P[y^vr ^ >'- w c '. ■■■;: 8R ù I PHILOSOPHIE ANATOMIQUE. MONSTRUOSITÉS HUMAINES. DE L'IMPRIMERIE DE RIGNOUX, Rue des Francs-Bourgeois-Saint-Michel, n° 8. PHILOSOPHIE ANATOMIQUE. DES MONSTRUOSITÉS HUMAINES, Ouvrage contenant une classification des monstres ; la description et la comparaison des principaux genres ; une histoire raisonnée des phénomènes de la monstruosité et des faits primitifs qui la pro- duisent ; des vues nouvelles touchant la nutrition du fœtus et d'autres circonstances de son développement; et la détermination des diverses parties de l'organe sexuel, pour en démontrer l'unité de composition, non-seulement chez les monstres , où l'altération des formes rend cet organe méconnaissable , mais dans les deux sexes, et, de plus, chez les oiseaux et chez les mammifères. Avec Figures des Détails anatomiques. Par M. leCher GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, Membre de l'Académie royale desScienees ; Professeur-Administrateur du Muséum d'Histoire naturelle , au Jardin du Roi; et professeur de Zoologie et de Phy- siologie à la Faculté des Sciences. De l'Institut d'Egypte. Associé-libre de l'Académie royale de Médecine. Et de plusieurs autres Académies nationales et étrangères. ?■" W' UTILITATI ; vide infra, p. 54t. PARIS, Chez 1' Auteur, rue de Seine-Saint-Victor , n° 33 ; Et chez les principaux Libraires pour l'Ànatomie. 182 2. MES MAITRES LOUIS JEAN MARIE DAUBENTON ET RENÉ JUST HAUY HOMMAGE DE r r PIETE FILIALE. Aida, aimez et adoptez mon jeune libérateur; paroles d'Haiiy à Daubenton, après qu'il eut échappé aux proscriptions des a et 3 septembre : le célèbre Daubenton adopta et s'associa le jeune libérateur de ton ami. Voyez Biographie médicale, t. 4 . p- 386. PREFACE, Je me disposais à donner la suite de mort Ostéologie comparée. Je ne changeai de -réso- lution qu'après en avoir lu quelques parties dans le sein d'une société savante. Cette suite est ce que j'avais promis de publier. Mon motif pour changer fut bien frivole, et je m'en punis par cet aveu naïf. On interrompit ma lecture à l'occasion de quelques propositions d'anatomie générale que je venais d'énoncer : on ne pouvait ad- mettre qu'elles fussent applicables à l'anatomie humaine , qu'on regardait comme une science achevée. Les débats furent vifs. Un peu susceptible , et dominé par le sen- timent qui donnait du mordant à la muse de Juvénal, je me décidai à écrire de suite un Mémoire tout d'anatomie humaine et tout en considérations et faits nouveaux ; et le volume VÎij PREFACE. sur les monstruosités humaines, que je publie aujourd'hui , est le fruit de cette résolution. Il n'y eut toutefois d'écrit sous l'influence de cette excitation que le premier Mémoire ; car pour les autres, je fus irrésistiblement en- traîné à les composer par l'attrait d'une lutte difficile que me promettait l'importante ques- tion de la monstruosité, lutte dans laquelle mon esprit ne craignit pas de s'engager. Cependant je ne puis encore publier la seconde partie de mon Traité d'ostéologie : car j'ai en portefeuille tout rédigé un troisième volume, auquel, à raison de la diversité des sujets qui y seront traités, je donnerai pour second titre le nom de Mélanges. L'attachement de mes collaborateurs m'a valu la continuation de leurs soins. Les habiles artistes, MM. Huet et Plée, se sont surpassés; et l'on remarquera qu'en effet les planches de la seconde livraison sont encore plus soignées et plus belles que celles de la première. M. Delalande, de retour de son mémorable voyage au Cap de Bonne-Espérance, s'est de nouveau associé à mes recherches; et plusieurs chapitres de ce livre feront connaître ce que je dois à la coopération de mon excellent ami, PRÉFACE. ÎX M. le docteur Serres, qui m'a généreusement communiqué ses précieux manuscrits sur l'en- céphale et sur la formation du tissu osseux. Enfin j'ai de plus été assisté par deux de mes élèves intimes, MM. les docteurs Flourens et Presle-Dupiessis : le premier vient de se placer dans les rangs des maîtres de la science par un travail éminemment remarquable sur les fonctions du cerveau et de la moelle épi- nière; et le second a lui-même écrit sur les questions dont je traite ici. Mais, au nom de Presle-Dupiessis, mon âme se remplit des plus douloureux regrets. Nous venons de perdre cet intéressant jeune homme. Collaborateur du Dictionnaire classique cYhis- toire naturelle, ses articles diront quelles fu- rent et l'étendue de son esprit et la solidité de son jugement : mais à combien d'autres suffrages lui donnaient droit aussi les aimables qualités de son cœur! DISCOURS PRELIMINAIRE. Je croyais avoir suffisamment établi, dans le Discours préliminaire du premier volume, que les rapports des êtres , l'analogie de leurs or- ganes, et les connexions invariables de leurs parties, étaient des effets nécessaires. J'ai donc été très -étonné d'apprendre que d'excellens esprits , même parmi les savans qui m'honorent d'une grande bienveillance , n'adoptaient ces vues qu'avec de certaines restrictions. Que mes idées eussent été rejetées en totalité, cela m'eût surpris beaucoup moins, ou même aucunement. Ainsi le célèbre docteur Leach (i) signale en Angleterre « ma Philosophie anatomique « comme un premier exemple bon à imiter, « en ce que , dit-il , ce livre ouvre une route « vaste et nouvelle , pouvant seule et nécessai- « rement conduire à une connaissance réelle « de la véritable anatomie comparée » : et {i) Comparative Anatomy. Ànnals of philosophy bi Th. Thomp- son, D. M. n° 92, p. 102 (1820). xij DISCOURS M. le professeur Frédéric Meckel (i), en Alle- magne, tient les propositions générales de mon ouvrage pour si évidentes , qu'il les sup- pose imaginées depuis long-temps (p) , et qu'il les croit adoptées du plus grand nombre des anatomistes. Toutefois ces deux savans paraissent peu après céder à un autre entraînement : ils se laissent surprendre par quelques détails aux- quels ils trouvent finalement le caractère de sérieuses objections. Celui-là réforme quel- ques-unes de mes déterminations en conser- vant encore ma nomenclature , dont il lui faut alors changer la signification; et celui-ci appelle le principe des connexions ce une loi eience,que l'anatomie pathologique doit être pour ( 16 ) la physiologie la source des plus brillantes décou- vertes. Déjà M. Lallemand, l'un des professeurs de la faculté de Montpellier, disciple en cela de l'un de ses plus savans confrères (M. le docteur Lordat), a donné, dans sa thèse inaugurale, une heureuse idée des vices de conformation en les présentant connue des expériences faites à l'avance, qui n'exi- geaient plus de nous que d'en démêler les circons- tances pour en faire d'utiles applications et en tirer de rigoureuses conséquences. C'est dans l'esprit de ces recherches que je vais comparer les différentes conformations qu'affectent les pièces du crâne humain , tant dans l'état habi- tuel que dans l'état extraordinaire ou pathologique. En les voyant sous ce dernier aspect , nous les tien- drons très-certainement pour irrégulières ; car nouai ne pouvons méconnaître que nous ne soyons là tombés sous l'empire des plus étranges anomalies; et l'on en devient d'autant plus certain, qu'on est plus familiarisé avec les caractères de l'état normal, et qu'on voit poindre de partout une tendance à reproduire un état meilleur des choses, à ramener les formes dominantes : et de plus, si, comparant aussi l'ensemble de la boîte cérébrale avec les vis- cères qu'elle renferme et ses autres enveloppes organiques toutes également susceptibles de défor- mations, nous pourrons, sinon connaître avec pré- cision , du moins pressentir avec beaucoup de vrai- ( i7 ) sembiance les caoses d'aussi singulières modifica- tions. Des relations et des actions réciproques du cerveau et de la boite osseuse. Une question a été vivement débattue depuis la direction donnée aux recherches physiologiques par les im portans travaux de M. le docteur Gai! (i). Les masses encéphaliques exercent-elles ou non une action absolue sur leurs enveloppes osseuses? On a soutenu, attaqué et défendu cette proposition par beaucoup de raisonnemens et par des observations isolées qui, faites après coup pour la plupart, ne venaient figurer là que comme des étais dans un édifice périclitant. Il eût fallu peut-être entrer plus (i) Auteur de l'œuvre physiologique la plus remarquable de cette époque , temps bien fertile cependant en découvertes de. physiologie. Et c'est cet auteur si digne de nos égards qu'on a cherché à immoler à la risée publique! Des hommes de beaucoup d'esprit ont eu le malheur d'accepter cette odieuse commission. C'étaient aussi des hommes de beaucoup d'esprit , à en juger par leur crédit , qui accusèrent Socrate d'irrévérence envers les dieux. Mais pendant qu'ils remplissaient leur coupe d'une ciguë mortelle, ce qu'il y avait parmi leurs concitoyens d'âmes fortes? et pénétrantes faisait déjà pressentir, par leur empressement autour de l'auguste victime, quel serait sur ces iniquités le tardif mais indestructible jugement de la postérité. II, 2 C >8) à fond clans ce sujet, et peut-être aussi l'envisager sous un point de vue moins déterminé. Y ayant donné attention, il m'a paru que, quoique advienne aux ma sses encéphaliques, le crâne restait invaria- blement" constitué par l'assemblage de tous ses matériau x ; mais que, selon que les masses encépha- liques se tiennent plus près ou s'éloignent davan- tage des Cvonditions de leur état normal, les os qui les recouvrent s'en ressentent dans une raison directe et proportionnelle. Voilà les faits que je désire établir par une dé- monstration rigoureuse , c'est à-dire par un exa- men très-atte ni if des moindres parties dont se com- pose le crâne de l'homme dans ses diverses défor- mations. Je me suis attaché à trois exemples, que j'ai fait figurer, et don l j'ai fait choix, parce qu'assez bien échelonnés danf» l'ordre de leurs différences, ces trois considérations renferment à peu près l'essen- tiel de tous les car» publiés jusqu'à ce jour (i). (i) Il n'entre pas dans mon sujet de rappeler tous ces travaux dont se sont occupés un grand nombre de savans, Fincélius, AVolfius, Ruiscli, Kerkring, Littre, Fauvel, Wepfer, Morgagni, Hubert, Sue, Busch , Tiedemann, Gall, etc. Toute celte littéra- ture a été donnée d'une manière très-satisfaisante par M. le professeur Béclard, dans un long article imprimé dans les Bulletins de la Faculté et de la Société de médecine de Paris , i8i5, IXe Bulletin. Je me borne à y renvoyer le lecteur. ( '9 ) Je dois la communication du premier de ces exemples aux soins dont m'honore mon célèbre ami M. le docteur Serres. Ce crâne, pi. II, fig. i et 2, se distingue par un caractère observé déjà sur un antre sujet, par une épaisseur et une dureté si grandes, que, pour l'entamer et le diviser, il fallut recourir à une scie. On a douté de cette ob- servation rapportée par Vanhome, et cependant il n'est rien de plus exact. Le second de ces crânes, pi. II, fig. 3 et 4? fait partie de la riche collection de l'Ecole de Médecine. Par la manière dont il est déprimé , écrasé et pro- longé sur les flancs, il rappelle le crâne d'une loutre. Mais la troisième monstruosité, pi. I, fig. i, 2 et 3, est l'exemple sur lequel j'insisterai plus parti- culièrement dans ce Mémoire. M. le docteur Lalle- mand Fa décrite et figurée dans sa thèse inaugru- raie que nous avons citée plus haut. J'ai vu cette monstruosité dans le cabinet de l'École de Méde- cine, où elle était rapprochée de quatre pareilles anencéphalies. Libre, grâces à la bienveillance des savans professeurs de cette Ecole , et aux généreux encouragemens qu'ils ont accordés à mes recher- ches, de faire un choix parmi ces préparations, je me suis fixé sur celle de M. Lallemand, dont le crâne me paraît avoir les plus grands rapports avec celui de la dissertation de Sandifort, intitulée Anatome ( 20 ) infantis cerebro destituti , et avec un autre crâne k l'état pathologique figuré dans le bel atlas de l'ou- vrage de M. Gali; j'ai, dis-je , préféré cette prépa- ration, non-seulement pour profiter des observa- tions publiées par ces anatomistes , mais pour m'autoriser au besoin de leur travail de détermi- nation. Une circonstance ajoute à l'intérêt de la préparation du jeune et habile professeur de Mont- pellier; c'est que le crâne de ce squelette (i) repose sur une colonne épinière tranchée nettement à son milieu par un spina-bifida , lequel atteint toutes les vertèbres du cou et les sept premières de la ré- gion dorsale. La tète de ce dernier sujet ne contenait ni cer- veau , ni cervelet , ni moelle épinière. Les deux autres crânes avaient leur cerveau , mais logé au dehors. Dans le premier exemple il était situé en dessus, et couvrait le haut de la boîte cérébrale; et dans le second il se vovait en arrière , étant sorti tout à travers les os occipitaux. (i) Nombre des vertèbres de ce squelette, dans lesquelles je distingue comme dorsales les vertèbres pourvues de côtes : cervicales , 7 dorsales, 11 Vertèbres \ lombaires, 6 \ 3o. sacrées , 3 coccygiennes, 4 ("21 ) Malgré la diversité de ces trois combinaisons , chaque tète osseuse se trouve néanmoins compo- sée par autant de pièces qtikm en trouve dans un crâne à l'état normal. Mais d'ailleurs on remarque cette circonstance ; les os de la face paraissent s'être fort peu ressen tis de l'influence pathologique, quand celle-ci atteint outre mesure les os de la boîte céré- brale. C'était sans doute le moindre résultat à pré- voir: le contenant, dans l'état normal, s'applique si exactement sur le contenu , qu'on dirait l'un moulé sur l'autre. L'absence totale ou partielle des masses encéphaliques ne pouvait donc manquer d'intro- duire, et elle introduit et cause en effet la confusion la plus grande parmi tous les os qui sont étendus sur ces masses, et qui sont ou devraient être em- ployés à les coiffer. Cependant cette confusion a des limites : un certain ordre règne encore dans ce désordre. Les irrégularités n'atteignent guère que la forme, et, quoique extrêmes, elles ne vont jamais jusqu'à changer les relations des parties. Mais la boîte s'en- tr'ouvre à l'une de ses sutures; ses deux portions se désassemblent. Abandonnées aux puissances du dehors, savoir, les contractions des muscles et du derme qui leur correspondent, elles s'écartent à droite et à gauche d'autant plus qu'il est moins de substance cérébrale en dedans pour contre-balancer l'action des tirages extérieurs. (M ) Ainsi, en définitive, il n'y a d'événemens produits que des disjonctions opérées sur la ligne médiane, et qu'un changement; de forme pour toutes les parties qui eussent ensemble composé la boîte cérébrale. Mais si les formes et Fécartement des os céré- braux varient d'un crâne à l'autre, c'est, je ne dois pas craindre de reproduire cette pensée, c'est tou- jours sans caprices, sans aucun arbitraire. Le dé- veloppement de ces os est constamment propor- tionnel au volume des masses encéphaliques , jus- que-là cependant que tout se passe sans que la dis- parition de ces masses entraîne l'anéantissement total des os qui leur correspondent. N'oublions pas que toute pièce osseuse a comme deux destinations, puisqu'il n'est aucune de ces pièces qui ne soit utile par ses deux faces. Un os venant à perdre l'un de ses deux emplois n'en est que plus dévoué à l'autre. Ainsi s'explique comment l'influence patholo- logique, bien qu'elle s'exerce dans toute sa force, ne s'étend que partiellement sur les os qui en sup- portent l'effet, et comment ceux-ci, tout en perdant de leur volume et de leur importance, ne souffrent jamais de ces atteintes au point de rétrograder jusqu'à zéro d'existence. Tels sont les faits généraux, les principales con- séquences de ce Mémoire. On s'y intéressera d'au- * ( a3 ) tant plus sans doute , qu'on ne manquera pas de remarquer que toutes ces vues physiologiques se rattachent à de très-belles et de principales ques- tions de philosophie; elles pourront éclairer quel- ques points de la célèbre doctrine de M. Gall, si, comme je lé pense, elles portent rationnellement sur ce qu'un empirisme aussi ingénieux qu'admi- rable a fait découvrir à ce grand physiologiste. Mais pour que ces vues nouvelles aient ce degré d'utilité , il faut qu'elles naissent de faits spéciaux acquis sans équivoque ; qu'elles soient effective- ment une déduction rigoureuse de ceux-ci : ce sont ces faits dont l'exposition va suivre. Je les ai fait précéder des conséquences où ils m'ont conduit , pour qu'averti de leur intérêt on ne fût pas trop effrayé de l'aridité de quelques détads, et qu'on y donnât au contraire l'attention que tout esprit ré- fléchi accorde aux vérités fondamentales. § IL Examen des pièces dont se compose le crâne d'un anencéphale. Des Observations sur ce sujet déjà publiées. M. le professeur Lallemand, avons-nous dit plus haut, a déjà donné une description de l'espèce d'anencéphale dont je vais plus spécialement m'oc- cuper dans ce paragraphe. Il en a fait représenter ( ,4 ) le crâne de deux manières, de profil et par-derrière dans un dessin lithographie. Au moyen de lettres dont il donne la valeur dans l'explication de son dessin, il distingue plusieurs pièces de ce crâne. Il les cite et nomme comme il suit: Os du nez, coronal, os planum, débris du pa- riétal, maxillaire supérieur, maxillaire inférieur, portion pierreuse du temporal, portion supérieure de V occipital, sa portion condyloïdienne , os zjgo- matique, cadre du tympan, grande aile du sphé^ noide. Et sur la ligne médiane en arrière, il distingue de plus le corps du sphénoïde, sa portion basilaire, et la portion basilaire de V occipital. Il n'entrait pas dans le plan de l'auteur de s'oc- cuper plus en détail de ces déterminations ; mais pour n'être indiquées qu'en passant, si je puis m'exprimer ainsi, elles n'en sont pas moins don- nées avec une justesse admirable. M. Lallemand a vu deux occipitaux supérieurs (i) qui ne sont pas seulement remarquables par la circonstance de leur pluralité , mais qui de plus ont perdu leur situation habituelle, qui se trouvent descendus au lieu le plus bas, et qui paraissent s'être comme laissés en- traîner de côté et en arrière du crâne. Aucune théorie, aucun précédent en anatomie humaine, (i) Sandifort, dans la dissertation que j'ai citée plus haut, avait le premier, dès 1784, donné cette détermination. ( *s ) ne portaient sur cette détermination , et ne don- naient lieu de soupçonner que l'occipital supérieur fût à l'origine formé de deux os primitifs. Ce qu'en avait dit fort anciennement Kerkring avait été né- gligé, et n'a guère été repris et revu de nos jours que par M. Serres. Avec plus de motifs pour prendre une opinion sur cette question, sachant que les animaux infé- rieurs ont constamment le trou occipital fermé en haut par deux occipitaux supérieurs , conduit , comme avec un fil d'Ariadne, par la loi des con- nexions, et de plus déterminé par plusieurs autres considérations que j'aurai plus bas sujet d'exposer dans le plus grand détail, j'adopte entièrement sur ce point le travail de M. Lallemand. Je dis sur ce point, et fais cette distinction à cause d'une légère dissidence. Ce que M. Lallemand appelle un débris du pariétal m'a paru d'un très- grand intérêt : y ayant regardé de près, je l'ai vu formé non d'une seule pièce, mais de deux (i). Je nomme aussi autrement que lui ses portions basi- laires du sphénoïde et de l'occipital (2). On conçoit, d'après ce qui précède, que j'ai dû voir tout ce crâne avec plus d'attention. On m'a permis d'en séparer les pièces; je les aperçois pré- (1) Voyez pi. I , les lettres S , T. (2) Voyez même pi., les fig\ numérotées X', X". ( *) sentement comme autant de matériaux distincts i aucune ne m'échappe, j'en trouve un plus grand nombre, ou plutôt il n'en manque aucune de celles qui entrent dans la formation d'un fœtus ordinaire de cet âge. Pour qu'on n'en puisse douter, je les ai fait figurer, et je vais toutes les décrire à part. Il sera facile de me suivre en prenant la peine de consulter la planche I, anencéphale, où toutes sont rassemblées. Je me sers pour chaque pièce de lettres consacrées dans mes anciens travaux sur le crâne des oiseaux et des crocodiles. Des os de la face. La lettre C représente le maxillaire supérieur; on n'y peut distinguer de suture qui en sépare l'os incisif : c'est la même forme que dans un sujet na- turel au huitième mois de la vie fœtale , c'est le même degré d'ossification , toutefois une taille au- dessous de l'ordinaire. Les mêmes observations sont applicables aux pièces suivantes : au vomer G, au palatin D , au nasal H, au lacrymal L, au jugal M, au cornet an- térieur J, au cornet postérieur I, le corps ethmoï- dal n'existant de même qu'à l'état cartilagineux, enfin à l'hérisséal (i) E (apophyse ptérigoïde in- (i) Dans le Mémoire que j'ai lu à l'Académie des Sciences le ( 27 ) ■ terne). Aucun de ces os n'est en contact avec les masses encéphaliques , et tous sont restés sous les formes propres à l'état normal : nous allons voir qu'il n'en sera plus ainsi des os de la boîte cérébrale. Du temporal. Déjà le défaut d'absence du cerveau se fait res- sentir à l'os temporal R (et sous le nom de tempo- ral, dont en anatomie comparée nous avons res- treint l'acception, nous entendons seulement la portion dite autrefois écailieuse du temporal). La tranche m de cet os, qui d'ordinaire donne lieu à plusieurs anfractuosités , mêlant leurs cellules à celles du rocher, s'incline davantage en dedans et au point de se confondre avec la face intérieure, laquelle est d'ailleurs réduite à presque rien. Cette tranche fait la moitié de toute cette surface déve- loppée du côté intérieur; elle est contournée en 21 août dernier (1820), j'ai traité de tous les matériaux primi- tifs des deux sphénoïdes, et j'ai donné à ces divers matériaux les noms qui suivent, savoir : les noms dCingrassial à l'aile d'Ingrassias , de bertinal au cornet spliénoïdal , de ptéréal à la grande aile, de ptérigoïdal à l'apophyse ptérigoïde externe, à'hérisséal à l'apophyse ptérigoïde interne, à? entosphénal au corps spliénoïdal antérieur, et à' hipposphénal au corps posté- rieur. Ce Mémoire s'explique sur la nécessité et les procédés de cette réforme. \ ( =8 ) demi-cercle et profondément excavée. Le surplus n de cette même surface forme toujours paroi inté- rieure, et ne se fait guère remarquer que par son exiguïté et son inutilité. Une autre facette p, à angle droit, est d'une singulière largeur: c'est celle qui remplace tout le bord chantourné et articulaire du côté des grandes ailes, ou plutôt c'est cette fa- cette articulaire ; car elle reste employée au même usage. Là l'os est dans sa plus grande épaisseur. Cependant il présente extérieurement moins de différence, et il n'en montre surtout aucune dans son apophyse dirigée sur le jugal. En définitive, c'est le même os qu'à l'état normal , mais qui aurait perdu sa forme d'une large écaille, et qui se serait ramassé sur lui-même à peu près comme feraient des fibres rayonnantes qui viendraient s'acculer sur leur point de centre. Il faut bien au surplus qu'il ait ainsi conservé toutes les molécules devant en- trer clans sa structure , et qu'en effet il n'ait rien perdu de sa masse , puisqu'il a acquis une épaisseur, qui n'est au fond qu'une sorte de contraction de ses dimensions superficielles. Du ptéréal, ou de la grande aile. Le ptéréal , fi g. s*3, présente de point en point le genre de développement du temporal. Sa base /', comme étrangère à la composition de la boîte ce- ( 29 ) rébrale, n'a pas subi de changement; mais sa par- tie étendue en aile, dont la face intérieure aurait dû au contraire revêtir une portion de l'encéphale, est toute contractée. L'épaisse tubérosité qui en est le résultat, est néanmoins disposée de façon qu'il reste toujours une facette u pour servir de muraille à la chambre de l'œil. Adossée à cette facette est une aussi grande surface v : celle-ci est toute em- ployée en bord articulaire du côté du temporal ; restée fidèle sous ce rapport à l'analogie, malgré ce travestissement des formes, il en est de même quant aux fonctions. Il est donc là pour les deux os contigus, en remplacement de lames et de bi- seaux très-minces, une épaisseur et une largeur qui montrent ces os également asservis à la même cause perturbatrice, et qui les laissent dans une convenance réciproque : on ne trouve d'ailleurs aucune différence relativement aux canaux que traversent les nerfs , 2e et 3e branches de la cin- quième paire. Le trou ovale n'est pas moins grand que de coutume, et le trou rond ne s'annonce de même encore que par une gorge et par l'apophyse dont la saillie s'apprête à fermer ce demi-canal. Du rocher. Nous passons à un sujet d'un autre intérêt en nous portant sur le rocher, fig. 12. Les os de la ( 3o ) face nous ont paru trop petits ; c'est le contraire pour le rocher, dont les dimensions sont portées presque au double (i). A cela près et à un peu plus de saillie et de rondeur en dedans , les formes sont les mêmes. L'ossification , quant à sa consistance et à sa porosité , est plutôt restée en deçà qu'elle n'a gagné, de façon que l'augmentation de volume a plutôt profité aux espaces cellulaires qu'à l'épais- sissement des lames osseuses. Remarquez que toutes ces différences se réunissent pour donner à croire que plus de facilité laissée là au développement osseux les a produites. Le rocher est à lui seul un système complet : c'est toute l'oreille interne. Si nous le voyons, comparé à ce qu'il est ordinaire- ment, se surpasser ici en grandeur, c'est donc évi- demment aux dépens de sa densité et de sa solidité : rien à la face cérébrale n'en contraignant le déve- loppement, il a crû davantage. Aurions-nous dans ce fait l'explication de la for- mation du rocher à l'état normal ? On lui a donné le nom de portion pierreuse du temporal, de ce qu'il l'emporte sur toutes les autres parties du (i) Cette observation n'a point échappé à M. Lallemand. « Les pièces de la base du crâne ont conservé leurs rapports ; « celles de la voûte ont été plus ou moins déplacées : ainsi la (? portion pierreuse du temporal est très-grosse , la portion « écailleuse comme atrophiée. » Thèse inaugurale, 1818, n° i65, p. 3i. ( 3i ) crâne par une plus grande densité. Cette densité va dans quelques animaux, dans les cétacés entre autres, jusqu'à la consistance de l'ivoire. Tout ce qui croît en dehors de lui tend, dans le premier âge, à le refouler du côté du cerveau, quand celui- ci, si ce n'est pas qu'il réagisse, prévient tout au moins les effets de cette tendance par l'interposi- tion de ses masses. Alors la situation du rocher est telle que, pressé de toutes parts, il ne participe pas aux mêmes accroissemens que les autres par- ties du crâne. De là aussi il arrive que les molé- cules osseuses qui , au fur et à mesure de leur li- vraison par le système artériel, auraient pris place latéralement , sont forcées de s'engager dans la propre substance des os; qu'elles pénètrent pré- maturément dans les espaces alvéolaires , les remplissent, et augmentent ainsi la densité du rocher. Je terminerai cet article par une remarque; elle est relative à un petit osselet 0 (fig. i et 3), qui n'existe que sur l'un des rochers , sur celui de gauche. Il occupe à la face cérébrale une gorge profonde qu'on voit en dehors du trou auditif. Je ne sache pas que cette gorge ait reçu de nom, sans doute parce qu'il n'en existe pas de trace dans l'âge adulte. C'est une partie cependant très-caractérisée, puisqu'il semble que les plus grands efforts de l'ossification se passent autour d'elle ; son promon- ( 3. ) toire ou l'anneau qui sépare ce sinus du trou audi- tif est comme éburné. Cette gorge est occupée par un prolongement de la masse encéphalique qui plonge dans le rocher. N'est-ce là qu'une organisation pour la vie fœtale seulement? La taupe, en qui l'on trouve quelque chose d'analogue, la conserverait donc toute la- vie? Au surplus l'on remarquera que cette masse nerveuse s'atrophie au fur et à mesure que le rocher prend plus de développement et de consis- tance. Quoi qu'il en soit, nous avons à rechercher ce qu'est le petit osselet 0. Devrons-nous le considérer comme un os qui vient assez tard, et qui serait le noyau d'une lame destinée à renfermer et à faire disparaître sous une cloison la gorge qu'il re- couvre? Pourquoi, dans ce cas, ne l'aurions-nous pas rencontré sur l'autre rocher? Ou ne serait-ce que le congénère d'une bandelette osseuse S de l'intei pariétal, fig. 17, que nous voyons bien dis- tinctement à gauche (ûg. 1) articulé avec le parié- tal? Mais il faudrait admettre pour cela que l'in- terpariétal fut devenu plus rudimentaire d'un seul côté, et que, tombé par affaissement sur le rocher, il fût parvenu à s'y souder; et avant tout, il faudrait acquérir la certitude qu'il ne manque point à droite. Or nous ne le savons pas , le sujet de nos observations ayant perdu une partie des os dont ( 33 ) se compose la voûte du crâne ; et la lithographie de M* Lallemand, qui le représente entier, mais qui en ce point n'a pas atteint toute la netteté et la précision désirables, n'y pouvant suppléer. Nous n'insisterons pas davantage, nous bornant à indiquer ici une lacune. Des os de l'oreille* J'ai} en parlant du rocher, traité du véritable système osseux de l'organe auditif; il est cependant d'autres pièces, dites plus particulièrement, os de l'oreille. On a pu voir ailleurs (i) comment ces pièces, ayant une origine distincte, un tout autre emploi et une haute importance chez les poissons, se marient, réduites à des dimensions rudimen- taires, merveilleusement avec l'ouïe, dans tous les animaux à respiration aérienne. Placées aux abords de cet organe , c'est en les traversant que les rayons sonores pénètrent dans le rocher. Selon qu'elles en gênent plus ou moins l'introduction, on apprécie leur efficacité , on leur attribue plus d'activité. Des os, ainsi réduits à un minimum de compo- sition i se ressentiront-ils davantage de l'influence pathologique? Il n'en est rien ; mais le rocher ayant ■ —^ — — mi»!— ^— i ■ m wmm mm ■ ■ ■ > »^— ^ i i -■■■■■■■ , fc (i) Philosophie anatomique , Organes respiratoires , pages < 45, 55 et 4424 11. 3 ( 34 ) cru outre mesure , ils lui sont unis , de manière à présenter une situation plus inférieure ou plus rapprochée de la ligne médiane. Le tympanal Q, fig. ^4, ou l'os dit le cadre du tympan, forme une portion de cercle à branches moins prolon- gées, à extrémités moins curvilignes et à diamètre plus court; c'est à peu près la figure d'un fer à che- val. Le corps , ou le point de réunion des branches, a plus de relief à son fond, et sa gorge en dedans montre plus d'étendue et de profondeur; mais il paraît, à une suture m n , qui n'est pas entièrement effacée sur l'un des tympanaux (fig. 24 )> que ce volume si considérable est dû à la présence du co- tyléal (1), qui se serait soudé et confondu avec la portion coudée du tympanal. On n'aperçoit plus , mais parce qu'il y est aussi soudé , le serrial , ou l'os du cercle découvert par M. Serres. Il ne manque d'ailleurs aucun des quatre osse- lets, et chacun a de plus conservé sa forme son, ar- ticulation et son usage. Car bien que rétrier soit réduit à une simple lame triangulaire d'un côté et de l'autre à une tige à deux branches, il ne diffère pas de son état normal, où l'on trouve pareil- lement qu'aux premières époques de formation, la traverse qui réunit ces deux branches forme (1) Voyez plus bas le Mémoire dans lequel je décris les pièces de l'oreille externe. ( 35 ) une spatule à part et de nature cartilagineuse. Notre figure it\ laisse voir distinctement : i° sa partie principale en fer à cheval ou le tympanal : et i° le cotyléal au-dessous , ou du moins ce qu'en montre un reste de suture. Je n'ai pas cru devoir faire figurer le marteau, qui était dans l'état ordi- naire, ni même l'étrier, dont la description pré- cédente donne une idée suffisante. L'enclume est représentée fig. 25. Du sphénoïde. Le rocher vient en dedans s'insérer sur la gorge que forment sur le coté et à leur articulation l'oc- cipital inférieur et la portion basilaire du sphé- noïde. Pour que nous trouvions cette relation dans notre sujet, il faut que, contre l'opinion de M. Lai- lemand , nous tenions la pièce X', fig. 7, pour une portion de l'occipital inférieur. En pareil cas , les connexions décident; et ce point jugé, le sphénoïde, qui autrement eût présenté des anomalies indé- chiffrables, rentre dans les conditions ordinaires. J'ai déjà fait mention des ptéréaux ( grandes ailes ) et des hérisséaux (apophyses ptérigoïdes ) E. Ce qui reste à comprendre sous le nom de sphé- noïde et ce qui forme à l'âge de notre fœtus l'or- gane figuré sous le n° 6, ne se composent plus que de quatre matériaux primitifs, savoir : de l'une et de l'autre ingrassial OP. de Xentosphênal Z et de (36) Yhippophènal Y , c'est-à-dire des corps sphénoï- daux antérieur et postérieur. Ces derniers diffèrent peu de l'état normal, si ce n'est par une moindre dimension. Supérieurement et entre les in gras si aux est un sinus longitudinal pour la racine des nerfs olfactifs, un peu en arrière une gouttière transversale extrêmement étroite pour celle des nerfs optiques, et plus postérieure- ment en est une autre parallèle, mais bien plus large et plus profonde; c'est la fosse pituitaire, la- quelle est bordée comme d'ordinaire par le rudi- ment des apophyses clinoïdes postérieures. Infé- rieurement on remarque également les mêmes dispositions qu'à l'ordinaire. Les deux corps sphé- noïdaux, toujours à cet âge confondus et soudés l'un avec l'autre, sont cependant comme distin- gués sur les côtés par les tubérosités articulaires des ptéréaux ( les ailes sphénoïdales de la région oculaire ). Les grandes différences sont toutes pour les in* grassiaux. Observez que de tout l'ensemble figuré n° 6, ce sont les seuls os en contact avec le cerveau. Celui-ci manque, ceux-là varient; mais, ce qu'il ne faut pas perdre de vue, ils varient seuls, non avec eux les corps sphénoïdaux, qui leur servent de support et avec lesquels ils se confondent de fort bonne heure par des articulations synarthrodiales. Il n'y aurait que ce fait pour établir que ce sont ( 37 ) là des matériaux qui jouissent de quelque indé- pendance, qu'il faudrait déjà en faire la distinc- tion. Quand dans mon mémoire sur le sphénoïde, j'en vins à discuter les motifs qu'on avait allégués pour remplacer les anciennes dénominations d'ailes d'Ingrassias par les noms d'appendices ensiformes ou d'apophyses xiphoïdes, j'observai que le carac- tère invoqué , la forme en épée , n'était qu'une cir- constance toute spéciale de l'anatomie humaine y qui ne pouvait s'appliquer à aucune autre confor- mation de l'anatomie des animaux ; cependant j'avais encore trop accordé , puisque ce n'est une forme donnée en anatomie humaine que sous l'obli- gation de conditions elles-mêmes déterminées. Que les masses encéphaliques viennent , je ne dis pas à manquer entièrement, comme dans le sujet de la pi. I (voyez fig. 6 ), mais que seule- ment, comme dans nos deux autres exemples, elles n'arrivent pas à tout leur développement ordinaire, les os de la périphérie intérieure éprouvent une moindre poussée, et des parties rondes apparaissent en remplacement de surfaces aplaties. Telle est l'histoire de nos ingrassiaux, qui, au lieu d'être étendus en table sur les côtés (voyez pi. III, fig. 10, ii et 1 3) et de présenter de larges surfaces , se re- lèvent en rondes bosses , et prennent la forme d'un demi-anneau, pi. I, fig. G, et pî. III, fig. 12. Ils se ( ^8 ) réduisent ainsi à une portion de cercle pour servir à l'encadrement des nerfs optiques. Ce n'est pas que, malgré cette singulière méta- morphose, on ne puisse parvenir à y retrouver le principe de leur conformation habituelle. En effet le bord antérieur des ingrassiaux dans l'état nor- mal n'est pas droit, mais découpé, de façon qu'on distingue sur le milieu une gorge laissant en dehors l'apophyse en forme d'épée , et en dedans une sail- lie plus obtuse (voyez pi. III, fig. 1 3). Qu'après cette observation vous veuillez revenir à l'ingrassial dans son état pathologique, pi. I, fig. 6, lettre OE, vous aurez à remarquer que sa partie antérieure pré- sente aussi encore plus distinctement deux apo- physes, l'externe très-aiguë et l'interne ovoïde, toutefois avec cette différence, que dans le premier cas l'apophyse ensiforme s'étend de côté, et que dans le second, au contraire, elle a sa pointe diri- gée en avant. Je rapporte leurs dimensions prises sur des sujets de même âge, savoir, pour le premier, trois lignes de devant en arrière et six lignes d'un bout à l'autre latéralement, et pour l'ingrassial à l'état pathologique , trois lignes d'avant en arrière et deux seulement en côté (x). (i) J'ai fait représenter pi. III, fig. 12, un ingrassial dans une circonstance remarquable. L'intérêt de celte pièce tient à ce que je l'ai retirée sans rien rompre du sujet monstrueux que ( 39 ) Du frontal. S'il est dans la destinée des os de la tète de varier que j'ai décrit plus bas sous le nom de dérencèphale. Cette observation m'a confirmé que c'est là une pièce sui generis. Les animaux me l'avaient montrée avec ce caractère , mais non l'homme dans l'état normal. Placée chez celui-ci , plus qu'au- cune autre pièce du crâne , sous l'influence du cerveau , dont elle supporte les masses et dont elle ressent toute la poussée , elle arrive à un développement si grand, que la précocité de sa soudure avec l'entosphénal en est un résultat nécessaire. Dans les animaux, au contraire , où le cerveau a moins de volume , et où cet organe exerce par conséquent moins d'empire sur les os de son entourage, elle rentre davantage dans les conditions générales de tout le système osseux. Mais enfin, dans la présente anomalie , c'est-à-dire dans un fœtus humain sans cerveau, chez lequel l'ingrassial n'est développé que tout autour du nerf op- tique (celui-ci conservé sain et entier où n'existe aucune trace de substance cérébelleuse) , et chez lequel l'ingrassial éprouve comme une rétraction sur lui-même , il ne pouvait manquer de manifester ses qualités d'individualité , et c'est ce qu'établit en effet notre pièce figurée pi. III, n° 12. Remarquez-en, je vous prie, les formes, et voyez que les dissimilitudes de cet osselet dans ses deux états normal et patho- logique ne sont pas d'un genre al solu. Les figures 11 et 12 vous en mettent sous les yeux les deux différentes conditions. Or les mêmes lettres vous indiquent les points communs par où nos deux ingrassiaux se ressemblent : r est le front de la pièce, s sa partie postérieure, m sa gorge, formant arche de (4o) d'autant plus qu'ils ont à recouvrir une surface cérébrale plus considérable, que ne devons-nous pas attendre du frontal ? On sait que d'homme à homme les degrés de l'intelligence se mesurent sur l'étendue superficielle et les saillies plus ou moins grandes de cette première pièce de la boîte cérébrale. Dans ce cas il faudrait admettre la con- séquence que là où il ne reste aucune trace de l'organe matériel de la pensée , il ne reste vestige non plus de ce qui en forme l'enveloppe. Cette conclusion serait tout au plus de rigueur si le frontal n'était assujetti qu'à un seul usage ; mais nous savons que c'est aussi un os de la chambre de l'œil , et qu'il n'est pas d'orbite dont il ne forme le bord supérieur (i): par conséquent son essence pont pour le trajet du nerf optique , et n l'apophyse ensiforme C'est cette dernière portion qui s'accroît dans l'état normal, et qui est comme laminée par la pesanteur et la poussée du cer- veau. Et au surplus je préviens que si la fig. 1 1 représente à part un ingrassial à l'état normal, ce n'est pas que j'aie réussi, sans la moindre rupture, à l'isoler du noyau sphénoïdal. (J'ai depuis, dans un foetus plus jeune, trouvé cet os séparé.) (i) Je ne connais pas d'exemple plus propre à donner la dé- monstration de cette proposition que celui du frontal des ba- leines franches. Je m'étais occupé dès 1807 de la détermination de leurs os crâniens , et j'ai depuis , dans mes cours , insisté sur plusieurs points de cette merveilleuse organisation. Ainsi j'ai déjà cité {Ann. du Mus., t, X, p, 364) le fait de dents réelles, de ' ( ;40 est double. En butte à deux emplois, il est néces- sairement subdi visible ; nul doute alors que ses germes de dents que j'avais trouvés , et qui existent effective- ment durant les dernières époques de la vie fœtale dans un ca- nal alvéolaire qui ne tarde pas à se remplir ; et je dirai aujour- d'hui quelles sont aussi les singularités du frontal chez le plus volumineux des animaux. Le cerveau des baleines est très-petit, et bien plus encore la portion cérébrale qui est coiffée par le frontal. Ajoutons à cette considération celle d'une des plus singulières anomalies de l'a- natomie comparée , anomalie qu'il serait trop long d'exposer et d'expliquer ici ; c'est la position des yeux , si écartés l'un de l'autre', qu'on les trouve , l'un à droite et l'autre à gauche , tout près et en arrière de la commissure des lèvres. Ces yeux eux- mêmes sont bien loin de pouvoir se rapprocher l'un de l'autre à cause de leur volume , puisqu'ils sont extrêmement petits. Dans cette occurrence , si les parties osseuses se fussent trou- vées formées par un assemblage de molécules sans dessein et irrégulièrement jetées çà et là sur les parties molles, uniquement afin de protéger ces parties délicates partout où elles se ré- pandent, il est certain qu'à la distance où sont les deux bouts du frontal , qui seuls ont une destination manifeste , il y aurait deux os correspondant, aussi-bien que chacun de leurs services, à leurs deux différentes localités. Voilà pourtant ce qui n'est pas. Chaque service n'est plus assuré, comme dans les cas ordinaires, par deux lames opposées de situation l'une à l'autre ; mais il l'est dans les baleines par des extrémités distantes et indépen- dantes : c'est le résultat que les anomalies de la face rendent inévitable. Mais malgré cette duplicité de choses et de fonctions, il n'y a cependant qu'un seul frontal ; et le moyen pour qu'il en soit ainsi, moyen par lequel il est pourvu à l'union des deux ( 4* ) deux parties ne soient différemment sensibles à l'événement pathologique que nous considérons : Tune en subira tous les effets quand l'autre y res- tera entièrement étrangère. Voilà ce qui est, ce qui s'est passé au sujet de notre frontal R. La portion oculaire est intacte : c'est à peu près la même ouverture , la même éten- due de bord orbitaire. La corde de l'arc est de onze lignes: on y voit de même, du côté interne, une écbancrure ordinairement pratiquée là pour le passage des artère et nerf coronaux ; mais en ar- rière, où le frontal aurait dû prolonger sur le cer- veau une longue et large calotte osseuse, il ne présente plus qu'une lame exiguë, qu'une partie rudimentaire du sixième au plus de la longueur ordinaire pour le même âge. Du pariétal. M. Lallemand s'est déterminé à ne l'admettre que comme un débris (voyez T), et encore y fai- \ . poltrons extrêmes et à la conservation en ce point d'un système unique, est un manche établi intermédiairement entre la partie cérébrale du frontal et sa partie oculaire. Ainsi il n'y a qu'un seul frontal; mais sa forme reproduit à neu près celle d'un fé- mur : c'est un os long; il est situé en travers du crâne, allant du centre, savoir, le frontal de droite à droite, et le frontal de gauche à gauche. / r.'ï sait-il concourir la lame S, que j'en ai détachée et trouvée distincte. Dans l'état présent des choses , cet os consiste en une bandelette longue d'un pouce et large de trois lignes. Ce serait, suivant moi, en prendre une notion fausse que d'y attacher l'idée d'un débris, puisqu'il n'est dérogé à son essence que par la privation de l'un de ses emplois, celui de servir de calotte aux hémisphères cérébraux. Mais d'ailleurs il reste, dans sa contraction, dans sa petitesse, tout ce qu'il doit être pour ne man- quer à aucun autre de ses services et de ses al- liances. Car enfin il s'articule par son long bord extérieur avec le temporal, non-seulement pour la connexion qu'il doit à celui-ci, mais de plus pour laisser aux fibres extrêmes du crotaphite la surface qui leur revient à ses dépens. A l'un de ses bouts il s'unit au frontal, et par le bout opposé à l'occi- pital supérieur. Enfin nous aurions encore à faire remarquer son articulation du flanc intérieur avec l'interpariétal, si ce n'était pas anticiper sur les faits de la discussion suivante que de donner à ce moment la détermination et le nom de l'os numé- roté S. Le pariétal est une pièce toute de l'homme daus ce sens que c'est dans cette seule espèce qu'il arrive à son plus haut point de grandeur : les animaux le montrent se rappetissant insensiblement, de telle manière qu'il n'est plus (méconnu pour ses dimen- ( 44 ) sions rudimentaires dans les oiseaux et beaucoup d'ovipares), qu'il n'est plus, dis-je, considéré que comme un fragment du frontal, sous le nom de frontal postérieur; proposition que j'avance ici, et que je me réserve d'établir par la suite. Le pariétal, sous le rapport de ses dimensions, suit donc celles des hémisphères cérébraux : il augmente quand ceux-ci sont considérables, et tombe à presque rien avec ceux-ci réduits eux-mêmes à fort peu de chose. Or, si telle est la destinée des pariétaux, nous n'avons pas à nous étonner que dans la même espèce, où l'observation fait apercevoir deux états qui diffèrent du tout au tout, de la présence à l'absence, nous en venions à rencontrer une aussi grande différence que celle qui existe entre le pa- riétal à l'état pathologique et cette pièce dans ses conditions normales. Servant dans les ruminans de ceinture aux masses encéphaliques, le pariétal se glisse sous le temporal , et va s'unir aux parties latérales du sphénoïde postérieur. Cette observation présente ce genre d'intérêt , qu'elle s'applique à des animaux vivant paisiblement d'une nourriture végétale ; ceux, au contraire, que la faim rend cruels ont le temporal large et bombé , en sorte que presque toute sa surface intérieure est en contact avec le cerveau. M. Gall , qui place l'organe du meurtre au centre du temporal, accueillera cette remarque. (45) $ III. Recherches sur la composition de l'occipital HUMAIN, LE NOMBRE DE SES MATÉRIAUX , LEUR PROMPTE AGGREGATION DANS l'ÉTAT NORMAL, ET LEUR SUBDIVISION DURABLE DANS l'ÉTAT PATHOLO- GIQUE. Du sur-occipital , ou de V occipital supérieur. On sait, en anatomie comparée, que les animaux ovipares ont l'occipital supérieur formé de deux pièces. 11 est remarquable que cette même division soit également reproduite dans les fœtus anencé- phales de l'espèce humaine. Cette similitude admet cependant quelques différences. Les occipitaux supérieurs des anencéphales sont écartés et des- cendus en ailes traînantes vers les extrémités laté- rales et postérieures de leur crâne. Mais , quoi qu'il en soit, on ne s'est point mépris à leur sujet (i); (i) Si ce n'est cependant M. le professeur Rodati, de Bologne, ïl a donné, dans les Opuscoli scientijîci , t. II, p. 362 , un Mé- moire ayant pour titre : In prœparationes osseas musei patho- logie! animadversiones . L'une des trois planches dont ce Mémoire est accompagné , paginée n° 1 7 , représente le squelette d'un anencéphale offrant un plus haut degré d'anomalie que le sujet dont nous venons de donner une description ; car son spina- hifida se prolonge depuis la première vertèbre cervicale jusques et y compris la première lombaire. Daus la détermination qu'en ( m ) j'en ai prévenu plus haut : la loi des connexions portait sur ces pièces sans la moindre hésitation ; car, toutes rejetëes qu'elles sont du coté des épaules, elles n'en restent pas moins entourées des os qui les bordent ordinairement. Leur détermination dans le vrai est si exactement assurée, qu'avant qu'on pût leur appliquer avec une entière confiance le principe fécond des connexions, ces pièces avaient été reconnues pour des occipitaux supérieurs dès 1784 par Sandifort, et de nos jours par M. Lalîe- mand. Ce n'est pas cette expression nette et carac- téristique qu'on trouve dans leurs écrits; mais je m'en sers pour rendre plus exactement leur pensée. Cependant tout en adoptant les déterminations de ces savans anatomistes, il m'a semblé que ce sujet de leurs considérations était encore suscep- tible de quelques éclaircissemens , et je crois pou- voir ajouter d'une sorte de correction. Ce point nouveau à traiter m'a engagé dans la discussion suivante. Pour comprendre les faits d'une organisation a donnée M. le professeur Rodatî, nos occipitaux supérieurs , numérotés i3, i3, fig. 4? sont considérés comme répondant a la portion écailleuse des temporaux , Ossa tempora quoad poi ~ tiones squamosas exterius revolutas (i3 , i3). On retrouve ces mêmes os dans le trait de profil , fig. 3 , mais portant une autre' indication , le chiffre 19. La planche donne seule cette circonstance; le texte n'en fait aucune mention. V ' (47) portée à son maximum de développement, il ne faut pas se borner à la considérer isolément, car alors on s'expose à n'y attacher pas plus d'impor- tance que si elle appartenait à un minimum de composition. Observer des formes et les décrire, en rechercher l'emploi, en apprécier quelques fonctions, voilà tout le cercle à parcourir dans une anatomie spéciale ; mais si cette organisation a des degrés, si vous en pouvez comparer les diffé- rentes manières d'être, si vous êtes par là conduit à distinguer les conditions essentielles et générales d'autres qui ne sont que relatives et individuelles, votre esprit est entraîné dans de profondes médi- tations , et sans le moindre doute il vous fait à la fin apercevoir la vraie signification des choses. L'homme est sous un rapport une espèce iso- lée, sous celui du volume de son cerveau tout aussi bien que sous le rapport de la grandeur de sa boîte cérébrale. Cependant l'organisation qui le distingue de toute la création , et qui en fait un être privilé- gié doué de plus de facultés intellectuelles, résid te au fond de moyens semblables , des mêmes maté- riaux, mais qui sont portés au dernier terme de leur grandeur possible. Son cerveau est considé- rable, mais plus particulièrement encore ses hémis- phères cérébraux : il en est de même des os du crâne proprement dit, puisque les plus volumi- neux sont aussi ceux qui forment la voûte de la ( 48) boîte cérébrale, ceux qui en occupent les quatre points cardinaux, comme le frontal en avant, les pariétaux sur les flancs et l'occipital supérieur en arrière» Remarquez que nous voilà, relativement à cette dernière pièce, sur une idée à suivre ; car il est certain que cet occipital supérieur fait partie des ressources extraordinaires mises en oeuvre pour une formation organique, le fruit et le terme des plus grands efforts de la nature, le cerveau humain. Mais puisque l'anatomie ordinaire ne nous a portés sur cet os que pour n'y voir qu'un sujet de des- cription , que pour nous le faire diviser en ses deux faces et en ses différens bords, et puisque sur toute autre considération elle est indifférente, stérile, sachons par l'étude des animaux ce que, dans des conditions plus restreintes de développement , cet os peut fournir à la philosophie. Et d'abord le verrions-nous dans le degré immé- diatement au-dessous chez les singes? Mais nous serions là trop près de la conformation humaine , pour qu'un pareil exemple profitât réellement à notre proposition ; cet exemple présenterait, au contraire, ce désavantage, que les singes se dis- tinguent par une extrême saillie des lobes posté- rieurs du cerveau. Les masses encéphaliques n'au- raient diminué chez eux qu'en devant et supérieu- rement, quand elles se seraient, au contraire, main- (49) tenues en arrière dans un volume à exiger que l'occipital supérieur, appelé à le coiffer, soit chez les singes dans une proportion humaine. Le cé- lèbre philosophe M. le docteur Gall dit que l'ex- trémité des hémisphères cérébraux inspire les atta- chemens de famille; nous ne connaissons pas d'ani- maux plus affectionnés à leurs petits que les qua- drumanes (i). Si nous descendons davantage les degrés de l'é- chelle zoologique, nous apercevons d'autres rela- tions comme volume entre les masses encépha- liques. Les lobes postérieurs du cerveau diminuent (i) Il fallait bien que cette impulsion les entraînât à ce degré, pour contre-balancer les inconvéniens de leur imprévoyance habituelle ; autrement nous n'eussions point connu le genre des singes. Leur caractère évaporé, leurs distractions continuelles, le vague de leurs sentimens, les eussent éloignés de cette suite dans les idées et de ces tendres soins que réclame l'éducation de toute géniture à la mamelle. Incorrigibles , puisque cela tient à un abâtardissement des formes humaines ; aux contradictions d'une nature ambiguë ; à un défaut d'aplomb dans leur structure, qui ne leur permet avec toute franchise ni l'allure dégagée et facile de la marche à deux pieds ni celle plus assurée de la marche à quatre; à un séjour incommode sur les arbres, adopté par instinct de conservation ; à une existence tout aérienne en quelque sorte, source de leur pétulance et de leurs manières irréfléchies , ils rachètent par une moindre susceptibilité d'in- telligence l'équivoque et stérile avantage de nous ressembler corporellement sous presque tous les autres rapports. h. 4 ( 5o ) en raison inverse c!e l'augmentation du cervelet. Observez alors que l'occipital supérieur est ici la pièce unique qui couvre le cervelet, que c'est seu- lement cette même pièce (j'insiste sur cette dis- tinction), que c'est cette seule pièce ou l'occipital supérieur proprement dit, puisque les rudimens des lobes postérieurs sont recouverts par des os distincts entièrement et long-temps détachés après la naissance. Nicolas Meyer, dans son prodome de Fanatomie des rats, avait remarqué ces derniers, à la date de 1800, comme un seul os, et les avait indiqués sous le nom d'os transversum. Je les employai moi-même comme il suit dans un Mémoire sur le crâne des oiseaux, que je publiai en 1807. ce II est dans les mammifères un os placé entre « les frontaux, les pariétaux et l'occipital supé- « rieur. Les anatomistes vétérinaires lui donnent « le nom d'os carré dans le cheval, et M. Cuvier, « qui Fa trouvé dans beaucoup d'autres mammi- «fères, celui de pariétal impair. Je l'ai observé « double dans la brebis et la chèvre , ce qui m'a c'est la forme du tissu osseux en table , et principalement celle de ses mailles. Or il est ici visible que tous les vides sont linéaires, et qu'ils sont tous dirigés du centre à la circonférence. C'est par conséquent la disposition des rets eux-mêmes , ce à quoi on n'avait pas donné d'attention jusqu'ici , parce que ces rets portent à droite et à gauche leurs nœuds d'anastomose ; c'est , pour dernier fait à en conclure, la marche du développement même du système osseux disposé en lames. Ces mailles, soit qu'elles restent ouvertes durant le travail des premières formations , soit qu'elles s'obstruent pour la plupart dans un âge plus avancé, ont une grande importance physiolo- gique ; car ou bien elles favorisent l'anastomose des deux couches d'artères et des autres rameaux entre eux, veines et nerfs répan- dus sur les deux surfaces des tables osseuses , ou en se fermant elles donnent sur ce point une autre direction à la circulation des fluides nourriciers. Tout cela se voit dans le phénomène physiologique le plus curieux que je connaisse, l'accroissement du bois des cerfs. Je l'ai décrit en 1799, dans un Mémoire ayant pour titre : Sur les prolongemens frontaux des animaux ruminons. Voye^s Mé- moires de la Société d'Histoire naturelle de Paris , in-40, prairial an 7j P« pii (6o) peut s'en assurer à la seule inspection des figures, que le degré d'ossification ne suit pas toujours très-, exactement l'ordre des temps. Il y a à cet égard beaucoup de différences d'homme à homme. Tant de professions distinguent ceux-ci dans la société , et leur organisation s'en ressent tellement, qu'il ne faut pas s'étonner de trouver quelques différences spécifiques d'un individu à un autre. Le n° 3 est terminé inférieurement par un onglet o : c'est de même fig. 5, avec cette différence ce- pendant que l'onglet s'annonce comme un produit plus nouveau que sa gangue , et en montrant dis- tinctement ses sutures, comme un osselet à part. L'occipital n° 6 en est privé, bien qu'il soit plus grand et qu'il soit pris d'après un sujet plus âgé. Celui fig. 7 a cet onglet confondu tout-à-fait avec le reste de la pièce; et enfin ce que j'ai voulu rendre manifeste par la comparaison des nos 5 et 8 , c'est que le même point o présente dans l'une et dans l'autre figure un pareil degré d'ossification. La grandeur et l'âge très-différens des objets qui ont servi de modèle l'établissent suffisamment. De la spécialité des clémens du -proral et de la précocité de leur aggrègation. Pour en revenir au proral, je prévois une objec- tion. Les quatre os dont il est formé , pourra-t-on (6i ) observer, s'unissent et se confondent ensemble de si bonne heure, que ce n'est point là du moins une considération à rencontrer chez les animaux. Non, sans doute, vous ne l'y rencontrerez pas, non plus que vous ne trouverez chez eux des lobes cérébraux aussi proéminensen arrière. Et pourquoi? N'est-ce pas que ces quatre os de la boîte cérébrale sont nécessairement chez l'homme dans une relation obligée de grandeur et de précocité avec leurs propres portions de l'encéphale, que celles-ci sont des organes dominateurs et leurs couvercles des parties subordonnées? Dans le vrai, les masses cérébrales, se renflant extraordinairement, font que leurs enveloppes s'élargissent dans une même proportion , aux dépens de leur masse , pour en embrasser la convexité. C'est ainsi que les inter- pariétaux de l'homme sont formés plus tôt, et que plus frêles ils prennent plus tôt appui sur des os voisins, de la même manière qu'il arrive aussi aux deux frontaux chez l'homme de montrer plus de précocité dans leur développement, et en se sou- dant l'un à l'autre, de former un coronal unique aussi beaucoup plus tôt que dans les animaux. C'est le propre de tous les organes portés au maximum de commencer à paraître avant leurs analogues, étant dans une autre condition. Une seule cause engendre tous ces effets, c'est le plus grand calibre de la principale artère nourricière de ces organes; ( 6» ) et en effet l'extrême volume de ceux-ci, leur appa- rition plus précoce , le développement proportion- nel des parties accessoires, tout tient évidemment à cette artère, parce que toutes les subdivisions de ce principal rameau participent nécessairement à son état originel, c'est-à-dire à ses conditions de plus fort calibre. Il faut donc distinguer dans le grand occipital supérieur du crâne humain deux systèmes de pièces osseuses, l'un formé par les interpariétaux qui re- couvrent certaines portions de la principale masse encéphalique, et l'autre composé des deux occipi- taux supérieurs au profit de la masse inférieure* Ces destinations spéciales ont généralement été remarquées. Notre célèbre confrère M. le docteur Portai, dans son Anatomie médicale, les donne avec précision. « L'épiphyse supérieure de l'os oc- « cipital, dit ce savant anatomisle, loge dans ses « deux fosses supérieures les lobes postérieurs des « hémisphères du cerveau, et dans ses deux fosses « inférieures une portion des hémisphères du cer- û vêler. » Et M. Béclard fut encore mieux sur la voie de nos distinctions quand, avec cette parfaite sagacité qui est le principal trait de son talent, il a dit dans son Mémoire sur l'ostéose « que le « proral est, par les germes inférieurs, un os du « cervelet, et un os du cerveau par ses germes « supérieurs» » (63) Des raisons de préférer la dénomination deproral, M. Béclard paraît affectionner le nom inusité de proral (i) : je ne me refuserai point de même à l'a- dopter, mais non pas de ce qu'il peut servir à rappe- ler que l'objet dénommé ressemble à la proue d'un vaisseau ; car en se servant du mot proral dans le sens de sa signification étymologique, on priverait ce nom d'une application générale, s'il en était sus- ceptible : mais il n'a pas ce caractère, et à cause de cela même, ce nom convient. Il faut ici un nom spécial, un nom qui soit tout pour l'homme, parce que c'est seulement dans l'homme qu'on trouve un fond de cerveau aussi développé et par suite une union aussi anticipée des quatre os postérieurs du crâne. Le mot de proral, dans cette acception , aura pour objet non-seulement de rappeler avec utilité sa signification primordiale et étymologique, mais aussi d'indiquer cette autre et dernière cir- constance, c'est-à-dire d'exprimer une réunion de pièces dont les subdivisions plus marquées et plus persévérantes ailleurs sont connues sous les noms d'interpariétaux et d'occipitaux supérieurs. (i) Dans une nomenclature où' le sphénoïde était appelé os carinœ et le frontal os puppis , le mot proral, os prorœ , était convenablement appliqué à l'occipital. Gardons-nous d'ailleurs de noms nouveaux pour choses que nous n'inventons ni ne per- fectionnons,. (64 ï Des occipitaux supérieurs et des interpariétaux dans les anencéphales. Me voilà bien loin de mon point de départ ; car je ne dois pas oublier et je n'ai pas oublié que l'objet de ce paragraphe est la détermination des occipitaux supérieurs du crâne anomal décrit par M. Lallemand. Puisqu'il m'avait paru que l'état normal de ces pièces n'était ni connu dans ses conditions générales ni bien distingué dans ses spécialités , j'ai dû revoir d'abord les opinions qu'on s'en était faites , et chercher à leur donner toute la rectitude dont elles me paraissaient sus- ceptibles. Cette discussion devait d'autant mieux précéder l'examen de ces pièces anomales, qu'elle seule pou- vait nous donner la clef de ce qui est observable sur ce point; car nous apercevons aussi là quatre pièces : deux en haut S, S , et deux inférieures U, IL celles-ci étant descendues au point le plus bas et rangées de côté. Nous avons déjà dit, à l'é- gard de ces dernières, que nous avions admis la détermination de M. Lallemand, laquelle plus an- ciennement (en 1784) avait été donnée, à la diffé- rence près de l'expression, de la même manière par Sandifort; et en effet ce sont incontestablement les analogues des vrais /occipitaux supérieurs, c'est-à- (65) dire des parties osseuses qui coiffent le cervelet en arrière. Quant aux bandelettes S, S, qui pourrait douter que ce ne soient là les interpariétaux ? Ainsi nous retrouvons le proral subdivisé comme en zootomie. La réunion de ses pièces dépendait, avons-nous vu plus haut, du refoulement des hémisphères céré- braux du côté du cervelet. Où n'agit plus la cause, l'effet cesse tout naturellement» Et remarquez , les effets pouvaient-ils mieux répondre aux indications de la théorie? Celle-ci indiquait la désunion des pièces sur la ligne même de séparation du cervelet et du cerveau : c'est ce que nous donne l'observa- tion. Les interpariétaux, qui dans les animaux à plus petite boîte cérébrale suivent le sort des parié- taux et partagent leurs modifications, sont ici, où le crâne n'arrive pas même à former une boîte cé- rébrale, sont, dis-je, également frappés des mêmes anomalies, entraînés par les mêmes événemens, et assujettis aux mêmes formes. En définitive, les in- terpariétaux forment un bourrelet allongé disposé tout le long des pariétaux, ceux-ci étant déjà dans l'état rudimentaire et avec une configuration répondant à celle d'une bandelette osseuse. De la même manière que la forme des interpa- riétaux a été réglée par les modifications des pa- riétaux, celle des occipitaux supérieurs U, U, l'est devenue en obéissant à deux inûue&ces contraires ? u. 5 (66) savoir, i° l'action d'un tirage extérieur, celle des muscles cervicaux rétractés sur eux-mêmes, qui ont écarté les occipitaux et les ont renversés en arrière, et i° leurs connexions, auxquelles les sur- occipitaux ne pouvaient manquer de rester fidèles au milieu et malgré tous ces bouleversemens. Aussi chaque sur-occipital se trouve-t-il réduit à un corps d'une figure irrégulière, épais et aplati, qui se pro- longe à son bord latéral externe , et qui est sur- monté par une apophyse formant avec lui le coude. Cette apophyse, en lame triangulaire, s'étend et marche à la rencontre de l'interpariétal. A l'autre extrémité, le corps de la pièce a un large bord in- terne pour son articulation avec l'occipital latéral. Un simple coup d'oeil sur la pièce ou sur le dessin qui la reproduit dans nos planches en dit plus que cette description, et porte à l'intime conviction que l'enchaînement des parties , qui en conserve invariablement les connexions, a exercé une réelle domination sur la bizarre destinée et la singulière conformation des occipitaux supérieurs. De V ex-occipital, ou de V occipital latéral. Cet os , chez l'aneneéphale dont nous poursui- vons l'examen (pL I, fig. i3), V, a peu changé de forme eu égard à ce qu'il est dans l'état normal , parce que l'occipital supérieur est descendu sur (6? ) lui : on aurait lieu de s'en étonner, d'après le prin- cipe que toute action appelle une réaction ; mais il- est facile de voir que les efforts ne pouvaient simultanément et également profiter aux deux pièces. Qu'on jette pour cela les yeux sur tout l'ensemble du crâne (pi. I, fig. i , 2, 3), et l'on se convaincra en effet que l'occipital latéral n'a pu aller chercher, mais qu'il a dû au contraire appeler sur lui l'occipital supérieur. Il est dans le voisinage une partie arrivée à un très-haut degré de déve- loppement, et qui par conséquent a coordonné toutes les autres à son système; c'est le rocher. L'occipital latéral borde cet osselet, et entre dans sa subordination, au point qu'au lieu d'être dirigé, comme à l'ordinaire, verticalement et en dedans, il est au contraire légèrement renversé dans l'autre sens. Ses deux branches, séparées par le trou con- dyloïdien, sont dans l'état naturel. 