QPt^ ' "ÏS^T^l" Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Open Knowledge Gommons http://www.archive.org/details/physiologie05rich PHYSIOLOGIE TOME CINQUIÈME DU MEME AUTEUR Physiologie. Travaux du laboratoire de M. Charles Richet. TuMK PREMIKR : Sijstvme nerveux. — Chaleur animale. I v. iii-S» avec 96 figures clans le texte. 1892 12 fr. » Tome deuxikme: Chimie phy si olorjiqup. — Toxicologie. 1 vol. in-S" avec 129 figures dans le texte. 189:] 12 fr. » Tome troisième: Chloralone. — Sérothérapie. — Tuberculose. — Df^penscs (/(,' /'«/'(/^/îH'swe. 1vol. in-8° avec 25 fig. clans le texte. 1893. . 12 fr. » Tome uuatrième : Appareil glandulaire. — Nerfs et muscles. — Érothé- rapie. — Chloroforme. I vol. in-S" avec îiTfig. dans le texte. 1898. 12 fr. Recherches expérimentales et cliniques sur la Sensibilité, 1877. (Masson.) 1 vol. in-8». Du Suc gastrique chez Thomme et les animaux, 1878. (Germer Baillit-n' et C'M 1 vol. in-8" 4 fr. 50 Des Circonvolutions cérébrales, 1878. ((lermer Baillière et C'^.) 1 vol. in-8" 5 fr. » La Circulation du saug [traduction française de Ilarvey), 1880, fMasson.) 1 vol. in-8°. Physiologie des Muscles et des Nerfs, 1881. (Germer Baillière etC*'=.) 1 vol. gr. in-8° 5 fr. » L'Homme et Tlntelligence. (Félix Alcan.) 2*^ édition. 1 vol. gr. in-8° tic. \a IHbliothèque de j)hilosophie contemporaine 10 fr. » Essai de Psychologie générale. (Félix Alcan.) 3« édition. 1 vol. in-12 i\(' \d Bibliothèque de philosophie cojilemporainc 2 fr. 50 La Chaleur animale, 1890. 1 vol. in-8° de la Bibliothèque scientifique internationale. (Félix Alcan.) Cartonné à l'anglaise ... 6 fr. » Cours de Physiologie, Programme sommaire, 1891. (Bureaux des Ucvuc'.'-;. 1 vol. in-12. Dictionnaire de Physiologie, ciiaqui; vol. grand in-4" de 1000 pages. (Félix Alcan.) Tome I. A — B 25 fr. » Tome II. B - C 25 fr. » Tome III. C 25 fr. » Tome IV. C - I) 25 fr. « Tome V. I) — F 25 fr. >> (Complet en 7 volumes.) PHYSIOLOGIE en/ fi'nvrrnïv TRAVAUX DU LABORATOIRE DE M. CHARLES RIGHET PROFESSEUR A LA FACULTE DE MEDECINE DE PARIS TOME CINQUIÈME Vu»». MUSCLES ET NERFS — THÉRAPEUTIQUE DE UÉPILEPSIE ZOMOTHÉRAPIE - RÉFLEXESTSYCHIQUES Avec 78 figures dans le texte. PARIS FÉLIX ALGAN, ÉDITEUR ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET Cie 108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 108 1902 Tous droits réservés 11 3^ V. I TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMiVIE ÉTUDES ERGOMÉTRIQUES ^ ' y ^ Par André Broca et Charles Richet. Nous avons essayé, par des expériences faites sur nous- mêmes, de préciser dans quelles conditions un muscle donné peut effectuer, sans fatigue notable, un travail régulier [et maximum. On possède, grâce aux beaux travaux de A. Mosso et de ses élèves, Maggiora, Warre^ Lombard, etc., des données précises et abondantes sur les conditions de l'épuisement musculaire. Sur ce point il ne reste plus, sans doute, d'observations importantes à faire, car la méthode de Mosso a donné des résultats très nets sur la fatigue, ses lois, les influences du massage, de l'électrisation, de l'alimentation, du travail intellectuel. Mais notre but a été tout autre. Dans les expériences de Mosso, il s'agissait d'un travail considé- rable, épuisant le muscle et le mettant hors d'état de conti- nuer son effort. Au contraire, dans nos expériences, nous A.AA^ Vh 2 A. BROCA ET CH. RlCHEï. n'avons nullement prétendu étudier les conditions de la fatigue. Nous cherchions à faire un effort modéré, ne fatiguant pas le muscle outre mesure, de manière à pouvoir poursuivre pendant longtemps cet effort. Dans certains cas, nous avons pu travailler pendant deux heures et demie, alors que, dans les expériences de Mosso, la fatigue survient au bout de quelques minutes et s'accompagne d'une impuissance absolue. I. TECHNIQUE Nous avions d'abord disposé nos appareils de manière à inscrire la forme et la hauteur des secousses ; mais, comme les secousses n'ont que de faibles et lentes variations, la lec- ture des graphiques est difficile et ne donne que des indica- tions imparfaites. Nous avons alors employé un collecteur de tratail, plus ou moins analogue à l'appareil de Fick. Ce col- lecteur de travail, ou ergomètre, a été construit sur nos indi- cations par M. Pellin. 11 se compose essentiellement d'un axe tournant en pointe entre deux vis portées par un bâti, solidement fixé sur une table. L'axe est muni à une de ses extrémités d'un rochel qui en est solidaire. Un doigt fixé au bâti ne permet à l'axe qu'un seul sens de rotation, celui qui élèvera le poids. A l'axe est fixé un cône de quatre poulies, sur l'une desquelles passe une corde qui soutient le poids ; la corde qui va au membre en expérience étant fixée à une autre poulie. La pouhe est folle sur l'axe. Un doigt portant sur le rochet rend la poulie soli- daire de l'axe pendant le soulèvement du poids. Un véloci- mètre mû par des engrenages fait dix tours pour un tour de l'axe; on peut lire sur le vélocimètre 10 000 unités. Soit alors P le poids, r le rayon de la poulie, n le nombre ri«t— — ^^ l'axe, n le nombre de tours du vélocimètre, T le ravai lQ(juit- nous avons T=P x 2r^rn^ et, comme .-> ^ ' \. il s'ensuit que T = O.o r. m' x P. Nous avons TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 3 exprimé ce travail en grammètres. Le quotient par le temps exprimé en secondes nous a donné lapuissaîice développée en grammètres par seconde. C'est cette quantité au moyen de laquelle nous avons calculé nos tables et construit nos courbes. Evidemment cette méthode est applicable à la contraction d^un muscle quelconque ; mais nous avons commencé par les muscles fléchisseurs de l'index de la main droite, et voici comment nous avons opéré. La main est gantée, de manière que le point d'insertion de la corde qui tend le muscle demeure invariable. La corde- lette qui va actionner la poulie est donc fixée toujours au même point, c'est-à-dire au niveau de l'interligne articulaire de la phalangine et de la phalangette. Pour limiter le travail à la contraction seule des fléchisseurs de l'index, le poignet est, ainsi que l'avant-bras, solidement fixé comme dans l'ap- pareil de Mosso. Deux mors maintiennent la main immo- bile, en appuyant, l'un sur la face dorsale, l'autre sur la face palmaire. Les doigts sont libres; mais, le plus souvent, pour mieux immobiliser la main, nous saisissions avec les doigts libres un des mors qui maintiennent la main, de manière que l'index seul était mobile. Un métronome réglait la fréquence des contractions. Pendant que l'un de nous effectuait le travail, l'autre lisait sur le vélocimètre le travail effectué toutes les minutes, et les inscrivait sur un registre. Nous avons bien vite renoncé à faire exécuter ce travail par d'autres que par nous-mêmes ; car il faut une certaine habitude pour arriver à des résultats précis. D'abord le tra- vail doit être poussé jusqu'à la fatigue, et jusqu'à la fatigue avec impuissance. C'est un état assez pénible à soutenir, et une servitude à laquelle d'autres que nous-mêmes n'eus- sent peut-être pas consenti à se soumettre. Il faut rester pen- dant une heure ou deux dans cet état intermédiaire entre la fatigue avec impuissance et la fatigue avec conservation de travail. 4 A. BROCA ET CH. RICHET. Si nous avons pris un muscle d'aussi petit volume que le muscle fléchisseur 'de l'index, qui ne peut évidemment en kilogrammètres etîectuer qu'un travail très restreint, c'est parce que, dans ces conditions, il n'y a pas à craindre que le travail efïectué retentisse sur la circulation et la respira- tion; nous étudions donc ainsi les propriétés mômes du tissu musculaire. Les 'phénominies restent exactement limités an ?nnscle qui travaille. La précision qu'on peut obtenir ainsi est assurément su- périeure à ce qu'on aurait pu supposer de prime abord. En voici, entre autres, un exemple (B.) (P. de 750 gr.) : Grammètres l)ar seconde. l''^ minute 10ti,0 2« — 36,0 43,0 48,0 45,0 42,0 10« 11 = 12'= Grammètres par seconde. . 43,0 . 41,0 . 44,0 . 41,5 . 40,5 . 41,5 En voici encore un autre (P. de 750 grammes) avec fré- quence variable : Fréquence (100 par minute). Grammètres par seconde. 1" minute 34,0 ?" — 27,5 3« — 29,6 4« — 29,6 Moy. 30,6 Grammètres par seconde. minute. 32,0 j — 30,2 I Moy. 30,6 — 32,0 ) Fréquence (144 par minute). Grammètres Grammètres par seconde. par seconde. 8'- minute. 36,8 12"^ minute. 46,5 j 9^ — 41,6 \ 13« - 43,3 Moy. 42,7 IQc _ 39,8 Moy. 42,7 14c _ 41,4 lie _ 45,0 ) 15e _ 41^4 TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. Fréquence (176 par minute). Grammètres Grammètres par seconde. par seconde. 16« minute . 42,7 21^ minute . 49,2 j 17e _ 46,6 I 22e 39,0 Moy. 42,7 18^ — 43 2 f 42,7 23e 38,4 ) 19^ — 24e 40,5 20" — 43,2 ) On peut considérer de telles expériences comme auto- risant une moyenne et, dans l'ensemble, comme satisfai- santes. II. DE LA CRAMPE OU CONTRACTURE DU DÉBUT DU TRAVAIL Si, dès le début du travail, on donne l'effort maximum qu'on peut produire, on arrive à un chiffre très haut, qu'il est impossible de maintenir. C'est que, pendant la première minute, la régulation par la fatigue n'a pas pu s'établir encore, et l'effort produit est supérieur à l'effort compatible avec un travail prolongé. Il ne faut donc pas compter la pre- mière minute dans les moyennes. Mais la compensation survient, et, dans la minute qui suit, ou dans les minutes qui suivent, le travail devient bien inférieur. Un sentiment de fatigue insupportable survient dans les muscles; c'est une crampe ou contracture qu'il faut vaincre au prix d'un effort très douloureux, et qui n'est défi- nitivement vaincue que vers la cinquième, la sixième ou la septième minute. Nous pourrions en donner de nombreux exemples. (B.) (P. de 750 grammes; fréquence 130 par minute) : Grammètres par seconde. l'"* minute 50,0 2« — 34,0 3« — 35,0 Grammètres par seconde. 4« minute 37,0 o* — 35,0 6« — 36,0 0 A. BROCA ET CH. RICHET. (R.) (P. de 600 grammes; fréquence 130 par minute) Grammètres par seconde. 1« minute 30,0 2« — 13,7 9,0 H,0 11,7 14,0 Grammètres par seconde. 7'" minute 13,2 8<= — 15,6 9'^ — 14,0 10= — 15,3 11« — 15,7 En voici un autre exemple. (R.) (P. de 750 grammes. ; fréquence 130 par minute) : Grammètres par seconde. minute 35,2 — 12,0 — 14,4 — 16,0 — 14,8 — 13,9 — 14,4 Grammètres par seconde. S'' minute 13,8 9« — 14,9 10« — 14,0 H'' — 13,9 12« — 13,9 13« — 14,2 On remarquera que, si on laisse de côté le travail de la première minute, la moyenne des deuxième, troisième et quatrième est précisément 14,1, c'est-à-dire égale à la moyenne générale des neuf suivantes. Le chiffre très faible de la deuxième minute a été compensé par un chiffre plus fort, à la quatrième minute, si bien que finalement la puis- sance moyenne est restée constante. Ces compensations s'observent toujours. III. DE l'augmentation GRADUELLE DE LA PUISSANCE PAR LE TRAVAIL Il ne faut pas prendre trop rigoureusement l'expression de régime régutier. En effet, on peut dire que jamais le régime régulier n'est obtenu. Deux phénomènes inverses s'observent, quand on poursuit le travail pendant quelque TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. temps : d'une part, parfois, des phénomènes de fatigue gra- duelle ; d'autre part, et plus souvent, des phénomènes d'exci- tabilité graduellement croissante. Ces derniers se produisent surtout si le travail n'est pas exagéré. Il se fait dans le muscle, par suite de cette vaso-dilatation plus active, que Chauveau a si bien démontrée, une res- tauration de plus en plus parfaite, si bien qu'au cours d'une longue expérience sa puissance va en croissant. C'est un phénomène d'entraînement, mais non d'entraînement à longue échéance, tel qu'on l'observe dans les exercices du corps chez les athlètes, les gymnastes, les coureurs ; c'est un entraînement immédiat, et qui se fait pendant le travail même En voici, entre autres, un exemple (R.) (P. de 600 gr.) : 9« 10'= ne Graramètre par seconde minute. 66,0 — 30,2 — 20,8 — 26,3 — 25,0 — 31,0 — 34,3 — 34,3 — 32,8 — 33,6 — 34,3 Moy. 33,6 25« 26« 27e 29« 30« Grammètres par seconde. minute. 39^0 37,6 40,0 40,0 38,4 41,5 Moy. 39,0 87« 88'= 89'= 48,0 47,0 48,8 48,1 Moy. 48,0 Nous donnerons un autre exemple en ne prenant que les moyennes de six minutes. La fréquence était quelque peu différente ; mais les différences de fréquence sont insuffisantes à expliquer la constante augmentation de la puissance mus-^ ilaire (R.) (P. de oOO gr.) : Grammètres Grammètres par seconde. par seconde. Fréquence 76 ... . 21,1 Fréquence 116 . . . . 31,5 — 100 ... . 24,3 — 158 . . . . 31,5 — 120 ... . 23,7 — 100 . . . . 32,8 — 141 ... . 29,9 — 143 . . . 34,0 8 A. BROCA ET CH. RICHET. Il convient d'ajouter que cette augmentation de l'excita- bilité n'est pasaiissi marquée chez B... que chez U... Mais elle existe cependant, et avec assez de netteté pour qu'on puisse très probablement considérer le fait comme général. Il concorde d'ailleurs très bien avec ce fait, d'observation vulgaire, qu'un travail musculaire soutenu est bien plus pénible au début, dans les dix ou vingt premières minutes de travail, que plus tard, lorsqu'un entraînement immédiat s'est produit. ZuNTz et Lehmann, dans leurs expériences sur le cheval, ont vu que le cheval travaille plus économiquement, au bout d'un certain temps d'activité musculaire, qu'au début. IV. INFLUENCE DES POIDS SUR LE TRAVAIL L'influence des poids sur le travail n'est pas tout à fait conforme à ce qu'on aurait pu prévoir a priori. En effet, à mesure que le poids augmente, le travail aug- mente, puis, pour un poids très fort, brusquement le muscle est comme ruiné ou paralysé par cet effort exagéré. Prenons en effet les moyennes de nombreuses expériences faites avec une même fréquence et des poids variables; nous voyons la puissance du muscle croître très vite, à mesure que le poids devient plus fort : Grammr'tres par sccomlc. Poids en grammes. Exp. de B. Kxji. de R. 230 20 17 500 3o 22 750 41 27 1000 42 » 1150 » 41 1250 48 » Or, si nous essayons'] [de travailler avec un poids un peu supérieur à 1250 grammes pour B..., et supérieur à i 150 grammes pour R..., très rapidement, en une minute ou deux, l'impuissance totale arrive, et la ruine du muscle. De TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 9 sorte que, si l'accroissement de la puissance avec le poids est lent, la décroissance de la puissance, à partir de cet opti- mum, est extrêmement brusque. Si l'on opère avec des poids faibles, c'est-à-dire au-dessous de 400 grammes, les chiffres obtenus n'ont pas grande valeur, surtout quand on emploie des contractions très fréquentes ; car, dans ces conditions, le poids soulevé n'a pas le temps de revenir à son point de départ, et les oscillations du poids ne suivent plus les mouvements de l'index. En opérant avec des poids supérieurs à 400 grammes, cette cause d'erreur n'est pas à craindre. Il semblerait, à voir les résultats du tableau précédent, qu'il y aurait avantage à travailler avec des poids très lourds ; mais cet avantage est illusoire, car le travail est alors extrêmement pénible, et il ne peut être effectué qu'au prix d'un effort assez douloureux. Si, dès le début, on avait commencé à travailler avec un poids aussi fort, il eût été impossible de continuer. C'est seulement grâce à l'accroissement d'excitabilité par l'entraînement immédiat que peut s'effectuer ce travail. Ajoutons qu'à côté de l'entraînement immédiat il faut tenir compte aussi d'un entraînement à longue échéance, xi force de travailler ainsi avec notre fléchisseur de l'index, nous avons fini, au bout de deux ou trois mois, par travailler beaucoup mieux, et par obtenir des résultats bien plus favo- rables qu'au moment où nous commencions nos recherches, au point de vue du chiffre absolu du travail effectué. Quoi qu'il en soit, si réellement le travail effectué est plus grand avec un poids de 1 250 grammes qu'avec un poids de 1000 grammes, il est beaucoup plus pénible, et il ne se soutiendrait guère pendant une demi-heure ou une heure. On est alors très près de l'épuisement du muscle, de sorte que nous pourrons considérer comme poids optima les poids de 750 à i 000 grammes pour le fléchisseur de l'index. Les diffé- rences d'énergie individuelle jouent certainement un rôle important ; mais, d'après quelques essais faits sur diverses 10 A. BROCA ET CH. RICHET. personnes, i) nous paraît bien que c'est autour de ces deux chitTres de 700 et de 1 000 grammes qu'oscillent les optima des poids à soulever pour le fléchisseur de l'index ^ V. INFLUENCE DE LA FRÉQUENCE DES CONTRACTIONS SUR LA PUISSANCE DES 3IUSCLES Cette question n'a pour ainsi dire pas été traitée par les physiologistes. Elle est cependant de grande importance. Nous avons pu arriver à quelques résultats très précis. Nous allons donner d'abord les deux tableaux représentant la moyenne de nos expériences, répondant à environ quarante heures de travail. EXI'KKIENCES DE B. FKÉQUE.NCE par MINUTIÎ. GKAMMÈTRES PAR SECONDE. 2511 p-r. 500 gr. 750 gr. 1 000 gr. 1 250 gr. 100 12 37 30 36 41 130 21) 35 41 42 48 200 23 36 43 4.'i 52 2.jO 17 37 49 'oi 56 280 21 3.-; 'lo 59 71 EXPÉRIENCES DE R. FRÉQUENCE par minute. GRAMMÈTRES PAR SECONDE. 251) gr. 500 gr. 570 gr. 1150 gr. 100 li 17 17 20 22 30 20 27 32 34 41 41 150 250 l.Nous avons aussi fait quelques expérieaces sur les muscles du chien. Elles nous ont confirmés dans les lignes essentielles ce que nous avions vu plus nettement sur le muscle fléchisseur de l'index chez riiommc. Pour imiter autant que possible l'action volontaire, l'excitanon électrique portait sur l'en- TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. H Si nous laissons de côté les poids trop faibles, de 250 grammes pour lesquels l'appareil fonctionne mal, comme il a été dit, nous voyons que la puissance du muscle aug- mente avec la fréquence des contractions. Toutefois cette augmentation avec la fréquence n'est pas considérable, et on peut presque dire que, pour des fréquences moyennes, variant de 100 à 2o0 par minute, la puissance est presque ' E^^ H i ^m ^^ ^v^ Ï2- "^ ^t T . ^^ ■~-» ^N --^ ^S^ k ^^ B^ ^-^ ^N ••s. ~i UZ: "* --^^ ^^^^ • "* >J ~»»._ "^^ ■* ^ ■*■ "-.-. ^ "*T***.- ' ~" — — T!l "~ ~T+- "~ -. ___ .""" — — ._ ■" — .^ ■~"~ — _, ~"" — ^ "* --■« - "■ ! 1 ! 1 1 200 ÎOO iOO 500 eoo 100 œo SOO IflOO UOO 1200 Grammes FiG. 1. — Variations de la hauteur moyenne des secousses en fonction du poids et de la fréquence. Ea bas sont marqués les poids; à gauche les centimètres indiquant la hauteur des secousses. constante, augmentant quelque peu avec la fréquence, mais n'augmentant pas beaucoup. céphale par deux électrodes fixées dans la région corticale motrice ; et le mouvement était déterminé par le retrait de la jambe à laquelle un poids était attaché. Dans ces conditions le travail augmente, puis décroît, avec le poids, comme l'indiquent les chiffres suivants (fréquence 80 par minute) : Poids en grammes. Grammètres par seconde. 600 17,4 800 18,9 1000 23,9 1200 14,5 12 A. BROCA ET CH. RICHET. Toutefois, cette constance ne paraît s'observer que dans le cas de poids moyens; car avec des poids très forts on ne constate rien d'analogue. Au contraire, quand le poids est très fort, les fréquences grandes font croître beaucoup le travail. Il en est de même, pour des raisons faciles à com- prendre, quand le poids est faible. D'ailleurs tous ces détails sont rendus plus nets par la lecture du graphique (Fig. 1), résumant nos expériences. Pour mieux nous rendre compte de cette constance du travail, avec les fréquences variables, et, afin d'éliminer les influences, soit de la fatigue, soit de l'augmentation d'exci- tabilité, nous avons dû faire des expériences croisées, dans lesquelles nous revenions au point de départ. Voici les chiffres obtenus dans une de ces longues expé- riences. Chaque chill're en grammètres représente la moyenne de six minutes de travail (B.) (P. de 600 gr.) : Fréquence ])ar minute. Grammètres par seconde. 110 37,00 110 37,80 130 39,18 110 37,80 150 36,67 110 34,90 Fréquence jiar minute. Grammètres par seconde. 150 36,54 110 36,11 170 36,30 MO 36,67 200 36,41 116 36,41 Ainsi, dans cette expérience, alors que la fréquence a varié du simple au double, les variations maxima de la puis- sance ont été de 34,90 (minimum) à 39,18 (maximum), c'est- à-dire à peine d'un dixième, et la simple inspection du tableau montre que le chiffre 34,9 est certainement aberrant. Il semblerait donc qu'il fût avantageux pour le muscle de travailler avec une fréquence très grande, puisque, avec l'augmentation de la fréquence, la puissance du muscle parait augmenter ; mais cette soi-disant croissance de la puis- sance musculaire avec la fréquence n'est qu'une illusion, comme lorsqu'il s'agit de poids très forts. En effet, avec les TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 13 grandes fréquences et les grands poids, malgré la très forte puissance apparente du muscle, le muscle est très près de l'épuisement ; et le travail exécuté ne l'est qu'au prix d'un très grand effort, et ne pourrait être continué longtemps. La croissance de la puissance musculaire avec la fré- quence est la confirmation de la loi établie par Heidexhaix, puis Nawalichin, loi si bien modifiée par Ghauveau [Le Travail musculaire, p. lo4-162); mais elle se présente ici sous une forme un peu dilTérente. Heidenhain et Nawalichin avaient vu que l'énergie consommée croît en même temps que les différentes phases de la contraction; autrement dit, que les petites contractions dégagent moins de travail chi- mique que les autres, à travail dynamique égal, et Chau- VEAU a vu que réchauffement musculaire est d'autant plus petit, pour un raccourcissement donné, que le muscle est plus près de son maximum d'allongement normal. Nos expériences fournissent la conséquence presque néces- saire de ces observations, à savoir qu'il vaut mieux, à égalité de travail, faire de petites contractions nombreuses qu'en faire de grandes, peu fréquentes. Cette conclusion était impli- citement contenue dans les faits indiqués par Heidexhain, Nawalichix et Chauve au ; mais il n'en est pas moins intéres- sant de l'avoir démontrée par une expérimentation directe. D'autant plus qu'on aurait pu, à la rigueur, concevoir que la courbe de fatigue ne fût pas exactement parallèle à celle de l'intensité croissante des actions chimiques, éta- blie par Nawalichix, ou des actions thermiques, établie par Chauve AU. YI. influence de LA FRÉQUENCE ET DES POIDS SUR LA HAUTEUR DES SECOUSSES Ainsi qu'on pouvait le prévoir a priori, la hauteur de chaque secousse va en décroissant à mesure que la fréquence et le poids augmentent. 14 A. BROCA ET CH. lUCHET. Yoici, entre autres, une expérience, avec poids invariable et fréquence variable (B.) [P. de 500 gr.) : Fréquence par minute. oO. 96. 128. 136. 150. Hauteur de chaque secousse en centimètres. 3,60 2,63 2,20 2,21 2,19 Fréquence par minute. 216. 2o0. 272. 33;;. Hauteur de chaque secousso en centimètres. 1,53 1,42 1,21 0,61 Yoici une autre expérience où le poids a été variable et la fréquence constante (lî.) (fréquence: 150 par minute) : Poids en jrammcs. 2S0.. 500. . 600.. 750.. Hauteur le chaque secousse en centimètres. . . 2,60 . . 2,19 . . 1,97 . . 1,63 Poids Hauteur de chaque secousse en centimètres. jrammes . 800 1,45 900 1,25 1 000 1,34 1 250 1,15 Il s'ensuit^ ainsi qu'on peut le voir sur la fig^ure 1, (|ui donne la moyenne de nombreuses ex])ériences, que, pour des poids croissants et des fréquences croissantes, la hau- teur de la secousse va en diminuant, mais que cette dimi- nution est moindre que l'accroissement de la fréquence et des poids, de sorte que les hauteurs des secousses tendent à devenir constantes, à mesure que le poids et la fréquence augmentent. VII. INFLUENCE DES INTERMITTENCES SUR LA PUISSANCE BIUSCULAIRE 11 était intéressant d'étudier avec soin rinllucnce qu'exer- cent sur le travail musculaire les alternatives de repos et de travail. Nous avons été ainsi amenés à constater certains faits paradoxaux qu'on n'aurait pas pu soupçonner a priori. On a vu que pendant la première minute on fait toujours un travail très fort. Il s'ensuit que, si l'on prend un certain TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 15 temps de repos après le travail, on rend aux muscles une vigueur nouvelle. La conséquence en est assez importante. Après un repos d'une minute, le travail, plus considérable, Variations de la puissance avec le poids et la fréquence des secousses. de la minute suivante compense à peu près le repos. La totalité du travail accompli dans la minute du repos et dans les minutes suivantes n'aura donc pas subi de diminution appréciable. 16 A. BROCA ET CH. RICHET. En voici un exemple (B.) (P. de 1 000 gr., fréquence : 150 par minute) : Gr immctrcs Gramnii'trcs par seconde. par secomle. 1" minute 2' — 49 2G ^ 7e 8» minute. : :i->- 3» ~ 31 9"= — . . 00 \ Repos. 4« _ 27 Moy. 29 10« — . 49 .■;• — 31 l|e — . 34 ( Moy. 28 6« — 27 ) J2c — . . 28 1 Nous pourrions citer quantité d'exemples analogues, prou- vant qu'un court moment de repos, d'une minute, par exemple, ne fait guère diminuer le travail total; l'énergie récupérée par le repos du muscle se retrouvant tout entière dépensée dans la minute qui suit le repos. L'expérience est rendue plus nette encore, si l'on compare un travail régulier, continu, à un travail dans lequel se suc- cèdent des alternatives rythmées de travail et de repos. Dans ce cas, quelle que soit la valeur absolue du travail effectué, un fait remarquable se produit, c'est que la fatigue diminue et la douleur disparaît. On peat continuer longtemps, presque sans fatigue et certainement sans douleur, un travail inter- mittent, qui, étant continu, eût été extrêmement pénible. Trois cas se présentent : le cas des poids faibles, le cas des poids moyens, et le cas des poids très forts. S'il s'agit de poids faibles, les intermittences rendent le travail total moindre. Nous appelons poids faibles les poids égaux ou inférieurs à SOO grammes. Alors évidemment, comme nos muscles donnent à peu près le maximum de con- traction et que la fatigue est nulle ou médiocre, les intermit- tences n'ont d'autre effet que de diminuer le rendement total. S'il s'agit de poids moyens et de fréquences moyennes (P. de 300 à 1 000 grammes, fréquences de 100 à 220), le travail total ne varie pas, qu'il y ait ou non des intermit- tences, à supposer, bien entendu, que les intermittences ne TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 17 dépassent pas trente à quarante secondes, et que la durée du travail reste au moins égale à la durée des temps de repos. L'expérience suivante prouve le fait. Dans cette longue expérience, les chiffres qui représentent la puissance du muscle en kilogrammètres par seconde sont les moyennes de six minutes de travail (fréquence 150 par minute) : RÉGIME PAR MINUTE. GRAMMÈTRES PAR SECONDE B. (P. do 900 gr..) E. (P. de 600 gr. ) Moyenne. Continu 23,7 9,7 16,7 30" travail 30" repos 30" _ 20" — 30" — 15" — 23,3 24,1 21,0 (?) 14,4 15,1 16,2 19,8 19,6 18,6 15" travail 15" repos 13" — 10" — 10" — 10" — 10" — 8" — 10" _ 3" — 28,1 27,2 23,0 29,3 26,4 16,9 19,3 17,3 18,2 19,3 22,4 23,3 21,8 23,8 23,0 4" travail 4",0 repos 4" _ 3", 2 — 4" _ 2", 4 — 4" — 1",6 — 4" _ 0",8 — . . . . 30,4 29,4 28,9 27,6 28,9 ^9,5 20,8 21,4 20,1 20,1 25,0 23,1 23,1 23,8 24,3 Continu 28,0 18,2 23,1 Plusieurs autres expériences, qu'il serait trop long de rapporter, ont donné les mêmes résultats. On voit que pour B,, et surtout pour R., il y a eu un accroissement d'excita- bilité considérable, dû à cet entraînement immédiat que nous avons signalé plus haut. En dépit des intermittences, l'accrois- sement d'excitabilité a été assez régulier, et il est à noter que les intermittences ont plutôt augmenté que diminué le travail. De là cette conclusion que, si des intermittences alternent avec le travail et durent une seconde, ou deux, ou dix, ou même trente secondes, le travail total reste constant, conclu TOME V. 2 18 A. BROCA ET CH. RICHET. sion vraiment imprévue, et que nous n'oserions pas énoncer, si elle n'était le résultat de très nombreuses expériences tout à fait concordantes, que le défaut d'espace nous oblige à ne pas mentionner ici. Cette apparente constance du travail (avec un léger avan- tage en faveur du travail avec intermittences) ne doit pas nous faire oublier ce point essentiel, et auquel on ne saurait attacher trop d'importance, que, même à rendement égal, le travail avec intermittences est exécuté sans douleur, tandis que le travail continu est extrêmement pénible. Mais c'est surtout avec des poids très forts (supérieurs à 1 000 grammes) qu'apparaît l'intluence salutaire de l'inter- mittence. Nous avons montré précédemment que le maximum du poids que peut soulever, en travail continu, le fléchisseur de l'index, répondait à environ 1 200 grammes (B.) et 1 000 grammes (R.). Or, asec intermittences, on peut porter le poids à 2000 grammes pour B. ; à 1 600 grammes pour R., et;, dans ces conditions, la puissance du muscle augmente énormément. Voici quelques chiffres à l'appui : B. (P. de 1250 gr.). Grammètrcs par seconde. Fréquence Fré((uencc Régime. 160 par minute. 200 par minute. Continu. . . . o3 39 impossible Intermittences 0",3. . 57 — 1". . . 58 68 1",3. . 58 66 2",0. . 57 67 G",2. . 55 » R. (P. de 1 050 gr.; fréquence 200 par minute). Régime. Grammètrcs par seconde. Continu impossible Intermittences fi",'i impossible _ 0",7 28 _ 1" 30 _ 1",6 35 _ 2",6 31 TRAVAIL MUSCULAIRE CHEZ L'HOMME. 19 Voici enfin une expérience dans laquelle, grâce aux inter- mittences, un travail maximum a été effectué, bien supérieur à tout ce que nous avions pu faire en travail continu. Les intermittences étaient de 1",3; et elles étaient égales aux temps de travail. La fréquence était de 200 par minute (B.), et le poids variable. Les chiffres représentent les moyennes de six minutes de travail : Poids Grammètres Poids Grammètres en par en par grammes . seconde. grammes . seconde. 800 50 1 300. . . . 80 900 58 1400. . . . 84 1 000 65 1 500. . . . . . 91 1 JOO 70 1 600. . . . . . . 89 1200 76 1700. . . . 84 Ainsi, par le fait des intermittences, la puissance du muscle a pu presque atteindre le double de la puissance à laquelle il pouvait arriver par le travail continu, et cela, comme nous l'avons déjà dit, au prix d'un effort beaucoup moindre, et d'une souffrance presque négligeable, si on la compare à l'état pénible d'un travail continu. En comparant ces faits aux autres résultats précédem- ment indiqués, on voit que, par l'analyse expérimentale, nous sommes arrivés à trouver les meilleures conditions du travail (pour le muscle fléchisseur de l'index). Un poids très fort, de 1 500 grammes ; une fréquence très grande, de 200 par minute ; et des intermittences de 2 secondes environ de repos, alternant avec 2 secondes de travail. Ces faits comportent assurément des conclusions pra- tiques et des conclusions théoriques. Nous ne traiterons pas ici les conclusions pratiques ; nous attendons les résultats que nous donneront les expérimentations sur d'autres mus- cles que le fléchisseur de l'index. Quant aux conclusions théoriques, elles semblent se résumer en des questions de circulation musculaire, et de réparation par le sang oxygéné. 20 A. BROCA ET CH. RICHET. Après le travail, il se fait constamment un énorme afflux sanguin dans le muscle, et c'est grâce à cette circulation plus active, post laborem, que peuts'elTectuer la restitution du muscle. Il nous paraît probable, sans que cependant nous puissions le rigoureusement démontrer, que c'est par le sang oxygéné que se fait la réparation du muscle ; car l'oxygène détruit les produits nocifs de la contraction musculaire. Des contractions répétées, énergiques et continues, en épuisant l'oxygène du sang irrigateur, mettent le muscle dans cet état de contraction anaérob'ie, que nous avons démontré, dans un précédent tra- vail, être funeste à la vie musculaire (Voy. Tnw. du Laborat.^ 1897, t. lY, p. 315). Par conséquent, plus la circulation sera active, moins il y aura à craindre l'état anaérobie, et par conséquent la ruine et la fatigue du muscle. Or ce qui em- pêche le muscle de donner toute sa puissance, c'est précisé- ment la sensation de fatigue, due vraisemblablement aux produits toxiques d'une contraction musculaire qui s'est effectuée en présence de quantités Insuffisantes d'oxygène. L'influence des intermittences semble donc se ramener à ces deux lois fondamentales : 1° Le maximum de la circula- tion musculaire a lieu lorsque le repos succède au travail (vaso-dilatation de Chauveal) ; 2° La contraction est d'autant plus puissante et d'autant moins douloureuse que la circula- tion est plus active. II LE MÉCANISME DE DESTRUCTION DU PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES DANS l'organisme Par P. Langlois. L'élévation de pression qui s'observe après l'injection intra- veineuse de l'extrait de capsules surrénales chez les animaux à sang chaud présente ce caractère très net, d'être passagère. Oliver et Schafer, dans leurs nombreuses expériences sur le chien, n'ont vu l'élévation de pression se maintenir quatre minutes qu'une seule fois, et ils ne donnent pas les condi- tions dans lesquelles se trouvait alors l'animal. En collationnant près de 120 courbes recueillies sur des chiens placés dans les conditions normales, nous n'avons jamais observé une hypertension se maintenant plus de trois minutes. La durée du phénomène est indépendante de la quantité de substance injectée. Dans nos premières expériences sur l'extrait capsulaire, nous injections des doses massives, 2 à 22 P. LANGLOIS. 5 centigrammes d'extrait sec par kilogramme; plus tard nous n'avons employé que 1 à 2 milligrammes, et la période d'élé- vation de pression fut la même. On ne saurait invoquer, pour expliquer cette courte durée, un épuisement de l'orga- nisme, des cellules nerveuses ou des fibres-cellules arté- rielles, car une seconde injection produit le môme effet. On peut même maintenir la pression constamment élevée en faisant toutes les trois minutes environ, c'est-à-dire quand la pression commence à baisser, une nouvelle injection de 2 milligrammes. Sur un chien de 7"*?, 500, ayant reçu S?'', 40 de peptone et ayant une pression de 9 centimètres de Hg, on a pu main- tenir la pression aux environs de 14 centimètres de Hg pen- dant trente-deux minutes, à l'aide de 9 injections, chacune de 15 milligrammes d'extrait. Pour expliquer cette action passagère, Oliver et Schafer ont émis l'hypothèse d'une dialyse rapide de la substance à travers les vaisseaux. L'extrait capsulaire agissant ensuite sur les muscles striés, l'augmentation de tonicité constatée par eux dans les muscles serait, en effet, consécutive à l'hypertension vasculaire. Or il s'agit là d'une simple hypo- thèse, laquelle, en tout cas, ne permet pas d'expliquer tous les phénomènes observés. L'élimination de la substance par les urines ne peut être invoquée : la rapidité même de la disparition de l'action s'op- pose à cotte interprétation^ et le fait constaté par Cybulski, de la présence dans l'urine de l'extrait capsulaire chez un chien qui en avait reçu des quantités considérables, ne peut s'expliquer que par la masse injectée, ou mieux, peut-être, par des conditions particulières dans cette expérience unique. Pour notre part, nous n'avons jamais trouvé dans les urines recueillies (non directement par les uretères, il est vrai) un pouvoir toxique quelconque. Pour Gyijulski \ l'extrait cap- 1. Cybulski. Ueber die Fuaction der Nebenniere [Comptes rendus de l'Aca- démie des Sciences de Cracovie, 4 mars 1895; tirage à part, p. 11). PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 23 sulaire se détruit par un processus oxydant, et il explique les accidents convulsifs chez les animaux asphyxiés par une non- destruction du principe que les capsules déversent norma- lement dans le sang. C'est ce mécanisme même de destruction que nous avons cherché à étudier. I. — DESTRUCTION PAR OXYDATION 1° Variations dans la durée de V effet suivant la température de l'animal. Dans une note de notre mémoire sur l'altération fonc- tionnelle des capsules surrénales', nous signalions sommai- rement les efTets différents obtenus par l'injection d'extrait capsulaire chez la tortue normale et la tortue dont la tempé- rature interne était portée par un bain à 37°. Le ralentis- sement des contractions cardiaques qui persiste trois heures après l'injection chez l'animal normal ne dure pas vingt minutes chez la tortue chauffée à 37°. Dans un autre mémoire-, nous avons observé en expéri- mentant sur le chien le phénomène inverse. En refroidis- sant un chien vers 31° par des affusions froides, on voit après l'injection d'extrait la pression se maintenir pendant vingt-six minutes au-dessus de la normale, soit dix fois plus longtemps que chez un chien à 38°. Une légère baisse de la température n'est cependant pas suffisante, et nous n'avons pas noté d'augmentation dans la durée de la période vaso- constrictive, quand le thermomètre rectal indiquait 35°, sauf chez les animaux légèrement curarisés. Ces deux groupes d'expériences montrent qu'en modi- 1. P. Langlois. Altération fonctionnelle des capsules surrénales {Archives de Physiologie, 1897, p. 167). 2. P. Langlois. Sur les fonctions des capsules surrénales [Thèse de doctorat es sciences, février 1897, p. 83, et Travaux du Laboratoire de Ch . Richet, 1897, t. IV, 1-137). 24 P. LANGLOIS. fiant l'activité des échanges dans l'organisme, nous modi- fions également la durée des manifestations cardio-vascu- laires. 2° Action dans le sang. Un mélange in vitro d'extrait capsulaire et de sang ne perd pas son activité, même si l'on maintient le mélange à l'étuve à 38** pendant trente ou quarante minutes, comme nous l'avons fait avec L. Camus. Le sang de la veine capsu- laire naturellement chargé du principe actif à sa sortie de la glande (Gybulski, Langlois), conservé in vitro, était encore actif quarante heures après la saignée. Dans l'organisme, au contraire, ce principe est rapide- ment détruit, et les variations mêmes de la pression, obser- vées après l'injection, sont fonction de la teneur du sang en principe capsulaire. Sur un chien de 10 kilogrammes, peptonisé, on injecte 10 centi- grammes d'extrait sec. Au moment même oîi la pression atteint son maximum (de la 16'= à la 24« seconde), on recueille par la crurale 50 c. c. de sang, A. Une autre saignée est faite deux minutes vingt secondes après l'injection, quand la pression commence abaisser, B; enfin une troisième saignée est faite une minute après la chute de la pression, C. Ces trois échantillons de sang peptonisé sont injectés ensuite à un autre chien, successivement, à la dose chaque fois de 40 centimètres cubes. L'injection du sang A fait monter la pression de 11 à 10 centimètres de mercure, soit o centimètres d'élévation. L'injection du sang B fait monter la pression de 10,5 à 12,5, soit 2 centimètres d'élévation. L'injection du sang C fait monter la pression de 10,5 à 11,5, soit centimètre d'élévation. Ce dernier chiffre s'obtient avec une injection de 40 centimètres cubes d'eau salée. Un simple calcul montre quelle faible quantité les 0 centimètres cubes du sang A devaient renfermer de sub- PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 25 stance active : en admettant que ce chien de 10 kilogrammes avait 6S0 grammes de sang, ces 40 c. c. représentaient 0,007 d'extrait capsulaire. Mais, dans le laps de temps qui s'est écoulé entre l'injection et la saignée, une partie de Pextrait s'est encore détruite, et ce chiffre est encore trop fort. 3° Action des substances oxydantes in vitro. L'action destructive des alcalis, du permanganate de potasse sur l'extrait capsulaire a été signalée par Cybulski, Oliver, etc. Guidé par l'idée d'un processus d'oxydation, nous avons cherché l'action de l'ozone et des ferments oxydants exis- tant dans l'organisme. SO centigrammes d'extrait sec de capsules de cheval, conservés secs depuis huit mois, sont triturés avec 250 grammes d'eau salée chaude. On filtre, et les pesées du filtre indiquent que 8 centigrammes de sub- stance ont été entraînés par le liquide. Ce liquide, qui présente une coloration rose pâle, est divisé en trois parties. A . — 80 grammes sont soumis à l'influence de l'ozone : on fait bar- boter pendant quarante-cinq minutes un lent courant d'air ayant tra- versé un ozoniseur de Berthelot (6 accumulateurs et forte bobine d'in- duction). Cet air, après le barbotage dans l'extrait, est encore forte- ment chargé d'ozone, et fait virer énergiquement au bleu une solu- tion d'amidon iodurée. B. — 80 grammes sont mélangés avec 5 c. c. de sang d'écrevisse et placés pendant 20 minutes à l'étuve. Le thermomètre très sensible, placé dans le liquide lui-même, indique, au bout de vingt minutes, la température de 34°, 2. C. — 80 grammes ne sont pas traités et servent de solution témoin. La solution A avait été ozonisée la veille : elle présentait, après le barbotage, une diminution très nette de la coloration rosée ; mais cette différence était surtout accentuée le lendemain :1a partie C s'était foncée très sensiblement, alors que la solution ozonisée n'avait plus varié. La solution B a été mélangée au sang d'écrevisse au moment même de l'expérience, et nous n'avons pas noté de différence de coloration après le passage à l'étuve. 26 P. LANGLOIS. Expérience. — Chien griffon de 10 kilogrammes. Reçoit 2sr,o0 de propeptone dans la jugulaire. Canule dans la carotide. Les diverses in- jections sont poussées par la jugulaire, avec une vitesse constante de i ce. parsecoude, vitesseadoptée dans toiitesnos recherches antérieures. PRESSION. RYTHME KN 10". INJECTION. ■ . •s Avant. Après. Avant. Après. 1. II. III. Solution normale : 8'='' y 9 11 9 9 i:; 14 li 8 14 12 — ozonisée : ()°° — ozonisée : 10" IV. — ozonisée : i'J" 9 10 i:i 14 V. VI. — normale : 3"" 9 8,:i 12 9 n i:; 11 13 — avec o.\ydase : 5=" VII. — avec o.xydase : 10=" 8,.j 9 li 14 VIII. IX. X. XI. — normale : 3"^ 9 9 9 8.5 12 l(l,.j 10 12 li ic 13 15 8 14 14 1 — ozonisée : 20"^' — oxydase : 20'"' — normale : 5" L'hémolymphe de l'écrevisse injectée seule détermine une chute de pression très marquée, même à faible dose. Toutefois une injection de 0^^%? correspondant à la quantité d'hémolymphe contenue dans l'injection VII ne produit pas de variations manométriques appréciables. On ne peut donc invoquer l'effet antagoniste vaso-dilatateur de l'hémolymphe dans le cas présent. L'action de l'ozone était à prévoir ; l'énergie de son pou- voir oxydant, que l'on peut comparer à celui du permanga- nate, permettait a priori d'affirmer la destruction de la sub- stance active. Cette expérience a toutefois un intérêt. Pfluger a attribué aux globules rouges une puissance for- matrice d'ozone. On pourrait admettre que c'est en partie par l'action de l'ozone que l'extrait est détruit dans le sang vivant; mais il faut en même temps conclure que, aussitôt sortis de l'organisme, les globules perdent cette propriété, puisqu'ils n'agissent plus sur la substance capsulaire. PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 27 L'action de l'hémolymphe ou des extraits de tissus d'écre- visses nous montre un autre mécanisme de destruction. Le rôle des ferments oxydants, à peine entrevu autrefois, est, sans nul doute, considérable, et c'est guidé par les travaux d'AsELOus et de Biarnès sur la puissance du pouvoir oxydant des tissus des crustacés que nous avons utilisé l'hémolymphe. L'inactivité in vitro du sang des mammifères, comparée avec l'activité de l'hémolymphe, constitue en fait une con- firmation indirecte des travaux d'ABELous sur la hiérarchie des tissus au point de vue de leur richesse en ferments oxy- dants. IL RÔLE DU FOIE DANS LA DESTRUCTIOX DE LA SUBSTANCE SURRÉNALE Si les expériences précédentes montrent que l'extrait capsulaire est détruit par oxydation, processus qui peut avoir lieu dans tout l'organisme, on doit se demander s'il n'existe pas des organes oii cette destruction s'opère, sinon exclusi- vement, au moins principalement, et il est évident que le foie devait être le premier organe suspecté. Dans ce but, quatre séries de recherches ont été in- stituées : 1° Injection du filtrat obtenu par macération d'organes déterminés : foie, intestin, poumons, muscles, mélangés avec de l'extrait capsulaire ; 2° Injection d'extrait capsulaire dans une veine mésa- raïque et dans une veine de la circulation générale ; 3" Injection du sang pris simultanément : a^ dans la veine sus-hépatique; (î, dans la jugulaire; y, dans la veine cave, après injection d'extrait; 4° Suppression fonctionnelle du foie. 28 P. LANGLOIS. 1** Injection de macérations d'organes avec extrait capsulaire. Extrait capsulaire : 2 grammes d'extrait sec broyé avec 12o grammes d'eau salée, filtré à chaud. On sacrifie un lapin par hémorragie, et immédiatement on mélange et on broie au mortier : A. — 20 grammes de foie + 15" d'extrait CS + 20'"'' d'eau salée. B. — 20 grammes d'intestin lavé + Vô"" d'extrait CS + 20" d'eau. G. — lo grammes de poumon + 8"'' d'extrait CS + lo "" d'eau. A, B, C sont laissés à la température du laboratoire quinze minutes. On expiime ensuite dans un linge fin. D. — i:i" d'extrait CS + 30" d'eau salée. Chienne de 20 kilogrammes. Reçoit 5 grammes de peplone. QUANTITK ÉLÉVATION RYTHME C.KRDIAQnB en 10". injectée. manomclriiinc '. Avant. Apres. Cent. cul)es. Cent. Ht;. Solution A. Foie Ij 1 21) 23 — 10 2 22 20 — 10 1 27 24 — ■. 10 1 21 20 Lentement 12 0.:; 22 23 Solution D. Extrait C. S. 5 4 27 13 4 4 25 12 — B. Intestin. . . 10 1,5 24 IC — C. Poumon. . . 10 4 22 17 1. Dans cette expérience, 1 nous ne pouvons donc donner constatées. 0 zéro du ma des chiffres i nomètre n'a p ibsolus, mais as été inscrit sur le tracé, simplement les différences Dans une autre expérience, poursuivie dans les mêmes conditions, avec des macérations de foie, de poumon, de muscles et de rate, nous avons vu encore le foie neutraliser le principe actif, alors que les muscles et la rate elle-même paraissaient inactifs. Une autre expérience montre que le tissu pulmonaire ne paraît jouer qu'un rôle accessoire, sinon nul. Un jeune chat est sacrifié par décapitation, et l'on fait passer par l'artère pulmonaire 40" d'une solution d'extrait capsulaire à 1 p. 500, PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURREiNALES. 29 maintenue à 38°. Le liquide, qui sort par l'oreillette gauche sectionnée, est repris, et le liquide passe huit fois en vingt minutes. Pendant ces vingt minutes, les contractions cardiaques, inefficaces, il est vrai, ont persisté. On injecte successivement à un chien de 6 kilogrammes 20'"' de l'extrait normal, puis 20"" de l'extrait ayant servi à la circulation artificielle dans le poumon, ces deux injections représentant 4 centi- grammes d'extrait frais, soit 4 milligrammes par kilogramme. Les deux tracés sont identiques, l'élévation de pression est de 4 cen- timètres dans la première injection, de 3,o dans la seconde. Or ces doses n'étaient pas les doses maximales, car une injection ultérieure de 40 centimètres cubes de la solution normale a donné lieu à une éléva- tion de 6 centimètres. 2° Injections comparatives dans une veine mésentérique et dans la veine jugulaire ou dans la veine saphène. Dans nos recherches antérieures, nous avions été conduits à rejeter au second plan l'action du foie ^ A la suite de l'in- jection par une veine mésentérique d'un centigramme d'ex- trait capsulaire par kilogramme d'animal, nous avions noté une élévation de pression avec ralentissement cardiaque, et nous disions : « L'action exercée par le foie sur la substance active produite par les capsules, si elle existe, est en tous cas très faible, et ne saurait suffire à amener si rapidement la disparition des effets observés après l'injection. » En fait, les quantités injectées étaient beaucoup trop con- sidérables : 30 centigrammes dans un cas, 8 centigrammes dans un autre. Les expériences reprises dans des conditions meilleures, c'est-à-dire en déterminant au préalable la dose minimum donnant lieu à une action manifeste après injection dans la jugulaire ou dans la saphène, permettent de montrer le rôle du foie. Expérience. — Chienne de 20 kilogrammes. Reçoit 5 grammes de peptone. — La solution d'extrait capsulaire est à 1/200 (i"" = S milli- grammes). 1. Laxglois, loc. cit., 1897, p. 80. 30 P. LANGLOIS. QU.\NT1TÉ injectée. KLÉVATION manométrique. Jugulaire cent, cubes. 4 4 4 10 n 4 cent, de Hg. 3 0 0 1 2 3,0 Mésentérifiue Jugulaire On voit que 20 milligrammes, soit un milligramme par kilogramme, injectés dans la jugulaire, ont suffi pour déter- miner une élévation de pression de 3 à 3,5 centimètres, alors que la même dose est inefficace, injectée dans la veine mé- sentérique, et qu'une dose même quadruple (4 milligrammes parkilog.) ne donne lieu qu'à une élévation beaucoup plus faible. Les injections dans la jugulaire ont été faites avec une certaine lenteur, un demi-centimètre cube par seconde (et non pas par minute, comme un lapsus nous l'a fait écrire dans notre note à la Société de Biologie). On ne doit donc pas incriminer l'action directe sur le cœur; nous avons pu, du reste, constater qu'il n'existe aucune dif- férence appréciable entre les injections faites soit dans la saphène, soit dans la jugulaire, si le liquide est poussé très lentement. On ne saurait évoquer une simple stase, une diffusion plus lente de la substance retenue mécaniquement dans le foie ; car, avec de fortes doses, 4 milligrammes par kilogramme, la courbe est identique à celle obtenue après l'injection de 1 mil- ligramme dans la jugulaire, non seulement comme hauteur, mais également comme temps perdu entre l'injection et l'élé- vation manométrique (20 à 24 secondes), et enfin par rapport à la durée même de la période d'élévation (2 à 3 minutes). PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 31 3° Sang sus-hépatique et sang de la circulation générale. Pendant le passage du sang chargé d'extrait capsulaire à travers le foie, une partie seulement de la substance active est détruite à ce moment, et la substance en excès s'échappe avec le sang efFérent de l'organe. C'est, du reste, ce que prouve l'élévation constatée après une dose exagérée d'extrait dans la veine mésentérique. Mais néanmoins, dans un moment déterminé, après l'injection d'une dose suffisante d'extrait, si le foie exerce une action destructive élective sur l'extrait capsulaire, le sang pris dans la veine sortant de cet organe doit être moins riche en prin- cipe actif que le sang recueilli au même moment à sa sortie d'un autre organe ou du réseau général. C'est ce que dé- montre l'expérience suivante : Chien de 10 kilogrammes, peptonisé. Injection dans la jugulaire d'une solution d'extrait concentré non dosé. Respiration artificielle et ouverture du thorax. On recueille le sang simultanément : 1° dans la partie sus-diaphrag- matique de la veine cave, pendant un arrêt temporaire de la circulation dans la partie sous-diaphragmatique au moyen d'un lacs passé au préa- lable sous la veine cave abdominale et que l'on tend pendant la prise du sang; 2° dans la circulation veineuse générale : jugulaire externe et crurale, ou veine cave abdominale. Le sang a été recueilli entre la 18*= se- conde et la 105'', c'est-à-dire pendant la période où le sang est le plus riche en extrait et oii la pression se maintient très élevée : 10 centi- mètres au-dessus de la normale. Les échantillons de sang recueillis ainsi n'étant pas en quantité suf- fisante pour fournir du sérum, ont été, le lendemain, chauffés au bain- marie pendant 12 minutes, et le magma broyé et trituré avec de l'eau salée, puis filtré. 1 centimètre cube du liquide obtenu représentait 1/2 centimètre cube de sang. Un chien griffon de 4 kilogrammes reçoit 2S'',30 de peptone. Pas d'abaissement de pression. 32 P. LANGLOIS. 1° Injection de 20'^'= de sang. Jugulaire et veine cave abdominale 2° Injection de 20" de sang. Veine cave thora- cique PRESSION Hg. 20 25,5 La seconde injection n'a donc donné lieu qu'à une élévation de 2 centimètres au lieu de 5"^™, 5 et encore cette élévation a-t-elle été fort courte. 3" Injection de 10°" de sang. Jugulaire et veine cave 4'' Injection de 10" de sang. Veine cave thora- cique PRESSION 11''. 21 21 25 23 Ici encore la difTérence est en faveur du sang n'ayant pas passé dans le foie. Il faut tenir compte de certains détails opératoires qui expliquent les faibles différences observées. La ligature temporaire était placée entre le diaphragme et le point d'abouchement des veines capsulaires et rénales : par suite, le sang recueilli dans la veine cave thoracique était constitué par un mélange des veines sus-hépatiques et des veines diaphragmatiques, ces dernières déversant un sang chargé d'extrait et n'ayant pas subi l'action de la cellule hépatique. Nous n'avons pu, à ce moment, utiliser le procédé de la sonde pour obtenir du sang de la veine sus-hépatique sans aucun mélange. Une autre expérience nous a donné des résultats plus nets encore : Sur un chien qui avait servi à la quatrième série d'expériences, et chez lequel l'abdomen était largement ouvert, l'animal e'tant mourant, PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 33 la pression très basse, on injecte 5 centigrammes d'extrait capsulaire dans la saphène. La pression remonte, et, au moment même où elle commence à baisser, on recueille du sang directement dans une veine sus-hépatique et dans la veine cave. Ce sang, traité comme celui de l'expérience précédente, est injecté deux jours après à un petit chien peptonisé (pas de poids). PRESSION Ilg. AV A^T. APRÈS. Injection de 10'=''. A'eine cave abdominale .... Veine sus-hépatique 12 12 14 12 Le sang de la veine sus-hépatique ne renfermait donc plus d'extrait capsulaire ou tout au moins des doses trop faibles pour agir, alors que le sang de la veine cave était encore actif. La pauvreté du sang sus-hépatique en extrait capsulaire, comparé avec le sang des autres régions, nous paraît démon- trée. Mais le foie, dans ce cas, n'agit peut-être pas seul. Dans la série de recherches sur l'influence des macérations d'or- ganes citée plus haut (p. 28), on voit que le tissu intestinal joue un rôle destructeur vis-à-vis de l'extrait capsulaire au moins supérieur à celui des autres tissus. Le sang de la veine porte est peut-être déjà appauvri en arrivant au foie. C'est une recherche que nous n'avons pas faite, une lacune à combler. -i° Suppression fonctionnelle du foie. Une quatrième série de recherches s'imposait nécessai- rement : l'étude des modifications de la pression après la suppression fonctionnelle du foie. La destruction totale du foie présente des difficultés presque insurmontables. L'établis- sement d'une fistule permanente entre la veine porte et la veine cave (fistule d'EcK, opération de Pavloff), outre la diffi- TOME V. 3 34 P. LANGLOIS. culte opératoire, ne répondait pas aux exigences de l'expé- rience. PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 35 Il importait en effet d'obtenir dans des conditions rigou- reusement égales des tracés de pressions à la suite d'injection de doses égales d'extrait et de répéter ces lectures un certain nombre de fois. Aussi avons-nous cherché avec Athanasiu ^ à réaliser une obstruction temporaire de la veine porte. Dans ce but, deux canules en T sont disposées : l'une dans la veine cave, l'autre dans la veine porte; les branches latérales sont réunies par un tube de caoutchouc. Quand ce tube est fermé par une pince, la circulation se fait normalement dans les deux vais- seaux; il suffit d'ouvrir cette communication et de pincer la veine porte pour diriger le sang porte vers la veine cave. Chien de 14 kilogrammes. Chloralosé, puis peptonisé. Placé au-dessus de la baignoire d'eau chaude. La température pendant la dures de l'expé- rience oscille entre 35°, 73 et 33°, 53. La pression normale est basse (8 à 9 centimètres de Hg), DURÉE DE I au-dessus du chiffre initial. 'ÉLÉVATION au-dessus de 4 centimètres en excès. PRESSION en Hg. au-dessus de la normale. 2 ce. sol. à 1 p. 100 : 2. Veine porte ouverte. . . . 3. Veine porte fermée 3 ce. : 3. Veine porte ouverte. . . . 4. Veine porte fermée secondes. 127 184 126 173 secondes. 9 47 36 74 4 4,6 6 7,5 Dans cette expérience, une faible quantité de sang pouvait passer encore par les artères hépatiques dans le foie. Dans une autre expérience, les artères hépatiques furent liées dans l'intervalle des deux injections. 1. Athanasiu et Langlois. Du rôle du foie dans la destruction de la sub- stance surrénale. [Bull, de la Soc. de Biol., 12 juin 1897.) 36 P. LANGLOIS. La différence de durée entre les deux courbes manomé- triques est encore plus accentuée. Veine porte ouverte, artères hépatiques libres. . . 130 Veine porte liée, artères hépatiques liées 200 Mais^ dans la période comprise entre les deux injections, l'animal s'était très afTaibli, la température avait encore baissé de 34" à 33°, 25, et on avait dû faire une injection intra- veineuse d'eau salée pour faire remonter la pression à 6 cen- timètres de Hg. Nous avons cherché encore à détruire le foie in situ sui- vant le procédé de Denis : injection par le canal cholédoque d'une solution à 3 p. 100 d'acide acétique. Les tracés obtenus chez les 3 animaux ainsi opérés n'ont rien de caractéristique; mais, soit par suite d'une erreur de technique, soit que les essais aient été faits trop peu de temps après l'injection hépa- tique — 12 heures, 16 heures, — les lésions du foie étaient toujours circonscrites, et une trop grande masse hépatique restait indemne pour que nous puissions tirer une con- clusion. IIL DE LA NON-DESTRUCTION DE l'eXTRAIT CAPSU- LAIRE DANS LE SANG ET LA LYMPHE « IN VIVO* » Après avoir étudié Faction in vitro, puis l'action des prin- cipales glandes, nous nous sommes attachés avecL. Camus à étudier les conditions suivant lesquelles se produisait la des- truction du principe actif surrénal, en dehors des appareils glandulaires nettement diflerenciés, dans un membre par exemple. A. — Nous avons tout d'abord recherché comment se comportait l'extrait dans un segment isolé de vaisseau sanguin ou lymphatique. 1. L. Camus et P. Langlois. Bull, de la Société de Biologie, 1 mai 1898, p. 497. PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRENALES. 37 L'inactivité du sang m vitro avait déjà été signalée par Oliver et Schfàer. Incidemment, dans le mémoire cité plus haut, j'avais signalé les mêmes résultats obtenus par nous en plaçant le sang, le plasma ou le sérum dans des conditions d'activité optimum, à l'étuve à 38 ou 40" pendant trente et quarante minutes. Or il en est encore de même si l'extrait capsulaire est injecté dans un segment de vaisseau plein du liquide sanguin ou lymphatique, et laissé ainsi en contact sept minutes. Observations générales. — Dans toutes nos expériences, les chiens avaient le bulbe sectionné : ils avaient reçu une injection de peptone dans la jugulaire (0s'',05 par kilogramme). Les injections dans le système artériel étaient faites par une collatérale de la fémorale, l'artère fémorale étant chargée momentanément en amont sous un fil pour empêcher le reflux de l'injection. Le canal thoracique était également chargé par un fil, dans Ja cavité thoracique; la tension de ce fil suffisant pour déterminer l'obstruction temporaire du canal. La veine cave était prise dans les mêmes conditions, à 2 ou 3 centimètres de la bifurcation des veines iliaques, en prenant soin d'éviter les lésions des lymphatiques voisins. Sauf indications contraires, on injectait 1*=° d\ine solution à 4 p. 100 d'extrait sec de capsules de cheval. A. Rétention de l'extrait dans un segment de vaisseau. Veine. — Injection dans une collatérale de la veine fémo- rale après ligature de la veine cave. Stase de sept minutes. PRESSION EN CENTIMÈTRES DE Hg Avant. Après. o 19 Artère. — Injection dans la collatérale de la fémorale, celle-ci étant complètement isolée dans ses trois quarts supérieurs, et deux ligatures étant placées en amont et en aval. Injection de 0^%75, entraînant une distension considé- 38 P. LANGLOIS. rable du segment artériel déjà plein de sang. Stase de sept minutes. PRESSION Avant. Après. 4,5 9,0 Lympliatïqiies. — Canal thoracique lié. Injection dans un vaisseau lymphatique de l'aine. Stase de cinq minutes. Dans une expérience précédente, après injection de 4 cen- timètres cubes, le canal thoracique n'a été lâché que seize minutes après. La pression s'élève de plus de 8 centimètres. On tend le fil obturateur, la pression retombe. On lâche le fil: la pression remonte de nouveau, soit dans ce second temps, après une stase de vingt minutes dans le canal. B. Injection dans le bord périphérique d'une artère avec modifications ou non de la circulation de retour. 1" Quand on se borne à pousser l'injection dans une col- latérale de la fémorale, on note, outre un léger retard dans l'élévation de la pression, une persistance de l'hypertension très variable, mais qui peut être quelquefois considérable. Au lieu de la période hypertensive de trois minutes que l'on observe normalement dans l'injection intra-veineuse, nous avons enregistré des périodes de douze minutes avec une pression de vingt-quatre centimètres de Hg. Dans quelques cas, on observe même sur la courbe un premier maximum suivi d'une légère tendance à la baisse pendant une minute; puis la courbe se relève ensuite. Cette persistance des effets après injection dans le bout PRINCIPE ACTIF DES CAPSULES SURRÉNALES. 39 périphérique d'une artère est une nouvelle preuve de l'ab- sence de destruction du principe, tant que ce dernier reste dans le sang. 2° Avant l'injection artérielle, on détermine l'arrêt du sang efTérent par compression de la veine cave, et on main- tient cet arrêt pendant sept minutes après l'injection ^ Il y a lieu de distinguer deux effets différents, suivant que la com- pression a lieu au moment même de l'injection, ou une minute avant l'injection. PRESSION Avant. Après. Veine tendue 3 secondes avant l'injection, . . 5 9 Veine tendue 1 minute avant l'injection ... 5 5,5 Toutefois, quand la dose injectée est plus forte, de 2 centi- mètres cubes, on obtient encore une élévation de pression, mais faible. De ces faits, nous pouvons déjà conclure que l'extrait capsulaire se détruit en sortant des vaisseaux sanguins et durant son passage de ces vaisseaux aux lymphatiques, puisque, arrivé dans la lymphe, il ne peut plus être altéré. Cette destruction a-t-elle lieu au moment du passage à travers J^endothélium des vaisseaux sanguins ou lymphatiques, ou dans les espaces lymphatiques interstitiels, c'est-à-dire au contact même des autres éléments cellulaires de l'organisme? Cette dernière hypothèse a pour elle les effets observés par Oliver et Schàfer^ sur les muscles striés des membres, qui présentèrent un tonus augmenté après l'injection intra-vei- 1. Malgré la présence de collatérales veineuses, la compression de îd veine cave nous parait suffisante pour retenir, dans le segment étudié, la plus grande partie du liquide injecté. En effet, même avec des doses fortes {2«), on note, pendant la compression, une baisse graduelle de la pression carotidienne, alors que le passage même lent de l'extrait capsulaire dans la circulation générale devrait tout au moins anniiiiler cette baisse con- statée. 2. Oliver et Schafer. The pliysiological eflects of extracts of the supra- renal capsules. [Jouni. of Physiology, t. XVIll, p. 263, 1893.) 40 P. LANGLOIS. neuse d'extrait capsulaire et immédiatement consécutif à l'hypertension sanguine. La durée de la période d'effet est fonction de l'activité des échanges. Chez la tortue normale, en hiver, l'action sur le cœur per- siste près de trois heures; elle disparait au bout de vingt minutes chez la tortue chauffée. Inversement, chez les mammifères refroidis, l'hyperten- sion persiste vingt à trente minutes. Les agents oxydants, ozone, ferments oxydants de l'or- ganisme, détruisent in vitro la substance capsulaire. La destruction de cette substance peut se faire dans tout l'organisme; néanmoins le foie joue un rôle prépondérant. En effet : 1° La macération de tissu hépatique atténue l'activité de la substance, plus que toutes autres macérations d'organes; 2° L'injection dans la veine mésentériquc d'une faible quantité d'extrait (dose suffisante pour donner une élévation de pression notable après injection dans une veine de la circu- lation générale) reste sans effet; Sachez un animal, sous l'influence de l'extrait capsulaire, le sang de la veine sus-hépatique est moins riche en substance active que le sang d'une autre région; 4° La suppression de la circulation hépatique détermine une prolongation dans la période d'hypertension. In vivo, soit dans le sang, soit dans la lymphe, l'extrait capsulaire reste intact, mais il se détruit partiellement, tout au moins en passant du sang dans les tissus, au contact des éléments cellulaires de l'organisme. RÉSUMÉ La substance active de l'extrait surrénal disparaît en moins de trois minutes dans le sang artériel. Cette disparition coïncide avec le retour à la pression initiale. III CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES Par Mariette Pompilian. A. — CONTRACTION MUSCULAIRE CHAPITRE PREMIER Influence de la charge sur les secousses musculaires. Nos recherches portent sur les modifications que subis- sent les courbes des secousses isolées et du tétanos; de plus, nous avons recherché quelle est l'influence du poids sur la fatigue musculaire. Les muscles choisis ont été : le muscle de la pince de l'écrevisse, le triceps brachial de la tortue, le gastrocnémien de la grenouille et le gastrocnémien du cobaye. 1. Ce travail, étant dépourvu de plusieurs figures qui se trouvent dans le volume dont il a été extrait, il sera nécessaire de fréquemment se reporter à cet ouvrage même : La contraction musculaire et les transformations de l'énergie. Thèse de la Faculté de méd. de Paris, 1897. Steinheil. 42 M. POMPILIAN. I ) Muscle (h la rthice de l'écrevisse. — La pince, détacliée, était fixée à l'aide d'une vis à la planchette du myographe simple de Marey. On attachait la branche mobile de la pince à la plume du myographe, dans le plateau duquel on mettait différents poids. De par le dispositif de cet appareil, le poids réellement soulevé par le muscle n'est pas le poids mis dans le plateau, mais il lui est bien inférieur. Nous ne con- naissons pas quel est le rapport entre le poids réel que sou- lève le muscle et le poids nominal qui se trouve dans le pla- teau de l'appareil ; mais, naturellement, leurs deux valeur» varient dans le même sens. L'inscription se faisait sur un cylindre animé de différentes vitesses. La hauteur des secousses ne subit pas la même varia- lion pour tous les muscles. Généralement elle augmente quand le poids augmente de 2 à 100 grammes; pour des poids plus forts elle diminue en présentant pourtant quelques irrégularités. Par exemple, la hauteur qui correspond au poids 200 est supérieure à toutes les autres quand on a laissé le muscle se reposer pendant deux ou trois minutes. A partir du poids de 200, les hauteurs diminuent toujours, seulement il peut encore se faire que la hauteur qui corres- pond au poids 300, par exemple, soit supérieure à celle qui correspond au poids 250. La durée des secousses diminue quand le poids augmente . Le tétanos n'est pas sensiblement modifié dans sa phase ascendante. Quand le poids augmente de 0 à 100 grammes, le relâchement du muscle se fait d'autant plus vite que le poids est plus fort ; mais, quand le poids continue à croître, la partie ascendante de la courbe du tétanos devient de plus en plus longue. Autrement dit, le temps que met le muscle à sou- lever différents poids à la même hauteur est d'autant plus long que le poids soulevé est plus fort. Quand le poids, dépasse une certaine limite, devient supérieur à 300 grammes,^ par exemple, le tétanos n'atteint plus la hauteur maximum , qui est le resserrement complet de la pince. Pour le poids 300, CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 43 on peut supposer, comme le tétanos est ascendant, qu'en pro- longeant suffisamment l'excitation le resserrement arriverait à être complet. Naturellement le relâchement est toujours d'autant plus rapide que le poids est plus fort. 2) Chez la tortue, la hauteur des secousses augmente quand le poids augmente de 0 à 200 grammes. Il en est de même du tétanos. La hauteur des contractions d'une patte (patte posté- FiG. 4. — Influence de la charge sur la hauteur des secousses. Sur l'abscisse, on a marqué les poids; sur l'ordonnée, les hauteurs correspondantes des secousses. rieure) est plus grande pour le poids de 200 grammes qu'elle n'est pour 0 gramme; elle diminue ensuite quand le poids continue à croître. 3) Pour la grenouille, comme pour l'écrevisse, il n'existe pas de loi qui règle les variations des hauteurs des secousses en fonction du poids, quand le poids varie de 0 gramme à 100 grammes. En général, les hauteurs de secousses dimi- nuent quand le poids augmente (tig. 4). Mais on rencontre fréquemment aussi le cas où les hauteurs augmentent pour des poids allant de 0 à 100, 120 grammes. 44 M. POMPILIAN. En tout cas, la hauteur d'un muscle sans poids est infé- rieure à celle d'un muscle légèrement tendu. Quant à la durée, elle diminue légèrement quand le poids augmente. 4) Chez le cobaye, l'étude de la contraction du muscle gas- trocnémien, faite avec le myographe de Marey, montre que la hauteur des secousses augmente quand le poids va de 0 gramme à 200 grammes, pour diminuer ensuite quand le poids continue à augmenter. Quant à la dwée de la phase ascendante de la courbe, elle suit les variations de la hauteur, tandis que la phase descen- dante diminue toujours avec le poids. L'étude de la contraction, faite avec le myographe verti- cal, montre que, dans certains cas, la hauteur des secousses présente un maximum quand le muscle soulève 100 grammes; dans d'autres cas, le maximum correspond au poids 50; et enfin dans d'autres cas, il n'y a pas de maximum; la hau- teur diminue toujours avec le poids, mais pas proportionnel- lement, de sorte que le travail mécanique PH présente un maximum qui correspond au poids 150 grammes \ Il s'ensuit qu'il n'existe pas de lois entre la variation de la hauteur et la variation du poids. Le tétanos du muscle non chargé est d'autant plus grand que la tension qu'a subie le muscle antérieurement a été plus grande. La hauteur du tétanos diminue quand le poids dépasse 50 grammes. Un muscle fatigué donne un tétanos présentant des den- telures. 1. Il s'agit dans ce cas du poids réel soulevé par le muscle. CONTRACTION^ ET CHALEUR MUSCULAIRES. 4o Influence du poids sur la fatigue musculaire. Les expériences faites dans le but de cette recherche ont porté sur le muscle gastrocnémien de la grenouille, dont on excitait le nerf par des courants induits de rupture. L'inscrip- tion des secousses se faisait à l'aide du myographe simple de Marey sur le cylindre animé d'une vitesse très lente (un tour dans une demi-heure). Dans ces conditions ont voit que : 1° Le muscle qui soulève un poids fort se fatigue plus vite ; 2° Un muscle fatigué complètement par un poids faible donne encore, pendant assez longtemps, de belles secousses si on le fait soulever un poids fort; 3" Un muscle fatigué par un poids fort ne donne plus rien pour un poids faible ou nul, quelle que soit l'intensité de l'excitation. On voit donc l'importance du raccourcissement ou de l'allongement du muscle sur la grandeur des contractions. Il ne faut pas confondre le raccourcissement absolu avec le rac- courcissement relatif. CHAPITRE II Influence de l'excitation. Comme pour le poids, nous avons recherché, chez les mêmes animaux, quelles sont les modifications que subit la contraction musculaire quand on fait varier l'intensité de l'excitation, les autres conditions expérimentales, c'est-à-dire le poids et la température, étant identiques. 1) Sur le muscle de la pince de l'e'crevisse, on voit que, quel que soit le poids, la hauteur des secousses augmente avec l'intensité de l'excitation. 46 M. POMPILIAN. On voit, de plus, que la durée des secousses augmente avec l'intensité de l'excitation. Des excitations insuffisantes, isolément, à faire entrer le muscle en état de contraction, peuvent, quand la fré- quence des interruptions est suffisamment grande, produii'e le tétanos. La phase ascendante du tétanos est d'autant plus longue que l'iutensité des excitations est plus faible. Ce fait estd'au- tant plus manifeste que le poids est plus fort, et que le muscle est plus fatigué. Pour des excitations de très faible in- tensité, pour un poids faible, et quand le muscle est fatigué, on voit apparaître le tétanos rythmique. 2) Chez la tortue, la hauteur des se- cousses du muscle triceps brachial aug- mente avec l'intensité de l'excitation; il en est de même de la durée, mais dans des proportions bien moindres. La hauteur des contractions d'une patte augmente de même avec l'intensité do l'excitation, seulement jusqu'à une li- mite à partir de laquelle la liauteur, non seulement n'augmente plus, mais quel- quefois diminue légèrement. Fio. 5. — Influence de la charge et de l'in- tensité de l'excitation sur la hauteur des secousses du muscle de la pince de l'é- crevisse. Sur l'abscisse, les ciiitfres 5 et 8 indiquent l'écart de la bobine du chariot. 3) Chez la grenouille, la hauteur aug- mente de même avec l'intensité des exci- tations. Seulement le passage du seuil de l'excitabilité aux secousses maximales se fait très vite, sans passer par une échelle de hauteurs croissantes aussi étendue que celle qui correspond au muscle de la pince de l'écrevisse et aux muscles de la tortue. Mais, dans certains cas, on peut CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 47 obtenir plusieurs secousses sous-maximales graduellement croissantes, et alors on voit aussi que la durée augmente de même avec l'intensité de l'excitation. Quelquefois, on voit sur des muscles fatigués que la hauteur varie en raison inverse de l'intensité de l'excitation. Quel que soit le poids, la hauteur augmente d'abord quand l'intensité croît de M à 9, et ensuite diminue quand l'inten- sité augmente de 9 à 0 ', quel que soit l'ordre dans lequel se fait le changement d'intensité. C'est là un fait paradoxal. Il est intéressant ; car, quelque- fois, ce sont les faits paradoxaux et d'interprétation difficile qui mettent sur la voie des phénomènes nouveaux. Comment faut-il expliquer ce phénomène auquel se rattache la lacune, c'est-à-dire le manque absolu de réponse à une excitation, le muscle se contractant pourtant quand il est excité par une excitation plus forte ou plus faible? Faut-il supposer qu'il y a un optiinum d'intensité, au delà et en deçà duquel le muscle n'est plas excitable ou l'est moins? En tout cas, ce fait nous montre qu'il y a dans les modifications du tissu musculaire, pendant la contraction, des phénomènes que nous ne connais- sons pas. 4) Chez le cobaye, de même, la hauteur augmente avec l'intensité de Texcitation, jusqu'à une certaine limite, à partir de laquelle non seulement elle n'augmente plus, mais elle peut diminuer. La durée des secousses augmente avec l'intensité des excitations. Quand le poids est nul et l'intensité de l'excitation très forte, on observe la contractiire . 1. Ces chiffres indiquent Técart de la bobine du chariot d induction. L'in- tensité augmente quand cet écart diminue. 48 M. POMPILIAN. CHAPITRE III Influence de la température. I. NOTIONS GÉNÉRALES En 1868, Marey, étudiant l'influence de la température sur des muscles de grenouille à circulation intacte, observa que la durée de la secousse augmentait beaucoup par le re- froidissement, tandis que la hauteur augmentait par réchauf- fement; mais, pour des températures rapprochées de la tem- pérature de rigidité, la hauteur diminuait. FicK, faisant des expériences sur les muscles, curarisés et détachés du corps, de la grenouille, vit aussi que par ré- chauffement la durée d'une secousse diminuait, tandis que la hauteur augmentait. Pour une température convenable et pour des excitations maximales, la hauteur d'une simple se- cousse pouvait égaler la hauteur du tétanos, et même la hauteur du raccourcissement provoqué par la rigidité. En 1885, FicK, mesurant la tension développée par un muscle quand, étant soumis à une haute température, il entrait en rigidité, vit qu'elle était inférieure à la tension développée par le tétanos maximal. ScHMULEwiTscH (1867-70), par des méthodes expérimen- tales analogues à celles qu'employèrent Marey et Fick, dé- montra avec exactitude que réchauffement, en augmentant la hauteur, augmente le travail produit par une secousse, mais que la somme des travaux qu'on peut obtenir d'un muscle est plus grande à une température basse qu'à une température élevée. De plus, ScHMULEWiTSCH vit aussi qu'en cas d'échauffe- ment lent l'excitabilité du muscle diminuait avant que la rigidité eût commencé. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 49 Gad et Heymans (1890) ont étudié l'influence de la tempé- rature, d'une part sur la contraction isotonique, d'autre part sur la contraction isométrique. Leurs recherches ont porté exclusivement sur des muscles de grenouille, et surtout des muscles curarisés, mais ils ont vu que tous les phénomènes observés dans cette condition se présentaient également pour les muscles non curarisés. La contraction musculaire, une fois qu'elle a disparu complètement par suite du refroidissement, est perdue défi- nitivement. Aussi longtemps qu'il en existe des traces, elle peut redevenir normale à la température ordinaire. En ce qui concerne les phénomènes qui se passent entre 30^, température à laquelle le muscle présente le maxi- mum de raccourcissement, et 42°, 5 environ, température de la rigidité du muscle par la chaleur, on observe que dans cet intervalle la contraction diminue de plus en plus d'in- tensité, en l'absence de tout raccourcissement permanent du muscle dû à la rigidité. Ces auteurs appellent ce phéno- mène : le phénomène de Vintervalle. Il constitue l'effet habi- tuel des hautes températures; il s'observe encore mieux sous le régime isométrique. La hauteur du raccourcissement diminue de plus en plus entre 30° et 42°, 3, en même temps que la durée de la secousse reste la même ou diminue seulement un peu, et que la période latente diminue aussi un peu. L'excitabilité du muscle disparait complètement avant que le raccourcissement de la rigidité survienne. Le raccourcissement du muscle présente un minimum relatif aux environs de 19°. Ce raccourcissement augmente, d'une part, à des températures plus élevées jusqu'aux environs de 30° ; à cette température le muscle possède le maximum absolu qu'il est à même d'atteindre par l'excitation simple d'un courant électrique. D'autre part, ce raccourcissement augmente encore aux températures basses jusqu'aux environs de 0° ; à cette température il présente un maximum relatif. 50 M. POMPILIAN. Le minimum de la durée est atteint en même temps que le maximum de raccourcissement à 30° ; au delà, la durée reste à peu près constante ; en deçà elle augmente conti- nuellement jusqu'à la disparition complète de l'excitabilité. En ce qui concerne la forme de la courbe musculaire, elle s'approche de la symétrie àM9°. A des températures plus élevées, on observe que Tinclinaison de la descente augmente 9" j i -' £"^ 1 tri — 1 il's 1 1 — 1 A 1 4" 1/ / <6 /• ! -i 1 ^^oi d;% 1 AX^.. i — "t'i:^^^ ' ' 'îaf le" iô' io' FiG. fi. }i /. c > — — , ?::;>> /Z- -'^ \ IX, ^ ^ ?\ 4 /, ' y\ fe" ^ io' io" 0- FiG. ". 1 Y 1 N i i \ / C. \, N t / ,' ^ ^j^ h -y '--^ \ d. 1 i 1 •|/\ ^ Je' 40' io' C Fif;. 8. ■ ! 1 y \ "i — \ — ' — ; L^ r^ ^T- ^1 i 1 1 '1^" !o° ic' fff° FiG. 1). plus que celle de l'ascension ; au contraire, à des tem- pératures plus basses que 19°, l'inclinaison de l'ascension diminue beaucoup plus que celle de la descente ; jusqu'au maximum relatif à 0°, Tinclinaison de la descente reste même à peu près constante, au moins dans sa partie supé- rieure. A des températures plus basses que celles du maxi- mum relatif, l'inclinaison de la descente diminue également d'une manière rapide. Les principales modifications que les variations de la température font subir à la contraction musculaire se trou- CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. SI vent représentées dans les figures ci-jointes, empruntées au mémoire de Gad et Heymans. On voit, figure 6 («), comment la durée augmente quand la température baisse; [b] représente la marche des variations de la durée du plateau, qui, dans les courbes isométriques, vient remplacer le sommet arrondi des courbes quand la tem- pérature descend de 20° à 0°'. La figure 7 représente les variations de la hauteur des secousses avec ses deux maxima et un minimum [a], qu'on ne retrouve pas pour le tétanos. Dans ce cas la hauteur ne présente qvi'un maximum à 30° (6). La ligne (c) représente l'effet utile du tétanos à différentes températures ; il ne cor- respond pas au maximum de la hauteur, car si celle-ci aug- mente, par contre, la durée du maintien à cette hauteur diminue beaucoup, car à mesure que la température monte, le temps pendant lequel le muscle peut soutenir le poids à la hauteur atteinte diminue. La figure 8 montre que les modifications des courbes des contractions isométriques sont les mêmes que celles des courbes isotoniques. La figure 9 montre que, à mesure que la température baisse, la durée de'la période latente augmente. IL RECHERCHES PERSONNELLES Nos expériences ont porté sur le gastrocnémien de la gre- nouille, le muscle de la pince de l'écrevisse, le triceps bra- chial de la tortue et le gastrocnémien du cobaye. La technique emploi] ée a été la suivante : Chez la grenouille, quelques expériences ont été faites sur des muscles curarisés, détachés du corps, d'autres sur des muscles à circulation intacte. Dans ce cas, la moelle était dé- truite, le muscle gastrocnémien était préparé et attaché au levier du myographe horizontal de Marey; le nerf sciatique. 52 M. POMPILIAM. mis à nu, était excité par les courants d'induction donnés par le chariot de Du Bois-Reymond à la rupture du courant inducteur provenant de quatre éléments Damell. Le refroidissement était obtenu en recouvrant complète- ment la grenouille de glace; réchauffement, à l'aide d'un double courant d'eau chaude passant dans deux tuyaux de plomb placés de chaque côté de l'animal, dont ils étaient séparés par une couche d'ouate trempée dans la solution physiologique. Un thermomètre placé dans l'œsophage don- nait la température centrale; un autre, à côté du muscle gaslrocnémien, indiquait la température du milieu envi- ronnant. Dans quelques expériences, on procédait lentement et graduellement à la production de réchauffement; dans d'autres, au contraire, on faisait varier rapidement la tempé- rature. Les résultais observés ne sont pas les mêmes dans les deux cas. On procédait de même pour faire varier la température du muscle de la pince de l'écrevisse et du triceps brachial de la tortue. Pour provoquer la contraction du muscle de la pince de récrevisse, on plaçait une des électrodes dans la patte déta- chée, l'autre dans le bout de la branche fixe ouverte à son extrémité. Pour en enregistrer les secousses, on attachait par unlil.au levier du myographe, la branche mobile de la pince, et on fixait solidement, à l'aide d'une vis, l'autre branche sur une planchette de liège. Chez la tortue, le tendon du muscle triceps brachial d'une des pattes antérieures, détachée du corps, était attaché au le- vier du myographe, et on excitait un des nerfs du plexus brachial. Le muscle triceps brachial est un muscle très large, mais court, de sorte que son raccourcissement est moins grand que celui du muscle gastrocnémien de la grenouille. L'amplitude exagérée que présentent les secousses du CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. o3 muscle de la pince de l'écrevisse est due à la double amplifi- cation que subit son raccourcissement, l'une étant due au le- vier du myographe, l'autre à la branche mobile de la pince sur laquelle le muscle agit comme sur un bras de levier. Quant au cobaye^ voici comment on procédait : l'animal étant chloralisé, le tendon du muscle gastrocnémien était dé- taché de son insertion et attaché au myographe de Marey ou au levier du myographe vertical. La patte était bien fixée sur la plaque de liège de l'appareil. Le nerf sciatique, mis à nu et sectionné, était chargé sur des életîtrodes. En somme, on procédait comme si l'on avait eu affaire au gastrocnémien de la grenouille. L'échauffement et le refroidissement étaient obtenus en plaçant l'animal dans un manchon formé par un tuyau de plomb, dans lequel on faisait circuler un courant d'eau à différentes températures. Dans quelques expériences on refroidissait et on ré- chauffait l'animal en le baignant d'eau chaude ou froide, jusqu'à ce que la température rectale arrivât au degré voulu; on avait soin d'éviter le contact direct de l'eau avec le muscle. Nous donnerons ici les résultats de quelques expériences, renvoyant, pour la plupart d'entre elles, aux planches de notre travail plus détaillé. Expériences faites slr la grenouille. — a) Excitabilité . — Dans quelques expériences on a recherché l'influence de la température sur \ excitabilité. — Les résultats obtenus n'ont pas été toujours concordants. Le plus souvent, il ressort des expériences, faites au mois de mai 1898 sur des muscles tendus par un poids de 2.^ grammes, qu'il existe un minimum de l'excitabilité à 21° et un maximum à 13°. La figure 10 représente un tel fait. La variation de la température, dans l'expérience dont nous donnons le résultat, a été la suivante : au début, la température de l'animal était celle du milieu ambiant, c'est-à-dire 13°; on refroidit l'animal à 0°, et il4 M. POMPILIAN. ensuite on le réchauffe. Pendant ce temps on cherche quelle FiG. 10. — Sur l'abscisse on a marqué les températures; sur l'ordonnée est indiquée l'intensité de l'excitation par l'écart des bobines de chariot. — L'intensité du courant est d'autant plus faible que cette distance est plus grande. est l'excitabilité à 0°, 8", 13°, 21'^ et 25". On trouve qu'à 13" l'excitabilité est la même qu'au début de l'expérience, et Fio. 11. — Influence de la température. qu'elle est supérieure à celle qui correspond aux autres tem- pératures. La figure 1 1 montre de même que ï excitaô il ite musculaire est moins grande à 22'' qu'elle n'est à 10° et à 0°, et cela pour deux poids différents, 30 et 50 grammes. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 55 b) Hauteur des secousses. — Si l'on fait l'enregistrement des contractions sur un cylindre animé d'un mouvement très lent, on n'obtient que les hauteurs des secousses. La re- cherche de l'influence de la température sur leurs gran- deurs a été l'objet d'une série de nos expériences. Le poids étant égal à 100 grammes, les excitations étant maximales, on ne faisait varier que la température. Le nombre des secousses prises était petit pour éviter la fatigue. Les muscles avaient la circulation intacte. Le refroi- dissement et réchauffement étaient obtenus lentement : une demi-heure pour le refroidissement, de même pour réchauf- fement. Yoici quelques expériences et leurs résultats. Expérience I. — La température est, au début de Texpérience, de 20° (température du milieu ambiant) ; on refroidit la grenouille à 0', ensuite 'r- — — ~2^ "~^ "-. 1 1 i 1 1 s- 1 i 1 1 FiG.12. — Sur l'abscisse sont marquées les températures; sur l'ordonnée, les hauteurs des secousses. Les flèches indiquent la marche de l'expérience. on la réchauffe à 20°, et on la refroidit de nouveau à 0". Dans ces con- ditions on voit que la hauteur des secousses est plus grande à 0° qu'à 20°. On voit, de plus, que, dans le second passage par les mêmes tempéra- tures, la hauteur est moins grande qu'elle n'était lors du premier passage, ce qui tient à la fatigue (fig. 12). 36 M. POMPILIAiN. Expérience II. — La figure 13 nous dispense de tout commentaire. a 13 Ji° T FiG. 13. — Influence de la température. Expérience III. — Conditions identiques à celles des autres expé- riences. On part de 0°, et l'on chauffe jusqu'à 26°, 5; ensuite on refroidit de nouveau la grenouille (fig. 14). FiG. 14. — Influence de la température. