Us Hifloriens fe plaifent fort mx di- grejjïons.

Vous me direz fans doute , que les Hiflo- riens remarquent politivement que les Comè- tes ont été les iignes , ou même les cauiès des ravages qui les ont fui vies , 6c par confequent que leur autorité va bien plus loin que je ne dis. Point du tout , Monfieur , il fe peut fai- re qu'ils ont remarqué ce que vous dites , car ils aiment fort à faire des reflexions , Se ils poufîènt quelquefois li loin la moralité , qu'un Lecteur mal làtisfait de les voir interrompre le fil de l'Hiftoire , leur diroit volontiers s'il les tenoit , rifervate quefio fer U predrca. L'envie de paroître fàvans jufques dans les chofès qui ne font pas de leur métier , leur fait aufTi faire quelquefois des digrclTions très-mal entendues i commue lors (i) qu'Ammien Marcellin , à l'oc- eafion d'un tremblement de terre qui arriva fous l'Empire de Conftantius , nous débite tout fon Ariftote 6c tout fon Anaxagoras 5 raifonne à perte de vue , cite des Poètes 6c des Théolo- giens : 6c à l'occafion d'une éclipiè de foleil ar- rivée fous le même Conftantius , fe jette (2) à corps perdu dans les fecrets de l'Aflronomiej fait àts leçons fur Ptolomée , 6c s'écarte juf- ques à philoibpher for la caufe des parelies. Mais ii ne s'enfuir pas pour cela , que les remarques

des

Fenfées diverfes. p

des Hiiloriens doivent autoriièr l'opinion conr mune , parce qu'elles ne font pas lur des cho- ies qui foient du refîbrt de l'Hiftorien. S'il s'a- gilîbit d'un Confeil d'Etat , d'une négociation de paix, d'une bataille, d'un liège de ville, Sec. le témoignage de l'Hifloire pourroit être dccilif, parce qu il peut faire que les Hiftoriens aient fouillé dans les Archives , ôc dans les inllruc- tions les plus fecretcs , 8c puifé dans les plus pures fburces de la vérité des faits. Mais s'a- gillànt de l'influence des aftres , 6c de reilbrts inviiiblcs de la nature , MeiTieurs les Hifioriens n'ont plus aucun cara6tcre autorilànt , £c ne doivent être plus regardez que comme un fîm- plc particulier qui hazarde fi conjeélure, de laquelle il faut faire cas ièlon le degré de con- noiiîànce que fon Auteur s'eft aquis dans la Phy- iique. Or fur ce pied-ià , Monlieur , avdiiez- moi que le témoignage des HilWiens fe reduin à bien peu de choie , parce qu'ordinairement ils ibnt mauvais Phyficiens.

§. VII.

De V autorité de la Tradition.'

Après ce que je viens de dire il ièroit iuper> flu de réfuter en particulier le préjugé de la Tradition , car il eft vifible que li la prévention l'on efl de tems immémorial fur le chapitre des Comètes , peut avoir quelque fondement légitime , il confifte tout entier dans le témoi- gnage que les Hiftoires 8c les autres livres ont rendu ilir cela daiis tous hs fiecles : de forte que fi ce témoignage ne doit être d'aucune conilderation , comme je l'ai juftifié, 5c com- me il paroîtra encore davantage par ce qui me refte a direj il ne faut plus faire aucun compte de la multitude des iùiîrages qui iônt fondez là- ddlùs,. A. f Qye-

10 Tcdfées diverfes.

Que ne pouvons-nous voir ce qui paflè

dans l'efprit des hommes lors qu'ils choiliflent

une opinion! Je fuis fur que fi cela étoit, nous

réduirions le fuffrage d'une infinité gens à

l'autorité de deux ou de trois perfonnes , qui

aiant débité une doctrine que l'on fupofoit

qu'ils avoient examinée à fond , l'ont perfua-

dée à plufieurs autres par le préjugé de leur

mérite , &: ceux-ci à plufieurs autres , qui ont

trouvé mieux leur compte pour leur parelTè na-

fi) XJnuf- turelle , à croire tout-d'un-coup ce qu'on leur

CLiifque difbit, qu'à l'examiner ibigneufèment (i). De

mavult ^j.|-ç „^ç r^ombre des feélateurs crédules Se

credere rr^ , , .

quam ju- p^reiieux s augmentant de jour en jour , a ete

«Jicare: un nouvel engagement aux autres hommes, de jîunquam délivrer de la peine d'exam.iner une opinion, de vita ju- qu'^g voioient fi générale , 6c qu'ils fe pcrfua- fémper' ^oi^î^t bonnement n'être devenue telle , que credicur, P^-r la fblidité des raifons deiquelles on s'étoit verfatque ièrvi d'abord pour l'établir : ôc enfin on s'eft vu »«s & réduit à la neceflïté de croire ce que tout le Fra^kus^^'^ monde croioit, de peur de paffer pour un fac- permanus t^^^^' 3 qiii veut lui feul en fàvoir plus que tous error, ks autres , &: contredire la vénérable Antiqui- •alienifque té: fi bien qu'il y a eu du mérite à n'examiner penmus pj^^ ^^^^ g. .^ ^y^^ raporter à la Tradition. ]u- Eanabi- S^^ vous-même 11 cent millions d hommes en- mur fi gagez dans quelque fentiment de la manière modo fe- que je viens de reprefenter , peuvent le rendre ^aremor probable; ôc fi tout le grand préjugé qui s'éle- I^n^c"^' ^^ ^"^ ^^ multitude de tant de délateurs , ne vero liât ^^i^ pas être réduit , faifant juftice à chaque contra ra- chofè , à l'autorité de deux ou de trois pcrfon- ïionem nés qui aparemment ont examiné ce qu'ils en- »ûef enfor fei^noient. Souvenez-vous , Monfieur , de cer- î>opulus. tames opmions fabulcules a qui Ion a donne Seaeca Je la chafTe dans ces derniers tems , de quelque vit à beat à, grand nombre de témoins qu'elles fulïènt s*^* î* apuiées , parce ou'oii a fait voir que ces te-

Penfées divcrfis. il'

moins s'étant copiez \q.s uns les autres, ians autrement examiner ce qu'ils citoient , ne dé- voient être comptez que pour un : 6c fur ce pied-la concluez , qu'encore que plufieurs na- tions 8c plufieurs fiecles s'accordent à accuièr \z^ Comètes de tous les defaftres qui arrivent dans le monde après leur aparition , ce n'eil: pourtant pas un fentinient d'une plus grande probabilité , que s'il n'y avoit que icpt ou huit peribnnes qui en fuflenti parce qu'il n'y a gue- res davantage de gens qui croient ou qui aient cru cela , après l'avoir bien examiné fur des principes de Philoibphie,

§. VIII.

Tour^uci on 'ne far le point de l'autorité des Philofophes.

Au relie , Monfieur , voulez-vous iâvoir pour- quoi je n'ai pas mis en ligne de compte l'auto- rité des Philolbphes , auifi-bien que celle àts Poètes £c des Hiiloriens ; c'eft parce que je fuis perfuadé que ii le témoignage des Philofo- phes a fait quelque imprefiïon fur vôtre elprit, c't?i feulement à caufe qu'il rend la tradition plus générale , Se non pas à caufè des raifon's fur leiquelles il eil: apuié. Vous êtes trop habi- le pour être la dupe de quelque Philofbphe que ce foit , pourvu qu'il ne vous attaque que par la voie du raifonne^iient ; Se il tiiuc vous ren- dre cette juftice , que dans les choies que vous croiez être du reflbrt de \i raiibn , vous ne fui- vez que la raifon toute pure. Ainfi ce ne font pas les Philofbphes entant que Philofbphes, qui ont contribué à vous rendre peuple en cette occaiion , puis qu'il eft certain que tous leurs raifonnemens en faveur des malignes influen- ces, font pitiç, Voulez-vous doûc que je vous A 6 dife

li Penfées diverJeS»

difè en qualité d'ancien ami , d'où vient que vous donnez dans une opinion commune fans confukcr l'oracle de la laifbn ? C'eil que vous eroiez. qu'il j a quelque chofe de divin dans tout ceci , comme on l'a dit de certaines mala- dies , après le fameux Hippocrate ; c'eft que vous vous imaginez que le confcntement gêne- rai de tant de nations dans la fuite de tous les fiecles , ne peut veuir que d'une efpece d'infpi- ration , t'ox populi , ^'■ox Dei ; c'eft que vous êtes accoutumé par vôtre caradlere de Theolo- gieiî à ne plus raifonner , dès que vous eroiez qu'il y a du myftereice qui efl: une docilité fort louable, mais qui ne laillè pas quelquefois par. le trop d'étendue qu'on lui donne , d'empiéter fur les droits de la raifon , comme l'a fort bien r 1 Pen- ^^rn^^^^^ (0 ^'^^^ Pafcal i c'eil enfin qu'aiant iees de ^^ conlcience timorée , vous eroiez aifement Monfr. que la corruption du monde met entre les Pafcul , mains de Dieu les fléaux les plus épouvantables; lefquels pourtant le bon Dieu ne veut point lan- cer fjr la terre , iàns avoir effaié fi les hommes s'amanderont , comme il fit avant que d 'en- voler le Déluge. Tout cela , Monfieur , fait "un fophifme d'autorité à vôtre efprit , dont vous ne iàuriez vous deffendre avec toute l'a- dreflè qui vous fait fi bien démêler les faux rai- ibnnemens des Logiciens,.

Cela étant, il ne faut pas promettre de vous détromper en raifonnant avec vous fur des prinr cipes de Philoibphie. Il faut vous laiÏÏèr , ou bien railbnner fur des principes de pieté 5t de Religion. C'eft auffi ce que je ferai (car je ne veux pas que vous m'éclnpiez) après avoir expofë à vôtre viie , pour me dédommager en quelque façon- , plulieurs raifbns fondées dans ]c bon fcns , qui convainquent de témérité l'o- ■pinion que l'on a touchant finfluence des C-cr- aïOÊS. Dçviiiez, il vous pouvez , quels font ce?.

th

Venféei diverjês, i^

principes de pieté que je vous garde , devinez- le , dis-je , li vous pouvez , pendant qu'à mes heures de loifir je vous préparerai une efpece de prélude qui roulera fur des principes plus communs.

A,., le Jf. de Mars i6Su

§, IX..

I. Raifen contre les prefages des Co- mètes.

^u'il eji fort probable qu'elles n'ont point la ver- tu de produire quelaue chofe fur la terre.

Voici , Moniieur , quelques raifons de Phi- lofophie. On peut dire premièrement quil , eft fort incertain , que des corps auJfiTi éloignez de k terre , que le font ceux-là , puiiTent y en^ voier quelque matière qui ibit capable d'une grande a(ftion. Car ii c'efl le lèntiment univer- lel des Philolbphes , depuis qu'on a été con- traint d'abandonner l'opinion commune tou> chant la matière des Comètes , que i'atmofphe- re de la terre , c'eft-à-dire l'efpace jufqu'où s'é- tendent les exhalaifons , &: les vapeurs qu'elle répand de toutes parts , fe termine à la m^oien- ne région de Tair à trois ou quatre lieiies d'élé- vation tout au plus ; pourquoi croira-t-on que Tatmoiphere des Comètes s'étend à plulieurs millions de lieiies ? On ne iàuroit dire precife- ment pourquoi les Planètes 8c les Comètes peu- vent produire des qualitez ' jufques fur la terre, capables d'y caufer de notables changemens , pendant que la terre n'en peut pas ieulenienc produire à trente lieiies de diftance.

A 7 §, X.

14 Penfées diverjès,

§. X.

si elles envoient quelque autre chofe que la lu- mière.

I. Dira-t-on que puis que les Comètes nous envoient de la lumière , elles peuvent bien nous envoier quelque autre chofe ? Mais il eft facile de repondre que la lumière qu'elles nous en- voient originairement du foleil, 6c qu'elles ne contribuent à l'envoier fur la terre , qu'en qua- lité de corps opaque qui oblige les raions à réfléchir vers nous 3 de Ibrte que de quelque iu- polition que l'on fe ferve pour expliquer la pro- pagation de la lumière, foit des principes d'A- riftote, foit de ceux d'Epicure, foit de ceux de Mr. Defcartes , on concevra très-clairement que \ts Comètes peuvent luire fur nous , fans au- cune a£tion pciitive de leur part , 6c fans qu'il' fe détache la moindre chofe de leur fubftance à ci)t^s , pour en venir dans ce bas monde,

§. XL

Si leur lumière détache quelques atomes,

IL Dira-t-on que la lumière détache quantité d'atomes du corps de la Comète , 6c les amené dans nôtre monde iors qu'elle y vient elle-mê- me par reflexion ? Mais li l'on ne dit que cela , je n'ai point befoin de nouvelle reponfe : il me iùfHt de dire , que les atomes que la lumière du foleil enlevé de la terre 6c 'des eaux , ne fùi- vent la lumière réfléchie qu a une très-petite diilancc , 6c qu'il faut raiionner de même de ceux que k foleil enlève des autres corps,

§. Xiï.

Penfées diverfis, 15

§. XII.

Quelle peut être l'acîivité de leur himiere.

III. Dira-t-on que la lumière même réflé- chie par les Comètes , eft capable de produire de grands effets ? Il n'y a point d'aparence, puis qu'il eft certain que cette lumière n'eft plus quand les effets qu'on attribue aux Comètes Ibnt produits , & que d'ailleurs l'action de cette lu- mière eft fi foible à nôtre égard , qu'il n'y a point de lampe allumée au milieu d'une cam- pagne , qui n'éclaire 6c qui n'échauffe l'air âtz environs , bien plus que ne fait une Comète : dcforte que comme il feroit ridicule d'attribuer à la lumière de cette lampe la force de produi- re de grands changemens dans la fphere de Ion adlivité , outre l'illumination; il eft ridicule auffi d'attribuer à la lumière des Comètes , la force d'altérer nos élemens , ôc de troubler la tran- quillité publique. Pour ne pas dire que la lu- mière des Comètes n'étant que celle du ibleii extrêmement affoiblie , il eft auffi abfurde de lui attribuer des effets que le ibleii lui-même ne peut pas opérer , qu'il feroit abfurde de fe pro- mettre qu'une chandelle allumée au milieu d'u- ne place , échaufferoit tous les habitans d'une grande ville , qu'un bon feu allumé dans la chambre d'un chacun ne peut pas garantir du froid.

§. XIII.

^u'il eft aujft difficile aux exhalaifons de defcen^ dre ojue de monter.

I V. Dira-t-on qu'il y a bien de la différence entre la terre 2c k& Comètes , ^ qu'encore que

1^ Penfécs diverfes,

les exhalaifons de la terre ne puiflènt pas mon- ter jufques à la région des Comètes, il ne s'en- fuit pas que la vertu des Comètes ne puilTè s c- tendie julques à nous , parce qu'il ell beaucoup plus facile de delcendre que de monter , & qu'il faut monter pour aller d'ici a la région des Co- mètes , au lieu qu'il lùut defcendre pour venir de julqu'ici? Alais il n'efl: pas difficile de ren- verlèr cette objection j car li elle a quelque for- ce , c'efl: uniquement parce qu'on fupoie que la terre eft au centre du monde , 8c que tous les corps peians ont une inclination naturelle à s'a- procher de ce centre. Or comme il n'y a rien de plus difficile que de prouver ces fupoiitions , il n'y a rien auiïi de plus aile que de détruire tous les railbnnemens que l'on fonde fur ces idées. Comment fait-on que la terre eft au centre du monde? N'eft-ii pas évident que pour conoître le centre d'un corps , il en faut conoître la fu- perHcie , & qu'ainli n'étant point poiTible à l'ef- prit humain de marquer font les extremitez du monde , il nous eft impoffible de conoître fi la terre eft au centre du monde , ou ii elle n'y eft pas? De plus comment iàvons-nous qu'il y a des corps qui ont une inclination naturelle a s'aprocher du centre du monde ? Ne iàvons-. nous pas au contraire que tous les corps qui meuvent à l'entour d'un certain centre , s'en_ éloignent le plus qu'ils peuvent ? Les expérien- ces que l'on en a n'ont-elles point forcé la plu- part ôiQS Seélatcurs d'Ariftote , de reconoître avec Mr. Defcartes , que c'eft une des loix gé- nérales de la nature ? Il n'y a donc rien de plus abllirde que de fupofer , qu'il y a des corps qui tendent naturellement vers le centre de la ter- re ; &: il eft bien pkis raifonnable de dire qu'ils tendent tous à s'en éloigner 5 &; que ceux qui. ont la force de le faire , s en éloignent enècti- ^ement; d'où, il ariiye que ceux qui ont moins

de-

Tenfées diverfès. ij

de force font chaflêz vers le centre , parce que tout étant plein il cft impoilible qu'un autre sen aproche.

Il ell facile de montrer après cela qu'on trompe bien groflierement , quand on s'imagi- ne que les exhalailons ces Comètes peuvent mieux defcendre fur la terre , que les exhalai- Ions de la terre ne peuvent monter au ciel; car de Quelque iyrxéme que l'on fe fove, il faut ncceP fàirement convenir qu'il le fait dans le monde un mouvement très-coniiderable à 1 entour d'un centre commun. Que ce foit à i'entour de la terre , comme veulent les Philofbphes de 1 U- niverfité, ou a i'entour du foleil , comme veu- lent les fcclateurs de Copernic , ou en partie à i'entour du foieil , êc en partie à I'entour de la terre , comme veulent les feftateurs de Tycho- Brahé , peu m'importe pour le prefent : il eil toujours vrai que les Comètes fe font voir dans un lieu il y a des corps qui tournent à I'en- tour d'un certain centre j par confequent tous ces corps tendent de toute leur force à s'éloi- gner de ce centre , &: ont plus de force pour ■s'en éloigner , que tous les corps qui font en- tre eux 5: la terre ; d'où il s'enfuit que la ma- tière qui eft autour des Comètes n'a point de facilité à defcendre fur k terre , ^ qu il lui efî: aulTi malaifé à'y defcendre , qu'il eft malaiie à la matière terreftre de monter au ciel. Si l'on coniideroit la peine qu'on a à faire defcendre dans l'eau un balon bien rempli d'air, on ne di- roit pas univerfellement qu'il eft plus malaiie de monter que de defcendre : cela n'eft vrai qu'a l'égard d^s corps qui n'ont aucune force pour s'éloigner du centre du mouvement, mais à l'égard de ceux qui ont eu la force de s en éloigner prodigieufemcnt, c'eft à les faire def- cendre que l'on trouve de la peine ■■, puis donc que les Comètes font dans un eloignement pro-

di-

l8 Penfées diverfis.

digieux du centre du mouvement , il cft jufle de conclure qu'il faudrait une peine effroiable pour faire deicendre quelque chofe de cet en- droit-là jufques fur la terre : ce qui ieul cft ca- pable de réfuter toutes les iDuùons de rAftro- logic.

Permettez-moi , s'il vous plaît, Monfîeur, de dire que toute la matière qu'il y a d'ici juf- ques au delà de Saturne fie des Comètes , for- me un grand tourbillon ; 8c fouffrez que je le nomme le tourbillon du ibleil ■■, je ne vous de- mande pas cela pour faire le moindre préjudi- ce à vôtre fyflême de Ptolome'e , c'eft feule- ment pour exprimer en moins de paroles ce que je m'en vais vous dire.

§. XIV.

^ie les exhakifons des Comètes quand même eU les parviendr oient jn/qu'à la terre n'y prodni- roient rien.

Accordons que les Comètes peuvent pouflèr jufques fur la terre quantité d'exhalaiibns , s'en- iùivra-t-il que les hommes en feront notable- -ment altérez ? Point du tout j car ii ces exha- laifons parcouroient des efpaces auffi immen- fcs que ceux-là , elles fe brifereient 8c divi- fer oient en une infinité de particules infènfi-^ blés, qui répandroient dans toute l'étendue du tourbillon du foleil , à-peu-près comme les pai'ticules du fèl fe diftribuent dans toute la inaffe d'eau qui les diiïbut. Or fi nous compa- jons la Com.ete , avec tout le tourbillon du fo- leil, nous trouverons qu'elle n'eft pas à l'égard de ce tourbillon , ce qu'eit un grain de fel à l'é- gard d'une lieue cubique d'eau : 8c par confe- quent il y a lieu de croire , que li toute la Co- mète réduite en poudre ctoit mifè par infufion

dans

Tenfées diverjèi, , 19

dans k grand tourbillon du foleil , elle n'y apor- teroit pas une altération plus confiderable , que celle qu'un grain de ici jette dans une lieue cu- bique ^d'eau, produiroit dans toutes les parties de cette eau. Perfonne n'ignore qu'afin qu'une liqueur produife des effets confiderables , il ne fuffit pas qu'elle fbit imprégnée de certains es- prits y mais qu'il faut qu'elle en foit chargée jufqu'à une certaine dofe. Je dis pareillement qu'afin que nôtre air reçoive de grandes altéra- tions , il ne fuffit pas qu'il ibit imprégné de quelques parcelles de la Comète à railon de la quantité de matière qu'il contient dans l'é- tendue du tourbillon } mais qu'il faut qu'il en reçoive une doiè plus copieuJÎe. Cependant il eft fur qu'il ne peut avoir que part , je ne dis pas de toute la Comète , {'car elle ne fe dlf- fout pas dans les liqueurs du tourbillon) mais des atomes qu'elle lème deçà 8c delà, ce qui re- vient à rien pour chaque partie de nôtre mon- de.

Je ne crains pas que l'on m'objeéle qu'il n'y a que la terre qui ait part à cela , car ce feroit fupofèr que les Comètes lui envoient à elle feu- le toutes leurs exhalaiibns , 6c qu'elles empê- chent que leurs traits ne fafïènt aucun écart dans un trajet d'une longueur prodigieufe , ce qui ne peut dire iàns extravagante. Je ne crains pas non plus qu'on me vienne dire , que peut-être les Comètes ne font pas aulTi éloignées de la terre que le fupofent ceux qui les mettent bien loin au delà de Saturne, car cette objec- tion n'eft d'aucune force contre moi ; parce que foit qu'on les pofe un peu au deçà, ou un peu au delà de Saturne , il faut convenir que leurs évaporations apartiennent également à tou- tes les parties du tourbillon du foleil , aulfi bien à celles qui font entre Jupiter & Mars, qu'à cel- les qui environnent la terre j aufli bien à celles

qui

2 0 Penfées diverfes.

qui font au delà de Saturne, qu^à celles qîii font au deçà. En effet fi une Comète pofee entre J-upiter & Saturne, a la force de chalfer jufques au centre la matière dont elle eft environne'e , elle doit avoir aufifi la force de la pouffer ;à-peu- près autant du côté de la circonférence; car il n'eft pas plus difficile de faire monter les corps pelans , que de faire defcendre les corps légers , comme il paroît par l'exemple d'un gros balon qu'on a tant de peine à poulTèr dans l'eau. Ain- li nous devons hire état que les écoulemens qui fortent de la Comète , fe répandent à la ronde par toute l'étendue du tourbillon du foleil , à- peu-près comme les parties d'un morceau de fucre que Ton tiendroit fulpendu dans un verre d'eau , repandroient au-deflus & au-deflbus dans toute la capacité du verre , 8c cela d'autant plus aifement que toute la matière du tourbil- lon eft dans un mouvement continuel. Puis donc que toute la Comète liquéfiée dans le flui- de du tourbillon, ne feroit pas comme un grain de fel liquéfié dans une lieue cubique d'eau , qui eft une proportion dans laquelle je ne croi pas que ni l'antimoine , ni aucun venin conlèrvent leurs qualitez adtives ; il eft vrai de dire que les influences des Comètes , qui contiennent il peu de fubftance en comparaifon des Comètes mê- mes , ne'feroient pas capables d'un grand ef- fet, quand mêmes elles parviendroient jufques à nous.

§. XV.

"Réfutation de ceux qui difent que cela n'efl fat impojjïble , ou qui 'voudr oient foutenir que les influences ne font pas des corpufcules.

V. Dira-t-on enfin qu'il n'eft pas impofliblc que les Comètes envoient far la terre une ma-

tieri

Penfées divtrfes, 2 î

tîere ou une qualité fort aftive? C'eft tout ce qu'on peut avancer de plus raifbnable , & cependant ce n'eft rien dire , parce qu'il eft non feulement poffible , mais aufll très-aparent que les Comè- tes n'envoient fur la terre ni qualité , ni matiè- re capables d'une grande adlion , 6c que dans les chofes il n'y a point plus de raiîbn d'un côté que d'autre , le tort eft toiàjours plutôt" du côté de ceux qui aiîàrment, que du côté de ceux qui fufpcndent leur jugement. Si bien que n'y aiant aucune raifon pofitive qui nous porte à croire l'influence des Comètes , £c y en aiant au contraire plufieurs qui nous portent à la rejet- tcr , ceux qui prennent le premier parti ont tout le tort de leur côté.

Je vous prie , Monlieur , de bien prendre garde que je viens de diftinguer les qualitez produites par les Comètes , d'avec les corpufcu- les qu'elles envoient. J'ai fait cette diftindtion afin de m'accommoder à la Philolbphie de l'U- niverlité , Se de peur que vous ne vinHlez. à croire , qiie mes objefticns ne Icroient d'aucu- ne force li je fupofois les principes ordinaires touchant la propagation à^s accidens. Pour pré- venir cela je déclare ici , qu'encore que dans toute la fjîte de cet écrit je ne réfute les influen- ces des Comètes , que Ibus l'idée d'atomes £c de corpufcules , je prétends néanm.oins que mes raiibns doivent avoir la même force con- tre des influences , qui confiftcroient en pures qualitez, diflincles de la matière. Et même dans le cas préicnt j'aurois beaucoup plus d avantage contre un Peripateticien , parce que s il veut rai- fonner conlèquemraent , il efl: obligé de dire que dès que la Comète n'tfl: plus , les qualitez malignes qu'elle avoit produites au dehors, font entièrement détruites par les formes fubf- tantielles de chaque fujet, qui ne foufrent, iè- ion lui, aucune qualité étrangère, qu'autant de

tems

2i Penfées diverjès.

tems que la cauiè oui Ta introduite par violen- ce la maintient 2c la conierve. D'où il refulte manifeftement , que rien de tout ce qui arrive après la deftrudlion de la Comète , ne peut être produit par les quaiitez de la Comète , mais tout au plus par les atomes qu'elle a répandus deçà ôc delà.

Outre que l'expérience nous failànt voir que les quaiitez des corps ne produiiènt que dans un certain efpace qu'on apelle la fphere de leur â^ciivitéi il eft aulTi abfurde dans les principes d'Ariftote , de dire que la Comète communi- que Tes quaiitez à tout le tourbillon du folcil, qu'il eft abfurde de le dire dans les principes des autres Philolbphes : puis que les fedateurs d'A- riftote ibnt obligez de reconnoître, que ce qu'ils appellent de purs accidens n'a pas moins de pei- ne à le répandre à la ronde , que les écoule- mens d'atomes , en quoi les autres StOi^s, font coniiller la produdion des quaiitez corporelles.

§. XVI.

1 1. Raiibn : ^^e fi les Comètes avoient la vertu de produire quelque chofe fur la terre, ce pour- voit être tout aitjjï bien du bonheur , que du malheur.

ON peut dire en fécond lieu , que fupofé que les Comètes répandent jufques fur la terre beaucoup de corpufcules capables d'une grande a6lion , il n'y a pas plus de raifon à foute - nir qu'ils doivent produire la pefte , la guerre, la famine j qu'à ibutenir qu'ils doivent produire la fànté , la paix , &c l'abondance , parce que per- fonne ne conoît la nature de ces corpufcules , la figure , le mouvement , ou les autres quaiitez de leurs parties. Et en effet y a-t-il plus de bon fens à foutenix que la prefente Comète , qui ne

peut

Penfeei Mverfes. 25

peut empêcher un froid exceflit pendant qu'elle montre toute entière, cauièra la guerre trois ans après qu'elle ne fera plus , parce qu'échauf- fant la malîè du iàng , elle rendra les hommes plus prompts j qu'à foutenir qu'elle entretien- dra la paix , parce que rafraichilïànt la mafîèdu fàng, elle rendra les hommes plus fàges?

Oui , me dira-t- on , il y a plus de bon lèns dans le premier parti que dans l'autre j car il eft plus aparent que la matière grolTiere qui nous vient des extremitez du tourbillon du iô- leil, n'étant pis proportionnée aux corps tcr- reftres , fait toutes chofes de travers parmi nous , qu'il n'efl aparent qu'elle y aporte ou qu'elle y conièrve des difpolitions favorables. Il eft fort probable qu'elle augmente le froid en hiver , 8c la chaleur en été , parce qu'étant plus difficile à ébranler , elle doit augmenter le froid 6c le repos , lors qu'il n'y a pas de force pour la mettre en mouvement , ôc qu'étant une fois échauffée, elle doit avoir beaucoup plus de cha- leur que les matières fubtiîcs ; d'où vient que le fer rouge brûle bien plus que la flame d'efprit de vin , 8c que le feu eft plus violent lors que le froid eft extrême j car il y a beaucoup d'apa- rence que le froid difpole le bois de telle forte, que les parties que le feu en détache à chaque fois font plus maffives.

Mais je répons que ce font toutes conjectu- res en l'air , 8c qu'on en peut faire d'aufli vrai- femblables en prenant le contre-pied. Qui m'empêchera de dire que cette matière groflie- '/J^ j.^ re epaiftiflànt l'air , 8c facilitant la condeniation pofuasut dQs vapeurs, doit diminuer le froid, 8c le chaud glacier lèlon la fàifon l'on fe trouve : le froid , par- ^'^^^^^ ' P"- cc qu'il n'eft jamais plus violent que lors que ^? ^^^^^^ lair eft le plus lèrain 8c le plus pur ( i ) j le nlrau' chaud, parce qu'il n'eft jam.ais plus inftiporta- Od. 10, bic que lors eue le foleil darde fes raions fur /'^. >•

nous.

14 Penfées diverjês,

nous , fans rencontrer aucune nue , 8c parce que \qs pluies qui nailîènt de la condensation des va- peurs , rafraichifTent extrêmement l'air ? Je puis fùpofèr encore , que cette matière groQiere ve- nant à £t précipiter , eft un ferment 8c une graif- qui doit rendre la terre fertile , comme ces corpufcules que le Nil laifTe dans les lieux qu'il a inondez. Un autre dira avec autant de railbn, qu'à la vérité cette matière grolViere caufe un froid piquant qui purifie l'air de toute fèmence de maladie j mais qu'elle fe fubtilile peu-à-peu , le plus grolTier tombant à terre comme un fè- diment gras 8c plein de principes de fécondité', pendant que le refte ne retient que la iblidité neceflàire pour pouvoir tempérer la chaleur de tems en tems, par k condenfàtion de nues, 8c par des pluies également falutaires à la lànté 8t à la récolte. Peut-on empêcher un autre de dire, que cette matière cralTè a bien le loiiir de fil- trer , 8c de fe fubtilifer avant que de venir à nous, puis qu'elle fait un trajet de plufieurs mil- lions de lieues , 8c que s'il lui refte encore de- quoi épailTir nôtre air , cela doit être compté comme l'un de ces brouillards qui durent quel- quefois lèpt ou huit jours fans confequencc, ou comme Tune de cts pluies qui troublent l'eau des rivières pour quelque tems , fans qu'on re- marque que \qs poiffons s'en portent moins bien ?

§. XVII.

III. Raiibn : ,^e VAftrolog'te qui eft le fonde' ment des prédiclions particulières des Comètes , efi la chofe du monde lapins ridicule.

"f E dis en troifiéme lieu que le détail des pre- I fàges des Comètes ne roulant que fur les principes de l'Allrologie , ne peut être que très- ridicule.

Penfées dîverfis. 25

ridicule , parce qu'il n'y a jamais eu rien de plus impertinent , rien de plus chimérique que TAlirologie, rien de plus ignominieux à la na- ture humaine , à la honte de laquelle il ièra vrai de dire éternellement , qu'il y a eu des hom- mes afîèz fourbes pour tromper les autres fous le prétexte de conoître les choies du Ciel , & des hommes aflèz, fots pour donner créance à ces autres- là, juiques au point d'ériger la char- gé d'Ailrologue en titre d'Office , &: de n'ofèr prendre un habit neuf ou planter un arbre làus l'aprobation de (i) l'Aflroiogue. (i) Mr.'

Voulez-vous fàvoir d'un homme de cette pro- B^m'cr, feiTion , quels font en particulier les prelâges ^og^'i^* d'une telle Comète ? Il vous répondra que la vertu particulière d'une Comète dépend de la qualité du ligne, 5c de la maifbn elle a com- mencé d'être vue , comme aulll de l'aiped elle a été avec les Planètes. Que c'eft à cette fi- tuation qu'il faut regarder principalement pour bien taire l'horofcope d'une Comète 3 à quoi l'on ajoute la coniideration des fignes par elle palîè fuccefTivement. Là-defîus il vous aprendra qu il y a des fignes mafculins , &i des lignes féminins , qu il y en a de terreftres ôc d'aqueux, de froids & de chauds, de diurnes 8c de no£himes , ôcc. Que chaque Planète domi- ne fur une certaine portion de la terre, & fur une certaine efpece de gens. & de chofes. Satur- ne par exemple, iùr Ja Bavière , la Saxe ôc l'Efpa- gne , fur une partie de l'Italie , fur Ravenne 8c Ingclftad , fur les Maures 8c fur les Juifs , flir les étangs , les cloaques 6c les cimetières , fur la vieilIefTe, fur la rate, fur le noir 8c le tanné, 8c fur l'aigre i car il n'y a pas jufqu'aux couleurs 8c aux laveurs qu'on ne leur partage. Il ajou- tera que les lignes &: particulièrement ceux du Zodiaque ont aulTi leurs dcpartemens marquez iùr le globe de U terre, pour y exercer leur ver- Tom, I. B tu:

i5 Venfées diverjès,

tu ". le Bélier par exemple, domine fur toutes les choies afTujetties à Ja Planète de Mars fon hôte , (car vous remarquerez, que chaque Planè- te a fon logis arrêté dans un certain ligne) qui font le Nord, une partie de l'Italie 8c de TAlle- magne , l'Angleterre , & la Capitale de Polo- gne , le foie , le fiel , les Soldats , les Bouchers , les Sergeans , 8c les Bourreaux , le rouge, Ta- mer 8c le mordicant. Et outre cela il règne lùr la Paleftine, fur F Arménie, fur la mer Rou- ge , fur la Bourgogne , fur les villes de Mets 8c de Marièille. li vous dira de plus qu'il y a ii. maifbns à conliderer dans le ciel , dont chacu- ne a les fonctions particulières , 8c apartient à une certaine Planète : car par exemple , la pre- mière maiibn raporte à la vie 8c à la comple- xion du corps , 8c la dernière, aux ennemis, à k prifon , 8c à la fidélité des domciliques. Mer- cure fe plaît dans la première plus que toutes les autres Planètes , 8c répand de une vie heu- feufè, 8c une forte complexion. Venus plaît dans la cinquième , elle promet de la joie par les en fans.

Cela pofe avec plufieurs autres remarques de même nature , l'Aflrologue vous dira à quels pais , 8c à quelles gens , ou à quelles bêtes la Comète en veut principalement , 8c de quelle forte de maux elle menace. Dans le Bélier el- le f gnifie de grandes guerres , 8c de grandes mortalitez , l'abaifîèment des Grands , 8c l'élé- vation des petits , des lèchereflès épouvantables pour les lieux fournis à la domination de ce fi- gue. Dans la Vierge elle fignifie des avorte- mens dangereux , des maltotes , des emprifon- nemens , la fterilité 8c la mort de quantité de femmes. Dans le Scorpion ce font outre les maux précedens , des reptiles 8c des fàuterelîes innombrables. Dans les Poifîbns, des difputes fur des points de foi, des aparitions épouvanta- bles

Penfées diverfei, 2 y

blés dans l'air , des guerres £c des pefles, Se tou- jours la mort des Grands.

S'il arrive par malheur que les Comètes par- ient par des lignes de figure humaine , comme ibnt les Gémeaux , la Vierge , l'Orion , 6cc. c'efl: aux hommes qu'elles s'en veulent prendre. Si elles paffent par les lignes du Bélier , du Tau- reau, du Cygne, de l'Aigle, des Poilîbns, c'efl aux animaux de cette efpece qu'elles en veulent; & Il les fignes font mafculins ce font hs mâles qui en patifîènt , s'ils font féminins ce font les femmes. Si les Comètes pallènt par les par- ties honteufès de quelque conftellation , c'efl un fâcheux préfage pour les impudiques. Si la Co- mète eft Saturnienne par fa lituation , ou par fbn afpe6t , elle produit tous les méchans effets de Saturne , la jalouiie , la mélancolie, les dé- fiances 8c les terreurs. Si elle eft dans la iècon- de maifon qui eft celle des richelTès , elle tra- verfe le gain , ôc fait faire des vols & des ban- queroutes , 8c ainli du refte j car en gênerai un Aftrologue juge de la vertu d'une Comète par les règles félon lefquelles il prétend que tel ou tel ligne , dans une telle maifon , 8c dans un tel aÇeft prefage ceci ou cela à telle ou à telle chofe (i). (0 Vofes

Rarement fait-on lignifier quelque bonheur ^.""'^^^If aux Comètes. Il y eut néanmoins un Aftrolo- f^\ come- gue Suiflè , qui aiant remarqué en i66i. qu'u- ces.p.^j. ne Comète avoit pafTé par le ligne de l'Aigle, 8c qu'elle étoit venue mourir à les piez , alîûra que cela prefàgeoit la ruine de l'Empire Turc par celui d'Allemagne , ce que l'événement a îi peu juftifié , que deux ans après les Turcs penferent prendre toute la Hongrie, 8c eudcnt aparemment envahi toutes les terres héréditai- res de h Maifon d'Autriche , fi le fecours que le Roi envoia à l'Empereur , ne l'eût mis en état de faire fa paix avec la Porte. Il en va à^i B 2 pren

^'S Penfées diverfes.

prédirions des A Urologues , comme de celles des Poètes : elles font volontiers fiineftes les unes & les autres aux Ottomans , mais iàns au- cune iiiite. Il y a plus d un fiecle que tous les Poètes François nous chantent d'un ton d'ora- cle, que nos Rois iront détrôner le Grand Turc, Se diellèr des trophées fur les bords du Jourdain Se de l'Euplirate. Le redoutable Mr. Des-Preaux qui s'ëtoic tant moqué de ces faillies , y eil tom- bé lui-même à la fin ,ayec fon , fefattemdans deux a,is aux bords de l Hellefpont , ôc il a été au fil faux Prophète que {es Confrères.

Ce n'efl: pas d'aujourd'hui que les Aftrolo- gues raifonnent fur de telles extravagances. C'é- ■(t) Plinius toit la même cholè du tems de (i) Pline , On lib.z. cap. -prétend, dit-il, cjue ce n'efl pas une chofe indiff'e- *^' rente , que les Comètes dardent leurs ratons vers

certains endroits , oh reçoivent leur vertu de cer- tains ajlres , ou reprefentent certaines chofes , ou hrille7ît en certaines parties du ciel. Si elles ref- fembknt a une'jlute ^ leurs prefages s'adrejfent à la Mufquej quand elles font, dans les parties hon- teufes dun figne , c'eji aux impudiques qu'elles en veulent i // leur jituation fait un triangle ou un quarrê équilateral a l égard des étoiles fixes , c'efi aux fciences <:^ a l'efprit qu'elles s'adrejfent. Elles répandent des poifons quand elles fe trouvent dans la tête du Serpentaire boréal ou au/Ira l.

Conlîderez , je vous prie , Monlieur , û ce n'eîl: pas avoir perdu toute honte , que de pofèr des principes de cette forte. Quoi , parce qu'u- ne Comète nous paroît répondre à certaines étoiles qu'il a plu aux Anciens d'apeller le figne (i) Aftrœa ^^ ^^ Vierge , pour s'accommoder aux fidions Virgo.fi- Poétiques, qui portoient que la Jufiiice, ou l'A' derum Jirda Virgo , dégoûtée d'un monde aufil cor- magnum ^ j-o^^pu que le nôtre , s'en étoit allée au ( 2 ) necain ' ^^^^ ' ^^^ femmes feront fiieriles , ou feront de QsîAv, àuifts couches , qu ne trouverçnt point de

maris?

Tenféei dtverfèi, 29

maris ? Je ne vai rien qui fcit plus mal lié que cela.

C'efl: un pur caprice qui a fait reprelcnter ce figne fous la figure d'une femme , car au fend , il ne tient pas plus de la figure humaine, que d'une autre. Mais quand il feroit vrai qu'il tien- droit de la figure humaine , avons-nous les yeux aflcz bons avec l'aide des meilleurs telelcopes , pour difcerner que c'efl: à une femme qu'il reP lèmble , & non pas à un homm.e ? Et fi nous pouvions porter nôtre difcernement jufques-là, pourrions-nous conoître que c'efl h figure d'u- ne fille plutôt que celle d'une femme ? Et enfin quand même nous pourrions faire toutes ces fubtiîes diflinâions , 8c conoître clairement qu'un certain nombre d'étoiles font tellcmicnt iituées qu'elles forment une figure de fille, s'en- fiiivroit-il qu'elles communiquer oient à un corps éloigné peut-être de trente millions de lieues, une influence contraire à la multiplication du genre humain ? On auroit incomparablement plus de |railbn d'avancer cette impertinence, que fi wa Boulanger formoit la figure d'un hom- me , OH d'une femme fur un gâteau , il le con- vertirait en poifon pour tous les hommes , ou pour toutes les femmes qui en mangeraient. AfiTuré- ment ce que difent les Aftrologues , mérite la cenfure qui fe lit dans Pline contre une autre yX}^^^ efpece de menteurs , ( i ) ^' avoir dit cela fe- quem- rieufement , cefi témoigner qu'on a un mépris ex- qusm tréme pour les hom/nes. &> que l'impunité du mcn- dixiiïe ,' fmge efl montée a un excès inexcusable. fumma

Je ne m'amufèrai pas à prouver ce que i'a- ^"^'""'F

vance li herement contre la vanité de 1 Aftrolo- eft, &ia-

gie Judiciaire •■> car outre que vous ne doutez, toleranda

point de ce que je dis fur ce point-là , je £i mendacio-;

qu'il y a quantité de beaux Traitez conus de '^""^. '"^* . "^ 1 -^ . 1 1 , . puniras,

toute la terre , qui deniontrcnt de la manière piui.i^.j;

du monde la plus convaincante la faulîcté de up, z^ ^

B 3 cet "

(i)Toties

taurum

nonferire,

difficile

eft.

Trebell.

Tollie in

vit a GalL

{^) Vena«

turque

aliturque

avidus-,

volucref-

que pre-

tendo ,

Débita

Troianis

exercée

fpicula

fa ci s.

Ovid.

Metam,

^O Tenfées cliverfei*

cet art chimérique 6c impofleur. Je ne croi pas que jamais perlbnne le fbit mêlé d'écri- re contre les Aflrolcgues , qui ne les ait acca- blez, & qui n'ait pu dire de cette matière ce que les Romains difoient de l'Afrique, c^m c'é- toit four lui une moifjon de triomphes. S'il y a quelque Auteur qji ait écrit contre 1 A urologie uns la bleflêr à mort , il a fait ailurément un exploit très-difficile , & qui lui vaudroit une peniion confiderable fous un Prince de l'hu- meur de l'Empereur Gaiiien , qui fit donner le prix du combat à- un Cavalier , parce qu'étant entré en lice contre un taureau , il l'avoit cou- ru très-long tems fans lui donner aucun coup , ce que Gallien ( i ) trouva d'une difficulté mé- ritoire. Ainfi ce n'étoit pas la peine qu'un gé- nie auffi prodigieux que le célèbre Comte de la Mirandole , travaillât à confondre l'Adrolo- gie: un efprit médiocre l'eût bien fait. C'é- toit emploier les flèches d'Hercule à tuer des petits oilèaux , comme failbit ( 2 ) Philode- te pendant le fiege de Troie , & faire battre une aigle contre une mouche. Auffi efl-il fort apparent que ce Comte ne jugea l'Aftrologie digne de colère , que parce que toute abfur- de qu'elle eft , les perfonnes du plus haut rang ne laifîbient pas par leur exemple de lui donner une grande vogue: car ce font toujours cesper- Ibnnes-là , qui font les plus curieulès de l'ave- nir , leur ambition leur donner une impatien- ce extrême , de favoir li la fortune leur deftine toutes les grandeurs qu ils fouhaitent , & de poflèder à tout le moins , par promeflè , l'élé- vation où ils afpirent. 11 eft fort vraiièmblable auffi que les Afh-ologues de ce tems-là attendi- rent , que ce lavant adverlàire fût mort , pour lui prédire qu'il mourroit agi. ans, qui fut tou- te la reponié qu'ils le Ibnt vantez d'avoir opo- fee à lès hvres j car il n'ell pas fort fur de me- nacer

Fenfies diverfis, 7^t

naccr avant coup ceux qui écrivent contre l'Af^ trologie. Témoin cet Aftrologue qui affura le public que Mr. de Gafîèndi , qui faiibit tant de l'entendu contre la Judiciaire , mourroir vers la fin de Juillet , ou au coaimencement d'Août i6jo. ëc ( I ) qui eut la honte de voir qu'il fe (i) jvfo- trouva guevi en ce tems-la de la maladie , fur rin. Voies laquelle la predidiion fe fioit aparemment bien i^ir.Ber- plus que fur la vertu des ailres, Abr'ee de

Gaffend. §. XVIII. Tom.4.

Du crédit de l'Afirologie parmi les anciens Payens.

pa&48^

Mais il ne fera pas inutile de faire voir qu'en- core que l'Aftrologie foit la plus vaine de tou- tes les impoftures , elle ji'a pas laiflë de s'éta- blir dans le monde une efpece de domination. Il paroît par pluûeurs paiîages de ( 2 ) TEcri- (*) Ifaic ture , que la Cour des Rois de Babylone étoit chap.4.4. toute pleine d'Aftrolc^ues , qui femoient leurs '*"^* prediélions par tout, & flattoient leur nation de mille trompeuiès espérances. Il y en avoit auflî beaucoup en Egypte. Ils infatuerent tel- [,yjnj^um^ iement la ville de Rome , qu'il &lut que l'auto- potentibus rite du Prince reprimât ce grand abus. Mais in&dum » l'arrêt de leur banniflèment étoit li mal execu- rperand- , que cette négligence a tait dire à un ( 3 ) ^^^ ?^^ ^ Hiftorien , ^u'on chafferoït toujours les Aftro- ^^ dviute logms , ç^ qu'on les retiendrait toujours. Ce n'efl noRrz Se pas que la Êiuflèté de leurs prediâions ne les vecabitur dût kiffifamment décrier, car le fèul Empereur ^^?^^^ Claude qu ils menaçoient incefEm ment de l'heu- bitur!*"^^' re fatale , les avoit fait mentir tant de fois , que Tacit. (4) Seneque introduifit Mercure priant la Par- lil'- i. que de vouloir bien permettre que les Aftrolo- -^(/^or, gués diffent enfin la vérité. Mais que voulez- jfia^ije. vous? Les hommes aiment à être trompez; 6c maticos pour cela ils oublient ailément les bévues d'un aliquandQ B 4 Aûro-,

52 Penfées diverjei,

Vcnim dl- Aftrologue , &: ne fe fou viennent que des ren- ilfum ^^"' contres Çts prediâ:ions ont palïe pour veri- poftquam tables.

Prince s C'ell (i) ce qui a e'té fort bien remarqué par fa6'us .ft, Henri le Giand. Il ne fe pafïbit point d'année, omnibur j^j ^^ j^^r^ ^^ j^^ Aflrologues nannonçafîènt om- ibus ^^ terrible menace de fa mort, ils diront vrai jnenf.bus f»/^«, (dit un jour ce Prince) (y- le pu6lic fe fou- efferiint. viendra mieux ae U feule fois ou leur prédiction Sentta de ^^^^ ^f^ <-^ yp.ie , c^ue de tant d autres ou ils ont ^laKd prédit a faux. C'eil auiTi ce que quelqu'un a Cafar. remarque touchant les Oracles de Delphes. On

ap.enoit par cœur ceux qui avoient prédit la ve- <i) Voiez rite , ôc l'on en parloit par tout , mais on ou- ïe Journal blioit , OU bien on pafîoit ibus iilence ceux qui du Mare- ^yoient p'edit le contraire j car les paitilâns chai de i> , ^ / ■,- i

Baffjm- ^ ApoJon tailoient valoir en toutes rencontres

pierre le peu d'oracles il ne s'étoit point trompé, p. 09.24.1. gc ne diibient mot du grand nombre defes fauf- fès prophéties. Pour ceux qui meprifoient \ts oracles , ils ne Ibucioient de parler ni àts vé- ritables ni des faux , à la relèrved'un petit nom- bre de perfonnes qui étoient peut-être de l'hu- meur d'un illuftre Philofophe Grec nommé Oe- nomaùs , qui aiant été fbuvent trompé par les e^^ Eufeb. reponfès d'Apollon , fit (a) par dépit une com- Prarparar. pilation fort ample de fès oracles , dont il refli- Euangel. ta les fotifês &: les fauflètez. Tel étant l'eiprit ^^' de l'homme , il ne faut pas trouver étrange que €*P« 0. j^^ Aflrologues fe fbient maintenus , contre les ordres de les chafîèr que l'on donnoit de tems . ^ en tems, & contre les mauvais offices qu'ils Ce mulia eg? rendcient à eux-mêmes en predifànt des cho- Pompejo , f^s qui n'arri voient pas. Il faut s'étonner plu- quàm tôt de ce que l'efprit de l'homme efl affez. tbible mulca pour fe lailîèr tromper par des gens , qui fe

? ° ' trompent eux-mêmes tous les jours ; 8c c'efl quam ^ ^ . r ' \ -n n

^uîca aulli ce qui a paru rort étonnant a un illufire

huic ipû (3 ) Romain , qui avoit vu arriver à Pompée,

à

Penfées diverje^, 35

à Craiîus , & à Celar tout le contraire de ce Cafarî 5 que les Aftrologues leur avoknt prédit. Qu'il Jï''^^^ y a peu de gens qui tallènt la reflexion de cet ^•^^. ^^"^ honnête homme qui loiioit la beile Daphne', minem d'avoh- refuté la iuperftition àQs oracles d'ApoI- eorum Ion , en faiiant échouer les entreprifès amou- "'^^ fenec- rculès de ce Dieu , qui ie vantoit tant de co- j"^"'. "''î^ noitre l'avenir ! Mais laiiïôns à part toutes ces cum^-la-^ moralitez. , 8c contentons-nous de dire que l'An- ritate eiTe tiquité Payenne s'eft étrangement iaiilÊe jouer morku-

aux AUroloffucs. ^".'P.- ^^

° mihi per~

fi VTV ^^ï"^

5. A l A. Videatufa

quem- Dft crédit de l'Afirohç'te parmi les Infidèles d'au- ^"^"^ c'f-

nunc cre- Les Manomctans Se les Payens d'aujourd'hui ddtiis font encore pis. Mr. Bernier nous allure dans quorum fa Relation des Etats du Grand Mogol, que la PJjfjJj'?* plupart d^s Aliatiques font tellement infatuez vid^at^e de i'Ailrologie Judiciaire , qu'ils confultent les & eventis Aftrologues dans toutes leurs entrepriiès. Quand refelli. deux armées font prêtes à donner bataille , on ^«^"^^^-i* fe donne bien garde de combatre , que TAftro- ^^ ^*'^'*' logue n'ait pris 6c déterminé le moment propi- ce pour commencer le combat. Ainiî lors qu'il s'iigit de choilir un General d'armée, de dépê- cher un Ambalîàdeur , de conclure un mariage, de commencer un voyage, ou de faire la moin- dre chofc , comme d'acheter un efclave, 2c de vêtir un habit neuf, rien de tout cela ne peut faire uns l'arrêt de Mr. l'Aftroiogue.

Les volages de Mr. Tavernier (i) nous âpre- (i) Voîag» nent à-peu-près les mêmes choies touchant les 'JeTavern, Perfcs , qu'en gênerai ils tiennent les Aftrolo- !• Partie» gués pour des gens illuftres ; qu'ils les conful- çj* [* tent comme des Oracles 5 que le Roi en a toû- ' ^ jours trois ou quatre auprès de peribnne pour B s lui

^4 Tenfée^ diverjes,

lui dire la bonne ou la mauvaife heure ; qu'on vend tous les ans en Periè un Almanach pleia de prédictions fur les guerres, fur les maladies^ îk: lur les difettes , avec des remarques liir les tems qui font bons à fe fàigner , à le purger, à voiager , à s'habiller de neuf , 6c à d'autres chofès de cette nature j que les Perfès donnent une entière créance à cet Almanach , de forte que qui en peut avoir un, fe gouverne en tou- tes chofos ièlon fes règles. Cela va loin qu'en (0 Ibid. ( i) l'an 1667. le Roi de Perfe Cha-Sephi IL ^"* '• du nom ne pouvant rétablir fanté par toute l'induftrie de fes Médecins , on crut que les Ailrologues en étoient la caufe pour n'avoir pas prendre l'heure favorable , lors que le Roi fut élevé fur le trône. Et là-delTus ce fut à re- commencer i car les Médecins 8c les Ailrolo- gues joints enlèmble étant convenus d'une heu- re propice , on ne manqua pas de refeire tou- tes les cérémonies du couronnement, 8c il fut même trouvé à-propos de changer le nom du Roi. Les Médecins de la Cour furent la prin- cipale caulè de toute cette comédie , parce que craignant la difgrace quelques-uns de leur Corps étoient déjà , ils s'aviferent de juftifier la Médecine aux dépens de l'Aftrologie , 8c d'al^ lurer que la maladie du Roi , 8c la dilètte qui affligeoit le Roiaume en même tems , venoient de la faute des Ailrologues , ce qu'ils s'olïrirent de prouver , prétendant être aulTi habiles qu'eux dans la conoilîance de l'avenir. Leur propoli- tion aiant plu au Roi 2^ à fon Confeil , on or- donna une conlùltation d' A Urologues 8c de Mé- decins pour trouver une heure favorable à un iècond couronnement. L'agréable fujet que c'eût été à Molière qu'une conlùltation entre des Ailrologues 8c des Médecins pour le bien, public d'un grand Roiaume ! Combien de rail- leries n'eût-il pas imaginé en vc«ant la Médeci- ne

Penfîes diverfès:, ^^

ne apeller l'Aftrologie à fon fècours f Mais en Periè ce n'efl: poiut matière de raillerie. Un homme qui vante de conoître l'avenir , s'y rend maître de la conduite du Roi. Une figu- re de Geomance fut caufe que le grand (i) (i) "Pletf^ Cha- Abas , tout plein d'eiprit Se tout courageux dellaValle» qu'il e'toit, demeura trois jours aux portes d'If- ^-^f*^» pahan , iàns ofèr mettre le pié dans la ville.

Les ( 2 } Relations de la Chine nous apren- fi) Voies nent, que toutes les affaires de l'Empire s'y re- ^'^mbaf-

fol vent fur des oblervations agronomiques, ^^ ^ °^^ ,,„ ^ .^ . p r 1 ^ r Compa-

1 Empereur ne tailant rien lans conlulter Ion gnieHoI-

thème natal j &: qu'il y a des perlbnnes dont landoife » l'emploi conlifle à contempler les Aftres toute P^rt. 2. la nuit fur une montagne , pour pouvoir ren- ^ ^ ** dre raifbn de leurs mouvemens 8c de leurs fî- gnihcations au Prince. Les Chinois défèrent beaucoup à ce rare précepte d'Aflrologie , qu'il ne faut point fe purger pendant que la Lune eft dans le figne du Taureau , parce que cet ani- mal étant un de ceux qui ruminent , il ièroit à craindre que la médecine ne remontât de l'cl^ tomac. C'eft bien la plus pitoiable imagination- qui puiiîè venir dans l'efprit d'un homme > car outre que le figne du Taureau n'a pas plus de relation , ni plus de conformité avec Tanimaî que nous apelions ainii , qu'avec un arbre , 6c qu il y auroit autant de raifbn de donner le nom Se la figure d'un Saint à chaque figne com- me ( i ) quelques-uns ont fait , que le nom & ^^j Joira? la figure d'une autre chofe j outre cela, dis-je, Schillerus ne lait-on pas que le figne du Taureau n'ell Augufta- pîus dans la fituation il étoit autrefois ; & ^^^' ^'^^ qu'ainfi lors que nous diibns que le ibieil & la latoChiif- lune font dans le figne du Taureau , cela ne fi- ôano. gnifie pas qu'ils repondent aux étoiles du fir- mament qui composent ce figne , mais qu'ila repondent aux points du premier mobile auf^ liuels ces étoiles repondoient anciennement? ^6 Us>

7^6 Penfées dlverfes,

(i)Etiam- Les mêmes Chinois prétendent que ceux qui ne Urbis bâtilTent , doivent éviter le quatrième degré du dfes ad Scorpion , parce qu'une maifon qui feroit bâ- vim ftel- tie fous un tel afped , feroit fort fujette à iarum & remplir de dragons , de Icorpions , éc d'iniec- lunxpcr- tes^ Qn pourroit croire fur ce fondement, Fac^in^^ qu'ils font Thorofcope de leurs maifons , com- puero re ^^ Tarrutius Firmanus fit Thorofcope de la ferre, ex Ville de Rome : car n'en depkiiè aux railleries qua afFec- de ( i ) Ciceron , û les influences du ciel ont tione coeli quelque vertu fur la naiflànce d'un homme , el- ?pi!iwm ^^^ ^^^ peuvent avoir aufli fur la confl:ruâ:ion duxerit: d'un Palais. On s'imagine dans le Japon , qu'il num hoc importe beaucoup pour la durée d'un édifice, în latere g^ p^y^ le bonheur de ceux qui doivent y de- menroTx ^"'^^'^^ ' 9"^^ ^^rs qu'on commence de le bâtir , qi-ibus' quelques-uns fe tuent eux-mêmes en confidera- urbscffec- tion de cette entreprifè. Les* Tunquinois ont ta eft, po- une certaine Idole à laquelle ils otfirent plu- luitvaiere? fj^yj-g facrifices quand ils veulent bâtir une mai- de Divin. ^^^- Si Dien que dans les prmcipes de ces gens- , les cir confiances d'un bâtiment commencé *Voîe2les ont de merveilleufes influences pour fa bonne nouvelles fortune. Pourquoi donc leurs Afi:rologues ne '*"'" ■"" pourroient-ils pas deviner la bonne fortune d'u- ne m.aiibn par le thème du ciel , ou par Tafcen- dant fous lequel ont été pofées les premières pierres ? Tous les peuples des Indes Orientales ont à-peu-près le même entêtement pour i'Af- trologie que les Chinois.

§. XX.

r>« crédit: de l'Ajlrologie parmi les Chrétiens.

Mais qu'avons-nous à faire de nous écarter dans le pais des Infidèles abrutis d'une infinité d'erreurs chimériques, 6c de remonter au tems du vieux Paganifme , ou il a'ejft pas étrange

que

Relat. (Je Tavernier.

Penfées diverjes, 37

que l'Aftrologie ait régné , puis que la fùperfli- tion y étoit ii prodigieufè , qu'on croioit que \cs entrailles d'un veau aprenoient mieux quand il falloit donner bataille , que la capacité d'un Annibal , comme ce grand Capitaine (i) le (i) Cîce- reprocha de bonne grâce au Roi Prufias. Il ne ^^ 1^^; 5. faut pas aller fi loin pour trouver ce que nous „!. ' cherchons : car na-t-on pas vu notre Occi- dent parmi les lumières du Chrillianifhie tout infatué d'horofcopes pendant plulieurs liecles? Albert le Grand Evêque de Ratisbonne, le Car- dinal d'Ailli , &: quelques autres n'ont-ils pas eu la témérité de taire l'horolcope de Jésus- Christ, 6c de dire que hs aipe6ls des Planè- tes lui promettoient toutes les merveilles qui ont éclaté en perfbnne? ce qui eH vifible- ment faux, puis que ks vertus êc les miracles du Fils de Dieu font d'un ordre tout-à-fait fur- naturel. N'ont-ils pas fait l'horofcope non feu- lement àes faufiès Religions , mais auO'i de la Religion Chrétienne , Ôc jugé de la dcflinée de chacune par les qualitez de Planète domi- nante? Car ils ont diftribué les Planètes aux Re- ligions. Le Soleil eft échu à la Religion Chré- tienne , 8c c'eft pour cela que nous avons le Di- manche en linguliere recommandation i que la ville de Rome eft ville Iblaire 6c ville iàinte j 6c que les Cardinaux qui y refident , Ibnt habillez de rouge , qui eil: la couleur du Soleil. Avoir /^\ Bomî-, dit cela impunément , n'eft-ce pas avoir vécu nius De- dans un liecle prévenu d'une grande foi pour caJ. 4. l'Aftrologie? Combien pourrois-je nommer de Jr^""» Princes Chrétiens qui regloient toutes leurs de- jib""! ^^* marches fur l'avis de leurs Aftrologues , un (2) Mathias Corvin, Roi de Hongrie , qui ne fai- (3) Car- fbit rien que de leur conièntement , un (3) àzT\,\vï Louis Stbrce Duc de Milan , qui ne commen- ^^^ro^^ çoit aucune affaire qu'au tems qui lui étoit prel- jud. lib.i, crrt , par fbn Aflrologue , dont il lùivoit les or- tex. s^l B 7 dres

3 8 Penfées diverjèr,

dres avec tant de pondualité , qu'il n'y avoit ni pluie, ni grêle , ni boue, ni orage qui l'empê- chafîènt de monter à cheval avec toute Cour, afin de retirer au lieu que l'Aflrologue lui marquoit : ce qui n'empêcha pas qu'il ne toni« bat entre les mains de j[es ennemis , qui le de-^ tinrent jufques à mort dans une dure cap- tivité? Cette foiblefîe d'un Prince Chrétien ne. vaut pas mieux que celle du grand Cha-Abas,

(i) Ci- de laquelle j'ai ait mention (i) il n'y a pa»

defllis, lonff-tems,

pag. ^

§. XXL

Du crédit de l'Jfirologie en France.

Que dirai-je de nôtre pais ? N'a-t-il pas été un tems la Cour de France même, qui pac ]e caractère de la Nation naturellement forti- fiée contre les Difciplines fuperftitieufès , efl moins fufceptible de ces erreurs que toutes les autres , étoir néanmoins toute pleine d'Ailro- logues , que Ton confultoit fur tout , Se qui avoient prédit , à ce que l'on pretendoit , tout ce qui étoit arrivé ? Le Père (2) Martin del Rio 11 connu par û. grande literature Se par pieté , nous aiTure qu'il a vu à la Cour de Fran- ce du tems de Catherine de Medicis , que les Dames n'oibient rien entreprendre fans avoir coniulté les i\ilrologues , qu'elles apelloient leurs Barons,

Le mal s'accrut de telle forte qu'il falut no» feulement emploier les menaces de l'Egliiè, mais auOTi l'autorité du bras feculier pour em- (5) Voicz pêcher le débit des Almanachs , les Afbrolo- Mr» gués donnoient la liberté de prédire tout ce

T^tédes 4^'^^^ trouvoient à-propos. En effet le (3) fuperft. Concile Provincial de Bourdeaux de l'an 1^83» ch» aA, deffend de lire & de gai'der cette forte d'Alma-

îaachs

Penfees diverfis, 39

nichs 8c d'y ajouter foi. Celui de Touloufè de l'an ij'po. fait la même chofe , ordonnant de plus robfervation exaéle d'une Bulle du Pa- pe Sixte V. de l'an i5'S6. qui enjoîïit aux ordi- naires des lieux 6c aux Inquiliteurs , de punir ièlon les Conftitutions Ecclefiaftiques tous ceux qui fe mêlent de prédire les chofes à venir. Dans les Etats d'Orléans de l'an 1 5-60. êc dans ceijx de Blois de l'an i^i<j. il fut ordonné que Ton procederoit extraordinairement 6c par pu- nition corporelle contre les Auteurs de tels Al- manachs , 8c detenfes furent faites de les im- primer ou débiter à peine de priibn , 8c d'une amende arbitraire.

Mais les Alîrologues ne furent pas decredi- tez pour cela : car il eft confiant que la Cour du Roi Henri IV, étoit toute pleine de pré- dirions. Ce n'étoient pas feulement les fem- mes qui , par cet efprit de crédulité 6c de cu- riolité qui leur eft propre , s'informoient de leur deftinée : les hommes les plus braves le Éiiibient auflî , comme vous diriez le Maréchal de Biron , que le Roi Henri IV. apella le plus tranchara infcrument dt fes 'viéloires , en 1 en- volant AmbalTadeur à Londres , 6c qui étoit dans le fond un des plus courageux hommes de la terre ^ 6c fort iavant outre cela. Henri IV. lui-même , tout Henri le Grand qu'il étoit, n'a pas toujours conu , comme il a fait dans la fuite , la vanité de cet art. Je trouve dans les Mémoires de Monfieur de Sulli, que h Rei- ne étant accouchée d'un fils qui a régné li glo- rieusement fous k nom de Louis le Juile^. Henri le Grand commanda à fon premier Mé- decin , nommé la Rivière , grand iùifèur d ho- roicopes , de travailler à celle du Dauphin nou- veau né. Il s'en defïendit, mais il falut obeïr: & comme il ne rendoit point compte de fon. travail , le Roi lui commanda abfoiument 6c

{bus

40 Penfées diverjes,

Ibus la peine d'encourir fon indignation , de lui dire ce qu'il avoit trouve, 6c il le fit. Peu-à- peu nôtre Nation s'eft guérie de cette foiblefle, ibit que nous aimions le change , Ibic que l'at- tachement qu'on a eu pour la Philolophie dans ce fiecle-ici , nous ait fortifié la railbn , que toutes les autres fcicnces qu'on cuitivoit avec tant de gloire depuis François I. n'avoient guè- re dclivrée du joug des préjugez. Aufli feut- i\ avouer , qu'il n'y a qu'une bonne &: folide Philolophie qui comme un autre Hercule, puiA ie exterminer les monilrcs des erreurs popu- laires : c'eft elle feule qui met l'eiprit hors de Page.

§, XXIL

<S)ue VentétStnent gênerai pour l'Afirologie de' crédite l'autorité qui n'eji fondée c^ue fur le grand nombre.

Ne vous femble-t-il pas, Monfieur,que c'eft ici une digrelTion fort inutile ? Mais prenez, y garde , vous veiTez bien-tôt qu'elle tait à moa fujet. Car mon principal but doit être de de- créditer l'autorité des opinions qui n'eft fondée que fur le grand nombre. Or je ne le fàurois mieux faire, qu'en failant voir que TAibologie qui n'a jamais pu s'apuier fur un principe à tout le moins probable , n'a pas laifle d'infatuër la plus grande partie du monde dans tous les fiecles. Et comme en tournant k médaille il eft vrai de dire, qu'encore que le grand nom- bre Ibit pour l'AftroIogie , la foi qu'on ajoute à £t% pi ediârions eft néanmoins faullè & ridicule : '■A eft pareillement vrai de dire que les prédic- tions que l'on fonde fur les Comètes ibnt nul- les de toute nullité , quelque grand que foit le nombre de ceux qui les croient , puis qu'elles

n'ont

Tenfiei diverfeu 41

n'ont autre apui que les principes de l'AflroIo- gie. Ainli quand vous devriez, m'acculer de donner dans le lieu commun , je dirai pourtant que vu l'expérience de plulieurs erreurs géné- rales , il n'y a point d'homme qui ne foit en droit de demander qu'on l'écoute parlant lui fèul pour ion lèntiment , iàuf à ceux qui Té- cou teront de fe bien deffendre , ncn pas par la prefcription , ou par le préjugé de leur nom- bre , mais en examinant le fond de l'affaire. J'excepte comme vous pouvez pcnfer, Se com- me vous penièriez aflurement quand même je ne m'en cxpliquerois pas j j'excepte , dis-je, les matières de foi. Dans les autres toute la fa- veur qu'on doit faire à la longue pofTeiVion 8c au grand nombre, c'ell de lui donner la préfé- rence , toutes choies étant égales dans le refte : ôc s'il falloit s'arrêter au préjugé , je le trouve- rois plus légitime pour celui qui feroit feul de Ion fentiment , que pour la foule, (i) parce (i) Argu» que les veritez naturelles étant beaucoup moins mtntum propres à reveiller 6c à flater les paillons , 8c peffimi a remuer les hommes par les divers intérêts ^"'^"*^"' qui les attachent à la Société , que certaines opinions faufîès , il eft plus probable que \q^ opinions qui fe font établies dans l'efprit de la plupart des hommes font fauflès , qu'il n'eft probable qu'elles fbient vraies. Mais nous par- lerons de tout ceci plus au long en un autre endroit : prenons un peu de repos en atten- dant.

A,,, le 3. d'Avril 1681.

§. XXIII.

j^t Fenjees diverfii,

§. XXIII.

I V. Raifbn : ^ue cjtmnd il fer oit vmi que les

Comètes ont toujours été fuivies de plu/ieurs malheurs , il n'y aiiroit foint lieu de dire , qu'eU les en ont été le ligne ou la caufe.

JE reviens à la charge , Monfieur , Se ]e dis en quatrième lieu , que s'il eft vrai qu'il n'a jamais paru de Comète, qui n'ait été fuiviede beaucoup de malheur? , cela vient uniquement de la condition des chofes de ce monde , qui les rend Sujettes à une infinité de changemens , & qu'on pourroit à coup fïir attribuer la même influence à tout ce que l'on voudroit , au ma- riage d un P-oi , ou à la nailîânce d'un Prince j parce qu'il eil certain que jamais un Roi ne s'eft marié, ou n'eft venu au monde, fans qu'il ibit arrivé de très-grands malheurs en quelque lieu de la terre. En un mot il auflî proba- ble , vu le train ordinaire du monde , qu'après quelque année que ce fbit qu'il nous plaira de defigner , il arrivera de grandes calamitez fur la terre , ou en un lieu ou en un autre j qu'il cft probable qu'à quelque heure du jour que ce Ibit qu'un Bourgeois de Paris regarde par fe- nêtre fur le pont St. Michel, par exemple, il voit paflèr des gens dans la rue. Cependant les regards de ce Bourgeois n'ont aucune in- fluence fur les gens qui paiîènt , 2c chacun paf- fèroit tout de même encore que le Bourgeois n'eût pas regardé par fenêtre. Donc auffi la Comète n'a aucune influence fur les évene- mens , 8c chaque chofe feroit arrivée comme elle a fait , quand même il n'auroit paru aucune Comète.

U eft étonnant qu'un dogme auffi perturba- teur du repos public que celui-ci , ne ioit apuié

Tenfées diverfes. 45

■que flir le fophifme pojl hoc , «rgo propter hoc y que l'on aprend à conoître àès la fortie des Claflès , 8c qu'il y ait eu ii peu de perlbnnes parmi le grand nombre de gens qui étudient , qui aient aperçu qu'on raifonoit en cette affai- re-ici contre les premiers principes du bon ièns. Il y a aufli dequoi s'étonner comment les hommes , qui aiment tant à ne point crain- dre l'avenir , ont donné dans une opinion C\ chagrinante , fans examiner ii elle étoit fondée en raifbn, Mais ces motifs d'étonnement ne durent gueres pour ceux qui ont étudié le cœur de l'homme, 6c qui ont découvert dans con- duite une coutume générale de juger de tout fur \cs premières imprefllons des Ièns &: àts palTions , fans attendre un examen plus exaft, mais auflTi un peu trop pénible. Les gens d'é- tude qui devroient être la lumière des autres, fuivent beaucoup plutôt ce torrent- , qu'ils ne le détournent dans le chemin des véritables Savans«

§. XXIV.

V. Raifon: ^u'il efl faux , qu'il [oit arrhé pît*s de -malheurs dans les années qui ont fitivi les Comètes qu'en tout autre tems.

a

,Utre tout cela on peut mettre en fait, ^^'l. Qu'à compter tout ce qui s'eft palIë ou dans tout le monde , ou dans l'une de fes plus grandes parties , il eft arrivé autant de malheurs dans les années qui n'ont vu ni fuivi de près aucune Comète > que dans celles qui en ont vu ou fuivi de près. II. Que les années que l'on croit avoir été empoifonnées par l'influence des Comètes , font remarquables par d'aulTi grands bonlieurs pour quelques endroits du m,onde, qu'aucun autre tenis que ce puilîè être. III. Que

les

44 Venféei diverjès.

les avantures les plus épouvantables n'ont été précédées d'aucune Comète , au lieu que profperitez les plus infignes l'ont été. Pour di- re tout en peu de paroles , on peut mettre fait que ii l'on prend l'Hiftoire générale du mon- de, éc qu'on fupute avec foin le bien ôc le mal qui a été fenti par toute h terre dans l'efpace ae 15-. ou 10. ans, on trouvera que l'un portant l'autre, cela eft fort femblable au' bien 8c au mal qui a été fenti par tout le monde dans l'efpace d'autres if. ou 20. ansi ce qui fait voir que les années qui fui vent l'aparition des Comètes n'ont rien qui les diftingue des autres , 6c qu'ainfi c'efl avec une très-grande injuftice qu'on fe fait fort de l'expérience.

§. XXV.

S'il y a des jours heureux , ou malheureux^

On peut faire la même obfêrvation contre ceux qui prétendent qu'il y a certaines làilbns affedlées aux grands évenemens. Bodin qui malgré fon efprit , &: vafte literature , 8c fou peu de Religion , a fait paroître beaucoup de crédulité fuperftitieufe en diverfes choies, s*eft (t) Bo- ai^ufé par ce principe à nous donner ("1} un din. de ramas de plufieurs révolutions avenues au mois Republ, de Septembre. Il n'y a qu un mot à dire con- hb. 4. tj-e lui ^ contre tous ceux qui perdent le tems "^* * à de lèmblables recherches , par exemple , à re- cueillir ce qui s'ell paffé dans les années climac- teriques des Etats, ou fous le 21. 49. 63- Roi d'une Monarchie , 7. ou 9. d'un certain nomj G'eft que s'ils épluchent avec la même diligen- ce les autres fàifons de l'année , les autres rè- gnes 8c Its, autres périodes des Etats , ils y trou- veront indifféremment des révolutions toutes fèmblables-, pourvu qu'ils fe dcfaifent de leuj:

pre-

Penféei diverfes. 45

préjugé à tout le moins pendant la recherclK: qu'ils feront : car c'eil leur préjugé qui les trompe. Ils font perluadez avant que de con- fulter l'Hiftoiie , qu il y a des mois &: àts nom- bres aflfe^lez aux grands évenemens. Là-defîus ils ne confoltent pas tant l'Hiiloire pour iàvoir il leur perlualion elt véritable , que pour trou- ver qu'elle eft véritable : 6c l'on ne fauroit dire l'illudon que cela iàit aux fèns & au jugement. En effet il arrive de qu'on obièrve beaucoup mieux les faits que l'on defii e de trouver , que les autres 8c que l'on groflït ou que l'on dimi- nue la qualité dos evcnemens félon préoccu- pation. Ce qu'il y a donc de vrai à l'égard àts mois , àts jours , des années 6c des nombres , c'eft que Dieu n'a point aifedé aux uns plutôt qu'aux autres les évenemens qui fervent à la punition des peuples , 6c à la fondation ou à la ruine des Empires. Ce feroit une aîïe6lation indigne de la grandeur de Dieu , 6c qui ne lui peut être attribuées que par ces efprits fuperfti- tieux qui attachent fa Providence à une infini- té de minuties. L'Ecriture 6c les Peies décla- ment contre cet abus en divers endroits, 6c il efl faux que l'Hifloire ;le favorife.

§. XXVI.

Sentiment des Taiens fur les jours heureux ou malheureux.

Je ne nie pas que les Paiens n'aient cru qu'il y avoit àts mois 6c àcs jours qui avoient quel- que chofè de fatal , ceux par exemple l'Etat avoit perdu quelque bataille fignalée , & que fur ce fondement ils n'aient évité d'cntrepien- ^J'/,^ '^" dre quelque choie en ces mois ou en ces jours- uzvceW, là. Le 24. de Février dans les années bifîèxtilcs lib. 26. étoit réputé fi cialheurçux , que (i) Vaienti- cap. i.

niea

'4<^ Penjees diverfes»

nien aiant été élu Empereur n'oià montrer en public , de peur d'encourir la fatalité de cet- te journée , foit qu'il fiât encore dans la fîiperA tition quant à ce point-là , tout bon Chrétien qu'il étoit , foit que par politique il ne voulût pas s'expoièr à être cru malheureux. Je fài aufli qu'il y a des jours des Généraux d'armée ont conftamment éprouvé les faveurs de la fortune, (i) Timoleon gagna toutes fes plus fameufès nel Ne- ^^^t^i^^^s le jour de naiilànce. Soliman gagna pos' in la bataille de Mohacs 8c prit la ville de Belgrade, ejus vîtâ. comme auflî félon quelques-uns ( 2 ) , l'Ile de (i) Du Rhodes 8c la ville de Bude le 29, d'Août. Mais

hÎa: des ^^ ^^ ^^^^ ^^ ^^ ^'^^ P^'' ^"^ rai^n qiii prou- Turcs, v^ ' ^^ 'DitM ait attaché bénédiction a une certaine journée plutôt qu'à une autre,

§. XXVII.

Refatat'ton du fentimmt des Paierts.

Car I. on trouve qn'un même jour a été heu- reux 8c malheureux à un même peuple. Ventidius à la tête d'une armée Romaine bâtit celle des Par- thes , 8c fît périr Pacorus leur jeune Roi qui la commandoit , à pareil jour que Cralïiis General des Romains avoit été tué , 8c fbn armée taillée en pièces par les Parthes. Lucullus aiant attaqué Tigrane Roi d'Arménie làns s'arrêter aux vains fcrupules des Officiers de fbn armée , qui hii remontroient qu'il falloit bien fe donner de gar- de de combatre ce jour-là , qui avoit été mis par les Romains entre les jours malheureux, depuis la jfiinefte victoire que les Ci mbr es avoient remportée fur les troupes de la Republique; (3) Plu- (3) Lucullus , dis-je , te moquant de cette fù- tarch. in perflition , gagna une des plus mémorables ba- gu5 vuâ. tailles qui voient dans l'Hifloire Romaine, Se changea le deflèin de ce jour-là , comme il

l'avoit

PeyiféeS diverfis* 47

l'aroit promis à ceux qui le vouloient détourner

de ion entreprile. Tout le monde iàit que le même jour que Valentinien regardoit comme malheureux , a été celui Charles V. autre Empereur Romain eiperoit le plus de for- tune.

