QP + 4 Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Open Knowledge Commons http://www.archive.org/details/physiologie01rich PHYSIOLOGIE TOME PREMIER DU MÊME AUTEUR Recherches expérimentales et cliniques sur la sensibilité, 1877. (Masson.) 1 vol, in-8°. Du Suc gastrique chez l'homme et les animaux, 1878. (Germer Baillière et Cic.) 1 vol. in-8°. Des Circonvolutions cérébrales, 1878. (Germer Baillière et C'e.) 1 vol. in-8°. La Circulation du sang [traduction française de Harvctj), 1880. (Masson.) 1 vol. in-8°. Physiologie des Muscles et des Nerfs, 1881. (Germer Baillière et C!c.) 1 vol. gr. in-8°. L'Homme et l'Intelligence, 2e édition, 1887. (Félix Alcan.) 1 vol. gr. in-8°. Essai de Psychologie générale, 1887. (Félix Alcan), 2e édition. 1 vol. in- 12. La Chaleur animale, 1890. 1 vol. in-8° de la Bibliothèque scientifique internationale. (Félix Alcan.) Cours de Physiologie, Programme sommaire, 1891. (Bureaux des Bévues). 1 vol. in-I 2. PHYSIOLOGIE TRAVAUX DU LABORATOIRE DE M. CHARLES RICHET PROFKSSEUR A LA FAC0LTH DE MKDKCINE DE PARIS TOME PREMIER SYSTÈME NERVEUX — CHALEUR ANIMALE Avec 9G figures dans le texte PARIS ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILL1ÈRE ET C FÉLIX ALCAX. ÉDITEUR 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 189 3 Tous droits réscrvJs. V. ( Les mémoires contenus dans ce volume ont été, pour la plupart, déjà publiés ; mais il m'a paru important de les réunir; car ils étaient disséminés dans des recueils très dif- férents, parfois difficiles à trouver ou à consulter, et l'œuvre que mes élèves et moi nous avons tenté de faire ne pouvait être jugée dans son ensemble. Quoique les plus anciens des travaux insérés ici datent de 1880, ils ont, je crois, conservé assez & actualité pour mériter encore d'être lus; car il s'agit d'expériences physio- logiques et non de théories. Ce premier volume contient les travaux relatifs au système nerveux et à la chaleur animale ; le tome II contiendra les mémoires de chimie physiologique, et le tome III les études de toxicologie et de physiologie pathologique. Nous espérons pouvoir les faire paraître dans le cours de cette année. u' •° CONTRIBUTION A I. \ PHYSIOLOGIE DES CENTRES NERVEUX ET DKS .MUSCLES DE l'ÉCREVISSE Par M. Charles Richet. Peu de travaux ont été faits sur la physiologie des crus- tacés ; et, tandis que la contraction musculaire de quelques vertébrés, entre autres de la grenouille, a été soumise à un nombre incalculable d'expériences et de constatations, on n'a presque pas étudié les propriétés des muscles de l'écrevisse. Cette étude présente cependant un grand intérêt, non seule- ment parce que les muscles de l'écrevisse ont des particu- larités remarquables, au point de vue de leur fonction con- tractile, mais encore parce que l'écrevisse est peut-être l'invertébré qui se prête le mieux à l'expérimentation. Les insectes sont trop petits : les autres crustacés ou mollusques ayant une taille suffisante sont en général des animaux marins, et à ce titre difficiles à observer dans les laboratoires de Paris, de sorte que, parmi le groupe immense des invertébrés, il ne 2 CHAULES RICHET. reste guère que l'écrevisse qu'on puisse facilemenl employer pour des expériences physiologiques '. 1 . Parmi les physiologistes ayant étudié les propriétés physiologiques du tissu musculaire des invertébrés, citons le mémorable travail de M. Marf.y (Journ. de l'Anal., t. VI, p. 19) qui a admirablement étudié le mécanisme du vol des insectes ; mais surtout au point de vue de la locomotion. M. Plateau (Bull, de l'Acad. de Belgique, t. XX et t. XXI, 1866) a cherché à mesurer la force mus- culaire des insectes. M. Romanes (Proceed. Boy. Societ., t. XXIV, p. 143-151, et t. XXV, p. 464) a examiné la fonction des muscles des méduses, mais sa conclusion (que des excitations multipliées ne produisent pas de tétanos esl probablement contestable, quoique l'on trouve dans ce travail quelques remarques intéressantes. M. Pleischl (Centrabl. f. merf. Wiss., 1875, p. 469) a fait quel- ques observations sur la fonction des muscles de l'hydrophile. — Relativement à la substance sarcodique des invertébrés inférieurs, il y a beaucoup d'obser- vations, mais qui sont faites en général plutôt au point de vue histologique qu'au point de vue de la physiologie. Voyez en particulier Kuhne, « Untersu- chungen ùber das Protoplasma und die Contractilitât » — et Engelmann (Areh. néerland., 1869, t. IV, p. 431), et « Beitrâge fur Physiologie des Protoplasma (Archives de Pflûger, t. II, p. 307). Depuis la publication, déjà ancienne, de ce mémoire (1878), d'assez nombreux travaux ont été publiés sur la physiologie générale des muscles des invertébrés. Il me paraît intéressant d'en donner ici un compte rendu bibliographique sommaire. Je mentionnerai tout d'abord l'excellente thèse de M. II. deVariony, « Recherches expérimentales sur la contraction musculaire chez les invertébrés » « in Arc/iives de zoologie expérimentale, janvier 1886 ». Dans ce travail considérable, M. H. de Va rigny a vérifié et confirmé les faits nouveaux que j'avais établis sur les fonctions musculaires des crustacés, no- tamment sur l'addition latente, la contracture, le tétanos rythmique, la contrac- ture latente, l'onde secondaire; il les a généralisés et étendus à nombre d'inver- tébrés : gastéropodes, céphalopodes, crustacés. On peut donc, d'une manière générale, admettre que la fonction musculaire se ressemble beaucoup chez les divers invertébrés (tout au moins les invertébrés aquatiques). Les travaux de M. Romanes sur les méduses ont été résumés dans son ouvrage intitulé « Jelly-Fish, Star-Fish and Sca-urchins » (International scienti- fic séries, tome L, Kegan and Trench. Londou, 1885V Je signalerai surtout, les chapitres VII et VIII où M. Romanes a étudié le rythme, naturel ou provoqué, des muscles du manteau, et constaté l'existence d'un tétanos rythmique ana- logue à celui que nous avons constaté sur l'écrevisse. Signalons encore : Félix Plateau, « Recherches sur la force absolue des muscles des invertébrés » (Bullet. de l'Ac. royale de Belgique, 3e série, t. VI, n°s g, 10, 1883). M. Bikdermann (« Uber die Innervation der Krebschere » : Sitxb. d. hais A/cad. der Wissench., III Abtheil, 13 janv. 1887, t. XCV; 16 juin 1887, t. XCVI. pp. 8 à 39 et 1er et 8 mars 1888, t. XCVII, pp. 49-123) a étudié aussi la con- traction des muscles de l'écrevisse; il a fait d'importantes recherches sur la fonction électrique de ces muscles et sur la structure histologique des terminai- sons nerveuses. Je mentionnerai enfin un mémoire de M. Verwohn : « Die polare Erregung MUSCLES ET NERFS DE L'ECREVISSE. 3 Au point de vue do la physiologie générale, l'élude des fonctions des muscles ou des ganglions d'un cruslacé ne sera pas sans quelque utilité. En elfet, si, comme cela est vrai- semblable, la fonction musculaire est analogue chez tous les êtres vivants, elle n'est certainement pas identique : tel phé- nomène, masqué et obscur dans le muscle d'un batracien, peut être très évident et très net dans le muscle d'un autre animal, de sorte que, pour le découvrir, il sera presque indispensable de recourir à ce dernier muscle. En tout cas, pour connaître la fonction musculaire ou la fonction nerveuse en général, toutes les particularités spéciales à tel ou tel être vivant doivent nécessairement être connues. Ces remarques feront peut-être excuser la longueur de certains détails dans lesquels !je serai obligé d'entrer. Des actions réflexes et volontaires de l'êcrevisse. Pour étudier la fonction des centres nerveux de l'êcrevisse, il est d'abord indispensable de savoir quels mouvements elle accomplit à l'état normal. Elle possède trois org-anes mobiles principaux: ses deux pinces et sa queue. Il faut y ajouter des organes mobiles accessoires : les petites pattes, les fausses pattes, le flabellwn, les yeux et les antennes. La queue ne peut exécuter qu'un seul mouvement, mou- vement que j'appellerai mouvement de nage, pour indiquer l'usage habituel que l'animal en fait. Les divers anneaux qui der Protisten durch den galvanischen Strom » [Archives de Pfliiger, t. XLV, p. 1-37) et une note sans importance de M. Rollett relative aux muscles d'in- sectes [Jahresber. iiber die Fortschritle der Physiologie fur 1887, t. XVI, n° .12, p. 25). Enfin, dans mes Leço?is sur la physiologie des muscles et des nerfs, on trou- vera développées certaines expériences qui ne sont indiquées que sommairement ici, et à l'état d'ébauche. 4 CHARLES RICIIET. constituent la queue peuvent en se contractant simultanément ramener cet organe sous le ventre. A l'état de repos la queue est étendue, horizontale, mais à l'état de contraction elle est repliée sous le ventre. Dans l'eau, les mouvements, qui se suc- cèdent rapidement, font que l'animal, prenant appui sur l'eau qu'il repousse et se servant de sa queue comme d'une rame, se porte en arrière avec une très grande rapidité. Une dispo- sition spéciale montre bien la synergie de l'appareil muscu- laire caudal. Au moment où l'écrevisse va contracter sa queue, l'expansion terminale de cet organe est dilatée afin d'offrir à l'eau plus de surface. Mais, quand la queue est contractée, et quand, par le seul effet de son élasticité, elle est sur le point de revenir à la position normale, les deux palmes latérales qui terminent l'expansion sont reployées, de sorte que la queue en se redressant offre à l'eau une bien moindre surface. Cependant, en général, l'écrevisse se sert peu de sa queue comme organe de progression et chemine d'une autre ma- nière : elle se traîne sur le sol en se servant de ses petites pat- tes et principalement de ses pinces pour progresser dans tous les sens, à droite, à gauche, en arrière, et surtout en avant. L'écrevisse ne peut nager pendantlongtemps, et, lorsqu'on lui a fait faire, en l'excitant, plusieurs mouvements alternatifs de la queue, il semble que le muscle soit épuisé et ne puisse recommencer ces mouvements. De même une écrevisse dans un réservoir ne nage guère. Après avoir exécuté quelques mouvements, elle semble ne pouvoir les prolonger. En effet, si elle est déjà fatiguée par des mouvements antérieurs, et si elle est mise sur le dos, elle ne peut plus faire des mouvements de nage comme lorsqu'elle n'est pas fatiguée. Ce mouvement volontaire de la queue peut être dans cer- taines conditions un mouvement réflexe. Ainsi, quand on fait la section brusque, douloureuse, d'une des grosses pinces, immé- diatement la queue exécute quelques mouvements de nage précipités. Cette action réflexe présente un certain intérêt ; car elle est tout à fait constante et régulière, alors que les MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCRE VISSE. S autres réflexes rétraction des pédoncules oculaires — reploie- ment des antennes le long du corps) sont moins nets et moins constants. A l'état de repos, l'écrevisse porte ses deux pinces en avant en les ouvrant modérément. Lorsqu'un danger se présente ou lorsqu'une proie apparaît, elle ouvre les pinces plus large- ment : quelquefois elle les porte en haut, ou en bas, ou à droite, ou à gauche, tous mouvements de circumduction, que j'appellerai pour abréger mouvements de recherche. On aura une bonne idée de ces mouvements de recherche en plaçant une écrevisse bien vivace sur le dos : on la verra agiter ses pinces dans tous les sens, cherchant un point d'appui pour se relever. Ainsi la patte de la pince peut être considérée comme ayant deux mouvements principaux : mouvements de pro- gression, mouvements de recherche. Quant à la pince elle-même, elle n'a que deux mouve- ments qui lui soient propres, la dilatation et la constriction. Deux muscles président à ces deux mouvements. Le muscle dilatateur est très grêle, le muscle constricteur est très épais et très fort. Le muscle dilatateur s'insère au tubercule interne de la branche mobile, le muscle constricteur s'insère au tuber- cule externe de cette même branche : de sorte que ce sont les mouvements de cette branche articulée qui déterminent le resserrement ou la dilatation de la pince de l'écrevisse. A l'extrémité de chacune des deux branches, l'une mobile, et l'autre fixe, de la pince, il y a un petit crochet très pointu. La disposition est très ingénieuse pour donner à la préhen- sion des objets une très grande solidité. Ces deux crochets pointus s'engrènent l'un avec l'autre, de sorte que l'objet saisi est pincé latéralement, les deux pointes aiguës s'enfon- çant dans son épaisseur. L'étude de ces deux mouvements de dilatation et de res- serrement est fort curieuse, car ils nous donnent des notions précises sur l'état des ganglions nerveux de l'écrevisse. 6 CHAULES RICHEÏ. Si l'on prend par le dos, en la serrant entre deux doigts, une écrevisse bien vivace, et qu'on touche la face externe d'une des branches de la pince, les deux branches de la pince s'écarteront aussitôt. Il n'en sera pas ainsi, si l'on touche même très légèrement le bord interne d'une des deux branches, soit de la branche fixe, soit de la branche mobile. Alors l'écre- visse rapprochera immédiatement les deux branches, soit pour prendre la proie qu'elle suppose à sa portée, soit plutôt pour se défendre et pincer fortement l'agresseur. Ce mouvement de constriction doit être évidemment rap- proché des actions réflexes, en ce sens qu'il ne fait jamais défaut, qu'il cesse dès que la patte est séparée des centres ganglionnaires, et que, sur une écrevisse vivace et intacte, il a lieu régulièrement, fatalement, nécessairement, avec autant de précision que la contraction d'un muscle excité par l'élec- tricité. On ne peut pas d'ailleurs ne pas admirer avec quelle netteté, malgré la rude carapace chitineuse qui la recouvre, l'écrevisse peut distinguer des excitations portant tantôt sur la partie externe, tantôt sur la partie interne des deux branches de sa pince. Qu'il me soit permis d'attirer l'attention sur cette action réflexe remarquable. Elle a cela de particulier qu'elle est volontaire. On ne peut pas supposer en effet que l'écrevisse, au moment où un objet touche la partie interne des deux branches de sa pince, n'ait pas la volonté de les rapprocher. Dans l'eau, à l'état de liberté, l'écrevisse peut choisir et choisit entre la constriction et la non-constriction. Tantôt elle pince l'agresseur, tantôt elle cherche à lui échapper par la fuite. Il est très vraisemblable, pour ne pas dire certain, que c'est là un acte conscient et voulu. Or cet acte présente absolument le caractère de tous les actes réflexes. C'est donc un exemple très frappant de l'analogie qui existe entre la volonté et l'action réflexe. La volonté de l'homme et des animaux supé- rieurs pouvant être considérée comme un réflexe très com- pliqué, tandis que la volonté de l'écrevisse, par exemple, a MUSCLES ET NERFS DE L'ÉGREVISSE. 7 tous les caractères des actions réflexes ordinaires, pourvu qu'on se place dans des conditions bien déterminées. Cette expérience très simple, presque enfantine, réussit toujours pourvu que l'écrevisse soit bien vivante. Au con- traire, il n'en est plus de même si l'animal est sorti de l'eau depuis quelque temps. Si l'on prend une écrevisse bien vivace, sortant du réser- voir, on constatera que le mouvement de consti'iction (je l'ap- pellerai ainsi pour abréger) est fort et constant; mais qu'on laisse l'animal en dehors de l'eau pendant environ deux heures, on verra au bout de ce temps que le réflexe a lieu encore, mais qu'il n'est plus constant. Un attouchement léger ne fait pas resserrer les deux branches, alors qu'un attouchement fort ou plusieurs attouchements légers consécutifs peuvent seuls provoquer le réflexe de constriction. Cependant le nerf et le muscle ont conservé toute leur vitalité, qui est même plutôt exagérée à ce moment. Cette expérience, malgré sa simplicité, est instructive. Elle montre que chez les invertébrés (comme chez les verté- brés) les centres nerveux sont atteints par l'asphyxie avant que les nerfs et les muscles en soient affectés. Cette altération dans la fonction des centres ganglionnaires sous l'influence de l'asphyxie à laquelle est soumis l'animal sorti de l'eau se manifeste d'une autre manière. Une écre- visse bien vivante pince pendant fort longtemps, trois à quatre minutes au moins, surtout si l'on a soin de faire de légers mouvements, de manière que le bord interne des deux branches soit excité par ce léger ébranlement. Mais si on fait la même expérience avec une écrevisse asphyxiée depuis une demi-heure, on verra que la durée de la constriction est beaucoup moins grande. Au bout d'une demi-minute au plus, la constriction a cessé, et elle est manifestement beaucoup moins forte. Or, ainsi que je le montrerai plus loin, le muscle et le nerf ont conservé toute leur activité : c'est donc un affai- blissement de la volonté, si tant est qu'on puisse parler de 8 CHARLES RICHET. volonté chez l'écrevisse; c'est-à-dire un trouble fonctionnel des centres nerveux de la chaîne ganglionnaire. Ce réflexe de constriction nous permettra de connaître d'une manière précise l'état des centres nerveux dans certaines conditions. Ainsi, lorsqu'on soumet une écrevisse à des températures de plus en plus élevées, on peut constater que les différentes parties des centres nerveux s'altèrent à des températures différentes. D'après ce que nous venons de dire plus haut, il y a dans la constriction de la pince deux particularités à étudier : c'est la force et la constance, en appelant constance la régularité delà constriction provoquée par le contact du bord interne des deux branches. Notons qu'il faut prendre des écrevisses bien vigoureuses : cette condition est absolument nécessaire pour que l'expé- rience réussisse, car des écrevisses qui sont depuis quelque temps dans un réservoir ou un aquarium sont souvent ma- lades, et leurs actions volontaires en sont modifiées. On constate alors qu'à la température ordinaire (au-dessous de 20°) la force et la constance du réflexe de constriction sont normales. Mais, si l'écrevisse est placée dans une étuve de manière que l'eau où elle est plongée atteigne la température de 23°, alors la constriction ne sera plus forte, et, après quelques tentatives impuissantes, l'écrevisse lâchera le doigt placé entre les deux branches de sa pince. De 23° à 26°, la constance et la force de la constriction vont en diminuant, de sorte qu'en général à 26° l'écrevisse ne peut plus faire aucun mouvement de constriction. Cependant les actions réflexes proprement dites sont intactes. L'attouche- ment des yeux fait que l'écrevisse rétracte aussitôt ses pédon- cules oculaires : la section, le pincement ou l'électrisation des antennes fait que l'animal les ramène en arrière le long du corps. Enfin la section brusque des grosses pinces fait faire MUSCLES ET NERFS DE L'ECUEVISSE. 9 immédiatement à la queue des mouvements de nage pré- cipités. Cette seule expérience montre quo ni les nerfs sensitifs ni les centres ganglionnaires où s'élabore l'action réflexe, ni les nerfs moteurs, ni les muscles, n'ont été paralysés par la chaleur (de 23° à 20°), alors que les centres ganglionnaires où s'élabore la volonté ont été paralysés ou tout au moins affaiblis, par la même température. Si l'on continue à soumettre l'animal à des températures de plus en plus élevées, on constate que de 26° à 30" environ les mouvements n'ont pas disparu complètement. En particulier, les mouvements que j'ai appelés plus haut mouvements de recherche continuent à se produire; en même temps l'animal agite languissamment ses pattes et son corps tout entier, mais c'est toujours avec une grande lenteur: il semble que sesmou- vements soient dus à l'action excitatrice de la chaleur sur les éléments nerveux et musculaires, plutôt qu'à la volonté même de l'animal. En somme, à partir de 26°, tout mouvement véritablement volontaire, comme la constriction de la pince ou les mouve- ments de nage de la queue, a disparu, et cependant à 28° et à 29° il y a encore des actions réflexes qui nécessitent Tinter, vention active des cellules ganglionnaires. A 30', tous ces mouvements ont disparu* et le seul organe mobile, c'est lé flabellum, qui, après quelques mouvements précipités et irré- guliers de 26° à 30°, vers 30° se ralentit pour cesser complète- ment à 31°. Cependant à cette température le nerf et le muscle sont encore parfaitement excitables; à 34° environ, le nerf moteur réagit moins bien. Quant au muscle, il s'épuise vers 36° et 37°, et, quand il a dépassé cette température pendant quelque temps, il a complètement perdu son irritabilité et sa contrac- tilité. J'insisterai plus loin sur les modifications que la chaleur fait subir à la contraction musculaire; pour le moment, je me 10 CHARLES RICHET. contenterai d'établir les faits suivants, démontrés pour l'écre- visse et peut-être applicables à d'autres êtres. 1° L'action nerveuse volontaire peut être différenciée de l'action réflexe proprement dite, quoiqu'elle s'en rapproche beaucoup par sa constance et sa régularité dans certaines conditions déterminées. 2° L'action nerveuse volontaire s'affaiblit et disparaît de 23" à -26°. 3° L'action nerveuse réflexe s'affaiblit et disparaît de 26° à 30°. 4° Le nerf et le muscle meurent plus tardivement de 33° à 37°. 5° Par l'asphyxie, on observe une gradation analogue dans la mort des différents éléments nerveux et musculaires1. Pour mieux préciser les idées, je donne ici quelques expériences. Je pourrais en reproduire un bien plus grand nombre, mais elles sont toutes très semblables, et ce serait une répétition inutile. I. — Écrevisse assez vigoureuse, de taille moyenne, avec le réflexe de constriction fort et constant. A 23°, le réflexe est constant; mais la force en a beaucoup diminué. A 25°, 6, le rétlexe de constriction a presque disparu. La force de constriction est tout à fait nulle. A 27°, les mouvements du llabellum sont 1res réguliers et précipités. Les fausses pattes font des mouvements assez réguliers. La section de la pince produit le réflexe caudal. Tout mouvement de constriction a disparu. 1. Pour répéter ces expériences, il faudra tenir compte de l'état de santé des écrevisses qu'on emploiera. Les écrevisses venant de la halle sont vigoureuses et bien portantes. Mais, après avoir séjourné quelques jours dans un réser- voir, même quand ce réservoir est traversé par de l'eau courante, elles ne tardent pas à dépérir et à mourir. Cela tient peut-être à ce que l'eau de la ville contient des sels de plomb ou d'autres substances nuisibles. On pourrait aussi songer1 à l'inanition. Quoi qu'il en soit, les écrevisses qui ont ainsi séjourné dans des bassins sont, quelques jours avant de mourir, languissantes et ma- lades. Leurs réactions physiologiques sont alors singulièrement confuses, et relèvent plutôt de la pathologie que de la physiologie proprement dite. Il y au- rait un certain intérêt à examiner comparativement comment réagissent les écrevisses au moment même où on les retire des ruisseaux où elles vivaient à l'état de liberté. MUSCLES ET NERFS DE L'É GRE VISSE. il A 27°, f>, les mouvements du llabelluni deviennent moins réguliers. A 29°, l'animal fait des mouvements généraux; il agite languiasanv ment ses pattes. Il fait quelques mouvements de recherche, obscurs. A 30°, il y a encore quelques mouvements généraux. A 30°,4, le Rabellum se meut encore, mais à peine. Il y a encore quel- ques mouvements généraux réactionnels. A 31°, il n'y a plus aucun mouvement. A 33°, 2, l'animal, sans mouvements, est laissé à cette température pendant un quart d'heure; puis abandonné au refroidissement lent. Le lendemain, 24 heures après, les muscles de la pince et de la queue ne sont plus excitables par l'électricité. II. — Écrevisse bien vivace. A 18°, la constriction est constante et forte. Mouvements généraux très accentués. A 24°, la constriction est constante, mais plus faible. A 28°, 8, 'il n'y a plus de réllexe de constriction, plus de force. Le llabelluni et les fausses pattes continuent à se mouvoir. Mouvements de recherche. Au moment où la patte est coupée, mouvements de nage très accentués. A 30°, 4, le llabelluni est immobile. Il n'y a plus aucun réflexe. La sec- tion de l'autre pince ne provoque aucun mouvement. Les ganglions nerveux sont encore excitables par l'électricité. Le muscle est très contractile. A 35°, 2, le nerf est à peine excitable : le muscle est excitable. A 36°, 8, le muscle est à peine excitable. III. — Écrevisse vigoureuse. A 29°, 2, il n'y a plus de mouvements de constriction. Il y a encore quelques mouvements généraux et quelques mouvements du flabellum. A 29°, 8, ces mouvements n'existent plus. L'animal est alors lentement refroidi. A 28°, il y a encore retrait des antennes, mais la force de la constric- tion, comme sa régularité, ne sont pas revenues. A 26°, il y a quelques mouvements de constriction, irréguliers et faibles. On observe que, par l'effet de plusieurs excitations mécaniques très rapprochées, le muscle se contracte (addition latente des excitations mécaniques). IV. — Écrevisse très vigoureuse. A 26°,4, la constriction est irrégulière et faible. Mouvements de re- cherche. L'animal fait, avec ses pattes et sa queue, une série de mouve- ments qui paraissent normaux. La température étant ramenée à 26°,2,l'écrevisse fait des mouvements 12 Cil A Kl. ES RICHET. généraux très aceusés. La constriction est inconstante, un peu plus forte, mais toujours faible. A 23°, la constriction est presque constante, mais toujours faible. Comparons ces résultats à ce qu'on observe sur la gre- nouille. V. — Grenouille mise dans l'eau froide graduellement chauffée. A 28°, elle paraît normale. A 32°, très excitable, mais sans qu'on puisse trouver de changement dans ses allures. A 33°, idem. A 33°, 6, vive agitation. Changement de couleur de la peau. A 33°, 8, agitation très vive. Il semble que les mouvements commen- cent à faiblir. A 34°, G, agitation. Les mouvements réflexes sont très nets. A 35°, 2, tout mouvement volontaire a disparu. Il y a encore quel- ques mouvements généraux (réactionnels). L'action réflexe est con- servée. On la laisse pendant 10 minutes environ à 35°, 2. Au bout de ce temps, les mouvements généraux ont cessé. Il n'y a plus d'actions réflexes. Remise dans l'eau froide, au bout de 5 minutes, elle paraît normale. Le lendemain, elle est en très bon état. Voici une expérience qui montre les effets de l'asphyxie : VI. — Écrevisse petite, vigoureuse, ayant des œufs. La constriction de la pince est énergique et constante. A 4 heures, elle est retirée de l'eau, mise sur le dos. Mouvements de recherche très accentués. Mouvements réguliers et précipités du fla- bellum. A 5 h. 15, le flabellum se meut irrégulièrement (60 mouvements par minute). La constriction est affaiblie et inconstante. Mouvements de recherche très nets. Le contact des œufs provoque des mouvements de nage très forts, mais qui durent peu de temps. A 5 h. 35, constriction très faible et inconstante. Le flabellum est irrégulier (40 par minute). L'attouchement des œufs provoque de nombreux mouvements de recherche, mais pas de mouvements de nage. La constriction ne se fait plus — et très faiblement, — que lorsque l'on excite violemment l'abdomen. A 5 h. 45, l'animal est tout à fait immobile. Le réflexe de constriction n'existe plus. Il n'y a plus que de rares mouvements, très espacés, du flabellum. A 5 h. 55, presque tous les mouvements spontanés ont disparu. MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCRE VISSE. 13 II Comparaison de la contraction musculaire du muscle de la queue et du muscle de la pince . Il est très facile d'inscrire avec un myographe ordinaire la forme de la contraction des deux muscles prin- cipaux de l'écrevisse1. Pour la queue, il suffit de traverser l'ex- trémité caudale avec un lil et de relier ce fil au crochet du myographe, en mettant la queue dans la position hori- zontale. Au moment où l'écrevisse rapproche la queue de l'abdomen, elle attire le crochet, et le tambour à levier, ainsi mis en mouve- ment, inscrit sur le cy- lindre enregistreur la forme de la contraction. Fig. 1. — Contraction des muscles de la queue de l'écrevisse. — Le muscle est excité direc- tement par l'électricité. C, Clôture I , . , ' _ , du courant inducteur. R. Rupture ! S. Ligne des signaux électriques inscrits par le signal de Deprez. M, Contraction musculaire. M Q, Contraction du muscle de la queue. M P. Contraction du muscle de la pince. (Dans toutes les rigures annexées a ce travail* les lettres ont la même signification. Tontes les fois qu'on ne donne pas d'autres indications, l'inscription 1 OUT la pince, On a été obtenue avec la vitesse minimum du cylindre ■ P1 , , , enregistreur.) attache un ni a la bran- che mobile et on fixe solidement l'autre branche sur une planchette de liège. On peut faire passer le courant électri- 1. Je n'ai pu trouver l'indication de recherches laites antérieurement sur les muscles de crustacé (1878). Voici ce que dit M. Mahev, Du mouvement dans les fonctions de la vie, p. 367 : « Les crustacés ont fourni des secousses de durée très inégale : parfois les mouvements duraient de 20 à 30 secondes, d'autres fois ils étaient presque aussi brefs que ceux de la grenouille. Il faudrait déter- miner les conditions qui, sur une même espèce animale, produisent de si grandes variations. » 14 CHARLES R1CHET. que, soit par le nerf, en plaçant les deux excitateurs dans la patte, soit par le muscle, en plaçant un excitateur dans la patte, l'autre excitateur étant placé dans le bout de la branche fixe ouverte à son extrémité. Cela posé, si nous examinons la forme de la contraction dans l'un et dans l'autre muscle : nous voyons qu'elle est tout à fait différente. Ainsi, dans la figure 1 qui représente la Fit;. 2. — Contraction du muscle de la pince. — Le muscle est excité directement. On peut voir dans ce tracé la rapidité avec laquelle le muscle s'épuise sous l'influence des excitations. secousse musculaire de la queue, on peut voir que la contrac- tion est extrêmement brève, en somme très analogue à la forme de la contraction du gastroenémien de la grenouille qu'on prend généralement comme type. Au contraire, ainsi que le montre la figure 2, la contraction de la pince est une secousse très allongée, persistant longtemps, tout à fait différente de la contraction du muscle de la queue. Cette différence dans la forme de la contraction se retrouve aussi lorsque, au lieu de faire agir des excitations électriques isolées, on excite le muscle par des courants électriques se succédant rapidement. On sait, depuis les recherches do Ml SCLES ET NERFS DE L'ECRE\ ISSE. M. Mai!i:v et d'autres physiologistes, que h contraction inus- culaire est constituée par une série de Becousses simples s'ajou- tant les mis aux autres, de manière à former un tétanos phy- siologique plus ou moins parlait. Or, par suite de la brièveté des contractions de la queue, le tétanos complet ne se pro- duira qu'avec des excitations lies rapprochées, tandis que le muscle de la pince a un tétanos complet, même alors que les excitations sont très éloignées. Sur la figure 3, on verra bien cette dilFé- rence. La pince a un tétanos complet, alors que le muscle de la queue a encore des se- cousses dis- tinctes. Il ne faut pas voir dans ce phénomène „.,„ , -.. , . , . ..... r jmg. â. — letanos du muscle de la pince M P, compare une bizarrerie de la nature. au tétanos du muscle de la queue M Q. II est intéressant de comparer cette figure ;i la figure 124 du livre de M. Marey, Du mouvement dans les fonctions Je la oie, Au Contraire p. 383. Le muscle de la pince se comporte comme le muscle de la tortue. Le muscle de la queue comme le muscle de l'oiseau. cette différence dans la forme de la contraction tient à ce que les destinations fonctionnelles des deux muscles sont tout à fait différentes. L'écrevisse a besoin de faire avec sa queue des mouvements répétés, successifs, pour nager dans l'eau, tandis qu'avec la pince, il faut surtout des mouvements forts, qui n'ont besoin d'être ni répétés, ni successifs, mais qui doivent simplement durer. Avec la queue, il faut que le mouvement soit répété : avec la pince, le mouvement doit être persistant, et il y a une harmonie parfaite entre la forme de la contraction et la fonction que le muscle doit remplir. (Cependant il n'existe pas de différence appréciable entre la 16 CHARLES RICHET. rapidité du début do la contraction dans l'un et l'autre cas. La figure 4 reproduit la contraction musculaire des deux muscles, soumis à un même courant électrique. Un dos pôles était placé a l'anus, l'autre à l'extrémité de la pince. Dans ces con- ditions, les deux muscles étaient simultanément excités : et on voit bien que leur contraction est simultanée. Mais ce qui est vrai pour le début de la contraction n'est pas exact pour sa terminaison. Alors que depuis longtemps la queue est re- venue à l'état de repos, la pince est encore contractée, car sa Fig. 4. — Vitesse comparative du muscle de la pince et du muscle de la queue. Vitesse maximum du cylindre. Si l'on veut calculer en tractions de seconde la vitesse des divers mouvements, il suffira de prendre avec un compas la distance qui sépare l'excitation électrique de la contraction et de se reporter à la figure 6, par exemple, où chaque vibration double dure un centième de seconde. contraction est beaucoup plus lente. Cette même différence apparaîtra encore mieux, si l'on compare, dans les figures 5 et li, la contraction M' P' de la figure 5 à la contraction M Q de la figure 6. J'ai fait de nombreuses expériences pour savoir quelle est la rapidité avec laquelle se contractent l'un et l'autre muscle. Au lieu de donner des chiffres qui pour de si petites quantités n'auraient pas en général de justification suffisante, je préfère donner quelques exemples des tracés que j'ai obtenus (fig. 4 àfig. 12). On jugera ainsi du résultatbrut, et on pourra en toute connaissance de cause contrôler l'exactitude de mes conclusions. MUSCLES ET NERFS DE L'ECRE\ ISSE 17 ( ni a pu voir dans la figure ï que la vitesse du début de la contraction ne va- rie pas pour Le muscle de la queue et le muscle de la pince. Mais il ne faudrait pas croire que cette vitesse est invariable. Pins l'excitation est forte, pins la cont ra<- 1 ion est lapide, et cela aussi bien pour le muscle de la pince Gg. o | que pour le muscle de la queue fig. 6 et 7). En comparant ces tracés entre eux et en les con- frontant avec le tracé de la fi- gure 4 , on voit que, s'il y a une différence dans la vitesse de la con- traction, cette dif- férence (assuré- ment très minime et négligeable) est plutôt en faveur du muscle de la pince qui se contracte peut-être un peu plus rapidement que la queue. Cela est assez remarquable; car jusqu'ici la plupart des muscles connus dont la contraction 18 CHARLES KICI1ET. est prolongée ont aussi une contraction très retardée avec un temps perdu 1res considérable. Avec des excitations intenses, non seulement la contrac- tion est plus rapide, mais encore elle est plus forte et s'accroît en même temps que l'excitation. Ainsi la contraction M' P' est bien plus considérable que la contraction M P fig. o) et Fis. 6. — Vitesse du muscle de la queue excité par un courant fort. D. Diapason (100 vibrât, doubles par seconde). Vitesse maximum du cylindre. la contraction M Q (fig. 6) plus forte que la contraction M O (fig. 7) '. 1. Relativement au temps perdu dans le muscle, donnons quelques-uns des résultats obtenus par divers physiologistes : Helmholtz, qui aie premier mesure avec exactitude la durée du temps perdu dans le muscle, a trouvé, pour le muscle de la grenouille non fatigué, une durée d'un centième de seconde ; Brùcke a trouvé un chiffre un peu inférieur, à savoir 7 millièmes de seconde (c'est par une faute d'impression que dans l'analyse de son travail donnée par moi dans la Revue des sciences médicales, t. XIII, p. 92, il y a 7 centièmes de seconde) ; Place a trouvé un chiffre encore plus faible, soit 0,0038 de seconde (citât, de Funke, Lehrb. der Physiol.,Qe édition, p. 665); M. Ranvier [Archives de physiologie, 1874, p. 11 et 12) a trouvé, pour le muscle pâle du lapin, 0,012 de seconde, et, pour le muscle rouge, 0,055 de seconde, c'est-à-dire un temps pcrduàpeuprès quatre fois plus considérablequepourlemusclepàle; MM.Bern- stein et Steiner (Revue des sciences médicales, t. VIII, p. 55} ont trouvé une excitation latente de 0,017 à 0,028, chiffres probablement trop élevés ; M. Ro- senthax (Les nerfs et les muscles, p. 49) admet une durée d'un centième de seconde ; Von Bezold (Physiol. de Funke, p. 668) a trouvé qu'avec les courants de pile d'intensité moyenne, la durée de l'excitation latente était trois fois plus grande (clôture) et six fois plus grande (rupture) qu'avec des courants d'induc- tion ; M. Fleischl a fait quelques observations sur la contraction des muscles de la patte de l'Hydrophilus piceas (Centralôl. f. med. Wissench., 1S~5. p. 469). Il a noté un fait très intéressant sur lequel, par malheur, il donne peu de MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. 19 Il est encore une autre condition qui influe sur La vitesse et la forme uV la contraction, c'est le poids dont le muscle esl chargé. Cela se peut voir très nettement avec le muscle de la pince qui peut soulever des poids considérables. Si on le charge d'un poids relativement très lourd, de 100 grammi - par exemple, la contraction est sensiblement retardée, et beaucoup plus lente que lorsque le poids est faible, de détails : nue excitation électrique uuique provoque dans certains muscli - contraction unique, alors que dans d'autres muscles la même excitation u provoque, avec un très grand retard, dos contractions musculaires plus nom- breuses ; M. Klunder (Jahresbericht de Virchow, 1869, p. 110 a vu que la fatigue et l'accroissement de la charge augmentaient le temps perdu de 0, à 0,01 de seconde. Les déterminations de Helmholtz, Baxt, Y ai j min relatives au rapport de l'intensité de l'excitation et de la rapidité s'appliquent au nerf moteur et non au muscle. M. Lautenbach {Arch. des Se. l'In/s. et. nul. de Genève, 1877, juillet) a constaté que le temps perdu était plus court quand l'excitation était forte. M. L. Frédéricq a trouvé que chez le homard le temps perdu du muscle était de 0,015 à 0,02 de seconde. Ce dernier chiffre, pour des muscles frais et soumis à des excitations fortes, parait être bien plus élevé chez le homard que chez l'écrevisse. Relativement à mes tracés et à mes recherches, je ferai remarquer que, soit pour le muscle de la queue, soit pour le muscle de la pince, le temps perdu est un peu moindre que 0,01 de seconde : c'est plutôt 0,008 ou O.OUf) de seconde que 0,01. On peut donc, en résumant toutes ces observations, admettre que, pour la plupart des muscles, et d'une manière très générale, le temps perdu est moindre qu'un centième de seconde. Depuis que ce mémoire a été écrit, de très nombreux travaux, pour la plu- part fort remarquables, ont paru sur cette importante question de la période latente musculaire. Il me suffira de mentionner les principaux : M. Mendblssohn, Travaux du laboratoire de M. Marey, 1880, t. IV, pp. 99- 153, et Ballet, de la Soc. de biolog., 6 juillet. 1889. M. Tigerstedt, « Undersokning om muskelryckningens latenstid » Nordiskt medicinskt Arkiv,t. XVII, 1885, n° 12; (avec un résumé français), Yeo, « The Latent Period » [Journal of Phgsiology,t.lX, 18SS, pp. 396-453). Burdox Sanderson, « Photograph. Darstellung etc. » Centratblatt filr Phy- siologie, t. IV, 1890, p. 183 . Cowl, « Mechanisches Latentstadium des Gesammtmuskels » Archives de Du Bois-Reymond, 1889, pp. 563-568). Il faut ajouter aux données contenues dans ces travaux les recherches de M. H. de Varigny, mentionnées plus haut. De l'ensemble de ces recherches il résulte que le temps perdu est plus petit qu'on ne l'avait supposé jadis, et voisin de 0,006 ou 0,008, comme je l'avais trouvé pour l'écrevisse. D'ailleurs on trouvera plus loin d'autres détails sur la variation de période latente. 20 CHARLES HIC II ET. FîG. 7. — Vitesse du muscle de la queue excité par un courant faible. — Vitesse maximum du cvlindre. 10 grammes par exemple. Les deux courbes musculaires M P, M' P' de la figure 8, montrent bien cette différence '. Après avoir étudié l'excitation directe du muscle, il con- vient d'étudier l'ex- citation médiate, à sa* voir celle qui a lieu par l'entremise du nerf ou des ganglions. Pour ce qui concerne le nerf, je n'ai rien de particulier à en dire, attendu que les phé- nomènes m'ont paru assez analogues à ceux qu'on observe sur la grenouille, et ne présentant pas pour le moment de détails intéressants. L'excitation des ganglions ne produit presque jamais la contraction de la pince; au contraire. constamment elle provoque une con- traction de laqueuc. Pour exciter les gan- glions, je mettais un des pôles excitateurs dans la bouche de l'animal: l'autre pôle était enfoncé sous la partie dorsale de la carapace, entre le segment caudal et le segment thoracique. Lorsque les pôles sont aiusi placés, chaque fois qu'il y a pas- sage d'un courant électrique d'induction, il y a un mouve- Fig.JS. — Vitesse du muscle delà pince chargé de loi» grammes M P et du même chargé de 10 grammes (M' P' . — Vitesse maximum du cvlindre. i. Cette expérience a été répétée par M. Yr.o. et lui a donné le même résultat, avec une netteté parfaite. Ml SCLES ET NERFS DE L'ÉCRE VISSE. :M menl de contraction dans la queue : quant à la pince, ou elle reste immobile, ou elle se dilate. On peut mesurer ainsi la vitesse avec laquelle l'excitation ganglionnaire se transmet au muscle caudal : c'est à L'étude de ce phénomène que sont consacrées les figures 9, 10 et 12. JNous ferons d'abord remarquer que la force de la con- traction ne dépend plus de la force de l'excitation que dans d'étroites limites. Si on gradue, avec la bobine de Du Bois- Reymond, le courant électrique de manière à employer le plus faible courant qui puisse exciter les ganglions, et si on augmente graduellement l'in- tensité du courant, on voit qu'avec un courant excitateur très voisin du courant excita- teur minimum la contraction est tout aussi énergique qu'a- vec l'excitation maximum. Les choses se passent donc différemment, selon qu'on ex- cite le muscle ou les ganglions. Fie. 9. — Vitesse de l'excitation gan- glionnaire faible. — Courant de rupture. — Vitesse maximum du cylindre. Pour le muscle, à une excita- tion forte répond une contraction forte ; à une excitation faible, répond une contraction faible. Pour les ganglions, au contraire, une excitation, qu'elle soif forte ou faible, pro- voque une contraction identique (ou du moins très peu diffé- rente). Ce phénomène en réalité est facile à comprendre : lorsque les ganglions sont excités, ils provoquent la contrac- tion du muscle, et cela toujours de la même manière. Qu'ils soient excités plus ou moins fortement, ce n'est plus l'excita- tion électrique qui est transmise au muscle, mais l'excitation ganglionnaire, qui est peut-être toujours identique, ou du moins présente des différences moins notables que celles qu'on peut produire en employant des courants électriques d'intensité différente. Sur les figures 9, 10, 11 et 12 on ne peut pas voir cette 22 CHARLES RICHET. identité dans la contraction musculaire provoquée par l'exci- tation forte ou faible des ganglions nerveux. Pour ne pas multiplier les figures, nous n'avons pas reproduit les courbes obtenues ainsi, mais on peut bien voir quelle est la vitesse de la transmission nerveuse par les ganglions. Prenons, en effet, les figures 9 et 10 où l'excitation gan- glionnaire a provoqué une contraction de la queue, et compa- rons le retard de cette contraction au retard de la contraction musculaire directe étudiée plus haut (fig. 6); nous verrons très bien que le retard musculaire proprement dil est à peine d'un centième de seconde, tandis que le retard ganglionnaire est de de i,S centièmes de seconde au moins. Sans nous en tenir à ces chiffres qui, par suite de la diffi- Fiq. îo. —Vitesse de l'excitation Ci_il té des mesures rigoureuses, ne ganglionnaire forte. — Courant de rupture.— Vitesse maximum doivent pas être regardés comme (lllC}iUCre' absolus, nous pouvons conclure que, par suite du passage (et probablement de la transfor- mation de l'excitation à travers les ganglions, il y a un retard total ésal à 3, en admettant que le retard du muscle excité directement est égal à 1 . En comparant le retard des tracés de la figure 9 où l'exci- tation a été faible (minimum), et le retard du tracé de la figure 10. où l'excitation a été très forte (au n" 6 de la bobine alors que l'excitation minimum était au n° 15), on peut voir que le retard est le même dans les deux cas, et qu'il n'a pas varié avec la force de l'excitation. En cela les ganglions ne se comportent pas comme les muscles; et on pourra comparer les deux tracés fig. 9 et 10) où le retard est le même (exci- tation ganglionnaire aux deux tracés (fig. 6 et fig. 7) où le retard a varié avec la force de l'excitation. (Excitation muscu- laire directe.) Dans toutes ces expériences, nous avons pris comme exci- tateur le courant de rupture, c'est-à-dire le courant provoqué MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE; 23 dan- la bobine induite par la rupture brusque du courant de pile, inducteur. En général, le courant de rupture agit, soil FlG. 11. — Vitesse d'une excitation ganglionnaire forte. — Contraction de la queue. — Vitesse maximum du cylindre. sur le muscle, soit sur les ganglions, bien plus énergiquement que le courant de clôture. Sur les figures 1 et 2, entre autres, on voit bien que le courant de clô- ture est inactif, ou à peu près. tandis que le courant de rupture excite seul le muscle. Lorsque le courant est fort, il y a une con- traction à la clôture comme à la rupture. Mais on ne peut pren- dre ce courant de clôture comme signal pour mesurer les retards produits. Au moment où le cou- rant de pile passe dans le signal électrique, il tend à abaisser le petit style inscripteur du signal, mais, par suite de la ré- sistance du fil de caoutebouc qui tient le style tendu, peut- être aussi par suite de la nature même du courant de clôture, il y a un retard très marqué dans l'inscription électrique de Fig. 12. — Vitesse d'une exci- tation ganglionnaire faible. — Contraction de la queue. Cou- rant de clôture. — Vitesse maximum du cylindre. 24 CHARLES RICHET. la clôture du courant. Sur 1rs figures 1 1 cl 12. on voil que le retard parait très faible lorsquel'on prend comme point de re- père le signal de clôture du courant. Dans la ligure 11 notam- ment, où sont inscrits les deux signaux de clôture et de ru- pture, on peut voir qu'au signal de clôture le relard parait presque nul, tandis qu'il est près de quatre fois plus considé- rable avec le signal de rupture. C'est ce dernier seulement dont il faut tenir compte, car le signal de clôture ne s'est in- scrit sur le cylindre qu'avec plus de lenteur, el n'a pas donné par conséquent d'indications instantanées. Les faits peuvent se formuler ainsi : 1° La contraction de la pince est longue (fig. 2), la contrac- tion de la queue est brève (fig. 1) ; 2° Par suite de cette longueur dans la contraction, le téta- nos physiologique, pour le muscle de la pince, survient avec des excitations même très éloignées, alors qu'il faut des exci- tations très rapprochées pour produire la fusion des secousses musculaires de la queue (fig. 3); 3° Les deux muscles excités directement ont le même retard. Ce retard, pour des excitations fortes, est un peu moindre qu'un centième de seconde (fig. 4, 5, 6); 4° Avec des excitations faibles, le retard est bien plus con- sidérable qu'avec des excitations fortes (fig. o, 6, 7); 5° Lorsque le muscle est chargé d'un poids très lourd, sa contraction est beaucoup plus lente (fig. 8) ; 6° Le retard total, quand l'excitation se fait par l'inter- médiaire des ganglions nerveux, est d'environ 0,02o de seconde. Ce retard ne varie pas ou varie peu avec l'intensité de l'excitation (fig. 9, 10, 11); le relard propre aux centres ganglionnaires est d'environ 0,015 de seconde; 7° On emploiera le signal de rupture pour mesurer les vitesses à l'aide des signaux électriques (fig. 11 et 12). MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. 23 III Du tétanos physiologique des muscles de Técrevisse. Si Ton se reporte à la figure "2, on verra que, l'excitation électrique restant invariable, la force de la contraction muscu- laire va en diminuant, et cela avec une très grande rapidité. Tandis que le muscle de la grenouille conserve pendanl long- temps la même excitabilité, le muscle de la pince devient rapidement inactif, au moins lorsqu'il est excité par des cou- rants électriques isolés et espacés. Souvent même cette disparition rapide de l'excitabilité est plus remarquable encore. Si l'on prend une écrevisse bien vivante, et qu'on détache sa pince pour l'exciter par l'électri- cité, alors qu'elle est séparée du corps, on voit, après quel- ques contractions assez fortes, le muscle devenir tout à coup inexcitable. Tantôt l'excitabilité disparait peu à peu, lente- ment, lescontractionsdevcnantdeplus en plus faibles, comme on le voit dans la figure 1, tantôt, au contraire (et c'est pres- que aussi fréquent), l'excitabilité disparait tout d'un coup : la dernière contraction est encore très forte, tandis que les exci- tations suivantes n'amènent aucun mouvement dans le muscle. D'ailleurs le muscle de la queue s'épuise aussi très rapi- dement; et nous pourrons tout à l'heure donner par des tracés la démonstration du fait. Toutefois entre l'excitabilité des deux muscles il y a une différence considérable. Pour le muscle de la queue, l'épuise- ment est réel, tandis que pour la pince l'épuisement n'est qu'apparent, masqué pour ainsi dire, puisque avec des excita- tions appropriées il reprend toute sa puissance. A cet effet, examinons ce qui se passe quand on soumet l'un ou l'autre muscle à des excitations, non plus isolées, mais très rapprochées et fréquentes, capables de produire le téta- nos physiologique. 20 CHARLES RICHET. Avec le muscle de la queue, le tétanos atteint rapidement son maximum, et disparait aussi très rapidement : de sorte qu'après trente à cinquante con- tractions tout au plus, la contracti- é lilé musculaire diminue rapide- =r ment; lemuscle se fatigue, s'épuise, £ et, au bout d'une minute environ, | n'est plus excitable. ■7. 3 La figure 13, qui indique bien ~[ ce phénomène, est, à plusieurs « points de vue, assez instructive. On f( voit d'abord que. malgré la fré- g, quence des excitations, la fusion I des secousses n'est pas complète, 5 ainsi que nous l'avions fait remar- c quer plus haut (voyez la figure 3). s A mesure que le muscle se fatigue, a la distinction entre les diverses se- . cousses devient de moins en moins | nette, car l'effet général de la fati- rt gue est de rendre les secousses a musculaires moins brèves et de les a allonger. De plus le tétanos dispa- g rait rapidement, pour faire place ^ à un état qui n'est pas le repos. | mais le relâchement, l'épuisement * du muscle. Par le fait de cet épui- I sèment, le muscle a perdu une par- " lie de sa tonicité ; aussi est-il plus ç; relâché qu'avant sa contraction ; et cela se voit bien sur le tracé, car la courbe musculaire (M Q) descend après la contraction bien plus près de la ligne des signaux qu'avant la contraction. Enfin un repos de quelques instants, d'une seconde à peine, a suffi pour rendre au muscle un cer- MUSCLES ET NERFS DK L'ÉCREVISSE. 27 tain degré de contractilité ; mais cette contraction nouvelle, qu'on peut voir à la droite du tracé, <'st très faible et dure très peu de temps. Cette contraction que certains auteurs appellent initiale, parait due tout simplement à la réparation du muscle, qui. après avoir été épuisé, se répare très vite, et redevient bientôt excitable. Cependant cette excitabilité ne dure pas longtemps, et, tout de suite après les premières secousses, le muscle est épuisé. Dans la figure que nous mettons sous les yeux du lecteur, l'excitation portait sur les ganglions. Mais, lorsqu'elle est portée sur le muscle lui-même, le résultat est absolument le même, de sorte qu'on ne saurait dire si la fatigue rapide et l'épuisement dépendent du muscle ou delà chaîne ganglion- naire. Il est probable que les ganglions s'épuisent aussi très rapidement; mais l'épuisement rapide est absolument certain pour le muscle qui ne peut guère se contracter plus de trente fois de suite, et dont le tétanos est toujours rapidement ter- miné au bout d'une minute à peine. Il y a lieu de se demander si l'écre visse ne peut réellement faire avec sa queue un effort musculaire plus considérable et plus prolongé. Or, en examinant les mouvements de nata- tion des écrevisses placées dans un vivier ou dans un aqua- rium, on voit qu'elles ne peuvent jamais nager pendant plus d'une demi-minute ou une minute au plus. Au bout de ce temps elles regagnent le fond, et ne font plus de mouvements avec leur rame caudale, sans s'être reposées pendant plu- sieurs minutes. De môme une écrevisse retirée de l'eau fera avec sa queue des mouvements de nage précipités; mais ces mouvements ne dureront pas longtemps, la queue n'aura guère qu'une vingtaine de contractions tout au plus; et il faudra un repos de quelques minutes pour qu'elles puissent reprendre. Il y a donc, ici encore, une harmonie admirable entre la fonction physiologique de l'organe et les mœurs de l'animal. La queue doit faire des mouvements brefs, saccadés : et son •js CHAULES RICHET. muscle a une contraction brève et saccadée. Comme la rame caudale ne sert pas pour de longues courses, mais pour transporter l'animal à de toutes petites distances, Je muscle n'est pas apte à se contracter pen- dant longtemps, et s'épuise avec- une rapidité extrême. Quant à sa- voir ce qui est cause et ce qui est elïet dans cet accord entre les fonc- tions de l'organe et les propriétés du tissu, c'est une question, à no- tre sens, insoluble, et par consé- quent dépourvue d'intérêt immé- diat. Le muscle de la pince se com- porte tout différemment; mais, pour faire bien comprendre les divers phénomènes de la contraction téta- nique de la pince, il me sera néces- saire de revenir sur quelques points que j'ai étudiés ailleurs '. En effet, j'ai pu démontrer qu'il n'y avait pas seulement addition apparente, visible, des diverses se- cousses musculaires d'un muscle, mais qu'il y avait encore une addi- tion latente, une sommation d'ex- citations en apparence inactives, mais agissant cependant sur le mus- cle. Pfluger, Setschenoff, et d'au- l. Recherches expérimentales cl cliniques sur la sensibilité. Th. in. Paris, 1877. ,; périences ont été résumées dans une note qui a paru dans les Comptes rendus du labora- toire de M. Makev, 1877, t. III, p. 97-105. Ml SGLES ET NERFS DE L'ÉCHEVISSE. 29 très ailleurs avaient démontré que celle addition latente existe pour la moelle épinière; mais j'ai pu généraliser le fait, et montrer que cette addition latente existe pour le système cérébral sensitif el aussi pour les muscles. On voit sur la ligure 14 la démonstration de ce phéno- mène. Les excitations isolées qui sont à la droite du tracé ne provoquent aucun mouvement dans le muscle, tandis que ces mêmes excitations, étant très rapprochées, provoquent un mouvement courbe myographique M). Aucun muscle peut-être ne présente avec autant de netteté le phénomène de l'addition latente que le muscle de la pince ; cependant on peut l'observer aussi sur le gastrocnémien de la Fig. 15. — Addition latente dans le muscle de la grenouille. grenouille. En graduant l'intensité des courants électriques de manière que les excitations isolées n'agissent pas du tout sur les nerfs, on parvient à provoquer une contraction lorsque les excitations sont très rapprochées. Sur la figure 15, où est reproduite la contraction du muscle de grenouille, on peut voir que le phénomène de l'addition latente est aussi très net sur cet animal : le muscle ne se contracte que lorsque les excitations électriques sont très rapprochées. Nous pouvons donc admettre que le fait de l'addition latente des excitations dans le tissu musculaire est un fait gé- néral, quoiqu'il soit évidemment bien plus accentué dans le muscle de la pince que dans tout autre muscle. Revenons maintenant à l'excitabilité du muscle de la pince : nous avons vu que, soumis à des excitations électriques iso- lées, il perd rapidement sa contractilité. En réalité, sa contrac- tilité est loin d'être épuisée, car, lorsqu'on fait agir sur lui des 30 CHARLES KICHET. excitations très rapprochées, il reste encore pendant longtemps excitable ; de sorte qu'il ne faudrait pas conclure que le muscle s'épuise rapidement, mais seulement qu'il perd rapidement le pouvoir d'être excité par des courants électriques isolés. A ce point de vue, il y a donc une très grande dillérence entre la queue et la pince. Sous l'influence d'excitations isolées, la queue et la pince perdent rapidement leur excitabilité. Mais il y a cette dillérence que, pour la queue, l'épuisement est com- plet et définitif, tandis que la pince conserve encore, et pendant longtemps, toute sa puissance contractile, pouvant être encore excitée par des excitations électriques très rapprochées. Quant à la forme du tétanos de la pince, elle présente des particularités assez intéressantes et qui n'eut pas encore été étudiées. Si l'on soumet le muscle à des courants électriques se suc- cédant rapidement, mais assez faibles pour ne pas produire le rapprochement complet et persistant des deux branches de la pince, on voit que, quoique les courants ne cessent pas d'exciter le muscle, la branche mobile s'écarte et se rapproche successivement avec une sorte de rythme très régulier. Cette forme de tétanos rythmique, qu'on peut voir inscrite à la courbe myographique de la figure 16, est très remarquable, et on ne la retrouve guère sur les muscles des vertébrés, tandis qu'elle se voit très bien chez beaucoup d'invertébrés. Il est assez difficile d'en donner une interprétation satis- faisante. Peut-être s'agit-il d'un épuisement de l'excitabilité, épuisement survenant très vite, et amenant le relâchement du muscle. Mais, une courte période de repos étant suffisante pour rendre au muscle sa contractilité, la contraction recom- mence de plus belle, et ainsi de suite. Ces alternatives d'épui- sement et de réparation expliquent la succession de contrac- tions et de relâchements du muscle. Il faut remarquer combien ce tétanos rythmique est ana- logue à la contraction cardiaque. Lorsqu'on excite le cœur de la grenouille, par exemple, avec une série de courants élec- MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. i triques, d'intensité moyenne, on voil le cœur se contrai ter rythmiquement : or ces mouvements de diastole et de systole cardiaques offrent une grande analogie avec le tétanos ry- thmique du muscle de la pince. On peut donc, jusqu'à un cer- tain point, supposer qu'il y a dans le mus- cle de la pince un sys- tème ganglionnaire analogue à celui qui existe dans le muscle cardiaque l. En étudiant le tétanos du muscle caudal, nous avons vu que ce tétanos est de très courte durée et qu'au bout d'une minute au plus, le muscle est complète- ment épuisé. La force contractile de la pince 1. Cette hypothèse que j'avais émise en 1878 est probablement erronée; car il n'y a pas de ganglions dans la pince de l'écrevisse, ainsi que M. Biedermann l'a montré. Il est au contraire assez vraisemblable que la fonction rythmique est une propriété générale du tissu musculaire, même lorsqu'il est dépourvu de ganglions. La pointe du cœur dépourvue de ganglions c O C — " » a" - *- « — 5 o es <=- „ es O. sis -= J «« e s 5 1*3 S T3 £" 3 B "S « a >» **^ o -, w a -2 *± * g a » « « .g .3 : s o H e3 a o ~ o o tu - o w cl 'S bo s e ^ o SS u m t» - «3 '£ u C ■S «- « ^ *° 3 .2 1 a) t- ty o -h «■ ri, ? ._ '" ■£. o-a ° « . O "es es l- es SO . - 3 U "S, O fcL -^ ?■ 2 * s. s, s 9 S -s m 3 — S .2 a 40 CHARLES RICHET. J'ai fait sur ce point un grand nombre d'expériences qui parlent toutes dans le même sens. Le plus souvent même les tracés sont plus explicites encore que celui qu'on voit ici (fig\ 19), et, si je l'ai préféré, c'est à cause des diverses parti- cularités intéressantes qu'il présente. En tout cas, il résulte de mes expériences que la durée de l'excitation latente du muscle en état de contraction varie entre 0,003 et 0,00o de seconde. Pour constater cette diminution de durée du temps perdu dans les contractions secondaires du muscle, il n'est pas besoin que le muscle soit contracté. Si l'augmentation de l'excitabilité consécutive aux premières excitations dure encore (voyez le chapitre suivant), toujours le temps perdu est diminué, et aussi bien si le muscle est encore contracté que si le muscle est relâché. Dans la figure 1, le muscle est revenu à son point de départ ; mais j'aurais pu donner des figures où la seconde excitation vient surprendre le muscle alors qu'il est encore contracté sous l'influence de la première exci- tation. Il est certain que la différence considérable qui existe entre ce résultat et les résultats obtenus par les auteurs qui nous ont précédés peut jusqu'à un certain point s'expliquer. En effet, exciter un muscle au repos, qui, par conséquent, pos- sède une certaine force d'inertie qu'il faut du temps pour vaincre, c'est tout autre chose que d'exciter un muscle préparé à l'excitation par une secousse ou une excitation antérieures. Si l'on a trouvé jusqu'ici 0,01 de seconde, c'est qu'on prenait le temps perdu de la première excitation, tandis que si l'on avait pris le temps perdu de la deuxième ou de la troisième excitation, on aurait trouvé une durée beaucoup moindre. Au point de vue du contrôle expérimental, le fait que la première excitation m'a donné un temps perdu moyen de 0,008 a une certaine importance. En effet, pour cette première excitation, la seule qu'avaient mesurée les différents physio- logistes, j'ai trouvé le chiffre obtenu par eux en général, tan- MUSCLES ET NERFS DE L'ECREVISSE. il dis que, pour les excitations buî vantes, toutes les conditions expérimentales restant les mêmes, j'ai trouvé un chiffre moitié moindre : 0,001. 11 n'y a donc guère lieu do douter de l'exac- titude de ce résultat, et on peut admettre comme extrêmement vraisemblable que la durée minimum du temps perdu tend vers 0,003. Or, ainsi que le fait avec raison remarquer M. , c'est le chiffre minimum qui est le véritable nombre expri- mant le temps qu'il faut au tissu musculaire pour répondre à l'excitation, car toutes les causes d'erreur tendent évidem- ment à augmenter la durée du temps perdu. On ne peut pas admettre avec M. Gad que, si le temps — : Fig. 20. — Influence de la fatigue sur le temps perdu du muscle de la pince. — Vitesse maximum du cylindre. perdu a été trouvé par les pbysiologistes plus long qu'il n'est en réalité, cela dépend de la tension des parties accessoires (tendons, aponévroses) du muscle; car, dans nos expériences, ainsi qu'on peut le voir sur le tracé de la figure 19, la tension des parties n'avait pas varié. Il s'agit là évidemment d'une modification moléculaire du muscle, telle qu'il est devenu plus excitable. Or, à mesure qu'il est plus excitable, la durée de l'excitation latente diminue. M. Mendelssohn a observé un fait analogue. Toutefois il ne me semble pas qu'il en ait donné l'explication tout à fait rationnelle. Suivant lui, le muscle contracté, raccourci, a une période d'excitation latente plus courte. Or il n'est pas néces- saire, pour trouver un temps perdu très petit, qu'il y ait un raccourcissement préalable du muscle; il suffit que le muscle soit dans cet état particulier de contraction latente sur lequel 42 Cil A H LES KICHET. j'insisterai plus loin. Il est certain, comme l'a vu M. Mkndels- soiin, comme jel'ai vu ainsi que lui, que le muscle à demi contracté a ^ un temps perdu plus court que le I muscle relâché ; mais ce temps \ -g perdu plus court = % s'observe aussi , =-£ même lorsque le « 1 muscle n'est pas c * raccourci , lors- Ë. f qu'il est simple- - Jj ment préparé par « "■* une excitation an- = ^ teneure a repon- £ - dre , par une se- \ ïu cousse plus rapide, i-H à l'excitation sub- g p séquente. Si les excita- - = tions sont fortes, g " à une certaine dis- tance l'une de l'au- j tre (plus d'une o seconde d'inter- valle), si de plus le muscle est fa- tigué , alors le temps perdu , au lieu d'aller en diminuant, va en augmentant. La figure 20 indique ce phénomène. A chaque tour du cy- lindre se faisait au même point l'excitation électrique, laquelle MUSCLES KT NERFS DE L'ÉCREVISSE i:t est indiquée parle petit trait marque sur La ligne S des signaux électriques. On voit ainsi que la première excitation à un temps perdu assez court, mais que ce temps perdu va en aug- mentant (en s'éloignanl de plus en plus du trait qui marque les excitations électriques) pour les secousses successives, de sorte que la dernière secousse a un temps perdu qui est environ le double de la première. Il y a donc, ce semble, une différence assez remar- quable entre le temps perdu de plusieurs secousses consécuti- ves selon que ces se- cousses sont plus ou moins rapprochées. Quand elles sont très proches Tu ne de l'au- tre, le temps perdu va en diminuant; mais, si elles sont distantes de plus d'une seconde d'intervalle, le temps perdu va en augmen- tant, par suite de la fatigue du muscle. Autrement dit, si les secousses sont telles (par leur rapprochement et leur faible intensité) que l'exci- tabilité du muscle s'accroît, la durée du temps perdu diminue; si au contraire elles sont telles (par leur écartement et leur grande intensité) que le muscle se fatigue, et que son excita- bilité diminue, alors le temps perdu augmente. Il sera sans doute intéressant de comparer ces figures aux figures données dans la première partie, et on pourra con- stater : 1° Que le muscle de la pince en hiver a un temps perdu plus long- qu'en été; 2° Qu'avec une excitation forte le retard est moindre ; Pig. 22. — Temps perdu du muscle do la pince chargé de 100 grammes (M P) et du même chargé de 10 grammes (M' P'). — Vitesse maximum du cylindre. 44 CHARLES Kl Cil Kl. 3nQu'avecun poids très lourd le retard estplus considérable; 4° Enfin, comme conclusion générale, que le temps perdu du muscle diminue à mesure que l'excitation et l'excitabilité augmentent. Cette durée semble tendre vers un minimum de 0.003 de seconde. Dans la première partie de ce mémoire nous avons mesuré le retard de l'excitation ganglionnaire, c'est-à-dire le temps nécessaire pour qu'une excitation des ganglions nerveux soit suivie d'effet. Nous avions trouvé un chiffre moyen de 0,025 de seconde, nombre qui exprime la totalité du retard. Or, en admettant 0,01 pour le retard musculaire, il est clair que le retard propre des ganglions nerveux sera alors de 0,015. Il est intéressant de chercher si, par l'effet de la plus grande excitabilité produite par une série d'excitations, on arrive au môme résultat avec l'excitation ganglio-musculaire qu'avec l'excitation musculaire directe. En réalité il en est ainsi, et, alors que la première excitation ganglio-musculaire est suivie d'une réponse très tardive, la seconde est suivie d'une réponse bien plus rapide. On verra dans le tracé ci-joint (fig. 23) la démonstration de ce fait; la première excitation est suivie d'une réponse très tardive, soit, dans l'expérience dont le tracé a été gravé ici, de 0,055 : au contraire la seconde excitation est suivie beaucoup plus rapi- dement d'une secousse musculaire, et le temps perdu n'est plus alors que de 0,035. Il y a donc entre les deux temps perdus une différence de 0,02; cette différence est beaucoup trop grande pour qu'on la puisse attribuer au temps perdu dans le muscle, et il faut admettre que c'est surtout une dif- férence dans le temps perdu dans les ganglions nerveux. Ainsi, pour les ganglions nerveux comme pour les muscles, la durée de l'excitation latente va en diminuant en même temps que l'excitabilité augmente, et cette excitabilité aug- mente de la première à la deuxième excitation. 11 faut ajouter que les différences sont beaucoup plus MUSCLES ET NERFS DÉ L'ÉCREVISSE 45 grandes lorsqu'il s'agit des ganglions que lorsqu'il s'agit des muscles. Ed effet, si l'on compare la ligure °j:i à la ligure 19, on verra que, dans la figure 19, la différence du temps perdu entre la première excitation et la deuxième est de 0,002, tandis 46 CHARLES RICHET. que dans la figure 23 cette diiïérence est de 0,02. J'ai ainsi recueilli un grand nombre de tracés où le temps perdu dans les ganglions était mesuré, et sa durée m'a paru notable- ment plus considérable que celle que j'indiquais au cha- pitre II. Ce retard, que j'appelais retard total, et auquel j'avais assigné une durée de 0,025 de seconde, est en réa- lité, avec des excitations moyennes ou fortes, de 0,03. Or, comme le retard delà secousse musculaire est d'environ 0,008, il s'ensuit que le retard des centres nerveux est plus que 0,02, le temps perdu dans la transmission nerveuse des centres à la patte étant négligeable 1 . Je noterai toutefois que les expériences relatées dans la première partie ne sont pas identiques à celles-ci. En effet, dans les expériences précédentes, auxquelles se rap- portent les figures 9, 10, 11 et 12 (voyez plus haut, p. 21 à 23), l'excitation était ganglionnaire, tandis que, dans l'expérience rapportée ici, l'excitation était ganglio-musculaire. Il faut aussi considérer ce fait, c'est qu'avec l'excitation ganglio-mus- culaire on ne constate pas ce que nous avons signalé avec l'excitation ganglionnaire, et la force de la secousse peut être bien plus facilement graduée en graduant l'intensité de l'excitation électrique. En effet, contrairement à ce que nous avions vu précédemment pour l'excitation ganglio-muscu- laire, à une excitation forte répond une contraction forte, à une excitation faible répond une contraction faible. En résumant les différents faits exposés dans ce chapitre, nous arrivons aux conclusions suivantes, qui complètent les conclusions énoncées plus haut : 1. Il faut cependant faire une réserve. MM. Léon Frédéricq et G. Vande- velde, dans un travail sur la physiologie des muscles et des nerfs du homard (Bull, de l'Acad. royale de Belgique, t. XL VII, juin 1879), ont trouvé que le trajet de la transmission nerveuse était de 8 m. par seconde, ce qui fait poul- ies 4 centimètres de nerf qui séparent les ganglions du muscle de la pince une durée de 0 C05. De plus, ils ont constaté qu'entre l'excitation nerveuse et le mouvement musculaire, il y avait un temps perdu considérable. Ils ont admis que la propagation de l'influx nerveux moteur, dans son passage du nerf au muscle se ralentit beaucoup dans les dernières ramifications nerveuses. MUSCLES ET NERFS DE L'ÊCREVISSE. VI 1° Lr temps perdu du Muscle diminue à mesure >jue l'exci- ta lion ou îexcitabilitè augmentent; !20 Le minimum de ce temps perdu est de 0,003 de se- conde; 3° Le maximum est de près de 0,02 de seconde ; i° Le temps perdu dans les ganglions diminue à mesure que l'excitation ou L'excitabilité augmentent; 5° Le minimum de ce temps perdu est de 0,02o de se- conde ; 6° Le maximum peut atteindre 0.06 do seconde. La moyenne est donc de 0,03 à 0,05 de seconde '. V Des différentes périodes de la secousse musculaire. Les expériences qui m'ont donné la plupart de ces tracés qu'on voit plus haut avaient été faites en hiver, or la forme et l'excitabilité du muscle de la pince sont variables suivant la saison. Il en est des écrevisses comme des grenouilles, et on peut certainement distinguer des écrevisses d'été et des écre- visses d'hiver. En hiver, la forme de la contraction est très allongée, l. Peu d'auteurs ont mesuré la durée du temps perdu dans les centres nerveux sous l'influence des excitations électriques. Schiff [Appendici aile lezioni sul siste»>>> nervoso encefalico, 1873, p. 529 et suiv.) a trouvé par trois méthodes différentes que ce temps était 6 à 7 fois plus considérable que le temps de la transmission nerveuse au muscle, soit d'environ 0,06. Franck et Pitres ont trouvé (Goz. des hôpitaux, 1877, n° 149) un retard de 0,04a pour les centres nerveux chez le chien. Exnkr a trouvé, chez la grenouille, un retard total de 0,0512 [Arch. de Pflûger, t. VIII, p. 832;. Langendorff a trouvé, chez le même animal, un retard total de 0,0525, ce qui l'ait pour le retard de l'exci- tation nerveuse centrale environ 0,035 (Arch. fur. Plu/s., 1879, p. 90 et suiv.). Ces chiffres sont donc assez semblables à ceux que j'ai trouvés sur l'écre visse, quoique étant un peu plus forts, et l'on peut admettre que le retard de l'excitation nerveuse centrale est de 0,1)3 à 0.05, en général, et chez des animaux aussi différents que le chien, la grenouille et l'écrevisse. CHARLES RIC1IKT. et on trouve, en prenant pour type la secousse M1 P1 (voyez la figure 21, p. 42), les chiffres suivants : Excitation latente 0,008 à 0,01 de seconde. Constriction du muscle 0,lo à 0,20. Relâchement du muscle. ..... i,S au minimum. Mais sur des écrevisses d'été on a de tout autres résultats. Ainsi, en comparant la figure ci-jointe (fig.24) à la figure 26 (p. 55), ou bien encore la figure 19 (p. 39) à la figure 21 (p. 42), on pourra con- stater qu'il y a une très grande différence entre les courbes myographi- ques de l'un et l'au- tre muscle; cependant, même dans ces condi- tions, le muscle de la pince se contracte en- core avec plus de len- teur que le muscle de la queue du même ani- mal, et aussi que les muscles de la grenouille. En prenant les courbes musculaires d'écrevisses d'été, enregistrées avec la vitesse maximum du cylindre (voyez plus haut la figure 19, p. 39), on trouve les chiffres suivants : Excitation latente 0,004 à 0.008. Constriction du muscle 0.06 à 0, t. Relâchement du muscle 0.1 au minimum. F» J. — Secousses musculaires du muscle de la pince non fatiguée en été. D'ailleurs il est inutile d'insister sur les chiffres qui ex- priment les différentes phases de la contraction musculaire, MUSCLES ET NERFS I> i: L'ÉCUEYISSE. i'.i et cela pour plusieurs raisons, d'abord parce qu'ils donnent une idée moins exacte et moins compréhensible que les tracés myographiques, et ensuite parce que rien n'est plus variable que la forint' de la contraction. Il suffit, en particu- lier, que le muscle ail été fatigué par un petit nombre d'exci- tations antérieures pour que sa forme soit complètement modifiée. Le muscle tendu par un poids lourd (20 grammes, par exemple), et le muscle tendu par un poids faible (par exemple 2 grammes), ne se comportent pas de la même sorte. Ainsi pour le muscle qui soulève un poids lourd l'ascension est lente, et la descente brusque, tandis que pour le muscle qui soulève un poids léger l'ascension est brusque et la descente lente. On comprend que les chiffres que je donnerais pour servir de mesure exacte seraient illusoires, car ces deux phases sont relatives, et il ne doit y avoir rien d'absolu dans ces mots : rapidité de la descente ou de l'ascension. Un point est encore à noter, relativement à la descente très lente du muscle, et, quoiqu'un certain nombre d'observa- teurs (Hi:lmholtz, Schiit, Herhann, Kdhne) aient fait cette remarque, ils n'y ont peut-être pas attaché l'importance qu'elle mérite. Lorsque le muscle est tendu par un poids très léger, après une excitation faible il ne revient pas à son point de départ, ou du moins c'est avec une grande lenteur, de sorte que la dernière période de relâchement du muscle doit être comptée en secondes et même en minutes, au lieu d'être, comme les autres périodes de la secousse musculaire, comptée en millièmes de seconde. Il suit de là que la forme vraie de la secousse est masquée par les poids qui tendent le muscle: dans le chapitre suivant je montrerai l'importance de ce fait. 50 Cil A H LES III C H ET. VI De l'excitabilité du muscle et des centres nerveux. A. — Vitalité du muscle de la pi ne c séparée du corps. On peut détacher la pince de l'écrevisse, tout à fait à la base, entre le premier segment appendiculaire et le corps; si alors on prend la pince ainsi détachée, après avoir appliqué sur la surface de section un peu de cire à modeler, pour em- pêcher l'évaporation, et qu'on examine le lendemain et les jours suivants l'excitabilité du muscle, on verra que le muscle continue à vivre, et cela pendant un temps relativement très long-, c'est-à-dire pendant quatre fois vingt-quatre heures (96 heures) au maximum. La durée de la vitalité est beaucoup moins longue, si la température est tant soit peu plus élevée, ou si l'on n'a pas suffisamment empêché l'évaporation de l'eau nécessaire à la vitalité du tissu musculaire. En tout cas, l'irritabilité persiste toujours longtemps, et, même en se plaçant dans de mau- vaises conditions, on observe le plus souvent que le muscle séparé des centres nerveux et circulatoires est encore excitable au bout de plusieurs heures. Ce fait est important pour plusieurs raisons : il montre d'abord combien le muscle des crustacés diffère des autres muscles étudiés jusqu'ici. Ainsi les muscles des mammifères, séparés du cœur et des centres nerveux, et privés de sang, perdent au bout d'une heure et demie à deux heures leur irri- tabilité musculaire. Pour les grenouilles, au bout de douze heures au plus, l'irritabilité musculaire n'existe plus, ainsi que je l'ai constaté dans des expériences faites il y a déjà deux ans, alors que j'étudiais l'influence de l'anémie sur la sensibilité. Au contraire, la pince de l'écrevisse reste vivante pendant près de cent heures, c'est-à-dire dix fois plus long- MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. :;i temps que le muscle de grenouille, et cinquante lois plus longtemps que le muscle de mammifère. Rappelons, comme rapprochement curieux, que le cœur de la grenouille fait exception parmi les différents muscles de co batracien, et qu'il peut vivre plusieurs jours, étant séparé de la circulation générale, et nourri seulement par la petite quantité de sang qu'il contient au moment où il a été détaché du corps. Cette expérience montre encore, ainsi que bien d'autres faits étudiés par les divers physiologistes, que la vitalité des tissus ne dépend pas d'une force supérieure inhérente aux centres nerveux, mais que les tissus sont vivants par leur organisation propre, et que, séparés des centres, ils conservent leur vitalité aussi longtemps que les conditions physico-chi- miques n'ont pas changé (milieu intérieur de Cl. Bernant») . Ce qui contribue probablement à maintenir pendant si longtemps la vitalité du muscle de la pince , c'est que ce muscle est recouvert d'une carapace épaisse, qui empêche non seulement l'évaporation, mais encore l'action de l'oxy- gène, de l'acide carbonique de l'atmosphère, des poussières des ferments, etc., toutes causes qui ont, sans contredit, une influence funeste à la vitalité des tissus. En été, le muscle de la pince conserve aussi pendant long- temps son irritabilité; cependant, par une température exté- rieure de 24° à 28°, le muscle, au bout de douze heures, avait cessé d'être excitable, tandis qu'en hiver, lorsque la température est aux environs de zéro, le muscle séparé des centres vit pendant près de cent heures. Ainsi qu'on pouvait s'y attendre, en se reportant au cha- pitre 111 (p. 25), les premiers symptômes de la diminution de l'excitabilité dans un muscle séparé du corps, c'est que les excitations électriques isolées n'agissent plus sur le muscle, alors que des excitations successives rapprochées agissent avec beaucoup d'efficacité1. i. Ce fait de la vitalité prolongée du muscle de la pince fait qu'il y aurait grand avantage à l'employer pour les expériences de myographie qui durent longtemps. CHARLES HIC H ET. B. — De Vexcitabilité :\ une secousse musculaire rapide el énergique; à cette secousse succède un état de relâchement très marqué (presque actif et sur lequel j'aurai peut-être l'occasion derevenir. Actuellement il me suffira de faire remarquer que cette section brusque du nerf (peut-être aussi la lymphoragie qui accompagne l'ex- cision du membre) semble diminuer très rapidement l'excita- bilité. Si, par exemple, aussitôt après la section, le muscle répond au numéro 8,5 de la bobine, quelques minutes après il répondra au numéro 9 ou 9,5. Ce n'est pas là sans doute un des phénomènes de la mort musculaire signalés par Rosen- tiial, attendu que l'augmentation d'excitabilité des éléments anatomiques qui meurent se fait très lentement et non en quelques minutes. Il est plus vraisemblable que la section brusque du nerf, et la contraction que cette excitation a pro- voquée, ont épuisé pour un moment le muscle et l'ont rendu moins excitable. Si l'on tend le muscle par un poids faible (4 grammes pour une pince d'écrevisse moyenne), on voit qu'en augmentant graduellement et lentement l'intensité du courant induit, ce qui se fait en rapprochant la bobine induite du courant in- ducteur, à mesure que l'intensité du courant induit va en aug- mentant, la hauteur de la secousse musculaire va aussi en augmentant. Ce fait est en rapport avec ce qu'ont vu de nombreux observateurs, et ne présente pas, chez l'écrevisse, de diffé- rences avec ce qu'on a vu chez la grenouille. Mais si on emploie des courants plus forts, *en se servant pour courant de pile de deux grands éléments Grenet, à partir du numéro (3 de la bobine, la secousse musculaire ne croît plus en hauteur, mais sa forme change : le resserrement du muscle est toujours brusque, mais le relâchement n'est plus aussi rapide, ou plutôt dans ce relâchement il faut distinguer deux périodes : une première période de relâchement brusque, une seconde période de relâchement lent, le muscle ne reve- nant que très lentement à sa position première. Pour simpli- 54 CHARLES RICHET. lier nous appellerons contracture cette seconde période du relâchement musculaire Sur la figure 25 on voit comment se présente cette contrac- ture, et quelle modification elle donne à la forme de la se- cousse musculaire. A la gauche de la ligure, on voit la petite secousse A provoquée par la clôture du courant de pile, et la plus grande secousse B provoquée par la rupture de ce même courant. (Le courant induit de rupture agit toujours sur le Fig. 23. — Contracture du muscle de la pince. C. R. Clôture et rupture du courant de pile. A. B. Secousses du muscle avec un courant faibie. A' B'. Secousses du muscle avec un courant fort. — Contracture. muscle plus énergiquement que le courant de clôture.) Un peu plus loin, à la droite de cette figure, toutes conditions égales d'ailleurs, et la seule modification étant dans l'intensité plus grande du courant induit, la forme de la secousse a changé. La secousse A' de la clôture est plus haute que la secousse A, mais la secousse B' de la rupture n'est pas plus haute que la secousse B. Ce qu'il faut surtout noter, c'est que le muscle, excité en B' par un courant de rupture fort, donne une contraction dont la forme est tout à fait particu- lière. Dans le relâchement du muscle on voit qu'il y a deux périodes, une période de relâchement brusque, et une autre période de relâchement lent avec un plateau. L'existence sur MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. U S<3< 2S 56 CHARLES HIC II ET. le tracé myograpbique de ce plateau indique un état du muscle que nous avons appelé contracture. Sur la figure 24 on peut voir encore le même phénomène : à sa gauche sont six excitations équidistantes faibles (S'); à droite ces six excitations (S) équidistantes sont fortes, et, à ces deux ordres d'excitations d'intensités différentes, répondent deux formes différentes de la contraction; avec l'excitation faible les secousses musculaires sont sans contracture, et le muscle revient à sa position première, tandis qu'avec l'exci- tation forte, après chaque secousse, il y a une contracture, de telle sorte que la seconde excitation porte sur le muscle encore contracture, et ainsi de suite pour la troisième et les suivantes, de sorte qu'un tétanos, une contracture finit par s'établir avec des excitations fortes (ce tétanos est marqué par le plateau de la droite de la ligure, ligne M), tandis que. sur le même muscle, avec des excitations faibles et également espacées, ce tétanos n'a pas lieu. Il suit de là que la formation d'un tétanos physiologique pour tel ou tel muscle ne peut pas être déterminée avec une précision absolue. Si l'on emploie des excitations très fortes, le tétanos surviendra alors qu'elles seront très espacées. Si au contraire ces mêmes excitations avaient été faibles, les secousses auraient été parfaitement distinctes, et seraient res- tées isolées, comme on le voit à la gauche de la figure (M' S'). En continuant à exciter le muscle avec des courants d'in- duction isolés, et de plus en plus forts, on voit que la période de contraction devient de plus en plus longue. En outre elle tend à se produire de plus en plus tôt; elle avait commencé tout d'abord à la fin de la période de relâchement du muscle; l'intensité de l'excitation augmentant, elle commence au mi- lieu de la période de relâchement, et enfin, l'intensité de l'ex- citation augmentant encore, elle débute presque au même instant que le relâchement du muscle, de sorte que la période de relâchement brusque, qui était d'abord très longue, di- minue de plus en plus et finit par devenir tout à fait nulle. MUSCLES ET NERFS l> K IJECREVISSE Ainsi, avec des exci - t;i lions très fortes, pourvu que le muscle ne soit pas épuisé par îles contrac- tions antérieures, on voit qu'une seule excitation électrique provoque une secousse extrêmement prolongée, par suite de la fusion qui s'établit entre la secousse musculaire proprement dite et la contracture consécutive. Cette secousse prolongée peut dans certains cas fa- vorables durer près dune minute, et, pour que le muscle soit complètement revenu à son état primitif de repos, il faut souvent attendre trois à quatre minutes, et même davan- tage. Cette lenteur extrême du muscle à revenir à l'état primitif de relàche- mentfaitque, sion l'excite régulièrement, toutes les minutes environ, par un courant d'induction fort, à la fin de chaque minute le muscle sera de plus en plus resserré : finalement le tétanos sera total, les excitations électriques «8 CHARLES RICHET. resteront sans effet, et la rigidité cadavérique complète sur- prendra le muscle en état de contraction. Sur la figure 27 on voit à peu près ce phénomène ; à chaque tour du cylindre survenait au même moment l'excitation électrique, comme cela a déjà été marqué à la figure 20 (p. 41). La première excitation M1 vient surprendre le muscle en état de relâchement. Au second tour du cylindre, le muscle n'est pas complètement revenu à son état primitif, et la seconde excitation M2 vient le surprendre, lorsqu'il est encore légè- rement contracture ; au fur et à mesure que les excitations se succèdent, la contracture du muscle est de plus en plus pro- noncée, si bien que, finalement, le muscle est à peine exci- table et que le tétanos complet est presque produit. Par suite du poids assez lourd que le muscle avait à soulever, les se- cousses sont de moins en moins élevées, et c'est la seconde contraction M2 qui atteint le maximum de hauteur, tandis que la dernière M13 est la moins élevée. On ne peut pas admettre que la prolongation de la secousse musculaire qu'on observesurles différents tracés, et en parti culier sur la figure 25, dépend de l'arrêt du muscle qui butte con- tre un obstacle, car on voit graduellement cette période de con- tracture s'accroître aux dépens de la période de relâchement brusque, à mesure qu'on accroît l'intensité des courants excita- teurs. Il est même assez remarquable quela période de contrac- ture survient quelquefois avant que le muscle ait achevé de se contracter, de sorte que la hauteur de la secousse est légère- ment diminuée, alors que sa durée est bien plus considérable Pour ne pas multiplier les figures, je n'ai donné que quelques tracés. Je ferai remarquer seulement que, sur la ligure 25, la hauteur de la secousse avec contracture A' B' est légèrement inférieure à celle de la secousse sans contracture A B. Ces faits exposés par moi dans une note présentée à l'Aca- démie des sciences par M. Vulpian l sont-ils applicables aux 1. Comptes rendus de L' Académie des sciences, 16 juin 1879, p. 1272. MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCRE VISSE. 59 muscles des autres animaux, ou spéciaux aux muscles de crustacés? Lorsque j'ai communiqué mon travail, je n'avais malheureusement pas connaissance d'un mémoire de M. Tie- sel : Veber Muskelcontractur im Gegensatz zu Contraction [Archives de P/lûger, t. Mil, p. 71 à 8.3) où un certain nombre de faits analogues à ceux que je viens de décrire pour le muscle de la pince de l'écrevisse avaient été démontrés pour le muscle de la grenouille. D'après M. Tiegel, sur les grenouilles on ne voit pas ce fait remarquable du relâchement musculaire en deux pério- des. Le muscle excité par des courants induits forts ne se relâche qu'avec une grande lenteur, de sorte qu'on n'y trouve pas les principaux caractères que j'ai signalés dans le muscle de l'écrevisse, à savoir, ['apparition de cette con- tracture pendant le relâchement brusque, et, comme cela se constate dans quelques cas, la diminution de la hauteur de la secousse produite par l'apparition de cette contracture. En outre, il dit que cette contracture apparaît surtout dans les muscles fatigués. En réalité c'est le contraire, et c'est sur des muscles frais qu'elle apparaît avec une très grande inten- sité, au moins chez l'écrevisse2. J'ai pu en etfet constater que si l'on excite un muscle frais avec des courants induits forts I. Depuis que ce mémoire a été écrit, plusieurs travaux importants ont con- firmé et complété les faits nouveaux établis dans ce mémoire. Je mentionnerai principalement les mémoires suivants : Kronecker et Hali. Arehivfûr Physiologie. Supplément, 1879, p. 45) ; « Willkùrliche Muskelaction »; M. Cash (Archiv fur Physiologie. Supplément, 18X0, p. 147); « Zuckungsverlauf als Merkmal der Muskelart »; M. J. Rosenthal (Arehivfûr Physiologie. Sup- plément, 1883, p. 240-279); « Uber ein neues Myographion »; M. <1. Zuccaro; • Nuovi Studi sulla stimolazione mcccanica dei nervi et dei muscoli », Mr. 8 . mi. Agosto, 1885; M. A. Mosso, « Les lois de la fatigue étudiées dans les mus. les de l'homme » (Arch. ifal. de biologie, 1890. t. XIII, p. 12^ ; Tigers- tekt, <> Latenzd auer der Muskelzuckang » (Archiv fur Physiologie. Supplément, 1885, p. 1 11-265) jPawlow, « Wie die Muschel ihre Schaale dffnetn [Archives de Pflùger, 1885, t. XXXVII. p. G-:i2; Adocco, « Tétanos des muscles striés » [Archiv. ital. de biologie, t. VII, 1886. pp. 292-305); Buckmaster, « Uber einc neueBeziehung zwischen Zuckung and Tetaims » [Arehivfûr Physiologie. 1886, pp. 159-475 ; Maggiora, « Les lois de la fatigue dans les muscles de l'homme » [Archiv. ital.de biologie, 1890, t. XIII, p. 187); Wedensbj, ■• Rythme muscu- laire dans la contraction normale (A rchives de Physiologie, janv. 1891, p. 58). 60 CHARLES RICHET. (n° 4 do la bobine avec deux éléments Grenet . la contracture apparaît très nette; mais que. lorsque le muscle est fatigué, avec les mêmes courants il n'est plus possible de provoquer cette même contracture. Sur des muscles très frais, il suffit souvent de courants relativement peu intenses (2 éléments Thomson, n° 6 de la bobine) pour provoquer une légère con- tracture du muscle, contracture qui survient pendant la période de relâchement brusque. A mesure que le muscle se fatigue, cette contracture disparait et diminue. A la vérité, dans ces conditions et avec des excitations aussi faibles, le phénomène n'est pas constant, et j'ignore encore pourquoi il ne se présente pas à chaque expérience. Il m'a semblé qu'il dépendait principalement de la vivacité de l'animal, et qu'il était d'autant plus marqué que l'écrevisse était restée moins longtemps en captivité. Il n'y a donc pas lieu de comparer absolument cette con- tracture à la fatigue. En effet, le muscle fatigué est moins ex- citable, tandis que le muscle contracture est plus excitable (contrairement à ce qu'a vu M. Tiegel). Toutefois, sans assi- miler complètement la fatigue et la contracture du muscle, on peut remarquer l'analogie de ces deux états. De même, comme l'indiquent très nettement les tracés, et en particulier le tracé reproduit plus haut, il y a une très grande analogie entre le muscle contracture et le muscle empoisonné par la vératrine. Or on sait que la vératrine augmente considéra- blement la force du muscle1. Il en est de même de la contracture, qui, prolongeant l'ef- fort du muscle, augmente considérablement le travail pro- duit. Il est vrai que cette augmentation de travail est com- pensée, dans une certaine mesure, par la fatigue qui succède à la contracture, le muscle contracture ne répondant plus en- suite avec la même force qu'auparavant aux excitations élec- triques. 1. Rossbach, Muskelversuche an Warmblûtern {Archives de Pflùger, i.XUl, p. 62:; . MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. M M. TiEtiELa pensé que l'excitation nerveuse ne pouvait pas provoque* cette contracture et qu'elle ne survenait qu'à la suite d'excitations musculaires directes, Cette opinion me Bemble assez exacte, quoique clans certains cas, lorsque l'ex- citation nerveuse était très forte, j'aie pu noter un commen- cement de contracture. Il ne faut pas vraisemblablement voir dans cette différence autre chose qu'une différence dans l'in- tensité de l'excitation. L'excitation musculaire directe par l'électricité est très forte : l'excitation du muscle par le nerf est au contraire beaucoup plus faible. Avant M. Tiegel, quelques auteurs avaient observé des phénomènes analogues, en particulier M. Hermann', qui ap- pelle ce phénomène contraction idio-musculaire, dénomina- tion qui 'ne me paraît pas aussi explicite que le mot de con- tracture employé par M. Tiegel en 1876, et que j'ai employé aussi avant de connaître le travail de ce savant. Le mot de contracture n'est pas parfait; mais c'est le meilleur que nous ayons trouvé M. Tiegel et moi, indépendamment l'un de l'autre. M. Ranvier, en môme temps que M. Tiegel, décrivait aussi la contracture sous le nom de tonicité. (Mars 1876. Leçons sur le syst. muscuL, p. 496.) Quant à la cause de cette contracture, il est assez difiieile de la déterminer avec précision; cependant il me paraît pro- bable (c'est aussi, dans une certaine mesure, l'opinion de M. Hermann) qu'il s'agit là d'un phénomène d'altération chi- mique des éléments du tissu musculaire. Cette altération est- elle due au passage à travers le muscle d'un courant élec- trique très fort, calorifique dans une certaine mesure, ou bien à la perturbation des molécules du muscle par une contrac- tion extrêmement énergique? Ce sont là des points qui sont encore à éclaircir. Si, au lieu d'exciter le muscle de la pince détaché, on l'excite alors qu'il est encore en rapport avec les ganglions. 1. De tono ac motu musculorum nonnulla, Berlin, 1859. Cite par lui-même : Xotizen zur Muskelphysiologie {Archives de PflUger, t. XIII, p. 369). 62 CHARLES RICHET. les phénomènes ne sont plus les mêmes, et, au lieu d'avoir une contraction forte avec une contracture, il n'y a plus qu'une contraction forte sans contracture. Il semble que le muscle soit détondu pour ainsi dire par l'influence des gan- glions nerveux. C. Influence des excitations sur l'excitabilité musculaire. Etudions maintenant un autre ordre de phénomènes, à savoir l'influence des excitations successives sur l'excitabi- lité musculaire. Disons tout d'abord, afin d'apprécier avec certitude les résultats de l'expérience, qu'il faut expérimenter avec des interrupteurs réguliers, disposés de telle sorte que les courants de ruplure ou de clôture se fassent de la même manière. Cette régularité est diflicile à obtenir. Pour attein- dre autant que possible ce résultat, je faisais les interrup- tions par l'intermédiaire d'un métronome; le balancier était relié à un des fils du courant inducteur, et une pointe adaptée à ce balancier plongeait dans du mercure recouvert d'alcool, le mercure étant en rapport avec l'autre fil du circuit. Dans d'autres cas aussi, je faisais usage de l'interrupteur de Trouvé qui donne des interruptions très régulières, pouvant varier de 1 à 100 par seconde. Enfin je comparais ces interruptions aux interruptions données par le trembleur à ressort annexé à la bobine de Du Bois-Reymond, et aussi aux interruptions qu'on peut faire en fermant et on ouvrant le courant avec la main, par l'inter- médiaire de la clef de Di; Bois-Reymond. Ces quatre modes d'interruption se contrôlaient l'un par l'autre, et j'ai toujours considéré comme nécessaire qu'ils me donnent les mêmes résultats. On a un bon moyen de contrôle de l'exactitude des inter- ruptions, en prenant le courant minimum qui excite le scia- tique de la grenouille, et en inscrivant les secousses muscu- laires de son muscle jumeau. Toutes les fois que les secousses MUSCLES ET NERFS DE CE CRE VISSE. 63 sont Bensiblement égales outre elles, on peut alors considérer les interrupteurs comme suffisamment précis. Mais avec le muscle de la pince les résultais son! assez différents. Si en effet on excite ce muscle par des courants induits d'intensité constante et se succédant régulièrement avec une fréquence moyenne (soit par exemple 6 à 10 fois par seconde), on voit que les différentes secousses musculaires ne sont pas égales entre elles, et que, loin de se fatiguer, le muscle devient plus excitable. On peut voir déjà un exemple de ce phénomène sur la figure 26 en M' (p. 55). Les six excitations de la gauche de la figure sont égales entre elles, mais les six Fig. 28. — Périodes, d'excitabilité et de fatigue du muscle delà pince. A. Dixième secousse musculaire répondant au maximum d'excitabilité du muscle. secousses ne sont pas de hauteur égale; la seconde est plus haute que la première, la troisième que la seconde, et ainsi de suite. Dans la figure 19 où les courbes musculaires ont été in- scrites avec la vitesse maximum du cylindre, on voit déjà que la deuxième secousse est plus haute que la première, etc. On trouvera un peu plus loin d'autres figures (fig. 29, 32, etc.) où le même phénomène est aussi indiqué, les premières secousses étant moins élevées que les suivantes. Voici d'ail- leurs (fig. 28) un tracé indiquant très nettement ce fait. Les excitations du début sont insuffisantes pour amener une contraction: mais, quoique celles qui suivent soient abso- lument identiques, elles provoquent une secousse de plus en plus haute par suite de l'excitabilité plus grande du muscle. La dixième secousse est la plus élevée, et, à partir de ce point, l'excitabilité du muscle va en diminuant; la période E2 CPEB 111 IENCES I II IV V VI 1,2 i,b 18 u 3 1,2 1.3 1,8 •24 » 9 11 13 1,3 1.4 64 CHAULES RIGHET. de fatigue succède à la période d'accroissement d'excitabi- lité. Quelques chiffres indiqueront à quel point le muscle, sous l'influence d'excitations successives, égales entre elles, peut avoir une excitabilité croissante. Pour mesurer la hauteur de la secousse d'un muscle, il suffit de prendre avec un compas sur les tracés obtenus la hauteur de chaque secousse musculaire depuis son point de départ jusqu'à son sommet. Soit la hauteur de la première secousse égale à 1, nous avons : Pour la deuxième secousse. . . Pour la troisième secousse. . . Pourlaquatriemesecous.se. . . Pour la cinquième secousse. . • Sur la figure 20 on voit que les deux premières excitations n'ont eu aucune influence apparente sur le muscle. La troi- sième excitation commence seulement à être indiquée sur la courbe mvographique par une légère oscillation; la quatrième est un peu pins marquée; enfin la cinquième, la sixième, la septième sont de plus en plus élevées. U en est de même dans un très grand nombre de cas : les premières excitations ne produisant pas d'effet appréciable, alors que les excitations consécutives font contracter le muscle. xVinsi l'accroissement d'excitabilité du muscle se confond absolument avec les effets de l'addition latente; en fait, cette addition latente ne peut s'expliquer d'une manière plausible que par un accroissement d'excitabilité. Le muscle excité par un courant faible, que ce courant provoque ou non une secousse, devient plus excitable. Si la première secousse est faible, les secousses consécutives sont plus fortes. Si la pre- mière secousse était nulle, le mouvement qui ne s'était pas produit tout d'abord sous l'influence des premières excita- tions, se produit ensuite, grâce à l'accroissement d'excitabilité MUSCLES ET NERFS 1>K L'ÉC REVISSE 65 que lui ont donné les premières excitations, restées en appa- rence impuissantes. Il reste donc démontré que l'excitation modérée d'un muscle augmente toujours l'excitabilité de ce muscle, que cette excitation produise ou non un mouvement. S'il n'y a pas de mouvement produit par les excitations antérieures, ou peut dire qu'il s'agit là d'un phé- nomène d'addition la- tente (fig. 29). Si, au contraire, il y a eu dès le début de l'excitation apparition d'une série de secousses , ces se- cousses sont de plus en plus élevées, tradui- sant par leur forme l'accroissement d'exci- tabilité du muscle (fig. 28). En réalité, il n'est pas nécessaire, pour que cette augmentation d'excitabilité ait lieu, que la seconde secousse vienne enjamber pour ainsi dire sur la pre- mière, surprenant le muscle alors qu'il n'est pas encore relâché. En effet, deux cas peuvent se présenter (et on les trouvera figurés dans les tracés nos 9 et 10) : ou bien les excitations qui se succèdent sont assez rapides pour que le muscle n'ait pas le temps de revenir à l'état primitif ftig. 29), ou bien les excitations sont assez espacées pour que le muscle, après chaque secousse, revienne entièrement à son point de départ Fig. 29. Accroissement d'excitabilité du muscle. C6 CHARLES RH1HET. (flg. 20, 2(5, 28). Mais, dans les deux cas, le phénomène est identique. C'est toujours un accroissement d'excitabilité. 11 Fig. 30. — Secousses du muscle de la pince tendu par un poids de 2 grammes. est vrai que cette excitabilité croissante est plus manifeste encore lorsque le muscle n'a pas le temps de se relâcher que Fig. 31. — Secousses du même muscle soumis à des excitations identiques à celles de la figure 1 1 et tendu par un poids de 20 grammes. lorsque, après chaque secousse, il peut revenir à l'état de repos apparent. D'ailleurs, pour rendre plus claire l'analogie qui existe MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. 67 entre ces deux phénomènes, il esl nécessaire de revenir sur quelques points indiqués plus haul à propos de la contrac- ture. Nous avons montré (fig. 26 et 27) qu'un muscle soumis à des excitations fortes restai! contracté. De fait, cette con- tracture peut apparaître sans qu'on emploie des courants aussi intenses. Il suffit de tendre le muscle par un poids très faible. Dans ces conditions, le muscle, même excité par des courants faibles, ne revient pas brusquement à son état pri- mitif, mais il se relâche avec lenteur, et sa courbe myogra- phique est analogue à la courbe qu'on obtient avec le muscle excité très forte- ment. On peut y distinguer au re- lâchement deux périodes : une pé- riode de relâche- ment brusque et une autre de relâ- chement lent ou de contracture. Pour que ce phénomène se produise nette- ment, il faut, contrairement à ce que M. Tiegel avait pensé, que le muscle ne soit pas fatigué. En etfet, au fur et à mesure que la fatigue atteint le muscle, la secousse devient de moins en moins marquée et le muscle se relâche, avec lenteur, il est vrai; mais sans qu'on puisse distinguer dans ce relâchement les deux périodes de relâchement brusque et de relâchement lent avec un plateau de contracture1. Or, presque toutes les fois qu'on prend des tracés myo- graphiques, le ressort d'acier qui tend le muscle est trop fort, et la forme véritable de la contraction musculaire est masquée parla tension trop grande du ressort antagoniste. Quelques tracés montreront bien que la forme véritable de ). Un fait analogue a été, d'une manière assez vague, signalé en lSofi par M. Hermann Joco citalo, p. 371). Fig. 32. — Secousses du même muscle soumis à des excitations identiques à celles de la figure 11 et tendu par un poids de 100 grammes. 