11 en est de même de cette ouverture quant à sa grandeur; seu- lement son bord articulaire à l'autre bout, ou le bord qui l'unit à l'occipital supérieur, est bien moins évasé. Au total, la pièce paraît plus droite et plus longue (1). (Y) Dans le notencéphalc , pi. II, mêmes lettrés V, V, fig. 7 et 8, cet os est moins droit, plus courbé , et d'une conformation moins éloignée de là normale. Le rocher P, fig. 6, est dans des dimensions ordinaires; par conséquent, à son tour dominé par ( 68 ) Du sous-occipital, ou de l'occipital inférieur. Il se présente ici une difficulté. Nous ne con- naissons qu'un seul occipital inférieur, un seul basilaire ; et si nous ne nous abusons pas sur cette circonstance, notre sujet nous en présenterait deux. (Voyez les deux pièces, fig. 7 et 8 X et X".) En traitant du sphénoïde, nous avons déjà tou- ché cette discussion ; nous la donnerons dans cette occasion avec tous les développemens dont nous la croyons susceptible. A cela près qu'elles ne sont point soudées en- semble, les deux pièces, placées bout à bout, rendent observable et réalisent la conformation du basilaire ou de l'occipital inférieur de l'état normal, d'un basilaire qui serait du même âge. le cerveau, il n'a pu être là une plus grande cause d'obstacle qu'il l'est chez tous les autres fœtus à encéphale. L'anomalie, dans cet exemple, est toute pour la pièce i, fig. 7, pour une apophyse transverse, une sorte de côte entièrement détachée de sa première vertèbre. Contournée en cercle, elle forme un anneau qui est osseux dans les trois quarts de son pourtour, et ligamenteux dans le reste. Cet anneau a manifestement deux usages : c'est une assise entre les occipitaux latéraux et la pre- mière vertèbre cervicale pour l'attache de la colonne épinière, et de plus il ménage son ouverture centrale pour le passage des artères cérébrales. (69) Tout basilaire est dans le fait formé par deux plans, savoir (voyez pi. III, fig. 9), le postérieur (abcd), disposé en arc servant de bord et fermant par le bas le grand trou occipital ; l'antérieur (adef) , rectangulaire et concave en dedans, tantôt avec deux trous de vaisseaux dans le milieu, dont Ftm à droite et l'autre à gauche, et tantôt avec un sillon rectiligne et transversal, comme dans le sujet de notre figure. Cet os est convexe en dehors , non pas sur le centre , où est une dépression, une gorge longitudinale. Sur sa facette articulaire en devant est aussi un sillon dans le même sens , effacé seule- ment vers le milieu. Ces traces et les deux trous de vaisseaux indi- queraient-ils que chaque moitié de cette partie osseuse a une origine et une formation distinctes? Afin de m'en assurer, j'ai considéré le plus jeune embryon que j'aie pu me procurer; j'en donne la base du crâne pi. III, fig. 1, ayant fait en outre placer à côté (fig. 2) , grossies au double, les parties propres à éclaircir cette question. Or voici ce que montrent ces deux dessins : i° une plaque au centre (adef), en manière de fer à cheval, épaissie par un bourrelet circulaire, cet objet correspondant au parallélogramme (adef) (fig. 9), et i° deux corps arrondis ab , cd , terminant postérieurement la plaque, et étant trop jeunes sans doute d'ossifica- tion pour s'être rencontrés en allant l'un sur l'autre ( 7° ) et pour avoir donné le parallélogramme postérieur (abcd) delà fig. 9. Et au surplus, ce n'est pas ici le lieu de parler des trois osselets iii (fig. 1) montrant les premiers points qui apparaissent pour la for- mation de l'oreille osseuse. A chacun des osselets primitifs ab, cd, corres- pond la branche interne et postérieure t de l'occi- pital latéral ; l'autre branche u, le long du rocher, aboutit sur l'autre partie du basilaire, l'occipital latéral ayant ces deux branches libres d'abord à leurs extrémités articulaires, et toujours écartées en dedans pour le passage de la neuvième paire, .le pourrais en dire plus à leur égard, et avec M. Serres les considérer comme deux os distincts, dont l'un se rapporte à la portion condyloïdienne, et l'autre lui est intérieurement opposé. Maintenant, cpie j'ai rappelé ces faits de l'état normal, il ne sera pas difficile de concevoir com- ment dans notre anencéphale le basilaire estformé Mais nous venons d'avancer que les deux os de notre sujet pathologique répètent exactement les formes et reproduisent à tous égards les conditions de Tunique basilaire, comme précédemment nous le connaissions à l'état normal. Nous sommes donc ramenés à la conséquence que cet os n'a pas été suffisamment étudié dans sa première formation > et qu'il faut en effet que ce soit un groupe sur le- quel sa position centrale et inférieure et son inter- vention comme quille ont agi ou pour lui faire éprouver une forte contraction , ou pour opérer prématurément la rencontre, l'union et la soudure de tous ses élémens. Nous avons insisté plus haut sur des indices de séparation en partie droite et en partie gauche quant à la portion quadrangulaire ou sphénoKÎale, et nous avons aussi remarqué sur quelques crânes adultes deux petits grains osseux qui font partie de l'anneau occipital, et qui, occu- pant en dehors du basilaire et vers les points con- dyloïdiens la place de notre osselet O, semblent lui correspondre. Mais dans ce cas il faudrait aussi que cette pièce, de même que la grosse tubérosité sphéuoïdale, fût composée de deux matériaux primitifs, et le basi- laire par conséquent de quatre au total. Les diffé- rences que l'observation fait découvrira l'état nor- mal proviendraient alors de ce que la tubérosité sphénoidale acquerrait plus ou moins de volume (73) aux dépens de son arc occipital. En effet la tubéro- sité sphénoïdale grossissant outre mesure , la pièce de l'anneau occipital resterait, clans ses conditions primitives, formée de deux points indépendans ; et celle-là, diminuant au contraire, laisserait à celle-ci toute faculté pour se développer, c'est-à- dire ne priverait pas les deux points primitifs de grandir, de marcher à la rencontre l'un de l'autre, et de se confondre en une portion d'anneau. Mais je me hâte beaucoup trop sans doute de donner cette explication , puisqu'elle ne s'applique qu'à des pressentimens. J'ai dit au surplus ce qui les a fait naître. Je ne perds pas de vue qu'ils n'ont que ce caractère, et même que je me suis hasardé à les donner peu après qu'une observation, qui leur serait contraire, a été produite. M. Béclard (1. c. , p. ii'i) n'admet qu'un seul basilaire : « D'abord « milliaire , dit-il , puis ovalaire , il prend à l'époque « de la naissance la forme d'un parallélogramme « allongé (i). » ^m , , , | -r ii» i ii r- - ■-■-■-!■ i ii _ _ m i m ■■!■ i . ... - _ - — (i) De nouvelles recherches d'une date toute récente m'ont convaincu que nos deux pièces X' et X", se confondant ordinai- rement en une seule qui a recule nom de basilaire ou d'occipital inférieur, sont originairement et essentiellement distinctes. Leur situation inférieure et centrale , et plus encore leur part d'influence dans la formation du fœtus, décident de la précocité de leur soudure. Je les emploierai dorénavant , savoir, X' ou la pièce antérieure , sous le nom de otosphénal } et X" ou la pièce postérieure , sous celui de basisphénal. ( 74 ) Corollaires. J'en aperçois de nombreux; mais je me vois forcé d'en remettre la discussion à une autre époque. J'ai montré dans les deuxième et troisième para- graphes de ce Mémoire ce que deviennent et chaque pièce osseuse et les portions mêmes de celles-ci que les conformations normales font aper- cevoir en contact avec le cerveau, quand dans l'état pathologique il leur arrive de n en être plus influencées. Mais pour presser les conséquences de tous ces faits et les faire ressortir au point de les élever à toute la généralité dont ils sont sus- ceptibles, il faut avoir décrit un plus grand nombre d'acéphalies, et avoir comparé entre elles plus de ces dérogations aux lois ordinaires : car je ne crois pas, ce qui aide sans doute à se donner le profit de faciles et de nombreux succès , qu'il faille toujours se fermer les yeux sur les difficultés. Quoi qu'il en soit, quand je m'occupai des ob- servations que rendaient nécessaires mes aperçus physiologiques, je procédai sur huit à neuf exem- ples d'acéphalies. Remarquant que chacun m'ap- portait le tribut de considérations très-variées, je ne pus me défendre de ridée que j'étais sur des animaux différens. Je me suis donc trouvé dans l'embarras où m'aurait jeté la nécessité d'exposer (75) les rapports et les différences d'un singe , d'un onrs, d'un lion, etc., si ces animaux n'eussent en- core jusqu'ici été désignés que par un nom collec- tif, celui de mammifères par exemple. Au lieu de les appeler mammifère Ier, mammifère 2e, etc., j'aurais sans doute commencé par classer ces di- verses organisations et par les distinguer par un nom propre : c'est cela même que j'ai cru devoir faire pour ceux des acéphales dont (i) l'organisa- tion diffère. Ainsi des recherches physiologiques m'ont ramené aux classifications zoologiques. Mais ces points éclaircis, quelle lumière devaient- ils réfléchir sur la question débattue devant l'Aca- démie des Sciences, de 1734 à 174^, entre Lé- mery, qui attribuait les désordres des monstruosi- tés à des causes accidentelles après la conception, et Winslow, qui les voyait dans une défectuosité primitive des germes? Bien que dans le cours de leurs célèbres débats ces deux illustres rivaux en fussent venus à se faire des concessions récipro- ques, leur débat ne cessa qu'à la mort de l'un d'eux. Les acéphalies rappellent et ramèneront (1) M. Otto, professeur à Breslau, en ayant décrit cinq es- pèces, les a. employées sous les noms d: ' anencephalicus prunus, seciindus , tertius , etc. ; mode d'exposition qui a rendu ses des- criptions difficilement comparables. Voyez sa dissertation por- tant pour titre : Monstrorum sex humanorum anatomica et physiologica disquisitio , in-4°, 181 1. ( 76 ) toujours cette discussion. Les mêmes dissentimens viennent de partager de nouveau les physiologistes modernes, savoir, en faveur de la première opi- nion, Lecat, Sandifort, M. Béclard, etc. ; et en fa- veur de la seconde, Éduttner, Prochaska, Reil, MM. Chaussier (i), Gali et Spurzheim, etc. On a sans doute déjà étudié plusieurs points de l'organisation des monstres acéphales ; mais je doute qu'on ait porté son attention sur les plus caractéristiques, sur ceux qu'il nous importe le plus de connaître : la considération des viscères ne nous a guère donné que des résultats secondaires de déformation. La physiologie ne peut donc en- core compter sur rien de ce qui est acquis. Il nous faut plus de faits, plus de connaissances positives; et c'est à l'observation comparative des diverses espèces d'acéphalies, soit dans le même animal, soit de même ordre dans les divers animaux, qu'il nous faut demander ce qui nous manque encore. Je crois au surplus que toutes ces controverses eussent moins occupé , si de part et d'autre on se fût moins pénétré (à priori et sans motifs suffisans) d'une conviction sur la préexistence ou la non (i) C'est à ce célèbre professeur qu'on doit l'adoption du mot anencéphale . Voyez sur cela l'excellent article Monstruosités du Dictionnaire des Sciences médicales, dont nons sommes rede- vables à M. le docteur Adelon. '( 77 ) préexistence des germes ; question qui, si je ne me trompe, ne pourra elle-même être bien parfaite- ment décidée qu'à la suite aussi et par le concours d'un examen très-attentif de tous les genres d'acé- phalies comparés entre eux et avec les conforma- tions normales. Ainsi un nouvel avantage à retirer de l'étude des monstres sera en outre d'aider à éclairer ce point de physiologie. Je ne puis omettre de rappeler que M. Béclard (i) s'en est occupé dans ses deux Mémoires que j'ai déjà cités. Ce savant professeur a terminé ses importans travaux par la conclusion suivante : «Les acéphales éprouvent au « commencement de la vie intrà-utérine une mala- « die accidentelle qui produit l'atrophie de la moelle « épinière , et les irrégularités apparentes qu'elles « présentent sont la conséquence naturelle et plus « ou moins directe de cet accident.» Je ne dissimu- lerai pas que je suis arrivé à une conclusion tout- à-fait différente. § IV. Essai d'une classification des monstres ACÉPHA.LES. J'ai dit comment des recherches physiologiques (i) Mémoires sur les fœtus acéphales. Voyez Bulletins de la Faculté et de la Société de Médecine de Paris , i8i5, IX , et î8^77 IX, 2e partie, p. 5iô. ( 78 ) me firent apercevoir la nécessité d'une exposition plus méthodique des diverses acéphalies, et com- ment j'ai été conduit à leur appliquer les formes didactiques de la zoologie ; mais tout aussitôt les difficultés matérielles du sujet m'arrêtèrent. J'eus beau me procurer par la littérature médicale la plus grande partie des travaux publiés sur cet objet, je les trouvai tous insuffisans, parce qu'aucune des observations qui y sont rapportées ne s'explique sur le point qu'il m'importe de connaître. J'ai donc pris le parti de me borner à la publication de quelques idées. J'ai voulu montrer plutôt ce que je crois qu'on pourra faire, que le pratiquer aujour- d'hui. Si mes vues sont goûtées dessavans qui pos- sèdent des acéphales, et s'ils daignent honorer et encourager mes efforts par la généreuse commu- nication de ces précieux objets, je répondrai de mon mieux à ces marques de confiance, et j'achè- verai cette entreprise. Et dans le vrai, le nombre des acéphales est si considérable , qu'il n'y a moyen de se reconnaître au milieu de tant de déviations du système com- mun qu'en les distribuant en familles, ordres, genres et espèces. Ainsi en embrassant toutes ces organisations diverses sous un nom de famille, celui tfanomo- céphales, c'est-à-dire d'êtres à tètes contre la règle, je les subdivise suivant leur mode de privation ou N ( 79 ) d'exaltation, n'admettant d'abord, comme l'illustre Tréviranus, que deux principaux embranchemens, l'un comprenant les monstres où les organes pèchent par défaut, et l'autre où ces organes pèchent par excès. Ces deux ordres , qui se carac- térisent par les modifications des rameaux artériels restreints en deçà ou accrus au delà de leur état nor- a mal , sont premièrement les acéphales, expression que je n'emploie pas dans son acception étymolo- gique , mais dans le sens absolu que l'usage a consacré , et deuxièmement les macrocéphales , comprenant les hydrocéphales , etc. (i). Chacun de ces ordres est à son tour subdivisible en plusieurs genres. Pour ne pas m'écarter de la question traitée dans ce Mémoire, je n'en présen- terai d'application qu'à l'égard des fœtus nés avec une tête restreinte dans ses développemens : tels sont nos acéphales. M. le professeur Chaussier a proposé de ne nommer ainsi que des fœtus absolument privés de tête; mais, pour plus de sévérité, il eût déjà fallu ajouter, que les seuls fœtus dont le tronc au delà (i) Les polycéphales , ou les monstres à tète composée d'élé- mens provenant de deux ou de plusieurs tètes , forment un troisième ordre d'anomocéphales présentant les mêmes résultats que les acéphales, dans ce sens que toutes leurs irrégularités n'ont rien de vague et d'indéfini, mais qu'elles sont également renfermées dans de certaines limites. / ( 8o ) des épaules est sans tubérosité bien prononcée \ car, autant que j'en ai pu juger sur quelques exem- plaires, il y aurait bien moins d'acéphalies com- plètes qu'on ne l'a pensé. En effet, ayant voulu savoir comment, dans un sujet qui avait toujours passé pour un véritable acéphale, la colonne épi- nière se trouvait supérieurement terminée, j'ai été bien surpris de lavoir composée d'une quantité de très-petits os. J'y ai vu sept vertèbres cervicales et la même chose numériquement, tout ce nombre de pièces dont on sait le crâne formé à l'état nor- mal; mais tous ces os existent en miniature, c'est- à-dire dans une contraction si grande, que le tout ensemble ne forme guère qu'un noyau , terminant la tige vertébrale dans la manière à peu près que lescannes sont surmontées par leur pommeau. Ce point d'observation éclairci à l'égard des vé- ritables acéphales pourvus démembres antérieurs, je me suis reporté sur une organisation bien plus restreinte dans ses développemens, sur des acé- phales sans bras, espérant que je pourrais enfin y voir ce mode de terminaison de la colonne épinière, cet inconnu qui avait déjà excité mon intérêt. Je regrette de n'avoir pas eu à ma disposition un sujet entier, et de ne pouvoir rapporter ici des ob- servations acquises que sur un squelette que je n'ai point moi-même préparé , et qui n'a pu lêtre dans l'esprit de ces recherches. Je dirai pourtant ( 8t ) Ce qu'il m'a montré, plutôt pour avertir de ce qui reste à faire que pour donner quelque chose de tout- à-fait satisfaisant : car, je n'en saurais douter, quelques points osseux auront échappé et n'auront pas été conservés lors de la confection de ce sque- lette ; remarque que je puis étendre aux bras eux- mêmes , déclarés manquer entièrement , et que quelques indices m'ont fait soupçonner avoir existé en vestiges, comme un peu pins de largeur, par exemple, aux parties costales qui correspondent à la région scapulaire. On est redevable de ce squelette au professeur d'accouchement des écoles médicales de la ville d'Angers, M. Garnier, qui le donna, ainsi qu'on dessin de l'extérieur du corps, à M. le professeur Béclard. Ce dessin et celui du squelette font partie i sous les nos 2 et 3, des figures dont M. Béclard a enrichi son traité des acéphales. Voyez Bulletins de la Société et de la Faculté de Médecine , savoir, pour les observations, le tome IV, p. 497* et pour les figures, le tome V, n° 10. Le sujet de la troisième de ces figures appar- tient présentement au cabinet de la Faculté de médecine : grâces à l'obligeance des conservateurs MM. Thillaye père et fils , j'ai pu l'examiner atten- tivement. Le dessin ne me disait pas bien positi- vement ce qu'était la longue pièce qui terminait supérieurement la colonne épinière ; mais la prépa- ra. 6 (82) ration m'apprit qu'elle n'était ni symétrique ni placée sur la ligne médiane. En en considérant la forme, on ne sait s'il faut y voir une disposition eoccygienne, ou en attribuer la composition à ce qui est manifeste chez les acéphales à bras, à une plus forte contraction encore des os du crâne ; et finalement on s'arrête à l'idée que ces deux sys- tèmes se peuvent concilier, et que tous deux sont admissibles. En dedans et couchés de gauche à droite sont trois ou quatre tronçons osseux, dans lesquels on aperçoit très-manifestement des vestiges de ver- tèbres cervicales , ou mieux des points non entiè- rement développés de vertèbres du cou. Celles-ci forment une petite colonne tronquée à droite; mais c'est, je pense, que la préparation n'est pas là res- tée dans son intégrité. L'inclinaison de cette co- lonne tient à un événement fort ordinaire chez les acéphales , à la courbure habituelle de leur épine dorsale, et au renversement de leur tête en ar- rière (i). Voilà ce que montre le sujet dont je cherche à démêler les singularités ; car je ne puis que rapporter à des vestiges d'os crâniens plusieurs pièces qui se voient en dehors, et qui terminent de ce côté la colonne épinière. Enfin on désirerait (,i) Disposition qui est l'état permanent et normal des crabe' et d»?s û'ere visses. ( 83 ) savoir si la longue pièce qui forme la sommité de toute cette charpente était accompagnée sur ses flancs d'un autre osselet semblable : je l'ignore absolument. Quoi qu'il en soit, l'extrémité du squelette con- servée là est encore très-digne d'attention , et j'en ai fait prendre un trait. (Voyez pi. III, où la fig. i5 représente la face antérieure, et le n° 1 1\ l'externe ou celle de derrière.) Et dans tous les cas, qu'il faille ou non attribuer la sommité de cette charpente osseuse à des os crâniens étant dans uu état extrême de ^contraction, il ne peut y avoir de doute sur la configuration de ces pièces et sur l'analogie qu'elles ont, sous ce rapport, avec celle dont se compose l'arrière-partie de la colonne épinière de certains oiseaux. Je me suis étendu sur ces deux cas d'acéphalies, à raison des conséquences physiologiques qui me paraissent en découler. Est-il effectivement un sujet de plus grand intérêt que celui de ces acéphales s'écartant, dans la composition de leurs organes, des règles ordinaires, pour avoir parcouru toute la période de la vie fœtale sans avoir été à chaque époque suffisamment nourrie , et sans avoir par conséquent pu passer par ce haut degré de déve- loppement nécessaire pour constituer la vie plus énergique de l'état normal ? Car c'est là évidemment ce qui résulte des observations qui précèdent. ( 84 ) iN'oublions pas sous quelles conditions les fœtus sont appelés à parcourir tous les degrés de leur existence intrà-utérine. Bien que destinés à deve- nir des êtres vivant et respirant dans un autre mi- lieu, l'air ou l'eau, la distance comme régime qui les sépare de ceux-ci est immense, puisqu'elle égale pour le moins en différence la différence des deux mondes où ils doivent tour à tour remplir leur rôle (i) de machine organisée et s'organisant de plus en plus. Dans leur premier milieu, leur subs- tance est accrue et quelquefois simplement entre- tenue aux dépens de la tige où ils ont pris nais- sance; elle l'est, comme on sait, au moyen d'une nourriture élaborée à l'avance. Hors de l'utérus, au contraire , parvenus dans un monde dont la sphère est d'une si grande étendue, et jouissant de rela- tions plus multipliées, ils acquièrent de nouvelles facultés, celles entre autres de pouvoir puiser dans ce nouveau lieu d'habitation des matériaux le plus souvent étrangers à leur nature, qu'ils transforment aussitôt, s'assimilent et s'incorporent. Ainsi tous les fœtus sont nourris par l'afflux d'un sang qui arrive sur eux du dehors, et qui leur est (i) Rôle qui s'applique à la fixation des fluides impondérés, et dont le résultat définitif est l'accroissement de notre masse planétaire aux dépens de l'astre, source de toute lumière et de toute chaleur. ( 85 ) distribué par les vaisseaux ombilicaux ; il n'y a point pour eux effectivement d'élaboration orga- nique, que celle-ci ne prolonge ses effets de la cir- conférence au centre. Voilà ce qu'établissent aussi les faits d'acéphalies que je viens de rapporter. Or remarquez ce qui se passe dans un foetus se développant selon la règle , et dans un fœtus au contraire resté monstrueux par défaut. Tout déve- loppement organique exige une intensité progres- sive d'action, et se compose d'une succession non interrompue d'événemens et de résultats. Si l'in- tensité d'action (i) n'est pas également progressive, si le principal vaisseau nourricier a son calibre plus étroit, vous avez de premiers résultats que d'autres ne suivent pas. L'organe ne reçoit que pour être nourri, assez quelquefois pour augmenter de vo- lume, mais non jusqu'à se développer, c'est-à-dire s'accroître et en même temps se métamorphoser en partie. Nos acéphales sont dans ce cas. Chez tous on aperçoit, d'une manière à la vérité plus ou moins manifeste, la totalité des pièces du système osseux; mais c'est à peu près cela seul, dans les parties où (i) J'omets aujourd'hui l'examen de la cause du défaut d'in- tensité dans les élaborations organiques incomplètes , et j'eusse aussi sans doute mieux fait de remettre également toute celte discussion à un. autre temps. (86) ils sont irréguliers , qui est produit par leur vie de nutrition. Il n'est rien apporté entre les lames de ce système; de façon que les organes des sens et les masses encéphaliques, qui devraient y arriver, y seraient inutilement attendus. Mais s'il n'y a plus intensité progressive, il y a toujours durée dans l'action; et ce résultat à l'égard du tissu osseux, le seul pour lors subsistant, est que ce tissu, paraissant d'abord dans l'état aponévrotique et fibreux, se consolide et s'achève, toutefois dans un très-grand degré d'imperfection. On voil qu'il n'est pas nécessaire de recourir à l'intervention tardive d'une maladie qui vient dé- ranger le cours d'une élaboration organique. Tout acéphale entre dans sa vie de nutrition sous des conditions déterminées, qui cessent seulement avec lui-même au terme de son existence intra-utérine; et sous ce rapport, c'est un être complet en tant qu'il a satisfait aux conditions qui ont décidé de sa formation. Il a vécu un plus grand nombre de mois quebiendes animaux réguliers,unnombremoindre que certains autres,moindre sans doute que si, ayant joui d'une organisation plus compliquée, il eût pu suffire à une deuxième existence, à la vie dite de relation. Des jours, des années d'existence, qu'est- ce cola pour lana;ure? Nos plus grandes longévités, que sont-elles dans le vrai , eu égard à son essence d'éternité ? ( 37 ) Je n'avais point ledessein dedonner ces réflexions ;* je les crois au contraire prématurées. Elles doivent naître, elles ne peuvent naître en effet que d'une étude très-attentive des diverses acéphalies ; mais , avant tout, il faut que celles-ci soient établies, et c'est pour cela qu'un travail de classification pour toutes et de détermination pour chacune doit pré- céder toute autre recherche. Je ne puis me flatter d'avoir réussi dans cette première tentative ; il me suffira d'avoir fait entrevoir que ce travail est pos- sible. Voici au surplus cet essai , c'est-à-dire des noms et des caractères pour quelques genres que j'ai exa- minés : i. Coccycéphale. (Tête sous la forme d'un coccyx.) Tronc sans tête et sans extrémités antérieures : les os du crâne et du cou dans une contraction et d'une petitesse extrêmes ; les postérieurs appuyés sur les vertèbres dorsales, ceux de la sommité sous la forme d'un bec ou d'un coccyx. Caractérisé d'après le squelette représenté n° 3 des planches de M. Béclard. Le n° 2 donne l'exté- rieur du corps. Je renvoie aussi aux détails que j'ai fait graver pi. III, fig. 14 et i5. Voyez en outre le n° 1 des planches de M. Béclard, représentant un autre coccycéphale dont on est redevable à M. le ( 88 ) docteur Chevreul, père du célèbre chimiste de ce nom. 2. Cryptocéphale. (Tête invisible extérieurement.) Tronc avec extrémités antérieures; tète réduite à un assemblage de parties osseuses, portée sur une colonne cervicale droite, très-petite, et non apparente en dehors. Décrit d'après le sujet mentionné dans X Histoire naturelle générale et particulière , Buff. , tom. III, pi. 5, fig. i. Il faut rapporter à ce genre le sujet de la quatrième planche publiée par M. le professeur [Bcclard (i). 3. Anencéphale. ( Tête sans cerveau.) Point de cerveau ni de moelle épinière ; la face (i) Cet habile professeur vient tout récemment, avril 1S21 , d'examiner un autre acéphale , un véritable acéphale , sous ce point de vue qu'il peut être défini ttn sujet avec tronc sans tête apparente au dehors. La coionne épinière de ce fœtus était ma- nifestement terminée par des os crâniens , et ceux-ci étaient re- marquables en outre par un caractère propre d'association et de grandeur relative. Les principales différences portaient sur un plus grand volume et sur une composition plus décidée des os maxillaires. Le nom de gnatoccphalc , rappelant assez bien ces principales singularités, me paraît convenir. («9) et tous les organes des sens dans Tétat normal; la boîte cérébrale ouverte vers la ligne médiane, et composée de deux moitiés renversées et écartées de chaque côté en ailes de pigeon. Ces notions sont prises sur Tanencéphale (i) dé- crit § II de ce Mémoire. D'autres espèces qui s'y rapportent ont été plus anciennement indiquées ou figurées par Van Horne, Rerkring , Morgagni, etc. , et tout récemment par M. le professeur Rodati. 4- Cystencéphale. {Tête avec cerveau vésiculeux.) Cerveau restreint dans ses développemens ; hé- misphères sous forme d'une vessie mamelonnée supérieurement; les organes des sens et leurs chambres comme dans le genre précédent; le crâne également ouvert, mais les ailes occipitales moins (1) Je restreins avec M. Chaussier cette dénomination aux cas d'acéphalies où le cerveau manque entièrement. On sent qu'elle n'était point applicable aux anomocéphales , en qui l'on trouve quelques portions de cerveau. Quant au nom d'anencéphale, je l'ai reçu et adopté ; mais je ne l'eusse pas imaginé. Car est-il bien certain qu'il ne reste chez ces monstres aucun vestige de cerveau ? Celui-ci n'y existerait- il pas avec des conditions de formation originelle dans les eaux d'une poche étendue sur la tète et le dos ? Nous reviendrons sur cette idée dans le Mémoire où nous décrirons la poche dorsale des fœtus dits anencéphales. (9o) étendues et plus rapprochées , les vertèbres cervi- cales étant à l'ordinaire tubuleuses. J'ai décrit ce genre d'après nature. C'est à des espèces au moins très-voisines de cet exemple que je crois pouvoir rapporter le sujet des recherches originales de Wepfer, et celui de la savante disser- tation de Sandifort intitulée : Anatome infantis cerebro destituti. 5. Dérencéphale. (Tête avec cerveau dans le cou.) Cerveau très-petit, posé tant sur les occipitaux que sur les vertèbres cervicales ; celles-ci ouvertes postérieurement , élargies en outre par un spina- bifîda, et formant le bassin ou la coquille ; les or- ganes des sens et les parties du crâne comme dans les cystencéphales. Décrit d'après nature sur un sujet conservé dans la liqueur, appartenant à M. le docteur Serres. 6. Podencéphale. ( Tête avec cerveau sur tige.) Cerveau de volume ordinaire, mais hors crâne , porté sur un pédicule qui s'éiève et traverse le sommet de la boîte cérébrale ; les organes des sens et leurs enveloppes osseuses dans l'état normal ; la boîte cérébrale composée de pièces affaissées les unes sur les autres, épaisses, compactes, et comme éburnées. (9- ) Le révérend Keahe en a donné une figure assez soignée dans les Transactions philosophiques pour Tannée 1684. M. Gall en a fait représenter le crâne dans son mémorable ouvrage (pi. XIV, fig. 3). M. Serres, qui en possédait aussi un crâne, m'a permis de disposer de celui-ci. (Voyez pi. II.) La fig. 1 représente ce crâne vu par le haut, et la fig. 2, vu de profil. J'ai placé ces deux exemplaires, en tout parfaitement semblables, sous les yeux de l'Académie. 7. Noteincéphale. (Tête avec cerveau sur le clos.) Cerveau de volume ordinaire, mais hors crâne quant à sa plus grande partie, faisant hernie au travers des occipitaux supérieurs et du trou occi- pital , renfermé à part dans les tégumens communs, et reposant sur le dos sans y contracter d'adhé- rence; crâne à pariétaux larges et surbaissés, d'une configuration à rappeler la tète osseuse de la loutre; crâne enfin composé de pièces minces et friables. M. le docteur Gall a également publié, pi. XXIX, û^. 1 , le crâne d'une espèce de ce genre ; j'en donne aussi une figure (pi. II, savoir, n° 3, vu par der- rière, et n° 4» vu de profil) prise d'un autre exem- plaire que la Faculté de médecine a bien voulu me confier. Il y a pareille conformité dans les pièces ayant servi de modèle pour les figures des deux ( 9* ) ouvrages, et je les ai, à raison de cette ressem- blance, également présentées à l'Académie. Plusieurs notencéphales sont, à ma connaissance, conservés, dans nos cabinets, entiers et dans de la liqueur. Je donne, pi. IV, la figure de l'exemplaire de la collection anatomique du Jardin du Roi(i). 8. Hémiencéphale. (Tête avec moitié de ses matériaux?) Tous les organes des sens anéantis et leurs rudi- mens apparens à la face par des traces sans profon- deur; cependant la boîte cérébrale et son cerveau à peu près dans l'état normal. Ces caractères distinguent le sujet de la thèse inaugurale soutenue à Leyde en 1762, par Charles (1) Dans les deux genres qui précèdent , le cerveau fait hernie à travers ses enveloppes ordinaires , tout en haut chez les po- dencéphales , et en arrière chez les notencéphales. Il paraît qu'il peut échapper par bien d'autres issues et dans presque tous les rayons de la sphère, en mettant à profit certains intervalles des lignes de jonction. Car j'ai sous les yeux un dessin inédit où l'une de ses portions s'était fait jour à travers les frontaux, et pendait sur le visage , dans un sac ayant à peu près la forme et la grosseur d'une forte poire , et M. Serres en a vu d'autres parties descendues dans le palais et engagées dans le pharynx , entraînées là avec leurs enveloppes, et s'é tant ouvert un passage sur la ligne médiane, à travers les os de la hase du crâne. (93) Werner Curtius , thèse qui nous a été conservée clans le Thésaurus dissertationum de Sandifort. C'est le seul genre pour l'établissement duquel j'ai cité des faits que je n'ai pas vérifiés par moi- même ; mais il faut convenir que cette thèse ren- ferme tant et de si solides observations, que je n'ai pas craint de lui accorder toute ma confiance. J'aurais pu étendre cette classification d'après la littérature médicale ; mais je me serais trop souvent exposé à me tromper. J'explique ainsi les motifs de ma réserve. 9. Rhinencéphale. {Tête à trompe ou à narines extraordinaires.) Véritable cyclope, ayant encore deux yeux eu égard à l'existence de deux cristallins, un seul quant à leur service par un seul nerf optique ; une seule chambre oculaire causée par un défaut de cloisons intermédiaires, par le détachement sur la ligne médiane des os propres de l'organe olfactif. Ceux- ci, qui ont par conséquent délaissé les maxillaires, existent au-dessus de l'appareil ophthalmique, grou- pés et saillans sur le milieu du front. De cette ra- cine, où ils sont implantés, les tégumens nasaux sont prolongés en trompe : le système nerveux olfactif manque entièrement. L'organe du goût et les maxillaires dans l'état normal. On a publié ce genre d'acéphalie sous les noms ' (94) de cyclopes, de fœtus monopses, ou de fœtus à trompe. J'en connais deux exemples, mais xqui constituent deux genres; l'un au Jardin du Roi, et l'autre à l'Ecole vétérinaire d'Alfort. Les animaux présentent fréquemment le même système de monstruosité. Nous possédons au Mu- séum des fœtus de chien, de veau, de mouton, de cheval et de cochon, tous également cyclopes et à trompe. Les mêmes acéphalies doivent en effet re- paraître exactement semblables chez les animaux, si la cause qui les produit tient réellement à un défaut de distension, de prolongation ou de rami- fication de l'un ou de plusieurs des principaux vaisseaux nourriciers. Ceci pourra faire naître la pensée qu'un traité qui embrasserait la comparai- son des mêmes genres d'acéphalie est à entre- prendre; mais j'observe qu'on ne pourra véritable- ment s'en occuper que lorsque de principales es- pèces auront d'abord été déterminées et incontes- tablement établies. J'ai sous les yeux une préparation d'un rhinen- céphale de l'espèce cochon (i), où le cerveau ne (i) Une autre de mouton, où le cerveau forme la cinquième partie de la capacité de sa boîte. Le père Feuillée vit à Buenos- Ayres , en 1708, un de ces monstres né d'une brebis; il en a maniéré les formes , comme le prouve l'incorrect dessin de ce rhinencéphale qu'il a donné dans ton Journal d'observations , tom. I, p, 242. ( 93 ) remplit qu'un tiers de la capacité du crâne ; le reste de la cavité ne renfermait rien autre , ni eau ni sérosités, absolument rien. On sent ce que j'ai dû apporter d'attention dans cette observation, puis- que c'est le seul exemple que je connaisse d'une boîte cérébrale dans sa distension ordinaire, qui n'est point moulée sur son cerveau. Le sujet du rhinencéphale humain appartenant à l'Ecole vétérinaire d'Alfort, et que l'administration de cette École a bien voulu me permettre d'ouvrir et d'examiner, m'a fourni une observation à quel- ques égards analogue ; car , si j'ai trouvé que son cerveau était d'un volume à remplir toute la boîte osseuse, l'hémisphère cérébral (et je parle ici en nombre singulier, parce qu'il n'y en avait qu'un seul occupant tout le dessous de la voûte du crâne), l'hémisphère cérébral cependant, de même que l'hémisphère cérébral unique du rhinencéphale cochon, était du moins vide en dedans. Ce fait tient de trop près à la fameuse question du déplissement du cerveau pour que je me borne à le publier, comme dans cette circonstance, à titre de pre- mier avis. J'y reviendrai dans un Mémoire parti- culier, où je comparerai entre eux les rhinencé- phales homme, cochon, veau, cheval, chien, etc. Nos acéphales à trompe rappellent plusieurs cas permanens de même ordre, l'éléphant, le tapir, le phoque à trompe, quelques chauve-souris, etc.; ( 96 ) exemples remarquables sans doute, et où il a bien fallu que le même mode d'organisation ait été rendu possible et persévérant au-delà de la vie fœ- tale par l'addition d'un système nerveux olfactif qui manque aux rhinencéphales. Ce mode d'organisation, dans ses actes réguliers, touche de près une question dont je me suis occupé au commencement de l'année 1820; car il porte à faire concevoir les anomalies du crâne des crusta- cés, et subséquemment de celui des insectes, et plus particulièrement à comprendre la compo- sition des antennes et l'analogie de ces parties avec les organes de l'odorat des hauts animaux verté- brés. Et en effet détachez l'un de l'autre les deux tuyaux de la trompe , soit de l'éléphant et du tapir, soit des rhinencéphales, vous aurez exactement la disposition que présentent les antennes des familles entomologiques . 10. Stomencéphale. (Tête à bouche fermée?) Cyclope ; même organisation, sous ce rapport, que le genre recèdent; la monstruosité de l'organe olfactif étendue aux organes de la mastication; les maxillaires rudimentaires ; une trompe labiale, ou les lèvres ramassées et prolongées en une caron- cule filiforme. Décrit d'après un cyclope humain conservé dans le cabinet anatomique du Jardin du Roi. ( 97 ) Je viens de recevoir un stomencéphale mouton. Je l'ai eu frais , et j'en ai toute Fanatomie décrite et dessinée. }■ ït. TRiENciPHA.LE, (Tête privée de trbis organes des sens.) Tête sphéroïdale ; face nulle par la privation de trois des organes des sens , des organes du goût, de la vue, et de l'odorat; les oreilles réunies en dessous avec pavillons tégumentaires prolongés de chaque côté; un seul trou auriculaire au centre et une seule caisse. Décrit d'après nature, sur un chat. Alix (Obs. chir.) fait connaître un fœtus humain de ce genre, abso- lument privé, dit-il, de bouche, de nez et d'yeux. Cette monstruosité revient fréquemment. Elle est décrite d'après un chien, et figurée (extérieur de tète et crâne) par E. L. Schubarth, dans une dissertation intitulée : Demaxillœ in/erioris mons- trosâ parvitate et defectu (Francofurtii a. V. ) 1819. L'unique caisse ici mentionnée se compose des caisses de chaque oreille réunies par soudure sur la ligne médiane. On la prendrait à sa forme pour une mâchoire inférieure, et c'est ainsi que M. le doc- teur Schubarth l'a déterminée et nommée. Voyez cette pièce notée /, pi. I, fig. 2; et pour les rudimens des maxillaires, la lettre g. Voyez encore les figures L\ et 6 de la même planche. 11. 7 ( 9» ) ii. Sphénencéphaxe. (Tête remarquable par une partie de son sphénoïde?) Le crâne ployé à la région palatine, de façon que les dents de chaque côté se rencontrent et se tou- chent sur la ligne médiane ; les oreilles contigués et soudées sur le centre ; un seul trou auriculaire et une seule caisse; le sphénoïde postérieur ayant ses deux ptérigoïdaux (apophyses ptérigoïdes ex- ternes) soudés dans les neuf dixièmes de leur lon- gueur. J'établis ce genre d'après le crâne d'un mouton ; je ne l'ai point encore rencontré dans l'espèce humaine. Le grand intérêt de cette monstruosité est dans son sphénoïde postérieur, présentant dans l'état pathologique les conditions normales des oiseaux. Cette conformation intermédiaire appuiera d'une preuve vraiment irrécusable mes nouvelles déter- minations du crâne des oiseaux. i3. Diôdôncéphale. [Tête avec une double rangée d'os dentaires?) Un treizième genre, dont je n'ai pu entièrement démêler les complications, parce que plusieurs des os du crâne étaient brisés, et dont je suis redevable à l'officieuse communication de M, le docteur Pa- ( 99 ) trix (i), m'a montré de doubles mâchoires. Les intermaxillaires occupent le premier rang, et les maxillaires proprement dits, articulés l'un avec l'autre, forment la rangée inférieure; c'est tout-à-fait la disposition connue chez la plupart des poissons, Ainsi une anomalie pour une espèce relombe dans ce qui est la règle pour une autre. Voilà ce que j'ai dit souvent : et c'est ce qu'on saura être inévitable , quand, au lieu de considérer les mons- truosités avec un étonnement stérile pour la philo- sophie, on sera tout-à-fait fixé sur la nature de mon principe des connexions, et qu'on aura éga- lement donné toute son attention aux conséquences explicatives de cet autre principe, le balancement des organes, sorte de loi pour tous les cas , où des rnaxima survenant imposent nécessairement aux objets de leur entourage des conditions de rninima* Au surplus , ces vérités commencent à se répandre : plusieurs écrits , remplis pour moi de la plus affec- tueuse bienveillance, me l'ont appris (2). (1) M. Patrix a fait connaître cet acéphale sous d'autres rap- ports ; il le décrit dans une note de son excellent Traité sur le cancer et sur les maladies des voies utérines, (Voyez ses Consi- dérations générales, page xviij). Le diodoncéphale manquait de cerveau, et était en outre privé d'une paire de nerfs , la paire olfactive 3 dit la note» (») Oken, en terminant ses rémarques sur mes Mémoires entomologiques ; Isis, 1820, n° 6. Les mêmes témoignages sont à peu près reproduits dans les ( I0° ) Dernière considération. Je ne poursuivrai pas davantage cet essai de clas- sification des organisations vicieuses de la tête hu- maine : je ne peux aujourd'hui qu'indiquer la route à tenir. Ce n'est pas au début de pareilles recher- ches que je pouvais espérer de la parcourir conve- nablement, L'histoire naturelle des anomocéphales , ou le traité destiné peut-être à faire revivre , et très-cer- tainement du moins à replacer dans un meilleur ordre de fort bons travaux qui ont été publiés sur i I , .- , n ,|» | | | . , |. i .1 , | i i .,«.1 il .. i - notes suivantes : « Le système de balancement dans le dévelop- « pement des organes des êtres vivans , établi par M. Geoffroy « Saint-Hilaire , est une idée-mère qui.... etc. , etc. » Voyez Essai d'une Iconographie élémentaire et philosophique des végétaux, par P. J. F. Turpin. M. G. S. H. est entré dans une carrière qui doit le conduire aux plus importans résultats ; il a imprimé une direction nou- velle à l'anatomie , et s'est fait chef d'école en portant beaucoup plus loin qu'on ne l'avait fait avant lui l'analogie qui existe entre les parties correspondantes des groupes divers d'animaux ver- tébrés. Dict. des Sciences médicales , article Squelette. La marche philosophique imprimée désormais à l'anatomie Comparative en rendra facile une application directe et rigou- reuse, et M. G. lui aura acquis à la fois tous les genres de per- fection ; il l'aura généralisée et popularisée. Revue encyclopé- dique _, tome 5? page 217. .( ior) ■ cette matière, n'aurait pas dû non plus, je le sais, paraître en appendix à la suite d'une toute autre discussion : c'est une question spéciale. J'ai annoncé îe désir de la traiter, et c'est pour cela que j'en place ici une sorte de programme , ayant l'espoir que cette annonce , donnant à connaître les lacunes de la science, me vaudra la communication de quelques faits et de quelques préparations, sans lesquels on doit sentir que je ne puis rien. Quand je commençai ces recherches, j'étais parti de plus haut : car j'avais moins pour objet d'intro- duire un peu d'ordre dans la riche mine des acé- phalies , que d'établir que toutes ces monstruosités , comme on les appelle , ne sont point vagues et in- définies, ainsi qu'on le pense généralement; qu'il n'y a point de caprices dans ces prétendues dé- sordres ; que ces irrégularités sont vraiment ren- fermées dans de certaines limites, et qu'enfin toutes ces conformations organiques , toutes bizarres qu'elles paraissent, ont des motifs assignables, puis- qu'elles dépendent de causes qui ne demandent qu'un peu d'attention pour être appréciées, CONSIDÉRATIONS d'où sont déduites des règles pour l'orservation des monstres et pour leur classification (l). Jues animaux réguliers ont été jusqu'à ce jour le seul fond où l'on ait puisé les élémens de toutes connaissances physiologiques. Ainsi les règles ac- tuelles, toutes nos théories, en se renfermant dans cette unique source d'investigation, auraient im- posé des limites à la pensée humaine. Mais heureusement qu'une autre route peut s'ouvrir, et le champ de l'observation considéra- blement s'agrandir. J'aperçois en effet un tout autre théâtre, celui de l'organisation dans ses actes irréguliers , de la nature soumise à des troubles , embarrassée dans ses évolutions, surprise enfin dans des momens d'hésitation ou d'impuissance. (i) Lues à l'Académie royale des Sciences îe 16 avjil iStiï. ( io4) Quand les uns ont tout dit, ou à peu près, fai- sons parler les autres. Que les monstres cessent d'offrir des considérations stériles pour la philo- sophie. S'étonner à leur vue , ce n'est pas savoir. Et, dans le vrai , les procédés par lesquels ils exis- tent sont encore des manifestations de toute puis- sance. Car s'ils ne nous donnent pas autant que ce que nous possédons déjà, ils nous révèlent du moins un possible inespéré de complications diverses, d'associations insolites et de désordres méthodiques. C'est comme une toute autre créa- tion , que nous pouvons et opposer et comparer aux déveioppemens toujours conditionnels de la première , à ces enlacemens d'organes , à toutes ces formations incommutables qui composent le mouvement, et qui assurent le retour périodique des productions régulières. Cependant tout en donnant des monstres, c'est- à-dire toute abandonnée qurelle est aux plus sin- gulières aberrations, l'organisation ne produit pas avec extravagance. On Fa pu croire pour avoir supposé qu'elle créait des êtres prêts à toute mé- tamorphose, faits pour naître et mourir au même moment, et dignes tout au plus de figurer dans nos cabinets fc et d'occuper l'esprit à titre, comme on l'a dit, de singuliers jeux de la nature; préven- tions nées d'ignorance, et plus encore peut-être d'une susceptibilité superstitieuse qui a long-temps I ( io5 fait considérer l'apparition de ces prétendues pro- ductions contre nature comme des événemens de réprobation pour les familles. Effectivement, à l'examiner sans préventions, sans aucune idée préconçue de physiologie , toute monstruosité est une œuvre, sinon régulière, faite pourtant suivant les règles. Vous en douteriez? C'est donc que vous n'auriez pas réfléchi à ce qu'exigent de combinaisons la moindre formation animale., toutes ces générations d'organes, tous ces déveioppemens progressifs si admirablement coordonnés ? Que de matériaux rassemblés et que d'actions, pour en avoir l'emploi! Si tant de parties agissent de concert distinctement et fructueuse- ment, que d'ordre par conséquent, que de faits à expliquer par les règles générales ! Ce n'est le plus souvent que te développement d'une époque fœtale qui se maintient au même degré dans les époques successives. Mais , dira-t-on , c'est ramener aux considéra- tions communes de l'organisation ; et ne serait-ce pas s'exposer à une contradiction manifeste , que de faire dépendre des mêmes causes tous les déve- ioppemens organiques, et ceux qui donnent des animaux réguliers , et ceux qui dégénèrent en monstruosités ? Cette objection n'est que spécieuse: je n'admets pas plus de physiologie spéciale pour des cas d'or- ( io6 ) ganisation vicieuse que de physique particulière au profit de quelques' faits isolés et laissés sans explication. Il y a monstruosité, mais non pas pour cela dérogation aux lois ordinaires; et il le faut bien, s'il n'y a à embrasser dans ses considéra- tions que des matériaux toujours similaires dans leurs différens degrés de superposition , et que des actions toujours également dépendantes des pro- priétés de la matière. Il y aurait cependant défaut, où est événement de monstruosité; et défaut ou irrégularité sans dérogation aux lois ordinaires semble impliquer contradiction, Qu'on ne s'en laisse pas néanmoins imposer par ces apparences, et l'on arrive à voir crue le travail de l'organisation ne donne finalement de mons- truosités que s'il est influencé par quelques trou- bles, par des obstacles suscités du dehors. Dans ce cas? c'est réellement, et par conséquent c'est tou- jours faction des mêmes causes, mais une action qu'une ordonnée nouvelle, le concours d'une autre excitation, fait valoir tout différemment. C'est pour une opération d'arithmétique l'addition d'un chif- fre, dont f intervention modifie le caractère des chiffres déjà posés. Ou, si je puis me permettre une autre comparaison pour rendre ma pensée avec encore plus de clarté, c'est un fleuve dont nxiQ avalanche aurait troublé le cours : les eaux , C I07 ) heurtées par ce barrage ne perdent point pour cela de leurs qualités natives; elles continuent, comme corps graves , à se renverser et à rouler les unes sur les autres , si elles sont répandues sur un plan incliné. Mais dès lors , au lieu d'un cours tran- quille et suivi, elles sont en remous , et toutes aux conséquences de la nouvelle ordonnée qui les prive de leur régime ordinaire ; et , je puis ajouter, de leur condition normale ; ou elles refluent , si l'avalanche a comblé leur bassin , et s'extravasent dans les cam- pagnes environnantes ; ou bien , s'élevant comme l'obstacle intervenu, elles lui deviennent supé- rieures, retombent par delà avec fracas, et se gou- vernent comme auparavant , ayant repris leurs allures accoutumées. Le fleuve tout-à-fait dominé comme dans le pre- mier cas, est une image de nos monstruosités, chez qui la succession des développemens rend de plus en plus intolérable l'action de la cause perturba- trice ; ou si, comme dans le second cas, il n'est que gêné par une traverse peu élevée , il rappelle ces monstres où la perturbation n'offre rien d'agra- vant, et qui peuvent au contraire s'accommoder au delà des parties envahies du retour des conditions normales. Ces réflexions donnent l'esprit de ce nouveau travail sur les monstres. Rien de vague, rien de chimérique n'y saurait entrer : si nos moyens de ( ioS ) recherches se compliquent, en revanche plus d'es- poir d'y réussir encourage nos efforts : car c'est -ans doute un des plus grands avantages de ce tra- vail, que d'y entrer par une route non encore frayée, et que de pouvoir effectivement s'engager dans d'aussi belles recherches en y faisant interve- nir de nouveaux élémens de calcul', les ressources d'un très-grand nombre de nouvelles observations. Avant d'être fixé sur la route à tenir, j'y ai long -temps et profondément réfléchi. Recueillir des faits comme à l'ordinaire, les comparer les uns aux autres , et généralement s'assujettir à tout ce que prescrivent les méthodes les plus recommandées , ne pouvaient me satisfaire entièrement. Je n'ai jamais mieux éprouvé qu'en cette circonstance qu'on se doit, en changeant d'études , de modifier ses procédés d'observation. Il ne manque pas d'écrits sur les monstres ; mais voyez quelle proposition générale surnage. A quoi ont abouti tant de faits isolés? Évidemment, pour n'avoir pas été aperçus dans leurs rapports, à être délaissés aussitôt que produits. Vous ne sauriez dire d'où ils vous arrivent: car il est pour moi cer- tain que vous ignorez quel système d'organisation les peut donner. Toute cette fausse position provient, ce me semble , de ce qu'on n'a point aperçu par l'esprit ce que les yeux voyaient avec tant d'évidence* ( f09 ) Habitué qu'on était à traiter des êtres sous ie point de vue de leur distribution par espèfce , on a vu les monstres dans l'esprit de cette routine et non de la façon que les monstres sont venus frapper nos sens. On a cru suivre la méthode des naturalistes lorsqu'on ne s'attachait qu'à sa lettre ; car si ceux-ci ont admis des spécialités d'êtres , c'est pour avoir remarqué tout autant d'organisations renfermées dans certaines limites. Chaque existence qu'ils sont parvenus à distinguer, ils en ont rassemblé tous les traits, et surtout ils en ont voulu signaler les principales nuances, en traduisant par le mot d'es- pèce l'idée complexe acquise à cet égard. Mais vous ne voyez pas qu'ils se soient enquis des causes qui donnent continuellement , à de légères exceptions près , les mêmes répétitions de forme. Il a suffi qu'ils eussent remarqué ce fait , et ils se sontbornésà imposer des noms à toutes les nuances de ces formes , à toutes les distinctions ayant pu développer un caractère spécifique. Au contraire vous serez- vous occupé de monstres, vous aurez trop su à votre point de départ. Vous vous serez fié sur une confidence quand vous ne l'aurez pas reçue entière. Que ce soit l'espèce hu- maine qui ait fourni à vos considérations ses diverses monstruosités: trop bien informé de qui vous les aurez obtenues, et tout à ce souvenir, vos juge- mens seront d«s produits, non de l'observation, ( IIO ) mais de vos préventions; vous voyez l'homme où il a cessé d'être, là même précisément où cette cir- constance n'est pas seulement un fait d'observation ma is unrésultat obligé: et je n'exagère en rien, puisqu'il vous faut un désordre d'organisation pour constituer l'état de monstruosité que vous voulez considérer. Il y a mieux ; c'est qu'on a fait pour l'état nor- mal un genre ou à peu près , en oubliant d'attribuer chaque déviation du système commun à autant de modifications spécifiques. Hors de l'homme ré- gulier , n'y aurait-il plus en effet que monstres hu- mains sans distinction de leurs qualités indivi- duelles ? Et ce seroit après avoir considéré une à une les constitutions organiques les plus bizarres que l'on ne craindrait point d'adopter cette géné- ralité. Vainement on apercevrait entre tous ces pro- duits humains des différences qui, appréciées zoolo- giquementetpar la méthode des rapports naturels, marqueraient de plus grands intervalles qu'entre un mammifère et un reptile, un cheval et un cro- codile, tous ces produits n'en seraient pas moins groupés , tous présentés sous la seule appellation de monstres humains ; comme s'il n'y avait de possible que cette unique subdivision , l'homme régulier et l'homme irréguîier ! Ce n'est pas cependant que j'entende avancer que les nombreuses variations que présente l'organisa- ( I" ) non humaine dans ses écarts n'aient jamais inspiré le désir d'en connaître et d'en traiter à part. Ce se- rait peut-être la seule partie des sciences où Ton aurait négligé d'introduire les formes de nos mé- thodes, qui ne sont pas toujours la méthode, et où par conséquent l'on aurait point sacrifié à la mode , qui mêle à tout son esprit. On peut au con- traire citer quelques essais de classification. Bonnet et Blumenbach ont en effet proposé de diviser les monstres en quatre classes, d'après les motifs et les caractères qui suivent; savoir : les uns pour posséder en organisation plus qu'à l'ordinaire, les autres comme étant restés en-deçà; ceux-ci pour altérations dans la structure des parties, et ceux-là pour connexions interverties. Buffon fit preuve de goût en écartant cette dernière considération, et en restreignant à trois l'ancienne subdivision. M. Mec- kel , d'accord sur ce point avec Buffon , adopta néanmoins un quatrième cadre en faveur des her- maphrodites. Ce célèbre physiologiste alla plus loin : il aurait désiré recourir à l'emploi d'une no- menclature , et, à l'exemple de Sandifort, il y préluda par les noms d'acéphale, d'anencéphale et d'acranien, dont il donna à sa manière la défi- nition. Je suppose que c'est pour avoir été fixé sur le travail de M. Otto, savant professeur de Breslau, qui donna une description détaillée et comparative ( I12 ) de six monstres humains. Cet anatomiste ayant voulu exposer et placer dans un contraste ces faits singuliers, objet de ses considérations, sentit le besoin de ramener à autant d'unités d'organisation les diverses constitutions organiques de chacun de ces monstres. Il ne fut pas aussi bien inspiré dans le choix de ses dénominations; car les ayant em- pruntées au système de la numération, appelant chacun d'eux anencephalicus prunus , anencepha- licus secundus, terlius, et ainsi de suite, sa manière eut une fâcheuse influence sur sa rédaction. Tréviranus, pour rester dans une abstraction dichotomique , n'admet que deux classes , compre- nant dans l'une les monstres dont les organes pèchent par leur quantité, et dans l'autre, ceux où ces organes pèchent par leurs qualités. Cette pensée, rendue pi us sévèrement par l'expres- sion de monstres par excès et de monstres par dé- faut, paraît avoir pour soi un assentiment général: du moins j'en juge par la dernière rédaction où nos richesses scientifiques sur les monstres sont expo- sées avec le goût , la clarté et les formes de l'esprit aimable qui caractérisent le talent de M. le docteur Adelon, dernière rédaction qui a paru dans le Dictionnaire des Sciences médicales , au mot de monstruosités. MM. Adelon et Chaussier insistent, dans cet article, sur un second degré de subdivision* distribuant en deux ordres les monstres par excès, <"3) suivant qu'ils sont formés par un seul ou par plu- sieurs fœtus; et pareillement, mais en trois sections, les monstres par défaut, suivant que ceux-ci sont considérés relativement ou à la proportion et au volume de leurs parties, ou à la situation respec- tive de celles-ci, ou dans ce qui en constitue posi- tivement l'essence (i). Dans ce travail, qui nous expose le dernier état de la science, nous ne pouvons cependant, à pro- prement parler , apercevoir la substance dune véri- table classification: on n'y trouve aucun énoncé d'or- ganisation spéciale, aucune délimitation des diffé- rences quiréaîisentla distinction de chaque animal. Cène sont effectivement que des vues à priori, que des abstractions, que des titres de chapitre, pour des cadres où puissent entrer et s'enchaîner beau- coup de considérations isolées. Les auteurs l'avouent eux-mêmes : ce n'est point là une classification , disent-ils, page 236, puisqu'elle n'est pas fondée sur la cause des monstruosités ; et ils étaient tout naturellement conduits à cet aveu, puisqu'ils par- (1) M. Ghaussier avait plus anciennement rangé les mons- truosités sous sept titres , relativement à la grandeur, au nombre, k Y absence, aux connexions, à la soudure , à Inconsis- tance et à la couleur des parties. Voyez Description des prin- cipales monstruosités , etc., par MM. Moreau de la Sarthe et. Regnault, in-folio, 180S; discours, page 18. 11. 8 (t»4) tagent l'opinion dominante , quils professent page 170, que la considération des monstres jette dans des différences sans fin, et dans la nécessité de décrire tout autant de genres de monstruosités qu'il paraît de monstres; attendu, continuent-ils , qu'il n'en est aucun qui n'offre quelque chose de spécial. Ce qui explique comment on en est encore à dé- sirer savoir quoi étudier chez les monstres pour vé- ritablement l'acquérir à la science, ce sont les efforts inutiles de tant d'illustres maîtres : ils ont tenté de s'élever à quelques vues générales , qu'ils n'en sont venus qu'à concevoir un très-petit nombre de group- pemens systématiques , qu'à imaginer des proposi- tions prétendues générales , où les exceptions abondent (1). Aucun n'a pensé à voir ce sujet de haut; et il faut avouer qu'il devenait difficile de le faire, en restant resserré dans les considérations d'une seule espèce : car que peut-on embrasser de général avec ce qui est un ? Pour se porter au contraire sur l'es- (1) Si les plus petites espèces donnent habituellement plusieurs petits <à chaque portée, sans que cette pluralité de germes soit une raison de troubles pour le développement de quelques- uns , je ne vois pas ce qui motiverait une conclusion différente à l'égard de l'espèce humaine. Trois naissances de monstres ? depuis le commencement de 1821 , ont eu lieu à ma connais- sance, et chaque monstre est venu seul, (n5) sentiel de l'observation , ce n'était pas l'homme qu'il fallait considérer, mais l'organisation, et j'en- tends, à l'égard des monstres, le caractère même de la monstruosité. Toute monstruosité, étant, comme quelques-uns l'ont dit, une désorganisation effective eu égard à ce qui devait avoir lieu, une constitution irrégu- lière remplaçant ce qui devait être régulier , n'est cependant désorganisation ou irrégularité que rela- tivement. Et, en effet, si nous n'avons pas le type attendu , n'est-il point quelque autre chose qui le vient remplacer? Ce n'est donc que quitter une forme pour retomber dans une autre, et en considérant ce résultat en soi , c'est un simple événement patho- logique, auquel il n'aurait manqué jusqu'ici que d'avoir été embrassé sous son vrai point de vue. Que la monstruosité soit fournie par l'homme, on n'est cependant plus sur rien d'humain. L'homme, dans ce cas, est comme une gangue sur laquelle l'or- gane monstrueux s'est construit et développé. Mais, quoi qu'il arrive , la monstruosité ne saurait rece- voir de cette circonstance son vrai caractère, un ca- ractère primitif : car il n'est pour elle, s'il s'agit d'une monstruosité par défaut, il n'est, dis-je, pour elle rien d'essentiel que dans l'absence d'une partie et que dans le mode de rapprochement et de soudure des bords ayant dû servir d'enceinte à la ( iï6-) partie absente. Toutefois, dans l'hypothèse donnée, la spécialité des formes humaines ne peut manquer d'arriver à son tour, mais évidemment pour n'être plus qu'un sujet de considérations secondaires, puisque la monstruosité fait concourir à l'événe- ment des parties qui se soudent les unes aux autres, qui acquièrent ainsi de nouvelles relations, et qui, au delà du point où elles sont respectivement en contact , conservent plus ou moins décidément les formes de l'état normal, et dans l'espèce , les formes humaines. Maisa bandonnons toutes ces abstractions, et, pour être plus facilement compris , rendons notre proposition sensible par un exemple. Supposons que ce soit tout l'appareil nasal qui vienne à man- quer. Cette circonstance , que tous les animaux vertébrés peuvent également fournir , et qu'ils peuvent fournir de la même manière , nous donne le fait primordial ; à quoi il faut encore ajouter le mode de rapprochement et de soudure des parties adjacentes. Mais ces parties auxquelles leur arrivée au contact et d'aussi étranges relations procurent une physionomie méconnaissable, n'en sont pas moins, au delà de leurs lignes de suture, des organes propres et spécifiques , des organes qui retrouvent leur état régulier, d'autant mieux qu'ils gagnent davantage en surface, et que, plus rapprochés des ( H7 ) bords qui servent à leur engrenage avec des pièces étrangères à l'événement pathologique, il n'est plus pour eux d'influence à ressentir sur toute cette ligne. Ainsi un retour gradué des formes défec- tueuses aux formes régulières nous ramène à quelque chose de spécial , et constitue de cette manière un ordre de considérations secondaires. Prenez encore exemple de la topaze de Saxe et de celle du Brésil : elles s'appartiennent essen- tiellement parla communauté du plus grand carac- tère en minéralogie , par des rapports de cristalli- sation ; et cependant elles n'en restent pas moins susceptibles de considérations spéciales et secon- daires, dont elles sont en effet redevables à l'in- fluence de leur gisement ou de leur gangue , à une influence qui , comme j'ai tout lieu de le pen- ser, modifie leur composition chimique. La conséquence de ce qui précède, c'est que nous aurons à faire absolument tout le contraire de ce qu'ont fait nos prédécesseurs. Nous renver- serons nécessairement les termes; ancien mode, anciennes combinaisons qui avaient leur source dans l'ordre chronologique des recherches. De l'homme régulier, on était passé à l'homme irré- gulier; en sorte que, sans plus y réfléchir, on avait vu les faits de la dernière considération du même œil que ceux de la première , et comme ( n8 ) s'ils n'étaient qu'une conséquence les uns des autres. Une marche inverse est réellement prescrite par la nature du sujet; car, et je ne saurais assez repro- duire cette pensée, car, dans le vrai, que considérer dans une monstruosité, si ce n'est elle-même, elle seule? Seule, elle frappe par quelque chose de nouveau, d'extraordinaire ; seule, nécessairement et tout naturellement, elle fournit ses élémens à une histoire des monstres; seule, elle est une source pour des caractères génériques; seule, par con- séquent, elle peut et doit former, constituer le genre. Mais je discute ici des principes dont j'ai déjà proposé plusieurs applications; et à cette occa- sion , je me permettrai de rappeler mon précédent travail sur les acéphales et sur leur classification , essai où, par exemple, j'ai employé les monstres par absence d'appareil nasal , sous le nom de rhi- nencéphale» Or, voyons ce que donnent les procédés de notre méthode. L'absence de tout un appareil des sens est la considération fondamentale, la considé- ration générique : elle ne rappelle rien de seulement propre à une espèce : elle est pour toutes ; elle est générale. Mais cette considération n'en exclut pas de secondaires et d'applicables à l'établisse- ( H9) ment de beaucoup d'espèces. En effet, cette absence prive le milieu du museau d'une démarcation, d'une sorte de diaphragme, d'une base osseuse pour l'appui des parties latérales. Il en résulte que tous les organes symétriques , à droite et à gauche , les yeux, les ingrassiaux ( ailes d'ingrassias), les lacry- maux et les maxillaires marchent à la rencontre les uns des autres, ou pour se greffer réciproquement, ou même pour se pénétrer, comme l'établit la confusion des yeux, lesquels le plus souvent de- viennent un seul œil. N'y ayant plus qu'un orbite, il n'y a pareillement qu'un seul trou optique, et qu'un seul trou lacrymal. Mais tous ces raccords de l'organisation , résul- tats obligés de la mutilation d'un seul appareil, varient dans chaque monstruosité selon le carac- tère qu'y développe chaque animal. Tous les organes symétriques de la face, étant entre eux à l'état normal dans un ordre proportionnel diffé- rens pour chaque espèce, interviennent, en conser- vant ces relations, et apportent dans les mons- truosités ces conditions primitives; de telle sorte que si l'absence des parties médianes est une cir- constance qui tend à modifier ces mêmes organes , toujours est-il que la restriction , imposée dans ce cas à l'organisation, a lieu nécessairement dans une raison proportionnelle et directe, avec ce qui ( Iao ) fut devenu son entier et parfait développement sans cette restriction. Voilà dans quel cas le souvenir des espèces tom- bées dans les mêmes conditions pathologiques, peut être invoqué. Voilà par conséquent comment ce souvenir nous peut donner les élémens de nos déterminations dans le second degré, c'est-à-dire, tout à la fois et les caractères et les noms de l'espèce. J'ai sous les yeux des fœtus à terme d'homme , de chien, de chat, de cochon, de mouton, de veau et de cheval, présentant tous les sept le même caractère de monstruosité, étant tous les sept également privés de l'organe olfactif. Aver'i par ce qui précède, je me garderai bien de les dési- gner, comme on l'a fait jusqu'ici, sous les noms d'enfant cyclope, de chien cyclope, de cheval cy- clope, etc., moins parce que la pénétration et la fusion des deux yeux en un seul est un événe- ment relatif et subordonné, que parce que cette nomenclature appelle d'abord l'attention sur ce qui est différent. En renversant les termes, au contraire, je parais innover, quand je n'en suis que plus attaché au véritable esprit des classifica- tions philosophiques. Car c'est l'exigence de cet esprit qui oblige de placer sur le premier plan le fait d'organisation qui doit principalement coin- ( ™* ) mander l'attention, et de ranger à quelque dis- tance toutes les considérations secondaires du sujet. Dans cet état des choses , la classification et la nomenclature sont données. Le genre de mons- truosités dont nous avons ici traité à titre d'exemple, a reçu le nom de rhinencéphale : ses espèces se groupent ensuite tout autour, et se distinguent par le nom même des animaux qui les produisent. Au moyen de cette sévérité dans la nomenclature, nous voilà mis à même de compa- rer entre eux tous les rhinencéphales, c'est-à-dire, nous voilà nous introduisant dans une autre anato- mie comparative, nouveau champ d'observation dont tout l'intérêt et la fécondité auraient déjà été aperçus par M. Virey, auquel on est en effet rede- vable, article monstre du Dictionnaire des Sciences médicales , de ces paroles remarquables, dites il y a deux ans et réellement prophétiques à cette époque : « L'étude des monstres sera donc, pour le « physiologiste et pour le philosophe, la recherche « des procédés par lesquels la nature opère la gêné- « ration des espèces. » Champ d'observation à promettre, à qui le défri- chera, la moisson la plus riche, les faits les plus piquans ; champ s'agrandissant pour une zoologie pathologique, pouvant, sous le point de vue d'une répétition des mêmes formes, marcher de pair avec ( 'm ) notre zoologie normale; où des anomalies acciden- telles, et pour la plupart encore inconnues, semblent de simples appendices d'anomalies permanentes et très-anciennement appréciées ; où à chaque pas l'on trouve à considérer les conversions , les méta- morphoses les plus bizarres, et à recueillir enfin des faits comme les suivans , que , par une sorte d'anticipation sur mes publications futures , je cite en ce moment. Les conditions d'organisation qui constituent le genre rhinencéphale amènent des réunions fortuites de parties de la face et des effets de physionomie, d'où ne résultent pas toujours des traits incohé- rens et inaperçus dans des organisations perma- nentes : mais, au contraire, ces formes nouvelles rendent à beaucoup d'égards l'expression de cer- taines formes déjà connues. Quelques-uns de nos rhinencéphales se rapprochent , pour la conforma- tion, de certaines espèces; le rhinencéphale -veau de l'éléphant , et le rhinencéphale poulain du crocodile. Mais, dira-t-on, toutes ces classifications n'ont d'application sévère, et par conséquent ne seraient susceptibles d'une réelle utilité que pour des ani- maux dont l'organisation est renfermée dans des limites absolument circonscrites. Sans doute; mais c'est précisément parce que je crois l'organisation des monstres renfermée dans des limites aussi sévè- ( «3 ) rement circonscrites, que j'ai imaginé d'en faciliter l'étude en y employant le même système de nomen- clature et de classification qu'en zoologie. Ce n'est pas , il est vrai , ce qu'on en pense généralement , et ce qu'en donne à penser le passage même du tra- vail de M. Adelon, que j'ai cité plus haut. Mais après la publication de ma dissertation sur les acé- phales , j e dois m e croire autorisé à regarder comme un principe acquis, que les monstruosités n'ont rien de vague et d'indéterminé , que le désordre de leur organisation n'est pas une indéfinie confusion , mais au contraire , un ordre seulement encore ina- perçu , seulement dissimulé , et qui n'attend plus qu'un observateur pour se trahir. Et au surplus, que les monstruosités soient conte- nues dans des limites assez resserrées , qu'il n'y ait ni désordre réel ni caprice dans ce qui les motive, et qu'elles soient au contraire l'effet du retour néces- saire et toujours invariable des conditions primi- tives, c'est ce que je me propose d'établir de nouveau par deux preuves irrécusables; d'une part, par une exposition de faits que j'appelle zoologiques , et de l'autre , par des recherches plus profondes et plus décisives, celles de l'investigation anatomique. DES FAITS ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES DE L'ANENCÉPHALIE, OBSERVÉS SUR UN ANENCÉPHALE HUMAIN NÉ A PARJS EN MARS l82I (i). Ija fréquence de ces monstruosités est remar- quable et tient peut-être à quelque chose de plus simple qu'on ne l'a cru généralement. Les ouvrages des médecins nous en font connaître plusieurs, et j'en sais de très-bien conservées dans toutes nos collections de Paris. A ne citer que les faits les plus récens et répandus dans un très-court rayon , voilà trois anencépbales. Le premier est un individu né à Dreux le 21 juillet 1808 , et qui a été publié avec figures par M. André, chirurgien, dans ï Annuaire de la société de médecine du département de VEure> année 1810; un second est le sujet né à l'Hôtel» Dieu de Paris en février 1 8 1 6 , dont M. le professeur (ï) J'ai lu ce Mémoire à l'Académie des Sciences le 19 mars 1821, sous le titre à' Observations cl' Anatomie pathologique sur un anencéphale humain, éclaircissant quelques points de l'histoire des nc?fs. J'en ai retouché depuis quelque» parties. ( 126 ) F. Lallemand , de Metz , a donné une description si satisfaisante ; et le troisième est un sujet né aussi à Paris ( le i mars 1821 ), dont il n'a pas encore été fait mention, et que je vais, dans cet article , essayer de faire connaître (1). Mais c'est moins peut-être la fréquente appari- tion de ces anencéphales que leur caractère phy- siologique qui mérite de fixer notre attention. Ce genre de monstruosités affecte celui de nos organes qu'un certain entraînement vers des vues nouvelles nous porte à placer au premier rang. Comme nous est donnée l'observation, il nous faut admettre l'ab- sence absolue de toute substance cérébelleuse et médullaire en dedans du crâne et du canal verté- bral ; et il faut bien qu'il en soit ainsi , dira-t-on , puisque ces récipiens n'existent ni l'un ni l'autre , (1) Je lis dans les Variétés historiques un fait danencéphalie qui n'a point été recueilli dans les annales de la littérature médi- cale. « On a vu naître en 1722, à la ville de la Flèche, un enfant sans aucune trace de cerveau, de cervelet, ni de moelle épinière. La boîte cérébrale et les vertèbres étaient ouvertes et revêtues d'une simple membrane. C'était un garçon. La mère l'a porte jusqu'à terme, et le sentit remuer douze heures avant l'accou- chement, qui fat heureux, quoique l'enfant arrivât mort. Cette femme, âgée de vingt-sept à vingt-huit ans , était hydropique pendant cette dernière grossesse, et l'est demeurée encore après. » Extrait des Variétés historiques , physiques et litté- raires , in-i2,t. 2, part. 1, p. 463. Paris > chezNyon, 1762, ( I27 ) en tant que les parties du squelette dont ils sont ordinairement composés ne comportent ni boîte ? ni étui , ni cavités quelconques. Voilà ce que les faits d'observations nous donnent : mais est-ce bien là un résultat possible ? Et quoi ! aucune trace de cerveau , aucune indice de moelle épinière constitueraient le caractère d'a- nomalie de sujets à tous autres égards doués d'une organisation parfaitement régulière? Ce serait l'or- gane que nous nous accoutumons à considérer comme le régulateur de la machine qui manque- rait , alors que celle-ci n'en éprouverait , sous tous les autres rapports, aucune altération fâcheuse? Est-ce bien cela qu'on a voulu dire, cela qu'on a entendu par l'expression très-significative à'anen- céphale? J'interroge la littérature médicale, et rien que de vague m'est répondu. Ou ces difficultés ne se sont pas présentées, ou l'on a imaginé de les sur- monter, en admettant une maladie survenue après les premières élaborations organiques. Ainsi on a supposé ce qu'il eût fallu d'abord établir en fait, et l'on a de cette manière appliqué au commence- ment de la vie, aux opérations d'un monde in- connu et à la formation des organes, des phéno- mènes et des actes observés dans le décours de la vie, produits dans un autre milieu, et qui ne se développent que pour et par la destruction des or- ganes. ( ï?