II. Outre cela nous iàvons que le bonheur éprouvé par quelques Princes en certains jours n'eft pas un pur effet de leur fortune , qui ait affeâré de les favorifer en un tems plutôt qu'en un autre : c'eft une fuite du choix qu'ils ont fait de certains jours pour y entreprendre les cho- ies les plus importantes. Ainli Timoleon s'é- tant perfuadé que le jour qu'il vint au monde, étoit un jour de profperite pour lui , le choiiit pour attaquer {es ennemis avec plus de confian- ce , 8c il n'oublia pas fans doute de flatter fès fbldats de l'elperance de la viéloire , par la- con- fédération du jour. Les ibldats confiant en la bonne fortune de Timoleon fe bâtirent plus vi- goureufèment quils n'eulîènt fait. Timoleon de fon côté ne négligea rien pour lignaler le bonheur du jour de la naiilânce , de quoi il voioit bien qu'il pourroit tiier dans la fuite un grand profit. Il n'y a donc rien d'extraordinai- re, qu'il ait été viétorieux ce jour-là , & qu'aiant perfuadé à fcs troupes que c étoit le jour favori de fa. fortune , elles aient toujours donné fur Tennemi ce jour-là , avec cette ardeur & cette confiance qui font un des principaux inflrumens de la viâoire. A quoi il faut ajouter, que les ennemis s'étonnent beaucoup quand ils croient être attaquez^bus des aufpices favorables à Tag- grefîèur. Il paroît par l'Hiiîoire de Soliman, que la confiance qu'il a voit infpirée à fès trou- pes fur le 29. d'Août, lui faifoit choifir ce jour-là ou pour un afîâut geueral, ou pour une bataille , Se qu'il avoit alors plus de foin de préparer toutes chpfcs à h victoire qu'en un autre temps,

atin

4 8 Tenfées diverjès.

afin de confirmer de plus en plus la bonne opi- nion de cette journée pour s'en ièrvir dans l'oc- cafion. Il ne faut donc pas s étonner qu'il ait eu de grands fuccès le 29. d'Août.

§, XXVIIL

Comment il arrhe qu'on gagne des ôatailles en certains jours àffeâlez.

En un mot les évenemens heureux ou mal- heureux à une certaine Nation , qui arrivent en certains jours , ne font pas attachez à ces jours par leur nature , ou indépendemment de nôtre choix ; mais ils dépendent des pafTions que les circonftances du tems excitent dans le cœur de Thomme , & de l'adreflè qu'on a de choilir le tems propre à exciter ces pallions. Ainlî un General fe fèrt de la circonftance du temsôc du lieu pour encourager fès troupes. Il leur re- prelènte que c'efl à pareil jour ou dans le mê- me champ de bataille que les ennemis furent batus autrefois , qu'il faut foutenir la gloire de la nation : & cependant le General ennemi ex- horte iès fbldats à efïàcer la honte d'une pareil- le journée , & à venger les Mânes de leurs com- patriotes dont ils voient encore les olïèmens. Voilà comment il arrive ou qu'on bat trois ou quatre fois de fuite les ennemis à pareil jour , en même lieu ; ou qu'on y eft alternativement batu êc victorieux. Tout cela dépend après Dieu de l'adreflè de l'homme , à bien prendre ion tems pour ménager les paflions. Or com- me la naiflânce 'd'un Prince , une viéloire 8c choies fèmblables qui commencent à feire ju- ger qu'un jour eft heureux , roulent indifférem- ment fur quelque jour de l'année que ce puifïè être , il faut dire qu'il n'y a point de jour ni de mois affeâié au bonheur ni au malheur j §c quand

cela

Tenjses diverfès. 4P

cela ne feroit pas tout-à-fait vrai à l'égard de chaque jour , à caufe qu'il y en a gui peuvent réveiller les paffions d une manière particuliè- re j du moins doit-on m'avouër que les années qui fuivent les Comètes ne font pa5 aiTeiflées particulièrement à la punition àQs péchez de l'homme, puis qu'on ne làuroit le montrer par l'expérience.

§. XXIX.

Ce qii'ilfrut repo?u're a. ceux qui chent dss exem" ^les pur les ^refages des Comètes.

Il eft vrai que \cs moins habiles dans l'HiP toire vous citent quantité de defbrdres arri- vez après l'apparition àzs Comètes , iàns ja- mais parler d'aucun bonheur arrivé dans ce tems-là. Par exemple ils vous enfilent toutes les guerres qui ont travaillé l'Europe depuis l'an ï6i8. jufques à la paix de Munfter, & jettent toute cette longue fuite de maux fur le dos de la Comète qui parut en 1618, iàns faire men- tion que de ces maux. Mais outre que c'efl étendre le pouvoir des Comètes au delà de fes jufles bornes j outre que ce qu'ils apellcnt un mal a produit un très-grand bien à la meilleu- re partie de l'Europe Chrétienne , qui s'efl dé- livré par du péril elle étoit de perdre liberté i outre tout cela , dis -je , qui ne voit que fi une fois on s'arrête à tous ces citateurs •d'exemples , il faudra donner gagné à toutes les fuperllitions £c à tous les contes dts vieil- les, car il n'y a point de femme qui ne vous cite avec mille circonftances ennuieuiès , la mort de vingt ou trente de fes parens ou amis décédez dans l'an 5c jour , après s'être trouvez eux treziémes dans quelque repas , 8c pluiieurs chagrins qui lui font arrivez conftamment

Tom, I. C " après

^o Penfées diverfis.

après la chute de fa iîiicre ; ians vous citer ja- mais aucune partie de piaiiir , ni aucun bon- Iieur ?

§. XXX.

^iil n'y 0 pomt de fatalité dans certains noms.

Ce que j'ai remarqué contre ceux qui croient que la fortune a certains tems afiedtez , me fait longer à une iilufion qui aproche fort de celle- là, c'eft de s'imaginer, comme on le fait pres- que par tout , qu'il y a certains noms de mau- vais augure. Ainii l'on dit que le nom Henri eft fatal aux Rois de France , &: qu'il taut bien gaider de le leur donner jamais , de peur de les expoièr à la deftinée des trois derniers Henris , qui font morts d'une manière tout-à- fait tragique. J'ai ouï dire que l'on a confeil- à Monlieur , de ne faire plus porter à lès fils îe titre de Duc de Valois , parce qu'il lui en étoit mort quelques-uns de ce nom-là , ce qui marquoit , difoit-on , qu'il étoit rempli d'une maligne influence , dont il taloit arrêter le cours. On croit même qu'il y a des noms qui ibnt de confèquence pour la morale , 8c (i) Tom. j'ai lu dans (i) Brantôme fur ce fujct , que premier l'Empereur Severe fe conibloit de la mauvaile des fem- ^-^ ^^ ç^^ époufe , fur ce Qu'elle s'apelloit Tû- mes ea- ,. ,'j ^ j '1 lances. ^^^ ' connderant que de toute ancienneté cel- les qui portoient ce nom , étoient fujettes aux plus impudiques dercglemens, Cet Auteur ajoute, qu'il connoît beaucoup de Dames qui portent certains noms qu'il ne veut pas dire à caufè du refpe6l qu'il a pour la Religion Chré- tienne , qui font ordinairement fujettes à s'a- bandonner plus que d'autres , qui ne portent point ces noms-là , ^ qu'on n en a gueres vu

qui

Fenfées diverjès, 5; î

quîenfoientéchapées. Je ne vous raporte pas les propres termes dont il s'eft fervi , car ils font un peu trop naifs , 6c trop cav^aliers , & trop d'un homme à bonnes fortunes qui écrivoit comme il parloir. Mais je vous dirai bien qu'il me paroit fort étrange , qu'un homme comme lui ait cru que les noms raffent quelque choie dans l'aiiàire dont il parle là.

Aparemment le halàrd avoit fait qu'il avoit €u fes liaifons ôc fès intrigues dans certaines cabales , le plus grand nombre des femmes s'apelloient d'un certain nom. S'il eût donné dans une autre troupe , quelque autre nom eût été celui du plus grand nombre , remar- que feroit infailliblement tombée fur ce nom- là, 6c c'efl: ce qui peut dire de plus vraiièm- blable pour railouner fur l'obfèrvation de Bran- tôme , ôc pour fàuver bonne foi en même tems i car du refle il n'y auroit rien de plus ab- fùrde que de s'imaginer , que parce que celui qui batile une entant , remue langue d'une certaine manière , qui fait entendre un certain mot plutôt qu'un autre , cette enfant à i f. ou 16. ans de porte à des actions d'impu- dicité , qu'elle n'eût point commiiès fi l'on eût articulé un autre mot le jour qu'elle fût bati- fée. Cependant c'eft l'abfurdité il en faut venir preique toujours , quand on veut que certains noms portent malheur. Un naufrage qui ruine un Maichand , une conspiration qui 6te la vie à un Monarque , viennent de ce qu'un Prctre avoit prononcé long-tems aupa- ravant un mot plutôt qu'un autre dans la céré- monie du batéme. Si Louis XIII. eût été batifé Henri, il eût iàns doute été tué au fiege de quelque ville rebelle , d'un coup de moul- quet , qui fe feroit extraordinairement écarté de Ion chemin , uniquement pour cela j car ce Prince etoit trop bon Catholique pour mourir Ci à

'5 z Venfées diverjès.

à la manière de fcs predecefTeurs ; mais néan- moins fon nom d'Henri lui eût valu quelque genre de mort violente. Quelle pitié que de raifbnner ainii!

§. XXXI.

Grande fuperjî'ition des Vaiem à l'égard des noms.

Je voudrois que l'on jugeât llir ce pié-là de toutes les iliperftitions du Paganifme à l'égard des noms. A Rome quand on levoit les ibl- dats , on prenoit garde que le premier qui s'en- rôloit , eût un nom de bon augure. Les Ccn- ièurs en faiiànt le dénombrement des Bour- geois, nommoient toujours le premier , quel- [i)Feflus, cun qui avoit un nom favorable , comme (i) Valeriiis , Salvius , &c. Dans les ûcrifices io- (2) Cîce- lennels ceux qui conduifoient les ( 2 ) vidi- ro lib. I. mes, dévoient avoir un de ces noms-là. Quand nat. Pii- ^^ procedoit à l'adjudication des fei'mes pu- nius lib. bliques , on commençoit par le lac Lucrmus y 2.8. cap. a, 8c tout cela , boyi't ominis ergo , afin de porter bonheur. Se peut-il rien voir de plus extrava- gant que de tirer ou de bons ou de miauvais augures de ce qu'un Magifrrat prononce plutôt Valerius , que Furius ? Apulée a railbn de moquer de ceux qui laccufbient d'être Magi- cien , parce qu'il faifoit acheter des poiflbns qui leur fembloient propres aux ibrtileges d'a- mour , à caulè de la conformité qui rencon- troit entre leur nom 6c celui àts parties natu- /îl PofTe ^^^^^s. Tativres igmrdyis , leur dit-il ( 3 ) , «e dicitis ad 'voiez.-'vous pas que fi 'votre rai fon a^oit lieu» les Tes vene- cailloux feroient -un fouveraifi remède contre la> reas fum- pierre , ^ les écrevices contre les cancers} ^^\^^'^^' On peut conoître par l'énorme & la pro- & fiiSna digieufe étepduc que les Faiens donnoient à la

Penfées diverfis, ^f

fuperrtition des noms. Elle étoit fi grande, pi'opfer qu'au raport de (i) Fellus les femmes Romai- JJl^™[^^"f nés offroient des làcrifices à la Déellè Egerie Jinem , pendant leur grofîèllè , parce que ce nom d'E- qui minus gerie dans leur langue a^'oit une grande reîa- po^Tn ex tion aux accoucbemens. Une femblablc rai- eodem h- ion a été cauie que Ton s'ell attaché dans le J-uJus^d" Chrifbianifme à la dévotion d un Saint plutôt veficam, que d'un autre , pour obtenir certaines chofes. tefta ad Par exemple, il ne faut pas douter que ks fem- teftamen- mes qui ont mai au ièin ne ibient miiès {b\is ^^^^^^^Ç, la protection de Saint xVlammard , plutôt que ^era ? fous la proteflion d'un autre, à caufe du nom ^p»/ej. qu'il porte. Il ne faut pas douter que ce ne foit ^foiog, u pour même raifon que ceux qui ont mal aux yeux , les Vitriers 6c ks fàifeurs de lanter- (OQPo* ne le recommandent a St. Clair > ceux qui ont ^ç^^^ fj^ijè mal aux oreilles, à Saint Ouïnj ceux qui iont fœcum al- gouteux, à St. Genou 5 ceux qui ont la teigne, vo egere- à St. Aignan ; ceux qui ibnt aux liens ou en ^^^ prifon, a St. (2) Lienard , 6c ainli de pluiieurs autres. Quoi que cette remarque trouve 1^^ ^^^fc^ dans ( 3 ) l'Apologie pour Hérodote , qui efl: tom'^^!^' un livre très-injurieux à l'Eglilc Catholique, ad annûm elle ne laifîè pas d'être vraie , comme l'entre- 1616. conu Mr. de la (4) Mothe le Vayer dans fon Hexameron ruftique , 6c Mr. (f) Menags dans ^^^ Chapv Ces Origines de la langue Françoife. Ces Mef^ ^ Tieurs également favans 6c refpedlueux pour ks / x ç. . .- chofès iaintes , n'ont pas prétendu en avouant me four*" cela , condamner l'invocation des Saints , car née. dans le fond û Saint Clair n'eft pas plus propre qu'un autre à guérir le mal des yeux , il ne (s) Au l'efl: pas moins aufii : de ibrte qu'il vaut autant "^°^ ^^ s'adreHer à l'un qu'à un autre. Ils ont lèule- '''^"'^' ment voulu reconoître que la moindre chofè eft capable de déterminer les peuples à faire un choix , 6c que la conformité des noms eil un puifiànt motif pour eux. Sur cela , Moalîcur,. C 3 je

54 Tenfees diverjes,

je ne ferai pas difficulté de vous dire confidem- ment , que ce lèroit une iupcrllition la plus baiîè & la plus groiîiere du n;onde , que de prétendre que parce que St. Clair s'appelle St. Clair , Dieu lui accorde la vertu de guérir le mal dcc yeux, plutôt qu'à un autre i de façon que fi nos peuples fe confient à un Saint plutôt qu'à un autre , à caufe du nom qu'il a , ils font dans une illuiion épouvantable : car enfin il faut tenir pour tout aiiuré que les noms n'ont point de vertu en eux-mêmes.

§. XXXII.

"Eî quel fens o;i peut préférer un nom à un autre ^

Je ne deiàprouve pas cependant la préféren- ce que l'on donne quelquefois à certains nomsi car de la manière que les hommes font fai^s, il y a tel nom qui empêcher oit un Grand Sei- gneur , de recevoir à ion fèrvice une perfonne qui le porteroit : & nous liions dans 1 Hilloire d'Eipagne , que \tz AmbafTadeurs de l'un de nos Rois étant allez à la Cour d'Alphonfe IX, pour le mariage de l'une de {ç.^ deux filles avec leur Maître, choifirent la moins belle , qui s'a- peloit Blanche , 6c lailîèrent la plus belle , parce que fon nom d'Urraca leur parut choquant, (i) L.7. Ainfi il ne faut pas trouver étrange que les (i) D. ad s. loix diipenfènt un héritier de porter le nom que le Teftateur lui prefcrit > lors que c'eft un nom ridicule ou malhonnête, car c'eft une con- dition trop onereuiè vu comme le monde va. J'avoue même qu'il peut y avoir des noms qui en certaines circonilances , contribuent aux plus grands évenemens , ibit parce qu'ils exci- tent dans l'ame de ceux qui les portent certai- nes paiïicns j foit parce que la fupeiilition les

fait

c. Tre

beil

Penfées diverfes, 5^

fait prendre pour des augures , & que la crainte ou i'clpcrance qui le répand dans une armée, à la vue de ce que l'on pi end pour des prefages , eH: bien fouvent la caufè de la viftoire. Je ne trouve donc pas mauvais que Ton choiliflè de beaux noms , cap^ibîcs àc faire fonger fouvent à fon devoir ; 8c je fuis de lavis de Milantia femme du Canonifte (i) Jean André, qui étant (s)Qnoâ confaltée par ion mari ilir ce fu'-et , lui repon- fi nomina dit, ^le Ji les noms fe l'eudoient , les pères ^ '^^' ^°^^ les mens ferotera obligez, d'en acheter des puis ^^^^l^^' beaux, pour les donuer à leurs enfans- Mais je berenc pa- ne iàuroiâ fouffrir qu'on attache à certains noms r^-nres aucune cfpece de tatalité naturelle foit à l'égard F-i"c'nerri- des mœurs, foit à l'égard de la fortune. Com- ^' ^cïlf^^ me il eft taux que h providence divine ûiTec^e J^^orie- de deploier plus à découvert au mois de Sep- lerz. joh, tcmbre , qu'au mois d'Oclobre , ou le i. de ^ndr.in Janvier , que le i . de Mars : il eft faux aufli ^'^Z'* '■■'^ que la vertu ou le vice , le bonheur ou le mal- Z^'-"^'^*^ heur aient des noms affeftez , ou privilégiez, praberui, II y a des Helenes & des Lucreces qui ont de la vertu , il y en a aulfi qui n'en ont point. On voit des Rois malheure^ux Se des Rois heureux, de toutes fortes de noms : & li la circonftanc^ du nom eft capable de quelque chofe , c'eft uni- quement ou par notre faute , & nôtre peu de raifbn, ou par nôtre adrcïîè. Néanmoins mal- gré tout ce que le moindre de tous les lioni- mes eft capable d'obje£ter contre la fuperftition des noms , qui eft aflûrément demonfrratif , il n'eft pas croiable combien de manières de de- viner on a bâti fur ce mifcrable fondement. Ce qui fait voir que iur le chapitre des preiâges, ibit des Comètes , foit de quelque autre chofe que ce foit , l'opinion univerfelle des peuples ne doit être comptée pour rien.

C 4. §, XXXIÎL

'5<5 Penfécs diverjès*

§. XXXIII.

Combien cette V. raifon eji dec'ifve contre les tre^ fagcs des Comètes.

Mais pour venir à des réflexions plus impor- tantes , je vous prie , Monfieur , de bien peièr cette V. raifbn. Elle eft dccifive ou il n'en fut jamais. 11 ne s'agit plus de voir s'il eft pofTi- ble que les Comètes altèrent nos élemensj l3 elles prelàgent en qualité de caulès ou en qua- lité' de lignes, qui montrent à point nommé toutes les fois que hs hommes ont de grands malheurs à fbufirir. Il s'agit de juftifier Je fait, que l'on vous nie tout court , 6c qui efl la feule rciTburce que vous puifliez avoir. Toutes les autres raiibns ne vous preiîènt pas allez pour ne vous laiflèr pas quelque faux fuiant : car on a beau dire qu'aucune raifbn ne nous porte à croire, que ce qui pafîè dans le monde quel- ques années après qu'il a paru des Comètes, Ibit produit par leurs influences , vous répli- querez toujours que les Comètes n'en font pas moins pour cela de mauvais augure j parce que n'aiant jamais paru fans avoir été fuivies de grands malheurs , c'efl une marque qu'il y a quelque liaifbn ou quelque raport naturel entre elles & ces malheurs. Que ce ne fbit pas la îiaifon d'un effet avec caufè , à la bonne. heu- re, c'efl à tout le moins une liaifbn qui fuffit pour faire craindre que quand l'une de ces choies fe prefènte, l'autre ne tardera gueres à venir.

En effet fi nous fùpofbns que les Comètes roulent fur des cercles dont il n'y ait qu'une certaine portion qui fbit à la portée de vue , nous concevons qu'elles retournent à nous uprès un certain tems. Si après cela nous fù-

poibos

Penfées dïverfeu jrj

poibns que c'eft à-peu-près le même tems qui efl necellâire afin que ia terre fermente quel- ques exhalaifons malignes , capables de caufèr' Ja pefle, la guerre &c. comme nous lavons par expérience que la matière des fièvres a befbin- d'un certain nombre d'heures pour aquerir les qualitez qui caufent la fièvre , 6c par le raport des Médecins , qu'en quelques perlonnes cette matiere-là produit régulièrement des fièvres périodiques au bout d'un certain nombre d'an- nées i il, dis-je , nous fupoibns tout cela, h vue des Comètes nous doit être un auiTi afîuré prefàge de grands malheurs , quoi qu'elles n'y doivent rien contribuer , que li elles dévoient les produire phyliquement. Qu'on réplique li l'on veut que cette fcrm.entation à mêmes pé- riodes que le cours de la Coniete , doit cnfia le tirer de mefure , à caufe que les continuels changemens qui le font &: au dedans 8c au de- hors de la terre , empêchent necelîàirement la jonilion de toutes les caulès qui 7 concouroient autrefois 3 cela, Monlieur , ne vous tirera pas- d'inquieti.ide , &c je conois des gens qui plutôt que de le rendre à cette difficulté , auroicnt re- cours à l'immobilité du ciel Empirée , pour lut attribuer la régularité de la fermentation dont il s'agit , à l'exemple de ceux qui le font la. caulè de ce que certains endroits de la terre produilcnt toujours les mêmes chofes , bien, que les alpec5î:s des autres cieux Se leurs influen- ces par coniéquent varient lâns celTe à 1 égard de ces endroits-là. Ce qui me fait fcuvenir de certains Scholaltiques , qui veulent que la vertu qu'ils attribuent aux corps de le peindre dans- nos yeux par le moien des ef-^eces tmentionelles , foit un effet des influences de ce mêine cieL. On trouvera donc toujours quelque défaite- pendant que l'on le pourra faire fort de l'expe- ïieiice, Se ainfi, Monlieur , c'cft vous ôtcr tout: C f que;

5^ Pcnfees dherjes,

que de vous mettre en fait , que l'expérience ne v^cus tàvorife aucunement. fi)Qi;a- Je me Ibuviens d'avoir lu dans (i) Cice- rum qi>i- ron , que la fcience des prefàges efl beaucoup demre- pjug fondée fur robfervation des évenemens t"^a^?"~ que fur la raifon , & qu'en ces chofes-là il ne arbirror' ^^^^ pas demander les caufes , comme faifoient q^uàm eau- Carneade & Panetius qui avec Epicure étoient las qiizii prelque les feuls ter.ans contre cette prétendue oporcere fcience. Qiiand ils demandoient fi c'étoit Ju- fervâra ' ^^'^^^ ^^^ ordonnoit à la corneille de croalTèr du func hxc côté gauche , &: au corbeau de croaHer du côté tempore droit , on leur difoit pour toute rcponfè qu'ils îmmenfT) avoient mauvaiiè grâce de preilèr ainfi les gens j ficatione ^^'^^ ^^^^ dcvoit fuffire que l'expérience de tous eventuy ^^^ iiecles confirmât la divination 3 qu'il y a des anîmad- herbes dont on conoît la vertu iàns iàvoir h verfa & caufe des effets qu'elles produifent j Se qu'on laotata j^g s'aviiè pas pour cela de chicaner la Medeci- fum* con- ^^- ^"^'^ ^i^°^ Ciceron raporte quantité de cho- tentus iès naturelles dont les proprietez nous font co- quod nues , mais non pas les causes de toutes ces

etizrrSt proprietez , & tait dire à fon frère , ^^'il eji cuidque^ <^o«.*f«? ^e 7^^'c;> ^«^ r^^ c^^j-/^ /o;;? , quoi fiât igiio- ^^^'^ ignore comment elles fe font. Voilà jufle- Tem , qn.id ment vôtre aiïàire , Moniieur. Qu'un Philo- &i£ ImeU fbphe vous prcfîè tant qu'il voudra fur la ma- So'iib' ^^^^^ ^^^^ ^^^ Comètes prciàgent nos mal- ês Divin*' ^curs , vous n*avez qu'à lui dire , qu'encore qu'il ne iàche pas comment le fbleil éclaire le monde , il ne îaiflè pas d'être afiuré avec le refle des hommes , que le foleil éclaire le mon- de , parce que l'expérience le fait voir évidem- ment : qu'ainii l'expérience de tous les fiecles BOUS aiant apris que les Comètes font fuivies de malheur , il faut croire qu'elles en font un prelàge , quoi qu'on ne fâche pas en vertu de quoi elles le font. On pourroit , je l'avoue^ siGois biai maltraiter dans ce retranchement ,

Penfees diverjes, 5"^

mais pendant que vous en appellerez à l'expé- rience , vous trouverez toujours quelque ré- duit. C'eft pourquoi , Monfieur , je vous ad- journe tout le premier au tribunal de 1 expé- rience , 6c je vous mers en fait qu'elle ne vous- donnera pas gain de caufè.

§. XXXIV.

ObfervMions necejjaires à ceux cjui fe veulent édaircir de ce fait,.

Comme il eft facile à tout le monde de con-^ fulter \ç.s titres jullificatifs de ce fait , qui ne font autres que les monumens de l'Hifioire , je me garderai bien de vous accabler de citations. Je remarque ièulement , que ni vous ni nous ne devons pas faiie un incident fur ce que nous n'avons pas les Annales ni des peuples de h Terre Auftrale , ni de ceux qui habitent Tinte- rieur de i'Atrique & de l' Amérique j car fi nous prétendions qu'elles nous fourniroient pluiîeurs exemples de profperité arrivez à la fîiite àz% Comètes , vous pourriez prétendre aûlTi qu'el-' les nous fourniroient pluficurs exemples d'ad- verlité. Contentons-nous àzz Annales du mon- de conu , Se jugeons des autres par celles-là,- "Ex ungue leonem. Il ne faut point non plus fa ira. un incident fur ce qu'il y a des guerres qui tournent à un plus grand profit que l'on, ne penfè , & qui peut-être font un moindre mal que la paix j femblables à ces iàignées qui guerKîènt la mauvaife difpoiltion du corps. Je renonce à tous les avantages que cette conli- deration pourroit aporter à ma caufè. Je con- £'ns que Ton ne compte pour rien lesrailbns de (i) Palingenius à l'avantage de la gueire, ^i) j^ £e qu'on ctabliflè pour principe, que la paix efl Capriconi wne. faveur de J)i&i , & la guerre un de its C 6 icaux

€o Periféei divrrfa,

fléaux , quoi que la guerre foit quelquefois uti- le par accident , 8c la paix au contraire dom- mageable. Je remarque aulTi que les témoins font beaucoup plus fuipeéls de partialité , jîour vous que pour nous , à cauiè du grand attache- ment que font paroître les Hifloriens à s'éten- dre beaucoup plus fur les calamitez que fur les felicitez publiques. Mais nous n'en fommes pas à cela près. Nous les admettons tels qu'ils i©ot. Voicz donc, Monlieur , par vous-même ce que raportent ces témoins , iàns vous lailTer préoccuper par tout ce qu'ils pourront vous aprendre , non pas en qualité de témoins , mais en qualité de tàifeurs de complaintes & de ro flexions..

5. XXXV.

ComparMifon des années qui ont fuhi les Comètes de Idïi 166 f. avec les années qui ont précédé la Comète de l'an i6j2.

Je ne iàurois m'empêcher , quoi que je ne veuille entrer en aucun détail , de vou^ faire jetter la vue fur ce qui s'eft paifé comme ibus nos yeux , pendant les lèpt années qui ont fui- vi les deux horribles Comètes de l'an 166 j Pouvez-vous dire en confcience que l'Europe ait été affligée pendant ces années-là , d'une manière à recrier que tout étoit perdu ? Y voiez-vous des m-alheurs qui pafiènt le train ordinaire ? A-t-on vu que àQî, nations barbares comme autrefois les Huns , les Goths , \ts Alains , les Normans aient porté la deiblation dans une infinité de Provinces ? A-t-on vu la pelle dépeupler les plus fiorilîàns Roiaumes , 6c coucher dans le tombeau la plus confiderable partie àzs, hommes .' A-t-on crié famine dans la glupart des païs ? A-t-oavu des Rois mis à. bas

de

Penfées diverjes» Ci

èe leur trône par h rébellion de leurs Sujets, ou par l'ufurpation de leurs voiiîns ? A-t-on vu naître des herelies ou des ichifmes ? A-t-on vu l'impunité des crimes autorifée par les Ma- gillrats ? N'a-t-on pas vu au contraire que la pefte, la guerre ôc la famine , ks trois grands fléaux du genre humain , ont épargné les peu- ples autant qu'on fe le peut promettre dans h condition de nôtre nature?

Je ne voi guère que quatre guerres dans l'eC- pace de tems que j'ai pris , fàvoir celle des Turcs 6c des Vénitiens : celle des Éipagnols 6c des Portugais : celle de la Hollande & de l'An- gleterre : &; la campagne de l'Ile. Les deux premières qui avoient commencé long tems avant que les Comètes parurent , ont été ter- minées heureufement dans le tems que j'ai marqué ; 8c les deux autres ont commencé 6c fini prefque en même tems : ce qui montre que les influences des deux Comètes de quefrionj étoient bien plus portées pour la paix que pour la guerre , puis qu'elles ont terminé ks guerres qui avoient commencé iàns jeur participation-, 6c calmé bientôt celles qui s'étoient élevées du- rant leur règne.

§. XXXVL

Guerre des Turcs ^ des Vénitiens.

Vous vous fouvenez fans doute , Monfleurv- d'un de nos communs amis , qui n'a jamais voulu le délivrer de l'envie de dire des poin- tes , ièlon la mauvaifè coutume du vieux tems, quoi que nous l'en aions ibuvent raillé : mais je ne iài fl vous vous fouvenez de la iurprifè il fut quand il aprit que la paix conclue après la journée du Raab entre l'Empereur 6c k Grand Turc, avoit été ratifiée, ^uoiy s'é- C 7 cria-

6l Penfees cùverfij.

cria-t-il, on fait la paix à la barbs d'une Corne-' te , ^ an milieu des plus belles difpoj'itions du mo?}de à réparer les pertes cjue les Turcs ont fuit foujfrir aux Chrétiens i Sans doute la Comète re- cule pour mieux fauter , elle fious attend en Can- die , ^ ceft la cruelle déchargera toute fa rage. Cependant , Monlîeur , vous m'avouerez que tout ce qui s'eft fait en Candie depuis l'an 1 66 f^ jufqaes au Traite de paix ne peut être nulle- ment compté pour un de ces grands malheurs que le ciel annonce à la terre par des prodiges : car 11 vous y prenez garde , tout cela réduit à la perte d'une ville qui étoit bloquée depuis très-long tems. Si c'eft un malheur pour la Chrétienté que d'avoir perdu l'Ile de Candie, c'efi un malheur qu'il faut raporter à un autre tems qu'à celui qui s'eft écoulé depuis l'an 1665-. puis qu1l eiî de notoriété publique que les Turcs s'etoient emparez de l'Ile pluiîeurs années avant celle-là , 6c que par le blocus qu'ils tenoient devant la capitale , ils rendoient tout le Roiaume auili inutile aux Chrétiens , qu'il le làuroit être à prefent & même beaucoup plus , car encore eft-il permis prefentement aux Vé- nitiens de profiter de ce qui leur refte dans cet- te Ile , fans faire les depenfes à quoi ils étoient engagez pendant la guerre. De forte que tout bien compté il trouvera que la paix faite l'an 1669. au lieu d'empirer les affaires des Véni- tiens , les a améliorées , ëc par conièquent que la Comète ne s'eft: pas dédommagée en Candie de ce que li paix d'Allemagne lui avoit fait per- dre. Après tout elt-ce une choie li étonnante qu'un Prince auQî puifTant que le Grand Sei- gneur , prefiànt de la plus furieuiè manière du monde , une ville pendant deux ans , favorifé du voilinage de fes autres Etats, la prenne fur une République qui eft: contrainte de mendier ^ lècours a. éoo. iieaes ioia de ? N'efc-ce

Penféei diverJeÉ, C»5

pas un grand bonheur à cette Republique d'ea être quitte à fi bon marche ?

§. XXXVII.

Guerre des Efpagnols ^ des Vort^gah^

Le Traité de paix de l'an 1668. entre l'Efpa- gne & le Portugal , fat un bien inefrimable pour ces deux Couronnes. Pour la première, parce que bien loin d être en état de faire rendre ce qu'elle demandoit , elle avoir lieu de craindre de nouvelles pertes fous une minorité qui nétoit pas exemte de brouilleries. Et pour la féconde , parce qu'outre la pailible poflèiïion de fes Etats, & la décharge des incommoditez de la guerre , elle acquit l'avantage de voir fouveraineté reconnue par ceux qui l'avoient contredite jufques alors. Quoi qu'il en ibit , me direz-vous , c'eft un malheur pour i'Efpa- gne d'avoir perdu le Portugal , & de n^avoir pas eu la force de le recouvrer. Je l'avoue, mais c'efl un malheur qu'il faut raporter à l'an 1640,. & aux pertes que cette Couronne avoit faites dès avant que les Comètes parufîènt , qui par demeurent déchargées de l'accufàtion qu'on voudroit leur intenter. Vous avez, oui dire peut-être , ce bon mot du Comte de Villa Me- diana, fur une figure à cheval du Roi Philippe IV. l'on avoit mis PHILIPPE LE GRANDj fi lo es i es como tm ojo, que mas tk-rra le lie" van , mas le en^randez,en. En effet c'efl fous le règne de Philippe IV. que l'Efpagne a le plus perdu de fès Etats , & par confequent ces pertes ne doivent pas être imputées aux Comètes de Van 166^,

J. XXXVIIL

($4 Penfées âivevfes.

§. XXXVIII. Guerre des Anglois ^ des Hollandois.

Pour ce qui efl de h guerre àcs Anglois 8c des Hoilandois , je ne nie pas qu'elle n'ait été fort rude pendant le peu de tems qu'elle a du- ré 5 mais comme deux ou trois campagnes en ont fait la raiibn , elle n'a été ni ruineufè ni fort dommageable aux deux partis. En eftét après le Traité de Breda les Anglois ie trouvè- rent ce qu'ils étoient avant la guerre , & les Hqllandois il peu afïbiblis, que leur fortune ea devint plus floriiîànte , qu'il n'eût été à ibu- haiter pour leur repos 3 car toutes ces profperi- tez leur aiant fait concevoir une trop grande opinion de leurs forces , leur iirent oublier qu'ils avoient d'aiïèz grandes obligations à LOUIS LE GRAND, pour lui lailTer con^ quérir la Flandre. Il leur en a coûté bon , mais ce n'eft pas la faute àçs Comètes de 166 f. C'eil: une fuite de la neceiïité ils crurent être de s'opolèr à l'agrandiflèment d'un voilin re- douté de toute l'Europe. Ils crurent que la bonne politique les engageoit à conferver l'é- quilibre parm.i leurs voilins , & qu'ils dé- voient fervir de l'état floriiîànt de leur Repu- blique , pour empêcher l'entière inv.alion dQS Païs-Bas. S'ils le font mal trouvez, d'avoir rai- fonné fur ces principes , 8c fi la fortune n'a pas fécondé Tulage qu'ils ont fait du bonheur qui les accoinpagna pendant les cinq ou lix; premières années qui fuivirent les Comètes, c'ell une autre affaire,

Si l'on me dit que laprolperité efï quelquefois le plus terrible châtiment que Dieu puiiîè en- voler à. l'homme , je dirai moi que l'adverfité cfl quelquefois h plus grande grâce qu'il lui»

puiflè:

Penfées diverjèi, 6^

jHiiflè faire ', delbrte que toute notre dispute ne fera plus qu'un jeu de mots. Ainli pour nous fixer à quelque choie , il faut que nous conve- nions qu'il s'agit de lavoir , non pas il les Co- mètes amènent aux hommes des biens dont ils ne font j)as un bon ulàge , ou des maux qui les convertilTent à Dieu •-, mais fi elles leur amè- nent ce qu'on a de coutume d'apeller ilmpie- ment des adverfitez.

§. XXXIX.

Guerre des Tranpis ^ de^s Efpagnofs.

Pour la campagne de l'Ifle on m'avoiiera qu'elle a fait beaucoup plus de bien que de maU Comme ce n'étoit pas tant une guerre qu'une prilè de polTèirion des biens qui apartenoient à la Reine , Se qu on refufoit de lui rendre , quoi que Ion droit eût été juftifié & lignifié à toute l'Europe , par les ûvans livres que le Roi fit publier en diveriès langues , on entra dans les terres des Elpagnols làns y faire aucun dégât. Ce ne fut pas allez pour la bonté de ce grand Prince : il fît enfbrte que les païs par lès troupes dévoient palîèr , fulîênt délivrez des alarmes que l'aproche d'une armée a de coutu- me de jetter dans les efprits. Il fit publier par avance , qu'il ne pretendoit pas rompre la paix des Pyrénées , ni troubler les artifans dans l'e- xercice de leur métier , ni les laboureurs dans la culture des terres , ni ks moiflbnneurs dans le travail de la récolte , ni les Marchands dans leur trafic , ni rien faire de tout ce qui rend la marche des armées incommode aux peu- ples.

Le progrès de lès armes fijt à la vérité lur- prenant, & tout ce qui olà lui refifter fuccom- ba bientôt fous le poids de ù valeur , de vi-

6^ Penfées diverjes,

gilance , Se de cette fàge activité avec îaquelîs il vient proiTitenient à bout des chofes les plus difficiles. On le vit percer comme un foudre tous les Païs-Bas Catholiques , 5v y faire plu- iieurs tours Z<. retours , lai fiant par tout des marques éclatantes de viâ:o!re. Mafs après tout la manière dont .il traitoit les vaincus ne leur étoit nullement à charge. Bien loin de dire comme ce Prince dont il eft parlé dans la (i) Euan- Parabole de l'Evaagiîej (i) Jnimicos meos il- ?fi" ]^~ los , qui mluenmt me re^aare fuper fe , axlducite Luc. cap. ^^^ ' ^ interjicrte ante me : Amemez, ?noi ces 15, V. 2p. ennemis qui n'ont pas 'vonlu me reconmitre four leur Roi y ^ les tuez, en ma. prefence j Majefté leur donnoit mille marques de bonté Roiale : Se c'a été un bonheur iniigne aux villes qui fu- rent conquises cette campagne-là , de n'avoir pas eu la force de relillier 5 car fi elles fufTent demeurées fous la domination d'Elpagne , elles n'eufïènt pas joui de la fecurité elles ont été plongées pendant la dernière guerre. La puif^ iànce du Roi les metoit à couvert de toute for- te d'inquiétude , elles ne craignoient ni fiege ni blocus ; au lieu que toutes les villes qui n'é- toient pas à la France , étoient dans de conti- nuelles fraicurs , au milieu de leurs marais, de leurs inondations , de leurs citadelles , 8c d'une prodigieufè quantité de troupes. Rien ne les aiTuroit. S. M. n'avoit qu'à partir dans une Êifon qui eût été feule un ennemi invincible à d'autres Conquerans, pour jetter une fi grande peur dans toutes ces villes , que la vue d'un ï\çgt formé devant les plus fortes n'en pouvoit raflûrer aucune.

C'a donc été un grand bien pour les villes qui pafferent au pouvoir du Roi l'an 1667. d'a- voir été fubjuguées par nôtre invincible Monar- que. C'a été d'ailleurs un bien au Roi d'avoir uni à fcs Etats d'une manière fi glorieufè tant

de

Tenféei diverfes. 6j

de villes floriflàntes : & un bien beaucoup plus conliderable , qu'il n'eft deiàvantageux à l'EjP- pagne de les avoir perdues ■■, parce que leur fi- tuation fait que nôtre Roi en peut tirer de grandes utiiitcz , au lieu que h même fituation eft ca'jfe que le Roi d'Éipagnc ne s'en peut prefque point fèrvir. Ainii j'ai droit de con- clurre que les évenemens de la campagne de l'Ile ont fait plus de bien que de mal.

§. XL.

^^e l'Efpagne feroh bien d'i^handonner les ^aïs-Bas.

J'ai ouï dire à un habile homme que tous ces Etats eue le Roi d'Elpagne pofTede dans des pa'is éloignez , détachez les uns des autres , lui ibnt plus à charge , qu'ils ne lui fervent j 6c que s'il connoiSbit fes véritables intérêts , il ieroit dans \cs fèntimens du Roi ( i ) Antio- (i) An- chus , qui aiant été contraint après la perte de tiochus la bataille de Magneile de céder aux Romains .^f^s""^ tout ce qu'il poïlèdoit au deçà du mont Tau- ^^-j^ ^^^ lus , déclara qu'il s'eftimoit fort obligé à ces poftea Meffieurs , de ce qu'ils l'a voient déchargé du quàm à ibin de garder un grand pais , qu'il n'eût pu ^'^^ÇJf"® deiïèndre qu'avec des peines 8c des pertes con- TTuro"te- tinuelles. C'eft-à-dire que fi le Confeil d'Efpa- nus re?na- gne connoilîbit bien les véritables intérêts de le juflus la Couronne , il nous remercieroit d'avoir fi ^^^^ > o"^' confiderablement diminué les foins qu'il lui fe- "^"^^"^ loit prendre pour la confervation de tant de M^mqu» villes, & Ibuhaitteroit d'être entièrement dcii- eft nunc vré de cet embarras. On faifoit dire aux Efpa- noftra gnols pendant la longue guerre qu'ils ont eue ^'■oj:'"^'», avec la Hollande , ^ue leur maure auroh puni ^\^cTe eft ces rebelles il y a long tems , fi des confiderations rolitus,be- d'Etat ne l'en empéchoient j mais qn'il confervoit nignè fibi

ce

ï Populo Romano cfTe fac- tum qiiod rimis mi- gna procu- ratione li- beratus, modicis Regni ter- minis uce- retur. Cicer. Orat.pro Dcjot, "Voiez les Poëfies Latines de Balfac, p. 4Z.

6^ 'Penfées diverfeL

ce Ta'ù de contradiciion , comme le tnmege ^ îa fale d'efcrime de [es légitimes fujets , ajin de les tenir en haleine par un exercice continuel. Je vous aïïurc , Monfieur , que cette railbn ne fubfifte plus , & qu'il y a prcfcntement fi peu d'Efpagnols , qui profitent de l'occafion de s'a- guerrir , que les guerres de Flandre leur four- nilîènt, que cen'eft pas la peine d'en parler. Il vaudroit mieux dire qu'il faut conferver les Païs-Bas , afin que l'humeur Françoifè naturel- lement bouillante 8c ennemie du repos , trou- vant là dequoi s'occuper , lailîè les Espagnols dans la paiiîble poflèilion de leurs biens , 8c n'aille pas troubler la taineantife qui s'efl empa- rée de la Nation. Mais cela même devroit obliger le Confeil d'Efpagne à le défaire de la Flandre , parce que fi les Elpagnols venoient à être attaquez dans leur pais , il efl probable qu'ils reveilleroient cette ancienne valeur qui les a rendus fi celel^çes , 8c qu'ils ne fe repo- ièr oient pas , comme^'ils font , du foin àç^ sS' faires générales , fur la vigilance d'autrui.

Il cil fur que Majefté Catholique gagne-' roit beaucoup à faire ceflîon des Païs-Bas qui lui refient 5 car outre qu'elle delivreroit de la peine de conferver un pais , d'où elle ne re- tire rien , 8c qui pour tout revenu n'envoie en Efpagne depuis plus de j-o. ans , que des nou- velles à blanchir les cheveux à tous les Minif^ très d'Etat , il lui feroit bien plus glorieux de s'en défaire de bonne grâce , que de s'en voir dépouiller peu-à-peu en cent manières honteu- fès, comme font par exemple, les arrêts qu'on lui fait iignifier par un Sergent. Cette même eefTion feroit aufifi l'avantage des Païs-Bas Efpa- gnols, l'on ne fàuroit voiager fans efcorte, qu'on ne fbit rais en chemifè par les voleurs des grands chemins , ce qui ne feroit pas fous ia domination de la France, C'efl dom- mage

PenféeJ diverfis^ 6^

m3.ge qu'un fi beau pais fbit entre les mains d'un Maître, qui ne peut pas feulement le def- fendre contre les voleurs j &:• doit-on trouver mauvais que NOTRE GRAND P R I N- C E , ^ui a toujours aimé les Fiamans , leur té- moigne tant d'envie de les délivrer des garni- ions EJpagnolles , qui au lieu de les protéger , volent impunément par tout , comme li les voiageurs dévoient porter la peine de ce qu'on n'a pas aflex d'argent à Madrit , pour paier les foldats de Flandre?

D'ailleurs quelle mortification n'eU-ce pas pour la Nation Efpagnolle , qui afFedoit tant de l'emporter fur nous , &. qui autrefois rem- plifToit de jaloufie toutes ks Cours de l'Euro- pe , de les accabler à prefent de plaintes , de mémoires , 6c de fjpplications , pour en être protégée contre la France , fans trouver aucun Prince qui la fecoure ? Ce n'eft pas qu'on fbit bien aife que le Roi s'agrandiiTe comme il fait, ou qu'on foit perfuadé de la juflice de fes pré- tentions ; car encore que nôtre invincible Âlo- narque ne prenne que ce qu'il prouve lui apar- tcnir légitimement , 6c que félon la remarque de l'Auteur àes Droits de la Reine , il imite Jofué qui faiibit marcher à la tête de {es trou- pes l'Arche étoit enfermée la Loi de Dieu, nos voifins néanmoins ne goûtent pas la forcé de nos raifoiis. Ils diient qu'il faut avoir un elprit fbutenu de cent mille foldats , pour trou- ver dans les Traitez de Munfter & de Nime- gue , le fèns que nous y trouvons ; qu'aiîùré- ment ceux qui en ont drefle les articles , n'ont jamais cru qu'on pût les interpréter de la for- te, 8c que s'ils ont dit ce que nous leur faifons dire, ils ont agi comme ceux qui font ks Ca- nons àcs Conciles , qui en diient plus qu'ils n'en entendent j d'où vient que plufieurs fiecles après on découvre dans leurs exprefllons bien

yo Penfées diverfis.

des ^yfleres à quoi ils ne Ibngeoient pas. Qu'eft-ce donc qui empêche nos voiiins de- couter les confeils des Elpagnols ? La pure crainte d'attirer llir eux la foudre qui menace les autres. Mais revenons à nôtre fujet.

§. XLI.

Bonheur de l'année i662.

L'Année 1668. a été encore plus universelle- ment heureufè que la précédente , puis que par le Traité d'Aix la Chapelle, le Roi d'Eipagne recouvra une Province, qu'il n'eût jamais pu reconquérir, & s'afTura h poilêlfion de tout ce qui lui reftoit aux Pais-Bas , qu'il eût perdu in- failliblement Il la guerre eut continué. Par le même Traité , les villes conquifes la campagne précédente eurent le bonheur de demeurer à un Prince , qui leur a fauve une infinité d'in- (i) Ci- quiétudes, ( i ) comme j'ai déjà dit, 6c qui les deflus, maintient dans une prolperité que la crainte de S. 40. l'avenir ne traverfe pas. La paix trouva gé- nérale dans tout l'Occident , ce qui ièul ell un très-grand bien pour les peuples. Tous les Princes Chrétiens calmèrent leurs jaloufies &: leurs fbupçons. Et nôtre Roi enfin fe couron- na d'une gloire qui fufliroit pour Timmortali- lèr , quand même il n'auroit pas fait depuis tant de prodiges qui ont porté réputation aux quatre coins du monde 5 car il rendit gê- ner eufement des conquêtes que perfonne ne pouvoit lui ôter , cc renonça à tous les avanta- ges que la fortune lui prefentoit. Exemple de modération qui mérite plus de ioiianges que la conquête d'un Empire.

Après cela peut on dire que les Comètes de

1665-. ont été fuivies d'un horrible déluge de

maux? 2^ ne doit-on pas fc bien moquer des

' " - Mro,

Penfées dlver'Jès. jt

Aftrologues qui avoient publié qu'elles prefà- gcoient des chofcs épouvantables , des Schiirnes, & des Herefies prodigieu fes ? Il y en eut qui conièillerent à l'Empereur de s'enfermer pen- dant vingt jours dans un Palais bâti fur de très- bons fondemens , dans quelque vallée tenebreulè, 6c tout entouré de montagnes , comme vous le pourrez voir plus au long dans le (i) Theatnim i^\ y^j Cometicum d'un Gentilhomme Polonois, nom- pag. 17.' Sraniilaus Lubienietzki.

§. XLIL

Pacification du démêlé des Jefmtes é^ des J-anfeniJîes.

Mais ce n'eft pas feulement par la cefîàtion de la guerre que l'année 1668. a été heureuic: elle l'a été encore par un autre acommodement très-neceflaire au bien de rEglifè , &: très-diffi- cile à procurer j puis qu'il s'agiflbit de mettre la paix entre plulieurs Théologiens , qui etoient aux priies depuis long tems , Se qui étoient ca- pables de caufer un ichifme très-fcandaleux, ii l'on les eût laille faire. Vous n'ignorez pas, Monfieur , qu'on accule fort les gens de vôtre métier de s'échauffer pour des difputes de rien, êc de remuer ciel 6c terre pour avoir raifbn de leurs ennemis , quand ils les croient dans des erreurs confiderables. Un livre ne leur coûte rien à faire dans ces fortes docc^fions , rien ne leur eft aufli difficile que de mettre les armes bas. C'eil pour cela que l'on regarde dans le monde la pacification des Théologiens comme un ouvrage très-difficile. Je n'exam.ine point ii l'on a raifon de faire ce jugement , mais je ne laiflèrai pas de remarquer que la querelle des Jeiliites 6c des Janiénilles étoit regardée ayec raifon comme uae atoe de confequence - -- - &

qz Penfees diverps.

& très-makifée à terminer. Ce n'efl pas que le fujet n'en fût fort petit , puis que les Janfe- nifles ne ceilbient de dire , qu'ils convenoient avec leurs adverlàires dans les queftions de droit, Se qu'ils ne pretendoiait autre choie , inion que les propofitions condamnées par le Pape n'étoient pas dans le livre de Janfènius , ce qui efl: une bagatelle dans le fond ■■, car comme il n'importe au fàlat de perfonne de lavoir que Janfènius a été au monde , i\ n'eft nullement necefîàire de fâvoir fi les livres de Janfènius di- fènt ceci ou cela , 6c l'on fût fort bien pafîe de faire commandement à des Religieufes qui n'entendoient pas le Latin , de figner que Jan- fènius avoit enlèigné telles 8c telles do6lrines. Quelle neceflité y avoit-il qu'elles s'embarrai^ ûflènt la tête d'une fèmblable chofe ? Mais néanmoins de la manière que cette dilpute a- voit tourné, ce n*étoit plus une affaire indiffé- rentes l'autorité du Pape s'y trouvoit interefTée, \ts droits des Evêques s'y trouvoient mêlez, une infinité d'injures publiées de part 8c d'au- tre avoient étrangement aigri les efprits j on ne parloit que de Brefs du Pape , d'Arrêts du Confeil d'Etat ou du Parlement , de Lettres circulaires , de Mandemens Epifcopaux ■■> on prêchoit contre les Janfenifles , on emploioit quelquefois contre eux le bras ièculier , en un mot tout étoit dans une étrange confufion, lors que Sa Majeflé jufrement touchée de ces deiordres , 8c»voiant bien par ce grand difeer- nement 8c cette profonde fàgeiîê qui lui font propres , qu'à moins d impofer lilence aux par- ties , on ne verroit jamais la fin de cqs divi- sons , interpofà fon autorité , pour faire que Ion aquiefçât aux flgnatures qui avoient été faites Tous certains temperamens dont la Cour de Rome contenta, 8c pour empêcher qu'à l'avenir fcs fujets ne difïènt ni ne publiafîent

rien

Penfées diverfis. y^

rien fur les matières conteftées qui pût renou- veller la querelle. Ce fut le 23. d'Octobre 1668. que l'Arrêt de pacification fut donné , 6c par ce coup d'une ikge politique l'on arrêta le progrès d'une diipute qui avoit agité la France plus de vingt ans , Se. qui étoit capable de déchirer les entrailles de l'Eglifè. Or comme ce grand dé- mêlé avoit pris naifîànce long tems avant que hs Comètes de l'an 1 66_f. parufîLnt , & qull a été heureufèment afibupi trois ans après leur aparition , il feroit plus à-propos de foutenir que leurs influences ont été fort fàiutaircs , puis qu'elles ont fait ceiïcr les defbrdres qu'elles ont trouvez dans le monde , que de ibutenir qu'el- les ont été malignes.

Il n'efl pas neceflàire , Monfieur , que }e vous circonftancie les avantages que la France a retirez de cette pacification , car c'eft une cholè que vous devez ûvoir , 8c que vous fàvez effeftivement mieux que moi. Quand on ne nous auroit procuré par que la permiflïon de lire les livres de Meilleurs de Port-Roial , je ibutiens qu'il nous en ièroit arrive un grand avantage , non feulement parce que ce font des livres très-bien écrits, Se un gi-and modèle d'éloquence 8c de raiibnnement , mais aufli parce qu'ils nous aprenent une infinité de bel- les choies qu'on n'avoit jamais bien éclaircies. Par exemple , aviez-vous jamais ouï dire à vos précepteurs , juiqu'où doit aller nôtre fbumiP lion pour ceux qui veillent pour nos âmes ? Aviez-vous jamais ouï parler exactement à d'autres qu'à ces MelTieurs de la diflindlion du fait 8c du droit , 8c des choies qu'on efl obligé de croire de foi divine , ou de foi humaine ? Avouez qu'on vous avoit élevé dans une gran- de ignorance de ces choies , car on nous fait tant de peur dans nôtre Egliiè de cet eiprit qui veut conoître 8c raifonner , qu'on ne nous re- Tom, L D com-

jj^ Penfées dïverfes,

commande rien auflî exprefTément que de nous abandonner les yeux fermez, à nos Dire6leurs. Il efl: néanmoins certain comme ces Meilleurs Tont clairement établi , qu'il y a de la diftinc- tion à taire , 6c qu'il eft très-dangereux de don- ner dans ces maximes fans dilcernement j ii bien que nous leur avons tous àt^ obligations immortelles de nous avoir ouvert les yeux fur beaucoup de chofes , que l'on nous rend fuf- pedles mal à-propos.

Quelle obligation ne leur a-t-on pas d'avoir enfin introduit en France l'ufage de la Parole de Dieu en langue vulgaire , 8c d'avoir délivré l'Eglilè de la honte 6c de l'ignominie qu'il lui faloit efTuier continuellement , par les repro- ches que les Proteftans lui failbient , qu'elle de- roboit aux Fidèles le threfor des Ecritures ? Avant que l'on eût terminé tous ces diflferens, la verfion de Mons étoit fort perfecutée , 6c faifoit peur à la plus grande partie du peuple; mais depuis la paix que le Roi a donnée à l'E- glifc , on a fecoué le joug, 6c non feulement on lit iàns icrupule tous les Ouvrages de Port- Roial, que l'on n'ofoit lire autrefois , tant on étoit épouvanté par les Confeflèurs Moliniftes, mais aufll on lit avec beaucoup d'édification l'E- criture Sainte que ces Meflieurs ont mifè en Fran9ois. Je ne dis rien de tant de beaux li- vres de Morale 6c de Controverfè r'qu'ils ont publiez depuis l'Arrêt du î3.d'06tob. i668. ni de tous les Traitez, qui ont fi bien éclairci cet- te célèbre quefi:ion de la leârure de la Parole de Dieu en langue vulgaire , nos Contro- verfiftes s'étoient trouvez julques ici extrê- mement embarrafièz 5 car vous /avez aflîèz, Monfieur , de quel prix font ces Hvres-là pour être pleinement perfùadé de ce que je veux vous prouver ici , fàvoir qu'il s'efl pafiîe des choies très - avantagcufes au public , quelque

tenis

Penfées dtverfei» j^

tcms après l'aparition de deux ef&oiables Co-;

metes.

§. XLIII.

Conjidemtlon des malheurs arrivez pendant Us fept années ci^ae l'on a examinées.

Qu'on ne m'allègue point la pefte de Lon- dres de l'an 1665-. l'erabrafement de la même ville de l'année fuivante ; le tremblement do terre qui abîma la Republique de Ragule ea 1667. les embrafemens du mont Etna de 1669. & tels autres accidens , car ce font des chofes à la vérité funeftes pour ceux qui en fouffrent en particulier, (i) mais qui ne font ni d'une con- ^i) cafû» fèquence générale , ni fort extraordinaires ; ix il multîs hic feroit facile de montrer qu'en d'autres tems il cognitus, eft arrivé des malheurs de cette efpece bien ^ricuT&ô plus tragiques , comme l'incendie de Mofcou medio for- capitale de Mofcovie , qui fut toute réduite en tunx duc- cendres par les Tartares l'an 1^7 1. le tremble- tus acer- ment de terre qui abîma dans une nuit douze ^J* ' grandes villes d'Afie fous l'empire de Tibère j satfT,i\^ celui qui tua vingt mille habitans de Lacede* mone , 8c accabla la ville toute entière fous \çs ruines d'une portion du mont Taigetus 4.^9. ans avant J e s u s-C h r i s t } celui qui arriva dans le Canada en 1663. &: dans le Pérou en 1604. qui fit des bouleverfèmens prodigieux ea moins d'une heure dans une étendue de 300. lieues de côte Se de 70. en largeur ; l'embrafè- ment du Vefùve de l'an 163 1. la pefte qui a defolé depuis peu la capitale de l'Empire , qui a pourfuivi l'Empereur dans Prague il s'é- toit réfugié , 8c qui s'efl enfuite répandue dans plufieurs Provinces avec un dégât fanelle. D'ail- leurs ces trois ou quatre defordres doivent - ils balancer le bonheur aporté par tant de Traite:^ D a de

^6 Penfées diverfes.

de paix, & la profperité particulière de la Fran- ce , qui par l'aplication iiitatigable de ion Roi à tout ce qui peut contribuer à la félicité de la nation , par fes lumières &: par celles de ks Miniflres les mieux choilis , 8c les plus capables du monde, a vu établir Ôlqs Manufaélures , des Compagnies de commerce , des nouvelles loix pour l'extirpation de la chicane, un ordre mer- veilleux dans les Finances , ôc plulieurs autres chofès qui font une fburce de biens infinis tant pour le gênerai que pour le particulier ? Ne me dites point , je vous prie, que je n'ai pas pris un aflez grand terme , car il eft du ièns com- mun que 11 les Comètes prelàgent quelque cho- ie, c'eft pour les iix ou ièpt premières années qui les fui vent , & c'eft lur ce pied-là que Ton prouve leur malignité par l'Hiftoire.

§. XLIV.

Malheurs arrivez, dans l'Europe depuis l'art i6^f. jufquen \6fi.

Voulez-vous voir par plailir , Monfieur , une autre femaine d'années prifè à difcretion d'un tems repurgé de tout le mauvais air des Co- mètes ? Rcpallcz un peu dans vôtre mémoire ce qui s'eft fait dans l'Europe depuis l'an 1645'. jufques à la Comète qui parut fur la fin de l'an 165-2. Et remarquez bien que je prens jufle- ment le tems les longues guerres d'Allema- gne , aufquelles tant de Princes le trouvoient intereiîèz , ôc qu'on veut à toute force avoir été preiàgées par la Comète de lan 1618. pacifièrent à Muniier. Il me femble que c'ell donner à la Comète un aiTèz bon loilir de purger , pour prétendre qu'elle n'a plus rien à iàire dans les années que je marque ; fur tout a l'on confidere que je lui abandonne encore

ks

Penfées diverfes, 77

les trois dernières campagnes de k guerre des Alliez contre la Maifon d'Autriche , lelquelles trouvent dans les lept ans que j'ai choilis , Se qui ibnt remarquables par plufieurs fànglantes expéditions, entre autres par la bataille de Nor- lingen, Mr. le Prince de Condë (i J van- (i)_ Le j-, gea 11 glorieufement l'affront que les Suédois ^^^ ^^4^» avoient reçu dix ou douze ans auparavant au même lieu: & par le (i) iàccagement de Pra- (i) i6.de gue , qui reduifit pluiieurs Dames de la pre- r^iHec miere qualité à la dure condition d'être en ^^'^^' chemiiè dans la rue. Sans compter tout cela je trouve àts maux épouvantables dans les an- nées que j'ai choiiies , 6c particulièrement un efprit de jfedition furieuiè.

J'y trouve le Roi (3) d'Angleterre condam- (9) Le^; à mort 8c décapité par Tes propres fujets de Fe- avec des circonftances horribles. J'y trouve ^S'^"^' le Roi fon fils contraint de le cacher dans un chêne après avoir vu tailler en pièces toutes fes troupes à la bataille de Worcefter, (^4) 8c ^4)J^«iî.' enfin de fortir de ion Roiaume dans le plus ,6j//^' trille équipage du monde , trop heureux de tromper à la faveur de ce deguilèment la rc- (y) Majua cherche exaâ:e que l'on failbit de peribnne , erat impe- pour lui faire le même traitement qu'à ion pe- """^ ^^" re. Je trouve la France déchirée d'une cruelle ^^^^^ guerre civile , qui lui fait perdre prelque tou- u^ \\\\s tes les conquêtes de douze campagnes, 8c ièn- externis tir la pernicieufè honte de fe détruire elie-mê- viribusex-

me, dans un tems ou elle feule le pouvoit fai- '»"="' pof-

1 1 -in. ' ^ 1 / N n f^t:, &c.

re du mal , comme il eft arrive a la ( j-) Re- p/o^^^ /,^,

publique Romaine. Je trouve le Roiaume de 4 c^;>.2.

Naples Ibulevé contre ion Prince. Je trouve

les François en guerre avec les Efpagnols dans {6) Voies

la Flandre , dans l'Italie , dans la Catalogne. Je IJ^'^^J.^®

des Cofa- ques par

voi le Portugal armé contre la Hollande , 8c contre l'Efpagne tout à la fois. Je voi Kmiel- iTsr.cli*- niski General des ( 6 ) Colàques révolté contre valicr. D 3 la

(j) L'an .1648.

(i) Voiez

j'Etat de l'Emp. Ctcom. par le Sr. Kicauc.

(3) I^e i7.

Août

1^48.

78 Tenfiei diverjès*

k Pologne, 8c ligué' avec les Tartarcs , rcmpKr ce Roiaume de deiblation. Je le voi qui pro- fitant de la mort du brave Roi Uladiflas , fait entrer le Cham dans la Pologne, & joignant à lui afl'icge avec une armée qui n'avoit point eu pareille depuis Attila , les Polonois dans leurs retranchemens , 8c les réduit aux derniè- res extremitez. Je voi que la paix conclue le 17. d'Août 1649. à des conditions très-deià- vantageules à la Pologne , aiant duré fort peu de tems , l'irruption des Cofaques & des Tar- tares recommence de plus belle , caufè mille fàccagemens , fe termine à la vérité par leur déroute , mais ne laifîè pas d'être une enchai- nure de ravages 6c de maux. Je voi les ( i ) Mofcovites dans un fbulevement li furieux, que ks premiers Miniftres d'Etat ne trouvent point dans le Palais de l'Empereur un afile qui les mette à couvert de l'inlblence des mutins. Il faut que le Czar leur abandonne les vidtimes qu'ils demandent , qu'il endure que fès princi- paux Officiers ibient afîbmmez a coups de bâ- ton , &; qu'après avoir fait évader Ion bcau-fre- re qui étoit aufll fbn favori , il demande grâ- ce au peuple. Je trouve ( 2 ) dans Conflanti- nople des feditions fi horribles , que le Sultan Ibrahim après avoir été contraint d'abandonner le Vizir Azem à la fureur des mutins qui l'é- tranglerent , fut ( 3 ) étranglé lui-même. Ce n'eft pas tout. Les Janifïàires 8c les Spahis , qui font les principales forces de l'Empire Otto- man, s'aigrilîènt de telle manière les uns con- tre les autres , qu'ils Ibnt prêts à décider leurs differens par la voie àts armes. La Sultane Kiofèm qui gouverne l'Etat pendant la minori- té du jeune Sultan fon petit-fils , fe prépare à le taire étrangler par les Janifïàires j mais la mère du Sultan par une contre -ligue la pré- vient , la fait étrangler , ôc feit périr les princi- paux

Penfées diverjès, jg

paux Officiers des JanifTàires. Je trouve les Vénitiens aux prifes avec les Turcs , ce qui cau- des iàccagemens Se des malheurs épouvanta- bles à tous les peuples de la Dalmatie 8c de l'Ar- chipel. Je trouve cent autres deibrdres dont le détail vous ennuieroit , &: qui ne me paroît pas necelTàire pour vous faire avouer, qu'il s'en Faut beaucoup que les fèpt années que j'ai prifès à la fuite de deux Comètes , ne Ibient remplies d'autant d'évenemens fâcheux , que les fèpt qui n'ont été prilès à la fuite d'aucune Comète, mais au contraire au devant de. celle de 165-2. Se à la fuite du tems l'on achevoit l'expia- tion de la Comète précédente , par la paix gé- nérale qui fe negotioit à Munfter.

Avouez donc, Monfieur , ^u'ilefi des maî- henrs fans Comètes , ^ des Comètes fans malheur Sy Se qu'à raifbnner comme l'on fait ordinaire- ment , ks negotiations de Munfter devroient paflèr pour un figne des fléaux de Dieu , puis qu'elles ont été fuivies de tant de malheurs prefque par toute l'Europe.

Nôtre ami à proverbes ne manquera pas de dire , cju'une hirondelle ne fait pas le printems. Je lui répons par avance , que s'il feuilleté diligem- ment les Hiftoires , il trouvera des exemples de même nature tout autant qu'il en voudra. Le ( I ) Theatrum Cometicum que je vous ai (ï)vo3.2» déjà cité, en fournit deux bien remarquables, ^zg.^jl "' Un Auteur Allemand du dernier fiecle nommé Elle Major (2) en fournit un très-grand nom- (2^ Jq jj, bre, 8c remarque exprelTément que les plus ce- bello de lebres Traitez de paix fe font conclus fort peu Cornet, après l'aparition de quelque Comète j que plu- fieurs nations Idolâtres ont été converties à l'E- vangile dans un tems qui avoit ce même carac- tere-là, 8c qu'on peut dire la même choie de ^5) On-^ la fondation de plulieurs célèbres Univeriitez. i.^ontr» Le Philofophe ( 3 ) Charemon nous aprendroit Celfuœ, D 4. bien

8o Penfées diverfes,

bien des chofes fur ce fui et , fi nous avions îc livre qu'il avoit coû:îj>ofe , pour faire voir que la plupart des Comètes avoient été le prefàge de grands bonheurs. Que nôtre ami feuilleté donc \ts Hifloires , ôc il trouvera àç.s exemples abondamment. Je n'oièrois vous dire la mê- me chofe, à vous, Monlieur, qui n'avez pas tant de loihr que lui , Se qui occupez fi bien vô- tre tems à la kdture des Sts. Pères 8c de St. Tho- mas. Ainfi je me retraite des exhortations que fr) Ci- J^ ^^"'^ ^^ faites, (i) ôc je me vois obligé à ne deiTus compter pas plus fur cette V. Raifon toute de- pag. 60. cifive qu'elle eft , que fur les autres , parce que vous n'en fauriez voir la force fans entrer dans la difcufilon de plufieurs faits , 8c iàns bien cal- culer le bien 8c le mai arrivé en divers tems par tout le monde} ce qui ne s'accorde nullement avec la kârure de tant de Canons , de tant de Conciles , de tant de Pères , de tant de Théolo- giens , de tant de Cafuiiles , à laquelle vous vous êtes conlàcré. Je tâcherai de remédier à cet inconvénient par une raifon qui ne deman- de aucune le<£lure , 8c qui eft d'une efpece toute (i) Ci- particulière , comme je vous l'ai déjà (2) dit. deflus Mais avant que d'en venir là, je prévois que je pag.12, yous dirai encore bien d'autres chofes.

A..,, le 2. de Mai, 1681.

§, XLV.

yi. Raifon: ^e la ferfuafon générale des peu- ples n'efc d'aucun poids pour prouver les mau- 'vaifes influences des Comètes,

JE n'ai pas encore épuifé les raifons Philofb- phiques , car en voici encore une, Monfieur, qui n'eft pas peu confiderablc. On peut ajou- ter en lixiéme lieu , qu'on ne prefcrit pas con- tre la vérité par la tradition générale, 8c par le

con-

Penfées diverps. %l

confentement unanime des hommes : autre- ment il faudroit dire que toutes les fuperftitions que hs Romains avoient apriiès des Tofcans iur le fait des augures oc des prodiges, Se tou- tes les impertinences des Paiens fur le chapitre de la divination , etoient autant de veritez incon- teftables , puiique tout le monde en étoit auflx prévenu que des prelages des Comètes. Il fau- droit dire que le Diable, qui eft le peredumen-

fon<^e félon le témoignage de (i) Tesus- ^V .'^ „. ^ , & P 1 •' 1 eu venta*

Chris T, a rendu neanmoms pendant une Ion- {^ eo, cura

gue fuite de iiecles , des oracles pleins de veri- loquicur , de iîncerité 6c de fidélité ; car il a été un menda- tems toute la terre rendoit honneur & hom- cium, ex mage a cqs oracles. Il ne 1èr oit pas polfible de fo'qmtur repondre à ce railbnnement raporté par (i) Ci- quia men» ceron , ^te jamais l oracle de Delphes m fût de- dzx eft Se verni, ji ceLcbre, ^ ojie jamais tous les peuples ^ p^ter ejus. tous les Rois n'y euffent envoie tant de pYefem , jt r/^'^^fl * tous les jie clés ncujj'ent expérimenté la vérité de cap. 8.' fes reponfes. Cela paroît aiîèz plaufible, 8c l'Au- v. 44. teur de cette peniée ne croit pas qu'après une raifon de cette force, il ibit necefîàire de jufli- (^) De- fier , comme avoit fait le Philolbphe Chrylip- ^^"'io pus , par des témoignages bien autorilèz, qu'A- na^quam" poilon avoit rendu une infinité de vrais oracles, iHud Ora- Mais ce n'eft rien dans le fond , pourvu qu'on culum nie le principe fur lequel ce raifonnement ell: Deîphis apuié , lavoir , c^ue les opinions généralement éta- ^^^ ^ blies font vraies^ ôc qu'on ràiiè voir qu'il n'y a jam cla- rien de plus faux que cette maxime , par l'e- rum fuif- xemple même de l'oracle d'Apollon que l'on fet, nequc confjitoit de toutes parts , quoi que fes repon- t;ntis do- ies ambiguës eulïènt été un piège funelle à plu- jùrn ^ ^^* fleurs nations , 8c ne fuifent après tout qu'une omnium impofture abominable. Il n'eft pas d'ailleurs p^pulo- fort diificiie de prouver qu'on nie ce principe '■^•'^ ^^"e avec raiibn , car on découvre tous les jours ^if,'""^ '• mille bévues dans les opinions les plus gênera- ^xxi oral* D _f les,

eulorum illorum veritatem effet ex- perta. Cicer. de Divinat, kb. I.

82 Penfées diverjes,

les , comme font par exemple , celles qui re- gardent la Canicule. Non feulement la raifon nous montre qu'il n'y a rien de plus faux que la prétendue chaleur de cet afterifme, mais l'expé- rience auffi nous fait voir , quand on donne la peine d'y prendre garde, qu'il arrive plus fou- vent , que le mois d'Août n'efl pas le plus chaud de toute l'année qu'il n'arrive qu'il le ibit.

§. XLVI.

exemples de qu^lcjues opinions générales , qui font faujfes.

Ce qu'on a coutume de dire de certains re- mèdes , qu'il faut y avoir de la foi fi l'on veut qu'ils fallênt leur effet , peut apliquer à quan- tité de traditions. Voulez-vous n'en être pas deiàbufé , croiez-les fans les examiner , car fj vous vous amuièz à vous en éclair cir par vous- même avec un eiprit difficile, vous trouverez bientôt que l'expérience ne s'accorde pas avec la voix publique. En voici des exemiples.

S'il y a àts corps celeftes dont ks influences puiflênt être de quelque vertu à l'égard de la ter- re , c'eft fans doute la lune à caufè qu'elle en eft fort proche, Auffi eft-on fort perfuadé qu'elle dl caufe de bien des choies. C'eil elle qui fait croître & décroître la moiielle 6c la cervelle des animaux : qui ronge les pierres : qui règle le froid &. le chaud , les pluies £c les orages. Car fi le tems efi à la pluie lors qu'on a nouvelle lu- ne , ne vous attendez pas à voir revenir le beau tems avant que la lune foit pleine. Si alors la pluie ne celle pas , faites vôtre compte qu'elle durera jufqu'au renouveau de la lune : & ainiî de la iècherelîè, de la gelée, &c. par la raiibn, que c'eft aux conjonâions & aux opoiîtions de k lune qu'il apartient de changer le tems. Et

de

Penfées diverjes, ^9'

de vient que parce que dans la converiàticn on retombe tort fouvent fur le difcours de la pluie , du froid , de la fecherefle , ou de choies ièmblables , on entend ii fouvent ceux qui ie plaignent du tems qu'il fait , s'entreconlbler par l'efperance de la nouvelle ou de la pleine lu- ne, qui, à ce qu'ils prétendent, y aportera du changement. Vous ne me nierez pas , Mon- Ceur , que ce ne fbient de ces fentimens qui font de tout pais , 6c communs à toute forte de perfbnnes.

Cependant ceux ( i ) qui ont pris la peine r , y,^ 20. & 30. années de fuite d'examiner la moiiel- Rohault'a» le à^s anim.aux , ont remarqué qu'en quelque Phyf.i. état que foit la lune , on trouve des os qui ont P^rt. beaucoup de moiielle , 8c d'autres qui en ont f^^* ^J" fort peu : ce qui fait voir que la lune n'a point Penf^ch? de part à tout cela , non plus qu'à la plénitude iS.part.j; plus ou moins grande des écrevices ôc des hui- très , car on a remarqué auifi qu'elle ne roule point félon les viciffitudes de la lune , quoi qu'en difè l'erreur populaire. Je dis la même choie touchant le changement du tems , 6c je foutiens après y avoir Ibuvent pris garde, qu'il n'eft affeâé à aucun état de la lune que ce puif^ être, 8c qu'il n'y a aucun jour dans le mois lunaire le pafïàge de la pluie au beau tems , du dégel à la gelée, par exemple , faffe plu- tôt que dans tous les autres. Si nous avions des obièrvations bien iuivies, nous trouverions que la température de l'air conforme ii peu à la nouvelle ou à la pleine lune , qu'on compteroit autant de mois le tems a été (ce , quoi que le retour de la lune eût été pluvieux , que de mois pluvieux après un retour de lune plur vieux , 6c au contraire : tant il eil vrai que les changemens du tems ne fuivent aucune règle qui nous foit conuè. Il me ièroit aifé de mon- trer que k raifon eft en ceci tout-à-fait contre D 6 k

^4 P en fée s diverjès,

le lentiment commun : mais j'aime mieux me ièrvir de l'expérience, 8c mettre en fait que il Ton y prend bien garde , on la trouvera con- traire à ce que tour le monde débite ■-, 8c fur ce- la je remarque qu'il n'efl: pas étonnant qu'une erreur devienne générale , vu le peu de foin qu'ont les hommes de confulter la railbn, quand ils ajoutent foi à ce qu'ils entendent dire à d'au- tres , 8c le peu de profit qu'ils font des occafions qui leur font offertes de & détromper.

Permettez- moi de vous demander , Mon- iteur , ii vous avez jamais pris garde à cette multitude d'Auteurs , qui ont dit les uns après les autres , quun homme pefe plus à jûn , qu'a- cres le refais ; qu'un tambour de peau de brebis fe cre-ve au Çon d un tambour de peau de loupj que les vipères font mourir leurs mères en fortant de leur ventre , 0> donnent occafon à la mort de leurs J)eres au premier moment qu'elles font formées , Se plufieurs autres chofes de cette nature. On ne s'eft pas contenté de raporter cela comme des faits avérez , on a pris encore la peine d'en chercher la caulè,on a fait des exclamations là- deflus à perte de vue , les moralitez ont été de la partie , les Avocats s'en font fait honneur dans le Barreau , les Prédicateurs en ont tire mille belles comparai&ns , on a donné dans les Claiîès une infinité de thèmes fur ce fujet. Ce- pendant ce lont toutes chofès contraires à l'ex- périence , comme l'ont vérifié ceux qui ont ea la curiolité de s'en éclaircir.

§. XLVII.

^elle efi U véritable canfe de VatUorité d'um opinion.

Il paroît de que les Savans ibnt quelque- fois une auflî méchante caution que le peuple.

PenÇées dlverfes. 85

5c qu'une tradition fortifiée de leur témoignage n'eft pas pour cela exemte de faufîèté. Il ne faut donc pas que le nom 6c le titre de Savant nous en impofè. Que favons-nous fi ce grand Do6teur qui avance quelque doârine a aporté plus de façon à s'en convaincre , qu'un ignorant qui l'a crue fans l'examiner ? Si le Dotleur en a jrait autant , fa voix n'a pas plus d'autorité que celle de l'autre , puis qu'il eft certain que le té- moignage d'un homme ne doit avoir de force, qu'à proportion du degré de certitude qu'il s'eil acquis en s'inftruiiànt pleinement du fait.

Je v^ous l'ai déjà dit , 5c je le répète encore i un icntiment ne peut devenir probable par la multitude de ceux qui le fuivent , qu'autant qu'il a paru vrai à plufieurs indépendamment de toute prévention , & par la feule force d'un exa- ^

men judicieux , accompagné d'exactitude , 6c w

d'une grande intelligence des choies : 6c com- me on a fort bien dit , qu'un (i) témoin qui , »p, . a vu efl plus croiable que dix qui parlent par eit ocub- ouï direion peut auffi afTùrer qu'un habile hom- tus refti» me qui ne débite que ce qu'il a extrêmement me- ""^s» dite , 6c qu'il a trouvé à l'épreuve de tous fes ^"?^ ^^ doutes, donne plus de poids à {on ièntiment, J-^^ ^" que cent mille eiprits vulgaires qui fuivent Piaut, comme â^ts moutons j 6c repoiènt de tout fur la bonne foi d'autrui. Et c'efl à caufe de (1) Vt cela fins doute que Themiftius 6c Ciceron ont ^P'^^ ra- declaré fi nettement , le premier qu'il croiroit pj^"""^ plutôt à ce que Platon lui feroit entendre d'un j^^^ affer- figne de tête , qu'à ce que tous les autres Phi- ret, vide lofbphcs lui affirmeroienr avec ferment : 8c le <î"id bo- dernier , que la feule autorité de Platon fans au- f^^"' ^"' cune preuve briièroit toute l'increduHté de fon ;nn"l' ,„

f ^/ V ipia auto-

5%lt. (2> ritace me

frangeret , Tufcu- Lin. 3.