68 CHARLES RICHET. la secousse musculaire est masquée par les poids trop lourds qui tendent le muscle. On voit sur les trois tracés ci-joints (fig. 30, 31, 32) quelle est l'influence du poids qui tend le muscle sur la forme de la secousse. La hauteur maximum des contractions du muscle tendu par 2 grammes est de G centimètres au-dessus do la ligne de relâchement du muscle, tandis que la hauteur de la secousse du muscle tendu par un poids de 20 grammes est en moyenne de 2 centimètres. Sur la figure 32, le muscle étant tendu par un poids de 100 grammes, on voit qu'après chaque secousse le muscle est complètement revenu à son point de départ. Or, pour comprendre le sens de ce phénomène, il faut admettre qu'après chacune des secousses du muscle tendu par 100 grammes, il n'y a pas un relâchement véritable, mais un état particulier qui n'est ni la secousse, puisque le muscle paraît relâché, ni le relâchement, puisque, sans le poids qui tend le muscle, il y aurait une prolongation de la contraction. Cet état particulier du muscle qui n'est ni le relâchement ni la contraction, nous paraît pouvoir être appelée contraction latente. Or la connaissance de cet état de contraction latente rend plus facile à comprendre le phénomène de l'addition latente que nous avions indiqué, il y a deux ans, sans pouvoir en donner la véritable explication. En effet, un muscle tendu par un poids fort ne se contracte pas, alors que, tendu par un poids faible, il se contracte. A-t-on le droit de dire que, lorsqu'en apparence le muscle reste immobile, il ne subit pas de modifications moléculaires identiques à celles du muscle qui se contracte? Pour être latent et inappréciable à nos moyens d'observation, l'état phy- siologique de contraction n'en existe pas moins, et, si l'on n'en tient pas compte, bien des phénomènes de la contraction musculaire resteront inexplicables. Ajoutons que le phénomène de l'addition latente peut être MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. «y observe'' alors même que le muscle est tondu par un poids très léger; mais il ne faut pas oublier que le muscle est son poids à lui-mèmo, et qu'à chaque mouvement, non seulement il soulève le poids qui le tend (et ce poids peut être nul), mais encore son poids propre. En reprenant maintenant le fait indiqué plus haut, à sa- voir l'augmentation d'excitabilité du muscle soumis à des Fig. 33. — Addition de deux excitations égales. — A, une seule excitation; A% deux excitations égales à A et très rapprochées. courants induits d'intensité égale, et régulièrement espacés, nous pouvons bien comprendre comment il est assez indiffé- rent que le muscle revienne ou ne revienne pas à sa ligne primitive, car, dans l'un et l'autre cas, la contraction n'est pas terminée, et quand le muscle, tendu par un poids moyen, est déjà revenu à son état de relâchement, il est encore en état de contraction (latente), aussi bien que le muscle qui n'est pas revenu à son état normal. Sur le muscle de la pince, les phénomènes d'addition sont extrêmement manifestes. Dans quelques expériences faites 70 CHARLES UH'.HKT. avec M. Boudet, afin de chercher s'il y avait une période réfractaire au muscle de l'écrevisse comme au cœur de la grenouille, nous n'avons pas pu trouver cette période réfrac- taire, même après avoir au préalable refroidi le muscle, mais nous avons très bien vu l'addition de deux excitations très rapprochées, et la figure 33 en donne un exemple. La première secousse A est provoquée par une excitation électrique; mais si l'on prend deux excitations égales à l'excitation A et très rapprochées, on aura une se- cousse unique A-, qui sera près de vingt fois plus élevée que la secousse A d'une seule excitation. On est con- venu d'appeler addition ce phé- nomène ; mais c'est plutôt une multiplication qu'une addi- tion, car la se- cousse qui résulte de la fusion de deux petites secousses est plus considérable que la somme de ces deux secousses, au moins quand l'excitation est faible. En tout cas, l'explication est la même que celle des phénomènes précédents. Après une première secousse, le muscle est plus excitable, et la deuxième secousse est dix, quinze, vingt fois plus élevée que la pre- mière. On peut démontrer d'une autre manière l'existence de la contraction latente. Il suffit d'exciter le muscle avec des cou- rants induits rythmés à 4 par seconde, et assez faibles pour Fig. 34. — Secousses musculaires et contraction latente. — En haut, le muscle tendu par un poids de ">0 gram- mes reste immobile (M' S'). En bas, le muscle tendu par un poids de 4 grammes, sous l'influence d'une excitation égale, donne des secousses manifestes (M S^ MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE, ti ne pas provoquer de secousse musculaire apparente, asso2 forte cependant pour qu'en augmentant très légèrement l'in- tensité du courant, une contraction se manifeste immédiate- ment. Alors le muscle, assez rapidement, devient de moins en moins excitable, et on peut graduellement augmenter L'inten- sité du courant induit sans provoquer la secousse du muscle. C'est ainsi que le muscle s'épuise sans pourtant donner de contraction apparente Si cet état particulier de contraction latente ne s'était pas produit, il est clair qu'il n'y aurait aucune diminution de l'excitabilité musculaire. Ce qui le prouve encore, c'est qu'il suffit d'interrompre pendant peu de temps ces excitations qui n'avaient aucun etïet apparent, pour que le muscle, s'étant reposé quelque temps, donne, soumis à ces mêmes excitations, des contractions très manifestes. Cette expérience a un certain intérêt ; car jusqu'ici la plu- part des auteurs ' ont admis que les excitations qui sont sans effet sur le muscle ne peuvent le fatiguer. Or, il n'en est rien, au moins sur le muscle de l'écrevisse. En tout cas, si l'on veut répéter cette emportante expé- rience, il faudra employer des courants induits rythmés à un très grand intervalle, au plus une excitation par seconde, car, avec des excitations plus fréquentes, il est impossible de faire en sorte que ces courants, alors qu'ils sont sans effet, épui- sent le muscle. J'ai longtemps essayé sans résultat, et je n'ai réussi à épuiser le muscle par des courants en apparence inefficaces que lorsqu'ils étaient très espacés. Au point de vue qui nous occupe ici, il est très important de constater que le muscle peut être fatigué, épuisé, sans qu'il y ait production de travail extérieur. Rien ne peut mieux dé- montrer l'existence de cet état particulier du muscle que nous avons appelé la contraction latente. 1. Cités par Hermann Handbuch der Physiologie, 1879, p. 120). T2 CHARLES ItICMET. D. — De la porto $ excitabilité et de la fatigue . Le muscle revient lente- ment à son point de départ, et l'on voit en M1, M2, M3, son retour lent et graduel à la ligne primitive M. voit toujours les premières secousses croître rapidement en hauteur : puis survient une série de secousses beaucoup plus petites, comme si le muscle avait été épuisé par les grandes secousses qu'il a données au début. Un peu plus tard, les secousses deviennent plus élevées, moins élevées cependant que les secousses premières ; une nouvelle série de secousses petites recommence, suivie de nouveau d'une série de secous- ses un peu plus fortes. Il en résulte que le schéma de l'exci- tabilité musculaire (schéma qui peut être indiqué en unissant les sommets des diverses secousses isolées) est une courbe Il» CHAULE S HIC MÎT. dont la descente est non seulement graduelle, mais encore rythmique, avec des ascensions et des descentes successives. Parmi ces ascensions, la plus remarquable est évidemment la première. Les physiologistes allemands qui ont étudié ce phénomène ont donné à l'ascension brusque du début, ascen- sion suivie de relâchement, le nom de contraction initiale; mais ils n'ont pas admis, comme il convient, que cette con- Fig. 38. — Contraction initiale du muscla tétanise. traction initiale du tétanos dépend de l'excitabilité croissante et décroissante du muscle sous l'influence d'excitations suc- cessives. En effet, si l'on tétanise un muscle avec des excitations très fréquentes et d'intensité moyenne, on voit que l'ascension de la courbe myographique n'est pas absolument brusque et définitive. Elle se fait en deux temps. Il y a un premier temps d'ascension brusque, un second temps de ralentissement, ou de relâchement, ou d'état stalionnaire, puis un troisième temps d'ascension définitive du muscle qui arrive alors au tétanos MUSCLES ET NERFS l>K L'ÉCREVISSE. 77 complot . Avec des excitations extrêmement fréquentes, comme l'ont vu MM. lÎKHNsn.iN, Lamansky, Wittich, etc., le phéno- mène est très net, niais il est encore facile à voir avec des excitations de fréquence modérée, fait qui n'avait pas encore été observé, et qui n'existe peut-être pas pour le muscle do la grenouille. La ligure ci-jointe indiquera, mieux que ne peut le fairo une description nécessairement très obscure, quelle est la forme du tétanos obtenu avec des excitations faibles. On voit, Fig. 39. — Contractions initiales, 1 et I' du muscle tétanisé. sur la figure 38, qu'avec les excitations marquées à la ligne S, et assez peu fréquentes pour que les diverses secousses soient encore visibles sur la courbe myographique, il y a une con- traction initiale I dont la courbe est très distincte. Les explications que nous avons données plus haut relati- vement à l'augmentation d'excitabilité du muscle au début des excitations isolées, permettront facilement d'assimiler le phénomène de la contraction initiale au phénomène de l'excitabilité croissante (comparer la figure 28 et la fi- gure 38). Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'une période d'excita- bilité croissante qui va ensuite en diminuant brusquement. Les grandes secousses données par le muscle au début 78 CHARLES RICHET. des excitations l'ont épuisé, et alors il se relâche. Par suite de ce relâchement, la courbe myographique descend et on a ainsi la contraction initiale marquée en I, figure 38; en I et en I', figure 39. Il n'y a donc pas lieu de faire de la contraction initiale un phénomène inexplicable ; c'est, au contraire, la confirmation des faits exposés plus haut et relatifs à l'exci- tabilité rapidement dé- croissante du muscle. Etudions main tenant le tétanos qui survient après la contraction ini- tiale : trois cas peuvent se présenter : 1 ° Le tétanos est com- plet, sans rythme, sans oscillations, et la cons- triction de la pince est totale, sans relâchement pendant tout le temps que durent les excita- tions électriques. Sur la figure 38, on verra un exemple de ce tétanos com- plet qui succède à la contraction initiale ; si les excitations n'avaient pas été supprimées, le tétanos aurait été complet, comme on peut le deviner par l'inspection de la ligure. 2° Le tétanos, au lieu d'être complet, est rythmique. On trouvera un exemple de ce tétanos rythmique, consé- cutif à la contraction initiale, en examinant la figure 4 1 . Après la contraction initiale, le tétanos s'établit, mais, au lieu de former un plateau, il forme une ligne brisée régulière. Les constrictions et les relâchements du muscle se font sui- vant un rythme régulier (les excitations étant bien plus fré- Fig. 40. — Contraction initiale du muscle tétanisé avec des excitations très fré- quentes. MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. queutes que les oscillations du muscle). En se comporlanl ainsi, le muscle léla- Qtsé par des coûtants fréquents suit la même marche d'exci- tabilité croissante et décroissante que le muscle soumis à des excitations très espa- cées. Quoi qu'il en soit, c'est toujours le même phénomène : seulement, dans un cas(lig. 22), ces pério- des de l'excitabilité différente sont très rapides, dans l'autre cas , comme les exci- tations sont plus es- pacées, les périodes de l'excitabilité sont beaucoup plus lentes. La forme du té la- nos n'est pas toujours rythmée avec autant de régularité, et il ar- rive souvent que les oscillations sont très irrégulières et à peu près impossibles à prévoir ( voyez par exemple la figure 39). 3° Il peut se faire que l'épuisement du muscle, après la contraction initiale, soit tel qu'il ne puisse plus donner de té- tanos, et qu'après sa première ascension il revienne définiti- 80 CHARLES IlIC H ET. vement à la ligne de relâchement. On voît(fig. 40), un exemple de cette contraction initiale unique et non suivie de tétanos. Reportons-nous, pour expliquer ce fait, à la figure 28, et supposons que, dans cette figure, les excitations, au lieu d'être très espacées, soient très fréquentes. Il y aura dans ce cas, par suite du rapprochement de toutes les secousses, une ascension considérable jusqu'au point A ; mais, une fois que ce point aura été atteint, le muscle épuisé reviendra à son état primitif, et, quoique les excitations électriques conti- nuent, il n'y aura plus d'effet moteur appréciable. Ainsi entre les courbes myographiques de la figure 28 et de la figure 40, il n'y a pas de différence essentielle ; si l'on sup- pose ramassées et condensées pour ainsi dire en une seule secousse les secousses isolées de la figure 28, on aura la se- cousse en apparence unique de la figure 40, contraction ini- tiale : par suite de l'épuisement consécutif à cette contrac- tion, le muscle sera complètement relâché. Insistons sur ce fait, car il est très important pour la compréhension de la contraction initiale unique des muscles tétanisés. Que le lec- teur compare la figure 28 à la figure 40, il verra qu'il s'agit là du même phénomène, mais dans la figure 40 les excitations sont très rapprochées, et la secousse du muscle contracté est extrêmement élevée, par suite de la fusion des diverses petites secousses dont la contraction initiale est composée, tandis que, dans la figure 28, ces secousses, restant isolées et disséminées sur un long espace, n'atteignent qu'une très faible hauteur. Cette contraction initiale du début suivie d'un relâchement du muscle, alors que le muscle reste constamment excité, a un grand intérêt théorique. En effet, plusieurs savants ont pensé que, pour que le muscle donnât des tétanos ayant cette forme (contraction initiale suivie de relâchement), il était né- cessaire d'employer des excitations extrêmement fréquentes. Par suite de cette grande fréquence, disent-ils, l'excitation du muscle avec des courants induits fréquemment répétés équi- vaut à l'excitation avec un courant de pile, et la secousse don- MUSCLES ET NERFS DE L'ECREVISSE. ki née .ni début est identique à la secousse donnée par un muscle, lorsqu'on ferme le courant de pile, quand le muscle est dana le circuit. Nous pensons que cette explication est moins simple que celle qui est donnée par nous, à savoir, l'é'puise- nicnl rapide du muscle après la contraction initiale. Dans les figures 28, 38, -l!» et 40, on voit que la constriction première du muscle est suivie d'un relâchement, d'un épuisement plus ou moins marqué du tissu musculaire qui répond alors moins bien aux excitations consécutives, égales aux premières. Nous ferons remarquer aussi qu'il n'est pas nécessaire, pour provoquer cette contraction initiale suivie de relâche- ment total, d'employer des excitations électriques très fré- quentes ; pourvu que les excitations soient suffisamment faibles et suffisamment fortes, on retrouvera, quelle que soit la fréquence des excitations, la môme perte totale d'excitabi- lité après la contraction initiale. Nous ne donnons pas ici de figure exprimant ce phénomène, mais on s'en rendra compte assez exactement en supposant que dans la figure 40 les exci- tations sont espacées. En somme, la secousse de la figure 40 doit être absolument assimilée à la contraction initiale. Les explications que nous donnons de ces différents phé- nomènes sont peut-être difficiles à comprendre, mais l'examen attentif des tracés myographiques (fig. 28, 38, 39, 40, 41) y suppléera avec avantage; on verra toujours ces deux faits très nettement indiqués : 1° L'augmentation d'excitabilité au début ; 2° L'épuisement succédant à cette augmentation d'excita- bilité. Suivant que ces deux périodes sont plus ou moins rapides, on a les différentes formes de contractions qui sont indiquées sur les figures reproduites plus haut. Plusieurs physiologistes (Bernstein, Grunhagen, Engel- mann) ' ont pensé que cette contraction initiale ne pouvait 1. Voyez Bernstein [Archives de Pflùger, t. V, p. 318 ; t. XVIII, p. 121), et, TOME I. 6 82 CHARLES HICIIET. avoir lieu que si les excitations étaient extrêmement fré- quentes (plus de 250 par seconde), d'après Bernstein, et que dans ce cas les courants induits très fréquemment interrompus devaient être assimilés aux courants de pile, lesquels donnent une secousse à la clôture, et une autre à la rupture, alors que le muscle est relâché pendant tout le temps que passe le courant. Or, cette explication me paraît peu vraisemblable. Il est au contraire bien plus rationnel d'admettre qu'il s'agit uniquement d'une diminution de l'excitabilité musculaire. L'analyse, trop longue peut-être, des différents faits indiqués plus haut, montre bien qu'entre les effets des excitations très fréquentes, et des excitations très espacées, il n'y a pas de différence essentielle, pour ce qui concerne l'excitabilité crois- sante et décroissante du muscle. Pour voir apparaître quel- que chose d'analogue, sinon d'identique à la contraction ini- tiale, point n'est besoin de 2S0 excitations par seconde : avec des excitations isolées, à une par seconde, on a les mêmes effets. Pour l'explication du tétanos rythmique, comme celui qui a été indiqué à la figure 41, il est nécessaire de donner en- core quelques détails. Si l'on excite un muscle très frais par des excitations fortes (2 piles Thomsox, G de la bobine), rythmées à 1 par seconde environ, alors que le muscle est. tendu par un poids moyen (20 grammes par exemple), la constriction sera très éner- gique, avec ou sans contracture, mais, en tout cas, il y aura une période de relâchement brusque et une autre de relâche- ment plus lent. Très rapidement, au bout de vingt à trente secousses, les secousses diminueront de hauteur, la période de relâchement brusque n'existera plus, la secousse sera très allongée, durant près d'une demi-seconde, en diminuant beau- couo de force à chaque excitation. On arrivera ainsi assez vite à rendre le muscle presque dans ce même recueil, d'autres travaux de MM. Wittich, Engelmann, Sets- chenoyv et Grunhagen. MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. 83 complètement inexcitable ; mais la diminution d'excitabilité paraîtra fort peu régulière. En réalité celte, irrégularité ne sera qu'apparente, car en examinant avec soin la hauteur des différentes secousses, on constatera que cette hauteur n'est pas soumise à des caprices, qu'elle se fait au contraire sui- vant une loi constante. Si la secousse précédente a été forte, la secousse suivante sera faible ; si au contraire la secousse précédente a été faible, la secousse qui suit sera forte. Si les choses étaient exactement ainsi, il s'ensuivrait que le rythme serait régulier et facile à découvrir : malheureuse- ment il y a une complication qui rend le phénomène obscur. En effet, après une secousse faible, il devrait y avoir une secousse forte; or cette secousse forte ne se produit pas tout de suite, mais seulement après deux ou trois excitations qui paraissent augmenter l'excitabilité du muscle, absolument comme au début de l'expérience. De là un rythme très irré- gulier. Il semble qu'après une série de secousses faibles une nouvelle période recommence pour le muscle, avec accroisse- ment, puis diminution de l'excitabilité. En un mot, il faut, pour apprécier les oscillations de l'excitabilité, examiner non pas les secousses isolées, mais les groupements de secousses, et dans chacun de ces groupements on retrouvera les deux périodes d'augmentation et de diminution de l'excitabilité. Ce qui confirme cette hypothèse, c'est l'expérience suivante. Soit un muscle déjà très fatigué, alors que les excitations rythmées à 1 par seconde ne donnent plus que de très faibles contractions. Si l'on cesse pendant quatre ou cinq secondes les excitations pour les reprendre ensuite, à la reprise les secousses seront de nouveau très fortes; mais le fait ne se produira pas immédiatement : ce n'est qu'à la troisième ou à la quatrième secousse que se manifesteront les effets de la réparation d'une part et d'autre part de l'augmentation d'exci- tabilité. Ainsi, après une très courte pause, le muscle s'étant réparé pendant le rapide espace de temps de quelques secondes, son excitabilité a recommencé, et suit les périodes indiquées 84 CHARLES HICHET. précédemment, excitabilité croissante, puis décroissante. 11 sera permis de faire une comparaison un peu fantaisiste. Lorsqu'une lampe s'éteint par défaut d'huile, elle ne s'éteint pas tout d'un coup, mais avec des alternatives de clarté et d'obscurité, oscillant entre la lumière et les ténèbres : il semble à chaque instant qu'elle soit sur le point de renaître; au moment où l'obscurité est presque complète, la lueur repa- raît, pour décroître de nouveau, et dans ces alternatives, la lumière décroît constamment jusqu'au moment où tout dispa- rait, et où l'ombre se fait complète. Il en est ainsi de l'excitabilité du muscle qui décroit gra- duellement, mais rythmiquement, que les courants soient fré- quemment interrompus, ou qu'ils soient au contraire isolés et rythmés à 1 par seconde. Telle est sans doute la raison du tétanos rythmique. Le muscle s'épuise rapidement, et alors sa conslriction diminue, mais, comme l'effort qu'il fait alors est nul, il se répare; sa construction augmente alors, et ces alter- natives d'épuisement et de réparation font qu'il se relâche et se contracte rythmiquement. Si j'insiste sur ces faits, ce n'est pas seulement parce qu'ils n'avaient pas encore été signalés, et qu'on ne voit rien de semblable sur le muscle de grenouille; c'est surtout parce qu'ils donnent quelques éclaircissements sur la fonction mus- culaire, en général. On avait pensé que le muscle cardiaque qui, sous l'influence d'excitations très fréquentes, donne un tétanos rythmique, diffère totalement des autres muscles, et que ce rythme est dû aux ganglions intracardiaques. Mais, depuis que Ranvier a montré que dans la pointe du cœur, laquelle donne aussi des contractions rythmiques, il n'y a pas de ganglions nerveux, on a été forcé d'admettre que le muscle du cœur avait cette propriété spéciale de se contracter rythmiquement sous l'influence d'excitations constantes (ou analogues par leur fréquence aux excitations constantes). Si l'on compare la révolution cardiaque (systole et diastole) au rythme de l'excitabilité dans le muscle de la pince, on MUSCLES l l NERFS DE L'ECREVISSE. 85 verra que L'analogie est très remarquable. Un muscle qui S'épuise très rite, et qui Se rrparr Irrs r//r. peut être assimilé au cœur, et réciproquement. Pendant la période d'épuisement, les excitations seront sans elfet moteur; tandis que, grâce à la rapide réparation, les mêmes excitations auront, peu de temps après, un effel moteur. La période d'épuisement du muscle de la pince, période pendant laquelle les excitations ne produisent plus de mouvement, sera comparable exactement à la période post-systolique du muscle du cœur, période pen- dant laquelle il n'y a pas de contraction. Telle est donc, ce semble, l'explication la plus rationnelle des mouvements rythmiques du cœur. Le cœur s'épuise par une systole, et pendant son épuisement il cesse de se con- tracter; mais, comme il se répare très vile, il peut de nouveau, après quelques instants de repos, donner une contraction sys- tolique. On n'aurait peut-être pas le droit de proposer cette explication, si elle n'était appuyée sur ce fait démontré pour le muscle de la pince, à savoir : que ce muscle, s'épuisanttrès vite, se répare aussi très vite, et que, s'il parait inexcitable, lorsqu'il a été épuisé, il reprend son excitabilité quelques secondes après; ce court espace de temps a sufti à lui rendre sou excitabilité. Si nous résumons maintenant ces différents faits, de ma- nière à les faire comprendre dans leur ensemble, nous arrivons aux conclusions suivantes : 1° Le muscle soumis à plusieurs excitations égales entre elles, et rythmées à 1 par seconde au minimum, augmente d'excitabilité, pourvu que les excitations soient faibles (fig.19, 24, 28, 29, 31). 2° Cette augmentation d'excitabilité a lieu aussi bien lors- qu'il y a mouvement apparent que lorsqu'il n'y a pas de mouvement apparent : par là s'explique le phénomène de Y addition latente (fig. 29). 3° Le muscle tendu par un poids n'a pas la même forme de contraction que le muscle tendu par un poids nul ou beau- 86 CHAULES RICHET. coup plus faible, et le relâchement du muscle tendu par un poids fort est beaucoup plus rapide. Il y a doue dans ce muscle un étal de contraction latente (fig. 30, 31, 32, 34). 4° Le muscle en état de contraction latente est plus exci- table que le muscle en état de relâchement vrai (fig. 32). o° On peut épuiser un muscle par des excitations n'ayant pas d'elTet moteur. Ainsi le muscle en état de contraction latente peut être épuisé par des excitations qui n'ont pas d'effet apparent. 6° A la période d'excitabilité croissante succède une période à"1 excitabilité décroissante, identique à la fatigue ou à l'épuisement. 7° Cet épuisement survient très rapidement : mais la répa- ration est aussi très rapide; de là il résulte : a. Que le tétanos peut être rythmique (fig. il i: b. Qu'il y a au début du tétanos une contraction initia le survenant avec des excitations de n'importe quelle fréquence, et qu'on peut même retrouver l'analogue de la contraction initiale avec des excitations rythmées à 1 par seconde (fig. 38, 39,40); c. Qu'on peut comparer le muscle cardiaque, dont les mou- vements sont rythmiques, au muscle de la pince dont l'excita- bilité suit une marche rythmique, et assimiler à la période diastolique du muscle cardiaque la période d'épuisement du muscle de la pince. YII De l'excitation ganglio-musculaire. Au lieu d'exciter directement et isolément les muscles ou les ganglions, on peut exciter simultanément les uns et les autres. A cet effet, voici comment je procédais. Une des pinces était MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE s: préparée comme il a été dit plus haut pour que si constriction pût être enregistrée. Par l'extrémité K L'ÉCREVISSE. 80 contracture telle que celle de la figure 'ri, provoquée par un courant Faible, il aurait suffi" d'exciter les ganglions el le muscle avec un courant fort. Il y a doue entre les excitations faibles et les excitations loi tes cette différence, que les premières provoquent une secousse suivie de contracture, mais que les autres provo- quent une secousse sans contracture. Toutefois, lorsque l'excitation forte a provoqué une secousse suivie de relâchement, aussitôt après le relâchement, la con- tracture reparait. Ainsi il existe une contracture tardive après des excitations fortes et une contracture immédiate après des excitations faibles, parce que, dans le premier cas, il y a un relâchement entre la secousse et la contracture, et, dans le second cas, ce relâchement n'a pas eu lieu. Voici, ce semble, comme on peut expliquer ces divers phé- nomènes : une excitation forte a épuisé les ganglions, mais, aussitôt après ils se sont réparés de nouveau, et ont pu, après ce relâchement momentané, donner de nouveau une contrac- ture. Il y a donc là quelque chose de tout à fait analogue à ce que nous avons vu sur le muscle tétanisé en étudiant la con- traction initiale. En examinant la figure 39, I', figure desti- née à démontrer un autre phénomène, on aura une idée assez exacte de la forme de la secousse ganglio- musculaire pro- voquée par une excitation forte. Cette secousse est suivie d'abord de relâchement, puis d'une contracture volontaire. Ce qui distingue l'élément nerveux de l'élément musculaire, c'est que l'élément nerveux est épuisé bien plus rapidement, et qu'après une excitation forte toujours il y a un relâche- ment dû à l'épuisement, relâchement suivi, il est vrai, de contracture. Faisons remarquer l'analogie qui existe entre la contracture du muscle (due à l'excitation forte de ce muscle), et la contrac- ture d'origine nerveuse (due à l'excitation forte des ganglions). Comme nous avons eu déjà occasion de le dire, les muscles et les ganglions nerveux se comportent de même vis-à-vis 90 CHARLES HIC H ET. des excilalions électriques, et l'analogie des réactions de ces deux tissus est très frappante. On peut donc dans une certaine mesure assimiler la réaction volontaire qui suit une excitation nerveuse (contracture d'origine nerveuse), à la réaction du muscle qui, après une excitation forte, reste comme contracture (contracture d'origine musculaire). Cet épuisement rapide se manifeste aussi si on emploie les excitations tétanisantes. Le plus souvent alors la contrac- tion initiale est la seule qui se produise, et on a des courbes myographiques tout à fait analogues à la courbe myogra- phique M I de la figure 40. Non seulement l'élément nerveux s'épuise plus facilement que l'élément musculaire, mais encore il est plus excitable, et cette excitabilité présente quelques points intéressants. Que si l'on excite l'appareil ganglio-musculaire avec des courants induits (deux piles Thomson), rythmés à dix par seconde, on voit que, pour provoquer une réaction du muscle, il faut que la bobine soit environ aux nos 11 ou 12. Si alors on sectionne la patte et qu'on excite absolument de la même manière la patte sectionnée, il faudra augmenter la force du courant induit et mettre la bobine aux nos 9, ou 8,5. Par conséquent, si l'excitation avait d'abord provoqué un mouvement, c'est que ce mouvement n'était pas dû à l'exci- tation même du muscle, mais à Texcitation des ganglions, plus excitables que le muscle, et qui ont transmis au muscle l'excitation qu'ils ont subie. Cette remarque est assez importante pour permettre de comprendre quel est le mécanisme de l'excitation ganglio- musculaire. Avec cette excitation ganglio-musculaire, ce sont les ganglions qui sont excités, et les effets moteurs que l'on constatera devront être attribués à l'influence ganglionnaire : ils permettront par conséquent de juger de la réaction même des ganglions à l'excitation. MUSCLES ET NERFS DE L'ÉCREVISSE. 01 L'excitation ganglio-musculaire présente encore une autre particularité assez imprévue. Si l'on excite d'abord les ganglions avec des courants in- duits d'intensité moyenne, il n'y aura pas de réaction. Mais si alors on les excite avec un courant plus fort, et qu'on re- commence à les exciter avec le mémo courant que tout à l'heure, alors ce même courant provoquera une réaction. Il semble qu'il y ait là une augmentation d'excitabilité sous l'in- fluence de l'excitation antérieure. Ainsi, pour préciser les idées, dans un cas, le courant induit (10 excitations par se- conde, 2 piles Thomson) ne provoquait de réaction des gan- glions qu'à 10,5 de la bobine. A 9, il y a une secousse très forte, avec relâchement, puis contracture. Alors, après un très court repos, à 12,5 de la bobine, il y a une réaction et une secousse très apparente. On sectionne ensuite la patte, et on constate qu'au n° 9 de la bobine, c'est à peine s'il y a une secousse musculaire1. Telle est donc, en général, l'excitabilité de ces divers élé- ments : Ganglions inexcitables à 12, excitables à 11 ; Ganglions, après une excitation forte, excitables à 12; Muscle sectionné inexcitable à 10, excitable à 9. Ce fait de l'excitabilité, développée par une excitation forte, peut être comparé à certains faits observés sur l'homme. Il est certain que, lorsqu'il y a une excitation forte d'un nerf périphérique de la sensibilité, l'excitabilité, pourvu que l'ex- citation n'ait pas été trop forte, au lieu d'être diminuée, s'est trouvée augmentée. En se reportant à la figure 23, on voit que, sous l'in- fluence d'excitations égales, successives, l'excitabilité va en croissant, et cela, pour les ganglions nerveux, aussi bien que pour le muscle. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que 1. L'insuffisance de ces mensurations électriques est évidente. Mai^ elles datent de 1878; c'est-à-dire de l'année même où ont été organisées et codifiées les mesures électriques. 92 CHARLES KICIIET. l'accroissement d'excitabilité est beaucoup plus considérable pour les ganglions que pour le muscle, et que, si l'on peut saisir, quand il s'agit du muscle, presque toutes les formes de transition, depuis la première jusqu'à la cinquième exci- tation, je suppose, ces formes de transition n'existent pas dans le cas d'excitation ganglio-musculaire. Si par exemple on compare le tracé représenté par la figure 43 avec le tracé de la figure 9, on verra qu'il n'y a pas, sur la ligure 43, d'in- termédiaire enlre la non-contraction et la contraction, tan- dis que, dans la figure 9, où l'excitation, au lieu d'être gan- glio-musculaire, est musculaire, il y a toutes les transitions, depuis l'ascension à peine sensible de la courbe myogra- phique jusqu'à une secousse bien accentuée. Il semble que l'excitation ganglionnaire ne puisse se traduire dans le muscle que par une secousse forte. Celte différence dans l'ad- dition latente des excitations ganglio-musculaires ou muscu- laires n'est cependant pas une divergence essentielle. Dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'un même phénomène (aug- mentation d'excitabilité sous 1 influence d'excitations anté- rieures). Si l'on continue à exciter les ganglions et le muscle, on voit des secousses se produire à chaque excitation. Toutefois ces secousses sont différentes des secousses de l'excitation mus- culaire, en ce sens qu'elles sont encore, au moins en appa- rence, plus irrégulières. On observe bien les mêmes phéno- mènes d'augmentation et de diminution de l'excitabilité avec des périodes d'épuisement et de réparation ; mais l'observa- tion est très difficile. Nous dirons donc comme conclusion : 1° Les ganglions sont plus excitables que le muscle; 2° Une excitation moyenne rend les ganglions plus exci- tables ; 3° Après chaque excitation il y a une sorte de contracture, qui est tantôt immédiate, tantôt séparée de la secousse pri- Ml scles i:t nerfs DE L'ÉCREVISSE. 93 mitive par une période d'épuisement dû au relâchemenl gan- glionnaire : Fig. 13. — Addition latente des excitations ganglio-musculaires. 4° Avec l'excitation ganglio-musculaire, l'augmentation d'excitabilité se fait silencieusement et à longue distance, sans qu'on puisse saisir les formes de transition entre l'excitation première qui reste sans effet, et l'excitation finale qui produit un mouvement; 5° Les secousses de l'excitation ganglio-musculaire suivent probablement les mêmes lois que celles de l'excitation mus- culaire directe; mais elles paraissent, par suite de la com- plexité des conditions physiologiques, assez irrégulières. II DES MOUVEMENTS DE LA GRENOUILLE CONSÉCUTIFS a l'excitation électrique Par M. Charles Richet. On peut employer la méthode graphique pour déter- miner un certain nombre de phénomènes en apparence aussi irréguliers et aussi fantasques que les mouvements vo- lontaires exécutés par un animal intact, mais je ne ferai ici qu'expliquer les figures qui sont jointes à cette courte notice. Si l'on prend une grenouille fixée solidement sur une planchette, et qu'on attache une de ses pattes au myographe, ou, ce qui vaut mieux encore, son gastro-cnémien, on peut, en étudiant la courbe que donne le levier du myographe, se faire une idée des mouvements volontaires de fuite ou de défense que l'animal exécute ou cherche à exécuter. Je n'ai pas étudié ces mouvements volontaires dans leur forme, mais seulement dans leurs relations avec l'excitant qui les a provoqués. DES MOUVEMENTS DE LA GRENOUILLE. 93 oo chahi.es richet. On ne pourra confondre ces sortes de mouvements et les mouvements ré- flexes proprement dits. En effet, lors- qu'on étudie les mouvements ré- flexes, l'animal est décapité et n'a plus de volonté. Au con- traire, dans mes ex- périences , l'animal est intact, et n'a subi aucune mutilation que les piqûres d'é- pingle nécessaires pour l'attacher soli- dement. Quoique ces mouvements volon- taires soient tout à fait différents des mouvements ré- flexes, cependant, la méthode pour constater les uns et les autres est à peu près la même, et les lois qui lesrégïssent les uns et les autres sont assez sembla- bles. Quelque pré- vue que soit cette analogie, elle n'en est pas moins importante à constater, et il nous semble que cela n'avait pas encore été établi. DES MOUVEMENTS DE LA GRENOUILLE. 97 Sur la première figure, on voit comment une excitation électrique très brève peut déterminer une réponse très pro- longée de la grenouille. La même figure montre aussi l'épui- sement consécutif aux grands mouvements de l'animal. En 2 et 3, les excitations électriques qui viennent après la pre- mière (celle qui est marquée à la gauche de la figure), quoi- Fig. H. — Mouvements volontaires de la grenouille. Eq A est l'état de tonicité du muscle normal, état intermédiaire entre le relâchement complet et la contraction. On t'ait agir l'électricité à la périphérie du membre opposé. Aussitôt, la patte se relâche. Dès que l'électricité cesse, la tonicité revient : la ligne est de nouveau horizontale. Une nouvelle excitation électrique amène le relâchement de la patte de B en C; mais, dès que cette nouvelle excitation a cessé, il y aune ascension brusque qui indique que l'animal a exécuté un mouvement, volontaire. que étant d'intensité égale et beaucoup plus prolongées, restent sans effet. On peut voir aussi sur la figure 45, comme sur la précé- dente, qu'une excitation de courte durée provoque une réac- tion très prolongée dans les centres nerveux. Il y a là une vibration de la substance nerveuse, vibration qui dure peut- être cent fois plus longtemps que l'excitation même. C'est une propriété générale des centres nerveux de répondre, par une vibration très prolongée, à une excitation très brève. La même figure montre aussi que si, pendant les grands mouvements de l'animal, on excite par l'électricité la patte TOME I. 7 98 CHAIU.KS LiIGHET d'un côté, et mémo l'extrémité tout à fait périphérique de cette patte, comme, par exemple, la deuxième et la troisième pelote digitales, je suppose, cette excitation périphérique retentira sur les centres, de manière à arrêter le mouvement qu'ils ont commandé. Si une grenouille se débat vigoureuse- ment sur la planchette, dès que Ion fait passer dans une patte un courant électrique tant soit peu fort, on arrête aussitôt ses mouvements de fuite, et les muscles de l'une et de l'autre Fig. 4o'. — Vitesse des mouvements volontaires. En A S. première excitation; eu A' S', deuxième excitation. En V. on a indiqué la vitesse du cylindre pendant un dixième de seconde. On voit que la première excitation S a provoqué une réponse assez rapide, environ 0,15 de seconde. Au contraire, la deuxième excitation, égale à la première, a provoqué une réponse beaucoup plus lente : environ 0.6 de seconde. patte se relâchent immédiatement. Tout se passe comme s'il y avait une sorte d'interférence dans la moelle entre les exci- tations qui viennent de la périphérie et celles qui viennent des centres nerveux. Sur les figures 46 et &7 , on verra encore ce même phéno- mène de relâchement réflexe. Les légendes qui accompagnent l'une et l'autre de ces ligures suffiront, je pense, à en expliquer les principales conditions. Il est assez important de noterque les excitations périphé- riques exercent une action d'arrêt non seulement sur les mou- vements volontaires, mais encore sur la tonicité des muscles. I>KS MOUVEMENTS DE LA GRENOI Le mot interfé- rence , que nous .1 \ mis employé tout à l'heure, ne saurait être pris au pied de la lettre. C'est une forme de langage qui n'a d'autre avantage que celui de faire comprendre nelte- men t le phéno- mène. Nous passons maintenant à un autre ordre défaits qui se trouvent, assez vaguement indiqués, dans les quatre figures qui précèdent; mais celles que nous allons donner sont plus explicites. Il est remar- quablequeles gre- nouilles suppor- tent, sans réagir par une réponse, des courants élec- triques même très intenses. On sait que le nerf moteur réagit à des cou- rants électriques ii.i. 99 100 CHARLES HIC H ET. très faibles (deux éléments Thomson, n° 22 de la bobine1), tandis que les mouvements de réponse de la grenouille ne se font qu'au n" 10 de la bobine. La réaction est toujours très lente. Dans aucun cas, je n'ai pu observer de mouvement de fuite séparé de l'excitation par un intervalle moindre de 0,15 de seconde. La figure 48 (A S) indique cette réponse au maximum de vitesse. Elle a lieu quand la grenouille est très fraîche, non épuisée par des excitations antérieures, et quand l'excitation électrique est très forte. Mais si l'on vient, quelques secondes après, à exciter de nouveau la grenouille par des excitations identiques, on pourra constater que le retard est devenu beaucoup plus grand. On voit que la seconde excitation : A' S', est déjà bien plus retardée que la première. Le retard va en s'accentuant de plus en plus, si bien qu'à la cinquième excitation. A" S", on a le grand retard marqué sur la figure 49. Quelquefois le retard est plus considérable encore, surtout si l'animal est quelque peu fatigué. Pour constater ces longues durées interposées entre le début de l'excitation électrique et le moment de la réponse réactionnelle, il faut continuer les excitations jusqu'à ce que la grenouille se soit décidée à répondre. Une série d'excitations répétées pendant longtemps finit par stimuler enfin l'excito-motricité de ses centres ner- veux . On arrive ainsi à des retards qui peuvent atteindre une ou deux minutes. Le tableau suivant donne quelques indica- tions sur ce phénomène. 1. Nous appellerons, pour abréger, numéro de la bobine le nombre de centimètres d'écartement entre la bobine inductrice de Du Bois-Rcymond et la bobine induite. Numéro 22 signifie donc : 22 centimètres d'écartement entre le lil induit et le fil inducteur. DES MOUVEMENTS DU LA GRENOUILLE. loi i v i r.\ i ion i NE GRENOUILLE GRENOUILLE K LA GRENOUILLE. m:; 5 a) es o m 4) 73 ug s '3 ri S O S o O •- o a a> •3 _os s a> s! - a 2 a r* o o s >• "3 a a> 3 4 a c Dans le cas de la figure 51, l'excitation a été très forte, et, 10C. CHARLES RICHET. alors, la première excitation a suffi à déterminer un mouve- ment de réponse. Mais si l'excitation est plus faible, c'est à peine si les premières excitations paraîtront agir sur les cen- tres nerveux. Elles agiront cependant en augmentant leur excitabilité, de sorte que chaque excitation laissera après elle une excitabilité plus grande. J'ai pu montrer que le même phénomène se constate sur le muscle; mais il est beaucoup plus marqué quand il s'agit des centres nerveux. La figure ci-jointe (figure 52) montre l'augmentation d'excitabilité des centres bulbo-médullaires soumis à trois excitations (clôture -+- rupture) égales entre elles. La secousse 1 est très retardée et petite; la secousse 2 est un peu plus prompte et plus élevée. Enfin, la secousse 3 est beaucoup plus rapide et beaucoup plus haute; on voit même, pendant la période du relâchement du muscle qu'à la secousse réflexe proprement dite succède une contraction que nous pouvons appeler volontaire, con- traction dont le point de départ est en R; de sorte qu'on peut facilement, sur cette figure comme sur la précédente, mesurer le temps qu'il a fallu aux centres nerveux pour commander un mouvement général. Si l'excitation est plus faible encore, il faut beaucoup plus d'excitations successives pour déterminer un mouvement général. Ainsi, sur la figure 53, on voit qu'il n'a pas fallu moins de vingt excitations pour provoquer un mouvement volontaire tel que cehii qui est marqué en A. Cependant, par suite de l'action médullaire, le muscle n'est pas complètement revenu, après chaque secousse, au relâchement primitif. Les dernières secousses sont suivies d'une semi-constriction, intermédiaire entre la contraction totale et le relâchement complet. Mais, comme l'indique l'inspection de l'animal, comme on peut le voir encore par l'examen même du tracé, cette tonicité de la moelle ne peut être comparée à un mouve- ment volontaire véritable, tel que celui qui est marqué en A. Nous ne voulons pas insister davantage sur l'exposé de ces faits, car, avec les graphiques que nous donnons ici, on en aura DES MOUVEMENTS DE LA GRENOUILLE. Ii»7 assurément une meilleure idée que par de longues explica- tions. 11 est cependant un dernier point qu'il ne faut j»;is omet tic. En effet, jusqu'ici, nous nous sommes servi de l'expres- sion: mouvements volontaires; mais on n'a le droitde dire d'un mouvement qu'il est volontaire, que si ce sont les hémi- sphères cérébraux supérieurs qui l'ont commandé. Or, si l'on rVAAAAAAAA/làA/jw^AA FiG. 53. — Mouvements réflexes et volontaires. Même dispositif que dans les trois expériences précédentes. C et R. secousses réflexes de clôture et de rupture. La tonicité de la moelle va en augmentant depuis la première jusqu'à la dix-huitième secousse; mais ce n'est qu'à la vingtième qu'il a réel- lement en A un mouvement volontaire. La forme de cette secousse est différente de la semi-constriction qui succède aux secousses réflexes. enlève à une grenouille ses hémisphères cérébraux, on peut reproduire exactement les mêmes expériences. Les mouve- ments de fuite et de défense suivent les mêmes règles, relati- vement] à l'intensité de l'excitation. Au contraire, dès que le bulbe a été sectionné, on n'observe plus de pareils mouvements généralisés. De là cette conclusion que les mouvements généraux sont régis par le bulbe, non par les hémisphères cérébraux. L'examen attentif de l'animal permet d'instituer une très grande différence entre les mouvements réflexes, même gêné- 108 CHARLES RICHET. ralisés, d'une grenouille sans bulbe, et les mouvements dV dé- fense et de fuite, prolongés et répétés, d'une grenouille privée d'hémisphères. A-t-on le droit d'appeler mouvements volontaires des mouvements qui sont régis par le bulbe? Et, si on les appelle mouvements réllexes, ne faut-il pas les différencier dos mouve- ments réflexes beaucoup plus simples qu'exécute une gre- nouille sans moelle allongée? Les mouvements de défense qu'exécute une grenouille normale peuvent-ils être appelés réflexes? Je me contente de poser ces questions sans essayer de les résoudre. Je ferai aussi remarquer ce fait, assez surprenant: qu'une grenouille normale, intacte, excitée par des courants électri- ques douloureux, ne répond pas par ses hémisphères céré- braux, mais par son bulbe. Enfin, j'appellerai l'attention sur ceci: les actions céré- brales, qui paraissent si irrégulières, sont, en réalité, sou- mises à des lois qu'on peut déterminer. Ce n'est ni le hasard ni la fantaisie qui font que telle ou telle grenouille répond ou ne répond pas aux excitations douloureuses. Ce sont, d'une part, la nature des excitations; d'autre part, l'état physiolo- gique de l'animal qui déterminent la réponse. En tout cas, c'est un phénomène déterminable, qu'on peut analyser par l'expérimentation. Toutes les expériences qu'on entreprendra sur ce sujet permettront de pénétrer plus profondément dans la physiologie générale des centres nerveux. III DE L'INFLUENCE DE LA DURÉE ET DE L'INTENSITÉ DE LA LUMIÈRE SUR LA PERCEPTION LUMINEUSE Par MM. Ant. Breguet et Ch. Richet. On admet généralement que la lumière est toujours perçue, même si sa durée est très courte, et on cite, non sans raison, l'exemple de l'étincelle électrique, qui ne dure le plus sou- vent qu'un temps inappréciable, et qui est cependant toujours aperçue. Cette opinion ne nous a pas paru complètement fondée, et, guidés par des faits que l'un de nous a eu l'occasion d'exposer ailleurs', nous avons pensé qu'il fallait tenir compte pour la perception lumineuse non seulement de la durée et de l'intensité de la lumière, mais encore du rapport de ces deux facteurs. Si l'on recherche quels sont les expérimentateurs ayant traité cette question, on ne trouve pas qu'ils aient envisagé 1. Ch. Richet, Recherches sur la sensibilité. Thèse de doctoral. Paris, 1877. 110 ANT. HHKf.UET ET CH. EUCHET. sous cette forme simple le problème qui nous occupe. Rood1 admet qu'une durée de 0,000,000,004 de seconde suffit pour que la lumière soit perçue, ce qui ne constitue pas une solu- tion satisfaisante. Kunkel* a cherché le temps nécessaire pour qu'une sensation de couleur atteigne son maximum. Ses expé- riences l'onl conduit à admettre qu'il y a un rapport entre la durée et l'intensité; mais il n'applique pas ce résultat aux cas où la durée et H X l'intensité sont assez faibles pour que la sen- sation soit nulle, et il suppose alors que ses déterminations sont dans les limites de l'er- reur expérimentale. Il pense, en outre3, que, si l'on représente par une courbe l'excitabilité de la rétine, la tangente à l'origine est presque la même pour des lu- mières d'intensités dif- férentes. Pour vérifier nos conjectures théoriques, il nous fallait un appareil capable de produire des éclairs de durées de plus en plus courtes, et la disposition de notre appareil est représentée figure 54. Le noyau de fer doux de l' électro-aimant E, ayant plus de masse que celui de l'électro-aimant e, il conservera pendant plus longtemps son magnétisme. Lorsque le courant qui attire les armatures cesse de passer Fig. 54. E, e. Electro-aimants. P, p. Armatures des électro-aimants E, e. R, /•. Ressorts antagonistes. S, Levier en aluminium obturant le faisceaux lumineux. 1. Journal de Silliman, 1871, t. II, p. 15. 2. Ueber die Abhàngigkeit der FarbenempfinduDg von der Zeit {Archives de Pflûger, 1874, t. IX, p. 197). 3. Ueber die Erregung der Netzhaut [Archives de Pflûg >.r, L8T7, t. XV. p. 40). Dl'HÉE KT INTENSITÉ LUMINEUSES. III dans le circuit, L'armature P se soulève la première sous l'in- fluence du ressort /'. La pâlotte S dégage alors le ray«»n 1 1 1 1 u i - Qeuxet lui permet d'impressionner l'œil de L'observateur. Un instant après, l'électro-aimaul E se désaimante et abandonne l'annal me P qui se relève brusquement. Le levier /s'applique aussitôt sur L'armature /?, l'abaisse, et rétablit, par suite, la palette S dans sa position primitive, de façon à obturer le faisceau de lumière. Ainsi donc, au moment où le circuit est ouvert, la palette cache le faisceau ; pendant la fermeture du circuit, les deux armatures sont attirées, et la palette restera en place ; mais, aussitôt que le courant sera interrompu, en raison de la diffé- rence du magnétisme rémanent des deux électro-aimants, la palette S dégagera [tendant un temps très court l'accès de la source lumineuse. On conçoit que, sous l'influence des deux forces antago- nistes, à savoir l'attraction causée par le magnétisme réma- nent et la tension du ressort, les armatures seront sollicitées par la plus énergique des deux. Il est à remarquer que le ressort R doit vaincre la tension du ressort r, et par conséquent être plus puissant que lui, et plus sera grande la différence de force de ces deux ressorts, plus courte sera la durée de l'éclair, puisque la palette S sera remise en place plus vite et plus brusquement. Ainsi, pour produire l'éclair le plus court possible, il faudra donner au ressort R la plus grande tension et au ressort r la plus faible. Cependant une trop grande différence de ces ten- sions pourrait faire que l'arrêt des deux électro-aimants fût interverti et qu'il ne se produisit aucun éclair. Toutefois, dans la pratique, l'inertie des pièces mobiles est un obstacle à la réalisation des éclairs extrêmement courts. Nous devons ajouter que les rayons lumineux sont con- centrés par une lentille au point occupé par la palette S à son état de repos. La source de lumière était quelconque; mais son intensité 112 A NT. B RE GUET ET CH. HIC II ET. était diminuée par l'interposition de lûmes de verre enfumées et de diverses colorations. La pile employée se composait de deux éléments Grcnel ou de six éléments Bunsen. Il était, en effet, indispensable, pour combattre l'action des ressorts tendus et pour augmenter le magnétisme rémanent, d'ac- croître l'intensité du courant excitateur. Telles sont les dispositions que nous avons adoptées. Elles nous permettaient : 1° de diminuer l'intensité de la lumière (en plaçant devant la flamme du gaz des plaques de verre enfumées), et 2° de diminuer la durée de celle lumière (en augmentant la tension du ressort R). Après quelques essais infructueux, nous sommes arrivés aux résultats suivants : 1. Une lumière faible, perçue très nettement lorsqu'elle excite la rétine pendant une longue durée, devient invisible quand la durée diminue (à savoir lorsque l'on tend le res- sort R). 2. Pour la rendre de nouveau visible, il suffit d'augmenter son intensité (ce qu'on obtient en enlevant une ou plusieurs des plaques de verre enfumées). 3. On peut encore la rendre visible en répétant l'excitation lumineuse faible et de très courte durée un très grand nombre de fois. C'est ce qu'on réalise en interrompant le courant par un diapason ou un trembleur quelconque, de manière que la plaque obturatrice de la lumière vibre de cinquante à deux cents fois par seconde. Dans ces conditions, la lumière faible est vue très nettement. Ce phénomène est absolument identique à es qui a été démontré pour les autres sensibilités, la sensibilité à l'élec- tricité, par exemple. C'est un phénomène d'addition latente : les excitations faibles non perceptibles s'accumulent de ma- nière à être rendues perceptibles. 4. Le mouvement de va-et-vient de la plaque d'aluminium fait que la partie supérieure de la lumière est vue pendant plus de temps que la partie inférieure. En effet, la plaque ni RÉE ET INTENSITÉ LUMINEUSES. n:t obturatrice mel un certain temps à accomplir sa course, et ce temps, si court qu'il soit, s cependant une influence sur la perception lumineuse. Supposons l'ouverture Lumineuse partagée en deux seg- ments A et B. Au début du mouvement de la plaque S, ce segment B sera encore recouvert par la plaque. Un instant après, ce même segment B sera découvert, mais un peu plus tard, quand la plaque S tend à revenir à son point de départ, la partie B sera encore recouverte. Pendant toute cette pé- riode u.00-2 à 0.001 de seconde), le seg-ment A sera décou- vert, tandis que le segment B ne sera vu que pendant un temps Fie o'.y. — Schéma de l'appareil de déclanchement qui laisse voir la rondelle lumineuse. L'abaissement me dissimule pas d'ailleurs que les phénomènes intellectuels sont assez peu marqués chez les oiseaux, de sorte que l'appréciation de l'état psychique d'un oiseau est toujours assez délicate. A vrai dire, l'observation faite immédiatement après l'opé- ration donne des résultats tant soit peu différents de l'obser- vation faite quelques jours ou quelques semaines après. Dès que l'opération a été terminée, les oiseaux se remettent sur pied, se secouent les plumes, et vont se cacher dans le coin le plus obscurcie la salle. Ace moment ils voient, ils entendent, ils réagissent, ils comprennent. Si on les effraye, ils fuient, en se buttant contre les objets du laboratoire, sans s'arrêter, jusqu'à ce qu'ils aient rencontré un obstacle, comme un mur ou une planche, qui les arrête définitivement. Us sont devenus très farouches, comme s'ils avaient perdu une certaine faculté d'inhibition, celle d'arrêter les mouvements instinctifs de la frayeur et de la fuite. Au bout de quelques instants, ils deviennent plus farouches encore ; dans certains cas, au contraire, ils tombent au bout de quelques minutes dans un état de stupeur, analogue à l'état décrit par Flourens, et qui va s'aggravant pendant vingt- quatre heures. On est alors forcé de les alimenter, puis peu à peu la stupeur se dissipe, et l'animal revient à son état na- turel. Pour expliquer cette disparition des phénomènes de stu- peur, il faut supposer, ou bien que cette stupeur est le résultat d'une excitation inflammatoire, ou bien qu'elle est la consé- quence d'un épanchement hémorrhagiquequi va en diminuant tous les jours, et qui, par la compression qu'il exerce, produit le coma. Ce qui tend à confirmer cette opinion, c'est l'expérience suivante. Une poule est opérée comme il a été dit plus haut. Toute la périphérie du cerveau est détruite, sauf dans la région basilaire : coma, stupeur, mise en boule, impossibilité de l'alimentation spontanée. Au bout de trois jours, l'animal 122 CHARLES HICHET. est revenu à l'état qui paraît normal, et il est impossible de distinguer cette poule des poules non opérées. On pratique alors une nouvelle cautérisation très superficielle du moignon encéphalique. Nouvel état de stupeur qui dure encore deux ou trois jours, puis se dissipe, et l'état normal revient encore. Une nouvelle opération, mal faite, détermine la mort de l'animal. J'ai observé le même phénomène sur deux autres poules; y a-t-il là un phénomène d'inhibition, ou un peu de sang a-t-il pénétré dans les ventricules à chaque cautérisation et déter- miné la compression ? D'ailleurs, quand la destruction encéphalique a été super- ficielle, au bout de huit ou dix jours, tous les troubles intellec- tuels et sensitifs ont disparu. Quant aux troubles moteurs, tels qu'on en observe chez les chiens, il n'y en a jamais. Pour étudier les phénomènes psychiques survenant chez des animaux dont les lobes cérébraux ont été enlevés, j'ai d'abord voulu étudier le langage du canard normal, afin d'étudier comment un canard à cerveau lésé se comporterait, comparativement au canard normal. Il m'a paru qu'on pouvait ramener à six expressions vocales différentes toute la mimique laryngée des canards : 1° Le cri de frayeur ou de douleur : quand on effraye ou qu'on saisit brusquement un canard, il pousse le quoin quoin bien connu; cri perçant, prolongé, sorte de gémissement stri- dent, facilement reconnaissable ; 2° Le cri d'appel de deux canards séparés l'un de l'autre : ils émettent un cri bref, analogue au premier son, quoin quoin, mais beaucoup plus sec : chaque émission gutturale est isolée, séparée de la suivante par un long intervalle, jusqu'à ce que le canard éloigné ait, lui aussi, répondu de la même manière; 3° Le cri de reconnaissance : quand les deux canards sé- parés se sont retrouvés, ils donnent une série de petits qua qua, brefs, très rapides, se succédant à courts intervalles les EXPÉRIENCES SUR LE CERVEAU DES OISEAUX. 123 uns dos autres, el bien moins stridents que les deux Bons pré- cédents; 't" Le cri do joie : c'est le cri bien connu du canard qui est dans la basse-cour ou sur l'étang; c'est le quoin quoin quoin répété une douzaine de fois, strident, éclatant; i>° Le cri d'un canard à qui on donne de la nourriture : il émet une série de petits sons brefs, très brefs, très pressés, qui ressemblent beaucoup au cri de reconnaissance, mais qui sont cependant moins sonores, plus longs et plus pressés que ce dernier; 6° Le cri ou plutôt le souffle bruyant du canard pressé par un chien : alors il pousse un son bizarre, une sorte àephup/m; ce soufflement ressemble vaguement au cri du chat qui se défend contre un chien. On peut admettre que ces six intonations différentes repré- sentent assez bien les divers états psychologiques de la con- science d'un canard. Si l'on ajoute à ces données celles qui résultent de l'examen prolongé et minutieux de toutes les allures diverses, on aura, je m'imagine, tout ce qui peut nous aider à juger quelle est la puissance intellectuelle de tel ou tel canard. Il se trouve alors que les canards à cerveau lésé se com- portent à peu près exactement comme les canards normaux. Il en est qui ne voient pas à droite ou à gauche, par suite de l'étendue de la lésion, quand elle a porté sur tel ou tel lobe optique ; mais cette privation de la vue n'exerce pas d'influence bien manifeste sur leurs allures, ou tout au moins on peut facilement distinguer les troubles dus à l'absence de vision de tel ou côté. Un observateur, même très perspicace, ne saurait d'abord discerner un canard au cerveau détruit partiellement d'un canard au cerveau normal. Les deux animaux ont absolument les mêmes allures : c'est la même manière de marcher, de crier, de manger; c'est le même degré de timidité ou de sau- vagerie (quoique, dans les premiers jours qui suivent l'opé- 124 CHARLES RICI1ET. ration, les canards opérés soient un peu plus farouches que les autres) — mêmes gestes pour lisser leurs plumes, se mettre à l'eau, se réunir à leurs camarades, s'enfuir bruyamment quand on arrive, se défendre contre le chien, etc. Bref, nulle différence appréciable. A un examen plus attentif il y a cependant une toute mi- nime différence, qui m'a paru très constante. Quelque faible qu'elle soit, elle me semble devoir être mentionnée, d'autant plus qu'elle a un certain intérêt psychologique. Quand on poursuit un canard dans une pièce close, et qu'on lui coupe la retraite pour le prendre en le pressant à droite et à gauche, il arrive un moment où il est acculé à un des angles de la pièce; alors, ainsi cerné, il cherche à fuir en passant soit à gauche, soit à droite, selon qu'il espère trouver çà ou là une issue. C'est ainsi que se comporte un canard normal ; mais un canard à cerveau lésé ne se dirige pas aussi habilement. Quand on le cerne dans un coin, il va droit au mur, et, très effrayé, — plus effrayé peut-être qu'un canard normal, — il ne songe pas à s'enfuir à droite ou à gauche. Il n'est plus assez intelligent pour cela; il n'ose pas quitter la place où il est, et reste, le bec au mur, sans chercher une évasion. Souvent, quand il est ainsi poussé en avant, au lieu de prendre les voies latérales et de passer à droite où à gauche, il va droit devant lui, se heurtant presque contre le mur (quoiqu'il le voie fort bien et qu'il évite les obstacles) et reste là sans penser à s'évader latéralement. C'est là, je le répète, la seule caractéristique du canard opéré. Et encore j'exagère plutôt, dans la description que je viens de donner, les différences qui séparent un canard opéré d'un canard sain. Il me semble que cette manière de s'enfuir constitue une des seules preuves d'intelligence que puisse donner un canard. En effet, presque tous les actes des canards sont automa- tiques pour ainsi dire, régis par la structure de leurs centres EXPÉRIENCES SUR LE CERVEAU DES 0ISEA1 \. 135 nerveux. Leurs gestes, leurs cris, leurs émotions, leurs atti- tudes oui le caractère de la fatalité organique et n'impliquent ni mémoire, ni choix, ni jugement. Si quelque part, dans la sphère d'activité intellectuelle du canard, il y a place pour une détermination avec jugement, c'est bien lorsqu'il est cerné dans l'angle d'une chambre et qu'il s'agit de s'enfuir. On l'excite, et instinctivement il s'enfuit; mais une fois qu'il s'est enfui, le fait de discerner l'endroit le plus favorable à sa fuite, de ruser pour échapper à la poursuite dont il est l'objet, cela n'est plus un acte instinctif : il y a un certain choix dans le moyen de fuir qui n'est plus du tout de l'automatisme. Ainsi il semble que la destruction d'une partie des hémi- sphères cérébraux entraine une diminution des fonctions in- tellectuelles; cependant, dans l'existence des oiseaux, la part des fonctions intellectuelles est extrêmement faible, presque nulle pour ainsi dire. Tous leurs actes, ou à peu près tous leurs actes, sont probablement automatiques; de sorte qu'il reste très peu de chose à la décision intelligente, individuelle. Or, c'est la protubérance, avec le bulbe rachidien d'une part, et, d'autre part, les ganglions opto-striés, qui, régissent les attitudes, les gestes, les actes automatiques, tandis que, selon toute vraisemblance, les fonctions intelligentes sont dévolues à la couche corticale des hémisphères. De là résulte l'ineffi- cacité d'une destruction étendue des hémisphères qui laisse persister toutes les fonctions automatiques, et qui, par consé- quent, modifie à peine les allures générales d'un canard, quel- que soin qu'on mette à chercher une différenciation quel- conque. Cette inutilité relative du cerveau ne s'applique évidem- ment qu'aux êtres inférieurs; et ce serait une grave erreur que de vouloir conclure qu'il en serait de même chez des animaux plus intelligents. V CECITE PSYCHIQUE EXPÉRIMENTALE CHEZ LE CHIEN, AVEC AUTOPSIES Par M. Charles Richet. Depuis les célèbres expériences de Mdnck, on sait que, par l'ablation de certaines parties du cerveau, on peut produire la cécité psychique. Dans deux cas de ce genre, par suite de circonstances heureuses, la lésion a pu être déterminée avec quelque précision. La chienne qui a servi à la première expérience a été pré- sentée au Congrès de psychologie, en août 1889. Elle avait été opérée en deux temps. La première fois, au mois de février, à droite; la seconde fois, au mois de mai. à gauche. Je n'in- siste pas sur l'opération même, attendu qu'on ne sait jamais exactement ce qu'on fait, et surtout parce que l'inflammation qui suit le traumatisme altère encore l'écorce cérébrale, et produit des troubles plus étendus que la dilacération même1. D'ailleurs l'autopsie consécutive fournit des données exactes sur le siège de la lésion. 1. Cependant, quelque habitude qu'on ait de ces opérations, '>n fait toujours des lésions moins étendues qu'on ne l'a supposé pendant l'opération même. CÉCITÉ PSYCHIQUE CHEZ LE CHIEN. 127 Quand l'animal a été rétabli du traumatisme opératoire et alors que toute suppuration avait disparu, voici quels phénomènes il présentait. Au point de vue moteur, quelques légers troubles du mouvement, bien conformes à la description classique; c'est- à-dire une sorte d'anesthésie musculaire, avec impossibi- lité de se servir avec adresse de la patte droite. Il n'y avait de troubles moteurs qu'à droite. Souvent la patte antérieure droite restait demi-étendue, et, dans la marche ou la course de l'aninial. elle était projetée en avant avec une sorte de raideur anormale. Mais c'était peu de chose, et à peu près impossible à apprécier pour un observateur non prévenu. Les troubles intellectuels étaient bien curieux et se rap- prochaient, à certains égards, de ceux que M. Goltz et plus tard M. Lœw ont signalés. Notre animal témoignait pour toutes choses une assez grande indifférence. En général, elle n'était pas de naturel trop agressif; grognant, comme les autres animaux de son espèce, quand un chien s'approchait de sa niche, et ne cherchant jamais à mordre les hommes. Au mois d'août, elle a été en chaleur, mais elle ne s'est pas laissé couvrir. Ce qui la caractérisait, c'était une agitation incessante. Il nous a été impossible de prendre sa photographie, tellement elle était toujours en mouvement. Dès qu'on pénétrait dans le chenil, aussitôt elle poussait des aboiements répétés, inces- sants, assourdissants, se démenant avec violence. Même lorsqu'on n'entrait pas au chenil, elle était toujours en éveil, agitée et inquiète. C'est surtout son goût pour la chasse qui était devenu irrésistible. Dès qu'elle sentait l'odeur des lapins, elle deve- nait comme affolée, furieuse, se précipitant vers cette odeur, et tirant sur sa chaîne avec une telle force qu'elle s'étranglait a demi. Je ne crois pas qu'on puisse souvent voir des chiens animés d'une si grandepassion. Alors elle n'écoutait plus rien, et c'était un curieux spectacle que cette extraordinaire ardeur. 128 CHARLES RICHET. Les troubles sensoriels surtout étaient remarquables. Du cùté tlu toucher et de la sensibilité cutanée, rien de bien appréciable. De môme pour l'ouïe; elle entendait par- faitement; elle savait même distinguer d'où venait le son. Quand elle était dans le chenil, si on l'appelait en se mettant à la fenêtre, elle levait la tète et dirigeait les yeux du côté d'où partait le son. Si l'on jetait un objet par terre, elle se tournait du côté où elle jugeait le bruit. Au contraire, des troubles visuels considérables ont pu être constatés. Je ne parle pas de ceux qu'on a observés immédiatement après l'opération, mais bien de ceux qu'on a constatés longtemps après, et qui se sont maintenus presque sans changement pendant un intervalle de neuf mois. Les mouvements de l'iris étaient conservés, mouvements réflexes sous l'influence de la lumière. L'iris était, il est vrai, un peu plus dilaté que chez les autres chiens. Mais, quand on éclairait la rétine, il se contractait très bien. Cette dilatation de la pupille donnait, au regard de notre chienne, un aspect un peu hagard, d'autant plus qu'elle ne fixait pour ainsi dire jamais aucun objet avec ses deux yeux. Elle se dirigeait bien, et ne se heurtait pas contre les obstacles mis sur son passage. Probablement elle était un peu moins adroite que les autres chiens à se guider dans une pièce encombrée de chaises et d'obstacles. Mais c'était fort peu de chose, et, par une porte entre-bâillce, elle savait passer sans se heurter, contourner des chaises et se conduire sans heurt. Elle voi/ait les objets en tant qu'obstacles; mais elle ne re- connaissait pas leur nature. En effet, quand on lui présentait un lapin, aussitôt elle devenait furieuse, et cherchait à se précipiter sur lui : mais elle ne pouvait pas le voir, et c'est par l'odorat uniquement qu'elle guidait ses mouvements. On mettait un lapin sur une table, de manière qu'elle pût bien le voir. Alors elle cherchait de tous côtés, flairant avec une ardeur prodigieuse, CÉCITÉ PSYCHIQUE CHEZ LE CHIEN. 129 à droite cl à gauche, ne voyant pas cependant ce lapin qui lui crevait les yeux (pour se servir (rime expression vulgaire, mais qui rend parfaitement la scène). Si l'on tenait ce lapin à la main, elle sautait sur cette proie, ou an moins essayait de sauter, mais le plus souvent manquait son coup; car elle ne sautait que guidée par l'odorat, lequel est insuffisante donner une localisation exacte de l'endroit où se trouve une proie. Puis, si l'on enlevait le lapin, elle continuait à sauter vers le même point, comme si le lapin était resté à la même place. En général, quand on menace un chien avec un bâton, il cligne des yeux, se cache, a peur, et cherche à s'enfuir. .Mais, chez elle, rien de semblable. On ne parvenait pas à l'effrayer avec un bâton, et on ne déterminait ni frayeur, ni fuite, ni clignement. Chez aucun chien adulte normal, cette réaction psychique ne fait défaut. Il est donc très important de con- stater son absence. Cela indique nettement la cécité psychique, comme d'ailleurs Munk l'a établi il y a longtemps. Ces expériences, répétées un grand nombre de fois, et de- vant les personnes qui venaient au laboratoire de physiologie de la Faculté, ont toujours donné le même résultat. Il suffisait de quelques minutes d'examen pour se convaincre absolument que notre chienne avait des excitations visuelles qui ne pou- vaient se transformer en perceptions intelligentes. Alors nous la sacrifiâmes, pour que l'autopsie nous per- mit de préciser les points du cerveau lésés. Elle fut tuée par l'injection d'une faible dose de cocaïne. En effet, chez les chiens qui ont une lésion cérébrale, la co- caïne, à dose même très faible, produit des désordres graves et curieux, sur lesquels nous n'avons pas à insister ici et que nous nous contentons de mentionner pour mémoire. L'autopsie nous a donné les résultats suivants. Xous trouvâmes, à gauche, une lésion très étendue, ayant détruit, sur une surface de 4 à 5 centimètres carrés, la super- ficie circonvolutionnaire. La circonvolution du gyrus sigmoïde TOME I. 130 CHARLES RI Cil ET. est fortement atteinte et détruite, si bien que la partie anté- rieure persiste seule et est seule intacte. Le pli courbe de ce même côté est atteint légèrement, mais assez toutefois pour que toute sa partie antérieure soit détruite, tandis que la par- tie postérieure est intacte. A droite la lésion a porté beaucoup plus en arrière, et elle est en même temps plus profonde. La zone motrice est totale- ment indemne. Le tiers postérieur des trois circonvolutions parallèles est détruit, il en est de même d'une partie du pli courbe qui est lésé en sa partie supérieure. Des deux côtés, par conséquent, les lésions ont eu lieu sur des zones différentes. Une seule zone est atteinte des deux côtés à la fois, c'est la partie supérieure du lobule du pli courbe. Or, étant donnés les troubles psychiques, sensoriels, obser- vés des deux côtés, il est intéressant de constater par ce pro- cédé de deux lésions importantes, mais présentant un seul point commun, la localisation de ce centre visuel. Voici le récit succinct de l'autre cas de cécité psychique expérimentale chez le chien. Il s'agit d'un chien mâtiné à longs poils, qui a subi deux opérations : la première dans les premiers jours de novembre 1891 ; la seconde, le 10 janvier 1832. Après la première opération, que j'ai faiteavec M.Langlois, il avait perdu manifestement, du côté opposé à la lésion, la no- tion de la frayeur (réllexe psychique simple), déterminée par l'approche d'un objet menaçant. Mais l'étude méthodique des phénomènes psychiques, après une lésion unilatérale, est très difficile, vu qu'on ne peut guère décider un chien à garder un bandeau sur un de ses yeux; et, d'autre part, à cause de l'entre-croisement incomplet des nerfs optiques ; il y a tou- jours, même après ablation d'une sphère cérébrale visuelle, conservation partielle de la vue dans l'œil du côté opposé. Après la seconde opération, ce chien (Tom) parut complè- CÉCITÉ PSYCHIQUE CHEZ LE CHIEN. 131 temenl aveugle. Peu à peu, quelques phénomènes de cécité se dissipèrent, mais il en resta d'autres qui méritent une dis- cussion lant soit peu approfondie, d'autant plus que, tous les symptômes inflammatoires ayant disparu, nous avons eu un état stable qui ne s'est guère modifié depuis quinze jours environ. On ne peut donc supposer qu'il s'agit de troubles dus à des hémorrhagies ou des abcès, ou des compressions cérébrales. Aujourd'hui il est tout à fait bien portant. Un premier point à constater, c'est que Tom n'est pas aveugle. L'iris est contractile par voie réllexe; mais il y a plus : l'animal voit; et voit assez pour se diriger dans une salle encombrée d'objets, sans se heurter. Il se heurte quelquefois quand il va très vite, mais cela est assez rare; on le voit passer entre deux chaises voisines, juste dans l'espace libre, se glisser à travers une porte entre-bâillée, reconnaître une table sur laquelle il dirige ses regards, et une première obser- vation ferait dire qu'il n'a absolument aucune lésion visuelle. Ainsi, il voit les objets qui sont devant lui, et il s'en détourne. Mais il ne comprend pas la nature des objets qui sont devant lui; et, suivant la formule que j'ai employée plus haut, il voit les objets en tant qu obstacles; mais il no les voit que comme des obstacles. Ainsi, quand on met un lapin devant lui, il ne le voit pas. Rien n'est plus étrange que le spectacle de ce chien qui cherche ardemment à saisir ce lapin qu'il sent, et qu'il ne peut pas voir, quoiqu'il lui crève les ?jeux, suivant l'expres- sion vulgaire. 11 passe à travers deux chaises voisines pour le prendre, mais il ne le voit pas, de sorte qu'un lapin, même peu agile, lui échappe toujours, même dans une pièce nue ; car il ne le retrouve pas, dès qu'il en a perdu la piste, môme quand le lapin est à 2 mètres de lui, ou à un demi-mètre. Quelquefois, si on porte le lapin au-dessus du sol, en le lui mettant sous le nez, puis en le retirant, Tom essaye de le 132 CHARLES RICHET. happer à l'endroit où il était; mais, après quelques efforts infructueux, il y renonce, fixant dans le vide un œil hagard pour chercher à distinguer un lapin imaginaire, dont il sent la présence, alors que le vrai lapin est tout près de lui. Tom ne reconnaît les personnes qu'à l'odorat. Si on l'appelle, il cherche a venir, se dirige (assez mal) du côté de la Fig. 57. — Schéma de la cécité psychique chez le chien. A, centre auditif des images; A', centre olfactif: A . centre visuel. Le-» excitations ont alors k un centre moteur C, qui détermine des mouvements généraux t'onclionnels. L'excitation visuelle peut provoquer des réflexes psychiques compliqués A C, ou des réflexes psychiques simples, comme le fait de se détourner d'un objet qui fait obstacle 1! . Dans le cas de Tom, le centre visuel des images (A'J est détruit, ;i droite et à gauche: de sorte que le réflexe psychique A'C est le seul qui ne se produise pas. Le réflexe psychique visuel élémentaire de détournement, A, continue à se produire. voix qui l'appelle; et, quand il a senti la personne qui l'a appelé, remue la queue en signe de joie; mais la vue ne lui a rien fait éprouver. On peut le menacer avec un bâton ; il ne se détourne pas. D'ailleurs, il n'a pas de troubles moteurs, sauf un très léger défaut de sensibilité musculaire à droite, presque inap- préciable. Point de troubles intellectuels, sinon peut-être un manque de sens moral qui se traduit chez lui par ce fait qu'il CÉCITÉ l'S1» CHIQUE CHEZ LE CHIEN. 133 mangedu chien. <>n sait, qu'à L'état normal, jamais an chien ut' mange un autre chien. .M. Langlois et moi nous avions déjà constaté pareille anomalie chez un chien ayant subi des Lésions cérébrales. Il paraît, d'ailleurs, aussi intelligent qu'a- van I L'opération, quoique son intelligence soit, dans L'ensem- ble, assez médiocre. En somme Tom <•( .Miss, à peu de chose près, offraient exactement Les mêmes symptômes. Pour expliquer les troubles psychiques qui se produisent, j'aurai recours au schéma suivant. Supposons que la vue, l'ouïe et l'odorat provoquent une perception sensitive, une image, comme on dit, qui agisse directement sur un centre moteur ; par exemple, dans le cas d'un lapin présenté au chien, sur l'appétition. Si Tom voit, ûaire, ou entend le lapin, aussitôt, guidé et excité par l'image sensitive qui se grave dans son cerveau, il se précipite sur le lapin; mais, dans le cas actuel, chez Tom, l'image visuelle ne se produit pas; il y a conservation de l'appétition; mais l'image visuelle qui la provoque est abolie, alors que l'image olfactive et l'image auditive ont conservé leur intégrité. Cependant les images visuelles ne sont pas tout à fait abolies; les images qui provoquent des sentiments, des émo- tions, n'ont plus de substratumanatomique ; mais certains phé- nomènes simples de la vision sont conservés, comme, par exemple, l'image qui conduit l'animal à se détourner. Ou peut supposer que, dans le cas d'un objet extérieur, l'excitation optique suit deux voies : une voie compliquée, par l'encéphale, pour provoquer une émotion; une voie pins sim- ple, par les centres ganglionnaires cérébraux, pour aboutir à un mouvement de recul et au fait de se détourner. Se détourner d'un obstacle, c'est un réflexe psychique très simple, qui n'exige probablement pas l'intégrité de l'écorce cérébrale, tandis que le fait d'être ému par un lapin ou par un bâton menaçant suppose une conduction dans l'écorce céré- brale, très compliquée. 134 CHARLES RICHET. Au moment où je me proposais de montrer de nouveau ce chien à mes confrères de la Société de biologie, il a été pris brusquement de phénomènes épileptiformes, et, au bout de vingt-quatre heures, il succombait. L'autopsie n'a pas pu montrer la cause de cette épilepsie, d'origine évidemment corticale, mais le siège des lésions a pu être déterminé avec précision. A droite et à gauche les lésions sont quelque peu dissem- blables ; mais dans une région limitée elles sont bilatérales, de sorte que c'est ce point qui est probablement le siège même de la perception visuelle, puisqu'il faut, pour amener la cécité psychique complète, une lésion bilatérale. Si nous adoptons la nomenclature des zoologistes nous voyons que le pli courbe ou g y rus sylviacus est entouré d'une circonvolution gyrus cctosylviacus que l'on peut diviser en trois parties : postérieure, moyenne (ou supérieure) et anté- rieure. Or, en cherchant quelles sont les lésions qui se trou- vent dans les deux hémisphères, on constate que c'est la partie moyenne du gyrus ectosylviacus qui se trouve seule détruite à droite et à gauche, entamant légèrement la partie tout à fait supérieure du pli courbe. Ces résultats concordent assez bien avec l'autopsie de Miss. 1. Ei.lenbeyer et Baum. Ancitomie des Hundes, 1891, p. 403, fig. 113 et il i. VI DE LA SENSIBILITÉ MUSCULAIRE DE LA RESPIRATION Par MM. P. Langlois et Charles Richet. On a étudié avec beaucoup de soin diverses sensibilités musculaires. Mais on n'a pas, pensons-nous, examiné quelle est la délicatesse du sens musculaire pour les efforts expira- toires. On sait qu'à l'état normal la respiration se fait par un effort inspiratoire. Quand l'inspiration est terminée, grâce à l'élas- ticité pulmonaire, le poumon revient sur lui-même naturelle- ment, cl le thorax reprend sa position primitive de repos, intermédiaire entre une expiration et une inspiration. Il n'y a d'effort que dans l'inspiration. L'expiration est un phéno- mène exclusivement mécanique, et, dans la respiration calme, normale, aucun effort musculaire ou volontaire n'intervient pour la produire. C'est ainsi que les choses se passent, s'il n'y a aucune pression à vaincre, soit à l'expiration, soit à l'inspiration (ce qui est l'état normal) : mais, si, dans un but expérimental, on place un obstacle au courant d'air inspiré ou au courant d'air expiré, en mettant, par exemple, une soupape de Miillcr con- 136 P. LANGLOIS ET Cil. HICIIET. tenant une certaine colonne de mercure dans l'une et l'autre branche de la soupape, alors l'expiration ne peut plus être passive : et il faut un effort musculaire aclif\)ouY chasser l'air contenu dans les poumons. En effet, L'élasticité pulmonaire, qui suffit absolument à l'expulsion de l'air, s'il n'y a pas d'obstacle à franchir, est tout à fait insuffisante à vaincre la hauteur d'une colonne de mercure très minime, fût-elle même de 1 millimètre. A l'état normal de liberté des voies aériennes, l'expiration est donc passive; mais l'inspiration, qui amène une dilatation forcée de la cage thoracique, n'est jamais passive. Elle est active. Il est. vrai que cette activité n'est pas volontaire, mais automatique : c'est-à-dire que nous respirons sans y penser et sans vouloir respirer. Le bulbe qui commande les mouve- ments respiratoires intervient en dehors de la volonté et de l'attention. Par conséquent, quand on respire à l'air libre, nul effort volontaire n'est nécessaire. Mais, quand il y a une pres- sion à vaincre pour l'expiration ou pour l'inspiration, il faut un effort de volonté. Nous avons cberché avec quelle préci- sion la conscience peut apprécier cet effort. Or nous avons constaté que, pour percevoir des différences de pression très faibles, bien plus faibles que nous ne l'avions supposé a priori, il suffît d'augmenter ou de diminuer d'un centimètre d'eau, c'est-à-dire d'un millimètre de mercure, la colonne liquide de l'expiration. Alors on s'aperçoit aussitôt du changement qui s'est produit; et on ne se trompe pas, pour peu que l'on fasse attention, et qu'on ne soit ni troublé ni distrait. Lorsque la pression totale d'eau est très faible, on est capable de distinguer des différences de pressions plus faibles qu'un centimètre d'eau. Mais, en général, si la pression varie de moins d'un centimètre d'eau, on se trompe à peu près aussi souvent qu'on dit juste. Naturellement, il y a des différences individuelles notables, et l'éducation et l'habitude Unissent par augmenter la finesse SENSIBILITÉ MUSCULAIRE DE LA RESPIHATION. \:r. de ce sens musculaire spécial. Mais on peul apprécier en moyenne, une différence d'un centimètre d'eau de pression '. Si faible que paraisse ce chiffre d'un centimètre d'eau, il est encore assez fort, relativement à la force totale do L'efforl expiratoire. En effet, si l'on essaie d'expirer à travers une colonne de mercure dont la hauteur va en croissant, on arrive bien vile à une limite qu'on ne peut franchir. Des chiffres absolus ne peuvent être donnés par suite des écarts indivi- duels considérables. Mais en général, quand on arrive à 8 centimètres de mercure, il faut un effort énergique pour franchir cette pression. A 10 centimètres de mercure, quelques personnes ne peuvent plus surmonter la résistance de la colonne liquide, et enfin il y a peu de personnes qui puissent dépasser une hauteur de 12 centimètres. Si donc nous admettons le chiffre de 15 centimètres de mercure comme représentant le maximum de l'effort muscu- laire expiratoire, on voit que la sensibilité, s'exerçant sur un millimètre et demi, porte sur un centième de l'effort total. Or ce chiffre d'un centième est assez peu considérable, si l'on compare l'effort des muscles de l'expiration aux autres muscles de la vie animale. Par exemple, nous pouvons soulever avec nos bras un poids de 25 kilogrammes, et même beaucoup plus; et cepen- dant nous sommes en état de distinguer très nettement un poids de 50 grammes d'un poids de 100 grammes. Avec de l'exercice, on arrive sans peine à distinguer une augmenta- tion ou une diminution de poids de 10 grammes. Or le rapport de 10 à 25 000 est bien différent du rapport de 1 à 100, comme dans le cas de la sensibilité du sens musculaire de l'expira- tion comparée à la force absolue des muscles expiratoires. Nous proposerions d'appeler ce rapport coefficient de sen- sibilité musculaire; ce serait la relation qui unit la sensibilité 1. Pour ne jamais commettre d'erreur et pour être absolument sûr de ne pas se tromper, il faut que la pression varie de 3 centimètres d'eau au moins. Alors nulle erreur possible. 138 P. LANGLOIS ET CH. RICHET. musculaire avec la force musculaire absolue. On voit que ce coefficient est de 100 pour l'expiration et de 2 oOO pour les muscles du troue et du bras. Autrement dit, soit y; le poids que notre sensibilité mus- culaire peut reconnaître, P, le poids maximum que nous P pouvons soulever; — sera le coefficient de la sensibilité P musculaire. Nos recherches ont porté aussi sur l'action que le chloral et le chloroforme exercent sur l'acte respiratoire volontaire. On sait qu'à une certaine dose le chloral abolit absolu- ment les actes volontaires, les phénomènes de conscience et les actes réflexes; cependant la respiration continue alors, très régulière et rythmique : elle est faible, mais suffisant à l'échange chimique très peu intense qui se fait alors dans les tissus. En un mot. l'animal cesse d'avoir une respi- ration de luxe, et ne garde que sa ventilation nécessaire. Que devient cette respiration automatique, si l'on inter- pose à l'expiration et à l'inspiration une colonne de mercure d'une certaine hauteur? Eh bien, l'inspiration peut continuer : mais l'expiration est très profondément modifiée, si bien qu'un chien chloralisé ne peut expirer dès que la hauteur du mercure atteint seulement un demi-centimètre. Il se fait donc là une dissociation intéressante des phéno- mènes volontaires et des phénomènes automatiques. La volonté est paralysée par le chloral : mais l'automatisme du bulbe persiste. Alors l'inspiration, qui est automatique, n'est pas modifiée, tandis que l'expiration, qui devient volontaire, dès qu'il y a une résistance extérieure, est supprimée par le chloral. Si un animal chloralisé peut expirer, c'est à cause de l'élasticité pulmonaire ; mais aucun effort volontaire n'intervient, de sorte qu'il sufiit d'une faible pression pour empêcher l'expiration et amener l'asphyxie. Au contraire, l'inspiration, qui est d'origine automatique, est bien moins modifiée par le chloral. VII DURÉE DES PHÉNOMÈNES RÉFLEXES DANS L'ANÉMIE LIIEZ LES ANIMAUX A SANG FROID Par M. Charles Richet. Quelques expériences ont été faites sur la durée des phé- nomènes réflexes chez les animaux à sang froid, alors que le cœur a été enlevé. MM. Ringer el Murrëll1 ont trouvé qu'après la ligature de l'aorte sur des grenouilles, ligature qui entraîne l'anémie gé- nérale, et après l'ablation du cœur, l'action réflexe diminue très rapidement, au bout de quelques minutes, et que l'abo- lition de toute fonction nerveuse, réflexe ou volontaire, sur- vient après un temps variable, soit, suivant la saison, 28, 27, 46, 42, 59, 74, 100 minutes. M. Anrep2 a répété ces expériences et les a confirmées. Mais il n'a pas pris soin de noter exactement la température des animaux en expérience. 1. « Action of potash salts » [Journal of physiology, t. I, p. 72). •1. a Aortenunterbindung beim Frosch » {Centralblalt fur med. Wiss., 1879, p. 915). lit) CHARLES H ICI! ET. Sur les grenouilles, j'ai cherché à voir quelle était la per- sistance des réflexes après l'anémie, suivant la température. J'ai vu, comme MM. Ringer el Murrell, que l'ablation du cœur, avec une hémorrhagie abondante, ne faisait pas grande diffé- rence avec la ligature du cœur. Température. Durée des réflexes. degrés- 12 plus de ISO minutes. Cœur lié. 12 — ISO — — 17 I 86 Cœur coupé. n g 80 — l Cœur lié. 17 1 \ ~;1 Cœur coupé. 19 S J 87 Cœur arrêté par X \ l'ac. sulfurique. 10 ^ / 8;; Cœur lié. 19 2 78 Cœur coupé. 19 1 7o — 24 22 Cœur arrêté par l'ac. sulfurique. 25 42 Cœur coupé. 27 27 — Cœur lié. 27 12 — Cœur coupé. J'ai voulu aussi faire cette expérience sur les poissons. Pour faire cette constatation, j'ai considéré comme le mo- ment de la mort définitive du système nerveux le moment où il n'y a plus de phénomènes réflexes. Chez les poissons, c'est l'extrémité de la queue qui est la partie la plus sensible aux réflexes. Quand le contact de la queue ne donne plus de mouvements réflexes, l'on peut regarder le système nerveux de l'animal comme définitivement mort. Voici dans quel ordre se succèdent les phénomènes : il y a d'abord une série de respirations régulières; puis les respi- rations cessent; plus tard, il y a des respirations irrégulières, agoniques, séparées par un long- intervalle; puis l'animal se débat violemment. Après ces sortes de convulsions, toute respiration spontanée, tout mouvement spontané cessent; mais les réflexes persistent encore quelque temps ; les respi- DURÉE DES RÉFLEXES DANS L'ANÉMIE. 141 rations réflexes duranl plus Longtemps que l<*s respirations spontanées; les mouvements réflexes duranl aussi plus Long- temps que les mouvements spontanés. Cependant, dans quelques cas, L'ordre d'apparition des phénomènes n'esl pas aussi régulier. Voici les chiffres, ('values en secondes, et qui expriment la durée du temps pendant lequel ont persisté les phéno- mènes réflexes après l'ablation du cœur : degrés. secondes. (iirelle [Jidis viilijuris 15,5 540 15,5 510 .... 16 540 . 17 300 iu,:i 315 ... 27 175 Serran [Serranus cabrilla 15,5 060 . . 19' 510 — 20 495 Roquier (Crenolabrus mediterraneus) ' 15,5 710 19,5 285 Roussette (Scyllium catulua] 17,5 7800 Il résulte de ces chiffres que la température exerce une énorme influence sur la vie des éléments nerveux. Si, chez les vertébrés à sang- chaud, l'ablation du cœur et l'anémie totale de la moelle entraînent immédiatement la suppression de toute fonction nerveuse, réflexe ou spontanée, c'est princi- palement à la température élevée que cette mort rapide est due. Je rappellerai que, dans des expériences faites avec M. Rondeau, nous avons vu, chez des lapins refroidis à 20°, les phénomènes réflexes persister une demi -heure après l'ablation du cœur. Mais la température n'est pas tout : il y a certainement un autre élément, qui est la vitalité propre du tissu. Cette vita- lité est extrêmement variable suivant l'espèce animale qu'on étudie. Elle est plus grande chez les squales que chez les gre- nouilles, plus grande chez les grenouilles que chez la plupart des poissons. 142 CHARLES EU C H ET. Un point important à noter, c'est qu'il n'y a aucune rela- tion à établir entre la classilication zoologiquc et la fonction physiologique. Les poissons, les reptiles, les batraciens ne se comportent pas d'une manière uniforme; et c'est peut-être dans la classe des poissons qu'on trouverait à la fois la per- sistance la plus grande et la persistance la plus courte dans la durée des réflexes après l'arrêt du cœur. VIII DEUX EXPERIENCES D'INHIBITION SUR LA GRENOUILLE ET QUELQUES AUTRES FAITS RELATIFS A l/lNUIBITION Par M. Charles Richet. Voici une expérience qui peut servir à l'histoire de l'inhi- bition, et qui en outre a cet avantage de pouvoir être facile- ment répétée comme expérience de cours. Si l'on prend une grosse grenouille verte bien vivace — l'expérience réussit d'autant mieux que la température exté- rieure est plus élevée, — et qu'on lui injecte sous la peau du dos une petite quantité dune solution concentrée de sel ma- rin, on verra la série suivante de phénomènes : 1° Pendant une, ou deux, ou trois secondes, agitation ex- trême de l'animal, qui saute énergiquement d'un seul bond ; 2° Mouvements défensifs : la grenouille cherche à porter ses bras au-dessus du dos; elle ploie la tête en avant. Cet état dure quatre à dix secondes environ, rarement plus; 3° Résolution complète : il n'y a plus de mouvement res- piratoire; plus de mouvement volontaire. Les réflexes de- 144 CHARLES RICHET. viennent de plus en plus rares; finalement ils disparaissent. L'inertie est absolue. Le cœur bat avec force, mais lenteur. Si l'on place la grenouille dans Teau, elle tombe au fond sans chercher à s'entuir ou à nager. Cet état d'inertie et de réso- lution, qui commence environ un quart de minute après l'in- jection de sel, dure environ trois ou six minutes ; Ie Au bout de ce temps, brusquement, sans transition, la grenouille revient à l'état normal ; parfois elle s'arrête comme épuisée, mais le plus souvent elle a repris définitivement l'in- tégrité de ses fonctions, et Ton ne saurait la distinguer d'une grenouille normale. Il va sans dire que le lendemain et les jours suivants les grenouilles ainsi opérées sont parfaitement vivantes et en bon état. Pour que l'expérience réussisse bien, il faut que la solu- tion soit concentrée, et de plus que l'injection soit faite avec une certaine force, de manière à passer dans le tissu cellu- laire dorsal, pénétrant ainsi jusqu'à la peau de la région cé- phalique. La quantité de sel injecté ainsi à une grenouille de 50 gram- mes est d'environ 6 centigrammes : il suffit d'un sixième de centimètre cube de la solution saline pour obtenir ces résul- tats d'inhibition. Peut-on expliquer par l'absorption du sel les effets ob- tenus? Cela me paraît impossible; il faudrait en effet admettre que l'absorption et l'élimination ne durent alors que trois minutes en tout. Quelle est la substance qui pourrait avoir des effets aussi rapides et aussi passag-ers? Ensuite la dose est assez faible, répondant pour un homme île taille moyenne à 72 grammes de sel, dose qui évidemment ne serait pas très toxique; et enfin l'invasion brusque et la disparition brusque des phénomènes qu'on observe, indiquent que c'est un phé- nomène dynamique, et non un phénomène chimique. Avec le chlorure de potassium, avec l'essence de térében- thine, avec l'acide sulfurique dilué, on voit les mêmes actions EXPÉRIENCES D'INHIBITION SUR LA GBENOUILLE. 143 d'arrêl se manifester. .Mais dans ces divers cas l'expérience est beaucoup moins nette, car il s'agit là de substances toxi- ques, alors (jue le chlorure do sodium est peut-être, de toutes les substances minérales connues, la moins offensive. Il me parait donc certain qu'il y a là un arrêt des phéno- mènes nerveux, arrêt consécutif à l'excitation violente des nerfs sensitifs rachidiens. Celte excitation transmise à la moelle arrête la fonction nerveuse, et fait qu'alors il n'y a plus ni mouvement réllexe ni mouvement volontaire. Je rapprocherai ces faits d'une autre expérience que j'ai mentionnée ailleurs '.Si une grenouille est fixée sur une plan- chette et se débat vivement, dès qu'on excite par un courant électrique la membrane interdigitale, aussitôt toute l'agitation cesse, et, pendant tout le temps que passe l'électricité, la grenouille reste parfaitement calme ; mais ce relâchement n'est qu'un phénomène d'inhibition ou d'épuisement nerveux. Dès que l'excitation cesse, aussitôt reparaissent les mouve- ments de défense et les efforts de fuite. Dans ces deux expériences, il s'agit toujours du même phénomène : une excitation forte, — soit électrique, soit chi- mique, — qui provoque l'arrêt des actions nerveuses réflexes et volontaires. Chez certains poissons de mer, et en particulier chez les (jirellcs [Julis vulgaris), qui abondent sur les rivages de la Méditerranée, on peut faire aussi une expérience intéres- sante. Que l'on prenne une des lèvres de ce petit poisson dans les mors d'une forte pince, et l'animal, après s'être éner- giquement débattu pendant la première seconde, reste en- suite tout à fait immobile, sans respirer, sans se débattre, sans remuer la queue. Dès que la pression cesse, alors aus- sitôt l'animal semble revenir à la vie et reprend toute sa spontanéité. 1. Physiologie générale des muscles et des nerfs, p. 828. tome i. 10 140 CHARLES RICHET. Il y a donc, chez ie poisson, comme chez la grenouille, arrêt des phénomènes nerveux sous l'influence d'une exci- tation forte du système sensitif. Ce ne sont pas seulement les excitations fortes qui ont ce pouvoir : les excitations faibles agissent de même. Une gre- nouille, tenue dans la main pendant quelque temps, reste immobile, relâchée, sans spontanéité ni activité. Un lapin, mis sur une table, si on le tient quelques ins- tants immobile, et si l'on appuie légèrement sur l'abdomen, ne fait plus de mouvements, et, quoique sa respiration soit précipitée et anhélante, il reste plusieurs minutes sans bou- ger, insensible en apparence à toutes les excitations du dehors. En somme, les divers faits d'hypnotisme ne sont que des faits d'inhibition. Sur des individus magnétisés, le souffle agit très efficacement pour les éveiller; chez les individus magné- tisables, il est efficace pour provoquer le sommeil. C'est là une excitation bien faible : cependant elle peut déterminer l'inhibition de certaines fonctions psychiques, comme la con- science et la spontanéité. Il semble en effet que les phénomènes du somnambulisme soient, dans l'ensemble, analogues aux faits d'inhibition qui existent chez les animaux. IX RECHERCHES DE CALORIMÉTRIE Par M. Ch. Richet. I Historique. C'est Lavoisier, le fondateur de la Chimie et presque de la Physiologie, qui, le premier, a déterminé la quantité de chaleur dégagée par un animal vivant. L'expérience qu'il a instituée fait époque dans la science1. Lavoisier et Laplàce mirent un cochon d'Inde dans une enceinte remplie de glace. Puis, connaissant et la chaleur de fusion de la glace, et la quantité de glace fondue par l'animal, ils en déduisirent la quantité de chaleur cédée par l'animal pour fondre cette glace. Ils trouvèrent ainsi que la chaleur produite par un cochon d'Inde, durant dix heures, représente la fusion de 13 onces (39Tgr,8) de glace; mais ce chiffre, disent-ils, est trop fort, « parce que les extrémités du corps de l'animal se sont re- 1. Lavoisier et Laplace, « Mémoire sur la chaleur», dans Mém.de L'Ara,/. des se, 1780, p. 355, et Œuvres complètes de Lavoisier, t. II, p. 283 et suiv. 148 CHARLES RICHET. froidies dans la machine, cl les humeurs que la chaleur a évaporées onl fondu, en se refroidissant, une petile quantité de glace cl se sont réunies à l'eau qui s'est écoulée de la machine ». Il faut donc diminuer de 2 onces et demie (75gr,10) environ le chiffre trouvé; ce qui ramène à 322Br,7 la quantité de glace fondue par le cochon d'Inde. La chaleur spécifique de la glace étant de 79"a,,2, il s'en- suit que la chaleur dégagée par le cochon d'Inde a été de 322,7x79.2, soit 25 558 calories, ce qui fait par heure ^ .")."» 5 calories. En supposant que ce cobaye, dont Layoisiëb ne nous donne pas le poids, pesait 500 grammes, nous avons finalement un chiffre de 5110 calories par kilogramme et par heure. Mais l'emploi du calorimètre à glace comporte différentes erreurs : la difficulté d'apprécier exactement la quanti té de glace fondue, et surtout la différence qui est dans la radiation calo- rique d'un animal placé dans un milieu [à 0° et d'un animal qui est dans des conditions autres de température extérieure. Lavoisier et Lapeace évaluent en même temps la quantité d'acide carbonique produit; ils la comparent à la chaleur dégagée, assimilant la respiration de l'animal à la combus- tion d'une masse de carbone et d'hydrogène, et ils trouvent un étroit rapport entre ces deux valeurs. Cette expérience est une des plus belles de la physiologie; elle inaugure une période nouvelle dans la science. Elle établit que la vie est une fonction chimique; et on peut dire qu'elle est placée au seuil de la physiologie générale. Une année avant le travail de Lavoisier, Craweord avait publié un livre sur la chaleur animale1. Dans cet ouvrage Crawford indique l'emploi d'un calorimètre fondé sur un prin- 1. Ce livre, fort intéressant d'ailleurs, est intitulé : Expérimente and obser- vations on animal heat and the inflammation of combustihle bodies, being an attempt to résolve thèse pkenomena into a gênerai law of nature, by Adam Crawford. A. M. London. Mui-ray and Sewell, MDCCLXXIX. — On y trouve cette idée profonde que la chaleur animale est produite par la combustion et qu'elle est proportionnelle à la quantité d'acide carbonique (air fixe) produit C \ LOR IMÉTRIE. 149 cipe différent du calorimètre à glace. Il s'a-il d'un calori- mètre à eau, c'est-à-dire que l'animal est placé dans un man- chon d'eau qui s'échauffe par la radiation calorique, el qui, par conséquent, en s'échauffant d'une certaine quantité, indique la quantité «le calories quia été cédée par l'animal. Mais, comme le dit Dulong1, les résultats numériques donnés par Crawford sont très différents, et l'imperfection des méthodes expérimentales n'inspire pas une grande confiance. Ajoutons <[ue les théories du phlogistique , de la chaleur absolue et bien d'autres erreurs encore, rendent le travail do Crawford presque inintelligible. Quelle différence entre des considérations vagues sur la chaleur spécifique des sangs veineux et artériel et l'expérience décisive, simple et admi- rable, de Lavoisier et Laplace ! Il faut attendre quarante ans pour conslater un progrès relatif à la calorimélrie animale. Dulong, d'une part, et Despretz, de l'autre, employèrent en 1843, simultanément, pour répondre à un prix proposé par l'Académie des sciences de Paris, de nouvelles méthodes calo- rimétriques, au moyen d'un calorimètre qui consiste essen- tiellement dans la disposition suivante : un animal était placé dans une double enceinte métallique remplie de liquide; la température du liquide étant connue, avant et après l'expé- rience, on en déduit la quantité de chaleur cédée par l'animal. Dulong a employé le calorimètre à eau; Despretz, le calo- rimètre à mercure 2. dans l'expiration. A vrai dire, Lavoisier et Priestley avaient, à cette époque, déjà émis cette idée (Lavoisier, Expériences sur la respiration des animaux, 1777). Au point de vue de l'expérimentation, les expériences de Crawford sont tout à fait insuffisantes ; mais, même en l'absence de toute expérience précise, c'est quelque chose que de dire (p. 73) : « Animal beat seems to dépend upou a process similar to a chemical élective attraction. » Le nom de Crawford mérite de n'être pas oublié, et la gloire de Lavoisier ne doit pas nous faire méconnaître ses prédécesseurs, même inconscients. 1. « Mémoire sur la chaleur animale » (Ann. de chimie et de physique, 1841, t. I (3), n° 142). 2. Annales de chimie et de physique, 1824, t. XXVI, p. 337, et 1841, t. I (3), p. 440. 501 CHARLES RICHET. Mais leurs expériences, si intéressantes qu'elles soient, ne peuvent guère servir à nous donner en calories la quantité de chaleur produite par l'animal. En effet, dans les expé- riences de Despretz, le poids de l'animal n'est pas indiqué : c'est surtout pour la mesure des produits gazeux de l'expira- tion que l'expérience a été instituée, et afin de calculer le rapport de la chaleur produite à la chaleur qui aurait dû se dégager par la transformation du carbone en acide car- bonique. Dans les expériences de Dulong, quoique le poids de l'ani- mal soit indiqué et la production de chaleur rapportée à l'unité de poids, le mot calorie n'est pas prononcé '. Après ces deux travaux remarquables, mais intéressant plus la théorie de la respiration que celle de la chaleur ani- male, de nombreuses expériences ont été faites sur la calo- rimétrie indirecte, c'est-à-dire que la quantité de chaleur était déterminée par la mesure des produits de combustion de l'animal. Etant donné, par exemple, qu'un animal de 1 kilogramme produit en une heure 2 grammes d'acide carbonique, con- naissant la chaleur de formation de l'acide carbonique, soit à partir des éléments, soit à partir des matières alimentaires ingérées, on en déduit la quantité de chaleur produite par lui. 1. Dans le tableau, p. 453, loc. cit., la quantité de chaleur est probablement évaluée en calories; mais l'explication du tableau est tout à l'ait insuffisante: on trouve, en admettant que le chiffre supérieur de la colonne 11 est le chiffre des calories, les quantités suivantes qui indiquent par kilogramme d'animal le nombre des calories produites en une heure : grammes. calories. grammes. calories Chat rie 712 11800 Crécerelle .le 280 14 700 — de 760 13 000 Cobaye de 865 9 400 — de 730 13 500 — de K74 9 500 — de 1 115 12 900 — de 476 7 400 — de 1 105 9 790 Lapin de 1 990 5 090 Chien de 1 040 9 970 — de 990 0 400 _ de l îr.o 9 000 Pigeon de 357 22 400 — de 1 302 8 800 — de 346 25 700 Crécerelle de 265 1 1700 Mais il y a une certaine incertitude sur le calcul qui me fait ainsi com- prendre les chiffres de Dulong. CALORIM ÉTRIE. i.'il REGNAULT, BOUSSINGAULT, BeLHHOLTZ et BaRRAL, el d'autres auteurs encore, ont fait ces expériences; mais nous ue nous en occuperons pas ici, notre but étant seulement d'apprécier les méthodes de calorimétrie directe, fondées sur la mesure directe de chaleur produite par un animal vivant1. Nous arrivons aux travaux des contemporains. M. Senator2 a employé un calorimètre à eau disposé à peu près comme le calorimètre de Dulong, avec les modifications de Traure. Les expériences de M. Senator ont porté sur des chiens, avec les résultats suivants (expériences sur des chiens adultes : PRODUCTION- POIDS DE L'ANIMAL. DE CAI.OKIES par kilogramme et par heure. OBSERVATIONS. kilog. calories. 6,000 2 700 7,520 2 240 5,383 2 340 5,248 2 073 A jeun depuis deux jours. 7,365 2 075 Idem . 5,345 3 531 Une heure après le repas. 6,170 3 220 Idem. 7,500 2930 Idem . 5,390 2 180 5,320 2 440 .">,3.'j"p 2 020 1. M. Ludwig, cité par Lorain (Éludes de médecine clinique, t. I, p. 439), admet les chiffres suivants, qui résultent de la mesure des produits de respira- tion et non de la calorimétrie directe : calories. Pour un homme de 47 kilogrammes, de 29 ans, en hiver 3 225 Le même, en été 2 764 Enfants de 15 kilogrammes (6 ans) 4 058 Homme de 58 kilogrammes (59 ans) 2 204 Femme de 61 kilogrammes 1 996 Je rappellerai aussi, pour mémoire, que M. Helmholtz a admis pour un homme adulte, par kilogramme et par heure, 1,338 calories. 2. Archiv fur Anatomie und Physiologie, 1872, pp. 1 à 55. 