-8 ) Ces réflexions me suggérèrent l'idée que les ob- servations d'où on était parti étaient , sinon toutes fausses , du moins fort incomplètes. J'explique ainsi ce qui m'a engagé dans une sorte de révision des faits. J'ai dit plus haut, page 1 1 , d'où me venait ma confiance dans le système osseux ; et je m'employai à examiner en détail ce que, des parties de ce sys- tème ordinairement en contact avec la substance médullaire , il restait encore chez les anencé- phales. Mon premier résultat fut de constater qu'il n'y avait rien de changé quant au nombre et aux con- nexions de ces parties. Mais ce qui dut augmenter ma surprise , ce fut d'apercevoir un tout autre sys- tème aussi invariablement reproduit , et justement le système nerveux; persistance sans doute bien remarquable dans un sujet réputé pour être entière- ment dépourvu de substance cérébrale et médul- laire. Il était en effet certain que la répétition des matériaux osseux s'étendait à celle des éiémens nerveux : je le savais , et par la description de M. Lailemand, qui avait donné une énumération complète des nerfs qui se répandent tant dans le canal médullaire, que dans la boîte osseuse, et par mes propres observations qui me faisaient lire ces faits sur le tissu osseux; et dans le vrai, il neman- ( I29 ) quait aucun des trous qui servent de passage à tous les nerfs spinaux et cérébraux. Je vis davantage; car, ces trous paraissant avec un plus grand diamètre, j'en dus conclure que les nerfs des fœtus anencéphales avaient plus de grosseur que ceux des foetus de l'état normal. Mais plus de volume à leur sortie des organes des sens, comment concevoir cette circonstance? à quelle fin ? Sortis si gros , ce serait pour se perdre subite- ment ? ils n'arriveraient dans le crâne que pour s'y aller propager dans le vide ? Je faisais ces réflexions , l'esprit prévenu par les théories admises jusqu'à ce jour. Tout nerf, pro- vient, dit -on, de matière médullaire, naissant ou du cerveau, ou de la protubérance annulaire, ou de la moelle vertébrale. Or dans le cas de notre anencépliale, il fallait admettre des nerfs qui non- seulement étaient privés de leur gangue originelle, mais qui de plus acquéraient par cette privation même une plus forte constitution. C'était suivant tout à la fois les indications de la théorie et les données de l'observation, c'était admettre des par- ties qui n'avaient pas d'origine , qui n'avaient pas de point de départ : et dans ce cas, le simple bon sens disait que c'était faire quelque chose avec rien, une existence avec des non-existences. En pressant ces conséquences , j'arrivais à l'absurde. Mais où étaient mes causes d'erreur ? h. 9 ( i3o ) C'était dans les vacances de 1820, et dans une campagne isolée, que j'étais livré à ces perplexités. Je n'avais emporté avec moi que les trois crânes d'acéphales décrits et figurés dans ma première dissertation. Me contentant d'abord d'examiner ces trois préparations, je pensais que ce serait déjà faire quelque chose d'utile dans l'état présent de la science, que de commencer par donner la détermi- nation et la philosophie de cet ensemble de pièces. Ces nerfs sans origine procuraient donc à mon esprit une importune préoccupation. Car il ne me restait, après l'observation du tissu osseux, que de revenir à la thèse de M. Lallemand, et celle-ci me ramenait àcet énoncé dont je ne pouvais demeurer satisfait : « Tous les nerfs qui naissent du cerveau « sont libres et flottans à la base du crâne. » (Thèse, etc. 1818, n° i65 , p. 28. ) De retour à Paris, je voulus voir par moi-même ces nerfs flottans dans la cavité du crâne ; et un heureux hasard , après bien des soins d'abord inu- tiles, me procura enfin le sujet de cet article, l'anen- céphale que j'ai fait figurer pi. IV. Tous les anencéphales reproduisent invariable- ment une circonstance, à laquelle je donnai d'abord toute mon attention ; c'est l'absence du derme en de certaines places. Ce fait tire un nouvel intérêt de sa position; tout ce nu est visible à la région occupée par l'épine du dos et sur toute l'étendue ( i3i ) de la boîte cérébrale. Je me rappelai les observa- tions de Santorini et de Romberg citées par Mor- gagni , et celles de Fontanus conservées par Wep- fer. Comme ces physiologistes ne voulaient qu'ex- pliquer la prétendue disparition du cerveau, il leur est échappé de s'accorder sur un fait d'observation, sur l'existence d'une vessie pleine d'un liquide à dos de leurs fœtus. Je ne doutai pas que Yanencéphale de la Seine (i) n'ait eu à porter une pareille bourse , en lui voyant le dos pelé en grande partie, et je ne tardai pas en être informé par la sage-femme (2) qui reçut l'enfant. On jugera de la grandeur de cette poche sur le volume du liquide qui y était contenu , volume que la sage-femme m'a dit avoir estimé à la quantité de deux à trois litres d'eau. Cette poche était indé- pendante du placenta ( celui-ci a été trouvé dans l'état normal ), et son liquide parut différent de celui des eaux de l'aimai os. Je note cette circonstance négligée dans le ré- (1) Quelques reuseignemens qui m'ont été communiqués touchant la naissance de ce fœtus m'autorisent à l'appeler de ce nom. Je traiterai de l'anencépliale de M. Lallemand sous celui de Yanencéphale de V Hôtel-Dieu , et du sujet décrit par M. An- dré sous la dénomination de Yanencéphale de Dreux. Dans les vues zoologiques que j'applique à l'étude des monstres, ce sont là trois différentes espèces d'un même genre. (1) Madame Riguet, à Paris, quai du port aux Tuiles. ( ï3a ) cit de M. Lallemand , ou ne s'y trouvant qu'impli- citement ; comme, par exemple, dans la remarque que la mère de son anencéphale avait étonné par une grossesse surnaturelle et par l'abondance des liquides épanchés avant l'enfantement. On sait que Marcot, Haller, Morgagni et beau- coup d'autres physiologistes, se sont fixés sur ce fait, pour l'attribuer à un cas d'hydropisie , pour n'y voir qu'un événement à rapporter à ces déve- lopperons déréglés d'un genre déterminé , par les- quels se terminent tant de maladies organiques. J'ai donc cherché à me bien pénétrer du carac- tère de l'observation suivante. Je ne sache pas qu'on ait aussi nettement distingué que dans cette occasion les deux poches des deux liquides, ces eaux diffé- rentes et les deux temps marqués par leur écoule- ment (i). Dans le travail utérin du i mars, il y avait déjà deux heures que les eaux de l'amnios, claires et limpides à l'ordinaire, s'étaient répandues ( cir- constance à prendre en considération ), quand eut lieu la rupture de la poche dorsale. Le toucher de (i) Santorini et l'un de ses confrères, Alexandre Boni, au- raient aperçu, au rapport de Morgagni, dans leur fœtus anen- céphale, non pas la voûte du crâne ni un cerveau qui n'existaient nulle part , mais une espèce de vessie qui ne contenait que de l'eau jaune. Mono. De morborum sedibus et causis , epist. 12. ( i33 ) la sage-femme et une incision de l'ongle en déci- dèrent et produisirent un second écoulement : mais cette fois, le liquide était opaque , roussâtre, sanguinolent et cependant inodore. L'expulsion du fœtus s'ensuivit : ce fut trois quarts d'heure après. Il fut très-facile de détacher les vestiges de la poche sur la ligne de ses bords (i) contigus au derme ; et c'est à quoi s'appliqua tout d'abord la sage-femme, dans la vue de nettoyer l'être qu'elle venait de recevoir, et bien persuadée qu'en débar- rassant ce sujet de lambeaux vraiment hideux , elle le rendrait plus accessible à l'observation. Ce fut comme une peau morte qui se sépara sans diffi- culté de la peau vive. On conçoit que l'interpo- sition du fluide avait rendu impossible de l'une à l'autre de ces peaux l'existence d'aucune bride, et que les feuillets supérieurs de la poche n'adhé- raient en rien aux lames aponévrotiques subja- centes. Je fus fixé sur cette considération comme sur une dissection toute faite d'avance. J'étais aidé dans ces recherches par M. le doc- teur Flourens , habile physiologiste sorti de mon école ; circonstance dont l'idée que j'ai de sa valeur et des services qu'il rendra aux sciences me porte à m'honorer. Nous soulevâmes, mon jeune ami et T i il ■ n ■ ■ ■ i i ■ «m— — ■ » ■■■ m il r r m^i^—ii^i -m ■!■■ — ■— • n i —, mi i — — «— — NW— WO— — fci**** (i) Voyez pi. IV, les deux lignes marquées cccc. ( '34 ) moi, cette dernière membrane et nous ne tardâmes pas à nous apercevoir que la nature nous avait là comme ménagé une autre dissection, sinon faite avec plus d'industrie que la première, du moins re- marquable par un caractère de plus grande utilité. En effet ces nouvelles combinaisons organiques se rapportaient à ce qui m'avait précédemment occupé, d'une manière trop directe, pour que je ne m'y intéressasse pas vivement. Et dans le vrai, ce que, pour étudier la terminaison des nerfs spinaux et cérébraux, il nous eût fallu faire, c'est- à-dire ouvrir le crâne, fendre le canal vertébral et détruire peu à peu la pulpe médullaire , nous le trouvions tout pratiqué chez notre anencéphale ., et cela l'était par la nature elle-même; en sorte que nous ne nous voyions exposés ni auxinconvéniens d'un emploi peu judicieux du scalpel , ni à aucun autre sujet de fâcheuse méprise. Tout bon esprit préférera sans doute ces bonnes fortunes de Tanatomie pathologique, dont avec un peu de sagacité il devient facile de démêler les circonstances, à ces vivisections si vantées de nos jours, qu'on décore du nom imposant de phy- siologie expérimentale, où il se mêle tant d'in- certitudes, où le fer produisant la douleur ne laisse prise à aucune autre sorte d'excitation, et où tant de causes réunies ne sauraient être distinguées dans leurs influences respectives. ( i35 ) Nous vîmes sur notre anencéphale , comme l'avait remarqué M. Lallemand sur le sien , et tous les nerfs des sens et tous ceux de la moelle épinière rangés dans l'ordre de leurs relations habituelles; considération que notre principe des connexions nous eût donné à priori', mais , ce qui forme le haut intérêt de l'observation, nous aperçûmes ces nerfs écartés, isolés, entièrement libres, les uns à l'égard des autres. C'est, comme on l'a vu plus haut, la condition de ce genre d'acéphalie, que le manque des masses encéphaliques et médullaires. Aucun empâtement n'embarrasse donc les extrémités nerveuses ; d'où , faute d'être empaquettes dans une bouillie céré- brale, tous les nerfs du cerveau et de l'épine restent facilement observables, et l'étaient en effet dans notre sujet pour la vue, pour le toucher, de toutes les manières possibles. Attentif à ce qu'était la préparation sous ce rap- port, je n'aperçus ni franges ni extrémités flot- tantes ; mais je vis des nerfs qui se plongeaient et qui allaient se perdre dans les tégumens employés ordinairement à les recouvrir. C'est, à bien le dire, c'est là tout mon mémoire. Je ne me contentai pas d'examiner ce fait pour mon propre compte : je dé- sirai en propager l'observation et la rendre en quelque sorte praticable pour tous mes lecteurs. Ayant tenu à ce que cette préparation fût dessinée ( i36 ) avec le plus grand soin , je la donne en la première figure de ma quatrième planche. La dissection a placé la préparation sous deux aspects différens. Une coupe longitudinale,, sur la ligne médiane en a b, a partagé le dos en deux moitiés égales. On a continué d'agir à gauche , de soulever une membrane très-fine et de la rejeter en dehors. Cette opération à mis à nu tous les nerfs spinaux vvuu. Rien au contraire n'a été dérangé à droite; ce qui n'empêche pas qu'on n'y aperçoive aussi de ce côté les indices des mêmes nerfs, indices qui se manifestent en // par un relief assez sen- sible à travers la membrane qui les recouvre. Les nerfs uu proviennent deux à deux des trous de conjugaison : les antérieurs vv , bien qu'ayant une même origine, paraissent directement sortir d'une cavité profonde existant là à raison de la courbure d'une" portion de la colonne épinière , et tous , les antérieurs comme les postérieurs, viennent se perdre dans la membrane qui leur sert d'enveloppe. Devenus à leur terminaison une partie même du tissu de cette membrane, ils sont comme elle et avec elle rejetés à gauche; en sorte que ceux-là seuls, dont les traces restent visibles en //, doivent être consultés, si Ton veut prendre une idée de la réelle situation de toutes ces parties. Au dessous de cet appareil nerveux se voyait une autre membrane semblable à quelques égards ( i37) à l'externe, cependant plus épaisse, plus dense et plus résistante : posant à cru sur les os vertébraux, c'en est, à tout prendre, le périoste. Ainsi les nerfs spinaux, à leur sortie des trous intervertébraux, s'ouvrent un passage à travers ce périoste pour aller se répandre et finir sur la dernière membrane : ces nerfs sont donc, un moment, contenus entre ces deux lames ou membranes. Nous avons reçu notre anencépliale , quant à sa cavité crânienne , dans l'état où le montre la figure. Les nerfs qui se voient là sont, en s les trijumeaux, en o les nerfs acoustiques ou les portions dure et molle de la 7e paire , et en pp les faisceaux des nerfs grand-hypoglosse et glosso-pharyngien. Heu- reusement que notre sujet n'était nullement en- dommagé sur les cotés, et que nous avons pu voir distinctement toutes ces branches nerveuses se porter chez lui et s'y épanouir dans des membranes d'une détermination facile à donner. Ces membranes étaient manifestement les enveloppes ordinaires du cerveau , pie-mère , arachnoïde et dure-mère : or c'était sur la première des trois que ces nerfs venaient aboutir et se confondre. M. Lallemand a donné les mêmes démonstra- tions. Après avoir décrit la dure - mère , il ajoute : « Les débris de l'arachnoïde et de la pie-mère for- ce niaient derrière la base du crâne une espèce de « capuchon qui descendait jusqu'au bas du dos. Au ( i38 ) « dessous de ces membranes , les artères carotides « et vertébrales, entourées d'une foule de veines, «formaient une sorte de chevelure, un réseau « inextricable, au milieu duquel nous avons cepen- « dant reconnu la faux du cerveau, à cause de sa « forme en croissant et des veines qui s'y ren- « daient. » ( Thèse , etc. p. 28.) Notre figure montre aussi très-distinctement des extrémités osseuses qui font saillie, et repoussent les tégumens en dehors; savoir, iiiih. gauche, etjjjf à droite. Ce sont les extrémités des lames des ver- tèbres que l'ouverture et le renversement du canal vertébral ont écartées l'une de l'autre, et rejetées ainsi latéralement. On concevra cet arrangement, en prenant la peine de consulter la portion de colonne épinière que j'ai fait représenter pi. III, fig. 1. Tout le lambeau mn , terminé par des déchi- rures faites irrégulièrement, se compose des mem- branes du cerveau [mrn) et du cuir chevelu (ini). Notre anencéphale était aussi pourvu de cheveux assez longs. Voyez les figures 1 et 2 de la pi. IV, aux lettres rrr. Si l'on compare la précédente description à celle que M. Lallemand a donné dans sa thèse, on les trouvera semblables au fond, mais différentes tou- tefois dans leur exposition. M. Lallemand, dans sa préoccupation qu'une maladie était venue déranger ( i39) le cours d'une formation primitive et régulière , n'a pas fait de difficulté d'admettre des nerfs Jïott ans à la base du crâne , des racines à F origine de ces nerfs; ou peut-être ce ne fat point chez lui un effet de prévention, mais le résultat d'un empêchement d'observation causé par le mauvais état de sa pré- paration. J'ai donné plus haut la détermination des mem- branes de la région épicranienne : cela n'offrait au- cune difficulté. Mais il n'en est pas ainsi de celles qui recouvrent la région dorsale. Y ayant donné attention, j'ai diverses fois hésité. L'anomalie est là en effet si grande qu'il faut d'abord s'accoutumer à elle avant de s'engager dans son explication ; ce- pendant voici ce que j'y ai définitivement aperçu. Reprenons de plus haut : tout le canal vertébral du dos et des lombes est ouvert à sa partie médiane et postérieure : au lieu de faire étui, les lames des vertèbres sont rejetées partie à droite et partie à gauche : l'étui fendu et renversé est devenu une table. Ainsi une surface plane tient lieu des parois intérieures du tube. Mais, dans l'état ordinaire, les couches mem- braneuses appliquées à tapisser l'intérieur du canal vertébral se composent : la première, de la dure- mère; la seconde, de l'arachnoïde ; et la troisième, inscrite en dedans des deux autres, de la pie-mère. Conservons en souvenir que ce sont là les trois ( i4o ) feuillets de l'étui membraneux, garnissant les pa- rois du canal vertébral osseux , et que dans ce con- tenant est la moelle épinière, Y objet contenu. Or j'ai toujours vu que les os n'éprouvent point de modification , qu'ils ne la fassent ressentir aux parties molles qu'ils étayent. A la liaison intime de toutes ces parties du canal vertébral, on ne doit donc pas douter que cette vue ne leur soit à toutes applicable. Par conséquent la seule manière que nous ayons de concevoir l'anomalie du cas actuel , c'est d'ad- mettre que tous les élémens du canal vertébral se sont, avec ce système osseux, renversés en ailes à droite et à gauche, c'est-à-dire que tous se sont étendus en table pour former la large surface dor- sale limitée à gauche par l'arête ccc, et à droite par la ligne des lettres ddd. Gela posé , tout se réduit à une question bien simple , et dont la solution nous est donnée sans difficulté par les connexions. Car si le feuillet posé profondément et à cru sur les os vertébraux , est composé chez les anencéphales par la dure-mère , le dernier feuillet ou l'externe l'est par la pie-mère : quant à l'arachnoïde, ou elle est employée à la manière du tissu cellulaire pour unir ces deux membranes, ou, confondue avec l'une d'elles, elle en rend le tissu plus solide. Wous voilà donc informés de ce qu'est l'espèce ( '4i ) d'aponévrose, apparente comme une large plaie à la région dorsale ; et nous savons même à son su- jet un peu davantage. C'est que nous voyons , en dehors, celle des deux surfaces de la pie-mère, qui , chez les fœtus de l'état normal , devient pa- roi intérieure, celle enfin qui est dans un contact immédiat avec la substance médullaire. Mais si le tuyau contenant en est réduit à de- venir table rase, et si ce sont ses parois intérieures qui interviennent en dehors , nous sommes con- duits à chercher l'objet contenu à la surface de cette table rase. C'est du moins à cette même place que la théorie des connexions en indiquerait la position. Dans le vrai, serait-il quelque chose au-delà? Oui, puis-je répondre, oui, sans doute ; car d'abord on n'a point probablement oublié ce que j'ai rap- porté plus haut de la vessie observée par Santorini et de ses eaux, et ce que j'ai dit moi-même de la poche dorsale de notre sujet. Au delà est donc une bourse contenant un li- quide opaque, roussâtre et inodore {page i33). Comme cette bourse se présente à l'observateur, en la voyant couchée tout le long du dos, j'y dis- tingue deux plans : l'inférieur , répondant à notre table rase, comprend toute la partie représentée dans notre dessin et circonscrite par les lettres ccdd, et le supérieur se compose des membranes ( i4* ) malheureusement supprimées par h sage-femme. Si pour le moment nous sommes privés de nous faire une opinion sur ces membranes, nous avons du moins une idée arrêtée sur celles du plan infé- rieur : nous venons en effet de prouver qu'elles sont formées par les méninges. Ce quelque chose qui est en dedans de la pie- mère, cet objet contenu à chercher, serait donc connu. Nous l'apercevons manifestement au delà de ces méninges , dans le liquide que renferme la poche à dos des anencéphales. Mais , dira-t-on , ce n'est pas là du moins cet ob- jet contenu précédemment annoncé; car ce n'est ni de la substance cérébrale, ni de la substance mé- dullaire. Qu'importe? je ne crains point de ré- pondre ; qu'importe ? si c'est ce que le flux sanguin vient déposer à son lieu et place , ce que les filières ordinaires apportent et répandent sur la pie-mère, ce que la loi des connexions nous donne comme l'objet cherché. C'est là déjà un premier et très-important ré- sultat. Voyez; ce liquide existe où la moelle épinière eut dû exister : il en tient donc lieu ; il en est donc l'équivalent , et en effet , vous ne pouvez reculer devant cette conséquence , quand vous en avez apprécié l'intérêt, comme vous offrant un objet de sécrétion, un produit nécessaire des vaisseaux san- guins , une dette qui est acquittée. Apprécions ( i43 ) bien plutôt notre position ; et cessant de nous in- quiéter de l'opinion qui place les anencéphales sous la supposition que , chez eux , il n'est nul indice de substance médullaire , restons ferme- ment attachés à nos premiers pressentimens , et continuons à nous refuser de croire qu'une orga- nisation régulière à tant d'autres égards, se puisse concilier avec l'absence absolue de tout appareil cérébral et spinal. Cette eau à la place du prolongement rachidien; il est presque inutile d'ajouter qu'elle était retenue extérieurement par le restant de la poche, par cette prétendue peau morte dont le fœtus a été débar- rassé par la sage-femme. D'où cette partie de la poche tirait-elle son ori- gine? Nous sommes privés de le savoir par une observation directe. Cependant deux seules hypo- thèses sont admissibles. Car, ou cette tunique avait été formée par le derme , qui aurait été soulevé et successivement distendu , au fur et à mesure de la livraison du fluide par le système artériel ; ou elle était une continuation des méninges, lesquelles fussent restées sous la condition d'un étui mem- braneux, et n'auraient participé à l'écartement des os vertébraux qu'à leurs points de contact avec la charpente osseuse. Nous bornant à exposer des faits dans ce Mé- moire, cette discussion nous est pour le moment ( i44 ) interdite. Nous aurons plus tard occasion d'y re- venir; ce sera quand nous aurons donné dans le Mémoire suivant quelques faits analogues. Reste une haute question à traiter. Cette eau de la poche dorsale qui tient lieu de cerveau , qui remplace ainsi le cordon rachidien, serait-elle pri- mitive ? ou n'est-elle qu'un effet de maladie qui s'en vient tardivement porter le trouble dans un travail d'organisation d'abord régulier ? Beaucoup de physiologistes n'y ont vu qu'un effet d'hydro- pisie , qu'un cas d'hydrencéphalie; je vais discuter l'opinion contraire. Je me serais gardé d'une pareille discussion , si je devais n'y apporter qu'une toute autre manière de sentir ou déjuger les faits : j'aurais trop à souffrir en effet de renoncer aux habitudes de modération qui font le charme de ma vie, et, pour si peu de motifs, d'essayer de poursuivre un succès; mais fixé sur de nouvelles considérations , j'ai dû en accepter les conséquences. On pourra juger, si je ne m'en suis pas trop exagéré la valeur ; je vais exposer ces nouveaux aperçus dans l'ordre suivant. i° Du système osseux. Avant que j'en eusse fait le sujet particulier de ma précédente disserta- tion, on n'avait qne des idées vagues sur ce qui en restait conservé chez les anencéphales. On sup- posait que, passibles tout autant que le cerveau de l'action pathologique, les os crâniens tombaient ( i45 ) dans la même dégradation. Mais on a vu que nous avons au contraire observé qu'aucun de leurs élémens ne disparaît, que seulement les conditions de monstruosités en affectent les formes , et que chaque pièce, comme si toutes les molécules à lui fournir devaient être livrées à des époques et dans une quantité réglées pour tous les cas , acquérait en épaisseur ce qu'elle perdait en superficie. Les formes elles-mêmes ne m'ont paru soumises qu'à une domination indirecte et accidentelle; car ou ces os se relèvent en bosse sur un cerveau d'un relief considérable, ou, si l'encéphale diminue et même disparaît, ils s'affaissent et retombent sur eux-mêmes, étant dispos pour ces variations, comme s'ils faisaient effectivement partie d'une bourse à compartimens mobiles. Mais d'ailleurs hors ces causes, qui influent sur leurs formes, et qui eu font la variation de l'état normal à l'état mons- trueux, ces os ne sont point autrement affectés. Leur tissu, dans l'un et l'autre cas, paraît dépendre tout- à-fait des mêmes causes de formation ; c'est la même structure, la même physionomie, j'allais dire la même apparence de bonne et parfaite santé. L'observation ne saurait donc s'accommoder de l'idée 4'un désordre récent : tout porte au con- traire l'empreinte d'un travail ancien et persévé- rant. Il me paraît donc parfaitement établi que les os crâniens et vertébraux des anencéphales res- n. 10 ( m) tent dans leur développement constamment sou- mis à des conditions primitives , c'est-à-dire qu'ils sont moulés sur une forme donnée dès l'origine. i° Du système nerveux. On ne fut de même que faiblement fixé sur les rameaux nerveux qui se répandent ordinairement sur l'encéphale et la moelle épinière. Mon observation , établissant que ces nerfs restent étrangers à la substance médul- laire, et qu'ils ont un mode de terminaison qui leur est propre, est d'un grand poids dans cette ques- tion. Ce ne sont donc plus, comme on l'a cru, des bouts de nerfs vagues et flottans dans un reste de cavité. N'étant ni déchirés , ni rompus, il n'est donc plus besoin d'imaginer de maladie qui puisse rendre compte de ces ruptures. 3° De la nature du fluide de la poche dorsale. La monstruosité dont nous sommes occupés ré- sulte de la modification de deux grands systèmes ; du système osseux servant à renfermer la substance médullaire, et du système encéphalique se prolon- geant en moelle épinière et composant cette même substance médullaire. Au lieu de ne voir là qu'un seul et même phénomène , que l'action du conte- nant sur le contenu, ou, vice versa, celle du con- tenu sur le contenant, que l'affection respective de deux choses dans une dépendance nécessaire; on a imaginé de les isoler, et de faire jouer à chaque système le rôle différent et de cause et d'effet. Dans ( i47) cette combinaison, le tissu osseux a paru l'objet affecté, et les eaux de la poche en furent jugées l'occasion et comme la cause perturbatrice. Ces explications ont pris leur source dans l'opi- nion que , puisque de l'eau formait le liquide de la poche, c'était par un effet d'hydropisie, d'hy- drencéphalie. Ainsi ce qui termine les maladies chroniques dans la vie aérienne, chez de jeunes enfansou des vieillards, après un long exercice des organes , après tant de métamorphoses provenues d'épuisement, serait assimilé à des actes qui se passent dans des vaisseaux fermés, à de premières élaborations organiques, à des jeux d'affinités pour le groupement des matériaux, à tant de nou- velles productions enfin qu'amène l'ordre successif des développemens. Mais , dira-t-on , il le faudra bien , si dans l'état présent de la physiologie , il n'y a d'explication applicable à ces cas de monstruosités que la seule théorie «des infiltrations. Car enfin , pourra-t-on ajouter encore , ce fait principal est manifeste ; de Veau est à la place du cerveau chez les anencé- phales. J'extrais ces déductions d'ouvrages juste- ment célèbres ; de ceux de Haller, de Morgagny, de Sandifort , d'Ackermann, etc. etc. Mais d'abord je voudrais savoir ce que, dans ces illustres écrits sur les monstruosités , on a entendu par les mots cas pathologiques et maladie; car je ( i48 ) ne saurais me faire une idée nette de ces termes, dont l'acception précise porte en soi un caractère d'explication et de conclusion , à moins que je ne les applique à un organe achevé , ayant déjà existé sous une première forme, qui subit des altérations, et qui passe de l'état sain , sa condition ordinaire, à une organisation insolite. S'il n'y a jamais eu cerveau proprement dit chez les anencéphales, si dès l'origine l'eau de la poche tient lieu de cet organe , ce serait un fait de monstruosité , mais non une de ces lésions expri- mable par l'épithète de pathologique; et en effet, ceci est uniquement monstrueux, qui s'arrête en deçà des transformations réglées par le cours des com- muns développemens ; et au contraire cela tombe dans des conditions pathologiques , qui dépasse le terme de ses dimensions habituelles pour arriver à moins ou à plus que son volume ordinaire. Or voyez : les déductions précitées des maîtres de la science s'étaient principalement fondées sur la considération qu'il n'y avait de possible que l'unique solution donnée dans ces corollaires. Mais présentement vous n'en pouvez douter : nous en apercevons deux très-différentes, et nous saisissons d'autant plus volontiers cette ouverture, que notre nouvelle manière d'envisager le phénomène nous paraît la seule explication qui lui convienne. Ou bien on ne l'a pas su à temps, ou cette ré- ( m) flexion aura échappé , c'est que tout cerveau, que toute moelle épinière ont un commencement qui est l'état ordinaire et permanent des anencéphales. De l'eau est le premier produit des vaisseaux san- guins : les bourses ou les membranes encéphaliques et vertébrales s'en remplissent d'abord : ainsi ce fluide préexiste à toute substance médullaire. Pre- mier produit, il est donc une sorte de gangue qui attend de subséquentes élaborations pour acquérir de nouvelles qualités , et dont les plus manifestes pour nos sens consistent à cesser d'être diffluente, à se coaguler. Qu'on examine un poulet à la sixième journée de l'incubation , on le trouvera, sous le rapport du cerveau, présentant les traits d'un anencéphale , avec une poche très-distendue et toute pleine d'un fluide aqueux à la région occi- pitale. Qu'est-ce donc qu'un anencéphale ? Un être dans lequel ne s'opère pas à la région rachidienne la trans- formation du premier versement aqueux du liquide organogene ; un être qui conserve à toujours ses premières conditions fœtales en ce qui concerne un des produits organiques; un être enfin chez qui ce produit entre en bourse pour y rester étranger à la vie commune. Sur ce pied Fanencéphale est monstrueux : car si nous le comparons aux fœtus de même espèce étant dans l'état normal , nous voyons qu'en un ( i5o ) point il ne parcourt pas toute l'échelle des déve- loppemens possibles, comme le font ces derniers: mais il n'est pas malade, sous ce rapport que cette défectuosité ne tient point à un organe déjà formé, qui s'est vicié plus tard. Il n'est pas malade, puisqu'il ne le saurait être par le défaut de coagulation des eaux de la poche dorsale. Effectivement, c'est là une circonstance à laquelle doivent rester indifférens tous les organes des sens et toutes les parties du tronc et des extré- mités; ce qui se passerait tout différemment au con- traire , si les artères carotides et vertébrales étaient privées de fluer dans la bourse commune à l'encé- phale et à l'épine. Car n'ayant plus de ce côté leur débouché ordinaire , les matériaux chariés par ces artères, faisant retour dans les voies de la circula- tion et refoulées sur d'autres points, ne manque- raient pas d'y être une source de désordres pour tous les organes dans la substance desquels ils par- viendraient à pénétrer. Il est, ce me semble, tout-à-fait évident que rien de ceci n'est applicable aux anencéphales. A cela près que de l'eau tient lieu chez eux de cerveau et de moelle épinière, ils naissent, non moins bien nourris, non moins vivaces que tous les autres fœtus. L'individu que j'ai eu sous les yeux peu après sa naissance, était gras et bien potelé. A l'exception de ce qui forme le caractère de sa mons- ( i5. ) truosité, il aurait pu le disputer d'embonpoint et de santé avec l'enfant né le plus heureusement. J'insiste sur cette conséquence : les anencéphales ne sont point malades dans l'acception précise de ce terme ; mais ils restent monstrueux dans ce sens qu'ils ne jouissent pas d'une organisation assez per- fectionnée, assez riche pour suffire à la vie dite de relation. Tels que je les aperçois dans cette insuffi- sante organisation, ils sont viables, mais seulement à la manière d'une portion d'arbre, satisfaisant à des développemens compliqués et réguliers dans de certaines limites , et y satisfaisant sans fâcheuse réaction sur d'autres points , tant qu'ils tiennent à un principal rameau, tant qu'un placenta les greffe à l'utérus de leur mère, tant qu'ils y puisent les moyens de leur existence. Mais venez à les com- parer aux êtres doués d'une organisation complète, vous ne les voyez plus viables; ils cessent de l'être, quand finit le temps de la gestation de leur mère. Ou mieux , ils ne le furent jamais de la manière qu'on a toujours entendu cette expression : car il leur manque de pouvoir exister par de propres ressorts. Leur poche dorsale ne s'est point élevée jusqu'au caractère d'une bourse médullaire, c'est-à-dire qu'il n'est entré dans celle-ci qu'un fluide aqueux, et rien qui puisse devenir un agent de réaction et de domination , rien qui présente et fournisse les ressources du tout-puissant régulateur #, de cet ( i*0 inconnu qui , je le crois, ne peut tarder à se mani- fester aux physiologistes , de cet être d'où cepen- dant dépendent les phénomènes vitaux dans la vie de relation. M. le docteur Gall, en y apportant ses vues éle- vées et les inspirations de son génie, a touché plu- sieurs points de cette discussion. On sait avec com- bien de raisons il s'est depuis long-temps récrié contre le système que des eaux répandues dans le crâne pouvaient détruire le cerveau, le dissoudre, et en résorber tout ou partie. Une hydrencéphalie ne saurait produire , suivant lui, qu'une hernie du cerveau (i). (il Le cerveau, disent nos adversaires, serait postérieurement détruit par une hydropisie cérébrale. Mais nous avons prouvé que ni les acéphales, où l'on trouve encore les parties inférieures du cerveau, ni ceux qui sont absolument dépourvus de tête, de cou, de poitrine, etc., ne peuvent être les produits d'une hydro- pisie antérieure du cerveau. Jamais on ne voit naître un fœtus avec des traces d'un pareil déchirement des membranes du cer- veau ; ce qui devrait arriver fréquemment, puisque c'est leur maladie ou leur mort qui occasionne presque toujours les avor temens. Souvent on trouve en bon état les parties inférieures de la tête, ainsi que' les nerfs auditifs, optiques et olfactifs, qui sont si délicats. Comment eussent-ils pu résister à l'action d'un fluide qui aurait dissous des os si durs, des membranes si te- naces? On ne découvre pas non plus dans ces acéphales la moindre trace de blessure cicatrisée, ou d'os corrodés; les bords des os sont, au contraire, lisses et arrondis. Gall et Spurshetm. ( i5î) M. Fr. Meckel aurait de même, dès 1812, pensé à établir ce fait, que l'hydrocéphalie de naissance e-t toujours, ou du moins le plus souvent, un re- tardement du développement du cerveau , qui ne s'élève pas à la forme qu'il devrait prendre confor- mément au type de l'espèce. Voyez XAnatomie pathologique de l'auteur, tome 1 , page 260. Cette doctrine est aussi celle que professe M. Tiedemann. CONCLUSION. Nous connaissons présentement la poche dor- sale, la nature et l'objet du fluide qui y est ren- fermé : nous savons que c'est un fait préexistant à la formation de toute substance médullaire. Nous aurions donc ramené les anencéphales à quelque chose de plus simple que ce qu'on en pensait ; à un âge de la série des développemens ; à n'être enfin qu'un fœtus sous les communes conditions , chez lequel un seul organe n'aurait point participé à ces transformations successives qui font le ca- ractère de l'organisation. Anatomie et Physiologie du Système nerveux, etc., tome 1 , page 52. Voyez aussi l'article acéphale du Dictionnaire des Sciences médicales , par les mêmes anatomistes. DESCRIPTION d'un monstre humain né en octobre 1820, ET ÉTABLISSEMENT A SON SUJET d'un NOUVEAU GENRE sous le nom d'HYPÉRENCÉPHALE. ije propose-t-on d'entreprendre des recherches sur les premières formations animales, on remonte de plus en plus dans la série des âges, on compare tous les degrés de la vie intrà-utérine ; et dans la quantité des anneaux de cette longue chaîne des matériaux organiques, dont les enlacemens multi- pliés et divers produisent les tissus des animaux , le génie saisit quelques faits , et se commet enfin dans les hautes questions de l'histoire de la vie. Mais se propose-t-on les mêmes recherches en se fixant sur la nature des obstacles qui entravent la marche des plus simples élaborations , on est privé des mêmes avantages. Nous n'avons point encore réussi à diriger les formations organiques au point d'y introduire un désordre conditionnel, d'y créer ( i56 ) à volonté des difformités (i). Nous ne sommes avertis de l'existence d'une monstruosité que quand elle échappe du lieu où elle s'est formée et déve- loppée ; et alors il ne nous est donné de l'apprécier que lorsqu'elle est définitivement produite , c'est- à-dire que si elle est arrivée au degré fini de ses développemens possibles. Ainsi les ressources de l'investigation diminue- raient, quand augmenteraient les difficultés du problème. Mais cette conséquence est-elle rigoureuse ? En changeant de sujet d'études, ne se doit-on pas de varier ses procédés de recherches? Et, dans le vrai, aurait-on tiré tout le parti possible de la considé- ration des placentas, par exemple? Le placenta forme l'un des plus riches sujets que Fanatomie comp rative puisse aujourd'hui se pro- poser. On ne Ta pas encore distingué en ses diverses époques de développement ; ce que, pour embrasser ce sujet comme je le conçois, on aura d'abord à faire. Gangue productrice, un placenta contient les rudimens du foetus ; il en engendre les parties , il les protège et les substante. Si n'en étant toujours (i) Je ne sache pas qu'on l'ait tente avant moi. J'ai livré à l'in- cubation d'une poule des œufs en partie vernissés, avec l'espoir d'influer sur le développement des fœtus. Je dirai plus tard quels ont été les résultats de cette expérience. (tto) qu'une annexe , et puisant au dehors une nourri- ture tout élaborée, et par conséquent convertible en organes au moment même de son ingestion, le placenta use cependant à son profit davantage de son pouvoir d'assimilation, c'est pour agir comme organe fini et avec une puissance plus efficace. Dévoué, je puis le dire, et toujours subordonné, il parcourt rapidement toutes les périodes de son existence pour mieux favoriser les commencemens de la vie du foetus : il se flétrit, et meurt enfin, quand celui-ci peut et doit se suffire à lui-même. Si les placentas forment ainsi de premières or- données pour l'organisation animale, que de con- sidérations ne sont-ils pas dans le cas de fournir à l'histoire des monstruosités ! J'ai moi-même déjà constaté que de la seule situation de leur prin- cipal foyer sanguin résultaient les effets les plu? étonnans. A dos des fœtus, et formé par un tissu mince et serré contre l'animal, le placenta fait plus vivement ressentir son influence à la partie de l'être qu'il recouvre. La colonne épinière est plus nourrie; le tronc, et souvent aussi la tête, grandissent outre mesure. Mais, comme il faut qu'un sacrifice s'ensuive et soit autre part imposé, c'est-à-dire que notre principe du balancement des organes reçoive en toute circonstance son appli- cation, ou les membres n'existent plus, ou ils se trouvent réduits à de simples moignons : c'est en ( i58 ) effet ce que montrent les serpens chez les reptiles, et les taupes ou les phoques chez les mammifères. Que le placenta prenne chez l'homme patholo- giquement cette situation renversée, et nous avons ces conformations vicieuses, dont une des plus cé- lèbres est celle du nommé Petit-Pépin (i), phoque par les proportions de son corps ; ou bien encore celle dune Américaine, mademoiselle Honywell, qu'on voyait à Paris , au Palais-Royal , dans les commencemens de 1821, et dont les difformités reproduisaient, pour le nombre et l'arrangement des doigts, les caractères de la chrysociore du Cap. Il est donc certain que si les monstres ne four- nissent à l'observation qu'une seule époque de leur développement , du moins pour les re- cherches dont ils sont l'objet, il est de suffisantes compensations, le sac ou Yœuf, dans lequel ils s'organisent, pouvant devenir pour le physiologiste le sujet des plus importantes études. Ces aperçus m'avaient engagé à désirer de joindre aux considérations anatomiques des fœtus (1) Cet homme, qui avait les mains et les pieds bien confor- més, et dont toute la monstruosité consistait dans un raccour- cissement extraordinaire des autres parties des extrémités , est figuré dans les planches coloriées de M. Regnault. Son squelette conservé fait partie de la riche collection de la Faculté de médecine de Paris, ( i59) monstrueux celles dont peut être susceptible leur poche de formation. Comme je regrettais de n'avoir trouvé nulle part de sujets monstrueux conservés avec leur placenta, je fus frappé d'une observation publiée dans le Journal complémentaire, etc. ; observation où l'au- teur, M. Duchâteau, chirurgien de l'hôpital mili- taire d'Arras , faisant connaître une nouvelle mons- truosité, insistait sur quelques adhérences, à l'égard desquelles le placenta jouait un principal rôle. Entré sur ce fait en correspondance avec M. Du- château , et ayant été informé que sa préparation existait encore avec toutes les circonstances dési- rables, je souhaitai voir ce fœtus, qui avait con- servé ses rapports avec ses enveloppes, et M. Du- château voulut bien me l'adresser. Je rapporterai d'abord l'observation de M. Du- château, comme il l'adonnée dans le Journal com- plémentaire du Dictionnaire des Sciences médi- cales, tome 8, page 377 : « La femme d'un menuisier d'Arras, mère de plusieurs en- fans très-bien constitués , n'avait pas eu ses menstrues depuis qu'elle avait sevré son dernier enfant. Quinze mois s'étaient écoulés , lorsqu'elle éprouva une altération dans sa santé : elle eut plusieurs petites hémorragies génitales, qui étaient suivies d'une évacuation séreuse très-abondante. Si les évacuations ces- saient , elle éprouvait un gonflement du bas-ventre très-incom- mode, et ses forces diminuaient chaque jour. ( i6o ) « Cette femme accoucha d'un enfant, du sexe masculin, le Ier octobre 1820. « Cet enfant paraissait avoir six mois de conception ; car son poids, avec ses annexes, étaient de trente-deux onces, et sa longueur de douze pouces. Quoiqu'il existât au moment de sa naissance, la mère ne l'avait pas encore senti. Cet enfant présen- tait des altérations dans les trois cavités splanchniques. « i° La télé. Le cerveau n'avait pas ses enveloppes osseuses complètes ; car les pariétaux , la portion verticale du coronal et la partie supérieure de l'occipital n'étaient pas ossifiés. Le cuir chevelu était intact, excepté dans sa partie supérieure et latérale gauche, où l'on voyait une espèce de cicatrice; et près de la région de l'oreille partait une membrane large d'environ un pouce et longue d'un pouce et demi, qui allait s'attacher au centre du placenta , non loin de l'insertion du cordon ombilical : il y avait à la face un bec de lièvre double. « 20 Thorax. Le cœur était situé hors de la poitrine , vers sa partie antérieure et supérieure; sa pointe était dirigée en haut, du côté gauche. Il était dépourvu de péricarde, et on l'a vu palpiter pendant trois quarts d'heure : à la même hauteur et du côté droit, il y avait une masse grosse comme une noix, d'un tissu qui paraissait être pulmonaire. « 3° Abdomen. En dessous et sur la ligne médiane était une tumeur pyramidale, attachée par son côté interne, au moyen d'un pédicule très-court et d'un pouce d'épaisseur, à la partie inférieure de la poitrine : la pointe de cette tumeur descendait jusqu'au pubis. La membrane qui la recouvrait était séreuse : on pouvait distinguer au travers de son épaisseur le foie situé à la partie supérieure. Le cordon ombilical était de huit pouces : à son insertion au nombril , il se bifurquait. Une des branches entrait dans le bas-ventre par un infundibulum , et l'autre tenait à la tumeur, en se dirigeant vers le foie. » ( i6i ) Je ne suis point dans l'usage de faire d'aussi lon- gues citations; niais on sentira que je devais user d'une pareille déférence à l'égard de M. Duchateau. Ce qu'il ne s'était point accordé, il a bien voulu me le permettre : j'ai disposé de son sujet, que j'ai disséqué avec notre célèbre anatomîste M. Serres. Si donc je suis en position d'ajouter à la notice de M. Ducbateau, je le dois à sa généreuse communi- cation, et je me plais à lui en témoigner publique- ment ma gratitude. Fixé sur une nouvelle monstruosité , où le cœur, le foie et le cerveau existent en dehors de leurs cavités ordinaires , je ne puis me contenter d'avoir à signaler de nouveau ces singularités, et de pou- voir les apporter en preuve de ces mille et un dé- sordres, qui, comme on l'a si souvent répété, sont susceptibles d'affecter indéfiniment l'organisation. Ce qui, ce me semble, mérite présentement d'ex- citer notre intérêt , ce n'est plus ni le nombre des cas monstrueux, ni la bizarrerie souvent révoltante des difformités. Notre nouvelle école, où les faits se groupent , s'enchaînent et s'élèvent à leur généra- lité, est plus exigeante. Nous ne saurions nous dis- penser aujourd'hui de nous porter sur l'ordonnée de ces désordres , sur la raison du remplacement des anciennes par les nouvelles conditions des dé- veloppemens, sur les causes enfin de tant de pér- il, xi ( 16a ) j turbations, dont on s'était borné jusqu'ici à voir et à décrire les résultats. Qu'attendre en effet des procédés anciennement suivis; de l'observation, du mode usité de publica- tion des diverses monstruosités? On se bornait à des détails purement topographiques. Les descrip- tions faisaient d'abord et tout naturellement con- naître les organes qui n'étoient pas trop ou qui n'étaient nullement détournés de leur forme ori- ginelle , ceux par conséqnent qui étaient recon- naissables à ]& première vue ; mais venait - on à rencontrer diverses parties d'une conformation équivoque, le premier et même le seul sentiment qu'elles faisaient naître , c'était de ne produire aucune surprise. D'une monstruosité devait - on attendre autre chose ? Et sans s'arrêter à cette cir- constance, par conséquent sans y attacher d'im- portance, sans y voir le sujet d'une question, on se bornait à rechercher à quoi du monde matériel on pouvait comparer et rapporter les nouvelles formes : on achevait ainsi sa description, en rame- nant à quelque chose de connu ce sac , par exemple , cette plaque , cette protubérance ou ces digitations : ce qui paraissait informe était par cela même jugé indéterminable. Enfin, ces procédés donnaient lieu à bien d'autres inconvéniens sur lesquels on n'était pas mieux éclairé. Car, s'il ne survient jamais de ( i'33 ) çhangemens, tels que les monstruosités en intro- duisent clans l'organisation , que ces çhangemens n'occasionent l'extrême réduction de plusieurs or- ganes, on s'en autorisait pour les méconnaître, pour les passer sous silence, et, le plus ordinairement, sur un premier mouvement et sans réflexion, pour se persuader qu'ils manquaient entièrement. Cette routine est à abandonner aujourd'hui. Nous pouvons désormais étudier et décrire l'organisation des monstres sous d'autres rapports , puisque nos premiers écrits l'ont montrée susceptible, dans ses écarts, d^s mêmes applications et des mêmes rè- gles que dans ses modifications constitutionnelles pour tous les animaux verh brés. Une monstruosité cesse ainsi d'être un fait individuel, qui se borne à parler aux yeux par ce qu'il offre d'observable : nos règles nous la donnent à priori tout au contraire existante avec des conditions nécessaires et abso- lues. Nous la voyons sous le plus haut point de vue dont elle est susceptible; nous la voyons, dis-je, éga- lement capable de tendances à de semblables déve- loppemens successifs, également douée des mêmes forces d'assimilation ; enfin , également soumise à un ordre invariable dans la production et les rela- tions de ses élémens constitutifs. Mais cela étant, que devient la différence d'un animal que ses développemens ou rapprochent , ou écartent de l'essence de son type? Ce qui pré- ( i64 ) cède donne comme l'équation de cette sorte de problême. Nous décrirons les monstruosités , en restant attentifs à l'indication de nos règles; et, forts de cette direction, nous ne tarderons pas à saisir le moment où les développemens organiques abandonnent leurs allures ordinaires , et où par par conséquent ils se trouvent , par une circons- tance fortuite , entraînés dans des déviations , for- mant, de cette manière et à elles seules, le carac- tère essentiel des monstruosités. Ces règles , d'une application générale à toutes les modifications dont l'organisation est susceptible, si souvent invoquées dans mes écrits, et que déjà certains esprits considèrent comme les seules et les véritables bases d'une physiologie générale, sont exprimées sous ces formes appellatives : théorie des analogues , principe des connexions , affinités électives des élémens organiques, et balancement des organes. Que j'aie ces règles présentes à l'es- prit, en décrivant la monstruosité d'Arras, et je suis tenu d'être attentif à certaines circonstances qu'on eût jugées auparavant fort indifférentes. Je n'irai point donner ce fait d'observation , que le cœur, le foie et le cerveau sont rejetés hors de leurs ca- vités ordinaires , d'une manière légère et sans en approfondir les causes ; car j'aurai à m'inquiéter de cet énoncé, dès que je ne saurais admettre la possibilité de connexions interverties. Et de même, ( «65 ) si l'observation me rendait certain que quelques or- ganes n'auraient point été reproduits , je rendrais compte de mes recherches pour trouver quelques vestiges de ces organes , ou pour établir par quelle sorte d'empêchemens leur apparition aurait été prévenue. Décrire en pareil cas , c'est se livrer à un travail de détermination, et c'est toujours ce qui devient nécessaire, quand on se propose de faire connaître une nouvelle façon d'être de l'organisation : dé- crire, c'est peindre par la parole, et il est de toute nécessité que l'on acquière, avec netteté, l'idée de l'image qu'il s'agit de transmettre à d'autres. Je viens de raconter avec quelle préoccupation d'esprit j'ai fixé mon attention sur la monstruosité d'Àrras (1). Je vais lui demander, j'y chercherai tous les organes de l'état normal, et je n'en res- sentirai que plus vivement tous les contrastes , toutes les déviations que l'observation va m'y faire découvrir. Cette monstruosité est complexe : elle affecte et le tronc et la tête, quelques parties séparément, et d'autres d'une manière consécutive. Mais d'a- bord, nous traiterons des difformités de la tête. (i) Je dois l'établir sous le nom générique d'kypéreneé- phale. A ( i66 ) § I. De L'A TETE. Ce qui forme le principal trait caractéristique de la tête est une sorte de torsion qu'elle a éprouvée : la ligne médiane ne la sépare point en deux portions égales: une plus grande partie de la face est à gauche, et tout le cervelet a passé de coté et à droite, dans une position qui correspond à l'épaule. La physionomie n'est altérée que par un double bec de lièvre; au contraire, le dessus de la tête est dans l'état le plus difforme. Du cerveau. Les tégumens communs se sont arrêtés dans leur développement, de telle sorte qu'il n'y a guère que la partie du pourtour de la tête, répondant à la moitié inférieure du cerveau , qui soit revêtue par la peau ( Voyez pi. V, fig. i et i. ); tout l'hémis- phère supérieur en est privé. Il n'existe là que les enveloppes subjacentes ou les méninges. On y cher- cherait en vain des traces d'os et de boîte cérébrale; le cerveau serait à nu, à sa partie supérieure, sans ses membranes qui l'enveloppent et qui lui tien- nent lieu de bourse. Je passe, pour le moment, sous silence des brides aponévrotiques répandues çle la tète au placenta : j'en traiterai plus bas avec ( i67) l'étendue que réclame l'intérêt de cette observation. Nous avons ouvert les méninges, examiné atten- tivement leur texture , observé qu'elles se trouvaient dans l'état ordinaire, poursuivi leur prolongation à l'intérieur jusque dans la faux , et généralement constaté que cet étui du cerveau n'avait point souf- fert de l'événement pathologique. Nous avons la même remarque à présenter pour l'encéphale : car, sauf qu'il avait participé à l'effet de torsion imprimée à toute la tète, et que les lobes postérieurs du cerveau, lettrey, fig. 2, et principa- lement le cervelet A, étaient rejetés à droite, tout paraissait dans l'ordre accoutumé ; même consis- tance de la pulpe , et même distribution des vais- seaux et des nerfs. D'un double bec de lièvre. Le bec de lièvre est simple ou double ; simple , s'il consiste en une fente qui correspond à la cloi- son du nez, et double, s'il provient de l'une et l'autre narine. Notre sujet était dans ce dernier cas. Cette difformité est assez commune; dès 1686, Hofmann avait déjà donné son traité de labiis lepori- nis. De laFaye et Schwalde reproduisirent les mêmes faits en 174^ et 1744» Authenrieth, Tiedemann et Sœmmering en rapportent des exemples, et les collections de la faculté de médecine de Paris en ( i68 ) contiennent plusieurs, ou conservés dans la liqueur, ou rappelés par des imitations en cire. Louis, Oehrne et Desault s'en sont occupé principalement sous le point de vue chirurgical , et les fastes de la méde- cine opératoire rediront comment aussi et avec quels brillans succès les Dubois, les Dupuytren et le très-habile opérateur M. le docteur Lisfranc ont poursuivi ces écarts de la nature , et les ont rame- nés à l'état de règle, à la loi commune. Sous un autre rapport, entrevu par Hérissant (i), ce sujet se rattache à nos études. Puisque cette monstruo- sité revient fréquemment de la même manière, il est là une aptitude dont il nous faut rechercher la cause : ce devient un fait d'anatomie générale ■ <" ■ — —— — — I — — Il l l 11 I IL I I | (i) Ce vice de conformation (le bec de lièvre), dont il y a quantité d'exemples, consiste principalement dans la division de la lèvre supérieure , et est quelquefois accompagné de l'écar- tement des deux os maxillaires et palatins , et même de la divi- sion de la luette en deux portions , dont chacune demeure atta- chée à chacun des os du palais. Ce qui est extraordinaire dans le sujet de ^ees considérations consiste en ce que les cornets inférieurs du nez manquaient , et que vers la partie moyenne il y avait un trou oblong très-sensible. De cela résultait qu'une grande partie de ce que l'enfant difforme buvait lui refluait par le nez ; et quelquefois aussi, en se jouant, il emplissait sa bouche d'eau, et, la tenant exactement fermée , il faisait jaillir cette eau par ses narines, en forme d'arcade , comme font les cétacés qu'on nomme souffleurs. Hérissant, Académie des Sciences , année 1743, p. 86, ( iG9 ) qu'il nous importe d'examiner dans son intérêt philosophique. Un double bec de lièvre ne résulte pas de simples déchirures à la peau : il trace dans le palais et se continue jusques dans le système osseux. La modi- fication de laquelle il dépend réalise un état na- turel ailleurs, l'état normal des poissons. Il suffit pour cela que les os de la chambre du goût n'aient pu être suffisamment nourris et n'aient point été produits en leur totalité. Or c'est toujours ce qui arrive, quand les maxillaires, restreints à la face palatine du côté intérieur, ne se portent ni en avant sur l'os incisif, ni l'un sur l'autre en arrière. Cet événement se propage au delà , et par conséquent vers les palatins, qu'on sait tenus de suivre le sort des maxillaires : ils laissent entre eux le même in- tervalle que le font les os maxillaires. Notre principe des affinités électives des élémens organiques reçoit ici une application. L'os incisif, réduit à une seule articulation , s'en tient à la plus essentielle pour lui, à l'appui que prend sur le vo- mer sa branche palatine. De cette concentration sur la ligne médiane résulte une fusion des deux points osseux primitifs; et du peu de développe- ment de ces inter-maxillaires , il suit qu'une dent de chaque côté avorte. L'arcade alvéolaire de notre sujet était disposée pour ne loger que deux incisives , que nous y avons d'ailleurs trouvées en germes. On ( *7° ) sait de plus que ces deux dents sont ordinairement plus grandes dans les individus adultes disgraciés par la double rupture des lèvres. Un palais , dont les os sont restreints dans leur développement, reproduit en effet les principales circonstances delà cavité buccale des poissons: celui de notre nouveau monstre, fig. 7, est construit sur ce modèle, de ce que, premièrement, la ligne médiane est formée en avant par un seul inter-maxillaire, vers le milieu par le vomer et en arrière par Yen- tosphénal, fig. 1 1, ou le corps allongé du sphénoïde antérieur; et de ce que, secondement, chaque flanc, composé du maxillaire, du lacrymal, du jugal et du palatin, s'étend en aile et forme un appareil distinct, alors doué de quelque mobilité. Dans ce cas, et de même que dans les poissons, une gorge profonde, n, fig. 7, sépare les os médians des os garnissant la joue. De là conséquemment point d'arrière - narines : cette gorge tient lieu du sinus nasal. C'est cependant toujours le même ca- nal, mais qui dans notre sujet, aussi-bien que dans les poissons, reste ouvert dans toute sa longueur, par la raison qu'il est privé de son plancher ordi- naire ; plancher formé , comme on le sait, par les os palatins et les lames palatines des maxillaires. Les tégumens de ces pièces les accompagnent dans toutes leurs sinuosités, y entrant et en res- sortant librement. Une bride se voit cependant à ( *7X ) gauche vers la partie évasée de l'inter-maxillaire, et reproduit en ce lieu seulement les circons- tances de Tétat normal de l'homme tt v.es mammi- fères : c'est que la gorge du sinus nasal est là moins large, et que les tégumens des bords étant rappro- chés jusqu'au contact, ont fini par se greffer. Ainsi nous rencontrons dans la même monstruo- sité un exemple des deux systèmes de voûte pala- tine, qui différencient sous ce rapport les princi- paux groupes d'animaux vertébrés. Cette rencontre nous donne évidemment le principe de ces varia- tions. 11 est manifeste, en effet, qu'il ne faut pour cela qu'une dépense un peu différente des maté- riaux organiques. Les troncs artériels, les portant en plus grande quantité sur la ligne médiane, n'en peuvent distribuer dans une même raison aux ra- meaux qui pourvoient à l'alimentation des flancs. La ligne médiane croît donc davantage : elle se prononce par une plus forte saillie, et, pouvant, en raison de la consistance de ses pièces, se suffire à elle-même, elle pat vient non-seulement à se passer d'appui et d'articulalion sur les flancs, mais elle pourait de plus , au besoin , opposer son inter- vention à toute formation de plancher, si celui-ci tendait à se produire. C'est au surplus ce qui ne saurait elre; les lames palatines alimentées par un sang appauvri arrivent à peine à un médium de développement. ( *7a ) Cette explication est assez précise pour que l'on conçoive nettement ce que j'entends, s'il m'arrive de dire (V. page 99), qu'une anomalie pour une espèce retombe dans ce qui est la règle pour une autre. Ces rencontres sont aussi fortuites que nécessaires : aussi fortuites, en ce qu'elles ne se rattachent à rien de systématique, à aucune classification zoolo- gique; aussi nécessaires, comme l'établit l'identité des types pour tous les animaux vertébrés. Qu'une artère dans une espèce régulière se subdivise en deux rameaux de longueur et de calibre semblables, et dans une monstruosité de la même espèce en deux rameaux de grandeur inégale, c'est le même fait que si nous considérions ces artères chez un animal dans le premier cas et chez un autre dans le second. Ce n'est donc point le hasard de ces rapports avec les poissons, mais les circonstances essentielles du fait qui forment l'intérêt de cette ob- servation. Le double bec de lièvre de notre mons- truosité, on vient de le voir, doit être attribué à un retardement de développement. C'est à une semblable cause, à de pareils empèchemens qu'il faut également attribuer cette même conformation des poissons, leur double bec de lièvre, qui est pour eux un état constant. Depuis (en 1807) que j'ai imaginé de comparer les os de la tête des pois- sons adultes avec ceux du crâne des mammifères à l'état de fœtus, je considère les premiers comme ( i73 ) étant, à l'égard des mammifères, dans une condi- tion fœtale qui n'est point altérée par l'augmen- tation de volume que les poissons prennent en vieillissant : ceux - ci grandissent sans conversion d'organes, sans passer par autant de développemens que les animaux mammifères. Il n'est donc point étonnant que les deux cavités buccales dont il vient d'être question , se rencontrent identiques. La similitude des âges devait produire , et a pro- duit les ressemblances observées. Tel est le sens dans lequel j'entends dire qu'un animal des rangs supérieurs abandonne, dans ses déviations pathologiques, les conditions du type de son espèce pour retomber dans ce qui est la règle pour une autre. Il est de plus manifeste que cela ne s'opère que par une sorte de rétrogradation vers des animaux plus descendus dans l'échelle des êtres. Des os du crâne. Tout le cerveau est supérieurement privé d'enve- loppes osseuses. Nous avons donné plus haut ce fait d'observation. Cependant nous ne pouvons renoncer au pressentiment qu'aucun des élémens de la boîte cérébrale ne saurait manquer ici , surtout si nous fortifions cette donnée de la théorie des analogues de cet autre pressentiment , qui , à son tour, se ( *?4 ) fonde sur le principe des connexions. Il n'est point de pièces en effet destinées à recouvrir les parties supérieures de l'encéphale, qu'elles n'aient leurs ra- cines à la base du crâne : or cette base ne manque chez aucun sujet difforme ou régulier. C'est dans ces circonstances que nous avons re- connu que la tête osseuse de la monstruosité u'Arras différait peu de celle que nous avons décrite en dé- tail dans notre premier mémoire; résultat sans doute bien remarquable, et qui nous apprend ce qu'il faut penser de l'influence des masses encéphaliques ^ur leurs enveloppes osseuses. Ainsi , dans ces deux exemples, paraît un même plancher formé, dans un des cas, en présence d'un cerveau tout aussi bien conditionné que possible; et, dans l'autre cas, c'est une base à peu près semblable , qui sert de soucoupe au fluide aqueux de la poche dorsale. On ne saurait voir deux contenus plus différens pour deux contenans plus homogènes. Ces contenans, ou les deux crânes, sont iden- tiques au point d'offrir parfois cette singularité qu'il est plus de différences dans le même individu, chez le sujet d'Àrras, entre les pièces congénères de l'un et de l'autre côté, qu'entre quelques-unes de celles-ci et leurs analogues chez l'anencéphale. Nous en avons donné plus haut la raison, en exposant que la tête de l'hypérencéphale a éprouvé un effet de torsion, qui a plus surbaissé certaines pièces ■ . (*.