D 7 §. XLVIIL

Z6 Tenfées diverjès.

§. XLVIII.

^«'/7 ne faut pas juger en Philofophie par la plu-* r alité des 'voix.

Je n'apjwouve pas ces manières , mais j'en reviens toujours la , qu'il ne faut pas compter \ts voix , qu'ii faut les pefer , Se que b méthode de décider une controverle à la pluralité des (i) Sed^ voix , eft fujette à tant (i) d'injuftices, qu'il bus ^ifuni "^ ^ ^^^ rimpolTibilitë de faire autrement qui eft,nume- ^^ l'ende légitime en certains cas. Vous voiez rantur aiîèz. d'où naît cette impollibilité i c'eft qu'il enim fen- n'y a perfonne fur la terre qui puiiîè determi- tentix non j^^j, ^^ j^^^ combien un fuftage vaut plus que ti^nec^' ■^^^tr^> S"^i ^^t ni ia jurifdidtion ni les lumières jQll in necelîàires pour réduire les , opinions des mem- publico * bres d'une compagnie , chacune à fon jufte coiiû^io prix, de forte qu'il faut neceiîàirement tolérer pote ne- ^^^ Yunç. vaille autant que l'autre dans certains cas. ni'hil eil ^^^^^ P"^^^ S"^ ^^^ controverfes de Philofophie tam ina- ne ibnt pas de cette elpece, il nous efl fort per- quale, mis de compter pour rien les fùfïrages d'une quatn infinité de ^ens crédules 8c fuperflitieux , & ipla, nam d aquiefcer plutôt aux raifons d un petit nom- cùnî ûc t)re de Philofbphes. Ainiî , Monfieur , fins impar avoir égard à vôtre vo.\ populi , i-ox Dei, afo- prudentia, rifme qui autoriferoit les penfées les plus ri- par om- ^^i^ules , on le fuivoit j je fèrois fort d'a- eft. Pli- ^^s ^^ ^^ examinât premièrement s il elt vrai »/«s epij, que ks années qui ont fuivi de près les Co- la. /. i. raetes aient toujours été remarquables par des évenemens plus tragiques que ceux qu'on voit arriver dans d'autres tems. Si l'on trouvoit que la chofè fut ainii , on poufTeroit fcs recher- ches plus loin, & Ton examineroit quelle peut être la caufè delà liaifbn de ces évenemens tra- : giques avec les Cometeî. Si l'on trouvoit que la

chofè

Tenfées diverfes, 87

choie fût autrement , on tâcheroit de defabulèr le monde de fes faulîes imaginations fur ce point-là , & l'on ne feroit pas plus de cas de la fauflèté , ibus prétexte qu'elle fèroit répandue par tout le monde , que fi elle n'étoit que la maladie de deux ou de trois perfonnes. Auflî bien , comme le remarque Ciceron , (i) n'y (i) An a-t-il point d'apparence de faire cas d'un juge- quicquam ment rendu par une multitude de perfonnes, ^^'""s dont chacune priiè à part eft fi peu capable de fingu]os"°* connoître la choie, que fon fentiment n'eft ficuc ope*, d'aucune coniideration. rarios,

barba rofl

^- ^^^^' temnas,

eos aliquîd

Combien il e(i ridicule de chercher les cnufes de pmare efie

ce qui n'efi poinf. univerfos?

Cet ordre eft aiîùre'ment plus naturel , 8c d'u- ^afi, '^*, ne plus grande commodité , que celui par le- quel on cherche ce que c'eji qu'une chofe , avant que d'avoir vuidé la queflion , fi elle exijîe 'vé- ritablement. Il y a tant de choies effeâ:ives dont la recherche peut occuper nôtre étude , qu'on ne iàuroit trop blâmer ceux qui emploient leur tems à trouver la raiibn de ce qui n'efl pas, 8c qui plaiiènt à faire diveriîon des forces de leur eiprit au préjudice de la vérité , comme ce (2) Philoibphe qui aprit avec chagrin que la ft) Voiei laine qu'on voioit iùr des figues aportées fur la ^^' EfTais table, venoit de quelques brebis qui s'étoient ac- ,.^ Mont, crochées à un buiiîbn planté au pied du figuier, châp/ 12. parce qu'il perdoit par le fruit d'une aiîèz ceci eiî longue rêverie , 8c la gloire d'avoir imaginé à attribué

force d'y penfer une raiion'qui montrât com- ^ P^^'O"

^ \^ -, . ' / ^ 1 ente un

ment cette lame avoit ete produite par un ar- ^^ j^i-e*

bre. Je voudrois pour l'amour de Plutarque ment.

qu'il eût repondu à la queflion , Fourquoi les

puhins qui ont été courus du loup deviennent meil-

leurs

* 88 Penfées diverjes.

(\) Part, leurs counurs que les autres , ce que (r) TAii-

3. chap. teur de l'Art de penfer lui fait dire fort fpiri- '*• tuellement , que c'eil parce que peut-être cela

n'efl pas vrai. Mais aiant lu &: relu Toriginal

du 8. chap. du 2. livre des propos table, dans

lequel cette qucltion clr examinée , je n'y ai

(2) Lib. point trouvé cette reponfe. C'cfc dans (2) Se—

4. natu neque que j'ai trouvée quelque cholè de fort rai. qusft. ^prochant lur un fujet aiïez, curieux , fàvoir *^^* '^' lut la fuperftition des habitans de Cleoue ville

du Pcloponelé , qui commettoient certaines peribnnes pour prendre garde s'il devoit grêler, & pour en avertir le publier parce que fur i'avis qui en étoit donné, chacun oiÎToit promtement quelque facrince , ou le fiifoit queiqae incifion à la main, 6c detournoit ainh la grêle de defliis ion champ. On raiibnnoit fur cela , Se quel- ques-uns le tourmentoient fort pour trouver la caulè qui faifoit qu'une petite incifion con- traignoit les nues à reculer ou à fe detour- r 1 O' an- "^^'' ^^^ '^^ combteii t'aloh-il mieux , dit Sene- toexpedi- 9'^^ ' fiutenir que c' étoit une fouriierie , ^^ ung tius erac falfle ?

dicere , Montagne , de qui Meflîeurs de Port-Roiaî

^^" & qui ne font gueres de ks amis , difent (4.) quel-

cium

fabula eft? ^^^ P^^^ ' ^^^^ 'fi'di^^nt jamais conu les véritables grandeurs de l ho-mme^ il en a ajfez. bien conii les (4) Dans défauts ■■, eft en ceci du fentiment de Seneque. l'Art de Ecoutez-le parler en fon vieux Gaulois , qui 3 a%aYc! iouvent plus de grâces , que les périodes le» chap» 19. pl'is étudiées de nos puriftes. (f) ^e revajfois prefenteme?2it com?ne je fais fouvent , fur ce , com- (5-)Eflai$ ^;>;2 l humaine raifm efi un inflrument libre ^ c^pl\i, '^^è^^' 7^ "^^'-^ ordinairement que Us hommes t aux farts qu'on leur propofe , s'amufent plus vo- lontiers à e,s chercher la raifon , qu'a en chercher la vérité. Ils paffent par deffus les prefupoftions, m^.ts ils examinera curieuf-ment Us coiifeqacnces, ils latjj'em ki chofes,^ cmtmt (*HX caufes. Fiai-

fmis

Tenfées Mverjès. S 9

fans Cftufeurs. Ils commencent orà'mairement ain- fii comment eji-ce que cela fe frit? Mais ,fe frit- il, fr.udroit-il dire i Je trouie quafi par tout qu'il faudroit dire, il n'en eft rien, ^ cmflûierois foUr- vent cette reponfe, mais je n'ofe , Sec.

Il y a bien des gens qui font ce que dit Mon- tagne , qui laiiîènt les chofes , 6c courent aux cauies ; c'étoit le défaut d'Avicenne , grand Mé- decin en raifonncment , mais fans expérience. Pourvu qu'une choie ne lui parût point impli- quer contradi<£tion , cela lui fuffilbit pour en faire l'objet de fès études , encore qu'elle n'eût jamais été'. Il y avoit du tcms de Galien plu- sieurs Médecins frapez de la même m.aladie,qui raiibnnoient 6c qui diiputoient à perte de vue fur des choies qui ne furent jamais. Par exem- ple , ils dcnnoient bien de la peine pour trou- ver la raiibn qui faiibit qu'il ne forme point de cal aux fraélures de la tête , (i) Vous êtes (1) Tla- bien de loijir , leur dit Galien, c^ bien ridicules, p«f*V'"*'' de rendre raifon d'une chofe qui n'arrive pas, car ?,ff ^ il ejifrux que ces fractures ne fe refrènent ^ ne r.,; . '...;-- fe r endurcirent foint.

u L.

ftç-ê ruv XK cvrav

... 1/1 y.iyUV OLl-

Superjtitions des Anciens tour les eclipfes. rrUç. Ga-

len. lib.5.

Je croiois avoir tout dit , mais je m'aperçois ^f^' que j'ai oublié une remarque ti ès-eifentielle , ■^*^* agréez donc que je ne vous laifTe pas ii-tôt. Le fait eft qu'on forme encoie aujourd'hui une idée afïreuiè des éclipics , comme fi c'étoient les preiàgcs des plus funeftcs afïlidtions. Les an- ciens Païens avoient là-deilus d étranges pen- fées. Vous en verrez des exemples dans la i'uite j'en parie par occalion , mais en voici qui ne ibnt deftincz qu'à cela.

Nicias General de l'armée que les Athéniens

avoient

po Penfées diverfes:,

avoient envoiée en Sicile , vit réduit aprè^ pluiieurs pertes à prendre le parti de s'en rer tourner en Grèce. Toutes chofes aiant étéiàge- ment préparées pour lever l'ancre uns que leç ennemis s'en aperçuflènt , il furvint une écîiplè (i) Plu. de lune, (i) Nicias au lieu de profiter d'une tarch. in occailon 11 favorable de faire retraite à l'in- ejus vira, ç^ j^^ ennemis , fe trouva fàifi de tant de crain^- te fuperftitieufè , qu'il nofà branler de fon poA te. Il fut d'avis au contraire , qu'avant que de partir on laiflât patîèr toute une révolution du cours entier de la lune , ce qui étoit beaucoup lus que n en demandoient les Devins , qui le contentoient pour l'ordinaire qu'on fût trois jours làns rien entreprendre après les éclipfes. Mais Nicias qui s'imaginoit aparemment que ks influences de la lune prenoient tout à la fois leur pli ou pour un mois , ou pour quinze ours, comme prefque tout le monde fe i'ima- ^ine encore , prétendant que le tems qu'il fait, quand on a nouvelle lune ou pleine lune , rè- gle toute la lunaifon, Nicias, dis-je , ne crut point que trois jours fuffiiîènt pour éviter la perfecution de l'écliplè. Il eut fujet de s'en repentir , car toutes les voies de le retirer lui furent fermées. Il fut pris lui-même , ôc tou- tes lès troupes ruinées en diverfes façons, (a) Juf- Tous les beaux difcours qu'Agathocles (i) tin. Hift. fît à ît^ foidats lors qu'ils furent débarquez en lib. 22. Afrique , ne pouvoient les raflurer contre la terreur qui les avoit faifis , pour avoir vu le îo- leil éclipfé pendant leur voiage. Par bonheur Agathocles le trouva moins fuperftitieux que Nicias , ôc plus en état par conlèquent de le fèrvir de fon efprit. Il le rendit l'interprète du prodige , 6c avoiia à ^% troupes que fi Técliplè fut Hirvenuë avant leur embarquement, le pre- làge leur auroit été delàvantageux j mais qu'é- tant lur venue après leur départ , le prelàge le

tour-.

Penjees cliver fes, 5>l

tournoit contre ceux à qui l'on alloit faire la guerre. Il ajouta que les écliplès preiàgent toujours le changement de l'état preiènt à&^ choies , fi bien que quant à eux ils avoient lieu d'efperer que leurs afïàires , qu'ils avoient laif^ lees en très - mauvaife pofltJre en Sicile, s'ac- commoderoient , Se que celles de Carthage qui ctoient très-floriflàntes , feroient ruinées. Il calma leur fraieur par ce moien. Cent autres exemples encore plus exprès montrent évidem- ment , que \ts éclipfes ont été regardées com- me àt^ preiàges funelles.

§. LL

Superflithn des Modernes pour les éclipfes.

C'eft encore le fentiment du grand nombre. Les Hiftoriens ne font guère mention des éclip- fes , làns ajouter qu'elles pronoftiquerent la mort d'un tel Roi , la fedition d'une telle Pro- vince , ou quelque malheur fèmblable qu'ils rencontrent dans leur chemin. Depuis les AC" trologues faifèurs d'almanachs , jufqu'à ceux qui ne le mêlent que des horofcopes de qualité , il n'y en a point qui ne vous dilè que les éclip- lès prelàgent la guerre, la famine, lapefte,les inondations , la mort d'un Grand 8c telles au- tres choies , &: ils trouvent en cela beaucoup plus de créance , que lors qu'ils predifent fim- plement la pluie ou le froid. L'éclipfe de ib- leil qui arriva le iz. d'Août 165-4. devoir à leur dire mettre tout fens defTus delfous. Quelques- uns ne couchoient pas de moins que d'un de- luge lèmblable à celui qui arriva du tcms de Noé , ou plutôt d'un déluge de feu qui nous devoit amener la fin du monde. D'autres le contentoient d'un boulcverfement confiderable des Etats , Se de la ruine entière de Rome. On

avoit

pi Penfées dn'ef'Jês,

avoit fi bien épouvanté les gens , que ceux qui le contentoient de vouloir enfermer dans des caves ou dans des chambres bien clofès , bien échauffées & bien perfumées , pour le mettre à l'abri des mauvaifes influences , par l'ordre des Medédns , croioient être en droit de moquer des efprits timides , 2c de faire les efprits forts. En efifet en comparaifon de tant d'autres qui craignoient la fin du monde , c'étoit une grande force d'efprit. La confter- nation étoit li grande , qu'un Curé de la cam- pagne ne pouvant fufîîre à confefîèr tous fès paroifTiens , qui en croioient mourir , fut con- traint de leur dire au Prone , qu'ils ne Ce 'prejfdf- fent pas tant , ^ que l'éclipfe avoit été remife à la quinzaine. Ceft ce que vous pourrez voir (0 Dîf- dans un Hvre de Mr. Petit (i) Intendant des fertat. Fortifications , qui étoit habile homme fans Corn" Tuperflition , & qui fe bâtit contre l'erreur po- p. 113,* pulaire avec beaucoup de courage.

Voilà donc les Anciens 8c les Modernes, les Paiens 8c les Chrétiens parfaitement unis à pen- lèr que les éclipiès prefàgent de grands mal- heurs. Cependant c'efl une penfée très-faufîè, I. Parce qne les écliplès ne peuvent point faire de mal. 1 1. Parce qu'elles n'en peuvent pas être un ligne.

§. LU.

^ue les éclipfes ne peuvent point cmfer de" mal.

Je dis qu'une écliplè Ibit de lune , Ibit de Ibleil , ne peut point faire de mal , parce qu'el- le ne fait tout au plus qu^em pécher que la terre ne Ibit illuminée pour un peu de tems , ce qui ne peut être d'aucune confequence. Vous la- vez quelle a été fur cela la penfée de Pericles, l'un des premiers hommes de l'antiquité. 31

étoit

Penfées dlverfis, 95

ctoit prêt à faire partir pour une grande expé- dition Ja flotte dont il étoit General , lors qu'u- ne éclipiè de foleil épouvanta li fort ion Pilo- te , qu'il ne fàvoit plus il en étoit , ni ce qu'il 7 avoit à faire : (i) Pericles qui avoit , . été délivré de toutes tes vaines aprehenlions tàrch'"'n par le Philofophe Anaxagoras , étendit ion man- ejus vica. teau devant les yeux de fon Pilote , & lui de- manda s'il trouvoit que ce fût un mal. Non , repondit le Pilote. Ce n'eft donc point un mal , reprit Pericles , que le {olcil ibit éclipfé , car toute la diflèrence qu'il y a entre mon manteau qui te dérobe la lumière du foleil , 8c k corps qui caufe réciipfe , c'eft que celui-là eft plus grand que mon manteau. Cette réfle- xion eft tellement de la compétence de tout le monde , qu'il y a lieu de s'étonner du peu de gens qui la font.

Il n'y a perfbnne qui ne foit capable de comprendre , que fans faire aucun préjudice à iànté , on peut être des jours entiers dans àzs lieux beaucoup plus obfcurs que les ténè- bres de la plus grande éclipfe , 6c qu'on pour- roit couvrir ibus des tentes fort épaiilès un poirier ou un pommier pendant trois ou quatre heures , iàns craindre que les fruits ou \qs feuilles s'en reflentilTènt pour tout le refle de l'année. Il n'y a point de païian qui ne voulût quelquefois allonger les nuits de quelques heu- res , afin que l'ardeur du fbleii ne vînt pas fi tôt deflecher les biens de la terre. On demeu- re d'accord que des nues très-épaiflès ,qui obi^ curcifîènt l'air pendant cinq ou lix jours de fui- te, plus qu'une éclipfe de foleil de cinq ou ilx doigts qui arrive iàns aucun nuage , font quel- quefois très utiles à la récolte. On comprend que la lune s'amufoit à demeurer un iour entier avec le foleil lors qu'elle efl nouvelle, (iinforte que pendant 2+. heures elle n'eût aucu-

%

94 Tenfées diverfès,

ne clarté pour la terre , cela ne caufèroit aucun dommage. Perfonne n'ignore qu'on peut fouf- frir pour un jour le retranchement du boire 6c du manger , ou en tout ou en partie , fans qu'on en meure, ou qu'on en tombe malade , ou qu'on s'en fente à deux jour» de j 6c d'ailleurs on fait fort bien que ks alimens font plus necef* fàires à la vie que le foleil, puis qu'il y a des nations qui paiîènt commodément plufieurs mois de fuite fans que le foleil fe levé fur leur Horifon. Cependant parmi toutes ces lumiè- res on ne veut ou l'on ne peut comprendre, que la lune ou l'ombre de la terre puillènt in- tercepter pour très-peu de tems les raions du foleil , fans qu'il en arrive des defordres infi- nis. On s'imagine même que la malignité de ces ténèbres va choifir un Roi au milieu de toute fa Cour , & le diflinguant de toutes les autres perfonnes , lui caufe à lui feul une ma- ladie mortelle , ce qui eft d'une abfurdité ima- ginable. Y a-t-il rien de moins fenfé , que de voir des gens qui retranchent contre les raions du foleil par toute forte d'artifices , der- rière des fenêtres , des volets , 6c des rideaux, qui n'ofèroient fortir que de nuit , ou fans couvrir d'un mafque 6c d'un parafol , trembler néanmoins à la penfee d'une éclipfè , qui n'eft a proprement parler pour certaines fàifons de Tannée , qu'un bon office que la lune rend à la terre en lui fèrvant de parafol ?

§. LUI.

,^e les édipfes ne pettvent pas être le figne d'aucun mal.

Voions maintenant û à tout le moins les éclipfès peuvent être un figne des maux qui affligent le monde, Je dis que non, Monfieur,

2c

Penfées diverfes, 95

6c c'eft ici que je vous attens , car je fài que c'eft la dernière refTource de ceux qui tiennent pour la malignité des éclipfes 6c des Comètes. Je me contente pour les chalTer de ce dernier retranchement, de dire deux chofes. La I. eft que les éclipfes font un eftet d'un ordre ii na- turel , qu'il n'y a fi petit Aftrologue qui ne pre- difè l'heure , le jour 8c l'endroit du ciel el- les arriveront , plufieurs fiecles avant qu'elles arrivent. La 1 1. eft qu'il en arrive en tout tems , 8c en tout pais ■■, quelquefois plus de quatre dans une même année 5 fouvent à des heures perlbnne ne s'en aperçoit , excepté des gens paiez, pour cela 5 fouvent auffi lors que les nues empêchent tout le monde de les ob- ièrver.

Je trouve bien forte la L de ces deux rai- ibns ; car enfin , Monfieur , fi les éclipres font une fuite necefiàire 8c naturelle du mouvem.ent àçs aftres , elles arrivent independemment de l'homme , 8c iàns aucune relation à lès mérites ou à iès démérites , 8c par confequent elles ar- riveroient tout de même , foit que Dieu ne voulût point châtier les hommes , foit qu'il voulût les châtier , de forte que ce ne peut point être un figne prccurlèur de la juftice di- vine. De plus il faut renoncer à raifon , ou demeurer d'accord qu'un effet de la nature ne peut être le figne de quelque chofo , fi ce n'eft lors qu'il produit cette chofe-là , ou qu'il en eft produit lui-même , ou qu'ils dépendent tous deux d'une mêm-e caufe. Nous examinerons ailleurs les autres manières de fignifier. Pour le prefont je me contente de dire , que. les éclipfos ne lignifient point les maux à venir , en aucune de ces manières, puis que j'ai mon- tré qu'elles ne font point la caufo d'aucun mal. Ce lèroit abufcr de la patience d'un habile hom- me , que de lui expliquer ceci plus au lon^.

Mais

P9 Penfées diverjes.

Mais comme je me fouviens d'un pafîâge de (i) En la (i) Plutarque , qui porte que les Philofbphes Tie de Pe- qj^^- ^q^^ ^ig penfer qu'en expliquant la cauie ^''' ^*' naturelle d'un effet , on lui ôte toute vertu

fignificativc , j'en toucherai ici quelque chofè,

§. LIV.

En quel fens un effet naturel efl un figne de quelque chofe.

Je dis donc que pourvu que les Philofbphes n'excluent pas les évenemens qui dépendent de cette même caufe naturelle, ils ont railbn. Par exemple , aiant trouve' la véritable caulè d^s mouvemens de certaines bêtes que l'on dit pre- iàger la pluie, ils trouvoient que cette même caufè produit la pluie, ou qu'elle a une liaifbn necellàire avec celle qui produit la pluie , ils âuroient tort de nier , que les mouvemens de CQ5 bêtes preiàgent la pluie j autrement ils fe- roient fort bien de le nier , car c'efl fur ce pied-là que l'on a raifbn de rejetter les fùperf- titions des anciens Païens , qui s'imaginoient que le vol d'un oifeau prefàgeoit le gain ou la perte d'une bataille. Plutarque ajoute , que l'induftrie des hommes fait divers ouvrages pour lignifier quelque choie , comme il paroît par l'exemple des quadrans : d'où l'on peut in- férer qu'encore qu'on iàche comment une cho- ie iè fait , on ne doit pas nier qu'elle n'ait été faite pour être le figne d'une autre. La repon- eft aifée. Les hommes peuvent convenir d'un certain figne comme bon leur fèmble, & ièrvir pour cela des qualitez naturelles d'un corps, desquelles ils lavent le principe ; mais ce n'eft qu'à l'égard des chofes qui dépendent d'eux. Par exemple , ils peuvent fe Ièrvir de l'ombre d'un quadran , pour lignifier qu'il faut

aller

1

Penfées diverfes. 97

aller au fèrmon. Ce n'eft pas la même cholè pour \es évenemens qui ne font pas en leur puifîânce, comme font la pefle , la famine, les viéloires , &c. 11 n'y a que Dieu qui puiflè nous en donner des prefages , ou en nous fai- fant conoître les caufes d'où ces évenemens dépendent neceffai rement , ou en nous aver- tillânt que telle choie nous efl montrée pour nous avertir de tel malheur. Si donc ks éclip- fes étoient des prelàges des. maux à venir , il faudroit que Dieu nous les eût données pour lignes , ou en nous faiiànt conoître que ces maux dépendent des éclipfès comme de leur caufo naturelle , ou en nous diiànt qu'il veut que nous Ibions avertis de nos malheurs par le moien des éclipfès. Dieu n'a fait ni lun ni l'autre , par confèquent les éclipfès ne font point des lignes. Il eft clair que Dieu ne nous a point fait conoître que les éclipfès foient la caufè des évenemens qui les fuivent , car ja- mais homme n'a conçu clairement qu'un peu d'obicurité foit capable de troubler toute la ter- re. IJ eil clair aulfi que Dieu ne nous a point averti qu'il vouloit que les éclipiés nous fer- viflènt de prefages , non feulement parce que cela n'a point été révélé , mais aulfi parce que les éclipiés n'ont rien qui nous porte raifonna- blement à \qs prendre pour des fignes j 5c c'efl ma féconde raifon.

§. LV,

Kemnro>Hes pour conoître fi une chofe efi un jtgne envoie de Dieu.

En effet quelle aparence que Dieu ait choiiî pour les lignes de ics ch^timens , une choie qui arrive des quatre &: cinq fois l'année , &: qui le plus fouYcnt ne vient a la coAoilfance de

Tom, /, E pcr-

9 s Penfées diverfii.

perfbnne? II faut que ces fignes pour avoir de- quoi faire impreûion iiir des créatures raiibn- nabies , foient rares , foient deftinez non pas à preiàger \ts incommoditez ordinaires qui tra- versent la vie de l'homme tous les ans, mais à dénoncer les fléaux dont Dieu viiîte les hom- mes dans plus grande colère. Il faut qu'ils ne paroilîènt pas dépendre purement 6c lim- plement du cours naturel des caufes fécondes , & qu'ils ne produifènt pas fous des nuages , ou de nuit pendant que les hommes font cou- chez. Comment ne voit-on pas qu'une chofè qui arrive tous les ans , ne peut pas moins être priiè pour un ligne de bonheur , que pour un ligne de malheur ? Si un Hillorien s'en vouloit donner la peine , ne trouveroit-il pas des éclip- les à polîe pour leur faire preiàger le maria- ge de fon Prince , les feux de joie allumez dans tous lès Etats pour la nailiànce de £ts enfans , les vicSloires remportées fur les ennemis, les re- nouvellemens d'Alliance , les Traitez de paix , la ceflàtion de la pefte , la gueriibn des peribn- nes de la famille Roiale , 6c tout ce qu'on apel- le des prolperitez publiques. J'ai déjà raporté (0 Ci- (i) quOrigene fiit mention d'un Philofophe deflus qui fit un livre pour montrer que la plupart des §• 4T' Comètes avoient preiàgé de grands bonheurs: il feroit encore plus aile de montrer la même chofe touchant les éclipfès j 6c comme on dit (x) Sex- qu'un (2) Auteur fort verfe dans TAflroIo- tusabHe- gje aiant dreffé l'horofcope de tous les grands minga. hommes de l'antiquité , a fait voir que par les règles de l'art ils dévoient être tout autres que l'Hiiloire ne les reprefente : il feroit facile de montrer que les éclipiés ont été fùivies par des évenemens tout differens de ceux qui les doi- vent fuivre félon ces mêmes règles. Si 'vous voulez, deviner (difoit autrefois Martianus) dues jufiement le contraire de ce ciue difent les Jijlrologues.

§. LVI.

Penfées diverjès. p>

§. LVI.

Aplication aux Comètes de ce qui a été dit tou' chant les écUpfes,

Si vous y prenez garde , Moniieur , je n'ai rien dit contre les éclipres , qui ne porte coup contre Iss Comètes , &c c'eH: la raiibn pourquoi j'en ai tant dit. Voulez-vous vous réduire à foutenir que \ts Comètes ne caufènt point les malheurs qui les fuivent , mais feulement qu'el- les les preiàgent ? j'y confens , je ne demande pas mieux , ëc je vous prépare une belle tabla- ture fur cela. En attendant permettez-moi de remarquer, comme j'ai fait touchant les éclip- iks , que les Comètes font accompagnées de quelques circonilances qui les empêchent d'ê- tre des preiàges.

Elles font fort fréquentes. On en compte fept depuis l'an 1298. jufqu'à l'an 13 14. Vingt bc lix depuis l'an ij-oo. juiqu'à l'an 1^4.3. (i) (i) Volet Quinze ou fèize depuis l'an lyj^. jufqu'à l'an '? T r uc 15-97. Il en a paru tous les ans pendant plu- romî^rs lieurs années de fuite. Ce n'efl; point une cho- ^q j^ noù- fo fort rare d'en voir deux dans une même an- velle née , foit en differens mois , foit à diftèrentes Tcicnce heures d'un même jour. On en vit quatre tout «^esComc- à la fois l'an ifi^. On en compte huit ou neuf pour la feule année 1618. Nous croions nous autres qui ne fommes pas Aflronomes qu'il n'en a point paru depuis l'an 1665-. juiqu'à 16S0. Cependant il en a paru aux Agronomes dans les années 1668. 1672. 1676. £c 1677. Il y a des Comètes qui fe vont plonger dès le fé- cond jour dans les raions du foleil , & ne pa- roiflènt plus. Il cfl: probable même qu'il y en a qui font toute leur promenade iàns ie faire >oir , à cauiè qu'elles le tiennent toujours au- ' E 2 prés

100 Penjees diverfes,

près de cet aftre. De ce nombre étoit celle dont parle Seneque , que Ton vit par hafàrd pendant une écliple de foleil , 8c qu'on n'eût (i) Mul- point vue uns (i) cela. tosCome- Avouez moi, Monfieur, que ces cisconflan- tas non ces ne conviennent gueres à un ligne que Dieu ^ d""h' ^^^^ exprès pour nous avertir de nos malheurs, fcurantur Faut -il que les fignes foient li frequens ? Ne radiis fo- perdent-ils pas leur force dès qu'on s'y accou- lis, quo tume ? Et fi les hommes n'ont pas laiffé de déficiente, croire que ce font des fienes , quoi qu'ils en Comecen ^^^"^^ ^" vmgt-lix dans lelpace de quarante- apparuifîe trois ans , n'efl-ce pas à caufe qu'ils ne font quem fol aucun ulàge de leur Raifon? Faut-il que Dieu vicinus nous envoie des lignes , qui ne font reconnus %Q^^^^^' pour fignes , que parce que Ihomme efl igno- nius tra- ^^^^ ? Pourquoi tant de Comètes en une mê- dic , Sens- me année ? N'eft-ce pas affez qu'il paroiflè un calib.j. ligne d'une certaine efpece en même tems? rtatural. j^'iais fur tout pourquoi cqs Comètes , qui ne

^ap. le. ^°"^ ^^^^ ^^^ P^^ ^^^^ °^ ^^°^^ Agronomes? N'efl-ce pas un figne perdu que celui-là, 8c qui Iruftre la Providence des "fins que l'on dit qu'el- le le propofe ? Comment fe peut-on imaginer que Dieu nous envoie des fignes invilibles , ou que voulant les faire conoître à deux ou à trois perfbnnes , il choififle juftement des Agrono- mes qui n'y ont aucune foi, Scqui aiïïirément n'exhorteront perfonne à la rcpentance ? Pour- quoi fouffrir que des fignes qui ne peuvent lèr- vir aux uiages aufquels on les deftine, qu'en- tant qu'ils font vus de tout le monde , te jet- tent à corps perdu dans un endroit du ciel le foleil les rend invifibles ? Examinez bien tout ceci , Monfieur , 8c vous verrez que la provi- dence de Dieu infiniment fage ne fait pas des inutiiitez comme celles-là.

Ne m 'allez pas dire que ce n'eft pas à nous à glofèr fur ce que Dieu tait j car je vous aver- tis

Penfees diverjès, lOî

tîs que c'eil une chicane toute pure , comme je vous le montrerai dans la fuite, ReconnoijP ièz plutôt que pour fe tirer des difficultez que je viens de vous propofer , il faut croire que \ts Comètes font des ouvrages de la nature, qui làns aucun raport au boiilieur ou au mal- heur de l'homme, font portez d'un lieu en un autre lèlon les loix générales du mouvement, & qui s'aprochent plus ou moins du foleil, & paroiHènt en un tems plutôt qu'en un autre, parce que la rencontre des autres corps à la- quelle Dieu accommode fon concours , le de- mande ainli. Et comme vous ne fàuriez ibu- tenir que les Comètes qui ont paru à deux ou à trois peribnnes feulement , aient été àts ii- gnes , avouez qu'il y a des Comètes qui ne li- gnifient rien. D'où il s'eniuit qu'il n'y en a aucune qui preiàge quelque choie , parce que la diftérence qu'il y a entre une Comète qui ne paroît pas au public , 6c une Com.ete qui paroît a tout le monde , coniifle uniquement en ce que l'une efl: plus éloignée de nous , ou plus petite, ou plus proche du foleil que l'autre, ce qui ne fait pas une diverfité de nature. Au premier jour je vous écrirai quelque chofe qui fera plus de vôtre relîbrt.

A , . , ce if. de Mai y ^68i.

E 3 5. LVir.

Î02 Penfées diverfes,

§. LVII.

VII. Raifon, tirée de la Théo- logie. >

^ue fi les Comètes itoient un prefage de mal- heur y Dieu auroii fait des msracleSi four con^ firmer l'idolâtrie dans le monde.

j;

E pourrois , Moniîeur , me fervir de toutes ces raiibns Se de plufieurs autres encore , 8c \ts fortifier contre toutes les objediions qu'on me pourroit faire : mais j y renonce puis que vous n'êtes prenable que par desargumens Theo- logiques. En voici un que je ne me Ibuviens pas d'avoir jamais lu , & qui me vint dans l'ef- prit l'un de ces jours en re veillant les vieilles idées de la Comète de 1665-.

Un Eccleliaftique de mes amis qui avoit fbu- vent efîàie en vain de me perfuader , que ce phénomène étoit de mauvais augure , n'eut pas plutôt fu la mort de Philippe IV. Roi d'Efpa- gne , qu'il me vint voir exprès pour m'acca- bler de cette grande objeftion , 8c débuta par me demander d'un air triomphant , ft j' aurais encore l'opiniâtreté de foutenir après un tel exem- ple , que les Comètes ne font aucun mal au mon- de? 11 y a beaucoup d'aparence qu'il n'eût pas été fâché de me pouvoir dire , pour fortifier ion objedlion , ce que Mr. de Bafîbmpierre écrivit à Mr. de Luines , l'an 1621. peu après B'irom- ^^ mort du Roi Philippe III. // me femble pierre ^«^ ^^ Comète, dont nous nous moo^ions ci Saint

AmbafTad. Germain, ne s'efi pas moquée , d'avoir mis par d'Efpa- tgf^e en deux mois un Pape, un Grand Duc, Çf* ^^^' un Roi d'Efpagne; car comme on a dit des rail-

leurs de profeflion , qu'ils aiment mieux per- dre

Penfées diverfei, 103

drc un ami qu'un bon mot , ceux qui font en- têtez des prelàgcs, pourroient bien fouhaiter plutôt la mort de deux ou de trois Souverains , que de voir la nullité de leurs prophéties , à iexemple de ces Médecins qui voient de mau- vais œil la guerifon des malades qu'ils avoient abandonnez.

Je repondis à mon ami, pour m'accommo- der à profelTion , que Dieu ne taiiant rien en vain , n'avoit point fans doute montré des Comètes , ou pour avancer la mort du Roi d'Efpagne , ou pour la prelàger •■> qu'un Prince accablé de maux 8c d'infirmitez , 8c qui ne vi- voit depuis afïèz long-tems qu'à force de chi- caner le terrain contre la nature , par toutes les inventions de la Médecine , pouvoit afTuré- ment mourir, fans qu'il fût befbin afin de lui ôter la vie , d'allumer dans les cieux un corps cent fois plus grand que la terre , 8c rempli , comme la boète de Pandore , de toute forte de malediâiions j 8c qu'il étoit fi peu necefîàire que Dieu avertît le monde qu'il vouloit retirer le Roi d'Efpagne , que toute l'Europe s'étonnoit qu'il eût pu refiilier li long-tems à fès mala- dies. On n'eut rien à me répliquer. Paient reflexion l'autre jour fur cette penféc , il me vint dans l'efprit que ceux qui fbutiennent les prefàges des Comètes font faire à Dieu des chofes non feulement très-inutiles , mais aufTi très-indignes fa fàinteté. Voici comment je le prouve.

§. LVIII.

^ue les Comètes ne peuvent prefager le mal qu'en qualité defignes.

Il cfl de foi que la liberté de l'homme efl 1 £ 4. au

104 Penfées diverfes,

au deflus des influences des aftres, & qu'aucun ne qualité phyiique ne la porte neceflairement au mal. Je conclus de que les Comètes ne font point la cauiè des guerres qui sallument dans le monde , puis que le delîêin de faire la guerre , auflî-bien que les adles d'hoflilité qui commettent en confèquence , font tous ef- fets du libre arbitre de Tliomme. Ainfi les Co- mètes ne peuvent être tout au plus qu'un lignai des maux, qui font prêts à fondre fur la terre, lequel Dieu étale aux yeux de l'Univers , afin de porter \t% hommes à prévenir par leur pé- nitence , l'horrible tempête dont ils Ibnt me- nacez j car je ne vois point qu'on puiiîè lèule- ment ibutenir que les atomes d une Comète aient la vertu de produire h pefte, la famine, ou quelque autre altération dans nos éiemens. Ma première raifon le prouve d'une manière invincible. Soit donc conclu , c^ue les Comètes ne [ont c^u'uîifgnc des maux a venir.

§. LIX.

^ue Us Comètes ne -peuvent être des fignes dn mal a venir fans être formées miraculeufe' ment.

Il s'enfuit de que ce font des corps for- mez extraordinairement , 6c hors de l'enchai- nure des caufes fécondes. Car s'ils étoient pro- duits par la vertu 8c félon le progrès naturel des caufès fécondes , ils ne pourroient fïgnifier pour le tems à venir, que les eiîéts que nous conoîtrions avoir une îiaifbn necefTaire avec eux , & ainfi ils ne preiàgeroient ni la guerre, ni la pefle,ni la famine, parce qu'il eft de foi, que les aétes libres de 1 homme , tels que font les guerres , n'ont point de Iiaifbn necefïaire avec ks qualitcz d'aucun corps , ôc que la rai- fon

Penfées diverfis. 105

fon ne nous fait apercevoir danslapeflie ni dans la famine aucune dépendance neceflàire des Co- mètes. C'efl: donc Dieu qui forme miraculeu- ièment les Comètes , afin qu'elles avertillènt les hommes des malheurs qui leur font pré- parez s'ils ne repentent , Se qui leur donne une élévation 6c un mouvement qui les ren- dent vilibles à tous les peuples de la terre , afin qu'il n'y ait perlbnne qui en puiilè prétendre caufè d'ignorance.

§. LX.

"Eîrmge confequence qui 7iattrost de ce qta

les Co'fMtes [croient formées pt^r

fmracle.

Or voiez un peu , Monfieur , la terrible con- fequence qui naît de cela i c'eft que Dieu a fait quantité de miracles des plus iniignes , pour ranimer prefque par toute la terre le zèle lan- guillànt des Idolâtres, 6c pour les _ obliger a of- Irir des facrifices , des vœux , 6c des prières à leurs faulîès Divinitez avec plus de dévotion qu'ils n'avoient accoutumé de taire. Car com- me avant l'établiflément du Chi-iftianirme , Dieu n'étoit conu que dans un petit coin de la Ju- dée , 6c qu'il avoit ( i ) abandonné toutes les ("i) A£1. autres nations du monde dans les voies de leur Apoftol, égarement , on ne favoit dans le monde ce que cap. 14, c'étoit que d'apaifèr le vrai Dieu quand il pa- ^* *^' roiflbit irrité. Tout ce qu'on lavoit {-aire dans cette conftcrnation , c'etoit de fe prollerner devant les Idoles , de leur immoler des viâi- mes , de confulter les Démons , 6c de faire par leur confeil tout ce qui étoit le plus delagrea- ble à Dieu. De ibrte qu'allumer des Comètes dans les cieux , n'étoit , à proprement parler , que faire redoubler ks ades d'idolâtrie j 6c na- E ^ turd-

io6 Penfées diverfis.

turellement parlant c'étoit tout ce que Dieu

s'en devoit promettre.

Je ne nie pas qu'il n'y ait eu des gens de bon fens parmi les Paiens , qui ont reconu que le véritable moien de plaire à la Divinité , n'é- toit pas d'ottrir de fomptueufes hécatombes en fon honneur, mais de vivre juftement , oc que G'étoit le véritable iàcrifice qui apaifoit le ciel irrité.

(i) Ko- Immums (i) aram tetigit tnamis,

«!f' i-k ^(>^ fumptHofa bla'ûdior hoflia,

43. Jib. 3, ,-', ,,/,. ■' r -^

' Mollibtt d'verfos Pénates

Farre pio ^ faliente mica.

Mais quoi qu'il en fbit , ce n'étoit pas à ce!a qu'ils avoicnt recours, quand ils vouloient def^ armer la colère de Dieu. Ils ne s'aviibient pas de renoncer à leur orgueil Se à la haine qu'ils avoient pour leurs ennemis j de pardonner les injures qu'ils avoient reçiies ; de mortifier leur convoitile ; .de rompre avec leurs Maîtreiîès> de s'humilier intérieurement devant Dieu par une vive douleur de n'avoir pas été vertueux j de promettre une converiion de cœur 8c une reforme générale de leurs penfées , de leurs difcours , & de leurs aftes. C'étoient des cho- ies trop difficiles , Se qui ne s'achètent pas. Ils aimoient mieux qu'il leur en coûtât de l'argent à faire conllruire d^s Chapelles , à remplir de dons & d'oblations les Temples àes Dieux , 8c a contribuer aux frais de toutes les expiations que les livres Sibyllins , ou les Oracles , ou les Augures , ou les Prêtres en gênerai ordonne- roient. Et c'efl la raifbn pourquoi les Démons qui par des jugcmens du Dieu que nous de- vons adorer avec humilité , joiioient de la crédulité des peuples , excitoient le plus qu'ils pou voient de phénomènes extraordinaires,

volant

Penfees diverjès. 107

voiant bien qu'à coup fur cela fomcnteroit l'i- delâtrie , 8c maintiendroit en vigueur les fàcrifi- ces, les fêtes, 6c la fùperflition du Paganifme.

§, LXI.

Les Démons entretenoient U fuferfùtion en pro- duifant des prodiges.

Si Brennus à la tête des Gaulois eût pillé le Temple de Delphes , le zèle de tous les peu- ples à consulter le Démon qui y rendoit des oracles, 6c à lui faire des preièns magnifiques, eût été expofë au péril d'un grand relâchement. AuflTi le Diable ne s'épargna-t-il pas pour pré- venir ce rude coup. Il fit dire par la Prêtreiîè, qu'il n'abandonneroit point la deffenfè de fon pofte , (i) -Ô* ^«'^/ fs chargeoit de tout ce foin- (i) cice- là, avec les vierges blanches :, entendant les nei- ro lib. i. gcs horribles qu'il devoit faire tomber fur les ^^ ^^^*' Gaulois. On ne peut rien voir de plus affreux ^^^* que \qs defcriptions qui nous ont été laiiTées de tous les prodiges qui firent en cette oc- cafion. La terre trembla 6c s'ouvrit en mille lieux fous les afifiegeans : le tonnerre fit un fra- cas fi épouvantable , qu'on eût dit que toute la machine du monde alloit éclater en mor- ceaux : la foudre tomboit de toutes parts : il ie detachoit du ParnaiTe des rochers d'une grof- fèur énorme qui écrafoient par leur chute une infinité de Gauloi<; : ( 2 ) Brennus tua lui- t^\ t^j-, même de defefpoir : ce qui fe put fàuVer de tin. Hift. fès gens périt peu après de faim , de froid 6c 1. z^. de mifere : en un mot , la Divinité de Delphes ne pouvoit pas foutenir fès intérêts plus hau- tement , ni confondre la témérité de Brennus, d'un air qui fentît mieux Divinité, Il étoit arrivé quelque chofè d'aprochant , lors que Xer- xcs cnyoia des troupes pour piller le même E 6 Tem-

îoB Tenftes diverjes.

Temple. Pourquoi tout cela ? Ce n'étoît paï afin que les hommes devinilent iàges 6c ver- tueux , 6c qu'ils conçulTent de l'horreur pour le vice, 6c de l'amour pour la fainteté. Le Dia- ble eût plutôt laiile piller tous les Temples du monde , que de faire la moindre choie pour produire ce changement dans les efprits. Qu'é- toit-ce donc ? C'eft qu'il voulut des facrifices , 6c nourrir dans i'ame des hommes la fuperfti- tion 6c l'idolâtrie. Se fouciant fort peu qu'on repentît des véritables crimes , au contraire tâchant de l'empêcher de toute force , il vouloit qu'on regardât avec horreur 6c avec tremblement , le m.anque de reipeâ pour les cérémonies de la Religion , 6c pour les choies conlàcrées aux fiuflcs Divinitez.

Que n'a-t-il point fait pour le faire làcrifier (i) Lib. î, des enfans ? (i) Denys d'Halicarnaiîè nous ra- conte que Jupiter 6c Apollon affligèrent les Pe- lalgiens de la manière la plus defolante. Leurs fruits 6c leurs grains étoient tout gâtez avant que de meurir. Leurs fontaines tariflbient , ou devenoient fi puantes , qu'on n'en pouvoit boi- re. On ne voioit que des avortemens , ou des femmes qui mouroient en travail d'enfant , el- les 6c leur fruit , ou qui ne mettoient au mon- de que des enfans eflropiez , aveugles 6c con- trefaits. Les hommes 6c les bêtes perilîbient de toutes parts de diveriès maladies inccnuè's. En voulez- vous lavoir la raifon ? C'eft que \ç!y Pelalgiens aiant voiié à ces Dieux -là par un îems de fterilite' , la dîme de tous leurs fruits, oublièrent en s'acquitant de leur vœu de làcri- fier la dîme de leurs enfans. Ce fut iàns lùper- cherie, car ils n'avoient jamais eu intention de vouer la dîme de cette forte de fruits. Mais commt,' ils avoient à faire à plus fin qu'eux , on 'feur fit chicane fur un mot , on leur déclara c[ue qui dit tout, n'excepte rien, 6c par confe-

quenîr

Tenfies divêrjês, 'lop

quent que îa dîme de leurs enfans devoit être aulTi fàcrifiée, à quoi ils fournirent pour avoir la paix. f \ V ' ^

L'Hiftoire ancienne eft pleine de faits ( i ) ^,2^^ °^*^ femblables qui ëtabliflent clair comme le jour, ^^ j^j^'j, que le moien le plus efficace dont \ts Démons nation. le fbient fervis pour fomenter le culte iàcrile- generibuj, ge des Idoles , 5c pour étendre les cérémonies P* ^^^ fuperflitieufes des Gentils jufqu'aux crimes les plus affreux , a été d'épouvanter le monde par àQS prodiges , 6c d'accoutumer les hommes à juger que c etoit une dénonciation des maux à venir , &: un reproche de négligence dans le fèrvice àts Dieux i qu'il faloit donc multiplier les cérémonies religieuiès , ordonner des pro- ceffions Se des vœux iblennels , tel qu'étoit ce- lui qu'on apeiloit 'ver facrum , faire couler îe làng d'une infinité de vidlimes , bâtir àç.?> tem- ples 6c des autels, inftituer des fêtes 6c des jeux publics en l'honneur des Dieux , 6c faire venir de nouvelles Divinitcz , comme quand les Ro- mains envolèrent chercher à ( 2. ) Epidaure le (2) L'an Dieu Efculape enfuite d'une cruelle pefle ; ôc à *^^ Rome ( 3 ) Pelfinunte , la Déelîé Cybele enfuite de ^fa/z/f ^~ quelques pluies de pierre que l'on avoit vu tom- ber dans l'Italie. (^^ L.j^

de Rome §, LXIL J48. Z.;»

^ue les Paiens ne faifo'ient rien qui pût apai- fer U cùlere de Dieu , qua?itl ils voioient des prodiges.

Il s'enfuit de que tout ce que faifoient les Païens à la vue des prodiges , pour apailer le courroux de Dieu , nétoit aucunement propre à apaifer le vrai Dieu , 6c ne diminuoit en fa- çon du monde Fempire du péché dans le cœur de i'ho inmc , (car li cela eût été , les Démons E 7 fe

vius dec.

1 1 o Penfée.i diverfes,

fufîènt bien gardez de tenir la conduite qu*ils tenoient à cet égard ) Se par confequent que les prodiges qui épouvantoient ces peuples idolâ- tres , n'étoient aucunement propres à les por- ter à une pénitence qui pût détourner les fléaux de la juftice divine j mais qu'au contraire ils étoient très-propres à les porter à tout ce qui enflamme davantage la colère de Dieu. D'où il refulte évidemment que Dieu n'a point créé des Comètes dans la vue d'étonner les peuples , Se de leur déclarer que s'ils n'expioient leurs tau- tzs , ils ièroient punis feverement.

§. LXIII.

J^es Démons faifoient pendre pour des prodiges l piaJieHrs effets de la nature.

Il eft fl vrai que les prodiges n'étoient pro- pres qu'à ibutenir le culte des fauflès Divini- tés , que les Démons qui travailloient à la pro- pagation de ridolatrie par toute forte de voies , s'attachoient principalement à faire prendre pour des prodiges annonciateurs du courroux du Ciel , le plus de chofès qu'ils pouvoient. Etoit - il à la campagne quelque monftre , un chien à deux têtes , un veau à lix piez , par exemple i c'étoit dequoi aflèmbler tout ce qu'il y avoit de Prêtres dans la ville capitale , pour avifèr aux moiens de détourner les malheurs que cela lignifioit. Il faloit voir quel Dieu ou quelle Déeflè n'avoit pas eu fbn compte , Se re- parer la négligence paflee par quantité de fà- crifices j autrement on eût cru faire paflèr la victoire dans le parti des ennemis , 8c expofèr les afïàires publiques aux dernières infortunes. Les embrafemens du mont Etna , ou du Vefu- vcj les tremblemens de terre j les météores un

peu

Penfées diverfei. Iîî

peu rares , comme le tonnerre en tems fèrain ; les éclipiès du fbleil Se de la lune , la chute de la foudre , tout cela paflbit pour des prefages de malheur fi infaillibles , qu'on n'épargnoit rien pour parer le coup. Un ouragan pareil à celui qu'on vit dans la Champagne , 6c en Po- logne l'année pafTée , eût occupé deux ou trois mois tous les Collèges des Augures 8c des Ha- rulpices , eût fait confulter les Oracles , les forts de Prenefte , les livres des Sibylles , les vieux bouquins étoit contenue la difcipline des He- truriens , 6c tout ce qui eût pu aprendre la ma- nière de conjurer la tempête pronoftiquée. Les inondations des fleuves étoient aufli des choies de mauvais augure , comme il paroît par le dé- nombrement (i ) qu Horace nous a laifîe des (i) yi^iz prodiges qui fuivirent la mort de Cefàr, 6c qui mus fla- lirent craindre que Jupiter n'envoiât un fécond V^^ Ty- deluge fur la terre j car après avoir parlé de la jj"^ if' neige, de la grêle, 6c de la foudre, il pafleaux Horat. Od[ debordemens du Tibre. Virgile témoigne la z,lib.i, même choie , faifànt le même dénombrement avec beaucoup plus de particulai'itez , car il y C^) Proluit fait entrer des fpedres 6c des fantômes , des '"^^""^ hurlemens de loups , àts cliquetis d'armes en- quens^' tendus dans l'air , des bêtes parlantes , des four- vortice ces de fàng, des ftatuës couvertes de fîaeur, des fylvas, Comètes , 6c plulieurs autres chofes que je vous FJuviorijm prie de relire , tant elles me paroifTent bien ex- Ja^us^&" primées. Vous y verrez, les ( i ) debordemens ytr^u' du Pô. Lifèz aufTi le Commentaire de Servius Géorgie, fur ces paroles de Virgile , vous y verrez que ''*• '• les debordemens des rivicres ne font pas feu- lement à craindre à caufe du mal prefent qu'ils (3) Invita apportent , mais auiTi à caufè de ce qu'ils pre- ^ °°* iàgcnt pour l'avenir , ce que l'on debitoit aufll /■ j ^^^ dans Paris l'an 1649. au fujet d'une furieufè nal. I. 1. crue de la Seine. ( 3 ) Plutarque , ( 4 ) Taci- {s) Lib. f. fe> (j) Tite Live éc plufieurs autres, font foi &7 & î^-

que

l

11% Tenfées diverfeh

ue les debordemens du Tibre palîôient pour

e très-mechans preiàges. Je voudrois qu'il vous plût auffi de lire la fin du premier livre de la Pharfale de Lucain , Ôc le commencement du fécond, parce que vous y verriez une confirmation fort exacte de tout ce que j'ai à prouver en cet endroit. Vous y verriez que la guerre civile de Cefar ôc de Pom- pée eut pour avant - coureurs une infinité de prodiges menaçans , dont les Dieux remplirent la mer , le ciel 6c la terre. Vous y verriez des Comètes , & plus de météores ignées que vous n'en avez dictez dans vôtre célèbre cours de Philofophie. Vous y verriez àiÇ.s éclipiès , des embrafemens du mont Etna, des tremblemens de terre , des inondations , des ftatuès parlantes 8c fuantes, des tombeaux gemiflàns, des monf- très , des aparitions d'Efprit , àç.% enthoufiaftes , & plufieurs autres telles chofes. Vous y ver- riez que l'eflret de tout cela fut , non la refor- mation des mœurs , 8c l'abolition des fauilès créances touchant le ièrvice divin, qui font les lèules choies que Dieu demande de nous par \ts fignes qu'il nous donne de fa colère j mais des confultations de Devins , dont le plus vieux impofe pour toute pénitence aux Romains , quelques proceliions autour de la ville , & quel- ques iraits de fuperflition , comme de taire main baflè fur tous les monftres. Vous y ver- riez que le vieux Devin 8c une fanatique aiant rempli la ville de confternation , celui - par les funeltes preiàges qu'il trouva dans le làcrifi- ce qu'il offrit aux Dieux j celle-ci par les pre- diétions qu'elle publia dans les rues j furent cauiè que les femmes coururent en foule à Ta- doiition des ftatuès , pendant que \ts> hommes murmuroient contre la cruauté du deilin. Tou- tes choies , comme vous voiez, direâiement oppofées à la volonté de Dieu, Silius Itaiicus

tait

Penfées diverjes, I15

fait un pareil dénombrement de prodiges fur la fin du 8. livre de la guerre de Carthage, pré- tendant que la Republique Romaine fut aver- tie par la des luïncs cfîroiables qu'Annibal lui devoir caufèr. Stace fait un lèmblable dénom- brement dans le feptiéme livre de la Thebai'de. Claudien n'en fait pas m.oins dans féconde invediive contre Eutropius. Et Pétrone ce fa- meux débauché , cet inligne libertin , fait pis que les autres. Voiez l'eflài ou le modèle de Poème Hir la guerre civile , qu'il a infère dans fbn Ouvrage. Ils prétendent tous que \qs 6c£~ ordres de l'Etat furent prefagez, par ces prodi- ges , jnais ils ne nous aprennent pas que per» Ibnne devint pour cela plus faint.

§. LXIV.

Si je me prevaus du témoignage des Toëtes,

Ne m'allez, point dire , que j'ai tort de me prévaloir du témoignage des Poètes, après l'a- voir décrié dès le commencement. Car je ne vous Tallegue pas peur prouver que tous ces prodiges font eifcdlivement arrivez , mais feu- lement pour prouver que les peuples regar- doient ces fortes de chofes comme de mauvais prefages , & qu'ils en devenoient plus crimi- nels. Outre cela je puis vous dire , qu'il me ièroit aufli aife de vous alléguer le témoignage des plus célèbres Hiftoriens , que celui des Poè- tes. Et de plus il cfl d'une li grande notoriété publique , que les Paiens regardoient comme des prefages de mauvais augure , 8c dont il fa- loit détourner l'efîèt par mille cérémonies de leur faufïè Religion , cent chofes qui arrivent naturellement , $c qui font tout-a-fait indiffé- rentes , qu'il n'efl pas neceflàire de le juflifier par leurs Hvrcs, ni de reavoier perfonne à lu-

114 Penfées diverjès.

Mus Obièquens , bon ôc fidèle compilateur cft cette matière,

§. LXV.

Comment les hommes eujfent fu d^eux-mêmes prendre certaines chofes pour des prodiges.

Je remarquerai feulement , que les Démons ^i) Facile n'avoient pas beaucoup (i) de peine à perruader erat vin- aux hommes , qu'il y avoit du myftere & du cere non prodige par tout. Car il faut avouer à la hon- ^piignan- ^^ j^ nôtre efpece , qu'elle a un penchant na- turel à cela. Et aparemment le terroir étoit fi bon pour cette forte de fruits , qu'il en eût produit en abondance fans être cultivé. Je comprens fort bien que les hommes plongez dans l'ignorance , fe fufïènt portez d'eux-mê- mes à craindre pour l'avenir , en voiant des éclipfes de fbleil & de lune, 6c que l'idée natu- relle que nous avons d'un Dieu difpenfànt par providence hs biens Se les maux, les eût fait penfèr que cette lumière celede qui fe cachoit ainfî à la terre , leur fignifioit quelque indigna- tion qui éclateroit dans la fuite. Je comprens aufTi que les tonnerres 8c les foudres les eulTent remplis de terreur, & pour le prefent, 8c pour 1 avenir , dans la penfée que le iMaître du mon- de declaroit par ce bruit horrible dont ils igno- roient les caufes , qu'il n'étoit pas content du genre humain.

fi) Petro» Trimus ( i ) m orbe Deos fec'it timor , ftr-

nius. dua cœlo

Fulmina cum codèrent , difcu^dc^ue moenia flummis

Atque iclHs fiagraret Aths.

Je dis la même chofe des tremblemens de

ter-

Tenfées diverfes. Il^

(erre , des inondations , des ouragans , des tem- pêtes, & des feux ibrtans impetueufcment d'u- ne montagne. Et parce que des efprits làifis de fraieur pour des llijets qui le méritent , font facilement ébranlez par d'autres qui ne le mé- ritent pas tant, il me lèmble aulTi que les hom- mes aiant été une fois faifis de peur pour ces ^ands fpedlacles , euflènt pu s'étonner dans la liiite pour de moindres chofes , & infenfible- ment palîèr dans une crainte générale de tout ce qui n'eût pas été commun} ne fâchant pas, faute d'être bons Philofophes , que les effets peu ordinaires, comme la produdion des monftres, font auffi bien de purs effets de la nature , que ceux qui produiiènt journellement 5 de jfbrte que la loi naturelle qui fait qu'en certaines cir- conftances il naît un chien d'une chienne , fait qu'en d'autres circonftances il naît d'une chien- ne un animal monftrueux.

§. LXVI.

^ue ce q^''on appelle des prodiges , eji fouvent atijjï naturel e^ue les chofes les plus communes.

Ceux qui iàvent cela tirent aiiement d'af- faire , 8c voient bien que ibit qu'un animal pro- duife un monftre, ibit qu'il produife fbn fèm- blable , l'Auteur de la nature va toujours fbn grand chemin , & fuit la loi générale qu'il a établie. D'où ils concluent que la produdlion d'un monftre n'eft pas une marque de colè- re , puis que cette produârion efl tellement dans l'ordre de la loi qu'il a établie , que pour em- pêcher qu'elle n'arrivât , il eût falu déroger à cette loi , c'efl-à-dire faire àcs miracles. Ce qui fait voir que la produdtion de ce monflre efl: auffi nafurelle que celle d'un chien, 8c qu'ain- ii l'une ne nous menace pas plus que l'autre de

quel-

11^ Penfées diverfes',

quelque calamité. La même chojfè peut di- re à^^ éclipiès : car il n'eft pas plus naturel à la lune d illuminer la terre dans les circonflan- ces elle l'illumine , & de fe trouver dans ces circonftances lors qu'elle s'y trouve , qu'il lui eft naturel d'être iàris lumière lors qu'elle n'en a point , 8c d'être dans la lituation qui la prive de lumière , lors qu'elle eft dans cette il- tuation ; ôc je ne doute nullement qu'il n'y eût eu des éclipfes de foleil & de lune , quand mê- me les hommes n'auroient jamais péché : d'où s'enfuit que ce ne font pas des menaces fai- tes à l'homme. Cela eft ii vrai , que quand Dieu a voulu que le foleil rendît témoignage par fès ténèbres aux myfteres adorables de la paffion de Jesus-Christ, il a choifi un tems ces ténèbres ne pouvoient être natu- relles. Mais comm-e il faut de la Philosophie pour s'élever à ces fortes de conoiflànces , je comprens aifément que le Peuple fo fût porté de lui-même à l'erreur & à la fuperftition , en voiant des effets de la nature moins communs que \^^ autres.

§. LXVII.

J^e la frodigieîife fuperjîition des T (tiens fur le chapitre des prodiges.

Pour revenir aux difpofitions fuperflitieufès que le Diable a trouvées dans l'efprit humain, je dis que cet ennemi de Dieu 8c de nôtre fà- lut a tellement pouffé à la roue , 8c tellem.ent profité de l'occalion , pour faire de ce qu'il y a de meilleur au monde , fa voir de la Religion , un amas d'extravagances , de bizarreries , de fadailès , 8c de crimes énormes , qui pis eft , qu'il a précipité les hommes par ce penchant- la , à la plus ridicule 8c à la plus abominable idolâtrie qui fe puiffe concevoir.

Penfées diverfes, 117

Ce ne lui a pas été afTez que les hommes re- gardant pour des lignes malencontreux , les eclipiès , les orages ëc les tonnerres, aient éta- bli pluiieurs faux cultes de Religion , dans la vue d éviter le mal dont ils croioient avoir des prelàges : il a voulu encore les rendre ingé- nieux à inventer des cérémonies fuperftitieu- fes , Se à multiplier le nombre des Dieux à l'in- fini , en leur faiiànt trouver par tout matière de bien & de mal , en leur fuggerant qu'un tel Dieu declaroit £ volonté par le vol des oiièaux, un autre par les entrailles des bêtes, un autre par la rencontre d'une corneille à droite ou à gauche , un autre par un éternuement , par un mot dit à l'aventure , par un fonge , par le cri d'une iburis , 6c par une infinité d'autres m.oiens qu'il feroit ennuieux de dire j de forte que ce n'étoit jamais fait. Le fbnge d'une femme tourmentée , peut-être , des maux de mère, failbit faire cent confultations de Religion , 8c obligea une fois le ( i ) Sénat de Rome à or- (i) c\cero donner la réparation d'un temple de Junon. La lib. t. de nouvelle du moindre prodige mettoit quelque- Dlvinac, fois en défaut le grand Pontife 6c tous £qs Prê- tres, car il arrivoit qu'après avoir bien égorgé des vidlimes , félon qu ils l'avoient trouvé à- propos , une difgrace furvenuë à l'armée apre- noit que l'expiation n'avoit pas été taite , & qu'il taloit recommencer. Annibal aiant ga- gné la bataille de Thrafymene , le Dictateur Fabius Maximus reprefenta au Sénat , que ce malheur avoit été attiré fur la Republique bien plus par la négligence des cérémonies de la Religion , que par la témérité , ou par l'inca- pacité du General de l'armée. Sur quoi les li- vres des Sibylles aiant été confultez , on trou- va que le vœu folcnnel qui avoit été fait au Dieu Mars , n'avoit pas été exécuté dans les formes , 6c qu'il faloit 7 revenir tout de nou- veau ,

(t) In vi- ta Corio- Uni,

(i) Idem Plutarch, in vicâ Marcel.

Cîerimo- niis vef- tris rebuf- Gue divi- nis poftu- lionibus locus eft, & piaculi dicitur contra&a efle com- miffio , û per im- prudentiaî lapfum» autinver- bo quif-

118 Penfées diverjès,

veau , 8c même avec plus d'apareil , 8c faire plulieurs autres adtes de Religion , dont le dé- tail fe peut voir dans le ^^. livre de TiteLive.

11 Y a voit outre cela tant de choies qui pou- voient empêcher l'expiation , qu'il efl étonnant qu'on ait pu vaquer à autre chofe qu'au culte des faufles Divinitez. Plutarque ( i ) raconte que l'une de ces Procefllons folennelles , l'on trainoit par la ville ilir àç.s brancars les Images des Dieux , autres Reliques , fut re- commencée tout de nouveau à Rome , parce que d'un côté l'un des chevaux de l'équipage s'arrêta en un certain endroit lans tirer , & de l'autre que le chartier prit les rênes de la bride de la main gauche. Qu'en une autre rencon- tre on refit trente fois un même làcrifice , par- ce qu'on crut qu'il y étoit toujours furvenu quelque manque de formalité. Que ( 2 ) Q^ Sulpitius fut dépofé de Prelature , parce que le chapeau facerdotal lui étoit tombé de defTus la tête en Sacrifiant , 8c que C. Flami- nius, qui avoit été nommé Colonel de la Ca- valerie par le Diârateur Minutius, fut deftitué, parce qu'au moment que le Diélateur le nom- moit , on ouït le bruit d'une iburis. On peut voir plulieurs exemples de cette force dans le même Auteur , 8c dans d'autres livres non fui^ pecfts , iàns qu'il foit befbin de recourir à ce beau paflàge ( 3 ) d'Arnobe , qui tourne fi bien en ridicule les Paiens , quoi qu'il n'outre point la matière, 8c qu'il ne difè rien qui ne fe trou- ve en fubftance dans la harangue de Ciceron de Harufptcum refponfis.

Vous

piam, aut

limpiivio

deerrarit, aut fi curfu in folemnibus ludls, curriculirque dîvinis:

commiffum omnes ftatim in religiones clamatis facras , fi ludins

conftitic , at't Tibicen repente conticult , aut fi patrimus ille qui

vocatur puer omifit per ignorantiam lorum , autterram tcnerenoA

poiuit, Armb. lib, 4, adverf, Gcntes,

Tenftes diverfei, î 19

-Vous voiez , Monfieur , quel étoit l'eiprit de îa Religion Païenne. Tout lui paroilîôit rem- pli de lignes & de prodiges , £c l'on eut railbn à Rome , lors que Ventidius y fut fait Conful , de muletier qu'il e'toit auparavant , de faire courir un ( i ) Vaudeville qui exhortoit tous (i) Con- \cs Augures ôc tous les Arufpices à s'afîèmbler currite en diligence , pour voir ce qu'une avanture li T"""^„ prodigieuie ligninoit 5 car ils sallembloient a Arufpîces. moins, & ils ordonnoient des purifications pour Porren- des fujets de plus petite conièquence. Mais je tum inufi-

m'étonne qu'ils ne fe ibicnt pas regardez eux- ^^^^^

^ j. ^ ° j-j' V confla-

memes comme un prodige , ou comme diloit ^^^ ^^

(2} Caton , qu'ils aient pu s'empêcher de rire recens,

quand ils s'entreregardoient. Je m'étonne qu'ils Nam mu«

n'aient pas pris la crédulité de tant de grands '°5 ^^*^

perfonnages pour un monftre qui demandoit ç^^ç^l*

les plus rafinées expiations. En effet , c'eil faftusefî,

un dérèglement de la nature beaucoup plus A,Geiims

monftrueux , de voir le Sénat de Rome corn- «"^^ -^'-

pofë de tant de Héros 6c de Perlbnnes illuftres ^"^- ''*• ^^'

par leur efprit , par leur courage 6c par leur '^'^^' ^'

iàgeiîè , aprouver toutes les ridicules fuperfti- ^^^ j^jj.an

tions qui regardoient l'art des augures, que de fe aiebac

voir naître un chien à deux têtes. Il faut donc quod non

demeurer d'accord , que les artifices du Démon riderec

ont fait de merveilleux progrès dans i'efprit de arufpicem

l'homme, pour combler la mefure de credu- cumvidif-

lité naturelle , 6c pour lui faire trouver par tout fec. Cner.

dcquoi craindre le reffentiment des Dieux im- l- (i'

mortels. ■^''^'«'''•

§. LXVIII.

Jirtïficei Ah Bemon four fomenter la fu^erfii- tion des Faiens.

Afin que ce tour d'efprit ne s'efiàçat pas , il faloit entretenir les hommes dans la penféc, que

les

1 1 o Penfées diverfes,

les effets de la nature qui avoicnt quelque chofc de remarquable , venoient immédiatement du ciel , Se taire bien valoir tous les tremblemens de terre , tous les debordemens des fleuves, tous les feux qui aparoiflbient de nouveau fur nos têtes, Sec, C'eft auflî ce qui a été tait , com- me je l'ai juftifié.

Il faloit outre cela exciter dans Toccafion plufieurs de ces phénomènes quand la nature n'en fourniffoit pas , ou plutôt quand elle en tburniflbit déjà quelques-uns : car jamais les hommes ne font plus faciles à prendre les ef- fets de la nature pour des miracles , que lors qu'en divers endroits 8c en même tems il ar- rive plufieurs chofès extraordinaires. Chacun met aifement dans l'eiprit , que ce concours 6c ce concert ne peut venir que d'enhaut : 8c quoi qu'en toute autre chofè le moien de n'ê- tre pas cru foit d'en dire trop j fur le fait des miracles tout au contraire , le moien de per- fuader , c'eft de ne garder aucune mefure. Plus on en dit , Se plus on perfuade que c'ed le doigt de Dieu. C'efl pourquoi dès que la choie avoit été mile une fois en train par les favorables conjondlures que la nature avoit fournies , il importoit extrêmement de produire en divers (i) Apli- lieux plulieurs effets extraordinaires , en ( i ) ^^"*^® apliquant la vertu des caulès fécondes j ou à oaffivis. ^°'-^^ '^ moins de lèrvir de l'imagination foi- blc de plufieurs perfonnes , qui croient voir ibuvent dans les nues des armées en bataille, 8c entendre des bruits 8c des hurlemens ef&oia- bles il n'y. en eut jamais ^ il importoit ex- trêmement , dis-je, de le lèrvir de cela pour répandre par tout la nouvelle d'une infinité de prodiges. C'efh aulTi ce que les Démons ont pratiqué fort adroitement. Quand 'ûs ont pu bouleverfer la nature fort à-propos pour leurs fins , ils l'ont fait , du tems de Brennus par

exe

Penfées dlverfcs. m

exemple. Quand iis ont vu que les caufès fè- (i)Rom« condes avoient déjà donné le branle à la fuperf- ^"^^?^ v tition , s'ils n'ont pas pu y ajouter quelque cho- ^ij-i^e'^""^ d'etredtif par leur induilrie, à tout le moins mulca ont-ils tait répandre le bruit de mille prodiges hyeme imaginaires , qui , tout imaginaires qu'ils é- pr^^^Jg'a toient , ne laifîbient pas de fe fortifier ks uns ^^J'oj èye.^' les autres , & par la créance qu'ils trouvoient nlre'folec, dans les efprits, de faire naître l'envie au mon- mon'? fe- de d'en publier encore d'auffi m.al fondez. Il y ^^■'} ir; re- eut a {i) Kome (c'efl Tite Live qui parle) (^ ^^^^^ aux environs de Rome p!u/:eHrs prodiges peîidant nînîra cet hiver , ou du moins l'on en reporta, ^ l'on en nunciata ' crut beaucoup fort léger e?nent , comme ceft la coh- & cem crè îume , quand une fois les efprïts ont tourné les ^'eaita chofes du coté de la Religion. . . On publia cette p'j-o^-Vfâ année beaucoup de prodiges j O' plus on trouvait eo anno des gens fmples ^ dévots qui y ajontoient foi , intita plus c.ufjî Q.'i en publiait. Voilu làns doute la (2) f'^ncîara raifon qui a fait dire à Claudien , qu'auffi-tôr ^"^'•' ^^'^. que quc;qucs prodiges ont pu eciorre , tous \zs cre.-iebanc autres s'emprelTènt de naître, pour ne pas lailîèr fimpiices échaper leur làifon. ac rc'igiofi

homiDes, eo e-iiin

nun- a.oantur. ^«? les Païens attribuoient leurs malheurs a, la ^- ^'■'^• négligence de quelque cérémonie , 0* non pas k ^'^« !•'•"'«•)•

leurs vices,

(i) Urque , - . , , -, r femel pi-

Mais de peur que ce même tour a cfpnt ne tuicn^onf'. portât les hommes à honorer la Divinité de la tri- lrc-r> manière que la droite raifon nous cnieigne, om.iu c'eft -à-dire, en renonçant au vice, & en pra- j^t^'}!'^^^ tiquant la vertu ; il tàlloit entièrement apliquer la dévotion des peuples à cette pcnfcc , que les iignes de la colère des Dieux ne tcmoignoient " pas qu'ils fufltmt fûcheE contre le deieg'ement ^^'"'''/,:'^' des mœurs, mais feulement coutrda ncdigen-

i LXIX. ^.^

K properar.C

i/i L:',"

Tom^ I, F

^^^^

ce

122 Fenfées diverjèj.

ce ou le non ufàge de quelque facrifice , ou de quelque cérémonie , & qu'ainlï la feule choie qu'il talloit faire pour les appaifer , étoit de re- mettre en vigueur h cérémonie , ou d'en in- venter quelques autres , fans fe mettre en pei- ne de corriger fcs pafTions. Ceft aufli à quoi les Démons font particulièrement étudiez, 6c avec un fuccès dont ils ont eu lieu de s'a- plaudir. Car il eft clair par toute THiftoire profane , que les Paiens raportoient la fourcc éts châtimens que les Dieux leur envoioient, à l'oubli de quelque fuperflition , 6c non pas à l'impureté de leur vie , & que dans cette vue ils croioient avoir allez fait , pourvu qu'ils euf- fent rétabli le culte qui avoit été oublie. (i)Denys Les (i) Carthaginois fe volant batus par d'Halicar- Agathocles Roi de Syraculè , Se affiegez dans nafleliv.i. j^^^ y-||g ^ ^^ crurent pas avoir mérité cette difgrace pour aucune autre raifon, li ce n'eft parce qu'ils avoient changé la cruelle coutume d'immoler à Saturne de leurs propres enfans au choix du fort , en celle d'immoler des en- fans achetez ou nourris Secrètement pour cela. Si bien que pour reparer leur faute , 8c pour apaifer le Ciel irrité , ils rétablirent la vieille coutume par le facrifice public de deux cens jeunes garçons de Qualité (a) tirez au fort. Et cette coutume s'affermit li bien dans ce pais-là , qu'elle y étoit encore pratiquée en fecret du teras de ( 3 ) Tertullien , quoi que Tibère fe fût ièrvi pour Tabolir d'un moien fort efficace, qui fut de faire attacher en croix les Prêtres qui immoloient ces innocentes vic- times. Pendant qu'Annibal faifoit trembler l'I- talie , le fort deftina fon fils aîné à cette barba- re immolation. Mais fa mère qui n'a voit peut- être jamais tait réflexion fur l'énormité de cet- te coutume , la comprit alors , 6c la reprefenta fi vivement, que le Sénat de Cartilage, qui étoit

fort

{!) Lac-

tant, de fair. rdig. lib. I.

cap. 21.

(3)Apo. îo^er.

cap. 9.

Venfées diverjès. Il 5

fort embarrafTé entre la ciainte âts, Dieux 5c celle d'Annibal , 6c qui franchement craignoit plus de l'irritation de Tun , qu'il n'eipeioit de lappaifement des autres, n'ofa palTer outre, 5c dépêcha vers Annital pour iàvoir vcîcnté. Annibal ne voulut point que fon fils mourût, 6c dit qu'il valoit mieux le confcrver pour le Icr- vicQ. de la patrie ■•, qu'il auroit foin de faire périr tant de Romains , que les Dieux n'amoient pas fijjct de plaindre de ce qu'il leur avoit dé- tourne' une vi6lime. Il les apellc au fpedtacle du carnage qu'il s'en va faire :

Vos {i) quoqne patr'ù OMorum cieluèra. f\) ^Wmg piantur " Irai us,

Céidibus , atqiie coït gauilent formidine ma- ^^^* ^* trum y

Hue Utos tolttis tûtafcjue advertite men- tes ^ 6cc.

Je vous fatiguerois trop , Mcnfieur , fi je . vous citois tous les exemples que j'ai lus fur cette matière j 6c d'ailleurs i'Hiitoirç EcclelîaP tique , que vous iàvez fi parfaitement , vous en fournit allez pour me diîpenfer de cette com- pilation. On y voit que les Païens accufbicnn inceflàmment les Chrétiens d'être la cauiè de tous les malheurs qui affiigeoient l'Empire, parce qu'ils prêchoicnt contre le culte des Dieux , 6c le faifoicnt cefllr dans les lieux ils étoicnt les plus forts. Le Tyran Maximin leur hit ce reproche dans fès Edits , comme /^> -^^ nous l'aprenons (2) d'Eufebe. Se faut- il éton- 9'c p.7, ner , dit (3) Porphyre , Ji la iHle eji affii/ée Hift, 4e pejle depuis fi long te:ns , puis qu'Efcttlape E clef. les autres Dieux en ont été chfijfez. , depuis qu'on adore Je fus , nous ne pouvons tirer aucune afïtf- r^v t^ tance des Dieux. Le but gênerai de Saint Au- deP,.rpar. guftin dans fon livre de la Cite de Dieu, efl de Eaan^e!. *

F Â IC-

1 2 4 Penfées diverjès,

repondre aux Païens qui plaignoîent, que le iàccagement de Rome, Se tous les ravages que les Goths avoJent Faits dans l'Empire , avoient eu pour caufè le mépris que l'on faifoit des (0 Si- Idoles. L'irruption de ( i ) Radagaife dans l'I-

G.mbi'c. ^^^^^ ^ ^'^ ^^'■^ ^^ -°^' '"'"'^^^'^ hommes fit mur- inChron* niurer d'une étrange forte contre la Religion ad ann. Chrétienne. On exageroit les dcfordres qui 437* arrivoient fous les Empereurs Chrétiens, 8c la

félicité de Ronie Païenne; &: c'efl à quoi l'élo-

.^^ quent Symmaque s'emploioit de tout Ion cœur.