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 57 Expérience IV. — On voit dans cette expérience, (fig, lo) que la hau- teur diminue toujours quand la température monte de 0» à 27°, sans Fig. lo. — Influence de la température. présenter un minimum à 20°. Si l'on refroidit le muscle de nouveau, la hauteur augmente. ExpÉRiENXE V. — On voit que réchauffement lent du muscle, de 21° à 30°, ne produit pas un accroissement de la hauteur (fig. 16). io" a/' 30 T Fig. 16. — Influence de la température. En résumé, il ressort de toutes les expériences citées que, en cas d'échauff'ement lent, la hauteur diminue quand la température augmente . 38 M. POMPILIAN. Expérience VI. — Il en est de même pour les muscles curarisés, comme on peut le voir d'après les chiffres suivants : T H 15° 13 m. m. 24» 7 0° 22 Expérience VII. — Dans cette expérience on a recherché, en même temps que les variations de la hauteur des secousses, l'excitabilité mus- culaire. De plus réchauffement a été rapide (en moins d'un quart d'heure), de sorte qu'on voit apparaître un autre phénomène : la hau- teur est plus grande à 25° qu'à 21°. (Voir fig. 17.) Jî ^ — — — *-■ - 7-- ■p- jr 0* ; a.0^ i i - i If?? -f -- T. IS' 1 \ 'F-.. ■--- "■'r - JT_ /.<-— i — k i ■•^i-J^. ,i/^ •~\ 1 ^i ; ^ ja ^^ 1, /o — 1 1 1 i ; 1 ly S~ i i 1 1 ! i i '■ 1 • 1 • 1 ' i i i 7 U 'i /* '7 li Fig. n. — Sur l'abscisse est marquée l'intensité de l'excitation ; les chifl'res, représentant l'écart de la bobine du chariot, indiciuent donc des intensités décroissantes, ou des excitabilités croissantes; sur l'ordonnée sont mar- quées les valeurs des hauteurs des secousses. Expérience VIII. — En faisant varier le poids et la température, l'in- tensité de l'excitation étant la même, on voit qu'à 0° la hauteur des secousses qui correspondait à 50 grammes est plus grande que celle qui correspond au poids de 30 grammes; au contraire, à 20°, la hauteur des secousses est plus grande pour 30 grammes que pour 50 grammes. (Voir fig. 18.) CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 59 Expérience IX. — Dans cette expérience, on fait varier le poids et la température. L'échauffement a été très rapide, en moins de dix minutes la température monte de 19° à 29°. Dans ces conditions, on voit que la 0° 10' -2. FiG. 18. — Influence de la température. hauteur présente un minimum à 19°; de plus, à 29°, la hauteur diminue quand le poids augmente, et à 0°, au contraire, la hauteur augmente avec le poids (fig. 19). 3o -Vo JT3 < o Ta lo fo FiG. 19. — Influence de la température et du poids. Sur l'abscisse on a marqué les poids. ExpÉRiEiNCE X. — Le poids et l'excitation étant fixes, si l'on fait varier rapidement la température, on voit que la hauteur diminue, quand la température s'élève de 0° à 19°, pour augmenter ensuite quand la tem- pérature monte de 19° à 30°. En résumé, de ces dernières expériences, il ressort qu'en cas d'échaufFement rapide on constate le fait vu par Gad et 60 M. POMPILIAN. Heymans, c'est-à-dire que la hauteur présente u?i 7ni7iimum à 19°. c) Durée. — A mesure que la température baisse, la du- rée de la contraction augmente. C'est là une règle sans exception. Mais l'accroissement de la durée n'est pas propor- tionnel à l'abaissement de la température. Si nous considé- rons la durée de la secousse à 30**, comme étant égale à\, la durée de la secousse à 20° est 2,o et à 0° elle est 14, et non pas 5, comme elle eût été si sa variation était proportion- nelle à la variation de la température'. d) Influence de la température sur la fatir/ue. — Un muscle chaulTé s'épuise bien plus vite qu'un muscle refroidi. Influence de la te?njjérature sur r intensité des phénomènes chimiques, iiidépendamment du travail. — La description de l'expérience suivante montre comment nous avons pensé pouvoir résoudre cette question. Expérience. — Trois grenouilles de même taiile étaient asphyxiées dans de l'huile minérale à différentes températures. A la température de 0" la mort survient en 3 h. 30 — 21° — 1 h. — 30°-34'^ — 0 h. 13' Immédiatement après la mort, on détache une des pattes des gre- nouilles, et on fait travailler son muscle gastrocnémien avec un poids de 200 grammes. Le myographe de Marey donne l'inscription des se- cousses sur un cylindre animé d'un mouvement très lent, un tour en une demi-heure. Muscle de grenouille morte à 0" travaille pendant 15' — 21° — d5' — 30°-34° — 10' Pendant ce temps, les autres pattes ont été tenues dans l'huile mi- nérale aux températures citées. Au bout de ce temps, on fait travailler leurs gastrocnémiens dans les mêmes conditions de température, le poids à soulever étant de 10 grammes. Dans ces conditions, on voit que le nombre des secousses données par le muscle gardé à 0° est 8 fois 1. Ces chiCfres n'ont rica d'absolu. Ils sont lus moyennes do quelques expériences. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 61 plus grand que le nombre de secousses du muscle tenu à 30°-34° pen- dant le même temps; de plus, les hauteurs des secousses de ce dernier muscle sont très petites. Le nombre des secousses du muscle maintenu à 0" est 1,0 fois plus grand que le nombre des secousses du muscle tenu à 20°. V intensité des phé)iomènes chimiques est 8 fois plus grande à 30° quà 0°, et l,^ plus grande à 20° qu'à 0°. Comment pourrait-on expliquer l'influence de la tempé- rature sur la contraction musculaire, et particulièrement sur la hauteur des secousses? Gad et Heymans admettent que la contraction musculaire est due à un double processus chimique, dont l'un produit le raccourcissement et l'autre le relâchement, hypothèse due à FicK, et d'après laquelle la hauteur de la secousse ne serait que le résultat de deux actions opposées. Si la température n'agit pas également sur ces deux processus, il s'ensuivra que leur résultante, la grandeur de la secousse, pourra être plus ou moins grande, selon l'intensité du phénomène prédo- minant. Quel que soit le talent apporté par Gad, quel que soit le zèle de ses élèves à la soutenir, cette hypothèse n'a pas entraîné notre conviction, car nous ne pouvons pas admettre qu'à chacun de ces deux processus chimiques corresponde une phase différente de la secousse musculaire, et qu'il y ait entre leurs effets mécaniques une sorte d'interférence. Cherchons donc une autre hypothèse qui puisse rendre compte de ce fait. Le problème que nous avons à résoudre fait partie des problèmes dynamiques inverses, dont il a été question dans la première partie'. Un mouvement étant donné, on demande de trouver la force agissante, ou le système de forces le plus simple, qui, appliqué à un corps, donne le mouvement consi- déré. Pour résoudre un tel problème, il faut chercher d'abord 1. Voir : AI. Pompiliax. La contraction musculaire et les transformations de l'e'nergie. Thèse de Paris, 1897, G. Steinheil. 62 M. POMPILIAN. s'il existe des forces qui s'imposent d'elles-mêmes, avant d'introduire d'autres éléments. L'examen de la courbe du mouvement de la contraction musculaire nous montre que sa durée est d'autant plus grande que la température du muscle est plus basse ; dès lors, se demander à quelle cause peut être attribué ce chan- M K FiG. 20. — Sur le côté A15, on prend les longueurs : A — 30", A — 20", A — 0° proportionnelles à la durée de la contraction ; sur le côté AC on prend des longueurs : A — 0°, A — 20°, A — 30° proportionnelles à l'intensité le phénomènes chimiques. Les droites : AM, AL, AN et AP, sont les résul- tantes de la composition de la durée et de l'intensité des phénomènes chi- miques, considérés comme forces. La longueur de ces résultantes varie, elle passe par un minimum qui se trouve être entre 10° et 20°. Les varia- tions de la hauteur des secousses suivent les variations de ces résultantes. gement de durée est le premier pas à faire vers la solution du problème. Le mouvement considéré, c'est-à-dire la contraction, n'est en définitive que la manifestation d'un processus chi- CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 63 mique ; or nous savons que tout processus chimique est ma- nifestement ralenti par le refroidissement. La contraction musculaire dure autant que la transformation chimique cor- respondante; donc, quand celle-ci dure plus longtemps, le mouvement de contraction est aussi plus lent. Mais il n'y a pas que la durée d'un processus chimique qui est modifiée par la tempé- rature : l'intensité, l'énergie -b ^ des transformations chimi- ques varient aussi, et elles sont d'autant plus grandes que la température est plus ^ \' élevée. La contraction mus- culaire est d'autant plus grande que l'intensité du processus chimique est plus considérable. Si, par un moyen quel- conque, nous pouvions par- venir à dissocier cette double influence de la température, et, par exemple, ne faire varier que la durée sans que l'intensité du processus chi- mique fût modifiée, la gran- deur du mouvement, c'est-à- dire la hauteur de la secousse, augmenterait avec la durée; donc à 0° la hauteur serait plus grande qu'à toute autre température. Si, au contraire, la durée étant la même, l'in- tensité du processus chimique augmentait, la hauteur de la secousse augmenterait avec la température, jusqu'à une limite naturellement, car à partir d'un certain degré de tem- pérature, la rigidité commence. Mais, sous l'influence de la température, les deux élé- ments de tout travail, la force et la vitesse, varient en sens FiG. 21 64 M. POMPILIAN. inverse, de sorte qu'on ne peut pas savoir a priori quel sera leur effet, la grandeur de la déformation mesurable par le raccourcissement, c'est-à-dire par la hauteur de la secousse. Supposons que nous ne connaissions pas dans quelles proportions varient la durée et l'intensité des phénomènes chimiques sous l'influence de la température, tout en sa- chant que ces deux facteurs varient en sens inverses. Supposons que leur variation est proportionnelle à la Fig. 22. température, et prenons leurs valeurs sur les deux côtés d'un triangle rectangle isocèle représentés par la figure 20. Sur le côté horizontal AB prenons les durées, sur le côté vertical AC, l'intensité des phénomènes. Si nous supposons que ces deux éléments du travail agissent comme deux forces, leur effet dépendra de leur ré- sultante. Composant ces forces à difTérentes températures, nous voyons que le lieu géométrique de leurs résultantes se trouve sur une droite parallèle à l'hypoténuse. Parmi les résultantes, il en est une qui est perpendi- culaire à cette droite, donc qui est plus petite que toutes les autres qui la suivent ou la précèdent. Comme le triangle considéré est isocèle, la résultante minimum est la bissec- trice de l'angle BAC et elle correspond à la température CONTRACTION ^T CHALEUR MUSCULAIRES. «3 de 15°. Ainsi ou voit qu'il existe une température pour laquelle l'action de la durée et de l'énergie chimique sera moindre qu'à toute autre température, c'est-à-dire que la dé- formation sera moindre; donc la hauteur de la secousse sera minimum. Si, au lieu de prendre les valeurs de la durée et de •2û' 30 M^-- FiG. 23. — Les longueurs A — 0°, A— 20° et A — 30°, prises sur la droite AB correspondent à la durée de la contraction; prises sut la droite AG elles correspon- dent, à l'intensité des phénomènes chimiques. Les droites AM, AN et AP sont les résultantes di la coaa- position de la durée et de l'intensité des phénomènes chimiques considérées comme forces. Les lignes poin- tillées AM' AN' et AP' sont les résultantes des mêmes forces quand l'angle formé par ces forces est aigu. Lh/ l'énergie chimique sur les côtés d'un triangle isocèle, nous les prenons sur les côtés d'un triangle quelconque, soit les triangles rectangles représentés par les figures 22 et 23, on voit que, selon qu'on considère les durées sur le grand ou le petit côté du triangle, les effets sont différents; cela veut dire que les variations d'un des facteurs sont bien petites par rapport aux variations de l'autre. Si la durée est considérée sur le petit côté, comme dans la figure 22, la résultante varie comme l'énergie chimique, c'est-à-dire la hauteur des secousses augmente quand la température s'élève. Au con- 66 M. POMPILIAX. traire, si la durée est représentée sur le grand côté du Fi G. -24. riangie, comme dans la figure 22, c'est de son côté que sera c FiG. 23 dirigée la résultante, c'est-à-dire que la hauteur des se- cousses augmente quand la température baisse. Si, au lieu de prendre pour la durée de l'énergie chimique des valeurs proportionnelles à la température, nous portons CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 67 sur le côté horizontal d'un angle droit BAC, pour la durée, des valeurs proportionnelles aux chiffres établis par Texpé- rience, c'est-à-dire pour 0*^ une valeur 14 fois plus grande que celle qui correspond à 30°, et pour 20" une valeur 2,5 fois plus grande qu'à 30°; et sur le côté vertical, pour valeurs de l'énergie, des grandeurs proportionnelles aux chiffres 1 pour 0°, 1,5 pour 20°, et 8 pour 30°, on voit que, quelles que soient leurs grandeurs relatives, leur résultante varie toujours dans le même sens, c'est-à-dire qu'elles présentent une valeur mi- nimum correspondant à 20% comme il ressort des figures 24 et 25. De plus, la figure 26 montre que l'angle sur les côtés du- quel on a considéré les variations des durées et de l'énergie, peut être quelconque, par exemple BAC, sans que le ré- sultat soit changé. Dans ces conditions, on voit que la hauteur des secousses, 68 M. POMPILIAN. qui dépend de la résultante, passe comme elle par un mini- mum qui se trouve être à 19". On arrive au même résultat par d'autres considérations. Construisons d'une part la courbe des variations de la durée d'une secousse en fonction de la température, comme il a été fait figure 22, et d'autre part la courbe des variations de l'énergie, comme il a été fait figure 2o. et considérons que la fonction qui relie la hauteur des secousses à l'intensité et à la durée des phénomènes chimiques correspondants soit de la forme d'un produit, c'est-à-dire qu'elle est égale à : durée x énergie. Multipliant la valeur de l'ordonnée représentant la grandeur de la durée à une température donnée, avec la va- leur de l'ordonnée de la courbe de l'énergie, on voit que, quelle que soit leur valeur relative, leur produit passe par un minimum qui correspond à 20° environ. Mais un grand nombre d'expériences nous ont montré que le second maximum à 30" ne se rencontre pas quand on procède lentement à réchauffement. Ce fait s'explique facile- ment : étant donné que les phénomènes chimiques se passent avec une grande intensité aux températures élevées, il s'ensuit que la provision de combustible contenue dans le muscle est facilement dépensée, de sorte que, quand l'excita- tion a lieu, elle ne trouve qu'une petite quantité d'énergie potentielle à transformer en énergie cinétique. Des expériences faites sur la contraction du muscle de la PINCE DE l'écrevisse, il l'ésulte que la hauteur des secousses augmente quand la température baisse. La figure 27 montre la grande ditférence qu'il y a entre les hauteurs des secousses aux températures 23" et O*'. La durée augmente considérablement à 0". La période ascendante du tétanos est plus longue à 0° qu'elle ne l'est à 20°. Chez la tortue, on voit que la durée des contractions du muscle triceps brachial augmente quand la température di- CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 69 minue. Cette augmentation est petite par rapport à l'aug- mentation que subit le muscle gastrocnémien de la grenouille, et surtout le muscle de la pince de Fé- crevisse. Si l'échauffé - méat est rapide, la hauteur est plus grande à 30" qu'elle ne Test à 20°. Si réchauffe- ment se fait lente- ment, la hauteur diminue. Nous n'avons pas observé une augmentation de la hauteur à 0°, soit sur le muscle tri- ceps, soit sur les muscles de la patte postérieure. La hauteur du tétanos est plus grande à 20° qu'à 0°. Chez le cobaye, on voit que, pour des températures comprises entre 23° et 40°, la hau- teur et la durée des secousses diminuent quand la température s'élève. Pour les températures de 38° à 40°, la forme de la se- cousse est modifiée par la présence d'un plateau. a^-' FiG. M. PO MPI LI. IN. CONCLUSIONS Des principaux faits exposés dans les chapitres précédents il résulte que : I. — La hauteur de la secousse augmente : 1° Quand le poids augmente. Gela jusqu'à une certaine limite seulement, qui correspond à un poids plus ou moins fort selon la force du muscle; 2" Quand l'intensité de l'excitation augmente, mais jus- qu'à une certaine limite, qui varie selon la nature du muscle. Du muscle cardiaque, qui ne donne que des secousses de même hauteur, jusqu'au muscle de la pince de l'écrevisse qui donne toute une échelle de hauteurs différentes, on trouve tous les intermédiaires. Dans certaines circonstances, la hauteur diminue quand l'intensité de l'excitation augmente; 3'^ Quand la température baisse de 19° à 0*». La hauteur atteint son maximum à 0°. En cas d'échauffement rapide, la hauteur augmente aussi quand la température monte de 19" à 30". Le second maximum, qui correspond à 30 ", ne se re- trouve pas en cas d'échauffement lent. II. — La durée de la secousse augmente : 1<* Quand le poids diminue; 2** Quand l'excitation augmente; 3*» Quand la température diminue. IIL — La forme de la secousse change : i" Quand le poids est faible, et l'excitation est forte, la forme de la secousse est modifiée par la présence de la con- tracture. Ce fait, visible surtout chez l'écrevisse, existe aussi chez le cobaye ; CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 71 2" Quand la température augmente de 38<* à 40", on voit chez le cobaye que la secousse présente un plateau. IV. — La durée de la phase ascendante du tétanos aug- mente : 1° Quand le poids est fort ; 2° Quand l'excitation est faible; 3° Quand la température est basse. Ces faits ont été vus sur le muscle de la pince de l'écre- visse. V. — La hauteur du tétanos varie : 1° Selon la tension initiale; elle augmente avec celle-ci; 2° Selon le poids tenseur; elle augmente au début de l'accroissement du poids, et diminue ensuite quand le poids devient trop fort. Ces faits ont été vus sur le muscle gastrocnémien du cobaye. VI . — La forme du tétanos change : Quand l'excitation et le poids sont faibles et que le muscle de la pince de l'écrévisse est fatigué, on voit apparaître le tétanos rythmique. VII. — La fatigue musculaire varie : l*» Selon le poids : a) Un muscle fatigué pour un poids faible donne encore de belles secousses quand on le fait travailler avec un poids fort; b) Un muscle fatigué pour un poids fort ne donne plus rien, quelque faible que soit le poids qu'il a à soulever; c) Un muscle se fatigue plus vite quand il a à soulever un poids fort que quand il a à soulever un poids faible. 2° Selon la température : La fatigue survient d'autant plus vite que la température est plus élevée. 72 M. POMPILIAN. APPENDICE Influence des toxines microbiennes*. On ne sait par quel mécanisme les substances chimiques modifient la contraction musculaire. Est-ce en modifiant les transformations énergétiques ? est-ce en changeant la consti- tution physique du muscle, en produisant un état compa- rable à la rigidité ? FicK, recherchant les modifications que subit la chaleur dégagée par les muscles de la grenouille, intoxiqués par la vératrine, a vu que la chaleur dégagée par leur contraction est plus grande que celle qui est dégagée par des muscles non intoxiqués. La contraction d'un muscle intoxiqué par la vératrine peut être comparée à un petit tétanos, tant au point de vue de sa forme qu'au point de vue de la chaleur dégagée pendant son accomplissement. Ouand on recherche l'influence des substances chimiques sur des muscles qui ne sont pas curarisés, il } a à distinguer leur action sur la fibre musculaire même, de leur action sur les plaques motrices, Mais, s'il existe des changements de forme de la courbe musculaire, sans que l'excitabilité du muscle soit modifiée, il est probable que les substances chimiques ont agi, dans ce cas, sur la substance de la fibre musculaire même, les lésions des plaques motrices se manifestant surtout par une modi- fication de l'excitabilité. Nos recherches sur les modifications que subit la con- traction musculaire sous l'influence des toxines microbiennes ont été faites sur des muscles de cobaye non curarisés, et dont on excitait le nerf. Les conditions d'enregistrement des 1. Communication faite par M. Chauiun et M. P(jmpilian. Comptes rendus de la Société de Biolofjie, p. 962, 1896. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 73 secousses et des excitations ont été les mêmes que dans les expériences précédentes. Les toxines dont nous avons recherché l'action sont les toxines pyocyanique et diphtérique. Voici la description de quelques-unes de nos expé- riences. ExpÉBiENCE I. — Cobaye qui a reçu 2 c. c. de toxine diphtérique en injection cutanée vingt-quatre lieures avant l'expérience. La hauteur et la durée des secousses sont très diminuées, quelle que soit l'intensité de l'excitation, quel que soit le poids que le muscle gastrocnéraien a à soulever. Expérience II. — Cobaye qui a reçu 1 ce. de toxine diphtérique vingt- quatre heures avant l'expérience. Les résultats sont les mêmes que dans l'expérience précédente, mais moins marqués. Expérience Ht. — Cobaye pesant 430 grammes. Injection sous-cutanée de 4''%5 de toxine pyocyanique, vingt-quatre heures avant Fexpérience. La hauteur des secousses est plus petite que normalement, tandis que la durée semble un peu augmentée, soit pour un poids fort (200 grammes) ou nul, soit pour une excitation faible (1=13) ou forte (1^5). Expérience IV. — Poids du cobaye, 700 grammes. Injection sous- cutanée de 7 c. c. de toxine pyocyanique. La hauteur des secousses est diminuée. Expérience Y. — Intoxication prolongée par la toxine pyocyanique. — Le cobaye reçoit le premier jour 6 c. c; le deuxième, .3 ce. ; le troi- sième et le quatrième 3 c. c. ; le cinquième jour on fait l'expérience. Le muscle est profondément atteint. Les contractions sont très petites. Expérience VI. — On excite le muscle gastrocnéraien gauche d'un cobaye avant l'intoxication; ensuite on injecte 12 ce de toxine pyocya- nique. Les contractions du même muscle, un quart d'heure après l'intoxication, ne montrent pas de différence sensible. On injecte encore 13 c. c. de toxine pyocyanique, et une demi-heure après on prend l'inscription des secousses du gastrocnémien droit. Ou constate une différence notable avec les secousses du gastrocnémien gauche. Leur hauteur et leur durée ont diminué considérablement. 74 M. POMPILIAN. Expérience VII. — On prend l'inscription des contractions du gas- trocnémien droit d'un cobaye avant l'intoxication. On injecte 36 ce. de toxine pyocyanique, et on voit que, une demi-heure après, les secousses du même muscle sont notablement modifiées; leur hauteur et leur durée ont augmenté, et le muscle est devenu plus excitable. Quant aux secousses du gastrocnémien gauche, leur hauteur et leur durée sont moins grandes que celles du côté droit. Expérience VIII. — Dans cette expérience on cherche l'intluence de- la température sur l'activité des toxines. La température de l'animal! étant de 34^,0, on enregistre les secousses du muscle gastrocnémien. avant l'intoxication. On injecte 26 c. c. de toxine pyocyanique, et l'on voit que, une dcmi-hruro après, les courbes de la «ontractiou subis- sent des changements analogues à ceux vus dans l'expérience précé- dente; c'est-à-dire que l'excitabilité du muscle, la hauteur et la durée de ses contractions augmentent. Pendant ce temps la température rectale a baissé de 34", ^i à 27°, et enfin à 25". Si à ce moment on réchautfe l'animal, jusqu'à ce que sa température soit arrivée à 36", o, on voit que la forme des secousses change beaucoup, leur hauteur et leur durée étant très diminuées. On continue réchauf- fement; mais l'animal meurt, de sorte qu'on ne peut plus continuer l'expérience et voir l'influence du refroidissement. Expérience IX. — Cette expérience a pour but la recherche de l'in- iluence de la température sur la contraction musculaire d'un animal intoxiqué depuis vingt-quatre heures avec de la toxine diphtérique (2 ce). La température de l'animal au moment de l'expérience est de 3o",J). On voit que les secousses sont très petites. Si l'on refroidit l'animal à 27", les secousses s'allongent sans que leur hauteur soit sensiblement modifiée. On réchaulïe ensuite le cobaye jusqu'à 37"; on voit qu'à cette température les secousses sont extrêmement petites; en refroidissant de nouveau l'animal à 25", la hauteur et la durée augmentent . Les secousses du gastrocnémien gauche à la température de 26" sont peu hautes, mais allongées. Si l'on réchaufie pour la deuxième fois le cobaye, l'animal meurt; les contractions musculaires qui correspondent à ;!7" et à 39" sont extrêmement petites. f ; 0 N C L u s i o N s En résumé, de ces expériences il ressort que : 1" Les toxines microbiennes ont une inlluence manifeste sur la contraction musculaire; CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 75 2° L'influence de la toxine diphtérique est plus grande que celle delà toxine pyocyanique; 3" L'effet de la toxine pyocyanique est d'autant plus pro- noncé que l'intoxication a été plus prolongée ; i° En cas d'intoxication aiguë par des doses considérables de toxine pyocyanique, il semble que le premier effet est une augmentation de l'excitabilité du muscle et de la gran- deur des contractions; 5*^ Les températures élevées ont une influence nocive sur la contraction musculaire en favorisant l'activité des toxines, soit qu'il s'agisse d'une intoxication aiguë par la toxine pyo- cyanique, soit qu'il s'agisse d'une intoxication prolongée par la toxine diphtérique ; 6° On a la démonstration expérimentale de l'influence favorable que doivent avoir dans les maladies microbiennes tous les agents qui, comme la balnéation, produisent un abaissement de la température. B. CHALEUR MUSCULAIRE / L NOTIOJNS PRÉLIMINAIRES La chaleur dégagée par les muscles des animaux à sang chaud n'a pas été jusqu'à présent l'objet d'une étude systé- matique et rigoureuse, analogue à celle qui a été si souvent faite sur les muscles des animaux à sang froid. 1. Nous renvoyons à notre travail original pour 1 étude de l'historique de la question, de même que pour l'étude de la technique expérimentale em- ployée par les autres expérimentateurs. 76 M. POMPILIAN. Les principales recherches ont été faites par la méthode thermométrique; or cette méthode, seule applicable quand il s'agit de faire des expériences sur l'homme, n'est pas celle à laquelle il faut s'adresser pour faire une analyse tant soit peu approfondie de réchauffement musculaire. En ce cas, la méthode de choix est la méthode thermo-électrique, qui per- met de mesurer la température de l'intérieur même du muscle qui travaille par des soudures qui se mettent rapidement en équilibre de température avec le milieu ambiant. De plus, elle permet facilement d'apprécier des différences de tempé- rature d'un millième de degré même, ce qui n'est pas sans importance, car, dans les expériences comparatives, faites au point de vue des modifications de la chaleur dégagée sous l'influence de la variation d'une des conditions de l'expé- rience, il faut éviter les effets des expériences antérieures. Or, si l'on avait affaire à de grandes quantités de chaleur, produites par des contractions de longue durée, il faudrait attendre longtemps le retour de la température à l'état pri- mitif, ou au moins à l'état d'équilibre, avant lequel il ne faut pas entreprendre une nouvelle expérience. Si, la contraction étant de courte durée, on a de petits échauffements, le retour à l'état d'équilibre se faisant plus vite, on peut, sur le même animal, faire un plus grand nombre de recherches, et les con- ditions autres que celle dont on étudie les effets risquent moins d'être changées. Pour ces raisons, une méthode per- mettant de faire la mesure de petites quantités de chaleur n'est pas utile seulement chez les animaux qui, comme la grenouille, ne peuvent donner que de faibles échauffements, mais aussi chez les animaux à sang chaud, capables de fournir de grandes quantités de chaleur. Cette méthode, précieuse à plus d'un point de vue, est pourtant difficile et laborieuse, car les précautions à prendre pour éviter toute cause qui pourrait influencer le galvano- mètre, et par suite troubler les résultats des expériences, sont nombreuses. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 77 C'est à celte méthode que nous devions nous adresser quand nous nous sommes proposé d'entreprendre des recher- ches systématiques sur la chaleur musculaire des animaux à sang chaud. Le cobaye a été choisi pour cette étude, d'une part pour la commodité des recherches, d'autre part parce qu'il se prête facilement, tant au point de vue du travail mécanique qu'au point de vue de la chaleur dégagée, à des expériences analogues à celles faites sur la grenouille, qu'il soit vivant ou mort. Dans ce dernier cas, étant donné que les muscles perdent rapidement leur irritabilité, et que la pré- paration des expériences est longue, il faut faire cette der- nière sur l'animal vivant et chloralisé, et, quand tout est prêt pour faire l'observation, tuer l'animal par la section du bulbe. Nos expériences faites dans ces conditions sont, jusqu'à présent, peu nombreuses; le plus grand nombre porte sur des animaux vivants. Notre but a été la recherche des variations de la chaleur quand : 1° Le poids que le muscle doit soulever varie; 2° L'excitation qui fait contracter le muscle change d'in- tensité; 3° La température de ï animal varie. Nous avons dit souvent : quantité de chaleur, mesure de chaleur, variation, etc. Or ce n'est pas que nous entendions la vraie mesure de la chaleur en calories, mais en degrés d'échaufîement. Le galvanomètre, comme le thermomètre, ne donne pas autre chose. Pour passer, d'après leurs données, d'une mesure thermométrique à une mesure calorimétrique, il faut connaître le poids du muscle qui s'échauffe, sa chaleur spécifique, la chaleur perdue par rayonnement, et la quantité de sang qui le traverse. Ce sont là des conditions qui sont des inconnues dans nos expériences. Parmi celles-ci, la présence du sang qui circule dans le muscle est une des grosses difficultés qu'on éprouve, quand 18 M. POMPILIAX. il s'agit de faire l'étude de la chaleur dégagée par les muscles des animaux à sang chaud. Car le sang, d'une part par sa température propre peut chauffer ou refroidir le muscle, échauffement ou refroidisse- ment qui augmente ou diminue réchauffement produit par la -contraction; d'autre part, par l'apport d'oxygène et de sub- stances combustibles et réparatrices, fait naître des combi- naisons chimiques qui ne sont sûrement pas indifférentes au point de vue thermique. Pour ces raisons, certains physiolo- gistes ont été conduits à considérer l'étude de réchauffement musculaire chez les animaux à sang chaud comme peu propre à donner des résultats pouvant servir à une connais- sance plus intime des transformations énergétiques delà con- traction. S'ensuit-il qu'il faille l'abandonner? Peut-être est-ce à cause de ces difficultés mêmes que cette étude est si in- téressante, car c'est dans ce complexus physico-chimique qu'a lieu le fonctionnement physiologique du muscle. Ainsi, dans réchauffement produit, déterminer ce qui est dû à l'acte même de la contraction, et ce qui est dû au sang et aux phénomènes physico-chimiques qui s'y rattachent, tout en étant de la plus grande difficulté, n'est pas sans impor- tance et mérite d'être cherché. Le fait que les muscles des animaux morts dégagent encore de la chaleur facilite beaucoup cette recherche; ainsi, quand on sera dans le doute s'il faut attribuer tel phénomène au sang, variable par sa quantité et sa température, on n'aura qu'à sacrifier l'animal dans le cours de l'expérience, et voir, après l'arrêt du cœur, si l'on obtient le même phénomène. C'est ce que nous avons fait relativement à l'influence du poids sur la chaleur dégagée. contraction; et chaleur musculaires. 79 II. TECHNIQUE EXPÉRniENïALE Le cobaye étant chloralisé, on procédait à la préparation des muscles gastrocnémiens. Les nerfs sciatiques étaient coupés, et, au début, dans quelques-unes de nos expériences, la partie inférieure de la moelle était détruite afin d'éviter tout trouble vaso-moteur; mais la section des nerfs sciatiques suffit. Le système thermo-électrique se composait d'un fil de fer long- de lo à 60 centimètres, et très fin, dont chacune des extré- mités était soudée à un fil de cuivre également très fin. Les soudures n'avaient pas la forme d'aiguilles, mais les trois fils soudés formaient dans leur ensemble un fil continu, qu'on passait en séton (par transfixion) à travers les deux gastrocné- miens, de sorte que les soudures se trouvaient complètement contenues dans l'intérieur de la masse charnue de chacun de ces muscles. Un des gastrocnémiens servait d'organe actif, l'autre, d'organe passif dans la mesure de réchauffement. On mesu- rait ainsi la différence de température qui existe entre un muscle qui travaille et un muscle qui ne travaille pas. La soudure mise dans ce dernier muscle a été appelée soudure témoin, celle qui est dans le muscle actif a été appelée sou- dure ài^ épreuve. C'est ainsi qu'on procède quand on fait l'étude de réchauffement sur des muscles de grenouille; c'est ainsi que procéda Chadveau quand il fit ses recherches sur le releveur de la lèvre supérieure du cheval. La fixation des aiguilles a été de tout temps un grand sujet de préoccupation pour les expérimentateurs, qui se sont ingéniés de toutes façons à éviter leurs déplacements. Il suf- fit d'un léger déplacement — et combien n'est-il pas facile à se produire dans un milieu continuellement en mouvement — pour que les résultats des expériences soient faussés. Dans nos expériences, pour bien fixer les soudures, on 80 M. POMPILIAN. faisait passer les fils à travers les deux trous de quatre bou- tons étroitement appliqués à la surface des deux muscles (fig. 28). Les extrémités libres des deux fils de cuivre se rendaient au galvanomètre de AV. Thomson, dont la sensibilité, la plupart du temps, était telle que 1 millimètre de l'échelle placée au-devant du miroir du galvanomètre correspondait à 0^0012^. Le tendon d'un des muscles gastrocnémiens était attaché au levier du myographe vertical. Le poids que le muscle Fio. 28. avait à soulever était attaché au levier au même point que le muscle. Le nerf scialique était excité par des courants d'induction donnés parle chariot de Du Bois-Reymond ; le courant induc- teur provenait de deux accumulateurs. La durée des excita- tions variait de six secondes à trente secondes. La fréquence des interruptions était de quatre à six par seconde. Pour faire varier la température de l'animal, on le plaçait dans un manchon formé par un tuyau en plomb, dans l'inté- rieur duquel on faisait circuler de l'eau chaude. On prenait la température rectale et la température du milieu ambiant. Les muscles contenant les soudures, de même que tous les contacts métalliques du galvanomètre, étaient recouverts d'une épaisse couche d'ouate. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 81 III. INFLUENCE DU POIDS Depuis les recherches de Heidenhaix sur les muscles de la grenouille, on sait, et le fait a été vérifié par d'autres auteurs (FicK, Danilewsky, etc.), que, si l'on charge un muscle avec des poids de plus en plus forts, le travail mécanique et la chaleur dégagée augmentent, et cela seulement jusqu'à une certaine limite à partir de laquelle ils diminuent. L'échauf- y ^ / ^ P-O // P=50 yr X ^ P=100 FiG. 29. — Influence de la charge sur réchauffement. fement diminue plus vite que le travail (Heidenhain. Me- chanische Leistung , etc., 1864, p. 141). Chez les homéothermes, les recherches thermométriques faites sur le chien par Meade Smith [Arch. fur Physiologie^ 1881, dOS) et LuKjANOw [Arch. fur Physiologie, 1886, 117), aussi bien sur des muscles à circulation intacte qu'ané- miés, n'ont pas donné des résultats concordants; ces auteurs en concluent que la chaleur dégagée par le muscle est indépendante du poids soulevé. Chauveau [C. R., t. GV, 300, 1887), dans ses recherches thermo- électriques sur g2 M. POMPILIAN. le releveur de la lèvre supérieure du cheval, a vu que réchauffement de ce muscle est plus grand quand il se con- tracte à vide, c'est-à-dire quand son tendon est coupé, que quand il travaille ayant son tendon intact. [l résulte de nos expériences que : A ?nesurr que le poids augmente, la chaleur va en dimi- nuant. La figure 29 représente ce fait. Les courbes ont été construites d'après les chiffres donnant la grandeur de réchauffement, observé toutes les dix secondes, et quelque- fois même toutes les cinq secondes '. Expérience I (15 mars 1897). - Cobaye chloralisé. Moelle détruite. Échauffement du gastrocnémien isolé et à extrémité inférieure déta- chée Excitation du nerf sciatique pendant quinze secondes, quand le muscle se contracte sans poids ; pendant trente secondes quand il soulève le poids de 50 ou 100 grammes. Fréquence des excitations : quatre par seconde. Voici les résultats de cette expérience : 10 L'échauffement est plus grand quand le muscle se contracte sans poids ; • , , • 1 f 20 L'échauffement atteint plus vite son maximum quand le poids est fort que quand il est faible ou nul. L'ordre suivi dans cette expérience : 1° le poids est nul ; - 2» le poids est égal à 50 grammes ; - 3» le poids est égal à 100 grammes. On pourrait se demander si les échaulïements qui suivent ne sont pas moins grands que le premier à cause de la fatigue du muscle. On sait depuis HEIDE.XHA1N que, à la suite de la fatigue, la chaleur diminue dans le travail. Expérience II (18 mars 1897). - Dans cette expérience, on voit que si en effet l'échauffement du muscle sans poids pour une même in- tensité d'excitation, de fréquence et de durée égales, est moins grand quand on excite le muscle pour la troisième fois que quand il a été excité pour la première fois, il est tout de même plus grand que 1 e- chauffement observé quand le muscle soulève un poids de 50 grammes, quoique dans ce cas il ait été excité antérieurement. Les conditions de cette expérience ont été les mêmes que celles de l'expérience précé- dente, sauf que la moelle était intacte. Expérience III (22 mars 1897). - Les poids soulevés ont été de oO grammes lors de la première série d'excitations; de 20 gramfties 1. Voir ces courbes dans notre thèse inaugurale, loc. cil. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 83 lors de la seconde. L'échauffetnent a été bien plus grand dans ce der- nier cas. Les conditions de cette expérience étaient les suivantes : les muscles gastrocnémiens n'avaient subi aucune préparation; le nerf sciatique était excité pendant trente secondes. Expérience IV (10 avril 1897).— L'échauffement est plus grand quand le muscle se contracte sans poids que quand il soulève un poids de 50 ou de 100 grammes. Les muscles gastrocnémiens étaient détachés; le nerf sciatique était excité par des courants tétanisants pendant six secondes. Expérience V (21 avril 1897). — Expérience faite en vue de la re- cherche de l'influence de l'intensité de l'excitation. On voit aussi, en ce qui concerne le poids, que, quelle que soit l'intensité de l'exci- tation, à une égale intensité, la chaleur dégagée par un muscle non chargé est plus grande que celle dégagée par un muscle chargé de bO grammes. La température de l'animal était de 27°-30''. Gastrocnémien détaché. Excitation pendant six secondes; la fréquence des excitations était de six par seconde. Expérience VI (23 avril 1897). —Poids soulevés : 550, 150, 50 gram- mes et enfm nul. L'échauffement augmentait à mesure que le poids diminuait. La température de l'animal était de 38o-40°. Gastrocnémien détaché. Durée des excitations égale à six secondes; la fréquence des excitations était de six par seconde. Expérience VII (26 avril 1897). —Poids soalevés : 500 grammes, nul, 200 grammes, nul, 500 grammes et nul. L'échauffement minimum correspond à 500 grammes. Température = 27° à 30°. Les autres con- ditions comme dans l'expérience précédente. Expérience VIII (26 avril). — Cobaye qui a servi à l'expérience pré- cédente. Poids, 500 grammes, 200 grammes et nul. Température = 39» à 40°. Même résultat. Expérience IX (6 mai 1897). — L'animal étant vivant, on fait con- tracter le muscle alternativement pendant cinq fois, lui faisant sou- lever un poids de 100 grammes ou un poids très faible (poids du levier) nul. Toujours l'échauffement correspondant dans ce dernier cas a été plus grand que dans le premier. On tue l'animal par la section du bulbe, et on répète l'expérience. Les résultats en sont identiques. Le gastro- cnémien était détaché ; on excitait le nerf sciatique pendant six secondes. Expérience X (7mai 1897). — Poids : 0 gramme, 100 grammes, 0 gramme, 300 grammes et 0 gramme. Animal mort. Mêmes conditions que celles de l'expérience précédente. Résultat identique. 84 M. POMPILIAiN. Expérience XI (25 mars 1897). — La méthode employée dans cette expérience diffère de celle qui a été employée précédemment. Les muscles choisis étaient les muscles internes de la cuisse ; ils con- tenaient les soudures. Par des excitations fortes de la moelle, on faisait contracter simultanément les deux pattes, dont l'une se contractait librement, tandis que l'autre avait à soulever des poids, ou, étant fixée, se contractait isométriquement. Les courbes d'échauffement, déterminées par cette méthode, corres- pondent à la différence d'échauffement entre les deux membres, l'ai- guille du galvanomètre se déplaçant dans un sens ou dans l'autre, selon que c'était la soudure droite ou la soudure gauche qui était plus chaude. L'examen des courbes d'échauffement montre que, quand les deux cuisses se contractent dans les mêmes conditions, c'est-à-dire libre- ment, n'ayant à supporter aucun poids, réchauffement est tout à l'avan- ta;:e de la cuisse droite. Quand la cuisse droite soulève un poids de 100 grammes ou de 400 grammes, on voit que, pendant les premières quarante secondes, c'est réchauffement de la cuisse gauche, sans poids, qui l'emporte En- suite, pendant quarante secondes, c'est réchauffement du côté de la patte (jui a soulevé des poids qui se manifeste ; cet échauffement est plus grand pour le poids de 100 grammes que pour le poids de 400 grammes. Enfin, c'est de nouveau réchauffement de la patte gauche, sans poids, qui l'emporte. Dans le cas des contractions isométriques, réchauffement, tout en étant moins grand que celui qui correspond à la même cuisse, quand elle se contracte isotoniquement et sans poids, est plus grand que celui qui correspond aux contractions isotoniques avec soulèvement de poids. L'échauffement est d'autant moins grand que le raccourcissement mus- culaire a été mieux empêché. Si l'on considère la marche de réchauffement en fonction du temps, on voit qu'à la quinzième seconde après le début de l'excitation, c'est réchauffement de la cuisse droite quand elle ne soulève pas des poids, ou est en contraction isométrique, qui prédomine; au contraire, quand cette patte soulève 400 ou 100 grammes, c'est réchauffement de la cuisse gauche qui l'emporte. A la fin de l'excitation, à la trentième seconde, les choses sont dans le même état, c'est réchauffement de la cuisse droite qui se manifeste sur toutes les courbes après la trentième se- conde. Entre une minute vingt secondes après le début de l'excitation, et la troisième minute, réchauffement de la patte gauche sans poids dépasse celui de la patte droite, sauf le cas où celle-ci se contracte sans poids. Il en est de même trois minutes quarante secondes après l'exci- tation. En résumé, de cette expérience, compliquée si l'on ne lisait que la description, simple si l'on examine les courbes, il résulte que l'échauf- fement dû à la contraction, soit isotonique, soit isométrique, d'un muscle 1 CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 85 sans poids, est plus grand que l'cchauffonent d'un muscle ayant à soulever des poids. Expérience XII (6 avril 1897). — L'une des soudures étant placée dans les muscles internes de la cuisse droite, l'autre est placée dans le muscle gastrocnémien de la patte gauche, dont le nerf sciatique a été sectionné, de sorte que, en excitant la moelle, ce muscle ne peut pas se contracter. Dans ces conditions, excitant pendant quinze secondes par des courants intenses la moelle d'un cobaye profondément chlora- risé, la sensibilité du galvanomètre étant faible, on obtient pour valeur des échauffements les chiffres suivanls: grammes. centimètres. P.=0 E.=2,4 P. = iO0 E.=r0,9 P. =400 E.=0 P.=0 E. = l,8 P. =200 E. =0,4 Expérience XIII (o avril 1897). — Expérience unique, dans laquelle on cherche quel est réchauffement d'un muscle qu'on empêche de ce raccourcir quand il est tendu par différents poids, comparativement à réchauffement du muscle quand il peut effectuer librement son rac- courcissement. Muscle gastrocnémien. Excitation du nerf sciatique pendant quinze secondes. P.= .jO. . . . E. =:6 Contraction isoloiiique. » » .... E. = 3,6 — isométrique. P. = 100. . . . E. = l,2 — isotonique. » » .... E.=:0,8 — isome'trique. De cette expérience il résulte que : 1° L'échauff'ement est moins grand pour un poids fort que pour un poids faible ; 2° La chaleur dégagée par une contraction isotonique est plus grande que celle dégagée par une contraction isométrique. Nous ne pouvons pas affirmer l'exactitude de ce dernier fait d'après une seule expérience. IV. I>FLUENCE DE l'eXCIÏATIOX A mesure que l'intensité de r excitation augmente , la cha- leur dégagée par le muscle augmente aussi (fig. .30). Voici quelques expériences qui montrent ce fait : Expérience I (21 avrill897). — Expérience type, instituée dans ce but. On voit que, le poids étant nul> réchauffement augmente avec l'inten- 86 M. POMPILIAN. site de l'excitation ; il en est de même des hauteurs des secousses cor- respondantes. Il en est de même quand le muscle soulève un poids de 50 grammes. Muscle gastrocnémieii. Excitation du nerf sciatique pen- dant six secondes. Expérience II — L'échautfement est presque nul pour I = 13 il augmente quand I = 10. Une excitation qui ne donnait rien quand / ^ / 1 / i y y V ^ y ,^ 20 15 10 5 ^i(;. 30. — Intluence de la charge et de lintensité sur l'échauffemeent. La hauteur des ordonnées représente la grandeur de l'échautTement. L'intensité de l'ex- citation est indiquée sur l'abscisse par les chilTres 20, 15, 10 et 5; elle va en augmen- tant de 20 à 5, car ces chiffres indiquent l'écart de la bobine du chariot de De Bois- Reymond. le muscle était tendu parun poids de 100 grammes, donne un échauffe- ment notable quand le poids est nul. Les conditions de cette expérience ont été les mêmes que celles de l'expérience précédente. Expérience III. — L'échauffement pour un poids de aoO grammes est plus grand quand I = 10 que quand 1 = l.i. Il en est de même pour le poids de l.jO grammes. Les conditions de cette expérience étaient les mêmes que celles de l'expérience précédente, sauf que la tem- pérature de l'animal était de 38°-40°. V. INFLUENCE DE LA TEMPERATURE La chaleur dégagée pendant la contraction est cV autant plus grande que la température de l'animal est plus élevée. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 87 Le fait que les premières contractions musculaires d'un animal qu'on échauffe donnent une quantité de chaleur moindre que celle donnée par l'animal à température basse, de même que la forme générale des courbes d'échauff'ement d'un animal à température élevée, forme qui indique que l'échauff'ement ne se maintient pas longtemps, le refroidisse- ment survenant tout de suite, tiennent probablement à des troubles circulatoires. La circulation d'un animal chauffé est activée. Le sang qui circule doit être plus froid que le muscle, d'après ce que la diff'érence entre la température rectale et la température du milieu environnant indique, car cette dernière est supérieure à la première. Donc le sang emportera plus vite la chaleur dégagée par le muscle pendant Ja contraction. VL CHALEUR DÉGAGÉE PENDANT LA CONTRACTION MUSCULAIRE VOLONTAIRE OU RÉFLEXE Pour faire des recherches de ce genre, il faut, bien en- tendu, que l'animal ne soit pas complètement anesthésié, que sa sensibilité ne soit pas abolie. Les soudures étaient placées dans les muscles gastrocnémiens qui n'ont subi aucune opé- ration : dans quelques expériences, après avoir sectionné le nerf sciatique d'une des pattes afin de n'avoir que réchauf- fement musculaire de l'autre, on provoque la contraction musculaire, soit en excitant par des courants d'induction la peau d'une des pattes antérieures ou du dos, soit par piqûre de la patte postérieure dont on veut mesurer réchauffement musculaire. Quelquefois on n'excitait pas, mais on attendait que des contractions volontaires se produisent. Dans ces conditions nous avons vu que : La chaleur dégagée est d'autant plus grande que le poids soulevé est plus fort. Les expériences sont difficiles à réaliser. Voici les résultats de quelques-unes d'entre elles : 88 M. POMPILIAN. Expérience I (7 avril 1897). — Échaufïement de la patte droite. Le nerf sciatique de la patte gauche était sectionné. Excitation par piqûre de la patte droite qui est chargée. grammes. centimètres. P. =100 E. = 8 P.= 20 K. = 2,o P. = 100 E. = o P.= 0 E. = l,4 ExpÉRiF.N'CE 11 ( 18 avril 1897;. — L'animal à peine anesthésié pré- sentait de temps en temps des contractions volontaires quand on chargeait une des pattes. Les deux nerfs sciatiques étaient intacts : on n'avait donc que la différence d'échaufîement si le cobaye contractait simultanément les deux pattes. De temps en temps on excitait par des courants induits une des pattes antérieures. L'échauffement est plus grand pour le poids 100 que pour le poids 30; et plus grand pour le poids oO que pour le poids nul. Expérience III (mars 1897). — On excite la peau du dos pendant trente secondes ou une minute, de manière à provoquer des con- tractions dans les deux pattes, dont les gastrocnémiens contiennent des soudures. On mesure ainsi la différence d'échauffement des deux pat- tes, dont l'une a à soulever des poids. Quand les deux pattes se contractent librement, sans poids, la patte gauche s'échauffe plus que la droite. Au contraire, quand on charge cette dernière, on voit qu'à mesure que la charge augmente, réchauf- fement augmente aussi. Pourtant, quand le poids est de loO grammes, réchauffement, pour une contraction soit de trente secondes, soit d'une minute, est inférieur à celui qui correspond à 100 grammes. Quand le poids est égala 200 grammes, réchauffement est encore moins grand. Il semblerait donc, d'après cette expérience, d'une part, que réchauffement augmente avec le poids, d'autre part, que cette augmen- tation a une limite, à partir de laquelle réchauffement diminue quand le poids continue à augmenter. Comment pourrait-on expliquer ce fait qui, au premier abord, semblerait être en contradiction avec ce que nous con- naissons de l'influence du poids? Il n'est nullement en con- tradiction. En voici la raison : L'échauffement musculaire n'est pas seulement fonction du poids, mais aussi de l'intensité et de la durée de l'excita- tion qui provoque la contraction. Or, quand c'est le système CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 89 nerveux central qui provoque la contraction, nous ne sommes pas maître de ces deux facteurs de réchauffement, de sorte que la différence observée entre les résultats de l'échauffé- , ment provoqué par une excitation neuro-musculaire et une excitation due au fonctionnement des cellules nerveuses tient à une différence d'intensité des excitations. On pourrait essayer de mesurer l'intensité des excitations nerveuses par la différence d'échauffement qui existe entre une contraction neuro-musculaire directe et une contraction réflexe. La chaleur dégagée augmente, non "parce que le poids aug- mente, mais jjarce que le système nerveux envoie une excita- tion d'autant plus forte que la charge que les muscles ont à soulever est plus grande. CONCLUSIONS De nos expériences, nous croyons pouvoir conclure que : 1° La chaleur dégagée par les muscles des animaux à sang chaud diminue quand le poids tenseur augmente ; 2<* La chaleur dégagée augmente quand l'intensité de l'excitation augmente; 3° La chaleur dégagée pendant la contraction musculaire augmente quand la température de l'animal s'élève; 4° La chaleur dégagée pendant la contraction musculaire volontaire ou réflexe augmente avec le poids, parce que l'excitation envoyée' par le système nerveux est d'autant plus intense que le poids est plus fort. APPENDICE Expériences sur la grenouille. Le système thermo -électrique que nous avons employé ne nous permettant pas d'avoir une grande sensibilité, nous ne pouvions, chez la grenouille, faire que des expériences dans 90 M. POMPILIAN. lesquelles, par une excitation prolongée, on provoquait des échauffements relativement considérables. Les muscles choisie ont été les adducteurs et le semi- membraneux qui forment la masse musculaire interne de la cuisse. On enlevait les autres muscles; l'extrémité inférieure du fémur, à laquelle les adducteurs viennent s'insérer, était sec- tionnée, et on y attachait, par un fil, un poids. On plaçait une des soudures dans la masse musculaire, l'autre dans les muscles de l'autre patte séparée de la première, mais placée à côté; elles étaient recouvertes d'une couche d'ouate. Naturellement, la grenouille était décapitée avant de lui faire subir cette préparation. On excitait les nerfs du plexus lombaire. Un degré de l'échelle du galvanomètre correspondait à 00,00125. Expérience I (9 mars 1897). — Dans les conditions décrites, le poids à soulever étant de 20 grammes, l'intensité de l'excitation de 1 = 10, on a obtenu pour valeurs des échauffements : 1) Durée de l'excitation = 30 secondes. . centimètres. E. = 10,« après 0"30» E. = 13,8 i-" E. = 13,l 2™ E. = 12 •3'^' E. = 11,4 4'" E. = 10,9 5"' E. = 10,9 6"" 2) Pour oO excitations, l'échautF. = 2'=",7 en 40 min. _ 64 — — =3 cent. oO — E. =.'')'•", 9 après l■■40^ 3) Durée de l'excitation = 1"30» Le refroidissementcommence avant même que l'excitation ait prisfin. 4) Durée de l'excitation = 5 minutes. E. = 3'=",3 après 1 minute. Le refroidissement commence, comme précédemment, pendant la durée de l'excitation même, après la première minute. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 91 o) Des excitations du nerf, même d'une très grande intensité, ne donnent plus ni contractions ni échaulTement, quelle que soit la durée de l'excitation. 6) L'excitation directe des muscles, avec l'induit = 0, donne de très belles contractions et des réchaufTements très considérables. Durée de l'excitation = 2", 36^. centimètres. E. = 10,o après 0°'30'^ E. = 14 Im E.= 18 l'"30« E. = 20 2™ E.=22,o. 2^30'* Arrêt de l'excitation. E. = 20,.=i . 3" E. = J8,7 3'"30« E. = 17 4-" E. = 14,o o™ E. = 10,8 ô"" E. = 8,6 7™ ■7) Durée de l'excitation = ^ minutes. — Contractions faibles. Exci- tation directe. E. = 24''™,6 après 5 minutes. Le refroidissement commence tout de suite après l'arrêt de l'exci- tation. 8j Dure'e de l'excitation = 2 minutes. Pas de contraction. E. = 12'"",2. 9) Durée de l'excitation = 3 minutes. Pas de contraction. E. = 12 centimètres. On voit donc que, même sans se contracter, un muscle excité directe- ment par un courant intense s'échauffe. C'est là un effet purement physi- que, comme l'expérience suivante le montre. Recouvrant une des soudures avec un tampon d'ouate trempé dans la solution physiologique, on voit que, si l'on fait passer un courant d'induction à travers cette préparation, l'aiguille du galvanomètre se déplace du côté de réchauffement, comme les chiftYes suivants l'in- diquent. centimètres. E. = 4,4 après O^SO^ E.=9,9 l-^SO" E. = 12,7 2"" Arrêt de l'excitation. E. = 13 2°»30 E. = 13,8 3'" E. = 13,2 3'"30 E. = 14,3 4"" 92 M. POMPILIAN. // ne faut donc pas, dans les recherches sur la chaleur musculaire, exciter directement les muscles. Expérience II (i.ï mars 1897). — Muscles adducteurs. Excitation du nerf, 1=10. Durée de l'excitation = 2 minutes. 1) P. = 100 grammes. contimètres. E. = 1,2 après O-^aO" E. = 2 1" E. = 3 l-^-lO^ E. = 3,4 2'" Arrêt de l'excitation. E. = 4,2 2'"30^ E. =4 3>" 2) P. = oO grammes. centimètres. E. = 3 , après 1" E. = 4 i^ao^ E.^4,3 2'" Arrêt de l'excitation. E. = 3,o. 2'"30* E. = 6,2 3'" Il semble, d'après cette expérience, que réchauffement est plus yrand pour le poids 30 grammes que pour le poids 100 grammes. Expérience III ( 9 mars 1897). — Contraction anaérobie. Grenouille décapitée, et mise dans de l'huile minérale. On fait contracter le muscle adducteur d'une des cuisses en l'excitant par des courants d'induction d'intensité ^ 10, pendant l.j". Le poids à soulever était de 20 grammes. Dans ces conditions on obtient par l'échaulfement les chiffres suivants : 1° Durée de l'excitation, 2 minutes. Belles contractions. centimètres. E. = 3,7 après 0'"30'' E. = 4,4 l"" E. = i;,l l'^ao» E. ^5 2" Arrêt de l'excitation. E. = 4,o 2'"3()'* E. = 4 S"" E. = 3,7 3"30' E. = 3 4°» La contraction anaérobie dégage aussi de la chaleur. CONTRACTION ET CHALEUR MUSCULAIRES. 93 CONCLUSIONS 1° Outre réchauffement produit par la contraction mus- culaire, l'excitation directe du muscle fait apparaître un échauffement qui n'est pas dû aux phénomènes chimiques qui constituent la contraction musculaire, car on l'obtient aussi sur des muscles qui ont perdu depuis longtemps leur irritabilité. 2^ L'échauffement d'un muscle qui soulève un poids de 100 grammes est moins grand que celui d'un muscle qui soulève 50 grammes. S"* Un muscle qui se contracte dans un milieu privé d'oxygène dégage de la chaleur. IV RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE Par Ch. Richet. J'ai cherche depuis plusieurs années à étudier cette ques- tion intéressante de physiologie comparée, et j'ai pu résoudre quelques-unes des nombreuses difficultés qu'elle comporte. C'est l'ensemble de ces recherches que j'exposerai ici '. I. INFLUENCE DU SANG SUR LA DURÉE DE l'aSPHYXIE Une des explications qu'on donne le plus fréquemment de la longue durée de l'asphyxie pour le canard, en particu- lier, et les animaux plongeurs, en général, c'est l'hypothèse d'une quantité de sang plus grande chez eux que chez les autres animaux. P. Bert [Leçons sur la res'piration, 1870, 30*^ leçon, p. 533- 553) a fait, sur ce point, quelques expériences. Le rapport du 1. J'ai publié une série de notes sur ce sujet dans les Bullelins de la So- ciété de Biologie (1894, p. 244-245 et 789-790; 1898, p. 481-482 et «8:jj, et en collaboration avec J.-P. Laxglois(1898. p. 483-48G et 718-719). Voir aussi : art. Asphyxie du Dictionnaire de Pliysiologie [t. 1). RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYX[E. 95 poids du sang au poids du corps a été, d'après lui, chez le poulet, de 1/21, 1/22, 1/29, 1/30, 1/46 (en moyenne de 1/30), tandis que chez le canard le rapport a été de 1 /14, 1/16, 1/lT, 1/16, 1/21 (en moyenne 1/17). Il s'ensuit, d'après P. Bert, que, la proportion du sang étant plus grande chez le canard, la réserve d'oxygène est chez lui plus grande, et que, par conséquent, l'épuisement total de l'oxygène (qui amène la mort) doit être plus long chez lui. Nous devons faire d'ahord remarquer que, si la propor- tion dans la durée de l'asphyxie était Ja même que la propor- tion d'oxygène dans la quantité du sang, l'asphyxie devrait durer 30 secondes chez le canard et 17 secondes chez le poulet, ou, en chiffres ronds, deux fois plus de temps chez le canard que chez le poulet. Mais il n'en est pas ainsi. L'as- phyxie des poulets est complète en 45 secondes, tandis qu'il est des canards qui résistent 12 minutes, c'est-à-dire 15 à 20 fois plus longtemps. Pour démontrer que la grande richesse du sang est la cause principale de la longue résistance des canards à l'asphyxie, P. Bert n'a fait qu'une seule expérience, ce qui évidemment ne peut pas suffire. Un canard de 1315 grammes subit une hémorrhagie de 42 grammes de sang, et, étant plongé sous l'eau, mourut au bout de 5 minutes de submersion. Or, cette résistance de 8 minutes à la submersion est bien plus considérable que celle d'un poulet, et cependant ce canard n'avait plus que 1/53 de son poids corporel, en fait de sang, c'est-à-dire beaucoup moins qu'un poulet. Ainsi un canard, hémorrhagie de manière à avoir moins de sang qu'un poulet, résiste bien plus longtemps qu'un poulet. Il semble donc que de cette unique expérience P. Bert aurait pu conclure que la plus grande quantité de sang ne suffit pas à empêcher la longue durée de l'asphyxie chez le canard. J'ai refait des expériences analogues, et j'ai constaté que, 96 CH. RICHET. même pour les canards, qui ont perdu beaucoup de sang, la durée de l'asphyxie est encore très longue. Un canard de • 880 grammes fut hémorrhagié de 40 grammes : il ne lui restait donc plus que 12 grammes de sang, soit 1/73 de son poids corporel. Il fut plongé dans l'eau pendant 4 minutes sans être incommodé. Un autre canard de 870 grammes perdit 35 grammes de sang. 11 fut submergé pendant 6'"30* et survécut. Par compa- raison, un très gros pigeon de 6o0 grammes fut plongé dans l'eau o minutes après que le canard y était déjà, et je les retirai en même temps l'un et l'autre. Le pigeon était mort i"'30* après la submersion; le canard était vivant. Un autre canard de 1 800 grammes perdit SO grammes de sang, et alors il fut submergé pendant 8 minutes. Au bout de ce temps, il était 'encore en très bon état, et le lendemain il ne semblait se ressentir ni de l'hémorrhagie, ni de la sub- mersion, et cependant, d'après les chiffres donnés par P. Bert lui-même pour exprimer la quantité de sang de son corps, il ne lui restait plus que 60 grammes de sang, c'est-à-dire autant de sang qu'à un poulet (1/30). Dans une autre expérience, plus décisive encore, un canard de 1 950 grammes fut saigné à blanc, par la veine jugulaire : il perdit ainsi 75 grammes de sang. Après l'hémor- rhagie, ilétaitmourant, avec grandesrespirationsasphyxiques. Il ne lui restait plus environ que 40 grammes de sang, c'est-à-dire 4/oO du poids de son corps. La mort par hémorrhagié était imminente. Alors il fut plongé sous l'eau pendant 7 minutes. Au bout de ce temps, il avait encore des mouvements réflexes oculaires; par conséquent, le co'ur n'avait pas cessé de battre; mais la respiration avait cessé. Ainsi, chez un canard tout à fait exsangue qu'on asphyxie par submersion, les réflexes persistent pendant 7 minutes, alors que chez les animaux non plongeurs la mort des réflexes se produit au bout de 2 à 3 minutes tout au plus. En faisant le calcul de la consommation de l'oxygène du RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 97 sang, et en admettant les chiffres classiques de 25 ce. d'oxygène par 100 grammes de sang (artériel), en supposant que tout le sang du corps est du sang artériel, et en adoptant une consommation moyenne en oxygène de 7 ce. par mi- nute et par kilogramme, on voit qu'on a pour ce canard d'un kilogramme Sang 53 gr. Oxygène dissous. lo'"',75 Durée de la consommation d'oxygène à rai- son de 7 centimètres cubes par minute. .. 2""1 h Or les canards résistent 8 et 10 minutes à l'asphyxie. Par conséquent nous pouvons considérer comme définitivement démontré que la résistance des canards à l'asphyxie n'est pas due à une plus grande quantité de sang. IL INFLUENCE DE LA PÉNÉTRATION DE l'eAL' DANS LA TRACHÉE Afin de faire un assez grand nombre d'expériences et de ne pas sacrifier une trop grande quantité d'animaux, voici comment je procédais. Dans une grande cuve remplie d'eau je faisais tenir le canard sous l'eau, de manière à l'empêcher de venir avec son bec prendre de l'air à la surface. On peut, dans ces conditions, voir l'animal très distinctement sous l'eau et suivre dans tous leurs détails les phases diverses de son asphyxie. Or il est facile de savoir le moment critique, c'est-à-dire le moment précis où l'asphyxie ne pourrait être prolongée quelques secondes de plus sans déterminer la mort; c'est quand l'animal allonge le cou et ouvre le bec, rendant ainsi une certaine quantité de gaz et introduisant de l'eau dans la trachée. A ce moment, il ne tient plus fermée sa paupière nyc- titante, et on sent que ses forces déclinent. Il faut alors, si on ne veut pas qu'il périsse^ le retirer promptement, lui mettre la tête en bas, en lui ouvrant le bec, et au besoin faire un ou TOME V. 7 98 CE. RICHET. deux mouvements de respiration artificielle. Dans ces condi- tions, presque toujours il survit, mais on peut dire qu'on a atteint la limite maximum de la durée de submersion com- patible avec la vie. Tous les chiffres que je donnerai ici se rapportent à cette durée maximum. Quelques secondes de plus, et très certai- nement ou n'eût pu que constater la mort. On voit alors qu'il y a, pour ainsi dire, deux groupes de canards avec tous les intermédiaires, naturellement. Les uns, n'ayant probablement pas l'habitude de la submersion, dès le début ouvrent le bec et rendent Teau par les narines; les autres, au contraire, tiennent leur glotte obstinément fermée, si bien que, pendant o. G, 10 minutes, et même davantage, ils ne rendent pas la moindre parcelle d'air. Par conséquent, réducafion joue un certain rôle dans cette résistance. J'ai gardé pendant longtemps, dans mon laboratoire, 3 canards qui étaient remarquables par leur résistance, résistance se traduisant par l'occlusion complète de leur glotte; ils mont donné les chitïres suivants : 17 m., lo"10% lo m., 14m. (mort), 13'>^30% I.3°'20% 13 m., 12'"20% 12 m. Dans d'autres expériences, ces mêmes canards sont res- tés submergés pendant 10 ou 11 minutes sans présenter l'imminence de l'asphyxie. Au contraire, sur d'autres canards, qui probablement n'étaient pas habitués à la submersion, et qui, dès le début, rendaient de l'air par les narines, la durée de l'asphyxie a été relativement très courte. 4™lo\ 4™oo% o"" 15^ (ne survit pas), fjmgsjs^ 7™lo% S""!!^ (survit 1 h. seulement). Les moyennes que je pourrais déduire de mes nombreuses expériences ne prouveraient donc rien, puisque aussi bien il me paraît bien certain que les canards qui gardent l'air tra- chéal sont ceux qui résistent le plus longtemps. RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 09 Rien n'est plus facile d'ailleurs que de forcer les canards, quels qu'ils soient, à se comporter comme des animaux habi- tués à la submersion. Il suffit de leur lier la trachée ou de la fermer avec une pince. Alors on les submerge comme des canards normaux, et on constate des durées extraordinaire- ment prolongées de la submersion. J'ai pu conserver en vie des canards (à trachée liée) qui étaient restés 20 m., 20™45^ 2'2'"3o% 25 m. sous l'eau. Un canard est même resté 27 m., et, au bout de ce temps si prolongé, il avait encore quelques réflexes; cependant, même avec la respiration artificielle, il ne put pas revenir à la vie. Inversement, si l'on ouvre la trachée, et si, par conséquent, on empêche l'animal de faire l'occlusion de sa glotte, tout de suite il rend de l'air; tout de suite l'eau pénètre dans ses poumons. Un canard, à trachée ouverte, fut submergé; il mourut au bout de 3'"5^ La conclusion générale de ces expériences est que l'élé- ment essentiel à la prolongation de la vie est la conservation de l'air intra-pulmonaire. La mort ne survient que 20 à 25 minutes après la submersion, si, par un procédé quel- conque, soit par l'éducation de l'animal, soit plus sûrement par la ligature de la trachée, il n'y a pas expulsion de l'air contenu dans les poumons. De fait, cette conclusion concorde parfaitement avec ce que nous savons des conditions de l'asphyxie chez les mam- mifères. Si Ton submerge un chien, la durée n'est que de l"'15sà l"^30^ Mais si, au lieu de le submerger, on fait la liga- ture de la trachée, il y a retour à la vie possible, même sans respiration artificielle, au bout de 3 ou 4 minutes. Même au bout de 5 minutes la vie peut revenir, si l'on fait alors, im- médiatement et vigoureusement, la respiration artificielle. Il s'agit toujours de la même cause pour laquelle l'asphyxie par submersion est si rapide : pénétration de l'eau dans les poumons et expulsion de l'air qui s'y trouvait. 100 CH. UlCHET. III. — INFLUENCE DU B A LEM 1 S S KM U M DU CŒUR S U H LA DURÉE DE L ' A S P H Y X I E J'ai pu démontrer [La mort du cœur dans l'asphyxie chez le chien [Travaux du Laboratoire^ 1898, t. IV, p. 332- 351)] que la mort par asphyxie était très accélérée chez le chien, si l'on faisait, au préalable, la section des nerfs vagues au cou, ou si, ce qui, au point de vue de l'innerva- tion cardiaque, revient à peu près au même, on lui donnait de l'atropine. Cette même action des nerfs vagues se retrouve chez les canards. Un canard à trachée liée, j)ar conséquent dans des condi- tions telles que la mort par asphyxie ne survient qu'au 4)out de 20 à 2o minutes, reçoit 0,015 de sulfate d'atropine. Une demi-heure après, il est placé sous l'eau. Au bout de 11 minutes, il est mourant. On le retire de l'eau, et on lui fait la respiration artificielle; il revit. Un autre canard reçoit 0,02 de sulfate d'atropine. Il est submergé. Au bout de i minutes il est mourant; on le retire, et il revit. Un canard, ayant reçu 0,02o d'atropine est mort au bout de 3"'30^ La veille, il avait supporté, sans aucune gêne, une submersion de o'"20^ Un autre canard est mort en 3'"3o^ Un autre (0,02 d'atropine) est mort au bout de 3 mi- nutes. Un autre (0,015 d'atropine), au bout de 7 minutes de submersion a été retiré mort, et il était sans doute mort depuis quelque temps. Un autre mourut au bout de 3'"o0*. De ces expériences, on peut conclure que la durée de l'asphyxie chez les canards atropinisés n'est que de 3 à 4 minutes, c'est-à-dire la moitié de ce qu'elle est chez les RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 101 canards normaux (d'après P. Bert, 11""17^. moyenne de 9 expériences; d'après mes 9 expériences sur des canards normaux, de O^SO*; soit sensiblement 10 minutes en moyenne). Il est permis de supposer que cet efïet de l'atropine est dû à l'action paralysante de ce poison sur les terminaisons du nerf vague dans le cœur. J'ai voulu rechercher si les poisons qui ont un effet opposé à celui de l'atropine, c'est-à-dire ceux qui ralentissent le cœur, ne rendraient pas l'asphyxie moins rapide, et j'ai pris la digitaline comme type. Les résultats n'ont pas été très nets. Sur 6 canards ayant reçu 0,0015 de digitaline, la durée de l'asphyxie a été de 5'" 15% 7"'o0% 10'"5% 11 '"40% 13 mi- nutes, 10'"5% (en moyenne de 9"'40«), c'est-à-dire presque tout à fait le même chiffre que celui qui résulte d'expériences faites sur des canards normaux. Sur un canard morphine la durée a été de 10'"45^; sur deux canards ayant reçu de la spartéine, la durée a été de 12 minutes et de ô^S*. On ne peut de ces chiffres rien con- clure, sinon que ces substances n'exercent pas d'influence bien marquée sur la durée de l'asphyxie. L'effet manifeste de l'atropine n'en est que plus évident. Ce qui est très intéressant, c'est de voir à quel point le fait de la submersion, toutes conditions égales d'ailleurs, ra- lentit la mort par asphyxie. Un canard à trachée liée mourut en 5"'!25*. Un autre, en 7"'45*; un autre en 7'"39^ Il faut comparer ces 3 canards (durée moyenne 7 minutes), aux canards à trachée liée et submergés qui peuvent résister 25 minutes, et parfois davantage. Tout se passe comme si le contact de l'eau avec la peau — peut-être avec les terminaisons sensibles du trijumeau dans le bec et les narines — déterminait par voie réflexe un arrêt du cœur; cet arrêt du cœur ne pouvant être qu'in- complètement provoqué par l'excitation du bulbe par le sang 1U2 CH. RICHEÏ. asphyxique, tandis que le contact de l'eau avec la périphérie cutanée le provoque facilement. Il faut aussi admettre que ce réilexe d'arrêt ne porte pas seulement sur le cœur, mais aussi sur les échanges respira- toires. J'ai pris 2 canards de taille identique : tous deux reçoi- vent 0,015 d'atropine, et leur trachée est liée. Alors l'un d'eux est laissé à l'air libre; il meurt au bout de o"'5^ Au bout de 6 minutes on essaye vainement la respiration artificielle. L'autre est submergé. Au l)Out de 11 minutes il est sans ré- flexes. Au bout de 12 minutes on pratique la respiration arti- ficielle, et il revit. Ainsi le contact de l'eau produit une double action rétlexe : une action réilexe sur le cœur qui se ralentit par excitation des nerfs vagues; une action réflexe sur les échanges qui se ralentissent aussi. Il faut donc admettre que la grande résistance des canards à l'asphyxie est due à ces diverses causes : rétention de l'air dans les poumons; arrêt du cœur par le contact avec l'eau, et peut-être aussi en partie par l'excitation bulbaire directe ; arrêt des échanges par le contact avec l'eau. Ces divers mé- canismes concourent à un résultat identique, c'est-à-dire à la possibilité d'une submersion prolongée sanS que la mort s'ensuive. IV. INFLUENCE DE LA PRESSION BAROMÉTRIQUE SUR l'asphyxie par SUBMERSION J'ai fait deux sortes d'expériences pour étudier les effets de la pression barométrique sur les canards; en faisant varier la pression barométrique tantôt en plus, tantôt en moins. Pour les expériences à pression barométrique augmentée^ j'ai j)rofité de mou séjour au bord de la mer pour plonger les canards dans l'eau à des profondeurs variables. Le canard était fortement attaché à une grosse pierre, et on laissait la RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 103 pierre et le canard tomber au fond de l'eau. Le temps de l'immersion était noté, comme aussi la profondeur à laquelle l'animal était plongé. On peut admettre en chiffres ronds que la pression d'une atmosphère répond à 10 mètres d'eau. Dans ces conditions, il y a évidemment quelque défectuo- sité à l'expérience; c'est surtout parce que la profondeur maximum, c'est-à-dire la pression maximum à laquelle l'ani- mal est plongé, ne dure pas très longtemps. Pour remonter, sans treuil ni cabestan, une grosse pierre à quelques oO ou 60 mètres de profondeur, il faut un effort assez pé- nible, et, malgré la vigueur du pêcheur qui m'assistait, cela prenait quelque minutes, de sorte que les chiffres de pression que je donne ici sont des pressions maxinia et ne durant que très peu de temps. Voici les résultats de ces expériences : Profondeur en mètres Durée k laquelle le canard de la submersion. a été submera-é. Résultat. 1 m. .33 s. . . . . 11 Survi 1 55. . . . . . 16 Id. 2 05. . . . . . 18 Id. 2 40. . . . . . 29 Id. 3 05. . . . . . 41 Id. 4 05. . . . . . 23 L:3. 4 20. . . . . . 43 Id. 5 . . 40 Id. Tous ces canards ont été i^amenés à la surface sans être malades. On peut donc en conclure que, même sous 4 atmosphères de pression, le canard ne meurt pas, et qu'il peut supporter une asphyxie de o minutes. On remar- quera aussi que, dans toutes ces expériences, la décompres- sion a été assez brusque et n'a pas paru exercer d'influence nocive. Dans les expériences suivantes, au contraire, les canards sont morts ou ont été malades. 104 OH. RICUET. Pi'ofondeur en mètres Durée à laquelle le canard de la submersion. a été submergé. Résultat. 2 m. îi'i s. . . . 70 Malade à peine, se remet rapidement. 4 lo ... 70 Très malade pendant longtemps, mais finit par revivre. 4 lOo Vivant quand on le ramène à la surface; a des contractures gé- néralisées, mais meurt quelques minutes après avoir été remis h l'air. 5 m. .^0 s. . . . r.g Mort. 5 3o ... o:> Mort. 5 40 ... 12 Mort. Autant qu'on peut en conclure de ces expériences, que je me propose de continuer, il y a deux conclusions qui se dé- gainent. La première, c'est qu'à partir de 7 atmosphères, la pres- sion (peut-être la décompression rapide) exerce une action sur l'asphyxie, et en accélère le cours. Un canard est mort en 4 minutes à 10 atmosphères : or cette courte durée de quatre minutes n'eût évidemment pas été suffisante pour le tuer, si la pression n'avait pas été si forte. La seconde conclusion, c'est qu'au-dessous de 7 atmo- sphères la pression n'exerce pas une très grande influence, puisque un canard a résisté 5 minutes à une pression de 4 at- mosphères sans mourir, et qu'un autre, qui était resté 4"'lo* à 7 atmosphères, a pu être rappelé à la vie. Il semble donc que ce soit aux environs de 7 atmosphères que l'augmentation de la pression barométrique commence à être ollensive. Les expériences de pression diminuée ont été faites dans une cloche de verre. Le vide était obtenu par la trompe à eau. Canard à 0 ni. ICO de Hg S m. 4o s. revit. — 0 I.iO de Hg o revit. — 0 120 de Hg o i;i revit. RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 105 En revanche, des canards atropinisés ont paru être beau- coup moins résistants. Canard atropinisé à 0,21u de Hg. — 0,180 de Hg. 4 m. 45 s. meurt, o m. meurt. Ainsi les canards peuvent vivre plus de o minutes dans des milieux atmosphériques dont la pression n'est que de 0"\120 de mercure; mais cette survie est impossible s'ils ont été atropinisés. On peut donc en conclure que, dans les pressions baro- métriques diminuées, le ralentissement du cœur par les nerfs vagues joue un rôle protecteur, comme dans la mort par l'as- phyxie simple. Y. — DE QUELQUES AUTRES INFLUENCES SUR LA DURÉE DE l'aSPHYXIE Age. — J'ai essayé de voir si chez les tout jeunes canards la même résistance à l'asphyxie pouvait s'observer; un petit canard de 3 jours a résisté 1 minute à la submersion. Un autre de 3 jours résista aussi 1 minute, mais il était très ma- lade lorsqu'on le retira de leau, et il n'aurait pu rester plus longtemps submergé. Un autre canard de 8 jours, de la même portée, mourut au bout de 1"'35* de submersion. Ainsi, chez les tout jeunes canards, peut-être par suite du refroissement énorme que leur fait subir la submersion, la durée de l'asphyxie est très courte. Température. — La température de l'eau exerce une très notable influence. Il y a un optimum de température, ainsi que l'indiquent les expériences suivantes : 7»,5 12 m. 20 s. 13° 13 30 20°,5 13 20 22°,5 23° . 18 m. 27 s. 17 C'est de 20 à 24" que les canards ont paru pouvoir résis- 106 CH. RICHET. ter le plus longtemps, mais, si on les plonge dans une eau plus chaude (30 ou 3o°), ils s'agitent énormément, et alors l'asphyxie est plus rapide. Cliloral. — A un canard de 2 050 grammes on injecte 0?',70 de chloral. Au bout de 3 minutes de submersion, il est en état de mort apparente ; mais la respiration artificielle le ramène à la vie. VI. DES GAZ DE l'aIR T R A C H ÉO - P U LM O N A I K E AUX DIVERS >[0MENTS DE l'aSPHYXIE' Si l'on plonge un canard sous l'eau, on voit d'abord un fait qui paraît très extraordinaire. Des gaz se dégagent, bulle à bulle, de la tête, comme s'il existait un orifice, une com- munication entre les sacs aériens et l'atmosphère. Mais ces gaz ont la composition chimique de l'air normal. En outre, par divers procédés, on peut s'assurer que c'est une enveloppe d'air, enveloppe protectrice au point de vue thermique, qui entoure l'animal de toutes parts, malgré l'immersion. Celte couche d'air intimement mêlée au duvet ne dilïuse pas dans l'air. Elle circule doucement sous le duvet par petites bulles insensibles qui grandissent, en s'ajoutanl les unes aux autres, et gagnent enfin, devenues plus grosses, le sommet du corps pour s'échapper par là. Ainsi les canards sont constamment enveloppés d'une couche d'air qui empêche les plumes et le duvet de s'imbiber d'eau. Cet air, probablement, pendant la la vie, ne se renouvelle que très lentement, reste à une tem- pérature assez élevée, et fait office d'un appareil isolant au point de vue de la radiation calorique. Les canards plongés dans Feau rendent à des moments variables de l'air par les narines. Pour des canards moyens pesant de 1 oOO à 2 500 grammes, cette quantité d'air expiré a varié entre 250 et 350 ce, mais elle a été expirée à des mo- 1. Toutes les expériences ivippertées dans ce chapitre ont été l'.iites en coila- Loratiun avec P. Langlois. RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. J07 ments très différents. Les canards habitués à plonger ne ren- dent les gaz pulmonaires que tardivement. Souvent pen- dant 8, même 10 et 11 minutes, ils ne rendent pas du tout de gaz, tandis que d'autres canards, non habitués, dès la première et surtout la seconde minute, rendent 200 et même 250 ce. de gaz. On peut être assuré que, lorsqu'un canard, au début d'une expérience, ne rend pas beaucoup de gaz ''par les narines) il ne va pas résister longtemps àl'asphvxie. Des expériences préliminaires nous ont montré que, si les produits de l'expiration étaient recueillis sur l'eau, le gaz GO" se dissolvait dans l'eau en trop grandes proportions pour qu'on en puisse faire le dosage. Nous ne donnons doDC ici que les chiffres d'oxygène quand le gaz était recueilli dans ces conditions. Pour avoir les chiffres d'acide carbonique, il suffît de fer- mer la trachée par une pince et d'extraire par une seringue les gaz intrapulmonaires. Dans quelques cas le dosage a été fait ainsi. Voici les résultats de ces dosages : G. C0-. 17 premières secondes l.o,10 » 23 premières secondes 13,00 » Ave ■ , ( 12,39 1"= minute ,', ( 12,41 1'*= minute ,'_^ { 12, /U » ...,., i 9,90 » 0 premières minutes < „ ,„ 2^ et 3« minutes 13,10 » 2«, 3"= et 4« minutes 8,03 . .< . , i 8,97 6 premières minutes ,\, i 8,90 i^ il T' minute 7,40 >• "» > A. • . i 8,40 0^ a 9« minute „' „ ( 8,80 3^ à 8« minute 7,63 -> cp - .^. • ♦ i 8,10 6= a 12« minute J^^ I / , y 0 » 6^ à 8' minute 7,60 » 108 CH. HICHET. O. 00^ 7"= et 8'' minutes .'i.TS » 9'' à 10« minute 6,8U » !»'■ ù 11'^ minute 7,30 » 9* à 1.3«= minute 8,00 » lO-^ à 12"^ minute 7,90 » 2o« minute 2,00 15,5 27'' minute 2,70 t0,2 On peut ordonner ces chillres, en prenant le total des première, deuxième et troisièmeminutes dechaque expérience. Quantité d'oxygène consommé. !'■'" minute 1 1,1 9,7 2'- — 10,0 10,8 3« — . 10,0 10,8 4« — 8,0 12,2 5« — 8,5 12,3 0-^ — 8,0 12,8 7« — 7,5 13,3 8« — 7,5 13,3 9-= — 7,5 13,3 10« — 7,6 13,2 H'' — 7,7 13,1 12'' — 7,9 12,9 25« — 2,6 18,2 27^ — 2,7 18,1 Ces chiffres nous permettent de connaître les quantités d'oxygène consommé par minute dans les 27 minutes d'as- phyxie. Nous les rapporterons, d'une part, à la proportion centésimale de l'oxygène dans l'air, d'autre part, au volume moyen d'air pulmonaire d'un canard, soit 300 ce. Total Par minute. O.xygène consommé : pour juu. pour soo"^. pour loo. pour soo". Dans la !■« minute ... 9,7 20,1 9,7 29,1 De la 2« ù la 6« minute . 3,1 9,3 0,5 1,5 De la 7-^ à la 27« minute. 5,4 16,2 0,27 0,8 l'ar conséquent, après la 1" minute, le canard consomme RÉSISTANCE DES CANARDS A L'ASPHYXIE. 109 i"",}), et, après la Q" minute, 0<^%8 par minute de l'oxygène pulmonaire. Admettons qu'un canard de 1 500 grammes contienne 125 grammes de sang, chiffre maximum; c'est une réserve d'environ 30 centimètres cubes d'oxygène (maximum); cela fait avec les 60 ce. d'oxygène contenu dans les 300 ce. d'air pulmonaire, un total de 90 ce. d'oxygène. Or, la consomma- tion moyenne d'un canard, dans les conditions normales et en dehors de l'état asphyxique, est, par minute en oxygène (pour des canards de 1 500 grammes), de 30 ce. d'oxygène. Nous venons de voir précisément sa consommation pendant la première minute. Il lui reste donc 60 ce. d'oxygène qu'il devra consommer avec une extrême lenteur. Les chiffres que nous venons de donner nous montrent que l'animal va alors diminuer ses échanges dans une pro- portion considérable : de la 2" à la 6" minute, il va consom- mer par minute l'=^,5 d'oxygène (au lieu de 30 ce.) et de la 7" à la 27*^ minute, il consommera seulement 0'='^,8 d'oxygène par minute, c'est-à-dire 40 fois moins que sa consommation normale. Rappelons que Laulamé [De la marche des altérations de l'air dans l'asphyxie en vase clos [Arch. de Physiol., 1894, p. 845-859)] a trouvé que, dans l'asphyxie lente, le chimisme respiratoire diminuait dans la proportion de 1 à 0,3 en moyenne. Mais l'asphyxie lente et l'asphyxie aiguë ont peut- être des conditions bien différentes, et surtout il n'est pas possible de comparer à ce point de vue les canards, qui ont une résistance tout à fait spéciale, aux mammifères, comme le chien et le lapin, que l'asphyxie tue si rapidement. Nous pouvons conclure que l'asphyxie chez le canard en- traîne une énorme diminution dans la combustion des tissus, et que cette énorme diminution joue probablement le prin- cipal rôle dans la résistance de ces animaux à la mort par submersion. Quelle que soit la durée de l'asphyxie, quand l'animal 110 CH. RICHET. meurt, ou quand il est sur le point de mourir, la composition des gaz pulmonaires est à peu près la même, ce qui confirme la proposition que nous venons d'émettre, à savoir que c'est la consommation plus ou moins rapide de l'air intra-pulmo- naire (et par conséquent aussi la quantité de cet air) qui règle la durée de la survie. Voici quelques expériences à ce sujet; la trachée avait été liée, mais les conditions de l'animal, mis dans une caisse d'eau étroite, étaient défavorables. co^ o^ Eau à38°. Mort en 6'30" . ... 11,2 ? Eau à 15°.Mort en 8' 17,0 1,9 Eau à 0». Mort en 6' 16,2 1,3 Eau à 0°. Mort en 6'30" . ... 14,4 2,9 V PÉRIODE RÉFRACTAIRE DANS LES CENTRES NERVEUX Par A. Broca et Ch. Richet. Nous avons pu établir l'existence dans les centres nerveux d'un phénomène voisin de celui que Marey a découvert sur le cœur des grenouilles et qu'il a appelé période réfractaire. Nos expériences ont été faites sur le chien seulement; mais tout porte à croire que le phénomène est général. L'étude détaillée de ses particularités nous a montré des différences essentielles avec le phénomène de Marey, et nous avons été obligés, pour en rendre compte, de recourir à l'essai de théorie que nous proposerons tout à l'heure. L TECHNIQUE EXPÉRIMENTALE Nous avons étudié, par la méthode graphique, les mouvements dus à l'excitation des centres nerveux. Nous avons opéré d'abord avec les courants induits; puis avec des excitants de natures diverses. La première condition, pour avoir des réponses régulières, était d'avoir un anesthésique convenable, immobilisant l'animal, et laissant cependant aux centres nerveux une excitabilité suffisante. Nous avons eu les meilleurs résultats par l'injection veineuse d'une solution conte- nant 8 grammes par litre de chloralose et 7 grammes de NaCl. Le 112 A. BROCA ET CH. RlCHtT. chien supporte Mencet aneslhésique, et, sous son action, on peut obte- nir par l'excitation cérébrale des réponses très énergiques, et pures de toute réaction volontaire. Ce résultat s'obtient avec des doses de chloralose voisines de 0'^^^ par kilogramme d'animal. Cette dose in- jectée, il faut attendre un temps suffisant (.30 à 45 minutes) pour que l'animal soit complètement endormi. On commence alors l'expérience, qui peut être prolongée cinq ou six heures, moyennant l'injection de petites doses répétées de chloralose quand l'animal donne des signes de réveil. .