& ) vers la gauche, et fait davantage osciller à droite plusieurs autres. Pour que cette singularité , que nous verrons plus bas dépendre d'une cause appréciable, puisse être observée sous ses véritables rapports , nous avons fait construire les trois dessins de tête de notre cinquième planche sur le même axe, faisant passer cet axe à travers et dans le centre des sphé- noïdes et du voraer. Les deux crânes, l'un vu en dessus, fig. 8, et l'autre vu en dessous, fig. 9, sont opposés l'un à l'autre pour laisser ensemble les côtés de même sorte , et les rendre plus facile- ment comparables. Cela posé, un simple coup d'oeil sur nos dessins fait voir les inter-maxillaires divisés à droite , les nasaux et les frontaux à gauche , l'œil droit plus saillant et le gauche plus enfoncé, et en général toutes les pièces congénères du pourtour du crâne sous des dimensions différentes de l'un à l'autre côté. Il n'y a d'os crâniens qu'inférieurement et en bordure; car c'est vraiment un fait merveilleux que toute la boîte cérébrale soit réduite , dans l'h) pérencéphale , à la forme d'une coupe ou d'un bassin. Les pièces qui , pour être normales , au- raient dû être prolongées sur le vertex , et qui eussent de cette manière constitué la calotte crâ- nienne, se sont arrêtées dans leur développement plus même que chez les anencéphales. N'ayant pu ( 176) ni s'élever au-dessus, ni s'insinuer en dessous du cerveau , elles lui servent de ceinture et en en- tourent la base; tels sont les frontaux en devant, les pariétaux et les occipitaux supérieurs sur les flancs , et les occipitaux latéraux et le basilaire en arrière. C'est ici le lieu de parler de ces os en détail (i); cependant, pour ne pas reproduire les faits et la discussion de mon premier mémoire, je n'insis- terai que sur les pièces les plus remarquables. Les frontaux. Ils se réduisent à un bandeau osseux demi-annulaire (a). Cependant , c'est un fait digne de considération que, dans leur exiguité, ils ne manquent à rien de ce qui en peut être re- gardé comme la partie essentielle. On peut s'assurer qu'ils présentent trois faces : une oculaire , une frontale et l'autre cérébrale , et qu'ils gardent leurs relations; savoir : du côté interne, entre eux et avec i i ir - m — i ■ 1 r i — ïim m j 1 »g- (i) Je vais aussi placer, dans les notes suivantes, les particu- larités qui différencient les os du crâne de Y anencéphale de la Seine , dont j'ai traité dans le dernier mémoire, tant de ceux de Y anencéphale de l' Hôtel-Dieu, sujet de mon premier écrit, que de ces mêmes pièces chez Y hypérencéphale. Ces notions , réunies dans le même cadre, en seront plus facilement explicatives. (a) Le frontal de Y anencéphale de la Seine, pi. IV, ûg. 4, est aussi un bandeau osseux demi-annulaire ; par conséquent il dif- fère beaucoup de celui de Y anencéphale de V Hôtel - Dieu , pi. I, fig. i3. ( lll ) le lacrymal, le nasal et les pièces subjacentes; et du côté externe, avec le jugal et le pariétal. Ils dif- fèrent L'un à l'égard de l'autre : celui de droite est plus ramassé, et celui de gauche plus grêle et plus allongé. Les pariétaux. Ce sont de simples filets allongés, principalement celui de droite, plus grêle et d'un quart plus long que son congénère. On dirait qu'il n'est ici vestige de ces os, si amples dans l'état régulier, que pour qu'il soit satisfait par eux aux règles des connexions , que pour qu'il n'y ait nulle confusion dans la disposition d'un si grand nombre de pièces atteintes par l'événement pathologique. Enfin serait-ce un indice de suture, qu'une série de points ou de traits visibles sur le pariétal gauche, et ces pièces auraient-elles été primitivement par- tagées en pariétal et en interpariétal (i)? Les occipitaux supérieurs se présentent sous la forme d'un filet arqué, singulièrement renflé sur le centre (2). (1) Le pariétal de Xanencéphale de la Seine, pi. IV, fig. 5, ressemble aux deux pièces, pi. I, fig. 16 et 17, parce qu'il est très-certainement composé du pariétal et de l'interpariétal : cette observation ajoute un degré de plus de probabilité à la réflexion présentée plus haut. (2) Le renflement de l'occipital supérieur, pi. IV, fig. 7, existe en arrière chez notre dernier anencéphale, et se compose d'une grosse tubérosité arrondie au bord externe et coupée carrément II. 12 r 173 ) Quant au basilaire(i), il est unique, comprimé et évasé comme à l'ordinaire; sa portion antérieure, ou Yotosphénal , ne se sépare de la portion occi- pitale , ou du basisphénal, que dans le cas où les rochers prennent un très -grand volume : or cela n'est point ici , ni ne pouvait arriver sous la pression d'un cerveau grand et à peu près normal. Les sphénoïdes n'étaient point soudés ensemble. Uhyposphénal, pi. V, fig. 8 , en formait la partie la plus considérable, et la selle turcique en était plus profonde. (Voyez comparativement, pi. IV, fig. 6, les sphénoïdes réunis de l'anencéphale de la Seine.) Un seul os, fig. 11, tenait lieu des deux ingras- siaux, et, réduit à une lame triangulaire, il paraît comme s'il s'était laissé écraser par le poids du cerveau. Au-dessous, de chaque côté, sont deux tubérosités soudées à chaque angle de l'unique in- grassial; elles m'ont paru correspondre aux os ber- tinaux : l'une à droite est développée, l'autre est en rudiment. Au surplus, la partie antérieure de cette pièce était évidée , et recevait à son fond un osselet en dedans : une apophyse grêle et mince s'étendait de cette pièce sur le pariétal. (1) Il n'existe de même dans X anencéphale de la Seine qu'un basilaire : non pressé par du cerveau, il était plus ramassé et bien plus épais que celui décrit ci-dessus. Cependant 011 peut remar- quer un indice de séparation , signe de l'indépendance primitive des osselets , l'otosphénal et le basispliénal. Voyez pi. IV, fig. 8. ( i79 ) peu allongé, Yentosphénal (1), celui-là même qui sert à l'articulation du vomer, et qu'embrassent les lames postérieures de cette longue pièce. Les grandes ailes et les temporaux sont ramassés et comme concentrés sur eux-mêmes , ainsi que dans tous les cas d'acéphalies. Je suis parvenu à séparer un hérisséal de sa partie articulaire, ou àwptéréaL Enfin un autre osselet, fig. i3 et i/j (i3 est re- présenté de grandeur naturelle et il\ grossi), m'a encore présenté quelque intérêt : c'est l'étrier. Seul de la chaîne des os de l'oreille, il offre une curieuse anomalie. Cet os consiste dans une branche unique, assez longue et terminée par un disque ovalaire; forme qui revient à celle de cet osselet chez les reptiles, fig. i5. Je présume que la sommité de cette pièce est le lenticulaire, qui s'est soudé avec l'étrier. Il ne faut pas confondre cette modification avec celle résultante de l'absence de la platine opérant la fermeture de la fenêtre ovale. Il est ordinaire que le disque de l'étrier paraisse manquer dans les très-jeunes fœtus : il n'y existe alors qu'en cartilage. C'est aune autre cause qu'est due la modification (i) La théorie donnait Y entosphénal comme un osselet d'abord isolé, et qui se soude promptement avec les autres matériaux du sphénoïde antérieur : mais il est tout-à-fait séparé chez l'hvpé - rencéphale et dans l'état où le représente la fig. 12, ( i8o ) de l'étrier chez l'hypérencéphale. La torsion , im- primée à toutes les parties cîe sa tête, a repoussé en dehors et à distance tous les os de la chaîne ; savoir : le tympanal déjà réuni au serrial, le mar- teau et l'enclume. Ce développement a exigé que le manche de l'étrier fût allongé pour occuper la distance de l'enclume au disque operculaire , et pour prévenir d'interruption la chaîne des osselets sur cette ligne à parcourir. Je donne aujourd'hui une détermination de l'os- selet, fig. i5, différente de celle que je lui ai assi- gnée tant dans mon premier volume, page 5i, que dans la première de mes planches, art. crocodile. Ce n'est pas que j'aie attendu pour cela le nouveau fait fourni par l'étrier de l'hypérencéphale , tout concluant qu'il est. J'avais déjà revu mon travail sur l'oreille, ou plutôt j'ai acquis sur ce sujet un nombre vraiment considérable de faits et d'aperçus nouveaux, dont je publierai sans doute plusieurs dans ce volume. Ce que j'ai marqué dans mon ancienne planche, fig. «7, 9 et 1 1 , de la lettre o , appartient à des par- ties plus profondes de l'oreille. La chaîne des osse- lets commence, à partir de la fenêtre ovale , par la pièce notée e, laquelle me paraît correspondre au lenticulaire et à l'étrier soudés et confondus en- semble; et en dehors, appuyées sur la membrane du tympan, sont, ou en parties osseuses ou en par- ( i»i ) ties cartilagineuses , les pièces analogues à l'enclume et au marteau. § II. Du tronc; du déplacement et des nouvelles RELATIONS DE SES VISCERES. Nous nous portons sur un autre objet, sans pour cela passer à un autre ordre de considérations : c'est en effet le même système de monstruosités , sous ce rapport que les viscères thoraciques , tout comme ceux de la tète, sont hors de leurs propres cavités. Sans être communes, de pareilles métastases ont été observées. On en trouve d'authentiquement constatées dans les écrits de Méry (i) et de Se- nac (2), dans ceux, plus anciens, de Sténon (3), et dans diverses dissertations de Haller, celle entre autres de Martini , l'un de ses élèves (4). Certains ouvrages modernes en font aussi mention; comme le célèbre discours sur les Monstruosités, de M. le professeur Chaussier ; quelques notices publiées par son collègue , M. Béclard (5) , et une observa- tion de sternum bifide, rapportée par M. Serres ? dans ses lois de l'ostéogénie. (1) Académie des Sciences, année 17 16, — (2,) Idem, année 1724. — (3) Actes de Copenhague, 1671, 1672, obs. 110. — (4) Halleri Jdiss. anat. , tom. 2, p. 980. — (5) Bulletins de la Faculté de Médecine de Paris, années 181 3 et i8i5. ( i8a ) Cependant, on n'aurait encore recueilli ces faits, ou qu'afin de présenter l'organisation comme pas- sible de désordres variables à l'infini , ou bien , signalés avec la qualification de hernie congéniale, que pour les considérer comme ramenés à une me- sure commune, et comme compris par conséquent dans une sorte d'explication. Nous exposerons plus bas ce que nous pensons de cette manière de voir : il nous suffit , pour le moment, de considérer ces faits sous un tout autre point de vue; sous celui de la question que présente un aussi grand déplacement des viscères. A juger en effet sur un premier aperçu de la confusion de ces organes, on en pourrait croire le désordre inextricable. Mais, comme nous l'avons remarqué plus haut , ce n'est point ce que nos règles nous portent à en penser. Nous devons croire à une confusion plus apparente que réelle : car que les viscères de l'abdomen et de la poitrine cessent d'être employés, comme dans l'état nor- mal, à remplir les grandes cavités du tronc, pour devenir au contraire partie de leur dehors, ce que montre l'hypérencéphale , bien qu'il n'y ait rien à opposer à cette observation, notre confiance sera toute pour la prévision donnée par nos règles; et nous ne craindrons pas de prononcer qu'il y a là métastase des parties ? et néanmoins maintien de ( ,83 ) leurs relations respectives , manifestement et tout à la fois déplacement des organes , et fidélité au principe des connexions. On conçoit ce qu'inspirent d'intérêt les mons- truosités les plus désordonnées , si les recherches dont elles sont l'objet donnent pour résultat l'im- mutabilité des nouvelles règles , et l'on ne s'é- tonnera point par conséquent du prix que nous attachons à envisager, principalement sous ce rap- port, les faits suivans. De l'ouverture du tronc, Afin de nous appuyer sur quelque chose d'exis- tant à l'état normal , nous allons d'abord considé- rer le pourtour des parties atteintes d'anomalies. Le derme environnant ne présente rien d'extraordi- naire : il ne se ressent d'aucune influence patho- logique, puisque chaque couche subjacente se trouve constituée par les mêmes organes qu'habi- tuellement, c'est-à-dire par les mêmes muscles et les mêmes parties osseuses. Seulement ce qui d'un côté et de l'autre se fût rapproché et se fût uni , en devant , sur la ligne médiane , est resté écarté , et paraît comme rejeté sur les flancs. L'idée en conséquence que donne la nouvelle monstruosité sous ce rapport est celle d'une partie entière , mais entr' ouverte dans toute sa Ion- ( 184 ) gueur. On dirait un cylindre ou un manchon fendu d'une de ses entrées à l'autre. A cela près de cette ouverture large et béante , il ne manque rien au tronc : c'est le même coffre que dans les fœtus normaux, le même exactement, mais dont la fente dans laquelle s'insère la veine ombilicale se serait propagée de haut en bas, supérieurement jusqu'à la naissance des clavicules , et inférieurement jus- qu'à la symphyse des os antérieurs du bassin. Cette large ouverture est fermée par la masse qu'y a observée M. Duchateau, et que nous avons dite composée du cœur, du foie et des intestins. À ce spec'acle inattendu , on se demande si c'est que les systèmes splancb niques auraient été refoulés du dedans en dehors. Mais , avant que nous son- gions à résoudre cette difficulté, nous aurons à dire ce qu'une dissection attentive de ces viscères nous porte à penser de leurs relations. Des /nasses viscérales externes. Le cœur, premièrement. Le cœur est dans une situation qui exige, pour que nous en puissions juger sainement, que nous ayons égard aux prin- cipaux troncs qui se rendent de cet organe dans les poumons. Ce sont comme autant de liens qui servent à l'enchaînement de tous les vis- cères pectoraux. Les poumons n'ont point changé ( «85 ) de place ; ils continuent à rester abrités par les côtes : seul des organes contenus dans la poitrine , le cœur occupe une position extérieure. Mais tou- tefois dans ce déplacement , occasioné par une cause que nous apprécierons dans notre troisième paragraphe, le coeur reste engagé avec les pou- mons, comme il convient à ses relations, aux con- nexions en général, qu'il le soit. Il leur tient par de véritables racines, qui sont ses artères et ses veines pulmonaires. Fixé par ces liens dans le point où ceux - ci existent , il n'abandonne , au tirage exercé du dehors , que les autres points , que les parties libres de sa surface ; de là , la posi- tion transversale qu'il occupe. Son extrémité libre est dirigée à gauche, et son oreillette à droite. (Voyez notre planche hyp èr encéphale , où la fig. i montre ces parties; savoir : le cœur en c et l'oreillette en o. ) Le cœur n'a donc rien perdu de ses moyens ordi- naires de suspension : il occupe, comme toujours, l'intervalle que les poumons laissent entre eux : du moins, il y enfonce sa base. Par d'autres racines, j'entends par les carotides primitives et l'aorte des- cendante , il plonge plus profondément dans le tronc. Ainsi, sans que les relations et les fonctions réciproques du cœur et des poumons aient changé, une partie de ces viscères reste logée en dedans de la cavité pectorale, et l'autre arrive en dehors et se tient sur les bords de la cavité , alors entr'ou- ( «86 ) ] verte, et comme pour en former le couvercle. Dans la coupe de la masse viscérale , nous sommes parvenus à représenter les deux moitiés du cœur, (Voyez fig. 3, c et c".) La cavité désignée par la lettre g correspond au ventricule aortique : c'est tout le cœur ou à peu près. Cependant, bien que le ventricule droit ait été sacrifié pour satisfaire à un plus riche développement du ventricule gau- che, il reste toutefois quelques vestiges du premier, mais non de sa propre oreillette. Le ventricule rudimentaire se voit même figure c" , lettre s. L'unique oreillette égale presque, en capacité, le ventricule de la grande circulation : et comme au moyen de ce que le cœur est , pour sa plus grande partie , libre en dehors, rien n'en contrarie le développement, comme lorsqu'il est renfermé dans le médiastin et bridé par le péricarde : sa forme , devenue celle d'un elîypsoïde , fait que l'extrémité, dite \a pointe, est arrondie. La seconde portion , j\ au-dessous du cœur, fig. i et 3 , se compose du foie; le cordon ombi- lical y aboutit, et s'épanouit sur un des points de sa surface. Le sujet de la fig. 3 en donne la coupe. On aperçoit en celle-ci la section d'une partie h de la veine- porte, celle v de la vésicule du fiel, et celle q du canal cholédoque , lequel chemine comme à l'ordinaire, et se rend de la vésicule au duodénum ; celui - ci étant visible en d. Un effet ( '8? ) général est manifeste : c'est que toute cette masse hépatique semble concentrée sur elle - même : le tissu en est beaucoup plus serré, davantage sur- tout vers la circonférence , où il forme écorce. Tout porte en effet l'empreinte d'une force qui aurait pesé du dehors, ou d'une coiffe qui , serrée contre son contenu , aurait opposé avec succès la résistance de ses parois à la distension de l'objet renfermé. La troisième portion , e, est formée par l'estomac, et plus profondément par la rate. ( Voyez fig. 3 , la coupe de l'estomac, lettres e e, et l'espace compris par la rate r.) J'ai suivi sans difficulté, au moyen d'un stylet, toutes les issues qui vont et viennent de l'estomac : j'ai remonté de celui-ci en traversant l'œsophage jusqu'à la bouche, tout comme j'ai par- couru les intestins à leur sortie de l'estomac. La rate , engagée dans un repli de ce dernier , était facilement reconnaissant à son tissu maillé et spongieux. "Le pancréas, a, est profondément engagé dans la masse des viscères : ordinairement couché sur le devant de la colonne vertébrale , il avait en celle-ci un point d'appui qui rendait son déplacement très-difficile. C'est dans ce même lieu, au-dessous de l'estomac, au-dessus de la portion transversale du duodénum et des principaux troncs sanguins , plus appuyé sur la droite, et enveloppé comme ( '88 ) habituellement, que nous l'avons aperçu. Notre section, passant par le milieu de la masse viscérale, l'a épargné et l'a laissé en totalité dans ta portion de droite. Nous en donnons le trait ,. fig. 4- Sa forme est celle d'un bonnet contourné ; sa base s'appuie sur l'estomac; enfin son volume est con- sidérable , et sa masse dense et d'un tissu comme charnu. La quatrième et dernière -portion, i, z, consiste dans les intestins, dont toutes les parties agglo- mérées constituent un groupe très- concentré. Les conduits intérieurs , eu égard à leur capacité , ne se sont en rien ressentis de cette circonstance, chaque intestin étant également distendu, et ver- sant, comme à l'ordinaire, dans le suivant, et tous étant plus ou moins remplis par du méconium. Cette masse ayant été tranchée à son milieu , a montré tous les trous if, *:, figurés aux noS 3 et 4- Enfin la dernière portion intestinale , le rectum , était détachée de cette masse, et se rendait droit à l'anus, passant au-devant et tout le long des ver- tèbres lombaires. Nous avons commencé par en suivre le trajet du dehors, en y insinuant un stylet par l'anus. Notre moitié des viscères, fig. 3, se trouve aug- mentée de deux autres organes que ne montre point la masse entière, fig. r. Tels sont les appa- reils respiratoire et urinaire : la cavité qui contient ( i89 ) ces viscères, se trouvant par le fait presque tout entière affectée à ce service, en a d'autant plus de capacité. Pour que l'étendue de cet espace fût exprimée dans notre planche , nous en avons donné la limite , vers le fond ou en arrière , par deux lignes ponctuées parallèles, lesquelles figurent la place et la largeur de la colonne épinière. Des viscères renfermés. Les poumons (i) ne se ressemblaient pas quant à la forme. Le droit est triangulaire, très-aplati, un peu renflé cependant à l'entrée des conduits aériens , et composé de deux lobes , dont le petit est intégralement représenté dans notre fig. n° 3. Le poumon gauche, offrant une grande et une petite scissure, est ramassé, conique au sommet, coupé en biseau à l'extrémité, et terminé par une longue portion qui forme la voûte, et qui s'étend en arrière pour recouvrir le rein , lequel suit immé- diatement le poumon. (i) Pour étudier utilement notre planche en ce qui concerne les poumons, il ne faut pas perdre de vue que la figure n° 3 re- présente le poumon et le rein de la droite, bien que tout le reste du dessin soit consacré à des parties situées à gauche. Le n° 5 donne, vu par le dos, l'ensemble des appareils respi- ratoire eturinaire : toute la grande partie est le côté droit, et la petite partie les appareils de gauche. ( i9° ) Le diaphragme. Dans la situation des choses, il devenait important de porter son attention sur le diaphragme, supposé qu'il en pût exister un avec tant de désordres. Le diaphragme ne manque non plus qu'aucun autre viscère. On l'aperçoit, étant divisé comme le sternum, descendant de celui-ci, s'étendant au-dessous des poumons et servant de coiffe à l'appareil urinaire. Ainsi , toujours à la même place , toujours interposé pour diviser le tronc en ses deux moitiés , la cavité de la poitrine et celle de l'abdomen , il sert de cloison aux or- ganes formés et nourris par les premières subdi- visions des rameaux artériels. En devant , il ne s'étend que sur les capsules surrénales ; mais en arrière il recouvre le rein lui-même : la ligne ab , fig. 5 , en est la racine : le reste du diaphragme a été supprimé pour laisser voir les pièces que je vais décrire. Les reins jouissent de plus d'aisance dans une cavité privée de ses appartenances ordinaires : aussi y sont-ils parvenus à un développement très-consi- dérable. Chacun surpasse le cœur en volume. Pour rester persuadé que je ne me méprenais point à leur égard, j'en ai attentivement examiné le tissu; j'en ai vu le bassinet s'ouvrir dans les uretères, et j'ai suivi le trajet de celles-ci jusque dans la vessie. Je ne pouvais me dispenser d'élever ce doute sur leur détermination , en voyant ces viscères recouverts , ('9' ) par le diaphragme en totalité par derrière, et dans un tiers de leur longueur en avant, se confondre par des adhérences réciproques avec le diaphragme, et fournir, par les reliefs de leur sommet , le motif des concavités de la tranche des poumons. Nos figures 3 et 5 rendent visibles l'arrivée au contact des poumons pp et des reins nn : elles montrent comment ces organes sont respectivement l'un pour l'autre , cause et effet des formes qu'ils affectent à leurs points de jonction. Les capsules surrénales. Les reins sont, chez les jeunes sujets , surmontés par les capsules surré- nales. J'ai pu croire un moment, surtout après y avoir regardé, que ces organes manquaient dans l'hypérencéphale. Mais cette hésitation momen- tanée n'a pas tardé à céder son influence à l'indi- cation de nos règles. Il n'était resté , dans la cavité abdominale chez notre monstre, d'autres viscères que ceux des systèmes urinaire et sexuel; et nous venons de voir que les reins avaient profité de cet excès d'emplacement pour s'accroître extraordinai- rement. Il n'était donc pas présumable qu'un or- gane donné pour un rein succenturial , qui est peut-être le rein actif du foetus, et qui est tout du moins dans une intime liaison avec les reins pro- prement dits, eût été supprimé : et dans l'instant qui suivit cette réflexion , l'observation du fait porta sous les yeux la réalité de ces rapports aperçus par ( J92 ) l'esprit. Les capsules surrénales étaient sous un voile : le diaphragme qui les enveloppait étant en- levé , elles ont paru dans l'état où les montrent les lettres mm des ligures 3 et 5. Il est visible qu'elles sont très-bien à leur place , et que c'est leur relief qui est embrassé par les tranches concaves qui terminent inférieurement les poumons. Des reins et des poumons , sous le rapport de leurs formes et de leurs connexions insolites. La figure 5, qui expose toutes ces circonstances, nous en fait connaître d'autres d'un plus haut intérêt peut-être : c'est la dissemblance des parties congé- nères et les relations de forme au contraire que des organes essentiellement différens ont entre eux. Le poumon droit est plat , très - large , et terminé en dehors par un contour circulaire. Le rein droit reproduit cette même forme, mais renversée, au point de ne paraître qu'un deuxième lobe à la suite du premier : ensemble ces deux viscères apparaissent, en s'ajustant exactement, comme les deux moitiés d'un même ellypsoïde. Celui-ci est très-aplati : Tellypsoïde de gauche est au con- traire renflé et tout -à- fait ovoïde : plus ramassé, il est près de moitié plus court. Ainsi , à gauche comme à droite , les reins ont une forme corres- pondante à celle des poumons, et vice versa. Or ] ( '93 ) ces accords existent, nonobstant l'interposition du diaphragme , qui donne aux espaces occupés sé- parément le caractère de cavités indépendantes. Je ne puis trop insister sur ces faits, principalement sur la différence des organes congénères. En voyant à droite un poumon autrement établi qu'à gauche, et à l'un des côtés aussi un rein autrement posé et conformé qu'à l'autre, je ne puis admettre que la forme de ces organes leur soit imprimée par une susceptibilité particulière tenant au mode de trans- mission ou à la nature des fluides circulatoires. Quand on n'a encore observé certains organes que sous une forme déterminée et regardée jus- qu'alors comme invariable, ce qui a lieu pour toute espèce à l'état normal, on peut à la rigueur ad- mettre à son sujet le nisus formativus de Blumen- bach, et croire qu'on explique quelque chose en recourant à cette sorte de loi vitale. Mais il devient nécessaire sans doute de prendre une autre idée des faits que nous discutons : car remarquez qu'il est question ici d'organes qui sont doubles, et que nous avons constaté que non-seulement ils affectent une forme autre que celle de létat normal, mais que de plus ils diffèrent entre eux de congénère à congénère ; qu'ils cessent par conséquent d'être symétriques. Cette dissemblance, dira-t-on, s'explique par les causes d'où procède la monstruosité. Mais si cette h. i3 ( «94 ) proposition est incontestable, elle est donnée d'une manière trop générale pour satisfaire complète- ment, lime semble que ce défaut de symétrie pour- rait se rapporter à une cause plus prochaine; et, par exemple, à la différence des contenans, des cavités elles-mêmes. Et, dans le vrai, si cette explication est adoptée, tout se déroule de soi-même, simplement» naturellement. Le sang se distribue soit dans les poumons, soit dans les reins, et ses rameaux s'é- tendent jusqu'aux limites qu'imposent à leur prolon- gation indéfinie les parois d'une cavité préexistante. Chaque contenant est un moule , et le sang ré- pandu dans les reins et dans les poumons devient le fluide coulé dans le vase prototype. Ainsi s'ex- plique la parfaite harmonie des contenans et des contenus ; ainsi nous aurions avec certitude la rai- son de ces concavités si bien ajustées sur les bos- selures, et en général sur le relief des organes que ces concavités renferment. Ceci s'applique également aux formes que le rein et le poumon , l'un à l'égard de l'autre , affectent à leur point de jonction. Le caractère splanchnique de l'hypérencéphale, tenant au déplacement et à l'entraînement en dehors de tout l'appareil diges- tif, il en est résulté un certain vide dans la cavité abdominale, et la possibilité pour le rein d'un ac- croissement proportionnel. Dès lors les poumons et les reins n'étant plus exposés au refoulement ( i95 ) des organes intermédiaires , ont cru indéfiniment dans leurs cavités respectives : libres d'entraves , ils ont marché à la rencontre les uns des autres; et, en se heurtant à leurs points de jonction, ils sont venus se confondre et se mouler, les corps les plus résistans ou les reins servant de base, et les plus celluleux ou les poumons cédant et se répan- dant tout autour. Ces actions et ces réactions des contenans et des contenus, et vice versa, sont admises en physiolo- gie. Mais nous prouverons que le coffre, et non ses viscères, aura eu dans cette circonstance la princi- pale part d'influence , s'il nous arrive de démontrer qu'il est une cause, indépendamment de celle du nisus formatwus , suivant le sens que le célèbre Blumenbach attache à cette expression; qu'il est, dis-je, une cause étrangère aux communes condi* lions des développemens organiques, au moyen de laquelle le tronc se trouve divisé longitudinalement en deux cavités inégales. Nous présenterons cette argumentation dans notre troisième paragraphe, et nous nous bor- nons ici à donner comme certain, comme un fait d'observation oculaire, que ces deux cavités sont de capacités très-différentes. Les côtes ont à gauche plus d'étendue, et y forment une courbure plus régulière et pins fermée, et elles sont en même temps plus élevées de ce coté; au contraire, plus ( "J6 ) descendues et plus comprimantes à droite. C'est au surplus le même fait, avec bien plus d'exagération chez l'hypérencéphale , le même fait que celui des difformités de poitrine chez les personnes affectées de rachitisme. Seulement les deux cavités , à droite et à gauche, sont mieux séparées par un diaphragme longitudinal, lequel se compose d'une part par le chapelet vertébral formant saillie sur le devant, et de l'autre par les viscères de la circulation et de la nutrition, à raison d'adhérences de ceux-ci avec le corps des vertèbres. Je ne terminerai pas cet article sans observer que si la correspondance, s'étendant jusqu'au con- tact, des poumons et des reins, avait fait naître dans l'esprit du lecteur quelques idées défavorables à la la doctrine du principe des connexions, je puis rassurer à cet égard , et faire voir qu'il n'y a vrai- ment aucune inquiétude à prendre de ces nouvelles conditions. Les relations des organes existent fon- damentalement avec les vaisseaux qui les créent et qui les vivifient. Or cet ordre de rapports n'est en rien interverti par le fait de monstruosités, objet de ces recherches. Les reins de mon hypérencé- phale ont été formés, comme ceux de tous les êtres réguliers , avec des matériaux de leurs propres ar- tères, embranchemens inférieurs de l'aorte descen- dante, et de même ceux des poumons, avec des provenances des rameaux supérieurs. ( i97 ) Ayant abordé cette question, je n'ai donc point cherché à éluder les plus sérieuses difficultés de mon sujet. Mais comme c'en est réellement la par- tie critique, je recourrai à une comparaison qui puisse donner ma pensée , comme je l'ai conçue. Soit, par exemple, vingt-quatre perles sur une seule série, et disposées comme lorsqu'elles sont enfilées pour former un collier : je leur donne les relations et les noms des lettres de l'alphabet. Il suit de cet énoncé que la perle B, je suppose, est dans une connexion nécessaire avec A et C ; le fil qui réunit ces perles est l'ordonnée de leurs rapports. Quoi que je fasse, que je rassemble cette chaîne en un monceau , que je l'établisse sinueuse ou que je la ramène à la ligne droite , je ne parviendrai jamais à priver la perle B de ses connexions avec A et C , avec la perle qui la précède et celle qui la suit ; le fil qui les enchaîne rendant leur contiguité incommutable. Ce fait cependant n'exclut pas un arrangement qui procurerait à des perles, placées à distance, une rencontre au contact et des relations accidentelles. Ainsi, que, plaçant la chaîne sur un plan horizontal, je lui fasse décrire une courbe en rapprochant la deuxième perle de la douzième, c'est-à-dire B de L, je n'aurai apporté aucun chan- gement dans les essentielles relations de B : car je n'aurai pu faire que B ne soit précédé de A, et qu'il ne soit suivi de C. Toutefois B , par une de ses faces ( «B ) libres et à raison du coude imposé à la chaîne , peut bien en outre trouver à s'appuyer sur L ; mais jamais de manière que, s'il acquiert une nouvelle relation, ce puisse être à l'exclusion de ses conditions pri- mordiales d'existence. Cependant qu'il y ait un nisus formativus ', une ten- dance à formation, qui place nécessairement notre chaîne sur une seule et même ligne, nous dirons de cet état de choses , que c'en est la condition nor- male. Mais qu'au contraire cette tendance à pro- duire une ligne droite vienne à être contrariée par un effort suscitée du dehors , et j'entends par-là que la perle G soit tirée indéfiniment , la chaîne tom- bera dans un cas d'anomalie, dans cette sorte d'état irrégulier, qui , dans ses applications à l'organisa- tion , prend le nom de monstruosité : car le résultat de ce dernier effort sera de l'établir sur deux lignes conjointes. G, placé seul en tête, sera suivi de F et de II accouplés; ces lettres, de E et de I : viendront après D J , CR; puis enfin B et L. Faisons présentement comme en géométrie, et remplaçons ces signes abstraits par des quantités réelles. B, dans notre exposition des viscères de rhypérencéphaie, représente le poumon, Lie rein, et les autres lettres intermédiaires C , D, E , etc. , le cœur, le foie , et toutes les autres, dépendances de notre masse viscérale agglomérée en dehors. Si dans l'hypérencéphale nous voyons le poumon et le rein ( *99 ) se confondre clans le même ellipsoïde , c'est pour les causes qui portent au contact, dans l'exemple ci-dessus, les perles B etL : il est pour cet effet une ordonnée toute puissante ; dans un cas, le fil , base essentielle de notre chaîne , et dans l'autre , les rameaux sanguins , producteurs des organes. Ainsi nous aurons , par l'exposé ci-dessus, rendu sensible, même pour les yeux, les principes, les développemens et toutes les conséquences de notre loi des connexions. Nous eussions désiré le faire avec plus de concision et tout autant de clarté; mais nous avouerons que nos efforts pour y réussir ont été inutiles. Il nous reste à traiter des organes sexuels et du sternum. Les organes sexuels offraient peu de variation : le testicule droit était descendu à l'anneau inguinal , le gland de la verge présentait une légère irrégula- rité; mais en général ces faits sont sans importance pour le but que je me suis proposé, en publiant cette description. Il n'en est pas de même des con- sidérations que fournit le sternum. Le sternum de l'hypérencéphale n'était pas seu- lement bifide, mais de plus séparé en deux appa- reils très-écartés, en deux demi-sternums. Voyez l'un d'eux , celui de gauche , pi. V, fig. 6. Nous l'a- vons fait représenter en son entier, la section que nous avons faite pour le détacher des parties laté- ( 200 ) raies ayant passé sur le point où les côtes verté- brales s'unissent aux côtes sternales (i). Le sternum n'est au fond composé que d'un périoste assez épais, dont tout le bord longitudinal, par lequel il est intérieurement limité , est encore renforcé par les aponévroses des muscles pectoraux qui y ont une grande adhérence. Cependant ce bourre- let longitudinal fournit sur son flanc externe autant de branches qu'il y a de côtes vertébrales ; et cha- cune de ses branches, uniquement formée par le périoste, contient, entre ce qui en compose les lames , un osselet cartilagineux. Ce noyau est-il le radical des os propres du sternum , ou celui des côtes sternales ? Je reconnais qu'on peut se diviser sur ce point, bien que j'incline pour le premier de ces systèmes, sur le fondement que les os sternaux appartiennent à une époque qui précède de beau- coup celle où apparaissent les côtes sternales. On n'est point clans le cas de cette hésitation , à l'égard de ce qui constitue les conditions essen- tielles de l'appareil sternal : son partage tient évi- demment à la situation du cœur poussé hors du thorax et entre les deux demi-sternums. Le cœur? (i) J'entends par côtes sternales les brandies provenant de chaque os sternal, et par côtes vertébrales les os longs et trans- versaux venant des vertèbres. Voyez, sur la nécessité de ce chan- gement de nomenclature, mon article Sternum, tome i, p. i32. ( 201 ) par ce seul fait , a contraint ces appareils à grandir sans passer par aucune série de développemens, et j'entends par cette expression, à croître sous les mêmes conditions et avec les formes des premières époques fœtales. Ainsi le fait de monstruosité que présente le sternum de l'hypérencéphale est pure- ment accidentel. La cause en est prochaine ; car faites que le cœur rentre dans sa cavité sternale et les deux moitiés du sternum , perdant leur carac- tère d'individualité et renonçant à leur position latérale, iront se confondre et constituer un appa- reil unique pour la ligne médiane. Telle est l'une des plus heureuses explications de l'ouvrage couronné par l'académie, ayant pour titre : Lois de V Ostéogénie. Il n'y a en effet de subdivision possible du sternum , que si le cœur en est l'occa- sion, en traversant le sternum et en demeurant de- hors et suspendu sur la poitrine, comme sont les croix de Jeannette au cou des paysannes. C'est un fait de cet ordre que M. Serres eut à observer dans une de nos maisons du Jardin du Roi, alors pro- priété particulière , rue de Seine , et qui devint l'idée-mère et la preuve la plus péremptoire de sa loi de svmétrie. Bien d'autres , avant cet habile anatomiste, avait constaté ce même fait : Sénac, en 1724? Sandifort, soixante ans plus tard; Heister, que cite ce dernier; et Sténon , même avant Sénac. Mais tous n'avaient fait cas de leurs observations, ( 202 ) que pour les signaler à titre de singularités : en- fouies dans des collections académiques, ces obser- vations n'arrivèrent à nous que comme des maté- riaux qui demandaient emploi. La valeur scienti- fique qu'elles viennent de recevoir par les soins de M. Serres m'a engagé à insister autant sur le retour du même fait, sur les deux demi-sternums de l'hypérencéphale. Les demi-sternums ayant grandi sans participer aux diverses modifications que la succession des âges apporte dans leur structure, les côtes en ont acquis plus de volume et de solidité. Ici revient une nouvelle application de notre principe du balance- ment des organes : car les molécules qui eussent été nourrir le sternum, ont profité aux côtes deve- nues plus fortes et comme éburnées. Enfin la clavicule /, fig. 6, dont l'ostéologie des poissons révèle plus expressément les intimes rap- ports avec les côtes (correspondances que les phi- losophes allemands, le célèbre naturaliste Oken entre autres et le premier, expriment par le mot de signification) , est dans l'état normal chez l'hy- pérencéphale; mais avec le même excès de volume et de solidité, qui sont les circonstances que nous avons remarquées, comme formant le caractère par- ticulier de ce nouveau genre de monstre humain. J'ai parcouru tout le cercle des difformités du su- jet décrit dans ce Mémoire. Tel est l'ensemble d'ex- ( ao3 ) ceptions ou d'anomalies qui constitue le caractère de monstruosité dont je forme le genre hypèrencê- phale ; d'Mjp (au delà), et de iv%tÇKXj (cerveau) : cerveau au delà de sa boite. Recherchons présentement où se trouve la force mécanique qui, entrant en lutte avec le nisusfor- mativus , donne les causes essentielles et radicales de ce genre de monstruosité. § III. De l'adhérence du placenta avec les vis- cères DÉPLACÉS, ET DE CE F/UT CONSIDÉRÉ GOMME l'ordonnée DE CES ANOMALIES. Les organes du fœtus, avant d'appartenir à un système agissant par de propres ressorts , ne sont guère que des résultats pour un système préexis- tant. A l'occasion d'un point d'irritation dans la matrice, ils y arrivent déposés par les artères uté- rines. Ils s'y montrent comme un polype, comme une superfétation, avant de s'y produire avec les moyens d'une existence indépendante. Tels sont les organes de l'œuf dans les premiers temps de la gestation , de l'incubation. Il y aurait donc à distinguer deux états assez différens dans une construction organique : l'un passif, quand elle reçoit; et l'autre actif, quand elle demande et qu'elle acquiert. Cela posé, une cons- truction organique de première époque peut se ( M ) passer des rapports intimes et de la réciprocité d'actions de ses élémens : il suffit que ceux-ci puissent se greffer les uns sur les autres. Que ce soit le principe de ses développemens, cette construction ne s'achève pas moins : mais , privée de la participation de toutes ses parties , elle n'a d'existence qu'autant que les afflux du sang qui l'ont créée la vivifient. En effet, des êtres composés d'organes qui ne sont pas subordonnés les uns aux autres, composés d'organes sans concours réci- proques, finissent nécessairement quand cessent pour eux les distributions de la gangue capsulaire, qui est tout leur monde extérieur : ils ne sauraient naître viables; ce sont des monstres. Cependant il ne faudrait pas conclure, de ce que les organes, à leur première apparition, ne sont point encore engagés dans des services réciproques, que cet état de choses puisse se prolonger indéfi- ment, et qu'il devienne l'état pratique et habituel de l'organisation. Il s'en faut au contraire que des associations insolites d'organes se reproduisent fré- quemment. Les monstruosités sont rares , et ne peuvent être qu'extrêmement rares. Et en effet, si l'on réfléchit aux moyens qui pré- parent et qui opèrent la génération des animaux , il doit paraître évident que le nisus formatwus pré- side à toute construction organique avec un carac- tère d'omnipotence. On est si bien convaincu de • ( ao5 ) cela, qu'on ne s'est presque point occupé de ce qui pouvait porter le trouble clans ces compositions , bien que l'existence d'un monstre soit la preuve que des perturbations peuvent intervenir , et qu'elles dérangent en effet le cours d'une élabora- tion organique. Cependant des altérations dans la nature chi- mique du sang seraient-elles la source de ces per- turbations? Cette question semble répondue par les diversités d'organisation, que font connaître le nombre et la variété infinie des animaux. En effet, les qualités physiques et chimiques du sang dé- pendent, comme on le sait, en grande partie de sa force d'impulsion, de sa puissance d'oxigénation, et de sa capacité pour le calorique. Etant plus forte- ment lancé, et ayant, par une plus grande raréfac- tion, acquis plus de fluidité, son tronc principal se subdivise à des points plus distans, et ses rameaux gagnent en étendue : avec moins d'affinité au con- traire pour le calorique, et, devenu plus épais, ses routes sont plus raccourcies, et ses derniers vais- seaux,moins éloignés de leur mère-branche. Les oiseaux et les poissons sont un exemple de ces conditions extrêmes. Les élémens organiques se dispersent au loin dans les premiers, quand ils rayonnent dans les seconds à très-courte distance du centre : proposition que n'infirme pas la con- formation allongée des poissons, si, ce que je crois ( 206 ) vrai, mais ce qu'il n'est pas de mon sujet d'exposer ici, la composition de leur queue appartient à un autre ordre de faits et d'événemens. Ces considérations, histoire sommaire des diver- sités organiques, établissent, cerne semble, que ce n'est pas dans des différences de qualités chi- miques du sang que résident les causes des mons- truosités (i). Je les ai aperçues au contraire dans (i) Ce n'est pas que je prétende conclure de ceci qu'une alté- ration dans la composition chimique du sang ne puisse aussi donner lieu à quelques monstruosités : mais s'il en existe de produites par cette cause, elles ont été à peu près méconnues; et, dans tous les cas, elles appartiennent à un système d'orga- nisation différent de celui des monstres, tels qu'on les conserve dans les cabinets et que nous les fait connaître la littérature mé- dicale. Un monstre, comme on l'entend généralement, est un être normal quant au plus grand nombre de ses organes , irrégulier seulement dans quelques-uns. Or ce n'est pas ce que pourrait donner un sang vicié : la circulation du sang , si active dans toutes ses routes, lui procurant partout un caractère d'homogé- néité, donnera lieu à de mêmes effets à chaque extrémité artérielle, c'est-à-dire que la monstruosité sera totale et non plus partielle. Sans doute qu'il en peut être d'occasionée par un sang vicié : mais le trouble étant universel dès l'origine des choses, comment, avec une telle donnée, arriver jusqu'à la construction d'un fœtus ? Tout au plus la membrane vasculaire chez les ovipares, et les rudimens du placenta chez les mammifères, ou la membrane du chorion, seraient susceptibles de ces affections. Et en effet com- ment, dans une confusion aussi universelle, ces membranes de- viendraient-elles capables de cette unité d'opérations et de cette ( *°7 ) une force mécanique étrangère à l'état moléculaire de ce fluide, dans une action opérant sur les vais- seaux eux-mêmes pour les déplacer, de manière à ce qu'ils fussent plus rapprochés de la circonfé- rence, ou plus refoulés sur le centre. concentration des moyens nécessaires à la formation d'un cordon ombilical? Ce qui reste praticable, c'est qu'elles croissent indéfi- niment et sans changer leur première forme, parce qu'il n'existe point pour elles de réactions de la part du fœtus, qui les puissent placer , par une suite de transformations , dans les conditions d'un placenta normal. Mais nous connaissons des congestions sanguines , des végéta- tions animales sous la forme d'hydatides, des masses charnues, qui peuvent donner l'idée de ces avant-placentas, qui se seraient seuls et monstrueusement développés : telles sont les productions insolites décrites sous le nom de moles. Vater, Lévret, et plusieurs autres phvsiologistes à leur imitation, ont à peu près donné cette origine aux moles : à peu près , puis-je dire ; dès qu'en attribuant la production des moles à un développement extraordinaire des placentas, ils n'ont conçu leur explication qu'en faisant dépendre ces transformations de l'apparition, comme préalable nécessaire, et subséquemment , de la destruction du fœtus. Ceci me conduit à ajouter qu'on a donné le nom de moles à beaucoup d'organisations très-compliquées , qui diffèrent sous plusieurs rapports, entre autres par la présence ou l'absence d'un fœtus rudimentaire. Il y aurait sans doute une histoire naturelle à donner de ces organisations très-différentes , en les distinguant aussi par genres et par espèces. Je n'ai au surplus entendu appliquer les réflexions qui précè- dent qu'aux moles restées étrangères à toute formation de fœtus. ( 2û8 ) Dans ce que je dois encore décrire se trouvent et le complément des deux paragraphes précédens et la justification de l'esprit dans lequel ils sont rédigés. De quelques brides étendues du fœtus au placenta. Je vais montrer qu'en effet je ne me suis pas laissé abuser par une vaine préoccupation (i), en in- diquant ces causes d'action étrangère, et j'entends, en produisant des lames aponévrotiques inconnues dans l'organisation normale, des brides enfin, vrais tirans, retenant des parties, étant ordinairement au centre et les fixant à la circonférence. La plus remarquable de ces brides est répandue de la tète au placenta. Elle occupe à gauche une étendue considérable, y paraissant, lettre m, fig. i, comme une prolongation du derme : elle y occupait un plus grand espace, avant que, pour faciliter la vue d'une portion (/) du cerveau situé sous cette lame, j'en eusse coupé et enlevé une partie. La té- (i) Je répéterai encore ici qu'un changement dans l'état molé- culaire du sang ne saurait devenir une cause de réelle monstruo- sité , et j'en donne cette autre preuve. Dans les couches doubles, un seul enfant naît monstrueux ; et de même, chez certains ani- maux qui à chaque portée engendrent plusieurs petits, trois , je suppose, viennent à bien pour un maléficié : or le même tronc artériel fournit également à la nutrition et au développement de- toutes ces génitures. ( 2°9 ) nacité de cette membrane s'est trouvée si grande, qu'elle n'a pas cédé durant l'enfantement , et que le placenta, p\p" {}), a suivi le fœtus. Un reste de brides semblables existe tout au pourtour du cœur et de son oreillette : ce sont des hachures ou festons /, t, ayant, en dessous vers t\ plus d'épaisseur et de relief. D'autres vestiges b, b, en traces plus faiblement indiquées, sont sur le foie, le traversant en une seule ligne et par son centre sur sa longueur. Enfin les subdivisions des masses viscérales étaient bordées par d'autres brides b\ b'\ aussi en vestiges. A l'irrégularité de toutes ces franges , on leur trouve le caractère de déchi- rures opérées violemment. Le cordon ombilical s'est trouvé compris dans la même mesure. Il est ramassé, comme pelotonné et formé de plusieurs replis y', v", adhérais entre eux et avec le placenta. Son insertion est près de la bride principale m. Celle-ci se confond avec l'espèce de mésentère qui devient le lien de tous les replis. En dernière analise, les brides, soit de la tête, soit du thorax, constituaient ou avaient constitué, l'œuf n'étant pas encore ouvert, plusieurs diaphragmes parallèles, qui tenaient renfermés dans autant de cellules particulières les quatre portions des vis- (i) p* du placenta en représente la face externe, et p" la face intérieure. h. 14 V ( 21° ) cères thoraciques et les masses cérébrales hors crâne. Ces espaces provenaient d'enfoncemens pra- tiqués dans le placenta, parce que les diaphragmes, disposés pour la plupart comme les lames du péri- toine 7 étaient une continuation des membranes de l'amnios. Ces enveloppes générales du fœtus, qui avaient fourni la matière des cloisons, s'en distin- guaient cependant à quelques égards. C'est dans la situation où le fœtus et son placenta sont figurés que nous les avons reçus : par consé- quent nous ne garantissons que l'adhérence de la bride 771, qui avait fixé la tête au placenta. N'ayant vu qu'en vestiges les brides des viscères thora- ciques, nous les jugeons dilacérées, sans pouvoir dire à quelle époque. La poche fœtale n'a pu s'ou- vrir sans avoir causé ces déchirures: mais auraient- elles attendu le moment de cette crise ? et n'est-ii pas plus raisonnable de les attribuer aux agitations et au poids du fœtus dans le dernier mois de la gestation ? Quoi qu'il en soit, l'état de choses que nous ve- nons de décrire ne constitue pas moins un système de pièces similaires en dehors du fœtus , toutes pièces inconnues jusqu'à ce jour, un appareil qui déploie une force d'inertie, et subséquemmentune résistance en opposition à la prédisposition de l'être pour ses développemens normaux. On remarquera en effet qu'il n'y a de brides que là où sont des (Ml ) viscères déplacés , repoussés du centre et retenus à la circonférence. Si l'on n'a non plus oublié les faits des précédens paragraphes , on sera de même également attentif à cette circonstance bien signi- ficative, que les faits pathologiques que nous avons précédemment constatés ne consistent pas dans une réelle transposition des viscères, mais se bor- nent à l'entraînement régulier et comme métho- dique de leur masse en dehors. Tout s'est passé , les connexions ayant été fidèlement conservées , comme si du dehors des griffes se fussent appli- quées sur une masse d'organes , et en eussent en- traîné le bloc avec elles. Les organes les premiers à apparaître étant saisis et tirés, les autres, en- chaînés à leur suite , ne pouvaient manquer d'ar- river. Cette force d'inertie devient active, et déploie réellement une résistance prépondérante en raison de la situation du placenta et de l'engrenage de ses cotylédons : greffé aux parois de la matrice , le placenta y adhère ; il y reste immobile. Dans cette occurrence , les brides qui le lient au fœtus sont des tirans qui n'ont de prise que sur le fœtus, puisque lui seul est passible de mouvemens. Ces brides l'entraînent, ou plutôt le tiraillent du côté du placenta, quand son propre poids et ses conti- nuelles agitations tendent à l'en écarter : c'est, comme on le voit, une lutte perpétuelle. ( 212 ) Cependant cet engagement donne nécessaire- ment lieu à un tout autre résultat , si les liens qui attachent le fœtus au placenta sont d'un tissu iné- galement serré et consistant, et si à leurs points de faiblesse il arrive à ces attaches de céder et de se rompre : l'observation de brides en vestiges porte à penser qu'il en doit être ainsi. En n'osant rien affirmer à cet égard, nous montrons de l'hésitation. Mais qu'on veuille bien y réfléchir ; c'est pour la première fois qu'on se rend attentif à ces faits , et nons n'en avons pas d'assez multipliés pour pro- noncer, surtout comme on sera dans le cas de le faire, quand l'observation pourra procéder sur un placenta nouvellement produit. Maintenant il resterait à faire voir comment se contractent les adhérences du placenta au fœtus : mais j'observe que ce serait se porter sur un degré supérieur d'explication. C'est le sujet d'une autre thèse et le premier anneau de la chaîne de ces re- cherches. Dans le développement progressif de nos idées , la discussion de ce point ne peut venir qu'a- près celle de la question traitée dans ce Mémoire , l'unde ces faits supposant l'autre. Il suffit pour le présent que nous ne soyons pas frappés de l'impossibilité de ces adhérences. Or toute l'anatomie pathologique nous donne sura- bondamment des faits analogues, entre lesquels, à cause de leur caractère de plus grande similitude, ( *i3) nous citerons les adhérences de la pupille avec la cornée transparente. Les eaux de l'amnios dans l'œuf, et l'humeur vitrée dans l'œil, empêchent l'adhérence des membranes qui leur servent de bourse : car, en s'interposant entre ces membranes, elles en maintiennent l'écartement. Mais qu'il arrive au contraire à ces fluides de s'écouler hors de leur bourse , alors et très-manifestement les adhérences de ces membranes se multiplient en raison de leurs contacts. Ayant ramené la monstruosité de l'hypérencé- phale à n'être qu'un fait d'adhérence du placenta à l'égard du fœtus , et cette adhérence du placenta s'exercant sur des viscères ordinairement renfermés 9 dans des cavités sans issue, il faut, si notre expli- cation se trouve fondée, que ces viscères s'orga- nisent d'abord, et soient en effet à leur naissance hors de ces cavités. Peut-être qu'au point où en sont venues ces explications , il suffirait de l'établir par une décision affirmative, et en alléguant la mons- truosité même de l'hypérencéphale ( i ). Mais ce serait là une pétition de principes , tomber dans les in- convéniens de Yunum per idem , alléguer enfin pour preuve la chose même qui est en discussion. J'ignore si cette question se serait déjà offerte à la méditation des physiologistes, et ne sais par con- (i) On ne prouve pas ce qui est évident , a dit Montesquieu, ( ai4 ) j séquent de quelle manière elle aura été résolue. Je ne me flatte pas d'avoir suffisamment compulsé les archives de l'anatomie , et il ne m'est au contraire que trop souvent arrivé d'apprendre, après avoir terminé des travaux d'une très-longue haleine , qu'il en existait sur le même sujet de plus anciens et de plus recommandahles sous tous les rap- ports (i). Qu'il se rencontre dans l'organisation des parties prenant position dans des cavités qui se ferment sur elles, cela se conclut nécessairement du mode de subdivision des vaisseaux circulatoires, des cor- rélations des premiers embranchemens, et princi- palement de la disposition excentrique des vais- seaux ombilicaux. Mon sujet ne m'entraîne heu- reusement point sur les faits des premières époques foetales, et je puis sans regret passer sous silence la haute question présentement débattue entre les physiologistes , si le cordon ombilical fournit les premiers linéamens de l'être, ou si au contraire la vésicule ombilicale devient génératrice du placenta. Ce qui me suffit, c'est de considérer les faits des (i) Cette réflexion m'a principalement été suggérée par les travaux de M. F. Meckel, dont j'ai fait mention page i53 , et que j'ai cités, non d'après ses écrits en langue allemande, que je suis privé de pouvoir lire, mais sur une note manuscrite qu'il m'a fait la grâce de me remettre. ( *i5 ) secondes époques, et nommément la situation des branches transversales de l'aorte descendante. Ces branches sont les artères intercostales , et les artères intercostales sont créatrices de la cage respiratoire. S'il pouvait arriver à ces vaisseaux de rester abandonnés à la seule action de la force d'impul- sion , ils ne sauraient produire qu'un réseau à sur- face plane , dont le gros vaisseau générateur for- merait l'axe. Mais cette impulsion n'agit jamais seule. La forme ovoïde du contenant imprime aux parties latérales du réseau sa propre courbure. Les deux plans se relèvent pour se recourber de plus en plus, et pour marcher à leur rencontre mutuelle. Et en effet, s'il n'y est apporté aucun changement du dehors, on voit chaque artère intercostale et sa congénère décrire d'abord, se portant l'une vers l'autre , deux demi-circonférences , se réunir bientôt après en un cercle parfait, et finalement produire, après leur anastomose , des rameaux formateurs du sternum. Mais ce ne sont pas seulement les points de dé- part de ces artères , la force d'impulsion imprimée à leur contenu , et les résistances du berceau où elles se propagent, qui nous paraîtront déterminer leur convergence , et devenir ainsi la raison de leur mutuelle rencontre et de leur anastomose. Ces dé- ductions que la théorie enseigne, je les puis aussi ( 2I6 ) présenter comme un résultat d'observations , et ces observations, je les emprunte à M. Serres. Ce savant , qui a eu recours , pour l'établissement de ses lois de l'ostéogénie , à un nombre considé- rable d'observations microscopiques sur les pre- mières formations animales, a vu les parties osseuses employées dans la cage respiratoire se propager de la colonne épinière, leur point de départ, à la ligne médiane du sternum , le dernier point de la route parcourue de ce côté par l'ossification. Puisqu'il est de toute nécessité qu'à une époque fœtale les viscères thoraciques occupent toute la face extérieure du sujet, il n'y a nulle difficulté à concevoir comment une affection pathologique pourrait occasioner l'adhérence de ces viscères avec la membrane du chorion. J'ajoute que par ce qui précède j'ai rendu, sinon tout-à-fait certain, du moins extrêmement probable que la monstruosité de l'hypérencéphale tient à ce fait d'adhérence. C'est ma conclusion définitive : et je vais montrer que l'hypérencéphale présente encore plusieurs circonstances d'organisation qui ne s'expliquent que dans cette supposition. Je rappellerai d'abord ce que j'ai exposé plus haut, pages 166 , 175 et 192, du défaut un trait qui donne le rapport de ces mêmes parties chez un enfant de cinq ans. Les mêmes lettres b, i et/ indiquent les mêmes artères carotides primitive, interne et externe. La différence entre ces deux dernières est très-considérable ; mais il est évident qu'un développement extraordinaire l'aura causée. J'ai supposé que cet enfant était mort d'une inflammation du cerveau : ce- pendant des notes à son sujet, qui m'ont été remises, assignent une autre cause, la maladie du carreau. ( *33 ) origine et leur trajet ne sauroient différer davan- tage : mais enfin elles aboutissent au même point, et, à partir de leur entrée dans le cerveau, ce sont deux sœurs, y prenant le rang et y remplissant également les fonctions d'artères cérébrales. Si l'anomalie que présente le podencéphale consiste à créer et à opposer un obstacle à la libre circu- lation de leurs fluides , l'anomalie atteindra au même degré l'une et l'autre de ces artères ; et c'est en effet ce que prouve notre monstruosité. Yoyez (fig. 2 , lettre h) à quel degré de petitesse se trouve réduite l'artère vertébrale. Passons de la considération de ces vaisseaux à celle des organes dans lesquels ils se répandent , et nous observerons les mêmes rapports. Où se fait sentir chez notre monstre l'action ultrà-nourricière d'une plus forte artère , l'organe est agrandi ; où tout au contraire cette influence par le fait d'une plus petite artère devient moindre, l'organisation ne peut parcourir la série des développemens normaux. Qu'on veuille bien y donner attention : ce qui est ici un cas d'anomalie , c'est-à-dire le dévelop- pement inverse des deux carotides, est au con- traire l'état normal des animaux, et principalement celui des mammifères à long museau; et, pour nous porter de suite sur un exemple qui, sous le rapport du cerveau et de l'étendue des os crâniens, em- ( 234 ) brasse, dans toute leur exagération, les faits du podencéphale , nous citerons le crocodile. Nous ne pouvons donner à tous ces faits leur valeur scientifique qu'en renonçant à les voir isolés, qu'en cessant d'en apprécier l'influence d'après les idées particulières et incomplètes que le système de nomenclature qui leur est consacré en porte à l'esprit. Oublier ce qui semble acquis et ce qui paraît si formellement décidé en anatomie humaine 7 est le seul moyen de nous élever à ce qu'il y a de plus général en organisation, eu égard à la division des carotides, comme de rechercher à quoi peut tenir le principe de leur distribution. La carotide primitive ( consultez son tracé que nous donnons exactement fig. 2 ) est comparable au tronc d'un arbre ascendant, et les subdivi- sions de cette artère, à ses branches. Si l'arbre est ascendant, sa direction lui vient de la bonne tenue de sa tige centrale , qui , tout en diminuant par le détachement des rameaux latéraux, reste toujours la plus volumineuse, et mérite ainsi d'être toujours distinguée comme la mère-branche. Revenons à l'artère : le tronc servant de point de départ est la carotide primitive b. Gomme la plupart des corps organisés qui se ramifient , elle fournit deux branches : l'une à gauche et l'autre à droite (dans l'ordre conventionnel des descriptions anatomiques -? il faudrait dire , Y une antérieure et / ( ( 235 ) Vautre postérieure : mais qu'on me permette, pour plus de clartés , de lire ce qui est dessiné ) : au nœud suivant, ce sont deux autres branches, et au troisième nœud , toujours en montant , ce sont encore deux branches, également l'une à droite et l'autre à gauche. Chacune de ces subdivisions a reçu des noms. Le premier partage , après la caro- tide primitive, a été nommé, savoir; la prolon- gation du tronc z> carotide externe ; la branche de droite/, carotide interne; et la branche de gauche s, thyroïdienne supérieure. L'embranchement suivant se compose d'un rameau à gauche, qui se bifurque en artère linguale / et en artère maxillaire inférieure 771, et d'un rameau à droite q , l'occipitale postérieure ; enfin au troisième nœud la mère -branche, se pro- longeant dans la temporale n, développe à droite l'auriculaire postérieure o et à gauche , mais plus profondément, la maxillaire interne. Le dessinateur a dû omettre cette dernière , que la préparation des parties ne lui a pas permis de voir. Telles sont les ramifications naturelles de la caro- tide primitive , telle elle se propage chez tous les animaux , à l'exception de l'homme normal ; telle en ordonne la force d'impulsion émanée du cœur. Ainsi la carotide primitive forme un tronc commun et central qui se poursuit , sous sa condition pre- mière d'une mère-branche, jusque dans l'artère temporale, mais qui, à ses nœuds ascendans, prend ( 236 ) successivement les noms de carotide primitive f carotide externe, et artère temporale. Pour que le sang dévie de sa ligne d'ascension et qu'il vienne affluer en plus grande quantité sur un rameau latéral , il faut que ce résultat dépende d'un événement étranger, à quelques égards, à l'orga- nisation : et j'ajoute, sans la moindre hésitation r que, dans le cas qui nous occupe, il n'y a point à douter que ce ne dépende des travaux de l'intellect. L'activité de l'esprit i croissant chez les hommes au fur et à mesure de leurs progrès dans la civilisa- tion, rend le cerveau de plus en plus consomma- teur. Le sang abonde en plus grande quantité là où il nourrit, et s'épuise davantage : c'est dans un plus faible degré le phénomène dit inflammation. Le calibre de l'artère augmente où cette cause agit, et toujours en raison du flot sanguin qui s'y en- gage. Qui sait si l'hypertrophie de la carotide in- terne, et par conséquent celle du cerveau, ne sont point, chez l'homme d'aujourd'hui, comme les ac- quisitions de son domaine intellectuel, un des pro- duits du temps, une acquisition elle-même rendue transmissible par voie de génération ? La carotide interne, ainsi gouvernée par un res- sort étranger, par une plus grande activité des fonctions cérébrales , prend plus de volume que sa mère - branche , de la même manière qu'une branche latérale d'un arbre gouverné pour pro- ( 2^7 ) duîre du fruit, devient la plus forte par l'applica- tion du jardinier à détruire les tiges ascendantes , ou ce qu'il appelle les branches gourmandes. Le fluide nourricier, étant privé de serépandreen ligne droite , se fait jour sur les côtés. Ces explications données, nous concevrons, sans la moindre difficulté , tout ce que notre podencé- phale présente de si merveilleux en apparence. Un obstacle, et je n'en pourrai dire la nature qu'en terminant ce Mémoire, un obstacle s'oppose in- vinciblement au développement du cerveau. L'action de cette cause perturbatrice consiste à ne laisser arriver dans les méninges qu'un nombre fort restreint de molécules cérébrales. Or nous avons vu, relativement au système sanguin, que le producteur s'accroît en raison des objets livrés à la consommation, et qu'il diminue clans le cas contraire. Le podencéphale est dans ce dernier cas. Il est donc de toute nécessité que le vaisseau pro- ducteur, que l'artère cérébrale soit d'un moindre volume. Cette conséquence se déduit rigoureuse- ment; mais, d'un autre côté, l'observation donne aussi ce fait. Ainsi, ce qui devait être se trouve être ce qui est. Ce n'est là qu'un premier effet de la cause perturbatrice ; d'autres s'ensuivent , comme on va le voir. L'action de monstruosité qui pèse sur la carotide interne se réduit, au fond, à l'impossibilité ( 238 ) où elle est de recueillir, à ses branches terminales, tout le sang qui y arrive dans l'état normal. Ainsi, il n'y a rien de changé à l'origine des vaisseaux : le cœur jouit de la même force d'impulsion : le calibre des vaisseaux aortiques reste le même. Mais voyez ce qui résulte cependant de tout ceci. La même somme de fluides nourriciers qu'à l'ordinaire entre et s'engage dans la carotide primitive, quand, à raison de la perturbation dont nous avons parlé plus haut, il ne s'en écoule qu'une bien faible partie par un de ses rameaux, la carotide interne. Faudra -t- il admettre un reflux jusque dans le tronc aortique? Ce n'est pas plus à supposer que celui des eaux d'une rivière vers leur source. Le cœur ne manquerait pas d'ailleurs d'en être affecté pathologiquement , et nous savons qu'il ne l'est pas. Une autre condition est donc seule possible : c'est qu'à l'embranchement d'où sort l'artère res- treinte , l'autre branche accroisse son calibre d'une quantité qui compense la perte de l'artère réduite. Dès que tout le sang du vaisseau primitif doit s'écouler sans obstacle par toutes ses dérivations, il devient nécessaire en effet qu'un des rameaux, au plus prochain embranchement, prenneune ex- tension supérieure au volume de l'état normal, l'autre rameau restant en deçà de sa capacité première. C'est ce qui arrive