(z) Epift. Il oià ( 2 ) bien écrire à à^s Empereurs Chre- ^4. 1. ic. tiens , que la famine Se \cs autres incommodi- tez qui defoloient l'Etat , étoient le châtiment du mépris que l'on avoit pour les Dieux Se pour leurs Minières ■-, quil n'en faloit accufèr ni les influences des aftres , ni la rigueur des hivers, ni la fechereflc des étez , mais la co- lère qu'avoient les Dieux de voir qu'on avoit retranché aux Prêtres Se aux Veftaks les pen- fions qui fèrvoient à les nourrir. Les mê- mes Empereurs Chrétiens , aiant tait cefler les làcrifices que les Egyptiens Idolâtres ofïroient folennellcmcnt au îxii , lors que fes eaux ne repandoient pas fur leurs terres , virent pref- que une farieufè fédition en ce païs-là , les Egyptiens voulant à toute force recommencer leurs fàcrihces , perfuadez qu'ils étoient , que l'interruption de cette fàinte cérémonie leur . V TjT attiroit la flerilité en les privant des inonda- cor. Tri- tions du (3) Nil, part. lib.

^•"P-42. §. LXX.

AplicMion des remarques précédentes à U rai/on tirée de Ia Théologie.

Que direz-vous de cette longue digreffion? Monlicur , aiVurément vous croirez que j'ai

tout-

PenÇées diverfes. 125

tout-à-fait oublié mon argument Theologique. Alais donnez-vous un peu de patience , vous verrez que je me retrouverai iur les voies , êc que la courfe que J'ai faite dans les Pais Idolâ- tres , ne m'aura pas été infruâueule. Car aiant établi comme j'ai fait , I. Que les choies que l'on prenoit pour àcs lignes de la colère du Ciel, n'étoient propres qu'a fomenter le culte lâcri- ItgQ des Idoles , bien loin de mortifier le pé- ché dans le cœur de l'homme j IL Que les Dé- mons ne trouvoient pas un meilleur fecret pour étendre l'Idolâtrie , que celui d étonner \qs Peuples par des prodiges véritables ou fu- poièz i III. Que l'aparition vraie ou fauiîè d'un prodige fiifoit toujours rendre de nou- veaux honneurs aux faux Dieuxj aiant, dis-je, établi tout cela , j'ai prouvé manifellem.ent que fi Dieu avoit formé par miracle ces grandes 6c valtes Comètes , qui paiîbient pour des lignes de la colère du Ciel , il eût concouru par lès miracles avec les Démons pour abrutir de plus en plus les hommes dans la fuperftition Païen- ne , ce qui ne fe peut dire ni penler làns im- pieté. Encore un coup , Monlieur , allumer des Comètes dans les cieux , vu comme les Paiens étoient faits, n'étoit, à proprement par- ler , que faire redoubler les a6les d'Idolâtrie par toute la terre , excepté peut-être un petit coin de la Paleftine 3 6c naturellement par- lant , c'étoit tout ce que Dieu s'en devoit pro- mettre.

§. LXXL

De l'horreur que Dieu a pour l'IdolÀtrîe.

Jugez un peu fi cette conduite le raporte à

î'idéî que nous avons de Dieu , 6c s'il eil pofli-

ble que le même Dieu, qui déclare fes Pro-

F 3 phe-

Î2<? Penjees divey'fis,

pheres, que rien ne lui ell plus abominable que 'îe cuJte des Idoles ; qui témoigne plus d'indi- gnation contre Ion peuple , lors qu'il fàcrifie fur les montagnes & ious le feuil'age des arbres, 8c qu'il honore les Divinitez à^s Gentils , que lors qu'il tombe dans le larcin , dans !e meur- tre, & dans l'adultère j qui commence loi par une double detenfe de Ic-rvir aucun autre Dieu que lui j qui pour donner plus de poids à detenfè , piopofè fous l'idée d'un Dieu tout - puiilànt 6c jaioux , étendant la punition des rebelles juiqu'aux enfans de la quatrième génération , ik. ia bonté pour les pères obeïllàns jufqu'aux cntans de la millième j c'efl-à-dire , que pour témoigner combien il veut être obeï dans ce point -là , il prend les hommes par l'endroit le plus lènfible , par la menace d'un Dieu jaloux , (dont l'idée ne peut reveiller que la frayeur d'une vengeance également prompte & fevere) & par les promefTes dune miieri- corde incomparablement plus étendue que la rigueur de la jalouliej qui pour faire voir com- bien le crime des Idolâtres furpalTè tous les au- tres , prend le foin en le défendant , d'accom- pagner fà defenfe de tout ce que je viens de di- re i au lieu qu'il fe contente de défendre lim- plement le meurtre , le larcin , Timpudicité , la calomnie j qui punit l'adoration du veau d'or par le plus funefte de tous les châtimens , puis que ce fut en abandonnant fon peuple à fcrvir à l'armée des Cieux , par il s'attira les milc- res d'un exil & d'une captivité lamentable, comme nous l'allure le glorieux premier Mar- tyr de l'Evangile (i) Saint Etienne ; qui enfin ne veut pas kulement foulfrir que l'on mange des chofes facrifiées aux Idoles 5 conliderez , dis- je , Monlieur , s'il eft polTible que le même Dieu , qui a fiit toutes ces choies , ait mis néanmoins de nouveaux afhes de tems en tems

dans

Tenféei diverfes, \ij

^ans îe ciel pour intimider tous les peuples de la terre , 6c pour les porter intaillibkment par à tous les a6les d'Idolâtrie que chacun re- gardoit comme plus propres à expier fès cri- mes, & à deiàrmer la colère de Dieui les Gau- lois Scies Carthaginois par exemple, à facrifier à^s hommes en quantité : abomination exécra- ble, que Dieu detefle ii fort par la bouche de fes Prophètes dans le peuple Juif, qui à l'imi- tation de plufieurs autres , faifoit brûler des en- fans à la gloire des Idoles , &: pour iaqueiic il châtia 11 exemplairement les Rois Achas 6c Alanafle.

§. LXXII.

^ue lu ras/on pourquoi los Comètes ne fouvoient pas être des prefag es , avant U venue de J e- s u s-C H R 1 s T , fabyfie encore.

Sr cette raifbn prouve que les Comètes qui ont paru avant* la publication de l'Evangile, n'ont pas été formées extraordinairemcnt, pour avertir les hommes de la part de Dieu à(^5 malheurs qu'il leur preparoit en colère j il efl évident que celles qui ont paru depuis ce tems-là, n'ont pas été non plus des produdlions miraculéufes dellinées à preiàger les maux à venir.

Premièrement , parce que fi les Comètes avant la vocation des Gentils , n'ont pas été àts ilgneç envoiez, de Dieu , elles ont été des effets de la nature tout purs , auffi bien que les éclipfès & les tremblemens de terre. Et h ce- la eft , il feroit très-ridicule de dire , que de- puis la converfion des Paiens les Comètes ont changé d'efpece , 8c ne font plus des ouvrages de la nature , mais des fignes miraculeux j com- me il feroit très-ridicule de prétendre que de- F 4- puis

12 8 Penfées diverfès.

puis ce tems-Ià les ëclipfês font devenues des elïèts iiirnaturels. Or li les Comètes font de purs ouvrages de la nature, il eft évident qu'el- les ne font point un figne des ir.aux à venir, tant parce qi.i'cJles n'ont aucune liaiibn natu- relle avec les maux à venir, comme je fai dé- jà fait voir , 8c comme je le montrerai plus à fond dans la fuite , que parce qu'il n'y a aucu- ne révélation qui nous aprenne que Dieu \ts ait établies pour lignes des maux à venir, à- peu-près comme il a établi l'Arc-cn-ciel pour nous être un avertiflèment qu'il n y aura plus de Déluge.

Secondement , parce que la raifbn qui prou- ve pour ]e tems qui a précédé la Religion Chré- tienne , prouve aufli pour les liccles du Chrif- tianifme , à caufè que malgré tous ïts admira- bles progrès de la Croix du Fils de Dieu , ia plu- part des hommes font demeurez Idolâtres, ou Ibnt faits Mahometans. A prcfent même que le Chriflianifme eft li répandu , & qu'il s'eft fait jour dans le nouveau .monde , ij ell certain que la plupart ùts peuples de la terre ibnt encore plongez dans les arrreufes ténèbres de j'inftdehté. De forte que ii Dieu fe propo- ibit d'annoncer les fléaux de colère par des Com.etes , il feroit vrai de dire qu il auroit pour but de ranimer prefque par tout le mon- de la fauffe & la facrilege dévotions d'augmen- ter le nombre des Pèlerins de la Mcque, de àcs oiÎTandes que l'on y coniacre incellàmmcnt au plus infime Impollcur qui fut jamais i de taire bâtir de nouvelles Mofquées j de faire inven- ter de nouvelles fuperllitions aux Torlaqais ôc aux Dervifches j en un mot de faire commet- tre un plus grand nombre de choies abomi- nables qu'on n'en commettroir. Car quoi qu'on ne conoifle plus ni Jupiter , ni Satur- ne, on ne lailfe pas d'être aulfi proHitué qu'an- cien-

Penfées diverjès, 129

ciennement , dans hs plus extravagantes 6c les plus criminelles Idolâtries.

§. LXXIII.

De l'abom'mMe Idolâtrie des Vamis d'ati- jourd'hui.

Sans parler de toutes les abominations qui fc commettoient dans le Pérou &: dans le Me- xico il n'y a pas bien long tems , 8c de ces là- crifices d hommes que l'on (i) martyriibit ,y^^ . pour honorer les Idoles , & que les Eipagnols virenere ont fait celîèr dans les lieux ils le font eta- annotât, blis ; qui ne lait que les Indiens , les Chinois, f"f Cefar Se les faponnois , Ibnt dans les plus elfreiables ^^^■. ? '7» egaremens qui le puilient dire lur le cliapître j^ionta»-. de la Religion i qu'ils adorent des linges Se àts iw. i."* vaches; qu'ils conliiltent le ( 2 ) Démon dans chap.2^., des montagnes brûlantes •■, qu'ils honorent leurs taux Dieux jufqu'u s'enterrer tout vivans , ou f^^p^^?'^* à le noier , par la dévotion qu'ils leur portent , ^^^^ ^^' . ce qui efl un degi'é pour monter à la Canoni- japon, iàtion ; qu'ils batiflènt des Temples au Diable, par la & au Prince des Diables nommément Se direc- Compag. tement (ce que les anciens Paiens ne faifoient J^^J!-^''* pas) qu'ils portent enfin à tous les excès qu'une aveugle Se furieuie iuperiVition peut inl^ pirer ? Or comme vous lavez. , Monlieur , il y a une li grande liailbn entre croire que le Dieu qu'on adore efl: irrité , 8c lui rendre avec plus d'attachement le culte établi par h coutume, qu il ell impoffib'e de vouloir qu'une nation idolâtre conoiflè que le Ciel eiî en colère , làns vouloir qu'elle exerce avec un zélé redoublé les exercices de Religion. Et- par coafcqucnt fi Dieu for moit dés Comètes, afin daprtndie aux hommes qu'il ell irrité contre eux, Se que s'ils n'apailènt pas julle indignation , il les

y ^ chû-

1^0 Tenfées dtverjès.

châtiera fcverement , il voudroit que tous Icy peuples inndcles recouruflent avec une nouvel- le ardeur, chacun à &s cultes 6c à lès cérémo- nies abominables : ce qui étant faux & impie, nous fommes obligez par des principes de Re- ligion à dire , que dans l'intention de Dieu \çs Comètes ne peuvent preiàger aucun mal. Bien entendu , que s il y a quelque part des feux ex- traordinaires , vifibles ièulemcnt ou à quelque ville , ou à quelque pais qui conoiHe le vrai Dieu, comme il parut autrefois fur la ville de Jerulàlem , on peut les prendre pour àts li- gnes envoiez par une providence toute parti* culiere.

§. LXXIV.

^He les Comètes ont des caretEleres particuliers , qui rnontrmt qu'elles ne font pets des fignes.

Mais de s'imaginer qu^un aflre qui fait le tour du monde chaque jour , 6c qui ne paroît pas en vouloir plutôt aux Chrétiens qu'aux In- fidèles, aux François qu'aux Eipagnols , foit un prodige , que chaque nation foit obligée de croire que Dieu a fait tout exprès* , pour lui annoncer &n mal à venir , c'eft ce qui ne le peut pas : parce qu'outre mes autres railbns , il eft impofifible que chaque nation foit obligée de craindre àtz adverfitez, à la vue des Comè- tes. Car il paroît par l'Hiftoire , 6c même par la conlideration de ce qui arrive dans le mon- de pendant qu'on y eft, que Dieu ne châtie pas tous les hommes en même tems. Les afflic- tions \t'i plus générales épargnent des nations toutes entières. La Providence divine diipen- £t^ biens 6c Çç:s maux de telle ibrte, que cha- cun y a part à fon tour. Mais on n'a jamais vu depuis le Déluge , un châtiment gênerai tout

à

Penfees dtverfes, i > i

à la fois j on n'a jamais vu une profufîon de bonne fortune générale en même tems par toute la terre, il faudroit que Dieu boulever- lât tout Je train de Providence pour agir au- trement. Or comme l'expérience d'un très- grand nombre de Comètes qui ont paru , ne nous aprend pas que Dieu ait janiais ufé d'une conduite li extraordinaire , il n'y a point lieu de s'imaginer , quand on voit de ces nouveaux aftres , que Dieu veut faire plus qu'il n'a jamais fait en pareilles occafions. Nous lavons par les evenemeTis qui ont fuivi les Comètes , que quand il en a paru , le deflèin de la Providence n'a pas été de plonger toutes les nations du monde dans un abîme de maux. Bien loin de , nous lavons qu'elle a eu delfein de com- bler de prolperitez pluiîeurs peuples de la ter- re. Par confequent tous les peuples de ia ter- re n'ont pas été obligez de juger en voiant des Comètes, qu'ils alloient être accablez de mauxj & il n'eft pas même polTibie, vu le train de la Providence, qu'ils fbient tous obligez à croire cela ; car la plupart du tems Dieu le fèrt d'une nation pour châtier l'autre , donnant à celle-ci les biens qu'il ôte à celle-là. Si dans le tems que les Perfes dévoient craindre la defiruftion- de leur Empire , les Macédoniens eufîènt craint le renverlèment de leur Royaume , n'eft-il pas vrai qu'ils eulîènt été dans l'erreur ? J'infère de , que li c'étoit l'intention de Dieu que tous les peuples qui voient des Comètes , crulîènc leur ruine prochaine , l'intention de Dieu le-- roit que plufieurs peuples le trompalîcnti ceux, par exemple , qu'il deftine à conquérir les Royaumes que ùgi^^G trouve à-propos de renvcrlèr. Or comme ce feroit une impiété de croire que Dieu a de telles intentions , il elt' impolTiblc que les Macédoniens , par exemple, aient été exigez fous peine de péché mortel, F 6 à

^l Pe-nfees diverfes.

à croire que la Comctc qui parut au commen- cement du règne d'Alexandre , les menaçoit d'une ruine épouvantable. Ainfi Dieu n'étant pas capable d'obliger les hommes à juger fauP femcnt des chofes , il efn impoflillc qu'il pré- tende engager tous les hommes du monde à juger , qu'une Comète efl un ligne de leur mal- heur. Ce ièroit néanmoins Ion intention , fi l'opinion commune ëtoit véritable. Donc c'eft une opinion taufîè , & qu'on ne peut excufer d'impiété , que fous le bénéfice du peu de re- flexion que font les hommes fur'les circons- tances des Comètes , lors qu'ils les prennent pour un ligne de maleditlion.

Il y a beaucoup d'aparence qu'on ne les pren- droit pas pour des prodiges envolez, de Dieu, fi on conlideroit avec un clprit Iblide I. Qu'elles n'ont rien de particulier, qui faflè conoître aux peuples , que c'eft à eux nommément qu'elles s'adrellent. 1 1. Que li elles ont quelque char- ge de dénoncer la colère de Dieu , elles la dé- noncent généralement à tous les peuples de la terre , aulli-bien à ceux que Dieu veut bénir, qu'à ceux qu'il veut châtier. III. Que ce Ibnt Ac5 fignes fort équivoques , qui ne peuvent, par exemple , avoir prelàgé la ruine de l'Em- pire Grec , làns prelàger la prolperité des Ot- tomans: la mort d'un Pape , fans preiàger l'é- lévation de Ion fuccelTeur : la mort d'un Con- quérant , £ns prelàger les feux de joie qui s'al- lument dans tous les pais qui craignoient de tomber fous le peiant joug de fa puilïànce. IV. Que celbnû ài:s lignes généraux Se 11 obf- curs , qu'on n'y voit aucune marque de ce qui doit eiteâiiv'enient arriver , plutôt que de ce qui n'arrivera point. V. Enfin que ce font ÙQ-S lignes accompagnez de pliilieurs circonf^ tances indignes de la làgclè & de la fàinteté de Dieu, j'en ai touché quelques-unes en par»

lant

Penfees diverfes, T33

kint des ecliplès , Se mon argument Theologi- que ne porte que fur cela.

Vous en penferez ce que vous voudrez, Moniieur i mais pour moi je ne faurois me mettre dans l'clprit , que Dieu fe propofe au- tre choie dans la formation des Comètes par raport à nous , que ce qu'il propoiè dans tous les eftets de la nature. Tous ceux qui s'élèvent à Dieu par la conoiilànce des choies naturelles , entrent aflûrément dans les vues que Dieu stïi propofees en faiiànt les créatures. Mais je ne iàurois comprendre , qu'un homme qui prend pour un miracle ce qui ne rdt point , donne dans la tin que Dieu s'eil propofée , par- ce qu'il ne me ièmble pas que Dieu puifle ja- mais avoir pour but de nous taire faire de faux jugemens. Et fur ce pied-là je crois , que Dieu vouloit avertir les hommes àts malheurs qui les menacent , il Je feroit par des moicns , qui non ieulement ieroient très - intelligibles à ceux qu'il voudroit menacer, mais auili qui ne menaceroient pas ceux qu'il auroit defièin de tavoriier de iès grâces. Cela fuffit pour dégra- der les Comètes du rang qu'on leur donne par- mi les prodiges dénonciateurs de la colère de Dieu, car il n'apartient qu'à la fabuleufe Divi- ri;é de Pan Se d'Apoilon , de jetter de fauiîès allarracs dans les eiprirs , Se de ne s expliquer que par des énigmes.

§. LXXV.

I.n quel fcns on peut dire que Dieu menace ceux fO. Cum ^ ^ ./ ^^ r tenant

c^u il ne veut pas fraper. unum ,

non ununa

I. Je iài bien ce qu'on a dit de la (i) fou- fuimJna

dre, qu'elle frape peu de gens , quoi qu'elle en Jf'^5"^*

épouvante plufieurs. Je iài auiTi que cela de\mt\

pratique fort làgement dans le fuplice d'une tUg. x.

F 7 trou-

(i) Sta- tuerunc iuma|o- rcs noftri, ut fi à multis effet fla- ^ girium rel milicaris admiffum, forcitione jn quof-

animad- verrere- tur , ut mecus vi- deiicet ad omnes, pœna ad paucos perveni- rec. Ci- ter pro ClhcnU

154 Penfees divcrfes.

troupe de (i) fèditieux. Mais cela ne prouve" autre choie , linon que les fléaux que Dieu en- voie fur un peuple , doivent faire craindre juftice à tous les peuples voilins, 6c les indui- re à mériter par leurs bonnes œuvres la conti- nuation de la profperité dont ils jouïïTent : ce qui efl: bien éloigné de l'erreur fe portent ceux qui affirment , qu'un certain effet de la nature eft un miracle fait exprès , pour prédire de la part de Dieu à tous les peuples de la ter- re leur prochaine deilruâion j à quoi néan- moins Dieu ne penfe pas : car quelquefois c'cll alors qu'il prépare des joies Se des triomphes à plulieurs nations. Joignez, à cela , que la fou- dre eft fi à portée de nous faire du mal , 6c qu'elle en fait li fbuvent de terribles auprès de nous , qu'il n'y a point d'erreur à croire qu'il nous en peut arriver du préjudice 5 au lieu que nous n'avons aucune raiibn de penièr qu'une Comète ait jamais fait, ou ait jamais pu faire le moindre mal. Outre que ce feroit un ju- gement faux &: très-incapable de paiîèr pour une œuvre méritoire , que de dire que la fou- dre a été formée nommément ôc exprelTément pour châtier les pécheurs.

§. LXXVI.

^iC'il ejl faux que les peuples qui font heureux après l'apunt'im des Comètes , aient mérité cet- ]^ te difiifjhion par leur pénitence.

IL Quant à ceux qui pourroient dire , que les Comètes menacent tous les peuples du mon- de , parce qu'en effet Dieu a deffein de les pu- nir tous 5 mais qu'il y en a quelques-uns dont k repentance delàrme colère : je ne leur ré- pons autre chofè , lïnon qu'ils ie trompent ma- aifellemcnt. lis m'obiigeroient fort de me

jnon-

TenféiS dfverjes', Ï35

înontrer par quelle mortification les Macédo- niens ont apailë la juftice divine , & mérité les richefîes ôc les couronnes de Darius, au lieu des châtimens qui leur étoient deftinez par la (i) Comcte dont j'ai déjà fait mention. (i) cî-

Je fèrois bien aiiè auflï qu'ils m'aprifîènt les defTuspag, aâ:es de dévotion 8c de pénitence , qui fauve- '3'» rent Mahomet II. des infortunes , dont il de- voit avoir fa. part en vertu des Comètes qui parurent ibus Ion règne. C'étoit le plus grand Athée qui fût fous le ciel : fès troupes com- mettoient les crimes les plus énormes qui pufîènt commettre , 8c cependant elles ne cef^ ibicnt de fubjuguer des Roiaumes 8c des Em- pires dans la Chrétienté.

Avoiions donc , que ce n'eil: pas le defîèin de Dieu , quand il fait paroître des Comètes , de châtier tous les peuples du monde. Sa Pro- vidence trouve plus à-propos de les punir fuc- ceflivement les uns par les autres. Les Macé- doniens n'étoient pas plus gens de bien que les Perles ; cependant parce que le tems étoit veivi Dieu vouloit ruiner la Monarchie des Per- iès , il les fournit aux Macédoniens. Ceux-ci aiant fait leur tems , fuccomberent à leur tour à répée des Romains , qui entaflànt viftoire iùr viéioire, 8c fubjuguant au long 8c au large Roiaumes 8c Republiques , fans être plus gens de bien que ceux que Dieu leur affujettiiloit, fîloient leur corde, pour ainfidire, 8c accumu- loient les jugemens de Dieu fur leur tête, com- me le remarque (i) Saint Auguftin , en fai- ^2) De iànt voir aux Idolâtres, qui accuibient l'Evan- Civicaî© gilc d'être la caulè des calamitez publiques, Dei, qu'elles étoient un effet de leur corruption, 8c de leurs dcreglemens. Quoi qu'il en Ibit, l'Em- pire Romain qui s'étoit formé par des ufurpa- tions violentes , a été démembré par une iem- biable voie ; la Providence divine faifànt voir

de

Î7,(j Penfees diverjes*

de tems en tcms parmi les hommes , ce qui {& Élit tous \qs jours parmi \qs cauiès neceiïàires, dont les unes ramaircnt en un corps , qui nous cache tout le ciel , plulieurs nuages feparez , 6c les autres diviient cette grande nue en une in- finité de petits nuages.

Ce que j'ai dit , que les peuples font punis chacun à fon tour, fans que ceux qui font les premiers châtiez foient les plus coupables , n'eft pas une fimplc conjedure : c'efl Dieu lui-mê- (t) Chap, i^^ qi^i i^o^s l'aprend par la bouche de (i) Je- ay. V. f. remie. C'efl moi , dit-il , qui ai frit la terre, & fuiv. ^ c^ui l'ai donnée a, qui bon m'a femblé j cefi moi qui ai livré tons ces païs-ci a Nabuchodo^ nofor Roi de Babylone ?non ferviteur , c^ toutes les nations lui feront fujettes a lui, ^ à fonfils, {^ au fis de fon fis , jufques k ce que le tems auff de fon pats vienne. Il feroit abfurde de s'imaginer , que le Roi de Babylone etoit plus faint & plus dévot que celui des Juifs, 6c que c'cll à cauk de la pieté qu'il conquit un puif- lànt Empire. Il étoit peut-être plus méchant que les Rois que Dieu lui affujettit: mais par- ce que le tour des Caldéens n'étoit pas encore venu , fon ambition fut un crime heureux, dont Dieu fe fer vit pour châtier les peuples dont il ne vouloit plus différer le châtiment. Le tour des Caldéens vint aulfi quelque tems après. Les Medes & les Perfes aulTi mechans qu'eux , mais pollerieurs ea date dans le livre de la Providence , les deiblerent 8c les fabju- guerent , pour être defolez 8c fubjuguez à leur tour. Souvenons-nous de la déclaration ex- (i)Ev^nn;. preflè du Fils de (i) Dieu , fur ceux qui £q deSt, Luc, trouvèrent accablez lôus les ruines d'une tour, chap. 13. Q^ égorgez en fàcrifiant , 8c nous n'entrepren- drons pas de dire , que ceux qui châtient les autres , font plus gens de bien que ceux qui font châtiez,, J'avoue que la patience de Dieu

kiiic

Tenfées diverfes, 137

îaifîc fouvent combler la mefure aux pécheurs , avant que de leur faire lèntir les rigueurs de juftice : d'où il iemble que l'on pourroit infé- rer , que les nations épargnées n ont pas enco- re comblé la mefure , comme celles qui ibnt punies ; mais il ne faut pas juger par le com- ble de cette mefure , qu'une nation eft plus ou moins criminelle qu'une autre. Etre arrivé à ce comble , lignifie feulement , que 1 on eft ar- rivé à l'heure fatale Dieu veut punir. Or qui doute que cette heure tatale ne foit atta- chée tantôt à une plus petite m.efure de pé- chez , tantôt à une plus grande , fclon que Dieu trouve à propos de diverfifier les évenemens , 6c de faire paroître fouveraine liberté ? Il y a des gens qui croient avoir remarqué dans rHifroirc , que le changement des Etats ie fait régulièrement après un certain nombre d'an- nées , 8c ils nous (i) citent je ne fai combien /j\ p^^^ de révolutions arrivées cinq cens ans \ts unes cer.de après les autres. Je ne m'amule pas à réfuter prxc. Di- toutes ces puerilitez 5 & peu s'en faut que je vmac. gè- ne me repente de les avoir déjà (2) refutées "^g ^^ en palîànt. Mais je fouhairte bien que l'on ià- che, que je defic tous les hommes du monde (^\ ci- de me faire voir dans rHiiloire , qu'après une defTus, certaine mefure déterminée de tolérance , Dieu °' ^-J» 17'a pas nianqué de faire éclater les effets de jufticc. Rien n'eft plus infini que la diverfité qui rencontre dans les manières de Dieu.

§. LXXVII.

^^ue Ve^cace des prières d'im petit nombre de donnes âmes diins U zraie Religion 3 na point de lieii dans les faujfes R.eUj^ions.

III. Dira-t-on , qu'à tout le moins il y a eu quelques bonnes âmes , qui par leurs priè- res

138 Penfees diverfef,

res 6c par leurs bonnes œuvres , ont délivre leur nation de la part qu'elle devoit avoir aux châtimens prefagez par les Comètes ? Je con- fèns qu'on le dilè , Se qu'on le croie à l'égard des peuples qui font dans la vraie Religion, Car quoi qu'il ièmble , que li Dieu le lailfe fléchir en faveur de tout un peuple, aux prières d'un petit nombre de gens , qui palTent toute leur vie dans les exercices de la pieté , il ne forme pas aufli le deiïèin d'exterminer ce même peu- ple , pendant que ce petit nombre de gens le ibutiennent : quoi qu'il fèmble que li l'eftét des Comètes peut être détourné par la pénitence des hommes , ce n'eft que par la pénitence des mechans qui ont irrité la colère du Ciel , 8c non pas par les macérations des bonnes âmes toujours agréables à Dieu , 8c qui n'attendent pas à le lervir dévotement , qu'il paroilîè des prodiges : quoi qu'il femble que li un petit nombre de dévots , eft capable de defarmer le bras de Dieu en faveur de toute la nation , ja- mais les peuples qui font dans la véritable Egli- , ne lentiroient les pelàns coups de la ven- geance celefte , ni ne fe ruïneroient jamais les uns les autres, comme ils font, parce qu'il y a toujours parmi ces peuples un reiidu de bon- nes 6c de làintes âmes : quoi qu'il lemble , dis- je, que l'on puifîè m'opofer ces railbns-là , je veux bien pourtant convenir que les bonnes œuvres de ce petit nombre de Chrétiens qui le confacrent entièrement à Dieu , peuvent atti- rer les grâces du Ciel fur toute la nation. Je ni que la victoire palfoit du côté de Jofué, ou (i) Exod. du côté des ennemis , à mefure que (i) Moï- rap. zy. fe élevoit les mains vers le ciel, ou qu il ne les élevoit pas. Je lài qu'on a dit , que du fond des grottes Se des folitudes , les Saints fai- fbient leur retraite , ils élevoient julques au ciel par leurs j unes 6c leurs oraifons , la matière des

fou-

Tenfées diverfes, i^p

foudres qui accabloient les ennemis de k Chré- tienté ; éc je ne doute point qu'on ne puiflè di- re , que les bonnes âmes en coniàcrant à Dieu , dévoilent pour ja patrie , Se qu'elles lui procurent les mêmes avantages que la fuperjp- tition Païenne s'imaginoit tauiîèment devoir au facrifice d'un Codius ôc d'un Decius. Mais ce fèroit une impiété' que d'attribuer la même vertu aux prières des Veftales , & aux macé- rations des Infidèles. Tant s'en faut que cela (0 ru^^' puilTè expier les péchez àes autres hommes, j^] ' * qu'il eil lur que les iàcrifices des Paiens , & les autres adlcs de leur idolâtrie, doivent être mis ('2)Qu;d en têrc de tous les crimes qui leur ont attiré la juvac fa- maledidlion de Dieu. La penfée de Caton, qui ^"^i PJ^'^'»" difoit de la mère d'un fort mal-honnête hom- ^oj."s "* ine, ^^ue quand elle prioif les Dieux pour la lie dîcare,8c de [on pis , ce n'éîoit pas tant des -prières qu'elle imperii faifoit , que des imprécations contre Kome , ie peut xtemita- étendre généralement fur toutes les prières ^^^ cœle- adreflees aux Idoles ; quoi qu'en ait voulu dire cirepra;fî- (i) Symmaque . dans les reproches qu'il a faits diis,armis à des Empereurs Chrétiens, qu'en privant de veftris, leurs penfions les Veftales & les^ Prêtres du Pa- ^quilis ve- eanifme , ils s'en étoient pris à des peribnnes '^!^!!f\î

*^ r 1.' ' ] i>T- \, r C^5 appll-

qui ioutenoient i éternité de 1 Empire par 1 al- ^are vircu-

nftance &: par la proteftion du Ciel , dont ils tes, pro

attiroicnt la (2) benediâ;ion fur les armées Ro- omnibus

maines. ^^^"V'^?

vota fufci- pere ,& §. LXXVIII. juscum

omnibus

DhreÛion neceffaire. "°" 1?^^*'

* "' •'•' re? Sym-

II refle quelques autres difficultez à écîaircir qui pourroicnt diminuer la force de ma fèptié- me Raifon , je n'en donnois un éclaircifle- ment bien fblide. Aufîi pretends-je le donner dans une julle étendue. Mais auparavant je

prca-

math» ibid^

140 Penfées diverfis,

prendrai la liberté de faire une digreflTion, quand vous devriez renouveller le reproche que vous m'avez tait afTez fouvent , d'être le plus grand coureur de lieux communs qui ibit au monde.

§. LXXIX.

V 1 1 1. Raiibn : ^^uc l'opinion qui fait prendre les Comètes four des prefages des calamitez. pu- bliojHes , eji une vieille fuperjiition des Paiens, qui s' eji introduite ^ confervée dans leChrif- tianifme far la prévention que Von a. pour l'A'n* tiquité.

JE deftine cette digreffion à recueillir de tout ce que j ai remarqué , la véritable caufe de la. prévention qui règne dans le monde , que les Comètes font des fignes de malheur. Je dis donc que ce îèntiment ell: un refte des fuperftitions Paiennes , qui s'eft perpétué de père en fils de- puis la converfion des Paiens , tant parce qu'il avoit jette de profondes racines dans l'ame de tous les hommes , que parce que , générale- ment parlant , les Chrétiens font auiïl frapcz^ ue les autres hommes , de la maladie de ire des prelages de tout.

§. LXXX.

t

De la grande pajjïon qu'ont les hommes de favoir l avenir , des ejfets qu'elle a produits.

Il eft facile de comprendre que les Paiens croioient fortement que les Comètes , les éclip- fcs, Sec. prefageoient de grands malheurs , fi l'on confidere le penchant naturel de l'homme à tourmenter pour l'avenir , fa curiofité in- iàtiable de iàvoir 1 avenir , & la coutume qu'il a de trouver ôc du nierveiiieux , Se du myftere

dans

Penfées diverjes. 14 1

clans tout ce qui n'arrive pas ibuvent. Cette infatiable curioiité l'avenir a fait naître je ne fài combien de manières de divination toutes chimériques ôc ridicules , dont néanmoins les hommes n'ont pas lailTë de paier. Quand quelqu'un a été aiïèz malicieux pour vouloir profiter de la foibleflè de l'homme , 8c qu'il a eu aflcz, d'elprit pour inventer quelque chofc qui pût fervir à ce deflcin , il n'a pas manque de donner dedans, c'eft- à-dire , de fe vanter de la conoiflànce des choies futures. C'eft de qu'eft venue l'Aftrologie judiciaire. Ceux qui commencèrent à étudier les mouvemens des cieux , n'avoient autre chofè en vue que de s'inftruire d'un effet ii admirable : & comme c'étoient aparemment des efprits plus touchez (i) de l'amour des fciences , que de celui des (i)Voîez biens du monde , ils ne pretendoient pas faire Ovide au de i'Aftrologie un art de filou. Mais il s'eft ^'Jp^^çg trouvé de mal honnêtes gens dans la fuite , qui aiant remarqué le foible de l'homme , en ont voulu profiter ; 8c pour cet effet ils ont débité par tout , que la fcience des aftres aprend ce qui eft, ce qui a été, Se Ce qui fera. De forte que pour de l'argent chacun pouvoir aprcndre fa bonne avanture. Pour mieux duper les gens, on leur a fait croire que les cieux font un livre /^^ yj j Dieu a écrit l'Hiftoire du monde , 8c qu'il Eufeb. n'y a qu'à lavoir lire l'écriture dont Dieu s'eft prcep. ièrvi , qui n'eft autre que l'arrangement des £uan, étoiles , pour aprendre cette Hiftoire-là. De ^' trcs-làvans hommes , Plotin 8c Origene entre ^* ^* autres , ont donné dans ce panneau, julques- /^\ Lç»» ( 2 ) qu'Origene voulant confirmer ion fcn- in tabuJis timent par quelque chofe de bien fort , le cou- cœli qux- vre de l'autorité d'un livre apocryphe attribué ^""4"^ au Patriarche Jofeph . l'on fait dire au Pa- "obisT"^ triarche Jacob s'adreflânt à fes enfans , {2,) ^'ai finis vcf- Ifi dam les récures du ciel tout ce c^ui 'vom arrï- trisi

1er a ,

f z) Nec corpora modo af- feÛ.i ta- bo, (ed animos quoque multiplex religiOï & plera- que ex- terna in- vaficno- vos ritus facrifi- candoi va- tJcinando- que,ir,fe- rentibus in domos, quibiis qaxftui Xunt capti fuperfti- tione ani- mi. Li- viits l. 4, Dec, u

Ï42 Penfées diverfis»

l'erat ^ a vous, 1^ k 'vos fils. On a profité fur tout de l'aparition des Comètes , & de la peur qu'elles tàilbient par leur longueur deme- iurée. Les Ailrologues n'ont pas manqué de dire que c'étoient des aftrcs mal-faifans ; ils l'ont dit lur tout, après avoir éprouvé qu ils fe rendoient en quelque façon neceiTaires par ce moien-là , chacun voulant favoir d'eux , comme d'un Oracle , quels étoient dans le détail les malheurs prefagcz, par les Comètes. Les éclip- £gs leur ont fourni de pareilles occaiions de fai- re valoir leur talent. D'autres ont pris occa- fion de là, de vanter de plulieurs autres for- tes de divination , de la Geomance , de la Chi- romance , de l'Onomance 3 8c infenfiblement le monde s'eft trouvé fi plein de fuperftition , quon croioit que toutes chofès étoient àcs preiàges de l'avenir , particulièrement lors qu'en eut tait une afiàire de Religion de cette ibrte de difciplines , £c que le fort du fèrvice divin trouva placé dans la conoillance des augures. Ceux qui pour rendre necelîàires , avoient befoin de faire peur de la colère àcs Dieux au peuple , ne manquoient pas d'apuier {iir les Co- mètes , Se de mettre en proverbe qu'on n'en avoit jamais vu qui n'eût aporté du mal. Ils fa voient pêcher en eau trouble , comm.e nous l'aprend Tire Live: car à loccaiion d'une ma- ladie contagieulè qui de la campagne fe repan- dit dans la ville après une grande iechereffe Tan de Rome 326. il raporte que la maladie palîà jufques à l'elprit , par l'adrelTe de ceux qui s'enrichifîènt de la fuperftition àts autres , 6c qu'on ne voioit par tout que de nouvelles (i) cérémonies. Le Démon , qui faifoit beau jeu , 6c qui trouvoit que la fuperftition des peu- ples lui étoit un moien intaillible de .iê laii-e adorer ibus le nom des faux Dieux en cent manières différentes , toutes criniinelles , tou- te*

Penfées dîverjes. 145

tes deteftées du fbuverain Maître de TUnivers , ne manquoit pas lors qu'il paroiflbit des mé- téores , ou des étoiles non communes , d'em- ploier fon art trompeur à perfuader aux Idolâ- tres , que c etoicnt des lignes de la colère des Dieux , 6c que tout étoit perdu , û l'on ne les apaifbit par des facrificcs d'hommes (k de bê- tes, 6vc.

§. LXXXI.

^«c les politiques ont fomenté U fuperflition des prefages,

La Politique s'eft aufTi mêlée du foin de fai- re valoir les preiàges , afin d'avoir de bonnes relTources, ou pour intimider les fujets , ou pour les remplir de confiance. Si les Ibldats Romains eufîènt été des efprits forts , Drufus fils de Tibère n'eût pas eu le bonheur de cal- mer la mutinerie des Légions de la Pannonic, qui ne gardoient plus aucunes mefùres. Mais une éclipfè qui fur vint fort à-propos , étonna tellement ces mutins , que (i) Drufus qui (i) Tacit. prévalut en habile homme de leur terreur pa- ^nJ^^l. nique , en fit tout ce qu'il voulut. Une écliplè * '* de lune épouvanta li fort l'armée d'Alexandre Je Grand quelques jours avant la bataille d'Ar- belles , que les ibldats s'imaginant que le ciel leur donnoit des marques de ion couroux , ne vouloient point paflêr outre. Leurs murmu- res alloient à une fcdition toute ouverte , lors qu'Alexandre fit commandement aux Devins Egyptiens , qui étoient les mieux verfèz en la fcicnce des aflres , de dire leur fentiment fur cette éclipfè en prelènce des Officiers de l'ar- mée. Les Devins , làns s'amufèr à expliquer le {ecrct de leur Phyfique , qu'ils tenoient ca- ché au vulgaire , fe contentèrent d'affurer le

Roi,

144 Penfées diverjès.

Roi , que le foleil étoit pour les Grecs, 8c la lu- ne pour les Perles , & qu'elle ne s'éclipfbit ja- mais , qu'elle ne les menaçât de quelque cala- mité: fur quoi ils raporterent plulleurs vieux exemples des Rois de Perfè,qui après les éclip- its de lune avoient eu les Dieux contraires, lors qu'ils avoient combatu. Kisn n'efi ji fuijja-ût ^ (i) LÎV.4. pourfuit (i) Q; Curce , que Id fuferfiiîion pur chap, 10. tenir en b/ule la populace, ^^uelque ejfre-ûée ^ mco7iJla7Jte qu'elle fo'it , fi elle a une fois l'efprit frape d'u?ie vaine image de Religici , elle obetra mieux à des Devins, qu'afes Chefs. La reponfe donc des Egyptiens étant divulguée parmi les trou- pes , releva leur efperance 0^ leur courage , 8cc. (2) Voiez Le même (2) Alexandre aiant remarqué , en les fuple- préparant au palîàge du Granique que la cir- r/einshe- conftance du tems, qui étoit le mois de Delius, mias fur 9'-!^ l'on difoit avoir été malheureux de toute Q. Curce ancienneté aux entreprifès des Macédoniens, liv. 2, decourageoit Ion armée , fit publier qu'on apel- /• leroit ce mois dangereux , du nom du mois précèdent , n'ignorant pas combien un vain fcrupuie de Religion a de force fur les petits eiprits , 8c fur les efprits ignorans. Pour mieux alfùrer les eiprits épouvantez , il fit lècrete- ment avertir Arillandre fon grand Devin , qui ïàcrifioit alors , afin que le palTage fût heureux, de faire enforte par le moien d'une certaine li- queur , qu'on pût lire fur le foie de la vidtime , que les Dieux, donnoient la victoire à Alexan- dre. Ce miracle divulgué remplit les eiprits d'une fi grande efperance , que chacun fe mit à crier , quil ne faloit douter de rien après des témoignages fi vifibles de la protedtion àes Dieux. L'Hiiioire de ce grand Conquérant fournit quelques autres exemples de pareilles rufès , quoi qu'il alteilât de ne vouloir vaincre ûue par lèule valeur : 5c ce qui ert bien plus étrange, le même Héros , qui faifoit tomber

les

Penfées diverfes, 14^

]qs. autres dans le panneau , y tomboit quelque- fois lui-même , car il étoit tort fuperftitieux en certaines rencontres. Je ne dis rien de (i) ("i) pjy, Themillocle , qui ne pouvant perfuader aux tjiq. enf« Athéniens d'abandonner leur ville pour aller te- ^ic. nir la mer , au tems de la guerre de Xerxes, fit jouer \qs machines de la Religion , fupolà ô^Qè oracles , 8c fît dire au peuple par les Prê- tres, que Minerve avoit quitté la ville , 8c pris le chemin du port. Philippe Roi de Macédoi- ne , l'homme du monde qui s'entendoit le mieux à vaincre les ennemis par des intelli- gences micnagées à force d'argent , avoit des otacles de Delphes à pofte autant qu'il en vouloit : 8c de J à vint que Demoflhene Soup- çonnant avec raifbn que la Prêtrefîè laiiToit luborner par les preièns de Philippe , railla vi- vement fur la partialité qu'elle temoignoit pour lui, comme l'a remarque Minucius Félix après Ciceron.

Il efl: aifé de comprendre , que les miêmes maximes d'Etat , qui ont fomenté la fliperfui- tion de.s peuples à i égard des autres prodiges, l'ont auHî fomentée à l'égard des Comètes. Car il n'y avoit rien de plus aife, quand il pa- roifibit une Comète , 8c qu'on vouloit faire la

fuerre à quelque Prince voifin , que de faire cbiter par les Aftrologues, que cette Comète menaçoit particulièrement ce Prince-là j que de faire dire fort fèrieufement ce que Velpalien difbit , (2) peut-être pour rire , d'une Comète ^^) x'î- qui parut fous fon règne , ^^ue c'étoit le Roi philin. ilcs Fari-hes avec fft longue chevelure , qui en Aur. \\c- étûk menacé pluiôf que lui , qui portait les che- ^".'" ^" veux courts. C'étoit en même tems donner ^"^"'* bonne efperance à ion parti , 8c étonner l'au- tre. 11 paroît par la 6. Satire de Juvenal , que cela 'fè pratiquoit ainfi. Car en nous donnant le caraftere d'une femme nouvclliilc , ii nc.îs Tom. L G

1^6 Penfées diverfeS»

la repreiènîre débitant dans les compagnies ] ^l'il paroijjoit des Comètes qui mmaf oient le Koi d'Arménie 0* le Roi des Parthes , ^ que leurs pats ^ leurs villes étoicnt n^vagez, par des inondations de fleuves , 0> par des trembkmem de terre , ce qui, comme vous fàvez , Mon-

(i) Voiez ^'^^^'^ » P^^it pour un preiàge (i) fâcheux,

ci-deffus outre le mal prefent qu'il caufoir.

pag.ii.

Inflantem Régi Armenio , Rarthoque Cometen Rrima videt : famam rumorefque iUa récentes Excipit ad portas , quofda?n facit ijfe Niphatem Jn populos y rnagnoque illic cuncia arva teneri Diluvio , nutare urbes , fubjidere terras , ^uocunque in trivio , cuicunque eji obvi,t-, narrât.

Vous voiez Tefprit d'un nouvellifte pen- fionnaire , toujours informé d'un grand nom- bre de malheurs qui defblent le pais ennemi, ou celui qui le va devenir , &: de plufieurs pre- fages fimeftes qui le menacent.

Qui doute que les amJs de Cefàr n'aient af- fefté de dire par tout, que la Comète qui pa- rut après m.ort , étoit une marque du cou- roux du Ciel contre fes meurtriers, 6c un pre- iàge de la protedtion que les Dieux accorde- roient à ceux qui en pour fui vr oient la ven- geance ? Vous avez lu fans doute que Maho- met gagna un Aflrologue de réputation , pour annoncer par tout qu'il devoit arriver un giand ehano;eraent dans le monde , £c qu'un grand Prophète établiioit une nouvelle Religion. Pourquoi cela ? Afin de préparer les elprits à ne point s'opofèr à des évenemens qu'ils re- garderoient comme prédeftinez & inévitables. Mais les Grands ont contribué à faire cjoire que les Comètes ibnt des preûges de mauvais augure , les peuples y ont contribué aulTi de

leur

Penfees diverjès, r^j

leur côté j non feulement parce qu'ils fe por- tent de leur naturel à traiter de prelàges ks moindres chofes , mais aufli par une certaine malignité' , qui les porte à s'imaginer facile- ment, que ceux qui gouvernent ne s'en acqui- rent pas au contentement de Dieu : 5c là-def^ fus c'ell à glofer fur ce qu'on a fait ceci , fur ce qu'on n a point fiit cela. Defbrte qu'il cft arrivé enfin, que la Politique a trouvé de me- chans cotez dans la prévention des peuples, parce qu'on s'efl enfin tauflèment imaginé , que les Com-etcs menaçoient fur tout les Rois Se les Princes.

§. LXXXII.

^^ie les Tanegyrijles cm contribué à fcme7iter U fuperjhtim des préfaces.

Il faut ajouter à toutes ces caufès de la pré- vention générale , la flaterie des Poètes Se des Orateurs, Quand ces MefTieurs-ll font l'elo- ge de leurs Héros , ils fe fervent entre autres lieux communs de celui-ci , (^ue toute lu natu- re le refpecB , qu'elle aplique toutes [es forces pour lui , qu'elle s'ajf^i^e /le jes malheurs, qu'el- le le promet au r/wnde ; que qucinâ le monde s'efl rendu indigne de le pojfeder , le Ciel qui le redemande, allwûie de nouveaux feux , ^c. Mr. de Balzac ne manqua pas de régaler de cette hyperbole le Cardinal de Richelieu , £c de dire, que pour voir un premier Minijlre pareil h lui, il efi befoin que toute la nature travaille,^ que Dieu le promette long-tems aux hommes , avant que de le faire naître. 11 en fut critiqué , mais il fc (i) défendit , en faiiànt voir que d'au- fO ^[i*. très avoient été encore plus loin que lui ■■> cet j^p,^'"^J"', Ancien , par exemple , qui a dit de certaines c'.rd.^ ^^ amcs , que tout le çi«l étoit occupé à faire leur ijentWof, G X d^fii-

'14B Penfées diverfci.

defl'mee ; 6c cet illullrc Italien du tems de nos pères , qui a écrit , c^ue l'Entmdemem Eternel et Oit m une haute ^e-n[ee->z^ avoit im grand def- fein, lors qu'il fit le Cardi-nal Hlpolyte d'Eft. Je m'étonne qu'il n'ait fait aufll venir fur les rangs ce Prêtre qui dit un jour à l'Empereur Conl- tantin , Cjue la Fravidence Dizine ne s'étoit pas contentée de l'aioir rendu digne de l Empire du monde , quelle avoit encore travaillé a lui don- ner des vertus qui meritoient qu'après cette vie il régnât avec le Fils de Dieu dans le ciel. C'efi: aparemment le mauvais lliccès de cette flaterie profane , qui a empêché Mr. de Balzac de (i) 1. 4. juftifier par un tel exemple 5 car ( 1 ) Eufèbe de vita raporte que Conflantin fit taire cet imperti- conft. nent Harangueur.

^' *^* En gênerai on peut dire que les flateurs

font fcrvis de tous les effets furprenans de la nature pour relever le micrite de leur Héros, 6c pour plaire aux Grands du monde. Ainfi hs Poètes de la Cour d'Augufte ta choient à i*en- vi de perfùader , que la mort de Ceiàr étoit caufe de tous les prodiges qui la fuivirent. Ho- race le dit exprefiémcnt dans l'Ode que j'ai àç.- {i) Ci- (2) citée , lors que j'ai fait voy^ que les de- ci^eflas p. hordemens àts fleuves pafToient parmi les Paiens '^'' pour àQS preiàges de malheur. Il prétend que

le Tibre n'avoit fait tant de ravages , que par complaifance pour femme Ilie , qui vouloit venger la mort de Cefàr fbn parent. Il tait comprendre aufTi que tous les autres malhems qui avoient affligé , ou qui alloient afRiger l'Empire , étoient l'effet de l'aflàlTinat de cet (;}Georg. Em.pereur. S\ nous en croions (3) Virgile, i. !• le loleil flit tellement affligé de la mort du mê-

me Cefàr , qu'il en prit le deuil , êc qu'il ofïlif- qua lumière de telle forte , qu'on craignit de ne le voir plus. Cependant on n'eut pas plutôt vu luire une Comète peu après la mort

de

Penfécs diverjês. 149

de Cefar , que d'autres flateurs dirent que c'é- toit fbn ame reçue au nombre des Dieux , 8c pour cette raiibn on coniàcra un ( i ) Temple (,) sve- a cette Comète , Se l'on reprelènta Celâr avec ton. in une étoile fur le front. c*^ «'^P'

On ne peut pas voir àes contradiftions plus évidentes : car li l'ame de Ceûr a été reçue au nombre des Dieux , li elle a brillé dans le ciel parmi les étoiles , pourquoi eft-ce que le Iblcil s'afflige ? Pourquoi fe couvre- t-il de ténèbres ? Ne doit- il pas prendre plus de part a la gloire du ciel , lui qui eft de ce païs-là , qu'aux mal- heurs de Rome ? Afîurément Virgile fait cour d'une manière bien iinguliere , puis que pendant que les autres diiènt que le ciel voit honoré de la poflèlTion d'une nouvelle étoile par la mort de Cefar , il alTure lui que le foleil îè couvre d'obfcurité. S'il eût eu moins de bon fèns, il eût accommodé penlee avec cel- le des autres , en difànt que le foleil étoit fi fâ- ché de voir parmi les Aflres une nouvelle étoi- le à qui le ciel faifoit plus d'honneur qu'à lui, qu'il cachoit de honte. Mais il étoit trop judicieux pour fervir d'un éloge qui , n'en deplaife au galant «Mr. de Voiture, 8c à fon Son- net fiir une Dame qui s'étoit baignée à foleil couchant , eût paru froid félon toutes les appa- rences , à celui pour qui fiifoit la fête j car , au dire d'un (i) bel efprit d^ fa Cour , il reC- ,. ^^^ (èmbloit à ces chevaux qui ruent , quand on [j^li^ ^ les carelîe de mauvaifè grâce. Mais que dirons- palpere, nous d'Ovide , qui finifîànt fcs Metamorpho- recalci- fès par celle de Cefàr en Comète , nous afTure ^p^' "°' qu'entre plulieurs prodiges qui précédèrent la tùe."//!-' mort de cet Empereur , on vit le foleil d'u- rat' Sut, ne pâleur extraordinaire , 8c la lune teinte de i. /. i. iàng?

Voici , Moniieur , le véritable moien de dé- nouer toutes ces diihcultez. Ces beaux eiprits G 3 n'a-

ï50 T en fées diverjes,

rj'avoient tous qu'un même but , c'etoit de fai- re leur cour à Augufte à force d'encens , car pour Ceiàr qui n'étoit plus en ctat de reconoî- tre la flarerie , i! n'eût pas fait faire beaucoup de vers , s'il n'avoit eu pour fuccellèur une per- sonne très-affeclionte à ia gloire. Ainli on ne loiioit Celàr qu'à caufè de ion fuccefîèur. Or ibit qu'on dit que le foleil s'étoit obfcurci avant ïa mort de Ceiàr , ibit qu'on dît que ce fut après , c'étoit toute la même chofe pour la gioire de ce Priiîcc. C'efl pourquoi Virgile l'a dit d'une façon, Ovide d'une autre , 6c tous deux ont adroitement conclu par louer Auguf- te d'une manière fort adroite , £c pcuflee aufli ioin qu'on peut.

§. LXXXIII.

A con^bien de chofes on a faitfervir me mê- me Comète.

On peut voir par qu'une même Comète a icrvi a plufieurs fins, Augufle par ^c^ vues de Politique fut bien aife qu'on crût que c'é- toit l'ame de Ceiàr j car c'étçit un grand avan- tage pour ion parti , de croire qu'on pourfui- voit les meurtriers d'un homme qui étoit alors parmi les Dieux. C'eil la raiibn pourquoi il fit (ï) Pli- ^'^'^^ (0 un Temple à cette Comète , & de- nius, 1. 2. clara publiquement qu'il la regardoit comme cip. 2/. un très- heureux preiàge. Ceux qui écoient dans Ton parti , 6c qui n'avoient pas aiîèz, de crédulité pour perfuader ces converfions d'à- mes en étoiles , croioient à tout le moins , ou faiibient accroire aux autres , que les Dieux te- moignoient par cette Comète , combien ils e'toient en colère contre Brutus ôc Calîms. Ceux qui étoient encore Républicains dans l'ame, diibient au contraire que ks Dieux temoi-

gnoicnt

Penfces diverjes, 151

gnoient par , combien ils defàprouvoient qu'on n'apuiât pas le parti des libérateurs de la patrie j qui fans doute ne s'oublioient pas de leur côté , pour mettre à quelque ulàge cette Comète félon la fuperll:it:on d'alors. Enfin les Poètes trouvoient , non lèulement dequoi faire de magnifiques defcriptions , Se dequoi interefîèr toute la nature à la gloire de leur Héros deïfié : mais aulTi dequoi flatter leur Hé- ros vivant , ce qui étoit le bon de l'affaire.

Ce n'ell: point par conjeârure que j'en parle. Prenez la peine de jetter les yeux fur le paflàge de Virgile que je vous ai cité j vous verrez que conclufion eft , ^u'à. tout le moins il plai/e aux Dieux , qui avaient bien eu le cœur de voir deux fois les plaines de Thejfalie immlées dufang des Romains , de ne pas empêcher qu' Augufle re- levé l'Empire qu'ils avaient laijfé périr : qu il y a' long-tems que le Ciel porte envie à Rome , de la, pojfejjion d'Augufle , i& qu'il fe plaint de fon at- tachement a triompher fur la terre. Voiez auiïi le dernier chapitre à^s Metamorphoies d'Of i- de , vous y verrez que fi Cefàr a été élevé au rang des Dieux , il en a l'obligation au mérite de Ion ilicceileur qu'il avoit adopté , autant qu'à fbn mérite propre. Mais pour vous épar- gner le chagrin de chercher tous ces paflages, en voici un d'une delicatefiè conibmmée : c'eft de l'ame de Ceiàr que l'on y parle.

Simul (i) evolat altius illa Ci) ovî,

jlammiferumque trahens fpatiofo limite cri- dius Me- nem , timorph.

Stella micat : Naiique videns benefacia , fa- ^^"* tetur

"Effe fuis majora , ^ vinci gaudet ab illo.

Hic fua prdferri quamquam vetat a^a pâ- te mis ,

G 4 Libern

152, Penfées divcrjes.

Libéra^ fayna tarnsn , nullt[c^Ae obnoxia

JHjTîS,

JmitHm prAfert , unique in parte répug- nât.

Si je ne craignois de vous fatiguer par un trop grand nombre de citations , je vous alle- guerois la flaterie dont on fa'vit envers l'Empereur Adrien , mortellement airligé de la mort de ion mignon Antinous , dont on lui dit que lame avoit été changée en une étoile qui parut de nouveau en ce tems-là. Je vous cite- ( ■) De 4. ^°^^ (0 Ciaudien , qui tire un heureux preià- conful. * §^ P^'J^ l'Empereur Honorius , de ce qu'une Honor. étoile aparut en plein jour environ le tems de fa naiflànce. J'ajoûterois que l'on a dit (2) (2.) Ju- que le ciel avoit annoncé par deux admirables S'""/^^'Z Comètes la future grandeur de Mithridate, l'u- *"* ne aiant brillé l'année qu'il vint au monde. Se l'autre l'année qu il commença de régner. Je n'oublierois pas que les Augures étant conflil- tez fur ce que le Tibre fe déborda la nuit d'a- près qu'Odlave avoit reçu le furnom d'Augufre, t 'l Dion ^5^ repondirent que c'étoit un figne de la gran- Catius ^^ élévation il parviendroit. Ce qui mon- h il. tre que les Poètes n'étoient pas les feuls qui ac- commodoient la nature à la paOTion des Grands. En un mot je raporterois cent autres faits , qui nous montrent que l'envie de plaire , de flater . de donner du merveilleux aux chofès , a fait prendre des effets purement naturels pour des prodiges extraordinaires. Un Roi ou une Rei- ne mouroient-ils peu après qu'il avoit paru une Comète ? On ne manquoit pas de dire tout aulTi-tôt, qu'au preflèntiment de ce grand mal- heur toute la nature s'étoit remuée pour for- mer de nouveaux aflres , & à force de le dire, on a porté hs, hommes à croire , que quand il paroît des Comètes , c'eft un ligne que la na- ture

Fenfées diverjes, i^?

turc a quelque fèmblable preffentiment. Avoit- îl auflî paru quelque Comète à la naiilànce d'un Prince devenu puiflànt 8c viftorieux ? Les Pa- (i) Adeô negyriHes épluchant , félon les préceptes de la vel fum- Rhetorique , les lignes mtecedens de concomi- "^'^^" - tans de cette naiflànce, ne manquoient pas de î{î^'& faire fonner haut la nouvelle étoile. Enfin il pompam étoit impoiTible que la Comète fût prilè pour amamus, ce qu'elle étoit 5 c'eft-à-dire , pour un elxct na- 9'^^^^ "''^-'■-

turel, V aiant tant de gens qui mêloient d'en ^'^^^ ^r^^ r ■' ° •• non pot-

faire un mirace. fint/nifi

Plus on étudie l'homme , pius on conoît que rerum na- l'orgueil efl paiTion dominante , 8c qu'il afïec- f"''^ P^»"- te (i) la grandeur jufques dans la plus trifte ^"'■^°f"^' mifere. Chetive Se caduque créature qu'il eft, hSfnî^iu^ il a bien pu fe perfuader qu'il ne fauroit mou- tuofam rir , fans troubler toute la nature, 8c fans obli- funeri fi- ger le ciel à fe mettre en nouveaux frais , pour ^^"^ ^^" éclairer la pompe de ihs funérailles ! Sotte 8c ^T;„?^«, ridicule vanité ! Si nous avions une jufte idée de l'Univers, nous comprendrions bientôt, que (2)Quam- la mort ou la naiflànce d'un Prince , eft une quam ma- petite affaire , eu égard à toute la nature des J"^ i'^^^ chofes , que ce n'eft pas la peine qu'on s'en re- P''"?°^^~ mue dans le ciel. Nous dirions avec celui de m^jorque tous les Philofbphes (2) de l'ancienne Rome, sâusiuî qui a eu les plus fublimes penfées , qu'à la ve- fruâus, rite les foins de la Providence defcendent juf- ^"^"^ ^^^' ques à nous , 8c que nous y entrons pour nô- [aYin ,^ta-" trc part , mais que leur but efl bien autrement men'ln conliderable que nôtre confèr vation , 8c qu'en- noieras core (3) que les mouvemens des cieux nous *^^o^"^

G f apor- "'•''^^.'" ^

reium pr^mifTa mens elt, & is ordo mundo dams, ut appareat curam noftri non incer ukîma habitam. Senec.dc 'Benef. /. 6. c. 23. {■^) Non cnira nos furpicimus, û digni nobis videmur propter <iuo« uaca ««»- Ye'Hmur. hi* de ira , /. z, f. 17,

154 Penfées diverfes,

aportent de grandes utilitez , ce n'eft pas à di- re pourtant que ces vaftes corps ic meuvent pour l'amour de la terre. Pardonnez-moi cet- te petite aprobation d'une penfée , qui ne par- iera jamais pour orthodoxe parmi ceux qui prcnent les Comètes pour des prodiges. Tant de gens font mêlez de leur conférer cette qualité , que l'erreur a été inévitable.

Si vous ajoutez à cela , que le cours du mon- de fournilîànt une infinité de révolutions 8c de malheurs , on en voioit arriver fouvent à la fuite des Comètes ; qu'il arrive plus de grands maux dans le monde , que de grandes 6c d inli- gnes profperitez. Que les homm.es retiennent mieux le fbuvenir du mal , que le fouvenir du bien 5 que fur le chapitre à^s prédirions ils laiiïènt plutôt tromper par une qui a reiiffi , que détromper par vingt qui ont été fauflèsi qu'ils ont donc fait plus d'attention aux Comè- tes qui ont été fuivies de malheur , qu'à celles qui n'en ont pas été fuivies ; qu*il meurt plus de têtes couronnées , qu'il n'y en a qui devien- nent àts Mithridates : û , dis-je , vous ajoutez tout cela aux autres reflexions que j'ai faites, vous comprendrez aifément , Monfieur , que les Païens ont être généralement préoccu- pez de la pfcnfée , que lès Comètes font un û- gne de malheur.

§. LXXXIV.

Tùurqmî les Chrétiens font dans la même pre- 'vention que les Faiens fur le fujet des Co* înetes.

Maintenant il ne faut plus s'étonner que les Chrétiens ibient dans la même prévention , puis qu'ils font la pollerité des Paiens , & qu'à l'idolâtrie près , ils donnent dans les mêmes

foi^

Penfées diverjès. 155;

foiblefîês que les Païens. Le grand ouvrage de h prédication à^s Apôtres a été de faire conoîtrc Je vrai Dieu , & fon Fils Dieu ôc homme, mort £c refufcité pour nous , & de remplir le cœur de l'homme de l'amour de Dieu & de celui de la fainteté , de faire ceiîèr le culte à^s Idoles, 6c de rumer l'empire du vice. C'ell: à quoi ten- doit la publication de lEvangile. Du refle. Dieu ne s'eft pas propefé en retirant les Paiens. de leurs ténèbres , &. en les introduiiànt dans le Roiaume de merveilleufè lumière , pour me fêrvir àcs expreffions de l'Ecriture , de les rendre meilleurs Philolbphes qu ils n'étoient, de leur aprendre les iècrets de la nature , de les fortifier de telle ibrte contre les préjugez Ôfe contre les erreurs populaires , qu'ils fu fient in- capables d'y tomber. L'expérience nous le montre manifefrement i on ne voit pas que les perlbnnes à qui Dieu communique les plus riches trelbrs de fa grâce , qu'il remplit de la plus ferme foi , 8c de la plus ardente charité, îbient hs génies les plus penetrans , raiibnnent avec le plus de force , &: fe mettent au defTus de mille faux jugemens , qui ne font d'aucune confèquence contre le làlut de Tame. Si bien qu'on peut dire que les Païens font pafîèz dans ia Religion Chrétienne , avec tous les préjugez qu'ils avoient eus dans le Paganifine à légard àcs choies de la nature , ou en gênerai à l'é- gard de tout ce qui ne détruit point les veritez de la foi.

Vous êtes trop fàvant , Monfieur , pour avoir befbin que je vous aprenne cette remarque , & vous la fàuriez aflèz , quand même vous n'au- riez lu de vôtre vie que les Ouvrages de Mr, Nicole h car voici comme il s'exprime dans le (0 '5" '• chef-d'œuvre , qu'il n'appelle qu'EjJhis de Mora- "^-l^oj^ " le y par une modeftie tout-à-tait Chrétienne, î|p°i",'^* (0 Lmori que J e s u s - C h r i § t /^tf- plein de n.* 42. * G 6 tcme

Çi) Fieri analunc alieîîi er- îoris ac-

«xedere'.

15^ Penfées- diverfèi.

toute ter'ité , comme ait St. fean , on ne voa foint qu'il ait entrepris d'oter aux hommes d'au- tres erreurs e^ue celles c[ui regardoier.'t Dieu (y> les TTioiens de leur falut. il farvoit tous leurs égare- mens dans les choses de la nature. Il conotjjoit mieux que perfonne en quoi canjîfioit la terita^ hle éloquence. La vérité de tous les évenemens fajfez, lui étoit parfaitement c'onué. Cependant il n'a point donné charge a fcs Apôtres , m de combatre les erreurs des hommes dans la Thyfi- que , ni de leur aprendre a bie'a parler , m di Les defabufer d'une infifiité d'erreurs de fait dont leurs Hijioires étoient remplies.

Il paroît par les Ouvragés des Pères qui s'é- toient convertis du Paganifme , que s'ils avoient été Platoniciens , ils retenoient l'air 6c l'efprit de cette Secle. 11 n'y a donc point lieu de dou- ter , que ceux qui avoient cru que les éclipfès , les Comètes , les tremble-terres , ëc chofes fem- bhbles , font des phénomènes de mauvais au- gure , ne Talent encore cru après leur conver- iion , s'imaginant que pourvu qu'ils attribuai^ lent à leurs péchez. 6c à la colère de Dieu, ce qu'ils avoient attribué à l'omilTion de quelque cérémonie fuperftitieufe , 6c a quelque fauiîè Divinité effenfée , il n'y avoit rien à redire dans leur ièntiraent. Par ce moien la focieté des Fidèles s'eft trouvée de génération en gé- nération imbue des erreurs populaires qui s'é- toient établies dans le Paganifme , à la refèrve de celles qui choquent manifeftement lei Myf- teres de la Religion : car dès qu'on a vu qu'u- ne opinion n'étolt pas condamnée comme hé- rétique , on a fuivi fans façon le torrent de ceux qui en étoient préoccupez. Peu (i) de gens s'amuftnt à examiner li les opinions gé- nérales ibnt vraies , ou faulîès. N'eft-ce pas aiïcz , dit-on en fon e/prit , qu'elles viennent de UPS pères ? ~~.'^ %. LXXXV.

Penfées diverfei. 157

§. LXXXV.

Introduclions de plujietirs cérémonies Vetienrt/es dans le Chrifiiamfme.

Il efl: même vrai , que quand on fe fut aper- çu dans l'ancienne Eglife , que la trop grande lîmplicité du culte que les Apôtres avoient en- feigne , n'étoit pas propre pour le tems la ferveur du zèle s'étoit un peu ralentie , Se qu'ainii il étoit de la prudence Chrétienne d'in- troduire dans le ièrvice divin Tulage de diver- iès cérémonies , on s'arrêta Hir tout à celles qui avoient eu le plus de vogue parmi les Paiens : ibit parce qu'en gênerai on les trouva propres à infpirer du reipedl aux peuples pour les chofes faintes , foit parce qu'on crut que ce feroit le moien d'aprivoilèr les Infidèles , 8c de les attirer à J e s u s-C h r i s t , par un chan-

ement en quelque façon imperceptible. Quand

Huguenots nous reprochent la conformité

1 trouve entre nos cérémonies , & celles

"es anciens Paiens , & qu'ils la prouvent mê- me par de bons paiTages , il y a plulieurs de /j> y. ^ nos Controverliftes qui leur difent tout net que moires de cela efl faux , que ce font toutes calomnies for- Mr. de gées par les Minières, pour décrier nôtre Re- ^^laroHes ligion. Mais ceux qui font tout enfemble 8c ^^^J^'^' habiles , 8c de bonne foi, avouent ( i ) la det- bu Bou- te , 8c ne manquent pas de bonnes raifons, Lu, Thea- pour juftifier l'adoption que nous avons faite cre des de plufieurs coutumes du Paganifme. Ils di- ^"'■tiquitex ient , que c'eft emploier les richefics des Egyp- pjg^/g"^* tiens à la fabrique du Tabernacle , comme fi- jgy*. &cl rent les Juifs : que c'eft imiter Salomon , qui emprunta d'un Roi idolâtre les matériaux 8c les {^) Lib, Archite6tes du Temple du vrai Dieu : que Da- ^* ^*^f-> vid {i) ne fit point fcrupule de fe paier de la ^^^' *^ G 7 cou-» -

158 ' Pcfijees diverjès,

couronne d'or grêlée de pierreries , qu'il avoit

fait arracher de defïus la tête de l'Idole Mel-

chom : que Dieu permettoit bien aux Juifs de

fe marier avec leurs captives , 6c de changer

des Moabites en filles de Sion , pourvu qu'ils

(i) Deu- leur rognafîènt (i) les ongles, qu'ils leur ra-

i-eron.ch. Çx^Q^it les cheveux , £c qu'ils pratiquaient à

ai. V. 12. j^^^ égard diverfes purifications : qu'ainfi après

les rétranchemens , Se les purifications necef-

iàires , nous ne devons pas faire difticulté de

nous accommoder des dépouilles du Paganifme,

comme le remarque Saint Jérôme. Le Cardinal

Baronius demeure d'accord que TEglifè s'en efl:

ibuvcnt accommodée , car après avoir avoué

fort ingénument , que la Fête de la Chandeleur

eft tout-à-fait Païenne dans fon origine, il ajoû-

(i) Itidem fe^ ^^^ ^^^^7 gji arrivé la, même chofe a flujieurs

'r^rcen- autres fiiperftitions des Gentils ,c'ej'i-À-dire, qu'el-

rilium ^^^ ^'^^ ^^^ loiiaélement introduites dims lEglife,

inftitutis aiant été expiées ^ fanBijiées far un ufoge fa^

conûgitj cré. Jugez, Monlieur, fi les erreurs 6c les pre-

utfuperf- jugez des Paiens fur le chapitre des prefages,

«orum* n'ont pas eu beaucoup de facilité pour entrer

ufusfacris dans la Religion Chrétienne, pourvu ièulement

ritibus ex- que l'on n'attribuât rien aux fauflès Divinitez. ,

pxacus,ac pyjg q^g ]es cérémonies de leur fauflè Religion

^^^^' ont été favorablement accueillies , après avoir

tus reddi- été duëment purifiées.

tus, in Dd

Ecclefiam §, LXXXVI.

laudabili- terintro- ^ t /. «• r j t, r

duaus fit. ê^^ ^^^ /^^#-^ cmverfions des Tatens ont tranf- Not. in porté bien des erreurs dans le Chrijtiantfme.

Martyrol,

Rom. 1. Il y a une autre chofe qui a contribué au

tranfport des erreurs du Paganifme dans l'E- glife Cîiretienne : c'eft le grand nombre des feux convertis. Car combien croiez-vous, Monfieur , qu'il y eut de Pâiens qui firent fem-

bkait

Fenfées divey'Jès, I59

blant d'abjurer l'Idolâtrie fous les Conftantins, 6c fous les Theodoiès , lors que la Religion Chrétienne étoit la Religion dominante , & que pour bien faire cour à celui de qui l'on attendoit fortune , il faloit être bati- ? Peut-être n'y en eut- il pas beaucoup, pendant que les Empereurs Chrétiens cru- rent obligez par raifon d'Etat à ménager les Paiens. Mais je fuis fort trompé , fi quand Theodofe fut mis tout de bon dans l'elprit le defîèin d'extirper le Paganifme , i\ n'y eut beaucoup d'Idolâtres , qui fans autre motif que celui d'être de la Religion du Prince , entrè- rent dans le giron de TEglife. Je dis la même cho/è des François qui étoient Paiens , lors que Clovis convertit à la foi. li efl: probable que Dieu en illumina quelques-uns , &: que Pro- vidence, qui trouve fou vent à-propos de fe fèr- vir de nos paiTions pour nous retirer de nos égaremens , emploia la forte im-prelfion que l'exemple d'un grand Roi peut faire fur \ts efprirs , à ouvrir les yeux à quelques Seigneurs de cette Cour. Mais il efl aulTi probable, qu'il y en eut plulieurs , qui fe firent batifèr unique- ment afin d'être du côté d^s plus torts. Si les Philofophes Paiens qui afliflerent à la haran- gue que Conflantin prononça devant les Pères du Concile de Nicëe pour défendre la Divinité de J E s u s-C H R I s T , furent plus touchez de ce difcours , que de toutes les Apologies qu'ils avoient lues : fi jamais la Religion Chi-etienne ne leur a paru plus plaufible , que quand un Empereur revêtu de toute Majeflé parla pour elle i n'efl-il pas bien aparent que la vue d'un grand Roi qui embraffe i'Evangile , Se que la force d'un fi grand exemple , déterminèrent quantité de gens de Cour à faire comme lui, ians examiner la chofè plus amplement ? On peut donc dire , qu'en ces tenis de profperité>

l'exeni-.

I^o Penfées àïverfes.

î*exemple des uns fer voit de conviârion aux au- tres de Province en Province j 6c qu'ainfi plu- lieurs perfonnes de tout état , &: de toute con- dition entroient dans l'Eglife lans aucune véri- table vocation , 6c y aportoient tous leurs pré- jugez.

§. LXXXVII.

'Du ^mchant que les hommes ont à être de U Re- Is^ion dominante , 0* du mal que cela fait a la 'Vraie Eglife,

(i) Abre. Mr. de ( i ) Mezerai raporte une chofè tou- Chro- chant Catherine de Medicis , qui me paroit Ts^zT'"'' confiderable. A la bataille de Dreux le parti du Roi aiant eu du pire dans le commence- ment , il y eut des fuiars qui piquèrent jufqu'à Paris , ils publièrent que tout ëtoit perdu. Catherine de Medicis iàns s'émouvoir autre- ment, fe contenta dédire. bien , il faudra donc prier Dieu en Franfois , 8c fe mit à careP fer les amis du Prince de Condé , &: les fè<5la- teurs de la nouvelle opinion. On voit par la qu'elle étoit toute refignée à la ruine de la Re- ligion Catholique dans ce Roiaume , 8c toute prête à la fàcrifier au parti de la nouvelle Re- ligion, s'il fût devenu le plus puiffant. Cette troupe de filles d'honneur , qu'elle emploioit à lui faire des créatures , au dépens de tout ce qu'il vous plaira , n'eût pas été non plus fort mal-aifée à perfuader qu'il faloit prier Dieu en François , li le Prince de Contié victorieux les eût mariées avantageufèment à des Seigneurs Huguenots : 8c ainli à proportion chacun à l'exemple de la Reine ?/Iere fût accommodé à la nouvelle Religion , ou pour confèrver fès charges , ou pour en obtenir quelqu'une par le «redit dii Prince. Si bien qu'il ne tint qu'à

une

Fcnfées diverjès, loi

une bataille gagnée par les Roiaux , que la Re- ligion dominante ne devint la Religion tolérée Se diigraciée , que Ton eût quitté par troupes pour s'avancer plus aifément. C'eût été h même chofe trente ans après , fi Henri IV. eût pu terraiièr la Ligue par la force de Tes ar- mes. En ce cas-là , je vous répons qu'il n'y eût point eu de Conférences de Sureine •■> point de promelTes de fe faire infh-uire} le Roi vicfto- rieux n'eût eu aucun doute fur Religion. Il l'eût mife fur le trône , 8c c'eût été un grand bonheur pour les Catholiques d'obtenir un Edit de Nantes pour être à tout le moins tolérez. On les eût traitez, haut à la main , 8c parce que \qs Huguenots avoient parmi eux en ce tems-la beaucoup de ces ardens zélateurs , qui courent la mer 8c la terre pour faire des profe- lytes , comme nous en avons à prefent un très- grand nombre par la grâce de Dieu Se du Roi , on n'eût entendu parler d'autre chofe que de converfion. Tous les Intendans de Province euflènt été des Marillacs , 2c je ne fai ce que nous ferions à prefent vous 6c moi , mon pau- vre Monlieur. Il me paroît fort probable, que Monfieur vôtre grand-pere qui avoit une belle charge £c beaucoup d'enfans , fe fût fait Hu- guenot, pour conferver cette charge , 8c pour poufîèr famille. Si bien , Monfieur , que peut-être vous feriez Miniftre de Paris à l'heu- re qu'il eft : car Monfieur vôtre père voiant la belle naifïànce que vous aviez pour les lettres, Se vôtre naturel dévot , n'eût pas manqué de vous defliner à TEglife. Pour mes ancêtres, je crois franchement qu'ils euflcnt fait ce que je vois faire tous les jours aux Huguenots de mon voilinage , qui pour délivrer une fois pour toutes des importunitez pieufès 8c dévotes des Curez 8c des Moines , 8c pour procurer les avantages du ciel 8t de la terre qu'oo leur pro- met.

ï6i Penfces diverjes,

met , francs 8c quittes de toutes les avanies , Se de toutes les injuftices qui leur font faites fou- vent par un zélé fort déréglé , (ce que je ne dirois pas devant tout le monde) font femblant de faire Catholiques.

Or il ell bien alîuré , que toutes ces conver- fîons prétendues de nos Anciens , n'cufîènt pas empêché leur dévotion iecrette pour Nôtre Dame, pour les Saints, pour les Reliques, pour les images, pour le Scapulaire, 5cc. ni arraché de leur cœur la pieulè crédulité qui leur avoit été inipirée dès le berceau , pour les miracles, pour le Purgatoire , Se ce qui s'enfuit. Nous en tiendrions encore quelque cholè vous 8c moi 8c nos femblables , tout Calviniftes que nous ièrions. C'ell pour vous dire , que quand on n'entre dans une Religion que par politi- que, on y entre avec tous lès préjugez : 8c c'eft ce qu'ont fait plufieurs Païens en embrallànt la proreflion du Chriflianifme.

§. LXXXVIII.

Reflexion fur les converjîons frefmtes des Huguenots.