\u delà de ce temps, l'intoxi. cation est trop avancée, et les phénomènes ne se produisent plus. Pour que l'expérience réussisse, il faut que l'animal soit adulte et en parfaite santé. Pour la très grande majorité des animaux, la zone maniable est assez facile à atteindre. Pour d'autres, en petit nombre, elle est difficile; pour d'autres entln, en très petit nombre, anormaux ceux-là, elle est impos- sible à atteindre. Elle est, d'ailleurs, d'autant plus accessible que l'ani- mal est à plus basse température. Nous verrons plus loin que, dans ce cas, d'autres raisons viennent encore rendre les phénomènes plus faciles à observer. Aux environs de 30° ou 32° pour la température de l'ani- mal, l'expérience devient une véritable expérience de cours. Ce sont les propriétés du chloralose qui nous ont permis d'abandon- ner parfois l'excitant électrique, et de montrer, par conséquent, la très grande généralité de ces phénomènes. Le moindre choc sur la table suffit, en effet, pour provoquer chez le chien convenablement chloralose une réponse motrice unique. Il en est de même d'un son suffisamment intense. Nous avons utilisé ces deux sortes d'excitations, mais la plupart de nos expériences ont été faites par une technique électrique que nous allons décrire.' Deux trous étaient forés dans le crâne, l'un au-dessus du gyrus, l'autre en un point voisin; la dure-mère percée et les trous taraudés. Un bouton d'ivoire fileté était alors vissé dans le crâne. Il portait un canal central où l'électrode était maintenue à hauteur convenable par une vis de pression. C'est un perfectionnement de la méthode de Dani- LEWSKY. Si son emploi est discutable pour la recherche des localisations, elle est absolument à recommander pour ce genre d'expériences. Nous avons eu à étudier méthodiquement l'excitabilité du cerveau en fonction du temps qui sépare l'excitation électrique choisie d'une autre excitation antérieure. Pour cela, nous avons mis en série les deux secondaires de deux chariots de du Bois-Reymond actionnés chacun par deux accumulateurs. L'un d'eux donnait des excitations rythmées ; l'interrupteur de l'autre était manœuvré à la main à des époques conve- nables. Pour les expériences de synchronisation, que nous décrirons tout à l'heure, un seul chariot était employé. La fréquence était réglée, soit en inclinant l'interrupteur, soit en lui ajoutant un petit ressort en caoutchouc. PPJRIODE DANS LES CENTRES NERVEUX. M3 II EXPERIENCES C'est accidentellement que nous avons pu découvrir la période réfractaire. En essayant l'effet des excitations élec- triques sur un chien choréique, nous fûmes d'abord fort gênés par ses mouvements incessants, rythmiques, qui s'inscrivaient sur nos graphiques et troublaient tous nos résultats. Nous essayâmes alors de donner des secousses électriques \ rythmées aussi, et nous pûmes remarquer que la chorée pouvait être accélérée ou même ralentie dans de certaines limites, suivant qu'on accroissait ou diminuait la fréquence des excitations électriques dont elle prenait le rythme. Cette expérience semble prouver qu'il se fait une sorte de fusion entre la secousse choréique et la secousse électrique. Telle fut d'abord notre première interprétation; mais bientôt nous pûmes, sur le même chien, constater que cette inter- prétation n'était pas exacte, et faire de nouvelles expériences plus précises. En effet, si, après une secousse choréique, on essaie de donner une secousse électrique, on constate que l'électricité peut être impuissante. Tout se passe comme si la secousse choréique créait dans les centres nerveux un état réfractaire, durant un certain temps, et mettant, pendant cette durée, le système nerveux dans l'impossibilité de réagir. Soit, pour préciser les idées, un intervalle a d'une seconde entre deux secousses choréiques; si nous partageons cet intervalle en dix parties égales, nous aurons une première période de a/10, pendant laquelle se produit la secousse musculaire. Or, pendant cette période, l'excitation électrique, au lieu d'être inefficace, provoque une réponse plus forte. Il semble qu'il y ait alors addition des deux excitations : la secousse musculaire est plus forte que s'il y avait soit une secousse 1. Le mot secousses électriques, que nous employons pour simplifier, ï^ignifie secousses provoquées par l'excitation électrique des centres moteurs du cerveau du côté opposé. TOME V. 8 114 A. imOCA ET CH. UICHET. choréique unique, soit une secousse électrique unique. Après cette période d'addition, dans la période a toujours, l'excitation électrique est inefficace — bien entendu si elle est d'intensité moyenne — et cette période d'inefficacité, qui caractérise la période réfractaire, dure un peu moins d'une demi-seconde, soit4fl iO.C'estla péi'iode d'inexcitabilité. Au milieu de la période a, le système nerveux reprend peu à peu son excitabilité normale, et à 8a/10 environ, la secousse se produit, aussi forte que la secousse normale. C'est la période de réparation. Ainsi, il y a trois périodes bien distinctes : d'addition, réfractaire, de répara- tion. Si la secousse électrique s'est produite à 8a/10, c'est la secousse choréique qui sera alors avortée ; et elle ne se produira plus. Ainsi s'explique le changement de rythme que nous annoncions tout à l'heure. Une série d'excitations électriques rythmées à 8a/ 10 provoquerait des réponses de même rythme, et il semblera que l'animal ne soit pas du tout choréique; car, dans l'intervalle de ces secousses, il sera immobile. Ces expériences, répétées sur quatre chiens choréiques, nous ont toujours donné un même résultat ; donc, après la secousse choréique, il y a une période d'inexcilabilité dans le système nerveux qui dure environ une demi-seconde. C'était là un phénomène observé uniquement dans un cas pathologique. Mais, suivant la conception profonde de Claude Beiwnard, les faits pathologiques ne sont pas essen- tiellement distincts des faits normaux ; ils sont régis par les mêmes lois et se produisent dans des conditions différentes. Il était donc a priori presque évident que cette période réfractaire constatée chez le chien choréique devait se re- trouver chez le chien normal. L'expérience a confirmé nos prévisions. Nous avons d'abord cherché à reproduire artificiellement un état analogue à la chorée du chien, et nous avons, à cet effet, excité le cer- veau par un courant électrique rythmé, par exemple à une excitation par seconde. Nous avions ainsi un chien atteint d'une sorte de chorée artificielle, au rythme de 1 par seconde ; nous pouvions alors essayer de voir si, après ces secousses, il présentait une période réfractaire comme les chiens atteints de chorée. Nous avons vérifié ce fait, mais tout se passe dans un temps beaucoup plus court et est beaucoup plus difficile à observer, au moins à la température normale. Pour celle-ci, la période réfractaii'e est terminée au bout de n",l. I,a période d'addi- PÉRIODE DANS LES CENTRES NERVEUX. 115 tioD, beaucoup plus courte, se chiffre par centièmes de seconde et est très difficile à saisir. Les premières expériences ont été faites avec le dispositif des deux chariots, décrit dans le paragraphe L Soit A une excitation due au pre- mier chariot, B une excitation due au second. Elles sont réglées de ma- nière à être aussi égales que possible. Si une excitation B tombe un temps convenable après une excitation A, elle sera nulle et non aveuue. Il en sera de même si une excitation A tombe de même par rapport à une excitation B. Nous pouvons déduire de là cette proposition : Consécu- tivement à une excitation cérébrale électrique, il se prochnt une phase (T inexcitabilité. En poursuivant cette étude, nous avons simplifié la tech- nique. Au lieu de deux courants A et B, nous avons employé un seul courant électrique ; les mêmes lois devaient se re- trouver. Prenons alors un même courant ayant un certain rythme, 1 par seconde, supposons-nous. Les secousses sont bienrégu- lières. Mais si l'intervalle qui sépare les deux secousses diminue, un moment viendra oii la seconde excitation va tomber dans la période réfractaire, ou dans la période de réparation, et alors elle sera inefficace ou peu efficace. Or c'est ce que l'expérience nous a montré avec une grande net- teté. Avec des excitations rythmées par exemple à 5 par seconde, pour un chien entre Zi'^ et 35°, on obtient des secousses très irrégulières. Sur les chiens à température normale, l'expérience est fort difficile ; mais elle devient très nette quand la température de l'animal est abaissée aux environs de 32*^ ou 30". La figure 3 montre très nettement le phénomène. Il n'y a plus de réponse à chaque excitation, mais seulement à une excitation sur deux. C'est ce que, pour simplifier, nous appellerons rythme 1/2 ; le numérateur indiquant le nombre des excitations efficaces, et le dénominateur le nombre de toutes les excitations, effi- caces ou non. 116 A. BROCA ET CH. RICIIET. Ainsi, dans certaines condilions, on a un rythme de réponse différent du rythme des excitations, et dans un rapport simple avec ce rythme. En effet, nous avons pu obtenir des rythmes 1/3, 1/4, et même, quoique plus difficilement, I/o. Les figures 31, 32, 33 et 34 en donnent des exemples. Il est clair que celte expérience prouve l'existence d'une FiG. 31-. — Période réfractuire Quand de l'énergie se transmet à distance, elle le fait par la déformation de proche en proche d'un milieu pondérable ou de l'éther lumineux. » C'est là un principe que l'expérience a vérifié dans tous les -cas pour la matière inerte. Nous l'étendons à la matière or- ganisée; ce qui est aussi légitime que l'extension à celle-ci du principe de la conservation de l'énergie, que personne ne met en doute. Et cependant ses vérifications n'ont été ni 124 A, BROCA ET CH. RICHET. plus rigoureuses ni plus nombreuses que celles du principe de Maxwell, qui a été vérifié pour le son, la chaleur, par les anciens physiciens, pour les radiations, par Fresnel, et pour l'électricité, par Maxwell et Hertz. Si donc une perturbation brusque se produit dans le milieu dont les déformations produisent le champ de force, elle sera suivie d'oscillations de retour à l'équilibre, qui seront de la forme la plus générale, c'est-à-dire de la forme pendulaire amortie. La force qui, en chaque point, est liée à l'état du milieu, subira donc des oscillations de même espèce. Des ondulations de cette espèce prennent naissance dans les circuits électriques, et sont étudiées sous le nom de phénomènes d'extra-courant. 11 doit y en avoir d'analogues pour le champ de force nerveux, mais nous ne pouvons a p?'io ri rien savoir sur la grandeur do leur période. Elle peut aussi bien se compter par qiiintillionnièmes de seconde que par secondes. Devant l'impossibilité de rendre compte autre- ment des phénomènes que nous venons de décrire, nous proposons de les rattacher à ces oscillations nécessaires, dont ils mesureront alors la période. Pour que cette hypothèse soit rationnelle, il faut admettre que la contraction musculaire ne se produit que si la force due à l'influx nerveux a un certain sens, que nous appelons positif. Dans ces conditions, si nous supposons une excitation produite au moment où, pour le retour à l'équilibre après une première excitation, se produisait une force de sens né- gatif qui n'aura, elle, aucune influence sur le muscle, il y aura interférence de deux forces. Il n'y aura, par consé- quent, pas de contraction musculaire, si la deuxième excita- tion n'est pas très grande. Cette hypothèse n'est, à vrai dire, qu'une généralisation des idées reçues pour expliquer l'inhi- bition. Considérons une excitation soudaine, comme celle du choc d'induction : la force commencera par être positive pen- dant un certain temps, quelle que soit la forme ultérieure du PÉRIODE DANS LES CENTRES NERVEUX. 12E retour à l'équilibre. Nous devons donc nous attendre à voir, avant la période réfractaire, une période d'addition, ce que l'expérience a vérifié. Si maintenant une série d'excitations se produit à un intervalle de temps inférieur à la période d'addition, il y aura tétanos. L'épilepsie corticale se produit en général avant le tétanos vrai, mais la théorie que nous proposons ne s'oppose pas à sa production. Si, partant de ce point de vue, nous construisons la forme de l'ondulation nerveuse d'après la valeur de l'exci- tabilité pour une excita- tion donnée en fonction du temps, nous trouvons une forme analogue à celle de la figure 36. A priori, c'est là une forme, qui ne se pré- sente pas dans le retour à l'équilibre naturel d'un sys- tème quelconque. Mais, en approfondissant la ques- tion, on s'aperçoit que cette forme peut être réalisée dans des conditions convenables. C'est celle que l'on donne aux signaux électriques transmis dans les câbles sous-marins, connus sous le nom de signaux bridés. Cette forme a été adoptée par sir W. Thomson comme étant celle qui permet la meilleure utilisation possible des câbles, celle qui permet d'envoyer le plus de signaux possible dans un temps donné. Pour réaliser cette courbe, en électri- cité, chaque signal, au lieu de se composer d'une simple fermeture de courant , comprend une fermeture et une inversion. Pour que cela soit possible dans le cas qui nous occupe, il faut que cette inversion se fasse en environ 1/20 de seconde. Il est intéressant de voir que, d'une part, le calcul a per- mis à sir W. Thomson de retrouver la courbe de meilleure FjG. 36. — Schéma de l'amortissement dans les sienaux bridés de Thomson. 126 A. BROCA ET CH. RICHET. utilisation d'une ligne de transmission d'énergie, et que, d'autre part, la Nature, ayant à résoudre le même problème, a réalisé une disposition analogue dans notre système ner- veux. Cette hypothèse devient tout à fait vraisemblable si nous tenons compte de ces rythmes à 1/2, 1/3, 1/4, que nous avons indiqués tout à l'heure. Nous pouvons considérer alors les deux systèmes comme ayant chacun leur rythme propre. Le système électrique excitateur ayant un rythme, par exemple, de lOpar seconde, le système cérébral excité ayant une période propre d'environ 5 par seconde, il se fait une synchronisation des deux systèmes oscillants, et les courbes variées qu'on obtient rappellent tout à fait les courbes qu'on observe en étudiant la synchronisation de deux systèmes oscillants, re- liés l'un à l'autre et ayant chacun sa période propre. 11 convient de rappeler ici que M. Gokisu, dans ses belles études sur la synchronisation des oscillants, avait prévu l'ap- plication probable de ces lois à la physiologie '. Il nous semble donc très probable que la vibration ner- veuse affecte la l'orme schématique donnée ici; qu'elle dure 0*'"=-l ; et que la phase négative de cette vibration explique la période réfractaire, de même que la phase positive explique la période d'addition. On voit aussi que le mot période réfractaire ne doit pas être pris dans son sens rigoureux. Si, après une vibration faible, on ébranle le système nerveux par une vibration forte, celle-ci ne trouvera pas un système nerveux inexcitable, et il y aura un ébranlement perceptible, car la hauteur de cette seconde vibration dépassera la valeur négative de la première vibration; il n'y a de période complètement réfractaire que si la seconde vibration est inférieure ou égale à la première, et si elle est provoquée au moment précis où est atteint le point extrême de la phase négative. C'est ce qui explique sans 1. Bull, de la Société des électriciens, 1894. PÉRIODE DANS LES CENTRES NERVEUX, 127 doute comment on ne peut pas toujours constater son exis- tence. L'hypothèse que les centres nerveux agissent par des vibrations ayant une durée d'un dixième de seconde conduit à des conclusions très intéressantes que nous exposerons briè- vement. IV. CONSÉQUENCES Puisque la vibration élémentaire du cerveau dure un dixième de seconde, il s'ensuit qu'un phénomène mental exigera, pour être nettement discontinu, au moins un dixième de seconde. L'expérience nous prouve qu'il en est ainsi, et elle justifie de la manière la plus formelle notre hypothèse sur la période réfractaire. Prenons pour exemple la contraction musculaire volon- taire. On sait que le muscle peut donner des vibrations dis- tinctes, chez l'homme tout au moins, avec une fréquence égale à 40 par seconde. Or, les contractions musculaires vo- lontaires ne peuvent atteindre que 10 ou 11, peut-être 12 par seconde. ScHÂFER [On the rhythm of muscular responses to voli- tional impulses in man. J. P., VII, 141) et, indépen- damment de lui, Kries [Zw Kenntniss der willkurlichen Muskelthàtigkeit. A. P., 1886), et plus tard Horsley etScuAPER [Experiments on the character of the muscular contractions which are evokecl hij the excitation of varions parts of the motor tract. J. P., VII) ont pu constater que l'excitation volontaire, ou l'excitation électrique, de l'encéphale donnaient un rythme de contraction qui ne dépassait pas 14 par seconde, et qui le plus souvent arrivait à 10 par seconde. C'est aussi à ce chiffre de 8 par seconde qu'est arrivé Loven, mesurant avec l'électromètre capillaire deLipPMANN les variations négatives électromotrices d'un muscle qui est contracté par la volonté. D'autre part, l'un de nous a montré (Cii. Richet, Le fris- 128 A. BROCA ET CH. RICHET. son coinme appareil de régulation thermique. Travaux du Laboratoire^ 1895, III, 17) que le nombre des secousses du frisson par seconde ne dépassait pas 12 ou 13, étant en général de 10 et de 11. Herringham [On muscular tremor. 3. P.. 1896, XI, p. 481) a trouvé un rythme de 9, 10, 11, 12, pour les difTérenls tremblements de cause pathologique. W. Griffiths {On the rhijthm of muscular responses to volitional impulses in man. J. P., 1888, XI, 38) a trouvé un chiffre notablement plus fort; et, quoiqu'il admette le chiffre moyen de 10 pour les muscles du pouce, de 14 pour le biceps, il a pu trouver des excitations volontaires ayant une fréquence de 21 par seconde dans quelques cas, ce qui nous paraît une interprétation erronée. Il s'agit d'une vibration élastique du muscle lui-même, plutôt que d'une oscillation nerveuse. B. Haycraft [Voluntari/ and reflex muscular contraction. J. P., XI, 1890, 366) arrive à cette conclusion que, dans le cas d'excitation de la moelle, le rythme des muscles est iden- tique au rythme de l'excitation, tandis que, si l'excitation porte sur l'appareil cérébral, le rythme musculaire en est indépen- dant, et on perçoit le son propre du muscle. En cherchant les divers procédés qui permettent d'obte- nir une vibration musculaire très rapide, il nous a paru que le procédé le meilleur était peut-être l'articulation d'une phrase quelconque prononcée avec un maximum de rapidité. On peut admettre évidemment que chaque syllabe articulée représente une certaine contraction musculaire. Dans ces con- ditions, nous avons trouvé que le maximum de vitesse pour une articulation à peine distincte était de 11, et encore n'est- on pas sur que toutes les syllabes aient été articulées. Cette expérience ne fait que confirmer les faits indiqués plus haut, à savoir que les mouvements volontaires ont une fréquence maximum d'environ 10 à 12 par seconde. Mais, en la modifiant légèrement, on arrive à avoir la preuve formelle que ce rythme, relativement lent, de la réponse musculaire dépend uniquement du cerveau. PÉRIODE DANS LES CENTRES NERVEUX. 12 En effet, au lieu d'articuler vocalement des syllabes, sup- posons que nous nous contentions de les penser ou de les arti- culer mentalement ; la contraction musculaire sera éliminée, et la fréquence de cette articulation mentale indiquera le rythme cérébral, au lieu d'indiquer le rythme musculaire. Or Fexpérience nous a prouvé qu'on arrive exactement au même chiffre par l'articulation mentale que par l'articulation ver- bale ; par exemple, dans une série de six expériences (prises entre beaucoup d'autres), dont chacune a duré une minute, nous avons trouvé en syllabes pensées par seconde, 10,4; 10,9; 9,2; 8,9; 9,6; 10,2; en moyenne 10 par seconde, avec des écarts relativement faibles. Nous avons fait la même expé- rience, en pensant une gamme musicale aussi rapidement que possible, sans pouvoir dépasser le chiffre de 11 par seconde. Nous arrivons donc à cette conclusion intéressante, que le minimum de durée d'un acte psychologique est de 0^,09. On remarquera combien ce chiffre coïncide avec la durée de la période réfractaire, voisine de 0%1, dans les conditions normales. La durée minimum d'une opération intellectuelle volon- taire paraît donc être d'un dixième de seconde (environ). Aussi proposons-nous d'appeler ce temps, qui mesure la durée de l'acte cérébral le plus rapide que nous puissions exécuter, l'imité psychologigue du temps. Il ne nous est pas possible d'avoir plus de dix volitions par seconde, plus de dix pensées ou images motrices discontinues. Si l'on admet qu'une opération intellectuelle simple (réac- tion à l'excitation périphérique) exige environ 0*,14, pour les excitations acoustiques, qui sont les plus rapides, on voit que ce chiffre correspond très bien au chiffre qui nous paraît repré- senter la durée de la vibration cérébrale. En effet, dans l'acte élémentaire de 0^14, qui consiste à répondre par un mouve- ment à un signal acoustique, la transmission centrifuge dans la moelle et dans les nerfs moteurs du bras prend 0^02; le temps perdu des muscles 0%01 ; et la transmission centripète TOME V. 9 130 A. BROCA ET CH. RICIiET. de la membrane de Gorti au cerveau 0%01. Reste 0%10 pour la réaction cérébrale proprement dite. Nous nous trouvons donc amenés à une conception, très nette, en quelque sorte nouvelle, sur la nature des phéno- mènes d'innervation. La cellule nerveuse répond à l'excitation par une vibra- lion, vibration qui a une phase positive et une phase négative de retour à l'équilibre. Cette phase négative, c'est la période réfractaire, de même que la phase positive est la période d'addition. Cette vibration (doublej a une durée totale d'environ un dixième de seconde. Il s'ensuit que les actes cérébraux dis- continus (volition ou perception) ne peuvent dépasser le nombre de 10 par seconde. Gela ne présume rien d'ailleurs sur la nature de l'énergie mise en jeu dans les phénomènes nerveux et, entre autres, n'implique pas,malgTéles assimilations que nous avons faites pour fixer les idées, qu'ils soient de nature électrique. Nous ne pouvons même dire s'ils se produisent par l'intermédiaire de la matière même du nerf ou par celui de l'éther lumineux. Si la première hypothèse semble corroborée par la faible vitesse de propagation de ces phénomènes (30 mètres par seconde) et la grandeur de la période (0%1), n'oublions pas que la conduction se fait par le tube nerveux, qui a des di- mensions infiniment petites, ce qui suffit à faire mettre en doute tous les résultats des expériences faites sur des corps de dimensions finies. Nos expériences s'expliquent donc par la seule existence d'un champ de force nerveux, sans rien indiquer sur sa nature. VI EFFETS QUE L'ASPHYXIE ET L'ANÉMIE DU CERVEAU EXERCENT SUR l' EXCITABILITÉ CORTICALE Par A. Broca et Ch. Richet L — Nous avons essayé de déterminer l'influence que la privation d'oxygène ou la privation de sang exercent sur l'excitabilité corticale. On sait que les faits relatifs à ces influences, très bien exposés dans l'ouvrage de Fr. Franck [Fondions motrices du cerveau, 1887, p, 349-388), sont assez contradictoires. La méthode employée par nous, c'est-à-dire l'excitation par des électrodes à position fixe, permet de résoudre quel- ques-unes des questions afférentes à ce sujet et d'observer les phases de l'asphyxie et de l'anémie qui se traduisent par des variations dans l'intensité des réponses, variations que l'on peut enregistrer graphiquement. II. — Si l'on fait l'asphyxie d'un chien chloralosé en liant la trachée, on voit, après une période d'hyperexcitabilité très courte (et qui manque parfois), dès la seconde minute, 132 A. BROCA ET CH. RICHET. les secousses musculaires devenir de plus en plus faibles ; vers la troisième minute, elles ont totalement disparu, et cependant le cœur de l'animal continue à vivre, et à donner des systoles énergiques (mais très rares). Pendant la qua- trième, la cinquième et la sixième minute, le cœur continue à battre, et, naturellement, l'excitabilité cérébrale ne reparaît pas. Il s'ensuit — ce que d'ailleurs on pouvait facilement prévoir, d'après les notions élémentaires de physiologie générale — que l'oxygénation du sang est une condition nécessaire à l'intégrité de la fonction cérébrale, et que l'exci- tabilité du cerveau est plus délicate, plus fragile que celle du cœur et celle des muscles. L'étude du retour à l'excitabilité antérieure est intéres- sante; car elle permet de constater deux faits assez imprévus. A. Le retour au statu quo ante n'est pas graduel, mais rythmique. Il se fait par périodes : soudain, on voit l'excita- bilité croître, puis diminuer, puis disparaître, pour reparaître une demi-minute après; B. il faut un très long temps, parfois une demi-heure, pour qu'il y ait retour à l'état normal. Mais les phénomènes post-asphyxiques, quoique assez prolongés, sont loin d'être aussi marqués que dans le muscle qui a clé soumis à des contractions anaérobios. Dans ce dernier cas, en effet, nous avons une fois constaté que, sept heures après le travail anaérobie, le muscle était resté tout à fait inexcitable, dans un état voisin de la rigidité cadavé- rique. Au contraire, le cerveau, qui cesse de fonctionner beau- coup plus vite, revient assez vite à une excitabilité notable, quoique celle-ci reste longtemps inférieure à ce qu'elle était avant l'expérience. Ajoutons aussi ce fait important que l'excitabilité ne revient pas dans le cerveau par un accroissement régulier, mais avec des alternatives plus ou moins rythmiques d'augmentation et de diminution. ASPHYXIE ET ANÉMIE DU CERVEAU. 133 III. — En faisant l'anémie brusque et totale du cerveau, nous obtenons les mêmes phénomènes que par l'asphyxie; mais ils sont d'une extrême rapidité. 11 faut trois minutes d'aspbyxie pour obtenir l'inexcitabilité du cerveau, il suffit de trente secondes d'anémie pour obtenir le même effet. Nous arrivions à l'anémie cérébrale, tantôt en excitant les bouts périphériques des deux pneumogastriques, tantôt en ouvrant le thorax, en faisant la respiration artificielle et en comprimant, avec la main, le tronc brachio-céphalique et la carotide primitive, ce qui abolit à peu près absolument toute circulation dans l'encéphale. Dans l'un et l'autre cas, asphyxie et anémie, la cause de cette mort passagère du tissu nerveux est probablement la même : c'est l'absence d'oxygène. Mais dans l'asphyxie, comme la circulation continue, et comme il y a encore de l'oxygène dans le sang au moins pendant les premières minutes de l'asphyxie, l'anoxhémie n'est pas aussi absolue et aussi rapide que lorsque est supprimée la circulation dans le cerveau. Quant au retour de l'excitabilité normale , il se fait comme après l'asphyxie, plus rapidement peut-être. Ces expériences prouvent donc directement ce qu'on soupçonnait déjà par l'étude des phénomènes réflexes, à savoir quil n'y a pas de vie anaérohie du système nerveux central; mais, au contraire, que l'intégrité de sa fonction nécessite une circulation active avec un sang oxygéné. Elles prouvent aussi que toute interruption de la circu- lation et de l'irrigation cérébrales produit des troubles post- asphyxiques ou post-anémiques assez prolongés. IV. — D'autres expériences nous ont prouvé que le sys- tème cérébral est d'une sensibilité exquise à Faction des anes- thésiques. Des doses faibles, plus faibles qu'on ne pourrait le croire, presque des traces, de chloroforme, d'éther, de chloral, de morphine, modifient énormément l'excitabilité cérébrale. A34 A. BROCA ET CH. RICHET. De plus, leur action est prolongée, et, au bout d'une heure et davantage, on observe encore les effets dus à Tinha- lation de quelques traces de chloroforme ou d'éther. Bien entendu, il s'agit d'animaux chloralosés; mais le chloralose. aux doses que nous avons employées, ne paraît pas avoir autant d'influence sur l'excitabilité cérébrale que les vrais anesthésiques. VII UN CARACTÈRE DISTINCTIF DU RÈGNE VÉGÉTAL ET DU RÈGNE ANIMAL Par M. Ch. Richet. Il est impossible de considérer Je mouvement comme le caractère qui sépare les animaux et les plantes, et cette dif- férenciation établie par Linné n'a plus de raison d'être, puis- que les végétaux, algues et schizomycètes, sont animés de mouvements pendant la période embryonnaire, et parfois même pendant toute leur existence. On peut cependant établir une sorte de caractéristique des deux règnes, si tant est qu'ils soient aussi nettement sépa- rés qu'on se l'imagine, par leur manière d'être vis-à-vis des poisons. 11 m'a paru que les sels de potassium et de sodium peu- vent servir à cette différenciation. Les sels de potassium sont très toxiques pour les verté- brés. Avec les grenouilles, les poissons, les mammifères, les oiseaux, l'expérience est facile à faire. Résumant les nom- breuses recherches que j'ai faites sur ce point, je trouve que 136 . GH. RICHET. la dose toxique du potassium (en poids de mêlai, par kilo- gramme d'animal) est d'environ 0?'',4o. CHLORURE liROMURE lODURE Grenouilles 0,500 » » Tortues 0,480 » » Tanches 0,4bO 0,590 0,500 Pigeons 0,320 0,410 0.230 Cobayes 0,oj8 0,400 0,380 Moyennes. . . 0,500 0,450 0,370 Moyenne générale = 0 gr. 45.j. Il fautau contraire des doses énormesdeselsdesodiumpour tuer ces animaux ; si bien qu'on peut estimer à 4 grammes environ par kilo la quantité de sodium qui fait mourir un vertébré. Autrement dit, le potassium est dix fois plus toxique que le sodium. On peut faire l'expérience d'une manière tout à fait dé- monstrative en plaçant dans Teau de mer une petite quantité de chlorure de potassium. A 1 gramme de chlorure de potas- sium par litre, la mort du poisson survient en trois ou qua- tre heures, et, à 3 grammes, la mort est très rapide, et sur- vient en une demi-heure environ. Cependant, l'eau de mer contient à peu près 40 grammes de chlorure de sodium: par conséquent le chlorure de potassium est 40 fois plus toxique que le chlorure de sodium, au moins. Pour les invertébrés, je n'ai expérimenté que sur les mol- lusques (limaçons) et les arthropodes (crustacés). La dose toxique est la même que pour les vertébrés. A côté de cette toxicité extrême du potassium (par rap- port au sodium) chez les animaux, il faut placer la notable toxicité du sodium (par rapport au potassium) chez les végé- taux, ou sinon la nocivité des sels de sodium, au moins l'in- nocuité des sels de potassium. Les botanistes et les agriculteurs savent que les sels de RÈGNE VÉGÉTAL ET RÈGNE ANIMAL. 137 potasse sont favorables aux plantes, tandis que les sels de soude leur sont funestes ^ L'expérience est intéressante à faire avec les schizomy- cètes et les microbes qui, jadis, avaient été, à cause de leur mobilité, considérés comme des animaux. En réalité, ils se comportent vis-à-vis des sels de potassium et de sodium comme des végétaux, en ce sens que des doses très fortes de sels de potasse n'arrêtent pas les fermentations micro- biennes, tandis que des doses même modérées de sels de soude exercent déjà un très notable ralentissement. (Les salaisons des denrées alimentaires pour conservation sont une appli- cation pratique vulgaire de cette valeur antiseptique des sels de sodium.) On peut maintenant se demander pourquoi cette diffé- rence. Il est possible qu'elle soit due à la présence d'un sys- tème nerveux, lequel subit l'action toxique des sels de po- tassium. En effet, les sels d'ammoniaque et les alcaloïdes ou les ammoniaques composées sont poisons des cellules ner- veuses. Le fait que le potassium est plus toxique que le sodium indiquerait donc que, dans l'organisme sur lequel on expéri- mente, il y a un système nerveux. Au lieu de déceler la pré- sence d'un système nerveux par des réactifs colorants, comme les anatomistes et les histologistes essayent de le faire, on révèle l'existence de cellules nerveuses par la sensibilité à l'action d'un poison ; et probablement la conclusion serait la même. La précision serait même plus grande ; car la réaction aux poisons est moins sujette à l'erreur et d'une observation plus facile que la constatation anatomique de cellules ner- veuses dans les tissus. Là oii il y a système nerveux, le po- tassium est plus toxique que le sodium, tandis que, pour les 1. A. Chatin avait, dès 1851 [Bull, de la Soc. bot.); nettement insisté sur cette différence d'action des sels de potassium et des sels de sodium vis-à- vis des plantes. 138 CH. RICHET. cellules non nerveuses, la toxicité du sodium est plus grande que celle du potassium. Reste la question de savoir s'il suffit qu'il y ait un sys- tème nerveux pour conclure qu'il s'agit d'un animal, et s'il suffit qu'il n'y ait pas de système nerveux pour que la cellule vivante soit considérée comme appartenant au règne végétal. Peut-être cette séparation des deux règnes est-elle quelque peu artificielle. Toutefois j'admettrais volontiers qu'on peut classer les êtres vivants en deux groupes bien nets: 1" Êtres à système nerveux, ou animaux, pour qui le potassium (avec l'ammoniaque et les alcaloïdes) est plus toxique que le sodium. 2" Etres sans système nerveux ou sans cellules nerveuse, ou végétaux, pour qui le potassium est moins toxique que le sodium. VIII L'OEUVRE DE PASTEUR ET LA CONCEPTION MODERNE DE LA MÉDECINE Par Ch. Richet'. Ce n'est pas sans quelque émotion que je prends la parole ici, daas cette savante assemblée. Je sais, en effet, que je m'adresse à des hommes qui ne sont pas mes concitoyens. Mais, parmi eux, les uns, enfants de notre vieille nation gau- loise, ont la même langue maternelle que nous; ils parlent dès l'enfance notre chère langue française ; ils sont donc un peu plus que mes concitoyens, ils sont mes compatriotes; et je me sens animé pour eux d'une affection toute fraternelle . Quant à nos confrères anglais, ils nous ont témoigné tant de bienveillance et une si délicate courtoisie que je n'ai aucun effort à faire pour les assurer de toute ma profonde reconnais- sance. En un mot, quoique étranger, il me semble que je me trouve ici parmi des an as. 1. Conférence faite à 1 Université de Laval (Montréal), le 31 août 1896. UO CH. RICHEÏ. Et puis, ce qui achève de me troubler, c'est que Je m'a- dresse à des médecins et que je parle dans un Congrès médical. Or, si j'appartiens quelque peu à la grande famille médicale, puisque mon père a illustré la profession par son labour et par ses œuvres, et puisque j'ai le grand honneur d'être délégué de la Faculté de médecine de Paris, pourtant je ne suis pas médecin; il y a donc quelque témérité à un physiologiste de venir parler devant vous des choses de la médecine. Mais, cependant, j'ai une excuse : c'est que je voudrais tenter une complète réconciliation entre la médecine et la science. Il semble à première vue qu'une pareille tentative est inutile. Il n'en est rien, Messieurs. On trouverait assuré- ment dans le monde médical, ailleurs qu'en cette assemblée, j'en suis certain, des médecins déclarant nettement que la médecine et la science ne sont pas faites pour s'entendre ; que toutes ces sciences dites accessoires, la physique, la chimie, la physiologie, représentent, dans l'enseignement moderne, un bagage encombrant dont le clinicien n'a que faire. Oui, il y a de par le monde des médecins, même fort instruits, qui diraient encore : « Qu'ai-je à faire de toute votre science ex- périmentale? L'observation du malade et la clinique valent mieux que vos savantes expérimentations, et ce ne sont pas vos laboratoires qui nous apprendront les moyens de guérir nos malades. » Une pareille affirmation me paraît tout à fait erronée, et je voudrais, avec toute l'énergie dont je suis capable, con- tribuer à la renverser. Je prétends que c'est par la science expérimentale seule que la médecine a fait et pourra faire des progrès; et, pour en donner une démonstration éclatante, il me suffira de vous exposer l'œuvre de Pasteur, mon illustre maître. Je ne serai pas démenti en disant que cette œuvre est supérieure à tout ce que nous donne l'histoire de la médecine, depuis le commencement des siècles. Par lui, tout a été renouvelé, régénéré; la médecine, grâce à lui, en vingt ans, L'ŒUVRE DE PASTEUR.. 141 a fait plus de progrès qu'elle n'en avait fait en vingt siècles. Un illustre historien, Victor Duruy, me disait un jour : '< Si j'avais à faire l'histoire du monde, je la diviserais en deux parts : le monde avant les chemins de fer, le monde après les chemins de fer. » De même pour l'histoire de la mé- decine ; je dirais qu'elle se divise en deux époques : la médecine avant Pasteur, et la médecine après Pasteur. Louis Pasteur naquit dans le Jura, à Dole, en 1821, et tout d'abord il se consacra à l'étude de la chimie. Il se passionna pour un problème difficile et important : la dissymétrie molé- culaire. C'était là une question de chimie pure, très éloignée de toute question médicale, mais elle devait conduire Pasteur directement à l'étude des fermentations. Lorsqu'on abandonne à elle-même une solution d'acide tartrique, à l'état de tartrate, il se produit, au bout de quel- que temps, dans la constitution chimique du liquide, un changement qui avait passé inaperçu- La solution première n'avait pas d'action sur la lumière polarisée; mais, après fer- mentation, cette même solution est devenue capable de dévier la lumière polarisée. Pasteur explique le phénomène en mon- trant que l'acide tartrique primitif est un mélange d'acide déviant à droite et d'acide déviant à gauche la lumière; que, par conséquent, il se produit un phénomène de dédoublement et de partielle décomposition; un des deux acides est détruit et l'autre n'est pas altéré, de sorte que Faction sur la lumière polarisée devient manifeste, car elle était masquée par le mélange des deux acides. C'était là une expérience capitale. On raconte que, lorsque le jeune Pasteur voulut la montrer à BiOT, le grand physicien qui avait découvert les phénomènes de polarisation rotatoire, le vieux savant prit la main trem- blante du jeune homme, et, avant de commencer l'examen optique des cristaux que lui soumettait Pasteur, lui dit, les larmes au yeux : « Mon cher enfant, j'ai tant aimé les sciences que, devant la belle expérience que vous m'annoncez, je ne peux me défendre d'être ému. » 142 CH. RICHET. Si l'acide tartrique est ainsi dédoublé, c'est qu'il se pro- duit une fermentation; par ce mot de fermentation, dont on ignorait le sens, on croyait avoir tout expliqué. Mais ce mot magique et mystérieux ne représentait rien, et ne voulait rien dire. Ni Lavoisier, ni Liebig, ni Frémy n'avaient pu en dé- couvrir le sens, et on en étaitréduit àla théorie d'une matière hémi-organisée, conception enfantine, digne de Paracelse. Une expérience de Pasteur, la plus belle peut-être de son œuvre, vient démontrer la nature de cet inexplicable phéno- mène. Si l'on abandonne à elle-même une solution sucrée avec du carbonate de chaux, au bout de quelque temps, il se manifeste une effervescence : de l'acide carbonique se dégage, et de l'acide lactique se forme, décomposant le carbonate de chaux, pour former du lactate de chaux ; l'acide lactique se produit aux dépens du sucre qui disparaît peu à peu. Mais quelle est la cause de cette transformation du sucre en acide lactique? Eh bien! Pasteur montra qu'une légère couche de matière organisée était la cause efficiente de cette action chimique, et que cette couche de matière organisée était constituée par des organismes mobiles, extrêmement petits, augmentant en nombre à mesure ([ue la fermentation se développe. C'est donc leur végétation qui produit le phé- nomène de la transformation du sucre de lait en acide lac- tique. Que l'on prenne, par exemple, une solution sucrée dont la chaleur a détruit tous les germes préexistants, nulle fer- mentation lactique n'aura lieu ; mais, si l'on vient, dans le liquide stérile, à introduire une parcelle de cette couche de matière organisée (et on peut la prendre dans tout liquide où se produit une fermentation lactique normale), on verra aussitôt l'acide lactique se former rapidement dans la nou- velle solution. La matière organisée, avec ces organismes, a été la cause directe de la fermentation lactique. Arrêtons-nous sur cette admirable expérience. Elle nous paraît aujourd'hui tellement simple qu'il nous faut un grand L'OEUVRE DE PASTEUR. 143 eiïort d'imagination pour en saisir la portée. Il nous semble, en 1897, que, de tout temps, on a dû savoir qu'une solution organique, chauffée, était stérile, et qu'un germe suffisait pour la rendre capable de fermentation. Mais quelle singu- lière illusion ! Non, mille fois non ! Ce grand fait de la gé- nération par des germes était absolument inconnu avant Pasteur ; et le fait de la stérilisation des liquides et de leur ensemencement par des spores ne nous a été révélé que par Pasteur. La caractéristique des grandes découvertes, c'est qu'elles se vulgarisent en peu de temps et qu'elles deviennent bien vite élémentaires. Un étudiant en médecine de première année connaît parfaitement ce que ni Lavoisier, ni Liebig, ni Frémy, ni personne avant Pasteur, n'avaient su voir. On est toujours tenté d'être ingrat envers les grands créateurs, car leur création tombe rapidement dans le domaine public. Elle devient tellement simple qu'on ne s'étonne plus, qu'on ne songe pas à la reconnaissance, qu'on oublie les efforts que le génie a dû faire pour arracher cette vérité à la jalouse na- ture. Ne soyons donc pas ingrats, et reconnaissons que la cause même de toute fermentation (développement et ger- mination d'êtres organisés) date de 1837, et du travail de Pasteur sur la fermentation lactique. C'était un monde nouveau qui s'ouvrait à la science. Pourtant, ce mémoire de Pasteur, qui établissait une des découvertes fondamentales du siècle, ne fut pas accueilli comme il devait l'être, ou plutôt il subit le sort commun des grandes découvertes. D'abord, on n'en comprit pas la portée, et ensuite on lui opposa des contradictions ridicules. Il fal- lut toute une nouvelle série de belles et de décisives expé- riences pour démontrer qu'il n'y avait pas de générations spontanées et que les liqueurs stériles restaient définitivement stériles tant qu'on n'y introduisait pas de germes. Pasteur consacra six années à la démonstration de ce fait capital (1837-1863): « Les liqueurs organiques ne s'altèrent que lorsqu'un germe 14i CH. lUCHET. vivant vient à y être introduit, et les germes vivants sont partout. » Un grand pas restait encore à faire : c'était de déterminer l'évolution de ces germes, non plus dans les liquides in vitro, mais dans les organismes vivants eux-mêmes. Nous, à qui est maintenant si familière l'idée du parasi- tisme et des infections microbiennes, nous avons peine à concevoir d'autres opinions. Nous sommes tentés de nous imaginer que, même du temps d'HippocRAiE, on connaissait déjà le rôle des microbes, tant l'idée de microbes est deve- nue banale et populaire ; mais vraiment, il n'en est pas ainsi, et, bien longtemps après Hippocrate, on ne soupçon- nait ni l'existence, ni la puissance des microbes. C'est Pasteur qui nous en a le premier expliqué le rôle. Il a le premier montré que le microbe est l'agent des mala- dies ; et il en a donné une admirable démonstration en étu- diant on 1867 la maladie des vers à soie. Il prouva alors que les corpuscules brillants qu'on trouve dans les corps des vers à soie malades sont des germes vivants, une espèce vivante particulière, un parasite, qui peut se développer, se repro- duire, déterminer la maladie et répandre la contagion. Ce n'est donc pas sans un douloureux étonnement que j'ai entendu récemment M. Marshall Ward dire que la décou- verte du rôle des micro-organismes dans les maladies était due à Kocn et datait de 1876. Or, depuis dix ans. Pasteur avait publié ses expériences sur la pébrine et la flacherie. Lister, appliquant à la chirurgie les idées de Pasteur, avait fait cette révolution admirable de la chirurgie, qui a sauvé tant d'existences. Même, avant Pasteur et Lister, Davaine avait montré le rôle des bactéridies dans l'infection charbon- neuse. La notion de l'infection et de la contagion par les mi- crobes, chez les animaux supérieurs comme chez les animaux inférieurs, était donc devenue absolument banale, sinon dans le monde médical, du moins dans tous les laboratoires. L ŒUVRE DE PASTEUR. liri Ainsi, successivement, l'œuvre de Pasteur se développe dans toute sa splendeur et sa logique. D'abor^, pour élucider un problème de chimie, il étudie la fermentation tartrique, puis il est conduit à étudier Ja fermentation lactique, et il prouve que toutes les fermentations sont des phénomènes biologiques. Il pousse alors l'analyse scientifique dans toutes ses conséquences et arrive à concevoir cette grande et simple loi que la maladie des êtres vivants est produite par le déve- loppement d'un parasite . L'être, qui poursuit son évolution sans qu'aucun orga- nisme parasite se développe dans ses tissus et dans ses hu- meurs, est normal : il n'est pas malade. Mais, si ses humeurs ou ses tissus viennent à être ensemencés par un organisme capable de développement, alors le petit être se multiplie ; l'être supérieur est infecté, et le corps tout entier est devenu comme un bouillon de culture dans lequel le microbe patho- gène se propage, foyer d'infection qui répand le mal au loin en semant les germes nocifs sur son passage. De là la conception nouvelle, et profondément nouvelle, non seulement de la médecine et de la chirurgie, mais encore de l'hygiène. La maladie, c'est le 'parasitisme. A partir de ce moment, on a compris le sens de ces mots, restés jusque-là mystérieux : infection et contagion. Assurément, ce n'est pas Pasteur qui a découvert tous les microbes de toutes les maladies contagieuses. Mais peu importe, puisqu'il a découvert le premier que l'infection était un phénomène de parasitisme microbien. Tous ceux qui, après lui, ont démontré quelque fait de détail, si important qu'il soit, n'ont fait que suivre le sillon tracé par le Maître. Qu'ils le veuillent ou non, ils sont tous des élèves de Pasteur, comme tous ceux qui font de la chimie sont des élèves de Lavoisier. Le plus grand des disciples de Pasteur, Rorert Koch, quoiqu'il se refuse, avec quelque ingratitude, à reconnaître son maître, n'a fait que perfectionner certains points de la TOME V. 10 146 CH. RICHET. technique, et appliquer son ingéniosité et sa perspicacité pénétrante à la solution de questions secondaires (secon- daires en théorie, si elles sont importantes dans la pratique). Malgré tout, Kocn n'a pu faire du nouveau que sur des points de détail ; tout ce qui est essentiel vient de Pasteur lui- même. Ai-je besoin de vous dire que cette notion du microbe, du parasite est devenue la base de la médecine? Que l'on prenne les traités de pathologie, écrits avant cette prodi- g'ieuse révolution, et on sera stupéfait de l'insignifiance et du néant de ces très vieux livres. Ils ne sont pas bien anciens, pourtant, puisqu'ils datent de 1875 ou de 1880 ; mais il sem- ble, à les lire, qu'il y ait plusieurs siècles d'intervalle entre ces vénérables écrits et les livres modernes. Je connais tel excellent article sur la tuberculose, écrit en 1878, avant que le microbe de la tuberculose eût été découvert, eh bien! cet article est d'un autre âge ; il faut le laisser parmi les in-folio gothiques du seizième siècle, dont personne ne vient plus remuer la poussière; il n'appartient plus à la médecine, mais à l'histoire de la médecine, tant il fourmille d'ignorances , d'erreurs invraisemblables, aux points de vue de l'anatomie pathologique, de l'étiologie, de la^prophylaxie, du traitement, à tous les points de vue enfin. Eu dix ans, la médecine tout entière a été bouleversée et refaite. Môme elle se refait chaque jour. Chaque jour amène une découverte de détail, mais le grand principe est toujours là, et il faut le rapporter toujours au même initiateur. Ce n'est pas tout. Une autre grande découverte devait être faite par Pasteur lui-même et constituer le développe- ment suprême, et comme le point culminant de son œuv re : c'est le principe de la vaccination. Dans une série de recherches admirablement précises, Pasteur prouve que le microbe pathogène peut être atténué, c'est-à-dire rendu incapable de donner la mort; mais, si ce microbe ne donne pas la mort, encore peut-il donner la ma- L'ŒUVRE DE PASTEUR. 147 ladie; maladie atténuée parfois au point d'être presque insai- sissable. Or l'être qui a été atteint de cette maladie atténuée est protégé contre la même maladie dans sa forme grave. Empruntant alors le mot glorieux qui consacre l'immortelle découverte de Jenner, Pasteur a dit qu'il y avait vaccination. Fermentation^ infection, contagion, vaccination, voilà, résumée en quatre termes, toute l'œuvre de Pasteur. Que dirai-je de plus? est-ce que ces quatre mots, dans leur sim- plicité, ne sont pas d'une éloquence sans égale ? Peut-on maintenant soutenir que le progrès en médecine n'est pas dû aux sciences expérimentales ? Est-ce que toutes nos connaissances sur les microbes et sur leur rôle dans les maladies n'entraînent pas immédiatement et fatalement des progrès immenses dans la thérapeutique ? Pour n'en prendre qu'un exemple, je citerai l'application des théories microbiennes à la chirurgie. II fut un temps où l'érysipèle, l'infection purulente, le tétanos, la pourriture d'hôpital, la gangrène, décimaient les opérés, où l'infection puerpérale frappait un nombre effrayant de victimes. Il nous semble, aujourd'hui, que les médecins d'avant 1868 avaient un bandeau devant les yeux, et que leur aveuglement était presque criminel. Grâce à Pasteur, grâce à vous, lord Lister, ces époques barbares ne sont plus que des souvenirs historiques ^ Triste histoire, sans doute, mais qu'il faut envisager froidement pour comprendre ce que peut faire la science dans la médecine, et pour pouvoir adresser aux rénovateurs toute notre reconnaissance et notre admi- ration . Livrés à leur seule force, les médecins, pendant de longs siècles, n'ont rien pu ni contre l'érysipèle, ni contre Finfec- , tion purulente, ni contre l'infection puerpérale ; mais, appuyée sur la science, la chirurgie a pu triompher de ces odieuses maladies et les reléguer dans le passé. 1. Lord LisTEiî assistait à cette conférence. 148 CH. RICHET. Mais l'apogée de la gloire de Pasteur, c'est la découverte du nouveau traitement de la rage. Aucune de ses conquêtes scientifiques ne fut plus populaire ; il y eut alors dans la France et dans le monde tout entier un long cri d'admiration. Peut-être, aux yeux des biologistes, cette découverte a-tyclle moins d'importance que les travaux sur les fermentations et les vaccinations ; mais, pour le public, ce fut la partie prin- cipale de l'œuvre de Pasteur, et quant aux savants, ils lurent forcés d'admirer le courage scientifique de Pasteur qui, abandonnant les méthodes techniques qu'il avait enseignées et découvertes, a su, pour répondre aux exigences des faits, imaginer des méthodes différentes, tout à fait différentes, et remporter ainsi une nouvelle victoire. Maintenant l'œuvre de Pasteur était terminée. Il put assister au triomphe de ses idées et être témoin de sa gloire, v^'il a parfois, dans les premiers temps, connu, comme tant de créateurs, les luttes et les haines, et les querelles mes- quines, et les objections stupides, il n'a pas eu cependant à déplorer l'ingratitude des hommes. Il est mort plein de gloire, entouré d'admiration, de respect et d'amour. La pos- térité, quand il mourut, avait déjà commencé pour lui. Et maintenant, revenons à l'union de la médecine et de la science. C'est là, en effet, ce qui doit nous frapper dans l'œuvre de Pasteur ; ce n'est pas simplement quanta la bio- logie générale et aux progrès de nos connaissances, que son œuvre est grande, c'est encore par ses applications pratiques immédiates. Les grands biologistes de notre siècle, Lavoisier, Claude Bernard, Darwin, ont assurément laissé une œuvre qui, dans la conquête des vérités nouvelles, n'est pas infé- rieure à l'œuvre de Pasteuk ; mais ces nouvelles vérités ne ^ comportent pas une application pratique immédiate, comme le font l'antisepsie, le traitement de la rage, la vaccination charbonneuse, la prophylaxie des maladies virulentes. Or PasTEUR n'est pas seulement un savant, c'est encore un bien- i L'œuVRE DE PASTEUR. 149 t'aiteur ; et il n'y a guère à lui comparer, dans le passé, au point de vue du soulagement apporté aux douleurs humaines, que JE^îNER, qui a su préserver des millions et des millions d'individus de la plus hideuse des maladies. Aussi bien a-t-il orienté la médecine dans la voie franche- ment scientifique. Après Magendie, Muller, Schwann, Claude Bernard, on pouvait encore se demander si toutes ces expéri- mentations, consacrant tant d'importantes vérités, avaient réellement quelque profit pour soulager les malades. Décou- vrir, comme Schwann, que les êtres vivants sont un agrégat de cellules; prouver, comme Claude Bernard, que le foie fabrique du sucre; établir, comme Darwin, que les espèces vivantes peuvent se transformer par les variations longue- ment accumulées du milieu, ce sont des faits admirables, mais des faits de science pure qui n'entraînent pas de con- séquence thérapeutique immédiate. A la rigueur, il était donc possible de prétendre que la médecine clinique ne reti- rait aucun profit de pareilles investigations; je ne pense pas un instant que cette opinion ait l'ombre d'un fondement; mais elle n'était pas, avant Pasteur, aussi absurde qu'elle l'est devenue après Pasteur. Après Pasteur, on ne peut plus, sous peine de mons- trueuse ineptie, refuser droit de cité dans la médecine à l'expérimentation et à la biologie. Et, à vrai dire, dans ces quinze dernières années, les savants et les biologistes, comme si leur ardeur eût été doublée par la rénovation des idées médicales, ont fait des découvertes qui ont apporté à la science médicale des élé- ments nouveaux, que la clinique seule eût été absolument impuissante à découvrir. Je citerai quelques exemples : l'action de la glande thyroïde, les rayons Rœntgen, le diabète pancréatique et la sérothérapie. Les physiologistes avaient, depuis longtemps, établi que l'ablation de la glande thyroïde entraine des accidents graves. 150 CH. RICHET. Maurice Schiff avait établi le fait dès 1857, mais l'explication de ce fait ne devint claire que lorsque Claude Bernard, puis surtout Brown-Séquard, purent démontrer qu'il y a des sécré- tions internes, des glandes déversant leurs produits dans le sang^, et probablement neutralisant certaines substances toxiques. De là est venue, tout naturellement, l'idée à Vas- sale, en Italie, et à Gley, en France, dinjecter aux animaux, dont le corps thyroïde a été enlevé, le suc thyroïdien; ce qui permet de prolonger leur existence. La conclusion thérapeu- tique était formelle; c'était de traiter les malheureux atteints de crétinisme et d'affections du corps thyroïde par des extraits du corps thyroïde soit en injection, soit en ingestion : vous savez que le résultat a été très heureux. Ce nouveau traitement était une expérimentation véri- table, et il s'est trouvé alors que, comme dans toute expéri- mentation, le résultat a été un peu différent de ce qu'on attendait. L'injection de thyroïdine n'est pas seulement un traitement du goitre et du crétinisme, c'est encore un traite- ment, parfois merveilleusement efficace, de l'obésité. La découverte des rayons Rœntgen a excité |un enthou- siasme général, et, de fait, c'est une des plus grandes conquêtes de la physique contemporaine. Ce n'est pas assuré- ment une découverte médicale. C'est dans un laboratoire de physique que la recherche a été faite et que le succès a été obtenu. Or vous n'ignorez pas que ces rayons Rœntgen sont appelés à jouer, sinon dans le traitement, au moins dans le diagnostic des maladies, un rôle dont l'importance va crois- sant chaque jour. Les physiciens ont trouvé le principe : c'est aux médecins à en poursuivre l'application. Le diabète pancréatique avait été, depuis 1867, soupçonné par un habile clinicien, Lancereaux; mais les moyens de clinique et d'anatomie pathologique dont il disposait ne lui permettaient pas de pousser cette étude plus avant; malgré sa perspicacité, il ne put faire autre chose que de constater un certain rapport entre le diabète et les lésions du pancréas L'OEUVRE DE PASTEUR. . 151 trouvées à l'autopsie. Comment savoir davantage si l'on n'a pas la ressource de l'expérimentation? Deux physiologistes, Mering et MiNKOwsKi, ont pu montrer que l'ablation du pancréas détermine fatalement la glycosurie, qu'il y a donc un diabète pancréatique, et ils en ont très habilement étudié les diverses conditions. J'arrive maintenant à la sérothérapie, conséquence directe des travaux de Pasteur. C'est une méthode de traitement née de l'expérimentation seule. Là, encore, la science a fait pour l'art médical ce que jamais la clinique, réduite à ses propres forces, n'aurait pu faire. Yous me permettrez ici de vous exposer comment la sérothérapie dérive directement de la physiologie et de l'expérimentation, et vous me pardonnerez si je suis forcé de parler de moi; mais ce sera, je l'espère, sans aucune vanité. Je sais parfaitement que nous devons à nos prédécesseurs et à nos émules toujours beaucoup plus que notre orgueil le suppose. Enfin le hasard y joue son rôle, et un rôle assez im- portant, comme dans toutes les choses humaines. Oui, je sais que les expériences et les idées qui réussissent ne sont pas toujours celles qui ont été le plus méthodiquement con- çues. Chauveau avait démontré que les moutons français sont capables de contracter la maladie charbonneuse, et que, si l'on injecte de petites quantités de Bacillus anthracis sous la peau, très facilement l'organisme de l'animal est infecté par le Bacillus anthracis, microbe du charbon. Mais les mou- tons alg'ériens semblent préservés contre la maladie. Vaine- ment on leur injectera du Bacillus anthracis : ils ne contrac- tent pas le charbon; ils sont réfractaires à cette maladie, et' doués vis-à-vis d'elle d'une remarquable immunité. Réfléchissant à ce fait étrange, je fis cette hypothèse que la cause de l'immunité des moutons algériens, absolument semblables, aux points de vue anatomique et zoologique, aux moutons français, résidait dans les substances chimiques V62 CH. RICHET. contenues dans leur sang. Par conséquent, on peut espérer donner l'immunité aux moutons français en leur faisant une transfusion du sang- des moutons algériens. Mais l'expérience était difficile à faire sur des moutons. Alors, avec mon ami Héricourt, qui a été, dans toutes ces recherches, un collabo- rateur assidu, nous primes deux animaux d'espèce diiïérente, ordinaires victimes des physiologistes, les lapins et les chiens. Précisément, nous venions d'étudier un microbe très voi- sin du Staphylococcus albus^ le Staphylococcus pyosepticus, qui a la propriété de déterminer chez les lapins d'énormes tumeurs sous-cutanées quand il est injecté sous la peau, et d'amener la mort en vingt-quatre ou trente-six heures. Au contraire, le chien paraît à peu près réfractaire à l'inoculation de ce microbe. Nous essayâmes donc de faire, par injection intra-vei- neuse, une transfusion du sang de chien normal à des lapins; mais l'opération ne réussit pas, car la transfusion de sang de chien dans les veines du lapin, même à la dose de dix gram- mes seulement, détermine rapidement la mort. Le sang du lapin se coagule, le cœur s'arrête; et la transfusion d'une quantité notable de sang n'est pas possible. Nous songeâmes alors à faire non plus la transfusion intra-veineuse, mais la transfusion péritonéale; ce qui permet alors de faire passer par l'organisme du lapin 30 ou 60 grammes de sang de chien; et nous eûmes la joie de voir l'expérience réussir complètement. Les lapins inoculés avec le microbe, s'ils avaient reçu du sang de chien normal, résistaient quatre à cinq jours à l'ino- culation du microbe au lieu de mourir tout de suite; mais, s'ils avaient été transfusés avec du sang de chien vacciné contre le microbe, le résultat était plus éclatant encore. Ils ne mouraient pas ; ils étaient même à peine malades. Cette expérience, qui date du o novembre 1888, est, à ce qu'il me semble, la base môme de la sérothérapie. Elle L'OEUVRE DE PASTEUR. lb.î prouve, en effet, que le sang des animaux réfractaires à une maladie contient des éléments chimiques qui combattent les effets du microbe pathogène, spécifique de celte maladie ; et nous en comprîmes dès le début l'importance, puisque, après avoir démontré le principe de ce que nous avons appelé d'abord l'hématothérapie, et établi la réalité de cette nouvelle loi de pathologie générale, nous résolûmes de l'appliquer à une maladie humaine. Alors, pendant quelques jours, Héri- couRT et moi, nous débattîmes la question de savoir si nous devions expérimenter avec l'une ou l'autre de ces trois maladies, le cbarbon, la diphtérie, la tuberculose. Malheureu- sement, nous rejetâmes la diphtérie dont le micro-organisme était mal connu encore (en 1888), et nous nous décidâmes pour la tuberculose, dont le microbe est facile à cultiver, et qui exerce, comme vous le savez, plus que toute autre maladie, ses ravages sur les hommes et les animaux. Nous nous mîmes aussitôt à l'œuvre, mais il fallut du temps pour avoir des résultats démonstratifs. Pourtant, un an après, nous pouvions montrer que l'injection de sang de chien à des lapins retarde énormément, et, dans quelques cas, arrête l'évolution de la tuberculose chez le lapin. Il s'agissait cependant de passer de l'expérimentation physiologique à la thérapeutique humaine. Profitant alors d'une remarque de Bouchard que le sérum des animaux réfractaires est aussi actif que le sang total, nous pûmes injecter du sérum à des malades tuberculeux. La première injection sérothérapique a été faite par nous, le 6 décembre 1889. Nous eûmes d'abord un moment de grand espoir. Oui, vraiment, nous avons cru, pendant quelques semaines, que nous avions découvert le traitement héroïque de la tubercu- lose. Pendant quelques semaines, les trois ou quatre malades que nous avions en traitement ont vu leurs forces revenir, leur appétit reparaître, leur poids augmenter, la toux et les crachats disparaître presque complètement. Mais ce n'était, i54 CH. RICHET. hélas, qu'une amélioration passagère ! Un mois, ou un mois et demi après, la maladie impitoyable reprenait son cours et le traitement sérothérapique demeurait inefficace. Heureusement, pendant que nous cherchions vainement, par les procédés les plus divers, la sérothérapie do la tuber- culose, un expérimentateur allemand, Behring, étudiant, sur la diphtérie, les effets du sérum des animaux réfractaires, montrait, en 1892, que ce sérum est d'une efficacité admi- rable dans le traitement de la maladie, et il obtenait sur les animaux d'abord, et ensuite sur l'homme, des résultats vrai- ment merveilleux. Vous savez le reste, et je n'ai pas à vous apprendre que notre méthode sérothérapique, reprise par Behring, popula- risée en 1894 par Boux, est devenue un traitement incompa- rable. Les statistiques à cet égard sont absolument démonstra- tives; la mortalité de la diphtérie, qui était de 43 p. 100, est tombée à IS p. 100. Cela fait, pour la ville de Paris seulement, une économie annuelle d'environ un millier d'existences hu- maines, à peu près dix mille existences pour la France. Nous pouvons admettre le même chiffre pour l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-Unis, le Canada, la Bussie, ce qui per- met d'évaluer à cent mille par an le nombre des enfants que la sérothérapie enlève à la mort. Dans les antres maladies, les résultats de la sérothérapie sont beaucoup plus contestables, et il faudrait, pour bien faire, les discuter dans le détail; je ne veux pas l'essayer ici : ce serait abuser de votre patience : je me contenterai d'émettre cette hypothèse, cette espérance plutôt, que la sérothérapie n'a pas encore dit son dernier mot. L'organisme, pour résister aux poisons sécrétés par les microbes, est pourvu d'une merveilleuse activité. Il se met à sécréter à son tour des contre-poisons, des antitoxines, qui neutralisent les poisons sécrétés par le microbe. En un mot, les antitoxines de l'organisme combattent les toxines du parasite; et l'art de la [sérothérapie future sera d'aller cher- L'OEUVRE DE PASTEUR. 153 cher dans les organismes résistants les puissantes antitoxines qu'ont fabriquées leurs cellules. Ainsi, de quelque côte que nous nous tournions, nous trouvons que la médecine a toujours été guidée par la science expérimentale; c'est l'expérimentation, c'est la science qui l'ont forcée de marcher en avant. Cela était vrai déjà du temps d'HARVEY, puisque l'immortel physiologiste, pour établir la doctrine nouvelle, eut à combattre les raisonnements des médecins ; ce fut vrai aussi du temps de Lavoisier, lors- que, avec quelques expériences décisives, il montra la nature chimique des phénomènes de la vie: mais combien plus vrai encore maintenant, après Pasteur, qui a ouvert à Texpéri- mentation tout un monde? La nouvelle génération médicale se précipite avec ardeur dans la voie qu'il a inaugurée, et nous pouvons concevoir pour l'avenir de la médecine les plus vastes espérances. Et, si nos espérances sont grandes, c'est que nous espérons pour l'avenir, plus encore que dans le passé, la collaboration active, efficace, du savant et du médecin. Le savant et le médecin contribueront tous deux aux pro- grès de la médecine ; mais ils ont un rôle bien différent : le médecin doit être conservateur, appliquant méthodiquement les enseignements et les préceptes qu'il a reçus à l'école ; il n'a pas le droit d'expérimenter sur ses malades et de sacrifier des vies ou des douleurs humaines à de fantaisistes théories. Au contraire, le savant, qui a pour devoir de pénétrer des vérités nouvelles, doit être révolutionnaire. Il ne doit pas se contenter des préceptes qu'on lui a enseignés. L'opinion du Maître ne doit être que d'un poids très léger devant son esprit. Il doit chercher de tous côtés des faits nouveaux, et regarder comme possible même ce qui est invraisemblable. Darwin dit quelque part qu'il faisait des expériences cVimhé- cile ; et Darwin assurément avait raison; car souvent on doit, sans frayeur aucune, essayer ce qui paraît en contradiction lo6 CH. UICHET. avec toutes les opinions classiques. Sans cet esprit d'aven- ture, sans cette témérité scientifique, qui ouvre les horizons nouveaux, il n'y a pas de progrès. Ce n'est donc pas au médecin qu'appartient le rôle d'avant- coureur et de pionnier. Il doit se tenir exactement au cou- rant de tous les progrès de la science pour en faire profiter ses malades; mais il ne peut que dans de restreintes limites faire progresser la science. N'ayant pas le droit d'expérimen- ter, il est à peu près impuissant à résoudre les multiples problèmes que la nature lui présente. C'est aux chimistes, aux physiciens, aux physiologistes surtout, qu'il appartient de guider la médecine dans des voies nouvelles. Ils n'ont pas la lourde responsabilité d'une vie hu- maine à ménager, etrienne doit les arrêter dans leur audace. Vous, qui êtes des médecins, vous n'avez pas les mêmes droits; il vous faut de la prudence, de la modération, et même, quelque convaincu que je sois de la puissance des sciences expérimentales, il ne vous faut accepter qu'avec une certaine timidité les applications que le chimiste ou le phy- siologiste vous suggèrent. Il ne nous en coûte rien de dire au médecin, après quelques expériences qui ont passablement réussi : u Essayez cela sur vos malades. » Nous savons très bien que notre responsabilité est nulle, et que l'ancien axiome, •primo non nocere, axiome qui doit être la règle étroite de votre conduite, ne nous intéresse en aucune manière. Vous voyez qu'il y aurait injustice à reprocher aux méde- cins et aux chirurgiens de ne pas faire de grandes découvertes scientifiques ; ce n'est pas là leur mission. Ils ont à calmer la douleur humaine, et à chercher, parmi les nouvelles vérités scientifiques, celle qui est le plus apte à soulager ou à guérir les malades. Aussi ne puis-je comprendre qu'on ait voulu créer un antagonisme entre la médecine et la science. Supposer qu'elles se contredisent, c'est montrer qu'on n'a rien compris, ni à l'une ni à l'autre. Il n'y a pas à déclarer que l'une est supérieure L'OEUVRE DE PASTEUR. 157 OU inférieure à l'autre; elles 'sont différentes par leur moyen comme par leur but : elles se complètent mutnellement, et toutes deux sont également nécessaires. Si j'étais malade, je ne m'adresserais assurément ni à un chimiste, ni à un physiologiste. Ce n'est pas dans les ouvrages de Claude Bernard et de Pasteur que se peut apprendre la médecine; il faut un enseignement clinique, telle que la lon- gue observation des maladies peut le fournir; la prophylaxie, le diagnostic, le pronostic, la thérapeutique ne s'enseignent pas dans des livres de science, et même les livres de méde- cine ne suffisent pas ; il faut autre chose ; il faut l'observa- tion, l'observation longue et patiente, la vieille observation hippocratique, sans laquelle il n'y a pas de bon médecin. 11 faut que les jeunes étudiants soient guidés dans l'examen des malades par des praticiens expérimentés, et ce serait une ineptie, à laquelle personne ne songe, je suppose, que de vouloir remplacer les cliniques par les laboratoires. Vous avez compris cela. En Amérique, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou du Canada, partout des Universités s'élèvent. La générosité des donateurs les pourvoit richement; mais vous n'avez garde de négliger l'enseignement des sciences, de sorte qu'à côté de l'enseignement clinique vous faites une large place aux recherches du laboratoire. Et en effet, sans les laboratoires, les cliniques sont con- damnées à l'immobilité scientifique. Or cette immobilité n'est vraiment pas désirable ; car, malgré tous les progrès accom- plis, il reste encore beaucoup à faire. Est-ce que, par exemple, la tuberculose et le cancer ne sont pas la honte de la médecine? J'en appelle à tous les médecins qui sont ici. Qui de vous, en assistant à de douloureuses agonies, ne s'est pas senti jusqu'au fond de l'âme humilié de son impuissance? Messieurs, que ce douloureux sentiment de notre impuis- sance actuelle soit notre stimulation au travail. Mettons-nous tous à l'œuvre! car l'œuvre à accomplir est immense ; et nous devons les uns et les autres ne pas nous relâcher dans notre 138 CH. RICHET. labeur. Nous, physiologistes, nous avons à chercher des faits nouveaux, chercher, chercher encore, chercher toujours, sans redouter les hypothèses les plus dévergondées, sans con- naître aucune limite à notre audace, sans nous préoccuper des conséquences pratiques de nos recherches, n'ayant que la vérité, la divine vérité, pour but. Vous, les médecins, vous avez à suivre avec un intérêt passionné, dans leur ensemble et dans leur détail, les découvertes biologiques récentes, afin d'essayer d'y trouver quelque application pratique. Cette colla- boration incessante, elle s'appelle, d'un seul mot, le progrès. Mais il faut que savants et médecins soit animés les uns les autres de ces deux sentiments dominateurs : la foi en la science et l'amour des hommes. Si nous avons foi en la science, c'est parce que nous savons qu'elle peut, entre les mains des médecins, sauver des vies humaines, éviter des larmes, adoucir des agonies. Que l'exemple de Pasteur et l'exemple de Lister soient toujours là devant nos yeux. Et, puisque je parle de Pasteur et de Lister, permettez- moi un souvenir. Il y a quatre ans, une grande solennité fut préparée à Paris, pour célébrer le septantième anniversaire de Pasteur, à la Sorbonne, en présence de l'élite des savants du monde entier. Les diverses Universités du monde avaient envoyé des délégués pour apporter au grand savant l'hom- mage de leur respect. Soudain, un grand silence se fait; — vous vous en souvenez, lord Lister, — c'est lorsque, vous approchant de Pasteur, vous lui donnâtes une accolade fra- ternelle. Oui, nous avions tous alors les larmes dans les yeux et une émotion religieuse s'empara de toute l'assistance, lors- que nous eûmes ce spectacle inoubliable : les deux grands bienfaiteurs de l'humanité, unis dans l'œuvre commune, et scellant la conciliation définitive et féconde de la médecine et de la science. IX DE LA PROPORTION DES CHLORURES DANS LES TISSUS DE l' ORGANISME INFLUENCE DE L'ALIMENTATION ET DES AUTRES CONDITIONS BIOLOGIQUES Par J.-P. Langlois et Ch. Richet. I. — Technique. Pour faire avec précision le dosage des chlorures dans les liquides et les tissus de l'organisme, nous avons dû, comme il est presque toujours nécessaire quand on fait une recherche spéciale, modifier certains points de la technique. Sans insister sur les tâtonnements et les essais prélimi- naires, voici le mode opératoire employé finalement par nous, après qu'il a été reconnu comme préférable. Le tissu à examiner (de 2o à 150 grammes) est placé dans 160 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. une capsule de porcelaine, pesé, et additionné de 10 ou 12 grammes de potasse caustique pure. Puis il est laissé à l'étuve sèche à 100°, pendant quarante-huit heures. Au bout de ce temps, il est absolument déshydraté, et la calcination en est devenue facile. Cette calcination n'est pas poussée très loin, afin d'éviter la volatilisation des chlorures. Il faut cependant que toute la masse charbonneuse ait été portée quelques minutes au rouge sombre, de manière qu'on arrive à la destruction de toutes les matières organiques, sans que tout le charbon ait été brûlé. La masse potassique est additionnée dun peu d'eau dis- tillée, et de nouveau desséchée, ce qui détermine le départ de faibles quantités d'AzH^ Le magma charbonneux est broyé, filtré, et additionné d'eau bouillante en grande quantité. Le tout est mis sur un filtre. Le filtrat, après que la masse a été bien lavée, contient tous les chlorures. Mais il y a aussi des cyanures alcalins solu- blés, et il est absolument indispensable de les éliminer. Alors on ajoute de l'acide nitrique pur de manière à donner au liquide une réaction très fortement acide, et on le met au bain-marie pendant quelques heures, mais en empê- chant l'évaporation, c'est-à-dire en laissant le filtre et la matière charbonneuse recouvrir presque hermétiquement le vase. Dans ces conditions, l'acide chlorhydrique n'est pas déplacé par l'acide azotique, tandis que tout l'acide cyan- hydrique s'évapore. Cela fait, on ajoute au liquide une grande quantité (en excès ) de carbonate de chaux parfaitement pur, ce qui déter- mine une effervescence assez vive. Après que du carbonate de chaux a été mis en grand excès, on titre par les méthodes colorimétriques ordinaires (nitrate d'argent, et chromatc de sodium comme indicateur). Nous avons, par la méthode des pesées, vérifié l'exactitude de ces procédés de dosage. Seulement, quelle que soit la simplicité de ce procédé, les DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 161 opérations demandent à être conduites avec soin. La quantité d'acide azotique ne doit pas être trop grande, et la calci- nation ne doit pas être poussée trop loin, quoique toutes les matières organiques doivent être détruites ou réduites à l'état de cyanures ou de carbonates, ou de charbon. Enfin, comme il s'agit de chiffres parfois assez faibles, des variations assez peu importantes peuvent entraîner d'assez grandes différences apparentes. Soit un rein pesant 32 grammes par exemple, selon la plus ou moins grande quantité de sang ou d'urine qu'il con- tient, son poids réel peut être de 31 ou même 30 grammes, et, comme l'urine contient S fois plus de chlore que le rein, et le sang 2 fois plus^ il s'ensuit que l'on sera tenté d'attribuer au rein une quantité de chlore supérieure à celle qu'il contient réellement. Enoutre,commeles chiffres sont rapportés à 1 000 grammes de tissu, et que les proportions sont d'environ 1,5 de chlore p. 1 000, la quantité de chlore à doser est en réalité de 0^%05, de sorte qu'une erreur d'un milligramme seulement (à supposer qu'il s'agisse d'un rein de 30 grammes) fera une erreur de 2 p. 100, soit en plus, soit en moins, de sorte que nous ne pourrons jamais être assuré qu'il s'agit de 1,50 ou bien de 1,53, ou bien 1,47. Nous considérons donc comme négligeable, et ne dépassant pas les limites de l'erreur expé- rimentale, les écarts de 2 ou 3 p. 100 en plus ou en moins. II. — Chlore contenu dans les organes normaux. 1. CERVEAU Nous avons dosé le chlore contenu dans le cerveau d'animaux non morts d'hémorrhagie. Voici un premier tableau donnant la quantité de chlore des cerveaux de moutons. Ces cerveaux étaient pris chez le boucher, et, quoique le genre de mort des moutons (égorgés) TOME V. 11 162 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHEÏ. se rapproche beaucoup de la mort par hémorrhagie, ce n'est pas tout à fait l'hémorrhagie ; car il y a en même temps décol- lation. Tableau I. — Cerveaux de moutons. I^a moyenne Poids du cerveau. étant 100. Chlore total. Chlore p. 1000. 306"^ (partiel) 96 0,0o67 1,892 30 — 89 0,0524 1,748 97 (total) 108 0,2067 2,130 89 — 103 0,1788 2,009 123 — lOo 0,2345 2,070 103 — 97 0,1967 1,910 Moyenne =1,9598 + 0,1702 Ecart de la moyenne ... Ces chiffres sont comparables et permettent une moyenne très satisfaisante. Pour les cerveaux de chien les écarts sont assez considé- rables; cependant, là encore, la moyenne est satisfaisante. Tableau II. — Cerveaux de chiens non tués par hémorrhagie. Écart de Observations, genre de mort. Poids. la moyenne. Chlore total. Chlore p. 1000. Chloralose 80 104 0,1770 2,212 CH^Cl 92 100 0,1952 2,122 — 92 88 0,1545 1,853 — 77 :i29 0,2109 2,740 — 85 95 0,1800 2,012 Tuberculose 75 80 0,1279 1,705 — 72 102 0,1564 2,173 59 125 0,1563 2,650 — 88 102 0,1908 2,169 — 77 80 0,1319 1,719 — 76 92 0,1565 2,060 Moyenne 2,119 On voit que le cerveau de mouton et le cerveau de chien contiennent à peu près la même proportion de chlore : 2,12 pour le chien (pour 1 000 grammes de tissu) et 1,96 pour le mouton. DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 163 Deux dosages ont été faits pour le cerveau humain et deux dosages pour les cerveaux de lapin; et là encore le poids de chlore est à peu près le même. Tableau IlL — Cerveaux divers. Chlore p. 1000. Chlore total. Chlore p. 1000. Moutons (nioy. de YI) » » 1,9S98 Lapins (2 cerveaux 20e'-,y) . ... » 0,00405 1,974 Cerveau humain 100 gr ) moy. J 0,2275 2,275 Cerveau humain 100 gr j 1,980 ( 0,1686 1,687 Cervelet humain (du même) 132 gr. ^> 0,1700 1,289 Chiens (moy. de XI) 2,119 / Lapins 1,974 , Moutons 1,960 Résume. { „ , ^„„ i Hommes 1,980 [ Chiens 2,H9 Moyenne 1,983 On voit, en résumé, que la proportion de Cl dans le tissu cérébral est très voisine de 2 grammes pour 1 000. Ce n'est pas tout à fait le chiffre qui a été donné par quelques auteurs. Geogehagen (Dict. de physiologie de Cii. Richet. Art. Cer- veau, Ul, 41) donne pour 1000 grammes 0,43 à 1,32; en moyenne, 0,85, chiffre manifestement erroné. NENCKiet ScHOUMOFF-SiMANOvsKi, Le chlore et les haloçènes dans V organisme vivant [Arch. des sciences biolog. de Péters- bourg, 1894, III, 191), après avoir constaté qu'il n'y a pas dans les ouvrages classiques de dosage exact des propor- tions de chlore contenu dans les divers tissus, cherchent à faire cette mesure, et ils donnent pour le cerveau normal de cinq chiens les chiffres suivants (pour 1 000 grammes de tissu). 0,930; 0,750; 1,220; 1,01; 1,11 Moyenne 1 gramme. Quoiqu'ils ne disent pas de quelle manière les chiens ont été sacrifiés, il est probable que c'est par hémorrhagie ; mais, 164 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. même en admettant qu'il s'agit de mort par hémorrhagie, les chiffres nous paraissent beaucoup trop faibles. Peut-être y a-t-il, par une calcination trop active, volatilisation de quel- ques chlorures. Peut-être le mélange, pratiqué par eux, de carbonate de chaux au tissu desséché n'était-il pas abso- lument homogène. Quoi qu'il en soit, les poids donnés par Nencki et ScHOUMOFF-SiMANOvsKi ne sont pas comparables à ceux que nous avons obtenus. On ne peut expliquer l'excès de chlore trouvé par nous à la présence d'acide cyanhydrique ; car, dans quelques cas, en solution très fortement acidifiée par l'acide azotique, nous avons fait barboter pendant vingt- quatre heures un courant d'air, et la proportion de Cl trouvé n'était pas modifiée. Toutes les autres erreurs tendent à attribuer au chlore un poids plus faible ; par conséquent, il est inutile d'insister, la cause d'erreur due à la présence de GyH étant résolument écartée. On remarquera d'ailleurs que, dans les expériences des physiologistes russes, comme dans les nôtres, il y a des écarts assez notables (max. 2,74 ; min. 1,72. Pour Nencki :max.l,22; min. 0,75). Chez les chiens morts par hémorrhagie, la proportion de Cl est bien inférieure. Les cerveaux de chien notés ci-dessus étaient des cerveaux d'animaux morts de maladie ou tués par des poisons divers : le chloralose, ou le chlorure de méthylc. Or ces deux substances sont toxiques à trop faible dose pour que le chlore qu'elles contiennent puisse, en se répar- tissant dans tout l'organisme, augmenter la quantité de Cl des tissus d'une manière notable. D'ailleurs, chez les chiens morts de tuberculose et non intoxiqués par le chlorure de méthyle, les chiffres sont les mêmes. Voici maintenant quelques chiffres se rapportant à des chiens tués par hémorrhagie (chlore pour 1000 gr.). DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 165 Tableau IV. — Cerveaux de chiens hémorrhagiés. (84) 1,358 (76) 1,434 (78) 1,538 (75) . 1,489 ) Moyenne, . 1,512 (78) 1,725 (66) 1,452 (84) 1,392 Il y a là une différence notable avec les cerveaux des chiens non hémorrhagiés. Nous verrons plus loin quelles conclusions on en peut tirer. IL SANG Si l'on fait la saignée d'un chien et qu'on analyse le chlore des premières et des dernières parties qui s'écoulent, on trouve que le plus souvent les dernières parties sont plus riches en chlore que les premières ; mais l'excès de Cl est extrêmement faible. Yoici les résultats de quinze expériences dans lesquelles le sang premier et le sang ultime ont été dosés au point de vue de leur teneur en chlore. Le sang ultime a été, par rapport au sang premier (pour 4 000 grammes) : 0,565 + 0,017 + 0,069 + 0,194 0,394 + 0,016 + 0,082 + 0,328 0,350 + 0,070 + 0,100 + 0,519 0,126 + 0,070 + 0,150 + 0,830 Ce qui fait une différence finale de 0,07, c'est-à-dire, somme toute, un chiffre presque négligeable, en faveur du sang ultime. Nous montrerons d'ailleurs, à la fin de ce chapitre, com- ment on peut toujours, en retardant la prise de sang ultime, rendre ce sang beaucoup plus riche en chlore que le sang normal. 160 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. Les analyses données ci-dessus portent sur des sangs appartenant à des chiens alimentés de très diverses manières. Il faut d'abord savoir quelle est la teneur en Cl du sang- normal . 3,230; 3,181; 2,970; 2,867; 2,827; Moyenne 3,015 Dans cinq dosages, Nencki et Schoumoff-Simanovski ont trouvé : 2,:i0; 2,3S; 2,7;i ; 2,83: 2,90; Moyenne 2,08 ■ Ce chiffre se rapproche de notre moyenne, encore qu'il soit un peu faible. BuNGE (cité m Eermanns Handbucli, IV, 131) a trouvé pour 1 000 parties : Sang de porc 2,091 Sang de cheval .... 2,780 Sang de bœuf 3,0!j3 En combinant ces chiffres avec les nôtres et ceux deNEXcKi et SniANOvsKi. on a une moyenne de 2,847. Du sang- de tortue nous a donné un chiffre plus faible, 2"', 492. F. BoTT.\zzi {Chimica Fisiologica, 1899, II, 114-119, tab. 4 et 8) a trouvé les chiffres suivants (moyenne en chlore pour 100 grammes) : îSang. S('rum. Bœuf (If) 3,080 3,698 Mouton (II) . . . . 3,080 3,704 Chèvre (I) 2,923 3,091 Cheval (II) 2,:)8n 3,092 Porc a) 2,090 3,027 Lapin (li 2,898 3,883 Chien (II) 2,922 4,081 Chat (Ij 2,81S 4,170 Moyenne 2,889 3,88:i DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 167 Nos cinq chifFres = 3,015 se rapprochent des deux chiffres de BoTTAzzi 2,922, assez pour qu'on puisse les considérer comme concordants. En chiffres ronds on peut donc dire que la proportion moyenne du chlore dans le sang- est très voisine de 3 grammes par litre. III. FOIE Chiens non hémorrhagUs. 2,392; 2,138; 2,011; 2,008; 1,611; 1,628; 1,953; 2,117; Moyenne 1,982 Chiens hémorrhagiés. 1,27S; 1,253; 1,538; 1,146; 1,446; Moyenne 1,331 Nous ne pouvons guère comprendre comment NENCKiet SiMANovsKi n'ont trouvé que 0,2B en moyenne (soit 0,14; 0,24 ; 0,26; 0,22; 0,39). Peut-être avaient-ils fait le lavage du foie par la veine porte ; car, dans ce cas, la quantité le chlore contenue dans le foie est extrêmement faible. Dans une expérience, en effet, nous avons trouvé que le foie normal contenait 2,392, tandis que ce même foie, après un lavage par une solution d'eau légèrement sucrée et sans Gl, ne contenait plus que 0,388. IV. REINS Chiens non hémorrhagiés. 2,577; 2,612; 3,080; 2,302; 3,009; Moyenne 2,714 Chiens hémorrhagiés. 2,682; 2,522; 2,806; 2,071; 2,602; 1,930; Moyenne 2,536 168 .I.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. La différence est faible, ce qui s'explique tant bien quo mal par la vascularité faible du rein par rapport à celle du foie. V. MUSCLES Chiens non hémorrharjics. 1,721; 2,014; 1,010: Moyenne I,b49 Chiens hémorrhagiés. 1,142; 0,926; 0,831; 0,777: 0,642; Moyenne 0,803 VI. CONCLUSIONS Ces chiffres nous pernie tient de dresser le tableau suivant pour les proportions de chlore dans les divers tissus. Cerveau. Rein. Foie. Muscles. Hémorrhagle 2,119 2,714 1,982 1,549 Pas d'hémorrhayir. . 1,bi2 2,536 l,33t 0,863 Ce qui donne une différence en moins pour les tissus d'ani- maux hémorrhagiés : Absolue. Centésimale. Cerveau 0,007 28 Rein 0,178 0 Foie 0,651 32 Muscles 0,080 44 Cette différence considérable de chlore entre les tissus d'animaux hémorrhagiés et d'animaux non hémorrhagiés ne s'explique pas suffisamment par une moindre quantité de sang. Prenons pour exemple le cerveau. Si l'on cherche à appré- cier la quantité de sang contenue dans le cerveau d'un ani- mal mort d'asphyxie, ou de tuberculose, ou d'intoxication DE LA PROPORTlOiX DES CHLORURES. 169 par un anesthésique, on voit que cette quantité est assez faible, de 5 ou 6 grammes de sang, tout au plus, dépassant de 3 à 4 grammes à peine la quantité de sang qui reste dans le cerveau d'un animal non hémorrhagié. Admettons un ehiffre maximum de S grammes. Un cerveau hémorrhagié de 73 grammes, avec o grammes de sang en plus qu'un cerveau non hémorrhagié, sera considéré comme pesant 80 grammes. Autrement dît, il contiendra un excès de chlore dû à cet excès de sang : et cet excès de chlore sera en poids absolu pour 5 grammes, la différence entre 1,549 et 3 : c'est-à-dire 5 X 0.001431 ; soit 0,00723; ce qui donne, en proportion cen- tisémale, une différence en plus de 0,13, alors que la diffé- rence trouvée est de 0,6. n faut donc admettre une autre hypothèse que le départ d'un peu de sang dans le cerveau des animaux exsangues, et supposer que, par le fait de Thémorrhagie, il se fait une spo- liation du chlorure de sodium des tissus, comme si le sérum et la Ijmphe interstitielle exsudaient des tissus pour se déverser dans le sang appauvri. Ce qoi confirme cette hypothèse et la rend presque cer- taine^ c'est que le sang ultime est presque toujours un peu plus riche en chlore que le sang de la première saiguée. Mais il y a un moyen d'augmenter cette spoliation des tissus en chlore, et cet enrichissement du sang, c'est de faire la saignée ultime longtemps après la première saignée. En nous basant sur nos premières recherches, nous avions fait, apriori^la. supposition que le sang ultime serait bien plus riche en chlore, si nous laissions un long intervalle de sang entre les deux saignées ; et l'expérience a confirmé nos prévisions. Un chien de 7 kilogrammes est saigné à 1 h. 33 ; il perd 23-3 grammes de sang. Trois heures après, à S heures, on lui prend encore 301 grammes de sang. Or le premier sang con- tenait 3?'',103 de chlore, c'est-à-dire la quantité normale. Mais le sang ultime à 3 heures était extrêmement riche en chlore, et contenait 3s',968. 170 .I.