à une rivière, quand, préci- ("3g) pitant ses flots sur le cap d'une île , elle est , par -cet obstacle, partagée en deux bras : les eaux, qui ne trouvent point à s'engager dans le petit bras, refluent dans l'autre , et deviennent pour les eaux de celui-ci une cause d'augmentation. Or, voilà en toutes choses ce que montre le podencéphale : la carotide interne étant plus petite, il n'est point uniquement arrivé que le canal de la carotide externe se soit maintenu dans ses proportions ordinaires; le calibre de cette artère s'est en outre accru précisément de tout le volume dont l'autre branche avait éprouvé la perte. Ces rapports mu- tuels des artères méritent d'être vérifiés, et la com- paraison des figures nos i et 3, rendues très-exac- tement, donne lieu de s'en assurer. Cependant tout ceci ne devient possible que sous la condition d'effets subséquens, c'est-à-dire qu'en donnant lieu à de nouvelles anomalies. On sait que les artères font l'office de vaisseaux nourriciers, ce qui doit s'entendre de ce qu'une partie de leur fluide s'assimile à la substance des organes ; et j'ajoute que les observations qui suivent ne s'ap- pliquent qu'à cette même partie élaborée et pro- chainement convertible en organes. Le sang, venant à se distribuer inégalement entre les deux carotides , et à se porter avec un afflux plus considérable dans la carotide externe, ne par- vient point aux extrémités de cette artère, que cet ( 240 ) excès de principes nutritifs n'y exerce une grande influence, et n'amène en effet à chaque issue un plus grand développement des organes qui s'en alimentent. Le derme et le système osseux sont les parties de la tête où se rendent les subdivisions de cette principale artère : par conséquent tout cet en- semble est nécessairement porté à un développe- ment surpassant de beaucoup celui que présentent les dimensions normales. Et en effet cela saute telle- ment à la vue, qu'on ne peut fixer le podencéphale sans être frappé des traits de bestialité répandus dans toute sa figure. Je ne cite à dessein que celle- ci, parce qu'il semble, à un premier aperçu, que la face du moins s'est maintenue dans l'état nor- mal. En y regardant attentivement, on voit au contraire qu'il n'en est rien , et l'on trouve en effet que tout y est exagéré en force, et s'y prononce par plus de saillie et par plus de largeur à la fois. Cet être, né de parens de la race caucasique, a sa face prolongée comme celle des singes , même comme celle des singes des degrés inférieurs , puis- que son angle facial tout au plus ne comporte qu'une ouverture de 45°. Le nez est épaté, les lèvres épaisses et avancées, les joues larges, le menton court et rentré ; l'oeil est fort gros en ap- parence, parce qu'il est sorti pour les trois quarts de son orbite ; ce qui est produit par l'affaissement ( Ai ) (lu cororial et au renversement en arrière du bord orbitaire supérieur. Il en résulte pour la fosse oculaire une entrée dont le plan se distingue de celui de la face par une inclinaison de 45 degrés, ou, à l'égard du sujet, un axe de vision qui, au lieu de se prolonger en avant de lui horizontalement, se dirige plus haut sous ce même angle. Cette cir- constance, remarquée par M. Serres, lui a rappelé une semblable dépression du coronal, qui constitue fétat normal de plusieurs reptiles; celui, par exem- ple, des grenouilles et des caméléons. ( Théorie, etc., page 194.) Mais ce n'est pas à donner à la face plus d'étendue superficielle que se borne l'action plus intense de la carotide externe : l'hypertrophie de cette artère explique en outre l'hypérostose du crâne. Cette dureté des os , chez un fœtus , si grande que quel- ques os exigent l'emploi de la scie pour être di- visés, avait, dès l'origine de ces recherches, fixé mon attention; et sans penser alors que l'explica- tion en serait acquise si prochainement, j'en avais parlé (pages 19 et 90), en annonçant seulement que je confirmais en ce point une observation déjà donnée par Van-Home. Si nous trouvons en ré- sultat que les os crâniens du podencéphale ac- quièrent rapidement une densité qu'ils n'eussent acquise que plus tard par l'action progressive des années, nous savons également que l'artère qui s'y ir. 16 ( >fo ) distribue y porte une nourriture plus vivifiante. La boîte cérébrale paraît , au premier aperçu , infirmer ces résultats. En la voyant si petite et en même temps si largement ouverte à son sommet , on pourrait croire qu'elle n'est pas même termi- née, et que par conséquent la carotide externe n'a eu sur elle aucune prise. Mais loin de là , comme on va le voir ; la boîte cérébrale est affaissée , parce que le cerveau en a gagné et en occupe la région supérieure ; et elle n'est pas fermée , parce que le cerveau qui est passé au delà des os du vertex , est ainsi devenu un obstacle à la réunion de ces pièces. C'est une seule, c'est toujours la même cause per- turbatrice qui donne lieu à tous ces désordres. Mais d'ailleurs , malgré toutes ces traverses , la carotide externe remplit sa destination : car, si elle est privée de déposer ses élémens osseux en superficie,elle n'est pas moins occupée de les produire ; et alors c'est sur un même point qu'elle les dépose , dans une région très-circonscrite, en arrière du cerveau. Là, les élé- mens osseux sont accumulés en telle quantité (voyez fig. 7, lett. uvxy), que l'os en reçoit une épaisseur considérable; et comme si ce n'était assez que ce résultat obtenu, comme s'il fallait qu'il fût satisfait à une plus ample consommation, les molécules osseuses pénètrent dans la substance même de l'os, viennent y remplir les vides de la partie réticulaire, et, en s'y amassant, donnent à l'os cette densité et ( ^43 ) cette solidité que j'avais signalées avec Van-Horne , sous le nom à' état ébunié. Ici le cercle des modifications du système san- guin, en ce qui touche notre podencéphale , est parcouru. Que de conséquences découlées d'une seule cause perturbatrice? Le cerveau est-il primi- tivement placé sous une cloche (Yx de notre pro- blème dans son état présent), cloche membraneuse qui l'empêche de profiter autant que de coutume ? la carotide interne n'y pourra verser, ne pourra offrir à sa consommation tout le sang qu'elle y porte ordinairement. Son calibre en sera diminué ; mais, en revanche, celui de la carotide externe augmentera sensiblement. Il adviendra qu'enfin, avec l'excès des fluides nourriciers charriés par cette artère agrandie, les organes, où se trouvera trans- portée cette surabondance , seront tuméfiés et por- tés à des dimensions hyper-normales. Or ces or- ganes, avons-nous vu plus haut, sont le derme et le système osseux. Aurions - nous voulu une plus favorable appli- cation de notre principe du balancement des or- ganes? Je ne crois pas possible de mieux trouver, Cet exemple contient une exposition de ce prin- cipe tellement démonstrative, qu'elle en fait tom- ber le caractère fondamental sous les sens. L'em- prunt , comme on le voit, fait à un organe, qui en est apauvri, pour en enrichir un autre, ne peut jamais ( m ) avoir lieu aux dépens d'un organe déjà produit. Les compensations s'établissent avant que les élé- mens formateurs se séparent du fluide général en circulation, quelquefois à l'origine des artères, mais le plus souvent à leurs points de terminaison. Sur le principe du balancement des organes. Je crois avoir été compris. Mais cependant quelques lecteurs désireroient - ils encore une ex- position de ces idées plus claire et telle que les comparaisons les apportent à l'esprit, je ne me refuserai point à donner l'explication suivante. Soit, par exemple, un appareil à injection con- tenant un litre de liquide : je suppose cet appareil terminé par une canule à deux bras, chaque em- branchement de même diamètre , et chacun des bouts engagé dans des récipiens d'un volume égal et d'un litre aussi en capacité. L'appareil se vide- t-il ? c'est dans les deux récipiens , lesquels en sont à moitié remplis : et attendu que les liquides d'in- jection sont faits avec des matières qui , en se re- froidissant, prennent une consistance solide, ces injections donnent finalement deux gâteaux d'une forme à laquelle les vases ayant servi de moule ont procuré la leur. Ainsi deux organes doivent, à l'égale répartition de leurs fluides nourriciers et à l'homogénéité de leur tissu vasculaire, leur par- ( 45 ) faite identité, sous le rapport de leurs dimensions, comme sous celui de leurs formes. Mais s'il arrive qu'à cet état régulier succède un ordre de choses qui contraigne un des bras du siphon de se resserrer de manière à ce que le liquide soit distribué , trois parties dans un des récipiens pour une seulement dans l'autre, nous aurons deux gâteaux de grandeur inégale. Dans ce cas, nous sommes fondés à prononcer que l'excès de volume de l'un suit de la diminution de l'autre, et qu'il s'est établi une compensation entre ces deux produits, parce qu'ils ne sauraient dériver d'une même source sans avoir préalablement opéré une sorte de balancement entre le volumedeleursmasses. Mais cela ne veut pas dire qu'après leur forma- tion il puisse être emprunté à l'un des gâteaux de quoi fournir à l'accroissement de l'autre; c'est avant qu'ils aient absorbé et qu'ils aient vu se convertir en leur nature les matières de l'injection , que ces sortes d'emprunts sont censés faits. Et dans le vrai, il tombe sous les sens que si une très - forte somme des élémens formateurs est employée dès l'origine du système circulatoire à produire un or- gane excessivement volumineux, il reste seulement à naître un organe atrophié, et tel enfin que le comporte l'action d'un moindre nombre de ces élémens à intervenir. Ce balancement entre le volume des masses, que ( 2/,6 ) par contraction j'exprime par les mots de balan- cement des organes , est une loi générale de la nature vivante , une loi que vous saurez toujours reconnaître sans difficulté, soit que vous en consi- dériez les applications dans les déviations qui vous donnent des monstres, puisqu'un organe n'arrive point à être monstrueusement développé qu'un autre n'en devienne rudimentaire ; soit que vous élevant à la contemplation de l'organisation régu- lière, vous aperceviez, dans le tableau mouvant de ces proportions, la raison de ces formes, variées à l'infini, sous lesquelles les espèces nous sont don- nées. Car, vous n'en sauriez douter, si vous voyez chez de certains animaux de longs pieds , un corps plus robuste, une tête armée ou simplement ornée d'une manière extraordinaire, en un mot, un ac- croissement inusité, quels qu'en soient l'objet et la nature, croyez ces avantages rachetés par un sacri- fice imposé ailleurs. Il y a déjà long-temps que l'anatomie patholo- gique, comparant l'homme malade à l'homme en santé, avait vu et l'amaigrissement extrême d'un organe et tout à côté la prospérité désordonnée, accablante, et le plus souvent mortelle d'un autre : mais on n'avait encore saisi que quelques faits, dont il restait toujours à établir, et dont je crois, dans mes précédens écrits et dans celui-ci, avoir donné la condition générale. ( *#7 ) § IV. DU SYSTÈME CÉRÉBRO-SPINAL. A juger de ce système sur ce qu'en a montré le podencéphale à sa naissance, cène sont que vestiges informes : la tige médullaire s'épanouit, à son sommet , en un bulbe diversement strié à la manière d'un champignon; mais c'est surtout en voyant que les stries en sont transversales , qu'on hésite à donner à ce bulbe le nom de ce/veau, qu'on hésite en effet à prendre pour cet organe, où chez l'homme régulier se manifestent, dans une étendue et avec un volume aussi extraordinaires , toutes les nobles conditions de son espèce ; à pren- dre, dis-je, pour l'analogue d'une formation orga- nique , le fruit et le terme des plus grands efforts de la nature, ce rudiment si restreint, saillant au delà des occipitaux et y apparaissant en totalité, cette sommité du système cérébro-spinal privée de ses coiffes habituelles , de la réunion des parties osseuses dont se compose la boîte cérébrale. Et cependant telles ne sont point encore toutes les anomalies de ce noyau encéphalique. Regardez plus attentivement, et voyez qu'il s'élève par-delà sa chambre , qu'il en a traversé les dernières limites, et qu'il est assis, pour ainsi dire, sur l'extérieur des pièces formant ordinairement sa coiffe supérieure, ( a/|8 ) Du crâne ouvert à son sommet. Ce n'est point cependant que le crâne se soit ouvert exprès à son sommet : le cerveau y fait her- nie, il s'y est extravasé en traversant l'espace non encore occupé, chez les nouveau-nés, par les pa- riétaux et les coronaux; espace qu'on y désigne sous le nom de fontanelle. Ces os, qui, chez le po- dencéphale, sont favorisés dans leur développe- ment par les afflux d'une puissante artère, tendent par conséquent à parcourir tous les degrés de leur ossification possible : mais ne pouvant se répandre autour du champignon que forme alors la tige mé- dullaire, il faut qu'ils s'y établissent circulairernent, et qu'ils y reproduisent une sorte de second trou occipital supérieur et parallèle au véritable» Des dernières découvertes sur le cerveau* Naguère , et à peine quelques jours ont été em- ployés à ce perfectionnement de nos études ; na- guère , nous n'eussions pu que nous étonner à ce spectacle, que signaler une aussi singulière déro- gation aux lois ordinaires, qu'y apercevoir une dif- formité à confondre toutes nos idées : ou bien, si, à l'exemple des Curtius, des Sandifort et des Otto, nous eussions voulu rendre nos impressions et en ( 2'9 ) perpétuer le souvenir par des descriptions minu- tieuses, il eût fallu nous borner, comme eux, à compter les mammelons observables, à en donner les formes; en un mot, à en parcourir servilement tous les détails topographiques. Combien notre position est aujourd'hui changée! Depuis qu'un grand ouvrage sur le cerveau, em- brassant et la série des espèces et celle des âges , est venu donner de plus larges bases à la science ; depuis que la nouvelle méthode de détermination a si heureusement appliqué ses moyens tout-puissans de recherches à l'investigation de chaque élément cérébral; depuis qu'enfin nous avons été mis en mesure d'embrasser chacun de ces élémens tout aussi bien dans ses spécialités que dans ses condi- tions générales, nous pourrons faire mieux que de donner une stérile description des anomalies, ou, comme il est sans doute plus vrai de le dire, une stérile description de l'état incomplet du cer- veau chez le podencéphale. Que de questions se présentent à l'esprit que nous ne craindrons plus d'aborder ! Ce cerveau , d'une si extrême exiguité, en quoi pourra-t-il être comparé à celui de l'état normal? Serait-il composé de toutes ses parties , et chacune , par une réduc- tion proportionnelle, ne serait -elle qu'également soumise à la même modification, qu'atteinte par la même imperfection? ou bien, quelles portions en ( 2 .30 ) auraient été retirées , et quelles alors resteraient observables? Nous avons vu, en traitant de Fanen- céphale, que des eaux, tenant lieu chez ce monstre du système cérébro-spinal, s'étaient à toujours con- servées par impuissance de développement , nous n'omettrons pas non plus une considération de cette importance. Tels sont et le champ de re- cherches qui s'ouvre devant nous et les nouveaux points de vue sous lesquels nous pouvons envi- sager notre sujet , depuis effectivement qu'il a été répondu aux questions de l'Académie des Sciences sur le cerveau , depuis que le travail de M. Serres , connu seulement encore du public, pour avoir obtenu le plus honorable suffrage , nous donne une détermination exacte et une description com- parative de toutes les parties encéphaliques. Ce qui peut aisément dérouter, au premier aspect du cerveau du podencéphale, c'est de le voir com- posé de mammelons étages et assis transversale- ment les uns sur les autres. Mais nos souvenirs de l'hyper encéphale nous rassurent à cet égard : il paraît qu'un des effets des monstruosités est d'im- primer au cerveau une sorte de torsion. Ainsi, sans nous laisser prévenir par ce qui en est apparent à l'extérieur, nous examinerons le cerveau dès son origine, à partir de la moelle allongée. \ ( »5i ) Du système nerveux. Mais d'abord nous ferons précéder ce que nous avons à dire du cerveau par quelques observations sur le système nerveux en général. En ce qui con- cerne ses rapports avec la moelle épinière, ce sys- tème, et celle-ci pareillement, étaient dans l'état normal. Rien de remarquable, par conséquent, à l'égard des ganglions cervicaux , pectoraux et ab- dominaux. La moelle épinière s'étendait, comme cela a lieu chez le fœtus à terme, jusqu'au niveau du corps de la deuxième vertèbre lombaire, et les faisceaux nerveux qui la terminent, ou la queue de cheval, n'offroient non plus rien de particulier. Les anomalies du système cérébro - spinal sont donc partielles, cantonnées pour ainsi dire : elles n'af- fectent que la sommité de ce grand appareil, en commençant l'exercice de cette influence à partir de la deuxième vertèbre du cou. Nous avons plus haut remarqué ( dans nos Mé- moires sur i'Anencéphale ) que les nerfs , et en particulier ceux des organes des sens, avaient leur volume accru plutôt que diminué, s'il arri- vait à la partie médullaire d'être contrariée dans ses évolutions, d'être arrêtée dans ses développe- mens : le podencéphale est aussi dans ce cas. Et ce qui rentre dans l'objet de ces considérations, ( 25, ) les renflemens pyramidaux et olivaires n'étaient pas apparens, bien que les nerfs qui naissent dans leur voisinage eussent leur disposition normale. Du quatrième ventricule. J'ai donné une attention particulière à la prolon- gation médullaire de l'encéphale logée en dedans des occipitaux, et je l'ai considérée comme une sorte de pied servant de support au cerveau indé- pendamment de la moelle allongée , d'où j'ai tiré le nom de podencéphale. Cette partie de la tige médullaire (Voy. fig. 6, lett. a. ) est en effet dans une condition toute particulière soit en elle-même , soit dans ses rapports avec ses enveloppes os- seuses. En elle-même, elle constitue le quatrième ven- tricule, qui est large, surtout transversalement : elle se continue en avant comme à l'ordinaire, dans l'aquéduc deSilvius, remarquable par sa brièveté, et en arrière elle donne naissance au calamus scrip' torius, qui , chez le podencéphale, se prolonge dans la moelle épinière, jusqu'au niveau de la deuxième vertèbre cervicale. Cet état de choses est la struc- ture normale que M. Serres a observée chez cer- tains reptiles, les batraciens par exemple, et chez la plupart des poissons. De cette manière, le qua- trième ventricule entre dans le canal de la moelle a 53 ) épinière , lequel était très-ouvert à la partie supé- rieure de la région cervicale. Dans ses rapports avec ses enveloppes osseuses , le quatrième ventricule montre la plus grande exi- gence : tout le fond du canal où il est établi n'est plus en ligne avec les os qui précèdent : il s'est opéré un mouvement de bascule qui, d'une part, a porté vers le haut les ingrassiaux et généralement tout le sphénoïde jr(fig. 7), au point que, dans deux crânes, autres que celui du sujet ici décrit, les éminences de ces os s'élèvent par-delà le coronal , et qui, d'autre part, a rejeté tout-à-fait en bas les occipitaux et les rochers. Ceux-ci en effet, au lieu, * ou de se relever, comme à l'ordinaire , pour mar- cher supérieurement à leur rencontre , ou de s'é- carter et de s'étendre en ligne droite, sont, tout au contraire, infléchis et abaissés; d'où il arrive que lebasilaire x (lig. 7) est comme suspendu au-dessous du sphénoïde, que les sur-occipitaux u (occipitaux supérieurs ) prennent en arrière une position ver- ticale et parallèle, et que les rochers p et les ex- occipitaux v (occipitaux latéraux) occupent, dans une situation renversée, le lieu le plus bas, s'éten- dant extérieurement sur les os cervicaux jusqu'à déborder l'atlas. C'est dans l'espace circonscrit par ces os que se trouve séparément renfermé le quatrième ventri- cule ou le premier renflement de la tige médul- ( •"/, ) laire. Or ces os, ramenés à ce degré de petitesse , et aussi à raison de leur nombre, de leur dispo- sition annulaire et de leurs services , rappellent assez bien le groupe, l'arrangement et l'emploi des élémens dont se compose une vertèbre. Ce rapport fut trouvé, dans le même moment, vers 1807, en France, par M. Duméril , et, en Allemagne, par M. Oken; et tout ce qui a depuis été remarqué pouvant s'y appliquer , tend , aussi bien que l'observation précédente, à établir qu'il doit être approuvé. Du cervelet. Le cervelet (lettre &, fig. 6.) se voit au-dessus du quatrième ventricule : de ce qui précède, il suit qu'il n'occupe plus son bassin ordinaire, le fond des occipitaux : il a gagné en hauteur, et il déborde déjà tout le pourtour des os supérieurs. Il est, moins que le cerveau, éloigné de ses dimen- sions et conditions normales : son développement le ferait juger arrivé au degré qu'il prend entre le quatrième et le cinquième mois de la vie utérine. Il ne présente que trois sillons transversaux un peu distincts. Sa forme est celle d'un disque large et renflé, dont l'épaisseur est de 6 millimètres, et le plus grand diamètre de 37. Les hémisphères de cet organe n'étaient pas a\ï- ( 255 ) parens : on ne voyait pas encore les traces des processus vermiculaires , supérieurs et inférieurs ; ce qui établit qu'en effet le cervelet du podencé- phale s'était arrêté au degré de formation de l'âge d'à peu près cinq mois. Son bord antérieur formait un croissant assez profond, dans lequel était logée la partie postérieure des lobes. L'aquéduc de Silvius étant très-court, il n'y avait aucun vestige de la valvule de Vieussens, quoique la quatrième paire des nerfs existât : celle-ci s'im- plantait sur la partie latérale du processus cerebelli ad testes. Des rcnflemens connus sous le nom de tubercules QUADRIJUMEAUX. Au-devant de la quatrième paire et au-dessus de l'aquéduc de Silvius , on trouvait de chaque côté un bulbe creux, un peu affaissé et couvert par les côtés du croissant que forme le bord antérieur du cervelet. Avant les travaux de M. Serres , cette partie était indéterminée. Susceptible de métas- tase comme de métamorphose, rudimentaire chez l'homme et les mammifères, portée à son maximum de composition dans les ovipares, ses conditions générales et ses variations qu'occasionne la succes- sion des développemens étaient ignorées : occupant le centre à peu près de l'encéphale, l'indétermi- ( 256 ) v nation de cette partie rendait précaires, erronées, je puis dire, les déterminations de plusieurs autres. L'anatomie humaine en avait recueilli l'observa- tion comme d'un fait isolé : et comme cette ob- servation ne s'appliquait qu'à l'une des formes possibles , on était passé de là à un nom qui don- nait l'expression de la forme observée, au nom de tubercules quadrij urne aux. Il n'y avait dans notre podencéphale, que deux de ces tubercules, les bulbes que nous venons de décrire. J'en dois la détermination à M. Serres : lui seul encore a ce degré d'habileté nécessaire pour saisir ce Protée , quel qu'en soit le travestis- sement et en quelque lieu qu'il se retire. Cepen- dant fa diversité de position de ces tubercules indiquerait-elle une marche assez irrégulière pour faire craindre de devenir une sérieuse objection contre nos théories ? Je me hâte de rassurer à cet égard. Cette marche, comme vagabonde, dé- pose , au contraire , en faveur des connexions , puisque c'est à l'aide de ce principe que les tu- bercules ou jumeaux , ou quadrijumeaux , n'ont pu échapper à l'ardente investigation de mon cé- lèbre et savant confrère. Les premiers formés , ils s'étendent d'abord à l'aise ; mais bientôt engagés , chez l'homme surtout, dans une lutte avec d'autres parties qui surviennent plus tard, ils se laissent dominer et recouvrir par celles-ci, eux cessant de / ( a57 ) croître, et celles-ci, au contraire, devant former les niasses les plus considérables du cerveau. Tel est l'un des résultats les plus piquans de la nouvelle théorie, de l'ouvrage couronné. Cependant, si nous avons trouvé chez le poden- céphale les tubercules doubles au lieu de qua- druples, et creux au lieu de solides, ils n'y sont autres que ce qu'ils doivent toujours être et ce qu'ils sont dans tous les embryons humains de l'âge de quatre mois : voilà encore ce que l'ouvrage précité nous a donné à savoir. Il nous faut donc constamment nous reporter à la même conclusion : le cerveau du podencéphale est une œuvre arrê- tée à l'un des points de ses premières formations; par impuissance ou défaut de nutrition, il n'a pu être produit au delà ; en un mot, il y a là interrup- tion manifeste de développemens. Des lobes cérébraux. Immédiatement au-dessus de ces portions encé- phaliques en sont d'autres , aussi au nombre de deux(i), sous forme de mammelons , aplaties et (1) Voyez ces lobes, lett. d et g, pi. VI, fig. i , 2, 5 et 6. Le cerveau ayant éprouvé un mouvement de torsion de gauche à droite , ses parties se sont enroulées les unes sur les autres. Le lobe d, l'analogue du lobe droit, occupe la sommité, et se trouve JT, 1 7 ( **8 ) séparées parmi sillon. Ces connexions connues, et le rapport que ces masses ont également avec le cervelet, les (ont aisément reconnaître pour les lobes cérébraux. Un point cependant pouvait don- ner lieu à douter : c'est la position toute contraire de ces masses, leur situation en travers du crâne. Mais nous n'avons vu là que le même fait déjà observé et expliqué chez l'hypérencéphale , mais porté ici à la vérité à une plus forte exagération. Ces lobes auront cédé à une action provenant de l'extérieur que nous avons déjà fait pressentir, et sur laquelle nous nous réservons toujours de nous expliquer plus tard. Entraînés de gauche à droite, ils auront oscillé sur leurs pédoncules : ceci frappe d'évidence. On ne saurait non plus se méprendre sur la cause d'une plus forte torsion de ces lobes, si l'on se rappelle leur manière d'être à l'égard de l'hypé- rencéphale. Le cerveau du podencéphale, placé beaucoup plus jeune sous l'influence pathologique, d'une part y fournissait de trop petites parties, et. de l'autre n'offrait point assez de consistance pour y opposer une résistance efficace. Au surplus, ce mouvement de torsion avait évi- comme assis sur son congénère g. Il en est de même du cervelet; b\ correspondant à sa portion droite, recouvre b'1 ou la portion de gauche. ( ?59 ) déminent disjoint les lobes en avant des tubercules: nous les avons trouvés isolés l'un de l'autre. Ce dernier fait forme une circonstance très -impor- tante, comme devant aider à concevoir le mode de déformation que l'encéphale a éprouvée dans cette partie. En effet, quoique les lobes cérébraux fussent appliqués l'un contre l'autre, il n'existait entre eux aucun des moyens d'union qui ont été remarqués dans l'état normal, et qui ont été décrits si soi- gneusement. Il n'y avait ni corps calleux, ni voûte à trois piliers, ni commissures antérieures et pos- térieures : et, par l'absence de ces parties, on juge de suite qu'il ne pouvait y avoir ni de troisième ventricule, ni même les grands ventricules latéraux. Ces lobes formaient en effet une masse solide : M. Serres y a reconnu une structure qu'il avait observée sur les lobes cérébraux des oiseaux et des reptiles. Des nerfs se rendant aux organes des sens. Il n'existait aucun vestige des nerfs olfactifs, et l'on en concevra aisément le motif, si l'on fait attention que ces lobes, ayant quitté leur position longitudinale, avaient de cette manière perdu leurs rapports avec l'ethmoïde et la chambre nasale. Celle-ci offre les considérations les plus curieuses; elle croit et s'établit solidement pour n'être jamais habitée , pour n'être jamais olfactive. Rien ne prouve mieux l'indépendance et de ce contenant et de son contenu ; en sorte que je ne suis surpris que d'une chose, c'est qu'on ait imaginé le con- traire, tout en sachant que les élémens de ces deux parties organiques proviennent d'artères différentes. De ce que la carotide interne est mise dans l'im- puissance de fournir à la production des tubercules olfactifs, ce n'est pas une raison pour que le travail de l'autre carotide, l'externe, soit suspendu ou em- pêché. N'avons -nous pas vu, dans le paragraphe précédent , que c'est le fait inverse qui a lieu ? Et en effet cette dernière artère pourvoit à la cons- truction de la chambre nasale, quoi qu'arrive; qu'il y ait ou non occupation de cette chambre par la partie nerveuse olfactive : mais celle-ci venant à manquer, elle y pourvoit comme le comporte cette absence. Ce ne sont plus que des murailles très- rapprochées , que des lames osseuses , épaisses , droites et verticales : la lame ethmoïdale qui les sépare les retient à distance. N'y ayant plus de membrane pituitaire qui se roule en cornet, les élémens osseux qui y sont disséminés et qui lui servent de soutien , tapissent les parois inté- rieures de la chambre nasale, de la même manière à peu près que des enduits sont employés à revêtir des cloisons d'appartemens. ( àéi ) Les nerfs optiques étaient très -développés, ainsi que les nerfs destinés aux muscles de l'œil , tels que les troisième, quatrième et sixième paires. Les in- grassiaux avaient un relief considérable , le trou optique était large, et la fente sphénoïdale deve- nait, par son écartement, ce large espace vide du fond de l'orbite visible chez les animaux. Le nerf de la cinquième paire était beaucoup plus fort que dans l'état normal : le ganglion sphéno- palatin avait surtout un volume qui dépassait d'un tiers celui qu'il a sur un foetus à terme. Le nerf grand hypoglosse avait aussi acquis un volume considérable , et il se trouvait ainsi en rapport avec le développement prodigieux de la langue. Enfin le nerf acoustique et le nerf facial ( portion dure de la septième paire ) ne s'éloignaient pas de leur état normal. Su* la nomenclature. Tous les détails de ce paragraphe établissent, Ce me semble, que les divers cas de monstruosités chez le podencéphale ne sont rien moins que mys- tères et désordres. Tout se réduit à cette combi- naison bien simple d'un fœtus complet à tous autres égards, et défectueux seulement pour avoir, à neuf mois, le cerveau d'un embryon de cinq mois. AÉ ( tâl ) lieu dadmettre qu'une circonstance dépendant de causes extérieures , qu'une lésion d'un caractère purement traumatique , auront étendu des brides placentaires sur le cerveau , et auront ainsi para- lysé le développement de cet organe, on a préféré les suppositions les plus invraisemblables. On a vu fondre sur le fœtus, jouissant jusque-là d'une santé parfaite, les orages d'une maladie aiguë. Ces phénomènes morbides de l'être organisé, fort de la vie de relation, respirant dans l'air athmosphé- rique, et sachant se défendre de toutes les influences particulières à son monde extérieur, on les a at- tribués à un être ne participant encore qu'à la vie végétative, nageant dans un fluide et contenu dans une poche sans issue. On a enfin imaginé une hy- dropisie capable de dissoudre et de faire disparaître tout ou partie d'un cerveau jusque-là sain et entier. Des mots sont venus protéger cette manière de voir: car le nom à'hydrencéphalie trouvé, il parut qu'il ne dut plus rien manquer à la théorie. Cette théorie, protégée si à propos par la no- menclature, s'est plus tard portée à son tour réfor- matrice de la nomenclature elle-même. On entendait autrefois, sous le nom à' acéphale, tous les monstres par défaut, c'est-à-dire ceux dont la tête était privée d'une ou de plusieurs parties. Va privatif, dans acéphale, avait ainsi un sens bien déterminé. En faisant de ceci une question de grammaire, et en ( 263 ) voulant que Va privatif contienne une négation pour la tête entière, on a confondu toutes les idées. Les faits récemment découverts établissent effective- ment que, le nomenclateur a été, dans cette affaire, plus grammairien que physiologiste. Il n'admet que deux classes de monstres ; acéphales (sans tète) et anencéphales (sans cerveau). Mais tous ses acé- phales ont une tète en miniature , un crâne engagé et caché entre les épaules ; et tous ses anencéphales ont un cerveau organisé comme ceux des premiers âges de la vie utérine, à l'exception cependant de l'espèce de monstruosité à laquelle j'ai, en parti- culier, donné ou plutôt conservé le nom (Ya/wn- céphale. Ayant ainsi ramené la monstruosité du poden- céphale à consister uniquement en une réunion hétérogène d'organes d'âges et de développemens différens, où la rangera-t-on dans la classification enseignée dans les écoles? Parmi les anencéphales? 11 le faudra bien, et l'on y est contraint : car c'est bien moins un acéphale, selon la nouvelle accep- tion de ce terme. Et c'est ce que je vis en effet pratiquer, le 28 août dernier, à l'Hôtel -Dieu : médecins, professeurs de clinique, élèves, je les entendis tous se donner, dans les mêmes termes, la nouvelle qu'il venait de naître un fœtus an en- eéphale. Eh quoi! il serait un anencèpt'ïale, un être sans ( 264 ) cerveau , ce monstre où nous venons d'observer un cerveau simplement retardé dans l'ordre des développemens, un cerveau véritablement normal au fond! Avant la réforme de la nomenclature , on n'eût pas été exposé à faire ainsi usage d'expressions dé- menties par les faits; on eût annoncé cette naissance sous la désignation d'un fœtus acéphale, sans que ce pût devenir amphibologique. Personne ne s'y serait mépris , et chacun eût seulement entendu , sous cette qualification, un fœtus irrégulier par la pri- vation d'une ou de plusieurs parties de sa tète. La cause de ce désordre est manifeste. On s'est trop pressé : la nomenclature n'a pas suivi les faits, mais les a précédés. Les mots sont facilement in- ventés dans le cabinet ; les faits , au contraire , ne s'acquièrent que par un travail opiniâtre et persévérant. Heureux encore quand cette création intem- pestive de mots n'est qu'une surcharge pour la science , comme dans un article récent , intitulé : Anatomie d'un chien cjclope et astome (i). On a voulu dire : Chien à un seul œil et sans bouche. Pour le mot cjclope, il est devenu français; mais à quoi bon la forme insolite du second qualificatif? (i) Journal de Physiologie expérimentale , par F. Magendie D. M. ? tom; i , p. 3 14. ( 265 ) Si du inoins l'emploi de la nouvelle méthode de détermination avait, dans cet article, compensé cet inconvénient! mais on y a manqué l'observation du fait fondamental , en prenant les deux caisses de l'oreille , soudées ensemble , pour la mâchoire inférieure. Sandifort le premier se servit du mot anence- phalus dans l'esprit que fait connaître l'exemple précédent, pour exprimer adjectivement une cir- constance d'organisation : c'est plus tard qu'on a abusé de ce nom , en l'étendant à toute une famille de monstres. Mais , au surplus , on doit en con- venir , ces hésitations sont très - excusables. Les monstres ont formé, jusqu'à ce moment, une ques- tion qui n'était pas encore arrivée à maturité. Pour la traiter avec toute l'exactitude et toute la pro- fondeur désirables, il fallait que beaucoup d'autres sentiers de la science fussent parcourus, et que surtout et en première ligne, les déterminations de toutes les parties encéphaliques eussent été données. § V. Des voies digestives. Delà correspondance de leurs anomalies et de celles du cerveau. S'il n'est point de parties dans un corps organisé (*66) 1 quelles ne soient engagées dans de mutuelles relations, ce ne peut être également et ce n'est point pour toutes dans le même degré. Parmi les systèmes le moins susceptibles de cette correspon- dance ou de cette sujétion réciproque sont, je crois, au premier rang, le cerveau et le canal intestinal. Qu'on interroge leur position respective, leur forme, leur composition ou leurs fonctions, on trouvera que ces organes ne sauraient différer davantage ; et qu'ils sont par conséquent, l'un à l'égard de l'autre, dans une sorte d'indépendance. Cependant étendrions-nous cette conséquence aux cas monstrueux ? Nous venons de dire quelles sont chez les podencéphales toutes les anomalies du cerveau : nous en avons d'autres à faire con- naître au sujet des voies digestives. Les unes se- raient-elles occasionées par les autres? Telle est sans doute une question assez délicate. Voudrait-on soutenir la négative ? on a à faire valoir, outre les raisons que fournit déjà l'indé- pendance des deux systèmes , qu'il n'existe de monstruosités qu'en vertu d'influences extérieures. Et, dans le vrai, plus nous avançons, plus nous avons sujet de nous convaincre qu'il n'y a pas de monstruosités sans l'intervention de brides émanées des membranes de l'œuf et dirigées sur le fœtus. Rien ne répugne en effet à ce qu'il existe deux ordres de brides à part, les unes en tête et les autres en ( *&} ) queue, et, de cette manière, deux sortes de mons- truosités tout-à-fait indépendantes, quoique réunies dans le même individu. Tout en convenant de la valeur de cette argu- mentation, il n'y aurait cependant pas à en conclure avec certitude que le podencéphale pût exister sans l'alliance de ces deux ordres de monstruosités. L'un ne serait pas engendré par l'autre; voilà seulement ce que prouverait l'indépendance des deux grands organes. Mais les deux ordres de monstruosités peuvent reconnaître pour cause une seule et même lésion, et, par exemple, une déchirure du chorion, et l'extravasion des eaux de l'amnios : n'y ayant plus de fluide interposé entre le fœtus et ses en- veloppes , et l'utérus conservant son action com- pressive, c'est là un état de choses favorable à des adhérences , et par conséquent à la production de brides en plusieurs points des surfaces en contact. Cependant il est douteux qu'une seule bride suffise à fixer le fœtus au placenta , et il l'est da- vantage que le tronc y puisse long-temps demeurer attaché par l'une de ses extrémités. Dans le petit nombre d'observations que nous avons recueillies à cet égard, c'est le fait contraire qui est constant. Il est de ces brides multipliées tout le long du dos chez l'anencéphale , et il en existe aussi plusieurs chez l'hypérencéphale de répandues sur Sa tète et sur la plupart des viscères thoraciques. Les brides ( i6S ) en tète et en queue, dont nous avons retrouvé les traces sur le podencéphale , seraient donc ne cessaires l'une à l'autre; nécessaires, parce que l'une manquant expose l'autre à se rompre de bonne heure : événement effectivement capable de faire avorter la monstruosité, en la restituant à l'action du nisusformativus, et en ramenant de cette manière le fœtus aux conditions normales. C'est sous ce point de vue que nous rattachons les deux sortes de brides et par conséquent les deux ordres de monstruosités à un même fait, et que nous nous décidons à en regarder l'alliance comme obligatoire dans le podencéphale. Cette conjecture fondée, les caractères de notre monstre se composeraient tout aussi essentiellement des anomalies des viscères abdominaux que de celles du cerveau. Cependant en quoi consistent ces anomalies? Nous ne craindrons pas de nous étendre sur ce sujet. De la division du canal intestinal. Les voies digestives, n'ayant été primitivement considérées que dans une seule espèce/ et chaque circonstance de longueur et de grosseur ayant par-là offert un égal sujet d'intérêt, furent dès-lors divisées d'une manière fort arbitraire. Ce qu'on a imaginé à cet égard n'est pas même applicable à tous les ( 2 colorant, un ou deux autres élémens encore (i), on y a reconnu les matériaux du sang. On n'a donc point alors réfléchi à la difficulté qu'il y a pour qu 'ipso facto des matières alimentaires, qu'on sait variées à l'infini , auxquelles il n'arrive guère d'autre changement dans l'intestin que d'être extrêmement divisées, éprouvent constamment le même mode de transformation , passent tout à coup à la qualité d'un fluide animalisé. Ces questions occupent beaucoup en ce momenf, mais peut-être d'une manière trop particulière. Des expériences très-ingénieuses ont été entreprises; les faits se multiplient : mais cela ne suffit pas tou- jours. Pourquoi, dans le vrai, ne point prolonger davantage sa vue, l'étendre sur toutes les circons- tances concomitantes? Tant de faits nouveaux ne doivent pas rester inutiles, parce que, dominé par l'autorité de l'école, on n'osera point conclure aVec eux contre une théorie dont cependant ils ren- versent les fondemens. Ces réflexions sont particulièrement applicables à de savantes recherches (2) qui ont obtenu, au (1) Mémoire sur l'hématose et le sang en général, par M. le docteur Prout. Voyez Journal complémentaire du Dictionnaire des Sciences médicales , tom. 1 1 , p. i32. (2) Recherches sur la route que tiennent diverses substances pour passer de l'estomac et du canal intestinal dans le sang , par mm. Tiedemann et Gmelin. Paris , 182 1. | - ( 3n ) jugement de l'Académie des Sciences, Y accessit au prix de physiologie décerné en 1821, à l'ouvrage de MM. Tiedemann et Gmelin. Ces savans physiolo- gistes ont fait avaler à des chiens et à des chevaux, tantôt des substances colorantes, tantôt des matières odoriférantes, ou quelquefois des substances salines mêlées avec les alimens. Les animaux ont été tués après un intervalle de huit, dix. ou douze heures, pour donner au canal thoracique le temps de se remplir. Evidemment MM. Tiedemann et Gmelin étaient partis de la supposition qu'ils trouveraient dans le chyle et dans les résidus excrémentitiels quelques traces de ces substances. Les faits ne ré- pondirent nullement à leur attente. Dans les seize expériences qu'ils ont faites , et dont ils ont varié les procédés avec une rare sagacité, il ne leur est point arrivé de trouver le chyle altéré, tandis qu'ils ne manquèrent jamais d'observer des traces plus ou moins manifestes des matières colorantes, odorifé- rantes ou salines qu'ils avaient mêlées aux alimens, d'abord dans tout ou partie du canal intestinal, et ensuite dans diverses portions du système veineux, et même au delà, dans des organes ressortissant de ce système. La conclusion naturelle de pareils faits était sans doute que les produits de l'actuelle diges- tion ne se rendent point dans les vaisseaux lactés , mais qu'ils se partagent entre les voies intestinales el celles du système veineux. ( 3»« ) Dirai-je présentement comment le mucus, in- troduit dans les vaisseaux lactés, s'élève, par l'ac- tion nerveuse, à l'état de chyle; comment une partie de ce fluide s'emploie à renouveler le tissu cellulaire, et comment l'autre est délaissée sous la forme de lymphe, à titre de résidu, dans les vaisseaux lymphatiques; comment les molécules vieillies du tissu cellulaire sont absorbées par le système vei- neux, et comment, reportées dans les voies arté- rielles, elles deviennent des matériaux plus avancés en organisation, plus annualisés, qui affluent les unes sur les muscles, et les autres sur le cerveau? Tous ces points de haute physiologie ne sauraient être traités ici. Nous ne devons chercher en ce moment qu'à entrevoir la possibilité de la transfor- mation du mucus en substance médullaire. Ainsi ce ne serait que de proche en proche et qu'après diverses élaborations que le système cérébro-spinal recevrait le mucus en dedans de ses enveloppes : ce qui parviendrait dans ce système serait donc alors du mucus à un deuxième ou à un troisième degré d'organisation, non plus lui en nature, mais une autre substance dont il aurait fourni le fond, mais lui ouvragé.... Je ne dévelop- perai point davantage ces idées. Je ne puis marcher qu'avec les faits , et ce n'est point ici le lieu d'ex- poser ceux beaucoup trop nombreux qui leur servent de fondement. Mais surtout je dois me ( 3i3 ) garder d'un fâcheux écueil, et craindre de substituer au roman convenu de la physiologie sur ce point un roman qui ne serait avoué que de moi seul. Heureusement que ces réflexions sont, jusqu'à un certain point, étrangères à l'objet de ce para- graphe : je puis sans inconvénient les écarter. Il me suffit de pouvoir faire le raisonnement suivant avec quelque confiance en sa justesse. Si le cerveau du podencéphale fût parvenu à l'état volumineux d'un cerveau normal, il ne fût pas sans doute arrivé au colon d'être rempli par tant de mucus, et d'avoir acquis de plus grandes dimensions pour le contenir. Cet emploi du mucus nous ramène à notre pre- mière question : la sécrétion de cette substance est donc l'un des premiers et des plus précieux fruits de l'œuvre organique ( i ). Toutes les surfaces muqueuses (i) Ce résultat paraît avoir fait partie des théories médicales et physiologiques il y a plus d'un siècle : je l'apprends par quelques réflexions critiques de Fourcroy, consignées dans l'ar- ticle cité plus haut. Ce célèbre chimiste y rappelle les opinions de l'ancienne école sur le mucus ou le corps muqueux, aux- quelles les travaux de Fouquet et de Bordeu donnèrent depuis tant d'éclat et de vogue , et où l'on soutenait que cette substance remplissait les mailles du tissu cellulaire et servait à la nutrition. Fourcroy ne pense pas qu'on doive considérer ce fluide comme corps nourrissant : le mucus, ajoute-t-il, ne se montre jamais que sous la condition d'un résidu excrémentitiel. Jamais , c'est . ( 3i4 ) s'appliquent à le produire. Par conséquent l'intes- tin jouirait d'une sorte d'activité chez le fœtus, et par conséquent aussi la nutrition de ce premier degré de l'être animal par le moyen de ses voies intestinales serait présentement un fait acquis. Sut* l'identité des fonctions de l'intestin chez le fœtus et chez V adulte. Mais dans quelles limites venons-nous de cir- conscrire ces conclusions, quand nous pouvons les étendre davantage? De premières études nous avaient anciennement prévenus contre l'organisation, et n'avaient guère fait naître en nous qu'un sentiment de stérile admi- ration. Nous avions cru, et, pour ce qui nous reste encore à découvrir, nous croyons toujours, compli- qué à l'excès et placé hors de la portée de notre in- telligence ce que nous n'avions pu, ce que nous ne pouvons comprendre. Cependant de plus heureux efforts nous ont dans la suite avertis qu'à de certains égards nous nous étions trompés, et ils ne nous ont plus causé d'autre surprise que celle de trouver peut-être trop dire : ce n'est vrai, je pense, que dans quelques cas particuliers , comme quand le mucus forme l'humeur sécré- tée des narines et des bronches, etc. , ou quand il fournit le fond des fluides de la perspiration, les matériaux de la sueur. ( 3i5 ) au contraire simple à l'excès ce que nous avions eu auparavant le tort de croire inextricable. C'est pénétré de ces idées que je n'eusse osé prendre de confiance dans ma nouvelle manière de concevoir la nutrition intestinale du fœtus, si mon explication eût dû se renfermer dans les faits de la vie utérine. Une théorie restreinte dans ses applications est rarement la représentation fidèle des phénomènes de la nature. Je n'ai pu croire qu'il existât un mode particu- lier de nutrition pour le fœtus, et un autre différent pour la vie de l'adulte. Il n'y a qu'un fond commun pour tous les composés organiques, et, de même, qu'un ordre uniforme pour présider à leur arran- gement. Ainsi, sans admettre une diversité essen- tielle dans le mode de nutrition du fœtus et de l'adulte, sur le motif qu'il y a ingestion possible et obligée chez l'un, impossible et inutile chez l'autre, d'alimens solides dans l'estomac , je ne vois là qu'une différence dans les actes préparatoires. Cette introduction d'alimens venus du dehors crée dans l'exécution une difficulté qui, pour être surmontée, exige un rouage de plus; lequel porte ainsi à plus de complication, et élève finalement l'être à un plus haut degré de composition. Effectivement la nutrition des deux âges diffère beaucoup moins qu'on ne l'a cru jusqu'ici. Ce qui suffit pour la ramener à l'identité, c'est que les ( 3i6 ) artères mésentériques soient dans l'un et dans l'autre cas également entretenues dans une fluxion continuelle, et qu'elles déposent du mucus dans les voies digestives tout aussi constamment qu'a- bondamment. Or cette continuité d'actions et de versemens est incontestable. Ce qui l'assure chez le fœtus est l'irritation des membranes muqueuses par la bile ; et ce qui cause de même , mais à un degré supérieur, cette continuité d'actions chez l'adulte, ce sont ensemble la bile, qui alors prend cependant à l'événement une bien plus faible part, et la pelote alimentaire, qui y prend la part la plus considérable (i). » (i) Ces différences tiennent encore à une autre cause. L'ir- ritation des membranes muqueuses est d'autant moindre à l'intestin chez le fœtus , qu'elle est plus considérable à la peau. Or elle est continuellement entretenue aux surfaces cutanées par les membranes de l'œuf et les eaux de l'amnios, que les con- tractions de l'utérus font peser sans relâche sur ces surfaces. Ces eaux elles-mêmes ne seraient-elles pas un résultat des sécrétions muqueuses , au même titre que la sueur ? Leur aug- mentation successive dépendrait alors de ce qu'elles sont versées dans une bourse sans issue, les membranes de l'œuf; et leur état de fluidité serait entretenu par un calorique abondant que ne saurait enlever, comme cela se passe à l'égard d'un animal adulte, le contact des corps environnans. Plusieurs physiologistes ont imaginé que les eaux de l'amnios se rendent dans l'intestin après avoir été avalées par la bouche. J'ai déjà dit plus haut que cela n'était point praticable pour les (3.7 ) A ce moment la pelote alimentaire n'agit qu'en raison de sa masse, par un pouvoir simplement mécanique : car, en distendant l'intestin, elle en- trouvre les pores des membranes muqueuses (i). Le mucus s'écoule ; il se verse sur elle, et, venant à la baigner de toutes parts, il en favorise le glis- sement. Un second effort semblable au premier et de mêmes résultats ont lieu un peu plus loin dans monstres qui naissent sans bouche, ou avec la bouche fermée. De ce nombre sont les stomencéphales et les triencéphales de mon système de classification. Les méats des autres organes des sens, ou ceux par où se termine le tube digestif, y suppléeraient-ils ? Quoi qu'il en soit, ce qui demeure certain pour moi, c'est que les organes des sens n'existent point seulement dans le fœtus, pour les services qu'ils auront à rendre un jour : ils y existent à cause d'eux-mêmes, comme étant une partie inté- grante et indispensable de l'embryon, comme se trouvant nécessairement compris dans ses moyens d'action et de for- mation. Les organes des sens sont des portes, des routes, et en général des moyens de communication, dans la vie utérine comme dans l'autre vie , entre l'intérieur et l'extérieur de l'être ; dans la vie utérine, entre les fluides se rendant au système cérébro-spinal et ceux remplissant les membranes de l'œuf. Cela seul rend raison du prompt et considérable développement de ces organes, principalement de celui des yeux, qui, chez la plupart des oiseaux , forment , à un moment donné de l'in- cubation , le tiers de l'embryon en volume. (i) Ou bien les déchire par petites fentes, que le mucus, le fluide assimilable par excellence, remplirait et rétablirait aus- sitôt. ( 3.8 ) l'intestin , et ainsi de suite sur tous les points du canal. En songeant au nombre des pelotes alimen- taires qui se succèdent dans un temps donné et à l'étendue de l'intestin qu'elles ont à parcourir, on peut aisément se faire une idée de la prodigieuse abondance de mucus que sécrètent les intestins. C'est prodigieux, il est vrai; mais, pour ne pas trop s'en étonner, qu'on réfléchisse à l'énorme dépense de matériaux invisibles que font à chaque moment les animaux par tous les actes vitaux , la respiration, la perspiration, toutes les sortes d'exha- lation, et, par dessus tout, les incorporations. Les versemens des artères mésentériques sont continuels : mais ces afflux ne sont possibles qu'au- tant qu'il est continuellement ajouté à la masse du sang. Ici cessent les identités à l'égard des deux âges que nous comparons, mais non encore, mais non jamais les analogies. Les moyens de remédier à la déperdition du sang existent dans une dispensation périodique et abon- dante d'élémens reproducteurs. Ces élémens ne profitent à l'animal que quand il est parvenu à les accommoder à son essence. i° Quant au fœtus. Rien de moins compliqué que ce qui se passe en lui à cet égard : les vaisseaux de sa mère dégorgent dans ses vaisseaux, par l'in- termédiaire du cordon ombilical, un aliment. dis- pensé de sanguification. Tout autant que les artères ( 3.9 ) mésentériques consomment de sang au profit des voies digestives, il en est ajouté dans une même raison à l'aorte , leur tronc commun, par les afflux de la veine ombilicale. a° Quant à l'être respirant dans l'air atmosphé- rique. J'ai déjà dit qu'un rouage de plus lui était nécessaire. Il ne reçoit plus rien du tronc sur lequel il s'est développé. Son monde n'est plus une cage utérine : mais, s'il jouit de plus de liberté dans le monde extérieur, il y est en proie à tous les besoins; il doit, pour ne pas cesser d'être, y aller puiser des élémens régénérateurs, qui remplacent le sang con- sommé. Dans ce cas , des rouages préexistans à sa naissance entrent enjeu ; et, en effet, la portion an- térieure de son canal alimentaire'vient se mettre en rapport avec les choses de son nouveau domicile. Il a recours à des alimens non plus dispensés de sanguification , mais tenus au contraire de passer par une suite d'opérations pour se convertir en sang (i). L'estomac, l'œsophage, le pharynx et la bouche, tels sont les principaux rouages mis en œuvre pour l'entretien de cette machine selon les nouvelles conditions de son existence. L'identité n'est plus où est d'un côté dispense, et de l'autre obligation; et cependant l'analogie (i) Voyez, sur tous les faits de cette conversion, le Mémoire déjà cité de M. le docteur Prout. ( 3ao ) l'entrevoit clans le lointain toujours subsistante : car la mère, qui s'est nourrie elle-même des choses du monde extérieur, n'a fait, à l'égard du fœtus, que dispenser celui-ci de soins qui eussentYépugné à sa délicatesse. L'oiseau, qui dégorge dans le bec de son petit une nourriture qu'il a rendue comme chymeuse, n'agit pas différemment. Corollaires. J'ai abordé dans ce paragraphe plusieurs points d'une haute physiologie : mais , loin de regretler de ne m'étre pas livré au développement des questions que je n'ai qu'à peine effleurées, je crains bien de m'y être étendu plus qu'il n'était convenable dans ce Mémoire. Je terminerai par une dernière réflexion. Je me suis demandé, dans le premier article du § V, si les anomalies des viscères abdominaux dépendaient nécessairement de celles du cerveau , et j'avais cru entrevoir que les conditions de monstruosité du podencéphale se composaient tout autant des unes que des autres : n'ayant pu alors faire entrer dans cette discussion les dernières considérations qui viennent d'être exposées, ces conclusions étaient conjecturales et par conséquent données provisoi- rement. Mais présentement je ne puis douter que la co-existence de ces faits de monstruosité ne soit dans la relation d'un effet à sa cause. ( 3ai ) § VII. Des organes génito-urinaîres. Du rectum s' ouvrant dans ces organes. Le podencéphale présente un vice de conforma- tion qu'on est dans l'usage de désigner sous le nom d'im perforation de l'anus : son rectum n'aboutis- sait, ni ne s'ouvrait en dehors. Cette observation fait désirer de savoir davan- tage. Que devient cet intestin? quel est son mode de terminaison? quelles parties à son extrémité sont heurtées par les matières qu'il renferme ? Ces questions, dans des cas semblables, ont déjà beau- coup occupé. L'art, en effet, s'est proposé devenir au secours d'une nature en désordre : s'erapiovant ainsi à l'achèvement d'une formation or^aniaue, il a souvent comme réparé une méprise, en pro- curant aux matières excrémentitielles une issue nécessaire à leur dégorgement. Cependant les opé- rations ne furent pas toujours également suivies de succès, et l'on apprit par là que l'occlusion de l'anus dépendait de causes différentes. Le cas où cette difformité s'écarte le moins de la règle est celui du rectum, qui se rend droit au point accoutumé de la peau, et qui s'y épanouit à sa surface intérieure : la plus petite incision pratiauée ramène les choses à l'état normal 5 mais assez sou- 11. 21 ( 322 ) vent il y a déclivité du rectum. Si le rectum s'in- fléchit en arrière, il va se perdre dans les mailles du tissu cellulaire, accompagnant les dernières enveloppes des vertèbres coccygiennes ; mais , s'il se porte en devant, il vient s'ouvrir dans les voies urinaires, où nécessairement il est un sujet de trouble et par conséquent de grave incommodité. Tous ces faits de position et d'insertion ont été rapportés et sont décrits avec beaucoup trop de soin dans les traités de médecine opératoire, pour que je croie nécessaire de m'y arrêter plus long- temps. Le plus simple coup d'œil porté sur les figures 8, 9 et 10 de notre sixième planche suint pour montrer que le podencéphale était dans ce dernier cas. Son rectum s'ouvrait en effet , si ce n'est absolument dans la vessie urinaire, du moins tout près de son col , dans le canal de l'urètre. Ce changement de relations donnait à ce canal, re- marquable déjà par sa plus grande largeur, une apparence dont les oiseaux fournissent seuls un exemple : les urines et les matières fécales s'y ren- contrant ou étant dans le cas de s'y rencontrer (ainsi que cela s'est vu par exemple chez un enfant que ce désordre, au rapport de Flajani, Osserva- zionl di Chùurgia, t. /j? oDS« $&> ne &* périr qu'au huitième mois de sa naissance), il en résulte que cette voie commune paraît transformée en un ( 3^3 ) cloaque, rappelant, par sa forme, la voie unique des déjections chez les oiseaux. analogies avec les oiseaux. Par ce premier aperçu, je serais déjà conduit à comparer les anomalies des organes génito - uri- naires du podencéphale à l'état normal des organes correspondants des oiseaux, si dès le début une dif- ficulté ne m'arrêtait. Je parlais d'un cloaque com- mun chez le podencéphale ; mais sais-je véritable- ment ce qu'est cette bourse chez les oiseaux? Le mot de cloaque , inusité partout ailleurs en ana- tomie, appartient à l'enfance de la science. Il a été imaginé sans qu'on y ait attaché une idée de rap- port. Ce n'est point le nom d'une chose, c'est celui de sa fonction. Tout est là reprochable; l'objet n'est point défini : on a agi sans vue générale, et dans le seul point examiné on a fait une fausse appli- cation. La grande poche, dite le cloaque commun pour avoir paru commune aux urines et aux ma- tières stercoraies, reste, dans le fait, étrangère aux unes et aux autres, et jamais n'en contient la moindre parcelle. Il y a mieux; bien qu'elle soit an devant du rectum, elle perd momentanément son caractère de tube ou de canal pour que les matières excrémentitielles n'aient point à la traverser sous cette forme. Et en effet l'oiseau qui se dispose à lien ter prépare à l'avance toutes les parties de cette grande poche. Craignant d'en salir les parois inté- rieures, ce n'est que quand il a pris cette précau- tion, je pourrais presque dire, quand il a rangé toutes les pièces d'un vêtement extérieur, qu'il fait saillir en dehors son rectum, et qu'il se débarrasse. Ce prétendu cloaque commun, qu'il faut bien avouer à ce moment être d'une nature encore in- connue, attire mon attention, et j'en vois de plus le fond s'ouvrir dans une autre partie, dont le carac- tère, bien différent, est en outre très-remarquable. Quel est l'objet de cette dernière? Nouvelle obscu- rité; car je ne connais de publiées nouvellement à son sujet que quelques citations de MM. Schnei- der (i) et Tannenberg (2), qui se sont bornés à rappeler ce qu'en avait dit plus anciennement Fabrice dAquapendente, vesicula in quam semen emitlit gallus , et qui, dans ces circonstances, ont consacré les droits de l'inventeur en distinguant l'objet de sa découverte sous le nom de bursa Fabricii. Voilà (]eux poches donnant l'une dans l'autre que nous connaissons si peu que nous ne savons encore comment les nommer. Cependant c'est à (i) Samml. vermischtcr abhandi. zur zoologie > p. 1 4 7« (2) ylbhandl. ùber die tnannlicfien zeùguiigôtheUe dcr vogêl. Cœtlingen, 1810. p* 24. (325) ces deux récipiens que l'entraînement de notre sujet nous porte à comparer les principales ano- malies du podencéphale en ce qui concerne ses organes génito - urinaires. Evidemment il n'y a point de rapport, point de résultat scientifique à espérer d'un travail où l'on ne comparerait que des inconnues. Ces réflexions nous en disent assez pour nous mettre sur la voie et pour nous tracer une règte àè conduite. En conséquence nous nous occupe ro,. s d'abord du plan constamment suivi à lézard ues oiseaux, en le ramenant à celui des mammifères, pris pour point de départ et pour terme de compa- raison, et nous n'en saurons dans la suite que mieux apprécier le degré et l'importance de l'aberration que nous fait connaître la monstruosité du poden- céphale. • " Des organes génito -urinaires des oiseaux, non entièrement ramenés à une forme générale. A ce moment de nos recherches, nous ne pou- vons manquer de confiance dans l'esprit qui les a dirigées jusqu'à ce jour, dans notre idée fondamen- ale, la théorie des analogues. Des jalons existent déjà sur la route. Quelques parties des organes sexuels des oiseaux ont, au premier abord, paru d'une identité si évidente avec leurs correspomians ' ( 3^6 ) chez les mammifères, qu'il n'y a jamais eu à leur égard de dissentiment. La conformité des ovaires , de la grappe et des tubes oviductes pour les femelles, et celle des testicules , des canaux défère ns et des pénis pour les mâles, sont un fait acquis dès les premiers temps de la science, un rapport trouvé par les anciens. On s'arrêta au point où nous en sommes aujourd'hui dans la découverte de ces ana- logies; on ne sut plus ce que ces organes avaient de commun à partir du lieu où ils viennent se réunir, et, comme on le croit, où ils viennent se confondre dans l'appareil urinaire. Cet amalgame se fait différemment, suivant les familles dans les- quelles on l'observe : mais on ne fit pas celte dis- tinction, sans doute par indifférence autrefois, et de nos jours préoccupé qu'on était par des idées systématiques ; et en effet un tout autre esprit ré- gnait dernièrement dans l'école. Au fur et à mesure que la zoologie prit de l'extension , on parut croire que le terme de tous les efforts était le perfection- nement de ses classifications, et presque sans s'en apercevoir, et à cause d'elle, l'on dévia de la route tracée par Àristote. Les choses se passaient ainsi, quand, en ce qui concerne les organes sexuels des oiseaux et des mammifères, il paraissait cependant plus naturel de conclure des premiers rapports si facilement découverts qu'un second effort ferait tout aussi (3,7) aisément retrouver dans le surplus de ces organe^ les autres rapports qui restaient à connaître, et qui ne manquaient probablement à la science que parce que l'intervention de quelques parties étrangères était parvenue à les masquer. Mais ce ne fut ni ne pouvait être l'objet d'anatomistes occupés de clas- sifications zoologiques. On était parvenu à une époque où l'on dut croire que le perfectionnement de ces classifications tenait à marquer avec rigueur et même à prolonger les intervalles qui séparent les familles, et l'on se montra uniquement sensible à l'avantage de faire ressortir tant de différences caractéristiques. Cependant se porter sur les ressemblances ne pouvait être qu'un moyen de plus de juger de la véritable valeur des différences. MM. de Candolle et Meckel viennent de le reconnaître et de s'en expliquer formellement dans des ouvrages récens ; le premier, dans une deuxième édition de sa Théorie de la Botanique { et le second, dans son nouveau Système cVanatomie comparée (i). .(i) « Les naturalistes sont aujourd'hui divisés en deux séries... « Les uns semblent voir seulement les différences que les êtres « offrent entre eux , et les autres recherchent avant tout les res- « semblances plus ou moins intimes, qui lient et rapprochent « entre elles les espèces naturelles... On sent aujourd'hui le « besoin de ï'oBsSrVation des ressemblances, qui seules peuvent ( 3^8 ) C'est ainsi que divers tâtonnemens en faveur de la zoologie sortirent la science de l'organisation de la voie où les travaux d'Aristote et de son siècle l'avaient placée. Mais ce ne pouvait être que pour un moment. Il était réservé à la science qui s'oc- cupe de spécialités au sujet des animaux , d'y ramener plus tard, en montrant que toutes les formes se nuancent à l'infini, et en portant par la multiplicité de ses faits, avec rigueur et cer- titude, sur l'idée qu'il n'y a fondamentalement qu'une seule organisation et, pour ainsi dire, un seul animal plus ou moins modifié dans toutes ses parties. Ce qui fit qu'on ne ramena pas à l'unité de for- mation le surplus des organes, sexuels des oiseaux, comme on l'avait fait pour quelques-unes de leurs partie^, c'est que, dans le point où ces organes vpift se mettre en communication avec les choses du monde extérieur, ils sont réellement mécon- « mener aux idées générales et philosophiques, » Decanbolï.e , Théorie de la Botanique , édition de 18 19, préface, p. iij. « Je pense présentement, dit aussi M. Meckel dans la préface «de son nouvel ouvrage, qu'on ne s'élèvera pas aux hautes « considérations des formations organiques, si l'on ne s'occupe « tantôt de l'appréciation des différences Çma.nnichfaltigkeit) , « et tantôt de l'unité ou. de l'analogie {einheit ober die analogie), «des parties de .l'organisation. » Meckel, System der verzei- chenden anato mie. Halle, 1 82 t . ( 3*9 ) naissables : ils n'y arrivent pas seuls, mais ils se greffent et s'anastomosent avec d'autres voies de- vant aussi aboutir extérieurement. C'est donc la difficulté de distinguer dans ces issues ce qui leur appartient en propre, qui empêcha toute recherche et paralysa les efforts. Reconnaître ce fait, c'est avoir déjà montré où existent les inconnues de notre problème; et pour les éliminer entièrement, nous n'aurons plus qu'à nous élever si haut que de là nous puissions em- brasser à la fois et la généralité des êtres et le caractère des modifications variées dans lesquelles peuvent être entraînées toutes les parties de ces organes. Or ce qui d'abord se manifeste avec la plus grande évidence, c'est leur tendance com- mune à se rendre et à se produire au dehors clans tous les animaux. Pour ne point nous laisser in- fluencer par des idées acquises, par quelques pré- jugés, oublions ce que nous avons nous-mêmes rapporté plus haut : revoyons les faits , pour , d'après eux, recomposer nos idées; c'est à-dire, ne craignons pas de demander, même à ce moment, si chaque système ne jouirait pas de moyens propres pour déboucher à l'extérieur. Ces systèmes sont les trois grands appareils des parties postérieures du tronc : ils sont aussi dis- tincts quant aux pièces qui les constituent que dans l'objet de leur destination ; tels sont l'appareil ( 33o ) digestif, l'appareil urinaire et l'appareil générateur. Les produits dont ils parviennent à se débarrasser en les versant au dehors ne sont par moins diffé- rens les uns des autres. Je rappelle que ce sont, pour le premier, les matières stercorales ; pour le second, l'urine; et pour le troisième, la liqueur séminale. Cependant comment, étant si différens dans leur composition et dans leur objet, arrive-t-il qu'ils aient une si grande tendance à se porter les uns vers les autres? Je crois que c'est parce qu'ils sont pareillement le terme des fonctions extra-nutri- tives, également des organes de déjection pour les matières non assimilables ou formant surcharge dans les réservoirs. C'est la même nécessité qui les entraîne vers les mêmes lieux, mais non une con- venance, une affinité réciproques. Le tronc, servant de théâtre aux jeux des principales fonctions de la vie, est le tonneau des Danaïdes; c'est une sorte de manchon qui reçoit à l'une de ses entrées , et qui rend à l'autre : tout ce qui n'est point incorporé dans l'animal est nécessairement refoulé du côté opposé à l'ouverture d'arrivée. Ainsi toutes les eaux d'une même chaîne de montagnes se rendent dans un même bassin , et viennent de plusieurs lieux aboutir à l'autre extré- mité des canaux qu'elles ont parcourus. Il ne s'en- suit pas pour cela qu'une rivière soit, dès son ori- ( 33i ) gine, dans une relation obligée avec les autres rivières du même confluent. Toutes celles d'un même bassin cèdent à une nécessité inhérente à leur propre nature lorsqu'elles tombent dans le même point d'arrivage, soit qu'en effet elles gagnent la mer avant de s'être rencontrées et confondues , soit qu'elles ne parviennent à la mer qu'après avoir opéré leur jonction. Mais, quoi qu'il arrive à cet égard, il est certain qu'il n'est rien changé par là à la distribution primitive des eaux, aux conditions prescrites successivement à leur cours par la dis- position des terrains supérieurs. Sans doute que, si au début des observations anatomiques on eût trouvé les trois appareils de décharge se terminant chacun par une embouchure particulière, cette distinction eût mieux servi la faiblesse de. notre intelligence que leur confusion apparente dans les oiseaux : et cette combinaison , je ne l'imagine pas; la taupe femelle en fournit un exemple (i). La faiblesse de notre intelligence s'en fût en effet mieux accommodée; car, avec les trois voies distinctes, la voie stercorale, la voie urinaire et la voie génitale , il n'y eût eu aucune difficulté. (i) J'ai fait figurer, pi. VII, fig. i5, les trois pertuis de h taupe femelle : a est l'orifice Je la voie stercorale, b l'entrée du vagin, et c le méat urinaire. Je dois la communication de ce fait intéressant à M. Fr. Cuvier. ; 33a ) et nos explications actuelles fussent devenues inutiles. Ïj unité de composition en ce qui concerne les organes sexuels des oiseaux aurait depuis long- temps été obtenue à leurs parties terminales tout aussi facilement qu'à leurs parties d'origine, aurait été dans le vrai un fait constant dès le premier abord. Il y a quelque temps qu'on n'eût pas manqué d'embellir ce sujet par une explication qui eût paru plausible. Ce qui eût été si avantageux pour l'exer- cice de nos moyens intellectuels, aurait -on pu objecter, pouvait n'être pas ce qu'il y avait de plus économique; et le procédé qui aurait eu pour objet de profiter d'un canal , afin de l'employer au ver- sement de deux ou même de trois produits de sé- crétion , pouvait entrer mieux dans les plans de simplicité de la nature. Cette explication, que suggère la philosophie des causes finales, déjà con- damnable dans son esprit, n'est d'ailleurs point d'accord avec les faits : car que vous examiniez les animaux en ayant soin de les prendre à de certains intervalles sous le rapport de la conformation, et vous verrez que la nature ne se refuse point à multiplier les moyens d'exécution pour consolider ses ouvrages. Tout ce qui est possible est produit; et l'un des plus piquans résultats de ce travail sera, je crois, de montrer, quant à la question qui nous occupe, que toutes les combinaisons^hors une .' 