Je fuis bien aiiè d'être tombé fur ce dif^ cours , parce que cela me donne lieu de vous demander ce que vous penièz de tant de con- quêtes que nous failbns inceffamment fur la Religion prétendue Reformée. Je fai que vous êtes un Catholique fort zélé , 8c je conois peu de gens qui vous égalent en cela. Si bien que je pourrois facilement croire , que vous êtes ii iènlible aux victoires que nous remportons for le parti Huguenot , qu'il ne vous relie point de tems pour en examiner les fuites 8c les circonf- tances. Mais comme je fài d'ailleurs , que vô- tre zele ne vous empêche pas d'avoir Telprit

fort

Tcnfées diver/ès» kS'^

fort folide , je puis m'imaginer que vous por- tez vôtre vue beaucoup plus loin que les au- tres. C'elt pourquoi ne voiant pas clair dans vôtre efprit fur cette atiàire , je vous prie de m'aprendre ce que vous en penfèz. S'il ne faut que vous montrer le chemin , pour vous engager à une confidence de cette nature , Taf- faire eil faite , car voici dans le vrai ce que je penfè fur cela.

Je ne trouve point que ce fbit entrer dans le véritable elprit du Chriflianifme , que d'ex- torquer des conversons à force d'argent , £c à force de rendre mailieureufe la dellinée de ceux qui ne fe convertiiîènt point. J'avoue que dans î'état font aujourd'hui les Calvinifres de France , ces moiens4à font très-propres à les faire changer de Religion , parce qu'ils ont per- du ce premier feu 6c cette ardeur qui accom- pagne tous les grands changcmens , 6c qui à caufe de cela fe trouvoit avec une gTande force dans leurs ancêtres. Mais franchement, je ne crois pas que ce foit le vrai moien d'en faire de bons Catholiques ; 6c c'ell pourtant à cela qu'il faudroit uniquement travailler. Car nous avons tant de mal-honnêtes gens 8c tant de fcelerats dans nôtre corps, qu'au lieu d'en groffir le nom- bre par cette multitude de faux convertis , 6c de Minières Sociniens qui s'y joignent de jour en jour , il faudroit prier Dieu de chalïèr de fbn •Eglilè tous ceux qui la deshonorent par leur conduite déréglée.

Vous me direz fans doute , que l'intention de ceux qui travaillent à l'extirpation du Calvi- cifme , n'eft pas d'augmenter le nombre des mal-honnêtes gens qui iônt parmi nous. Je le croi aufli , Monlîeur. Mais vous fàvez bien ce que l'on dit en Philofophie contre ceux qui boivent beaucoup , 6c qui protcflcnt néanmoins qu'ils n'ont pas intention de s'enivrer. On leur

dit.

1^4 Tenféei diverjès.

dit, que s'ils n'ont pas cette intention ^^'^wf/Ze- ment , ils l'ont du moins imerpretativement ^ c'eft-à-dire , qu'ils ont une intention qui peut raifbnnablement être interprétée , par celle de s'enivrer. Diibns le même de nos converti!^ ièurs j ils ne veulent pas formellement que les Huguenots deviennent mechans Catholiques, mais ils le veulent :/?terpretativement , puis qu'ils veulent des choies qui mènent tout droit à une faufîè converiîon. Car ils veulent qu'un Huguenot ibit pauvre , s'il perlllle dans ia Re- ligion 5 qu'il perde fes charges, 8c les emplois i qu'il fbit expofé à mille infiiltes; qu'il ne puif- fe aller au prêche qu'avec mille peines. On ofïre mille douceurs à ceux qui abjurent leur créance : on les délivre d'un joug fort pefant : on leur facilite l'entrée des biens 2c des hon- neurs. Il faut être bien ignorant de ce qui pafîè dans l'homme , pour ne pas iàvoir, qu'il y a une infinité de gens dans ce fiecle-ci , qui à ce prix-là feroient profelTion de croire tout ce qu'on voudroit.

Comme nous avons deux fortes de conver- tilîèurs , les uns de robe courte , & les autres de robe longue, je ne croi pas qu'il faille faire un même jugement de tous. Ceux de robe longue me paroilTent moins exculables que les autres , tant parce qu'ils ont inlpiré au Roi toutes ces manières de convertir , que parce qu'ils ont lu dans THilloire Ecclefiaftique la condamnation de ces manières : au lieu que les convertifTeurs de robe courte ne font qu'o- béir aux ordres du Roi , 8c ne font pas de pro- feffion à iàvoir ce que diiènt les anciens Pères. Permettez-moi de vous citer un paiîàge de So- crate, qui fait voir en même tems que ces ma- nières de convertir étoient blâmées par les an- ciens Chrétiens, 8c engageoient une infinité de peribnnes à abjurer la profeiuon de leur créan- ce.

Tenfees diverfes. 1^5

ce. Je fai bien que vous n'ignorez pas ce paf- lage i mais vous ignorez peut-être que je le iài : ainli je m'en ferai honneur, s il vous plaît, auprès de vous. Voici donc ce que dit ( i ) fi) Hift, Socrate, Tour ce qui efi de la trop grande cruau- f^^^^^* té, qu'on avoït e?nploiée fous l'empire de Diode- ^ * ^^'^^ tien, l'Empereur Julien ne s'en ^voulut pas fer- & 15. vir, (2 ) înais il ne laijfa pas de perfecuter l'E- glife (remarquez bien ces paroles) Car j'ap- (2)

PELLE PERSECUTION, LORS QUE DES /-'-?»' ^f'^TS» GENS QUI SE TIENNENT EN REPOS, '^*^ à lax^ti SONT INQ^UIETEZ DE QJJ E L QJJ E ^^ ^- SiCêyy.oi

K I E R E Qju E CE SOIT. Or il inquiéta les Si y.iya ri

chrétiens de cette façon, il fit urie loi qui leur oTraa^v

défendait d'étudier, de peur, difoit-il, que par le ^^^^f^f'"^ r I /•• -1 '■ -rr 11 r' Tciç nc"j-

Jecours des jciences , ils ne rèpo/idifjent plus atje- y^Pr,{\yi^^, ment aux FhHofophes Faiens. Il les éloigna auffi " ^ ' de tout emploi militaire dans le Valais , ô" de tout Gouvernement de Province i (^ en partie par fcs carejfes , en partie par fes liber alitez, , il en atti- ra beaucoup au culte des Dieux. On vit alors , comme a l'épreuve du crenfet , qui étaient les faux Chrétiens , ^ qui étoient les véritables. Car les véritables Chrétiens fe défirent gaiement de leurs charges, prêts à endurer toutes chofes, plu- tôt que de renoncer a, la foi. Mais ceux qui an lieu d'être veritableme?ît Chrétiens , prefcroient les richeffes ^ les honneurs du monde a la vraie fé- licité, ne balancèrent pas k facrifier aux Idoles. Il parle enfuite d'un Sophifle nommé Ecebo- lius , qui cft le véritable portrait dune infinité de gens. // étoit toujours de la Religion des Em- pereurs. Sous l'empire de Conjlantius il fit fem- blant d'avoir un zélé merveilleux pour l'Evangi- le ; mais fous fulien il parut exceffivement atta- ché aux fuperfitions Paiennes. Après la mort de Julien , le Chrtfiianifme étant remonté fur le trône , le Sophifle ne manqua pas de reprendre la profejfion de Chrétien. Enfin Socrate nous aprend,

que

i66 Venféei diverfes,

que fous cet Empereur apoflat,les Chrétiens fu- rent obligez de paier des fommes immenfespour racheter de 1 obligation delàcrifier aux Dieux. Il n'y a point d honnête homme qui ne con- damne cette manière de convertir j Se 11 les Dieux de Julien euflent été raifbnnables , ils cufiènt detefté les Chrétiens qui ne leur euOcnt offert des làcrifices , qu'afin de fe fàuver de la taxe qu'on leur failbit paier rigourcufcmcnt. Quel cas croions-nous donc que Dieu faflè de tant de Huguenots qui fe convertifTent pour du pain j Dieu , dis-je , qui efl: infiniment plus di- gne d'être fervi à caulè de lui-même, que les Divinitez du Paganifme?

Je fuis prelque fur que vous ne me croicz pas afièz verfé dans l'Hiftoire Ecclefiaftique, pour avoir ouï parler d'un Eveque Grec, nom- mé Afterius, qui vivoit far la fin du quatrième fiecle. Il efl: néanmoins vrai que je conois ce nom-là, 8c que j'ai lu fon Homilie contre l'a- varice , j'ai trouvé un pallàge qui ne fera pas mal placé en cet endroit, ^iï efi-ce, s'é- crie-t-il , qui a obligé des Chrétiens a s' abandon- ner au culte des Démons ? N'efi-ce pas le dejlr des richejfes ? N'ejî-ce pas Vefpermce éf* ^f* p^o- mejfe que les impies leur ont faite , des biens ^ des dignitez. du monde , qui a porté ces mif érables a changer de 'Religion comme d'habit ? Irions nous fowvencns encore des exemples des premiers tems , (^ nous en azions vu de nos jours de bien funef- tes. Car lors que l'Empereur (Julien) levant tout-d'un-coup le mafque, découvrit ce qu'il avoit dijpmulé fort lo?ig teins , ^ facrifia publiquement aux Dieux , ^ incita les autres par diverfes te- compenfes à faire le même, combien 'j en eut-il qui abandonnermt l'EgUfe pour fe ranger à la commu- nion des Idolâtres ? Combien y en eut-il qui atti- rez, par dijferens leurres , avalèrent le kmneçon de l impieté?

Pcnjees diverfes, l6j

Il ne faut pas douter que les Gentils ne dif- fent à-peu-près les mêmes choies , lors que les Empereurs Chrétiens attiroient les Idolâtres à la vraie Religion par l'eiperance de faire fortu- ne; & il ne faut pas douter non plus , qu'ils n'eufîènt raifon de ibutenir , qu'un très-grand nombre de gens les quittoient par complaiian- ce pour le Prince. Car il eft lûr , comme je l'ai déjà remarqué , que du tems àQs Conftan- tins , à^s Theodolès 8c des Clovis , la plus grande partie à^s Paiens qui vouloient être bons Courtifàns , ou qui n'avoient point de confcience , ou qui croioient qu'on peut plaire à Dieu par toute forte de cultes , le jetterent dans la bonne Religion. Dieu fait le gré que TEvangile leur en de voit fàvoir , Se le préjudice que la vérité en a fbuffert. Ces faux convertis ont été un germe de fuperflitions Se d'erreurs , dont peut-être l'Eglile fe fènt encore. Nous avons prefentement à craindre tout le contrai- re de nos faux convertis , fàvoir un germe d'incrédulité qui fàpera peu-à-peu nos fonde- mens , 8c qui à la longue infpirera du mépris à nos peuples pour les dévotions qui ont le plus de vogue parmi nous. Or nous changeons dans ces points-là , que deviendront les fonde- mens de nôtre foi , qui ne fubliflent eue dans la fupolition de l'infaillibilité , 8c par confequent de l'immutabilité de l'Eglifè? Ne me dites pas, que quand même les nouveaux Catholiques nous ameneroient peu-à-peu l'abolition de cer- tains cultes , les decifions des Conciles demeu- reroient hors de toute atteinte. Car quoi qu'en difè Monfieur de ConJom , on ne peut guère fàuvcr l'infaillibilité de l'Egliiè , 11 l'on aban- donne aux Proteftans les dévotions qui les cho- quent. Je trouverai peut-être l'occafion de vous parler plus amplement de cela avant que de finir. Je ne la chercherai point : mais 11 el- le

(i) Voiez Ja.Win- decde vitâ fundorum ftatu. pag. zj6.

(t) Ri.

cant Etac de l'Emp. Octom. liv, 2. chap.rz.

(5) Exode chap. 12. V.38.& Nombr. cbap 11,

1(^8 Penfe'es diverfes,

le fe prefente , je vous promets de ne la point

laiflèr échaper.

Quand ( i ) je fonge à la remarque que font les Rabins , que les Idolâtres qui fui virent en très-grand nombre , & en qualité de prolcly- tes , le peuple de Dieu fortant du pais d'Egyp- te , furent les premiers auteurs de la fonte da Veau d'or , & de tous les murmures de ce peu- ple dans le cieièrt, je tremble pour l'Egliiè Ca- tholique •■> m'imaginant que tous ces nouveaux convertis exciteront cent murmures dans Toc- cadon contre piuiieurs choies , qui leur paroî- tront d'autant plus choquantes , qu'ils les re- garderont de près : Dieu fur tout. Il y a des gens fort (2) fenicz , qui croient que le nom- bre prodigieux de Sedtes qui le voient parmi les Turcs , vient de ce qu'il y a eu piuiieurs perlbnnes de différente Religion , qui ont em- bralîe le Mahometifme ou par intérêt , ou par force. Les Grecs qui l'ont fait , étant d'un pa;"5 qui a été T Ecole des arts £<; des fcienccs , ont mêlé les anciennes opinions des Philoiophes avec les rêveries de l'Alcoran, dont ils n'étoient pas trop contens. Les Rufliens , le^ Mofcovi- tes, les CircanTiens , 6c autres nations fembla- bles, y ont auifi ajouté quelque choie du leur: Se c'eit ce qui a multiplié les Sectes à linfini* Ce que je viens de dire après les Rabins ell af- fez conforme à (5) l'Ecriture, qui remarque en deux endroits, qu'il y eut une grande m.ultitude de gens qui fortirent d'Egypte avec les enfans d'Ifraëh & en un autre lieu, que ce furent eux qui commencèrent le murmure. Mais c'eft trop m'écarter de mon fujeii revenons -y.

§. LXXXIX

Penfées diverfes, l5p

§. LXXXIX.

Treuves de fait de la tranfplantation des erreurs du Vagnnï[m2 dans le Chrijùansfme,

^\ les remarques que j'ai faites ne fuffiicnt pas pour prouver que les Paiens ont conièrve diveries erreurs en entrant dans le Chriinanif- nie , lefquelles enfliite le font perpétuées par tradition j je m'en vais aportcr une preuve contre laquelle il n'y'a pas le mot à dire , puis que c'cH: une preuve fondée fur des faits incon- teftables.

Il paroît par les Sermons des anciens Pères de l'Eglilè, que les Chrétiens de leur tems s'i- maginoient , qu'en jettant des cris de toute force, on foulageoit la lune éclipiee, & qaon la faiibit revenir comme d'un évanouïllcment, qui lui eût été mortel , il l'on n'eût bien crié. St. (i) Ambroiie , l'Auteur du Sermon 215-. (j^^J'''*^^ de tempore, qui eft parmi ceux de Saint Auguf- x/ait. dc$ tin i Saint Eloy Evêque de Noion , ont parlé fu^erlî. ' fortement contre cet abusj ce qui fait voir qu'il chap. 23, étoit en uiage parmi ceux à qui ils parloient. II paroît aulii par les Homilies de Sl Chryrof- tome, 6c par les livres de St. Bafile , de St. Au- guftin, &c. que les Chrétiens de leur tems fon- doient divers prelàges fur ce que quelcun éter- nuoit en certaines circonfrances 5 iûr ce qu'oa rencontroit en fan chemin un chat , ou un chien , une femme de mauvaife vie , une fille , un borgne, ou un boiteux; qu'on heurtoit con- tre quelque choie , ou qu'on étoit retenu par le manteau en fortant de Ion logis ; qu'un membre venait à treflàiij^ &c. St. Floy pour délivrer iès peuples de Semblables fuperftitions , leur déclare que c'eft être Paien en partie , que de prendre garde en fortant de chez, foi , ou Tom. I, H en

lyo Penfees diverfis.

en y entrant , à ce que l'on rencontre, ou aux voix que l'on entend , ou au chant des oiièaux, ou à ce que les autres portent. Il n'y a qu'à lire le Traité de Mr. Thiers pour ctre pleine- ment convaincu par l'autorité des Papes , des Conciles Provinciaux, des flatuts Synodaux, des Pères , 8c d'autres graves Auteurs , I. Que les fuperftitions mentionnées ci-dcfiùs, .6c pluiieurs autres, le trouvent parmi les Chrétiens. II. Que c'eil: un refte du Paganifrae.

Quand nous n'aurions pas l'aveu de tant de grands perlbnnages , il feroit bien facile de prouver , qu'en effet c'efl: une maladie originai- rement venue du Paganifme. Car outre que ceux qui ont prêché la Religion de Jésus- Christ , n'ont enfèigné rien de femblable , il paroît par les mcnumens de l'Antiquité qui nous relient, que toutes ces fuperftitions étoient en vogue parmi les Gentils. C'étoit une opi- nion tort générale parmi eux , que les éclipiès de lune procedoient de la vertu magique de certaines paroles par lefqueîles on arrachoit h (i) Et lune du ciel, & on l'attiroit vers la terre, ( i ) patkur pour la contraindre de jetter de l'écume fur cantu tan- J^^ herbes , qui enfuite devenoient plus propres prefTa^" ^'^^ fortileges des Enchanteurs. Pour délivrer labores , la lune du tourment qu'elle foufïroit , & pour Dontc éluder la force du charme, il faloit, difoit-on, fup,'ontas empêcher qu'elle n'en ouït les paroles, de quoi defp^umet °" venoit a bout en faifant un bruit horrible, in herbas. Et voilà la caufe pour laquelle on s'aflèmbloit Lacan, avcc des inftrumens d'airain , àes ti'ompetes, ^'^' 6. gc des clairons , .comme à prefent pour faire

un charivari. Les .Pcrfès pratiquent encore (ï) V lez ^^^^^ ridicule cérémonie , au raport de Pietro les noiiv. ^^^'^ Valle, Elle eû&aufli en ufàge dans le I<e!at.de Roiaume de (2) Tunquin , l'on s'imagine Mr. Ta- que la lune bat alors contre un dragon. Vous vêro;ej-. fç^^^ réflexion fans doute en lilànt ceci , à ce

qui

Penfées divcrfes. jyj

-qui efl: dit dans le Livre des Pieaumes , que j'aipic bouche ion oreille, aiin de ne pas enten- dre la voix de l'Enchanteur , 6c vous m'accor- derez, je m'aflure , que les Chrétiens qui pre- tendoient foulager la lune par leurs cris, avoient puifé leur erreur dans le Paganifme.

Je ne perdrai point de tems à faire voir que toutes les autres luperflitions cenflirées par les Pères de l'Eglifè , étoicnt en ulàge parmi les Paiens : c'eft une choiè trop manifelle. Mais je remarquerai , que c'eft d'eux que nous te- nons la prétendue vertu brûlante de la Canicu- le , dont les Poètes nous ont donné à l'envi des deicriptions li élaborées ; la prétendue lignifi- cation de plulieurs malheurs que nous attri- buons aux écliplès , 5c toutes les chimères de l'Artrologie. D'où il senfuit , que Terreur ou nous fommes fur les prclàges des Comètes , vient aulfi de la môme cauiè i &: par conle- quent que c'eft une efpece de fuperftiticn. Je ferai cette remarque fur la Canicule avec vô- tre permiifion , Monfieur ; c'eft que les P.o- mains étoient II perfuadez de la malignité de fcs influences , que tous les ans pour l'apailèr , ils lui (i) facritîoient des chiens roux allez, f') f'^-- près de la porte Camlaria , qu'on apelloir ainii , ou du nom de l'aftre auquel fe faifoit le iàcri- fice , ou du nom de la victime qui lui étoit of- ferte , ou plutôt à cauiè de l'un 8c de l'autre : C2.V il n'étoit gueres polTible de fiirc en cela quelque diftindtion , xuis que la railbn pour- quoi on imraoloit un chien preferabiement à toute autre efpece de vi6lime , n'étoit que la conformité des noms. Les autres (i) peu- (2) Apo'- ples , qui offioicnt des fàcrifîces à la Canicu- Umhs i. i, le , n'y cherchoient pas tant de fineflè. Nous ^';' ''-''■• ne lifons pas qu'ils immolaftènt des chiens, j^'^^'-'"^» plutôt que toute autre chofe j 8c c'eft une er- reur de moins. Car qu'y a-t-ii de plus' ridicu- H z le,

tus ; Uvid, Faft.5-.

lyi Tenfees diverjês.

le, que de s'imaginer quune étoile fait plus dtf cas d'une bête , que d une autre ? Néanmoins tous cts peuples etoient 6c fuperftitieux 5c ido- lâtres : ëc les Chrétiens font contentez de rejetter le dernier de ces deux; maux , au Hz bien à l'égard des Comètes , qu'à l'égard du relie.

§. XC.

Tû^rquoi les Sis. Pères ri ont pas condamné ceux qui croioïent les prefages des Comètes.

J'avoue que je n'ai point lu , que le? Pères aient blâmé la fuperflition envers les Comètes, comme ils ont biâmé les autres. Mais cela vient fans doute , I. De ce qu'il n'efl: pas fi fa- cile d'en conoître la vanité , que de conoître la vanité des autres. Car il n'cfr pas li évident que lapparition d'une Comète ne preiàge rien, qu'il ell évident qu'un éternuement ne preiàge rien. IL De ce que les inccnveniens de cette fuperftition ne font pas fi frequens , que ceux qui naillènt des autres. III. De ce qu'ils ont cru que la terreur àts jugeraens de Dieu, excitée dans lame des pécheurs à la vue d'une Comè- te, pouvoit les faire repentir. IV. De ce qu'ils y ont été trompez tout les premiers ■■, leurs grandes lumières s'étendant plutôt du côté des veritez de la Religion , que du côté àts vcritez naturelles. Quoi qu'il en foit , comme il y a allez d'autres motifs d'une certitude indubita- ble, qui doivent porter les hommes à craindre hs jugemens de Dieu , & à s'amender , rien n'empêche que nous n'examinions , fi la crain- te des Comètes eft bien fondée , quand même il en devroit arriver que les hommes feroient délivrez d'une terreur chimérique à la vérité, mais pouitant uriie. Autrement il faudroit

aprou-

Penfées diverjès, 'tj^

àprouver la conduite de ceux qui font ôkQS frau- des pieuiês , qui enfeignent mille fables , qui fupoiènt des miracles a plaiiir , quand ils croient que cela peut aider à la pieté : ce qui ell: néan- moins une conduite très-éloignée de l'elprit de TEgliiè. N'érigeons (i) point nos f^itaifies -, dit (ij jgr^^Q le grand St. Auguftin, en 06 jets de Religion ; car fit nobis Isi moindre vérité efi meilktire , que tout ce que religio ia l'on pmrroit inventer à tladr. Il me femble ph"3ntaf- /v ^ r 11 j- rL ^ ^ rnatibus

même que ce leroit aller directement contre noftris,

l'intention du St. Elpric déclarée dans Qt% pa- meliusefl rôles de (z) Jeremie , a, jignis cœli nolite me- enim qua- tuere, c^ua timent Gentes , que d'epoiivanter les lec'Jnque peuples par \z% preiàges des Comètes. quàm^ *

quicquîd •§. X CI. pro arbi-

trio fingi

^u'on (t tort de blâmer ceux qui ne croient fas ^^l^'n légèrement i qu'un effet fait miraculeux. De ver.

re''g. c. 5 S* . Souffrez que je remarque par occafion l'in- juftice de ceux qui blâment la Philofophie , en (2.) Cap. ce qu'elle cherche des caufes naturelles , le ^°* ^* ** peuple veut à toute force qu'il n'y en ait point. Cela ne peut venir que d'un principe extrême- ment faux , ûvoir , que tout ce que Ion donne a. la nature efi autant de pris fur les droits de Dieu; car en bonne Philofophie la nature n'sil autre choie que Dieu lui-même agiflant , ou félon certaines loix qu'il a établies très-librement , ou par l'aplication des créatures qu'il a faites , 8c qu'il conferve. Defbrtc que les ouvrages àc la nature ne font pas moins l'effet de la puiA fànce de Dieu que les m.'raclis ., 8c fupofcnt une aulfi grande puilTànce que les miracles 5 car il efi tout auifi diffrcile de former un hommaC par la voie de h génération , que de refufciter un mort. Toute la différence qu'il y a entre les miracles , £c les ouvrages de la nature , c'eft H 5 que

174 Tenjzci diverjès,.

que les miracles /ont plus propres à nous faire connoître que Dieu cil l'auteur libre de tout ce que font les corps , ôc à nous defabufer de l'er- reur où nous pourrions éire là-dciibs i cnfuiie de quoi l'en juge aflêz naturellement , que ce qui le fait par niiracle , vient d'une bonté , ou d'une jullice particulière. Mais il ne s'enfuit pas pour cela , qu'on doive trouver mauvais fr) Tn vi- que j^g Philofophes s'en tiennent à la nature la Penc . ^^nto^nt qu'ils peuvent. Car comme (i) Plu- , V V tarquc l'a fort bien remarqué au fujet de Péri- omnibus ^^^^ & d'Anaxagoras , la ccrnoiliànce de la na- in rébus ture nous délivre d'une fuperfiiticn pleine de temoritas terreur panique , pour nous remplir d'une de- jn afien- yotion véritable , & accompagnée de l'eiperan- rorque ^^ "^ hiGn. Si les (2) Paieras eux-mêmes ont turpis eft, remarqué , qu'il importe extrêmement fur le tum in eo chapitre de la Religion , & plus qu'en toute- locornaxi- j^^^tig chofè , de ne point conduire par le KidicTn-"° principe d'une aveugle crédulité ; mais de dum eft, bien afîurer du fait , parce qu'en négligeant quantum une cérémonie tien fondée , on tombe dans aufpiciis l'impiété , & qu'en s'atiachant.à àcs cultes in- icbuique ^^^ s'enp-age dans des fuperftiticns pueri-

re.igioni- ''^^ '• "> dis-je , les Païens eux-mêmes ont pu <]ue tri- voir cette venté , ne devons-nous pas être bien feuamus. aifès que les Philofophes Chrétiens nous deli- Eft enim yrent de tous les préjugez , qui fèroient capa- ium'^^ne ^^^^ ^^ fouiller la beauté n.âie & fblide de nô- aut ne- tre dévotion? Dans le fond , il y a tant de pe- jieaisiis rii que les cultes qui s'apuient fur des faufle- f"^^'ff ^^^ ' "^ s'abatardiflènt , qu'on ne doit jamais -

fufceni^sr ^'^^^^ quartier à l'erreur de quelque efpece qu*el- anili fu- ' ^^ ^it. J'avouë qu'il eft bien moins fcanda- pcrftiao- leux de combatre les erreurs , avant qu'une ne oblige- longue poiîèfllon les ait enracinées dans les ^'^oiib 1" ^^P^^ts de tout un peuple , que lors que leur de Divi- antiquité fèmble les avoir conlaciées. Mais »4f,, comme il n'y a point de prefcription contre la.

yeri--

T'enfées diverps. 275

vérité , il ne fèroit pas jurte de la laifïèr perpé- tuellement enfevelie dans l'oubli, fous prétexte qu'elle n'auroit jamais été connue, je conviens auffi qu'il faut le conduire avec une grande à\Ç- cretion , & de grands menagemens , lors qu'on attaque de vieilles erreurs de Religion : 6c c'eft pour cela que quelqu'un a dit , en parlant à^s chofes de cet ordre- là, ( i ) j|^'// y a plujieurs {i) Dicîr 'veritez , que non feulement il nejl pas neceJJ'aire ^f ^f^^- que le peuple fâche , mais aufjt dont il efl expe- f^I^^^^^ die-nt que le peuple croie le contraire. Il n'y a mulca efTe guère de Politiques, ni de gens d'Egîifè qui ne vera, qux Ibient dans ce fentiment. Mais je dis nean- ^o" modo

moins , qu'en gardant toute la circonfpetlion ^'^''^° ^^'*

1 ^j °^i j M renon fit

que la prudence Chrétienne exige de nous , il ^j-jg ç^^

doit être permis de travailler à réclaircifTement etiam , de la vérité en toutes chofes. tamerfi

fjfarint, aliter exif- §. XCII. t'i^are

populum expcdiat. De quelle mmùere la grâce guérit U nature. y-^rro apjtd

"" ^ D.AuguJi.

- ^«i" civiî.

Encore une remarque , Monficur , lur ce Dei i. 4, que j'ai dit que les Chrétiens font auffi portez f'i». 511 que les autres hommes aux iupei ilitions des pré- sages. Cela ne devroit pas être. La connoiflance que la foi nous donne de la nature de Dieu , 6c la folide do6lrine de ceux qui nous inflruifent Aqs veritez Chrétiennes , nous devroient gué- rir de ce foible-là. Mais helas ! l'homme efl toujours homme. La Providence divine n'aiant pas trouvé à-propos d'établir fa grâce fur les ruines de notre nature , contente de nous donner une grâce qui foutient nôtre infirmité. Mais comme le tond de nôtre nature , fujette à une infinité d'illufions , de préjugez, de raf- fions , 8c de vices, lubfifte toujours j il ell mo- ralement impolfible , que les Chrétiens avec H + tou-

i']6 Tenjtes diverfis.

toutes \cs lumières 6c toutes les grâces que Dieu répand fur eux , ne tombent dans les mêmes defordrcs tombent les autres hom- mes.

§. XCIIL

Combien les Chrétiens fout ïnfatuez des pré- faces.

Ccfl: une cholè pitoiable, que de voir la lifte des fuperftitions que Mr. Thiers a rccueiliies, & qui iubiiftcnt parmi les Chrétiens , nonobs- tant les ceniures , les menaces , ôc les defenfcs mille fois réitérées par les Conciles & par les Synodes. Non leulemcnt il 7 a des fuperllitions de la dernière balTcfîc dans ce catslogue-là, mais auffi des profanations fàcrileges , (quoi que cou- vertes d'un voile fpecieux) ôc des pratiques de dévotion abominables. J'ai déjà dit ailleurs à quel point la manie de fàvoir û. defiine'e par un Aftrologue , a poflèdé tout POccident. On en efl: revenu enfin 5 mais la ciiriofité efl: toujours , j,^_ fi forte , qu'on recourt à des voies encore plus biitciipido criminelles. Pour ce qui ell des preiàges qu'on principem fonde lur mille cas fortuits , on peut dire que le percurrere peuple Chrétien cn efl: infatué d'une manière Marcliim incorrigible.

tBcran<^t!ine H n y a que deux jours , qu en parcourant Condea- l'Hifloire Latine de Priolcau , je remarquai notinçlam qu'en l'an 165-2. on prit pour mauvais augure, planïLiem, ^q ^^jj. ^^^ pendant que Monfieur le Prince ^[Jj?j.^^Jj'^" conlideroit le champ de bataille, l'un de Ces enûs bal- ancêtres finit fes jours auprès de Jarnac , ion theo elap- épie lui tomba du baudrier ( i ). II n'y avoit fus exci- rien qui ne fût purement cafuel ; & je fuis dit, omine jj-j- grand Piince, qui a refpiit auiïï

apud varia héroïque que le cou: âge , en cela p^us Héros mirantes. qu'Alexandre qui étoit fuperftitieux , ne fit au- cun

Tcnfées diverfis, Î77

cun cas de ce prétendu prefige. Néanmoins cela fut relevé , & le repandit. La chute d'un tableau, d'une colonne, ou d'une horloge, tait taire cent reflexions à toute une ville. On n'en parle jamais làns faire àcs conjectures , qui vont à la ruine de ceux qui avoient fait drelier la colonne, ou qui avoient fait graver leurs ar- mes fur l'horloge. A Rome, l'on eft fpe- culatif fur ces chofes-là plus que par tout ail- leurs , jufques à chercher dans le nom d'un Cardinal, s'il ièra élevé au Pontificat 5 il en coû- te infailliblement la vie dans l'efprit du peuple, au Pape, à quelque Cardinal , à quelque Roi: quelquefois même il n'y va pas de moins que d'un changement de domination.

Nôtre gazette le chargeoit très - volontiers de cette forte de contes , dans fcs commence- mens. Celle du 23. de Janvier 1632. raporte dans l'article de Vienne que la naillànce d'un monTrre compofé de deux enfans , la chute d'u- ne tour que l'Empereur avoit fait bî^.tir après la défaite du Roi de Bohême à la bataiiie de Pra~ gue, 6c la mort fubite d'un Conièiller d'Etat , fàilbient dire bien des choies aux interprètes des prodiges. Le monftre lignifioit quelque ligue fort étrange. La chute de la tour ne pou voit lignifier , quoi que la gazette n'ait pas cru qu'il s en talût ouvrir entièrement , que la perte de tous les avantages que la Maifon d'Au- triche avoit remportez par la detaite du Roi de Bohême , en faveur duquel le feroit la ligue étrange. Il peut y avoir des vues de politique dans le débit de ces nouvelles , comme je l'ai remarqué en raporiant le caractère d'une fem- me nouvellille feion l'idée de Juvetial j Se ça été làns doute la penlée de Mr. Naudé , qui dans le Dialogue de Mafcurat, apiique à l'Au- teur de la gazette, tout ce que Juvenal a xoix- ché dans ce pafïàge. Mais quoi qu'il en loir ,

"^ H 5 OD

lyS Penfees diverfes.

on peut voir par , que le génie des peuples d aujourd'hui efl: tout ièmblable à celui des an- ciens, oui le rcpailToient de fables & de vaines- conjeâurcs. Je luis bien aile pour 1 amour de la Fmnce, que nôtre gazette abandonne depuis allez long tcms cette elpccede nouvelles aux Ga- zeticrs des autres nations , qui nous ont débité cent choies ablurdcs lur la prefente Comète. Je conois bien des gens qui en font fort aile auiTi , & qti aiment m.ieux aprendre de nôtre Gazetier , tantôt ce que les Jeiuites de Londres lui écrivnt pour juftifier leurs faintes 6c zélées cntiepriies dans ce Royaume-iài tantôt les con- verlions que l'on fait dans le Poitou à la tête de cinq ou lix Compagnies de Cavalerie , Ibus i autorité toute- puillante d'un Intendant vigou- reux y je connois, dis-je , bien àts gens, qui aim.ent mieux aprendre du bureau d'adrefic des nouvelles de cette nature , que mille fades rela- tions de prodiges.

Je m en vais vous dire une choIê , qui vous, eonvaincra plus que tout le refte, que j'entête- ment àçs preJàges sefi: enraciné d'une façon. étrange dans Teiprit des peuples Ciireticns» Cliacun fait la révolution que les anàires de l'E- glilè foufirirent dans le dernier liecle , & la guerre lans milèricorde que les Protelîans dé- clarèrent à tout ce qu'ils apelloient les fuferfii- tsons de la Fapauté^ Les Calvinifres ligna- Icrent lur tous les autres dans cette guerre, 8c ne pardonnèrent à rien qui leur femblât^ .^ fuperllitieux. Mais avec tout cela , les Pro- fon tra^rd^ teftans ne touchèrent point à la iuperftition à^^ ite prxci' prefages i ils en font aufîi infatuez que nous,. pus divi- ^ leurs Auteurs en font tout pleins. Un Aile— natio.am jjiand nomme Peucer , (i) habile homme ^ ^ZVJT^, gendre de Aklanchthon , fort ralTionné con- deteram tre lEgliie Romaine, 6c Ajedecm qui plus elt, cufia,. laporte je ne M combien de prodiges , qu'ii

Pè}ifées diDerfcs. l'yp

prétend avoir fignifié plufieurs grands eVcne- mcns. Wolfius, Luthérien fort entêté , fait mention prefque à chaque page , de quelque vilion , ou de quelque météore , ou de quelque monftre de mauvais augure j & c'efl: beaucoup dire, puis qu'il a compilé deux gros volumes in folio de leçons mémorables. Si vous lifèz jamais un livre intitulé , Fathlica facra , compofé par un Hollandois qui s'apcilc Ncuhufus , je ne doute pas que vous ne tombiez d'accord , qu'il cft diiîîcile d aller plus loin en matière de bons Se de mauvais augures. Ne nous étonnons plus , il les Chrétiens nouvellement convertis du Pa-- ganifme , ont confèrvé un grand nombre dc- fuperflitions.

§. XCIV.

Combien les Hijloriens fe jettent dans le merveil" letix j ceux de Charles- ^^.'mt par exemple.

La pafiicn de donner du merveilleux aux évcnemcns , qui a li f3rt poilêdé les Auteurs profanes , poiîède auffi nos Auteurs Chrétiens , & leur fait faire fouvcnt des obiervations il' puériles, que rien plus. Qu'y a-t-il, par exem- ple , de plus frivole , que la remarque de San- do'/al , qui écrit dans la vie de 1 Empereur Charles-Qiiint que îa R.eine Marguerite , tem-- me de Philippe IIL naquit le propre jour de Noël entre neuf & dix heures du matin , pen- dant que la cloche d'une EgHfc fcnnoit l'éléva- tion du St. Sacrement à la Meiîe; ce oui, ajoû- te-t-il , fut un i]gne de grande dévotion: qu on vit quelques jours après les funérailles de cet Empereur , un grand oifèau venu du cô- té de l'Orient fur la Chapelle du Monafiere de St. Jufle •. qu'un Cordelier de Guatuemala aux lades Occidentales vit i'acculàtion intentée par H 6 ks

i8o Peyjfées diverfis,

les Diables contre le même Empereur, & puis fon abfolution fondée fur {hs bonnes inten- tions, après cjuoi Dieu conduiiit Charles par la main à la place qui lui étoit deftinée dans le Paradis, Qu il eût été aile de pouvoir dire, qu'une Comète , ou qu'une éclipse avoit an- noncé aux hommes la mort de cet Empereur! car s'étant rencontré qu'il y eut de tout cela quelque tems avant la mort de l'Impératrice, il n'a pas manqué de nous garantir , que ce fu- rent des prcdidrions de cette mort! Il faut qu'il ait oublié, qu'il parut efïeclivement une Come- te l'an auquel Charles-Quint mourut , & une Comète encore fort finguîiere , puis qu'aiant panché du côté du Septentrion, elle s'arrêta en- (î) Jean £„ (i) lur Je Monaftcre de St. Julie, & difpa- Ant. ae ^^^^ .^ |^ xnQït de Charles ; de telle forte qu'à Fi^uioa, ""^en^e tems que 1 empereur hmlioit la vie, la Comce cie Comète difparoilToiL aaffi , 5c qu'auffi-tôt qu'il ?a Roc.i, fut mort, on ne la vit plus du tout. Quelle en la vie pej-fç ^our Sandoval , de ne s'être pas ibuvenu de Char- ^ ' i n l r i

ks-Qiùnc. de ces belles choies!

§, XCV.

<S)He quand on dit que ks Comètes frefrgent la mort des Rois , on ne dijl'm^ue pas com^ne il faudrait faire , ceux dont U mort eft préju- diciable de ceux dont la mort ne fait aucun

Peut - être penfèrex - vous , qu'a caufc qiie Charles-Quint étoit déjà mort au monde, quel- que tems avant qu'il cclTat de vivre , Sandovai ne ih. fût pas imaginé qu'une Comète, ou qu'u- ne écliple euilent annoncé ion trépas.. Mais ne vous y trompez, point , Ivlonileur , ce n'efl pas à cela que Ion regarde. On vous dit d'uu côté que les Comètes prciagent de grands mal-

heurs>

Penfées diverfes, i8î

heurs , 8c de l'autre on met au rang de ces malheurs le décès des Rois &: des Reines , {ans examiner li ces Têtes iliuftres meurent dans ua tems leur mort ne tire point à coufequen- ce , ce n'aporte aucun changement dans les af- tiires, ce qui fe rencontre alfez fouvent. Par exemple , la mort de Charles -Quint ne fut comptée pour rien , ni par &s amis , ni par iès ennemis , parce que retraite avoit réduit toutes ces grandes palTions qui avoient remué toute l'Europe , à ne plus inquiéter peribnne, il ce n'eil: peut-être les Moines de St. Julie, lef^ quels il cmpêchoit de dormir , à ce qu'on dit. Nous trouvons dans l'Hiilioire plufieurs exem- ples de Têtes couronnées , -dont la mort n'a point été préjudiciable à leur Etat , parce que c'étoient des Princes qui laiflbient des lucceA leurs aufir dignes de commander , ou mêm.es plus uignes de commander , 6c plus aimez de leurs fujets qu'eux. Pour ne rien dire de tant d'autres qui ne làuroierit jamais mouiir allez tôt, parce que leur vie eit le fléau , non feule- ment de leurs voiiins , mais aulTi de Leurs fu- jets. Nous pouvons mettre en ce rang Jeaa Balilides, Grand Duc de Moicovie , mort l'an 15-84. deux ans après laparition d'une Comè- te. Pour Soliman Empereur des Turcs , on m'avouera que mort a été le bien gênerai de la Chrétienté , 8c même de toute l'Europe. Si bien que c'cfl: très- m al raiibnner , que de conclure en gênerai , que les Comètes en veu- lent aux Souverains , de ce qu'elles font le pre- {ïgQ des jugemens de Dieu j puis qu'il eft cer- tain que la longue vie de quelques Princes a été 1 inllrumcut de la juftice divine la plus lè- vere , 8c qu'ainh on aurcit eu plus de raiibn de dire , que les Comètes leur ptefageoicnt une longue vie , que de dire qu'elles preiàgecient leur mort. C'clt à-peu-près en ce fens-làquç H 7 Lii-

iSr Peyjfees diverfei,

{i) S'iVi' Lucain ( i ) a parié de la conlèrvation de Ma-

bec ulcifci j.j^5 gj. çy^ç^ ^j^^^j l'cntcndoit l'Auteur d'u-

deletx tu- / N r. ^r i- /->

nera i;en- "^ ^^) hpigramme Latine lur une Comète qui

tis , Hune avoit étrangement ailarmé Catherine de Medi-

Gimbfi cis , parce c|uc les Aftrologues avoient publié,

fcrvace qj^e c'étoit le prelàge de la mort d'une Reine,.

Nonllie ^ ^^ ^^é^^ ^''^" grand malheur.

favoieîSTu-

minis, ia- S parler et audaces cum tr'ifi'ts in Athere cr'mes t

g^'it^i f^' Venturique daret fgna, C omet a mali}

perum ^^^^ r j^^-^-^j^ ti;-nens '/nde confcïa viu,

prorectus ^ -^ ,■ ,■ ^ -r r r -^

ab ira. Creuidit mvtjum pojcere fata caput.

Lican.l.z* ^uid, Regina , t'rraes ? Nam^ue h^c malajt

^' *^'^' qua m'iantur

^ * Longa timendpb tua ejl , mn tïbi l'ita 6 revis.

le Journal J^ ^^"^ ^^ '^^j^ V^^^^ P'"^^ '^'^"^ ^^^^ ^^ ^^ du re^ne Comète qui parut , lors qu'Alexandre le Grand ai Henri monta fur le trône de Macédoine. S'il fût III. ad mort peu de tems après , comme il pouvoit aan. 1J77. g^.[yç^ fo-j. aifement , qacH-ce que l'on n'eût point dît? On n'eût -pas manqué de mettre ce- la parmi les principaux malheurs preiàgez par la Comète. L'événement a pourtant tait voir , que ia mort de ce jeune Prince anticipée de dix ou douze ans , eût été le plus infigne bon-- heur du monde , 8c que le plus grand lervice qu'on eût pu rendre au genre humain , eût été- de faire périr dès l'enfance cet étourdi:

("5) Mr. (3) Heureux , fi de fin tems pour cent bcn^-

î^cs- J2SS raifonS)

Préaux £^ Macédoine eût eu de Vêtîtes maifions ,

Et cjuun fi.ge Tuteur Vent en cette demeure , P^r avis -de par ens enfermé de bonne heure.

Etrange prévention des hommes î s'il y a des Rois , dont ils croient que la vie foit parti- culièrement: menacée par ces afïxeufes Comètes,

à

P.enfées diveYjQs, ï§3

à qui l'on attribue la charge d'annoncer les plus funellcs calamitez, , ce ibnt ceux qui ont acquis une grande réputation 6c une puiifance formidable. Et tout au contraire, ce font ceux- qu'il eft probable que lajuftice divine veut' conferver le plus chèrement , lors qu'elle a. delTein de nous punir. Vous le croirez mieux. Il je vous dis que c etoit la penfée d'un illuflrs^ Conquérant j car un témoignage comme le lien en vaut mille pour cette forte de ♦choies, Conliderez donc bien ce qui iuitj ceit un Of- ficier François , fort habile homme , qui le débite.

J'di (i) autrefois ouï prouver un par ndoxe au ,^\ ^^^ Roi de Suéde , qui reve72oit ajfez, à ce que je je Caifle- dJJ. ^^uelqti un loiioit fes grands trO\^res en Al- re, Force-- lemagne, ^ foutenoit ea fa prefence , que fa la- "^ ^^^ leur , fes grands dejeins , ér fi^ hauts faits d'ar- ^^"j^ / mes etoient les outrages les plus accomplis de la 2. part! Troiidence, qui furent jamais -y que fans lui la chip, ic» Maifo/i d'Autriche s'acheminoit à la Monarchie unfverfdle , ^ a la d if.ru cl t07i de la Religion des. Troteflans j . quil paroijjoit bien par les miracles de fa vie , que Dieu lazoit fait naître pour le falut des hommes , ^ que cette grandeur deme- furée de fon courage étoit un préfent de la toute - puiJJ'ance, ^ un effet fi^.ble de fa bonté infinie.. Dites plutôt , repartit le Roi , que cefl uns mar- que de fa colère. Si la guerre que je fais efi un remède, il efi plus infuportable que vos maux. . Ijieu ne s'éloigne jamais de la médiocrité pour- gaffer aux chofes extrêmes , fa7Js châtier quel- qu'un. Cefl un coup de fon amQ:^>' envers les peuples, quaml il ne donne aux Rois que des âmes, ordinaires. Celui qui 7ia point d' élévation ex- cejjix e , ne conçoit que des deffeins de fa portée. . La gloire ^ l'ambition le laijfent en repos. S'il s'apiique a fes affaires , fes Etats en deviennent plus heureux j ô" ^''^ fi décharge de fes foins

fur

184 Tenféei divevjQs,

fur quelqu'un de [es fnjets , ^ qui il fait p/^y^

de fon autorité , le pis qu'il en peut arriver , ejî qu'il fait fa fortune aux dépens de fon peuple , qu'il impofe quelques fubydes pour en tirer de l'argent , ^ pour avancer fes arrùs , ^ qu'il fait gronder fes é^aux , qui ont peine a foufrir fon pouzoir. Mais ces maux font bien légers , (§* ne peuvent être en aucune confideration , ^ on les compare a ceux que prodnifent les hu- meurs 'd'un grand Roi. Cette pajjïon extrhne qu'il a pour la gloire , lui faifant perdre tout repos , l'oblige 'necejjairement à l'ôter a fes fu- jets. Il 7îe peut foufrir d'égaux dans le mon- de. Il tient pour eymemis ceux qui ne veuhnt point être fes vafaux. C'efi un torrent qui defole les lieux par ou il^pajfe ,• ^ portant fes armes aujjî loin que fes cfperances , il remplit le monde de ter- reur , de mfere , ^ de conftition.

Voilà comment ceux qui fui vent h préoc- cupation générale touchant les prefages des Comètes , tombent dans i'iUulion en tout 6; par tout.

§. XCVI.

SuÀte des exaggerations T,fpagncles à la louange de Charles- ^^uira.

Les imaginations hyperboliques àcz Espa- gnols à la loaange de Charles-Quint , font outrées , qu'au lieu de re.ev^er le mérite de ce grand Prince , on peut dire qu'elles font tort à fa gloire 5 non feulement parce que les Lec- teurs , qui remarquent dans un Hiftorien une affeftarion dominante de tom-ner toutes chofe G\i côté de l'admiration , foupçonnent qu'i leur conte des hiftoires faites à plainr j m.ais auflî parce que bien aies gens aiment li peu qu'ua Hiiloriea s'amufe. à fair« le panegyriile ,

que

Penfees diverfes. 1S5

que cette partialité les irrite extremen^ent con- tre lai , & par contre-coup contre Ton Héros } après quoi ils ne ibnt plus capables Ge croire que ce Héros ait eu du mérite.

Je vous renvoie au dernier (i ) Ouvrage ^^ f^^ c*e^ P. Maimbourg, pour voir les excès de iîaterie l'Hiftoire font tombez, les Hiftoriens de Charles-Quint du Luthe- au fùjet de la célèbre viâroire qu'il remporta ranifme. fur le Duc de Saxe l'an ij'47. Non ccntens d'avoir dit, qu'un aigle vola doucement durant quelque tcms fur l'Infanterie Eipagnoîe , pen- dant qu'elle palTbit l'Elbe fur un pont de ba- teaux , 6c qu'un grand loup, qui étoit Ibrti d\i- ne forêt prochaine , fut tué par les fojdats qui êtoient àc^^i pafiez ; ils ont ailuré fort fcrieuiè- ment , que le foleil s'arrêta tout court , pour donner aux Impériaux le loifir de remjporter une pleine vidoire : ce qui efl un renouvelle- ment de l'un des plus grands miracles que Dieu ait faits pour établir fon peuple dans le pais de Canaan. Ce ne font point ce ces contes que l'on débite en feuille volante fur les premiers avis d'un courier : ce font des Hilloriens d'im- portance qui l'ont dit dans des Ouvrages fort étudiez ; c'eft un Sandoval , Hiftoriographe de Philippe III. & Evêque de Pampelone , (jui dit de plus , que le jour de la bataille le fbieil fut vu de couleur de fang en France , en Allema- gne, 8c en Piémont 5 c'efl un Don Louis d'A- vila , Gentilhomme de la Chambre de l'Empe- reur , & grand Commandeur d Alcantara , qui avoir un emploi confiderable dans l'armée de Charles-Quint , 8c qui étoit prefent au combat. Il paile de ce prodige comme témoin oculairej en cela plus heuieux que le Duc d'Albe , Lieu- tenant General de l'Empaeur , 6c l'un de ceux qui eurent le plus de part à la gloire de cette journée. Nôtre Roi Henri II, qui a voit ouï parler du miracle, voulut fàvoir de lui ce qui

IÎ6 Penfées diverfès,

en étoit. Il en eut pour toute reponfè, ^«';7 était fi occupé ce jcur-là, a, ce c^ui fe pajfoit fur la terre , qu'il ne prit pas garde k ce qui fe fai- fuit au ciel,

§. XCVIÎ.

Avertiffemsnt aux Hiforiens Franpois.

Je n'ai rien à dire pour réfuter ces vifîon?,- Ci) Hîfî. après ce que le ( i ) P. Maimbourg en a dit ^ ^^' avec fon eiprit & fbn éloquence ordinaires, ''*' Mais je vo^drois bien que les railleries de ce Jefuïte fèrviflènt de leçon à nos François , 6c qu'elles leur fifTent bien prendre garde à ne point donner dans les enflures Eipagnoles , quand ils parlent de la gloire de nôtre Roi , qut de l'aveu de toute l'Europe ell un des plus- grands Princes du monde. Car comme je l'ai déjà dit au lujet de Charles-Quint , il n'y a rien qui faflè plus de préjudice à la véritable réputa- tion d'un grand Monarque , que les efforts con- tinuels que font les Hiiloriens , pour le mettre en tout 6c par tout au delTus de tout ce qui a jamais été dit des autres Héros. On peut leur dire ce qui fut reproché à certains Hérétiques qui attribuoient un corps à Dieu, m.ais un corps le plus grand qa'ûs & pouvoient imaginer : Fe- ciflis molem , fecifiis minorem j en le faifant une groffe maffe , vous l'avez, rendu plus petit. Quand * je vois cette affeftation , il me fèmble que je vois ces anciens Sophifles de la Grèce , qui ga- gnoient leur vie à faire des déclamations 8c des panégyriques , non pas fur les mémoires qu'on leur fournifîbit , mais fur les idées qu'ils fe for- moient eux-mêmes de tout ce qui peut paroî- tre le plus admirable.

Pourvu qu'il n'y ait que les harangues de Mfiflieurs de l'Académie Françoife , qui foient

tou-

Fenfées diverfis, 187

toujours dans le fublime , toujours dr.ns les ex- clamations , toujours dans les figures les plus outrées, le mal ne ièra pas grand. On ne s'a- vife pas d'aller chercher le mérite d'un Roi , ni dans une harangue , ni dans une épître dedica» toire, ni dans un panégyrique. On iait aiîèz, avant que de lire cette ibrte d'Ouvrages, qu'ua Roi y efl toujours le plus grand Monarque da rUnivers , fans en excepter ni Alexandre, ni Celàr : ainfi on ibufÎTe iàns murmure , qu'il n'7 ait que de magnifiques idées. Mais il nos Hiftoriens éblouis de la gloire qu'ils auront, à décrire , s'amuiènt à taire les declamateurs,. je vous alTùve , Monileur , que les Eipagnols moqueront de nous à leur tour , 6c que tou- te l'Europe nous tourneia en ridicules , comme elle seft moquée des Eipagnols qui ont porte- les éloges leur Charles- Quint & de leur Phi- lippe 1 1. à des excès inconcevables. Aparem- ment ceux qu travaillent dofhce à l'Hiitoire de Sa Majeflé , oubiieiont qu'il ne s'agit plus de reprclenter de grandes pai^Gr.: ; 6c de grands ièntimens fur le théâtre imaginez a, plaifir , ni de chercher les idées fatiriques du ridicule j mais qu'il s'agit de raporter fidèle- ment des choies de fait. Ils ont d'ailleurs un caradlere d'efprit à ne pas croire facilement que le ibleil interrompe fa couriè pour faire durer une bataille , comme les Efpagnols l'ont pu- blié ; ni que les murailles d'une ville s'abbatent tout à coup par la vertu d'une petite phiole, comme firent les murailles d'Angoulême fous le règne <ie Clov s , à ce que dilènt (i) quel- (OVoiez ques-i;ns. Je ne fài même , fi en débitant de le'fhefor tels miracles , ils ne craindroicnt pas de faire Chronol. trop mal leur cour, & qu'on ne leur dît , que j^ sÉ.ro, la valeur des François na que faire de tout ce- muald à lai que leur ardeur 6c leur promptitude n'a pas l*aa jo8. befoin que le foleil s'arrête pour leur donner le

tems

l88 Penféei diverfes.

tems d'achever, que cela eft bon pour lesEfpa-

gnols Se pour les Allemans , qui font lents 8c

peiàns de leur nature. Ainli on peut s'aflurer

(i) Ra- .. fur ces deux (i) MefTieurs.

Boîletu J'avois bonne efperance d'un troiiîéme (2)

Hiftorien de Sa Majefté , avant que d'avoir lu

f2) Mr. *^^"^ "" P^'^^t (3) livre fort nouveau , &: qui

PeJifTon! mérite ^u'on le réfute folidement , la lettre

qu'il a écrite à un Prélat. Vous entendez bien

(5) La que je parle du célèbre Hillorien de TAcademie

Politique Françoifè , Se vous n'ignorez pas que la delica-

SeFanle ^^^^ ^^ ^^" ^^P^"^^ ^ ^^ ^'^'^ ^'^X^^ ' ^ i'exa£litu- de avec laquelle il a compoië l'Hiftoirc de ce Corps illuflre , dont il eft un des principaux ornemens , font avoir de grandes efperances du defïèin qu'il a de nous donner THiftoire du Roi. J'étois de ceux qui en attendent le plus de merveilles. Mais je vous avoue que cette lettre m'a fait rabatre beaucoup de mon efpe- rance , en m'aprenant que cet Auteur fe fait une grande affaire de régler les petites gratifi- cations que l'oii rait aux Huguenots qui le con- vertiiîènt. Il entre dans mille petits ibins,. qui ne me fèmblent pas convenir à un homme qui travaille à une Hiftoire auflî confiderable que celle de LOUIS LE GRAND. Croiez- vous , JMonfieur , qu'un Hiilorien qui s'embar- rafîè de l'acquit de quelques lettres de change , qu'on tire lùr lui pour de nouveaux Catholi- ques ; qui examine les lifle"; bien certifiées de ces Convertis ; qui cherche mille expediens, pour faire que le peu de fonds qu'il a en main , Se qu'il compare avec Ihuile 8c la farine de h veuve , fuffiiè pour toutes les converiions qui ic prefentent ; mais qui pour en venir à bout, cft obligé d'exhorter Meitieurs les Evêques par des mémoires qu'il leur envoie , à ufer d'une grande œconomie , Se à fe propoler pour mo- dèle l'exemple de Mr. de Grenoble , qui a con- verti

Penfeei divcrjès. iSp

verti fept ou huit cens perfcnnes , fins dcpen- fèr que deux mille francs en tout : croicz- vous , dis-je , Monlieur, qu'un Hiftorien qui outre tout ce que je viens de dire , lupute diligemment le tems qu'il y a qu'un homme s'eft converti , Se recommande très-exprcl- fement qu'on ne lui envoie point à.(zs, lettres de change pour des perlbnnes converties de- puis iix ou iept mois j 6c qu'encore qu'on puifTe donner cent francs à un Converti , on n'aille f/is toujours jufques-la , étara mcejjkire jy aporter le plus d œco?îO?me quilfe powra. En- core un coup , Monlieur , croiez-vous qu'un Hiflorien qui le donne tant de cette forte de peine , foit fort propre à nous donner une bon- ne Hiiloire de Sa Majeilé ? Si vous le créiez , permettez - moi de vous dire , que nous ne fommes pas toujours vous 6c moi dans les mê- mes ièntimens.

j'ai grand peur que cet Ouvrage ne foit rem- pli de pluiieurs impreffions de bigoterie , 6c qu'on ne nous dife que toutes les viéloires du Roi font la recompenfe des arrêts qu'il avoit donnez , ou qu'il devoit donner pour réduire les Huguenots. Ce feroit dommage qu'un bel efprit comme celui-ci échouât fi pitoiablement, 6c s'il y a moien de lempécher , empêchons- le. Vous êtes ami de plusieurs perfonnes pour qui il a beaucoup de deterence , 6c fur tout de

Mr Ôc de Mr Avertilîèz-le par leur

moien , qu'il court grand rifque de gâter tout fbn Ouvrage par le grand commerce qu'il a avec les convertilTeurs j qu'on fait un efprit tout particulier, 6c un goût tout-à-fait nouveau par l'adminiilration de ces petites aiîàires dont on lui a donné l'intendance, 6c qu'il eft à crain- dre, qu'étant tout rempli des affaires du Cler- gé , il ne donne les principaux foins à parler des allions pieulès de fon Héros, Que non

feu-

ipo Penfées diverjès,

ièulement tous les Hérétiques , mais auflfi pla- lieurs Catholiques rattendcnt 5 6c que s'il s'amufe à taire trop en détail l'Hifroire de l'ex- tirpation du Calvinifme , il le ruinera de répu- tation , parce qu'il fera voir qu'il n'aura pas fu faire le difcernement des beaux endroits de la vie d'un grand Monarqj^e.

Mais à quoi eft-ce que je fonge , de donner une fèmblable commiliîon à un homme de vôtre Robe ? Je vous en demande très-humble- ment pardon , 8c je fuis bien fâché de vous en avoir tant dit. Non , Moniieur , ce n'eft point vous que je prie de faire fàvoir à l'Hiftorien du Roi , qu'il n'eft pas bon de particularifer tou- tes choies. Je conois une perfonne qui fe char- gera de cette commilTion fans répugnance ; car je lui ai ouï dire , que s'il faifoit l'Hiftoire de nôtre tems , il contenteroit de faiie une deP cription pompeufe du mal que les Herefies aportent à l'Eglife 8c à l'Etat , 8c du grand bien qui refulte de la reduâiion de toutes les Secles à la véritable Eglife. Qu'il diroit en peu de mots après cela , que Sa Majeftë pénétrée de ces grandes veritez , avoit procuré à fon Roiau- me cet infigne bonheur , d'une manière qui ell tout enfèmble digne d'un Roi très-Chrêtien , 8c d'un Héros. Mais qu'il fe garderoit bien de taire la dilculTion de toutes les manières qui ont été fuggerées à Sa Majefté , parce qu'il eft évident que ce fcroit faire tort à la gloire de ce grand Prince. Il eft bien neceflaire, difbit-il, qu'un Monarque pour les plus grandes cho- fes , 8c qui dev^roit être déjà far les bords de rHelIefpont , cii l'un de fcs Hiftoriens lattend de pied ferme depuis plus de fix ans , s'amufè à interdire quelques Ssges - femmes , 8c à pro- , . - curer toute la pratique des accouchemens à

Mr! ^* ^i^elques autres , 8c à faire la revue de toutei les Peliflbn. lifies 4es Convertis , ( i ) 8c de la dcpenfe que

l'on

Penfecs diverfés. ipx

l'on a faite pour chaque converllon , & à con- fulter s'il eil: à-propos pour des coups conftde- r^bles de fournir aux Convertis des fecours plus grands que cent francs. Voilà Ihcmme dont je me Servirai pour faire enforte que l'on ne particularife point dans l'Hifloire de Louis XIV. l'affaire des converiïons. Il a beaucoup de crédit auprès de THiftorien , ôc peut-être qu'il lui fera entendre raifon , principalement pour l'Arrêt qui déclare les enfans de fept ans capables de difcerner que 1 Eglilè Romaine eil plus conforme à la révélation de Dieu , que la prétendue Reformée. C'eil un article dont on ne parlera point du tout , li l'on eJî bien conièilie.

Pour ce qui regarde l'œconomie que Monfr. Pelilîbn recommande tant auxjConvertilTeurs, je croi qu'il n'en diroit rien , encore que pcr- ibnne ne l'avertît àes railleries qu'on en peut faire. 11 n'eût jamais écrit cela , s'il eût prévu qu'on le feroit imprimer ; car il n'y a rien de plus choquant pour le Roi , que de dire , I." Que la principale rcflbifrce pour remédier à k petiteflè des tonds deftinez à paier les Conver- tis , eft cette providence miraculeulè de Diea qui a fait croître" l'huile & la farine de la veu- ve, 6c multiplié les cinq pains. II. ^,e Mef- fieurs les Trelats , ou autres qui entreront chari- tablement dans les foins des coarverflons , ne peu- vent mieux faire leur cour au Roi , dezant les yeux duquel toutes ch lifies de Convertis repaf- fe'/ït , qu'en imitant ce qui a été fait au Diocefs de Grenoble , ou prefque iamais on n'ejl allé juf- qu'a la fomme de cent francs , ^ prefque tou- jours on ejl demeuré extrêmement au deffous. Toute l'Europe éft informée des richeflcs im- menfes du Roi , & des depenfès magnifiques qu'il fait en toutes choies , & cependant pour une aôaire qui regardé la Religion , on nous

vient

Ïp2 Penfées diverjês.

vient dire que les fonds en font très - petits ,' mais que la première 6c la principale confola- tJon viendra par quelque miracle de celui qui fait croître l'huile 8c la farine de la veuve i & l'on ajoute , qu'on ne làuroit mieux faire tz cour au Roi , qu'en ménageant exceflivement les fonds qu'il deiline aux Convertis.

A l'égard des prodiges , j'elpere que fi Ton donne de bons avis à cet Hiftorien , il n'en chargera point fon Ouvrage. Mais il n'en eft pas de même de tant d'autres Séculiers £c Ré- guliers , qui fe mêlent d'écrire l'Hiiloire de nô- tre tems. Ils nous vont accabler de miracles & de prelàges. Tant pis , Monfieur , car c'efl une erreur la plus inlbutenable du m>onde , que celle qui admet dzs preiàges. Plus jypenlèj plus j'en demeure convaincu ; 8c peu s'en faut que je ne m'emporte julqu'à la colcre contre les conteurs de prodiges. Cependant tout en efl: plein : nos Hiiloriens ne le font gueres jnoins que les autres. Voie2,-moi Mr. de Pe- refixe, qui a eu l'honneur d'être précepteur du Roi , 8c qui efl: mort Archevêque de Paris. Il raporte dans fon Hifloire d'Henri IV. je ne {kii combien de prodiges qui précédèrent l'aflàlTmat de ce Prince h 8c ce qu'il y a de remarquable , c'efl: que ces pro;iiges font tout-à-fait icmbla- bîes à ceux que les Paiens euflènt débitez dans une pareille conjonfture. Pures illufions !

§. XC\flII.

KefutMion des Hljloriens de France qui ont ctvm- c^u'il y eut des préfaces de la mort du Roi Henri IV.

La mort funefte de ce bon Roi fut caufè que l'on ramafla , 5c que l'on groffit mille choies qui arrivent ièlon le cours de la nature , Se

qu'on

?€nfées dizferfis* ïpj

qu'on laiflè tomber , lors qu'elles ne font fui- vies d'aucun événement mémorable : & de vint que le tems qui précéda cette mort , fut dillingué dans lopinion des hommes par cer- & tains phénomènes prodigieux. Peut-être mê- me y en eut-il beaucoup plus qu'à l'ordinaire cette année-là, comme il arrive Ibuvcnt , par la pure vertu des loix générales de la nature, qu'on voit en certaines années cent choies coup iur coup , que perionne ne Ibuvencit d'avoir vues. Si 1 on le fût contenté de caracteriièr par l'année 1610. je n'y trouverois rien à dire. Mais on a prétendu que ces phencmc- nes s'étoient fait voir o.prcllèment pour an- noncer les miferes de la France, & la mort tra- gique de ion Roi. C'efî: une erreur qui me paroît inlbutenable 5 parce que pour cela , il eût fallu que ces phénomènes eullènt été exci- tez extraordinaiiement ., ou par Dieu, ou par les Démons. De dire que Dieu les excita ex- traordinairement , c'ed: lui attribuer une con- duite indigne de ia fagciVe j parce que ces pré- tendus preiàges ne portent aucun caraéiere de ce que l'on liippolé que Dieu veut lignifier aux hommes. D'attribuer cela aux Démons , c'efl le moquer j car ils n'ont garde d'épouvanter un . Pvoiaume très-Chrêcien par des proJ:'gcs, com- me ils font les paVs idolâtres. Car qu y gagne- roient-ils? Ils feroient faire des reftitutions , ils feroient aller à confefie , 8c c'eft ce qu'ils ne cherchent ,pas. Outre que ne conoillint point l'avenir , ils ne ià.vent pas en quel tems doi- vent arriver les grandes révolutions ; & ainli il; ne ibnt pas en état den produire des preià- gcs. Efl-ce que Dieu nous envoie àes prelà- ges , afin de nous convaincre que l'avenir eft en dirpolltion ? C\fl: la penfte d'un Hillo- ricn très-judicieux , qui après avoir raporté beaucoup de prodiges arrivez, avant la mort de Tom, I Henri

194 Penfées diverjès,

(i) Me- Henri IV. ajoute cette reflexion , (i) qu'il fem- aerai , ^ ^/^ ^^^^ ^^^^ [çj ^^.j^ ^j^g /^ ^,^/ /^^^ donnoit , »*/-

Chronol. ^'"^'^^ /•-'^■^ ^^^^ ?^^'^ ^^ fawver du péril , ^«^ ^i7«r ad ann. fftire comître aux hommes , qu'il y a une fouve- 1610. rame Puijfance qui difpofe de l'avenir, fuis qu'el-

le le conoît. Mais cette penfee n'eil: pas moins combatué que les autres , par les raifbns que j'ai alléguées. Car qui doutoit en France , lors que Henri le Grand fut tué , qu'il y eût une iouveraine Puiflànce dans le monde qui dîfpofè de l'avenir ? Ne font-ce pas les premiers éle- mens de toutes les Religions du monde ? Tous ceux qui font des prières , ou des vœux , qui offrent des iàcrifices , qui conililtent les Ora- cles , les Devins , 6c les Aftrologues , qui ajou- tent foi aux preiàges Se aux fotifes des difeurs de bonne aventure , ne temoignent-ils pas ou- vertement qu'ils font convaincus qu il 7 a quel- que Puiflànce dans le monde à qui l'avenir efl: aflujetti ? en ferions-nous , s'il faloit que l'on fît encore des miracles dans le Roiaume très-Chrêtien pour nous guérir d'une incrédu- lité que les Paiens n'ont point eue ? Quand eft- ce que nous ferions fidèles , li pour être feule- ment aifûrez que Dieu conoît l'avenir , nous avions belbin que Dieu entaflat miracles fur miracles , 6c prodiges fur prodiges ? Difons donc que l'intention de la ProviJence n'efl: point celle que Monfr. de Mezerai lui attribue » puilque ce feroit l'intention du monde il y aUiOit le plus d'inutilité. Et comme il reconoît outre cela , que ce qu'on appelle àts prodiges ne fert point à nous faire éviter le péril , il faut qu'il reconoifl^e que l'intention de la Providence n'eft pas , qu'il nous ferve de prelàge. Je dirai encore quelque chofc ailleurs pour fortifier ce raiibnnement , 6c far tout dès que j'aurai achevé les remarques : que j'ai deflinées à vous montrer Pentctcment des Cliêtiens pour les prodiges.

§. XCIX

Penfées diverfis, 195

§. XCIX.

Nouvelles preuves de rhicUnation des Chrétiens k croire les prodiges ô" les prefages.

Je trouve dans un Traité d'Agobard Evêque de Lion , compoié l'an 833. un pafiàge qui m'eft 11 favorable , que je ne fàurois ni'empê- chcr de le raporter. Ce lavant Prélat compolà ce livre , pour delàbufcr une inanité de gens de la tauflè imagination qu'ils avoicnt conçue, qu'en ce tems-là il y avoir des Enchanteurs, dont le pouvoir s'étendoit jufqu'à exciter la grêle , la foudre 8c la tempête , toutes les fois qu'ils trouvoient bon de ruiner les biens de la terre , Se qui faiioient trafic de cet art avec les habitans d'un certain pais apellé M agonie , qui venoient tous les ans iur des navires par le mi- lieu de l'air , pour charger tous les grains qui avoient été gâtez par la tempête , defquels ils paioient le prix aux Enchanteurs. On doutoit Il peu de cela , qu'il falut un jour que cet Eve- . que fe donnât beaucoup de fatigue pour deli- l'J^ Çi-^\1^^ vrer trois^ hommes 6c une femme des mains ûtia on- de la populace qui les vouloit lapider , comme pr°nicrnt-

fawvre monde , que les Chrétiens fe perfuadent res cre des aèfurdit ez i que perfomje ne pouvait aupara- d-intur à vant perfuader aux Gentils. Chriftla-

Je n'examine point s il efl: vrai au pie de la "u- ql"l|^^^ lettre, qu'on étoit plus crédule en ce tems-là, ..nceaad que du tems du Paganilme. Il me fuffit de là- creden- voir qu'on l'étoit beaucoup : 8c de' vint que '^"'" P<^,- peu après on s'avifà d'écrire l'Hiftoire d'un air ^.^"^ ^f^^' romancique , 8c d'ajouter mille fables aux faits Je; e r'il"" des vaillans hommes, comme étoit Roland, guis. 1 1 r.cveu

rç6 Venfcei divcrjes,

neveu de l'Empereur Chariemagne ] ce Qui

acheva de gâter le goût aux Ledeurs i fi bien

(i) Pic- <^u'on n'oibit plus leur rien prelenter qui ne

feus in ^t de ce ftyle-là : témoin l'Ouvrage de devo-

Galfrcdo tion , que Jaques de Voragine Archevêque de

Moriime- Gcnes , compofà fur la fin du 13. liecle , &

^^^' ^' contre lequel Meichior Canus , iàvant Evêque

- . Efpagnol ,* paroît ii indigné dans Tonziéme li-

erac anti- '^'^ ^'^ ^^ Lieux communs. Un autre (i)

quorum Doâeur en Théologie Icra ma caution , s'il

plurimum vous plaît, Monlicur , pour ce que j'ai dit du

vjtium ,^ gQ{^|. ^^^j i-cgnojt dans certains fiecles. Voici

Quscfam'"^ comme il en parle i Cétoit (z) le défaut , ou

fine judi- plutôt U fmplicité grojjîere de plujieurs de nos

ciofimili- Anciens , ds simaghitr qu en écrha'nt les ac-

citasjucin fions des perfonnes iUujlres , ils ne fe^' oient point

ciarorum éloquens , j'i pour l'ornement du difcours , comme

g'eftis fcrî- ^^^ f^ ^^ figuraient , ils ne méloient dans leurs

bendisjfe Ouz rages les fictions poétiques , ou quelc^ue chofe

minus de [emblable -, (^ par confequent le menfionge a%ec

exiftima- /^ 'verité. Cela étant , je iuis fort tenté de croi-

'^^!!^"'^T ^'^ ciwe les Hiftoriens des Croiiàdes nous en

ad orna- baillent louvent a garder } 8c c elt aparemm>ent

tum, ut l'opinion du (5) P. Maimbourg , car voici

purabant, comme il parie après le récit de la bataille d'I-

fermonîs conium , eagnée par Frédéric Barberouiîc l'an

fi<£<:ior.cs I ^po- ^^ qu il y eut déplus merveilleux en

ve! aliqi;id ^^^^^ "victoire , ejl que le Vainqueur ne fit prefque

farum fi- aucu7îe perte : ce que plufieurs attribuèrent a U

m;le ad- protection particulière de St. George 0> de St,

r-.ilcerent, yi^Qy ^ au Oh reclamoit ordinairement dans l'ar^

quenter ^^^ ' Ô'' ^^^ quelques-uns ajjuroient aroir ^•»

veiafaifis com-hatre devant les efcadrons , fioit qu'il y eut

commit- eu en effet quelque chofe d'extraordinaire , com-

terent. ^ ^^ y/ py^ quelquefois arrivé , félon le témoignage

même de l'I^criture ', foit que pour avoir fouvent

|,y ' / ouï dire , quon avoit vu des efcadrons celcfles »

i'.àt%. dur ara la première Crcifade, a la bataille d'An-

\i\» /, tioche i l'i'/nagination de quelques-uns préoccupée

de

Tenfées diverfes. i()J

de ce récit, ^ imprimée de ces idées , fe format Je pareilles aparitions. ^ioi quil en [oit , il eji certain c^u'un Cavalier ae réputation , (^ y^-ulle- rmnt i^i^-onn^tire , apelié Louis de Heijenfieiny ajfur^ la même chofe à l'Empereur , c^ //// pro- tejîa devant toute l'armée , fur fon ferment , ^ fur fa foi de Fder'm zoué du St. Sépulcre , ^ de Croifé, qu'il ai oit iu plus d'une fois Saint Geor- ge a. la tête des efcadrons , tourner les ennernis en fuite : ce qui fut aprl'S conf.rmé par les Turcs même , qui clifoier.t atoir iu a la tête de l ar- mée Chrétienne , certahies troupes toutes 'uêtués de blanc, que l'on ne trouzoit plus par ni les nô- tres. J-'avou'é qu'on n'eji point du tout obligé de croire à ces fortes de vifons , qui font fujettes la plupart du tems a de gra-ndes illusions j mais je fat bien aujjt qu'un Hijiorien ne doit pas , de fon autorité, rejetter celles qui font foutenu'és d'un témoignage aujjî remarqup.ble que celui-ci : ^ que Ji on lui laijfe la Liberté de ne les pas croire, il n'a nul droit en les fuprimant d'oter à fes Lec- teurs celle qu'ils ont , après les avoir lues, d'en juger ce qu'il leur plaira. La reflexion d'un aufli célèbre Hifrorien , nullement iulped d'avoir voulu favoriier 1 incrédulité des Huguenots, efl une forte preuve de ce que j'ai dit.

Voici quelque choie de plus fraîche datte. Vous fàvez que la cérémonie du mariage du Roi d'Eipagne avec Mademoifelle , fe fit à Fontainebleau le 51. du mois d'Août 1679. Se que peu de tems après cette Princeile vint à Paris , elle eut à elîliier un nombre innom- brable de harangues. Mais peut-être ne làvez- vous pas , qu'aux Pères de 1 Oratoire on afiura Sa Majefté , que la gloire d'être le nœud d'une union éternelle entre les deux plus grandes MO' narchies du monde , 0* celui de la paix généra- le, etoit refervée a fa facrée perfonne , ^ que le Ciel l'axoit depuis long-tems promife a la Ttr-^ I 3 re.

198 T en fée s diverjès.

re. V Empereur Charles - ^tint (c'efl la preuve de la promefic du ciel) eii j.t i a prophétie far ce lys myji'erseiix y c^u'iL planta de fes 77iains au^ujîes lians le jardin de fa [olitude fur la fir du mois d'Août de l an i5'5"B. Car (iH momera ne la mort de ce grand Monarc^ue , laquelle arriva peu de tems après dans l'automne de cette mcrne année ^ cet oignon de lys jetta tout-d' un-coup une tige de dtux coudées a'-^ec une memeilleufe jleur , atijjî épanouie ij* aujji ocorifcraéite que ces fortes de peurs ont accoiaumé de i ctre m Ef^agne en leur faifon ordinaire. Prefage cej-tain , Madame , qu'uri lys miraculeux feroit tranfplaraé en Efpagne fur la fin du mois d'Août , nu tems ou la gloire de cet Empire fembleroit foujfrir quelque forte d'éclip- fe , four y port-.r dans L'autornne avec la paix les joies du friûtems y ^c.

Ce qu'il y a d'étonnant là-dedans , n'eft pas qu'à la tête d'une des plus favantes Commu- nautez de i'Univeis , on foit ièrvi de faufïès penfees pour une Reine , qui malgré fa grande (î) Rhe- jeunelTe , avoit trop de diicernement 6c trop ton con- '^(, pénétration , pour ne pas reconoître que fentemih c'étoient de vains fautômes. Il ne faut pas ufifilfis, Çtre il ièvere à ceux qui parlent en public, audacibus, LaifTons-leur le privilège dont ils jouïîlcnt de fubdolis, fout tems , de propoiér les chofes fous des fi^ rhodà ' ^^^^^ brillantes 2c pompeufes , quoi que faufTes ve.-ifimi- ^^ '^^^^ ^^^^ occaiions. (i) Mais ce qui m'ë- Jes funr, tonne , c'efl qu'une bonne partie de ce nom- & pcffunt bre prodigieux de gens qui ont lu cette haran- admo- g^g ^^_j5 1^ Mercure Galant , s'eft récriée fur hominum ^^^ endroit-là , & a cru tout de bon que ce lis animus avoit été un type du mariage du Roi d'Efpa- qualicun- gne à preiènt régnant. Tant il efi vrai que que aftu J^^^5 fommcs accoutumez à trouver du myfte- !i?S/Vy î"e Se clu prcfage par tout. Le Comte de la 3foh. yfttic. Roca , petit-fils de Don Louis d'Aviia , 8c Hif- /.!./. 6. rorien de l'Empereur Charles-Quint auffi-bien

que

Penfées diverfii. ïpp

que lui , raporte d'une autre maaiere l'Hifloire de ce lis miraculsHX , 6c i'aplique à un prciàge tout ditïèrent : ce qui montre que ces -fortes d'obfervations font quelquefois aulTi taulfes dans le tait qne dans le droit.