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. Par conséquent, la différence entre le sang' premier et le sang ultime s'explique par une exsudation du sérum et de la h'mphe des tissus dans le sang. Avant ou après une hémorrhagie, le sérum n'est pas plus riche en chlore; mais, par rapport aux globules, le sérum est toujours très riche en chlore, et le sang des saignées ultimes est toujours très riche on sérum et très pauvre en globules. S'agit-il du protoplasma intracellulaire, ou du liquide cir- culant dans les réseaux lymphatiques interstitiels, entre les cel- lules, voilà ce qu'il est, semble-t-il, impossible de déterminer. Retenons seulement ce fait remarquable, c'est que, par l'hémorrhagie, les tissus, et spécialement les muscles, pe^'- dent 20 à 30 p. 100 du chlore qu'ils contenaient. III. — Influence de l'alimentation sur la teneur en chlore des tissus et du sang. Les chiffres que nous avons donnés plus haut nous per- mettent de comparer la teneur en chlore des tissus chez les animaux ayant reçu une alimentation spéciale. Il s'agira toujours, pour toutes ces analyses, d'animaux homorrhagiés, puisque les chiens spécialement alimentés ont été sacrifiés toujours par hémorrhagie. Voici d'abord les chiffres normaux moyens, tels que nous les avons donnés plus haut : Sang 3,01 :j Cerveau . . . 1,512 Foie 1,331 Rein 2,o3G Muscles . . . 0,863 Si nous supposons la teneur en Cl du sang = 100, nous avons : Cerveau oO Foie 44 Rein 84 Muscles 28 DE LA PHOPORTIOiN DES CHLORURES. 171 ANIMAUX A JEUN L'inanition simple ne modifie pas notablement la teneur des tissus en chlore : Chien A. Chien B. 17 j. déjeune. 24 j. déjeune. Moyenne. Sang 2,762 3,225 2,993 Cerveau 1,264 1,476 1,370 Foie 1,200 1,470 1,33S Rein 2,266 3,121 2,693 Muscles 0,889 0,876 0,883 A ces deux chiens A et B, comparons deux chiens C et D^ soumis également à l'inanition, mais qui pouvaient boire de l'eau additionnée de chlorure de sodium (10 grammes par litre) : Chien C. Chien D. 6j.de jeûne. 14 j, déjeune. Moyenne. Sang 2.899 2,859 2,879 Cerveau . 1,412 1,575 1,493 Foie 1,196 1,253 1,225 Rein 3,290 2,537 2,913 Muscles 0,721 0,790 0,755 Supposons = 100 le chlore des chiens normaux, nous avons pour les chiens à jeun (avec ou sans NaCl dans l'eau qu'ils pouvaient boire) : Avec sel. Sans sel. Sang 95 99 Cerveau.. ..... 98 91 Foie 92 100 Rein 115 106 Muscles 86 102 Moyenne. . . 98 100 De sorte qu'il est vraiment impossible de trouver une différence quelconque entre le chlore des animaux normaux^ des animaux au jeûne simple, ou des animaux à jeun pouvant boire de l'eau salée. Nous avons fait une expérience analogue en alimentant 172 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. des chiens avec une nourriture riche en chlorure de sodium, et d'autres chiens avec une alimentation pauvre en chlorure de sodium. La ration alimentaire était la suivante : grammes. Sucre de canue iOO Farine 100 Lait bOO C'est là une alimentation très pauvre en chlore, puisque le lait de vache ne contient que 1 gramme de chlore par litre ; soit 0,5 pour 500 grammes, et que 100 grammes de farine donnent la quantité minuscule, négligeable, de 0,005 de chlore'. Les chiens nourris avec NaCl recevaient, en plus de cette alimentation, 30 grammes de NaCl. L'analyse de leurs tissus nous a donné les résultats sui- vants: Chiens nourris au sel (30 gr.). Sang . Cerveau Foie. . Rein. . Muscles Chien E. 3,012 1,566 1,062 3,060 0,748 Chien F. 3,169 1,467 1,190 9 1,107 Chien G. 3,120 1,320 1,260 2,iil0 8,920 Moyenne. 3,100 1,451 1,171 2,785 0,925 En comparant ces chiffres à ceux des animaux normaux et en faisant égale à 100 la teneur en chlore des tissus nor- maux, on a : Sang 102 Cerveau 96 Foie 88 Rein 110 Muscles 107 Moyenne 100 1. Cette alimentation représente environ 1100 calories, chiOVe légèrement supérieur à la ration quotidienne nécessaire pour des chiens de taille moyenne {\2 kilogr.). DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 17a Voici maintenant les chiffres se référant à des chiens nourris de même, mais recevant 7 grammes au lieu de 30 grammes de NaCl : Chien H. Chien J. Chien K. Moyenne. Sang 2,859 2,899 2,731 2,830 Cerveau 1,57S 1,434 1,618 1,542 Foie 1,233 1,196 1,341 1,263 Rein 2,337 2,290 2,370 2,799 Muscles 0,790 0,721 ? 0,755 Mo}', des chiens Moy. des chiens avec 3 gr. de sel. avec 7 gr. de sel. Moy. générale. Sang 95 102 99 Cerveau .... 102 96 99 Foie 95 88 92 Rein 110 110 110 Muscles .... 86 107 97 98 100 99 Les chiens nourris de la même manière, mais sans chlo- rure de sodium, ont donné : Chien L. Chien M. Sang 3,040 2,740 Cerveau 1,630 1,220 Foie 1,080 0,809 Rein 2,621 1,608 Muscles 0,748 0,631 Moyenne. Sang 2,946 Cerveau 1,328 Foie 1,054 Rein 2,244 Muscles 0,663 Chien N. Chien 0 2,620 3,377 1,041 1,419 1,014 1,313 2,296 2,433 0,686 0,588 Moyenne. centésimale. 98 79 On peut voir, par ce tahleau,que l'hypochloruration en- traîne une diminution moyenne de 10 à 15 p. 100 dans la pro- portion de chlore contenu dans les tissus (en réalité, en moyenne 14 p. 100). Nous pouvons résumer ces faits dans le tableau suivant : 174 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. Nourris Nourris Normaux. avec sel. sans sel. Sang 100 99 98 Cerveau 100 99 88 Foie 100 92 79 Reini 100 110 88 Muscles ... ; . 100 97 77 100 09 80 Nous avons essayé aussi de voir rinfluence d'une alimen- tation pauvre en chlorures, mais contenant des sels autres que des chlorures, soit des phosphates (10 grammes par jour de phosphate de soude mélangé à Valimentation). Dans un cas (que nous ne ferons pas entrer en ligne de compte), nous avons trouvé dans tous les tissus des quantités considérahles de chlore, tout à fait anormales. L'animal avait été pendant dix-huit jours nourri avec ralimentation ordi- naire (farine, lait, sucre), à laquelle on ajoutait 10 grammes de phosphate de soude. Il a été trouvé : Sang 4,120 Sang (ultime). . . . 4,448 Cerveau 1 ,829 Foie 2.323 Rein 3,900 Muscles ? Tous ces chiffres sont tellement forts qu'il est permis d'éliminer cette expérience de la moyenne. Sur trois chiens nourris avec phosphate de soude, nous avons trouvé : Cliien Q. Cliien R. Cliien .'^. 8 jours. :.'l jours. 20 jours. Sang 2,o99 2,462 2,935 Cerveau 1,309 1,347 1,316 Foie 1,070 0,966 1,246 Hein ? 2,303 2,600 Muscles 0,833 0,880 0,718 1. Si le rein des animaux nourris avec sel contient une plus grande quan- tité de chlorures, c'est peut-être tout simplement parce que le sel éliminé par iiirine se trouve en quantité considérable (relativement; dans les canalicules et les tubes urinifères, ainsi que dans les bassinets; de sorte que les cliiffres obtenus avec le rein sont plus sujets à des variations étendues (d'après la composition chimique de l'urine^ que les autres chiffres. DE LA PROPORTION DES CHLORURES. 175 Moyenne Moyenne. centésimale. Sang 2,672 88 Cerveau 1,391 93 Foie 1,094 82 Rem 2,551 101 Muscles 0,810 ' 94 Moyenne 01 La dimmution du chlore des tissus est donc d'environ 10 p. 100. Autrement dit, elle se rapproche beaucoup de ce qui a été constaté sur les chiens ayant reçu une alimentation sans chlore. Par conséquent, contrairement à ce que nous avions supposé a priori, l'addition de phosphate de soude n'a pas déterminé un appauvrissement en chlore des tissus. Une autre expérience a été faite dans laquelle deux chiens recevaient la même quantité d'aliments additionnés de bro- mure de sodium (5 grammes). Seulement, pour l'un d'eux (T) on donnait en outre 10 grammes de NaCl ; l'autre était alimenté sans chlore. Au point de vue des phénomènes généraux l'effet a été très remarquable. Le chien nourri sans NaCl a été rapide- ment intoxiqué par le NaBr, et il a été le seizième jour sacrifié, alors qu'il était mourant, avec paraplégie et lésions trophiques. Au contraire, le chien alimenté avec chlorure de sodium n'a nullement ressenti les effets du bromure. Quoi- qu'il reçût la même quantité de bromure que le premier, il était en parfaite santé, et avait augmenté de un kilog. Chien nourri avec bromure Chien nourri avec bromure et chlorure. sans chlorure. Chlore des organes. Chlore des organes. Contés, par rapp. Centés. par rapp. Absolu. au normal. Absolu. au normal. Sang 3,17 105 3,0.^ 100 Cerveau. . . . 1,32 89 1,52 100 Foie 1,26 95 1,09 82 Rein 2,51 99 2,22 88 Muscles. . . . 0,92 106 0,75 86 Moyenne 99 91 176 J.-P. LANGLOIS ET CH. RICHET. Nous retrouvons encore ici cette différence de 10 p. 100 pour l'appauvrissement des tissus en chlore chez les animaux nourris sans chlorures, et nous voyons que cela exerce une influence considérable sur l'état de l'organisme, non pas lorsque Forg^anisme est dans une condition normale, mais lorsque les tissus sont en présence d'un sel toxique, comme NaBr, qui peut se substituer au chlore, quand il y a tendance à un déficit de NaCl. Il est à remarquer cependant que la proportion de chlore dans le cerveau n'a pas changé. Enfin nous avons injecté de grandes quantités d'eau con- tenant des sels qui ne sont pas des chlorures, soit de l'azotate et du phosphate de soude. Nous avons aussi injecté du sucre à forte dose, afin de voir jusqu'où pourrait se pousser la dé- chloruration de l'organisme, par une abondante diurèse : Chien U. Chien V. Chien X. 4 gr. ler.BO 4 gr. de AzO^Na de AzQSNa do AzO^Na par kilogr. par kilogr. par kilogr. Sang ? 2,365 ? Cerveau. . . 1,440 1,351 1,292 Foie 1,460 1,589 0,952 Rein 2,160 1,940 Muscles. . . ? ? 0,510 Chien AV. Sucre à G 0/0. 31 gr. do sucre par kilogr. ? 1,098 0,823 0,971 0,546 Mû}-, cent, par rapp. au normal . 78 81 90 66 61 ce qui donne la moyenne suivante : Sang 2,365 Cerveau 1,278 Foie 1,206 Rein 1,690 Muscles 0,528 Moyenne 75 Dans ces conditions, le chlore a diminué de 25 p. 100. Mais on ne peut pas en conclure que la vie soit compatible avec une pareille diminution du chlore. Car les animaux ainsi injectes au nitrate de soude, puis au sucre à très forte dose, n'ont pas survécu. DE LA PROPORTIOxN DES CHLORURES. 177 Mentionnons comme dernière expérience quelques essais d'hydrotomie. Après la mort de l'animal, dans la carotide ou dans l'aorte nous faisions passer un courant d'eau sucrée, et, après que ce courant d'eau avait passé pendant quelques heures, nous faisions le dosage du chlore des tissus. Dans quatre expériences d'hydrotomie nous avons eu : Chien Y. Chien Z. Chien AB. Chien AC. Chien AD. Cerveau. . . 0,967 1,331 0,884 1,120 1,190. Foie 0,768 0,908 ? » » Rein 0,917 1,130 ? « » ' Muscles. . . 0,484 0,600 ? » » Moyenne Moyenne. cencésimale. Cerveau 1,094 72 Foie 0,788 .^9 Rein 1,023 40 Muscles 0,o44 63 Moyenne totale .... .j8 COIS'CLUSIONS Nous allons résumer dans un tableau ces différentes re- cherches, ce qui permettra alors des conclusions générales. Faisons égales à 100 les quantités de chlore trouvées dans le tissu des animaux hémorrhagiés, nous aurons les chiffres suivants (Voir plus loin le tableau de la page 178). En d'autres termes, et ne prenant que les chiffres ronds, nous pouvons dire : 1° Le jeûne, avec ou sans chlorures, ne modifie pas l'équi- libre chloré; 2° L'alimentation avec chlorures ne fait pas croître la quantité du chlore des tissus ; 4° L'alimentation sans chlorures fait baisser de 10 p. 100 le chlore des tissus, et cet appauvrissement en chlore n'aug- mente pas, même quand on remplace les chlorures par un grand excès de phosphates ou de nitrates; 3° L'injection, à dose toxique, de nitrates ou de sucre TOME V. 12 J.-P. LANGLOIS Eï CH. RICHET. CHIKNS - IIOU .lorme hémor- simple. rhagiés. Il Sang. . . -, 99 Cerveau . 140 91 Foie. . . 1 1!) 100 Rein. . . io:j lOi) Muscles . 179 102 Moyenne. 1 i:-. 100 CHIENS HEMORRHAGIKS Hy- drotomie après la mort. 72 '39 40 m .j8 dans le sang diminue de 25 p. 100 la quantité des chlorures ; 5" L'hydrotomie post-mortem diminue de 40 p. 100 les chlorures des tissus ; 6° Chez les animaux non tués par hémorrhagie, la quantité de chlore est plus forte de 40 p. 100 que chez les animaux tués par hémorrhagie. X EFFETS D'UNE ALIMENTATION PAUVRE EN CHLORURES SUR LE TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE PAR LE BROMURE DE SODIUM Par Ch. Richet et Ed, Toulouse. On sait que les bromures alcalins diminuent et parfois arrêtent complètement les accès d'épilepsie. Mais cette médi- cation n'est pas sans inconvénients ; car il se produit à la lon- gue une intoxication bromique due aux doses énormes qu'il faut donner pour faire cesser les accès (de 8 grammes à 15 grammes par jour). Nous avons pensé qu'en privant, dans une certaine me- sure, l'organisme de chlorures, on devait le rendre ainsi plus sensible à Faction des bromures. Comme, selon toute vrai- semblance, les actions médicamenteuses sont dues à l'imbibi- tion des cellules par tels ou tels poisons, les actions doivent être d'autant plus intenses que l'appétition des cellules pour ces poisons est plus intense, et, par conséquent, elle doit être 180 CH. RIGHET ET ED. TOULOUSE. augmentée pour les sels alcalins thérapeutiques par l'absence de sels alcalins alimentaires. Les faits ont confirmé notre hypothèse. Chez trente épileptiques (femmes) soumises à un régime alimentaire spécial ', pauvre en chlorures, des doses de 2 grammes de bromure par jour ont fait, parfois en moins d'une semaine, disparaître les accès épilepti(|ues, quelle qu'ait été leur fréquence avant le traitement. Exceptionnellement, les crises convulsives font place h des vertiges (qui sont des accès atténués) moins fréquents que les accès. Mais même ces vertiges finissent par dispa- raître, si l'on porte la dose de bromure de sodium à 3 grammes ou 4 grammes par jour, la dose de 4 grammes étant d'ailleurs très rarement nécessaire. Certains sujets soumis à ce régime alimentaire, et traités par 2 grammes ou 3 grammes de bromure de sodium, n'ont eu ni accès ni vertige depuis plus de six mois. Mais il a suffi de les faire revenir au régime alimentaire ordinaire, même en continuant la médication bromurée, pour faire reparaître les accès, ce qui prouve bien que c'est la combinaison du ré- gime pauvre en chlorures avec la médication bromurée qui produit l'effet thérapeutique. Ce régime alimentaire spécial n'a pas d'influence nocive sur la nutrition générale. Le poids a diminué quelquefois; mais, dans d'autres cas, il a augmenté. Nous n'avons pu ob- server aucun trouble organique, ni thermique, ni vasculaire, ni névro-vasculaire. Naturellement il faut surveiller avec soin les malades: 1. Ce régime était constitué par : lait, 1000 grammes ; viande de bœuf, 300 grammes; pommes de terre, 300 grammes; farine, 200 grammes; deux œufs, 70 grammes; sucre, 50 grammes; café, 100 grammes; beurre, 40 grammes. Cette ration, au point de vue alimentaire, équivaut à 2 700 calories et 20 grammes d'azote. La quantité de chlorures, évalués en NaCl, est d'environ 2 grammes dans ces aliments naturels. Rappelons que la quantité de chlorure de sodium ajouté au pain et à nos aliments est de 8 grammes à 12 grammes par jour, ce qui nous fait une consommation moyenne de 10 grammes A io grammes de NaCl par jour. ALIMENTATIOiN PAUVRE EN CHLORURES. 181 car le bromure de sodium, étant, dans ces conditions, beau- coup plus actif, peut produire des accidents de bromisme, même àla dose, relativement faible, de 4 grammes. De même il est prudent de ne pas cesser brusquement le régime, de peur qu'il ne survienne, au moment de son interruption, des accès fréquents, pouvant dégénérer en état de mal. Les bons effets, au point de vue thérapeutique, de cette alimentation spéciale se produisent encore, quand, au lieu d'une inanition presque complète en chlorures, on ne produit qu'une inanition relative, par l'addition quotidienne, au ré- gime spécial indiqué plus haut, de petites doses, 3 grammes ou 4 grammes ou 5 grammes de chlorure de sodium. Même alors on ne voit pas reparaître les accès. On peut ainsi tâ- ter la susceptibilité des malades 'en augmentant progressive- ment l'ingestion des chlorures jusqu'au moment où elle sera suffisante pour faire revenir les accès, et cela sans changer la dose de-'bromure de sodium ingéré'. En résumé, nous pensons avoir établi que, dans la pres- ' que totalité des cas, des doses de 2 grammes de bromure de sodium 2^cir jour font cesser les accès épilej)tiques, quand le régime alimentaire ne contient pas de chlorures ajoutés, comme dans r alimentation ordinaire. Nous croyons qu'il y a là une méthode générale, nou- velle, de thérapeutique, applicable non seulement aux mala- 1 . En calculant la quantité de chlorures de la ration normale d'entretien, on voit que, si le chlorure de sodium n'était pas ajouté aux aliments, c'est à peine si l'on consommerait 2 grammes de sel par jour. Le pain;oOO grammes) ne ferait guère que 1 gramme de NaCl en plus. C'est donc 3 grammes de NaCl qu'on prendrait par jour dans le cas d'une alimentation sans addition de sel. C'est là une condition évidemment très facile à réaliser, et qui répond aux exigences de ce régime spécial. En somme, cet état d'hypochlorurie, qui est suffisant pour l'effet thérapeutique, n'est pas la privation du chlorure de sodium nécessaire, mais bien celle du chlorure de sodium de luxe. Les analyses faites par M. A. Perret, au Laboratoire de chimie de la Fa- culté de médecine, ont montré que, même chez les malades soumis depuis longtemps à ce régime, et ingérant 2 grammes de bromure de sodium, le rapport du chlore au brome dans l'urine ne tombait que rarement au-dessous de 2 fi 1. 182 CH. RICHET ET ED. TOULOUSE. dies dans lesquelles des sels alcalins (iodure et bromure de potassium) sont administrés, mais peut-être encoie aux affec- tions traitées par d'autres médicaments (quinine, digitaline, atropine). En mettant les cellules nerveuses en état de demi- inanition chlorurique, on les rend plus aptes à assimiler les substances médicamenteuses. Nous proposons d'appeler méthode métatrophique cette méthode thérapeutique qui consiste à modifier l'alimentation et la nutrition, en même temps qu'on administre telle ou telle substance thérapeutique'. 1. Voir dans le mémoire suivant le détail de ces observations. XI TRAITEMENT DE L'ÉPILËPSIE PAR LES BROMURES ET l'hYPOCHLORURATION Par Ed. Toulouse. Nous avons, supposé, Ch. Richet et moi, qu'en privant, dans une certaine mesure, l'organisme de chlorures, on de- vait le rendre ainsi plus sensible à l'action des bromures. Cette hypothèse thérapeutique repose sur des faits qui montrent que le brome peut se substituer chimiquement au chlore dans l'organisme, ainsi que l'a rappelé Linossiek dans la discussion qui a eu lieu sur ce sujet à la Société ?né- dicale des hôintaux^ . Quel que soit, d'ailleurs, le bien fondé 1. (1 Nencki et ScHUMOw-SiMANOwsKij dit M. LiNossiER, ont démontre, il y a quelques années, que le brome peut se substituer au chlore dans les tissus de l'organisme. Après un traitement bromure de dix jours seulement, ils trouvèrent dans les divers tissus et organes d'un chien plus de brome que de chlore... Et le brome ainsi fixé n'était pas simplement surajouté aux éléments minéraux du tissu; il était, en réalité, au moins en partie, substitué au chlore ; car la proportion de ce dernier était moindre que 4a normale... De ces faits, et d'autres qu'il serait trop long de rapporter ici, résulte cette notion que le brome introduit dans l'organisme ne s'y comporte pas comme un corps étranger, mais peut, dans certaines limites, se substituer au chlore, dont il e?t .si voisin chimiquement, pour le suppléer physiologiqucmenl. Un bon exemple 184 ED. TOULOUSE. de cette liypothèse, le résultat de nos essais a été tel que nous l'espérions. Je ne relaterai ici que les effets de l'hypochloruration obtenus sur les malades — au nombre de 20 — soumises au régime alimentaire spécial. Mais au préalable il me faut dire quelques mots sur l'hypo- chloruration. L'action du chlore dans l'organisme n'est pas encore bien connue. On croit que le chlorure de sodium favorise l'engraisse- ment. Les éleveurs, dit Bunge *, admettent que les animaux mangent plus et progressent mieux si on leur donne du sel et que Ton voit parfois se produire des suites fâcheuses de la privation du sel. Cela se comprendrait pour les ani- maux en voie d'évolution. En effet, d'après Bukge, à mesure que l'animal grandit, il contient relativement plus de potasse et moins de soude, par suite de l'augmentation de la masse musculaire, riche en potasse, et de la diminution des carti- lages, riches en soude. Aussi les jeunes paraissent-ils avoir plus besoin de sels que les adultes. Le sel du lait est par rapport au poids des enfants en plus grande quantité que le sel de l'alimentation moyenne pour l'adulte. Pour les adultes, une grande consommation de sel paraît moins nécessaire; et cependant nous en prenons une grande quantité. Nous consommons beaucoup trop de sel, dit Bu.ngk, jusqu'à 20 et 30 grammes, alors qu'il suffirait d'ajouter 1 à 2 grammes à une alimentation végétale pour rétablir un rapport de la potasse à la soude, égal à celui qui existe dans de cette suppléance du chlore parle brome est fourni par l'étude de la sécré- tion stomacale. Chez un animal soumis à l'action des bronmres, une partie de l'acide chlorhydriquc du suc gastrique peut être remplacée par de l'acide brom- hydrique en proportion équimoléculaire. Si l'on aj^pauvrit un organisme en chlorures, en supprimant le sel de l'alimentation, tous les tissus deviendront très avides de clilorures, et très probablement aussi de bronmrc, qui peut physiologiquement le remplacer. » [BuU. de la Soc. méd. des hôpitaux, 12 janv. 1900.) 1. Bunge. [Cours de chimie hiolor/ique el patholofjif/ue, trad. fr.inc., 190t.) TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 185 le lait. Il en résulte une fatigue pour le rein chargé d'éli- miner le sel en plus. Pourquoi, demande Bunge, le chlo- rure de sodium est-il le seul que nous ajoutions à nos ali- ments, bien qu'il se rencontre dans ces derniers? On sait que les carnivores, même les animaux domes- tiques, ne sont pas friands de cet aliment, tandis que les herbivores recherchent les roches salées pour en lécher le sel, ainsi que tous les voyageurs le rapportent. Et, cependant, les aliments des uns et des autres contiennent une proportion de sel sensiblement égale par rapport à leur poids. Mais les aliments des herbivores sont 3 ou 4 fois plus riches en potasse que ceux des carnivores. BuNGE admet que les sels de potasse déterminent la décom- position du chlorure de sodium en chlorure de potassium et en sel de soude, dont l'acide est fourni par le sel de potasse. Le rein est chargé de maintenir la composition du sang dans des limites constantes, et d'éliminer les corps étrangers, comme le chlorure de potassium et le sel de soude, de sorte que le sang est privé de chlore et de soude. C'est pour cette raison que les peuples qui se nourrissent surtout de viande n'aiment pas le sel; tandis que les végétariens le recherchent davantage. Les Juifs offraient à Dieu du sel avec les fruits de la terre. Les Romains agissaient pareillement, tandis qu'ils offraient à leurs dieux les victimes vivantes sans adjonction de sel. BuNGE cite un grand nombre de peuples non agricoles qui ne salent pas leurs aliments, les Kirghizes, les Bushmen, les Indiens de l'Amérique du Nord, les Indigènes de la Nou- velle-Hollande, etc. Le régime végétarien nécessiterait donc une consommation plus grande de chlorure de sodium. Ainsi la statistique a montré qu'en France les paysans, qui man- gent plus de légumes que les citadins, absorbent trois fois plus de sel que ces derniers. Cela expliquerait aussi pourquoi on ne mange guère les pommes de terre sans sel. Les ali- ments dans lesquels le rapport de la potasse à la soude est le plus élevé exigent l'adjonction de plus de sel. Or, ce sont 186 ED. TOULOUSE. ceux-là que prend surtout l'ouvrier. Par conséquent, l'impôt sur le sel est injuste. Il faut retenir de cette discussion que Ihomme des villes n'a pas besoin de tout le sel qu'il absorbe. Ce qui le prouve, ce sont les nombreuses populations qui n'en ajoutent pas à leurs aliments habituellement. Des personnes habituées à prendre beaucoup de sel, les voyageurs par exemple, ont pu supprimer l'adjonction de cet aliment sans en être incom- modés. L'astronome L. Sciiwarz, dit Blnge, au cours d'une <3xploration, vécut pendant trois mois exclusivement de viande de renne et de gibier de plume. Il s'est trouvé bien de ce régime et n'a pas ressenti le besoin de saler ses ali- ments. D'autre part, combien de malades ont été soumis, depuis des siècles, et durant des temps plus ou moins longs, au régime lacté, qui est un véritable régime d'hypochlorura- tion, puisque le lait ne contient que 1 gramme de chlorure de sodium par litre, sans en être incommodés? Nous pouvons donc conclure de ces faits que l'hyperchloruration, à laquelle nous nous soumettons habituellement, n'est ni rationnelle ni nécessaire. D'après Bunge, elle serait même nuisible. Il est bien certain que, si l'hyperchloruration est inutile et même mauvaise, la privation absolue de sel serait dange- reuse. FoRSTER a nourri des animaux avec des aliments dé- pourvus de sels, aussi bien de chlorures que des autres, et a constaté qu'ils dépérissaient rapidement. Tl ne faut donc pas songer à supprimer le sel de l'alimentation ; et d'ailleurs il serait impossible de le faire complètement, puisque tous les aliments en contiennent. Mais il est facile de réduire la consommation quotidienne. Dans quelle mesure pouvions- nous le faire? Lapicque et Ch. Riciiet' admettent que, pour un homme de 60 kilos, la consommation quotidienne moyenne est de 14 grammes, et la consommation minimum (déterminée par 1. LAPicriUE et Cil. lîicHET. Art. Aliments, in Dictionnaire de ]//i>jsiolor/ie. l, 1895, 317 et 332. TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 187 le NaCl des aliments naturels) peut être fixée à 2§^',40. C'est à peu près à ce chiffre moyen, qui représente le sel que nous absorberions dans nos aliments sans addition de sel ^ ou encore le sel contenu dans 3 litres de lait, que nous nous sommes arrêtés comme limite à Thypochloruration des ma- lades. Nous supprimons donc ce qu'on pourrait appeler le chlorure de luxe. Pour être sûr de la quantité du sel absorbé, nous avons établi un régime spécial uniforme qui a été donné tous les jours. Pour ce faire, nous avons tenu compte de la ration d'entretien du Parisien, telle que l'ont établie Lapicque et Ch. Richet en utilisant les données publiées par divers docu- ments statistiques administratifs concernant les aliments consommés à Paris et aussi le travail de Husson. La teneur en chlorures des principaux aliments de cette ration est approximativement : 550 gr. pain (nou compris le sel ajouté) . . . 0,027 280 — viande 0,684 125 — lait 0,133 1 œuf de^35;gr 0,171 1,015 Si nous ajoutons le sel contenu dans les fruits et les légumes frais, cela fait un total de chlorure de sodium de 2 grammes, auquel il faut ajouter 8 à 12 grammes de sel incorporé aux aliments ou au pain. Le nombre des calories correspondant à cette ration moyenne serait de 3 278, et le poids approximatif de l'azote serait de 19 grammes. Cette ration d'entretien paraît être plus abondante qu'il ne serait strictement nécessaire si Fon en juge par l'élévation de température que chaque repas détermine, et par cet autre fait que la ration varie d'un sujet à l'autre dans des propor- tions considérables, sans que la santé générale des uns et des autres paraisse souffrir. Notre alimentation est donc une ali- 1. Environ 2 grammes pour les aliments non salés. 188 ED. TOULOUSE. mentation de luxe, ou de travail, dans le sens d'une produc- tion exagérée de calorique. Pour mes malades, le régime alimentaire spécial a été fixé ainsi qu'il suit' : Lait 1,000 grammes. Pommes de terre. . . . 300 — Deux œufs 70 — Café 10 — Viande de bœuf 300 — Farine 200 — Sucre 50 — Beurre 40 — La teneur en chlorures de celte ration alimentaire spéciale est de : 1 litre de lait 1,06 2 œufs de 3o grammes 0,35 300 grammes de viande 0,73 200 grammes de farine 0,02 300 grammes de pommes de terre, , 0,03 2,19 Cette ration donnait 2 700 calories et 20 grammes d'azote, quantités suffisantes, étant donné le sexe et le peu d'activité des malades. Ces aliments étaient donnés sous la forme suivante : A 7 heures du matin, 25 centilitres de lait. A 41 heures, deux crêpes faites avec deux œufs, de la farine, du lait, du sucre; café. A 3 heures, bouillie faite avec de la farine et du sucre délayés dans du lait bouillant. 1. Voici la teneur en ciilorure de sodium de ces aliments pour 1 000 gr. 1 000 grammes pain ou 500 grammes de farine 0 gr. 05 — viande 2 — 44 — lait 1—06 — pommes de terre 0 — 11 1 œuf de 35 f^rammes (i — 175 1000 grammes de farine 0 — 10 La quantité de sel ajoutée au pain est considérable. Les auteurs indiquent les chiffres de 2 à 3 grammes par kilo. Le pain fourni par l'Assistance pu- blique à l'asile de Villojuif contient environ 6 grammes de sel par kilo. TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 189 A 5 h. 1/2, bouillon non. salé. Bœuf bouilli sans sel. Pommes de terre sautées au beurre. Pas de vin, et le restant du lait donné en boisson avec do l'eau. Ce régime spécial a été accepté volontairement par les malades, qui le trouvaient agréable à cause des crêpes. Des malades ont pu, sans aucun inconvénient, ni sans en être re- butées, le prendre pendant sept mois. Elles ont été soumises brusquement au régime d'hypochloru ration et ne paraissent pas avoir souffert de ce changement rapide dans leur régime alimentaire. Les 20 malades traitées par cette méthode (Tableau I) ont été choisies dans le quartier d'épileptiques de mon service de l'asile de Villejuif. TABLEAU I. — Age, Cause et Durée de la maladie. d'ordre. AGE au moment du traitement. AGE au début de la maladie. DURÉE de la maladie. Causes apparentes de la maladie. DURÉE du traitement spécial. •1 49 ans 7 ans 42 ans 9 33 jours 2 47 — 19 — 28 — Grossesse. 38 — 3 20 — 11 — 9 — Fièvre typhoïde 35 — 4 22 — 15 — 7 — Puberté. 39 — .'j 28 — 16 — . 12 — Puberté. Émotion. 28 — (i 28 — 12 — 16 — Méningite. 1?) 38 - 7 32 — 1 — 31 — ■? 28 — 8 31 — 1:3 — 16 — Puberté. 83 — 9 17 — 13 — 4 — Puberté. Émotion. 117 — 10 17 — 11 — 6 — Puberté. Émotion. 41 — 11 19 — 1:; — 4 — Puberté. Émotion. 208 — 12 2G — 14 — . 12 — Puberté. Émotion. 28 — 13 ^22 10 — 12 — Émotion. 79 - 14 20 — 13 — 3 — ? 38 — 13 18 — 16 — 2 Émotion. 36 — 16 19 — 7 — 12 — Émotion. 38 — 17 18 — 13 — 3 — Puberté. Émotion. 38 — 18 26 — 20 — 6 — ■7 199 — 19 28 — 17 — 11 — Puberté. Émotion. 193 — 20 2-j — 2 — 23 — Émotion. 38 - 190 ED. TOULOUSE. C'étaient des adultes de 17 à 49 ans, rentrant toutes dans cette vaste catégorie d'épilepsies dites essentielles, dont les lésions ne se sont pas manifestées chez le vivant par des troubles (moteurs) en rapport avec des lésions cérébrales. Les causes apparentes des épilepsies étaient variées; pour la plupart c'étaient des émotions survenues au moment de la puberté. Toutes étaient plus ou moins des débiles intellec- tuelles, et leur internement dans un quartier d'aliénés avait été provoqué par leur difficulté à tenir un emploi au dehors» TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 191 TABLEAU II. — Hypochloruration. H .; à- ■a BROMUKE. ACCÈS. VERTrr;F;s_ TOTAL. « a ""^ M S des accès Iterhries. 'A 03 i - ~»« 'à 1 r/l ~~-^-^T' — 1 O 5 z 'i o S S S '< z s D Q o c a 3 5 o S i ' rt 33 K 0 5 1.51 3 0,90 8 2,42 1 ■ 6 33 Na 2 0 0 1 0,30 1 0,30 c 18 Na 2 0 0 0 0 0 0 « 38 K 4 0 0 18 4,73 18 4,73 Douches. 2 h 38 Na 4 0 0 1 0,26 1 0.20 c 23 Na 4 0 0 0 0 0 0 ( a 55 K 3 11 2 1 0,18 12 2.18 Douches. ^ b 55 Na 4 3 0,54 0 0 3 0.54 1 c 40 Na 4 1 0,25 0 0 1 0^25 ( a 39 ' 0 13 3,33 ,■ 30 7,69 43 11,02 ^ b 39 Na 2 0 0 11 2.82 11 2,82 ( c 24 Na 2 0 0 2 0,83 2 0.83 ( a 28 0 7 2,50 Ô 0 7 2,50 ^ b 28 Na 2 0 0 0 0 0 0 i c 13 Na 2 0 0 0 0 0 0 { a 38 0 11 2,89 39 10.26 50 13,15 M b 38 Na 2 1 0,26 22 5,78 23 6,05 c 23 Na 2 1 0,43 20 8,69 21 9,13 ( a 28 K 5 2 0,71 22 7,85 24 8,57 7 i b 28 Na 5 0 0 15 5,35 15 5,35 ( c 13 Na 5 0 0 0 0 0 0 ( a 85 K 2 25 2,94 20 2,35 45 5.29 Douches. b 85 Na 2 0 0 0 0 0 0 c 70 Na 2 0 0 0 0 0 0 ( a 117 K 3 29 2,47 0 0 29 2.47 0 \ b 117 Na 3 4 0,34 2 0,17 • 6 0,51 <: 102 Na 3 2 0.19 2 0,19 4 0.39 a 41 K 0 21 5,12 lï 2,68 32 7,80 10 ] b 41 Na 2 1 0,24 10 2,43 11 2,68 c 20 Na 2 1 0,38 9 3,46 10 3,84 a 208 Ô 67 3,22 4 0.19 71 3,41 H b 208 Na 2,70 13 0,62 12 0,57 25 1,20 c 193 Na 2,60 13 0,67 12 0,62 25 1,29 ( a 28 0 9 3,21 13 4,64 22 7,85 12 b 28 Na 2 0 0 3 1,07 3 1,07 \ c 13 Na 2 0 0 0 0 0 0 ( a 79 K 5 99 12,53 61 7,72 160 20,25 13 1 b 79 Na 3,97 2 0,25 38 4.82 40 5,06 c 64 Na 3,75 1 0,15 5 0,78 6 0,93 1 a 38 0 9 2,36 27 7,10 36 9,47 1-1 l b 38 Na 2 1 0,26 15 3,94 16 4,21 ( r 23 Na 2 0 0 4 1,73 4 1,73 ( a 36 0 1 0,27 9 0.55 3 0,83 15 b 30 Na 2 0 0 1 0,27 1 0.27 ( c 21 Na 2 0 0 0 0 0 0 ( a 38 K 3 14 3.68 32 8,42 40 12,10 16 b 38 Na 3 1 0,25 4 1,05 5 1,31 ( c 23 Na 3 0 0 1 0.43 1 0,43 a 38 K 2 23 6.05 32 8,42 55 14.47 Douches. 17 b 38 Na 2 0 0 3 0.78 3 0,78 c 23 Na 2 0 0 1 0.43 1 0,43 ( n 199 K 1,70 47 2,36 210 10,55 257 12,91 Douches. 18 b 199 Na 2,46 2 0,10 4 0.20 0 0.30 ( (■ 184 Na 2,30 Ô 0 0 0 0 0 i a 195 0 78 4 10 0,51 88 4.51 10 b 195 Na 3,25 4 0,20 4 0,20 8 0,41 ( c 180 Na 3,20 1 0,05 3 0,16 4 0,22 / II 38 0 7 1,84 11 2.89 18 4.73 20 b 38 Na 2 2 0,52 14 3,68 . 16 4.21 1 c 23 Na 2 0 0 8 3,47 8 3,17 (1) a. Régime ordinaire- b. Hypochloruration (toute la pér Hypocliloniration (après les 15 ode), premiers jours). TABLEAU III. — CATEGORIES DES MALADES OBSERVEES REPARTIES D APKKS LES PERIODES. 1. Résultats concernant toutes les malades. 2. Résultats d'après la durée du traitement spécial. 3. Résultats d'après l'état de bromuration ou de non- bromuration immédiate- ment avant le traitement spécial. A. Plus de 70 jours. B. Moins de 70 jours. A. Avec bromu- ration. B. Sans bromu- ration. 4. Résultats A. Avec d'après l l'état de I bromu- bromuration j ou de non- 1 ration, bromuration i immédiate- \ g Sans ment ou J non avant 1 i„.onui- I traitement. ' y,^i\,,n. a. Régime ordinaire (Immédiatem. précéd.) 6. Uypochloruration (Toute la période.) c. Uypochloruration (Après les 15 premiers jours.) a. Régime ordinaire (Immédiatement.) h. Hypochloruration. (Toute la période.) f. Hypochloruration .\près les 15 premiers jours.) a. Régime ordinaire 1 Immédiatement.) h. Hypochloruration (Toute la période.) c. Hypochloruration (Après les lu premiers jours. a. Régime ordinaire. b. Hypochloruration (Toute la période.) c. Hypochloruration (.Vprès les 15 premiers jours.) a. Régime ordinaire. b. llypochloruratinn (Toute la période. c. Hypochloruration Après les 15 premiers jours.) a. Régime ordinaire. h. Hypochloruration (Toute la période.) c Hypochloruration Après les 15 premiers jours.) a. Régime ordinaire. b. Hypochloruration (Toute la période.; c. Hypochloruration Après les 15 premiers jonrs.) NOMBRE DE .JOURS observés. 1399 20 ' 1 399 1099 883 793 51G 14 ( 516 306 677 G77 542 722 1050 1256 1016 ' 143 16 J u 69,9 69,9 54,95 147,1 147,1 132,16 36,8 3G,8 21,85 75,2 75,2 60,22 65,6 65,6 50,63 65,6 78,5 63,5 35,7 35,7 20,75 BROMURE. K Br, Na Br. Xa Br. K Br. Xa Br. Xa Br. R Br. Xa Br. Xa Br. K Br. Xa Hr. Xa Br. Xa Br. Xa Br. K Br. Xa Br. Xa Br. Xa Br. Na Br. C3 O H S - * (1) 3,1 28,70 53,38 2,66 52,85 2,64 11,7 ■2) 2,9 17,38 2,89 16,85 2,80 3) 17 3,4 0 r: 36 28,70 29,43 29,05 23,95 23,80 45,70 i5.38 2.5 3,10 3,27 2,17 2,16 2,80 2,83 2,80 (1) Moyenne spL-cialc concernant les 9 malades qui prenaient rlu t)romur( (2; — — les 4 — (3) — _ los 5 — _ Tableau synoptique. ACCIDENTS. ^Moyennes pour 1 malade. - ^i 5 o o 23,9 3,41 l,"? 0,24 1 0,18 57,5 3,90 4,1 0,28 2,83 0,21 9,;J 2,57 0,6 0,17 0,21 0,09 27,8 3,69 1,3 0,17 0,4i 0,07 20,7 3,15 2 0,30 l,4o 0,28 21,3 3,24 2 0,25 1,18 0,18 9,.-i 2,65 0,5 0,13 0,25 0,12 Différence. 92% 94 0/, 94% 93 o/o 96% 930/0 98 0/0 90 0/0 900/0 920/0 94 0/0 95 0/0 95 0/0 VERTIGE.S. TOTAL. « 0 Moye pour 1 1 ânes lalade. 3 s 0 0 eu ■-• 0 ci 5 Moyennes pour i malade. S 2.2 0 0 546 27,3 3,90 1024 31,2 7,31 160 8 1,14 ■00/0 194 9,7 1.38 67 3,3 ■ 0,60 84 0/, 87 4,3 0,79 305 50,8 3,45 630 108,3 7,36 60 10 0,67 80 0/0 80 14,1 0,96 22 3,66 0,27 92% 39 6,3 0,49 241 17,2 4,67 374 26,7 7,24 100 ^,1 1,93 58% 109 "J 2,11 45 3 21 1,47 68 0/0 48 3,42 1,56 396 44 5,84 646 71,8 9,54 67 7,4 0,98 83% 79 8,7 1,16 9 1 0,16 970/0 13 1,44 0,23 150 13,6 2,07 378 34,4 3,23 93 8,4 1,28 38% 115 10,4 1,59 58 5,27 1,04 490/0 74 6,72 1,32 447 27,9 4,23 788 49,2 7,30 134 8,3 1,06 7"^ "/o 166 10,3 1,32 54 3,37 0,53 87 û/o 73 4,36 0,71 40 10 2,79 78 19,5 5,45 26 6,5 1,81 350/0 28 7 1.93 13 3,25 1,36 44 o/q 14 3,. 50 1,68 81 0/^ 89 0/, 86% 930/0 70 0/, 78 0/, 87 0/,' 970/, ;o 69 0/ 740/, 80 0/fl 90 0/0 64 0/, 69 0/, 13 J94 ED. TOULOUSE. Ces malades avaient pour la plupart des accidents fré- quents, presque un accident tous les jours en moyenne (Ta- bleau III, 1, a). Pour juger de l'action d'un médicament sur Fépilepsie, il est en effet nécessaire de choisir des sujets à accidents fréquents. Nous avons employé le bromure de so- dium, parce que c'est le moins toxique. II est à remarquer que c'est aussi le moins actif. Nous donnions d'abord 4 gram- mes, puis nous avons donné seulement 2 grammes, quantité qui fut suffisante dans la grande majorité des cas. Ces malades ne sont pas restées toutes aussi longtemps (Tableau I) : G durant plus de soixante-dix jours (de trois à sept mois), et 14 seulement de vingt-huit à cinquante-cinq jours. Celles-là étaient les premières qui avaient été mises au régime. Au fur et à mesure que les résultats étaient bons, on en choisissait d'autres ; puis le régime alimentaire a été simplifié. Au lieu de donner aux malades un régime alimen- taire spécial un peu compliqué, il a paru plus simple de donner les aliments ordinaires non salés ; et en graduant le pain pour se rendre compte de la quantité maximum du sel que l'on pouvait ajouter à la nourriture sans rappeler les accès. On en mit aussi quelques-unes au régime lacté qui paraît répondre au même but. Ces divers essais méritant d'être étudiés séparément, bien qu'une idée commune et des résultats semblables les unissent, on a dû grouper dans une première catégorie 20 malades, dont quelques-unes n'ont pas été suivies assez longtemps pour qu'on puisse, s'il n'y avait qu'elles, se prononcer sur le résultat thérapeutique del'hypo- chloruration avec le régime spécial. Mais on peut se rendre compte (Tableau III, 2) que, si l'on divise les malades d'après la durée longue (plus de soixante-dix jours) ou courte (moins de soixante-dix jours) du traitement, les effets obtenus sont les mêmes, plus accusés encore dans les périodes de plusieurs mois. Gela montre que ce traitement n'épuise pas son effet en quelques jours et agit d'autant plus qu'il est plus long- temps prolongé. TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 195 Le tableau II nous montre le nombre des accidents pen- dant le régime ordinaire et pendant l'hypochloruration. Pour faciliter la comparaison des accidents, on a opposé les acci- dents survenus pendant rhypochloruration à ceux survenus pendant un même nombre de jours pris dans la période im- médiatement précédente. En outre, comme les effets du trai- tement demandent quelques jours pour se manifester pleine- ment, on a divisé le temps d'hypochloruration en 2 périodes (IS premiers jours et jours suivants), réunis dans une troi- sième période d'ensemble. On voit que le nombre des accès et le nombre total des accidents ont diminué pour chaque malade, dès que le ré- gime d'hypochloruration a remplacé le régime ordinaire, et d'autant plus qu'elles s'éloignaient davantage de ce der- nier régime. Dans 3 cas (n°* 9, 11 et 20), le nombre des vertiges a un peu augmenté, comme s'ils remplaçaient les accès disparas; mais le nombre total des accidents a diminué. Cette généralité dans les effets donne bien la mesure de ce traitement. Dans la période d'hypochloruration qui suit les quinze premiers jours, pendant lesquels le NaGl en excès est éliminé et l'action thérapeutique du bromure se renforce, les accès disparaissent complètement dans la majorité des cas (13 sur 20), même lorsque le temps d'observation a été pro- longé. La malade n° 18 qui avait, avec le régime ordinaii'e, 1 accès tous les cinq jours, n'en a plus présenté aucun dans les cent quatre-vingt-quatre jours de cette période d'hypochloru- ration réelle. Une autre (n° 19), qui présentait auparavant 1 accèstousles deux jours, n'en a plus présenté qu'un seul en cent quatre-vingts jours. D'une façon générale, toutesles ma- lades, sauf le n° 2, avaient un ou plusieurs accès dans une période de dix jours, en moyenne 1 tous les 3,41 jours. Or aucune de ces malades n'en a plus présenté un seul dans la même période de temps. Pour cette comparaison les petites durées d'hypochloruration peuvent être utilisées sans discus- sion. 196 ED. TOULOUSE. En résumé, durant l'hypochloruration les accès ont di- minué de 92 p. 100, les vertiges de 70 p. 100, et tous les acci- dents de 81 p. 100. Les vertiges ont un peu moins diminué ('84 p. 100 dans la 2*^ période, et 70 p. 100 dans l'ensemble). Enfin, au total, la diminution a été de 89 p. 100 dans la 2^ pé- riode et de 81 p. 100 dans l'ensemble. Il est à remarquer qu'un certain nombre de malades ne prenaient pas de bromure quand elles ont été soumises à l'hypochloruration. On pouvait donc se demander si l'effet attribué au régime ne serait pas dû au bromure seul. On voit (Tableau III, 3) que l'action a été aussi heureuse dans les cas où les malades ne prenaient pas de bromure que dans les cas oii les malades en prenaient. Ces dernières ont même été moins bien influencées par le régime que les autres. Ces 9 cas sont la preuve la plus évidente de l'effet heureux du régime. Ces malades ont pris du bromure durant un cer- tain temps, et la même quantité moyenne par jour (38'", 10 et 38", 27 ') durant le régime ordinaire et durant l'hypochloru- ration. Or les accidents (accès et vertiges), qui étaient en moyenne durant le régime ordinaire au nombre de 9,54 pour dix jours, tombèrent durant l'hypochloruration au nombre de 1,16, soit une diminution de 87 p. 100. Or une seule chose avarié durant ces deux périodes : c'est le régime; c'est donc lui qui est la cause de l'effet thérapeutique. C'est là une véri- table expérience de laboratoire. On a avancé que les douches combinées au bromure pouvaient donner des résultats équi- valents à cette méthode thérapeutique. Or les malades n"^ 2, 3, 8, 17 et 18, qui prenaient des douches et du bromure pen- dant le régime ordinaire, ont toutes présenté une diminu- tion notable des accès et des vertiges durant l'hypochlorura- tion, la dose de bromure restant sensiblement la môme dans les deux périodes. 1. 3^^,27 de bromure de sodium sunt moins actifs que 3«%10 de bromure de potassium. TRAITEMENT DE L'EPILEPSIE. 197 TABLEAU IV. — Poids durant l'hypochloruration. Totaux.. Moyenne. •Â Y. K P < O a •^ s H US S ^ 2 « 03 ^ -VJ o 03 Q 2 r^ O Z a k- S. 33 46,300 38 76,600 5S 67,000 39 51,900 28 65,200 38 53,200 28 63,400 85 48,800 117 50,400 41 43,400 208 42,700 28 47,000 79 62,800 38 58,200 36 47,700 38 32,900 38 38,800 199 56,800 195 70,700 38 54,000 45,700 78,000 65,200 52,900 66,700 51,000 57,400 48,800 50,900 45,900 43,200 46,700 61,700 56,700 47,200 ■34,600 41,900 56,600 70,800 55,500 VARIATIONS DU POIDS après 20 jours par rapport au poids du début. 1,400 1,000 1,.500 0,500 2,500 0,500 1,700 3,100 0,100 ,500 13,800 1,380 0,600 1,800 1,300 6,000 0,300 1,100 1,500 0,300 0,200 13,300 1,477 47,300 79,500 64,200 53,100 66,200 52,600 38,100 48,800 30,400 46,500 39,900 47,000 53,600 58,200 45,900 35,700 42,300 53,600 58,300 53,700 VARIATIONS DU POIDS de la fin par rapport au poids du début. k- g 1,000 2,900 1,200 1,000 0,300 3,100 2,800 3,500 1,700 17, .500 1,944 2,800 5,300 2,800 9,200 .1,800 3,200 12,4001 37,500 3,357 1. Malade ayant eu une crise d'agitation prolongée. Enfin, il a paru utile, pour pouvoir rigoureusement com- parer un plus grand nombre de malades, de relever chez 16 malades les accidents survenus durant une période de bro- muration antérieure, mais non immédiatement antécédente 198 ED. TOULOUSE. à l'hypochloruralion et d'égale durée. Les résultats ont paru tout aussi satisfaisants (Tableau III, 4). Donc, toujours et dans toutes les statistiques, la supériorité de la méthode apparaît. Les malades que nous avons ainsi traitées n'étaient pas guéries ; et, lorsque le régime alimentaire ordinaire était repris, les accès revenaient après quelques jours, que l'on donnât ou non du bromure, ce qui était la contre-épreuve du traitement. Ainsi il est important de ne pas supprimer le bromure, surtout lorsqu'on redonne le régime alimentaire ordinaire, et il est même prudent d'en élever la dose en ce moment. A ce point de vue, ce traitement est semblable à tous ceux où le bromure est employé. Nous ignorons encore si avec le temps — et notre traitement actuel paraît pouvoir être prolongé longtemps — on pourrait modifier l'organisme assez profondément pour faire disparaître la susceptibilité convulsi vante du système nerveux. Nous n'avons pas constaté d'action spéciale du régime sur les diverses fonctions de l'organisme. Le poids (Tableau IV) a augmenté ou est resté stationnaire dans la majorité des cas (13 cas sur 20). Parmi les épileptiques qui ont mai- gri, il faut signaler une malade qui présenta une crise prolongée de grandes agitations, au cours de laquelle elle diminua de 12 kilogrammes, et deux autres qui prirent S grammes de bromure et qui diminuèrent de 5 et de 9 kilogrammes. Les autres ont présenté des variations dans des limites normales. Il est àremarquer,à ce sujet, que ce traitement ne paraît pas empêcher les crises d'agitation qu'on observe chez les épileptiques. La force musculaire constatée au dynamomètre, la tem- pérature, le poids, le nombre des globules sanguins, la digestion, la fonction menstruelle, l'urination, n'ont pas paru varier dans un sens déterminé, ainsi que nous l'ont montré TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE. 199 les observations faites tous les jours pendant longtemps sur certaines de nos malades. En résumé, notre régime spécial exalte l'action théra- peutique du bromure. Lorsque le sujet y est soumis, la dose de bromure restant la même ou diminuant — ainsi que nous l'avons observé dans d'autres expériences qui feront l'objet d'un autre travail, — le nombre des accidents épileptiques diminue, et, inversement, lorsqu'on rétablit Je régime ordi- naire, le nombre des accès augmente. Ce n'est donc pas le bromure seul qui a cette action. Une dose quelconque de bromure de sodium, de potassium ou de strontium, produit toujours une action plus grande si elle est donnée avec le régime spécial. Même une dose de 8 à 10 grammes avec le régime ordinaire n'a pas autant d'effet que 2 à 3 grammes avec le régime spécial. Pas plus que le bromure seul, le régime seul ne peut expliquer cette action thérapeutique. Les ma- lades soumises à ce régime, et qui ne prirent de bromure ni avant ni pendant cet essai, ne présentèrent aucune améliora- tion. Pourquoi l'action du bromure est-elle ainsi renforcée? Ce n'est pas parce que ce régime est moins chargé de toxines alimentaires, puisque des aliments habituels, mais non salés, nous ont donné les mêmes résultats. C'est donc bien le chlo- rure de sodium, et le chlorure de sodium seul, qui, selon qu'il est plus ou moins mêlé aux aliments, diminue ou augmente l'action thérapeutique du bromure. Si l'organisme est plus sensible à l'action thérapeutique du bromure, il est aussi plus sensible à l'action toxique, qui semblent l'une et l'autre marcher de pair. Il faut donc être prudent et surveiller attentivement les malades qui peuvent avec 4 grammes présenter des signes d'intoxication bromique. A ce point de vue, il est bon de ne pas dépasser 2 à 3 grammes, et même de diminuer si la langue se charge, si les réflexes musculaires disparaissent, et si de l'hébétude un peu pro- noncée se manifeste. Cette idée thérapeutique se rattache à un système plus 200 ED. TOULOUSE. général qui nous a paru susceptible d'être appliqué dans d'autres maladies \ et qui consisterait à modifier la nutri- tion pour rendre l'individu plus ou moins sensible à l'action du médicament ou du poison. Nous avons appelé cette méthode générale thérapeutique métatrophique, et nous pensons, par exemple, que l'action des iodures alcalins pour- rait être exaltée par l'hypochloruration dans le traitement de la syphilis et de l'athérome. 1. V. plus loin : Gh. Richet, Tfiépapeulique méfalrophiqiie, p. 201. Xll LA THÉRAPEUTIQUE MÉTATROPHIQUE Par Charles Richet. Tous les essais thérapeutiques paraissent avoir été inspi- rés par la même pensée. Imprégner les cellules vivantes par telle ou telle dose de poison, de manière à modifier leur fonc- tion. Et en effet, il est bien évident que la cellule nerveuse — la plus sensible aux poisons — ne se comportera pas de la même manière si elle est normale, ou si elle est modifiée par la strychnine, la morphine, le chloral, le bichlorure de mer- cure, ou l'iodure de potassium. De la modification de la réac- tion cellulaire dérivera une modification de la marche de la maladie. Cette conception thérapeutique est évidemment ration- nelle, et les faits ont prouvé qu'elle est très exacte. Mais on ne s'est, semble-t-il, jamais préoccupé de la ques- tion suivante. Comment rendre les cellules (nerveuses ou autres) plus aptes à s'imprégner de poisons? Peut-on, en changeant leur alimentation, changer leur sensibilité aux toxiques, et par conséquent aux médicaments? 202 CH. lUCHET. Pout-on même modifier la nutrition intime des cellules? .4 priori on pourrait supposer que rien n'est plus simple. En donnant en plus grande quantité des graisses des sucres, des albuminoïdes, des sels, on croirait volontiers qu^on va changer la vie nutritive des cellules vivantes. En réalité, il n'en est rien. Les cellules ont leur existence individuelle ; et leur nutrition propre ne se modifie guère avec les aliments qu'on leur donne. Chez l'individu en inanition, comme L. Luciam l'a mon- tré, la vie se poursuit à peu près de la même manière que chez rindividii richement alimenté. Pour prendre une com- paraison assez grossière, mais très instructive, si l'on nous met devant une table très abondamment servie, et où il y a à manger pour vingt personnes, nous ne mangerons pas plus que si la table n'était préparée que pour une seule personne. Que j'aie devant moi mille kilogrammes ou un demi-kilo- gramme de pain, je n'en mangerai ni plus ni moins, et ce sera mon appétit qui réglera la quantité des aliments con- sommés : ce ne sera pas la quantité des aliments otTerts. De même la cellule vivante, que le sang soit riche ou pauvre en aliments, ne prendra que ce qui lui sera néces- saire. Rien ne pourra la forcer à prendre davantage. Autrement dit, la constitution chimique de chaque cel- lule sera constante, et indépendante, dans une large me- sure, des substances contenues (en excès} dans les liquides où elle vit. Mais cette proposition, vraie pour l'excès des substances, ne sera pas exacte pour le défaut de ces mêmes substances. Il est clair, par exemple, que, si la cellule ne trouve plus de sucre dans le sang, elle ne pourra plus fixer ou consommer du sucre. De même pour les albuminoïdes; de même pour les matières salines. Or il n'est pas possible de faire disparaître le sucre ou les matières azotées du sang; car, même au bout d'un jeûne pro- longé, il y a encore des matières azotées dans le sang : et, THERAPEUTIQUE MÉTATROPHIQUE. 205 tant qu'il y a des matières azotées, il se fait encore du sucre en quantité suffisante. Le giycogène du foie ne disparaît qu'à la fin de la période d'inanition. Les seuls éléments dont on puisse changer la teneur dans le sang-, ce sont les sels. On voit que le problème se simplifie et se rétrécit. Dimi- nuer les sels de l'alimentation iJOiir tnodifier, c' est-à-dire augmenter, V apipétition des cellules pour les sels. Si nos cellules trouvent dans le sang' les 6 ou 7 grammes de chlorure de sodium (par litre) dont elles ont besoin, il est clair qu'elles n'auront pas d'appétition bien vive pour les sels étrangers, et que, toutes conditions égales d'ailleurs, elles vont ne prendre des sels étrangers qu'avec une extrême dif- ficulté ; car leurs affinités chimiques pour les sels seront satis- faites. Mais, si le chlorure de sodium normal fait défaut, alors elles auront une tendance à fixer les sels minéraux qui seront introduits dans le sang, sels qui pourront, dans une certaine mesure, remplacer le chlorure de sodium qui manque. Faisons alors cette hypothèse très rationnelle : que la cellule, si le chlorure de sodium manque, s'emparera avec plus d'énergie du bromure de sodium. 11 s'ensuit que nous pourrons facilement contraindre les cellules à fixer le bromure de sodium introduit par Talimentation. Nous aurons donc un moyen très simple de rendre l'organisme très sensible à de petites doses de bromure de sodium. J'ai fait cette expérience avec Ed. Toulouse, non sur des animaux, mais sur l'homme même : et les résultats ont con- firmé pleinement notre hypothèse '. On sait que les accès d'épilepsie sont modifiés par les bromures alcalins, et surtout par le bromure de potassium. En donnant à des épileptiques les doses énormes de 10, ou 12, ou 15 grammes par jour de bromure de potassium, on 1. Voir plus haut le mémoire de Ed. Toulouse, p. 183-200. 204 CH. RICHET. supprime presque complètement les accès d'épilepsie. Mais ce traitement a de graves inconvénients. Les malades qui s'y soumettent finissent par maigrir, par s'abêtir, et par présen- ter tout un ensemble d'accidents, parfois très graves, connus sous le nom de bromisme. Or, en supprimant, ou plutôt en diminuant la ration ali- mentaire de chlorure de sodium des aliments, on arrive à rendre l'organisme extrêmement sensible à l'action du bro- mure de sodium (sel notablement moins actif et moins toxi- que que le bromure de potassium), de sorte que des doses o à 6 fois plus faibles (soit 2 à 5 grammes de bromure de so- dium par jour) suffisent pour amener les mêmes effets théra- peutiques, que 10 à 15 grammes de bromure de potassium, sans entraîner les mêmes effets toxiques. Rien n'est plus simple que d'établir cette thérapeutique mî'tatrophique : il suffit de ne pas ajouter de chlorure de so- dium aux aliments naturels. En effet le chlorure de sodium, qui est en quantité nota- ble dans notre sang, et qui est éliminé par l'urine dans des proportions quotidiennes de 10 à 15 grammes, est à peu près totalement absent de l'alimentation naturelle, si bien que du sucre, du beurre, de la farine, des légumes, delà viande, voire même du lait et des œufs, en proportions convenables, ne donnent guère que 2 grammes de chlorure de sodium par jour. Notre excrétion urinaire ne serait donc que de 2 grammes de chlorure de sodium par jour, si les préparations culinaires n'introduisaient dans nos aliments des quantités considé- rables de ce sel. Dans 500 grammes de pain, il y a environ ls'',5 de chlo- rure de sodium, mais ce sel est du sel ajouté par le boulanger, en proportions extrêmement variables d'ailleurs; car la farine lie contient que de faibles quantités de chlorure de sodium, à peine 1 gramme par kilogramme, soit 0,5 par kilogramme de pain. Par conséquent, même en prenant du pain ordinaire THÉRAPEUTIQUE MÉTATROPHIQUE. 205 comme aliment, on n'ingérera pas plus de 4 grammes de sel par jour, si l'on ne sale pas ses aliments. Cette pauvreté de l'alimentation en chlorure de sodium va modifier profondément la réceptivité des organes pour le bromure de sodium. Guidés par ces considérations théoriques, nous avons pu supprimer complètement les accès d'épilepsie de 30 malades épileptiques invétérés en supprimant de leurs aliments tout le chlorure de sodium ajouté; et en administrant la dose, re- lativement minime, de 2 grammes de bromure de sodium. Pendant six mois, pas un seul accès d'épilepsie n'est survenu chez quelques malades, et la tolérance pour le bromure de sodium a été complète. L'iirine examinée et dosée a montré que la proportion du brome au chlore atteignait rarement le rapport de 1 à 3 ; et que le plus souvent il y avait 35 de brome contre 65 de chlore. Si des chiffres plus précis n'ont pas été obtenus, c'est qu'il y a, comme le savent tous les médecins qui se sont occupés des produits de l'excrétion urinaire, des difficultés de toute sorte pour recueillir, d'une manière absolument certaine, la totalité de l'urine émise en 24 heures. Chez ces malades, traitées par 2 grammes de bromure et privés de chlorures, le retour à l'alimentation ordinaire avec chlorure de sodium suffisait pour faire reparaître les accès épileptiques, même si la dose quotidienne de bromure de so- dium était ingérée. C'est là une expérience tout à fait pro- bante, qui établit bien que le bromure de sodium est d'autant plus actif que la quantité de chlorure de sodium circulant dans le sang est moindre. Moins il y a de chlorure de sodium dans le sang, plus l'appétition des cellules nerveuses pour les sels alcalins est'considérable. La petite quantité de bromure de sodium circulant dans le sang est alors aussitôt fixée par les cellules qui en sont devenues très avides, et par consé- quent le fonctionnement des cellules se trouve modifié, et l'effet thérapeutique est obtenu. 206 CH. RICHET. Par ce procédé, de petites quantités de la substance médi- camenteuse deviennent efficaces, et les accidents gastriques, rénaux et autres ne sont plus à craindre; car les doses ingé- rées sont devenues tout à fait minimes et compatibles avec une excellente santé générale. Défait les malades soumises à ce régime hypochlorurique n'ont pas maigri. Si chez quel- ques-unes le poids du corps a diminué, chez d'autres, au con- traire, il y a eu accroissement du poids, et la nutrition géné- rale n'a pas paru être modifiée. Nous avons appelé thérapeutique métatrophique cette méthode nouvelle qui consiste à changer la nutrition intime des cellules, en diminuant un des éléments de leur constitu- tion normale. A vrai dire, notre expérience n'a porté jusqu'ici que sur le bromure de sodium dans l'épilepsie, mais nous croyons qu'il serait permis de généraliser, ou au moins de tenter une généralisation. Voici, par exemple, l'iodure de potassium, dont les etîets thérapeutiques sont si énergiques. Il paraît très probable que tout ce que nous venons de dire du bromure de sodium doit s'appliquer aussi à l'iodure de potassium. Il sera facile de tenter sur des malades cette simple et décisive expérimen- tation. Supprimer de la ration alimentaire le chlorure de so- dium ajouté, et voir si cette hypochloruration n'entraînera pas une sensibilité beaucoup plus grande à l'action thérapeutique de l'iodure de potassium. D'autre part la thérapeutique métatrophique comporte une autre importante application. En effet, doux cas se pré- sentent. Tantôt il s'agit de rendre l'organisme plus sensible à un médicament. Tantôt il s'agit de le rendre moins sensi- ble à l'action d'un poison. Or il sera d'autant moins sensible à l'action des poisons qu'il sera davantage imprégné de telle ou telle substance. Par exemple, si la cellule est imprégnée d'une substance al- caloïdique quelconque, une fois que cette imprégnation aura THERAPEUTIQUE MÉTATROPHIQUE. 207 eu lieu, la cellule ne pourra plus en recevoir d'autres, et alors les autres alcaloïdes circulant dans le sang seront inefficaces, puisque la cellule, saturée de la première sub- stance, ne pourra pas en recevoir d'autres. C'est probablement de cette manière qu'agissent beau- coup des substances thérapeutiques dans les fièvres des ma- ladies infectieuses. En effet, la fièvre et les phénomènes infectieux des ma- ladies semblent être presque toujours la conséquence d'une intoxication due aux poisons sécrétés par les microbes. Les ptomaïnes microbiennes sont des poisons qui détruisent la vie des cellules ; mais si, au préalable, les cellules ont été imbibées par d'autres substances chimiques moins toxiques que les ptomaïnes, elles seront rebelles à l'im- prégnation', et alors les ptomaïnes microbiennes cir- culeront dans l'organisme sans produire leurs effets nocifs, et l'élimination pourra se faire graduellement par le rein, sans que le système nerveux ait eu le temps d'être empoi- sonné. Évidemment ces considérations sont en partie hypothé- tiques : mais, dans certains cas, il est possible d'arriver à la démonstration de cette hypothèse. Après avoir plus ou moins vainement cherché, par les méthodes thérapeutiques les plus diverses, à arrêter la mar- che et l'évolution de la tuberculose, J. Héricourt et moi- même nous sommes arrivés à constater d'une manière abso- lument certaine l'effet salutaire de l'alimentation par la viande. Certes, depuis longtemps, les médecins avaient, quoi- que d'une manière assez vague, prouvé que l'on peut retar- der, et parfois arrêter, l'évolution de la tuberculose en nour- rissant les malades avec de la viande crue ; mais ce n'étaient que des présomptions nuageuses. Les données de la clini- que ont une variété, une variabilité et une incertitude qui les rendent à maints égards bien inférieures aux données de l'expérimentation. Les microbes qui ont donné l'infection 208 CH. RICHET. sont, en clinique, infectieux à des degrés très divers; la contagion ne s'est pas effectuée de la même manière; les malades sont dans des conditions d'âge, de bien-être, de santé générale, très variables. On ne peut pas poussera l'ex- trême les méthodes de traitement, à cause d'obstacles de toutes sortes, dont le principal est qu'avant tout il ne faut pas compromettre la vie du malade. Primo non nocere. Bref, la clinique ne donne que des comparaisons très imparfaites, tandis qu'en thérapeutique expérimentale les comparaisons se peuvent faire d'une manière irréprochable. L'inoculation a lieu le même jour, avec la même quantité du même mi- crobe, sur des animaux de même taille, dans des conditions hygiéniques aussi identiques que possible. Et, quoiqu'il y ait encore évidemment des différences individuelles, celles-ci sont réduites à leur minimum. Il s'ensuit que les conclusions d'une expérience de thé- rapeutique expérimentale seront plus précises, plus rigoureu- ses, que toutes les conclusions de la tiiérapeutique clinique. Bien entendu il ne faut pas faire dire à ces expériences plus qu'elles ne peuvent dire; et l'expérimentation sur des chiens ou des lapins ne comporte pas des conclusions s'ap- pliquant sans réserve à l'être humain. La thérapeutique ex- périmentale est absolument rigoureuse; mais il faut être très prudent, très réservé, très modéré, quand on veut en faire la base d'une thérapeutique applicable à l'homme. Quoi qu'il en soit, voici le résultat de nos observations sur l'alimentation des chiens à la viande crue. En comptant la durée des jours de survie à l'inoculation, nous avons sur douze chiens témoins une survie moyenne de 41 jours; tandis que sur dix chiens pareillement inoculés, mais soumis à l'alimentation carnée, la durée de la vie a été en moyenne de 252 jours; et chaque jour la différence s'accroît, puisqu'il y a aujourd'hui cinq survivants, parmi les chiens nourris à la viande, tandis que les douze chiens témoins sont tous morts depuis longtemps. THERAPEUTIQUE METATROPHTQUE. 209 Si même, ce que je ne puis faire ici, j'entrais dans le détail des expériences, je pourrais montrer sans peine que le résultat est bien plus net encore qu'il n'apparaît par ces chif- fres; car le nombre des témoins est en réalité de plus de 100 (voici près de huit ans qu'ont commencé nos expériences sur la tuberculose). Nul de ces cent témoins n'a survécu plus de quatre mois à l'inoculation; tandis que sur dix chiens nourris à la viande, il y en a déjà trois qui ont survécu plus des six mois. En outre, deux des chiens nourris à la viande sont morts sans présenter les moindres lésions tuberculeuses, de sorte que c'est par excès de scrupule que nous les comptons comme morts de tuberculose. Le fait que l'alimentation carnée empêche l'évolution de la tuberculose s'explique assez simplement par l'hypothèse des phénomènes métatrophiques. En effet, d'abord on ne peut invoquer l'hypothèse d'une suralimentation; car la viande cuite, qui, au point de vue alimentaire, est aussi nutritive que la viande crue, n'a pas du tout le même effet thérapeutique. D'autre part^ le jus de viande crue ne contient qu'une petite quantité d'albumines nutritives, environ 2o grammes par litre, soit la valeur de 100 grammes de viande. Comme nos chiens ne consom- maient que SOO grammes de jusMe viande, c'est comme si on les avait nourris avec SO grammes de viande : ce qui ne con- stitue pas une addition bien importante à leur alimentation normale. Enfin la viande lavée et privée de son jus n'a pas d'efficacité thérapeutique, quoique sa valeur alimentaire soit restée la même. Nous appelons Zomothérapie (opo thérapie par le plasma musculaire, Zc6(/.o;, bouillon de viande) ce traitement spécial. C'est une opothérapie ; ce n'est pas de la suralimentation. Selon toute apparence, les phénomènes morbides de la tuberculose sont dus aux effets des tuberculines sécrétées par les microbes; les poisons pénètrent les cellules de l'organisme et probablement surtout les cellules nerveuses; alors les 210 CH. UIGHET. tissus soustraits à l'influence protectrice des nerfs ne sont plus en état de résistera Tinfection. Les bacilles tuberculeux se développent en pleine liberté, et les poisons, de plus en plus abondants, qu'ils produisent, intoxiquent profondé- ment l'organisme. Il semble donc que le meilleur moyen de combattre la tuberculose soit d'empêcher les cellules vivantes de s'imprégner de tuberculine. C'est probablement ainsi qu'agit l'alimentation par la viande. Les ptomaïnes, leucomaïnes, nucléines, albumoses et autres produits mal déterminés, probablement très nom- breux, de la chair musculaire, passant dans le sang, vien- nent se fixer dans les cellules nerveuses; et celles-ci sont alors devenues incapables de tixer la tuberculine. Les tuber- culines formées par les microbes sont éliminées par l'urine au fur et à mesure de leur production, et l'organisme n'est pas intoxiqué. De même que, si les cellules] sont imprégnées de chlorure de sodium, elles ne peuvent plus fixer le bromure de sodium qui circule dans le sang; de même, croyons-nous, les cel- lules imprégnées des produits de digestion de la viande ne peuvent plus fixer la tuberculine produite par les bacilles de la tuberculose. Evidemment c'est une hypothèse; mais les hypothèses sont permises, quand elles expliquent des faits aussi rigou- reusement démontrés que ceux que nous venons d'exposer ici. En définitive, je pense avoir prouvé par ces deux exem- ples que la nutrition des cellules change leur aptitude à fixer les poisons ou les médicaments. Voilà pourquoi il m'a paru nécessaire de donner à cette méthode le nom de niétatrophique^ c'est-à-dire changement dans la nutrition cellulaire. Toutefois, il faudra distinguer dans cette thérapeutique deux conditions bien différentes. Quand on demandera à la cellule de fixer un médicament, il faudra l'appauvrir pour THÉRAPEUTIQUE MÉTATROPHIQUE. 211 la forcer à fixer plus activemenl la substance utile. Quand on voudra que la cellule ne fixe pas un poison, il faudra l'enri- chir en substances nutritives pour que le poison soit plus difficilement fixé par elle *. 1. Depuis l'époque où cet article a été écrit (janvier 1900), il a paru quel- ques travaux sur la question; et notamment une excellente thèse de J. N. Laufer [L'Ivjpochloruration et l'action des bromures clans l'épilepsie. Élude physiologique, Institut de Bibl. scientif., Paris, 1901, 169 p.). Dans ce travail la bibliographie des travaux relatifs à la quantité de chlore contenu dans les aliments et dans les tissus est donnée avec tous les détails nécessaires. M. Lauker a, par les mêmes méthodes que Langlois et Gh.RicnET,dosé la quantité de chlore contenu dans les diverses variétés de pain de notre ali- mentation, et il a obtenu les chiffres suivants (pour 1 000 grammes). Cl. Éval.enNaCl. Pain fendu 3.5 5.83 Pain bouleau 4.2 6.90 Pain de fantaisie .... 5.1 8.50 Pain anglais 6.2 10.33 Croissant 10.0 16.66 Les pains de luxe contiennent plus de sel que le pain ordinaire (Voy. aussi RôHM.\NN. Zeitsch. f. klin. Med., 1879, 1, 513-535). Nous noterons encore une observation très intéressante de J. Roux : Les effets de la demi-inanition cklorure'e dans le traitement de l'épilepsie (B.B., 1900, 278-280). Les résultats ont été aussi nets que dans les observations de Toulouse. Les accès reparaissaient chaque fois qu'on ajoutait du chlorure de sodium au régime lacté bromure. A la Soc. me'd. psychol. oct. 1900, Marie et Buvat ont essayé avec succès l'hypochloruration dans le traitement par l'iodure de potassium. M. Méry a signalé aussi (en mars 1902) deux succès très remarquables du traitement de l'épilepsie par Thypochloruration. XIII L'ALIMENTATION EXCLUSIVE PAR LA VIANDE DANS LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE Par Charles Richet. Je viens présenter ici les résultats de longues et nom- breuses expériences entreprises avec M. J. Héricourt. Datant de plus de quatre ans, elles nous permettent d'affir- mer que, chez le chien, une alimentation exclusivement ani- male, c'est-à-dire constituée exclusivement par de la viande crue, empêche très souvent et au moins retarde toujours le développement et l'évolution de la tuberculose inoculée. C'est là un résultat qui, aux yeux de quelques médecins, pourra être considéré comme très banal; pourtant il me paraît que la différence est considérable entre les données incertaines et sujettes à discussion fournies par quelques observations cliniques, et les conclusions formelles, indiscutables que l'expérimentation physiologique peut apportera 1. Voir plus loin l'étude bibliographique de la question, p. 223. L'ALIMENTATION EXCLUSIVE PAR LA VIANDE. 213 Nous avons pu établir que, dans une certaine mesure, la rapidité de l'affection tuberculeuse est fonction de la quantité et de la qualité du virus inoculé. Si l'on filtre sur du papier buvard le bouillon de culture, évidemment on empêche le développement de la maladie; car les bacilles passent à tra- vers le papier : pourtant la tuberculose est notamment retar- dée. De même si la dose n'est pas suffisante comme quantité. Nous devons aussi employer toujours à peu près le même procédé d'infection ; c'est pourquoi nous n'employons presque jamais les infections par le péritoine, la trachée ou la peau^ c'est par injection intra-veineuse (dans la veine saphène ti- biale) que nous faisons l'inoculation. Le liquide injecté est le produit d'une culture tuberculeuse (tuberculose humaine) en milieu liquide, datant de deux à trois mois. Nous injectons alors le mélange, aussi homogène que possible, du bouillon et des bacilles, à la dose d'un centi- mètre cube ou d'un demi-centimètre cube, selon la taille des chiens; ce qui fait à peu près un dixième de centimètre cube par kilogramme d'animal. Dans des limites assez étendues, la dose n'a pas grande influence ; il faut cependant au moins 0",03 de culture par kilog. pour que la mort et l'évolution tuberculeuse soient fatales. La marche de l'affection tuberculeuse ainsi communiquée est très régulière. Sur quarante chiens témoins, c'est-à-dire n'ayant subi aucune sorte de traitement, prophylactique ou consécutif, la mortalité au bout de trois mois et demi a été de 100 p. 100. Mais ce chiffre de trois mois et demi ne représente pas du tout la durée moyenne de l'évolution tuberculeuse chez le chien. Le plus souvent, même pres- que toujours, à part quelques exceptions, au bout de quarante- cinq jours l'animal est mort. Si l'on élimine les chiffres ex- trêmes, c'est-à-dire les minima et les maxima, on arrive à une durée moyenne de trente jours. Il arrive en effet que cer- taines cultures sont plus virulentes que d'autres, et détermi- nent une sorte de tuberculose infectieuse à marche rapide qui 214 CH. RICHET. tue l'animal en dix, douze et quinze jours. Mais ces cas sont exceptionnels, de même que les cas de survie au delà de cin=- quante jours, et on peut fixer la durée de la maladie tubercu- leuse mortelle chez le chien à une moyenne très exacte de trente jours, un mois en chiffres ronds. Voici à peu près la marche de cette maladie tuberculeuse expérimentale. Pendant les trois ou quatre premiers jours, par suite peut-être des changements que la vie au chenil détermine, par suite peut-être aussi soit de la petite plaie faite à la veine, soit d'une sorte d'intoxication par les tuber- culines de la culture injectée, l'animal maigrit un peu, paraît triste. Puis, à la fin de la première semaine, il est complète- ment rétabli. Pendant le cours de la deuxième semaine, et même a\i début de la troisième semaine, le chien revient en apparence à la santé. Même l'appétit est devenu très vif. Les chiens ino- culés sont très affamés, et leur poids ne diminue que légère- ment ou même reste stationnaire. Mais vers le quinzième jour l'infection tuberculeuse fait des progrès, et la santé de Fanimal décline rapidement. Quoiqu'il continue à manger, et quelquefois même avec une voracité extrême, il perd beau- coup de poids; et cette perte de poids est due non seulement à la destruction de la graisse et à la fonte du tissu cellulo- adipeux, mais encore à une vraie atrophie musculaire, si bien qu'au bout de vingt-cinq à trente jours, les chiens tuber- culeux sont de vrais squelettes ambulants, non seulement parce qu'ils ont perdu toute leur graisse, mais encore parce que leurs muscles — spécialement les muscles des reins et des cuisses — sont atrophiés. Il est assez remarquable que cette maigreur coïncide souvent avec une extrême voracité. La perte finale de poids est, au moment de la mort, d'environ 25 p. 100, c'est-à-dire à peu près celle des animaux soumis à l'inanition \ ]. Voir dans Trav. du Lab. de Physiologie, 111, 189Î), p. 382, les courbes se Tapportent à la marche de la tuberculose expérimentale chez 32 chiens non traités i^Fig. loi). L'ALIMENTATION EXCLUSIVE PAR LA VIANDE. 215 Dans les quelques jours qui précèdent la mort, l'appétit est complètement perdu. Quand l'animal consent à prendre des aliments, il les vomit aussitôt. Comme la maladie dure trente jours, et comme la perte de poids finale est de 30 p. 100 environ, on voit que les chiens tuberculisés perdent par jour, en chiffres ronds et en moyenne, environ 1 p. 100 de leur poids. Il n'y a presque jamais d'hémoptysie, ni de complications nerveuses, ou osseuses, ou laryngées, ou péritonéales. A l'autopsie, c'est constamment le poumon qui est, de tous les organes, le plus infecté de tubercules. Souvent même c'est le seul organe atteint. Après le poumon, c'est le foie, puis plus rarement la rate, très rarement l'intestin, ou le rein, qui contiennent aussi des granulations tuberculeuses. Mais je ne veux pas insister davantage sur cette évolution de la tuberculose normale chez le chien après infection vei- neuse. Si j'ai donné ces détails, c'est pour montrer que nous pouvons par l'expérimentation déterminer une maladie dont l'évolution est fatale, avec des modalités faciles à analyser et très précises. C'est là le très grand avantage de la thérapeutique expé- rimentale. La maladie inoculée, dans des conditions qui sont toujours les mêmes, ne présente pas ]es multiples et chan- geants aspects de la maladie accidentelle, dans laquelle les processus d'infection et de contamination sont diversifiés à rinfini, 11 est clair que, la maladie régulière ayant été bien nette- ment étudiée, on peut suivre les effets de telle ou telle action thérapeutique et en apprécier exactement l'influence. Si nous faisons le compte des jours de survie, dans les quatre séries expérimentales, nous avons, en jours de survie: Expériences : li"' 2« 3^ 4= Témoins 92 31 37 28 Chiens alimentés à la viande. 313 188 253 123 21G CH. RICHET. La moyenne générale est de 240 jours pour les dix chiens alimentés à la viande, et de 41 jours pour les douze témoins. Evidemment, il n'est possible d'expliquer cette action sa- lutaire de la viande que par des hypothèses. Or il nous parait qu'un fait assez imprévu de thérapeutique, que j'ai publié tout récemment, peut nous éclairer sur le mécanisme de cette préservation de l'organisme par la viande. En effet, en collaboration avec M. Eu. Toulouse, j'ai pu montrer que la suppression du chlorure de sodium de l'ali- mentation entraîne une sensibilité remarquable de l'orga- nisme à l'action médicamenteuse du bromure de sodium. On fait cesser les accès d'épilepsie d'épileptiques invétérés, en leur donnant seulement 2 grammes de bromure de sodium par jour, à la condition qu'on ait à peu près totalement sup- primé le chlorure de sodium de leur alimentation normale (3 grammes au lieu de 15 grammes). Par conséquent, l'im- prégnation des cellules vivantes par telle ou telle substance (alimentaire) les rend moins aptes à recevoir les effets de telle ou telle autre substance (médicamenteuse ou toxique). Supposons alors que les ptomaïnes, albumoses, substances extractives nombreuses qui se trouvent dans la viande, pénè- trent dans l'organisme et imprègnent fortement les cellules vivantes; ces cellules vont, par cela même, devenir à peu près réfractaires à l'imprégnation par d'autres substances, autre- ment dit à l'action toxiquedes poisons; autrement dit encore les cellules saturées de substances extractives de la viande (ou des produits de digestion de la viande) ne pourront pas facilement s'imprégner des poisons sécrétés par les microbes tuberculeux. Nous avons appelé thérapeutique métatrophique cette mé- thode qui consiste à changer la nutrition des cellules, et par conséquent à les rendre tantôt plus aptes, tantôt moins aptes à la fixation (c'est-à-dire à l'action) des poisons ou des médi- caments. Dans l'expérience du chlorure de sodium diminué, l'organisme est devenu plus apte à fixer le bromure de sodium. L'ALIMENTATION EXCLUSIVE PAR LA VIANDE. 217 Dans la nutrition des chiens avec la viande, l'organisme est devenu moins apte à fixer la tuberculine sécrétée par les mi- crobes. Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, les faits demeurent, .et ils sont assez nets et assez abondants pour être établis en toute rigueur. Nous ne voudrions pas conclure de ces faits observés sur l'animal à telle ou telle application immédiate à la théra- peutique humaine. Ce n'est pas là notre affaire. Nous devons rappeler seulement que M. Debove a très bien établi l'effica- cité de la suralimentation dans le traitement de la tuberculose et que depuis bien longtemps l'alimentation des tuberculeux avec la viande crue a paru donner de bons résultats. Nos expériences confirment pleinement ces données cliniques. La thérapeutique expérimentale ne peut donner que des indications; mais nous croyons que ces indications ne sont pas négligeables, car elles ont un degré de certitude auquel les données de thérapeutique clinique, à cause de la diver- sité des conditions, ne peuvent que rarement atteindre. Il nous parait que le fait salutaire de l'influence de l'alimenta- tion carnée dans l'évolution de la tuberculose est démontré en toute rigueur au moins pour le chien, et avec plus de rigueur qu'on ne l'avait pu faire jusqu'à présent par l'obser- vation clinique pour l'homme suralimenté, ou nourri à la viande crue. XVI TRAITEMENT DE L'INFECTION TUBERCULEUSE PAR LE SÉRUM MUSCULAIRE OU ZOMOTHÉRAPIE Par J. Héricourt et Ch. Richet. Il a été montré plus haut que l'alimentation des ani- maux tuberculeux par la viande crue donnait des résultats remarquables. 11 nous a été possible de pousser plus loin l'étude du mécanisme de cette action thérapeutique. l'* La viande cuite n'a pas les mêmes effets que la viande crue. — Sur deux chiens soumis à l'alimentation par la viande cuite, un est mort; l'autre a diminué en trois mois de 17 p. 400 de son poids. Donc la cuisson, c'est-à-dire pro- bablement la coagulation de certains ferments albuminoïdes, détruit, en partie, sinon en totalité, l'effet thérapeutique de l'alimentation carnée. 2o Nous avons séparé la pulpe ou fibrine de la viande du sérum musculaire pour étudier séparément les effets de l'une et de l'autre. ZOMOTHÉRAPIE. 219 2 kilogrammes de viande de bœuf, bien hachés, sont additionnés d'un litre d'eau, et laissés en contact pendant trois heures, à froid. Puis lamasse est pressée complètement de manière à donner environ 1 oOO centimètres cubes d'un liquide rouge, se coagulant fortement par l'ébullition. Ces 1 SOO centimètres cubes sont donnés chaque jour à deux chiens (soit 750 grammes pour un chien). La pulpe indissoute est, pendant vingt- quatre heures, lavée à un grand courant d'eau froide, puis pressée de nouveau. Nous appellerons ce produit viande lavée. Or le plasma musculaire s^esl montré seul véritable- ment actif. Par conséquent, au point de vue thérapeutique de l'infection tuberculeuse, la partie active de la viande consiste dans les parties solubles dans Veau. S'' Même lorsque les animaux infectés et non traités sont dans un état de détresse extrême, et que la mort est imminente, la viande crue est capable de les ramener à la vie. L'expérience suivante le prouve. Six chiens ont été infectés de tuberculose. Lorsque trois d'entre eux furent morts, il en restait trois dans un état lamentable, au vingt-sixième jour. Nous donnâmes à deux d'entre eux de la viande crue, ils se rétablirent rapidement, et actuel- lement leurs poids, par rapport au poids initial supposé égal à 100, est ■de 122. Le sixième chien, non traité, est mort le 31'^ jour. 4° On ne peut supposer quil s^agit d'un phénomène de suralimentation ou même d'alimentation. — C'est par un tout autre mécanisme que s'exerce l'action du liquide musculaire. Eu effet, la proportion d'azote contenu dans 1 000 grammes de ce liquide n'est que de 5^1", 30, dont Is^SS en matières so- lubles dans l'alcool : il reste donc 4 grammes d'azote nutri- tif; soit, en chiffres ronds, 25 grammes de matières albu- minoïdes. Si donc il s'agissait de suralimentation, la viande cuite ou la viande lavée auraient un effet plus complet que le plasma. Or c'est le contraire qu'on observe. Il s'agit par conséquent d'une action immunisante analogue à celle des produits animaux injectés dans les veines. C'est de l'opothé- rapie musculaire. Nous proposons d'appeler zomothérapie 220 J. HÉRICOURT ET CH. RICHET. ("(top;, jus de viande) cette opothérapie spéciale, qui est l'in- gestion alimentaire du plasma de la viande. o" Il est possible, comme semblent nous l'indiquer quelque faits dont nous ne pouvons encore donner le détail, d'une part, que cette zomothérapie s'applique à d'autres in- fections que l'infection tuberculeuse; d'autre part, que, même administré prophylactiquement, le sérum musculaire, en se fixant sur les cellules de l'organisme, empêche le dé- veloppement de l'infection '. 1. Dans les mémoires suivants on verra l'évolution ultérieure de ces chiens- ainsi traités par la zomotiiérapie. XV ÉTUDE HISTORIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE SUR L'EMPLOI DE LA VIANDE CRUE DANS LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE Par Charles Richet. I Diverses observations critiques m'ont été adressées sur la zomothérapie, auxquelles je répondrai, si possible, en préci- sant davantage quelques points restés obscurs ou litigieux. Mais dans cet article mon but est d'essayer de mettre les résultats de la thérapeutique expérimentale en harmonie avec les données de la thérapeutique clinique. Pour plus de netteté, je rappellerai les quatre points prin- cipaux que j'ai successivement établis, pour la tuberculose expérimentale chez le chien. 1" La viande crue empêche le développement de l'infec- tion tuberculeuse et en amène la guérison ; 222 CH. RICHET. 2" La quantité de viande crue nécessaire et suffisante est d'environ 12 grammes par kilogramme de poids vif; 3'' Le sérum extrait par pression de la viande contient les principes actifs de la viande crue ; 4*' La viande cuite n'agit pas comme la viande crue, et TefTet du traitement n'est pas dû à une suralimentation. De ces quatre propositions, les trois dernières sont absolu- ment nouvelles (et parfois en contradiction avec les données généralement admises). Quant à la première, la plus impor- tante peut-être, à savoir la valeur thérapeutique de la viande crue dans le traitement de la tuberculose, elle ne constitue pas un fait nouveau. Nous allons étudier dans quelle mesure ce procédé thérapeutique est banal ou imprévu. JI En réalité, au lieu du nombre incalculable, auquel on s'attend peut-être, d'observations, de mémoires et de docu- ments, il n'existe qu'un seul travail méthodique sur cette question. C'est l'œuvre, très importante, de Fuster (de Mont- pellier), en 1865'. -( Je donne, dit-il, de la viande crue d'abord à la dose de 100 grammes, en la poussant progressivement jusqu'à 2 à 300 grammes dans les vingt-quatre heures. On la réduit en pulpe, en la pilant dans un mortier. On passe la pulpe, à travers un tamis ; on en forme des bols roulés dans du sucre. « J'étanche la soif au moyen d'une solution (?) à froid d'une centaine de grammes de viande crue. La potion alcoolique est composée de 100 grammes d'alcool à 20" R. dilués dans 200 ou 250 grammes d'eau et 60 grammes de sirop. Le con- 1. FcsTER. Sur le traitement curatif de la phtisie pulmonaire. [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 12 juin 1865.) — Conditions de l'emploi de la viande crue et de la potion alcoolique pour la guérison de la phtisie pul- monaire. [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 10 juillet 1865.) — Voir aussi Bull. gén. de fhe'rap., 1863, LXIX, p. 91. VIANDE GRUE DANS LA TUBERCULOSE. 223 cours de ces deux agents est indispensable, le premier me paraissant avoir une action reconstituante, le second une action plus directe sur les organes de l'hématose... il ny a rien de nouveau dans la médication que j e pratique , si ce n'est la combinaison des deux moyens et leur application à la phtisie pulmonaire. J'ai étendu cette application à d'autres affections, hémorrhagies, longues maladies, infection puru- lente, glycosurie, etc.. 18 malades ont été soumis à cette médication: 16 étaient phtisiques; 2 étaient atteints d'infecr tion purulente... 14 des 16 phtisiques portaient des cavernes... les deux autres portaient aussi des tubercules aux poumons, non encore ramollis... Parmi ces malades, cinq phtisiques et les deux malades d'infection purulente devaient succomber dans les vingt-quatre heures, d'après toutes les prévisions de la science; tous ces malades ont survécu... Quant aux phti- siques, chez tous les forces reviennent, la fièvre hectique a cessé; les sueurs et le dévoiement colliquatif se sont dissipés, la toux et l'expectoration ont diminué; l'appétit a reparu; la voix s'est éclaircie; l'oppression s'est dissipée; les cavernes se sont vidées, et les signes physiques attestent la réparation progressive des lésions du poumon. Le traitement est puis- samment secondé par un régime substantiel, un air pur, et l'attention à détruire les complications intercurrentes. » Ainsi FusTER prouve par ces belles abservations que la viande crue, associée à l'alcool, est un remède héroïque contre la phtisie et l'infection purulente. Il ne dissocie pas l'alcool et la viande crue, et accorde à ces deux agents thérapeutiques une égale valeur. On attribue quelquefois à J. F. Weisse (de Saint-Péters- bourg) le mérite d'avoir préconisé le premier l'emploi de la viande crue. Cette attribution est exacte, mais elle ne se rapporte nullement au traitement de la tuberculose. En 1845, en effet, Weisse * avait recommandé l'usage de la viande crue 1. J. F. Weisse. Von der Diarrhôe entwôhnter Kinder, oder der Diarrhoea ablactatorum und deren Kur durch rohes Fleisch. {Jahrb. f. Kinderheilk., 224 CH. RICHET. contre la diarrhée des enfants. Ce n'est pas par le raisonne- ment, mais par une sorte d'observation fortuite, qu'il décou- vrit ce mode de traitement. Un enfant, atteint d'une diarrhée qui avait résisté à diverses modifications, ayant mangé un jour de la viande crue, se trouva subitement amélioré; et plus tard, comme on continua ce traitement, il se maintint en bonne santé. De fait, l'observation de Fuster était la première. Nous allons voir qu'elle fut la dernière aussi. Quand nous disons la dernière, nous ne prétendons pas, ce qui serait absurde, que jamais un médecin n'a ordonné à un tuberculeux de la viande crue : mais c'est comme procédé d'alimentation accessoire, pour combattre la dyspepsie, la diarrhée, l'anorexie, non comme spécifique dé l'infection tuberculeuse; en outre, cette substance a été prescrite à des doses beaucoup trop faibles, et irrégulièrement, sporadique- ment, sans qu'on cherchât à en faire un mode de traitement régulier et homogène. La viande crue a été ordonnée, de 1865 à 1900, comme un aliment digestible, riche en azote assimilable, nutritif, et souvent assez efficace contre les troubles de la digestion, de la nutrition et de l'appétit '. En 1867, la Société de médecine de Lyon mit au con- 18i5, IV, p. 99 à 104.) — Wieder einmal ùber das rohe Fleisch. [Jahrb. /'. Kin- der/ieilk., 1851, XVI, 384 et 385.) — Ruckblick auf den Gebrauch des rohen Fleischesinder Diarrhôe entwôhnter Kinder (Diarrhoeaablactatorum). {Jahrb. f. Kinderheil/c, 1858, XXX, p. 60 à 64.) Voir, pour les travaux de J. F. Weisse, sa notice nécrologique {St. Pelersb. med. Wochensch., 1869, XVI, p. 237 à 246). 