333 ) seule que rejette le principe des connexions, sont possibles, savoir : les trois voies débouchant sépa- rément , les trois voies placées bout à bout et n'en formant qu'une générale, et enfin les trois voies se réduisant à deux issues extérieures, présentant les deux ordres suivans d'association, A et B sans C, puis B et G sans A. Une seule combinaison est écar- tée; sans quoi il fût arrivé, ce qui n'est pas possible, que les routes A et C eussent enjambé sur l'inter- médiaire. Au surplus, que nous soyons ou non dans le cas d'admirer ces procédés plus écono- miques de la nature, il est certain que la réunion de canaux propres à plusieurs systèmes difYérens a jeté en ce qui concerne les oiseaux une si grande indécision sur ce qui est personnel à chacun des trois appareils, que c'est, je le répète , à cette seule circonstance qu'il faut attribuer le vague dans lequel nous avons été sur cela plongés jusqu'ici. Pour en sortir, nous avons besoin d'une méthode qui nous fasse faire sûrement le triage de ce qui dans cette communauté d'organes est décidément propre à chacun d'eux. Il suffira pour cela d'agir tout autre- ment qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour; c'est-à-dire, qu'on devra, reprenait à part chaque appareil, se borner à le considérer isolément de dedans en de- hors, de manière à suivre chaque organe jusqu'au moment où, par son anastomose avec un autre, il vienne compliquer le problème. 1 •')«» • De la voie slcrcorale chez les oiseaux. En partant des coccums, je ne suis exposé à aucune méprise. En effet les analogies du canal intestinal sont données, de même que celles des organes des sens, par exemple, sans travail, on peut dire, d'inspiration, et par conséquent d'une manière tout aussi incontestable que le sont les plus simples propositions concernant les nombres. Dans ce cas et avec toute confiance, je parcours des yeux toute l'étendue de l'intestin post-cœcal jusqu'à ce qu'enfin j'en aperçoive la dernière issue. Un premier bourre- let se présente; voyez pî.VIÏ,lett.Z>', b'\ fig. 4(0- ^'en examine la structure; j'en vois le relief augmenté par un muscle circulaire et constricteur ; j'y trouve enfin tous les caractères d'un vrai sphincter. J'en examine de plus le jeu sur le vivant, et je m'assure que ce bourrelet s'entrouvre à la volonté de l'animal, qu'il se tient habituellement fermé, et qu'il se conduit enfin comme le fait l'anus chez les (i) Tout ce qu'on a nommé le cloaque commun, et même au delà, une portion de l'intestin, formaient un large tube qu'on a fendu longitudinalement, et dont on a renverse les parties à droite et à gauche. Ce sont ces parties étalées et mises à plat que représente la figure dont il est ici question. On a donné la même coupe pour le canard, fig. 8. ( 335 } mammifères. Ce qu'on trouve en dehors de ce bourrelet est de l'urine; ce qui est en dedans, de la matière fécale. Si je m'en tiens aux indications de cette dernière considération, ce sphincter est le véritable anus (i) : mais, pour que ce fût vrai à tous égards, il faudrait qu'il n'y eût rien en avant de lui, et qu'il pût être produit à l'extérieur. ISTest-ii besoin que de cette condition ? elle est en très- grande partie donnée. Je l'ai déjà exposé plus haut; si les oiseaux veulent fienter (2), toute la bourse, qu'on a nommée cloaque commun jusqu'à ce jour, s'ouvre, se renverse et se retourne comme le doigt d'un gant. Après ces dispositions faites, il n'est (1) Je viens de voir cette partie sur un casoar femelle de la Nouvelle-Hollande, fraîchement mort. Le réservoir stercoral augmente de diamètre jusqu'à sa terminaison à l'anus : là ce ré- servoir a jusqu'à quatre centimètres de large. L'anus ouvert ne portait qu'un centimètre au plus, parce que le sphincter, qui le constituait, résultait de fibres et de membranes débordant du côté intérieur et formant valvule. (2) On peut faire fienter une poule après sa mort, et repro- duire lentement alors les actes qu'elle exécute si rapidement pendant la vie. Il faut à cet effet remplacer la pression qu'exer- cent les muscles abdominaux par une compression graduée sur le ventre, et l'on voit successivement s'ouvrir les trois pertuis, la seconde poche (celle des urines) se ranger en dedans de la première, et la troisième, ou la portion anale de l'intestin, former un dernier repli concentrique et saillir au delà des «utres. ( 336 ) plus besoin que d'un léger effort pour porter la portion anale de l'intestin en dehors : cette portion y arrive sans obstacles, et répand elle-même les ma- tières dont l'animal veut se débarrasser. Le cheval, par exemple, n'agit pas différemment en faisant saillir au dehors, sous la forme d'une rosette pon- ceau, une partie de son rectum, Je réponds de l'exactitude de ces faits comme de choses que j'ai attentivement observées : chacun est d'ailleurs à portée de les vérifier. En consé- quence, sans prendre à ce moment aucun souci de ce que peut être le prétendu cloaque commun, je conclus que la portion intestinale circonscrite par le bourrelet b\ £>", forme bien réellement la der- nière portion du tube digestif, l'intestin rectum. Cette détermination acquise, j'ai donc éliminé l'une des trois inconnues de mon problème, savoir, le tube stercoral, ou, ce qui revient au même, la voie des matières excrémentitieîles. De la voie urinaire. Jep asse à la voie urinaire, qu'il m'importe égale- ment de connaître, surtout à son arrivée dans le con- fluent commun, où elle mêle son embouchure avec celle des autres conduits. J'userai des mêmes pré- cautions que dans la détermination précédente; et à cet*effet je considérerai l'appareil entier des voies (337) urinaires, en commençant cette exploration dès son origine. Or cet appareil se compose d'abord de parties déterminables aussi sans donner lieu à la plus petite crainte d'erreur, déterminables enfin avec une évidence qui a dû frapper dès l'abord les yeux du premier observateur. Tels sont les reins et leurs conduits, nommés uretères. Les oiseaux sont reconnus jusque-là pour être identiquement formés comme les mammifères. Dans ces derniers, une vessie , dite urinaire, reçoit l'urine sécrétée par les reins. Cette poche forme un réservoir, où aboutissent les uretères restreints à n'être qu'une voie de communication. Le champ de nos recherches est de plus en plus circonscrit. Il ne nous faut plus qu'une réponse à cette question : Où se rendent les uretères des oiseaux? Je vois ces uretères, t, t, fig. 4, débou- cher dans un canal V, dont l'animal peut à volonté fermer les issues, et qu'il parvient de cette manière à transformer en une véritable bourse; je dois même ajouter, pour être en tous points exact, que les oiseaux en tiennent toujours, hors le moment d'uriner, toutes les issues fermées. Cette bourse ne saurait être autre chose que la vessie urinaire. Ce n'est pas uniquement ses rap ports avec les uretères qui l'indiquent : elle en a les fonctions, devenant un réservoir dans lequel les urines sont tenues to.ut-à-fait à part, et con u. 22 ( 338 ) servées jusqu'au moment où , recueillies en trop grande quantité, le besoin de les répandre soit ressenti. Je me suis assuré de toutes ces circons- tances, et si parfaitement, que j'ai pu procurer à nos laboratoires de chimie de l'urine d'oiseau limpide , sans mélange de substances salines et d'excrémens. Cependant c'est tout le contraire qu'on avait cru jusqu'à ce jour (1). Toutefois le réservoir urinaire des oiseaux dif- fère de celui des mammifères sous deux rapports. i° Quant à sa forme. C'est, chez les mammifères, un manchon qui n'aurait qu'une entrée, et chez les oiseaux, un manchon avec ses deux issues. 2° Quant à ses connexions. Les oiseaux ont ce manchon au-devant du rectum : le bourrelet val- vulaire par lequel se termine l'intestin est mitoyen. C'est un sphincter à deux fins, un anus pour le rectum et un col pour la vessie urinaire. Il est un second bourrelet, lett. d\ cl", flg. 4, extérieur et parallèle à celui de l'anus : c'est l'autre col, le véritable col de la vessie, celui par où s'échappent les urines. Des fibres musculaires sont adossées à ce bourrelet, et en forment un sphincter, (i) Dans la règle, les oiseaux n'urinent point j mais les urines se mêlent aux excrémens solides. Les autruches ont seules le cloaque assez dilaté pour que l'urine s'y accumule. Règne ani- mal, etc., t. i, p. 299. ( 339 ) qui règle l'ordre des évacuations , et qui surtout empêche la plus petite goutte d'urine de pénétrer dans la dernière poche. Quand on entr'ouvre celle- ci, même sur le vivant, on voit les lèvres fron- cées et la fente que forme ce sphincter au centre : on a représenté ces dernières circonstances , fig. 3 , lett. V. Toutes ces différences ne s'opposent point à ce qu'on reconnaisse dans le réservoir urinaire des oiseaux l'analogue de la vessie des mammifères ; et dans le vrai, ces différences, en les appréciant à leur véritable valeur, se réduisent au fond à une seule, sur laquelle je prie qu'on fixe son atten- tion. J'y attache une grande importance, parce que je crois y apercevoir le principe des modi- fications classiques des oiseaux et comme la clef de ces variations si long-temps méconnues dans leur essence ; V intestin rectum débouche chez les oiseaux dans le fond de leur vessie urinaire. Je me réserve d'exposer plus bas ce qui, selon moi, est devenu l'occasion d'une anomalie aussi remar- quable , eu égard aux rapports connus de la vessie chez les mammifères. Si le rectum se porte en dehors pour y répandre les matières dont une accumulation trop considé- rable le gène, c'est à plus forte raison ce que la vessie fait aussi, et même ce qu'elle fait la pre- mière, puisqu'elle est placée extérieurement quant ( 3/,o ) à l'intestin. En effet, lorsque les parties prises autrefois pour l'anus, ou les membranes externes du prétendu cloaque , se sont et ouvertes et ran- gées circulairement, ce qu'on voit au centre et au fond de la poche est le méat urinaire. La lettre V montre cela dans notre troisième figure. Ce méat, contraint par sa position à s'ouvrir avant l'ouver- ture anale , laisse d'abord échapper les urines. L'oiseau, en l'ouvrant seul, ainsi que fait souvent l'autruche , donne à part son jet d'urines : mais il lui arrive ordinairement , comme on sait , de tout rendre ou de paraître tout rendre à la fois. En quelque peu de temps que cela se fasse , il faut bien que l'urine soit la première expulsée : les matières stercorales, qui sont au delà, n'arrivent qu'après. A cette seconde époque, la vessie non- seulement est entièrement vidée, mais elle disparaît tout-à-fait. Elle se replie sur elle-même, comme un gant qui est retourné : son ampleur ne contri- bue pas seule à cet effet; son col y aide aussi en se déplissant et en s'effaçant entièrement. Le moyen d'obtenir de l'urine limpide est simple. Pressez le ventre d'une poule qui vient de fienter : en pesant sur les bassinets des reins et sur les ure- tères, vous dirigez la quantité d'urine qui s'y trouve sécrétée sur la vessie, qui s'en remplit et la con- serve ; vous retirerez ensuite cette urine à l'aide d'un siphon introduit à travers le méat urinaire. ( 34i ) Par ce qui précède, j'ai fait voir que les oiseaux sont, tout aussi bien que les mammifères, pourvus d'une vessie contenant les urines accumulées. Ayant de plus constaté que les voies de l'appareil urina ire, parvenues au méat externe dont il a été question plus haut, se terminent à ce méat, je suis certain d'avoir embrassé toutes les considérations qui s'ap- pliquent au système de la dépuration urinaire : j'ai donc éliminé une autre inconnue du problème à résoudre. Ainsi, des trois voies que je m'étais proposé de retrouver dans les oiseaux, deux sont acquises, deux sont déjà connues. Ce qui reste par consé- quent du cloaque commun ne saurait appartenir , et , je n'en puis douter, n'appartient en effet qu'à l'organe de la génération. Toutes les causes d'er- reur étant ainsi soustraites , la comparaison des or- ganes sexuels des oiseaux avec ceux des mammifères devient très-simple, et rentre dans les travaux faciles des déterminations les plus ordinaires : c'est ce que je vais montrer dans l'article suivant. De la voie génitale. Tous les oiseaux mâles et femelles ont également un cloaque commun, une poche d'une étendue considérable, dont une dernière partie se trouve en ligne avec les deux voies déjà examinées, leur est ( 34a ) extérieure, et dont je ne sais rien autre à ce moment, si ce n'est que cette dernière portion tubulaire n'a guère que des relations de voisinage avec ces voies excrémentitielles. S'il existe quelque harmonie dans leurs mouvemens, c'est de la part de la dernière chambre, pour éviter les entreprises et les atteintes des pièces contiguës. Tel effectivement est toujours le but de la poche extérieure, soit qu'elle veuille se défendre du plus fâcheux voisinage par une occlusion opiniâtre, soit que, consentant à s'ouvrir, à se retirer et à s'effacer entièrement, elle livre enfin les passages devenus nécessaires. Quoique du mâle à la femelle les organes de la génération différent en plusieurs points, cela ne donne lieu cependant à aucune ambiguité sur la nature et la convenance réciproque de ces or- ganes, en ce qui concerne leurs racines, leurs parties d'origine. On est au contraire frappé d'une même évidence d'analogies tout aussi bien à ce sujet qu'à l'égard du commencement des àeux systèmes excrémentitiels. Il y a mieux ; il est là une sorte de répétition de l'appareil urinaire : ce sont comme deux autres reins, comme deux autres uretères. Pour juger de ce qui est présentement dans la science, rappelons la nuit, le vague indéfini d'idées qu'il a fallu traverser avant de l'y avoir introduit. Les formes des choses, et non encore leur essence, ( 343 ) fuient d'abord ce qu'on observa, ce qu'on s'attacha à constater, et ce qu'on essaya de fixer par des noms. L'organe qui sécrète la liqueur prolifique fut appelé dans le mâle testicule, ovaire dans la femelle ; et la filière que suit le produit de cette sécrétion canal déférent chez le premier, et chez l'autre oviductus. Mais dans des recherches subséquentes, quand de l'homme on passa aux animaux, on s'intéressa da- vantage à l'essence des choses, et on appliqua le même système de nomenclature à tous les animaux sans distinction, depuis l'homme jusqu'à l'insecte. Dans cette marche plus assurée, on fut encore ce- pendant entraîné à adopter quelques déterminations irréfléchies. Et en effet l'on se conduisit comme si l'on avait été plus convaincu de la correspondance des parties génitales chez le même sexe dans tous les animaux, que de leurs rapports entre les deux sexes dans la même espèce. Ce résultat , piquant par sa contradiction , n'est au fond qu'une affaire de chronologie. Il en fut de cela comme de tout ce qui dépend du progrès de nos idées. On ne consi- dère d'abord qu'une chose, puis plusieurs : l'esprit, qui s'exerce sur une seule considération, se plaît aux contrastes, et poursuit les différences, quand tout au contraire entré, après de nouvelles recher- ches, dans un champ plus étendu et nourri par une plus vaste érudition, il voit de haut et saisit les rapports. ( 344 ) Quoi qu'il en soit, m'appuyant sur l'état de la science, c'est-à-dire considérant que l'organe des sécrétions séminales et les canaux qui en versent dehors les produits présentent chez les oiseaux une identité parfaite, incontestable, avec ceux des mammifères, je ne suis plus tenu qu'à une seule attention, qu'à examiner comment finissent les canaux déférens ou les oviductus; et mieux, qu'à examiner sur quels points ceux-ci viennent débou- cher. Chacun sait que c'est dans le cloaque com- mun. La discussion dans laquelle je suis engagé exige que je donne cette position d'une manière plus précise qu'on ne l'a fait. Or je vois ces appa- reils de génération placés en avant de la vessie , lett. I, fig. 4) sur le bord externe de son col. Ces ou- vertures débouchent donc dans la troisième chambre du cloaque , dans sa partie la plus extérieure. Je cherche parmi les mammifères des analogues à une poche que précèdent les oviductus, et qui ait son issue à l'extérieur : le corps de la matrice et le vagin dans un sexe, les vésicules séminales et le fourreau des corps caverneux dans un autre, s'offrent à moi comme pouvant satisfaire à la cor- respondance cherchée. Mais ce sont là, dira-t-on, deux parties distinctes, deux organes différens de structure et de fonction. Attendez, puis-je aussitôt répondre : ne me reste-t-il pas à employer encore uie bourse, la poche génitale {yesicula in quant (-345 ) ' semen emlttit gallus) remarquée par Fabrice d'A- quapendente (i)? Cette 'poche forme le fond de la dernière voie du cloaque commun, comme le corps de la matrice est le prolongement du vagin, et les vésicules séminales celui du fourreau des corps ca- verneux. Ainsi chez les uns et chez les autres sont, après les oviductus ou les canaux déférens , une poche avec la fonction d'un contenant, et un canal avec celle d'une voie d'éjection au dehors. Il y a mieux ; ces voies génitales , remplies chez les mammifères mâles par les corps caverneux, le sont par de pareils organes chez les oiseaux : ceux- ci ont un clitoris et toutes les parties de la verge des premiers. Voyez nos figures i, 2, 7 et 8. Ce sont absolument et identiquement les mêmes or- ganes chez les mammifères et chez les oiseaux. Je n'en puis donc douter ; tout ce qui existe après les débouchés de la vessie urinaire et des canaux spermatiques chez les oiseaux dépend de l'appareil générateur : chaque partie a son analogue ; le corps de la matrice et les vésicules, dans la bourse de Fabrice; le vagin et le fourreau du pénis dans la dernière section du cloaque commun, et les corps caverneux, soit de la verge, soit du clitoris, dans de doubles tubérosités occupant le bord , en avant (1) Voyez cette bourse entière, lett. O, £g. 5, 6 et 7, et son entrée, même lett. O, fig. 4- ( 346 ) et un peu en dedans, du pertuis général. Un examen plus approfondi de chacune de ces parties va don- ner à ces résultats le dernier desrré d'évidence. Sur les rapports de V organe génital dans les deux sexes. Nos déterminations sont assez précises pour que nous ayons déjà confiance en elles. Cependant nous en jugerions plus sûrement le caractère, si, recherchant les conditions générales du système sexuel, nous nous placions si haut que nous pus- sions considérer l'organe de la génération indépen- damment de ses formes, tant dans l'un et l'autre sexe que dans les diverses classes d'animaux. La marche de ces recherches exige d'abord que nous nous défendions de l'influence qu'exercent ordinaire- ment sur notre esprit des noms anciennement consacrés. Nous ne pouvons dans le fait oublier que ces noms ont été imaginés pour des parties observées sur une seule espèce ? et relativement à de certaines formes et à de certaines fonctions qui sont le caractère de ces spécialités. Ces noms toutefois n'ont pas tellement captivé l'imagination , que les rapports qui existent entre les organes des deux sexes n'aient souvent occupé les esprits adonnés aux spéculations philosophiques. M. le professeur Kicherand est parvenu à dire dans ( 347 ) le peu de mots suivans comment on a couru jus- qu'ici ces rapports : « Àristote, Galiien et leurs verbeux commentateurs ont exprimé l'analogie qui existe entre les parties génitales de l'un et de l'autre sexe, en disant qu'elles ne différaient que par leur position extérieure chez l'homme, et intérieure chez la femme. On trouve en effet une ressemblance exacte entre les ovaires et les testicules, les trompes cle Fallope et les conduits déférens, la matrice et les vésicules séminales, le vagin, les parties extérieures de la femme et le membre viril. Les premiers sé- crètent la liqueur séminale, et fournissent, soit dans l'homme, soit dans la femme, une matière essentielle à la génération {ovaires et testicules). Les trompes de Fallope, comme les canaux déférens, portent cette matière dans les réservoirs où elle doit séjourner {iitèrus et vésicules). Ces poches contractiles, qui servent de réservoir à la semence ou à son produit, s'en débarrassent quand ils y ont fait un assez long séjour : enfin le vagin et la verge servent à cette élimination. » Rtch. Elémens de Physiologie, édition de 1 817, t. 2, p. 398. M. de Blainville a reproduit ces idées (voyez Bulletin des Sciences par la Société philomatique , octobre 1818, p. i55), en ajoutant que «la nature « des organes de la génération était évidemment « femelle, et que par conséquent le sexe mâle n'en « est qu'une simple modification ; que l'épididyme ( 348 ) ! « et les tubes séminifères, qu'on croyait particuliers « au sexe mâle, se rapportaient aux ligamens larges « de la femelle, ainsi que l'avait déjà établi Rosen- « Muller, et qu'il avait vu le premier de doubles « ovaires chez les oiseaux. » i° Cette prédilection pour un sexe a surpris. On paraissait auparavant pencher pour le sentiment de Ch. Grève : Utvirilia ad dandum, sic muliebria ad recipiendum à naturâ apta sunt. Ces deux opi- nions sont, je pense, trop exclusives. Car, quant à cette dernière, le sexe femelle donne plus qu'il ne reçoit; et relativement à la première, on ne peut, ce me semhle , regarder un sexe comme une dégé- nération de l'autre : ils se ramènent à l'unité de composition, voilà le seul point incontestable. Ainsi il n'y a à cet égard de vrai en philosophie rien autre, sinon que les organes des deux sexes entre eux et ces organes considérés dans tous les animaux se rapportent à un type uniforme , par conséquent à une sorte de type idéal, dont chaque conformation particulière se trouve être une modification plus ou moins grande : ou plutôt cette proposition ne sera vraiment acquise que s'il arrive qu'on ne fasse aucune omission, c'est-à-dire qu'on embrasse dans ces rapports jusqu'à l'élément regardé comme le moins important du système. i° Je ne crois pas du tout la seconde considéra- tion vraiment fondée en ce qui concerne l'épidi- ( 349 ) dyme, présumé l'analogue du ligament large. L'un est une partie essentielle et intégrante de l'appa- reil, et l'autre lui est adossé et fait partie de la tu- nique péritonéale; il n'est que le repli d'une cloison mitoyenne, à qui il n'arrive qu'accidentellement,^et par conséquent que dans quelques femelles, d'ob- tenir de l'emploi et d'y devenir un moyen de sus- pension. 3° Il est bien vrai qu'il existe plus ou moins dis- tinctement deux ovaires chez les oiseaux. Nous en avons d'abord été informés par le professeur Em- mert, qui a inséré en 1811, dans les Archives de physiologie publiées par Reil et Authenrieth , un fort bon Mémoire sur ce sujet. Ce fait était de plus déjà connu de MM. Mayer et Wolf, et du professeur Hochftetter. De Vèpididjme dans le sexe mâle. Je vais à mon tour essayer de donner une déter- mination de l'épididyme. C'est une partie surajoutée au testicule, et qui existe près du point auquel aboutissent les tuyaux séminiferes. On sait qu'en le dégageant de ses enveloppes et de son tissu cellu- laire, on parvient à le déplisser et à montrer que ce n'est qu'un canal contourné sur lui-même, d'abord Xnes-flexuenx, bien moins ensuite, jusqu'à ce qu'en- fin ce canal se poursuive en ligne droite. Le prolon- ( 35o ) \ gement de l'épididyme est, à partir de là, nommé canal déférent. L'épididyme ne serait-il qu'une portion contournée de ce dernier? Dans ce cas, il ne mériterait point d'être élevé au rang d'un organe particulier. Or ces circonvolutions de l'épididyme sont très-souvent aussi le fait du canal déférent lui- même, principalement dans les animaux dont le testicule ne sort point du bassin. On voit une re- présentation de cet état habituel chez les oiseaux, fig. 7, lettr. li. Cependant une autre circonstance relève l'épididyme à mes yeux, c'est d'être le point d'arrivée de la seconde branche de l'artère sperma- tique; le testicule reçoit la première. Considérons l'appareil spermatique chez le mâle d'après les données du principe des connexions. Le testicule est le point de départ; l'épididyme vient ensuite, le canal déférent après, et les vésicules séminales terminent ce premier appareil. Tout ce qui le compose provient de l'artère spermatique. Mais celle-ci se partage en branche testiculaire et en branche effèrente (qu'il me soit permis d'appe- ler, dans des vues d'avenir, de ce dernier nom la branche qui se rend à l'épididyme). Les deux branches de l'artère spermatique s'épanouissent donc dans le sexe mâle à peu de distance l'une de l'autre, la testiculaire allant se perdre dans le testi- cule, et l'efférente dans l'épididyme, d'où celle-ci envoie des ramuscules sur le canal déférent. L'or- ( 35, ) gane sécréteur prend clone naissance dès le point de partage de l'artère sperniatique : ce voisinage des branches spermatiques est, je crois, ce qui décide de l'élaboration de la semence telle qu'elle est donnée par les mâles (et ici il ne m'est pas loisible d'exposer comment je comprends cette action ; j'ai des vues à cet égard qui s'étendent à bien d'autres questions physiologiques). La semence élaborée, l'appareil ne réclame plus qu'un canal pour la transporter et an réservoir pour la tenir en dépôt. C'est à quoi se réduisent l'objet et les fonctions des canaux déférens et des vésicules séminales. De l'ovaire et de ses dépendances. On a long-temps appelé testicule chez la femme ce que, pour se conformer à d'autres vues théo- riques, on a depuis nommé ovaire. Ainsi on a trans- porté à l'objet de la sécrétion l'idée qu'on s'était faite jusque-là de l'organe sécréteur. Pour plusieurs anatomistes, l'ovaire n'est que la réunion de vési- cules que leur forme et leur destination connues ont fait prendre pour des œufs , ou du moins pour un commencement d'œufs. C'est, je crois, le cas de distinguer ici la production du producteur. 11 existe chez la femelle un vrai corps testicuiaire constitué par une des deux branches de l'artère sperma- tique, s'épanouissant dans des membranes et dans un parenchyme en tous points semblables à ce ( 352 ) qui est dans l'autre sexe : mais c'est un testicule sans épididyme. L'absence, ou, mieux sans doute, le déroulement de ce dernier, change seul les rap- ports de l'ovaire, comparé au véritable testicule. Aussi, quant à ses fonctions, au lieu d'un fluide séminal tout élaboré et s'écoulant sans disconti- nuité, c'est un autre fluide tel que le peut donner l'action d'un seul des deux composans, de la seule branche spermatique qui y concoure. Ce fluide, plus librement épanché ou filtré, forme plusieurs amas séparés par des enveloppes distinctes, et en général ces corps ronds qu'on a pris pour des œufs, auxquels j'ai proposé, dans mon Mémoire sur la génération des didelphes (i), de donner le nom & ovules, et qui enfin s'enchaînent et pendent le long d'un repli de la tunique péritonéale comme les grains d'une grappe de raisin. Qu'il y ait grappe, c'est-à-dire une sécrétion du corps testiculaire , ou non , ce qui suit l'ovaire est un canal flexueux qu'on s'est accordé à considérer comme l'analogue du canal déférent, qui a pris d'abord le nom de tube de Fallope, et qui, pour avoir montré dans les oiseaux un usage manifeste, a été appelé dans la suite oviductus. (1) Mémoire sur cette question : Si les animaux à bourse naissent aux tétines de leur mère? Voyez Journal complémen- taire du Dictionnaire des Sciences médicales > t. 3, p. 193. I ( 353 ) f Ce canal flexueux verse directement dans les cornes de la matrice. J'ai attentivement examiné ce dernier fait chez le lapin femelle (i), et principa- lement chez la jument; et j'ai reconnu plus expres- sément chez cette dernière que le tube de Fallope se termine dans les cornes par une saillie très- prononcée, par un petit mamelon : c'est une sorte de soupape s'ouvrant de dedans en dehors. MM. Prévost et Dumas (2) ont vu le canal déférent des oiseaux mâles, terminé de même par une papille. J'ai attaché à cette considération une im- portance telle, que je l'ai fait exprimer pi. VII, fig. 8 et 9, lett. i\ L Une même saillie, ou un mamelon analogue, existe chez la femelle des oiseaux : notre fig, 3 , lett. *', montre le débouché de l'oviductus dans le vagin. C'est un bourrelet saillant et froncé comme un sphincter, pouvant se développer de dedans en (1) La fig. i3, pi. VII, donne, d'après une femelle adulte et qui avait mis bas , l'appareil sexuel de grandeur naturelle. Ses diverses parties, après ou avant l'imprégnation, diffèrent. L'on en sera certain en comparant à celles du dessin les mesures sui- vantes, que j'ai prises sur un sujet vierge qui avait à peine atteint la moitié de sa croissance : Longueur du vagin et de la matrice, non distincts dans les lapins, 70 millimètres; — de la corne de matrice, 120; — du tube de Fallope, 80 ; — de l'ovaire, 10. (2 ) Essai sur les animalcules spermatiques de divers animaux, par J. P. Prévost et J. A. Dumas, brochure in-40 de 28 pages. n. a3 ( 354 ) dehors, mais qui au contraire se fermerait de plus en plus s'il arrivait à quelque chose de peser dessus de dehors en dedans, et de chercher à s'insinuer par cette issue. Le canal qui est la route suivie par tous les produits de l'appareil séminal , soit le canal déférent chez les oiseaux mâles, soit l'ovi- ductus chez les oiseaux femelles , est en zigzag ; disposition qui, à l'égard de l'oviductus et à raison du volume de ce conduit, apparaît sous la forme de grandes ondulations. ïl est sans doute bien re- marquable que le tube de Fallope chez la jument et chez le lapin femelle ne diffère en rien des canaux déférens des oiseaux mâles, et se termine également par une papille ou mamelon. Avant de prononcer, ce qui semble devoir être la conséquence de ce qui précède, avant, dis-je, de prononcer qu'il n'est point d'épididyme dans les femelles, j'examinerai l'utérus et ses dépendances. De la matrice et de ses cornes. L'anatomie humaine n'attribue pas de cornes à la matrice; elle y a seulement distingué des angles(i), (i) L'anatomie pathologique conserve le souvenir de quelques exemples d'une double matrice , qui ne sont que les cornes de la matrice des animaux développées extraordinairement : dans ce cas est l'observation de Silvius; il vit chez une jeune fille un utérus divise en deux cornes. ( 355 ) faible rudiment chez la femme de ce qui est ailleurs avec un développement très-considérable. Mais l'anatomie vétérinaire n'a pas d'autre expression pour désigner deux prolongemens s'écartant comme les branches de la lettre V, ou se renversant l'un à droite et l'autre à gauche, et paraissant fort diffé- rens du corps de la matrice, dont ils semblent for- mer les ailes. Ainsi ce qui n'est chez la femme qu'une portion angulaire d'un caractère assez insi- gnifiant devient chez les animaux une chose abso- lument distincte; et il n'y a nul doute que si le nom de matrice, donné d'abord à tout l'organe chez la femme, n'eût formé un préjugé qui plus tard a enlacé les zootomistes, ceux-ci, tout entiers aux impressions des faits, eussent davantage insisté sur la distinction de deux prolongemens de l'uté- rus, et en eussent traité comme de choses ayant un caractère à part, comme d'organes sui generis. Ce qui sera difficilement compris par quiconque n'aurait encore vu qu'uue matrice de femme, les conditions primitives d'organisation impriment aux cornes de l'utérus ou à ses angles cette dis- tinction, et en font réellement un organe différent. Le système sanguin est ce qui leur donne ce carac- tère. Les cornes de la matrice sont alimentées, et par conséquent sont formées à leur origine par une branche de l'artère spermatique. Nous avons vu plus haut que la branche testiculaire se rend ( 356 ) à l'ovaire. La seconde branche, se distribuant aux cornes de la matrice , est donc la branche efférente, celle qui dans le sexe mâle se porte à l'épididyme. Le corps de la matrice est nourri au contraire \ et est par conséquent produit par d'autres artères , les artères utérines. Il en est des parties molles comme des élémens osseux ; de la disposition des- quels je m'autorise ici , parce que j'en ai autrefois très-attentivement examiné les relations et les déve- loppemens (voyez Philosophie anatomique, organes respiratoires). Il n'est point, dis-je, de parties orga- niques qu'on ne puisse considérer comme primiti- vement distinctes : soutenues d'abord ou suspen- dues par des lames de tissu cellulaire, elles entrent ultérieurement et par soudure dans de mutuelles associations. Ainsi, différentes dans leur essence, elles se combinent avec quelques parties voisines : leur situation respective les fait tendre les unes vers les autres. Sans le moindre doute elles pour- raient ne point se souder, et les oiseaux, pour le cas présent, nous en fourniront un exemple. Mais, s'il leur arrive de l'être, elles participent au même service; elles s'aident et se suppléent respective- ment. La double origine de l'utérus et de ses cornes démontre en effet leur indépendance primordiale. Mais, en admettant cette conclusion, je suis tenu d'insister sur cette remarque : Si les cornes de la ( 357 ) matrice forment un organe distinct de ce qu'on a nommé le corps de l'utérus ,'[ce~n'est pas toute la matrice qu'on devra regarder comme répondant aux vésicules séminales, mais uniquement le corps de l'utérus. C'est en y apportant cette restriction que j'admets la détermination généralement adoptée (utérus et vésicules séminales). Des parties présumées les analogues, chez les mâles y des cornes de la matrice et de Vépididyme chez les femelles. Si notre principe des connexions n'est plus sim- plement une de ces idées à priori que l'esprit conçoit sur un certain nombre de données , mais constitue présentement une loi déduite de tous les cas où il en a été fait une juste et sévère application r c'est à ce principe à nous éclairer sur les détermi- nations qu'il nous reste à donner ou à vérifier. J'admets comme fondée celle du précédent article, l'identité des vésicules séminales avec le corps de l'utérus; et je n'ai plus, pour me laisser prévenir par les inspirations si utiles conseillères de nos deux principes, la théorie des analogues et celle des connexions, qu'à poser la question suivante : Combien existe-t-il de parties avec un caractère distinct chez le mâle, entre les vésicules séminales et le testicule; combien chez la femelle \ entre le ( 358 ) corps de l'utérus et l'ovaire ? A cette question il devient facile et on est contraint de répondre : Chez le mâle, le canal déférent et l'épididyme; et chez la femelle, les cornes de la matrice et le tube de Fallope. Ces indications démontrées, l'épididyme serait le tube de Fallope ramassé en une seule masse, et le tube de Fallope l'épi- didyme ^déroulé : le canal déférent et le tube nommé corne de matrice ne différeraient que par le plus ou le moins d'épaisseur de leurs tu- niques. Généralités relatives aux deux sexes. Je n'en puis douter : ces conséquences me pa- raissent à ce moment justifiées. L'appareil sper- matique est uniformément composé dans l'un et l'autre sexes, savoir: de testicules, d'épididymes , de canaux déférens et de vésicules séminales ; ou , pour parler le langage de l'autre nomenclature, d ovaires, de tubes de Fallope, de cornes et puis d'utérus. Ces rapports aperçus, que de lumières ne jettent- ils pas sur les modifications qui différencient chaque sexe en particulier? On peut en effet conclure de ce qui précède, et l'on aperçoit sans doute déjà que les variations de l'un à l'égard de l'autre appa- reil sexuel dépendent de la situation de la seconde ( 359 ) branche spermatique , l'artère efférente. Ses prin- cipaux rameaux se répandent-ils à la naissance du canal déférent , il en résulte les conditions d'exis- tence du sexe mâle : est-ce à la fin du canal défé- rent? celles du sexe femelle. Dans le premier cas, l'artère efférente entre dans un concert d'action avec l'artère testiculaire ; dans le second , avec Far- tère utérine. Aussi ne devra-t-on point s'étonner que les produits diffèrent, dès que diffèrent les associations et l'emploi des producteurs. Une conséquence plus générale est celle-ci : Connaître que l'ordre de variations des sexes tient à la position d'une artère, c'est posséder la cause qui influe sur l'apparition d'un sexe préférable- ment à l'autre. Le plus ou le moins d'écartement des deux branches spermatiques motive effective- ment cette préférence. Que les deux branches de l'artère spermatique descendent parallèlement et de compagnie, cette circonstance, je le répète, cette circonstance donne le sexe mâle; qu'elles s'écartent à leur point de partage, nous avons le sexe fe- melle. Mais ces branches ne descendent de compa- gnie et parallèlement que par un défaut de ressort, quand c'est au contraire une plus grande énergie qui dans l'autre cas les porte à s'écarter l'une de l'autre. Au surplus nous ne sommes encore là que sur la considération d'un effet : la cause de ces excita ( 36o ) tions différentes est ailleurs. Elle est toute dans la condition inverse de l'état du système sanguin qui se rend à l'appareil cérébro-spinal. Il y a pré- dominance de ce système chez les mâles, et. en re- vanche, moindre action ressentie par les artères spermatiques : le contraire, sous l'un et sous l'autre de ces rapports, devient la condition du sexe fe- melle. Telle est l'explication que nous suggère notre loi du balancement des organes. Ces développemens donnent la clef de bien d'autres phénomènes. La différence entre les sexes est d'autant plus forte, que les femelles livrent une plus grande quantité de produits de génération. Et en effet la surabondance de la nourriture, pour me servir d'une expression de Buffon qui reçoit ici une juste application, se départit très-inégalement entre les sexes, surtout chez les oiseaux : la richesse et les vives couleurs du plumage chez ces derniers sont des signes extérieurs qui témoignent de toute l'énergie vitale des mâles, comme l'abondance des pontes témoigne de la puissance génératrice des femelles, laquelle, pour se manifester, n'a pas même besoin des excitations de l'autre sexe. La tristesse du plumage chez les femelles d'oiseaux tient si manifestement à une prédominance partielle et locale de sang artériel, à celle du sang, dont les afflux énergiques sont réservés aux organes de la génération, que lorsqu'elles cessent de pondre, et ( 36. ) qu'il n'est plus en elles d'organe sous ce rapport privilégié, elles reprennent les formes et le plumage du mâle; non entièrement il est vrai, mais tout autant que cela devient possible , dans un âge qui touche à celui de la décrépitude. U appareil générateur se subdivise en deux sous- appareils aussi distincts dans leur mode et leur position que dans leur structure et leurs fonctions : telles sont, i° les parties internes, qui fournissent les élémens reproducteurs ou Y appareil de re- production, et i° les parties externes, servant à l'union des sexes , ou Y appareil de copulation. Ces parties s'appartiennent, comme elles se dis- tinguent les unes des autres, au même titre et de la même manière que la main, je suppose, à l'égard du bras proprement dit. H est aisé de prouver que les deux sous-appareils proviennent d'élémens dif- férens, qu'ils se rencontrent dans des conditions de succession de parties, qu'ils se soudent l'un à l'autre, et qu'ils combinent leurs actions, sans que chaque fonction cesse d'être propre et caractéris- tique de leur nature originaire. Nous avons ramené au même type l'appareil de reproduction, considéré dans l'un et l'autre sexe. Il nous reste par conséquent à embrasser aussi sous les mêmes rapports l'appareil de copulation : mais ce n'est point l'objet réel de cet écrit. Je ne dois pas oublier que je me propose uni- ( 36a ) quement d'obtenir les rapports qui existent entre les organes sexuels des oiseaux et des mammifères, dans l'espérance d'apprécier subséquemment avec plus de justesse les déformations des organes gé- nito-urinaires du podencéphale. Je suis forcé de m'interdire une discussion qui, pour être lumi- neuse et complète, exigerait non- seulement le concours des mêmes faits anatomiques considérés dans tout l'ensemble des êtres, mais de plus la comparaison d'organes autres que ceux de la géné- ration. Car je suis intimement convaincu que l'appareil de copulation est une portion de derme parvenue à un maximum de développement ; qu'il est com- posé par la cause et de la manière dont le sont les organes électriques des torpilles, des silures trembleurs et des gymnotes engourdissans, et qu'il y a entre tous ces organes analogie aussi bien de fonctions que de structure. La prostate me paraît aussi dans le cas de Tépididyme , sous ce rapport qu'elle peut être également appréciée dans de sem- blables conditions de généralité, c'est-à-dire qu'il ne convient pas de la chercher chez le sexe fe- melle sous la forme qu'on lui connaît dans le sexe mâle. Depuis surtout que j'ai publié ma dissertation sur le mode de génération des didelphes, je me suis constamment occupé de recherches concernant le ( 363 ) système sexuel (i). Je n'ai dû détacher ici de ce travail étendu que les vues absolument nécessaires à l'éclaircissement de ma thèse. Je rentre dans mon sujet. De la bourse de copulation. Nous avons, en traitant plus haut des trois voies (i) La note suivante prouve que je m'occupe depuis long- temps de recherches sur la génération : publiée , il y a vingt • deux ans , au Kaire, publiée , dis-je, dans un recueil principa- lement consacré à des travaux d'économie politique, elle n'a encore, fixé l'attention d'aucun naturaliste. Cette circonstance me fera excuser de la reproduire ici. Note sur les appendices des raies et des squales, extraite d'un Mémoire sur les organes sexuels. « Après avoir décrit les organes de la génération des raies et des squales, je poursuis ainsi : Les mâles se distinguent en outre des femelles par la présence d'un organe qui manque dans celles-ci ; c'est un long appendice placé au côté interne de chaque nageoire ventrale. Linnée, se fondant sur l'usage de ces appen- dices , avait soupçonné l'analogie de ces organes avec les parties génitales des mâles; mais, depuis, Bloch publia et fit prévaloir une opinion contraire. J'ai répété les dissections de Bloch , et j'ai reconnu la justesse de ses observations sans m'être rendu aux conséquences qu'il en tire. « Les appendices des raies sont à peu près conformés comme des oreilles de lièvre, dont les bords seraient réunis vers le I 304 ) excrémentitielles, réussi à distinguer et à séparer le cloaque commun des oiseaux en ses trois zones milieu. On y compte onze pièces cartilagineuses; la dernière est à elle seule presque aussi grande que toutes les autres. Celle-ci, dans son repos et abandonnée à l'effet de son élasticité, est roulée en partie sur elle-même et fermée à son extrémité. L'ouverture voisine de la racine de l'appendice est alors dans sa plus grande largeur ; mais un muscle court et épais qui existe à la naissance de l'appendice, venant à se contracter, ferme l'ouverture inté- rieure, et développe en même temps toute la conque, formée par la dernière pièce cartilagineuse. Les mâles , ayant , lors de l'accouplement , introduit leurs appendices dans le cloaque commun des femelles, doivent à la contraction de ce muscle, d'où résulte le développement de la grande pièce cartilagineuse, la faculté de s'accrocher fortement à leurs femelles , et de pro- longer ainsi leur copulation et leur jouissance. Il suinte alors une liqueur assez abondante de glandes logées dans l'intérieur de ces appendices. M. Bloch, après avoir reconnu la nature de cette liqueur et iraïiqiïé quelques-uns de ses usages , conclut que ce n'est point de la liqueur séminale , et subsidiairement que les appendices des nugeaïres ventrales n'ont alors aucun rapport avec les ovines de la génération. Pour moi, je crois axi contraire à l'analogie de ces appen- dices avec quelques parties de la verge des animaux : je vois en eux deux corps caverneux qui, au lieu d'être réunis , sont sé- parés et appuyés distinctement sur les nageoires ventrales. Je remarquerai cependant avec Bloch qu'on ne retrouve pas dans les appendices ces cellules qui se gonflent, ni rien qui rappelle ces formes particulières qui ont fait imaginer le nom de corps caverneux. Aussi ne me serais-je pas permis d'affirmer l'identité ( 365 ) tabulaires, savoir : la plus profondément située, se composant du rectum; l'intermédiaire, de la vessie de ces organes, si d'ailleurs je n'y avais été conduit par une observation sur quelques reptiles, observation que j'ai faite dans mon voyage de la haute Egypte. « Les reptiles ont en effet leurs corps caverneux séparés. Ces espèces de verges se logent de chaque côté de l'anus. Elles sortent au dehors, sans qu'il soit besoin d'une érection complète, et en obéissant à une pression que les muscles de la queue exercent sur elles en se contractant d'une certaine manière : elles rentrent dans une giîne fournie par une duplicaturc des tégumens com- muns, ramenées par un muscle propre, dont l'autre bout a son attache vers le milieu de la queue. L'érection , augmentée après l'intromission de ces verges , développe à leur extrémité une ou plus souvent deux tubérosités, hérissées de papilles cornées. Ces petites papilles aiguës, et principalement les tubérosités, qui s'épanouissent et grandissent dans le cloaque commun , agissent et s'emploient aux mêmes usages crue les appendices des raies. Ces organes sont donc déjà analogues quant à leurs fonctions : mais nous pouvons davantage pour cette démonstra- tion, en arrivant à la forme de ces appendices par un saut moins rapide. « Les grands lézards de l'Egypte , le tupinambis du Nil , l'ouaran des sables, que le général en chef trouva dans le désert de Quatthyéh , et qu'il me fit remettre à son retour de Syrie, et particulièrement les crocodiles, semblables, sous les rapports d'organisation dont je viens de traiter, à tous leurs congénères les batraciens, en diffèrent en ce qu'au lieu de papilles, ce sont chez ces grands reptiles deux longs osselets ou appendices cartilagineux. Ces lames cartilagineuses, placées à l'extrémité ( 366 ) urinaire, et l'externe, d'un vagin que nous nom- merons bourse de copulation. des pénis , si grandes qu'elles en égalent la longueur, et si sin- gulières dans leur forme et dans leurs usages, nous conduisent ainsi, par une nuance presque insensible, de la verge des ani- maux à sang chaud à la forme bizarre des appendices des squales et des raies. Car, parmi les mammifères, les didelphes ont déjà leurs corps caverneux à demi séparés : nous les voyons s'isoler entièrement dans les reptiles , et nous présenter enfin dans les crocodiles, vers l'extrémité de chaque verge, une organisation semblable réellement à celle des appendices des poissons carti- lagineux. L'identité de ces appendices avec les corps caverneux est donc un fait démontré : mais il faudra cependant convenir que ce sont des corps caverneux d'une forme porliculière , et qu'ils sont mis en jeu par une mécanique assez différente de celle qui caractérise ces organes dans les hauts animaux verté- brés. » Voyez Décade égyptienne, t. 3, p. a3o, de l'impri- merie nationale , au Kaire , Van 8 de la république (1800). Les appendices décrits dans cette note ressemblent, avons- nous dit, à des oreilles de lièvre. N'est-il là qu'une similitude apparente et fortuite ? Je ne le crois pas. En voyant les choses de plus haut, en considérant que ces organes sont également formés de lames cartilagineuses, que ces pièces constituent avec leurs tégumens un tissu du même ordre , qu'elles sont distri- buées et entrent dans le même arrangement, et qu'elles sont liées et mises en mouvement par un ensemble correspondant de fibres musculaires; en négligeant enfin pour ces conditions essentielles de structure ce qu'il y aurait toutefois à inférer de la diversité de leur situation, je trouve qu'il n'est rien ici d'accidentel, mais que, tout au contraire, ces rapports tiennent (367 ) Celle-ci, beaucoup plus compliquée que les autres, est dans un état de très-grand développe- à ce que des matériaux de même origine sont soumis à un même ordre de transformation. Une portion du derme ayant acquis un développement ex- traordinaire, est ce dont les deux organes comparés se com- posent. Ce qui favorise ce développement ultra-normal est une circonstance des différentes constitutions introduites par la succession des âges. Une cavité , très-grande pendant la vie uté- rine , où était renfermé un organe d'une activité qui cesse tout à coup, dévient plus tard d'une petitesse extrême. Elle ne peut alors contenir le derme qui la tapissait : si celui-ci est rejeté en dehors, il y croît alors sans contrainte. Ainsi peu importe le point affecté : toute partie des tégumens est susceptible des mêmes influences et de la même anomalie; ce qui explique com- ment une semblable organisation caractérise les abords des autres organes des sens, et d'où vient que les cartilages du nez, ceux même des paupières , présentent également de nouvelles conditions de structure. Et en effet il est tout simple que là où la même cause agit, où le système tégumentaire se développe sans contrainte, nous ayons une répétition des mêmes formes. C'est donc parce que de telles circonstances et facilités ont eu lieu dans le voisinage des organes sexuels chez les mâles des poissons cartilagineux, comme à l'entrée de l'organe auditif chez les mammifères , principalement chez les lièvres , que le derme s'est de même étalé et développé au point d'y produire plusieurs parties se correspondant exactement par leur nombre, leur situation respective et leur structure , nonobstant la diffé- rence des animaux comme espèces, et des points affectés comme localités. y ( 368 ) ment. Son pertuis à l'extérieur, pi. VII, fig. i et 2, lett. abc, forme une sorte de vulve (1), où l'on dis- tingue de grandes et de petites lèvres. Un organe le volupté est embrassé par ces dernières : c'est ïin clitoris à double tubérosité dans la poule (p,p, fig. 2), un pénis un peu plus prononcé dans les mâles (/?,/?, fig. 1)' et bordé d'appendices cartila- gineux ou cornés, h, h. On croit généralement que la plupart des oiseaux s'en tiennent, comme moyen d'excitation, à ces saillies cornées ou à des papilles. C'est qu'on n'a fait aucune attention au corps qui les supporte, pour ne l'avoir observé sans doute que sur le cadavre , chez lequel en effet l'organe excitateur tombe affaissé, et est à peine visible. Je l'ai fait représenter d'après le vivant, où le sang qui y abonde le grossit et le rend apparent sous un volume considérable; volume d'ailleurs qui n'est que dans une proportion convenable relativement à l'étendue de la bourse de copulation. Enfin, à l'égard des oiseaux chez lesquels la verge saille en dehors et reste pendante après le coït, on ne peut qu'être surpris de la dimension réel- lement disproportionnée où parvient l'appareil d'excitation. M. Cuvier, tome V de ses Leçons (1) Fulvamque o s tendit , avait déjà dit Fabrice d'Aquapen- dente en parlant de cet orifice au sujet d'une poule. Voyez De formationc ovi pcnnaturum , etc. (369) d 'Anatomie comparée, décrit celui cîe l'autruche et du canard ; et M. Tannenberg donne les dimen- sions de l'appareil de ce dernier , qu'il a déroulé entièrement, et dont la longueur qu'il a représentée est de douze centimètres. Nos figures 7,8 et 9 montrent cette verge du canard dans ses divers états de rétraction : la septième, en tire-bouchon et pendante, après le coït; la huitième, retirée et enroulée en dedans de la bourse , et la neuvième y donnant les rapports du sillon sèminifère z avec les papilles i, i, qui y versent la semence. Je ne puis présenter ici que ces indications générales : ces diverses parties sont plus ou moins modifiées dans chaque famille. La bourse de copulation est semblable dans les deux sexes : chez les mâles, mais seulement chez quelques oiseaux , une portion contient de plus les replis de leur pénis. On ne saurait méconnaître les rapports évidens de cette bourse avec les parties correspondantes des mammifères. Car, quant aux femelles, la similitude s'étend même jusqu'aux formes : c'est le même vagin, plus court cependant, plus évasé et sphérique chez les oiseaux, plus long, plus étroit et cylindrique chez les mammi- fères; et quant aux mâles, ces parties ne diffèrent que par leur position, extérieure chez les mammi- fères et intérieure chez les oiseaux. 34 ( 37o ) Détermination du Bursa Fabricii. Le fond de la bourse de copulation se continue dans une autre, le bursa Fabricii : celle-ci est un sac à une seule entrée. Sa tunique musculeuse est plus épaisse que celle de la bourse extérieure; je Fai fait représenter, vue par le côté dorsal, lett. O, dans la poule, fig. 5; dans le canard musqué, fig. 7. et dans le paon , fig. 16. Il faut qu'elle varie beau- coup, et ne soit pas d'une bien grande utilité: l'ayant trouvée creuse et assez renflée dans le ca- nard musqué, je l'ai vue peu après dans un canard commun, longue, non canaliculée et étroite. J'ai ouvert la bourse du n° 16: elle est tapissée de plis longitudinaux, comme le montre l'intérieur de la matrice chez la plupart des mammifères. Son en- trée, plus ou moins resserrée selon les espèces, est le plus souvent cachée par le col de la vessie uri- naire : toutefois elle est plus éloignée de celle-ci et elle est située plus extérieurement dans la poule; fig. 3 et 4 ? lett. O. La position de ce bursa , supérieure eu égard à celle de la vessie urinaire, rappelle cette même po- sition de la matrice ou du canal éjaculateur chez les mammifères. Fabrice d'Aquapendente n'avait observé ce bursa que chez une femelle , d'où il lui avait attribué la fonction de recevoir la semence (37' ) du mâle. Mais Schneider, dans sa Collection de Mémoires citée plus haut , se déclare contre cet usage, et juge même cette bourse étrangère au sys- tème sexuel, parce qu'il l'a, dit-il, également obser- vée chez les mâles, notammejat chez le colymbus cristatus et chez le dindon, et qu'il a de plus constaté sur les coqs qu'elle diminue et disparaît avec l'âge. La conclusion de Schneider est loin d'être rigou- reuse, s'il est avéré que les organes d'un sexe existent pareillement dans l'autre avec des formes plus ou moins diversifiées, et surtout elle ne saurait prévaloir contre l'observation très-circonstanciée de Fabrice, qui a décrit fort minutieusement les mouvemens de la poule ouvrant sa vulve pour porter au dehors l'orifice de son bursa, et ceux du coq pour intro- duire dans celui-ci son pénis et sa semence. Ces bursa contiennent la liqueur séminale propre à chaque sexe , et ils se mettent en rapport pendant le coït. N'en est-ce point assez pour que , réservoirs de la semence, nous les disions les analogues des vési- cules séminales, ou bien pour qu'adaptés au jet de la semence, nous les considérions comme en étant les canaux éjaculateurs ? C'est la fonction , mais c'est en même temps la place des vésicules sémi- nales. Notre loi des connexions nous porte à adopter cette détermination à l'égard du sexe mâle. Voyez que c'est à portée et de chaque côté du bursa ou de l'unique vésicule séminale des oiseaux ( 37* ) que versent les canaux déférens. Ceux-ci, lett. 1,1, fig. 8 et 9, se terminent par un mamelon, remarqué déjà par MM. Dumas et Prévost. J'attache à cette considération une grande importance, et c'est pour cela que j'ai mis du s#in à l'exprimer dans ma plan- che. Nous reverrons ce mamelon ailleurs, et il fixera nos incertitudes dans d'autres essais de détermina- tion. Son utilité est d'agir comme une soupape ; ainsi il laisse s'échapper, mais non rentrer la se- mence. La pression qu'au fur et à mesure de sa sé- crétion la tunique musculeuse de la bourse de copulation exerce sur la semence , la vulve restant fermée, ne saurait avoir d'autre objet que d'intro- duire cette sécrétion dans la vésicule séminale. Cet écoulement a lieu surtout pendant la saison des amours, et amène promptement alors la plénitude de la vésicule. L'irritation qu'en ressentent les oiseaux est ce qui les excite au coït. Pour qu'il ne manquât rien à l'exposition de ces traits d'analogie, j'ai fait représenter, fig. 7, tout le testicule A et son épididyme E embrassés dans les mêmes enveloppes, puis le canal déférent 1 1 déplissé dans toute son étendue. Le canal déférent n'occupe, quand il est en place , qu'une moitié de sa longueur totale, d'où vient sa disposition en zig-zag ; ce qui est exprimé de l'autre coté , lett. il. Revoyons les parties analogues dans l'autre sexe. Quelques différences dans la forme des organes ( ^>7> ) rrempèchen* pas qu'ils ne se correspondent en tous points. Indépendamment de l'orifice O, en est un autre («, fig. 3 et 4-) placé à la gauche du méat urinaire, c'est l'entrée de l'oviductus. Unique et non symétrique, celle-ci n'est la répétition que de l'entrée de la papille gauche des canaux déférens, parce qu'il n'existe en effet qu'un seul oviductus ou qu'un seul canal déférent chez les oiseaux femelles. Notre loi du balancement des organes en donne la raison : l'oviductus de gauche est d'une grandeur excessive; celui de droite devait donc être néces- sairement atrophié. Chez le mâle, les deux côtés sont pareillement nourris ; chez la femelle, l'un reçoit delà nourriture au delà de ce point, et l'autre en deçà en reçoit fort peu. Cependant l'atrophie n'est pas tellement absolue à droite,, qu'il ne s'y manifeste un vestige d'oviductus. Voyez cet organe rudimentaire sur la poule, fig. 5, lett. i; voyez-le aussi représenté, fig. 6, d'après une poule prise au plus fort de sa ponte : tout remarquable qu'est cet oviductus droit par sa longueur, il est pourtant réduit à moitié dans cet exemple, D'un grand et d'un petit oviductus chez les oiseaux. Le professeur Emraert a fait la découverte des deux oviductus par suite de celle des deux ovai- ( ^74 ) res (1). Un esprit inventeur ne s'en tient pas à un demi-succès. L'une était la conséquence de l'autre ; effectivement le fait des deux ovaires portait au pres- sentiment des deux oviductus. Emmert vit donc sur un harle femelle, au côté externe de l'uretère droit, une petite verrue ou un mamelon. Celui-ci corres- pondait par sa situation à la bouche de l'oviductus situé en dehors de l'uretère gauche, et formait la tête d'une tige qui s'étendait dans la cavité abdo- minale, et qui avait l'apparence d'un canal étroit et affaissé. « Si c'est là, comme je le pense, dit Emmert, «un second oviductus, j'avouerai cependant qu'il « n'en conserve point les fonctions. Mais en serait-il « de ce second oviductus comme des mamelles chez «l'homme? Serait-ce un organe qui existe là sans « emploi, et qui est conservé en ce lieu pour témoi- « gner de son utilité ailleurs. » J'ai revu ce second oviductus dans plusieurs oiseaux, et j'ai remarqué, comme l'établissent déjà mes deux exemples cités plus haut, qu'il varie de forme et de grandeur jusque dans la même espèce. L'oviductus de gauche, acquérant par le sacrifice plus ou moins complet de son congénère une di- mension hypernormale, devient dès lors, comme i i 1 1 » 1 1 i 1 1 1 » 11,111 1 1 1 1 — i— — . i ■ (i) Beobachtimgen ùber einige anatomische eig°nheiten der Vogel ; Mémoire inséré dans les Anhiv fur die Physiologie , t. 10, p. 317. ( 3?5 } tous les organes affectés d'hypertrophie ou parve- nus au dernier tenue de leur extension possible , un sujet fécond et riche en observations. L'oviduc- tus a, sous ce rapport, fixé l'attention du célèbre professeur d'Heidelherg, Fr. Tiedemann , lequel s'est cru fondé (i) à le partager en trompe de Fal- lope, matrice et vagin. Il faut convenir qu'une pareille détermination se présente naturellement à l'esprit à la première vue d'un oviductus qu'on a soufflé pour en mieux apercevoir les parties et le système sanguin. J'ai examiné sous ce rapport l'oviductus d'une poule tuée au moment où elle s'occupait de sa ponte, et j'ai de plus fait prendre de tout l'appareil un dessin que j'emploierai ailleurs. J'ai constaté que ce tube, long de soixante-deux centimètres, était susceptible d'une subdivision en quatre parties, savoir : d'une première, de dix centimètres, analogue à l'embou- chure ou à la portion frangée; d'une seconde, de trente, qui est proprement le tube de Fallope, tapissée en dedans par une membrane séreuse très- épaisse ; d'une troisième, de neuf centimètres, où l'œuf achève de grossir, et où il se revêt de sa coquille (2); et d'une quatrième, formant une (î) Anatomie und nalurgeschichle der Vôgel, p. 714* (1) L'œuf, se revêtissant de sa coquille, présente un phéno- mène qui n'a point encore, ce me semble, été emljrassé dans ce ( 376 ) portion intestinale sans vaisseaux visibles à l'œil nu , ayant dix centimètres. C'est de ce dessin que qu'il offre d'important. L'ovule (ou jaune d'œuf), entré dans l'oviductus, s'y conduit comme la pelotte alimentaire dans l'in- testin ; il y agit d'abord en raison de sa masse et par un pouvoir simplement mécanique (voyez page 3 17), c'est-à-dire qu'il y détermine une congestion sanguine, un afflux plus considérable du fluide de l'artère spermatique. Ainsi s'expliquent et l'inacti- vité de l'oviductus dans un cas , et son activité dans un autre , si grande au contraire, que c'est avec une extrême rapidité (dans une seule journée) que l'œuf est pourvu de son blanc ou fluide albumineux. La sécrétion, qui s'opère alors, n'est pas toute de fluide albumineux ; elle se compose aussi de carbonate de cliaux. Si en effet le sang se partage en ces deux étémens, l'une des sécrétions est la conséquence de l'autre , et l'augmen~ tation de chacune étant l'une à l'égard de l'autre proportionnelle, on ne devra plus être surpris qu'il se trouve à point nommé tout autant de carbonate de chaux qu'il en faut pour former une coquille d'œuf. Dans le cas contraire, celui où un ovule n'a point pénétré dans l'oviductus, l'inactivité de cet organe n'est point absolue : il s'y fait encore une sécrétion des deux fluides ; mais cette sécrétion y est très-faible, de la même manière que, dans l'absence de la pelotte alimentaire, les artères mésenté- riques ne sécrètent que peu de mucus dans l'intestin. Les deux produits de l'oviductus s'écoulent dans la poche de copulation, d'où ils se rendent, savoir : le carbonate de chaux, dans la vessie urinaire, et le fluide albumineux, dans l'utérus ou hursa Fabricii. Le carbonate de chaux se mêle à l'urine, comme on sait; et l'observation journalière ayant effectivement appris que c'est cette substance qui blanchit les déjections des oiseaux, on vint (377 ) j'ai détaché Foviductus droit représenté fig. 6. Il est sans pavillon et restreint aux trois parties indi- — m — — ■— i wmmmtm^ÊÊÊmfmmtmÊmmmm im i.n hihii i ■ ■■■■ , ■■■■ ■— — i n^n mm^mmm i — i ■ i- ■«■»-■» à croire que le carbonate de chaux était produit par l'action des reins. Aussi M. Vauquelin, qui partagea cette opinion , entre- prit-il des recherches sur la coquille d'œuf (annales du Muséum d'Histoire naturelle, t. 18, p. 164), dans l'espoir, qui fut déçu, que cette enveloppe calcaire lui fournirait une quantité plus ou moins grande d'acide urique. Cette prévision justifiée , on eût sans doute trouvé les coquilles d'œuf formées d'urate de chaux. Quoi qu'il en soit, l'événement, qui procure aux œufs une dernière enveloppe solide, les rend dès-lors incommodes aux oiseaux. Ceux-ci en ont le sentiment comme d'un bloc, d'une masse inerte dont la pesanteur les gêne, et dont ils s'empressent de se débarrasser. S'il arrive un dérangement dans la production du carbonate de chaux, et qu'il ne se forme pas de coquille, ou les pondeuses donnent des œufs hardés , ou l'ovule, irritant sans cesse Foviductus, continue à être un centre de fluxion et à se couvrir de fluide albumineux ; mais il croît tellement , qu'à la fin et le canal intestinal et les vaisseaux circulatoires en sont froissés, refoulés et décidément comprimés. Le jeu de ces or- ganes est interrompu; le sujet meurt. Ce cas pathologique s'est offert à moi dans les premiers jours de 1822. Une poule, morte de cette façon, avait dans son oviductus un œuf dont le grand diamètre était de dix millimètres, et le petit de six. Enfin l'événement qui procure aux œufs une dernière enve- loppe terreuse et solide, se reproduit pour tous les oiseaux avec un caractère de si grande fixité, qu'il ne saurait dépendre que de causes élevées et primordiales. Ne serait ce pas que les molé- cules du sang, parvenues au dernier terme de l'animalisation , ne deviendraient susceptibles de transformation en fluide albu- mineux que sous la condition d'une dépuration de substances ( ^ ) quées par M. Tiedemann, et nommées par lui le tube, la matrice et le vagin. Deux grands caractères distinguent la troisième subdivision, et l'établissent sur le pied d'une partie prépondérante et fondamentale, savoir : sa gran- deur, d'un diamètre (trois centimètres) double de celui de la seconde, et la distribution de l'artère spermatique efférente ; celle-ci, répandue d'abord dans la toile péritonéale qui sert à maintenir les contours tortueux de l'appareil, dirige sur cette troisième partie des rameaux plus nombreux et à plus grand calibre, et vient s'épanouir à sa surface. Fabrice et son illustre disciple Harvey, apparte- salines? La formation des coquilles d'œuf tiendrait alors au phénomène qui crée le système osseux ; et de conséquence en conséquence, l'importance de ce dernier système, importance que l'étude des rapports m'avait fait apprécier dans un si grand nombre de cas, serait enfin aperçue dans son essence. En effet, les os, dont il y a toujours plus ou moins pour ceindre les masses cérébro-spinales, les os , comme étant produits au même moment que celles-ci et produits par une semblable cause, con- servant plus long-temps leurs traits de primitive formation , et révélant de cette manière les conditions les plus intimes de l'or- ganisation, serviraient comme de truchemens à un système placé plus haut que le leur, parce que ce système possède au plus haut degré l'essence de l'animalité, au système cérébro-spinal enfin, que la confusion apparente de ses parties rend, ou du moins a jusqu'à présent rendu inaccessible à l'observation oculaire. 