§. c.

Nouvelle remarqtie , pour faire voir que l'anti" quité iQf la g2/ieralité d'une opinion , n'eft pas une marque de vérité.

Prenez la peine de voir prefèntement , s'il faut compter pour beaucoup la conformité qui trouve entre les Anciens & les Modernes , à juger que les Comètes font des prelàges finiP très. Je le dis encore un coupi c'effc une illulion toute pure , que de prétendre qu'un fentiment qui paife de liecle en iiecle , Se de génération en génération , ne peut être entièrement faux. Pour peu qu'on examine les caules qui établiir fènt certaines opinions dans le monde , 8c cel- les qui les perpétuent de père en fils , on verra qu il n'y a rien de moins raifonnable que cette pretenlion. On m'avouera lans doute , qu'il eft facile de perfuader au peuple certaines opi- nions fauflès , qui s'accordent avec les préjugez de l'enfance , ou avec les pafTions du cœur, comme font toutes les prétendues règles des preiàgcs. Je n'en demande pas davantage , car cela fuffit pour rendre ces opinions éternellesi parce qu'à la referve de quelques efprits Phiio- ibphes , perfonne ne s'avife d'examiner , fi ce que l'on entend dire par tout , eft véritable. Chacun fupoiè qu'on l'a examine' autrefois , 8c que les Anciens ont aifez pris les devans con- tre l'erreur ; 8c là-deffus c'eil à l'cnfèigner à fon tour à la poftcrité , comme une chofe infailli- ble. Sou venez- vous de ce que j'ai dit ailleurs I + de

2CO Fenfées diverjes,

de la parefîe de 1 homme , 8c de la peine qu'H

faut prendre pour examiner les chofes à fond ,

& vous verrez qu'au lieu de dire avec Minucius

(?) Om- Félix , Tcut (i) eji 'mcert;:Hin parmi le.' hommes y

nia in re ^^y^ pi^^ ^^^^^ , iicerta'm , pins y a-t-il lieu de

bus hu- , / ^ -' , ^ 1 -', ■■ i

ma ois du ^ ^^^'^'i^^r que qu^elques-uns par ce degont d une re-

bii , in cherche exacle de h 'ver'ité , airamt mi^ux em- cern , fiif- brajfer terne r air e?nent Li première opimon qui fe penfi; pr efe.it e -, que d aprofondir Les chofes long-tems fy* ïmgifque foi^^eufemrût j il faut dire , plus tout efl incer- omnia ve -^ ^ -^ . ' •/;•;•'/ ■' ,

rifimilia , ^"^^'^ » ^^^^^T-^ y C'-t'd lieu de s eionner que quel- quàm ve- ques-uns , ^-'C, (i) L'Auteur de l'Art de pen- ra; qu6 _ pr y remarque fort juJicieufement , que la plû- magis m\~ p^^j.j. ^^^ hommes fe déterminent à croire un rum elt, r i » >

jionnuUos i^^^'t^^^^cnt plutôt qu un autre , par certames

t^d-oin- marques extérieures. 6c étrangères , qu'ils ju- veftiiiandaî gcnt plus convenables à la vérité qu'à la fauf- peritus fêté , 8c qu'ils diicernent facilement ; au lieu veriratis .^^ l^^ raifons folides 8c eflèntieîies , qui font ©pinioni conoitre ia vente , lont diliiciks a découvrir, temcrè De forte que comme les hommes portent potiusfuc- aiiement à ce qui leur eil: plus facile , ils cumbere, rangent prefque toujours du côté ils voient exploran- ^^^ marques extérieures. Or comme vous la- do perci- vez,, Monlïeur , l'antiquité Se la généralité d'u- naci dili- ne opinion paflênt volontiers dans nôtre elprit genna po^^. ^^^^ ^^ ^^5 marques extérieures, la^re.^^ ' i^ ^^^ ^^^'^ ^^^ jours àç:s gens qui évitent de

Il y\ des ^ marier dans le mois de Mai, parce qu'ils ont 4xcmplai- OUI dire , qu'on a cru de tems immémorial res qui que cela portoit malheur : 8c je ne doute point portent, ^^ ^^^^^ fuperflition , qui nous eft venue de quo minus ^ . _,^ o ^ ' c i ' r

mirum. 1 iincienne Rome , oc qui etoit rondee lur ce

que l'on y celebroit dans le mois de Mai la fête

(a) Part, des Efprits malins , Lemuralia , ne fublifte par-

3. chip. mi les Chrétiens jufques à la fin des iîecles. Car

%^.v\,6. i\ ne faut pour la conferver dans une famille,

iinon qu'on ibuvienne qu'un grand -père,

ou qu un oncle , ont eu ce fcrupule-là. C'eft

une

Penfées diverjes. 201

une railbn invincible , 8c qui fait d'autant plus d'imprcfîion fur i'efprit , qu'on voit des gens d'entendement dans la même préoccupation. En effet , il y en a qui fans être fjperftiticux , reculent , ou avancent leurs noces , pour éviter le mois de Maij parce qu'il leur importe qu'on ne croie pas qu'ils ibnt livrez eux-mêmes à la mauvaiie fortune. Il ne faut rien négliger en ce monde. Un Marchand peut devenir ef- feftivement malheureux , par la ridicule opi- nion que l'on a , qu'il eft menacé de mtlheurj perfbnne ne voulant lui faire crédit , ni lier de commerce avec lui. Qui voudroit recher- cher toutes les caulès qui fomentent les erreurs populaires, ce ne feroit jam.ais tait.

§. CI.

Freuve cojjvainqtiante de l'erreur ou l'on ejî tou- ch;int les ^refages.

Il n'eft pas juiques à 1 Hifloire Sainte dont on n'abulè. Car ceux qui nous débitent , com- me en étant fort perfuadez. , que la manière dont Tamerlan donna benediélion à Ces deux fils , abaiffant la tête de Taîné , 8c relevant le menton de l'autre , fut un prelàge de l'éléva- tion de celui-ci , au préjudice de celui-là i fondent aparemment fur le chapitre 48. de la Genefe , il eft dit que le Patriarche Jacob benilîànt les deux fils de Joièph, mit main droite fur la tête du plus jeune , parce qu'il prevoioit par un efprit prophétique , qu'il de- viendroit plus puiflànt que fon aîné. Cepen- dant il y a une très-grande différence à remar- quer entre ces deux benedidlions. Le Tartare n'étant point éclairé de la conoi fiance de l'ave- nir , ne pouvoit pas diverlificr le mouvement de Tes mains pour établir un prefage ; 6c Dieu } S ne

il) An- îiimciace qua: Ven- tura func in futu- Tum, & fderaus <\uh Dii cltis vos. Jfaia c. 41.

Ç2.) Som- nia quK soientes In- diint voli- îantibus Bmbris , Non delu- hraDeûmj nec ab setherenu- ïnina mit- lunt, Sed iibi quif-

2 02 Penfài divcrjes.

ne voulant pas relever les choies futures aux Infidèles , ne conduisit pas les mains de Ta- merlan d'une certaine façon , afiti qu'elles for- jnafîènt un preiàge de ce qui arriveroit à fes enfans. Au contraire Jacob , qui étoit rempli d'une révélation celefte , par laquelle il con- noillbit la deftinée de lès defcendans , dirigeoit ics aélions Se lès paroles félon cette connoiilàn- ce , & ainfi elles étoient des prelàges.

Il faudroit confiderer , que la conoiflance de l'avenir ne pouvant venir que de Dieu , il n'y a point de prelàge des choies contingentes , qui ne Ibit immédiatement établi de Dieu. De forte que li la rencontre d'une belette prelàge quelque cholè , il faut que ce Ibit par une loi éternelle de Dieu , qui a enchaîné enlèmble un tel mouvement de la belette avec une autre cholè. Or comme il feroit abfurde de dire, que Dieu a fait une infinité de ces fortes de combinaifons , afin d'aprendre l'avenir à tous les hommes du monde , l'avenir , dis-je , dont il nous aprend qu'il le referve à lui lèul la co- noifîàuce , pour confondre les ( i ) faux Dieux , & dont il n'a fait part qu'à quelques Prophètes par une faveur finguliere : comme il feroit in- digne de la bonté Se de la làgelïè de Dieu , fu- pofé qu'il voulût nous avertir d'une .deilinée que nous ne pourrions éviter , de fe fervir d'u- ne manière de lignes aulTi vagues 8c aufli obs- curs , que le font tous ceux que l'on nous dé- bite pour des prefiges de l'avenir i il faut dire que ce font tous ouvrages de l'efprit humain > 6c non pas des inllitutions de la Providence, comme l'a fort bien remarqué (2) Pétrone à l'égard àcs fonges.

Voilà , ce me femble , deux puilîàntes rai- fons contre les prêfages. Premièrement ils font innombrables , ii nous ajoutons foi à tout ce qu'où nous raconte fur ce fojet. Il ne fe

pal^

Tenfées diverjès, 205

paflbit point d'année à Rome làns des prodi- ges , Se li nous prenions la peine d'unir (i) (r) Voler bout à bout les remarques qui le trouvent dans ^'-Abbé les Hilloriens touchant les prefages , qu'ils di- je"peJ.Qy. fent que Dieu a donnez de ce qui devoit arri- le dans fou ver fur la terre , nous ferions une enchaînure Uoggidi qui embrailèroit tous les tems iàns aucune in- difmgan- terruption. Si nous confultons les gens credu- "'' ^'^' ^ les lur cette matière , nous trouverons qu il ne p^^^^^ leur efl jamais rien arrivé de remarquable, fans y avoir ete préparez, par quelque prelàge. Or (i) Amâ? dès on peut conclure que ce ne font que de tiva ttoàu- vaines imaginations , parce que d'un côté cela -^p^-y^ovx montre que les hommes demeurent inebranla- ^^^J^^" % blement attachez à croire qu'il y a une Puif- Tr-Jhp-^Y iànce à qui Ta venir eft conu , Se par conièquent x^i Ivyie»^ que leur incrédulité ne porte point Dieu à iàire '^J /'•'"^^l des miracles pour la guérir , Se que d'autre cô- '^V '"'' '^''^ cela fait voir, que li Dieu établilloit effefti- ^^^«J^'J^.,,,;, vement des prclàges , il avertiroit les hommes J'iu^i^ovra extraordinairement Se continuellement tout en- ç' ^^iiv femble de ce qui leur doit arriver , ce qui im- «/^'=^'<='>' /^y plique contradiction. Ce lèroit alors que l'on Jf^T"^""" auroit quelque raiion de juger avec (2) Maxi- ^-Aa-,. me de Tyr, que la Divinité le tiendroit fur \çs Equidem grands chemins , pour dire la bonne avanture à ardelio- tout venant. "^^^ ^^\

La lèconde raifbn eft , que ces prefages dont narras * on nous parle , non feulement n'aprenent pas quam d'une manière intelligible les chofes qui doi- Deum,

vent arriver , mais aufli ne fervent pas à les "^^r^q"® ^ 1 1, ^ T 1 î curioium

empêcher d'arriver. Je le prouve , parce qu on ^^ vanum:

ne lait jamais qu'une choie a été le prelàge d'u- Cmilem

ne autre , que quand cette autre eft arrivée ; car mcndkis

quelque infàtuez que nous Ibions des prefàees , '^^^^ *1"' ^^

nous ne croions jamais en avoir eu d une cho- ,,.

lokjui na point ete. Un homme qui perd Ion gunt,&

argent au jeu , n'aft pas allez bête , pour s'ima- duobus

giuer qu'il a eu des prefages du gain qu'il fe- obolis ob*

I 6 roit:

204 Penfees diverfîs,

vio cuique roit: 8c quand même il auroit eu avant fa pcr- vencura ^.^ certains prcfap;es de bon augure , il cefîèroit pa:dicunt. , , / ^ , j ^ >-i >

A'.îA'. Ty. ^'^ l^s reputcr pour tels , gqs qu il sapercevroit ritis ôrat. de la perte de ibn argent. Les Paiens qui fe 5. ;>. 7w- croioient iriCnaccz par des prclàgcs , Se qui tâ- *5* choient d'en éviter les effets , n'avoient que des

notions très-confufes 6c très-gencrales , avant que les chofcs fullènt arrivées; & quand il n'ar- rivoit rien de fâcheux , ils croioient facilement que ce que l'on avoit pris pour un prciàge , ne 1 etoit pas eifeftivement. C'eft pourquoi l'on peut aftiirer , qu'il n'y a que l'événement qui nous aiîure qu'une cholè a été le preiage d'une autre , 8c par confequent que les prelàges ne fervent de rien pour nous taire éviter le mal. Outre que fi les prefiges nous mettoient en état (i)Voiez d'éviter nôtre deilinee , la raifon (i) de Mr. ci-dcfius ^Q Mezerai fèroit nulle ; puis que nous aurions f'ag. 194' £^\^^ ^^ croire , qu'il eft en nôtre puifîànce de changer l'avenir : d'où il s'enfuivroit , que nous ne donnerions pas à Dieu la fuprême difpoii- tion de l'avenir ; qui eft pourtant le feul fruit que cet Hiflorien prétend que l'on retire de la conoilîànce des prelàges. La feule cliofe à quoi nous puilTions deftiner cette conoiiTànce , c'eft de dire que Dieu a établi une infinité de fgnes pour nous prelàger l'avenir , afin de nous com- bler d'amertume dès avant que les chofes fcient arrivées ; de forte que dans cette fupofition il eft vrai de dire , que Dieu fait continuellement des miracles , pour affliger indifféremment tous les hommes , bons 6c mauvais , avant même que les maux qu'il leur prépare leur arrivent. Or comme cela eft tout-à-tait contraire à 1 idée que nous avens de Dieu , qui nous le rcprelcn- te li grand 8c fi bon, que rien ne lui peut con- venir qui fente la malignité 6c la bafièfl^è , •'il faut neceflàirement conclure , qu'il n'eft point i'a.uteur de ces prelàges qu'on nous prône tantj

Penfées diverfes. 21 05

êc qu'ainfi les plaintes que les Paiens ont quel- quefois faites contre la Divinité à cette occa- lion, font \qs plus injufles du monde. Ils euf- ilnt voulu que Dieu ne les eût pas expofez à être doublement malheureux, i. Par les prelà- ges du mal à venir; 2. Par le mal même, com- me on le peut lire dans cet endroit de la ( i ) (i) Cur

Pharfale. ^^^^^ "^^

reftor

•ff 1 ' T 1 Olympi

Monarque tout-fusjjmit qui conduis les m- sollicicis

mains, vifum

Pourquoi nous laiffes-tu lire dans tes âef- niortali-

feins, h^^^.dàe^

Trenjoir notre infortune , aller a Ja rencon- Nofcant tre , venturas

"Et fentir ta varigeance avant qu'elle fe mon- "t dira pcr

trei

omnia clades ?

Cache un feu ton courroux , permets feu- fit ca^ca

lement futur!

^u'il tonne f^ qu'il foudroie en un même M^ns ho-

., .• . ,, Sil'ï.

Afjowvis ta rigueur , mais fufpens tes me- ceac fpe»

naces-y rare ti»

'Et laijfe nous fentir fans hâter nos difgra- "lenti.

ces , ^'i:an.

Sans aller 'vainement chercher dans V avenir ^ - > ■> Et dequot te vanger , ^ dequoi nous punir.

Pauvres aveugles qu'ils étoient ! ils attri- buoient à Dieu ce qui ne venoit que de leurs faux jugemens. Ils étoient eux-mêmes les au- teurs de leurs prciàges , non Iculcment parce qu'ils s'imaginoient ians raifon qu'il y en avoit, mais aulfi parce qu'enfuite de leur preoccypa- tion , ils fc portoient bien fouvent aux choies qu'ils croioicnt avoir été preiàgées , 6c fc con- firmoient puidàmment après cela dans leur er- reur , par le fuccès qu'ils voioient que leurs I 7 prc-

20^ Penfees diverfes,

prétendus preiàgcs avoient eu. C'efl: une àt% caulès qui ont tbmenté dans le monde la plu- part des divinations. Un Aftrologue predifoit à un homme qu'il mourroit dans peu de tems. Se cet homme étoit allez iimple pour le croi- re, 6c pour tomber dans une mélancolie qui le tuoit. Cette mort perfuadoit tellement à tout un peuple la certitude de l'Aflrologie , qu'on ne croioit plus pouvoir éviter fes prédictions : de ibrte que li l'on diloit à une fille, que fbn horofcope la marioit à un tel , àhs lors elle s'y refolvoit comme à une chofe predeftinée ; ce qui failbit reiilîîr le mariage, 8c fortifioit l'illu- lion de plus en plus.

Je pourrois poufîèr cette matière plus loin; mais comme j'en veux aux Comètes principa- lement, il me fuffira pour le coup , Monfieur, que vous compreniez , que non feulement il eH: très-poflîble que l'opinion générale de leurs preiàges foit fauflè , vu la manière dont elle s'eft établie 8c perpétuée dans les eiprits j mais qu'il faut de toute neceiTité qu'elle Ibit faufîe, vu l'opolition qui fe trouve entre ce lèntiment 8c la nature de Dieu.

Après cette longue digreiTion , me voici prêt à vous donner tous les écIaircilTemens que vous pouvez ibuhaiter de moi.

A,. . le 1^. de Jum i6Si,

§. CIL

Première obje£lion contre la raifon tirée de la Théologie. D/>« a formé des Comètes , afin que les Païens conu^ent yi providence ^ ne tombajfent pas dans L'Atheifime.

JE ne voi qu'une objeflioa confiderable con- tre ce que j ai établi par ma Septième raiibn. On me peut dire , que l'inteiotion de Dieu n'a

pas

Penfées diverjès, 207

pas été de fortifier l'Idolâtrie , mais ièulement de taire conoître au monde , qu'il y a une Pro- vidence qui difpenfè les biens & les maux , qui aime les hommes , qui ne veut pas les perdre làns leur donner le tems de fe repentir , qui mérite à caufè de cela leur amour 6c leur reco- noifîànce. Voilà , me dira-t-on , la fin que Dieu s'ell: toujours propofée en taifant voir des Comètes. Cette fin ell très-digne de la bonté 6c de la làgefïè de Dieu. Les Comètes ont été une occalion d'idolâtrie, il eft vrai : mais c'eft la taute des Idolâtres , qui n'ont pas lu conoî- tre ce que Dieu demandoit d'eux. Et après tout , les Comètes 6c les autres prodiges ont été d'un grand ulàge , aiant empêché que les hommes ne tcmballènt dans l'AtheiTme , qui eut été la ruine de la focieté humaine. Qu'en effet (i) Horace nous aprend , que le tonnerre (i) ode qu'il avoit ouï diverfes fois en tems fèrain , le 34- iib. u dégagea de la Se<Sle d'Epicure qui nioit la Pro- vidence divine.

§. cm.

Première Reponfe. ^e Bien ne fait point de miracles, pour chajfer un crime, par l' établi f~ fement d'un autre crime i l'Atheifme , par fé- tabUjfemeat de l Idolâtrie.

JE répons , que tout cela ne balance point les inconveniens qui nailîènt de l'opinion que je réfute. Car I. il ne ièmble pas être de la iàin- teté 6c de la làgefïè de Dieu, de taire des mi- racles , afin de guérir un m^al par un autre mal. Il eft bien dit , que Dieu tire la lumière des té- nèbres , 6c que fon infinie Providence trouve julques dans la corruption du pécheur , dequoi fe taire admirer. Mais il fcroit abfurde de di- re, que Dieu produit ces ténèbres ôc cette ma- lice

2o8 Petîfées diverfis,

licc du pécheur , afin d'en tirer enfuite la Iii- miere & la manifeftation de grâce. Ce lè- roit une impiété de dire , que Dieu fait du mal, afin qu'il en arrive du bien i qu'il rend tous \t5 hommes Idolâtres , afin d'empêcher qu'ils ne deviennent Athées. Mais ii c'efi: une impieté de dire cela , comment peut- on Ibutenir que Dieu a fait des miracles , qui dans l'état ou étoient les chofes, ne ppuvoient qu'enraciner l'idolâtrie dans le cœur de l'homme : com- ment , dis-je , peut-on attribuer à Dieu ces mi- racles , fous prétexte qu'il empêchoit par l'établi iTement de l'Atheïfme ? N'eft-ce pas avouer, que Dieu a contribué à la propagation de l'idolâtrie par fes mii-acles , afin d'étoufer l'Atheifme; c'eft-à-dire , qu'il a contribué à un très-grand mal , non pas pour procurer un très- grand bien , (car l'extirpation de rAtheïfme precifement ne peut ni ûuver perfonne , ni glorifier Dieu comme il le demande) mais ièu- lement pour éviter un plus grand mal? Ceft en vérité un objet bien digne de la grandeur de Dieu , & une fin bien proportionnée à (kgtÇ- fe , que de bouleverfer la nature , afin de ter- mer la porte à un mal par la confèrvation &: par l'amplification d'un autre qui ne vaut guère mieux , &c contre lequel Dieu a toujours témoi- gné une averlion infinie. A-t-on jamais vu que J. Christ ou les Saints aient fait des, miracles pour chafîèr une maladie par une autre, la paralyiie par l'hydropilie ? Qiielle forte de miracles feroit-ce que ceux-là? Ainfi, Monfieur, gardez-vous bien de penfer , que Dieu ait produit des miracles, afin d'empêcher l'Atheïfme par la fomentation de l'idolâtrie , 6c fouvenez-vous , qu'après la haine que Dieu a témoignée contre Tidolatrie, il ne lemble pas qu'il ait pu rien taire en fa- veur que la tolérer. S'il eût voulu bannir rA- theïfme par àQ% voies extraordiiuires , eût-ii

choiii

Penfees diverfis. 209

choilî celles qui alloient manifeflement à éta- blir ce qu'il a li fort en horreur , ce qui provo- que {à jaloufie, com-ne parie l'Ecriture?

Ne vous fèmble-t-il pas , Moniicur , que cette idée de Dieu jaloux , fous laquelle Dieu seil manifcrié, nous induit à croire, qu'il eût mieux aimé n'être point conu des hommes, que de voir donner à d'autres les honneurs qui ne font dus qu'à lui ; ôc par conlèquent , que s'il eût voulu s'oppoicr par fès miracles à la li- berté de l'homme , & le détourner de fon train, ii l'eût plutôt empêché de tomber dans l'idolâ- trie, que dc.ns l'Atheïfme ? Il ne m'aparticnt pas de rien décider là-dcirus. Seulement dirai- je, que la jaloulie d'un mari va beaucoup plu- tôt à fouhaiter que femme n'aime perfonne, qu'à ibuhairer qu'elle partage fon cœur entre ^n mari & un autre. A quoi j'ajoute, qu'il ne fcmble pas que Dieu ait pu choilir pour l'objet de fès miracles , ni l'extirpation de bAtheïfme par la confervation de l'idolâtrie , ni l'extirpation de l'idohtrie par l'introduction de l'AtheiTme, I. Parce que l'Atheiime & l'idolâtrie font deux choies dont la meilleure ne vaut rien, 6c qui ne peuvent fervir ni l'une ni l'autre qu'à deshono- rer Dieu. 2. Parce qu'il eft certain d'ailleurs, que Dieu n'agit furnaturellement, que pour ma- nifefler gloire d'une façon plus feniible , 6c plus propre à confondre l'erreur de ceux qui ne le conoiiîènt pas comme il faut.

Qu'on ne me diiè donc plus , que Dieu a fait des miracles , afin d'empêcher l'Atheïfme} à moins qu'on n'ajoute , qu'il a fiit cefïèr l'A- theiime , pour être véritablement conu 6%: ado- ré. Car li l'on n'ajoute pas cela , je ferai fon- dé à dire, que Dieu a fiit celîèr l'Atheïfme par àts miracles , afin que Jupiter 6c Minerve, Ve- nus 6c Mercure, 6c une infinité d'autres préten- dues Diyinitcz. , reçullcnt par toute la terre les

hou-

2IÔ Penfées diverjès,

honneurs qui ne font dus qu'à lui , ce qui eA directement contraire à la révélation , Dieu lui- (r) Ifai. même s'en étant déclare' , & aiant juré par (i) chap.42. lui-même, qu'il ne donneroit point fi glotre à un antre , m fa loii^nge aux flatués de bois 0" ^^ pierre. Qu on ne me difè pas, que Dieu étoit honoré indireclement à tout le moins , par ceux qui adoroient Jupiter 6c Juaon, car il n'y a rien de plus faux , ni de plus contraire à la revebtion j puis qu'encore que les Idolâtres aient toujours prétendu honorer quelque Divi- nité , £c qu'ils aient adoré fous l'idée de Divini- té tout ce qu'ils adoroient , Dieu a toujours dé- claré qu'il ne regardoit point ce culte comme lien i mais au contraire comme un vol 6c une ufurpation de ce qui lui étoit , qui meri- toient les plus terribles châtimens. Ne me di- tes point, qu'il y a des Pères de l'Eglilè, qui Soutiennent que les aflres ont été placez dans les deux par hs foins d'une providence parti- culière , qui a voulu empêcher que les hom- mes ne tombaffent dans l'Atheïfme , en expo- fant à leur vue des objets qui leur paruHent di- gnes d'adoration i gardez-vous bien , dis-je , de m objefler cette penfée , car elle eft trop horrible pour ne la pas rejetter , quand même nous la verrions dans plufieurs Ouvrages des Saints Pères. Admirons leur làinteté tant qu'il vous plaira ; mais ne failbns pas difficulté de reconoître qu'ils raifonnent quelquefois fort mal. Vôtre Sorbonne n'adopte pas tout ce qu'ils ont dit i 6c fouvent après avoir chommé leur fête , 6c s'être recommandée à leurs priè- res , elle ne fait point fcrupule de les réfuter de toute force.

$. civ.

Tenfees dlverfis, lit

§. CIV.

Seconde Reponfe. ,^'il n'a jamais été necef" faire 4'empécher que L'Atheïf/ne ne s'établit en lu place de VldolÀtrie , 0* que les Comètes ne font pas capables de l empêcher.

MAis fupofbns que la fainteté Se la C%gtï& de Dieu lui aient pu permettre de taire des miracles , pour challér TAtheilme par le moien de l'idolâtrie } il n'en feia pas m.oins vrai , que Dieu n'en a jamais fait etleftivement pour cette îm-ù. , parce que Dieu ne tait rien d'inutile , & qu'il n'a jamais été ncceifaire de prévenir par des miracles lextinétion de toute Religion dans le monde. Il ell: impolTible d'u- ne impoffibiiité morale ce phyiique, qu'une na^ tion entière paflè de la croiance d'un Dieu , & de l'ulàge d'une Religion , dans une croiance 8c un uiàge contraires. A peine fe peut-on per- fuader , qu'un homme feul, ou par abrutiflè- ment, ou par de fauflès fubtilitez, étouffe dans fbn ame l'idée d'une première caufè , de qui tout dépend , 8c à qui tout doit hommage. Comment donc croiroit - on poffîble , qu'un peuple entier élevé dans la pratique d'une Re- ligion , accoutumé à recourir aux Dieux dans fcs befoins , 8c à les remercier dans fcs prof^ périrez , prévenu de mille fèntimens de crainte, compole d'un grand nombre de iiaperftitieux , pafle dans l'abnégation totale d'une Divinité? Pour peu qu'on conoilTe le génie des peuples, on m'avouera que c'eft une chofe impoitible. A quoi bon donc créer fi fou vent des Comè- tes, pour éviter un mal qui ne peut jamais ar- river ? Quoi de plus inutile, que cette forte de miracles ? Ils ièrvcnt , me dira-t-on , à convertir les

peu-

Itl Penfées diverjès,

peuples qui ne reconoiflènt aucun Dieu. Je ré- pons que cela eft faux. Car s'il cH: vrai , com- me quelques Relations l'afTuicnt , qu'on a trou- vé des peuples qui ne faifoient profefllon d'au- cune Religion , il s'cnlîiit que les Comètes n'ont pas la vertu d'introduire la croiance d'une Di- vinité dans les pais qui n'en reconoiflènt aucu- ne. Et d'ailleuis il eft évident , que des hom- mes -qui ne font pas touchez àts effets ordinai- res 5c extraordinaires de la nature, qui peuvent s'imaginer que le monde a été fait par hafàrd , que les mouvcmens àts cieux ne ibnt dirigez par aucun Etre fuprême , que tout fe fait par la rencontre fortuite de certains principes, font très-capables de faire le m.éme jugement de tous les aftres & de tous les feux qui aparoî- tront de nouveau. Si bien qu^il efî: hors de toute vrai-femblance , qu'une Comète, de quel- que longueur qu'on la fupoiè, puiflè faire ibn- ger qu'il y a un Dieu , à un peuple , que les ou- vrages de la nature li beaux & li réguliers , les éclipiès, les tremblemens de terre, les ouragans, les tonnerres , 6c les foudres n'ont point coa- (i) Roma vaincu, qu'il y en a un. trium-

phamis §. CV.

^uocies

cl y ta ' -^^ ^^ prodigicufe inclination des anciens Taiens à

currum multiplier le nombre des Dieux, Plaufibus

excepit. Pour ce qui rerarde les nations que l'Hiiloi-

tarii Di- ''^ ancienne nous hit conoitre, il y avoit li peu

vûm de danger qu'elles tombaflènt dans l'AtheiTme,

Addidit, que leur entêtement principal étoit de multi-

& rpoliis plier leurs Dieux 6c leurs Religions à l'infini.

fxbimec Vous favez la remarque d'un Poète ( i ) Chre- nora nu ^. , . ^ i mi

minafccit. ^^^" écrivant contre Symmaque ; que la ville PrudeaUn ^Q Roir.e multiplioit its Dieux à proportion (^c Symmaik, ï^i victoires j 6c vous n'ignorez pas làns doute

la

Penfées diverfes, 215

la raillerie de ( i ) Ju vénal , que le pauvre At- (i) Nec las e'toit accablé Ibus k fardeau de rcnt de Dieux ^^^^ qu il avoit à ibutenir. Vous iàvez. qu'il n'y a xaHs"iK iorte de créature que les Paiens n'aient deïnéei tft hodie, qu'ils ont adoré juiqu'aux herbes de leurs jar- cjncenca- dins i qu'ils ont facrifié aux vents &: à la tem- ^^^ Syde-

pête i ou ils ont élevé àcs Autels à 1 impu- v„^^î^-'* 7 ^'^ 1 V 1 r V 1 / N Numini-

dence, a la calomnie, a.anevre, a la (z) mort bus^mife-

même toute iifiplacab'e qu'elle eft j qu'ils ont rum urge-

mis au rang des Dieux leurs Rois Se leurs Em- ''^nt Ac-

pereurs , non leulcmcnt après que la mort les ""^^ . ^ . , ,. , , JÇ- ' ?j« r Trwr.cii

avoit délivrez de la neceiiite d être vus lujets Ponder?.

aux mêmes infirmitez que les autres hom.mes, Juven. mais aulh pendant qu'on les \^ioit expoièz à Satyr.i-^, toute ibrte de foib.'efics. Il n'7 a point d'exa- gération à tout ceci. Ce font des faits avouez ^?-) Y*^^* de tout ce qu'il y a de gens qui conoiffent 1 an- /joiolacr. tiquité. Ce que j'ai dit concernant les Rois & j.^. C.2Ô. hz Empereurs , fc juflifie tant par l'uiàge des ( 3 ) Perfes qui adoroient leur Monarque d'u- (9) BnT- ne adoration proprement dite, 8c que plufieurs fonius de étrangers ont refufé de rendre par fcrupule de p'^^J^Per- Religion h que par la pratique des Romains , qui juroient par la Divinité de leurs Empereurs vivans , & leur conlàcroicnt des Temples 5c ÀQS Autels à leur (4.) vue, ou à leur fçu; com- (4) Stie- me il paroît par l'Ambaflàde extraordinaire, que ^5'"' J? - ceux de TariT.gore envolèrent à l'Empereur j[" " 3 '

A r 1 1 51 ' cap. 70»

Auguite , pour lui aprendre qu il cioit r.e un palmier fur l'Autel & dans le Temple qu'ils lui avoient fait bâtir. A la vérité cela ne prrut pas fort probable à Augafte , puis qu'il repoîiiit d'un (j-) air moqueur, c^uil loioh bien quo/î (fjApud 7ie faifoit gueres brnlcr de victimes fur cet AuieL Q^'înnl. Mais néanmoins 2c ce Temple 8c cet Autel de- ^' 6. c meurcrent fur pied avec plulieurs autres qui étoient conlàcrez au même Dieu , dont quel- ques-uns marnes étoient defïcrvis par une Com- munauté de Prêtres , établie uniquement pour

cet"

214 Penfées diverfes,

cette fonftion ■■> & quelques autres étoient bâtis dans le petit coin du monde que le vrai Dieu s'etoit reièrvé : car vous n'ignorez, pas qu'Hero- de a bâti àQs Temples à Augulle dans la Jude'e. Généralement parlant , la coutume de mettre hs Empereurs au rang des Dieux, étoit fi bien établie parmi les Paiens , qu'encore que Conl^ tantin eût abandonné leur taufîc Religion pour embrafTer l'Evangile , qu'il profeflà fidèlement (i) Eu- julqu'à fa mort , ils ne ( i ) laiflèrcnt pas de le tropms inettre au rane àts Dieux après ion décès. Ce qui ne me paroit gueres plus étonnant, que la debonnairete' philoibphique de l'Empereur Marc Aurele , qui a|>rès avoir été déshonoré par les impudicitez efirenées &: publiques de femme, lui fit rendre les honneurs divins dès qu'elle fut morte, & lui fit bâtir un Temple.

11 n'y a jamais eu de malheur mioins à crain- dre que l'Atheïfme; & par confequcnt Dieu n'a point produit des miracles pour l'empêcher. D'où il s'enfuit , que fi Dieu avoit contribué par la production des Comètes à fortifier le re,- gne de l'Idolâtrie , 41 «^ l'eût point fait pour é- viter un plus grand mal ; Se qu'ainii c'eût été contribuer par des miracles à un très - grand mal purement & fimplement , ce qui ne fc peut dire iàns blaiphême.

§. CVI.

III. Reponiè. ^ue c^uand même il y auro'it eu lieu de craindre c^ue VAîhnfme ne s^ établit en la place de l Idolâtrie , // n'eût point falu fe fervir de miracles pour l'empêcher.

JE paflè plus avant, 8c je dis en troifiéme lieu, que quand même il y auroit eu quelque fli- jet de craindre que l'Atheïfme ne s'établît dans le monde , il n'auroit été nullement necelTaire

de

Pcnfées di^^&s^^ 215

de recourir au miracle, -^pjjjril^ venir ce grand mal. Il fuffifoit de lailTè||^^ la rature lelon ies forces. On s'en pouvoir Sort bien repofer fur \qs foins des hommes &: des Démons.

§. CVII.

Les effets de la nature poHvoient empêcher l'ir- réligion.

I. En effet , les corps agiflànt continuelle- ment les uns fur les autres , amènent de tems en tems par une fuite neceflaire mille chofès furprenantes , des monftres, des météores d'é- clat , des tempêtes furieules , des inondations, des mortalitez , 6c des famines horribies. Et comme par tout l'on croit une Religion , on regarde ces choies-là comme des effets parti- culiers de la Providence divine , qui deman- dent un renfort de culte & de dévotion ; il eft impofl'ible , vu comme le monde va , que les hommes lailîent efl&ccr de leur ame la crainte 8c la croiance de leurs Dieux. De ibrte que fans fe départir des loix générales de la nature. Dieu a pu trouver dans le progrès^ dans l'enchaîne- ment des caufès fécondes i a*z de phénomènes extraordinaires pour fe faire 'Vedouter. Une lé- gère reflexion flir ce qui a été dit de l'attache- ment des Paiens à regarder les moindres choies comme des prodiges, fuffit pour nous con'^ain- cre de cela.

§. CVIII,

La polittc^ue pouvoit empêcher la même chofe.

IL Mais outre que les hommes font afîcz portez d'eux-mêmes à pratiquer les aftcs exté- rieurs de dévotion , ^^JK les fois qu'ils fc ■^"^ croient

1 1(? Penfées diverfa.

croient menacez de la part du Ciel par des pro- diges i il faut conliderer que la politique des Magitlrats prepofez aux airaires civik's , &: à celles de la Religion , avoir grand loin de tenir les hommes dans la dépendance par le frein de la crainte des Dieux. On a reconu de tout tems , que la Religion étoit un à(^s ikns de la fbcieté, & que les liijets n'étoient jamais mieux retenus dans l'obeïllànce , que lors qu'on ià- voit faire intervenir à-propos le miniilere àçs Dieux, Se qu'on ne pouvoit jamais encourager les peuples avec plus de fuccès à la dcfenfc de la patrie , qu'en attachant leur cœur à certains temples, avec des cérémonies pompcufes, fous la protefiion mille fois éprouvée de certaines Diviniiez , 5c qu'en leur faifànt acroire, que les ennemis qui vouloient profaner ces iàints lieux , étoient menacez d'un châtiment terri- ble par les prefages des viâimes. Pour faire . agir tous ces reilbrts , il faloit non feulement qu'il y eût une Religion autorifee par le xMa- giftrat , mais auiTi que les fujets fuÔent préve- nus de crainte , de vénération , Se de refpeâ: pour tous les exercices de cette Pveligion. C'efl: pourquoi la politique vouloir que l'on ména- geât ibigneufement tout ce qui feroit propre à fomenter dans les efprits le zèle de la Religion , 2c à infpirer un profond refpeâ: pour Ces plus petites cérémonies. Jugez , Moniîeur , fi après cela il y avoit lieu de craindre que les peuples tombaflènt dans l'Atheïfme.

§. CÎX.

V'mterêt du Trêtres le pomoii empêcher

III. Le refpefî: des peuples pour les rho/ès de la Religion , s'étendant jufques fjr le^ per-

icn-

Vm[iei diverjes, iij

Ibnnes qui en avoient la charge , il arrivoit que ces perlbnnes fe fcrvoient de pluiieurs artifices pour entretenir des fentimens iuperrti-cieux dans les efprits j cir ils le faiibient valoir par , & ils rendoient leur emploi li conliderable , que les plus grand-s Seigneurs y alpiroient. Il y a eu des Têtes ( i ) couronnées qui pi- / \ ^. quoient de la conoiliance des augures. Le Roi lib. i. de Dejotarus étoit lui même Ion Devin , & i! fcm- Di/iûac. ble que ce fut lui-même qui trouva que les au{^ pices Tengageoient à fuivrc le parti de Pom- pée , à quoi pourtant il ne trouva point Ion compte. Pluiieurs perlbnnes conlîderabies , ou par leurs charges , ou par leur qualité , le pi- quoient de la même conoiflànce. Le Sénat de Rome ordonna qu'on envoicroit lix jeunes garçons des meilleures familles de l'Etat vers chaque peuple de 1 Etrurie , pour y aprendre les difciplines augurales. C'eft qu'on croioit, qu'en relevant ainli la dignité de cette profel- lion , par la naiilànce de ceux qui s'en mêioient, on empêcher oit l'abus tombent \&s arts en- tre les mains des perlbnnes avares 6c (2) merce- /^^ vr naires. C'eft fur un Icmblable principe, que le ars t-nra cdebre Cardinal Pallavicin a prouvé très-doCle- proprer ment 6c très-pieufement tout enfemble , que f^-^nifarr-tn l'Eglife Catholique doit être dans le monde fur àTei""? le pied d'une Puifîânce temporelle , afin d'atta- nis\ucon'' cher à fon fervice , par 1 efperance d'un gros rare abJn- revenu , les Barons , Se autres perlbnnes de la cererur ad première qualités ce qui rend la Religion extrê- 4"2.-ftum. mement conliderable : car qui oferoit meprifer ' '^''' * les cérémonies de la Melîè , lâchant que celui qui officie , a le plus beau train 6c la meilleure table de 1 Etat?

Mais li par cette conduite on évitoit les abus

d'un trafic fordide , on tomboit d'ailleurs dans

un autre inconvénient. Car des Augures de

cette naiilànce , remplis d'ambition , travail-

Tom. I, K loiciit

2 1 8 Penfées diverfis,

loient de plus en plus à le faire un empire fur les âmes , par Tinvcntion de plulîeurs cérémo- nies, 6c en impofant un nouveau joug de fcru- pules fur les efprits , ôc en faifànt publier une infinité de prodiges , dont il t'alloit qu'ils fuA iènt les Interprètes. Cette fon6tion d'exami- ner les prodiges , & de chercher les voies de hs expier, les faifoit regarder comme des Mé- diateurs entre les Dieux 6c les hommes. On perfuadoit qu'ils avoient la clef du ciel, qu'ils detournoient les malheurs dont l'Etat étoit me- nacé , en un mot , qu'en eux relidoit le falut public. Jugez, Monfieur, li après cela les pro- diges étoient rares. Doutez-vous que les moin- dres effets de la nature, ne fuflènt débitez com- me des marques du couroux du Ciel ? Ne croiez-vous pas qu'on avoit des gens apoUez pour venir anoncer dans la capitale , qu'un loup étoit entré en plein jour dans le milieu d'une ville , qu'on avoit vu des chevaux en l'air , 6c chofes femblables ? C'étoit l'intérêt des Pontifes, des Prêtres 6c des Augures , qu'il courût perpé- tuellement de ces nouvelles , comme il eft de l'intérêt des Avocats 6c des Médecins , qu'il y ait des procès 6c des maladies ; c'efl: pourquoi on n'avoit garde de donner le tems au peuple de devenir tiède dans Religion.

§. ex.

Combien les f enfles (iimoient à, croire t^ue les ^n^- di^es r^' étoient point natu^rels.

On l'avoit mis fur un tel pied , qu'il ne pou- voit lbuffi:ir , que les Philofophes entrepriiîènt d'expliquer les prodiges par des raiibns natu- rO Invita relies. Car (i) Plutarque nous eft garand , que Vicix, ^u tems de Nicias , c'eft-à-dire , dans le quatriè- me iiccle de h fondation de Rome , on n'olbit

Penfées diverfis, np

encore s'ouvrir qu'à Tes meilleurs amis , Se en prenant bien fès précautions , de la caule des eclipiès de lune, qu'Anaxagoras avoit enfèignée depuis peu. II ajoute , cjue c'etoit parce que le peuple ne pouvoir Ibuffrir en ces tems-là les Phyliciens, s'imaginant qu'ils attribuoient à des câuies necfeflaires 6c infenlibks , ce qui ne ve- noit que des Dieux ■■> que c'eft pour cela que Protagoras fut banni d'Athènes , 6c Anaxago- ras mis en priibn, dont Pericles avec tout Ton crédit 6c toute ion éloquence , put à peine le délivrer j 6c que ce ne fut qu'après bien du tems , que le peuple s'apprivoila avec la Philo- fophie, eniuite des éclairciiremens qu'il tira de la doftrine de Platon, qui foumettoit la necef- fité des eau fès naturelles à la puifîànce divine. J'aprouvcrois le zèle du peuple , li les Philolb- phes euflènt prétendu exclure l'influence divi- ne de tous les effets dont ils ex pli qu oient les caulès i mais ce n'etoit pas ce qui eftarou- choit le vulgaire : le mal ëtoit , qu'en expli- quant les prodiges par une cauiè phyiique , on les reduifoit à ne prefager plus rien , ce qui ôroit au peuple une infinité de vaines im.agina- tions dont il fe repailfoit , 6c aux Devins la plus conliderable partie de leur emploi. Peu s'en f^.ut que Stace ( i ) ne fe mette fort en colère fO ^'i^r«

contre ies Héros , qui avoient vu qu'une fle- '^"-^s ^r* , ' , . . ^ .. rore lè-

che rencontrant un arbre , etoit revenue vers runc...

celui qui l'a voit tiré, 6c qui au lieu de reconoî- pcnuus tre que ce fût un prodige extraordinairement lacet exi- cnvoié des Dieux , pour lignifier qu'Adrafte rc- ^"^ ingens tourncroit à la guerre de Thebes, l'expliquoiont jumq-je^' naturellement. nef as, uni

remeibile be^lum &c.

Stat. l. 6. Theb.

K a §. CXI. pyr,/.

220 V^nfées dîvcrfes,

§. CXI.

^ue le Sacerdoce ^ Vaut ont é Sotneraim ont été quelquefois unis.

IV. Je confidere de plus , qu'il y avoit dei (i) Rex Etats, (i) la dignité Sacerdotale étoit join- Anius, ç£ ^yec i^ Roiale. Je mets l'Empire Romain hominurîT ^^ ^^ nombre-ià , puis qu'il eft certain , que Phœbique' comme les Empereurs fe iailirent de la dignité Sacerdos. de Tribun du peuple , pour fe rendre peribn- ^^W''i u ^^^ ocrées , 8c mviolables , Se pour s'aproprier ^^' ^ •3* toute la puifïance du peuple •■, ils unirent auffi à leur Majeilé Impériale la dignité de Souverain Pontife , tant pour dominer fur les chofes de la Religion , que pour fe rendre de plus en plus ^a) Denys inviolables , par la raifon que les (2) Pontifes ^'^'^h' "'^'^^^^"^ "^ fujets à aucune punition , ni ref- »P' 7s'' * P^^^^^^s '^^ '^'^'^s allions à perfonne , ibit du peuple , foit du Sénat. Il y a grande aparence que c'étoit aufll afin d'empêcher qu'une charge qui avoit tant de privilèges , ne tombât entre les mains d aucune perfonne qui en pût abufèr au préjudice de l'Empereur, comme il pouvoit arriver fort naturellement. Cette union fubiif- ta aflèz long-tems après le batême de Conftan- tin; mais elle fut fuprimée par l'Empereur Gra- tien , & renouvellée pourtant par quelques-uns de {ts fucceffeurs. On a vu depuis une fem- blable conjcndtion dans l'Empire des Sarrazins , dont le Caliphe étoit tout cnlèmble Chef de la Religion 8c de l'Etat. En d'autres pais c'étoient les Prêtres qui rendoient la juftice; en Egypte, par exemple, 8c dans la Gaule, les Druides avoient toute l'intendance du culte des Dieux, & terminoient tous les differens àts particu- liers. En d'autres c'étoit à un même ordre de gc^us , favoir à la Noblçi^ > qu'il apartenoit de

conoi"

Tenfées diverfih iil

conoître des affaires de la Religion , 8c des char- ges de la Republique , d'interpréter les loix là- crées 8c les profanes ; (c'eft le règlement que Theiëe fit dans Athènes.) En d'autres enfin, comme dans la Republique de Rome, c'étoit le ^enat , qui fur le raport des Pontifes , des Augures , des Arufpices, 8cc. ordonnoit qu'on feroit des proceflions , des facrifices , des ban- quets facrez,, 8c le relie. Je vous laiflè à pen- ièr après cela , Ton donnoit bon ordre que h Religion fût maintenue dans toute fa force , y aiant concours de deux Puifîànces , dont cha- cune en ion particulier avoit grand intérêt à cela.

§. CXII.

J>H foin que Von prerMtt de châtier ceux qui meprifoient la Religion.

Auflî voit-on par l'Hiftoire , qu'on n'oublioit rien de tout ce qui pouvoit aller au devant du mépris des cérémonies de la Religion , 8c tenir les peuples en refpe<9: fur cet article. On fit mourir Socrate dans Athènes , parce que dodtrine tendoit à rendre fufpedre d'erreur la Religion dominante. Le Sénat de Rome aiant donné commififion au Prêteur Petilius, délire les Ecrits du Roi ( i ) Numa , qu'on avoit /j^ pj^^ trouvez, dans un coffre de pierre 400. ans après carchus fa mort, 8c ouï le raport du Prêteur, qui fut, in vica qu'î ces livres contenoient des chofes fort ëloi- Numae. gnèes de 1 état prefcnt de la Religion , 8c capa- bles par conièquent de jetter mille fcrupules dans l'efprit du peuple : le Sénat, dis-je , fit brûler ces livres-là , craignant avec raifon que le peuple détrompé de la penfée il étoit, que la Religion d'alors étoit la même que Nu- ma Pompilius avoit aprife de la Déelfe Egerie, K 3 ne

(i) L'an

de Rome

\i) L'an de Rome Si6.

111 Tenféeî diverjès,

ne vînt à la mepriièr. Cette prévention e'toit palîee des pères aux cnfans , parce que les chan- gemens dans ces chofès-là fe font par des pro- grès infènfibles , & ne fe remarquent gueres durant la vie d'un homme i de forte que cha- cun croit en mourant lailTèr la Religion au mê- me état qu'il l'avoit trouvée en venant au mon- de. Cependant ces progrès iniènlibles , au bout de plulieurs liecles portent ks chofes fort loin.

Le même Sénat avoit grand foin de confèr- ver la Religion des aufpiccs , £c deftituoit de leurs charges ks perfonnes les plus notables , àès qu il aparoiflbit que la prife de pofleffion n'avoit pas été conforme à ce que prefcrivoient les cérémonies des Augures. Il châtia même rigoureufement le Conlul C. Flaminius , parce qu'il avoit meprifé les aufpices j ce qui pour- tant ne l'avoit pas empêché de ( i ) rempor- ter une lignalée vi6i:oire fur les Gaulois. P. Claudius & L. Junius , qui du tems de la pre- mière guerre de Carthage avoient meprife les mêmes aufpices , forent encore plus ievere- ment punis , car il leur en coûta la vie. Pour empêcher qu'on ne vînt à iècouer le joug àçs loix augurales, on affecftoit de répandre parmi la multitude , que les batailles gagnées par les ennemis de la Republique , étoient des puni- tions du mépris que les Généraux avoient eu pour les prelàges , ou du peu d'exaâritude qu'ils avoient aporté à s'acquiter des cérémonies de la Religion. On difoit , par exemple, que le Conful Q^ Flaminius avoit été ( i ) batu par Annibal auprès du lac de Thrafymene , parce qu'il avoit eu la témérité de livrer bataille, fans ,avoir égard à ce que fon cheval l'avoit fait tom- ber , lors qu'il commanda de marcher à l'en- nemi , ni à ce qu'on lui raporta, que les dra- , peaux ne pouvaient être remuez de leur place:

que

"Penfées diverfes, ii^

que le Conful Varron avoit perdu ( i ) la fu- (t) L*;»n nefte bataille de Cannes , à caulè qu'il avoit en- de Rome couru la haine de Junon , pour avoir mis en ^^7» fentinelle dans le Temple de Jupiter un beau (2) jeune Comédien durant la célébration des (i) Valer, jeux Circenfes : aftion qu'il fallut expier par di- *^^ax;m. vers iàcrifîces au bout de quelques années. ' ''^^P' '*

V. Si vous joignez à toutes ces observations ce que j'ai déjà touché (3) ci-defîùs, fàvoir que les Démons faifoienr tout leur pofllble pour in- (5) n. 61» timider les peuples par mille fortes de prefages, & 68, voiant bien que cela ne produifoit aucun amen- dement de vie , mais feulement une infinité d'aftioiTs iuperftitieufes 5c idolâtres •■> vous com- prendrez, , Monlieur , que iàns que Dieu s'en mêlât par des voies extraordinaires , le monde étoit plus que fufïilàrament à couvert du péril de l'AtheiTme.

§. CXIII.

^ue les Démons aiment mieux l'Idolâtrie qtit rAtheïfme.

Et fur cela permettez-moi de vous dire une penfée qui me vient. C eft qu'aparemm.Cnt le Démon trouve mieux fon compte dans l'Ido- lâtrie, que dans l'Atheïfme : d'où il doit arri- ver , qu'il emploie plutôt fts artifices pour pouf- fer les hommes dans lldolatrie , que pour les /.\ j ^j jetter dans l'Atheïfme. La raifon de cette con- Corinch. duite eft , à mon avis, celle-ci j c'eil que les c. lo. Athées ne rendent aucun honneur au Démon , ^*''^* ^"^^ ni diredlement , ni indiredlcment, & nient m ê- ^^"^^" me fon exiltence : au lieu qu'il a tant de part ITrçf'i}^' aux adorations qui font rendues aux faux Dieux, Pfai.'iof. que l'Ecriture Sainte déclare en divers endroits, ^^'"f 37. que les Sacrifices offerts aux feux Dieux , fort f"^"'- ofterts (4) aux Diables. Les Saints Pères en- ^"/^'^^^l, K + fd- '''

11^ Tenfeei diverjès.

feignent la même chofè. Or cet Efprit vam ëc ennemi de Dieu, doit mieux aimer fans dou- te que le culte dérobe à Dieu , lui revienne ou en tout , ou en partie, comme il lui revient efFetlivement , lors que les hommes font Ido- lâtres , que non pas qu'il ne lui revienne point , comme il arriveroit , fi les hommes étoicnt Athées. Je croi même qu'il aimeroit mieux partager avec le vrai Dieu le culte que tous les hommes doivent à cet Erre ibuverain 8c infini, que de voir tous les hommes dans i'Atheïfmcj car ce partage fùffiroit pour damner tous les hommes , & pour ôter à Dieu la gloire qui lui eft due , qui eft tout ce que le Diable peut Ibu- hairer , &: procureroit d'ailleurs au Démon un honneur très-propre à flater vanité, 2c qu'il ne trouveroit pas parmi àcs Athées. li n'en va pas d'un ufîirpateur , comme de celui qui a un droit légitime, d'un Galant, par exemple, qui a defièin fur la femme de ion voifin, com- me du mari de cette femme. Si celui-ci avoit à choilîr , ou de voir femme tout à la fois amourculc de lui &: d'un autre, ou delà voir indilierente pour tous les hommes , il pr endroit le dernier parti , à moins que d'être de ces ma- ris commodes , qui foulant aux pieds les loix £crées du mariage , fe confolent aifément de l'infidélité de leur époufe , par ks reprefailles dont ils ufent fur les autres maris. Mais pour le Galant , il ne fe met point en peine fi Maî- trefi!è conièrve de l'amitié pour fon mari, pour- veu qu'il foit admis aux mêmes prérogatives que le mari : à moins que de donner dans la delicateife chimérique d'un Héros de Roman, laquelle n'a peut-être jamais fubiiilé qu'en idée. Ne trouvez pas étrange cette comparaifon, Moniieur , puis que l'Ecriture ne parle de TI- dolatrie que comme d'un adultère commis contre la gloire d'un Dieu jaloux , 6c Ibufifrez

que

Penféei diverjès, 225

que je m'en ièrve , pour prouver que le Dé- mon aimeroit mieux que les hommes adorai^ fent & Dieu 8c lui, que non pas qu'ils n'adoral- fent rien.

De tout ce que je viens de repondre à l'ob- jeflion , vous me laiflèrez conclure aparem- menr , que Taparition des Comètes a été ex- trêmement favorable à Tldolatrie , iàns avoir été aucuneinent neceflaire au monde , afin d'empêcher que l'AtheiTmc ne ruinât la Socié- té humaine , 8c qu'ainli les Comètes ne font pas d,cs lignes extraordinairement envolez de Dieu.

§. CXIV.

IV. Reponfe. ^ue lAtheïfme n'eji pas un plus grand mal o^ue V Idolâtrie,

CEla étant , je puis me palier de faire le pa- rallèle de l'Idolâtrie 8c de i'Atheïfme , 8c de montrer que lldolatrie elt pour le moins aufîi abominable que I'Atheïfme , car je n'ai pas be- ibin que ce paradoxe {bit vrai, je l'ai ouï fou- tenir a un des habiles hommes de France, 8c qui eft auflj bon Chrétien que j'en conoiflè. Permettez-moi de vous raporter une partie de fes raifons , 8c de les paraphrafer ou commen- ter félon que je le jugerai a-propos.

§. CXV.

I. Preuve. L' imperfection efl aujjî mitraire pour le moins k la nature de DieH' , ^«^ le noyp' être.

IL difoit en premier lieu , qu'il eft autant pour le moins contre la nature Divine d'ê- tre divifée en un très-grand nombre de Divini- K j tcï

2i6 Penfees divcrjh.

tez différentes , Se fujettes aux défauts que Ton reconoiilbit dans les Dieux du Paganifmc , que de n'être point du tout. Ainfi Jes Idolâtres qui nient que Dieu Toit un , 8c au defTus de l'infir- mité, forment un jugement auffi abfurde pour je moins 8c aulTi delàvantageux à Dieu , que les Athées qui nient fon exiflence ■-, car comme Ta fi)DaTis fort bien remarqué Mr. le Marquis de (i) Pia- fon livre j5e2,ze, croire que Dieu n'efl point, efl un fen- de la veri- . ' . ^ ^ 1 j ' tle la tnnent moins outrageux pour lui , que de iC

Religion Croire ce qu'il n'efl: pas, 8c ce qu'il ne doit pas Chrefiien- être, (i) Si Dieu neft point unique, dit Ter- ^^* tullien , il n'efl point , parce que nous trouvons

,^ . - plus de dignité a n'être point , qu'à être autre-

«on unus ^ ^^'^^ T^ ^'^" "^ '^^'^- ^^ Y ^ ^^^^ P^^s d'extra- cft, non vagance, plus de brutalité, plus de fureur, plus eft, quia d'aveuglement dans l'opinion d'un homme qui dignius admet tous \ts Dieux des Grecs 8c des Ro-

îlt iSï* mains , prefque infinis en nombre , 8c agitez lîon elle , *, ^ /v o r -u i ° i

quodcun- de toutes les pâmons , 8c louillez de tous les

<]ue non crimes qui fe voient parmi les hommes , que

ita fuerit, (jans l'opinion d'un Athée. Plutarque eft allé

j^i. v^. encore plus avant h car il a dit qu'on fait plus

TtrtfilU "^ ^^'"^ ^ ^^ Divinité , en h croiant teLe que \q^

tcntra fuperftitieux la reprefentent , qu'en croiant

M^rc. l.i. qu'elle n'eit rien. (3) J-e ne puis ajfez. m' étonner^

*• 3" dit-il , quo-n dit que l'Athéisme efi une impieté:

i )r V ^^^^ J^'^ devroit dire de la fuperflition , ^ non pas

de ia fu-^ ^^ VAtheïfme ; car il eft bien vrai qu'Anaxago-

perdition, ras fut condamné autrefois comme impie , pour

Je me fers avoir fout enu que le foleil était une pierre j mais

de la ver- p^^J'onne n'a encore dit que les Cirnmeriens qui ne

hFevteJ' ^^"^'^^^ f^^ ^^''^ / ^^^ '^^ fi^^^^ ^^^ monde , foient impies pour cela, ^uoi , celui qui ne croit point qu'il y ait des Dieux efl impie, 0> celui qui croii qu'ils font tels que les fuperfiitieux fe les figurent ^ ifi'a-t-il pas une opinion dont V impieté furpaffe d* beaucoup celle de 'l'Athée ? Tour moi j'aimerois -àien mimx ff^tte tous les hommes dn mnde difr

fenî ,

Penféei diverjès, 21 j

fenti que jamais Flutarque n'a été, que s'ils di~ (oient i Flutarque efl un homme inconfiant, léger , colère , qui [e rejfent des moindres offenfes , qui fe met en mauvaife humeur four rien , qui fe fdche, fi on ne l'apelle aux belles ajfemblées , qui fe 'met aux champs , fi quelqu'un aiant des affaires, ne lui efi pas 'venu faire la cour au matin i cefi un ^j) p^jg. homme qui vous dcchireroit a belles dens, fi vous cipale cri- aviez pajfé a côté de lui fans l'aborder ^ le fa- men ?e"e* luër, dteroit prendre votre fis , A* lui feroit don- ^\^ hif"îa- ner la gène en fon logis , ou des la mut fuivante , ^^. fec^jj il ferait lâcher des bêtes fauvages fur vos terres reatus. pour en ravager les fruits. Tertidl. dt

§, cxvi. '•*•

1 1. Preuve. V Idolâtrie efi le plus grand de tous mum de- les crimes félon les r ères. WStum.

Cyprian,

LA féconde raifon eft , que les Pères de TE- ^^'■^' '°* gUfe ont dit fans nulle exception , que l'I- / ^ q dolatrie efl le principal crime du genre hu- Naziarz.' main, le plus (i) grand péché du monde, le orat. 38, plus ( 2 ) grand de tous les péchez , ( 3 ) le der- nier Se le premier de tous les maux. (4) Le M ^f^.

Do6leur Angélique eft dans le même Icntiment, P^^^^ns

,.1 jP -^ , , , , qi!x con-

puis QU il dit , que de tous les péchez, que Ion ^ra Deuin

commet contre Dieu , qtù font néanmoins très- corn mi t- grands , le plus énorme femble être celui par le- tuntur, quel on rend k la créature les honneurs divins , ^"^ ^y parce au autant qu'on le peut ^ on introduit un au- îï!!"; "^ tre Dieu dans le monde , p* Ion diminue l'Em- gravi iH- pire de la Divinité. Le crime des Chrétiens qui mu m effe iàcrifioient aux Idoles durant la periècution , ^'"^5 ^"'' » c'apelloit prévarication, (f) ^ ne le remettoit ^^y^^'^/iv-l ^ ^ P^s num ho-

norem creaturx impendat , quia quantum eft in fe facit aliiim Deum ÎQ mundo, minucns principatum divinum. Secund. i. ^t^ft,^^, jirt, 3. (;) Mr.Hcrinan vie de Saine AtbaD. 1.2. ch. iS.

2 28 Penféei diverjèu

pas même à la mort fèion l'ancienne dijfcî-

pline , Se cxcluoit pour jamais de l'entrée du

Clergé.

§. CXVII.

III. Preuve. Les Iddatres ont été de vrah Athées en un certain Cens.

LA troifiéme raifon eft , que fi l'on y prend bien garde , l'on trouvera que les Idolâtres ont été de vrais Athées , aulïi deftituez de la conoillânce de Dieu , que ceux qui nient for- mellement fon exiflence. Car comme ce ne feroit point conoître l'homme , que de s'ima- giner que l'homme eft du bois j de même ce n'eft point conoître Dieu , que de simaginer que c'eft un être fini, impartait, impuiiïânt, qui a pluficurs compagnons. De ibrte que les Paiens n'aiant conu Dieu que ibus cette idée, on peut dire qu'ils ne l'ont point conu du tout , & qu'ils detruifoient par leur idée ce qu'ils établilibient par leurs paroles , comme Ç ' ) F.pi- on l'a remarqué ( i ) d'Epicure. Et c'eft ce

curiim Q^'^ voulu dire (2) St. Paul , lors qu'il repro-

flços ver- ^, T, . ^ \ . ^ ,1 ^

bo pofLiif- ^^^ ^^^ Païens , qu aiant conu qu il y avoit un

fe, reverà Dieu, ils ne lui avoient pas pourtant donné la

fiiftuîKTe, gloire qui lui eft due i mais qu'au lieu de cela

Ctcero^. de jjs s'étoient perdus dans leurs vains raifonne-

tiat^ eor, ^^^^^ , gc s'étoient plongez dans des extrava-

i%\ EpUfc. g^^^^s , des folies , 6c des ténèbres prodigieu-

adRomin, ^^ , jufqu'à réduire la gloire du Dieu incorrup-

c. I, tible à h forme d'un homme corruptible , d'un

oifeau , d'un fcrpcnt , Se d*une bête à quatre

pieds. C'eft dire proprement , qu'ils avoient

cru ccncître Dieu , mais que leur conoifîânce

étoit devenue un fantôme chimérique , 6c fi

rempli de C3ncradi6Hons , qu'ils croient tombez

dans une ignorance totale du Pieu qui a fiit k

ciç]

Penfées diverjes, 229

ciel Se la terre. Ailleurs (1) cet Apôtre dit (i)Epifî.

formellement , que les Gentils etoient fans ef- ad F.phef.

perance 6c làns Dieu au monde. ^' *•

§. ex VI IL

I V. Preuve. La. comijfance 4e Dku ne fert à un Idolâtre o^u'à remire fes crimes ^Ihs mroces.

SU y a quelque différence entre TAtheiTme d'un Idolâtre, & celui d'un Athée , c'eft prin- cipalement en ce que i'Atheïfme de l'Idolâtre ne diminue en rien l'atrocité de fès crimes , au lieu qu'un homme qui eft Athée, pour être parmi ces peuples que l'on dit qui de tems im- mémorial ne reconoifîènt aucune Divinité, trouvera quelque dimunition de peine par le moien de j[bn ignorance , car en bonne Théo- logie , Se par TexpreiTe déclaration de (2) Je- (2) Eiwos sus-Christ, ceux qui iàvent la volonté de gel. kc. leur maître, ôc néanmoins ne la font pas, fè- ^^c. c.i2« ront plus feveremcnt punis, que ceux qui ne ^''^7' l'ont ni faite , ni conuë \ ce qui ilipoiè mani- feftement , qu'il y a plus de malice dans la cor>- duite des premiers , que dans celle àts derniers, Se que ( 3 ) Minucius Félix n'a pas eu raiibn (3) cùm de foutenir iàns aucune limitation , c^ue c'eji paremem Hne aujjî noire méchanceté de ne pas conokre ^^^^^^t JDieu y que de lojf enfer. Donc c'cft un plus nium"ïo- grand crime à un Idolâtre de faire de faux fer- m num mens , de piller les Temples , & de commet- non mino- tre toutes les autres a6tions quil fait n'être pas '"'^ fceieris agréables à fes Dieux , qu'il ne l'eft à un Athée j^J ^^^l^^* de faire les mêmes choies. Donc la condition fédère."* des Idolâtres clt pire que celle des Athées , puis que les uns 8c les autres étant également dans l'ignorance du vrai Dieu , 8c incapables égale- jneat de le fervir , les Idolâtres ont en particu- " K 7 Uei.

2,^0 Venfiei diverfès*

lier certaines notions 8c certaines pcrruafions, contre Jefquelles i s ne fàuroient agir fans une malice extrême , & uns un mépris viiible de leurs Divinitez. Or quoi que Dieu ne prenne point part aux cultes & aux honneurs qui font rendus à Jupiter Se à Neptune, par exemple, ôc qu'il \çs regarde comme des abominations qui méritent tous les fléaux de fa colère , il ne îaifTe pas de prendre part aux impietez, qui commettent contre eux. Ainli quand un Paien, demeurant perfuadé que Jupiter £c Neptune étoient fos Dieux , voioit les choies qui leur étoient conlàcrées , 8c leur difoit àts injures , il étoit iacrilege 8c blafphemateur devant Dieu: 6c ce n'étoit pas un moindre crime à Caligula (î) Dion d'apeller fon Jupiter (i) en duel , 6c de lui S ^u J^ft^J* ^^^ pierres vers les nues , avec ces paro- Seneca de ^^s, Ote-moi du mondes ou je t'en oterai , tou- ira lib, I. tes les fois qu'il voioit tomber la foudre , qu'il eap. ult. le foroit à un Chrétien , de faire la même choie à regard de J es us- Ch ri st ; ii ce n'eft que la perfualion du Chrétien fût plus grande que celle de Caligula , ou que le défaut de perfualion fît moins inexculàble dans Cali- gula, que dans le Chrétien. Car pour juger il un crime efl: plus atroce qu'un autre dans la même elpece , il faut J&voir non lèulement li l'un a été commis avec plus de conoiHance que l'autre , mais auiïl lequel des deux crimi- nels a contribué le plus a fon ignorance par malice : le pouvant faire qu'un homme igno- re certaines choies , parce qu'il a refufé de s'inC- truire , de peur que l'inftruclion ne le détour- nât de lès pernicieux delîèins , auquel cas l'i- gnorance ne peut aucunement excufer. De fjrte que ii Caligula s'ell porté à cet excès de fureur contre Jupiter , quoi qu'il le reconût pour le Dieu qui lance la foudre , 6c qui gou- verne le monde , il y a autant de malice dans

Penfées diverps. 25 X

fôn fait , C£teris paribus , que dans celui d'un Chrétien , qui reconoifîant Jesus-Christ pour Dieu , porteroit néanmoins à un fem- DJable excès de brutalité contre lui.

Cela nous fait voir , que le pillage àts tem- ples des faux Dieux, 8c le renverlement de leurs ftatuè's , ne peut être une bonne aârion , que quand il procède d'un bon principe , c'efl-à-di- re qu'il tait par un zèle bien conduit pour la véritable Religion i &: par conlèquent , que toutes les a6lions des Paiens commiiès , ou contre les principes de leur faufle Religion , ou contre les lumières de leur confcience , font àQs crimes très-réels, quoi que les aftions qu'ils commettent fuivant leurs faux principes , ou fuivant leurs faufTes lumières , ne puiflènt ja- mais être bonnes. De quoi il ne faut pas s'é- tonner , car il faut bien plus de circonflances afin qu'une action fbit bonne , qu'afin qu'elle fbit mauvaife. (i) Adorer ce que l'on s'ima-

eine faufîèment être Dieu , eft un adle d'idolâ- ^'^

«^ . _ , . ] u >• num ex

trie. Fouler aux pieds ce que 1 on s imagine inregra

faufîèment être Dieu , efl: un a(5le d'impiété, caufa. Ce font deux adlions diamétralement opofees , rnHum ex cependant elles produifènt le même effet. Dieu 2"°''^^^ prend fur foi, ponr ainfi dire , l'affront qui eft fait aux faux Dieux, par àçs gens qui les croient être le vrai Dieu : mais il ne prend pas fur fbn compte l'honneur qui efl rendu aux faux Dieux, par à&s gens qui les croient être le vrai Dieu. D'oii il paroît , que les Athées ne peuvent pas offenfèr Dieu en tant de manières , ni avec tant de malice , que les Idolâtres , & qu'ainfi allu- mer àts Comètes extraordinairement , afin que les hommes fbient plutôt Idolâtres qu'Athées, n'eft autre chofc que vouloir faire les hommes plus mechans Se plus malheureux. Je vous aver- tis une fois pour toutes , Monfieur , que je parle de ces Athées qui ignorent l'exiflence de

Dieu,

i^î Venfêes diverps.

Dieu , non pas pour avoir étouffé malicieulc- ment la conoiiïàncc qu'ils en ont eue , afin de s'abandonner à toute Ibrte de crimes fans nul reniors , mais parce qu'ils n'ont jamais ouï dire qu'on doive reconoître un Dieu.

§. CXIX.

y. Preuve. VldolAtrie rend Us hommes fins difficiles a, convertir o^m l'Aîheipne.

LA cinquième raiibn eft , que rien n*îndilr^ pofe davantage les hommes à conver- tir à la vraie Religion , que l'Idolâtrie. Car quoi qu'il y ait des exemples qui font voir que les Idolâtres & les fuperllitieux s'étant une fois convertis , ont plus de zèle pour la bonne cau- , que ceux qui fe convertiflènt après avoir été tiedes dans leur fau ITe Religion j il eft pour- tant vrai généralement parlant, que le zèle d'un Idolâtre eft une dilpofition de cœur beaucoup plus pernicieufè que l'indifférence j parce que généralement pariant , un homme rempli de bigoterie , 8c entêté de fes faux principes, le rend avec plus de peine à la vérité, qu'un hom- me qui ne fait ce qu'il croit. Et fur ce pied- , il femble qu'il vaudroit mieux être Athée, que plongé dans les abominables idolâtries des Gentils , parce qu'il y a beaucoup d'aparence, que les Prédicateurs de l'Evangile expliquant nos myfteres , & les apuiant de beaucoup de miracles éclatans , ouvriroient plutôt les yeux à des perlbnnes qui n'auroient pas encore pris leur parti , je veux dire , qui ièroient fans Re- ligion , qu'à des gens infatuez de l'antiquité de leurs cérémonies , & enracinez, dans la foi dans le culte de leurs Idoles*

S, cxx.

Tmfées diverfis, 133

§. cxx.

Compar^ifo77s qui prouvent cela.

Le bon fens veut cela, 8c l'expérience le coa- firme. Parlez à un Cartelïen, ou à un Peripa- teticien , d une propoiition qui ne s'accorde pas avec les principes dont -il ell préoccupé, vous trouvez, qu'il ibnge bien moins à pénétrer ce que vous lui dites , qu'à imaginer des rai- fbns pour le combattie. Parlez-en à un hom- me qui ne foit d'aucune Se<ftc , vous le trouvez docile , 8c prêt à le rendre îàns chicaner. On éprouve à-peu-près h même choie quand on attaque un Hérétique bigot , ou un de ceux qui au dire du Cardinal Pailavicin , font plutôt non Catholiques, qu'Hcretiques , magis extra ii- tia , quÀ?n cum iirtute. On lait de plus, qu'en bonne Philolbphie, il elt bien plus malaiie d'in- troduire quelque habitude dans une ame qui a déjà contrarie l'habitude contraire , que dans une ame qui eil encore toute nue. Il eft plus difficile , par exemple , de rendre libéral un Bomme qui a été avare toute vie , qu'un jeu- ne enfant qui n'ell encore ni avare , ni libéral 5 tout de môme qu'il elt plus aile de plier d'un certain lèns un corps qui n a jamais été plié, qu'un autre qui a été plié d'un fens contraire. Il eft donc très-railbnnable de penièr , que les Apôtres eulTent converti plus de gens à Jesus- Christ , s'ils l'euflcnt prêche à des peuples i&ns Religion , qu'ils n'en ont converti , annon- çant l'Evangile à des nations engagées par un zèle aveugle , 8c entêté aux cultes fuperllitieux du Paganifme. Et il n'y a rien de plus vrai , que \c^ perlècutions horribles qu'on a fait Ibuf- n-ir aux premiers Chrétiens , partoient d'un principe de bigoterie idolâtre i car comme c'é-

toient

2 34 P en fées diverfei,

toicnt les meilleurs fujets du monde \ qui pré- choient continuellement l'obeillànce due aux Magiftrats , Se qui n'ont jamais fait paroître la moindre envie de repoulïèr la force par la for- ce, il n'y avoit aucune maxime d'Etat, qui dût porter les Empereurs à les faire maltraiter , ni les Gouverneurs de Province à exécuter les or- dres de leur Maître avec plus de rage qu'on ne leur en demandoit.

C'étoit donc uniquement à caulè que les Chrétiens en vouloient à tous les faux Dieux du Paganifme , qu'on leur fufcitoit des perfècu- tions: c'étoit le taux zèle de l'Idolâtrie qui ani- moit \t^ Empereurs contre la Croix du Fils de Dieu , ou plutôt qui portoit ceux qui avoient l'oreille du Prince à lui infpirer les fèntimens de haine contre les Chrétiens , que d'autres leur avoient infpirez à eux-mêmes. Si personne ne fût trouvé dans les pernicieufes préoccu- pations de l'erreur , on eût lailTé croître l'Egli- îè Chrétienne fans lui donner de l'empêche- ment. De forte qu'on peut dire , que il Dieu avoit formé miraculeufement ài^% Comètes ds tems en tems , il eût fait de tems en tems des miracles , pour préparer les hommes à rejet- ter la Croix de fon Fils , 8c pour les ahcurter par leur attachement à l'Idolâtrie , qui fe for- tifioit à la vue des Comètes , à combatte la vé- ritable Religion.

Je iài bien que la refiftance des Idolâtres a ièrvi à faire voir la grandeur 6c la puillance de Dieu , & la divinité de l'Evangile. Mais il iè- roit abfurde de dire fous ce prétexte , que Dieu s'efl préparé par des voies extraordinaires , ces moiens de faire éclater û vertu. Ni jufti- ce , ni û bonté ne fouffirent point qu'il facilite aux pécheurs les occafions de s'endurcir , quoi que ià^eflè lui fafTe trouver dans l'endurcif^ fcraent ou les pécheurs tombent par leur pro- pre

Penfées diverfis, 235

pre faute , 8c contre ion intention , pîufieurs nioiens admirables de manifefter gloire.

§. CXXI.

^u'il ejl difficile que ceux qui ont long-tems aimé une chofe , fe portent k aimer le con- traire.

D'ailleurs , quoi qu'on m'opofe qu'il n'y a qu'à tourner du bon côté le zèle d'un Idolâtre, pour en faire un véritable dcvot i qu'au lieu qu'on ne trouve aucune tendreiîè de confcien- ce dans un Paien qui le moque de Religion, on trouve dans un Paien fuperftitieux un bon fonds à cultiver j qu il en va comme de ces femmes qui ont le tempérament porté à l'a- mour , lefquelles n'ont pas plutôt compris, qu'elles ne font plus propres au monde , qu'el- les tournent toutes leurs penfées vers Dieu , & l'aiment encore plus tendrement qu'elles n'ont aimé les créatures j qu'un indevot qui palîè dans la vraie Religion , y apoct^ bien ibuvent toute ion inièniibilité , 6c choies ièmblables ; je ne laiflè pas d'avoir raiibn. Il peut faire , que tout ce que l'on m'opoiè arrive quelquefois, j'en tombe d'accord. Mais on m'avouera auffi, qu'il y a des exemples du contraire. On voit des gens qui épuilent û fort toute la capacité de leur cœur à aimer les vanitez du fiecle, que quand l'âge , ou quelque diigrace les en dégoû- tent , ils n'aiment plus rien , ôc fe Tentent en- core plus dcgoutez des choies du ciel , que des choies de la terre. On en voit qui ne s'épui- iènt jamais pour le monde , ôc qui l'aiment julqucs à leur extrême vieilleiïè , nonobfïant les rebuts & fcs froideurs. Il y en a qui dans le chagrin de ne voir plus à la mode, font quelque tentative pour le détacher du monde;

mais

2 3^ Penfées diverfis.

mais le peu d'habitude qu'ils ont toujours eoi avec \ç.s chofes du ciel , les leur fait paroître fi inlipides , qu'ils les quittent tout auiri-tôt, pour ratraper leur premier maître qui les fuit. Ceiix-ci ne font pas en petit nombre \ car au dire du P. ( i ) Rapin , La> plupart des perfof>- nés cjui ont vieilli cL^ms les z/anrtez. dn monde , ^ qui penfent a leur falut , •voient les devotiom comme une rejfource j mais elles -ny 'voient rien que de pénible , parce qu'elles la regardent d'une vue trop humaine : le ' degoât du monde qui ejt degoiité d'elles , les fait penfer à Dieu , fans leur faire fentir les douceurs qu'il y a a. le fervir: el- les 'li' envi f agent , que les plaijirs qu'elles quittent^ piorbo eft j'^y^^ ^^y^ ^^^^ qu'on leur promet ; ^ pojfedées Tunc^adeô ^^'^^^^ f^^^ ^^^ prefent, elles ne voient dans i'aver- nir que tout ce qui efi propre k les rebuter. Tout ceci eft le train gênerai. On en voit qui abju^ rent tout à la fois 6c leurs herefies, 8c leur in- dévotion , qui pafîènt de l'impiété à la vérita- ble crainte de Dieu, 6c quelquefois mêmes juP- qu'à des pratiques fuperftitieuiès , à l'exemple de ce Roi de Rorrie , dont Tite Live parle ainfii (x) Il fut lui-même long-tems malade. 'Et alors la fierté de fon efprit fut tellement abatue avec les forces de fon corps , qu'au lieu quaupa- crisdcdere ravant il ne trouvoit rien de plus indigne d'un animum, ^IW , que de s'attacher aux chofes facrées , il de-^ vint tout-d'un-coup bigot, ^ s'engagea dans tou- te forte fuperflitions , grandes ^ petites, ^ en remplit toute la ville. Ce font donc tout au plus àcs exceptions combatuëi par des excep^ tions. Si bien que le parti le plus raifonnable , eft de prendre pour h régie générale , ce qui en d'autres fujets eft la règle £ns difficulté , fà-

voir.

r) Foi

des der- niers fic- elés, p?g. 141.