1. Faisons exception pour une note qui est la reproduction tardive des observations de Fusteh, et qui est intitulée : Tisis pulmonar; su tratamieuto por la carne cruda y una pocion alcoliolizada {Correo medico, 1869, IV, p. 121 à 123), et pour une brochure, inspirée aussi par le mémoire de Fuster, et qui paraît être d'ordre monacal et pharmaceutique à la fois. Je n'ai pu me la pro- curer, mais j'en trouve le titre dans Index-Calalor/ue, art. Méat : Vill.vus. De la viande crue (musculine Guichon) et des potions alcooliques reconsti- tuantes préparées à, l'Abbaye de N.-D. des Bombes; traitement de la phtisie pulmonaire, des maladies consomptives, des débilités naturelles ou acquises et de quelques autres maladies aiguës ou chroniques de l'enfance et de l'âge adulte. Paris, 1870. VIANDE CRUE DANS LA TUBERCULOSE. 225 cours la question suivante : De la viande crue en médecine; déterminer, d'après des faits rigoureusement observés, son action -physiologique et les différentes applications dont elle est susceptible en thérapeutique. Il y eut un seul mémoire sur la question, et dans ce mémoire, que nous ne connaissons que par le rapport de ÏEissiER ' au nom d'une commission composée de MM. Fer- RAND, GiRiN, Perroud, Rambaud et Teissier, il est dit : « Si M. Fuster a amélioré par ce même régime la situation d'un certain nombre de phtisiques, c'est tout simplement en pour- voyant à une bonne assimilation, qui est la condition princi- pale de la vigueur des organes... La viande crue n'a aucune vertu thérapeutique, ni contre la phtisie, ni contre toute autre maladie de quelque importance. Ce n'est en réalité qu'un ali- ment très nutritif et très digestible qui convient dans la plupart des maladies à longue durée pour soutenir les forces. On peut comparer son action à celle d'un air pur et d'une température convenable. » Dans son appréciation de ce travail, M. Teissier regrette que les documents thérapeutiques et cliniques fassent défaut; mais, d'autre part, il ne parle, quant à lui, de la viande crue que contre les diarrhées et les vomis- sements chroniques, et encore n'est-il pas sûr qu'elle agisse dans ces cas comme aliment reconstituant. Par conséquent, trois ans après la publication de Fuster, on comparait l'action de la viande crue à celle d'un air pur, et les médecins de Lyon ne songeaient à l'employer que contre les diarrhées et les vomissements. Cependant, on était forcé par l'évidence d'admettre sa valeur tonique, alimentaire, reconstituante, et des modes divers de préparation étaient indiqués, Trousseau l'appelait conserve de Damas, et en mélangeait de petites quantités à des confitures. Ij'infusum carnis frigide paratum., préconisé 1. Teissiep.. De l'usage de la viande crue en médecine. [Gaz. méd.de Lyon, 5 et 12 avril 1868.) TOMK V. 15 22Ô CH. RICHET. par Bauer *, est une préparation de viande avec acide chlorhydrique, chauffée à 45". Pettenkofer et Voit ont pro- posé le siiccus carnis recenter expressus, mais il ne semble pas qu'il ait été employé par les médecins. L aborde - recom- mandait l'emploi de 50 grammes de viande crue dans du tapioca avec carottes, sans prononcer d'ailleurs le mot de tuberculose. Je ne parle que pour mémoire des préparations de ViGiER^ et de Dannecy*, car Vigier met la viande crue dans une omelette, ce qui est un procédé excellent pour avoir de la viande cuite, et Dannecv plonge la viande crue dans l'eau salée bouillante, ou bien l'évaporé dans un courant d'air sec et chaud. Quant aux Valentine juice, d^u^fluid méat, aux beaftea et autres préparations analogues, parfois extrêmement coû- teuses, que préparent les pharmaciens d'Amérique, ce ne sont que des extraits de viande cuite, des extraits Liebig, plus ou moins désavantageusement modifiés. Ils n'ont aucun rapport avec le suc de viande et le plasma musculaire. Mais laissons de côté la pharmacopée, et examinons ce que les cliniciens ont écrit sur le traitement de la tuberculose. Nous ne pourrons évidemment juger de leur pratique que par leurs écrits; le reste doit être considéré comme non avenu. Nous allons voir qu'ils n'ont estimé la viande crue que comme un succédané, parfois dangereux, souvent très utile, de la viande cuite; comme un aliment excellent, presque identique à la viande cuite, mais qu'ils supposent être plus facile à digérer, par conséquent recommandable dans les cas 1. Bauer. Ueber die Ernalirimg voaKranken und diatelische Ileilmethoden, in Handbuch der allgemeinen Thérapie de Ziemssen. Leipzig, 1883, I, 85. 2. Laborde. De l'usage de la viande crue ea thérapeutique; ua nouveau mode de préparation très avantageux; le tienia à la suite de l'administration de la viande crue. [Tribune méd., 13 juin et 4 juillet 1875.) 3. Cité par Soulier, in Traité de thérapeutique et de pharmacologie. Paris, 1891, II, p. 422. 4- Dannecy. Nouvelle l'orme sous laquelle on peut administrer la viande crue. [Bull. gén. de the'rap., 1872, LXXXII, p. 26.) VIANDE GRUE DANS LA TUBERCULOSE. 227 de dyspepsie, de diarrhée, de vomissements, si communs chez les phtisiques. Encore tous les auteurs n'en font-ils pas mention. m G. Sée^ dans son ouvrage sur la phtisie pulmonaire, ne consacre pas une ligne à l'emploi de la viande crue, sur les 212 pages relatives au traitement. De même Dieulafoy^, dans son manuel de pathologie; de même Ziemssen^; de même encore Bauer^. Jaccoud' n'en dit que ceci : « Dans les périodes avancées de la maladie, l'alimentation peut devenir impossible... et la viande crue, aiguisée de sel ou d'alcool ou de sucre, reste la suprême ressource. Souvent on réussit ainsi à nourrir le malade, au moins dans une mesure proportionnelle à sa dépense organique... et il n'est pas rare qu'après quelque temps, grâce à ce régime qui a toute la valeur d'une médication, on puisse revenir aune alimentation plus variée et plus attrayante. Si ce moyen échoue, on peut recourir aux peptones artificielles de viande. » Marfan ^ de son côté, exprime l'opinion suivante : « La viande crue (Weisse, Fuster) est souvent très utile... râpée, pilée et passée au tamis, elle arrive à l'estomac sous forme de fibres musculaires extrêmement divisées et par suite très facilement peptonisables : on en prescrit 80 à 200 grammes par jour... il faut repousser le jus de viande... il ne faut pas ordonner la poudre de viande... il faut que le phtisique 1. G. Sée. De la phtisie bacillaire du poumon. Paris, 1884. 2. DiEULAFOY. Manuel de pathologie interne. V éd. Paris, 1894, t. pr. 3. Von Ziemsseît. Die Thérapie der Tuberculose {Klin. Vortrûge, 1888, X, ."i, p. 24.) 4. Bauer. (Loc. cit., p. 46.) 5. Jaccoud. Curabilité et traitement de la ptitisie. Paris, 1881. 6. Marfan. Art. « Phtisie pulmonaire », in Traité de médecine de Cmarcot, Bouchard et Brissaud. « 228 CH. RICHEÏ. mange beaucoup de viande, sous toutes les formes (rôties, grillées, bouillies, braisées, en daube). » C'est presque exactement dans les mêmes termes que parle Chuquet'. Il est inutile de citer ses paroles, car elles sont la reproduction textuelle de ce que dit Maufan. SïRALss- estime que le traitement de la phtisie est d'ordre hygiénique. « Alimentation abondante, repos physique et intellectuel, séjour au grand air... le traitement spécifique est encore à trouver... » Et c'est tout. Hanot ^ n'accorde que deux lignes au traitement par la viande crue : « La viande crue, dans certaines formes de diarrhée avec dyspepsie stomacale, est d'un emploi utile. » Hérakd, Gornil et Hanot'' écrivent, à propos de l'alimen- tation des tuberculeux : « La viande crue a rendu et rend encore de très grands services... l'utilité de la viande crue a été généralement reconnue; mais souvent, il faut bien le reconnaître, elle est prise avec répugnance aux doses élevées indiquées par Fuster...; on la remplacera avantageusement dans beaucoup de cas par la poudre de viande. » MuNK^ cite le suc de viande préparé par extraction et compression de la viande, et les autres solutions de viande (traitées par l'acide chlorhydrique ou la chaleur avec pression) ; il regarde ces préparations comme recomman- dables chez les vieillards, chez les débilités, chez les conva- lescents, chez les anémiques. Le mot de tuberculose n'est pas prononcé. Quant aux traités de thérapeutique de Raruteau (1884), 1. Chuquet. L'hygiène des tuberculeux. Paris, 1899, p. l't'6 et 146. 2. Stkauss, in Traité de médecine et de thérapeutique de Brouardel, Gilbert et Girode. Paris, 1887, H, p. 281. 3. Hanot. Art. « Phtisie », in Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques. Paris, 1879, XXVll. 4. IIÉKAKD, GoKNiL et IIa\(it. La plilisie pulmonaire, 2" éd., Paris, 1888, p. tJ78. ri. McNK. Art. " Fleischsafl », in Encykiopadie der Thérapie. Berlin, 1897, II, p. 324. VIANDE CJiUE DANS LA TUBEIiCL' LOSE. 229 de Lauder Brumon (1889), de Binz ('1897), de Stokvis (1898), ils ne mentionnent pas la viande crue. Ainsi, ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni en France, ni en Hollande, l'emploi de la viande crue n'est indiqué con- tre la tuberculose dans les ouvrages classiques de thérapeu- tique. Pourtant H. Soulier ^ déclare que « les indications prin- cipales de la viande crue sont la diarrhée chronique des enfants, celle des adultes, la phtisie pulmonaire. Bebove, puis Dujardi>-Beaumetz, donnèrent par gavage avec le tube Faucher loO grammes et même 260 grammes de viande crue. Mais un grand progrès fut réalisé par la substitution à la viande crue de la poudre de viande (desséchée à Tétuve, à une température inférieure à 100"). » Grancher etHumEL^ considèrent la viande crue comme un aliment qui pourrait être pris sans produire ni vomisse- ments ni diarrhée. (^ Mais, disent-ils, il faudrait en donner jusqu'à 700 ou 800 grammes par jour, et le malade s'en fatiguerait vite. Debove a donc eu l'idée de faire sécher la viande et de la réduire en poudre impalpable... D'ailleurs, ajoutent-ils, on ne peut attendre de cette méthode méthode des poudres de viande; des effets satisfaisants que chez les malades qui ont peu de fièvre et dont les lésions pulmonaires ne sont pas très étendues... Quelque rationnelle qu'elle fût. cette méthode, qui a donné des succès incontestables, et qui mérite d'être appliquée plus souvent, ne s'est pas généra- lisée. )> La manière de voir de Muselier-' est tout à fait conforme à l'opinion classique : « L'usage de la viande crue a conservé la faveur des médecins et celle de beaucoup de malades... 1. Soulier. Traité de thérapeutique et de pharmacologie. Paris, 1891, II, p. 422. 2. Gra.\cher et Hltixel. Art. « Phtisie », du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Paris, 1887, p. 798. 3. McsELiER. Le traitement de la tuberculose. [Bull. gén. de thévap., 1896. CXXXI, p. 313.) 230 C[l. RICflET. Les indications spéciales qui en motivent l'emploi sont la dyspepsie et la diarrhée. » Telle était encore l'opinion de G. Sée * : « U est des cir- constances graves qui nécessitent l'emploi de la viande crue, chez les enfants débilités, amaigris, chez les convalescents de la fièvre typhoïde, chez les phtisiques eux-mêmes. A l'aide de la chair crue ou à peu près crue (exposée quelques instants à un feu vif), on fait digérer, on guérit de nombreuses caté- gories de malades dont le système digestif ou dont la nutri- tion sont eu souffrance. >^ Telle était aussi très nettement l'idée de Trousseau et PiDoux'. (( On comprend que de telles promesses (celles de FusTr:R) aient fait du bruit, et qu'il est bien peu de phtisiques arrivés à la troisième période chez lesquels on n'ait essayé ce remède. Nous ne partageons pas cet enthousiasme. Cer- tainement, lorsque les malades ont pour les aliments ordi- naires une aversion marquée, ils peuvent trouver dans la viande crue une restauration que rien n'aurait pu leur pro- curer. Quelquefois même ce mode de réfection modère leur diarrhée. Mais c'est une illusion de considérer la viande crue comme un remède contre la phtisie. Elle l'est au même titre contre toutes les maladies chroniques, les diarrhées, les cachexies, lorsqu'une anorexie invincible menace les malades d'inanition et d'autophagie. Cependant, il ne faut pas hésiter à y avoir recours lorsque l'appétit est aboli. » Trojsier et Berge -^ s'expriment à peu près de même. Ils divisent le traitement alimentaire des tuberculeux en deux groupes : l'alimentation proprement dite et la suralimenta- lion. <( Les aliments de suralimentation, accessoires pour le phtisique qui continue à se bien nourrir, deviennent princi- 1. G. Sée. Du régime aliiiienUiire ; traitement hygiénique des malades, l'aris, 1887, p. 33. ■i. Tkousseau et Pidoux. Traité de thérapeutique et de matière médicale. 'J' éd., avec la collaboration de Constantin Paul. Paris. 1875, p. 86. 3. Thoisier et I^ehoé, in Traité de thérapeutique .•ippli((uée. Paris, 1896. Fasc. 8. 2" partie, p. 250. VIANDE CRUE DANS LA TUBERCULOSE. 231 paux et obligatoires pour le phtisique anorexique. C'est surtout la viande crue, dont le principal avantage consiste dans sa digestibilité très grande. » Grancher développe avec beaucoup de force cette influence salutaire de la viande crue, mais il ne songe pas, semble- t-il, à considérer celle-ci autrement que comme un aliment'. « La ration de guérison pour un tuberculeux sera surtout une ration d'aliments azotés. 1^^ action merveilleuse de la pulpe de viande crue ou des poudres de viande est due unique- ment à leur qualité de substances azotées. Elles représentent, sous la forme la plus condensée et la plus assimilable, l'azote presque pur, d'oii leur efficacité quasi spécifique quand la tuberculose n'a pas fait encore trop de ravages. Quel méde- cin n'a assisté à ces résurrections? » On voit que Grancher a été sur le point de constater l'action absolument spécifique de la viande crue, non pas comme aliment, mais comme médicament véritable. Si, au lieu de donner 100 grammes seulement de viande crue, il avait donné le suc de 1 000 ou même de 500 gram- mes de viande, cet excellent observateur eût pu constater qu'en dehors de toute action alimentaire il y a un effet thérapeutique véritable. En 4898, un de ses élèves, Palle% écrit les lignes sui- vantes, reproduisant presque textuellement l'opinion de son maître : « C'est à la valeur nutritive de la viande, sous quel- que forme qu'on l'ordonne, qu'il faut attribuer les résultats obtenus dans la tuberculose par Fuster. Il n'y avait là nul médicament spécifique de la phtisie pulmonaire, mais un merveilleux aliment fourni par la viande crue. » Daremrerg ^ s'était exprimé dans les mêmes termes : « La viande crue introduite dans la thérapeutique de la 1. Grancher. Traitement de la tuberculose; alimentation. [Bull, 'méd., 2 déc. 1896, p. 1136.) 2. Palle. L'alimentation des tuberculeux. {Thèse de Paris, 1898, p. 24.) 3. Daremrerg. Traitement de la phtisie pulmonaire. Paris, 1892, t. I", p. 9. 232 CH. III Cil ET. phtisie pulmonaire par Weisse, de Saint-Pétersbourg *, est un aliment de premier ordre... La pulpe de viande crue présente à l'estomac des fibres musculaires extrêmement divisées; les surfaces de contact de l'aliment avec le suc gastrique sont multipliées, et cette préparation est très faci- lement assimilable. FusTER et Grancher ont prescrit couram- ment 80 à 500 grammes de cette pulpe de viande chaque jour. En suivant ces règles, je suis certain d'avoir permis à plusieurs phtisiques de se guérir... La viande crue ne guérit pas les phtisiques, mais elle permet aux phtisiques qui s'ali- mentent mal de réparer leurs forces et de se guérir, h Sabourin "est un des médecins qui ont le plus insisté sur l'effet thérapeutique de la viande crue : « L'aliment de ce genre (c'est-à-dire aliment très nourrissant et donné sous le plus petit volume possible) qui occupe le premier rang, sur lequel on peut toujours compter, c'est la viande crue... Elle a cet immense avantage de se digérer avec une rapidité étonnante... Bien souvent nous en avons fait prendre 150 grammes trois fois par jour à des malades qui n'en mangeaient pas moins à table. >; 11 cite alors deux malades, l'un qui est arrivé à tuer sa fièvre {sic) en absorbant journellement et de façon exclusive de 450 à 500 grammes de viande crue et de 1 litre 1/2 à 2 litres de bon lait : l'autre qui, soumis à la cure d'air et de repos, se nourrit pendant plusieurs mois de viande crue, tout en continuant à absorber des quantités considérables d'alcool. 11 guérit rapidement et engraissa. Barth ^ dit à ce sujet : « La viande crue, râpée 'et passée au tamis, rend parfois de grands services aux malades dyspeptiques atteints de diarrhée, ainsi qu'aux enfants qui souffrent d'un catarrhe tuberculeux de l'intestin > Une erreur commune consiste à croire qu'on peut remplacer la 1. Nous avons vu que c"est 1;\ une erreur. 2. Sabourin. Traitement rationnel de la phtisie, 2° éd., Paris, liJOO, p. !):i. 3. Barth. Thérapeutique de la tuberculose. Pari-;, 18911, p. 91. VIANDE CRUE DANS LA TUBERCULOSE. 233 viande J5«r du jus de viande préparé à la presse, ou par da bouillon concentré... Il faut bien savoir que ces liquides, qui renferment la plus grande partie des extractifs et des sels de la viande, ne contiennent presque pas de matières albu- minoïdes ' ; à petites doses, ils peuvent stimuler l'appétit, mais leur valeur alimentaire est très faible, et, pris en quan- tité notable, ils peuvent être toxiques. » Dans ses importantes études de 1882 et 1883 sur la surali- mentation, Debove a montré par de bons exemples que des phtisiques se trouvaient améliorés par l'alimentation forcée. Il administrait d'abord de ISO à 200 grammes de viande crue, avec du lait, des peptones, de l'huile de foie de morue et dix œufs. Plus tard, préoccupé de donner la plus grande quantité d'azote assimilable sous le plus petit volume pos- sible, il substitua à la viande crue la poudre de viande; mais, sans que je puisse rien affirmer à cet égard, il semble que la poudre de viande (viande desséchée aux environs de dOO° ou privée de son jus) ait donné de moins bons résultats que la viande crue, de sorte que le gavage et la suralimen- tation ont été abandonnés dans la pratique par beaucoup de médecins". Pour Debove, comme pourDujARDiN-BEAUMExz, comme pour tous les thérapeutes, la viande crue ne serait qu'un aliment agissant à la manière des substances facilement assimilables. Cl. PiERRHUGUES ^ résumc ainsi le traitement alimentaire des tuberculeux traités à l'hôpital Boucicaut : »... La viande est l'aliment par excellence... elle sera donnée sous toutes les formes; viande de boucherie, gibier, volaille, poisson (il est évident qu'il s'agit de viande cuite); cela doit constituer la base de l'alimentation. Mais le régime carné, à lui seul, •1. C'est là une erreur évidente pour le suc muscuLaire. 2. Pour préparer la poudre, ou bien on chauffe la viande à 100°, ou bien on en extrait au préalable les éléments liquides, le jus. Quelquefois les deux opérations sont employées concurremment. Voir, à ce sujet : Perret. Sur la fabrication des poudres de viande. [Bull. fjén. de Uiérap., 1882, CIIl, p. 29.) 3. Cl. PiERRHL'GUEs. Lc phtisiciue parisien à l'hôpital. [Thèse de Paris, 1898.) 234 CH. RICHET. dégoûterait bien vite les malades... Pour suralimenter le phtisique, il faut lui donner certains aliments qui, sous un petit volume, contituent une nourriture excellente et large- ment réparatrice, le lait et les aliments gras. Chez les tuber- culeux qui ne s'alimentent que difficilement, il faut donner de la viande crue. Elle rend alors d'immenses services à cause de sa digestibilité. » Il me suffira de mentionner enfin l'opinion aberrante de Gallavardin '. Cet auteur s'élève contre l'alimentation par la viande; il dit que le régime carné est funeste sux phti- siques : « La partie maigre de la viande (?), dit-il, lorsqu'elle est employée exclusivement, fait maigrir et occasionne l'ané- mie. » Toute cette assez faible argumentation a été repro- duite par Durante- qui semble l'adopter. Jousset" partage aussi cette opinion, en disant que c'est une erreur très généralement répandue de pousser les phtisiques à user largement de la viande et des alcools. Ainsi la confusion établie par Fester entre la viande crue et l'alcool tend à se perpétuer jusqu'à aujourd'hui. Dans les thèses les plus récentes de la Faculté de médecine de Paris, je ne vois pas indiqué le traitement par la viande crue. Radovici* a étudié l'air raréfié des altitudes; BAiLLEx'et Knopf% les Sanatoria; Teutsch ^ l'aération, et le repos; Pom- 1. Gallavardin. Traitement alimentaire de phtisie pulmonaire, pouvant empêcher annuellement près de 200 000 décès en France. [Poifou médical, août 1897, p. 193 à 198.) 2. Dlkaxte. Terapia alimentare délia tisi pulmonare. [Riforma med., 9 oct. 1897, p. 9o.) 3. JoissET. La tuberculose; contagion, hérédité, traitement. Paris, 1899, p. 178. 4. Radovici. Le climat des altitudes dans le traitement de la phtisie pulmo- naire ; action spéciale exercée sur l'hématopoièsc par l'air raréfié des alti- tudes. (Thèse de Paris, 189G.; 5. Baillet. Prophylaxie et traitement de la tuberculose pulmonaire par l'hygiène et les sanatoria. [Thèse de Paris, 1898.) G. Knopf. Les sanatoria : traitement et prophylaxie de la phtisie pulmo- naire. {Thèse de Paris, 189.5.) 7. ÏEUTscu. Tuberculose pulmonaire; sa propagation dans les divers mi- lieux, son traitement hygiénique, sa prophylaxie. (Thèse de Paris, 1898.) VIANDE GRUE DANS LA TUBERCULOSE. 235 PEANi ', le climat marin d'Ajaccio ; Lepelletier^, les irrigations rétro-nasales; Thomas % les injections éthéro-opiacées; Simon*, l'huile créosotée ; Galopin % le chlorure de sodium et l'oxygène, etc. J'ai eu la curiosité de rechercher dans l' Index-Catalogue l'indication des diverses substances préconisées pendant douze ans (de 1880 à 1893) dans le traitement de la tuberculose; il semble que ce soit la table d'un traité de chimie. L'acide sulfureux, l'oxygène, l'arsenic, l'iode, la chaux, le naphtol, l'aniline, le camphre, l'hydrogène sulfuré, la créosote, l'acide cinnamique, le tannin, le cuivre, l'or, la cantharidine, l'iodoforme, le menthol, le gaïacol, l'acide lactique, l'éther acétique, le manganèse, l'antimoine, le baume du Pérou, l'hydrastis canadensis, la créoline, le calomel, le thymol, l'acétate de mercure, le phénol, le bleu de méthylène, le chloroforme, l'hélénine, l'ozone, la pilocarpine, l'aluminium, la quinine, l'antipyrine, l'atropine, etc., etc., ont été vantés tour à tour. Que serait-ce si nous prenions un espace de temps supérieur à douze ans, et si nous indiquions les autres moyens plus ou moins hétéroclites qu'on a proposés, depuis la bactériothérapie jusqu'aux voyages maritimes, en passant par les opérations chirurgicales sur les poumons, la suggestion hypnotique et les lavements gazeux ? Il faudrait donc admettre ce fait étrange, que les méde- cins, quoique en possession d'un moyen excellent et univer- sellement adopté, l'ont négligé de gaieté de cœur pour 1. PoMPEANi. Le climat d'Ajaccio et le traitement de la tuberculose pulmo- naire. {Thèse de Paris, 1897.) 2. Lepelletier. Prophylaxie et traitement de la tuberculose pulmonaire l)ar les irrigations rétro-nasales ; pharyngothérapie. {Thèse de Paris, 1897.) 3. Thomas. Contribution à l'étude des injections hypodermiques dans le traitement de la tuberculose pulmonaire; médication éthéro-opiacée. {Thèse de Paris, 1894.) 4. Simon. Étude sur le traitement de la tuberculose pulmonaire par les injections rectales concentrées d'huile créosotée, iodoformée et salolée. {Thèse de Paris, 1894.) 3. Galopin. L'oxygène et le chlorure de sodium dans la scrofule et la tuberculose. {Thèse de Paris, 189.4.) 236 CH. RICHET. recourir à tout cet invraisemblable arsenal thérapeutique. Dans le Congrès de la tuberculose, tenu récemment à Naples, il n'a pas été parlé du traitement par la viande crue. Dans le Congrès de Berlin, Tan passé, il n'en a pas été question davantage. Curschmanx dit qu'on guérit par des moyens, très divers suivant les malades. 20 p. 100 des tuberculeux. Kobert estime qu'il n'y a aucun spécifique contre la tuberculose. Weber recommande la climato- thérapie. Dettwetler préconise le repos, l'air, la désinfection, l'électricité, le massage, la gymnastique, la lumière, l'hydro- thérapie, etc., etc. Ni à Naples, ni à Berlin, le mot de viande crue n'a été prononcé. Qu'on parcoure les dix volumes que forment les Etudps sur la tuberculose, la Revue de la tuberculose et les Congrès de la tuberculose, et on ne trouvera sur l'emploi de la viande crue que deux pages de Hureau de Yillenel ve. Ce mémoire, quoique fort court, mérite d'être signalé. Bureau de Villeneuve' proscrit l'emploi de la viande crue pour des raisons fort étranges, théoriques d'ailleurs ; c'est par crainte du tsenia d'abord, puis à cause des bacilles tuberculeux contenus peut-être dans la viande, mais surtout parce que la viande crue ne contient pas de graisse (?), qu'on s'amaigrit en mangeant de la viande, et que, si les jockeys prennent de la viande crue dans le but de maigrir, il est absurde de donner aux tuberculeux de la viande crue pour les faire engraisser [sic). D'après la lecture de ce travail, il ne semble pas, ce qui n'a du reste rien de surprenant, que l'auteur ait eu sous les yeux une seule observation de tuber- culeux ayant ingéré de la viande crue. 1. HcREAu DE ViLLEXECvE. De l'cmploi de la viande crue pour l'alimenta- tion des tuberculeux. [Comptes rendus du Congrès de la tuberculose de iSSS, t. 1", p. lui à lo3.} VIANDE CRUE DAMS LA TUBERCULOSE. 237 IV Nous pouvons donc maintenant, après ces assez longues citations, nous faire une idée exacte de l'état actuel de la thérapeutique sur ce point spécial, et résumer ainsi l'opinion des médecins contemporains : « La viande crue est un excellent aliment, et les tubercu- leux pour guérir ont besoin de se bien alimenter. Or, comme^ la viande crue est plus facile à digérer que la viande cuite, elle constitue une bonne alimentation; en tout cas, elle est l'alimentation de choix dans les troubles digestifs graves de la tuberculose. » Or, nous croyons avoir prouvé, par nos expériences sur les chiens tuberculisés, que la viande crue n'agit pas comme aliment, mais comme médicament. Ce n'est ni par sa diges- tibilité, ni par sa teneur en azote qu'elle est efficace; car la viande cuite est tout aussi digestible et tout aussi riche en azote. La viande crue agit par des enzymes, des ferments, des diastases inconnues, qui ont la propriété bienfaisante de s'apposer à l'infection tuberculeuse. En réalité, Fuster est à peu près le seul qui ait entrevu cet effet spécifique, absolument différent de l'action nutritive. Tous les autres cliniciens ont considéré la viande comme un aliment, et un excellent aliment, mais rien de plus. Les citations précédentes en font foi. Au demeurant, il importe peu, et les questions de priorité n'intéressent personne. L'essentiel est que la thérapeutique humaine prafite des faits établis par la thérapeutique expéri- mentale. Je conclurai donc : 1° La viande crue doit être prescrite •238 CH. RICHET. à très forte dose, de bOO à ToÛ grammes au moins chaque jour; et. si on ne donne pas toute la viande, mais seulement son plasma, ce plasma doit être celui de 1 000 grammes ou de 1 oOO grammes de viande au minimum. 2° Il ne faut pas réserver l'emploi de la viande crue aux tuberculeux atteints de troubles digestifs. Ce n'est pas seule- ment un remède contre la diarrhée, l'anorexie, les vomisse- ments, la dyspepsie : c'est un remède, et un remède héroïque, contre la tuberculose elle-même. Par conséquent, on doit l'administrer dès le début, sans attendre l'apparition des troubles gastriques. Efi un mot^ la viande crue, ou, mieux encore, le sérum musculaire, vH est pas seulement un aliment , mais cest encore et surtout un agent antitoxique . XVI TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE par la viande et le sérum musculaire (zomothérapie) ÉTUDE DE THÉRAPEUTIQUE EXPÉRI3IENT AL E * Par Charles Richet. 1. LA TUBERCULOSE EXPERIJI ENTALE DU CHIEN. MÉTHODE d'analyse. STATISTIQUE A. — L'étude de l'infection tuberculeuse expérimentale se fait sur le chien mieux que sur le lapin, le cobaye ou le pigeon. D'abord — avantage qui n'est pas négligeable au point de vue de la comparaison avec l'espèce humaine, — le chien résiste moins que le lapin à linfection par le bacille tuberculeux humain. Ensuite, on peut plus facilement étudier les modifications des grandes fonctions physiologiques. 1. C'est en collaboration avec J. IIéricodrt que tous ces résultats ont été obtenus. 240 Cil. UlCHET. J'ai décrit ailleurs' la marche de l'infection chez le chien ainsi que les procédés d'inoculation. Je n'y reviendrai donc pas. Qu'il me suffise de dire que la culture tubercu- leuse, faite en milieu liquide, datant de quarante-cinq à cent vinî;:t jours environ, était injectée directement dans la veine saphène. Le bouillon de culture était filtré grossièrement sur une toile métallique, et le magma qui ne passait pas sur le filtre était broyé et intimement mélangé avec autant de liquide l'bouillon de culture slérile qu'il y en avait dans le ballon de culture. Si le mélange est bien broyé, il peut passer sans difficulté à travers la fine canule de la seringue d'injection. Les animaux injectés étaient autant que possible de même poids, de 18 à 14 kilogrammes environ. Le sexe et l'âge ne paraissent pas avoir grande influence, et même, dans de très larges limites, la quantité du liquide injecté importe assez peu, de sorte qu'il n'y a pas grand inconvénient à com- parer deux chiens de 24 kilogrammes et de 8 kilogrammes par exemple, ayant reçu l'un et l'autre la même quantité, soit 1 c. c. de la culture. On comprend alors que, s'il est préférable de prendre des animaux de même poids, il n'y a pas d'objection sérieuse à employer exceptionnellement des animaux de poids très di- vers. Les virus, en effet, ne se comportent pas comme les agents chimiques qui agissent par leur masse, et par consé- quent proportionnellement à leur poids. Comme ils se repro- duisent dans l'organisme, il s'ensuit qu'au bout de quelque temps l'effet est le même; qu'une quantité plus ou moins grande de bacilles ait été injectée. C'est le hasard qui, aprf's l'inoculation des animaux sur lesquels devait porter l'expérience, décidait du sort de tel ou tel animal. Soit, je suppose, un lot de 8 chiens inoculés; le hasard décidait quels devaient être les 4 témoins, les 4 trai- 1. Travaux du lahovat. de Physiolorfie, IM. '.'"i, 189o. TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 241 tés par l'alimentation carnée. On évite, en procédant ainsi, toute complaisance inconsciente. B. — Pour apprécier les résultats du traitement, deux méthodes peuvent être employées : la méthode statistique ou la méthode anatomo-palhologique. Nous avons résolu- ment employé presque sans exception la première méthode, et voici pour quelle raison. La présence de bacilles tuberculeux, ou même de granu- lations tuberculeuses en voie d'évolution, ne prouve absolu- ment rien pour l'efficacité de tel ou tel traitement. Des ani- maux ayant reçu dans la reine une quantité innombrable de bacilles tuberculeux les garderont évidemment pendant un temps très long ; et l'intérêt d'une méthode thérapeu- tique consiste moins à détruire chez les animaux infectés leurs microbes infectieux, qu'à leur permettre de vivre avec ces microbes. Le fait que les animaux sont tuberculeux im- porte assez peu; ce qui est intéressant, et même essentiel, c'est qu'ils ne meurent pas de leur tuberculose. Par conséquent nous déterminons l'efficacité d'une thé- rapeutique, non pas en sacrifiant les animaux au bout de quinze jours, un mois, un mois et demi, deux mois, et en comptant ceux qui sont, et ceux qui ne sont pas tubercu- leux, mais en connaissant l'état de santé et en appréciant la durée de vie des uns et des autres. Or, pour savoir l'état de santé d'un animal, la meilleure méthode, et presque la seule, c'est la pesée. En principe, et sauf de très rares exceptions, les animaux bien portants en- graissent (ou tout au moins ne maigrissent pas)^ tandis que toujours les animaux malades maigrissent. On peut donc juger l'effet d'une médication en comparant les poids des animaux non médicamentés, c'est-à-dire des témoins, et des animaux médicamentés. Si les uns et les autres baissent, c'est que la médication est inefficace; si au con- traire les uns baissent, tandis que les autres restent slation- naires ou augmentent de poids, c'est que la médication a TOME V. 16 242 CH. RICHET. exercé quelque elFet. On pourra mesurer^ l'intensité] de cet elFet par la courbe quotidienne ou hebdomadaire des poids. A vrai dire, comme, dans toutes ces expériences sans exception — et actuellement, depuis novembre 1888, le nombre de chiens inoculés de la tuberculose dans mon labora- toire est de près de GOO — les témoins ont toujours succombé assez rapidement (en moyenne au bout d'un mois et demi, parfois au bout de trois, quatre ou cinq mois, mais sans jamais résister plus longtemps), — nous;eussions pu, à la rigueur, éviter d'inoculer tout un lot d'animaux témoins. Nous aurions pu considérer comme témoins les nombreux chiens, inoculés à peu près de la même manière dans toutes les ex- périences antérieures. Mais cette manière de procéder, plus économique et plus expéditive, expose à des mécomptes assez graves, et en outre elle enlève le caractère si désirable d'ab- solue certitude que donne une expérience faite avec un nombre imposant de témoins. Quelque précaution qu'on prenne, les cultures tuberculeuses ne sont jamais rigoureu- sement identiques à elles-mêmes, et une comparaison com- plète constitue un contrôle indispensable. C. — Quand il y a plusieurs animaux homologues dans un groupe, il faut, pour obtenir des résultats faciles à saisir, faire la moyenne des poids; mais la constitution de cette moyenne nécessite quelques précautions. En etTet, on ne doit pas totaliser les poids; car, si ces poids étaient totalisés, il y aurait évidemment une disparité entre les variations apparentes et les variations réelles, par suite du variable poids des animaux expérimentés. Il faut, pour donner une valeur égale aux chiens de tailles différentes, égaler à 100 leur poids initial, et établir pour chaque jour un rapport, de manière qu'en totalisant ce rapport, et en le divisant par le nombre des expériences, on ait une moyenne. Ce procédé demeure applicable encqre dans le cas oii l'un des animaux vient à mourir au cours de l'expérience. Alors la chute^brusque de la courbe totalisatrice indique par TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 243 une simple lecture qu'ily a eu un décès dans tel ou tel groupe expérimental. Soit, je suppose, les trois chiens A, B, C, pesant 30 kilo- grammes, 20 kilogrammes, 10 kilogrammes. On a la progres- sion suivante, par exemple : p OIDS ABSOLUS POIDS 0/ 0 JIOTE^^NE 1" jour. . . 30 2a 10 100 100 100 100 1" — . . . 27 20 9 90 100 90 93 14'^ — . . . 27 18 8 90 90 80 87' ■Il' — . . . mort. 18 8 0 90 80 m 28"= — . . . — 16 8 0 80 80 53 35-= — . . . — mort. 7 0 0 70 23 42c — — mort. 0 0 0 0 La courbe (moyenne) de la dernière colonne indiquera^ si on la construit graphiquement, par les trois chutes succes- sives, au 21'^, au So" et au 42® jour, qu'à chacun de ces jours il y eut un décès; dans l'ensemble, cette courbe, par des chutes tantôt graduelles, tantôt brusques, sera l'image très d^acte de l'évolution des trois animaux A, B, C. La lecture fournira donc des documents aussi bien sur la durée de survie des divers chiens que sur l'état de santé de chaque chien en particulier. D. — Une autre méthode statistique, qui parfois nous a rendu de grands services, consiste à dénombrer les jours de survie des animaux et à les comparer. Ainsi, dans les trois exemples schématiques cités plus haut, les jours de survie ont été de 21, 35 et 42, en moyenne 33. L'efficacité d'une thérapeutique consistera précisément à prolonger les jours de survie; et on pourra juger de ses effets par la grandeur de l'excédent de survie des chiens traités sur la survie des chiens témoins. -24+ CH. RICHET. II. DOCUMENTS STATISTIQUES SUIl LA SURVIE DES CHIENS SOUMIS AU TRAITEMENT PAR LA VIANDE CRUE ET LE SÉRUM MUSCULAIRE, Avant d'entrer dans le détail, je donnerai d'abord la sta- tistique globale de toutes mes expériences, en prenant pour point de comparaison non pas les poids des animaux, mais seulement le nombre de jours qu'ils ont survécu à l'inocula- tion tuberculeuse. Cette statistique globale est assurément très imparfaite et tout à fait au détriment de la méthode ; car bon nombre de chiens n'ont été soumis au traitement carné ou zomothéra- j>ique que pendant peu de temps, ou trop tard, ou avec d(^s quantités de viande insuffisantes. La lecture de ces documents est simple. Dans la première colonne se trouvent les numéros d'ordre; dans la seconde, le nom des chiens et la race à laquelle ils appartiennent. — Il est plus commode de les désigner par des noms que par des chiffres. — La troisième colonne indique leurs poids ; la quatrième, le nombre de jours de survie; la cinquième, la moyenne des groupements analogues. On remarquera qu'à côté des témoins et des chiens trai- tés par la viande crue, se trouvent d'autres chiens soumis à d'autres médications. Comme ces diverses médications ont eu assez généralement pour effet de prolonger quelque peu la vie des animaux, on a parfaitement le droit de les intro- duire dans la moyenne générale ; car c'est une condition plutôt défavorable pour établir par des chiffres l'efficacité de la zomothérapie, puisque les animaux traités meurent plus tardivement que les témoins. Toutes les expériences que j'ai faites, sans aucune excep- tion, ont été indiquées, sauf la première, celle qui a été prati- quée en 1898 ( l*''" déc). Elle ne se trouve pas reportée dans le tableau général ci-contre. Jours de sarTie Bo'eiiiii 21 25 33 90 XOMEROS B'ORBRS de tontes de lesesp. l'eip. 13 1 14 2 15 3 16 4 17 0 18 6 19 7 •20 8 •21 0 22 10 25 33 TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 24;j Expérience I (11 janvier 1899). H '" il'ordrc de l'eip. Poids en kil. 1 Ulysse, màtiii 23 2 Nestor, braque. 19 3 Mentor, malin Il Traités par la térébentliine. 4 Eurylas, matin 12 34 o Polyctor, braque 12 35 H Tirésias, braque ........ 14 29 7 Pythias, épagneul l^i 28 8 Eusèbe, malin. 12 38 Nourris à la bouillie (farine et sucre). 9 Circé, griffonne 8,5 27 10 Ephore, loulou 7,5 65 Nourris à la viande crue. H Damon, griffon ........ 7,0 49 12 Antinous, mâtin 0,5 345 ExpÉRiE.xcE II (13 mars 1899). Témoins. Merle, mâtin. 6,4 29 Faisan, caniche 16 27 Grand-duc, terrier 15,9 34 Traités par la térébeiithine (inhalations). Phénix, loulou 5 149 Alouette, loulou 10 47 Vautour, brajue 12 oo Aigle, mâtin 7 42 Héron, hall 13,5 46 Chat-huant, mâtin 16 188 Rossignol, caniche 11 77 197 30 86 246 CH. RICHET. Traités par le lilomh (acétate, eu injections sous-cutanées). TTÏÉROS BORFIRI détentes dp Poids en liil. Jaors de sar'le HojesBe. les Pip. l'eip. It — — — 23 11 Mouette, braque 23 154 24 12 Moineau, caniche 11 16 85 Traités par le thallium (acétate, en injections sous-cutanées). 2o 13 Serin, braque iO,5 10 26 14 Corbeau, caniche 11 35 22 Traités par Vurate de NaO (ingestion stomacale). 27 15 Pinson, loulou 7,5 59 28 16 Goéland, barbet 17 14 36 Nourris à la viande crue. 29 17 Perdreau, épagneul. ... 22 297 30 18 Condor*, mâtin 9,5 800 348 ExpÉRiE.NCt; III (28 avril 1899). Témoins. 31 1 Sardine, lévrier 6 16 32 2 Thon, barbet 13,3 32 33 3 Anchois, loulou 8,3 59 34 4 Grosœil, bull 18 20 32 Traités par la térébenthine (inhalations). 35 5 Goujon, bull 5,2 37 36 6 Carpe, bull 13 116 37 7 Mulet, carlin 8 22 38 8 Bar, épagneul 14 86 39 9 Morue, terrier , 6 18 40 10 Hareng, matin, 12 59 56 * Les noms suivis d'un astérisque indiquent que les chiens vivaient encore au 15 juin 1901. TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 247 Traités par le plomb. SUMÉKOS D'ORDItE (le tontes de Poids en kil. Joiii's île suruc Uojenne. les eip. l'eip. Il — — 41 11 Gardon, buU 13,o 07 42 12 Éperlan, griffon o,2 108 43 13 Requin, griffon 13 300 Traités par le thalliura. 44 14 Saumon, caniche. .... 13 32 45 13 Anguille, mâtin 6,5 20 46 16 Turbot, mâtin 10 14 Traitée par l'urate de NaO. 47 17 Brochet, épagneui 12,5 73 48 18 Truite, caniche 0 13 Nourris à la viande crue. 49 19 Maquereau, griffon .... 6 133 50 20 Raie, terrier 6,3 20 51 21 Gymnote, buU 13 234 52 22 Squale, griffon 5 36 53 23 Rouget, loulou 6 563 Expérience IV (15 nov. 1899). Témoins. 54 -1 Adam, griffon -IS 22 55 2 Gédéon, loulou 7,5 149 56 3 Noé, griffon 9 72 57 • 4 Japhet, loulou 11,2 22 Traités par le plomb. 58 5 , Jacoba, barbet 6,4 29 59 6 Siméon, loulou 10 29 60 7 Lévy, loulou 9,5 28 61 8 Ruben, bull 6,6 24 62 9 Benjamin, braque. .... 9,5 06 63 10 David, épagneui 14 14 ■64 11 Saiil, terrier . 5,3 26 178 43 31 248 CH. RICHET. Traités par le thallium. >CHÏROS D'ORBRÏ de toutes de Poids en kll. Jours de ssr 1 DES CHIENS TUBERCULEUX NOURRIS A LA VIANDE CRUE Le premier point sur lequel nous devons fixer notre attention est le suivant : alors que les chiens tuberculeux, alimentés normalement, subissent un rapide et progressif amaigrissement, les chiens alimentés à la viande crue, tu- berculeux comme les autres, au lieu de maigrir, engrais- sent. Je citerai comme exemple l'expérience VI, en donnant les poids (de sept en sept jours) des cinq témoins et des deux chiens nourris à la viande crue. Pour plus de facilité, je rapporterai les poids initiaux à 100. Expérience NI. MOYENNES tiini Cadii Fi.K^ri) Op«rU Figarins (lestétiioins des Srtille Tallidolid Moyenne '15.51 (11) (20) (14,3) (8,3i vivants 5 témoins ilf),h) [8,4} — 6 fév. 1er 100 100 100 100 100 11«. 84 96 93 98 99 21^ 84 06 02 69 92 28«. 80 91 8o mort 84 41^ 80 92 80 — 89 60*. 67 91 73 — 94 100 100 100 100 94 8li 80 94 98 08 98 87 92 92 92 Alimentation carnée au 21' jour. 68 101 9:; 98 68 112 123 117 64 121 136 128 Jours Madrid Cadii Pujcerda — (15,5) (11) (20) Sl^ mort 86 73 IlO^ — 80 mort 124«.. — mort — 14oe. — — — TUBliRCULOSE EXPÉRLMENTALE. 2o$ MOYENNES Oporto Fuiuieras dss témoins des Séïjlle Talladolid Moyenne (14,3) 8,3) vivants Ste'moins. (16,5) (8,4) — Alimentation carnée au — 89 21« jour, 83 50 121 141 131 80 16 122 142 132 0 0 122 142 132 0 0 128 143 13S Ainsi les 5 témoins [Madrid, Cadix, Puycerda, Oporto, Figueiras, ont constamment baissé de poids, tandis que les deux chiens [Séville, Valladolid) alimentés à la viande crue ont augmenté de poids dans la proportion de 100 à 135, à partir du moment où la viande crue leur a été donnée comme aliment. Expérience IV. TIWIOINS Cédeoii Soe Japhet MOYBNNB ALIMENTATION GARNI- des témoins des Abraham Israël ;k Jours Adam Moijen — (1') (7,5) (9) (11,2) vioants 4 ■ témoins (12) (8,0) — 15 nov. 1" 100 100 100 100 100 100 100 100 100 20«. 71 93 121 80 91 91 116 106 111 34«. mort 83 100 mort 92 46 116 lOo 111 54^ — 87 89 — 88 44 134 116 iw 82". — 87 mort — 87 22 147 128 138 110«. — 80 — ■ — 80 20 loO 138 144 Ainsi cette expérience IV est tout à fait du même ordre et conduit aux mêmes conclusions que l'expérience VI. Les chiens alimentés à la viande crue ont augmenté dans la pro- portion de 100 à I4i-. Beaucoup d'autres expériences aboutissent aux mêmes résultats. Nous aurons l'occasion de les mentionner. Dans quelques expériences, Salmon a confirmé ce fait très important que les animaux (chiens) tuberculeux nourris avec la viande crue engraissent énormément ^ Les chiens non tuberculeux engraissent-ils de même quand on les nourrit avec la viande crue? C'est un point que nous nous proposons d'étudier dans des expériences 1. Bull. Soc. e/o/., sept. 1900. 2:i4 CH. RIGHET. ultérieures, et la réponse à cette question ne peut manquer d'être intéressante. Ainsi, non seulement les chiens tuberculeux ne meurent ...•' ,.-^... y *T*-._ ' \ r-' • ••w I...4 ..<- •'• s S\ l < •^ 1 L \ 1 1 Légende \ \ \ liânde crue (II) \ \ \ ... — Viande cuite (II) 15 Novembre 1899 1 \ \ 1 1 1 i M *^ i "n '—-, \ l \ \ ,^ \ \ 1 1 \ N™if \ ~~\ \ \ \ \ PoiSs 12 11 10 9 8 7 f 5 3 2 1 0 Jour3 10 20 30 ÎO 50 50 20 80 90 100 110 120 130 IfO 150 160 170 180 130 Fio. 37. — Comparaison de la viande cuite et de la viande crue (Adam, Gédéon, Noé, Japhet, Abraham, Israël. En + suppression de la viande crue. pas; mais encore ils engraissent quand on les nourrit avec de la viande. Il me suffira de citer les poids de quelques autres chiens, au 15 novembre 1900. POIDS INITIAL POID.S AU 15 NOV. POIDS AU 15 NOV. Jours Belfasta 171« Condor 605'^ Rouget o40« Rhododendron. . 322« Hortensia. . . . 322« Constantin. . . . 250" Séville 281« Valladolid. ... 28 i« 12 9,0 G i:i <» i6,:i 16,0 8,4 16,8 14,8 7,3 19,3 14,8 19 20 11,0 p. 1.000 140 156 122 128 164 116 122 136 TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 25:i Mais le cas le plus extraordinaire est celui d'Azaiée, qui, après que son poids, par le fait de l'infection, fut descendu de 12 à 9, remonta, sous l'influence de l'alimen- tation carnée, à 19, soit, de 9 à 19, une différence de plus de 100 p. 100 (du 20 janvier au 24 avril), soit par jour et par kilogr., de 12 grammes, ce qui est presque invrai- semblable. Le 8 novembre elle fut sacrifiée, ainsi que Gobéa. Ces deux chiens étaient extrêmement gras, beaucoup plus gras même que la plupart des chiens normaux tués en pleine santé, et leurs poumons indemnes. Le fait que l'alimentation carnée engraisse les animaux tuberculisés est donc absolument prouvé. IV. DE L'ÉLÉME^T ACTIF DE LA VIANDE CRUE On peut séparer la viande en deux parties bien distinctes, une partie liquide et une partie solide. En soumettant la viande à une très forte pression, on fait sourdre un liquide coloré en rouge, riche en matières protéiques (de 5 à 6 p. 100). L'autre partie de la viande, qui ne passe pas par les filtres, constitue la fibrine musculaire. Nous avons donc à étudier séparément les effets du sérum et ceux de la fibrine. La quantité de sérum qu'on peut extraire de 1 000 grammes de viande varie beaucoup selon les méthodes qu'on emploie. Dans les meilleures conditions, on ne peut extraire plus de 40 p. 100. Même, le plus souvent, c'est 30, ou 33, ou 35 p. 100 qu'on obtient. Avec 20 kilos par centim. carré de pression, on peut arriver à 40 p. 100. Mais, sur des viandes fraîches, non congelées, on n'arrive guère à dépas- ser ce chiffre, et il est même difficile de l'atteindre. Or j'ai pu constater que le sérum musculaire possède une efficacité égale à celle de la viande crue totale. CH. RICHET. Voici quelques faits à l'appui : EXPÉRIENCE VI. 21 — 12,0 26 — 11,4 12 mars 1 1,3 26 — 11,0 2 avril M ,0 18 — 11,0 30 — 10,8 7 mai 1 1 ,0 (Le 8 mai, on lui donne 250 grammes de sérum, répondant à 500 grammes de viande. ■> 14 mai 12,5 21 — 13,5 28 — 13,9 4 juin 14,6 Il — 14,2 18 — 13,8 TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 2o7 (Le -18 juin, on augmente la ration de sérum qu'on porte à 500 grammes ; on est souvent forcé de le lui faire prendre par la sonde. Elle a un abcès sur le flanc droit, qui est in- cisé.) 25 juin U,2 2 juillet 14,4 9 — 14,7 30 — 15,0 (A ce moment elle est en parfaite santé.) 20 août 15,2 15 novembre 16,8 Quant au chien Bilbao qui est mort le 24 avril, il est assez difficile de savoir la cause de sa mort. C'est à la suite d'une bataille avec d'autres chiens (?), et l'autopsie n'a révélé aucune lésion capable d'expliquer la mort. D'ailleurs il avait toujours boité du côté de la patte injectée, et il avait fallu lui ouvrir un abcès en ce point. Les poumons étaient tuberculeux; mais les intestins et le mésentère étaient gras, comme le sont ceuxMes chiens bien portants. Voici les poids absolus : l'alimentation au sérum a dé- buté le 12 février. 6 février (inoculation) . ... 21,0 16 — 20,6 21 — 20,5 12 mars. '21,5 19 — 22,0 26 — 23,2 2 avril 23,8 9 - 24,3 18 — 23,0 24 — 23.0 Mort le 24 avriL Mais l'expérience la plus décisive pour établir l'efficacité du sérum est la suivante : 17 258 en. RICHET. Expérience VII (6 mars 1900). Les quatre chiens Tlemcen, Sétlf, Biskra, Constantin, reçoivent des quantités variables de sérum. Cette quantité de sérum répond* pour Tlemcen, kl grammes de viande par kilog. ; pour Sélif, à 12 grammes; pour Biskra, à 36 grammes; pour Constantin, à 62 grammes. EXPÉRIE.N'CE VII. — 6 mars 1900. TÉMOINS. Jours. Bougie. Mostaganem. Tlemcen. Sétif. Biskra. Constant (11,5) (15) (14,-1) (•V) Ul,5) (16,5) 6 mars . . . 100 100 100 100 100 100 13«. . . . 90 96 91 103 97 97 20^ . . . 91 94 91 110 95 101 27«. . . . . 89 94 88 116 97 101 34". . . . 79 94 89 118 97 104 43«. . . . . mort 100 83 125 100 105 Cl^ . . . — 1 06 78 125 107 108 82*. . . . — 113 mort. 125 112 112 124^ . . . — 96 — 140 124 121 147". . . . — 90 — 141 130 126 167«. . . . — 89 — 141 130 126 172». . . . — 79 morl. — » » » (Suppression du sérum au 174"= jour.) 240" (mort au225«j.) 102 115 Cette expérience prouve donc nettement l'intluence quan- titative du sérum. Si nous faisons un groupe d'une part avec les deux chiens témoins Bougie et Mostaganem et le chien Tlemcen qui re- cevait une quantité de sérum insuffisante (7 grammes par kil.), et d'autre part, les trois chiens, Sétif, Biskra et Cons- tantin, qui recevaient une dose plus forte, nous avons en moyenne : Jours. Groupe I. Groupe II. l3^ . . . . . . . 92 98 20«. . . . . . . . 92 102 27«. . . . . . . . 90 106 34«. . . . . . . . 87 106 43'-. . . . . . . . 61 110 TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. Jours. Groupe I. Groupe II. 61* 61 113 82" 37 116 124<= 32 128 147" . 30 128 167« 30 132 172« 0 132 239 Nous voyons par cette expérience que les chiens en ap- parence guéris finissent par mourir si l'on cesse de les ali- menter avec le sérum musculaire. Ainsi donc, le sérum contient l'élément actif, au point de vue thérapeutique, de la viande. Il s'agit maintenant de savoir si la viande privée de son sérum est encore active. Sur ce point, les expériences ne sont pas tout à fait déci- sives ; car il n'est pas possible d'enlever à la viande tout son sérum. Si l'on exprime la viande à une forte presse en la pri- vant de tout son sérum, et que ensuite on la lave pendant plu- sieurs heures à un grand courant d'eau, puis qu'on l'exprime de nouveau, le liquide est encore coloré assez fortement, ce qui prouve que toutes les matières solubles extraites n'ont pas été enlevées par le lavage. Néanmoins cette viande lavée €st très fade, ne contenant presque plus de sels, ni de ma- tières colorantes. Nous appellerons, pour simplifier, mande lavée, cette fibrine musculaire ainsi dépourvue des parties solubles. Voici comment se sont comportés les chiens nourris à la viande lavée : Expérience VI. JOURS. MOYENNE CHIENS NOURRIS MOYENNE. CHIENS NOURRIS MOYENNE, — des 5 témoins. A LA VIANDE LAVÉE. A LA VIANDE CUITE. Pampelune. Toledo. Sébastien, . Saragosse. •6 février (4,5) (15,5) (12) (20) Jer 100 100 100 100 100 100 100 11^ . 94 98 98 98 100 93 97 21*. . 87 96 92 94 86 72 79 -28^ . 68 100 99 100 81 65 73 260 CH. RICHET. JOfRS MOYENNE CHIKNS NOL'RRIS A LA MOYEN.NE. CHIENS NOCRRIS A LA — des 5 témoins. VIANDE LAVÉE. ^ VIANDE CCITE. Pampelune. Toledo. .Sébastien. Saragosse 41". 68 106 102 104 mort. mort. 00^ 64 103 io:j 105 " — — 81^ 30 100 io:i 103 — — ^^o^ 16 97 96 97 — — 124^ 0 96 107 102 — — 14o«. — 93 103 97 — — 159^ . — 94 mort 47 — — ^(i6^ — morl — 0 ' — — Cette expérience VI est capitale. Elle montre que les chiens. nourris au sérum ne meurent pas, tandis que les chiens nourris avec la viande lavée, quoique durant plus longtemps que les témoins, finissent par mourir. Les deux autres expériences (expériences V et VII), faites aussi à la viande lavée, donnent des résultats moins nets, mais suffisant cependant à établir que la viande lavée, encore qu'elle protège un pou, protège beaucoup moins que le plasma ou la viande crue non exprimée. E 'CPÉRIEXCE V. NOCRRIS TÉMOINS. A LA VIANDE LAVÉE. NOCRRIS AU PLAS.MA . JOuES. Soleil. Géranium Gobéa. Ins. Hortensia Rhododendron 2Cdéc. (12) (11,5) (12,3) T2 '9) (15) !*■• . . JOO 100 100 100 100 100 ^3^ 92 88 106 102 103 93 24«. o9 69 100 9.". 113 100 3l«. mort. mort. 102 86 111 104 36«. — — 106 mort. 113 105 :j3«. — — 98 — 120 116 00«. — — 100 — 140 122 i.n2\ — — 140 — 135 123 32.i6. . — — 144 — 166 130 Ainsi, dans cette expérience, sur deux chiens alimentés à la viande lavée, runjest mort au 36® jour; l'autre a sur- vécu près d'un an. Au bout d'un an Gobéa o. été sacrifié, et il n'était presque pas tuberculeux. On remarquera qu'au TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 261 90''jour il n'avait ni augmentt? ni baissé de poids, tandis que ï • 1 \ i \ t 1 1 1 1 1 r \ \ ^ ^ \ • *^ <^ \ \ ^ ^ \ r ^ 1 S k, j \ / > \ / // ■ À r il . fl 1^ ra c > c 3 C 3 c 3 c D c D C 3 C D C 3 C D C o FiG. 38. — Comparaison des effets de la viande cuite et de la viande crue. (Sébastien, Sat^agosse, Séville, Valladolid.) les deux chiens alimentés au sérum avaient augmenté déjà de^SO p. 100. 262 CH. RICHET. Expérience VII (G mars 1900). PLASMA. JOURS . TÉMOINS. fDOSE SCFFISXNTE) Bougie, Mostaganem. Biskra. Constantine. "~ VI.^NDE L.WÉE 6 mars 1900 Phiiippevillo. Bone. Moyenne moyenne. moyenne. (13) (11.4) . fi mars 100 100 100 100 100 i:^ jour 93 97 108 99 101 •20'\ . 92 98 104 91 97 2T^ 91 09 07 !»0 93 34«. 86 100 96 01 93 43^ 50 102 96 91 93 61^ 53 107 mort. 00 45 182^ o6 112 — 02 46 i24^ 48 122 — 103 51 47'=. 45 128 — iO;i 32 167«. 45 128 — 08 49 ■172^ 40 128 — 08 49 240«. 0 108 — 100 50 Ainsi, en prenant les six chiens nourris à la viande lavée, nous voyons que deux ont survécu [Gobéa et Bône, avec des poids de 144 et de 100), tandis que quatre sont morts [Philip- peville,Iris, Pampehme, Toledo). Au contraire, sur sept chiens nourris au plasma, un seul est mort [Bilbao, avec un poids de 114) et six étaient encore vivants au l*^"^ janvier 1901, avec des poids de 166, 130, 102, llo, 120, 134, en moyenne 128. Il n'est donc pas possible de douter que le sérum muscu- laire est plus actif que la viande lavée, et que l'effet théra- peutique de l'alimentation par la viande crue dépend du sé- rum et non de la fibrine musculaire. 11 est aussi tout à fait évident que la viande cuite n'a pas du tout le même effet que la viande crue. Les animaux té- moins sont en effet des animaux nourris à la viande cuite, et. dans les cas où l'alimentation était de la viande cuite ex- clusive [Sébastien, Saragosse, expérience VI), la mort est sur- venue plus vite même que pour les témoins nourris avec viande et pain. Si l'on évapore aux environs de 35° le plasma musculaire. TUBERCULOSE EXPERIMENTALE. 263 on obtient un résidu sec, masse amorphe qui, convenable- ment desséchée, ne s'altère pas, et conserve encore quelques- unes des propriétés du plasma. Grâce à l'obligeance de M. Deschiens, j'ai pu avoir de grandes quantités de ce sérum Thiiti t v_ 120 _... —\ ' ^■■ •■' ' ..... ^.-i r'' '' „-•' ■— ' -'"■ 100 ._ -, _- — ' '— — __ ■r-i' '■■' — i ■^ L^^ N. *-^( ■^ '•«i s^ \ 60 N S \ S V 70 N \ 60 \ >^ < SO c ~- -^ - — ^ O •^ § + fj r . ■N ■ S Légende H, Témoins (Xj . ^Jus de viande 0 26 Décembre 1899 ^ 7 o \ 1 — l 1_ . 1 î Il r 1 UJ 1 If \ \ i r \ 1 1 r- / r 1 \ \ ^ \ \ \ J \ y r • 1 y f 1 1 y * ^ ,^ ^ ■N »« ■■- ■- h- 60 S S s \, 70 60 1 1 l l Légende l \ Kande crue au2fyonr(JI) y 30 \ \aande mie dfi 11 témoinaliSŒMafJ 20 \ [— r— —H 1— r» 10 \ 0 ^ _ L_ ^ _ L L L _ FiG.. 42. — Alimentation carnée in extremis (Exp. V). (Soleil, Ge'ranium, Mugiiel, Œillet, Clinjsantkème, Azalée.) plasma n'a été. donnée que le 90'' jour. Cette expérience a été faite de la manière suivante : Cinq chiens ont été alimentés de la manière ordinair, à TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 277 partir du 6 février, jour de l'inoculation. Trois d'entre eux étaient considérés comme témoins fatals, c'est-à-dire desti- nés à ne jamais subir de changement alimentaire. Les deux autres [Figueiras &i Barcelone) ne devaient commencer à être traités par la viande qu'après la mort de deux des trois té- moins. Oporto meurt le 28 février (22 jours), Puycerda meurt le 8 mai (90 jours). Ce 8 mai, on donne du sérum à Figueiras et à Barcelone. Mais Figueiras, extrêmement ma- lade, ne le prend que difficilement, et, malgré tous nos efforts pour le lui faire avaler, il ne peut guère ingérer que 100 à 150 grammes. Il meurt le 13 mai. Au contraire, Barcelone^ qui prend hieu le sérum, se relève rapidement. Voici l'indication des poids successifs de Barcelone. 6 février, inoculation 12,5 6 mars 11,4 7 mai 11 Au 8 mai elle est alimentée au sérum. 14 mai 12,5 21 — 13,5 28 — 13,9 4 juin 14,6 Elle a été sacrifiée le 6 février 1901, juste un an après l'inoculalion; elle pesait alors 16,8, et était en excellent état de santé. Les poumons étaient indemnes^ comme les autres organes. Rappelons que Cadix, le dernier des trois témoins, est mort le 9 juin extrêmement maigre, si bien qu'à la Société de Biologie oii nous montrâmes son cadavre (le 9 juin), on supposa qu'il était mort de faim (! !). En réalité, il est mort étique et atrophique, comme meurent les chiens soumis à l'infection tuberculeuse. Dans quelques cas, les animaux étaient trop malades pour s'alimenter eux-mêmes. Alors nous donnions le plasma par la sonde ; mais l'état de débilité a été souvent trop grand pour que la viande crue ou le plasma aient été efficaces. 278 CH. RICHET. Brisiol, inoculé le 28 mai, pèse S'^'^S. Le 13 juin, il pèse 6,5 : il est extrêmement amaigri et faible. On essaye de l'alimenter au plasma, mais sans succès. 11 meurt le 27 juin. Dans cette même expérience du 28 mai, où l'injection a été particulièrement virulente, Douvres et Stratfort sont ali- mentés le 13 juin avec de l'extrait sec (2s'",5 par kilogramme); mais c'est sans effet. Douvres meurt le 17 juin, et Stratford le 26 juin. En thèse générale, dès qu'un chien consent à prendre toute la viande et tout le sérum qu'on lui donne (à raison de 50 grammes de viande ou de 20 grammes de sérum par kilogramme), il est sauvé, quel que soit son état de cachexie ; mais, s'il ne peut pas ingérer la totalité de cette dose thé- rapeutique, il meurt. On peut objecter que, s'il meurt, ce n'est pas parce qu'il n'a pas ingéré le plasma, mais c'est parce qu'il était déjà très malade, trop malade pour s'ali- menter, de sorte que la non-alimentation agirait comme symptôme de pronostic grave, et non comme cause de Tinef- ficacité du traitement. Toutefois, il nous semble que cette distinction est une subtilité. Les chiens amaigris par l'infection tuberculeuse, s'ils ont perdu 25 ou 30 p. 100 de leur poids, sont fatale- ment condamnés à mourir en peu de temps. Mais si, à ce moment, ils peuvent encore manger de la viande crue, ou ingérer du sérum musculaire, alors on peut affirmer qu'ils guériront. Vin. — l'alimentation carnée au point de vue PROPHYLACTIQUE Sur ce point nous n'avons qu'une seule expérience (por- tant sur deux chiens), de sorte qu'il est difficile de formuler des conclusions fermes. Toutefois cette expérience est bien instructive. TU BEUG U LOSE EXPÉRIMENTALE. 279 Le 13 février, deux chiens très jeunes {Alger, 9"^'', 5; Oran, 8, 6) reçoivent dans leur alimentation, chaque jour, chacun 250 grammes de sérum. Alger augmente de 9,5 à 10,3 Quant à Or an, qui prend la maladie des jeunes chiens, il baisse de 8,6 à 7,3. Le 6 mars, ils sont inoculés de la tuberculose en même temps que d'autres chiens (témoins Bougie et Mostaganem) et ils sont soumis au régime ordinaire. Voici la marche des poids comparativement chez les deux ttémoins, et chez Alger et Oran. Jours. 6 mars. 19 mars 13^ 2 avril 27«. 9 — 34«. 30 — 54«. 7 mai 61^ 28 — 82«. 11 juin 96«. 25 — 110«. 2 juillet 117^ 16 — 131«. 30 — 14o^ 6 août 1S2«. 2 septembre 172^ Alger. Cran. Bougie. Mostaganem 100 100 100 100 100 97 99 96 95 102 89 94 96 109 79 94 100 123 mort. 103 104 134 — 106 116 134 — 113 108 87 — 100 109 73 — 100 115 xnort. — 100 124 — — 100 123 — — 93 115 — — 91 Bort. — — 91 — — — 79 — — — mort. De fait, les deux groupes sont comparables, et on peut -expliquer la rapide ascension de poids chez Oran, après l'in- fection tuberculeuse, au fait qu'il a guéri alors de la maladie des jeunes chiens. Toute conclusion positive est donc impossible, et l'expé- rience reste à refaire. Car évidemment l'expérience fait pen- cher vers la supposition que le plasma a une action prophy- lactique. Tlemcen (de la même expérience) peut en effet être considéré comme témoin. 280 CH. rUCHET. Et on a alors : Bougie 37 jours de survie. Tlemcen 97 — — Mostaganem 174 — Moyenne 97. Et pour les chiens prophylactisés : Alger 225 jours. Orau 119 — Moyenne 187. Surtout, pour refaire l'expérience, il faudra donner long- temps un régime complet de viande crue et ne pas se con- tenter d'un mois, comme nous l'avons fait, encore moins de quelques jours. Des expériences sur ce point très important sont en voie d'exécution dans mon laboratoire. Ajoutons que j'ai tenté aussi une expérience prophylac- tique sur deux singes, et cela, il faut l'avouer, avec un in- succès complet. Les deux singes [Macacus siniciis) avaient pendant un mois reçu du jus de viande dans leur alimen- tation (le jus de viande était mélangé au lait). Ils n'ont d'ailleurs pris cette nourriture qu'avec une vive répu- gnance, en petite quantité, et ce n'était pas sans force gri- maces qu'ils se résignaient à en faire usage. Or ils sont morts plus tôt que deux témoins inoculés en même temps. IX. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. THÉORIE DE l'aCTION THÉRAPEUTIQUE DE LA VIANDE ET DU SÉRUM Il est donc établi manifestement que la viande crue pro- tège presque toujours les chiens contre l'infection tubercu- leuse. Il s'agit de savoir par quel mécanisme. On peut admettre plusieurs hypothèses. A. Hypothèse de la suraliinenlation. — On sait que De- TUBERCULOSE EXPERIMENTALE. 28t BovE, et après lui quelques médecins, ont supposé que par une alimentation intensive la tuberculose était enrayée et en- travée dans son développement, de sorte que, lorsque j'ai publié mes premières recherches, en novembre 1899, à l'Académie de médecine, on a cru trouver l'explication de l'efficacité de la viande crue en disant que c'était de la surali- mentation. Or il ne me paraît pas que cette hypothèse puisse tout à fait se justifier. En effet, le sens du mot suralimentation est très précis. Il signifie ingestion d'une plus grande quantité d'aliments ;, et la valeur des aliments se mesure par leur équivalence thermodynamique. 11 s'agit alors de savoir quelle est, éva- luée en calories, la valeur des alimentations différentes don- nées à nos animaux divers. Si l'efficacité de la viande crue était due à la suralimen- tation, il s'ensuivrait que la viande cuite aurait les mêmes effets que la viande crue. Or il n'en est pas ainsi : au contraire. Pourtant les animaux nourris à la viande cuite consom- ment plus d'aliments que les animaux soumis à la viande crue, à poids égal de viande, puisque la viande crue contient 10 à 20 p. 100 plus d'eau que la viande cuite. Nous avons vu cependant les animaux soumis à la viande crue survivre,, tandis que les autres meurent. L'exemple le plus remarquable est celui du chien7o^/en- ham qui, pendant six mois, ne reçut que 400 grammes de viande crue sans aucune autre alimentation, soit à peu près 39 calories par kilogramme, ce qui est de l'hypo-alimenta- tion, et cependant il n'est mort que tardivement, et son poids s'est longtemps maintenu sans changement. L'hypo- alimentation n'a pas empêché la viande crue d'agir très efti- cacement contre l'infection tuberculeuse*. 1. La viande n'était pas dégraissée, de sorte que le chiffre de 39 calories doit être porté à 50 calories environ. 282 CH. RICHET. L'addition du sérum musculaire aux aliments ne modilie que dune manière presque insignifiante la lation alimen- taire des chiens. Constantin, qui recevait 2-'.o de plasma par kilogramme, n'avait de ce fait qu'un supplémentpresque négligeable, puisque 1 000 grammes de sérum ne représen- tent que 2o0 calories en chiffres ronds : par conséquent, 25 grammes de plasma ne font que 3 calories par kilogramme de plus. On ne peut pas objecter que la viande et le plasma agis- sent comme des stimulants de l'appétit; ce serait, dit-on, des condiments qui incitent les chiens à consommer plus d'aliments. Mais cette observation n'est pas soutenable; car, dans nombre de cas, les chiens témoins prenaient toute leur viande cuite et tout leur pain, ce qui ne les empêchait pas de mourir. Et d'ailleurs l'appélition des chiens pour la viande cuite n'est guère moindre que pour la viande crue. Quant au sérum, s'il est positif que beaucoup de chiens le pren- nent sans répugnance, il n'est pas moins vrai que certains chiens s'y habituent difficilement, et que c'est loin d'être pour eux un stimulant de l'appétit, Pgr conséquent il faut abandonner résolument la théorie de la suralimentation. Guinard a montré récemment que le sucre exerce une influence plutôt défavorable. Et, même en admettant qu'il s'agisse exclusivement d'une suralimen- tation azotée, la spécificité de la viande crue par rapport à la viande cuite nous permet d'écarter absolument cette théorie. On a supposé aussi que la viande crue est plus facile à digérer que la viande cuite, mais en réalité la digestibilité de la viande crue ne diffère pas de celle de la viande cuite^, mal- gré l'affirmation contraire de beaucoup de médecins, les- quels n'ont jamais, à vrai dire, observé de digestions artifi- cielles. Si l'on fait in vitro une comparaison entre la manière dont est dissoute la viande crue et celle dont est dissoute la viande cuite, on voit que la viande crue résiste au ferment TUBERCULOSE EXPERIMENTALE. 283 peptique aussi longtemps que la viande cuite. Dans quelques expériences inédites, que je poursuis en ce moment, je n'ai pas pu voir de différence bien appréciable. Les chiens digèrent très bien la viande, qu'elle soit cuite ou qu'elle soit crue. Enfin l'hypothèse de la suralimentation est contraire aux lois les plus positives de la physiologie géuérale. On ne fait pas produire aux organismes ce qu'on veut. Si une alimenta- tion surabondante engraisse, cela ne veut pas dire que les cellules s'alimentent davantage : cela signifie seulement qu'il y a formation d'une réserve de graisse dans les tissus conjonctifs. Un animal surabondamment nourri engraisse; mais ni son cerveau, ni son cœur, ni son foie, ni ses reins ne s'alimentent en excès, et la consommation organique de SCS tissus reste la même que chez des animaux ayant une ration alimentaire exactement et à peine suffisante. B. Hypothèse crime action antiseptique. — Cette hypo- thèse ne mérite pas d'être discutée. D'abord parce que le sé- rum musculaire n'est rien moins qu'antiseptique. Au con- traire, il se putréfie en quelques heures avec une déplorable facilité. En outre, le bacille tuberculeux continue son évolu- tion chez les animaux nourris à la viande. On n'entrave pas l'évolution du microbe ; on empêche seulement ses effets no- cifs, ce qui n'a aucun rapport avec l'antisepsie véritable. C. Hypothèse cVune action antitoxique. — C'est à cette dernière hypothèse que nous croyons devoir nous rattacher. Mais elle est loin d'être simple, et elle peut se comprendre de plusieurs manières assez différentes. 1° Action antitoxique directe. — Le bacille de la tuber- culose ne tue pas directement par lui-même, sauf dans le cas de complications hémorrhagiques ou méningitiques. Il agit par les produits solubles qu'il sécrète, par ses tubercu- lines, plus ou moins offensives, qui, déversées constamment dans l'organisme, finissent par intoxiquer le système nerveux et suppriment sa puissance de résistance. On peut donc faire cette hypothèse que certains ferments, certaines enzymes 284 r.H. RICHET. OU diastases, de nature inconnue, existant dans le sérum musculaire et dans la viande crue, passent dans le sang et neutralisent directement l'effet des tuberculines. Mais cette interprétation soulève de nombreuses difficul- tés. En effet, d'abord on ne comprendrait pas par ce méca- nisme qu'il y ait une action prophylactique, puisque ces fer- ments, versés dans le sang, ne peuvent assurément pas y séjourner indéfiniment, mais qu'ils doivent y être plus ou moins rapidement détruits. En second lieu, si Ton injecte sous la peau du sérum mus- culaire, et à plus forte raison si l'injection est faite directe- ment dans la veine, au lieu d'observer des effets antitoxiques, on voit des effets très toxiques se manifester, et des doses de 3 c. c. par kilogramme d'animal le mettent en danger de mort; tandis que des doses inférieures, de 4 c. c. ou de 0*^^.1, ou de 0, 05 par kilogramme sont tout à fait inefficaces, ainsi que nous l'avons constaté. C'est donc le plasma digéré par le suc gastrique qui acquerrait un effet antitoxique, à moins qu'on ne fasse cette supposition, assez compliquée, que le suc gastrique détruit la toxine du plasmasans détruire l'antitoxine. On pourrait tout aussi bien admettre, mais sans aucune preuve à l'appui, qu'une minime partie du sérum échappe à la digestion, et que c'est cette minuscule quantité, non digé- rée, qui, passant dans le sang, vient neutraliser l'antitoxine tuberculeuse. Mais toutes ces hypothèses sont, en somme, médiocre- ment satisfaisantes, et, étant donnée l'action prophylactique, étant donnée aussi la toxicité extrême du sérum, nous ne croyons pas admissible la supposition d'une action antitoxi- que directe. 2<* Aclio7i antitoxique indirecte. — L'action antitoxique indirecte est plus vraisemblable. Dans cette hypothèse, le sérum ne contiendrait pas d'antitoxine, mais il provoque- rait dans les tissus (notamment dans le foie) la formation une antitoxine. Nous avons un exemple très net de cette TL'BERCULOSE EXPÉ KIMENÏALE. 285 production de plasma par l'étude des peptones. On sait que ces substances, qui empêchent in vivo la coagulation du sang, ne l'empêchent pas m rzVro, mais seulement après qu'elles ont passé dans le foie. Elles incitent le foie à produire une sub- stance coagulante. Ce serait donc par un mécanisme ana- logue que le plasma agirait dans l'organisme. Au moment de la digestion, les produits digérés passeraient dans le foie par la veine porte, et détermineraient la sécrétion par le foie de substances antitoxiques. Cette hypothèse explique assez bien l'inefficacité des in- jections veineuses ou sous- cutanées. Elle n'explique pas du tout l'action prophylactique. Aussi préférons-nous la troi- sième et dernière hypothèse, celle du métatrophisme. 3" Action antitoxique métatrophique. — Nous supposons d'abord que les phénomènes graves de la tuberculose sont dus à une intoxication. L'action mécanique des microbes est négligeable, sauf dans le' cas, qui n'existe pas pour la tuber- culose du chien, de graves lésions ulcéreuses du parenchyme pulmonaire et de cavernes. L'intoxication porte alors évi- demment sur le système nerveux, car, une fois que le sys- tème nerveux est atteint, les tissus divers, qu'il s'agisse des poumons, du cœur ou des muscles, sont troublés dans leur nutrition, puisque cette nutrition est régie par l'influx ner- veux. L animal tuberculisé meurt par la lente et progressive intoxication du système nerveux. Cela étant bien établi, comment empêcher l'intoxication nerveuse? 11 suffira d'empêcher la cellule nerveuse d'absor- ber le poison. Le poison n'aura pas besoin d'être détruit par une antitoxine particulière. Si la cellule nerveuse n'absorbe pas le poison, le poison, devenu inoffensif, circulera dans le sang, et sera éliminé par l'urine au fur et à mesure de la production par les microbes proliférants. Mais les cellules nerveuses ne seront pas touchées et continueront à envoyer leur irritation trophique tutélaire à toutes les parties de l'organisme. 286 CH. RI C H ET. Pourquoi alors ne pas admettre que les ptomaïnes, leu- comaïnes, albumines, enzymes, diastases de la chair mus- culaire, passant dans le sang, soient fixées par la cellule nerveuse? Celle-ci, saturée de principes nutritifs, n'a plus aucune appétition pour les poisons; elle ne peut fixer de tuberculine, et alors l'évolution de la maladie tuberculeuse, avec son commencement, son milieu et sa fin, peut se faire sans danger pour l'individu; puis la cellule nerveuse, satu- rée des substances de la chair musculaire, est devenue ré- fractaire à l'absorption des poisons. C'est un mécanisme inverse à celui que j'ai montré pour le bromure de potassium. Si de grandes quantités de chlorure de sodium sont introduites dans les aliments, le bromure peut être ingéré sans danger à très forte dose; mais, si l'on prive l'individu de chlorures, les plus petites doses de bromure deviennent toxiques ; car l'appétition des cellules nerveuses non saturées de sels devient très intense, et se traduit par une fixation, par conséquent une intoxication immédiate. Nous avons, avec Ed. Toulouse, appelé métatrophique cette action thérapeutique qui consiste à changer la nutri- tion normale des cellules ^ Dans l'expérience faite avec le bromure de potassium, l'hypochloruration entraîne une appétition plus grande des cellules, pour le bromure de potassium, tandis que, dans l'expérience faite avec l'alimentation carnée, la saturation des cellules nerveuses par le sérum musculaire entraîne la non-saturation ou la non-intoxication parla tuberculine. Assurément cette explication n'est qu'une hypothèse, et une hypothèse bien difficile à appuyer par des preuves di- rectes. Elle ne résout pas cette grave difficulté que l'injection intra-veineuse de sérum est sans résultat favorable. Mais elle a au moins cet avantage d'expliquer l'action prophylac- tique, durant quelque temps, de la viande crue. 1. Voir ])liis liaut, \\. 228. TUBERCULOSE EXPERIMENTALE. 287 Enfin, ce qui n'est pas sa moindre supériorité, elle se confond pour ainsi dire avec l'hypothèse d'une tonicité supé- rieure donnée au système nerveux par l'alimentation carnée. La viande crue, chez les chiens, et probablement aussi chez l'homme, relève les forces, excite l'appétit génésique d'une manière très intense. C'est un stimulant et un tonique du système nerveux. Comment expliquer cette action tonique, sinon par une imprégnation des cellules nerveuses qui ont absorbé certains éléments du plasma? Quels sont ces éléments? Faut-il qu'il y ait une élabora- tion par le suc gastrique, ou par le foie? S'agit-il de parti- cules minuscules ayant échappé à la digestion? S'agit-il de ferments existant dans le plasma ou de substances produites par l'organisme sous l'influence d'une stimulation spéciale? Ce sont autant de questions que nous ne pouvons pas ré- soudre. Mais le problème est posé. C'est déjà beaucoup. En tout cas, ces deux faits sont incontestables : 1° la cuis- son détruit les éléments actifs du sérum; 2° les éléments actifs du sérum préservent contre l'intoxication tuberculeuse. X. CONCLUSIONS AU POINT DE VUE DE LA THÉRAPEU- TiQut; CHEZ l'homme A la rigueur, on pourrait prétendre, a priori, que ces faits, observés chez le chien, ne vont pas s'appliquer à l'homme. Mais cette supposition serait bien peu justifiable. En effet, la tuberculose est une maladie si nettement homo- gène chez l'homme et chez l'animal, que très vraisemblable- ment ce qui est démontré pour l'un est démontré pour l'autre, à quelques nuances près. Or, jusqu'ici, quoi qu'on en ait dit, jamais le traitement par la viande crue n'a été méthodiquement entrepris \ Encore moins le mécanisme de cette action n'avait-il jamais été 1. Voir plus haut l'étude bibliographique des travaux i-elatifs à l'alimenta- tion rpar la viande crue dans la tuberculose (p. 225). 288 CH. RIGHET. entrevu. Même, depuis noire première communication, le traitement n'a pas été, sauf de rares exceptions, poursuivi avec toute la rigueur nécessaire. 11 va de soi que ce ce n'est pas dans les cas désespérés que lazomothérapie pourra agir, alors que de vastes cavernes, ouvertes à tous les germes de l'air, entretiennent une flore microbienne abondante, microcoques, streptocoques et sta- phylocoques de toutes variétés. Il n'y a comparaison possible que pour les tuberculoses fermée!^, c'est-à-dire les tubercu- loses du premier et peut-être du second degré. Dans ces cas, un traitement intensif amènera probable- ment un résultat favorable, mais il faut que ce traitement soit intensif; sans cela, il est condamné d'avance à rester totalement inefficace. Je suppose que j'aie dit : Le sulfate de quinine agit à la dose (Pun gramme, tnais un décigranime est inefficace, et qu'on vienne m'objecter : Nous avons donné un centigramme, et nous n'avons pas vu d'effet; donc vous vous trompez. iN'est-il pas vrai que je pourrai conclure à une faute grave de logique de la part de mes contradicteurs? C'est pourtant à peu près ce qui se passe pour la zomo- thérapie. Je dis : La dose de 750 grammes de viande crue est nécessaire : celle de 500 grammes est inefficace. Et on m'ob- jecte • Nous en avons do/iné SOO grammes sans effet ; donc vous vous trompez. 11 me semble que l'on commet un raisonnement terri- blement défectueux. Que si l'on vient à prétendre qu'un malade ne peut pas absorber 750 grammes de viande crue, ou, ce qui revient à peu près au même, 600 grammes de sérum, je n'y contredis pas, et ce n'est pas mon affaire. Je prétends seulement que les insuccès, dans le cas d'une dose inefficace, au lieu d'infir- mer, confirment ce que j'ai annoncé. Certes, pour préparer dans de bonnes conditions 600 grammes de sérum, il faut se donner beaucoup de peine : ce TUBERCULOSE EXPERIMENTALE. 289 liquide s'altère avec une rapidité extrême. La viande doit être extrêmement fraîche ; même avec de la viande fraîche, en deux ou trois heures, le liquide est altéré, et peut pro- voquer des vomissements et de la diarrhée. Pour avoir 600 grammes de sérum, il faut au moins 2 kilogrammes de viande, et une excellente presse est nécessaire. On ne doit pas se contenter d'un mois, ou même de deux et trois mois de traitement. Il faut le prolonger avec patience et résolu- tion pendant plusieurs mois; car l'interruption amène les re- chutes. Ce sont de vraies difficultés. Mais, si le médecin veut guérir son malade, et si le malade désire guérir, ces difficul- tés peuvent être vaincue. En physiologie, l'expérimentation a le dernier mot; en thérapeutique humaine, c'est la clinique. Cela est de toute évidence; mais encore faut-il que la clinique se conforme sévèrement aux faits que l'expérimentation a établis. APPENDICE On peut présenter sous une autre forme ces statistiques, et donner des graphiques très démonstratifs, comme on le verra sur les planches ci-jointes, assez nettes pour dispenser d'une longue explication. Chaque colonne se rapporte à un chien, et la hauteur de la colonne indique le nombre de jours de survie. L'effet salutaire de la viande crue et du sérum apparaît en toute évi- dence. 19 290 GH. RICHET, - ^ zSo Mfe z6o H II ^ /, ^ II HB Hl II H HH 180 HB| n 160 II II II iJ^o II II 120 i II 1 H 100 -■1 H 80 Hl ^H _■« ^ IH 60 — ^^Ml Ihi m ko ■ IH 1 ■ m II m zo ■■■ ■ ■ H 1 ■ 1 ■ ■ 'Im.5 .\îaDdÊ cnite et paiù 2 Aîande cuite 2 Mande cru£ Séram FiG. TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE. 291 i j ^ L ^ I ni 1 II ^^B ^I^^B ^^B ^H^HI ^H ^H H ' 1 B i--- H 1 ' 1 ^H ^H H i 1 i H \__ 1 1 II ■ Il 1 H 1 II 1 II 1 II mI I II ■H 1 II m 1 II ■HI 1 II ^■^^^^^^^■^■^■^■H ^1^1 ^H^l Témoins Hande coite et pain "* FiG. 45. l^ande crue Séinua XVII EXPÉRIENCES PRÉLIMINAIRES SUR l'influence DE QUELQUES ALIMEMATIONS SPÉCIALES DANS l'évolution DE LA TUBERCULOSE Par Charles Richet. Il s'agit ici seulement de quelques expériences prélimi- naires, qui en certains points, complètent celles que nous avons données dans le mémoire précédent, et, pour d'autres points, apportent des faits nouveaux. A la vérité, ces expériences ne sont que le commence- ment d'une autre série d'études exigeant un très long temps pour être menées à bien ; mais celles que je présente ici suf- fisent déjà à montrer que l'alimentation, par sa qualité plus encore que par sa quantité, exerce une influence considérable sur l'évolution de la tuberculose expérimentale. Expérience YIII (13 novembre 1900; '. Viande cuite et pain. 130 1 Yokoliama, mâtine 7 23 131 2 Kotio, loulou 7,5 48 1. Les chiffres sont la suite des chitlres du tableau précédent, p. 2't7. Les noms marqués dune astérisque sont ceux des chiens vivant encore au 10 mai 1001. ALIMENTATIONS SPÉCIALES. 293 132 3 Yeddo, griffon ........ 5,d 2.3 133 4 Hong-Kong, griffon 11,5 ol 134 o Macao, malin 9 77 Moyenne. ... = 4o ViaJide crue. 13b 6 Tokyo, terrier i 6,0 170 136 7 Séoula", terrier 6,0 180 137 8 Pékin 2, braque 6,2 7 Moyenne. . . . =173 (Sans le chien 137). Vicmde cuile. 138 9 Kansou, matin 9 56 Lait. 139 10 Tientsin, terrier 8,5 87 140 11 Shanghaï, mâtin 7,5 58 141 12 Nankin, barbet 11,4 17 142 13 Petchili, mâtin 7,0 12 Moyenne. ... =44 (Eufs. 143 14 Koukounoor*, mâtin .... 7,0 180 144 15 Kalgan, mâtin 7,8 59 143 16 Tsinling*, mâtin 6,8 180 146 17 Kaïfung, mâtin 6,5 32 Moyenne. ... =113 Sérum musculaire [seul], 700 grammes. 147 18 Canton, mâtin 5,0 28 Alimentation avec farine, lait et sucre. 148 19 Chifu, grifîon* 16,0 180 149 20 Tsineii, griffon 8,5 164 Moyenne. ^ . . =172 d. Mort par accident, écrasé par une voiture, le 23 avrlL 2. Est mort d'une broncho-pneumonie sept jours après Tinoculation. 294 CH. RICHET. Réinociilation d'anciens chiens tuberculeux. Viande cuite et pain. j;iO 21 Hortensia (n° 87) 14,8 36 151 22 Condor^ (n° 30) 14,8 180 152 23 Rouget (n° S3) 7,3 18 153 24 Mardi (Expérience première). 10 21 ^ Moyenne. ... =64 Viande cuite et pain, puis viande crue au 30" jour. 154 25 Chrysanthème* (n° 88;. . . 13 180 155 26 Rhododendron* (n° 86). . . 19,3 180 Moyenne. . . . =180- Expérience IX (10 janvier 1901). Farine de blé cuite, lait et sucre. i;i6 1 Mercure*, bull 13,4 110' 157 2 Mars, mâtin 10,3 44 158 3 Jupiter*, braque 20,4 110 Moyenne. ... =88 Farine de blé cru, lait et sucre. 159 4 Minerve, braque 12,0 43 160 5 Pluton, loulou 6 37 161 6 Pollux *, barbet 13,5 110 Moyenne. ... =77 Farine d'avoine cuite, lait et sucre. 162 7 Castor, griffon 7,5 38 163 8 Cérès, e'pagneule 20,0 77 164 9 Junon, grifToniie 9,8 16 Moyenne. ... =41 Farine d'avoine crue, lait et sucre. 165 10 Apollon, mâtin 13,5 13 166 11 Vulcain, griffon 7,0 25 167 12 Neptune* mâtin 10,5 110 Moyenne =49 ALIMENTATIONS SPECIALES. 295 Farine de maïs, lait et sucre. 168 13 Esculape, basset. ...... 9,5 18 169 14 Ajax, mâtin 11,4 31 170 15 Hercule, terrier ; 17,5 6'6 Moyenne — 37 Farine de pois. 171 16 Vénus, griffonne 8,3 90 172 17 Proserpine, mâtine 6,4 11 Viande cuite et pain. 173 18 Agamemnon, boule 10,6 19 Expérience X (13 février 1901). Viande cuite. 174 1 Vevey, boule 12 12 175 2 Zermatt, terrier 14,2 11 176 3 Fribourg, loulou 5,8 6 177 4 Neuchâtel, bassette 8,5 12 178 5 Genève, mâtine* 8,0 76 Viande cuite, farine, lait et sucre. 179 6 Glion, griffon* 17 76 180 7 Chaniounix, cli. de berger*. 14,2 76 Farine, sucre et lait. 181 8 Montreux, épagneul*. ... 21 76 182 9 Berne, griffonne* 11 76 183 10 Zurich, mâtin* 9 76 184 11 Lucerne, mâtine^ 9,3 31 Expérience XI. — 15 mars 1901. Farine, sucre et lait. 185 1 Coriiithe* mâtin 9 45 186 2 Athènes* griffon 10,5 45 1. A mis bas le 11 mars et est morte 4 jours après. 296 CH. RICHET. Viande cuite. 187 3 Sparte, griffonne H 24 188 4 Samos, terrier 7 25 189 5 Nauplie, terrier. 13 45 Viande crue. 190 6 Cythère, terrier 8,7 3o 191 7 Candie, mâtin* 9,6 4y Viande chauffée à 55"'. 192 8 Mycène, loulou* 5,5 45 193 9 Céphalonie, griffonne* . . 7,0 45 194 10 Paphos, terrier* 8,0 45 195 11 Smyrne, mâtin 6,5 16 II. CONCLUSIONS Si nous avons rapporté ces faits très récents encore, et qui par conséquent ne nous permettent pas encore de conclu- sions formelles, c'est pour montrer que la nature de l'alimen- tation exerce une influence considérable sur la marche de la tuberculose expérimentale chez le chien. Les expériences VIII, IX, X et XI le prouvent en toute évidence. D'abord, d'une manière générale est confirmée l'influence salutaire de la viande crue par rapport à une alimentation différente. A elles toutes seules, il est vrai^ ces expériences ne seraient pas probantes, car il n'y a eu (Exp. VIIlj que trois chiens alimentés à la viande crue, et, sur ces trois chiens, deux sont morts (Tokio et Pékin), mais Pékin est mort, le 1. Voici comment j"ai procédé pour avoir de la viande chauffée à 58°. Deux kilos de viande crue étaient mis en contact pendant vingt heures avec un litre d'eau, et placés dans une étuve exactement réglée à uS". Dans ces condi- tions, il n'y a pas de putréfaction. La viande prend l'apparence et le goût de lii viande cuite, et cependant il reste à peu près la moitié de matières albumi- noides en solution dans le liquide, qui n'ont pas été coagulées par la chaleur. Je reviendrai ailleurs sur les propriétés remarquables de ce sérum. ALIMENTATIONS SPÉCIALES. 297 septième jour après l'inocuialion, d'une broncho-pneumonie infectieuse sans présenter de lésion tuberculeuse. Il n'est donc pas possible d'attribuer sa mort à la tuberculose. Le second chien alimenté à la viande crue (Tokio), étant au 150^ jour en état de parfaite santé, a été donné à un des fournisseurs du laboratoire, et quelques jours après est tombé sous les roues d'une voiture et a été écrasé. Donc, il ne reste en réalité qu'un seul chien alimenté à à la viande crue, Séoula, qui est dans un état florissant de santé. Il faut la comparer aux cinq chiens alimentés à la viande cuite et au pain, qui sontmorts tous les cinq du 23® au 77® jour, avec une durée moyenne de quarante-cinq jours. Un seul chien a été alimenté à la viande cuite sans pain (Kansou), il est mort le 55® jour. Quatre chiens ont été alimentés au lait. Il sont morts tous les quatre avec une survie moyenne de 44 jours, chiffre qui concorde rigoureusement avec la moyenne (45) des animaux nourris à la viande cuite et au pain. Sur quatre chiens nourris aux œufs (2 avec des œufs crus, 2 avec des œufs cuits), il n'y a eu pour chaque groupe qu'une mortalité d'un sur deux, soit 2 survivants sur 4. Les deux survivants sont actuellement bien portants, et on peut en induire que l'alimentation par les œufs est préférable à l'alimentation par la viande cuite, et inférieure à l'alimenta- tion par la viande crue. D'autre part, des chiens nourris avec une alimentation mixte de farine de blé cuite, de lait et de sucre dans la pro- portion de 250 grammes de lait, de 50 grammes de sucre, ont semblé mieux résister encore que les chiens nourris avec des œufs. De ces 2 animaux (Chifu et Tsing Ling) Tsing-Ling n'est mort que le 170® jour, et Chifu est actuellement bien portant et dans un état de santé excellente. Ajoutons, pour compléter cette expérience, qu'un autre chien (Canton) a été alimenté exclusivement avec du sérum musculaire, mais ce sérum représente une alimentation ma- ■298 CH. RIGHET. nifestement insuffisante; 700 grammes ne contiennent que 35 grammes d'albumine, soit 155 calories, soit seulement 30 calories par kilo et par 24 heures. Or la quantité de ca- lories nécessaire semble être pour le chien de 50 à 75 ca- lories par kilo. En réalité, pour donner des quantités de calories compa- rables, nous alimentions ces chiens avec la même ration ther- mo-dynamique, soit 100 calories par kilo et par 24 heures. Dans ces conditions il y a excédent d'aliments, et l'équiva- lence thermo-dynamique en excès est atteinte. Il est clair que le jus de viande à lui tout seul^ s'il ne contient pas le nombre de calories nécessaires, ne peut pas entretenir la vie. La conclusion de cette première expérience est donc qu'au point de vue de l'influence du genre d'alimentation sur la tuberculose il faut placer en première ligne la viande crue, puis la farine de blé, puis les œufs, puis enfin l'alimentation mixte viande cuite et pain. L'expérience IX montre encore très nettement l'influence salutaire de la farine de blé; sur G animaux nourris avec de la farine d'avoine : 5 sont morts et le 6*^ survivant (Nep- tune) était très amaigri et malade. Tandis que, sur 3 animaux nourris avec de la farine de blé cuite, 2 survivent (Mercure et Jupiter) et sont en excellent état. Par conséquent il est inutile, croyons-nous, d'étudier l'action des farines autres que la farine de blé ; et môme il n'y a pas lieu, comme je l'ai supposé un moment, d'attribuer à la farine de blé non cuite des propriétés dont serait dépourvue la farine cuite, par le fait de la cuisson et de la coagulation de certains albumoïdes végétaux. La courbe des poids dans la série des chiens de l'expé- rience XI est particulièrement instructive au point de vue de l'influence néfaste de la viande cuite. Nous avons les données suivantes (en éliminant un chien, Smyrne, nourri à la viande à 58", et mort au 15° jour, sans avoir voulu manger; et un autre chien, Cythère, mort au ALIMENTATIONS SPÉCIALES. 