1 379 ) nant à une époque où dominaient sans altération les principes d'Aristote sur l'analogie d'organisation dans les animaux, avaient déjà partagé l'oviductus des oiseaux en parties, qu'ils avaient rapportées à de prétendues analogues chez les mammifères. Fr. Tie- demann , modifiant les idées de ces deux grands maîtres, crut plus rigoureuse sa détermination, que nous avons citée plus haut : notre troisième sub- division fut prise par lui pour la matrice, et la quatrième pour le vagin. Il y a quelques années, c|ue ne m'étant pas en- core fait traduire les écrits de ce célèbre anatomiste, j'avais imaginé le même système. La subdivision de l'oviductus en pavillon, tube de Fallope, ma- trice et vagin, m'avait paru fondée sur les analo- gies les plus heureuses, parce qu'alors, partageant le sentiment général sur le cloaque commun des oiseaux, je considérais cette poche comme une di- latation de la dernière zone du rectum. Je n'avais porté mon attention que sur l'oviductus, et la né- cessité de revenir aujourd'hui sur la manière dont je l'avais d'abord envisagé nous prouve, pour le dire ici incidemment, que toute détermination partielle ne saurait être jamais que provisoire. On ne peut en effet compter sur la justesse de rapports aper- çus qu'autant que l'on a fait porter ses spéculations, non-seulement sur les moindres parties qui entrent dans la composition d'un appareil , mais de plus sur ( 38o ) celles qui s'enchevêtrent avec lui, et lui servent de limites. Si nous ne nous sommes pas mépris dans notre nouvelle manière de considérer la poche où l'ovi- ductus vient aboutir, et qu'en effet la bourse de copulation corresponde au vagin et le bursa Fa- briciim corps de la matrice, la détermination des parties de l'oviductus, telle qu'elle est donnée par Fr. Tiedemann, et telle que nous l'avions nous-mêmes adoptée dans un ouvrage inédit (i), est inadmis- sible. Le vagin et la matrice étant employés, il nous faut d'autres termes de comparaison, d'autres élémens de rapports ; et pour ne pas nous écarter de notre principe des connexions, il faut surtout nous astreindre à les chercher entre le corps de la- matrice et l'ovaire. Une réflexion vient aussi donner une autre di- rection à ces recherches. Occupés de la poule, nous ne sommes pas sur un fait particulier dont nous puissions raisonnablement conclure, sous tous les rapports, à la généralité des oiseaux. La poule, (i) Histoire de la Génération, présentée à l'Académie des Sciences en sa séance du 20 décembre 1819, et accueillie par ce corps savant pour être visée et paraphée à chaque feuillet. C'est le troisième traité que j'ai écrit sur cette question. J'avais commencé en Egypte , quand des événemens de guerre vinrent bouleverser et détruire les animaux et les plantes que j'y avais mis en expérience. ( 38 1 ) oiseau de nos basses-cours, appartient à une espèce dont la domesticité a beaucoup exagéré les qualités primitives. En la privant de ses œufs et en la nourrissant abondamment, nous l'avons excitée à multiplier ses pontes; ce qui à la longue n'a pu avoir lieu sans une réaction , et par conséquent sans une hypertrophie de ses organes sexuels. De Toviductus chez le casoar. D'après ces considérationss, nous dûmes nous reporter sur un oiseau qui nous parut le moins s'éloi- gner des conditions des mammifères, et nous pen- sâmes au casoar. Quelle fut notre surprise d'en trouver l'oviductus, au volume près du tube de Faîlope , exactement semblable à l'oviductus d'un rongeur et d'un ruminant ! Dès ce moment tout fut éclairci, et je pus embrasser sous leurs véritables rapports toutes les parties de cet organe. L'oviductus du casoar [casuarius novœ Hollan- diœ) n'est subdivisible qu'en deux parties bien dis- tinctes : l'une est un canal flexueux , long de cin- quante et un centimètres, et assez large, principa- lement à sa naissance, pour qu'un ovule d'un certain volume puisse y être introduit : sa texture inté- rieure est celle d'un intestin lisse d'abord, puis successivement de plus en plus ridé : on dirait l'in- térieur d'un estomac. Ces rides forment de petites ( 382 ) lames très -minces, très -multipliées, profondes et obliquement situées : elles se redressent inférieure- ment et longent le canal près de sa fin, où il est étranglé. Abondantes en dedans, elles vont se perdre dans de gros replis situés de l'autre côté; arrange- ment qui équivaut à une valvule, et qui en produit l'effet. L'autre partie de l'oviductus consiste, à partir de ce col valvulaire, en une poche plus étroite (un centimètre de large) et plus courte (huit.) Son tissu est parenchymateux (i) et sa membrane sé- reuse épaisse et longitudinalement plissée. Cette membrane offre encore quatre plis dirigés dans l'autre sens, et qui, n'existant que dans la région supérieure, ont l'apparence de festons : en outre l'oviductus débouche à son extrémité, par une autre valvule, dans la bourse de copulation. J'ajouterai que j'ai décrit là l'oviductus d'une vieille femelle. Je n'aurais pas donné autrement l'appareil de réproduction des animaux mammifères, que j'ai dit se distinguer en tube de Fallope et en cornes de la matrice. L'oviductus des oiseaux ne serait-il (i) L'épaisseur de ce tissu, en donnant à son extension des limites assez resserrées, explique la forme très-allongée des œufs de casoar. Voici cette longueur dans le casoar de la Nouvelle- Hollande et dans le casoar à casque : Diamètres respectifs . du premier. . . . om, 12/j = 01,080. des œufs ( du second ol, i/|5 ±= o"%o86. ( 383 ) donc essentiellement formé que de ces deux par- ties ? Est-ce là en effet ce qu'indiquent leurs con- nexions et leurs fonctions ? On ne peut en douter; ce me semble. Quant aux connexions, elles sont par elles-mêmes si évidentes, qu'il suffit de les indiquer; et, quant aux fonctions, la seconde portion de roviductus contient l'oeuf, le nourrit, le façonne, comme les cornes de la matrice recoi- vent l'ovule , l'alimentent et l'amènent successive- ment à l'état d'embryon et de fœtus. On voit que, dans cette énumération, j'ai omis de mentionner notre première section : mais j'observe qu'elle correspond à la portion frangée des mammifères. Je dois une attention plus grande à la quatrième partie, que M. Tiedemann et moi avions présumée être analogue au vagin. Cette portion, qu'on re- trouve également clans l'oviductus des poissons cartilagineux, me paraît, quant à sa composition et quant à son objet, rentrer dans un fait général. Effectivement, j'ai cru apercevoir que tout canal est terminé par une issue défendue par des valvules. C'est ainsi qu'est le rectum ; c'est encore de même qu'est le vagin. Il existe deux sphincters différens pour former l'anus; les anciens anatomistes les avaient distingués par les noms ^interne et d'ex- terne : le col terminai' du vagin ou l'hymen et les petites lèvres appartiennent à ce système de clôture. La poche principale de roviductus est de la ( 384 ) même manière fermée par deux cols : mais, comme l'oviductus forme chez les ovipares un appareil porté au maximum de composition, ce n'est plus une simple issue bi-valvulaire qui le termine, mais, à raison d'un certain espace entre les deux cols, un véritable canal. Ce canal, tiraillé dans l'oviductus rudimentaire, s'est, aux dépens de sa largeur, allongé au point d'ëtrepdouble du reste de l'appa- reil : il ne forme que la sixième partie de l'ovi- ductus gauche. De la place à occupe?* par les oiseaux dans les classifications zoologiques , d'après les indications fournies par leurs organes sexuels. Peut-être serait- on encore arrêté par une diffi- culté. On pourrait en effet s'étonner qu'un appareil aussi volumineux chez les oiseaux ne se subdivisât qu'en deux parties : ce serait dès lors faute d'avoir réfléchi que cette condition de grandeur n'est pas partielle, mais qu'elle s'étend à tout le système sexuel des oiseaux. Qu'on veuille faire attention à la di- mension du clitoris chez la poule, de la verge chez le canard , et du vagin, que nous avons dit se com- poser d'une grande partie du cloaque commun, on sera convaincu que la grandeur de l'oviductus ré- sulte d'un développement de même ordre. Ceci trouve son explication dans un autre fait ( 385 ) que je tiens aussi pour incontestable. On considère aujourd'hui les animaux des rangs inférieurs comme correspondant, pour le degré de l'organisation, aux divers âges des fœtus des hauts vertébrés (i). Dans mon travail sur les lamproies , communiqué à l'Académie des Sciences, les 7 et 14 niai 1821 , j'ai montré sous quels rapports les poissons cartilagi- neux constituaient l'un de ces chaînons : les pois- sons osseux sont à quelques égards placés plus haut; puis les reptiles, les mammifères occupant un degré plus élevé. Ce n'est pas à ce point que s'arrête ^ suivant moi, cette série progressive : les oiseaux portant plus loin le développement orga- nique , me paraissent au faîte de l'échelle. La res- piration, plus ardente chez eux, donne à chaque système en particulier un plus grand degré d'éner- gie, duquel résultent, ou bien pour les organes en- tourés, plus d'amplitude et de fini, et conséquem- ment de plus hautes fonctions , ou pour ceux qui peuvent refluer en dehors avec ce sur-dévelop- pement, une extension notable. Dans le premier cas sont la trachée- artère , le larvnx inférieur, (1) Le cours de physiologie que M. le docteur Flourens a fait, en 1820, à l'Athénée de Paris, a eu principalement pour objet cette importante question. Ce jeune et éloquent professeur a cherché à y montrer que la complication graduelle de l'orga- nisation s'effectue par les mêmes lois dans les deux séries com- parées des âges et des espèces, IT. 2 5 ( 386 ) l'œsophage ou le jabot , l'estomac ou le gésier, le sternum, les os scapulaires, le bassin, les mem- bres, etc., etc.; et dans le second, le système épidermi- que et surtout celui de la génération. Ces derniers sont véritablement ouvragés chez les oiseaux, bien au delà de ce que nous font connaître leurs déve- loppemens chez les mammifères. Et je vois ces li- mites plus ou moins dépassées, selon que d'autres houppes d'artères, de nouvelles irradiations san- guines existent ou non, en dehors de ce qui, chez des animaux bien moins composés , constitue la dernière artériole. Tout chez les oiseaux s'accroît dans la même raison : les voies circulatoires sont plus prolongées , la chaleur dégagée dans la respi- ration est plus grande, la puissance nerveuse est plus efficace, la perceptibilité des sens plus éten- due , et la contraction musculaire infiniment plus forte. De la même manière que le tissu épidermi- que, au lieu de s'arrêter dans son développement comme chez les mammifères, et de n'y constituer à chaque extrémité nerveuse qu'un brin rudimen- taire, qui est le poil de ces animaux; de la même manière, dis-je, que ce tissu donne, en continuant de croître chez les oiseaux, des tiges en panicule qui forment un riche panache de chaque branche pileuse ou de chaque plume, les organes sexuels qu'enrichissent un plus grand nombre de subdivi- sions de l'artère spermatique arrivent chez les oi- ( 337 ) seaux à une grandeur à laquelle les conditions d'organisation des mammifères ne nous avaient pas accoutumés. Ainsi les arbres, sans que ce soit pour eux d'une même importance, diffèrent les uns des autres par le nombre de leurs nodosités et par l'inégalité de leurs embranchemens successifs. Sur le principe des affinités électives des élémens organiques. Je n'ai tout à l'heure parlé que d'une seule diffi- culté, de celle déduite du volume de l'oviductus : il en est bien encore une autre sur laquelle je ne craindrai point davantage de m'expliquer, c'est la disjonction de l'utérus et des cornes chez les oi- seaux. Bien loin qu'on puisse tirer de ceci une objection contre ma précédente détermination , je n'y vois qu'une nouvelle application de mes principes , de celui sur les affinités électives des élémens organiques, et, je puis ajouter, qu'une application indiquée par la théorie comme un résultat nécessaire. C'est le propre des matériaux de l'organisation, s'ils sont atténués ou rudimentaires, de paraître, à leurs points de contact, se confondre; et au con- traire, s'ils passent au maximum de composition, de s'écarter, et d'exister dans une sorte d'indé- pendance. Sont-ils petits et frêles, ils ne se sou- ( 388 ) tiennent qu'en se prêtant un mutuel appui ; c'est tout au plus si on les aperçoit individuellement : leur pluralité dans l'organe qui s'en compose est sans objet ; ils n'interviennent et n'ont d'influence que comme rassemblés en un bloc, que comme formant une unité. L'hyoïde , par exemple , est assez souvent dans ce cas (chez les batraciens). Cependant voyez l'une de ses pièces, le cératohyal (Phil. anat. i, p. 17^), s'en dégager chez l'homme pour faire partie d'une saillie de la base du crâne dans l'apophyse styloïde. Voyez le stylhyai et le glossohyal , autres pièces de l'appareil , passer chez les oiseaux au service de parties voisines. Cependant tous les élémens possibles de l'hyoïde forment véritablement chez le cheval un organe unique, un ensemble parfai- tement circonscrit par la dépendance réciproque de toutes ses parties et par le concours respectif de leurs fonctions. Dans ce dernier cas , l'hyoïde se borne à s'interposer comme un mur mitoyen entre la langue et le larynx. Mais que la langue s'écarte du larynx et celui-ci du crâne, s'il n'arrive pas aux diverses parties de l'hyoïde de s'allonger dans une même raison, son démembrement est forcé; et, comme il n'existe que par la mise en société des pièces externes des trois principaux systèmes* aboutissant dans le même confluent, son mode de dislocation ne peut jamais dépendre du ( 389 ) hasard. Chaque pièce est au contraire entraînée par des règles immuables, d'après des motifs manifes- tes. Elle obéit à une sorte d'affinité propre, à un choix qui lui est imposé par la dépendance néces- saire dans laquelle toute racine est à l'égard de sa souche. Que la langue, le larynx et le crâne s'écartent donc, sans que l'hyoïde y participe par l'allonge- ment de ses parties, le stylhyal se fixe au crâne, le glossohyal à la langue, et le basihyal au thyroïde. Ainsi, ce qui décide de ce partage au profit des ap- pareils voisins ne se fonde pas seulement sur des raisons qui tiennent au voisinage des parties : car, dans un hyoïde entier, le stylhyal, placé entre un osselet apophysaire du crâne et le cératohyal , est aussi voisin de l'un que de l'autre. Si le stylhyal se fixe au crâne, il y est déterminé par le mode par- ticulier de ses ramifications sanguines ; et en effet il n'en saurait être autrement, ce choix dépendant visiblement de l'origine et de la distribution de l'artère qui nourrit cet osselet. D 'une poche chez les oiseaux déterminée sous le nom ^fad-uterum. Appliquons ces vues à ce qu'on a considéré comme des annexes de l'utérus, et nous trouverons à appuyer de nouveaux motifs nos précédentes dé- i \ ( 39o ) terminations. Nous avons vu plus haut comment on était arrivé, en anatomie humaine, à ne tenir aucun compte des cornes, à part de l'utérus. Cependant des artères différentes créent et nourrissent sépa- rément les cornes et le corps de la matrice. Aussi l'anatomie vétérinaire avait-elle été forcée de recon- naître, pour les animaux qu'elle embrasse dans ses considérations, que l'accessoire, présumé tel d'après le point de départ, avait acquis une prépondérance marquée sur le principal , c'est-à-dire que les ailes de la matrice, soit pour le volume des masses, soit à l'égard des fonctions , l'emportaient de beaucoup sur le corps. Ajoutons qu'il est des mammifères, les lapins, et plus particulièrement les marsupiaux, chez lesquels cette prépondérance est telle que le corps utérin s'efface de plus en plus, et disparaît même entièrement. Ainsi c'est à l'une comme à l'autre de ces parties qu'il arrive, suivant les espèces, d'être ou élevée au maximum , ou descendue au minimum de compo- sition. Aux deux bouts de l'échelle, sous ce rapport, sont les organes sexuels de l'espèce humaine et ceux du lapin. Et en effet, chez la femme, le corps de l'utérus est plus volumineux, et chaque corne plus petite (i) : chez la femelle du lapin, c'est Fin- -t — r* ru i »■■■ ii. mm - i - ^i ■■ ■■ ■ n i n - "- — ■ "~ -'~ ■ -■ — ■ .— ^.. (i) En prononçant ici le nom de corps de l'utérus, je m'ex- prime comme on le fait en anatomie comparée. Dans l'anatomie ( 39i ) verse : le corps est petit, rudimentaire , ou plutôt à peu près nul ; les cornes sont au contraire considérables. Ces deux organes sont donc au fond constitués avec des droits égaux ; aucun n'étant subordonné à l'autre, leur distinction est mani- feste. J'ai de plus l'intime conviction que leurs fonctions ne se confondent jamais. Le corps, dont les contractions durant l'acte font ouvrir et fermer alternativement l'entrée vaginale , est proprement un organe de conception, et les cornes sont des bourses appliquées à recueillir les produits du coït, continuant leurs soins à ces produits en devenant pour eux le milieu où ils s'organisent et se déve- loppent. Finalement, corps et cornes sont aussi différens quant à l'origine et à la nature de leurs matériaux constitutifs qu'à l'égard de leur emploi : ce sont donc deux organes bien réellement dis- tmcts. Cependant, pour en déclarer l'entière indépen- dance et pour en prononcer définitivement la sépa- spéciale de l'homme on a aussi reconnu deux cavités, dites du corps et du col ; la première correspond à celle des deux cornes des animaux , et la seconde à celle du corps de l'utérus. Les deux cornes sont chez la femme confondues à leur base. Le tissu des deux cavités est distinct. C'est comme chez les mammifères , et il en est tout de même des fonctions, le fœtus naissant toujours- dans la cavité des cornes. Il n'est là de non concordance que dans îa nomenclature. ( 3g> ) ration, j'ai attendu d'avoir montré ces organes dans les oiseaux. Là cette séparation est manifeste. Le corps de l'utérus, ou notre vésicule séminale (bursa Fabricii) occupe le fond du vagin ou de la. bourse de copulation. Tantôt réunies et fondues dans le cloaque commun, et tantôt séparées par un étran- glement, ces deux bourses, forment, suivant les espèces, un seul ou deux appareils distincts; mais s'il y a association, c'est toujours de l'un avec l'au- tre. Et de même les cornes de la matrice et le tube de Fallope, étant tantôt réunis (chez la poule) et tantôt séparés en deux parties différentes (chez le casoar), forment ou deux organes distincts, ou le plus souvent un seul, lequel a reçu le nom d'ovi* ductus. J'ai cru devoir insister sur cette alliance des cornes de la matrice , alliance tout autre dans les deux premières classes, et dévolue chez les mammifères au corps de l'utérus , et chez les oiseaux au tube de Fallope, pour porter enfin le sceau de l'évidence sur cette conclusion : la dis- tinction et l'indépendance , comme organe, de la poche où le germe commence et se développe, A un organe ainsi déterminé, je dois un nom d'une acception applicable à ces diverses manières d'être : il est manifeste que celui de cornes de la matrice ne fait allusion qu'à une circonstance spé- cifique , et qui, fut-elle moins restreinte, serait en soi indifférente. En effet, ce nom, comme emprunté ( 393 ) à la considération la plus fugitive de l'organisation, celle de la forme, s'il pouvait à la rigueur convenir dans quelque cas , n'est certainement en aucune manière applicable à la classe entière des oiseaux. Il est généralement avantageux que des noms soient significatifs; mais il faut craindre de leur procurer ce mérite, en les exposant pour la suite aux inconvé- niens de continuelles exceptions. J'observe qu'en les faisant reposer sur l'essence du principe des con- nexions, on les met à l'abri de ces inconvéniens ; et c'est dans cet esprit que je propose le nom à' ad- uterum ; contraction de cette phrase, vas, vel mar- supium ad uterum, c'est-à-dire canal ou bourse avoisinant le corps de la matrice. Et alors, si j'avais à exprimer en termes précis les déterminations qui précèdent, je ne pourrais donner d'un oviductus d'oiseau une idée plus simple, et je crois plus complète, qu'en le disant composé d'un pavillon, de! èpididyme déroulé , de Yad-ute- rum, et d'un canal vestibulaire* Cependant une objection peut être produite ; il faut la réduire à sa juste valeur. Dans la détermina- tion de Toviductus, telle qu'elle est ici donnée, le principe des connexions ne serait-il pas faussé? ne pourrait-on pas opposer à ce principe que la poche ad-utérine aboutit et s'ouvre dans l'utérus à quel- que distance et au delà du vagin chez les mammi- fères, et tout près au contraire et jusque dans le ( 394 ) vagin chez les oiseaux? Quelque inconvénient, qu'il y ait à continuer cette discussion, déjà beaucoup trop longue, je ne puis éviter de répondre à ces questions. Ces différences d'une classe à l'autre, que nous nous proposons en ce moment comme un sujet de difficultés, existent les mêmes d'un sexe à l'autre chez les mammifères. Ramenons celles-ci à l'ana- logie, parce qu'en y réussissant, les autres y seront aussi pareillement ramenées. De /'ad-uterum chez les mammifères. Les organes sexuels éprouvent, comme le Nil, une crue périodique : l'engorgement des vaisseaux donne lieu, principalement chez les femelles après leur im- prégnation, à un travail intestin , qui change le rap- port respectif des subdivisions de l'appareil, en pro- curant à quelques-unes d'elles seulement des dimen- sions extraordinaires. Uad-uterum, où les embryons naissent et grandissent, est plus particulièrement dans ce cas. Cet effet se manifeste chez le lapin par une augmentation de volume tant en largeur qu'en épaisseur, et de plus par une diminution en lon- gueur. Ainsi l'épididyme déroulé ou le tube de Fal- iope (lett. E , fig. i3), étant de cent quarante milli- mètres dans une vieille femelle qui avait mis bas, différait peu, quant à la longueur, de X ad-ut&um* ïl faut se rappeler que c'est sous une proportion ( 395 ) différente que ces parties se sont offertes à nous dans un individu vierge ; savoir, l'épididyme, qua- tre-vingts millimètres , ïad-utenim cent vingt. Ce dernier canal, pius étroit et plus allongé dans les jeunes sujets, n'est vraiment que le canal défé- rent: même forme tabulaire, mêmes relations des parties, mêmes structure et fonctions; que de considérations pour prononcer l'analogie des deux tubes! Voyez-les ensemble (lett. II, fig. 11 et i3), vous ne sauriez y apercevoir de différences sensi- bles, quoique déjà le tube n° i3 appartienne à un appareil déformé, rendu plus renflé et raccourci du tiers pour avoir concouru plusieurs fois à un développement d'embryons. Doubles dans chaque appareil, ils aboutissent l'un et l'autre à un même confluent : ils s'ouvrent dans une bourse unique , chacun isolément et par un orifice i, /, terminé par un bourrelet tenant également lieu de soupape. J'ai fait représenter séparément, fig. iZj, la poche séminale du mâle : j'y montre les méats i, i des ca- naux déférens ayant leurs débouchés vers le col de la poche, près de son entrée dans le canal de l'urètre. On a ouvert l'un des ad-uterum à son ex- trémité vaginale (voyez mêmes lettres i, i fig. i3), pour mettre en évidence le bourrelet et les replis longitudinaux de l'intérieur. Uad-uterum conserve à son autre extrémité dans l'un et l'autre sexe ses rapports de plus grand dia- ( 396 ) mètre à l'égard du long canal pelotonné, qui constitue l'épididyme.Onsait, parles recherches d'Alexandre Monro (i) que ce canal est d'une longueur et d'une ténuité excessives. La conclusion de ce qui précède est que les tubes I, I, comparés dans l'un et l'autre sexe, sont réellement et absolument identiques. Les yeux aperçoivent ce fait tout aussi clairement que l'es- prit le conçoit. La différence d'un sexe à l'autre à l'égard de Yad-uterum est donc tout entière dans la proportion relative des diverses parties de cet organe. Passé comme à la filière dans le sexe mâle, ce n'est plus qu'un tuyau long et très-étroit, tandis que, contracté dans le sexe femelle, il se montre sous la forme d'une large poche à parois fort épaisses. Voilà ce qui se rencontre le plus souvent: car un cas rare est celui de l'espèce que nous avons prise pour exemple, et où la poche ad-uterine se montre plutôt sous la forme d'un canal déférent. Un cas plus rare encore est l'arrangement qui caractérise les di- delphes, et qui consiste dans la courbure des deux ad-uterum du côté intérieur et dans la réunion et la soudure de leurs deux extrémités : les arcs dérivés de ces courbures figurent chez les didelphes deux 1- — n^i ■■>!! !■ ■_._!..__ L ■ !■_ _—l_. _ Il I ■ J ■ _ I l - . Il II ■ - " _•!!■■ (i) Dissertatio de testibus et de semine in variis animalibus, In Th«s. Med. , t. 2, p. 346. ( 397 ) anses de panier, qu'on pourrait également produire avec les ad-uterum du lapin , si l'on reportait chaque extrémité sur son point de départ, et par exemple I'surl",fig. i3. De l'utérus des mammifères. Je reviens présentement à l'utérus, assuré que je suis de le pouvoir apprécier dans ses conditions les plus générales. C'est chez les oiseaux une poche placée à l'extrémité de la bourse de copulation, qui en constitue le fond , qui , séparée par un col , ou simplement par un étranglement, en est une mani- feste dépendance, et qui, sous la même forme dans l'un et l'autre sexe , n'y est pas d'une telle utilité qu'elle ne manque quelquefois. Au contraire on croit voir chez les mammifères que l'utérus appar- tient tout autant au vagin qu'aux ad-uterum, et qu'il est même chez quelques-uns dans une plus intime relation avec ces derniers. Cependant ce n'est là qu'une illusion. A vrai dire, l'utérus, dans les mammifères comme dans les oiseaux, n'est toujours que le fond du vagin, auquel une circons- tance, comme le moins de longueur proportion- nelle du train de derrière des animaux, crée un mode particulier d'existence. Comme si le vagin et l'utérus n'étaient essentiel- lement qu'une seule et même chose avec une Ion- (398) gueur primitive obligée, ils forment chez les animaux à lombes et à bassin prolongés un canal unique sans la moindre modification dans toute sa longueur. C'est ce que montre le lapin (lett. OU, fîg. i3), et ce que montrent de même les didelphes, les taupes et la plupart des mammifères insectivores. Au con- traire, si le train de derrière est plus court, ce n'est plus un tube homogène dans toute son étendue, mais deux parties distinctes , répondant aux idées particulières que nous nous faisons du vagin et du corps de la matrice. Le vagin est toujours ce même canal homogène : l'utérus seul éprouve de notables changemens; il se contracte faute d'espace,il perd de son étendue superficielle en se ridant et en prenant plus d'épaisseur. Soit adhérence des rides, soit rem- plissage des mailles par des follicules muqueuses, son tissu n'est plus le même. On a décrit à part le col de la matrice; c'est un repli annulaire, un repli de tout le tissu, qui le produit. Plus profondément et à portée des ad-uterum, c'est un autre repli semblable et parallèle ; manifeste surtout dans la vache, etc. L'utérus ainsi limité par ces deux étranglemens est donc constitué en une poche à part, que ren- dent encore remarquable les replis longitudinaux et nombreux de sa membrane interne. Je lui trouve le même usage qu'à la vésicule séminale des mâles: le fluide qui en lubrifie l'intérieur ne provient pas { 399 ) uniquement de sa membrane muqueuse : les canaux ad-utèrins y apportent et y mêlent les sécrétions de l'ovaire, et la conception s'opère par le concours de toutes ces circonstances. Par conséquent, nous voilà, comme dans les oiseaux, avec un corps utérin bien distinct. Mais, de même aussi que dans les oiseaux, peu s'en faut qu'il ne disparaisse. Que plus d'espace soit accordé à son développement, l'un des plis ou les deux plis ensemble s'effacent, et l'utérus revient, comme dans le lapin, à ne plus être qu'une portion du vagin. Ce n'est point, comme on le voit, une disparition réelle. L'utérus existe tou- jours pour la théorie des analogues: confondu avec le reste du vagin , il ne fait seulement que perdre la spécialité de structure et de fonction qui résuite pour lui de la contraction et de l'épaississement de ses tuniques. Mais, dira-t-on peut-être, ne serait-on point encore dans le cas de reproduire la même ob- jection que précédemment? N'y aurait-il point à reprocher à la détermination des parties désignées (lett. OU, fig. 1 1 et 1 3) d'avoir été donnée, en s'étant cette fois écarté du principe fondamental de la nou- velle méthode de détermination, du principe des connexions? En effet, les canaux ad-utérins II ne débouchent pas au même lieu, dans les deux or- ganes comparés. C'est à l'un des bouts, fig. 1 1 , et à l'autre bout, fig. i'3. De cette différence suit que / ( 4oo ) c'est un sac dans le premier cas, et dans le second un canal. J'ai présenté l'objection dans toute sa force, et je n'en suis pas moins persuadé que le principe des connexions n'est nullement en défaut dans cette occasion; il ne l'est pas plus que le seraient à l'égard des parties intermédiaires les deux entrées d'un manchon ramenées l'une auprès de l'autre. La vésicule séminale (voyez fig. 1 4), n'est point un sac à une seule ouverture d'entrée et de sortie; mais, comme à la vessie urinaire, on y aper- çoit d'abord deux orifices i, ï> par où s'introduit le fluide sécrété , et de plus un orifice de sortie ser- vant à l'éjaculation de ce fluide : d'où par consé- quent la vésicule séminale forme, aussi bien que l'utérus , un canal , dans lequel arrivent et duquel s'écoulent les sécrétions des testicules* Toute la différence est dans leur tenue respective droite ou recourbée ; droite dans le sexe femelle , et coudée dans le sexe mâle. La plus grande indifférence pour l'un et l'autre résultat forme le premier caractère de cette orga- nisation. Ce n'est d'abord qu'un réseau fibreux qu'on peut comparer à ces bourses tissées en filet, dont on fait usage pour porter sur soi quelque monnaie ; l'élasticité de la matière employée fait que ces bourses, étant tirées dans un sens, éprou- vent une rétraction dans une autre : on peut en effet, par un tirage concerté et bien entendu, les ( 4oi ) produire successivement sous plusieurs formes, sans qu'il ne soit rien dérangé aux rapports de toutes les parties composantes. De la même manière, avant que la vésicule sé- minale ait ses mailles remplies et toutes ses fibres portées au contact comme dans une toile à grain fin et serré , il deviendrait facile d'agir sur elle, d'entraîner les canaux déferais du côté des testicules et d'allonger la vésicule séminale en l'a- maigrissant latéralement. Que cela se fût ainsi passé, qu'en conclure? Qu'on eût amené cette poche à n'être qu'un long canal ; qu'on eût produit ce qui est fig, i3, c'est-à-dire qu'on eût construit à tous égards l'appareil du sexe femelle. Il est presque inutile d'ajouter qu'on arrive à la même conclusion en faisant l'inverse. En effet, que les ad-utérum, II, fig. 1 3, soient entraînés du côté de la vulve, et le canal utérin et vaginal (OU) sera transformé en une poche plus courte et plus large. Ainsi aura lieu comme dans l'exemple précédent la métamor- phose d'un sexe dans l'autre. Et ici, je parais n'avoir donné qu'une pure sup- position, quand je n'ai vraiment fait que rapporter ce qui se passe. Les sexes, comme on l'a remarqué, diffèrent fondamentalement par leur position exté- rieure chez le mâle et intérieure chez la femelle. Le derme, se développant extraordinairement et saillant au dehors chez le mâle, entraîne dans cette ii. 26 C 402 ) direction tous les organes qui lui sont subjacens, de même que, refoulé en dedans, il repousse au loin, ou plutôt il abandonne à une action opposée dans son jeu ces mêmes organes subjacens. L'oviductus et l'utérus des oiseaux sont l'un à l'égard de l'autre dans les mêmes relations que les canaux déférens chez les mammifères : dans ce cas, à des relations identiques conviennent les mêmes explications. C'est par cette dernière réflexion que je termine ce que j'avais à exposer touchant les organes génito- urinaires considérés dans l'état normal. Ce paragraphe n'est-il qu'un fragment de l'histoire du podencéphale? il a trop d'étendue; qu'un frag- ment d'une histoire de la génération? il est très-in- complet. Je reviendrai sur ces faits dans un autre ouvrage : mais en attendant, et dans celui-ci, je cède à un sentiment pénible; je redoute la sévérité du lecteur, qui, ayant remarqué l'inconvenance d'une aussi longue digression, m'a sans doute déjà fait l'application de ce mot : Non erat hic locus, § VIII. Organes génito - urin aires du Podencéphale, Nous avons comparé les organes sexuels des mairv mifèresetdes oiseaux; rendons ce travailapplicable au podencéphale. Puisque chez ce monstre les ( 4o3 ) trois voies génitales, urinaires et stercorales abou- tissent dans un même canal et viennent ensemble s'ouvrir au dehors, il est manifeste qu'en ce point aussi, la structure du podencéphale s'écarte égale- ment de celle des mammifères ; et comme toutes ces routes à ce confluent sont cependant soumises au système d'une vessie urinaire très- étendue, il l'est de plus que cette structure ne reproduit pas davantage toutes les circonstances qui caractérisent les organes sexuels et urinaires des oiseaux. Dans ce cas, le précédent paragraphe ne contiendrait qu'une exposition de faits étrangers au podencéphale , qu'une discussion générale, dont le résultat serait de porter à considérer le podencéphale comme exclu de toutes relations dans la nature vivante, corr.me entraîné dans une déviation constituant ainsi un désordre élevé à son comble. Ce n'est point là ce que nous avons reconnu jus- qu'à ce moment : les monstruosités ne s'écartent des formes de leur espèce qu'en revêtissant celles d'une autre : une anomalie dans un cas retombe dans ce qui est de règle ailleurs. Tout résultat contraire a donc lieu de nous surprendre, surtout quand il se lie à une question d'une toute autre et plus grande importance. Nous avons vu que l'anus du poden- céphale est imperforé : son rectum, venant débou- cher dans l'urètre , présente un déplacement de parties que nous aurions supposé impossible d a- ( 4°4 ) ' près le caractère absolu que nous avons dit former l'essence de notre loi des connexions. J'en dois re- produire de nouveau l'observation ; car, d'après les antécédens qui ont décidé de ma direction dans les sciences, toutes mes recherches tendent cons- tamment à l'établissement de cette proposition fondamentale, l'unité de composition organique. On a vu plus haut que je n'ai examiné les mons- truosités qu'alin de vérifier si dans ces désordres d'organisation les principes sur lesquels se fonde ma méthode de détermination seraient susceptibles des mêmes applications qu'à l'égard de tous les autres cas des diversités normales. Qu'on juge alors combien il m'importait d'être attentif à un événe- ment qu'un instant j'ai pu considérer comme consti- tuant une exception à ces principes. Car il n'y a point à balancer : très-certainement, ou je dois prouver que ce n'est là qu'un effet d'apparence trompeuse, ou je ne pourrais continuer de ranger le principe des connexions au nombre de ces lois fondées sur un enchaînement nécessaire de faits qui naissent les uns des autres. Les organes génito-urinaires du podencéphale tiennent et de ceux des mammifères et de ceux des oiseaux , et j'avais le plus grand intérêt à analiser tous les degrés de ces rapports. Il est évident que je ne pouvais me livrer au débrouillement de cette question qu'autant que ses élémens me seraient ( 4o5 ) donnés avec rigueur; et j'ai dû commencer par rechercher quels étaient au fond et essentiellement les organes génito-urinaires des mammifères et des oiseaux, soit dans Tune ou l'autre de ces classes, soit d'une manière générale pour toutes deux. Du rectum. Voici dans quels rapports sont entre eux les organes génito-urinaires du podencéphale. Après la poche a-b, pi. VI (i), fig. 8, vient l'intestin s, que j'ai décrit page 287, et que j'ai employé sous le nom de rectum, parce qu'il forme la dernière portion du canal intestinal. C'est une barrière à deux sphincters, l'interne existant au-dessous de la ligature /, et l'externe à l'entrée dans l'urètre. L'orifice de ce dernier est visible, lett. s, fig. 9. Ne serait-ce que le canal intra-valvulaire de l'anus , étendu et tiraillé parla vessie urinaire? et faudrait- il considérer ce bout d'intestin comme le fait d'une organisation analogue soit au tube vestibulaire (2) qui termine l'oviductus, soit à l'espace compris (1) Nous revenons sur la planche VI, pour ne plus nous occu- per que d'elle dans ce qui va suivre. La figure 8 est diminuée et réduite à moitié de grandeur naturelle. (2) Veuillez vous reporter à ce que nous avons dit de ce tubc> et à l'explication que nous en avons donnée, page 38o. ( 4o6 ) I entre Thym en et les nymphes, qui chez la femme terminent le vagin ? Dans ce cas, la grande poche a-b, qui précède, ne serait autre que le rectum lui- même, dilaté à l'excès par la grande quantité des matières y accumulées. Nous manquons de sujets de comparaison; et par conséquent il est difficile de se fixer avec une entière confiance sur l'une ou sur l'autre de ces manières de voir. Mais ce qui devra du moins nous intéresser ici, c'est l'insertion, du canal s; elle a lieu dans l'urètre, très-près de la vessie. Notre figure n° 9 la présente du côté inté- rieur, et celle n° 10 par derrière ; ce qui n'a pu avoir lieu, à moins que l'intestin ne détournât la prostate réprésentée lett. ç, et ne se fît jour par delà. Des organes urinaires. Nous avons ouvert la vessie, fig. 9, pour y voir et l'entrée du rectum et celle des uretères. Ceux-ci y sont au nombre de trois : les deux congénères n et n\ et un troisième impair, lett. m; ce dernier placé plus profondément. L'uretère 7/2, fig. 8, est formé, comme à l'ordinaire, par un canal simple, lisse et étroit, quand au contraire les deux autres u et n\ fig. 8 et 10, sont, sous une forme intestinale, amples, flex ueux et allongés. Les Annales médicales font aussi mention d'uretères surnuméraires : Ty- son (dans les Transactions philosophiques , année ( 4<>7 ) 1769) en vit quatre sur le corps d'un enfant; mais, ce qui n était pas dans notre monstre, ils naissaient à quelque distance, l'un au-devant de l'autre, dans le rein, et se trouvaient renfermés dans une mem- brane commune pour aller déboucher sur la vessie; savoir, à gauche, par un seul orifice, et à droite, par deux orifices distincts. La circonstance d'uretères larges comme de pe- tits intestins s'est aussi rencontrée. Lieutaud donne cette observation, en faisant remarquer qu'elle était liée, chez un sujet qui mourut à trente-cinq ans, à un défaut de vessie urinaire. Le rein du po- dencéphale, lett. R, fig. 8, était dans l'étatnaturel. Enfin il n'arrive que trop souvent que le rectum vienne aboutir dans le canal de Turètre chez les garçons, et dans le vagin chez les filles. Que ces routes de communication s'entrouvrent suffisam- ment, et il sera possible d'exister long-temps avec une aussi grave infirmité : ce fait est établi par la célèbre observation de Mercurialis, rapportée d'a- près une femme israélite qui a vécu un siècle. Ce même fait d'une femme sans anus, et qui rendait ses excrémens par la vulve, s'est aussi présenté à M. le docteur Fournier-Pescay. Voyez l'article Cas rares , que ce savant physiologiste a rédigé pour le premier Dictionnaire des sciences médicales. *•• ( 4o8 ) De V organe sexuel. L'organe de reproduction du podencéphaie n'é- tait remarquable que par sa petitesse, principale- ment à droite. Nous avons fait figurer celui de gauche, où Ton voit distinctement le testicule A, l'épididyme E et le canal déférent I. Les testicules étaient appuyés sur l'anneau inguinal, et se trou- vaient comme acculés sur ce passage, et prêts à sortir de l'abdomen. L'organe de copulation présentait plus de diffé- rences : c'est une anomalie vraiment curieuse que nous allons décrire, et nous le ferons avec quelques détails. Le pénis du podencéphaie ne se terminait pas, comme à l'ordinaire, par une partie conique et par un prépuce de beaucoup prolongé au delà : également cylindrique dans toute sa longueur, il se terminait par une lame légèrement gonflée ; privé de Faction des corps caverneux, on eût dit ce pénis constitué par un long prolongement du derme. J'ai désiré connaître ce qu'il y avait de réel dans ces apparences, et mes recherches ont rendu manifestes les faits suivans. J'ai remarqué vers la région supérieure deux rubans minces, parallèles, et fixés en dedans et sur le derme par une celiulosité assez serrée. Ces ru- bans se distinguaient des parties tégumentairespar ( 4o9 ) un tissu plus ferme et plus compacte. Naissant des os ischions et venant se perdre sur le gland , ils avaient la position des corps caverneux; c'étaient ces corps eux-mêmes, mais privés de leur dévelop- pement ordinaire, et tels qu'ils existent dans les premiers jours de la formation de l'embryon. Dans cetétatd'undéveloppementarrêté,ilsreproduisaient l'organisation régulièrement rudimentaire du sexe femelle. Chezlepodencéphale,et il en est ainsi chez tous les mammifères femelles, ces corps, ayant été privés de céder à l'action du nisus formativus, sont restés de simples cordons si exigus, qu'ils n'ont pas suffi pour remplir toute l'étendue du fourreau du pénis. Ce fourreau, dont l'accroissement dépend de la nutrition d'artères qui lui sont propres , et qui parvient alors à tout son développement nor- mal, quelles que soient les restrictions imposées aux objets qu'il contient, reste éviclé dans tout son intérieur : il est donc transformé en un long tuyau d'une assez grande capacité. J'ai fait représenter, pi. VI, fig. \i, le pénis du podencéphaîe ouvert; j'y montre non-seulement toute l'étendue de l'espace devenu libre à l'inté- rieur, mais de plus l'organisation des parois inté- rieures : tout ce tuyau est formé de replis paral- lèles, de véritables feuillets. La métamorphose est là devenue si grande, qu'on croit voir le vagin d'une femelle : toutes les conditions organiques ( 4io ) d'un vagin, sa cavité et la texture de ses mem- branes, s'y rencontrent, ou plutôt s'y rencontre- raient entièrement, si l'appareil était également rentré en dedans. Ce cas palhologique répand ainsi quelques lu- mières sur la question de l'identité de l'organe de copulation dans les deux sexes chez les mammi- fères ; et en effet voici une partie de l'appareil que sa situation extérieure caractérise évidemment et porte à reconnaître pour le pénis, quand tous les détails de sa conformation tendent à le faire con- sidérer comme un véritable vagin. Rien n'établit mieux, ce me semble, que c'est la grandeur et le volume démesurés des corps caverneux qui pro- curent chez les mâles, au fourreau tégumentaire, dernier canal des organes sexuels, ses dimensions d'une part excessives en longueur, et d'autre part, et afin d'en former la compensation, celles plus restreintes en largeur. De semblables causes n'existant point chez les femelles, où en effet les corps caverneux sont dans l'état le plus rudimcntaire, le dernier canal sexuel n'est dans le cas de différer de son analogue chez les mâles qu'en présentant des dimensions inverses. 11 est beaucoup plus court; mais, comme il y doit satisfaire au principe du balancement des organes, ii est beaucoup plus large. Ainsi la grande dissem- blance des sexes quant à leurs parties externes tient ( ï" ) essentiellement à la grandeur respective des corps caverneux, tantôt remplissant toute l'étendue des dernières voies, tantôt n'en occupant qu'une très- petite partie. Le pénis du podeneéphale, indépendamment des remarques qui précèdent, n'en reproduit pas moins, s'il est étudié dans ses conditions les plus générales, tous les faits qui sont de l'essence d'un pénis à l'état normal : il n'y a d'altéré et de modifié que la forme de chaque partie. Ainsi les deux corps caverneux rudimentaires dont nous avons parlé plus haut viennent également se confondre dans un véritable gland. Celui-ci est seulement moins saillant, moins large, et de toutes manières plus petit. Nous l'avons fait représenter vu de face, fig. 1 1 , et vu de profil, fig. 12. Il est recouvert de son prépuce comme à l'ordinaire, sauf que le pré- puce n'a point assez d'étendue pour l'envelopper entièrement. Les mêmes figures expriment toutes ces circonstances, et retracent même le frein qui ne manque pas et qu'on peut apercevoir inférieu- rement, fig. \i. Des faits qui précèdent, il suit que le podeneé- phale n'a de rapports avec les oiseaux que sous le point de vue qui nous avait frappés au commence- ment de ces recherches. Une seule issue, chez lui comme chez les oiseaux, aurait, si ce monstre eût vécu, aurait, dis-je, transmis les produits des trois ( 4**) voies stercoraîes, urinaireset génitales : mais d'ail- leurs des moyens très-différens y eussent certaine- ment pourvu. En conséquence, ces sujets d'obser- vations se rapportent à deux organisations clas- siques, qui, en s'accordant accidentellement l'une et l'autre sur une même circonstance, se sont ce- pendant maintenues dans les conditions de leur diversité originaire et classique. La grandeur de la vessie urinaire et sa position inférieure sont le propre du podencéphale, tout aussi bien que de l'homme normal et des animaux mammifères. Nous avons vu que les oiseaux n'ont au contraire qu'une vessie urinaire dans un mini- mwn de composition, c'est-à-dire qu'ils n'ont, si l'on considère les engagemens de celle-ci avec les organes de son voisinage, qu'une vessie dans des relations à lui permettre l'amalgame le plus bi- zarre, à lui permettre enfin de s'interposer comme un tube entre le rectum et le vagin. Une anomalie des plus considérables, puisqu'elle ne se borne pas à une modification de forme et de fonction, résulte de ces données, et devient pour moi un sujet de sérieuses difficultés; car elle semble s'annoncer comme une objection qui contredit l'universalité d'application de ma loi déconnexions. Le rectum, occupant le fond de la vessie chez les oiseaux, débouche dans le canal commun au- devant des uretères, et celui du podencéphale en ( 4i3 ) arrière. Ainsi sont là manifestement des relations de parties dans un ordre inverse; et c'est, je le répète, pour présenter l'explication d'aberrations aussi étranges que je me suis aussi longuement appesanti sur les faits de la précédente discussion. J'ai cheminé; et cette difficulté n'en a pris que plus de consistance. Cependant trouverai-je enfin à en donner une explication plausible, soit en éten- dant encore ces recherches, soit en examinant les deux systèmes les plus écartés de leur type qui touchent à cette question; savoir : l'organisation de l'autruche, qui présente une assez forte modifi- cation de l'organisation des oiseaux, et le sy&tètoe des monotrèmes, qui s'écarte également à plusieurs égards de celui des mammifères ? § IX. Sur deux modifications particulières dfs ORGANES GÉNITO-URINAIRES. L'importance de la question que je discute et l'entraînement de mes idées m'obligent de recourir encore aux considérations suivantes , qui forment à proprement parler un appendice du septième paragraphe , ou du paragraphe concernant les organes génito-urinaires des mammifères et des oiseaux. ( 4i4 ) Des organes génito-urinaires de V autruche. Les organes génito-urinaires de l'autruche m ont paru un moment inextricables : je suis toutefois parvenu à les déterminer et à les ramener à ce qui est chez les oiseaux. Déjà M. Cuvier (Jnatomie comparée, t. 3, p. 548) en avait traité comme of- frant une grande poche, de figure ovale et servant de réservoir aux urines : il insista particulièrement sur deux sphincters placés au-devant du rectum, qu'il décrivit sous les noms d'anus interne et d'anus externe. Cependant ce qui m'avait d'abord privé d'aper- cevoir chez l'autruche les conditions de son type de famille était principalement une plus grande richesse d'organisation : étudiée la dernière, elle me montra des organes dans un maximum de com- position que j'essayai de retrouver, au moins en traces légères, dans d'autres oiseaux. Je vis que les deux sphincters ou les deux anus y existent en effet : mais la poche contenue entre ces deux termes {vestibule du rectum) diffère de capacité ; elle est de la plus grande étendue dans la poule , voyez pi. VII, fîg. 5, lett. V, et dans le canard, mêmes planche et lettre, fig. 8. Nous devons nous rappeler que ces oiseaux ont, en revanche, leur vessie uri- naire dans un état rudimentaire. L'autruche nous ( 4>5 ) donne la clef de ces différences. Chez elle le vesti- bule du rectum n'est qu'une poche exiguë , une portion de cylindre dégagée et saillante , comme la partie avancée d'une cannelle; mais cette poche oc- cupe le centre d'une autre très-considérable, qui est précisément le réservoir urinaire. Ainsi les oi- seaux qui ont le vestibule du rectum très-évasé n'ont qu'un rudiment de vessie urinaire, et ceux au contraire chez lesquels la poche vestibulaire est fort petite jouissent en revanche d'un réservoir à urines aussi considérable que l'est celui des mam- mifères. C'est donc ici, comme partout ailleurs, un effet de notre loi du balancement des organes, un ordre inverse et réciproque de la proportion de certaines parties correspondantes : une dimension est acquise d'un coté au préjudice d'une autre dimension, et vice versa, L'autruche,mais toujours dans des cas semblables, est sous d'autres rapports différente de la poule : ce sont toutes parties analogues, qui se ressentent également des changemens de grandeur relative que je viens de signaler. Je n'ajouterai rien de plus à cet égard, venant récemment de présenter en détail ces mêmes observations. J'engage à recourir à mon dernier mémoire, intitulé : Des organes gênito- urinaires de V autruche et du casoar : ce mémoire que je dois placer dans le neuvième volume du second recueil des professeurs du Muséum d'His- ( 4i6 ) toire naturelle, sera accompagné d'une planche très-instructive. J'observerai au surplus que les espérances que j'avais fondées sur ces recherches ne se sont pas réalisées : il n'y a à ce moment d'acquis pour les faits généraux que la connaissance de la différence proportionnelle de la vessie urinaire et du vestibule du rectum chez l'autruche et chez ses congénères. Si donc ces recherches ont cette utilité, qu'on acquiert par elles une certitude plus grande de ce qu'est la vessie urinaire chez le plus grand nombre des oiseaux (détermination pour la justification de laquelle la petitesse de cet organe n'avait pas laissé précédemment assez de prise), je ne retire cepen- dant de ce travail aucun avantage sous le rapport d'un nouveau jour propre à éclairer l'importante question de la situation respective des parties. Chez l'autruche, aussi bien que chez tous les autres oi- seaux, le rectum débouche dans la vessie; et les uretères, tout au-devant de celle-ci, occupent une position relative absolument différente de ce qui est chez les mammifères. Des organes génilo-uriiiaires des monotrèmes. Il est un autre système sexuel, celui des mono- trèmes, dont les formes se font remarquer par un haut degré d'anomalie : c'est ce qu'on a d'abord ( 4i7 ) ignoré, et ce qui rend problématique la détermi- nation qu'on en a présentée. Cette détermination a été donnée à peu près dans le même temps, et inévitablement presque de la même manière, par les deux plus grands anatomistes d'Angleterre et de France (i), parce que, également préoccupés de l'idée que les monotrèmes appartenaient au groupe des mammifères, ils avaient dû conclure tous deux de cette supposition que les monotrèmes et les mammifères ne présenteraient aucune différence essentielle dans leurs organes sexuels. Ayant étudié les monotrèmes sous de nouveaux rapports, je ne partage pas l'opinion de ces maîtres de la science. Les monotrèmes ne sont, à mon avis, dans un rapport de famille avec aucune des quatre classes d'animaux vertébrés; ils devront former une classe à part, bien qu'ils ne soient encore composés que de deux genres, les ornithorinques etleséchidnés: car, quoi qu'il arrive à cet égard, on ne peut se refuser à les considérer, ainsi que l'a déjà fait mon célèbre et savant confrère M. de Lamarck (2), comme des êtres paradoxaux, tenant le milieu entre (1) M. Évérard Home, dans les Transactions philosophiques, année 1802 ; ce savant y traite d'abord de Fornithorinque, p. 67 pi. IV, et plus bas de l'cchidné, p. 348 , pi. XII ; et M. Cuvier en i8o5, Leçons d 'anatomie comparée , t. 5, p. 366, pi. LI. (2) Philosophie zoologique > 1809, t. 1, p. 145. 27 v 4i8 ) les mammifères et les oiseaux. Il convient en effet de les ranger dans une classe à part, si l'on veut,, fixé sur le degré de leur composition organique, rester fidèle aux règles tracées par les affinités naturelles. Dans le vrai , les monotrèmes sont des animaux ovipares. Nous tenons ce fait, du moins quant à l'ornithorinque , de MM. Hill et Jamieson. Tous deux ont pris à tâche de nous en informer, M. le docteur Hill, tout récemment revenu de la Nou- velle-Hollande, dans une lettre (i) qu'il a écrite de Liverpool, à sir G. Mackensie; et M. le chevalier Jamieson, en prévenant son ami le célèbre ento- mologiste M. Macleay d'un prochain envoi d'oeufs d'ornithorinque, qu'il lui destinait (2). M. Hill at- trapa une femelle pleine qu'il disséqua, et chez laquelle il observa un œuf de la grandeur d'un pois ; il ajouta savoir des naturels du pays que l'animal forme un nid pour y déposer deux œufs. Ayant réfléchi sur la conjecture de M. de Blain- ville, qui, pour expliquer l'absence des mamelles chez l'ornithoriDque, absence combinée avec d'au- tres faits de l'organisation des mammifères, faisait (1) Voyez Y Edimburgh philosophical , douzième numéro, avril 1822. (2) Lettre de M. W. Sharp Macleay esqre, sous la date de Londres , 29 mai 1822. ( 4ig ) sortir les monotrèmes du sein de leur mère en état de se suffire sous le rapport de la nourriture ( i ), et trouvant dans une extrême étroitesse du bassin des raisons pour nie refuser à admettre cette suppo- sition , j'en étais venu à penser que les monotrèmes devaient se distinguer par un mode de génération qui rappelât à quelques égards celui des batraciens. C'est frappé de cette idée que j'écrivis en 1 8 1 8 les annotations du premier volume de ma Philosophie anatomique , pages 4°/5 et 5o2, et que dès lors je regardai les monotrèmes comme formant une classe intermédiaire entre les oiseaux et les mammifères. J'ai sous les yeux un dessin très-soigné des or- ganes sexuels d'un ornithorinque femelle, qu'a fait sur ma demande notre habile artiste M. Huet ; mais, en attendant que je trouve à l'employer, je vais décrire ces organes en faisant usage d'une figure des Transactions philosophiques, année 1802, pi. IV, n° 2. Je dirai de plus quelles sont les rectifica- tions ou les additions à ce travail, que je dois à une très-attentive observation. Au delà du bassin et plongeant dans l'abdomen est une grande poche entièrement sphéroïdale (re- présentée ellypsoïdale par Home, et numérotée R). On l'a prise jusqu'ici pour la vessie urinaire; et il faut avouer que c'est bien cela qu'indique sa situa- (1) Bulletin des sciences, année 181 8, p. 28. ( 420 ) îion , si l'on s'en rapporte à l'organisation des mam* mifères. Mais voici quelques motifs pour en douter et peut-être pour abandonner tout-à-fait cette déter- mination. C'est aussi en ce lieu la place de l'utérus des oiseaux ; les uretères n'y aboutissent pas, et ce sont au contraire les oviductus qui confinent à son unique ouverture (i). Il y a exactitude dans le tracé des orifices des deux oviductus LL et de celui I de la grande poche. Chaque orifice d'oviductus est gouverné par un froncis du derme, ou par un sphincter favorisant la sortie des produits de l'ovaire, et ne s'ouvrant au contraire à rien d'extérieur. Comme il plaît à l'animal, cette entrée, tenue bâillante, prend la forme de la bouche d'un entonnoir, ou bien, en se fermant, ne laisse plus apercevoir qu'une simple fente, laquelle même disparaît par l'emploi de deux lèvres extensibles qui se superposent l'une sur l'autre. Entre le froncis dont il vient d'être parlé et ces lèvres tout-à-fait extérieures, existent donc un petit espace et comme une sorte de poche ves- tibulaire. J'entre dans ces détails pour en venir à un fait (i) La nature du fluide contenu dans la poche sphéroïdale ferait cesser cette incertitude. Tous les fluides animaux se ra- mènent à deux principaux , le mucus et l'albumine : en les éprou- vant par le feu, ils se distinguent, l'albumine en se coagulant, et le mucus en passant à une toute autre altération. ( 421 ) qui m'a paru aussi extraordinaire que je le crois susceptible d'une grande influence : c'est l'existence d'une bride tégumentaire occupant le travers de cette petite poche. Ainsi les produits de l'ovaire, traversant l'unique conduit d'un oviductus, trou- vent, après avoir dépassé le froncis ou le sphincter interne, un diaphragme qui les oblige à se partager en deux moitiés semblables, et par conséquent à se répandre au dehors en s'écoulant par deux ori- fices. Ce diaphragme est si frêle, qu'il faut croire que ce n'est pas par un œuf bien consolidé qu'il se trouve heurté. Sans doute, ce sont des germes fort petits ou simplement des fluides albumineux qui traversent ces issues. Nous avons vu plus haut que chaque oviductus a ses orifices au confluent de l'entrée de la poche sphéroïdaleR. Serait-ce dans cette prétendue vessie urinaire, ou, selon notre nouvelle manière d'envisa- ger cet organe, dans l'utérus, que les éîémens de la reproduction se disposeraient pour prendre la consistance et l'apparence d'un œuf? Si je continue à lire l'organisation des appareils sexuels des monotrèmes sur celle correspondante des oiseaux, ce qu'une grande similitude des mêmes organes m'invite à faire , je nomme ad-uterwn le canal O, donné pour utérus par M. Home; appe- lant, au surplus, avec lui et comme lui les autres i. ( te* ) parties de l'oviductus , savoir, le tube de Faloppe, lett. N, et l'ovaire, lett. M. Ce qui reste observable sur la ligne médiane ap- partiendrait à l'appareil de copulation. Ainsi à la suite des orifices des deux oviductus et de l'utérus existe une longue poche, ou mieux un long canal, qui va déboucher dans le rectum. Elle est très-cer- tainement dans la dépendance de l'organe sexuel, puisqu'elle est entièrement remplie, durant l'acte de la copulation, par le pénis du mâle, et que né- cessairement les produits consolidés de la généra- tion la doivent traverser. C'est sous ce rapport que M. Home a considéré cette poche, d'où il s'est au- torisé à la regarder comme un vagin. Voyez la lettre G. Cependant c'est aussi dans ce canal qu'abou- tissent les uretères. Je ne sais si c'est en appréciant cette circonstance que M. Cuvier a considéré ce long canal comme le col, à la vérité démesurément agrandi, de la vessie; car, pour M. Cuvier, la grande poche sphéroïdale K est une véritable vessie uri- naire. Ainsi ce qui est déterminé vagin par M. Home est regardé comme l'urètre par M. Cuvier : mais, de plus, j'entrevois comme possible une troisième détermination; et en effet, si la grande poche sphé- roïdale K est véritablement l'analogue de l'utérus des oiseaux, le canal G (vagin de Home, urètre de ( 4»3 ) Cuvier) ne serait autre que la vessie urinaire elle- même. Ce canal est disposé comme un manchon, avec une issue à chaque bout; mais c'est ainsi qu'est la vessie urinaire des oiseaux. La différence entre les deux familles consisterait en cela, que la vessie urinaire des oiseaux a son ouverture d'entrée dirigée sur le rectum, et l'ouverture de sortie sur le vagin, quand la vessie urinaire des monotrèmes aurait la première aboutissant sur l'utérus, et la seconde versant dans le rectum. On ne pourra donner avec rigueur la solution de ces questions que quand on aura observé sur le frais toute cette singulière organisation. Espérons que l'utilité de pareilles observations (i) excitera le zèle desanatomistes que les fonctions de médecin ont fixé ou fixeront à la Nouvelle-Hollande. Ce qui pourrait faire pencher pour les détermi- nations de M. Cuvier, c'est que la petite bourse par laquelle se termine chaque ad-uterum contient, en (1) Questions à répondre. Où sont reçues et contenues les urines ? Serait-ce dans la grande poche sphéroïdale située au delà de l'insertion des oviductus, poche K ? ou dans le long canal G, en-deçà des oviductus, et dans lequel versent les ure- tères? ou bien dans le dernier de tous les compartimens, A, étant une dépendance du rectum ou le rectum lui-même ? Si c'est à un tout autre fluide que la grande poche sphéroïdale donne accès , examiner la nature de ce fluide en essayant de le coaguler par l'action du feu. ( 4M ) petitet comme dans un état de contraction,le syphon vaginal des didelphes. C'est du moins de cette ma- nière que j'envisagerais la bride qui fait la traverse de cette petite bourse; et l'on sait que l'existence simultanée des mêmes os surnuméraires du bassin chez les deux familles a déjà fait croire à l'affinité des monotrèmes avec les animaux marsupiaux. Dans tous les cas et quelque détermination qu'on admette, l'anomalie de ces organes sera toujours considérée comme portée au plus haut degré : car le canal G est-il un vagin (ce dont il fait très-cer- tainement fonction, soit quand le pénis du mâle s'y introduit, soit quand les produits génitaux s'en écoulent)? il est de plus aussi un canal approprié aux urines, lesquelles ou le traversent, comme dans un urètre, ou s'y accumulent, comme dans une vessie urinaire. Au contraire , considérera-t-on ce même canal G ou comme un urètre ou comme une vessie urinaire? Le pénis du mâle y est reçu , et il n'est pas d'autre conduit pour la route à suivre par les œufs ou par les petits, si ceux-ci éclosent avant la mise-bas. Pour compléter ce tableau , ajoutez cette autre considération, qu'il était vraiment impossible sur les données connues de l'organisation de pressen- tir, c'est que le canal G verse dans le rectum , et que par conséquent une portion des intestins participe à toutes les fonctions dépendantes des (4*5) ' trois systèmes séminifères , urinaires et excrémen- titiels. Je ne me serais pas borné à indiquer comme la plus probable l'opinion de M. Cuvier, mais je me serais franchement prononcé pour elle, sans une circonstance qui procure à mon esprit la plus grande préoccupation; c'est que, si la poche sphé- roïdale K se trouve être une véritable vessie urinaire et le canal G son urètre, les oviductus viennent rompre les rapports nécessaires de ces deux organes en s'ouvrant entre la vessie et son long goulot. Je ne puis trop appeler l'attention sur ce fait ; il est fondamental en philosophie. 0 § X. Discussion sur le caractère d'invariabilité DU PRINCIPE DES CONNEXIONS. tfune exception à oppose?* à cette règle. Ces trois voies excrémentitielles, urinaires et génitales se trouvant confondues chez le podencé- phale, il me parut que ce désordre serait un jour considéré comme une objection sérieuse contre le principe des connexions. J'ai donc fait tous mes efforts pour débrouiller ce que cette question pou- vait offrir d'obscur, d'abord dans les cas les plus simples, c'est-à-dire chez les animaux restés fidèles au type de leur organisation classique. C'est ainsi ( 4*6 ) que je me suis trouvé engagé dans la discussion que nécessitent les faits des précédens paragraphes. Au lieu de pouvoir expliquer par la réduction éprou- vée de plus en plus et finalement par l'absence d'un organe intermédiaire le rapprochement et le nouveau voisinage de deux organes habituellement éloignés l'un de l'autre, ce que j'avais, dans le com- mencement de ces recherches, présumé pouvoir être, j'ai trouvé d'autres faits correspondans à ceux de mon point de départ ; c'est-à-dire qu'au fur et à mesure que j'ai parcouru tous les degrés compa- rables de l'organisation, j'ai trouvé chez les êtres normaux encore plus de variations, et en apparence des variations encore plus dissonnantes que dans les monstruosités humaines. Mes recherches, en s'étendant, aggravaient ma situation; cela même m'excita à les poursuivre sans relâche. Ce que je voulais, surtout pour moi, c'é- tait une conviction pleine et absolue, comme ce que je dois à ceux qui me feront l'honneur de con- sulter cet ouvrage, c'est de penser et d'écrire en me plaçant pour ainsi dire sous leurs yeux. Rien de ce que j'avais pressenti ne s'est vérifié, de ce que j'avais essayé ne m'a réussi. J'ai étendu bien davantage le cercle de ces considérations en examinant dans les mêmes vues les organes sexuels des reptiles, des poissons et des insectes. Il en est résulté que j'ai embrassé dans ce coup d'oeil un champ des plus (4^7 ) vastes et des plus curieux, un champ d'une fécon- dité à me donner le plus vif désir de reprendre la rédaction d'un travail anciennement commencé sur les organes sexuels ; mais d'ailleurs les relations et l'amalgame de ces organes avec les derniers rameaux des voies intestinales et urinaires ont accru mes difficultés en me faisant connaître un plus grand nombre de diversités. Ce sont ces diversités qu'il faut rassembler dans un résumé et comparer entre elles, dans quelque état d'exception et d'objection qu'elles seprésentent relativement à notre loi des connexions. Pour nous en tenir aux sujets qui sont exposés précédemment, nous remarquerons que le rectum débouchant sé- parément chez les mammifères, il n'est là que deux voies confondues ensemble, les organes sexuels s'ouvrant dans les dernières routes de l'appareil urinaire ; et qu'à l'égard des monstruosités , des oiseaux et des monotrèmes, chez lesquels les trois voies se confondent ensemble, on trouve les variétés suivantes. i° Chez le podencéphale. Le rectum débouche le premier vers le col de la vessie, par conséquent dans l'urètre et à son origine. Ce sont ensuite les canaux séminifères qui s'insèrent et s'introduisent dans ce conduit, mais qui s'y rendent un peu plus loin; et définitivement l'urètre reste seul pour conduire au dehors les trois excrétions possibles. / ( 4^8 ) 2° Chez les oiseaux. Le rectum prend la vessie urinaire au point extrême de son prolongement clans l'abdomen, y pénétrant vers son fond : celle- ci , privée d'urètre , a son autre issue s'ouvrant dans une dernière poche, laquelle fait partie de l'organe sexuel. 