152 CHARLES RICHET. La moyenne de ces expériences indique que, pour des chiens de 6 kilogrammes environ, la production en calories est de 2450. M. Sapalski et M. Klebs ' employèrent un calorimètre à air. Ils mesuraient par l'augmentation de chaleur du milieu am- biant la quantité de chaleur cédée par l'animal. Ils étudièrent ainsi l'influence sur la production de chaleur de l'injection de matières putrides. Ils expérimentèrent en particulier avec les cobayes, et ils trouvèrent les chiffres suivants (pour l'animal normal) : POIDS DE L'ANIMAL. PRO D U CT I 0 N DK CALOUI 1 : S PAR KILOGRAMME ET PAR MEURE. kilog. 0,540 0,658 o,eoo calories. 6 400 6 tOO 5 7(10 Ce qui fait en moyenne 6 000 calories pour des cobayes de 600 grammes. Liehermeister2 a employé une méthode évidemment défec- tueuse et comportant de nombreuses causes d'erreurs, mais qui a cet avantage de pouvoir être appliquée à l'homme. Peut-être même, entre les mains d'un expérimentateur habile, est-elle capable de donner des résultats concordants. Il place un individu dans un bain de température connue. Sachant la quantité de chaleur que perd le bain dans un temps donné et par une température donnée, il compare cette quantité de chaleur cédée normalement par le bain à celle que perd le même bain quand un individu y est plongé pendant une 1. Cités dans le Jahresberichte de Hofmann et Schwalbe, 1872, p. 185 à 189. 2. Ses observations, celles de son élève, M. Kernig, celles de M. Hart- R'icn, etc., sont rapportées avec détail par Lorain [Eludes de médecine clini- que, t. I, pp. 434 et suiv.). CALORIMÉTRIE. 153 heure. Il a ainsi trouvé les chiffres suivants (pour un homme de 57 kilogrammes ' : MM 1 • 1-: It Aï r RE. PRODUI TION ni: CALORIEl pur kilogramme 6l pur heure. Bain à 32» . 1 860 2 880 6 240 7 348 — à 19« — à 18° . ... Mais ces méthodes donnent plutôt la quantité de chaleur pci due dans le bain que la production de la chaleur, attendu que, dans un bain à 18°, un individu se refroidit beaucoup, et que, par conséquent, on est forcé de tenir compte de sa diffé- rence de température avant et après l'expérience, ce qui change tout à fait les conditions. Dans d'autres expériences, le bain était exactement à la température de l'aisselle, et la quantité de chaleur produite se retrouvait à l'état d'augmentation de la température du corps de l'individu. En somme, pour Kernig, la production en calories est de 1 390 par kilogramme et par heure, et, pour Liebeumeister, elle est de 1 800 calories; mais leur méthode ne comporte pas une précision suffisante, car, d'abord, la mesure exacte de la température axillaire est très difficile quand il s'agit d'être sûr d'un dixième de degré; ensuite la température d'un bain de lo0 à 200 litres d'eau est presque impossible à prendre exactement par suite de la difficulté du mélange; et, enfin, la température axiilaire n'est certainement pas iden- tique à la température périphérique des autres parties du corps. Il est impossible d'admettre qu'elle représente exacte- ment toute la température périphérique2. 1. Cité dans le Jahresberichle de Hofmann cl Schwalbe, 1S1I. p. 58! à 584. 2. M. VVinternitz a fait une critique fort juste des observations de M. Lie- BERMEISTER. 154 CHARLES RICHET. M. Rosenthal' a indiqué une méthode calorimétrique qui consiste en une double enceinte dans laquelle est un liquide qui bout à une température constante [par exemple l'aldé- hyde à 21°, l'élher sulfurique (oxyde d'éthyle) à 35°]. Ainsi l'animal se trouve dans un milieu de température invariable, et on peut savoir la quantité de liquide qu'il fait évaporer; jnnais il ne semble pas que M. Rosenthal ait fait des expé- riences avec cette méthode, applicable seulement à des ani- maux de très petite dimension. Nous ne pouvons mentionner que pour mémoire les appa- reils très imparfaits qu'ont employés M. Leyuen, M. Wixter- nitz et d'autres auteurs, où est déterminée la quantité de cha- leur dégagée par une partie seulement de l'organisme. Cette calorimétrie partielle est évidemment très insuffisante. Je noterai enfin des expériences nombreuses faites par M. Wood au moyen d'un calorimètre à eau, qui ne diffère pas essentiellement du calorimètre de Despretz2. M. Wood, dans cinquante-trois expériences sur des chiens, a trouvé un chiffre moyen de 3 275 calories, avec un maximum de 7 580 et un minimum de 910, comme production de cha- leur par heure et par kilogramme. Le poids de ces chiens 1. Archiv fur Physiologie, 1878, p. 349. 2. Fever, a Study in morbid and normal Physiology [Smithsonian contri- bution), Philadelphie, in-4, 1880. Il est très regrettable que l'excellent travail de M. Wood soit fait avec les mesures anglaises ; la lecture en est rendue très difficile. Il est douteux qu'on trouve beaucoup de personnes ayant la patience de transformer en mesures régulières les chiffres donnés par M. Wood en pounds, livres, onces, pieds, thermomètres Fahrenheit, de manière à la rendre applicable aux mesures mé- triques et aux degrés centigrades en usage dans le monde scientifique. J'ai dû faire ce long et fastidieux travail, alors qu'il eût été légitime qu'il fût fait par l'auteur lui-même ; il s'ensuit probablement quelques erreurs qui ne me sont pas tout à fait imputables, à cause de l'incertitude même des mesures employées. Les auteurs qui ne se servent pas du système métrique s'exposent à ce qu'on néglige leurs recherches, si importantes et si bien menées qu'elles soient. C'est dans leur intérêt, autant que dans celui de la science universelle, qu'ils devraient rompre avec les vieilles mesures abandonnées par les savants du monde entier. GALORIMÉTRIE. i.i.i était, en général, de S à 9 kilogrammes, avec des chiffres extrêmes de 3 et de 18 kilogrammes. Sur deux lapins, la moyenne de six expériences a été de 3628 calories pour des poids de lk*,300 et de lkg,550. Nous ion fumerons plus loin ce fait que, chez les chiens, la pro- duction de chaleur est relativement plus élevée que chez les lapins, en tenant compte de leur poids; autrement dit, un chien de (> kilogrammes produit par kilogramme autant de chaleur, ou à peu près, qu'un lapin do lkg,500. Plus récemment, M. d'Arsonval1, ayant établi une excel- lente critique des conditions que doit réaliser un calorimètre pour donner des indications utiles, a proposé une nouvelle méthode des plus ingénieuses 2. Un des principaux avantages de l'appareil de M. d'Arson- val est d'être à température constante, ce qui, jusque-là, n'avait été réalisé par aucun calorimètre, sinon le calorimètre à glace, qui est à température beaucoup trop basse pour que ses indications soient comparables à ce qui se passe dans les conditions ordinaires. Enfin, l'expérience peut être prolongée pendant longtemps, et la méthode graphique permet d'in- scrire immédiatement les résultats de l'expérience. Les résultats obtenus par M. d'Arsonval a sont intéressants, mais jusqu'ici l'auteur n'en a publié, paraît-il, qu'un petit nombre. Il admet les chiffres suivants (et ce sont à peu près les seuls qu'il donne) : calories. Pour un cobaye (poids non indiqué) 9 000 Pour un lapin (poids non indiqué) 6 îiOO Pour un chat (poids non indiqué) 7 6004 1. Travaux du laboratoire de M. Marey, t. IV, p. 387. 2. Pour la description détaillée des diverses parties de cet appareil complexe, je renvoie au mémoire original. 3. Bulletin de la Société de bioloç/ie, 20 mars 1880. — Gazette médicale, 1880, p. 234; 18 juin 1881, p. 390, et 10 juillet 1881, p. 416. 4. Voyez aussi le graphique de M. d'Arsonval (Travaux du laboratoire de M. Maki; y, fi g. 124, p. 406), où les mensurations calorimétriques sont prises pour un chien, une poule, un lapin, un chat et des cobayes. 156 CHARLES RICHET. Dans le cours de ses recherches, M. d'Arsonval a indiqué encore des faits importants sur lesquels nous aurons l'occa- sion de revenir quand nous entrerons dans le détail de nos expériences. Telles sont à peu près, je crois, les seules observations de calorimétric directe qu'on ait faites jusqu'à présent (1885). Si Ton réunit ces diverses données, on voit que la produc- tion de chaleur en calories peut être évaluée (par kilogramme et par heure) i : calories. Pour un homme adulte 1 500 Pour un chien 2 500 Pour des lapins et des cobayes 0 000 Mais ce sont là des moyennes très imparfaites, résultant d'expériences peu nombreuses, défectueuses en beaucoup de points, et qui sont loin de répondre au puissant intérêt qu'au- rait la détermination exacte de la quantité de chaleur, soit à l'état normal, soit dans les nombreuses variations physiolo- giques et pathologiques qui peuvent se produire. Ces raisons paraîtront peut-être justifier une étude nou- velle et plus complète, quoique bien incomplète encore, sur quelques points de la calorimétric animale. II Calorimètre à siphon. L'appareil que j'ai imaginé et employé est fondé sur le principe suivant 2 : 1. Voyez ce que disent à cet égard les traités classiques de physiologie: R.OSENTHAL, in Herm ann'n Handbuch der Physiologie, 1882, t. IV, 2e partie, pp. 354 et suiv. — Gavarret, Chaleur produite par les êtres vivants, 1855, pp. 224 à 284. — Frédéricq et Noël, Éléments de physiologie, 1883, p. 185. — Beaunis, Éléments de physiologie, 2r édition, t. II. p. 1067. — Fonke, Lehrbuch der Physiologie, t. I, p. 340. 2. Bulletins de lu Société de biologie, 30 novembre 1884. p. 655; 11 janvier 1885, p. 2 ; 13 décembre 1884, p. 107. Le même ]our que j'ai présenté à la Société de biologie mon appareil et CALORIMÉTRIE. 157 Si un animal esl enfermé dans une enceinte à double paroi, la chaleur rayonnante émise par lui va chauffer la double paroi <|ui L'entoure; alors l'air qui y est contenu va s'échauffer et, par conséquent, se dilater. De sorte que, pour mesurer la chaleur émise, il suffira de mesurer la dilatation de l'air contenu dans la double enceinte. On voit tout de suite que cette mesure est beaucoup plus précise et plus sensible que la mesure thcrmomélriquo de l'air : d'abord, parce qu'il esl toujours difficile de mélanger intimement une quantité d'air tant soit peu volumineuse, de manière à connaître exac- tement sa température ; ensuite, parce que les changements de volume du gaz, par la température, sont tellement supé- rieurs à ceux du mercure que la masse d'air enfermée dans la double enceinte constitue un thermomètre d'une sensibilité évidemment bien supérieure à celle de tout thermomètre à mercure, quel qu'il soit. Ainsi, dans notre calorimètre, la mesure de la chaleur cédée par l'animal se fait par la dilatation de l'air ambiant. C'est, en quelque sorte, un vaste thermomètre à air, thermo- mètre périphérique qui totalise la chaleur rayonnante émise par l'animal. Pour mesurer la dilatation de l'air, on peut adapter un mes premiers résultats, M. d'Arsonval a présenté aussi un appareil calorimé- trique analogue, non quant à la méthode de mensuration, mais quant au prin- cipe de la calorimétrie à air par rayonnement. Antérieurement, M. d'Arsonval avait publié, dans la Lumière électrique, son projet de calorimètre (1884,nos36, 37, 38 et 39, pp. 361 et suiv.}. D'un autre coté, dans mon cours de 1884 à la Faculté de médecine [un mai 1884), j'avais indiqué le principe du calorimètre à siphon par rayonnement, et mon récepteur calorimétrique, construit dès lors sur mes indications par la maison Wiesnegg, m'a été livré aux premiers jours d'octobre 1884. Mes premières expériences sont du 1er juillet 1 88 i ; elles avaient été faites à l'aide d'un autre récepteur calorimétrique imparlait. La question de priorité, peu intéressante d'ailleurs, n'est donc pas en jeu, et il est évident que M. d'Arsonval et moi, nous avons, indépendamment l'un de l'autre et simultanément, employé, pour mesurer la production de chaleur, la dilatation de l'air ambiant. C'était d'ailleurs une idée tellement simple qu'il n'y a vraiment pas lieu de parler ici de priorité ; la seule difficulté était dans l'agencement des autres parties de l'appareil. A ce point de vue, les appareils de M. d'Arsonval et les miens sont tout à fait différents. 158 CHARLES RI C H ET. manomètre; et c'est le procédé qu'a employé M. d'Arsonvàl. J'avais essayé aussi le manomètre ; mais sa sensibilité ne m'avait pas paru suffisante : car, les volumes étant en raison inverse des pressions, la pression croît tellement vite que l'élévation de la colonne liquide devient bientôt très faible, et que quelques millimètres répondent à une élévation de tem- pérature notable, précisément celle qu'il est important de connaître. Il y a donc cet inconvénient à la mesure mano- métrique, que les élévations de température de la fin de l'ex- périence sont, quoique étant les plus importantes, celles-là mêmes qui déterminent la plus petite ascension de la colonne manomé trique. J'ai employé l'artifice suivant, qui évite cette augmentation de pression et qui permet d'inscrire la dilatation de l'air, indé- pendamment de tout accroissement de pression. Si l'air, en se dilatant, est amené à la surface d'un grand vase hermétiquement clos, rempli de liquide avec un siphon amorcé, la moindre augmentation de pression fera écouler l'eau du siphon, et la quantité d'eau qui tombera sera préci- sément égale en volume à la dilatation de l'air. Pour que la pression soit tout à fait nulle, le liquide du vase clos est en communication avec un tube en verre recourbé à air libre, disposé en forme de siphon et monté sur une cré- maillère graduée en millimètres. On établit le niveau exact, de telle sorte que l'eau ne coule pas, mais que la moindre augmentation de pression la fasse couler. Il est bon que l'eau du tube forme une sorte de ménisque convexe dépassant le niveau de section du tube de verre. Dans ces conditions, la sensibilité de l'appareil est extrême, puisqu'une allumette, en brûlant au centre de la boule, dégage assez de chaleur, c'est- à-dire dilate suffisamment l'air de l'enceinte, pour qu'il s'é- coule alors o à 6 centimètres cubes. Un lapin de 3 kilogram- mes, en une demi-heure, fait tomber plus de 100 centimètres cubes. Si l'on recueille dans une éprouvette graduée l'eau qui CAL0R1MÉTRIE. 159 B'écoule, <»n mesure ainsi exactement la dilatation de l'air du récepteur calorimétrique, dilatation qui est égale en volume à la quantité d'eau qui est tombée. Ainsi le volume d'eau tombée mesure la dilatation, et, comme la dilatation mesure la chaleur, le volume d'eau tombée mesure exactement la chaleur cédée au récepteur. On voit que cet appareil est, en somme, un thermomètre Fig. "J8. — Calorimètre à siphon. à air qui recueille toute la chaleur cédée par un animal. L'as- cension de la colonne thermométrique étant représentée par la chute d'eau, la chute doit s'arrêter quand l'équilibre est atteint, ce qui répond à l'équilibre d'une colonne thermo- métrique. L'élément essentiel de cet appareil, c'est qu'il travaille à pression nulle, condition absolument nécessaire pour que la sensibilité soit suffisante. Cette pression nulle s'obtient en ramenant toujours le siphon au niveau exact de l'eau du vase clos. L60 CHARLES RICHET. Pour cela, le dispositif suivant a été employé : Le siphon est placé sur une vis à crémaillère, pouvant être élevée ou abaissée. Un cran répond, je suppose, à 1 milli- mètre; par conséquent, en abaissant Le siphon d'un cran, on abaisse de 1 millimètre le niveau de l'eau. Par suite de la dilatation, une certaine quantité d'eau est tombée ; alors il faut abaisser le niveau du siphon d'une quan- tité proportionnelle. Je suppose que la quantité d'eau tombée soit de 30 centimètres cubes pour une diminution de niveau de \ millimètre, il s'ensuit que chaque fois qu'on aura un écoulement d'eau de 30 centimètres cubes, il faudra abaisser d'un cran le siphon. Alors le niveau restera le même, et l'appa- reil ne travaillera pas sous pression. Evidemment, la quantité d'eau qui répond à 1 millimètre de hauteur est proportionnelle à la surface de section du vase clos, et on comprend qu'il y a intérêt à donner à ce vase les plus grandes dimensions possibles pour que l'appareil travaille constamment avec une pression minimum. Si faible que soit cette pression de 1 millimètre d'eau, elle est encore très appréciable, à cause de la sensibilité de l'appareil, et il faut en tenir grand compte. On peut noter aux divers moments de l'expérience la quantité d'eau qui tombe, et construire ainsi le graphique exact de la dilatation, par conséquent de la température du calorimètre. On obtient ainsi une courbe comme celles qui se trouveront dans le cours de ce travail. Mais l'inscription peut aussi être directe, et ce n'est pas là un des moindres avanta- ges de, ce procédé que de se prêter facilement à l'inscription graphique. Le récepteur calorimétrique peut être quelconque; il faut seulement que son volume ne soit pas trop considérable, c'est- à-dire que ses parois soient rapprochées de l'animal, de manière à bien prendre sa température. Je me suis servi, tan- tôt, de la couveuse de M. d'Arsonval, tantôt, et avec plus d'avantages, d'un appareil construit, sur mes indications, par CALORIMÊTRIE. i,,i la maison Wiesnegg. C'est, comme l'indique la figure ci- jointe, un serpentin tabulaire en cuivre, disposé en forme de double hémisphère, articulé par une charnière. Chacun des deux serpentins esl relié à un tube en caoutchouc qui commu- nique avec le vase clos. Pour des expériences calorimétriques sur des enfants, j'ai fait construire un autre grand appareil en cuivre ayant une capacité d'environ un mètre cube et demi d'air. La paroi exté- rieure est assez épaisse; la paroi intérieure, au contraire, est très mince. L'appareil est à charnière, et le couyercle supérieur, comme le récipient inférieur, sont, par un caoutchouc, en communication avec le vase clos. La fermeture n'est pas her- métique, de sorte qu'il n'y a aucun danger d'asphyxie, d'autant plus que, dans le bas, sont deux ouvertures par où peut se faire la circulation de l'air, ce qui, d'ailleurs, n'a aucun inconvénient pour la sensibilité de l'appareil, car c'est une quantité tout à fait minime relativement au reste de la surface. Au centre de cet œuf de cuivre est un support sur lequel est placé un coussin, lequel peut servir de couchette pour l'enfant soumis à l'observation. La pratique de ces deux appareils est absolument identique, il s'agit seulement de déterminer leurs constantes, et, tout à l'heure, en entrant dans le détail des observations, nous les établirons. On comprend aussi que le récepteur calorimétrique peut varier; le principe sera toujours le même, c'est-à-dire la dila- tation de l'air ambiant mesurée par l'écoulement d'eau d'un siphon, exactement amorcé. Pour ce qui est de l'inscription graphique directe, voici kla disposition que j'ai prise : l'eau, en tombant goutte à goutte dans une éprouvette étroite, déplace un flotteur qui, par l'intermédiaire d'une poulie, actionne un chariot tendu par un poids. Chaque fois qu'une goutte tombe, le flotteur étant soulevé, le chariot est attiré par le poids, et alors l'in- TOME I. 11 162 CHARLES 1UCHET. scription se fait horizontalement sur un cylindre enregistreur. La difficulté était d'avoir un rapport de courbes exactes et comparables pour des animaux de poids différents. En effet, la quantité de chaleur n'a d'intérêt que lorsqu'elle est toujours rapportée à un même poids d'animal. Pour cela j'ai un cylindre enregistreur dont la vitesse est variable. Avec un animal pesant 3 kilogrammes, par exemple, je dispose mon cy- lindre de telle sorte que la vitesse est trois fois plus considé- rable qu'avec un animal del kilogramme, et ainsi de suite; le cylindre ayant un mouvement d'horlogerie avec des poids va- riables et des vitesses qui varient entre 1 tour et trois heures et 6 tours par heure. Malheureusement, avec l'inscription graphique directe, on ne peut guère tenir compte des corrections dues aux change- ments de la température extérieure; de sorte qu'il faut pres- que toujours en revenir à la notation volumétrique de l'eau tombée, comparée à l'observation du thermomètre, faite si- multanément. La correction thermométrique a une très grande impor- tance et mérite qu'on s'y arrête avec détails. Je laisse de côté la correction barométrique, attendu qu'en une heure ou une heure et demie les changements dépression sont assez faibles pour être absolument négligeables. Mais le volume des récepteurs est assez considérable pour que la température exerce une influence importante. Comme la mesure du volume de l'air qui est dans le ré- cepteur ne peut guère être faite directement, je la déter- mine précisément par la dilatation que le gaz subit par la chaleur. Voici les chiffres trouvés pour les récepteurs calorimétri- ques à boule : Pour une élévation de température de 1°, la dilatation a été de 33eo,08 dans une expérience; de 33%22 dans une autre ex- périence, soit en moyenne 33c°,4 par degré, c'est-à-dire qu'il contient à peu près 9 litres d'air. Comme le thermomètre est CALORIMKTHIE. 163 gradué en vingt-cinquièmes do degré, cela fail à peu près, pour 1/25" de degré, une dilatation de 100,32, ou mieux 1.1, car, par suite de la lenteur avec laquelle le récepteur prend La température du dehors, il faut plutôt diminuer qu'augmenter les corrections de température. Pour la couveuse de M. d'Àrsonval, dont je me suis servi d'abord, la dilatation est de 118 centimètres cubes par degré, soit, pour 1 25° de degré, 4CC,7. Pour L'œuf de cuivre, la dilatation pour 136/28° de degré a été de 'i82 centimètres cubes, soit, pour 1/25'' de degré, 3",.'i. Ainsi, pour ces trois appareils, nous avons à faire des cor- rections différentes qui sont respectivement, pour l/25e de degré, de lcc,32, 4e', 7, 3%o. Mais nous ferons des corrections moins fortes, et nous prendrons les chiffres ronds de 1 , 4 et 3, car les récepteurs de cuivre sont bien moins sensibles que le thermomètre aux variations de la température extérieure. Il suit de là — et c'est une remarque fondamentale — que, pour faire de très bonnes observations, il ne faut pas avoir de notables corrections de température à faire. Plus la tempéra- ture du milieu ambiant est fixe, plus l'observation sera juste. Et cela est nécessaire, non seulement pendant la durée de l'observation, mais pendant la demi-heure ou l'heure qui pré- cède. Souvent, en hiver, j'ai dû faire de longues observations dans des chambres sans feu; car, si l'on allume un poêle, la température extérieure monte en deux heures de G à 10u et même plus, ce qui fait pour 10° les énormes dilatations de 330 centimètres cubes, 1 180 centimètres cubes, 87o centi- mètres cubes, et la correction est plus importante que le chilï're obtenu pour la mensuration même de la chaleur. L'erreur est d'autant plus grave que l'appareil de cuivre s'échaufTe beaucoup moins vite que le thermomètre, et que, si l'on fait exactement toute la correction que le thermomètre indique, on se trompe d'une quantité tout à fait inconnue et qui est peut-être considérable. Mais on peut, avec certaines précautions, maintenir une lGi CHARLES RICHET. température presque tout à fait constante, comme l'indiquent les chiffres de ce tableau. EC0CLHIR1 icvouaun ÉcoDUun d'eau d'eau HIPBiUTURI ÉCOtl.EHE.NT d'eau ave': la rapporté à 1 kilo;;. rapporté à 1 kilog. HEURE. d'eau correction sans avec extérieure. absolu. de tempe rature. correction de tempé- rature. correction de tempé- rature. h. in. 1 .1 degrés. 10,1 L/25 , . 1 7 10, 5 30 3S 10 12 ire expéi icnce ' : ' 1 11 10, S 44 48 13 15 Lapin normal 1 20 10,14 79 75 24 23 de 3^,200. \ 1 23 10,14 94 90 30 2. s (Dans la boule.) 1 37 10, 7 121 126 38 39 ' 1 46 10, 8 134 137 42 42 l 53 10.14 140 137 43 42 1 » 6, .". 25 „ „ >, ,, 2e expérience : l 1 L0 6, 4 13 14,0 15 15 Lapin de 2kS, 900, ] 1 16 6. 6 58 .",0.7 20 19 piqué il va plu- < 1 25 6, 7 78 75 27 26 sieurs jours. j 1 30 6, 8 83 79 28 27 (Dans la boule. 1 37 G, 10 95 89 32 30 ' 6,10 113 107 39 37 1 •• 19 „ „ „ 3e e.rj)érience : 1 i 10 \ 1 20 19 19 135 280 L35 280 13 31 13 31 Enfant normal 1 1 30 lit. 2 23 415 409 46 46 de 9 kilogr. j 1 40 19, 3 540 531 60 59 (Dans 1 œuf.) (CCCXX)2. lw 19, 3 19. 4 635 710 620 698 70 79 69 78 2 10 1 L9, 5 795 780 88 S7 1. On remarque pa que je n< ; donne que des chiffres entiers: c'ost une ta usse préci- siou dans l'espèce que de d onner ici des décimales qui n'a jouteraient nen aux conclusions et dont on ne pou rrait garantir l'exactitude. 2. Les chiffres i omains ind quent le numéro d'ordre de l'exp érience. On voit que, quand la température reste aussi régulière, la correction n'a pas grande importance, les variations phy- I IL0R1MÉTRIE Biologiques d'un même individu normal étant, bien évidem* ment, supérieures aux écarts dus à la température. Toutefois il faut pratiquer ces corrections, et avec un très grand soin, en icoDLBinn ictumiin d'eau Écouuiiin d eau ÉCOCUHFI d'eau avec la rapporté a 1 kilogr. rapporté h i kilogr. HEURE d'eau TKUl'EIt ITUIîK. correct ion .1.' sans correction avec rurrt'i'ti'in ture. de tempéra- ture. de tempéra- ture. ii. m. degrés. 1 .. » 19, 8/25 » .- >• I 1 10 124 19,15 103 13 11 Enfant normal 1 i 2a 288 10,20 261 32 29 de 9 kilogr. ! 37 155 19,22 419 50 46 (Dans l'œuf. 1 tfi 575 20 .) 533 64 59 (CCCXXIV.) 1 1 52 650 20. 3 599 72 67 1 56 690 20, 3 630 77 70 \ 2 » 7211 20, 5 654 80 73 faisant la lecture thermométrique rapidement ; car le voisi- nage de l'opérateur échauffe assez le thermomètre pour que, si l'on met une demi -minute à le lire, on n'ait plus d'obser- vation exacte. Notons aussique, quand la température monte ou descend régulièrement, l'observation peut être très bonne : car, si le récepteur de cuivre ne suit que lentement les variations ther- miques, il les suit cependant exactement. Si la température croit de 1/25* de degré par cinq minutes, pendant deux heures il faut faire très régulièrement la correction, comme l'indique l'expérience précédente. Ce qui est mauvais pour l'observa- tion précise, ce sont les variations brusques et en sens di fiè- rent, variations qui peuvent affecter le thermomètre, sans affecter la boule de cuivre. On voit que la correction marquée à la cinquième colonne du tableau est tout à fait légitime, puisque, lentement et con- taminent, en une heure, la température extérieure s'est élevée 16G CHAULES RICHET. et a contribué à élever la température du calorimètre paral- lèlement à celle du thermomètre. Ainsi, avec une température constante, ou à peu près constante, ou qui s'élève régulièrement et constamment, une bonne observation peut être prise, à la condition, toutefois, qu'on fasse des corrections thermométriques exactes. Mais il vaut mieux encore ne pas avoir à faire de correction du tout; et, comme une température absolument constante peut être rarement obtenue, j'ai dû employer en le modifiant légèrement, un dispositif simple et ingénieux qu'a indiqué M. d'Arsonval, Il consiste en un autre récepteur calorimé- trique, identique par sa forme et sa structure au récepteur principal. Alors, bien évidemment, tous les changements thermiques qui affecteront l'une des boules, affecteront aussi l'autre. Si, je suppose, dans le récepteur A, je place un lapin normal, et si dans le récepteur B, identique au premier, je place un lapin dont la modification physiologique est à étu- dier, la courbe du lapin A pourra être considérée absolument comme normale, et la courbe du lapin B, pathologique, sera comparée à la courbe du lapin A. La comparaison pourra se faire indépendamment de toute correction de température ; mais il vaudra toujours mieux faire la correction de tempé- rature qui portera également sur l'une et l'autre boule, et par conséquent ne changera rien au résultat comparatif final'. Avant tout, il fallait s'assurer de l'analogie des deux boules au point de vue de leurs propriétés de récepteur calorimé- trique et de leur radiation dans le milieu ambiant. C'est ce que l'expérience suivante indique. Elle a été faite sur deux lapins normaux de même poids, et dont la robe était de même couleur. 1. Dans toutes les expériences qui suivent, la correction de la température a été faite, et nous ne reviendrons plus sur ce point. OALOHIMKTHIK. 107 Y. N. HEURE 1IMM KATI RE. l.MlN NORMAL de 2k,G00."> 41,55 " 58 • Mais, comme lavant-dernière expérience s'écarte notable- ment des autres (pour une raison quelconque), nous l'élimi- nons, et nous avons une moyenne d'un centimètre cube pour représenter 57 calories. En faisant la mesure calorimétrique de l'œuf sans cous- sin, nous trouvons des chiffres un peu différents, plus faibles, comme on pouvait le prévoir; car l'interposition d'un coussin tend à diminuer le rayonnement. NUMÉROS des L' \ i' È R i i: n CBS. TEMPÉRATURE. N ( > M H R E de CALORIES. V A L E I ' R d'un centimètre cube en CALORIES. CCLVI CCLXVI bis. . . . CCLXXV degrés. de 41,0 à 37,3 43 » 38,35 30 690 48,2 46,9 47,8 Ces trois expériences nous donnent une moyenne très exacte de 47,Mll,8, soit, en chiffre rond, 48, que nous adopte- rons comme constante calorimétrique de l'œuf sans coussin. En résumé, nous avons ces trois constantes calorimétriques 174 CHARLES RIGHET. qui vont nous servir pour évaluer en calories la quantité d'eau tombée du siphon. centimètres , . , calories. cubes. Pour la boule 1 = 83 Pour l'œuf avec coussin I 57 Pour l'œuf sans coussin 1 = 48 A posteriori, nous démontrerons l'exactitude de notre ap- pareil, si nous trouvons les mêmes chiffres en calories pour les mêmes individus placés dans l'un et l'autre récepteur. III Influence de la taille. C'est principalement sur les lapins qu'ont porté mes expé- riences. Elles sont nombreuses, et, sans que je puisse les donner dans le détail, je vais cependant les présenter en un tableau d'ensemble, de manière à dégager l'influence de deux facteurs essentiels : d'abord le poids de l'animal, puis la tem- pérature extérieure. Établissons d'abord l'influence du poids (ou de la taille). On démontre, en physique, que le refroidissement ou la radiation) d'un corps quelconque est proportionnel à la sur- face, toutes conditions égales d'ailleurs de pouvoir émissif et de température extérieure ou intérieure. Or, pour des volumes différents qui vont en croissant, la surface ne croît pas aussi vite que le volume. Si l'on suppose les animaux de taille différente comme des sphères de volume différent, les volumes respectifs sont entre eux comme les cubes des rayons; tandis que les surfaces respectives sont entre elles comme les carrés des rayons. Ces considérations s'appliquent aux animaux vivants, et, quoique leur forme soit tout à fait irrégulière, comparée à CALOHIMKTHIK. 175 colle d'une sphère parfaite, on peut approximativement leur appliquer ces faits géométriques. \ous pouvons supposer aussi, ce qui est très proche de la vérité, que leur densité est homogène, et que leur poids et leur volume sont absolument corrélatifs. Par conséquent, un animal de petit volume (c'est-à-dire de poids petit) aura rela- tivement une bien plus grande surface qu'un animal de poids considérable; et alors, si l'on rapporte la chaleur produite au poids, on devra trouver que l'unité de poids dégage beaucoup plus de chaleur chez les petits animaux que chez les gros : parce que, chez les petits animaux, la surface est comparati- vement beaucoup plus grande, et, par conséquent, la radiation calorique plus intense. Ces faits, quelque évidents qu'ils soient, avaient besoin d'être expérimentalement démontrés. Nous avons pu le faire, non seulement avec des animaux de tailles et d'espèces diffé- rentes, mais encore avec des animaux de même espèce et de tailles dilférentes. Yoici d'abord des expériences sur de jeunes lapins : 5 janv. 1885. 6 — 1885. 7 — 1885. 12 — 1885. 25 févr. 1885. 27 — 1885. 2 mars 1885. 9 — 1885. NUMÉRO .POIDS TOTAL des lapins POIDS I0TKI CEHTIHÈTRE8 cubes de TKUPF.IUTUIF.. mis d'un par kilogr. l'expérience. dans la boule. lapin. et par heure. PREMIKRE PORTEE DEUXIÈ M E I' 0 R T E E CALORIES par kilogr. et par heure. dPgrCs. kilog. grammes. ■•eut. cubes- CL 6 0,870 218 103 CLI 9 0,880 220 125 CLII 1 1 ,5 1,380 230 82 CLIX 10 1,894 379 87 CLXXI 15 3,070 384 74 CLXXII 15 3.070 439 74 CLXXIV 11 3,140 523 57 CLXXVI 11,5 2.090 721 52 calories. 8 500 10 375 0 8(10 7 220 6152 (i 152 4 831 4316 Ainsi, en suivant ces jeunes portées de deux lapins, nous 17ti CHARLES RICIIET. trouvons qu'à mesure que leur poids augmente, la quantité de chaleur, produite par un kilogramme de l'animal, va en dimi- nuant. Une autre expérience le prouvera encore. Il s'agit de quatre petits lapins, pesant en moyenne 662 grammes, qui ont été mis en comparaison avec un lapin normal pesant 2k",770, c'est-à-dire à peu prés autant que les quatre petits lapins placés dans la boule voisine (âkg,650) i. ÉCOULEMEN T ÉCOULEMENT d'eau HEURES TEMPÉRATURE. par rapport par au kilogramme. lapin normal. h. m- degrt-s. 1 a 23. 3/25 » » 1 15 23, 3 30 157 1 30 23, 2 44 163 1 45 22.23 53 156 2 » 22,23 55 153 Par conséquent, des lapins pesant le quart d'un gros lapin ont, par kilogramme, produit 150, alors que le gros lapin produisait 100. Si l'on prend la moyenne des six expériences dans les- quelles le poids des lapins a été inférieur à 440 (de 220 à 440), nous avons les chiffres suivants : 103, 125, 82, 87, 74, 74, qui nous donnent une moyenne de 91 centimètres cubes qui ré- pond à 7 500 calories. Les expériences qui portent sur des lapins dont les poids sont compris entre les chiffres de 2kg,090 minimum, et 3k?,870 maximum, sont nombreuses. Nous allons les sérier, en élimi- nant toutes celles qui ont été faites à des températures supé- rieures à 16° et inférieures à 9°. 1. La dernière colonne indique la quantité de chaleur produite par un kilogramme de petits lapins, si l'on fait égale à 100 la quantité de chaleur produite par un kilogramme du gros lapin. CALORIHÉTRIE. m Nous éliminerons aussi un certain nombre d'expériences qui sortenl de la moyenne. C'est un procédé qui ne convien- drai! certainement pas en statistique, -mais qui est permis el même nécessaire dans une science expérimentale1. La première colonne indique (en chiffres romains) le nu- méro de l'expérience inscrite dans mes cahiers d'observations; la deuxième colonne se rapporte au poids absolu de l'animal; la troisième donne l'écoulement en centimètres cubes par kilo- gramme de lapin ; la quatrième colonne donne le chiffre de calories correspondantes, soit le chiffre de centimètres cubes multiplié par 83; la cinquième colonne donne la température extérieure; enfin la sixième colonne contient les chilfres de la disposition en séries des expériences, rangées d'après le nombre de calories, de telle sorte que le lapin au maximum de calories est représenté par le n° 1 de la série, et ainsi de suite : le minimum de calories ayant le dernier numéro. Quand le nombre de calories est le même, on répète le même chiffre de la série. 1. Cependant, ;itin qu'on puisse juger de la légitimité de nos éliminations, nous aurons soin de donner ces chiffres dans une note. 178 CHARLES RICHKT. ÉiOtmiKU CALORIES NUMÉROS des POIDS ABSOl U par KILOGRAMME en chiffre rond TEÏPKIUUHE SITUATION par EXPÉRIENCES. de l'animal. en centimètres cubes. par kilogramme. ! \ 1 M'.IKURE. CALORIES. kilog. degrés. CCCXVII .... 2,090 56 1650 13 3 « CCXII. . . 2,110 5 i 4 480 14 ■ i ccx. . . . 2,110 2,110 60 4 980 4570 14 12 1 4 CCXXVII . ccxxv. . 2,150 60 4980 12 1 cccx. . . 2.22(1 n 3900 16 9 CCLXII . . 2,260 53 4 100 14 6 CCCVI. . . 2,290 43 3570 15 13 CCXXXVII 2,300 57 4 730 12 •2 CCXXXIX. 2,300 52 i 320 12 7 CCXLIX. . 2,300 46 3 820 12 10 CCLXX . . 2.300 5(4 4480 13 5 CLXIY . . 2,330 42 3 490 9 14 CLXV. . . 2,330 43 3570 10 13 CCLVIII. . 2,330 4 S 3 990 12 8 CCXX. . . 2,400 53 i too 13 6 CCXXII. . 2.400 47 3 900 13 9 CCXVIII. . 2.400 53 4 400 13 6 CCLXXVI1 2, no 41 3 400 12 15 CCLXXVIII 2,410 40 3 320 12 16 CCCXXIII. 2.420 45 3 740 15 11 CCXCIX. . 2,460 43 3 570 15 13 CCCII. . . 2,460 i2 3 i90 16 14 ccxxxv . 2,500 o.'i 4 570 12 4 CCXXVIII. 2.500 44 3680 15 12 1. A ces chiffres, avant d'eu poser les conclusions, ajoutons dix expériences, qui. pour une cause ou une autre, s'en écartent notablement. Dans les expériences CCXLII, CCLIV, CCLI etCCLX, il s'agit d'un lapin pesant le 25 mars 2k.?. 500, le 1er avril 2kg. 260. Ce lapin, dans quatre expériences, à des tem- pératures de 13 à 15°, a donné les chiffres de : 65, 6:5. 00 et 50 centimètres cubes. chiffres évidemment trop (''levés, et qui indiquent qu'il s'agissait d'un lapin malade. Sa température était de 10,6. Quoique ce lapin n'ait pas été opéré, il faut le ranger dans le groupe des lapins liévreux et, par conséquent, l'éliminer de notre tableau où ne figurent que des lapins intacts normaux. Cela est d'autant plus vraisemblable, qu'il avait été antérieurement, deux mois auparavant, rase pour une expérience ; son poil paraissait repoussé ; niais, malgré, cela, il n'était pas parfaitement assi- milable aux autres lapins. J'en dirai autant de l'expérience CCLXXX ; un lapin de 2kg.6:i0, à la température extérieure de 12°, a donné 58 centimètres cubes, chiffre évidemment trop considé- rable. On peut admettre, pour cette expérience, soit une maladie du lapin, soit une erreur quelconque dans la mesure. Dans deux autres expériences, n°* CI V et CCCIV, les chiffres ont été de 37 et de 38, c'est-à-dire bien trop faillies, vraisemblablement parce que les boules n'avaient pas été refro idi es jendant un te mps suffisan CAL0RIMÉTR1E. [79 ÉGMUDUI i W.nlUKS M Ml ROS (1rs PO I DS par ki i OORAIUU en rhillrf roml TUrfUTCU SÉRIA i par i \ i ■ i h 1 1 \ i i a. il'- l'animal. continu eubaa par kilogramme. r.\ 1 1 uni lu.. C vi.okiks. degré*. CCXXIX 2,530 52 i 320 Il 7 cm 2,560 12 3 190 10 14 CCI. XXXI. . . . 2,630 17 3900 12 9 Cl. Y 2,690 12 3 190 11 14 ccxci 2,120 41 3900 Ki .9 CCI. XXXIX. . . 2,750 il 3 400 12 lu ccxc 2,820 47 3 900 10 CCVI1 2,800 46 3 820 12 10 CXCVII 2,900 41 3 100 11 la XCIX 2,900 41 3 400 11 15 CCIII 2,900 47 3900 12 9 CXI 2,960 41 3400 9 15 CXCI 3,000 40 3 320 11 16 CLXXXVII . . . 3.000 39 3 240 11 17 CCXXXII . . . . 3,000 42 3 490 11 14 XXIX 3.100 40 3320 10 Ki XCVI 3,150 40 3 :J20 11 16 XCII 3,150 39 3240 12 17 XC 39 3240 13 17 Nous allons grouper maintenant ces poids de lapins de la manière suivante : de 2 000 à 2 -200 ; de 2 200 à 2 400 ; de 2 400 à 2 600; de 2 000 à 2 800; de 2 800 à 3 000; et de 3 000 à 3 200. Et nous avons, en effectuant les calculs, les moyennes suivantes : „«♦■•« Centimètres _ . . .... , Calories. Kuog. cubes. Cinq lapins. .... de 2,000 à 2,200 57 4730 Dix — 2,200 2,400 48 3985 Douze — 2,400 2,G00 40 3 820 Quatre— 2,600 2,800 44 3 650 Six — 2,800 3,000 43 3 570 Sept — 3,000 3,200 40 3 320 Résultat des plus intéressants et des plus nets, puisqu'il nous montre combien, avec l'augmentation de volume, dimi- nue la production de chaleur par kilogramme du poids de l'animal. 180 CHARLES RICHET. Supposons que les animaux soient représentés par des *R* sphères géométriques parfaites, leur volume sera — - — et leur surface 4^ R2i. Autrement dit, le volume sera : 4,2 R% et la surface : 12,6 RD. Alors la valeur de R sera : Kilog Pour les lapins d'un poids (ou volume) moyen de 2,100 H = T.!) 2,:!00 H - 8,2 — — 2,500 H = 8,4 — — 2,700 R = 8,6 — 2,900 R = 8,8 — — 3,100 R = 9,0 Et leurs surfaces seront respectivement : Surface. Kilog. Pour les lapins de 2,100 780 — de 2,300 841 — de 2,500 889 de 2,700 932 — de 2,900 976 de 3,100 1,021 Or, la production totale de chaleur étant (en centimètres Cubes d'eau) : Centimètres cubes. Kilog. Pour les lapins de 2,100 119 — de 2,300 110 — de 2,500 115 — de 2,700 119 — de 2,900 125 de 3,100 130 les quantités de chaleur, par rapport à l'unité de surface, seront respectivement de : centimètres cubes. Kilog. Lapins de 2,300 130 — de 2,500 129 — de 2,700 127 — de 2,900 128 — de 3,100 127 1. Voir plus loin, à propos des expériences faites sur les chiens, une mesure plus exacte de la surface du corps. CAI.ORIMKTKIK. IKI On voit combien ces chiffres sont proches les uns des autres, se confondant pour ainsi dire, et donnant ainsi, avec une certaine élégance, la démonstration physiologique de ce fait physique bien connu : que la production de calorique est fonction de la surface et non du poids. Celte loi de physiologie est donc rigoureusement vraie pour les animaux de mèmeespèco et de taille différente . .le joindrai à ces observations celles qui portent sur des lapins de même poids, mais qui ont été faites à des tempéra- tures extérieures plus élevées, comprises entre 21° et 25°, les poids étant entre 2kfe',400 et 3 kilogrammes. NUMÉROS des EXPÉRIENCES. toids de l'animal. BCODIBIKKÏ par KILOGRAMME en centimètres cubes. CALORIES i . TEHPÉIIATIRE EXTÉRIEURE. SÉRIATION. CCXLIII kilo?. 2,450 i», 4S0 2,480 2.480 2,540 2,500 2,500 2,540 2,540 2,550 2,580 2,(iU0 2,610 2, (150 2,740 2,740 2,770 40 3:5 35 47 40 41 38 21 i 34 30 31 33 35 33 35 31 36 3 320 2 800 2 580 3 900 3 320 3 400 :; L50 2310 2 S'JO 2 490 2 570 2 800 2580 2 800 2 580 2 5711 2 6G0 degrés. 24 21 23 23 21 21 2 4 2."» 24 26 23 25 26 25 23 25 23 3 8 6 1 3 9 4 11 7 10 9 8 6 8 6 9 5 CCCLXXIII . CCCCVI. . . CCCCII . . . CCCLXXV. . CCCLXXVIII CCCLXXXII. CCCLXVIII . CCCLXVI. . CCCLX . . . CCCLXIX. . CCCLXIII. . CCCCX . . . CCCLXIV. . CCCLXXXVI CCCXC . . . CCCCI. . . . 1. Il va sans dire que tous les chiffres que je donne en calories ou en centimètres cubes se rapportent à un kilogramme d'animal et à une heure. 182 CHARLES HICHET. Ces chiffres nous donnent les moyennes suivantes : Kilog. Kilog. Calories. I.apins de 2,4b0 à 2,5o0 3070 — 2,550 2,77(1 2740 Par conséquent, la différence est tout à fait notable et dans le môme sens que précédemment. Les lapins plus gros pro- duisent par unité de poids une quantité de chaleur moins considérable. Je noterai aussi, pour être complet, quelques chiffres se rapportant à des lapins pesant plus de 3ks,20(>. N U M KROS DES EXPÉRIENCES. POIDS. ■ OULEMENT. TEMPÉR.VTI'RE K\ rÉBIEURE. ccccv kilos. 3,720 3,720 :{.17il 3,446 32 24 42 45 degrés. 25 24 H 12 CCCCVIII CLX1X CLXXi 1. Lapine pleine. Ainsi nous avons rendu évidente cette influence de la taille sur la production de chaleur. Nous allons retrouver la même loi en opérant sur des animaux autres que les lapins. Ainsi, prenant les cobayes à des températures compara- bles, soit de 9° à 11°, nous avons les 'chiffres suivants : NUMÉROS DES EXPÉRIENCES. POIDS. TEMPÉRATURE. El OUJ BMENT i. XIII grammes . 141 146 150 5 1 7 528 645 756 778 degr.->. 9 12 11 10 12 11 il 11 133 1 58 154 91 7 i 85 70 80 LUI XXVII VIII XLVII XI XXXIX XXVI 1. Étant donné que l'écoulement (par heure et par kilogr. d'animal) est connu, on obtiendra le nombre de calories correspondantes en multipliant ce chiffre par 83. CALORIMÉTRIE. [83 Ce qui nous fait, pour des cobayes de 140 à 150 grammes, un écoulement moyen do 148 centimètres cubes; tandis qu'avec des cobayes d'un poids de 500 à 800 grammes, nous avons une moyenne de 80 centimètres cubes. En calculant les volumes et les surfaces, nous trouvons, pour les petits cobayes, un rayon de M, 2 environ; et, pour les gros cobayes, un rayon de .v>. 4 environ. 11 s'ensuit que la surface des petits cobayes sera de 1:2,900, et celle des gros de .'{6,740. Or la chaleur totale produite par les petits est de 22, tandis que, pour les cobayes de 0,650, elle est de 52. Si nous rapportons ces deux chiffres à l'unité de surface, nous trouvons que la production est, pour les gros cobayes, de 140; et pour les petits cobayes, de 170. Ces deux chiffres ressemblent beau- coup à ceux que nous avons eus plus haut avec des lapins de poids tout différent, soit 1110; et cela nous permet de penser qu'avec des animaux dont la fourrure se ressemble autant, en somme, que celle des cobayes et des lapins, la production de chaleur par l'unité de surface est à peu près la même. Si nous trouvons que les petits cobayes produisent plus que les gros, par unité de surface, c'est que nous avons sup- posé que nos animaux étaient des sphères géométriques par- faites, alors qu'en réalité rien n'est moins vrai. Pour les petites sphères, les inégalités de la surface sont bien plus importantes que pour les grandes sphères. A la température de 24°, des petits cobayes, pesant 126 grammes en moyenne, ont donné 94 centimètres cubes (expérience CCCCXIII), alors qu'à la même température, toutes conditions égales d'ailleurs, de gros cobayes de 918 grammes n'ont donné que 63 centimètres cubes. Sur les chiens, je n'ai fait que peu d'expériences, et elles ne sont pas tout à fait comparables. Une chienne de 11 kilogrammes m'a donné, dans l'œuf calorimétrique, les chiffres suivants : 184 CHARLES RICHET. NUMÉROS I>K* EXPÉRIENCES. 1 EMPÉRA i l'KE. CALORIES. CCIV CCXL CCXLVI degré*. Il 12 12 2 544 3 456 :; 552 Ces trois expériences nous donnent en calories une moyenne de 3184, chiffre qui se rapproche de celui que M. Senator a indiqué pour des chiens, 2 530, et, plus encore, de celui que j'ai déduit des recherches de M. Wood, 3 275. Au contraire, des petits chiens m'ont donné : NUMÉROS DES EXPÉRIENCES. IURUTUU. P0IB8. iCODUIHT. CHOMES. XCI degr.'-s. 14 22 kilo-. 0,643 1,630 72 70 5 976 5810 CCCXCVI Soit, en chiffre rond, 6 000 calories. C'est aussi le chiffre qu'avait obtenu M. Senator dans ses expériences sur deux jeunes chiens. Nous pouvons donc regarder comme acquise, pour les cobayes et pour les chiens, aussi bien que pour les lapins, cette étroite relation entre la taille et la radiation calorique. Tout à l'heure, dans un autre chapitre, nous établirons que, chez les animaux les plus divers, c'est encore cette loi qui domine, et nous pourrons en déduire quelques considéra- tions générales importantes. IV Influence de la température extérieure. Si les animaux se comportaient comme matière inerte, à température constante, on aurait la loi suivante, d'une sim- GALORIMÉTRIE. 185 plicité élémentaire : La quantité de chaleur perdue est en raison directe de la différence entre leur température el la température extérieure. Mais il est loin d'en être ainsi ; car les animaux possèdent le pouvoir de rayonner plus ou moins, tout en conservant la même température interne. Ils peuvent régler, d'une part, leur production de chaleur, d'autre part, leur déperdition de chaleur; en sorte que, pour des températures différentes, ils rayonnent différemment. Nous allons donc reprendre les expériences indiquées poul- ies lapins dans les pages précédentes; mais nous ne nous occuperons plus des poids, nous ne tiendrons compte que des températures. Nous éliminerons les lapins de poids inférieur à 2 kilo- grammes, et supérieur à 3kg, 300. 180 CIIAHLKS Kl CH ET. NUM ÉROS 3140 ccxc 16 16 47 47 3 900 3 900 CCCVI1 16 16 18 42 398C 3 490 CCCI1 cccx 16 17 47 42 3 900 3 4SI) CCXCIII CCXCVIII 17 47 3 900 ('('(XXXIX 18 41 3 400 CCCXL 18 45 3740 CCCXLII 19 39 3 240 CCCLXXIII 21 33 2 800 CCCLXXV 21 40 3 320 CCCLXXVIII 21 41 3 400 CCCL 23 23 41 35 3 400 2 580 CCCLXXXVI CCCCI 23 36 2 660 CCCCII 23 47 3 900 CCCCVI 23 35 2 580 CCCLXIX 23 31 2 570 CCCLXVI 2i 34 2 500 CCCLXV 24 27 2 240 CCCLXXXII 24 38 3150 CCCXCIII 24 40 3 320 CCCCVIII 24 24 1990 CCCLXVIII 25 29 2310 CCCLXIII 25 33 2 800 CCCLXIV 25 33 2 800 CCCXC 25 25 2(5 26 31 32 30 35 2 570 ccccv 2 720 CCCLX 2 490 2 490 CCCLII 28 28 24 24 1 990 CCCLV 1990 1 Si nous prenons la moyenne de tous ces chiffres, nous avons, pour les diverses températures, les données suivantes qui vont nous donner une moyenne facile à comprendre et 188 CIIAHLKS KICHET. nous permettre de tracer la courbe de l'influence des tempé- ratures extérieures sur le rayonnement. + i. 0. .). 8. 9. 10. II. 12. 13. 14. lalories 910 I 250 1 660 2 740 2 000 3:520 3 400 3 190 4 060 l 1 50 4 400 Degrés. 15. . . . Calories ... 3735 16. . . . ... 3820 17. . . . ... 3650 18. . . . . . . 3570 19. . . . ... 3240 21. . ... 3150 23. 3 150 24. . . . . . . 2 740 25. . . . ... 2650 20 . . . 2 650 28. . . . ... 1660 De ces moyennes — qui ne sont évidemment pas parfaites, car l'influence des poids des lapins joue un rôle considérable, et nous n'en avons pas tenu compte dans cette série — on peut cependant dégager une loi bien précise, que le graphique de la figure 58 démontre avec netteté : c'est que la production de chaleur varie énormément avec la température extérieure, et d'une manière toute différente de la loi de Newton1. Si les animaux (à température constante) se comportaient comme des objets inertes, ils rayonneraient d'autant plus que la température extérieure est plus basse. Mais il n'en est pas ainsi : quand il fait froid, ils diminuent leur rayonnement en rétrécissant leurs vaso-moteurs, de sorte que, quand la tempé- rature extérieure monte de — 2° à -h 14", le rayonnement va aussi en augmentant. Il y a donc une température qui corres- pond à une radiation maxima de calorique; elle est comprise entre 12°, 13° et 14° ; et, à partir de ce point, elle va graduel- lement en diminuant, conformément à la loi de Newton, à mesure que la température extérieure s'élève. Ces variations sont bien considérables, puisqu'elles vont presque de 1 à 5. Ainsi, pour des températures extérieures de 12°, 13°, et 14°, 1. Le fait a déjà été indiqué par M. d'Arsonval. CALORIM KTRIE. 189 des lapins de 2kf, 500 dégagent environ 4100 calories, alors qu'à des températures supérieures à 25°, ils ne dégagent que 1 lion calories. Il y a là évidemment matière à d'intéressantes applications au point de vue de la physiologie générale et de la nutrition. L'ali- mentation doit rire ab- solument conformée à la température exté- rieure. Comme la cha- leur est due à la com- bustion des aliments, il faut que l'ingestion des aliments se conforme à la dépense normale de calorique, et, par con- séquent, il faut qu'il y ait une alimentation d'autant plus abondante que la déperdition de calorique est plus grande. L'expérimentation physiologique donne donc cette indication hygiénique formelle : qu'il faut manger bien moins en été qu'en hi- ver. C'est un non-sens que de ne pas changer son régime alimentaire avec les condi- tions extérieures. Si les Européens sont si souvent malades dans les pays chauds, c'est qu'ils ne savent pas vivre comme les indigènes : ils devraient se résigner à manger beaucoup moins que dans les pays froids. Fig. 59. — Courbe indiquant la quantité de cha- leur produite en une heure par un kilogramme de lapin, suivant la température extérieure. Sur l'ordonnée inférieure sont marquées les tem- pératures de — 2° à -f- 28". Sur l'ordonnée latérale sont indiquées les quan- tités de chaleur produite, représentées en centimè- tres cubes d'eau (lc,' = 83 "'). On voit nettement qu'il y a pour la radiation calorique un optimum qui répond à 14". 190 CHARLES RICHET. Quant à ce paradoxe, qu'à une température de 0" un ani- mal dégage moins de chaleur qu'à une température de 14°, je ne puis encore me l'expliquer d'une manière bien satisfaisant e, car l'hypothèse des vaso-moteurs, la seule, je crois, qu'on puisse donner, n'est pas tout à fait satisfaisante. On eut pu supposer une cause d'erreur dans l'appareil lui-même — par exemple, la condensation de l'eau expirée par le poumon, condensation qui produit du froid et qui alors tend à dimi- nuer la production apparente de chaleur. — Si l'on admet que l'exhalation d'eau par kilogramme de lapin est de 0ër,o0 par heure, cette eau, se condensant sur les parois de l'appareil et évaporée ensuite par la chaleur de cet appareil, peut pro- duire un froid qui n'est pas négligeable, même pour une si petite quantité, étant, pour O'r,o, de 268 calories. Mais on ne peut admettre, d'une part, que toute l'eau se condense sur l'appareil ; d'autre part que toute l'eau se vaporise après s'être condensée, et enfin, même en ajoutant ces 268 calories au chiffre trouvé, on ne changerait pas beaucoup le résultat final. Il semble même que la température extérieure exerce son influence pendant un certain temps, comme si l'état d'activité du système nerveux, se réglant d'après la température, met- tait un certain temps à se placer en équilibre. L'expérience suivante en est la preuve, aussi bien pour un animal qui vient d'une température élevée que pour celui qui vient d'une tem- pérature basse. Expérience; CL11I. — 6 janvier. — La température extérieure est, dans l'étable où sont les lapins, aux environs de 0°. Elle est au contraire de 11°, 4 dans la salle où se fait l'expérience. Un lapin de 2ks,690 donne seulement 2 740 calories à la température de 11°, 4 qui correspond au maximum calorique. Exp. CL1V. — Le même lapin est alors placé dans l'étuve à :?8°. Après un séjour d'une demi-heure environ (soit deux heures en tout, après qu'il a été sorti de l'étable), il donne 2 100 calories, chiffre encore très inférieur. GALORIMÉTRIE. lui Exp. CLV. - Il reste encore une heure de plus dans le laboratoire a rj". Alors on prend sa calorimétrie, et on trouve un chiffre qoi se rapproche de la normale : 3 490. Ces faits sembleraient prouver qu'il faut un certain temps pour que le système nerveux se mette eu équilibre de produc- tion calorique avec la nouvelle température extérieure1. Cela explique peut-être comme quoi, pour résister au froid (c'est-à-dire perdre peu de chaleur, il vaut mieux sortir d'un appartement très chaud, à 20" par exemple, que d'une pièce à moitié froide, à 10° je suppose. En effet, à 10°, il y a un maximum de production calorique et par conséquent de déperdition. Alors l'état du système nerveux se trouve ainsi fixé pour quelque temps. Or, quand on se trouve exposé à un grand froid, si le système nerveux est réglé pour rayonner à 10°, il faut du temps pour s'établir avec un rayonnement comme celui dc0° ; tandis que, si l'onestréglé pour 20", comme le rayonnement est à peu près le même qu'à 0°, il y a moins d'effort à faire et on se refroidit moins. D'autres animaux que les lapins ont aussi une production de calorique variant avec la température extérieure. Voici à cet effet, les chiffres relatifs aux cobayes. Pour des cobayes pesant entre 125 et 150 grammes, nous avons les quatre chiffres suivants : Degrés. 9 133 u. . . i;;4 12 158 24 94 1. Une autre expérience m'a donné cependant des résultats différents; il est vrai qu'elle a été faite sur un lapin dont le sciatique avait été piqué dix joins auparavant et qui avait des lésions tropliiques à la patte (expér. CLXII) : la température de l'étable étant de 0°, celle du laboratoire de + 12°,5, immédia- tement après être sorti de l'étable, il a donné 4 ISO calories ; trois heures après (expér. CLXIII), la température du laboratoire étaut de 15»,5, il a donné 3 7-iÔ calories. Un autre lapin intact (expér. CLXIV), venu de l'étable, dont la température 192 CHARLES RICHET. Pour des cobayes pesant de 500 à 1 000 grammes, nous avons : Degrés. — | . 39 + 10 91 ) -c ' Moyenne _, \ des trois expériences, 80. 24. . . 63 Chez les enfants, cette même loi se vérifie de la manière la plus formelle. En les plaçant dans mon œuf calorimétrique, j'ai obtenu les chiffres suivants, pour des poids d'enfants com- pris entre 6 et 9 kilogrammes ' : NUMÉROS DES EXPÉRIENCES. cccxv. . CCCLY1. . CCCXX. . CCCXXII . CCCXXIII. CCCXXIV. cccxxv . CCCLXII . CCCXXVI. CCCLXXI. CCCXXVII CCCLXXI. CCCLXXI1 CCCLXX . CCCCXIV. CCCLXXIII TEMPÉRATURE ECOULEMENT en EXTÉRIEURE. CENTIMÈTRES CUBES. degrés. 18 80 18 79 19 78 j 19 76 78,5 19 82 ) 20 73 ! 74 20 75 21 66 22 66 22 71 \ 22 73 j 70 22 71 ) 23,: 5 55 24 42 J 24 53 47 25 46 ) était de 0°, a donné, la température du laboratoire étant de -+- 9°, 3 490 calo- ries. Étant resté deux heures dans le laboratoire (expér. CLXV), il a donné, à 10°,5, 3 570 calories. Ce point intéressant méritera de nouvelles recherches. 1. Ce sont les premières observations de calorimétrie directe faites sur des enfants. CAL0RIMÉT1UE. tQ3 Ces chiffres qous donnent les rapports suivants en calories : Température exterioure. degréV caloriei. 18 moyenne de 2 expériences fc532 19 3 4484 80 2 4 218 21 I 3762 22 \ 4 090 23 I 3i3o 24 2 2 689 •J.'i I 2 022 On voit l'influence considérable de la température exté- rieure sur la production de chaleur. De 18" à 2o°, le rayonne- ment calorique augmente de près du double '. Ainsi, pour les enfants comme pour les lapins et les cobayes, la production de chaleur est fonction de la tempéra- ture extérieure. Il est même probable, d'après les chiffres donnés ci-dessus et que des expériences ultérieures auront à 1. Nous croyons devoir donner ici quelques autres observations faites sur des enfants et qui, pour une cause ou pour une autre, ne rentrent pas dans la moyenne. Tout d'abord, deux expériences ont été faites sur une petite fdle de poids plue élevé que les autres, J..., pesant 15ks,300. Mais ce poids est trop élevé pour le calorimètre, et réchauffement était tel que l'enfant était ruisselante de sueur. C'est là une circonstance très défavorable et qui empêche de conclure. Dans un cas (expér. CCCXI1I), à Jo°, j'ai eu 1090 calories, et, le lendemain à 1G°, en quarante-cinq minâtes. 3 13o calories (expér. CCCIV). Dans une autre expérience, faite sans corrections thermométriques, à 26°, j'ai trouvé 3 '330 calories. Dans une autre expérience, sur un enfant dont la température était de 39°, 8, j'ai trouvé, a 23°, 150U calories, chiffre évidemment supérieur à celui qu'on aurait du obtenir et qui est dû à la fièvre. Enfin, une petite fille rachitique et très souffrante qui, étant moins malade, avait 4 ."560 calories, a donné, dans les trois expériences des 30 mai, 2 et 3 juin, les chiffres suivant- : degrés. calories. CCCXVI 10 3 949 CCCXXI 18 359] CCCLXXIV ig 3534 Cette enfant est morte le 5 juin. Sa température n'a malheureusement pas été prise ; mais il est permis de supposer qu'elle était plus basse que la normale. ou du moins qu'il y a eu diminution notable dans la production de chaleur. tome i. 13 194 CHARLES RICHET. confirmer, lorsque la température extérieure sera plus basse, que chez l'homme, dont la peau est nue et sans fourrure, la radiation calorique dépend du milieu extérieur beaucoup plus que chez les animaux à fourrure. Influence de l'espèce et du tégument. Mes expériences ne portent malheureusement pas sur un bien grand nombre d'espèces animales. Très nombreuses sur les lapins, elles ne sont pas suffisantes en nombre sur les cobayes, chiens, chats, canards, oies, poules, moineaux et pigeons. On peut toutefois en déduire quelques considéra- tions utiles et, en particulier, cette loi formelle que la produc- tion de chaleur est, avant tout, fonction de la taille. Reprenons les chiffres ci-dessus indiqués. Nous avons les moyennes suivantes : Température extérieure. kilog. degrés. calories. Lapins de 2,500 en moyenne, 13 4 200 Cobayes de 0,700 1! 6 600 Cobayes de 0,150 10 12 500 Lapins de 0,300 10 8 000 Enfants de 8,000 — 19 4 000 A ces expériences déjà rapportées plus haut, ajoutons-en quelques autres pour des animaux de poids différents. Les tem- pératures sont différentes, ce qui rend la comparaison assez imparfaite. On verra cependant qu'on en peut déduire quel- ques faits formels l. 1. Plusieurs des expériences rapportées ici ont été faites avec un autre récepteur calorimétrique. Elles sont marquées d'un astérisque. Pour obtenir un chiffre comparable en centimètres cubes, le chiffre obtenu expérimentale- ment a été multiplié par 0,6, tel étant à peu près le rapport des volumes CALORIHÉTRIE. 193 ES PI l ES Chienne* Chienne ' Chi en * . Chien. . Chiens. . Chiens*. Chat. Chat. Oie». Oie . Oie». Oio . Canard*. Canard . Canard . Canard . Canard . Poule. . Poule*. . Poule. . Pigeons. Pigeons. Pigeons. Moineaux Moineaux Moineaux NUMEROS dea i \i i Rjl v i ^. CC XL CCXLV1 ex CCCXCV] XC1 XCIX lui CCCCXVII LXXXII LX1 c CCCCXVII] LXII LV1II X CCCXCII CCCLXXXVIII CC3LXXXIV LXIII CCCCXXIV I VII LV LXIX LXXI LXXIII kUog 11,000 11.(1110 7. '.Mil) 1,650 643 640 3,135 1,760 3,335 3,310 3, 27(1 3,160 1,700 1,711(1 1,630 1,375 1,350 1,550 1,470 900 320 320 370 20 20 20 EXTERIEURS. 12 12 !) 22 I 4 13 15 15 9 24 15 15 10 24 25 15 20 H) 10 10 12 12 12 i:\ nui i RE! iS 70 72 47 40 43 42 65 64 75 70 57 29 69 64 122 136 115 418 430 457 3569 3 569 2544 5810 5976 7 300 3300 4 482 3971 3320 3 569 3 486 5 395 5312 (122:; 5 810 4731 2407 5 727 5312 10126 11288 9175 34694 35690 37 930 Si nous réunissons à ces expériences celles que j'ai données respectifs de la boule et de l'autre récepteur calorimétrique. D'autres expé- riences encore, marquées de deux astérisques, ont été faites en plaçant l'animal dans l'œuf de cuivre. Elles ne portent, 'd'ailleurs, que sur des lapins et des chiens. Il n'existe dans la science aucune observation calorimétrique sur les oies, canards, pigeons, moineaux. M. d'Arsonval a fait une expérience sur une poule, une autre sur un chat, une autre sur un cobaye ; et c'est à peu près tout ce qu'on possédait en fait de calorimétrie directe, avant les expériences que je rapporte ici. 196 CHARLES HICHEÏ. plus haut, et si nous prenons la moyenne générale, de ma- nière à avoir des chiffres ronds, nous pouvons en déduire les résultats suivants : NOMBRE d'expériences. ESPÈCES. POIDS M 0 Y K N • CALOKIKS M il Y r. N N E ' . on s Bfi VA TIONS kilo?- 3 Chiens. 10,000 3 200 15 Enfants. 7,500 4 000 4 Oies. :).2.'iii 3 500 1 Chat. 3,150 3 300 1 Chat. 1.700 4 500 1 Chien. 1,650 5 800 5 Canards. 1.300 5 500 1 Polllc. 1,500 5 7111) 5 Cobayes. 700 6 G00 3 Pigeons. 300 m :,uo 3 ( "liaves. 150 12 500 3 Moineaux. 20 36 000 De ce tableau d'ensemble, on peut déduire, dès l'abord, cette première conclusion fondamentale : c'est que la taille est la condition qui exerce l'influence prépondérante sur la production de chaleur par kilogramme. Ainsi des oies, des chats et des lapins, de même poids, dégagent à peu près la même quantité de cbaleur. Cette condition n'est pas la seule, quoiqu'elle soit la plus importante. Il y a encore l'influence du tégument. Les enfants, dont la peau est nue et sans fourrure, dégagent plus de calo- rique que des lapins de poids trois fois moindre. Pour apprécier, autant que possible, l'influence de la surface sur la production de chaleur, nous pouvons appliquer à ces chiffres la méthode que nous avons employée précédemment pour des lapins de poids divers; c'est-à-dire que nous consi- dérerons nos animaux comme de sphères parfaites, de densité homogène et égale; et alors, connaissant leur poids, nous connaîtrons leur surface. Nous établissons ainsi la production de chaleur par CALORIMÉTRIE. 191 L'unité de surface el nous pouvons donner le tableau sui- vant ' : Chiens . Enfants Oies . . Lapins . Lapins . Lapins . Lapins . Lapins . Lapins . Chien. . Chat . . Canards. Cobayes. Pigeons. Cobayes. Moineaux 13,2 12,1 9,1 9 » s. s 8.0 8,4 8.2 7,9 7,3 7,3 7,1 5,5 4,2 3,35 1,05 ,000 ,500 ,250 ,100 ,900 ,700 ,500 ,300 ,100 ,650 ,700 ,300 700 300 150 20 2 L95 1844 1 013 1 021 97 G 932 889 841 786 671 07 1 645 381 222 141 13,80 c A I.nit i ES [•OTAI.I . 1)00 000 375 290 350 s:,:; 550 165 9.33 570 650 250 620 150 865 720 Al; i Mil de i i . kilog. 3 200 4 000 3 500 3 320 3570 3 650 3 820 3 985 i 730 5 800 i :ino 5 500 6 000 10 500 12 500 36 000 PAR UNITÉ Disposant ces nombres en séries homogènes, c'est-à-dire d'après la nature du tégument, nous trouvons les chiffres suivants pour le nombre de calories produites par l'unité de surface : ['EAU NUE. Calories par unité de surface. Eufants 16,2 ANIMAUX A FOURRURE M A I G R E. Chiens 14,4 ANIMAUX A FOURRURE ÉPAISSE. kilog. Lapins de 3,400 .. . 10,1 — de 2,900 10,6 1. C'est là le tableau principal et qui résume le mieux toutes ces recherches. 198 CHAULES RICHET. Calories par unit*' kilo?. de surface. Lapins de 2\700 10,;; — de 2,500 10,75 — de 2,300 10,9 — de 2,100 H,3 Chat de 1,700 11,4 Cobayes de 700 12,2 — de 150 13,2 oiseaux (tégument couvert de plumes). kilo?. Oies de 3,250 10,9 Canards de 1,500. .... 12,8 Pigeons de 0,300 14,1 Moineaux de 0,020 52,0 Ces chiffres sont tout à fait instructifs, et ils démontrent, avec une pleine évidence, le rôle joué par le tégument dans la fonction calorique. On devra désormais, dans toutes les expériences de calorimétrie, rapporter les chiffres obtenus, non pas au poids, mais à la surface. Même en rapportant les chiffres à l'unité de surface, les petits animaux semblent encore produire plus de chaleur (on le voit bien pour les lapins par exemple). C'est que, pour de petites sphères, les inégalités de la surface sont plus impor- tantes que pour des sphères volumineuses ; et ce n'est que très grossièrement que l'on peut comparer un animal à une sphère parfaite. De ces chiffres semble aussi se dégager une autre influence ; c'est celle de la nature du tégument. Les enfants, dont la peau est nue, produisent, par l'unité de surface, plus de chaleur que les animaux qui sont pourvus de fourrure. Ainsi la production de chaleur a été pour eux de 16,2 par l'unité de surface, tandis qu'elle a été de 10, 11, 12, 14 pour les autres animaux. Les chiens, dont la peau, sans être nue, est cependant mal pourvue au point de vue de la fourrure, dégagent beaucoup de chaleur par unité de surface : 14,3 et 14,5. CALORIMÉTRIE. 199 Quant aux autres animaux, à part quelques exceptions peu importantes, on peut tout à fait les ranger par ordre de taille, les plus gros produisant par uni té de surface iinpeu moins que les {tins petits. Mais alors les différences sont bien moindres que quand on prend la production de chaleur par rapport au poids. Il semble aussi, d'une manière générale, que les oiseaux (oies, canards, pigeons) produisent, toutes conditions de poids égales d'ailleurs, un peu plus de chaleur que les mammi- fères : lapins, chats, cobayes. Quant au nombre considérable de calories que donnent les moineaux par unité de surface, il doit rester tout à fait à part, à cause de la petitesse extrême de leur poids. Notons aussi que la température propre du corps est dans un certain rapport avec la radiation calorique ; ainsi les oiseaux ont une température plus élevée que les lapins, les lapins plus que les chiens, et les chiens plus que les enfants. Donc, les températures centrales chez ces divers animaux étant respectivement à peu près de 4°2°, 40°, 39°, 5 et 37°, cette variation de la température organique tend à contre-ba- lancer l'influence du tégument. Plus la température élevée de l'animal entraîne une radiation intense, plus cette inten- sité de la radiation est empêchée par un tégument protecteur. Il y a donc dans la nature une sorte d'équilibre qui tend à s'établir entre la température de l'animal et la force protec- rice de son tégument. Plus la température est élevée, plus le tégument est protecteur, sans que l'on puisse dire si l'élé- vation delà température propre est alors un effet ou une cause. Il n'y a guère que les petits animaux tout jeunes, dépourvus de fourrure au moment de la naissance, qui réalisent un ensemble de conditions défavorables au point de vue de la conservation de la chaleur. En effet, ils sont de petite taille, et ils ne sont pas protégés par une toison épaisse; aussi sont- ils, pour ainsi dire, couvés par la mère qui ne peut pas les abandonner, sous peine de les voir périr de froid. 200 CHARLES EUCHET. En somme, nous voyons que la production de chaleur est. Fig. GO. — Chaleur dégagée par des oiseaux de taille différente. Sur l'ordonnée inférieure sont indiquées les minutes. Sur l'ordonnée latérale, les cen- timètres cubes indiquent la quantité d'eau écoulée, par conséquent la chaleur dégagée. 1 centimètre cube = 83 calories. Les points qui interrompent la courbe indiquent les moments où la mensuration a été faite. Les pigeons pesaient 325 grammes en moyenne, et les moineaux 20 grammes en moyenne. La courbe se rapporte à L kilogramme d'animal pour l'oie et le canard : à 500 grammes pour les pigeons, et ii "ir>tl grammes pour les moineaux. On voit que la production de chaleur est absolument fonction de la taille; les oiseaux produisant, par kilogramme, d'autant plus de chaleur qu'ils sont plus petits. CALORIMÉTRIE. 201 sur un animal normal, sous la dépendance des dois conditions Fig. 61. — Mêmes indications que pour les figures précédentes. Lapin rasé, moyenne de trois expériences (XLI1,L et LIV). — Lapin normal, moyenne de six expériences (Vf, IX, Xlf, XXL XXIX et XL1V). — Pigeons de 350 grammes, moyenne de quatre expériences (I, LVI, VII et XIX). — Cobayes de G)!.", grammes, moyenne de quatre expériences (XXXIX. XL, XUII et XLII). — Cobayes de 145 grammes, moyenne de trois expériences (LVII, XIII, XXIII). — Pour ces derniers, la quantité de chaleur est rapportée à 500 grammes, et non à 1 kilogramme. suivantes: l°]a surface de l'animal (ce qui signifie que, moins son volume est considérable, plus sa surface est relativement 202 CHARLES KICHET. étendue) ; 2° la température extérieure; 3° l'état du tégument, la radiation calorique étant d'autant moins grande que la toison est plus épaisse. Ces faits sont dans leur ensemble connus depuis longtemps ; ils n'en sont pas moins importants à établir; car ils montrent à quel point toutes les parties de l'organisme vivant sont liées les unes aux autres par une solidarité étroite; la consommation chimique des tissus dépendant du milieu extérieur et de la surface tégumentaire. . VI De quelques conditions qui modifient la production de chaleur. Nous allons donner rapidement quelques indications sur diverses influences qui modifient la production de chaleur. Une des plus importantes, c'est l'état du tégument. Ainsi qu'on devait s'y attendre, quand le tégument est rasé, la pro- duction de chaleur est beaucoup plus grande. Nous avons précédemment démontré que les lapins com- plètement rasés ont une température légèrement inférieure à celle des lapins dont la fourrure est intacte1. Cette différence est d'un demi-degré environ : les lapins rasés ayant 39°, 2, alors que les lapins non rasés ont 39°, 7. Nous avons remarqué, en outre, que les lapins rasés mangent beaucoup plus que les autres, comme si, pour suffire à une déperdition de calorique plus abondante, ils devaient consommer une plus grande quantité d'aliments. Cette loi s'est trouvée confirmée par une bien intéressante observation que nous avons pu faire, avec M. R. Dubois, au 1. Revue scientifique, 1884, 2e sem., p. 303. — Voyez aussi la figure donnée précédemment (fig. 60, p. 200). CALORIMÉTRIE. 203 laboratoire du Havre. Il s'agissait d'un lapin présentant une curieuse monstruosité. Sa peau était dépourvue de poils. Or cet animal était d'une voracité extraordinaire, à ce point que le garçon de l'aquarium le disait atteint du ver solitaire Mal- heureusement la température de ce lapin à peau nue n'a pas été prise. (Il mourut le lendemain de notre arrivée au labora- toire.) En outre, les lapins rasés diminuent de poids constamment, alors que, dans les mômes conditions, les lapins non rasés augmentent constamment de poids. 11 y a donc là quatre phénomènes corrélatifs : les lapins rasés mangent plus que les autres ; ils diminuent constamment de poids ; ils ont une température plus basse ; ils perdent plus de chaleur. Je donnerai quelques chiffres au sujet de la perte de poids des lapins rasés. kilog. 26 octobre 2,400 Rasé ce même jour. 27 — 2,400 28 — 2,415 3 novembre 2,3.'i0 o — 2,252 12 — 2,326 28 — 2.125 Rasé de nouveau. 6 décembre 2,305 Le poil commence à repousser. 23 - 2,475 26 janvier 2,480 On voit que le fait d'être rasé, s'il n'a pas fait perdre fina- lement beaucoup de poids, au moins a empêché la croissance de l'animal. Deux jeunes lapins d'une même portée sont mis en com- paraison; l'un pesant ik*,520, l'autre pesant lkg,508. Au bout de onze jours, celui qui a été rasé a augmenté de 165 grammes; l'autre, non rasé, a augmenté de 372 grammes. D'autres expériences analogues, que je ne rapporte pas ici, ont été faites, et elles donnent le même résultat. 204 CHARLES RICHET. Au point de vue de la production de chaleur, avant d'opé- rer avec mon calorimètre à siphon, j'avais constaté que le rayonnement était plus grand pour les lapins rasés. Ayant placé un lapin devant un réflecteur en cuivre poli, concave, qui concentre les rayons calorifiques sur la boule d'un ther- momètre de Leslie, j'ai trouvé que le rayonnement d'un lapin normal faisait dévier le thermomètre de 4,5; tandis qu'un lapin rasé le faisait dévier de 8,5. Le lendemain, un lapin normal donnait une déviation de 3,5, et un lapin rasé de 7,5. Pour les expériences de calorimétrie, voici les chiffres ca- lorimétriques trouvés avec un récepteur calorimétrique diffé- rent de la boule (couveuse de M. d'ArsonvalV. LAPINS NO H M A U X calories* Expérience III 2 990 IV 3 490 V 2 990 XVI 2 990 Moyenne.. . . 3115 LAPINS RASES calories. Expérience LXV1II o 930 - XCV 5 180 Moyenne. O .)0.) Dans les expériences faites avec la boule, les calories pro- duites ont été : LAPINS RASÉS Température extérieure. calories. degrés. Expérience XIII 4 320 » L 4070 8 LIV 5 480 6 La moyenne de ces trois expériences nous donne le chiffre CALORIMÉTRIE. 203 de 4kg,620, chiffre supérieur à celui que donnent des Lapins du même poids à ces températures. Je n'ai, d'ailleurs, pas d'autres expériences à donner sur ce point; car le fait est très simple et trop évidont pour mé- riter une longue étude. Si, au lieu de raser des lapins, on les enduit d'huile de lin ou de vernis, on observe aussi une déperdition calorique plus abondante, et, comme l'ont constaté divers auteurs, on les voit se refroidir assez vite pour que la mort soit vraisembla- blement attribuable au froid1. L'expérience suivante en donnera un exemple : Un lapin, ayant une température de 39°, 6, est recouvert, à neuf heures, d'huile de lin. A deux heures, sa température est à 36°, 8. Malgré cet abaissement notable, il donne alors 4570 calories. Le lendemain matin, sa température est de 22", 8; il est mourant, et la rigidité cadavérique survient presque immé- diatement. Les lapins huilés perdent rapidement de leur poids. Ainsi, pour en citer un exemple tout à fait remarquable : un lapin huilé le 8 décembre et pesant 3kg,270 pesait le 9 décembre 2k!\640 ; ce qui fait une diminution de poids de 630 grammes, c'est-à-dire de 19 p. 100 en vingt-quatre heures. Malgré cela, la quantité de chaleur produite, ou perdue, a été considérable, soit (exp. LXXVI) de 5 560 calories, chiffre tout à fait anor- mal pour un lapin pesant plus de 3 kilogrammes. Dans une autre expérience, la perte en calories a été de 4 900 calories pour un lapin incomplètement enduit d'huile (exp. XGIV), et, dans une autre (exp. LXV), de 4 650 calories. En effet, si l'on veut conserver des lapins couverts d'huile, il ne faut pas enduire tout le poil; car alors ils meurent rapi- dement. Quoique incomplètement enduits, ils perdent de leur h Voyez la bibliographie afférente à cette question dans mon article peau, du Dictionnaire de médecine el de chirurgie prat., p. 369. 206 CHARLES RICHET. poids, ou du moins n'augmentent pas, comme l'indiquent les chiffres suivants : kilog. 4 décembre 2,820 13 — 2, 830 18 — 2,800 30 — 2,800 13 janvier 2,830 18 mars 2,810 Sur un autre jeune lapin, pesant, le 13 février, lk",465, on fait incomplètement une imbrocation d'huile qu'on renouvelle le 23 février. Le 14 mars, il pèse lk",970, tandis qu'un lapin de la même portée qui, le 13 février, pesait lk?,455, pesait, le 14 mars, û)kg Q-TA - 1" ' u* Ici encore, nous trouvons une relation entre la production de chaleur et de poids. Les animaux qui perdent beaucoup de calorique, par suite d'une disposition quelconque de leur tégu- ment, ne peuvent pas augmenter de poids. Ils consomment vraisemblablement plus d'aliments, plus d'oxygène, leur dé- nutrition est beaucoup plus active, alors que leur assimilation est inférieure à ce qu'elle est chez des animaux normaux. J'ai étudié aussi l'influence des aspersions d'eau froide sur le tégument, et j'ai pu constater qu'un lapin mouillé et trempé dans l'eau froide, non seulement dégage plus de cha- leur quand il est mouillé; mais encore, quand il a été séché, continue à en dégager des quantités plus considérables. Les choses se passent comme si, pour résister à la déperdition plus grande de calorique, son système nerveux avait ordonné une production plus grande de chaleur, production qui se prolonge au delà du temps que dure la déperdition exagérée de calorique1. 1. M. d'Arsonval a donné cette même expérience [Bull, de la Soc, de Biol., CALORIMÊTRIE. 207 Un lapin (exp. LXXXVII et LXXXVIII) ayant donné 3 690 calories a été mouillé, puis séché soigneusement ; puis sa calorimétrie a été déterminée, et elle a été alors de 4)390. Un autre lapin, mouillé, puis séché, a donné 4 480 calories (exp. LXVII). J'ai aussi cherché cà voir si un jeune lapin, successivement mouillé pendant plusieurs jours, présenterait une diminution de poids quelconque. Les etlets n'ont été appréciables qu'au début, alors qu'il était tout à fait jeune ; plus tard, il n'y a pas eu, sous rintluence de ces douches quotidiennes, d'eilet appré- ciable sur sa nutrition. Voici les poids observés sur ce lapin mouillé, comparés aux poids d'un lapin normal de la même portée : Lapin mouillé. Lapin normal. kilo^r. kilogr. 13 f'évrior 1,410 1 ,45o 14 — 1,420 i,;;o8 16 — 1,423 1,625 18 — 1,46,'i 1,720 20 — 1,579 1,700 23 — . . 1,755 1,830 27 — 1,825 1,910 3 mars 1,935 2,025 12 — 2,105 2,305 14 — 2,040 2,270 25 — 2,290 2,310 On voit que ces bains répétés n'ont guère eu d'intluence sur le poids de ce lapin que dans les premiers jours, lorsque l'animal était tout jeune, ou peut-être non habitué encore à ce régime. Dans des expériences ultérieures, je soumettais quotidiennement des lapins à des allusions d'eau froide. Deux lots de six lapins chacun ont en un mois augmenté de la même manière; un de ces lots servant de témoin, l'autre lot au con- traire était chaque jour soumis à des affusions froides. 27 décembre 1884, p. 766), qu'il avait faite il y a longtemps, mais cpje j'igno- rais, quand je l'ai indiquée, dans la séauce du 13 décembre 188 i. C'est une expérience importante, et qui .mérite assurément d'être répétée. 2ns CHARLES HIC H ET. Il était assez intéressant d'étudier l'influence de la couleur du tégument. Voici quelques expériences à cet égard : Lapin blanc : Poids, 21*?. 310. Lapin gris : Poids, 2kg.?,li>. Température (Exp. CCCCX1X. (Exp. CCCCXX. extérieure. calories. cnlories. degré*. 2990 3.653 11 Soit, la chaleur fournie par le lapin blanc étant de 100, celle fournie par le lapin gris a été de 122. Lapin blanc : Poids, 2k;, 290. Lapin noir : Poids, 2 kilog. Température (Exp. CCCCXXI.) (Exp. CCCCXXH.) extérieure. calories. calories. degrés. 2 570 3 320 20 Soit, la chaleur fournie par le lapin blanc étant de 100, celle fournie par le lapin noir a été de 130. Lapin blanc : Poid*. 2kg. 150. Lapin gris : Poids, 2kg, 460. Température (Exp. CCCCXXVII.) (Exp. CCCCXXVL) extérieure. calories. ca'ories. degrés. 3 400 4 070 19 Soit, la chaleur fournie par le lapin blanc élaitde 100, celle fournie par le Japin gris a été de 11 6. Lapin blanc : Poils. 2ig,l20. Lapin noir : Poids, 2k?,3i>0. Température (Exp. CCCCXXVIII.) (Exp.CCCCXXIX.) extérieure. calori-s. calories. degrés. 3 400 3 960 Soit, la chaleur fournie par le lapin blanc étant de 100, celle qu'a fournie le lapin noir a été de 1 16. Lapin blanc : Poids, 2'»g, •>,,,. Lapin noir : Poids. 2kg ,300. Température (Exp. CCCCXL.) (Exp. CCCCXL I.) extérieure. calories. calories. degrés. 2 570 2 8i'0 23 Soit la chaleur fournie par le lapin blanc étant de 100, celle qu'a fournie le lapin noir a été de 109. CALORIMÉTRIE. 209 Ainsi, dans ces cinq expériences, les lapins blancs ont notablemenl moins dégagé do chaleur que les Lapins gris ou les lapins noirs. Cela, du reste, pouvait être prévu a priori; car les objets blancs rayonnent moins que les objets noirs. On peut aussi remarquer que dans les pays froids le pelage des animaux est blanc, tandis qu'il est noir et coloré dans les pays chauds. Le soleil, qui tend à développer le pigment, tend en même temps à faciliter le rayonnement calorique. Quelques expériences ont aussi été faites sur l'électrisa- lion. J'ai montré, dans des recherches antérieures1, que les animaux électrisés, par exemple les chiens, augmentent énor- mément de température et qu'on pouvait, dans ces conditions, la porter à 42°, 43° et môme 4o°. M. Rosenthal2 a objecté à ces expériences qu'il ne s'agissait probablement pas unique- ment d'un accroissement de chaleur, mais aussi d'une moindre déperdition, par suite d'un spasme des vaso-constricteurs. Cette hypothèse est bien peu vraisemblable ; car les animaux électrisés ont une respiration extrêmement fréquente, une haleine brûlante et la peau très chaude : ce qui ne concorde guère avec un amoindrissement dans le rayonnement calo- rique. ^Néanmoins, il était indispensable de faire l'épreuve calorimétrique directe. Voici le résultat de ces expériences : Deux lapins normaux étaient placés simultanément cha- cun dans une des boules, et, comme ils étaient de poids égal et que la température extérieure était égale pour les doux, les conditions sont absolument comparables. Si l'on suppose la chaleur dégagée par le lapin normal égale 1. Bulletin de l'Acade'mie de médecine, 1881, n° 34. 2. Hekmann's Handbuch der Physiologie, t. IV, 2e partie, p. 328. TOME i. j i 210 CHARLES RICHET. à 100, la chaleur dégagée par le lapin électrisé a élé de : Expériences CCXCVH et CCXCVIII 138 CCXCIXetCCC 114 — CCCIII et CCCIV 145 — CCCV et CCCVI 109 — CCCIX et CCCX 1(17 — CCCXXXVI et CCCXXXVH 131 Par conséquent, comme moyenne de ces six expériences, la chaleur d'un lapin normal étant de 100, la chaleur d'un lapin électrisé est de 124. En chiffres calorimétriques la chaleur dégagée par ces six lapins normaux a été de 3490 calories en moyenne, tandis que la chaleur des six lapins électrisés a été de 4 320 calories. Ainsi Félectrisation dégage de la chaleur, soit par com- bustion intra-musculaire, soit par stimulation du système nerveux. Il faudra étudier l'influence sur le dégagement de chaleur non plus d'excitations électriques faibles et répétées à de courts intervalles, mais de fortes excitations électriques uniques '. VII Influence de quelques substances toxiques sur la production de chaleur. Ces expériences sont malheureusement trop peu nom- breuses; on pourrait cependant les varier et les multiplier presque à l'infini; mais cette étude calorimétrique est plutôl l'indication d'un procédé d'étude qu'une étude complète sur tout ce qu'on pourrait faire. Il semble que ce soit un moyen misa la portée des expérimentateurs, qui pourront ainsi Faire 1. Les lapins électrisés dans ces expériences étaient excités par des courants d'induction répétés l'une pile Grenet n° 5 de la bobine, 50 excitations par se- conde) pendant une minute, toutes les dix minutes à peu près. Un des pôles était appliqué au cou; l'autre, à une des pattes postérieures. CALORIMÊTRIE. 211 des recherches fructueuses, pluiôl que L'ensemble de toutes les expériences qui pourraient être tentées. Autrement ai y. c kilog. gr. 1 cr 3.320 0,023 2'' 3,240 0.03 3<= 3,200 0,04 :;e 3,200 0,05 6« 3,183 0,06 6* 3,183 " M O ME N T de l'expérience. 30 m. après. 30 m. après. 30 m. après. 45 ni. après. 30 m. après. 3 h. après. 59 56 50 4 900 i 650 3140 5 L6fl i 150 3 650 9 9 7 8 10 11 Dans d'autres expériences, avec un autre récepteur calo- 1. J'ai cherché à savoir si les injections sous-cutanées non médicamenteuses ni toxiques modifiaient le dégagement de chaleur; le résultat a été peu marqué, La chaleur d'un lapin normal étant de 100. celle d'un lapin qui avait reçu 10 grammes d'eau en injection sous-cutanée a été de 84 (Exp. CCCCXXXII et CCCCXXXI1I). 2. Bulletin de la Société de Biologie, 1884. p. 750. 3. Ce même lapin, huit jours après ces expériences, a donné 3 490 calories. 212 CHARLES RICHET. rimétrique, j'ai trouvé pour le même lapin dos chiffres corré- latifs : expérience CXXII, injection de 0sr,03, 3740 calories; expérience CXXVII, injection de (F, 04, 4 730 calories. Je ferai aussi remarquer la diminution rapide du poids de l'animal. Quoique sur les lapins on voie souvent des oscilla- tions de poids considérables, une diminution de K55 grammes en six jours est assez notable. On comprend bien la raison de cette diminution de poids. Si l'alcaloïde de la coca provo- que une dénutrition active, il doit s'ensuivre, en même temps qu'une élévation de température, un certain amaigrissement, puisque c'est aux dépens des tissus que se fait cette produc- tion de chaleur exagérée. La cocaïne est donc une substance qui donne la fièvre, qui accélère les fonctions chimiques des tissus par une stimulation du système nerveux. Elle agit comme la piqûre du cerveau, et, quoique le mécanisme soit bien différent, au fond il s'agit toujours d'une stimulation du système nerveux, lequel accélère les fonctions chimiques '. D'ailleurs, d'une manière générale et sans avoir de preuves absolument démonstratives pour établir une loi rigoureuse, il m'a toujours paru que la quantité de chaleur produite était en rapport avec la température organique. Autrement dit : quand une substance élève la température, elle élève en même temps la production de chaleur. Quand une substance abaisse la température, elle diminue la production de chaleur. La théorie des vaso-moteurs et de leur influence calorifique est sans doute vraie dans ses lignes générales; mais, pour un grand nombre de cas, ce qui détermine le plus ou moins de chaleur, ce n'est pas le plus ou moins de déperdition, c'est la quantité de production. La cocaïne, qui augmente la produc- tion, augmente la déperdition. On peut donc approximative- 1. Un chien qui, à l'état normal, m'avait donné (Exp. CX) 4 070 calories, m'a donné, après l'injection de 8 centigrammes de coca'ine (Exp. CX1V), 5 790, chiffre tout à fait considérable, qui est en rapport avec l'élévation de sa température interne, laquelle était de 38°, 9 avant l'expérience, et qui, une heure et demie après, était de U°,6. GALORIMETRIE, 213 ment savoir, par la température interne, la quantité de cha- leur produite; puisque, le plus souvent, quand la chaleur baisse, c'esl que la quantité de chaleur produite diminue; quand la température monte, la quantité de chaleur produite augmente en même temps que la radiation calorique. J'ai essayé aussi l'action du chloroforme, non pas au point de vue de ses effets après inhalation, mais après des injec- tions sous-cutanées de cette substance. On sait, depuis les recherches de M. Bouchard et de M. Laborde, que l'injection de chloroforme cà des lapins pro- voque une sorte de maladie ou d'empoisonnement chronique de l'animal, et que les effets sontbien différents de l'inhalation anesthésique. J'ai étudié l'action immédiate de ces injections chlorofor- miques. Quand on injecte du chloroforme (de 0"T,4 à lgr,2) on n'ob- serve guère que des effets locaux. En particulier, quand on l'injecte dans le nerf sciatique, les effets sont fort intéres- sants : l'animal témoigne d'une vive douleur quand on lui fait l'injection; une minute ou une demi-minute après, la patte est complètement paralysée, à la fois du mouvement et de la sensibilité. L'animal marche en laissant traîner sa patte. Par suite de la paralysie des extenseurs, c'est la face supé- rieure 'de la patte qui appuie sur le sol, et non plus, comme à l'état normal, la face plantaire. Il ne semble pas d'ailleurs que l'animal soit bien malade, car il continue à manger et semble se bien porter '. Le lendemain, la patte est œdémateuse, chaude, non dou- loureuse par suite de l'anesthésie, et complètement paralysée. Au bout de cinq ou six jours, on observe des phénomènes trophiques : ulcération des orteils, durcissement de la peau, œdème persistant. La paralysie persiste très longtemps. Au 1. Mes expériences ont porté sur des lapins de plus de 2ks,40l). 214 CHARLES RICHET. bout de trois mois elle n'a pas disparu. Les phénomènes tro- phiques d'ulcération el d'œdème sont remplacés par de l'atro- phie et de l'amaigrissement. En somme, dans le nerf sciatique l'injection de chloro- forme a les mêmes effets, à peu près, que la section du scia- tique, avec des phénomènes ulcératifs plus rapides, comme si, conformément à l'opinion de M. Brown-Séquard, l'exci- tation du nerf amenait plus rapidement des troubles de nu- trition que la section de ce nerf. Au point de vue calorimétrique, voici quels ont été les résultats de ces injections de chloroforme : calories. Expérience CXXX. Injection de lgr,.'>, une demi-heure après . 5 060 CXXXVI1I. Injection de 1 gr., un quart d'heure après. 4 400 CXXXIX. Injection de 8 gr.,une demi-heure après. 3 490 CXL. Même animal, deux heures après 2 740 CXLI. Même animal, le lendemain 2 740 CXLII. Même animal, le surlendemain 2 320 CLVI. Injection de 1 gr., une demi-heure après. 3 070 CCXVI2. Injection de 0êr,6, un quart d'heure après. 5 480 Ces expériences nous montrent que les effets du chloro- forme varient avec la dose et le moment où l'on en étudie les effets. A la dose de 1 gramme environ, injecté dans le nerf sciatique, le chloroforme produit une notable augmen- tation de chaleur (exp. CXXX, CXXXVIII, CCXVI). Il semble qu'il y ait une stimulation du système nerveux, stimulation analogue à celle que nous observerons en étudiant la piqûre du cerveau. Le chloroforme ainsi injecté dans les tissus est absorbé avec une lenteur assez notable, de sorte que, même avec de fortes doses, on n'observe guère de phénomènes généraux immédiats. Le lapin de l'expérience CXXXIX, une demi- heure après l'injection de la forte dose de 8 grammes de 1. Simultanément un autre lapin vivant, pris comme terme de comparaison, a donné 4 650 calories, soit, si l'on rapporte à 100 la chaleur du lapin normal, celle du lapin injecté au chloroforme a été de 118. CALORIMËTRIE. 215 chloroforme, donnait encore un nombre de calories presque normal. Sa température, à la fin de l'expérience calorimé- trique, élail de 38°; mais, deux heures après, la production en calories était notablement diminuée, puisqu'il ne produi- sait plus que "21 U) calories. Le lendemain l'animal vivait en- core, très malade, tremblant, titubant, et sa température était de X\",H. Il n'a cependant produit que 2 740 et 2 .'{20 calories. On ne peut donc attribuer l'abaissement de la tempéra- turc, dans le chloroforme, aune déperdition de chaleur exa- gérée ; la cause en est dans une production moindre. De même que la cocaïne, qui élève la température, élève la dé- perdition de chaleur, de même le chloroforme (à forte dose), qui abaisse la température, diminue la déperdition de chaleur. J'ai cherché à voir alors si des substances irritantes, comme les essences, portées directement sur le nerf seiatique, auraient des effets stimulants analogues. Voici ces expériences : Exp. CLVIII. Injection de 0sr,5 d'essence de thym; une demi-heure après, 4 480 calories1. En prenant comme terme de comparaison des lapins in- tacts placés dans la boule calorimétrique voisine, nous trou- vons les résultats suivants : Calories. Exp. CGX et CCXI. — Injection de \ gramme d'essence de thym . 4 030 Exp. CCX1I et CGXI1I. — Mêmes animaux, une heure après . . . 4150 Exp. CCX1V et CCXV. - Injec- tion de 1 gramme d'essence de thym, une heure après 3 570 Exp. CCXXIV et CCXXV. — In- jection de 0?r, 2 d'essence de tby in. 4 900 Exp. ccccxxxvi et ccccxxxvn.— Injection de 1 gramme d'essence de lavande 3150 97 23 1. Ce même lapin, une heure auparavant, avait donné 3 490 calories. Rapport Température au extérieure. apin normal. Degrés. 94 14 93 14 100 12,5 99 12 216 CHARLES RICHET. Rapport Températuri Calories. au extérieure. — lapin normal. — — Degrés. Exp. CCCCXLII el CCCCXLIII. — Injection do i grammes d'acide acélique 2 2i0 76 27 Exp. CCCCXLIV et CCGCXLV. — Mêmes animaux, deux heures après. • i 830 82 27 On ne peut donc guère conclure de ces expériences, sinon que l'injection d'essence est moins favorable pour produire de l'hyperthermie que l'injection de chloroforme. Il y a peut- être même une diminution dans la production du calorique. Il est possible, d'ailleurs, que les effets de stimulation thermique soient différents suivant la température extérieure. Les phénomènes physiologiques sont souvent d'une compli- cation extrême, et celui-là en particulier; de sorte que l'on devrait, pour conclure rigoureusement, répéter ces expé- riences à des températures différentes ! . vin Influence du système nerveux central sur la production de chaleur. La dernière partie de ces observations calorimétriques est aussi la plus longue et la plus difficile. Il s'agit de rendre compte des expériences nombreuses que j'ai faites sur la chaleur produite par les piqûres, les cautérisations et les traumatismes du cerveau -. 1. Je noterai pour mémoire qu'après une injection d'urine concentrée, injec- tion qui a été extrêmement douloureuse (exp. CLXVI), un lapin m'a donné 4 320 calories. Le lendemain, sa température était de 10°, 7 ; il a donné 4 400 ca- lories (exp. CLVII). Ce même lapin, avant l'injection, avait donné (exp. CLXIV et CLXV; 3 490 et 3570 calories. 2. Voyez notre première publication à ce sujet, du 31 mars 1884, Comptes CALORIMÉTRIE. 21" J'établirai d'abord < | n <- la piqûre du cerveau détermine une élévali le température; en second lieu, je prouverai que celle liyperthermie coïncide avec un»' production exa- gérée de calorique. Byperthermie produite par la piqûre du cerveau. En 1837, un médecin anglais, Brodie, publia un cas de lésion de la moelle cervicale, suivie d'une élévation de tempé- rature considérable, i3°,9 '.Des cas analogues ont été signalés par Billroth, qui vil une température de \T :1. après une fracture de la sixième vertèbre cervicale; par Simon, qui vit la température s'élever à 14°; par Frerichs qui, après une fracture des cinquième et sixième vertèbres cervicales, vit une température de 43°,8; par Werer, Fischer, Quinke et NlEDEN "'. Ainsi la blessure de la moelle épinière, surtout dans la région cervicale, peut, dans certains cas, provoquer une hy- perthermie générale considérable. rendus de l'Acad. des se, L884, t. XCYIII, p. 820. D'autres faits ont été ensuite publiés par moi sur le même point. Comptes rendus de l'Ac. des se., 13 avril 1S85, i. ('. p. 1021, et Bulletin de la Société de biologie, 29 mars 1884. p. 189; ibid., p. 209. 655, 707, et 1885, ibid., p. 2. Je tiens surtout à rappeler la première date de la publication, 31 mars 1884 : car l'expérience de l'hyperthermie provoquée par la piqûre du cerveau a été répétée récemment, en Allemagne, par MM. Aronsohn et Sachs, sans qu'ils aient eu vraisemblablement connaissance de mes recherches, dans le laboratoire de M. Kronecker, à Berlin [Ver. der Phys. Ges. zu Berlin, 31 octobre 1884; in Arch., fur Physiolog., 1885, p. 166, et Verein fur Innere Medizin, Berlin, 15 décembre 1884; in Deutsche Medic. Zeitung, n° 103, p. 621, 23 décem- bre 1884). Ces physiologistes ont vu que la piqûre du cerveau, au niveau de la con- fluence des sutures sagittales et coronaires, à droite ou à gauche du siuus longi- tudinal, élevait d'une manière permanente la température des lapins ou des chiens. Je donnerai, dans le cours de ce travail, de nombreux exemples de faits analogues que j'ai vus et publiés avant MM. Aronsohn et Sachs. Il y a donc, ce semble, quelque injustice à mettre au même rang les travaux de MM. Aronsohn et Sachs et les miens, car leurs expériences n'ont fait que confirmer les miennes. Certes ils en ignoraient l'existence ; mais cette ignorance ne donne pas, que je sache, droit à La priorité ni même à l'égalité. 1. Hkumann'.v Handbuch der Physiologie, t. IV, 2e part., p. 430, et Lorain, Etudes de médecine clinique, t. I, p. 499. 2. Cités par Rosenthal et Loraix, loco citato.Je ne mentionne pas le cas de 218 CHARLES RICHET. Expérimentalement on a pu réaliser ce même phénomène. M. Fischer a vu la piqûre de la moelle cervicale augmenter ha température de 1°,7; mais ce sont surtout MM. Na'i/nvn et Quincke qui ont fait sur des chiens des expériences démons- tratives à cet égard. L'expérience suivante ' peut servir de type : (( A un chien, dont la température est de 40°, on fait, lo « 10 mai, l'écrasement de la moelle cervicale; sa température « monte en cinq heures à 41°, 7; le lendemain, elle est de ois, elles portent sur les hémisphères cérébraux; mais ces auteurs ont cherché seulement à étudier les phénomènes vaso-mo- teurs et les températures périphériques consécutives. D'après eux, dans le membre du côté opposé à l'opération, la circu- l. Comptes rendus, 1876, t. ÇXLII, p. 56i. 220 CHARLES HIC H ET. lation périphérique et, en même temps, la température de la peau augmentent. Il résulte encore de la lecture de ces divers travaux que les effets des lésions du système nerveux central sur la tempé- rature sont tout à fait variables. Ainsi M. Lewizky contredit les observations de M. Tscueschischin; M. Kùssner n'est arrivé qu'à des résultats négatifs, M. Rosentiial n'a pas pu se former, d'après ses propres expériences \ une opinion défini- tive, et il incline plutôt à penser que les phénomènes thermi- ques ne sont que des phénomènes vaso-moteurs. Surtoul MM. Bruck et Gunter sont arrivés à des résultats différents; puisque, sur 2-'i expériences, onze fois ils ont eu un résultat positif et douze fois un résultat négatif. M. Schreirer ne peut pas non plus, dit-il, conclure pour l'existence de centres mo- dérateurs ou excitateurs de la chaleur. Toutes ces variations dans les opinions des expérimenta- teurs prouvent la complexité du phénomène. M. Wood - a fait de nombreuses expériences sur les effets que produisent les lésions médullaires, bulbaires et cérébrales. D'après lui, la section de la moelle à la région cervicale augmente la production de chaleur; de même aussi la piqûre, la section et la destruction de la protubérance. Il a fait, en outre de nombreuses expériences sur la piqûre ot la cautéri- sation du cerveau, en différents points de sa substance, des- quelles, ce semble, on ne peut rien conclure. En effet, si l'on tient compte des expériences où il y a eu diminution de pro- duction calorifique, ou trouve que la diminution de chaleur a été observée dans onze expériences et que l'augmentation a été observée dans quinze expériences, ce qui semble interdire une conclusion formelle à cet égard. Au contraire, dans dix expériences où la protubérance a été lésée, neuf fois il y a eu augmentation de chaleur, et dans des proportions considérables. D'ailleurs, voici comment M . Wood résume ses expériences, 1. Revice des cours scientifiques, 1872, p. 503. 2. Fever ; a Study in morbid and normal physiology. Washington, 1880. Ia-8°. CALORIMÉTRIE. 221 au point de vue de L'influence «lu système nerveux ' : « |>(. seul centre nerveux qu'on [misse trouver capable d'agir sur la production de chaleur, sans modifier la circulation générale c'est-à-dire les vaso-moteurs), est situé dans le pont de Va- role ou près du pont de Varole ; et, quoiqu'il puisse être un rentre \ ;is. . -moteur, il est plus probable que c'est un appareil inhibiteur de la chaleur, de nature quelconque, qui agit sur des centres en rapport avec lui, situe dans la moelle épinière. » Telles sont les conclusions du long travail de M. Wood, travail considérable, fruit de longues et patientes recherches, et qui a, pour la première fois, nettement posé ce problème de la production de chaleur — et non pas seulement de la température organique — sous l'influence des lésions trau- matiques du système nerveux. J'arrive maintenant à mes expériences, destiuées à établir que le système nerveux central agit, non seulement sur la température, mais encore sur la production de chaleur. Je vais montrer d'abord que l'excitation du cerveau, sans lésion des corps opto-striés et à plus forte raison du mésocé- phale, produit de l'hyperthermie. EXPERIENCE A. Lapin. A 3 » Température, degrés. 39,5 à ."via 40, i Le lendemain, ù 2 » 39,2 — à 3,15 42,8 — à 4,15 42,2 à 5,50 Piqûre du cerveau droit, par une épingle d'acier qui perfore le crâne. L'animal parait tout à fait intact. Nouvelle piqûre au même point. L'animal mange, marche, ne pré- sente aucun phénomène de trouhle moteur ou sensitif appréciable. Dans la nuit, il meurt. 1. P. 254, Conclusion IV. 222 Cil A H LES RI Cil ET. La piqûre a respecté les couches optiques et les corps striés, elle se trouve à 3 ou 4 millimètres eu avant de la partie antérieure du corps strié, occupant la partie postérieure du tiers antérieur du cerveau droit. La piqûre a traversé tout le cerveau de haut en has; la portion supérieure de la piqûre est nette, tandis que la partie profonde est mal délimitée. EXPÉRIENCE R. — Lapin. Température. heures. degrés. ' Cautérisation superficielle du A :; » 30,4 cerveau avec du perchlo- rare de fer. Le lendemain . . . à 3 » 42,25 EXPÉRIENC1 5 C. Température. heures. degrés. A 4 « 39,7 L'animal est attaché : à .") » 38,0 j Cautérisation superficielle du cerveau avec du phénol. Le lendemain. . . à 9h » 41,2 — à 10,30 41.7 Cautérisation nouvelle. — à 1,30 41,9 — à 4 » 41,6 Comme j'aurai l'occasion de rapporter, à propos d'autres expériences, des faits analogues, je me contente dé signaler ces trois hyperthermies, qui sont tout à fait caractéristiques, puisqu'il s'agit là de lésions qui n'ont certainement pas atteint le mésocéphalc. Il va sans dire qu'il est impossible de penser à une fièvre infectieuse quelconque. La marche de l'expérience l'indique bien suffisamment, comme aussi le fait que les agents anti- septiques n'empêchent absolument pas l'hyperthermie. Par conséquent, nous pouvons admettre, comme démontré, que la piqûre, la cautérisation, l'excitation mécanique et trau- CALORIMETRIE. 223 matique des hémisphères cérébraux onL un effet hyperther- niiquo, presque sans exception. En même temps que celte hyperthermie, on voit survenir de curieux phénomènes d'excitation. Les lapins, dits de chou, et qui servent à ces expériences, vivent en captivité dans une cage étroite. Ils ont alors les al- lures paresseuses et maladroites que chacun connaît. Ils avancent à grand'peine, incapables de courir, se traînant pour ainsi dire sur le sol, ne fuyant pas quand on les approche; marchant en tâtonnant, même si on les pousse; de sorte qu'on a la plus grande peine à les faire avancer. Or, quand on a piqué le cerveau, ou seulement quand on en a cautérisé la région superficielle, leurs allures sont devenues soudain tout à fait différentes. Ils sont maintenant farouches, sautant avec une agilité extrême, se sauvant en faisant des bonds prodi- gieux dès qu'on approche; dressant les oreilles comme font les lièvres ouïes lapins de garenne et n'ayant plus les oreilles traînantes des lapins de chou. Voici une expérience très concluante à cet égard, et qui montrera que la piqûre du cerveau agit simultanément sur la température centrale et sur l'excitabilité générale psychique de l'organisme : Lapin, à :i heures (28 juin 1885), T. 39°, 7. Piqûre du cerveau droit, à la région antérieure. Pendant deux minutes, l'animal reste à peu près immobile : aucun changement, sinon dans sa respiration qui est un peu plus fréquente ; puis, tout d'un coup, il se sauve quand on approche, et, alors, fait des bonds extraordinaires, traversant en un clin d'œil toute la grande salle du laboratoire. Il voit des deux yeux, n'a aucune paralysie du mouve- ment ou de la sensibilité, et, quand on ne l'excite pas. a les allures d'un lapin normal. A 4 heures, T. 41°,8. Le lendemain (20 juin), à 4 heures, T. 40°, 6. Le 1er juillet, il est toujours dans le même état; le 10 juillet, égale- ment. Il continue à bien manger, tout à fait intact au point de vue moteur et sensitif, flairant les autres lapins; mais faisant toujours, quand on l'excite, des bonds prodigieux et sautant avec agilité par-dessus tous les 22i CHARLES RI CIli: T. olistacles.il porle les deux oreilles droites, comme les lièvres. Le lojuil- let, l'animal est toujours dans le même état1. Sur les oiseaux, on observe aussi, après l'ablation ou l'excitation du cerveau, des phénomènes assez analogues, c'est-à-dire une excitabilité extrême. Les canards, les poules ainsi opérées courent sans pouvoir, pour ainsi dire, s'arrêter. Ils se lancent en avant, et, quoiqu'ils ne soient aucunement aveugles, ils vont buter contre les obstacles qui arrêtent leur course. J'avais d'abord pensé qu'il s'agissait là de la suppression d'une action inhibitoire normale; mais, comme me l'a fait remarquer M. Brown-Séquard, cette hypothèse est moins satisfaisante et moins simple que celle d'une augmentation d'excitabilité. D'ailleurs, il n'est pas besoin d'enlever la couche corticale du cerveau pour voir cette sauvagerie de l'animal; il suffit d'une simple piqûre du cerveau; ce qui exclut l'hypothèse de la suppression d'une action inhibitoire et rend beaucoup plus plausible l'opinion qu'il s'agit là sim- plement d'un accroissement d'excitabilité. De fait, quelle que soit la lésion du cerveau, pourvu que les corps opto-striés ne soient pas profondément lésés, qu'il s'agisse d'une piqûre, d'une cautérisation par des substances chimiques ou par le thermo-cautère, on voit survenir ces deux phénomènes qui marchent de pair : d'une part, l'accrois- sement de température; d'autre part, l'accroissement d'exci- tabilité psychique. Alors, tout naturellement, on est amené à penser que la cause de ces deux phénomènes est la môme; le cerveau est devenu plus excitable et commande des actions chimiques plus intenses, en même temps qu'il réagit plus vivement, par des mouvements, aux excitations sensorielles. C'est ce que 1. Ces phénomènes sont dilïérents de ceux qu'ont observés MM. MoNK et Christiani, à la suite, il est vrai, de traumatisâtes plus considérables (voyez l'ouvrage de M. Christiani : Zur Physiologie des Gehirnes, Berlin, 1885, pp. 14 à 50). GALORIMÉTRIE. 