299 85^ jour, et n'ayant jamais voulu manger que très peu de viande crue). PÂTÉE VIANDK VIANDE VIANDE II CHIENS. CUITE III chiens. CRUE I chien. A 58° III chiens. l«^ jour. ..... 100 100 100 100 3= — 101 103 101 103 10= — 106 99 104 103 17« — lil 93 110 109 24e 115 33 113 114 31^ — U6 33 116 117 38= — 118 32 127 121 4o« — 119 27 128 121 Cette expérience a un double intérêt; elle prouve : 1° que la viande à 58** se comporte tout à fait différemment de la viande cuite, et qu'elle a des effets se rapprochant beaucoup de la viande crue. 2" Que la viande cuite, donnée seule, est une alimentation médiocre, beaucoup plus funeste aux animaux tuberculeux que l'alimentation avec la simple pâtée (farine, lait et pain). Sur tous ces points, il nous est actuellement impossible d'insister davantage; les expériences ultérieures montreront le bien ou le mal fondé de telles ou telles de ces premières indications expérimentales. XVIII ESSAIS SUR LE TRAITEMENT DE LA TUBERCULOSE PULMONAIRE CHEZ LES ENFANTS PAR LE SÉRUM MUSCULAIRE Par Albert Josias et Jean-Charles Roux, Nous apportons ici un compte rendu sommaire de notre essai sur le traitement de la tuberculose pulmonaire par le sérum musculaire. Ces recherches ont été faites sur des enfants, à l'hôpital Trousseau, dans le service de l'un de nous: elles ont porté sur un petit nombre de sujets évidem- ment, mais elles ont été continuées assez longtemps pour que l'on puisse avoir quelque idée de la valeur de ce traitement. Dans le traitement de nos malades, nous avons suivi les conseils donnés par Ch. Richet et Héricourt, dans leurs premières communications à la Société de biologie, les 2 et 8 juin 1900. — S'appuyaiit sur de très nombreuses expé- riences (328 chiens) poursuivies depuis cinq ans, ces auteurs ZOMOTHÉRAPIE CHEZ LES ENFANTS. 3ai avaient établi la valeur de la viande crue dans le traitement de la tuberculose. Ils inoculaient à leurs animaux dans la veine saphène tibiale 1/2 centimètre cube d'une émulsion de cul- ture tuberculeuse vieille de deux mois; tous les chiens aban- donnés à eux-mêmes succombaient dans l'espace de quatre à cinq semaines; les chiens nourris avec de la viande crue avaient une survie des plus notables, et quelques-uns gué- rissaient complètement. Un fait très intéressant, c'est que le suc obtenu en soumet- tant la viande à une forte pression (autrement dit sérum musculaire), jouissait des mêmes propriétés que la viande crue; et, dans une communication toute récente, Ch. Richet pouvait dire que le sérum musculaire, à la dose de 20 centi- mètres cubes par kilogramme d'animal, guérit les chiens de la tuberculose inoculée. La meilleure façon de procéder, pour obtenir ce suc de viande avec une presse de ménage, est de faire d'abord ma- cérer la viande dans un peu d'eau (environ 1/4 de son poids), puis de mettre le tout, eau et viande, dans une presse de ménage, et comprimer aussi fortement que possible; on obtient ainsi environ 15 à 20 centimètres cubes de suc par 100 grammes de viande, légèrement dilué par l'eau que l'on a ajoutée. Le sérum musculaire ainsi obtenu est un liquide rougeàtre, sans grande saveur, excessivement altérable : en quelques heures il se putréfie. Aussi doit-on le préparer au moment même oii l'on veut s'en servir; en été, si l'on doit attendre une heure ou deux, avant de le donner au malade, il faut absolument le conserver dans la glace. Les enfants que nous avons soignés ont tous pris facile- ment ce sérum musculaire sans qu'il ait été nécessaire d'en masquer le goût. La dose minimum de viande crue, pour ob- tenir un résultat, est, d'après Gh. Richet et Héricolrt, de 15 grammes de viande par kilogramme de malade. Nos ma- lades pesant en moyenne de 20 à 25 kilos, nous leur avons 302 A. JOSIAS -ET J.-CH. ROUX. donné le suc extrait de 500 grammes de viande crue de bœuf, dose qui dépasse notablement le minimum actif. Les enfants choisis pour le traitement étaient tous mani- festement tuberculeux ; nous les avons pris aux ditïérents états de la tuberculose pulmonaire; le traitement consistait uniquement à faire prendre à l'enfant, chaque jour^ le sérum musculaire obtenu par compression de 500 grammes de bœuf cru; ce traitement a été continué longtemps, le plus long- temps possible, jusqu'à sept mois de suite et si, chez quelques malades, nous l'avons interrompu plus tôt, c'est que les parents nous les ont enlevés. Ce traitement a porté sur une malade au premier degré; Sur trois malades au deuxième degré; Sur trois malades au troisième degré. I Notre première malade, H..., Maria, est âgée de 10 ans; elle est entrée dans le service le 6 septembre 1900; il n'y arien à relever dans les anté- cédents héréditaires et familiaux ; les parents ne toussent pas, il y a deux autres enfants bien portants. Notre petite malade a eu la rougeole à 3 ans et la coqueluche à 3 ans 1/2; elle a toujours été assez délicate et elle toussait souvent l'hiver. Lorsqu'on nous l'amènei à l'hôpital, elle se plaint de céphalée, de dou- leurs abdominales; elle a une diarrhée très abondante. Les parents font remonter le début de ces accidents à une vingtaine de jours. L'enfant est très amaigrie, elle a une température irrégulière qui oscille entre 38 et 39 degrés; le ventre est excavé, la diarrhée intense, 10 à 12 selles par jour; il existe des douleurs dans les membres inférieurs; la rate est légèrement augmentée de volume et perceptible à la percussion. L'aus- cultation permet d'entendre des râles sibilants disséminés dans la poi- trine; on note en plus au sommet droit, en avant et en arrière, de la submatité, une augmentation des vibrations thoraciques et quelques craquements. Pendant tout le cours du mois de septembre, ces signes persistent sans se modifier sensiblement; la température baisse légèrement, mais 1. Nous n'avons pu mettre en œuvre divers perfectionnements, signalés tout récemment par Cii. Richet et HKHicounT ; ainsi nous avons laissé nos enfants manger de la viande cuite; or ces auteurs croient avoir remarqué qu'elle a une grande valeur novice pour l'animal tuberculeux, ZOxMOTHÉRAPIE CHEZ LES ENFANTS. 303 la diarrhée continue et l'enfant s'affaiblit. Pendant le mois d'octobre, la diarrhée très abondante persiste, la fièvre qui avait à peu près disparu se rallume, et la température atteint jusqu'à 40 degrés; l'enfant s'amai- grit et s'affaiblit de jour en jour. Le 7 novembre seulement, après l'échec des autres médications, on met l'enfant au suc de viande crue : l'effet est immédiat; la diarrhée s'arrête aussitôt pour ne plus reparaître et l'état général commence à se relever. En six jours, la température re- vient à la normale et ne s'élève plus, le poids qui était de 23''6,400 le 7 novembre devient successivement de : asi'KjSÛO le 9 novembre. 24''e,100 le 12 — 24''e,600 le 13 — 23''e le 19 — 25''e,o00 le 23 — 26''e,209 le 28 — Somme toute, l'augmentation de poids a été extraordinairement ra- pide; l'état général est excellent, l'examen du poumon ne permet pas de constater encore de modifications notables; il y a toujours quelques <:raquements et quelques râles sous-crépitanls au sommet droit; la tem- pérature est normale. Les jours suivants le poids continue à s'élever régulièrement et atteint 30'^e,200 le 8 décembre. Vers cette époque ap- paraît pourtant à la partie médiane du tibia, du côté gauche, une tu- méfaction légère qui, au bout de quelques jours, devient fluctuante; sous l'influence de compresses humides et sans aucun traitement, cette tuméfaction s'efface, et la jambe reprend peu à peu son aspect normal; il s'agissait probablement d'une ostéomyélite tuberculeuse qui s'est ar- rêtée dans son développement. M. Héricourt nous a d'ailleurs indiqué que, sur leurs animaux en ex- périence, on pouvait voir parfois, alors que la tuberculose pulmonaire disparaissait, quelques localisations articulaires ou osseuses du bacille tuberculeux, localisations toujours bénignes qui guérissent sans compli- cation et qui prouvent la diminution de virulence du bacille. Enfin, ces derniers jours, l'enfant pesait 30^^?^, 700, allait parfaitement bien; la périostite était en voie de régression; au sommet droit, on trouvait encore de la submatité et la respiration rude en avant et en arrière. Chez cette malade le résultat du traitement a été des plus remarqua- bles; la disparition delà diarrhée, l'amélioration de l'état général, l'aug- mentation de poids, indiquent l'arrêt dans l'envahissement de l'orga- nisme par la tuberculose. Le suc de viande crue a produit son effet immédiatement sur cette malade comme sur les chiens inoculés avec les cultures tuberculeuses; mais, chose importante, nous étions en présence de lésions peu avan- 304 A. JOSIAS ET J.-CH. ROUX. cées, bieuqu'ù marche rapide; et ce sont probablement les conditions pour que le traitement donne le maximum de résultat ou du moins les succès les plus apparents. II Il n'en va plus de même lorsqu'on s'adresse à des malades chez lesquels la tuberculose évolue depuis longtemps d'une façon sourde. Voici un cas où les poumons étaient plus pro- fondément atteints et présentaient de l'infiltration tubercu- leuse avec début de ramollissement. R..., Jeanne, est âgée de 10 ans 1/2; elle est entrée dans le service le 27 mars 1900; le père de la fillette est mort d'une affection pulmonaire aiguë; la mère est bien portante; il y a six enfants bien portants, deux autres enfants sont morts, un mort-né, Tautre d'une méningite à 1 an. Notre malade a eu la rougeole à 2 ans; elle tousse depuis le mois d'octobre, elle a maigri, elle a des sueurs nocturnes légères. Pendant le mois de janvier elle a eu quatre hémoptysies, mais l'appétit est bien conservé. On trouve à l'examen, au poumon droit, en avant, de la sub- matité et des vibrations exagérées, une respiration soufflante, quelques craquements; en arrière, de la matité dans les fosses sus et sous-épi- neuses, des vibrations exagérées et, au même niveau, un souffle : la voix est très retentissante, il y a de la bronchophonie; il existe aussi des craquements humides et quelques frottements pleuraux. Dans le reste du poumon droit et dans le poumou gauche, rien à noter. Le ven- tre est souple, non douloureux, le foie de dimension normale. A sou entrée à l'hôpital, le 2."; mars, la malade a une fièvre légère, mais qui s'abaisse en quelques jours, sous l'intluence du repos; son poids, qui était de 26 kilogrammes, après s'être élevé à 2G'^^%u00, re- tombe à 25 kilogrammes à la fin de mai. Après avoir fait, pendant un mois, quelques injections de cacodylate de soude, qui ne modifient pas l'état général et qui ne font pas aug- menter le poids, on met l'enfant au traitement avec le jus de viande crue et, pendant quatre mois : juillet, août, septembre et octobre, on continue régulièrement ce traitement; le sérum musculaire ne fait pas disparaître toute élévation de température; par moments, la fièvre ap- paraît et la température atteint, le soir, 38° à 38°, 5 pendant une dizaine de jours; on trouve deux poussées thermiques de ce genre durant quatre mois de traitement. Le poids varie peu, il baisse plutôt légèrement : de '2:; kilogrammes à 24''*'', 100 au moment de la sortie. L'enfant est ZOMOTHÉRAPIE CHEZ LES ENFANTS. 30S pourtant très améliorée, elle ne tousse plus, elle a un aspect de santé parfaite, et les parents la retirent malgré nous (25 octobre). Nous revoyons la malade le 7 février 1901. Chez elle, la petite malade n'a plus suivi son traitement avec la viande crue : la tuberculose a re- pris sa marche envahissante. L'enfant tousse dans la journée et vomit quelquefois après ses quintes de toux. Son poids a diminué. Elle ne pèse plus que 22'^Sj900. Elle n'a pas de fièvre la nuit, ni de sueurs. Ap- pétit diminué. A l'examen, on ne coustaste pas d'adénopathie cervicale ni sus-clavi- culaire. 11 existe de la siibmatité clans la fosse sus-épineuse droite; par- tout ailleurs sonorité normale. Bruit de pot fêlé sous la clavicule droite. A l'auscultation, en arrière et à droite, nombreux râles sous-crépi- tants, pas de souffle, pas de gargouillement. En arrière et à gauche, respiration soufflante au sommet, pas de râles. En avant et à droite, sous la clavicule, respiration soufflante non ca- verneuse ; nombreux râles sous-crépitants humides, sensation de gar- gouillement, En avant et à gauche, respiration normale, pas de râles. L'enfant rentre dans le service pour reprendre son traitement. Voici l'histoire d'une seconde malade au deuxième degré, que nous n'avons pu suivre aussi longtemps. Albertine F..., âgée de six ans, entre dans le service, le 28 janvier 1901. Sa mère est manifestement tuberculeuse : elle présente au sommet droit de la submatité et des craquements. A l'âge de quatre ans et demi, la petite malade a eu au cou une adé- nite tuberculeuse, qui a laissé une cicatrice caractéristique. A l'âge de cinq ans, elle a la rougeole. Depuis cette époque, elle s'enrhume facilement. Cet hiver, depuis décembre, la toux a été plus fréquente, surtout la nuit, en même temps l'enfant s'amaigrissait. Huit jours avant son entrée, la malade est prise de fièvre intense, revenant tous les soirs, et de sueurs nocturnes. Quatre jours avant son entrée, le 24 janvier, dans la nuit, l'enfant se plaint d'envie de vomir et rend, en toussant, un demi-verre de sang pur très rouge par le nez et par la bouche; pendant la journée, elle rend encore quelques cra- chats striés de sang. Comme l'état ne s'améliore pas les jours suivants, l'enfant est amenée à l'hôpital. Au moment de son entrée à l'hôpital, l'enfant présente une tempé- rature oscillant entre 38 et 39°. On trouve à l'examen du poumon : En avant : A gauche, de la submatité, de nombreux râles ronflants, des râles sous-crépitants après la toux; T 0 M E V. 20 306 A. JOSIAS ET J.-Cll. ROUX. A droite, une respiration rude et quelques râles ronflants. En arrière : A gauche, au sommet, de la submatité, de gros râles rnuqueux et quelques râles sous-crépitants. A la base, une matité de quatre travers de doist, de nombreux râles muqueux et sous-crépitants après la toux, de la bronchophonie, pas de pectoriloquie aphone. L'enfant a perdu tout appétit. On met aussitôt la petite malade au sérum musculaire, à la dose ha- bituelle (oOO grammes de viande crue par jour). Elle le supporte très bien. La température s'abaisse rapidement, et six jours après le début du traitement, la température atteint la normale et s'y maintient. Les signes de congestion du poumon droit et du sommet gauche disparais- sent; il ne persiste que la matité à la base gauche en arrière. Pendant les quinze premiers jours de son trailement, le poids ne se modifie pas sensiblement. Pourtant l'état général s'améliore, etToncon- tinue d'administrer le suc de viande. Sur une troisième malade, F..., le traitement fut à peine mis en œuvre, les parents ayant repris leur enfant trop tôt. Cette petite malade, entrée le 6 septembre, dans le service, était une tuberculeuse avancée ; rien dans ses antéce'dents héréditaires n'indiquait son état; mais, depuis trois ans, elle avait la fièvre la nuit et des sueurs profuses; elle n'a pas d'appétit et se plaint beaucoup de l'estomac; il est très difficile de l'alimenter. A l'auscultation, on trouve une infiltra- tion du poumon gauche avec des craquenienls e( des râles sous-crépi- tants, surtout à la base; la fièvre est persistante, la température du soir varie entre 38°, 5 et 39", 5, le pouls est très rapide (144). La petite malade ne fut mise au suc de viande crue que le 6 octobre ; le 20 octo- bre, ses parents l'enlevèrent. Dans ce court espace de temps, il est dif- ficile d'apprécier la valeur de la médication; pourtant, nous avions bon espoir d'améliorer l'enfant; dans les dix premiers jours de trailement le poids de l'enfant augmenle de 800 grammes, mais la fièvre ne s'était pas modifiée sensiblement. De ces observations nous pouvons conclure que, au deu- xième degré, lorsque la tuberculose est ouverte, le suc de viande crue améliore notablement l'état général, mais la fièvre persiste, et le traitement ne suffit pas à élever considé- rablement le poids. ZOMOTHÉRAPIE CHEZ LES ENFANTS. 20'^ m Nous allons retrouver ces mêmes caractères chez les tu- berculeux au troisième degré, mais beaucoup plus accentués. Maria P..., âgée de dix ans, est entrée dans le service, le 28 juin 1900; sa mère est bien portante, son père est mort d'accident. L'enfant a eu la scarlatine, il y a cinq mois et demi; depuis un an elle tousse, maigrit, a la fièvre; elle aurait craché plusieurs fois du sang, et, à son entrée dans le service, elle a une hémoptysie. On trouve dans le pou- mon gauche, dans le tiers supérieur, en avant et en arrière, de la ma- tité ; à ce niveau, la respiration est soufflante; il existe des râles sous- crépitantsdans toute la hauteur du poumon. La température varie entre 37°, 0 et 38°. Dès son entrée, le 28 juin, la malade reçoit, chaque jour, le suc ex- trait de 500 grammes de viande crue. Le 1"' juillet, l'enfant pèse 21^^8,700; le traitement est continué sans interruption jusqu'à aujour- d'hui. Le 23 novembre, l'enfant pèse 23'^feMOO; le 20 décembre, elle pèse 23 kilogrammes. Pendant ces six mois de traitement, l'état de l'enfant est resté à peu près stationnaire ; l'état local n'a pas changé et l'examen du poumon révèle exactement les mêmes lésions qu'au début; à cet égard, l'état de l'enfant ne s'est ni aggravé ni amélioré; l'état général n'a pas varié d'une façon appréciable. La petite malade crachait souvent du sang avant d'entrer dans le service; or, depuis six mois, cet accident ne s'est plus reproduit; le léger état fébrile (38°) a disparu petit à petit au bout de deux mois de traitement, et la malade a repris une température normale ; on note une ou deux fois une poussée fébrile, durant deux ou trois jours, pendant laquelle le thermomètre s'élève à 38°, 5; cet état se maintient jusqu'au 6 janvier 1901. A cette date, la malade a une légère hémopty- sie, peu abondante, qui se répète le lendemain matin, puis cesse défi- nitivement. A la suite de cette hémoptysie, pendant une dizaine de jours, la température s'élève progressivement jusqu'à 39°, 5, puis redes- cend à la normale; l'enfant garde, d'ailleurs, son poids de 23 kilo- grammes. A l'auscultation, on trouve une modification dans l'examen du poumon : l'état local s'est aggravé; il existe, au poumon gauche, en arrière, de haut en bas, surtout à la base, des râles sous-crépilants hu- mides; vers le tiers moyen, en dehors, on trouve un souffle cavitaire et des râles humides agglomérés (pseudo-gargouillement). Voici encore l'observation d'un tuberculeux au troisième degré, soumis au même traitement. 308 A. JOSIAS ET J.-CH. ROUX. L..., Emile, âgé de 12 ans. Pas d'antécédents héréditaires. Il a eu la rougeole à 4 ans. Depuis deux mois, l'enfant s'affaiblit, maigrit, transpire la nuit. Il lousse, il est oppressé après le moindre effort. [/examen des poumons permet de constater les signes suivants : A droite : Eu arrière, matité dans la moitié supérieure, respiration soufflante aiixdeux temps, râles sous-crépitants fins; En avant, submatité sous la clavicule et râles sous-crépitants fins. A gauche: En arrière, matité dans la fosse sous-épineuse, respiration soufflante quelques craquements secs; En avant, submatité, respiration obscure. Le poids est de 22'tANS Se. Août Septembre 1900 ^e,c 26 27 28 29 30 31 1 2 3 ■»■ 5 6 7 8 9 10 11 12 13 H 1 -#- ^5 *  $ 38° 2 zi S D ^ - P -V r-^ ^-^ 1- 1-A 4 - 1- !' \ / \/ V-'' \ > V t ^ J 5 ï e/ '' i X X A t H- -/ ^ X A a'^ 37° T * tZ ^ A A , r'^ ♦ âQ'^^t"7rj \; î * -, -, u M x, J A^^^-CÏ4 ^ * ^ '' WU 2 3 s H 3R0 V » T FiG. /^. BonREMANS Sa . — Le 20 août, reprise de la zomothérapie. A partir du 13 septembre, la température ne dépasse plus 37°. toration surabondante, grisâtre; état de cyanose manifeste; tempéra- ture, 38" à 40°^S; oppression considérable; pouls presque incomptable, à 140. (Bacilles dans l'expectoration, relativement peu nombreux.) Le diagnostic est celui d'une poussée tuberculeuse généralisée aux deux poumons et, en raison de l'état cyanotique, le pronostic est très sombre : il prévoit une terminaison fatale à courte échéance. Application de ventouses sur la poitrine, sulfate de quinine, purgations, caféine. Le traitement ne donnant aucune amélioration; l'état général, l'asphyxie, la fièvre faisant au contraire des progrès, je prescris le jus de un kilog. et demi de viande, toute autre médication étant supprimée. Comme aliment, du lait (20 août). 316 J. HÉRICOUHT. Dès le lendemain de cette reprise de la zomolhérapie, la fièvi-e com- mence à baisser : de 40°, 4 elle tombe à 390,5; puis, le surlendemain, à 38", G ; puis à 38", se maintenant autour de ce chilTre jusqu'au 5 septembre, date à partir de laquelle elle baisse encore d'un degré, oscillant autour de 370 pour devenir tout à fait normale à partir du 15 septembre (jus de i kilogramme de viande). Parallèlement à ces modifications thermiques, une amélioration con- tinue de tous les symptômes pulmonaires et des troubles généraux se produisait. La respiration était redevenue normale dans toute l'étendue des poumons, le 15 septembre; l'expectoration était très modérée; on percevait des craquements humides dans le sommet gauche; submatité en avant et en arrière; l'oppression était encore un peu accentuée, et le pouls encore à 120. Le 15 octobre, même état local; la malade, qui est allée passer un mois à la campagne, a repris la vie ordinaire. L'essoufflement a beau- coup diminué; le pouls est à 80. La dose de suc musculaire n'est plus que celle correspondant à 500 grammes de viande. En plus, 250 grammes de viande crue. Le 15 novembre, l'état de guérison peut être considéré comme acquis. La malade tousse à peine le matin, et n'expectore plus. Le pouls est revenu tel qu'il était avant la maladie. Inspiration et expiration un peu soufflantes au sommet gauche, mais aucun râle; un peu de subma- tité (signes cicatriciels). En somme, signes d'induration du sommet, mais rien qui puisse faire soupçonner un processus actif de ce côté. Appétit, sommeil; état général entièrement satisfaisant. On cesse le suc musculaire, et on continue seulement la viande crue à la dose de 300 grammes par jour. La malade a passé tout l'hiver 1900-1901 en parfaite santé. Aujour- d'hui, 15 avril, la guérison paraît aussi solide qu'on peut le souhaiter. Par excès de précaution, je conseille de continuer 200 grammes de viande crue jusqu'aux chaleurs de l'été. Le poids de M''^ Q... est de 68 kilogrammes. Avant la maladie, dans les meilleurs jours, il n'avait pas dépassé 63 kilogrammes. Observation IV (personnelle). M™^ P..., 24 ans. Malade depuis six mois, à la suite d'une grippe. Le 15 mai 1901, l'état est le suivant : pâleur, amaigrissement, grande faiblesse et moral déprimé. Tous les soirs, mouvement fébrile avec température oscillant entre 380,5 et 39°. Toux fréquente, expectoration muco-purulente abondante (avec bacilles, d'après un examen fait quel- ques jours plus tard). Les quizites de toux provoquent parfois des vo- missements bilieux. Voix enrouée; larynx douloureux à la pression. Appétit médiocre et irrégulier. ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 317 Localement, c'est le sommet du poumon droit qui est pris, seul. Douleur à la pression sous la clavicule droite; submatité et râles sous- crépitants fixes. Inspiration soufflante, expiration prolongée. En somme, début du 2'' degré, par la formation d'une caveiniule. Du 15 mai à la fin de juin, la malade prend régulièrement le jus de 500 grammes de viande crue, sans autre médicament, plus 200 grammes de viande crue l'âpée, en nature. L'amélioration est rapide. Au la juin, la fièvre vespérale a complè- tement disparu; la voix s'est éclaircie, l'état des forces s'est grande- ment modifié et le moral est redevenu satisfaisant. L'appétit est meilleur, presque régulier; la toux est moins fréquente, l'expectoration a beau- coup diminué. Toutefois les signes stéthoscopiques n'ont pas sensible- ment varié. La dose de viande crue est portée à 300 grammes. Le 10 juillet, au moment de partir à la campagne, la malade est examinée avec soin. Dans le cours du dernier mois, elle a gagné 2 kilo- grammes de poids, passant de 46 à 48 kilogrammes. Elle n'a plus guère que cinq à six accès de toux dans les vingt-quatre heures, dort parfaitement, expectore à peine, et le matin seulement. Excellent appétit. Localement, je constate la disparition des râles sous-crépitants. Reste un petit frottement sec dans la fosse sus-épineuse. En avant, la respiration est un peu rude aux deux temps, avec retentissement des bruits du cœur. La cavernule est manifestement en bonne voie d'indu- ration. Pour le séjour à la campagne, je supprime le suc musculaire et je conseille de prendre 400 à 500 grammes de viande crue par jour. Je revois la malade le 15 octobre. Le régime a été rigoureusement observé (400 grammes de viande crue par jour) et je constate un état de guérison complet. ^1™"= P... a bonne mine, est gaie et active. Plus de toux. Bon sommeil, bon appétit. Localement, plus de râles ni de frottements. Légère submatité et expiration un peu prolongée. En somme, cavernule comblée et lésion ayant subi l'évolution curative par induration. A noter que la malade n'a pas engraissé. Par mesure de prudence, je conseille de continuer tout l'hiver l'usage de la viande crue dans l'alimentation, en remplacement de la viande cuite (quantité pour quantité), ce qui est rigoureusement observé ; et au commencement de mars, je conseille (toujours par mesure de pru- dence, car M'"'^ P... est en parfait état de santé) de revenir à la zomo- thérapie (suc de 300 grammes de viande) pendant un mois. Actuellement (avril 1901), la guérison complète de M^" P... ne s'est pas démentie, et sou état de santé ne laisse rien à désirer. 318 J. HÉRICOLRT. Observation Y (personnelle). M. Ed. D..., 3y ans. Bronchite chronique datant de 6 ans. A la pre- mière visite que me fait ce malade, je reçois, tant de lui que du D"" Raach, qui l'a soigné en Suisse, les renseignements suivants ; Le i'6 janvier i900, après une cure d'air de sept mois à Leysin, l'état de la poitrine du malade était celui-ci : à droite, respiration afTaiblie au sommet, avec quelques râles sous-crépitanls sous la cla- vicule. Pas de râles en arrière. Submatité à gauche; bruits pleuraux et râles secs en arrière jusqu'au-dessous de l'épine de l'omoplate. Pas de râles en avant, mais respiration affaiblie, et expiration pro- longée. A cette époque, le malade subit une atteinte d'intlueuza, avec né- phrite : .") grammes d'albumine par litre d'urine. Pendant dix jouis, aucune alimentation n'est possible. Durant deux mois et demi, régime lacté; après quoi le malade, ayant perdu 10 kilo^'rammes,peut à peine faire quelques pas dans sa chambre. Dans le cours de cette néphrite, l'état de la poitrine s'était aggravé. Les râles étaient plus abondants, et notamment, sous la clavicule droite, on percevait des râles sous-crépitants jusqu'au niveau de la quatrième côte. A gauche, râles et sibilances sous la clavicule; on examine l'expectoration en mars, et on y constate le bacille de Koch. Cylindres hyalins abondants dans les urines, cellules épithéliales, par- fois du sang. Pas de pus. Au commencement d'avril, M. Ed. D... se met à la zomothérapie, d'après les indications d'un article paru dans la Revue des Revues, pre- nant le suc de 1 kilog. de viande crue. Après quinze jours, le malade avait déjà regagné 2 kilogrammes et demi sur sou poids antérieur. L'absor|)tioii du suc musculaire est continuée assez régulièrement pendant deux mois, et je vois le malade à Paris, le 9 juin 1900, quel- ques joui^s après son retour de Leysin et l'arrêt de son traitement. M. D. .. est dans un état général très satisfaisant; il est actif; tousse et expectore à peine; mange avec appétit. Son poids n'est plus que de 2 kilogrammes et demi au-dessous de ce qu'il était avant sa grippe. Il a donc regagné 7 kilogrammes et demi en deux mois. A noter qu'en raison de sa néphrite, le malade ne s'était alimenté qu'avec des laitages et des viandes blanches, à l'exclusion de toute viande noire. Localement, du côté droit, inspiration rude sous la clavicule, avec retentissement des bruits du cœur. Au côté gauche, inspiration sac- cadée avec retentissement des bruits du cœur. Sonorité normale à la percussion. L'oreille ne perçoit absolument aucun râle, ni à droite, ni à gauche. Les lésions pulmonaires peuvent être considérées comme cicatrisées, et M. D... est en état de guérison, au moins apparente. ZOMOTHERAPIE ANTITUBERCULEUSE. 319 Observation VI (personnellej. M. S..., 27 ans. Nombreuses grippes, avec congestion pulmonaire, depuis sept ans. Au mois de mai 1900, fait une pleurésie avec épan- chement; la fièvre persiste pendant trois mois, durant lesquels le malade perd 5 kilogrammes (de 56 à ol kilogrammes). Le cacodylate de soude en injections sous-cutanées a été administré sans re'sultat. Le 14 juillet, le malade, toujours fébricitant, toussant, transpirant la nuit, sans force, oppressé au moindre mouvement, sans appétit, cesse Je cocodylate et se met à la zomothérapie (suc de iiOO grammes de viande), sur les conseils d'un ami qui, dit-il, s'est très bien trouvé de ce traitement. .Je le vois à la fln d'octobre, après trois mois de traitement zomothé- rapique. L'état général de M. S... est des plus satisfaisants. L'appétit est bon; la toux et les sueurs nocturnes ont disparu. Il y a encore de l'oppres- sion à la suite de petits efforts; mais le poids est remonté à 60 kilo- grammes: soit 9 kilogrammes de gain en trois mois. Je n'ai pas vu le malade au 'début de son traitement; mais, à ce moment, je ne constate plus que les signes d'adhérences pleurales dans la région moyenne du poumon gauche (fosse sous-épineuse) avec sub- matité du sommet du même côté, respiration un peu rude et retentis- sement des bruits du cœur. M. S... est venu me demander s'il devait continuer son traitement. En raison de la production encoie toute récente de son état de gué- rison apparente, et pour consolider cet état, je lui conseille de dimi- nuer progressivement la dose de suc musculaire, mais de se mettre au régime de la viande crue, à doses parallèlement croissantes, jusqu'à absorption de 300 à 400 grammes par jour, pendant tout l'hiver. Observation VII (communiquée). M"*^ M... (habitant une ville du Tessin suisse), 19 ans, atteinte de tuberculose ganglionnaire de la région cervicale. Vers le commencement de février 1900, les glandes, jusque-là indo- lores, présentent une tuméfaction douloureuse; la fièvre s'allume, variant entre 38 et 40 degrés; et malgré des injections d'iode, de gaïa- col, de cacodylate de soude, le mal progresse et amène la malade, après deux mois, à un état d'épuisement complet. Un chirurgien de Pavie est mandé, le professeur M..., qui déclare l'état de la malade tel, que l'opération nécessaire ne pourrait être sup- portée. Quelques jours après cette consultation décourageante, l'oncle de la malade ayant eu connaissance de nos expériences de zomothérapie, 320 J. IlERICOURÏ. institue le traitement et fait absorber à sa malade 230 centimètres cubes de suc musculaire chaque jour. Dès le huitième jour, la lièvre qui, depuis deux mois, présentait sans fléchir des oscillations quotidiennes entre 38" et 40°, ne dépasse plus 38° au maximum , l'anorexie, qui était complète, commence h céder, et la malade prend quelques aliments solides. La dose de plasma est alors portée à oOO centimètres cubes. Après quinze jours de ce nouveau régime, la fièvre a complètement disparu et la jeune fille se lève et mange avec appétit. Quant à l'état local, il s'est modifié à ce point que deux chirurgiens de Pavie, dont l'un avait déclaré un mois auparavant l'opération impos- sible, déclarent maintenant que cette opération n'est plus nécessaire. Et deux mois après le début du traitement zoniothérapique, M^^^ M... est considérée comme décidément guérie. Observation VIII (personnelle). M. Q..., 4G ans, veuf d'une femme morte phtisique, a vu se déve- lopper, sur l'aile droite du nez, il y a quelques années, un bouton rouge, granuleux et suintant, qui s'est étendu et a- progressivement envahi toute l'extrémité du nez (toute la partie cartilagineuse) et une marge de 2 centimètres de largeur environ, comprenant la lèvre supé- rieure et la région des joues, au pourtour des ailes du nez. Dans toute cette étendue, la peau est remplacée par des bourgeons rouges, suin- tants, ulcérés en partie, et semés de points blancs. Il s'agit d'un lupus tuberculeux typique. Le malade a essayé inutilement toute espèce de médication topique, repoussant d'ailleurs toute intervention chirurgicale. Le lo avril 1900, je conseille à M. Q... d'appliquer simplement sur les parties malades de la lanoline au tannin et de manger chaque jour, au lieu de viande cuite, oOO grammes de viande crue. Le malade suit ce traitement pendant environ six semaines. Je le vois seulement après cette période, et, à ma grande surprise, je le trouve parfaitement guéri. Une cicatrice continue couvre toutes les régions envahies par le lupus; aucun suintement, aucune altération, aucune granulation visibles. L'état général du malade est excellent. J'ai revu M. Q... un an après ce résultat obtenu (avril 1901). La gaérison acquise s'est parfaitement maintenue; le tissu cicatriciel est devenu blanchâtre et violacé, selon les places; il s'est un peu rétracté, et l'aile droite du nez surtout montre une perte de substance très notable. Mais, en somme, le processus tuberculeux est parfaitement éteint, et la cicatrice, maintenant épaissie et solidifiée, paraît absolument solide. ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 3il Observation IX (personnelle). F. G... A l'âge de J an et demi, traumatisme de la région fron- tale, suivi de méningite , avec atrophie consécutive du bras droit. A 6 ans, broncho-pneumonie suite de rougeole; à 18 ans, arthrite du genou. En septembre 1899, étant à la chasse, est frappé à la région cervi- cale droite par la crosse de son fusil, projetée par le recul. Ce choc est extrêmement douloureux. La sensibilité de la région persiste et, huit jours après, G..., en faisant sa toilette, constate l'existence d'une petite grosseur sous-sterno-mastoïdienne, arrondie, non adhérente. Il y avait eu de ce coté, quelque temps auparavant, un peu de périostite alvéolo- dentaire, et, depuis un mois, G..., habitant une chambre froide et humide^ éprouvait de l'insomnie. Jusqu'en novembre 1899, la petite tumeur, manifestement ganglion, naire, subit des alternatives de diminution et d'augmentation. L'état général est médiocre. Mais, dès le début de novembre, la tumeur fait des progrès sensibles, et, au 30 février 1900, l'état de la région cervicale gauche est le suivant : le sterno-cléido-mastoïdien est soulevé par une grosse masse ganglionnaire lobulée, mal limitée, et, sur les côtés de cette masse principale, on perçoit une série d'autres ganglions hyper- trophiés, au nombre de 8, allant de la grosseur d'une noisette à celle d'une lentille. État général assez bon; voix voilée; iode, iodure de potassium, huile de foie morue, sans résultat appréciable. Diagnostic: tuberculose ganglionnaire à marche rapide et à ten- dance envahissante. M. Reglus ne veut pas tenter l'opération dans l'é- tat actuel, en raison de la diffusion de la tumeur dans ses parties pro- fondes. La périadénite s'accentue, et un certain degré de ramollissement de la tumeur principale fait craindre la suppuration. Le 12 avril, G... commence le traitement zomothérapique (suc de 800 grammes de viande). Après huit jours de ce traitement, la masse ganglionnaire a dimi- nué sensiblement de volume et a augmenté de consistance. La périadé- nite est résorbée et la tumeur se délimite facilement sous la peau. Le traitement est continué jusqu'au 15 mai. Pendant ce temps, un ganglion situé sur le côté droit du larynx s'est fortement développé et refoule cet organe sur le côté gauche, mais il est dur, de consistance vraiment ligneuse, et indolore. Quant à la masse ganglionnaire latérale, elle est devenue également très dure et est réduite à la moitié de son volume au début du traitement. Le poids a augmenté de l'^o,bOO. Le traitement est interrompu du 15 mai au i"'' juin, pour des rai- sons extra-médicales. Il est repris du 1^'' juin au 12 juillet. A ce mo- ment, le ganglion laryngien a toujours les dimensions d'une grosse TOME v. 21 322 J. HERICOURT. noix et reste de consistance ligneuse. Une autre masse ganglionnaire s'est développée au-dessus de la principale, derrière l'angle de la mâ- choire, et a pris le volume d'une amande, de consistance également très ferme. Le 26 juillet, G... quitte Paris et va passer deux mois en Bretagne, au bord de la mer. l/état général est excellent et, l'état local station- nai re. De retour à Paris le 15 septembre. G... se présente à M. J.-L. Faure ^ qui juge que l'ablation des ganglions est tout indiquée, en raison de leur consistance ligneuse, de leur délimitation très nette et de leur indolence. Ainsi l'opération, jugée impraticable avant le traitement zomothéra- pique, était alors considérée comme très faisable. Elle fut faite, en effet, le 20 septembre. Le chirurgien enleva, outre ^ les trois masses ganglionnaires principales, huit autres petits ganglions hypertrophiés. Tous ces ganglions étaient de consistance ligneuse très remarquable, et, à la coupe, paraissaient constitués entièrement par du tissu fibreux. Seule, la masse ganglionnaire primitive était caséeuse dans sa partie centrale. Le 15 novembre, une nouvelle grosseur étant apparue sur le trajet de la cicatrice. G... se remet au jus de viande. Ce traitement est conti- nué avec quelques inierruptions causées par une grippe intercurrente,, sans déterminalion pulmonaire, survenue fin décembre. Actuellement (1" avril 1901), G... prend encore assez régulièrement le jus de 600 grammes de viande. La tumeur apparue dans la cicatrice n'a laissé aucune trace, et l'état général est suffisant. Toutefois, en dépit de l'appétit qui est bon, le poids reste faible, voisin de oo kilogrammes; et, deux fois par mois environ, il se produit un accès de fièvre, d'une durée de vingt-quatre heures. Bien que cet accès de fièvre puisse être de nature palustre, en raison du séjour du malade en Bretagne, je con- seille à G... de continuer l'usage du jus de viande. OnsERVATiON X (D'' Ombredanne). B..., âgé de 7 ans. Vu la première fois en février 1809. Enfant com- plètement arriéré, cryptorchide double. Atteint de coxalgie avancée, avec attitude vicieuse en llexion-abduction-rotation externe. Pas d'ab- cès périarticulaires, mais toute la région de la hanche est augmentée de volume, empâtée, très douloureuse. Sous chloroforme, on effectue la réduction de l'altitude vicieuse, assez péniblement. Application d'un appareil plâtré. L'enfant est extrêmement malingre ; son membre inférieur gauche présente une amyolrophie très notable. Il ne tousse pas, mais son état général est très riiauvais. On pratique l'extension continue du membre ZOMOTHERAPIE ANTITUBERCULEUSE. 323 avec l'appareil de Lannelongue; puis, séjour à la campagne pendant les quatre mois d'été de 1899. L'enfant revient avec un état général amélioré, mais la hanche est toujours grosse et douloureuse. En novembre 1899, apparaît à la face interne de la cuisse un abcès froid qui fuse vers le petit trochanter. Il est saillant, surtout en arrière, au-dessous du bord inférieur du grand fessier. L'inspection du racliis montre une gibbosité dorso-lombaire sem- blant porter sur trois ou quatre vertèbres, et d'origine nettement pot- tique. La tuberculose vertébrale était apparue et s'était développée chez cet enfant étendu depuis seize mois dans le décubitus dorsal. L'état général est très médiocre. La peau s'ulcère au niveau des apo- physes épineuses de la gibbosité. Ponction de l'abcès froid à la partie postéro-interne delà cuisse ; injection d'éther iodoformé. Seconde injec- tion vingt-cinq jours après. Le pus ne semble pas s'être reproduit. Un mois après, au niveau de la cicatrice de la seconde ponction ap- paraît un tubercule jaunâtre, soulevant l'épiderme. Bientôt celui-ci se rompt et une fistule s'établit. L'enfant est renvoyé à la campagne en juin 1900. Avant son départ, M. Ombredanne prescrit le suc musculaire de 330 grammes de viande crue, avec augmentation progressive jusqu'à 730 grammes. Le malade est vu à la campagne, deux mois après. II est méconnais- sable. II a énormément engraissé et a gagné sensiblement un quart de son poids. Localement, le trajet fistuleux est tari. Il s'est invaginé au fond d'une dépression en entonnoir de 2 centimètres de profondeur. La hanche est toujours tuméfiée, mais indolore. II n'y a plus de trace d'excoriation à la région dorso-lombaire. Le traitement est continué jusqu'en novembre 1900. A cette époque, état général des plus satisfaisants. La hanche est indolore, également le rachis. Aussi l'enfant remue-t-il sans cesse, malgré ses entraves. Le membre inférieur malade paraît raccourci de 2 centimètres, ce qui tient à une élévation de l'épine iliaque malade. Le membre s'est placé en adduction compensée par le bassin. Le rachis est indolore à la pression sur les apophyses épineuses. L'enfant soulève ses épaules au-dessus du plan du lit, malgré les sangles, et dans ce mouvement, les vertèbres jouent les unes sur les autres. Au total, le mal de Pott semble très amélioré ; et l'amélioralion observée, la guérison de la fistule, le relèvement de l'état général, ont dépassé toutes les prévisions du pronostic le plus optimiste. Toutefois, vu la gravité des lésions, M. Ombredanne décide de ne pas laisser l'enfant se lever avant six mois. 324 J. HÉRICOLRT. Observation XI personnelle). M. M. R..., 30 ans. BioncUite chronique avec expectoration parfois sanû'lante depuis deux aus. Transpiration la nuil; toux et expectoration. Fièvre vespérale et céphalalgie à l'occasion des moindres fatigues. Vu et soigné au contimencement de 1900, par le U'' B..., de Nice, qui déclare l'existence d'une caverne au sommet de l'un des pour mon-. Au mois de juin, le malade se met spontanrinent à la zoraothérapie. 11 prend d"abord le suc de 1 500 grammes de viande pendant un mois ; puis de 1 000 grammes pendant un mois encore, et enfin de oOO gram- mes pendant deux mois. Le malade abaissait ainsi la dose du suc musculaire, à mesure qu'il se trouvait amélioré. En effet, dans le cours de ce traitement, la lièvre disparaissait d'abord, l'état des forces se relevait; bientôt les transpirations noc- turnes cessaient, et enfin, le 8 octobre 1900, le malade de passage à Paris, étant venu me voir, me paraît être dans un état de guérison apparente complète, ne toussant plus, n'éprouvant plus aucune oppres- sion. Son poids, depuis le mois de juin, avait augmenté de 4 kilo- grammes, passant de 64 à 67 kilogrammes. A l'auscultation, je constate que l'inspiration est un peu rude et saccadée au sommet droit, sous la clavicule; mais nulle part, dans la poitrine, on n'entend le moindre râle, et tout le reste des poumons respire normalement. Le malade, porteur d'une arthrite du coude gauche idont il ignore la nature), a vu dans le même temps cette arthrite se guérir. Actuel- lement, il n'en reste aucune trace. Observation XII (personnelle). M. S..., 20 ans. Élève de l'École du service de santé militaire de Lyon, en congé de convalescence à Alger. M. le D'' Barillon rne communique sur les antécédents de ce jeune homme les détails qui suivent (juin 1900; : « Soigné il y a un an environ, à l'École de Lyon, pour une broncho- pneumonie du côté gauche. L'examen des crachats a été négatif au point de vue de la présence des bacilles tuberculeux. Envoyé alors en convalescence auprès de ses parents, à .\lger, .M. S... s'améliore sensi- blement et, après trois mois, repart pour Lyon. Quelque temps après -on retour à l'École, une visite de santé le conduit à l'hôpital oij un congé de six mois lui est accordé après un examen bactériologique des crachats (résultat positif pour ba'?illes tuberculeux). « A son retour à Alger, le m-xlad-^ est f-bricitant. îl a des sueurs ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 32:j uoclurnes, de l'essoufllement, de la toux et une expectoration caracté- ristique. En outre, pleurésie gauche avec épanchement volumineux. Deux ponctions successives donnent issue^, la première à 1 200, et la deuxième à 1 oOO centimètres cubes de liquide séreux. Cette pleurésie met quatre semaines à évoluer, avec une température entre 38°et .39'si.'>. Le malade, rais au régime lacté, reprend son alimentation normale au début de la défervescence. Pas de traitement autre que le traitement hygiénique. » Sur la demande du père, j'avais conseillé la zomothérapie avant la production de la pleurésie ; mais, celle-ci s'étant produite, les méde- cins du jeune malade n'osèrent appliquer ce traitement, et conseillè- rent le régime lacté. La zomothérapie ne fut donc instituée que le 18 avril (suc de 1 kilog. de viande). A ce moment, l'état de la poitrine est le suivant : matité à gauche, dans toute la hauteur du poumon ; râles sous-crépi- tants au sommet de la fosse sous-épineuse et sur une bande triangu- laire contournant le thorax depuis l'épine de l'omoplate jusqu'au ma- melon gauche, où la bande s'élargit; frottements à la base. Rien à droite. Un mois après le début du traitement, la toux et l'expectoration ont beaucoup diminué. Les transpirations nocturnes ont disparu. L'état général s'est beaucoup amélioré et l'appétit s'est réveillé. Le poids, qui avait diminué de 6^^, oOO pendant la pleurésie, a regagné 2'^§', 200. Il se produit alors une poussée, se manifestant par une hémoptysie peu abondante, une élévation thermique d'un jour jusqu'à 38°,8. Les râles apparaissent plus nombreux au-dessous du mamelon gauche, avec augmentation de la matité en ce point. Le traitement est sus- pendu pendant huit jours, puis repris. A la fin de juin, le malade, très amélioré, n'ayant plus de fièvre, part en France pour passer deux mois dans la Lozère, dans un village situé à 850 mètres d'altitude. Le traitement par le suc musculaire, qui a été suivi exactement pendant soixante jours, est alors interrompu et remplacé par le régime de la viande crue substituée dans l'alimentation courante à la viande cuite. Le 29 août, le père m'écrit que l'état de son fils est aussi satisfaisant que possible, et que la toux a complètement cessé. Le 25 avril dernier, le D'' Barillon me confirme la guérison de ce jeune homme qui a conservé un gain de 9 kilogrammes, acquis à son retour en Algérie, et qui a pu faire une rougeole sans réveil de lésions pulmonaires. Observation XIII (communiquée par M. A..., d'Oran). M-^e B.A...,27 ans (extrait d'une notice du D'^Solaljdu 10 mai 1900), mariée à 21 ans; mari bien portant. Deux enfants en bonne santé. Une 326 J. HÉRIGOURT. fausse couche de deux mois et demi il y a six mois. Deux mois après avoir sevré son second enfant (avril 1899), est atteinte pour, la pre- mière fois d'une bronchite avec toux fréquente, surtout la nuit. Expec- toration muco-purulente. En novembre 1899, avortement, suivi de quelques accès de fièvre. La malade tousse de plus en plus. Subraatité au sommet gauche, avec râles sibilants et humides. Le poids de la ma- lade est alors de eOi^e.eOO. Le traitement institué comporte des pointes de feu, de la créosote, de l'huile de foie de morue et du cacodylate de soude. Régime ; œufs crus, beurre, laitage, viandes à peine cuites. Après uu mois de ce traitement, les râles humides ont disparu, mais les sibi lances persistent dans la fosse sus-épineuse gauche, avec expiration soufflante. Au commencement de mars 1900, léger frotte- ment pleural à gauche. Le poids, cependant, avait beaucoup augmenté, et était de 67 kilogrammes (fin avril).- A cette époque, submatité des deux côtés en arrière, plus prononcée à gauche; murmure vésiculaire affaibli également des deux côtés. De plus, au niveau de l'angle inférieur de l'omoplate, l'expiration se fait en plusieurs temps et est légèrement soufflante. En avant, plus de râles ni de frottements. Pas de fièvre. État général satisfaisant. Malgré cet examen médical rassurant, M. A... ne considérant pas sa femme complètement guérie, propose à son médecin, qui l'accepte d'instituer le traitement zomothérapique. Du 10 août au 2o décembre 1900, M™'= A... prend donc le suc extrait de 250 grammes de viande. Dans ce laps de temps, son poids augmente encore de 2'^e,700. 11 est alors de 69^bjoO. A ce moment, un nouvel examen médical constate que tous les signes stéthoscopiques douteux mentionnés plus haut ont disparu ; que la poi- trine est absolument nette et que la guérison doit être considérée comme complète. Observation XIV (communiquée par M. P..., de Rochefort). Louis P..., 14 ans. En septembre 1900, point de côté brusque avec fièvre ; diagnostic du médecin : pointe de pleurésie sèche. Traitement par le cacodylate de soude. Deux mois après, la santé n'était pas revenue. Le jeune malade s'était considérablement amaigri ; tous les soirs, il avait un peu de fièvre et le médecin noie un^ différence de sonorité assez accentuée entre les deux sommets : à gauche, submatité complète. Le diagnostic est aloi'S celui d'une tuberculose au premier degré, et la suralimentation est cou seillée. Le père propose alors la zomolhérapie, qui est acceptée par le mé- decin (1"' novembre 1900). Le malade est donc mis au jus de viande; la dose de viande pressée ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 327 est d'abord de 300 grammes, le père craignant que l'estomac du ma- lade ne puisse supporter plus ; mais une rapide amélioration s'étant 'produite, la quantité de viande est portée à 300 pranimes dès le 12 no- vembre. Voici d'ailleurs quelle a été la marche du poids du malade, la pre- mière pesée n'ayant pu être faite que le 26 novembre, au moment où de malade se sentait assez fort pour sortir. 23 novembre 37'%0 2 décembre 37 "i 9 — 38 4 IH — 38 9 23 — 30 4 30 — 39 9 6 janvier 1901 40 7 13 — 41 3 24 — 41 6 3 février j42 0 A ce moment, le jeune malade est considéré comme absolument guéri. Ses forces sont revenues, il ne tousse plus, et sa poitrine est nette. Observation XV (D"" Du pu y). M™® X..., 26 ans. Cavernes sous les clavicules gauche et droite. Infil- tration plus étendue à gauche. Fièvre. Anorexie. Transpiration noc- turne au point de ne pouvoir rester dans le même lit. Expectoration purulente mêlée de sang. Diarrhée. Poids : 38 kil. Au total : tuberculose pulmonaire au troisième degré; cachexie ca- ractérisée. Au 20 juillet 1900, on supprime toute médication et tous médica- ments, ceux-ci ayant été reconnus sans aucune action. On donne 300 gr. de viande crue en trois repas copieux, la malade ayant conservé la faculté de digérer, même en mangeant sans appétit. Séjour au lit, fenêtres ouvertes jour et nuit. Au 28 juillet, la fièvre, qui oscillait, le soir, entre 39° et 38'^5, tombe à 370,0 et 38°. A partir du 3 août, elle ne dépasse plu3 37°, 5. 600 gr. de viande crue en trois repas. Le 27 septembre, le poids de la malade est de 30 kilos, soit un gain de 12 kilos, en moins de deux mois. L'état général est transformé: la malade a des couleurs, tousse et expectore à peine, ne transpire plus, etc. A ce moment, les lésions pulmonaires semblent cicatrisées et les -signes d'infiltration ont disparu. Dans les régions correspondant aux 'Cavernes, la respiration est absolument silencieuse; d'où l'on peut con- 328 J. HÉRICOURT. dure que ces régions sont maintenant occupées par du tissu scléreux cicatriciel. La malade part au Colorado, où elle continue le régime de la viande crue. Actuellement (avril 1901), d'après une lettre récente, M"^^ X... se considère comme complètement guérie; elle a repris la vie ordinaire, avec tous les jeux, patinage et sports variés, auxquels peut se livrer une énergique Américaine. Observation XVI (D' Billard). Femme de 4.^ ans, mère de 4 enfants, avant eu, vers l'âge de 18 ans, une pleurésie vraisemblement de nature tuberculeuse. Toussait sans cesse depuis plusieurs années et, à la suite de son dernier accouche- ment, l'année dernière, avait eu une poussée congestive du côté droit (côté de la pleurésie antérieure). A la suite de cette congestion, rapide- ment des signes de tuberculose au deuxième degré s'établissent, avec état général mauvais : amaigrissement, perte de l'appétit, fièvre hec- tique. Très nombreux bacilles tuberculeux dans l'expectoration. Le malade est d'abord traitée par le repos, la suralimentation, le cacodylate de soude, les lavements créosotes. Mais l'amélioration est peu sensible: la malade continue à tousser, à maigrir; elle quitte diffi- cilement le lit. On lui donne alors le suc de 500 gr. de viande, chaque jour. Au bout de dix jours, l'appétit est revenu, la toux a notablement diminué, les forces reparaissent, et en quinze jours, le poids de la malade a aug- menté de 2'^'', 500. Après un mois de zomothérapie, la malade a pu reprendre la vie commune sans se fatiguer, et son poids avait augmenté de 5 kilos. A ce moment, les nuits sont bonnes; la malade ne tousse presque plus, n'a plus de fièvre; à l'auscultation, on n'entend plus qu'une res- piration rude au sommet, avec quelques râles; un peu de submatité dans cette région ainsi qu'à la base, au niveau de l'ancienne pleurésie. Plus d'expectoration. La malade se considère comme guérie. Observai io.\ XVII (auto-observation du D'' 0. H...). 38 ans. En 1895, une broncho-pneumonie tuberculeuse du sommet droit est diagnostiquée, après plusieurs atteintes de grippe consécu- tives. Phlébite du membre inférieur droit. Traitement, à Menton, par la suralimentation et les lavemeuts créo- sotes. Amélioration de l'état thoracique. Guérison de la phlébite. Mais, en 1897, à Montpellier, hémoptysie légère. Peut néanmoins s'embarquer comme médecin sur les paquebots de ZOMOTHERAPIE ANTITUBERCULEUSE. 329 la Compagnie transatlantique ; prend les fièvres à Colon en 1898, et les garde jusqu'à la fin de 1899, les accès rémittents alternant avec des crises diarrhéiques d'une durée de huit jours à deux mois. Le poids est alors de 6.3 kilogrammes. Toux, expectoration. L'état de !a poitrine est resté stationnaire. En juillet 1900, zomothérapie. Absorption du suc, d'abord de 300 grammes, puis de 600 grammes et de 1 kilogramme de viande. Après neuf mois de ce traitement, rigoureusement suivi, les fortes doses étant prises dès que quelques signes de congestion se manifes- taient (points douloureux dans la poitrine, augmentation de la toux et de l'expectoration), le malade se trouve, en avril 1901, dans un état de santé parfait, avec un poids de 66 kilogrammes, en augmentation de 2 kilogrammes et demi sur le poids pris au début du traitement. Plus d'expectoration. Encore quelques accès de toux spasmodique coïnci- dant avec les journées pluvieuses. Pendant le sommeil, le décubitus peut se faire indifîéreinment sur l'un ou l'aulre côté, alors qu'anlérieurement certaines positions ame- naient des accès de toux quinteuse. Les crises diarrhéiques ont complètement cessé, et les fonctions intestii)ales sont devenues très régulières. Une marche à allure modérée, même prolongée (pendant 15 kilo- mètres), est parfaitement supportée sans fatigue, bien que l'essouffle- ment persiste dans les montées, sans cependant provoquer la toux. Observatiox XVIIl {D'^ Deru, de Verviers). Homme de 26 ans, boucher, atteint d'arthrite tuberculeuse du genou gauche, fongueuse, volumineuse, suppurant par six fistules. Ganglions engorgés au pli de l'aine. Gonflement osseux du tibia au niveau du tiers inférieur. Le malade est cacheclique, ne peut quitter son lit; les muscles de son membre inférieur gauche sont d'ailleurs complètement atrophiés. Au commencement de novembre 1900, la viande cuite de l'alimen- tation est remplacée par égale quantité de viande crue. Un mois après ce régime, le malade est tellement amélioré qu'il peut non seulement se lever, mais se rendre en voiture à ses affaires. Actuellement (mars 1901), le genou est presque revenu à son volume normal, et trois des fistules sont taries et cicatrisées. Les ganglions de l'aine ont disparu; les muscles du membre malade sont presque aussi volumineux que du côté sain, et la marche se fait sans gêne apparente. Le malade déclare qu'il ne saurait s'abstenir un seul jour de viande crue sans éprouver de la faiblesse. 330 J. HERICOURT. Observation XIX (D"" AV. F. Joxg, de Dordreclit, Hollande). M"" R..., 12 ans. Péritonite tuberculeuse chronique avec ascite. Soumise sans modification appréciable à divers traitements, et à la suralimentation. Laparotomie en janvier 1900, et deux ponctions con- sécutives, l'ascite s'étant reproduite, après l'opération, aussi considé- rable qu'elle était avant. ■ Du 6 mai 1900 au 27 février 1901, soit pendant dix mois, absorbe régulièrement chaque jour le suc de 1 SOO grammes de viande. A cette date de lin février, est complètement guérie, avec état géné- ral florissant. Observation XX (D'' A. Schnuller, de Davos-Platz). Le D'' Schnôller, de Davos, m'a communiqué ses impressions sur la valeur de la zomolhérapie, qu'il n'a pu appliquer que très peu de temps, n'en ayant eu connaissance que fin mars 1900, époque à laquelle la presque totalité des malades quittent Uavos pour les stations intermé- diaires. Dans l'ensemble des cas, observés seulement six semaines au plus, l'amélioration a été très nette et les résultats très satisfaisants, bien qu'il se soit agi de tuberculoses pulmonaires au deuxième degré avancé. M. Schnôller note qu'un enfant de dix mois, présentant tous les signes d'une méningite,» a été traité par le suc de 500 grammes de viande, et a guéri. Observations XXI-XXIII {\)'^ Bruaelle, de Guînes-en-Calaisis). i" Femme de 30 ans. Eu mars 1900, vue à propos d'une pleurésie sèche, pour laquelle la malade avait été traitée à Calais six mois durant. Frottements pleuraux dans toute l'étendue de la base du pou- mon, adroite; respiration rude et saccadée au sommet. État général mauvais; fièvre, sueurs nocturnes, amaigrissement. Expectoration chargée de bacilles tuberculeux. La malade a perdu 3 frères et sœur, morts de phtisie pulmonaire. On la traite d'abord par la suralimentation et le cacodylate de soude. Mais la malade étant devenue enceinte, la maladie s'aggrave mani- festement. Soumise alors à la zomothérapie (suc de 1 kilogramme de viande), elle a pu mener à bien sa grossesse, et en février 1901, tous les sigues thoraciques avaient disparu. Plus de frottements à la base; au sommet, respiration souple et moelleuse. Plus d'expectoration: état général excellent. 2° Jeune homme de 26 ans, hospitalisé à l'hôpital de Guînes. ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 331 Tuberculose pulmonaire au troisième degré (cavernes) à droite; du deuxième degré à gauche, remontant à un an et demi. La zomothérapie a donné une amélioration rapide et frappante. Au bout de trois semaines, les sueurs, la fièvre et la toux avaient presque disparu. Actuellement (février t901), les lésions paraissent en voie de cica- trisation., et le malade est plus gras qu'il n'était avant de tomber ma- lade. 3" Jeune homme de 17 ans, de souche tuberculeuse, est pris de point de côté en pension. Le médecin diagnostique une névralgie intercos- tale, contre laquelle il emploie toutes médications, sans succès d'ail- leurs. L'état général devient mauvais, la fièvre s'établit, avec sueurs la nuit, amaigrissement considérable, etc. Après deux mois, le malade était dans une situation si précaire ■qu'on le considérait dans sa famille comme perdu. Toux fréquente, expectoration (où l'analyse décèle la présence de bacilles tuberculeux). A l'auscultation on trouve : respiration saccadée au sommet gauche, avec augmentation des vibrations. Tachycardie, fièvre quotidienne oscillant entre 37°,.^ matin et 39° le soir. Appétit nul. Le poids est tombé de 63 kilog. à 44 kilog. Traitement par le jus de viande (suc de 1 kilog. par jour). Au bout ■d'un mois, la fièvre avait cessé et le malade engraissait. Il est maintenant (féviier 1901) guéri complètement depuis un mois. M. Le B' Brunelle fait suivre ses observations des considérations -suivantes : « Mon avis est que le traitement zomothérapique des tuberculeux est excellent, et le plus efficace de tous ceux essayés jusqu'à ce jour... Il n'a que le défaut d'être onéreux. « Si, par la suite, comme il est probable, ce traitement devient le seul rationnel pour la tuberculose, il serait à souhaiter qu'on fît pour les malades indigents ce qu'on a fait dans certains pays pour les en- fants athrepsiques ou atteints d'entérite, en fondant la « Goutte de lait ». « Le Bureau de bienfaisance voterait un crédit, pris sur celui des médicaments, pour se procurer journellement de la viande de bœuf, et l'administration de l'hospice se chargerait de préparer du suc muscu- laire deux fois par jour, et de le faire prendre, dans l'établissement même, aux tuberculeux pauvres, sur la présentation d'une ordonnance médicale en indiquant la quantité. « Ce serait une petite réforme, et bien peu onéreuse, que, pour ma part, je compte proposer prochainement à la Commission du Bureau de bienfaisance... » Cette idée de fonder des dispensaires zomothérapiques antitubercu- leux est excellente, et méritait d'être rapportée. 332 J. HÉRICOURT. Toutes les observations de guérison de cas de tubercu- lose sont discutables. Nous savons qu'il est des tuberculoses qui guérissent toutes seules; nous savons que toute médi- cation peut revendiquer des guérisons; et le résultat, assez imprévu, de nos longues recherches expérimentales sur le traitement de la tuberculose a été précisément de nous mon- trer que toute substance, toxique à quelque degré, adminis- trée à un animal au cours d'une infection tuberculeuse, a pour résultat de modifier et de ralentir le cours de cette infec- tion ^ Il est donc logique d'admettre que de telles médications soient suffisantes quand elles agissent sur des tuberculoses venant immédiatement dans l'échelle de gravité au-dessus de celles qui ne demandent qu'à guérir. Mais, toutes, elles échouent finalement contre la tuberculose de haute virulence que nous inoculons dans le laboratoire. Une seule médication a pu arrêter cette évolution fatale de la tuberculose expérimentale, c'est celle qui consiste en l'absorption de viande crue ou du suc contenu dans cette viande. Sur les animaux en expérience, cette médication s'est montrée active à un degré et avec une régularité carac- téristiques d'une médication vraiment spécifique. Bien diffé- rentes sont les actions insuffisantes, incertaines, infidèles, irrégulières, des substances médicamenteuses de toute nature qui ont été proposées contre la tuberculose, et qui agissent toutes à la façon d'éléments passagèrement altérants ou per- turbateurs; l'expérience nous a fixés sur les limites de leur valeur. , A priori, on devait prévoir qu'une médication aussi puis- sante que la zomothérapie contre la tuberculose expérimen- tale, médication arrêtant à coup sûr l'infection tuberculeuse, ne pouvait être inefficace contre la tuberculose de l'homme; 1. Gii. RiciiET et Héricoukï. Eff'et des médicalions diverses sur la tuber- culose ejpérbnentale ; métatrophisme et thérapeutique {B. B .,11 mars 1900). ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 333 et certes, il aurait fallu accumuler de nombreuses observa- lions pour établir une telle inefficacité. La lecture des observations précédentes aura, nous l'es- pérons, donné l'impression non douteuse que cette médica- tion agit, sur l'homme comme sur l'animal tuberculeux, à la façon d'une médication spécifique; et qu'on n'aurait pu attendre, dans l'ensemble, d'aucune médication usuelle, des résultats aussi frappants, aussi rapides ; des guérisons aussi improbables. Dans tous les cas rapportés plus haut, on peut dire que la zomothérapie a mis le pronostic en défaut. Et cela même est la preuve éclatante de la spécificité de cette médication. Ici, une remarque essentielle doit être faite ; c'est que les observations personnelles que j'ai rapportées n'ont pas été choisies; ce sont toutes mes observations, déduction faite des observations de tuberculose pulmonaire du 3'' degré, dont je vais dire un mot. Or, depuis vingt-cinq ans que je soigne des tuberculeux, je n'ai jamais rencontré une série aussi heureuse; et vrai- ment, si les médecins obtenaient couramment de tels résultats, le pronostic, en cette matière, devrait être d'un optimisme tout à fait rassurant, ce qui n'est pas encore, hélas! la réalité. Quant à mes observations de tuberculose pulmonaire au 3^ degré, il me suffira de les résumer en deux lignes. Sur 10 cas, 8 ont eu une issue fatale à brève échéance, dans un temps variable entre quinze jours et trois mois. Il s'agissait de malades porteurs de grosses cavernes, d'infiltrations tu- berculeuses étendues, avec la fièvre hectique, arrivés déjà au dernier terme de la cachexie. Chez ces malades, je le recon- nais, la zomothérapie a été absolument impuissante. Peut- être cependant ceux qui ont pu la tolérer ont-ils été pro- longés d'une façon inespérée, car plusieurs ont survécu deux ou trois mois, qui paraissaient n'avoir plus que quelques jours à vivre. .334 J. HÉRICOURT. Chez les autres, la zomo thérapie n'a pu être tolérée ; et ce m'est une occasion de noter cette intolérance spéciale, que je n'ai observée que chez des cachectiques tuberculeux. L'admi- nistration du suc musculaire, parfois même celle de la viande crue, est en effet suivie, chez quelques malades, de troubles intestinaux caractéristiques : coliques plus ou moins violentes, survenant rapidement après l'ingestion, et suivies d'évacuations diarrhéiques très pénibles, avec épreintes, quel- quefois mélangées de sang. Tout d'abord j'avais mis ces troubles sur le compte de l'absorption d'un suc musculaire altéré; mais cette inter- prétation est erronée. En réalité, ces troubles intestinaux reproduisaient assez fidèlement ce que nous observions dans le laboratoire, sur les animaux auxquels nous faisions des in- jections sous-cutanées de plasma musculaire. En effet, le plasma musculaire cru, introduit dans l'organisme par la voie sous-cutanée, est très toxique, et l'empoisonnement ainsi déterminé est précisément caractérisé par une entérite hémorrhagique suraiguë*. Or ces accidents sont survenus chez des cachectiques pré- sentant des troubles accentués de la digestion et de la nutri- tion, et chez lesquels la fonction hépatique était manifeste- ment insuffisante. Tout se passait alors comme si le suc musculaire ingéré ne subissait pas dans l'intestin les trans- formations normales dues à la digestion, et était absorbé et porté dans la circulation générale à l'état cru ; d'où les symp- tômes d'intoxication, rappelant ceux qui suivent l'injection sous-cutanée de ce suc. La zomothérapie est donc, chez les tuberculeux du 3" de- gré, chez les tuberculeux cachectiques, extrêmement pré- caire. En réalité, chez ces malades, la tuberculose n'est plus une dominante ; mais il existe un complexus infectieux résul- 1. Cii. RiciiET. Élude chimique et physiolor/ique du sérum musculaire. — Lomples rendus de V Académie des Sciences (7 janvier 1901). ZOMOTHERAPIE ANTITUBERCULEUSE. 335 tant d'associations microbiennes multiples, compliqué encore par des dégénérescences organiques, des altérations des reins et du foie, notamment, qui rendentvaines et illusoires toutes les déductions reposant sur des réactions physiologiques normales. Il n'est donc pas surprenant qu'une médication, qui serait spécifique contre les affections tuberculeuses, n'ait plus une action sûre contre un tel concours d'éléments étrangers à la tuberculose même, mais affectant les sources mêmes de la défense de l'organisme. Faisons une compa- raison : dans la cachexie palustre, le sulfate de quinine, ce type des spécifiques, n'est-il pas inefficace? Est-ce à dire qu'il ne faudrait jamais essayer la zomothé- rapie dans les tuberculoses pulmonaires au 3° degré? Nous ne le pensons pas. Et d'abord, c'est chose bien difficile à net- tement délimiter, que le passage du 2° au 3° degré ; et tel malade, au 3'^ degré par l'étendue et la nature de ses lésions, appartient encore, de par son état général, au 2" degré, ou inversement. Je recommande, à ce point de vue, à l'attention de mes confrères la lecture de l'observation XV, due à M. Dupuy. D'autre part, je donne des soins, exactement depuis un an, à une jeune femme dont les deux sommets étaient creusés de cavernes, et dont les deux poumons étaient infiltrés plus ou moins dans toute leur étendue. En avril 1900, on ne lui aurait pas donné plus de six mois d'existence possible, en raison de sa maigreur, de son état fébrile continu, de son anorexie, de sa toux incessante et de son expectoration abon- dante. Depuis cette époque, elle prend le suc musculaire de 1 kilogramme de viande, chaque jour, très régulièrement',, son estomac, fort capricieux, s'accommode très bien de ce liquide. Or, en dépit d'une crise hémoptoïque très grave, survenue en août dernier, cette malade est aujourd'hui con- sidérablement améliorée. Depuis cinq mois, elle n'a plus de fièvre; elle ne tousse plus la nuit, son expectoration est "très 330 . J. HÉRICOURT. peu abondante ; la gaîté a succédé à une profonde dépression morale; et, dans ses poumons, Tinfiltration diffuse a disparu, et les lésions se sont limitées aux sommets, où Ion ne con- state plus que des cavernules. La malade lutte donc active- ment, mais avec profit. Son poids augmente à peine; mais elle marche vers la guérison; et cette évolution favorable est due précisément à ce fait, qu'en raison de la jeunesse de la malade probablement, l'état de ses glandes rénales et hépa- tiques ne correspondait pas à la gravité et à l'étendue de ses lésions pulmonaires. Il y a eu rétrocession du mal, qui du 3'^ degré est rentré dans le 2'' degré'. Les considérations qui précèdent sur le complexus infec- tieux des phtisies pulmonaires au 3'' degré; l'action curalive delà zomothérapie dans les tuberculoses localisées, considé- rées le plus souvent comme des tuberculoses pures; les ré- sultats assurés de la zomothérapie expérimentale, maniable à la façon d'un réactif physiologique, contre la tuberculose inoculée par injection intra-veineuse: ce sont là autant d'ar- guments nous autorisant à dire qu'il s'agit bien d'une médi- cation spécifique, entendant par ce terme une médication capable, à elle seule, d'enrayer l'évolution de l'infection tu- berculeuse. Aujourd'hui, dire d'une médication qu'elle est spécifique ne veut pas dire que cette médication doit guérir sans excep- tion tous les cas de la maladie qu'elle concerne; et l'expres- sion ne détermine pas non plus le mécanisme de l'action médicamenteuse. De fait, l'analyse expérimentale n'a pas encore permis de décider si le suc musculaire était un anti- toxique, s'il était un stimulant de la phagocytose, ou s'il était seulement un tonique spécial du système nerveux chargé d'organiser la défense de l'organisme. En y regardant de près, ces diverses hypothèses apparaissent en réalité 1. Ccffc malade étant en cours de traitement, nous n'avons pas donné son o))scrvation à pai't, et cette note doit être considérée comme apportant un argument h l'appui de la considération ([ui la précède. ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 337 comme très proches parentes et comme pouvant se ramener à un mécanisme unique. Mais la solution de ce problème n'intéresse pas immédiatement le médecin. Ce qui l'intéresse, c'est de se bien pénétrer de ce fait, que la zomothérapie n'est pas un procédé de suralimentation; car dans le suc musculaire extrait de 500 grammes de viande, la quantité d'albuminoïdes (de 18 gr.) est presque négligeable, et la viande cuite, donnée aux fortes doses où la viande crue se montre curative, semble au contraire agir comme une substance toxique, et favoriser le processus tuberculeux. Un corollaire de cette notion, c'est que le traitement par le suc musculaire doit toujours comporter une alimentation non exagérée, mais suffisante par elle-même. Ce quiintéresse encore le médecin, c'est quele succès de la zomothérapie est une question de dose; c'est que le succès dépend d'un rapport minimum entre le poids du malade et la quantité de suc musculaire ou de viande crue prise par ce malade. Au-dessous de cette limite minimum, on peut obtenir des améliorations, on ne peut compter sur la guérison. C'est pourquoi l'objection présentée par les médecins qui, avant ou depuis nos recherches, ont prescrit la viande crue, à dose tout à fait insuffisante dans l'immense majorité des cas, et affirment n'avoir pas obtenu de résultats décisifs, n'a absolument aucune valeur. Bien plus, cette objection ne fait que confirmer ce que nous ne cessons de répéter, que la zo- mothérapie n'est curative qu'aux hautes doses fixées par l'expérimentation. Et précisément c'est cette question des doses, en laquelle réside toute la méthode, qui nous permet de présenter celle-ci comme nouvelle, en dépit de l'antécédent historique qu'on peut lui trouver dans les essais de Fuster, essais tombés daas l'oubli précisément à cause de leur indé- termination. Quand, avant nos expériences, nous donnions de la viande crue à nos malades, à la dose de 60, 80 ou 100 grammes, ou une demi-tasse de jus de viande plus ou moins cuite, nous ne savions pas ce que nous faisions. Nous pen- TOME V. 22 :i38 J. HÉRICOURT. sions prescrire un aliment de digestion facile et de bonne va- leur nutritive. Aujourd'hui, il faut savoir que nous prescri- vons un médicament, et qne ce médicament, comme tout autre, doit être dosé. Pour rendre cette opération facile et pratique, nous avons rédigé, à l'intention des médecins qui nous demandaient des renseignements sur la façon d'administrer la zomothérapie, le formulaire que nous donnons ci-après, et qui résume nos observations et notre expérience personnelles. Les doses y sont fixées, en tenant compte de l'état des malades et de la gravité de la maladie, et elles sont poussées assez au delà des limites minima, de telle façon que l'ordonnance ne puisse pas pécher par défaut. Aux (juestions de doses sont jointes quelques recomman- dations relatives à l'alimentation des tuberculeux, et surtout la technique de la préparation du suc musculaire. Mais, avant de terminer, je voudrais encore non pas trai- ter, mais poser laquestion du régime zomothérapique comme préventif de la tuberculose, comme modificateur des prédis- positions à cette maladie. Sur ce point, nous ne croyons pas devoir apporter d'observations personnelles, car il est certes assez difficile de prouver qu'on a effectivement écarté d'un sujet une maladie dont il était menacé. C'est une affaire de conviction personnelle, qu'il est difficile de faire partager. Dirai-je, par exemple, que dans une famille où deux enfants étaientmortsde méningite tuberculeuse, je mis au régime de la viande crue un jeune enfant de 4 ans qui, depuis plusieurs semaines, maigrissait, pâlissait, était agité la nuit, rêvant tout haut, se réveillant fréquemment, ayant perdu son hu- meur habituelle, présentant, en un mot, tous les troubles que sa mère, avec terreur, reconnaissait comme avant-cou- reurs du terrible mal qui avait emporté ses aînés? Dirai-je qu'après un mois de ce régime, l'enfant était méconnaissable, avec des joues grasses et rouges, mieux portant qu'il n'avait jamais été, et que toute crainte de méningite était dissipée? ZOMOTHÉUAPIE ANTITUBERCULEUSE. 330 Mais de telles remarques ne peuvent être données qu'à titre de suggestion. Aussi, sans plus insister sur des impressions de cette na- ture, je préfère invoquer ici le témoignage d'un confrère et lui donner la parole pour formuler des conseils tout à fait conformes à ma conviction, et que je crois capables de sau- ver bien des jeunes existences. Voici, en effet, ce que disait E. Duhourcau dans une communication qu'il faisait, « A propos de la zomothéra- pie », à la Société de thérapeutique, dans la séance du20 mars dernier : « Peu de temps après la publication de MM. Ch. Ri- CHET et Héricourt, j'ai eu à utiliser le suc de viande de façon à en surveiller de près les effets : un de mes fils, âgé de 19 ans, fatigué en avril dernier par la préparation d'un con- cours, fut obligé d'abandonner son travail quelque temps avant les vacances de Pâques. Je l'emmenai à la campagne et là, en plus du repos et du grand air, comme il ne mangeait guère, je lui lis prendre chaque jour le suc de 500 grammes de viande de bœuf... Pendant les huit premiers jours de ce régime, il ne parut pas y avoir grande amélioration; mais celle-ci s'accusa tout d'un coup, si bien qu'après deux semaines de ce seul traitement, lejeune homme était remonté, revigoré, avaitreprissonappélit et sagaîté, et rentrait au col- lège pour y terminer heureusement ses études et son con- cours. Il y a un mois environ, fatigué de nouveau par la vie un peudurede vrai surmenage qu'il dut mener à l'École cen- trale, il m'a redonné quelques inquiétudes ; je l'ai soumis de nouveau à l'usage du suc de viande, mais celle-ci, donnée seulement le soir, à sa rentrée des cours. Il absorbait loO grammes de suc préparé avec 280 grammes de viande de bœuf. Une douzaine de jours ont suffi à le remettre complè- tement, à le débarrasser d'une toux qui m'inquiétait, et à lui permettre de continuer son travail de quatorze heures par jour. Si j'ai songé à administrer ici le suc de viande, c'est comme un remède préventif, et je crois qu'il serait appelé à 340 J- HÉRICOLRT. rendre de plus grands services contre la tuberculose, si on recourait à lui avant que le mal fût déclaré ouvertement, c'est-à-dire dans la période prétuberculeuse, à la lin desbron- chites tenaces ou suspectes, de la coqueluche, dans la conva lescence des fièvres éruptives, dès que se montre de l'amai- grissement, de la fatigue chezlesjeunes gens, etc.. . Le sucmus- cuiaire m'a rendu également service, cet été, chez une vieille dame que j'avais soignée l'année d'avant pour une bronchite catarrhale qui, malgré sa guérison. l'avait laissée faible, maigre, avec une apparence délicate et toujours souffreteuse. En plus du traitement thermal analogue à celui de l'année précédente, j'ai prescrit à ma cliente le suc de 300 grammes de viande à prendre chaque jour en deux doses, et l'augmen- tation des forces a été bien plus sensible et plus rapide.... (( J'ai pu voir un tuberculeux, très amaigri par sa maladie pulmonaire, datantd'un an àpeine, mais compliquée de trou- bles graves dyspeptiques, de vomissements, de touxgastrique, retirer un grand bénéfice d'une cure thermale redoublée dans l'été et combinée avec lazomothérapie à la dose de 150 gram- mes, puis 200 grammes, puis 250 grammes au plus de suc de viande. Les lésions pulmonaires se sont arrêtées, cicatrisées pour ainsi dire ; mais l'alimentation a été complétée par 250 grammes de viande crue pulpée prise en nature le matin, et 150 grammes de suc de viande pris, le soir, en plus des repas. J'attribue à cette zomothérapie continuée chaque jour depuis des mois le maintien de l'état actuel du malade, qui résiste à sa tuberculose, semble l'avoir enrayée et n'est plus tour- menté que par son estomac... Chez tous ces malades, le fonc- tionnement des reins a toujours été des plus satisfaisants... J'insiste donc pour qu'on traite davantage et énergiquement par la zomothérapie les candidats à la tuberculose, bronchiti- ques, coquelucheux, fiévreux, dyspeptiques, surmenés, etc. ; ceux surtout qu'on suppose être àla période prétuberculeuse, à cette période où le bacille n'est pas encore implanté dans la place, mais oîi la congestion pulmonaire, la pneumonie. ZOMOTHÉRAPIE ANTITUBERCULEUSE. 3ii la pleurésie, etc., peuvent si facilement lui ouvrir une porte d'entrée. » J'ajouterai, que l'administration de la zomothérapie aux sujets prédisposés à la tuberculose est d'autant plus indi- quée, que cette prétendue prédisposition n'est en réalité, dans le plus grand nombre des cas, qu'un état latent du mal, et que les troubles dits prétuberculeux ne sont, en somme, que les signes de ses premiers efforts. Traiter les malades à cette période, c'est donc se mettre dans les meilleures conditions pour obtenir une guérison fa- cile et complète. INDICATION DES OBSERVATIONS DE TRAITEMENT DE LA TU- BERCULOSE PAR LA ZOMOTHÉRAPIE PUBLIÉES JUSQU'AU 15 AVRIL 1901. 1° Normandie médicale, !•=' décembre 1900. — « Contribution à l'étude du traitement de la tuberculose pulmonaire par la cure libre en Nor- mandie )>, par le D"^ Petit-Clerc, médecin de l'Hôtel-Dieu de Rouen. Il s'agit de trois observations de tuberculose pulmonaire au début du 2'^ degré, amenées à l'état de guérison apparente par l'influence de la cure d'air dans la campagne normande; mais comme les malades ont été soumis en même temps à la zomothérapie et ont pris pendant plu- sieurs mois le suc de oOO grammes de viande, médication que l'auteur qualifie à tort de suralimentation, je crois équitable d'attribuer à cette médication le mérite de ces cures. 2° La sérothérapie pratique, novembre 1900. — Observation, sous la signature du D"" Sarge, d'un cas de tuberculose pulmonaire du 3* degré traité par l'ingestion d'un « sérum naturel stérilisé ». Amélioration considérable et rapide, attribuée par l'auteur à cette médication. Mais pendant toute la durée du traitement, la maïade a mangé de la viande crue, à la dose de 120 grammes par jour. Il nous sera permis de ne pas négliger ce facteur dans les résultats obtenus. 3° Médecine moderne, 20 février 1901. — Communication à la Société de thérapeutique, faite le 13 février, par M. Paul Garnault, sur le « trai- tement de la tuberculose par la viande crue et par les injections intra- trachéales d'orthoforme '>. Il s'agit d'un cas de tuberculose pulmonaire au 3<= degré, à pronostic fatal à courte échéance. Le traitement consista en injections d'huile mentholée et orthoformée et en l'absorption quoti- 342 J. HERICOURT. dienne de 200 grammes de viande pulpée et du suc de I kilogramme de viande. Cette médication est suivie du lo octobre 1900 au l*^"" jan- vier 1901. Pendant ce temps, le poids est remonté de o9 kilogrammes à fi6''s,500, et, fin février, le malade, en état de guérison apparente com- plète, reprenait ses occupations habituelles, très fatigantes. M. Garnault cite aussi le cas d'un malade tuberculeux au 2^ degré, à qui M. Graxcher avait- ordonné la viande crue à la dose journalière de 100 à 200 grammes et qui, d'instinct, en ayant pris de 700 à 800 grammes, avait récupéré en quelques mois un état de santé des plus florissants, qui ne s'est pas démenti. 4" Médecine moderne, 27 février 1901. Communication faite à la So- ciété de thérapeutique, par MM. A. Josias et J.-Ch. Roux'. FORMULAIRE DE LA ZOMOTHERAPIE A \T I T L" B ERC U LE U S E Pour préparer le suc musculaire : 1° Prendre de la viande de bœuf (tranche) très fraîche, bâchée, dégraissée. La faire macérer deux heures dans une quantité d'eau froide (préa- lablement stérilisée par l'ébuUition ou la flltration) égale au cinquième de son poids. Soumettre à la pression cette viande imbibée d'eau, à l'aide d'une presse de ménage, par portions dont le volume sera en rapport avec les dimensions de la presse. Les efforts de pression devront être peu intenses et espacés de cinq en cinq minutes. Dans la presse, la viande devra être enveloppée d'un linge résistant. La presse devra être nettoyée -à l'eau bouillante, avant et après chaque opération. 2° Les doses de liquide à ingérer sont variables avec la période et la gravité de la maladie. On peut les fixer de la manière suivante, d'après le poids de la viande à presser. Il faut pre&ser : Pour une tuberculose latente ou du 1" degré. ... de oOO à 1,000 gr. Pour une tuberculose pulmonaire du 2^ degré ... de 1,000 à 2,000 gr. Pour une tuberculose du 3° degré ou une granulie. de 2 à 3 kilog. En tenant compte de la quantité d'eau ajoutée à la viande, la tota- lité du liquide obtenu par pression doit être an moins de 400 grammes par kilogramme de viande. Avec une très forte presse, cette quantité peut atteindre 500 grammes. Par conséquent, il faut absorber : dans le cas d'une tuberculose 1. Voyez plus haut. p. 302-3)1. ZOMOTHÉRAPIE A ISTITUBERGULEUS E. :j43 latente ou du P"^ degré, de 200 à 400 grammes de liquide; dans le cas d'une tuberculose pulmonaire du 2^ degré, de 400 à 800 grammes, et dans le cas d'une tuberculose pulmonaire du 3'' degré ou d'une granulie aiguë de forme typhoïde ou cérébro-spinale, de 800 à 1 200 grammes de liquide. 3° Le suc musculaire ainsi obtenu est d'une grande fragilité et •s'altère très facilement. Il ne peut être transpoa^é. Il doit être pris aussitôt préparé. Si sa quantité est trop abondante pour être prise en une fois, il faut faire deux opérations de pression dans les 24 heures. Il doit être pris nature, ou avec addition d'une petite quantité de ■sel. En cas de dégoût très accentué ou de susceptibilité stomacale très grande, on pourrait le sucrer avec du sirop d'écorce d'orange amère et même y ajouter de l'eau de Seltz. Le meilleur moment de l'administrer est une demi-heure avant le déjeuner. Dans ces conditions, le plus souvent l'appétit du malade n'est pas coupé. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait chercher, par tâtonnement, un autre moment propice. Le suc musculaire ne produit jamais de troubles intestinaux. Si des troubles de cette nature (diarrhée) viennent à se manifester, c'est que la viande pressée n'est pas fraîche, ou que le suc est préparé sans soin, ou n'est pas pris assez tôt après sa préparation. Toutes les précautions recommandées doivent être d'autant plus rigoureusement observées que la température extérieure est plus élevée. i° Autant que possible, le malade remplacera toute la viande cuite de son alimentation, par une égale quantité de viande crue, prise, râpée, dans une petite quantité de bouillon froid, ou en boulettes salées ou sucrées, ou enrobées dans de la confiture, ou avec quelque sauce mayon- naise, ou mélangée de jaunes d'œufs durs, avec câpres et vinaigre, etc. Mais, si le malade ne pouvait supporter la viande crue, il serait tout de même préférable de supprimer les viandes noires cuites de son alimentation. !5° Le reste de l'alimentation sera normal. Toutefois, il sera bon de ne pas insister sur les œufs, que recommandent d'habitude les parti- sans de la suralimentation. Le lait devra être pris non bouilli, autant que possible, très frais et toujours sans excès. Le riz, les lentilles, les pois, les boulettes préparées avec de la farine devront paraître fréquemment sur la table, ainsi que les huîtres, les coquillages, les escargots, le poisson fumé. Lorsque la fièvre sera telle que l'alimentation devra être réduite à ■sa plus simple expression, le jus de viande, la viande crue et le riz au ■lait seront la base de cette alimentation réduite. 344 J. HERICOURT. 6» Si le malade n'est pas arthritique, s'il n'est pas prédisposé aux poussées congestives et hémorrhagiques, s'il a conservé un bon appétit et ses facultés digestives, et s'il peut prendre la viande crue sans dégoût en grande quantité, il est alors inutile de recourir à la préparation du suc musculaire, toujours longue et pénible. Mais il faut alors que le malade prenne, au moins, par jour : Pour une tuberculose au !'