3° Et chez les monotrèmes . L'organe sexuel oc- cupe au contraire une position toute centrale, al- lant se grouper très-profondément avec les diverses parties de l'intestin : il débouche dans les voies uri- naires, que nous avons vues formées par un long canal; puis et enfin, celles-ci se rendent dans un dernier conduit, qui est ou le rectum lui-même, ou sa poche vestibulaire. De telle sorte que le dernier compartiment dé- pend , chez le Podencéphale , de X appareil urinaire; chez les Oiseaux , de Y appareil générateur, et chez les Monotrèmes, de X appareil intestinal. L'exception au principe des connexions qui ré- sulte de cette discussion, et qui, surtout dans ce résumé, paraît si manifeste, forme-t-elle réellement une objection qui doive faire renoncer à l'usage pratique de notre règle fondamentale ? Nous n'avons rien dissimulé de sa force, et c'est avec la même sincérité que nous allons donner quelques expli« cations qui pourront la montrer pUis spécieuse que véritablement décisive. ( 4*9 ) Que l'exception précédente n'est point destructive de la règle dite le principe des connexions. Si nous devons rester invariablement attachés aux idées complexes que les premières études d'a- natomie nous ont procurées de l'amalgame et de la fusion des dernières issues des appareils sexuels et urinaires, il faut abandonner tout espoir de trouver l'ordonnance primitive et génératrice, la haute condition et comme l'idéal de ces faits orga- niques, et regarder par conséquent comme inso- lubles les difficultés qui nous occupent. Il est cer3 tain que, dans certains cas, les organes sexuels viennent s'aboucher par les côtés au tuyau termi- nal et comme au goulot de la vessie urinaire ; que, dans d'autres, ils fournissent le dernier comparti- ment de tous les canaux excréteurs; et, comme si ce n'était assez de ces relations inverses à l'égard de l'extérieur de l'animal, que le rectum vient de plus compliquer ces désordres en fournissant un exemple de trois autres combinaisons, se faisant suivre ici par la vessie et le vagin, là tout au con- traire précédant ces deux organes, ou bien encore se glissant entre eux pour s'introduire dans celui des deux qui débouche au dehors. Mais les difficultés qui nous arrêtent ne pro- viendraient-elles pas de ce que l'on aurait, sans ( 43à ) s'en apercevoir, conclu du particulier au général, et abusivement ramené à un seul fait les élémens de plusieurs? Pour avoir vu s'opérer chez l'homme la fusion des derniers rameaux des appareils sexuels et urinaires, s'ensuit-il une nécessité absolue de relations entre ces organes? C'est, à mon avis, ce qu'on ne saurait raisonnablement admettre. Mais je vais plus loin. Cet amalgame serait cons- titutionnel dans toute l'organisation, serait-on pour cela autorisé à y voir un arrangement contraire aux superpositions prescrites par le principe des con- nexions? Je ne le pense pas. Consultez les conduites d'eau qui sont répandues dans de grandes villes. Que vous dirigiez un tuyau d'une capacité moindre sur un tuyau principal , changerez-vous les relations des deux moitiés, as- cendante et descendante, de la conduite principale, parce qu'il arrivera à celle-ci de s'ouvrir sur un point pour l'abouchement d'une branche latérale? Si ces conduites sont en bois, ne sont-ce pas les mêmes fibres qui se prolongent en dessus comme au dessous du vaisseau anastomosé? Que résulte-t-il de cet amalgame? L'obligation pour la moitié infé- rieure de satisfaire à l'écoulement de deux filets d'eau, l'un provenant de la mère-branche et l'autre du rameau latéral, c'est-à-dire la nécessité de cu- muler deux fonctions, au lieu d'une seule remplie précédemment. (43. ) Cet exemple, qui expose à tous égards et de la manière la plus précise les conditions de soudure des organes que nous considérons, doit nous ras- surer contre la crainte de voir le principe des con- nexions succomber dans cette occasion. Mais nous n'en sommes pas réduits à cette seule explication. Nous aurons à nous défendre de con- clusions hasardées, d'opinions fondées et généra- lisées sur une seule observation. On a vu chez l'homme les canaux déférens s'ouvrir dans une conduite propre à la semence comme aux urines. Ces fluides sont de nature très-différente, et ils ne se mêlent jamais, étant rendus à des heures diffé- rentes. Ce fut assez pour qu'on se bornât à remar- quer là une convenance parfaite; et comme, lors- qu'on observe les détails d'un fait organique isolé, on ne peut démêler ceux qui exercent une plus grande influence, on est tenu d'apprécier chaque circonstance au même degré et sans préférence. Ainsi on vit dans l'urètre un canal tout aussi favo- rablement approprié à l'éjaculation d'un fluide qu'à celle de l'autre. En restant sur cette spécialité d'i- dées , on a fini par croire que les choses ont toujours été ainsi, parce qu'il ne pouvait arriver qu'elles fussent autrement. On ne saurait être renfermé dans un cercle d'i- dées plus circonscrites : c'est de là qu'il nous faut partir pour nous élever aux considérations générales ( 43a ) de l'Anatomie philosophique. Il est trois systèmes indépendans, l'un qui opère la conversion des ma- tières alibiles , un second qui s'applique à la dépu- ration urinaire, et le troisième qui élabore la subs- tance destinée à la reproduction des êtres. Vous oublieriez donc l'indépendance d'actions, de buts et et de résultats de ces trois grands appareils? Eh quoi! quand ces appareils ont satisfait à leur es- sence et qu'ils se sont épuisés pour donner une œuvre achevée, s'ils font dégorger leurs produits dans un même réceptacle, cela deviendrait pour eux un lien qui serait indissoluble, qui les mettrait pour toujours dans une dépendance mutuelle et nécessaire ? En prendre cette opinion , ce serait méconnaître que c'est presque au hasard qu ils doivent que leurs dernières issues se rapprochent, se greffent et s'anastomosent ensemble. J'ai traité, page 33o, de la nécessité qui entraîne ces appareils vers les mêmes lieux, et j'ai de plus fait voir qu'ils se soustraient à cette obligation toutes les fois que le tronc est tenu plus au large à son extré- mité postérieure. Et en effet , j'ai fondé cette dernière considération sur l'exemple de la taupe femelle (voyez pi. VII, fig. i5), l'ayant montrée pourvue de trois pertuis correspondant; celui de la lettre a, à l'orifice de la voie stercorale, de la lettre b , à l'entrée du vagin, et de la lettre c, au méat uri- naire. ( 433 ) Ainsi chacun des trois grands appareils tend à porter au dehors son intestin terminal; et, s'il n'y réussit pas également, le rétrécissement seul du tronc s'y oppose. Autant de tubes intestinaux que d'appareils qui les engendrent, s'avancent sur les dernières ou la dernière des issues communiquant avec le monde extérieur. Ce sont comme trois arbres disposés parallèlement et plantés assez près pour pouvoir se toucher dans toute leur étendue. Laissez faire au temps, et voyez ce qui adviendra : ces arbres croîtront en largeur , et finiront par se greffer ; mais nécessairement ils croîtront inégale- ment, et ce sera aussi de façon que le mieux ve- nant se développera de même très-différemment sur toute la longueur de sa tige. Celui-ci, comme le mieux portant, soumettra à lui les deux autres. Cependant, tout en se liant à ces derniers, ou même, tout en les embrassant dans le même travail organique, il n'apportera, il ne saurait apporter aucun trouble aux relations des fibres longitudi- nales des uns et des autres, tant au-dessus qu'au- dessous des points d'anastomose. Chaque tige reste nécessairement indépendante, comme chacune de ses parties est également tenue de rester fidèle à ses connexions. C'est de cette manière que se conduisent les tubes terminaux des trois grands appareils; c'est de cette façon enfin qu'ils s'anastomosent à des dis- it. 28 ( 434 ) tances très-diverses les uns à l'égard des autres, selon qu'une nourriture plus abondante excite l'une des parties à prendre plus de volume et à s'étendre davantage. Du principe des connexions , ayant été considéré comme n'étant point une règle infaillible. C'est ici le lieu de faire arriver sur nos théories, et en particulier contre le principe des connexions, une dernière objection, qui n'a cependant d'im- portance qu'en raison de la source dont elle émane. M. Meckel ne croit pas à l'infaillibilité de ce prin- cipe. Or, je ne me le dissimule pas : ce célèbre pro- fesseur occupe un des premiers rangs parmi les anatomistes ; son nom est sans doute imposant et son jugement bien digne de faire autorité. Après avoir transcrit le paragraphe de mon pre- mier volume, page 4o5, dans lequel je dis le prin- cipe des connexions inva.ria.ble, et où j'ajoute qu un organe est plutôt anéanti que transposé, M. Meckel poursuit ainsi : « Très-souvent en effet, et même le plus ordinai- rement, la nature observe cette loi jusqu'à s'y « conformer d'une manière pèdantesque : cependant « il arrive qu'elle ne s'y attache pas absolument « toujours (i) ; ce qui est vrai tout aussi bien du (i) On a fait ici sonner très-haut cette observation critique ; ( 435 ) °47 23,759 En 1818 1^978 8,089 23,067 En 1819 i5,7ii 8,641 24,352 i5,988 8,870 24,858 15,980 *■"■■■' ' 9>*76 -l— : 'i „ '.i n ,i,.r a 25,i56 ( 5o7 ) (Le rapport des premiers chiffres aux seconds, ex- primé en des termes plus simples, donne, par à peu près, la proportion de 5 à 3.) Ainsi neuf mille femmes sont devenues mères à Paris en 181 7, sans avoir craint d'encourir la réprobation de la société ; et plus du quart de ce nombre, au moins deux à trois mille, le devinrent pour la première fois, rou- lant, sans doute pour la plupart, continuellement dans leur esprit, les déplorables circonstances de leur séduction, et restant de cette manière, pendant les longues journées de leur grossesse, sous l'acca- blement des émotions les plus douloureuses. Ce- pendant comparez l'un à l'autre ces deux nombres : il est si peu de monstres eu égard à la quantité de pareils désordres, qu'on en doit conclure qu'un profond chagrin n'est point une cause prédispo- sante à la monstruosité. Et d'ailleurs, si les tour- mens d'une âme déchirée, en causant le dépéris- sement de la mère, devaient réagir sur son fruit, ce serait d'une manière générale , sur tout l'en- semble de l'être, sur tous ses organes au prorata , et non séparément et uniquement sur une seule partie organique, comme cela se voit chez les monstres. Ajoutez à ceci qu'il n'y a ni plus ni moins de monstres chez les animaux que dans l'espèce hu- maine, et vous en conclurez surabondamment que notre raison et nos affections morales ne sont pour ( 5o8 ) rien clans les déformations qui constituent les faits de la monstruosité. § III. DES ADHERENCES DU FOETUS AVEC SES ENVELOPPES, CONSIDÉRÉES COMME L'ORDONNÉE ET l'uNIQUE CAUSE DE LA MONSTRUOSITÉ. C'est depuis peu que de nouvelles recherches et un plus judicieux emploi de l'investigation anato- mique ont fait apprécier sous de nouveaux rapports l'origine de la monstruosité, et ont porté à attribuer ce phénomène à un défaut d'accroissement, qui a pris en particulier le nom de retardement de développement. On avait bien autrefois exprimé à peu près la même idée en distinguant les faits de monstruosités en deux classes, dites, l'une par défaut, et l'autre par excès. Une monstruosité par défaut de complément d'organisation et une mons- truosité par retardement dans le développement de quelques parties organiques ne paraissent en effet qu'une même considération différemment ex- primée. Cependant ce ne sont pas deux expressions absolument identiques ; elles sont susceptibles d'une distinction fondamentale. On avait entendu autrefois , sous le nom de monstruosité par défaut, l'espèce caractérisée par l'absence d'un ou de plusieurs organes, que cette absence fût ou non originelle ; et au contraire on ( 5o9 ) comprend aujourd'hui, sous le nom de monstruo- sité par retardement de développement, les cas invariablement réalisés par des obstacles interve- nant à l'improviste et luttant contre la marche ha- bituelle et progressive de l'organisation. Cette dis- tinction, toute fondée quelle est sur une différence peu considérable, n'est cependant susceptible d'au- cune équivoque : aussi, par elle, la chaîne de nos explications sur les monstruosités est-elle accrochée à un anneau déjà plus élevé. Les choses en étant à ce point, il n'y a nul doute que, si nous parvenions à faire connaître quels obstacles remplissent de troubles la mystérieuse et inévitable élaboration des corps vivans qui s'or- ganisent, nous aurions aussi nous-mêmes porté plus loin ces explications. Or c'est ce qui nous paraît pouvoir se faire, et ce qui résulte en effet de la considération d'adhérences avec ses enveloppes, que le fœtus contracte dans quelques cas bien rares à la vérité. Longtemps avant d'être fixé sur ces idées, j'avais essayé d'imiter les procédés de la nature et tenté de soumettre à des perturbations méthodiques de grandes compositions organiques dans le moment de leurs métamorphoses, c'est-à-dire à l'époque de leurs premières formations. J'ai réussi à quelques égards, ayant fait, pouvant faire des monstres à volonté. Mais ce succès fut cependant renfermé (5.o) dans des limites très-étroites, puisqu'il ne s étendit point sur les monstres , dont le système de défor- mation formait l'actuel sujet de mes recherches, puisqu'il n'eut jamais pour résultat un fœtus chez lequel un organe était retardé dans son accroisse- ment, et combiné sous cette forme avec toutes les autres parties de l'organisation ayant parcouru le cours des développemens ordinaires. J'avais mis des œufs en expérience. Une chaleur modérée, comme chacun sait, en détermine l'in- cubation : l'évaporation leur fait perdre un cin- quième de leur poids (i); de l'air, qui pénètre dans leurs coquilles, y va tenir la place de ce qui s'est évaporé; plusieurs fluides impondérés, tels que la lumière, le calorique, etc., s'y répandent et y établissent un mode de circulation. Ce sont ces (ï) Je l'ai appris par une expérience directe. J'ai pesé six œufs de poule au commencement et vers la fin de l'incubation : je donne leur poids en milligrammes, ces œufs étant désignés par les six premières lettres de l'alphabet. Pesée des six œufs — première , — seconde Perte A B G D E F .60812 58322 48525 48i37 5745o 49050 56968 48470 5544o 4i795 54694 474^2 12287 ioi85 8400 849S i3645 7242 ( 5u ) actions réciproques, ces mouvemens intestins, que j'ai voulu contrarier. Pour cet effet, j'ai placé sous des poules couveuses des œufs dont j'avais changé la condition : les uns, pour les avoir renfermés, soit en totalité, soit seu- lenrent en partie, clans de la baudruche; d'autres, pour les avoir vernissés en plusieurs places , et quelques autres, pour en avoir élargi les pores, entamant leur coquille par sciage, ou par usure, ou seulement par des piqûres. Les déviations de l'ordre commun, obtenues par ces moyens, ont été très-variées, mais peuvent toutefois être comprises sous les trois chefs suivans. Ou les liquides albu- mineux s'arrangeaient, et, je puis dire, s'organi- saient sans donner de fœtus; ou bien un embryon, provenant d'un premier travail d'organisation, s'ar- rêtait au tiers du volume d'un poulet naissant ; ou , tout au contraire, les fœtus grandissaient outre mesure, principalement vers les extrémités posté- rieures, et de manière, au moment d'entamer leur coquille, à gêner les mouvemens de la tête et la rétraction des membranes renfermant la matière du jaune. Je dois revoir ces faits avant d'en publier les détails et les définitives conséquences. Enfin, dans l'espoir de me procurer des résultats encore plus décisifs, j'ai de plus agi sur les mères elles-mêmes. J'ai déjà fait connaître mes observa- tions à cet égard; ce travail, inséré dans les Mé- ( 5» ) moires du Muséum d'Histoire naturelle, tome 9,, page 1 , y porte pour titre : Sur les organes sexuels et sur les produits de génération des poules , dont on a suspendu la ponte en fermant leur oviductus. Ainsi se trouve démonstrativement établi que l'on peut agir sur le développement des germes. Il suffit en effet de quelques tâtonnemens pour con- naître que telle sorte de causes perturbatrices en- gendre telle espèce de monstruosité. Cependant, n'ayant jusqu'à présent procédé que par des moyens généraux, mes résultats ont été des monstruosités s'appliquant à toute l'organisa- tion, et non des monstres dans l'acception parti- culière de ce mot. J'avais pesé à la fois et à peu près également sur toutes les parties organiques, et non séparément sur un seul organe. Ces essais, appli- qués à des mammifères, eussent produit des môles (voyez la note de la page 206), c'est-à-dire une monstruosité qui eût affecté les premières mem- branes du fœtus, qui eût eu pour sujet le placenta lui-même. Ce ne fut donc qu'après ces premières tentatives que je compris que, pour obtenir des monstres de la nature de ceux qui avaient jusqu'à ce jour occupé les anatomistes , c'est-à-dire des êtres dont la dif- formité fût restreinte à un seul organe , il fallait procéder sur des formations régulières dans le dé- but, parvenir à Fimproviste sur ces noyaux orga- (5i3) niques, les blesser et sans doute dilacérer ou percer quelques enveloppes. Ces vues devinrent pour moi un nouveau pro- gramme pour de nouvelles recherches, et je n'hé- sitai pas en effet à recommencer une autre série d'expériences. Il me parut qu'en secouant vivement, frappant d'une certaine façon, ou même perforant des œufs couvés depuis six, huit et dix jours, j'ar- riverais à procurer à leurs embryons un degré de lésion assez bien calculé pour que des êtres aussi fragiles fussent assez et point trop cependant at- teints. C'est en variant de toutes les façons ces pro- cédés que je pouvais espérer de me procurer des monstres, dans la rigoureuse acception de ce terme. J'ai commencé ces expériences trop tard, et je n'ai aucun résultat satisfaisant à citer. J'y reviendrai; car que n'obtient-on point par une persévérance ardente et éclairée? Cependant ce que je venais de chercher pénible- ment et par voie d'expériences, je l'avais acquis déjà sans le moindre effort et par voie d'observations directes ; car ce que je souhaitais découvrir n'était autre chose que les brides placentaires que m'avait présentées l'hypérencéphale ; observation qui fut un trait de lumière pour mon esprit, et qui m'é- claira instantanément sur les conséquences d'un fait aussi important. Le placenta est une portion vivante interposée it. 33 ( 5i4 ) entre deux êtres encore liés Fun à l'autre , mais cependant déjà distincts. Le sang que ce tout- puissant organe reçoit de l'utérus, il le distribuera, après une certaine élaboration, en dedans de ses vaisseaux, et l'appliquera au noyau qu'il renferme dans son sein. Il suit de là, par conséquent, que tous ces effets sont diversifiés et successifs comme leurs causes d'action, c'est-à-dire que les conditions de l'utérus , que nous font connaître sa capacité, ses parois et ses ramifications sanguines, deviennent une ordonnée pour ce placenta, de même que les conditions du placenta, manifestes dans ses orifices ou suçoirs, dans son plus ou moins d'épaisseur, dans l'inégale capacité de son parenchyme , dans l'ordre de distribution de ses vaisseaux et dans le plus ou le moins de longueur de son pédicule ou du cordon ombilical , deviennent à leur tour une ordonnée pour le fœtus. Ce qu'en effet on ne doit pas perdre de vue, c'est qu'autant de placentas différens règlent les condi- tions d'existence et les formes de l'être parfait ap- partenant aux différens groupes de mammifères. Ainsi les carnassiers ont leur placenta annulaire et répandu tout autour du corps comme une large ceinture; les taupes en ont le dos couvert comme d'un manteau ; il est au contraire rassemblé en un bouton ou en une sorte de gâteau arrondi au-de- vant de Fabdomen chez les rongeurs; ou bien il est ( 5i5 ) épanoui chez les ruminans, et terminé par une mul- titude de boulettes charnues ou de forts cotylédons. Cette position persévérante des placentas à l'égard des fœtus a sa cause dans la brièveté du cordon ombilical et dans la pénurie des eaux de l'amnios , mais seulement chez les animaux qui vivent en liberté. Serait-ce que la domesticité porte tout autre animal à absorber plus de nourriture que n'en réclament les fonctions assimilatrices , et que cette circonstance influe sur la production plus grande des eaux qui baignent le fœtus? Ce n'est pas ici le lieu de développer davantage ces idées; je me bornerai à remarquer que l'histoire compa- rative des placentas par âge et par espèce est toute à faire, et qu'elle est appelée à répandre un grand jour sur la composition primitive des animaux. Les placentas se greffent vers l'un des points de l'utérus, et s'y attachent par des brides que leur fournit le tissu cellulaire. Il n'en est pas de même à leurs surfaces intérieures, où de semblables adhé- rences ne manqueraient pas non plus d'avoir lieu, sans un suintement et comme un versement con- tinuel d'une partie des fluides dont sont nourris les fœtus, sans une interposition toujours subsis- tante des eaux de l'amnios, qui isolent l'embryon de ses enveloppes repoussées vers la circonférence. Même dans l'hypothèse que le fœtus se nourrit des eaux de l'amnios, cette interposition n'en serait ( 5i6 ) pas moins d'une durée constante, puisque le sang de la mère viendrait remplacer ce qui de ces eaux disparaîtrait par la consommation. Le sang de la mère venant approvisionner les vaisseaux du fœtus, et ceux-ci cbariant ce fluide et le transportant à leurs ramuscules, c'est en effet une circulation qui favorise invariablement et dans des quantités toujours égales la production des eaux de l'amnios. Or de l'harmonie qui subsiste entre les quantités qui arrivent et celles qui se consomment résulte l'état de santé des fœtus, état très-difficilement altérable. On arrive ainsi à re- connaîlre que la marche habituelle de l'organisa- tion prive nécessairement le placenta d'adhérer au fœtus. C'est où nous conduit une théorie aussi certaine dans son principe qu'inattaquable dans ses consé- quences; et cependant nous avons vu que le fœtus n'est pas toujours efficacement protégé par les eaux de l'amnios : ce qui résulte effectivement des faits d'adhérences que nous avons remarqués, des brides placentaires que nous avons décrites en traitant de rhypérencéphale, du podencéphale et du monstre bec de lièvre mentionné en la note de la page 487, Le placenta est donc un organe susceptible aussi pour son propre compte de lésions, de mahdies temporaires. Quelques-unes de ses altérations ont déjà fixé l'attention des médecins. Ainsi il varie ( 5i7 ) quelquefois de volume, de texture et de couleur; et on eu distingue de deux espèces, à parasol ou en raquette, suivant que le cordon ombilical naît du centre ou de la circonférence de l'organe. «Ce fut, dit Morgagni, sur son placenta que se porta la vive affection d'une femme, grosse de cinq mois, à la nouvelle de la mort de son mari : les vaisseaux du placenta cessèrent de transmettre le sang de l'utérus; atrophie qui occasiona plus tard la mort du fœtus.» (Morgagni, lett. 48, § 18 ) On a vu des placentas squirreux, cartilagineux, osseux même, Hufeland et Schreger ont traité de ces derniers. Il n'y avait d'ossifiée que la face utérine au placenta de l'observation du docteur Garin {Journal de Mé- decine , etc, publié par MM. Corvisart et Boyer, t. 3, p. ^32/, quand l'une et l'autre superficie l'é- taient en partie chez le sujet du professeur Carestia \ observation rapportée et figurée au mot Placenta., daus le Dictionnaire des Sciences médicales. Cette susceptibilité des placentas, établie par ces faits de pathologie et par nos propres observations au sujet des monstres, n'est donc en aucune manière dou- teuse. Poursuivons cette discussion, et jugeons-en les conséquences dans leur application aux faits et aux renseignemens dont nous n'avons voulu devoir l'information qu'à nous-mêmes. La femme qui a mis au monde l'anencéphale ( 5i8 ) décrit pages 1 25 et suivantes, avait son mari employé aux travaux du port de Bercy, village situé au- dessus de Paris, sur la rive droite de la Seine. Un incendie, le 3i juillet 1820, détruisit ce lieu d'une très-grande importance commerciale. On vint à Paris annoncer cet événement à la mère de notre anencéphale : Votre mari, ajouta-t-on... A ce mot, elle est saisie et tombe évanouie. Elle s'était faus- sement alarmée; et cependant, le 1 mars suivant, c'est-à-dire sept mois et trois jours après, elle ac- coucha d'un monstre. A juger sur le rapport de la sage -femme et d'après le volume de l'enfant qui est représenté, pi. IV, de grandeur naturelle , l'accouchement aurait été prématuré; l'enfant serait venu à sept mois et demi ou huit mois d'âge fœtal. Je rapporte cette conclusion, quoique j'admette qu'il se pour- rait qu'elle ne fût pas fondée : car, si les fonctions d'assimilation s'étendent chez le fœtus jusqu'aux eaux de l'amnios, on sent, à la quantité de ces eaux, qu'on trouve ordinairement déposées dans la poche dorsale, ou, ce qui revient au même, dans les méninges chez les anencéphales, que ceux-ci ne font pas tourner entièrement à leur profit tous les élémens alibiles qu'ils puisent à l'utérus. Cela posé , cet âge cherché reste donc un fait probléma- tique; mais, si l'on est privé de précision à cet égard, on peut, en s'accordant une certaine lati- ( 5'9 ) tude, renfermer cet âge cherché dans des limites non équivoques, comme entre deux et six semaines. Or tout ici concorde admirablement avec cette sup- putation. L'œuf à cette époque aura obtenu assez de consistance pour partager les excitations du sac utérin, et il sera cependant assez nouvellement formé pour devenir le sujet d'une aussi grande et aussi profonde lésion : car nous ne devons pas oublier qu'afin que des désordres organiques puis- sent engendrer l'anencéphalie, il faut qu'ils viennent saisir l'embryon au moment où le système cérébro- spinal rassemble ses élémens formateurs, et où il se dispose à en opérer la dernière métamorphose. Me fondant sur ces observations, je ne puis dou- ter qu'il n'y eût , à la grossesse insolite qui se ter- mina par l'accouchement du i mars , d'autre cause que le récit fait sans ménagement de l'incendie de Bercy. Ce récit aura placé de suite la victime de cette imprudente communication dans la situation de l'Italienne observée par Morgagni. L'action nerveuse, troublée ou plutôt instantanément sus- pendue, aura fait de proche en proche refluer le sang vers sa source, ou , ce qui suffit déjà, en aura paralysé la marche et tout au moins suspendu la distribution (Théorie de M. le docteur Flourens). Dès lors plus de correspondance entre les pressions de la matrice et les réactions du noyau inférieur de l'œuf, et dès lors aussi refoulement avec violence ( 520 ) (ki dedans en dehors des toiles recouvrant et liant les vaisseaux du placenta, membranes bien frêles à ces premières époques de formation. Il a en faut sans doute pas davantage alors pour que ces membranes (i) s'entr'ouvrent, se déchirent et se laissent traverser parles eaux de l'amnios. Or voyez : combien d'autres conséquences découlent de ces premières données ! La matrice ne cesse de peser de tout l'ascendant de ses contractions sur le noyau occupé à se développer en son sein. Mais, d'après ce qui vient d'être dit, les enveloppes fœ- tales ne sont plus ni écartées ni maintenues par les , fluides dans lesquels le fœtus se trouve d'abord plongé : les contractions de l'utérus les ont con- traintes à se replier, à s'affaisser et à retomber sur le fœtus. Enveloppant, touchant et pressant celui-ci de toutes parts, des adhérences d'elles à lui sont inévitables; et cela marche d'autant plus vite et se répand sur d'autant plus de surface, qu'il est plus de perforations aux enveloppes fœtales, plus de points rompus et sanguinolens. Mais cependant ces effets de vive excitation, ces (1) Si frêles, pourraient-elles résister, quand nous voyons l'organe le plus solidement constitué se briser sous le choc de causes momies? « Qu'on sache, dit Corvisart dans la discours a préliminaire de son ouvrage sur les maladies du cœur, qu'on « sache qu'il suffit d'un accès de colère pour déchirer le cœur « et pour causer une mort subite. » ( SA ) obstacles à l'harmonie des fonctions de l'organisa- tion, sont temporaires. L'action nerveuse reprend comme auparavant; la circulation des fluides se rétablit, et cette circulation reproduit les eaux de l'amnios. Si le retour de ces eaux , en dedans des membranes fœtales reconstituées et refermées par les adhérences qu'elles ont contractées avec l'em- bryon, n'amène pas l'entière rupture de ces adhé- rences (1), ce qui est alors devient de plus en plus persévérant. Dans ce cas, et dès ce moment, la monstruosité commence : car tous les développemens successifs continuant à avoir lieu conformément à deux or- données forcées de se faire de mutuelles concessions, savoir, la tendance à la formation normale et les exigences des brides placentaires, l'organe qui est le produit de ces mutuelles actions et concessions, (i) Je présume que beaucoup de malaises des premiers temps de la grossesse tiennent à de légères fissures des membranes fœtales, et, ce qui m'en paraît être la conséquence, à l'extrava- tion des eaux de l'amnios et à l'existence de quelques brides pla- centaires : mais je suppose aussi que le retour à la santé chez la mère, ou l'harmonie reproduite de ses fonctions vitales, trouvant ces brides sans un grand degré de consistance , en opère facile- ment la rupture. Si tout au contraire une très-vive excitation nerveuse de l'œuf le blesse profondément, j'entends, occasione de larges dilacérations dans ses membranes, cet événement tue le fœtus et en détermine la naissance bien avant terme. ( 522 ) cet organe mixte est cela même précisément dont nous exprimons la condition nouvelle ou l'anoma- lie sons le nom de monstruosité. Aucune surprise, aucun événement funeste, au- cune émotion subite, n'ont troublé la mère du podencéphale dans les premiers mois de sa gros- sesse : aussi ce sont d'autres faits de monstruosités dont j'ai eu précédemment à rendre compte. Ce- pendant Joséphine m'aurait-elle procuré des ren- seignemens suffisamment exacts, pour que je me hasardasse à soulever le voile qui couvre d'aussi mystérieux phénomènes? Je le crois : d'après les précautions que j'ai prises pour obtenir ce résultat, j'ai lieu de penser qu'elle m'a fait un récit véridique. Toutefois ce doute que j'ai provoqué moi-même établit que je ne m'abuse point sur la position dif- ficile dans laquelle je me trouve. Effectivement il me faut choisir entre paraître agir avec témérité, si je donne une pareille base à des explications physiologiques; ou montrer trop de pusillanimité, si je prive cet ouvrage de ses dernières et nécessaires déductions. Mais ma perplexité cesse, et je me ras- sure en pensant, i° que j'ai été très-soigneux de séparer mes faits de mes raisonncmens ; le lecteur reste, par-là, le maître de philosopher les obser- vations à sa manière et de rejeter les idées théo- riques ; et 2° qu'en me plaçant sous la responsabi- lité des opinions que je vais émettre, je donne de ( 523 ) cette manière au public une preuve de plus de mon dévouement pour lui. L'enfant de Joséphine réunissait plus de condi- tions normales que Yanencéphale de la Seine (i). (i) Cet anencéphale , comme nous l'avons vu précédemment, est né le 2 mars 1821. On m'en annonce un autre né dans la même année, le 27 septembre, au village de Cornieville, près de Commercy, département de la Meuse. Ainsi se trouvent par-là justifiées mes réflexions (voyez page 125) sur la fréquente appa- rition de ces monstres et sur la similitude de formes aussi singu- lières. Un médecin de Commercy, M. le docteur Dumont, a adressé à M. Lemairede Lisancourt, membre correspondant de la Société philomatique, un récit très- circonstancié de cet évé- nement de monstruosité. J'ai sous les yeux la lettre de M. Du* mont, et j'en vais extraire quelques traits principaux, que je donnerai textuellement et sans réflexions. « U anencéphale de Cornieville était du sexe féminin. Il était en tout semblable à Y anencéphale de V Hôtel-Dieu décrit par M. le professeur Lallemand. De petites différences de l'un à l'autre, qui auraient servi à la distinction de ces deux espèces, n'ont pu être indiquées par M. Dumont, privé des moyens de faire un travail de comparaison. Ce monstre a vécu quelques instans ; il a même poussé quelques cris ; il eût peut-être respiré un peu plus long-temps , sans la négligence de la sage-femme , qui, toute à sa frayeur, oublia de nouer et de couper le cordon ombilical. Cet enfant difforme fut mis au monde par une femme veuve qui avait eu autrefois plusieurs enfans très-bien confor- més : cette femme , d'une taille moyenne et d'un tempérament bilieux sanguin, fut effrayée de se voir grosse hors le mariage, et surtout de l'être devenue par les soins d'un Juif; lequel, au surplus, était un homme grand, fort et bien constitué. Elle ne ( 5a4 ) Sa colonne épinière était construite comme à l'or- dinaire ; l'une des extrémités du système médul- llaire, celle qui se divise en lobes et s'épanouit dans le crâne, était seule restée privée de développement.. Tel est le fait d'après lequel je crois pouvoir con- cessa, durant sa grossesse, d'être tourmentée par des disions de fantômes, de bêtes et de diables bien pourvus de cornes. Le jour, son esprit très-agité préparait par de continuelles préoccupations les rêveries fantastiques qui l'obsédaient la nuit durant son sommeil. Elle sentit l'enfant remuer dans son sein vers l'époque ordinaire, mais bien plus faiblement : il lui semblait que c'était une bête qui gravissait dans son corps ; du moins ce n'étaient ni les mêmes sauts ni les culbutes comme ordinairement. L'accou- chement a été précédé par l'épanchement d'une énorme quantité d'eau (les eaux de la poche dorsale), à tel point que le feu en a été éteint. Cet accouchement fut naturel : l'enfant présentant la tête, le travail n'a duré que trois heures. Mais, à la vue du monstre, la sage-femme et les femmes présentes prirent la fuite ; elles avaient cru voir le diable avec ses cornes : les oreilles leur parurent être celles d'un chien, et le dos, comme s'il était couvert de poils rouges. » La circonstance des deux cornes est un fait, mais un fait ar- rangé par la prévention et la frayeur. La poche dorsale se fend naturellement à la ligne médiane, et ses débris se renversent en deux paquets vers l'occiput , où la poche est rendue plus épaisse et plus résistante par le cuir chevelu et par les cheveux. Les deux paquets, rejetés sur les yeux, figurent assez bien deux prolon- gemens frontaux, surtout vis-à-vis d'observateurs, dont la dis- position d'esprit les porte à plutôt voir ce qui les occupe que ce qui est. ( 5*5 ) dure que c'est plus tard , du second au troisième mois de grossesse, que la monstruosité est venue envahir le fruit que Joséphine portait dans son sein. Mais c'est moins par des supputations sur la quantité d'organisation du podencéphale à ce mo- ment, que par des considérations propres à sa mère, que nous envisageons la présente question. Il nous faut en effet rechercher, en scrutant les récits de Joséphine, quels orages, lui étant devenus funestes, auront contrarié en elle le cours naturel et pro- gressif des formations organiques. Or voici ce que nous savons des circonstances de sa grossesse; elles se divisent en époques, comme il suit. Avantageusement placée comme cuisinière, Jo- séphine s'estimait heureuse, quand elle devint en- ceinte : ce qui est ordinaire en pareil cas , elle ignora d'abord sa nouvelle situation, et, l'ayant connue plus tard, elle n'en prit aucun souci. Cependant, les cinq premières semaines de sa grossesse étant écoulées, on lui signifia que les fréquentations de Tilman avaient déplu, et qu'elle était remerciée. Joséphine se retira alors dans sa cellule, rue de la Savonnerie, où, pendant trois semaines, elle ne dut arriver plusieurs fois le jour que par escalade. L'entrée de cette demeure était fermée par une trappe, à laquelle conduisait une échelle située entière au-dessous et placée presque droite. J'ai par moi-même éprouvé qu'on ne parvenait à s'in- ( 5^6 ) troduire dans la cellule de Joséphine qu'en manœu- vrant et sautant avec dextérité. Grosse de deux mois, Joséphine trouva enfin à se replacer; et ce fut alors (durant trois semaines) qu'on la surchar- gea de travaux à un degré tel, que chaque jour la plante des pieds lui paraissait brûlante. Les circonstances de la grossesse de Joséphine que nous venons de rappeler se rapportent donc à trois principales époques. Dans la première, qui embrasse une durée de cinq semaines, Joséphine est demeurée dans la situation habituelle aux femmes de sa condition ; et tout porte à croire que le germe qui se dévelop- pait dans son sein s'y est paisiblement organisé sans entraves ni obstacles extraordinaires, qu'il fut plei- nement abandonné à l'action du nisusformativus. Mais, dans la seconde époque (de Noël 1820 au i5 janvier 1 821), elle fut au contraire obligée à des manœuvres difficiles, dont tous ses organes, et particulièrement l'utérus, ont dû ressentir l'effet. Je ne puis douter que l'œuf n'ait eu, de cette ma- nière , à souffrir des lésions légères, et qu'il ne s'en fût suivi de fréquentes adhérences. Sans doute que, dans le cas d'une ou seulement de deux se- cousses, du repos, ramenant le cours naturel des fonctions de l'utérus, aurait rappelé l'embryon et les membranes fœtales aux conditions normales : mais c'est ce qui ne sera sans doute pas ici arrivé. • . ( Sa? ) Joséphine, en remontant durant trois semaines plusieurs fois le jour dans sa cellule, aura été con- tinuellement exposée aux mêmes troubles; et, de cette manière, des lésions d'abord légères seront devenues des lésions invétérées et profondes. Ainsi les brides placentaires auront pris avec le temps assez de consistance pour devenir de puissantes ordonnées, pour entraîner la plupart des organes dans les plus grandes aberrations. La troisième époque se compose du temps où Joséphine, ayant trouvé à se placer, a été surchar- gée de travaux. Ces fatigues occasionèrent un état maladif, un gonflement du ventre qui dura de quinze à vingt jours. Quelle a pu être l'influence de cette crise? Je l'ignore, et je ne me permettrai aucune supposition, si ce n'est celle pourtant de lui attribuer d'être pour quelque chose dans la pénurie des eaux de i'amnios. Il est constant que cette pénurie fut continuelle pendant toute la gros- sesse de Joséphine; mais il suffirait peut-être de l'existence des brides placentaires pour l'avoir oc- casion ée. D'où vient cette toute-puissance des brides pla- centaires, que de leur seule intervention dépendent tant de monstruosités diverses? Serait-ce que les eaux de I'amnios font partie des fluides assimilables comme ayant été suffisamment élaborés, et par conséquent comme se trouvant ( 5^8 ) ainsi convertibles de suite en organes ? Des brides placentaires, dans ce système, étendues au-dessus de l'organe monstrueux et lui formant une sorte de coiffe, auraient donc cette influence, qu'elles s'op- poseraient avec efficacité au retour, à l'existence d'une nouvelle accumulation des eaux de l'amnios? Ou bien serait-ce, parce que, émanées du pla- centa (organe déjà achevé quand l'embryon com- mence, organe plus exigeant et dominateur en raison de sa plus grande vitalité), elles dirigent et font arriver sur son principal foyer les bénéfices du système vasculaire, qui, dans la règle, eussent appartenu à l'organe monstrueux? Il n'est point de bride ou de membrane étendue du placenta à l'em- bryon, point de ces liens de l'un à l'autre, que cette fusion n'opère l'anastomose de quelques parties de leur système sanguin. Qu'en raison de cette cir- constance, il arrive à un rameau artériel émané de l'embryon de prolonger ses branches terminales sur le placenta, il est évident que la partie de celui- là, où auraient dû aboutir les extrémités de l'artère, ne croîtra pas. Ainsi cet organe deviendra mons- trueux par retardement de développement. Ou bien encore (car les brides placentaires ne sont pas toujours rangées circulairement, comme le sont les bords de la coiffe dont nous avons vu le cerveau de l'hypérencéphale recouvert : il en est d'étendues en ligne droite, comme la bride qui fut ( 5a9 ) répandue, chez le même monstre, tout le long et sur le milieu du tronc); ou bien, dis-je, ce dernier cas arrivant, serait-ce que le poids du fœtus, don- nant lieu à une action de tirage , effets dont nous avons suffisamment exposé la théorie, page 211 , aurait, sur les vaisseaux qui viennent former et nourrir le derme, une influence capable d'en opé- rer l'oblitération? Cette cause agissant, nous ferons la même remarque que tout à l'heure : cette cause donne effectivement naissance à un organe mons- trueux, qui devient ou qui est devenu tel par retardement de développement. Quoi qu'il en soit, il n'existe pas d'autres empê- chemens au développement normal d'un fœtus que les adhérences qu'il contracte avec ses membranes ambiantes; et dans ce moment de ma discussion, je puis donner à cette pensée une autre forme et la reproduire, en disant : Il n'existe de maladies ca- pables d'altérer la santé du fœtus que celles que ses adhérences avec ses enveloppes rendent possibles. Le fœtus est, dans celles-ci, comme le poumon dans la plèvre. Sa peau sécrète-t-elle comme à l'ordinaire, ou, ce qui exprime la même idée, les vaisseaux qui s'épanouissent dans le derme conti- nuent-ils à donner les eaux de l'amnios? aucune adhérence n'est possible. JN'est-il aucune sécrétion? le contraire a lieu. Il en est tout-à-fait de même à l'égard du poumon, n. 34 (' 53o ) ■s. «' / Les sécrétions deia peau ne sont-elles point inter- rompues? il reste libre au milieu du sac ambiant; mais, si les sécrétions cessent, le poumon s'unit à la plèvre. En cas de lésions légères, il y a une maladie aigûe, laquelle se termine par le retour des choses à l'ancien état; et dans le cas de lésions persévérantes, maladie plus grave , chronique, etc. Il est tout simple que le fœtus soit susceptible de toutes les vicissitudes auxquelles se trouve né- cessairement soumis le moindre des corps organisés, des mêmes phénomènes morbides temporaires ou durables. S'il ne contracte d'adhérences que pour un temps, sa mère ressent ce travail intra-utérin comme un malaise, dont il lui arrive plus tard d'être soulagée : et en effet, les incommodités de la gros- sesse tiennent principalement à cette cause. Tous ces événemens s'enchaînent : c'est un tirage qui est ressenti de proche en proche. Le fœtus tire à lui le placenta, le placenta l'utérus, et celui-ci, à son tour, agit de la même manière sur les nerfs qui s'y distribuent. L'adhérence est-elle au contraire per- sévérante? nous; l'avons dit plus haut; cette perpé- tuité d'actions oecasione et produit la monstruosité sur le point et dans l'organe où elle s'exerce. Cependant n'y aurait-il que ces cas d'adhérence pour constituer la monstruosité? et, de plus, cet engagement prendrait il constamment son point d'appui à l'extérieur du fœtus? est-ce bien le résultat ( 53, ) que nous donnent plusieurs considérations sur les monstres? Mais le podencéphale a plusieurs vis- cères renfermés atteints par des anomalies; ce qui est vrai du nombre et de la forme de ses uretères , de son avant-dernière poche intestinale et de son rectum, privé d'issue particulière ou d'anus. Nonobstant cet exemple et bien d'autres dont je pourrais le fortifier, je crois qu'il n'est qu'une cause unique, générale et extérieure de monstruo- sités, qu'il n'existe qu'un seul mode pour faire dévier les formations organiques de l'ordre com- mun; c'est quand le fœtus contracte des adhérences avec ses membranes ambiantes. Il est un âge où chaque viscère n'est point en- core renfermé dans les tégumens généraux , et où par conséquent il peut pathologiquement prolon- ger les ramifications de son système vasculaire jusque sur le placenta : mais, de plus, il est aussi une époque de réaction et de lutte, un moment où les viscères, obéissant à d'autres tractions, essaient de se soustraire à ces primitives adhérences. Est-ce toujours que les brides placentaires retiennent les viscères hors de leurs cavités ordinaires ? cela donne une monstruosité pareille à celle de l'hypé- rencéphale, dans laquelle nous avons vu figurer en dehors le cœur, le foie et les intestins. La lutte profite-t-elle au contraire aux tractions intérieures et normales ? les brides pathologiques cèdent d'au- ( 53a ) tant plus facilement, que les rapports du placenta et clu fœtus changent dans les derniers mois de la grossesse. Ce n'est plus le placenta qui est une ordonnée toute-puissante à l'égard du fœtus; le contraire a lieu ; le fœtus reçoit et croît davantage, et le placenta moins à proportion. Il est encore une autre cause de la rupture des brides placentaires : le fœtus devient très-lourd, et sa plus grande vitalité l'expose à des sursauts brusques et violens. Il doit fréquemment arriver à des brides placen- taires de se détacher par ces causes et dans ces momens d'agitation. Dès lors le fœtus est rendu à ses conditions normales ; il ne tarde pas à être en- touré partout des eaux de l'amnios; ses liens étant rompus à jamais, les tégumens communs se ré- pandent sur les places qui en étaient dépourvues. Mais cependant ce retour aux conditions nor- males ne produit son effet que pour les nouvelles couches dont les développemens progressifs vien- dront accroître l'organe monstrueux: comme celui- ci était dans l'origine, il se maintiendra, cependant avec plus ou moins de fixité. Ainsi se renferment dans l'intérieur de l'être des organes viciés qui cessent d'avoir des relations au dehors, et qui n'en persé- vèrent pas moins dans leurs primitives conditions d'organes déformés; et ce qui nous prouve que c'est la seule explication naturelle de ce fait, c'est ( 533 ) que nous avons très-nettement remarqué sur te corps du podencéphale des vestiges ( une longue cicatrice) annonçant que deux bords de la peau s'étaient rapprochés et étaient venus s'unir et se confondre. Depuis que j'ai mon attention éveillée sur cette circonstance, je ne trouve plus de monstruosités, qu'elles ne me laissent apercevoir à la peau quelques traces d'anciennes adhérences. Ainsilemonstrebec de lièvre figuré par M. Nicati avait encore le derme tout entrouvert, de l'angle droit de ses narines k l'œil du même côté. Sur la formation du derme. Si nous n'avions à citer que des faits comme ceux que nous donnent à connaître nos monstres anen- céphale et hypérencéphale, je veux dire, des cas où quelques viscères thoraciques quittent leur ca- vité pour se maintenir avec une sorte de régularité sur la ligne médiane, comme ont l'ail, savoir, la bourse dorsale à l'égard du premier, et les viscères abdominaux par rapport au second, nous pourrions supposer que les artères vertébrales, qui envoient des rameaux et en arrière et en devant , donnent ainsi lieu à la production de la peau d'une manière nécessairement symétrique. Dans ce cas, la peau, à la formation de laquelle s'appliqueraient de ( 534 ) chaque côté les dernières branches des artères vertébrales, proviendrait des flancs; de façon que chaque côté arriverait à se réunir l'un à l'autre sur le milieu du thorax, soit en devant et soit en arrière. Mais cette symétrie n'est pas ce qui existe chez tous les monstres. La longue cicatrice du bas de l'échiné du podencéphale descendait des reins pour se porter sur les organes sexuels, un peu oblique- ment de gauche à droite. Cette dernière considération force donc à rejeter l'idée à laquelle les remarques précédentes auraient pu conduire, savoir, que la peau se forme par une extension superficielle de parties et par une justa- position de leurs bords. Ce qui est au contraire conforme aux idées qu'en donne l'investigation anatomique, c'est qu'elle s'établit tout à la fois, arrivant de dedans en dehors, pour enceindre et pour retenir sur tous les points, par un égal effort, tous les organes intérieurs. Mais, cela posé, comment expliquer que la peau se trouve toujours et partout en mesure de laisser et comme de ménager une issue aux brides pla- centaires, que nous avons vues le plus souvent irrégulièrement répandues? INous devons remonter plus haut, si nous voulons comprendre quelque chose à ces phénomènes. La production de la peau dépend en effet d'un conflit d'actions et de réactions, ( 535 ) de causes et d'effets réciproques. Essayons d'en dé- mêler le principe. Il ne se fait pas de développemens organiques sans un allongement de parties, sans qu'il ne soit puisé dans les réservoirs du système nourricier, et par conséquent sans que cela ne se convertisse dans une action s'exercant du centre à la circonférence. N'admettez par hypothèse que cette unique ac- tion. Je m'explique : supposez un corps organisé qui soit appelé à se produire dans des espaces indé- finis; qu'il n'y ait aucun obstacle pour nuire à sa source d'actions ou à la force d'impulsion de ses fluides nourriciers : une telle action, se propageant du centre à la circonférence, s'exercera nécessai- rement comme le voudra sa plus grande conve- nance, comme en ordonneront toutes les facilités qui lui seront laissées, c'est-à-dire qu'elle s'exercera en ligne droite. Puis, que cela soit répété plusieurs fois, à partir du centre : cette action, se renouve- lant sans cesse, se propagera dans plusieurs sens. Le corps qui résultera de ce travail sera ce qu'est tout corps provenant de rayons émanés du centre et dirigés sur la circonférence; sa forme sera un sphénoïde évidé entre les rayons rendus fixes. C'est ainsi que les arbres se couvrent d'une cime dont les rameaux sortent les uns des autres, et se pro- longent en ligne droite. Cet ordre est, en tous points, l'arrangement qui ( 536 ) est primitivement suivi dans la formation d'un corps se développant au sein d'enveloppes fœtales. Le cœur se contracte pour lancer le sang au loin. Or, ce qui est évidemment à la convenance du cœur, ce serait qu'il agît avec le moins d'efforts possibles, ce serait qu'il lançât le sang en ligne droite. Mais ces facilités ne sont acquises qu'à la sève du végé- tal, contre l'impulsion de laquelle aucun obstacle ne s'élève extérieurement. L'action du cœur, s'exer- çant au contraire dans un milieu fermé de toutes parts, se trouve, à petites distances, sinon paraly- sée, du moins modifiée par les membranes envi- ronnantes; et observez que ce n'est pas seulement un obstacle qu'opposent les enveloppes ambiantes; il est au delà une force qui vient réagir : telle est celle des contractions de la matrice. Les vaisseaux émanés du cœur ressentent donc une contrainte à leur extrémité; il leur faut suivre les contours, les parois intérieures de la cellule dans laquelle ils se répandent : ils se recourbent, par conséquent; mais, comme en se renversant ils s'épanouissent dans tous les sens, ils marchent les uns au devant des autres, jusqu'à ce qu'enfin ils se joignent, se touchent et s'anastomosent. Cependant ce n'est pas seulement d'une manière passive que les cloisons qui renferment le fœtus se contentent d'agir. S'il est nécessaire qu'à éhaque systole elles soient forcées de pousser au large sur ( 537 ) tous les points de la circonférence, pour admettre en plus, dans la cavité qu'elles circonscrivent, la quantité de fluide nourricier qui y est apportée, ce n'est pas sans qu'il leur soit fait violence; ce qui amène durant la diastole une réaction des cloisons, tant sur le fœtus que sur le fluide porté au delà de l'extrémité de ses vaisseaux. Or, ce qui résulte de ces actions et réactions, c'est que les contractions du cœur cherchent à porter plus loin le sang , et celles de l'utérus à le repousser tout autant en sens inverse, et par conséquent hors des espaces qu'il était d'abord parvenu à développer et à remplir. Ces succès balancés et alternatifs donnent lieu à la formation d'aréoles ou petits espaces celluleux, qui finalement constituent le tissu cellulaire. Plusieurs couches de ce tissu cellulaire, rapprochées et ren- dues de plus en plus adhérentes par les pressions extérieures, sont ce qui, en dernière analise, cons- tituent les tégumens du fœtus. Ainsi chaque point du derme est un produit moléculaire arrivant du centre à la circonférence, et dont le caractère de spécialité se conserve à toujours, se perpétuant en effet par l'isolement des poils et des écailles. Or la peau, n'étant pas formée partiellement et par petits contournemens, et n'ayant pas de bords dans la nécessité d'aller superficielle- ment gagner un autre bord à distance, peut indif- féremment, s'il y a cause à cet effet, rester ouverte ( 538 ) sur tous les points, en travers, en long ou obli- quement. C'est ce que l'histoire des monstruosités et en particulier la cicatrice oblique du podencé- phale nous avaient déjà révélé, et ce que j'ai voulu de plus faire comprendre sans sortir de la considé- ration des formations normales. Sur la respiration du fœtus. Je viens de parler des contractions alternatives et du cœur du fœtus et de la matrice où il commence à être : c'est avoir montré celle-ci faisant durant l'âge fœtal, au profit de l'embryon, les fonctions du ventricule droit, que chacun sait sans usage durant cette époque. Mais si je n'avais point, dans ce cas, employé un langage de comparaisons et d'images; si la matrice de la mère et te ventricule gauche du fœtus étaient deux agens se correspon- dant nécessairement et s'entendant pour ouvrager celui-ci; si la matrice tenait, à tous égards, lieu du ventricule droit réservé pour agir plus tard; si elle était la force de compression nécessaire atout phé- nomène de respiration ; si elle poussait les eaux de l'amnios sur tous les points tégumentaires du fœ- tus, comme l'opercule et les autres organes em- ployés dans la déglutition poussent le liquide am- biantsurles branchies du poisson; si enfin le fœtus, par tous ses pores comme par autant de trachées, ( 539 ) parvenait, comme les insectes aquatiques, à sépa- rer l'air contenu dans ses eaux ambiantes, nous aurions la solution de cette grande question si long-temps cherchée et si souvent débattue, la respiration du fœtus. Celui-ci, en naissant, est privé d'un agent tout-puissant, ayant aidé à le former, l'utérus de la mère; mais il en retrouve un autre lui correspondant et s'employant au même usage; un autre, organe vierge et comme tenu en réserve pour ce moment. Je n'en puis dire aujourd'hui davantage sur ce point. U faut d'abord que j'aie établi ce que sont essentiellement des trachées : ce que je ferai incesssamment. Ces vues sont d'ailleurs à peu près étrangères à l'objet de cet ouvrage; puis, elles demandent à être purement réfléchies. Conclusion dernière. En terminant ce livre, j'en repasse dans ma mémoire les principales circonstances. Quand à mon début je fus frappé du spectacle de monstruosités si nombreuses et bizarres jus- qu'au degré de l'extravagance, il me sembla que je contemplais l'Organisation dans ses jours de sa- turnales, fatiguée à ce moment d'avoir trop long- temps industrieusement produit et cherchant des délassemens en s'abandonnant à des caprices. Cependant c'était cet excès même dans le déré- ( 54o) gleraent des formes, qui m'avait excité à y donner la plus grande attention. Je venais d'imaginer une nouvelle méthode de détermination tant des organes que de leurs matériaux constitutifs, et il me parut que j'en connaîtrais mieux toute la valeur comme moyen d'investigation, si je parvenais à en faire l'essai sur ce qu'il y avait dans la nature de plus désordonné.] Mais mes idées m'ayant entraîné, sans que je restasse le maître de m'arrêter, je m'aperçois pré- sentement (ce qui est surtout vrai des considéra- tions de ce dernier mémoire) que je viens de don- ner une physiologie médicale, quant aux points traités dans cet ouvrage. Cependant qui m'aurait donné cette mission? Je l'ai fait remarquer moi- même plus haut, simple naturaliste par mes pré- cédens, que de raisons pour douter?... que de voix pourront s'élever et prononcer : Un médecin neût pas fait un pareil ouvrage! Toutefois, si j'ai soulevé des questions dont l'art du médecin pourra un jour tirer parti ; si j'ai planté quelques jalons sur une route qu'il ne faille plus qu'ouvrir sur de plus larges dimensions, ne devrai- je avoir qu'indiqué de fâcheux écueils à éviter, j'aurai obtenu la seule récompense que j'ambi- tionne. Je me flatte en effet qu'on voudra bien considérer et agréer ce travail comme utile. Quand l'amiral Nelson vint détruire l'escadre (54i ) française embossée clans la racle d'Aboukir, il en- voya un de ses vaisseaux se poser sur les récifs delà côte, pour montrer à son escadre les écueils qu'elle aurait à éviter. Je contemplai moi-même, de la plage égyptienne, avec quelle héroïque réso- lution cet ordre fut exécuté. Le charme d'un pareil dévouement, je le conçois. C'est ce sentiment qui m'a toujours soutenu dans mes entreprises. Les recherches les plus pénibles, le danger de m'y livrer, les avertissemens de mes amis pour m'y soustraire, rien ne m'a arrêté. Que je puisse croire que j'aurai en effet préparé les voies à la moindre utilité, ne dût-elle donner de fruits que dans un lointain avenir, c'est assez pour ma satisfaction. Je ne vois que cette fin ; je m'y dévoue tout entier ; UTILITATI. FIN. TABLE DES MATIÈRES. Dedica.ce. Page v Préface. "vij o Discours préliminaire. xj Sur plusieurs déformations du crâne de l'homme. 55677 3 § T. Considérations physiologiques. 4 Du degré d'influence dans l'organisation accordé jus- qu'ici au système nerveux, page 4 . — Du système osseux sous le rapport de, son importance, 7. — Des considé- rations zoologiques comme ayant fourni de premières ' indications en faveur de la prédominance du système osseux, 11. — 'De l'importance des cas pathologiques pour la physiologie et l'anatomie philosophique, i4«— • Des relations et des actions réciproques du cerveau et de la boîte osseuse, 17. § II. Examen des pièces dont se compose le crâne d'un anencéphale. 23 Des observations sur ce sujet déjà publiées, 23. — Des os de la face, 26. — Du temporal, 27. — Du ptéréal, ou de la grande aile, 28. — Du rocher, 29. — Des os de l'oreille, 33. — Du sphénoïde, 35. — Du frontal, 3g. Du pariétal, 42« ( 5/,4 ) § III. Recherches sur la composition de l'oc- cipital humain, le nombre de ses matériaux, leur prompte aggrégation dans l'état nor- mal, et leur subdivision durable dans l'état pathologique. Page 45 Du sur-occipital, ou de l'occipital supérieur, 45. — De l'épactal, 5i. — Des inter-pariétaux, 54- — Du pro- rai, 56. — Des raisons de préférer la dénomination de proral, 63. — Des occipitaux supérieurs et des inter- pariétaux dans les anencéphales, 64. — Du sous-occi- pital, ou de l'occipital inférieur, 68. — Corollaires, 74. § IV. Essai d'une classification des monstres acéphales. 77 Coccycéphale, 87. — Cryptocépliale, 88. — Anencé- phale, ibid. — Cystencéphale, 89. — Dérencéphale, 90. , Podencéphale, ibid, — Notencéphale, 91.. — Hémien- céphale, 92. — Rhinencéphale ,93. — Stomencéphale, 06. Triencéphale, 97. — Sphénencéphale , 98. — Diodoncéphale , ibid. — Dernière considération , 1 00. Considérations d'où sont déduites des règles pour l'oeservation des monstres et pour leur classification. io3 Des faits anatomiques et physiologiques de l'anencéphalie, orservés sur un anencé- PHALE HUMAIN NÉ A PARIS EN MARS l82I. 125 Description d'un monstre humain né en oc- toere 1820, et étaelissement a son sujet D'UN NOUVEAU GENRE SOUS LE NOM DHYPÉ- RENCÉPHALE. *55 ( 545 ) § T. De la tête. Page 166 Du cerveau, 166. — D'un double bec de lièvre, 167. Des os du crâne, 173. § IL Du tronc; du déplacement et des nouvelles relations de ses viscères. ' 181 De l'ouverture du tronc, i83. — Des masses viscé- rales externes, 184. — Des viscères renfermés, 189. — Des reins et des poumons, sous le rapport de leurs formes et de leurs connexions insolites, 192. § III. De l'adhérence du placenta avec les vis- cères déplacés, et de ce fait considéré comme l'ordonnée de ces anomalies. 2o3 De quelques brides étendues du fœtus au placenta , 208. — Explication de la planche V, 220. Description d'un monstre humain né a l'hô- tel-dieu DE PARIS EN AOUT 1821, OU l'on DONNE LES FAITS ANATOMIQUES ET PHYSIOLO- GIQUES D'UN GENRE DE MONSTRUOSITÉS PRÉCÉ- DEMMENT ÉTABLI SOUS LE NOM DE PODENCÉ- PHALE. 223 § I. Du placenta. 227 § II. De l'extérieur du sujet. ibid. § III. Des anomalies du système sanguin céré- bral. 229 Des carotides, 23 1. — Sur le principe du balance- ment des organes, 244* § IV. Du système cérébro-spinal. 247 Du crâne ouvert à son sommet, 248. — Du système 11. 35 ( 546 ) nerveux, 25i. — Du quatrième ventricule , 2Ô2. — Du cervelet, 254- — Des renflemens connus sous le nom de tubercules, quadrijumeaux, 255. — Des lobes céré- braux, 257. — Des nerfs se rendant aux organes des sens, 259. — Sur la nomenclature ,261. § V. Des voies digestives. Page a65 De la correspondance de leurs anomalies et de celles du cerveau, 265. — De la division du canal intestinal, 268, — Du ccecum en général, 271. — Des anomalies du canal intestinal, 276. — Des substances contenues dans les intestins, 279. — Des subdivisions de l'intestin postérieur, 282. § Vï. De ia nutrition intestinale du fœtus, et de sa très-grande conformité avec la nutrition intestinale de l'animal adulte. 288 Du méconium, 288. — Des sécrétions intestinales, 291. — Du mucus, 292. — Du foetus nourri par sa mère, 295. — De l'action de l'intestin durant la vie fœtale, 299. — Des relations du cerveau avec les intestins, 3o/,. — De la circulation des fluides assimilables, 3 06. — Sur l'identité des fonctions de l'intestin chez le fœtus et chez l'adulte, 3 14. — Corollaires, 3 20. § VIL Des organes génito-urinaires chez les oiseaux et chez les mammifères. 3a 1 Du rectum s'ouvrant dans ces organes, 32i. — Ana- logies avec les oiseaux, 323. — Des organes génito- urinaires des oiseaux, non entièrement ramenés à une forme générale, 325. — De la voie stercorale chez les oisea x, 334. — De la voie urinaire, 336. — De la voie génitale, 34 1. — Sur les rapports de l'organe génital ( 547 > dans les deux sexes, 346. — De l'épididyme dans le sexe mâle, 349. — De l'ovaire et de ses dépendances, 35 1. — De la matrice et de ses cornes, 354- — Des parties pré- sumées les analogues, chez les mâles, des cornes de la matrice et de l'épididyme chez les femelles, 3 57. — Gé- néralités relatives aux deux sexes, 358. — De la bourse de copulation, 363. — Détermination du bursa Fabriciï, 370. — D'un grand et d'un petit oviductus chez les oi- seaux, 3 7 3 . — De l'o viduc tus chez le casoar, 3 S 1 . — Sur la place à occuper par les oiseaux dans les classifications zoologiques, 384. — Sur le principe des affinités élec- tives des élémens organiques, 387. — D'une poche chez les oiseaux déterminée sous le nom d'ad-uteram, 38c). — De Yad-uterum chez les mammifères, 3o,4- — De l'utérus des mammifères, 397. § VIII. Des organes génito-urinaires du poden- céphale. Page l\oi Du rectum, 4o5. — Des organes urinaires, !to6. — De l'organe sexuel, 408. § IX. Sur deux modifications particulières des organes génito-urinaires. /|i3 Des organes génito-urinaires de l'autruche, 4i4« — Des organes génito-urinaires des monotrèmes, 4*6. § X. Discussion sur le caractère d'invariabilité du principe des connexions. [\i$ D'une exception à opposer à cette règle, 425. — Que l'exception précédente n'est point destructive de la règle du principe des connexions, 429. — Du principe des connexions, ayant été considéré comme n'étant point une règle infaillible, 4^4- — £>u principe des con- ( 548 ) nesions, considéré rorame anciennement compris parmi les règles de l'histoire naturelle, 44o. § XI. Détermination et caractères de quatre espèces de podencéphale. Page 44$ Podencephalus eburneus , /j5i. — Podcncephalus longiceps , 452.' — Podencephalus illustratus , 4^4* — Podencephalus blproralls , 4^5. § XII. De la mère du podencéphale et des cir- constances de sa grossesse. /|56 Explication des planches. Premièrement, de la planche relative au podencéphale, 463. — Secondement, de la planche relative aux organes génito-urinaires des mam- mifères et des oiseaux , 466. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS DE l'oUVRAGE, OU SUR UNE CAUSE UNIQUE, EXTÉRIEURE ET GÉNÉRALE DES MONSTRUOSITÉS. 47^ § I. De la monstruosité considérée dans ses rapports avec la question de la préexistence des germes. 47$ § II. D'une erreur populaire au sujet des monstres. 5oo § III. Des adhérences du fœtus avec ses enve- veloppes, considérées comme l'ordonnée et l'unique cause de la monstruosité. 5oj Expériences pour faire des monstres , 509. — Sur les placentas de forme différente dans chaque famille de mammifères, 5 14. — Des lésions dont les placentas sont susceptibles, 5 16. — Des causes de la monstruosité dé- ( 549 ) crite sous le nom d'aneneéphale , 5 1 8. — De ce qui a oc- casioné celle du podencépbale, 523. — De l'intervention des brides placentaires comme formant l'ordonnée de toute monstruosité , 527. — Sur la formation du derme , 533. — Sur la respiration dufœtus, 538. — Conclusion dernière, 53g. TABLE DES NOTES PRINCIPALES, Sur la contraction musculaire , devant être attribuée à un changement de composition chimique, déterminé d'abord par l'afflux et puis par la retraite du calorique. De la distinction des tissus. Comment les contenans sont régulateurs des formes. Sur la doctrine physiologique de M. G ail. Sur les noms ingrassial , berthial et hérisséal. De l'ingrassial chez un fœtus mpnstrueux. Du frontal des baleines. Sur le caractère d'imprévoyance des singes. Des mailles du tissu osseux. De l'otosphénal et du basisphénal. D'un monstre sous le nom de gnatocéphale. vSur diverses hernies du cerveau. Sur un anencéphale né en 1722. Sur un individu monstrueux , dit petit -pépin. Sur un bec de lièvre observé par Hérissant. Sur les moles. Théorie des monstruosités, par M. Serres. Sur un mode présumé de rumination, Sur le mucus. ge 5 6 10 i? 27 38 40 49 58 73 88 93 126 i58 168 206 23o 274 293 • ( 55o ) Des alimens restitués par la digestion à leur premier état moléculaire. Page 3o8 Du corps muqueux de Bordeu. 3i3 De l'action et de l'usage des organes des sens chez le fœtus. 3 17 Sur les appendices sexuels des raies et des squales. 363 Sur la formation des coquilles d'oeuf. 375 Sur la théorie philosophiqus de Y unité, parLeibnitz. 445 Définitions différentes du germe. 481 Sur un bec de lièvre publié par M. Nicati. 487 Que l'unité de composition organique témoigne de l'unité de la cause de toutes choses. 499 Nombre des enfans légitimes et naturels nés à Paris en 1817. 5o6 Poids de six œufs avant et après l'incubation. 5 10 Du cœur se brisant sous le choc de causes morales. 522 Explication des malaises de la grossesse. 52 1 Sur un anencéphale né à Cornieville (Meuse). 523 FIN DES TABLES. ERRATA. Pag. Lign. 3 1 , i5 , des os ; qu'elles , lisez des os , qu'elles. 19, sa forme son, articulation, /. sa forme, son articulation. 27, de l'une et, lisez de l'un et, 26, pour l'epèce, lisez pour l'espèce. 19, voyez quelle, lisez voyez: quelle. 7, l'on aurait, Usez l'on n'aurait. 2 , ces faits singuliers, objet, lis. les faits singuliers, objets. 12, maîsa bandonnons, lisez mais abandonnons. 6, aucune indice, lisez aucun indice. 3 , les vaisseaux , lisez les viscères. 4 , par uu , lisez par un. 14, certains vaisseaux , lisez certains viscères. 10, ce mémoire, lisez ces mémoires. 1 , et au renversement, lisez et par le renversement. 19, le septième, lisez le huitième. 25, Reiselins, lisez Reiselius. 3oi , 1 , leurs dernières, lisez leurs derniers. 3o2, 8, glissement des, lisez glissement de. 309, 10, alibile, quintessenciée, lisez alibile quintessenctée. 336, 23, jep asse, lisez je passe. 3/|8, 14, semble, lisez semble. 368, 24, leçons, lisez leçons. 377, 24, dix millimètres, lisez dix centimètres. 38i, 9, considérationss, lisez considérations. 414, 23 , fig. 5, lett. V, lisez fi g. 4, lett. R. 539, i5, purement, lisez mûrement. 34 35 54 108 in 112 116 127 207 223 237 24l 287 ■ ■ HP! ra PŒ i ■ s • U ' v;- 1 «UPS S Si ïMM r? K^ HP* !*»î ■ d _r« D SE P B