22b M. Brown-Séquard appelle tics actions dynamogéniques. La puissance du cerveau est exaltée; il fonctionne avec une acti- vité plus grande, aussi bien au point de vue chimique qu'au point de vue de l'excitabilité sensorielle et des mouvements spontanés. Si la piqûre est plus profonde, ou si, à la suite de piqûres répétées au même point, il s'est formé des abcès, de l'encé- phalite, détruisant certaines portions des ganglions opto- striés, ce n'est plus de l'excitabilité exagérée qu'on observe; mais une diminution de l'activité. On voit alors les lapins dépourvus, pour ainsi dire, de spontanéité. Ils ne mangent presque plus, ne voient plus, n'entendent plus; leur tête oscille et devient tremblante; ils ne se meLtent plus en mou- vement que quand on les excite en pinçant vigoureusement les pattes ou la peau. En un mot, ils sont plus ou moins analogues aux pigeons de Flourens. dont le cerveau a été en- levé. On peut donc distinguer deux périodes dans les effets des lésions cérébrales : excitabilité exagérée à la suite d'une piqûre légère et d'un traumatisme superficiel ; coma et stu- peur, à la suite d'une piqûre profonde et quand la lésion a détruit l'encéphale. La température suit ces deux phases. Tant que ï excita- bilité est accrue, la température croît; elle est diminuée au contraire dans la période de stupeur. Par conséquent,, elle traduit, pour ainsi dire, l'état du cerveau, et les phénomènes chimiques de la vie des tissus suivent la même marche que les phénomènes psychiques, croissant ou diminuant, suivant que l'excitabilité cérébrale est accrue ou diminuée. Il serait évidemment de la plus haute importance de pou- voir localiser et préciser les parties de l'encéphale qu'il faut toucher ou détruire pour faire ainsi croître ou diminuer l'excitabilité. Mais, jusqu'ici, il ne nous a pas été donné de faire cette détermination précise; et il faut nous résigner à ces notions vagues, telles que : piqûre superficielle, qui produit TOME ï. la 22G CHAH LES HIC H ET. l'excitation; destruction profonde, qui produit la paralysie '. Avant d'examiner les faits de calorimétrie, nous allons étudier les phénomènes qui surviennent du côté de la nutri- tion; et, pour cela, nous suivrons les effets de la piqûre du cerveau sur le poids des lapins. A cet égard, les expériences sont nombreuses et décisives. Je donnerai d'abord quelques exemples qui vont montrer de quelle manière se comportent, au point de vue du poids, des lapins normaux régulièrement nourris. Lapins nés le 2o décembre 1884 : Poids moyen. kilog. Le o janvier 0,220 Le 12 — 0,379 Le 13 février 1,432 1 Le 3 mai 2,406 (minimum, lk,285; maxi- mum, lk,57-J). (minimum, 2k , 1 90 ; maxi- mum, 2k,530). Voici un lapin normal qui nous a donné les poids sui- vants : Poids. Poids. kilo-. kilog. 24 avril 1884.. . . 2,023 27 avril 1884.. . . 2,085 20 — . 2,065 28 — . 2,125 1. On peut juger de la difficulté du sujet d'après les divergences des expéri- mentateurs. Voici M. Munk et M. Christiani, tous deux observateurs distingués, qui sont arrivés à des résultats absolument opposés. Je signalerai un fait qui n'a pas de rapport immédiat avec les phénomènes thermiques, mais qu'il me paraît cependant utile de mentionner ici; car, à ma connaissance, il n'a pas encore été indiqué, et c'est une expérience de cours assez instructive. — Des lapins, dont le cerveau a été plus ou moins complète- ment détruit, n'ont pas perdu la faculté de reconnaître la direction des sons; ils dirigent très exactement l'oreille vers l'endroit d'où vient le son, par une sorte d'action réflexe psychique très précise. Le pavillon de l'oreille suit le mouvement d'un objet sonore qu'on déplace autour d'eux, en avant, en arrière, faisant un demi-cercle qui suit le demi-cercle que fait l'objet sonore. Sur des lapins nor- maux, on ne voit rien d'analogue, et ils n'adaptent pas le pavillon de l'oreille à a direction des sons. C'est, je le répète, une expérience de cours, qui peut montrer comment, par un simple réflexe, le pavillon de l'oreille, chez les animaux doués d'une oreille très mobile, se dirige vers l'endroit d'où vient le son. CALORIMÉTRIE. ■l-il Poids. Poids kilog. 29 avril 1884. 2,138 30 . . . 2,020 Ier mai 1884. . 2.131» 2 2,202 3 — . . . 2,072 5 — 2.2'.:; kilog. 6 mai 1884 . . 2,264 7 — . . 2,180 8 — . . 2,150 9 — . . 2,137 10 — . . 2,200 12 — . . 2,344 Un autre lapin, ayant un abcès à la cuisse et cependant bien portant, nous adonné les poids suivants : Poids. Poids. kilog. kilog. 24 avril 1884. . 2,270 9 mai 1884 ... 2,270 20 — 2,340 10 — 2,330 27 - 2,312 12 — 2,355 28 — 2,380 13 — 2,320 29 — 2,340 14 — 2,295 30 — 2.280 10 2,310 1er mai 1884 2,250 17 — 2,330 2 — 2,280 19 — 2,430 3 — 2,300 20 — . 2,240 5 — . 2,475 21 — 2,220 6 — 2,390 22 — . 2,235 7 — 2,303 25 — . 2,220 8 — 2,313 Or, si l'on analyse ces oscillations, on voit que, pour con- sidérables qu'elles soient, elles ne dépassent cependant pas, en une période de vingt-quatre heures, 200 grammes : encore peut -on facilement expliquer ce chiffre de 200 grammes pour vingt-quatre heures, en admettant qu'un certain jour le chiffre était trop fort, et le lendemain trop faible, non certes par suite d'une erreur dans la pesée, mais parce que l'animal venait de manger ou n'avait pas uriné. Un lapin, s'il vient de manger et s'il n'a pas uriné, peut facilement peser 200 gram- mes de plus qu'un lapin qui est réellement du même poids, mais qui vient d'uriner et qui n'a pas mangé depuis plusieurs heures. Ce qui est important, ce n'est pas de voir une diminution 228 CHARLES RICHET. de poids ou une augmentation accidentelle; mais la marche progressive et régulière de la diminution ou de la progression. Voici quelques exemples d'effets de la piqûre du cerveau sur le poids des lapins : EXPÉRIEN CE P REM 1 È H E. Poids. kilo?. 20 mars 1885 2,090 Piqûre. 22 — 1,92b 25 — 1,830 26 — 1,775 — 27 — 1,775 — 1er avril 1885 .... 1,680 — EXPÉRIENCE II. Poids, kilo?. 2Ti avril 1885 1,670 Cautérisation du cerveau droit. 24 — 1,583 25 — 1,470 27 avril » Mort. Mais il s'agit là d'une lésion grave qui altère profondé- ment toutes les fonctions. L'expérience n'est vraiment inté- ressante que si elle porte sur des lapins dont la lésion est superficielle et peut facilement guérir. Voici l'exemple d'une lapine qui non seulement a guéri de sa piqûre cérébrale, mais encore qui a eu des petits après l'opération répétée plusieurs fois de suite. EXPÉRIENCE 111. Poids. kilos . 17 mars 1885 » Piqûre. 23 — » — [ Piqûre et cautérisation 24 — » avec le phénol et le ( peiclilorure de fer. CAL0RÎMÉTRI1 Poids. 229 21 avril 188.i. 24 26 — 27 — 28 — 29 30 — l«»mai 1885 2 3 — 10 — 12 — 13 l i — H) — 17 — Le lendemain , kllog. 2,350 2,31 S 2,505 2,450 2,480 2,50a 2,528 2,580 2,710 2,630 2,850 2,700 2,780 2,715 2,810 2,900 2,860 2,870 2.870 2,7 70 18 mai, a des pelits On voit par cet exemple qu'une ancienne piqûre du cer- veau n'a aucunement diminué l'accroissement et gêné la fécondation et la parturition. EXPERIENCE IV. l'oids. kilog. 1er mai 1 88o 1,800 2 — 1,845 3 — 1,950 5 — 2,170 o — 2,22:; 7 — 2,130 8 — 2,160 9 — 2,090 10 — 2,170 12 — 2,190 Piqûre du cerveau. 13 — 2.190 230 CHAULES RICHET. Poids. kilo-. 14 — 2,140 16 — 2,200 17 mai 1885 2,185 19 — 2,290 20 — 2,140 21 — 2,130 22 — 2,230 25 — 2,325 Est complètement guéri de sa piqûre et paraît tout à fait normal. Ainsi, du 1er au 12 mai accroissement de 319 grammes; soit 26 grammes par jour; du 12 au 22 mai, accroissement de 40 grammes, soit 4 grammes par jour, après piqûre du cer- veau. EXPÉRIENCE V. Poids, kilo». / Cautérisation du cer- 29 avril 1885 1,815 I veau occipital à l gauche. 30 — 1,670 1er mai 1885 1,590 2 — 1,630 3 — 1,610 5 — 1,580 6 — 1,525 7 — 1,590 8 — 1,540 9 — 1,450 10 — 1,520 12 — . . 1,580 13 — 1,630 14 — 1,495 16 — 1,615 17 - 1,550 19 — 1,695 20 — . 1,570 21 — 1,490 22 — 1,500 25 — 1,445 GAL0RIMETR1E. i\\ Cet animal, cjui a présenté immédiatement après la cauté- risation dos phénomènes d'excitation psychique extrêmes (avec une température de 40°, 4) est, le 25 mai, tout à fait re- mis, et il ne semble pas qu'il y ait do suppuration intra-cra- oienne. Cependant on voit combien la cautérisation du cer- veau a empêché son développement, puisque au bout d'un mois son poids a diminué de 400 grammes. Comparativement, voici les effets déterminés sur la nu- trition par des lésions de nerfs ou d'autres organes : EXPERIENCE VI. Poids, kilos. 29 avril 1885 2,060 30 — 2,070 1er mai 1885 2,01O 2 — 2,130 3 — 2,130 3 — 2,22a 6 — 2,180 7 — 2,200 8 — 2,180 9 — 2,152 10 — 2,180 ! Cautérisation incom- plète du nerf scia- tique. 14 2,140 16 — 2,250 T. 40°, 2. 17 — 2,223 T. 41°. 19 — 2,310 20 — 2,090 21 — 2,090 22 — 2,135 2.1 - 2,330 lerjuillet 1885 2,652 Très bien portant, quoiqu'il ait à la cuisse des lésions trophiques considérables. 232 CHARLES HIC II ET. EXPERIENCE VII. Poids 24 avril L884 26 — 27 — 28 23 — IM mai 1884 2 — 3 — .1 — ■ 6 — / ■ — 8 — 9 — 10 12 2,000 2,090 2,062 2,138 2,090 2.154 2,220 2,200 2,400 2,402 2,360 2,340 2.350 2,490 2,560 longation du sciatiqùe. nerf Cautérisation au ther- mo-cautère de la partie antérieure du cerveau. Température. heures, degrés. A :$ » à 4.30 à 6 » 13 mai 1884 2,315 14 — 16 17 — 19 — 20 — 21 22 — 25 — 2,292 2,360 2,390 2,531 2,320 2,330 2.360 2,480 40.0 40,8 40,2 40,2 40.2 Opération. Il parait, à ce moment, complètement remis de l'opération. On voit que l'animal, tout à fait remis de la lésion du nerf sciatiqùe, a rapidement augmenté de poids, puisque, du 24 avril CALORIMÉTRIE. 233 an 12 mai, c'est-à-dire en 18 jours, il a augmenté do l\'.')o grammes, tandis qu'après L'opération faite au cerveau il a diminué en ~ï jours de îi70 grammes et en 13 jours de 80 grammes. Nous donnons encore le poids d'un autre lapin dont, à plu- sieurs reprises, le foie a été légèrement piqué. Poids. Température kllog. degrés. 16 avril 1884. . . 2,090 Piqûre du foie. 39,0 17 — Nouvelle piqûre. 39,9 avant la piqûre 39,8 après la piqûre 18 39,6 19 — 40,2 24 — 1,923 26 2,155 27 — 2, lO.i 39,7 28 — 2,09:; 29 2,090 30 — 2,140 1er mai 1884 2,090 39,4 2 , 2,200 3 — 2,290 ,'i — 2,355 6 — 2,39b 8 — 2,320 9 — 2,275 10 — 2,420 12 — 2,560 Piqûre du foie. A 3 h. 40,1 A 6 » 40,1 13 2,320 40,0 14 — . 2,300 39,0 16 . 2,230 39.7 17 — . 2,333 39,8 19 — 2,515 20 — . 2,330 21 — . 2,290 gg . 2,370 1er juillet 18 8 - . 2,670 39,9 On voit, par cette expérience, que, si la piqûre du foie a fait, pendant un temps très court, diminuer le poids, la lésion 234 CHARLES 1UCHET. n'a pas eu d'influence grave et prolongée et que le lapin s'est complètement rétabli. Comme point de comparaison, je donnerai une nouvelle expérience, dans laquelle un lapin a été soumis à l'inanition. Poids. kilo-. -> • lotl, , no,> ( Injection de 1 ce. de san g 2 mai 1884 1,880 ,.,.., ( putréfie dans la cuisse. Température. degrés. heures. 39,5 A 1 » .'{9,7 A 1,30 3 — 1,865 :t9,7.-i 5 — 2,000 39,8 6 — 1,990 39,45 7 — 2,010 39,85 8 — 1,980 9 — 2,000 îo - 2,o8;; 12 — 2,090 40,0 A partir du 12 mai, soumis à l'inanition. 13 mai 1884 1,875 39,3 14 — 1,760 39,0 16 — 1,422 37,8 17 — 1,330 37,5 On lui redonne à manger. 19 mai 1884 1,570 39,7 20 — 1,430 39,3 21 — 1,405 22 — 1,455 39,5 25 — 1,725 Je ne multiplierai pas les expériences analogues ; car elles ne feraient que confirmer ces faits : toute lésion traumatique diminue le poids de l'animal opéré, et cette diminution est quelquefois extrêmement rapide. Quand la lésion porte sur le système nerveux central, et en particulier sur le cerveau, la GALORIMÉTRIE. 23S diminution de poids csl très intense, même quand l'animal peut se nourrir et quand il n'a aucune modification ap- préciable dans ses allures, aucun trouble moteur on sen- sitif. L'augmentation de température, l'excitabilité sensorielle, la diminution de poids sont trois phénomènes qui marchent de pair et qui se lient étroitement l'un à l'autre. L'excita- tion du cerveau amène une combustion plus active, une température plus élevée, et, partant, une dénutrition plus rapide. Il serait, en clinique médicale, d'un grand intérêt de pour- suivre cette influence de la fièvre sur le poids, et cependant peu de médecins ont entrepris cette étude. Il n'y a guère à cet égard que les excellentes leçons de Botkine1 et sur- tout un mémoire de Leyden\ D'après ce médecin distin- gué, la perte de poids, dans certaines fièvres, a pu atteindre par heure et par kilogramme 12 grammes environ, pendant la période aiguë de la fièvre. On ne comprendrait pas cette énorme perte de poids si l'on n'admettait une combustion exagérée des tissus, par conséquent, une production plus con- sidérable de chaleur3. i. De ta fièvre, traductiou française, Paris, 1872, 1 vol. in-8°. 2. « Untersuchungen uber das Fieber » [Deutsches Archiv fùrklinische Med., 1869, t. Y, pp. 305 à 371). 3. On trouvera encore quelques indications sur la perte de poids par la lièvre dans la Thèse d'agrégation de M. Du Castel, 1878, page 122 ; dans la Thèse inau- gurale de M. Sactarkl, Paris, 1869. D'après Wachsmuth, cité par Hirtz, article fièvre, page 723,1a perte de poids a été dans un cas de 16,2 p. 100 par kilo- gramme, en vingt-quatre heures. Je le répète, les indications des méde- cins, sur ce point, sont peu nombreuses. Le sujet a cependant une réelle im- portance. Quoique mes expériences portent sur des lapins, cependant j'ai pu ob- server des phénomènes analogues chez les oiseaux. Ainsi un canard opéré le 16 juin ISS.'i de l'ablation superficielle du cerveau, avait 42°, 1 à 3 h. 30 m., et son poids était de 1 630 grammes; à 5 h. 20 m. sa température était de 43°, 1 ; et le lendemain, vingt- quatre heures après l'opération (il n'avait pas mangé), sa température était de 43°,o, et son poids de 1 375 grammes, soit 17 p. 100 de perte de poids en vingt-quatre heures, perte coïncidant avec une hyperthermie considérable. 236 CHARLES RICHET. D'ailleurs, les expériences qui vont suivre, et qui portent sur la calorimétrie après traumatisme cérébral, vont donner, outre la calorimétrie proprement dite, quelques cas typiques d'hyperthermie et de dénutrition consécutives au traumatisme encéphalique. Je donnerai d'abord une sorte de statistique géné- rale des premières expériences faites en novembre-décem- bre 1884. Six expériences faites sur des lapins normaux m'ont donné une moyenne de 3 070 calories ; vingt expériences portant sur des lapins dont le cerveau avait été piqué ont donné une moyenne de 398o calories. Dans des expériences faites avec un autre récepteur calo- rimétrique, j'ai trouvé comme moyenne de huit expériences sur des lapins normaux 3 070 calories, et, comme moyenne de neuf expériences faites sur des lapins piqués, une moyenne de 3 650 calories. Par conséquent, dans ces deux séries on voit combien la piqûre du cerveau a augmenté la radiation calorique. Appelons 100 la quantité de chaleur émise par un lapin normal, le minimum a été de 90 et le maximum de 113 dans ces premières expériences. Quant aux lapins piqués, la moyenne a été de 124 avec un maximum de 163. Ainsi la piqûre du cerveau peut augmenter de plus de moitié la production de la chaleur normale, et l'augmentation de la radiation calorique coïncide avec l'augmentation de la température centrale. De là on peut conclure rigoureusement ce fait important, c'est que le système nerveux, étant excité, provoque des com- bustions chimiques plus actives dans les tissus, et que la fièvre est due non à une déperdition moindre, mais à une produc- tion plus grande de chaleur, fait qu'on avait admis depuis CÂLORIMÉTRIE. j:i7 Longtemps, mais sans pouvoir en donner la démonstration directe. Il est d'ailleurs utile d'entrer dans le détail des expériences, quelque complexes qu'elles soient : on pourra en tirer cer- taines déductions importantes. Nous présentons ces faits sous la forme d'un tableau (voir p. 240) qui permettra la compa- raison'. Ces expériences, si imparfaites qu'elles soient, — et per- sonne assurément n'en connaît mieux que moi les défectuo- sités, — indiquent cependant quelques faits caractéristiques que nous essaierons de dégager. Pour cela nous ne nous servirons pas de toutes les expériences (et j'ai donné dans le tableau précédent presque sans exceptions toutes celles que j'ai faites), mais seulement de celles qui ont un certain intérêt général par la netteté des déductions qu'elles en- traînent. Je signalerai d'abord, au point de vue de la chute du poids sous l'influence d'une lésion nerveuse centrale, les lapins M et 0. Le lapin M, en vingt-quatre heures, a perdu 460 grammes, soit un sixième de son poids. Nous avons vu plus haut qu'un lapin soumis à l'inanition a mis deux jours à perdre la même proportion de son poids. Il en est de même du lapin 0, qui a présenté la tempéra- ture élevée de 41", 7, et qui a perdu en trois jours un quart de son poids. Et cependant, le lapin soumis à l'inanition a subi en trois jours une moins grande diminution proportion- nelle de poids. Notons aussi, indépendamment des chiffres calorimé- triques proprement dits, combien est nette l'augmentation de température après lésion du cerveau. Dans l'expérience W, à 3 heures, la température est à 39°, T. Une heure après, 1. La lecture eu paraîtra diflicile. Elle ne sera guère utile qu'aux physiolo- gistes qui voudraient pénétrer plus avant clans l'étude de cette influence du sys- tème nerveux sur la nutrition. Par suite de nombreuses données qui devaient y être introduites, je n'ai pas pu le rendre plus finir. 238 CHARLES RICHET. sous l'influence de la piqûre cérébrale, elle monte de plus de 2 degrés, à 41°,8; et elle reste ainsi, pendant près d'un mois, comme si la suractivité chimique des tissus s'était, par le fait du traumatisme, établie d'une manière définitive. On peut dire que, toutes les fois qu'on fait un trauma- tisme superficiel au cerveau, il y a une hyperthermie con- sécutive. L'expérience réussit plus ou moins bien, l'hyperthermie est tantôt rapide et durable, tantôt lente à venir et passa- gère, tantôt faible, tantôt forte; mais elle existe toujours quand la lésion n'atteint pas les corps opto-striés et quand elle ne provoque aucun trouble de la respiration ou de la circulation. Le contraste est remarquable entre les lésions superfi- cielles qui excitent et les lésions profondes qui détruisent. Les lésions superficielles excitent la production de chaleur et font monter la température à 42°, 2. Les lésions profondes, au contraire, diminuent la production de chaleur qui tombe à 37°, 36°, 35°, et moins encore (exp. H). On peut faire l'expérience suivante, qui est en quelque sorte une expérience de cours. D'abord cautérisation superfi- cielle, qui, en une heure, fait monter la température de 40° à 42°; puis cautérisation profonde, allant jusqu'aux corps opto- striés, ce qui, en deux heures, abaissera la température à 36°. A cet égard, le fait suivant est caractéristique. Un lapin (lapin Q), cautérisé superficiellement la veille, a 42°, 2, le lendemain à 3 heures; le môme jour, un autre lapin (lapin R) est cautérisé profondément à 8 heures du matin, et, après une rapide période ascensionnelle, la température est descendue à 37°, 1 à 3 heures. Je le répète, c'est une expérience qui réussit toujours, et qu'on pourrait, avec avantage, présenter comme le meilleur exemple de l'influence du système nerveux sur les actions chimiques. CALORIMÉTRI& 23« Dès qu'on lèse le cerveau, on change les fonctions chi- miques de l'organisme, de sorte que tous mes lapins opérés présentent, tantôt en plus, tantôt en moins, une production différente de chaleur. 240 CHARLES RIO H ET. ~ es a oa ■saqno - - :- Cl •luuuuB i ap aanivM'MKai •_; zc — ci îyaiy.]3d!K3J. -3 hJ 5 c* c JZ - 2 £ g ■|'| o g .2 5 ® » 2 J 2 * Z Z I I CAI.OIUMKTIUK. 244 o O O r: r-r -* ro — 5 3 . C3 ^ » = - o " o "1 : " ^2 C^ C5 a cl • -M , = = S s » s 40,8 H . 4 39,8 » s 5 5 — S >o - ~ - •JS s a ia ~ - _ „ r; PS - — :t o o o =5 O _ o _ Zf~ ? s oo s - Ji ~ Cl s ""- ' ** ~ ~l (M " ï*3 " M CM > F a > - À': ~ x x ~- 3 X ' 3 < X * X X |x; X X O * * P X X x M ^ H « •— r/: 'S "± o se S i> O) — g ei o • o 9 o 9 3} ■- • .— -~ .— - — •— p , o j — o o - - e OJ - k ci o » « ci • > > > > D ~ — — 3 • O O o o o ■ S. Y. Y. S. z £h c- O O XY i i i i m i i in 242 CHARLES RI GUET. H II c ^ ci. , = , C S S - = 5 rc OC 1- ;= -Tl EN se — ■* o » os o oe o cq ~ saqno S3ai:iKII!C33 , ^ (M r- - r- o o — - ci "IBumiBi ap aa.ixvaridnax = s 03 CO •3JnaTj.Ti\d = S O § « i -a ï u y. ! V. X 3 > R > > S § y 33 -CC g c 'À Y- O > a a ce a O tn _ 'o •— - o s o -a g-CCO CSX z • • 3 • > • CD •J-iM c3 rt (^, - % a> p ô; *îj "2, 2 * « 15 1 3 ° .s Œ> rt O ««.Se R g » P> V o « = — r 'H 4) 3 * 9 ~ • o ri ^ — m ir § « "" '2 t. ■3 fi ? 'S «l n ri - o -u >-, »- , a .- - ^ C TJ a5s ï a «j -S d. g m -, & eu » ■?> i 1 II I ■/. a es a =: Bg-g > 1=1 X X X ^ O 'O o d ^ h s > d ^ M M X i M M P r * -J j 2 \ X T u * ?. o - — • • o • ^ m -^< • ri ?i S5 Mil ■"" ■" -J— "" ■S o m =5 5 s d - 3 ci "S ft.2 O ~3 -5 O cd — <» ~ u o> 4) 5 "^ o a RP c !«! a - a 2 ci 0 V? M S ri & 3 .- CHARLES KICHET. ^=^=^=^=^= c = X >T5 _ o = oo vc : o ; s OC - 1— •< a< g - :- : D jo :.t a ; y: ~ 7. ~- aii-ii * w w -— -, t s O £ ^ S g O c X! * M g ° O c o o o : r > s - • ' 'OC — | • J - "- 2 3 _ • ri ~ ~ - .- l 3 ■ g = — ee :- — E m o g g •— y. S î ~ > 1 r - - = = — s ÏJ £ G ' '- " = | ^ S' n o S -•s =>'-= D"2 7. n -7. *« S -J3 o 2..S" g » « s rt u ** jTTS es "- - 5 ~ c "n = ■- .2 * c ° À _ £ G ~ j; o ' _ "5 — __ s rs w ^ ' """ ~" ■/. -s c ^ C 7 ~ v. ci u; - "~ l. U.iHtl.MKTIMK. 24 S O -1 ■- "M td / / T. i- m _ - /- S «" e a 1C s — 3 ira ■ ~ ira r^ O ;- o -1 ■■-> ~ cra C5 r- CM C. C3 -* S ~ — c ~~ CD - 00 : - co >* :-. 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CCXXXVII CCXXXVIII CCXXXIX CCXLVIl CCXLVIl CCLI CCLII CCT/VT1T CCLIX CCLV CCLXI CCLXII CCLXIII CCLXX CCLXXI CCLXXVI CCLXXVII CCLXXVII CCLXXIX t/j z O H << «> o a> Eh 14 tf H cr CT1 C/3 H Êh — C- O _2 > o £ O o 95 > 3 05 a a « s— rO;^-K-ï ii = «** i i s • ' z ' "^ ~ • — ' - w C] . «h co — «H Oi «* H eo ira .-, ira 00 OC co co oc oo té H ? 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~" 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 6j 1 1 1 | 1 1 1 1 ' "E 1 t. 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Gg > Q a ci si |— OO C3 O £ S * " " Cl ' es x ~ - slll M 2* *2 Oo p NI) (U ,2 " o 0* 22 — o a o'- 3 •& S £,2 S 3 !* —i CO s (M s £3 ! 248 CHARLES KICHET. H - O ? O r- - ■/ '£ r- M g - : ce ~ m s _ _ 0 _ _ = F5 ■* CN Oi C - s ci î ^. - c; r- p Cl Cl Cl Cl — "~* ™" X ÉROS [ i: n c i X x i|33. „„ S ^ k ■s • ~ - c D -a Y, o. S - ~ - c o w ^ ^ a t/2 1 X ' to •y. —s „ , A M g-'B S "; c 03 a* 1—1 1 ~ M ci r. O — Efl 8 = ~ ~ ° a> „ eo S > g 52 m -- S œ •S C — S w è O . O 93 03 ■ - - 11! o "g .£ y. 5 O e- O M ed ci x — - — i- ~ -- 1 S n 'M -s -s 'S c » i .s o"0 „ O 2 — ■/ a c pt le matin. L pto-strié et ule ; à l'endr édoucules ce ci te - -££ O 03 o ~ « a; ■- n — * r- £ "S O a tri 03 •S to 03 5 0 'S ctS G = M " •03 . -g C y = 03 ~ s -_ j> C jî C 3 s r 2 C--2 : o o o o< — to i— ( C S " O! :- CI s s et s s -m -. . = . m M 5 - - X - -1 f c|« -- — — co oo -f 41,2 42.2 — O 00 " n »f m f— es es ï ; Cl oc - . - . - i— ci - cm - f^ - " CM " Cl = o m t- :c -m -- sa ci cf ci cl :- O f" - r" ci ci O cT Cl co . » - CCCLII CCCLIII CCCLIV CCCLV CCCLVIII CCCLIX CCCLX : g, ï 0 .-: c '2 - ■X' '£ cri 3 ai o ai a .2 .£ • s • x> o - 'c. 'o g s a ~ o a *a ° ci -a» -S fl 1- O oc ■* - -' M s co - OS ~ Ô3 5 s -s ■* = o C5 _~, -c, S3V13KI INS3 (N Cl ._ so •|BU1IUB ] ap oo ce c. — t~ oc Ci Cl :- - — O œ =' — ~ ' ~ - — ~ # *3jn3U9)xa o 31in±VJ3JK31 Cl ■s SIS sa ■.-. _ O = oa r- r- es = « = :- ~ - - » = = r- « r— s Cl Cl Cl ci '1 Cl ~* y. o P _ — i" X P. "2 ~ ~ U ~ o -~ " ; = ■ "-JJ 5 « z - t; ~ ~ ^ ^ ~ — * — c C '„ - . •3-3 2 z ^ o o _ » « ~_ ~ *° 0) V. "S i> o ■^ "- Z S i O — - — • — o .- ■- H r* 0 ;_ z - z. o ■r. c | 7r. .2 » 9- cr S s ~' h 7 ._ Z-1 K -S ~ il ^z C * -, '- "a a ■g i ~ s -E" •r t* -r " ■- c 5 o 3 ~ 1-1 3 5 O £;£ - 2. O £ •r! pi . — . — ' — — r ; — - ~— - _— — - — . ~ 2 •< ' Cl rc ^- — -r. r ^ co - " •* a a 5 :>-- ôc 3 2 oc 1 1 1 1 1 1 | = H a V 3 O =0 — i Cl ; 00 o — - . KJ ta t_' S c "S" = c C f. gq - ri 1-3 hJ _: CALORIMETR] E. 251 ~ M 0 — r T. 01 7 1 O! I- -1 O =' =' 88 O pu eu C) - - / O CU o rt .O ~ \3 jfl m ce OC s. 2 co oo — 1 1 1 1 1 ■ — S 1 i 1 1 -' d 1 •—3 — ; ■ — ■ — 3 — ~l eo 3: ta r* ro oc — —H c ~ r> $ - fi — c cS ■/ eS o. J -) uj 252 CHARLES HICIIET. : Ci s — soqii'j saHxaHtxHaa •|UMiim:_i 8p aanj.v-j'[jis:ii. '.i.IU.'l.I.,il\.i annivy i.nv:i i m _ a _ _ _ ^ «xx «J _ OS C5 0 - 0 . „ . -i . — - ;" :- - OS - ir: - — CO -1 •0 7 ^ - - - « * c* 5 .— : " r- - = > c -~ :-. |-> O " :~ CS c* c :- a — :~ _ ce !. .S O = o — — ci ri c"? " — -- «c «*■ --* •4 ■* " _, <^ _^ ;- ■* _ ff 1 -ri CN : - CN " c. Cl ' c i _ :- O t= = 0 O C3 JO c > i" SCNCN3 ce r- c 5 .i -.» -""■. •* co_ — : : Cl - - CO - - CO ~ C 3_ -V IN CN CM CM CM ci -r* ■«-l — * Ph , , . " — ** 2 > ** ~5 * s '- z '?•'< - sgg ' 2 w Z. 1 'C'C ÇJ ~ u r' ~ "H, ~ '- > oc OU — g*S «3 u x • • • • -e 0 • 1 . . . — . 1 i) . . 3 ^^ &, s"* « S| 0 • • ' • 0 • ?" " ■co "2 m " " " ■ — ; - C3 '.2 0 bc « •— -CD £*"3 0 . . . . 0 CÇ3 = 3 9 5 w ci H, 5 a • ^ 1) ï a > ci '.- -6 ; 2 heures après, 92. 4e piqûre, 80. 5° piqûre, immédiatement après, 72; 2 heures après, 75. Et les jours suivants : 88, 90, 98, 83. avait augmenté. Le lapin II peut mieux encore servir de type: lrc piqûre, une demi-heure après, 100; 2 heures et demie après, 112. 2e piqûre, une heure après. 108; 3 heures après, 130; le lendemain, 75; 2 jours après, 19. Il m'a paru que, pendant la température extérieure très élevée, les effets d'une production de chaleur plus forte sont moins marqués que quand la température est basse. De sorte que l'expérience réussit d'autant mieux que la température extérieure est moins élevée. Toutes les fois que la température de l'animal dépasse 41°, sa production de chaleur est plus forte qu'à l'état normal. Ainsi la production de chaleur suit une voie pour ainsi dire parallèle à la température organique. Quand celle-ci est éle- vée, la production de chaleur est augmentée; quand elle est basse, la production de chaleur est diminuée. On ne peut donc pas attribuer à des effets vaso-moteurs l'abaissement ou l'élévation de la température ; car, s'il en était ainsi, on devrait observer le contraire; c'est-à-dire, quand la température de l'animal dépasse 41°, le rayonnement serait diminué. Puis- qu'on observe une augmentation dans le rayonnement, c'est qu'il y a non une rétention de chaleur, mais une production plus grande. Ces faits peuvent évidemment être appliqués à la théorie CALORIMÉTRIE. 258 de la fièvre. De lout temps, on s'est demandé si l'hyperther- mie de la lièvre était due ;ï une rétention de chaleur ou à une production exagérée. Les expériences que j'ai données plus haut semblent prouver que, dans la lièvre traumatique nerveuse, c'est la production plus grande de chaleur qui détermine i'hyperthermie. Bien d'autres expériences pourraient encore èlre faites au sujet des températures anormales, fébriles ou algides, sur les animaux. On arriverait à des résultats plus nets, je pense, que ceux indiqués plus haut. Mais j'ai voulu ici seulement faire connaître une méthode qui permet d'apprécier facile- ment et rapidement le rayonnement animal. J'ai démontré, je pense, ce fait important en physiologie et en pathologie générale : que le système nerveux, indé- pendamment des effets vaso-moteurs, augmente ou diminue les combustions interstitielles. Son excitation les augmente; son affaiblissement les diminue1. 1. M. Sen.vtor, rendant compte de mes observations calorimétriques, m'a fait une critique que je ne comprends pas très bien. J'aurais, d'après lui, mesuré non la production de chaleur, mais la perte de chaleur. Certes; mais qu'im- porte, si la température de l'animal est stationnaire ou à peu près! Je suppose qu'on veuille connaître la quantité d'eau que reçoit un lac, et qu'on ne puisse apprécier que son débit ; si le niveau du lac reste le même — ce qui est le cas, puisque la température de l'animal ne varie que très peu — on pourra rigou- reusement évaluer la quantité d'eau qui y afflue, en mesurant seulement la quantité d'eau qui en sort. C'est ce qui arrive quand, pour apprécier la produc- tion de chaleur, nous mesurons le dégagement de chaleur. M. Ott avait en avril 1881 publié dans Y American Journal of nervous diseuses le récit d'expériences analogues, mais non identiques, presque simul- tanément avec mes premiers travaux (voyez sa réclamation de priorité dans le Centralhlatt fur med. Wiss., octobre 1885, p. 755). A la suite de ma publication, mon collègue et ami Fredericq a rapporté aussi quelques expériences intéressantes; mais au fond ce n'est plus la même question, car il s'agit de traumatismes du mésocéphale et non de l'encéphale. X EXPÉRIENCES SUR LE POIDS DES ANIMAUX Par M. Charles Richet Si l'on place sur une balance sensible un animal vivant, on voit qu'il perd constamment une certaine partie de son poids. Cette perle est très notable, et, si la balance est sensible, on peut l'apprécier même sur des animaux d'assez petite taille. J'ai pensé qu'on pouvait inscrire cette perte de poids, et j'ai obtenu ainsi quelques résultats que j'exposerai brièvement. Détails techniques. Je dirai d'abord quelques mots de la balance. C'estune ba- lance enregistrante dont le principe est très simple1. Soit une balance pesant 10 kilogrammes, et dont le fléau porte un long style articulé. A l'extrémité de ce style, llexible et léger à la fois, se trouve une plume inscriptrice chargée d'encre. Le 1. Elle a été construite par MM. Richard frères. KXI'KIUKNCKS SUIt LE POIDS DKS ANIMAUX. 2o7 stylo inscrit alors tous les déplacements du fléau sur un cy- lindre rotatif, mû par un mouvement d'horlogerie. Toute oscil- lation du Qéau se traduira sur le papier quadrillé qui entoure le cylindre. Par suite de la disposition du centre de gravité de la balance, le déplacement du fléau est exactement proportionnel à la dif- férence des poids placés dans l'un et l'autre plateau, et l'angle d'inclinaison est fonction du poids. Mais, pour avoir des résultats comparables, un dispositif nouveau était nécessaire. En effet, dans nos expériences, nous avons des animaux de poids très différent, entre lesquels, par suite de l'énorme différence de poids brut, toute comparaison est impossible. 11 faut évidemment que les courbes obtenues se rapportent toutes à un même poids d'animal vivant. Voici le moyen que j'ai employé : Remarquons d'abord qu'une balance quelconque est, pour un même poids, d'autant plus sensible que le poids total à peser est moins considérable. Il fallait que la balance pesât toujours un seul et même poids, ne comportant que de mi- nimes différences. A cet effet, il y a dans un des plateaux une tare qui reste invariable (6 kilogs dans mes expériences); dans l'autre plateau, celui où est l'animal, est toute une série de poids qu'on diminue ou qu'on augmente selon le poids de l'animal, jusqu'à ce qu'on soit arrivé à l'identité de poids dans les deux plateaux. Ainsi, dans un des plateaux est un poids K qui est constant, et dans l'autre plateau un poids égal à K composé de la somme A ctB, A étant, je suppose, le poids de l'animal, et B étant le poids complémentaire qui, avec A, fait un poids égal à K. Quant à la proportionnalité entre le poids de ranimai et la sensibilité de la balance, voici comment elle est obtenue. En arrière de la balance, il y a une tige supportant un plateau. Ce plateau est au-dessous du centre de gravité de la balance. Par conséquent, la sensibilité est d'autant moindre que le poids placé dans ce petit plateau est plus grand. Ainsi, en 258 CHARLES RICHET. plaçant des poids de plus en plus grands dans ce plateau, on rend de plus en plus faible la sensibilité de l'appareil. Cela posé, voici comment on procède. Quand il n'y a aucun poids dans le petit plateau, la sensibilité est maximum. Je suppose alors qu'on place dans la balance un animal pesant 1 kilogramme. La courbe obtenue se rapportera à un animal de 1 kilogramme. C'est le poids que nous prendrons pour unité. Mais, si nous avons un animal de 2 kilogrammes, il faudra une sensibilité deux fois moindre. Or la balance est construite de telle sorte que, pour cbaque 100 grammes en excédent de 1 kilogramme que pèse l'animal, il faut ajouter au petit plateau un poids de 10 grammes. Il s'ensuit que, pour un animal de 2 kilogrammes, il faudra ajouter au petit plateau un poids de 100 grammes. Cela diminuera de moitié la sensi- bilité de l'appareil, et la courbe obtenue par 2 kilogrammes d'animal aura une valeur deux fois moindre que la courbe de 1 kilogramme. Pour un animal de 3 kilogrammes, il aurait fallu ajouter un poids de 200 grammes, et ainsi de suite1. 1. Les chiffres suivants indiqueront la marche de l'expérience et le réglage de l'appareil. La balance ayant dans chaque plateau un poids fixe de 6 kilogrammes, nous avons les séries suivantes, exprimées en millimètres du papier inscripteur pour un poids de 10 grammes, ajouté aux 6 kilogrammes. L'élément variable, c'est le poids ajouté au plateau supplémentaire central, poids qui diminue la sensibilité. POIDS MIS VALEUR DE 10 GRAMMES BANS LA BALANCE SUPPLÉMENTAIRE. EN MILLIMÈTRES DE PAPIER. grammes. 0 61 20 52 50 42 100 31 200 21 300 16 Ces chiffres montrent que la progression est sensiblement une droite, et non une courbe. Supposons qu'il s'agisse d'un animal pesant 1 kilogramme. Une perte de son poids de 10 grammes donnera 61mm. S'il pèse 1^8,200, en mettant 20 grammes dans le petit plateau qui l'ait diminuer la sensibilité, la sensibilité de la balance sera moindre, dans le rapport de 32 à 61 ; mais, comme son poids sera dans le rapport de 12 à 10, le chiffre trouvé se compare au premier. En effectuant les calculs, nous trouvons qu'on peut, sans grande erreur, EXPÉRIENCES SUH LE l'OIDS DES ANIMAUX. 259 On comprend la nécessité , chiffres notablement supérieurs à la moyenne. La piqûre du cerveau paraît à peu près sans influence : grammes. Lapin venant d'être piqué 1,5 Même lapin, le lendemain, très calme 1,2 Autre lapin, opéré la veille, très calme 1,1 Lapin, opéré depuis deux jours, dans le coma. . 0,."i Je m'attendais à voir croître énormément le coefficient d'exhalation, à la suite d'injections putrides, qui devaient, pensais-je, amener une sorte d'état fébrile; mais c'est le con- traire qui a eu lieu, ce qui n'a rien de bien surprenant, puis- que, en général, les injections putrides, faites au lapin, donnent plutôt de l'hypothermie que de la fièvre. Cependant, il est une influence plus efficace encore que toutes les autres pour faire croître la fréquence des respira- tions, et, par conséquent, l'intensité de l'exhalation pulmo- naire : c'est la chaleur extérieure. Quand un chien (ou un lapin) se trouve exposé à une température élevée, aussitôt, pour se refroidir, il respire avec un rythme qui est d'une fré- quence extraordinaire. C'est ce qu'on a nommé assez mal à propos la dyspnée thermique, et ce que je propose d'appeler la polypnée thermique. En effet, il n'y a pas la de dyspnée dans le sens étymologique du mot, qui signifie difficulté de la respiration. Il vaut mieux l'appeler polypnée, ce qui veut nettement dire respiration, ou plutôt ventilation plus active. J'ai pu étudier cette polypnée chez le chien, et montrer qu'elle est de nature tantôt centrale, tantôt réflexe. Or cette polypnée thermique a un rôle qui est précisément une évaporation pulmonaire plus active. Le fait de perdre de l'eau dans les poumons, alors qu'elle passe de l'état liquide à l'état gazeux, détermine une perte ]de chaleur qui empêche l'animal de s'échauffer au delà des justes limites. C'est le procédé que les animaux, non susceptibles d'évaporation TOME I. 18 274 CHARLES RICHET. cutanée, emploient pour se maintenir à leur niveau normal de température, quand le milieu extérieur est très élevé . Chez le lapin et le cobaye, ce procédé de refroidissement est le même que chez le chien. Aussi, quand on place un lapin ou un cobaye dans un milieu très chaud, voit-on aus- sitôt le poids diminuer rapidement, conséquence de l'cvapo- ration pulmonaire très active qui a lieu alors. grammes. Lapin normal 1,75 Lapin dans l'étuve 6,0 — — 6,0 grammes. Chien de 2 500 grammes, normal. 1,75 Le même chien dans l'étuve 3,1 Cobaye de 203 grammes dans l'étuve. Première heure. . . . 48,0 — De la 2e à la 6e heure.. 19,6 De la 16e à la 18e heure.. 11,8 Ce petit cobaye, qui pesait 205 grammes, a perdu en poids absolu 52 grammes au bout de dix-huit heures de séjour à l'étuve, de sorte que son poids, après dix-huit heures d'étuve, n'était plus que de 153 grammes. Cette énorme perte de poids est en somme un phénomène de déshydratation par l'inter- médiaire principalement de l'évaporation pulmonaire. Voici des expériences, faites sur des cobayes, qui mon- trent, quoique avec quelque irrégularité, l'influence de la taille, influence dont j'ai déjà parlé plus haut : grammes. Cobaye de o2 grammes 10,9 — de 103 grammes 3.0 — de 122 grammes 4,9 — de 185 grammes 8,2 — de 750 grammes 3,1 Citons encore des mesures faites sur un chien de 2 500 gram- mes et sur un jeune chat de 1 870 grammes. grammes. Chien, état normal. 1,75 — remuant 2,3 - 1,9 EXPÉRIENCES SUR LE POIDS DES animai IX. 278 grammes. Chien tranquille l,c> — couché et dormant 1,4 Chat, remuant.. I .:t — couché ri calme 0,9 — calme 1,0 L'expérience est plus démonstrative encore sur des chiens placés au soleil. En général, quand un chien est exposé au soleil, sa température ne s'élève pas sensiblement, car, pres- que aussitôt, sa respiration s'accélère de telle sorte qu'il se refroidit. Dans ce cas, on voit simultanément survenir une perte de poids considérable, comme l'indiquent les chiffres suivants : gramme ("bien normal de 2 800 grammes, très calme. . . . 0,9o Le même, très calme, au repos J,68 Mêmes conditions 1(10 Le même, au soleil tamisé par une toile 2,38 Le même, à l'ombre, par une température élevée. 2,38 Le même, au soleil 5,23 8,1 8,7 8,00 Dans cette dernière expérience il y a eu deux périodes, l'une pendant laquelle il y a eu une anhélation, pas très mar- quée, avec une déshydratation de ()8T,7^; l'autre, avec une anhélation forte et une déshydratation de 10sr77o. Examinons la valeur de ces nombres au point de vue de la perte de chaleur. La chaleur de volatilisation de l'eau est, a 37°, de 575 environ, d'après Regnault. Si nous prenons, comme moyenne de nos chiffres de déshydratation au soleil, le nombre de 8 grammes par kilogramme d'animal, cela nous donne pour notre chien, par kilogramme, une perte de 4 600 calories, perte énorme, qui est supérieure à la produc- tion normale de chaleur chez un chien de ce poids. C'est là un fait intéressant, d'ailleurs facile à expliquer. Un chien exposé au soleil, même s'il ne produisait pas de 276 CHARLES RICHET. chaleur, devrait s'échauffer comme s'échaufferaient tous les objets inertes. Il doit donc, pour ne pas mourir d'hyper- thermie, se refroidir, et il se refroidit en évaporant de l'eau par ses poumons. L'intensité de ce refroidissement est ex- trême, et nous est bien indiquée par ce chiffre de 4 G00 calories par kilogramme et par heure. Ainsi, avec la balance enregistrante, nous pouvons me- surer avec une assez grande approximation un phénomène thermique, la perte de chaleur par l'évaporation pulmonaire. Cette évaluation mesurerait la perte de chaleur totale subie par l'animal, et serait irréprochable si la température am- biante était égale à la température de l'animal, et si le rap- port de l'oxygène absorbé à l'acide carbonique dégagé était toujours de 0,7, comme c'est le cas le plus fréquent. Il y a là toute une série d'expériences intéressantes à faire, sur les- quelles, pour le moment, je me contente d'appeler l'attention '. Conclusions. Si maintenant nous reprenons ces faits dans leur ensemble, nous retrouvons une loi générale qui s'en dégage. C'est d'abord que tout animal à sang chaud, par cela seul qu'il vit et qu'il respire, perd à chaque instant une certaine quantité de son poids. C'est une perte perpétuelle, alors que l'augmentation est intermittente, pendant les repas. En analysant les causes de cette perte de poids, nous avons vu que c'est une perte d'eau par les poumons, le gain 1. M. d'Arsonval (Bull. Soc. Biol., 27 décembre 1884, p. 7G7) a appelé coeffi- cient de partage thermique le rapport entre la quantité de chaleur perdue par le poumon et celle qui est perdue par la peau, dans le même temps. Plus la température extérieure s'élève, plus la quantité de chaleur perdue par la peau est faible; par conséquent, plus le coefficient s'élève; si la température exté- rieure est plus élevée que celle de l'animal, la quantité de chaleur perdue par la peau devient négative, c'est-à-dire qu'elle devient une augmentation de cha- leur. EXPÉRIENCES SUR LE POIDS DES ANIMAUX. 277 d'oxygène compensant à peu près (en poids) la perte d'acide carbonique. Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que cette perte d'eau est réglée par la respiration. Toute cause qui accélère la respiration accélère aussi la déshydratation pulmonaire, que ce soit la petite taille de l'animal, ou un exercice violent, ou une alimentation copieuse. Ainsi le bulbe, qui règle la quantité d'acide carbonique à éli- miner ou d'oxygène à absorber, est aussi l'appareil qui règle les proportions d'eau qui vont être éliminées par les voies aériennes. Mais cette perte d'eau, bien plus considérable chez les oiseaux que chez les mammifères, n'a pas en elle-même une très grande importance, puisque le rein peut suppléer à l'éli- mination aqueuse. Ce qui lui donne de l'importance, c'est qu'elle est l'agent actif du refroidissement. Plus un animal respire vite, plus il se refroidit, plus il perd de son poids. Il y a entre ces faits simultanés une étroite relation, des plus intéressantes à étudier, qui montre à quel point tous les phé- nomènes physiologiques sont liés les uns aux autres. Voici un animal, je suppose, dont la température est de 40°. Sa respiration ayant lieu 30 fois par minute, il perd 2 grammes d'eau par heure. Mais s'il vient à faire des mou- vements précipités, sa température tendra à s'échauffer, et même ira à 41°, s'il ne se produit quelque cause de refroidis- sement. Il faut donc qu'il puisse se refroidir, et c'est préci- sément l'exhalation pulmonaire qui produit ce refroidisse- ment. Ainsi, par le fait d'un rythme respiratoire qui de 30 monte à 60, je suppose, l'animal conservera sa température normale, malgré réchauffement considérable que les contrac- tions musculaires plus actives provoquent dans l'organisme entier. En même temps il perdra de son poids, il se désassimilera plus vite, et il aura besoin de réparer ses forces, ses pertes en carbone et en eau, par une alimentation plus abondante. 278 CHARLES RICHET. C'est le système nerveux qui est le grand régulateur de ces actions admirablement harmoniques. Le bulbe rachidien, qui excite les mouvements de l'inspiration, est plus ou moins actif selon la teneur du sang en acide carbonique et en oxy- gène, selon la température du sang, et aussi selon la tempé- rature du milieu extérieur. Quand l'animal est immobile, il fait peu de chaleur, et alors il n'a pas besoin de se refroidir. Aussi les respirations sont-elles peu fréquentes, la perte de poids minime, et le refroidissement, dû à l'évaporation pul- monaire, réduit à son minimum. Au contraire, quand l'ani- mal se meut, et quand il fait des mouvements violents, il s'échauffe beaucoup,, produit beaucoup d'acide carbonique, consomme beaucoup d'oxygène; la respiration devient alors très active, et, par cette ventilation plus énergique, le sang ne dépasse pas son niveau normal de température, perd l'ex- cès d'acide carbonique, et prend l'excès d'oxygène, dont il a besoin pour suffire à une consommation plus forte. Ainsi, c'est la respiration qui règle à la fois la proportion des gaz du sang et la température du sang. Il semble que la nature ait prévu que, toutes les fois qu'il se forme plus d'acide carbonique, la température du corps tend à s'élever; de sorte qu'elle a chargé la même fonction organique, à savoir la ven- tilation pulmonaire, de produire à la fois ces trois phéno- mènes : le refroidissement, l'absorption d'oxygène et l'exha- lation d'acide carbonique. XI CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA CALORIMÉTRIE chez l'homme Par M. P. Langlois. I Les recherches sur la production de chaleur chez l'homme par des méthodes de calorimétrie directes sont peu nom- breuses, et nous n'avons jusqu'ici que les travaux de Lieber- meister, de Leyden, de Kernig et d'HATwiG, dont les procédés ont soulevé de sévères critiques. Sur les conseils de M. Charles Richet, et avec son calo- rimètre à siphon, j'ai entrepris une série de recherches sur la radiation calorique de l'enfant. Ce sont, je crois, les premières recherches de calorimétrie directe totale qui aient été faites sur l'homme. Ce travail est loin d'être complet. J'ai dû laisser de côté certaines questions présentant cependant un grand intérêt : 280 P. LANGLOIS. telles les questions des vêtements divers, de l'alimentation, des médicaments, principalement des antipyrétiques ; autant de points que l'insuffisance des observations ou l'obscurité des résultats ne m'ont pas permis de traiter actuellement avec assez d'autorité et qui demandent de nouvelles recherches. Après un court historique de la question et l'exposé tech- nique de la méthode employée, j'indique dans le troisième chapitre les résultats obtenus en étudiant l'influence des causes extérieures, traitant en dernier lieu l'influence de la taille et des modifications apportées dans la thermogénèse par quelques états morbides. Mes recherches ont singulièrement été facilitées par la bienveillance de M. le professeur Grancher, qui a misa ma disposition les ressources de son service de clinique et de son laboratoire; j'ai pu ainsi poursuivre mes études sur la chaleur pendant deux années consécutives, tout en profitant de renseignement de ce maître dévoué. Grâce à l'obligeance de M. Sevestre, j'ai pu combler une lacune de mon travail en étudiant les modifications de la ther- mogénèse chez des enfants élevés au sein. Les expériences faites aux Enfants-Assistés dans le cabinet de AI. Sevestre ont été poursuivies dans d'excellentes conditions et ont com- plété heureusement les recherches faites dans le service de M. Grancher. II Historique. L'étude de la chaleur animale date de Lavoisier. « Il était réservé, dit Gavarret, à l'homme qui venait de ren- verser la théorie surannée du phlogistique de poser les bases inébranlables de la théorie de la respiration et de la CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 281 calorification, do cotle môme main qui traçait en caractères ineffaçables l'immortelle monographie de l'oxygène. » Depuis Lavoisier de nombreux travaux ont été entrepris pour déterminer la quantité de chaleur produite par les ani- maux, (les recherches peuvent être [rangées en trois groupes suivant la méthode suivie. Gavarret désigne, sous le nom de méthode directe, celle qu'ont employée Lavoisier1, Dulong2, Despretz3, Regnault et Reiskt*, Andral et Gavahret5, Liebermeister, Frederico1', etc.. ayant pour objet de calculer la chaleur produite par l'être vivant d'après la quantité d'acide carbonique exhalée. Ces recherches très nombreuses, exécutées à l'aide d'appa- reils variés et par des expérimentateurs habiles, ne semblent pas devoir conduire au but cherché : la quantité de chaleur produite en un temps donné. C'est l'opinion de Regnault7, qui s'exprime ainsi : « L'a- cide carbonique exhalé n'est pas seul à mesurer l'énergie des oxydations de l'organisme. On ne peut par ce moyen se rendre compte de la chaleur produite. Le phénomène est beaucoup plus complexe : tout mouvement se traduit par de la chaleur, toute action chimique donne de la chaleur ou du froid, tout passage dans le sang1 des aliments qui se liqué- fient change encore la température. Il ne faut donc pas chercher une mesure de la chaleur engendrée dans le calcul de l'acide carbonique formé. La deuxième méthode, appelée indirecte par Gavarret, a été employée par Boussixgault8, Lierig9 et Barral10. Cette 1. Lavoisier, Œuvres complètes, t. II, p. 283. 2. Dulong, Ann. de Chim. et de Phys., t. I, p. 440. 3. Despretz, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXVI, p. 327. 4. Regnault et Reiset, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXVI, p. 299. 5. Andral et Gavarret, Ami. de Chim. et de Phys., t. VIII, p. 129. 6. Liebermeister, Fredericq, etc., bibliographie dans le cours du mémoire. 7. Regnault, Théorie de la chai. anim. Mémoire à l'Acad. des Sciences, 1872. 8. Boussingault, Ann. de Chim. et de Phys., t. LXXI, p. 113 ; t. XI, p. 4*3. 9. Liebig, Chimie organique appliquée à la physiologie. 10. Barral, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXV, p. 129. 282 P. LANGLOIS. méthode consiste ù prendre un animal soumis à une ration d'entretien telle que son poids reste sensiblement constant pendant toute la durée de l'observation et à noter exactement la quantité de calories représentée par ses ingesta d'une part, ses excréta de l'autre. La différence indiquera le nombre de calories utilisées par l'animal pour maintenir sa température constante. Ce procédé soulève encore de nombreuses objections : Le coefficient de chaleur spécifique des aliments et des produits excrémentitiels est loin d'être établi d'une façon rigoureuse. Les chiffres donnés par Frankland1, Zuntz2, Dant- lewsky3 ne concordent pas entre eux. Il est difficile de réaliser la ration d'entretien et de pou- voir assurer que l'état final de l'animal en expérience est iden- tique à son état initial. Il se produit dans l'organisme une série de réactions chimiques : réductions, déshydratations, fermentations, toutes accompagnées d'un dégagement ou d'une absorption de chaleur et dont les produits peuvent, en se substituant à d'autres, se fixer définitivement. Après ce rapide aperçu des études faites à l'aide des deux premières méthodes, il convient de rappeler les recherches entreprises en vue de calculer directement la quantité de cha- leur émise. La première expérience fut faite par Crawford* en 1779, c'est-à-dire un an avant le travail de Lavoisier. L'animal est placé dans un manchon d'eau qui s'échauffe par la radiation calorique. Les résultats, très différents de ceux qu'on a trouvés depuis, indiquent des imperfections considérables dans la mé- thode; mais, si défectueuses que fussent les données numéri- ques, elles avaient conduitle chimiste anglaisa cette idée, toute 1. Frankland, in Revue Scientifique, 1867, p. 8). 2. Zuntz, in Hoppe-Seyler, Phtjsiol. Chemie, p. 919. 3. Danilewsky, Jahrcsbericld fur Thierchemie, 1881, p. 7; h Kraft vorrath der Nahrungsstoffe » (Arch. de Pflugek, t. XXXVI, p. 230-252; analyse in Revue des travaux slaves, 1885, p. 7). 4. Ckawford, « Expérimenta and observations on animal heat »,etc. C \l."li l M I : I li 1 1 : CHEZ L'HOMME. 283 nouvelle alors, que la chaleur animale est analogue à un phé- nomène chimique. Eu lTSii. Lavoister el Laplace communi- quaient ;i l'Académie des Sciences leur expérience do calorimé- trie faite sur un cochon d'Inde. L'animal était placé dans une enceinte remplie de glace. Le poids delà glace fondue indi- quait la quantité de chaleur fournie par l'animal, étant connue la chaleur de fusion de la glace. En 10 heures le cochon d'Inde détermina la fusion de 13 onces de glace (397gr,8),mais Lavoisier reconnut que ce chiffre était trop fort « parce que les extrémités du corps de l'animal se sont refroidies dans la machine, et les humeurs que la chaleur a évaporées, ont fondu, en se refroidissant, une petite quantité de glace et se sont réunies à l'eau qui s'est écoulée dans la machine ». Lavoisier et Laplace évaluent à 2 onces la correction néces- saire, ce qui fait322gr,7 la quantité de glace fondue par le cobaye. En 1823, Dulong etDESPRETz, tout en s'attachant principa- lement à mesurer la quantité d'acide carbonique exhalée, prennent quelques mesures de calorimétrie directe en plaçant l'animal en expérience dans une double enceinte métallique remplie de liquide. L'élévation de température du liquide ( de l'eau dans l'appareil de Dulong et du mercure dans celui deDESPRExz) devant indiquer la chaleur cédée par l'animal. Depuis cette époque un certain nombre d'expériences ont été entreprises sur les animaux. M. Sexator ' a cherché, comme les physiologistes précé- dents, à mesurer simultanément la chaleur dégagée et l'acide carbonique exhalé. Les chiens sont enfermés dans une caisse de 70 litres de capacité environ. Cette caisse est placée dans un bain-marie rempli de 140 litres d'eau à 25°; enfin ce bain- marie est renfermé dans une troisième enceinte entourée d'ouate. M. Rosenthal propose d'obtenir un calorimètre à tempé- 1. Senator, Arch. fur Anat. undPhys., 1872, p. 1. 284 P. LANGLOIS. rature constante à l'aide d'un appareil à double enceinte dans laquelle est un liquide entrant en ébullition à une assez basse température (éther sulfurique 35°, aldéhyde 21°). M. d'Arsonval ' a obtenu un calorimètre à température constante à l'aide d'un régulateur des plus ingénieux et dont les applications multiples me dispensent de donner le dispo- sitif. Ce calorimètre permet de faire des observations d'une très longue durée et de déterminer, sans amener de perturba- tions dans l'appareil lui-même, des modifications diverses sur l'animal. Les résultats communiqués par M. d'Arsonval sont mal- heureusement peu nombreux, et il faut espérer que de nou- velles expériences seront publiées prochainement. Les expériences nombreuses de M. Wood2 sur les chiens et les lapins ont été faites avec un calorimètre à eau dans le genre de celui de Despretz et de Senator. Nous avons cité rapidement ces tentatives qui ont toutes été faites sur des animaux, mais nous devons nous étendre plus longuement sur les expériences de Liebermeister et ses élèves Kernig et Hattwig3 entreprises sur l'homme sain et l'homme malade. Ces recherches ont été faites par la méthode des bains et s'appuient sur la possibilité de connaître la pro- duction de chaleur en augmentant ou diminuant la perte. De là deux procédés, celui des bains froids et celui des bains chauds, établis d'après les principes suivants : I. — Quand un corps demeure pendant un certain temps à la même température et qu'en même temps il se trouve dans les mêmes conditions de chaleur, il doit reproduire autant de chaleur 1. D'Arsonval, Travaux du laboratoire de M. Marey, t. IV, p. •iST. 2. Wood, A Study in morbid ami normal Physiology. — Smilhsonian Contribu tions, t. XXIII, 1880. 3. Liebermeister, Deutsch. Arch.,\>. 217; Analyse in Lorain, Études de méde- cine clinique, t. I, p. 434. — Kernig, Contribution à l'étude de la régulation de la chaleur. Thèse inaug. Dorpat, 1864. — Hattwig, Causes de l'élévation de température dans les fièvres, Thèse inaug. Berlin, 18G0. C LLORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 288 qu'il en perd, si nous déterminons la chaleur perdue, nous con- naîtrons la chaleur produite . II. — Lorsqu'un corps susceptible de produire de la chaleur est placé dans des conditions extérieures telles {bain maintenu à la température du corps) qu'il ne reçoit ni ne perd de la cha- leur pendant un certain temps, la quantité de chaleur qu'il crée est êijule au produit des trois facteurs : \" l'élévation de la température du corps, "2° le poids du corps, 3° sa capacité calo- rifique. C =T' — ï x P x Pp. Kkrnig a fait toutes ses observations sur lui-même et trouve les chiffres suivants : Poids. Kilog. calories. De novembre à janvier o7 1,320 De janvier à février .'I.">,7 1,290 Le chiffre de Liebermeister est plus élevé, 1 800 calories. Hattwig a employé la même méthode, ses observations portent sur des fébricilants ; nous reviendrons sur ces chiffres en parlant des modifications dans la production de chaleur pendant la fièvre. M. Winternïtz ' a fait de la méthode des bains une critique très fondée Après avoir attaqué les principes mêmes sur les- quels s'appuie la méthode, il montre la difficulté de connaître exactement la température moyenne d'une masse d'eau de 300 litres. D'autre part, Liebermeister et ses élèves admettent que chaque point du corps a acquis dans l'unité de temps la même température que l'endroit où le thermomètre est appliqué. Cette hypothèse est toute gratuite et ne saurait tenir contre ce 1. Winternïtz, « luflucnci.' des fonctions de la peau sur la température du corps » Wien. Med. Jahrbuch, 1875, p. 1. 28G P. LAN G LOIS. simple fait que deux thermomètres identiques ne donnent pas les mêmes chiffres pour les deux aisselles. M. Leyden1 a borné ses recherches à des observations de calorimétrie locale à l'aide d'un manchon de cuivre rempli d'eau et où l'on introduisait la jambe ou le bras de l'individu en expérience. L'élévation de température de l'eau indiquait la quantité de chaleur dégagée parla partie du corps incluse dans l'appareil. Les causes d'erreur sont encore considé- rables, et il existe des compensations locales qui peuvent se faire en des endroits très divers et qui interdisent complète- ment de déduire des chiffres obtenus la quantité totale des calories dégagées. MM. Sapalsky et Klers2, en 1871 , avaient calculé la chaleur dégagée par des cobayes en mesurant l'élévation de tempé- rature de l'air renfermé dans un espace confiné. Mais l'étude de la calorimétrie par rayonnement ne date que de l'an- née 1884. Dans toutes les mesures calorimétriques que nous venons de passer en revue, les auteurs ont cherché à calculer la quan- tité de chaleur émise en mesurant soit l'élévation de tempéra- ture del'eau du calorimètre (Dulong,Despretz,Sénator, Woou), ou du bain (Liebermeister, Kernig, Hattwig), soit en prenant le poids de glace fondue (Lavoisier et Laplace). La chaleur spécifique de Teau étant relativement considérable, une erreur, même faible, dans la lecture des températures entraîne une erreur assez forte dans l'évaluation des calories dégagées ou fournies par l'animal. L'air au contraire a une chaleur spé- cifique très faible, et il était très naturel d'utiliser cette pro- priété dans les mesures calorimétriques. La calorimétrie à air est cependant de date récente. MM. Ch. Richet et d'Arsonval, étudiant tous deux à la même époque, et indépendamment l'un de l'autre, la chaleur i. Leyden, « TJntersuch. uber das Fiebcr » [Deutsch. Arch., V, 1S69, p. 273 ■ 2. Sapalsky et Klebs, cités dans le Jafîresberichte de Hofmann et Sciiwalbe, 1812, p. 183. GAL0R1MÉTRIE CHEZ L'HOMME. 287 animale, imaginaient et présentaient dans la même séance de la Société de Biologie (MO novembre 1884) leur calorimètre à air. Le principe est identique, ia méthode de mensuration seule diffère '. M. d'Arsonval mesurait la dilatation de l'air à l'aide d'un manomètre compensateur ; il a depuis modifié son appareil, et dans la séance du o avril 1886 il présentait à l'Académie des Sciences son enregistreur automatique qui permet de négliger les modifications de l'air extérieur". L'appareil se compose de deux calorimètres semblables en communication avec deux cloches légères suspendues à chaque extrémité d'un tléau de balance et plongeant dans l'eau; le fléau porte une plume inscrivant sur un cylindre vertical. Si un calorimètre reçoit de la chaleur, l'air en se dilatant soulève la cloche correspondante. Si la source de chaleur agit également sur les deux réservoirs, les cloches se font équi- libre, et le tléau reste immobile. Les variations de température et de pression sont ainsi annulées. J'ai utilisé cet appareil pour mesurer les modifications ap- portées dans la radiation calorique par la section de la moelle à différentes hauteurs chez les lapins et les cobayes; recher- ches qui feront l'objet d'un mémoire spécial que je compte publier prochainement. Mais ses dimensions ne permettent pas de l'appliquer à l'étude de la chaleur humaine, et toutes mes observations sur les enfants ont été faites avec le calori- mètre à siphon de M. Cii. Riciieï. 1. M. Masje, de Mohilew, a fait une série de recherches sur l'irradiation calorique de l'organisme chez l'homme à l'aide d'appareils analogues à ceux de Svanberg et de Bauer. Chaque division de l'échelle galvanométrique cor- respondant à une irradiation de 0,00001 microcalorie par seconde pour une superficie de 1 centimètre carré. Nous donnons ces résultats dans les différentes parties de cette étude. Masje, « L'irradiation du calorique chez l'homme », Arch. de Vmcnow, t. CVII. Nous devons l'analyse de ce travail (faite pour les Arch. slaves de biolo(/i<>\ à l'obligeance de notre ami M. de Kervilly. 2. D'Arsonval, Comptes rendus de l'Acad. des Scie?ices, 4 avril 1886. 288 P. LANtiLOIS. III Technique. Toutes mes observations sur les enfants ayant été prises avec l'appareil de M. Ch. Richet, je renvoie aux passages de son mémoire où il décrit cet appareil et la technique des expériences \ M. Ch. Richet avait trouvé pour l'œuf les chiffres moyens suivants pour une calorie : Avec coussin o7 ce. Sans coussin 48 ce. J'ai ajouté, dans certains cas, un caoutchouc pour pré- server le coussin de l'urine. J'ai dû, dans chaque circonstance, recommencer à déterminer l'équivalence du centimètre cube, et c'est d'après ces chiffres, recherchés un grand nombre de fois, que j'ai calculé les quantités de calories. J'ai employé plusieurs fois un moyen de contrôle parti- culier : on introduit dans le calorimètre deux lapins du même poids et on calcule la quantité de calories fournies par ces animaux, en prenant pour équivalent calorique du centimètre cube d'eau le chiffre donné par les expériences avec l'eau; si ce résultat concorde avec ceux fournis par les autres appareils, on a ainsi une nouvelle garantie. 1. Voyez plus haut, pp. L56 et suiv. CAL0R1MÉTRIB CHEZ L'HOMME. 289 Détermination de la constante avec un poids d'eau donné M ■ M 1 HEn OB8BRVATIOM8. - - P4 ~ — DQ EN DROl i ■ été prise i i onditiona dli ei POIDS Dl 1 ' M el .lu vis i: ni .-.'in . H OS ■ "- 1 " r/l H £ ." ►J «a -1 o O I § il » o S, 4j kllog. degrés. ■) 15 Laboratoire '.>,li.",tl ',II,S 37,2 31761 552 63 g n — 10,100 39,8 36,2 36 360 610 59 03 17 Cab. ilu chef de clin. S. 121 39,9 37,0 23 559 386 61 35 14 (Avec caoutchouc. 1 4.860 12,9 37,2 27 702 410 67 3C 15 — 5.105 40,7 37,3 17 357 251 69 :;7 16 - 5.120 41,2 37.1 20 992 303 66 t5 15 — 6,114 38,4 35,6 14 319 213 67 150 30 Cab. de M. Scvestre. Modifie, dans h: coussin.) 2,761 46,0 39,5 17 940 210 89 150 16 — 3,100 45.5 38,7 21) 925 280 74 102 25 - 3,050 41,0 36,8 12 810 188 68 163 21 — 3,110 40,0 35,5 13 990 202 69 23 — 3,125 \ 40,2 1 35,6 14 395 214 67 16 — 3,100 40,4 36,0 | 13 662 20 i 67 Expériences de contrôle avec des lapins. a tt> ? a ■ e= a «ic» B3 S ENDROIT . LANGLOIS. 4" La formation d'nn milieu artificiel autour de V enfant. — Quoique, la calotte supérieure étant rabattue sur l'inférieure, la fermeture ne soit pas hermétique, l'enfant se trouve dans un milieu confiné qui subit des modifications au triple point de vue de la chaleur, de l'état hygrométrique, des variations dans la composition chimique de l'air. Il est impossible d'éviter complètement la formation de ce milieu ; mais en prenant des jeunes sujets de petites tailles, les modifications sont peu sen- sibles : c'est ainsi que la température de l'œuf s'élève à peine de 2 à 3° au-dessus de la température extérieure, pour un en- fant de 7 kilogrammes. L'état hygrométrique subit des variations plus impor- tantes : l'hygromètre employé ' indiquait un écart de 10 à 12°. Ce n'est pas là un chiffre considérable, lîi vapeur d'eau exha- lée vient en effet, suivant \e principe de l sont sortis guéris, cequi donne une mortalité de 00 p. 100, chiffre inférieur à la statistique hospitalière, qui esl de SOp.100, et se rapproche de la mortalité en ville, ->0 p. 100. Je n'ai pas la prétention de croire que l'œuf calorimétrique ait une valeur thérapeutique dans le traitementde la broncho-pneumonie, mais cette statis- tique répond victorieusement aux craintes formulées sur les dangers que ces expériences pouvaient faire courir aux petits malades. Ce travail, commencé en juin 188.">. a été fréquemment interrompu par suite de circonstances diverses. J'ai pu cepen- dant faire 210 observations, chiffre assez considérable, si l'on remarque qu'il faut mettre un intervalle de 2 heures au moins entre deux observations pour laisser refroidir l'appareil. Cette nécessité limite forcément le nombre des observations quo- tidiennes. III Influence des causes extérieures. Parmi les causes extérieures à l'individu qui peuvent mo- difier en lui les fonctions de la thermogénèse, une des plus importantes est sans contredit la température extérieure. Vi- vant dans une atmosphère d'une température ordinairement inférieure à la sienne propre, l'animal émet constamment une certaine quantité de chaleur; mais cette quantité de chaleur émise est-elle exactement proportionnelle à la différence con- statée entre la température de l'animal et celle du milieu am- biant? Suit-elle, en un mot, la loi de Newton? Le raisonnement et l'observation indiquent que, pour les 298 P. LANGLOIS, animaux supérieurs, animaux à température constante, la loi du refroidissement n'est pas applicable. Ces animaux, grâce à un système spécial de régulation, ne présentent, pour des écarts considérables de la température extérieure, que de très faibles différences de température. Ce rôle de la régulation de la chaleur est dévolu à l'appa- reil vaso-moteur, cet appareil agissant non seulement sur la déperdition du calorique, mais encore, suivant l'opinion de M. Vulpian, sur la production du calorique. On démontre en physique que la radiation thermique varie suivant la température de la surface rayonnante. Or, chez l'homme, la surface rayonnante n'est autre que la surface cu- tanée ; les oxydations qui s'y produisent sont peu intenses et la peau n'a véritablement pas de chaleur propre; la tempéra- ture du tégument tient donc à la circulation plus ou moins ac- tive de son riche réseau vasculaire. Par suite, si l'action vaso- constrictive de l'appareil régulateur amène un resserrement des vaisseaux cutanés, elle déterminera en même temps un abaissement dans la température de la peau et une diminution dans la radiation thermique, l'inverse se produisant dans la dilatation des vaisseaux périphériques. L'influence exercée par la circulation sur les sécrétions de la peau, source puis- sante de refroidissement, vient augmenter les résultats obte- nus par l'irrigation des tissus. La régulation de la chaleur est encore obtenue par la voie pulmonaire; réchauffement de l'air expiré et la vaporisation de la vapeur d'eau exhalée absor- bant, chez un homme de constitution moyenne, et dans les conditions normales, 1S 650 calories par heure. Jl suffit d'aug- menter le nombre des respirations et par suite la quantité d'air qui va s'échauffer dans les poumons pour faire accroître ce chiffre. En ce qui concerne le poumon, M. Vulpian1 émet, au sujet du rôle des vaso-moteurs de cet organe, une théorie toute 1. Vulpian, Leçons sur l'appareil vaso-moteu>\t. II, p. 179. CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 299 personnelle : bien qu'elle ne soit pas admise par la plupart des physiologistes, je crois devoir la citer textuellement : « Les vaisseaux des poumons peuvent sans doute se res- serrer ou se dilater sous l'influence des libres vaso-molrices qui les innervent. La quantité d'oxygène absorbée doit varier suivant que le calibre de ces vaisseaux est plus ou moins largo, puisque la quantité de sang qui traverse les poumons est alors plus ou moins considérable. L'intensité des actes physico-chimiques esl vraisemblablement proportionnelle à l'abondance de l'irrigation qu'y opère le sang- oxygéné. » On voit que l'appareil vaso-moteur, par son action sur les vaisseaux du poumon, pourra influencer aussi les phéno- mènes de la thermogénèse animale. Le rôle de l'appareil vaso- moteur est donc celui d'un régulateur thermique. On peut considérer les variations de la radiation thermi- que dues aux modifications de la température extérieure comme une série de résultantes provenant de l'action de deux forces agissant en sens inverse. En effet, si la loi de Newton exerçait seule son action sur le rayonnement d'un être vivant, la tem- pérature du milieu extérieur étant mobile, celle de l'animal relativement fixe, la quantité de calories rayonnée aux diffé- rentes températures devrait, suivant la formule : Log T = log l + m log (1 — n) pouvoir être indiquée suivant une courbe hyperbolique. D'autre part, l'appareil vaso-moteur agit d'autant plus éner- giquement que la température est moins élevée, pour anémier la surface cutanée, diminuer sa radiation et les sécrétions dont elle est le siège. L'influence de la température extérieure sur la formation de l'acide carbonique a été étudiée par plusieurs auteurs. Il résulte de leurs travaux que la quantité d'acide carbonique exhalée croît généralement à mesure que la température s'abaisse. Pour Smith, la production de l'acide carbonique présente 300 P. LANGLOIS. on hiver une augmentation do 20 p. 100 sur celle do l'été. Lavoisier et Séguin ont trouvé chez l'homme : A 32°,S une absorption d'oxygène de 34^,49 en 1 heure; I.V.o — 38^,31 — Delâroche, en 1813, aboutit au même résultat. Voit et Pettenkokek' donnent les chiffres suivants, d'après les obser- vations prises à l'aide de leur grand appareil sur un homme de 71 kilogrammes à jeun. TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE. ACIDE CARBONIQUE en C heures. A /DTE de l'urine. degrés. grammes. grammes. 4, \ 210 4,23 9 192 1,20 14 155 3.81 16 158 i 23 164 3,40 La courbe indiquant la quantité d'acide carbonique exhalée passerait donc chez l'homme par un minimum vers 14°. Page-, éludiant le mémo phénomène chez le chien, trouve également un minimum, qui chez cet animal serait à 2o°. Si l'on représente par 100 la quantité d'acide carbonique exhalée à 25°, on trouve : A l.'i0 118 à 141 d'acide carbonique. 20° 107 à 109 25° 100 30" 111 à 112 — 3;i° 149 à I oo — Senator3, avec son calorimètre destiné à mesurer simulta- nément l'acide carbonique exhalé et la chaleur émise, admet que ces deux facteurs diminuent avec la température. 1. Pettenkûffer et Voit, Zeitschrifi fiir Biologie, t. XIV, p. 57. 2. Page, Juitrn. ofPhys., vol. Il, p. 228-234. 3. Senator, Arch. fur Anat. und Physiol., 1872. p. 50. CÀLORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 301 Frédéricq1 conclu) qu'entre 14° et 20" la température extérieure n'influe pas sur la consommation d'oxygène et par suite sur la thermogénèse. Il n'en est pas de même s'il y a impression brusque du froid sur la peau : nous avons cité ces résultais à propos du refroidissement des jeunes enfants. M. Barral8, par la méthode de M. Boussingault, a trouvé par le froid une augmentation notable dans la dépense de l'oxy- gène. Chez, un homme de 47 kilogrammes la quantité d'oxy- gène prise à l'atmosphère dans l'espace de une heure a été de : 44K*,229 à 0°,S4 31^,782 à 20-, 8 Enfin nous rappelons les chiffres de Ludwig, ohtenus non par une calorimétrie directe, mais à l'aide de calculs : | En hiver 3,223 Homme. -, P ,. , | En ete 2,74.) Masje3, d'après ses recherches avec la pile de Melloni, con- clut également que la radiation du corps nu s'accroît d'autant plus vite que la température ambiante est plus basse ; il ajoute toutefois que, si le refroidissement est assez intense pour pro- voquer la contraction de la peau, cette radiation tombe au- dessous de la normale. J'ai tenu à citer ces résultats obtenus par des observateurs habiles, parce que les expériences faites sur les animaux par M. Cn. Richet, et les miennes, faites sur l'homme, semblent conduire à des résultats fort différents. Tandis que les chiffres de MM. Voit et Pettenkofer pour l'homme, de M. Page pour le chien, indiquent que la courbe de la quanti té d'acide carbonique à des températures différentes passe par un minimum, variable suivant l'espèce. M. Cn. Richet, 1. Frédéricq. « Sur la régulation do la température chez les animaux à sang chaud. » [Archives de Biologie, 1882, p. 697.) 2. Barral, .l«/i. de Chim. et de Phys., 3e série, t. XXV. 3. Masje. « L'irradiation du calorique chez l'homme [Arch. de Virciiow. t. CVIII). 302 P. LA.NGLOIS. en groupant 1 10 observations faites sur des lapins, trouve que la radiation maxima du calorique chez le lapin se produit vers 13 ou 1 1° et qu'en deçà et en delà de celte température l'intensité de la radiation diminue avec une grande rapidité. Le munie fait se produit chez le cobaye, la radiation maxima se trouvant à une température plus basse, 1 L°. M. Cn. Richet1 a entrepris les mêmes recherches sur les en- fants à l'aide de l'œuf calorimétrique décrit au commencement de cette étude. Les expériences faites en été, la température extérieure oscillant entre 18° et 25°, ont montré que la radiation calorique diminuai t rapidement avec l'élévation de la température atmos- phérique de 18° à 25°. C'est à la suite de ces recherches, auxquelles M. Cn. Richet m'avait associé, que j'ai, suivant son conseil et guidé par lui, entrepris cette étude sur la chaleur humaine. Il était intéressant de chercher quelles modifications les températures moins élevées amenaient dans la radiation, et s'il existait comme chez le lapin et le cobaye une température correspondant à un rayonnement maximum chez l'homme. Je n'ai pu, et on en comprendra les raisons, étudier com- plètement cette question chez l'enfant. Il m'était impossible, avec de jeunes sujets présentant une résistance si faible au refroidissement, de les exposer nus à des températures relati- vement basses. Les observations ont donc été faites sur des enfants complètement vêtus, ce vêtement étant toujours de la même nature ; couverture de laine rouge assez légère enve- loppant complètement l'enfant, ce dernier gardant en outre une brassière de coton et un bonnet de tête. L'enfant ainsi habillé était amené dans la pièce où se trouvait l'appareil et y demeurait un certain laps de temps avant d'être mis dans l'œuf. Cette précaution est indispensable, la température des salles d'hôpital reste constante en hiver au I. Ch. Richet, « Influence de la température extérieure sur la production de chaleur. » (Acacl. des Se, 29 juin 1883). C ILORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 303 moins, et il faut un certain temps pour que l'influence de la température extérieure amène une réaction du système ner- veux, réaction déterminant les modifications dans la thermo- génèse que je voulais étudier. Un séjour de 30 à 40 minutes suffi! généralement, car L'enfant se trouve encore à la même température après une expérience il' une heure et quelquefois davantage. Dans les dernières minutes de l'expérience, c'est-à-dire au moment où se produit l'équilibre entre la chaleur reçue par le calorimètre et celle qu'il émet au dehors par rayonnement, moment où se mesure par conséquent la quantité de calorique produite par l'enfant; l'enfant se trouvait de 1 h. 30 al h.4o sous l'influence de la température étudiée. Les expériences entreprises pour déterminer en calories la valeur des centimètres cubes d'eau écoulés montrent que cette valeur n'est pas modifiée par la température exté- rieure '. Température Valeur eu calories extérieure. du centimètre cube d'eau tombé. degrés. 14 67 ] 13 09 GG 67'3° 14 15 G7 ] 1G G7 21 -2:; 09 / , .. 68 1 °'"" 2:< 67 1 Ce qui était à prévoir, l'air de la double enceinte formant un matelas mauvais conducteur qui absorbe une grande partie de la chaleur émise, et d'autre part l'appareil rayonnant con- stamment, l'écart de la température de sa surface et celle de l'atmosphère est toujours très petit. Pour déterminer l'influence de la température extérieure, je n'ai fait entrer dans les éléments du tracé que des obser- 1 . Pour les détails de cette détermination, se reporter au tableau de la page 2S9. 304 ]>. LANGL01S. vations contrôlées sévèrement, laites avec des enfants à tem- pérature normale el d'un poids de 7 kilogrammes environ. TABLEAU A N t ' M É R 0 S des TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE CALORIES par kilog. POIDS BEI RES OBSERVAI 1 o X S . EXTÉl [1 RECTALE. et par heure. degrés. (lèpres- kilog. h. lu 1 20,5 37,5 1300 6,600 9,15 4 20 37,5 3 761 9,000 4,00 3 19 37,6 4161 9,000 10,(10 15 18 37.6 i II 17 7,500 90 18 37,2 1221 5,000 9.00 72 L6 37,5 4 100 8,000 11,00 '.7 16 36,9 3 020 7,400 43 16 37,2 4 080 7,100 10,00 45 16 37,3 4 050 7,175 11,00 44 15 36,8 3 950 7,150 8,00 47 15 37,6 4 25(1 7,100 3,00 80 15 37,6 3 800 8,000 11,00 50 15 37,4 3 990 5,000 5,00 51 15 37,5 3 920 5,000 5,00 11 i 15 36,8 3 700 7,000 117 15 37.5 4 12:; 7.000 113 14 37.5 4 200 7,000 10,00 La courbe construite d'après cette série d'observations (17) passe manifestement par un maximum à 18° et s'infléchit len- tement de 18 à 14°. Comment expliquer ces résultats, en contradiction (appa- rente tout au moins) avec ceux qu'ont obtenus les physiolo- gistes cités précédemment? Nous avons parlé au début de ce chapitre de l'action des vaso-moteurs. On peut admettre en effet que l'impression du froid détermine une action réflexe vaso-constrictive et par suite une augmentation du tonus vasculaire, resserrant les vaisseaux superficiels de la peau et des tissus sous-jacents et abaissant ainsi la température de la surface rayonnante. Telle est en résumé l'action des vaso-moteurs qui peut expliquera la r.ALOUIMKTIUi-: CHEZ L'HOMME. 305 rigueur les résultats obtenus par M.Cii.Rieiunetpar moi. Mais il reste à trouver une explication satisfaisante pour concilier ces deux faits : diminution dans la radiation, — augmentation ig. 10. — luilueiice de la teinpërulure extérieure. Sur l'ordonnée inférieure sont inscrits les degrés thermométiiques. — Sur l'ordonnée latérale la quantité de calories dégagées. — Les chiffres au delà de 20° sont empruntés à la note de M. Ch. Richet. dans la production d'acide carbonique — la température du sujet restant constante. Oscillations horaires de la thermocjénèse. — De nombreuses recherches ont été faites sur les oscillations de la température dans une période de vingt-quatre heures. Mantegazza1, par l'observation de la température de l'urine, 1. Manteg.vzza, « De la température des urines aux différentes heures. » (Presse méd. belge, 1863). m 306 P. LANGLOIS. trouve que la chaleur centrale augmente à partir de 5 heures du matin, atteint un premier maximum entre 10 et 11 heures, retombe lentemenletatteintun second maximumversij heures; ces deux màxima étant ù peu près identiques. Jurgensen1 établit que la courbe thermique peut se diviser en deux périodes pour chaque nictimère, une période ascendante diurne, une période descendante nocturne. De Rienzi 2 établit que les variations ne sont produites ni par l'ingestion ni par la digestion des aliments. Ces recherches ont été reprises par MM. Ch. Richet :t, Gley et Rondeau, et viennent con- firmer les résultats obtenus par les auteurs précédemment cités. La température de l'urine, prise de 7 heures du matin à 9 heures du soir, indique un maximum vers 3 heures, sans que l'influence des repas soit très appréciable. A 7 heures la température de l'urine est de 36°, 4 et elle atteint 37°, 35 à 4 heures, pour descendre ensuite graduellement. Le repas du soir pris à 7 heures ne paraît pas ralentir cette descente. Les auteurs qui ont étudié les modifications ho- raires des phénomènes delà respiration, Vierordt, 2 Bidder, Pettenkoffer, Voit, Sexator, Leyden, Fraxkel, etc., admet- tent tous la suractivité de ces phénomènes pendant la di- gestion. C'est ainsi que Fredericq, étudiant la consommation d'oxy- gène aux différentes heures, au printemps et par une tempé- i. JoROENSBN, Deutsch. Arch. f. klin. Med., 1863. — Die Korperwârme des gesunden Menschen. Leipzig, Vogel, 1873. 2. De Rienzi, « Sur la température animale clans les différentes parties du corps » (Il Filiatre selezio, mars 1865). 3. Ch. Richet, « Leçons sur la chaleur animale» (Revue scientif., 1885, 2" sera., p. 428). 4. Vierordt, Physiologie des Athmens mit besonderer Rucksicht auf die Auscheidung der Kohlensaure. Karlsruhe, 1845. — Berg, Deut. Arch. fur /.-. Med., VI, p. 291. — Bidder et Schmidt, Die Verdaungssafte und der Stoffwechsel. — Pettenkoffer et Voit, Ann. der Chem. und Pharm. Leipzig, 1852. — Sena- tor, Arch. fur Anat. und Phgsiol., 1871. — Leyden, Arch. fier pat h. Anal., 1879. — Fredericq, loc. cit., p. 737. CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 301 rature de 15°, trouve pour un homme de 83 kilogrammes: a EUR ES, LIT Kl': S D ' 0 X T 0 1 ni: absorbé en i' minute - AUGMENTATION. II. 1.1. s II) 11,30 2,30 1. c. 1,50 (i :. 6,50 33 p. 100. 45 — Après le déjeuner. . . . Avant le dîner 1 h. 30 après le dîner. . Chez l'homme à jeun ces doux maxima n'existent pas, et la courbe de l'oxygène absorbé suit une ligne descendante régulière. Si la digestion détermine une augmentation considérable dans la production de calorique, 35 et 45 p. 100, sans amener cependant une élévation thermique sensible, c'est que le sys- tème régulateur de la chaleur fonctionne toujours. On doit donc constater une déperdition correspondant à la production exagérée. En éliminant les observations faites sur les enfants, soit ma- lades, soit d'un poids inférieur à 7 kilogrammes, j'ai groupé les 14 observations faites à des heures différentes sur cinq enfants soumis au môme régime et prenant trois repas : le premier à 7 heures, le second à 10 h. 30 et le troisième à 5 heures. Le tableau B indique nettement deux maxima correspon- dant à ceux indiqués par Fredericq dans l'absorption de l'oxy- gène et explique la discordance qui existe entre le tracé de l'exhalation de l'acide carbonique et celui de la température. Quant au maximum constaté à 3 heures clans les trois courbes de la production de chaleur, de sa déperdition et de l'élévation thermique, il tient à des causes multiples agissant en même temps : élévation de la température extérieure, digestion du principal repas, suractivité psychique et phy- sique. Il existe en quelque sorte une fièvre normale, physio- logique, qui atteint son maximum vers 3 heures. A cette 308 P. LAN CLOIS. période de la suractivité de la thermo-genèse succède une phase de dépression telle que la courbe thermique continue à baisser jusqu'au moment du sommeil, que ce dernier se produise ou non. TABLEAU B NUMÉROS des OBSERVATIONS. HEURES CALORIES par KILOGRAMME. poins. OBSERVATIONS'. 1 BMPÉBATVBB rectale. h. m. kilo-. ■ Ir-r^s. 11.5 8 4 200 7 B 37,5 94 8 3 950 7,150 E 3G,8 3 10 4 101 9 A 37,6 93 10,30 4080 7,150 E 37,2 52 10,30 415$ 7 C 37,5 112 11 4 250 7 B 37,4 95 11,30 4 050 7.175 E 37,3 132 2 3 9110 0,8 D 38 33 2 4120 7,100 E 37.5 31 3 4150 7 E 37,4 97 3 4 250 7.150 E 37,6 4 4 3101 9 A 37,3 51 5 3 920 7 C 37,5 50 5 3 990 7 C 37,7 1. Les lettre s de la iic coloni e indiquent les t bservations pris es sur le mime ei tant. Ce maximum do trois heures est sans doute plus faible chez l'enfant, surtout l'enfant dans une salle de l'hôpital, que chez l'homme, soumis à toutes les nécessités et les préoccupations de la vie quotidienne. Enfin l'activité intellectuelle, dont l'influence a été étudiée par M. Gley \ est à peu près nulle à cet âge. J'ai cherché, en profitant des conditions spéciales où se trouvent les jeunes enfants, ce que deviennent les oscillations 1. Gley, « De l'influence du travail intellectuel sur la température générale » (Soc. de Biologie, 26 avril 1884). — M. Gley, en variant ses expériences, a trouvé que l'élévation thermique due au travail intellectuel est environ de un dixième de degré dans une heure. CAL0RIMÉTR1E CHEÉ L'HOMME. 309 do la radiation thermique, quand on supprimait L'influence de l'alimentation e1 du milieu extérieur. Ces enfants, prenanl le sein toutes les doux liouros environ et absorbanl une faible Pig. 71. — Oscillations horaires de la thermogénèse. Sur l'ordonnée inférieure sont marquées les heures de 8 heures du matin à 5 heures •lu soir. Sur l'ordonnée latérale sont indiquées les quantités de calories produites corres- pondantes. Chaque point correspond à une observation inscrite dans le tableau C et prise avec les enfants E et C. quantité de lait à chaque tétée, se trouvaient dans un état de digestion continuelle. D'autre part, ils restaient toute la journée dans une couveuse maintenue à 26°, ne la quittant que pour prendre le sein et être changés. Douze observations ont été prises sur le même enfant, salle Valleix, n° 638, né le i février, et par conséquent âgé de dix jours lors des premières observations. Cet enfant chétif, pesant 1 700 grammes, ne présentait aucune lésion pulmonaire ou abdominale, sa température rectale s'est toujours maintenue à un chiffre assez bas, 36°, 0 et 35°, i: la température du cabinet variant entre 22° et 2o°. Malgré cette atmosphère élevée, il se produisait chaque fois un abaissement notable delà tempéra- ture rectale pouvant atteindre 7 à 0 dixièmes à la fin de l'ex- périence. J'ai dû tenir compte de ce refroidissement. ( >n voit d'après ce tableau qu'il est loin d'être négligeable. 310 p. lan<;lois. TABLEAU C TEMPÉRATURE RECTALE CALORIES CALORIES HEURES. PERDUES par refroidissement. après CORRECTION. INITIALE. FINALE. h. m. degrés. degré». 9 36 35,4 450 7 000 8,30 36.2 35,9 250 r, 250 9 35,3 34,1 400 6 900 11 36,4 35,6 640 9 860 11 36.3 35,7 150 9100 3 36,4 35 1 162 9 400 4 36,8 35,4 1 160 6 700 4,3 36,4 36 320 7 500 0 36,2 35,6 480 7 000 Le poids n'est 1 708 gr. pas indiqué pour chaque observation, ce poids ayant oscillé entre 1 675 gr. et Une autre série d'observations faites sur un enfant pesant 1 950 grammes à 2 000 grammes, et du même âge, se trouvant clans les mêmes conditions de nourriture et de séjour, mais étant introduit clans l'appareil complètement emmailloté, indique également un maximum vers 11 heures du matin. N 0 M K R O S des HEURES. TEMPÉRATURE CALORIES après OBSERVATIONS. RECTALE. CORRECTION. 164 8 36° 6 365 167 11 36,6 6800 16S 12 35 6800 168 3 35,8 7 0001 156 4 35,8 6 000 1. La température extérieure n'a pas été y.ri:. ? au début de cette observation. Nous retrouvons encore ce maximum vers M heures chez CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 34* un enfant de I kilogrammes, n° L39, élevé au sein également, mais qui n'est pas dans une couveuse : A 11 heures :(7",N ;>300 calories. A 4 heures 38° ,4 4 300 — L'augmentation observée dans la radiation thermique à 11 heures est considérable chez le n° 638 : elle dépasse de 28 p. 100 la radiation de 9 heures du matin et de 5 heures du soir; mais il faut remarquer que cet enfant donne des chiffres toujours très élevés et qu'il parait très sensible au froid. D'autre part, il existe une cause spéciale qui paraît agir sur cette augmentation de radiation. M. Sevestre, le chef du ser- vice, fait sa visite vers 10 heures. Dès 9 heures et demie les nourrices préparent les enfants qui lui sont présentés chaque jour. Ces enfants restent ainsi en dehors de leur couveuse une heure environ, et, pendant ce temps, ils s'agitent, crient, et, le meilleur procédé pour les calmer étant de leur donner le sein, il est probable qu'à ce moment la quantité de lait absorbée est plus grande : c'est du moins ce que nous avons constaté dans quelques pesées faites à cette heure. Toutes ces causes, action de l'air extérieur, agitation prolongée, nourriture plus abon- dante, contribuent à accélérer la thermogénèse. Pour étudier cette influence spéciale, j'ai fait laisser l'en- fant dans la couveuse pendant toute une matinée. À 11 heures l'observation calorimétrique CLXXIII donnait 6 000 cal., chiffre un peu inférieur à ceux cités plus haut. Dans un autre cas, l'enfant a été maintenu en dehors de la couveuse pendant une heure, de 7 à 8 heures, le sein lui a été donné deux fois, et il a absorbé en tout 45 grammes de lait d'après les pesées. L'observation prise à 9 heures indi- quant un dégagement de 7 660, chiffre légèrement supérieur à ceux obtenus précédemment à cette heure, les résultats donnés par ces deux dernières observations ne peuvent in- firmer ce fait qu'il existe pour les enfants observés un maxi- 312 P. LANGLOIS. mum de radiation thermique se maintenant de 11 heures à 3 heures. Les variations dans la pression barométrique, variations peu importantes du reste, ne nous ont pas paru exercer une iniluence quelconque sur la radiation calorique; aussi avons- nous cru inutile de donner les indications barométriques. IV Influence de la taille. Les animaux à sang chaud, présentant généralement une température supérieure au milieu ambiant, sont soumis, au moins en partie, aux lois physiques qui règlent le refroidis- sement ou la radiation. Par suite, la perte de chaleur par radiation doit être d'autant plus grande que la taille est moindre. La surface rayonnante pour les sujets de formes analogues varie comme les carrés, tandis que les volumes varient comme les cubes. Cette augmentation dans la perte du calorique doit coïncider, la température restant constante, avec une augmentation dans la production des combustions. Ce fait avait été établi déjà par Regnault et Reiset pour les animaux d'espèces et de poids très différents. Calculant la quantité d'acide carbonique exhalée par kilo- gramme et par heure, ils trouvent les chiffres suivants : grammes. Homme 0,60 Lapin 1,11 Chien 1,19 Canard 2,12 Moineaux 10,.'i!S' 1. Sanson trouve, pour le cheval d'un poids de o()"J kilogr., 0,16 d'acide car- bonique par kilogramme et par heure, chiffre évidemment trop faible. CA.L0R1MÉTRIE CHEZ L'HOMME. 313 Ces chiffres indiquent cependant que cette règle ne s'ap- plique rigoureusement qu'aux animaux de mêmes espèces. Un kilogramme de chien produit autant d'acide carbonique qu'un kilogramme de lapin, quoique le poids absolu du pre- mier soil le quintuple de celui du second. M. Senator, qui a établi l'influence de la taille sur la pro- duction de la chaleur chez les chiens, confirme ce fait : que la production de chaleur du chien est plus élevée relativement que celle du lapin. Les analyses des gaz expirés par l'homme faites par MM. Andral et Gavarket montrent également l'augmentation relative de la production de l'acide carbonique chez l'enfant. A C I D E O X Y G K N E AGE. POIDS. CARBONIQUE exhalé en 1 heure- ABSORBÉ en 1 heure. 8 ans. kilog. 22,26 18,3 15,6 15 — 46,41 31,9 27,6 18 — 61,00 41,8 35,5 40 à 60 (18,01) 37,0 31,5 Consommation moyenne de carbone par heure : grammes. „,-«.„ ( Chez le jeune garçon pubère 7,0 De 10 à lô ans. r. . •» °„v * ,. r r ( Chez la jeune fille non réglée.. . . . 6,4 Chez l'homme adulte 11,2 Chez la femme réglée 0,4 De 16 à 30 ans. Ludwig, d'après les mesures des produits de la respiration, admet les chiffres suivants : Calories p. kil. et p. heure 322:. en été. 2 746 — 58 kilogr. 2 204 Pour une femme de 61 — 1996 Pour un enfant de 15 — (6 ans). 7 058 Cette augmentation se constate encore dans le dosage de 314 1». LANGLOIS. l'urée, cette scorie, suivant l'expression de IIiktz, du foyer de combustion animale. Fouilhoux, cité parM.REGNAHD,donneles chiffres suivants: grammes. Enfant de 3 à 6 ans 1 ,3 8 à 11 ans 0,8 13 à 16 ans 0,7 Adulte 0,3 Dans les premiers jours de la naissance, la production de l'urée est loin d'être aussi considérable, ainsi que l'ont montré les recherches de Pahrot, Pollak et Cruse. M. Parrot indique le chiffre de 0pr,23 par kilogramme d'enfant pendant les 15 premiers jours. M. Qdinquaud a trouvé une augmentation assez considé- rable dans la production de l'urée du premier au quinzième jour : Uréo par kilogramme. 1er jour. ...... 0gr,03 2<= — 0«r,12 8e — 05r,20 15e - 0?r,30 Cette faible quantité durée chez le nouveau-né (2 fois moindre que chez l'adulte) s'explique par la puissance d'assi- milation et d'oxydation qui existe chez lui à cette époque et qui fait que tous les produits non assimilés sont complètement comburés. Le tableau suivant, résumant une expérience, a été obtenu en groupant les observations faites sur des enfants à tem- pérature normale (ou présentant des écarts physiologiques), suivant le poids de ces enfants. CAL0R1MÉTRIE CHEZ L'HOMME. TABLEAU D 3 1 :; NUMÉROS DU "iisii:\ » i POl i>x. TEMPÉRATURE R ECT ALI. <: A.LOR1 ES i'A r k i M) a R A U M 1.. 3 kllog. 10 degrés. 37,6 4 161 65 10.0 37,6 3 SOI) 7 9,0 37.5 4 250 4 9,0 37.5 3 761 72 8,0 37.5 4 100 5 8,50 36,3 4 017 113 7.00 57.5 4 200 18 7,10 37.2 4080 93 97 7.1 75 7.175 37,3 37,6 4 050 4 250 33 7,100 37,5 4 120 91 25 6.0 4,500 37, S 37.2 4 220 4 221 158 4,320 37.8 5 300 159 4,150 57. S 4 300 157 3,8 38 4 350 121 156 3,9 3,8 37,6 37,8 4 300 4 200 176 2,8 37 4 280 126 2,5 36 5 360 142 2,150 36,8 4 600 143 1 1 4 2,150 2.230 36,8 37 4 900 4 500 140 1,995 36,6 6 800 146 1,990 36,2 6 000 148 1,990 35,8 6 100 1 la 1,950 35,9 6 800 L53 1,700 36,8 6 700 ! 55 1,700 36,2 7 000 139 1.670 36,4 7 500 140 1,680 36 7 000 141 1.675 36,4 6 300 Ce qui donne les chiffres moyens suivants : calories. 4 enfants de 9 à 10 kilo^r 3930 6 — 7 à 8 — 4120 1 — 5 à 6 — 4 200 6 — 3 à 4 — 4 350 5 — 1 à 2 — 4 800 6 — 2 à 3 — 0 400 316 P. LANGLOIS. La démonstration do ce fait : que la production de chaleur varie en raison inverse de la taille de l'animal, est établie par ces chiffres, mais il est intéressant de chercher le rapport qui existe entre la production ou la déperdition, ces termes étant Fig. 72. — Influence de la taille. Sur l'ordonnée inférieure sont inscrits en kilogrammes les ' poids des enfants. Sur l'ordonnée latérale, les quantités de calories produites par kilogramme. Les enfants de 2 kilogrammes donnent parfois des chiffres considérables : 6 700, 7 100. indifférents si la température reste constante, et la grandeur de la surface rayonnante. Il est difficile, sinon impossible, d'évaluer exactement la surface cutanée de l'homme, mais on peut arriver à des chif- fres approximatifs. La densité du corps humain est évaluée à 1,009 (femme), 1,010 (homme) par Robin, à 1 ,066 (homme) par Valentin. Ces chiffres varient certainement avec les modifications indivi- CÀLORIMÉTRIi: CAW/A L'IIOMMK. 317 duelles, aussi peut-on considérer la densité du corps humain comme (Haut égale à colle de l'eau et évaluer le volume d'après la lecture directe du poids de l'individu. TABLHAU E POIDS. SURFAC E CALO R I F. S DÉGAGÉES PAR KILOGRAMME* PAR ' NI ni I>IJ si R.FACE. kilo;,'. 65 10 9 7 6 4 2 7,84!) 9,142 2,100 1,778 1,038 1,13S 0,780 1700 3 930 3 900 4 120 4 200 4 300 6 000 14 17 10 10 13 15 15 L<> premier chiffre est calculé d'après le nombre donné par les auteurs précédents. C'est avec intention que j'emploie dans la dernière co- lonne le terme : unité de surface, terme très vague, mais qui convient parfaitement au peu d'exactitude de la détermi- nation de la surface du corps; j'ai considéré en effet le corps humain comme une sphère de densité égale à 1 et dont on pouvait, par conséquent, calculer la surface d'après la for- /3~p mule 4t:R2, R étant égal à * / Il est loin d'en être ainsi, et les chiffres donnés par M. Sappey et calculés en décom- posant le corps humain en une série de cylindres, de troncs de cône ou de sphères, sont beaucoup plus forts (près du double) que ceux donnés ici. Quoi qu'il en soit, et c'est là le point intéressant, l'erreur commise existe pour tous les poids donnés, et il ressort néanmoins du tableau que la quantité de chaleur dégagée est fonction de la surface. En prenant les chiffres de M. Sappey et en calculant 318 P. LANGLOÎS. d'après les données de Quetelet la surface des enfants à diffé- rents âges, on peut approximativement doubler les surfaces indiquées par le tableau, et prendre alors les chiffres de 8 microcalories comme indiquant la quantité de chaleur dé- gagée par un centimètre carré de peau humaine. M. Ch. Richet ' a obtenu des résultats semblables avec des lapins pesant de 2kBi00 à 53*400 : Calories par décimètre carré de surface. Lapin de 2k%300 10,79 — -2kvi00. ..... 10,70 — 2k%700 10,54 2kB,900 10,62 — 3k-,100 10,54 Les recherches analogues entreprises sur des cobayes de 140 à 150 grammes conduisent au même résultat que celles faites sur les lapins et on retrouve le chiffre de 10 calories par unité de surface. Ce qui tend à faire admettre que la radiation thermique chez des animaux de môme fourrure et d'espèce différente se fait suivant une même loi. Les chiens, moins protégés par leur tégument contre la déperdition de calorique, produisent plus de chaleur que les rongeurs, et la perte par radiation s'élève chez eux à 14 ca- lories par unité de surface. Enfin l'homme, dont la peau nue est bien moins protégée que celle de tous les animaux, offre également le chiffre le plus élevé, 15 à 17 calories par unité de surface. Les recherches calorimétriques sur les enfants très jeunes, de 4 jours à un mois, offrent une grande difficulté. Ces petits êtres présentent au refroidissement une résistance excessi- vement faible. J'ai pris une partie de mes observations, l'en- fant sortant de la couveuse à 26° emmailloté dans des langes et des couvertures dont la température prise à l'aide de ther- momètres glissés entre les effets variait entre 32° et 27°. 1. Ch. Richet, loc. cit., p. 268. CALQRIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 319 La lempéralure (rectaleïde l'enfant était reconnue 40 mi- nutes au moins avani L'expérience. L'enfanl changé était remis pendant ce laps de tem|>s dans la couveuse, où ses nouveaux effets prenaient une température fixe. Après le séjour d'une heure dans l'œuf calorimétrique, le thermomètre était intro- duit de nouveau dans les effets et indiquait une diminution de 1 à 3". La température rectale avait baissé de 0,5 à 1°. J'ai essayé de déterminer expérimentalement quelle était la cha- leur cédée au calorimètre par les effets du maillot. Mais cette correction est presque impossible, et j'ai dû continuer mes observations sur les enfants de cet âge en les mettant com- plètement nus dans l'appareil, en prenant la précaution de porter la pièce où je faisais mes expériences à une température très élevée, 28° à 31°. Malgré cette atmosphère surchauffée, j'ai toujours constaté un abaissement notable de la tempéra- ture de l'enfant. Toutefois, malgré ce refroidissement, je n'ai jamais observé aucune complication pulmonaire ou autre chez mes jeunes sujets, et les enfants soumis pendant plus de deux mois à des observations fréquentes se portaient aussi bien que les autres enfants de la crèche. Ce qui tend à faire admettre que, si les enfants présentent au refroidissement une résistance très faible, par contre, cet abaissement de la température n'a pas sur eux l'influence pernicieuse qu'il présente chez l'adulte. Quoi qu'il en soit, il faut tenir compte, dans les calculs, de cette chaleur cédée par refroidissement, et, avec les écarts notés dans ces observations, cette quantité est loin d'être négli- geable. Cette correction est toujours défectueuse, car il est impos- sible de mesurer exactement la quantité de calories perdues par refroidissement, et nous sommes forcés de prendre un chiffre approximatif. Nous supposons, en effet, comme Liebeumeisteh, que toutes les parties du corps se sont refroidies d'une quantité égale dans le même espace de temps. Il existe là une cause d'erreur, mais elle est assez faible. 320 P. LANGLOIS. Pour l'apprécier, nous avons pris dans plusieurs observa- lions une série de températures périphériques. Les tempéra- tures axillaircs étaient reconnues avec un thermomètre divisé en 25e9 de degré ; les températures des parois thoraciques ou abdominales, avec un thermomètre de M. Constantin Paul. TABLEAU F TEMPÉR A TIRE RE C 1 in itinle. A LE finale. A X I I. 1 initiale. AIRE finale. THOR A initiale. C I Q U E finale- A BDO 1 initiale I X A L E finale. degrés. degrés. degrés. degrés. degrés. degrés- degrés. degrés. 140 36 35,4 36,2 35,3 35 34,3 » » 144 35,3 34,7 35,7 34,8 35 34,1 35,4 35 152 36,3 35.4 36,4 35.4 » » » » 145 36,2 35,6 36 35,3 ;> » » » 147 38,2 39,6 37,5 37 34 36,2 37.2 37 135 39,9 » » », 38,6 37,7 >. )) 139 36,4 35.9 36,5 35,9 » » 36,2 34,6 " 37,0 36,3 36,8 36.1 35,4 34,3 36,2 i La peau, exposée à l'air, se refroidit rapidement, mais le refroidissement périphérique se ralentit au bout de 6 à 7 mi- nutes et les températures rectale et thoracique donnent alors une courbe sensiblement parallèle. L'abaissement de température ne paraît pas suivre de loi déterminée, non seulement pour des régions différentes, mais encore pour les mêmes régions sur des sujets différents. L'influence de l'appareil vaso-moteur et ses fluctuations individuelles se font là ressentir. Les quelques expériences que nous avons faites dans ce but viennent confirmer celles de Mortimer Granville et Sidney Ringer'. 1. Mortimer Granville, The Lancet, 11 août 1886, p. 205. CALORIMË l RIE <:in;z L'IIOM ML. m Observation l1. — Enfant de 13 jours pesant 1,700 grammes esl maintenu toute la journée dans une couveuse à 26°. I. 'en tant esl amené emmailloté dans le cabine L de M . Sevestre, nu du maint iriit mu' température de 26°. L'enfant esl rapidement déshabillé, mis complètement nu, et on prend simultanément avec des thermomètres étalonnés les températures rectales, axill aires el thioraciques. Tous ces instruments riant portés préalablement a 35° environ, les résultats obtenus sont les suivants : l KM PÉ RATURE A B M IN UTES. Ri: C T A I. l:. A X 1 I. I. A 1 Et B. 1 II M R A C I Q U E. , . •• 36,3 36,2 degrés. 35,0 36 36 35 10 36,3 0,1 0,1 » » » 15 35,8 35,7 34,8 35 35 » 20 35,7 35,6 :'.i,l 35 35 34 30 35,7 » 34,6 35 35 31 40 35,6 » » 35 35 50 35,6 35,4 » 35 35 34 1 h. 35,5 35,2 34,3 Obs. II2. — Enfant de 1 mois pesant 1,900 grammes. Placé également dans une couveuse à 26°. L'observation a été prise dans les mêmes conditions, lacbambre étant à 27° environ. (La température de la pièce a varié de 26° h 28°, a pen- dant la durée de l'observation, une heure, et l'enfant s'est agité conti- nuellement, a crié, de sorte qu'il n'a pas été possible dans ces conditions de prendre les trois températures simultanément.) M I N U TES. TEMI'ÉR A T U R E RECTALE. AXI I. I. AIR E. T H 0 R A CI Q UE. 3 20 30 40 50 1 h. degrés. 33,8 ' 35,2 35,0 35,1 » 35,1 degrés. 36 35 M » )) 35,1 d egrs. » 33,8 34,0 » 1. Les observations calorimétriques CXXXVII à CLIV ont été prises sur cet enfant. 2. Cet entant a fourni les observations calorimétriques CLX1V et CLXVII1 tome i. 21 Ail P. L AN (i LOIS. Obs. III2. — Enfant de 8 mois (?) pesant 3k*,8. A l'infirmerie pour une légère bronchite. La température de la salle est de 16°. L'enfant est dans son lit, enve- loppé d'une couverture de laine : il est transporté ainsi dans le cabinet à 28°. L'observation est arrêtée à 30 minutes. MIN l 1 ES. TEMPÉRATURE RECTA LE. A X I L 1. A I II E . T II 0 R A C 1 Q l .' I\ 10 30 degrés. 37,1 37,5 37,1 degrés. 37,3 36,8 36,: degréB. 35,9 » 35,3 Malgré les différences assez considérables qui existent entre ces cbif- fres, on voit qu'on 'peut calculer avec une certaine approximation la quantité de chaleur perdue par le refroidissement en partant des diffé- rences constatées dans les lectures initiale et finale du thermomètre placé dans le rectum, à la seule condition d'attendre pour prendre la température initiale 10 ou 15 minutes depuis le moment où l'enfant est déshabillé complètement. En prenant le nombre 83 comme coefficient de chaleur .spécifique du corps humain, on peut déduire la quantité de calories fournies au récepteur calorimétrique par le refroi- dissement, et ce sont les chiffres ainsi corrigés qui ont été inscrits au tableau d'observations. Les corrections dues au refroidissement n'acquièrent une importance réelle que pour des enfants d'un poids inférieur à 2kil,500. Ceux d'un poids supérieur ne se refroidissent pas, ou tout au moins d'une quantité très petite, 2 à 3 dixièmes au plus, et il est impos- sible dans ce cas de déterminer si l'abaissement constaté est dû à un refroidissement local plutôt qu'à un refroidissement général. Dans quelques cas exceptionnels il y a eu élévation. Les enfants de 6 à 1 0 kilogrammes, principal ement , ne se refroi- dissent pas : 1° parce que le refroidissement varie en raison iri- 1. Correspond aux observations CLVI et CLVII. C ILORIMÉTRIE CHEZ L'HOM ME. verse du poids de I .iil'aiil ; 8° parce que dans un espace limité ces enfants dégagent au point de vue absolu une quantité assez, grande de calorique qui maintient autour d'eux une tem- pérature supérieure, même après cette correction. Les chiffres donnés par quelques enfants, de 1700à 1800 grammes, sonl encore dès forts: 7400, 7 800, 8000 calories. Ces chiffres indiquent réellement la production de calories pendant l'observation, mais ils ne peuvent permettre d'en déduire le nombre de calories produites dans les vingt-quatre heures. Car ce chiffre élevé trouve encore son explication dans le refroidissement de l'enfant, non plus par suite d'une perte de chaleur exagérée, mais par une production supérieure à la normale. Lorsqu'un animal se refroidit rapidement, qu'il perd beau- coup de chaleur, il en produit plus qu'à l'état normal. Le sys- tème nerveux, cherchant à compenser les pertes produites, détermine une hyperproduction de chaleur, et cette augmen- tation persiste quelque temps encore après la cessation de la déperdition exagérée de chaleur. M. dWrsonval1 avaitreconnu ce fait en prenant avec son appareil à température constante des mesures calorimétriques sur des lapins aspergés d'eau froide. M. Ch. RicheT8, dans des expériences analogues, a trouvé chez lelapin, mouillé, puis séché soigneusement, une augmen- tation de 12 p. 100. M. Fredeiuco1, expérimentant sur lui- même l'action de l'air froid sur la production de l'acide car- bonique, trouve également une augmentation de 13 p. 100 de l'acide carbonique exhalé. Pour mettre en évidence l'iniluence de la taille sur la production de calorique, il suffît de comparer les quatre tracés inscrits dans le gra- phique suivant : 1. D'Arsonval, Bull. Suc. de BioL, 21 décembre 1884. 2. Ch. Richet, liull. Soc. de Mol., 13 décembre 1 S 8 i . 3. Fredericq, « Régulation de la température » \.\rch. de Biologie, 1882, fasc. III . 