='■ degré, de 300 à 400 grammes de viande crue ; Pour une tuberculose au 2'' degré, de 500 à 800 grammes de viande crue. Chaque prise de viande crue pourra être suivie de l'absorption d'une petite quantité (un demi-verre à madère) de quelque vin généreux, bordeaux ou muscat. 7" La crainte du taenia ne doit pas détourner les malades de ce trai- tement par la viande crue. D'abord, avec de la viande proprement préparée, cet accident est extrêmement rare; d'autre part, il est de minime importance, rien n'étant plus facile que de se débarrasser d'un tel parasite, et le petit inconvénient d'un traitement anthelminthique ne pouvant être mis en balance avec la guérison d'une maladie telle que la tuberculose. La viande de mouton n'offre pas, à ce point de vue, l'inconvénient en question; mais nous ne pouvons affirmer que cette viande ait la même action thérapeutique que celle de bœuf. L'identité est cependant probable. 8" Toute médication prétendue spécifique, toute absorption de médi- caments devra être suspendue pendant le traitement zomothérapique. L'huile de foie de morue seule pourra être continuée. Bien entendu, le malade devra se placer dans les conditions hygié- niques reconnues comme indispensables à la cure de la tuberculose, telles qu'une large aération, l'absence de toute fatigue, sinon le repos complet, e\ la propreté aseptique du milieu ambiant. 9° La durée du traitement est indéterminée; mais il est indiqué de continuer l'usage de la viande crue au moins pendant six mois après la disparition des symptômes alarmants et l'établissement d'un état, de guérison apparente, et d'y revenir pour quelques semaines, toutes les fois que l'équilibre de santé paraîtra rompu. XX ÉTUDES DE PHYSIOLOGIE COMPARÉE SUR LAUTOMATISME EN GÉNÉRAL ET L'INNERVATION CENTRALE DES INVERTÉBRÉS Par Mariette Pompilian. 1. L AUTOMATISME EN GÉNÉRAL ET CHEZ LE DYTTSQUE L'activité des cellules nerveuses est-elle automatique ou réflexe ? Tel est le problème qui se trouve à la base de la physiologie des éléments nerveux. Il ne suffit pas d'observer des mouvements automatiques pour conclure à l'automatisme des éléments nerveux, car on peut se demander si l'automatisme est la propriété des élé- ments nerveux ou celle des éléments musculaires. C'est ainsi que le problème s'est trouvé posé pour les mouve- ments automatiques des organes viscéraux, et particulière- ment du cœur. Il n'a pas été résolu, parce qu'il est difficile, sinon impossible, de procéder à la dissociation fonctionnelle des éléments nerveux et musculaires dans des organes où ils sont intimement mélangés. S'il existait des organes pouvant 34G M. POMPILIAN. facilement être isolés des éléments nerveux, et présentant des mouvements automatiques analogues à ceux du cœur, le problème trouverait une solution. En etïet, si ces mouvements persistent tant que la par- celle de substance nerveuse, qui est en relation avec les organes moteurs, est intacte, et disparaissent dès que cette substance est détruite, on est autorisé à conclure que les mouvements étaient provoqués par l'activité automatique des éléments nerveux. De tels organes existent. Les pattes de>> insectes nous en offrent un exemple remarquable. Ellesprésen- tent, après l'ablation du segment céphalique de l'insecte, des mouvements automatiques rythmiques analogues à ceux du cœur, pendant un temps très prolongé (plus de vingt-quatre heures). Ces mouvements disparaissent quand on détruit les ganglions nerveux avec lesquels les pattes sont en relation. Nous avons étudié les mouvements automatiques du Dytiscus Manji- nnlis. Voici, brièvement, les résultats de nos observations: Quelque temps après l'ablation du segment céphalique, temps pou- vant varier de quelques minutes à une heure, on voit apparaître des mouvements automatiques et rythmiques des pattes. Ces mouvements ne sont pas synchrones. I^es mouvements des deux premières paires de pattes sont plus fréquents que ceux de la troisième paire. Pour une même paire de pattes, les mouvements de la patte d'un côté peuvent être plus fréquents que ceux de la patte de l'autre coté. Les divers seg- ments d'une patte sont animés de mouvements de fréquences diverses. Les extrémités des pattes présentent des mouvements plus rapides (en moyenne 60 mouvements par minute) que ceux de la totalité du mem- bre (8 à 32 par minute). L'intensité des mouvements est variable, de temps en temps, ils deviennent très forts ; l'insecte décapité semble pris d'une sorte d'attaque convulsive qui dure quelques secondes (de dix à vingt secondes). Dans quelques-unes de nos observations ces convulsions avaient lieu toutes les sept minutes avec une certaine régularité. En été, les Dytisque^ présentent des mouvements plus fn'- quents et plus rapides qu'au printemps. Si l'on divise un Dytisque en quatre fragments, la tête d'une part, d'autre part les trois segments thoraciques, chacun avec la paire de pattes correspondantes, on voit que toutes les pattes présentent, pen- dant des heures, des mouvements automatiques. Les antennes et les pièces buccales du segment céphalique présentent aussi des mouve- menls rythmiques d'intensité et de fréquence variables ; les mouvements AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 347. ■des antennes sont très rapides (on ne peut pas les compter), ceux des pièces buccales le sont moins. Nous avons recueilli de nombreux tracés des mouvements d'une patte de Dytisque en l'attachant à un levier inscripteur fait avec un fétu de paille. Nous en donnons quelques spécimens. Tous les Dytisquesne se ressemblent pas. Il y en a qui présentent des mouvements rythmiques de la totalité des pattes avec une régularité remarquable, comme on peut le voir sur la fig. 47 qui représente les mouvements d'une patte de la première paire trente-cinq minutes après l'ablation du segment céphalique. D'autres Dytisques ne présen- tent pas de grands mouvements, mais seulement de petits mouve- ments des extrémités de leurs pattes, comme on peut le voir sur la lig. 48 ; ce tracé a été recueilli une heure trente-trois minutes après l'ablation du segment céphalique. Enfin, il y a des Dytisques qui présentent des mouvements très grands et très forts, d'une façon intermittente ; après plusieurs minutes de repos, on observe de grands mouvements qui durent une minute environ. La fig. 49 représente le tracé des mouvements d'une patte de la première paire deux heures trente minutes après l'ablation du segment céphalique ; les deux lignes d'en bas représentent la période de repos ; la troisième, la période des mouvements; la quatrième, la période de repos qui suit. Les fig. 50 et 51 représentent les mouvements d'une patte de la deuxième paire. Le tracé de la fig. 50 a été recueilli deux heures vingt minutes après l'ablation du segment céphalique; il montre com- ment aux grands mouvements rythmiques succède une grande contrac- tion tonique de toute la patte; pendant la durée de celle-ci, l'extrémité seule est animée de mouvements. Le tracé de la fig. oi a été recueilli vingt-quatre heures après l'ablation du segment céphalique. Les insectes ne sont pas les seuls êtres qui présentent des mouvements automatiques des organes de la vie de relation. L'écrevisse, les vers et le triton présentent aussi de ces mou- vements. Les conditions nécessaires à l'apparition des mouvements automatiques nous semblent être les suivantes : 1° des orga- nes légers ; 2" des centres nerveux suffisamment nourris. Ces conditions se trouvent réunies chez les insectes : c'est pourquoi, chez eux, les mouvements automatiques s'observent avec une très grande netteté. De plus, les insectes possèdent une très grande quantité de substauce nerveuse par rapport au poids de leurs membres. 348 M. POMPILIA.X. AUTOMATISME DES 1 N V EUTÉRIJÉS. 349 330 M. POMPILIAN. De l'ensemble de nos recherches nous croyons ponvoir tirer les conclusions suivantes, généralisées à l'activité des cellules nerveuses de tous les animaux : 1" Les cellules nerveuses, du fait même qu'elles vivent et qu'elles se nourrissent, dégagent constamment de l'énergie nerveuse, sans qu'il soit nécessaire pour cela qu'une excita- tion du dehors vienne ébranler leur équilibre chimique. L activité nerveuse est donc automatique. 2° L'activité nerveuse automatique varie d'intensité d'un moment à l'autre. 3° Les centres nerveux supérieurs exercent normalement une influence inhibitrice sur les centres inférieurs ; l'activité de ces derniers centres se manifeste nettement après la destruction des premiers. 4° Il est possible que, en pathologie, des faits comme les tremblements et les convulsions s'expliqueraient, d'une part, par une diminution du pouvoir inhibiteur exercé par les centres supérieurs cérébraux sur les centres inférieurs médullaires, d'autre part, par une augmentation de l'activité de ces derniers centres. IL AUTOMATISME CHEZ LA SANGSUE Quand on coupe une sangsue en plusieurs morceaux, on voit que chaque fragment présente des mouvements spon- tanés rythmiques. Ces mouvements durent plusieurs heures. Nous avons profité de ce phénomène pour étudier l'influence de l'excitation des centres nerveux sur les mouvements au- tomatiques. A cet effet, un fragment de sangsue (l'extré- mité postérieure) étant attaché à un levier inscripteur pour obtenir le tracé des mouvements, une partie de la chaîne ganglionnaire nerveuse était mise à nu, chargée sur des électrodes et excitée par des courants électriques induits. Nous avons observé tantôt des phénomènes d'accélération, tan- tôt des phénomènes d'arrêt des mouvements automatiques. AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 3ril I. Phénomènes d accélération des mouvements automatiques. — Si l'on excite la chaîne nerveuse par des excitations élec- triques intenses, toutes les trois minutes par exemple, on obtient ou on n'obtient pas de réponse à chaque excitation, mais la fréquence des contractions spontanées augmente. Excitant par des excitations plus fréquentes, par exemple par des excitations ayant lieu toutes les 10 secondes, toutes les 5 secondes ou toutes les 2""',o, on voit de même qu'il y a ou qu'il n'y a pas de réponse à chaque excitation, mais que, pendant toute la durée de l'excitation (qui était de 15 mi- nutes), les contractions rythmiques qui existaient avant l'ex- citation continuent ; leur amplitude et leur fréquence aug- mentent et, en plus, elles tendent à se régulariser en quelque sorte. L'ascension, c'est-à-dire la phase de contraction, est lente ; la descente, c'est-à-dire le relâchement, est brusque. Après l'arrêt de l'excitation, les contractions redeviennent très irrégulières, mais elles sont un peu plus fréquentes qu'elles n'étaient avant l'excitation. Avec des excitations très fréquentes, on arrive à fusionner les contractions isolées et avoir le tétanos. Le minimum d'excitation par seconde nécessaire pour provoquer le tétanos a été de quatre excita- lions par seconde. {{.Phénomènes d inhibition des mouvements automatiques. — Si l'on excite la chaîne ganglionnaire nerveuse au moment où une contraction spontanée est prête à atteindre son maxi- mum, on provoque un relâchement plus ou moins rapide. Cet effet s'obtient plus facilement avec plusieurs excitations fréquentes qu'avec une seule excitation. On observe de même un relâchement quand, à des excitations très fréquentes qui avaient provoqué un tétanos, on fait succéder des excitations moins fréquentes. Quelquefois, des excitations fréquentes, au lieu de provo- quer de grandes contractions rythmiques ou du tétanos, font cesser complètement les contractions spontanées. Cet arrêt 3b2 M. POMPILIAN. dure pendant toute la durée de l'excitation (qui était de 15 minutes). Après la cessation des excilaiions, les contractions reparaissent, soit immédiatement, soit yprès un repos plus ou moins prolongé. — Le rythme des excitations qui pro- duisent l'arrêt est variable; dans quelques cas, les excitations avaient lieu toutes les 'i secondes; dans d'autres, il y avait quatre-vingts excitations par seconde. Pour un même rythme, l'effet varie suivant le moment où a lieu l'excitation. Par exemple, sur un même fragment de sangsue, nous avons vu que des excitations ayant lieu toutes les 5 secondes, au début de l'expérience, provoquaient des contractions rythmiques, plus tard, arrêtaient les contractions. En réswnéjOn voit que, excitant les centres nerveux auto- matiques, on peut exciter ou inhiber leur fonctionnement. L'effet varie avec le rythme suivant lequel a lieu l'excitation, et avec l'état dans lequel se trouvent les éléments nerveux au moment où a lieu l'excitation. Quand on se trouvera en face de mouvements automatiques qui présentent des inter- mittences, il faudra penser et chercher s'il n'y a pas d'exci- tations périodiques qui, venant agir sur les centres auto- matiques, sont la cause de ces intermittences. m. AUTOMATISME CHEZ LE TRITON Nous avons vu que la queue du Triton présente des mouvements spontanés après la séparation complète du train l)0stérieur de l'animal. Il en est de même si l'on ne fait que la section de l'extrémité inférieure de la moelle sur l'animal intact. Ces mouvements n'apparaissent pas immédiatement après la section, mais après un repos de 10 à 13 minutes. Leur rythme est irrégulier; tantôt il y a seize contractions par minute, tantôt il n'y en a qu'une seule. Leur intensité est variable; tantôt les contractions sont très grandes, tantôt on n'observe que de tout petits mouvements de l'extrémité de la queue. Si la moitié postérieure de l'animal a été complète- AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 333 ment séparée de la moitié antérieure, on n'observe des mou- vements spontanés que pendant 25 à 30 minutes. On les ob- serve pendant bien plus longtemps si Ton n'a fait que la section de la moelle sur l'animal intact. Nous ne pensons pas que les mouvements décrits étaient provoqués par des excitations extérieures. L'hypothèse de l'excitation traumatique nous paraît, également, peu vrai- semblable, vu l'apparition tardive de ces mouvements et leur durée prolongée. Nous croyons qu'ils doivent prendre place à côté des mouvements désignés sous le nom de mouvements automatiques, tels que ceux du cœur, de la respiration, des sphincters, etc., dus à l'activité spontanée des éléments ner- veux périphériques ou médullaires. Le fait décrit plus haut montre qu'il existe chez les verté- brés, de même que chez les invertébrés, des mouvements au- tomatiques des organes de la vie de relation. Nous croyons que le fonctionnement automatique des centres nerveux, loin d'être un fait exceptionnel, correspon- dant au fonctionnement anormal des éléments nerveux, est au contraire un fait constant. La cellule nerveuse, tant qu'elle vit, dégage de l'énergie nerveuse, même sans recevoir des excitations de l'extérieur ou de l'intérieur. Ce dégagement continu d'énergie ne doit pas paraître comme un effet sans cause, car son origine, sa cause, se trouve dans les transfor- mations chimiques qui constituent la vie de la cellule. Il est bien établi qu'une cellule, quelle qu'elle soit, nerveuse ou autre, tant qu'elle vit, est source de chaleur et d'électricité, car il ne peut y avoir transformation chimique sans change- ments de l'état physique du milieu. A côté de ces deux formes de l'énergie, il existe dans la cellule nerveuse une autre forme de l'énergie, de nature inconnue, et qu'on désigne du nom d'énergie nerveuse; elle n'est probablement qu'un état tran- sitoire dans le cycle des transformations énergétiques, et, à la fin, elle se résout peut-être en chaleur. Il n'est pas plus absurde d'admettre que l'élément nerveux dégage constam- TOME V. 23 354 M. POMPILIAN. mentde l'énergie nerveuse quen'estabsurdelefaitqu'il dégage constamment de la chaleur et de l'électricité; ce sont là des faits du même ordre. Une excitation, venue de l'extérieur ou de l'intérieur, ne fait qu'augmenter la production d'énergie nerveuse, elle ne fait pas apparaître une nouvelle forme d'énergie. IV. AUTOMATISME, PÉRIODE REFRACTAIRE ET INHIBITION DES DYTISQUES L'étude de la physiologie du système nerveux des insectes est intéressante à deux points de vue : 1° parce qu'elle montre qu'on retrouve chez les insectes des phéno- mènes analogues à ceux qu'on observe chez d'autres animaux, sur certains organes, comme le cœur, par exemple; 2° parce qu'elle fait connaître la nature de l'inhibition. Des nombreux phénomènes que nous avons observés au cours de nos recherches, nous n'en retiendrons que quelques- uns. Voici, très brièvement, leur description : Le phénomène le plus facile à constater est V automatisme du système nerveux. — Après l'ablation du segment cépha- liquc, et après la division d'un insecte en autantde fragments qu'il y a de segments thoraciques, on voit que les pattes pré- sentent, pendant longtemps (plus de 24 heures), des mouve- meuts spontanés rythmiques analogues à ceux du cœur. Le fait que ces mouvements disparaissent quand on détruit les ganglions nerveux nous indique que l'automatisme des mou- vements dépend du fonctionnement du système nerveux. L'activité du système nerveux est donc automatique. C'est-à- dire : les cellules nerveuses, du fait même qu'elles vivent et qu'ellesse nourrissent, dégagent constamment de l'énergie ner- veuse, sans qu'il soit nécessaire pour cela que des excitations du dehors viennent ébranler leur équilibre chimique. Nous avons soigneusement étudié les mouvements auto- matiques des pattes du Ditiscus marginalis , et nous en avons AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 355 pris de nombreux tracés. Le nombre, la forme et l'intensité de ces mouvements sont variables. Leur nombre peut aller de 1 à 100 par minute. Parfois, après des heures de mouvements rythmiques très réguliers (analogues à ceux du cœur), on observe une longue période (de 30 minutes à 1 heure ou 2 heures) de contracture ; après cette période, les mouve- ments rythmiques réguliers reparaissent. Toutes ces variations indiquent que Vintensité de r énergie nerveuse varie d'un moment à l'autre périodiquement. Les FiG. -jI. — Forme des mouvements .-lulomatiques d'une piiUe de Dytisque. périodes de variation se mesurent par des heures, des minutes et des secondes. Si l'on construisait la courbe de ces varia- tions, on aurait : 1° une courbe à grandes ondulations dont la période se mesurerait par des heures ; 2° ces grandes on- dulations présenteraient d'autres ondulations dont la période se mesurerait par des minutes, et 3° ces dernières ondulations présenteraient à leur tour de petites ondulations dont la période se mesurerait par des secondes. En excitant par des excitations électriques les ganglions nerveux du Dytisque, on observe les faits suivants : 1° V excitabilité des éléments nerveux varie d'un moment à l'autre. — Des excitations, isolées, à certains moments provo- quent des réponses, à d'autres n'en provoquent pas. — Ces variations de l'excitabilité s'expliquent facilement quand qn 3o6 M. POMPILIAN. se reporte à ce que nous avons dit sur les variations sponta- nées de l'énergie nerveuse. L'effet d'une excitation n'est pas le même dans une période de grande production d'énergie et dans une période de petite production d'énergie. Dans la première, des excitations faibles sont capables de provoquer des réponses; dans la seconde, les mêmes excitations sont inefficaces. L'état dans lequel se trouve le système nerveux FiG. 52. — Période réfractaire. Excitations de rupture. On voit que les excitations sont tantôt efticaces, tantôt inefficaces. fait varier l'effet des excitations. C'est lui qui détermine les variations de l'excitabilité. En excitant les ganglions nerveux par des excitations élec- triques rapprochées, toutes les deux secondes et demie, par exemple, on observe le fait suivant : Les réponses provoquées, c'est-à-dire les mouvements des pattes, ne sont pas égales pour toutes les excitations. Toutes les 2,3 ou 4 excitations, les réponses sont très grandes, tandis que les réponses qui correspondent aux autres excitations sont petites ou nulles. C'est là un phénomène analogue à celui que Marey, Charles RiCHET et André Broca ont appelé période réfractaire. L'explication de ce phénomène est la suivante : dans une période de plusieurs secondes il y a, spontanément, des mo- AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 337 ments de production d'énergie. Les excitations qui coïnci- deront avec ces moments provoqueront des réponses bien plus grandes que les réponses produites par les excitations de même intensité aux moments compris dans l'intervalle des périodes de production spontanée d'énergie. Dans le pre- mier cas, l'effet de l'excitation, qui est une petite production d'énergie, est augmenté de l'énergie qui se serait dégagée spontanément; dans le second cas, on n'a que le petit déga- gement d'énergie dû à l'excitation. La période qui se trouve comprise entre les moments de production spontanée d'éner- gie a été désignée sous le nom de période réfractaire ou pé- riode de faible excitabilité. 2'^ L'effet des excitations électriques varie avec l'intensité ■de l'excitation. Plus l'excitation est forte, plus la grandeur et la durée de l'effet provoqué sont considérables. Des exci- tations très fortes produisent un grand dégagement d'énergie qui se manifeste par une contracture. Pendant une période de contracture, provoquée ou spon- tanée, on n'observe plus de réponses en excitant les centres nerveux. C'est là une inexcitabilité apparente ; l'effet des exci- tations, qui est toujours un dégagement d'énergie, renforce la contracture; il échappe à notre observation. ^ 3° Après une excitation électrique, on observe, entre le mouvement provoqué par l'excitation et les contractions spontanées qui suivent, une période de repos plus grande que celle qui existe entre les mouvements spontanés. Cette période est d'autant plus grande que l'excitation a été plus forte. — C'est là un phénomène analogue à celui du repos -compensateur^ consécutif à l'extra-systole, qui a été décou- vert par Marey. L'explication du repos compensateur est la suivante : l'ex- citation transforme en énergie nerveuse (cinétique) une par- tie de l'énergie potentielle des centres nerveux : cette der- nière se trouvera d'autant plus amoindrie que l'excitation .aura été plus forte. Pour qu'elle augmente jusqu'au niveau AUTOMATISME DES INVERTÉBRÉS. 359 OÙ la production spontanée d'énergie a lieu, il lui faudra un temps d'autant plus long qu'elle aura été plus diminuée par l'excitation. i'^ Des excitations faibles provoquent, en dehors des petits mouvements correspondant à chaque excitation, un ?'alentis- seinent des grands mouvements spontanés. Après l'arrêt des excitations,^ les mouvements reprennent leur rythme anté- FiG. 54. — Repos compensateur. rieur. — L'explication du ralentissement est la suivante : au fur et à mesure que Ténergie potentielle s'accroît, on lui en faitperdre par les excitations de petites quantités, qui se trans- forment en énergie nerveuse (cinétique). Il faudra donc, pour que l'énergie nerveuse augmente jusqu'au niveau oii la pru- duction spontanée d'énergie a lieu, un temps d'autant plus long que les petites pertes subies par elle, du fait des excita- tions, auront été plus nombreuses. S*' Par des excitations fréquentes et d'intensité moyenne, on arrive à supprimer complètement les grands mouvements spontanés et à n'avoir que des réponses correspondant à 360 M. POMPILIAN. chaque excitation. C'est là une synchronisation des réponses avecyes excitations. 6° Si l'on prend des excitations d'intensité très faible et fré- quentes, on n'observe d'autre effet que le ralentissement des contractions spontanées. En augmentant encore la fréquence des excitations faibles, les mouvements sont complètement arrêtés^ inhibés. Ils reparaissent quand les excitations cessent, -wmMmmBmmmmmmîmsmys Fig. 55. — Ralentissement fies mouvements par des excitations fréquentes et faibles. et"quelquefois auparavant, si les excitations se prolongent beaucoup (plusieurs (minutes). Ce phénomène correspond à ce qu'on [appelle : inhibition. L'explication de ce phénomène est la suivante : l'existence des mouvements spontanés nous indique, comme nous l'avons déjà dit, qu'il y a dans les centres nerveux des périodes de production d'énergie ner- veuse (ou de décharge d'énergie). Après chacune de ces pé- riodes, il y a, naturellement, une diminution de l'énergie potentielle. Pour qu'une nouvelle décharge ait lieu, il faut .5 o S S ni 2 CH. HIGHET. aucun rapport avec la force extérieure excitatrice. Il nous suffit de rappeler que tous ces actes s'exécutent mécani- quement, automatiquement, en présence de la conscience qui y assiste comme simple spectateur, et quC;, pour être prodigieusement compliqués , ils sont de même nature que l'acte réflexe élémentaire. Dans l'un et l'autre cas, c'est toujours l'organisation même de l'animal qui détermine la forme de la réaction mo- trice. Mais, pour le réflexe simple, cette organisation est régulière, constante, fatale, déterminée par l'espèce animale. Nulle variété individuelle ne vient changer l'organisation moléculaire, et, par conséquent, la dynamique des centres nerveux. Un hanneton, un crabe, un lézard ont les uns et les autres rigoureusement la même organisation nerveuse que tous les hannetons, tous les crabes et tous les lézards de notre planète. Au contraire, chez les animaux doués de mémoire, les excitations anciennes, innombrables, ont modifié d'une ma- nière durable, moléculairement et dynamiquement, nos centres nerveux. Tout fait, intérieur ou extérieur, chez un animal doué de mémoire, laisse une trace, et une trace du- rable, qui modifie pour toujours et d'une manière définitive notre existence psychologique. La dynamique des centres nerveux d'un chien A n'est pas identique à celle d'un chien B; car le chien A a vu, entendu, et retenu quantité de sou- venirs qui modifient son organisation héréditaire. De là, en dernière analyse, l'importance prépondérante, presque exclusive de la mémoire dans les phénomènes intel- lectuels. Les êtres sans mémoire ont une organisation qui est uniforme, invariable, identique chez tous les individus d'une même espèce. Par conséquent, tous les actes des indi- vidus d'une même espèce sont uniformes, invariables, iden- tiques, suivant qu'ils répondent à telle ou telle excitation. Au contraire, les êtres doués de mémoire, quoique chaque individu ail, au début de sa vie, exactement la même orga- LES HÉFLEXES PSYCIllnUES. 423 nîsation que tous les individus de son espèce, finissent par se différencier les uns des autres; car il leur est impossible de vivre exactement dans les mêmes conditions extérieures; et toute condition extérieure différente, qui est venue à un moment quelconque les affecter, s'est gravée dans leur mé- moire, pour modifier d'une manière indélébile tous leurs actes avenir. Pourtant il existe entre les divers individus ceitaines dif- férences constitutionnelles. A l'origine, l'âme de l'enfant n'est pas une page blanche sur laquelle on écrit ce qu'on veut, et il n'y a pas, à la naissance, entre tous les individus de l'espèce humaine, la même uniformité qui existe entre tous les hannetons, je suppose. Mais les divergences sont moins grandes qu'on peut le supposer. Les mêmes objets font rire, pleurer les nouveau-nés de tous pays; deux nou- veau-nés se ressemblent d'une manière si saisissante par toutes leurs réactions qu'il est difficile de leur attribuer une individualité quelconque . Qui en a vu un en a vu cent mille. Il faut aussi tenir compte, pour expliquer cette énorme divergence, de la complexité prodigieuse des phénomènes. Qui sait l'influence décisive, toute-puissante, que telle exci- tation, insignifiante en apparence, fixée dans le souvenir, exercera sur nos actes ultérieurs? 11 n'est peut-être personne parmi nous qui n'ait eu l'occasion de constater combien, à un moment quelconque de notre vie, une phrase, comme jetée au hasard, a fructifié dans notre intelligence et décidé la direction de notre conduite. Chez tel nouveau-né, une excitation insignifiante, qui n'a pas frappé le nouveau-né voisin, va déterminer une action réflexe et un souvenir. Or ce souvenir est capable de modifier définitivement les réac- tions ultérieures ; un phénomène minime entraînera à l'ori- gine une ligne lég-èrement divergente, laquelle, à la fin, va diverger extrêmement. Plus un appareil est complexe, plus une différenciation 424 CH. lUCHET. minime du début entraîne dans la marche ultérieure de l'ap- pareil une ditîérenciation profonde. Quand nous disons une espèce animale, nous créons une identité qui n'existe jamais avec une netteté semblable dans la nature. Par exemple, l'espèce chien existe assurément; mais il y a aussi des races de chiens ; et Forganisation ner- veuse mentale n'est pas identique pour un caniche, pour un basset ou pour un lévrier. De même, dans l'espèce humaine, l'organisation nerveuse mentale n'est pas identique chez un Arabe, un Nègre, un Chinois, un Européen. En outre, il y a non seulement des races, mais des variétés. Un Celte, un Germain, un Slave, un Latin, n'ont pas la même organisa- tion. Puis il y a de notables différences pour telle ou telle famille de Celtes. Enfin dans la même famille il y a des diffé- rences individuelles de l'organisation nerveuse mentale, au même titre que des traits de la figure ou de la forme du corps. Ainsi je ne prétends pas nier l'individualité, plus ou moins marquée, des nouveau-nés. Je crois qu'il y a en effet chez les divers nouveau-nés quelques différences. Mais elles sont peu marquées, et, si elles s'accentuent plus tard, c'est parce qu'il y a une influence, qui s'accumule, de souvenirs et d'excitations dilTérentes.' Cette variété dans les individus, d'autant plus marquée que l'être est plus compliqué, ne contredit aucunement notre classification des réflexes psychiques en réflexes d'organisation et réflexes d'acquisition. Elle prouve seulement que l'orga- nisation nerveuse des êtres d'une même espèce et d'une même race, quoique étant assez uniforme, n'est cependant pas identique et comporte de nombreuses variations indivi- duelles, portant sur les détails, non sur le fond même des réactions psychiques. § 5. Effets moteurs des réflexes psychiques . — Nous avons dit que les émotions provoquées par les excitations exté- LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 42H rieures déterminent un mouvement réflexe. Sous cette forme, nous énonçons une hypothèse; et il vaudrait peut-être mieux dire qu'il y a eu, en même temps qu'une émotion, un mou- vement réflexe. Cependant il est bien vraisemblable que ces mouvements réactionnels sont dus à l'émotion de l'âme. Sans cette émotion, plus ou moins nettement consciente, il n'y aurait probablement pas de réaction réflexe, et c'est parce que l'émotion existe que la réaction réflexe existe. En somme, les réflexes psychiques peuvent être appelés réflexes d'émotion, car ils coïncident toujours avec une certaine émotion de la conscience, de sorte qu'on est tenté de voir entre le mouvement extérieur excitateur et l'émotion de l'âme une sorte de corrélation nécessaire. Le phénomène moteur peut porter tantôt sur les appareils de la vie végétative, non soumis à l'influence de la volonté (cœur, vaso-moteurs, iris, appareils glandulaires), tantôt sur les muscles de la vie animale (muscles soumis à l'influence de la volonté). Pour les réflexes du premier type les exemples abondent. Le dégoût arrête le cœur (ou l'accélère), fait pâlir la face, contracter les muscles pileux (chair de poule). La lecture d'un livre erotique, ou la vue d'une gravure licencieuse, ou un contact amoureux, amènent l'érection. Un mot injurieux fait rougir. La frayeur accélère les battements du cœur et les rend si tumultueux qu'on est tenté d'appuyer la main sur la poitrine pour en arrêter la violence. Une douleur (morale ou physique) fait couler les larmes. La colère arrête la sécrétion biliaire. La peur produit une sécrétion intestinale, diar- rhéique, abondante; elle suspend la sécrétion salivaire, etc. A la rigueur, on pourrait prétendre que ces mouvements ne sont pas réflexes, et dire qu'ils sont produits, non par l'excitation extérieure elle-même , mais par l'affection de l'âme qu'a provoquée celte excitation. Mais il me paraît que cette distinction est subtile et qu'elle ne change rien à la nature réflexe du phénomène. 426 C.ti. RICHE t. Voici telle histoire erotique, je suppose, qui détermine l'érection. L'érection est caractérisée par la dilatation des vaisseaux, artérioles, capillaires et veinules, de la verge. Il s'agit là évidemment d'un acte réflexe, puisque la cause du phénomène est, au point de vue purement physique, une excitation rétinienne (lecture d'un livre erotique). Cette lecture, en tant que phénomène visuel brut, ne représente assurément rien qui puisse provoquer l'érection; mais elle évoque aus- sitôt certaine affection de l'âme qui fait que les vaso-moteurs de la verge et des corps caverneux sont paralysés. Il y a là une succession d'idées, un mécanisme intellectuel entrant en jeu, dont la fatalité est égale à \i\ fatalité d'un réflexe quelconque, dépourvu de toute ingérence intellectuelle ou psychique, comme le réflexe rotulien après le choc du tendon par exemple, ou la contraction de l'iris à la lumière. La seule diflérence, c'est que, dans le cas du réflexe rotulien, la réponse est simple, le mécanisme plus direct, et que la transformation de l'excitation sensible en excitation motrice ne présente aucune complexité, tandis que, dans le cas de réflexe ero- tique, il faut supposer une complication très grande et une élaboration intellectuelle très compliquée. Il faut que l'exci- tation, partant de la rétine, aille, après une série de transfor- mations et de vibrations nerveuses, déterminer la paralysie des vaisseaux caverneux. D'ailleurs, l'exemple de l'érection va montrer comment le môme phénomène peut être, suivant le cas, automatique, réflexe organique ou réflexe psychique. En effet, dans quelques cas de lésion médullaire, ou de congestion- de la moelle, l'érection survient spontanément, c'est-à-dire sans excitation périphérique appréciable. Il y a paralysie des vaisseaux caverneux par le seul fait de la lésion ou de l'irritation directe des centres nerveux. C'est alors un phénomène automatique, au même titre que l'innervation respiratoire est un phénomène automatique. Dans d'autres cas, par exemple, dans les paraplégies. LES REFLEXES PSYCHIQUES. 427 quand la moelle a été sectionnée, ou détruite, l'irritation périphérique de la verge et du gland détermine le réilexe de l'érection, sans que la perception tactile ait lieu, alors par conséquent que le réflexe ne peut pas être psychique. Enfin, dans la plupart des cas, l'érection est un phéno- mène psychique, en ce sens que les irritations périphériques n'auraient aucune valeur en elle-même, si elles n'étaient accompagnées d'une idéation erotique. Telle odeur, telle parole, tel spectacle, tel contact peuvent provoquer l'érec- tion; alors que ces mêmes excitations, envisagées comme excitations brutes, seraient tout à fait impuissantes à l'ame- ner. Elles ne deviennent efficaces que parce qu'elles sont, dans l'intelligence inconsciente, élaborées de manière à faire naître l'idée erotique, et par conséquent l'érection. Chaque fois qu'une excitation sensible produit une émo- tion quelconque, il y a aussitôt réaction, non seulement d'un des appareils organiques, mais de tous les appareils organiques simultanément. La vibration nerveuse ne se transmet pas seulement au cœur, mais au rythme respiratoire, à l'iris, aux capillaires, aux glandes, aux muscles annexés aux glandes, etc., si bien que, sous Tinfluence d'une émotion, l'être réagit tout entier. C'est là le rôle essentiel du système nerveux. Il établit une relation entre les divers organes. Il fait que le cœur, l'iris, l'intestin, l'estomac, les capillaires périphériques, su- bissant la même influence excitatrice venue du cerveau, ont des mouvements synergiques. L'ébranlement de la moelle par l'émotion cérébrale se répercute sur tous les viscères. Que le dégoût, la frayeur, la douleur ou l'amour nous émeu- vent, et tout notre organisme en ressentira l'effet. Il y aura peut-être un certain degré de localisation, qui fera que le cœur sera, pour telle émotion, plus troublé que l'intestin, et que, pour telle autre émotion, les conduits biliaires se contracteront plus que les capillaires de la face. Mais, en général, le retentissement de l'émotion sera univer- 428 CH. RICHET. sel, et s'étendra à tous les appareils de la vie végétative. En un mot, les réflexes psychiques viscéraux ne sont pas simples et localisés, ils sont presque toujours irradiés et har- moniques. Pour les émotions puissantes, violentes, cela n'est pas contestable : mais cela est vrai aussi pour les émotions plus faibles. Il n'est pas besoin d'une frayeur intense pour que le rythme cardiaque soit modifié. La moindre émotion change le rythme cardiaque et la pression du sang dans les artères. — Les ingénieuses expériences de A. Mosso sont trop connues pour qu'il soit nécessaire de les rapporter en détail. — Le rythme respiratoire est, comme le cœur, soumis à des varia- tions considérables sous l'influence des plus petites émotions sensorielles. Bref, toutes les émotions, grandes ou petites, fortes ou légères, modifient l'état de nos viscères. Il n'y a donc pas seulement des réflexes psychiques viscé- raux, énormes, tels que la syncope de la frayeur, et le vomis- sement du dégoût. Il se produit quantité de petits réflexes psy- chiques, extrêmement faibles, presque imperceptibles, qui agissent perpétuellement sur l'universalité des appareils glandulaires et circulatoires. Ils commencent avec la vie même de l'être, et ne cessent qu'à la morl. Nulle des forces extérieures qui frappent nos sens, et qui déterminent une perception, n'est sans influence sur l'inner- vation du cœur, des muscles inspirateurs, de l'iris, des vaso- moteurs. Tout ce qui provoque une émotion, un sentiment, une affection de l'âme retentit par voie réflexe sur le cœur, les vaisseaux artériels et veineux, l'iris, le rythme respira- toire, les sécrétions glandulaires, les mouvements intesti- naux. Or, comme toute perception détermine, à un degré quelconque, une émotion et un sentiment, il est clair que chaque perception retentit par voie réflexe sur les appareils organiques. Par là est établi le consensus harmonique qui unit l'âme avec les viscères, et qui fait que toute affection de l'âme se répercute sur les viscères. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 429 A l'état normal, quand nos sens sont éveillés, quand, de toutes parts, nous arrivent des sensations visuelles, auditives, tactiles, il y a, par le fait de ces sensations, une série de phénomènes affectifs sur lesquels l'attention se porte avec plus ou moins de force. L'attention ne sert guère qu'à la conscience plus ou moins grande des phénomènes. Elle ne modifie pas leur intensité. Il peut y avoir phénomène affectif sans attention. Par conséquent, qu'il y ait plus ou moins d'attention, les affections de l'àme n'en retentissent pas moins sur les appareils de la vie végétative, de sorte que les centres nerveux supérieurs, oii se produisent les phénomènes affectifs, actionnent constamment la moelle épinièrc, et la maintiennent dans une sorte de tonicité perpétuelle. Ces réflexes sont presque toujours des réflexes d'inhibi- tion. L'arrêt des battements du cœur est un réflexe psychi- que, mais un phénomène d'arrêt. De même, quand une émo- tion morale violente suspend la sécrétion du suc gastrique et provoque l'indigestion, c'est encore un réflexe d'arrêt et une inhibition. En général, les réflexes psychiques que provo- quent les affections ressenties par les centres nerveux sont des réflexes d'arrêt. Aussi cette tonicité , dans laquelle la moelle est maintenue par le fait des excitations cérébrales, est-elle plutôt une tonicité d'arrêt qu'une tonicité d'excitation. Il s'ensuit que la suppression des centres nerveux con- tribue à stimuler les réflexes, comme on le sait depuis les beaux travaux de Setschenoff. Des grenouilles dont l'encé- phale a été enlevé sont bien plus excitables que des grenouilles intactes. Langendorf a montré que des grenouilles aveu- glées étaient plus excitables que des grenouilles normales, comme si les sensations rétiniennes allaient, par un perpétuel réflexe d'inhibition ^ ralentir et diminuer l'intensité des ré- flexes normaux. 1. Cette inhibition n'est pas sans avoir une raison d'être au point de vue e l'évolution et de la nécessité vitale, En effet, les émotions sont, en général, 430 CH. RI C H ET. Il y a donc réellement une sorte d'antagonisme entre les opérations accomplies par les viscères et les excitations psy- chiques. Dès que survient une émotion un peu forte, aussitôt les actions viscérales s'arrêtent. Il se fait une réaction de suspension. Autrement dit, une émotion amène presque tou- jours un phénomène de paralysie viscérale. Si le coeur bat plus fort, c'est que les pneumogastriques sont paralysés; si la face rougit, c'est qu'il y a paralysie des capillaires de la face; si les sécrétions gastrique et salivairc sont suspendues, c'est que les nerfs sécréteurs ne fonctionnent plus; si l'intestin se contracte avec force, c'est que le nerf splanchnique, qui arrête l'intestin, se trouve paralysé. Quoique celte loi de paralysie (viscérale) par les réflexes psychiques ne soit pas absolue, on peut la considérer comme vraie dans la plupart des cas. De ces faits nous pouvons déduire les conclusions sui- vantes : i^ Toute excitation sensible, capable de produire une émotion, forte ou faible, nettement consciente ou à peine consciente, retentit par voie réflexe sur les mouvements des viscères, et modifie^ par conséquent, l'innervation des divers appareils organiques ; 2" Ces excitations sensibles produisent en général des réflexes d'inhibition, comme si la vie psychique était en an- tagonisme avec la vie viscérale ; 3" Par conséquent, la vie de chacun de nos organes iso- lément, et de tous nos organes simultanément, est étroitement unie à la vie psychique de l'individu. Les mouvements qu'une émotion, réflexe ou spontanée, provoque dans les muscles de la vie animale sont variables lies émotions de protection. C'est un danger qui nous menace quand nous éprouvons peur, dégoût ou douleur : et il est bon que la vie viscérale soit suspendue pendant que ce danger est imminent. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 431 et nombreux, et toute analyse méthodique en est difficile. On pourrait les ranger en deux classes : d'abord les mouve- ments physionomiques, puis les mouvements d'ensemble. C'est une division qui est évidemment artificielle. En effet, un mouvement de la physionomie, un geste, une atti- tude, sont évidemment dus à une émotion. Mais que l'émotion devienne plus forte, le geste devient aussitôt plus marqué : au lieu d'un simple mouvement de quelques muscles, il y a mise en jeu de tous les muscles de l'organisme et mouvement d'ensemble énergique. Prenons un exemple qui fera comprendre que toutes les transitions existent entre la physionomie et les actes. Voici un lièvre dans un champ. Il entend à côté de lui un léger bruit. Alors il dresse l'oreille : c'est un geste qui exprime son émotion; et un réflexe très simple. Si le bruit est un peu plus fort, il dresse les deux oreilles et retourne la tête. Que le bruit soit plus fort encore : et il fera un bond. Enfin, s'il s'agit d'un bruit très fort, très effrayant, non seulement il fera un bond, mais encore il détalera à toutes jambes, sau- tant par dessus les fossés, les betteraves, pendant une course d'un kilomètre. On pourrait prendre de même beaucoup de réflexes, et montrer qu'insensiblement, par une série de gradations et de nuances, le geste finit par devenir un mouvement d'ensemble, un acte véritable, de sorte qu'il n'y a aucune démarcation entre les mouvements physionomiques et les autres. A cette classification, j'en préférerais une plus physiolo- gique, qui rentre dans le cadre des lois générales des ré- flexes. En effet, ainsi que j'ai eu l'occasion de le montrer', les deux lois principales des réflexes sont celles de la localisation et de r irradiation. Quand un nerf sensitif est excité, le mouvement réflexe 1. Physiologie générale des mxiscles et des nerfs, p. 513. 432 CH. RICHET. qu'il provoque est d'ahovd /ocalisé, c'est-à-dire qu'il est limité au muscle dont le nerf moteur a une origine médullaire très proche de l'endroit où aboutit le nerf sensitif excité. Mais, si l'excitation est plus intense, le mouvement sera plus étendu; il y aura irradiation de l'excitation dans la moelle; et le mouvement portera non plus seulement sur un seul nerf moteur, mais sur l'ensemble des nerfs moteurs do l'organisme. Pour les réflexes psychiques, il y a aussi d'abord localisa- tion^ puis irradiation^ suivant l'intensité de l'excitant ou le degré de l'excitabilité. Prenons pour exemple le mouvement de retrait de la main consécutif à une brûlure. Descartes a pris cet exemple pour donner le premier une théorie très exacte des actions réflexes. Si l'on touche avec la main un corps très chaud, par exemple un fer chauffé au rouge sombre et qu'on croit froid, dès que le contact a eu lieu, nous retirons vivement la main, et avec une telle vivacité que la main est déjà retirée avant que notre conscience ait eu la notion même de la brûlure. Cet acte est fort intéressant à étudier : car c'est à la fois un réflexe simple et un réflexe psychique. Ou plutôt il est à la limite des réflexes simples et des réflexes psychiques, tel- lement il est bien localisé, nécessitant à peine la mise en jeu des appareils psychiques et une élaboration intellectuelle avec connaissance de l'excitant. On peut en effet supposer que l'excitation des nerfs sensibles agit, presque en dehors de la conscience, sur les centres nerveux de la moelle épi- nière qui commandent le retrait de la main. Supposons que l'excitation, au lieu d'être une chaleur inattendue, soit une véritable petite brûlure; nous retirerons notre main en la secouant à plusieurs reprises, comme pour mieux nous délivrer du contact brûlant, et nous ferons en môme temps un mouvement de retrait de l'autre bras. Il y aura un commencement d'irradiation. r.ES REFLEXES PSYCHIQUES. 433 Si enfin la brûlure est très forte, et la douleur extrême, alors nous exécuterons toute une série de mouvements très étendus, presque violents môme. Ce sera d'abord, et avec une rapidité encore plus grande, si c'est possible, que tout à l'heure, le retrait de la main brûlée : puis ce sera un mou- vement général de recul de tout le corps, un cri laryngé, peut-être une expression d'angoisse sur la figure, avec des larmes et des grincements de dents; peut-être des sauts, des bonds, des mouvements de fuite, etc. : toutes actions ré- flexes dont la volonté ne saura empêcher le cours, et qui sont la conséquence nécessaire de l'excitation cutanée et de l'émotion douleur. L'ébranlement général de la moelle a suivi la forte excitation de la sensibilité. Ainsi, suivant l'intensité de l'émotion, le réflexe psychique a été localisé ou irradié. Pour les autres émotions, nous pourrions observer la même difl"érence entre les mouvements simples, qui sont localisés, et les mouvements plus complexes, qui sont irra- diés. Les mouvements simples sont l'effet d'une excitation et d'une émotion faibles; les mouvements complexes accom- pagnent une excitation et une émotion fortes. Quand un objet est approché vivement de l'œil, il y a un clignement de la paupière; c'est le réflexe psychique localisé. Puis, si l'excitant est plus effrayant, ce réflexe s'irradie, et il y a rejet de la tête en arrière. Enfin, si l'objet est plus mena- çant encore , nous faisons avec tout le corps un saut en arrière, ou même nous prenons la fuite pour nous soustraire au danger. Il conviendrait peut-être encore d'établir une distinction entre les mouvements et les actions. Un mouvement, localisé ou irradié, est la contraction d'un ou de plusieurs muscles, contraction qui suit immédiatement l'excitation nerveuse, tandis qu'une action est un phénomène plus compliqué, moins immédiat, dont le caractère réflexe n'est plus aussi évident. Mais nous avons montré antérieurement que ces actions, si TnMR V- 28 43't CH. RICHET. compliquées en apparence, sont de véritables réflexes d'acqui- sition, dus à l'activité de notre mémoire. Aussi n'est-il pas besoin d'y revenir, sinon pour rappeler que toutes les tran- sitions existent entre les mouvements les plus simples, les plus localisés, et les actions les plus compliquées, les plus générales; entre les réflexes proprement dits, dus à notre organisation héréditaire, et les réflexes plus compliqués, dus aux acquisitions de la mémoire. Le caractère mécanique, c'est-à-dire involontaire, de tous ces phénomènes, est absolument incontestable. Ils méritent donc d'être classés parmi les phénomènes réflexes, mouve- ments involontaires succédant immédiatement à l'excitation d'un nerf sensible. Ce n'est aucunement dire par là que la volonté est sans influence; en réalité la volonté exerce une grande influence sur tous ces réflexes; mais elle ne les produit pas. Mais, outre cette classification, il y en a une autre qui s'impose. En efîct, pour les mouvements de la vie animale, comme pour les mouvements de la vie organique, il y a des réflexes d'iîihibition, aussi nombreux et aussi importants que les ré- flexes d'excitation. Bien souvent la frayeur, le dégoût, la douleur, au lieu de provoquer un mouvement nouveau, arrêtent ou ralentissent un mouvement commencé. Voici, par exemple, un individu qui marche sur une grande route. — Peu nous importe la cause qui le détermine à marcher. — Si rien de nouveau ne survient, il continuera à cheminer en avant, et à faire les mouvements automatiques de la marche. Tout d'un coup, au détour du chemin, apparaît un lion qui lui cause une ter- reui- extrême. Alors le malheureux est, comme on dit, pé- trifié : il ne peut plus faire un pas ; ses genoux fléchissent ; ses jambes lui refusent tout service ; ses mains défaillantes laissent tomber l'objet qu'elles tenaient. Il y a arrêt de la LES REFLEXES PSVCHIOLES. 43;i marche, cessation du mouvement commencé, inhibition des muscles volontaires. Dans la série animale, on trouve quantité d'exemples analogues. La peur, chez beaucoup d'êtres, se manifeste par un arrêt des actions musculaires. L'animal est arrêté, comme disent les chasseurs : la perdrix tenuee n arrêt par le chien, la mésange fixée par un serpent qui la fascine, ne peuvent plus continuer à se mouvoir. L'émotion réflexe ne se traduit plus par un mouvement, mais par une cessation du mouve- ment. Certains animaux, surpris par |une excitation terrifiante, font le mort ( quelques insectes notamment et beaucoup d'araignéosj. Si, pendant qu'une grenouille cherche à fuir, on excite un de ses nerfs sensitifs par un courant électrique violent, elle sera comme paralysée, et ses mouvements de défense et de fuite cesseront subitement. Ainsi les actions psychiques réflexes sont constituées non seulement par des mouvements, mais par des inhibitions da mouvements. Peut-être l'inhibition n'est-elle que secondaire, liée au trouble profond qui survient dans les viscères et notamment dans l'appareil de la circulation. C'est là un point très délicat de physiologie qu'il est impossible d'aborder ici, d'autant plus que nous avons toujours supposé que la réflexion des excitations se faisait dynamiquement, par voie directe, par une influence immédiate exercée sur les cellules nerveuses, sans qu'il soit besoin d'invoquer l'intermédiaire d'un change- ment de circulation dans les centres nerveux, ainsi que quelques physiologistes, Browis-Séquard entre autres, l'ont parfois supposé. Nous admettons donc que l'arrêt des mou- vements est un phénomène dynamique, direct, une influence inhibitrice exercée parles centres nerveux oii siège l'émotion sur les centres qui président à la contraction des muscles qui étaient alors en mouvement. Le meilleur exemple qu'on puisse donner des actions psychiques réflexes d'arrêt portant sur les muscles volon- 436 CH. RICHET. taires, c'est le vertige. Le vertige n'est qu'une des formes de la frayeur. Il a cela de remarquable qu'il est tout à fait involontaire, admirablement adapté aux nécessités vitales, et absolument psychique, puisqu'il implique une notion, déjà assez parfaite, de la nature de l'excitation. En outre, le vertige exerce une action d'arrêt sur tous les appareils organiques, de sorte que, si l'on avait à donner un exemple de réflexe psychique, c'est, je crois, le vertige qu'il faudrait choisir. Rien n'est plus saisissant que cette inhibition générale, produite par une voie réflexe. Suppposons un individu qui, au sommet d'une montagne escarpée, doit passer par une crête très étroite (large en quelques endroits de quelques centimètres à peine), dominant de chaque côté un précipice à pic de plusieurs centaines de mètres de hauteur. Des pas- sages semblables existent dans bien des massifs montagneux (le pont de Mahomet à la Maladetta par exemple). La vue du précipice produit chez la plupart des individus la sensation de vertige, c'est— à-dire un ralentissement des battements du cœur, un arrêt des sécrétions, la pâleur de la face, et en même temps une paralysie de tous les muscles volontaires, si bien qu'on ne peut plus avancer : la tête tourne, les jambes tremblent, et les mains sont sans force. Certains individus, malgré un effort surhumain, ne peuvent pas arriver à se tenir debout : et ils doivent renoncer à continuer l'ascension. Il y a là tout un ensemble de phénomènes réflexes d'arrêt qui portent autant sur les muscles de la vie animale que sur les appareils viscéraux. Le phénomène est réflexe. Gela n'est pas douteux. En effet, supposons qu'un épais brouillard cache absolument la vue des précipices, ne permettant de voir qu'à quelques centimètres devant soi : il n'y aura pas de vertige, et on marchera sur la crête abrupte avec autant de tranquillité que sur la chaussée d'une grande route. Donc, c'est un réflexe qui a été provoqué par l'excitation rétinienne, puisque, LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 437 quand l'excitation rétinienne fait défaut, le réflexe disparaît. Mais il est évident que c'est aussi un réflexe psychique, puisque, en elle-même, la vue des rochers et des pentes escar- pées n'a pas le don d'arrêter les battements du cœur et de paralyser les membres. Ce qui détermine le réflexe, c'est l'appréciation par l'intelligence de ces escarpements, et le jugement porté sur le précipice. Mais ce jugement, cette élaboration intellectuelle, consciente dans son résultat, inconsciente dans son mécanisme, est tout à fait machinale et involontaire ; tellement involontaire, que, malgré tous les efforts de notre volonté, nous n'arrivons pas à donner quelque ombre de force à nos muscles paralysés. Au demeurant, qu'il s'agisse de réflexes de mouvements ou de réflexes d'inhibition, il y a toujours une étroite rela- tion entre le phénomène réflexe qui se manifeste chez tel ou tel animal, et la nécessité vitale : c'est-à-dire que l'acte est toujours adapté aux conditions biologiques de l'animal. Cela est vrai des actes réflexes simples. Cela est vrai aussi pour les actes réflexes psychiques ; le fait psychique ne modifie en rien l'adaptation merveilleuse du mouvement aux besoins de l'être. Mais il faut bien remarquer que, si, pour les réflexes d'organisation, cette loi de l'utilité se vérifie absolument, elle n'est pas vraie pour les réflexes d'acquisition, qui sont telle- ment variables, selon les souvenirs antérieurs, qu'il est parfois bien difficile d'y trouver quelque raison d'être biologique. Nous pouvons, de toute cette discussion, conclure : les mouvements de réponse aux excitations périphériques sont, suivant l'intensité de rémotion, des mouvements localisés, des mouvements irradiés, ou des actes d' ensemble . Ce sont tantôt des phénomènes d'inhibition, tantôt des phénomènes d action. Plus ou moins soumis à Vinfluence de la volonté, ils ne sont pas provoqués et mis enjeu par la volonté; et les uns et les autres semblent avoir pour but d'assurer la vie de l'individu et de l'espèce. 438 CH. RICHET. V. — INFLUENCE DE LA VOLONTÉ SUR LES ACTES PSYCHIQUES RÉFLEXES Pour le mot volonté, nous adopterons le sens général qu'on donne à ce mot, qui est très clair, tant qu'on se con- tente de le comprendre dans le sens vulgaire, sans chercher à pénétrer la nature intime du phénomène. Par exemple, j'écris en ce moment le mot phénomène. C'est là un acte volontaire, dont le caractère volontaire n'est pas douteux, tandis que, si un bruil soudain se t'ait entendre près de moi et me fait tressaillir, mon tressaillement est involontaire. Le caractère involontaire de mon tressaillement n'est pas plus douteux que le caractère volontaire de mon acte d'écrire le moi phénomène . Donc, en admettant que le mot volonté se définit suffisam- ment par lui-même — et c'est, je crois, le parti le plus sage à prendre, — nous devons étudier l'intluence de la volonté sur les réflexes psychiques. La volonté ne peut évidemment modifier les mouvements réflexes qui ont lieu dans les viscères. Elle ne peut agir ni sur le cœur, ni sur l'intestin, ni sur les vaso-moteurs, ni sur les canaux excréteurs des glandes, ni sur les sécrétions lacrymale, biliaire, sudorale, salivaire, gastrique. Aussi tous les réflexes psychiques, viscéraux, sont-ils, non seulement involontaires, mais soustraits à la volonté. Quant aux mouvements musculaires réflexes de la vie animale, ils sont involontaires ; car sans cela nous n'au- rions pas le droit de les appeler réflexes. Pourtant, quoique étant involontaires, ils sont dans une certaine mesure soumis à la volonté. Gomme je l'ai dit à diflérentes reprises, il y a une distinction fondamentale entre un fait voulu, et un fait non voulu, mais que la volonté peut modi- fier. Les actes psychiques réflexes sont des faits non voulus, mais que la volonté peut modifier. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 439 C'est cette influence même de la volonté qu'il faut étudier de près. Ce qui rend cette étude difficile, c'est qu'il y a encore là plus de transitions insaisissables que dans tous les phéno- mènes jusqu'à présent étudiés dans ce travail. Voyons d'abord l'influence de la volonté sur les réflexes simples, non psychiques, des muscles de la vie animale, et prenons pour exemple le réflexe de la toux, qui n'a manifes- tement rien de psychique, et sur lequel la volonté a cepen- dant beaucoup d'influence. La toux est une action réflexe dont le point de départ est dans les nerfs sensitifs du larynx et des bronches. L'excita- tion sensitive, remontant au bulbe, va se transmettre aux centres moteurs de la respiration et détermine)- une expira- tion convulsive brusque, précédée parfois d'une profonde inspiration. L'excitation qui provoque la toux est en général un corps étranger introduit dans le larynx el dans les bron- ches : tantôt ce corps étranger vient du dehors, par un acci- dent quelconque ; tantôt il est représenté par des mucosités bronchiques ou laryngées. Cette toux réflexe est parfois tellement impérieuse que nulle volonté ne peut l'entraver, comme dans le cas de l'in- troduction d'une parcelle d'aliments qui ont pu franchir la glotte. Dans d'autres cas, la volonté peut l'entraver, et cela avec plus ou moins de difficulté. Enfin, la volonté peut presque produire la toux, en ce sens que souvent l'excitant est insi- gnifiant, et que nous toussons parce que nous voulons tousser. Ainsi toutes les transitions s'observent franchement entre les divers degrés de l'inflaence de la volonté, depuis la toux volontaire, jusqu'à la toux que la volonté ne peut absolument pas arrêter. Pour expliquer ces transitions, prenons une comparaison toute mécanique. Soit une force EO agissant sur un point 0 440 CH. RICHET. de manière à déterminer un mouvement. — C'est le cas simple du réflexe direct sans intervention de la volonté. (Nous supposons que l'excitabilité du centre 0, qui représente les centres nerveux, est invariable.) Mais faisons intervenir la volonté : nous pouvons la com- parer à une force antagoniste AO, directement opposée à la force d'excitation du réflexe EO : il se produira alors soit mou- vement, soit absence de mouvement, suivant la différence d'intensité entre les deux forces antagonistes; la force d'arrêt, qui est la volonté, et la force d'excitation, qui est l'excitant réflexe. Le résultat moteur final sera donc fonction de ces deux variables, d'une part la force inhibitrice de la volonté, d'autre part lu force excitatrice de la stimulation. Aussi de fait toutes les transitions s'observent-elles; car on peut concevoir toute une série de gradations entre les intensités de la volonté qui arrête, comme entre les intensités de l'excitation qui stimule. Si la volonté est extrêmement forte, elle parviendra à réagir contre un excitant même assez intense. Mais, quelque puissante que soit la volonté, son influence sera vaincue, si l'excitant a beaucoup augmenté d'intensité. Comme la volonté ne peut pas croître indéfiniment, tandis que l'excitant réflexe peut croître presque indéfiniment, c'est toujours en définitive à l'excitation réflexe que reviendra la victoire, si celte exci- tation est très forte, et la volonté n'aura eu d'autre effet que de retarder le moment oii s'est produit le mouvement. Nous avons jusqu'ici considéré la volonté comme une force d'arrêt antagoniste de l'excitant réflexe : c'est le cas le plus général; mais parfois elle peut produire le même effet que l'excitant, et aller dans le même sens. Autrement dit, elle est parfois, non une cause d'inhibition, mais une cause d'excitation surajoutée à l'excitation réflexe ; de sorte qu'elle peut finir par remplacer l'excitant, et être elle-même le mo- bile du mouvement. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 441 En résumé, nous avons les modalités suivantes : 1° Excitation et volonté... un mouvement; 2'* Excitation et volonté contraire... pas de mouvement; 3° Excitation très forte et volonté contraire. . . mouvement ; 4° Excitation très faible et volonté favorable... un mou- vement. Ce schéma a l'avantage de pouvoir s'appliquer à tous les réflexes psychiques, aussi bien qu'au réflexe non psychique de la toux. Prenons pour exemple le cri réflexe de la douleur. Quand une douleur aiguë nous atteint, nous donnons, en même temps qu'une sorte de grimace convulsive, un cri involontaire qui est franchement réflexe. Eh bien ! ce cri peut être, à tous les degrés, empêché par la volonté ; de sorte que l'arrêt du cri réflexe de la douleur mesure pour ainsi dire la force de notre volonté. Ce crité- rium a été adopté par le langage usuel, si bien qu'on attribue aux divers individus une volonté faible ou forte, selon qu'ils ont, ou non, la force de suspendre le cri involontaire de la douleur. Cette classification est très exacte. Les nouveau-nés crient dès qu'ils souffrent; les enfants^ les femmes nerveuses font de même, tandis que les hommes faits, à volonté énergique, peuvent supporter, sans pousser un cri, des douleurs cruelles. En s'analysant soi-même, on sent très bien que le cri de la douleur est involontaire, mais qu'on peut cependant l'em- pêcher. Il est donc produit par la volonté, mais autorisé par l'absence de la volonté, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Telle personne, très nerveuse, sait parfaitement qu'un léger effort lui suffirait pour ne pas crier; mais elle ne fait pas cet effort : de sorte que c'est presque vouloir crier que ne pas vouloir ne pas crier. On se sert souvent de l'expression se laisser aller, qui est 442 CH. aiCHEÏ. très juste, comme le sont en général ces mots de la langue usuelle qui traduisent des états de conscience communs et simples. On se laisse aller, c'est-à-dire qu'on ne fait rien pour empêcher ce cri de la douleur : parfois même on y aide quelque peu; de sorte que, en dernière analyse, il devient presque impossible de distinguer ce qui est volontaire et ce qui ne l'est pas. En effet, dans certains cas, la volonté aide tellement à ce cri de douleur, qu'il est impossible d'en faire un phénomène réllexe. C'est bel et bien un fait de volonté. Les crises nerveuses, dites attaques de nerfs, sont aussi des phénomènes de ce genre. Elles sont assurément involon- taires. Telle personne voudrait avoir une attaque de nerfs à froid, qui ne pourrait certainement pas la produire. Mais qu'il y ait une cause, même légère, inventée presque, et l'attaque de nerfs survient aussitôt. Certes, elle n'est pas voulue : cependant un très léger elfort — qu'on ne veut pas faire — suffirait à l'arrêter. Un comprend donc bien que toutes les transitions peu- vent s'observer, et que la classification méthodique est impos- sible. On remarquera que, dans toute cette discussion, nous avons considéré le phénomène volonté comme un phénomène primitif, non réductible. Mais on doit considérer la volonté non comme une entité formelle, mais comme la résultante de toutes les acquisitions antérieures. En effet, il n'y a volonté que s'il y a mémoire. Un être sans mémoire est le sujet passif des émotions de la minute présente, qui la font vibrer, sans être empêchées par aucune force contraire. L'excitant agit sur ses sens, éveille telle émotion liée à son organisation nerveuse, et produit le réflexe corrélatif, sans qu'il y ait de réaction possible. Tandis que, si l'être a acquis tels ou tels souvenirs, ces souvenirs, élaborés, modifiés, transformés, peuvent devenir une cause LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 443 d'arrêt pour le réflexe psychique actuel, qui alors ne se produit pas. Le cas le plus simple est celui qui consiste dans l'antago- nisme formel de deux réflexes psychiques qui se contra- rient. C'est un exemple fort instructif; car il nous montre ce qu'on doit entendre par le mot volonté. Prenons l'exemple d'un chien de chasse. Dès qu'il voit partir un lièvre devant lui, aussitôt, par suite d'un réflexe irrésistible, il court après lui en aboyant, et le suit à travers champs. Mais on l'a dressé à résister à cette impulsion presque irrésistible. La première fois qu'il a couru après un lièvre, on lui a infligé une correction ; de même la seconde, de même la troisième fois, et ainsi de suite, jusqu'à ce que cette impulsion innée, héréditaire, ait été vaincue. Alors nous n'avons plus affaire seulement à un réflexe psychique simple, provoqué par la vue du lièvre, nous avons un autre réflexe psychique simultané, qui est représenté par la vue, ou mieux la voix du maître. Le lièvre part, et le chien se met à courir; mais aussitôt son maître l'appelle : cette voix éveille le sou- venir de la correction menaçante, et le chien s'arrête. Il s'agit donc là de deux réflexes antagonistes : un réflexe d'organisation, la vue d'un lièvre qui fait que le chien tend à courir sus au lièvre; et un réflexe d'acquisition, la voix du maître, qui est le souvenir et la menace d'une correction, et qui arrête le chien dans sa course commençante. Ce cas très simple ne peut pas se présenter avec ce même caractère de simplicité chez l'homme, dont les réflexes psy- chiques ne sont jamais simples, sauf dans certaines conditions spéciales. Toutefois, on peut concevoir quelque chose d'ana- logue à l'instinct du chien qui est tenté de courir après un lièvre : c'est le mouvement du chasseur qui voit partir devant lui une pièce de gibier. Machinalement, c'est-à-dire par un acte réflexe très compliqué et qui nécessite une élabo- ration intellectuelle très complexe, il lève son fusil et met 444 CH. RICHRT. en joue. Certains chasseurs sont si automates en pareille matière qu'ils tirent, sans le vouloir, même lorsqu'on leur a recommandé de ne pas tirer. Mais il était trop tard; le coup est parti. Je suppose qu'on a recommandé de ne pas tirer les poules faisanes; il a tiré malgré l'avertissement, quoique ayant parfaitement entendu crier poule... poule, au moment où il visait. Il y a donc eu là deux réllexes psychiques opposés : le premier, réflexe à' excitation, provoqué par la vue du gibier; le second, réflexe à: inhibition, provoqué par les voix des voisins qui tendent à empêcher de tirer. L'acte exécuté est la résultante de ces deux forces inverses, antagonistes, et, si l'exemple est bien plus compliqué que chez le chien, par suite de la complexité, chez l'homme bien plus grande, des associations d'idées, des comparaisons, des jugements, des souvenirs, au fond c'est le même phénomène que chez le chien; c'est la lutte de deux réflexes : un réflexe d'excitation et un réflexe d'inhibition. Chez l'homme, presque jamais les réflexes psychiques ne peuvent se déployer avec toute leur puissance. Ils sont presque toujours ralentis, entravés, modérés, empêchés, par d'autres excitations qui leur sont directement contraires. Soit un réflexe quelconque de dégoût, de douleur ou de peur. Que de causes pour arrêter tous les mouvements qui sont la consé- quence physiologique de cette émotion ! Il est presque impos- sible de supposer une circonstance quelconque où. nous n'al- lons pas être arrêtés par quantité de considérations de toute nature, qui se présenteront simultanément et soudainement à notre esprit. Or ces considérations , ces idées images, auront pour principal eff'et d'arrêter notre impulsion instinc- tive. On peut dire que jamais nous ne nous livrons entière- ment à tout notre dégoût, à toute notre douleur, à toute notre frayeur, et que nous modérons notablement l'expression de ces émotions. En effet, toujours quantité d'excitations inhi- bitoires (souvenirs ou excitants actuels) sont là pour com- battre l'émotion provoquée. Il y a poly-idéisme, c'est-à-dire LES REFLEXES PSYCHIQUES. 445 coexistence dans la conscience de plusieurs idées, qui sont plus ou moins antagonistes des mouvements réllexes qiii tendent à se produire. Dans l'état de somnambulisme, il semble au contraire qu'il y ait mono-idéisme ' ; et qu'une seule idée soit présente à la conscience. Si l'idée (dans l'état de mono-idéisme de l'individu) est une émotion, cette émotion sera absolue, sans réticences, ni hésitations, ni inhibitions, et les réflexes observés seront l'expression presque schématique de cette émotion de l'âme. Par exemple, si devant une somnambule on prononce le mot de serpent, aussitôt elle croira voir un serpent, et elle sera prise d'une terreur extrême; elle poussera un cri d'horreur; sa figure exprimera une frayeur cruelle, et elle se sauvera épouvantée. Toutes les attitudes passionnelles, tous les mouvements de l'âme s'expriment alors avec une puissance de mimique sur- prenante : je doute fort qu'il y ait au monde d'aussi bonnes comédiennes que les pauvres filles ignorantes qui sont magnétisées et hypnotisées. La physionomie et l'attitude sont admirablement expressives, et tous les sentiments, extase, admiration, colère, terreur, dégoût, mépris, menace ou amour, se traduisent avec une si saisissante vérité, qu'on peut à bon droit les appeler schématiques. Ils peuvent servir de types, soit au peintre, soit à l'acteur, pour l'expression vraie des sentiments. C'est que les sentiments éprouvés par les somnambules ne sont gênés par aucune force d'inhibition. Une émotion a ébranlé leur intelligence, et alors, par suite de la constitution même de leur intelligence, cette émotion est devenue souve- raine dominatrice. Rien ne peut plus l'arrêter, l'entraîner. Tout est sombre à côté de cette émotion unique, lumineuse, 1. J'ai signalé ce mono-idéisme des somnambules dans mon mémoire de 1875, et j'en ai fait un des caractères principaux de l'état psychologique des somnambules. 446 CH. IU':HET. exclusive: ce mono-idéisme qui implique l'absolu pouvoir de l'idi'c. Les somnambules sont mono-idéiques, tandis qu'à l'état normal, il n'y a jamais, chez aucun de nous-mêmes, quand la passion est très forte, mono-idéisme aussi complet. Revenons à l'intluence de la volonté sur les réflexes psy- cbiques. Le mot ro/o;î/e emplové dans le langage ordinaire n'est cependant pas un mot vide de sens. Au contraire, il signifie quelque chose de très précis: il signifie cause qui n'est pas exti'-rieure. Reprenons l'exemple, très élémentaire, du clignement de la paupière provoqué parla rapide approche d'un objet. Là je vois parfaitement la relation qui unit le mouvement de la paupière avec l'approche menaçante d'un objet. C'est un acte psychique réflexe, dont le caractère réflexe apparaît à ma conscience en toute évidence. Aussi, quand la paupière s'abaisse, suis-je parfaitement assuré que ma volonté n'est pour rien dans ce mouvement. Je dis donc que c'est un acte involontaire: car je me rends parfaitement compte qu'il a été provoqué par un phénomène extérieur, et que, par consé- quent, il s'agit d'un mouvement réflexe que ma volonté, phénomène intérieur, n'a pas provoqué. De même, si Ton me fait une opération douloureuse, l'arrachement d'une dent par exemple, et si, vaincu par la douleur, je pousse un cri. je saurai très bien que ce cri est un cri réflexe, que ma volonté n'y est pour rien, et je dirai qu'il s'agit là d'un cri involontaire. Au contraire, la force qui m'empêchera de pousser un cri, ou de fermer la paupière, sera, selon toute vraisem- blance, une cause morale, non physique, une idée ancienne, un souvenir, un raisonnement quelconque, dont la nature réflexe m'échappera presque complètement, et alors je dirai que c'est la volonté qui ma empêché de fermer la paupière t de pousser un cri. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 447 Nous avons parlé précédemment des réllexes d'organisa- tion et nous les avons opposés aux réflexes d'acquisition. Cette opposition a lieu bien souvent; bien souvent il y a antago- nisme entre les uns et les autres. Or un réflexe d'organisation a toujours très franchement le caractère d'un acte réflexe invo- lontaire : la vue d'un abîme produit le vertige; l'approche rapide d'un objet provoque le clignement; l'odeur d'une charogne amène le dégoût et l'expression de l'horreur; un bruit sou- dain et violent fait tressaillir; une douleur intense fait crier. Tons ces phénomènes sont réflexes d'organisation^ tellement inhérents à notre propre existence qu'à aucun moment nous ne les soupçonnons d'être volontaires. Vertige, clignement, dégoût, cri de douleur, tressaillement de frayeur, nous savons très bien que ce sont là des actes réflexes, et, par conséquent, nous leur appliquons avec raison l'épithète d'involontaires. Au contraire, le réflexe d'acquisition, qui sera l'antago- niste de ce réflexe d'organisation, aura beaucoup moins aux yeux de la conscience le caractère de fatalité. En effet, il sera sous la dépendance absolue de nos associations d'idées antérieures, et d'une élaboration d'idées très compliquée, fantasque et variable. Le résultat de cette élaboration intel- lectuelle et variable, à laquelle assiste plus ou moins la con- science, est un phénomène dont la cause nous sera inconnue plus ou moins, et alors il nous paraîtra un phénomène de volonté. Cela est d'autant plus vrai que l'excitant réflexe y joue un rôle moins considérable. Quand il s'agit d'une action arrêtée ou d'une action produite, le phénomène que nous appelons volontaire est celui qui est le plus en antagonisme avec le réflexe fatal, involontaire, dont nous apprécions la fatalité. Arrêter un cri de douleur, c'est un fait de volonté; ne pas cligner quand on approche un objet de notre œil, c'est un fait de volonté. H y a antagonisme entre deux forces ; l'une est franchement involontaire, ayant une cause exté- rieure à nous, que nous connaissons; l'autre a une cause intérieure, due à notre conscience et dont nous pénétrons 448 CH. RICHET. mal les ressorts; c'est celle-là, dont la cause nous est inconnue ou mal connue, qui nous paraît volontaire. C'est à cette con- clusion que SpiiNOZA était arrivé. On dit à un sujet somnambulique endormi : « Quand vous vous réveillerez, vous prendrez ce papier et vous le jetterez au feu; vous ferez cet acte, et vous oublierez complètement que vous en avez reçu l'ordre. » Réveillée, cette personne, jetant les yeux autour d'elle, voit le papier en question, le prend et le jette au feu. Et, quand on lui demande pourquoi elle l'a fait, elle dit que c'est parce qu'elle a voiihi le faire. Or, en réalité, il s'agit là d'un réflexe psychique très compliqué. Par suite de Fassocialion d'idées qu'on a imposée à la somnambule, le papier mis sur la table éveille en elle l'idée de le jeter au feu. C'est là une association qu'elle ne connaît pas, mais qui n'en existe pas moins. Peu importe qu'elle établisse ou non cette relation, la relation existe, et son mouvement est un réflexe psychique au même titre que le réflexe de fuite provoqué chez un lièvre par la vue d'un chien. Il est vrai que la somnambule n'a pas conscience du lien qui unit le papier avec le fait de le jeter au feu. Mais le fait de conscience ou d'inconscience des enchaînements intel-- lectuels, qui unissent l'excitation extérieure avec la réponse motrice, ne modifie pas le caractère fatal de cette réponse motrice. Ignorer d'un de nos actes qu'il est réflexe, cela ne ui ôte pas son caractère réflexe. Un schéma va rendre compte de ce que nous voulons dire. Soit l'excitant A qui provoque un mouvement réflexe A' par l'intermédiaire des centres nerveux. Si l'excitant est simple, et s'il s'agit d'un réflexe d'organisation, nous voyons clairement qu'il y a une relation entre A et A'. Appelons B l'émotion unique simple, provoquée par l'excitant A, et nous reconnaîtrons à l'acte psychique A, B, A', le caractère réflexe, fatal, involontaire ^ 1. 11 va sans dire que c'est là un schéma fort grossier, qui n'a jïuère de rapport avec la réalité, et qui ne sert qu'a rendre plus claire ma pensée. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 449 Si le réflexe est plus compliqué, par exemple, je suppose, avec les idées B, C,D,E,F, G,H, interposées entre A et A', le caractère réflexe deviendra plus douteux : et d'autant plus douteux qu'il y aura entre A et A' un plus grand nombre d'idées interposées. Mais enfin, tant que la conscience pourra connaître la chaîne qui unit A' à A, nous serons forcés de reconnaître la nature réflexe du phénomène. Un oiseau part (x\), c'est une sensation visuelle (B), un oiseau (G), qu'il faut tuer (D), qu'il faut tuer avec un fusil (E) : il faut lever le fusil (F), et alors (A') on fait le mouvement d'élévation du fusil. Mais nous reconnaissons encore là le caractère demi- réflexe, demi-volontaire, du phénomène, parce que la con- science saisit la série des chaînons intermédiaires entre l'excitation et le mouvement. Supposons au contraire que ces relations, tout en existant réellement, soient, pour une cause ou une autre, méconnues de la conscience. Le mouvement A' dû à l'excitation A, se produira sans que nous ayons la moindre notion consciente des chaînons B, G, D,E, F, G, H, qui unissent A à A', et font que A' succède à A. C'est le cas de la somnambule qui ignore ces chaînons intermédiaires, et jette au feu le papier (A'), sans savoir pourquoi elle fait cet acte, puisque les chaî- nons B, G, D, E, F, ne sont plus dans sa conscience. Ne sachant pas pourquoi A' succède à A, elle attribue le fait A' à une force quelconque qu'elle suppose résider en elle, dépendre d'elle, et qu'elle nomme la volonté. C'est là assurément une illusion; mais nous partageons tous cette illusion; et, quand nous parlons de volonté, nous pouvons dire que les actes appelés par nous volontaires sont seulement des réflexes psychiques très compliqués dont le mécanisme échappe à notre conscience. Nous ne saisissons pas les chaînons intermédiaires, et l'illusion s'impose à nous que c'est la volonté qui a agi : illusion puissante, qu'il est tout à fait inutile de combattre, puisqu'elle semble faire partie intégrante de notre constitution psychique. T n M R Y. 29 430 CHARLES RICHET. Autrement dit, si tovTs nous n'étions pas plus ou moins amnésiques, c'est-à-dire si la conscience avait présents tous les souvenirs qui existent dans l'intelligence, nous n'aurions pas l'illusion de notre volonté, entité factice due à l'igno- rance oii est la conscience des causes vraies qui nous déter- minent. Nous oublions; et c'est parce que nous oublions que nous croyons à notre volonté. Celui qui n'aurait rien oublié et qui saisirait d'un coup d'oeil toutes les relations des sou- venirs antérieurs avec l'excitation actuelle, celui-là se gar- derait bien de croire à sa volonté, et il trouverait que le mécanisme de ses actes est aussi fatal, quoique bien plus compliqué, que les mécanismes rétlexes les plus simples. Mais l'étude, suffisamment détaillée, de ce grand pro- blème, ne saurait être tentée ici. J'ai seulement voulu mon- trer comment la volonté, laquelle aboutit le plus souvent à arrêter les réflexes, peut être le plus souvent considérée comme un réflexe psychique d'inhibition. THÉORIE, C0NCLUSI0>'S ET RÉSUMÉ Les détails dans lesquels nous avons dû entrer ont peut- être fait perdre de vue l'enchaînement des phénomènes qui commencent par les actes réflexes simples, élémentaires, pour finir aux actions psychiques les plus compliquées, les plus obscures, et en apparence les plus abstraites. Reprenons donc cet enchaînement; et dégageons-le de tous les faits de détail, de manière à avoir une vue d'en- semble. Le tout sera assurément hypothétique en certaines parties, mais il aura cet avantage d'être clair, méthodique, et d'une compréhension facile. Ce sera le lien de la psycho- logie et de la physiologie, puisque nous partons d'un phé- nomène physiologique élémentaire (acte réflexe) pour aboutir à un phénomène psychologique complexe (acie volontaire). L'acte nerveux le plus simple est l'acte réflexe. Une exci- LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 451 tation sensible arrive aux centres nerveux et détermine la vibration de ces centres, vibration qui se propage aux nerfs moteurs qui en dépendent et produit un mouvement. Cet acte réflexe est tantôt conscient, tantôt inconscient, sans que le caractère de conscience ou d'inconscience l'em- pêche d'être rétlexe, c'est-à-dire involontaire. Il peut même se faire que la volonté soit capable de ralentir ou d'empêcher ce réflexe. 1\J ai s, quoique la volonté puisse l'empêcher d'appa- raître, il n'en est pas moins, quand il se produit, involontaire, c'est-à-dire déterminé par un excitant extérieur autre que la volonté. Si l'excitation est intense, la vibration nerveuse est forte, et le mouvement réflexe qui en résulte est énergique. Si l'excitation est faible, la vibration nerveuse est faible, et le mouvement qui en résulte, peu accentué. Autrement dit, toutes conditions égales d'ailleurs dans l'excitabilité des centres nerveux, le mouvement réflexe est proportionnel à l'intensité de l'excitation sensible. Mais si à ces centres nerveux élémentaires viennent se surajouter d'autres centres nerveux plus parfaits qui jugent la nature de l'excitation, et qui adaptent la réponse motrice non plus à l'intensité de l'excitation, mais à la nature de l'excitation, alors ce n'est plus un acte réflexe simple, c'est un réflexe psychique, c'est-à-dire un acte qui suppose une élaboration intellectuelle, plus ou moins rudimentaire, sour- dement consciente ou pleinement consciente, qui rend la réponse motrice conforme non à la quantité, mais à la qualité de l'excitant. En effet une réaction qui n'est pas en rapport direct avec l'intensité de l'excitant, perd son caractère physiologique pour prendre le caractère psychologique. C'est encore un mécanisme, puisque la réponse est fatale, étant donnée telle ou telle excitation portant sur tel ou tel organisme; mais c'est en outre un mécanisme doué d'un certain degré de 4b2 CHARLES RICHET. conscience, puisqu'il sait s'adapter aux conditions extérieures. La conscience existe d'ailleurs, à tous les degrés, et ne modifie en rien la nature fatale de la réponse motrice, qu'il s'agisse du plus infime des êtres ou de l'homme. Quoique le plus souvent il y ait une distinction formelle à faire entre le rétiexe simple, sans discernement d'aucune sorte, et le réflexe psychique accompagné d'un discernement plus conscient, toutes les transitions s'observent entre le réflexe simple et le réflexe psychique compliqué. Quand la rétine est excitée par une plus ou moins grande quantité de lumière, l'iris se contracte, plus ou moins, par voie réflexe : c'est un réflexe non psychique, puisqu'il n'y a aucune appré- ciation de la qualité de l'excitant. Mais il y a pourtant, dans cette contraction de l'iris, une sorte d'adaptation à la plus ou moins grande quantité de lumière, puisque, en se contrac- tant plus ou moins, l'iris laisse arriver jusqu'à la rétine plus ou moins de rayons lumineux. Un degré de complication plus avancé, c'est l'adaptation du cristallin, par l'iris et le muscle ciliaire, à la distance des objets : il y a là une sorte d'appréciation vaguement consciente. Aussi le réflexe de l'accommodation est-il un réflexe psychique. Mais on comprend combien ce réflexe psychique élémentaire est voisin de l'acte réflexe simple. Nous pouvons ranger les réflexes psychiques en deux groupes : les réflexes d'adaptation et les réflexes d'émo- tion. Les réflexes d'adaptation sont les mouvements annexés aux organes des sens. Tout à fait automatiquement l'encéphale règle les mouvements des appareils sensoriels d'après la nature de l'excitant. Quand une lumière frappe l'œil, quand un son frappe l'oreille, il se fait dans les organes moteurs de l'œil et de l'oreille une série de mouvements réflexes plus ou moins compliqués, qui ont pour elTet de mettre au point le son ou la lumiô: • en question. Ce sont des réflexes psy- LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 4o3 chiques; car il faut l'apprécialion, quelque rudimentaire et automatique qu'elle soit, des forces extérieures qui agissent sur nos sens, au point de vue de la distance, de la direction difl mouvement. La conscience de ces réflexes est très vague, et, si l'on réserve le mot de conscience, comme cela me paraît presque indispensable quand on ne veut pas tomber dans une inex- tricable confusion, aux phénomènes dont nous avons la per- ception claire et distincte, accompagnée de mémoire, de comparaison avec le passé, d'appréciation et de jugement, nous dirons que ces réflexes se passent en dehors de la con- science. La conscience de ces réflexes est une sorte de con- science sourde, locale, qui ne dépasse pas l'étroite limite des centres nerveux où se produit cette rapide et rudimentaire élaboration. Les réflexes d'émotion sont infiniment plus variés et plus complexes. En effet l'excitation sensible parvenue aux centres ner- veux peut provoquer une émotion, qui affectera la conscience d'une manière agréable ou désagréable. Le réflexe qu'elle produira alors ne sera plus un réflexe simple, mais un réflexe dépendant de l'émotion. Si l'oiseau s'enfuit eff"rayé devant un serpent, ce n'est pas par suite de l'excitation rétinienne, plus ou moins intense, c'est parce qu'il a eu peur : l'émotion peur est le mobile de ce mouvement de fuite; et l'excitant lumineux n'est intervenu dans ce mouvement réflexe que pour provoquer l'émotion peur. Mais, pour que l'excitation rétinienne amène la peur, il faut une certaine élaboration intellectuelle, un travail psy- chique, qui transforme la vibration nerveuse, faible ou forte, de quantité importante ou insignifiante, en une vibration des centres nerveux qui devient toute différente, qui n'est plus en rapport avec V intensité, mais avec la qualité de l'excitant, et qui est une émotion. FiG. 61. 