(z) Ipfe quoque (TnUus Hofîtiiui) longinquo

fraai , fi- mul cum cor pore, func fpiri- tus illi féroces , ut qui ni- hil antè ratus effet minus régi u m » quam fa-

repente

omnibus

magnis

parvifque

fuperfti-

lionibus

obnoxius

degeret ,

religioni-

buf^ue

etiam

populum

împleret

TitHS Livitti Dtc. i, lib» VoicL auffi Plucarque inNu-

xna Pompiiio.

Penfées dlverjês, i\j

voir , cit4un homme entêté dune faujfe religto:c , rejîfie fais /aux lumières de la véritable , qu'un homme qui n'a aucun entêtement. On m'avoue- ra , que fi Julien l'Apoftat eût été Athée, de l'humeur dont 'A étoit d ailleurs , il n'eût fait aucune chicane aux Chrétiens ■■> au lieu qu'il leur faifoit àt^ avanies continuelles , infatué qu'il étoit des fuperflitions du Paganifme , 6c telle- ment intatué, qu'un ( i ) Hiflorien de fa Reli- gion n'a pu s'empêcher d'en faire une elpece (i)Juna- de raillerie , difant , que s'il fût retourné liûo- "V'. ^"P"" rjeux de fin expédition contre Les Fer/es , u eut ^agis^ dépeuplé la terre de bœufs , a force de facrifces. quàm

facrorum §. ex XII. Jesjtimus

yi. Preuve. Ni l'efprit , ni le cœur ne font pas numcras en meilleur état Uans les Idolâtres , c^ue dans fine par- ier Athées. f^iT-onia

pecudes

LA lîxiéme railbn eft , que foit qu'on confi- ^,J ^^m. * dere les Paiens 8c les Athées par la difpo- marctur fition de leur entendement , foit par la difpo- C revcr- fition de leur cœur , on trouve autant de delbr- p , ; dre pour le moins dans les premiers , que dans ^^^J^^ ■' les derniers. defuturos,

Marci il- §. ex XIII. ]iusfimi!is

-,/.,.,. . - . in quem id

Conjîderatton du jugement que les Tatem fat- accopi- foient de Dieu. mus.

Si Ton regarde les Athées dans le jugement ^"'^ ^^C^Z ou ils forment de la Divinité , dont ils ment a-ufi h <rù 1 exiflence , on y voit un excès horrible d'aveu- v/xHcr«ç glement , une ignorance prodigieuiè de la na- ''/;'''« ^'^f^- ture des chofès , un efprit qui renverlè toutes ^<"-^** les loix du bon fens, & qui fe fait une manie- ,vwS, re de raisonner taullè §c déréglée plus qu'on ne tib. ij.

lau-

25 s Penfées diverfes.

làuroit le dire. Mais voit-on, je vous prie,' quelque cholè de plus fuportable dans le juge- ment que les Paiens ont formé de Dieu ? Les Paiens, dis-je , qui ont penfë qu'il y avoit un très-grand nombre de Divinitez , dont chacu- ne avoit {^Qs, intérêts à'part, fès vues & fes paP fions particulières j de forte que les honneurs qu'on rendoit à Jupiter , par exemple , ne fer- voient de rien pour apailer la colère de Junon, 8c qu'on pou voit être tavorifé d'un Dieu , pen- dant qu'on avoit l'autre pour ennemi. Les Paiens qui ont attribué difterens fexes aux Dieux , & des relations de père , de fils , de mari , de femme , toutes femblables à celles qui rencontrent parmi \ç.s hommes. Les Paiens , en un mot , qui ont jugé qu'un co- cher , qui pendant la marche d'une proceiTion, prend une bride de la main gauche , par un pur haiàrd &: fans aucune malice, ne lailTe pas de gâter toute la bonne intention d'un peuple. Se d'empêcher que l'indignation divine , qui al- loit être apaifée làns cela , ne foit diminuée de quelque peu. Tous ces jugemens que les Paiens ont formez de la Divinité , avec plufieurs au- tres qu'il ièroit ennuieux de particularifer , fu- pofent manifefiement que la nature divine efl: bornée , & fujette à mille fenfualitez , 8c à des caprices qu'on ne pardonneroit pas à un hon- nête homme i 6c dépouillent par confequent- cet Etre infini de toute-puiiîânce , de Ion éternité , de fa fpiritualité , de fa jufiice , 6c de iès autres perfeftions , iàns lefquelles néan- moins il y a autant de contradi6lion qu'il exifte, qu'il y a de contradiftion à nier fbn exiftence. Bien davantage. Il n'y a point d'homme de bon ièns , qui après avoir reconu qu'il eft im- pofllble que l'exiftence ibit ièparée de la natu- re Divine , ne rcconoiiîè qu'il efl encore plus impoflible que la iàinteté , la juilice , Se le pou- voir

Venfées diverfes, 259

voir infini fbient feparez de l'exiftence de la nature Divine t li bien qu'il leroit plus contre la Raiicn, que Dieu exiftât , &: fût fujet à des _ fautes & à des foibklles , qu'il ne le feroit , que Dieu n'exiftât point du tout. C'efl prouver, ce me iemble, que les erreurs font tombez les Paiens touchant la nature Divine , font pour le moins une auiTi grande note d'infamie à h Raiibn humaine , que le fauroit être l'A- theïline.

§. CXXIV.

"B-eflexion fur le ridicule de la Religion V (tienne,

AufTi voit-on que les Paiens n'ont jamais eu de fyflême de Religion , ou de Théologie , qui eût quelque ordre , ou quelque raport dans iès parties. Tout y montre l'aveuglement , la fu- reur 8c la contradiâion : & je Ibutiens , que s'il y avoit des efprits qui ne conuiîènt l'hom- me que par définition , d'ani-mal raifonnable y 8c nullement par l'hiftoire de £ts faits , il fèroit impolTible de leur perfuader que les livres d'Ar- nobe , de Clément d' Alexandrie , de Tertul- licn , de St. Auguftin , de Firmicus Maternus , 8cc. contre le Paganifme, ont été écrits contre une Religion adtuellement établie dans le mon- de. Us diroient que cela ne le peut pas , que ce font des fixions 8c des Romans , des livres faits à plaifir par des perfonnes oifèufes , qui s'étoient formé des grotefques 8c des monflres dans leur efprit , pour s'amufèr eniùite à les renverfer. Car quelle aparence , que des créa- tures douées de raifon n'établiiîènt pas leurs cultes fur des dogmes 8c des jugemens bien fui- vis 8c bien liei enfemble , au lieu de cts abfurdi- tez qui le detruilènt elles-mêmes à vue d'oeil dans le fyftême du Paganifnie?

Ce-

240 Penfées diverfes.

Cependant il n'efl: que trop vrai à la ftonte de l'homme , Se à la damnation éternelle de la plus grande partie des hommes , que les livres de ces anciens Pères ne réfutent que des er- reurs très-réelles , & qui ont même trouvé à^s (0 ^^° (ï) detenfeurs parmi les Savans. A la vérité inTi^a ^^ ^^ ^^"^ ^'^ pitoiables detenfeurs } car ce (2) rcfellere, 9°^ j'ai dit de l'Aftrologie Judiciaire , que c'ell ciam eos une moifîbn de triomphes pour tous ceux qui Bon pu- entreprennent de la réfuter , eft incomparable»

wï^rL- i^'icnt plus véritable de l'Idolâtrie àç.s Gentils. iita lenti- , . * , ' ri 1 1

re.-Cum Jamais on n a écrit contre les abominables ex-

verè aufi travagances , qu'on ne les ait écrafées ibus le

ilntetiam poids de plufieurs raifbns invincibles, & jamais

defendere, ^.^ ^>^ p^ ^^ £^jj.g ^j^g bonne apologie : mais non jam ,0^ ^^r^j>r- •>

eorum *-^ " ^^ P^^ ^^"^ '^^"'^^ ^ eiprit en ceux qui s en

fed ipfus ^nt mêlez , que faute de railbn en la cauic

generis même. C'étoit une caufè fi deftituée de preu-

humani ygs , qu'il ne faloit pas beaucoup d'habileté pour

cufus aures ^" ^^^^^ ^*^^^ ^ ^^^^ ' ^ ^"^'^^ "'^ ^^^'^^ aucune

h^ec ferre éloquence qui pût en foutenir la foiblelîè. Si

potuerunr. bien qu'il y a lieu de s'étonner , qu'un ( 3 )

D.Attgttjî, Poète de réputation fafîe paroître autant de ti-

Epiji.ft, niidité qu'il en témoigne , s'agiiîànt de conv

- . battre contre un Paien éloquent , & qu'il apellc

defius pi.e. ^^'" ' commettre fa barque mal gouveri.^ée aux

»9. . fl^f^ impétueux d'une mer qui la peut facilement

engloutir. Il ne faut avoir pour toutes armes

(3) Pru qu'un foiiet à la main, (ce font les propres pa-

dent prxf j-oles de l'habile homme , dont je vous rapor-

La,. contra j.^ j^j j^ diicours ) afin de battre en ruine tous

hs, Apologiftes de la Religion Païenne armez de

pied en cap ; 6c il n'y a point de doute , que il

le redoutable Carneade eût eu cette caufè à

foutenir , il n'eût vu échouer cette éloquence,

1 .' ^ S^^ Ciceron attribue , de n'avoir (4.) Jamais

quim rem ^^^^ foutenu, fans l'a'voir prouvé , ni rien atta-

defendif- que , fans l'avoir détruit de fonfd en comble , &

Ce, quam qui et tant d'imprcllion iur ks Sénateurs de

Ro=

^u'il ne faut pas juger de la Religion Vaien-ae par ce qit e/i ont dit les Poètes.

Penfées dherfes, 241

Rome , 011 ia viiie d'Athènes avoit envoie une non pro- Ambaflàde compolee de Carneade & de quel- barir, ques autres , ou ils ( i ) plaipnirent de ce ^^^^^^ que les Athéniens leur avoient envoie des Am- fg^q.j^^ bafîàdeurs, non pas pour leur perfuader , mais non ever- pour les forcer de faire tout ce qu ils voudroicnt, ^^f-t- Si bien que Caton le Cenfcur opina qu'on rcn- ^"'^"''' ^^ voiat mceliamment ces Amballadeurs , parce /_ ^^ que les raifons de Carneade cauibient un cer- tain ébloui fièment, qui empêchoit de difcerncr (1) ^- la vérité d'avec le menibnge (z). lian. var.

Hifî. I. 3-.' §. CXXV. "P'^7.

fi) Quoi Carneade ar iimen- tantCiqiild Au refte , je ne prétends pas faire le procès ^'^rl eflèc aux Paiens fur la dodlrine de leurs Poëtes.^ Il j ^^•-^^"T y auroit de l'iniquité à les rendre reiponfabks p^ flic^'* ** de toutes les infultes que Ion a faites aux Dieux Pi:„:tts dans les ouvrages de pociîe. On les y a rendus iib,-j,c. 30, ridicules de toutes manières , tantôt en les de- guiiant fous toute forte de figures , afin qu'ils puflcnt alTbuvir les mouvemcns déréglez, de leur incontinence , de leur haine , ou de leur jaloulie : tantôt en les faiiànt tous allembler , pour être les témoins d un iiagrant dciiti , dans lequel l'un d'entre eux avoit lui pi is la Déeilè femme , ôc fui lequel il y en eût oui Grent àts reflexions de la de'.n'cre friponnerie : tantôt en les faiiànt bG^iiv.nncr iùr la dcm.arthe boi- teufe du même Dieu , dont le deshonneur leur fut fi viiible , ou fur le malheur qui ai riva à la Jeune Declîè qui leur verlbit à boire , de laill'.r tomber avec je ne fai quel'.es circonllan- czsy dont il n'y avoit que des yeux impudiques qui fe pufienr divertir , & dent jupitev parut fi hahe , qu'il lui ôta fa charge fur le ch^mp;non ToKf}, L L pAS

242. Penfces diverjès.

pas par cette raifon , car il aimoit à rire Se à divertir en ce genre de choies , aufTi-bien qu'un autre , mais parce qu'il vouloit avoir un pré- texte d'avancer le beau Ganymede qu*il avoit enlevé , pour làtisfaire l'amour infâme qu'il lui portoit : tantôt en les faifant blefler par des hommes , 6c tantôt en les faifànt manquer de mémoire , 5c flier d'enhan à comprendre une difficulté i ce qui a donné occalîon à Lucien, de feindre que Jupiter demeura tout court dans une aflcmblée des Dieux , 8c ne put jamais rclTouvenir du commencement de la harangue qu'il avoit préparée , au lieu dequoi il leur dé- bita par une aplication aflez violente , quelques périodes d'une oraifon de Demofthene contre Philippe, qu'il fàvoit par coeur. Je confens qu'on ne juge de rien fur ces autoritex-là , puis qu'il eft certain que les Poètes fe font mis en pofîèlTion de faliifier tout , Se que Ci l'on exa- minoit à la rigueur les vers de nos Poètes Chré- tiens fur d'autres matières , que fur des fujets pieux , à peine leur re(leroit-il un Sonnet, une Ode , ou une Chanfon , qui ne fu fient pas in- fectez d'hereiie , d'impiete, ou de flatcries pro- fanes. De forte que nous avons intérêt pour la gloire des maximes de la morale Chrétien- ne , qu'on ne condamne pas une Religion fur ce que les Poètes ont dit. Et plût à Dieu , que nous n'euflions à nous plaindre que àcs vers profanes de nos Poètes. Car le grand mal efl que leurs vers de dévotion font fouvent plus de tort à l'Evangile que les autres , tant ils font pleins d'extravagances , 8c de ballèfiès , 6c de fixions ridicules , qui au lieu d'honorer la Sain- te Vierge 8c les Saints du Paradis , comme on le prêtent , expofent la Religion aux infultes 6c aux railieriçs de ceux de dehors.

§, CXXVI.

^enfées diverjès» 245

§. CXXVL

Defordres caufea par les Foetes Chrctiem.

Le Pape Urbain VIII. qui compofa une fort belle Elégie que Ton voit à la tête de Tes Poe- , . ^^^ mes , pour exhorter les Poètes fès confrères à [^^g^. ^^^ faire àts vers faints & pieux , eil aiîùrément ftrema fort louable. Mais il eût encore mieux fait , fi corrupti au lieu de leur donner cet av s en Poète , il ^^"" ^. leur eût défendu en qualité de fbuverain Pon- receofe-'* tife, d'en compofer d'auties. Et comme il ne banr^r pouvoit pas pratiquer à l'égard de tous , ce Poëts qu'il pratiqua contre celui qui lui avoit prelente ^'*'^' ' un Ouvrage peu digne d un bon Chrétien, dont ?roy^^.^ il ccnfura l'impud-nce avec tant de force , que regruni ce mifèrable en mourut de confuijon } il devoit Hcnrid interpoler les foudres redoutables du \"arican, -ihiinda- pour arrêter les defordres qui naiflènt de k j^n^'p'^"'■ Poèlîe. Le célèbre Monir. de Thou remarque faoa'--iifi^ fort judicieufêmcnt , qu aprèg la mort de Hen- per fœdas ri IL ceux qui preroient la liberté de dire iès adulacio-^ vcritez , ou plutôt qui faifoient la revue gcne- ^-f L^J"^^*' raie de tous les defordres de fbn règne , ne ^^,\^g^ ^" comptoient pas pour un des moins pernicieux , b!ancîa- le grand nombre de Poètes dont ia Cour avoit b ntur, été pleine ; leurs balles fla:tteries pour k Du- i^|;^']ti^w chefîc de Valentinois , MaitrelTè 5 leurs ba- 1''"..^'?"^- gateilcs , qui giua-ent le goût des jeunes gens, pj^rif ue ^ les détournèrent des bonnes études 5 5c leurs à veris clianfons tendres 6<: pafl'ionnées , qui ruinèrent ^'Jàiij \zx dans lame des jeunes filles toutes les imprel- ^J^")^/^!' fions de la pudeur. Liiez vous^-mémes le paf- mb'e'x'^' fagc de (i) iMonfr. de Thou , fi vous m'en vir-inum créiez ; car je fens bien que mon François af- an mis

L 2 foi- ^''^''•'^ &

veitcan-

Jjfcvarum camionum ïïlecebraselixninaû. Thi(a»,HtJ}* Ub, ii. ad

244 Penfées diverps.

fciblit la beauté majeflueufc de iès exprefTions',

Mr. de Mezerai s'accorde parfaitement en cela

(i) Abre- avec l'autre (i) Hifrorien , car il dit , 6)H'on

j^^ Chro- gi^f pf^ IqjIqy. Henri IL de l'amour des belles let-

ann. If -o. ^^" ' fi ^^ dijjolution de fa Cour dut on fée par fan

exemple , rietit tourné les plus beaux efprits a

compofer des Romans pleins de vifons extra'vagan-

tes , ô" des poefes lafcives pour flater l impureté

qui tenait en main les recompenfes , ^ pour four'

nir des amufemens a un fexe qui veut régner en

badinant,

§. CXXVII.

^uel était le culte public parmi les Faiens , O* quel leur refpeôi pour la tradition.

Suivons donc le confeil de cette Reine , ( î ) dont Virgile a fi indignement iàcrifié l'hon- neur , finon contre la vraiièmblance , du moins {^) Vos contre la vérité j quittons les Poètes , pour en- niTis _ ^ tendre les Hiilorîens. Examinons la Religion Hiftoncis, paienne dans fon culte 6c dans iks cérémonies, cred^te^^' ^^'^^ Y trouverons tout ce que j'en ai dit , 8c de me, tout ce que j'en ai donné à penfer. C'eft Qtjàm qui il faut chercher les erreurs groffieres des fiirra Idolâtres , fins avoir égard à l'opinion de quel-

concTbi- *1^^^ Philoiophes , qui outre qu'ils ont été en tufcue trop petit nombre , pour faire une exception canunt, confiderable , n'ont jamais ofé reftifier l'opinion Falficici dominante , de peur d'être traitez comme So- vace^, te- qy2.x.q. Et pour ce qui eft des gens d'eiprit Se cu^^crrm;- ^^ '^^^^ ^^^^^ » S^^ ^'^^^ ^^^^ PhiTofophes , pou- re vcnim, voient avoir quelquefois des idées moins grof- Humarif- iieres de la Divinité , il ne faut les compter que Deos pQm- j-^^j^ ç-^^ comme Ciceron nous le repre- ^jçjj^'p"j^ lente fort naïvement en la pcrfonne d'un de aind An- ies amis , ces gens-là ccoutoient avec joie les /Ôa/»»w. raifonnemens des Phiiofophes fur la nature des

Dieux i

Tenfées diverjes, 245

Dieux '■> mais au partir de , ils faiibient tout comme les autres , Se fuivoient pour les cultes êc pour les cérémonies de la Religion , non pas les idées d'un Zenon , d'un Cleanthc , &: d un Chrylippe , mais la tradition toute pure , com- me ils laprenoient des Augures & 6q.s Prêtres, fans difputer avec eux. (i) ^uand il s'agit de /•jj q>^^ la Religion , (c'eft ainli que Ciceron fait parler de reli- Tun de ièr amis) j> ne m'ayrets pas a la doclri- g'"ne îçi- ne de Zenon , ou de Cleanthe , ou de Chrv.^iptei \^'^ ' '^' mars a ce qu en atje'tit Les Grands j^onttjes Corun- ^^^^ p . canus , Scipion , (y> Sc<gvola. J-' écoute aujji-bicn Scipio- ■^lutot Ldius l Augure dans le beau Difcours qu'il nem , P. a fait fur la Religion , qu'aucun des Chefs de la ^''^-^voiam Secie des Stoïciens . fe nai jamais crii au il fa- ^''■f' ^^" lut a%oir du mépris pour aucune des parties de la ^q^ ^e- Religion du Feuple Romain , ^ je me fuis 7ms nonem , dans l'efprit, que nôtre Republicpe ^ nôtre Reli- auc Cleaiv- gion atant été fondées en même tem: , il faut que th^m,auc nôtre Religion foit aprouz/ée des Dieux } c:^r fans pu^ife- cela nôtre République ne fut pas devenue fi puif- quorjha- fanùe. Voila quels font mes fentimens. Dites- beoque C. moi, vous qui êtes Philofophe,ce que vous croiez, Lslium (ar c'ejl d'un Thilofophe que je ne fais pas dijf- ^"gy^™» culte d'entendre la raifon de 'ma foi : mais pour o^ç f^- fe qui efl de nos ancêtres , je m'en fie à. eux pientem , aveuglément , (fp f^^^ qu'ils me donnent aucune quem po- raifon de ma créance. ^'."^ ^""

Que vous lemble de cette penfee , Monfieur ? rén'gione Vous n'oleriez la traiter d'abfurde, comme fait dicer.tem (2) Laftance j car elle vous fera voir que lef- iniliaora- prit de la Religion Catholique , étoit déjà dans ^^^^ "o- la ville de Rome avant la naifTance de Jésus- ^||J''1"3» Christ , puis que voilà des Romains qui de- quam'

L 3 cla- principem

Stojco-

rum A te Phlloforbo rationera

accipere debco rffligionis : ma/'oribus autem noflris, cciam nuHâ ra- tionc reddita, credwe. Ciitr.'. 3. denat, Detrtim. (2) Divinar. in- ûjtut. 1, i.cap.6.

Tenfées Svcy^s. qu a la vérité \\s ne refuferont pas fes

clarcnt

éclaircilîcmens des Philolbphcs

moins ils

mais que ncan- s'en tiendront aveuglement à la tra- dition £c à la coutume. Je iuis bien aife que nous puilfions nous prévaloir de cette anti- quité contre les Calviniftes , qui ne s'en veu- lent raporter qu'à leur propre ièns > au lieu que les Catholiques , ;e dis même les Catholiques qui ne le lignaient pas par leur dévotion , & qui croient reconoîtrc quelquefois qu' 1 y a de l'a- bus par tout , & que les Hérétiques n'ont pas- tout le tort , en reviennent néanmoins à ce re- fultat ici , ou en tout , ou en partie ,

{i) Le meilleur ejî toujours de fui'vrt Le Trône de mtre Curé. Toutes ces docirines nouvelleSi Ne pUifent quaux folles cervelles; Four moi , comme une humble brebis l ye VMS ou mon Pajîeur me range:. Il n'eft permis d'aimer le change <, ^ue des femmes 0* des habits.

C'efl imiter figement ceux , qui après avoip frondé la Médecine & les Médecins, s'abandon- nent néanmoins , dès qu'ils font malades , à tout ce que leur Médecin leur ordonne. Nous ne fomrnes pas venus au monde (difoit Mr. de- Balzac) pour faire des loix , mais pour obeïr a, celles que nous avons trouvées , ^ nous cmîtenter de la fa^ejfe de ws pères ^ comme de leur terre ^ de leur fokil. On pourroit l'accufer d'avoir dé- robé cette penfée au Paien Ceciiius , qui dit fort éloquemment (2) dans le Dialogue de Minucius Félix : ^ue tout étant incertain dans

Fenfées diverfiu i^j

l* nature , il n'y a rien de mieux que Je s'en te- nir a U foi de fes ancêtres , comme à la depo- fitaire de la vérité i que de profejfer les Religions que la Tradition mus a enseignées j que d'adorer les Dieux que nos pères 0> nos mères nous ont ac- coutwmez. de craindre , avant que de nous en don- ner une conoiffance exa5ie; ô" 1^^^ de ne point dé- cider de la nature des Dieux j mais de nous con- former aux premiers hommes y qui ont eu l'hon- neur a la ïiaiffance du monde , de les avoir eu potcr bienfaiteurs , ou pour Rois. Ce principe a tant de proportion avec les idées populaires, que l'on y vient tôt ou tard. Les Catholiques qui ne Tont pas voulu admettre , quand les Païens s'en font lèrvis contre la Religion Chré- tienne , n'ont pas laifîe de s'en lervir contre les Novateurs 5 Se c'eit aujourd'hui l'un de nos pius forts argumens contre les Prétendus Refer- mez. Ils s'en moquent , mais ils y viendront un jour , 6c s'en lerviront contre tous leurs Schifmatiques. Peut-être même qu'ils l'ont dé- jà fait.

§. CXXVIII.

^uil faut juger d'une Religion par les cultes- qu'elle pratique. Réflexion fur le livre de Mr. t'Evéque de Condom.

Pd!ir ce que j'ai dit , qu'il faut juger de k Rcli^on Paienne , non par les impertinences des Poètes , ni aulfi par les beaux dilcours àts Philofophes , mais par les cultes qu'elle prati- quoit fuivant un ufàge Ibutenu de l'autorité pu- blique i pour cela , dis-je , je ne croi pas que perfonne le doive trouver mauvais , car il eft iûr que c'eil uniquement ce qui juflitie , ou ce qui condamne une Religion : 8c c'efl: aulfi par k que les anciens Pères ont batu en ruine le L 4 Pa-

2/^S Tenfées diverfes.

Paganifmc. Mr. de Condom lui- même i qui ne Icnible pas aprouver cette méthode , & qui prétend que l'on ne uoit imputer à la Religion Catholique , que les pures decilions des Conci- ^0 Dif-. les , n'a pas lailTe ( i ) d'imputer à la Religion fur l'Hlf- Païenne \^s abus qui ^'^j commettoient publi- v'erf ^'"' S'J^'^^"^' ^^ ^^ dcciJe fur ce que lès myfteres, 2. part. ^5 ^^'^^^ > ^^s fàcrifices , les hymnes qu elle ch. j. chantoit à lès Dieux , les peintures qu'elle con- làcroit dans les temples ■■> tout cela avoit rela- tion aux amours , aux cruautez , <k aux jalou- lics des Dieux. Il la décrie fur les proititu- ,tions qu'elle avoit inflituecs pour adorer la Décile Venus i fur ce que dans les afiàires pref- fànics les particuliers 6c les Republiques voiioicnt dits Courti£ne5 à Venus , 8c attribuoicnt le là- lut de la patrie aux prières qu elles faifoicnt à leur Décide , comme il paroît par le tableau que les Grecs mirent dans leurs temples après la défaite de Xerxès & de lès formidables ar- mées. Le tableau reprefèntoit les vœux 5c les procelTions de ces femmes proftituées , ôc contenoit cette infcription , faire par Simoni- des Poète fameux : Celles-ci ont prié la Déeffe Venus , qui pour l'amour d'elles a fauve la Crè- te. Le même Mr. de Condom décrie le Pa- ganifme fur ce qu'il conlâcroit à ies Dieux les impuretez du Théâtre , ôc les fanglans fpeâ-a- cîes des gladiateurs j c'eft- à-dire, tout ce qu'on pouvoit imaginer de plus corrompu 8c cfe plus barbare j ôc il le moque des explications, 8c des adouciilèmens que les Philofbphes aporterent.^ tout cela , quand ils eurent à foutenir !es ob- jeftions des Chrétiens. 11 ne fait point grâce à la Religion des Juirs , quoi qu'il avoue que les erreurs qui le couloient inicnfiblement parmi le peup'e , Jieujfent point pajje par Décret public en dogme de la Synagogue , U araiibn: mais cela même fait voir, que la

Penfées diverfis. 249

îTiethode qu'il a fuivie pour rendre belle 5c agréable la Religion Catholique aux Proteftans , elt tout-à-tait inlbutenable. Car que nous im- porte , diront- ils , que l'on ne trouve pas dans les deciiions des Conciles tous les abus & tou- tes les fuperftitions qui nous choquent dans l'E- glife Romaine. Pourveu que nous volions qu'elles font autorilecs publiquement cc foien- ncllement , Se qu'elles compolènt fon culte, rrous en avons allez pour nous tenir éloignez de fa Communion. Les Païens n'eulTent - ils pas pu fe défendre par la même voie ? Ne pou- voient-ils pas dire , que ce qu'on leur repro- choit étoit ûts abus le peuple éroit tom- bé infcniiblement par la connivence des Magif- trats , 8v par l'ignorance , ou par l'avarice des Prêtres: mais qu'on ne prouvcroit jamais , que tous les Collèges des Pontites & des gens d'E- giifè duëment alîèmblez , eulîènt décidé telle choie ? Il n'y a point de doute que les Paiens n'euflènt allégué ces exculès , s'ils eulîènt eu un elprit aulîi fin que Mr. TEvêque de Con- dom. Mais que leur eût-on repondu ? Que c'ell moquer que de fe détendre de la forte i qu'un homme que l'on prétendroit engager à s'établir dans une ville , ou le vol , le m.eurtrc, ëc toutes les voies de fait feroient tolérées pu- bliquement , en lui failànt voir qu'on ne trou- ve pas dans les aftes de la maifon de ville au- cun ftatut qui ordonne de tuer , ou de voler , auroit grand' vailbn de le nioquer de cela. Que m'importe , diroit-il , qu'il y ait une loi du Magiltrat qui ordonne le meurtre & le brigan- dage , ou qu'il n'y en ait point. Il me luîîit que l'on vole & que l'on tue" impunément dans une ville , pour ne vouloir point y fejourner. Demeurons d'accord que les Hérétiques peu- vent faire la même reponfc à Mr. FEvêque de Condom j Se qu'ainli le feul <X le véritable L 5" moicD

250 fenfees diverfis,

moicn de dilculper nôtre Religion , c'efl de. montver qu'elle ne tolère 1 icn qui ne foit bon ;, & que non feulement les decilions des Conci- les iont orthodoxes , mais auûi que les cultes , ]es uiàges , 8c les dogmes autoriiez, publique- ment ibnt juftes &c faints.

C'eft ainii que parla nôtre Dofteur , ajou- tant , qu'encore qu'il fût bon Catholique , il ne vouioit pas impoler à la Religion Paienne une loi, qu'il ne voulût aufli prefcrire à TEglife Ro- maine , qui efl de juger de leur nature par les cultes 8c par les. dogmes autorifèz, publique- ment : 8c fur ce pied-ià , il trouvoit qu à con- lîderer les Athées par raport à l'entendement, ils ne font pas dans des erreurs plus énormes que les Gentils. C'efl: de quoi je dirai encore quel(^e chofe en un autre endroit.

§. CXXIX.

i/ï dffpofitioji du cœur des Athées comparée avee celle des Idolâtres.

Si l'on regarde les Athées dans la dilpofîtion de leur cœur , on trouve que n'étant ni retenus par la crainte d'aucun châtiment divin, ni ani- mez, par l'efperance d'aucune benediftion ce- îelle , ils doivent s'abandonner à tout ce qui flatte leurs pallions. C'eft tout ce que nous en pouvons dire , n'aiant point les Annales d'au- cune nation Athée. Si nous en avions, on iàu- roit jufqu'à quel f&cès de ciimes portent ks peuples qui ne rcconoifîènt aucune Divini- té-,, s'ils vont beaucoup plus loin , que ceux qui en-, ont reconnu un nombre innombrable. Je croi qu'en attendant une Relation bien fidelie des; mœurs > des loix , 8c des coutumes de ces peuple? que; Ton dit qui ne profeilènt aucune Rfiiigioû:, oa peut aflliier que k& Idolâtres ont

Tmfiei diverjès. i^ji

fait en matière de crimes , tout ce qu'auroient lu faire les Athées. On n'a qu'à lire le dénom- brement qui a été fait par (i) Saint Paul , de (i) Epîft;. tous les defordres les Paiens font jettez, ad Rom^ 6c on comprendra que les Athées les plus opi- ^^?* '• niâtres n'eullênt pu enchérir par deflus. Et ii on lit les Hiftoires profanes , & les autres mo- numens qui nous relient de l'antiquité , on verra év^idemmenf que tout ce que la plus bru- tale & la plus dénaturée paillardile , la plus ef- frénée ambition , la haine 6c l'envie la plus noire, l'avarice la plus infatiable , la cruauté la plus féroce, la perfidie la plus étrange peuvent làire exécuter a un Athée profés , a été effe6li- vement exécuté par les anciens Paiens, adora- teurs de preique autant de Divinitez , qu'il y avoit de créatures.

§. cxxx.

^ue ceux qui ont été tres-mechans farmi ki Faiens , n'ont pas été Athées.

Et qu'on ne me difè pas , que ceux qui ont exécuté CQs crimes parmi les Paiens , étoient Athées dans l'ame : car il faut railbnner d'eux comme des Chrétiens qui portent à ces mê- mes crimes. Il ièroit abiùrde de prétendre c^u'ils ne reconnoiiîênt aucun Dieu. Cela peut être vrai de quelques-uns , mais il eft très-taux du plus grand nombre , comme je vous le prouverai invinciblement avant que d'abandon- ner cette queftion. Ainfi , quand il fcroit vrai qu'un Tarquin , qu'un Catilina , qu'un Caligu- la, qu'un Néron, qu'un Hèliogabale , n'auroienc reconu aucune Divinité , il fcroit abfurdc d'af- fùrer la même choie de tous les Romains qui ont été meurtriers, empoifonneurs , parjures, calomniateurs , impudiques , &c. Il ne feroit ça&

2 5^ Pcnfées diverjès,

pas même raiibnnable de l'airûrcr du cruel Né- ron , puis que ; fclon le témoignage de Sueto- (T)Pere- ne, (i) il nolà point alTifter aux myflcTes de frinntione Ceiès , fâchant que 1 on avoit de coutume de g" -cî ^^"'^ ^''^^^'" ^'^'^ "" Héraut , qu'aucun impie , ni E c'ifir-iis Iceieiat n'eût la hardicllè de s'en aprccher. C'cll: UcMs, une preuve évidente qu'il rcccnnoiflbit une juf- quorum ti^e mvilible , 8c qu'il étoit pcrfuadé qu'on le ininatiore commcttoit avec elle, lors que 1 on meprilbit fceïera i Certaines cerem-cnics de Religion. Le même voce prz- Suétone (i) nous dit que Néron étoit perfe- conjs ftib- cuté par les remors de confcicnce , éc que movenrur, j^g fongcs 6c les prelages de mauvais augure ^''''^'^'„^,,,, l'epouvantoient quelquetois ■-, oue les bons au- eft, Sue- gures lui donnoient de (3) la ]o:e oc qu il en tpn. in remerciait le Ciel j qu'aiant (4) été inconftant Nnoa. à l'égard des autres iùperintions , il pcrfevera '^P' î4' jufcues à la fin dans le culte d'une petite im.a- ^ . ge d'enfant , à laquelle ii facrinoit trois fois

46. par- jour. Se que peu avant fa ir^ort il «'attacha

à conlu'.ter les entrailles des \aaimes. Il n'e-

(3) Cap. ^^'^ donc point Athée. Pour ce qui ell de Tar- 41. quin , de Catiiina , de Cahiguia , & d'He'.ioga-

bale, il (èroit aifé de prouver qu'ils ne l'étoient

(4) Cap. point non plus j ptis que le premier (5-) cn- 56* voia fes propres enfans confaker l'Oracle de

Delphes , ilir un prodige qu'il avoit vu dans fa •vms ]\ ^"""'^^^^ ' ^ ^'-^^ ^^^ donnoit beaucoup de cha- Dec' i. * gr''^- Q^^ ^^ iècond cûafàcra (6) une petite chapelle dans fcn logis à une aigle d'argent (6) Qijam pour laquelle il avoit une grande dévotion , fur vererari tout quand il préparoit à quelque m;curtre. ad csedem q^ç \q troilîéme , comm:e je lai déjà (7) dit, folebas*^^^ cherchoit à fe vangcr des injures qu'il croioit à euin/ avoir reçues de Jupiter. Et que le quatrième «Uanbiis sen-

fapèiftam

deîfraçn implam ad recem cjylum tran/îuiiftl. Cictr, Orat. I, m €afi^ (7) Ci-delTus pag. 230, ^

Tr/ifeei diverfes. 255

s'entêta Ci fort du culte du Dieu dont il avoit été confàcré Prêtre , qu'il fit porter dans le temple (i) qu'il lui avoit bâti à Rome , tout pridinsTn ce qu'il y avoit de plus iàcré dans les autres. Il ejus vica. diibit même qu'il taloit y tranlporter la Reli- gion des Juifs , Se celle des Samaritains , £c cel- le des Chrétiens , afin que le culte de ce Dieu renfermât celui de tous les autres. Il lui ailoit immoler tous les matins un prodigieux nom- bre de victimes. Il lui facrifia les plus (2) ("2.) Vo'ez beaux enfans qu'il put trouver en Italie i ëc ^^^ f;./, pendant que les Magiciens ( 3 ) immoioient Rom. Lia. ces jeunes vi6limes> il faiibit lès prières à fbn Idole, Se regardoit lui-même les entrailles des (5) Omne hoiries , pour y remarquer les prelages de fes denique profperitez. Tout cela prouve ii tortcment, ^î'^&or^m que ce deteftable monure n'etoit point Athée, far'"'-^';]^ ^" qu'il neft pas beioin d'alléguer la crédulité qu'il o"peraba- eut pour ceux qui lui avoient prédit qu'il mour- turque roit de mort violente. Or li Néron, h Tar- quocidie, quin , fi Catilina , fi Caiigula , fi Keliorabale ^°'■""^= nont pas ete Athées, quel droit auroit-on de tiasagerte prétendre , que tous ceux qui ont mal vécu quod ami- dans le Paganiime , n'avoiefit aucun fèntiment ços coram de Religion? Ne rendroit-on pas ridicule, fi ^"vci'i^'et, V 1 ' ^ cum in-

ion nioit que ks mêmes gens qui avoient une fpjcerec

haine horrible contre les premiers Chrétiens , exca puc- etoient ceux qui s'abandonnoient à tous les i^^Iia , & deregiemens que l'on a vus dans le Paganiime? V^^J^}^^^^ Et lèroit-on moins ridicule , ii l'on ibutcnoit -^ -^sad que les villes & les Provinces entières qui genrilem dechaînoient avec tant de rage & avec tant de funm. cruauté contre les Chrétiens par tout l'Empire Lampri- Romain , n'avoient aucune Religion, puis qu'il ^'"* ^*"* cft indubitable, que cette fureur des Idolâtres '°^'^ ' ne venoit , i. que de leur attachement au cul- te des Dieux , contre lefqucis ils voioient les Chrétiens ii animez, : 2. que de la taullè pen- iee qu'ils s'étoicnt miiè dans l'eiprit , que les L 7 " Chrc-

2 5*4 Penjees diverfes.

Chrétiens étoient la caufè de toutes les calami- tez publiques , par les injures qu'ils faiibient aux Dieux ?

§. CXXXIv

^uel efc l'effet de la conotjfance d'un Dieu parm'f les nations Idolâtres.

Difons donc , que quand on n'eil: pas véri- tablement converti à Dieu , Se qu'on n'a pas le cœur .fàndlifié par la grâce du Saint Efprit, la Gonoifîànce d'un Dieu 6c d'une Providence eit une trop foible barrière pour retenir les pal^ lions de l'homme , 6c qu'ainli elles s'échapent auflTi licentieulèment qu'elles feroient uns cet- te conoiilànce-là. Tout ce que cette conoif- iànce peut produire , ne va guère que jufqu'à des exercices extérieurs, que l'on croit pouvoir reconcilier les hommes avec les Dieux. Cela peut obliger à bâtir des temples , à làcrifier dts vi6limes , à faire des prières , ou à quelque ehoiè de cette nature j mais non pas à renon^- cer à une amourette criminelle , à reftituer un bien mal acquis , à mortifier la concupifèence. De ibrte que la concupifcence étant la iburce de tous les crimes , il eft évident , que puis qu'elle règne dans les Idolâtres , aufli bien que- dans les Athées , les Idolâtres doivent être auffi capables de fe porter à toute forte de crimes, que les Athées : 5c que les uns 6c les autres ne Êuroient former des focietez, fi un frein plus fort que celui de la Religion , lavoir les loix humaines , ne reprimoit leur perverfité. Et cela fait voir le peu de fondement qu'il y a à dire que la conoiflance vague 6c confuiè d'une Providence , eft fort utile pour affoiblir la cor- ruption de l'homme. Ce n'ell: pas de ce côté- que le tournant iês uiàges ; ils font beaucoup

glus>

Tenfées diverjès» 255

plus phyfiques que moraux , je veux dire qu'ils tendent plutôt à aflèdlionner les lujets à de- meurer en un certain lieu , 8c à le détendre s'il eft attaqué, quà les rendre plus hommes de bien. On n'ignore pas l'imprelTion que tait fur les eiprits la penfée , que l'on combat pour la conlervation des temples 8c des autels , & des Dieux Domeftiques, fro arts é^focis; com- bien on devient courageux 8c hardi, quand on eft preoc>cupe de l'eiperance de vaincre par la prote6tion de Tes Dieux , 8c que Ton eft animé par î'averîion naturelle que l'on a pour les en- nemis de ia créance. Voilà proprement à quoi fervent les fauffes Religions par raport à la confervation des Etats 8c des Republiques. H n'y a que la véritable Religion, qui outre cet- te utilité , aporte celle de convertir 1 homme à pieu , de le faire combattre contre fes paffions, & de le rendre vertueux. Encore n'y reiiiTit- elle pas à l'égard de tous ceux qui la profeA iènt. Car le plus grand nom.bre demeure Cv engagé dans le vice , que fi les loix humaines n'y mettoient ordre , tontes les focietez des Chi-etiens feroient ruinées bientôt. Et je fuis fur qu'à moins d'un miracle continuel , une ville comme Paris , feroit réduite dans quinze jours au plus trifte état du monde , fi Tou n'emploioit point d'autre remède contre le vi- ce , que les remontrances des Prédicateurs & des C<Mîièfîèurs. Dites après cela, qu'une foi vague de l'exiftcnce d'un Dieu qui gouverne toutes choies , eft d une grande efficace pour mortifier le péché. Aflurez-vous plutôt, iMon- fieur, que cette Ibrte de foi ne met les Idolâ- tres au deflus des Athces , qu'à l'égr^rd de l'af- fermiflèmcnt de la Republique. Car, n'en de- plailé à ( 1 ) Cardan, une Ibcieré d'Athées, in- ^^ 'in- capable qu'elle feroit de le fervir des motifs de morcaJ, Keligioo ppuy fe doimej: d^ courage , ièroit animîB».

bien

z^6 Penfées diverjèu

bien plus facile à diffiper qu'une focieté de

gens qui fervent des Die^ix : & quoi qu'il ait

quelque raifon de dire que la croiance de Tim-

mortalité de l'ame a caufë de grands defbrdres

(i) Sum- <^"ns le ( I ) monde par les guerres de Reli-

musutrin- gion qu'elle a excitées de tout tems, il cil faux,

que Inde même à ne regarder les chofès que par des

°^uod ^^^^ ^^ Politique , qu'elle ait aporté plus de

numina ^n^^ ^^^ ^^ ^^^^ comme il le voudroit faire

vicinorum accroire.

Odii iiter-

^^^^^^'^ §. C XX XII.

Satyr. i j. ^^hie les Idolâtres ont furpa/Je les Athées dans le crime de leae-Majejîé Divine.

Mais fi les Idolâtres n'ont fait qu'égaler les Athées dans la plupart des crimes , il eil cer- tain qu'ils les ont iurpafïèz dans celui de leze- Majeilé Divine au premier chef Car outre les façons de parler infolemment contre Dieu, qui voient dans leurs livres, fans qu'on voie qu'el- ks aient fiit tdes affaires à l'Auteur ; qui ic (i) Vide voient , dis-;e , en (i) grand nombre, non Muret. feulement dans les Poètes , mais aufii dans des Orat,4. Ouvrages en profè , ne fait -on pas que les -^. Païens ont dégradé leurs Divinités , quand ils

en etoient mccontens ? Ne fait-on pas qu'ils . ont renverfé , ou lapidé leurs temples 6c leurs ftatuës? Alexandre, -qui dans la première jeu- nefîè avoit été prodigue d'encens envers les Dieux , jufqu'à s'tn faire cenfurer par Ion gou- verneur , Se dont le foible a été la' luperftition , au raport de Quinte Curce } fut li outré de colère de ce qu'ils avoient laifie mourir EpheA tion , que non content de leur dire des injures, . X f. il fit renverlêr leurs autels & leurs fimulacres,

rian. 1.7, ^ s'acharnant particulièrement fur Efculape le cap. s. Dieu de ia Médecine , ( 3 ) commanda que fon

tem-

Tenfces diverfa. 257

temple fût brûlé. Augufte qui étendoit fes dé- votions jufqu'à Ton oncle Cefar afiafilné depuis peu, 6c qui pour un jour fit immoler à ce nou- veau Dieu alTàfliné 500. peribnnes d'élite , ne contenta pas , après avoir perdu fa flotte par la tempête, de s'écrier , ^u'il laincroit en (dépit de Neptune i mais il détendit auffi de por- ter en proceffion l'image de ce Dieu , à la pro- chaine folennité des Jeux Circenfes. Suétone qui nous aprcnd cela , nous raconte ailleurs, que le jour de la mort de Germanicus , on la- pida les temples , on renverfa les autels , 8c qu'il y eut cj^s gens qui jetterent par la fenêtre leurs Dieux Pénates.

Les (i ) Japonnois font aujourd'hui quelque fi) Am- choiè de tort aprcchant , car ils ont ^6^. Ido- b-^^''|^ les deftinées à veiiier fur la perfonnc de l'Em- pagri^X's pereur, lefquelles on m. et en iéntinelle tour-à- indesdes tour , chacune pour être en faftion une jour- Provinces née toute entière. S'il arrive quelque mal au Unies. Prince, on s'en prend à l'Idole du jour, on la fouette, ou on la tonne, &: on la bannit du Palais pour cent jours. Les Chinois qui con- fultent leurs Idoles fur le fuccès de leurs afiài- rcs , (ce qui fe fait en jettsnt devant la ftatuë les deux moitiez d'un petit elobe traverfées d'un fil , après avoir prononce quelques priè- res) & qui ne rencontrent pas le fort favora- ble, fè contentent peur la ( 2 ) pr entière fois de C^) ^a^ dire mille injures à leur Dieu. Après cela chan- j^'^^j'^^^. ' géant de ton , ils lui adrefîent mille prières, &: ]^(,,5. jettent encore au fort. S'il ne vient pas tel qu'ils le fouhaitcnt , alors ils ajoutent aux injures les coups de foiiet, le Dieu eft traîné dans l'eau &: dans le feu. Après quoi viennent encore d'au- tres fuplications : 8c ainli tour à tour ils frapent 6c ils adorent leur Idole , jufqu'à à ce que ks deux moitiez de la boule tombent du Icns qu'ils le demandent.

Je

fi)rnCâe.

iâribus

(0 Plu- tarcfa. in

Demetr. Clemens Alex, in protrept, sd Gentes.

25 § Peyifées diverfis.

Je trouve encore une autre forte d'impiété fort criante dans la conduite des Paiens , en ce qu'ils ont afibcié aux Dieux les perfonnes les plus infâmes, comme Druiilia , dont le com- merce inceftucux avec fon frère Caiigula , étoit connu d'un chacun : comme Antinoiis le Gany- TCicàe de l'Empereur Adrien , auqnel on a ren- du les honneurs divins , non feulement du vi- vant de cet Empereur, mais aulfi plus de 200. ans après : comme les deux Faufcines , mère ôc fille, l'une femme de 1 Empereur Antonin, l'au- tre femme de Marc Aurele , toutes deux d'un libertinage li dercglé , que toute ]a ville s'en fcandâiiia , fur tout en voiant h fille indigne- ment proftituée à un Gladiateur , quoi qu'elle eût le plus honnête homme de mari qui tût su monde. Tout cela n empêcha pas, que le mê- me peuple qui avoit été icandalil'é de la mau- vaiiè vie de ces Impératrices , ne les honorât comme des Déelfes après leur raort, par une impieté que ( i ) l'Eiripereur Julien reproche vertement à l'Empereur Marc Aurele. La ma- nière dont les Athéniens rendirent les honneurs divins à (i) Demetrius , pendant qu'il étoit le plus in^ame débauché qui fût au monde , fur- palïè toute imagination.

Voilà des crimes que les Athées ne commet- tent pas , & que les Idolâtres commettent. Et quels crimes Ibnt-ce à vôtre avis .? Les plus épouvantables que l'on puiiTe concevoir , & hs plus accompagnez d'un jugement injurieux à la Divinité. Car enfin, faire abatre le temple d'un Dieu , en punition de ce qu il a laiffé pé- rir ua homme , n'eft-ce pas croire que Dieu eft jufticiable de l'homme j que Dieu doit agir non pas lèlon volonté , mais félon qu'il plaît à l'homme ■■> que s'il ne le fait pas , l'homme eft en droit de le châtier par la fupreffion àç& honneurs qu'on lui rendoiti comme quand ua

Prince

Tenfees diverjes. ^55»

Prince punit iks lèrviteurs en les dépouillant de leurs charges ? N'ell-ce pas cioiie que Dieu eu mjulte, ck vjaon peut lai raiie dzs amonts im- punément ? En un mot , n'eil-çe pas porter le mépris &: 1 iniolence plus loin que jamais Athée n'a fait ? Un v^ihee ne rend point d'honneurs à Dieu, parce qu il n'cit point perfuadé quil exis- te. S'il abat un temple , ij croit n'oneniq* aucune Divinité. Mais an Idolâtre qui Lit Ja même cholè , refulè des lionneurs à un Dieiî qu'il reconoît , ôc les lui icfuiè aiin de 1 oiïèn- fer. Il n'eit pas li ignommie, x de n'avoir pas le privilège (i) d'entrer quelque part , que d'en /,> tu^^ être chaire après y avoir ete leçu j donc les più? ejici- Idolâtres qui abaient les autels lur quoi ils a- tur , qnàm voient làcnfié, pèchent plus griev-ement qu'un "°" !^^~

Athée.

Prononcez., je vous prie, fur cette queftion. Sjupclbns deux François , dont 1 un n-'oLeiroit lU à Louis XI V. ni à quelque autre Roi que çe fût , & l'autre meconoiîTanr le grand Prince que Dieu nous a donné ; reconoîtroir pour Roi de France un homme de peu de mérite. A vôtre avis , lequel de ces deux hommes-la of- fenlèroit davantage le Roi ? Ce fèroit làns dou- te le dernier, car en fait de rébellion , le pre- mier pas eft de refufèr i'obeiïTance à fon Prin- ce légitime j mais le comble de la felonnie eft d'en mettre un autre en place •. 8c plus celui qu'on lui fubilituë eft deftitué de mérite , plus ofïènic-t-on le Prince à qui l'on doit obeïr. Un- Roi qui voit détrôner par lès Sujets , parce qu'ils veulent vivre en Républicains , le conlb- le plus aifément , que s'il les voir choilir ua autre Monarque ■■> car au fécond cas ils témoi- gnent que ce n'cft point la haine de la Monar- chie qui les fait agir, mais la haine particulière qu'ils ont pour leur Souverain. Il n'eft pas difficile par ces conlidcrations , de connoitre

que

bofpes.

z6o Te^fth divsrjès.

■que les Idolâtres, qui au lieu d adorer lè'^crî- table Roi de l'Univers , lui ont fubflitué un nombre innombrable de Divinitez chiméri- ques , ©nt été' plus injurieux à Dieu, que les Athées.

Si vous joignez, à ceci les remarques qui ont été déjà faites en raportant la V. raifon, & li TOUS conliderez que la déification des perfonnes infâmes contient ou de pareilles cnormitez , ou de plus grandes encoie, vous ne douterez point que ridolatrie Païenne n'ait été pire que TA- theïfme .

Je ne lài même , fi je ne feroîs pas bien de vous prier de joindre cette confideration à tou- tes les autres ; c'ell qu'il paroît par tous les Oracles des anciens Paiens , que le Démon n'a jamais poufle les hommes à FAtheïfme, 8c qu'au contraire il a fait tous les efforts imaginables pour entretenir l'Idolâtrie dans leur elprit. Quand il efl queftion de conoître les divers de- grez du péché , il me ièmbie que le Démon n'eft pas un Juge peu compétent j &: fi quelque créature conoît en crimes , c'eft apurement celle-là. Il ièmble donc, que puifque le Diable donne la préférence à l'Idolâtrie , elle eft plus criminelle que l'irréligion. Je tiendrois cette preuve pour demonftrative , n je ne me ibuve-

(i) Cl- nois de la raifon que j'ai ( i ) donnée de cette

deffus préférence.

"• "5* Ce qui me refte à vous raporter des difcours

de nôtre habile homme , un peu commentez, eft trop confiderable & trop fcabreux , pour ne me pas engager à prendre quelque repos avant que d'y mettre la main. Je m'arrête donc ici pour un peu de tems.

A, ... le ç^, de Juillet 1681.

§. CXXXIII.

Fenfées diverfes, 16 x

§. CXXXIII.

VII. Preuve. VAtheïfme ne conduit pas necef- fairement k la corruption des mœurs.

JE reviens à vous, Monileur, 6c je commen- ce par vous dire , que la raifon fur laquelle nôtre Dodeur infifta le plus amplement , fut celle-ci i que ce qui nous perfuade que l'Atheif- ine cit Je plus abominable état l'on puilîè trouver , n'ell qu'un faux préjugé que Ton forme touchant les lumières de la confcience, que l'on s'imagine être la règle de nos allions, faute de bien examiner les véritables reflorts qui nous font agir. Car voici le raifbnnemcnt que Ton fait. L'homme efl naturellement rai- fonnable , il n'aime jamais fans conoître, il fe porte neceilàirement à l'amour de fon bon- heur , &; à la haine de fon malheur , & donne ]a préférence aux objets qui lui Semblent les plus commodes. S'il eil donc convaincu qu'il y a une Providence qui gouverne le monde, 6c à qui rien ne peut échaper , qui rccompenfè d'un bonheur infini ceux qui aiment la vertu , qui punit d'un châtiment éternel ceux qui s'a- donnent au vice i il ne manquera point de porter à la vertu , 6c de tuïr le vice , 6c de re- noncer aux voluptez corporelles , qu il fiit fort bien qui attirent des douleurs qui ne finiront jamais pour quelques momens de plaifir qui les accompagnent, au lieu que la privation de ces plaifirs paflàgers eft fuivie d'une éternelle félicité. Mais s'il ignore qu'il y ait une Provi- dence , il regardera lès dclirs comme der- nière fin , 6c comme la règle de toutes Ces ac- tions : il Ce moquera de ce que ks autres apel- lent vertu 6c honnêteté , 6c il ne fuivra que les niouvcn3i£ns de convoitife : il fe défera, s'il

peut.

(t) Si gc- nus huma- num & mortalia temnitis arma, Ac fpe- rate Deo memores fancii ac- que ne- fandi. Virgit, c/£w. I,

(a) Voiez Mr. de Balzac Entrée 34. ch. 3.

(3) Thco- pompus apud Po-

l$t Penjees diverfis,

peut , de tous ceux qui lui déplairont : il fera de faux fermens pour la moindre chofei &; s'il fe trouve dans un pofte qui le mette au dcflus des loix humaines , aufli bien qu'il s'eft déjà mis au defîus àts remords de la confcience , il n'y a point de crime qu'on ne doive attendre lui. C'eft un monftre infiniment plus dan- gereux que ces bêtes féroces, ces lions & ces taureaux enragez dont Hercule délivra- la Grè- ce. Un autre qui n'auroit rien à craindre de la part des hommes , pourroit être du moins re- tenu par la ( I ) crainte de fes Dieux. C'eft par qu'on a tenu de tout tems en bride les paiîions de 1 homme : 6c il cft fur qu'on a pré- venu quantité de crimes dans le Paganifme, par le ibin qu'on avoit de conferver la mémoi- re de toutes les punitions éclatantes des fcele- rats , 6c de les attribuer à leur impieté , 6c d'en fupofer même quelques exemples , comme étoit celui qu'on débita du tems d'Augufte, à Toccafion d'un (2) temple d'Alîe pille par les foldats de Marc Antoine. On difbit que celui qui avoit mis le premier la main fur l'image de la Déefïè qui étoit adorée dans ce Temple, avoit perdu la vue fubitement , 6c étoit devenu paralytique de toutes \z^ parties de fon corps. Angufte voulant éclaircir le fait , aprit d'un vieux Officier qui avoit fait le coup , non feu- lement qu'il s'etoit toujours bien porté depuis ce tems-là , mais aufli que cette aclion l'avoit mis à fon aile pour toute fa vie. Tel étoit en- core ce qu'on debitoit de ceux qui avoient la témérité d'entrer , malgré la defenfè qui en étoit faite , dans un temple d'Arcadie confacré à Jupiter ; c'eft ( 3 ) que leurs corps ne fai- foient plus d'ombre après cette aélion. Apa- remment i'hiftoire de la mort Jiibite de cet En- voie des Latins , qui avoit parlé irreveremment ^u Jupiter des Romains en plein Scnat , fur la- quel-

Penfees diverfes, 26*3

quelle Tite Live ( i ) n'ofe rien avancer de po- 0) î^^ara

litif ,a caufc qu'il voioit que les Auteurs étoient Jjj-J^'^^

partagea là-delTus , eft une femblable fraude apcè'ad

pieufe. Ces fortes de choies , vraies ou fauf- reprafen-

iès , qui faifoient un très-bon effet fur l'efprit t.-mdam

d'un Idolâtre , ne ibnt d'aucune vertu pour un ^1^^

Athée. Si bien qu'étant inacceffible à toutes ces fi^aTpof-

confiderations , il doit être neceflàirement le func'

plus grand 2c le plus incorrigible fcelerat de Tit.Livini

iUnivers. ^f'-J-

hb.

§. CXXXIV.

^ue V expérience combp^t le raifonnemeyit que Von fait , pour prowver que la comijfance d'un Dieu corrige les inclinations vicieufes de l'hom- me.

Tout cela efl: beau 8c bon à dire , quand on regarde les choies dans leur idée, 8c qu'on fait des abftratlions metaphyliques. Mais le mal cft, que cela ne trouve pas conforme à l'ex- périence. J'avoue que li Ton donnoit à devi- ner les mœurs des Chrétiens , à des gens d'un autre monde , à qui l'on diroit fimplement que les Chrétiens ibnt des créatures douées de rai- ibn 8c de bon fèns , avides de la félicité, per- fuadées qu'il 7 a un Paradis pour ceux qui obeilîènt à la Loi de Dieu , 8c un Enfer pour ceux qui n'y obeïflcnt pas i ces gens d'un autre monde ne manqueroient pas d'aflûrcr que les Chrétiens font à qui mieux mieux pour oblèr- ver les préceptes de l'Evangile} que c'ell parmi eux a qui le fignalera davantage dans les œuvres de milèricorde , dans la prière , 8c dans l'ou- bli des injures , s'il eft poilible ^ue parmi eux quelqu'un Ibit capable d'oftcnlèr fon pro- chain. Mais d'où viendroit qu'ils ivioicnt ce jugement fi avantageux ? C'eft qu'ils ne confi-

derc«»

i6fi^ Penfées diverfes,

dereroient les Chrétiens que dans une \àiz abi- traite \ car s'ils les coniideroicnt en détail , 8c par tous les endroits qui les déterminent à agir , ils rabatroient bien de la bonne opinion qu'ils en auroient eue , 8c ils n auroient pas plutôt vécu quinze jours parmi nous , qu'ils pronon- ceroient , que dans ce monde on ne le conduit pas lèlon les lumières de la confcience.

§. CXXXV.

Pourquoi si y a tant de différence entre ce qu*o-a croit Qr> ce qu'on fait.

Voilà le véritable dénouement de cette diffi- culté. Quand on compare les mœurs d'un homme qui a une Religion , avec l'idée géné- rale que l'on fe form.e des mœurs de cet hom- me , on eil tout furpris de ne trouver aucune conformité entre ces deux choies. L'idée gé- nérale veut qu'un homme qui croit un Dieu, un Paradis 8c un Enfer , fàiîê tout ce qu'il co- noit être agréable à Dieu , 8c ne faflè rien de ce qu'il lait lui être delàgreable. Mais la vie de cet homme nous montre qu'il fait tout le con- traire. Voulez, -vous fa voir la cauie de cette incongruité.? La voici. C'eft que Ihomme ne le détermine pas à une certaine action plutôt qu'à une autre , par les conoiilances générales qu'il a de ce qu'il doit faire , mais par le juge- ment particulier qu'il porte de chaque cholè, lors qu'il efl lùr le point d'agir. Or ce juge- ment particulier peut bien être conforme aux idées générales que Ion a de ce qu'on doit fai- re, mais le plus Ibuvent il ne l'eil: pas. Il s'ac- commode preique toujours à la pafllon domi- nante du cœur , à la pente du tempérament, à la force des habitudes contraflées , 8c au goût ou à la fenlibilité que l'on a pour certains ob- jets ,

Penfc'es diverfis. 16^

jets. Le ( I ) Poète qui a tait dire à Medee, (i) v\ie9 Je ijoi ô' j'éprouve le é^ie/i, tnais je fais letnal, meliora a parfaitement bien repiefentë la dilieience qui S^t'cr'^or** le rencontre entre les lumière^ de la conicicn- fequor.' ce , & le jugement particulier qui nous tait Qv.d. agir. La conicience conoît en gênerai la beau- ^t^-^^»' te de la vertu , &. nous force de tomber d ac- ^^*- '^' co:d qu'il n'y a rien de plus loiiable que les bonnes mœurs. Mais quand le cœur cil une fois poflcdé d'un amour iliegitime j quand on voit qu'en iàtisfaiûnt cet amour , on goûtera du plailir , Se qu'en ne le faîisfaifant pas , on le plongera dans des chagrins & dans des in- quiétudes iniliportablcs i il n'y a lumière de conicicnce qui tienne : on ne coniùlte plus que la pafHon , ce l'on juge qu'il faut agir htc ^ rmnc contre l'idée générale que l'en a de Ion devoir. Ce qui montre , qu'il n'y a rien de plus fujet à l'illulion, que de juger àtz mœurs d'un homme par les opinions générales dont il eil imbu. C'eft. encore pis que ii l'on jugcoit de les actions par iès livres ou par iès haran- gues, qui neanm.oins Ibnt de fort mauvais ga- lans àzs inclinations de l'Auteur. Car que peut-on voir de plus grave , que les plaintes de Saiiuilie contre la corruption de icn liecle ? Les plus lèveres oblcrvateurs de l'ancienne diicipli- i>e n'eu (lent pas mieux dit. Cependant Sal- ;

lulle n'etoit pas plus làge qu'un autre. Le Cenfeur fut obligé de le reprendre de mau- ,. ç^^,^ vaife vie en plein Sénat: ( 2 ) il fut acculé deux noil.'" * fois d'adultère devant le Prêteur 5 & y aiant été Artic furpris par Milon, il n'en fut quitte que pour ^ib. 17. une bonne Ibmme d'argent , qu'i^ fut obligé ^'^P* ^^* de paier après avoir eu les étrivieres. Si nous avions la harangue que Clodius prononça de- vant le Sénat, pour le plaindre de la protàna- tion des chofes faintes , nous y verrions ians doute toutes les marques d'une grande pieté.

L

l66 Penfees diverfis.

Se beaucoup de ces figures de Rhétorique qui

•repieicnrent li vivement l'atrocité d'une adlion.

Cependant Clodius n'ëtoit rien moins que zêié (î) Cicero pour le fervice divin. Il le ( i ) vantoit lui- deArufp. même d'avoir été foudroie par deux cens Ar» rcrponf. j-^j-g ^^ Sénat , pour des affaires de Religion , Se

il avoit protané les myfteres de la Bonne DéeJlc

avec la dernière iniblence.

§. CXXXVÎ.

^ue l'homme n'agit ^ds félon fes principes.

Que l'homme foit une créature raiibnnable, tant qu'il vous plaira j il n'en eft pas moins vrai , qu'il n'agit prefque jamais confequem- ment à lès principes. Il a bien la force dans les choies de fpeculation , de ne point tirer de mauvaiies conlèquences , car dans cette Ibrte de matières il pèche beaucoup plus par la faci- lité qu'il a de recevoir de faux principes , que par les faulTcs conclufions qu'il en infère. Mais c'efl: tout autre chofe quand il eft queftion des bonnes mœurs. Ne donnant preique jamais dans de faux principes , retenant preique- tou- jours dans conicience les idées de l'équité naturelle , il conclut néanmoins prefque tou- jours à l'avantage de {ks delirs déréglez. D'où vient, je vous prie , qu'encore qu'il 7 ait par- mi les hommes une prodigieule diveriité d'o- pinions touchant la manière de fervir Dieu , 8c de vivre lelon les loix de la bienfeance , on voit néanmoins certaines paflîons régner conllam- ment dans tous les pais , £c dans tous les iie- cles ? Que l'ambition , l'avarice , l'envie , le delîr de le venger , l'impudicité , & tous le* crim.es qui peuvent fatisfaire ces pafilons le voient par tout ? Que le Juif 8c le Mahometan , le Turc ^ le Mofe , Is'CitfcticD 2c l'Infidcle,

yin-

Tenfcei diverps, i6j

rindîcn & le Tartare , 1 habitant de terre fer- me £v 1 habitant des Iles , le Noble & le rotu- rier , toutes ces fortes de gens qui dans le rcftc ne conviennent , pour ainii dire , que dans la notion générale d'homme , ibnt fcmblabîes à l'égard de ces paflîons , que ion diroit qu'ils ic copient les uns les autres ? D'où vient tout cela, iinon de ce que le véritable principe des Notions de l'homme , (j'excepte ceux en qui la grâce du St. Eiprit fe déploie avec toute foa €iîîcace) nefl autre chofe que le tempéra- ment , l'inclination naturelle pour le phifir , ic goût que l'on contracte pour certains objets , le delir de plaire à quelqu'un , une habitude ga- gnée dans le commerce de fèsamis, ou quel- que autre difpolition qui relulte du fond de nôtre nature , en quelque pais que l'on naiflè, îJc de quelques conoilTànces que Ton nous rem- plillè l'efprit ?

Il faut bien que cela foit , puis que les an- ciens Taicns accablez, d'une multitude incroia- ble de fuperftitions , perpétuellement occupez à apailcr la colère de leurs Idoles , épouvantez par une infinité de pradige.s , imaginant que Iqs Dieux étoient les diipenfateurs de ladverfité ^ de la profperité ièlon la vie que 1 on menoit, n'ont pas laifTé de commettre tous \qs crimes imaginables. Et 11 cela n'étoit pas, comment fèroit-il polfible que les Chrétiens qui conoif- {ènt fi clairement par une révélation icutenuè* de tant de miracles , qu'il faut renoncer au vi- ce pour être éternellement heureux , ôc pour n'être pas éternellement malheureux j qui ont tant d'excellens Prédicateurs paiez pour leur faire là-dellùs les plus vives 5c les plus prelTan- tes exhortations du monde ; qui trouvent par tout tant de Direfteurs de confcience zêlez Se iàvans , & tant de livres de dévotion j com- ment , dis-jc, fcroit-il poflible parmi tout co- M X la.

2^8 Venféei diverfis.

la , que les Chrétiens vêcufTent , comme ils font , dans les plus e'normcs deregîemens du vice ?

§. CXXXVII.

Tourquoi certaines cérémonies font régulièrement observées..

A la vérité , les opinions que l'on a fur chapitre de la Religion &; de la bienfeance, font le principe de certaines chofes qui s'ob- fervent régulièrement parmi les perlonncs de même foi , en quelque lieu du monde qu'elles vivent , & parmi les perfonnes qui compofènt un même peuple , de quelque humeur qu'elles ibient d*ailleurs. On voit , par exemple , que les Juifs circoncifent leurs enfans , & gardent le jour du Sabat par tous les endroits du mon- de où ils font foufferts. Autrefois les Perfès aprouvoient les mariages inceflueux , 6c s'y en- gageoient fans fcrupule , non feulement lors qu'ils demeuroient en Perfe , mais aulTi lors qu'ils s'iiabituoient , 5c qu'ils multiplioient dans les pais étrangers , l'on deteftoit cet- te forte de mariages. Ceux au contraire qui étoient d'une nation l'incefte étoit delàprou- ve , ne ic marioient pas de la forte, lors même qu'ils s'habituoient parmi les Periès : Se les Per- les eux-mêmes qui avoicnt embrafle la Reli- gion de j E s u s-C H R I s T , n'ëtoient plus capa- bles de donner les mains à cz^ alliances illicites. f2) Apud (i) Eardefànes fc fcrt de cette ccnfideration , Eufeb- pour réfuter les Aflrologues dans le beau traité rrxpar. ^^^'j] ^j. contre eux , & c'cll aflurément une }.6l"c.*8. ^'-^^"^ bonne raifon à propofer contre l'Aftrologie Judiciaire.

Mais cela ne détruit point ce que j'ai dit, Cda fait voir feulement , que les hommes le

cou-

TenÇées dlverfis» i6g

conforment aux loix de leur Religion , lors Qu'ils le peuvent faire iàns s'incommoder beau- ' coup , Oc qu'ils voient que le mépris de ces loix leur feroit funede. Cefl: à caufc de cela que les Juifs oblèr'/ent leurs fèces & leur cir- conciiion. Faire circoncir un enfant n'eft pas une opération douloureufc pour le père ni pour la mère , ni qui ait ô^qs fuites dangereulès pour l'entant. Cela n'empêche pas ni le père, ni la mcre , d'amafîcr du bien par toute forte d'inventions , de tromper , de calomnier , de faire l'amour , 8c de s'enivrer , fi le cœur leur en dit. Et s'ils avoient la hardieflè de ne pas obferver la cérémonie de la circoncilion , ils feroient excommunier , 8c leroient regardez comme des raonffcres par les autres Juifs. . On peut dire la aiême cliofe de l'obfervation des fêtes. Ceux qui s'en difpenfent , puniflènt par leurs propres mains , non ièulement parce qu'ils s'expofent au blâme , à la cenfure , 8c à des amendes, li le cas y écheti mais aulTi par- ce qu'ils fe dérobent le te m s le plus agréable de la vie. Car les payions de l'homme font fi inge- nieufes à dédommager , qu'elles trouvent juf- ques dans les chofès que l'on avoit deflinées contre elles , la matière d'un grand triomphe. Quoi de plus commode que les têtes ? On ne travaille pas , on met fès plus beaux habits , on danfè, on joue, on boit, les deux fèxes trou- vent enfemble i pour une heure ou deux que l'on donne à Dieu , on en donne dix ou douze à fcs divcrtifTemens. Voilà fans doute une im- portante vidloire que la Religion remporte fur les pallions , que de faire obferver ou la circon- cilion, ou les fêtes.

Pour les jeCines 8c les abrrinenc.es que l'Eglifè

nous impofe , j'avoue qu'il n'cft pas fi ajfé de

les pratiquer , que de s'afTujettir à l'obfervation

des fêtes , 8c que néanmoins on les pratique.

M 3 Mai5

270 ^ytfées diverfif.

Mais cela vient £ns doute , ou de ce qu'on peut les pratiquer ftns préjudice de fès paillons dominantes , ou de ce qu'on trouve peu-a-peu radrcllè d'en taire évanouir les principales in- commoditez , ou de ce qu'on ne veut pas paf^ fer pour profane , ce qui eft quelquefois nuiii- ble des cette vie. On s'abfticnt tout un Carê- me de manger de la viande : oui, mais s'abf- tient-on de médire de fon prochain ? S'abf^ tient-on de s'cnricliir par à^s voies frauduleu- iès ? S'abllient-on de voir des femmes de mau- vaiiè vie ? Renonce-t-on à la vengeance ? Point du tout , chacun vit en ce tems-ià comme à l'ordinaire , fi ce n'cft qu'il va plus fouvent au Sermon , 2c qu'au lieu de faire deux grands re- pas , & de manger de la chair , il fe contente démanger tant d autres choies à midi, qu'une collation lui fuffit après cela pour tout le refte de la Journée. C'efî ainii qu'en ufent ceux qui n'ont pas beaucoup de peine à furmonter la gourmandife: car ceux qui y trouvent de gran- des difficuitez , ne manquent pas de recourir à 1 indulgence de leurs Directeurs , pour avoir h liberté d'en ulèr comme bon leur ièmblera. Et après tout , il n'y a point de jeune fille , qui pour avoir la taille plus déliée , ou pour épar- gner dcquoi s'ach-ter de beaux habits , ne re- nonce à la bonne chère plus gaiement , que h^ autres ne le font pour obferver \ts préceptes de l'Eglife.

Ainli demeurons -en à nôtre maxime , Se avouons de bonne foi, que li les hommes ob- ièrvent plulieurs cérémonies en vertu de la Re- ligion qu'ils profelTent , ou de la perluafion ils font que Dieu le veut , CQi\ parce que cela ne les empêche pas de Satisfaire les paffions do- minantes de leur cœur, ou même parce que Ja crainte de l'infamie ôc de quelque châtiment temporel les y engage. Ou bien diibns , que

Penfées diverps, ijt

s^ils obfèrvcnt régulièrement plu&urs cuites pénibles 8c incominodes , c'eil parce qu'ils veu- lent racheter par leurs péchez d'habitude , 2c accorder leur conicience avec leurs paiTions fa- vorites 5 ce qui montre toujours , que la cor- ruption de leur volonté eft la principale railbn qui \qs détermine.

Je ne m'étonne pas que les mariages incef^ tueux n'aient pas été pratiquez parmi les peu- ples qui les avoient chargez de la haine oc de i'ignominie publique} car oui efl l'homme qu'u- ne barrière comme ceile-la ne retienne dans le devoir , pourveu qu'il ne foit pas d'une nation qui juge tout autrement de la chofe, 8c qu'il ne s'imagine pas , comme faifoient aparemment les Periès , que les autres nations ne conoifTent pas en bienfeance? Mais pour juger li les Chre- tlfcns s'interdifent les mariages de cette nature, parce que Dieu les défend" , il taudroit conoîtrc ce qu'ils feroient là-deflus , en cas que le Droit Civil 8c le Droit Canon leur donnaflènt pleine liberté de faire ce qu'ils voudroient : car dans l'état font les chofcs , je ne voi pas qu'on doive faire un mérite devant Dieu , de co qu'on ne marie pas avec fbeur. Il y a des peines temporelles aflez terribles contre ce dé- règlement , pour en être détourné iàns que la confcience s'en mêle. Si le Droit Civil 8c le Droit Canon laillbicnt la cholè à nôtre liberté, il efl: fort probable qu'on ne s'en feroit pas un plus grand fcrupule que de l'adultère , dont tant de gens font coupables i quoi que ce foit un des plus grands crimes du monde.

M 4. §. CXXXVIIL

-r

j - Psnfees divcrjcs,

§. CXXXVIII.

J.xemple qui prouve que les opinions ne font pas la règle des actions.

Ce fcroit un travail infini , que de s'amufcr a éclaircir toutes les objedlions que l'en peut faire contre cette cjoftrinej car Teiprit humain étant capable de toutes les bizarreries imaginables, on ne pofera jamais de règle iur fon fujet, qui ne ioLirlre mille exceptions. Ce qu'il y a donc à iaire , c'eft de s'en tenir à ce qui arrive le plus ibuvent , fàvoir que ce ne font pas les opinions générales de l'efprit , qui nous déterminent à a^ir, mais les pajficns prefentes du cœur. En effet , li un Chrétien ivrogne 6c impudique s'abUenoit de dérober , paiTe qu'il fait que Dieu a defenduiie larcin , ne s'ablliendroit-il pas aulTi à(^^ deux autres crimes , qu'il iàit que Dieu a défendus? Et s'il ne s'abftient pas des deux premiers, mais Seulement du larcin , n'eft-ce pas évidemm.ent , ou parce qu'il craint l'infamie oc le fupiice, ou parce qu il. n'efl: point avare, ou en gênerai par- ce que le tour de Ton elprit ne lui fait trouver aucun charme à dérober ? Encore un coup, fi les lumières de la confcience étoient la raifon qui nous détermine , les Chrétiens vivroient-ils auQi mal qu'ils tbnt ?

5. CXXXIX.

Vtnfies diverfis. i 7 3

§. CXXXIX.

^u'o?2 ne feut pas dire , (^He ceux qui ne vive^it pas félon les maximes de leur Keliiion , ne croie/7 f pas qu'il y ait un Dieu.

I. Preuve de cela , tire'e^de la vie des

foldats.

ON ne peut pas me repondre , que les Chrétiens qui ne vivent pas ccntbrmc- ment aux principes de leur Religion , ne Ibnt pas perfuadcz de nos myfleres , 6c que ce font autant d'Athées cachez. Car outre que ce lè- roit multiplier terriblement \ç.^ Athées , con- tre le fentiraent de pluiieurs célèbres Auteurs, qui ne croient pas qu'il y ait jamais eu homme pleinement periliade de i'Atheïfme i qu'y a-t- il de plus infoutenable , que de ranger parmi \(is Athées tous ces fbldaîs Chrétiens qui com- mettent des dcfordres inouïs , lors qu'ils ne font pas tenus fous une fevere difcipline ? Les doutes lur l'exiftence de Dieu ne tombent gue- rcs dans ces âmes -là. Ce n'ell pas le detàut du peuple. 11 efl trop fot , pour fe lailfer trom- per en ces cholès-Ià par un habile homme. Il ne demande (i) que du pain Se ào.^ divertifle- (i) Du«s mens , 8c n'a nullement l'ambition de rechcr- cincùm _ cher s'il a tort de reconoître un fouverain Mai- ''^^ ^nxm* tre de toutes choies. Ceux qui donnent, ou panem 8c dans le Deïfme , ou dans cette forte de dou- circenfes, tts , prétendent au bel efprit , & s'apeUent par 'Jnven. excellence , Us efprits forts. Ils font très-mal '^-'O"'- »«» fondez , je lavouë, & il feroit facile de leur montrer, qu'il n'y a rien de plus foible, ni de plus deraifonnable , que le caraftere de leur efprit. Mais quoi qu'il en foit , ce ibnt des gens, pour l'ordinaire, qui font plus de cas M ^ leur

2 74 Tenfeei diverfès,

leur efprit , que de leur corps ■■> au lieu que les-

ibldats & les voleurs des grands chemins ne:

fbngent qu'à leur corps , ^ ne font mechans^^

que par le corps , s'il eft permis de parles

ainli.