324 P. LANGL01S. Les tracés I, II, III ont été obtenus directement à l'aide de l'appareil enregistreur à vase compensateur décrit dans le chapitre II, et se rap- portant à des enfants de 2, 4 et 7 kilogrammes. Quant au tracé IV, il est calculé d'après les chiffres admis pour l'adulte par les auteurs qui ont déterminé par des procédés divers la quantité de chaleur fournie. La lecture même du graphique indique les défauts de la méthode Fig. 73. Les ordonnées verticales indiquent en minutes le temps écoulé depuis le début de l'expérience. — Les ordonnées latérales représentent la quantité d'eau écoulée à un moment donné (35 centimètres cubes par parallèle). — Toutefois les chiflres de gauche, obtenus en multipliant le nombre de centimètres cubes d'eau écoulés par 67, constante adoptée dans les expériences d'une heure, n'indiquent que la quantité de calories dégagée à la lin de l'expérience. enregistrante, car j'ai dû, pour les rendre comparables, modifier consi- dérablement ces tracés, le premier surtout ; il faut tenir compte de l'influence de modifications de température de l'air extérieur sur le matelas d'air de la double enceinte, influence qu'il est rarement possible de supprimer complètement. Dans le tracé I de ce tableau, la ligne pleine donnée par la plume correspond à un certain nombre de centimètres cubes d'eau écoulés qui sont les suivants : Cent, cubes écoulés. 13 minutes 10 1 30 — 184 45 — 200 1 heure 213 CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 328 Mais, pendant la durée de l'expérience, la température de la pièce s'esl élevée graduellement, et la lecture du thermomètre donne : in minutes avant L'observation . . . Au début de l'observation. t.'i minutes — 30 — — i 1 .i 23 » 23,1 » 23 3 23,3 6 23,3 G 23,5 12 (.1 — i heure La correction due à la température est indiquée par la ligne pointillée, il faut noter que, l'inscription se faisant par kilogramme d'enfant, et le sujet étant de 2 kilogrammes, toutes les corrections, comme la quantité totale d'eau tombée, citée plus haut, doivent être divisées par 2. La courbe ainsi rectifiée donne encore un chiffre trop élevé. Outre la production de chaleur, le graphique inscrit aussi la quantité de calorique cédé par refroidissement. La température rectale indique, en effet, un abaissement de 0, '•'•>, soit une perte de ^00 calories par kilogramme. Quoiqu'il soit impossible d'enregistrer directement la courbe, après la correction du refroidissement, on peut, d'après les observations citées antérieurement et faites sur des enfants placés dans les mêmes condi- tions, tracer une courbe schématique qui doit s'écarter fort peu de la courbe réelle. Pour les enfants plus âgés, ayant donné les tracés I, II, il suffit de faire la correction due aux modifications de la température extérieure. Hypothermie et Kyperthermie. Tous les pathologistes et les physiologistes s'accordent à regarder la fièvre comme une hyperthermie, et M. le profes- seur Jaccoud a donné une définition complète et précise de ce processus morbide. « La fièvre est un état pathologique constitué par l'ac- croissement de la combustion de la température organique. Parmi les autres phénomènes de cet état morbide, les uns dé- 326 P. LANGLOIS. pendent de cette anomalie première et fondamentale, les autres sont variables et incertains; seule l'élévation de la température est constante et immuable, au point qu'elle suffit pour spécilier et définir la fièvre '. » Mais, si tous les auteurs admettent, avec quelques modifica- tions, que la fièvre est caractérisée spécialement par une éléva- tion durable de la température, les opinions varient beaucoup lorsqu'il s'agit d'expliquer cette élévation thermique. La constance de la température normale tient à l'équilibre établi par l'appareil régulateur entre la production de calo- rique par rayonnement ou évaporation. — Dans la fièvre il y a rupture de cet équilibre, l'observation thermométrique l'indique clairement, mais les variations sont-elles dues à une diminution dans la déperdition ou à une exagération dans la production. Ces deux opinions ont été soutenues, et on peut réunir en trois groupes les hypothèses et théories construites pour expliquer l'hyperlhermie. 1° La production de chaleur reste normale, mais les pertes qui se produisent par les surfaces pulmonaires et cutanées sont diminuées. — C'est la théorie de la fièvre par rétention. 2° Les pertes de chaleur ne sont pas modifiées, mais la production de calorique est notablement accrue. 3° Une troisième théorie éclectique admet l'augmentation simultanée, mais inégale, de la production et de la déperdition de calorique, de telle sorte que les pertes mêmes augmentées ne suffisent plus à maintenir l'équilibre de la température. M. Traube l, s'arrêtant principalement sur le premier stade de la fièvre, le frisson, explique la fièvre par une rétention, une accumulation de la chaleur normale. Sous l'influence de la cause pyrétogène et par l'intermédiaire du système nerveux, il se produit uneconstriction des vaisseaux périphériques, qui, diminuant la quantité de sang qui circule sous la surface cuta- 1. Jaccodd, Traité de Pathol. Int., II, p. 188. 2. Traube, « Zur Fieberlehre » [Medic. Centralzeitung, 1863-64). CALORIMÉTRIB CHEZ L'HOMME. 327 née, amène le refroidissement de cette surface el par suite une diminution de rayonnemenl externe. Or, la quantité de chaleur produite restant constante, il doit se produire une élévation thermique centrale « d'autant plus forte, dit Tu w ni:, qu'à la diminution dans la perle par rayon- nemeni \icul s'ajouter la suppression de l'evaporation cuta- née, source puissante de déperdition de calorique. La théorie de Tit.vriu: a le tort, pour expliquer l' éléva- tion thermique centrale, de s'appuyer sur un stade particu- lier de la fièvre, le stade de frisson. Or le frisson est toujours précédé d'une augmentation de chaleur, et il ne se produit généralement que lorsque la température a atteint 39° et 40° (Jaccoud). Enfin, dans un grand nombre de cas, il peut man- quer. — « Dans l'opération organique qui constitue la fièvre, le frisson n'est qu'un épisode inconstant qui ne peut en aucun cas servir de base et de point de départ à une théorie patho- logique l. » Tandis que Traube cherche dans l'anémie cutanée du dé- but de la fièvre la raison de l'hyperthermie, M. Marey 2, frappé du relâchement des vaisseaux périphériques dans l'état fébrile coufirmé, admet « que l'élévation de température sous l'in- fluence de la fièvre consisterait bien plus en un nivellement de la température dans les différents points de l'économie qu'en un échauffement absolu ». Cette théorie n'explique pas l'élévation que l'on constate en prenant les températures centrale, rectale ou vaginale. Et les causes extrinsèques invoquées par M. Marey, les cou- vertures, les boissons chaudes, l'élévation de la température de la pièce sont loin d'être suffisantes, même quand on les rencontre, ce qui n'est pas toujours le cas. Dix ans après Traube, Senator3 reprend sa théorie en la 1. Jaccoud, Leçons de Clinique médicale, Paris, 1867, citées dans son Traité de Pathologie interne, t. I, p. 97. 2. Marey, Physiologie de la circulation. 1863, p. 361. 3. Senator, Untersuchungen uber den fieberkaften] Process und seine Be- handlung. Berlin, 1873. 328 1». I. ANC LOI S. modifiant : il y aurait, d'après lui, une faible augmentation dans la production de calorique, mais l'élévation thermique serait due à des diminutions périodiques clans la perte de chaleur. Cette théorie delà fièvre par rétention de chaleur a contre elle presque toutes les observations faites à l'aide de méthodes diverses sur les fébricitants, — les modifications dans la pro- duction du calorique étant étudiées par le dosage des produits des oxydations génératrices de la chaleur (acide carbonique et urée) et les variations dans la déperdition par la méthode calorimétrique. Le dosage de l'urée, résidu ultime de l'oxydation des albuminoïdes, a été entrepris par un certain nombre d'expéri- mentateurs;, Leyden, Ulrich, Rosenstein, Fouilloux, etc. Les variations dans l'excrétion de l'azote ont une faible importance, puisque l'urée et les produits analogues n'indi- quent que le dixième environ des oxydations totales. Les chiffres obtenus sont du reste contradictoires, et les diver- gences s'expliquent en ce que l'on peut admettre que l'urée produite ne s'élimine pas aussitôt, ou bien que l'oxydation des matières albuminoïdes n'atteint pas immédiatement son maximum, et qu'il existe des produits d'oxydations intermé- diaires qui ne se transforment que plus tard en urée. Pour étudier comparativement les quantités d'urée émises par l'homme sain et le fébricitant,il est nécessaire de se placer dans des conditions identiques de régime ; l'urée, en effet, étant un produit de la combustion des matières albuminoïdes, il suffit chez l'homme sain de modifier son alimentation pour amener des variations du simple au double dans l'excrétion de l'urée. En comparant les chiffres d'urée excrétée par un homme sain observant une diète rigoureuse et un fiévreux, on trouve généralement une augmentation parfois considérable pour ce dernier 2. 1. Récapitulation des travaux antérieurs à 1870, dans la thèse de Hirtz : Essai sur la fièvre, Strasbourg, 1870. 2. Malgré les nombreux travaux entrepris sur ce sujet, nous avons repris, CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 329 Tandis que L'homme sain élimine 0,;>0 en vingt-quatre heures par kilogramme, Hirtz trouve que le fébricitant éli- mine 1,10, 1,80, 1,80 '. Les variations dans l'absorption de l'oxygène et dans l'excrétion de l'acide carbonique ont donné lieu à do nom- breux travaux. Parmi les plus importants on peut citer ceux de Liebermeister, Regnard, Colasaxti , Senator, Wertheim, Butte''. Liebermeister, dans ses observations sur un malade atteint de fièvre intermittente, a trouvé que le contenu proportionnel d'acide carbonique dans l'air est diminué. Cette diminution de 10 p. 100 environ est due à la plus grande fréquence des mouvements respiratoires; la quantité absolue pour une période donnée est au contraire augmentée de 20 à 30 p. 100. Nous citons une de ses observations sur un homme de 62 kilogrammes atteint de fièvre tierce. Les chiffres indiquent l'acide carbonique en grammes. M. Ch. Riciiet et moi, cette étude des variations de l'urée d'après les modifications apportées dans le régime alimentaire. Ces recherches ont été poursuivies pen- dant deux mois sur un nommé S..., sur lequel MM. Ch. Richet et Hanriot étu- diaient les variations des échanges respiratoires. Parmi les causes diverses agissant sur l'excrétion de l'urée, une des plus puissantes est la quantité de boisson ingérée. C'est ainsi que S..., soumis à un jeûne absolu d'aliments et de liquides, excrète en 24 heures 6 grammes d'urée, soit 0?r,l par kilogramme, chiffre inférieur à ceux qu'ont donnés les auteurs. Mais le lendemain il absorbe 2 100 grammes d'eau et rend 32 gi'ammes d'urée, soit 15 grammes d'azote, tandis que les aliments pris dans les 24 heures ne repré- sentent que 12 grammes d'azote. Il s'est donc produit, sous l'influence du jeune des boissons, une rétention passagère d'urée dans l'organisme, suivie d'une véritable débâcle d'urée à la suite de l'absorption d'une quantité considérable de liquide. Dans les expériences comparatives entre l'homme sain à jeun et le fébricitant, il faut tenir compte de ce fait que le malade boit beaucoup. 1. Hirtz, toc. cit., p. 45. 2. Liebermeister, Haudbuch (1er Path.und Therap. des Fiebers, Leipzig, 1875, p. 321. — Regxard, Recherches expérimentales, etc. Thèse, Paris, 1873. — Cola- 8anti, Àrch. fur gesammte Physiologie, t. XIV, p. 125. — AVertheim, Maly's Jahresbericht, t. XI, p. 387. — Butte, Recherches sur les variations de l'exha- lation de l'acide carbonique. Thèse, Paris, 1883. 330 P. LAN (.|J»1S HETRES. PÉRIODE DE CHAI. ECU. AT YREXIE. PÉRIODE DE 6UI A 1* Y BEX IE. h. m. grammes. grammes . grammes. grammeBi 0,30 20,7 13,8 19,6 16,1 1,00 lit. 2 15,0 17,8 17,0 1,30 19,0 14,6 1S.8 16,0 2. 00 Totaux. . . 18,1 14,7 17.3 16,0 17.6 58,1 73,5 65,0 Pendant la durée de l'observation faite dans la période de chaleur (2 heures), la température s'était élevée de 39 à 40°,5. Dans la troisième observation (stade de sueur), elle avait baissé de 40 à 38°, 3 dans le môme laps de temps (2 heures). L'excrétion de l'acide carbonique dans la première obser- vation a donc augmenté de 31 p. 100 sur la seconde obser- vation. Cette augmentation n'est plus que de 20 p. 100 dans les deux autres. M. P. Regxard, dans un travail important sur la respira- tion1, étudie les modifications des échanges gazeux dans les fièvres de différents types, et il établit que : 1° Dans les fièvres franches et les inflammations aiguës, la consommation d'oxygène est augmentée et l'exhalation de l'a- cide carbonique l'est également, mais dans des proportions CO ' moindres. Le quotient respiratoire s varie entre 0,5 et 0,6 au lieu de 0,8, chiffre physiologique; 2° Dans les fièvres lentes hectiques, les combustions sont encore augmentées, mais moins que dans les fièvres franches ; l'exhalation de CO2 est moindre encore par rapport à l'oxygène : CO2 ii,:.. 1. Regnard, Recherches expérimentales sur les variations pathologiques de* combustions respiratoires . Thèse. Paris, 1873. CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. :131 3° Dans les cachexies, il existe une diminution dans L'ab- sorption de l'oxygène et L'exhalation de l'acide carbonique, sans modification du quotient respiratoire : CO2 -— = 0,7 et 0,9. Un autre procédé pour démontrer l'augmentation des combustions totales consiste à évaluer les pertes de poids jour- nalières éprouvées par le fébricitant et de les comparer à celles que subit un homme sain et soumis aux mêmes conditions de régime alimentaire et d'activité musculaire. Nous devons encore à Liebermeister une série complète d'observations prises sur 23 malades. Nous ne citerons que ses conclusions : Les pertes insensibles sont augmentées pen- dant la fièvre, et la comparaison des pertes pendant les fièvres intenses aux pertes à l'état normal donne une proportion de 40 p. 100 en faveur de l'état fébrile; mais, d'autre part, la perte de poids ne serait que de 7 grammes par kilogramme. Or les expériences de Ranke sur l'homme tendent à faire admettre une perte de 15 grammes par kilogramme dans l'ina- nition. La perte de poids clans la fièvre serait donc moitié de la quantité perdue dans l'inanition. Cette différence s'explique par la rétention de l'eau des excrétions chez le fébricitant. D'autre part, Weber a trouvé chez les fébricitants une perte de 30 à 44 grammes par jour, tandis que des individus sains, soumis à la diète, ne perdaient que 23 à 30 grammes. Les expériences sur les chiens donnent les mêmes résul- tats. Les résultats obtenus par ces diverses méthodes tendent en général à établir que, dans la fièvre, il y a production exa- gérée de calorique. Les recherches de calorimétrie directe pour étudier sur l'homme malade les modifications de la déperdition de calo- 332 1\ LANCLOIS. rique sont peu nombreuses, et jusqu'ici nous ne connaissons que celles de MM. Leyden et Liebermeister1. Les procédés de ces observateurs ayant été exposés dans l'historique, je me contenterai de donner les recherches faites sur les fébricitants. Une première série de recherches faites, — la jambe étant nue dans l'appareil, — sur l'homme sain, sur un phtvsique, sur un typhique et sur des malades atteints de febris recurrens, prouvent que la perte de chaleur dans la fièvre est bien plus forte qu'à l'état sain ; à 40°, la perte peut être près du double de la quantité normale. La quantité perdue n'est pas dans la lièvre proportionnelle à la température. C'est au début de l'accès, et non lors du summum de la fièvre, que cette quantité est la plus considé- rable. Une seconde série a été faite sur le membre recouvert de façon que les pertes répondent à des conditions normales. Pour l'homme sain, le calcul montre qu'en une heure la perte est de 0cal,12, soit pour tout le corps en 24 heures 2 240 000 calories (soit 44cal,3 par pouce carré de la sur- face). Dans la fièvre la plus intense, la perte de calorique s'élève moitié plus, et deux fois plus qu'à l'état normal; la perte est surtout considérable dans le stade critique, la quantité de ca- lorique perdue s'élève à trois fois la normale. Liebermeister, introduisant un fiévreux de 39 kilogram- mes dans le bain, constate que la quantité de calories cédée à l'eau est de 172 000 : en prenant 0,83 pour coefficient calo- rique du corps humain, on devrait trouver un abaissement de température de 172 000 39 x 0,83" )°3. 1. M. AVeber a donné, dans sa thèse : Des conditions de l'élévation de tempé- rature dans la fièvre, Paris, 1872, une analyse très complète des recherches de Leyden et de Liebermeister. C M.nlilM ÉTRIE CHEZ L'HOMME. 333 Or cet abaissement n'est que de ^",1 — l'écart a été com- blé par une augmentation de production égale à 830 x 39 x 3,2 = 103 750. Liebermeister emploie des bains à divers degrés et obtient des résultais très différents suivant les températures de l'eau. La différence entre la quantité de chaleur dégagée soit par l'homme sain soit par L'homme malade, suivant la température du bain, s'atténue à mesure que les bains de viennent plusfroids. D'après les résultats de ses expériences, Liebermeister ' admet qu'un fébricitant, pour conserver sa température, doit augmenter sa production de chaleur. Pour 1 degré, de. 6 p. loi) — 2 degrés, de. ..... . 12 — — 3 degrés, de 18 — — 4 degrés, de 24 — Ainsi, d'après Liebermeister, l'augmentation dans la pro- duction de chaleur chez le fiévreux suivrait exactement une progression arithmétique. J'ai signalé au commencement de ce mémoire les critiques soulevées sur la méthode de Liebermeister ; il était donc des plus intéressants d'utiliser le calorimètre à air pour l'étude des modifications de la radiation thermique dans les différents processus pathologiques. Malheureusement les dimensions d un appareil déjà très volumineux pour un calorimètre rendent cette étude impos- sible sur l'adulte et même sur les enfants d'une certaine taille. Quoique présentant une capacité de 1 500 litres, l'œuf calori- métrique ne permet pas de prendre des observations dans des conditions favorables chez des enfants pesant plus de 10 ki- los; au delà de ce poids, la quantité de chaleur absolue que dégage l'enfant élève la température du milieu d'une façon notable. Cette élévation de la température a encore pour effet d'empêcher la condensation de la vapeur d'eau exhalée sur 1. Tableaux cités in Lorain, lac. cit. 334 P. LA. Mi LOI S. les parois de l'œuf, de sorte que l'enfant se trouve dans un milieu artificiel, tant au point de vue de la chaleur que de l'état hygrométrique, et qu'il entre rapidement en transpira- tion. On comprend qu'il est impossible de tirer des conclusions d'expériences entreprises dans ces conditions. La nécessité de prendre des jeunes sujets a forcément limité mes recherches, et je dois signaler dès maintenant les lacunes regrettables que je n'ai pu aborder jusqu'ici. Les états fébriles que j'ai étudiés étaient dus presque tous à des broncho-pneumonies, cette maladie si fréquente dans les hôpitaux d'enfants. Je reconnais volontiers que la broncho- pneumonie est loin de réaliser un type favorable pour l'étude de la fièvre. Le frisson manque toujours ou passe inaperçu. Quand la maladie atteint un degré aigu, on rencontre tous les phénomènes d'asphyxie, dyspnée intense, coloration blafarde de la peau, lèvres tuméfiées et violettes, rythme respiratoire parfois doublé. Ce sont là certainement des conditions défa- vorables pour étudier le processus fébrile au point de vue de la thermogénèse, mais la broncho-pneumonie a aussi de grands avantages : la marche irrégulière de cette maladie, ses oscillations, permettent d'étudier sur le même enfant, pen- dant une période relativement assez courte, les modifications de la radiation dans les différentes phases de pyrexie et d'a- pyrexie. On voit souvent, en effet, chez ces petits malades, après quelques jours d'une fièvre intense, tous les symptômes s'a- mender. La fièvre tombe, le pouls est moins fréquent, la dyspnée disparait, mais cette amélioration n'est le plus sou- vent que passagère, et les symptômes graves réapparaissent, amenant presque toujours, au moins dans les hôpitaux, une terminaison fatale (80 p. 100 de mortalité dans la statistique hospitalière). La même uniformité dans la cause morbide se rencontre pour toutes mes observations, prises sur des enfants présen- tant de l'hypothermie : ce sont tous de jeunes enfants arrêtés CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 335 dans leur développement par la syphilis ou la tuberculose, et présentant pour la plupart tous les symptômes de l'athrepsie. (les malheureux entants arrivent à l'hôpital dans un état de délabrement physiologique pitoyable. Leur appareil digestif, fatigué et usé par une nourriture irrationnelle, se refuse à digérer le lait qu'on essaie de leur donner, et l'on retrouve dans leurs fèces, quand ils ne le rejettent pas par vomissements, la presque totalité du lait coagulé, mais inattaqué. On com- prend que dans ces conditions la production de chaleur doit être très affaiblie : c'est ce qu'indique le tableau où sont résu- mées ces observations. Pour juger de l'affaiblissement considérable des fonctions de la thermogénèse chez ces petits malades, il faut comparer les chiffres du tableau avec les quantités de calories fournies pour un enfant sain de même poids : CALORIES NUMÉROS TEMPÉRATURE par POIDS des MALADIES. KILO a RAM M E en OBSERVATIONS RECTALE. et par II E U R E. KILOGRAMMES. degrés. 26 Tuberculose. 35, i 2 804 4,500 101 — 35,4 2 990 5,0 31 — 35,6 3 150 5,200 28 — 35,8 3120 4,500 44 — 36.0 3 350 4,0 42 Syphilis. 36,0 3 300 7,500 46 Tuberculose. 36,0 2 72U 3,500 29 — 36,2 3 250 5,0 12 Pneumonie caséeuse. 36,2 3140 7,0 102 Tuberculose. 36,4 3 300 6,0 74 Pneumonie caséeuse. 30,5 3 250 7,200 80 Tuberculose. 36,7 3 695 77 Syphilis. 36,8 3 250 3,5 115 Tuberculose. 36,8 3 690 7,0 106 — 36,8 3 500 7,0 En adoptant le chiffre de 4 300 calories comme chiffre nor- mal pour un enfant sain de 6k=,o00 h 7ks,500, on voit qu'il 336 P. LA. M. LOIS. existe une diminution de 22 p. 100 environ pour une tempéra- ture rectale de 36°, a, et de 27 p. 100 pour une température de 35°, 4. Ces chiffres sont un peu plus élevés que ceux donnés dans une note à l'Académie des Sciences, où j'avais pris le chiffre de 4 000 comme chiffre normal. L'observation XXVI a été fournie par une enfant arrivée à la dernière période de l'athrepsie, Jeanne B...,àgée de deux ans, couchée au lit n° lo de la salle Sainte-Geneviève. Elle présentait en outre des lésions rachi- tiques accentuées. Depuis deux jours cette eufant rejetait tout le lait qu'on essayait de lui faire prendre. La température, qui, le jour de son entrée, le lundi 10 juillet 1885, était, à six heures du soir, 30°, 8, était montée le lende- main à 37°, 2, et elle avait donné au calorimètre 4221 calories, chilïre normal (Obs. XXV), et enfin le mercredi matin, à neuf heures, la tempé- rature tombait brusquement à 33°, 4. La température axillaire était de 0°,2 plus élevée. L'enfant fut placée tout habillée dans l'appareil et parut s'endormir pendant la durée de l'observation. La température rectale prise immédiatement après indiquait une augmentation de 0°,1. La température axillaire, au contraire, s'était abaissée de 0°,2 et se trouvait ainsi inférieure à celle observée dans le rectum. A quatre heures l'enfant mourait; sa température n'a malheureuse- ment pas été prise dans l'après-midi. L'observation avait été faite dans d'excellentes conditions, la tempé- rature de la pièce s'élant élevée de 17°, 05 à 17°, 43 dans l'espace d'une heure et demie. Les vêtements qui recouvraient l'enfant étaient depuis une heure au moins sur elle, suivant la règle adoptée dans les observations faites sur les enfants avec vêtements; enfin, pour m'assurer de l'intégrité de l'ap- pareil, je le mis immédiatement en communication avec le manomètre de contrôle, qui indiqua une dépression persistante pendant deux heures. Le refroidissement étant obtenu, je lis une nouvelle observation avec un enfant à température élevée à 38°, o, et je trouvai 4 300 calories (Obs. XXVII). Ce résultat pouvait me tenir lieu d'un nouveau con- trôle. Une observation (LXXVI) faite sur une petite syphilitique a donné un chiffre encore plus bas, 2 720. Cette enfant, Henriette R..., était entrée le 10 décembre 1886 dans un état de cachexie avancée, le corps couvert d'une éruption de nature syphilitique. Des ulcérations de même nature existaient sur les or- ganes génitaux et autour de l'anus; enfin un écoulement nasal et une odeur fétide complétaient cette collection d'accidents syphilitiques. La malpropreté de cette malheureuse et les nombreux pediculi qu'elle LULORIMÉTIUE CHEZ L'HOMME. 337 Dournssait, indiquaient les soins qu'elle pouvait avoir reçus dans sa famille, L'auscultation ne révélait rien dans les poumons, le ventre était dur, ballonné el douloureux au toucher. Il existait une diarrhée verte depuis longtemps, disait la mère. L'enfanl était au sirop de Gihert et au lait. Uni' partie de ce lait (tas- sait sans rire digéré. La température axillaire était de : ï : » ° , S , la température rectale riant de 3(>°. L'enfant fut introduite avec les précautions ordinaires. A la lin de l'expérience, la température axillaire était tombée à 3b°,4, la tempé- Fig. 74. — Mesures calorimétriques se rapportant à des enfants sains ou malades de températures différentes. Sur l'ordonnée inférieure sont marquées les températures rectales correspondantes 35°, 5 à 40°,5-S. Sur l'ordonnée latérale, les quantités de calories produites par kilogramme La courbe a été tracée d'après la moyenne arithmétique de ces différents points disposés en groupes homogènes. rature rectale à 3.'in,8. L'enfant s'était beaucoup agitée dans la première demi-heure, mais elle s'était endormie dans la seconde. Deux jours après, une amélioration sensible s'était manifestée, le lait était mieux digéré, la température remontait à 30°, 8 et l'enfant donnait 335Û calories (Obs. LXXVII). La mère, malgré l'avis contraire, voulut reprendre son enfant, et l'observation ne put être poursuivie. La seconde série d'observations comprend des tempéra- TO.ME I. 22 338 P. LAN G LOIS. tures fébriles, et elles sont prises sur des enfants atteints, pour la plupart, de broncho-pneumonie. i CALORIES NUMÉROS TEMPÉRATURE par P O I D S des MA LADIES. KILOGRAMME en OBSERVATIONS . RECTALE- et par HEURE. KILOGRAMME S- degrés. 107 Broncho-pneumonie. 38,2 4 300 7,400 120 — 38,2 4154 7.1) 14 Tuberculose. 38,2 4 460 7,500 118 Broncho-pneumonie. 38,2 4 457 6,0 116 — 38,4 4 200 7,0 49 Varicelle. 38,5 4 087 7,600 Gl Pleurésie. 38,5 4 355 6,000 108 Broncho-pneumonie. 38,7 4 350 5,000 109 — 38,7 4 400 7,200 114 — 38,7 4221 7.1100 20 Pneumonie. 38,8 4 220 10,000 21 Broncho-pneumonie. 38,8 4 257 10,000 41 — 38,8 4 157 9,0 43 — 3S,8 4 560 6,900 24 — 38,8 4154 10,0 6 — 38,9 4 513 6,6 40 — 38,9 4 288 8,0 48 Varicelle. 39,0 4 953 7,500 23 Broncho-pneumonie. 39,2 4 447 8.0 21 — 39,2 4 570 10,0 42 — 39,4 4 221 7.0 39 — 39,6 4 210 7,0 123 — 39,9 4 680 5,0 124 — 39,9 4 824 6,100 110 — 39.9 4 800 6,5 125 — 39,9 4 650 7,0 122 — il), 2 4 624 6,0 124 — 40,2 4 557 6,0 129 — 40,3 4 760 7,100 111 40,4 4 557 6,200 La température rectale indiquée est la température ini- tiale; mais dans la majorité des observations il a été fait deux lectures. Chez les enfants de 6 à 10 kilogrammes les deux chiffres diffèrent généralement fort peu. Un simple coup d'œil jeté sur cette courbe indique une CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 339 augmentation graduelle do sa production de calorique, cor- respondant à l'élévation thermique '. A 38°,;; Le chiffre moyen est de t 300, soit une augmentation de 10 p. 100 30°,S 4500, — 12 — io°,;; 4600, io — Mais, si l'on réunit les observations prises sur un même en- fant, on trouve que le rayonnement n'est pas toujours en rap- port constant avec la température. Ainsi la petite Legrand, salle Sainte-Catherine, a été soumise dans le cours de sa broncho-pneunomie à 6 observations. (Une des observations a dû être négligée par suite de modifications brusques dans la température de la pièce où se trouvait le calorimètre.) Les cinq restantes donnent les résultats suivants : NUMÉROS. POIDS. TEMPÉRATURE. CALORIES- kilo-. degrés. 39 8,0 39,5 4 210 40 7,900 38,9 4 288 41 7,900 38,8 4 557 42 7,0 39,4 4 221 43 6,900 38,8 4 557 Chez cette enfant, atteinte d'une broncho-pneumonie qui devait l'enlever en quinze jours, la quantité de calories, dé- gagée à 38°,8, a toujours été supérieure à celle dégagée à 39°,4 et 39°,6. Plusieurs séries d'observations faites sur des enfants en cours de broncho-pneumonie donnent des résultats ana- logues. Enfant couché au n° 19 de l'infirmerie des Enfants-Assistés. Agé de 3 mois et pesant 4 kilog. Cet enfant envoyé au dépôt avait eu 1. P. Lakglois, « De la calorimëtrie chez les enfants malades » [Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 21 mars 1887). 340 1». LANGLOIS. la nuit précédente des convulsions (?) d'après les renseignements donnés à la surveillance. L'auscultation indiquait de nombreux râles sous-crépitants fins dis- séminés dans toute la poitrine. La température à midi était de 38°, 7. L'enfant placé dans le calorimètre s'est endormi immédiatement. Résultat : 4 227 cal. (Obs. CXIV) à midi. Le lendemain 2 février, les râles sont localisés principalement dans le poumon gauche. Quelques râles crépitants sous l'aisselle. La tempé- rature qui s'était élevée la veille à 39°, 2 est de 38°, 4. Résultat : 4151 cal. (Obs. CXVI) à 11 h. 30. Le 4 février, la situation ne s'est pas modifiée; pas de souflle. L'en- fant est plus gai et cependant le dégagement de calories est plus consi- dérable, 4557, avec une température de 38° 2 (Obs. CXVIII) à midi. Le 5, même état, 38°, 2 = 4 loi calories, observation faite â 8 beures. Cet enfant avec une température nettement fébrile, 38°, 7 donne un chiffre plutôt inférieur au chiffre normal d'un enfant de sa taille et c'est quand l'amélioration se manifeste, qu'il donne un chiffre assez élevé. Ces observations seraient en faveur de l'opinion de Makey et Traitée. Signalons encore brièvement l'observation du n° 12. — Le 30 janvier, à 10 heures, la température est de 39°, 9, l'enfant présente une dyspnée assez intense, râles crépitants â droite, souffle léger à la hauteur de la pointe de l'omoplate. 35 à 40 respirations par minute, 4 800 calories à 10 heures (Obs. CX). A 2 heures, nouvelle observation (CXI). Tempéra- ture : 40°,4 = 4557 calories. Le lendemain 31 janvier, la température est brusquement tombée à 37°, 4. Le souffle a disparu, il en est de même de la dyspnée et de la cya- nose du visage. 4300 calories (Obs. CXII). Le 1er février, l'état général est bon, la température esta 37°, 5 = 4 240 calories à 8 heures (Obs. CXIII). Le 5 février, la température, qui depuis trois jours oscillait entre 37° et 38°, 2, monte brusquement le soir à 40°, 05, et, le 6 février, on trouve de nouveau tout le syndrome broncho-pneumonique et la température â 10 heures est de 40°, 3 = 4690 calories (Obs. CXIX). Le 8 et le 9, la dyspnée augmente, la température reste élevée, avec une production de calorique considérable. Le 9, 40°,2 = 4757 calories (Obs. CXX1V). Le jour même apparaît une éruption de rougeole et l'enfant était envoyée dans le service d'isolement. Elle mourait le lendemain avec une température de 43°, 3 (température prise avec deux thermomètres différents). i. ILORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 341 En résumant cette observation, on trouve : Obs. HO. .... 39°,9 4,800 calories. 30 janvier — fil 40°,4 -t,'.}'M — 30 — 112 37°,4. .... 4,300 — 31 — — 113 30°,5 4,240 Ier février. — 119 40°, 3 4,690 — 5 — — 124 40°,2 4,737 — 9 — Dans cette série d'expériences, la quantité de calories dé- gagée, quoique toujours supérieure au chiffre admis pour un enfant sain, n'augmente pas en raison directe de la tempé- rature rectale observée, le maximum ayant été atteint à 39°,9. Ltebkrmeister avait signalé une pareille discordance dans les rapports entre l'exhalation de l'acide carbonique et l'élé- vation de la température. Dans une série d'observations faites sur une jeune fille de 57 kilog., sujette à des accès de fièvre intermittente, il trouve o3m,7 d'acide carbonique exhalé en 2 heures, la température étant de 37°, 2, et, chez la môme personne à 41°, il ne trouve que 56°, 9 d'acide carbonique, chiffre bien inférieur à ceux qu'il trouve généralement dans le stade de chaleur. Une enfant atteinte de varicelle (Obs. XLVIII et XLIX) et présentant une élévation de température notable, a donné des chiffres très inférieurs, 4087 à 38° et 3955 cà 39°. Cette enfant, âgée de 5 ans, ne présentait aucune autre maladie que cette éruption bénigne, et les deux observations ont été prises l'une à 10 heures (XLIX) ; la première (XLVIII) à 2 heures, par une température extérieure de 14°. Malgré les exceptions que nous venons de citer, l'ensemble des résultats indique que la production de calorique augmente avec la température. Cette augmentation dans la déperdition de chaleur est assez faible, comme on voit; mais elle suffit cependant pour montrer que l'élévation thermique, loin d'être due à une rétention permanente de calorique, provient d'une augmentation dans les combustions interstitielles. 342 P. LA Ml LOIS. Il existe en un mot une corrélation directe entre la tem- pérature et la radiation, sans qu'on puisse établir une loi pré- cise entre ces deux phénomènes. Conclusions. I. Les mesures de la radiation calorique chez l'homme par le procédé du calorimètre à air présentent un double avan- tage : 1° d'être obtenues à l'aide d'un appareil très sensible, enregistrant les plus faibles dégagements caloriques ; 2° d'être prises sur des sujets placés dans des conditions s'écartant très peu des conditions physiologiques normales. II. Les variations dans le rayonnement de la chaleur hu- maine sont dues à deux ordres de causes : 1° les unes indé- pendantes du sujet, variations atmosphériques, influence de l'heure et de l'alimentation, vêtements ; 2° les secondes inhé- rentes à l'individu, la taille, l'état normal et l'état morbide, l'activité du système nerveux. III. La radiation thermique est fonction de la température extérieure, elle paraît atteindre son maximum d'activité chez l'homme nu vers 18°. IV. Le rayonnement thermique passe dans une journée par deux maxima,l'un vers 10 heures, l'autre vers 3 heures, correspondant aux maxima signalés dans l'absorption d'oxy- gène. V. 11 existe une étroite relation entre la taille et la pro- duction de chaleur. Ainsi, un enfant de 7 kilog. perd par unité de poids 2 fois et demie plus qu'un adulte de 60 kilog., mais cette différence disparaît quand on compare les surfaces respectives des deux sujets. La perte de chaleur par unité de CALORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 343 surface est constante, elle est Je 8 microcalories environ par centimètre carré. Cette perte de calorie par unité de surface est fonction du tégument ou des vêtements, l'homme nu pré- sentant un chiffre plus élevé que les animaux. VI. Dans les maladies chroniques avec hypothermie, il y a diminution de production de calorique. Cette diminution est de 20 p. 100 à 36°, 3 25 — à 35°,3 Dans les maladies avec hyperthermie, il existe une aug- mentation sensible dans la production de chaleur. Celle augmentation est de 10 p. 100 à 38°,.'» 12 — à 39°,:; — 13 — à 40°, 3 Contrairement à l'opinion de quelques auteurs, lathermo- génèse et la température paraissent être en corrélation directe dans les maladies. APPENDICE Note sur les récents travaux de calorimétrie (1888-1892) Depuis 1887, date à laquelle a paru ce mémoire Sur la calo- riméirie directe chez l'enfant, il a été fait de nouvelles observa- tions calorimétriques et il sera utile de présenter un court résumé de ces travaux. Malgré les critiques exposées par M. d'Arsonval lui-même, il y a lieu de remarquer que presque tous les travaux faits sur la quantité de chaleur émise par les animaux ont été poursuivis avec des calorimètres à air dont le principe de construction est analogue à ceux que pour la première fois ont employés MM. d'Ar- 344 P. LAN G LOIS. sonval et Cn. Richet : seul le système employé pour mesurer la dilatation de l'air varie. C'est ainsi que Rosenthal ', qui en 1878 avait construit un calorimètre à double enceinte renfermant de l'aldéhyde, dont le point d'ébullition est 21°, paraît avoir renoncé à cet appareil, puisque ses travaux de 1888 et 1889 ont été poursuivis avec un calorimètre à air à triple paroi. Sans entrer dans la description complète de cet appareil, il nous suffira de dire qu'il diffère de celui décrit dans notre mémoire : 1° par l'existence d'un deuxième espace circulaire destiné à ralentir et surtout à régu- lariser le refroidissement du premier manchon qui renferme l'air dont on mesure la dilatation ; 2° par un serpentin compris dans ce premier manchon et par où passe l'air échauffé de l'enceinte centrale où se tient l'animal. On recueille ainsi la chaleur cédée à l'air de cet espace, air qu'il est nécessaire de renouveler suffi- samment pour assurer à l'animal une atmosphère normale. Les mesures sont faites au moyen d'un manomètre différen- tiel à pétrole, chacune des branches communiquant avec un calorimètre semblable. On évite ainsi, ou du moins on atténue considérablement, les causes d'erreur dues aux variations de tem- pérature et de pression du milieu extérieur. Ce dispositif est identique à celui qu'avait d'abord imaginé M. d'Arsonval. Rosenthal règle son calorimètre en faisant brûler un volume connu d'hydrogène pur, et d'après ses expériences il donne la formule suivante pour traduire en calories les déviations de la colonne manométrique ; W=Ei»r b a En d'autres termes, la chaleur W cédée au calorimètre par l'animal est obtenue en multipliant une constante E, spéciale à chaque appareil, par le nombre des degrés de l'échelle manomé- trique et par une fraction ayant pour numérateur la tempéra- ture initiale (calculée d'après une échelle absolue) et le dénomi- nateur la pression barométrique. Rosentiial conseille en outre, surtout pour les grands calorimètres, et afin d'arriver le plus rapi- dement possible au moment d'équilibre de l'émission calorique, de chauffer l'appareil au moyen d'un bec de gaz, avant l'intro- 1. Rosenthal, « Calorimetrische Untersuchungen ». — Du Bois-Reymondss Ardu, 1889. f. 2, p. 1. CÀLORIMÉTRIE CHEZ L'HOMME. 345 duction de l'animal, approximativement jusqu'à la température que l'on suppose avoir : un thermomètre placé dans la chambre moyenne permet de se rendre compte de ce point. L'appareil utilisé par Fredericq ' et Ansiàux 2 est le calorimètre compensateur de d'Aksonval. Au lieu de l'appareil inscripteur à cloche de ce dernier, les physiologistes belges emploient, comme Rosentiial, le manomètre à pétrole. L'appareil est réglé par réchauf- fement produit par le passage d'un courant constant dans un fil de maillechort introduit dans le calorimètre. La résistance du fil employé étant de 0,39 ohm suivant la for- mule de Joule, on obtenait : W - -I2R X 3600 _(6-7)2X0.39 >V — 9 81X424 X^1UU— 9.81 x424 X à bW soit 153 calories par heures. Ce dégagement de chaleur produit au bout de 2h,lS un dérou- lement qui reste stationnaire de 275,4 mm., soit par calories heures 18 mm. La durée de l'expérience est donc déterminée par le temps nécessaire à l'obtention du point fixe. U. Mosso ' a imaginé également un calorimètre à air. Pour permettre d'obtenir un refroidissement rapide de l'appareil, U. Mosso construit son calorimètre en deux parties indépen- dantes, la chambre qui reçoit l'animal formée par une tôle mince, pouvant s'enlever de la cuve qui constitue la seconde enveloppe; un espace annulaire est réservé entre les deux parois, et le tout est fermé chaque fois au mastic. La mesure, qui rappelle le calo- rimètre à siphon de Gu. Ricuet, se fait à l'aide d'un appareil de Wolf en communication avec le pléthysmographe de A. Mosso. Cette disposition présente l'avantage sur l'appareil à siphon d'indiquer et d'enregistrer les diminutions de température de l'air de l'enceinte. Le calorimètre décrit par Rubner ; est trop semblable à ceux 1. Fredericq, « De l'action physiologique des soustractions sanguines. » Tra- vaux du laboratoire de Liège, t. I, 1888. 2. Ansiaux, « De l'influence de la température chez les animaux à sang chaud. » Travaux du laboratoire de Liège, 1889-1890. 3. U. Mosso, « La doctrine de la fièvre et les centres thermiques céré- braux. » Archives italiennes de biologie, 1890, fasc. III. 4. Rubner, « Ein Caiorimeter l'ûr physiologische und hygienische Zweckc ». Zeitsch. f. Biologie, 1889, p. 400. 346 P. LANGLOIS. décrits plus haut pour qu'il soit nécessaire d'en donner une des- cription très détaillée. L'air dilaté vient soulever une cloche reposant sur de l'huile ; cette cloche est équilibrée par un contre- poids, et le fil de soutien actionne l'aiguille d'un cadran sur lequel on fait la lecture. Ruhner a fait du calorimètre par rayonnement une critique très serrée, et il montre que la dilatation de l'air mesurée par les appareils enregistreurs n'est pas exactement proportionnelle à la quantité de calories cédées à l'appareil. La radiation de l'appareil augmente en effet avec l'intensité de la source de chaleur. Isaac Ott ', pour ses recherches de calorimétrie sur l'homme, a employé un calorimètre à eau. Son appareil se compose d'un double cylindre, entouré d'un matelas de sciure de bois de six pouces d'épaisseur. La chambre intérieure, qui a six pieds sur deux, renferme un matelas sur lequel le sujet en expérience peut se coucher. Des agitateurs permettent de remuer et d'égaliser par suite la température de l'eau du manchon. Enfin la ventilation est assurée par un passage de 5 à 6 000 litres d'air par heure. Le passage de cette masse d'air ne déterminerait, d'après les expériences faites, qu'un refroidissement de 1/1000 de degré Fahrenheit. M. Ott appartient encore à cette catégorie de savants anglais qui s'obsti- nent à employer uniquement des mesures anglaises, alors que tous les savants du monde entier ont adopté le système métrique. C'est ainsi que toutes ces données sont en « British beat unity (Br. H. U.) » correspondant à la quantité de chaleur nécessaire pour élever une livre anglaise d'eau de un degré Fahrenheit (3 96 Br. H. U. = 1 grande calorie). La lecture d'un mémoire écrit ainsi devient très aride. L'appareil de Reiciiert2 est très analogue aux précédents. Enfin, M. Sigalas, en France, a utilisé le calorimètre à tem- pérature constante de d'Arsonval. INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE EXTÉRIEURE ET DU REFROIDISSEMENT Il existe sur certains points des recherches calorimétriques quelques désaccords entre les auteurs, mais les résultats obtenus 1. I. Ott, « Human Calorimetry ». — New-York médical Journal. .'iO mars et 13 juillet 1890. , 2. E. T. Reicheht, « Heat phenomena in normal Animais ». — University médical Magazine, Janv., fév., avril 1890. CAL0RIMÉTR1E CHEZ L'HOMME. 347 sont généralement dans le môme ordre, et les chiffrés différents : influence du poids de ranimai, de la nourriture, etc. Il n'en est pas de même quand il s'agit de la corrélation qui existe entre la radiation calorique et la température extérieure. M.Cn. Rjchet1, dans son mémoire sur la calorimétrie, avait établi par de nombreuses expériences sur les lapins que la radiation calorique présente un maximum vers l i°. Avec le même appa- reil j'ai constaté également un optimum de radiation pour l'en- fant vers 18°. Ces faits, ainsi que ces auteurs le remarquaient eux- mêmes, étaient en contradiction avec les résultats obtenus en étudiant l'activité des échanges respiratoires. Or M. Fredericq arrivait à ce résultat, qu'il existait cbez tous les animaux un minimum de radiation calorique, qu'il place pour l'homme vers 18°. 11 est curieux de noter cette divergence absolue des auteurs : Langlois plaçant l'optimum pour l'homme vers 18°. Fredericq établissant à cette même température un minimum. Or Sigalas 2, employant un appareil tout autre que le calori- mètre à air, le calorimètre à température constante de d'Arsoxval, est arrivé au môme résultat que MM. Cn. Riciiet et Langlois : de 20° à 15° les calories dégagées augmentent, allant de 3 c,5 à 4e ,9 :3. Mais, à partir de 15°, la radiation calorique baisse rapidement : elle n'est plus que de 3 °,1 à 9°, de 2 c,9 à 7° (poids du lapin, 2kil,820). Dans ces expériences, Sigalas disait en même temps qu'à l'aide de l'appareil de Jolyet et Regnard, l'oxygène absorbé, et suivant les faits connus, la quantité de gaz absorbé s'est élevée graduellement de 0ut,600 à 20; elle atteignait 0,710 à 7°. Notons que, étudiant également sur des canards et des poules, Sigalas n'a pu constater chez ces animaux un optimum, au moins entre 21 et 7°. Les calories dégagées vont en augmentant, comme les quantités d'oxygène absorbé. Si les recherches de Sigalas sont venues confirmer les résul- tats obtenus par Riciiet, il en est tout autrement de celles d'AN- siaux faites au laboratoire de Fredericq avec un calorimètre à rayonnement. Opérant avec des cobayes, il a toujours trouvé un minimum de radiation calorique vers 25°, c'est-à-dire à la tempé- rature correspondant au minimum de la production de CO2 donné par Page et Fredericq. 1. Tous les chiffres sont ramenés au kilogramme d'animal. 2. Sigalas, loc. cit., chap. III, § 3. Influence de la température extérieure. 3. Ansiaux. loc. cit., p. 171. 348 P, LAJSGLOIS. Quant à Rosenthal1, il s'est surtout attaché à étudier les mo- difications apportées à l'émission de chaleur par des changements brusques de température extérieure, oscillant de 5 à 15°. Quand l'animal passe d'une température basse à une température plus élevée, l'émission de calorique est augmentée. On constate, au contraire, une diminution quand la température du calorimètre est inférieure à celle de l'endroit où se trouvait l'animal avant l'expérience. Mais cette modification dans la thermogénèse ne serait que passagère, ne se manifestant que dans les deux pre- mières heures. Les recherches de Laulanié 2 sur les animaux refroidis ren- trent dans ce groupe d'études. Ses expériences présentent cet avantage qu'il étudie simultanément la radiation calorique au moyen du calorimètre à air, l'absorption de l'oxygène et l'élimi- nation de l'acide carbonique. Chez les animaux refroidis par une courte asphyxie, il observe que réchauffement se produit rapide- ment, grâce à un double mécanisme : diminution considérable dans le rayonnement et accroissement des échanges respiratoires; la production de chaleur pouvant atteindre quatre fois l'émission enregistrée au calorimètre. Mais ici les faits peuvent s'expliquer, la chaleur produite étant utilisée pour échauffer les tissus de l'animal et les ramener au chiffre normal. Tel n'est pas le cas quand il s'agit du fait paradoxal résultant des observations de Ch. Riciiet, de Langlois, de Sigalas : augmentation des échanges respiratoires, diminution de la radiation, état d'équilibre de la tem- pérature centrale. On ne peut émettre que deux hypothèses, toutes deux fort problématiques : les combinaisons chimiques qui se produisent dans l'animal et dans les mesures des échanges res- piratoires, ne pouvant indiquer que le terme ultime, sont d'au- tant moins thermogènes que la température s'abaisse; ou bien, sous l'influence de l'abaissement de température, il y a produc- tion nouvelle d'énergies internes qui utilisent et absorbent l'ex- cédent de calorique produit. FIÈVRE. Nous n'avons pas trouvé de nouvelles recherches sur la calori- métrie chez l'homme malade depuis notre travail. En ce qui con- 1. Rosenthal, « Calorimetiïsche Untcrsuchungen au Saugethieren ». — Sitzungsber. d. Akad. der Wiss. Berlin, 1890, xxi, p. 393. 2. Laulanié, « Faits pouvant servir à l'étude de la régulation de la tempé- rature ». Mémoires de la Société de biologie, 1892, p. 127. C IL0RIMÉTR1E CHEZ L'HOMME. 349 cerne la fièvre expérimentale, il existe peu de travaux. Henmjeah ! a fait avec le calorimètre de d'Arsonval, type Phedbbicq, sur des lapins rendus fébricitants, des dosages de l'oxygène absorbé, qui. comme les mesures de la radiation calorimétrique, ont donné des résultats très variables : tantôt augmentation, tantôt diminu- tion dans les échanges et dans la radiation. Su, \i.\s - a\ ec le calorimètre à température constante a trouvé une augmentation dans le rayonnement et dans l'absorption d'oxygène, sur des lapins ayant reçu des liquides septiques et dont la température rectale atteignait 41°. Malbeureusement le nombre d'expériences qu'il indique dans son expérience est trop faible. Nous avons étudié de nouveau cette question, en utilisant, comme Henruean, le bacille pyocyanique ou ses toxines 3. Cette étude est loin d être achevée. Avec les cultures virulentes nous avons observé une diminution dans la radiation calorique, la température centrale de l'animal restant presque normale. Il se produit au début une légère augmentation; mais ensuite cette diminution est très sensible, beaucoup plus accentuée que l'abais- sement de la température centrale observée. Il faut ajouter que dans ces expériences les lapins injectés n'ont jamais présenté d'hyperthermie réelle, qu'assez rapidement au contraire leur température est tombée au-dessous de la normale. Nous n'avons pu, en un mot, étudier la radiation de l'hyperthermie dans les conditions où les maladies fébriles mettent l'homme. U . Mosso *, en injectant dans les veines du chien des cultures de Stapkylococcus aweus, et en étudiant la radiation calorique avec l'appareil cité plus haut, a vu que, lorsque la température du rectum augmentait, la radiation à la surface du corps devenait également plus grande. Les recherches calorimétriques de Ca. Riciikt ont montré que, dans les hypertbermies observées à la suite de la piqûre du cer- veau, il y avait exagération dans la radiation. Girard, qui a parti- culièrement étudié la question des centres thermiques cérébraux, mais qui malheureusement n'a pas fait de déterminations calori- 1. F. Henruean-, Recherches sur la pathoge'nie de la fièvre, in Revue de mé- decine, 10 nov. 1S89. ■1. Sioalas, loc. cit., p. ~2. ■i. Charrin et Lanulois, " Modifications de la thermogénèse dans la ma- ladie pyocyanique. >> Ritll. de la Soc. de biologie, 21 mai 1872. 4. U. Mosso, loc. cil., p. 23. 350 P. LANGLQIS. métriques, admettait tout d'abord que la diminution dans la déperdition du calorique est un facteur obligé de la caléfaction pathologique qui constitue la fièvre; et, comme ce facteur n'exis- tait pas chez les animaux aux corps striés lésés, il voulait voir une distinction importante entre cette hyperthermie et la fièvre vraie. L'étude faite par Rosenthal1 de l'influence des injections de chloral rentre dans cette série de recherches. Il a vu la radiation calorique augmenter de 30 à 40 p. 100, chez des chiens chloralisés, et chez lesquels la température était tombée de 2° en une heure. Mais cette exagération dans la radiation ne correspond pas à une augmentation dans la production de calorique; bien au contraire, la thermogénèse est ralentie, ainsi que le montre la diminution des échanges respiratoires. L'excès de calorique observé doit donc venir uniquement des calories cédées par l'organisme pen- dant qu'il se refroidit ; ce dont il est facile de se rendre compte, au moins approximativement, parle calcul. Dans le tétanos expérimental déterminé par la strychnine, l'excitation de la moelle, ou encore par des injections du bacille de Nicolauer, il existerait toujours, d'après le même auteur, à la fois une augmentation dans la production de calorique et une diminution dans l'émission, ce qui expliquerait la rapidité avec laquelle la température centrale s'élève. La contraction du sys- tème vasculaire périphérique permet de se rendre compte de cette diminution dans la radiation. A rapprocher des études sur le chloral, les résultats obtenus par Reichert 2, en donnant aux animaux de l'alcool, soit par la voie stomacale, soit en injection sous-cutanée (de 1 à o centimètres cubes par kilogramme d'animal). La quantité totale de chaleur produite n'est pas influencée par les injections d'alcool ; mais l'émission dépasse la production, et c'est à cette exagération dans la radiation qu'il faut attribuer l'abaissement de la température observé. Mais en 1888 3, en même temps qu'il abandonne l'idée d'un centre thermogène unique et qu'il renonce à délimiter les centres multiples cérébraux et protubérentiels, il revient également sur 1. Rosenthal, « Calorimetrische Untersuchungcn an Saugethieren » [Berl. Akad. d. Wiss., 1890, p. 405. 2. Reichert, k The action of alcohol on animal beat fonctions », in Thera- peutic Gazette, l'év. 1890. 3. Girard, « Influence du cerveau sur la chaleur animale ». Arch. de phy- siologie, 18S8, p. 312. CAL0R1MÉTRIE CHEZ L'HOMME. :j:;i cette distinction entre l'hyperthermie expérimentale et la lièvre, i't reconnall <|ue les différences sont moins tranchées, notam- ment en ce ([ni concerne la diminution dans le rayonnement. Nous n'avons ici qu'à rappeler le travail d'Aronsohn et Sachs, antérieur à 1887 '. I. Ott8, qui depuis 1884 a poursuivi cette question en utilisant un calorimètre à eau, est arrivé à déterminer un certain nombre de centres exerçant une action diverse sur la chaleur animale, et qu'il divise en trois groupes suivant leur fonction : les centres thermogéniques, les centres thermolytiques et les centres ther- motaxiques. Tandis que les centres vaso-moteurs, respiratoires, sudori- fiques, ont surtout pour effet d'agir sur l'émission du calorique, et sont par conséquent thermolytiques, et que les centres médul- laires présidant aux échanges interstitiels sont essentiellement thermogéniques, les centres cérébraux de Ott auraient surtout pour but de maintenir les rapports entre la production et la déperdition du calorique : ce sont donc des centres thermo- taxiques, qui réagissent par l'intermédiaire des centres précités. En considérant ces centres comme agissant uniquement sur les rapports entre la production et la déperdition de la chaleur, Ott peut expliquer comment la piqûre de ces centres détermine tantôt, — et c'est le cas le plus fréquent, — une élévation ther- mique, tantôt également, mais plus rarement, un abaissement de la température. De là à une conception particulière du mécanisme de la fièvre il n'y a qu'un pas, et Ott le franchit sans hésiter. La fièvre, qu'elle soit produite par une action mécanique sur ces centres ou par des poisons septiques, est déterminée par une perturbation fonction- nelle dans les centres thermotaxiques qui amène une perturbation (disorder) dans les rapports entre la production et la déperdition du calorique. Enfin cette conclusion entraîne celle-ci, appuyée par des expériences calorimétriques, que les antipyrétiques n'agissent pas sur l'activité des échanges intérieurs, sur le méta- bolisme, mais directement sur les centres thermotaxiques, en leur permettant de récupérer leur pouvoir régulateur disparu à la suite d'une cause pathogène. 1. Aronsohn et Sachs, « Die Bczielmngen des Gehirns y.ur Korperwàrmc and /.uni Ficher ». Pfluger's Arch., 1885, p. 232. 2. I. Ott, « The he;it centre in the brain » in Journal of nervoUS and mental disease, mars 18S7. « The heat centre of the cortex cerebri and pons Varolii », ibid. fév. 1888. 352 P. LANGLOIS. INFLUENCE DE LA TAILLE En ce qui concerne l'influence de la taille, les chiffres obtenus sont généralement confirmatifs de ceux donnés par Rosenthal, Gh. RicnET, Rubner, etc. Rosenthal donne la formule suivante : 3 , Y) = y. 0) \/ P" dans laquelle a est une constante spéciale pour chaque animal, w une constante dépendant de la structure du corps. Les chiffres obtenus ainsi sont supérieurs à ceux de Senator et inférieurs à ceux de Dulong. Le produit a a>, en prenant les déterminations de Rubner, de 56,52 pour un homme à jeun, se rapprochent ainsi de celui du chien en digestion. Chez l'homme, après un bon repas, a «, qu'il désigne aussi sous la lettre A = 60. Un homme de 70 kilogrammes donnerait en 24 heures 2 446 calories. Il faut dire que Reichert l, qui a fait porter ses expériences sur 55 chiens différents pesant de 5 à 16 kilogrammes, n'a point trouvé que la production de chaleur était proportionnelle à la racine cubique du carré du poids, du corps \/ PJ, et il reproche à Rosen- thal d'appuyer sa formule sur un trop petit nombre d'expé- riences. Sigalas2, après avoir confirmé les résultats obtenus, a noté un fait intéressant. Étudiant simultanément la production de chaleur et la quantité d'oxygène absorbée chez des lapins de tailles très différentes, il a vu que les quantités d'oxygène absorbé ne varient pas proportionnellement aux calories dégagées, la différence étant beaucoup plus marquée pour l'absorption d'oxygène. 1. Reichert, « Heat phenoraena in normal Anima] », in University médical Magazine, janvier, avril 1890. 2. Sigalas, loc. cil . ]». 58. XII KHCIIKRGHKS EXPÉRIMENTALES SOB LA MORT PAU II Y P E HT II E KM I E ET SUR L ACTION COMBINEE DU C11L011AL ET DE LA CHALEUR Par M. Rallière. Cl. 1ÎEKNARD a montré que les animaux à sang- chaud suc- combent très rapidement et constamment quand leur tempé- rature centrale dépasse de cinq degrés son chiffre normal ; entre cette limite extrême d'élévation thermique à laquelle la mort survient subitement et la chaleur physiologique, néces- saire aux fonctions de la vie, il existe une série d'étals hyper- thermiques intermédiaires dont l'influence sur l'organisme n'a pas encore été étudiée; il nous a paru intéressant de tâcher de déterminer les dangers de ces divers degrés d'hyperthermie et de voir combien de temps un animal peut supporter impu- nément une température propre élevée artificiellement de 3°, de 4° et même de 5° au-dessus de sa température ordinaire. TOME I. 23 3;;4 RALUERE. La plupart de nos expériences ont été faites sur le chien ; pour que les résultats en fussent comparables, il était nécessaire d'opérer sur des animaux de même espèce. Nous aurions voulu en faire quelques autres et répéter encore celles déjà faites, le temps nous a manqué pour les entreprendre; nous croyons toutefois que celles que nous rapportons montreront suffisamment combien l'élément durée de l'état hyperther- mique est important à considérer à côté de l'élément tempéra- ture dans la mort par hyperthermie. Dans une deuxième série d'expériences, nous avons étudié l'action combinée du chloral et de la chaleur, et nous avons pu constater que des animaux chloralisés, et portés ensuite à des températures non mortelles, succombaient cependant, alors qu'ils auraient survécu, s'ils n'avaient pas reçu de chloral. I Historique. Nous le commencerons seulement à Cl. Bernard; poul- ies travaux antérieurs nous renvoyons aux leçons de l'éminent physiologiste sur la chaleur animale1 et au dernier mémoire de Yallin2; si nous écourtons ainsi une analyse qui ne serait pas dépourvue d'intérêt, c'est qu'il n'existe, à notre connais- sance, dans les différentes publications sur la mort par hyper- thermie, aucune indication spéciale se rapportant immédia- tement aux deux points particuliers du sujet que nous abordons; nous en exceptons l'influence du chloral sur les animaux surchauffés, qui a été déjà signalée par Ch. Riciiii . et que nos expériences confirment entièrement. 1. Cl. Bernard. •< Influence de la chaleur sur les animaux. >» (Reçue scïcji- ti/ir/ue), 1871, pp. 132 et 182. 2. Vallin. Archives de médecine, VIe série, 1S72, p. 75. 3. Ch. Richet. Bull, de la Soc. de biol., séance du 9 août 1884,p.5S0. RYPERTHERMIE ET CHLORÀL. 335 Cl. Bernard a l'ail périr un grand nombre d'animaux par la chaleur; les résultats de ses expériences sont exposés dans sos Leçons sur la chaleur animale el résumés sous forme de propositions qu'il nous suffira de citer : 1° Les animaux ne peuvent vivre indéfiniment dans un milieu dont la température est plus élevée que celle de leur corps ; 2" La mort survient d'autant plus rapidement que l'animal ollïe une masse moins grande ; 3° A masse égale les animaux meurent d'autant plus vite que la température est plus élevée; 4° La chaleur humide est beaucoup plus rapidement mor- telle que la chaleur sèche ; mais les animaux augmentent tou- jours de la même température ; 5° Les mammifères meurent vers 44°-45° ; les oiseaux, dont la température normale est de 45° environ, expirent lorsqu'ils ont atteint 48°-o0. 6° Quel que soit le mode d'administration de la chaleur, l'animal meurt lorsqu'il arrive à une limite fixe de température de 4 ou 5 degrés plus élevée que sa température normale. 7° La mort est due à l'arrêt du ventricule g;auche dont la chaleur coagule les fibres musculaires. 8° Chez les animaux à sang- froid, la limite de température mortelle paraît être de 37°-39°. A la même époque, paraissait un travail fort remarquable de Vallin1, sur les causes de la mort dans l'hyperthermie; Vallin a fait deux séries d'expériences : les unes sur réchauf- fement général et progressif de l'organisme, les autres sur l'application locale de la chaleur. Les animaux qui ont servi aux premières étaient, soit placés dans une étuve (à 43° en moyenne), soit surtout exposés au soleil, en été; ils succom- baient aux températures extrêmes déjà signalées (44°-45°); chez les animaux du second groupe, les centres nerveux 1. Vallin •< Rech. exper. sur les accidents prod. par la chaleur. » Arch.gcn. de méd., VIe série, t. XV, p. 129, 1870; 1871, p. 727; 1882, p. 73. 356 RALLIERE. étaient soûls surchauffés, et la mort, plus lente à se produire, et non fatale comme dans les cas précédents, ne survenait qu'à 41°, 50; les symptômes qu'amène l'élévation de la tempé- rature et les lésions de l'autopsie sont notés avec beaucoup de soin; Vallin y joint plusieurs analyses des gaz du sang- : puis il expose et critique longuement les travaux de ses prédéces- seurs, et, après avoir discuté les nombreuses et parfois sin- gulières théories émises avant lui, arrive aux conclusions sui- vantes : « Il semble qu'on peut désormais ranger tous les cas en deux catégories; dans les uns, réchauffement est général, rapide, la température du sang s'élève à 4o°, et la mort a lieu par la coagulation du ventricule gauche; dans les autres, où réchauffement est plus lent et porte surtout sur les centres nerveux, la température du sang- ne s'élève que faiblement, et la mort semble reconnaître pour cause un trouble profond de l'innervation et consécutivement l'arrêt du cœur dans le re- lâchement, comme après l'excitation du pneumogastrique ». P. Bert1 a constaté que chez les infusoires la température incompatible avec la vie oscille entre 36° et 40° C. ; il est arrivé à ce résultat à l'aide d'un procédé ingénieux qui consiste à introduire dans le rectum d'un animal à sang chaud, d'un chien par exemple, un tube de verre contenant un certain nombre de ces animaux. Rosenthal2 a remarqué que, chez un animal retiré à temps d'un milieu surchauffé et abandonné ensuite à la température habituelle du laboratoire, la température tombe à 36° et au- dessous et demeure basse pendant plusieurs jours. Je signalerai l'excellente thèse de Doréj, reprenant des expériences faites par Max Runge4, et étudiant l'action de l'hyperthermie sur les femelles en gestation. 1. P. Bert. Revue scientifitjue, 1872, 2e série, t. II, p. 1196. 2. Rosenthal. « Des refroidissements. » Revue scient., 1872, 2e série, t. I, p. 592. 3. Doré. Influence de l'hyperthermie sur les femelles en gestation. Thèse de Paris, 1883. 4. Max Runge. Archiv fur Gynœk., t. XXV. fasc. I, 187". HYPERTHEKMIE ET CHLORAL. :f:iT En 1882, Jolyet et Lagrolet1, recueillant les tracés gra- phiques des mouvements respiratoires et cardiaques clic/ des animaux échauffés progressivement et constamment jusqu'à ce que la mort survint, ont vu le cœur s'arrêter après la res- piration; ils en conclurent que la mort n'est pas due à l'arrêt primitif du cœur, comme l'avaient pensé Cl. Bernard et Val lin. En 188 V. Ch. Richet2 commençait la série de leçons qu'il a faites sur la chaleur animale, et dans lesquelles il a étudié l'état fébrile, l'hyperthermie proprement dite et le refroidis- sement; dans ses nombreuses recherches d'hyperthermie ex- périmentale, Ch. Richet a insisté principalement sur le rôle de la respiration chez les animaux surchauffés; il a décrit la polypnée thermique chez le chien, et montré qu'elle pouvait avoir une double origine : une simple excitation cutanée par les rayons caloriques sans élévation de la température propre de l'animal (polypnée réflexe); un échauffement des centres nerveux dû à l'exagération de la température intérieure (po- lypnée centrale) ; celle-ci apparaît vers 41°, oO. La polypnée est impérieuse, involontaire, fatale : indépendante de la fonction respiratoire proprement dite, qui sert aux échanges gazeux entre le sang et l'air extérieur, elle n'a d'autre but que d'en- traîner la réfrigération par exhalation de vapeur d'eau; un excès d'acide carbonique dans le sang, loin de la favoriser, l'empêche; elle est produite par le besoin non de respirer, mais de se refroidir, et, pour qu'elle soit complète, la pression à l'inspiration et à l'expiration doit être nulle. Cette action hypothermisante de la respiration est commandée par le bulbe rachidien qui devient ainsi le centre d'une fonction nouvelle, régularisation de la température par la respiration. 1. Joi.yet et Lagrolet, Gaz. hebd. des se. méd. de Bordeaux, 1882, p. 130. 2. Ch. Riciiet. « Leçons sur i;i chaleur animale. >< [Revue scient., 18S4, 2e s., pp. 141 ci 20S ; 1885, l™ s., pp. 202, 421, 620; 2S s., p. 448: 188G, l" s., pp. 10,44, 75; 2c s.. 161 : L887, 2« s., pp. 353 et 531). « Nouvelle fonction du bulbe rachidien. Régularisation de la température par la respiration. » Arclt. de physiologie, 1888, pp. 192 211 et 292-311, et dans ce volume un des mémoires suivants. 358 RALLIÉ HE. Ch. Richet1 a en outre appelé le premier l'attention sur les effets toxiques du cbloral combiné à la chaleur et montré que des températures très élevées peuvent n'être pas mor- telles, si, dès qu'elles sont atteintes, on laisse l'animal se re- froidir de lui-même ou si on le refroidit artificiellement. Bonnal2 a étudié les troubles physiologiques produits par la chaleur sèche et humide; comme ses expériences ont été faites exclusivement sur l'homme, nous en résumerons les conclusions, quelque contestables que certaines d'entre elles nous paraissent : 1° La vie est possible dans un milieu dont la température est plus élevée que celle de l'homme; la tolérance est plus grande dans un milieu sec que dans un milieu humide; 2° Un séjour dans ces milieux à température supérieure à celle de l'homme, amène constamment une perte de poids; celle-ci est en rapport direct avec la température et la durée du séjour; elle est du reste récupérée après un intervalle de 24 heures; 3° Les troubles physiologiques, plus intenses dans un mi- lieu saturé, sont en rapport avec la température et la durée du séjour; ils apparaissent avant que l'hyperthermie soit établie, et commencent soit par la gêne de la respiration, soit par l'ac- célération du pouls ; 4° Le rôle de l'évaporation cutanée dans la résistance aux hautes températures paraît être à peu près nul (?) La mort est due à une lésion du système nerveux grand sympathique. Il nous reste à parler d'un travail expérimental de Vincent3, dans lequel l'auteur a mis en œuvre toutes les ressources ac- tuelles d'investigation pour expliquerla mort dans l'hyperther- mie ; il a discuté les opinions de ses prédécesseurs, répété leurs expériences, et il en a fait lui-même un assez grand nombre 1. Ch. Riciiet. Bull, de la Soc. de Mol., 9 août 1884, p. 548 ; 31 juillet 188(i, p. 397. 2. Bonnal. Revue scientifique, 1887, 2" s., p. 89. 3. Vincent. Recherches exp. sur Vhyperth. et la cause de la mort dans celle-ci, Thèse de Bordeaux, 1887. HYPERTHERMIE ET Cil LOUAI.. 359 de nouvelles. En prenant simultanément les tracés de la pres- sion vasculaire, des mouvements respiratoires et cardiaques, il a constaté que la respiration s'arrêtait avant le cœur; il a observé et décrit avec précision les symptômes de l'hyper- thermie, fait quelques analyses des gaz du sang- et de la res- piration, soumis à l'examen microscopique les organes et les tissus des animaux qui avaient succombé. Ne trouvant aucune modification, soit histologïque, soit chimique, capable d'expli- quer la mort, il a rattaché celle-ci à une auto-intoxication de l'organisme; par des inoculations sur des animaux sains, il a montré, en effet, que le sang, les viscères, la pulpe céré- brale et le bulbe des animaux morts à une haute température renfermaient des principes très toxiques. Nous n'avons pas à donner ici notre opinion personnelle sur le mécanisme de la mort dans l'hyperthermie ; nous serions du reste fort embarrassé pour le faire; nous nous bornerons à dire que, si la théorie de Vincent semble la plus acceptable dans l'état actuel de la science, elle n'est pas à l'abri de tout reproche; Vincent n'a enlevé qu'après la mort les organes qui ont servi à ses inoculations; or, chez les animaux qui suc- combent en hyperthermie, les phénomènes cadavériques, la rigidité, la putréfaction, sont très précoces et quelquefois im- médiats; peut-être les produits toxiques trouvés par l'auteur sont-ils dus simplement à un commencement de décomposition dos éléments de l'organisme ; il eût été très important de savoir si les mêmes organes, alors que l'animal, encore vivant, était à une température très élevée, 45°, par exemple, avaient le même pouvoir toxique. Nous avons réuni, dans le tableau A, les températures rectales notées au moment de la mort chez les animaux sur- chauffés ; ce tableau ne figure dans aucun ouvrage et repré- sente les diverses observations que nous avons pu recueillir; en prenant, pour chaque espèce animale, la moyenne des températures signalées dans chaque cas particulier, on arrive 360 RALLIÈHE. TABLEAU A Des températures centrales, immédiatement mortelles. Delaroche ' . Magendic2. Cl. Bernard 3. MAMMIFÈRES. Chien. Lapin. Cochon d'Inde. Lapin. Cochon d'Inde. Lapin. Vallin ' Chien. Lapin. degrés 45 45.6 44.4 45,5 45 46 44 45 44 44,5 44 44 45 44 46 45 44,5 43 4 4.5 45 44 45 45 44 44,5 44.2 16,1 Vallin. Ch. Richet3. Vincent0. MAMMIFERES. Lapin. Chien. Chien. Chien. Exp.personn Lapin. Chien. Delaroche. OISEAUX Coq. Pie. Moineau. Pigeon. Cl. Bernard. degrés. 45,6 44,6 45,4 45,3 45,2 45,6 44,5 45,3 44,5 45,6 43,3 45,4 14,S 45 15.1 44,4 44 44,8 45,2 45,65 45,80 48,3 48 50 48,5 48 n, 5 1. Delaroche, Thèse de Paris, 1806, p. 20 et suiv. 2. Magendie, Union médicale, 1850, t. IV, p. 183. 3. Cl. Bernard, Loc. cit., p. 182 et suiv. 4. Vallin, Arch. gén. de méd., 6e série, t. XV, p. 129, 1870. 5. Ch. Richet, Physiologie des muscles et des nerfs. Paris, 1882, p. 390 et 391. G. Vincent, Th. Bordeaux, 1887, p. 70-79. HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 361 assez exactement aux chiffres indiqués par Cl. Bernard; chez les mammifères, la limite d'ascension thermique est de 45°; chez les oiseaux, elle est de 18°, 40; nous verrons plus tard que ces conclusions sont trop absolues; nous ferons remar- quer seulement que, chez le lapin, la mort paraît survenir plus rapidement que chez les autres mammifères et que les cas de mort à 44° sont très communs chez cet animal; nous de- vons dire en outre que certains états physiologiques passa- gers semblent diminuer la résistance des animaux à l'hyper- thermie ; Doré1 a vu, chez des femelles de cobayes pleines, la mort survenir à 43°, 8 ; peut-être la lactation est-elle aussi, comme la gestation, une cause de moindre résistance, mais aucune expérience n'a encore été faite sur ce sujet (voyez plus loin chapitre II). II Méthode d'expérimentation. Le procédé que nous avons surtout employé pour produire l'hyperthermie est basé sur la propriété que possède le muscle de faire de la chaleur en se contractant; il consiste à électriser un animal par des courants d'induction forts et fréquents qui, passant à travers tout le corps, produisent un véritable tétanos électrique; ce tétanos électrique, absolument semblable au tétanos strychnique ou au tétanos traumatique, amène une ascension rapide et énorme de la température ; en moins de trente minutes, on peut observer une élévation de cinq degrés au-dessus de la normale; de plus, sans déplacer l'animal, il est très facile de le maintenir à une tempéra- ture déterminée; il suffit d'arrêter et de reprendre l'électri- sation selon le besoin; parle séjour dans l'étuve ou l'expo- 1. Doré. Influence de l'hyperthermie sur les femelles en gestation. Thèse, Paris, 1883. pp. 10-23. 362 RALL1ERE. sition au soleil, un pareil résultat est impossible à obtenir. L'enveloppement dans l'ouate, la muselière, sont aussi des moyens très simples d'échauffer les animaux ou de retar- der leur refroidissement; nous les avons utilisés dans la plu- part de nos expériences, soit seuls, soit de concert avec les courants induits. Dans nos recherches sur l'action combinée du cbloral et de la cbaleur, nous nous sommes servi des bains chauds, ne pouvant, à cause de la résolution musculaire qu'amène le chloral, avoir recours à l'électrisation. Enfin nous devons dire que les accidents qui surviennent à la suite de l'électrisation générale du corps dépendent uni- quement de l'hyperthermie. Si, par un moyen quelconque, on empêche celle-ci de se produire, la vie des animaux n'est nul- lement en danger; Ch. Richet1, à qui nous empruntons ces faits, a montré qu'un chien, électrisé pendant deux heures par des courants extrêmement forts, mais en même temps plongé dans l'eau, de manière à empêcher l'élévation de la tempé- rature, ne présentait d'autre symptôme qu'une fatigue pas- sagère, survivait et pouvait le lendemain servir à d'autres expériences; or nous n'avons jamais prolongé l'électrisation au delà de 7o minutes, sauf dans un seul cas où elle a duré 1 h. 30. Toutes nos températures ont été prises dans le rectum au moyen d'un thermomètre coudé, très sensible, marquant les vingtièmes de degré, et maintenu en place pendant toute la durée de l'expérience. A. — Influence de l'intensité de la température centrale. Expérienck I. — (28 mars 1888.) Chien jeune, vigoureux, de forte taille, pesant 17kil,430 ; muselé et attaché à 2 h. 10 : l'animal gémit et s'agite. A 2 h. 15 T. = 40°, (jo; Hesp. =24 1. Ch. Richet. Physiologie des muscles et des nerfs. Paris, 1882, p. 393. BYPERTHERMIE ET GHLORAL. 363 A 2 h. 35, ou commence l'électrisation; ollr est continuée pendant 38 minutes jusqu'à 3 li. 13; voici la marche de la température : heures, degrés. 2,40 41,40 Polypnée. Forte salivation. 2,4b il,":; 2,30 të 2,55 4:2,50 3 43 3,05 43,75 3,10 44,25 3,14 44,90 A ce moment on arrête. le courant, et on enlève la muselière, l'animal se refroidit assez rapidement. heures. degrés. 3,22 44,10 3,31 43 3,42 42 4 41 4,24 40 4,26 39,80 L'animal est détaché et mis à terre; il paraît très fatigué et se tient difficilement sur ses pattes postérieures, qui traînent dans la marche et fléchissent quand il veut les appuyer sur le sol. 11 est pesé immé- diatement ; son poids n'est plus que de 17 kilogrammes, la perte est donc de 430 grammes; comme il n'a rendu qu'une très faible quantité d'urine et de matières fécales, celte diminution de poids est due sur- tout à la salivation, qui a été très abondante, et à l'évaporation pulmo- naire. Aussitôt pesé, le chien, laissé libre, se couche; il refuse de man- ger; mais boit volontiers un peu d'eau fraîche. 29 mars. — Dans la nuit, l'animal a eu de la diarrhée sanguinolente ; il n'aboie pas comme il en a l'habitude; cependant il paraît bien portant; il est gai, caressant, et marche sans peine; on ne fait pas plier son train postérieur, hier parésié, en pressant fortement sur ses reins. T. = 39°,05; Resp.=24; Poids = 17 kil. Au repas du soir, le chien a mangé comme à l'ordinaire. Les jours suivants, il n'a présenté aucun phénomène morbide; il a servi à plu- sieurs autres expériences ; un mois plus tard il était encore en vie. Expérience II. — (7 avril 1888.) Chien jeune, vigoureux, de forte taille; poids= 10Uil, 000 ; T. = 40°, 20; R. = 24. 304 RALLIERE. Muselé, attaché et enveloppé dans l'ouate à 2 h. 13; l'animal est élec- trisé à 2 h. 20: il s'agite el pousse des hurlements plaintifs: sa tempéra- ture est portée en 70 minutes à 45°, 40 ; à ce moment (3 h. 28) l'ouate est enlevée promptement; le chien démuselé et détaché est refroidi im- médiatement par des affusions froides; à 3 h. 4o la température est redevenue normale (39°, 40). L'animal ne présente aucun phénomène convulsif; mais il est exté- nué, immobile, couché, et il semble indill'érent à ce qui se passe autour de lui. A 4 heures, il se lève et tente de marcher ; il s'avance péniblement, sans assurance, et comme ivre, oscillant à droite et à gauche; son train postérieur est très faible; puis il se recouche et, après un instant de repos, il se remet encore sur ses pattes et fait quelques pas; il répète plusieurs fois le même manège, comme pour essayer ses forces. A 4 h. 20, c'est-à-dire une heure environ après avoir été refroidi, l'animal paraît remis de sa fatigue et de sa torpeur; il court en tous sens dans le laboratoire ; il est gai et vient en remuant la queue quand on l'appelle. Au repas de o heures il mange avec autant d'appétit qu'à l'ordinaire. Le 8 avril. Chien vivant; dans la nuit une selle diarrhéique avec du sang; l'animal parait bien portant ; il est gai, caressant et tire fortement sur sa chaîne pour s'échapper; T. = 39°,2o. Ce chien a survécu sans présenter d'autre accident que l'hémorrhagie intestinale déjà signalée et qui ne s'est pas reproduite; il a été utilisé pour d'autres expériences. Expérience III. — (19 avril.) Chien adulte, de taille moyenne, vigoureux, pesant 13kil,80O. Attaché, muselé et recouvert entièrement d'ouate à 3 h. 10; T. = 40°,10 ; R. = 26. Électrisé de 3 h. 20 à 3 h. 49 ; sa température est portée à 45°, 6o ; à ce moment l'animal est démuselé, débarrassé de l'ouate et refroidi immédiatement avec de l'eau à 12° qu'on fait couler au moyen d'un tube en caoutchouc sur toute la surface du corps. A 4 h. 10 la polypnée a cessé et la température est revenue à son chiffre normal (39°,75); l'animal extrêmement fatigué est immobile; il gémit et se plaint; par moments, un tremblement généralisé peu in- tense; ses membres restent allongés dans la position qu'ils avaient pen- dant l'expérience; lorsqu'on essaye de les plier, le chien se met aussitôt à aboyer fortement et à pousser des gémissements aigus, témoignant ainsi de la douleur qu'éveille cette manœuvre. heures. degrés. 4,33 .... T. = 37,25; R. = 12 4,50 .... T. =35,80; R. = 12 HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 368 Le chien tremble de lous ses membres; il continue à se plaindre, mais moins vivement; le moindre bruit fait autour de lui provoque des cris plaintifs et une grande agitation. A '■> h. fcO, l'animal, qui jusque-là était resté immobile comme une masse inerte, essaya de marcher; il se tient assez facilement sur sesmem- bres antérieurs, mais son arriére-train semble paralysé et traîne sur le sol; T. = 32°. 20 avril. — Ce chien a succombé dans la nuit; l'autopsie, en dehors des lésions ordinaires qu'on trouve chez les animaux morts par hyper- thermie (congestion générale des viscères, hémorrhagies intestinales, dureté du ventricule gauche, noyaux hémorrhagiques dans les poumons), a révélé, comme une particularité, une augmentation du liquide sous- arachnoïdien qui avait d'ailleurs son aspect normal et sans trace d'inflam- malion des méninges. Expérience IV. — (7 mai 1888.) Chien adulte, de taille moyenne, pesant 10 lui.; T. = 39°, 2o, R. = 24; muselé, attaché et enveloppé dans l'ouate à 10 h. 20; Électrisé de 10 h. 35 à 11 h. 55. L'animal s'agite violemment. Polypnée. Animal très tranquille ; ne songe qu'à respirer. R. = 180. Grande agitation. plus tranquille, quoi- heures. degrés. 10,40. . . T. =40 10,45. . . 40,50. 10,50. . . 41 U ... . 41,75. 11,15. . . 43 11,2.'). . . 44 11,40. . . 45 11,50. . . 45,50. 11,58. . . 45,80. 12 ... . ï:.;so. 12,10. . . 40 R.=76; , que très inquiet R. = 40; quelques convulsions. Légère attaque clonique et mort. Le thermomètre, vingt minutes après la mort, marquait encore 45°. Il n'est pas monté au-dessus de 46°. Autopsie pratiquée le même jour, à 3 h. 30 de l'après-midi. Cerveau. Méninges légèrement hyperhémiées ; rien de particulier àla coupe des hémisphères et du bulbe. Cœur. De volume normal; pas de liquide dans le péricarde; ventri- cule gauche d'une dureté ligneuse, vide; ventricule droit et oreillettes flasques et remplis de sang excessivement noir; veines caves gorgées de sang également très noir. 3G6 RALLIÈRE. Poumons. Quelques Qnes taches eccliyniotiqu.es sous les plèvre»; pa- renchyme très congestionné; diaphragme parfaitement souple. Intestins. Hémorrhagie intestinale considérable et nombreuses ecchymoses sous-péritonéales, à l'insertion du mésentère sur l'intestin. Vessie, pleine d'un liquide jaune citrin, ne contenant pas d'albumine. Foie et reins très congestionnés. Expérience V. — (20 avril \ Gros canard, fortement musclé, attache' à 3 h. 5; T. 42°, 30; R.= 32. Éleclrisé de 3 h. 12 à 4 h. 26. T heures. degrés. „, ,„ „n ( L'animal cherche par de vio- 3,20 T. = *2,o0. . «... j, { lents ellorts a se dégager. 3,40 42,73. R. = 40. « Kn ,0Q„ n Rn ( On augmente la 3,50 42, 8o. K. = bO. force du courant. 4 . 43, Go. R. = 160. Polypnée tr. nette'. 4,10 44,35. R. = 180. 4,20 43,30. 4,26 46 R. = 180. Arrêt du courant. On laisse le canard se refroidir de lui-même par la polypnée. heures. degrés. 4,30 T. =43,43. Quelques secousses cloniques. 4,30 43 R. = 168. 3 42 R.= 12<>. 3,lo 41,23. R.= 28. Le canard est détaché et déposé à terre; il lui est impossible de se mouvoir; on a beau l'exciter, lui faire peur, il ne bouge pas ; à 6 heures, il est encore à la même place; il lente cependant de se tenir sur ses pattes, mais il ne peut y parvenir. 11 refuse de manger, mais s'empresse de boire. 21 avril. Animal bien portant, n'a pas rendu de sang par l'anus. Les jours suivants il n'a rien présenté de particulier. Expérience VI (30 avril). Même canard, T. = 42°, 30; R. = 28; attaché à 2 h. de l'après-midi, électrisé de 2 h. à 2 h. 38. I. La polypnée n'a pas été encore, je crois, signalée chez le canard; mais Delahoche et Cl. Bernard l'ont déjà observée chez les oiseaux qu'ils ont échauffés, et dont la respiration, disent-ils, était haletante. m PERTHERMIE ET CHLORAL. 367 heures, réa. 2, 5 13,10 li. 28. 2,15 43,43 H. 28. I On augmente l'inten- Site ilu courant. 2,25 W,80 R. l n». Polypnée établie. 2,35 .... Ê4,30 15. 172. 2,45 45,10 li. 180. 2,55. . 16,35 Grande agitation. 2,58 46,65 Arrêl du courant. L'animal se refroidil assez rapidement. heures. degrés. 3, 3 46,10 R. = 160 3,10 4.'i, 20 3,20 il- 3,30. .... 43 3,40. .... 42,35 R. = 120 3,52 41,85 R.= 64 L'animal, détaché, peut marcher, mais avec difficulté; si on le laisse tranquille, il reste à la même place et se repose; il boit abondamment, et ne veut pas manger; il rejette ensuite la plus grande partie de l'eau qu'il vient d'absorber. A 4 h. 30, il semble remis de sa fatigue ; on ne remarque qu'un peu de faiblesse dans la patte droite à laquelle était fixée une des bornes du courant. Ce canard a survécu, sans offrir aucun accident ;il n'a eu ni diarrhée, ni hémorrhagie intestinale. Expérience Vil (3 décembre 1887). Communiquée par M. P. Langlois; inédite, résumée. Chien pesant 19 lui., chez lequel on provoque des convulsions cloniques par des injections intra-veineuses de cocaïne; la température en 55 minutes monte à 45° ; à ce moment l'animal est refroidi ; il est resté pendant 17 minutes au-dessus de 44° et 5 minutes à 45°; il a survécu. Expérience VIII (20 octobre 1887), communiquée par M. P. Langlois; inédite, résumée. Analogue à la précédente; température atteinte : 44°,7.'i; le chien est resté lo minutes seulement au dessus de 44°; onnesaitpas s'il a survécu plusieurs jours, mais il est revenu à sa température normale, et n'est pas mort assurément en liyperthermie. 368 RALLIERE. TABLEAU B R É S L' M A N T L E 5 E X P É H I E NC E S DU C H A P 1 T !( E P H I". M I E R AUTEURS. ANIMAI X MAMMII ÈRES iniMUTl'RF. ATTEINTE. TEMPS ou au-dessus. TEMPS A V;» OU au-dessus. INDU v riONS BIBI [OQRAPHIQI ES. 1 Températures centrales, très élevées, avec survie1. titrés. minutes. minutes. Delaroche.. An on 13,75 " " Thèse de Paris, 1806, p. 26. Ch. Richet. Chien 43,7 " " Bull, de la Soc. de lîiol., il août I88i.p.o.'i0. — — 43,5 » " — — — 43,4 » » — — — l i.l.'i " " Bail, de la Soc. de Biol., 31 jaill. IS8(i. p. 397. — — W,35 » •' Inédite. — — 44 » » — P.Langlois. Chien i.'i 17 5 Inédite. Exp. VII. — — t i,75 15 >- Inédite. Exp. VIII. Personnelle Chien 44,90 18 •> Exp. I. — 15,40 18 8 Exp. II. AUTEURS. OISEAUX. TEUPtRlTL'RE ATTEINTE. TEMPS a 45° ou au-dessus. TEMPS A V6" ou au-dessus OBSERVATIONS. minutes. minutes. P.Langlois. Poule 45,4 » >- » Personnelle Canard ili 20 4 Exp. V. — — 40,65 30 11 Exp. VI. Températui ■es mortel soit à 1 les, soit Dref dél. immédi ï,i atement, AUTEURS. ANIMAUX MAMMIFÈRES. TKUPÉIUIIRE ATTEINTE. TEMPS ou au-dessus- TEMPS ou au-dessus. OBSERVA llc'NS. minutes. minutes. Personnelle Chien 45, 65 16 9 Exp. III Mort dans l.i nuit qui a «uni l'eifér. . — — 45,85 3:; 20 Exp. IV Mort immédiate). 1. La température normale c u chien est de 3 o,25, et celle du canard. 2». 3". HYPERTHERMIB ET CHLORAL. 369 Expérience l\ (inédite, due également à M. P. Langli Poule blanche, mise dans l'étuve a 38°, à 3 h. 15; à i h. T. — 45° 4; retirée à ce moment, elle parait bébétée et se tient difficilement sur s< jambes; à i h. 23, î.'f". I. 'animal a repris sa température normale et a -m vécu. Expériences \, XI, XII, XIII, XIV et XV (Cii. Richet) ». M. C.li. Richet a conservé vivants trois chiens, portés l'un «a 43°, 7, le second à 43°,o, le troisième à 43°,4; deux autres chiens, portés l'un à !, l'autre à 44°, se sont refroidis et ont survécu. (Ces deux dernières observations sont inédites.) Enfin un autre chien, porté à 4i".7.'i, et n'étant resté <]iie 13 minutes au-dessus de 43°, a également survécu -'. Les résultats de ces expériences diffèrent dans une cer- taine mesure de ceux que rapportent les auteurs. Cl. Bernard dit que les mammifères succombent constamment à 45°; Valun et Rosenthal soutiennent la même opinion ; Rosenthal3 ajoute qu'une température de 44° est toujours très dangereuse et devient rapidement mortelle; on peut voir par les chiffres que nous donnons qu'un chien peut survivre à une tempé- rature de 45° (exp. I et VII) et même de 45°, 40 (exp. II). Les exemples de survie à une température de 44° et au-dessus ne sont pas très rares, et nous en citons un certain nombre ; on peut dire qu'ils seraient la règle, si l'on arrêtait à ce degré l'élévation thermique ; on a constaté d'ailleurs, chez l'homme, dans le coup de chaleur, des cas de guérison à la suite d'hy- perthermie très intense, dépassant de o° et même 6° la tem- pérature normale : 43°, 6 (Atzembach) * ; 42°, 8 (Seguin)'; 420, 6 (Ransam : il0, 66 (S. Smith)7. La résistance de l'homme à 1. Ch. Richet. Bull, de la Soc. de biol., 9 août 1884, p. .'350. 2. Ch. Richet. Bull, de la Soc. de biol., 3L juillet 1886, p. 397. :S. Rosenthal. « ïhierische W&rme. » {Hevmann't Handbuch (ter Phys., t. IV, 2e p., chap. III, p. 328). i. Atzembaxh. Cité par Seguin. Médical thermometry, p. 64. 5. Seguin. Médical thermometry, p. 64. 6. Ransam. The Lancet, 1878. 21 sept. Cité par Longuet. Union médicale, 1882, t. XXXIV, p. 269. "i. Smith (S.). Lancet, London, 1876, 2° sem., p. 153; TOME I 24 370 HA LU EUE. l'hyperthermie ne parait donc pas inférieure à celle des ani- maux1. Ce sont les oiseaux, parmi les animaux à sang- chaud, qui supportent les plus hautes températures (4o°,4, 46°, 46°, 65); les animaux à sang froid (grenouilles, infusoires) succombent à 37°-40°; c'est chez eux qu'on peut provoquer les plus grandes oscillations thermiques sans amener la mort, 0°-37° (Cl. Ber- nard, P. Bert, lac. cit.). A 100°; des germes vivants et secs (ceux du lait, par exemple) peuvent résister plusieurs heures, et, retirés ensuite, être capables de produire des fermentations ; les spores typhiques ne sont pas détruites par une température de 90° 2 et certaines plantes, les sulfuraires, vivent encore à 73° (ob- servation faite à Luchon par M. Ch. Richet) ; la limite de tem- pérature incompatible avec la vie est donc très variable chez les différents êtres. Les animaux qui ont été ainsi surchauffés, et qui ne suc- combent pas, présentent, avant le retour complet a la santé, quelques accidents dont le plus constant est Thémorrhagie intestinale. Celle-ci est d'ordinaire légère et unique; elle ap- paraît à la première selle qui suit l'expérience et ne se repro- duit pas. On observe aussi parfois une paraplégie passagère et plus ou moins complète avec anesthésie des membres pos- térieurs. Rosenthal3 a noté que la température restait basse pendant plusieurs jours : nous avons constaté cet abaissement immé- diatement après l'expérience, et nous l'avons vu persister quel- ques heures; mais ceux de nos animaux qui ont survécu avaient tous, dès le lendemain, repris leur température normale ; en somme, le rétablissement est prompt à se faire; au bout de 1. Voyez Ch. Richet. « Température du corps dans les maladies. » {Revue scient., 1885, 2<= sem., p. 297.) 2. Arnould. Dict. encycl. des sciences méd., t. XVIII, 2e p., article Typhoïde, p. 519. 3. Rosenthal. Revue scient., 1872. 2e série, t. I, p. o92. HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 371 24 heures, on peut dire qu'il est complet; il paraît être plus rapide si l'animal a été brusquement refroidi (exp. II). Les animaux qui meurent doivent être divisés en deux ca- tégories bien distinctes, que la plupart des auteurs ne si- gnalent même pas : les uns, en effet, succombent au fastigium de l'hyperthermie ; chez eux la polypnée se ralentit de plus en plus ; on voit survenir des convulsions cloniques, et la res- piration s'arrête ainsi que le cœur; les autres, au contraire, sont revenus à la température normale ; quoique très fatigués, ils ne paraissent pas absolument condamnés; cependant la température, au lieu de se maintenir à son chiffre physiolo- gique ou à un degré très voisin, continue à baisser; ils ne sont plus maîtres de régler leur chaleur et ils meurent en hypothermie (exp. III). Ce mode de terminaison a été indiqué par Magendie '. qui Ta observé dans une de ses expériences; il est singulier qu'il n'ait pas attiré l'attention des auteurs, parce qu'il montre qu'un des dangers de l'hyperthermie est préci- sément l'état absolument opposé, l'hypothermie, et que celle-ci peut être telle que la mort en soit la conséquence (mort à 25°, cas de Magendie)-. Les lésions de l'autopsie sont semblables dans les deux genres de mort : elles consistent en hémorrhagies intestinales et pulmonaires; congestions de tous les viscères, ecchymoses sous-pleurales et sous-péricardiques; le cœur est toujours dur : cette dureté ne porte que sur le ventricule gauche; si l'animal a succombé en hyperthermie, le ventricule est con- tracté et vide. Quand, au contraire, la mort s'est produite en hypothermie, il est rempli par des caillots; dans le premier cas, le cœur s'arrête en systole; dans le second, il s'arrête dans le relâchement. 1. Magendie. Union mëd., 1850, t. IV, pr 184. 2. Voici l'observation de Magendie :Un cochon d'Inde est plongé dans de l'eau à 57° : au bout de 7 minutes, il était à 46° ; retiré alors, essuyé soigneusement et abandonné à une température de 10 à 12°, il était, au bout de 10 minutes descendu à 37°, au bout de 45 minutes à 25°, puis il mourait. 372 RALLIERE. B. — influence comparative de la durée et de l'intensité de la température. Expérience I: — (29 mars 1888.) Chien griffon, petit, de un à deux ans, pesant 9kil,800 ; T. = 38°, 80, R. = 28. Muselé et attaché à 3 h. 20 ; électrisé à 3 h. 30; la température est portée jusqu'à 44° ; elle est maintenue entre 43° et 44° (avec température moyenne de 43°. bO) pendant 70 minutes ; l'électrisation a été maintes fois suspendue et reprise selon le besoin; quand la température était suffisamment élevée, on arrêtait le courant ; lorsqu'elle descendait au voisinage de 43°, on électrisait de nouveau. A 5 h. 27, l'animal, revenu à sa température normale (39°,o0), est dé- taché ; sa faiblesse est extrême, il ne peut se tenir debout et n'essaye même pas de se mouvoir; son arrière-train est insensible à la pression et à la piqûre; il a perdu 2 800 grammes de son poids primitif; or il n'a expulsé que quelques gouttes d'urine et n'a pas déféqué pendant l'expé- rience : la perte est donc presque entièrement supportée par la salivation et l'exhalation pulmonaire. L'animal ne veut ni manger ni boire; il regarde avec une indiffé- rence absolue l'eau et les aliments. A G heures, le chien vomit un liquide blanchâtre sans trace de sang ni de bile. T. =37°. 30 mars. Animal mort dans la nuit; rigidité cada- vérique généralisée. Autopsie pratiquée à 2 heures du soir. Poumons. — Fortement hyperhémiés; aux bases, noyaux d'hémorrha- gie interstitielle, au nombre de trois à droite.de deux à gauche, et limités au bord inférieur; en incisant le tissu pulmonaire à ce niveau, on voit nettement qu'il est infiltré de sang. Pa_ d'ecchymose sous-pleurale ni sous-péricardique. Cœur. — Ventricule gauche très dur, rempli par un caillot ; ventri- cule droit et oreillettes mous et renfermant plusieurs caillots excessi- vement noirs. Diaphragme très souple. Estomac. — Dilaté par des gaz; muqueuse légèrement rouge au niveau de la grande courbure. Intestins. — Renferment du mucus teinté de sang; il est congestionné par places, surtout dans le duodénum. Foie. — Congestionné uniformément. Rate. — Normale. Reins. — La substance corticale est fortement hyperhémiée. HYPERTHERMIE ET GHLORAL. 373 Cerveau. — Uicn de spécial ; le bulbe, parait également normal. L'examen microscopique des fibres du ventricule gauche a montré qu'elles avaient perdu par places leur striation et qu'elles étaient mani- festement granuleuses. Iaikkience IL — (18 avril 1888.) Chien petit, très jeune, pesant 3kll,980, muselé et attaché à 2 h. 40; T. =39°, 80; R.=20 à 2 h. 50, enveloppé entièrement dans l'ouate; de 2 h. 50 à 4 h. 10, l'animal ainsi emmailloté ne s'échauffe presque pas; on emploie alors l'électrisation. Voici la marche de la température et de la respiration; on remarquera que la polypnée n'a commencé qu'à 42°, 25, qu'elle a été peu intense et qu'elle a cessé presque subitement, alors que le chien avait encore une température de 43°, 75 : heures. degrés. 4,15.. .... T. = 40,90 R. = 60 4,25 41.75 R. = 60 4,35 42,25 R. = 164 (polypnée). 4,45. ..... 43 » 4,55 43,60 » 5,10 44 » 5,20 44,15 » 5,30. ..... 44,05 R. = 144 5,40. ...".. 44,05 5,50 44 R. = 120. Arrêt du courant. On voit que, malgré l'électrisation, le thermomètre n'est pas monté au delà de 44°, 15, et que l'animal ne s'échauffe plus; nous n'en voyons d'autre raison que la faiblesse et la fatigue musculaire du chien, qui sont très grandes ; les excitations électriques ne provoquent en effet que de rares contractions. En même temps qu'on cesse l'électrisation, on défait la muselière et retire toute l'ouate ; quoique démuselé, l'animal garde la gueule fermée, et il est même difficile d'écarter ses mâchoires; la sensibilité est très diminuée : on peut pincer très fortement la queue de l'animal ou les pattes sans provoquer de réaction; le chatouillement de la surface interne de l'oreille est bien perçu ; le réflexe cornéen est intact. heures. degré». 6 T. = 43,75 R. = 54 6,10 43 R. =48 6,45 40,50 R. =48 La sensibilité a reparu, mais elle est encore émoussée ; l'animal, dé- taché, ne fait aucun mouvement et parait exténué. 374 RALLIÈRE. Il est resté 80 minutes au-dessus de 43° avec maximum 44°, 15 et tem- pérature moyenne de 43°, 80. La perte de poids est de 450 grammes. Ce chien est mort quelques heures après l'expérience, dans la nuit. L'autopsie, pratiquée le 19 avril, a 4 heures du soir, ressemble absolument à la précédente; nous n'avons rien trouvé du côté du bulbe et des voies aériennes qui pût nous expli- quer le retard dans l'apparition de la polypnée, son peu d'intensité et sa faible durée. Expérience III. — (31 mars 188S.) Chien adulte, de taille moyenne, pesant 9 kilogrammes. T. = 38°,75; R. = 24 Muselé, attache' et enveloppé d'ouate à 2 h. 55 ; maintenu 2 h. 45 au- dessus de 42°, avec maximum 43°, 15, et température moyenne de 42°, 70 ; l'électrisation a été faite pendant 40 minutes; elle a été peu énergique, et, comme dans une expérience précédente, on l'a cessée et reprise, à divers intervalles et pour les mêmes raisons. A G h. 15, l'animal ayant repris sa température normale est détaché; il peut marcher et ne fléchit pas sur ses membres; mais, à peine a-t-il fait quelques pas, qu'il s'arrête et s'appuie contre un pied de table; il reste là immobile, inerte, et ne se couche pas spontanément. Il ne veut ni manger ni boire. Son poids a diminué de 600 grammes. A 6 h. 25, il a un peu de diarrhée sans trace de sang. 1er avril. — Animal mort; rigidité cadavérique complète et générale; sous le cadavre on voit de la diarrhée sanguinolente. Voici les résultats de l'autopsie : Cœur. — Ventricule gauche très dur, contenant quelques caillots mous et très noirs; ventricule droit et oreillettes flasques et remplis de sang épais et très noir. Poumons. — Plèvre intacte; pas d'ecchymose sous-pleurale; poumons considérablement hyperhémiés, présentant aux bases une coloration noire due à une hémorrhagie interstitielle, qui occupe à droite la moitié du lobe inférieur; quelques noyaux semblables dans les autres parties du parenchyme. Diaphragme parfaitement souple. Foie et reins. — Congestionnés. Rate. — De volume et d'apparence normaux. Intestins. — Renferment du mucus rosé en assez grande quantité. Cerveau. — Pie-mère finement injectée; rien d'appréciable à la coupe de la substance cérébrale et du bulbe. HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 378 Expérience IV. — (3 avril 1888.) Chien griffon, adulte, de petite taille, pesant 5 kilogrammes. T. = 39°,25; R. = 12; P. = 84 \ L li. 15, électrisé; il se secoue violemment et défait sa muselière. On le laisse en cet état. 4 h. 30. . . . T. =42°; R. 60; pas de polypnée. On cesse l'électrisation et on emmaillote l'animal dans l'ouate. heures. degrés. 4,40 T. = 42,50; R. = 00 4,30 T. = 42,30; R.= 148 La polypnée apparaît, mais elle est peu intense, intermittente et très irrégulière; le chien respire la gueule ouverte, sans tirer la langue; l'ex- piration »^st active et spasmodique. heures. degrés. o T. = 42,40; R. = !20 [5,15 T. =42,25; R. = 180 Reprise du courant jusqu'à 5 h. 20. heures. degrés. 5,20 T. =42,60 5,22 T. =42,75 Convulsions cloniques généralisées; on relire l'ouate. 5 h. 24. . . . T. =43°,10 Attaque tétaniforme et mort l. heures. degrés. 5,30 T. = 43,40 5,45 T. = 43. Rigidité cadavérique. L'autopsie a été faite à 3 h. 50, c'est-à-dire immédiatement; elle n'a rien révélé de particulier. En voici les résultats : Cœur. — Ventricule gauche, dur, contracté, vide; ventricule droit et oreillettes flasques et remplis de sang excessivement noir et épaissi. 1. Les cas de mort à 43° chez le chien sont exceptionnels, à moins que cette température ne soit maintenue pendant un certain temps; on verra d'ailleurs que les résultats de cette expérience ne sont pas en concordance avec les expé- riences suivantes. 376 II AL LIE HE. Poumons. — Plèvres vides; pas d'ecchymoses sous-pleurales; noyaux hémorrhagiques dans le lissu pulmonaire, très irrégulièrement répartis. Diaphragme normal, non rigide. Foie, rate et reins. — Fortement congestionnés. Estomac. — Très dilaté. Intestins. — Remplis de matières fécales dures ; muqueuse duodé- nale hyperhémiée ; pas de trace d'hémorrhagie. Vessie. — Pleine d'un liquide clair et transparent. Cerveau. — Sinus de la dure-mère gorgés de sang noir; vaisseaux de la pie-mère plus apparents qu'à l'état normal; hémisphères cérébraux, cervelet, bulbe et protubérance sains. Expérience V. — (4 avril 1888.) Chien adulte, de taille moyenne, pesant 12 k. 500. Muselé et attaché à 3 h. 45 ; T. = 39°,4o ; Resp. = 28. A 3 h. 50, électrisé ; à 4 h. 20, T. = 42 ; R. = 180. On arrête le courant et on enveloppe l'animal dans l'ouate : la température est maintenue une heure au-dessus de 42° avec maximum 42°, 90 et température moyenne 42°, 40; à oh. 20, l'animal est détache'; il revient assez rapidement à sa température normale. .i h. 50. . T. = 40° Le chien peut marcher sans difficulté; il a perdu 500 grammes de son poids primitif; il |mange avec appétit et boit avec empressement, puis il se couche. 5 avril. — Animal vivant, bien portant, mais très craintif; il n'a pas uriné ni déféqué depuis l'expérience. T. = 39°,25; R. = 24; Poids = I2kil,o00. Aucun accident ultérieur. Expérience VT. — (5 avril \88$.) Chien griffon adulte, de forte taille, pesant 21kil,500. Muselé et atta- ché à 2 h. 10. T. =39°,2; R.= 24. Emmailloté dans l'ouate et électrisé ; maintenu deux heures au-dessus de 42° avec maximum de 43° et température moyenne de 42°, 50 ; perte de poids = 1 200 grammes. L'animal, aussitôt détaché, se met à courir et mange avec avidité. 6 avril. — Chien très bien portant. T. = 39°, 40; poids = 20 kilo- grammes. Aucun phénomène morbide dans la suite; il a servi à d'autres expériences. HYPERTHERMIE ET CHLOHAL. 377 Expérience VIT. — (17 avril 1888.) Chien bouledogue adulte, de taille moyenne, pesant 6kll,500; muselé el attaché à 2 h. '.:;. T. = 39°,45. A 2 h. 50, enveloppé entièrement dans l'ouate, l'animal ne bouge ni ne se plaint, mais salive abondamment. On laisse monter la température à fc2°,50 et on la maintient entre 42° et 43° pendant deux beures. L'élec- tricité n'a pas été employée, on s'est contenté d'enlever la muselière ou de la remettre selon qu'il fallait refroidir ou échauffer l'animal '. A 6 beures le chien, revenu à sa température normale, est détaché ; perte de poids = 250 grammes; elle représente exactement la quantité de salive sécrétée et de vapeur d'eau exbalée par les poumons, l'animal n'ayant ni uriné ni déféqué pendant l'expérience. Le cbien parait assez fatigué et ne peut se servir du membre posté- rieur droit, qu'il évite d'appuyer sur le sol; il ne veut ni manger ni boire et se couche. Survie sans aucun accident. Expérience VIII'. — (18 mai 1888.) Cbien adulte, vigoureux, de taille moyenne, pesaut 10 kilogrammes, attaché et muselé à 9 h. 50. T. = 39°,50. 9 b. oo, enveloppé dans l'ouate et éleclrisé. 10 h. 15, T. = 42 h. 15. Arrêt du courant. L'animal est maintenu trois beures consécutives (de 10 b. 15 à 1. h. 15), entre 42° et 42", 60, avec température moyenne de 42°, 30. heures. 1,15, on enlève l'ouate et la muselière. 1,20, T. = 41°,75. 1,35, T. = 39°,45. L'animal détaché ne pèse plus que 9kil,500 ; il a donc perdu 500 grammes; il marche sans grande difficulté; son arrière-train est cepen- dant affaibli; mais cet état n'est que passager. A 5 heures, le chien parait bien portant, il mange avec son appétit ordinaire ; T. = 38°, 50. 12 mai. — Animal vivant; pas de diarrhée dans la nuit ; pas de sang dans les matières fécales. T. =39°. Survie définitive sans accident. 1 . Un chien en hyperthermic, qui a 42° par exemple, et qui est muselé, ne peut faire que 150 à 180 inspirations en moyenne par minute; non muselé, il en ferait de 200 à 300 et se refroidirait par conséquent beaucoup plus vite; la mu- selière ralentit la polvpnée, en augmentant la pression de l'air inspiré et expiré. Voy. Ch. Richet. Arch. de physiologie, 1888, p. 206. 378 RALLIERE. TABLEAU C TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE TEMPÉRATURE DURÉE de la I ERMINAISON. EXPÉRIMENTALE. MAXIMA . MOI i:nne. TEMPÉRATURE. Résumé des expériences du chapitre II. degrés. degrés. degrés. 13-44 44 43,50 70 minutes. Mûri. 43-44 14,1 5 43,70 80 — — 42- 13 13,45 42,70 2 h. 45 m. — 12-43 43,10 12,50 54 minutes. Mort 'cas exceptionnel). 42-43 42,90 42.40 60 — Guérison. 42-43 42,90 42,40 120 — — 42-43 43 42,50 120 — — 42-43,60 42,60 42,30 3 heures. — TEMPÉRATURE EXPÉRI- lEMPÉr.tnnF. TEMPS AU-DESSVS TEMPS AO-DESSIS TEMPS AU-DESSUS TERMINAISON. MENTALE. MAXIMA. de 43 degrés. de *V degrés- de Vi degrés. Résumf ; des exp ériences du chapil re I. degrés. degrés. minutes. minutes. minutes. 45-46 45,85 45 35 20 Mort immédiate. 15-46 9:5,65 23 15 9 Mort après refïo id. 45-46 45,40 33 18 8 Survie. 44-45 44,90 31 17 — Guérison. 44-45 45 — 17 "i — 44-45 44,75 — 15 — L'idée générale qui se dégage de ces expériences est que l'hyperthermie est dangereuse à la fois par son intensité et par sa durée; à des degrés où elle n'est pas immédiatement mortelle, elle peut cependant entraîner la mort, si elle est suf- fisamment prolongée; à des températures réputées constam- ment mortelles par les auteurs, les animaux peuvent survivre si on les refroidit rapidement et s'ils ne restent qu'un temps très court à cette énorme élévation thermique. L'influence de la durée de la température a été signalée par plusieurs au- RYPERTHERMIE ET CHLQRAL. 379 leurs; elle esl très manifeste dans l'étal fébrile ; mais aucune recherche «x pi-i nnt'iita!<' n'a été faite encore pour la démon- trer; les expériences que nous rapportons sont donc, à ce point de vue nouvelles. Nos observations ne sont pas suffisamment nombreuses pour établir d'une façon précise le temps que le chien peut résister à telle et telle température déterminée; voici néan- moins les chiffres que nous avons obtenus : 1° Une température de 45° peut durer 5-8 minutes sans être mortelle; -2 lue température de 44°-4o° peut persister 17-18 mi- nutes sans amener la mort; 3° Entre i3° et 44° la limite de résistance paraît être entre 35 et 70 minutes; 4° Entre 42 et 43°, avec une température très voisine de 43", cette limite est de 2 h. 45 ; une température plus rapprochée de 42° que de 43° peut être supportée au moins 2 heures; dans un cas, une température de 42°, 30 en moyenne a pu être prolongée pendant 3 heures consécutives, sans aucun acci- dent. Ceux de nos animaux qui sont morts ont tous succombé dans la nuit qui a suivi l'expérience; nous n'avons pu prendre leur température jusqu'à la fin; mais, selon toute vraisem- blance, ils meurent en hypothermie, comme ceux dont nous avons déjà parlé au chapitre I". Les chiens qui ont survécu se sont rétablis très rapi- dement; quelques-uns ont eu des hémorrhagies intestinales; d'autres n'ont présenté qu'une légère et courte fatigue; de tous ceux qui étaient encore en vie 24 heures après l'expé- rience, aucun n'a succombé : il semble donc qu'après une survie d'un jour la guérison est constante. 