454 CHARLES RICHET. Les schémas ci-joints indiqueront la différence de ces trois modes de l'activité nerveuse. Dans la figure 61 il s'agit d'un réflexe simple. L'excitation de la surface sensible S se transmet au centre nerveux B et retentit sur un centre moteur voisin A. La vibration centripète SB devient une vibration du nerf moteur centrifuge AM. et se transmet au muscle M, qui se contracte. La figure 62 indique un réflexe d'adaptation. L'excitation sensible se transmet au centre nerveux B, puis elle va àun centre nerveux D, qui élabore l'excitation. Or, le centre D vibre plus ou moins fort, non plus selon la quantité, mais selon la qualité de l'excitation, et finalement il transmet son ébranlement au centre moteur A, et au muscle M. C'est le réflexe d'adap- tation. La figure 63 indique un réflexe d'émotion. Le nerf sensitif SB ébranlé transmet son excitation au centre B et, de là, gagnant les centres nerveux supérieurs, va ébranler le centre de l'émotion D, oii une émotion spéciale se produit. Cette émotion détermine des mouvements d'ensemble, liés non plus à l'excitation SB, qui, en elle-même, est devenue indifférente, mais à la vibration du centre D. Toutes les fois que les centres D de l'émotion seront atteints, les mêmes mou- vements, plus ou moins forts, selon l'intensité de la vibration de D, auront lieu, que l'exci- tation vienne de la surface S, ou de la sur- face S', ou de la surface S ', comme on le voit dans la figure 64. Le résultat sera toujours le même, quel que soit l'excitant, et quel que soit le nerf excité si le centre D s'est mis à vibrer. Sa vibration provoquera fatalement une vibration des centres moteurs A, A', A" liée à la vibration du centre émotif D. On remarquera que les réflexes simples et les réflexes LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 4bc FiG. 63. d'adaptation portent sur un ou deux muscles, tandis que les réflexes d'émotion portent sur un très grand nombre de muscles, et probablement, pour peu que la vibration de D soit forte, sur tous les appareils orga- niques. On comprend pourquoi ce réflexe d'émotion est appelé psychique. C'est que l'émotion du centre D est tout à fait psychologique (ou alors le mot psychologique est vide de sens). Car l'émotion est un fait de conscience, une afTection de l'âme, tandis que les centres moteurs ne sont excités que proportionnellement à l'intensité de cette affection psy- chique. La quantité de l'excitation des nerfs sensitifs ne joue directement aucun rôle; c'est le degré d'excitation du centre émotif qui fait tout. Ce qui rend le phénomène très complexe, c'est que presque toujours, pour une seule et même excitation, les trois réflexes ont lieu simul- tanément, de sorte qu'il faut superposer les figures 61, 62, 6H, pour avoir la conséquence d'une excitation sensible, qui provoque en même temps un réflexe simple (61), un réflexe d'adaptation (62) et un réflexe d'émotion (63). FiG. 64. Tels sont les phénomènes qui se passent chez les animaux non doués de mémoire. Or, comme l'organisation est presque identique chez les animaux de même espèce, de même race, de môme âge et de même sexe, en leur état physiologique normal, il s'en- suit que telles excitations qui font vibrer le centre D chez 45C CHARLES RICHET. une tortue, je suppose, feront vibrer le centre D chez toutes les tortues. Quoiqu'il n'y ait aucun rapport physico-chimique appréciable entre tel excitant qui fait vibrer le centre D et la vibration de D. il suffit de constater que cet excitant a fait vibrer le centre D chez une tortue, pour qu'il fasse vibrer de même le centre D de toutes les tortues. Bien plus, les animaux étant les uns et les autres con- struits sur un type très uniforme, en général ce sont les mêmes excitations qui, chez les espèces voisines, font vibrer le centre D. Il existe ainsi un petit nombre d'émotions élémen- taires, la peur, le dégoût. Ja douleur, la colère, le goût, l'amour, qui sont toutes en rapport, et à peu près de la même manière, d'une part avec certains mêmes nerfs sensitifs à peu près également excitables, d'autre part avec les mêmes appareils musculaires auxquels elles communiquent des mouvements synergiques. Ce qui est amer pour l'homme est amer pour le chien, le lapin, l'oiseau. Les bruits soudains et inat- tendus provoquent la frayeur et le clignement chez presque tous les animaux. Surtout les phénomènes de douleur sont, dans toute la série animale, provoqués par une seule et unique cause, l'excitation intense et prolongée des nerfs de sensibilité générale. La science est bien loin de pouvoir expliquer par la con- stitution même des cellules nerveuses pourquoi tel ou tel excitant provoque telle ou telle émotion. On peut même dire que nous ne savons absolument rien à cet égard. Mais une loi très générale apparaît cependant : c'est qu'il y a une relation entre la destination de l'animal elles émotions attrac- tives ou répulsives que lui inspirent les forces extérieures environnantes. 11 semble que les êtres vivants soient orga- nisés pour vivre et pour se reproduire; et que leurs réflexes — psychiques ou autres — soient conformes à leur destination. La loi de la sélection naturelle, que Dahwix a admirablement mise en lumière, permet de comprendre comment, par la concurrence vitale et l'hérédité, les réflexes utiles à la vie LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 457 des animaux ont été acquis par eux de manière à faire partie intégrante de leur organisation anatomo-physioiogique. La strychnine et la quinine, qui sont amères, sont des poisons; le lait et la viande, qui sont des aliments, sont agréables au goût. Les brûlures, qui détruisent nos tissus, nous font souf- frir. Les bruits soudains nous effrayent et nous avertissent d'un danger inconnu. L'attraction irrésistible du mâle pour la femelle, et celle de la femelle pour le mâle, assurent la perpétuité de l'espèce. Il y a, en un mot, une nécessité vitale qui paraît être la raison d'être de toutes les émotions et des réflexes qu'elles provoquent. Quoi qu'il en soit, toute explication immédiate étant impossible, on est forcé d'admettre que la cause de ces divers réflexes est dans V organisation de l'animal. Aussi pouvons- nous les appeler réflexes psychiques à' organisation. Mais, si l'animal est doué de mémoire, ces réflexes psy- chiques prendront une complication prodigieuse. En efl'et, l'animal, tout en conservant ses réflexes d'organisation, en aura acquis d'autres, qui seront différents des premiers, et qui ne seront plus seulement en rapport avec l'organisa- tion héréditaire de l'animal, mais encore avec ses souve- nirs, et avec les acquisitions spéciales de sa mémoire. Le phénomène émotion ne sera plus, pour tel ou tel excitant, général à tous les êtres de même espèce; il sera spécial à tel ou tel individu de cette espèce, par suite d'une association d'idées acquise par lui au cours de sa vie. Ce sont ces réflexes que je proposerais d'appeler réflexes à' acquisition ou indivi- duels, par opposition avec les autres réflexes psychiques qui sont réflexes à' organisation et génériques. Assurément la mémoire ne peut pas créer de nouvelles émotions, ni changer de fond en comble la réponse motrice consécutive à telle ou telle émotion. Hais elle peut établir des relations imprévues entre tel excitant et telle émotion. Déjà, dans les réflexes psychiques d'organisation, le rapport était assez imprévu, établi seulement par la destination biolo- 4:i8 CHARLES RICIIET. giqiie de l'animal, non par l'intensité même de l'excitant. Eh bien! dans les réflexes d'acquisition, ce rapport entre l'excitant et l'émotion est plus imprévu encore, puisqu'il dépend des souvenirs acquis par l'animal. Un chien tremble quand il a peur. Qu'il voie un loup, ou un lion, il tremblera de peur. C'est un réflexe psychique d'organisation héréditaire, et commun à tous les chiens. Mais la vue d'un fouet ne fera trembler un chien que si ce chieu, par la puis- sance du souvenir, associe l'idée de fouet à l'idée de correction doulou- reuse. Aussi, parmi ir / I \ ''^v^'' «^ ^ - jçg chiens, celui-là l i ^«» seul quia été fouetté tremblera de peur à la vue d'un fouet. Le schéma ci- contre (figure 65), explique tant bien que mal le phéno- mène. Parmi les innombrables excitations sensitives S, S', S", S'", il n'y a que l'excitation SB qui puisse faire vibrer le centre émotif D, comme si le centre T les absorbait toutes, de manière à ne laisser que l'excitation SBT parvenir au contre D. C'est ainsi que les choses se passeraient depuis le commencement jusqu'à la fm de la vie chez un animal sans mémoire. Mais, chez l'animal doué de mémoire, une relation s'est fortuitement établie entre l'idée B et l'idée B', do sorte que la sensation S'B'B, va provoquer le même eîTet que la sensation SB. Une relation accidentelle, une associa- tion imprévue, individuelle, sera faite entre B' et B, de sorte qu'alors l'excitation de B' amènera, comme l'eût fait SB, l'excitation de B, et par conséquent la vibration du centre D. FiG. 6^ LES REFLEXES PSYCHIQUES. 430 Dans l'exemple du chien fouetté, l'excitation organique provoquée par un châtiment douloureux est SBT, qui fait vibrer les centres D de la peur. A l'état naturel, par suite de son organisation héréditaire, tout SBT fera naître la peur, et rien que SBT. Mais si plusieurs fois la vue d'un fouet (S'B') s'est trouvée associée à la correction (SB), il suffira de la vue du fouet pour faire naître Témotion D, par suite de la rela- tion par association qui établit entre B' (la vue du fouet) et B (le châtiment). Les réflexes psychiques les plus compliqués de l'homme peuvent se ramener à cette forme relativement simple. Les souvenirs et associations d'idées font que certains excitants deviennent efficaces à produire Témotion, quand par eux- mêmes ils ne signifient rien pour l'être sans mémoire. Le langage, c'est-à-dire, au point de vue qui nous occupe, Tin- fluence des mots sur les idées et sur les sentiments, fait que chez l'homme presque toujours les émotions et les réflexes émotifs sont des phénomènes réflexes d'acquisition. Il est facile de comprendre comment, plus la mémoire se développe, plus la complication devient grande, indéfinie pour ainsi dire. On peut dire que ces réflexes psychiques d'acquisition sont des réflexes intelligents : car ils sont propres non à l'espèce, mais à l'individu. Ils dépendent de sa mémoire plus ou moins puissante, et de la faculté d'association et de géné- ralisation des idées antérieures et des souvenirs. Mais, quoique ces phénomènes soient intelligents, ils n'en sont pas moins mécaniques; car la volonté semble n'y jouer aucun rôle, et leur production, quelque compliquée qu'elle soit, est fatale autant que le réflexe le plus simple. D'ailleurs, entre un réflexe psychique d'organisation, même très simple, et un réflexe psychique, même très com- pliqué, d'acquisition, toutes les transitions s'observent. Ainsi un bruit soudain fait fermer la paupière et tressaillir (si le bruit est inattendu, strident, et si l'individu est émotif). Mais 460 • CHARLES RICHET. tout ce qui éveillera en nous l'idée d'un danger pourra nous faire de même tre.ssaillii'. Si le soldat, dans une bataille, entend une balle siffler près de sa tète, il baisse la tète et tremble, ce petit bruit ayant acquis une valeur spéciale, par suite de sa signification non douteuse, quand elle est perçue par un être intelligent. L'aéronaute pâlira et tremblera de frayeur s'il entend se déchirer le tissu de son aérostat. C'est un bruit insignifiant, qui a, dans ce cas spécial, pris une colossale importance : car l'aéronaute qui Tentend sait que ce bruit signifie une chute épouvantable imminente. On voit par ces exemples que l'acte réflexe, qui est le phénomène nerveux élémentaire, peut acquérir graduellement une pro- digieuse complication. // ij a donc des réflexes psychiques d'instinct [réflexes génériques ou d'organisation) et des réflexes psychiques d'in- telligence [réflexes individuels d'acquisition). Les excitations réflexes peuvent porter soit sur les appa- reils organiques (glandes lacrymales, sudorales, biliaires, urinaires, gastriques ; conduits excréteurs de ces glandes ; cœur, vaso-moteurs, iris, muscles de l'intestin et de l'esto- mac), soit sur les muscles de la vie animale. En général l'effet sur les appareils organiques est peu connu de la con- science, par suite de l'inconscience des mouvements orga- niques, tandis que l'effet produit sur les muscles de la vie animale est parfaitement connu de la conscience, par suite du sens musculaire qui fait que toute contraction de ces muscles est parfaitement consciente. Les changements produits par voie réflexe psychique dans les appareils glandulaires ou les muscles à fibres lisses sont en général des phénomènes d'inhibition : ils ne sont pas localisés, et, pour peu que l'émotion soit forte, tous les tis- sus glandulaires et musculaires lisses reçoivent le contre- coup de l'émotion psychique. On peut même dire que toute LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 461 excitation sensorielle, forte ou faible, parfois même très faible, se fait sentir dans l'innervation des glandes et des fibres lisses, établissant ainsi une sorte d'harmonie entre la vie psychique et la vie organique de l'individu. Les exci- tations sensorielles (c'est-à-dire les excitations lumineuses, auditives, olfactives, tactiles, qui, à l'état normal, sans cesse ébranlent les appareils nerveux psychiques) font que les centres nerveux psychiques sont dans une sorte de tonicité incessante qui est directement antagoniste de la tonicité médullaire. Il y a une sorte de circidus nerveux perpétuel qui va des appareils sensoriels aux centres nerveux psychiques, et qui a pour effet de ralentir et de diminuer les phénomènes nutritifs et la circulation des viscères. Sur les muscles de la vie animale les émotions de l'âme agissent en provoquant un mouvement simple et localisé, si l'émotion est faible, un mouvement de plusieurs muscles, si l'émotion est forte, et enfin, si l'émotion est plus forte encore, un mouvement d'ensemble, une réaction générale de tout l'organisme. Ces phénomènes réflexes sont tantôt des mouvements, tantôt des inhibitions de mouvements. Ils sont toujours con- scients, puisque, d'une part, l'émotion est consciente, et que, d'autre part, les contractions musculaires sont aussi con- scientes. Tous ces phénomènes réflexes sont involontaires; mais, comme la volonté agit sur les muscles de la vie animale, il s'ensuit que les mouvements, quoique réflexes et involon- taires, peuvent être dans une certaine mesure modifiés par la volonté. A cet égard, toutes les transitions s'observent. Il y a des réflexes psychiques que la volonté ne peut pas gêner ou ralentir. Il y en a d'autres qu'un léger effort peut arrêter : et enfm il y en a qui ne se produisent que si la volonté vient les aider puissamment. 462 CHARLES RICHET. Il est donc tout à fait impossible de tracer une démarca- tion qui ferait deux classes de mouvements : mouvements réllexes d'une part, mouvements volontaires de l'autre; car certains mouvements rétlexcs sont tellement autorisés par la volonté, et même aidés par la volonté, qu'ils deviennent presque volontaires. Il est à remarquer que les mouvements qui ont le plus franchement le caractère réflexe sont les mouvements réllexes d'organisation. Ceux-là, profondément inhérents en nous, ont tout à fait le caractère d'une réponse fatale à l'excitation périphérique, et leur nature réflexe ne peut être méconnue de la conscience. Au contraire, les réflexes d'acquisition, dont la complication parfois est extrême, paraissent bien moins réflexes que les réflexes d'organisation. Ce sont ceux-là que la volonté semble autoriser, aider, favoriser, de sorte qu'ils sont à demi volontaires, sans cesser pourtant d'être stimulés par un excitant extérieur. Ainsi le caractère volontaire d'un mouvement semble être lié à sa complication. Quand la conscience saisit nette- ment le rapport qui unit l'excitant périphérique et la réactiou motrice, elle range cette réaction motrice dans la classe dos phénomènes réflexes. Mais, si cette relation est plus obscure, si une longue et compliquée élaboration intellectuelle, due à des souvenirs individuels et à des associations fortuites, réunit l'excitant à la réaction, nous sommes tentés d'appeler le phénomène moteur qui se produit phénomène à demi volontaire. Il nous paraîtra même d'autant plus volontaire que la complication en sera plus grande. Et nous le jugerons tout à fait volontaire, quand il sera très compliqué, et que les liens d'association qui unissent l'excitant à la réaction ne seront plus accessibles à la conscience. S'il y a quelque obscurité dans cette explication, ou la comprendra mieux, je pense, en examinant le schéma sui- vant (figure 66). Soit une série d'excitants sensoriels SB, Sj B, , S^B.,, etc. Parmi ces innombrables excitations, une seule à LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 463 l'état naturel, c'est-à-dire chez iin animal non doué de mé- moire, et n'agissant que d'après les lois de son organisation héréditaire, est capable d'agir sur le centre D de l'émotion : c'est l'excitant SB. Tous les autres n'ont aucun effet émotif sur le centre D. Supposons alors qu'il y ait une excitation SBT; elle agira sur le centre D, et nous nous rendrons compte tout de suite que les mouvements réflexes DA, DA , DA" sont réflexes, non volontaires, ni spontanés. Mais, s'il est établi, par suite de Ja mémoire de l'individu. FiG. 66. une série d'associations fortuites (et il y en a un nombre presque indéfini, peut-être mille, dix mille, que sais-je ?) entre B, B^, B^, B3, B^, B., B^., etc., il suffira d'un excitant S^ Bg pour provoquer l'émotion D. De proche en proche, très rapi- dement, les centres Bg, B^, B,^, B3, B2, Bj, vont vibrer, et alors le centre D sera ébranlé. Le mouvement paraît encore réflexe si la conscience assiste à cet enchaînement; mais, quand il est très compliqué, un grand nombre des chaînons intermé- diaires ne sont pas perçus par la conscience, et alors l'émo- tion D paraît spontanée; car nous n'en connaissons pas la cause. C'est à peine même si nous savons que cette cause existe; car ce que nous voyons surtout apparaître, ce sont 464 CHARLES RIGHET. les mouvements DAM, DA'M', DA"M" que nous disons spon- tanés et que nous attribuons à notre volonté. Ainsi nous croyons pouvoir dire que les mouvements spontanés sont ceux pour lesquels la relation entre l'exci- tant et la réaction nous est inconnue. Celte relation existe dans l'intelligence; elle n'existe pas dans la conscience. Assurément tous les mouvements que nous exécutons sont dus à des émotions ; mais ces émotions sont tellement modifiées, ralenties, entravées par des émotions contraires et différentes, qu'elles n'ont le plus souvent aucune ressem- blance avec l'émotion simple, naturelle, schématique, qu'on observe chez les animaux inférieurs, ou, chez l'homme, dans l'état, très rare, de monoidéisme. Le polyidéisme est la règle constante de tous nos actes : et cette complication, ce mé- lange d'excitants de toute sorte, d'intensité incessamment variable, qui tantôt stimulent, tantôt arrêtent, tantôt ralen- tissent, tantôt accélèrent l'efTet des excitations périphériques actuelles, est notre vie psychique. Moins ce travail d'élabora- tion est accessible à la conscience, plus le phénomène moteur paraîtra volontaire et spontané. En définitive, l'acte réllexe doit être considéré comme le type le plus simple de l'activité nerveuse; et tous les actes, même ceux qui ont le plus nettement le caractère de la spon- tanéité et de la volonté, peuvent être assimilés à dés actes réllexes. APPENDICE HISTORIQUE La connaissance des réflexes psychiques remonte à Des- cartes. On sait que ce grand homme , le premier, a eu l'idée nette et formelle de l'action réflexe, quoique le mot de réflexe n'ait pas été prononcé par lui. A vrai dire, il n'a pas séparé, comme nous le faisons aujourd'hui, le réflexe simple, médullaire, du réflexe psychique, cérébral, oii la conscience et l'intel- F.ES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 465 ligence interviennent pour modifier la réponse à l'excitation. Dans son traité de l'Homme, il donne des figures schéma- tiques qui traduisent sa pensée à cet égard. On nous per- mettra de reproduire un de ces passages avec la figure qui y est jointe ' : « Si ignis A sit prope pedem B, particulaî istius ignis celerrime agitatœ vim habent secum movendi partem cutis in hoc pede quam tangunt et trahentes hoc pacto filamentum c c quod ei annexum vides, eodem momento aperiimt ori- ficium pori d e, ubi terminatur filamentum illud; quemadmodum trahendo unam funis extremitatem, campa- nam, quœ pendet ab extremitate altéra, eo- dem lempore sonare facimus. Ubi vero ori- ficium pori seu parvi ductus d e ita apertum est, spiritus animales ventriculi F eum ingrodiuntur, et hac via feruntur partim in musculos, quibus pedem ab igné retrahimus, partim in eos quibus oculos et caput obvertimus, ut res- piciat ignem, et partim in eos quibus manum extendimus, totumque corpus ad ejus defensionen inflectimus. Verum spiritus animales per eumdem ductum f/ e etiam in plures alios musculos deduci possunt. » En un autre endroit Descartes est encore plus explicite : « Ut dicam in quo consistât dispositio naturalis, sciendum FiG. 67. 1. Édition de Louis de la Forge, Amsterdaiii, 1673, p. 58. TOME V. 30 m CHARLES RICHET. est, Deum, formando hœc filamenla, sic disposuisse illa, ut via», quas reliqiiit interea, spiritus corta quadam actione motos, ducere possint versus omnos nervos quo ire debent, ut eos- dem in hac machina motus faciant, ad quos incitare nos posset similis actio, secundum instinctus naturœ noslrse. Ut hic ex. gr. ubi ignis A urit manum B, facitque ut spiritus ingredientcs in ti tendant versus 0, inveniunt lii spiritus duos j)oros, seu vias priecipuas OR et OS, c quibus unus nempc OR, ducit eos in omnes nervos qui exlernorum membrorum mo- tui inserviunt, modo requisito ad evitandam vim hujus aclionis, videlicet in eos, qui retrahunt ma nus aut brachium aut totum corpus, in eos nervos qui caput et oculos convertunt ad hune ignem, ad videndum distinclius quid facto opus sit, ad sibi caven- dum ab co. Et pcr alium porum I US spiritus tendunt ad omnes eos nervos, qui producendis motibus internis inserviunt, similes iis qui dolorem in nobis vocant, nempe in eos qui cor constringunt, jecur commovent, aliosque similes; atque etiam in eos qui producere possunt externos motus, dolorem indicantes, veluti in eos qui lacrymas excitant, fronlem et gênas corru- gant, vocemque ad clamandum disponunt. » On voit par la netteté de ce passage important que Des- cartes se faisait une idée exacte de la transformation de l'impression sensible en mouvement. Pour lui cette trans- formation est le mécanisme même de la vie, soit psychique, soit physique, et il l'étend à l'homme et à tous les animaux. Mécanisme absolu, aussi bien pour les faits somatiques que pour les faits psychiques, telle est au fond l'opinion de Fio. G8. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 467 Descarïes. Aussi, en développant dans le cours do ce travail l'histoire des réflexes psychiques, n'avons-nous fait en somme que reprendre l'idée cartésienne du mécanisme des phénomènes vitaux quels qu'ils soient, psychiques ou non psychiques. Il est vrai que la grande découverte de Lavoisier sur la nature essentiellement chimique de tous les faits phy- siologiques nous permet de pousser beaucoup plus loin que Descartes la connaissance intime de ce mécanisme. Mais l'idée première, l'idée mère, c'est la conception cartésienne. Dans un autre passage, Descartes indique très bien la nature tout à fait mécanique des réflexes psychiques élémen- taires \ De là à une action plus compliquée il n'y a pas loin. Et si, chez les animaux, toutes les actions psychiques sont de purs mécanismes, n'est-il pas souverainement absurde qu'il en soit autrement chez l'homme? « Si quelqu'un avance promptement sa main contre nos yeux, comme pour nous frapper, quoique nous sachions qu'il est notre ami, qu'il ne fait cela que par jeu, et qu'il se gardera bien de nous faire aucun mal, nous avons toutefois de la peine à nous empêcher de les fermer; ce qui prouve que ce n'est point par l'entremise de notre âme qu'ils se ferment. Mais c'est à cause que la machine de notre corps est tellement composée que le mouvement de cette main vers nos yeux excite un autre mouvement en notre cerveau qui conduit les esprits animaux dans les muscles qui font abaisser les paupières. » De Descartes au xix° siècle, bien peu de données nou- velles, précises, ont été acquises sur l'action réflexe. Willis prononça, paraît-il, le premier, le mot d'action réflexe; mais il ne fait pas encore la distinction du réflexe simple et du réflexe psychique. Il en est de même de Unzer, de Prochaska, de Whytt. 1. Les Passions de l'àme, articles 12 et 13, édition Cliarpentier, ISCj, p. r;29-330. 468 CHARLES RICHE T. Il faut en venir à J. Mlller et à Map.siiall-Hall (1833) pour constater un véritable progrès dans nos connaissances sur les réflexes. Toutefois ces deux érainents physiologistes, préoccupés avant tout de dissiper les confusions régnant alors, n'ont pas essayé de faire rentrer les phénomènes psy- chiques dans le groupe des fonctions l'éflexes. Au contraire, ils ont cherché à séparer nettement une action réflexe d'un acte volontaire. Telle a été leur tâche, et ils y ont pleine- ment réussi; car c'est seulement après leurs beaux travaux que la nature de l'acte réflexe s'est introduite définitivement dans la science. Si l'on examine en effet ce que dit à ce sujet Jean Mlller, plus méthodique et plus profond que Marshall-Hall, on trouve la classification suivante des mouvements divers accomplis par les organismes. 1" Mouvements déterminés par des irritations hétéro- gènes, externes ou internes. (Il s'agit là des mouvements que produit l'application d'irritants directs, chimiques, psychiques ou mécaniques, sur le tissu de la moelle du cerveau ou des nerfs.) 2'^ Mouvements automatiques. (Respiration et contraction des sphincters.) 3° Mouvements par antagonisme. (Nous dirions aujour- d'hui mouvements dus au tonus musculaire. En tirant un muscle, les antagonistes se contractent. Nous savons main- tenant que cette contraction tonique est une action réflexe partant des nerfs sensitifs musculaires et transmis à la moelle épinière.) 4'' Mouvements réflexes. (Daus cette classe, Mlller ne fait rentrer aucune des actions psychiques que nous appellerons réflexes. 11 n'y a dans ce groupe des réflexes, tel que le com- prend Mlller, que les mouvements tout à fait somatiques : toux, éternuement, vomissement, contractions de l'iiis, des vésicules séminales et du pharynx, frisson et tiemblemeut causés par le froid extérieur, etc.) LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 469 5° Mouvements associés. (Muller ]es définit en disant que l'impulsion à un mouvement volontaire détermine simulta- nément un mouvement involontaire qui lui est associé.) 6° Mouvements qui dépendent de l'état de l'âme. (Ceux-là forment trois classes, suivant qu'ils sont la conséquence d'idées, de passions, ou de déterminations de la volonté. Or ce sont précisément ces mouvements liés à des passions de l'âme qui constituent les réflexes psychiques.) Ainsi, pour J. Mlller, il y a une séparation presque absolue entre les mouvements réflexes (oi^i l'âme n'est pas émue) et les mouvements qui sont liés à des affections de l'âme (ou conscience). On comprend que cette distinction doit être faite. Mais, comme il n'y a pas de transition dans les phénomènes de la nature, on sera, suivant qu'on cherche à relier synthétique- ment les phénomènes ou à les séparer par l'analyse, porté tantôt à constituer tel ou tel groupe bien particulier, bien dissocié (analyse), tantôt à ranger en bon ordre dans un même groupe des faits qui se ressemblent (synthèse). Au moment oii se commençait l'étude des réflexes, on se préoccupait surtout de l'analyse, et on avait raison ; mais à présent, il est préférable, pensons-nous, de s'attacher à sai- sir les relations des phénomènes qui paraissent d'abord très éloignés les uns des autres, et qui, au fond, ont une grande analogie. D'ailleurs, il est évident, malgré l'autorité de Muller, que le fait de la conscience ne peut être pris comme élément de classification. Qu'un réflexe soit conscient ou incon- scient, cela ne change rien à son caractère essentiel. C'est probablement Griesinger' qui a parlé le premier des actions réflexes psychiques. On trouve dans son travail, aussi peu méthodique et coor- 1. Ueber psychische Refle-xactioncn, mit eineni Blick auf das Wesen der psychischen Rrankheiten [Archiv fur physiologische Heilkunde, 1843, II, 76-113. 470 CHARLES UIGHET. donné qu'il est possible de l'être, maintes remarques ingé- nieuses et fines. Griesinger déclare d'abord qu'il faut comparer les actions de la moelle et celles du cerveau. Rien n'est plus difficile, dit-il avec raison, que de préciser oii finit l'acte réflexe et oii commence la volonté. Il y a, dit-il, « eine sehr umfangreiche Classe von Miiskelactionen und Bewegungsantriebcn, welche ihre niichste Yeranlassung tlieils in unveriinderten Empfin- dungen, tlicils in so dunkcln Vorstellungen, dass man liber ihre Qualitiit uls solclie noch inZv^eifel sein kann. Sie schlies- sen sich an die zweckmâssigeii Bewegungen dor niederen Thiere an, stelien gleichsam in dcr Milte zwischcn rein reflectirten und frei willkurlichen Bewegungen, und es ist, meist in einzelncn Falle, sehr schwer zu entscheiden wo die Willkûhr beginnt. » Plus loin il dit : « der Ubcrgang dcr bevvussten Vorstel- lungen in Bestrebung bcruth ganz, wie die llcUexaction iiii Rûckcnniarke, auf oiganischem Zvvang und Drang ; diess einfache Motiv hat die SchÔpfung der Organisation. » Ainsi, ])our (îriesinger, l'analogie est complète entre le fait réllexe et le fait psychique. Le passage d'une idée en mouvement se l'ait dans le cerveau; comme, dans la moelle, l'excitation sensible se transforme en une incitation muscu- laire. Malheureusement, ce mot de Vorstellungen (représen- tations) qui est à lui seul presque une théorie, ou au moins une hypothèse, ne fait qu'obscurcir le problème Il faut aussi signaler ce que dit Griesinger de la volonté, d'autant plus libre qu'il y a simultanément dans la con- science plus de représentations (?). Quand une image se pré- sente avec grande force à la conscience, et quand elle se transforme en un effort, elle devient la volonté. Il nous paraît qui! y a là bien des hypothèses, et même assez peu satisfaisantes. Après cette discussion, qui, nous le répétons, est à la fois confuse et mêlée de faits intéressants, Griesinger applique LES RÉFLEXES PSYCHIOUES. 471 la notion du réllexe psychique aux intoxications psychiques et à quelques maladies mentales. Il termine en adoptant franchement, sans en prononcer le nom, le mécanisme de Descarïes. « Der kunstlich complicirte Bau des Gehirns stellt die organischen Apparate zur Aufnahme der centripe- talen Eindrûcke, zu ihrer Umarbeitungen in Yorstellungen, zu deren Zerstreuung und Combina tion, zu ihrem Uebergange in Strebungen und zur Entladung der Bewegungssimpulse dar. » Quelle que soit l'importance de ce travail de Griesinger, il nous paraît que ce qui s'y trouve de plus intéressant, c'est le mot même de réflexe psychique. En effet, rmlle classifica- tion, nul essai de synthèse, nulle analyse des transitions par lesquels le fait réllexe brut devient peu à peu une action admirablement intelligente et compliquée. Aussi ne faut-il pas s'étonner que, malgré l'autorité de l'auteur, la distinction des réflexes en simples et psychiques n'ait pas pris place dans la science. En effet, dans aucun traité classique de physio- logie ou de psychologie, on ne mentionne les réflexes psy- chiques. Nous devons pourtant signaler à titre d'exceptions les ou- vrages de Sbtchenoff et de Bonatelli. En 1863, Setchenoff, l'éminent physiologiste russe, publia en russe un livre ingénieux et profond, intitulé : Actions réflexes du cerveau. Cet ouvrage, dont la traduction française a paru seulement en 1884 [Études psijchologiques, trad. par M. Derely, avec introduction de M. Wyrouboff, 1 vol. in-8, chez Reinwald), contient une exposition très nette des relations qui unissent le réflexe médullaire, simple, avec le réflexe cérébral, très complexe. Pour la première fois peut-être, depuis Descartes, l'ana- logie entre les actes psychiques et les actes réflexes se trouve établie avec précision. SETCHE^'0FF étudie d'abord Les mou- vements involontaires, et il montre que Fexcitation des 472 CHARLES RICHET. nerfs sensitifs, accompagnée ou non de conscience, entraîne un mouvement qui suit immédiatement l'excitation. Au con- traire, pour les actes psychiques, il y a un apprentissage de la sensation. Celle-ci, grâce à une éducation progressive, devient de plus en plus nette. Il se fait des associations entre la sensation présente et la sensation ancienne. Ainsi, par la répétition fréquente des actions rétlexes associées, l'homme apprend à grouper ses mouvements ; il acquiert en môme temps la faculté de les arrêter. Quelle que soit la variété des actes que nous accomplis- sons, la cause première est toujours dans l'excitation sensi- tive venue du dehors. Tous nos actes sont donc, à un certain point de vue, rétlexes. C'est un point fondamental que Setchenoff met admirablement en, lumière. Setchenoff compare ensuite le désir avec la volonté, et il montre que ces deux phénomènes psychiques ont au fond le même caractère, c'est-à-dire une provocation par un fait extérieur. Le point sur lequel spécialement il insiste, c'est sur l'habitude de la sensation, et sur les groupements nou- veaux qu'elle détermine par association. Toutefois, ce qu'il dit de l'habitude n'est pas très clair, et il parle à peine de l'association, qui, selon nous, comme on l'a vu dans le cours de ce travail, est le fait essentiel de tout acte psychique. Le livre de Setchenoff, quoique ayant, par son style et sa forme, quelque teudance à être un ouvrage de vulga- risation, est assurément un des meilleurs mémoires de psychologie qu'on ait écrits, et nous l'avons suivi en maints endroits. Dans un livre intitulé : La coscirnza e il mccanismo inte^ riore (1871), Bonatelli, de Padoue, a indiqué très nettement la relation des actes psychiques avec les actes réflexes sim- ples, oii ne se manifeste aucune activité intellectuelle. Il donne des divers mouvements la classification suivante, qui me paraît supérieure à celle que J. Muller avait établie. LES RÉFLEXES PSYCHIQUES. 473 Sono tre specie différent! di moli reflessi : i° Moti reflessi puramente meccanici, dovuli solo al pro- cesso délie forze naturali inorganiche. Tali sarebbero quelli dovuti air elasticità dei tessuti, alla gravita, etc. (Il nous semble qu'il y a là une certaine confusion : car ces mouve- ments dus à l'excitation directe de la fibre musculaire ou des tissus nerveux ne peuvent pas être appelés réflexes) ; 2° Moti reflessi organici, fondati sopra una parLiculare dispozitione degli organi, sopro unocoordinamenlo dei cenlri nervei secondari e primari : p. ex. il moto convulsivo délia tosse, allorche qualche corpo straniere venga a contatto colle laringe . 3° Moti reflessi psichici, nei quali l'agente intermedio tra lo stimulo e il movimento reagente si trova in una sensa- zione, e in una rappresentazione, o, piu generalmente, in uno gruppo o in una série di movimenti produLti psichici (A ce propos BoiS'ATELLi citc l'exemple d'une mouche qui vient bourdonner à notre oreille, ce qui nous provoque, sans que notre volonté intervienne directement, à faire avec la main un mouvement pour chasser l'insecte importun. Mais, sans nier le moins du monde que ce soit là un réflexe psychique, il nous semble que cet acte est déjà fort compliqué, qu'il sup- pose une élaboration intellectuelle très complexe, et qu'il existe des réflexes bien plus simples, qui ont cependant en- core le caractère psychique); 4" Movimenti produtti dalla volonta propriamente ditta per qualli non sarebbe forse disacconcia la denominazione di reflessi o reasioni psichici d'ordine superiore. Sarebbe il termino medio tra lo stimulo e il movimento nel pensiere e nella deliberazione autonoma. C'est précisément cette relation entre les phénomènes réflexes tout à fait simpes et les phénomènes psychiques compliqués, appelés autonomes par Bonatellt, que j'ai cher- ché à établir. 474 CHARLES HICHET. J'ai évité autant que possible l'expression de représenta- tion, qui fait intervenir un élément bien hypothétique, l'image interne de la sensation. Certes, dès qu'il y a une élaboration psychique, alors une image, plus ou moins nette, apparaît dans la conscience; mais je ne vois pas d'avantage à faire intervenir cette image dans l'explication des phénomènes. Il me semble que le mot travail psychique^ qu'il y ait ou non image consciente, est préférable. Quoique les physiologistes et les psychologues ne se soient point occupés des réllexes psychiques, de manière à en dresser une classification méthodique avec la synthèse des phénomènes, on trouve pourtant, dans divers ouvrages de physiologie et de psychologie, quantité de faits qui s'y rap- portent. Je ne puis, assurément, indiquer ici tout ce qu'on a écrit à propos des réllexes psychiques, sans prononcer ce mot. Je mentionnerai seulement une leçon de Clai de Behnard sur la physiologie du cœur dans ses rapports avec le cerveau [Lirons sur les proprirlcs des /issus vivants, 186G, p. 424); le livre de M. Hacr-Tlke, sur les rapports de l'àme avec le corps {Influence on the 7nind upon thc body, London, 2*^ édition, Churchill, 1884) ; l'ouvrage de Mosso sur la peur (traduction française, Paris, Alcan, 1887) ; un mémoire de Lange, pro- fesseur à Copenhague, traduit en allemand {Ueber Gemûths- heicegungen, Thomas, 1887). Dans les premiers chapitres du magnifique ouvrage de Darwin sur l'expression des émotions chez l'homme et les animaux, il y a de bien précieuses remarques, comme tout ce qui a été observé par cet homme illustre; mais elles portent peu sur la physiologie proprement dite, et, au point de vue de la dynamique nerveuse, les indications sont, sinon fautives, au moins insuffisantes. En somme, malgré celte abondance de documents dissé- minés, on ne trouvera pas, je crois, dans les ouvrages ou les mémoires des divers auteurs une vue d'ensemble sur les KES REFLEXES PSYCHIQUES. 475 relations du fait psychique avec l'acte réflexe élémentaire. J'ai essayé, dans le travail qu'on vient de lire, de faire cette synthèse que j'avais pu ébaucher seulement dans mon Essai de psychologie générale. Malgré mes efforts, je me rends bien compte en effet que ce n'est là encore qu'une ébauche. Mais l'élude détaillée du réflexe psychique serait la psychologie tout entière. XXII DE QUELQUES NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS NOTES DE TECHNIQUE PII YSFO LOGIQUE Par Mariette Pompilian. l. — 3IY0GRAPHE Au cours de nos recherches sur la contraction musculaire, nous avons souvent rencontre de grandes difficultés prove- nant de l'insuffisance des appareils existants. Gela nous a amenée à chercher les causes de cette insuflisance, d'abord; ensuite, à imaginer un instrument nouveau répondant mieux aux exigences de l'expérimentation. Le défaut essentiel de la plupart des appareils est dû à la trop grande fixité de leurs pièces et à leur trop grande dépen- dance; ce qui fait qu'ils ne peuvent convenir qu'à un cas par- ticulier. Le myographe de Marey, par exemple, est exclusivement construit pour des petits muscles comme ceux de la gre- nouille. 11 en est de même de tous les appareils similaires NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 477 construits tant en France qu'à l'étranger : leur but est très spécial et très limité. Cependant, dans les limites mêmes de leur application, ils ne satisfont pas pleinement à tous les besoins qui peuvent surgir au cours d'une expérience. Sup- posons qu'on veuille varier l'amplification du mouvement par le levier ; cette opération ne peut s'effectuer sans qu'on touche à la préparation. Il en est de même si, le muscle s'étant trop relâché au cours de l'expérience, on veut ramener la plume inscrivante à sa position primitive. C'est là un gros inconvénient et qui nuit aux résultats d'une expérience bien conduite. 11 faut que les appareils présentent des dispositifs mécaniques qui permettent d'effectuer ces opérations sans que l'on soit forcé de toucher à la préparation. Le but d'un appareil est trop limité: un myographe des- tiné à l'étude de la contraction musculaire isotonique ne peut être employé à l'étude de la contraction musculaire iso- métrique; de sorte que, si l'on veut faire une étude compa- rative de ces deux sortes de contractions, on est forcé de changer de myographe. C'est là un grave inconvénient. Il faut qu'un même appareil puisse servir, soit comme myo- graphe isotonique, soit comme myographe isométrique. Il existe des myographes qui ne peuvent inscrire les mou- vements que sur une surface horizontale, d'autres, sur une surface verticale. Pourtant il y a des cas oiî l'on doit em- ployer tantôt l'inscription horizontale, tantôt l'inscription verticale. Il serait désirable que l'on pût employer le même appareil dans ces deux cas. Il faut donc qu'un myographe horizontal puisse facilement être transformé en myographe vertical, et vice versa. Voilà un certain nombre de desiderata que l'expérience nous a indiqués. Nous avons cherché à y répondre dans notre appareil. Avant d'en donner la description, nous allons dire quelle a été l'idée maîtresse qui nous a guidée dans sa construction. La voici: * (( La recherche d'un dispositif mécanique à l'aide duquel 47H M. PO M PI LI AN. on pourrait rendre le levier mobile dans les trois directions de l'espace. » La mobilité du levier, seule, permet d'éliminer d'un seul coup un grand nombre des défauts signalés plus haut. En effet, le déplacement latéral (de droite à gauche de la préparation), en changeant le point d'application du muscle au levier, fait varier l'amplification que le levier fait subir au mouvement. Le déplacement antéro-postérieur, ra|)prochant ou éloignant le levier de la préparation, permet de ramener la plume inscrivante à sa position primitive, dans les cas où, par suite d'un trop grand relâchement du muscle, sa position sur la surface enregistrante était devenue défectueuse. Enfin, par le déplacement de bas en haut, on fait varier l'espace qui sépare le levier de la planchette sur laquelle se trouve la préparation. Le levier pouvant être arrangé de façon que la traction exercée sur lui soit dans la direction de Taxe du muscle, ce dernier peut avoir n'importe quel dia- mètre. Ce qui limite l'usage du myographe de Mahey aux petits muscles, c'est la petitesse de l'espace qui sépare la planchette du levier. En faisant cette distance très grande, le myographe peut être employé à l'étude même des mouve- ments d'une patte d'un gros animal. A présent que l'on connaît le but de notre appareil, on comprendra mieux l'importance de chaque pièce qui le com- pose. La figure ci-jointe (fig. 69) nous en facilitera la des- cription. Le levier (S), avec tous ses accessoires, est fixé sur une tige verticale (E). La base de cette tige est traversée par une •vis sans fin. En tournant le bouton (C) on fait glisser la tige (E) le long de la gouttière (D) dans la direction indiquée par les flèches. De celte façon on réalise le mouvement latéral (de droite à gauche de la préparation) du levier. Le crochet auquel est attaché le muscle glisse sur le levier; le point d'application du muscle au levier étant changé, l'amplifica- tion du mouvement par la plimie inscrivante se trouve modifiée. NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 479 La vis sans fm peut ôtre déplacée de haut en bas, dans la direction indiquée par les flèches. En fixant le support de la vis sans fin à l'aide du bouton (B), qui, sur la figure, se trouve caché par le bouton (G), à différentes hauteurs sur la branche verticale d'une tige coudée en angle droit, le levier, qui est supporté par la vis, se trouve placé à des hauteurs variables. La branche horizoutale de la tige coudée peut glisser FiG. (39. — Myographe. dans le manchon (A) dans la direction indiquée par les flèches. De cette façon, tout ce qui se trouve fixé sur la tige coudée, par conséquent le levier (S) aussi, peut être déplacé dans la direction antéro-postérieure. Le manchon (A) fait corps avec une tige fixée à la face inférieure de la plaque métallique (Q) . Cette plaque soutient la planchette (V) sur laquelle on place la préparation. Tel est le dispositif à l'aide duquel, pouvant déplacer le levier, on adapte l'appareil aux divers besoins d'une expérience. 480 M. POMPII.IAN. La plaque (Q) présente huit prolongements : quatre pos- térieurs et quatre antérieurs. Les postérieurs soutiennent la planchette (V). Dans le cas où l'on veut avoir la préparation en contact direct avec le levier, on place une petite plan- chette entre les quatre prolongements antérieurs, et l'on fixe la préparation sur cette planchette, La plaque (0) est fixée à l'aide d'un manchon et de la vis (0) sur un support. En faisant tourner lavis latérale (L) fixée au manchon, on fait basculer la plaque (Q), avec tout ce qu'elle supporte, levier et préparatien. Ce mouvement a pour but d'établir ou d'interrompre le contact de la plume avec la surface enregistrante. Le levier (S) présente deux bras: un petit, peu visible sur la figure, et un grand bras sur lequel se trouvent fixés la plume et les points d'application du muscle, du poids et du ressort. A l'extrémité de la tige (K) qui se trouve au-dessus de la tige (E), il y aune petite poulie (F) sur laquelle passe le fil qui supporte le plateau (P) dans lequel on met le poids. La poulie est fixée à une tige mobile dans un petit manchon qui se trouve à l'extrémité de la tige (K) ; on peut, ainsi, dépla- cer latéralement la poulie et la fixer dans différentes posi- tions. Le point d'attache du fil qui supporte le poids, étant à coulisse, peut aussi se déplacer le long du levier. De cette façon, sans changer le poids, on peut varier la tension que ce poids exerce sur le muscle. En remplaçant le poids par un ressort (R), on transforme le myographe, d'isotonique qu'il était, en myographe isomé- trique. En tournant le bouton (M) d'une vis sans fin qui se trouve à côté de la tige (K), et qui, sur la figure, est cachée par celte tige, on fait varier la tension du ressort. Pendant qu'on fait l'allongement du ressort, le crochet d'une petite tige qui se trouve à la droite de la tige (K), et qu'on voit très mal sur la figure, soutient le petit bras de levier, de sorte que, malgré la traction exercée par le ressort, le levier ne peut pas se déplacer. La résistance du ressort empêche If NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 481 muscle de se raccourcir quand il se contracte, ou bien il ne lui permet qu'un raccourcissement très petit. La résistance que l'on oppose au raccourcissement peut être aussi grande que l'on voudra ; elle dépend de la force du ressort qu'on aura choisi et de la tension qu'on lui aura fait subir. A l'aide de la petite tige à crochet, on peut instituer des expériences dans lesquelles le muscle n'est soumis à l'influence du poids que pendant la contraction. Pendant le relâchement, le levier étant soutenu par le crochet, le muscle est simple- ment relâché sans être tendu par le poids. L'appareil, tel qu'il est représenté sur la figure, est un myographe horizontal. Pour le transformer en myographe vertical, on n'a qu'à faire passer la tige du support par le trou (T) du manchon et l'y fixer en serrant la vis (0). Cette nouvelle position de l'appareil n'entrave nullement le bon fonctionnement du levier et des autres pièces. Au-dessus du myographe, sur la même tige, se trouvent fixés le manchon (Y) qui présente un manchon latéral (Z) pour la tige qui supporte le signal de Deprez et le chronographe, et une vis (X) qui sert à imprimer un mouvement de bascule à la tige supportée par le manchon (Z). Le mouvement de bascule a pour but d'établir et d'interrompre le contact des plumes du signal et du chronographe avec la surface enre- gistrante. IL CARDIOGRAPHE, SPHYGMOGRAPHE ET PNEUMOGRAPHE Ces trois appareils sont conçus sur un même plan, que voici : Leur principale pièce est un levier à deux bras. Le mou- vement que l'on veut étudier agit sur l'extrémité d'un des bras du levier et le déplace. Un ressort à boudin accroché à l'autre bras ramène le levier à sa position primitive quand le mouvement a cessé d'agir. Le ressort, en même temps qu'il xnMK V. 31 482 M. POMPILIAN. sert à ramener le levier à sa posilioii primitive, sert aussi à apprécier la force du mouvement étudié. — Les mouvements du levier déforment la membrane d'un tambour à air. Ce tambour possède un système de réglage complètement indé- pendant du système de réglage du levier et du ressort. Telle est, en grands traits, la structure de nos appareils. Voyons, à présent, les détails de leur construction. a) Cardiographe. — On sait que le cardiographe de Makey se compose essentiellement d'un ressort à boudin ren- fermé dans un tambour à air. En appuyant plus ou moins sur la région précordiale le bouton qui se trouve à la surface de la membrane du tambour, on fait varier la pression que le ressort exerce sur le bouton, et par conséquent sur la région précordiale. Comme le ressort est caché, on ne peut pas con- naître la pression exercée par le ressort. C'est Là un inconvé- nient. Il n'est pas le seul. En même temps que la pression du ressort varie, la sensibilité du tambour à air se trouve alté- rée, sa membrane n'ayant pas la môme tension pour les dil- férentes pressions du ressort. Elle est tendue, quand la pres- sion est faible; elle est relâchée, quand la pression est forte. Ces variations de la tension de la membrane altèrent la fidé- lité de la transmission de la forme du mouvement. Pour cette raison le système de tambour à air avec ressort intérieur doit être abandonné. Dans notre cardiographe, il n'y a pas de ressort caché, comme on peut s'en rendre compte, en regardant la figure (fig. 70) ci-jointe. Voici, brièvement, la description de notre appareil : Le boulon (G), qui doit appuyer sur la région précordiale, est fixé à l'extrémité du long bras du levier (F). A l'extrémité du petit bras du levier est accrochée l'extrémité inférieure d'un ressort à boudin (H). L'extrémité supérieure du ressort est fixée à un petit crochet (K). Ce crochet (K) est mobile sur la tige graduée (J). En tournant le bouton (I) d'une vis sans fiuj qui se trouve à l'intérieur de la tige (J), on fait NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 483 monter ou descendre le crochet (K). Gomme l'extré- mité du long bras de levier appuie sur la région précordiale, le levier ne peut pas se déplacer Jjeaucoup quand le ressort tire sur lui; ce qui fait que la force de traction du ressort se transforme en force de pression du bouton (G) sur la région précordiale. L'articulation du levier est supportée par le pied (E) d'un support (D) à trois pieds. Sur ce support se trouve fixé le tambour à air (A). En tournant le bou- ton (B), on fait descendre le tambour pour mettre en contact sa membrane avec le boulon (G). La membrane du tambour étant complè- tement séparée du levier, sa tension reste toujours la même. Le système de ré- glage du tambour est le môme que dans le cardio- graphe de Marey. La communication du tambour inscrip- teur avec le tambour récepteur se fait par l'intermédiaire d'un tube en caoutchouc qui s'abouche à l'extrémité (G) de la vis du tambour qui est creuse. La graduation de la tige (J) indique, grossièrement, la pression que le bouton exerce sur la région précordiale. b) Sphygmogra'phe. — Get appareil ne diffère pas beau- coup du cardiographe; ses parties principales sont iden- tiques, la forme seule du support diffère. La figure 71 montre bien les diverses pièces qui composent cet appareil, dont nous allons donner la description. Le levier (J), qui possède deux bras, est en aluminium; son articulation est fixée à l'extrémité inférieure de la tige (E). A l'extrémité du long bras du levier se trouve le bouton FiG. 70. — Cardiograijliu. 484 M. fOMPILIAN. (I) en ivoire qui doit appuyer sur l'artère. A l'extrémité du petit bras du levier est fixée Textrémité inférieure du ressort (0). L'extrémité supérieure du ressort est fixée ù une petite tige mobile le long de la tige (E). En tournant le bouton (F) d'une vis sans fin, qui se trouve à l'intérieur de la tige (E), on fait monter ou descendre la petite tige à laquelle est fixée l'extrémité supérieure du ressort. La force de traction exercée par le ressort, à l'extrémité du petit bras du levier, se trans- forme en force de pression de l'extrémité du long bras du levier sur l'artère. A côté du ressort (0), et fixée au même point du petit bras du levier, se trouve une tige graduée. L'extrémité supé- rieure (L) de cette tige glisse dans une coulisse (P) qui se trouve fixée à l'extrémité supérieure du ressort. Cette cou- lisse (P) présente un index. — On lit sur la tige l'allonge- ment qu'on a donné au ressort. On a marqué sur la tige le nombre de grammes nécessaires pour produire divers allon- gements du ressort. Pour éviter de trop grandes inclinaisons du levier, la tige (E), qui supporte le levier, peut être abaissée. En serrant le petit manche (M) d'une vis, on fixe la tige (E) dans la posi- tion voulue. Le tambour à air (G) est supporté par la tige (D), qui est fixée à une sorte d'étrier qui fait corps avec la base (K) de l'appareil. Le système de réglage du tambour est le môme que dans le cardiographe de Mafîey. A l'aide du bouton (B), on varie la position du tambour. — Quand le levier a été bien placé sur l'artère, on rapproche le tambour, et l'on fixe l'extrémité inférieure de la petite tige (G), qui se trouve sus- pendue à la membrane du tambour à l'extrémité (H) du levier (J). — Une fois que le contact entre le tambour et le bouton (l) est établi, on examine avec soin l'état de la mem- brane du tambour, et, selon qu'elle est trop ou trop peu tendue, on abaisse ou l'on monte le tambour. A Fextrémité (A) de b vis du tambour, qui est creuse, s'abouche le tube NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 485 en caoutchouc qui met en communication le tambour récep- teur avec le tambour inscripteur. La base de l'appareil est identique à celle du sphygmo- graphe de Marey. Sa forme est rectangulaire; elle présente une parti e(K) en fonte, et deux ailettes (N) aux- quelles s'attache le ru- ban en soie. Notre sphy gmo- graphe peut servir aussi de sphygmoma- nomètre. La pression du ressort nécessaire pour comprimer l'ar- tère donne des indica- tions sur la pression sanguine. Comme la pression sanguine est exprimée en colonne de mercure, la tige du ressort pourrait être graduée en hauteur de FiG. 71. Sphyginographe. colonne de mercure au lieu de l'être en grammes. Nous connaissons très bien les objections qu'on peut faire à ce procédé d'évaluation de la pression sanguine; elles sont parfaitement justes. Cela n'em- pêche pas que, quelquefois, une appréciation, même peu rigoureuse, de la pression sanguine puisse donner des ren- seignements intéressants en clinique. c) Pneumocjraphe . — La pièce principale de cet appa- reil est analogue à la pièce principale du cardiographe et du sphygmographe. Sa position seule est changée : au lieu d'être verticale, elle est horizontale. — Voici les détails de con- struction et le mécanisme du fonctionnement de cet appareil : Le support (K) du levier est placé horizontalement sur 486 M. POMPILIAN. une tige verticale qui est fixée sur une plaque métallique (A). (Voir fig. 72.) — La plaque (A) repose sur le sternum. Un ressort (J) est accroché, d'une part, par une de ses extrémités, au levier; d'autre part, par sou autre extrémité, il est fixé au crochet (I) mobile le long de la tige (K). En tour- nant le bouton (L) d'une vis sans fin, qui se trouve dans l'intérieur de la tige (K), on déplace le crochet (I) et l'on tire sur le ressort (J). Le crochet (I) présente un index qui indique sur la tige (K) les variations de longueur du ressort; nous pouvons connaître ainsi, grossièrement, la traction que le ressort exerce sur le levier. A l'extrémité du long bras du levier se trouve accroché un fil. Ce fil passe au-dessus d'une poulie (C), qui est placée sur le support (B), et va s'accrocher à un ruban métrique (G). Ce ruban, après avoir fait le tour du thorax, est fixé dans la pince (E) à l'aide du bouton (F). La tige (D) supporte la pince. Il est facile de comprendre le fonctionnement de cet appareil. Pendant la dilatation du thorax (l'inspiration), le fil tire sur le levier; celui-ci se déplace à chaque respiration. Pendant l'expiration, le ressort (J) ramène le levier à sa posi- tion primitive. — La poulie (C) a pour but de faire tirer le fil dans le plan du levier. La résistance opposée par le levier au déplacement est proportionnelle à la traction exercée par le ressort (J). En face du bras de levier auquel est accroché le ressort se trouve un tambour à air (N). La pièce qui unit le bras du levier à la membrane du tambour peut glisser dans une fente du levier. Le tambour à air (N) est aussi mobile dans une fente de la plaque (A). En déj)laçant plus ou moins le tam- bour et sa pièce d'attache au levier, on fait varier la tension de la membrane du tambour. — Le tube en caoutchouc qui, établit la communication entre le tambour récepteur et le tambour inscripteur, vioni s'nboucher à In lige creuse (0) du tambour récepteur. NOUVEAUX APPAREILS ENREGIST HEURS. 487 La plaque (A) prosenle deux petits anneaux (M) auxquels s'attaclie le ruban qui suspend l'appareil au cou (dans les cas où l'on prend le tracé des mouvements respiratoires d'une personne assise ou debout). — Pour éviter une petite ten- dance au renversement, il faut que la plaque (A) soit plus grande qu'elle n'est représentée sur la figure; la ligne qui FiG. 72. — Pneumographe. unit les supports (B) et (D) doit se trouver, environ, à la moitié de la plaque. Etant donnée la position que nous avons choisie pour le tambour, on observe à l'inspiration un atTaissement de la membrane, et par conséquent un soulèvement de la mem- brane du tambour inscripteur, ce qui fait que l'inspiration se trouve représentée par une ligne ascendante, l'expiration par une ligne descendante. C'est l'inverse de ce que l'on obtient avec les autres pneumographes. La représentation des mou- vements respiratoires par les tracés obtenus avec notre pneumographe est préférable, parce qu'elle est plus conforme 488 M. POMPILIAN. à l'idée que nous nous faisons de la représentation graphique d'un mouvement, en général. Or on sait que la phase active d'un mouvement est toujours représentée par une ligne ascendante, tandis que la phase passive est représentée par une ligne descendante. CONCLLSIONS En résumé, voici les principes qui nous ont guidée dans la construction de nos appareils : 1° Nous avons cherché à bien délimiter chaque pir>ce de l'appareil, en la rendant indépendante et facilement réglable. 2° Nous avons évité l'emploi des lames élastiques qu'on ne peut pas connaître et graduer comme un ressort à boudin. 3° Nous avons abandonné et nous conseillons l'abandon complet des pièces cachées, comme le ressort à boudin renfermé dans un tambour à air. Il faut voir, connaître et modifier facilement toutes les pièces d'un appareil, en un mot, être leur maître. 4° Le tambour à air (récepteur) doit être complètement indépendant des autres pièces de l'appareil. Il faut que sa membrane présente toujours la même tension. Nos appareils, à cause de la multiplicité de leurs pièces réglables et indépendantes, sont d'un maniement plus com- pliqué et plus difficile que celui des appareils de Marey. Ce n'est pas là un grand inconvénient; car, si la commodité est une bonne chose, la précision n'est pas pourtant à dédai- gner. Pour avoir, pour ainsi dire, une bonne « mise au point » d'un appareil, il faut se donner une certaine peine; on en est récompensé par les résultats obtenus. Les idées qui nous ont guidée dans la construction de nos appareils sont le résultat des enseignements que nous avons tirés de l'emploi des ingénieux appareils de MAUKy. La valeur NOUVEAUX APPAREILS ENREGISTREURS. 489 de ces appcaieils sera toujours grande, quelles que soient les transformations qu'on leur fera subir. Nos instruments ont été construits par M. Ch. Verdin, avec le soin *qui lui est habituel. III. INTERRUPTEUR A CONTACTS Pour avoir plusieurs excitations distinctes, provenant de plusieurs courants inducteurs et induits différents, de rup- ture ou de clôture seulement, et se pro- duisant soit à des intervalles variables connus, soit simulta- nément, nous avons fait construire le petit appareil représenté par la figure ci-j ointe (fig. 73). En voici la description : A. la périphérie d'un disque (R) en ébonite (de 10 centi- mètres de diamètre), se trouvent 12 petites plaques en cuivre. Ces plaques sont placées par groupes deux à deux. Les distances qui séparent les plaques de ces grou- pes sont égales {Ma-Mb = Mc-Md) ; elles sont moindres que les distances qui séparent les groupes {Ma-Mb ^ C3 ^ ci -V !-< S rt o >> ^ w Ué ci o o m o &. «o ». 0) e" o o c â OS ^ _o o -rt o a ci <0 -p a. o p o c cr ^ ^ _2 o o s "c o s M a c ^ O) -« -2 c/î ri •ô &, ô p o o co m '" ^ •D o if. fi "rt g p. ID >. o o O o 3 Ô, a) O rt S:s 3 o ii t. s - te n* §•55 REGULATION THERMIQUE DES REPTILES. 495 .2 o Si l'écran couvre le corps en laissant la tête exposée à la source de chaleur, l'arrêt ne se produit pas. Pendant nos expériences à la campagne, nous avions déjà noté l'effet d'un petit nuage passant sur le soleil; la polypnée cessait pen- dant les quelques instants où le disque solaire était légèrement voilé. Il va de soi que l'on ne saurait expliquer l'arrêt polypnéique dans le premier cas par un effet psychique sur l'animal. En plaçant l'écran ou la main devant la tête et non dessus, c'est-à-dire sans interposition des rayons thermi- ques, le rythme ne présentait aucune modification. Une autre expérience donne des résultais plus marqués encore. On fait tomber une goutte d'eau froide sur le crâne de l'animal en pleine polypnée; la respiration se ralentit et même s'ar- rête pendant plus de 25 secondes, puis elle repart lentement, avec tendance à effectuer un type périodique, puis, vers la troisième minute, brusquement, la polypnée éclate de nouveau. La pro- jection de 4 à 6 gouttes d'eau sur le dos ne provoque qu'une très légère perturbation dans le rythme. Cet arrêt de la polypnée par action directe sur le crâne n'est bien marqué que dans les quinze premières minutes qui suivent l'apparition de ce phénomène; le plus souvent, mais non toujours, si on maintient l'Uromastix sous l'influence de la radiation thermique, on constate que la mise en place de l'écran, et même l'extinction des lampes, n'arrêtent plus la polypnée. Celle-ci persiste encore une ou deux minutes. Dans 496 J.-P. LANGLOIS. un cas exceptionnel, la fréquence élait encore supérieure à 125 au bout de dix minutes. Ces faits jieuvent s'expliquer facilement et se concilier mmâeiÊ FiG. '6. — Arrê+^de la polypnée par chute d'une goutte d'eau froide sur le crâne. Uromastix, 171 grammes. Temp. rectale, W>; 2-10 respirations par minute. Fragment du tracé découpé sur la feuille : chaque tour du cylindre répond à 65 secondes. +, moment où la goutte d'eau est déposée. Lignes 2 et ?>, tracés pendant les 2« et 3' minutes; tendance au type périodique. Ligne 4, réapparition de la polypnée. avec ce que nous connaissons de la polypnée des animaux à sang chaud. Pour que la polypnée éclate, il est indispensable que la Fui. 17. — Persistance de la polypnée malgré la chute de plusieurs gouttes d'eau sur le dos. Expérience faite 2 minutes après le rétablissement de la polypnée, après le tracé précédent. température centrale atteigne les limites de SO". Mais à cette température il est encore nécessaire qu'une excitation réûexe thermique vienne frapper une sphère sensible déterminée, excitation absolument insuffisante, si le Saurien n'a pas 39", mais suffisante, si cette température est atteinte. RÉGULATION THERMIQUE DES REPTILES. 497 A cette polypnée, en partie du moins de cause réflexe, succède une polypnée de cause centrale, qui persistera même quand les excitations périphériques sont supprimées. Par quelle voie nerveuse se transmet l'excitation ther- mique? L'expérience de la goutte d'eau sur le crâne permet d'éliminer l'action rétinienne. Mais elle nous ouvre une nou- velle hypothèse. Les Sauriens possèdent un œil pinéal, placé précisément dans la région touchée par la goutte d'eau, et certains naturalistes ont émis, sur les fonctions de cet organe énigmatique, l'hypothèse qu'il pouvait être un organe de sensibilité thermique. Le petit nombre d'animaux dont nous disposions à la fm de ces recherches ne nous a pas permis de chercher à résoudre par la vivisection cette question si intéressante et de faire la part qui peut revenir au nerf trijumeau et à l'œil pinéal. En étudiant la polypnée chez le chien, Ch. Richet avait insisté sur l'indépendance causale entre la polypnée thermique et la fonction respiratoire. La polypnée thermique, disait-il, est une fonction nouvelle, ayant son centre dans la région bulbaire, empruntant, comme moyen, l'appareil respiratoire, mais ne pouvant utiliser ce dernier que si la fonction, pour laquelle il travaille normalement, est assurée. Suivant sa formule : la polypnée ne peut avoir lieu que s'il y a apnée. Pour employer une expression moins imagée peut-être, mais d'apparence moins paradoxale, nous modifierons la phrase de notre maître, et nous dirons : chez l'animal à sang froid comme chez le mammifère, la polypnée ne peut exister que si Fhématose est satisfaite. Une expérience des plus simples démontre ce fait. On place un Uromastix sous une cloche de 5 litres environ de capacité et on chaufli'e à travers la paroi avec des lampes à gaz ; quand la température intérieure atteint 40'», la polypnée éclate. On fait alors passer, par la tubulure supérieure de la cloche, un courant d'acide carbonique bien lavé ; en moins de deux minutes, bien que les becs continuent à radier, que TOME V. 32 498 J.-P. LANGLOIS. la température dans la cloche s'clève encore, on voit le rythme respiratoire, qui avait dépassé 200 respirations par minute, tomber à 30. Le type devient franchement dyspnéique; les mouvements respiratoires sont considérables; la gueule, largement ouverte ; et l'aspect est celui d'un animal à sang chaud en pleine asphyxie. La rapidité de l'apparition des symptômes s'explique par la température élevée oii se trouve le Lézard. Si, à ce moment, on fait un rapide balayage d'air pur dans la cloche, les respirations asphyxiques disparaissent, et très rapidement éclate de nouveau la polypnée. Nous avons pu noter une fois la proportion de l'acide carbonique dans la cloche, au moment oi^i la polypnée s'est arrêtée ; la teneui" en CU' était de 13 p. 100, mais, le brassage de l'air n'ayant pas été réalisé convenablement, il y aura lieu de reprendre ces dosages. La polypnée a pour effet d'entraîner une certaine quantité de vapeur d'eau, c'est là le mécanisme régulateur essentiel; or chez les animaux à sang froid ce mode de régulation n'avait pas été admis. Dans un travail récent Krehl et Soetbeer*, étudiant les échanges respiratoires chez une série de Reptiles et entre autres chez un Uromastix de grande taille, 1250 gr., déclarent que, même à 41', la perte de poids est nulle : « Die Wasserdampfung ist gleich nuU. » Leur méthode consistait dans l'emploi d'un hygromètre placé dans la cloche. Ils ne parlent pas d'ailleurs du rythme respiratoire, et ils auraient certainement noté la polypnée s'ils avaient opéré avec une source radiant directement sur l'animal. Cette perte par vapeur d'eau est facile à constater ; quand le Varan ou le Lézard des palmiers atteint 39", son museau devient humide ; s'il est placé sous la cloche de verre et qu'il approche sa tête en un point relativement froid de la paroi, on voit une buée se former, puis l'eau se condenser. Une autre façon élégante de démontrer le phénomène consiste à 1. KnEHL et SuKTBEER. Untersuchungcn iiber die VV;irmeœc-onomie der poi- kilothernien Wirbclthicre {A. (,.. ]>.. LXXVII. nil , REGULATION THERMIQUE DES REPTILES. 49!» placer, devant la gueule du sujet, une feuille de papier filtre imprégnée de chlorure de cobalt et amenée à la teinte bleue par dessiccation. La feuille reste bleue tant que la polypnée n'a pas lieu; mais, aussitôt qu'elle s'établit, on voit la cou- leur bleue passer au rose. Mais cette quantité d'eau perdue peut être évaluée très exactement et à tous les moments de l'observation. Il suffit en effet de placer le sujet sur le plateau d'une balance enre- g-istrante, suivant une méthode utilisée déjà par Cn. Richet dans son étude sur la perte d'eau des mammifères et des oiseaux, en fonction du poids et de la température. Chez les Reptiles en observation, la perte depoids est due presque totalement à l'évaporation aqueuse, car le quotient respiratoire à l'état d'inanition reste constamment autour de 0,70. Blanchard et Regnard, avec Varamis, donnent: CÛ^ 29,0 7^=^ — ^ = 0,69. 0^ 42,0 Ce sont des chiffres analogues que l'on trouve dans Krehl et SOETBEER. Or, en tenant compte des densités respectives de l'acide carbonique et de l'oxygène, on voit qu'avec un quotient respi- ratoire égal à 0,70 la perte du CO^ éliminé est exactement compensée par le gain en oxygène. En plaçant les Tortues dans des conditions identiques, on observe un autre phénomène. Par suite de leur consti- tution anatomique, la polypnée est presque impossible chez elles, et, en fait, l'accélération respiratoire est peu marquée ; mais, quand la température rectale approche de 39", on voit la gueule se couvrir d'écume. S'agit-il de salivation ou d'ex- crétion bronchique ? c'est ce qu'il nous îi été impossible oOO J.-P. LANGLOIS. jusqu'ici de déterminer. Ce liquide visqueux devient de plus en plus abondant : c'est à ce moment que la balance enregistrante indique une perte de poids très sensible. Tableau B. — perte de poids pendant la polvpnée Espèce. Uromastix. Varanus. Tesludo Rana. (cœ lié) Poids. grammes. 181,700 181,100 171,700 170,800 170,200 109, GOO 257,800 254,600 253, 3o0 232,600 246,100 24o,300 402,300 401,200 I 401,080 l 401,050 ^ 601,138 ( 602,110 l 35,800 j 36,210 32,510 29,705 30,500 800 eur j 30,5( . . 1 27,8( Durée Perte Perte «le Perte par kilogr. absolue. la polypnée. par heure, et par heure. grammes. min. grammes. grammes. 0,600 43 0,800 4,44 0,900 90 0,600 3,30 0,600 50 0,7-20 4,20 3,200 63 2,95 12,0 0,750 20 2,25 9,0 0,800 22 2,18 8,9 1,100 33' 2,0 3,0 0,30 10 1 ,80 4,7 0,28 10 1,68 2,8 2,59 452 3,45 97,0 2,805 50 3,35 101,0 2,700 45 3,00 120,0 Il est intéressant de noter que l'apparition de cette écume se produit à la même température de SO**, signalée plus haut comme limite initiale de la polypnée chez les Sauriens. Les courbes de températures rectales prises sur nos Tor- tues, chauffées par radiation de trois becs de gaz, ne coïn- 1. Temps calculé depuis le début de la salivation. 2. Durée totale de l'cchautrement. RÉGULATION THERMIQUE DES REPTILES. m cident pas avec celles observées par Ch. Richet* sur les mêmes animaux mis à l'étuve. Alors que les Tortues mises à l'étuve mettaient trois heures à atteindre 32", nos animaux en moins d'une heure ai-rivaient à 39^ Le tableau suivant montre les différences observées. Tableau C. — TORTUES SOUMISES A l' É CH A U FF EME NT Étuve à 35° CHAI,EUR R.\YONNANTE Température Température Ch. Richet. du milieu. rectale degrés degrés degrés Début. . . . 13 15 14,5 lo minutes. . 16 35 19 30 -- .. 21 » )) 45 — .. « 40 32,3 ^ 1 heui^e . . . 25 42 37 1 11. 13 min . » 41 39 1 h. 30 min . » 44 41,3 3 h. lo min . 32,0 » )) Nous avons donné également, dans le tableau B, la perte de poids de grenouilles soumises à une radiation intense. La déshydratation par la voie cutanée est très rapide, et la mort survient rapidement. Chez ces animaux à peau nue, il ne saurait être question de polypnée. RESUME Les Reptiles à peau imperméable, tels que Uromastix et Varanus, présentent de la polypnée thermique quand leur température centrale atteint 39° et que les rayons caloriques frappent directement la tête. Au commencement de la période polypnéique (38° à 39°), la polypnée est de nature réflexe, puisqu'il suffit de masquer la tête pour lavoir s'arrêter. Ensuite elle est d'origine nette- ment centrale, le rythme accéléré persistant, malgré la suppression des rayons caloriques. 1. Ch. Richet. La c/ialeur animale, 42, 1889, o02 J.-P. LANGLOIS. Cette polypnée entraîne une perte sensible de vapeur d'eau, jusqu'à 12 grammes par kilogramme et par heure, et constitue ainsi une ébauche de régulation thermique, la PertE Je poids Rythme reupir'al. 3S0 3W) 320 300 280 260 2W 220 200 180 160 lao 120 100 80 60 40 20 Temp. rectale 46 W- 42 40 38 36 34 32 30 28 26 24 22 20 18 16 14 12 j ~ 1 / i' 'arai Y • 7 • , -- , ^ f^ ^ "^ -4r /^ ri A i! — ;^ /" -- — - A ^ ^ - Testi •c/o ¥, '/^ / - _j) ^omi ^shu ^1 Va '> I ! I I 'À 'A i Ai ^ V - i ' / / i *yi rsfP fC -- y / ^ fi/t' me '"f pfir. Hef 'oids p^ Ph. _. J Za -J^ : — __ . — - c 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 Fi(i. 78. — Courbes schématiques de l'ébauche de régulation thermique chez Uromuslix et Varanus. température rectale cessant à ce moment de s'élever paral- lèlement à la température extérieure. Chez les Chéloniens, on observe vers la même température de 39'' une sécrétion abondante d'eau, provenant soit des glandes salivaires, soit de la muqueuse pulmonaire. La polypnée ne peut s'établir, chez les Sauriens, comme chez les Mammifères, que si l'hématose est satisfaite'. 1. Notes pvéliminnires. — J.-P. Langlois. De la polypnée thermique chez les animau.K à sang froid (C. R., 9 décembre I'.)0l). La lutte contre la chaleur chez, les poikilothermcs [B. B., 1902, 2). XXIV EFFETS PHYSIOLOGIQUES DU POISON DES PHYSALÏES HYPNOTOXINE par P. Portier et Charles Richet. Au cours de l'expédition scientifique dirigée par le prince Albert P"^ de Monaco, nous avons pu étudier le poison contenu dans les filaments pêcheurs des Physalies. On sait que ces longs filaments sont pourvus de batteries de nématocystes, capturant les proies qui nagent dans le voisinage de l'animal; leur action sur la peau de l'homme produit des effets urticants intenses. L'extrait aqueux, obtenu en broyant ces filaments avec du sable, donne un liquide coagulable par la chaleur, plus ou moins filtrable, coloré en bleu foncé, et dont les propriétés toxiques sont manifestes. Sans pouvoir donner de chiffres bien précis, 2 grammes de filaments frais suffisent à tuer en une heure un pigeon de 300 grammes. La pîu- o04 P. PORTIER ET CH. RICHET. part de nos expériences ont été faites sur des pigeons injectés dans l'épaisseur du muscle grand pectoral. La toxine étudiée est détruite aux environs de 55°; elle ne dialyse pas; elle est précipitée par l'alcool ; le précipité, rapidement séparé de l'alcool et redissous dans l'eau, donne un liquide doué de propriétés toxiques, identiques à celles du liquide primitif. Les effets de cette toxine sont singuliers. Elle ne produit aucune douleur au point d'inoculation; elle est plutôt anesthésique qu'hyperes- thésique. Si la dose a été suffisante, l'animal, au bout de 15 à 30 minutes, est plongé dans une somnolence invincible ; il ne réagit que difficilement aux excitations psychiques, il demeure comme engourdi et indifférent ù tout ce qui l'entoure. Des excitations fortes parviennent à le tirer de cette torpeur; mais, après avoir fait quelques mouvements, il retombe dans cet état de demi-coma. Le cœur est accéléré; la sensibilité est presque complètement abolie; la station est titubante; les yeux sont demi-clos; et ce qui domine la scène, c'est l'affaiblissement de toute spontanéité d'ordre psychique. 11 y a presque toujours un peu de ténesme rectal et de diarrhée. La température baisse de 2 ou .3 degrés. Si la dose est plus forte, les effets d'impuissance motrice et de som- nolence sont plus rapides et plus intenses; la mort survient par un arrêt respiratoire qui succède à une période de respirations précipitées et presque asphyxiques. Des effets analogues ont été observés en opérant sur les cobayes, les canards et les grenouilles. Étant donnés ces effets hypnotiques qui paraissent spé- ciaux à cette sorte de toxine, nous proposons de lui donner le nova d'/)ypnotoxi?ir, qui indique nettement son effet principal. Les autres groupes de Cœlentérés : Méduses, Actinies, Vélelles, possèdent des nématocystes analogues à ceux des Physalies. Sécrètent-ils aussi une hypnotoxine? L'expérience directe nous a permis de l'établir, au moins pour les Actinies. En effet, avec l'extrait glycérine dos tentacules des Acti- nies, nous avons obtenu des effets très analogues, sinon iden- tiques, à ceux de l'hypnotoxine des Physalies. En particulier, nous avons pu étudier avec détails les très curieux effets produits chez le chien par l'injection intraveineuse de l'ex- trait glycérine des tentacules des Actinies '. 1. Voir les mémoires suivants, p. oOG et alO. POISON DES PHYSALIES. 50o Si maintenant on compare ces effets paralysants et hypno- tiqnes de la toxine au rôle biologique des tentacules, on voit qu'il y a adaptation parfaite au genre de vie de l'animal. Ainsi que nous l'avons constaté directement, dès qu'une grenouille ou un poisson arrive au contact des filaments urti- cants des Physalies, au lieu de se débattre et de fuir, ce qu'il pourrait facilement faire, semble-t-il, il est comme sidéré et immobilisé, si bien qu'il peut être, sans résistance de sa part, amené au contact des organes digestifs. Depuis longtemps on avait observé des faits analogues avec les Actinies, mais sans cependant étudier l'action physiologique de ce poison. Nous proposons d'appeler hypnotoxines cette famille de toxines ou de venins qui immobilisent, paralysent et insen- sibilisent avant de tuer. Ce sont des poisons qui portent primitivement leur action sur les fonctions psychiques du système nerveux central, pour engourdir l'animal et supprimer sa résistance*. 1, Les documents relatifs à l'action toxique du venin des Physalies sont à peu près nuls. Nous ne pouvons guère citer qu'un mémoire de M. Guérin [Ann. d'Hyrj. coloniale, 1901, 268) qui a recueilli quelques observations sur les effets vénéneux de l'ingestion en grande quantité des Physalies desséchées. 0. DE LiNSTOw (Die Giftthiere, Berlin, 1894, 144) cite certains cas d'action urticante de la Physalie sur la peau, en particulier d'après Hess [Die Wirbel- losen Thiere des Meeres, Hannover, 1878). Mais ce ne sont que des phéno- mènes d'urtication et de douleur, et l'action toxique par injection intra-vei- neuse n'avait pas été étudiée. XXV DE L'ACTION ANAPHYLACTIQUE DE CERTAINS VENINS Par P. Portier et Ch. Richet. Nous appelons anapJiylaciique (contraire de la phylaxie) la propriété dont est doué un venin de diminuer au lieu de renforcer l'immunité, lorsqu'il est injecté à doses non mor- telles. Il est probable que beaucoup de venins (ou toxines) sont dans ce cas; mais, comme on s'est attaché surtout à leur action prophylactique ou vaccinante, on a fort peu cherché encore à les étudier méthodiquement à ce point do vue '. 1. Quelques faits de sensibilité (MMissanle d'un aniaial à des injections répétées ont été signalés pour la toxine antitétanique par Brieoek et Knouk ; et pour la toxine antidiplitérique par BiaïuiNr. et KriAsiiiMA. (Voy. Metciini- KOFK, Immunité, p. 387-389). Antérieurement .1. Héricourt et Cii. Riciiet avaient constaté que le sérum de l'anguille, injecté à quelques jours de dis- tance, successivement, à des chiens, au lieu de vacciner, trouve un animal de plus en plus sensible, qui finit par mourir (J. Uéiucovut, Sérothérapie, 1899,319). — Quant au venin des Physalics,riii>niN a publié récemment (/!««. d'Ilt/f/. colo- ACTION ANAPHYLACTIQUE DES VENINS. r.OT Le poison extrait des tentacules des Actinies donne un éclatant exemple d'effet anaphylactique. Nous ne décrirons pas ici la marche de l'empoisonnement par cette actinotoxine. Dans l'ensemble, les effets sont à peu près les mêmes que ceux de la toxine extraite des tentacules des Physalies*. Qu'il nous suffise de dire que le poison des tenlacules des Actinies, en solution glycérinée, est mortel, par injection intraveineuse, chez le chien, quand la dose injectée dépasse 0,15 ce. par kilogramme. Lorsque la dose est entre 0,15 ce. et 0,30 ce, la mort survient en 4 ou S jours. Au-dessus de 0,30 ce, en quelques heures. Pour des doses inférieures à 0,15 ce. l'animal, sauf quelques exceptions, survit après une période de maladie qui dure 4 ou 5 jours ^ Mais si, au lieu d'injecter des chiens normaux, on injecte des chiens ayant reçu deux ou trois semaines auparavant une dose non mortelle, des doses de 0,08 à 0,25 deviennent niale, 1901, p. 268) des observations intéressantes, desquelles il résulterait que les corps des Physalies, desséchés et ingérés par la voie stomacale, amènent assez rapidement la mort. Nous avons vu, au contraire, qu'en ingestion sto- macale, même à dose assez forte, l'actinotoxine est inoli'ensive ; mais le i)oi- son dissous n'est pas tout à fait comparable aux tentacules desséchés. 1. Voy. la note précédente, p. 503. 2. Nous avons fait nos expériences avec deux solutions glycérinées, dont la toxicité était identique. La quantité que nous avions préparée (loû grammes) était suffisante pour nos essais. Sur 28 chiens ayant reçu une dose inférieure à 0,15, il en est mort 4. Les 24 autres ont survécu. Les 4 qui sont morts ont succombé à des doses de 0,125 (5 jours) ; 0,12 (5 jours); 0,10 (8 jours); 0,08 (7 jours). Les 24 autres avaient reçu 0,14 (1 chien); 0,12 (7 chiens); 0,10 (9 chiens); 0,08 (1 chien); 0,05 (5 chiens). Ils ont survécu plus de quinze jours, et au bout de ce temps étaient en parfaite santé. Les chiens ayant reçu de 0,15 à 0,25 sont morts, sauf un qui a survécu à 0,15. Voici ceux qui sont morts : Polyphème 0,;'5 4 jours. Matamore 0,25 4 jours. Sganarelle 0,2 1 4 jours. Araminte 0,21 . 10 jours. Scaramouche . . .^ 0,20 5 jours. Moutonne 0,16 ^ jours. Circc 0,15 ."> jours. 508 P. PORTIER ET CH. RICHET. très rapidement mortelles, ce qui démontre l'effet anaphy- lactique de la première injection, a. 3/rtMi/r/;? (ayant reçu 23 jours auparavant 0,10) : 0,2o, Meurt en trois quarts d'heure. p. Galatée (ayant reçu 16 jours auparavant 0,12) : 0,12. Meurt dans la nuit. y. Pierrot (ayant reçu lo jours auparavant 0,08) : 0,16, Meurt en une demi-heure. » 12,9 14,5 Théramène. . . (viande crue et ji;i'. l*jouPs). de 8,0 à 8,0 ). » „ 15,4 15,4 Clytemnestre.. id. de 10,4 à 10,4 » .. » 18,4 20,3 Tilus (viande cuite). de 6,4 à 6,3 i:!,7 19,9 22,3 18,6 18,8 Octave . . . id. de 9,0 à 9,6 15,9 15,3 21,2 17,5 15,1 Ikirrhus. . . id. de 6,6 à 5,2 10,7 12,9 16,7 13,4 17,5 Assuérus.. . . id. de 5,4 à 4,8 11,4 12,5 14,5 12,6 14,5 Abner. . . . (pâtée). de 12,3 à 12,0 14,1 13,4 15,6 14,4 14,9 Pyrrhus. . . . id. de 10,8 à 10,0 15,9 18,9 35,0 23,3 24,9 Apamcmnon. . id. de 10,5 à 9,C 14,6 15,1 18,4 16,0 17,7 .Math an . . . (viande cuite 5 j.). de 7,5 à 7,0 12,6 12,3 15,5 13,5 14,7 Jocaste . . . . id. de 11,5 à 14,2 17,3 25,0 25,0 22,4 14,0 Néron. . . id. de 9,0 à 8,4 12,5 12,7 15,6 13,6 14,9 Antigone . . . (viande à 60°). de 8,4 à 8,3 14,7 15,8 10,8 13.8 14,0 Joas (viande à 60°). de 8,6 à 6,6 9,6 9,4 18,8 12,0 17,6 Hennione. . . (viande crue). de 6,6 à 5,4 11,8 13,8 12,2 12,6 15,8 Achille (viande crue 14 j.). de 7,2 à 9,2 .. » 38,3 38,3 19,3 13ritanniciis . . (V. cuite et pain) id. de 7,8 à 7,5 -. .. 13,9 13,9 14,0 Phénix . . . . (vianile crue el graisse) id. de 6,5 h 6,2 " " 12,7 12,7 13,5 Par conséquent, la ration d'hiver (novembre) est dans le rapport de 16 à 10.6 avec la ration d'été, c'est-à-dire, en chiffre ronds, de 2 à 3. Ces chiffres s'accordent avec les chiffres obtenus sur l'homme et sur d'autres animaux par des méthodes tout au- tres, spécialement par Maurel, qui, sur le hérisson, a trouvé aussi le rapport de 2 à 3. TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME CINQUIÈME Pages. I. — André Broca et Ch. Richet. — Travail musculaire chez l'homme. Études ergométriques • 1 II. — P. La?«glois. — Le mécanisme de destruction du prin- cipe actif des capsules surrénales^ 21 III. — Mariette Pompilian. — Contraction et chaleur muscu- laires-' 41 IV. — Gh. Richet. — De la résistance des canards à l'as- phyxie* 94 V. — André Broga et Ch. Richet. — Période réfractaire dans les centres nerveux^ 111 VI. — AxNDRÉ Broca et Ch. Richet. — Effets de l'asphyxie et de l'anémie du cerveau sur l'excitabilité corticale^. 131 VII. — Ch. Richet. — Un caractère distinctif du règne végétal et du règne animal ''. 133 VIII. — Ch. Richet. — L'œuvre de Pasteur et la conception mo- derne de la médecine * 139 IX. — P. Langlois et Ch. Richet.— Proportion des chlorures dans les tissus de l'organisme. Inlluence de l'ali- mentation et des autres conditions biologiques^. . 159 1. Archives de Phj/siol., 1898, 225-240. 3. Archives de Phj/siol. , 1899 et Bull, de la Société de Biologie, 1898, 497. 3. Thèse de doct. de la Faculté de Médecine de Paris, 1897. 4. Archives de PhysioL, 1899, 651-660. 5. Archives de PhijsioL, 1897, 697-600. 6. BuUet. de la Société de Biologie, 1897, 141-143. 7. Cinquantenaire de la Soc. de Biologie, 1899, 90-93. 8. Revue Scientifique, 1897. 9. Journal de physiol. et de path. yénérales, 1900, 742-754. 524 TABLE DES MÉMOIRES. Pages. X. — Ch. Richet et Ed. Todlouse. — Effets d'une alimentation pauvre en ciilorures sur le traitement de l'épilepsie par le bromure de sodium * 177 XI. — Ed. Toulouse. — Traitement de l'épilepsie par les bro- mures et riiypochloruration - 183 XII. — Ch. Richet. — La thérapeutique métatrophique ^ . . . 201 XIII. — J. HÉRicouRT et Ch. Richet. — L'alimentation par la viande dans le traitement de la tuberculose*. . 212 XIV. — J, HÉRICOURT et Ch. Richet. — Du traitement de l'infec- tion tuberculeuse par le sérum musculaire ou zo- motbérapie ^ 218 XV. — Ch. Richet. — Étude historique et bibliographique sur l'emploi de la viande crue dans le traitement de la tuberculose** 223 XVI. — Ch. Richet. — Traitement de la tuberculose expéri- mentale par la viande et le sérum musculaire (zo- mothérapie)" 241 XVII. — Ch. Richet. — Expériences préliminaires sur l'influence de quelques alimentations spéciales dans l'évolu- tion de la tuberculose* 294 XVIII. — A. JosiAS et J.-Ch. Roux. — Essai sur le traitement de la tuberculose pulmonaire chez les enfants par le sérum musculaire^ 302 XIX. — J. HÉRICOURT. — Trente-cinq observations de zomothé- rapie antitubei'culeuse '° 312 XX. — Mariette PoMPiLiAN. — Études de physiologie comparée sur l'automatisme en général et l'innervation cen- trale des invertébrés" 347 XXI. — Charles Richet. — Les rédexes psychiques '^ . . . . 368 XXII. — Mariette Pompilian. — De quelques nouveaux appa- reils enregistreurs. Notes de technique physio- logique " 476 XXIII. — P. Langlois. — Régulation thermique chez les poikilo- thermes'* 491 1. Comptes rendus de VAcad. drs sciences de Paris, 20 nov. 1899. 2. Bulletin médical, 1899. 3. Hommage au prof. Luciani, Milano, 1900, 6-12. 4. Bull, de l'Acad. de méd. de l'aris, 28 nov. 1899. 5. Comptes 7-endus de l'Acad. des sciences de Paris, 26 fév. 1900. 6. Semaine médicale, 18 juillet 1900. 7. Bévue de la tuberculose, 1901. fasc. 1, 1-BO. 8. Inédit. 9. Médecine moderne, 27 février 1901. 10. Bévue de la tuberculose, 1901, fasc. 3. 11. Congrèi intarn. de médecine (Phy:siulof/ie), Paris, 1900. 12. Bévue philosophique, 1888 ; 22.')-2;j7 ; 387-422 ; 508-528. 13. Inédit. 14. Journ. de physiol. ctdepath. (jénér., 1902, 219-257. TABLE DES MÉMOIRES. o25 Pages. XXIV. — P. Portier et Cii. Richet. — Effels physiologiques du poison des Piiysalies (Hypnotoxine) ^ 503 XXV. — P. Portier et Ch. Richet. —De l'action anaphylactique de certains venins- 50G XXVI. — P. Portier et Ch. Richet. — Nouveaux faits d'anaphy- laxie ou sensibilisation aux venins'* iilO XXVII. Ch. Richet. — Variations suivant les s.iisons de la ration alimentaire par unité de surface chez le chien*. . 510 1 Comptes rendus de i'Acad. des sciences, ^902, CXXXIV, 247-248. 2. BuU. de la Soc. de Biol., 1902, 170-172. 3 Bull, de la Soc. de Biol., 24 mai 1902. 4 BuU. delà Soc. de Biol., 1902.76-79. Paris. - Typ. Pii. Renouakd, 19. rue des Saints-Pères.