Il eft certain d ailleurs , que de^ foldats qui ne refpirent que le iàng &: le carnage, 8c qui pour peu qu'on les lailîè faire , mettent bien* tôt dans la dernière defolation le pais ami , aufl] bien que le pais ennemi , font tort fufcep- tibles du zèle de Religion : car li on les lâche contre un peuple de différente croiance , Se 11 on \ç.s anime par ce grand motif, on voit que leur courage va fouvent jufqu'à la fureur , 8c qu'ils ne regardent plus les violences qu'ils commettent , que comme des a6les de pieté. On voit qu'ils conçoivent une haine implaca- ble contre ceux qui ne font pas de leur Se^lci Se qu'ils fe feroient un fcrupule de faire leurs dévotions avec eux. Grande preuve quils n'ab- jurent pas intérieurement le Ckriltianifmc > ior? qu^ils le portent à tous les crimes qu'ils commettent.

§. CXL.

II. Preuve, tirée des defordres des Croifades..

OSeroit-on dire , que les Chrétiens qui fe- croifoient pour l'expédition de la Terre Sainte , n'avoient aucune Religion ■, eux qui quittdent leur patrie , pour aller faire la guer- re aux Infidèles j eiix qui croioient voir des. Anges 8c àçs Saints à la tête de leurs armées y , mettre en fuite les ennemis ■■, eux qui ne par- îoieiii: que de prodiges Se que de miracles ? Il feudroit avcHr perau le fens pour foupçonncr d'Atheifme des gens comme cela , qui cepen- dant comnettoieat ki plus cfirçiables defor- dres

Venfées dtuerjes\ lj<^

dics dont on ait jamais ouï parler ; de forte que les Chrétiens qu ils alioient défendre , avoient autant de haine pour eux , que pour hs Turcs & les Sarrazins. Les Croifades font afllirément un des beaux endroits du Chriflia- nifmej mais elles ont un revers qui n'eft guè- re avantageux. D'un côté les Chrétiens d'O- rient iè ibnt lervis de la plus noire 6c de la plu> dcloialc trahilbn qui le puillè , pour perdre les Chrétiens d Occident qui alioient à leur jfe- cours : 6c ceux-ci de l'autre , ont commis deS' excès épouvantables en toutes manières. Re- marquez, bien , je vous prie , que je ne pretenS' pas nier , qu'encore que les Croiûdes fuflènt une cntreprilè de dévotion , il n'ait pu y avoir àcs Athées qui en voulurent être , foit pour ic' faire loiier , foit pour éviter le reproche de poltronnerie , ou même celui d'irréligion , Ibit pour Satisfaire leur inclination beiliqueuie , oa leur ambition, ou leur curiofité, Ibit enfin pour commettre mille defordres. Je fuis pcrfuadé qu'on peut faire par àcs motifs d'amour propre tous les exercices extérieurs de la pieté , quel- que pénibles qu'ils puillent être. Voici donc ce que je dis j c'ell: que la plus grande partie des^ Croiiez étoient'des gens que les Prédications 8c les Indulgences avoient animez, à cette entre-- priie , 6c qui afTûrément n'abjuroient pas leur Religion dans l'ame, lors qu'ils s'abandonnoienf à commettre tous les ravages qu'ils commet- îoient.

§. CXLI.

"Réflexion fur ce c^ue quelques Infidèles ont obje&é aux Chrétiens , que leur Religion n^efi propre qu a faire des lâches.

En parlant de la licence de nos foldats , Se M 6 des-

\j6 Tenfees diverfes,

des dcfordres que nos Croifèz ont comirvis ï la vue dQ5 Infi'JcIcs , je ine fuis Ibuvcnu qu'on a quelquefois objedlé aux Chrétiens , que les principes de l'Evangile ne font point propres à la conlervation du bien public , parce qu'ils énervent le courage , 6c qu'ils infpirent de l'hor- reur pour le fang , 6c pour toutes les violences de la guerre. Je n'csaminerai point fi cette objedtion efi: auiTi mcprifable qu'on la taiti* jîiais je dirai bien , qu'on ne peut pas y repon- dre plus mal, qu'en difànt , comme font plu- sieurs, qu'on n'a qu'à confulter l'expérience, 3c qu'on verra qu'il n'y a point de nations plus bclUqueufes , que celles qui font profelTion du ChrifcianiHxie. Cette reponlè eft pitoiable , parce qu'elle ne fèrt qu'à montrer que les Chre>- ticns ne vivent pas lèlon leurs principes : au lieu que pour bien repondre , il faudroit dire, qu'en fuivant l'efprit de leurs principes , \ç:s Chrétiens doivent être de très -bons Ibldats. Mais peut-on dire cela , fi l'on cft de bonne foi ? Ne faut-il pas convenir , que le courage que l'Evangile nous infpire, n'eft point un cou- rage de meurtre 6c de violence, comme celui de la guerre ? Le courage Evangclique ne va qu'à nous faire meprifer les injures 6c la pau- vreté, la perfecution des Tyrans , les priions, îes roues , les chevalets , 6c tous les fuplices du martyre. Il eft propre à nous faire braver par une patience héroïque , la rage la plus inhu- maine des perfècuteurs de la foi. Il nous rei?- gne à la volonté de Dieu dans les maladies les plus aiguës. Voilà quel efl le courage du vrai Chrétien. Cela fuffit , je l'avoue, pour con- vaincre les Infidèles , que nôtre Religion n'à^- mollit point le courage , 6c n'irbfpire point la poltronnerie. Mais cela n'empêche pas , qu'ils ne puilTent dire avec raifon , qu'en prenant le TCiQt de courage au fens qu'on le prend dans

le

V en fée s dh'ârjes, 277

îc monde , l'Evangile n'elt point propre à en donner. On entend par un homme courageux, un homme qui cft fort délicat iur le point d honneur , qui ne peut ibufrir la moindre in- jure , qui venge avec éclat , & au péril de vie , de la moindre ofïenfe qu'on lui ait faites qui aime la guerre , qui va chercher les occa- lions les plus perilleufes pour tremper Ces mains dans le fang des ennemis , qui a de l'am- bition , qui veut s'élever par dellus les autres. Il faudroit avoir perdu le fens , pour dire que les confeils 8c les préceptes de J e s u s-C h r i s t nous infpirent cet efprit-là ; car il ciï de noto- riété publique à tous ceux qui iàvent les pre- miers élemens de la Religion Chrétienne , qu'el- le ne nous recommande rien tant que de fou- frir les injures , que d'être humbles, que d'ai- mer nôtre prochain , que de chercher Ja paix, que de rendre le bien pour le mal , que de nous abftcnir de tout ce qui fènt la violence. Je dé- fie tous les hommes du moixie , pour û experts qu'ils puifîènt être en i art militaire , de faire jamais de bons foldats d'une armée , il n'y auroit que des perfonnes refoluës de fuivre pondluellement toutes ces maximes. Tout le mieux qu'on en pourroit attendre , 'lèroit qu'ils ne craindroient point de mourir pour leur pais, & pour leur Dieu. Mais je m'en raporte à ceux qui lavent la guerre , fi cela fuffit pour la qua- lité de bon Ibldat , 8c s'il ne taut pas quand on veut reiiiVir en ce métier faire tout le mal que l'on peut à l'ennemi , le prévenir , le furprcn- dre , le paflèr au fil de l'epée , brûler {es ma- eazins , Taffemer , le faccager. On feroit de beaux exploits avec des gens qui auroient la confcicnce toute pleine de fcrupules , 8c qui voudroient confulter un Cafuifle à tout mo- ment , pour favoir s'ils font dans le cas il eft permis de tuer , d'exécuter un ordre qix: M 7 loû

p»rc. 4.

27^ Fenfées diverfih

l'on croit injullc , de mettre le feu à un villa- ge , de piller , &c. Le Maréchal de Biron le lèroit bien aceommodé de fèmblables troupes^ lui qui caflà un Capitaine , qui avoit voulu prendre ics précautions contre les recherches des Procureurs Généraux du Roi. Etes-vous Çi) Me- ^e (i) ces geas , lui dit-il ,, ^«i craignent t^nt mriir. de /^ yuftke ? J-e -vans cajfe : jamais vous ne me fervirez. ,• car tout homme de guerre qui craint une plume , craint une épée. Je laifTe à dire que il les principes du Chriltianlimc etoient bien fuiv^is, on ne verroit point de Conquérant par- mi les Chrétiens , ni point de guerre otïenlive, &: qu'on contenteroit de fe défendre des in- vafions des Inrideles. Et cela étant , combien^ verrions-nous de peuples en Europe , qui jouï- roient d'une paix profonde depuis long-tems, & qui à caulè de cela feroient les plus mal pro-- pres du monde à faire la guerre. Il eft donc vrai que l'efprit de nôtre fainte Religion ne nous rend pas belliqueux : ôc cependant il n'y a point fur la terre de nations plus beliiquel- les , que celles qui font profelfion du Chriftia- nifme. Exceptez-moi les Turcs , 8c choififlèz dans l'Afrique , dans l'Aiie , dans l'Amérique tel peuple qu'il vous plaira , faites-en une ar- mée de cent mille hommes , il ne faudra pas plus de dix ou douze mille Chrétiens pour l'a- bîmer- Les Turcs mêmes font fort inférieurs- aux Chrétiens , 8c n'obtiendroient jamais aucun avantage fur eux en nombre égal. L'avance, l'impudicité, l'infolence 8c la cruauté , qui ren- dent les armées formidables , trouvent dans les armées Chrétiennes , autant qu'ailleurs j 11 ce n'eil qu'on n'y mange pas la chair des en- nemis , comme font quelques peuples de l'A-- merique. Ce font les Chrétiens qui perfedion- nent tous les jours l'art de la guerre , en inven- tant une infinité de machines pour rendre les

ûégei

Penféei diverfes. ij^

ficges plus meurtriers & plus affreux j Se c'ell de nous que les Infidèles aprennent à fervir des meilleures armes. Je lài bien que nous ne fiiifons pas cela entant que Chrétiens , mai» parce que nous avons plus d'adreflè que les In- fidèles : car s'ils avoient allez, de génie & de va- leur pour faire mieux la guerre que les Chré- tiens , ils la feroient mieux infailliblement^ Mais néanmoins je trouve ici une raifon très- convaincante , pour prouver que Ion ne fuit point dans le monde les principes de Reli- gion , puis que je fais voir , que les Chrétiens emploient tout leur elprit , & toutes leurs pai^ fions à fe perfeftionner dans l'art de la guerre, fans que la conoiiîànce de l'Evangile traverlè le moins du monde ce cruel dellèin.

Reprenons nôtre fujet , & fâiions voir par d'autres exemples , que le dérèglement des mœurs n'ell point une preuve que l'on foit Athée,

§. cxLir.

III. Preuve , tirée de la conduite de plujieun femmes.

Qui cft-ce qui oièroit dire , que toutes îcs femmes Chrétiennes qui fe lignaient par leurs crimes , font dellituées de tout fèn- timent de Religion ? Ce feroit la plus fàulTè pcnfée du monde •■> car fûrerrent ce n'eft point le vice des femmes que rAtheïfme. Il fèrnble que 1 Eglilè reconoillè que la dévotion ell leur partage , puis qu'elle fait ordinairement des prières pro devoto fœmineo fexu. Files fe font une vertu de n'entrer point dans les grands rai- fbnnemens. Ainii elles en demeurent à leur Catcchilme , & Ibnt toutes de la Religion de fcur mère j bien plus portées à la fuperflition ,

iSo Penfées diverfès,

qu'à l'impiété i grandes coureulès d'Indulgetr- ces &: de Sermons , £<; ii fort occupées de mil- îe palTions , qui leur font comme tombées en partage, qu'elles n'ont ni le tems, ni la capaci- té necefîàires pour révoquer en doute les arti- cles de leur foi , à moins qu'elles ne loient en- gagées dans quelque Religion perfêcutée , in- capable de leur fournir les étabiiflemens qu'el- les voudroient , 6c qui leur font prefèntez par h Religion dominante: car en ce cas-là , il leiir iîirvient quelquefois des doutes violens , qu'elles paflènt , non pas de la Religion à l'A- theiTme , mais de la profeiTion d'une Religion à la profelTion d'une autre. A cela près , les femmes font très-peu fujettes à l'impicté. On les voit fore emprelfées à s'en aller gagner des pardons , fort aiïîduës aux Egliiès , entrepre- nant volontiers un pèlerinage. Je iài bien ce qu'en difent les railleurs , que la Religion n'ell qu'un prétexte , 6c que la véritable caufè de tout cela eil l'envie de promener , d'aller caufer , de voir 6c d'être vues , ou même de divertir avec un Galant. Mais je fài bien aufii , qu'il n'en faut pas croire les railleurs , ils outrent la chofe •■, ce qu'ils diiènt eft vrai quel- quefois , 6c principalement dans les pais la jaloufie règne. Mais en France on laifîè \q$ femmes entièrement fur leur bonne foi , de- forte qu'elles vont voir qui bon leur ièmble à toutes heures , 6c reçoivent compagnie tout autant qu'elles en fouhaitent , il eft faux qu'el- les aillent gagner les Indulgences , feulement afin d'avoir un prétexte de fortir de la maifon. Encore un coup , ce n'eft nullement le vice des femmes que l'impiété. Cependant il y en a beaucoup dont les mœurs font très-corrom- puës , ou par la vanité , ou par l'envie , ou par îa mediiànce , ou par l'avarice , ou par la ga- lanterie , ou par toutes ces pafTions enlemble.

Venfees dlverfes, 2; 8 î

Personne n'ignore que toutes les grandes villes ibnt pleines de lieux intames , &. que la partie du monde nous créions que Dieu a ëtabh le St. Siège Apoftoiique , eft toute péné- trée d impudicité. Le nombre des mères , eu des tantes qui font un revenu des premières faveurs de leurs fiiies , ou de leurs nièces , n'y eft pas petit. Je liibis un de ces jours dans la Relation que iVîr. de St. Didier , Geniiihomme de Monlieur le Comte d'Avaux , nous a donnée de la vilie de Venifè , ce Comte a été en Ambafiàdc , que c'eft une chofe li ordinaire dans cette Repubiique-ià , que de dix {i) filles (0 Part» ciui s' abandonnsra , // y en a neuf dont les me- }^ '^qs^' res ô' i^s tantes font eUes-mémes te /n^.rché , ô* Counif. contiennent du prix de la 'virginité de leurs files pour un certain tems , moyennant cent , ou aeux cens Ducats i pour faire , difenî- elles , dequui les marier- Il raconte fort agréablement , quilfe trouva un jour par haz^arU à un traité de cette nature, 0* qu'un Gentilhomme étranger de fa cO' noiffance , étant depuis c^uela^ue tems en marché pour une fille, ç^ dijferant toujours a donner une reponfe pOyti-ve , fur ce qu'il, -ne lui trouvoit pas affez. d embonpoint , ô^ quelle n'avoit pas encore la gorge bien formée , la tante l;ii dit , qu'il ne faloit pas être plu.s long-tems a fe déterminer y parce que le 2 ère Vredicateur d'un des premiers Cowvents de Venife , qu'elle nomma , étott entré en traité, ô* auoit cleja fait une offre raifonable. Il dit (a) aufQ , que c eft l'opinion ordinal- (^) [*"^* re de tout le monde à Venife , ^m «« Çeul ""9^ °^* jrere je marte pour tous les autres ; oc il allure des No- que cela ne fe dit pas fans fondement , mais bleî. qu'il ferait inutile d'en vouloir donner des preu- ves. Ce qui fiit voir , que i'incefte le plus brutal Se le plus outré , ne fait aucune horreur aux Vénitiennes. Ce qu'il remarque du grand nombre des CourtiiaQCS , 5c de la pleine liber- ..

te

iSi Penfeei diverfis,

dont elles jouiilent , 6c de la conTideratioa qu'elles s'aequicrent parmi le peuple , & des careilès qu'elles reçoivent dans les Couvens , lors qu'elles y vont voir les fœurs de ceux qui les entretiennent , eft une preuve incontefta- ble , que les femmes de ce païs-là n'ont aucu- ne fcnlibilité pour 1 honneur , ni pour la ver- tu , d'autant plus que ceux o^ui conotjfent amant Rome que Venife , font en peim de décider en U- quelle de ces deux 'viilei il y a flus de Court ifa- nes, (^' plus de lièertinage , à ce que dit le mê- me Mr. de Saint Didier.

Si ceux qui viennent à Paris avec les Ambaf^ Êdeurs , olbient publier quand ils font retour- nez chez, eux , des Relations auiîi libres , que celles que les François publient touchant les pats étrangers , je ne doute pas qu*ils n'euflènt bien des chofes à dire. Mais on redoute fi fort nôtre nation , qu'on n'ofe rien imprimer qui lui deplaife j ou fi on le fait , nous donnons bon ordre que cela ne foit point connu parmi nous , foit en défendant l'entrée des livres , foit en les faiiant imprimer fans les paiïàges qui ne nous plaifènt pas. C'eft ainli que Mr. l'Abbé Talemant vient d'en ufer dans fa Verfion ds l'Hiftoire du Cavalier Nani. Mais quelque mé- nagement que les étrangers aient pour nous, les dereglemens des femmes nen font pas moins réels } & qui pourroit fuivre tous les avortemens , tous les empoiibnnemens , toutes les fraudes, 2c toutes les calomnies dont les prof- titutions font compliquées en France, aulTi-bien qu'ailleurs, ce feroit dequoi donner de l'horreur aux plus endurcis.

Sur cela vous imaginez-vous que les peribn- nes qui trempent dans ces defordres , traitent de fable l'Hiltoire de l'Evangile ? Rien moins q_ue cela, La plupart de ces femmes ne lailTcnt pas de dire leur Litanie dans l'occaiion , ou les

Penfées diverjès, 285

autres prières qu'on leur a cnfeignées dans l'en- fance. Il y en a qui font des plus aiTiduës aux exercices publics de la Religion. Il y en a qui font des aumônes , gc des fondations magnifi- ques pour le 1èr vice divin j qui efperent de repentir un jour , Se d'être nuvees 3 qui con- fellcnt leurs péchez. , à tout le moins une fois îan, comme 1 Eglife l'ordonne j qui s'abftien- nent des plaiiirs pendant quelques jours , après avoir été foudroiees de cenfures dans le confef- iîonal i qui abhorrent ce qu'elles croient être hérétique} qui tâchent de convertir ceux qu'el- les croient être dans une mauvailè Keligion. Toutes chofès qui font voir manifeftement , qu'elles coniervent parmi leurs impuretez. , la perluaiion de 1 Evangile,

Vous me direz , qu elles font tout cela uni- quement pour déconcerter la mediiànce ., 8c pour faire perdre le terrain à ceux qui les croient mal-honnêtes. Je le veux croire de quelques- unes ; fcar pour les Courtilànes d'Italie , on ièroit ridicule de croire qu'elles font quelque chofè pour fàuver leur réputation) & j'avoue de plus , qu en volant des Dames galantes faire fort les emprcfîees pour convertir les Héréti- ques , 8c ne fe donner point de patience , quelque marmiton Huguenot s'eft fourré dans leur domeftique , qu'elles ne lui aient fait faire ion abjuration, ou par promeflç^ , ou par me- naces , je penfc en moi-même quelquefois, quelles pourroient bien tenir cette conduite, uniquement par l'envie de faire leur cour, 8c de devenir à la mode. Car quelle aparence, qu'une tèmme qui a peut-être fon cabinet plein de poifons, prêts à la délivrer de fbn mari , s'il^ eefle d être commode , ou de ion Galant , s'il k iàcrific à une autre; quelle aparence , dis-jc, qu'une temme qui en eft là, ie tourmente pour a converlioû d'un Hérétique par un motif de

chx-

^§4 Penfces dlvèrjes,

charité ? Mais je dis néanmoins , qu'à parler en gênerai , les femmes de mauvaiiè vie fe peu- vent porter aux œuvres charitables qu'on leur voit taire quelquefois ou envers les pauvres, ou envers les Hérétiques , non iculement par les motifs humains qui ont été touchez, ci-deflus , mais aufiTi par la raifbn , qu'elles efperent de racheter leurs péchez par là. Il femble d'a- bord que cela fait contre moi , puis que cela prouve , que la foi qui refle dans l'ame des plus grands pécheurs, les porte à bien faire de tems en tem s. Mais dans le fond, cela prouve tout-à-fait bien ce que je cherche, {avoir I. Que ceux qui portent à toute Ibrte de crimes, ne laifient pas de conferver leur Religion. 1 1. Que le grand mobile des adtions de l'homme confifte , non pas dans la croiance qu'il a fur le chapitre de la Religion , mais dans le caraéfere de Ton cœur 6c de û concupifcence j puis qu on voit qu'il Sacrifie à cela les préceptes de fa Religion , lors même qu'il iemble les pratiquer. En effet , une perfonne qui donne l'aumône , ou qui tâche de convertir un Hérétique , dans la vue de rache- ter ïts péchez prefens 6c à venir ; c'efl-à-dire , les péchez dont elle fènt bien qu'elle ne veut point le défaire j cette perfonne , dis-je , ne le fert de foi , que pour fe mettre plus en état de contenter (es inclinations vicieufes. Vous au- rez bientôt quolques autres preuves de cette pro- pofition , ^ue ceux qui s* abandonnent au crime , m laijfent pas d'être perfuadez. de nos myjleres,

§, CXLIII.

^ueîs principes on peut inférer de ce qui vient d'être dit.

Nous pouvons donc pofèr pour principe, I. Que les hommes peuvent être tout enlembic

fort

Penfées diverfes. 2S5

fort déréglez dans leurs mœurs, ôc fort perfua- àcT. de ]a vérité d'une Religion , 5c même de la vérité de h Religion Chrétienne. 1 1. Que les conoifîànces de l'ame ne font pas la cauie de nos adions. III. Que généralement par- lant, (car j'excepte toujours ceux qui font con- duits par l'Efprit de Dieu ) la foi que l'on a pour une Religion , n'efl pas la règle de la con- duite de 1 homme , li ce n'ell qu'elle ell fou- vent fort propre à exciter dans fon ame , de la colère contre ceux qui font de diiférent fenti- ment > de la crainte quand on fe croit menacé de quelque péril , Se quelques autres palfions femblabics j & fur tout un je ne fai quel zèle pour la pratique dits cérémonies extérieures, dans la penfée que zç.s adles extérieurs , 5c la profeflion publique de la vraie foi , icrviront de rempart à tous les defordres l'on s'aban- donne , Se en procureront un jour le pardon. . Par ce principe on peut voir manifeftement, combien on trompe , de croire que les Ido- lâtres font neceflâiremcnt plus vertueux qua les Athées.

§. CXLIV.

^)Ht les Athées ^ les Idolâtres font foitjfez. an mal par le même p'mc'i^e.

Car fi la perfuafion qu'il y a une Providence Cjui châtie les mcchans , Se qui recompenfc les gens de bien,n'eft pas le reflbrt des allions parti- culières de l'homme, comme je viens de le faire voir i W s'enfuit qu'un Athée 5c qu'un Idolâtre fe gouvernent par un même piincipe pour ce qui rcgra-de les m^œurs; c'ell-à-dire, par V.z in- clinations de leur tempérament , Se par le poids des habitudes qu'ils ont contradlées. De forte que pour trouver lequel ài^ deux doit être plus

me-

i^(y FenjUes diverjès.

méchant que l'autre , il ne faut que #*cnquerir des padlons aufquelles leur tempérament les zÇ- fujettit. Et foiez allure' , que li Tldoiâtre trouve pourvu d'un corps qui le rende cxtre- incment fenlible à la bonne cherc , impudi- €^VLC y violent 6c fier , il fera incomparableiriCnt plus grand pécheur , qu'un Athée d'un tempé- rament froid & pacifique. Quand on n'exam.i- ne œs chofes eue d'une vue générale , on le figure que dès qu'un Athée fait reflexion qu'il peut s'enivrer impunément , il s'enivre tous Jes jours. Mais ceux qui lavent la maxime , Trahit fua, (iHe?nqne volu^tas , & qui ont examiné plus exa6tement le cœur de l'homme , ne vont pas il vite. Ils s'informent, avant que de Juger de la conduite de cet Athée , quel eft ion goût. S'ils trouvent qu'il aime à boire j qu'il efl fort ienfible à ce plaifir-là , qu'il en ell plus friand que de la réputation d'honntte homme , ils ju- gent qu'etïecSlivement il boit autant qu'il peur. JVIais ils ne jugent pas pour cela , qu'il en tait plus qu'une infinité de Chrétiens , qui font iàouls prclque toute leur vie. S'ils trouvent qu'il a de l'indifférence pour le vin , ils lui font îa juflice de croire qu'il ne boit qu'à Ibif. Je dis la même choie de toutes les autres volup- tez criminelles. Lors qu'un Athée les trouve à Ion goût , il en prend tout f©n faoul. S'il n'y trouve aucun plaiiir , il les lailîe : ce qui a été juifement la manière dont fe font con- duits les Idolâtres , 8c dont fe conduifent en- core la plupart des Chrétiens. Grande preuve, que l'eiprit de débauche ne dépend pas des opinions que Ton a , ou que l'on n'a pas tou- chant la nature de Dieu , mais d'une certaine corruption qui nous vient du corps , 6c qui le fortifie tous les jouis par le plaifir que l'on trou- ?e dans l'ulàge àQz voi;;ptcz.

$. CXLV.

Pr^fées diverfcs* itj

§. CXLV.

^ue ce principe n'eji pas corrigé dans les IdolÀ" très mieux cnie ddns les Athées.

Qu'on m'objefte tant qu'on voudra , que la crainte d'un Dieu cft un moien infiniment pro- pre à corriger cette corruption naturelle j j'en apellerai toujours à l'expérience , & je deman- derai toujours , pourquoi donc les Paicns qui portoicnt la crainte de leurs Dieux julqu'à des, iuperftitions excelîives , ont li peu corrigé cet- te corruption , qu'il n'y a point de vice abomi- nable qui n'ait régné parmi eux ? On avoir beau conferver la mémoire des punitions éclatantes <jui avoient témoigné la colère du Ciel contre les iàcrileges Se les parjures ; on avoir beau for- ger des hiftoires pour étonner les mechans j on kvoit beau faire de pompeufès defcriptions 6c àQS Furies, 6c des Enfers , Se des Champs Eli- ses : tout cela n'empêchoit pas qu'on ne trou- Tat de faux témoins tant qu'on en vouloit , 8c qu'on ne pillât les temples , lors que l'occafion en étoit belle, (i) Juvenal eft inimitable dans /,) Mo- le portrait qu'il nous donne des faux témoins bilis & <5ui n'ont point de Religion , Se des faux te- varia eft moins qui croient un Dieu. Il dit que les pre- f^'""^^ ^*" miers le parjurent lans balancer , que les autres jorum mifonnent pendant quelque tems , & parju- «ce. rent auiVi après cela avec une extrême confian- Jn^cnal, ce. Ils ont àQs remords dans la fuite , & s1- •S'^O^* ^î* maginent que la vengeance de Dieu les pour- iliit par tout. Cependant ils ne s'amendent pas , & ils pèchent dans l'occaiion comme aupara- vant.

C'efl: une copie faite d'après nature. Nouj voions régner encore par tout cette forte d'cA Fii i qui entr^uûc les hommes dans le péché ,

nonob-

2 8S Pe^fées diverfis^

nonobflant la crainte des enfers Se \c% remors de la confcience. Si bien que difputer contre ce que je foatiens , n'efl autre choie qu'opolèr d^s raifonnemens metaphylîques à une vérité' de fait, comme ce Pliiloiophe qui vouloit prou- ver qu'il n y a point de mouvement. On me permettra , je m'afiure , me iervir de la mé- thode de Diogene , qui fans repondre pied a- pied à its argumens le contenta de marcher en prelènce : car rien n'eft plus propre à con- vaincre un honnête homme , qu'il raiibnnc fur de fauiles hypothefès , que de lui montrer qu'il combat contre 1 expérience. S'il eit donc vrai, comme l'Hifloire 6c le train de la vie commu- ne le jullifîcnt , que les homines fe peuvent plonger dans toute ibrte de crimes , pendant qu'ils font perfuadez de la vérité de leur Reli- gion , qui leur enlèigne que Dieu châtie feve- rement le péché , & qu'il reconipenlc magnifi- quement les bonnes œuvres ; il faut tomber d'accord , que ceux qui nous donnent cette perfualion pour une preuve £<; pour un titre jufnficatifde bonne vie , trompent nccefiài- rement, & qu'ainli c'eil mal raifonner , que de conclure de ce qu'un homme efi: Idolâtre , qu'il vit moralement mieux qu'un Athée. Si l'on contentoit de conclure qu'il devroit être plus homme de bien qu'un Athée , le raifonnem.ent icroit bon : mais combien y a-t-il de différence entre ce que l'on devroit taire , Se ce que 1 on fait? (i) Ci- Je lai (i)dejàdit; il n'y a point d'Annales

tieflus qui nous aprennent les mœurs & les coutumes a. ii^.« j^'^rjj, nation plongée dans l'Atheifme. Ainli on ne peut pas réfuter par l'expérience la con- jeélure que 1 on fait d'abord fur ce fujet-la , ià- voir que les Athées ne Ibnt'capables d'aucune ^ vertu morale , oc que ce font des bêtes féroces , parmi iefquelles il y a plus à craiadre pour

vie?

Pvnfées diverfes, 2-^9

^'ie , que parmi les tigres Se les lions. Mais il n'elt pas diuicile de faire voir , que cette con- je<fture eil très-incertaine. Car puis que l'ex- périence nous montre , que ceux qui croient un Paradis 5c un Enfer font capables de com- mettre toute ibrte de crimes , il cil évident que l'inclination à malfiire ne vient pas de ce qu on ignore rexiitence de Dieu, 6c qu elle n'efl point corrigée par la conoiflànce que l'on acquiert d'un Dieu qui punit <k qui recom.peniè. Il re- iùlte ùQ \^ manifeflemenc , que l'inclination à malfeire ne fe trouve pas plus dans une ame deftituée de la çonoillance de Dieu , que dans une arac qui concît Dieu j Se qu'une ame acP tituée de la conoiflànce de Dieu , n'ell pas plus dégagée du frein qui reprime la malignité du cœur , qu'une ame qui a cette cor.oiilance. Il rcfulte encore de , que 1 inclination à mal- taire vient du fond de la nature de 1 homme , 6c qu'elle fortine par \qs paluons , qui Ibrtant du tempérament comme de leur Iburce , modifient enlijite de piulieurs manières , fèloa \ts divers accidens de la vie. Enfin il relùlte de là, que l'inclination à la pitié, à la fobrieté, à la debonnaireté , Sec. ne vient pas de ce qu'on conoît qu'il y a un Dieu , (car autrement i\ faudroit dire que jamiais il n'y a eu de Paien cruel 6c ivrogne) mais d'une certaine diipoli- tion du tempérament, fortifiée par Teducalion, par Tinterèt peribnnel , pir le defir d'éire Iciié, par i'inilinél de la Raiibn , ou par de ièmbla- bles motifs , qui le rencontrent dans un Athée v- auffi-bien que dans les autres hommes. Ainii nous n'avons aucun droit de foutenir , qu'un Athée doit être necefiàirenicnt plus déréglé dans ics mœurs qu'un IdoUtie.

rm. L N §. CXLVI,

2pO" Penfées diverfis,'

§. CXLVL

^^ue îfi boniie Théologie fait 'voir , que la corrup" tion de la, nfiture n'efc -pas mieux corrigée ila?JS les Idolâtres , cjne dans les Athées.

Tout ceci s'accorde parfaitement avec I2 Théologie de St. Auguftin , qui porte que les Paiens n'ont jamais fait aucune adtion méritoi- re, c'eft-à-dire, qu'ils n'ont jamais fait aucun aéle deî vertu par un bon principe, ôc pour une bonne fin. N'efl-ce pas enfeigner que toutes les vertus des Paiens ont été l'effet , ou de leur tempérament , ou de quelque paflîon à laquel- le ils avoient pris goût ? Et qui empêche qu'un Athée , ou par la difpofition de fon tempéra- ment , ou par l'inftinéi de quelque paillon qui le domine , ne faiîè toutes les mêmes a<fi:ions que les Paiens ont pu faire'' Si le Paien n'a rien fait pour la gloire de Dieu , s'il n'a point don- né l'aumône par le motif de l'amour de Dieu , s'il n'a point raporté à l'honneur de Dieu l'u- fàge qu'il faifoit de fbn crédit pour empêcher l'opreffion à^s innocens 5 il eil clair que la co- noilîànce de Dieu n'a de rien contribué à lui Élire faire ce qu'il a fait , 5c qu'il l'eût fait tout aulTi-bien , quand même il n'eût jamais ouï par- ler de Dieu 5 Se par confequent , félon les prin- cipes ie St. Auguftin, les Athées font très-capa- bles de faire toutes les avions morales que nous admirons dans le Paganifme. C'eft ce que je répons à tous hs exemples de la vertu des Paiens , que l'on me peut alléguer. Je les ad- mire autant qu'un autre , mais je Soutiens qu'il n'y a rien , que l'on ne puiflè attribuer au tempérament , à l'éducation , au deiir de la gloire , au goût que l'on s'eft fait pour une for- te de réputation , i'efUme que l'on peut conce- voir

Pcnfées diverjès, i^t

voir pour ce qui paroît honnête 5c loiiable , 6c ù pîuiieurs autres motifs qui font de la compé- tence de tous les hommes , foit qu'ils aient une Religion , foit qu'ils n'en aient pas.

Conliderez encore , que la Théologie nous cnfeigne formellement , que 1 homme ne fc peut convertir à Dieu , ni défaire de la cor- ruption de concupiiccnce iàns être afliilié de h grâce du Saint Eiprit ; & que cette grâce ne confifte pas liraplement à croire qu'il y a un Di^u , 6c que les myfteres qu'il nous a révélez ibnt véritables j mais qu'eiie conliftc dans la charité, qui nous fait aimer Dieu, 8c qui npus attache à lui comme à nôtre fbuverain bien. Cela montre clairement , que ceux qui en demeurent à la limple perfuaiion de nos myflcres , n'ont point encore la grâce fandfi- fiante , 6c qu'ils Ibnt encc^e dans les liens 5c fbus le joug du péché j 6c à plus forte raiion , que la conoillànce vggue 6c indiilinfte que les Paiens ont eue de Dieu , ne les a pas délivrez de l'empire du péché originel , ni des imprei- lions viclorieufes de la concupifcence. De for- te que la grâce du St. Eiprit qui nous fait en- i"ans de Dieu , 6c la charité qui nous fait reiîf^ ter aux tentations de nôtre nature corrompue , n'aiant pas été dans les Paiens , ils manquoient tout aulPi-bien du véritable principe à^s bonnes œuvres , que les Athées , 6c ils n'étoient pas plus en paliè d'être vertueux que les Athées.

Je ne voudrois pas nier , qu'il n'y ait eu des Paiens , qui "tailant un bon uiàge des conoiilàn- ces qu'ils avoicnt touchant la nature de Dieu, fe font aidez de ce motif pour reprimer la fou- gue de leurs paflious. Mais il y a beaucoup d'aparence , que quand ce motif a été de quel- que vertu , les pallions éioient fi modérées, qu'on eût pu les réduire à la raiion fans ce Ic- •sours-là , ou en s'entêtant du deiu' de fe diftin- N 2 eucr

2p2 Tenfees diverfis,

guer par àcs mœurs aufteres , eu en j(è promet- tant uns fanté plus affermie, ou plus de louan- ges , ou plus de prcfir. Voici les nouvelles preuves que je vous ai promiiès.

§. CXLVII.

I V. Preuve , tirée des Bernons é^ des Sorciers l qui font loir que les gens les plus perdus de- meurent perfuadez, de l'exificnce de Dieu.

Qu'on ne s'étonne pas de ce que j'ai avan- cé , que la limple perfuaiion de nos myf- tcres n'eft pas ce qui purifie nôtre cœur. Car il n'y a rien de plus vrai , comme il pa- roît par l'exemple de tant de Clu-etiens qui ne doutent de rien, & qui font prêts à croire un million de nouveaux articles de foi , fi i'Egliiè les decidoit , qui cependant fe plongent dans toute forte de voluptez (jriminelies. Cela pa- roît encore plus par l'exemple des Démons, qui iàvent bien mieux que nous ce qu'il faut croi- re & ce qu'il fnut faire , 6c qui néanmoins font les plus méchantes de toutes les créatures, & cel- les qui peuvent le mieux prouver que l'Atheif- me n'eft pas l'origine de la méchanceté. Car ii les Démons étoient Athées , ils lèroient beaucoup moins mechans qu'ik ne font , la plupart des crimes qu'ils commettent, procédant d'une envie deteftabie de faire la guerre à Dieu.

On peut prouver la même chofe par l'exem- ple des Magiciens bc des Sorciers,* Il eil indu- bitable que ceux que l'on dit qui font pade avec le Démon, font perfuadez qu'il y a un Dieu. Il eft encore indubitable qu'il n'y a point de méchanceté plus horrible, que celle d'un hom- me qui fe donne au Diable pour lui obeïr en toutes choies. Il efl donc indubitable qu'il y a des gens , qui avec h croiancç d'une Divinité ,

font

Penfées diverJeJ, 2^3

font plus mechans que les Athées. Il eft donc faux que l'AthciTme &it la Iburce des plus grands péchez , & Ton ne £uroit nier , qu'à tout le moins l'Idolâtrie magique, dont (i) un (1) M: de vos plus célèbres Dodeurs a fait un traité Filefac, fort curieux , ne foit pire que rAtheifme. Les mêmes Démons Se leurs fupots font encore une preuve évidente de ce que j'ai tant de fois iù- pofé & juftifié i favoir que les criminels iniî- gnes ne fe dépouillent pas de la croiance qu'il y a un Dieu : ce qui en particulier ne fouf&e point de difficulté à l'égard de ceux qui pour {e venger de leurs Divinitez , ont abatu leurs temples j car jamais perlbnne n'a cherché à venger , fans croire qu'on l'a voit ofiènfé , 8c jamais on n'a cru avoir été offenfé par une chofe qui ne fût point.

§. CXLVIIL

V. Preuve , que l'on peut trouver , en faifant une revue générale des mfinieres les plus corn" munes des gens.

IL eft fi vrai que la perfuafion de nos myfte- res efl: compatible avec tous les dereglemens des mœurs , qu'il n'y a guère d homme , pour peu qu'il ait roulé dans le monde , qui ne co- noilTe plus de mille perfonnes , periuadées de tous les miracles publiez dans le Chriftianifme, qui font venus à leur conoifiànce, & prêtes à en croire cent fois autant , ii l'on prend la peine d'en enrichir le public , qui vivent néanmoins dans un grand dcfordre. Vous voiez d'un cô- té ces gens-là engagez dans quelque Confrairie , fous l'elpcrance de participer aux prières , aux mérites , & aux grâces de la Communauté, pendant qu'ils fe divertiront. Vous les voiez dans leurs maladies recourir à quelque Relique N 3 yc-;

294 Tenfées diverfiu

venue de Rome , 8c d'une vertu fbuveraine pou? guérir certaines incommoditez , ou bien à la bencdi£lion de quelque Moine fameux par àz% guerifons miraculeufès. Vous les voiez. garnis ou d'un Scapulaire , ou de quelque autre cho- ie, que l'on dit qui a la vertu d'empêcher qu'on ne fe noie , ou que l'on ne meure fans confef^ jfion , ou que Ton ne ibit mordu d'un chien en- ragé, &:c. Vous voiez même qu'ils obfervent le Carême 8c les vigiles. Vous voiez que fi un Hérétique fe moque de nos dévotions en leur preience , ils en viennent aux grofles injures contre lui, Se quelquefois mêmes aux coups de poing. Quand ils font fort riches , vous les voiez faire des liber alitez confiderables aux Re- ligieux Se sux Hôpitaux, fonder des Chapelles, Se contribuer à la décoration des Egliles. Car combien y a-t-il d'ornemens dans nos Eglifes, qui ibnt les offrandes de plufieurs célèbres Mal- totiers , 8c de plufieurs Courtifanes de grand re- nom , qui aiant amafie beaucoup de richefîês iniques , tâchent de faire leur paix avec Dieu , en lui en confàcrant quelque portion médio- cre ? Combien y a-t-il d'ofifrandcs , au bas def- quelles il faudroit écrire , ViEiïrm four le péché, ou quelque infcription fèmblable à celle qui fut mife par Diogene au bas d'une Venus d'or , que la Courtiiàne Phryné confàcra au temple de fO Ex Delphes, (i) De la débauche des Grecs ? Enfin Gracco- VOUS voiez que ces Mrs. dont je parle vont ?. la TU m in- Mcflè tous les jours ., bicn-aiiès pourtant que ce '""^"" fbit celle d'un Cordelier expeditif. A cela près, tout ceci tait leur beau côté. Regardons les de l'autre ; nous trouverons que ce font des gens , qui à peine difent trois mots fcns jurer le nom de Dieu i qui ne parlent, foit à table» dans les auberges , foit ailleurs , que de leurs prétendues bonnes fortunes , 8c cela avec des ter- mes qui feroient rougir l'impudence. Ce font

d'aii*

tempe- ïar.tiâ

Tenjees diverjès. ipj

d'ailleurs des gens qui en prennent à toutes mains. Sont-ils à la guerre ? ils rançonnent ^ns mifericorde le paiiàn , & profitent fur la paie de leurs foldats le plus qu'il leur eft poiTi- ble. Commandent- ils quelque part ? ils ont mille voifîs obliques ou violentes de s'enrichir. Sont-ils dans les affaires , le grand théâtre de h. rapine 6c de Textorfion? ils font enrager tout le monde par leurs chicanes , &: par leurs fri- ponneries. De quelque profeflîon qu'ils foient, ils mentent 2c medifent éternellement, ils trom- pent au jeu , ils iàcrifient tout à leur vengean- ce , ils font des débauches horribles , meretrix non [uffic'tt omnts j ils s'aident de plufieurs remè- des , pour avoir des forces qui puiilênt mieux féconder leurs iàles delirs ; en un mot , à l'é- gard à.t.% moeurs , ils n'ont rien qui les diflin* gue à.ç.s Chrétiens profanes. Ce ne font pas lèulement les vieillards dont parle Mr. de Saint (i) Didier , qui fervent de plulîeurs ïnài- i^s j* t ^ gnei ^ extrcwciguns artifices , pur exciter encore tion de tn eux des plaij.rs, dont la foiSleJfe naturelle k Venife «W cet âge les prive, malgré c^u'tls en ayent, les plus /«i^"^. jeunes & ks plus vigoureux s'en fervent aufîi très-fouvent , pour prolonger leurs brutales oc- cupations.

§. CXLIX.

VI. Preuve , tsrée de la dévotion que Von dît que planeurs fcelerats ont eue peur la Sainte Vierge.

LA dévotion de l'Eglife Catholique pour la Sainte Vierge cft montée à un haut point , qu'on peut dire qu'elle fait une des plus confid érables parties du culte. On a beau nous reprocher les excès Se les hyperboles de nos Moines , cette dévotion fubfifte toujours , & N 4. " con-

1^6 Poifces diverfes,

confèrvc tout ion éclat : peu de perfônncs ft hazarJent de choquer en cela l'ufâge 6c les opi- nions du peuple : la chofè cfl: trop univerfelle pour la pouvoir refermer. On ajoute tous les jours des livres a cette innombrable multitude d'écrits , qui ont été publiez pendant plulîeurs iîecles fur les honneurs 8c fur les miracles de Nôtre-Dame. Or entre les maximes qui ont été avancées par les Auteurs de cette forte de li- vres , celîe-ci n'eft pas des moins communes, ^ue Ion peut être tres-mecham , 0> néanmoins fort dévot envers la Mère de Dieu ■■, 6c l'on en donne une infinité d'exemples , dans les livres intitulez , Le grand Miroir des exemples ; Les Flews des exemples , ou le Catech'ifme hijtoriali La. Chronique de la Mère de Dieu, <^c. Alexis fi) Me- de ( I ) Salo nous alMre avec pluiieurs autres, thode qu'un jeune homme fi perdu Û. fi endurci dans viHa s ' ^" crime , qu'aiant été mis en prifon pour di- VierBe>' vers meurtres , 6c pour divers brigandages qu'il Privée- avoit commis , il renonça au Fils de Dieu 6c à ^ 3' tous les Sacremens de l'Ëglilè , fous l'efperance

que le Diable lui donna de le iàuvcr du gibet j \\ nous aiîîire , dis-je , que cet homme ne laif- ibit pas de reciter tous les jours l'Aie Marin t & qu'il ne voulut jamais confentir à la propo- fition qui lui fut faite par le Diable, de renon- cer à la Sre. Vierge. Il s'en trouva fort bienj car aiant aperçu une image de Nôtre-Dame fur une Chapelle qui le rencontra dans fon che- min , lors qu'on le conduiioit au fuplicc , il lui adreiîâ iès prières, 6c en même tems l'Ima- ge inclinant doucem.ent la tête vers fon dévot , lui làifit îe bras de telle forte , que les Archers ne pjrent jamais i'arracher de là. Le même fi) Ibid. Auteur (i) nous parle en un autre endroit Prirh, j. j'^ne Courtilàne extraordinairement débordée , qui néanmoins faifoit tous \z^ jours fept révé- rences dévotes à la Ste. Vierge accompagnées

d'un

fenfies diverfis* i^-j

d'uft Ave Maria , ce qui fut caulê qu'uae Da- me vercueufe, fâchée de voir foii mari dans un commerce criminel avec cette Courtiiàne, iii- plia inutilement ia Mcre de Dieu de châtier cet- te infâme proftituee j car l'Image de la Sainte Vierge qu'elle invoquoit , lui repondit en pro- pres termes , // Tne^l im^ojjibk de 'vous accorder 'vojlre demande. Ce ncfi pas que je rien reconoif- fe la JHjUce i mais l'affeciion q:ie cette Coitrtïfaue conferve pour moi parmi tous Jes dere^lemens , 7ne lie les mains , ô" m'empêche de lui infliger le chÀ- timent que vous fouhaittez.. J'ajoute pour un troiiiéme exemple , tiré des Nouvelles de la Reine de Navarre , qu'un jeune Prince , qu'el- le ne nomme pas j mais qu'elle deiigne allez bien, allant à une allignation amoureufe , tra- verfbit toujours une Egliiè qui rencontroit fur fon paflàge , 8c y t-àiibit régulièrement ics oraifons. Retournant chez lui , après avoir allez carefle Maîtrefîè , il ne manquoit point non plus de paflèr par la même Eglifc , & d'y faire les prières. Cette Reine allègue cela pour un témoignage de linguliere dévotion, jvlais Montagne (i) n'eft pas en cela de fon fènti- (■()Entiis ment , 5c il fait bien. I. r chap.

Car comme l'a fort bien prouvé tout fraîche- î^* ment Mr, l'Evêquc de Caftorie , (2) ii ne peut point y avo'r de véritable dévotion, ni pour ^^^P^ Dieu , ni pour les Saints, dans une ame qui n'ai- ,.,ji" "^^ me point Dieu , 8c qui n'obeït pas à Dieu.. Et prœcîpuè pour ce qui efl de ces miracles que 1 on prétend Be;ir. que la Sainte Vierge a opérez en faveur de '^'irg-<'"î- quelques fcclerats , qui avoient conferve de l'at- '" ' ^^^^' tachcment pour ion culte , ce iàvant (3) ne tc^^oj' fait pas difficulté de les rejetter , & il a railbn. Mais avec tout cela , je ne laiflè point de trou- f 5) Ib, ver ici une forte preuve de ce que j 'avance j je Traa.?, m'en vais vous la montrer. articÊs»

Puis qu'il s'ell trouvé une multitude prodi- N ^ gieu-»^

29^ T* en fée s dlverfes*

gicufè d'Auteurs , qui ont publié que plufieurs perfonnes çxi^:igécs dans les plus énormes de- reglemens , ne iaiiîbient pas de perfeverer dans la dévotion pour la Sainte Vierge , c'ci!: àQ}2L i!ne marque que les hommes fe perfuadent ai- fément, que la conoiiîànce de Dieu eft compa- tible avec toute forte de mcchancerez ■■, 8c par conièquent qu'ils fe contrcdîfcnt eux-mêmes, lors qu'ih croient que les Idolâtres font ncccf- iàirement plus gens de bien, que ceux qui ibnt fins Religion. De plus , il cft bien certain que Monfr. i'Evêque de Caflorie prouve très-forte- ment , que les dévots de la Vierge qui n'ont aucune vertu , ne font pas de véritables dévots. Mais ni lui , ni peribnne du monde ne pourra jamais prouver , que ces gens-là ne confcrvcnt point daiis leurs plus abominables im^puretez , la coutume de faire des révérences aux Images de Nôtre - Dame , de dire des Ave Maria , de recommander à la prote6lion , de fréquenter les lieux l'on dit qu'elle répand le plus de grâces , de fournir la décoration de fes Cha- pelles , cc en gênerai de pratiquer mille petits exercices extérieurs de dévotion. Ce qui mon- tre invinciblement , que ces fcelerats conlèr- vent une pleine periuaiion de tous nos myfle- res , puis quiis font pleinement convaincus, que la Sainte Vierge leur peut faire des grâ- ces, & pour cette vie , & pour celle qui eil k Y.cïilr.

§. cl;

Réflexion fur un Ouvrage du P. Ru fin,.

La diftin^lion que je viens de faire entre la "Véritable devotioa , 5c certains exercices extc-= îieurs de dévotion , le doit faire à l'égard de la FqL. Ua célèbre Jefuïte a fait un petit traité

de-

Penfees diverfeu 2pp

depuis deux ans , pour montrer la décadence de k Foi dans ces derniers liecles i & il prétend eue l'horrible corruption qui s'eft introduite dans le monde , vient principalement des grands progrès que 1 incrédulité y a taits. Il n'y a rien de plus éloquent que la defcription qu'il nous donne des mœurs de ce ilccle en ces termes :

r etit-tl ( I ) jamais pins de deregle^nent da7is la {" ( ) La For jeimejje , plus d'ambition parmi les Grands , plus des dern, de deLvAche par/rA les petits , plus de débordement ^^cles p^ parmi les hommes , plus de luxe ^ de molejje par- ^^■^' mi les femmes , plus de fanjfeté dans le peuple ^ plus de mauvaife foi daiis tous les états i^ dans toutes les conditions ? T eut-il jamais moins de f" délité dans les mariages , moins d'homiéteté dam les compagnies , jnoins de pudeur (y> de modejîie da?îs la focieté^Le luxe des habits , la fomptuojité des anieublemens , la delicateffe des tables , la fu^ perfluité de la depenfe . la licence des mœurs , /,'» curiofté dans les chofes faintes , ^ les autres de- reglemens de la 'vie font montez, à des excès i/iouïs. ,^e de tiédeur dans la fréquentation des Sacremens, que de langueur dans la pieté , que de' grnnace dans la dévotion , que de négligence en tout ce qu'il y a de plus effentiel dans les dezoirs, que d'indifférence dans le falut ! ^^)uelle corrup- tion d'efprit dans les jugemem .quelle dépravation de cœur da?is les affaires , quelle profanation des Autels , ^ quelle projiitution de ce qu'il y a de ■plus faint ^ de plus augufte dans [exercice de la

Religion Tous les principes de la vraie'

pkté font tellement reyiverfez, , quon préfère au- jourd'hui dans le commerce tm honnête fcelerat qui fait vivre , a un homme de bim qui ne le fait pas j ô' /^'re le crime fagement fans choquer- perfonne , s'apelle avoir de la probité félon le inon- de , dont les maximes les plus crmîinelles trouvent^ des atrobatetirs , quand elles ont pour Auteurs des prfonnes dms l'cination , & qu'elles font accom" pfk-

5 00 Penjees diiferjcf,

pfitg/2ées de quelque arconfïance d'écUt. Car qui ne fait , que cians ces ciernttrs tems le libertinagi piijfe pour force d'efprit parîni les gens de qualité,, ta fureur du jeu pour l'occupation des pcrfonnes de. condition, l'adultère four galanterie , Le trafc des Bénéfices four un accommouement des famiUes, la- Jlaterie, le menfonge , la irahifon , la fourberie y la diffrmulation pour les 'vertus, de la Cour ■■>ô' ce n'efi plus prefque que par la corruption ^ par U defcrdre, quon s'élève ^- qu'on fe difangue i fe ne dis rien de ces cri'mes noirs ^ atroces , qui fe font débordez, dans cette 'malheureufe fin des tems, dont ta feule idée efî capable de jeîter l'horreur- dans l'efprit. Je paffe fous flence toutes ces abo- minations inconnues yufqu'à prefent a la candeur de nôtre Nation, dans lufage des poifons j ^' que nos pères azioient entièrement ignorées , parce qu en ne peut affex, en détourner la penfée , 0' enjupri^- wer la feule imagination. Enfin pour exprimer en Hin mot le caractère de ce fiecle , on n a jamais tant parlé de morale, ^ il n'y eut jamais moins de bonnes mœurs y jamais plus de rejormation, (f^ moins de reforme yjamais plus de fa-zoir , ^ -moins de pieté } ja?'aais de meilleurs Prédicateurs , ô» moins de conajerions jjam^.is plus de communions y ^ inoins de changement de lis \ jamais plus d'ef- prit ni plus de raifon parmi le grand 'monde , ^ moins a'aplication aux chofes foitdes ^ ferieufes.

Vivrions-7ious (demande-t-il après cela) dans ces defordres , fi mus avions de la Foi ? Ferions- nous tjint de démarches J~ funefies , fi nous fui- •vicis fies lumières ? Et ferions-nous fi corrompus f^ ji déréglez. , fi- nous étions Chrétiens ? Je lui répons , que li nous avions une véritable foi , ^ui a'efl: jamais feparée de 1 amour de Dieu , Se il nous iuivions les lumières de nôtre confcien- ce > 6c il nous étions de véritables. Chrétiens, BOUS ne vivrions pas dans cts defordres. Mais .îêk n'empêche pas (jue nous naions autant dfl

fcé

TenfeeS diverjès, 7 0l

foi qu1i en faut , pour être perfuadcz. de la ve- rite de TEvangiie , quoi que nous vivions tout- à-fait mal, li y a une très-grande ditlerence entre n'avoir point la véritable foi, 6c être in- crédule : car on peut manquer de la véritable toi 5 c'eil-à-dire , de cette difpoiition de cœur qui nous porte à renoncer à tout ce que nous conoiiîbns contraire à la volonté de Dieu , Se croire îaeanmoins que la doctrine de l'Evangile eH véritable. Ainfi on joue de l'ambiguité des mots, quand on dit que les dcfordres de ce fie- cle procèdent de l'aftoibliiîement de la toi. Si l'on entend qu ils procèdent de raiîbiblillement de cette vertu Chrétienne, qui fait qu'on Sacri- fie à la volonté de Dieu toutes ics mauvaifès inclinations, on a raifon. Mais fi l'on entend qu'ils procèdent d'un défaut de perfualion i c'eft- à-dire , que nous vivons mal , parce que nous regardons les dogmes de la morale Chrétienne comme des propoiitions problématiques , dont il ne nous relie aucune aiîarance , Ton a grand tort. Car à la refcrve de quelques perfbnnes de qualité, &: de quelque? fauxSavans, ou mê- me de quelques - uns de vous autres Mrs. les Théologiens , tout le monde croit parmi nous le myftcre de l'Incarnation , la mort & pallio»! de J E s u s-C H R I s T , ion Afcenfion au ciel , prelènce fur nos autels , le dernier Jugement, la Refurreétion des corps , l'Enfer & le Paradis. On n'a point fur ces chofès-là une perflialion qui foit accompagnée d'évidence , cela peut être ; mais on a pour le moins une perfualion qui exclut le doute. Nos paifans , nos arti- sans , nos ibldats , nos Bourgeois , toutes nos femmes, la plus grande partie des Gentilshom- mes 8c des gens de lettres , croient bonne- ment & fans hcfiter tous les articles du Sym- bole. Ceux qui doutent de la Divinité de la Keligion Chrétienne , 5c qui traitent de fable N 7 ^ cfi

50-2 Tenfces dlverfes,

ce qu'on die de l'autre vie , font en très-petît nombre.

§. CLI.

S'il ejl vmi qu'il y ait beaucoup d'Athées k l^ Cour des Friaces.

On croit ordinairement que les Princes & les Grands Seigneurs de la Cour n'ont ni Foi, ni Loi , ôc 1 on fonde fur ce qulls vivent tout de même que s'ils ne croioient ni Paradis, ni Enter , iacrifiant tout à leur ambition, tai- fant une obligation indifpenlable de le venger des moindres injures, carellànt leurs plus mor-> tels ennemis, quand l'intérêt le veut ainii, veil* knt fur toutes les occalions de les ruiner par des voies imperceptibles , abandonnant leurs meilleurs amis dans les dilgraces , toujours dans des occupations éloignées de l'elprit de 1 Evangile , dans le jeu , dans les galanteries criminelles , dans les extorfions , dans les fef- tins , évitant fur toutes chofes les aparcnces de h pieté , tournant en ridicule la dévotion ; en un mot , le rendant efclaves de toutes les va- nitez du monde. On a quelque raifon de croi- re , que ceux qui vivent ainfi , n'ont aucune Re- ligion , 6c cela eft vrai en un certain fèns , par- ce qu'ils n'ont qu'une Religion croupiiTànte dans quelque coin de i'ame, ïans être le prin- cipe d'aucun bien, ivlais on fe trompe lourde- ment , il l'on croit que tous ces MelTieurs font Athées. Tant s'en faut qu'ils le foient, qu'on peut dire qu il n'y a guère de gens au monde, qui donnent plus qu'eux dans certaines fuperfti- tions. Pour ne point parler de l'entêtement oij ils ont été autrefois de confulter les Aftro- îogues , ne lait-on pas qu'ils ont une curiolité prodigieulè de confulter les Devins ? Peut -on

igno-

l

Ignorer combien ils font infatuée àç:s preià- ges ? Y a-t-il beaucoup de grandes maifons, l'on ne débite pas que l'on ell averti regU:- lierement par l'aparition de quelque fantôme, ou par quelque autre ligne particulier , que uelqu'un de la famille doit mourir ? Combien traditions prophétiques ne fait-on pas cou- rir touchant certaines familles de grande naif- iànce ? Mais fur tout, conibien de prodiges» combien d'accidens miraculeux ne raconte-t-on. pas de fès ancêtres parmi le grand monde ? Vous me direz, , que ce n'eft pas une marque que l'on en foit perfuadé , qu'on veut feule- ment faire accroire aux autres , que l'on efl particulièrement recommandé aux Devinées. Je le croi de quelques-uns •■, mais la plupart font aiiè de s'imaginer que la providence les dilliin- gue, qu'ils fe le perlùadent tout de bon. Tous nos Hiftoriens conviennent , que jamais on n'a vu la Magie plus en vogue , qu'à la Cour de France Ibus la Reine Catherine de Medicis : ce qui eût été impoffible , fi l'on n'y eût crû un Dieu , car il n'y a point de gens plus incrédules iùr tout ce qu'on dit ^cs Sorciers 8c des Magi- ciens, que les Athées.

Voions un peu les Grands Seigneurs au lit de la mort. C'ed que la nature fècouë le joug de la d iffmi dation , 6c que les véritables lèntimens de l'amc le découvrent , fi jamais ils font capables de le faire. Voions-nous des gens plus cmpveflèz que les Princes , que les Ducs & que les Comtes , à le recommander en cet état-là à la vertu àc^ fîintes Reliques, &: à l'in- terceflïon des bienheureux ? Y en a-t-il qui ne ibuhaicaflent de le faire voir au P. Marc d'Avia- no , ou à quelque autre perlbnne célèbre par làinteté, & par le don de guérir les maladies? Quels prefens n'envoient - ils pas par tous les Cloîtres. , afin qu'on prie Dieu pour leur guéri-

fon?

504 Fenfics diverfa,

fon? D'où cft venue la richefie des Eglîjfcs, que de la peur que les Grands Seigneurs ont eue de demeurer trop long-tems en Purgatoire ? J'a- voue que l'on ne fait pas à prclènt des legs pieux auiTi coniiderables qu'autrefois 3 mais on en fait pourtant de coniiderables. Le mal eft pour les gens d'Eglifè, que les héritiers ne s'ac- quittent pas fidèlement de la promefîè du Tef- tateur, aiant moins de peur que lui de la mort, parce qu'ils ne la voient pas de li près. Tout cela, Monlieur , fait voir manifeftement , que la vie de la Cour ne fait pas abjurer le Symbo- le des Apôtres : on contente de ne fuivre point {qs lumières pendant qu'on le ports bien.

§. CLIL

Conjiderftthn particulière des fentimens de Louis XI,

En diiànt que les Grands Seigneurs font voî? quand ils font au lit de la mort , qu'iis croient les myftcres de l'Evangile , je ne prétends pas leur donner un grand éloge i car il pourrois bien être , que l'envie de guérir ell la feule cau- de leur recours aux prières des bons Servi- teurs de Dieu. Or c'ell: bien peu de choie que la foi d'un homme, qui attend a, croire en Dieu, que Id fièvre le prejfe. Se n'en deplaifè aux Pères Minimes , le volage de St. François de Pauîe du fond de la Calabre à la Cour du Roi Louis XL ne me fait pas avoir une grande idée de la Êinteté de ce Prince. . Je ne iaiflerai pourtant pas de rae prévaloir de ce voiage , parce que Louis XL a fait profeflïon toute vie d'une duplicité de cœur ii opofée à l'efprit de la Re- ligion Chrctienne , qu'il n'y a guère de Roi^ que l'on pût moins tenaercùj-emeiit ibup^onner

d'ir^-

Fenfées dherfis^ 305

d'irréligion, que celui-là. Un fourbe, un Prin- ce qui moque de la parole donnée , qui tend des pièges à Ion prochain , qui s'agrandit par des voies obliques & par la fraude , me paroît plus criminel, qu'un Conquérant qui à l'imita- tion d'Alexandre , declaroit fans aucune forte de deguifement , qu'il veut conquérir les Etats de fes vollins. Et li Louis XI. ne fut pas un aufh grand perturbateur du genre humain qu'A- lexandre , ce ne fut pas à cauiè qu'il avoit plus de conlcience que lui , mais à caule qu'il avoit moins de cœur Se moins de génie. Les Hiflo- riens de ce Roi tombent d'accord , que fès pè- lerinages ( I ) 6c Tes dévotions les plus arden- (i) Mat- tes , ont fbuvent couvert des defîèins très-éloi- thieu , gnez de la juflice &. de la pieté •■> qu'il y attra- J^' . '^^ ^oit toujours quelqu'un, ^ qu'il accommodoH fa jj^.'^ ^^ Religion a [es dejfeins , plutôt que fes dejfeins à chap.a. fa Religio/î. ^i'ilfaifoit(i) des chofes qui étoient bonnes en apare'ûcc , mais a mawvalfe intention^ (2) Du ■^enfant que par fa bigoterie il tromperait Dieu ô> Haillan , le 'monde; qu'il otoit aux pauvres , tour donner Jj'.^^f^ j1 aux Egltjes -, CT qu n foula pius [on peuple de tri- France. buts ^- de tailles , que rul autre Roi de fes pre- decejjeurs , 1^ quauji rendit-il fon peuple mal af- feclionné en'vers lui. ^tfil fit durant (3) fon (^) Chro- règne beaucoup d'injufiices , de maux ^ de vio- nique lences •' tellement qu'il avoit mis fon peuple fi au jcanda- bas , quati jour de fion trépas il était prefique an ' defiefpoir.

Je ferois trop long , fi je raportois en détail ce que les Hifloires en difènt. C'eii pourauoi j'y renvoie quiconque ne fera point perfuadé, que fi jamais on a pu foupçonncr quelqu'un de ne croire pas en Dieu , c efl: afïurément Louis XL contre qui l'on peut former un préjugé étrange i 8c je m'affûre que l'on m'en croira , li l'on examine bien les faits. Il n'y auroit pourtant rien de plus faux , que d'avancer que

(i) Bran- tôme, vie de Char- les VIII.

(2) Mat- thieu , Hift. de Louis XI. Uy. 10.

(,) Ibld.

501^ Tenflei diverfes.

ce Prince n*étoit point perfuadé de Ùl Relt* gion. Car outre qu'on lui ( i ) entendit dire un jour qu'il croioit faire fes prières , fans être entendu de perfonne , devant le grand autel de Nôtre-Dame de Cleri , Ah ma bonne Dame, mu petite Maitrejfe , ma grar.de Amie, en qui j'ai eu toujours mon réconfort ! Je te prie de Ju- flier Dieu four moi, ^ être mon Adxocate en- vers lui, (^u'il me pardonne la mort de mon frè- re , que j'ai fait empoifonner par ce méchant Ab- bé de St. Jean , je m'en confeffe k toi , comme

à ma bonne Vaîrone ^ Maïtreffe 'Eais-

moi doncques pardonner , ma bonne Dame , (^ je fai ce que je te donnerai j outre cette prière, dis- je , nous voions par Temprefièment qu'il eut durant dernière maladie , de faire venir St. François de Paule, qu'il étoit perfuadé de l'etFi- cace de la prière. Ce pauvre Prince avoit tant d'envie de ne mourir point , qu'aiant apris que ce Saint Hermite tenoit dans la Calabre, 8c qu'il faiibit de grands miracles , il n'oublia rien pour ( 1) obtenir du Pape qu'il lui fût permis de le faire venir en France ; 8c il étoit telle- ment perfuadé que la prcfcnce 8c les prières de cet homme prolongeroient fa vie , que la première chofe qu'il fit en le voiant , fut de le prier d'allonger Çts jours. Enfuite il lui cnvoioit dire à tout moment, qu'il ije tenoit qu'à, lui que fa fis 7îe fût prolongée. La même envie de vi- vre lui fit demander au Pape divers prefens, comme nous l'aprenons de Philippe de Commi- ues: Le Fate Sixte ÎV. (dit-i!) étant jnf orme , que par de-votion le Roi defrcit a-vcsr le Corporal fur o^uoi chantait Meffe Monjhur St. Pierre, tan- tôt lui enioia aiec plufeufs autres Reliques , lef- quelle s lui furent enxoiées. L'Hiftorien (3) Mat- thieu nous aprend qu'il étoit environné de Re- liques, 8c qu'il s'en fervoit comme de baiTica- des j ne penlànt point que la mort eût la har^

diellc

TenJeeS ciiveyjèj, 507

diefiê de paflèr par deffus pour l'attaquer. Il fit auiïi venir la Sainte AmpouUe , f^iant inten- tion d'an prendre pareille onUian , que celle de fon Sacre, à ce que dit le même Philippe de Com- niines. Mais rien ne témoigne davantage l'en- vie qu'il avoit de vivre , que la manière dont il corrigea i'orailbn qui avoit été compoiee pour demander à St. Eutrope la fànté de fon corps 8c celle de fon ame en même temsj car il fit raier l'endroit ( i ) qui concernoit la fanté de l'ame, /j^Oaude diiànt que c'étoit affez que le Saint lui fît avoir seyfTel , celle du corps, & qu'il ne faloit pas l'importu- Hift. de ncr de tant de chofes. On ne fauroit s'empêcher Louis XI. de conclure de tous ces faits , que ce Prince étoit entièrement perfuadé de la vérité de nos dogmes. Donc nous avons en peribnne l'e- xemple d'un partait accord entre une ame tout- à-fait méchante , 5c une perfuafion de l'exiften- ce de Dieu , qui va jufqu'à la bigoterie la plus outrée.

§, CLIII.

^ue la Cour ne garantit y ni de la fuperjiition y ni des erreurs populaires.

C'efl donc une illufion toute pure, de s'ima- giner que parce que les Princes ne font pas une Religion d'obfèrver les traitez de paix, ni les alliances les plus folemnellement jurées, ou de refalcr quelque choie à leurs paluons , i]s croient qu'il n'y a point de Dieu. Je le dis en- core un coup , les Grands du monde font pour l'ordinaire plus fupcrltitieux que les autres hommes à l'égard de certaines choies. On s'i- magine qu'il ibffit d'être dans une grande mailôn , 6c d'avoir été élevé à la Cour d'un Prince , pour avoir un efprit grand 6c lublime. JMais ceux qui s'imaginent cela, confondent l'ef-

prit

5oS Tenfces diverjes,

prit avec le cœur. Il eft fort vrai , que les avantages de la naiflànce 8c de l'éducation dan« le grand monde , élèvent le cceur. On voit peu de perfonnes de cet ordre , qui ne foient braves j on en voit un très-grand nombre qui ont une intrépidité 8c une ambition demelu- rées. Mais il n'en va pas de même de l'elprit. Il faut convenir, qu'il fc polit extrêmement à la Cour j mais il n'y acquiert pas de la gian- deur , je veux dire de cette force qui l'élevé au defTus des préjugez de l'enfance, 6c qui le met en état de pénétrer jufques à la fourcc de la vérité au travers de mille erreurs dont elle eft ou couverte , ou environnée. Je pafîè plus avant , 8c je dis qu'on n'acquiert pas même à la Cour cette fauife 8c prctenduè force d'eiprit, dont les Athées 8c les Deiiies fe glorifient j 8c je fbûtiens que ii l'on examine la chofè atten- tivement , on reconoîtra que cette prétendue force s'acquiert plus dans l'exercice de la diipu- te 8c parmi ceux qui étudient , qu'à la Cour, ni à l'armée. Ainli , Moniieur , convenons de bonne foi, que les Grands avec toute la pompe qui les environne , ne laifîènt pas de demeurer dans les préjugez de l'éducation, tout de même que les autres hommes , foit à l'égard des dog- mes de la Religion , foit à l'égard des verite2i naturelles.

En effet , ii l'air du grand monde guerifîbit des impreflions de Religion que l'on commu- nique aux enfans , nous ne verrions pas autant de fuperllition que nous en voions dans hs premiers hommes de la Republique Romaine. II paroît par une infinité d'exemples , que iès Confuls 8c Çqs Didateurs , 8c femblables perfon- nes du premier ordre , ont été fort fuperfti- tieux. Les Rois 8c les Empereurs du Paganif- me l'ont été furieufement , 8c l'on en pourroit donner cent exemples très- capables de con-

vaiîi-

Tenfees diverjès, 309

Taincre que ce n'étoit pas la Politique qui agiA ibit, rnais h maladie du cœur ■-, quoi que j'a- voue , qu'il faut imputer fou vent leur fuperfti- tion à leur Politique. RepalTez un peu l'eP prit fur ce que je vous ai aLegué ci ( i ) delTus (1) Numi touchant Tarquin le Superbe , Néron , Catili- ^1°' na, &c. 6c foufn-ez qu'à -propos de Catilina, je remarque qu'on difoit à Rome , ( 2 ) qu'il f ^ a

c * r \ r '■*! llut. de

avoit raiL prêter icrment a les compiices de bdlo biai garder le lècret , 6c qu'afin que les maie- CaciJ. didions , aufquelles ils vouloicnt bien être afTu- jettis s'ils fauiibient leur toi , fillènt plus d'im- prelTicn fur eux, il leur avoit fait boire du làng humain mcle avec du vin : ce qui monde que cette troupe de fcelerats , dont ce méchant homme fe vouloit fovir pour la plus exécrable a6lion du monde, étoit perfuadée qu ii y a une juftice inviiible , qui punit la violation du fer- ment. L'un des principaux complices de Cati- lina , fàvoir Lentuius , s'engagea dans cette conA piration , à cauiè qu'il ( 3 ) s'imagina que les ^^j Lç^- livres des Sibylles , 6c les reponfes des Harufpi- tulum ces lui promettoient l'Empire de Rome; preu- autem fibi ve évidente , qu'il étoit bien éloigné de l'A- ^o^^firoiaf- ^v T .M j '.. ^ le ex fatis

theilme , puis qu il n en etoit pas encore a re- sibyiimis,

conoitre la vanité des augures. Haruf-

plcumqiie §. CLIV. xefponCs,

'' leeUe ter-

Be U fuper/lhson d'Alexandre. Corne-

lium , ad

Mais voici un exemple qui ne vaut guère ^"^"^ ^^- moins lui feul , qu'une demonilration de Geo- bis^'arau ^' metrie. Si jamais l'efprit de la Cour a pro- imperiurn duire l'Athcïfme dans une ame , c'eft fans dou- pervenire te dans celle d'Alexandre le Grand qu'il a fiTctne- produire cet efïèt , parce que c étoit le plus ambitieux de tous les hommes , 6c en même c^/VV/l tems le plus hardi §; le plus hcurçux. Aufil Orai.j,

peut-

cêfle. Cicer» t'a

5IO Penfées diverjès.

peut-on dire , qu'il a fait cent choies qui té- moignent un mépris horrible des Dieux. Je ne parle point de fes conquêtes , quoi qu'à le bien prendre , il n'y ait rien de plus injulle, ni de plus impie, que de chalîèr de vive force de leur paï's ceux qui le poflèdent de bonne foi. Je parle de la hardieiîè qu'il eut de le faire ado- rer comme un Dieu, & d'abatre les Temples d'Efculape , pour venger la mort de Ion fa- vori. Tout cela néanmoins n'empêche pas, qu'Alexandre n'ait été l'homme du monde le (i) Cldef- plus éloigné de TAtheiTme. J'ai déjà dit ( i ) fus p.2j6. quelque part, que dans fon enfance il fut cen- - furé par fon gouverneur , de ce qu'il étoit trop

poil Da- pi'odigue d'encens envers les Dieux •■, je dis à rium vie- cette heure , qu'il avoit toujours à fuite fon tumario- grand Devin Ariftandre , pour favoir de lui, los & va- les prefages des vidlimes alloient bien , toutes fere^^defie- ^^^ "^^^^ ^"^'^^ i^\o\.X. entreprendre quelque cholè. rac, rur- ^ ^^ vérité il difcontinua de confulter fes De- fus ad fu- vins , quand il fe vit au comble de fi fortune, perftido- Mais il n'eut pas plutôt éprouvé quelques tra- nemhu- yerlès , qu'il retomba dans fès (2) premières manarum ^ n.-^- o vi r v r ^ j

jrentium fuperititions , ôc qu il le remit lous le joug de

fudibria fon Ariftandre j deforte que fur la fin de révolu tus, vie , aiant cru reconoître par quelques prefa- Anftan-^ ges, que les Dieux étoicnt mal fatisfaits de lui, cre'ulka^' il prenoit les moindres chofes extraordinaires teiTi fuam qui lui arri voient , pour des fignes &c des aver- addixerat , tiiîèmens celeftes , 8c avoit toujours maifon exp.orare pleine de Devins qui y lacrifioient , ou qui la eventum pQj-if^Qicnt , ou qui y faifoient quelque autre crifi.iis lembJable tour de leur métier , comme nous jubet. l'aprend Plutarque dans la vie de ce Conque- ^'>'f. rant. .

C^rfu;;, Fiez-vous après cela à ces gens qui nous af-

I1J2 furent , comme s'ils avoient le don de fonder

les reins 6c les coeurs , que la Cour eft pleine

d'Athées. li me femble que j'ai beaucoup plus

Tenfées diverjès. 3 1 ï

<3e raifbn de le nier , 8c de dire , qu'à la vérité il eft probable qu'il s'y en trouve plus que par- mi le peuple 5 mais qu'à la reierve de quelques perlbnnes , le grand monde , univer{èllemenc parlant , eft aulTi perfuadé de l'exiftence de Dieu , 6c du Paradis 8c de l'Enfer, que le Tiers- état. S'il y a quelque différence, elle ne con- iifte afiurément , qu'en ce qu'à la Cour on lon- ge moins aux affaires de la confcience que par tout ailleurs , 8c qu'on y a plus de hardieflè, plus d'habitude 8c plus d'engagement à pécher , que par tout ailleurs •■> ce qui tait que les Cour- titàns font , ou plus ignorans que les autres hommes fur le chapitre de la Religion , ou moins retenus, 8c moins fajets aux remords de la confcience. Mais pour la perfualion des veri- tez générales, 6c des principes du Chriftianifmc, je croi qu'univerfellement parlant , ils ne l'oût pas moins que les autres hommes.

Au refte, le Roi Louis XI. eft un exemple inconteftable de ce que j'ai touché ci-deifus, qu'on peut être tout enfemble très-mechant 8c très-exad à rendre à la Ste. Vierge mille peti- tes marques de dévotion extérieure. Car ce Prince , tout tel que nous l'avons vu , a dépen- de des fommes immcnfes pour l'ornement des Egliics de Nôtre-Dame , 8c ordonné que l'on ( i) fonneroit la cloche chaque jour à midi, (0 Ce fat pour avertir le monde de reciter la làlutation l[j"jh=ea** Angélique. Claude de Seyfîèl raportc , ' ^te [a> Hift.'ds dévotion fembloit ^lus {upcrJUtienfe que religieuje ; Louis XL car a queli^ue image, ou Eglife de Dieu ^ des liv. n. Saints , 0> mèmement de Notre-Dajne , qu'il en- ^"* *• tendit que le peuple eut dévotion, 014 qu'il s'y fit (Quelques miracles , // y alloit faire fes ojrandes , eu y envotoit homme exprès. Il avoit au fur- flus fon chapeau tout plein d'images , la plupart de plomb ou d'étain , lefquelles k tout propos , ^iidnd (l Iftt Vinoit quelques noHvelkj bonnes ou.

512. Penfées dlverfis.

mauvaifes , ou que fa fantaijie lui prenait , il oaî- foit , fe ruant a genoux quelque part qu'il fe trou- vât , fi foudaiiiement quelquefois , qu il fembloit fhés blefj'jé d'entendement , que fage homme.

A. .

le 29. de Juillet i(?or.

FIN DU I. TOME,

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