380 K ALLIÉ RE. C. — Action combinée du chloral et de la chaleur. Expérience I. — (3 mai 1888.) Chien adulte, de taille moyenne, pesant G kilogrammes. T. = 39°. A 10 heures du matin, fixé sur une planche et chloralisé jusqu'à résolution complète; on lui injecte dans la saphène successivement 20 centimètres cubes d'une solution de chloral à 1/10 (soit 2 grammes de chloral). A 10 h. 50, tout réflexe a disparu, la cornée est insensible; l'animal est porté dans un bain dont la température est de 43° et ensuite élevée progressivement jusqu'à 48°; à ce moment, la température du chien est de 38° seulement; elle a baissé sous l'influence du chloral ; heures. degrùs. 11,15 T. = 38,75 R. = 40 \ 12,45.. .... 40 R. = 132 j Bain = 43° 12 40 R. = 200 ) Le réflexe cornéen reparaît, et l'animal commence à s'agiter; nou- velle injection de 5 centimètres cubes de la solution de chloral; addition d'eau chaude. heures. degrés. 12,40 41 Bain = 47° 12,45 41,65 Si l'on soulève la tête de l'animal, de manière à faciliter l'entrée de l'air dans le poumon, la polypnée augmente presque instantanément, et il est impossible de compter la respiration. heures. degrés. 1,10 42 4,20 42,75 1,25 43,15 1,35 43.75 1,40 44 On retire immédiatement l'animal et on le laisse se refroidir de lui- même. heures. degrés. 1,55 40 2 39 L'animal est détaché ; il reste couché et immobile. heures. degrés. 3,10 36,10 3,55 34,45 HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 381 Chifii toujours à la même place, indifférenl à tout: aucune excitation ne le fait sortir de sa torpeur; sensibilité des membres postérieurs presque nulle; re'llexc cornée n normal ; réflexe du genou exagéré; pas de tremblement ni la moindre agitation musculaire, sinon un clignement très fréquent des paupières. Lorsqu'on presse très fortement sur la queue ou l'une des pattes de L'animal, il fait une expiration un peu plus forte et semble vouloir crier; mais il ne peut qu'ébaucher l'effort. 5 h T. 30° L'animal fait un peu de diarrhée sanguinolente. oh. 30 T. = 26° Quelques légers soubresauts musculaires ; rétlexes exagérés. A .'i h. o.'), même état, T. =26°. A il h. 13, même état, T. = 26°; pouls à peine perceptible; impos- sible de le compter. 3 mai. — Animal mort à la même place que la veille. Rigidité des membres postérieurs. L'autopsie pratiquée le même jour nous a fait constater des lésions absolument analogues à celles déjà signalées chez nos animaux qui sont morts après avoir été échauffés; seulement, ici, elles sont encore plus accentuées; Fhémorrhagie intestinale est considérable et on remarque de nombreuses taches ecchymotiques au niveau de l'intestin grêle, sous la séreuse péritonéale. Expérience II. — (3 mai 1888.) Chien griffon, petit, adulte, pesant 6kil,300, attaché sur une planche à 9 h. 30; T. = 39°, 30. Chloralisé jusqu'à résolution complète (on lui injecte 25 centimètres cubes de la solution de chloral à 1/10). A 10 heures, plus de rétlexe cornéen ; on met l'animal dans un bain à 52°. heures. degrés. 10,05. . . . T. = 40 R.= 32 10,10. . . 41,45 R. = 32 10,15. . . 42 R. = 160 10,20. . . 42.50 10,25. . . 42,80 10,28. . . 43 382 RALLIE HE. On retire promptemenl ranimai et on l'abandonne à la température du laboratoire : hem dcL'i 10,30 43 ht.:::. 42,50 10,40 41,50 10,55 40,70 A ce moment, on détacbe le cbien et on le sècbe ; il reste immobile et couché. A 1 1 h. .'), il essaye de se relever; il ne peut le faire qu'à demi et retombe ; il répète en vain plusieurs fois la même tentative. A M b. 10. l'animal a pu se mettre debout; il marcbe en titubant et tombe à chaque pas; les extenseurs des pattes antérieures sont para- lysés, et ses pattes, dans la marche, portent sur le sol par leur face dorsale ; l'animal, ne pouvant étendre ses membres antérieurs, est obligé, pour avancer, de lancer son tronc en avant; mais il n'est plus capable de mesurer ses efforts, et il prend parfois un tel élan qu'il se renverse et tombe sur le dos. 2 heures. — Chien couché, paraissant très fatigué ; il faut le pousser fortement pour le faire changer de place ; il marche péniblement et se recouche dès qu'il a fait quelques pas , les membres postérieurs sont insensibles. 4 heures. — Tremblement généralisé très faible; T. = 39°, 10. 4 mai. — Chien vivant, couché à la même place que la veille, encore fatigué, et ne voulant pas marcher; les membres postérieurs sont très faibles; on peut mettre le pied sur l'une ou l'autre des pattes posté- rieures et presser énergiquement sans faire aboyer l'animal ; la même manœuvre sur les pattes antérieures est douloureuse et bien sentie. L'animal n'a pas voulu manger. '■> mai. — Chien encore à la même place ; un peu moins fatigué ; il peut marcher, mais se repose tous les 5 ou 6 mètres ; il a pris du lait, mais n'a pas voulu de sa nourriture ordinaire; T. = 39°, 20. 6 mai. — L'animal a été brûlé accidentellement, dans diverses parties du corps, par une solution concentrée de potasse. On a dû le sacrifier, pour lui épargner d'inutiles souffrances. Expérience III. — (5 mai 1888.) Cbien jeune, vigoureux, pesant 10kil,b00; fixé sur une planclu- à 9 h. 30 du matin ; T. = 39°,2b. Chloralisé profondément jusqu'à disparition du réflexe cornéen ; on lui injecte dans la veine saphène 40 centimètres cubes de la solution de HYPERTHERMIE ET GHLORAL. :m chloral à i 10; après l'injection des ES pi emiers centimètres cubes, période d'excitation très vive el n'ayant duré (Tailleurs que 3 minutes heui 9,55.. . Insensibilité absolue; T. = 38°, 20. 10 ... Mis dans un bain à 46°-S0°. 10,05.. . T. = 38°,50;R. 160 polypnée réflexe). 10,15. . . T. = 39°,50. Le réflexe cornéen reparaît. 10,35. . . T. = 40°,50. Grande agitation, hurlements continuels. On relire un instant l'animal du bain pour lui faire deux injections de •> centimètres cubes de chloral : heures. degrés. 11 41,50 11,20 42 11,25. 42,o0 11,28 4:? 11,31 43,50 Le chien est enlevé rapidement de la baignoire et abandonné a la température du laboratoire; il se refroidit très vite. II b. 38 T. =41°, 50 L'animal est détaché; il reste couché et immobile jusqu'à 11 h. 50; à ce moment il essaye de se lever; après plusieurs etforts inutiles, il finit par se dresser sur ses pattes et court follement en tous sens, se beurtant aux «haises, aux tables, titubant et tombant à chaque pas; les exten- seurs des pattes antérieures ne sont pas paralysés. A 2 b. 10, animal couché, très fatigué, ne voulant pas marcher, mais pouvant se tenir sur ses pattes; diarrhée sanglante; membres posté- rieurs insensibles. T. =37°; le même état persiste toute la soirée. 6 mai, a 10 b., chien à la même place que la veille; il semble remis de sa fatigue, se promène dans le laboratoire et monte spontanément un escalier; cependant il ne veut pas manger et paraît triste et hébété. A 2 h. du soir, tout a changé; l'animal est très malade, couché, in- capable de se lever, présentant des secousses convulsives brusques, instantanées, très violentes, avec claquement bruyant des mâchoires; les attaques convulsives se répètent deux à trois fois par minute ; par moments, du hoquet; l'animal rend du sang presque pur par l'anus; T. = 37°, 20; insensibilité complète et généralisée ; réflexe cornéen di- minué, lent à se produire ; "autres réflexes très exagérés; en touchant légèrement le museau de l'animal ou bien en frappant brusquement et fortement sur un membre, on provoque à volonté une attaque convul- sive ; oscillations horizontales des yeux (nystagmus). 384 RALLIÉ RE. A 3 h. 20, les convulsions, qui avaient déjà diminué d'intensité et de fréquence, cessent; le réflexe cornéen persiste encore, mais très affaibli; les autres réflexes ont disparu; la piqûre, le pincement des membres, l'arracliement des poils ne provoquent aucune réaction; légère contrac- ture des membres; la tète se renverse en arrière (opistbotonos); la pu- pille est très dilatée. A 3 h. 50, léger tremblement généralisé qui s'accentue de plus en plus et qui est bientôt remplacé par une raideur tétanique avec arrêt de la respiration et mort à 3 b. 51 ; T. = 38. Nous n'insisterons pas sur les détails de l'autopsie; nous dirons seu- lement que nous avons trouvé'dans l'estomac et l'intestin une très grande quantité de sang et dans la plupart des viscères (poumons, foie, reins) des foyers hémorrbagiques plus ou moins considérables; quelques suffu- sions sanguines sous l'arachnoïde, très légères; nombreuses et larges ecchymoses sous-pleurales et sous-péritonéales. Ces ecchymoses et ces hémorrhagies tiennent-elles à une altération du sang ou à une action du chloral sur les centres nerveux échauffés? Nous ne chercherons pas à en expliquer le mécanisme, qui est peut-être très complexe1. Expérience IV. — (9 mai 1888.) Chien adulte, petit, pesant 5kil,500; fixé sur une planche à '.' h. 30 du matin; T. = 39°,25. Chloralisé jusqu'à disparition du réflexe cornéen; il reçoit 15 grammes de la solution à 1/10. heures. 9,55 Porté dans un bain à 50° 10,05 T. = 40°, 50; R. =24 10,08 T. =41° 10.10 T. = 41°, 50; polypmV. 10,12 T. =42° 10,16 T. =43° On le sort immédiatement, et on le laisse se refroidir. heures. degr<5s. 10,18 T. =42,75 10,25 T. =39,75 L'animal est détaché; il reste immobile. A 10 h. 40, T. = 37°, 25; la boule du thermomètre ressort tachée de sang. 1. Pour les hémorrhagies d'origine nerveuse, signalées pour la première fois par Brown-Séquard, en 1851, et reproduites expérimentalement par nombre d'auteurs, voyez. Yulpian. Leçons sur les vaso-moteurs, 1875, t. I.pp. 210 et sui- vantes, t. II, pp. 531 et suivantes. HYPERTHERMIE ET CHLORAL. 385 A 10 li. 45, le chien, après maints elforts impuissants, se lève et essaye de courir; il s'avance en titubant, tombe à chaque pas; on ne remarque pas de paralysie des extenseurs des pattes antérieures; h 1 1 h. L'animal se couche. A J heures de L'après-midi, le chien parait rétabli; il inarche assez facilement; ses membres postérieurs sont cependant all'aiblis et plient <<>us la moindre pression; la sensibilité est normale; les réllexes ne sont pas exagérés; L'animal mange deux morceaux de viande avec avi- dité; T. = 38°, 80. 10 mai. — Animal bien portant, a fait un peu de sang dans la nuit. 1 1 mai. — Rien de particulier; ce chien a survécu. Expérience V. — (12 mai 1888.) Chien chinois, pesant 6kil,500; T. = 38°, 50. A 0 h. 40 du matin, fixé sur une planche et profondément chlora- lisé; on lui injecte dans lasaphène 15 grammes de la solution de chloral à 1/10. heures. 10,05 Porté dans un bain à 49° 10,15 T. = 39° 10,18 T. =40° 10,24 T. = 41°,50. Polypnée. 10,28 T. = 42° 10,35 T. = 42°, 50 10,40 T. =43° 10,47 T. = 43°,50 L'animal est retiré immédiatement de la baignoire, et on le laisse se refroidir : heures. degrés. 10,52 T. = 43 1(1.50 42 Il 41,50 Le chien est détaché; il reste immobile; les membres postérieurs présentent des convulsions cloniques très marquées et sont absolument insensibles. A 11 h. 10, l'animal essaye de se relever; il ne le fait qu'à demi et retombe; après plusieurs tentatives inutiles, il peut se tenir sur ses pattes et alors il est pris d'une folle impulsion de courir, si bien qu'il ne s'arrête plus; chutes très fréquentes; pas de paralysie des extenseurs des membres antérieurs; à 11 h. 20, T. = 37°, 50. A 2 heures de l'après-midi, nous trouvons le chien couché; qu'on lui fasse peur ou qu'on le pousse avec le pied, il ne veuf, pas bouger de TOME i. 23 386 RALLIERE. place; il est en effet très affaibli, et, si on le met debout malgré lui, il n'j reste pas et se recoucbe aussitôt; les membres postérieurs offrent en- core des secousses convulsives très nettes, mais moins accentuées qu'im- médiatement après la sortie du bain; ils sont peu sensibles; l'animal est bien dessécbé; T. = 38°; poids = 6 kil.; perte = 300 gr.; le même état a persisté toute la soirée; la température prise à diverses heures a toujours été de 38°. 13 mai. — 10 heures du matin; animal couché à la même place que la veille, présentant des attaques cloniques très fortes, généralisées, avec claquement des dents; les attaques durent à peu près une demi-minute, puis elles deviennent de plus en plus rares et plus faibles; à 11 heures, elles ont presque disparu et on ne voit plus que quelques secousses légères et isolées, se passant surtout dans les membres postérieurs; la sensibilité est abolie; seul le réflexe cornéen existe encore; la tempéra- ture de l'animal est de 27°; de 10 heures à 11 heures elle s'est maintenue à ce chiffre. 14 mai. — Animal mort; l'autopsie n'a pas été faite. Expérience VI '. Chien chloralisé et échauffé ensuite, meurt à 42°. Expériences VII et VIII (communiquées par Ch. Richet; inédites). Chien porlé à 44°,10 et n'étant resté au-dessus de 43° que 18 minutes, reçoit du chloral et succombe. Un autre chien, porté à 42p,70, et chloralisé, meurt le lendemain; il est resté seulement 1 h. 15 au-dessus de 42°, sans dépasser 42°, 70. Ces expériences montrent clairement, je crois, que le chloral, comme l'a indiqué M. Cn. Richet, devient très toxique quand il est associé à la chaleur; à 44°, il produit très rapi- dement la mort; à 43°, o0, il est encore mortel; cependant la survie est plus longue; à 43° la guérison est possible; mais on observe de la paralysie avec anesthésie complète des mem- bres postérieurs pendant plusieurs jours; un chien maintenu 75 minutes au-dessus de 42° avec maximum 42", 70, reçoit du chloral et meurt; ces diverses températures, 44°, 43°, 50, 42°, les deux premières n'ayant duré qu'un instant, deux minutes 1. Cu. Richet. Bull, de la Soc. de biol. Séance du 9 août 1S84, p. 350. HYPER rHERMIE ET CHLORAL. à peine, La dernière n'ayant pas été prolongée au delà de 75 minutes, ne sont certainement pas mortelles par elles- mêmes; il sulïil de se reporter à nos expériences précédentes pour s Vu assurer. Chose curieuse, les animaux ainsi chlora- lisés et échauffés semblent guérir et revenir à leur état nor- mal; on pourrait, pendant un certain temps, les croire hors de danger quand, tout à coup, éclatent des convulsions épi- lcptoïdes, d'abord fréquentes et violentes, qui vont ensuite en s'atténuant et qui se terminent par un accès tétanique et la mort immédiate; celle-ci arrive soit en hypothermie consi- dérable (26°), soit à une température voisine de la normale (38°); elle peut se produire dans le coma, sans être annoncée et précédée par des phénomènes convulsifs1. Cette influence de l'hyperthermie sur l'action du chloral est des plus manifestes, et elle appelle l'attention sur un point particulier et assez important de pratique médicale; le chloral est, en effet, un médicament usuel et journellement prescrit; il est surtout indiqué dans les affections à forme convulsive ; or, dans ces maladies (tétanos, épilepsie, éclampsie...), la température du corps peut monter très rapidement à 40°-41°; si, à ce moment-là, on administre du chloral, selon toute probabilité on augmente le danger et on prépare une ter- minaison fatale; il est vraisemblable qu'à une température de 39°, o qui dure depuis plusieurs heures, le chloral, chez l'homme, serait également toxique; les substances de la même série que le chloral (chloroforme, éther, alcool) doi- vent, vraisemblablement aussi, se comporter de la même façon et devenir toxiques, quand la température de l'orga- nisme s'élève; c'est là peut-être la raison de la gravité du coup de chaleur chez les alcooliques et les ivrognes. 1. L'injection sous-cutanée de chloroforme chez les cobayes et les lapins amène la mort clans des conditions à peu près semblables; ces animaux vivent plusieurs jours après avoir reçu l'injection ; puis soudain surviennent des con- vulsions cloniques, et ils meurent. Voy. : Cn. Bouchard, Bull, de l'Acarf. de méd., 12 février 1884, 2e série, t. XIII, p. 20S. Voir aussi Semaine méd., 1 S S i- , nos 7 et 1S, pp. 59 et 185. 388 R A LU ÈRE. M. Ch. Richet1 a remarqué que, chez les poissons, la puissance des poisons augmentait avec la température ; des expériences récentes, faites par MM. Ch. Richei et P. Langlois, et auxquelles nous avons assisté, montrent net- tement que d'autres substances agissent plus énergiquement chez le chien quand on l'échauffé qu'à la température nor- male; ces faits demandent d'autres recherches et doivent attirer l'attention sur la posologie des médicaments aux di- verses températures. TABLEAU D RÉSUMANT LES EXPÉRIENCES DU CHAPITRE III DOSE de IEMPÉRIII'RE DURÉE de cette TEMPS AU-DESSUS TEMPS AU-DESSUS TERMINAISON. CIILORAL ' ■ MAX1MA. TEMPÉRATURE. de +2 degrés- de 43 degrés. grammes. degrés minutes. minutes. minutes. 2,50 44 1 — — Mort. 2,50 43 2 15 — Guérison lente. 4,50 43,50 — — 4 Mort. 1,50 43 1 — — Guérison rapide. 1,50 13,50 2 — — Mort. — 42 — — — Id. — 44,10 — — 75 M. — 42,70 — 18 — Id. 1. C'est la dose qui a. été. nécessa ire pour prod uire la résoli tion complète. Conclusions. I. — La température du corps peut être portée momen- tanément à o° et même 6° au-dessus de son chiffre normal sans entraîner la mort, pourvu que l'élévation thermique soit rapide et le refroidissement immédiat. II. — L'hyperthermie est dangereuse non seulement par 1. Ch. Richet. Bull, de la Soc. de biol., 0 août 1884, p. 550. HYPERTHERMIE ET C H LOUAI.. :<89 son intensité, niais par sa durée; à des degrés de température différents, elle peut être également mortelle; le temps né- cessaire pour amener la mort est en raison inverse de l'élé- vation thermique. III. — Les animaux échauffés et revenus ensuite à leur température normale ne sont pas, par ce fait môme, hors de danger; ils peuvent encore succomber, et, dans ces cas, la mort survient en hypothermie et dans les vingt-quatre heures qui suivent l'expérience; ce temps passé, la guérison est définitive. IV. — Le chloral combiné à la chaleur est très toxique. Que la température soit très élevée et momentanée (de 43° à i'i . ou que, moins haute, elle dure plus longtemps, sans être dans aucun cas mortelle par elle-même, les effets sont iden- tiques et très nets ; les animaux chloralisés meurent d'autant plus rapidement que l'élévation thermique a été plus grande. Après une période qui varie de quelques minutes à trente-six heures et pendant laquelle ils semblent guéris, ils sont pris d'attaques convulsives généralisées et succombent soit en hypothermie considérable (26°), soit à une température voi- sine de la normale (38°); la mort peut survenir sans être pré- cédée de phénomènes convulsifs. V. — Le chloral nous paraît contre-indiqué dans tous les cas d'hyperthermie intense ou d'état hyperthermique modéré, mais prolongé. VI. — Il y a lieu de tenir compte de la température de l'organisme, dans la dose des médicaments. XIII INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE ORGANIQUE sur l'action de quelques substances toxiques Par M. Saint-Hilaire. Introduction. Les travaux sur le sujet qui nous occupe sont peu nom- breux, et, sauf quelques expériences de MM.Arloing et Chau- veau, sur la chaleur comme adjuvant des antiseptiques, tous ont été faits par M. Ch. Richet ou sont sortis de son labora- toire. L'assimilation des actions toxiques aux actions cbimiques devait faire penser qu'elles obéissent aux mêmes lois, et que la chaleur devait favoriser les premières comme elle favorise TEMPÉRAT1 RE ET ACTION TOXIQUE. 3W les soi-'Hidos. Los expériences de MM. Ch. Richet, P. Langlois et Haï i h r.i ont confirmé cette théorie, et c'est pour ajouter de nouveaux faits el essayer d'en tirer une loi générale que nous avons entrepris ce travail. .Nous Le diviserons en trois parties : dans une première partie, nous étudierons l'action du bromure de potassium, du chlorure de lithium, de l'antipyrine, du lactate de quinine, de l'alcool et du chloroforme chez des grenouilles portées à di- verses températures; dans une deuxième partie. Faction du chlorure de lithium sur des chiens surchauffés. Enfin nous terminerons par l'étude de l'action toxique du sublimé sur les microbes de la putréfaction de l'urine à 20° ou à 43°. PREMIÈRE PARTIE Action de la chaleur sur les grenouilles. Dans son traité sur la chaleur animale1, GAVARRETcite plu- sieurs auteurs qui ont fait des recherches sur la température propre des grenouilles, et ont observé qu'elle était plus élevée que celle du milieu extérieur. I. De la chaleur produite par les animaux vivants, p. 123. 392 SAINT-HILAIRE. Voici les chiffres qu'ils ont donnés : degrés. Czermak 0,32 à 2,44 Becquerel 0,o0 à 0,7)1 J. Hdnter . 2,80 DUTROCHET 0,04 Pbévost et Di'mas. ... 1,50 Carlisle 4,44 Martine 2,70 Frappé par les écarts considérables que présentent ces chiffres 0°,04 à 4°, 44, j'ai répété ces expériences. J'ai pris de nombreuses températures de grenouilles à l'aide d'un thermomètre très sensible, marquant les ving- tièmes de degré, et placé dans l'œsophage. Les résultats que j'ai obtenus diffèrent totalement des précédents. Je n'ai jamais vu une grenouille avoir une température autre que celle de l'eau dans laquelle elle a séjourné quelque temps. Il est pro- bable que ces observateurs n'ont pas évité toutes les causes d'erreur tenant aux manipulations nécessaires pour prendre la température d'une grenouille. Le fait seul d'en garder une dans la main pendant cinq secondes suffit pour élever sa tem- pérature de plus de 1°; en la prenant par les pattes, on peut l'échauffer de quelques dixièmes de degré. Ainsi donc, pour obtenir des résultats précis, il faut laisser la grenouille dans l'eau et éviter de la toucher avec la main, ce que n'ont peut- être pas fait les observateurs que je viens de citer, et c'est ce qui peut expliquer leurs résultats contradictoires. Voici com- ment j'ai procédé. J'ai préalablement attaché aux maxillaires des grenouilles des fils qu'il suffit de tirer pour leur ouvrir la bouche. Lors- que je veux prendre la température, je soulève la tête de la grenouille au-dessus de l'eau et écarte les maxillaires. Il est alors très facile d'introduire un thermomètre dans l'œsophage. En procédant ainsi, je n'ai jamais pu constater la moindre différence entre la température de la grenouille et celle de l'eau environnante. Cependant le thermomètre que j'ai em- TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 393 ployé, De marquant que 1rs vingtièmes de degré, peut ne pas avoir été sensible aux variations de 0,04, chiffre donné par Dutrochet ; mais il semble bien difficile d'arriver à une pareille approximation; car j'ai trouvé des différences plus considé- rables de température pour l'eau d'un môme vase, suivant que je place le thermomètre au fond ou à la partie supérieure. La grenouille a la température de la couche d'eau dans laquelle elle se trouve. Si, de l'œsophage de l'animal maintenu à la partie supérieure, je plonge la cuvette de mercure au fond du vase, je vois une différence de plusieurs vingtièmes de degré, différence qui n'existe plus si je mets le thermomètre au même niveau que la grenouille. Dans l'air, les grenouilles se conduisent de la même façon, elles prennent la température ambiante, mais il est difficile de faire la part de l'évaporation cutanée d'une part, et d'autre part des oscillations du milieu ambiant. De ces expériences il ne résulte cependant pas que les gre- nouilles ne produisent pas de chaleur. Elles absorbent de l'oxygène, exhalent de l'acide carbonique. 11 doit résulter de ces combustions une production de calorique; mais cette cha- leur est très faible, et rapidement enlevée, soit par l'évapora- tion, soit par le contact de l'eau environnante. Elle n'est pas appréciable par nos instruments de physique. M. Ch. Ri- chet n'a pu constater la moindre différence entre la tempéra- ture de deux vases contenant, l'un une demi-douzaine de gre- nouilles, l'autre ne contenant que de l'eau l. Combien de temps faut-il à une grenouille pour prendre la température du milieu ambiant, si ce milieu devient plus chaud ou plus froid? Pour répondre à cette question, j'ai fait l'expé- rience suivante : Expérience I. — Je place un thermomètre dans l'œsophage d'une grenouille, il marepue 22°. Je plonge cette grenouille dans de l'eau à 32°, 1. Ch. Richet, -( Leçons sur la chaleur animale. » Revue scientifique, 1883, 1er semestre, p. 209. 304 SAINT-HILAIRE. et examine la colonne mercurielle. Pendant quatre ou cinq secondes elle ne bouge pas, puis elle monte rapidement de 3° ou 4° la première mi- nute ; puis la vitesse va en décroissant jusqu'à ce qu'enfin, au bout de cinq à six minutes, la grenouille a 32°. Les choses se passent de la même façon de 32° à 22°, et quelles que soient les températures que l'on considère. On observe une légère différence tenant au volume des gre- nouilles. Plus une grenouille est grosse, plus elle met de temps à s'échauffer ou à se refroidir. Quoi qu'il en soit, huit à dix minutes ont toujours suffi. Dans l'air, les choses se passent de la même façon, si l'on considère les températures basses, mais plus lentement. Pour aller de lo° à 23°, il faut de 30 à 45 minutes. Si l'on élève la température, il se fait à la sur- face cutanée une abondante sécrétion d'eau dont l'évaporation empêche l'élévation thermique de l'animal. Cette évaporation cutanée a été étudiée et mesurée par W.-F. Ed- wards1, qui amontré qu'elle est d'autant plus considérable que la tempé- rature est plus élevée. A 10° une grenouille de 26 grammes perd 0sr,3 par heure. A 20° une grenouille de 28 grammes perd 0er,6 par heure. A 40° une grenouille du même poids perd lsr,4. C'est grâce à cette évapo- ration, et, peut-être aussi, à une sorte de polypnée qui se produit lorsque la température extérieure s'élève, que les grenouilles peuvent rester longtemps dans l'étuve sèche, à des températures très élevées, sans que leur corps s'échauffe au-dessus de 3b°. Magendie a trouvé vivantes au bout d'une heure des grenouilles placées à l'étuve à 90°. J'ai placé des grenouilles dans des flacons dont l'air intérieur était à 50° et 55°. Une de ces grenouilles (36 grammes) a perdu, au bout de deux mi- nutes, 0?r,40 de son poids ; une autre (22 grammes) au bout du même temps a perdu 0sr,32. Cette sécrétion d'eau à la surface cutanée est donc une véritable fonc- tion de régulation de la température. Elle est provoquée par l'hyper- thermie de la grenouille; elle se produit abondamment, alors même que l'évaporation ne peut se faire. Si l'on met une grenouille dans un air chaud et humide, on la voit se couvrir d'eau qui tombe goutte à goutte du corps de l'animal. La température des grenouilles peut osciller entre 0° et 32° sans le moindre dommage pour elles. Entre 0° et 10° les mouvements sont lents. A mesure que la température s'élève, les propriétés vitales sont de plus en plus accentuées, et, enfin, à 32°, les mouvements °, 36°, la grenouille conserve ses mouvements normaux, et ne s'anesthésie pas. » 1. Aubert, Archives de Pfl'ùger, t. 26, p. 293. 2. Vincent. Thèse de Bordeaux, 1887. Les travaux de Fraenkel. Leyden, Page, Colasanti, Pfluger, Litten sont cités dans cette thèse, p. 42. 3. Gavarret, De la chaleur 'produite par les animaux vivants, p. 493. 4. Gavarret, id.. p. 502. 5. Claude Bernard, « Leçons sur les anesthésiques », p. 91. 39fi SAINT-HILAIRE. A la suite des expériences que j'ai entreprises, j'ai pu constater qu'il existe à ce sujet des différences tenant principalement à l'espèce de gre- nouilles et pouvant tenir aussi à leur état de santé ou de maladie. Les chiffres que donne Cl. Bernard ne peuvent s'appliquer qu'aux grenouilles vertes [Rana enculenlà), qui, en effet, pour la plupart, perdent leur sensibilité entre 37° et 38°. Cependant, il est des grenouilles vertes qui sont anesLhésiées à 35°, o, tandis que, pour d'autres, la température de 38° est nécessaire. Cette différence m'a paru être en rapport avec l'état de santé ou de maladie. En effet, pour les grenouilles vigoureuses nouvellement pêchées, la température de 38° est nécessaire, tandis que, pour celles qui sont depuis longtemps dans le laboratoire, qui sont affai- blies, la température de 36°, quelquefois même 3o°,o suffit. Mais cepen- dant, quelque malades que soient les grenouilles vertes, aucune n'a ja- mais été anesthésiée avec une température de 35° prolongée même pen- dant longtemps '. De même, quelque vigoureuses qu'elles soient, elles n'ont jamais résisté à la température de 38°. Pour les grenouilles rousses (Rana temporaria), il suffit d'une tempé- rature bien moins élevée. Elles sont toujours anesthésiées entre 33°, o et 34°. Il n'existe pas, avec cette espèce, les mêmes écarts qu'on observe avec les grenouilles vertes. A 33°, jamais d'anesthésie; à 34°, toujours. Le moment où les grenouilles rousses vont être anesthésiées est an- noncé par quelques mouvements convulsifs. Ce phénomène est moins fréquent chez les grenouilles vertes. Expérience II. — 4 grenouilles rousses, placées dans de l'eau à 34°, sont anesthésiées au bout de trois ou quatre minutes. Sorties de l'eau à ce moment, on voit leur cœur battre, et, placées dans l'eau à 20°, elles reviennent à l'état normal. Une seule est morte au bout de quelques minutes. Expérience III. — 10 grenouilles rousses sont placées dans de l'eau, dontj'élève graduellement la température; elles sont anesthésiées lorsque la température est entre 33°, o et 34°. Aucune n'a résisté à la température de 34°. Le moment où les grenouilles rousses vont être anesthésiées est annoncé par des mouvements convulsifs. Expérience IV. — Même expérience avec 10 nouvelles grenouilles rousses; résultats absolument identiques. Expérience V. — G grenouilles vertes sont placées dans l'eau à 35° : aucune n'est anesthésiée au bout d'une demi-heure. Expérience VI. — 2 grenouilles vertes sont placées dans l'eau à l'étuve à 33°, et sont retrouvées en bon état vingt-quatre heures après. 1. Pendant vingt-quatre heures, Exp. VI. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 397 Expérieni iVII. — t; grenouillesvertes choisies parmi l>-s moins vigou- reuses sonl placées dan- de l'ean dont j'élève graduellement la tempéra* turf. Une grenouille est anesthésiée lorsque la tempéralure esta 3o°,5, une autre à 36°;deui autres entre 36° et 36°,.*), et les deux autres entre ■n;°,;; et M0. Expérience VIII. — G grenouilles vertes vigoureuses, nouvellement pêchées, sonl placées dans de l'eau dont, jY-b-ve graduellement la tempé- rature. Aucune n'est anesthésiée avant 37°. A partir de 37°, elles perdent successivi'ini'iil leur scnsibilitr- ; 2 vont jusqu'à 3N°. Expérience l\. — 5 grenouilles vertes sont depuis vingt minutes dans l'eau à 3.'i°: aucune ne paraît malade. Je prends deux grenouilles rousses et les mets dans le même bocal : elles sont anesthésiées au bout d'une demi-minute. Il existe donc, entre les grenouilles rousses et les gre- nouilles vertes, des différences physiologiques importantes, dont nous devons tenir compte. Aussi, dans le cours de nos expériences, pour éviter autant que possible les causes d'er- reur, nous sommes-nous toujours servi delà même espèce de grenouilles, des grenouilles vertes. II Influence de la température organique sur les actions toxiques du chlorure de lithium, du bromure de potas- sium, de l'antipyrine, du lactate de quinine, du chlo- roforme et de l'alcool, chez les grenouilles. « A 0° et unpeu au-dessus, la grenouille est complètement réfractaire à l'action des poisons les plus énergiques; puis, à mesure que la température s'élève, la sensibilité augmente, la grenouille devient de plus en plus susceptible aux actions toxiques. Les phénomènes marchent dans ce sens jusqu'à 30° et 35°. Au delà, les propriétés vitales, au lieu de s'accroître, 398 SAINT-HILAIRE. diminuent. » Voilà ce que Cl. Bernard écrivait en 1875 ', mais il ne cite pas d'expériences à l'appui de cette assertion. Le premier travail, où l'influence de la température sur l'action toxique a été complètement étudiée, est celui que M. Ch. Richet a publié sur l'intoxication des poissons. Voici les chiffres qu'il donne à cet égard pour le chlorure de po- tassium et le chlorure de cadmium. Quantité de sel KC1 Durée par litre. de la survie. degrés, grammes. minutes. A 15 et 17 : 10 •. . 40 10 44 o 140 2,50 575 De 24 à 26 : 10 21 o 47 ,2 .150 Quantité de chlorure Durée de cadmium par litre. de la survie. degrés. grammes. heures. De 15 à 17 : 0,37o 14 — 0,250- 18 0,100 24 0,050 plus de 48 De 24 à 26 : 0,375 3 30 Ces chiffres montrent avec une évidence complète que les poisons agissent d'autant plus rapidement que la température est plus élevée2. Ce sont là les premières recherches faites pour étudier, chez les animaux à sang froid, l'influence de la température sur les actions toxiques. Nous avons étudié chez les grenouilles l'influence de la température sur la toxicité du chlorure de lithium, du bro- mure de potassium, de l'antipyrine, du lactate de quinine, de l'alcool et du chloroforme. Ces animaux, pouvant, sans en être 1. Cl. Bernard, Leçons sur les anesthésiques,j>. 132. 2. Ch. Riciiet. Bull, de la Société de biologie, 17 novembre 1883,' p. 587. TEMPÉRÂT! RE ET ACTION TOXIQUE. 399 incommodés, supporter des variations thermiques considé- rables, se prêtenl bien à ce genre d'expériences. Procédé d'expérimentation. — Dans nos expériences, deux conditions doivent être remplies : 1° porter les grenouilles à dos températures diverses, ce que l'on fait rapidement en les plongeant dans l'eau préalablement chauffée ou refroidie; 2° leur faire absorber des doses toxiques déterminées. Pour satisfaire à cette dernière condition, nous avons em- ployé deux procédés. Nous avons utilisé l'absorption cutanée en plongeant les grenouilles dans des solutions titrées et portées à diverses températures. Nous nous sommes servi en outre des injections sous-cutanées. Chacun de ces procédés présente quelques inconvénients. L'absorption cutanée ne peut être la môme à 30° ou à 10°. A mesure que la température s'élève, la circulation devient plus active, l'absorption doit être plus rapide. De plus, les volumes croissent comme les cubes, et les surfaces comme les carrés, de sorte qu'une grosse grenouille a, proportionnellement à son poids, une surface d'absorption moindre qu'une petite, et ré- sistera plus longtemps dans une même solution toxique. C'est ce que nous a démontré l'expérience. Dans l'injection sous-cutanée, les causes d'erreur sont beaucoup moindres. Comme l'a dit M. Ch. Richet1, elles tiennent en partie à la difficulté d'évaluer exactement le poids de l'animal. Pour une grenouille de 20 grammes, on peut avoir des dif- férences de 2 grammes suivant que le tube digestif est rempli ou non, suivant qu'elle est restée plus ou moins longtemps à l'air, exposée à l'évaporation. Cette différence peut faire varier la dose toxique rapportée à 1 kilog. de poids d'animal dans des proportions considérables. Malgré ces causes d'erreur, impossibles à éviter, nous 1. Ch. Richet, « Action physiol. des sels alcalins. » Archives de physiol., février 1880, p. 102. 400 SA1NT-I1ILAIRE. croyons cependant avoir atteint une assez grande précision en employant les deux procédés et en faisant de nombreuses expériences qui se contrôlaient entre elles. Les injections ont été faites tantôt dans les muscles de la cuisse, tantôt sous la peau du dos, à l'aide d'une petite seringue de Pravaz, et toujours, l'injection terminée, une petite pince était mise sur le trou de l'aiguille pour empêcher la sortie du liquide. (Les- doses sont toujours rapportées à 1 kilogramme d'ani- mal.) CHLORURE DE LITHIUM l. 5 grenouilles reçoivent une injection de 0er,30 et sont placées deux à 18° et trois à 32°. A 18°. — Pendant 3 minutes, complètement immobiles. Au bout de ce temps la sensibilité revient. 1 beure. — Sensibilité intacte. 2 beures. — Même état. 3 heures. — Sensibilité diminuée. Elles réagissent lentement. Mouve- ments de plus en plus rares. 3 h. 30 min. — Mort. A 32°. — Aucune des grenouilles n'a fait le moindre mouvement. A ce moment une des trois grenouilles réagit très violemment, si on la pince. 10 min. — Les deux autres grenouilles sont toujours immobiles. Le cœur bat. 15 min. — Deux grenouilles sont mortes. L'autre se laisse renverser sans réagir, ses pattes sont rigides. 25 min. — Mort de cette grenouille. $ juin. — Injection de* 0sr,20 de chlorure de lithium. A 20°. — Restent inertes pendant 2 minutes. Puis leur sensibilité revient; rien d'anormal ne se produit. Survie. A 32°. — Restent inertes pendant 2 minutes; puis elles présentent une légère hyperesthésie. Le lendemain une des deux grenouilles en expérience est trouvée morte. I. Pour le chlorure de lithium, nous considérons le poids du lithium métal- lique et non le poids du sel. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. ioi ItltuMl'RE DE POTASSIUM. Expérience I. — 29 moi. — Six grenouilles reçoivent sous la peau du dos une injection de bromure de potassium (2 gr. p. 1000 de poids d'animal el sont placées : 2 dans l'eau à 4°. 2 — à 18°. 2 — à 32°. A 4°. — 20 min. — Sauf l'engourdissement que le froid explique, ne présentent rien d'anormal. 40 min. — Elles sont inertes, réagissent peu si on les pince, mais leur co?ur bat encore. 1 beure. — Même état. 2 iifures. — Même état. 2 b. 30 min. — Le ccur ne bat plus. Mort. Celles qui sont placées à 18° réagissent faiblement au bout de 10 mi- nutes, se laissent renverser sur le dos sans faire d'effort pour se relever. A 15 minutes elles sont complètement inertes. Le cœur cesse de battre entre 20 et 25 minutes. A 32° elles sont anestbésiées au bout de 6 minutes, et le cœur ne bat plus au bout de lo min. et 17 min. Expérience IL — Injection sous-cutanée de 1^,50. 2 grenouilles sont placées dans l'eau à 4°. 2 — — à 18°. 2 — — à 32°. A 4°. — Elles n'ont rien présenté d'anormal au bout de 2 b. et demie, sauf peut-être un engourdissement un peu plus intense que celui pro- duit par le froid seul. Elles sont trouvées mortes le lendemain. A 18°. — Après 20 min., ne font aucun mouvement réflexe ou spon- tané. Le cœur cesse de battre pour l'une après 27 min., pour l'autre après 35 min. A 32°. — Au bout de 5 min., anestbésie, mort au bout de 12 min. et 20 min. Expérience III. — Injection de 1 gr. 2 grenouilles sont placées à 4°. 2 — à 18°. 2 — à 33°. A 4°. — Aucune ne meurt. A 18°. — 5 min. — Léger engourdissement, les réllexes ne sont pas aussi vifs qu'à l'état normal. 20 min. — L'état normal paraît revenu. Ne meurent pas. TOME 1. 26 402 SAINT-HILAIRE. A 33°. — 4 min. Anesthésie complète pour les deux grenouilles. 5 min. — L'une des deux est morte. 8 min. — La deuxième est morte. Expérience IV. — Même expérience avec six nouvelles grenouilles. A 4°. — Ne meurent pas. A. 18°. — 10 min. Une des grenouilles parait plus malade que sa com- pagne, et réagit faiblement. 15 min. — Anesthésie complète. 1 heure. — Mort. La deuxième grenouille ne présente pas d'anesthésie et survit. A 33°. — 4 min. — Anesthésie complète. 5 min. — Une est morte. 10 min. — La deuxième est morte. Expérience V. — Même expérience avec six grenouilles. A 4°. — Ne meurent pas. A 18°. — Une des grenouilles est trouvée morte le lendemain. A 32°. — 6 mini — Se laissent renverser sur le dos. 15 min. — Anesthésie complète. 20 min. — Mort. Expérience VI. — Injection de 0,50 centigr. A 4°. — Rien d'anormal. Survie. A 18°. — Rien d'anormal. Survie. A 30°. — o min. — Léger engourdissement. 10 min. — État normal revenu. A 34°. — 5 min. — Léger engourdissement. 10 min. — Anesthésie complète. 15 min. — Placées dans l'eau à 20°. 28 min. — Mort de la première. 35 min. — Mort de la deuxième. Ces grenouilles avaient, avant l'injection, séjourné dans l'eau à 34° pendant 10 min., sans éprouver rien d'anormal. DANS LA SOLUTION DE BROMURE DE POTASSIUM Solution 1 p. 100. Deux grenouilles sont plongées dans cette solution à 20°. 25 min. — Rien d'anormal. Trois grenouilles sont placées dans la même solution à 32°. 3 min. — Une grenouille (13 grammes) ne réagit pas du tout si on la pince. 5 min. — Anesthésie de la deuxième (15 grammes). 10 min. — Le cœur de ces deux grenouilles ne bat plus. TEMPÉRATURE Et ACTION TOXIQ1 E. fc03 La troisième grenouille beaucoup plus grosse (23 gr.) résiste plus longtemps. s min. - Se laisse renverser sur le dos, mais réagit encore. 20 min. — Anesthésie complète. Placée dans l'eau pure. Le cœur cesse de battre une demi-heure après environ. ANTIPYRINE Expérience I. — Injection sous la peau du dos do 2 grammes d'anti- l>\ rine. A i°. — Les deux grenouilles n'ont présenté rien d'anormal au bout de ■'! heures. Mais elles sont trouvées mortes le lendemain. En prenant une moyenne, nous pouvons leur donner une survie approximative de 9 heures. 10 min. — Ne l'ont que de rares mouvements. 30 min. — Mort de l'une. 4."> min. — L'autre est morte. A 32°. — 2 min. — Perte de mouvement. 8 min. — Le cœur a cessé de battre. Expérience IL — Injection de 1 gr. A 4°. — Rien d'anormal au bout de 3 heures. Sont retrouvées vivantes le lendemain. A 18°. — Mort entre 2 heures et 2 h. 1/2. A 32°. — Le cœur cesse de battre entre 10 min. et 13 min. Expérience III. — Injection de 0,50 centigr. A 4°. — Rien d'anormal. Survie. A 18°. — Légère excitation. Survie. A 32°. — Perte de mouvement au bout de 15 min., mais elles sont encore vivantes au bout de 2 heures. Retrouvées mortes le lendemain. Au bout de lo min. les pattes étaient rigides : mais le cœur et la respi- ration n'étaient pas arrêtés. LACTATE DE QUININE Expérience I. — Injection de 6 xv. A 4°. — Vivantes au bout de 2 heures, mais trouvées mortes le len- demain. A 18°. — 23 min. — Mort de la première grenouille. 30 min. environ. — Le cœur de l'autre cesse de battre. A 32°. — 10 min. — Le cœur a cessé de battre. I.'i min. — Mort de la deuxième. 404 SAINT-HILAIRE. Expérience II. — Injection de 4 gr. A 4». — Mouvements conservés au bout d'une heure. Trouvées mortes le lendemain. A 18°. — Plus de mouvements spontanés au bont de 30 min., mais vivantes encore au bout de 2 heures. Trouvées mortes le lendemain. A 32°. — Mort au bout de 10 à 20 minutes. Expérience III. — Injection de 2 gr. A 4°. — Rien d'anormal. Survie. A 18e. — Un peu d'excitabilité. Survie. A 32°. — lo min. — Mouvements très faibles. De 20 à 30 min. le cœur a cessé de battre. ALCOOL ET CHLOROFORME1. 18 mai. — Solution. Alcool à 90° 10 ce. Eau — 1)0 ce. Grenouilles plongées dans cette solution. A 21°. — 3 min. — Réflexes diminués. 0 min. — Anesthésie complète. A 29°. — 2 min. — Anesthésie complète. Solution. Alcool à 90° 5 ce. Eau — 95 ce. A 21°. — lo min. — Réflexes diminués, mais l'anesthésie n'est pas- complète. A 29°. — 10 min. — Anesthésie complète. A 32°. — 6 min. — Anesthésie complète. Ces expériences faites avec plusieurs grenouilles, autant que possible de même volume, ont donné quelques petits écarts de 2 ou 3 minutes; mais les chiffres que nous donnons sont les moyennes du temps mis par les diverses grenouilles à mourir ou, tout au moins, à s'anesthésier. Observation I. — 19 mai. — Deux grenouilles sont placées dans 200 ce. d'eau dont j'élève graduellement la température à 33°. Je maintiens cette température pendant 10 minutes. Rien d'anormal. J'ajoute à ces 200 ce. 5 ce. d'alcool à 90°. Au bout de 8 minutes, une 1. Ces expériences avec l'alcool et le chloroforme devraient être complétées et répétées; quoi qu'il en soit, les faits qu'elles montrent confirment tout ce que nous avons dit plus haut. TEMPÉRAT1 RE ET ACTION TOXIQ1 I ir05 des deux grenouilles ne se meut plus. Cependant, si cm la pince, elle fait quelques petits mouvements. Au bout de 10 minutes aucune réaction. La deuxième grenouille, à ce moment, ne t'ait plus que de rares mouve- ments; si on la retourne, elle ne peut réussir à se mettre dans la position normale. Après 14 inimités elle ne fait plus aucun mouvement. Observation II. — Deux grenouilles sont placées dans 200 ce. d'eau à la température du laboratoire; 22°. A cette eau, j'ajoute 5 ce. d'alcijpl à 90°. Après 20 minutes, elles réagissent encore et ne présentent rien d"anormal. Au bout de 30 minutes, elles sont un peu engourdies, mais elles réagissent très bien. Solution. Alcool 4 ce. Eau — 6 ce. Injection de 3 ce. de cette solution p. 100 gr. de poids d'animal. A .1°. — Rien d'anormal. A 20°. — Rien d'anormal. A 33°. — 5 min. — Anestbe'sie qui dure 7 à 8 minutes, puis tout rentre dans l'ordre. 22 mai. — Eau chloroformée. Solution 1 p. 100. Expérience 1. — Six grenouilles sont placées dans l'eau chloroformée à la température du laboratoire : 18°. Au bout de 2 minutes, elles semblent un peu engourdies, mais elles réagissent très bien si on les pince. Après six minutes, elles réagissent encore très bien. Anesthésie après 11 minutes. Expérience II. — Deux grenouilles placées dans même solution chloro- formée à 3o°. Au bout de 2 minutes, légère excitation, alors que, pour les grenouilles placées h 18°, je constate, au contraire, un léger engourdissement. Mais au bout de 5 minutes, complète anesthésie. On a beau la pincer, pas la moindre réaction. A ce moment je les retire de l'eau chloroformée et les place dans de l'eau pure à 18°. Au bout de 20 minutes, elles font quelques mouvements. Au bout de 1 heure elles sont à l'état normal. Ces expériences sont trop incomplètes pour que nous puissions en tirer toutes les conclusions que nous tirerons des expériences faites avec le chlorure de lithium, le bromure de potassium, l'antipyrine et le lactate de quinine. Elles nous 406 SAINT-HILAIRE. montrent cependant que la température a une influence in- contestable sur l'action de l'alcool et du chloroforme. Dans les expériences qui précèdent nous n'avons pas décrit avec détail tous les symptômes présentés dans chaque em- poisonnement. Gela nous aurait exposé à de nombreuses répétitions, car la même substance toxique a produit, à toutes les températures, les mêmes désordres. De plus, le fait essen- tiel pour nous était la détermination des doses toxiques et la durée de l'intoxication. Cependant ces symptômes ont présenté, avec chaque poi- son, des différences assez intéressantes pour mériter quelque description. D'après les analogies chimiques et l'action phy- siologique des substances employées, nous pouvons les clas- ser de la façon suivante : 1° Chlorure de lithium et bromure de potassium. 2° Antipyrine et lactate de quinine. 3° Alcool et chloroforme. Avec le bromure de potassium et le chlorure de lithium, sels alcalins, nous avons observé, aussitôt après l'injection, ce que M.Ch. Rtchet a décrit sous le nom de phénomènes d'inhi- bition ', c'est-à-dire, une abolition des mouvements spontanés ou réflexes, arrêt de la respiration, inertie complète, phéno- mènes qui disparaissent rapidement, au bout de une ou deux minutes. Cependant, chez deux grenouilles qui avaient reçu 0,30 de lithium, puis avaient été placées à 32°, cette anesthésie a persisté jusqu'à la mort, 10 minutes après l'injection. Le pins souvent, néanmoins, la sensibilité reparait, pour un temps plus ou moins long, suivant la marche de l'intoxication : lors- que la mort doit arriver, l'anesthésie s'établit de nouveau d'une façon définitive, et le cœur s'arrête bientôt. Ces phénomènes d'inhibition se sont montrés plus intenses avec le chlorure de lithium qu'avec le bromure de potassium. 1. Ch. Richet, Bull, de la Soc. de biol., 1883, p. 456. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. un Tout autre est le mode d'action de L'antipyrine et du lac- tate de quinine. On n'observe pas, avec ces substances, de phénomènes d'inhibition, et la sensibilité est conservée jus- qu;i la mort. Ainsi, par exemple, si l'on injecte à une gre- nouille o-'Viil d'antipyrine ot qu'on la place à 32°, 5, on voit d'abord une période d'hyperesthésie, dans laquelle les mou- vements réflexes sont très vifs, et qui dure environ 3 ou 4 mi- nutes. Au bout de ce temps la grenouille paraît fatiguée, elle se laisse renverser sur le dos, sans essayer de se relever; elle réagit faiblement si on la pince. Cela dure 20 minutes envi- ron ; alors les pattes deviennent rigides , elle ne peut faire aucun mouvement. Cependant, si on la pince, on voit les muscles abdominaux se contracter, ce qui montre bien que la sensibilité est conservée. Lorsque l'animal doit survivre, on n'observe que la première période; la période d'excitation. Avec le lactate de quinine les effets produits sont à peu près les mêmes: légère excitation, au début, puis affaissement, et enfin raideur des membres. Lorsque l'injection a été prati- quée dans les muscles de la cuisse, on observe dès le début une immobilité complète de la cuisse ; puis, au fur et à me- sure que l'intoxication progresse, le membre antérieur du côté où a été faite l'injection devient roide, puis la contrac- ture gagne le côté opposé. L'alcool et le chloroforme produisent au début une légère excitation, à la suite de laquelle survient une anesthésie plus ou moins complète, suivant le degré d'intoxication. Mais cette perte de la sensibilité n'annonce pas, comme avec le bromure de potassium et le chlorure de lithium, une mort imminente. Ainsi donc ces substances agissent d'une façon différente, et cependant les actions toxiques des unes et des autres sont rendues plus rapides par la chaleur et ralenties par le froid. Dans le tableau ci-joint, résumé de nos expériences, on peut voir que la chaleur exerce une influence des plus mani- festes sur la durée des réactions toxiques qui sont d'autant plus rapides que la température est plus élevée. C'est un plié- 408 SAINT-H1LA1RE. nomène constant, et nous n'avons pas eu un seul fait contra- dictoire. Toujours la mort survient plus vite à 32° qu'à 28° et à 18° qu'à 4°. Certaines doses limites peuvent amener la mort à 32°. et ne produire aucun effet toxique à 18u ou à 4°; ou bien encore tuer l'animal à 32° et à 18° et le laisser vivre à 4°. Dans ces cas les grenouilles ont eu le temps d'éliminer le poison avant que les réactions toxiques soient produites. Di- sons en passant que l'opinion de Cl. Bernard que les gre- nouilles, à 0° et un peu au-dessus, sont complètement réfrac- taires aux poisons les plus énergiques, ne peut être admise pour 4° et pour les substances que nous avons employées. Car, à cette température, nous avons fait mourir les grenouilles toutes les fois que la dose injectée n'a pu être éliminée avant le temps nécessaire aux combinaisons. Il est cependant logique de penser qu'elle doit être admise pour certains poisons même très violents, mais dont l'élimination serait rapide. On peut voir en outre dans ce tableau que, à 32°, 2 grammes de bromure de potassium1, 2 grammes d'antipyrine, 6 grammes de lactate de quinine, ne produisent pas la mort plus rapide- ment que lgr,50, 1 gramme de bromure de potassium; 1 gramme d'antipyrine; 4 grammes de lactate de quinine, à la même température. De plus pour le BrK, lorsque la mort doit survenir; à 32°, elle arrive à peu près constamment dans les vingt premières minutes; à 18°, entre vingt et quarante mi- nutes; à 4°, jamais avant une heure et demie ou deux heures, quelle que soit la dose injectée2. Un seul fait semble con- tradictoire. Dans un cas, 50 centigrammes de BrK(Exp. VI) à 34°, 6 n'ont amené la mort qu'au bout de 35 minutes. Mais il faut remarquer que c'est une dose très faible, qui a laissé sur- vivre les grenouilles à 14°, 18°, 30°, et, de plus, que cette tem- pérature n'a été maintenue que 15 minutes. Au bout de ce 1. Pour un kilogr. de poids vif. 2. Dans une expérience qui n'est pas relatée ici, j'ai injecté .'i grammes p. 1 000 de BrK à une grenouille, et l'ai placée à 4°. Elle était vivante au bout de 1 heure. Morte au bout de \ heure et demie. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 409 temps les grenouilles ont été placées dans l'eau à 20°. Vingt minutes après, elles étaient mortes, mais le moment précis de l'arrêt du cœur n'a pas été noté. Il semble donc que pour un même poison, à la même tem- perature, il faut un certain temps pour que la réaction toxique soit complète, temps- qui est, jusqu'à un certain point, indépen- dant de la dose de poison employée, si cette dose est suffisante pour produire toutes les réactions nécessaires à l'empoisonne- ment l. Autrement dit, supposons une cellule baignée dans une solution de BrK. Pour que cette cellule meure, il faut que le BrK forme avec elle certaines combinaisons. Pour que ces combinaisons se produisent, il faut : 1° Une quantité A de BrK. 2° Un certain temps B. Le temps B dépend de X énergie chimique emmagasinée dans la cellule et le BrK, énergie qui est sous l'influeuce de la température et croît avec elle. Si la température reste fixe, A devenant deux, trois, quatre fois plus grand, B ne variera pas. Si au contraire la tempéra- ture augmente, B deviendra de plus en plus petit, quel que soit A. Ainsi donc, pour la rapidité de l'intoxication, l'élément température est plus important que la dose employée. Nous voyons, en effet, que 2 grammes de BrK à 4° n'ont amené la mort qu'au bout de 2 heures et demie, tandis que 1 gramme à 32° l'a produite en 15 à 20 minutes, à 33° en 7 à 10 minutes. 1. Des faits analogues ont été signales : M. Ch. Richet a vu que, chez les poissons, le froid, s'il ne rend pas la dose mortelle nécessaire plus élevée, rend au moins les intoxications beaucoup plus lentes. Quelle que soit la dose, la durée de la vie ne change pas. De même, dans l'empoisonnement par le curare, le temps nécessaire à l'as- phyxie varie à peine avec la dose du poison, du moment qu'on a atteint la dose nécessaire. Cela prouve bien que le poison agit sur un seul élément anatomique. » Ch. Richet, Archives de physiol., p. 127, 1886. 410 SAINT-HILAIRE. Toutes les substances employées nous ont donné des résultats analogues. C'est ici que l'assimilation des actions toxiques«aux actions chimiques peut se faire d'une manière aussi complète que possible. Prenons un exemple, et voyons ce qui se passe dans l'éthérification. « Toute élévation de la température a pour elfet d'accélé- rer la réaction des acides sur les alcools, aussi bien que celle de l'eau, ce qui est conforme au mode ordinaire suivant le- quel s'exercent les affinités chimiques1. » Que l'on remplace les mots, acides et alcools, par poisons et organismes de la grenouille, et cette phrase de Berthelot pourra s'appliquer exactement à ce que nous avons observé. Mais l'analogie peut se pousser encore plus loin. Si on met en contact un équivalent d'acide et un équivalent d'alcool, il se produit, au bout de vingt-quatre heures, une certaine quantité d'éther; si on met deux équivalents d'acide au contact de un équivalent d'alcool, la quantité d'éther produite dans les premières vingt-quatre heures, à la même température, n'est pas sensiblement aug- mentée; ce n'est qu'au bout de quelques jours que la marche de l'éthérification est augmentée. De même 2 grammes de Brlv ne produisent pas, avec l'organisme de la grenouille, les réactions chimiques nécessaires pour amener la mort, plus rapidement que 1 gramme, si la température est la même. 1. Berthelot et Péan de Saint-Gilles. ^4»?^. de chim. et de phys., 3e .série, t. 66, p. 10. — Théorie de l'éthérification, Berthelot et Péan de Saint-Gilles, 3e série, t. 6'i, p. 383; t. 6G, p. 5; 5e série, t. 14, p. 437. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQI E. 4M sUi^i ani ES I MPI OYÉ1 S Chlorure de lithium . Bromure de potassium DOSES POU! I H"'1 08 IMMES d'animal 0,3 L. 0,2 L. 1,50 18 DUREE l>K LA VIE U'iu:s L INJECTION 18 32 i 18 32 4 18 32 18 33 32 3 h. 30. t 3 heures. i ' 15 minutes. ) 13 — 2:i ( 15 - Survie. 9 heures (1). 2 h. à 2 h. 1/2. 20 minutes. 25 — 15 minutes. 17 — 9 heures. 9 25 minutes. 35 — 12 minutes. 211 — Survie. Survie. 1 heure. Survie. 9 heures. 5 minutes. 8 — 10 — 20 minutes. 30 — (1) Le chiffre de 9 heures n'est qu'une approximation plus ou moins exacte- J'ai donné cette moyenne de survie aux grenouilles que j'ai laissées vivantes le soir, et que j'ai trouvées mortes le lendemain. Parmi les grenouilles ayant cette moyenne, les unes ont été observées pendant 3 heures, tandis que d'autres ne l'ont été que pendant 1 heure. 112 S Al. NT- III LA IRE. H SUBSTANCES EMPLOYÉES. POUR DOSES 1 000 ORAMMHS | DURÉE DE LA VIE 1 d'animal. H 4PRÈ9 L INJECTION. »ram mes . degrés, 4 \ 18 ' 30 j Survie. Bromure de potassium. . . . o, 50 _ 1 34 28 minutes. 35 - 4 9 heures. : 9 - 2 ! !8 32 4 30 minutes. 45 — 8 minutes. 1 S — Survie. 1 1 18 2 h. à 2 h. 1 2. 32 10 à 15 minutes. 4 t .Survie. \ 50 ' 18 32 î 4 Survie. ; 9 heures. : 9 — , 9 heures. ! 9 — 6 ) 18 32 I * J 23 minutes. ; 30 — 10 minutes. '< 15 — j 9 heures. ) 9 — — / 4 2 y 32 i 4 \ l8 18 • 9 heures. / 9 — ■ 10 à 20 minutes. i 10 à 20 — j Survie. J Survie. ; 20 à 30 minutes. 1 20 à 30 — ■ TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 413 DEUXIÈME PARTIE INFLUENCE DE LA CHALEUR SUR L'ACTION TOXIQUE DU CHLORURE DE LITHIUM MM. P. LANGLOiset Ch. Riciiet ' ontmontré que l'action con- vulsivante de la cocaïne se produit avec d'autant plus d'inten- sité que 1 animal sur lequel on opère est soumis à une tempéra- ture plus élevée. Soit un chien mis dans un bain à 42°; si on lui injecte une dose de cocaïne minime, soit 8 milligrammes, les convulsions apparaissent tout de suite. Le lendemain, le même chien est refroidi dans un bain, à 30°; on lui injecte une dose de cocaïne bien supérieure, soit 4 centigrammes ; il n'éprouve aucune convulsion. Mais, si alors on le réchauffe dans un bain à 40° sans nouvelle injection., les convulsions re- viennent très violentes. Ces essais ont été contrôlés à plusieurs reprises. D'autre part les auteurs ont encore observé que ces mouvements convulsifs augmentent notablement et rapide- ment la température, sans aucun adjuvant extérieur. Or cette hyperthermie organique devient à son tour une cause de con- vulsion. Il y a là un cercle vicieux : si on ne parvient à le rompre, l'animal périt par arrêt du cœur et de la respiration. Pour enrayer cette action dangereuse et sauver l'animal, il importe de le refroidir au plus vite ; les convulsions cessent, et le toxique s'élimine. L'action combinée du chloral et de la chaleur a été étudiée par MM. Ch. Richet et Rallière 2. Ces auteurs ont montré que, si on élève la température des chiens chloralisés, ces chiens i. P. Langlois et Cn. ' Richet. Comptes rendus de V Académie des sciences, séance du 4 juin 1888. 2. Voy. plus haut, p. 380. 414 SAINT-HILAIRE. meurent alors que l'élévation thermique ou la chloralisation isolées n'auraient pas produit la mort. Voici les expériences que nous avons faites avec le chlo- rure de lithium en collaboration avec M. P. Langlois: Observation I. — 5 juin. — Chien adulte, 3kil,250. Injection de 0,17o milligr. '. 4 li. 25. — T. 38°,80; P. 114; Resp. 39. 4 h. 30. — Début de l'injection dans la veine saphène. 4 b. 50. — T. 38°, 40; Resp. 24; P. 114. Vomissements abondant, .■nrivant après chaque nouvelle injection de liquide dans la veine saphène. 5 h. 15. — T. 37°, 40. Injection, vomissements. 5 h. 22. — Injection, vomissements. T. 37°, 10; P. 100. 5 h. 30. — T. 36°, 80. Injection suivie de vomissements. 5 h. 35. — T. 36°, 6; P. 52; Resp. 28. L'injection est terminée, la dose totale est de 0,175 de lithium par kilogr. L'animal fait de longues inspi- rations lentes, il semble faire effort pour dilater sa cavité thoracique. Détaché et placé par terre, il tombe et n'a pas la force de se relever. fi h. — Nouveaux vomissements. T. 36°, 3; P. 44. 6 juin. 8 h. 30 matin. — T. 38°,5. Il mange un peu. Diarrhée très abondante. Il réussit à se tenir sur ses jambes, mais ses mouvements sont très lents, il paraît très fatigué, il se couche aussitôt qu'on le laisse tranquille, puis reste complètement immobile. 6 li. soir. — Il est très faible et se meut beaucoup plus diflicilenent que le matin; c'est à peine s'il peut se tenir sur ses jambes. T. 35°, 5, Trouvé mort le lendemain matin. Observation IL — 5 juin. — Petit chien adulte, 2kll,530. 5 h. 40. — Muselé et attaché, puis placé dans un bain à 45°. Injection de Oer,175 de lithium métallique par kilogramme d'animal. ('» li. 23. — T. 42°. Polypnée intense. Injection de 0,08'de lithium, ti h. 30. — T. 42°. Injection de 0&r,12. Vomissements aussitôt après l'injection dans la veine saphène. Chien démuselé. (> h. 40. — T. 41 0,.'i(), polypnée intense. 0sr,12 injectés. 6 h. 45. — T. 42°, 50. 0er,12 injectés. 6 h. 50. — T. 41°, 90. Les convulsions éclatent, ce sont des convulsions cloniques généralisées, interrompant la polypnée et s'accompaynant de raideur de la nuque. G h. 53. — T. 42°, 20. Le chien est sorti de la baignoire. 6 h. 56. — T. 42°. Convulsions arrêtées. Pupille complètement dilatée. 7 heures. — T. 41°, 4. Le chien détaché ne peut se tenir sur ses pattes, il reste inerte. La polypnée n'existe plus. 58 Resp. par minute. I. Lrs chiffres signifient la dose de chlorure de lithium évaluée en poids. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 41 S 7 li. 10. T. 10°. Même état. Le lendemain matin le chien est trouvé mort. Observation III. — 6 juin. — Chien adulte pesant ikil,3o0. [njection de i 7b milligrammes de lithium métallique par kilogramme d'animal, soit en tout 76 centigrammes do lithium. Le chien est attaché. 3 h. ;io. — Injection de 12 centigrammes. 4 heures. — Injection de 12 centigrammes. T.38°,6; P. 120. 4 h. .'i. — Vomissements. 4 h. 8. — Injection île 12 centigrammes. 4 h. 10. — T. 38°, G; P. 120. Vomissements qui m'empêchent de compter la respiration. 4 h. 15. — Injection de 12 centigrammes. 4 h. 20. — Vomissements. Diarrhée. T. 38°. 4 h. 24. — Diarrhée abondante. T. 37°, 90. 4 h. 27. — Injection de 12 centigrammes. 4 h. 35. — Injection de 12 centigrammes. T. 37°, 4. I h. 40. — Injection de 4 centigrammes. L'injection est terminée : l'animal a 76 centigrammes de lithium mé- tallique. Vomissements continuels. T. 37°; P. 84 ; Resp. 33. 4 h. 45. — Le chien est placé dans un bain dont l'eau est à 4o°. Au bout d'une minute, les respirations deviennent fréquentes. Le chien a de la polypnée réflexe. Il est muselé. 4 h. 55. — T. 38°, o. 5 h. 1 . — T. 39°. 5 h. 5. — T. 39°,9. ci h. 10. — T. 40°,4. 5 h. 15. — T. 41°. o h. 18. — T. 41°, 9. Polypnée intense. 5 h. 21 . — T. 42°, 2. Pas de convulsions. 5 h. 29. — Injection de 12 centigrammes de lithium. 5 h. 33. — T. 42°,7. oh. 36. — T. 43°,o0. 5 h. 40. — Injection de 9 centigrammes de lithium. Ce qui fait 22 centigrammes de lithium pour 1 kilogramme d'animal. T. 43°,8. 5 h. 43. — T. 44°. Petites convulsions cloniques généralisées. Ré- flexes oculaires abolis. Pupille dilatée. 5 h. 47. — Mouvements agoniques. Mort. Autopsie faite immédiatement. Intestin complètement vide. Pas d'hémorrhagie intestinale, ni d'ec- chymose. Poumon. Une légère ecchymose sous-pleurale insignifiante. Rien dans les autres organes. 410 SAINT-HILA1RE. Observation IV. — 7 juin. — Petit chien loulou, 2kU,430, attaché et placé dans la baignoire dont l'eau est à 44°. 4 h. 5. — T. 39°, 90. Le chien est muselé quelques instants. 4 h. 15. — T. 40°, 20. Injection de 12 centigrammes de lithium. 4 h. 20. — T. 40°, 3. Injection de 15 centigrammes de lithium. 4 h. 34. — T. 40°, 8. Polypnée intense. 4 11 40. — T. 41°, 9. Injection de 15 centigrammes de lithium. L'animal a 42 centigrammes de lithium, soit 175 milligrammes par kilogramme. 4 h. 45. — T. 43°. Sorti de l'eau. 4 h. 50. — T. 42°. Vomissements. Le lendemain 8 juin, à 3 heures, le chien est encore vivant. Il a tous les signes de l'intoxication par le chlorure de lithium : mouvements lents, fatigue, etc. Le 9 juin, à 2 heures, il est encore vivant, mais il est absolument inerte. La respiration se fait en plusieurs temps. Petites convulsions lentes. T. 29°; P. 37. 2 h. 35. — Le chien est attaché et placé dans la baignoire à 44°. 2 h. 40. — T. 32°, 5. Mouvements convulsifs cloniques généralisés! La respiration s'arrête; mais le cœur continue abattre pendant 1 minute et demie. 2 h. 45. — Mort. Observation V. — 8 juin. — Chien adulte, 5kiI,050, a reçu le 7 juin, ;i 7 heures du soir une injection de 16 centigrammes de lithium par kilo- gramme. L'injection a été faite rapidement, en une demi-heure, et a été accompagnée de diarrhée et vomissements. Le lendemain 8 juin, à 3 heures, ce chien présente tous les signes de l'intoxication par le lithium : mouvements lents, respirations profondes et se faisant en plusieurs temps. L'animal reste couché; si on le pousse du pied, il se lève, fait deux ou trois pas et se recouche. Il cherche les coins où on le laissera tranquille. Son poids est de 4kil,520. Cette diminution de 530 grammes s'explique par les vomissements et la diarrhée. Il n'a pris aucun aliment. 3 h. 30. — T. 37°, 90. Le chien est attaché, muselé et placé dans un bain dont l'eau est à 44°. 3 h. 45. — T. 39°,5. 3 h. 50. — T. 40°. 4 heures. — T. 40°, 5. A ce moment le chien, en se débattant, fait sortir le thermomètre du rectum. Pour le replacer il faut un certain temps pendant lequel l'animal se refroidit. 4 h. 20. — T. 39°,40. 4 h. 35. — T. 41°. Polypnée très intense. 4 h. 50. T. 42°, 70. Ace moment les convulsions éclatent. Mouvements TEMPÉRAT1 lu: ET ACTION TOXIQUE. ',17 convulsifs cloniques, s'accompagnant d'opisthotonos. Le chien fait des inspirations saccadées, lesquelles provoquent de petites attaques convul- sives, lesquelles durenl trois ou quatre secondes, cessent et recommen- cent à une nouvelle inspiration! Mais il existe pendant font le temps un véritable tétanos. Strabisme interne. Pupille non dilatée. i li. cm. — T. 42°, 4. — Je place le chien sous un robinet d'eau froide; sa température baisse rapidement. 5 heures. — T. 40°, 5. — La raideur de la nuque a disparu, il n'y a plus de convulsions. Le strabisme interne persiste toujours. Le chien est remis dans la baignoire. 5 h. 10. — T. 41", 8. — A ce moment les mouvements convulsifs re- commencent avec les mêmes caractères. On sort l'animal de la baignoire, il a des convulsions pendant environ quinze minutes et meurt au bout d'une heure. Observation VI. — \3 juin. — Jeune chien de chasse, okil,230. 2 h. oo. — Le chien est attaché, muselé et placé dans la baignoire dont l'eau est à 45°. T. 39°, 7. 3 h. o. — T. 41°. — Polypnée. 3 h. 10. — T. 41°, o. — Le chien est démuselé. 3 h. 12. — T. 41°, G. — Injection de nsr,18de lithium. 3 h. 20. — T. 42°. — Injection de 0*r,!8 de lithium. 3 h. 27. — T. 42°, — Vomissements. Injection de 0&V18 de lithium. 3 h. 40. — Injection de 0&r,18 de lithium. Vomissements. 3 h. 50, — Injection de 0^,27 de lithium. Le chien a en ce moment 0sr,175 de lithium métallique par kilo- gramme. — T. 41°, 8. 4 h. 22. — T. 42°,8. 4 h. 30. — T. 42°, 9. — Mouvements convulsifs cloniques généralisés, en tout semblables à ceux observés avec les autres chiens. On sort le chien et on le place sous le robinet d'eau froide, les con- vulsions cessent au bout de cinq minutes. 4 h. 40. — T. 41°. — On replace l'animal dans la baignoire. 4 h. oo. — T. 41°,b0. — Les mouvements respiratoires s'arrêtent, le cœur continue à battre pendantMeux minutes. Autopsie faite immédiatement. Rien à signaler, si ce n'est un peu de congestion pulmonaire. Pas la moindre ecchymose sous-pleurale. Observation VII. — 15 juin. — Chien loulou adulte, 3*»1 ,960s 5 h. 25. — T. 39°, 10. — Injection de 0**,12 de lithium. TOME I. 27 418 SA1XT-HILAIKE. Vomissements. 5 h. 40. — Injection de 0er,12. Vomissements. 5 h. 50. — 0&"r,12 injectés. T. 38°,3. 6 heures. — Injection de 0&r,H. Le chien a reçu 0er,12 de lithium par kilogramme. On le détache et on le laisse en liberté. Il marche bien, fuit quand on veut le prendre, mais il paraît fatigué. Diarrhée. 16 juin. — Le chien pèse 3kil,540. Cette diminution de 420 grammes s'explique par la diarrhée et les vomissements. 2 h. 40. — Il ne peut parvenir à se tenir sur ses pattes qui sont ri- gides. Couché sur le côté, il fait quelques efforts pour se mettre debout et ne parvient qu'à tomber de l'autre côté. Resp. 34 par minute. Le rythme respiratoire est très irrégulier. L'animal fait o ou 6 inspi- rations rapides, puis 2 ou 3 très lentement. Les membres sont secoués par de petits mouvements convulsifs très lents. L'oscillation est petite et met un certain temps pour se faire. 3 h. lo. —T. 34°, 40. — Mis dans la baignoire à 44°. 3 h. 30. — T. 35°. — Polypnée réflexe. Le chien est muselé. 3 h. 35. — T. 36°. 3 h. 45. — T. 37°,o0. Convulsions cloniques généralisées. Expirations convulsives produisant des cris; la gueule se ferme brus- quement comme par une secousse électrique. Les convulsions de la mâ- choire s'étendent à tout le corps. Le chien est sorti de la baignoire. 8 h. 47. — Les convulsions s'arrêtent. La respiration cesse, mais le cœur bat encore pendant une minute. Autopsie faite une heure après. Poumon congestionné. Pas la moindre ecchymose sous-pleurale. La congestion est générale mais plus intense aux bases. Cœur. Ventricules remplis de caillots noirs. Myocarde souple. Estomac et intestins complètement vides. Pas d'hémorrhagies n> d'ecchymoses. Observation VIII. — 15 juin. — Jeune chien, 4kil,7b0. Injection de 0gr,12 de lithium par kilogramme d'animal, faite rapide- ment en 3b minutes, et accompagnée de vomissements et de diarrhée. L'injection terminée, le chien est détaché et mis en liberté. 11 marche très bien, mais ses mouvements sont lents. l(i juin. — 2 h. 30. — Le chien est très affaibli; mais il se tient sur ses pattes. Diarrhée intense. — Poids, 4kil,270. T. 38°, 2. 4 h. o. — T. 37°. — Muselé, attaché et placé dans la baignoire à 46°. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 419 4 h. 10. — T. 38°. Le chien se débat violemment. 4 h. 14. —T. 39°. 4 h. 18. —T. 40o,6. 4 h. 20. — T. 41°,2. Démuselé. Polypnée très intense. 4 h. 22. — 41°,5. 4 h. 25. — 42°. La pupille se dilate. 4 h. 30. — Quelques petits mouvements convulsifs cloniques. T. 42°, 50. Sorti de la baignoire. 4 h. 35. — Les mouvements respiratoires s'arrêtent, mais le cœur bat encore. T. 43°. 4 h. 38. — Le cœur ne bat plus. T. 43°, 1. 4 h. 40. — T. 43°,2. 4 b. 50. — T. 43°. Autopsie. Rien à signaler. Observation IX. — 19 juin. — Chien adulte, 5kil,440. Injection de 0sr,04 de lithium par kilogramme. Vomissements. 20 juin. — Poids 5kil,310. 3 h. 40. — T. 39°, 5. Attaché, muselé et placé dans la baignoire. 3 h. 45. — T. 40°. 3 h. 55. —T. 41°. Démuselé. 4 heures. — T. 41°, 2. Polypnée très intense. 4 h. 10. —T. 41°, 5. 4 h. 15. — T. 41°, 8. 4 h. 20. — T. 42°. 4 h. 24. —T. 42", 1. 4 h. 30. — T. 42°, 1. Sorti de l'eau. 4 h. 32. — T. 42°. 4 h. 35. — Détaché et laissé en liberté. Le chien se tient bien sur ses pattes, marc-he et boit un peu d'eau qu'on lui présente. 21 juin. — Le chien semble un peu fatigué, mais ne parait pas très malade. 23 juin. — Bon état. 25 juin. — Le chien est complètement guéri. Observation X. — 24 juin. — Chien adulte, loulou, 9kiI,700. Injection de ©er,05 de lithium par kilogramme d'animal, puis le chien est placé dans la baignoire. 10 h. 25. —T. 39°,3. 10 h. 40. — T. 40°, 6. Le chien ne ferme pas les yeux si on passe la main devant les yeux, mais la cornée est sensible. 10 h. 48. — T. 41(,6. Démuselé. Polypnée très intense. 11 h. 5. — T. 41°, 6. Il h. 20. — T. 42°, 5. Sorti de l'eau, il marche très bien et boit un 420 SAINT-HILAIRE. peu d'eau qu'on lui présente. La température n'a pas été à 42° ou au- dessus plus de dix minutes. Le maximum a été 42°, 50. 25 juin. — Le chien parait très fatigué, mouvements lents. Diarrhée intense. T. 37°,9. Poids : 8kil,900. 26 juin. — Même état. 27 juin. — Le chien parait guéri. Il a servi à de nouvelles expé- riences. Ces expériences montrent que l'hyperthermie vient mo- difier, d'une façon manifeste, la marche de l'intoxication par le chlorure de lithium. D'ahord elle précipite la mort. Lorsque les chiens ont été surchauffés aussitôt après l'in- jection de doses qui ne doivent produire la mort qu'au bout de vingt-quatre heures, nous les avons vus mourir pendant l'expérience, ou, dans un délai très court, alors que l'hyperthermie seule, dans aucun cas, n'explique cette mort. Lorsque les chiens ne sont surchauffés que vingt-quatre heures après l'injection, la mort a été très rapide, et. dans les expériences IV et VII où il y avait hypothermie, 33° et 29°, une élévation thermique très faible, 37° et 32°, a amené rapidement la mort, qui, selon toute probabilité, serait survenue un peu plus tard, si l'on n'avait pas élevé la température. Les expériences IX et X dans lesquelles 0,04 et 0,05 cen- tigrammes de lithium, doses trop faibles pour amener la mort, 0,06 étant la dose mortelle minima \ ont été injectés et n'ont pas produit la mort avec une hyperthermie de 42°, ces expériences, loin de contredire les faits que nous signalons, viennent au contraire se ranger dans la même loi. Dans la première partie de ce travail, nous avons montré que la tem- pérature agit seulement sur la durée des actions toxiques, et que, si des doses faibles ont amené la mort à des températures élevées, et laissé vivre les grenouilles à des températures basses, c'est que, dans ce dernier cas, il faut aux réactions i. Ch. Richet, « Act. physiol. des sels alcalins ». Archives de physiologie 1886, p. 140. TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. 421 toxiques un temps beaucoup plus long, pendant lequel les grenouilles peuvent éliminer le poison. Or le chlorure de lithium s'élimine très lentement; M. Ch. Richet a montre que. chez les poissons, le lithium n'était pas éliminé au bout de neuf jours1 : il en est, selon toute probabilité, de même chez le chien. Quelle que soit la température, la mort arrivera plus ou moins lentement, mais elle arrivera fata- lement si la dose est suffisante ; elle ne peut survenir avec 4 et «) centigrammes, dose trop faible pour produire la mort des éléments anatomiques sur lesquels le lithium va porter son action. L'hyperthermie chez des chiens lithinisés n'a pas seule- ment pour effet de précipiter la mort, elle fait naître un symp- tôme nouveau, ou plutôt exagère un symptôme existant déjà, des tremblements convulsifs et des contractures cloniques lentes, sans mouvement de la face et sans coup de gueule Si, au contraire, on élève la température des chiens lithinisés, soit aussitôt après l'injection, soit vingt-quatre heures après, on voit toujours apparaître au bout d'un certain temps des attaques convulsives. En effet, comme le montre l'observa- tion I. comme le montrent les expériences de M. Ch. Richet sur les sels alcalins, le chlorure de lithium, employé seul, amène la mort au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, après avoir produit un abattement général et des attaques convulsives. Ce sont alors des convulsions cloniques généralisées, s'accompagnant de mouvements de la face et de coups de gueule, complètement différentes de celles qu'on a notées chez les chiens lithinisés à la température normale, et qui se rapprocheraient, quoiqu'un peu moindres, de celles qu'on obtient avec la cocaïne. Dans les observations III et VIII, la mort a suivi aussi de très près l'attaque convulsive. Dans tous ces cas, elle est sur- 1. Ch. Richet, « Act. physiol. des sels alcalins. » Archives de physioL, 1886, p. 115. 422 SAINT-HILAIRE. venue par arrêt respiratoire, car toujours le cœur a continué à battre une ou deux minutes. Ces convulsions ne peuvent être confondues avec les mou- vements préagoniques. Il n'existe pas, en effet, de ces grandes inspirations que l'on observe dans les convulsions qui précè- dent la mort. Le refroidissement , même peu intense, a toujours amené soit la mort de l'animal, soit l'arrêt des convulsions ; et, dans un cas, en réchauffant le chien, nous avons pu les faire apparaître de nouveau (Obs. V). Si maintenant nous considérons que, à la température normale, il existe de petites convulsions lentes durant long- temps, et que l'hyper thermie a pour effet de rendre ces con- vulsions plus violentes, mais, en revanche, beaucoup plus courtes, nous sommes amené à penser que le travail chimique de l'intoxication par le lithium se manifeste par des convul- sions, et que la chaleur, accélérant les réactions toxiques, fait que le même travail est produit dans un temps beaucoup plus court. En un mot, pour prendre une comparaison qu'il ne fau- drait pas pousser trop loin, l'hyperthermie réunit en quel- ques minutes toutes les convulsions que le lithium à froid produirait en plusieurs heures. TROISIEME PARTIE NFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE SUR L'ACTION ANTISEPTIQUE DU BICHLORURE DE MERCURE En 188o, M. Ch. Richet présenta à la Société de biologie -ne note dans laquelle il disait que 5 centigrammes de bi- chlorure de mercure dans 1 000 grammes d'urine empêchent TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQ1 K. t23 la putréfaction, si l'on place cette urine à l'étuve à V3". mais ne produisent aucun eiFet toxique à 15° '. Cette note provoqua une communication do M. Akloing2, qui, quinze jours après, vint rappeler à la Société de biologie, qu'en collaboration avec M. Chauvéau, il avait observé un fait analogue sur les microbes pathogènes. Une solution d'acide phénique à 3 p. 100 laisse subsister le virus de la septicémie gangreneuse après vingt-quatre heures à la température de 15° à 1 8°, tandis qu'elle la détruit en l'espace de six à huit heures à la température de 36° 3. Dans la thèse de M. Truchot4, faite sous l'inspiration de M. Arloing, on peut lire que la chaleur s'est montrée un ad- juvant efficace de l'action antiseptique de l'acide borique et de l'acide phénique. « Les résultats furent si nets, ajoute M. Arloing dans sa note de 188.'> à la Société de biologie, que l'on entreprit des expériences pour déterminer jusqu'à quel point l'élévation de la température permettait d'abaisser le titre des solutions antiseptiques de sublimé, afin d'utiliser celles-ci sans redouter les fâcheux effets de 1'hydrargyrisme. Malheureusement ces expériences n'ont pu être continuées, mais elles se poursui- vent actuellement dans mon laboratoire. » Nous avons repris les expériences de M. Cn. Richet et étudié l'action du bichlorurede mercure sur les microbes de la putréfaction de l'urine, à 20° et à 46°, et, sauf une légère diffé- rence dans les doses, nous avons obtenu des résultats iden- tiques. 1. Ch. Richf.t. « De l'action toxique suivant la température. » Bull, de I" Société de biologie, 18 avril 1885, p. 239. 2. Arloing, Bull, de la Société de biologie, 2 mai 1885, p. 275. 3. Ces recherches sont consignées dans la thèse de Courboulès, Lyon, 1883, et Bulletin de l'Académie de médecine, 1883. — Chauveau et Arloing. Septi- cémie gangreneuse , p. 613. î. Thèse de Lyon, 1883. 424 SAINT-HILAIRE. Expérience I. — 31 mai. — Urine neutralisée avec de la potasse et filtrée. 11 est ajouté du sublimé de façon que l'urine contienne : grammes. 0,03 0,04 0,05 } par litre. 0,06 0,07 4 flacons sont remplis avec chaque variété d'urine. La moitié est placée à 46°, l'autre moitié reste à la température du laboratoire 20° environ. Le 2 juin. degrés A 20° grammes. 0,03 " 0,04 ! tous troubles, 0,05 [ sauf un 0,04 0,06 i et un 0,06. 0,07 J degrés. grammes. A 46°. . . 0,03 troubles. 0,04 troubles. 0,03 1 limpide. 0,06 I limpide. 0.07 2 limpides. Les flacons restés limpides sont ensemencés avec une urine putréûée. Le 3 juin, à 20°, tous sont troubles. A 46°, les flacons 0,0o et 0,06 sont légèrement troubles, 0,07 reste limpide. Expérience IL — • 2 juin. — Urine fraîche neutralisée avec potasse, puis filtrée. il est ajouté du sublimé, de façon que l'urine contienne : grammes. 0,06 0,07 0,08 0,09 de sublimé par litre, Ces divers liquides sont portés à 60° et filtrés de nouveau. Ensuite je remplis 4 flacons Pasteur de chaque variété, et les ensemence avec de l'urine putréfiée. 2 flacons de chaque espèce sont placés à l'étuve à 46°, et les autres restent à la température du laboratoire, 20° environ. Le 5 juin, les flacons placés à 20° sont complètement troubles, ceux placés à 46° sont restés limpides. Le 9 juin, ils sont encore limpides. Cependant on constate un léger dépôt opaque sur la paroi du verre, mais le liquide est tout à fait limpide. TEMPERATURE ET ACTION TOXIQUE. ,-.'.'. Expérience 111. — 7 juin. —Môme expérience avec uiim- neutralisée par A/11 . et contenant : grammes. 0,06 0,07 de sublimé pour 1000. Au bout de 48 heures, tous les {laçons sont troubles, ceux restés à 20° semblent l'être un peu plus que les autres. Expérience IV. — 9 juin. — Urine neutralisée avec AzH3, puis filtrée. J'ajoute 0*r,0o de bichlorure de mercure à toute l'urine, je la porte à 00° et la filtre. Puis j'ajoute de nouveau du sublimé de façon à obtenir de l'urine contenant : grammes. 0,07 0,08 0,09 0,10 0,H 0,12 0,lo de bichlorure de mercure par litre. Quatre flacons sont remplis avec chaque variété et ensemencés avec de l'urine putréfiée. Puis, deux de chaque espèce sont placés à l'étuve à 46°, les autres sont laissés à la température du laboratoire, 20° en- viron. Le 11 juin, j'obtiens les résultats suivants : degrés. grammes A 46°. 0,07 limpides. — . 0,08 1 trouble. — . 0,09 les 2 troubles — . o.to les 2 troubles — . 0,11 i — . 0,12 limpides. — . 0,15, degrés A 20° rrammes. 0,0 0,08 J] 0,09 0,10 0,11 0,12 0,13 1 seul trouble, les 2 troubles. limpides. J'ensemence de nouveau tous les tlacons limpides, et le lendemain, 12 juin, je vois : degrés. A 46°. , troubles grammes. • 0,07 \ . 0,08 ( . 0,09 l . 0,10/ . 0,11 j . 0,12 J limpides. . 0,15 1 degrés A 20° grammes. 0,07 0,08 0,09 ) limpides. 0,10 0,11 0.12 0,15 limpides. 420 SAINT-HILAIRE. Des expériences comparatives faites avec de l'urine seule sans ad- jonction de sublimé montrent que les fermentations sont beaucoup plus actives à 4G° qu'à 20°. Expérience V. — 11 juin. — Urine neutralisée avec de la potasse, puis filtrée. J'ajoute ;> centigrammes de sublimé par litre à l'urine etl a porte dans l'étuve à la température de 120°. Il se forme un précipité. Je filtre de nouveau et ajoute du sublimé de façon à avoir de l'urine contenant : grammes. 0,07 0,08 0,09 } de HgCl2 par litre. 0,10 o.l I j Je remplis 4 flacons Pasteur de cbaque variété d'urine, et les porte à l'étuve à la température de 120°. Ces flacons ainsi stérilisés restent, complètement limpides pendant plusieurs jours. Le 14 juin, je les ensemence avec de l'urine putréfiée de la série du 9 juin. 2 flacons de cbaque espèce sont placés à l'étuve et les autres res- tent à la température du laboratoire, 20° environ. Le 18 juin : A 4b0.. . . Tous limpides. A 20°.. . . Tous troubles. Le 20 juin rien n'est cban^é. On constate seulement que le verre des flacons est couvert d'un léger dépôt, mais le liquide est tout à fait limpide. L'examen microscopique fait par M. Héricourt a montré qu'il existait des microbes dans tous les flacons, aussi bien ceux placés à 46° que ceux placés à 20°; mais à 20° ils étaient beaucoup plus nombreux; les liquides à 46° n'étaient pas de véritables cultures. Le 23 juin, les flacons limpides à 46° sont ensemencés avec de l'urine putréfiée et sont placés à 20°. Le 25 juin, la moitié environ de ces flacons sont troubles. Expérience VI. — 20 juin. — Urine neutralisée avec potasse et filtrée. J'ajoute 10 centigrammes de sublimé par litre et porte cette urine à l'étuve à 120°. Il se forme un précipité. Je filtre de nouveau. Je prépare la série : grammes. 0,10 \ 0,12 î de sublimé par litre. 0,15 ) TEMPÉRATURE ET ACTION TOXIQUE. Vil Quatre Maçons sont remplis de chaque variété et stérilisés à l'étuve ■i 120°. Le 21 juin ces tlacons sont ensemencés avec un flacon trouble de ma série du 1 1 juin. Le 24 juin : A 16° Tous limpides. A 20° Tous troubles. Le 25 juin j'ensemence les flacons limpides chauds avec un tlacon trouble de la série du 11 juin, et je les laisse à la température du labo- ratoire. Le 26 juin ils sont troubles. Ces expériences montrent d'une façon évidente l'influence de la chaleur sur l'action antifermentescible du sublimé. Si l'urine ne contient aucune substance toxique, la température de 46°, loin de l'empêcher, favorise la putréfaction, qui à 20° est beaucoup moins rapide; ce fait nous a été démontré par plusieurs expériences comparatives. Quand on ajoute 7, 8, 9 centigrammes de sublimé par 1 000 grammes d'urine, la putréfaction ne se produit pas à 46°, tandis que à 20° l'urine se trouble toujours au bout d'un temps plus ou moins long. Si les chiffres obtenus par M. Ch. Richet, et ceux que nous avons obtenus nous-même, diffèrent entre eux, c'est qu'il est impossible de se placer toujours dans les mêmes conditions. L'urine n'est pas un liquide toujours identique. Déplus, lors- que l'on met du sublimé dans l'urine, il se forme un précipité plus ou moins abondant suivant la composition de l'urine. Ce précipité, que l'on filtre, contient, suivant les cas, une quan- tité variable de substance toxique. Il ne faut pas, comme nous l'avons fait au début, alcaliniser les urines avec de l'AzH3, car l'ammoniaque dissout les sels de mercure qui se précipitent lorsqu'elle se volatilise. Quoi qu'il en soit, le fait principal est le même, et nos expériences peuvent se résumer ainsi. L'action toxique du 428 SAI.M-HILAIRE. bichlorure de mercure sur les microbes de la putréfaction de l'urine est beaucoup plus considérable à 40" qu'à 20°, et d'après nos expériences nous pourrions dire que le sublimé est environ deux fois plus toxique à 46° qu'à 20°. En effet, dans l'expérience IV, on peut voir que 0,11 de sublimé à 20° n'ont pas empêché la putréfaction, tandis qu'elle a été arrêtée par 7 centigrammes. Cette action toxique ne dépend que de la température ; car, si l'on ensemence, avec de l'urine putréfiée, les flacons restés limpides à 46°, et si on les place à 20°, le lendemain la putré- faction est des plus manifestes. Ces résultats, ceux qu'ont obtenus MM. Arloing et Chauveau sur des microbes pathogènes avec le sublimé, l'acide phénique et l'acide borique, nous amènent à commenter certains faits d'obser.vation clinique. M. Constantin Paul préconisait1, il y a quelques années, dans le traitement delà blennorrhagie, les injections de sublimé au vingt millième. Il a observé, en outre, que les injections chaudes donnaient de meilleurs résultats que les froides. Il a expliqué ce fait en disant que le froid amène des contractions de la muqueuse, et empêche ainsi le liquide de pénétrer dans toutes les anfractuosités. Ne pouvons-nous remplacer cette explication par celle-ci : l'élévation de la tem- pérature augmente l'action antiseptique du sublimé. L'emploi des solutions antiseptiques chaudes ne présente aucun inconvénient; on les a même employées pour éviter l'action du froid et pour rendre les plaies insensibles, car l'eau chaude anesthésie les tissus. Nous pensons que cet avan- tage de pouvoir abaisser le titre des solutions et diminuer les dangers d'intoxication, joint aux précédents, mérite de faire entrer dans la pratique chirurgicale l'usage des solutions an- tiseptiques chaudes. De nouvelles recherches cependant sont nécessaires et valent la peine qu'on les fasse, pour déterminer exactement 1. Annuaire de t/iérapeiitif/ue de Bocchardat, 1889, p. 85. TEMPÉRATURE ET ACTION THERMIQUE. 129 dans quelles proportions l0 fois par minute; mais pour la respira- lion il y a une difficulté spéciale qui empêche la rapidité de Fia. 75. — Polypnée d'un chien échauffé par le séjour à l'étuve1. Il était muselé, et sa température était de 43°. Les deux pneumogastriques avaient été coupés. Ou voit que la section des pneumogastriques n'empêche aucunement la polypnée. ces contractions : c'est la profondeur de la respiration. Quand 1. Pour cette figure, comme pour toutes celles qui suivent, la lecture se fait de gauche à droite, et du haut vers le bas. L'inscription a été prise avec le cylindre enregistreur de M. Marey, animé de sa vitesse minimum, telle qu'un tour de cylindre est fait en une minute. Comme le papier du cylindre a 0m,40, il s'ensuit que 0m,40 représentent soixante secondes à peu près, autrement dit 0^,01 est une seconde et demie, ou une seconde est un peu moins de 0m,007. Les graphiques de la respiration ont été pris en général, quand aucune in- dication contraire n'est donnée, avec le pneumographe de M. Marey. Pour la figure 15, l'inscription a été prise avec le cardiographe appliqué sur le thorax. tome i. 28 434 CHARLES HICHET. une respiration est profonde, elle est forcément très longue. Or, dès qu'on a besoin de respirer, la respiration est profonde. Il faut donc de tonte nécessité qu'on n'ait pas besoin de res- pirer pour respirer aussi vite. Aussi les animaux, c'est-à-dire les chiens, qui ont cette respiration fréquente, ou po ly priée1, ne respirent-ils pas ainsi par un effort de volonté. C'est un réflexe impérieux qui com- mande ce rythme. Le réflexe est même chez les chiens telle- ment impérieux que, dès qu'ils sont en proie à la polypnée, ils ne peuvent plus faire autre chose. Les plus hargneux de- viennent tranquilles, sans autre souci que d'exécuter des mouvements d'inspiration et d'expiration avec la plus grande vitesse possible. Cette polypnée thermique est tantôt d'origine réflexe, tan- tôt d'origine centrale. Je ne reviens pas ici sur cette distinc- tion que j'ai faite ailleurs. En effet, dans certains cas, la tem- pérature rectale des chiens polypnéiques n'est pas modifiée, comme c'est le cas quand on met au soleil un chien respirant librement. Même au bout d'une heure, et plus encore, sa tem- pérature ne s'élève pas, et cependant il est polypnéique. On ne peut donc attribuer sa polypnée à un échauffement du sang ou des centres nerveux. C'est par conséquent un phénomène réflexe. Dans d'autres cas, au contraire, quand, par le chloral, on a supprimé toute activité réflexe de la moelle, le chien mis au soleil s'échauffe continuellement. Peu à peu sa tempéra- ture s'élève jusqu'à 41°. Alors survient de la polypnée, et c'est une polypnée qui n'est plus réflexe, mais centrale, due à réchauffement des centres nerveux. Ainsi la nature semble avoir employé deux procédés pour aboutir à la polypnée qui amène la réfrigération : d'abord la voie réflexe qui suffit dans les conditions ordinaires de la vie, \. Tel est le tenue que j'ai cru devoir employer; car l'expression de dyspnée est tout à t'ait inexacte. La respiration, au lieu d'être difficile, comme semble- rait l'indiquer le mot dyspnée, est beaucoup plus facile qu'à l'état normal. POLYPNÉE THERMIQUE. 435 puis l'excitation centrale qui supplée à la fonction réflexe, dans le cas où l'activité réflexe a été insuffisante. Si j'ai parlé d'une fonction nouvelle du bulbe, c'est qu'en effet cette action réfrigérante est tout à fait distincte de la fonction excito-motrice des muscles inspirateurs. Assurément c'est par la respiration que l'animal se refroidit; mais ce n'est pas pour respirer qu'il respire. L'échange chimique des gaz de la respiration n'est plus, ni directement ni indirectement, la cause de sa respiration. Je vais successivement essayer de démontrer les faits sui- vants : 1° V animal se refroidit en respirant rapidement ; 2° Cette polypnée entraîne la réfri gérât ion par exhalation de vapeur d'eau; 3° La polypnée ne peut avoir lieu que si la pression a Vin- spiration et à ï1 expiration est nulle ; 4° Elle ne peut avoir lieu que si le chien est en état d apnée; 5° Un excès d'acide carbonique dans le sang empêche la polypnée. L'animal se refroidit en respirant rapidement. La démonstration la plus facile de cette loi se -fera de la manière suivante : Soit un chien, soumis à une cause d'échauffement, dont on empêche, par un procédé quelconque, la respiration de deve- nir polypnéique; on l'empêche, par cela même, de se refroidir. Or il y a plusieurs procédés pour empêcher un chien de respirer fréquemment. Le plus simple est de le curariser, en pratiquant la respiration artificielle. L'expérience suivante est très positive. 430 CHARLES RICHET. J'ai exposé au soleil en même temps deux chiens, dont l'un était curariséet dont l'autre était normal. Comme on peut le voir par le tracé ci-joint, en deux heures, chez le chien cura- risé, la température s'est graduellement accrue et est arrivée à 43", 1^ tandis que le chien normal est à 39°, 5, sa température ayant plutôt légèrement baissé. Le fait est d'autant plus significatif que les animaux eura- risés tendent à se refroidir, et que, si, au lieu de le mettre au soleil, nous l'avions laissé attaché sur la table, au froid, en hiver, il se serait sans doute abaissé jusqu'à n'avoir plus que 30°. Un autre moyen d'empêcher la polypnée est de museler l'animal. Par suite de conditions mécaniques dont je parlerai dans le chapitre III, les chiens muselés ne peuvent respirer Fig. 16. — Courbes de température d'un chien curarisé et d'un chien normal. Ils sont exposés tous deux simultanément au soleil. On voit que le chien curarisé s'échauffe, tandis que le chien intact ne s'échauffe pas. et même se refroidit quelque peu, par suite d'un excès de l'action hypothermisante de la polypnée. A l'abscisse inférieure sont marqués les temps de 20 minutes en 20 minutes. A l'abscisse de gauche, les températures sont marquées par degrés. fréquemment. Deux chiens sont mis au soleil dans une cour où la température àl'ombre est de 31°. Le chienmuselé, après une heure quarante minutes, a une température qui a monté POLYPNÉE THEUMIQUE. 437 de 39°,3 à U"..'i. Le chien non muselé, qui avait au début 39°, est à ce moment à 40°,5d. Il est très anhélant, mais pas du tout malade; tandis que le chien muselé, qui n'a jamais pu respirer plus de 100 fois par minute, est mourant, avec des hémorrhagies intestinales, de la paraplégie et des vomisse- monts sanguinolents. Le graphique ci-joint (fig. 77) donne la démonstration for- Wfiûm '-.'mm ■'_:_'.. . Fig. 77. — Courbes de la température et de la respiration d'un chien exposé au soleil. On voit que, tant que l'animal a une muselière, il ne peut respirer avec rapidité. Le rythme ne dépasse pas 100 respirations par minute ; alors sa température s'élève, et va jusqu'à 42o,8 en quarante minutes ; mais, dès que la muselière est enlevée, un peu avant 3 h. 20 m., aussitôt le rythme croit énormément, et va à 240 par minute. En même temps, comme conséquence directe, la température baisse très vite. — Le rythme de la respiration est indiqué à l'abscisse de droite, en nombre de respirations par mi- nute, tandis que la température est marquée à l'abscisse de gauche en degrés. Le rythme respiratoire est indiqué par uu trait un peu plus fort que le trait qui indique la tempé- rature. melle de ce parallélisme entre le rythme respiratoire et la tem- pérature. Un chien est mis au soleil à 2 h. 40 min., il est mu selé, et sa respiration ne peut dépasser le rythme de 100 par minute; aussi sa température s'élève-t-elle (de 2 h. 40 min. à 3 h. 20 min.) jusqu'à 42°, 8. Alors, on lui enlève la muselière. 438 CHARLES RICHET. Aussitôt le rythme s'accélère; de 100, il monte à 2i0; en même temps, sa température s'abaisse et redescend à 40°. Le troisième procédé dont nous disposons pour empêcher la polypnée, c'est de faire respirer l'animal dans un milieu chargé d'acide carbonique, ou encore, ce qui revient au même, de le faire respirer dans un milieu confiné. Je me servais à Fig. 78. — Courbes thermiques de deux chiens exposés au soleil à deux jours différents. En bas, les temps ; à gauche, les températures rectales. La courbe B a été prise sur un chien qui avait d'abord dans la trachée un tube trachéal de largeur insuffisante. A 3 h. 35 m., on lui remet un tube plus large ; car, par le tube précédent, trop étroit, il ne pouvait respirer assez vite, et alors il s'échauffait, comme le montre l'ascension de sa courbe thermique de 3 h. 20 m. à 3 h. 40 m. A 4 h. 25 m., on le fait respirer par un tube de caoutchouc très long, ce qui équivaut à la respiration dans un milieu confiné, et ce qui fait monter sa température de 2° en une demi-heure. Dès qu'on a enlevé le tube, à 5 h. 10 m., la température se met à baisser, quoique assez lentement. Pour la courbe A de l'autre chien, la température, qui avait monté seulement de 1°,5 en une heure, quand il respirait par le tube trachéal simple, s'est mise à monter très vite, à 4 heures, dès qu'on l'a fait respirer par le long tube de caoutchouc, soit de 3°, 5 en une heure. C'est là une ascension énorme ; car ce sont précisément les dernières ascensions thermiques, au-dessus de 40°, 5, qui sont le plus difficiles à atteindre. En effet, plus la température est élevée, plus la polypnée, et par conséquent le refroidissement, est énergique. cet effet d'un moyen très simple qui consiste à adapter à la trachée un long tube de caoutchouc. Le va-et-vient de l'air expiré n'a lieu que partiellement, et l'animal respire dans un POLYPNÉE THERMIQUE. 439 milieu très pauvre eu oxygène et très riche en acide carbo- nique. Alors les chiens ne peuvent respirer rapidement (voyez plus loin, chapitre IV). Quoi qu'il en soit de la cause même qui ralentit la respiration, elle n'est alors pas fréquente et Tanimal ne peut se refroidir. Si l'on place au soleil deux chiens trachéotomisés tous deux, et tous deux attachés, se trouvant Fig. 19. — Courbes de la respiration et de la température d'un chien exposé au soleil et chloralisé. Les respirations sont indiquées par la ligne inférieure en trait fin. A droite, sont marqués les chiffres indiquant le nombre des respirations par minute, nombre auquel, par conséquent, se rapporte la courbe des respirations. A gauche, sont marquées les températures, dont la courbe est d'un trait plus gros. Il s'agit d'un chien chloralisé. On voit que le rythme respiratoire ne dépasse pas 100, et conséquemment il ne peut y avoir de refroidissement suffisant. par conséquent l'un et l'autre dans des conditions identiques, à cela près qu'il y a un long tube adapté à la trachée de l'un des deux, ce dernier ne pourra ni respirer fréquemment ni se refroidir (voyez la fig. 78). Enfin, le 'quatrième et dernier procédé pour empêcher la polypnée réflexe, c'est la chloralisation du chien. En hiver, quand il n'y a pas de soleil, un chien chloralisé se refroidit, et même se refroidit très vite ; tandis qu'en été, par un soleil f40 CHARLES RICI1ET. ardent, un chien chloralisé s'échauffe. Comme le chloral a aboli toutes les actions réflexes, le réflexe thermique, qui normalement a lieu en partant de la peau échauffée pour se transmettre aux centres nerveux et de là au bulbe, ne peut plus se produire, et le chien continue à respirer lentement, comme si la température extérieure était basse; alors il s'échauffe, ainsi que l'indique le tracé ci-joint (fig. 79). Toutefois, avec le chloral, le problème est assez compliqué, pour plusieurs raisons. Si à un chien respirant normalement on fait une injection intra-veineuse de chloral, la respiration devient d'abord, en même temps que plus petite et moins ample, beaucoup plus fréquente. On arrive ainsi jusqu'à l'anes- thésie absolue et à la suppression de tous les réflexes. Mais, si l'on continue à le chloraliser, à un moment donné, on voit la respiration devenir subitement très rare, et même parfois cesser tout à fait. Si l'on ne fait pas alors la respiration artifi- cielle, l'animal meurt d'asphyxie. Ainsi on ne peut pousser la chloralisation au-dessus d'une certaine dose sans de graves risques pour la vie de l'animal; il faut d'ailleurs, dans le cours d'une expérience, qui dure parfois deux ou trois heures, re- nouveler souvent la chloralisation, de manière à maintenir le chien tout à fait insensible et incapable de réflexes. Mais c'est la connaissance même de cette dose qui est très difficile ; car, pour peu qu'on dépasse la dose, on ralentit énormément, ou même on supprime complètement la respiration spontanée. Le chloral agit surtout sur la polypnée réflexe, qu'il abolit entièrement, à dose forte ; mais, pour peu que la dose ne soit pas très forte, la polypnée réflexe, quoique atténuée, persiste; d'autre part, il agit aussi sur la polypnée centrale, mais la dose de poison doit être alors extrêmement forte. A cette forte dose, il ralentit le rythme de la polypnée centrale, mais il ne suspend pas complètement la respiration. Pour peu qu'on aug- mente encore la dose, la respiration est supprimée et l'expé- rience est arrêtée. On peut donc dire, sans qu'il soit possible de donner des chiffres, que le chloral, à dose moyenne, ralentit PÛLYPNÉE THERMIQUE. M la polypnée réflexe, et que, à dose forte, il La supprime en modifiant a peine la polypnée centrale. A dose très forte, il diminue beaucoup la polypnée centrale; et enfin, à dose plus forte encore, il supprime absolument toute respiration. Un autre mode d'action du chloral, c'est qu'il affaiblit énormément les mouvements des muscles. L'animal laisse retomber sa tète, et, épuisé, ne peut tirer la langue en avant et au dehors, pour que la pression à vaincre à l'expiration et à l'inspiration soit nulle. Aussi les observations faites sur les animaux chloralisés doivent-elles être accompagnées de la trachéotomie, qui fait que l'animal respire toujours avec une pression faible. Au point de vue de la pression à vaincre à l'ex- piration ou à l'inspiration, les chiens chloralisés non traehéo- tomisés respirent comme des chiens qui ont une muselière, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent ouvrirla gueule et respirer avec un minimum de pression. Or, quel que soit le procédé qu'on emploie, toujours, dès qu'on empêche la polypnée, les chiens exposés au soleil ou mis dans l'étuve s'échauffent. Il paraît donc rationnel d'ad- mettre que le refroidissement se fait par une respiration plus fréquente. Cela peut se formuler ainsi : toutes les fois qu'on empêche de respirer fréquemment un chien exposé à une température extérieure élevée, il s'échauffe : au contraire, toutes les fois qu'on permet à un chien de respirer fréquemment, mis au so- leil ou dans l'étuve, il ne s'échauffe pas. Ainsi se trouve démontrée notre première proposition, que les chiens se refroidissent parla polypnée. 442 CHARLES HICHET. II La polypnée entraîne la réfrigération par exhalation de vapeur d'eau. Cette démonstration ne peut se faire qu'indirectement. En effet, quoique Ton constate que les chiens échauffés, mis sur la balance, perdent de leur poids des quantités considérables, comme l'indiquent les tracés que j'ai donnés dans un mémoire précédent, cette perte de poids ne peut être due à l'acide car- bonique exhalé; carie gain en oxygène compense à très peu près la perte en acide carbonique, comme poids. Donc, comme la transpiration cutanée est très faible, sinon nulle, cette perte de poids paraît devoir être due presque uni- quement à l'exhalation d'eau par la respiration. Il s'ensuit qu'en plaçant des animaux vivants sur une ba- lance qui enregistre les pertes de poids, la courbe obtenue représente assez exactement l'exhalation aqueuse pulmo- naire. Or un chien fortement échauffé, qui respire fréquemment et qui se refroidit, perd beaucoup de son poids, ce qui revient à dire qu'il perd beaucoup d'eau. Un chien électrisé et dont la température s'est élevée à 43° a perdu de très grandes quantités de poids, comme le montrent les deux courbes données dans un des mémoires précédents l. Cette perte de poids a été, dans quelques cas, de 11 gram- mes par kilogramme et par heure ; ce qui fait, en adoptant le chiffre de 575 calories pour la vaporisation d'un gramme d'eau, un refroidissement de 6 400 calories environ, chiffre considérable, puisque la production de chaleur cbez les chiens 1. Voy. plus haut. POLYPNÉE THERMIQUE. 443 de même taille n'est guère que do 2600 calories. C'est donc une perte totale de près de '{ MO calories. Cette perte suffit pour expliquer le retour du chien à la température normale. En effet, pour un kilogramme de chien, en prenant, comme toutes les déterminations antérieures nous y autorisent, la chaleur spécifique de corps égale à 0,8, nous avons, de 13 à 39°, une perte en calories de 3 200, ce qui ne diffère pas trop du chiffre de 3 800, qui représente l'excès de la perte de chaleur par refroidissement sur la production normale. Nous sommes forcés d'admettre que, s'il y a dans la respi- ration pulmonaire évaporation d'eau, passage de l'état liquide à l'état gazeux, il y a perte de chaleur. C'est une conséquence nécessaire d'une des lois les plus précises de la physique. As- surément une démonstration directe serait intéressante à en- treprendre. J'ai tenté de la faire, mais je n'ai pas encore réussi. Voici comment je la comprends : il faudrait mettre un chien clans un milieu à 40° environ, milieu absolument saturé de vapeur d'eau ; mais c'est cela même qui est très difficile à réaliser. Dans l'étuve que j'emploie, malgré la projection d'une grande quantité de vapeur d'eau, je n'ai pu arriver à saturer d'eau l'atmosphère de l'étuve. A l'hygromètre, je ne pouvais dépasser 75 ou à grand'peine 80 p. 100. On comprend que, dans ces conditions, le refroidissement par la polypnée puisse encore avoir lieu. De fait, même dans l'étuve à 45°, avec de la vapeur d'eau projetée en abondance, un chien, au bout d'une heure, ne s'échauffait pas sensiblement. Malgré cette grave lacune et cette absence de démonstra- tion directe, ou peut, je pense, regarder eomme acquis que l'évaporation d'eau à la surface pulmonaire entraîne un refroi- dissement corrélatif à la quantité d'eau évaporée. De même que la transpiration cutanée, la transpiration pulmonaire amène le refroidissement. Ces deux fonctions sont régies par le bulbe rachidien qui commande, soit la sécrétion sudorale, soit la polypnée. 444 CHARLES HICHET. Mon but ici est surtout de montrer à quel point cette po- lypnée est indépendante de la respiration proprement dite. A l'état normal, la respiration est déterminée par le besoin de respirer, c'est-à-dire par le défaut d'oxygène ou l'excès d'acide carbonique dans le sang-, et, par conséquent, dans le bulbe; mais, pour la polypnée de réfrigération, il y a un autre sti- mulus qui détermine les respirations. Ce stimulus, c'est tantôt l'excitation cutanée, qui agit par voie réflexe sur le bulbe, tantôt réchauffement même du sang et du bulbe. Donc c'est bien là, ainsi que l'indique le titre même de ce mémoire, une nouvelle fonction du bulbe. La fonction respi- ratoire proprement dite n'y est pour rien. Nous avons dans ce cas l'exemple remarquable d'un appa- reil — l'appareil respiratoire — qui sert à deux effets distincts : 1° La respiration proprement dite, phénomène chimique avec échange gazeux ; 2° La polypnée , phénomène physique avec exhalation d'eau et refroidissement. D'ailleurs, l'altération soudaine, etpresque sans transition, du rythme respiratoire, indique bien qu'il s'est produit un fait nouveau dans l'organisme. Les chiens, au moment où leur température centrale s'élève, ou bien au moment où l'excitation cutanée agit sur leurs centres bulbaires, ont presque subitement une respiration plus rapide. Ce n'est pas graduellement qu'ils se mettent à respirer aussi vite, c'est tout d'un coup. De 60, 70, 80 respirations par minute, leur rythme monte brusquement à 300 et 350. Après quelques essais de polypnée, essais plus ou moins prolongés, soudain la polypnée s'établit l. 1. L'expérience est surtout saisissante sur les animaux dont les pneumo- gastriques ont été coupés. Alors le rythme respiratoire est très lent : environ 10,12, 16 respirations, au maximum, par minute. S'ils sont exposés au soleil et échauffés, ils ne sont pas moins polypnéiques, 300 ou 3j0 respirations par POLYPNÉE TËERMIQUE. ',',:> C'est cet état physiologique, nécessaire ù la polypnée, que nous allons étudier. 111 La polypnée ne peut avoir lieu que si les pressions à l'inspiration et à l'expiration sont nulles. En 18(55, dans un mémoire important1, M. Marey a dé- montré la loi suivante, qui régit le rythme respiratoire. Plus la pression à vaincre V effort d'inspiration est forte, plus le rythme respiratoire est ralenti. De même, la pression à l'expiration ralentit l'expiration. M. Bert\ puis, plus récemment, M. Lan- gendorff3, ont repris cette expérience, et l'ont confirmée. M. Langendorff croit avoir en outre prouvé que le phéno- mène est d'ordre réflexe, car il n'aurait plus lieu après la sec- tion des deux nerfs pneumogastriques, nerfs sensibles des poumons. Comme la glotte est un orifice, plus ou moins resserré, offrant une certaine résistance, il s'ensuit que la respiration se faisant par la glotte est plus ralentie que lorsqu'elle se fail par la trachée. C'est ce qu'on vérifie facilement en faisant res- pirer un chien tantôt par la trachée ouverte, tantôt par la glotte. Dès qu'on ouvre la trachée, sa respiration, même nor- male, s'accélère. Afin de pouvoir reproduire l'expérience à vo- lonté, j'ai employé l'artifice suivant. J'ai fait construire par M. Yerdin une canule trachéale, en forme de T. Un bout est minute; mais, fait remarquable, il n'y a pas de gradation, de transition, entre ces deux rythmes divers. Le rythme passe subitement de l'extrême fréquence à l'extrême lenteur. Ce sont deux respirations tout à fait distinctes, et on com- prend qu'il s'agit de deux besoins de l'organisme qui sont bien différenciés : besoin d'oxygène pour la respiration lente, besoin de refroidissement pour la polypnée. 1. Journal de l'anatomie et de la physiologie, t. II, 1865, p. 42o. 2. Leçons sur la respiration, leçon XXIII, p. 408 (tig. 98). 3. Langendorff et Seelig, Archives de Pfluger, t. XXXIX, p. 223-237. 446 CHARLES RICHET. adapté à la partie inférieure de la trachée. Un autre bout est placé dans le bout supérieur de la trachée complètement sec- tionnée. Quant à la troisième branche, faisant saillie au cou, et à laquelle on peut adapter un tube de caoutchouc ou tout autre appareil, elle est munie d'une tige intérieure, mobile, qui peut faire passer le courant aérien, soit par le dehors, soit par le bout supérieur de la trachée et la glotte, soit à la fois par la glotte et par le dehors. Le but de cette disposition est de pouvoir diriger la respi- ration de l'animal soit par la glotte, soit par le dehors. Il suffit de pousser la tige mobile pour obtenir le passage par le dehors. En retirant un peu cette tige, le courant passe par la glotte, les narines et la gueule, absolument comme si le chien respi- rait normalement. Dans ces conditions, l'expérience donne toujours le même résultat très net. Dès que le courant aérien passe par la tra- chée, la respiration devient plus rapide, que le chien soit ou non chloralisé. Au contraire, dès que la respiration ne se fait plus que par la glotte, le rythme se ralentit. C'est là une expé- rience des plus simples, qu'on peut facilement répéter dans les cours et qui montre que la résistance de la glotte et des voies aériennes supérieures n'est pas négligeable. Grâce à la disposition de cette canule trachéale en T, on peut, sur le même animal, 10 ou i20 fois de suite, toujours avec le même succès, répéter cette expérience, qui paraîtra décisive. Si cette influence de la pression est nette quand il s'agit de la respiration normale, elle est bien plus évidente encore quand il s'agit de la polypnée. Alors, en effet, le ralentisse- ment est remarquable. La fréquence de la respiration cesse dès que la pression augmente quelque peu. Les tracés suivants indiquent bien ce phénomène. Dans les trois exemples graphiques qu'on a sous les yeux, il s'agit d'une augmentation de pression survenant pour des motifs divers. Dans le premier cas (fig. 85), il s'agit d'un chien rendu po- POLYPNÉE THEHMKJLI; 447 lypnéique par suite du séjour à l'étuve. Quand il respire par la trachée ouverte, la respiration est très fréquente; mais on adapte alors à sa trachée, en A, un tube de caoutchouc qui plonge dans le mercure au moyen d'une soupape de Mulleh. Alors aussitôt le rythme change, devient très lent, et prend la forme indiquée dans le graphique 2 de la même figure. (PaS', de /Pression rv s PR El S S 10 N; Fie. 80. — Influence de la pression sur le rythme respiratoire. A la ligne supérieure (1), polypnée d'un chien mis dans l'étuve, et respirant par la trachée ouverte. A la ligne inférieure (2), on voit combien l'interposition d'une colonne de mercure, de 6 centimètres seulement, a modifié le rythme. On peut même suivre sur les saccades do la courbe l'influence des soubresauts du mercure dans le tube qui sert a la fois à l'inspiration et à l'expiration. C'est la démonstration de la loi de M. Marey; mais elle est bien plus facile à établir ainsi, c'est-à-dire quand on expérimente sur des animaux polypnéiques, que sur des animaux respirant normalement. Dans la figure 81, on voit combien le fait de respirer avec ou sans muselière modifie le rythme de la respiration. La température de l'animal mis dans l'étuve depuis quelques instants est de 39°, 4. Tant qu'il a une muselière, il ne peut 448 CHARLES RICHET. respirer qu'avec une grande lenteur. Mais, dès qu'on lui en- lève la muselière, aussitôt le rythme s'accélère ; les respira- tions deviennent un peu moins amples, mais beaucoup plus fréquentes. Enfin le troisième cas est tout à fait intéressant (fig. 82j ; il s'agit d'un chien chloralisé assez profondément, mais non suf- fisamment pour que l'élévation de sa propre température à r^A A Avec Muselière. 39° i Sans Muselière . 39°. 4 Fig. 81. — Influence de la pression sur le rythme. Il s'agit d'un chien mis dans l'étuve muselé. Sa température est de 39". t. Tant qu'il a une muselière, il ne peut respirer que lentement (ligne 1); on le laisse respirer librement (a la gauche de la ligne 1), et alors aussitôt le rythme s'accélère ligne 2). L'amplitude des respirations va en diminuant de gauche à droite; car, dans la polypnée, l'amplitude est toujours faible. On notera aussi qu'il s'agit là d'une polypnée franchement réflexe; car la température rectale n'est que de 39°, 4; donc, pas d'échauffement des centres ner- veux. 42° ne détermine pas l'accélération du rythme. Comme il est chloralisé, lagueule ne peut être largement ouverte, ainsi que pour les chiens exposés au soleil, qui respirent en tirant la langue au dehors. Il est étendu sur la table, et, quoique po- lypnéique légèrement, respire la gueule fermée. Alors, en A, on lui tire la langue au dehors. Cette extension de la langue fait que la base de la langue ne vient plus s'appliquer sur l'ouverture de la glotte de manière à faire croître la résistance à l'air inspiré. Le résultat de cette traction de la langue est tout à fait remarquable. Le rythme s'accélère aussitôt, et les mouvements deviennent bien plus amples. En A, on laisse la langue retomber sur la glotte, et aussitôt le rythme lent re- paraît. Quand un chien estprofondément chloralisé, il n'a plus que POLYPNÉE THERMIQUE. 149 des forces inspiratrices extrêmement faibles, et là moindre pression à vaincre suffit pour faire obstacle à ses inspirations. Les chirurgiens, quand ils pratiquent empiriquement, dans h ehloroformisation profonde, l'extension de la langue, qui em- pêche l'asphyxie, agissent en diminuant la résistance à l'in- spiration. L'expérience suivante prouve la faiblesse des forces respi- ratoires chez les animaux profondément chloralisés. Un chien profondément chloralisé ne respire plus, sans Fig. 82. — Influence de la pression sur le rythme. 11 s'agit d'un chien chloralisé et mis dans l'étuve. Il n'a pas été trachéotomisé ; par conséquent, il respire par la glotte; mais, par suite de la chloralisation, il ne peut ouvrir largement la gueule et tirer la langue au dehors, comme les chiens normaux. Alors il y a une résistance qui se traduit par une polypnée très peu marquée. En A, de A a A', on lui tire fortement la langue au dehors avec une pince. Aussitôt le rythme change, et la polypnée apparaît, car la base de la langue ne vient plus faire obstacle à la glotte; et la pression à vaincre diminue. Dès qu'on laisse retomber la langue en arrière, le rythme plus lent revient. C'est sans doute une raison analogue qui fait que, dans la ehloroformisation, il est bon de tirer au dehors la langue du patient. Ce n'est pas, comme on le dit vulgairement, parce qu'il ai | Fin. 88. — Influence de l'électrisation sur la polypnée. A la ligne 1, polypnée d'un chien échauffé par l'électrisation, dont les pneumogas- triques ont été coupés et dont la trachée est ouverte. A la ligne 1, il n'est pas électrisé et respire par la trachée ouverte. A la ligue 2, on voit les effets de l'électricité. On a commencé l'électrisation entre les deux lignes, c'est-à-diro un quart de minute environ avant le début à gaucho de la ligne 2. La polypnée cesse et est remplacée par une respiration qui devient de plus on plus lente et qui tend à prendre le type respiratoire dos animaux dont les pneumogastriques ont été coupés. stationnaire ; mais le rythme s'accélère et devient, minute par minute, 158, 208, 224, 228. Nous examinerons tout à l'heure si cet arrêt de la po- lypnée est un effet de l'excès d'acide carbonique ou du défaut d'oxygène. Contentons-nous, pour le moment, d'établir que c'est un phénomène d'ordre chimique, l'altération du sang qui irrigue le bulbe. Pour cette expérience de l'électrisation, la section des nerfs vagues donne des résultats intéressants. A vrai dire, Je phéno- mène essentiellement n'a pas changé : c'est toujours l'arrêt de la polypnée par l'état asphyxique du sang; mais les manifes- tations sont beaucoup plus évidentes. Fia. ss bis (ligure réduite de moitié). — Influence de l'éiectrisation sur la polypnée. Répétition de la même expérience sur le même chien, trachéotomisé et aux deux pneumogastriques coupés. En haut, polypnée, alors qu'il peul respirer libre it. Entre les lignes 1 et 2, on a commencé à rélectriser ; d'ailleurs, dans ce tracé tes lignes Boni inscrites successivement, minute par minute, sans qu'il y ait entre deux lignes 'le la Sgure un intervalle plus grand que celui . j n " » l faut pour que le cylindre fasse un tour complot. La ligne •.' montre u-s eil'ets ,|«- l'eleetrisation : elle raient i les respii ot les rend de plus en plus lentes et profondes, si bien qu'à la ligne •'! elles on< â peu près repris le type de la respiration des chiens aux nerfs vagues sectionnés. On voit les tremblements musculaires marqués sur le tracé. — Entre la ligne 3 et la ligne i. on a cessé l'éiectrisation. Cependant, la dyspnée (type des pneumogastriques coupés continue. Cela prouve bien que. si l'électricité arrête la polypnée, ce n'est pas directement, niais par une action chimique, accumulation dans le sang d'acide carbonique qui ne peul dis- paraître que peu à peu. A la ligne 5, on voit que la respiration devienl de plus en plus fréquente, pour reprendre très franchement à la droite de cette ligne S le» type poly- pnéique du début. Ce tracé prouve, d'une part, que cette polypnée due à l'hyperthermie électrique n'était pas réflexe, mais centrale : d'autre part* que l'acide carbonique et l'asphyxie agissent, non par voie réflexe, mais par voie centrale. Tous cos phénomènes sont en définitive des modalités de l'automatisme bulbaire modifié par les qualités du sang, teneur en Co., et en <>. POLYPNÉE THERMIQUE. ',..i Suit mi chien dont les deux pneumogastriques ont été Coupés. 11 est soumis à La tétanisation électrique. D'abord, sa respiration est lente, comme celle de tous les chiens qui n'ont plus leurs nerfs vagues; mais peu à peu l'excitation violente de ses muscles, avec contractions toniques et cloniques, ré- pétées ei énergiques, détermine une hyperthermie qui pro- voque une tendance à la polypnée. Mais cette polypnée ne peut s'établir pleinement tant que dure l'électrisation. Au contraire, dès qu'on cesse l'électrisation, aussitôt la polypnée revient, et elle persiste tant que la température de ce chien est au-dessus de 40°. Si. alors, soudain on l'électrise de nouveau, on voit gra- duellement cesser la polypnée, et, malgré l'élévation ther- mique de son corps, la respiration devient de plus en plus lente, au point même de reprendre le rythme habituel des chiens aux pneumogastriques sectionnés. Ce qu'il y a dans cette expérience, maintes fois répétée, de remarquable, c'est que la dyspnée produite par l'électrisation ne disparait pas immédiatement. Quand on arrête l'électrisation, la dyspnée continue pendant quelques minutes; puis, assez brusquement, la polypnée reparaît. Les figures 14 et 14 bis en donnent l'exemple. 11 me semble que rien ne peut mieux prouver à quel point l'arrêt de la polypnée est un phénomène d'ordre chimique qui se passe dans l'intimité du bulbe, et qui est de nature non réflexe, mais centrale. En effet, les qualités de l'air extérieur n'ont pas changé; ce qui a changé, c'est uniquement la com- position du sang modifié par l'accroissement des combustions musculaires. Quand les pneumogastriques sont intacts, on voit bien quelque chose d'analogue; il se fait un certain ralentissement qui persiste assez longtemps, soit après l'asphyxie, soit après l'électrisation ; mais l'effet est moins net et surtout moins prolongé qu'après la section des vagues. Pour expliquer cette différence, il faut recourir à l'hypo- 462 CHARLES RICHET. thèse de Rosenthal, hypothèse à peu près universellement adoptée, que les nerfs vagues contiennent des filets centri- pètes qui arrêtent l'effort d'inspiration, de sorte que, dans une inspiration normale, chaque effort inspiratoire est arrêté par l'excitation que détermine dans le poumon, sur les terminai- sons des vagues, le courant de l'air inspiré. On comprend alors ce qui se produit dans notre expé- Fig. 89. — Influence des excitatations réflexes pour produire ou arrêter la polypnée. Chien mis dans l'étuve. Ligne 4, polypnée réflexe. Alors on le retire de l'étuve et on l'inonde d'eau froide. Le rythme change aussitôt dans l'énorme proportion qu'on voit ici, alors que la température se modifie à peine. — A 40°, 6, la polypnée n'est pas encore cen- trale. C'est seulement vers 41°, 4 que l'échauffement des centres nerveux suffit, sans exci- tant réflexe, pour accélérer autant le rythme. rience. Nous avons, dans le rythme et la forme des respi- rations, l'image fidèle des états par lesquels passe le bulbe. Quand les nerfs vagues ont été coupés, chaque inspiration est une sorte de tétanisation prolongée, provoquée par les modifications du sang ; au contraire, quand les vagues sont in- tacts, cette tétanisation commence, — c'est l'effet inspiratoire ; mais elle se trouve aussitôt modifiée et arrêtée par l'excita- tion centripète que l'air inspiré produit dans les terminaisons nerveuses pulmonaires. POLYPNÉE THERMKJUE. 403 Nous pouvons donc regarder comme démontré que l'apnée est nécessaire à la polypnée; par conséquent, l'animal thermo- polypnéique respire, non pour absorber de l'oxygène et pour exhaler de l'acide carbonique, mais pour exhaler de la vapeur d'eau. Ce qui complique quelque peu le phénomène, c'est d'abord que la polypnée thermique rétlexe ne s'établit pas immédia- ment, c'est-à-dire dès que le milieu ambiant est chaud ; c'est ensuite qu'elle ne cesse pas tout de suite, c'est-à-dire dès que le milieu ambiant se refroidit; c'est enfin que, même dans le cas de polypnée centrale, les excitations réflexes conservent encore leur influence (fig. 89). Quelque intéressante que soit l'étude de ces diverses questions, je ne puis les aborder ici. Quelques expériences complémentaires doivent être faites encore pour préciser cer- tains points de détail. V Un excès d'acide carbonique dans le sang empêche la polypnée. Tout ce que nous avons dit jusqu'ici de l'asphyxie et de ses effets sur la polypnée s'applique aussi bien à l'absence d'oxygène qu'à l'excès d'acide carbonique. Il était important de décider laquelle de ces deux influences détermine l'arrêt de la polypnée. Le rôle du défaut d'oxygène ou de l'excès d'acide carbonique est, comme on sait, une des questions les plus graves et les plus controversées de la physiologie. Or il se trouve que l'étude des animaux polypnéiques per- met de résoudre le problème, non pas évidemment sous toutes 464 CHARLES RICHET. ses faces, mais au point de vue spécial de l'excitation bulbaire par le gaz carbonique du sang. Si l'on fait respirer à un chien rendu polypnéique parl'hy- perthermie un mélange à parties égales d'oxygène et d'acide carbonique, quoique l'oxygène soit en grand excès, il y a un énorme ralentissement du rythme. Toujours l'expérience réussit, et elle est, ce semble, très concluante. Les tracés ci-joints, dont la légende; détaillée donne l'explication complète, sont démonstratifs, et on les fWWA wtmmwmwmiwwi TRACHEOTOMIE MEL DE 0 E.\T DE CO Fig. 90. — Influence de la pression glotdque et de l'acide carbonique inspiré sur le rythme. Chien légèrement polypnéique par suite de réchauffement au soleil. Comme il est chlor*lisé, sa respiration ne peut se faire en tirant la langue au dehors. Sa température est de 41° environ. A la ligne l.on voit sa respiration normale, c'est-à-dire par la glotte et les voies aériennes supérieures, gueule et narines. Entre les lignes 1 et 2. on a fait la trachéotomie. Alors le rythme est aussitôt plus rapide, et les respirations moins amples. Entre les lignes 2 et 3, on lui fait respirer un mélange de 40 parties d'oxygène et de 60 parties d'acide carbonique; les respirations deviennent plus profondes et plus lentes. L'expérience est d'une netteté absolue pour montrer l'effet ralentissant de l'acide carbo- nique. comprendra mieux qu'une longue discussion ou un récit d'ex- périences, avec des chiffres multiples. J'insiste surtout sur un fait: c'est que les nerfs vagues ne sont pour rien dans cet arrêt de la polypnée. On eût pu, à la rigueur, admettre que l'acide carbonique qui se trouve en grand excès dans l'air inspiré va porter son action sur les ter- minaisons des vagues dans les poumons. Peut-être, à l'état P'OUYPNÉE THERMIQl i: WS aormal, chez des animaux intacts, y a-t-il quelque action de ce genre; mais il me parait qu'elle esl très faible, à peine appréciable. On peul même dire que la section des pneumogastriques, au lieu de diminuer L'influence que l'acide carbonique exerce sur l'arrêt de la polypnée, l'augmente. L arrêt de l;i poîypnée est bien plus net el plus prolongé quand les nerfs vagues sont coupés que quand ils sont intacts. N'est-ce pas là une démon- stration tout à fait irréfutable que ce u est pas leur excitation dans les alvéoles pulmonaires qui va par voie réflexe arrêter le rythme fréquent? Ce qui prouve encore que cet arrêt polypnéique n'est pas un phénomène réflexe, c'est que la polypnée ne reparaît pas, même quand la cause d'arrêt est supprimée. La figure 92 en est un exemple. Il n'y a eu que cinq inspirations d'air chargé d'acide carbonique, et cependant, pendant près de trois mi- nutes, le rythme a été énormément ralenti par ces cinq uniques inspirations. Comment expliquer cela, sinon par la pénétration dans le sang d'un grand excès d'acide carbonique, qui, étant en excès dans le sang, agit sur le bulbe pour arrêter la polypnée. Il est vrai que l'effet survient presque immédiatement. Mais ela n'a rien qui doive surprendre, si l'on songe à l'extrême vitesse avec laquelle se fait la circulation. Il ne faut guère plus de trois ou quatre secondes pour que le sang* artériel parvienne du poumon aux centres nerveux par les grosses artères carotides et vertébrales. Et alors tout de suite le bulbe est actionné par ce grand excès d'acide carbonique puisé dans le poumon. Les animaux profondément chloralisés se comportent à peu près vis-à-vis de l'acide carbonique et de l'asphyxie comme les animaux non chloralisés. Il est vrai que, quand la dose de chloral est forte, la polypnée n'est jamais très rapide ; mais, si peu rapide qu'elle soit, toujours elle est arrêtée par l'asphyxie. C'est même un fait bien curieux qu'un animal TOME I. 30 466 CHARLES HICHKT. Fig. 91 (figure réduite de moitié comme la figure précédente et les trois figures suivantes). — Influence de l'acide carbonique inspiré sur la polypnée. Chien aux pneumogastriques coupés, et à la trachée ouverte, exposé au soleil: il est chloralisé, mais pas très profondément. En haut, ou voit sa respiration polypnéique régu- lière. Entre les lignes let2, qui se suivent sans intervalle autre que le temps nécessaire pour un tour du cylindre, ou t'ait respirer un mélange de 4(J parties d'acide carbonique et 60 parties d'oxygène. Les respiratious deviennent plus profondes et plus lentes. Eu suivant la ligne 2. de gauche à droite, ou voit que la lenteur va en croissant assez vite. Comme pour la figures? 6(.v, les lignes de cette figure se suivent toutes sans interruption. Entre les lignes 2 et 3, ou a rétabli la liberté de la trachée, et l'animal respire à l'air libre. Alors le rythme devient polypnéique. A la ligne l. en A. on fait respirer le même mélange, Aussitôt le rythme se ralentit, mais ce ralentissement est progressif, si bieu qu'il n'a acquis son entier développement qu'au milieu de la ligue j, aux mots indiqués sur le POLYPNÉE THERMIQ1 E. 407 tracé : FIN DU MÉL. — C'est là nne preuve formelle que le phénomène est chimique, et non physique. Lu milieu delà ligne 5, on laisse l'animal respirer librement néanmoins lersiste, el persiste longtemps, probablement par suite de l'accumulati le i ai ide carbonique dans le sang, Aussi, dans les lignes 8 et '. où la courbe n'est indiquée qu'in- compli les sommets seulement des expirations), pour plus de clarté, voit-on le type lent des respirations, qu'on peut appeler le type pneumogastrique, continuer malgré l'élévation thermique, et, quoique la respiration so fasse alors à l'air libre, il faut comparer ce tracé avec oelui de la ligure 87; le phénomène est, identique. Seulement, dans ce cas ci, l'excès d'acido carbonique dans le sang est dû à l'inspiration d'un mélange riche en acide carbonique, tandis que, dans la figure 8", l'excès d'acide carbonique est dû à la tétanisation éloctriquo. m mi SUJTE \,DE LASPHYX1E \{X L\ hj\ ~\ nnn I II I RET. A LA POLYPNEE in nro n nn n n \- V A , Fig. 02. — Influence de l'acide carbonique inspiré sur la polypnée. Chien polypnéique par hypertherinie chloralisé et aux deux pneumogastriques coupés. Les lignes se suivent sans interruption. A la ligue 1, on voit sa polypnée thermique: Aux points où sont marquas sur le tracé les mots COs 1, CO2 2, etc., jusqu'à FIN DU CO* 1,2. :?. I. 5, "ii introduit dans la trachée, sans modifier la pression, un jet d'acide carbonique. Les respirations se modifient, peu d'abord, puis de plus eu plus. Alors on ne fait plus passer d'acide carbonique. Pourtant elles sont ralenties, ligne 2, à. partir du point où est inscrit le mot FIN DU CO-. A la ligne 2. la respiration se fait librement. mais elle est très lente, avec le type normal des chiens aux nerfs vagues coupés. A la Ligne :i. probablement parce que l'acide carbonique est en partie éliminé, on voit quelque tendance à revenir à la polypnée. En effet, il y a des groupes de deux, trois, ou quatre respirations fréquentes, qui alternent avec des respirations plus lentes. La polypnée est complètement rétablie à la ligne l. 408 CHARLES RICHET, complètement anesthésié, ne réagissant pins à aucune excita- tion, mais modifiant aussitôt son rythme respiratoire sous l'influence d'un changement de composition de l'air inspiré. L'expérience réussit aussi sur les chiens chloralisés dont on a coupé les pneumogastriques. Ils sont légèrement poly- SEGT.\DES/ P.G. AIR MEL.DE 0 ET DE CO Fig. 93. — Influence de l'acide carbonique inspire sur la respiration normale. Chien trachéotomisé, dont les deux pneumogastriques ont été coupés et qui respire dans l'air ordinaire sur la ligne 1. Entre les lignes 1 et 2. on lui a fait respirer un mé- lange de 40 parties d'acide carbonique et 60 parties d'oxygène. Ce mélange a accéléré sa respiration, comme on lo voit à la ligne 2. Ainsi l'acide carbonique qui accélère les respirations lentes ralentit les respirations rapides. Il y a un rythme asphyxiqué (par CO"2), qui est intermédiaire entre les respira- tions polypnéiques et les respirations lentes (type des vagues coupés). pnéiques ; mais le rythme change dès que l'acide carbonique est en excès dans leur sang, ou, ce qui revient au même, dans l'air qu'ils respirent. C'est là une démonstration formelle de la nature centrale, non réflexe, du phénomène (arrêt de la polypnée par CO2), puisque ni la chloralisation ni la section des pneumogastriques ne l'empêchent de se produire. En un mot, tant que le bulbe conserve son pouvoir excito- moteur des muscles de la respiration, il conserve aussi ses réactions aux altérations chimiques du sang qui l'irrigue, réactions qui se traduisent par des changements de rythme. Il me paraît bien vraisemblable que la principale altération chimique capable de produire l'arrêt de la polypnée, c'est l'excès d'acide carbonique dans le sang; mais il faudrait pourtant, ce que je n'ai pu encore réaliser d'une manière irré- POLYP^ÉE THERMIQUE. 469 prochable, étudier l'influence delà diminution de l'oxygène, et voir si relie diminution d'oxygène est capable, elle aussi, de suspendre la poJypnée, comme le fait l'excès d'acide carbo- nique. Le gaz acide carbonique arrête la polypnéc : c'est un fait absolument avéré : et cet arrêl se fait par une action sur les rentres nerveux; mais il reste à voir si la privation d'oxy- gène ne déterminerait pas un effet analogue. CONCLUSION J'ai voulu, dans ce court travail, qui est l'exposé sommaire de longues et nombreuses expériences, et où les tracés joints aux textes sont plus importants à étudier que le texte lui- même, donner une idée de cette fonction spéciale du système nerveux qui est Yexhalation de vapeur d'eau. Chez les animaux à peau nue, la vapeur d'eau s'exhale par la peau, et le froid se produit par l'évaporation cutanée; mais, chez les animaux à peau épaisse, l'exhalation et le froid qui en résulte se font par les poumons. Pour que cette fonction, tantôt réflexe, tantôt centrale — centrale dans le cas spécial où le réflexe est insuffisant, — se fasse intégralement, il faut que l'échange gazeux pulmonaire ne soit pas nécessaire. Dès que l'animal a besoin de respirer, le rythme change, et l'exhalation de vapeur d'eau ne peut plus se faire avec une intensité suffisante pour amener le re- froidissement. L'animal respire alors, non pour se refroidir, mais pour se débarrasser de son acide carbonique ou pour prendre de l'oxygène. Cette fonction hypothermisante de la respiration ne peut donc s'exercer pleinement que quand la fonction chimique est complètement satisfaite. XV DES ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME1 Par MM. M. Hanriot et Charles Richet. Description de l'appareil et de la méthode employée. Voici quel est le principe de notre méthode : Etant donnée une inspiration de volume quelconque, le volume d'air expiré contient en moins une certaine quantité A d'oxygène, et en plus une certaine quantité A' d'acide car- bonique. Si donc on mesure exactement le volume d'air in- spiré et le volume d'air expiré, on ne pourra en déduire ni l'oxy- gène absorbé ni l'acide carbonique produit; mais il suffira de mesurer l'air expiré privé de son acide carbonique pour avoir un troisième nombre, qui permettra de connaître à la fois l'oxygène et l'acide carbonique. En effet, soit V le volume d'air inspiré, Y1 le volume d'air expiré, V2 le volume d'air expiré privé d'acide carbonique il 1. Notre première communication à ce sujet date du 18 décembre 1886 [Bulletin de la Société de biologie, t. XXXVIII. p. 621 ; 1886 . ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. \1\ est évident ns cherchons, et que V — V-' donne la quantité A d'oxygène. Posé ainsi. le problème devient assez simple; il se réduit à ces deux termes : 1° mesurer exactement le volume des gaz inspirés et expirés; 2° absorber rapidement et sans pression l'acide carbonique. § 1. — De la mesure des gaz par les compteurs. Ces compteurs sont des compteurs à gaz. identiques, quant au principe, aux compteurs à gaz ordinaires, mais construits avec un soin tout spécial. De fait, ils permettent de mesurer 1 mètre cube, par exemple, avec une grande approximation. Voici quelques expériences qui donneront l'indication de la précision de ces appareils. On faisait passer la même quan- tité d'air saturé d'humidité successivement dans les deux compteurs A et B. Compteur A. Compteur B. lit. lit. 0.0 0,0 200 199, 9o 300 300,00 600 600,00 700 700,00 1000 1000,05 1 100 1 100,00 1200 I 199,93 1500. ...... 1499,90 1700 1699,83 Une autre expérience a été faite en faisant passer du - iz d'éclairage : Compteur A. Compteur B. lit. lit. 0,0 0,0 820,0 820,1 1620,0 1620,2 2150,0 2151,0 2460,0. ...... 2460,9 472 M. HA MU ni ET Cil. HIC II Kl. On voit que nous avons ainsi une erreur de 1/10 000 en- viron, erreur qui esl négligeable. Mais une objection grave se présente : cette erreur, négli- geable quand il s'agit de 1 000 ou 2 000 litres, devient très importante lorsqu'il s'agit de 50 ou 400 litres. Et, en effet, les compteurs sont divisés en litres et vingtièmes de litre, de telle sorte que l'erreur d'une unité représente 50 centimètres cubes, ce qui, en plus ou en moins, donne une variation maximum de 100 centimètres cubes : or, comme l'autre compteur comporte une erreur analogue, en supposant que les deux erreurs s'ajou- tent, cela fait une erreur maximum de 200 centimètres cubes. Or cette erreur, considérable s'il s'agit de mesurer la respiration d'un petit animal, ou même d'un être plus gros pendant un temps très court, devient négligeable si la mesure se fait pendant plus d'une demi-heure chez l'homme. En effet, un homme adulte expire à peu près 15 litres de CO2 en une heure. Nous pouvons donc avoir, au lieu de 15 li- tres, lom ,100 ou 111" ,900, ce qui ne change vraiment pas les conclusions qu'on peut déduire de ce chiffre. L'erreur maximum étant donc de-0,100 en plusou 0,100 en moins, avec 1 litre, nous avons une erreur de 1/10; avec 10 litres, l'erreur n'est que de 1/100. On peut encore accepter une erreur de 1 20, de sorte que nous considérerons comme valables les expériences où la quantité de CO2 produite a été de 2 litres au moins. Cependant, cette cause d'erreur, qui dépend de la lecture sur le cadran du compteur, n'est pas celle qu'il est le plus dif- ficile d'éviter; car nous avons donné pour l'erreur des chiffres extrêmes, et dans la pratique nous lisons facilement des diffé- rences de 25 centimètres cultes. La vraie cause d'erreur est dans le réglage des compteurs. Ils ont besoin d'être réglés avec un grand soin ; ce qu'on obtient sans peine en faisant passer successivement 2 ou 3 mètres cubes d'air cà travers les trois appareils. En ajoutant ou en enlevant un peu d'eau, on obtient un réglage parfait. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 473 Mais ils se dérèglent vite, car, pendant la respiration, ils se chargent ou se dépouillenl d'eau inégalement, de sorte qu'il faut très souvenl vérifier s'ils sont bien réglés. Chacun de ces compteurs mesure 2.vi litres d'air pour un tour1; une grande aiguille indique les divisions en litres el vingtièmes de litre; une petite aiguille, avec un petit cadran, compte le nombre des tours; une autre aiguille, avec un autre petit cadran, compte le nombre de mètres cubes. Pour lire facilement les volumes marqués par l'aiguille, nous avons fait construire une aiguille dont la pointe passe dans un petit godet d'encre; cette pointe émoussée est fixée sur une lige mobile, et cette tige peut être repoussée par un léger eboc. Quand le choc a lieu, l'aiguille traverse le godet d'encre, et une inscription, marquée par un petit point très apparent, a lieu sur le cadran. C'est par le eboe d'un petit électro-aimant que nous met- tons en jeu les aiguilles. On voit qu'à un moment donné les trois aiguilles vont simultanément laisser leurs traces sur les cadrans2. Cette disposition est nécessaire dans une expérience où la respiration se fait rapidement: car, à l'œil, on ne peut distin- guer le point où se sont arrêtées les aiguilles. Diverses objections peuvent être faites à la mensuration par les compteurs : la première, c'est l'inégalité dans la satu- ration de l'air en vapeur d'eau ; la deuxième, c'est, l'inégalité de la température, et enfin la troisième, c'est l'absorption d'acide carbonique par l'eau des compteurs. Xous allons examiner séparément ces trois objections : 1° L'air inspiré est saturé de vapeur d'eau, car on le fait passer à travers un barboteur où il se sature d'humidité. 11 1. Nous en avons plus récemment fait construire trois autres qui mesurent 50 litres. 2. Cette aiguille, d'une construction assez délicate, a été faite sur nos indi- cations par M. DuCRETET. 474 M. BÀNRIOT ET CH. KICHET. est donc mesuré humide. De même, pour le compteur n° 2, le gaz est aussi mesuré humide, puisque c'est le gaz expiré qui sort des poumons chargé de vapeur d'eau, et qui, en outre, passe à travers un autre barboteur. Quant au troisième comp- teur, le gaz qu'il doit mesurer, ayant été privé d'eau par le passage à travers la colonne de potasse, doit être de nouveau saturé de vapeur d'eau. Pour cela, il passe à travers une longue colonne où les boules de verre superposées reçoivent de l'eau de chaux qui a sensiblement la même tension de vapeur que l'eau. Ainsi dans les trois compteurs arrive de l'air saturé de vapeur d'eau. 2° La température du barboteur où passe le gaz expiré reste constante, par suite de la chaleur spécifique très faible du gaz. Il s'ensuit que dans les trois compteurs la tempéra- ture reste la même : le volume considérable (25 litres) des compteurs avec une masse d'eau de près de 40 litres fait que la circulation d'air est assez lente pour que les gaz se refroi- dissent absolument et également. L'expérience directe nous a d'ailleurs démontré qu'en faisant passer de l'air chaud à tra- vers un barboteur on refroidit le gaz assez pour qu'on puisse en prendre une mesure très exacte, aussi exacte que si l'on avait fait passer de l'air froid. 3° On pouvait craindre que dans le deuxième compteur, celui où passe l'air expiré avant l'absorption par la potasse, il y eût par l'eau du compteur absorption d'une quantité notable d'acide carbonique. En effet, il y a là une masse de 40 litres d'eau qui pourrait absorber une quantité appréciable de ce gaz. Soit la tension de l'acide carbonique expiré égale en moyenne à 4 p. 100, cela fait pour 40 litres d'eau environ 1 li- tre de CO'2 à 0°. Mais d'abord la température est plus élevée que 0°; de plus, la tension de CO2 est rarement de 4 p. 100; de sorte que l'eau du compteur ne pourrait absorber, en géné- ral, qu'un demi-litre de CO2. On voit qu'il suffit alors de ne commencer les mesures qu'après avoir fait passer au préalable dans le compteur une certaine quantité des gaz de l'expiration, ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. H5 de manière à saturer à peu près de CO- l'eau qu'il contient. D'ailleurs l'expérience, qui, en pareille matière, juge souve- rainement, nous a permis de retrouver très exactement les quantités d'acide carbonique que nous avions introduites dans de l'air circulant à travers nos deux compteurs. Quant aux corrections de température et dépression, elles peuvent se taire très facilement. Pour la température, on me- sure la température de l'eau des barboteurs ou des compteurs, lesquels, par suite de leur masse épaisse, ne subissent que très lentement l'influence des variations de la température ambiante. Quant à la mesure de la pression, elle est relative- ment plus difficile, par suite de la hauteur, forcément assez variable suivant les conditions d'expérience, des barboteurs et des appareils d'absorption. Aussi, en général, n'en avons-nous pas tenu compte, car c'est une minime variation qui ne change guère le résultat final de l'expérience. Il ne faut pas perdre de vue que cet appareil ne donne pas la mesure rigoureuse du gaz carbonique produit, et que nous ne pouvons indiquer avec certitude les centièmes de litre; mais les écarts physiologiques sont tels que, si l'on donne la première décimale avec quelque certitude, on doit estimer avoir obtenu un résultat satisfaisant. vj v2. — De l'absorption de £ acide carbonique. Pour réaliser l'absorption de l'acide carbonique, il fallait éviter une pression trop forte et cependant multiplier les contacts du gaz avec les corps qui devaient l'absorber. Nous avons résolu le problème en faisant tomber une pluie de po- tasse caustique par un tourniquet hydraulique dans une longue éprouvette remplie de boules de verre. Ainsi la potasse, en tombant, se dissémine à l'extérieur de ses boules (environ 300 dans l'éprouvette), et ainsi se trouve assurée la dissémination de la potasse sur une très vaste surface. Pour que l'écoulement delà potasse puisse être facilement 470 M. HANRIOT ET Cil. RICHET. réglé, nous ne pouvions songera nous servir de robinets en verre ou en métal, qui eussent été trop facilement attaqués. Nous avons employé une fermeture hydraulique : le tube amenant la potasse plonge dans une éprouvette contenant une colonne de mercure dont la hauteur peut être modifiée au moyen d'un réservoir de mercure placé à des hauteurs varia- bles. Dès que la hauteur de mercure ne contre-balance plus la pression de la potasse, celle-ci s'écoule, et ne s'arrête que lorsque l'on augmente la hauteur du mercure. On peut ainsi avoir un écoulement très faible ou très rapide, et la gradua- tion est plus facile qu'avec un robinet. En bas de l'éprouvette où a lieu l'absorption d'acide car- bonique est un siphon recourbé plongeant dans le liquide et disposé de telle sorte que, l'écoulement de la potasse étant par le haut continu, l'écoulement par le bas maintienne le niveau constant. Ainsi, par le passage dans cette grande éprouvette. l'air expiré, dont le volume a été inscrit parle deuxième compteur, se dépouille de son acide carbonique. Mais, comme il reste encore quelques traces d'acide carbonique, et que, d'autre part, il faut saturer l'air d'eau, nous avons dû le faire passer dans une seconde grande éprouvette semblable à la première, rem- plie aussi de boules de verre, dans laquelle tombe de l'eau de chaux par un tourniquet. Cette eau de chaux s'écoule par le bas au moyen d'un siphon à niveau constant amorcé comme dans la première éprouvette. Nous avons ainsi deux grandes éprouvettes (de 25 litres chacune) où le gaz expiré est en con- tact avec de larges surfaces, baignées par de la potasse dans la première éprouvette et par de l'eau de chaux dans la se- conde. L'eau de chaux est facilement obtenue en faisant passer un courant d'eau dans un grand sac rempli de chaux. L'eau passant à travers le sac se charge de chaux en subissant une grossière filtration tout à fait suffisante. Cette eau de chaux, n'ayant pas de valeur vénale, n'est pas ÉCHÀNGJES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 177 recueillie aprèsavoii servi à L'absorption de l'acide carbonique ; il n'en esl pas de même pour la potasse, qui doit être employée concentrée : elle retombe dans un récipient placé sous la lable. Comme les manipulations de la potasse sont toujours désa- gréables, il importe de pouvoir la faire remonter automatique- ment. A cel effet le récipienl supérieur, d'où tombe la potasse, esl hermétiquement fermé, de sorte qu'on y peuL faire le vide par la trompe. A ce récipient est adapté un tube, àitpiongeur, par lequel la potasse est aspirée. Un autre tube sort de ce récipient pour actionner le robinet, et, enfin, un troisième tube (tube de Mariotte) sert à rétablir la pression atmosphérique quand on veut déterminer l'écoulement de la potasse. Cette potasse peut servir pendant très longtemps. Avec 200 kilogrammes de lessive de potasse on peut faire de quo- tidiennes expériences pendant près d'un an. Les seules conditions nécessaires pour que tout se passe régulièrement, c'est d'abord l'herméticité absolue de tous les appareils. Il faut que les grandes éprouvettes soient munies dans le haut d'un large bouchon de caoutchouc et que les aju- tages soient solidement adaptés par de bons tubes de caout- chouc. Les tubes doivent être assez larges : d'abord le tube qui sert à faire monter la potasse doit être large pour que l'as- cension de la potasse se fasse aussi rapidement que possible. Avec un large tube et une bonne trompe aspirante (les trompes aspirantes faisant bien le vide sont les trompes en verre, mo- dèle Alvergniat; les autres systèmes de trompes métalliques sont tous plus ou moins défectueux) on peut faire monter à 4 mètres de hauteur 200 litres de potasse en une demi-heure. Les autres tubes pour les siphons à niveau constant doi- vent être aussi assez larges pour qu'il y ait toujours un écou- lement facile, quelle que soit la quantité de liquide tombant par le haut : autrement dit, les siphons doivent toujours être d'un diamètre double du diamètre des tubes apportant la potasse ou la chaux. Dans ces conditions, l'absorption de l'acide carbonique est 478 M. HANRIOT ET CH. RIGHET. facile, complète, et il n'y a pas de causes d'erreurs autres que le manque de sensibilité de l'appareil pour les petites quan- tités à doser. Il importe cependant aussi de connaître une condition essentielle inhérente a l'appareil. Par suite des dimensions considérables des éprouvettes, des tubes de caoutchouc, et surtout des compteurs, l'inscription différentielle entre le deuxième et le troisième compteur comporte un certain retard. Pour prendre un exemple, soit un petit chien de S kilo- grammes, avant une ventilation d'environ 7") litres en une heure, s'il est chloralisé, il faudra le laisser respirer pendant près dune demi-heure avant de prendre une mesure valable; car, pendant la première demi-heure, les compteurs et les éprouvettes n'auront fait que se remplir des gaz expirés, sans que l'inscription de ces gaz expirés ait pu se faire dans le troisième compteur. Il y a donc un retard dans l'inscription des phénomènes, retard de dix minutes, d'un quart d'heure ou d'une demi-heure, suivant les cas. C'est certainement un inconvénient sérieux auquel on ne peut remédier qu'en faisant une expérience de quelque durée. Nous nous permettrons à ce propos de faire remarquer que jusqu'ici aucun appareil ne donnait la courbe complète, ininterrompue, des phénomènes chimiques de la respiration. La courbe que nous obtenons est exacte, mais légèrement retardée. § 3. — De quelques autres dispositions de l'appareil. Nous laisserons de côté la description de notre méthode pour enregistrer l'acide carbonique produit (inscription de la vitesse différentielle du deuxième et du troisième compteur). En effet, nous n'avons eu que rarement, dans ces expériences, ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 479 l'occasion d'employer cet appareil. Il donne pins de précision, mais malheureusement il est assez compliqué. Quelques mois suffiront pour expliquer les systèmes de masques et « 1 * * soupapes employés. La soupape a été construite sur le principe de la soupape de Muller. M. Alvergniat nous en a construit une tout en verre qui est modérément fragile et d'un emploi extrêmement commode. Elle est tout d'une pièce; le diamètre des tubes d'aspiration ou d'expiration est de 2 centimètres, c'est-à-dire très large, de sorte que les mouvements respiratoires ne ren- contrent pas de résistance due à l'étroitesse des conduits. On peut la remplir d'eau (ou de mercure dans les cas spéciaux où l'on veut une forte pression). Un petit ajutage à la base de l'une et l'autre colonne de liquide permet d'y introduire de l'eau ou d'en enlever selon les besoins. D'ailleurs, en incli- nant l'appareil plus ou moins, on rend la pression plus ou moins forte. Certes, il y a un inconvénient manifeste à faire respirer avec une pression de 1, 2, 3 et 4 centimètres cubes d'eau à l'inspiration et à l'expiration à la fois. Ce n'est pas tout à fait la respiration normale; mais, quoique ce ne soit pas la respi- ration normale, cela en est très proche, car la pression de 2 centimètres cubes d'eau n'est pas pénible, et, si l'on s'en aperçoit, cependant on n'en souffre pas. Pendant trois, qua- tre, cinq et même six heures, on peut respirer ainsi dans l'ap- pareil, presque s'y endormir. Les masques ou appareils respiratoires que nous avons employés ne sont pas très satisfaisants. Malgré de nombreux essais, nous n'avons pas trouvé le moyen d'avoir un masque présentant les deux conditions suivantes : 1° De ne pas gêner la respiration du patient; 2° D'être absolument hermétique, quelles que soient la rapidité et la force des respirations. Le plus souvent c'est ainsi que la respiration se faisait : une petite pince à pression était appliquée sur le nez (ce qui 480 M. HANRIOT ET CH. RICIIET. est assez désagréable a la longue), et dans la bouche nous placions un gros embout de caoutchouc avec une lamelle de caoutchouc entre les gencives et les lèvres. Une bande de caoutchouc faisant le tour de la tète appliquait les lèvres contre cette lamelle et ne laissait passer que l'embout, auquel on adaptait un tube de caoutchouc. Cette disposition générale est assez analogue au ferme-bouche Denayrouse. Nous avons fait aussi construire par M. Galante divers masques en caoutchouc qui nous ont rendu quelques ser- vices. Le principal dispositif de ces masques consiste en une double membrane de caoutchouc formant un sac n'ayant qu'une seule petite ouverture. Si l'on gonfle ce sac, on com- prime la poche intérieure. Après avoir placé la tète du patient dans la poche intérieure, on insuffle le sac, et cela fait une pression qui se répartit sur toutes les anfractuosités de la face et qui applique exactement la paroi interne du sac contre la peau. Un ajutage fait communiquer l'extérieur avec l'endroit où se trouvent placés la bouche et le nez, de sorte que l'indi- vidu dont la tète est enfermée dans ce masque de caoutchouc peut facilement respirer, sans que l'air s'échappe ou pénètre par d'autres points que par l'ajutage susdit. II Échanges respiratoires et ventilation. § 1. — Des échanges respiratoires en moyenne. A. Moyenne générale. — Nos expériences ont porté toutes, sauf de très rares exceptions, sur le même individu. Il s'agis- sait d'un homme de quarante-huit ans environ, pesant, le 16 mars 1887, 48 kilos, et lc30juindela même année o2 kilos. Du 11) mars au -i0 juin, c'est-à-dire pendant trois mois et demi, nous avons pu faire avec lui de nombreuses expériences. Il M II INGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. m ne se passai! pas de jour que nous ne fissions 2 ou .'{ dosages, et même parfois davantage. De là une grande quantité de chiffres, qui sont cerlaine- VENTILATION IN \ i . I 1 MIS par kilogr, .•I par heure. EN l'OH mi:s. i N POIDS par kilogr. par heure. POUR 100 VOL. EXPIRÉS <1 1 lel VOl. . 0*? Jeûne (moyenne de 36 expérii uces Moyenne. Maximum. Minimum . 8,54 0,78 0,92 0,64 0,492 0,580 0,429 Digestion (moyenne de 8G expériences) Moyenne. Maximum. Minimum. 9,37 0,84 1,25 0,64 0,569 Travail (moyenne de 48 expériences)1 Moyenne. Maximum Minimum 12,64 22.90 9,6 0,87 1,11? 0,52? 0,893 3,25 4,00 2,25 3,28 4,12 2 2S :j,70 5,45 2.68 1. Le rapport de CO- à o- ne peut pas être déterminé avec une précision absolue dans le cas de travail musculaire énergique ; car, toutes les fois que la ventilation est très forte, il se fait par le masque de petites fuites, vraiment insi- gnifiantes au point de vue de la ventilation totale, ou de la quantité de CO-, mais très importantes pour juger le rapport des deux gaz. En effet, supposons en un quart d'heure une ventilation de 1001'1 avec une pro- duction de COs = 4 '■ , et une absorption de O2 =5 lil. S'il y a une fuite entre l'inspiration et l'expiration, au lieu de retrouver I01lil,je retrouverai au compteur n° 2,100.5 : cela fera une erreur bien faible pour CO2. Au lieu d'avoir 4ut, soit par kilogramme et par heure. 0e',57G, nous aurons 0,573: ce qui n'a que peu d'impor- tance; mais le rapport de CO* à O* sera tout à fait différent : étant dans le premier cas de 0,80, et dans le second cas (avec uue très faible fuite) de 0.72. L'ensemble du rapport de COe à O* dans le travail musculaire, tel qu'il résulte de nos chiffres, est certainement exact; mais les minima et les niaxima, coïncidant avec un travail musculaire très énergique, ne le sont pas, car de très faibles fuites par les mas- ques ont pu altérer le résultat. ment plus considérables, pensons-nous, que l'ensemble des chiffres obtenus jusqu'ici : ils nous permettent d'établir des 31 482 M. HANRIOT ET Cil. HIC H ET. moyennes, ce qui élimine les écarts accidentels. La ventila- tion totale porte sur 96S42ut,2o. La quantité de CO2 a été de 3431ut,90, et la quantité d'oxygène égale à i077ut,80. La durée totale de ces expériences a été de 195 h. et 8 min. Si nous l'apportons ces chiffres au kilogramme et à l'heure, nous obtenons les nombres suivants ' : Ventilation 9',900 CO2 (en poids) 06r,G40:; Rapport de GO8 à Os 0,841 Proportion de CO'2 dans 100 vol. d'air en vol 'J.iî: Proportion de O'2 absorbée dans 100 vol. d'air en vol.. 4,23 B. Moyennes spéciales. — Mais ces chiffres ne donnent qu'un résultat brut; et, pour avoir une moyenne tant soit peu satisfaisante, comparable avec les chiffres donnés par les autres auteurs, il faut éliminer les expériences où il y a eu travail musculaire; car le travail musculaire exerce, comme on sait, une influence énorme sur les échanges res- piratoires. Il faut de plus séparer les chiffres notés pendant le jeûne des chiffres notés après le repas. Nous avons alors divisé l'ensemble de nos dosages en trois groupes : jeune, digestion, travail. Si nous comparons ces chiffres avec ceux des autres auteurs, nous trouvons une grande analogie, et certai- nement il paraît difficile d'arriver à des résultats plus con- cordants. 1. Pour tous les chiffres, très nombreux, que nous aurons l'occasion de donner dans le cours de ce travail, la ventilation est exprimée en litres; le C< I - en grammes. L'oxygène est indiqué en volumes, car nous donnons le quotient respiratoire, c'est-à-dire son rapport avec le CO2 produit. Tous les chiffres sont calculés pour 1 kilog. de poids vit' et une heure; ceci soit dit une fois pour toutes, sans que nous pensions nécessaire de le répéter après chaque indication numérique. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 483 CO5 produit (par kilogramme et par heure) en poids : POl i>s de 1 IM>I\ 1 1 > 1 . i i: T N B. DIGESTION. Moyennes. . k ï 1 . . u . (.0 71 52 63 :;o 0,518 0,433 0,545 0,514 0,492 0,628 0,542 0,580 0,569 Speck '. I'ettenkoi'fer. et Von-. JOLYET,BERQONrÉetSlOALAS3. Hanriot et Ch. Ricin t. GO 0,500 0,580 1. ArcA. f. exp. Path., t. II. p. 405. 1874. -. Cités dans Hermann's Handbuch der Physiol., t. IV, 2 fasc . p. 111. 3. Comptes rendus de l'Acad. des Se., t. CV, p. 180, 1887. On voit que, pour des adultes âgés de près de cinquante ans, la concordance des chitFres est assez satisfaisante l, et que les variations individuelles, dues à l'alimentation ou à la température par exemple, suffisent à expliquer les écarts. 1. Dans les chiffres nombreux dus à Andral et Gavarrbt, le poids des indi- vidus expérimentés n"est pas donne. Ranke (cité in Hermann's Jlmulbuch) pesant 73 kilogrammes a obtenu un maximum de 0er,520, et un minimum de 0er;373i en moyenne 0sr,346 sur lui-même. Dans de récentes expériences, M. Lcevy (Archives //»' PflUger, t. XLIII, p. 523) a trouvé chez des individus à jeun une production de CO* très faible,, avec un minimum de 0,354. et une moyenne de 0,372. Le quo- tient respiratoire a été en moyenne 0,S0. Les individus observés pesaient 67 et 60 kilogrammes. Les chiffres de M. Geppert (Arch. f. exp. Pathol. t. XXII, p. 382; 1887) sont aussi très faibles, en moyenne de 0er,322. Dans les intéressantes expériences de M. Smith (Journal de la Physiologie, t. III, p. 506, 1860), le poids des individus en expérience n'est pas mentionné. Des chiffres de M. Gilberti (Arch. per le Scienze mediche, t. VI, p. 113, 1883) au point de vue qui nous occupe, on ne peut rien conclure. MM. Gréhant et Quinquaud (Journal de i'Anatomie, t. XVIII, p. 491, 1882, ont fait des dosages de CO4 exhalé chez des personnes âgées; mais leurs chif- fres ne se rapportent guère qu'à la proportion centésimale du CO* de l'air expiré. Nous pourrions citer encore nombre de recherches diverses; mais nous croyons avoir indiqué les plus intéressantes. Les travaux importants de M. Fré- dericq sur la régulation de la chaleur chez l'homme ont trait à l'absorption de O2 , et non à la production de CO2. 484 M. HAMiloT ET CH. RI Cil Kl. Nous pouvons donc admettre comme moyenne générale, en chiffres ronds, 0gr,500 de CO2 par kilogramme et par heure à l'état déjeune et 0,580 à l'état de digestion. §2. — Du rapport entre l'aride carbonique et V oxygène. Nous appellerons avec M. Pflugeb quotient respiratoire le rapport de volume entre l'oxygène absorbé et l'acide carbo- nique produit. Comme l'acide carbonique renferme son propre volume d'oxygène, cela nous permet tout de suite de savoir quelle est la proportion d'oxygène qui sert à la combustion complète du carbone pour l'éliminer à l'état de CO". Ce rapport est très variable suivant l'alimentation, et il présente des variations notables ; au contraire, à l'état de jeune, il ne varie que peu. Il a varié dans le jeûne entre 0,9:2 et 0,0 i, et il a été en moyenne de 0,78; chiffre plus faible que celui qu'admettent M. Speck (0,87) ou MM. Jolyet, Bergomé et Sigalas (0,87). Il est vrai que dans nos expériences il s'agissait souvent d'un jeûne très prolongé, puisque dans un cas le jeûne a duré pen- dant deux jours et demi. L'écart moyen de la moyenne a été de 6 p. 100, soit oscil- lant entre 0,72 et 0,84. Sur trente-six expériences, six fois le rapport a été supérieur à 0,84 (0,92; 0,90; 0,88; 0,87; 0,86; 0,86); et inférieur à 0,72 huit fois (0,71; 0,71; 0,70; 0,69; 0,69; 0,68; 0,67; 0,64). Nous avons vu, ainsi que l'avaient constaté avant nous tous les physiologistes, le quotient respiratoire modifié par l'alimentation. La quantité de CO2 excrété augmente beau- coup, tandis que celle de l'O absorbé augmente peu. Les chiffres moyens le prouvent. Ainsi, par le fait de l'état de digestion, le quotient respiratoire a été de 0,84 sur quatre-vingt-six expériences. L'écart moyen de la moyenne a été de 8 p. 100, soit oscillant entre 0,92 et 0,76; mais il y a eu des chiffres extrêmes ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 485 en assez grand nombre. Ainsi 1,25; 1,20; L ,16 ; 1,13; 1,01; 0,99; 0,97; 0,96; 0,96; 0,96; 0,95; 0,94; 0,94; 0,93; 0,93; pour les chiffres supérieurs à 0,92, et pour les chilfres infé- rieurs à 0,76 : 0,7',; 0,74; 0,7:*; 0,7:5; 0,7-2; 0,00; 0,69; 0,68; o. os: 0,66; 0,66; 0,68; 0,65; 0,64. Voici d'ailleurs quelques exemples qui montrent combien le quotient respiratoire varie suivant l'influence d'une nour- riture exclusivement composée d'hydrates de carbone. Expérience I. — S juin 1887. Quotient respiratoire. A jeun, de 9 h. à 9 h. 22 0,73 A 9 h. 30 S. prend 250 grammes de glucose pur. De il li. 25 à M h. iC 1,23 De 12 h. 34 à I h. i:i 1,16 À 1 b. I 5 S. prend 100 grammes de glucose. De 2 h. 15 à 2 h. 35 1,03 A 3 b. 30 S. prend 100 grammes de glucose. De 4 b. à 4 b. 20. . 1,10 De 5 h. 15 à 5 h. 52 1,13 Rarement on obtient un rapport aussi élevé. En effet, dans une expérience ultérieure, nous avons vu le rapport croître encore, mais beaucoup moins. Expérience II. — 17 juin. Quotient respiratoire. A jeun, de 8 b. 53 à (.t b. 13 0,81 A 0 b. 50 S. prend 350 grammes de glucose avec des confi- tures. De 10 h. à 10 b. 21 0,70 De 1 b. 15 à 1 b. 42 0,92 De 2 h. 50 à 3 b. 40 . 0,88 A 4 h. S. prend 250 grammes de glucose. De 4 h. 38 à 5 b. 8 0,92 Expérience III. — 8 avril. A jeun, de midi à midi 50 0,72 A 1 b. S. prend 300 grammes de sucre de lait. 486 M. ÉANRIOT ET GH. RICHET. e1 on a les quotients respiratoires suivants : De i h. 50 à 3 h 0,78 De 3 h. à 4 h. 0,93 De 4 h. à 5 b 1,09 De 5 h. à 5 h. 45 1,12 De i h. 50 à 5 h. 45. Total. . 0,96 Cette expérience, ainsi que les précédentes, nous donne la mesure du temps nécessaire pour que, par l'alimentation sucrée, le quotient respiratoire soit modifié. Dans la première expérience, deux heures ont suffi. Dans la deuxième expérience, une demi-heure n'a pas suffi. Dans la troisième expérience, au bout de deux heures, il y a eu un changement assez faible, qui a atteint son maximum au bout de quatre heures. Les alimentations autres que les sucres ne peuvent pas modifier le quotient respiratoire, ou du moins la modification est très légère. Expérience IV. — 0 juin. Quotient respiratoire. A jeun, de 8 h. à 8 h. 20 0,76 A 8 h. 30 10 jaunes d'oeuf. De 10 h. à 10 h. 21 0,79 De midi 15 à midi 45 0,74 De 1 h. 30 à 2 h. 26 0,83 Moyenne 0,79 Expérience V. — 22 juin. A jeun, de 7 h. à 7 h. 40 0,71 A 11 h. S. prend de la viande. De 1 h. 50 à 2 h. 12 0,69 Expérience VI. — 6 juin, A 10 h. 15 S. prend de la graisse (lard cuit). De midi 45 à 1 h. 15 0,72 De 3 h. à 3 h. 30 0,74 De 3 h. 15 à 5h 0,67 De 8 h. 30 à 9 h 0,77 Moyenne 0,72 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. W7 La moyenne, 0,7:2. nous montre donc qu'avec une ali- mentation exclusivement grasse le quotient respiratoire est aussi faible que dans l'état de jeûne. Expérience VII. Quotient respiratoire. 4 avril (à jeun depuis vingt-quatre heures). De (h. à 3 li 0,84 De l h. à :; h. 30 0,85 5 avril jeune de quarante-huit heures). De 9 h. à 10 h 0,81 A 10 h. ingestion de peptones) (20 grammes). De 11 h. à midi 0,80 De 12 h. 43 à I h. 43 0,81 A 1 h. 43 S. prend 300 grammes de viande. De 2 h. :v.\ à ;; h. 10 <>,*! G avril (pas d'alimentation). De 9 h. à 10 h 0,81 A 10 h., 300 grammes de viande. . De 10 h. 30 à 2 h. 30 0,83 Ces expériences confirment donc pleinement le fait bien connu des physiologistes qui ont étudié les échanges respira- toires, à savoir que l'alimentation par les graisses et les ma- tières azotées ne modifie pas le quotient respiratoire, mais que l'alimentation par des hydrates de carbone tend à rendre ce quotient respiratoire égal à 1 . Même, dans quelques-unes de nos expériences, ce quotient a atteint le chiffre de 1,25 : ce qui prouve qu'une certaine quantité de CO2 est mise en liberté, qui n'est pas le résultat immédiat de la combustion du carbone par l'oxygène, puis- qu'une plus grande quantité d'acide carbonique est excrétée que n'en ferait supposer la quantité d'oxygène absorbé. D'ailleurs, même si le quotient respiratoire est de 1, on ne peut guère admettre que tous les phénomènes d'oxydation autres que la production de GO2 ont cessé tout d'un coup : il s'ensuit nécessairement qu'il y a plus de Os dans le CO* pro- duit qu'il n'y a eu de O2 absorbé. Si, normalement, nous 488 M. HANRIOT ET Cil. RICHET. oxydons 20 pour 100 do l'O2 absorbé en oxydations incom- plètes, après une alimentation sucrée, nous devons encore produire ces oxydations incomplètes; par conséquent l'O2 du CO2 produit en excès ne peut pas provenir de l'oxygène im- médiatement absorbé, et le GO2 doit sans doute résulter d'ac- tions chimiques autres que l'oxydation du carbone par l'oxy- gène ingéré. Après un repas mixte, le quotient respiratoire se modifie. Ce qui est intéressant, c'est de savoir à quel moment précis commence cette modification. Expérience VIII. — Ier avril. Quotient respiratoire. A jeun. De midi 36 à 2 h 0,88 Repas copieux à 2 h. De 3 h. 20 à 4 h. 5 0,90 De 4 h. 5 à 4 h. 35 0,04 De 4 h. 35 à S h. 14 0,8o Le maximum a donc eu lieu deux heures quinze minutes environ après le repas, et l'accroissement avait débuté une heure après. Mais nous reviendrons sur ces faits quand nous aurons à étudier l'influence des repas sur la quantité de CO2 éliminé et sur la ventilation. Nous tenons à faire remarquer le chiffre élevé du quotient respiratoire à l'état de jeûne. 11 s'agît là, en effet, d'un point fort intéressant et qui mérite de fixer l'attention. Quand, vers le 15 mars, nous commençâmes nos expé- riences avec S., il pesait 47ke, 400; nous le soumîmes alors à un régime régulier, très copieux, bien supérieur au maigre et piteux régime de son existence antérieure. Sous l'influence de cette alimentation, il engraissa rapidement, si bien qu'il pesait 52 kilogrammes le 28 mars. Il avait donc une forte ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOJMME. t89 réserve nutritive, due à une alimentation plus riche, et cotte réserve nutritive b fail que, môme à l'état de jeûne, le quo- tienl respiratoire était encore assez élevé. Les chiffres suivants montrent qu'avec un jeûne longtemps continué, le quotienl respiratoire tend à décroître : I" avril (à jeun 0,88 Ier — (après repus) 0,93 2 — (à jeun) 0,02 4 — (à jeun depuis vingt-six heures).. . . 0,84 5 — ( — quarante-huit heures). <>.8t Entre le o et le 21 avril, il fut soumis à un régime alimen- taire beaucoup moins riche, et alors le quotient respiratoire est devenu plus faible après un jeûne même moins prolongé. 22 avril (à jeun) 0,76 23 — (â jeun depuis quarante-huit heures). 0,68 j Le même jour (à jeun) 0,79 \ Moy. 0,70 — — . . . 0,04 ) — deux heures après le repas qui rompt son jeûne. . . . 0,81 De sorte que l'état de jeûne vrai n'est obtenu que plus de vingt-quatre heures après l'absence d'aliments, si l'alimenta- tion préalable a été très riche. Le quotient respiratoire pendant le travail est plus élevé que pendant le repos; mais nous ne sommes pas tout à fait sûrs de l'exactitude de nos chiffres quand le travail est éner- gique, car il y avait peut-être de très légères fuites dans le masque, fuites insignifiantes pour la mesure de la ventilation ou même de la quantité de CO2 expiré, mais très importantes si l'on veut calculer exactement les proportions relatives de l'O absorbé et du CO2 px^thiit. Si l'on étudie le quotient respiratoire dans ses rapports avec la quantité absolue de CO2 produit, on voit que, si la quantité absolue va en croissant, le quotient respira- 490 M. HANRIOT ET CH. RICHET. toirc va aussi en croissant; ce qui prouve que, si les échanges chimiques viennent à croître, le GO2 produit varie plus que l'O2 absorbé. En efTet, nous avons les chiffres suivants : Jeune Poids Quotient de CO -. respiratoire. Moyenne (36 exp.). 0,492 0,78 Maxima (au-dessus de 0,538) (8 exp.) .... 0,570 0,85 Minima (au-dessous de 0,450) (6 exp. i. . . . 0,441 0,72 Digestion Moyenne (86 exp.) 0,569 0.84 •Maxima (au-dessus de 0,600) (19 exp.). . . . 0,649 0,88 Minima (au-dessous de 0,530) (18 exp. i. . . . 0,497 0,79 On voit que la quantité absolue de CO2 est tout à fait en rapport avec le quotient respiratoire. Plus notre excrétion de CO2 est considérable, plus notre quotient respiratoire est élevé, si bien qu'à l'état déjeune, pour des productions fortes de CO2, le quotient respiratoire est aussi fort qu'à l'état de digestion pour des quantités faibles de CO2. C'est là un fait qui, croyons-nous, n'avait pas été encore démontré ; on peut le formuler ainsi : Le quotient respiratoire, toutes choses égales d'ailleurs, est d'autant plus élevé que la quantité absolue de CO2 excrété est plus considérable. Le quotient respiratoire, dans le travail musculaire, a été en moyenne de 0,87. Si nous prenons les maxima et les mi- nima, nous trouvons : Travail Poids Quotient de CO2. respiratoire. Moyenne (48 exp.) 0,895 0,87 Maxima (au-dessus de 1 gramme) (12 exp.). . 1,138 0,83 Minima (au-dessous de 0,700) (7 exp.) .... 0,649 0,84 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. i'.H Mais, nous le répétons, le rapport entre l'oxygène el L'acide carbonique ue peul pas être par notre méthode très exacte- ment déterminé dans le travail musculaire; car une ventilation énergique entraîne de petites tuiles dans le masque, qui, si petites qu'elles soient, changent beaucoup le rapport de CO1 àOJ. S 3 De la ventilation. A. Ventilation en général. — On appelle ventilation la quantité d'air qui circule dans les poumons, pendant le va-et- vient de la respiration normale. Les variations de la ventila- tion ont attiré spécialement notre attention; et, en effet, dans la plupart des expériences faites par divers auteurs, on n'a pas noté la ventilation, la disposition de l'appareil ne se prê- tant pas à lamesure simultanée de l'airinspiré et des échanges chimiques produits. A vrai dire, nos chitTres ne donnent pas tout à fait la ven- tilation vraie. En effet, S. respirait à travers la soupape de Muller, et il fallait mettre dans chaque branche de la soupape une certaine quantité d'eau ; de sorte que la pression à vaincre (pour l'expiration comme pour l'inspiration) était de 2cm d'eau, pression faible assurément, mais qui n'est pas négligeable, et qui modifie peut-être aussi les échanges gazeux pulmonaires, ou tout au moins la circulation de l'air dans les poumons. Cette réserve étant faite, nos chiffres donnent avec une grande précision la ventilation pulmonaire. On a vu que l'en- semble de nos mesures porte sur la quantité énorme de 96n,c, 542, pendant 19o h. 8 min, ce qui donne une moyenne de 9ut, 9 par heure et par kilogramme, ou, en chiffres ronds, 40 litres. En dissociant les chiffres relatifs au travail musculaire, à l'état de jeûne et l'état de digestion, on a les trois séries sui- vantes : 402 M. H AN MOT ET CH. IUCHKT VENTILATION. NOMBRE i> ' i: x p i; R IENCES. MOYENNE. CO« PRODUIT. Jeune. litres. De 9,4 à 9.2 4 9,2 0,515 De 8,7 à 8,4 12 8,5 0,497 De 8,3 à 6,6 19 7,8 0,489 Digestion. De 12. 6 à 10,0 13 10,8 0.601 De 9,9 à 9,6 16 9.8 0,582 De 9,5 à 9,3 19 9.4 0,565 De 9.2 à 8,8 16 9.0 0.549 De 8,7 à 7,8 20 8,4 0,544 Travail. De 22,9 à 16,7 8 20,2 1,130 De 15,7 â 13,0 11 14.2 0,998 De 12,9 à 11,1 18 12,0 0,822 De 10,4 à 9,6 7 10,0 0,685 Un fait ressort en toute évidence de ces chiffres : c'est que la ventilation est proportionnelle à la quantité de CO2 excrété, et très rigoureusement proportionnelle, ce qui indique que les mouvements respiratoires, commandés par le système nerveux, sont nécessités par une plus grande tension du CO2 dans le sang, ou une diminution de la tension de O2, le rapport entre GO2 et O2 ne se modifiant pas sensiblement. De là cette conséquence, que la proportion centésimale de GO2 dans l'air expiré varie peu, tandis que la ventilation varie beaucoup. La proportion moyenne de CO2 (en poids, et pour 100 litres d'air expiré) est : grammes. Jeûne. 6,000 Digestion 6,07 Travail 0,87 La variation est donc de 15 p. 100 dans l'écart de la pro- ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 493 portion centésimale, tandis que l'écart des ventilations est de 47 p. 100. Autrement dit, la ventilation peut doubler, tandis que la proportion de (!<>' ne peut augmenter que de 18 p. 100. Encore devrons-nous éliminer les expériences où il y a eu travail musculaire, car, dans ce cas, il y a souvent un essoufllement très pénible, presque douloureux. Nous en par- lons par notre propre expérience ; car l'un et l'autre de nous l'a essayé. Un travail musculaire énergique, quand on est forcé de respirer par la soupape de Muller, est toujours très difticile, et la ventilation ne peut pas être suffisante. Donc, si nous nous en tenons aux expériences de jeune et de digestion, nous voyons que la proportion de GO- est très constante: 6 àl),07 ; c'est-à-dire se modifiant à peine de 1 p. 100, tandis que la ventilation varie de près de 10 p. 100. En effet, nous trouvons les proportions centésimales sui- vantes : MOYENNE MOYENNE M O Y E N N E de la DU C0 2 ABSOLU DE LA PROPORTION VENTILATION. par heure et par kil. centésimale (en poids). Jeune. 9,2 0,515 5,6 8,5 0,497 5,85 7,8 0,489 Digestion. 6.25 10,8 0,601 5,20 9,8 0,582 5,95 9,4 0,565 6,00 9,0 0,549 6,10 8,4 0,544 Travail. 6,50 20,2 1,230 5,60 14,0 0,998 7,10 12,0 0,822 6,85 10,0 0,685 6,85 i'i M. Il A Mi loi ET GII. RICHET. Si Ion élimine les chiffres de ventilation pendant le tra- vail, où la ventilation a été certainement insuffisante et bien inférieure à ce qu'elle eût été sans la soupape de Millier, nous avons une proportion de CO2 assez constante, variant entre 5,20 et 6,50. .Mais ce qu'il faut noter, c'est que, lorsque la quantité absolue de CO2 excrété va en croissant, la ventilation croit plus vite encore, de sorte que les besoins d'excrétion de COs amènent une ventilation plus énergique qu'elle n'eût été vraiment nécessaire pour l'élimination de ce gaz. Il s'ensuit que la régulation dépasse la limite, et que, quand nous avons besoin d'une ventilation plus active d'un dixième, nous four- nissons une ventilation plus active d'un cinquième. On ne peut pas soutenir que c'est le défaut d'oxygène qui amène cette ventilation plus forte; car, pour des quantités croissantes de CO2, O2 a crû en proportions moins grandes. Donc, quand les échanges interstitiels vont en croissant, la ventilation croît plus vite que GO2, et CO2 croît plus ri h- que O2. Les chiffres de proportions centésimales observés par nous concordent assez bien avec les chiffres donnés par divers auteurs, quoique, en général, les nôtres soient plus faibles. Vierordt donne en moyenne (en volumes) 4,10 p. 100 (avec un maximum de 4,ol et un minimum de 4,12)*. Valent]. \ et Briwner donnent. 4,38 Speck 4,21 Nussbaum 3,80 wolfferg 3,20 La moyenne est de 3,92 (en volumes) ; notre moyenne est. de 3,30 seulement. En combinant notre moyenne avec celle des auteurs pré- cités, nous avons en chiffres ronds, pour les gaz expirés, 3,5 deC02p. 100. 1. Voyez ces chiffres divers dans Hermann's Handbuch der Pliysiol., t. IV. p. no. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 498 B. Influence de l'alimentation. — 11 importe maintenant d'établir Le moment où s'exerce l'influence des repas sur la ventilai ion, et de voir si l'augmentation de CO- est corréla- tive à cet accroissement dans la ventilation. Nous insisterons sur ces points ; car, à notre connaissance, dans les expériences antérieures, la courbe du phénomène n'avait pu être établie. Expérience VIII bis. — 13 avril. — A jeun; couché. Quotient Ventilation. CO*. respiratoire. De in h. 00 à 10 li. 30. . 7,2 0,451 0,66 Ki h. 30 à H h. 00. . 7,3 0,468 0,76 11 li. 00 a 11 h. 30. . 7,1 0,429 0,66 11 li. 30 à midi. . . . 7.0 0,430 0,69 Moyenne ... 7,18 0,446 0,69 De 2 li. 00 à 2 h. 30. . . 9,0 0,620 0,81 2 h. 30 à 3 li. 00. . . 8,6 0,352 0,87 3 li. 00 ù 3 h. 30.. . 9,3 0,616 0,89 3 h. 30 à 4 h. 00. . . 8,7 0,592 0,90 5 h. 00 à 5 h. 45. . . 8,8 0,572 0,87 On voit à quel point dans une même expérience la venti- lation et l'excrétion de CO2 suivent une marche parallèle. On notera aussi que le maximum de ventilation a eu lieu trois heures après l'alimentation, et que le quotient respira- toire n'a donné son maximum que quatre heures après. Une autre expérience que nous avons déjà partiellement rapportée (vozV'plus haut rxpérience III, 8 avril) nous donne des résultats plus nets encore. Expérience IX. A jeun De midi à midi 50 Ventilation 7,3 CO2. ...... 0,437 Quotient respiratoire 0,72 De I h. a 1 h. 43 S. prend du sucre de lait (300 gr.), du sucre de canne (100 gr.), des pommes de terre (200 gr.), avec du vin (400 gr.) et de l'eau (600 gr.). 496 M. IIANKlnl' ET CH. RICHET. De i h. !.; a 2 h. 15, 2 h. lo à 2 h. 45. 2 h. 45 a 3 li. 3 li. !.. à 3 h. 15, 30. v. 8,4 8,0 7,3 7,7 CO*. 0,532 0,516 0,520 0,52.9 V. CO*. 3 h. 30 à 3 h. 43 8,9 0,618 3 li. 4b à 4 h. 00 9,4 0,663 4 h. 00 à 4 b. la 0.1 0,626 4 li. i."i à 4 li. 30 0,3 0,611 ECHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. v. CO t li. :!(» à I h. <:, 0,1 0,6! i h. i:i à :; h. (tu lo.o o,6; :; I.. 00 à 5 li. iS. . . . . . il. -'i 0,8i :, h. i:; ,ï :. h. i:. 9,2 0,641 i'.lT Cette expérience très instructive montre que la ven- tilation, qui s'était légèrement accrue par le fait du mou- vement, au moment du repas, a présenté un minimum de 2 h. 45 min. à 3 h. 15 min., c'est-à-dire une heure et demie TOMF I. -^- '*98 M. HANRIOT ET CH. RICHET. après le déjeuner. Le maximum n'a été atteint qu'à S heures, c'est-à-dire quatre heures après le déjeuner. C'est donc de deux à cinq heures après le repas que croit la venti- lation. Dans une autre expérience, faite pendant la nuit après un jeune prolongé, nous retrouvons la même courbe. Expérience TX bis. Quotient A jeun depuis 18 h. (23 avril). 00 -. respiratoire. De 5 h. 25 à 6 h. 5 7.4 0,514 0,64 Le même jour, de 7 h. 30 à 8 h. 15 du soir, repas de viande (500 grammes) et d'œufs. Ventilation. CO*. De 8 h. 45 à 9 h. 00 (soir) 9.3 9 h. 00 à 9 h. 15 — 10.1 9 h. 15 à 9 h. 35 —..... 9,9 0,574 9 h. 35 à 9 li. 55 — 9,1 0,571 9 h. 55 à 10 h. 26 — 10.1 0,625 10 h. 26 à 10 h. 46 —..... lt.l 0.631 O fi2K 10 h. 46 à 11 h. 06 - 9,° 11 h. 06 à H h. 24 — 10,2 0,642 11 h. 24 à 11 h. 45 —..... 9,9 0,574 On peut donc concevoir les échanges chimiques respi- ratoires de la manière suivante. Les mouvements musculaires multiples qui accompagnent nécessairement l'ingestion des aliments produisent un accroissement notable de la ventila- tion et du CO2 excrété; puis le calme se fait, et l'élévation de la ventilation et du CO2 se manifestent quand l'absorption des aliments a commencé, c'est-à-dire deux heures environ après le repas. Au bout de quatre heures, tous les phénomènes se ralentissent. C. Influence de la variation diurne . — Indépendamment de l'influence des repas, il faut signaler la variation diurne due à une sorte de périodicité du système nerveux. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 498 Cette influence se manifeste avec une netteté extrême sur la température du corps ', qui varie de .'{6°, 5 à 37°,S dans le cours de vingt-quatre heures, sans qu'on puisse invoquer l'alimentation comme cause de ce changement. Eh bien, les modifications dans les échanges chimiques respiratoires et dans la ventilation suivent aussi une certaine périodicité indépendante de l'alimentation. Les chiffres sui- vants le prouvent. L'expérience a été faite à l'état de jeûne et à l'état de digestion. Expérience X. — 2 avril, à jeun. De 10 h. 00 à II h. 00 7,5 0,503 0,02 1 h. 45 à 3 h. 45 7,8 0,.i30 0,90 Le 4 avril (toujours à jeun depuis le 1er avril). De I h. à 4 h. 7,1) 0,531 0,84 Mais l'expérience suivante, faite pendant la digestion, est plus nette encore : nous avons en effet soumis S. à une ali- mentation régulière, espacée toutes les deux heures, de manière qu'il soit toujours en état de digestion. Expérience X bis. — 14 juin. v. De 9 h. 00 à 9 h. 2."i 9,2 11 h. 00 à M h. 15 9,0 1 h. 30 à 2 h. 00 9,0 2 h. 40 à 3 h. 20 9,5 4 h. 00 à 4 h. 30. 9,4 :i h. 30 à 6 li. 00 9,o 9,:i23 0,89 Le 5 et 6 juin, l'expérience a été faite d'une manière plus complète. 1. Voir Cit. Richet, La chaleur animale, p. S.'t, fig. 10. co*. Q.R. 0,523 0,86 0,505 0,80 0,581 0,93 0,571 0,92 0,530 0,80 500 M. HÀNRIOT ET CH. RICËET. Le S juin, à 5 heures, S. a pris, toutes les deuxheures, un repas ainsi composé : grammes. Pain 40 Viande 40 Eau. ......... 75 Vin . 7.) Pommes de terre. ... 40 Légumes et fruits . . . . 20 Café 25 Le premier repas a commencé le 5 juin, à 5 heures du soir, et toutes les deux heures, sans interruption, jusqu'au 6 juin à 3 h. 30 du soir, il a été continué. Nous obtînmes alors les résultats suivants : Expérience XI. Y. co *. Q.R. De 8 h. 45 à 9 h. 00 soir. . . 9,3 0.571 0,65 10 h. 10 à 10 h. 30 — . . . 8,8 0,5G7 0,68 11 h. 40 à minuit. — . . . . 8.9 0,478 0,60 1 h. 20 h 1 h. 43 matin. . 9,9 0,413 0,66 7 h. 35 à 8 h. 00 — . . 9,2 0,528 0,70 10 h. 15 à 10 h. 45 — . . 10,9 0,514 0,89 11 h. 15 à 11 h. 30 — . . 10,4 0,561 0,83 3 h. 10 à 3 h. 35 — . . 9,5 0,524 0.85 4 h. 30 à 5 h. 00 — . . 10,5 0,568 0,88 6 h. 00 à 6 h. 30 — . . 9,9 0,543 0,95 Malgré quelques écarts dans les chiffres (notamment une ventilation de 9,9 à ! heure du matin, et une de 9,5 à 3 heures de l'après-midi) on voit qu'il y a une vraie courbe diurne, qui se manifeste, non seulement dans la ventilation, mais encore dans l'excrétion de CO2. (C'est là un fait nouveau sur lequel nous appelons l'attention.) On constatera aussi l'élévation progressive du quotient respiratoire, l'alimentation spéciale ([lie nous avons donnée alors étant plus riche en hydrates de carbone que l'alimen- tation ordinaire de S. ECHANGES ItESlM HATOIItES CHEZ L'HOMME SOI 1). Influence t/r\ suhstmicrs nu'dicanirntrusrs. — Les sub- stances médicamenteuses ont une action très puissante sur la ventilation pulmonaire. Expérience XII. — Glycérine : S. prend le 20 juin 60 grammes de glycérine ;'i 1 b. 30. V. CO*. Q.R. De 2 h. 20 ;i 3 h. i,'i 7.7 0.309 0,G7 5 h. 00 à 5 h. 2b 7.6 0,419 0,72 On notera ces chiffres très faibles dans la ventilation et surtout dans le CO2 produit. C'est le seul cas où la production de CO* ait été au-dessous de 0gr,400 par kilogramme et par heure. Expérience XIII. — Sulfate de quinine. S. prend 1 gr. .'i0 à 8 h. 33 du matin, à jeun (2 juin). De 9 h. 00 à 10 h. 4:;.. 2 h. 43 à 4 h. 43. . 7.6 0,488 0,73 7.3 0,476 ? Expérience XIV. — Morphine. Repas à 8 heures du matin. Pas de repas à 11 heures. De 2 h. 13 à 2 h. 43 9,9 0,376 0,78 Ici injection sous-cutanée de Ob'1', 03 de morphine. De 2 h. 43 à 2 h. 33. . . 2 h. 33 à 3 h. 03 . . . 3 h. 03 à 3 h. 13. . . 3 h. 13 a 3 li. 23. . . 3 h. 23 à 3 h. 32. . . 3 h. 32 à 3 h. 37. . . A partir de 3 h. 37 S. s'agite; car la morphine a provoqué chez lui des démangeaisons, des étourdissements et de la céphalalgie. Vent. 8,9 6,9 6,8 3.9 6,2 6,0 De 3 h. 37 à 4 h. 43 7,9 4 h. 43 à 3 h. 39 8,6 Dans une expérience faite sur l'un de nous, une dose faible d'extrait thébaïque (0sr,025 la veille au soir) a diminué 502 M. HANRIOT ET OH. RI OH ET. beaucoup la ventilation (le poids du corps étant de 74 kilogr.) (G mai). Vent. CO i produit. De 5 h. 00 à 5 h. 20 3,85 0,340 5 h. 20 à 5 h. 30 3,51 0,340 5 h. 30 à 5 h. 45 5,40 0,587 Total. . . 4,9 0,418 La proportion centésimale de CO8 est (en volumes) de 4,76 pour 100 dans l'air expiré, ce qui est un chiffre très fort. D'ailleurs, en étudiant l'action de la morphine sur le chien, l'un de nous a montré que la morphine diminue la production de CO2, mais surtout la ventilation ; de sorte que la proportion centésimale de CO2 dans l'air expiré devient alors très forte. Expérience XV. — Chloral. 25 mai. S. prend, à 9 heures, 3 grammes de chloral. De 9 h. à 11 h. 50 7,8 0,439 0,07 Ces chiffres indiquent une ventilation assez faible, et une production de CO2 assez faible ; mais ils n'ont rien de bien extraordinaire. Plus tard, le même jour, l'abaissement a été plus consi- dérable : De 1 h. à 1 h. 45 6,9 0,390 0,77 E. Influence de la température. — Nous avons comparé, ainsi que l'a fait M. Frédékicq dans un intéressant mémoire, la respiration de l'individu habillé à celle de l'individu nu, par conséquent soumis au froid, et se mettant en état de résistance contre le froid par une combustion exagérée. Expérience XVI. — Digestion. 7 juin. De 2 h. 00 à 2 h. 30 (habillé) 9,4 0,564 0,83 2 h. 30 à 3 h. 20 (nu). 9,8 0,573 0,84 3 h. 20 à 3 h. 45 (nu) 9,8 0,589 0,85 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 503 Expérience XVII. 19 mors. S. est placé dans un bain qui est, à 5 heures, de 37°, 8, et à S h. 30 de 36°,20 : Deîi h. à 5 h. 30 il',0 0,613 0,88 Ce sont là des chiffres assurément élevés. On remarquera surtout le chiffre fort de la ventilation, qui, lorsqu'il n'y a pas d'exercice musculaire, atteint très rarement 11 litres. Cette expérience a donné d'ailleurs un résultat très remar- quable. En effet, le soir de ce même jour, les échanges ont été extrêmement intenses, comme on va le voir par ces chiffres : I 9 murs. De 10 b. à 10 h. 40. ... . 10,2 0,748 0,80 minuit ii I h 9,5 0,793 0,88 Cette production de CO2, sans travail musculaire et sans alimentation exagérée, atteignant 0,793, esttout à fait extraor- dinaire l. Elle semble indiquer que l'organisme a réagi au bain par une production intense de calorique, et que cette réaction s'est prolongée pendant longtemps. Il est vrai qu'une autre expérience a donné un résultat tant soit peu différent. La réaction immédiate a été forte; mais la réaction ultérieure n'a pas eu lieu. Expérience XIX. 23 mars. De 3 b. 30 à 4 h. 26, la température du bain passe de 36°, 7 à 30°,25; à 3 b. 52, elle est de 34°,80 : De 3 h. 30 à 3 b. 52 11,0 0,609 0,82 3 b. 52 à 4 b. 26 15,0 0,842 0,8:t Total. .... 13,5 0,723 0,82 On voit quel énorme accroissement le froid a donné à la production de CO2. 1. Voyez Quinquadd. Bull, de la Soc. de 1/ioL, 9 avril 1887, p. 2'M. 504 M. HANRIOT ET Cil. RIGHET. Expérience XX. S., après s'être réchauffé, n'a pas eu, le même jour, de réaction secondaire : De C h. ù 7 b 9,3 0,573 0,87 F. Influence de la volonté. — Nous avons étudié l'in- fluence de la volonté sur la ventilation. C'est une question des plus controversées et sur laquelle l'accord n'est pas éta- bli1. Nos expériences ont été faites sur quatre personnes que nous appellerons II. , L., Lg. et R., pesant les uns etles autres à peu près le même poids, 74 kilogr. Nous appellerons hypopnée la ventilation diminuée, et polypnée la ventilation activée. Pour l'hypopnée, la respiration était diminuée autant que possible, et pour la polypnée on tâchait d'avoir une ventilation aussi active que possible. Le graphique ci-joint [firj. 9o bis) indique clairement le phénomène. Il faut donc distinguer2 deux phénomènes tout à fait différents : Y excrétion de CO2 et la production de CO2. Par nos mouvements volontaires nous pouvons pendant quelques 1. M. Sepck pense que l'effet d'une respiration ralentie ne peut se prolonger pendant longtemps (loc. cit., p. 422); mais la question a été surtout bien étudiée par M. Pfluger [Arch. de Pflûger, t. XIV, p. 1 à 37, 1877) et ses élèves, MM. Finkler et Oertmann II, ni., t. XIV, p. 38-73). M. Pfliger a critiqué avec beaucoup de raison les expériences de MM. Voit et Lossen; toutefois, il n'a pas fait valoir ce qui est, suivant nous, la principale objection qu'on peut op- poser aux expériences de M. Lossen, c'est que la durée de la mesure des échanges était beaucoup trop courte. MM. Finkler et Oeutmann ont montré que sur les lapins une respiration artificielle lente ou rapide ne modifiait pas les échanges. Nos expériences établissent qu'il en esi de même chez l'homme. 2. Voir Hanriot et Cii. Richet, Comptes rendus des séances de l'Acadt des sciences, t. CIV. p. 1328. n" 19; 9 mai 1887. ÉCHANGES HKSPIIlATOlltKS CHEZ I. HtiMM iOa Hypopnée Hypopnée. Polypnée (Xorm.). . Hypopnéo. Polypnée Polypnée Hypopnée. rraips fii M INI II v VI M ! CO* I u; ni i ui: par m .1 el PAU KILOORAIOU PAR K1I.OORAUMI en litre». en grammes. Expérience XXI. II. 10 15 20 25 30 '2,5 3,6 3,9 i.7 5,2 7.0 0,100 0,330 0,350 0,466 0,633 0,850 Expérience XXII. — L. in 20 25 30 6,6 8,0 8.6 6,6 Expérience XXIII. 5 10 15 20 gg 30 14,3 13,3 13,3 15,8 14,3 15,8 0,354 0,466 0,623 0.734 0,739 R, 0,942 0,775 0,683 0,666 (1,600 0,650 Expérience XXIV. 10 6,2 20 2.2 30 2.9 35 6,3 40 13,1 45 11,4 - U. 0,396 0,178 0,282 0,656 0,675 0,581 Expérience XXV. — R. in 15 20 25 30 35 14 15 19 18 2,3 4,5 i,5 0,700 0,692 0,623 0,616 11.110 0,334 0,408 PROPORTION de ■ L' v I R l \ l l K i imci 2,0 ■'■■■ 1,5 5,0 6,1 6,1 2.7 3,0 3,6 5,6 1,6 3.2 2.9 2,5 2.1 2.1 2.05 4.1 1.1 1,6 5.0 2,7 2,5 2.3 1.7 1.7 2.3 3,9 4,7 M. IIAMtlnT ET CH. RICHET minutes augmenter ou ralentir cette excrétion : si elle est, par exemple, de O.IIOO à l'état normal, nous pouvons, par l'hy- popnée, en cinq minutes, l'abaisser à 0,100, et, en cinq mi- nutes, par la polvpnée, l'élever à 0,900; mais ces chiffres extrêmes ne durent pas longtemps. Bien vite l'excrétion, malgré nos efforts, revient au taux normal de 0,600 ou à peu près. En effet, nous pouvons faire varier Y excrétion (pen- dant quelques minutes au moins), mais nous ne pou- vons pas modifier la pro- duction; car les altérations du rythme respiratoire ne peuvent modifier les com- bustions des cellules de l'organisme. Même il se trouve que les altérations volontaires du rythme respiratoire ne peuvent modifier l'excré- tion que pendant un temps très court, quelques minu- tes à peine. Au bout de vingt minutes, le taux nor- mal est revenu, et même a été dépassé, par une sorte de compensation qui tend à rétablir la balance. Ce que nous disons de la production de CO2 s'applique également à l'absorption de O2. On sait que, par une série de respirations répétées, on peut se mettre en état d'apnée, c'est- à-dire rester pendant quelque temps sans respirer. (En nous exerçant, nous avons pu arriver à une durée maximum d'apnée égale à 2in30s.) Or, dans ce cas, la consommation d'oxygène n'a pas été modifiée : c'est seulement l'absorption par le Fie. 93 lis. — Influenco do la volonté sur la production de CO*. A gauche, en, grammes, par kilogramme de poids vif et par heure, les quantités de CO* produites. Le trait ponctué indique le taux moyeu. Expérience portant sur trois person- nes. Ou voit que. vingt minutes après l'hjpo- pnée volontaire, le taux normal est revenu et même dépassé. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 507 poumon qui a été arrêtée, le sang contenant des réserves d'oxygène suffisantes pour subvenir aux besoins de nos tissus pondant deux minutes. Ainsi, — el c'est là une distinction que nous croyons importante — il faut séparer ['excrétion de CO? et la production de (10-; ['absorption de O2 et la consommation de 0*. La con- sommation de 0" et la production de CO2 sont absolument soustraites à l'influence de la volonté, tandis que l'excré- tion de VA ^ et l'absorption de O2 sont soumises à la volonté, mais seulement pendant un temps très court, le temps qu'il faut au sang pour se charger de CO2 ou se dépouiller d'oxy- gène. Ci. Effets des injections rectales gazeuses d'acide carbo- nique. — Nous nous contenterons d'indiquer ces expé- riences, rapportées ailleurs avec plus de détails; mais il est bon de les mentionner, car elles fournissent assez bonne preuve a posteriori de l'exactitude de notre méthode analy- tique \ Un individu de (>6 kil. excrétait avant le lavement gazeux 16 litres de CO2 par heure. Dans la demi-heure qui a suivi l'injection rectale de 3m,500, il a excrété, en plus que précé- demment, 2nt,300. S., produisant à l'état normal 12m,o5 de CO", a reçu en lavement 2Ht.500 de GO2. Il a rendu en une heure et quinze minutes 2m,650 de CO2 de plus que précédemment. Par conséquent, en faisant la moyenne de ces deux expé- riences, nous injectons dans le rectum G litres de CO2, et nous retrouvons au bout d'une heure 4ut,9o0 de CO2 en plus. 1. M. Hanriot et Cii. Richet, Bulletin île la Soc. de biol., 14 ruai 1887, p. 307. Si nous avons tenté ces expériences, paraissant quelque peu bizarres, c'est parce que M. Bergkon a imagiuc au traitement médical de la tuberculose par cette méthode, et qu'il est venu lui-même en faire l'application dans notre laboratoire chez deux de ses malades dont nous avons pu alors doser les com- bustions respiratoires. îi08 M. HANRIOT ET Cil. RICHET, Ce qu'il y a d'intéressant à noter, c'est : 1° que la ventila- tion s'est accrue, ce qui semblerait faire croire à l'influence de CO2 sur l'innervation respiratoire motrice, et 2° que les effets sont presque instantanés, ce qui prouve que le CO2 in- troduit dans le rectum passe rapidement dans le sang. Influences individuelles. — Comparons les différences in- dividuelles des combustions respiratoires chez les divers individus observés par nous. Nous avons fait sur S. des expériences extrêmement nom- breuses; mais, sur les autres individus, ces expériences sont peu fréquentes, souvent même uniques. Pour S. (à l'état de digestion), les chiffres moyens sont : ut. Ventilation 9,37 CO2 (en grammes) 0,569 Proportion de CO2 en volume. . . 3,28 Quotient respiratoire 0,84 Nous avons pour d'autres personnes les chiffres suivants (par heure et par kilogramme) (voir le tableau p. 509). Si nous prenons la moyenne de toutes ces expériences assez hétéroclites, nous retrouvons les mêmes chiffres à peu près que pour S. Soit : ut. Ventilation 8,8 CO2 0,477 Proportion de CO 2 3,27 Si le poids de CO2 est un peu plus faible que chez S., cela s'explique peut-être par le poids plus élevé des individus en expérience. On doit supposer, comme l'indiquent d'ailleurs les expérieuces des autres physiologistes, que, si le CO3 produit est de 0gr,560 pour les individus de 50 kilogrammes, il est de 08r,480 pour les individus de 70 kilogrammes; mais nous nous ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ 1/lloM M 11. 509 proposons de Taire sur ce point spécial des recherches plus approfondies; car, évidemment, ce sont là des données assez insuffisantes. y. S co» ITI 0BAMME8 ■ y. '3 E 1 Z 5, E S = % u ~ c o p< '- - C -z _ NUMÉRO .1,. l'expérience. X.. jeune homme il*' 25 ans, tuberculeux «>t> kil.) . . . 7,9 0,482 0,66 3,10 XXVI R., 37 ans (74 kil.) ,, 0,524 „ „ XXVII — (morphine). . . 1,9 0,418 » 4,76 XXVIII — (polypnée) . . . H..". 0,708 » 2,6 XXIX — polypnée et hy- popnée). . . . 11,0 0,498 „ 2,7 XXX Lit.. 27 ans (68 kil.) li, 2 0,396 ,> 4,1 xxxr Lp., 21 ans i70 kil.), hy- popnée 7..-. 0,583 " 3,9 XXXII E., 32 ans (65 kil. , hypopnée 7,3 0.501 » 3,9 XXXIII II., 34 ans (72 kil.), hypo- 4,5 0,155 >, 4,7 XXXIV Gr., jeune fille de 22 ans 11,1 0,514 0,72 2,6 XXXV J., jeune fille de 28 ans (70 kil.) 7,3 0,447 0,72 3,4 XXXVI — — .... 6,4 0,347 0,69 2,0 XXXVII Ro., jeune fille de 25 ans (06 kil.) 13,0 0,450 » 1,9 XXXVIII — .... 13,3 0,553 " 2,6 XXXIX I. — Influence de certains états nerveux [hystérie et hypnotisme) sur les échanges. Nous avons étudié l'influence de quelques états nerveux, survenant dans l'hystérie, sur la ventilation et les échanges, et nous avons constaté que dans quelques cas les échanges sont prodigieusement ralentis. On sait que ce phénomène a été constaté pour la sécrétion rénale, et qu'il y a des exemples avérés d'anurie hystérique. De même, il y a une diminution énorme des échanges gazeux respiratoires pendant la catalepsie provoquée. .1(1 M. HANRIOT ET Cil. RICHET. Expérience XI.. 23 avril. — Gr. (poids 54ke). VENTILATION. co*. QUOTIENT RESPIRATOIRE. État normal (de 9 h. 20 ;'. 9 h. 30) . Catalepsie (de 9 h. 40 à 10 h.) . . . Léthargie (de 10 h. à 10 h. 20). . . LcUhargie (de 10 h. 20 à 10 h. 10). . litres. 13,1 13,0 3,5 4,4 grammes. o,g;;o 0,465 0,277 0,320 0,84 0,84 4,0 0,298 » On voit que, pendant quarante minutes, la ventilation a été réduite à un taux extrêmement faible de 4m,4, ventilation si faible que, malgré tous nos efforts, nous ne l'avons pu maintenir sur nous-mêmes que pendant quinze minutes au prix d'une souffrance asphyxique assez vive; et encore, sur six personnes normales ayant fait cette expérience, une seule a eu, comme ventilation minimum, i,7 entre la quinzième et la vingtième minute. Expérience XLI. Une autre expérience sur l'état cataleptique léthargique a donné un résultat plus net encore. Gr. (poids : 54kg). État normal (de 4 h. à 3 h. 20) (de 4 h. 20 à 4 h. 40). Catalepsie léthargique (de 4 h. 40 à 4 h. 5b) Ventilation. co* lit. gramm< 12,2 0,40i 1,93 )> 4,50 » Léthargie : Total. 3,0 On voit que dans cette nouvelle expérience de catalepsie la ventilation est tombée, pendant trente-cinq minutes, à 3 litres par kilogramme et par heure, alors qu'un individu normal n'a pu rester que quinze minutes au plus avec un taux aussi faible. ECHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 511 Mais la troisième expérience, faite sur la même personne, a été plus concluante encoiv. Ventilation. CO*. lit. grnnimc*. État normal (de -J h. ;'i 2 b. 28} ]f»,2 0,403 . . ( de 2 h. 28à2h.48). 0,15 Léthargie cataleptique ! , „, , ; ( de2h.40ù 3 h. 4). 0,14 Ainsi, pendant trente-six minutes, la ventilation n'a été que de 4nt,72en tout, ce qui fait, par kilo- gramme etpar heure, 0m,15 seulement, quantité tellement faible, que nulle per- sonne normale ne pourrait vivre pen- dant seulement cinq minutes avec cette minime respira- tion. Si extraordinaires que ces faits puissent paraître, ils concor- dent parfaitement avec ce que nous sa- Fig. 90. — Influence de la léthargie sur la production de CO*. Mêmes indications qu'a la lig. 9i. On voit la diffé- rence entre deux léthargiques (Léth. et Létli.) qui pro- duisent très peu de CO4, alors que des personnes nor- VOnS de l'nVStérie et maies, en diminuant leur ventilation autant que possible (H. I>. Lg.), arrivent, au bout de onze minutes, à un taux de l'influence que les tout à fait supérieur. états nerveux hys- tériques exercent sur les échanges interstitiels des tissus. Il ne faudrait d'ailleurs pas croire que tout état léthargique s'accompagne nécessairement d'un abaissement aussi profond des échanges. Sur deux autres jeunes filles hystéro-épilep- tiques, les résultats ont été différents, et nous n'avons obtenu que des chiffres s'éloignant peu de l'état normal. 512 M. HANHIOT ET Cil. RICHKT. III Rapports de l'alimentation avec les échanges. Jusqu'à présent nous ne nous sommes pas occupés des quantités de carbone éliminées par la respiration, comparées avec les quantités de carbone ingérées. Il était intéressant de faire cette comparaison pour établir le bilan nutritif de S. S. a été soumis à deux régimes différents : le premier ré- gime, certainement trop substantiel, a duré du 15 mars au 1er avril. Voici de quoi se composait alors son alimentation. Il faisait deux repas par jour; l'un à M b. 30 du matin, l'autre à G h. 30 du soir. Chacun de ces repas était ainsi composé : ALIMENTS. Pain Pommes de terre.. Viande de bœuf. . Fromage Beurre Sucre Vin Café Eau Total poids de l'a liment 250 250 200 25 25 25 330 250 660 1015 POIDS APPROXIMATIF Ij (I C A I: BOX'E contenu. ranimes. 27,10 25,00 25,40 11,20 18,75 10,50 16,50 134,45 DE LAZOTE contenu. grammes. 2,7 0,7 6,0 0,7 10,1 Sous l'influence de ce régime, S. a rapidement augmenté de poids : kilogr. 15 mars 47,300 19 — 48,600 23 — 50,500 26 — 52,000 1" avril 52,000 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 513 Donc-, on quinze jouis, l'augmentation a été de 4*, 500, soit :i00 grammes par jour. Il faut donc chercher si nous retrouvons dans l'alimenta- tion, comparée ;iux éclwinges el. ;iu\ exrrél ions, un excédent de carbone, el quel est cet excédent. Or la quantité de carbone exhalé en vingt-quatre heures (pendant le jeune répond sensiblement à 702 grammes de CO2, soit 208 de carbone. Il est évident que, pour arriver à ce chiffre de 762 grammes de CO'2, nous ne faisions aucun do- sage pendant vingt-quatre heures consécutives. Mais nous pouvons prendre l'exhalation de CO2 pendant la veille et le jeûne comme représentant assez bien la moyenne générale des vingt-quatre heures; car, pendant la digestion et le tra- vail, il se produit plus de CO2; pendant le sommeil, il s'en produit moins. On est donc très près de la vérité en admet- tant que le CO2 du jeune est le CO2 moyen de chaque heure des vingt-quatre heures du jour et de la nuit. Nous avons donc une ingestion de 2(>85r,9 de carbone et une excrétion respiratoire de 208 grammes à l'état de CO2. Restent 60gl',9 de C. Mais l'urine contenait à l'état durée (dosée) 6 grammes de C; et les matières fécales peuvent être estimées contenir 20 grammes de C l. En définitive, il reste 34sr,9 de carbone, ou, en chitfres ronds, 35 grammes. Or l'augmentation quotidienne de S. a été de 300 grammes par jour. Si cette augmentation portait uniquement sur l'hy- pertrophie des tissus normaux, musculaire, conjonctif et autres, elle répondrait à 250 grammes d'eau et 50 grammes de tissus fixes contenant 25 grammes de carbone. Mais il s'agit 1. D'après M. Rubner (cité par Voit, Hermcmn's Handbach, p. 35), un homme nourri uniquement d'œufs et de viande excrète 17 grammes de matières solides dans ses fèces. D'après M. V\Ti:ns.vRG {Excréments du Dict.de chimie, de Wurtz), cette quantité serait en moyenne de 26sr,'7. Dans une alimentation où le pain entre abondamment, les matières sont plus abondantes (Ranke). Chez S., qui prenait 400 grammes de pain et iOO grammes de pommes de terre, nous pouvons évaluer à 40 grammes par jour le résidu fécal fixe, avec 50 grammes p. 100 de carbone, c'est-à-dire à peu près 20 grammes de carbone. tomk i. 33 514 M. HANRIOT ET GH. RICHET. sans doute de tissus dans lesquels la graisse est la partie prin- cipale, et, par conséquent, où la quantité de carbone est très élevée. Dans la période suivante, l'alimentation, moins abondante, ne comprenait plus que 230 grammes de carbone au lieu de 269 grammes. Or le carbone éliminé par la respiration a été alors de 190 grammes au lieu de 208 grammes. Il reste encore il) grammes de carbone, qui donnent un chiffre un peu plus fort que le total du carbone (26 grammes) excrété par les ma- tières fécales et par les urines. Mais, même dans cette période, S. a augmenté de poids. Le 2o avril il pesait 47 kilogrammes, et le G juin il pesait 52Uer,o, soit une augmentation de 5kg,5 en quarante jours, ré- pondant à une augmentation de 112 grammes par jour, assez bien compatible avec l'excédent de 14 grammes de carbone que nous indique la comparaison de l'alimentation avec l'excrétion, le rapport de 25 grammes à 300 grammes (c'est-à- dire de l'excédent de G à l'augmentation totale de poids) étant sensiblement identique au rapport de 14 grammes à 112 grammes (seconde période). Nous pouvons aussi, en étudiant le jeûne prolongé qu'a subi S., comparer la respiration pendant la digestion àla res- piration pendant le jeûne. Soient, en effet, pendant la diges- tion, les chiffres moyens suivants : Pour 100 vol. expirés GO* combien de CO- Vent. 0* i '<>"-'• en vol. 9,37. . . 0,84. . . 0,5(39. . . 3,3 et, pendant le jeûne de quelques heures, les chiffres moyens : 8,54. . . 0,78. . . 0,492. . . 3,23 nous voyons que la respiration de la digestion comporte un excédent : Ventilation 0,83 CO2 0,072 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 513 soit sensiblemenl l<> pour 100. <>n peut donc dire que la di- gestion augmente de H) pour 100 les échanges respiratoires, La ventilation, L'acide carbonique exhalé, et aussi, mais dans une proportion un peu moindre, l'oxygène absorbé. IV Influence du travail musculaire sur les échanges respiratoires. 1. — Des échanges et de la ventilation pendant le travail. Cette question, une des plus importantes de la Physio- logie générale, avait été déjà traitée par Lavoisiek. Ce grand homme avait pu établir que tout exercice musculaire aug- mente, dans une proportion considérable, le CO2 excrété et l'O absorbé. Le premier fait qui se dégage, indépendamment de toute mensuration chimique, c'est que le volume des gaz de la ven- tilation est proportionnel au travail exécuté. Le moindre mouvement suffit pour augmenter le volume d'air qui passe par nos poumons. Si l'on enregistre minute par minute le taux de la ventilation pulmonaire, on reconnaît aussitôt, dans la minute pendant laquelle l'individu s'est levé, ou même simplement a levé un bras, une augmentation appréciable. La ventilation croît avec le travail, et en raison même de l'intensité du travail. Dans l'expérience qui suit, nous avons fait tourner à S. une roue à frottement dur, et nous avons enregistré la ventilation pendant cette minute et les minutes suivantes. Le nombre des tours de roue indique donc le travail effectué. La ventilation normale était par minute de 101U,7 d'air : 516 M. HANRIOT ET Cil. RICHET. Expérience M. III. NOMBRE V E S T I , A T 1 0 N EN I .ITRES D'AIR PAR MINUTE. de roua 1" Ml INI 1 E. 3" mini n:. 4* Mi 1 IUTÊ. 2 11,4 11,4 „ „ „ 4 12,3 12,3 10.0 » .. 8 13,1 11.1 10,8 11,3 » 16 14,1 12 12,4 11,4 ». 32 11,8 17,7 IV. 7 12.1 11,7 32 18,0 18,3 14,1 13,1 ll.'i En calculant L'excédent de ces ventilations sur la ventila- tion normale et en le rapportant aux tours de roue effectués, nous trouvons une proportionnalité rigoureuse, puisque, pour chaque tour de roue, on a, comme excédent total de la ventilation sur la ventilation normale, les chiffres respectifs suivants, aussi satisfaisants qu'on peut l'espérer en une expé- rience de cette nature : 0ut,70 0m,6o, 01U,44, 0ut,47, 0lil,02, 0Ut,60, soit en moyenne 0m,58. Dans ces conditions, les proportions centésimales de l'air expiré ne doivent guère se modifier, puisque la combustion musculaire plus active entraîne une ventilation plus énergique. En effet, dans cette expérience, les proportions centésimales du CO2 de l'air expiré ne se sont pas beaucoup modifiées, et nous avons eu : 2,9 (repos.), 2,9, 3,3, 3,2, 3,1, 3,3, 3,2, ce qui correspond presque h la fixité du rapport, avec une légère tendance à l'augmentation par le fait du travail. Il s'ensuit que, si la ventilation se proportionne au travail, on peut déjà avoir, par la mesure de la ventilation, une no- tion très approchée des combustions chimiques effectuées. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 5H Certes, la mesure de la ventilation ne suffi! pas à donner un chiffre rigoureux [tour les quantités de CO2 el de Oa; mais elle fournil déjà une assez bonne approximation; car on doit admettre que la proportion centésimale de l'air expiré ne varie que peu. Il y a en effet une étonnante harmonie, réglée par le système nerveux, entre ces divers phénomènes. Une contraction mus- culaire produit du CO2 et absorbe de l'O2. Aussitôt cet excé- dent de GO2, agissant sur les centres nerveux, va mettre en jeu leur activité, et les nerfs moteurs de la respiration vont être stimulés de manière à produire une ventilation plus active. On peut même appliquer à d'autres phénomènes cette régu- lation. En effet, la combustion des substances qui servent à la contraction du muscle ne produit pas seulement du CO2, mais encore de l'eau, en même temps qu'elle dégage de la chaleur. Eh bien! cet excédent de ventilation a [tour résultat précisément une exhalation d'eau, par le poumon, plus active, et par conséquent un refroidissement corrélatif; l'exhalation d'eau entraînant toujours un notable dégagement de calorique l. La respiration est donc le grand régulateur de l'équilibre chimique de l'organisme, et, dès qu'une contraction muscu- laire a changé cet état chimique, la ventilation change, pour ramener le sang- à sa constitution normale. Si le travail est trop fort, et que la ventilation soit insuffi- sante, alors il y a de l'essoufflement, de l'anhélation, sensa- tions douloureuses, pénibles, dues à l'excédent de CO2 dans le sang-, ou plutôt à un défaut de 0'. Il faut donc distinguer un travail modéré et un travail fort \ En efïet, si le travail est modéré et faible, les proportions 1. Voyez Ch. Richet,' La chaleur animale, p. 270. 2. On no doit pas 0111)1101' que toutes ces expériences portaient sur un indi- vidu ayant un masque et respirant à travers une soupape de Mullkr. 518 M. HANRIOT ET GH. RICHET. centésimales des gaz de l'air expiré restent les mêmes, et par- fois tendent à diminuer. Au contraire, elles s'élèvent quand le travail est fort. Autrement dit, avec un travail faible, on ventile plus qu'il n'est nécessaire, tandis qu'avec un travail fort on ne ventile pas suffisamment. Yoici une expérience à l'appui, indiquant la quantité de CO2 en volume par litre, dans l'air expiré : Expérience XLIV. Total. Repos » » » » 3,C » Travail modéré ... 3,1 3,2 3,3 3,0 3,2 3,1 Travail fort 3,6 3,0 3,0 3,6 3,8 3. s Les proportions centésimales de l'oxygène contenu dans l'air expiré doivent, pour être comparables à celles de l'acide carbonique produit, être exprimées sous la forme de quan- tités d'oxygène absorbé dans 100 volumes d'air. On trouve alors que les variations centésimales de l'oxygène absorbé dans le travail musculaire suivent une marche un peu diffé- rente des variations de l'acide carbonique excrété. Les pro- portions centésimales d'oxygène absorbé augmentent avec le travail, mais bien moins que l'acide carbonique, de sorte que, avec un travail modéré, elles diminuent notablement, et qu'il faut un travail fort pour les faire croître. Ainsi, dans le travail musculaire, chimiquement caracté- risé par une augmentation des quantités absolues d'oxygène absorbé et d'acide carbonique produit, l'acide carbonique produit croit beaucoup plus vite que l'oxygène absorbé; con- clusion qui confirme les expériences que M. Chatjvead a entreprises en analysant comparativement les gaz du sang artériel et du sang veineux musculaire '. La moyenne du CO2 contenu dans l'air expiré a été de 3,8 1. Comptes rendus dp l'Académie des sciences, t. CIII, 22 et 29 novembre et 13 décembre 188li. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 5Ï9 Repos Travail fort . . . Repos Travail plus fort. Repos Repos. . . . Travail modén — fort . Repo- Repos. Travail Repos. Repos Travail modéré Repos Repos Travail modéré Repos Travail fort Repos. . . Repos. Travail Repos. PROPORTIONS CENTÉSIMAL1 - i n roi oui - M I OXYOI NE absorbé. E\ PÉRI EN CE X I.V Ex PÉRI F. N CE X L V I ExPÉRIEN C E X L V 1 1 Expérience XLVIII 3,0 3,2 3,3 Expérience X L I X 3,4 3,4 3,2 3,9 3,6 Expérience L 3,2 4,0 3,8 4,3 3,8 3,9 *,2 3,6 3,5 4,0 3,7 3,6 4,6 4,0 RAP POR I de 3,5 4,4 0,70 '..i; 5,7 0,79 1.2 4,4 0,95 4,1 5,3 0,88 5 2 4,7 1.10 3,9 4,3 0,91 3,7 5,3 0,70 3,5 4,6 0.76 4.3 4,6 0,93 4,0 3,9 1.02 4.3 3. S 1 . ! 3 *.2 •j . i 0,77 3,5 3,9 0,86 4 , i 5,7 0,89 3,7 3.1 1,19 0,70 0,84 0,85 0,81 0,94 (1.91 0,98 0,98' 0,88 0,87 0,95 520 M. HANRIOT ET CH\ RI Cil Kl. p. 100 dans le travail musculaire : avec un maximum de .'i,9 p. 100, un autre de 5,3 p. 100; tous les autres chiffres étant au-dessous de i, I p. 100; non pas certes à un moment quel- conque de l'expérience, mais dans la longue durée d'une expérience prolongée pendant une demi-heure. Il se produit en effet une compensation, si bien qu'à la fin le taux normal est à peu près établi. Si l'effet d'une série de contractions musculaires est in- stantané, au point de vue de la ventilation qui augmente subi- tement, on constate, pendant quelque temps encore après ces contractions, un excédent de ventilation et de CO2 excrété, comme l'indiquent les chiffres suivants : Expérience LI Repos. De 2 h. 15 à 2 h. 30. 2 h. 30 à 2 h. 4b. 2 h. 4b à 3 h. 00. 3 h. 00 à 3 h. 15. Repos. De 4 h. 00 à 4 h. 05. 4 h. 05 à 4 h. 10. 4 h. 10 à 4 h. 15. Ventilation. . 10,3 9,4 . 9,3 9,3 12,8 10,1 9,1 9.1 co- 0-. Total. 9,6 0,78 Travail régulier. De 3 h. 15 à 3 h. 20. . 11,3 » 3 h. 20 à 3 h. 2b. . 12.:; » 3 h. 2b à 3 h. 30. . 13,3 » 3 h. 30 à 3 h. 35. . 13,2 » 3 h. 35 à 3 h. 40. . 13,2 » 3 h. 40 à 3 li. 4b. . 13,9 ) » 13,2 3 h. 4b à 3 h. 50. . 12.2 ) » 3 h. 50 à 3 h. 55. . 13,2 « 3 h. 55 à 4 h. 00. . 12,8 » Proportions centésimales de CO2 (en vol.) 3,55 3,45 3,45 3,60 3,5 ! M 4.6 0,80 4.6 9,4 0,98 ' < Il A \i,i:s RESPIRATOIRES CHEZ I.'IIOM ME. l 'ropi centésimale de CO* Ventilation. (en vol. Travail plus fort. De I h. 15 à i h. 20. . . 13,4 » ] [ h. 20 à i li. 2:;. . . 14,6 » i,7 i h. 25 à i h. :!(). . . 15,3 » ) i li. 30 à i h. 35. . . 15,8 » 1 i 1). 35 ;i i h. in. . . n;.:: „ 4,2 4 li. in ,'i t h. i... . . 15,6 » ) 0,94 4,45 t,90 Repos. l.'i.l De 4 h. V.'i à 4 h. 50. . . i3,6 i h. 50 à 4 li. 55. . . M.n 4 h. 55 à 5 h. 00. . . 8.8 5 h. 00 à .". h. 05. . 8,:i 5 h. 05 à 5 li. 11). . . 8,4 :; h. 10 à b h. 15. . . 8,6 3,90 9,8 0,'J3 4,40 En analysant cette expérience, — et nous pourrions en donner beaucoup d'analogues, — on voit que : 1° Pour un travail modéré la ventilation est presque immé- diatement suffisante ; 2° Pour un travail plus fort, la ventilation n'est suffisante qu'au bout d'un assez long temps; 3° Quand le travail est terminé, la ventilation reste encore exagérée pendant quelque temps ; 4° Il s'établit après le travail, pendant le repos consécutif, une compensation telle que le chiffre de la ventilation devient inférieur au chiffre de la ventilation précédente (pendant le repos, avant le travail). Quelle est la cause de cette compensation et de cette ven- tilation plus faible? Il est probable qu'il y a un épuisement des centres nerveux; mais, d'un autre côté, la quantité de CO2 excrété est alors devenue très faible, de sorte qu'on peut se demander si la cause de l'essoufflement est bien due à un excès de CO2 ou à quelque autre substance hypothétique, dont 522 M. HANRIOT ET CH. RICHET. la production, dans la contraction musculaire, est simultanée avec la formation de C( >2. Nous pouvons doncmaintenant nous faire une idée exacte des rapports qui unissent la ventilation et le travail musculaire. Dès qu'un muscle ou un groupe de muscles se contractent, aussitôt une grande quantité de CO2 est produite, qui va agir sur les centres nerveux et déterminer une ventilation plus active. De sorte que, si la régulation est parfaite, la propor- tion centésimale des gaz de l'air expiré reste constante et la teneur du sang en CO2 et en G2 ne se modifie pas. Mais la régulation peut être imparfaite par excès ou par défaut; avec un travail modéré, la ventilation est exagérée, et alors l'air expiré devient moins riche en CO2; avec un travail fort, l'air expiré devient plus riche en CO2, le sang se surcharge de CO2, se dépouille de plus en plus d'oxygène, et un essoufflement très pénible se produit, dû à un excès de CO2 et à un défaut de O2. L'essoufflement n'est autre qu'une surcharge de CO2 dans le sang, due à un travail musculaire trop fort pour la ventilation qui s'était d'abord établie. Quand le travail musculaire a cessé, la ventilation diminue, mais non tout de suite ; car il reste encore un excès de CO2 dans le sang. Au bout de cinq minutes, un quart d'heure même, il y a retour à l'état normal, et même la ventilation tombe au-dessous du taux normal, comme si les centres ner- veux, épuisés par une courte intoxication semi-asphyxique. étaient devenus insensibles à la stimulation du CO2 contenu dans le sang. §11. — Rapport des combustions du travail chimique musculaire avec le travail mécanique effectue. Le problème a été agité par différents physiologistes, qui n'ont pas trouvé de solution concordante. Nous n'avons pas la prétention de le résoudre, et, en eft'et, pour une solution tant soit peu complète, il faudrait doser ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 523 simultanément les actions chimiques, le travail évalué eu kilo- grammètres el la chaleur dégagée. Nous n'avons pas mesuré le dégagement do chaleur, mais seulement le travail mécanique. Rappelons d'abord quelques chilîres obtenus par les di- vers expérimentateurs. .Nous noterons que M. Hirn est le seul qui ait dose, à la fois et simultanément, le travail, la chaleur et la combustion. Il admet que le travail mécanique effectué représente le quart du travail chimique intramusculaire. En calculant les quantités do calories dégagées théorique- ment par les aliments et en tenant compte des travaux méca- niques effectués, M. IIklmholtz a conclu que le travail méca- nique extérieur était le cinquième du travail chimique. M. .Toile admet que c'en est le quart ', M. Danilewski dit le septième ; mais ce sont là des méthodes très indirectes. M. Heidenhain \ M. Fick 3, M. Danilewski *, ont mesuré simultanément le travail mécanique effectué et la chaleur dé- gagée; ils pouvaient ainsi établir le rapport du travail méca- nique extérieur avec la chaleur dégagée. Mais, malgré la précision des mensurations thermo-électriques, il s'agit, dans leurs expériences, de chiffres absolus tellement faibles qu'on ne peut guère considérer leurs résultats comme délinitifs. Ils admettent, en effet, tantôt que le travail mécanique est la totalité (Heidenhain) , tantôt le cinquième (Fick) , tantôt la moitié (Danilewski) du travail chimique intérieur. Ils admet- tent tous, d'ailleurs, que le rapport du travail chimique avec le travail mécanique est très variable. Nous avons fait exécuter à un même individu un travail mécanique déterminé, consistant à soulever un poids de 1. Voir Fick, Mechanische Arbeit und Wâiineentwicklung der Muskelthâtig- keit, p. 231. Leipzig, 1188. 2. Mechanische Leistung, Wàrmeentwicklung und Stoffumsatz bei der Mus- ftelthàtigkeit. Leipzig, 1864. 3. « Wàrmeentwicklung bei Muskelzuckuug » [Arch. de Pflùger, t. XVI, p. 59). 4. « Warmeproduction und Arbeitsleistung » (Arch. de Pflùger, t. XXX, p. 196). .vji M. HANRIOT ET Cil. RICHET. 1!) kilogrammes (soit à chaque bras un poids de 9kil,5) à une hauteur de 0m,50, puis à le laisser tombera terre. Ainsi cha- que mouvement représente un travail de 9kil,5. En même temps, nous mesurions ses échanges respira- toires. Comme nous avions soin, avant et après cette mesure. de prendre ses échanges respiratoires normaux, il est clair que la dillerence entre la respiration normale et la respiration pendant le travail mesure le travail chimique final, qui répond au travail mécanique ellectué. La moyenne de plusieurs séries d'expériences, aussi con- cordantes qu'on peut l'espérer en un sujet dépendant de tant de variables, nous donne les chilfres suivants: H VENTIL A T I O N < O-: EX i ÉDANT O EX C É D A N T a ï -': E \ C K D A N 1 1.. 1- I: ODUIT E X 1. 1 1 H ] 6, ABSOR D Ê EN LITRES. P. *~ z ~ o - ; absolue. pour 10 poids. absolu • pour 1" i oids- .,,,, pour 10 poids. 450 60G 13,4 18,39 11.10'.» 14,15 0,320 Ï50 132 12,6 21.73 0.4 83 » » 311 305 11,7 14.30 0,455 13,30 0,42 4 300 413 10,7 17,95 0,595 8,80 0,293 273 329 11,0 îi.oo 0,413 1.03 0.147 270 268 9,9 10,00 0.371 ». » 2o3 246 8,1 13.73 o. i 15 5,75 0,218 241 239 9,8 12,i5 0,510 11,70 0,479 240 2 40 10,0 14,10 0,583 6,15 0,236 2Î0 3 il 14,2 13.30 0,562 « » 230 207 9,0 7. SI) 0,378 >. » 223 236 10.3 12,05 0,335 8,05 0,357 222 289 13,0 10.33 0,474 M » 210 302 1 i.:'. 10,95 0.321 9,45 0,450 210 211 11,4 12,95 0,616 4,85 0.231 180 200 11.1 9,65 0,536 .. » 180 182 10,0 9,55 0,330 » » 180 120 6,7 9,80 0,544 » » 180 L38 7,6 11,30 0,627 7,85 o. 136 L62 113 7.0 7.03 0,434 7,55 0,466 111 90 8.1 6,90 0.021 3,20 0.288 90 lui 10,8 3,90 0,406 2,20 0,220 5 232 5,661 239,62 10 03 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. Mu; I pour 10 poida en litres. Ventilation excédante . . 10,8 1 10 ' excédant 0,496 0,328 La quantité excédante d'oxygène absorbé a toujours été inférieure» La quantité excédante d'acide carbonique dégagé. En outre, si Ton compare l'acide carbonique excédant à l'excédent de la ventilation, ou trouve une proportion de 4,5 p. 100, qui exprime d'une manière très exacte la proportion centésimale vers laquelle tend l'air expiré dans le travail musculaire tant soit peu énergique. Il s'agit là d'un rapport de deux différen- ces; et trouver un chiffre aussi voisin du vrai, c'est, en quelque sorte, faire le contrôle sévère de nos diverses relations numériques. Avant de calculer la relation du travail mécanique exécuté avec les échanges respiratoires, nous devions apprécier une partie du travail qui n'est pas comprise dans le soulèvement des poids, à savoir l'élévation des bras et les mouvements du corps qui accompagnent tout exercice musculaire. Or, pour avoir exécuté les mouvements à vide, dans les mêmes conditions qu'avec les poids, il y a eu, par rapport à l'état de repos, pour 768 soulèvements des bras, dans cinq séries d'expériences, un excédent de production d'acide car- bonique de 7m,14, et un excédent d'absorption d'oxygène de £m,03, ce qui correspond à un excédent, pour 10 soulève- ments, de 0ut,093 d'acide carbonique et de 0ltt,028 d'oxygène. En retranchant ces nombres des nombres précédents, nous trouvons, pour exprimer l'acide carbonique et l'oxygène répondant à 10 soulèvements (ou à 95 kilogrammes) les chiffres de 0ut,403 pour l'acide carbonique, et 0m,302 pour l'oxygène. Ainsi, indépendamment de toute hypothèse sur la nature des actions chimiques qui produisent le travail mécanique et la chaleur, nous venons à cette conclusion que, pour 100 kilo- 526 M. HANRIOT ET Cil. RICHET. grammes, en chiffres ronds, nous faisons passer dans les poumons 1 1 litres d'air en plus, nous absorbons 0m,300 d'oxy- gène en plus, et nous dégageons 0ut,400 d'acide carbonique en plus (qu'à l'état de repos). Pour évaluer exactement la chaleur dégagée par ces actions chimiques, — dont nous n'avons ici que l'un des termes, l'acide carbonique, — il faudrait savoir dans quelle combinai- son chimique se trouve engagé le carbone qui brûle. On admet généralement, — et les expériences récentes de M. Ciialveau confirment cette opinion, — que c'est du glycose qui brûle1. Mais, en faitd'hydrates de carbone, il n'yenadans l'organisme qu'en quantités insuffisantes pour expliquer le grand déga- gement d'acide carbonique que produit toute contraction musculaire. Par conséquent, au moins chez l'individu à jeun, ce glycose devrait se former sans cesse aux dépens d'autres substances. Il ne serait donc là qu'un produit intermédiaire, provenant des graisses et de la glycérine des graisses plutôt que des matières albuminoïdes. Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, le rapport de l'oxy- gène consommé à l'acide carbonique dégagé nous montre que l'équation chimique de la contraction musculaire est plus compliquée qu'une simple combustion du glycose ou de la glycérine. En adoptant pour le glycose le chiffre de 680 calories pour 1 molécule de 180 grammes, nous trouvons que nos 0?r,800 d'acide carbonique répondent à 0sr,o3o de glycose, soit à 2' ll,o ou 830 kilogrammètres. Le rendement réel étant dans nos expériences de 9.*i kilo- grammètres, on voit que le rendement de la machine animale a été le 1/9 du rendement théorique. Mais, comme il y a plus d'acide carbonique produit que d'oxygène consommé, notre chiffre de calories est certaine- 1. Tout récemment M. Pflugkr, par un ensemble de preuves assez fortes, a contredit cette opinion classique qu'il traite d'affirmation gratuiie. Nous ren- voyons à son mémoire. [Archives de Pftûger, t. LU, fasc. 5 et 6, 1892.) ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. B27 ment trop fort. En prenant pour base Les quantités d'oxygène absorbé, et en supposant qu'il n'y ;i pas eu d'autre source de chaleur, nous aurions trouvé une combustion de 0,400 de glycose cl nu travail de 648 kilogramme très, avec un rende- ment réel représentant le 17 du rendement théorique. Il est permis de supposer que le chiffre exact du rende- ment de la machine animale dans les conditions susdites se trouve compris entre ces deux limites de 1 7 et de 1/91. Conclusions. Il est difficile de formuler les conclusions de ce long travail, qui, sur un grand nombre de points, ne fait que confirmer les données antérieures, et sur quelques points seulement établit des faits nouveaux. Toutefois nous pouvons dire que, par leur multiplicité, nos expériences fournissent des chiffres positifs moyens, qui reposent sur plus de constatations que jusqu'à présent : 1° La ventilation moyenne (jeune, digestion, travail) est de 10 litres d'air par kilogramme et par heure; le CO5 produit de 0?r,65, le rapport de CO2 a O2, de 0,84; et la proportion de CO2 dans l'air expiré, de 3,5. 2° Tous ces chiffres sont plus faibles dans le jeûne : 8ut,5 de ventilation; 0-'",50 de GO2; quotient respiratoire, 0, 78 ; et proportion centésimale de CO2, 3, 25. 3° Pendant la digestion : 9Ut,5 de ventilation; 0gr,570 de CO2; quotient respiratoire, 0,84 ; proportion centésimale de CO", 3,30. I. Nous nous proposons de reprendre ces expériences, car elles comportent une grave cause d'erreur sur laquelle M. Zuntz et ses élèves ont iixé notre at- tention. Il s'agitde la détermination exacte du travail kilogrammétrique elïectué. Quand un homme soulève un poids et le garde à la main en le laissant re- descendre, il accomplit un double travail que, dans notre mensuration, nous avons considéré comme simple et qui n'est pas simple ; car, pendant tout le temps que le poids redescend, il le maintient et contracte encore ses muscles. Il faudra disposer l'expérience de telle sorte que le poids, ayant été soulevé, soit redescendu par un mécanisme quelconque, sans que le travailleur intervienne 528 M. HANRIOT ET GH. RICHET. 4° L'excès de ventilation dû à la digestion est donc, en chiffres ronds, de 1 litre par kilogramme et par heure, avec un excès de COa égal à 0 '.07. 5° Le quotient respiratoire est d'autant plus élevé qu'il y a plus d'hydrates de carbone dans l'alimentation. Il peut, après une alimentation exclusivement sucrée, dépasser l'unité. Autrement dit. il y a alors plus d'oxygène exhalé à l'état de CO2 que d'oxygène absorbé et fixé dans les tissus. 6° Les aliments gras et les aliments azotés ne modifient que peu le quotient respiratoire et la ventilation. 7" Après un repas mixte, ou composé d'hydrates de car- bone, l'excrétion plus forte de CO2, concordant avec une ven- tilation plus active, commence environ une heure après l'ingestion, et a son maximum de deux heures et demie à trois heures et demie après. 8° Une alimentation copieuse, longtemps prolongée, qui détermine l'engraissement, fait que, même au bout d'un jeune de quarante-huit heures, par suite des réserves nutri- tives accumulées, le quotient respiratoire minimum 0,70 n'est pas atteint. 9° Le quotient respiratoire, toutes conditions égales d'ailleurs, est d'autant plus élevé que la quantité absolue du CO2 excrété est plus considérable; autrement dit, l'oxygène absorbé varie moins que le CO2 excrété. 10° Une fois que l'état de jeûne a été obtenu, c'est-à-dire au bout d'une douzaine d'heures environ, le quotient respira- toire, la quantité absolue de CO2 excrété et la ventilation ne décroissent plus que très lentement. 11° La ventilation se proportionne rigoureusement à la quantité de CO2 excrété, si bien que la mesure de la ventila- tion suffit pour donner une notion très approchée de la quan- tité de CO2 produite dans les tissus. 42° En dehors des cas où le travail musculaire a été fort, on voit que, dans les expériences où le CO2 va en croissant, la ventilation croit plus vite que le CO2 excrété, et que le CO2 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. 529 croit |>lus vite que Oa, par conséquent que la régulation dépasse la limite et se fait en excès. 13 De là cette autre conséquence que la ventilation est plutôt réglée par l'excès de CO* que par le défaut de O2. 1 '. Le minimum de la ventilation chez un homme adulte normal est (pendant la veille de 6ut,6, et le minimum de CO2 excrété de ()-'. iii.V 15° L'influence de la volonté sur l'excrétion de COa (si l'on élimine l'influence médiate par les contractions musculaires) ne peut s'exercer que pendant quelques minutes, dix à vingt minutes au plus. Passé ce temps, on est forcé de revenir au taux normal, quel que soit le rythme respiratoire polypnée ou hypopnée). 16° Il y a une variation diurne de l'intensité des échanges respiratoires. Dans une alimentation constante, ou dans un jeune constant, ainsi que le faisaient prévoir les variations de la courbe thermique, les échanges vont en croissant de 8 heures du matin à o heures du soir, et vont en diminuant de o heures du soir à 8 heures du matin. 17° La glycérine abaisse beaucoup les échanges respira- toires. Le sulfate de quinine a une action de même nature, mais moins nette. La morphine diminue surtout la ventila- tion : elle diminue les échanges, mais elle diminue énormé- ment la ventilation pulmonaire, comme si elle rendait les centres nerveux moins sensibles à l'action stimulante du CO2. 18" Les bains froids et une température basse augmentent beaucoup les échanges et la ventilation. Cette action est quelquefois très prolongée, et continue alors même que l'individu est soustrait au bain froid. — Ce fait a une certaine importance en thérapeutique. 19° Le gaz CO- introduit dans le rectum est rapidement absorbé. 11 accélère la ventilation, et on le retrouve tout entier en excédent dans les gaz exhalés par le poumon. 20° Dans l'état de léthargie hystérique, les échanges sont diminués, et la sensibilité des centres nerveux affaiblie à ce TOME I. 34 530 M. HANRIOT ET CH. RICHET. point que, dans une expérience remarquable, il y a eu en trente-six minutes une ventilation totale de 41U,72 (pour une femme de 50 kilogrammes). 21° Chez un individu de 47 kilogrammes, prenant 269 grammes de carbone par jour, il y a eu élimination de 208 grammes de G par les poumons, soit 78 p. 100, excrétion par l'urine et les excréments de 26 grammes, soit 10 p. 100, et fixation de 3*j grammes par jour, soit 12 p. 100, ce qui correspond à une augmentation de poids quotidienne de 300 grammes. Avec 230 grammes de carbone dans l'ali- mentation, l'élimination par les poumons a été de 190 grammes, soit 82 p. 100, avec excrétion de 26 grammes, soit 12 p. 100, et une fixation de 14 grammes, soit 6 p. 100, laquelle correspond à une augmentation de poids quotidienne de 112 grammes. 22° Le travail musculaire est, de toutes les conditions physiologiques, celle qui modifie le plus les échanges respi- ratoires. Les chiffres peuvent être doublés, et même triplés, dans un travail énergique. Ce qui croît le plus, c'est la quan- tité de CO2 excrété. Le ()" absorbé croît aussi, mais un peu moins. 23° Avec un travail faible, la ventilation compense exac- tement l'excès dans la production de CO2, tandis que, avec un travail fort, la ventilation est insuffisante, et la proportion centésimale du CO2 de l'air expiré devient plus forte qu'à l'état normal. 24° Quand cette proportion atteint 4,*j p. 100, il y a essoufflement. 25° Un individu couché exhale moins de CO2 que s'il est assis, et, s'il est assis, moins que s'il est debout. 26° La ventilation se proportionne donc exactement au travail, et l'on peut évaluer à 11 litres d'air d'excédent un travail de 100 kilogrammètres. 27° Pendant le repos qui suit les contractions musculaires, il y a d'abord une ventilation plus active, par suite du CO2 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ L'HOMME. j31 accumulé dans le sang", |>uis une ventilation diminuée, comme si les centres nerveux étaient épuisés et moins sensi- bles que pendant le repos à la stimulation du sang chargé de < :< > . 28° Pour 100 kilogrammètres, nous absorbons 01U,300 d'oxygène en plus, et nous dégageons 0ut,400 de GO2 en plus. 29° En supposant que c'est, dans la contraction musculaire, du glycose qui brûle, nous trouvons que 0-r,800 de CO2 ré- pondent à 800 kilogrammètres; par conséquent que le rende- ment réel est 1 9 du rendement théorique. 30° En faisant cette même hypothèse, et en prenant pour base non plus le CO2 produit, mais le O9 absorbé, nous trou- vons une combustion répondant à 645 kilogrammètres, avec un rendement réel représentant 1/7 du rendement théo- rique. On peut donc supposer que le chiffre exact du rende- ment de la machine animale est compris entre ces deux limites de 1/7 et de 1/9. XVI MESURE DES COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN Par M. Charles Richet. § I. — Expériences personnelles. Je vais d'abord rendre compte des nombreuses mensura- tions que j'ai faites à l'aide de la méthode que M. Hanriot et moi nous avons décrite précédemment [Comptes rendus de l' Aca- démie des sciences, t. CIV, p. 435, février 1887). Cette mé- thode consiste à faire passer l'air expiré à travers une longue colonne de potasse et de chaux, en mesurant exactement le volume d'air inspiré, puis le volume d'air expiré avant la po- tasse, dans deux compteurs : A et B. Un troisième compteur C mesure le volume d'air expiré après la potasse. La différence entre A et C donne la quantité d'oxygène consommée; la dif- férence entre B et C donne l'acide carbonique produit1. Je n'entre pas dans les détails techniques de l'expé- rience, il me suffira ici de mentionner les deux procédés sui- 1. "N'oyez le mémoire précédent, page Ho et suiv. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 533 vaut lesquels on peut employer, sur des chiens, cette méthode de dosage. Tantôt on t'ait la trachéotomie, et on adapte une canule à la trachée; puis on fait respirer l'animal à travers une soupape de .Mi i.i ii;. I >n a ainsi, à la fois, par la mesure des trois comp- teurs : la ventilation, L'oxygène consommé, l'acide carbonique produit et le quotient respiratoire. Cette méthode a l'inconvénient de mutiler quelque peu l'animal, de sorte que les chiffres obtenus ne représentent peut-être pas exactement ce qu'ils seraient sur l'animal intact. Dans l'autre cas, le chien était placé dans une caisse her- métique à travers laquelle on faisait circuler un courant d'air. De cette manière, on évite la mutilation de l'animal; mais, a d'autres points de vue, ce procédé est désavantageux, car on n'a pas ainsi la ventilation pulmonaire, non plus que la pro- portion centésimale du CO2 contenu dans l'air expiré. Dans le cours de ce mémoire, on verra des expériences faites par l'un et l'autre procédé, et, dans le tableau qui résume nos recherches, il sera facile de savoir dans quels cas l'animal respirait sous la cloche, dans quels autres cas il était trachéo- tomisé et respirait par la soupape de Muller. Quand la respi- ration se faisait sous la cloche, les chiffres de ventilation ne sont pas indiqués. Dans ces expériences, comme dans beaucoup d'autres en physiologie, tout fait varier la proportion de GO2 : l'état de l'alimentation, l'état du système musculaire, l'état psychique de l'animal, la température extérieure. Le chiffre final est fonction de toutes ces variables; de sorte que, pour bien faire, il faudrait éliminer toutes ces causes de variation, ce qui ne se peut qu'en réunissant des chiffres nombreux. ?Sous allons d'abord fournir le tableau présentant l'en- semble de nos recherches, et nous verrons ensuite la con- clusion que l'on en peut tirer. 534 CMAlil.KS RICHET. NUMÉROS des EXPÉRIENI l S. POIDS Dl g i I1IEHS kilograi co* en litres par M r.\MMi; et QUOTIENT respiratoire. (IHIIL1TI01 (en litres) par KILOGRAMME el PAR ni EN VOLUME pour mu litres «l'air. I 28 26 0,461 0,566 0.90 0,70 20,8 2.2 » II III 21 0,443 » » » IV 20 0,582 0.72 21.3 2.7 V n 0,680 » 28.1 2,4 VI 13 0.861 » 22,5 3.8 VII 13 0,465 » » » VIII 13 0,418 0,6 i 10.8 3,9 IX 13 0,601 » 30,0 2.0 X 12 0.500 0,72 11.7 1,9 XI 12 0,655 0,63 30,1 2 2 XII 12 0.756 0.83 24,2 2,5 XIII 11,0 0,811 0.73 33,4 5,5 XIV 11 0,573 » » 1,9 XV 11 0,500 >. 22.4 2.1 XVI 11 0,945 » » 2,8 XVII 10 0,720 » » » XVIII 9.5 0,863 0.83 » 3,9 XIX S 0,658 0.62 57,0 » XX s 0,771 0.70 54,1 >. XXI i 0,666 0,80 » » XXII G 0,630 0.77 » 1.1 XXIII 0,4 1,141 » » 2,1 XXIV 5,6 0,796 » >» » XXV 4.7 0,900 0.76 » » XXVI 4.1 0,838 0.71 » » XXVII 3.8 0,638 0.82 » » XXVIII 3,5 0,671 0,72 » >- XXIX 2, S 1,364 0,84 » » XXX 2,8 1,279 0,80 » » XXXI 2, S 1,065 0,77 » » XXXII 2, S 0.876 0.71 » » XXXIII 2, S 0,504 0,70 » » XXXIV 2,5 0.792 » » » 2.5 1,080 0,69 » x> XXXVI 9 0 1,314 0,84 » » XXXVII 9 9 1 ,354 0,72 » » XXXVIII 2,2 1,818 0,76 11 " Il faut maintenant donner quelques indications sur les chiffres de ce tableau. D'abord il contient toutes les expériences que nous avons faites, dans lesquelles la durée des mensurations dépassait ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 533 trois quarts d'heure. En effet, quand la durée est moindre de trois quarts d'heure, la mesure ne peut être considérée comme valable: par suite du procédé même de mensuration, au bout de quelques minutes, on même d'une demi-heure, une conclu- sion n'est pas possible à donner. .Non- n'avons pas indiqué les chiffres de l'oxygène absorbé; en effet, dans les cas on la mensuration de l'oxygène a été faite, il su Hit de donner le quotient respiratoire pour qu'on puisse par là calculer la quantité d'oxygène. De plus, dans un certain nombre d'expériences, surtout celles qui ont été laites au début de nos recherches, nous n'avons pas dosé l'oxygène. Enfin, tandis que le chiffre d'acide carbonique fourni par la méthode des trois compteurs peut être précisé avec une assez grande exactitude, le chiffre relatif à l'oxygène est beaucoup plus incertain. En effet, la mesure de l'oxygène se faisant par la différence entre A et G, comme, entre A et C, se trouve interposée la cavité thoracique du chien, dont la contenance varie à chaque instant, la différence entre A et C est beaucoup moins exacte que la différence entre B et C, qui n'est pas exposée à cette cause d'erreur. Aussi, dans les expériences faites sur des chiens trachéotomisés, avons-nous toujours préféré le chiffre d'acide carbonique au chiffre de l'oxygène. De fait, quand l'expérience porte sur une longue période de temps, de deux ou trois heures par exemple, cette quantité variable peut être négligée; car elle n'augmente pas avec la durée de l'expérience, tandis que le chiffre absolu augmente continuellement. Nous ne nous sommes pas occupé de préciser les poids, en donnant même des premières décimales. En effet, le poids d'un chien est, comme on le sait, extrêmement variable, selon qu'il a mangé, qu'ila uriné, etc. Ce sontlà des quantités qui, pour des chiens de 10 kilogrammes, expriment près d'un kilogramme. De même, nous n'avons pas réduit les volumes à 0° et à la pression normale. Car les écarts dus aux variations 536 CHARLES HICHET. physiologiques sont bien plus grands que ces corrections1. Pour quelques-unes de ces expériences, en particulier pour l'expé- rience VIII, la pression à vaincre à l'inspiration et à l'expiration était assez forte; cela a modifié, comme on le voit, le chiffre de la ventila- tion. 11 en est de même pour l'expérience XIII. Probablement le croît de la pression n'a pas eu d'influence sur la production absolue d'acide car- bonique, et a modifié seulement la proportion centésimale de l'acide carbonique contenu dans l'air expiré. Dans l'expérience X, le chien était à jeun depuis seize jours. On voit que, dans ce cas, le chiffre d'acide carbonique est faible. Dans l'expérience XXXIII, il s'agit d'un petit chien qui avait reçu sous la peau une injection septique, de sorle que sa mi- nime production d'acide carbonique est attribuable sans doute à un état pathologique. Enfin, dans l'expérience XXXVIII, il s'agit d'un petit chien blanc qui avait été mouillé dans l'appareil; là encore il s'agit de condi- tions toutes spéciales qui ont exagéré la production de CO2. Nous croyons donc devoir éliminer de notre tableau final les expé- riences XXXIII et XXXVIII, quoique à elles deux elles fassent une somme qui représente très bien la moyenne des chiffres donnés par des chiens de ce poids. Pour le quotient respiratoire, si nous prenons la moyenne des vingt-six expériences où l'oxygène a été mesuré, nous trouvons une moyenne de 0,748, chiffre qui concorde admi- rablement avec le chiffre 0,745 qui résulte des huit expé- riences de Regnault etReiset; les écarts sont néanmoins assez considérables, puisqu'ils vont de 0,62 à 0,90. Si nous divisons les chiens, par leurs poids, en trois groupes, nous avons le quotient respiratoire suivant : Moyennes. 8 chiens de 10 à 28 kilogrammes. . . 0,74 5 chiens de G à 10 — ... 0,74 13 chiens de 2 à o — ... 0,75 Il est donc évident que la taille des chiens n'influe pas sur le quotient respiratoire. On sait que c'est l'alimentation surtout qui le modifie, et tous nos chiens étaient, sinon à l'état de jeûne absolu, du moins privés d'aliments depuis cinq ou dix heures. 1. On verra dans le mémoire suivant que ces corrections ont été faites et modifient légèrement nos chiffres. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 537 La ventilation ne peut pas être regardée comme une ven- tilation tout à fait normale, attendu que les chiens trachéo- tomisés se débattent vigoureusement, essayant de crier, el font les mouvements respiratoires qui correspondent au cri. C'est donc une ventilation de défense et d'efforts, plus qu'une ven- tilation normale. Mais je ne vois guère par quel procédé on pourrait avoir exactement la ventilation normale d'un chien soumis à l'expérimentation ; car tout musèlement, toute con- tention, doivent changer son état psychique, et par conséquent sa ventilation pulmonaire, étroitement soumise à l'état psy- chique. Quoi qu'il en soit de cette cause d'erreur, si nous éliminons les expériences VIII et XIII, où l'animal respirait à travers une forte pression, nous avons les chiffres suivants pour la ventilation par kilogramme et par heure : Ventilation. 2 chiens de 21 à 28 kilogrammes. . . 21 litres. 0 chiens de H à 14 ... 28 — 3 chiens de li à 9 ... 44 — Si nous rangeons en séries ces diverses expériences, d'après le poids du chien expérimenté, et en ne tenant compte ni du quotient respiratoire ni de la ventilation, nous avons le tableau suivant, où les quantités d'acide carbonique sont évaluées non en volumes, mais en poids. Ces chiffres nous montrent que la quantité de C< )2 produite par un kilogramme d'animal est proportionnelle, inversement, au poids, c'est-à-dire au volume de l'animal. A mesure que le poids du chien devient plus petit, ses combustions respiratoires augmentent, et, quoiqu'il y ait des écarts notables dans les chiffres que nous donnons ici, on voit que, dans l'ensemble, la moyenne est très régulière. Il s'agit alors de mesurer la surface du corps, mesure qui a été tentée par divers physiologistes: par Rameaux1, et sur- 1. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XXIX, 12 niai 1857 >38 CHARLES 11ICHET. NUMEROS des E \ P 1 RIEN CES- L. II. III. IV. V. . VI . VII. VIII. IX . X. . XI . XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII . XVIII. XIX. . XX. . XXI. . XXII . XXIII. XXIV. XXV . XXVI. XXVII XXVIII XXIX. XXX . XXXI. XXXII XXXIV.. XXXV . XXXVI. XXXVII. kilog. 28,0 26,0 21.0 20.0 li.O 13,0 i:i.o 13,0 13,0 12.11 1 2,0 12.0 11,5 11.0 11,0 11,0 10.0 8,0 s.o 7,0 6.4 6,0 5.6 3. S 3,5 2,8 2,8 2,8 2,8 2,5 2,5 2,2 9 9 MOI BN. 1er GROUPE kilog. I 24,0 2e CROUPE 13,5 3e CROUPE 11.3 4° CROUPE 9,0 0e GROUPE 6,5 6e groupi: 5,0 7e GROUP E 3,1 8e GROUPE 2,33 QUA NT1TK ,1- Ct>! l'Ai: KILOGRAMME et PAR HEURE [en grammes . 1,132 0,886 1.164 1,360 1,122 0,930 0,836 1,202 1. HOU 1.310 1,512 1.622 i.i ;i; 1,000 1,890 1,410 1,726 1.316 1,545 1.332 2.2S2 1,260 1,592 1,800 1,676 1,276 1.342 2,728 2,558 2.130 1,732 1,581 2,160 2,628 2,688 MOV I : N S E S de COi PAR Kll.fiiir. IMMI-. et PAR n grammes. grammes. 0.920 1,026 1.210 i .380 1.500 1,624 1.6SS 1,961 2.261 ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 539 tout, plus récemment, par M. Rubner1, par .M. Hoesslin1 el par .M. Meeh ". D'abord, comme, chez les animaux de différentes tailles, le poids spécifique des différents tissus reste vraisemblablement le même, on peut supposer que leurs poids et leurs volumes sont rigoureusement proportionnels, et que les chiffres des poids indiqueront exactement les volumes relatifs. Cela pose. M. Meeh admet que la surface, pour des animaux dont la forme est 1res irrégulière, présente dans ses rapports avec le volume une constante qu'il détermine expérimentale- ment. Soit alors la formule suivante: S=V/P*J P étant le poids et S étant la surface. En appelant K une constante déterminée par l'expérience directe, on a : S = K y/p2. Donc, en connaissant K et P, on peut calculer S. En appliquant cette formule à nos chiens de dillerentes tailles, et en prenant la valeur de K, déterminée par M. Meeh et M. Hi bner, et, d'après eux, égale à 11,2, nous avons la production suivante de CO2 par centimètre carré de surface: P ( i I D S LES CHIENS en kilogrammes. SURFACE en CENTIMETRES CARRÉS. CO* PRODUIT par CENTIMÈTRE CARRÉ (en grammes). MOYENNES HE CO- PRODUIT par centimètre carré. 24,0 9.21)6 0,00205 13,5 Q.-212 0,00200 0,00270 11,5 5,050 0,110281 ] 9,0 4,816 0,00281 6,5 3.92(1 0,002(i;i | 5,0 3,282 0, 00257 0,00269 3,1 2,3 il 0,00271 1 2.3 1,920 0,00270 1. Zeitsehrift fiir Biologie, 1882, t. XIX, p. 535. 2. Archir fur Physiologie, 1888, p. 323. 3. Zeitsehrift fur Biologie, 1879, t. XV, p. 425. î>40 CHARLES RICHET. Il résulte de ces chiffres que la production de CO2 est très exactement proportionnelle à la surface1. Celte influence de la surface tégumentaire sur la quantité de CO'2 produite n'est pas due à ce que les tissus des gros et des petits animaux sont de nature différente, mais bien à ce que le système nerveux des uns et des autres est diversement excité. Je donne la démonstration de ce fait dans le mémoire suivant; mais je veux auparavant comparer les chiffres que j'ai obtenus à ceux qu'ont donnés les auteurs qui se sont oc- cupés de cette importante question. $ II. — Comparaison avec les expériences des autres auteurs. Il ne faudrait pas croire que les chiffres fournis par les différents auteurs qui ont étudié les échanges respiratoires chez le chien soient nombreux. Au premier abord, sans avoir fait de recherches spéciales à ce sujet, on est tenté de s'ima- giner que les documents, à cet égard, sont considérables; mais, de fait, il n'en est pas ainsi, et on ne trouve qu'un petit nombre de chiffres qui se rapportent à des chiens de tailles différentes. Le plus souvent, on a étudié les conditions physio- logiques multiples qui déterminent une exhalation de CO2 plus ou moins active : l'état déjeune, les intoxications diverses, la température extérieure, etc. De là, comme on va le voir, une pénurie de documents telle que nos mensurations portent sur un nombre de chiens aussi considérable que la totalité des mensurations antérieures. Mentionnons d'abord les recherches de Régnai ilt et Reiset*. \. Cette proportionnalité à la surface avait été admise par Bergmann d'une part, et d'autre part par Regnallt et Reiset pour des animaux d'espèce diffé- rente : mais ils ne l'ont jamais établie pour des animaux de même espèce et de taille différente. Le mémoire de C. Bergmann [Uber die Verhâltnisse der Wûr- ind'ikonomïe der Thiere zu ihrer Grosse. Gôttingen, 1848) est assez intéressant à lire; mais il ne contient pas de données numériques ni de mesures. 2. Recherc/ies chimiques sur lu respiration des animaux de différentes classes. Paris, 1849. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. Mi Leurs chiffres portenl sursis chiens différents, pesant: 6,300, 6,200, 6,200, '..son, 5,600 el 8,400 grammes. Le premier chien a été T lois expérimenté, dans des conditions d'ali- mentation différente; cria l'ail 12 expériences portant sur 6 chiens. Le poids moyen dans ces 12 expériences est de 6 kilogrammes, el la quantité moyenne de CO' par kilo- gramme el par heure est de 1K',260, avec un quotient respi- ratoire de 0,75. L'écart entre le maximum et le minimum de COs va de 0^,896, état de jeune, à Ier, 730, alimentation fé- culente. Les recherches de MM. Pettenkoffer et Voit1 sont au nombre de 17 ; mais elles ne portent que sur un seul chien, du poids moyen de 33 kilogrammes, lequel animal a produit en moyenne 0gr,668 de CO2 par kilogramme et par heure, avec un quotient respiratoire moyen de 0,91. L'écart maximum est compris entre 0er,456 et lBr,0(il ; mais les expériences des savants physiologistes de Munich avaient pour but de mesu- rer la consommation alimentaire et son influence sur les échanges. M. Bauer2, étudiant l'influence des hémorrhagïes, a dosé l'acide carbonique et l'oxygène sur un chien pesant 4,500 grammes. Il a fait 14 expériences, tant sur le chien hémorrhagïé que sur le chien normal, à jeun ou en état d'alimentation. La moyenne de CO3 produit est de 1er, 387, avec un minimum de 0,775 et un maximum de 7S,',G94. Mais ces moyennes ne peuvent guère servir, puisqu'elles portent sur un animal profondément modifié par l'expéri- mentation. MM. Bauer et Bœck:), étudiant les effets de différentes substances (morphine, quinine, alcool et digitaline) sur des chiens et des chats normaux, ont expérimenté d'abord sur 6 chiens normaux, pesant 2,000, 2,100, 4,500, 4,200, 4,500 1. Zeitsçhrift fur Biologie, 1873, t. IX, p. 1 à 41. 2. Zeitsçhrift fur Biologie, 1S12, t. VIII, p. 586. 3. Zeitsçhrift fur Biologie, 1871, t. X, p. 340. CHARLES HICHET. et 1,000 grammes, et ils ont fait 29 expériences. Voici com- ment nous pouvons résumer leurs recherches : Chien de 2 000 grammes, Chien de 2 i 00 — Chien de 4 500 — Chien de 4 200 — Chien de 4 500 — Chien de 4 000 — co* grammes. 1 ,7b 't 2,936 3,203 4,643 2,21)0 5,375 Quotient respii 0,64 0,57 0,54 0,55 0,55 0.58 Mais les écarts sont considérables, puisque dans une expé- rience sur un chien de 4 kilogrammes nous avons une produc- tion de 5gr,833, et sur un autre de 4kn,500 nous n'avons que 1^,545.11 sera bon aussi de remarquer combien ces chiffres de MM. Bauer et Bœck diffèrent des chiffres de Regnault et Reiset, qui portent cependant sur des chiens à peu près sem- blables comme poids. Ainsi, d'après Regnault et Reiset, un chien de ikil,700 a produit par kilogramme et par heure lgrl 11 de CO2, c'est-à-dire la cinquième partie seulement de ce qu'au- rait produit un des chiens de i kilogrammes de M. Bauer. MM. Leyden et Frankel1, pour étudier la fièvre chez les chiens, ont mesuré les produits respiratoires chez des chiens variant de 44 à 37 kilogrammes, et ils ont trouvé les chiffres suivants, pour production de 00" en grammes, par kilogramme et par heure (nous rangeons les chiens d'après leur poids et nous éliminons naturellement des calculs les dosages faits après l'injection de substances septiques) : co*. kilog. grammes Chien de 34,0. . 0,709 Chien de 28,0. . 0,000 Chien de 20,0. . 0,848 Chien de 22,0. . 0,!UI Chien de 2i,0. . 0,585 Chien de 19,6. . 0,554 Chien de 19,6. . 1,000 Chien de 14,5. . 0,692 1. Archio fur palh. Anal, und Plij/siotof/ie, 1879, t. LXXV1I. p. 13G. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 543 Les écarts sonl aussi assez notables, mais moindres (>() grammes la pro- duction de chaleur cl de ('.<>, à l'état déjeune et à l'état d'ali- mentation. A l'état de jeûne, les quantités d'acide carbonique ont été de 0gr,612 et 0^,406. Dans les autres expériences, faites sur les trois chiens à l'état d'alimentation, nous avons : kilog. ■_ ranimes. Cliien de 3,400. . . . 0,640 ri 0,937 Chien de 0,100. . . . 0,722 et 0,7'.)!! Chien de 7,500. . . . 0,420 et 0,513 La moyenne de ces chiffres est de 0er,(i71. On remarquera que ce chiffre est extrêmement faible. Certains chiffres, notam- ment celui de l'expérience VIII, où un chien en digestion n'a produit que 0gr,400 d'acide carbonique, sont bien au-dessous des chiffres donnés par les autres auteurs. Je mentionnerai aussi les recherches données par M. AVood 2, exprimées dans le système suranné de mensura- tions anglaises, qui portent sur o chiens et peuvent, après qu'on les a ramenées au système métrique, se résumer ainsi : kilog. grammes Chien de 14,400. . . . 0.418 Chien de 9,000. . . . 0,830 Chien de 8,000. . . . 0,883 Chien de 7,6.ï0. . . . 2,441 Chien de G,7.'>0. . . . 0,939 Mais je ne suis pas assuré de n'avoir pas fait d'erreur dans les calculs, et, en tous cas, on voit les différences consi- dérables qui empêchent de conclure d'elles quoi que ce soit de précis, puisque les différences vont du simple au sextuple. 1. Archiv fur Anatomie and Physiologie, 1872, p. 1. 2. Fever, a sludij in morbid and normal Pk'/siotogy. — Smithsonian contri- butions, n° 3:37. Philadelphie, 1H89. In-4°. :,ii CHARLES R1CHET. M. Page1 a dosé la production d'acide carbonique sur un chien de 4 kilogrammes, et il a montré qu'elle variait avec la température. Enfin MM. Quinquaud et Gréiiant2 ont étudié l'influence des inflammations pulmonaires sur l'exhalation de CO2, chez les chiens. A l'état normal, ils ont trouvé les quantités suivantes par kilogramme et par heure : kilog. grammes. Chien de 18,300 1,230 Chien de 10,000 1,329 Chien de 11,000 (moy. de 3 exp.). 1,841 Chien de 6,300. 1,829 Mais les expériences de ces physiologistes ne portent que sur une très courte durée et, par conséquent, sont très sujettes à erreur. Ce n'est pas pendant une période de quelques minutes, quand le chien s'agite et se débat, qu'on peut espérer connaître la mesure de ses échanges respiratoires à l'état normal. Si nous résumons ces différentes expériences, nous voyons qu'elles portent sur 37 chiens différents3; mais les procédés sont tellement variables qu'on ne peut guère conclure avec certitude. En comparant, par exemple, une expérience de M. Senator, où la production est de 0er,400, et une expérience de MM. Bauer et Bœck, où la production est de 5gl',830, on verra que toute bonne moyenne est illusoire. Ces divergences considérables et cette relative pénurie de documents expli- quent la nécessité où nous nous sommes trouvé de faire les expériences ci-dessus mentionnées. Nous donnons cependant le résumé des nombres trouvés par ces divers savants, en rangeant les chiens d'après la taille. 1. Journal of Physiology, t. II, 1879, p. 228 à 235. 2. Journal de l'anatomie et de la physiologie, t. XVIII, 1882, p. 469. 3. Nos expériences portent précisément sur le même nombre de chiens. ECHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 845 ou s i.u VATBD K\ PO t us 1)18 .Nll.N1 an kilogrammes. NOM BBE D'i mm i.m RCE8, co« par KILOGRAMME .■t par heure. QUOTIENT RESPIR ITOIRE. Lej den cl Ffankcl . . :ii 0,700 „ Pettcnkoffer et Voit. . 33 n 0,668 0,91 Leydcn et. Frankel. . 2S 0,600 .. Lcyden el Frankel. . 2G 0,848 -> Leydcn et Frankel. . 22 0,011 » Leyden et Frankel. . 21 0,585 » Leyden et Frankel. . 20 0.777 » Gréhanl ctQuinquaud. 18 1 230 » Gréhanl et Quinquaud . 16 1 32!) » 1 1,5 0,418 » Leyden et Frankel. . H. 5 0.692 » Gréhantet Quinquninl . 11 0,841 » Wood 9 0,830 >. Wood 8 0,883 » Wood 7,3 2 447 » Wood. ...:... 6,75 0,930 -» Gréhant et Quinquaud. Regnanlt et Reiset . . 6,30 6 12 1 829 1 260 0,75 Senator 6 0,760 >» 5,3 0,690 n Bauer et Bœck. . . 5,2 1 288 » 4,5 14 1 387 0.92 Bauer et Bœck. . . . 1,50 18 3 389 0,56 Page 4 4 4 1 126 1 127 » Wood On voit que ces chiffres tout à fait divergents se prêtent peu à l'analyse; cependant, en les groupant, on a les données satisfaisantes qui suivent: l'iUDS .les N 0 M B R E COî ?4R KILOGRAMME M < > Y E N N K DES POIDS CHIENS. t> OBSERVATIONS. par heure. kilogrammes. De 20 à 55 kilogrammes. 24 0,690 32 De 8 à 18 — 7 0,889 li De 6 à 8 17 1,285 6 De 4 à 6 — 56 1,S69 4,5 35 546 CHARLES HIC H ET. En comparant ces chiffres aux miens, on voit que dans mes expériences la quantité de GO2 est notablement plus forte. Cela tient sans doute à ce que je faisais respirer les chiens à travers une canule trachéale, et que, dans ces conditions, ils font des efforts musculaires et se débattent. Mais, si l'on trace une double courbe graphique, pour mes expériences d'une part, d'autre part pour la moyenne des expériences des autres physiologistes, on voit que les deux courbes sont similaires et comparables. Le tableau suivant présente: 1° La moyenne des expériences des divers auteurs; 2° La moyenne de mes expériences; 3° La moyenne générale. (Les chiffres sont obtenus graphiquement.) POIDS EXPÉRIENCES. EXPÉRIENCES M O Y E N N E S DES CHIENS. DIVERSES. PERSONNELLES. GÉNÉRALES. grammes. grammes. grammes. Chien de 24 kilogrammes. 0,77 1,10 0.8S — 20 — 0,81 1,13 0,92 — 16 — 0.87 1,10 0,97 — 14 — 0.90 i,n 0,99 — 12 — 0,98 1,25 1,07 — 10 — 1.08 1.38 1.18 — 8 — 1,18 1,52 1,29 — 6 — 1,27 1,59 1,38 — 5 — 1,60 1,68 1,63 — 4 — 1.80 1,80 1.80 3 — * 2,09 2.09 Ces chiffres ont les avantages et les inconvénients des moyennes ; ils représentent évidemment quelque chose d'arti- ficiel, puisqu'on y fait entrer des nombres à divergences considérables; mais, d'autre part, ils se corrigent l'un par l'autre, et fournissent le taux respiratoire du chien moyen, pour emprunter ce terme aux statisticiens. ÉCHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN. 547 lui tout cas, on voit avec quelle netteté apparaîl L'influence de la taille sur 1rs combustions respiratoires1. !><• l.'i cette conclusion générale: La quantité des combus- tions respiratoires est, chez les divers individus de même espèce, toutes conditions égaies d'ailleurs, exactement propor- tionnelle à rétendue de la surface tégumentavre. I. Voir dans le Mémoire suivant les additions et modifications que comporte ce tableau deini-sehi'matiqiK' \<. "j.'iî;. XVII DE L'INFLUENCE DU CHLOHAL SUR LES ACTIONS CHIMIQUES RESPIRATOIRES CHEZ LE CHIEN Par M. Charles Richet. Nous avons montré dans le précédent mémoire que les chiens de taille différente produisent des quantités d'acide carbonique différentes et proportionnelles inversement à leur taille, de telle sorte que, pour l'unité de surface, la quantité d'acide carbonique est sensiblement identique. Il faut main- tenant établir que cette proportionnalité des échanges respi- ratoires à la taille est un phénomène de régulation, par conséquent un phénomène dirigé par les centres bulbo-encé- phaliques. En effet, des chiens de taille différente, s'ils sont empoisonnés parle chloral, produisent des quantités d'acide carbonique exactement proportionnelles à leur poids : car l'iniluence du système nerveux régulateur est abolie. ÉCHANGES RESPIRATOIRES ET CHLORAL. 549 De la dose de chloral nécessaire. Le meilleur procédé pour anesthésier complètement un chien, en graduant exactement la dose, m'a paru être l'injection intrapéritonéale. Si l'on emploie une solution contenant 100 grammes de chloral par litre, on n'ob- serve pas d'accidents inllammatoires du côté du péritoine. Il va sans dire que la piqûre de l'intestin n'est pas à craindre : car l'intestin fuit devant l'aiguille, et n'est jamais blessé. En associant du chlorhydrate de morphine au chloral, on obtient un sommeil calme, profond et prolongé. Alors l'anes- thésie est complète, si la dose de chloral a été suffisante. La meilleure quantité de morphine à mettre en solution m'a paru être de 0s',o0 par litre. La même solution aqueuse contient donc par litre 100 gram- mes de chloral et 0"r,o0 de morphine. On n'a pas, en opérant ainsi, à redouter les syncopes car- diaques dues au contact de la solution chloralique avec l'en- docarde, et on peut graduer rigoureusement, par rapport au poids de l'animal, la quantité de chloral qu'on veut lui admi- nistrer. Pour obtenir l'anesthésie complète, une dose de 0gr,40 par kilogramme est nécessaire. C'est même une dose un peu faible, et, en général, je pousse jusqu'à 0sr,50. On peut même aller jusqu'à 0gr,60. Mais ce chiffre est un chiffre extrême; car les chiens ayant reçu plus de 0~r,6 finissent presque tous par mourir, comme l'indique le tableau sui- vant, où sont marqués les chiens morts à la suite de l'injec- tion de chloral. :;:;o CHARLES H ICI! ET. POIDS D ci s i : POIDS DOSE DU CHIEN en DE CHl.OKAI, par CONCLUSION. DU chien en DI OU. OKU. par non. kilogrammes. kilogramme. kilogrammes. kilc.LT.imme. grammes. grammes. 5,850 0.77(1 Mort. 13,500 0,666 Mort. 6,700 0,746 Mort. 13,000 0,654 Mort. 25,500 0,706 Mort. 8,700 0,553 Vit. Les chiens chloralisés respiraient par la soupape de Muller, et le dosage se fait par la méthode des trois compteurs. La pression à ['expiration devait être très faible, de 0m,01 d'eau à peine, car, ainsi que nous l'avons montré, M. Langlois et moi, dans un précédent travail1, chez ces animaux profon- dément anesthésiés, la force de l'expiration a diminué énor- mément et ne peut vaincre une résistance même très faible. Il De l'acide carbonique des chiens normaux. Avant de donner le tableau complet des expériences que j'ai faites sur des chiens chloralisés avec une dose supérieure à 0gr,4 par kilogramme, je rapporterai quelques nouvelles expériences faites par moi, et quelques autres dues à M. Bonn 2, que je n'avais pas inscrites dans ma précédente liste (p. 538). EXPÉRIENCES PERSONNELLES. NUMÉROS POl us I> l: s CHIENS co* IN 0R4MMES QUOTIENT VENTILATION IN LITRES DES EXPÉRIENCES. en par kilogramme RESPIRATOIRE. par kilogramme kilogrammes. et par heure. et par heure. XXXIX 35 1,222 0,80 26,'.» XL 23 1,483 0,80 44,0 XLI 12 0,947 0,80 51,0 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 12 août 1880, t. CIX. 2. Centralblatt fur Physiologie, 1888, p. 139. ÉCHANGES RESPIRATOIRES ET cil l.oit A I.. :;:;i EXPÉRIENCES DE M. BOHR. iii' par kilogramme et par heure. kllogram ■ Chien de 3l,:i 0,321 — de 28,6 1,251 — de 13,5 i,eov> Enfin, je dois faire une rectification importante à tous les chiffres que j'ai donnés. Cette rectification ne change absolument rien à mes conclusions ; mais elle abaisse un peu les quantités d'acide carbonique que j'avais indi- quées. En effet, dans mes calculs de l'acide carbonique par poids et en poids, je n'avais pas fait les corrections habituelles de température et de pression qui ne changent que la seconde décimale. Il y a tant d'autres causes qui font varier la produc- tion de CO2 que cette correction m'avait paru être sans im- portance. Mais, quand il s'agit de chiffres nombreux se com- pensant l'un par l'autre, au point de vue du mouvement, de l'alimentation, de la température extérieure, etc., cette cor- rection finit par prendre une certaine valeur. Aussi, en me reportant à mes cahiers d'expérience, ai-je pu la faire, et ce sont ces chiffres ainsi modifiés, auxquels s'ajoutent les trois expériences ci-dessus mentionnées, que je présente ici sous la forme d'un tableau, pages 552 et 553, qui corrige et com- plète le précédent. On remarquera que maintenant mes chiffres se rapprochent beaucoup plus de ceux qu'avaient donnés les physiologistes qui ont fait la mesure des échanges, et que, s'il y a encore une différence en faveur de mes chiffres, cela tient à ce que les animaux en expérience étaient trachéotomisés, et se débat- taient souvent avec une grande énergie, ce qui accroît, comme on sait, la production d'acide carbonique. Si, alors, aux observations des autres physiologistes, on ajoute celles de M. Bohr, et si on prend la moyenne générale, CHARLES KICHET. N U M É R 0 s -les K X P i. K l I N CBS XXXIX. I . . . II. . . . XL. . . III .. . IV . . . XLI. X. . XI . XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII . xv m. xix. . xx. . xxi. . XXII . XXIII. POIDS DBS C II I K N I 3:; 28 26 23 21 20 14 13 13 13 13 12 12 12 12 ll.o 11 H U 10 9. 6,4 6 POIDS M11YFN kilogramme!. 1er GROUPE 2e GROUPE 13,5 3e GROUPE 11,5 4e GROUPE 5e GROUPE 1 : os en grammes PAR KILOdRAMMB .-t PAR IIB1 RB. 1 .222 0,856 1,041 1 . 183 0,820 1,077 1.251 1,584 0,856 0,773 1,100 11, un 0,925 1.212 1,391 1,300 1,054 0,920 1,718 1,325 1,597 1,198 1,391 1,225 2,077 1,166 M O Y E N N B de CO* r ii gramme! PAR KILOGRAMME et PAR HEURE. 1,08G l . 1 1 i 1,21; 1,377 1,489 ECHANGES RESPIRATOIRES ET CIll.uHAI. Ni MÉROS mi us POIDS co« en arammei Mu y i: s \ i: dei LIS 1' Il 1 1. N s en UO> l \ l'Ai; Kl 1 OQRAMU1 «■n grammes l'Ali Kl Il IU II EXPERIENCES kr.ogram ». kilogrammes. l'Ait HEURE. et PAR I1M RE, (i^ OROU PB XXIV 5,6 1.465 XXV 4,7 .", 1,686 1,554 XXVI. . . . 4,7 7 e 0 ROU PE 1 , 452 XXVII 3,8 1,174 XXVIII. . . . 3,5 1,241 XXIX XXX .... 2,8 ( 2,8 / 3.1 2,455 1 2,302 1,777 XXXI 2,8 \ 1,917 ! XXXII 2,8 8« GROUPE 1 .577 XXXIV. . . . 2.5 , 1 ,458 1 XXXV XXXVI. . . . 2,5 ) 2 2 | 2,35 1,987 2,365 2.057 XXXVII. . . . 2 2 5, il 9 ! déduite graphiquement de la courbe, on a les chiffres sui- vants, donnant, avec une précision assez satisfaisante, l'ac- tivité respiratoire chimique du chien moyen, de tailles diffé- rentes. POIDS DES «'H I ENS. M 0 Y E N S E DES POIDS N 0 M B B E CO« MOYEN l'Ali KILOGRAMME 1 en kilogrammes. d'observations. et par heure. De 20 à 35 kilogrammes . . . 32 2G 0,697 De 8 à 18 — ... 14 8 0,929 De 6 à 8 — ... 6 17 1,285 De 1 4 à 6 — ... 4.5 56 1,869 CHARLES 11 I Cil ET. MOYENNE GÉNÉRALE (dEMI.-SCHÉMÀTIQUE. CO*. co*. grammes* gramme* Chien de 26 kilog. . 0,02:; Chien île 10 kilog. . 1,200 — 24 — . 0,940 — 8 — . . . 1,300 — 20 — . 0,970 — 6 — . . . 1,400 — 16 — . 1 ,200 — .'> — . . 1,550 — 14 — . 1,0 io — 4 — . . . 1,750 — 12 — 1.120 III De l'acide carbonique des chiens chloralisés. Voici d'abord le tableau donnant le résumé de toutes les expériences. NUMER os DES EXPÉRIENCES. I. . . II. . . III. . IV. . V. . . VI. . VII. . VIII. IX. . X. . XI. . XII. . XIII. XIV. XV. . XVI. XVII. XVIII. XIX. XX. . Moyenne générale. POIDS DES CHIENS en ki- logrammes, 35 28 23 14 13,:; 13,3 13,0 12,:; 12,0 9,0 8,65 8,65 7,20 5,70 5,5 o 4,70 4,70 4,70 4,70 4,20 DOSE DE CHLORAL par kilogramme. 0,429 0,500 0,435 0,500 0,666 •7 0,673 0,650 0,458 0,510 0,543 0,50(J 0,472 0,456 0,454 0.425 0,746 0,425 0,531 0.510 RAPPORT CO* 0,91 0,03 0,77 0,96 0,80 •) 0,77 0,72 0,60 II. SI 0,89 0,75 0,73 o,7:; 0,74 0.80 0,74 0,83 0,80 VENTILATION en litres d'air par kilogramme. 0,9 13,1 9,0 4,5 6,5 10,1 9,3 21,2 l'KomTTION de roi en grammct par kilogramme. 0,465 11.(122 0,523 0,594 0,473 li.O il 0,607 0,639 0,625 0,526 0,694 0,815 0.787 0,694 0,341 0,401 0,704 0.615 11,681 0,644 0.610 1. Dans cotte expérience, l'animal respirait non do l'air libre, mais do l'oxygène. ECHANGES RESPIRATOIRES ET CHLORAL. boS En groupant les chiens par rang- de taille, on peut faire quatre groupes '. MM! 1: >S M 0 Y EN N E M " Y E N N E dea PO ll»s H ES cil I EN s. DE8 POIDS de api en kilogrammes, ( n» en gramme». m De 23 à 35 vilograinmes. . . 28,5 0,550 V De 12 à 14 — . . . 13,0 0,597 VI De 5,50 à 9 — . . . 7,75 0,643 IV De 4,2 à 4,7 — ... î,5 0,609 En étudiant les chillVes de ce tableau, on voit la conclusion importante qui en résulte, c'est que la taille ne modifie plus, chez le chien chloralisé comme chez le chien normal, la pro- duction d'acide carbonique par kilogramme. Les gros chiens et les petits chiens produisent, les uns et les autres, à peu près autant. Le minimum de GO2 s'observe chez un chien de 4kg,o et le maximum chez un chien de 7kg,200. Si, chez les chiens normaux, la production des échanges chimiques est proportionnelle à la taille, cela tient à ce que les chiens normaux luttent contre le refroidissement exté- rieur, et ils doivent lutter efficacement, sous peine de se re- froidir et d'avoir une température au-dessous de la normale. Or, pour résister au froid, les petits chiens ont beaucoup plus à faire que les gros, ayant, par rapport à l'unité de poids, une surface bien plus considérable, autrement dit une cause de refroidissement plus active. Aussi voyons-nous les petits chiens avoir une activité chimique deux et trois fois plus forte que les gros chiens, et cependant la température des uns et des autres est la même. 1. Ces chiffres diffèrent tant soit peu de ceux que j'ai donnés dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CIX, p. 1!»2, juillet 188'.); mais j'y ai ajouté des expériences nouvelles : j'en ;ii retranché une qui nie paraissait insuffisante, et j'ai soumis tous mes chiffres à la même révision que plus haut. 550 CHARLES KICHET. Mais, quand l'animal est chloralisé, les conditions changent. Le système nerveux central est tellement affaibli qu'il ne peut plus lutter contre le froid extérieur. Il ne reste, en fait d'échanges chimiques, que ceux qui sont indispensables à la vie normale des tissus, et cette activité chimique devient proportionnelle non plus à la surface, mais au poids même de l'animal, qui produit par kilogramme un minimum d'acide carbonique, à peu près (F, 660 par kilogramme et par heure. Un gros chien chloralisé ne diminue ses échanges que de 30 p. 100, tandis qu'un petit chien chloralisé diminue ses échanges de 70 p. 100. Si ces faits sont exacts, il doit s'ensuivre ceci : c'est qu'en chloralisant par la même quantité de chloral un gros chien et un petit chien, le gros chien se refroidira beaucoup moins vite que le petit. Or, c'est ce qu'on observe, comme le prouvent les expériences suivantes : A. Le 15 mai, on donne à un gros chien de 28 kilogrammes une dose de 0^,500 de chloral par kil. Au moment de l'injection, à 1 h. 40 m., sa température est de 38°, 7; à 4 h. 25 m., elle est de 37°, 35. A la même heure, 1 h. 40 m., on a donné à un petit chien King-Charles de 5k£,400 la même dose proportionnelle de chloral. Sa température au moment de l'injec- tion est de 39°, 10; à 2 h. 10 m., elle est de 37°, 30. Ainsi, en 17 minutes, la température du petit chien a haissé plus vite que la température du gros chien en 3 heures. B. Le 5 mai, on donne à trois chiens la même dose proportionnelle de chloral, soit 0sr,500 par kilogramme. A 10 heures, au moment de l'in- jection péritonéale, la température du chien de 23 kilogrammes est de 38°, 5, celle du chien de 8*>'r,9 est de 40°, celle du chien de 7 kilogrammes est de 39°, 75. A 1 h. 20 m., c'est-à-dire 3 heures après l'injection, les températures sont : degros. Pour le chien de 23 kilogrammes. . . 34,80 Pour le chien de 8k-,ï> 32,10 Pour le chien de 7 kilogrammes. . . 33,50 C. Le 4 mai, on donne à deux chiens la même dose proportionnelle de chloral. L'injection est faite à 2 h. 30 m. ; la température du chien de ÉCHANGES RESPIRATOIRES ET CHLOHAL. 557 So'w.a est de 39°,2, celle du petit chien terrier de 0k*,700 est de 39n, et ou a les températures suivantes : Gros chien. l'ctit chien. degrés. degrés. I h. 48 36,95 31,90 5 h. 30 36,20 2«»,2.i 6 h. 21» 35,6b 28,50 Os expériences prouvent nettement que la même quantité (proportionnelle) de chloral refroidit beaucoup plus vite un petit chien qu'un gros chien, parce qu'elle diminue bien davantage L'activité de ses combustions chimiques. IV Conclusions théoriques. Comment la surface du corps peut-elle déterminer des échanges chimiques plus ou moins actifs? Telle est la pre- mière question qui s'est posée à nous, et nous l'avons réso- lue partiellement en prouvant que celte régulation est fonc- tion du système nerveux. Quand l'activité du système nerveux est abolie par le chloral, alors il ne peut plus être question de régulation; les combustions deviennent proportionnelles à la masse du corps, non plus à la surface tégumentaire. Mais il s'agit de savoir comment le système nerveux arrive à cette régulation. Il ne peut d'abord être question des vaso-moteurs, puisque ici ce n'est pas la calorimétrie qui est en jeu (perte de cha- leur); mais des échanges chimiques eux-mêmes (production de chaleur), cause immédiate de tous les phénomènes calo- rifiques de l'organisme. Ces échanges chimiques plus actifs peuvent porter soit sur les muscles, soit sur les viscères, appareils glandu- laires, etc. 558 CHARLES HICHKT. Or les glandes de l'organisme, — surtout le foie qui en représente la portion principale, — quoique étant assuré- ment soumises au système nerveux, ne suffiraient pas pour accroître la température d'un petit chien autant qu'il le fau- drait pour compenser le refroidissement de la périphérie. Un chien de 3 kilogrammes, dont le l'oie pèse à peu près 200 gram- mes, produit, à l'état normal, à peu près 6 grammes de CO2, et quand il est chloralisé,iln'enproduit plusque lgr,8; par con- séquent, les 200 grammes de foie pourraient, sous l'iniluence d'une stimulation nerveuse, produire 4Kr,2 d'acide carbonique, soit à peu près 20 grammes par kilogramme et par heure pour le tissu hépatique, ce qui est passablement absurde. On ne voit donc guère, en dernière analyse, que le sys- tème musculaire, dont l'excitation par le système nerveux peut amener un excédent de combustions. Que l'on compare, en effet, les gros et les petits chiens, on verra que les gros chiens sont lents, paresseux, se traînant à grand'peine, endormis dans leurs niches ou sur le seuil des portes; par exemple les terre-neuve et les chiens des Pyré- nées. Dès le moindre effort musculaire, ils sont essoufllés, et on voit apparaître cette polypnée thermique, destinée au refroidissement, et sur laquelle j'ai assez insisté dans un autre mémoire1 pour n'avoir plus besoin d'y revenir. Au contraire, les chiens de petite taille sont toujours en mouvement, à l'exception peut-être de quelques vieux chiens à demi impotents et couverts d'une épaisse couche de graisse. Cette graisse les protège efficacement contre le froid, à peu près aussi bien que le tissu sous-cutané des phoques les défend contre le froid des mers polaires. Les gros chiens sont peu remuants, les petits chiens sont toujours en éveil. Si ces petits chiens viennent à s'endormir et que la tem- pérature extérieure ne soit pas très élevée, alors survient un autre phénomène musculaire qui compense le repos muscu- 1. Voy. plus haut, p. 431. ÉCHANGES RESPIRATOIRES i: l CHLORAL. 559 laire du sommeil : c'esl le frisson el le tremblement; les petits chiens endormis tremblent perpétuellement. On peul même faire cette remarque curieuse que ce tremblement, par- fois très intense, est synchrone avec les mouvements d'inspi- ration. Au moment où l'inspiration se fait, moment qui cor- respond sans doute à une excitabilité du bulbe plus grande, il y a un frisson général, dont les périodes vont de pair avec les périodes inspiratoires; les deux phénomènes étant dirigés l'un et l'autre par une stimulation bulbaire du bulbe rythmi- quement excité. Je serais donc tenté de croire que, si le chloral supprime la régulation thermique des organismes homéothermes, c'est surtout parce qu'il supprime les contractions et les mouve- ments musculaires, qui sont notre principal appareil de régu- lation thermique. XVIII DE LA MESURE DES COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LES M A M M I F È R E S Par M. Charles Richet. Pour faire suite aux mémoires publiés plus haut sur la mesure des combustions respiratoires chez les chiens1, je viens donner la série des mesures faites sur les petits mam- mifères, lapins, cobayes et rats. Je tâcherai de montrer que la loi de proportionnalité des échanges avec la surface se vérifie chez eux comme sur les chiens. Je comparerai ensuite ces chiffres à ceux que d'autres auteurs ont obtenus, tant sur les petits que sur les gros mam- mifères. ). Voy. plus haut, pp. 532-S59. ÉCHANGES RESPIRATOIRES. MAMMIFÈRES. :;r.i NU Ml ROS des expIriskcks I. . II.. . III. IV. V.. , VI. VII. VIII. IX. X.. XI. XII. XIII. XIV. XV.. XVI. XVII. XVIII. XIX. XX. . XXI. XXII. XXIII. XXIV. XXV. XXVI.. XXVII. XXVIII. XXIX.. XXX. . XXXI. XXXII. XXXIII. XXXIV. XXXV. XXXVI.. XXXVII. XXXVIII. XXXIX.. XL. . . . XLI. . . XLII. . . XL1II. . . punis du LAPIN, grammes. 4 lin 4 000 3 800 :( coo .1 600 :! 1 :{() 2 900 2S00 2710 2710 2710 2 705 2 700 2 570 2 400 2310 2310 2 240 2 250 2 200 2 150 2 150 2 150 2130 2 1211 2 100 2100 2 050 2 000 2 000 1950 1 950 1 950 1 950 1S70 1 870 1 850 1 son 1S00 1790 17S0 1 750 1 7211 i O" PRODUIT l'Ail hl R \ MM! ••t par heure gra s 1.172 1.172 1,203 (i,7il 0,99S 1,108 1,174 1,107 1.392 0.782 0,896 1,566 1,068 0,988 1,796 0,980 1,232 1,2,SS 0,982 1,947 1.199 1,199 1.199 0.959 1.126 0,721 1.228 1.080 i .'.)2t; 1,097 0,954 1.313 1,472 II. 91,S 0,889 1.42(1 1,219 0.723 1.032 1.021 1,080 1.219 1,017 NOMS des ■.i iii i. ■ Regnault cl Reiset. Regnault et Reisel . Rognault et Reisrt. Regnault et lteisct. Regnault et Reiset. Frédéricq. Frédéricq. Regnault et Reiset. Frédéricq. Frédéricq. Frédéricq. Frédéricq. Lilienfeld. Ch. Ricbet. Ch. Richet. Lilienfeld. Frédéricq. Ch. Richet. Finkler-Ortmann. Ch. Richet. Raoult. Raoult. R.aouIt. Aronssohn et Sachs. Cli. Richet. Ptihger. Lilienfeld. Aronssohn et Sachs. Ch. Richet. Ch. Richet. Ch. Richet. Ch. Richet. Kempner. Lilienfeid. Lilienfeld. Aronssohn et Sachs. Wollfers. Ch. Richet. Finkler-Ortmann. Fflûger. Wollfers. Wollfers. Finkler-Ortmann. 36 562 CHARLES LUCHET. S UM É Et 0 S POIDS COi PRODUIT N 0 M s des du PAR KILOGRAMME des F. X P É R I E N 1 l - . LAPIN. e( p.ir heure. A 1 ' T E U R S . grammes. grammes. XLIV 1720 1,151 Finkler-Ortmann. XLV 1710 1,137 Wollfers. XLVI 1 700 1,762 Ch. Riehet. XLVII 1 650 1,851 Raoul i. XLVIII 1650 1,851 Raoult. XLIX 1650 1,851 Raoult. L 1650 1650 1 630 1600 1,040 1,079 1,140 1,089 Kempncr. Woilfcrs. Pfliiger. "Wollfers. LI. LU lui LIV 1 570 1,503 Pfliiger. LV 1560 1,338 Pfliiger, LVI 1 515 1,208 Lilienfeld. LVII 1510 0,781 Lilienfeld. LVIII 1500 0,619 Ch. Richct. LIX 1500 1.116 Ch. Riehet. LX 1500 1400 1,238 1,502 Pflûgcr. Pfliiger. LXI 1370 1,311 Pfliiger. LXII1 1370 1,193 Lilienfeld. LXIV 1 250 1,042 Zuhtz et Mering. 1 250 1,187 Finkler-Ortmann. LXVI 1230 1,386 Pfliiger. LXVII 1220 1,220 Pfliiger. LXYIII 1150 1,319 Finkler-Ortmann. LXIX 1000 1,295 Finkler-Ortmann. § I. — Expériences sur les lapins. Les expériences que j'ai faites sur les lapins ne sont pas très nombreuses (13) ; mais beaucoup d'auteurs ont pris cette mesure1. Nous réunissons dans un commun tableau nos 1. Voici les indications bibliographiques principales : Aronssohn et Sachs, Archives de Pfliiger, t. XXXVIII, p. 289. — Lilien- feld, ibid., t. XXXII, p. 178. — Wolli-fers, ibid., t. XXXII, p. 260. — Fré- déricq, Travaux du laboratoire de Liège, 1885, t. I, p. 200. — Regnault ej Reiset, Annales de chimie et de physique (3), XXVI, 1849. — Reiset, ibid. (3), t. LXIX, 1863, p. 129. —Raoult, ibid. (5),1876, t. IX, p. 203. — Pfluger, Ar- chives de Pflûger,t. XVIII, p. 260. — Zuntz et Mering, ibid., t. XXXII, p. 178. ECHANGES RESPIRATOIRES. M V.MMIFERES. 563 expériences personnelles el celles de ces physiologistes. Dans un grand nombre de cas (que nous ne citons pas), l'oxygène seul a été dosé; dans d'autres cas, le poids des animaux n'a pas été indiqué ; dans d'autres cas encore, le lapin était soumis à des conditions anormales (intoxications diverses, etc.). Le tableau donné ici ne se rapporte qu'à des lapins normaux dont le poids a été pris. Si nous disposons ces lapins en quatre groupes, d'après leur poids, nous aurons les chiffres suivants : NOMBRE DE I. AI' IN S. POIDS DES I. A P I N S. POIDS M O Y F. N. COS MOYEN. kilog grammes. grammes. 13 De 2.700 i 4,140 3,190 1,106 26 ]),• 1,800 i 2,570 2,085 1,199 21 De 1,500 i 1,790 1,630 1,281 9 De 1,000 i 1,400 1,250 1,309 Ainsi, pour les lapins comme pour les chiens, la quantité de CO~ éliminée est proportionnelle à la taille. En reprenant la formule empirique que nous avons adoptée précédemment, nous pouvons construire le tableau suivant : Poil) S des SURFACE. PRODUCTION T n I a I. E PRODUCTION de CO* par kilogramme PRODUCTION de C02 par centimètre carr.1 I. A PI N S. de COi. et par heure. et par heure. kilog. grammes. grammes. grammes. 3,190 2, 490 3,528 1.106 o.ooiin 2,085 1,850 2,500 1 , 1 99 0,001351 1 ,630 ! ,560 2,088 1,281 0,001339 1,250 1,310 i ,636 1,309 0,001249 — Finkler et Ortmann, ilnd., t. XIV, p. 62. — Kkmpnkr, Archiv fin- Physiol. 1884, p. 396. 564 S II. - CHARLES III Cil ET. Expériences sur les cobayes* NT M ÉBOS POIDS CO' PRODUIT S OMS des PAR KILOGRAMME des l:\I-K RIEN CES. et par heure. grammes. grammes. LXX 790 750 2,566 2,1173 Letellier. Ch. Richet. LXXI LXXII à LXXXIV . 6S0 1,809 Saint-Martin. LXXXY 613 2,447 Letellier. LXXXVI 565 2,694 Ch. Richet. LXXXV1I 540 2.434 Ch. Richet. LXXXVIII 535 2,266 Finkler. LXXXIX (Lapins . . . 535 2,717 Ch. Richet. xc 520 520 500 2.038 2,772 2.777 Finkler. Finkler. Ch. Richet. XCI XCII à XCVI XCVII 500 2,776 Finkler. XCV1II 485 1,620 Finkler. XCIX 480 475 470 2,366 2.012 3,418 2,448 2,187 Finkler. Finkler. Finkler. c CI en 465 450 Finkler. Colasanti. cm à cvii CVI1I 435 430 430 425 415 410 1,608 2,372 1,908 2.824 1 ,603 2.468 Finkler. Finkler. Finkler. Finkler. Colasanti. Colasanti. CIX ex CXI CXII CXIII CXIV 400 395 395 390 1,899 1.634 2,024 2,784 Colasanti. Finkler. Colasanti. Finkler. cxv CXVI CXVII CXVIII 380 1,744 Colasanti. CXIX 380 305 2,356 3. ILS 2,23 4 2,718 Colasanti. Colasanti. (XX CXXI 300 300 Colasanti. Colasanti. CXXII CXXII1 295 2,980 Colasanti. (XXIV 295 3,040 Colasanti. cxxv 290 2,07 4 Colasanti. CXXVI 285 2,858 Colasanti. CXXVII 280 1.73 4 Colasanti. CXXVIII 280 2,460 Colasanti. (XXIX 2SII 3,805 Saint-Martin. cxxx 225 1.812 Colasanti. 1. Les expériences sur 1rs cobayes, rats et souris, sont dues à : Finkler, Archives de Pflùger, t. XXIII, 1880, p. 197. — Colasanti, ibid., t. XIII, 1877, p. 124. — Saint-Martin, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1884, t. XCVIII. — Letellier, Ann. de ch. et de physique 3), 1845, t. XIII. — Pott, Hermann's Handbuch, t. VI, 2° partie, p. 145. — Desi'lats, Jown. de l'anat. et de la physiol., 18S'i. t. XXII, p. 213. ÉCHANGES RESPIRATOIRES. MAMMIFÈRES. 565 Si les chiffres relatifs à la production de (102 par unih'' de surface ne concordent pas aussi bien que les chiffres obtenus avec les chiens, c'est sans doute à cause de la constante K, très arbitraire, qu'il a fallu adopter, et que nous avons suppo- sée égale à 1 I ,.'!. Il est clair que ces calculs ne seront tout à fait acceptables que lorsque l'on aura enfin trouvé le moyen de mesurer exactement la surface des animaux. £ III. — Expériences sur les rats. NUMÉROS des r. \ V T R i r N rts. POIDS n r. S II A T s . CO« PRODUIT PAR KILOGRAMME et i>.tr heure. N 1 1 M s (les AUTEURS. CXXXI CXXXII CXXXIII CXXXIV CXXXVI CXXXVIl CXXXVIII CXXXIX CXL grammes . 19 i 192 182 18(1 17.5 172 168 153 150 146 12.5 112 109 105 10.5 90 87 80 7.5 5a grammes. 'i,171 2,650 2,773 3,680 2,727 2,9Q0 3,600 1,450 2,400 4,537 3,200 2,660 3,500 2,660 2,850 3,800 3,250 3,518 7,440 4,308 Ch. Richct. Ch. Richct. Ch. Richct. Ch. Richct. Ch. Richct. Dcsplats. Dcsplats. Ch. Richct. Desplats. Ch. Richct. Dcsplats. Dcsplats. Dcsplats. Dcsplats. Desplats. Dcsplats. Dcsplats '. Pott. Ch. Richct. Pott. CXLI CXLII CXLIV CXLV CXLVI CXLVII à CLIII Co- CLIV CLV CLVI 1. Les chirtres fie M. Desplats me paraissent manifestement trop faibles ; ce qui tient peut-être à la 'lurée trop courte de ses expériences. Nous ne les laissions cependant pas do côté pour la moyenne. En faisant le calcul de ces divers chiffres, on a les résultats suivants : iG6 CHARLES HIGHET. NOMBRE POIDS CO« MOYEN < os de COBAYES. des C 0 B A Y J 6 . MOYEN* SURFACE. PAR KILOGRAMME et par heure. par kilogramme et par heure. gran :s. grammes. grammes. grammes. 15 De 613 à 790 665 870 1,979 0,00151 34 De 565 à 380 460 500 2,1 15 0,00176 il De 305 à -2T-'> 285 486 2,021 0.00153 C De 66 à 105 287 220 3,250 0,110130 Pour les rats, on a NOMBRE de Poids des POIDS SURFACE. COS MOYEN PAR KILOGRAMME CO- par centimètre carré RAT S. RATS. MOYEN. et par heure. et par heure. grammes. grammes. grammes. grammes. 7 De 168 à 194 1S0 300 3,214 0,00162 8 De 105 à 153 1 25 281 .-{.250 0,00142 4 De 55 à 90 75 204 4,705 0,00174 En faisant la moyenne, nous trouvons par centimètre carré de surface, pour les lapins, les cobayes et les rats, les chiffres suivants, qui sont assez concordants : G9 lapins. 66 cobayes. 19 rats. . CO* par kilogr. et par heure. grammes. . 0,00134 . 0,00162 . 0,00156 Mais, quoique bien voisins, ces chiffres montrent cepen- dant une différence notable entre les lapins, dont la four- rure est épaisse et qui sont à peu près immobiles dans l'ap- pareil, et les cobayes, à fourrure moins épaisse et bien plus remuants. Ajoutons quelques expériences de Pott et de Letellier sur les souris : ECHANGES KKSIMHATUIKES. — MAMMIFÈRES. 567 \ i M ; dea i: \ r 6 Ml Ni i; s. POIDS. C(>* PRODUIT r Ut k i: vmmi: i't par heure. N (i M < dee >1 1 1 1 R -. CLVI à CLXI grammes, 17.5 IS 7,027 16,747 Pott. Letellier. ce qui donne pour des souris de 17 grammes une production moyenne de 8,647 par kilogramme, et par surface (75), une production de COs égale à 0,00201). Il est à remarquer que tous ces chiUres sont loin de ceux que donnent les chiens à peau mal fournie de poils et très remuants, 0,00265 par centimètre carré. § IV. — Expériences sur d'autres animaux. Ce qui surprend quand on étudie dans les travaux des phy- siologistes la production de CO2, c'est de voir que peu d'expé- riences ont été faites sur l'état statique normal de la respi- ration, ou, du moins, que ces expériences, pour divers motifs, ne peuvent servir à nous faire connaître l'exhalation normale du CO*. En effet, dans certains cas, le poids des animaux n'est pas noté, par exemple dans les travaux de Lassaigxe, ou dans ceux plus récents de M. Smith 1 . Dans un très grand nombre de cas, c'est l'oxygène qui est dosé, et non le CO2 ; par exemple dans les recherches de M. Frédericq et de ses élèves, de M. Lukjaxoff et de bien d'autres. Les expériences de Boussixgault, de M. Jorgensen2, sont fondées sur le dosage du CO2 par la méthode indirecte, et ne sont que difficilement applicables à la connaissance des pro- duits de la respiration. Dans la plupart des expériences des physiologistes, on suppose le chiffre normal connu, et alors 1. Respirât, of the horse (Journal bf Physiology, 1890, t. XI, p. 75.) 2. Longet, Traite de physiologie, 3e édition, 1873, t. I, p. 631. i68 CHARLES RICHET. on étudie l'influence du froid, de la chaleur, de l'hibernation, de l'alimentation, du travail musculaire, de sorte qu'on a les variables sans avoir la normale. Enfin quelques expériences sont manifestement défectueuses, comme celle de M. Sanson1, qui ne dose le CO2 que pendant deux minutes et croit que ce chiffre a une signification quelconque (il est arrivé au chiffre, évidemment trop faible, de 0gr,107 par kilogramme et par heure). De là une certaine pénurie de documents précis. Quoi qu'il en soit, nous pouvons dégager quelques chif- fres : NUMÉROS I'OIDS CO* PRODUIT NOMS DES EXPÉRIENCES. DES CHAIS. par kilogramme et par heure- DÉS AUTOURS. Cha ts. gramino. gramme». CLVI à CLX1I 2 7.10 1,080 Théodore de Bavière. CLXII à CLXX 2 01)11 1.287 Bidder et Schmidt. CLXX à CLXXV. • . . 1 530 1,646 Ch. Richel. Ce qui nous donne pour la surface les chiffres sui- vants : POIDS DE S C 11 A T S. SU RFA CE. COi PAR KILOGRAMME. ro: T 11 I A I. CO» PAR CENTIMÈTRE carré. grammes. 2 700 2 000 1 530 2 1 60 1 780 1 500 grammes. 1.080 1.2S7 1,646 grammes. 2.825 2.5S0 2.518 grammes. 0.00132 o.ooi h; 0,00168 M O Y B NNE o.ooi is 1. Journal (h' l'anatomie et de la physiologie, t. XII, 1870, p. 166. ÉCHANGES RESPIRATOIRES. MAMMIFÈRES. m NUMEROS D r ■ (PERIENCKS. PO I H s Mi: l.'vMMAI.. ('< Il PROMU 1 par kilogramme al par heure. N (IMS UPS AUTEURS' Marmottes ni étal de veille! CLXXVI. CLXXVII. CLXXVIII. CLXXIX. CLXXX. . CLXXXI. CLXXXII. 2 685 I 70S \ 550 1 300 1 102 099 801 1 451 ftrninines 0,730 0,762 1.312 1,304 1,273 1,065 0,974 Moyenne. . . . Surface : I, 140. CO2 par centimètre carré : 0,00107 1,060 Regnault et Reiset. Valentin •. Regnault et Reiset. Valenlin. Valentin. Valentin. Valentin. Chauve-souris (en étal do veille). CLXXXIII. 8,400 Delsaux». 1. ifolescfiotfs Untersuchungen, 1857, p. 285. 2. Arch. de biolng., 1887, t. VII, p. 215. Ce chiffre se rapproche tout «à fait du chiffre constaté sur les souris (8sr,640). N UMÉROS DES i: x i' i: u î E n C E s. eo* PAR RILOO. et par heure. SURFACE. co* I' A R centimètre carré. N 0 M Il E L'A U T E U r. . Hérisson (en état de veille grammes. CLXXXIV à CXC. Le même pesant de 605 à "iS3 grammes, en moyenne 590 grammes). Moyenne de (j expériences. . . 2,269. 790 0,00162 Gh. Richet. CHARLES RICHET. NUMEROS DES EXPÉRIBNC E ». ('()- 11. i itil IT par kilogramme et par heure. NOMS I. t. s ai l l. H B S. CXC à CXCV. (Moyenne de ."> expériences.) CXCVI-CCVIï. Moyenne de 11 ex périences.) Moutons. grammes. 68 0110 0 000 grammes. 0,599 0,669 Reiset ' . Henneberg -. 1. Hermann's Handbuch, loc. cit. — 2. Ibid. POIDS DES MOI T O N 5. POIDS DES MOUTONS. co* V.\\\ KII.OQRAMHK et par heure. SUBFAC E. i 0* PAR SURFACE. Moyenne grammes. 70 000 grammes. 0,619 192 100 grammes. 0,00223 Hommes. — Sur l'homme, il résulte de différentes expé- riences que la moyenne, pour les hommes pesant 60 kilo- grammes environ, est de Oer,580 à l'état de digestion1. La surface étant, toujours d'après la même formule, de 174 000, le CO2 par surface devient rigoureusement 0002. Bœufs. — Enfin, sur les bœufs, nous avons peu d'expé- riences : NUMÉROS DES ESP {. U 1 E N C E S. POIDS. DES BŒUFS-, (.1 )-' PRODUIT par kilogramme et par heure. N 0 M S DES AU TF. t; RS. CCV1II kilogrammes. 500 650 711) grammes. 0,505 0,437 0,552 Maerki'r 3. Henneberiret < rn mven •'►. Henneberg et Grouven. ('••IX ccx 3. Oit J par Sanson, loc. l it. — 1. Ilrr„ ann's ffandbuc h, loc. 'il. 1. Ce chiffre résulte des nombreuses expériences que j'ai faites avec M. Han- ÉCHANGES RESPIRATOIRES. — MAMMIFÈRES. 57* Le poids moyen dans ces trois expériences est 620 kilo- grammes; le CO" moyen par kilogramme et par heure de h- ,498, el, par surface, de 00037. § \ . — Conclusions générales. Reprenons l'ensemble de ces chiffres, et voyons les varia- tions du CO2 exhalé par rapport à la surface du corps chez les divers animaux ': VARIATIONS DANS LE CO2 I'RODl'lT PAR SURFACE. Bœufs Moineaux el petits oiseaux Chiens POIDS DE l.'ANIMAI. en grammes. CO» p,.ur 1000 cq il par heure. grammes. 500,000 20 15,000 70,000 20 60,000 3,120 1,680 600 500 L50 2,000 2,000 1,500 170 320 grammes. 3,70 3,22 2,65 2,23 2,09 2,00 1,85 1,72 1,62 1,62 1,56 1,48 1,34 1,07 1,04 0,92 Moutons Hommes Oies et Dindes Poules et Canards Hérissons Cobayes Rats Chats Lapins Marmottes Tourterelles Pigeons Nous pouvons d'abord éliminer de ce tableau les animaux riot, ainsi que des expériences de M. Speck, de MM. Pettenkoffer et Voit, de MM. Jolyet, Bergonié et Sigalas. (Voyez plus haut, p. 481.) 1. Il est clair que les divers chiffres donnés ici n'ont pas une égale valeur; les expériences très nombreuses faites sur les chiens et les lapins, par exemple, comportent une certitude plus grande que les expériences faites en très petit nombre sur les souris et les hérissons. Pour les chiffres relatifs aux oiseaux, nous prenons ceux que nous donnons dans le mémoire suivant. — Nous nous permettons d'attirer l'attention sur ce tableau, qui résume un nombre considé- rable d'expériences et de calculs nouveaux. 572 CHARLES RIGHET. pesant 500 kilogrammes, comme les bœufs; car la mesure, très arbitraire, de la surface, que nous avons adoptée, ne s'applique probablement pas à eux. Quant aux petits oiseaux, ils sont très remuants et agités, de sorte que le calcul du CO2 produit n'est guère applicable à eux, à cause des contractions musculaires intenses qu'ils donnent. Il faut donc regarder le chiffre obtenu sur les chiens, 2gr,65, comme étant le véritable maximum. Quant aux chiffres minima, il faut remarquer que les marmottes, dont le chiffre est très faible, sont pourvues d'une épaisse fourrure, tout à fait exceptionnelle, et il ne reste alors que les tourterelles et pigeons, chez qui la production de CO2 par unité de surface est très faible, ce qui s'explique si l'on peut admettre que nos procédés de mesure des surfaces ne s'appliquent pas très bien aux oiseaux. Nous pouvons donc éliminer les chiffres se rapportant aux bœufs, aux moineaux, aux marmottes, aux tourterelles et aux pigeons. Nous éliminerons aussi du tableau général les chiffres relatifs aux chiens, qui se débattent vigoureusement et font des efforts musculaires énergiques. Alors, ces réserves admises, il reste, depuis les moutons jusqu'aux lapins, dix chiffres exprimant la production de CO2 par l'unité de surface, chiffres qui sont en définitive tout à fait comparables, allant de lsr,34 à 2sr,2;}, c'est-à-dire compor- tant un écart de 50 p. 100, chiffre étonnamment faible, si l'on songe aux diversités des animaux mis en expérience et à la variété des méthodes de mensuration qui ont donné les chiffres. On peut donc admettre une moyenne générale de lsr,75, chiffre qui représentera très bien l'ensemble de toutes nos mesures, et qu'on pourra adopter comme exprimant une moyenne du poids de CO2 exhalé par heure pour 1 000 centi- mètres carrés de surface. Les animaux à fourrure épaisse, comme les chats et les ÉCHANGES RESPIRATOIRES. MAMMIFÈRES. 573 lapins, produisent moins que les animaux à peau aue, comme l'homme. Les animaux très remuants (comme les rats et Les cobayes produisent plus que Les animaux tranquilles (comme les chats et les lapins). On noiera aussi que les gros animaux paraissent produire par unité de surface un peu plus que les petits, car il faut tenir grand compto des mouvements musculaires; les petits moineaux volettent dans l'appareil, les chiens se débattent, les souris, les rats et les cobayes se remuent beaucoup. Et alors, parmi les animaux respirant paisiblement, on a la série suivante : C02 Poids — en grammes. grammes. 500,000 Bœufs 3,70 70,000 Moulons 2,2o 60,000 Hommes 2,00 3,000 Oies 1,8.-; 1,700 Poules 1,72 2,000 Chais 1,48 2,000 Lapins 1,34 1,000 Marmottes 1,07 300 Pigeons etTourterelles. 1,00 On peut donc, en résumé, admettre une loi qui se formule ainsi: 1° La quantité de CO2 produite par unité de surface est sensiblement la môme chez les divers animaux à sang chaud, et elle est voisine de l"'\7o par heure par 1 000 centimètres carrés ; 2° Cette quantité (variable suivant les mouvements plus ou moins intenses de l'animal) est, en général, un peu plus forte pour les gros animaux que pour les petits. XIX DE LA MESURE DES COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LES OISEAUX Par M. Charles Richet. § 1. — Expériences personnelles. Les expériences dont je vais donner ici les résultats nu- mériques ont été faites d'après la méthode mentionnée précé- demment1. Les animaux en expérience étaient placés sous une cloche où circulait un courant d'air. Ils étaient en état de digestion, n'ayant subi ni mutilation ni intoxication. Nous donnons plutôt la quantité de CO2 produite que la quantité de O2 absorbée, la mesure de L'oxygène par notre méthode étant plus sujette à erreur que la mesure de GO2. Voici le tableau présentant l'ensemble de mes recherches : 1. Voy. Hanriot et Cn. Richet, dans ce volume, plus haut, p. 179 eî suiv. ECHANGES RESPIRATOIRES CHEZ LES OISEAUX. ESPÎ I E Aniuali Oie. . . . La même. La môme. La même. La même. La même. "i". . . . La même. La même. La même. La même. La même. Dindon. . Le même. Le mémo. Le même. Le même. Le même. PO] us .l'un ANIMAI. :; 120 3 420 3 2S0 3 070 2900 2900 2 880 2700 2550 2 850 2 780 2780 2 880 2880 2820 2350 2 300 2250 l.lli R IMMI S par kllogr. .•I par heure. (Malade, meurt quelques jours après.) 2 Poules. . Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes . Les mêmes. Les mêmes. 2 Canards . Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes. Les mêmes. 4 Pigeons Les mêmes. . . . Les mêmes. . . . Les mêmes. . . . Les mêmes. . . . Les mêmes. . . . Les mêmes. . . . 2 Pigeons ms Lrv mêmes. . . . Les mêmes. . . . ■!'■'> Chardonnerets. 17 Chardonnerets. s Chardonnerets. 1 840 1 SOI» 1500 I 500 I 500 ! 500 I 500 1 180 ! 480 I 8IKI 1740 L740 1725 1700 335 335 3 1 8 320 300 300 300 360 325 32:; 32:; 21) 20 _T llllliir, 1,292 1,256 I.2SS 1,130 1,314 1,615 1,592 1,627 0,601 1,385 0,786 1,1: 59 1.221 1,351 1,132 1,653 1,509 2,369 ) 1 ,839 1,651 1.818 2,183 1,700 1,232 1,334 1,811 2,372 2.(117 1,439 1,308 2,791 1 . 197 2,378 1,796 2. S 93 3.137 1,681 4,377 3,374 3,829 4,302 2.763 2,637 11.204 11,982 14,361 QUOTIEN i RESPIRATOIRE 0,88 0,90 0,74 0,73 0,77 0,92 0,87 0,83 0,78 0,63 0,80 0,68 0,69 0,65 0,73 0,59 0.91 0,93 0,73 0,66 0,70 0,97 0,78 0.72 0,77 0,80 0,63 0,69 0,74 0,81 0,70 0,77 0,80 0,93 0,88 0.76 0,68 0,74 l(i mai 20 mai 25 avril 29 mars 15 janv. 13 janv. 10 janv. 21 déc. 11 déc. ■'i déc. 2 déc. 4 déc. 27 déc. 28 déc. (i janv. 18 janv. 21 janv. 5 fév. 1890 1890 1890 1890 1890 1890 1890 1889 1889 L889 1889 L889 1889 [889 L890 L890 1890 1890 6 fév. 1890 8 fêv. 1890 12 déc. 1889 23 nov. L889 26 miv. ISS!) 25 nov. 1889 29 nov. 1889 6 déc. 1889 7 déc. 1889 1er fév. 1890 3 janv. 1890 i janv. 1890 16 janv. 1890 30 déc. 1889 26 janv. 23 janv. 10 janv. 9 janv. 15 déc. 18 déc. 20 déc. nov. déc. déc. déc. 18 9 10 11 1890 1890 1890 1890 1SS9 1889 1889 1889 ISS!) 1889 188!) 23 déc. 1889 24 déc. 1889 29 déc. 1889 ;;7G CHARLES RICA ET. Ce sont ces expériences qu'il s'agit d'interpréter et de grouper. Remarquons d'abord que, si les mesures se rapportent toutes à la même durée de temps, c'est-à-dire à une heure, toutes n'ont pas été prises pendant le même temps. 11 faut donc leur donner à chacune une valeur proportion- nelle à leur durée. Une expérience faite pendant cinq heures est plus importante qu'une expérience faite pen- dant une heure et demie. Pour la moyenne générale, il suffira donc de faire la numération totale des heures et la totalisation des volumes de CO* produit pendant ces mêmes heures. Nous aurons alors les résultats suivants : CO 2 par kilo;_T. et par heure. grammes. Oies de 2k",973 (12 exp.), 34 heures 1,490 Dindon de 2ke,6b0(b exp.), 18 heures 1.3191 Poules de lk-,82() (12 exp.), 8 heures 1,66b Poules de lk?,500 (7 exp.), 23 heures l,75b Canards de lks, 740 (5 exp.), 14 heures 2,27») figeons de 32b grammes (11 exp.), 31 heures. . 3,360 Chardonnerets de 21*-'r,o (3 exp.), 7 heures. . . . 12,.'i82 Avant de grouper autrement ces chiffres, je tiens à faire remarquer la différence qui existe entre l'oie et la dinde d'une part, et d'autre part entre les canards et les poules. Les palmipèdes lamellirostres vivant dans l'eau, et se refroi- dissant plus que les gallinacés, ont besoin d'une nourri- ture plus abondante : aussi leurs combustions respiratoires sont-elles plus actives. L'excédent des combustions de l'oie sur celles du dindon est de 12 p. 100; l'excédent des com- bustions du canard sur celles d'une poule de même poids est de 24 p. 100 : 1. La dernière expérience, faite sur l'animal très malade et presque mou- rant, n'est pas valable et n'est, par conséquent, pas introduite dans la moyenne. COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ [.ES OISEAUX. :i77 En étudiant le quotienl respiratoire, nous trouvons les chiffres suivants moyenne) : Oie 0,80 Dindon 0,71 Poules 0,83 Canards 0,7 1 Pigeons 0,79 Chardonnerets. . . . 0,71 Lui moyenne générale est 0,775, chiffre qui diffère peu du quotient respiratoire des chiens, que nous avons trouvé égal à 0,748 (0,745, d'après Regnault et Reiset). Dans les expériences de Regnault et Reiset, et dans celles de M. Reiset, le quotient respiratoire pour les oiseaux a été de 0,793, chiffre qui concorde assez bien avec notre chiffre de 0,775. En prenant la moyenne, on arrive au chiffre de 0,78, qui représentera le quotient respiratoire des oiseaux, alors que le chiffre de 0,75 est le quotient respiratoire des chiens ; le quo- tient respiratoire des herbivores (lapins et cobayes) étant no- tablement plus élevé. Si nous groupons les chiffres précédents de manière à mettre dans la même moyenne les oiseaux ayant un poids sensiblement analogue, nous trouvons : C()^ parkilogr. et par heure. grammes. Oie et dinde de 2*£,850 (14 exp.), 52 heures 1,431 Poules et canards de lk&',630 (14 exp.), 43 heures. . . 1,899 Pigeons de 325 grammes (H exp.), 31 heures 3,360 Chardonnerets de 21 grammes (3 exp.), 7 heures.. . . 12,582 Nous allons maintenant comparer ces résultats à ceux qu'ont obtenus la physiologistes qui se sont occupés des com- bustions respiratoires des oiseaux. Tu. ME I, 37 :;ts CHARLES RICHET: §11. — Autres, expériences. Les travaux auxquels je me référerai sont ceux de Regnault et Reiset1; de Reiset2, de Boussingault3, de Letellier*, de Corin et Van Beneden8. Ce sont en eiïet, à ma connaissance, les seules expériences qui soient suffisantes en nombre et en durée pour permettre des conclusions générales. M. Reiset a trouvé pour quatre oies pesant 18k5,4 pendant 25 heures : 0",649, et pour deux dindons pesant 12kg,250, pendant 18 heures : 0pr,791. C'est, par conséquent, en moyenne, pour les oies et dindes de okViOO, 0pr,l>96 de CO2. Pour les poules et les canards de poids assez variable (maximum 2, 020; minimum 889 ; moyenne 1,358 gr.),RE<;xAULT et Reiset ont trouvé 1,502 de CO2. — Nous croyons devoir éliminer de leurs expériences les expériences LI, L1V, LIX et LXII, où les animaux étaient en état déjeune. Si l'on fait alors la moyenne des dix-huit expériences de Regnault et Reiset avec mes quinze expériences, on trouve pour les poules et les canards d'un poids de 1,482 grammes (moyenne) une production de CO2, égale en moyenne à l«r,682. Dans dix expériences sur des pigeons pesant de 132 à 380 grammes (en moyenne 310 gr.), MM. Corin et Vax Re- neden ont trouvé une production de 3gr,236. 1. Annales de Chimie et de Physique, 18 49, t. XXVI, p. 299. 2. Tbid., L863, t. LXIX, p. 129. 3. IbicL, 1844 (3), t. XI. p. 444. 4. IfAd., 18 15 (3), t. XIII. p. 478. 5. Travaux du laboratoire du Liège . 1888, l. I, p. 110. COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LES OISEAUX. .'.:'.» Ce chiffre concorde tout ;'i t'ait avec celui que j'ai trouvé pour des pigeons de poids sensiblement égal (3*r,360). On ne peul guère espérer de chiffres plus voisins par des méthodes si différentes. Alors la moyenne générale donne pour les pigeons de 318 grammes une production de 38r,298 de CO8. Sur des tourterelles et des crécerelles de 168 grammes (moyenne de onze expériences), Letellier a trouvé 4gr.543. Ce chiffre concorde absolument avec le chiffre obtenu par Boussingault dans onze expériences faites sur 3 tourterelles de 107 grammes; chiffre qui est de 4Br,591. La moyenne de ces vingt-deux expériences est de 4*r,577. Dans dix-neuf expériences faites sur des petits oiseaux pe- sant 21^,0 en moyenne, avec un maximum de 50 grammes et un minimum de lo,o, Letellier a trouvé 13". 164. Ce chiffre concorde avec celui de mes trois expériences faites sur des chardonnerets pesant 20^,2 en moyenne et pro- duisant 12BP, 382 deCO2. En faisant la moyenne de ces deux séries d'expériences, nous avons ', pour des oiseaux de 21er, 3, 13",08o. Ajoutons à ces chiffres cinq expériences de Regkault et Reiset portant sur verdiers et moineaux, pesant 23b'r,6 (moyenne) et ayant produit 11er, 869 de CO2. Le total sera pour des oiseaux pesant 21gr,8 une produc- tion de CO2 égale à 12«r,860. 1. Pour l'aire une moyenne équitable, il ne suffit pas de totaliser les chiffres des divers observateurs, il faut tenir compte du nombre des expériences. Ainsi le chiffre de Letellier aura un coefficient de 19, tandis que mon chiffre n'aura qu'un coefficient de 3 ; celui de Regxault et Reiset un coefficient de 5. Assu- rément c'est une méthode qui paraît simple et juste. Elle a pourtant quelques inconvénients, sur lesquels, brevitalis causa, je ne puis insister. 580 CHARLES RICHET. L'ensemble sera représenté par le tableau suivant : NOMBRE d'expériences ESPÈCES. POIDS. co* PAR KILOGRAMME et par heure. 2 15 33 21 22 27 kilog. 5,100 2,850 1,482 0,318 0,168 0,0218 grammes. 0,696 1,431 1,682 3,298 4,567 12,860 Tourterelles, crécerelles. . . Moineaux, verdiers, serins, § III. — Des écarts de la moyenne. Ouelles que soient les précautions prises pour avoir des chiffres concordants, on constate toujours des écarts considé- rables entre les chiffres. J'ai cité antérieurement, à propos des mensurations de CO- faites sur des chiens (normaux), les chiffres extrêmes de 0cr,400 (Senator) et5gr,830 (Bauer et Beck). Avec les oiseaux, il y a aussi des différences notables, par- fois sur le môme animal. Ainsi la même oie m'a donné une fois lgr,627, et une autre fois 0gr,60'l, soit un rapport de 1 à 3. Les mêmes poules m'ont donné une fois 2g,',372, et une autre fois lBr, 232, soit un rapport de 1 à 2. Les canards ont donné une fois 2gr, 791 et une autre fois 1er, 308, soit un rapport de I à 2. Pour les pigeons, l'écart maximum a été de 4"r,377 à 1B\681, soit un rapport de 1 à 2,5. Ces mêmes écarts se retrouvent dans les chiffres des autres observateurs, et même parfois ils sont plus accentués. Ainsi, dans les expériences de MM. Corin et Yan Beneden, je note un maximum de,6gr,032 et un minimum de lgr,702, soit un rapport de 1 à 3,5. Dans les expériences de Regnault et Reiset, le maximum a été de 2gr,2G9 et le minimum delgr,122r soit un rapport de 1 à 2. COMNl STIONS RESPIRATOIRES CHEZ LES OISEAUX. 581 Dans les expériences de Letellieh et de BoussiNGAULT les écarts sont moindres. Pour les expériences sur des petits oiseaux, pesant de quinze à vingt-cinq grammes, le maximum a été de 17gr,419 et le minimum de lOBr,999. Pour des tourterelles et cré- cerelles de 168 grammes, le maximum a été de 4er,974, et le minimum de 3gt,528. Ces écarts ne sont certes pas attribuantes aux méthodes, mais seulement aux différences dans l'état de l'animal, ali- mentation variée, repos ou agitation, température extérieure, toutes causes qui modifient énormément les conditions respi- ratoires. vj IV. — Rapport des combustions respiratoires avec la surface du corps. Les procédés employés pour mesurer directement la sur- face du corps des animaux sont évidemment très imparfaits. Je cherche en ce moment à en trouver un qui soit d'un emploi facile. Provisoirement je me contenterai d'adopter une formule théorique simple : c'est la racine cubique du carré du volume. Soit P le poids de l'animal, son volume pourra être évalué par son poids. En supposant la densité moyenne du corps très léger des oiseaux (munis de sacs aériens et de poches pneumatiques) égale à 0,8, on aura pour la surface : K v'p-xO.S. K est une constante, variable sans doute avec chaque animal, non déterminée pour l'oiseau, mais qui, d'après MM. Mech et Ruiïner, oscillant chez les mammifères entre 11 et 13, sera, assez arbitrairement, évaluée ici à 12 pour l'oiseau. 582 CHARLES HIC H ET. Cela (Haut posé, les surfaces des oiseaux pesant 5k8,100, 2kg,8§0, etc., seront : Poids Surface totale des oiseaux. en cent, carrés. kilo-. 5,100 -3,300 2,850 2,070 1,482 1,452 318 1,137 108 0,732 21,8 0,087 Si alors nous calculons la quantité do CO2 fixée par les animaux divers observés ici, en la rapportant à un centimètre carré de surface, nous trouvons sinon une parfaite identité, au moins une grande ressemblance dans les chiiïres. CO- par unité Poids de surface, des oiseaux. CO- par kilogr. 1000 cent, carrés. kilou'. grammes. grammes. 5,100 0,696 1,07 2,850 1,431 1,96 1,482 1,082 1,72 318 3,298 0,92 108 4,567 1,04 21,8 12,800 3,22 En rapportant la production de CO- aux surfaces, entre les oiseaux de tailles différentes, les divergences sont dans la pro- portion de 1 à 3, tandis que, si l'on rapporte le CO- produit aux poids, les divergences sont de 1 à 18. Il est à remarquer que les petits oiseaux mis dans l'appa- reil sont dans un état d'agitation perpétuelle, voltigeant de place en place, tandis que les gros oiseaux sont à peu près immobiles. C'est là une différence essentielle. On ne peut guère comparer un oiseau comme un pigeon, qui ne bouge pas, à un chardonneret, qui ne cesse pas de s'agiter. En lais- sant donc de côté les chiffres relatifs aux petits oiseaux, on voit que la moyenne du CO2 par 1,000 centimètres COMÏH'STIONS RESPIRATOIRES CHEZ LES OISEAUX B83 carrés t > x 4, soit 13*r,2. Ce chiffre de 13K,2 est donc le maximum du travail chi- mique effectué par l'oiseau et évalué en carbone brûlé. Or le rapport de l'énergie chimique avec le travail méca- nique est de 8 à 1 : autrement dit, sur 8 calories dégagées par une combinaison chimique, l'organisme vivant n'en peut con- sacrer qu'une seule à un effet mécanique; 7 calories étant destinées à échauffer le corps '. Cela posé, comme nous savons par les recherches calori- métriques précises des chimistes que 1 gramme de CO2 pro- duit par la combustion d'un hydrate de carbone répond à 2 575 calories, nous pouvons calculer le nombre de calories totales produites par le pigeon qui vole. Ce sera 33,99 calories, ou en chiffres ronds 34 calories. La huitième partie de ces calories, celle qui sert au travail mécanique, scra4cal,25 : c'est-à-dire que le pigeon de 1 kilo-, gramme fera en 1 heure 1 806 kilogrammètres, soit en chiffres ronds 1 800 kilogrammètres. Si alors, faisant les hypothèses les plus défavorables, nous admettons que le rendement de la machine animale est de 1/4 au lieu d'être de 1/8, nous aurons une production maximum de 3 600 kilogrammètres par heure. Ces calculs s'appliquent à un pigeon de 1 kilogramme; mais, de fait, il s'agit de pigeons pesant 320 grammes, ou 333 grammes, de sorte que nous aurons pour un pigeon moyen de 333 grammes un travail par heure de 600 kilogram- mètres, avec un maximum de 1 200 kilogrammètres. Ce sont là encore des maxima; car nous avons supposé que, par le fait du vol, l'oiseau quadruplait ses combustions, tandis qu'il est plus vraisemblable qu'il les double, au lieu de les quadrupler. Nous avons donc les deux écarts suivants 1. Hanriot et Ch. Riciiet. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4 juillet 1887, t. CV, p. 77 et, dans ce volume, p. 520. Pour d'autres auteurs, le ren- dement de la machine animale est d'un septième; pour d'autres, d'un cinquième. 586 CHARLES II I Cil ET. entre le travail que nous considérons comme probable, et le travail qui n'est certes pas dépassé, étant tout à fait maxi- mum : Travail probable, par heure 300 kilogram mètres Travail maximum, — 1200 — Travail probable, par seconde. . . . 0,083 Travail maximum, — ..... 0,333 — Autrement dit, le maximum du travail que pourra déve- lopper an oiseau d'une manière durable sera d'élever son poids de 1 mètre par seconde. 11 n'en sera ainsi que dans les cas (très rares) où l'oiseau ne s'aide pas du vent, et où il s'élève en ligne verticale. S'il vole horizontalement, il ne dépense probablement qu'une force moyenne de 0kem,08 par seconde. En appliquant ces données à la théorie du vol, on voit qu'une machine volante, telle que l'oiseau, peut se soutenir dans l'air avec un travail de 0k5,08 pour 330 grammes de poids, et ce chiffre même est probablement encore trop élevé. Autrement dit encore, en multipliant les chiffres par 900, une machine de 300 kilogrammes, à supposer qu'elle soit aussi parfaite que l'oiseau et que les grands et petits moteurs soient soumis aux mêmes lois, n'aurait besoin pour se soutenir dans l'air que d'un cheval vapeur. En outre, il est évident que cette proposition ne peut être vraie pour une durée de quelques secondes. Il peut y avoir un coup de collier qui ne dure pas longtemps, mais qui épuise l'oiseau : et pendant quelques secondes le pigeon pourra sans doute fournir énormément plus de travail, de manière que le rapport de 1 à 4 soit très largement dé- passé. Ce que nous appelons travail maximum est applicable à une durée de quelques minutes et non de quelques secon- des, pendant lesquelles le travail peut être bien plus éner- gique. COMBUSTIONS RESPIRATOIRES CHEZ u;s OISEAUX. :iS7 Assurément ces calculs sont hypothétiques; mais il nous a paru intéressant de calculer le travail développé par l'oi- Beau dans le vol, eu nous fondant non sur la résistance de l'air el la vitesse du mouvement, fonctions étudiées par les mathématiciens et quelque peu problématiques encore, mais sur une connaissance exacte des combustions respiratoires de l'oiseau. On peut d'ailleurs calculer le travail chimique et le travail mécanique dégagés par l'oiseau en prenant pour base des calculs, non plus la quantité de GO2 dégagé, mais le nombre des calories dégagées. Or on sait que les pigeons de 300 grammes produisent à l'état normal 3 150 calories l. En prenant les maxima, c'est-à-dire en supposant le tra- vail mécanique égal à un quart de la chaleur dégagée, et en admettant que, dans le vol, le pigeon développe 4 fois plus de chaleur que par le repos, ce chiffre de 3 loO ne se modifie pas, et on voit qu'alors il représente le nombre maximum de calories servant au travail mécanique. Mais le chiffre probable sera, selon toute vraisemblance, quatre fois plus faible, c'est- à-dire 07878. En rapportant ces chiffres de travail par heure au travail par seconde, on obtient facilement Ok m,092 (chiffre probable); et 0kSm,368 (chiffre maximum), deux chiffres con- cordant très bien avec les deux précédents, 0 083 (chiffre pro- bable), et 0 333 (chiffre maximum), résultant de l'étude des combustions respiratoires. En faisant la moyenne des chiffres obtenus par les deux méthodes, on trouve que le travail probable est en chiures ronds de 0kb'm,087, et le travail maximum de 0Usm,340 (pour les pigeons de 330 grammes). Cette concordance pouvait être prévue; car le travail raus- c ilaire est dû presque exclusivement à la combustion du car- 1. Ch. Richet. Toy. plus haut. p. ISl). 588 CHARLKS RICHET. boue des hydrates de carbone et non à colle des graisses et des albumines. Autrement dit, le ira rail dépensé par un pigeon pendant le roi est probablement le quart de son poids-mètre par seconde. Ce travail ne dépasse certainement pas le poids-mètre par seconde. FIN DU TOME PREMIER TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME PREMIER I. — Cii. Richet. — Contribution à la physiologie des centres nerveux' et des muscles de l'écrevisse *■ 1 II. — Cii. Richet. — Mouvements de la grenouille consécutifs à l'excitation électrique 2 94 III. — Ant. Breuuet et Cu. Richet. — Influence de la durée et de l'intensité de la lumière sur la perception lumi- neuse 3. . 109 IV. — Cii. Richet. — Expériences sur le cerveau des oiseaux4. 118 V. — Cu. Richet. — Cécité psychique expérimentale sur le chien, avec autopsies 5 126 VI. — P. Langlois et Ch. Richet. — Sensibilité musculaire de la respiration6 135 VII. — Ch. Richet. — Durée des phénomènes réllexes dans l'anémie chez les animaux à sang-froid" 139 VIII. — Cu. Richet. — Deux expériences d'inhibition sur la gre- nouille 8 143 IX. — Ch. Richet. — Recherches de calorimétrie 9. ..... 1 47 X. — Ch. Richet. — Expériences sur le poids des animaux '". 256 XI. — P. Langlois. — Recherches de calorimétrie chez l'homme u. — Appendice. Note sur les récents tra- vaux de calorimétrie 27!) 1. Arch. de physiol., 1880, 2e série, t. VI, p. 262-294 et 522-576. 2. Arch. dephysiol., 1881, 2« série, t. VIII, p. 823-837. 3. Arch. de physiol., 1880, 2' série, t. VII, p. 689-696. 6. Revue philosophique, 1890. t. XXIX, p. 557. 7. Bull. île la Soc. de Biol., 1883, p. 578-581. 8. Bull, du la Soc. de Biol., 1883, p. 450-459. '.i. ArcA. dephysiol., août et sept. 1885, 3e série, t. VI, p. 237-258, et p. 450-497 10. ArcA. dephysiol., nov. 1887, 3* série, t. X, p. 473-494. U./ourn. de l'anat. et de laphysiol, juillet, 1837, t. XXIII, p. 400-l6o. 390 TABLE DES MÉMOIRES. PagM. XII. — Hallière. — Recherches sur la mort par Lyperthermie et sur l'action combinée du chloral et de la chaleur 12. XIII. — Saint-Hilaire. — Influence de la température organique sur l'aclion de quelques substances toxiques 1S. . . . 390 XIV. — Ch. Righet. — Une nouvelle fonction du bulbe rachidien — Régulation de la température par la respiration '•. ill XV. — M. Hanriot et Ch. Richet. — Des échanges respiratoires chez l'homme 1S 470 XVI. — Ch. Richet.- — Mesure des combustions respiratoires chez le chien 16 o32 XVII. — Cu. Richet. — De l'intluence du chloral sur les actions chimiques respiratoires chez le chien n . S48 XVIII. — Ch. Richet. — De la mesure des combustions respira- toires chez les mammifères ls 560 XIX. — Ch. Richet. — De la mesure des combustions respira- toires chez les oiseaux lu :;74 12. Thèse de la Fac. de méd. de Paris, 1888, Steinheil. 13. Thèse de la Fac. de méd. de Paris, 1888, Davy. 14. Arch. dephysiol., fév. et avril 1888,4e série, t. I, p. 193-211 et 282-311. 15. Ann. de chimie et de physique, avril 1891, 60 série, t. XXII, p. 1-66. 1G. Arch. de physiol., jauv. 1890. 5e série, t. II, p. 17-30. 17. Arch. dephysiol., avril 1890, 5« série, t. II, p. 483. 18. Arch. de physiol., janv. 1891, 5e série, t. III, p. 74-86. 19. Arch. de physiol., juillet 1890, 5= série, t. II, p. 483-195. Paris. — Typ. Chamerot et Renouard, ID, rue drs Saints-Pères. — -TC QP44 Richet R™